Histoire générale du Congo des origines à nos jours (Tome 3): Le Congo au 20e siècle 2296136281, 9782296136281

Ce troisième volume sur l'histoire du Congo traite principalement du 20e siècle, notamment de la deuxième moitié, d

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Histoire générale du Congo des origines à nos jours (Tome 3): Le Congo au 20e siècle
 2296136281, 9782296136281

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Histoire générale du Congo des origines à nos jours

Couverture : Logo du Cinquantenaire de l’Indépendance du Congo.

Sous la direction du Professeur Théophile OBENGA

Histoire générale du Congo des origines à nos jours III. Le Congo au 20e siècle

Préface par Denis SASSOU NGUESSO Président de la République du Congo

L’HARMATTAN

© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-13628-1 EAN : 9782296136281

PREFACE Inaltérable conviction, dans l’intelligence pratique de l’action politique pour bâtir une nation, édifier une patrie, construire un Etat dans le monde moderne, notre constante réflexion, par goût personnel (à cause de la prime éducation au village) et par expérience des affaires publiques (à cause des nécessités circonstancielles et des responsabilités), est que l’histoire ne saurait se résoudre en une succession de péripéties fortuites, mais qu’elle est, assurément, l’expression même de la relation dialectique entre le présent et l’avenir, le passé restauré et assumé, les faits connus. C’est cela la liberté qui garantit et préserve les valeurs de paix sociale, d’espérance collective, les vertus de démocratie et de travail qui procurent la prospérité et le bonheur. Affaire de mémoire et de conscience, l’histoire est également une affaire d’historicité, c’est-à-dire de valeurs fondamentales qui sous-tendent toute action humaine remarquable. Dès lors, il nous plaît de féliciter l’équipe mise en place, pour ses compétences, en vue de la rédaction de ce premier ouvrage de synthèse sur l’Histoire générale du Congo, des origines à nos jours. Ce travail patriotique de science et de culture, de connaissance et de pédagogie, trouvera nécessairement, et toujours, grand accueil auprès de tous les Congolais et de tous les amis du Congo de par le monde. C’est un des fermes souhaits à la Nation que nous formulons à l’occasion de la célébration du Cinquantenaire de l’Indépendance de la République du Congo.

Denis Sassou Nguesso Président de la République du Congo

PARTIE VII HISTOIRE POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE (1958-2010)

CHAPITRE 1er NAISSANCE, INDEPENDANCE, ET GESTION DE LA PREMIERE REPUBLIQUE (1958-1963) Par Jean-Marie MELPHON KAMBA Le processus de formation de la République du Congo peut être globalement divisé en trois âges : l’âge de la constitution formelle du territoire ou de la naissance de la nation congolaise (décret 26 juillet 1886)1, avec l’agglomération par la colonisation française des différentes ethnies à l’intérieur d’un même espace de 342 000 km2, dénommé Moyen-Congo ; l’âge de la proclamation de la République (28 novembre 1958) ou l’élévation du territoire du Moyen-Congo au rang d’Etat autonome, membre de la Communauté française ; l’âge de l’indépendance (15 août 1960) ou l’âge de l’affranchissement et de la « décommunautarisation ». De ces trois moments, la naissance et l’indépendance de la République du Congo, constituent deux actes tout aussi historiques que fondateurs, autour desquels culmina le point d’achèvement de la longue nuit coloniale. A peine sorti du cauchemar, c’est malheureusement dans un environnement politique contrasté que le Congo a assumé ses cinq premières années d’héritage colonial (1958-1963), fortement marquées par deux tâches noires qui inaugurèrent le Cf. Décret 26 juillet 1886 qui tire son fondement de la Convention du 5 février et de l’Acte général de Berlin du 26 février 1885. Voir l’explication pertinente de Jérôme Ollandet à ce sujet dans son ouvrage ; Tchicaya Opangault Youlou. Vie politique au Congo Brazzaville, 1945-1964, Brazzaville, La Savane, 2007, pp.152-156

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cycle d’instabilité institutionnelle de la vie politique postindépendance, caractérisée, comme l’observe judicieusement Denis Sassou Nguesso, par une logique de violence politique qui se résume en termes de « Construction-destruction »2. La nécessité d’apporter un éclairage sur ce processus qui vit l’avènement, l’indépendance, et la gestion de la République entre 1958 et 1963, a motivé la rédaction du présent chapitre. I- La naissance de la République du Congo (28 novembre 1958) Cette naissance prend appui sur un ordonnancement juridique « révolutionnaire » qui, en l’espace de douze ans (1946-1958), a vu la transformation du territoire du MoyenCongo en Territoire décentralisé, dans le cadre de l’Union française, et en République, dans le cadre de la Communauté, 2

Cf. Interview de Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo, à la télévision congolaise en juillet 2010. Dans la foulée des préparatifs des festivités du Cinquantenaire de l’indépendance du Congo, Denis Sassou Nguesso a résumé de manière magistrale, ce qu’aurait été la vie politique tumultueuse congolaise au cours de ces cinquante années d’indépendance, et dont les premiers signes remontent à la première République avec deux tâches noires : - le consensus national obtenu autour de la proclamation de la République, le 28 novembre 1958, s’est défait le même jour, à la suite d’une mésentente qui opposa les Conseillers UDDIA aux Conseillers MSA, à propos de la non prise en compte de l’ordre du jour des débats, de la motion préjudicielle proposée par le MSA, de la formation du Gouvernement d’union nationale ; - trois ans après l’indépendance, d’un banal mouvement syndical récupéré par des révolutionnaires, vint un coup de force appelé révolution des 13, 14, 15 Août 1963 (les trois glorieuses), qui vit l’éviction de l’Abbé Fulbert Youlou, et partant la remise en cause de l’équilibre institutionnel qu’imposait le défi de succession à l’administration coloniale.

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suivant un processus étagé, et dont l’évolution a connu une accélération au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment avec les Constitutions françaises de 1946 (Quatrième République) et de 1958 (Cinquième République). 1- L’évolution juridique du statut des colonies sous les Quatrième et Cinquième République françaises L’évolution du statut des colonies repose sur une architecture juridique soutenue par six textes « déclencheurs », visant chacun, un type d’aménagement institutionnel : - le décret n° 46-374, du 25 octobre 1946, portant création d’Assemblées représentatives territoriales en AEF ; - la constitution du 27 octobre 1946 (Titre VIII sur l’Union française) ; la loi 52-130 du 6 février 1952 relative à la formation des assemblées de groupe et des assemblées locales d’Afrique occidentale française et du Togo, d’Afrique équatoriale française et de Madagascar ; la loi 56-619 du 23 juin 1956 (ou loi-cadre) autorisant le Gouvernement à mettre en œuvre les réformes et à prendre les mesures propres à assurer l’évolution des territoires relevant du Ministère de la France d’outre-mer ; le décret n°57-458 du 4 avril 1957 portant réorganisation de l’Afrique occidentale française et de l’Afrique équatoriale française ; la constitution du 4 octobre 1958 (Titre XII sur la Communauté française). Entre 1946 et 1960, le Congo, tout comme les quatorze autres colonies françaises d’Afrique3 ayant acquis 3

-Pour l’Afrique occidentale française (AOF) : Guinée, Côte-d’Ivoire, Dahomey, Sénégal, Haute-Volta, Togo, Mali, Mauritanie, Niger ;

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l’indépendance en 1960, s’est vu conférer successivement le statut de : -Territoire décentralisé, dans le cadre de l’Union française (1946-1957) ; -République-Etat fédéré, dans le cadre de la Communauté française (1958-1960) ; -République-Etat indépendant, dans le cadre de la décolonisation (à partir du 15 août 1960).  La création d’Assemblées représentatives territoriales en Afrique équatoriale française (AEF)  De la formation et de l’objet des Assemblées Le premier signal fort donné par la Métropole quant à la reconsidération du statut des colonies, est la possibilité donnée à celles-ci, de disposer d’instances délibérantes locales, sous l’appellation d’« Assemblées représentatives territoriales ». Par le décret n° 46-2.374 du 25 octobre 1946 portant création d’Assemblées représentatives territoriales en AEF4, le Président du Gouvernement provisoire de la République, Georges Bidault, institua des Assemblées représentatives territoriales portant la dénomination de « Conseils représentatifs », chargés de la gestion des intérêts propres à chaque territoire (article 1er)5. Ce texte qui revêt le contreseing de Marius Moutet, Ministre de la France d’outre-mer, est la matérialisation de la vision du Général de Gaulle, précocement développée lors de la -Pour l’Afrique équatoriale française (AEF) : Moyen-Congo, Tchad, Oubangui-Chari, Gabon ; -Madagascar. 4 Voir Journal officiel de l’Afrique équatoriale française du 10 octobre 1946. 5 Voir Journal officiel de l’Afrique Equatoriale française du 15 novembre 1946, p.1381

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conférence africaine française tenue à Brazzaville du 30 janvier au 8 février 1944. Sans attendre la fin de la guerre, le Général Charles de Gaulle prit sur lui le risque de réunir à Brazzaville, les Gouverneurs des colonies de l’AEF et de l’AOF pour échanger sur l’avenir des colonies. Cette tribune que Laurent Gbagbo6 appréciait comme « un dialogue des sourds, dans la mesure où elle n’a débouché que sur des déclarations d’intention, sans cadrage programmatique sur l’évolution du statut des colonies », a quand même constitué l’un des déclencheurs de cette évolution progressive. Considérant que l’évolution du statut des colonies s’inscrivait dans le temps du devoir de reconnaissance de la patrie française à l’héroïque rôle joué par les soldats des territoires d’outre-mer pour sa libération, De Gaulle soutenait que : En Afrique française, comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n’y aurait aucun progrès, si les hommes sur leur terre natale, n’en profitaient pas moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires7. La notion « de propres affaires » ou « d’intérêts propres » à chaque territoire, visée à l’article premier du décret suscité, tire donc son inspiration de la vision du Général de Gaulle.

Laurent Gbagbo, 1978, Réflexions sur la conférence de Brazzaville, Yaoundé, CLE, p. 32. 7 Charles de Gaulle, Allocution prononcée à l’ouverture de la Conférence africaine française le 30 janvier 1944 à Brazzaville. 6

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Autour de cette idée, s’est opéré un distinguo entre les intérêts de la Métropole et ceux des colonies. Avant ce décret, il était difficile de dissocier les intérêts de la Métropole de ceux des Colonies. Les deux entités étaient liées par un mariage de raison qui les mettaient dans un régime de « biens communs », et donc indissociables. La doctrine «d’intérêts propres » permet donc d’instituer un domaine public et un domaine privé, ainsi que des institutions propres aux colonies. 

Du siège et du nombre de membres L’article 1er, alinéa 2 du décret susvisé, détermine le siège des Assemblées représentatives territoriales ainsi que le nombre des membres qui les composent suivant le tableau ciaprès : Territoires

Gabon MoyenCongo OubanguiChari Tchad

Siège du conseil Libreville

Nombre des membres 2e 1ère section section 18 12

Nombre total des membres 30

Pointe-Noire

12

18

30

Bangui Fort Lamy

10 10

15 20

25 25

L’article 5 dispose que les membres du Conseil sont élus pour un mandat de 5 ans rééligibles avec un renouvellement intégral des assemblées.  Du fonctionnement et des attributions des assemblées L’assemblée tient chaque année deux sessions ordinaires. La première s’ouvre entre le 1er mars et le 11 avril. La deuxième

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session appelée session budgétaire s’ouvre entre le 1er juillet et le 31 août, soit une durée d’un mois à toutes les sessions. Les décisions de l’assemblée sont rendues sous forme de délibérations ou d’avis, tel que stipulé à l’article 33 du décret suscité. L’assemblée délibère sur plusieurs matières qui touchent à la vie du territoire (acquisitions, aliénations et échanges des propriétés mobilières et immobilières du territoire affectées ou non à un service, etc.…). Il s’agit donc de la mise en place d’une véritable administration décentralisée, embryon qui préfigure la future administration post- indépendance. 2-La Constitution du 27 octobre 1946 et l’institution de l’Union française Deux mois après l’institution des Assemblées représentatives territoriales, la France décide de donner un sens plus constitutionnel à sa nouvelle politique de gestion des territoires d’outre-mer, en consacrant un titre entier (Titre VIII) à l’Union française, où les bases constitutives d’un Etat fédéral français qui ne verra sa concrétisation réelle qu’en 1958 avec l’institution de la Communauté. C’est dès 1946 que l’on parle d’Etat fédéral à travers l’Union française. La préoccupation de la France est dominée par cette peur de voir les colonies entrer en conflit ouvert avec la Métropole autour des idéaux d’indépendance, d’où la sage stratégie d’anticipation et d’adoucissement des élans « indépendantistes » des colonies à travers des palliatifs, dont la mise sur pied de cet artifice institutionnel élégamment taillé, de manière à les décomplexer et à les gérer avec plus de circonspection comme des alliés .

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 De la composition de l’Union française L’article 60 de ladite constitution dispose: L’Union française est formée, d’une part, de la République française qui comprend la France métropolitaine, les départements et territoires d’outremer, d’autre part, des territoires et Etats associés. Il y a donc un premier bloc formé de la France et de ses colonies, un deuxième bloc formé des Territoires et d’autres Etats dits associés. L’appel du pied fait à cette dernière catégorie de partenaires participe du souci de maintenir la dynamique de l’alliance des vainqueurs de la Guerre Mondiale.  De l’organisation L’Union française comprend trois organes centraux (article 63) : la Présidence, l’Assemblée et le Haut conseil d’office assuré par le président de la République française. L’assemblée est composée, par moitié, des membres représentant la France métropolitaine, et par moitié de membres représentant les départements et territoires d’outremer. Les membres de l’assemblée de l’Union sont élus par les assemblées territoriales en ce qui concerne les départements et territoires d’outre-mer.  L’élargissement des compétences des assemblées territoriales Quoique ressemblant à une surenchère juridique, car un texte similaire (décret n°46-2-374 du 25 octobre 1946) instituait déjà des assemblées représentatives territoriales, la loi n°52-130 du 6 février 1952 relative à la formation des assemblées de groupes et des assemblées locales d’AOF, d’AEF, du Cameroun et de Madagascar, se distingue du - 16 -

premier par le renforcement des compétences des assemblées territoriales ainsi que par l’élargissement de leur représentativité. Elle introduit clairement en son article 1er, les notions de décentralisation et de déconcentration administratives, ce qui permit aux colonies de prendre des initiatives propres à la gouvernance des affaires locales. En outre, les nouvelles assemblées instituées se sont substituées aux assemblées créées par les décrets du 25 octobre 1946 et par la loi du 31 mars 19488. C’est donc à travers la loi susvisée qu’il a été décidé du changement d’appellation des assemblées représentatives en assemblées territoriales. De même, il a été procédé à l’élargissement du nombre des membres qui composent ces assemblées. Pour le MoyenCongo notamment, de 12 et 18 membres pour la première et deuxième section9, tel que prévu dans le décret du 25 octobre 1946, le nombre des membres de l’assemblée territoriale fût porté à 13 et 24, soit un total de 37 membres contre 30 en 1946. Il est par ailleurs indiqué que pour les première et deuxième sections, la répartition du nombre des conseillers à élire dans chaque circonscription électorale devrait être proportionnelle au chiffre de la population, soit, au minimum, un conseiller par circonscription. 3-La loi n°56-619 du 20 juin 1956 (loi-cadre) La loi n°56-619 du 20 juin 1956, communément appelée « loi-cadre », fait partie des plus grandes réformes entreprises par la Quatrième république en faveur de l’autonomie des colonies. C’est sur initiative de Gaston Defferre, Ministre de la Voir Journal Officiel de la République française du 7 février 1952, p. 1587 9 Les premières et deuxièmes sections correspondent aux chambres françaises et africaines 8

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France d’outre-mer, que de profondes réformes tendant à renforcer les compétences des institutions territoriales furent entreprises. C’est donc au travers de cette loi que la politique de décentralisation s’est rendue véritablement manifeste. Les institutions territoriales devaient bénéficier des pouvoirs d’initiative étendus. En substance, la loi suscitée visait quatre objectifs principaux : modifier le rôle des pouvoirs d’administration et de gestion des gouvernements généraux en vue de les transformer en organismes de coordination ; instituer dans tous les territoires des conseils de gouvernement ; doter d’un pouvoir délibérant élargi notamment pour l’organisation et la gestion des services territoriaux, des assemblées de territoire et des assemblées représentatives ; déterminer les conditions d’institution et de fonctionnement, ainsi que les attributions des conseils de circonscriptions administratives et des collectivités rurales et les modalités d’octroi de la personnalité morale à ces circonscriptions sans que cela puisse faire obstacle à la création de nouvelles municipalités. Par ailleurs, la loi cadre de 1956 introduit pour la première fois la fonction publique territoriale d’outre-mer avec l’africanisation des postes. De même, il est institué un suffrage universel dans les territoires relevant du Ministère de la France d’outre-mer, en ce qui concerne les élections à l’assemblée nationale, aux assemblées territoriales, aux assemblées provinciales de Madagascar, aux conseils de circonscription et aux assemblées municipales.  Les conditions de formation et de fonctionnement des conseils de gouvernement Le stade « suprême » de l’évolution des colonies est matérialisé par la formation des conseils de gouvernement - 18 -

institués par le décret n°57-458 du 4 avril 1957 fixant les conditions de formation et de fonctionnement des Conseils de Gouvernement dans les territoires de l’Afrique occidentale française et de l’Afrique équatoriale française, et qui se présentent en outre comme des territoires d’outre-mer dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Le décret fixe par ailleurs, la composition des institutions des groupes de territoires : - un chef de territoire ; - un conseil de gouvernement ; - une assemblée territoriale. L’article 2 dispose : Le Conseil de gouvernement est présidé par le Chef du territoire. L’Assemblée territoriale élit, dans les conditions prévues aux articles suivants : six membres minimum et douze membres maximum du Conseil de gouvernement qui portent le titre de Ministre. Le conseiller de gouvernement élu en tête de liste prend le titre de Vice-président du Conseil de gouvernement. C’est en vertu de ces dispositions que Jacques Opangault, arrivé en tête de liste, fut élu Vice-président du Conseil de Gouvernement, à la faveur des élections du 31 mars 1957. 4-L’institution de la Communauté française et la transformation des territoires d’outre-mer en Républiques-Etats membres de la Communauté La prise en compte de la Communauté dans la Constitution de la Cinquième République impliqua une révision

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constitutionnelle qui vit l’adoption de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958.  Les orientations de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 Sur la proposition du nouveau gouvernement investi le 12 juin 1958 et dirigé par Charles de Gaulle, le président de la République, René Coty, promulgua le 3 juin 1958 l’historique loi constitutionnelle qui met en œuvre un certain nombre de principes dont le suffrage universel, la séparation des pouvoirs, la responsabilité du Gouvernement devant le parlement, l’indépendance de l’autorité judiciaire, et enfin l’organisation de nouveaux rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 a été initiée par dérogation transitoire aux dispositions de l’article 90 de la Constitution du 27 octobre 1946. Cette loi constitue l’amendement majeur apporté à la Constitution de 1958, et grâce auquel le Gouvernement français institua la Communauté ou le nouveau cadre partenarial.  L’institution de la Communauté Pour la première fois, les rapports de tutelle entre les territoires d’outre-mer et la Métropole seront transformés et refondés à l’intérieur d’un nouveau cadre juridique associatif appelé « Communauté ».10 L’Union française qui institua une autonomie « conditionnelle » fera place à la Communauté ou la fédération d’intérêts entre Etats égaux en droit, et partant, la consécration de la fédération des « souverainetés ». C’est au titre XII qu’a été instituée la Communauté. L’article 76 dispose :

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Voir : Projet de Constitution française, Journal officiel de l’AEF du 13 septembre 1958, p 1431-1441

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Les territoires d’outre-mer peuvent garder leur statut au sein de la République. S’ils en manifestent la volonté par délibération de leur assemblée territoriale prise dans le délai prévu au premier alinéa de l’article 91, ils deviennent soit départements d’outre-mer de la République, soit groupes ou non entre eux, Etats membres de la Communauté. A l’article 77, il est réaffirmé que les « Etats jouissent de l’autonomie, ils s’administrent eux-mêmes et gèrent démocratiquement et librement leurs propres affaires ». Contrairement à l’Union française, le cadre communautaire met à la disposition des territoires d’outre-mer, des options incitatives pour leur auto-détermination. L’article 86 en indique même le mode opératoire : La transformation du statut d’un Etat membre de la Communauté peut être demandée soit par la République, soit par une résolution de l’assemblée législative de l’Etat intéressé, confirmée par un référendum local dont l’organisation et le contrôle sont assurés par les institutions de la Communauté. Les modalités de cette transformation sont déterminées par un accord approuvé par le Parlement de la République et l’Assemblée législative intéressée. Dans les mêmes conditions, un Etat membre de la Communauté peut devenir indépendant. Il cesse de ce fait d’appartenir à la Communauté. C’est en vertu du dernier alinéa de l’article suscité que la Guinée se prononça librement pour son indépendance dès 1958. Tous ceux des Etats comme le Congo qui n’ont pas opté pour l’indépendance, ont adhéré tacitement à la Communauté. - 21 -

Le Général de Gaulle, qui est l’un des architectes de la Communauté, entreprit en août 1958 des campagnes actives à travers les colonies d’Afrique, pour les inviter à se prononcer pour ou contre la Communauté, à travers un référendum. Le 24 août 1958 au Stade Eboué à Brazzaville, de Gaulle prononça un discours mémorable en guise d’ouverture de la campagne référendaire sur la nouvelle Constitution du 4 octobre 1958. Le Congo se prononça en faveur de la Communauté après la consultation référendaire du 28 septembre 1958, par 339.436 voix contre 2.133. II-La jouissance politique du statut d’autonomie et l’exercice du jeu démocratique 1-Premiers hommes politiques et premiers partis politiques congolais. Il sied de rappeler que l’évolution du statut des colonies est la conjonction des facteurs externes que l’on situe dans la dynamique mondiale du « droit des peuples à disposer d’euxmêmes », et des facteurs internes liés à la prise de conscience politique des cadres africains dits « évolués ». Ayant pu tirer profit de leur instruction auprès des Blancs, les premiers cadres africains ne sont pas demeurés en marge des mutations politiques et institutionnelles entamées par la Quatrième République et conclues en douceur pour la plupart des pays d’Afrique noire francophone, par la Cinquième République. Cette effervescence militante a permis ainsi de distinguer au Moyen-Congo trois grandes figures politiques autour de trois grands partis : - Félix Tchicaya, leader du Parti Progressiste Congolais (PPC) ; - Jacques Opangault, leader du Mouvement Socialiste Africain (MSA) ; - 22 -

- Fulbert Youlou, leader de l’Union pour la Défense des Intérêts Africains (UDDIA). Ces trois figures furent donc ce qu’il est convenu d’appeler, « les premiers hommes politiques » ou, tout au moins, les premiers leaders politiques congolais à se lancer dans cette bataille. Ces trois leaders ont animé courageusement la vie politique des premières heures de la République. Premiers élus congolais et première gouvernance congolaise C’est le 10 novembre 1946 que les Congolais sont allés aux urnes pour la première fois, aux fins d’élire le représentant de la colonie du Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée nationale française. Félix Tchicaya fut élu premier député du Congo et du Gabon à siéger à l’Assemblée nationale française. Le 18 novembre 1956, l’Abbé Fulbert Youlou remporte les élections municipales et devient le Premier Maire de la Ville de Brazzaville. Le scrutin se présentait comme suit : 23 sièges pour l’UDDIA contre 11 pour la SFIO et 3 pour le PPC. Le 31 mars 1957, le MSA remporte les élections législatives. Le 14 mai 1957, le Chef du Territoire du MoyenCongo, Soupault, fixe par arrêté n°1339 du 14 mai 1957, la composition du Conseil de Gouvernement du Moyen-Congo qui est de 10 ministres. Le 6 juin 1957, Jacques Opangault est désigné VicePrésident du Conseil de Gouvernement, chargé de l’administration générale et de l’information. C’est à ce titre qu’il forma le premier gouvernement congolais. C’est la première fois que les cadres du Moyen-Congo dits « évolués » assument des hautes charges d’Etat. Jacques Opangault fut ainsi le tout premier congolais Chef du Gouvernement, en sa qualité de Vice-Président du Conseil, une position historique qui semble être aujourd’hui oubliée par l’actuelle République. - 23 -

Le premier gouvernement congolais dirigé par des Congolais fut ainsi conduit par Jacques Opangault. L’Abbé Fulbert Youlou y assuma les charges de Ministre de l’agriculture. Dans le contexte actuel du « devoir de mémoire », Il serait juste et bon, de dater la gouvernance du Congo par les Congolais à partir de Jacques Opangault, et non de Youlou. Ce dernier est le deuxième Chef du Gouvernement congolais après avoir renversé Jacques Opangault après un « cafouillage électoral » organisé par Christian Jayle, Président de l’Assemblée territoriale, le 28 novembre 1958.11 La gestion congolaise de ses propres affaires court à partir du 6 juin 1957 et non du 15 août 1960, date de l’indépendance. C’est par excès de familiarisation à la conception présidentialiste de la gouvernance, que les Congolais ont tendance à ignorer la première gouvernance congolaise des affaires par Jacques Opangault. Premier congolais, Chef de Gouvernement élu, quoique sous l’appellation générique de Vice-président du Conseil de Gouvernement, Jacques Opangault jouissait, dans le cadre du régime parlementaire d’antan, des mêmes prérogatives que celles d’un président de la République. Le Chef de territoire n’assumait plus que des fonctions honorifiques de liaison entre le territoire et la métropole, ce jusqu’au Gouvernement Youlou de 1958 à 1960. L’on se souvient que l’Abbé Fulbert Youlou, élu tout d’abord Premier ministre, Chef du Gouvernement, le 28 novembre 1958, verra son titre transformé en président de la République du Congo, suivant la loi constitutionnelle n°11 du 21 novembre 1959. Même dans cette logique, ses prérogatives 11

Cette page d’histoire a besoin d’être restituée à sa juste place. Beaucoup de passions ont dû prendre le pas sur la vérité. Il s’agit maintenant de faire parler l’histoire. Un certain nombre d’éléments d’éclairage sont apportés plus loin à ce propos.

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sont demeurées en l’état. Il est du reste affirmé à l’article 2 que : Les pouvoirs du président de la République, son mode d’élection, la durée de son mandat, sont ceux fixés pour le Premier ministre, par la loi constitutionnelle n°5 du 20 février 1959. Il n’y donc pas de différence entre les pouvoirs du Premier ministre et ceux du président de la République. La différence ne réside que dans la qualification des fonctions. Le Conseil de Gouvernement sera transformé comme stipulé à l’article 5 de la loi constitutionnelle n°1, en Gouvernement provisoire. 2-La proclamation de la République du Congo C’est au regard de l’ouverture politique apportée au travers de la révision constitutionnelle de 1958, que les élus à l’Assemblée territoriale congolaise décidèrent de la proclamation de la République du Congo le 28 Novembre 1958 à 11h30, dans la ville de Pointe-Noire, capitale du Moyen-Congo12, suivant la délibération de l’Assemblée territoriale n°112/58 érigeant le Territoire du Moyen-Congo en Etat membre de la Communauté et portant création de la République du Congo13.

12

C’est en 1950 que la capitale du Moyen-Congo fût transférée à PointeNoire, de manière à différencier le siège commun aux groupes de territoires composant l’Afrique équatoriale française(AEF) qui reste à Brazzaville, du siège du Moyen-Congo. C’est le 28 novembre 1958, par la loi constitutionnelle n°2 que la capitale fut précipitamment transférée à Brazzaville, à la suite du « cafouillage électoral » qui vit le renversement d’Opangault par Youlou, comme on le verra plus loin. 13 Voir : Recueil des comptes rendus, session budgétaire 1958-1959, première partie, pp. 1 à 110

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Cet avènement du statut de « République » est souvent l’objet supputations. Pour une certaine opinion, ce n’est qu’à partir du 15 août 1960, date de l’indépendance, que l’on peut valider le statut de « République » du Congo, et non avant. A la question de savoir, comment un Etat non indépendant pouvait-il avoir le statut de « République », on peut opposer le commentaire ci-après : quand bien même proclamé sous le statut d’Etat membre de la Communauté le 28 novembre 1958, par la délibération n°112/58 du 28 novembre 1958 de l’Assemblée territoriale congolaise érigeant le Territoire du Moyen-Congo en Etat membre de la Communauté et portant création de la République du Congo14, le Congo avait bel et bien acquis le statut de « République », sur la base des dispositions pertinentes prévues au titre XII de la Constitution de 1958. Son adhésion à la Communauté est la matérialisation juridique de ce statut auquel ne peuvent être parties que des Etats égaux en droit. L’adhésion à la Communauté, a fait l’objet d’une consultation référendaire en date du 28 septembre 1958, validée à l’unanimité des conseillers-députés, au travers de l’importante délibération susmentionnée, et sur la base de laquelle, le Congo a donné librement son consentement, contrairement à la Guinée qui, ayant dit non à la Communauté, a pris immédiatement son indépendance. Avant son désengagement de la Communauté, 15 à la faveur de son indépendance formelle acquise le 15 août 1960, et quoique jouissant d’une souveraineté limitée du fait des 14

Voir : Recueil des comptes rendus de l’assemblée territoriale, session budgétaire 1958-1959,1ère partie, p.1 15 L’article 86 de la Constitution du 4 octobre 1958 donnait la possibilité aux nouveaux Etats de demeurer dans la Communauté, s’ils en manifestaient le désir.

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obligations fédérales, la République du Congo a pu prendre des initiatives significatives qui lui ont permis de : -acquérir ses propres symboles (drapeau, devise, hymne) ; -mettre en place sa propre assemblée territoriale ; -former son propre gouvernement ; -partager avec son ancienne métropole, une nouvelle relation de partenaire associé et non de Territoire sous tutelle. Le 15 août 1960 marque la date de l’indépendance formelle, c'est-à-dire, l’acquisition par le Congo des attributs de sa souveraineté au plan international, et partant la pleine jouissance de sa personnalité internationale et de sa capacité dans la gestion de ses affaires intérieures, sans recours à une quelconque tutelle. Toutefois, si la date de l’indépendance, dont la célébration s’effectue chaque année, est familière, il n’en est pas de la proclamation de la République : un paradoxe qu’Aimé Emmanuel Yoka16 assimile à « une personne qui fête l’anniversaire de sa majorité (18ans) sans avoir pensé une seule fois à célébrer sa date de naissance ». Cette judicieuse observation qui tient à un devoir de mémoire, conforte ainsi la nécessité d’apporter un éclairage sur le processus de création de la République.  Processus de décision sur la naissance de la République du Congo  Délibération 112/58 du 28 novembre 1958 Le destin de la République du Congo s’est joué le 28 novembre 1958 lors de la douzième séance de l’Assemblée 16

Aimé Emmanuel Yoka ; 2008, Eloge à la République, Brazzaville, Cripol éditions, p.12

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territoriale du Moyen-Congo. Au cours de cette séance qui commença à 9 heures 30 et prit fin à 17heures 15, après plusieurs interruptions,17 l’Assemblée territoriale du MoyenCongo a adopté une série de délibérations qui vont de la proclamation de la République à l’organisation des pouvoirs publics, ainsi que la formation du deuxième gouvernement congolais dirigé par l’Abbé Fulbert Youlou. Cette séance qui fut ouverte par le Président de l’Assemblée territoriale Christian Jayle a été précédée par l’allocution d’orientation prononcée par Paul Charles Deriaud,18 Chef du territoire du Moyen-Congo. C’est en vertu de l’article 76 de la Constitution de 1958 qui donne blanc-seing aux Assemblées territoriales de se prononcer librement sur le statut d’Etat membre de la Communauté, que Paul Charles Deriaud, Chef du territoire du Moyen-Congo, a invité l’Assemblée territoriale à donner son avis sur les différentes options, c'est-à-dire, « pour ou contre la proclamation de la République et l’adhésion à la Communauté ? ». L’Assemblée territoriale devait se prononcer sur l’Ordre du jour proposé par le Chef du territoire dans lequel figurait le point principal libellé comme suit : « Option par l’Assemblée territoriale conformément à l’article 76 de la Constitution »19. L’adoption de cette option entraînait le passage du statut de « territoire décentralisé » au statut de « République », ainsi que l’adhésion à la Communauté, une étape significative qui préfigure l’indépendance totale. 17

Recueil des comptes rendus, session budgétaire 1958-1959, op.cit, .p.2 La présence de Christian Jayle à la tête de l’Assemblée territoriale et de Paul Charles Deriaud comme chef du territoire du Moyen-Congo montre également cette volonté délibérée de la Métropole de contrôler la gestion des affaires locales. 19 Voir la discussion sur l’ordre du jour dans Recueil des comptes rendus, op.cit., p.2

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En dépit de son évidence avérée, l’Ordre du jour a été voté par 23 voix pour, 20 absentions et 1 absent en la personne d’Henri Itoua, conseiller MSA, qui s’était curieusement arrangé à être absent à tous les votes de l’historique journée du 28 novembre 1958, sans motif réel : une attitude qui cachait un embarras qui se révèlera plus tard comme le masque d’infidélité et de trahison vis-à-vis de son groupe MSA qu’il quitta à son tour - comme le fit avant lui le conseiller Georges Yambot - pour intégrer l’UDDIA. Le nombre élevé des abstentions est interprété comme l’expression d’un état d’âme manifesté par le groupe MSA autour de la non-prise en compte de leur motion préjudicielle. Le MSA exigeait, qu’à côté du point principal du « Pour ou contre la proclamation de la République et l’adhésion du nouvel Etat à la Communauté », on inscrivît à l’Ordre du jour, la question du Gouvernement d’union nationale : une préoccupation motivée par la nécessité de gérer de manière consensuelle et apaisée, cette période transitoire favorisée par la proclamation de la République. Le refus opposé par l’UDDIA qui, assurée de sa majorité artificielle acquise d’avance par un jeu de débauchage de Georges Yambot,20 député MSA, en demandant à Christian 20

Afin d’éclairer davantage cette recherche de manifestation de la vérité, nous avions, en date du 17 avril 2010, recueilli le témoignage de Kikhounga-Ngot sur cette journée qui, après de belles éclaircies favorisées par la proclamation de la République, s’est brutalement obscurcie à la faveur de la sortie du groupe MSA-PPC de la salle. «Youlou, se croyant tout permis, a renversé le gouvernement d’union nationale dirigé par Jacques Opangault, en débauchant le député Yambot, fils bakouélé (ethnie de la Sangha), adopté par une femme ombamba (ethnie de Mossendjo), ceci, avec le concours de Christian Jayle. Yambot que j’ai habillé de la tête aux pieds, a été élu

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Jayle, Président de l’Assemblée territoriale d’organiser l’embarrassant vote sur un ordre du jour qui nécessitait plutôt une adoption consensuelle, a entraîné cette première humeur qui traduit l’expression d’un malaise qui tachera le reste du processus de proclamation de la République. Il convient toutefois de relever qu’au-delà des abstentions du MSA, le point sur la proclamation de la République a finalement été voté par la quasi-totalité des conseillersdéputés21, à l’exception d’Henri Itoua. Ce fut également l’unique et dernière occasion sur laquelle un consensus a été formé autour des deux groupes MSA et UDDIA. L’adoption de ce point a fait l’objet d’un examen article par article. Article 1er : Le territoire du Moyen-Congo manifeste sa volonté de devenir un Etat membre de la communauté, créée par la constitution du 4 octobre 1958 (adopté à l’unanimité). Article 2 : L’Etat autonome du Moyen-Congo prend la dénomination de République du Congo (adopté à l’unanimité). Article 3 : La République du Congo se déclare prête à établir en accord avec les territoires ou Etats de l’AEF et de la communauté, les liens nécessaires à une solidarité commune et député MSA sur la liste que je conduisais. Les membres du MSA ont décidé de boycotter la séance en signe de protestation de cette situation de débauche. » 21 Conseillers ayant participé au scrutin n°1 sur l’option en faveur de l’érection du Moyen-Congo en Etat membre de la Communauté. Ont voté pour (44) : MM..Abele–Bany-Batchy-Bazinga-Bokangue-BoungouDjouboué-Fourvelle-Ngamissimi-Gandzion-Garnier-N’goyi-IbalicoN’gotJayle-Kerhervé-Kiafoula-Kibanghou-Kibath-Kikhounga Koumbou-Langevin-Lheyet Gaboka-Mahe-Makaya-Malanda-MalongaNkounkou-Mampassi-Mobambi-Mougany-Mounada-NardonNiamankessy-Obongui-Okomba-Opangault-Pouy-Sevely-TchichelleTsoumou-Vial-Yambot-Youlou-N’zonzi. Excusé : M. Itoua.

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à une harmonieuse coordination. L’article 3 et l’ensemble de la délibération qui portera le n°112/58 sont adoptés à l’unanimité (applaudissements). Cette délibération inspire le commentaire ci-après : 1- On relève le caractère atypique de cette délibération. Elle est transcrite sous une forme relative, et non incisive. De plus, sans avoir affirmé dans un premier temps, la création de la République ou de l’Etat du Congo, l’article est formulé de manière ambiguë : le Territoire du Moyen-Congo manifeste sa volonté de devenir un Etat membre de la Communauté. Ce n’est qu’à l’article 2 que le statut juridique du Territoire est spécifié par la qualification d’Etat autonome du Moyen-Congo avec comme dénomination de République du Congo. 2-Il y a en outre cette diversité de qualifications. Le Territoire du Moyen-Congo porte trois qualifications, alternant entre Etat membre de la communauté, Etat autonome du Moyen-Congo, et République du Congo. On n’est du reste pas surpris par le caractère stéréotypé de cette délibération, commune à tous les nouveaux Etats africains. Il s’agissait de coller aux termes de l’article 76 de la Constitution du 4 octobre 1958. Par ailleurs, pour donner un caractère solennel à ce premier acte de « souveraineté, la délibération a été « promulguée » au travers d’un arrêté du Chef du territoire Paul Charles Deriaud.22 Vint ainsi la République du Congo, autour de laquelle un flou blâmable est jeté sur sa date de naissance qui est intervenue le 28 novembre 1958 et non le 15 août 1960.

Arrêté n°4107/CAB3 du 28 novembre 1958 promulguant la délibération n°112/58 du 28 novembre 1958 de l’Assemblée territoriale du MoyenCongo par laquelle celle-ci déclare opter pour le statut d’Etat membre de la Communauté et proclamant la République du Congo.

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Suspendue à 12 heures 30, la séance est reprise à 15 heures 30 avec comme objectif, « la prise de décisions nécessaires et suffisantes pour savoir dans quelles conditions pouvaient être exécutées et fonctionner les institutions qui découlent de cette option»23, d’où le projet de loi constitutionnelle n°1.  De l’examen de la loi constitutionnelle n°1 du 28 novembre 1958 portant organisation des pouvoirs de la République du Congo En optant pour la proclamation de la République du Congo, il était nécessaire de construire un nouvel « échafaudage » institutionnel. Le premier instinct fut donc l’élaboration du projet de loi constitutionnelle n°1 qui fait office de première Constitution du nouvel Etat24. Ledit projet de loi vise en substance l’organisation et le fonctionnement des nouvelles institutions qui régissent la vie de la République. Tout en gardant plus ou moins la même configuration institutionnelle du territoire du Moyen-Congo, une certaine originalité a été apportée au niveau de la dénomination des principaux organes constitutionnels. La distribution des pouvoirs sera répartie entre deux pouvoirs : le pouvoir législatif qui voit la transformation de l’Assemblée territoriale en Assemblée législative qui « exerce la totalité du pouvoir législatif » (article 3). Le pouvoir exécutif avec la transformation du Conseil de Gouvernement en Gouvernement provisoire (article 5), et le poste de Vice-président du Conseil 23

Propos prononcés par Christian Jayle, Président de l’Assemblée territoriale à la reprise de la séance du 28 novembre 1958. 24 Quoiqu’assimilé à une constitution provisoire, la loi constitutionnelle n°01 a constitué la première norme fondatrice et régulatrice des institutions de la nouvelle République. Elle est assimilée à une constitution à part entière à partir de laquelle s’est bâti l’ordonnancement institutionnel du nouvel Etat.

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de Gouvernement en Premier ministre, Chef du Gouvernement provisoire. Par ailleurs, il est institué un Comité constitutionnel consultatif, chargé de donner des avis sur les projets de lois constitutionnels (article 8). Les membres de l’Assemblée législative portent le titre de « députés » et non de Conseillers comme à l’Assemblée territoriale (article 1er ; alinéa 2). Le pouvoir judiciaire est du ressort de la Communauté, ainsi que la politique étrangère et la défense. Au regard de la pratique parlementaire de cette Assemblée législative, ce projet de loi devait être préalablement examiné en Commission élargie. La Commission ainsi constituée, a été présidée par Mahé. Au moment de procéder à l’examen de cet important texte proposé par Stéphane Tchichelle, un deuxième préalable fut posé par Jacques Opangault25, en ce qui concerne notamment la participation des conseillers non congolais à l’examen dudit projet de loi. Ce dernier avait estimé que « pour une meilleure appropriation des affaires du pays, la commission devant examiner le projet de loi constitutionnelle ne devait être composée que des membres africains, car la constitution devrait être élaborée en tenant compte des aspirations profondes des Congolais et non des savants ». Il sied de relever que Jacques Opangault était reconnu pour ses prises de position « révolutionnaires » et tranchées vis-àvis du colon !

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Voir : Intervention de Jacques Opangault, dans Recueil des comptes rendus de l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8

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Objectant vivement contre l’intervention de Jacques Opangault, Stéphane Tchichelle26 répliqua qu’il n’était pas question « d’exclure un certain nombre de personnes qui font partie intégrante de cette Assemblée ». Ce point de vue avait été partagé par Sevely27 qui avait soutenu « qu’en vertu de l’article 77 du titre 12 qui fixe la Communauté, il n’existe qu’une citoyenneté de la Communauté et que cette citoyenneté reconnaît à tous et à chacun les mêmes actes ». Appuyant l’intervention de Jacques Opangault, Fourvelle (un métis de père français et de mère mbosi, originaire d’Abala), avait estimé fondées les paroles du Vice-président Jacques Opangault. Selon lui, il existait une Communauté à deux vitesses, « l’une pour les Blancs, et l’autre pour les Noirs, surtout en matière de soldes et d’indemnités où les Africains et les Européens ne sont pas sur le même plan »28. Cette divergence de points de vue avait mis en relief un conflit entre le fait et le droit. Jacques Opangault estimait que le moment était venu pour que l’ « africanisation » des postes le soit dans les faits. Cette recherche d’effectivité de gouvernance africaine était malheureusement opposée à un argument de droit soutenu par l’article 77 de la Constitution française de 1958. Dans un contexte de citoyenneté française unique tel qu’affirmé à l’article 77 de ladite Constitution, il est inadmissible de soutenir une quelconque exclusion d’un autre citoyen du débat.

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Voir : Intervention de Tchichelle dans Recueil des comptes rendus de l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8 27 Voir : Intervention de Sevely dans Recueil des comptes rendus de l’Assemblée législative du Congo (1958-1959), p.8 28 Voir : Intervention de Fourvelle, un député MSA, dans Recueil des comptes rendus de l’Assemblée législative du Congo, op.cit.

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C’est à partir de ce moment qu’il convient de saisir réellement ce qui a occasionné la sortie du groupe MSA des débats. Du compte rendu de Mahé, il ressort que c’est au cours de la réunion de la commission élargie, que le groupe MSA a « refusé l’examen du projet de loi constitutionnelle et a demandé que soit reprise la proposition discutée au cours de la séance de la matinée et tendant à fixer la composition du gouvernement. Cette proposition ayant été rejetée par 22 voix contre, le groupe MSA a quitté la salle des séances ». Après ce compte rendu fait en l’absence du MSA, les conseillers UDDIA poursuivirent les travaux. Au moment d’épuiser la procédure d’examen dudit projet de loi, on enregistra l’entrée inopinée de Jacques Opangault dans la salle. S’insurgeant violemment contre la motion prise à l’encontre de son groupe par les conseillers UDDIA-PPC, Jacques Opangault s’exprima en ces termes : J’arrive et vous m’apprenez que le groupe MSA a fait volte-face et a quitté cette salle. Je demande la permission de faire venir mon groupe et que cette motion soit retirée. Quelle que soit la situation, je ne tourne pas le dos29. Il reste que ce cri de cœur n’a pas été entendu, malgré l’accord donné par Christian Jayle à Opangault pour faire revenir son groupe en salle. Ayant pourtant loué la sagesse de Jacques Opangault pour cette démarche, l’Abbé Fulbert Youlou, pressé de prendre le fauteuil, ne s’est pas empêché de manier la carotte et le bâton, en demandant à Christian Jayle de poursuivre les travaux par le vote de la loi constitutionnelle n°1, dont certaines dispositions remettaient en cause, 29

Recueil des comptes rendus de l’Assemblée législative, op. cit.

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l’équilibre institutionnel acquis avec l’Assemblée Territoriale formée le 31 mars 1957. Excédé par la procédure de poursuite des travaux engagée par Christian Jayle, Jacques Opangault avait cru bon d’opposer une riposte violente en lançant le téléphone qu’il tenait en mains sur ce dernier, avant de sortir définitivement de la salle et organiser une résistance politique à l’extérieur. Cela s’était traduit par une vague d’agitations qui justifieront le déménagement précipité du siège du Gouvernement et de l’Assemblée de Pointe-Noire à Brazzaville. A la vérité, l’absence du groupe MSA du reste des discussions sur les points inscrits à l’ordre du jour de la séance du 28 novembre 1958, était tout juste un repli dissuasif qui visait à amener les conseillers UDDIA à faire l’unanimité autour de sa proposition de Gouvernement d’union nationale. Par ailleurs, après le débauchage du député Georges Yambot par l’UDDIA, le MSA redoutait une humiliation qui surviendrait d’une participation inacceptable à un vote où son groupe était devenu minoritaire à l’Assemblée territoriale. Opangault qui était le Chef du gouvernement en titre, n’entendait pas perdre son fauteuil par un jeu de « débauchage » malsain, organisé par l’UDDIA pour faire basculer la majorité à l’Assemblée, d’où son opposition. Il ne lui restait en fait qu’à adopter la politique de la chaise vide, une stratégie de coup d’éclat qu’il croyait dissuasive, en vue d’empêcher la poursuite de la séance. C’était sans compter avec le groupe UDDIA qui, resté seul dans la salle, a délibéré unilatéralement sur le reste des points inscrits à l’Ordre du jour. La journée du 28 novembre 1958 a été donc partagée entre joie et humeurs. Le consensus politique obtenu autour de la - 36 -

proclamation de la République du Congo en matinée, s’est éteint comme un feu de paille avec l’absence du groupe MSA de la validation d’autres points inscrits à l’Ordre du jour. Relevant le climat délétère de la journée du 28 novembre 1958, Georges Mazenot30, dernier commandant « blanc » de la Likouala-Mossaka, le lie, comme nous l’avons souligné plus haut, à la situation créée par le député Yambot : On se souvient qu’Opangault avait eu précédemment la majorité nécessaire pour être nommé Vice-président du Conseil ; or, à la suite de manœuvres de son concurrent, il était devenu minoritaire au sein de l’assemblée (le représentant du Niari était passé à l’UDDIA) et, en conséquence, ce n’est pas lui qui accéda à la magistrature suprême. Dans cette histoire trouble, on a rarement évoqué la responsabilité du Président de l’Assemblée Christian Jayle. Ayant autorisé la procédure d’examen du reste des points à l’Ordre du jour, et fait valider les délibérations y relatives, sans avoir engagé une salutaire procédure de conciliation des deux groupes, Christian Jayle consacra ainsi la partition de fait, et partant, la fragilisation du consensus national. Le retrait des conseillers MSA des débats avait comme conséquence politique immédiate, la remise en cause de la validité du reste des délibérations. L’Assemblée législative étant devenue « monocolore » et sans enjeu, la valeur juridique des délibérations ne pouvait qu’être sujette à interrogations. Nonobstant le principe de liberté du député, le débauchage de Georges Yambott, qu’on assimile à une transhumance 30

Georges Mazenot, 1996, Le dernier commandant ; mémoires d’outremer, Paris, L’Harmattan, p.92

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politique, aurait plutôt entraîné l’invalidation du siège, et sa remise à concurrence par l’organisation de l’élection partielle dans la circonscription de Mossendjo. La reprise de l’élection partielle dans cette circonscription aurait permis d’éviter certainement la cristallisation d’un contentieux lourd de conséquences, et qui déboucha, quelques mois seulement après la proclamation de la République, sur une honteuse guerre civile, le 16 février 1959 à Brazzaville. Tout au plus, la classe politique aurait dû exploiter le précédent de 1957, par la formation d’un Gouvernement d’union nationale. Elu en effet avec une voix d’avance comme Vice-président du Conseil du gouvernement à l’issue des élections du 31 mars 1957, par 23 voix contre 22, Jacques Opangault avait pu former un gouvernement de coalition nationale MSA-UDDIA : dans ce gouvernement, l’UDDIA avait occupé cinq portefeuilles ministériels.  L’investiture du Premier ministre Fulbert Youlou le 28 novembre 1958. Comme on le constate par la suite, l’élection de l’Abbé Fulbert Youlou ne constituait plus un enjeu. Resté seul dans la salle, le groupe UDDIA avait poursuivi l’examen des points à l’Ordre du jour. Après l’adoption de la loi constitutionnelle n°1, Tchichellé proposa la candidature unique de Fulbert Youlou, qui fut élu sans surprise par les 23 conseillers UDDIA restés dans la salle, en qualité de Premier ministre, Chef du gouvernement provisoire. Cette investiture fut marquée par l’allocution de l’Abbé Premier ministre dans laquelle il prôna l’unité nationale31 :

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Discours de Fulbert Youlou après son investiture en qualité de Premier ministre, Recueil des comptes rendus, op.cit.

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Dans ce jour d’allégresse, messieurs, rien ne devrait nous diviser. La République du Congo est ouverte à tous et elle serait incompatible, si tous n’y avaient pas leur place (…) depuis Ouesso et Fort Rousset, jusqu’à Pointe-Noire. Un même esprit, un même sentiment, doivent grouper dans la même communion, tous les hommes, toutes les femmes de ce même peuple. En récompense à sa fidélité et à son appui incontesté à son égard, l’Abbé Premier ministre nomma, séance tenante, Stéphane Tchichellé, Ministre de l’Intérieur, Chargé de l’ordre public : une procédure cavalière et inhabituelle32, mais justifiée en toute évidence comme la manifestation de sa reconnaissance à un homme qui a été au centre de son investiture. Youlou lui devait ce retour d’ascenseur.  Le transfert du siège de l’Assemblée législative et du Gouvernement provisoire à Brazzaville. La nomination unilatérale de l’Abbé Fulbert Youlou en qualité de Premier ministre, Chef du gouvernement provisoire, avait provoqué à Pointe-Noire une surchauffe entretenue par les militants du MSA, sanctionnée par des incidents de tout genre. Pour prévenir de nouveaux incidents fâcheux, Sevely proposa le transfert du siège du Conseil du gouvernement et de l’Assemblée Territoriale à Brazzaville. Cette proposition donna lieu à l’adoption de la loi constitutionnelle n°2 du 28 novembre 1958 fixant provisoirement à Brazzaville, le siège de l’Assemblée législative et du Gouvernement provisoire de la République du Congo.

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Voir : Décret n°01 du 28 novembre 1958 portant nomination du Ministre de l’Intérieur.

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Avec l’appui des troupes de la Métropole, le nouveau Premier ministre et les conseillers UDDIA s’embarquèrent furtivement dans le train qui les ramena à Brazzaville. C’est dans le bâtiment tenant lieu de dortoirs du Lycée Savorgnan de Brazza à Bacongo, que fut réinstallé, à titre provisoire, le siège de l’Assemblée législative. III- L’indépendance nationale Le processus de décolonisation, entamé concrètement en 1958 avec la transformation des anciennes colonies en Républiques-Etats membres de la Communauté, a débouché en 1960 sur des indépendances qui, selon toute vraisemblance, n’ont été ni données, ni prises. Elles ont toutefois fait l’objet d’un formalisme circonstanciel autour des accords dits « particuliers », passés entre les nouveaux Etats indépendants et la France. Pour le cas du Congo, cette indépendance, proclamée le 15 août 1960, a été précédée par une série d’accords conclus avec la France le 12 juillet 196033. Après deux ans de transition passés à l’intérieur de la Communauté, le Congo recouvre son indépendance le 15 août 1960. Il intègre ainsi le bloc des 13 colonies françaises devenues indépendantes en 196034.

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L’Abbé Fulbert Youlou a conclu, pour le compte du Congo, des accords avec la France, représentée par Jean-Foyer, Secrétaire d’Etat aux relations avec la Communauté, un mois avant l’indépendance du 15 août 1960. Cette procédure a été la même avec tous les Etats de l’AEF et de l’AOF. 34 Cameroun (1er janvier) ; Togo (27 avril) ; Madagascar (26 juin) ; Dahomey (1er août) ; Niger (3 août) ; Haute-Volta (4 août) ; Côte d’Ivoire (7 août) ; Tchad (11 août) ; Oubangui-Chari (13 août) ; Moyen-Congo (15 août) ; Gabon (17 août) ; Mali (22 septembre) ; Mauritanie (28 novembre).

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Cette indépendance s’est opérée en trois phases : - la phase de la révision constitutionnelle et de la loi constitutionnelle du 4 juin 1960 ; - la phase des accords particuliers du 12 juillet 1960 ; - la phase de la proclamation de l’indépendance le 15 août 1960 1-La révision constitutionnelle et la loi constitutionnelle Pour défaire l’alliance communautaire instituée au titre XII de la Constitution de 1958, et légitimer les indépendances des colonies, De Gaulle promulgua la loi constitutionnelle n° 60525 du 4 juin 1960. Il s’agissait de compléter la procédure de révision prévue à l’article 85 en ajoutant un deuxième alinéa libellé comme suit : Les dispositions du présent titre peuvent être également révisées par accords conclus entre tous les Etats de la Communauté ; les dispositions nouvelles sont mises en vigueur dans les conditions requises par la constitution de chaque Etat. L’article 85 était initialement libellé comme suit : Par dérogation à la procédure prévue à l’article 89, les dispositions du présent titre qui concernent le fonctionnement des institutions communes sont révisées par des lois dans les mêmes termes par le Parlement de la République et par le Sénat de la Communauté. En plus des lois, le titre XII qui porte institution de la Communauté « peut être également révisé par voie d’accords ». C’était-là une disposition souple en vue de valider la procédure de négociations des accords entre la Métropole et - 41 -

les autres Etats membres de la Communauté. L’article 86 a aussi fait l’objet d’un amendement par l’ajout de trois alinéas déterminants, ainsi libellés : -Un Etat membre de la Communauté peut également, par voie d’accords, devenir indépendant sans cesser de ce fait d’appartenir à la Communauté. -Un Etat indépendant non membre de la Communauté peut, par voie d’accords, adhérer à la Communauté sans cesser d’être indépendant. -La situation de ces Etats au sein de la Communauté est déterminée par des accords conclus à cet effet, notamment les accords visés aux alinéas précédents ainsi que, le cas échéant, les accords prévus au deuxième alinéa de l’article 85. C’est donc en vertu de ces dispositions pertinentes que les accords particuliers passés entre le Congo et la France le 12 juillet 1960, trouvent leur fondement. 2 La conclusion des accords du 12 juillet 1960 A ce propos, on s’est parfois interrogé sur la manière dont ont été conclues ces indépendances dans les différentes colonies. Bon nombre d’observateurs ont cherché à savoir si les dates des indépendances ont été une action unilatérale ou concertée ? Il nous apparaît que cette action a fait l’objet d’une concertation avec les régimes transitoires en place. Sous le Gouvernement Michel Debré et sous la conduite de Jean Foyer, Secrétaire d’Etat aux relations avec les Etas de la Communauté, une série d’accords particuliers ont été conclus et soumis pour approbation, à l’Assemblée nationale française et aux différentes Assemblées locales. Quatre pays de l’AEF, le Tchad, le Congo, le Centrafrique et le Gabon, ont signé avec - 42 -

la France, des accords particuliers. C’est en Mai 1960 que les quatre Etats de l’Entente (ex-AEF), représentés par leurs Chefs de gouvernement, se sont retrouvés à Fort Lamy et à Paris pour arrêter une stratégie commune. Il importe toutefois de relever que le débat sur la « décommunautarisation » des ex-colonies ne faisait pas l’unanimité au sein de l’opinion française. A l’Assemblée nationale, cette question qui opposa « colonialistes » et « indépendantistes », fut débattue dans une atmosphère particulièrement tendue. Ainsi, le Congo a conclu avec la France, les premiers accords ci-après : - Accord particulier portant transfert à la République du Congo des compétences de la Communauté ; - Accord relatif aux dispositions transitoires applicables jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de coopération entre la République française et la République du Congo ; - Accord de participation de la République du Congo à la Communauté. Les accords signés avec le Congo, le Tchad et le Centrafrique, ont fait l’objet d’un seul texte de loi adopté à l’issue du vote de l’Assemblée nationale française, sur le rapport de Jean Foyer, Secrétaire d’Etat aux relations avec la Communauté, dont les résultats se présentent comme suit : Suffrages exprimés : Majorité absolue : Pour : Contre :

446 224 384 62

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Dix autres accords particuliers, paraphés le 12 juillet 1960, ont été signés dans les domaines variés, le 15 août 1960. Ils ont aussi fait l’objet d’une approbation par l’Assemblée nationale congolaise suivant la loi n° 60-44 du 15 août 1960, sur le rapport de la Commission élargie présenté par Maurice Lheyet-Gaboka (Rapporteur de l’Assemblée nationale). Il s’agit des accords ci-après : -Accord de coopération en matière de politique étrangère ; -Accord d’assistance militaire ; -Accord en matière d’aide ; -Accord en matière domaniale ; -Accord de coopération culturelle ; -Accord d’établissement ; -Accord relatif au Centre d’Enseignement Supérieur de Brazzaville (CESB) ; -Accord de défense ; -Accord de coopération en matières monétaire, économique et financière ; -Accord relatif à l’enseignement supérieur. 3-La proclamation de l’indépendance nationale L’indépendance du Congo a été formellement proclamée le 15 août 1960 au cours d’une cérémonie solennelle organisée en face de l’Hôtel de ville, en présence de : André Malraux, Ministre français de la culture, dépêché par le Gouvernement français pour superviser la vague des indépendances à travers les anciennes colonies ; Fulbert Youlou, président de la République du Congo. La cérémonie a été précédée par des offices religieux dans les différentes paroisses. Au-delà de la charge émotive générée par la date du 15 août 1960, on peut, sans risque de se tromper, affirmer que la proclamation de l’indépendance ne constituait plus un enjeu en - 44 -

soi. Les deux années passées dans la Communauté avec l’Abbé Fulbert Youlou, auxquelles s’ajoute la gouvernance de Jacques Opangault, ont permis au Congo de goûter aux prémices de la gouvernance de ses propres affaires. Toutefois, ayant pris son destin en mains, la première préoccupation du nouvel Etat indépendant consista à donner de la visibilité à sa souveraineté tant au plan interne qu’externe. Son avènement intégral dans le concert des Etats impliquait une démarche diplomatique de reconnaissance vis-à-vis des partenaires bilatéraux et multilatéraux. Pour une meilleure visibilité du nouvel Etat à l’extérieur, le président de la République Fulbert Youlou promulgua la loi n° 60-16 du 19 septembre 196035 confiant au Gouvernement pleins pouvoirs pour défendre l’appellation internationale de la République du Congo. Nonobstant la pertinence de la démarche, il y a lieu de relever un vice d’ordre procédural contraire à la pratique diplomatique internationale. La défense de souveraineté d’un Etat n’entraîne aucune présentation de pleins pouvoirs supplémentaires. L’acte d’indépendance implique la capacité d’un Etat à engager sa responsabilité internationale et à jouir pleinement de son statut pour passer des accords bilatéraux ou multilatéraux avec des tiers. L’indépendance ne constitue pas un acte soumis à négociation pour que soient produits les pleins pouvoirs. Toutefois, dans le cadre de l’adhésion à l’ONU, cette procédure de présentation des pleins pouvoirs par les plénipotentiaires de l’époque, s’avéra nécessaire. Les 35

Voir : Journal officiel de la République du Congo du 15 septembre 1960, p.663. Compte rendu intégral de la 2ème séance du mercredi 20 juillet 1960.

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démarches y relatives permirent au Congo d’adhérer à l’ONU le 20 septembre 1960. Par ailleurs, cette action diplomatique s’était étendue au plan bilatéral, par l’ouverture d’une série de missions diplomatiques à Paris, Washington, New York, et dans certains pays africains. Le Congo prit part à la création des organismes panafricains de coopération tels que : l’OUA, l’OCAM. 4-Des symboles de la République Les attributs du nouvel Etat devaient être soutenus par des symboles, comme signes distinctifs de l’identité de la nouvelle République36. Le drapeau, la devise et l’hymne sont les trois symboles qui ont été institués en 1959. En revanche, le sceau, ainsi que les armoiries ont été instituées respectivement en 1961 et 1963. 1- Le premier symbole a été l’institution du drapeau tricolore « vert-jaune-rouge », conformément à la loi constitutionnelle n°08 du 18 août 1959 qui en définit le format ainsi que les dimensions : 1 m80 sur 1 m 20. 2- Le deuxième symbole est la devise « Unité Travail Progrès », instituée par la loi constitutionnelle n°09 du 3 novembre 1959. 3- Le troisième symbole est l’hymne national, institué par la loi constitutionnelle n°10 du 21 novembre 1959. C’est une composition de : Jean Royer, Joseph Spaldilière, Jacques Tondra et Georges Kibanghi. 4- Le quatrième symbole qui est intervenu après l’indépendance est le « sceau », institué par la loi n°5-61 du 11 janvier 1961. L’article 1er dispose que le « sceau de la République » est circulaire au diamètre 0m 10. L’article 2 36

Voir : Brochure sur les symboles de la République, Journal officiel du Congo, Brazzaville, 2007.

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dispose que les timbres et cachets de la République du Congo sont circulaires au diamètre 0 m 04. 5Le cinquième symbole est représenté par les armoiries, instituées par le décret 63-262 du 12 août 1963. IV- Gestion de la Première République La gestion de la première République a été marquée par une succession d’actes contrastés : gloire, frustrations, deuil et révolution. C’est sous l’angle politico-institutionnel que nous abordons cette partie. Nous avons volontairement laissé de côté les aspects socio- économiques qui ont illustré l’effort d’appropriation de la gouvernance congolaise des affaires. Hervé Diata, dans le volume IV de cette Histoire générale du Congo, s’y est attelé37. Il y appert clairement que, en dépit du climat politique quelque peu morose, le bilan socioéconomique à mi-parcours, a mis en relief certaines qualités d’homme d’Etat de l’astucieux Abbé Président. 1-La redistribution des cartes politiques et la consolidation du pouvoir Youlou L’Abbé Fulbert Youlou, seul maître à bord, dut renforcer sa légitimité au lendemain de l’indépendance nationale, en organisant coup sur coup : le référendum constitutionnel le 2 mars 1961, l’élection présidentielle où il sortit sans surprise, victorieux le 26 mars 1961. La gouvernance Youlou s’est en outre distinguée par l’association des opposants à la gestion consensuelle des affaires. On a relevé par ailleurs une certaine instabilité gouvernementale sans précédent. Entre 1959 et 1963, les

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H. Diata, 2010, « Le développement économique du Congo, de 1960 à 2010 », Histoire Générale du Congo, vol. IV, pp. 9-38.

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remaniements ministériels intervenaient en moyenne tous les six mois. Ainsi, après la nomination par décret n° 58-1 du 28 novembre 1958 de Stéphane Tchichellé au poste de Ministre de l’Intérieur, Chargé de l’ordre public, la formation de la première équipe gouvernementale sera complétée par l’entrée de quatorze membres dans le Gouvernement provisoire, à savoir : deux Ministres d’Etat, sept Ministres, cinq Secrétaires d’Etat, conformément au décret n° 58-2 du 8 décembre 1958. Il sied toutefois de relever qu’un mois après la formation de la première équipe gouvernementale, Youlou enregistre une première démission dans son Gouvernement en la personne de Valentin Thombé, Ministre d’Etat, qui est remplacé par Isaac Ibouanga. Quatre jours après les douloureux événements du 16 février 1959, l’Abbé Fulbert Youlou promulgue la loi constitutionnelle n° 5 du 20 février 1959 par laquelle il renforce les pouvoirs du Gouvernement. A la recherche d’une nouvelle légitimité après lesdits événements, l’Abbé Fulbert Youlou conforte son fauteuil en se faisant réinvestir Premier ministre par l’Assemblée législative réunie en sa séance du 27 juin 1959. Par le décret n° 59-125 du 3 juillet 1959, il forme la deuxième équipe gouvernementale de son mandat. Celle-ci se caractérise par l’institution du poste de Vice-président du Conseil qu’il confie à son fidèle Stéphane Tchichellé, cumulativement avec ses fonctions de Ministre de l’intérieur et de délégué du Premier ministre à Pointe-Noire. De même, on relève cette propension à la concentration des pouvoirs par la création des portefeuilles de Garde des sceaux et des affaires extérieures, qu’il détient lui-même. Sa côte de popularité - 48 -

augmente au détriment de celle d’Opangault qui enregistre des défections au sein de sa formation politique. Les deux députés blancs du MSA, Albert Fourvelle et André Kerhervé, sont membres du Gouvernement Youlou. L’on sait que l’arrestation d’Opangault à la suite des événements du 16 février 1959, a été préjudiciable à l’émergence politique du MSA qui connaîtra d’autres défections. Fulbert Youlou règne en maître absolu devant une opposition affaiblie. Ce dernier saisit cette occasion pour redessiner la carte électorale dans laquelle Abala par exemple sera rattachée à la circonscription du PoolDjoué. Cette stratégie électorale permit à l’UDDIA de sortir largement victorieuse des élections du 14 juin 1959 avec 51 sièges contre 10 pour le MSA. Par le décret n°59-125 du 3 juillet 1959, Youlou forme sa troisième équipe gouvernementale qui garde plus ou moins la même configuration politique que la précédente, avec l’entrée au poste de Secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil, délégué à l’information, de Christian Jayle, ancien Président de l’Assemblée territoriale, et fidèle compagnon de lutte. L’Abbé Fulbert Youlou décide par la suite d’instituer un régime présidentiel, en demandant à l’Assemblée de modifier au travers de la loi constitutionnelle n°11 du 21 novembre 1959, son titre de Premier ministre. Il se fait désormais appeler président de la République, tout en gardant les mêmes prérogatives. Cette concentration des pouvoirs a eu pour conséquence, le renforcement de son autorité et du culte de la personnalité qui le conduiront plus tard à la dérive que les « révolutionnaires » exploiteront malicieusement dans le dos des syndicalistes pour le chasser du pouvoir le 15 août 1963.

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2-La conséquence politique du contentieux du 28 novembre 1958 et de la guerre civile du 16 février 1959 La guerre civile du 16 février 1959 est la résultante d’un défaut de « solutionnement » de la situation politique du 28 novembre 1958, dont la mauvaise humeur se cristallisa en contentieux fatal. C’est la première tâche noire de la gestion congolaise des affaires ce, quelques mois seulement après la proclamation de la République du Congo et l’investiture du Premier ministre Fulbert Youlou. En effet, cette guerre civile est la pire des choses qu’un peuple ne peut commettre contre lui-même. Cette guerre qui coûta la vie à une centaine de Congolais à Brazzaville, prit fin grâce à l’intervention musclée des forces de l’ordre. Accusés d’instigateurs de cette violence, Jacques Opangault et quelques militants du MSA furent arrêtés et jetés en prison. Ils furent libérés cinq mois après. Entre le 17 et le 20 février 1959, l’Abbé Fulbert Youlou promulgua une série de lois pour le rétablissement de l’ordre public : - Loi constitutionnelle n°3 du 16 février 1959 suspendant provisoirement l’application de l’article 2 de la loi constitutionnelle n°1 du 28 novembre 1958 ; - Loi n°5/59 du 17 février 1959 relative aux armes et munitions ; - Loi n° 6/59 du 17 février 1959 relative aux visites domiciliaires et réquisitions ; - Loi n°7/59 du 17 février 1959 relative aux vérifications d’identité ; - Loi n°17/59 du 18 février 1959 relative au rétablissement de l’ordre public et à la sauvegarde des personnes et des biens ; - Loi constitutionnelle n°7 du 20 février 1959 relative à la mise en place des institutions. - 50 -

L’ensemble de ces mesures eurent pour conséquences, le démantèlement de l’opposition. Affaibli par cette épreuve, Jacques Opangault se contenta de jouer les seconds rôles aux côtés de son « frère ennemi » ce, pour favoriser l’unité nationale. A la suite des tournées que les deux « frères ennemis » entreprirent à travers le pays, Fulbert Youlou réussit à rallier son adversaire à sa cause, en l’associant étroitement à la gestion des affaires, respectivement en qualité de Viceprésident, Ministre d’Etat, Ministre, jusqu’à son départ de la tête de l’Etat le 15 août 1963. C’était pourtant le petit geste attendu le 28 novembre 1958 pour conjurer les velléités belligènes qui ont été enregistrées sur fond de frustrations et de gâchis de la dynamique républicaine pour défaut d’entente entre les deux formations politiques ! Justifiant son appui au climat de paix et aux accords conclus avec la France pour l’indépendance du Congo, Jacques Opangault lança un « message à la Nation » le 28 juillet 196038, autour du thème central d’amour et d’unité, comme le montre cet extrait : En dehors des luttes idéologiques, en dehors de notre opposition démocratique et constructive pour un mieux- être du pays, pour une amélioration toujours poursuivie et toujours plus grande, nous avons tous, nous Congolais, des objectifs supérieurs, des devoirs communs impérieux. En face des grandes tâches nationales, nous n’avons qu’un seul drapeau, qu’une seule devise, qu’un seul but : le Congo […]. Nous 38

Voir : Message de Jacques Opangault à la Nation, dans la compilation de ses Ecrits et discours, publiée par Théophile Obenga.

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allons, le Chef du Gouvernement et moi-même, faire incessamment une tournée commune dans les préfectures du Nord, nous y affirmerons notre Union sur les grands problèmes d’ensemble. V-La révolution des 13-14-15 Août 1963 Les cinq années de gouvernance de l’Abbé Fulbert Youlou ont été brutalement interrompues le 15 août 1963, à la faveur d’un banal mouvement syndical récupéré par des « révolutionnaires » autour d’un coup de force appelé « Révolution des 13-14-15 août 1963 », ou encore « les Trois glorieuses ». Le point de départ de cette révolution est le mouvement syndical déclenché tout d’abord par les enseignants, et qui finit par des revendications syndicales croisées conduites par trois principales centrales syndicales : la Confédération africaine des travailleurs croyants (CATC) ; la Confédération africaine des syndicats libres (CASL) ; la Confédération générale africaine des travailleurs (CGAT). Au-delà de divergences idéologiques, les trois centrales syndicales décident d’unir leurs forces autour d’une coalition syndicale dénommée « Comité de fusion», dirigé par Pascal Okyemba Morlendé, par opposition au « Comité d’entente pour le Parti unique » constitué par Abel Thauley Ganga, Julien Boukambou, Dieudonné Miakassissa, François Gandou. Il y a en outre le projet de création du Parti unique dont on attribua l’influence au passage du Président guinéen Sékou Touré à Brazzaville, tout comme au séjour de l’Abbé Fulbert Youlou à Conakry. A ce propos, quoique son existence fût justifiée par la nécessité de consolider la cohésion nationale au lendemain de l’indépendance, les syndicats voyaient en cet - 52 -

acte une stratégie « youliste » pour briser l’expression plurielle et, partant, pour l’affaiblir le mouvement syndical. D’autres facteurs ont aussi concouru à cette révolution, notamment les accusations des syndicalistes contre l’Abbé, à savoir : l’embourgeoisement, les affectations arbitraires, les ponctions injustifiées sur les salaires, etc... Il s’agit des chefs d’accusation plus politiques que syndicales, présentés comme des signes annonciateurs de la grave épreuve de force du 15 août 1963. A la suite de l’audience accordée par le Président Fulbert Youlou aux syndicalistes le 24 juillet 1963, une longue déclaration subversive s’en suivit. Celle-ci laissait transparaître un désaveu des propositions de sortie de crise faites par le Chef de l’Etat. Devant le pourrissement de la situation politique et sociale, le Chef de l’Etat adressa à son tour un message à la Nation le 27 juillet 1963. Le fond du message portait sur l’appel à l’unité autour de l’idée de la création du Parti unique. En dépit de cet appel, les syndicalistes lancèrent un mouvement de grève générale le 10 août 1963. Le 13 août 1963, les syndicalistes Thauley Ganga, François Gandou et Adolphe Bengui furent arrêtés par les gendarmes et jetés en prison. Cet acte provoqua un tôlé au sein des centrales syndicales, qui décidèrent d’attaquer la Maison d’arrêt pour y extraire leurs camarades. Devant la pression grandissante, les forces de l’ordre ouvrirent le feu dans la foule. La répression du mouvement se solda par des morts : Raphaël Massamba, Gaston Lenda, Pierre Nsiété, Honoré Donga. Le Président Fulbert Youlou lança un nouvel appel au calme sur les antennes de la radio et annonça une série de mesures, dont la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale ainsi que le retrait provisoire du projet sur le Parti unique. Ce énième appel ne fut pas entendu. La situation se durcit davantage et aboutit le 15 Août 1963 par la démission - 53 -

de l’Abbé Président Fulbert Youlou, remise au Capitaine Mouzabakani, Chef d’Etat-major des Forces Armées congolaises. Le témoin fut passé à Alphonse Massamba-Débat en qualité de Premier ministre, Chef du Gouvernement, Ministre des armées39, après l’organisation du référendum constitutionnel le 8 décembre 1963. CONCLUSION La naissance de la République du Congo est le résultat du processus de décolonisation déclenché à la fin de la Seconde Guerre mondiale et parachevé par les Quatrième et Cinquième République française, après sept décennies de colonisation. Ce chapitre a permis d’apporter un éclairage, quoique succinct, à ce processus qui a vu l’évolution du statut du Congo en trois phases : la phase de Territoire du Moyen-Congo avec PointeNoire comme capitale, dans le cadre de l’Afrique équatoriale française (AEF) et de l’Union française ; la phase de République, Etat membre de la Communauté française ; la phase de l’indépendance qui couronne ainsi l’achèvement de ce processus et l’avènement du Congo nouveau. En outre, on s’est efforcé de montrer que l’avènement de la République du Congo est intervenu le 28 novembre 1958 et non le 15 août 1960. Ce chapitre a par ailleurs permis de relever les écueils qui ont entouré les cinq premières années de gestion congolaise des affaires. Le Congo a été l’un des rares pays à salir très tôt son enfantement survenu non sans douleur, en cristallisant un contentieux qui déboucha le jour même de la proclamation de la République, le 28 novembre 1958, sur une humeur dont le 39

Voir : Décret n°63-272 du 16 août 1963 portant nomination du Gouvernement provisoire.

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défaut de « solutionnement » déboucha sur une guerre civile le 16 février 1959. La situation révolutionnaire des13, 14,15 août 1963 a été également un mauvais présage plutôt qu’un bonheur dans la stabilité institutionnelle du paysage politique congolais. C’est donc autour de ces péripéties que vint la République : par un parcours historique visiblement chargé d’épreuves.

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CHAPITRE 2 L’ERE DU MOUVEMENT NATIONAL DE LA REVOLUTION (MNR) (1963-1968)

Par Martin MBERI INTRODUCTION Le MNR, véritable parti politique, a marqué l’histoire du Congo contemporain. Notre ambition dans cette étude est d’en présenter la genèse et de faire saisir l’évolution des différentes phases de son histoire. I - La genèse Le Président Fulbert Youlou est renversé par une insurrection populaire les 13, 14, 15 août 1963. L’échiquier politique congolais « post » Fulbert Youlou se met très rapidement en place. Son instrument politique majeur est le « Mouvement national de la révolution » (MNR), Parti Unique de son état. Il n’y a plus ni PPC*, ni UDDIA*, ni MSA* : ils sont désormais les partis d’un système politique du passé. A l’issue de son Congrès Constitutif tenu à Brazzaville du 29 juin au 2 juillet 1964, le MNR est consacré Parti institutionnel par la loi 25-64 du 20 juillet 1964, en violation flagrante avec la Constitution du 8 décembre 1963 qui reconnaît en son article 10 la liberté d’association. Cette logique s’inscrit dans la même orientation que celle qui a prévalu sous le Président Fulbert Youlou. En effet, en violation flagrante de l’article 5 de la Constitution de 1961 qui établit le - 57 -

système multi partisan dans notre pays, un Parti Unique innomé non sanctionné par un Congrès Constitutif est institué par la loi numéro 14-63 du 13 avril 1963. Ces deux moments constituent le point de départ des dérives constitutionnelles qui désacraliseront le respect de nos constitutions, contribuant dès le départ à fragiliser lourdement la démocratie par la suite. Quel est donc le projet politique qui soutient cette création obstinée du Parti Unique contre toute logique constitutionnelle ? Il est connu de tous que les insurgés des 13, 14, 15 août 1963, chantant tous « l’hymne à la liberté », auraient pu faire du retour à la démocratie pluraliste leur exigence inconditionnelle. Ce qui n’a jamais été le cas. Nous savons tous également que sur le plan international, après la Seconde Guerre mondiale, le Parti Unique a eu mauvaise presse. Il rappelle tristement Hitler et Mussolini ainsi que toutes les grandes destructions de la guerre. Si on identifie le Parti Unique comme étant le parti fasciste par excellence, on commence à découvrir que le Parti Unique c’est aussi le stalinisme et le goulag. Rien n’y fit. Il y a quelque part une idée plus forte et décisive que la forme des partis qui inonde la conscience de nos jeunes dirigeants. L’indépendance a ressuscité la nation. Et la nation est un appel pressant, un impératif à l’édification de l’EtatNation. Ce qui suppose : briser toutes les barrières qui jonchent la route de son édification, les groupes sociaux, les différences ethniques ou religieuses. Tout est à unir. Et le Parti Unique est le lieu privilégié de cette unité. C’est l’instrument d’accélération non seulement de l’Etat-Nation, mais du développement pour sortir « nos compatriotes » de la misère et favoriser la modernisation du pays. C’est la pensée politique dominante du moment.

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Pour la jeune classe dirigeante qui se heurte déjà à des difficultés quasi insurmontables, l’institution du Parti Unique comme parade à cette situation devient une priorité. Nonobstant le fait que derrière le Parti Unique se dessinent également des véritables enjeux de pouvoir, il s’impose à tous comme un acte patriotique, non seulement au CongoBrazzaville, mais dans tous les jeunes Etats Africains de la même génération. Cet instantané peut nous emmener à penser que l’émergence du monopartisme que traduit la création du MNR est sans racines. Qu’il s’agit tout simplement d’un effet de mode. C’est en réalité l’aboutissement des mutations politiques diverses qui a façonné notre espace politique depuis l’installation du système colonial en rupture de ban avec le modèle de notre société traditionnelle. Plusieurs phases caractérisent l’évolution politique de la société colonisée : la première est celle de l’administration directe, ignorant les autochtones ramenés au rang de simples sujets sans statut, corvéables à merci ; la deuxième traduit la collaboration dans un rapport de maîtres à subordonnés bien établi entre les colonisateurs et leurs anciens sujets ; la troisième est celle qui a ouvert la voie à la gestion par les autochtones devenus citoyens de l’Union Française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de leur territoire, des sociétés demeurant colonisées dans leur essence, leurs principes et leurs règles. En effet, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la puissance coloniale est obligée de constater que le territoire du Moyen-Congo, notre pays, a participé à l’effort de guerre, donc à la reconquête de la liberté des peuples du monde, comme il est obligé de se rappeler que Brazzaville capitale de l’AEF a été aussi celle de la France Libre, la France Combattante. C’est dans cette ville précisément qu’en 1944 au cours de la Conférence dite de Brazzaville que sont jetées les bases des rapports nouveaux qui s’établiront entre la France et ses colonies. La France de la colonisation directe est donc - 59 -

derrière nous. C’est une page qui est définitivement tournée, celle qui a débuté depuis les années 1940 qui marquent une évolution par rapport à l’époque de « l’administration directe » à laquelle e succède. Les années 1940 avancent, triomphantes, promues et soutenues par les nouvelles valeurs et les nouvelles règles de l’Union Française. C’est donc dans la première moitié de la décennie 1940-1950 qu’interviennent les valeurs de liberté et l’usage du modèle représentatif dans la gestion du territoire qui a modifié notamment le régime de l’indigénat. Toute cette œuvre nous ramène au gouverneur général Eboué. Et lorsqu’en 1946, au niveau de chaque Territoire, les citoyens de l’Union français obtiennent le droit de participer aux diverses élections ouvertes à leur profit, un pas décisif vient d’être franchi. C’est dans ce contexte que Félix Tchicaya est élu député du Territoire du Moyen-Congo et du Gabon à l’Assemblée Nationale Française. Le mouvement amicaliste d’André Matsoua qui voit le jour en 1926 dénonce l’indigénat et se prononce pour l’émancipation et l’accès aux libertés. Il contribue sans conteste à la prise de conscience de nos compatriotes qui aboutira aux évolutions des années 1940 dont les vestiges marqueront de façon indélébile la vie politique dans le Pool et à Brazzaville. L’abstentionnisme matsouaniste massif aux élections coloniales, notamment des années 1946 jusqu’à l’année 1959 dans les zones précitées, demeure encore vivace. Les rapports tendus, voire conflictuels, entre l’Abbé Fulbert Youlou et les Matsouanistes orthodoxes, sont la preuve de l’existence d’un courant politique matsouaniste persistant. Force est de reconnaître que André Matsoua est le seul leader autochtone d’envergure relevant de l’époque coloniale. Il a laissé un impact vivant dans notre imaginaire collectif. Malheureusement ce mouvement, pour des raisons diverses, souvent inavouées, ne va pas organiquement traverser les frontières du Pool sa région natale. A qui profitait le crime ? - 60 -

La fin tragique et dissimulée d’André Matsoua peut être un début d’explication au phénomène matsouaniste qui est demeuré énigmatique. Il n’y avait aucune raison que la demande d’émancipation présente dans tous nos districts et dans toutes nos ethnies ne sût répondre à la seule offre politique qui allait dans le sens de leurs intérêts, celle de Matsoua. Nous connaissons tous la confusion qui s’en est suivie. Matsoua, dont le rôle de précurseur dans notre lutte pour l’émancipation ne fait l’ombre d’aucun doute, subit un traitement posthume qui a fait le jeu des colonisateurs, qui n’avaient pas besoin que le Congo eût un prophète indigène ou un leader de référence nationale dès cette époque. Une telle éventualité pouvait compliquer davantage la mission civilisatrice. N’oublions pas « une étincelle peut mettre le feu à la plaine ». De ce point de vue, André Matsoua illustre bien le martyre qu’ont subi tous les leaders africains qui étaient en avance sur leur temps. Le pays devenu indépendant, nous ne pouvons que réhabiliter sa mémoire et le restituer dans sa vraie dimension historique : «André Matsoua s’inscrit dans la lignée des patriotes connus et inconnus qui ont accepté le sacrifice de leur vie parce qu’ils avaient foi dans l’avenir de leur pays ». Outre cette chevauchée qui va d’André Matsoua au député Félix Tchicaya et après lui, les pères de l’Indépendance, Jacques Opangault, Fulbert Youlou, Stéphane Tchichelle, Kikounga-Ngot, Emmanuel Dadet, pour ne citer que ceux-là, nous assistons à l’émergence d’un système politique multi partisan généré sous l’Union Française, et que ces mêmes hommes animeront et représenteront. C’est en cela qu’ils comptent parmi les bâtisseurs de notre histoire commune, histoire qui sous la colonisation, prend un sens nouveau. Dès 1946, le système électoral territorial comprend deux collèges : selon qu’on est autochtone ou européen, on siège au premier ou au deuxième collège. Cet apartheid qui ne dit pas son nom et que rien ne justifie a priori, semble déconcertant. Que fait- 61 -

on du principe de la majorité dans un même pays où les électeurs ont le même statut ? Pour revenir aux partis politiques, le décor planté, Félix Tchicaya « ouvre le bal » en créant le Parti Progressiste Congolais (PPC), parti affilié au Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui est l’œuvre de Félix Houphouet-Boigny, Félix Tchicaya lui-même, D’Arbousier et d’autres leaders ouest –africains, au cours d’un Congrès qui se tint à Bamako du 19 au 21 octobre 1946. Houphouet-Boigny en assure la présidence et Félix Tchicaya, la Vice-présidence. Le RDA est proche du Parti Communiste Français. C’est une nouvelle phase dans la prise de conscience des leaders africains pour l’émancipation de leurs peuples qui s’amorce. Entre 1946 et 1956, naissent les partis politiques qui vont former l’ossature du nouveau système politique colonial en gestation. Les étiquettes politiques propres à chaque parti sont quasi indéfinissables, si l’on tient compte de la nécessaire interférence qui existe entre les partis européens locaux mieux structurés, mieux dotés de ressources financières indispensables à leur gestion d’une part, et de l’appui incontestable dont ces partis bénéficient de la part de l’administration coloniale d’autre part. Aux élections à l’Assemblée territoriale de 1946, les notables jouent le rôle de parti dans une certaine mesure, les partis politiques n’ayant pas encore pris corps dans la société. Aux élections suivantes, dès 1951, l’existence des partis devient une réalité, un cadre susceptible de concourir à l’expression du suffrage. La décennie 1946-1956 est celle de l’éveil politique du Territoire du Moyen-Congo. L’accès aux Assemblées territoriales qui vient d’être institué est soumis au scrutin de liste à un tour. Ce système électoral dont la fonction structurante, épatante va ouvrir la voie à un bipartisme qui - 62 -

caractérisera notre système politique jusqu’ en 1962 après l’indépendance avec la fin du multipartisme avec la loi n°1463 du 13 avril 1963. Le député Félix Tchicaya qui crée le Parti Progressiste Congolais est un ancien de William Ponty de Dakar, d’où il sortit instituteur. Il prend part à la Seconde Guerre mondiale. Son curriculum vitae et ses qualités personnelles facilitent son ascension politique. Il rassure ses compatriotes qui ont besoin de prendre leur part au mouvement d’émancipation qui s’amorce. Le PPC récemment créé gagne la majorité à l’Assemblée Territoriale au 2er collège devant la section SFIO* du Moyen-Congo créée et dirigée par Jacques Opangault, ancien séminariste, syndicaliste et greffier de renom, qui ne manque ni de savoir ni d’expérience. C’est donc un homme de contact qui domine la scène politique du Moyen- Congo dans sa partie septentrionale, le sud-est subissant plus l’influence du PPC de Félix Tchicaya. Ce sont donc ces leaders qui nous conduisent droit vers les nouvelles perspectives qu’offre la loi Gaston Deffere (Loi-cadre) du 23 juin 1956, mise en application en 1957. Ce duo de têtes subit une mutation de fait, Félix Tchicaya s’étant retiré de la scène politique pour cause de maladie. L’entrée fulgurante de l’Abbé Fulbert Youlou avec son élection comme Maire de Brazzaville en 1957, comble le vide laissé par Félix Tchicaya. Jacques Opangault et Fulbert Youlou seront à la tête des deux coalitions : celle du MSA et celle de l’UDDIA, qui représenteront, à la suite des élections à l’Assemblée Territoriale du 31 mars 1957, les populations autochtones du Moyen-Congo. La coalition MSA détenant la majorité avec 23 conseillers contre 22 à la coalition UDDIA, le Président Jacques Opangault est élu Vice-président du Conseil de Gouvernement Territorial et l’Abbé Fulbert Youlou, membre

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du gouvernement, chargé de l’Agriculture et des Eaux et Forêts. En effet l’Abbé Fulbert Youlou qui côtoie les milieux politiques depuis 1946 au moins, est un homme de l’ombre qui a pris le temps de s’affirmer avant qu’il ne crée l’Union Démocratique pour la Défense des Intérêts Africains (UDDIA), qui intervient après son échec à la députation en 1957. Son itinéraire est marqué par son échec aux élections à l’Assemblée territoriale du Moyen-Congo en 1946, par sa collaboration avec le Docteur Samba Delho du RPF*aux élections à l’Assemblée territoriale en 1952 et son échec aux élections à l’Assemblée nationale française en 1956. Pendant toute cette période, il a su se faire une place dans l’électorat plutôt passif et abstentionniste du Pool de cette époque. Il est un des animateurs du Conseil Coutumier de Brazzaville. Son élection triomphale comme maire de Brazzaville n’est donc pas une surprise. L’UDDIA se révèle comme un instrument efficace, une machine électorale qui ouvre à ses amis et militants les mairies de Dolisie et de Pointe-Noire. A la fin de la première décennie, le paysage politique congolais se caractérise ainsi : un bipartisme dominant dans la première phase représentée par le PPC de Félix Tchicaya et la SFIO de Jacques Opangault en 1952 et en 1957. Ces partis subissent une mutation qui entraîne un reclassement de forces, notamment avec la fin des collèges électoraux et le déclin politique du PPC. Il se dégage un face à face du « bloc MSA » avec comme partis alliés le PPC de Félix Tchicaya et le comme et l’UDSR* Kikounga-Ngot de GPES* parti «européen ». Du côté de l’UDDIA comme partis alliés, l’UMC et les groupes des dissidents du PPC animés par Stéphane Tchichelle. La qualité des campagnes électorales et le vote individuel parasité par les clans et les familles notamment dans les milieux ruraux, laisse encore à désirer même si un progrès net apparait à l’occasion des élections à - 64 -

l’Assemblée Territoriale consécutive à la loi Deffere. C’est dans la foulée qu’intervient la Constitution Française du 5 octobre 1958 qui ouvre la voie à l’autonomie des territoires, en dépit des soubresauts politiques qu’entraîne cette nouvelle évolution. « Le bipartisme plie, mais ne rompt pas ». Il porte la 1ère République et les Républiques suivantes jusqu’au changement de régime le 13 avril 1963 avec la loi portant création du Parti Unique sous le Président Fulbert Youlou. Ce qui apparait comme un saut périlleux dans la mesure où rien ne justifie de façon indubitable le Parti Unique qui vient d’être créé. Il paraît plutôt évident d’admettre que le maintien du bipartisme de fait conjugué avec un scrutin de liste à un tour comme c’est le cas, pouvait être un facteur de consolidation de ce système bipartisan et de stabilité politique indéniable, si toutes les précautions étaient prises pour écarter les parodies d’élection. Les élections à l’Assemblée Territoriale de 1946 à 1956 sont une expérience qui méritait notre attention d’autant plus que nous nous trouvions dans une période d’apprentissage et de balbutiement. Les étapes décisives qui nous conduisent droit au monopartisme peuvent se résumer ainsi : – en 1957, la crise provoquée par la démission du député Yambot du MSA ne trouve sa solution que par un concours de circonstance indépendant de la volonté des partis en présence : l’avancée vers l’autonomie suite à la constitution de 1958, ce qui est de mauvais augure ; – en 1959, la guerre civile de Brazzaville est une autre crise qui interpelle la conscience des dirigeants congolais. Il n’est pas surprenant dans ce cas de constater la « discrétion juridique » qu’utilise le Président Youlou pour accéder dans un premier temps à la Primature en 1958 et dans un deuxième temps à la magistrature suprême en 1959. Il n’affronte le suffrage universel qu’en 1961, parce qu’en définitive s’assurant qu’il est le candidat unique. On aperçoit de la part du président Youlou, une méfiance vis-à-vis du peuple - 65 -

difficilement à peine dissimulée, qui contredit le prestige et la popularité incontestable dont il jouit dans une partie significative de l’électorat. A la fin de 1961, le Président Fulbert Youlou se retrouve face à lui-même, l’opposition étant en réalité mise en déroute, ceci d’autant plus que le gouvernement d’Union Nationale à répétition ouvre la porte à tous ceux qui affichent de façon ostentatoire leurs ambitions nationales, même si cela n’a duré que le temps que cela devait durer. C’est dans ce contexte équivoque avec l’esprit partisan totalement émoussé, les partis politiques ne jouant plus que les figurants, qu’intervient le coup de grâce à la démocratie avec l’adoption en urgence à l’Assemblée nationale de la loi numéro 14-63 du 13 avril 1963 portant institution du Parti Unique. Cette loi précise en son article premier que le Parti politique unique est l’expression de la volonté du peuple congolais, qu’il garantit l’unité nationale, œuvre pour le progrès, la promotion sociale et économique du pays. Quel que soit son bien-fondé, la loi instituant le Parti Unique est anticonstitutionnelle dans la mesure où elle est contraire à l’article 5 de la Constitution de 1961 qui précise que « les Partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage… » Quand on connaît la capacité d’écoute du Président Youlou, son sens du compromis, et qu’il se soit obstiné à imposer le Parti Unique en dépit des contestations qu’il suscitait ici et là, on a un fort sentiment qui nous laisse penser que pour lui, le Parti Unique était le Parti de la dernière chance, la parade la plus appropriée pour faire face à la contestation de son régime, qui s’annonçait lentement mais sûrement dans plusieurs secteurs de la vie nationale, notamment dans les milieux des travailleurs. Ceux-ci souffraient déjà de la crise économique. Quant aux associations d’inspiration catholique qui - 66 -

souhaitaient un Président plutôt « saint », c'est-à-dire en harmonie avec l’Eglise, schéma duquel le Président Youlou s’écartait de plus en plus, elles n’étaient pas en reste. Les activistes communisants ou communistes ne voyaient en l’Abbé Youlou qu’un anti communiste primaire et répressif. Il faut néanmoins retenir que la décision du Président Youlou mettant fin au multipartisme, par rapport au recul de l’histoire, était un contre temps malheureux et un précédent dangereux pour la démocratie qui était encore à ses débuts. Contre toute logique et toute attente, les insurgés des 13, 14, 15 août 1963 l’ont seulement chanté, mais ils n’ont pas été conséquents en consolidant le système monopartisan par la loi érigeant le MNR en Parti Unique, assurant ainsi la continuité d’une décision qui certes ouvrait une nouvelle page de notre histoire, mais qui, à terme, nous clouait au sol. II - L’appareil dirigeant du MNR Le MNR est le cœur d’un système politique tentaculaire dont le but est en définitive de s’assurer le contrôle politique de la société, en vue de sa transformation et de sa modernisation. C’est en cela qu’il s’autoproclame « révolutionnaire » et qu’il est mû par une vision fondée sur le socialisme scientifique, legs de son Congrès constitutif. C’est en fonction de cette orientation qu’il structure son appareil dirigeant, bâti sur le modèle du centralisme démocratique. L’appareil dirigeant est en réalité plus complexe et plus subtil qu’il n’apparaît dans les statuts. On distingue formellement 3 niveaux de commandement : le niveau suprême que représente le Congrès, le niveau supérieur qui est le Comité Central dont la permanence est assurée par le Bureau Politique et les instances fédérales (bureaux des fédérations) se situant au niveau moyen. - 67 -

Le Congrès est une instance de principe dans la mesure où ne siégeant que tous les 3ans, ses prérogatives reviennent en réalité au Comité Central et aux autres instances telles que le Conseil National de la Révolution (CNR). Comme le tout est une question de rapport de force à l’intérieur des instances, en définitive c’est un groupe au sein du Bureau Politique, permanence du Comité central, qui détient la réalité du pouvoir. Le Congrès du MNR n’ayant connu d’autre existence que celle du Congrès constitutif, ne nous permet pas de tirer des leçons à ce niveau. Le Bureau Politique était la permanence du Comité Central : à ce titre, il était l’inspirateur des décisions qui régentaient la vie du Parti, s’il ne les prenait pas lui-même. Il assurait également l’exécution des missions dévolues au Comité central par le Congrès. Il était censé lui en rendre compte. Les instances intermédiaires et de base étaient en réalité des courroies de transmission des décisions du Bureau politique. Elles étaient plutôt des caisses de résonance de la politique du Comité Central traduite par le Bureau politique mais aussi les gardiens de l’orthodoxie doctrinale à la base. Dans un tel contexte, le militant, outre toutes les vertus dont on l’affublait, devait savoir ce qu’il voulait : « faire ou ne pas faire carrière », ce qui l’amenait « s’il voulait faire carrière, à être chaque fois au bon endroit et au bon moment » et d’éviter des sorties intempestives de nature à obstruer la quiétude politique ou les intérêts de la faction la plus déterminante du Bureau politique. C’était une véritable vie d’initié qui s’y déroulait. Cet appareil dirigeant était d’autant plus puissant qu’il se reposait sur un tissu d’organisations couvrant tout le champ social et politique. N’oublions pas que le Parti dirigeait l’Etat, « ses désirs étaient des ordres ». L’appareil dirigeant était le seul interprète qualifié pour exprimer la volonté du peuple.

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Ici, apparaît une dualité fondamentale entre les préconisations de la Constitution du 8 décembre 1963 et celles de la Charte du MNR du 26 mars au 26 avril 1966. Cette dualité voit la suprématie de la Constitution du 8 décembre 1963 battre en retraite devant la toute-puissance du Parti qui est censé diriger l’Etat, incarné par sa Charte. Il est par conséquent admis que le Comité Central est le seul interprète de la Constitution et de la Charte. Quant aux fonctionnaires, ils avaient désormais une double casquette, comme le Maire dans sa ville. Ils étaient « cadres rouges » au service de la cause du Parti et également fonctionnaires au service de l’Etat. Il en était parfois résulté des confusions et des abus qui avaient amené un jour le Secrétaire général du Parti, le Président Massamba-Débat, à interpeller l’ensemble du Parti en disant : « Quand la politique empêche l’administration de tourner, le pays stagne ». Ce cri d’alarme était en soi un signe annonciateur du déclin de notre administration. On assistait ainsi à un affaiblissement progressif de l’Etat dont les prérogatives glissaient jour après jour dans les mains d’un parti qui n’était ni organisé ni préparé à les assumer. Ainsi allait s’asseoir un appareil dirigeant du parti surdimensionné, bureaucratique, inefficace et irresponsable dans la mesure où il était le commencement et la fin du pouvoir « révolutionnaire » auto proclamé. Et, au-delà de cette mainmise sur l’Etat, toutes les forces vives de la nation, contre-pouvoir potentiel nécessaire à l’établissement des équilibres utiles au bon fonctionnement de la démocratie, étaient tout simplement apprivoisées. Les syndicats fusionnèrent conformément à la loi du 17 décembre 1964. Ils formèrent un syndicat unique, dénommé Confédération Syndicale Congolaise (CSC). C’est un instrument au service du pouvoir dans sa relation avec les travailleurs. Les enjeux du pouvoir étaient tellement importants qu’on assista à une instabilité organisée de sa - 69 -

direction. Dès la première année, Idriss Diallo premier secrétaire général de la CSC, avait été remplacé sur fond de tam-tam par Paul Bantou qui, lui-même, ne résistera pas à la bourrasque qu’entraîna le coup d’Etat du 31 juillet 1968. Quant aux associations féminines rassemblées désormais au sein de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo (URFC) qui tint son Congrès constitutif du 4 au 8 mai 1965 sous la direction du Parti, congrès cautionné par la loi 12-65 du18 juin 1965, celles-ci acquéraient de ce fait une présence plus nette et plus significative sur le plan politique national. Cette ascension pourtant utile n’était malheureusement qu’une forme d’embrigadement des organisations des femmes au service du parti, même s’il favorisa l’émergence politique des militantes comme Céline Eckomband, première présidente de l’URFC. Il se posa également au niveau du pays un problème important : celui du chômage des jeunes, chômage qui avait augmenté rapidement, notamment depuis l’autonomie interne. La délinquance juvénile qui en était la conséquence logique, devint un sujet de préoccupation de plus en plus important pour les pouvoirs publics. C’est dans ce contexte qu’était née la Jeunesse du Mouvement national de la révolution (JMNR) qui était en fait la fusion de toutes les organisations de jeunesse existantes. La première action symbolique qu’entreprit la JMNR en construction était la réalisation des opérations de salubrité publique de grande envergure dites «opération retroussons les manches ». Ce fut un signe qui ne trompait pas sur les motivations profondes du lancement de la JMNR. En même temps, était né le Conseil National de la Jeunesse (CNJ) qui regroupait toutes les organisations de jeunesse existantes au Congo, indépendamment de leurs orientations religieuses, ethnique, philosophique et sociale. Le Conseil National de la Jeunesse (CNJ) allait peser lourdement sur la balance pour faire évoluer la « révolution » vers le - 70 -

socialisme mieux que ne l’avaient fait le mouvement des travailleurs en réalité divisé. L’inféodation de la JMNR au MNR ne posa aucune difficulté particulière. Elle épousa quant à sa structuration, la même configuration que le parti ; elle était organisée en cellules, sections, fédérations : un émaillage des quartiers dans les villes et districts, dans les régions. Face au remue-ménage et aux troubles graves et répétés à l’ordre public consécutifs à la démission du Président Youlou, la jeunesse avait été chargée dans chaque quartier, chaque cellule, chaque district d’une mission de vigilance par le CNJ. Cette mission avait été en soi mal définie, mais elle était en réalité de l’ordre du renseignement. Il ne fut pas rare qu’elle ne déviât malheureusement vers la délation. L’affaire Biyaoula * fut illustrative sur ce point. C’est cette vigilance qui rendit impossible le renversement de la « révolution » à partir des complots ourdis de l’extérieur. On peut conclure sans risque de nous tromper que la préoccupation des dirigeants était saine en soi au vu de ce qui précède. Les dérapages qui avaient suivi et qui avaient été réels n’avaient rien à voir avec une politique délibérée de chantage, de menace et de violation des droits des populations par des bandes de jeunes organisées à cette fin. Cette observation aussi légitime fusse-t-elle ne peut empêcher de relever la déficience de l’encadrement de la jeunesse et la responsabilité morale qui en découlait pour tous les cadres politiques qui ont eu à jouer un rôle à ce niveau. C’est de bonne guerre si les « adversaires de la révolution » avaient, par une désinformation savamment orchestrée, voulu torpiller le régime du MNR en place. On peut également le leur reprocher dans la mesure où le mensonge, la délation et la désinformation ne pouvaient se substituer au combat des idées quelle que soit la nature du combat politique en présence. Cette façon de faire et de voir avait l’avantage d’être morale. - 71 -

Au-delà de cette guerre des tranchées mal définie, il y avait la relation entre la JMNR et le Corps National de la Défense civile, qui mérite d’être clarifiée. Quand les menaces contre le régime révolutionnaire étaient devenues de plus en plus violentes, le gouvernement créa un Corps National de la Défense Civile sous la direction effective du MNR par la loi 12-65 du 18 Juin 1965. Ses membres étaient recrutés pour l’essentiel dans les fédérations de la JMNR. Ils recevaient un encadrement militaire et une instruction idéologique de la part des instructeurs cubains qui avaient succédé aux instructeurs égyptiens présents dans la phase précédente dite des « quartiers jeunesses ». Les miliciens étaient casernés dans des camps spécialisés. Contrairement aux membres de la JMNR qui vivaient dans les quartiers et dans les districts parmi les populations. Le Corps National de la Défense Civile avait été placé sous la direction d’Ange Diawara, 2ème Vice-président de la JMNR (André Hombessa était Président et Mbéri Martin 1er Vice-président de la JMNR). Il avait existé donc au service du MNR deux organisations distinctes dans leur mission : la Défense civile, « force combattante » appelée à compléter les effectifs de l’armée dans l’éventualité où le pays venait à être déstabilisé de l’extérieur et assurant exceptionnellement, les missions de maintien de l’ordre public à l’intérieur, et la JMNR qui était une association politique qui participait à la vigilance et à la propagande du Parti. Ces organisations avec leurs atouts et leurs faiblesses font partie désormais de notre patrimoine historique qu’il faut enrichir par une recherche obstinée et permanente de la vérité ; et ne pas définir ou réduire définitivement sur une période aussi courte et insuffisamment démêlée, la « révolution congolaise », au passif de cette période. Il conviendrait de ne - 72 -

pas toujours considérer ce passif comme le résultat d’une politique pensée et délibérée de toute la classe dirigeante de cette époque. Et pourtant, l’histoire telle qu’elle est racontée a toujours omis de relever que l’appareil dirigeant du MNR était en réalité un champ clos des luttes de pouvoir à peine dissimulées qui l’entraîneront jusqu’à sa perte le 31juillet 1968, juste le temps d’un mandat. En effet, au cours du Congrès constitutif du MNR, on vit déjà apparaître les premières fissures, qui allaient grandissantes avec le temps. La députée Aimée Gnali avait pris la parole pour faire une objection de principe sur le cumul des fonctions, suite à une intervention du Premier ministre Pascal Lissouba relative à la formation de la liste des congressistes devant accéder au Comité Central. Remarquons en passant que l’intervention de la députée Gnali fut très applaudie et entraîna des remous dans la salle. Dans un souci d’apaisement, le Premier ministre Pascal Lissouba sollicita du Bureau du Congrès le retrait de son nom de la liste des congressistes postulant au Comité Central et proposa son remplacement par Augustin Nkombo, ingénieur et agronome. Par solidarité, les membres du gouvernement présents au Congrès adoptèrent la même posture que le Premier ministre, alors qu’ils ne manquaient ni de bonne volonté ni de mérite. Cet épisode eut pour conséquence de vider le Comité Central d’une partie significative des cadres qui avaient contribué à l’avènement du MNR. C’est ainsi que dès le départ, on s’était installé dans une dualité Parti-Gouvernement à peine perceptible. Il faut retenir que le Président Massamba-Débat n’avait pas été présent au Congrès au moment de l’élection des membres du Comité Central, voire durant tout le Congrès, excepté à l’ouverture. Sur proposition des délégués de la JMNR au Congrès, il avait été élu membre du Comité Central et - 73 -

Secrétaire général du Parti, cumulativement avec ses fonctions de président de la République. Cette absence inopportune explique probablement le caractère définitif que prendra l’auto exclusion du Premier ministre Lissouba du Comité Central aux conséquences jusque-là insoupçonnées. Ce précédent ne pouvait à terme que préjudicier la cohérence qu’exigeait l’animation des rapports nécessaires entre le Gouvernement et le Comité Central, par le président de la République, Secrétaire général du Parti, dans la mesure où Pascal Lissouba était demeuré Premier ministre après le Congrès. Ambroise Noumazalaye, ancien militant de la FEANF*, récemment rentré au Congo en compagnie de Claude Ernest Ndalla et de Jean Baptiste Lounda qui allaient se révéler comme des militants éminents par la suite, avait été élu 1er Secrétaire du Comité Central, secondant ainsi le Président Massamba-Débat au niveau du Parti. Le 1er Secrétaire du Comité Central du Parti Ambroise Noumazalaye et le Premier ministre chef du Gouvernement Pascal Lissouba qui se connaissaient bien, étaient entrés rapidement dans un conflit de compétence qui impliqua l’éclaircissement des rapports entre le Comité Central du Parti et le Gouvernement. Alors que le 1er Secrétaire soutenait que le Parti dirigeait l’Etat, le Premier ministre affichait par contre une indifférence déconcertante. Sûrement qu’il n’en pensait pas moins. Cette divergence de principe dégénéra très vite en un conflit de personnes qui allait laisser des traces indélébiles. C’est dans ce contexte que le Premier ministre Pascal Lissouba finit par démissionner. Il laissa derrière lui un lourd contentieux, l’affaire de l’assassinat de Matsokota, Pouabou et Massoueme, hauts fonctionnaires de l’Etat, présumés être des « traîtres à la Révolution ». Affaire rendue inextricable par le silence du Bureau Politique et par l’inertie du Gouvernement qui n’avaient jamais engagé la moindre poursuite à ce sujet. L’opinion de la rue avait fini par s’identifier à la vérité dans cette affaire. Le flou qui en ressortit - 74 -

même à la Conférence nationale souveraine de 1990 en dit long. Cet incident malheureux qui a défrayé la chronique pendant près d’un quart de siècle et qui est à l’origine de divisions ethniques restées tenaces, a porté préjudice à l’Unité de la nation. Ce que l’on aurait pu éviter si le Bureau Politique du MNR avait su prendre ses responsabilités. Le Premier ministre Lissouba, démissionnaire avait été remplacé par le 1er Secrétaire du Parti Ambroise Noumazalaye. Cette transmutation donna lieu à des divisions de tendances au sein du MNR à peine voilées. Dans ce jeu de rapports de force permanent, le Premier ministre Pascal Lissouba n’étant pas membre du Comité central ne pouvait à terme que subir le sort qui fut le sien, même si ses rapports avec le Président Massamba-Débat étaient plutôt cordiaux, quoique nourris par des non-dits souvent pernicieux. Quant aux rapports du Président Massamba-Débat avec le 1er Secrétaire, nouveau Premier ministre leurs rapports furent entendus, mais tendus. C’est dans cette atmosphère délétère qu’eut lieu le 2e Congrès ordinaire de la JMNR qui n’avait laissé personne indifférent, dans la mesure où le MNR et la JMNR se tenaient. La JMNR était considérée à cette époque comme « le fer de lance de la révolution ». Les principaux protagonistes de ce Congrès furent André Hombessa, Président sortant et Ministre, réputé être proche du Président Massamba-Débat et Martin Mbéri 1er Vice-président sortant et Commissaire du gouvernement dans les Plateaux dont les accointances avec l’ancien Premier ministre Pascal Lissouba étaient de notoriété publique, Ange Diawara, 2e Vice-président sortant et chef de la Défense Civile qui attendait discrètement son heure au bord politique peu explicite même si aux yeux de l’opinion militante, son intégrité révolutionnaire restait sans faille. Les luttes pour le pouvoir et les stratégies personnelles internes au Bureau politique s’entrecroisaient, se mêlaient et se démêlaient. Ce qui avait empêché cette instance de jouer son - 75 -

rôle d’orientation des travaux du congrès de la JMNR qui relevait bien de sa compétence. C’est donc un congrès qui se tint hors de l’orthodoxie statutaire. Et comme par un heureux concours de circonstance, le congrès de la JMNR se trouva libre de choisir ses dirigeants. Le choix du congrès se porta largement sur la candidature du 1er Vice-président sortant Martin Mbéri, au détriment du Président sortant André Hombessa présumé être surchargé par sa fonction de Ministre, selon l’opinion qui avait prévalu au sein du congrès. La logique semblait être respecté : contre toute attente, le Bureau politique du MNR sous la présidence du Secrétaire général du Comité Central et président de la République, Massamba-Débat, et en présence du 1er Secrétaire, Premier ministre Ambroise Noumazalaye, en violation flagrante des statuts et du principe de la primauté de l’Unité Révolutionnaire, mit fin aux travaux du Congrès et annula les résultats des travaux. Ce qui entraîna ipso facto la non élection de Martin Mbéri à la tête de la JMNR, alors que le congrès venait de reconduire « debout et par acclamation » toute l’équipe sortante composant la direction de la JMNR, sur proposition du président nouvellement élu. Cette décision insolite et anti statutaire fut renforcée par un transport des unités armées de la Défense Civile sur les lieux du Congrès. Si cela n’avait pas été un coup d’Etat, c’était au moins un coup de force à n’en point douter. Il se solda, après une vague tentative de réconciliation dont personne ne voulait, ni le Président Massamba-Débat, ni Ambroise Noumazalaye, par la nomination du chef de la Défense Civile à la tête de la JMNR, en remplacement de Martin Mbéri, celui-ci ayant rejeté tout compromis mettant en cause la souveraineté du Congrès de la JMNR, ceci d’autant plus que le Bureau politique avait trahi son devoir, n’ayant donné préalablement aucune orientation au Congrès.

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Le Bureau Politique venait de créer un précédent contraire à ses principes mettant en cause le fondement de sa propre légitimité. Après ce congrès le Capitaine Marien Ngouabi, qui s’était déjà signalé avec l’affaire du saccage du Bureau politique du MNR attribué à des activistes présumés être d’origine koyo comme lui, avait repris du service. Ses entrées dans les cercles politiques et la désinvolture qu’il affichait ostensiblement face au pouvoir établi, ne laissaient pas les services indifférents. Le Capitaine Ngouabi se trouvait en réalité dans une posture de rébellion caractérisée. Les connivences du Premier ministre Noumazalaye avec ces milieux troubles existaient… Telle avait été la conviction profonde du Président Massamba-Débat. Cette situation équivoque ne pouvait pas durer plus longtemps. Il valait mieux prévenir que guérir. Par un coup d’Etat constitutionnel sans équivoque, le Premier ministre Ambroise Noumazalaye fut déchu de ses fonctions. En effet, le président de la République, en violation flagrante de l’article 40 de la Constitution du 22 juillet 1964, cumula la fonction de Premier ministre avec sa fonction de président de la République. Après la grande fracture intervenue au niveau du Comité Central du Parti avec l’adoption de la charte du MNR, intervint cette fois-ci la rupture fatale avec le coup d’Etat constitutionnel qui fortifia le président de la République comme leader du Parti et remit en cause, à son profit, les fragiles équilibres qui existaient encore depuis le départ du Premier ministre Pascal Lissouba. Cette mesure visait à passer l’éponge sur la fin calamiteuse du 2ème Congrès de la JMNR. Le Bureau politique n’était plus qu’une coquille vide ayant perdu toute sa légitimité aux yeux des militants de la gauche du Parti qui comptaient parmi les activistes les plus chevronnés. C’est sans surprise qu’intervint, dans les mois qui suivirent, le coup d’Etat du 31 juillet 1968 perpétré par une - 77 -

coalition Armée-Défense Civile sous la conduite du Capitaine Marien Ngouabi et tous ceux qui avaient des comptes à régler avec le Bureau Politique du MNR, tant par son orientation que par les mesures graves qu’il venait de prendre : le coup d’Etat constitutionnel et l’annulation des résultats des travaux du Congrès de la JMNR. Le coup d’Etat du 31 juillet 1968 réhabilita la Charte du MNR, consacra une transition préparant l’avènement du PCT qui représentait le prolongement de la charte du MNR et la naissance sur cette base, du premier parti marxiste-léniniste de l’Afrique centrale, conformément à son auto proclamation le 31 décembre 1969. III – La question idéologique Si la création du parti unique allait de soi, il n’allait pas de même de son orientation idéologique. La commission constitutionnelle du 16 février 1961 et le congrès constitutif du MNR firent du choix idéologique une priorité. C’est ainsi que le MNR finit par se projeter et s’autoproclamer comme un mouvement révolutionnaire dont l’action était guidée par le Socialisme Scientifique. Dès la clôture du congrès, le Président Massamba-Débat, qui ne contesta pas ce choix du Socialisme Scientifique en soi comme idéologie du Parti, douta de sa pertinence et se demanda s’il ne s’agissait pas d’un mimétisme et souhaita qu’on en fasse un usage conforme à « nos réalités ». Ces nuances qui allaient du doute à la négation allaient ouvrir la voie aux différences d’interprétation du Socialisme Scientifique qui allaient dominer la vie du parti jusqu'à l’adoption de la Charte du MNR au cours d’une session du Comité Central, voire après. Toutes ces péripéties montrent que le MNR avait été idéologiquement traversé par deux visions ou courants idéologiques : la vision révolutionnaire du Président - 78 -

Massamba-Débat qui était une vision pragmatique et humaniste de l’action révolutionnaire. C’était la vision dominante qui avait entraîné la création du Parti et l’adoption de la Charte du MNR et, en face, l’orthodoxie révolutionnaire assise sur l’application stricte du Socialisme Scientifique. Pascal Lissouba et Ambroise Noumazalaye apparaissent comme les chefs de file de cette tendance. Il convient donc de signaler dès le départ que la révolution avait été le lot commun de tous les partisans du MNR. Ils se divisaient dès lors qu’il s’agissait de répondre à la question : « quelle révolution, comment la faire et avec quels instruments ? » IV – Les fondamentaux du programme du MNR Le MNR en tant que parti politique révolutionnaire visait la transformation de la société en vue de la construction d’une société socialiste. Dans cette optique, la construction d’une économie dite indépendante constituait l’axe fondamental de son action. Il considérait également que cette action de construction devait être appuyée et accompagnée dans deux directions concernant au premier chef l’homme. Ce qui explique l’accent mis sur l’éducation et la formation d’une part, et la santé des populations d’autre part. Il est à remarquer que le processus qui avait conduit à l’indépendance économique s’appuyait sur les secteurs classiques que sont la terre et l’agriculture, les forêts, l’énergie et les transports, les industries pour ce qui est de la production, le commerce et les échanges comme suite logique de cette production. La question de la monnaie avait été traitée de façon quelque peu lapidaire, voire irresponsable, en confirmant tout simplement l’appartenance à la zone-franc du Congo. Tout paraissait comme si la monnaie n’avait pas une place centrale, sinon décisive dans la mise en œuvre et la gestion d’une économie. Toute cette action devait conduire étape après étape au - 79 -

socialisme, même si sur le plan économique, ces étapes n’avaient pas été clairement définies. L’étape de la démocratie nationale par exemple, resta un concept aux contours mal définis au moins dans sa corrélation avec l’évolution économique. Il y eut derrière tout ce discours des sous-objectifs comme l’accès au plein emploi et la fin du chômage endémique et l’amélioration accélérée des conditions d’existence des populations. La production devait s’asseoir sur quelques principes d’action : - produire tout ce que le Congo peut produire et contrôler toute importation des produits similaires ; - encourager par tous les moyens la consommation des produits locaux ; - viser le niveau de production le plus élevé ; - développer la consommation des produits locaux en vue d’encourager la production nationale et d’améliorer les conditions d’existence des citoyens ; - importer tout ce qui est peu demandé et ce que l’on ne peut produire et cela sur la base des intérêts réciproques. Il s’agissait en fait d’une planification de l’ensemble des activités économiques, pour atteindre cet objectif stratégique qui était la construction du socialisme. Le programme avait mis en exergue les principes suivants : - la place fondamentale du peuple dans le processus de développement qui doit compter d’abord sur ses propres forces. L’aide est nécessaire, mais ce n’est qu’un appoint ; - la possession par le peuple de tous les moyens de production, c’est-à-dire l’organisation d’un secteur d’Etat capable de diriger et d’organiser les efforts du peuple vers le progrès de tous. Il convient néanmoins de retenir que le secteur d’Etat n’est pas exclusif de tout autre secteur. Il faut bien - 80 -

d’autres secteurs comme le secteur coopératif, le secteur privé qui sont envisageables. C’est sur la base de ces fondamentaux qu’avait été bâti le programme de développement du MNR, qui pouvait être configuré dans ces grandes lignes selon les axes rapportés et précisés dans les paragraphes qui suivent.  La terre et l’agriculture La terre est la propriété du peuple tout entier, chacun dispose librement du produit de la terre, fruit de son propre travail. L’Etat, au nom du peuple, réglemente la propriété collective de la terre. L’agriculture est le support de l’industrialisation dont dépend le développement. L’agriculture crée l’industrie et lui offre son débouché. La production agricole, étant donné la sous-alimentation, ne doit pas seulement s’orienter vers l’exhortation mais viser aussi l’organisation et le développement du marché intérieur. La diversification des cultures, la transformation et la conservation des produits agricoles, le développement de l’agriculture en général doivent permettre de couvrir la consommation nationale et servir de base à la fixation des populations rurales.  Les mines, forêts, énergie et transports Les richesses naturelles du sous-sol et celles des forêts, les ressources énergétiques naturelles, les voies navigables naturelles, les infrastructures fondamentales (voies ferrées, ports, aéroports, barrages) sont propriété du peuple tout entier. Par dérogation à ces droits exclusifs d’exploitation au profit du peuple, l’Etat définira par la loi les modalités d’association avec les tiers.

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 L’industrie L’indépendance ne sera assise, le socialisme ne pourra se développer que sur la base du développement de l’industrie. En d’autres termes, le socialisme se construit en s’appuyant sur une puissante industrie. Dans tous les cas, la sidérurgie, l’industrie lourde et légère sont sous contrôle de l’Etat. Le plan définit l’utilisation et les limites de l’intervention du capital privé.  Le commerce et les échanges Le commerce est un moyen d’échange qui règle à la fois les marchés intérieurs et les relations extérieures. L’Etat doit avoir le contrôle du marché extérieur afin de l’orienter. L’organisation du commerce intérieur, le ravitaillement de tous les centres à des prix justes et contrôlés : cela implique une rationalisation des circuits de distribution. Dans cet ordre d’idées, peuvent se trouver en présence le secteur d’état coopératif et le privé. Venons-en à l’éducation, l’enseignement et la santé. L’éducation constitue la base de la nation. Sans elle, pas de progrès, pas de socialisme. L’enseignement est à reformer mais d’une manière rationnelle : il ne sert à rien de rénover lorsque cette rénovation ne permet pas à l’homme de s’intégrer consciemment dans son milieu global. L’enseignement suivra les priorités du développement national et mettra l’accent sur l’orientation scientifique de l’enseignement pour toutes les disciplines. Quant à la santé, comme l’a dit un sage vietnamien : « si pour une société, l’homme est le capital le plus précieux, la santé est le capital le plus précieux pour l’homme ».

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L’effort dans le domaine sanitaire doit s’orienter avant tout vers la prévention des maladies reléguant au second plan la médecine curative considérée dès lors comme un simple maillon de la prophylaxie en général. L’éducation sanitaire, la lutte contre les grandes endémies et les vastes compagnes de vaccination constituent une priorité dans le cadre de cette médecine préventive. Les mesures urgentes à prendre consistent en l’installation de centres pré-hospitalisation de protection maternelle et infantile pour les grandes villes, et dans la création d’unités chirurgicales médicales pour les souspréfectures. Le pays constitue encore, en ce qui concerne les produits pharmaceutiques, un grand marché pour l’exploitation capitaliste. Le gouvernement est tenu d’ouvrir le marché avec tout pays dont le prix de revient des médicaments est plus avantageux. Enfin, il faut accélérer le processus de création des pharmacies populaires. L’Etat doit progressivement tendre à prendre entièrement à sa charge la production, l’achat et la vente des médicaments. Enfin, des études systématiques seront entreprises pour revaloriser les facteurs positifs de notre médecine traditionnelle. Le médecin congolais ne doit faire montre d’une inculture étroite et d’une absence d’esprit scientifique en affichant un souverain mépris à l’endroit des acquisitions positives de cette médecine traditionnelle. Le développement de cette branche de la production, la fabrication des produits scientifiques, affirmera dans ce domaine notre indépendance vis-à-vis de l’étranger. Ce programme nous donne un éclairage sur les préoccupations du MNR visant essentiellement l’indépendance nationale qui n’était pas mis en perspective par les pères de l’Indépendance pour des raisons propres à cette époque. Nos élites étant limitées dans leur nombre et n’ayant pas le recul nécessaire par rapport à l’irruption de l’indépendance le 15 août 1960, trois ans plus tard, le MNR tenta de solder un - 83 -

déficit inadmissible. Si le projet du MNR pour le Congo n’avait pas été la solution idoine pour nous sortir du carcan de la domination coloniale, ce fut ce qu’il fallait chercher à comprendre. Ce projet avait néanmoins le mérite d’exister et d’avoir vu le jour au moment que nous croyions opportun, caractérisé par la manifestation d’une volonté de changement sans conteste : les 13, 14 et 15 août 1963. Dans la recherche des voies et moyens conduisant notre pays au modernisme, le programme du MNR inspirera encore pendant longtemps nos politiques dans la mesure où l’intérêt national était sans contexte au centre des préoccupations de ce programme. La République, sous le MNR, avait fait des avancées qui peuvent toujours nous servir de modèle. Il nous reste à nous poser une question fondamentale : le MNR avaitt-il échoué ou avait-t-il tout simplement subi une mutation engagée par son aile la plus radicale qui deviendra le PCT, mutation à son profit, mais finalement préjudiciable à l’action révolutionnaire dans son ensemble ? Sigles et indications *PPC : parti progressiste congolais *UDDIA : union démocratique de la défense des intérêts africains *MSA : mouvement socialiste africain *SFIO : section française de l’internationale ouvrière *RPF : rassemblement du peuple français *GPES : groupement pour le progrès économique et social *UDSR : union démocratique socialiste de la résistance *UMC : union du Moyen-Congo *Affaire Biyahoula : Biyahoula fut un syndicaliste d’obédience catholique de la Confédération Africaine des Travailleurs Croyants (CATC), fortement impliqué dans l’action révolutionnaire des 13, 14, 15 août 1963. Se sentant - 84 -

menacé par la Révolution, il se déguisa en dame congolaise pour rejoindre l’autre rive du Congo. Il fut rattrapé par les militants de la JMNR au cours de leur mission de vigilance la nuit. Présumé « contre-révolutionnaire », son arrestation sera au niveau d’un exploit héroïque sublimant la JMNR élevé au rang « d’ange gardien » de la Révolution. Cette affaire restera célèbre jusqu’au coup d’Etat du 31 juillet 1968 qui marque une nouvelle étape dans le processus révolutionnaire. *8 février 1964 : fête de la jeunesse remémorant la mise en fuite des mercenaires revenus de Kinshasa dans le but de renverser le régime révolutionnaire au profit de l’ancien régime *FEANF : Fédération des étudiants de l’Afrique noire en France

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CHAPITRE 3 L’ERE DU PCT 1968-1990

Par Camille BONGOU INTRODUCTION Pour mieux comprendre l’avènement d’un parti politique se réclamant ouvertement du marxisme au Congo, en pleine « guerre froide », l’évocation de quelques faits historiques est nécessaire. Ces éléments d’histoire permettront de mieux lire les opinions idéologiques, le mode de fonctionnement et les principes d’organisation du Parti congolais du travail (P.C.T), de mieux déchiffrer les causes des turbulences internes, d’expliquer les choix audacieux en matière économique et les risques pris en matière de politique étrangère. I- Eléments d’histoire Le grand séisme de la longue Seconde Guerre mondiale, qui avait permis - ainsi qu’il a été déjà expliqué dans les chapitres antérieurs de cet ouvrage- l’avènement des partis politiques au Congo et leur alignement sur les positions des partis dits métropolitains (français), avait aussi, par ses conséquences, lié plus étroitement les élites congolaises avec la société française, avec les hommes et les femmes de toutes conditions, avec la culture fondamentale de ce pays, avec les courants philosophiques du monde tels qu’ils étaient vécus en France même. - 87 -

Les anciens combattants, les employés en affinité marquée avec leurs patrons, les stagiaires de tous les niveaux, les étudiants, les artistes et les sportifs de renom ont vécu en France pour une longue période et y ont connu tous les mouvements et courants politiques à la mode : ceux venus de l’Ouest influencés par la construction du modèle libéral américain ; ceux venus de l’Est prolongeant l’influence de l’U.R.S.S et des démocraties populaires d’alors ou encore ceux crées au sein même de la France à partir des causes internes. Les valeurs de la république telles qu’elles avaient été énoncées par les révolutions françaises, notamment celles de 1789 et de 1848, constituaient le socle de la culture politique au Congo. Les compétitions électorales se basaient sur le modèle français. Les partis politiques avaient épousé la typologie de ceux de la métropole dont ils étaient issus. Le P.P.C. (Parti Progressiste Congolais), l’U.M.C. (l’Union du Moyen-Congo) et la S.F.I.O (devenue M.S.A en 1946) se sont identifiés comme des partis de gauche, l’U.D.D.I.A.- R.D.A comme parti de droite et même d’extrême droite, au regard de la sympathie et de la collusion avec des vichystes repentis (Christian Jayle et Albert Fourvelle) assagis lorsque le rapport de force avait changé de camp à la Libération de la France. Au moment d’accéder à l’autonomie interne dans le cadre de la Communauté franco-africaine et sur le modèle de la Quatrième République française, la Constitution de la première République du Congo est rédigée par les seules forces politiques de droite. La coalition des forces de gauche quitte l’hémicycle et la confrontation des deux camps prend le chemin de la conflictualité politique et sociale, en 1958 à Pointe-Noire et en 1959 à Brazzaville. C’est alors que le président de la République, contrôlant l’appareil de l’État, use de la ruse pour instaurer un parti unique de droite, le 10 avril 1963.

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L’impopularité du régime permet à l’intersyndicale, soutenue par les organisations de jeunesse (A.S.C.O, U.J.C, J.O.C, J.E.P, J.E.C) et par la mobilisation populaire, de renverser le régime trois ans seulement après l’indépendance du pays. Ce fut, à l’image de certaines pages de l’histoire française, les « trois glorieuses » à la congolaise. Le président avait mis en avant l’unité nationale pour justifier la création de son parti unique de droite. La manœuvre ayant échoué, les forces de gauche se sont saisies de cette opportunité pour prendre en main les changements qui allaient s’opérer. La chute du régime de droite, provoquée par les courants de natures diverses, dominés cependant par les forces de gauche, débouche sur la création du Mouvement national de la révolution (M.N.R) qui proclame son orientation socialiste. Les courants politiques de droite entrent en clandestinité et développent des formes de résistance variée (messianisme, « syndicat » des élèves et étudiants, syndicat des travailleurs, sectes et ordres secrets…). Cependant, au sein du M.N.R, les contradictions naissent et se développent sur le contenu idéologique à donner au régime, la modération de la ligne politique du parti. Quatre intellectuels, et pas des moindres (Pascal Lissouba, Edouard Sathoud, Henri Lopes et Jean-Pierre Thystère Tchicaya) écrivent une lettre au Président Massamba-Débat pour lui demander de mettre le socialisme entre parenthèses. Pour s’affirmer, le courant dominant engage une lutte implacable contre les autres tendances à l’intérieur et à l’extérieur du parti unique dont la coalition des forces de gauche renverse l’aile au pouvoir et crée un nouveau parti, le Parti congolais du travail (P.C.T.) en décembre 1969.

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II-Considérations idéologiques Le besoin de création d’un parti d’essence révolutionnaire dont le fondement théorique reposerait sur le bien-fondé de la théorie marxiste, avec un mode de fonctionnement obéissant à la théorie léniniste, est né de la difficulté des acteurs du M.N.R à trouver un voie crédible à un engagement susceptible de déboucher à la fois sur la libération effective du pays et de l’Afrique et sur une justice sociale qui passerait par l’égalité des chances, le développement harmonieux de l’ensemble du pays et le recul, voire la disparition de l’exploitation de l’homme par l’homme. Cependant, il n’y avait pas, aux yeux des principaux acteurs de l’époque, l’ombre d’un doute que le pays n’avait pas les moyens de réaliser une révolution sociale de type marxiste. Le Congo était dans la très large majorité de son espace en friches. L’industrie était embryonnaire, l’agriculture archaïque, les terres d’appartenance clanique, l’organisation sociale de base essentiellement lignagère, les voies de communication terrestres dérisoires et défectueuses, l’enclavement de l’hinterland récurent, les réseaux des fleuves et rivières presque sans navigation motorisée, les ports presque sans bateaux. Quant au commerce, tous les rouages étaient tenus par les anciens maîtres du pays (les français) au niveau de l’importexport, tandis que d’autres Européens, portugais et grecs notamment, tenaient le petit commerce. Les mines et hydrocarbures sous contrôle étranger, ne bénéficiaient qu’aux seuls maîtres d’hier, encore présents et décidés à ne rien lâcher d’où le maintien de la zone de défense d’Outre-mer n°2, avec bases militaires à Brazzaville et Pointe-Noire. Bref, le pays continuait d’être dominé, exploité en même temps qu’il accusait des faiblesses réelles en matière de ressources humaines : cadres supérieurs presque inexistants, cadres - 90 -

moyens en nombre très insuffisant, administration publique tenue par les fonctionnaires coloniaux, armée nationale embryonnaire (une compagnie). En ce qui concerne la politique sous-régionale, l’isolement est presque total. Au Congo Kinshasa, Lumumba en difficulté est assassiné avec la complicité de ses compatriotes, et sur ordre des services secrets extérieurs. L’Angola et l’enclave de Cabinda, sont occupés et dominés par la plus féroce dictature européenne de l’après grande guerre, celle d’Olivera Salazar du Portugal. Le Gabon opte pour un alignement sans faille sur l’ancienne puissance coloniale. En Oubangui-Chari, le prélat nationaliste Barthélemy Boganda perd la vie dans des conditions pour le moins troubles et suspectes. Le Cameroun est en rébellion sous la direction de l’Union des Populations du Cameroun (U.P.C) de Ruben Um Nyobé. Au plan international, les forces politiques de gauche ont perdu le pouvoir en France, et les services secrets français se chargent de traquer tous les nationalistes indépendantistes partout dans le continent, particulièrement dans les anciennes colonies françaises. Par contre, les forces du progrès dans le monde constituent des alliés sûrs pour tous ceux qui aspirent à la libération totale du continent. Les idées révolutionnaires sont diffusées par les pays de l’Est (U.R.S.S, Chine, autres pays socialistes) comme jamais auparavant. Elles embrasent le Tiers monde, et la Conférence de Bandœng scelle l’alliance entre les opprimés du monde et les pays indépendants désireux de donner la main aux indépendantistes des pays sous domination coloniale. Pour survivre, se donner des chances de durer et de voir leurs rêves se réaliser, participer effectivement au combat pour la libération de l’ensemble du continent africain aux côtés des forces sûres, engagées depuis longtemps sur cette voie avec des résultats probants, les révolutionnaires congolais ont choisi le socialisme scientifique comme guide de leur action. - 91 -

Se rendant bien compte que sans industrie, sans agriculture modernisée, sans système de transports efficaces, sans un système éducatif de bon niveau (donc des cadres performants), sans armée, sans police digne de ce nom, sans organisation politique bien structurée, sans mobilisation très large des forces populaires, sans système de production performant, il est impossible d’aller droit au socialisme. Il fallait bien passer par une étape de transition, celle de la révolution nationale démocratique et populaire tel que défini par le 2è congrès extraordinaire de décembre 1972. III-Principes d’organisation du PCT (1969-1972) Les militants révolutionnaires, membres du P.C.T., devaient se recruter principalement dans les couches populaires (ouvrières et paysannes) et parmi les intellectuels révolutionnaires, en fait initiateurs du projet. Une fois à l’intérieur du parti, les militants s’organiseraient en cellules, sections et fédérations pour mettre en place un comité central dont serait issu un Bureau Politique. Le sacro-saint principe étant que les fonctions dirigeantes au sein du parti devraient s’assurer à l’issu d’une élection au scrutin secret. Le congrès constitutif du P.C.T de décembre 1969 s’est déroulé comme il convenait qu’il se déroulât, c'est-à-dire dans le strict respect des principes convenus et en conformité avec les règles préalablement établies. Si ce congrès a tenu ses promesses, la gestion de l’après congrès n’a pas permis de prolonger cet esprit de fidélité aux principes. La structuration à l’échelon intermédiaire et de base n’a pas suivi rapidement, sauf dans l’armée. Le P.C.T à Brazzaville a continué à fonctionner dans une relation directe entre le dirigeant principal, la base du Parti et le peuple dans un populisme total où aucune règle n’ordonne réellement le débat. - 92 -

Pendant ce temps, l’agressivité des forces opposées au P.C.T. redoublait d’intensité pour culminer le 23 mars 1970 avec l’attaque perpétrée par des éléments armés venus du Congo Kinshasa, après avoir subi un entraînement intensif du côté de l’Angola de Salazar. La complicité au sein de l’armée, les suspicions parmi les cadres commencent à miner la sécurité et l’espoir de l’après-congrès constitutif. On a alors assisté à une bataille sourde entre les membres du parti au sein même du P.C.T. Rappelons que le gros des forces en son sein était constitué par des éléments jeunes issus du mouvement qui a renversé le M.N.R du Président Alphonse Massamba-Débat, le 31 juillet 1968. D’un côté, les motivations qui les ont conduits à s’engager dans la lutte politique continuaient d’inspirer leurs pratiques, les débats, les réformes, la mobilisation pour imposer la ligne qu’ils croyaient juste. De l’autre côté, on militait pour la prudence, l’efficacité technique, le changement mesuré, réalisé à cadence raisonnable. Si le débat idéologique, les reformes dépassant l’ordre ancien agacent les uns, la tiédeur dans l’engagement, une certaine résistance aux changements, exaspèrent les autres. D’autres forces à l’extérieur du parti, mais qui tenaient les rennes de l’Etat, se manifestent pour appuyer le courant qui pourrait garantir leurs intérêts, tandis que les forces d’origine étrangère rivalisent d’ardeur pour arrêter le processus révolutionnaire, pour les uns lui donner plus de consistance et plus de force, pour les autres dans un contexte général de guerre froide et de rivalité Est-Ouest. C’est dans cette conjoncture de tension permanente qu’un mouvement de grève des élèves et étudiants est déclenché et prend une allure de contestation des institutions, de dénonciation de certains dirigeants. L’impétuosité des jeunes révolutionnaires se heurte à la résistance résolue des aînés expérimentés, qui redoutent - 93 -

l’incertitude du changement. La machine s’emballe, et c’est la rupture le 22 février 1972. L’aile des anciens dirigeants de la jeunesse qui perd la partie est frappée durement avec pour conséquence la disparition tragique de certains de ses éminents dirigeants dans des conditions non encore élucidées. IV- Le PCT (1972 - 1988) Après l’écrasement de l’aile gauche, jugée trop radicale, le P.C.T. doit faire face à des tendances opposées de droite qui doivent également être réprimées : le courant « droitier » qui dénonce la survivance de la politique du M.N.R à Pointe-Noire et les « youlistes » à Brazzaville, qui adressent une lettre pamphlétaire chaque semestre au président du P.C.T. Dans la foulée, un coup d'Etat est imaginé contre une tendance jugée bourgeoise, attribuée à Maurice Stéphane Bongho-Nourra, Tantsiba et Awassi Habib. Cette exclusion crée un vide pour la représentation politique de la partie Ouest de la région de la Cuvette, qui commence à revendiquer une autonomie. Les « événements d'Owando » en 1976 accélèrent cette revendication d’autonomie régionale à caractère communautaire, dont le but est de diviser cette région administrative, la plus grande du pays en superficie à cette époque. Le Président Marien Ngouabi se trouve constamment partagé entre les révolutionnaires et ses proches, préoccupés par son émancipation politique et le contrôle effectif des rênes du pouvoir. Pour assurer ce contrôle, ils tissent une toile de sécurité militaire et politique. Parmi ces proches, on compte des personnalités de plusieurs tendances du P.C.T. Pour combler le vide créé par l’élimination du M22, le P.C.T s'ouvre au courant modéré incarné par Pascal Lissouba, Martin Mbéri, Hilaire Mounthault, Gustave Aba-Gandzion,

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Bernard Mougounga-Nguilla…,à l’occasion du 2è congrès extraordinaire du P.C.T. Ce courant modéré propose un avant-projet de programme du P.C.T et une redéfinition politique de l'étape débaptisée : Révolution Nationale, Démocratique et Populaire, publié sous la forme d’un opuscule intitulé Vers un Programme du P.C.T. Ces changements politiques entraînent des réformes au plan constitutionnel. Il s’agit de : - la réhabilitation de l'Assemblée suspendue depuis le 12 janvier 1968 par le Président Alphonse Massamba-Débat ; - la création d'un Conseil d'État chargé des questions stratégiques et politiques du régime ; - la restauration du poste de Premier ministre, président du conseil des ministres ; - la création de la police politique (Sécurité d’Etat). Sous l'impulsion de l'aile syndicale et des organisations de masse du parti, le congrès de 1973 adopte la célèbre formule de la trilogie déterminante pour cogérer les administrations et les entreprises publiques. Désormais, les décisions de gestion publique sont prises en trilogie et dans le respect du principe dit des trois « co », à savoir : codétermination, cogestion et coresponsabilité. Cette forme de gestion est assurée par les trois institutions publiques (administration, syndicat, parti et organisations de masse). Un prélèvement automatique dit Tchek off est effectué sur le salaire de tous travailleurs pour alimenter un fonds de fonctionnement du syndicat unique, en l’occurrence la Confédération Syndicale Congolaise (C.S.C). Cette réforme ne règle aucun problème de fond de nature à atténuer la crise politique, financière et sociale qui continue à s’accentuer dans le pays.

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Face à cette crise politique, l'équipe des compagnons et fidèles, formée autour du Président Marien Ngouabi, ne se présente pas de façon homogène au plan idéologique. Les proches du Président Marien Ngouabi profitent du procès du M22 pour affaiblir la gauche modérée. Henri Lopes est choisi pour présider une « Cour révolutionnaire » qui doit juger ses propres compagnons comme Pascal Lissouba. En 1975, le P.C.T. organise pour la première fois une conférence des entreprises publiques qui reconnaît officiellement, dans la célèbre déclaration du 12/12/75, l'échec du programme triennal au début de son exécution, ainsi que le gouffre financier généré par les entreprises d'État. Le Président Marien Ngouabi, pourtant attiré par les universitaires et technocrates (Jean-Pierre Thystère Tchicaya, Théophile Obenga, Jean-Baptiste Taty Loutard, Rodolphe Adada, Joseph Elenga Gamporo, Marius Mouambenga, Alphonse Boudo Nesa, Daniel Abibi, Antoine Ndinga-Oba, Dr Antoine OssebiDouniam, ...), durcit paradoxalement la ligne politique du P.C.T en proclamant la radicalisation de la révolution et crée un « Etat-major révolutionnaire ». Les réformes politiques et institutionnelles interviennent dans un environnement économique plus favorable, marqué par le premier boom pétrolier. Sur cette base, l'État adopte un programme triennal (1975-1977) de 75 milliards de F CFA, dont l'exécution se révèle catastrophique au plan financier. L’application des réformes touchant à la gestion collégiale des entreprises se traduit par des résultats qui aggravent les difficultés financières de l'État. Un nouveau gouvernement est formé sous la direction du commandant Louis Sylvain Goma, avec une entrée remarquée des universitaires (Rodolphe Adada, Théophile Obenga, JeanBaptiste Taty Loutard, François Okobo...). L'unité des exclus du système est automatiquement constituée dans un climat politique dominé par la préparation - 96 -

d'un 3è congrès extraordinaire du P.C.T pour consacrer la volonté de renouvellement du personnel politique. Profitant de la déclaration du Premier ministre Louis Sylvain Goma sur le sombre état des lieux, le syndicat organise une grève générale en mars 1976, sous l'instigation des principaux déchus, à la suite de la déclaration du 12.12.75. Cette grève échoue et ses instigateurs sont arrêtés et dispersés dans les administrations et unités de production de l’intérieur du pays. L'atmosphère politique est de plus en plus surchauffée. Une conférence du P.C.T est convoquée la même année (1976) pour essayer de trouver un compromis politique à cette crise. L'aile dure du P.C.T incarnée par Pierre Nzé, persiste dans sa position de rigueur idéologique. Cette conférence se termine en queue de poisson (démission de Pierre Nzé du P.C.T). Le Président Marien Ngouabi accélère alors la préparation du 3e congrès extraordinaire du parti, en vue du renouvellement du groupe dirigeant. L’issue de ce processus politique sera dramatique. La tentative de réconciliation avec les compagnons politiques s’est soldée par un échec à la conférence du P.C.T en 1976. Le Président Marien Ngouabi est en difficulté et procède à des consultations politiques avec : les cadres politiques du M22 ; l’ancien président Alphonse Massamba-Débat ; le clergé catholique (Cardinal Emile Biayenda) ; plusieurs personnalités congolaises et cadres supérieurs de l’Etat. -

Le Président Marien Ngouabi sent venir le danger ; un complot se trame contre lui. A l’occasion de la fête des femmes, le 8 mars à l’Hôtel de ville de Brazzaville, il fait une déclaration prémonitoire : « si ton pays est sale, il se lave par le sang ». - 97 -

Et le 18 mars 1977, il est assassiné dans sa résidence en pleine journée. Un comité militaire du parti voit le jour et se compose comme suit : Joachim Yhomby Opango, Denis Sassou Nguesso, Louis Sylvain Goma, Jean-Michel Ébaka, Raymond Damase Ngollo, François Xavier Katali, Martin Mbia, Pascal Mbima, Pierre Anga, Nicolas Okongo et Florent Ntsiba. Pourquoi le P.C.T et la République Populaire du Congo qui sont nés le 31 décembre 1969, n’adoptent le programme du parti que lors du 2è congrès extraordinaire tenu du 27 au 31 décembre 1972 après la grande « secousse » enregistrée par le parti le 22 février de la même année ? Pourquoi le P.C.T tientil trois congrès en trois ans alors que les congrès statutaires sont prévus tous les cinq ans (1969, 1970, 1972) ? Pourquoi les statuts du parti sont-ils révisés plusieurs fois, notamment au premier congrès extraordinaire du 30 mars au 1er avril 1970, au deuxième congrès extraordinaire du 27 au 31 décembre 1972, au troisième congrès ordinaire de juillet 1984 (modification de l’article 6)… ? Toutes ces incohérences, toutes ces contradictions, tous ces dysfonctionnements, toutes ces tensions politiques n’expliquent-ils pas en grande partie les turbulences connues ? Face à l’étendue des tâches, face aux ambitions affichées, face à l’envergure du programme du parti adopté, le P.C.T avait-il l’expérience et les ressources humaines et politiques pour venir à bout de tous ces obstacles ?

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Quelques indications chronologiques des événements, de 1969 à 1977 Evénements

Dates/Périodes

Naissance du P.C.T et de la République Populaire du Congo

31 décembre 1969

Attaque d’un commando des forces de droite contre le P.C.T

23 mars 1970

Premier congrès extraordinaire du P.C.T

30 mars au 1er avril 1970

Discours critique du Président Marien Ngouabi (grève)

23 novembre 1971

Mouvement des forces de gauche dit M22

22 février 1972

Conférence nationale à la demande des forces de gauche

31 juillet 1972

Deuxième congrès extraordinaire du P.C.T

27 au 31 décembre 1972

Vote de la constitution et des députés de l’Assemblée Nationale

24 juin 1974

Anniversaire des dix années de révolution congolaise

15 août 1973

Deuxième congrès ordinaire du P.C.T

27 au 30 décembre 1974

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Création de l’État-major Spécial Révolutionnaire

12 décembre 1975

Tentative de grève générale des travailleurs

24 mars 1976

Conférence du parti (échec de la révolution)

27 au 30 septembre 1976

Assassinat Ngouabi

du

Président

Marien 18 mars 1977

V- Le Comité Militaire du Parti (C.M.P), de 1977 à 1979, ou la transition de l’insécurité à la paix civile Après la crise politique de1977, le Comité Militaire du Parti se présente devant l’opinion nationale comme une force de médiation qui doit faire barrage à toute dérive de nature à menacer la paix civile, l’unité nationale, ceci sans que soient remises en cause les options fondamentales défendues par les forces de gauche, ni que soit compromise la marche du parti vers son congrès envisagé par le Président Marien Ngouabi. En effet, l’atmosphère créée par la mort tragique du Président Marien Ngouabi en plein palais présidentiel, alors que les troupes étaient en état d’alerte maximum sans que les assaillants ne soient ni maîtrisés, ni formellement identifiés en plein jour, ne pouvait que créer une situation de tous les dangers, empreinte de suspicions de toutes sortes. Dans cette ambiance délétère, tout pouvait arriver. La création du C.M.P., tout en rompant l’ordre constitutionnel, visait la maîtrise de la situation de sécurité et le maintien de l’ordre et de la paix, surtout après l’assassinat du cardinal Emile Biayenda. Cette situation particulièrement trouble où les condamnations à mort succédaient aux assassinats politiques, - 100 -

imposait de l’avis des principaux acteurs de ce temps, des mesures transitoires à durée limitée pour sauver le pays qui sombrait dans l’incertitude. Le C.M.P. a relevé plusieurs défis : celui de la conjuration de l’éclatement annoncé de la nation, celui de l’unité du parti, celui de la partition du pays, celui du contrôle efficace contre l’éventuelle scission au sein de l’armée, celui du maintien de la ligne politique du parti, celui de l’organisation pacifique des obsèques du Président assassiné, celui de la remise au travail des Congolais désireux, sous n’importe quel prétexte, de se montrer plutôt enclin à pratiquer la politique du moindre effort. Le C.M.P n’a donc pas manqué de mérite, mais il devait tous ses succès en grande partie à la dynamique développée depuis quelques années par les forces révolutionnaires. Ces forces en effet tenaient, avant toute chose, à l’unification du pays. Toute la formation politique et idéologique entreprise et réalisée à marche forcée, martelait à souhait le caractère indispensable de l’unité du pays, de son intégrité et de la nécessaire mise en commun des énergies pour vaincre tout ennemi extérieur, tout perturbateur intérieur et contourner les menées subversives de toutes natures. En tant que continuateur de l’œuvre du Président Marien Ngouabi, le C.M.P. se devait aussi de rétablir la légalité au sein du parti, de quitter la situation d’exception pour renouer avec le fonctionnement normal du Parti congolais du travail. C’est à partir de là que le C.M.P s’est fissuré et que son unité a volé en éclat, donnant libre cours à la convocation du troisième congrès extraordinaire du P.C.T. Le remue-ménage était perceptible et d’autres forces du parti que celles ayant perdu en février 1972 avaient repris pour leur compte le combat pour l’assainissement par l’exemple et la fameuse propagande d’incitation positive avec, à la clé, le - 101 -

célèbre slogan du Président Denis Sassou Nguesso « vivre durement aujourd’hui pour mieux vivre demain ». Il est difficile de penser et de dire que les contradictions au sein du Comité Militaire du Parti ne relevaient que de la lutte pour le pouvoir, ainsi que des contradictions, des inimitiés interpersonnelles, ni même des oppositions interethniques. Elles relevaient surtout des dysfonctionnements que le Président Marien Ngouabi avait déjà relevés et dénoncés, et qui lui avait indirectement coûtés la vie. Toute tentative de laisser de côté ce qu’il avait envisagé et qui caractérisait sa ligne politique (qui ne manquait pas de partisans), était interprétée comme de la trahison post mortem. Les tenants de cette ligne se réclamant du Président Marien Ngouabi, conduits par le colonel Denis Sassou Nguesso, non seulement voulaient la tenue du 3e congrès extraordinaire afin de normaliser la vie politique et en revenir à la légalité au sein du parti en lui rendant son rôle dirigeant, mais aussi voulaient rassembler le maximum de forces pour s’attaquer aux problèmes brûlants du moment qui se posaient au pays. Cependant au plan économique, le Congo connaissait une situation très difficile. Les salaires se payaient avec des grands retards. Les avancements étaient bloqués et les tentatives de mettre les personnels du secteur d’État au travail à marche forcée, apparaissaient plus comme relevant des méthodes dictatoriales que du désir de faire aller de l’avant dans un contexte de crise et de pénurie. La tenue du 3e congrès extraordinaire devait rétablir le rôle dirigeant du parti, restaurer la démocratie en son sein en procédant à la remise en place des échelons intermédiaires et de base par des voies démocratiques, revenir à la démocratie au sein du peuple par la remise en place des pouvoirs populaires, se réessayer dans la planification économique par l’amorce d’un programme intermédiaire avant d’aller plus avant dans la remise en ordre de l’économie par la - 102 -

planification, enfin renouer avec le soutien constant et conséquent à la lutte pour la libération de l’Afrique. Il convient de dire que la propagande avant la tenue du 3e congrès extraordinaire était allée peut être trop loin dans la fustigation de certains aspects de l’action du Comité Militaire du Parti, outrepassant les limites du raisonnable. VI- Le P.C.T (1979-1989) Après le 3e congrès extraordinaire, la mise en œuvre de ses résolutions devait aboutir d’abord et avant tout au rétablissement du rôle dirigeant du parti, au retour à son fonctionnement démocratique, au rétablissement des pouvoirs populaires par le choix libre de la majorité, à la remise en ordre de l’économie nationale embourbée dans la crise, à la reprise de l’initiative dans la politique internationale. 1-Le rôle dirigeant du Parti et le retour à la démocratie interne Le congrès lui-même, par son déroulement et ses conclusions, a mis en place une constitution imposant le Président du comité central du parti comme président de la République. Le Président du comité central a choisi parmi les membres du comité central des camarades devant administrer et lancer la compétition électorale (nomination des commissaires dans les régions) pour les élections législatives. Beaucoup de membres du comité central sont élus et contrôlent les rouages du Parlement. La restructuration du parti devait obéir aux exigences de ses statuts qui étaient très explicites quant aux modalités d’élection des dirigeants des différentes instances. Dans l’euphorie et l’enthousiasme, la règle de l’art n’a souvent pas été respectée et surtout une démarche nouvelle est venue perturber le processus d’installation des instances à la base - 103 -

avec un concept clé : la « démocratie dirigée », concept très difficile à rendre intelligible. Une première étape de remise en ordre pour le retour à la démocratie avait été ainsi un peu ratée. C’est ainsi que lors de la mise en place des conseils populaires, certains dirigeants ne se sont pas montrés à la hauteur de la tâche administrative qu’imposait la gestion de l’État dans les régions. Rappelons qu’après le 3e congrès ordinaire de 1984, une tentative de correction a été entreprise. Elle a commencé par un travail d’enquête dans toutes les régions pour déceler les dysfonctionnements. Cette vaste enquête fut menée par le parti lui-même et par le ministère dont les fonctionnaires maîtrisaient la règle de l’art en matière d’administration du territoire. L’enquête consistait à observer physiquement sur l’ensemble du territoire national le fonctionnement du parti à la base et à l’échelon intermédiaire, déceler les anomalies, proposer des remèdes. Cette opération de grande envergure a permis de déterminer les causes des maux qui minaient le parti à tous les niveaux. Les expériences d’animation concrète sur le terrain, sous le pilotage direct des dirigeants au niveau national ont été effectuées sur des échantillons (entité territoriale) de ville et de campagne. Après avoir tiré des leçons, l’expérience a été étendue à l’ensemble du pays. Pour renforcer le pouvoir populaire, de concert avec le ministère de l’intérieur qui en assurait la tutelle, un travail similaire s’est opéré en même temps grâce à la formation assurée avec compétence par des hauts fonctionnaires spécialisés en la matière. Et enfin, sous l’autorité du Président du comité central, un vaste déploiement de l’ensemble de la hiérarchie du parti a clôturé en apothéose cette grande opération de rectification. Profitant de ces moments de grande mobilisation et d’enthousiasme populaire, le Président du Comité central, chef - 104 -

de l’État, a indiqué la liaison à faire entre le fonctionnement régulier et réglementaire du parti avec celui du pouvoir populaire d’une part, et entre ce dernier et la mise en ordre des forces populaires pour promouvoir la production, but ultime du projet politique d’autre part. 2-Le rétablissement des pouvoirs populaires La démocratie au sein du peuple par les restaurations des pouvoirs populaires fut une des promesses du 3e congrès. Elle était une condition de la normalisation de la vie politique. Après avoir débattu et adopté les lois et règlements devant les régir, les conseils populaires de districts et de régions ont été mis en place pour administrer les populations et organiser la production. Le pays s’est remis en marche sous l’empire du nouvel ordre politique. Signalons néanmoins, qu’en raison de certains mauvais choix, on a assisté ça et là à des révoltes lorsque ceux qui étaient en charge des affaires, ignorant le contenu de leurs tâches et les exigences éthiques qui allaient avec, posaient des actes répréhensibles du point de vue même de la loi. En définitive, pendant dix ans, le pays a connu moins de turbulences que longtemps auparavant. Sans être parfaite, la situation à l’intérieur du pays s’était apaisée, les grèves se sont raréfiées. Les assassinats n’ont plus été enregistrés, surtout ceux qui relevaient des contradictions politiques. Une tension persistait quant à l’interprétation des textes qui attribuaient les pouvoirs aux régions. La décentralisation n’était pas toujours comprise par les uns (régions) qui voulaient plus de pouvoir, ou acceptée par les autres (au centre) qui se croyaient dépossédés de l’essentiel des leurs, pour se contenter que du rôle de contrôleurs.

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3-L’économie au centre du projet politique P.C.T A propos de l’économie, le Parti Congolais du Travail, dans sa volonté de contrôler les richesses nationales, s’était attiré tous les ennemis du monde. Les nationalisations des entreprises, la prise en main des services de contrôle de certains secteurs de l’économie qui avaient été délégués à des tiers, lesquels lésaient les intérêts du peuple congolais, tout comme la mise en place par l’État lui-même des entreprises devant moderniser le pays, créer des richesses et consolider l’indépendance nationale, n’étaient pas du goût de ses adversaires. Quand on parle de crise à cette époque, il faut entendre aussi et surtout l’asphyxie de l’économie congolaise par ceux-là mêmes qui en ont été les seuls vrais bénéficiaires depuis le temps colonial et qui entendaient demeurer dans cette position au mépris des ayants droit. Pendant la période allant de 1979 à 1989, le Parti congolais du travail ne considérait pas les questions économiques comme relevant de la seule compétence des économistes. Elles faisaient partie du débat général, et la méthode pour les prises de décisions fondamentales ne différait pas de celle visant à résoudre les autres problèmes de société. Au sortir de la période administrée par le Comité Militaire du Parti, le pays semblait plonger dans l’abîme. Les ressources s’étant considérablement amoindries, il était désormais très difficile de faire face aux obligations de l’État tant pour son fonctionnement que pour les ressources allouées au personnel. Le pays manquant cruellement de moyens, l’investissement n’était plus à l’ordre du jour. Comme beaucoup d’autres pays de la sous région, le Congo s’était appuyé sur une seule ressource, le pétrole, pour bâtir son avenir et cette ressource connaissait des fluctuations sur le marché mondial, précarisant les moyens de l’État.

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Cette situation ne pouvait que perturber le fonctionnement de l’État. Il fallait, pour maintenir le calme dans le pays, expliquer longuement les causes réelles des difficultés que connaissait le pays. Toutes les forces, toutes les autorités étaient mises à contribution. Quelques embellies pointant à l’horizon, le comité central du Parti congolais du travail s’est empressé de définir les priorités, d’engager l’ensemble du parti dans le débat pour la réorganisation de la politique économique, que se soit pour le programme intermédiaire ou pour le premier plan quinquennal, la base et l’échelon intermédiaire devaient suivre et, dans certains cas, débattre des options à prendre. Cette transparence n’autorisait pas des actions d’éclat en matière de paix sociale, les citoyens étant désormais plus conscients des difficultés du pays. Le processus qui a conduit à la mise en place du plan quinquennal a constitué une véritable école pour l’ensemble des cadres du parti et de l’État. S’écartant de la condition de réformateur en chambre, la direction politique a imaginé et soumis les grandes orientations au débat et recueilli des avis de toute sorte. Elle a ensuite fait mettre au point les documents techniques de guidage avant de faire discuter à nouveau les actions arrêtées pour ce programme de cinq ans, tant au niveau national qu’à celui des régions. Ce fut un grand moment de démocratie interne, de reprise en main générale des Affaires par le Parti congolais du travail, et l’on pensait que de grandes avancées étaient à sa portée. Par la reconquête de l’espace national, l’alliance avec la paysannerie était en bonne voie. Cette reconquête, qui consistait à construire les routes, ponts, ports, aéroports et à assurer le transport de l’électricité vers l’intérieur, mettait en place les structures de desserte et créait par là même les conditions d’enlèvement des produits paysans, de création d’entreprises agropastorales, de contention de l’exode rural, de - 107 -

contrôle même des frontières. Le sang pouvait alors circuler dans les veines du pays et remettre en marche son économie. Nous avons traité de la politique économique du Parti congolais du travail et avons choisi un moment fort où cette politique a été mise en œuvre avec les méthodes et les processus en conformité avec l’orientation générale à gauche que ses membres espéraient tant. L’ossature du présent ouvrage prévoit un chapitre consacré à la gestion de l’économie. En considérant la période étudiée, nous ne pouvions entrer dans les détails techniques. Ceux qui en ont la charge, non seulement sont compétents en la matière mais ont aussi le recul nécessaire pour observer, décrire, analyser et juger les actes économiques posés dans la période considérée. Ils ont à leur avantage l’objectivité de celui qui n’a pas été acteur. Des fautes ont certainement été commises, des abus enregistrés. A la lumière de toutes les critiques qui se sont abattues sur l’expérience révolutionnaire en général, et sur celle du Parti congolais du travail en particulier, il sied de revenir sur certains points. Deux d’entre eux revêtent une importance majeure, en ce qui concerne l’économie nationale : l’intervention de l’État en matière économique et la trilogie déterminante comme modalité de gestion de la res publica. Les raisons que nous avons évoquées plus haut pour justifier la détermination de l’étape de la révolution démocratique et populaire valent pour expliquer la justesse des choix d’orientation économiques opérés dans les années soixantedix. Même s’ils le voulaient, les Congolais n’avaient pas les armes pour développer leur pays par le seul moyen du secteur privé. Parler de l’intervention de l’État comme intrusion malencontreuse de celui-ci là où sa présence n’était pas désirée - 108 -

ni désirable, revenait à abandonner le pays au bon vouloir de certains agents économiques expatriés, eux- mêmes ne disposant point d’une grande marge de manœuvre : c’est ce qu’on appelait, en ce temps-là, la démission nationale. Dans le débat sur le sujet au niveau international, la crise récente ne donne déjà pas raison aux thuriféraires de Von Hayek et autres Friedman. Au contraire, les États ont dû voler au secours pour que l’économie mondiale ne s’effondre pas. Le G 20, malgré la réticence persistante des milieux de la haute finance, étudie la régulation des grandes économies du monde tout comme il recommande au niveau national, le recours à l’État pour épargner la tempête aux paisibles populations. Une large part du reproche fait à la gestion des révolutionnaires qui ont gouverné le Congo, relève plus de l’insuffisance de compétence technique, de l’inexpérience dans des domaines où les partenaires en face avaient une expérience « millénaire » et jouaient avec l’ignorance naïve des décideurs nationaux. L’État colonial lui-même, pour résoudre la question d’un certain développement à l’intérieur des colonies, avait bel et bien fait appel aux capitaux publics et à la compétence des agents de l’État pour poser quelques actes relativement positifs en faveur des populations des colonies (Cf. FIDES). Au départ était l’Etat. C’est indéniable. L’autre point c’est la trilogie déterminante que l’on a présentée comme bouc-émissaire de l’échec des entreprises. Elle consistait à mettre en place, pour la prise des grandes décisions au sein des entreprises ou des administrations, un comité composé de représentants du patronat, du syndicat et du parti. Ces codécisions se rencontrent partout, y compris dans la gestion capitaliste des grandes entreprises, pourvu que tout le monde parle en connaissance de cause. Le principe paraît inimaginable à ceux qui croient détenir la science infuse, alors qu’à bien y regarder, eux-mêmes devaient - 109 -

être écartés de la direction de l’entreprise pour incompétence, cupidité et indolence. Il est de bonne guerre de rejeter sur autrui, surtout quand il est adversaire, tous les torts pour cacher les siens propres et discréditer un projet politique qui ne va pas dans le sens qu’on aurait souhaité, si l’on avait le choix de faire autrement. C’est pour une large part à l’incompétence technique de certains cadres de la bureaucratie, que l’on doit les plus grands échecs connus, et les plus grandes dérives en matière économique. Le lecteur trouvera le bien-fondé de ces affirmations dans les vingt et un points du rapport au congrès de 1969, dont la substance est résumée dans une citation de la conclusion du rapport au congrès constitutif, à savoir : L’expérience montre que la révolution en pays sousdéveloppé ne peut être faite que par des éléments d’avant-garde liés aux masses populaires, et en premier à la paysannerie pauvre et à la classe ouvrière, contre l’impérialisme et ses appendices, dont la bourgeoisie nationale fait partie. Si cette élimination n’est pas faite, la réalité du pouvoir finit par être détenue économiquement et politiquement par la bourgeoisie que l’impérialisme aide à se renforcer40. La suite des événements donnera raison au congrès constitutif de décembre 1969. 40

Conclusion du rapport au congrès constitutif du P.C.T., citée par Jean François Obembé dans « Principaux problèmes liés à l’édification du Parti congolais du travail, Premier Parti marxiste-léniniste au pouvoir en Afrique », pp. 86-87.

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VII-Le PCT (1989- 1991) Un pas en arrière est nécessaire pour bien comprendre la période qui précède la Conférence nationale souveraine de 1991. Après une série de crises majeures émaillées de violences politiques, le P.C.T. avait retrouvé un peu plus de sérénité ressentie comme une véritable trêve politique et sociale. Cette accalmie était présentée dans les discours officiels comme étant la paix des cœurs et la tranquillité des esprits. L'embellie financière qu'avait offerte le second boom pétrolier de 19801984 perpétuait cette atmosphère de paix sociale et civile jusqu'à la fin de l'état de grâce qui intervint à partir de 1985, à nouveau à la suite de la crise pétrolière. Les luttes politiques reprirent à la veille du congrès de 1984, remettant au goût du jour l’application de la vieille formule de violence, de l’instabilité et de l’exclusion. En effet, les attentats à la bombe contre les lieux publics, les disparitions et mutilations des enfants à Moukondo (Brazzaville), offrirent un triste tableau d’insécurité et de violence. La crise de 1985, occasionnée par la baisse du prix du baril et les contre-performances économiques, fit réapparaître les vieux démons politiques congolais. Dans la société civile, la crise sociale se faisait de plus en plus pressante. La grève et la marche des étudiants et des élèves de 1985 donnèrent lieu à des actes de violence à Brazzaville : plusieurs voitures furent endommagées dans les rues du centre-ville. Le congrès de 1989 s’était préparé plus sous le thème de la consolidation de la ligne du Président que sous le renforcement de l’unité organique de l’union de la gauche retrouvée. Les partisans de la ligne du Président virent dans l'institution des élections libres au sein des organes de base et intermédiaires du parti, une manœuvre de préparation d'un coup d'État constitutionnel. Pourtant, cette formule expérimentale était - 111 -

initiée en prévision de l'ouverture démocratique. C’est dans ce cadre que Isidore Mvoumba fut élu « à la loyale », président du comité régional du Kouilou, en battant Faustin Liem, à l’issue d’une compétition électorale au sein du comité. Ce congrès de 1989 intervint dans un climat d'effervescence politique et sociale. L'ouverture démocratique insufflée par le vent de l'Est (la pérestroïka) dominait le débat politique. Malgré l’opposition de certains membres du comité central, l’impact politique de l’avènement de la perestroïka et de la glasnost au Congo et celui de la conférence de la Baule, imposèrent l'instauration du multipartisme au Congo. Le congrès de la Confédération Syndicale Congolaise (C.S.C) de septembre 1990 fut un tournant décisif dans le processus de démocratisation des institutions au Congo. Lors de ce congrès, la C.S.C réussit à se dégager de la tutelle politique du P.C.T pour reprendre sa vocation apolitique historique des années 1963 en faveur de la défense des intérêts des travailleurs. Le délégué du Bureau politique permanent du P.C.T ne parvint pas à présider ce congrès pour pérenniser la suprématie du parti sur les organisations de masse. Ainsi, la C.S.C. obtint son autonomie de fonctionnement pour mieux se positionner dans le futur paysage politique multipartiste. Dans son bras de fer avec le P.C.T., la C.S.C déclencha une grève générale en introduisant, entre autres conditions, l’instauration du multipartisme sans condition et l’augmentation des salaires des fonctionnaires bloqués depuis 1958. Le P.C.T. publia alors un calendrier de création de partis politiques et annonça la formation d'un nouveau gouvernement à partir du 1er janvier 1991 dirigé par le colonel Louis Sylvain Goma et chargé de préparer la Conférence Nationale. Sous la pression des grèves sectorielles dans les domaines stratégiques - 112 -

des transports, des forêts, des hydrocarbures à partir d'octobre 1990, le gouvernement céda et par panique, accorda des augmentations inconsidérées de salaires aux fonctionnaires. Toutes ces grèves ne furent pas réprimées par la force publique, à cause de la conjoncture internationale favorable aux changements démocratiques. VIII-Sur la politique extérieure Sur le plan extérieur, la politique du Parti congolais du travail s’est bâtie et a été mise en œuvre en s’appuyant sur des principes clairs de solidarité avec les peuples opprimés du monde en lutte pour la libération contre le colonialisme, de soutien agissant aux forces du progrès, d’entraide concrète avec ceux des autres peuples engagés dans le long et pénible combat contre le néocolonialisme. Ces considérations de solidarité, de soutien, d’entraide, visaient avant tout les intérêts du peuple congolais. Cette lutte contre les forces néocoloniales, qui a été décrite plus haut, le peuple l’a payée cher en perdant des fils au combat, en subissant des représailles économiques. Parce qu’il estimait ces causes justes, le peuple n’a pas transigé. En déployant les atouts de souveraineté au niveau international, le P.C.T. a aidé, en le reconnaissant, un pays occupant aujourd’hui une position cardinale dans le concert des nations : la République populaire de Chine. A un moment où la saga contre le « péril jaune » mobilisait tout l’occident, un peuple d’un million et demi d’habitants osait, en Afrique centrale, dans un environnement hostile, défier ainsi les grandes puissances. Ce fait est à relever parce que dans le reste du monde, notamment en Europe, il a fallu de grandes figures comme celle du Général de Gaulle pour aller, après nous, sur cette voie de reconnaissance de la Chine.

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Avant comme après, ce qu’on peut appeler ce haut fait de politique étrangère congolaise, la Chine a représenté et représente encore un partenaire avec qui la coopération a porté des fruits au-delà des attentes du temps où la révolution congolaise prenait la courageuse décision de reconnaître le plus grand peuple du monde : le peuple de la République Populaire de Chine. Charité bien ordonnée commence par soi-même, disent les sages, pour avoir la paix au Congo, il fallait soutenir la cause des frères africains en lutte contre le colonialisme. L’Angola occupé, le Congo était en situation précaire dans sa condition de pays ayant affiché clairement sa volonté de bouter hors du contient toutes les forces coloniales. Les bombardements portugais contre le Kouilou et le Niari, le débarquement d’éléments armés à Brazzaville, avec occupation de la télévision et de la radiodiffusion nationale le 23 mars 1970, n’ont pas eu raison de la solidarité avec le peuple angolais en lutte. Cette solidarité est allée croissante jusqu’à la libération totale de l’Angola. Tous les mouvements en lutte d’Afrique ont eu leurs représentants à Brazzaville. Ceux qui l’ont voulu ont bénéficié des temps d’antenne dans les média audiovisuels ou des espaces dans les journaux hebdomadaires tels que « Etoumba » ou « Mweti ». Ce fut notamment le cas du Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola (M.P.L.A) et de la South West People’s Organization (S.W.A.P.O.) de la Namibie. En ce qui concerne les réfugiés politiques, le parti a adopté une politique sociale exceptionnelle, qui consistait à : – intégrer systématiquement dans la fonction publique, les cadres des mouvements de libération dans l’administration congolaise à compétence égale ; - 114 -

– recruter les hauts cadres ayant la formation requise à l’Université de Brazzaville ; – inscrire gratuitement dans les établissements d’enseignements primaire et secondaire et accorder des bourses d’études aux enfants des martyrs des autres peuples refugiés au Congo ; – prendre en charge leurs soins de santé et frais de d’hospitalisation ; – payer les loyers à leurs familles. Après les victoires remportées en Guinée Bissau et aux îles du Cap-Vert, après celles du Zimbabwe, du Mozambique, de la Guinée Equatoriale, l’appui du Parti congolais du travail s’est orienté principalement vers les pays dits de la ligne de front. Un fonds « Africa » a été créé en leur faveur, qui a permis de réaliser des collectes de centaines de millions de francs CFA au seul bénéfice des peuples en lutte pour appuyer l’African National Congress (A.N.C). Par les voies diplomatiques, l’État congolais devait faire pression en vue de la libération de Nelson Mandela et ses compagnons de geôle de l’Apartheid de Weuvoed et Deklerk. Le soutien à la libération de l’Afrique avait constitué l’une des principales fiertés de l’expérience révolutionnaire du Congo. Certains militants du Parti congolais du travail sont allés jusqu’au sacrifice suprême (perte en vies humaines). Mettre hors d’Afrique le colonialisme s’inscrivait plus dans le cadre général du retour à la reprise de l’initiative historique en Afrique que dans celui de l’internationalisme prolétarien. Tout mettre en œuvre pour asphyxier le régime d’Apartheid et réhabiliter la dignité de l’homme noir en Afrique du Sud, allait dans le sens de ce que certains appellent aujourd’hui la « rédemption de l’Afrique ». L’inscription au programme scolaire des auteurs de la diaspora, principalement antillaise pour le cas de la littérature française, fut une manifestation - 115 -

concrète du désir des révolutionnaires congolais d’appuyer le panafricanisme. CONCLUSION Le P.C.T aura occupé plus de vingt ans les hautes sphères de la politique congolaise. Il ne pouvait que laisser des traces indélébiles que l’histoire retiendra. Il aura introduit officiellement les idées marxistes dans un pays où elles étaient interdites d’accès, vilipendées, honnies. Le Congo complétait ainsi le vrai puzzle de l’histoire des idées politiques et philosophiques de l’occident et du monde dit moderne. Le pays a pu s’ouvrir à d’autres idées et à d’autres pays que la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Grèce, qui figuraient déjà en bonne place parmi les pays dignes d’intérêt pour l’opinion congolaise. Cette synthèse est le résultat de la connaissance de l’auteur et de sa pratique sur le terrain.

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CHAPITRE 4 LA CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE ET LA RELANCE DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CONGO (1991-1997) Par Séverin ANDZOKA INTRODUCTION A la faveur du vent de la pérestroïka41 dont les conséquences immédiates furent l’éclatement du bloc de l’Est et partant, la fin de la guerre froide, on a enregistré un peu partout dans le monde, et en Afrique notamment, cette aspiration des peuples à plus de démocratie. Cette dynamique venue de Moscou, a eu comme premier signal fort, l’écroulement du « sacré » mur de Berlin en 1989 et la réunification de facto des deux Allemagne (Fédérale et Démocratique). Cependant, contrairement aux pays de l’Est où la transition politique s’est opérée de manière brutale dans certains pays (le cas de la Roumanie qui connut l’élimination physique du couple Ceausescu), la transition en Afrique a été amorcée à coup de conférences nationales, des sortes de « tribunes d’exorcisme » où joutes oratoires et diatribes ont été les traits caractéristiques contre les pouvoirs en place. Le Congo, tout comme la plupart des pays africains à régimes politiques de « parti-Etat », n’est pas demeuré sourd à cette interpellation internationale. 41

Lire, à ce propos, J. Gicquel, 2009, Droit constitutionnel et institution politique, Paris, Montchrestien, p. 355.

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Après 26 ans de monopartisme, dont 21 ans de règne du PCT (1969-1990), le Congo s’est ouvert ainsi au multipartisme par le biais de la Conférence Nationale convoquée par décret présidentiel n° 91-015 du 5 février 1991. Rappelons que l’idée de « Conférence Nationale » est une initiative propre à l’Afrique. Après le « Discours de la Baule » du Président français François Mitterrand, le Benin est le premier pays à l’avoir organisée en 1990. Son mode opératoire procède simplement d’une volonté de coller à la tradition de la palabre africaine, et de rassembler toutes les forces vives de la Nation autour d’un grand « corps malade42 ». La Conférence Nationale est donc un espace de concertation, de réconciliation, de pardon et de paix. En l’espèce, les objectifs poursuivis par la Conférence Nationale congolaise visaient : -l’ouverture au multipartisme ; -l’adoption du projet de constitution qui organiserait les nouveaux pouvoirs publics de l’ère démocratique en vue de la création d’un Etat de droit ; -la redéfinition de la politique économique ; -l’organisation des élections libres et démocratiques.

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« La Conférence Nationale » : la paternité de cette appellation revient à Me Robert Dossou, ancien Doyen de la faculté de droit de Cotonou, ancien ministre du plan et ancien ministre des affaires étrangères. Il l’aurait « vendue » à Mathieu Kérékou (1972- 1991 et 1996- 2006). Cité par B. Camara et C. Diallo, « Le processus d’élaboration des constitutions dans les pays ayant en partage la Conférence Nationale », Séminaire en Master 2006-2007, Science politique, département de droit public et science politique, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, p. 5

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Ce chapitre se propose donc de restituer le déroulement de la Conférence nationale souveraine, ainsi que la gestion de la transition, autour de la déclinaison suivante : - les facteurs déterminants de la Conférence Nationale ; - les organes de la Conférence nationale souveraine ; - la gestion de la transition. I- Facteurs déterminants de la Conférence Nationale L’organisation de la Conférence Nationale a été essentiellement motivée par deux facteurs : les facteurs externes et les facteurs internes. 1- Les facteurs externes Nous sommes en 1988. Mikhaïl Gorbatchev arrive à la tête du Parti Communiste de l’Union soviétique (P.C.U.S.), avec la ferme détermination d’engager des réformes en profondeur du système politique, idéologique et institutionnel du bloc soviétique, une espèce de messianisme ou de prophétisme annonciateur et fondateur du nouvel ordre politique international. Il va tenter, au nom de la perestroïka, de mener des réformes économiques et politiques, tout en préservant le rôle dirigeant du parti et la réaffirmation du socialisme. Le cours des évènements va lui faire perdre le contrôle du processus et engager l’ensemble du « monde socialiste » dans la voie de la transition démocratique. L’actualité est alors dominée par les mots perestroïka et glasnost ; l’Union Soviétique s’ouvre au monde extérieur et donne une autre image d’elle, celle d’un pays en pleine « révolution » démocratique. L’homme fort du P.C.U.S gagna la sympathie du monde occidental : il multiplia des initiatives diplomatiques en faveur de la paix dans le monde. - 119 -

La chute du mur de Berlin et la réunification des deux Allemagnes symbolisèrent en quelque sorte l’échec du monopartisme, celui du monolithisme d’Etat. Cette faillite de l’idéologie marxiste-léniniste, que les Occidentaux souhaitaient depuis très longtemps, est un mouvement qui bouleversa toute la donne internationale. C’est dans cet esprit que certains auteurs comme Fukuyama ont qualifié l’avènement de cette démocratie de la « fin de l’histoire» En 1990, c’est le sommet de la Baule (France) qui va dégager clairement la ligne de conduite des Etats d’Afrique francophone ayant en partage la langue française. Le discours du socialiste français François Mitterrand, président de la République française, encourageait vivement les dirigeants des Etats Africains à s’engager dans le processus de la démocratie : J’ai naturellement un schéma tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de censure. A vous de déterminer, je vous respecte, peuples libres, vous Etats souverains que je respecte, à vous de choisir votre voie, d’en déterminer les étapes et l’allure43. La démocratie était désormais une condition à l’aide au développement.

43

Discours du sommet France-Afrique du président français François Mitterrand. Cité par le Président Denis Sassou Nguesso, in Le manguier, le fleuve et la souris, Paris, JC Lattès, 1997, p. 72

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2- Les facteurs internes Dès 1989, les membres de Comité Central du PCT sont convoqués par leur président afin de mettre en place une commission ayant pour mission l’examen de l’ensemble des événements qui affectaient l’Europe et l’Union soviétique, en analysant particulièrement les répercussions de ces bouleversements politiques sur le Congo. C’est en juin 1990 que la commission ad’ hoc du PCT remit le rapport au Général Dénis Sassou Nguesso, président du Comité Central, Chef de l’Etat et président de la République. En même temps, les membres du PCT avaient été invités à réfléchir sur les solutions pacifiques pour la restauration de la démocratie. Le débat s’était alors ouvert au sein de la commission ad’ hoc, pour savoir si les membres du parti voulaient ou non la fin du système de parti unique.44 En définitive, la commission eut à conclure que le multipartisme était incontournable ; que les Congolais devaient s’y engager sans atermoiements pour coller à la dynamique internationale. La société civile en général, impatiente, n’eut pas à attendre les conclusions définitives de la commission du PCT pour faire monter la tension. On enregistra très vite les premières « lettres ouvertes » contre le régime, notamment la « lettre ouverte » de Bernard Kolélas au Président Sassou Nguesso. Bien avant celle-ci, il avait écrit une lettre, le 7 novembre 1988, dans laquelle il faisait remarquer que « le régime est dans une impasse totale. (…). Que faire ? C’est à cette question brutale que devra répondre la table ronde que je vous suggère d’organiser pour une concertation nationale.»45 Le 20 44

D. Sassou Nguesso, in Le manguier, le fleuve et la souris, op. cit., p. 72 45 La lettre ouverte de Bernard Kolélas en 1988, cité par. Quantin, 1997, « Congo : Transition démocratique et conjoncture critique », in

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novembre 1989, Kolélas revint à la charge en soutenant ce qui suit : Jamais la nécessité de tenir une table ronde nationale ne s’est aussi fait sentir qu’en ces moments.46 Les discussions sur l’étendue de la pérestroïka congolaise portaient sur l’instauration du multipartisme. Bernard Kolélas et Jean-Pierre Thystère Tchicaya, deux des leaders de l’opposition, signèrent une nouvelle « lettre ouverte » où ils définissaient le programme sur lequel porterait le « processus démocratique » : amnistie générale, suppression des services spéciaux, garantie des libertés démocratiques et « mise en place d’une commission préparatoire à la Conférence Nationale, composée des déléguées des partis et associations qui auront été créés ».47 A partir de 1990, tous les mouvements syndicaux, religieux et sociétés savantes rentrèrent dans la danse. La police qui était prête à réprimer, se trouva désarmée face à la mobilisation de la rue. Les grèves qui se multiplièrent en août1990 étaient fondées sur des revendications salariales. Elles s’étaient développées à travers tout le pays : à Pointe Noire les travailleurs des compagnies pétrolières Elf et Agip rentrèrent en mouvement ; les étudiants de l’Université Marien Ngouabi ne restèrent pas en marge48. Des « intellectuels » se regroupèrent pour réclamer la suppression de la censure. Le conseil œcuménique des Transition démocratiques africaines, dynamiques et contraintes (19901994), Paris, Karthala, p. 144 46 Idem 47 Ibidem, 48 P. Quantin, op. cit., p. 146

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églises chrétiennes demanda, quant à lui, la mise en place d’un organisme neutre chargé d’élaborer les bases des institutions démocratiques. Différentes personnalités politiques annoncèrent la création des partis politiques. En novembre 1990, le PCT était confronté aux défections en son sein. La centrale syndicale unique, la Confédération Syndicale Congolaise(CSC), dirigée par le membre du Bureau politique du PCT, Jean-Michel Bokamba-Yangouma, réclamait l’organisation d’une Conférence Nationale, ainsi que la refonte de la Fonction publique. Une grève générale déclenchée par la CSC finit par paralyser tout le pays, contraignant le pouvoir à des négociations. L’option d’aller à la Conférence Nationale fut retenue. A la suite de la démission de Souchoulaty Poaty de son poste de Premier ministre, Denis Sassou Nguesso décida de le remplacer par le Général Louis Sylvain Goma, à qui fut confiée la mission de présider les travaux d’ouverture de la Conférence Nationale. La Conférence Nationale s’ouvrit le 25 février 1991, sous les auspices du Président Dénis Sassou Nguesso. II- Organes et nature de la Conférence nationale souveraine Il s’agit ici de voir quels sont les organes et leurs compétences dans la gestion de la conférence, ainsi que sa nature juridique. 1- Les Organes de La Conférence nationale souveraine Pour la conduite des débats de la Conférence Nationale, il fut mis en place les organes suivants : - un présidium ; - des commissions ; - une police des travaux ; - un secrétariat. - 123 -

 Le Présidium Après l’ouverture de la Conférence Nationale par le Président Denis Sassou Nguesso le 25 février 1991, il fallut attendre le 12 mars pour que le collège électoral mît sur pied le Bureau de la Conférence Nationale. Le Bureau fut mis en place par un collège électoral présidé par le « doyen d’âge » de la Conférence Nationale, Hyacinthe Bakanga. Monseigneur Ernest Kombo, évêque49 d’Owando, fut élu à l’unanimité président du présidium ; la vice-présidence fut confiée à Antoine Letembet Ambily, membre du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI). Sept postes furent confies à l’opposition regroupée au sein d’un front uni, et enfin quatre postes restants furent confiés aux associations. Cette élection des membres du présidium est marquée par l’absence des membres du PCT (ancien parti unique). Cette absence du PCT du présidium indiquait déjà le dérapage de cette Conférence qui, au lieu d’être un véritable cadre de concertation, allait se transformer en tribunal. Ce qui n’était pas le cas au Bénin où toutes les forces nationales avaient pu prendre activement part aux débats, « sans exclusive » ! La Conférence Nationale avait enregistré 1200 délégués, dont près de 700 appartenant à l’opposition et autres associations hostiles au P.C.T  Le secrétariat Le Secrétariat de la Conférence avait pour mission, l’élaboration de l’ordre du jour, qui fut adopté le 8 avril 1991.

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Les évêques catholiques furent à l’honneur au niveau continental dans la mesure où presque toutes les conférences furent présidées par eux : Bénin, RDC, Congo…

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 Les Commissions Sept commissions avaient été mises en place : 1) la commission d’élaboration de l’avant-projet constitutionnel et des libertés ; 2) la commission politique, défense et sécurité ; 3) la commission santé, affaires sociales et environnement ; 4) la commission éducation, affaires culturelles, arts, sciences et technologies ; 5) la commission ad hoc sur les assassinats ; 6) la commission ad hoc sur les biens mal acquis ; 7) la commission ad hoc sur le rapatriement des fonds. 2- La sécurité de la Conférence nationale souveraine La sécurité de la Conférence Nationale avait été assurée par l’Armée dont le caractère de neutralité s’était clairement affiché au moment de l’ouverture de la Conférence Nationale ce, jusqu’à la fin de la Transition. L’armée avait la mission d’assurer la sécurité de tous par une présence militaire massive à tous les points névralgiques, une position d’équilibre face à la surchauffe de la classe politique (pouvoir-opposition). Expliquant cette attitude de l’armée face au pouvoir, l’opposition et les autres forces (société civile), le chef d’Etatmajor général de l’Armée de cette époque, le général JeanMarie Michel Mokoko, s’exprime en ces termes : Ma volonté de promouvoir à tout prix aussi bien la négociation que l’apaisement relevait d’une seule et même considération, celle d’éviter des affrontements fratricides que même l’armée ne serait pas en mesure d’endiguer sans effusion de sang50. 50

« Aucun délégué ne peut avoir effacé de sa mémoire le moment du franchissement des trois ceintures de sécurité, avant de pénétrer dans la

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L’armée avait la charge de la coordination des opérations de la sécurité nationale. Il convient de rappeler à ce propos que le dernier congrès du PCT avait décrété la dépolitisation de l’Armée, et donc la sortie des rangs du PCT de l’ensemble des personnels militaires. L’armée avait été officiellement dépolitisée au cours d’une grande prise d’armes le 7 décembre 1990 sous la haute autorité du Président de République Denis Sassou Nguesso. Elle fut ensuite redébaptisée par la Conférence nationale souveraine : « Forces Armées congolaises » ( FAC). Il fut attribué aux FAC de nouveaux symboles et insignes, de nouveaux grades conformes aux symboles de la République51. Assurée de ce cordon de sécurité, la Conférence Nationale n’hésita pas un seul instant à prendre des décisions d’autorité, une attitude que certains observateurs qualifièrent de « coup de force contre le pouvoir en place ». 3- Le caractère « souverain » de la Conférence Nationale ou le « coup de force civil » Contrairement à la Conférence Nationale du 31 juillet 1972 initiée par le Président Marien Ngouabi, tout comme celles qui se sont déroulées dans d’autres Etats africains, la Conférence Nationale de 1991 se distingue de par son caractère « souverain », un attribut tout à fait constituant et original. C’est le caractère exécutoire des actes qui fonde l’originalité des conférences nationales du Bénin, du Mali et du Congo : salle du Palais des Congrès. Même les officiers étaient soumis aux fouilles ». Cf J.M.M. Mokoko, 1997, Le Congo : le temps de devoir, Paris, L’Harmattan, p.30 51 Voir Acte n° 030 portant débaptisation de l’Armée populaire nationale en Forces Armées Congolaises, Journal Officiel, éd. spéciale, 1991, p. 17

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des conférences nationales souveraines, à l’opposé de la conférence nationale gabonaise qui était plutôt « douce ». Ainsi qu’il est dit plus haut, la sécurité des délégués de la Conférence Nationale leur avait donné une prétention autoritaire en transformant la Conférence Nationale en une assemblée constituante. De simple tribune de concertation, la Conférence Nationale s’était arrogé une souveraineté illimitée. Après des débats qui frisaient à un certain moment l’éclatement, la Conférence Nationale était parvenue à se donner une légitimité plus ou moins consensuelle à travers son règlement intérieur proposé par la commission ad hoc de 26 membres qu’avait présidé Maître Martin Mbemba. Soumis pour avis et considérations aux délégués le 6 mars, le règlement intérieur ne sera adopté que le 11 mars 1991, autour d’une disposition fondamentale définie à l’article premier du règlement intérieur qui dispose : La Conférence Nationale est souveraine(…). Elle prend des décisions. Les décisions qu’elle prend sont impératives et exécutoires d’urgence52. Il sied de rappeler que cet attribut de «souveraine » conférée à la Conférence Nationale a une signification importante en droit. C’est bien la souveraineté qui fait de la Conférence Nationale une instance de production juridique 53 de normes contraignantes. Cette disposition est le fondement de la souveraineté, un autoritarisme qui a eu pour conséquence la désaisine du chef de l’Etat du pouvoir réglementaire. Les prérogatives 52

Article 1er du règlement intérieur de la Conférence nationale souveraine. 53 M. Kamto, 1997, « La Conférence Nationale africaine ou la création révolutionnaire des constitutions », Création du droit en Afrique, Paris, Karthala, p. 180

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d’authentification de tous les actes sont revenues au président du présidium, Mgr Ernest Kombo, seule autorité habilitée à engager l’administration54 pendant cette période. Les articles 1er et 40 du règlement intérieur de la conférence placent le présidium au plus haut sommet de l’Etat, dans la mesure où ce dernier accumule tous les pouvoirs en son sein. L’article 40 du règlement intérieur donne la forme des actes de la Conférence nationale souveraine : Les décisions de la Conférence nationale souveraine sont prises sous forme d’actes numérotés, datés, visés par le rapporteur général, signés par le président de la Conférence Nationale et publiés au journal officiel selon la procédure d’urgence55. On relève ici la mise en veilleuse des institutions de la République, donc le « coup de force civil ». En principe, le Chef de l’Etat est, dans l’organisation des pouvoirs publics, l’organe suprême. Il authentifie par sa signature, un certain nombre d’actes, ce qui vaut engagement de l’Etat qu’il personnifie et représente56. Or, l’article 40 de règlement intérieur de la Conférence nationale souveraine a arraché le pouvoir d’authentification (sa signature de tous les actes publiés au Journal Officiel) des actes règlementaires qui revient au président de la République. La philosophie était de réduire le rôle de la fonction présidentielle à un organe symbolique. Le retrait de la compétence du chef suprême de l’Armée au Chef de l’Etat, et d’autres prérogatives, en est la preuve. 54

Article 40 du règlement intérieur de la Conférence Nationale. Article 40, Idem 56 M. de Villers et A. Le Divellec, 2009, Dictionnaire du droit constitutionnel, 7e éd., Paris. pp. 38-40

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 Une « souveraineté sans peuple » Du point de vue de la doctrine, on peut se demander si la légitimité de la Conférence Nationale était fondée. La souveraineté, c’est le caractère d’un pouvoir originaire et suprême au-dessus duquel il n’y a pas d’autres57. Le peuple est le titulaire de la souveraineté, c'est-à-dire le seul détenteur de la puissance suprême de l’Etat. En illustration, l’article 3 de la Constitution française de 1958 dispose : Le principe de la souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément58. Si l’on s’en tient à cet article, l’expression « n’en émane expressément », voudrait dire que nul corps, nul individu, n’ayant reçu mandat du peuple, ne peut détenir la souveraineté. Le peuple est le seul à l’exercer par le suffrage universel59. C’est ainsi que le caractère souverain de la Conférence Nationale est sujet à contestation dans la mesure où s’agissant de la représentativité, les délégués à la Conférence Nationale n’avaient reçu aucun mandat du peuple. Le constat est que, c’est une minorité de Congolais, regroupés autour de quelques partis politiques et associations sans représentativité nationale, pour la plupart, qui siégea à la Conférence nationale. Appréciant avec un peu de recul la situation de l’époque, Denis Sassou Nguesso a écrit : 57

M. de Villers et A. Le Divellec, op. cit., p. 317 Cf. Article 3 de la Constitution française de 1958 59 La Conférence Nationale devient « souveraine », c’est à dire que « les décisions qu’elle prend sont impératives et exécutoires d’urgence». C’est le caractère original de cette assise. 58

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Cette résolution s’apparentait à un véritable coup de force puisque la conférence, devenue souveraine, s’arrogeait le droit de décider au nom du peuple sans en être formellement le représentant.60 4- L’objet de la Conférence nationale souveraine En vertu de son règlement intérieur, la Conférence nationale souveraine est compétente : - d’examiner l’ensemble des questions liées à la vie politique, économique et socioculturelle du pays, sur la base d’un diagnostic profond de l’action passée et en cours ; - de dégager les responsabilités collectives et individuelles ; d’en tirer les leçons ; d’organiser la période de transition ; - d’élaborer de nouvelles orientations sur la vie politique, économique et socioculturelle du pays pour la période de transition ; - de donner des orientations pour l’élaboration d’une nouvelle constitution ; - de définir les grandes lignes de la loi électorale, de la loi sur la presse, de la loi sur les organisations non gouvernementales et les fondations ; - de mettre en place un organe de contrôle ; de fixer le calendrier de l’exécution de décisions ; - de mettre un organe de contrôle et de suivi de l’exécution des décisions de la Conférence nationale souveraine.  La Conférence Nationale : une assise de création d’un nouvel ordre constitutionnel L’établissement d’un projet constitutionnel était un défi essentiel pour la Conférence Nationale. C’est donc une 60

D. Sassou Nguesso, La manguier, le fleuve et la souris, op. cit., p. 72

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commission qui est chargée d’entériner les directives de l’Assemblée constituante (la Conférence Nationale) qui n’est autre qu’un pouvoir constituant61, un organe qui a pour rôle d’élaborer la constitution. Le pouvoir constituant est composé de deux organes, à savoir : le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant originaire ; le premier détruit pour reconstruire un nouvel Etat, après une instabilité politique62 ou une crise, au préalable. Alors que le second est un organe chargé de réviser la constitution. Il est dérivé ou constitué parce qu’il est prévu par le premier. Dans le cas d’espèce, c’est le pouvoir constituant originaire63, qui est chargé de détruire l’ancien régime de partiunique (le PCT) pour créer un nouvel ordre constitutionnel démocratique. Car dans le contexte, la Conférence Nationale fut une révolution ou encore « un coup d’Etat civil »64. C’est le moment de rupture avec l’ancien régime. La Conférence nationale souveraine élabora d’abord un acte fondamental de transition en juin 1991, portant organisation des pouvoirs publics en période de transition qui donnait déjà l’image du nouvel ordre constitutionnel. Elle élabora ensuite le projet constitutionnel qui va constituer le nouvel ordre constitutionnel. Le gouvernement de transition eut pour mission d’organiser le référendum pour l’adoption de la nouvelle constitution. Il eut aussi pour mission d’organiser des élections démocratiques. 61

L M. Kamto, op. cit., p. 183 : l’existence de deux pouvoirs, le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé. 62 Idem 63 Ibidem 64 Ibidem

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Le projet constitutionnel consacra notamment : le multipartisme libéral, c'est-à-dire la création des partis et mouvements politiques et associations ; des droits et libertés fondamentaux65 ; la séparation et l’équilibre66 des pouvoirs publics ; l’instauration des élections au suffrage universel direct. La question du partage du pouvoir avait été au cœur des débats politiques car, depuis l’Indépendance, la tendance des régimes était toujours la présidentialisation du pouvoir, c'est-àdire tous les pouvoirs revenaient entre les mains d’un seul organe, le Président de République. La nouvelle conception institutionnelle prenait en fait ses sources dans l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : Toute société dans laquelle les libertés fondamentales ne sont pas garanties, ni la séparation des pouvoir déterminée, n’a point de constitution67. Cet article définit tout simplement le but ultime d’une constitution libérale, qui est la norme suprême de l’Etat. La Conférence Nationale visait aussi la création d’un Etat de droit. Par conséquent, elle abrogea la Constitution de 1979 65

Voir le titre II, des droits fondamentaux, de l’Acte fondamental de juin 1991 66 Voir, le titre III, du président de la République et titre IV, du Premier ministre et du Gouvernement et enfin, le titre V, du Conseil supérieur de la République. 67 Voir le préambule de la Constitution française, article 16 de la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

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et lui substitua une loi fondamentale. La Conférence Nationale apparaît ainsi comme une entreprise de déconstitutionnalisation et de reconstitutionnalisation68. 5-Les Actes de La Conférence nationale souveraine La Conférence Nationale avait adopté 21069 actes à caractère contraignant. Les travaux de la Conférence Nationale avaient duré quatre mois, du 25 février au 12 juin 1991, pour un coût approximatif de 3, 5 milliards de franc C.F.A70. En outre, elle avait enregistré 268 déclarations des délégués, montrant ainsi l’esprit démocratique qui avait prévalu tout au long des travaux. Il convient de souligner, à ce propos, la pathétique déclaration du Président Denis Sassou Nguesso (Message à la Nation du 26 avril 1991) qui, ayant été le dernier Chef de l’Etat à clôturer l’ère monopartite, s’était engagé à assumer tous les faits et méfaits de cette première expérience politique nationale : Le président Youlou n’a pas eu le temps d’expérimenter le système monopartite. Le président Massamba-Débat, qui a dirigé la première organisation monopartite, le Mouvement national de la révolution, n’est plus. De même que le commandant Marien Ngouabi, qui a créé le Parti congolais du travail. Le président Yhomby-Opango, qui a poursuivi l’expérience avec le Comité militaire du parti, n’est plus aux affaires. Le mal, je suis donc seul à l’assumer, 68

L M. Kamto, 1997, « La Conférence Nationale africaine ou la création révolutionnaire des constitutions », Création du droit en Afrique, Paris Karthala, p. 183. 69 Voir « Les Actes de la Conférence Nationale », Journal Officiel, éd. spéciale de juin 1991, pp. 1-7 70 D. Sassou Nguesso, in Le manguier, le fleuve et la souris, p. 81

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et je l’assume à titre collectif et individuel, au nom de tous les dirigeants de ce pays qui ne sont plus. Moi, j’assume, pour nous tous, tout notre passé, toute cette histoire commune dans ses errements comme dans ses mérites. Je dis à notre peuple que, si de graves erreurs ont été commises, seule la volonté de faire bien toujours nous guidait.  Restauration des symboles et des armoiries de la République Sur réclamation de certains leaders des partis politiques et des conférenciers, la Conférence Nationale avait consacré le retour aux armoiries de la première République, la réhabilitation de l’hymne national et du drapeau de l’indépendance. Cette restauration s’était inscrite comme une rupture avec l’ancien régime (règne du PCT). De « République populaire du Congo », Etat « révolutionnaire », on était revenu à la « République du Congo ». La « République », réhabilitée, avait désormais pour nom : «République du Congo 71». Le drapeau rouge instauré par le PCT, parti marxiste-léniniste, avait été détruit et remplacé par le drapeau de la « première République ». Ainsi, les nouveaux symboles étaient : 1)-le drapeau de la République du Congo adopté par « la loi constitutionnelle n° 8 du 18 aout 1959 fixant le drapeau de la République », « de format rectangulaire, composé de deux triangles rectangles de couleur verte et rouge, séparés par une bande jaune en diagonale, le vert étant du côté de la hampe ; sa hampe est surmontée d’un fer de lance triangulaire » ;

71

Acte n° 027 portant débaptisation de la République populaire du Congo, « Les Actes de La Conférence nationale souveraine », Le journal officiel, éd. spéciale, 2001, p. 16

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2)-la devise de la République du Congo définie par « la loi constitutionnelle n°9 du 3 novembre 1959 » ; 3)-l’hymne national de la République du Congo adopté par « la loi constitutionnelle n° 10 du 12 novembre 1959 » dit « La Congolaise » ; 4)-le sceau de la république du Congo fixé par « la loi n°5-61 du 11 janvier 1961 » et les timbres et cachets déterminés par la même loi72.  Réhabilitation des anciens présidents de la République La Conférence Nationale avait procédé à la réhabilitation des trois anciens présidents de la République. Ainsi, Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat et Joachim YhombyOpango, président de la République du Congo, respectivement du 21 novembre 1959 au 15 août 1963, du 19 décembre 1963 au 31 août 1968 et du 4 avril 1977 au 5 février 1979, furent réhabilités « dans la respectabilité historique du Congo ».73  L’adoption de l’Acte fondamental de la transition La Conférence nationale souveraine avait procédé à l’adoption d’un Acte fondamental pour l’organisation des pouvoirs de la période de transition. Ce dernier rappelle dans son préambule que : « le coup d’Etat, en s’inscrivant dans l’histoire politique du Congo comme le seul moyen d’accéder au pouvoir, a annihilé toute vie démocratique74 ». Voir, Article 1er, actes n° 002-91-PCN-RG, portant restauration des symboles de la République, « Les Actes de La Conférence nationale souveraine », in Le journal officiel, éd. spéciale 2001, p. 9 73 Actes n° 012 portant réhabilitation des anciens présidents Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat et Joachim Yhomby-Opango, supra, p. 11 74 Voir : le préambule de l’Acte de la transition de juin 1991 72

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Par conséquent, le peuple congolais : - affirme sa ferme volonté de bâtir un Etat de droit et une nation unie et fraternelle, proclame solennellement son droit à la résistance et à la désobéissance civique à tout individu ou tout groupe d’individus qui prendrait ou exercerait le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat ou de toute autre forme de violence ; - réaffirme son attachement aux principes de la démocratie pluraliste, aux droits et libertés fondamentaux définis par les différentes chartes internationales.75 Ce préambule marqua la rupture avec le système autoritaire et réaffirma la volonté d’aller à la démocratie. L’acte fondamental de la Conférence nationale consacra une transition d’équilibre des pouvoirs publics. La philosophie des institutions issues du constituant de la Conférence Nationale, consacra la primauté du Premier ministre sur le président de la République. III- La Gestion de la Transition Par transition, il faut entendre la période qui va de l’installation des institutions à l’organisation des élections, jusqu’à l’installation de nouveaux organes démocratiques. Pour certains africanistes comme O’Donnel, c’est une « période allant du lancement du processus de dissolution du

75

Charte internationale des droits de l’homme des Nations unies de 1948 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine ; Charte des droits et libertés adoptée en 1991 par la Conférence nationale souveraine.

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régime autoritaire jusqu’à l’élection de nouvelles autorités selon une procédure d’élections multipartites ».76 La durée des institutions de la transition avait été fixée à 12 mois, de la dissolution à l’élection fondatrice77 1- Les Organes de la Transition . L’Acte fondamental avait consacré trois organes dirigeants : - le président de la République, Denis Sassou Nguesso ; -le Premier ministre, André Milongo ; -le Conseil Supérieur de la République de 153 membres78 qui fait office d’Assemblée délibérative de transition, présidé par Mgr Ernest Kombo.  Du pouvoir exécutif L’acte fondamental avait consacré un pouvoir exécutif bicéphale, partagé entre le président de la République, Denis Sassou Nguesso, et le Premier ministre, chef du gouvernement, chef suprême des armées, André Milongo. Le président de la République n’avait qu’un rôle honorifique, celui d’incarner l’unité nationale, le symbole de la 76

O’Donnel (1986, p. 6). Sur la problématique de la libéralisation et de la démocratisation appliquée plus spécifiquement aux cas africains, voir également, Breton (1994), op. cit. ; P. Quantin, « Congo : transition démocratique et conjoncture critique », Transition démocratiques africaines, dynamiques et contraintes (1990-1994) , p. 140 77 Les élections fondatrices sont celles qui sont libres et transparentes et à l’occasion desquelles l’ensemble de la population ayant le droit de vote peut se prononcer sur l’ensemble des candidats ; aucune personne ne doit être exclue du scrutin si elle remplit des critères juridiques fixés dans la loi électorale. 78 Voir, les Actes de la Conférence Nationale n° 004, constatant l’élection des membres du Conseil Supérieur de la République, Journal officiel, éd. spéciale 1991, p. 8.

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République, la politique extérieure et l’accréditation des ambassadeurs. Il régnait, mais ne gouvernait pas. Le Premier ministre, chef du gouvernement79, était le détenteur du pouvoir de nomination. Il déterminait et conduisait la politique de la nation ; il nommait les membres du gouvernement et mettait fin à leurs fonctions ; il présidait le conseil des ministres. Il était le chef suprême des armées. Il nommait le haut commandement militaire. Il était responsable devant le Conseil Supérieur de la République 80. Le Premier ministre de transition était comparable au Premier ministre de la Grande-Bretagne, et plus fort que le Premier ministre français ! C’est suite à une élection compétitive qu’André Milongo avait été élu Premier ministre81, face au professeur Pascal 79

Titre III, du président de la République, de l’Acte fondamental de 1991 Article 71 de l’Acte fondamental de 1991 81 L’élection du Premier ministre. « Sur 21 candidatures à la primature, deux seulement ont été retenues au 4e tour du scrutin à savoir : la candidature de Pascal Lissouba et la candidature de André Milongo. Le dépouillement de ce scrutin mettant en lice Monsieur Pascal Lissouba aux côtés de monsieur André Milongo, a donné les résultats suivants : inscrits = 958 ; Votants = 887 ; Bulletins nuls = 14. Ont obtenu : - Pascal Lissouba = 419 voix, - André Milongo = 454 voix. Il est à noter que la majorité absolue des votants est égale à la moitié des votants plus une voix soit 444. André Milongo, ayant obtenu plus de la majorité absolue des votants du 4e tour, conformément à l’article 41 de notre règlement intérieur, a été proclamé par le Bureau de vote, élu Premier ministre du gouvernement de Transition issu de l’historique et inoubliable Conférence nationale souveraine ». Voir le Procès verbal, des élections des membres du bureau du conseil supérieur de la république et du Premier ministre du gouvernement de la transition issu de l’historique et inoubliable Conférence nationale souveraine, Journal officiel, Actes de conférence nationale, éd. spéciale 1991, p. 10 80

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Lissouba, qui avait pourtant bénéficié du soutien des partisans du PCT et de son leader Denis Sassou Nguesso.  Le Conseil Supérieur de la République Le Conseil Supérieur de la République, présidé par Monseigneur Ernest Kombo, fut l’organe législatif de la transition82. Le Conseil Supérieur de la République avait pour missions de : - exercer la fonction législative ; - suivre et contrôler l’exécution des décisions de la Conférence Nationale ; - contrôler l’exécutif ; - examiner, après un débat national, le projet de l’organisation du Référendum ; - superviser le Référendum pour l’adoption de la Constitution ; - garantir l’accès équitable des partis politiques aux médias officiels ; - superviser les élections ; - veiller à la défense et à la promotion des droits de l’homme conformément : à la charte internationale des Droits de l’homme des Nations unies, à la Charte Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, à la Charte des Droits et libertés et à la Charte de l’Unité Nationale ; - assurer le rôle de médiateur83. Le Conseil Supérieur de la République fut un organe essentiel de la République et « politiquement irresponsable », 82 83

Titre V, CSR, de l’acte fondamental de 1991 Article 51 de l’Acte fondamental de 1991

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car sa responsabilité ne pouvait être engagée, ni devant le président, ni devant le gouvernement de transition. L’acte fondamental disposait dans son article 71 que : « le Conseil Supérieur de la République met en cause la responsabilité du gouvernement de transition par le vote d’une motion de censure lorsqu’il constate que celui-ci s’est gravement écarté des décisions et recommandations de la Conférence Nationale84». En cela, il était un organe intouchable.  Les Autres Organes L’acte fondamental avait institué plusieurs autres organes qui sont : - La haute cour de justice (titre VII) ; - Le pouvoir judiciaire (titre VIII) ; - Le médiateur (titre IX) ; - Le conseil supérieur de l’information et de la communication (titre X). 2- Du Gouvernement de Transition En douze mois, la transition avait connu quatre gouvernements, ainsi que le montrent les actes ci-après : - décret n° 91-675 du 15 juin 1991 ; - décret n° 91-1101 du 30 décembre 1991 ; - décret n° 92- 002 du 26 janvier 1992 ; - décret n° 92- 299 du 21 mai 1992. Les relations entre les organes de la transition n’étaient pas harmonieuses. On était dans une sorte de cohabitation de pouvoirs. Les conflits traduisaient déjà le positionnement aux élections. 84

Article 7,1 op. cit.

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3-Les élections démocratiques Le retour au suffrage universel direct souligne l’importance des élections fondatrices, libres et transparentes, à partir desquelles l’ensemble de la population en âge de voter devrait exercer son droit de vote. En dépit de ses ratés, les institutions de la Transition organisèrent tous les scrutins dans le temps imparti, à savoir : les élections locales et sénatoriales, le référendum sur l’avant-projet de Constitution, les élections législatives et les élections présidentielles.  Les élections locales et sénatoriales Sur un total de 1345 sièges répartis à travers tout le territoire national, les résultats se présentent comme suit : - aux élections locales du 3 mai 1992 (70 % de taux de participation) : -U.P.A.D.S (parti politique de Pascal Lissouba) : 468 sièges ; - M.C.D.D I.( parti politique de Bernard Kolelas) : 244 sièges ; - P.C.T ( parti politique de Denis Sassou Nguesso : 191 sièges ; - R.D.D ( parti politique de Joachim Yhomby-Opango ) :122 sièges ; -R.D.P.S (parti politique de Jean-Pierre Thystère Tchicaya : 89 sièges. - aux élections sénatoriales - U.P.A.D.S: 23 sièges ; - M.C.D.D.I : 14 sièges ; - R.D.D : 8 sièges.  Le Référendum constitutionnel Voici le contenu du projet constitutionnel :

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Consécration des droits et libertés publiques ; démocratie pluraliste et décentralisée ; élection du président de la République au suffrage universel ; séparation des pouvoirs (parlement bicaméral, exécutif bicéphale, pouvoir judiciaire indépendant) ; libre administration des collectivités locales ; Conseil économique et social ; Conseil constitutionnel ; Conseil de la communication. La Constitution congolaise fut adoptée à l’issue du référendum du 15 mars 1992 suivant les résultats ci-après : avec 70, 93% du taux de participation, le « Oui » avait recueilli 96, 32% des suffrages exprimés.  Les élections législatives Les élections législatives de 1992 s’étaient tenues du 24 juin au 19 juillet 1992. Dans l’ensemble, ces premières élections législatives pluralistes de juin et de juillet 1992 révélèrent l’existence de trois blocs politiques relativement équilibrés autour desquels gravitaient de nombreux petits partis. Cette tripolarité du système politique congolais s’était réalisée avec trois principaux leaders politiques aux forces relativement équilibrées. Il s’agit de Denis Sassou Nguesso, Bernard Kolelas et Pascal Lissouba. C’est en tout cas ce qu’indique la lecture des résultats des élections législatives : - UPADS, au premier tour : 31% ; au deuxième tour : 39%, sur les 125 sièges de l’Assemblée nationale. - MCDDI, au premier tour : 18% ; au deuxième tour : 29% ; - PCT : au premier tour : 5% ; au deuxième tour : 18% ; - RDPS : 9 sièges ; - RDD : 5 sièges ; -11 sièges (répartis entre autres petits partis).

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Le premier tour et le deuxième tour avaient fidèlement reproduit les mêmes tendances politiques déjà observées pendant les élections locales et régionales.  L’élection présidentielle au suffrage universel Les élections démocratiques au suffrage universel direct furent une grande première dans l’histoire institutionnelle congolaise. L’enjeu était de taille dans la mesure où, pendant le scrutin, on avait enregistré 18 candidatures : Corentin Auguste Kouba, Antoine Makangou Loukamy, Angèle Bandou, Gabriel Bokilo, David Charles Ganao, Joachim Yhomby-Opango, Jean Martin Bemba, Pascal Lissouba, JeanMichel Bokamba-Yangouma, Célestin Gangarad-Nkoua, Pierre Nzé, Denis Sassou Nguesso, Clément Mierassa, Alphonse Souchlaty-Poaty, Bernard Kolelas, Paul Kaya, André Milongo et Jean- Pierre Thystère Tchicaya . Le premier tour de l’élection présidentielle tenue le 2 août 1992 avait connu un taux de participation de 59, 59%, avec comme résultats : -

Pascal Lissouba : 35, 89% des suffrages exprimés ; Bernard Kolelas : 20, 32 % ; Denis Sassou Nguesso : 17, 87 % ; André Milongo : 10, 18 % ; Jean Pierre Thystère Tchicaya : 5, 78 % ; Joachim Yhomby-Opango : 3, 49 % ; 10 autres candidats recueillent chacun moins de 3 % des voix.

Le second tour qui eut lieu le 16 août 1992 avait vu s’affronter Pascal Lissouba et Bernard Kolelas ; un taux de participation de 61, 61 % avait été observé. Il avait fallu une

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alliance entre le PCT et l’UPADS85 entre les deux tours, pour que Pascal Lissouba fût élu président de la République avec 61, 32 % des suffrages exprimés, contre 38,68 % pour Bernard Kolelas. CONCLUSION La Conférence nationale souveraine, dans sa démarche comme dans ses conclusions, semble avoir trahi son essence, celle de catalyseur et de restaurateur du nouvel ordre politique et démocratique. Comme le souligne Charles Zacharie Bowao, « elle a ouvert la voie à un changement mal maîtrisé »86. La crise institutionnelle de 1992 à 1993, ainsi que les évènements douloureux de 1997, peuvent être inscrits comme la conséquence du rendez-vous manqué. Au-delà de tous ces soubresauts malencontreux et de l’exécution seulement à la carte de certains actes, on peut retenir l’irréversibilité de la démocratie comme héritage de la Conférence nationale souveraine.

85

Le 11 Août 1992, un accord électoral et de gouvernement est conclu entre l’UPADS et le PCT, avant le second tour de l’élection présidentielle Cf. T. Obenga, 1998, L’histoire sanglante du CongoBrazzaville (1959-1997). Diagnostic d’une mentalité politique africaine, Paris, Présence Africaine, p. 165. 86 C. Z. Bowao, op.cit, p 55

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CHAPITRE 5 DES EVENEMENTS DE 1997 A LA NORMALISATION DE LA VIE DEMOCRATIQUE Par Ngnia Ngama MOYEN INTRODUCTION Le contentieux politique qui oppose dès 1992 le pouvoir du Président Pascal Lissouba à l’opposition rassemblée au sein d’une alliance87 dénommée « URD- PCT » d’abord, et « Forces Démocratiques Unies » (FDU) ensuite, débouchera, à la grande désolation de la communauté internationale, sur une guerre civile, le 5 juin 1997. Pendant cinq mois, Brazzaville s’est transformée en brasier. La partition de l’armée régulière a fait place à la constitution des milices privées qui semaient la terreur et imposaient leurs lois. Les institutions démocratiques patiemment mises en place à l’issue de la Conférence Nationale ont été brutalement démolies. Revenu au pouvoir à la suite de cette épreuve, Denis Sassou Nguesso procédera à la normalisation de la vie démocratique et institutionnelle à travers deux phases :  la phase transitoire ou phase du « régime d’exception », régi par un Acte fondamental88, avec comme principale 87 88

Accord du 11 août 1992. La tradition des « régimes d’exception » est généralement marquée par un Acte fondamental qui fait office de Constitution provisoire pour légitimer les institutions en place.

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mission, le rétablissement de la paix et de l’ordre institutionnel (période de 1997à 2002) ;  la phase de normalisation de la vie démocratique, régie par la Constitution du 20 janvier 2002 qui met en place tous les leviers institutionnels favorables au retour et à l’exercice du jeu démocratique et permet de relancer le processus électoral (période 2002 à nos jours). Toutes ces phases ont connu l’organisation de deux tribunes de concertation nationale : le Forum National et le Dialogue National Sans Exclusive. Deux hauts lieux qui ont permis aux Congolais de se parler et de créer les conditions de renforcement de la paix gravement troublée par les douloureux événements de 1997. I- Le contexte socio-politique après la guerre de 1997 et le rétablissement de la paix Au sortir de la guerre civile de 1997, une série de dysfonctionnements administratifs, et donc de gouvernance publique, ont été enregistrés partout au Congo. Comme tout pays post- conflit, des mesures salutaires devaient être prises pour rétablir les fondamentaux de la société congolaise. Mais avant toute chose, il convient de porter un regard sur l’état du pays après la guerre du 5 juin 1997 pour comprendre le cheminement du processus de remise en ordre des choses. 1. Situation socio-politique et remise en état de l’ordre institutionnel  Situation socio-politique post- conflit Cette guerre qui a commencé le 5 juin 1997 autour d’un bras de fer entre l’opposition et la mouvance présidentielle sous le régime du Président Pascal Lissouba, a pris fin le 15 - 146 -

octobre de la même année par une victoire de l’opposition rassemblée cette fois-ci au sein d’un commandement armé, crée pour la circonstance, dénommé « Forces démocratiques et patriotiques » (FDP). La capitulation des forces politiques et militaires fidèles au Président Pascal Lissouba, avait laissé un vide institutionnel qui avait dû être très vite comblé par les nouveaux locataires du « Palais du peuple » sous la conduite de Denis Sassou Nguesso, nouveau président de la République. Sur le terrain, et en l’absence de toute autorité étatique, régnait une insécurité sans précédent. Le Congo s’est retrouvé dans une situation socio politique désastreuse. Les indicateurs socio-politiques et macro-économiques post-conflit n’incitaient guère à l’optimisme. Le pays était exsangue. Sur le plan institutionnel, il n’y avait plus d’autorité étatique : les institutions d’avant la guerre avaient été dissoutes, ce qui ne permettait pas l’exercice d’une vie politique et démocratique conséquente ; au niveau sécuritaire, la capitale présentait le paysage d’un champ de ruines, partagé entre présence parsemée de forces régulières de sécurité et milices qui ratissaient et terrorisaient le pays. Le pays était donc livré aux hordes de milices qui pillaient, violaient, tuaient. Au plan socio-économique, on relève l’arrêt de toutes les structures de production, notamment en matière d’eau, d’électricité et commerciale. Il n’y avait plus de justice, plus d’école ; les libertés publiques étaient inexistantes. C’est ce paysage politique de déliquescence avancée que les nouveaux vainqueurs de la guerre trouvent sur le terrain : un défi qu’il a fallu relever tout au long de cette période post-conflit 19972002. A ce propos, une diplomatie dynamique a dû être engagée, de manière à ce que le Congo reprenne sa place dans les - 147 -

tribunes internationales. Les pays amis avaient accompagné cette dynamique en rouvrant leurs missions diplomatiques et consulaires à Brazzaville. La vie administrative avait repris progressivement du service.  La remise en état de l’ordre institutionnel et la gestion de la période de transition Le sombre cauchemar de 1997 que le Congo venait de vivre a nécessité la restauration de l’ordre institutionnel en vue de la réorganisation des pouvoirs publics par un texte servant de soubassement pour la conduite de la Nation. Il était donc question, non seulement de réaliser un consensus autour des changements extra constitutionnels intervenus au sommet de l’Etat, mais aussi de doter le pays d’un cadre juridique et d’institutions de transition, en attendant l’organisation d’élections démocratiques. Le cadre juridique trouvait ainsi son fondement dans l’Acte fondamental du 24 octobre 1997. Celui-ci instituait un régime atypique au regard des constructions constitutionnelles traditionnelles et organisait les pouvoirs publics de la période de transition. En effet, si les modèles constitutionnels connus tournent autour des régimes présidentiel et parlementaire, le régime politique institué par l’Acte fondamental du 24 octobre 1997 n’intègre pas cette classification. Les raisons à cela sont nombreuses. Il y a le fait que le pouvoir en place était un pouvoir de fait installé après une guerre civile. Il ne découle pas d’une élection, donc un régime d’exception correspondant à la situation exceptionnelle d’après-guerre. Ainsi l’Acte fondamental avait-il prévu l’existence d’un pouvoir exécutif fort avec un chef de l’Etat, chef du gouvernement, un pouvoir législatif89 : le Conseil national de 89

Voir à cet effet, l’Acte Fondamental du 24 octobre 1997, Titre V, article 50.

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transition (CNT) qui était le Parlement de transition. Ces deux instances du pouvoir d’Etat avaient des rapports simples. L’autonomie et l’absence de moyens réciproques entre les deux étaient les éléments caractéristiques de cette collaboration en vue de la stabilité de ce régime exceptionnel. Ce jeu d’équilibre est institué par le Titre VI. Le président de la République ne pouvait dissoudre le Conseil national de transition, de même que le Conseil national de transition ne pouvait contraindre le gouvernement du président de la République à la démission. L’intérêt du régime, au regard de l’expérience antérieure, réside dans la fixité institutionnelle qu’il réalise et du rôle prépondérant dévolu au Chef de l’Etat. Ce dernier a des pouvoirs illimités. Cet instrument juridique qui tient compte de l’extrême sensibilité de la période, fait preuve d’ouverture. Les requêtes individuelles quant à l’insatisfaction de « toute personne, physique ou morale » par le service public, sont formulées devant le Médiateur de la République dont les conditions sont prévues par la loi (Titre IX). 2- Le Forum pour l’unité, la réconciliation, la démocratie et le développement du Congo et la paix dans le Pool Un an seulement après le travail de remise en ordre institutionnel, le Président Denis Sassou Nguesso décide de consolider cette dynamique politique par l’organisation d’une première tribune de concertation, dénommée « Forum pour l’unité, la réconciliation, la démocratie et le développement du Congo », tenue du 5 au 14 janvier 1998. Il fallait tenter tant soit peu de donner corps à l’Etat en le restructurant de nouveau, une démarche qui s’inscrit dans le cadre de la main

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tendue du président de la République aux anciens du régime déchu, afin de recréer une dynamique sociétale apaisée. Cette idée se présentait comme l’une des solutions idoines pour permettre aux Congolais de dissiper leurs frustrations générées par cinq mois de guerre. Les stigmates laissés par cette guerre étaient si profonds, qu’il revenait aux locataires du « Palais du peuple » de faire preuve de dépassement et d’humilité pour recoudre le tissu social en large dégénérescence. Au-delà de quelques débats passionnels sur le régime dit « génocidaire » de Pascal Lissouba, un discours plus ou moins évident au sortir de la guerre, le Forum a tout de même jeté les bases de l’instauration d’une paix durable. Toutefois, l’idée de répression de l’impunité, en ce qui concerne notamment les auteurs de crimes graves, a été mise en exergue. Pascal Lissouba et un certain nombre d’hommes politiques qui l’entouraient, ont été vilipendés et accusés de « génocidaires ». Un livre blanc, résultat d’une compilation des faits pour la mise en accusation du précédent régime, a été publié en deux volumes. Au départ, la communauté internationale s’est montrée réservée quant à l’issue heureuse d’une table ronde en l’absence des protagonistes de l’ancien régime qui, pour la plupart, s’étaient retrouvés en exil. Pour briser le spectre d’isolement occasionné par une attitude sévère de la communauté internationale à l’égard du nouveau pouvoir, une diplomatie fine a dû être engagée de manière à soigner l’image du Congo. Tout en prenant des mesures de répression des comportements que l’on qualifiait de porteurs de germes « belligènes », la tendance générale de ces assisses était à l’apaisement et au ressaisissement.

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 La paix dans le Pool et les accords de cessez-le feu et de cessation des hostilités de 1998-1999 A peine les bases de remise en ordre institutionnel jetées, un incident banal de simple police administrative, va dégénérer en une guerre opposant « milices ninjas »90 à l’armée régulière. En effet, le 29 août 1998, les premières attaques des « Ninjas » sont lancées dans les localités de Mindouli et Missafou entrainant la mort du commissaire de police de Mindouli et bien d’autres. C’est à partir de cette date que plusieurs localités du Pool sombrent dans des attaques incessantes. Chronologiquement : le 3 septembre 1998, une attaque est lancée contre la localité de Kibouendé ; le 11 septembre de la même année Kindamba est touchée ; trois jours après, c'est-àdire le 14, Missafou n’est pas épargnée ; les deux jours suivants, c’est Vindza ; le 19 septembre Mayama ; le 25 septembre Goma Tsé-tsé et Kibossi, etc. Le 18 décembre 1998, toute la partie sud de Brazzaville est touchée. La sauvegarde et la protection des populations du Pool, de la Bouenza, de la Lékoumou et du Niari relevaient dès lors de l’urgence. Nombreux sont ces Congolais qui ne croyaient plus en l’unité d’un peuple capable de partager les même valeurs. Ainsi, les 16 novembre91 et 29 décembre 199992, respectivement à Pointe-Noire et à Brazzaville, ceux qui C’est la dénomination des milices du Pasteur Ntoumi. Les Accords de Pointe- Noire avaient rassemblé 9 signataires : le Haut commandement de la force publique ; les Cobras ; le MNLC, le MNLCR ; Bana DOL, Résistance Sud –Sud ; les Ninjas ; le Comité de suivi de l’appel de Douala ; le Conseil mondial de la Paix-Zone Afrique/ Fédération Congolaise des ONG de développement. 92 -A Brazzaville, les accords comptaient 2 signataires dont le Haut Commandement de la force publique et le Haut commandement des forces d’autodéfense de la résistance. Depuis ces accords, une véritable compagne de démilitarisation a pris du terrain. 90

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avaient accepté de prendre les armes décidèrent de tirer un trait sur un passé douloureux, en signant des accords de cessez-le feu et de cessation des hostilités. Un Comité de Suivi fut mis en place afin de renforcer les initiatives en faveur de la paix. Ce comité était structuré en 5 commissions de travail : - la commission du ramassage des armes ; - la commission de la réinstallation des déplacées et exilés dans leurs lieux de résidence habituels ; - la commission d’insertion et de réinsertion des anciens miliciens ayant déposé les armes ; - la commission de la communication ; - la commission de la logistique et des finances. Ces accords avaient pour objet de mettre un terme à la culture armée et prônaient ainsi le règlement des différends par le dialogue. Ces accords avaient consigné « toutes les clauses de l’arrêt des hostilités et de leurs effets induits ». Les parties signataires avaient la charge d’encourager et d’inciter le peuple à contribuer à la préservation de la paix dans le pays. Cette démarche se présentait comme un apport à la reconstruction d’une paix durable ; c’est ce qui a du reste motivé l’opération généralisée de ramassage des armes. Il était ainsi fait interdiction aux partis ou autres associations politiques de disposer de branches armées. Cet objectif avait bénéficié de l’appui de la communauté internationale et des organisations non gouvernementales compétentes, par la mise sur pied des micro-projets afin de faciliter la réinsertion et la reconversion des miliciens en les incitant à s’investir dans la vie active à travers le programme DDR (Démobilisation-Désarmement-Réinsertion). Aux termes des dispositions finales desdits accords, « les parties signataires s’engagent à former un bloc solidaire capable de s’opposer à toutes les forces hostiles à la paix et à la réconciliation nationale, ainsi qu’aux adeptes de la violence sous toutes ses formes ». - 152 -

L’axe d’effort de cette période de transition s’était traduit à travers les indicateurs de paix, de sécurité et de stabilité ciaprès : – le rétablissement de la paix et de la sécurité par la libre circulation des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire ; – la réactivation des leviers de puissance de l’Etat (rétablissement de l’administration ; restauration de la force publique, des cours et des tribunaux) ; – la relance de l’économie ; – la garantie et la sécurisation du retour des exilés et autres déplacés ; – la réouverture des établissements scolaires et sanitaires ; – le renouement du dialogue avec les bailleurs de fonds internationaux ; – la restauration de l’image du Congo à l’extérieur. II –La relance du processus normalisation de la vie démocratique

électoral

et

la

Au sortir de la guerre de 1997, la recherche d’un consensus national s’imposait. La réconciliation du peuple avec lui-même devait constituer une œuvre permanente. Ainsi, le Dialogue National Sans Exclusive s’imposait. 1. Le Dialogue National Sans Exclusive ou le cadre de ressaisissement national S’alignant dans la logique de l’article 13 de l’accord de cessez- le feu et de cessation des hostilités93 du 29 décembre 93

- L’article 13 dudit accord stipule que « les signataires du présent accord conviennent de recommander à son excellence El Hadj Omar Bongo, président de la République gabonaise, en sa qualité de Médiateur international de poursuivre ses efforts en faveur de la paix en Afrique et particulièrement en République du Congo organisant dès

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1999, le Dialogue National Sans Exclusive qui a été précédé par des débats décentralisés, s’est ouvert le 17 mars 2001 au palais du parlement à Brazzaville. Aboutissement d’un long processus, le Dialogue National Sans Exclusive avait bénéficié de la sagesse du Président gabonais Omar Bongo, agissant en qualité de Médiateur. Après plusieurs négociations, le Président gabonais était parvenu, par la décision n° 00003 du 9 mars 2001, à nommer cinq personnalités gabonaises94 pour la supervision dudit Dialogue. Le même jour par la décision n° 00005, il désignait les membres du bureau du Dialogue National. Ainsi, un Comité technique avait été mis en place par la décision n° 00001 du 15 mars 2001. Ce cadre de diplomatie parlementaire consacré à l’exorcisme de la Nation, dont les conclusions avaient jeté les fondements de la nouvelle vision apaisée de la vie nationale, au nombre desquels, la relance de la démocratie, l’une des valeurs cardinales d’un Etat républicain. Le décret n°2001-67 du 16 mars 2001 nommait les membres de la commission d’organisation du comité technique du Dialogue National Sans Exclusive. Les délégués nationaux au débat décentralisé dans les régions et dans les communes avaient été nommés par le décret n° 2001- 70 du 21 mars 2001.

que possible avec le concours de la communauté internationale, le Dialogue National sans exclusive en vue d’une paix durable et du retour de la démocratie en République du Congo Brazzaville » 94 Il s’agissait de : Antoine Mboumbou MiIyakou, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, de la sécurité publique et de la décentralisation ; le général Samuel Mbaye, secrétaire général du conseil national de sécurité ; Jean Ping, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de Francophonie ; Bruno Akouma, conseiller juridique du président de la République ; Pierre Nzinga, magistrat.

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Les travaux du Dialogue National Sans Exclusive avaient en fait préparé l’ossature de la future constitution du 20 janvier 2002. Le redressement de l’ordre politique du Congo s’était joué à cet instant-là. Des amendements avaient été apportés à la Constitution de 199295.  Les conclusions tirées du Dialogue National Sans Exclusive Il sied de relever à ce propos que cette faculté de dialogue fait du Congo l’un des rares pays à régler de l’intérieur, et sans l’assistance de la communauté internationale, une situation de conflit : un cas d’école qui a vite dissipé l’opprobre dont le Congo a été frappé de l’extérieur après la guerre du 5 juin 1997. Le Dialogue National Sans Exclusive avait permis aux exilés de regagner le pays sans inquiétude. Un nouveau pacte de confiance avait été ainsi scellé. L’avant-projet de la Constitution de 2002 avait été unanimement approuvé par l’ensemble des délégués, qui acceptèrent le futur régime politique ainsi que l’ensemble des dispositions portant organisation des pouvoirs publics. Les dispositions de la Constitution de janvier 2002 fixèrent un mandat de 5 ans pour la législature96. Classiquement, il existe deux grands régimes politiques : le régime parlementaire et le régime présidentiel. Le premier se caractérise par une séparation souple des pouvoirs, avec en particulier l’existence de moyens d’action réciproque entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. A l’Exécutif, il est 95

Ces amendements prévoient l’instauration d’un régime présidentiel et abroge les dispositions qui ont conduit aux dérives du précédent régime. 96 Voir article 92 de la Constitution du 20 janvier 2002.

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reconnu le droit de dissolution. En l’occurrence, il peut mettre fin à la fonction parlementaire de l’Assemblée nationale. A l’Assemblée nationale, il est reconnu le pouvoir de contraindre le gouvernement à la démission, grâce notamment à l’existence de la motion de censure et de la question de confiance97. En plus de cela, généralement le régime parlementaire est caractérisé par l’existence du bicéphalisme. La Constitution du 15 mars 1992 appartient à cette première catégorie. Elle avait institué en effet un bicéphalisme qui permettait aux pouvoirs exécutif et législatif d’exercer de moyens d’action réciproques 98. C’est ainsi qu’en 1993, une motion de censure fut votée par l’Assemblée nationale contraignant le gouvernement à la démission. Tirant les conséquences de cette crise, le président de la République, Pascal Lissouba, avait usé à son tour de son droit, prévu à l’article 80, en provoquant la dissolution de l’Assemblée nationale. Pour l’essentiel, il sied de rappeler que la Constitution de 1992, construite sur le modèle de la Constitution de la Cinquième République française, était une constitution porteuse de conflits politiques difficiles à solutionner dans le cadre d’un Etat qui apprend le jeu démocratique et dont la culture pour se faire est encore suffisamment fragile. Elle était également porteuse des éléments d’insécurité juridique. Elle ne pouvait pas, en l’état du développement du Congo, permettre la stabilité du gouvernement. L’une des dispositions conflictuelles était l’article 75 de la Constitution. L’article 75 de la Constitution congolaise du 15 mars 1992 est une copie de l’article 8 de la Constitution française du 4 97

Voir la Constitution de la Cinquième République Française de 1958 dans ses articles 49 et 50. 98 Voir Article 80 de la Constitution du 15 mars 1992.

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octobre 1958. Mais, il s’agit d’une copie déformée qui comporte des failles. En effet, alors que l’article 8 de la Constitution française se borne à indiquer que « le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement », l’article 75 de la Constitution du 15 mars 1992 spécifie que le président de la République nomme le Premier ministre issu de la majorité parlementaire se dégageant à l’Assemblée nationale. La faille de cette disposition résidait dans la notion de « majorité parlementaire » dont la Constitution elle-même ne donne aucun élément de clarification. Il avait fallu l’intervention de la Cour suprême faisant office de juge constitutionnel, pour comprendre que la majorité visée à l’article 75 signifiait 50% de députés, plus un député. Compris de cette manière, la majorité était donc manifestement fluctuante puisqu’elle pouvait changer à n’importe quel moment. L’article 75 est cette disposition conflictuelle qui montre que la Constitution du 15 mars 1992 n’était pas adaptée au contexte congolais de l’époque. En effet, le paysage politique n’était pas constitué, comme en France, de la droite et de la gauche. Ici, seuls comptaient finalement les intérêts personnels, au point où il pouvait avoir des alliances contre nature et, dans le choix du Premier ministre, le président de la République ne tenait compte que de l’existence d’une majorité. Il n’avait pas à se demander si une majorité était viable et servait les intérêts de l’Etat. Seule comptait dans son choix la réalisation d’une majorité. Cette disposition était d’une importance capitale car elle montrait, dans l’histoire politique congolaise, que le vent de la démocratisation amorcé au début des années 1990, était une emprise des partis politiques sur le président de la République considéré à ce titre comme l’otage - 157 -

des mouvements et associations politiques. Cette situation couveuse de conflits politiques avait été ainsi prise en compte par les concepteurs de la Constitution du 20 janvier 2002, qui avaient alors plutôt opté pour un régime de type présidentiel. Du point de vue des organes de l’Etat, il sied de signaler que la Constitution du 15 mars 1992 avait institué un régime parlementaire avec un président de la République et un gouvernement dirigé par un Premier ministre. Il s’agissait d’un bicéphalisme conflictuel dans la mesure où le président de la République ainsi que son Premier ministre, n’étaient pas assurés d’appartenir à un même courant politique. La lecture de l’article 75 de la Constitution sur les conditions de nomination du Premier ministre justifiait bien la possibilité d’une cohabitation politique. La formule paraissait plus contraignante parce que le président de la République, dans son attribution constitutionnelle, se devait de suivre toutes les péripéties de la vie politique et prendre à chaque instant la décision de changer le gouvernement. C’est un exercice titanesque dont la conséquence la plus importante réside dans le manque de stabilité institutionnelle. En effet, des alliances pouvaient se constituer et se disloquer au gré des circonstances et des humeurs. À la différence du premier, le régime présidentiel est celui qui se caractérise par une séparation stricte des pouvoirs. Ceci implique une impossibilité pour les pouvoir exécutif et législatif d’exercer les moyens d’action l’un sur l’autre. Le Président ne peut dissoudre le parlement et, inversement, le parlement ne peut contraindre le gouvernement à la démission.

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Le 20 janvier 200299, le peuple congolais fut appelé à opter pour une autre orientation politique. Le référendum constitutionnel qui avait acquis les faveurs des suffrages institua la Cinquième République et son présidentialisme. Se distinguant nettement de la Constitution du 15 mars 1992, la Constitution du 20 janvier 2002 a été élaborée en tenant compte des précédents fâcheux qui sont intervenus sous le pouvoir de Pascal Lissouba. Elle a fait la part belle au présidentialisme, de manière à renforcer le rôle du « Chef fort » dans la cosmogonie africaine. Le président de la République a ainsi des pouvoirs plus étendus : Le président de la République est élu au suffrage universel direct ; il est chef du gouvernement ; son mandat est de sept ans renouvelable (article 57) ; il est responsable de la politique étrangère ; politiquement il est irresponsable, ce qui n’est pas le cas pénalement en cas de haute trahison, etc. Dans le droit fil de l’idée de bâtir une nation démocratique, la nouvelle Constitution institue aux titres IX (art.144 à 151), XIII (art 163 à 166), XIV (art. 167 à 169) respectivement une Cour Constitutionnelle, une Commission nationale des droits de l’homme100 ainsi qu’un Médiateur de la République101.

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- N. Mayetela, 2002, « Contribution à l’analyse de la Constitution congolaise du 20 janvier 2002 », Annales de l’Université Libre du Congo (Brazzaville), vol. 1, pp. 91-119. 100 La loi n° 5 – 2003 du 18 janvier 2003, porte attributions, organisation et fonctionnement de cette commission. 101 En instituant ces institutions, le législateur de 2002 permet de faire un jeu d’équilibre avec les nouveaux pouvoirs du président de la République.

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S’agissant de la Cour constitutionnelle 102, sa fonction juridictionnelle, notamment celle du contrôle de la constitutionalité des lois lui attribue la dénomination de « Cour ». Une nouveauté est apportée à l’article 54 de la Constitution de 2002, qui ajoute une disposition qui n’existait guère dans celle de 1992, notamment sur le financement des partis politiques par l’Etat. Il y’a lieu de relever par ailleurs une avancée significative en matière de droits humains. La Constitution de 2002 s’est alignée à travers son article 11103 sur les conventions internationales en matière de répression des crimes de droit international. Les crimes commis avant, pendant et après le conflit de 1997, ont incité le législateur de 2002 à reconsidérer certaines valeurs. Ainsi, l’article 167, en respect des conventions internationales dont le Congo est signataire, met en place une commission chargée de la promotion et la protection des droits de l’homme. La répression des crimes de droit international s’aligne dans la logique du maintien de la paix tant interne qu’internationale. 2. De la normalisation de la vie démocratique Après une transition de cinq ans (1997-2002) dont l’objectif consistait à assainir l’environnement sécuritaire, la préoccupation des nouvelles autorités politiques se porta sur la consolidation de ces acquis par la normalisation de la vie démocratique, en prenant comme base de travail, les conclusions du Dialogue National Sans Exclusive. Fort de ces conclusions, et assuré de l’irréversibilité de la paix et de la 102

Son organisation et son fonctionnement sont déterminés par la Loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003. 103 Aux termes du présent article, « les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le crime de génocide sont punis dans les conditions déterminées par la loi. Ils sont imprescriptibles. . .».

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sécurité dans le pays, le Président Denis Sassou Nguesso adhéra à la dynamique de normalisation de la vie politique. La première opération porta sur la maîtrise du corps électoral et la mise en place d’une Commission nationale d’organisation des élections (CONEL).  Le référendum constitutionnel du 20 janvier 2002 Comme il est de tradition dans la plupart des pays, le projet de constitution issue des conclusions de la concertation nationale fut soumis à référendum et adopté le 20 janvier 2002, abrogeant ainsi l’Acte fondamental de 1997. L’adoption d’une nouvelle constitution fut appréciée par l’opinion internationale comme la volonté des autorités en place de s’ouvrir davantage à la démocratie, l’un des déclencheurs pour l’adhésion de la communauté internationale au processus de pacification du pays.  L’organisation des élections et la mise en place des nouvelles institutions Interrompue du fait de la guerre de 1997, l’organisation des élections est apparue comme un défi majeur post conflit à relever. La nécessité d’organiser des élections libres et transparentes s’imposait donc après la transition opérée entre 1997-2002. Cette compétition démocratique faisait appel au retour à la voie des urnes. Après l’échec des suffrages prévus pour le premier semestre de 1998, en 2002, finalement, chaque candidat présentait son projet. Le décret n°2002-128 du 24 janvier 2002, portant convocation du corps électoral pour l’élection du président de la République, fixa les élections à la date du 10 mars 2002. Sur les douze dossiers de candidature à l’élection présidentielle, 10 furent retenus : Joseph Kignoumbi-Kia-Mboungou ; André Ntsatouabantou-Milongo ; Luc Daniel Mateta Adamo ; Martin Mberi ; Anselme Mackoumbou-Nkouka ; Angèle Bandou ; - 161 -

Jean-Félix Demba-Ntelo ; Ernest Bonaventure Mizidy Bavoueza ; Côme Manckassa ; Denis Sassou Nguesso. Le candidat Denis Sassou Nguesso fut élu président de la République à l’issue de ce scrutin. Les élections législatives eurent lieu le 12 mai 2002, soit deux mois après. En définitive, toutes les institutions prévues par la Constitution du 20 janvier 2002 furent installées. L’indicateur de relance de la démocratie peut ainsi être évalué au travers de l’organisation régulière, libre et transparente de tous les scrutins auxquels prit part l’ensemble des partis et associations politiques. Cette vitalité s’était par ailleurs manifestée à travers le foisonnement associatif (près de 2000 associations aujourd’hui, contre à peu près 1000, avant 1997), symbole de l’expression plurielle. CONCLUSION Dans la pratique, la République du Congo, au sortir de la guerre de 1997, avait fait preuve d’un esprit d’ouverture, mettant chaque fois en avant le dialogue et la concertation nationale. Cette ouverture avait en fait trouvé son fondement dans l’Acte fondamental qui prévoyait déjà le contreseing des actes du président de la République. Le redressement de la situation du Congo après la dure période de son histoire, celle d’après la guerre de 1997, n’était possible que par le retour de la paix. Conscient du fait que le microcosme politique congolais doit être plus que jamais à la préservation du fragile équilibre sociétal et démocratique, Denis Sassou Nguesso avait opté pour sa consolidation.

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CHAPITRE 6 LE MULTIPARTISME AU CONGO DE 1990 À 2010 par Grégoire LEFOUOBA INTRODUCTION Suite au mouvement de restructuration (perestroïka) et de transparence (glasnost) lancé en Union soviétique, consécutif à l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir en 1985, le système socialiste et celui du parti unique ont accusé des flottements qui ont changé en profondeur la face de l’humanité, après la chute du mur de Berlin en 1989. La République Populaire du Congo, dirigée par un parti unique de type marxiste-léniniste, le Parti congolais du travail, a subi l’influence de ce mouvement avec les effets conjugués du discours au sommet France-Afrique de la Baule du Président François Mitterrand tenu en 1990. Le multipartisme naît en 1946 et se développe dans les années Cinquante à la faveur de l’octroi par la France – la puissance coloniale de l’époque – de la citoyenneté politique aux Congolais. Ce multipartisme, qui s’incarne essentiellement dans le Parti progressiste congolais (PPC) de Jean-Félix Tchicaya, le Mouvement socialiste africain (MSA) de Jacques Opangault et l’Union démocratique pour la défense des intérêts africains (UDDIA) de l’Abbé Fulbert Youlou, cesse d’exister en 1963 à la suite du décret de l’Abbé Fulbert Youlou, devenu depuis 1960 président de la République. Le décret de 1963, qui institue le parti unique est à l’origine des événements des journées des 13, 14 et 15 août 1963 (les Trois

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glorieuses) qui conduisent à la chute du régime du Président Fulbert Youlou. Le multipartisme au Congo n’est donc pas une invention de la Conférence nationale souveraine de 1990. Il est le résultat de plusieurs facteurs exogènes et endogènes et la Conférence nationale souveraine elle-même, une de ses conséquences majeures. Pour l’essentiel, le multipartisme connait deux périodes : – la première période est celle du multipartisme - à trois composantes - qui date de l’ère coloniale, se poursuit après l’indépendance et s’achève avec le mouvement dit révolutionnaire des 13, 14 et 15 août 1963 ; – la deuxième période commence en 1990, à la Conférence nationale souveraine, celle du multipartisme intégral actuel. Une observation s’impose : les deux césures de 1963 et 1991 ont été toutes opérées – constat étonnant – sous la conduite d’un même acteur social, le syndicat, qui apparaît, à différentes époques, comme l’élément moteur de la dynamique de l’évolution et du changement politiques au Congo. Ironie du sort ou paradoxe de l’histoire : à la suite de chaque changement, le mouvement syndical s’est retrouvé en mauvaise posture. Primo, après la destitution du Président Fulbert Youlou, l’idéologie de la nouvelle donne politique, le socialisme scientifique, impose, d’abord, le parti unique qui a été pourtant la pomme de discorde sous l’ancien régime, et ensuite le syndicat unique qui sonne le glas de l’existence des syndicats confessionnels. Secundo, à la suite de la Conférence nationale souveraine, l’instauration de la démocratie pluraliste a pour conséquence immédiate le multipartisme et, pour corollaire incontournable,

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le multi syndicalisme qui fait décliner le prestige de la Confédération syndicale congolaise (C.S.C). A propos de la dernière période, celle allant de la Conférence nationale souveraine à nos jours, quel est l’environnement institutionnel qui régit les partis politiques dans notre pays ? D’abord, qu’est-ce qu’est, en fait, un système multipartite ? Ensuite, comment a-t-il fonctionné au tout début de l’ère démocratique et effectivement aujourd’hui ? Une étude sur le multipartisme au Congo nous permet de nous interroger sur les causes de ce mouvement, de déterminer la place et /ou le rôle des partis en présence, les idéologies qu’ils véhiculent, leurs programmes et enfin, d’évaluer à la lumière de leur action, leur impact dans la vie publique nationale et internationale. I-Les causes du multipartisme Le paradoxe sur lequel se fondent les événements de 19631964 dans le champ syndical, à savoir le refus et la revendication du parti unique par les syndicats, se répète en 1990. En effet, le système du parti unique, qui était depuis 1964 la norme politique au Congo, est rejeté par le syndicat unique, la Confédération Syndicale Congolaise (CSC) qui constitue pourtant l’un de ses rouages essentiels. Mais, au-delà du paradoxe sur lequel reposent les changements politiques majeurs au Congo, deux séries de causes permettent d’expliquer la fin du système du parti unique et l’institution du multipartisme.

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1-Les causes d’origine externe Il s’agit de deux événements autour desquels s’est ordonnée la fin du XXe siècle : la Perestroïka dans l’URSS et la Chute du Mur de Berlin en Allemagne. La Perestroïka, qu’institue en URSS Mikhaïl Gorbatchev, vise à moderniser le système communiste par l’introduction d’un certain nombre de réformes. La plus importante de ces réformes consiste en la démocratisation du système communiste. Il faut souligner le paradoxe dans lequel culmine la Perestroïka. En effet, la Perestroïka, qui travaille à l’amélioration du système de gestion communiste en vue de la pérennisation du communisme, a paradoxalement conduit à l’effondrement du communisme. Car, le communisme est ainsi constitué que le moindre changement d’une partie du système provoque l’ébranlement et, par suite, l’effondrement de la totalité du système. Et c’est le résultat par lequel se conclut la Perestroïka. Car dès lors que, rompant avec la pratique du système communiste, Mikhaïl Gorbatchev annonce la fin du recours à la force , c’est-à-dire à l’Armée Rouge et aux troupes du Pacte de Varsovie pour lutter contre toute révolte susceptible d’advenir dans les pays communistes, c’est le système communiste tout entier qui s’écroule. Pareil écroulement dont témoigne la fuite massive des personnes vers l’Occident, s’achève en 1990 par la Chute du Mur de Berlin. Ce Mur, que les autorités soviétiques et est-allemandes avaient érigé en 1963 sur la ligne de démarcation séparant les zones d’occupation soviétique et « occidentale » (USA, France, Grande-Bretagne) afin d’empêcher le départ massif des Berlinois de l’est pour Berlin-Ouest, est détruit pierre après pierre par les Berlinois. Si la Perestroïka et la Chute du Mur de Berlin produisent des effets politiques dans le monde, puisque la carte du monde s’en trouve changée, la fin du système du parti unique obéit - 166 -

malgré tout au Congo à une série de motifs d’ordre interne. Sans doute le Parti congolais du travail annonce-t-il lors du Congrès de 1990 l’instauration du multipartisme. Mais, il s’agit d’un multipartisme limité, qui est loin de satisfaire l’ensemble des forces vives du pays. De fait, le mouvement qui mène au multipartisme s’adosse à deux séries de motifs qui apparaissent du reste liés. La première série de motifs renvoie à l’effondrement économique et financier du Congo en 1985. En effet, le pays étant en cessation de paiement, la nécessité s’impose alors aux autorités congolaises de passer par les fourches caudines du Fond Monétaire International (FMI). Le Congo sollicite l’assistance du FMI, qui lui impose en retour un Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Le PAS, qui enjoint à l’Etat congolais la réduction de toutes ses dépenses – à l’exception du service de la dette – conduit le gouvernement à cesser tout recrutement à la Fonction publique et à geler les effets financiers qui accompagnent généralement tout avancement dans la Fonction publique. La crise économique et sociale s’installe et se développe au Congo à la fin des années 1980. 2-Les causes d’origine interne C’est sur le fond de cette crise économique et sociale qu’éclate la grève générale des travailleurs que déclenche la Confédération Syndicale Congolaise (CSC) en 1989. Cette grève, qui paralyse l’économie du Congo, fragilise le pouvoir du PCT. Le paradoxe, qui gouverne tous les changements politiques depuis 1963, est une fois de plus à l’œuvre ici. Car la grève générale de 1989 qui ébranle le régime du Parti congolais du travail, est animée et dirigée jusqu’à son terme – l’ouverture de la Conférence nationale souveraine – par la Confédération Syndicale Congolaise qui est pourtant l’un des organes majeurs du système du Parti congolais du travail. Le - 167 -

leader de la Confédération Syndicale Congolaise – JeanMichel Bokamba-Yangouma – siège en effet au Bureau politique du Parti congolais du travail. Le syndicat unique est donc à l’origine de la fin du système du parti unique et, par voie de conséquence, du syndicat unique. Si en 1964, les syndicats congolais, dans un geste de suicide collectif, approuvent (à l’exception notable de la Confédération Autonome des Travailleurs Chrétiens) l’institution du syndicat unique consécutive à l’établissement du parti unique, en 1989, c’est l’inverse qui se produit. Le syndicat unique – la Confédération Syndicale Congolaise – qui, au moyen de la grève générale met fin au système du parti unique et du syndicat unique, détruit son propre monopole syndical pour faire droit au multipartisme et à la liberté syndicale. Il y a donc un paradoxe politique congolais dans la mesure où les changements politiques, loin de provenir des forces extérieures et hostiles au pouvoir, procèdent des organes internes du pouvoir. Ainsi, la fin de la liberté syndicale et du multipartisme en 1964 est-elle l’œuvre des syndicats euxmêmes. Et, la fin du système du parti unique et du syndicat unique en 1990 est-elle le fait du syndicat unique lui-même avec l’appui des forces en aigreur politique. Toutefois, le multipartisme qui s’instaure à partir de 1990 au Congo ne résulte pas seulement de l’action du syndicat unique, mais aussi du travail politique clandestin des exclus du Comité central du parti unique (Jean-Pierre Thystère Tchicaya, Christophe Moukouéké, Victor Tamba-Tamba, Pierre Nzé …) et des adversaires de longue date de ce système (Bernard Kolélas notamment). Un tel multipartisme s’articule, une fois mis en œuvre, généralement autour de trois types de partis politiques : les partis centraux, les partis périphériques et les partis intellectuels. Les partis centraux apparaissent comme des partis autour desquels s’organise le jeu politique, alors que les - 168 -

partis périphériques tout en s’affirmant comme des partis relativement importants ne font pourtant que graviter autour des partis centraux. Enfin les partis intellectuels sont des partis qu’anime l’élite intellectuelle et dont le poids politique est inversement proportionnel au poids électoral. II-Les partis politiques : présentation du multipartisme Il ne s’agit pas, à la lumière de la tripartition des partis politiques congolais en partis centraux, périphériques et intellectuels, de procéder au recensement et à la classification de l’ensemble des partis politiques congolais de la seconde phase de la démocratisation de la vie politique congolaise. On se propose seulement de mettre au jour la structure de l’espace politique congolais en donnant à comprendre les éléments constitutifs du jeu politique partisan à partir de 1990. Sans doute a-t-on esquissé une typologie des partis politiques de la seconde phase de la démocratisation de la vie politique congolaise ordonnée autour des partis centraux, périphériques et intellectuels. Mais cette esquisse, pour faire sens, exige, sauf à demeurer formelle et arbitraire, d’être fondé. Pareil fondement qui ne peut provenir que d’une recherche précise sur le poids réel des divers partis politiques congolais. Une telle recherche consiste seulement à s’enquérir des résultats des différentes élections qui ont scandé le champ politique congolais depuis vingt ans. Pareille recherche permet de classer parmi les partis centraux trois partis qui ont dominé le champ politique congolais depuis l’instauration du multipartisme : l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) et le Parti congolais du travail (PCT). Ces trois partis sont apparus comme des partis centraux dans le champ politique congolais dans la mesure où - 169 -

ils ont, à travers leurs candidats, recueilli lors de l’élection présidentielle de 1992 environ soixante-dix pour cent de l’ensemble des suffrages exprimés. De même, lors des élections législatives de 1992, ces trois partis ont réussi à obtenir les trois quarts des députés élus. Afin de cerner le système d’organisation du multipartisme actuel, on pourrait, d’abord, définir ce qu’est le multipartisme, ensuite analyser l’environnement institutionnel du système multipartite à travers les textes des constitutions successives et des lois réglementant les partis politiques, et enfin examiner les partis politiques en présence dans notre pays et s’interroger sur leur impact dans la vie publique nationale. 1-Essai de définition du multipartisme Le concept de multipartisme sous-entend évidemment la notion de parti politique.  Le parti politique On pourrait définir le parti politique par rapport aux questions auxquelles celui-ci souhaite apporter les solutions et aux objectifs qu’il se propose d’atteindre. En fait, un parti politique est un groupe de personnes qui partagent les mêmes intérêts, les mêmes opinions, les mêmes idées et qui s’associent dans une organisation structurée et institutionnalisée ayant pour objectif de se faire élire, d’exercer le pouvoir et de mettre en œuvre un projet politique ou un programme économique et social commun. Le parti peut être défini aussi comme une entreprise politique au sens où elle recherche une clientèle fidèle. Il conviendrait de mentionner que l’objectif de gouverner ensemble spécifie les partis politiques en les distinguant d’autres organisations comme les groupes de pression, les associations confessionnelles et les syndicats qui poursuivent un intérêt et un but corporatifs. - 170 -

 Le multipartisme. Le multipartisme est la caractéristique d’un régime politique qui admet, du fait de la liberté d’association dans le pays, l’existence de plus de deux partis politiques (bipartisme) dans la vie politique et parlementaire. Dans le régime multipartite, les autorités politiques acceptent la présence de plusieurs sensibilités dans les débats politiques et dans les élections, ainsi que la possibilité d’être remises en question et critiquées. C’est, avec la liberté de la presse, l’une des garanties qu’ont les citoyens du contrôle effectif du pouvoir exécutif. Offrant aux électeurs la possibilité de voter pour les candidats dont les idées sont plus proches de leurs convictions, le multipartisme est l’un des fondements de la démocratie. Il s’oppose au monopartisme qui symbolise les régimes autoritaires et dictatoriaux.  L’inventaire des partis politiques : leur nombre D’abord, à combien peut-on estimer le nombre de partis politiques au Congo et ensuite, qu’est-ce qui les différencie les uns des autres ? On se référerait ici aux idéologies et aux programmes de ces multiples partis politiques.  L’inventaire des partis politiques A priori, le nombre de partis politiques semble assez élevé au Congo. L’enquête entreprise auprès du ministère de l’Administration du territoire et de l’Intérieur a abouti à la conclusion selon laquelle aucune statistique d’ensemble n’est tenue. Il parait difficile, sinon impossible, de connaître le chiffre réel des partis politiques enregistrés par les services du ministère. Il est bien vrai que ce sont là les effets des différentes guerres que le pays a vécues. En réalité, il existe deux situations : celle précédant la promulgation de la loi de 2006 et celle d’après la publication de cette dernière. - 171 -

Dans la première situation, en dehors du fait que, physiquement, les dossiers sont éparpillés en divers endroits, donc introuvables, il parait impossible d’opérer le tri entre les associations de la société civile et les partis politiques à partir des registres établis sur la base de la loi de 1901, les dénominations étant souvent les mêmes pour les deux catégories d’organisations : Mouvement de, Rassemblement de, Renaissance de, etc. Les seules statistiques disponibles sont celles des partis politiques qui, ayant participé aux scrutins électoraux de 1992, ont obtenu au moins 1 élu. C’est ainsi qu’il a été enregistré pour les résultats des élections des conseils de districts, d’arrondissements, de régions et de communes du 3 mai 1992 : 34 partis politiques et pour les résultats des élections législatives des scrutins du 24 juin et juillet 1992 : 17 partis politiques . Dans la deuxième situation, l’immatriculation est évidemment l’objet fondamental de la loi n° 21- 2006 du 21 août 2006 sur les partis politiques. Ainsi, le fichier du ministère de l’Administration du territoire et de l’Intérieur fait ressortir les chiffres d’enregistrement des partis politiques ciaprès : - mois d’octobre au 28 décembre 2007 : 25 partis politiques - année 2008 : 1 parti politique - année 2009 : 6 partis politiques, soit un total de 32 partis politiques enregistrés sur la base de la loi de 2006. Si les dispositions du texte de cette loi avaient été respectées à la lettre, le nombre de partis politiques existant au Congo serait automatiquement connu comme ci-dessus reproduit. En effet, ces dispositions font obligation à tous les partis politiques créés sous l’empire de la loi de 1901 de régulariser

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leur situation par rapport à la nouvelle réglementation. Voici le libellé du texte de l’article 36 qui n’aurait été appliqué, à ce jour, par aucun des partis politiques fondés antérieurement à ladite loi : Les partis politiques légalement créés avant la promulgation de la présente loi demeurent et doivent se conformer aux dispositions de la présente loi dans un délai de douze mois à compter de la date de publication [échéance : le 21 août 2007]. 2- Les idéologies et programmes des partis politiques L’idéologie est la doctrine sur laquelle se construit l’action intellectuelle du parti, et le programme en est la phase pratique de l’idéologie, de sa mise en œuvre. Toutefois, si l’on doit procéder à la classification des partis politiques congolais en fonction des critères idéologique et programmatique, force est alors de distinguer deux sortes de partis : les partis de gauche et les partis de droite. Les partis congolais de gauche s’affirment tous « sociauxdémocrates », puisqu’avec la disparition de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques consécutive à l’échec de la Pérestroïka et à la Chute du Mur de Berlin, l’idéologie communiste est désertée. A l’inverse des partis congolais de gauche, qui se réclament tous de la social-démocratie, les partis congolais de droite n’affichent en général aucune idéologie. Ils se définissent simplement comme « humanistes ». Mais le plus souvent, ils revendiquent une idéologie mystico-religieuse dans laquelle dominent la référence aux mânes, mais aussi le messianisme. Le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) s’inscrit manifestement dans cette idéologie. - 173 -

Ainsi donc à gauche, la social-démocratie est la doctrine de l’UPADS (Lissouba), du RDD (Yhomby-Opango), du RDPS (Thystère-Tchicaya), du PCT (Sassou Nguesso), des Forces démocratiques nouvelles (codirigées par le docteur Léon Alfred Opimba et Jean-Marie Tassoua) et du Pcr (Lefouoba). Il convient de remarquer que dans le champ politique congolais, seul le Parti républicain et libéral de Nicéphore Fylla de Sainte-Eudes affiche jusque dans sa dénomination l’idéologie libérale et donc, un enracinement politique et économique de droite. Tous les autres partis politiques, à l’exception du MCDDI, se disent de gauche et revendiquent par conséquent l’idéologie social-démocrate. Mais si la quasi-totalité des partis congolais proclament leur appartenance à la social-démocratie, comment les distinguer ? Autrement dit, quel est alors le principe de discrimination des partis politiques congolais, si on abandonne le critère idéologique, puisque ces partis sont presque tous sociaux-démocrates ? La seule réponse possible, s’agissant des partis centraux et des partis périphériques, consiste à avancer le critère de l’ancrage régional comme élément de discrimination non seulement des différents partis sociauxdémocrates, mais encore de tous les partis politiques congolais. A l’orée de la Conférence nationale souveraine, deux partis sont, idéologiquement, l’un à l’antipode de l’autre : le PCT à la gauche marxiste et le MCDDI à la droite libérale. A l’issue de la Conférence nationale souveraine, le PCT abandonne l’idéologie marxiste-léniniste et opte pour la socialdémocratie. C’est la même idéologie dont s’est auparavant réclamé le RDD à sa naissance le 2 décembre 1990. L’Upads se présente, à la fois, sous la bannière du panafricanisme et d’un parti socialiste de type occidental. La même tendance socialiste semble être également l’option idéologique du RDPS. - 174 -

En fait, dans le fonctionnement du système politique congolais, tous les clivages idéologiques, s’il en existe en réalité, se trouvent, à chaque fois, relégués au second plan. Dans l’esprit du commun des mortels (congolais), ce sont des histoires de simples papiers à remplir pour obtenir le sésame, le récépissé du ministère de l’Administration du territoire et de l’Intérieur, qui autorise de se réunir. Les regroupements des partis politiques à idéologies politiques souvent opposées, dites alliances contre nature, à l’instar de celle scellée entre le P.C.T et le M.C.D.D.I en 1992, le prouvent et illustrent suffisamment ce constat désolant. Par rapport aux options idéologiques, les positions théoriques semblent suffisamment claires mais, concernant le fonctionnement pratique, les choses semblent moins évidentes. En tête de ces formations politiques gagnantes se trouvent à chaque fois cinq principaux partis politiques : l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (U.PA.D.S), le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (M.C.D.D.I), le Parti congolais du travail (P.C.T), le Rassemblement pour la démocratie et la paix sociale (R.D.P.S) et le Rassemblement pour la démocratie et le développement (R.D.D). 3-Les alliances politiques et leur impact dans la vie publique nationale. Les alliances sont des accords, des coalitions et, en politique, obéissent au principe d’union entre des personnes, des groupes de personnes différentes dont le but est de rassembler leurs énergies pour atteindre un objectif précis. Comme les partis politiques congolais se distinguent les uns des autres au moyen des lieux d’ancrage – les fameux fiefs politiques – comment comprendre les alliances qui se nouent entre eux ? Etant donné que le critère de la convergence idéologique n’est pas décisif, puisque la quasi-totalité des - 175 -

partis politiques congolais se réclament de la socialdémocratie, comment expliquer alors les alliances qui se tissent entre eux ? Il est facile de répondre que c’est l’opportunisme politique ou l’opportunisme domestique communément appelée « la politique du ventre » qui régissent les différentes alliances politiques au Congo. Pareille réponse se révèle non seulement injuste en ce qu’elle n’est avancée que pour disqualifier toute forme d’alliance politique au Congo, mais encore arbitraire en ce qu’elle repose sur la méconnaissance des alliances conclues entre les partis politiques congolais. Or une recherche sur la structure du champ politique congolais permet, au-delà de la typologie des partis politiques, de reconnaître trois principes d’explication des alliances politiques au Congo : la conquête du pouvoir, la participation au pouvoir et la constitution d’une alternative au pouvoir établi. Depuis un demi-siècle, les alliances au Congo se font sur l’unique volonté de diriger ensemble ou de conquérir le pouvoir. Cette volonté est mue par l’instinct de commander ensemble sans que celle-ci ne soit soutenue par un fond idéologique. Autrement dit, ce ne sont pas les idées qui commandent à la contraction des alliances au Congo, mais plutôt la gestion et le partage du pouvoir qui en sont le fondement, d’où leur fragilité. Les alliances conclues en vue de la conquête du pouvoir voient le jour pendant la Conférence nationale souveraine. L’enjeu des premières alliances politiques est constitué par la conquête du poste de Premier ministre du gouvernement de transition. Si l’on admet la thèse de Carl Schmitt selon laquelle la politique consiste à séparer les hommes en amis et ennemis, autrement dit à cliver l’espace politique, il faut alors rechercher le critère selon lequel le champ politique congolais

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se clive en 1990. Ce critère s’entend comme la proximité ou la distance à l’égard du Parti congolais du travail. A la lumière du critère de la proximité ou de la distance à l’égard du Parti congolais du travail, on constate que le champ politique congolais s’ordonne à l’époque de la Conférence nationale souveraine autour de deux forces politiques : l’Alliance nationale pour la démocratie (AND) et les Forces du changement. Si l’Alliance nationale pour la démocratie regroupe sous l’impulsion de Maurice Stéphane BonghoNouarra les partis favorables au pouvoir incarné par le Parti congolais du travail, en revanche les Forces du changement, dont le porte-parole est Lecas Atondi-Monmondjo, rassemble les partis hostiles au pouvoir. L’Alliance nationale pour la démocratie regroupe autour du Parti congolais du travail l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) de Pierre Nzé, le Mouvement africain pour la République et la solidarité (MARS) de Jean Itadi, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) de Pascal Lissouba et l’Union patriotique pour le redressement national (UPRN) de Mathias Dzon. Les Forces du changement, dont le socle est le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de Bernard Kolélas, sont constituées par le Rassemblement démocratique pour le progrès social (RDPS) de Jean-Pierre Thystère Tchicaya, le Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD) de Joachim Yhomby-Opango, l’Union pour le progrès (UP) de Jean-Martin Mbemba, l’Union démocratique pour le progrès social (UDPS) de BokambaYangouma, le Mouvement pour les libertés démocratiques (MOLIDE) de Patrice Yengo et la Cause de Grégoire Mavounia. Pour l’essentiel, ces deux alliances politiques se maintiendront jusqu’à l’élection de Pascal Lissouba à la magistrature suprême du Congo en août 1992.

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Il faut souligner, au regard des alliances politiques conclues lors de la Conférence nationale souveraine de 1990, un nouveau paradoxe qui participe du reste des paradoxes sur lesquels se fonde le jeu politique congolais. Ce paradoxe se fixe sur la démarche politique de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale. Pareille démarche a consisté, lors de la Conférence nationale souveraine, à défendre systématiquement le Parti congolais du travail des attaques dont il fait l’objet de la part des Forces du changement sur son bilan à la tête du Congo de 1968 à 1990. Comment comprendre qu’un parti, en l’occurrence l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), dont les principaux dirigeants ont lutté avec d’autres leaders politiques pour remettre en cause et finalement ruiner le pouvoir du Parti congolais du travail (PCT), puisse soutenir de toutes ses forces ce dernier et donc son bilan à la tête du Congo ? Une telle démarche, qui peut paraître à première vue incompréhensible, s’éclaire pourtant lorsque l’on pense à l’objectif de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), à savoir la conquête du pouvoir politique. Car des deux autres partis centraux susceptibles de conquérir le pouvoir du fait de leur enracinement dans des fiefs électoraux importants – le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) et le Parti congolais du travail (PCT) – l’adversaire majeur semble devoir être pour l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCCDI). D’autant plus que le Parti congolais du travail est apparu pendant la Conférence nationale souveraine relativement affaibli. Non seulement en raison de l’usure d’un pouvoir qu’il détient depuis plus de vingt ans, mais surtout en raison des critiques incessantes qu’il subit de la part des Forces du changement. L’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) réussit, pour reprendre les termes de Carl Schmitt, à transformer l’ami - 178 -

d’hier (le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral – MCCDI) en ennemi et l’ennemi d’hier (le Parti congolais du travail – PCT) en ami. Cette démarche politique se révèle payante, puisque le candidat de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), Pascal Lissouba, est élu contre Bernard Kolélas, le candidat du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) à la magistrature suprême avec le soutien du Parti congolais du travail (PCT) et les suffrages de ses électeurs.5 Paradoxalement, c’est à partir de l’élection de Pascal Lissouba que les alliances éclatent et qu’une restructuration du champ politique congolais se fait jour. Car les forces politiques qui ont travaillé à l’élection de Pascal Lissouba, se montrent incapables de s’entendre sur le partage du pouvoir. Lors des discussions politiques qui précèdent la constitution du gouvernement, le Parti congolais du travail revendique six à sept postes ministériels, dont deux ministères de souveraineté. L’Union panafricaine pour la démocratie sociale ne propose que trois ministères au PCT, parmi lesquels ne se trouve aucun ministère de souveraineté. C’est la rupture. Une rupture qui intervient à l’Assemblée nationale où le Parti congolais du travail (PCT) présente André Mouélé à la présidence du Parlement contre le candidat officiel de la Mouvance présidentielle, Ange-Edouard Poungui (qui n’est pas à l’époque membre de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale). Contre toute attente, André Mouélé, qui a bénéficié du vote des députés des Forces du changement, est élu. La crise politique s’installe dans le pays, puisque les faits montrent que le Président Pascal Lissouba ne dispose pas d’une majorité au Parlement pour mettre en œuvre le programme politique pour lequel il a été élu par les Congolais. La dissolution de l’Assemblée nationale à laquelle procède le Président Pascal Lissouba et l’annonce de nouvelles élections - 179 -

législatives ne font qu’exacerber la crise politique à laquelle le pays est en proie. C’est le coup d’envoi de la violence politique que le Congo va connaître pendant une décennie. La décennie 1990 apparaît à la lumière des tragédies qui s’y déroulent comme la pire période de l’histoire récente du Congo. Le Président Pascal Lissouba part en exil à la suite de sa défaite militaire devant Denis Sassou Nguesso. Et avec le Président Pascal Lissouba, c’est une grande partie de la classe politique congolaise qui disparaît, du fait de l’exil du champ politique congolais. Car, à la suite de la restructuration du champ politique congolais qui a conduit le Parti congolais du travail à rejoindre le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI), le Rassemblement démocratique pour le progrès social (RDPS) et l’Union pour le progrès (UP) dans l’opposition, une nouvelle alliance se crée contre le pouvoir incarné par l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) et la Mouvance présidentielle. C’est l’alliance Parti congolais du travail–Union pour la République et la démocratie (PCT-URD) et apparentés. Toutefois, cette alliance disparaît pendant la guerre civile de 1997 pour faire place à deux nouvelles alliances qui s’articulent sur les deux partis politiques en état de belligérance : le Parti congolais du travail (PCT) et l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS). Il s’agit d’une part des Forces démocratiques unies (FDU) qui gravitent autour du Parti congolais du travail (PCT) ; et d’autre part de l’ERDDUN dont le socle est l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS). Les Forces démocratiques unies (FDU) regroupent autour du Parti congolais du travail (PCT) l’Union patriotique pour le redressement national (UPRN) de Mathias Dzon, l’Union pour le progrès (UP) de Jean-Martin Mbemba, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) de Pierre Nzé et l’Union pour le - 180 -

redressement national (URN) de Gabriel Bokilo. De son côté, l’ERDDUN rassemble autour de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) le Mouvement congolais pour la défense de la démocratie et le développement intégral (MCDDI), le Rassemblement démocratique pour le progrès social (RDPS) de Jean-Pierre Thystère Tchicaya, l’Union des forces démocratiques (UFD) de David-Charles Ganao, le Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD) de Joachim Yhomby-Opango, le Parti congolais pour renouveau (PCR) de Grégoire Lefouoba. La seconde phase de la démocratisation de la vie politique au Congo, qui a commencé dans l’euphorie de l’ouverture de la Conférence nationale souveraine en 1990, s’achève tragiquement dans la guerre civile et la boucherie humaine de 1997 et de 1998-1999. Mais, plus grave encore, elle s’achève sur le visage hideux d’un pays en voie de « somalisation ». Il faut cependant reconnaître qu’en dépit de la « somalisation » dont le Congo a pu faire l’expérience à cette époque, les guerres civiles congolaises n’ont jamais tourné à la guerre ethnique, même si elles ont donné lieu à des exactions ethniques. Paradoxalement, ce sont les alliances constituées autour des deux parties en belligérance – les FDU et l’ERDDUN – dont les leaders appartenaient à toutes les régions du Congo, comme du reste les combattants des deux parties qui ont, par leur existence, empêché que la guerre civile sombre dans la guerre ethnique. Car si la guerre civile apparaît comme la pire tragédie qui puisse advenir dans un pays, puisqu’elle conduit à sa destruction, la guerre ethnique est une tragédie encore plus grande, puisqu’elle vise l’élimination physique de ses habitants.

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Il faut attendre l’élection présidentielle de 2002 pour assister au retour de la démocratie. A la faveur de ce retour, de nouvelles alliances politiques voient le jour. Il s’agit du côté du pouvoir des Forces démocratiques unies (FDU) auxquelles se rallie le Rassemblement démocratique pour le progrès social (RDPS) de Jean-Pierre Thystère Tchicaya jusque-là proche du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de Bernard Kolélas. Aux Forces démocratiques unies (FDU) s’oppose une coalition de partis politiques qui s’est constituée autour de l’Union pour la démocratie et la République (UDR-Mwinda) et de son leader André Ntsantouabantou-Milongo. Ce dernier, qui s’est déclaré candidat à la présidence de la République et dont la candidature rencontre un succès certain, retire curieusement sa candidature la veille de l’élection présidentielle, permettant ainsi la facile victoire du Président Denis Sassou Nguesso. La décrispation du jeu politique s’instaure à l’occasion du dialogue que le régime du Président Denis Sassou Nguesso noue à partir de 1999 avec l’opposition. A la faveur de ce dialogue, un certain nombre de personnalités politiques de l’opposition rentre au Congo. Parmi elles, le premier groupe vient de Yaoundé. Il s’agit de Marius Mouambenga, de Mélanie Ibouritso et de Luc Adamo Matéta. Le groupe de Paris constitué par l’ancien Président du Sénat Augustin Poignet, Grégoire Lefouoba et Claudine Munari-Mabondzot, rentre pour prendre part aux travaux du Dialogue National Sans Exclusive qui s’ouvre à Brazzaville en avril 2001 en présence des Présidents Denis Sassou Nguesso du Congo et Omar Bongo-Ondimba du Gabon. Mais, c’est surtout le retour de Bernard Kolélas au Congo à la suite du décès de son épouse, conjugué à celui de Joachim YhombyOpango et de certains dirigeants de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) comme Christophe - 182 -

Moukouéké ou Victor Tamba-Tamba qui contribue non seulement à la décrispation quasi-définitive du jeu politique, mais encore à l’établissement de nouvelles alliances. Ainsi, le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement (MCDDI) et le Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD) se rapprochent-ils du Parti congolais du travail (PCT) avec lequel ils concluent une alliance politique. Face à ce renforcement de la Majorité présidentielle, qui se dote d’ailleurs de nouvelles plates-formes – le Rassemblement pour la majorité présidentielle (RMP) d’une part et l’Initiative nationale pour la paix (INP) d’autre part – l’opposition se réorganise. Cette réorganisation signifie en réalité son morcellement. En effet, deux plates-formes se constituent respectivement autour de l’Union patriotique pour le redressement national (UPRN) de Mathias Dzon et l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) de Pascal Gamassa et de Pascal Tsaty-Mabiala. Au terme de cet exposé sur les causes et la réalité du multipartisme au Congo de 1990 à 2010, il convient de faire le bilan de la seconde phase de la démocratisation, puisque l’instauration du multipartisme ne vise que la démocratisation du pays. A se livrer à cette entreprise, force est de constater l‘échec global de cette seconde phase de la démocratisation au Congo. Un échec d’autant plus irrécusable que la démocratisation a conduit aux pires tragédies que le Congo ait pu connaître. Sans doute pourrait-on objecter que la période ouverte par l’élection présidentielle de 2002 apparaît comme une période plus apaisée dans la mesure où la violence inhérente au jeu politique partisan a, sinon disparu, du moins s’est considérablement atténuée. De sorte que la thèse selon laquelle le Congo serait toujours au bord de la guerre civile lors de chaque élection majeure – présidentielle et législative – ne se vérifie plus depuis 2002. Mais l’inactualité de cette thèse - 183 -

s’explique essentiellement par la faiblesse de l’opposition. En effet, le jeu politique apparaît depuis 2002 complètement déséquilibré entre un pouvoir disposant d’une majorité plus que confortable au Parlement, et une opposition exsangue dont le nombre d’élus dépasse de peu la dizaine. Un tel déséquilibre s’avère préjudiciable à la démocratie. Car, ne pouvant s’exprimer au Parlement, l’opposition vit sous la tentation permanente du recours à la rue pour se faire entendre. A l’observation, la place des partis politiques et les rôles joués par ces derniers sont fonction des contingences politiques et des périodes historiques. Les partis politiques peuvent être perçus, selon les circonstances, comme des sujets ou des acteurs de la vie politique. Leurs structures organisationnelles sont le reflet du niveau d’évolution et d’organisation générale de la société politique nationale. La vie ou la survie des partis politiques dépend des conditions historiques et surtout des facteurs économiques et de l’environnement sociopolitique. Ainsi, la méthodologie de cette partie de l’exposé se fonde sur la dimension historique, les périodes historiques ci-dessus présentées. Au cours de la première période, celle du rêve démocratique qui a suivi l’euphorie de la Conférence nationale souveraine, les partis politiques sont pratiquement en chantier. Leur nombre va croissant et devient impressionnant vers la fin de la Transition comme sous l’effet d’un appel d’air que constituerait l’ouverture démocratique. On observe un phénomène remarquable : le rapport des partis et la presse écrite. La plupart des partis politiques cherchent à créer leur organe de presse, à l’instar de « Le Soleil » du M.C.D.D.I, « La Colombe » du R.D.P.S., « La Différence » du P.R.D.C, etc.

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Suivant en cela l’exemple du P.C.T qui a conservé, malgré les débats internes controversés, son ancien étendard rouge, chaque parti politique souhaite se distinguer par des emblèmes singuliers. Le M.C.D.DI, le R.D.P.S. et le R.D.D. se sont eux aussi dotés de symboles particuliers : des drapeaux et des hymnes du parti. Toutes les conditions semblent être réunies pour l’entrée en scène, le passage à l’action politique effective par les partis politiques. La deuxième période est celle où les partis politiques font preuve d’activisme en leur sein et jouent un rôle prépondérant dans la vie politique nationale en contractant des alliances circonstancielles et en opérant des regroupements qui s’avèrent déterminants pour la suite des évènements. Au sortir de l’élection présidentielle, des clivages partisans apparaissent, se cristallisent nettement et bousculent les anciennes affinités constituées lors de la gestion de la Transition. A titre d’illustration, le groupement dit des « Forces de Changement » se fissurent et se divisent entre les proches de l’ancien Premier ministre André Milongo et les partisans du leader du M.C.D.D.I., Bernard Kolélas. Les partis politiques ayant soutenu le candidat élu, Pascal Lissouba, s’alignent derrière le parti politique majoritaire au parlement, l’U.PA.D.S., sous le label « Mouvance Présidentielle », tandis que les partis politiques qui se réclament de l’opposition se regroupent autour du M.C.D.D.I, dont le leader a été le perdant du deuxième tour de l’élection présidentielle, et forment l’Union pour la République et la Démocratie (U.R.D). Il importe de mentionner et d’insister sur la question des alliances et des regroupements politiques, qui est une préoccupation fondamentale et permanente des gouvernants de - 185 -

cette période. C’est la source essentielle de l’instabilité congénitale de la législature de 1992, car aucun des principaux partis politiques n’a atteint la majorité absolue lors des scrutins législatifs. Sur 120 sièges à l’Assemblée Nationale, l’U.PA.D.S a obtenu 40 députés, le M.C.D.D.I : 29, le P.C.T : 19, le R.D.P.S : 9 et le R.D.D : 5. La première crise qui intervient et qui détermine à jamais le reste du mandat présidentiel, c’est le désaccord sur la gestion de l’alliance entre l’U.PA.D.S. et le P.C.T. Ce désaccord, conjugué avec la création d’une alliance doublement revancharde entre l’U.R.D et le P.C.T., ainsi que d’autres partis politiques désignés sous le vocable « Apparentés », a abouti à la motion de censure, à la dissolution de l’Assemblée Nationale, suivie par des manifestations de rue, des barricades et la destruction des biens publics par les militants de l’opposition, à l’organisation des élections législatives anticipées, aux guerres de 1993 et 1994, etc. Cette dualité oppositionnelle, antagoniste et prolongée des regroupements des partis politiques dans la gouvernance publique, a créé inévitablement les conditions propices au déclenchement de la guerre du 5 juin 1997. La troisième période, celle de la deuxième transition, se caractérise par la mise en veilleuse, sinon la disparition pratiquement, des partis politiques de l’ancienne majorité parlementaire, et la primauté réservée, dans la vie politique nationale, aux partis politiques alliés du P.C.T., le vainqueur de la guerre civile. Le premier regroupement de ces derniers partis politiques s’est opéré pendant la guerre sous le label de Front Démocratique et Patriotique (F.D.P.) pendant que les partis politiques de l’ancienne Mouvance Présidentielle s’allient au M.C.D.D.I. et créent un groupement dénommé l’E.R.D.U.N.N. - 186 -

Celui-ci disparaît avec la fin de la guerre et le départ en exil de ses principaux leaders. A la suite de la victoire militaire, le F.D.P s’est mué en Forces Démocratiques Unies (F.D.U) qui soutiennent l’action du gouvernement d’union nationale et de salut public. C’est vers la fin de la transition, à partir de l’année 2001 que les partis politiques dits de l’opposition, ou ce qu’il en reste, tentent de reprendre du souffle pour se réorganiser en créant, un regroupement dénommé d’abord, « Collectif des 6 » et ensuite, « Collectif des 11 ». Après le Dialogue National Sans Exclusive, avec le retour d’exil d’un certain nombre de leaders politiques, une plateforme politique plus structurée – dénommée Convention pour la Démocratie et le Salut (CODESA) – est mise en place. Cette dernière constitue le cadre indiqué permettant aux partis politiques de l’opposition d’aborder, dans la cohésion, les élections législatives de 2002. Mais hélas, tel n’a pas été la réalité. La période actuelle, la quatrième, allant de 2002 à nos jours, est marquée, aussi bien au niveau des partis politiques de la majorité que de ceux de l’opposition, par les effets directs ou indirects de la participation aux scrutins législatifs de 2002. Au sein des partis politiques formant les F.D.U, les conditions de participation à travers la répartition des localités, le déroulement de la campagne électorale et enfin l’attribution des portefeuilles ministériels ont créé des frustrations et généré des récriminations. Le parti politique majoritaire, le P.C.T., a été accusé d’hégémonisme. Les dissensions traitées en sourdine ont apparu au grand jour à partir du premier trimestre de l’année 2004. Le départ des cinq partis politiques ci-après, a sonné le glas des F.D.U : l’U.N.D.P. de Pierre Nzé, l’U.R.N. de Gabriel Bokilo, l’U.P.R.N. de Mathias Dzon, l’A.C.C.O.S. de Léon Alfred Opimba et le R.D.P.C. de Jean Marie Tassoua. - 187 -

A partir de la fin de l’année 2004, les querelles internes du P.C.T. remontent en surface, des remises en question qui s’extériorisent par le célèbre concept de « refondation » qui met le feu aux poudres. A l’opposition, les dissensions qui font jour proviennent des divergences d’appréciation sur la participation aux élections législatives et sur la création d’une éphémère alliance électorale autour de l’U.D.R.- Mwinda, dénommée Alliance démocratique pour le Progrès (A.D.P.). Un nouveau regroupement se met en place en 2005 à côté de la CODESA. Il est dénommé : Convention pour la Démocratie et l’Alternance (Code « A ») et regroupe l’U.PA.D.S, le M.C.D.D.I, un certain nombre de partis de moindre gabarit et deux anciens membres de la CODESA : le P.C.R. de Grégoire Léfouoba et la C.R. de Ambroise Malonga. L’approche des élections législatives de 2007 et de l’élection présidentielle de 2009 redessine une nouvelle configuration des partis politiques dans notre pays. A la veille des élections législatives de 2007, une nouvelle plateforme politique est créée à l’opposition, dénommée Alliance pour La République et la démocratie (A.R.D.) et regroupe l’U.P.R.N., qui vient de quitter le camp de la majorité, le P.S.D.C. de Clément Miérassa et les habituels partis politiques de l’opposition : l’U.PA.D.S et le R.D.D. Le P.C.R, allié de ces derniers partis politiques, s’estime exclu et en a pris bonne note. A la majorité, une alliance se noue entre les partis politiques dissidents des F.D.U. Elle est dénommée : Forces Démocratiques Nouvelles (F.D.N) et regroupe le R.D.P.C., l’U.N.D.P. et le M.N.H.C. de Jean Louis Fragonard et ainsi qu’un certain nombre d’autres partis politiques de moindre - 188 -

importance. L’ambition de départ des F.D.N. est de se constituer en un parti politique. L’approche de l’élection présidentielle de juillet 2009 a été l’occasion de renforcer la dynamique unitaire de l’espace politique de la majorité par la création de deux grands mouvements : le Rassemblement pour la Majorité Présidentielle (R.M.P) et l’Initiative Nationale pour la Paix (I.N.P.) qui ratissent large jusqu’aux confins de l’opposition, en ralliant respectivement le R.D.D. au premier regroupement, et le P.C.R. au deuxième. CONCLUSION La réflexion sur le multipartisme en République du Congo bute sur des problématiques apparemment insolubles et inhérentes à l’origine et à la nature des partis politiques en général en Afrique : des considérations relevant de leurs idéologies, des programmes de gouvernement, de leur nombre exponentiel et du poids de la réalité ethnocentriste. L’option idéologique et le programme économique et social - corollaire de cette dernière - qui constituent les fondements de l’entreprise politique semblent, en réalité, avoir été légués au second plan par les leaders des partis politiques depuis la fin de la « guerre froide » et la disparition de la conflictualité radicale entre le camp socialiste et le monde capitaliste. La conception idéologique en vogue consiste à se situer au « centre » et à adopter pour programme de gouvernement la théorie de la social-démocratie devenue presque comme une sorte de panacée incontournable. Le nombre de partis politiques élevé provient d’un fait normal et évident : la création d’une formation politique relève de l’initiative privée. Celle-ci est financée par des ressources

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personnelles du ou des fondateurs et les risques d’entreprise sont prises à titre personnel. La puissance publique a bien prévu le cadre d’évolution des partis politiques par une réglementation conséquente. Le nombre des partis politiques devrait normalement s’autoréguler – comme dans toute société libérale, de démocratie pluraliste – à travers cette sorte d’écrémage : l’organisation d’élections libres et transparentes, sous-entendu que le nombre de sièges au parlement n’est pas du tout extensible. L’ethnocentrisme figure en bonne place dans le lot des griefs qui sont formulés à l’endroit des partis politiques. On pourrait regrouper sous ce concept toute la litanie de terminologies usitées dans le vocabulaire politique national pour exorciser la maladie incurable : népotisme, tribalisme, ethnisme, régionalisme, villagisme, etc. La loi n° 21-2006 du 21 août 2006 sur les partis politiques se préoccupe essentiellement du phénomène de l’ethnisme qu’elle doit conjurer par une vaine imposition de la diversité des membres de la direction du parti et de l’implantation des sièges dans tous les départements du pays (article 9). Or, elle devrait se préoccuper de l’articulation de la démocratie dans un pays archaïque au plan de la pensée politique. En fait, s’il est vrai qu’aux premières heures des indépendances africaines, la création des partis uniques a été motivée par la préoccupation de lutter contre le phénomène de l’ethnocentrisme, on peut en déduire qu’il s’est agi alors des grands groupes ethniques. Mais au Congo, un parti politique qui se fonderait sur une base électorale aussi restreinte que la famille parentale, le clan ou la tribu ne serait-il pas, véritablement, un mort-né ? En réalité, le phénomène de l’ethnocentrisme pourrait être analysé comme une sorte de pathologie, faire l’objet d’un diagnostic correct et d’une thérapie adéquate qui débarrasserait le - 190 -

système multipartite de cette véritable gangrène, et cela dans l’optique du pouvoir exécutif, à travers une bonne gouvernance publique, électorale particulièrement. Le multipartisme se construit au Congo avec en majorité du personnel qui a animé le Mouvement national de la révolution (MNR) et le Parti congolais du travail (PCT), tous les deux des partis uniques. Il est pertinent de se poser la question suivante afin de comprendre les difficultés de construction nationale : est-il possible de promouvoir des valeurs pour lesquelles on n’est pas assez formés ? La plupart des leaders politiques qui occupent la scène congolaise ont été membres du Parti congolais du travail à un moment ou un autre de leur vie, et leur parcours s’explique, pour une bonne part, à travers l’histoire de leurs démêlés avec l’ex-parti unique. Au total, le multipartisme au Congo reflète en grande partie l’histoire tumultueuse du Parti congolais du travail et se vit à la fois comme menace des positions acquises et aussi comme vengeance des personnes qui ont été longtemps marginalisées. Dans cette confusion à identifier la dynamique des véritables enjeux de la Nation, faute de prégnance idéologique sur les masses et les élites, la tribu et le clan parasitent avec force le discours du renouveau politique. La démocratie, comme hier le socialisme scientifique, devient un slogan vidé de tout contenu. Le multipartisme mériterait une réflexion saine, débarrassée de toute passion ruineuse afin de construire un lendemain aux fondations solides. Autrement dit, le risque du surplace est plus que manifeste.

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CHAPITRE 7 HISTOIRE DES INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES CONGOLAISES (1957-2002)

Par Placide MOUDOUDOU INTRODUCTION Le mot institution (du latin instituere : disposer, établir) connaît un sens large qu’on peut concevoir comme « tout ce qui est inventé et établi par les hommes, en opposition à ce qui est de nature ». Dans un sens plus étroit, cette notion inclut toutes les structures juridiques qui encadrent des réalités et des comportements sociaux : le mariage, la propriété, l’entreprise, l’Etat, les collectivités locales, le contrat et autres sont des institutions. Il s’agit d’artifices juridiques établis dans un but précis, celui d’encadrer et de rendre plus sûre la vie collective. L’administration est une notion ambivalente. Au sens fonctionnel, le mot « administration » renvoie à une mission ou une fonction. Il devient synonyme d’activité et connaît un dérivé dans le verbe « administrer », c’est-à-dire « gérer ». Au sens organique, l’administration est une structure, une organisation qui se décline en un nombre variable d’organes à vocations très différentes. Ces organes seront aussi appelés « administrations ». Il faut distinguer les institutions administratives des institutions politiques, même si elles sont parfois incarnées par la même personne ou autorité. Les institutions politiques sont celles qui découlent de l’organisation constitutionnelle d’un - 193 -

Etat : Présidence de la République, Sénat, Assemblée nationale, ministères, etc. Les institutions administratives englobent les structures permettant aux institutions politiques de mettre en œuvre leur programme. En cela, l’administration relève du seul pouvoir exécutif. La présente étude tend à présenter l’évolution de certaines institutions administratives congolaises qui sont soit nationales, soit locales. Ne pouvant les présenter toutes, un choix a été opéré ; il porte sur l’histoire des ministères, de la décentralisation, des régions et de l’administration économique. Une place a également été consacrée aux institutions administratives actuelles. I - L’histoire des ministères Elle commence avant l’indépendance, le 6 juin 1957, lorsque Jacques Opangault, Vice-président du Conseil de Gouvernement, rend public le premier gouvernement congolais. Ce Gouvernement appelle au moins trois observations. La première porte sur le nombre de ministères : dix seulement. Le second vient du fait qu’aucun ministère de souveraineté (excepté les finances) n’est institué ; cela est parfaitement compréhensible dans la mesure où le Congo n’est pas encore un Etat indépendant. Ces ministères sont : le ministère de l’administration générale et de l’information (rattaché à la Vice-présidence) ; le ministère de l’agriculture, de l’élevage, des eaux et forêts et de la météorologie ; le ministère des affaires économiques, des paysannats et du plan ; le ministère des affaires sociales ; le ministère de l’enseignement, de la jeunesse et des sports ; le ministère des affaires financières ; le ministère du budget ; le ministère de la fonction publique ; le ministère des travaux publics et de l’infrastructure aérienne ; le ministère de la production industrielle, des mines, des transports et du tourisme. Tous ces - 194 -

ministères sont, comme on le constate, à caractère économique et social. Enfin, on note la présence de Français dans ce gouvernement d’avant indépendance : André Kerherve, Charles Vandelli, Jean Nardon, Joseph Vial (soit 4 ministres sur 10). Le second Gouvernement qui date du 8 décembre 1958 compte 16 ministères, avec la particularité d’être dirigé par un Premier ministre (l’Abbé Fulbert Youlou). Les autres particularités résident en l’apparition des ministres d’Etat sans portefeuille (Albert Fourvelle et Valentin Thombe), des secrétaires d’Etat (Victor Sathoud à la Fonction publique, Hilaire Mavioka à l’enseignement, Valentin Moubouh aux finances, Jean Biyoudi à la jeunesse et aux sports, Germain Samba à la Santé publique), d’un vrai ministère de l’intérieur (Stéphane Tchitchelle). Le 3 juillet 1959, une autre équipe gouvernementale est mise en place par le Premier ministre Fulbert Youlou. Sa particularité est la naissance de ministres qui sont délégués soit à une mission précise (secrétariats d’Etat à la Présidence du Conseil, délégués à l’information pour Christian Jayle, à la fonction publique pour Victor Sathoud) soit à un lieu déterminé (Secrétariat d’Etat dans la métropole pour Philippe Bikoumou, Vice-Président du Conseil, ministre de l’intérieur, délégué du Premier ministre à Pointe-Noire : Stéphane Tchitchelle). On note une instabilité institutionnelle au niveau ministérielle, puisque le 17 février 1960, le Congo connaît une quatrième équipe gouvernementale réduite à 10 ministères ; on note le départ des hommes politiques français du gouvernement. L’approche et la préparation des festivités marquant l’indépendance du pays peuvent expliquer ce changement radical qu’on n’observe pas au niveau local puisque certaines préfectures étaient encore administrées par des citoyens français. C’est ce gouvernement qui assure la gestion des affaires publiques au moment de l’indépendance.

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La cinquième équipe gouvernementale est constituée par le Président Fulbert Youlou le 11 janvier 1961. Il compte 13 ministères. Il est créé les ministères de la Justice (Jacques Opangault), des affaires étrangères (Stéphane Tchitchelle). Une vice-présidence de la République subsiste depuis 1961, occupée cumulativement à ses fonctions de ministre de la justice, Garde des Sceaux par Jacques Opangault, puis le 25 juin 1962, par Stéphane Tchitchelle cumulativement à ses fonctions de ministre des affaires étrangères et maire de Pointe-Noire. Le 20 mai 1963, la nomination de Jacques Opangault comme ministre d’Etat fait réapparaitre une institution qui avait disparu. Au lendemain de la chute du Président Fulbert Youlou, un « gouvernement provisoire » dont Alphonse Massamba-Débat devient le Premier ministre, est constitué. Il n’est composé que de 7 ministres : le chef du « gouvernement provisoire » luimême, l’information et l’Office du Kouilou sont rattachés au ministère de l’intérieur (Germain Bicoumat), l’éducation nationale, les sports, la jeunesse sont rattachés au ministère de la santé (Bernard Galiba), le plan, les travaux publics, les mines, les transports et l’Agence Transéquatoriale de Communication relèvent du ministère de l’économie ( Paul Kaya), les finances, les Postes et Télécommunications et l’ASECNA sont sous l’autorité de Edouard Ebouka-Babakas, le ministère de la justice et de la fonction publique est placé sous l’autorité de Jules Nkounkou, alors que Charles Ganao conduit les affaires étrangères. Après l’élection d’Alphonse Massamba-Débat comme président de la République le 19 décembre 1963, le 24 du même mois, un nouveau gouvernement conduit par Pascal Lissouba en qualité de Premier ministre est publié. Il est semblable au précédent ; mais on observe l’entrée, pour la première fois, des syndicalistes qui ont joué un rôle important dans la chute du régime de l’Abbé Fulbert Youlou : Aimé Matsika est nommé ministre du commerce, de l’industrie , des - 196 -

mines, chargé de l’ASECNA et de l’aviation civile, Pascal Okiemba est nommé ministre de la justice, garde des sceaux, tandis que Gabriel Betou est placé à la tête du ministère du travail et de la fonction publique. Le 28 octobre 1964, le gouvernement subit un léger réaménagement ; deux nouveaux ministres et deux secrétaires d’Etat complètent le gouvernement du 24 décembre 1963 : Pierre Mafoua devient garde des sceaux, chargé de la justice et de la fonction publique, Grégoire Boukoulou est quant à lui ministre de l’Education nationale, de la culture et des arts. Les deux secrétariats d’Etat sont rattachés à la Présidence : André Hombessa, après son élection à la tête de la Jeunesse du Mouvement national de la révolution (JMNR) le 06 août 1964, devient secrétaire d’Etat à la présidence, chargé de la jeunesse et des sports, tandis que Bernard Zoniaba est nommé secrétaire d’Etat à la présidence, chargé de l’information et de l’éducation populaire et civique. L’instabilité gouvernementale constitue la maladie infantile du Congo indépendant puisque moins d’un an après la constitution du gouvernement d’octobre 1964, le 6 avril 1965 est mis en place une nouvelle équipe gouvernementale, dirigée par le même Premier ministre, Pascal Lissouba. La constitution de cette équipe semble traduire la volonté du Président Massamba-Débat de mieux affirmer son autorité, car on note que André Hombessa (un proche du chef de l’Etat) devient ministre de l’intérieur et des postes et télécommunications et, un secrétariat d’Etat à la présidence, chargé de la défense nationale (dirigé par Claude Da Costa) est crée pour la première fois, tandis que Claude Ernest Ndalla est nommé secrétaire d’Etat à la présidence, chargé de la jeunesse et des sports. Après un aménagement technique le 31 décembre 1965, le 6 mai 1966 Ambroise Noumazalaye est nommé Premier - 197 -

ministre, en remplacement de Pascal Lissouba. Tandis que David Charles Ganao (Affaires étrangères), Edouard EboukaBabackas (finances), André Hombessa (intérieur), FrançoisLuc Makosso (justice) et Aimé Matsika (commerce et industrie) conservent leurs postes, on note la disparition du secrétariat d’Etat à la présidence, chargé de la défense nationale (Da Costa étant nommé ministre de la reconstruction, de l’agriculture et de l’élevage). Mais le 12 janvier 1968 est publié un autre gouvernement amputé du poste de Premier ministre. On observe la résurrection du secrétariat d’Etat à la présidence, chargé de la défense nationale à la tête duquel est placé le Lieutenant Poignet. Le poste de Premier ministre ne réapparaît que le 30 août 1973 dans le gouvernement Henri Lopès ; entre temps, il était remplacé par celui de Vice-Président du Conseil d’Etat (successivement occupé par le Commandant Alfred Raoul en 1970, Aloïse Moudileno-Massengo en 1971, et Ange-Edouard Poungui en 1973). Le gouvernement, du fait des changements politiques et idéologiques intervenus en 1968, est désormais remplacé par un « Conseil d’Etat ». Mais trois Premiers ministres en trois ans révèlent l’échec du bicéphalisme au sein de l’exécutif. Ce bicéphalisme subsistera de manière continue jusqu’en 1997. Autres observations : l’éducation nationale est éclatée en deux ministères dans le gouvernement Moudileno-Massengo : celui de l’enseignement primaire et secondaire est dirigé par Christophe Moukouéké et celui de l’enseignement technique, professionnel et supérieur est placé sous l’autorité de JeanPierre Thystère-Tchicaya. De plus, l’urbanisme et l’habitat (Victor Tamba-Tamba) sont érigés en ministères à part entière dans le gouvernement Poungui de 1973 ; la même année l’énergie connait aussi cette mutation (Antoine Kaine) dans le gouvernement Lopès.

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Le poste de Vice-Premier ministre a fait son apparition dans le gouvernement Lopès de 1975 (Charles Ngouoto). Il ne fera pas long feu, puisqu’il n’a plus existé. Par contre, le département de l’environnement apparu la même année dans le gouvernement Louis-Sylvain Goma survivra, comme survivront le tourisme et la recherche scientifique apparus dans le gouvernement du 5 avril 1977. Les gouvernements successifs ne font que reprendre, mutatis mutandis, les mêmes structures, associant des compétences verticales (Défense, industrie, commerce, etc.) à celles de nature horizontale (finances, fonction publique, intérieur, etc.). Enfin, il faut signaler la création d’un ministère chargé des droits de la femme, dans les années 1990. II - L’histoire des régions Avant l’indépendance, l’organisation administrative territoriale congolaise n’était pas fondamentalement différente de celle des autres territoires africains francophones. Les chefs des circonscriptions administratives étaient des fonctionnaires de l’Etat français appartenant généralement au corps des administrateurs de la France d’outre-mer. A partir de 1958, ceux-ci sont progressivement remplacés par des nationaux qui ont reçu une formation appropriée dans les différentes Ecoles d’Administration africaines et française, et intégrés dans les cadres de l’administration générale créés dans tous les nouveaux Etats. De 1960 à 1973, l’administration congolaise était marquée par une forte centralisation. Malgré le changement intervenu dans sa nationalité, le préfet demeure une autorité déconcentrée : délégué du pouvoir central, il est le représentant de chacun des ministres. Il est nommé par décret du président de la République, sur proposition du ministre de l’intérieur. En effet, le décret du 15 décembre 1964, relatif au pouvoir des - 199 -

préfets et à l’organisation des services administratifs dans les préfectures, traduit une forte concentration des pouvoirs. Ce décret est lui-même pris sur le fondement de l’ordonnance n°07/63 du 3 octobre 1963 instituant les conseils de préfecture et de sous-préfecture. A cette date, il n’existait pas de services préfectoraux en tant que tels ; les services administratifs comme les régions sanitaires ou les subdivisions des travaux publics n’étaient que des subdivisions de l’Etat. En 1965, sous l’ère du socialisme dit « africain », les préfets sont remplacés par des commissaires du gouvernement (décret n°65/81 du 10 mars 1965 portant création des commissaires du gouvernement). Cette organisation est maintenue dans ses grandes lignes par le décret du 14 janvier 1968 relatif aux pouvoirs des Commissaires du gouvernement et des chefs de districts. Mais en réalité, le schéma de l’organisation administrative territoriale demeure inchangé ; le passage de la région à la préfecture et, inversement, ne change pas fondamentalement cette organisation. Il y avait 15 préfectures et 44 sous-préfectures. Les premières correspondaient respectivement au découpage suivant : Kouilou (Pointe-noire), Niari (Dolisie), NyangaLouessé (Mossendjo), Bouenza-Louessé (Sibiti), Letili (Zanaga), Niari-Bouenza (Madingou), Pool (Kinkala), Djoué (Brazzaville), N’Kéni (Gamboma), Léfini (Djambala), Alima (Boundji), Equateur (Fort-Rousset), Sangha (Ouesso), Mossaka (Mossaka), Likouala (Impfondo). L’organisation administrative régionale actuelle remonte dans ses grandes lignes au décret du 25 août 1967 fixant l’organisation territoriale de la République ainsi que les chefslieux des régions. Ce texte crée neuf régions selon le découpage suivant : Kouilou (Pointe-Noire), Niari (Dolisie), Bouenza (Madingou), Pool (Kinkala), Plateaux (Djambala), Lékoumou (Sibiti), Sangha (Ouesso), Cuvette (Fort-Rousset), Likouala (Impfondo). Trois autres entités régionales ont été - 200 -

créées (Cuvette-ouest dans les années 1990, Brazzaville et Pointe-Noire en 2003). III - L’histoire de la décentralisation Les constitutions successives du 30 mars 1969 (article 60) puis du 24 juin 1973 (article 77) instituent une nouvelle forme d’administration locale : les « pouvoirs populaires » constitués des conseils populaires de district et de région. Il s’agit en réalité d’une forme de décentralisation, puisque pour la première fois, au Congo, les autorités locales sont élues sur liste unique présentées par le Parti congolais du travail, parti unique. D’ailleurs le mot décentralisation apparaît pour la première fois dans le vocabulaire juridique national dans la constitution du 30 mars 1969 mais, elle n’est appliquée que sous la constitution du 24 juin 1973. Les dispositions de l’ordonnance n°20/77 du 6 juin 1977 portant organisation des régions et districts ont, en application de l’article 3 de l’Acte Fondamental du 5 avril 1977, substitué par la suite aux conseils populaires élus de régions et de districts et à leurs exécutifs également élus dans les conditions précitées, des délégations spéciales dont les membres sont des agents déconcentrés de l’Etat nommés par le gouvernement. Du 26 au 31 mars 1979, le 3ème Congrès extraordinaire du Parti congolais du travail, parti unique, a pris de nombreuses et importantes décisions. Il fut décidé de procéder à des opérations électorales portant adoption du projet de constitution voté par le dit Congrès, qui devait être soumis au référendum, et sur les élections aux conseils populaires de région, de district et de communes établis par les nouveaux textes. Les ordonnances n°12/79 et 14/79 du 10 mai 1979 portant respectivement institution des conseils populaires des communes, des conseils populaires des régions et des districts

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fixaient alors les règles d’organisation et de fonctionnement de ces conseils. La décentralisation à « l’occidental » n’est instituée qu’en 1992, sous la constitution du 15 mars 1992. Des élections locales sont effectivement organisées au niveau des régions, des districts et des arrondissements. Il faut signaler que les collectivités locales de moyen exercice créées par une loi furent annulées par la Cour suprême le 30 janvier 1997 au motif que la constitution de 1992 ne reconnaissait qu’un seul type de collectivités locales : les collectivités locales à compétence pleine et entière. IV– L’histoire de l’administration économique : de l’option libérale à l’option libérale Cet intitulé peut paraître provocateur, mais il signifie simplement qu’après avoir choisi l’économie de marché dès l’indépendance, le Congo a ensuite opté pour une économie de planification rigide, socialiste (1964-1990), condamnant la propriété privée. Pendant la Conférence nationale souveraine de 1991, il est revenu sur le libéralisme économique. En réalité, même sous les régimes du Mouvement national de la révolution (MNR) et du Parti congolais du travail (PCT), certains principes fondamentaux du libéralisme n’ont jamais disparu. 1. Le libéralisme étatique de l’ère de l’indépendance (1960-1963) Dès avant l’indépendance, le Gouvernement Youlou avait fait le choix de l’économie de marché : partisan du libéralisme et de l’encouragement des investissements extérieurs, l’Abbé Fulbert Youlou, Chef du Gouvernement, déclarait le 2 décembre 1958 :

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Nous sommes prêts à formuler toutes garanties pour que s’investissent sans crainte, et dans la plus grande confiance, les capitaux publics et privés sans lesquels il n’est pas possible de concevoir la mise en place de grandes sources d’énergie et des usines de transformation. Le 14 juin 1959, il réitérait : Les capitaux (étrangers) sont désormais assurés de trouver au Congo l’ordre et la tranquillité qui leur sont nécessaires pour investir en toute confiance. Concrètement, dès octobre 1960, fut préparé le premier code des investissements (loi n°39-61 du 20 juin 1961, modifié le 29 septembre 1962). Cette politique est menée dans une perspective sous régionale, puisque le 12 novembre 1960 fut promulguée la convention sur le régime des investissements dans l’Union Douanière Equatoriale (U.D.E). Il faut signaler l’achèvement de la construction du chemin de fer de la Compagnie minière de l’Ogooué (COMILOG) en 1962, ainsi que le lancement des travaux de construction du barrage de Sounda dans la région du Kouilou. 2. L’ère de la socialisation de l’économie (1964-1990) Après la chute du Président Fulbert Youlou, emporté par une manifestation syndicale qui dégénéra en émeute les 13, 14 et 15 août 1963 (qualifiées dans le jargon révolutionnaire congolais des « Trois glorieuses journées), Alphonse Massamba-Débat (ancien ministre du Plan) est appelé par les syndicalistes et la force publique à former un gouvernement de transition. Elu président de la République le 19 décembre 1963, il crée le Mouvement national de la révolution (MNR). Dès son Congrès de juillet 1964, une motion est adoptée condamnant « l’échec - 203 -

du capitalisme libéral et son incapacité à résoudre des difficultés économiques héritées du régime colonial » ; la motion préconise une politique économique « ayant le socialisme scientifique pour principe fondamental », afin de « réaliser aussi rapidement que possible l’indépendance économique de la nation ». Quelques mois auparavant, le Premier ministre Pascal Lissouba avait annoncé dans une conférence de presse que le Gouvernement se proposait de socialiser les transports routiers, les activités portuaires, la production de l’énergie et la distribution de l’eau ; le 4 mars de la même année, l’Assemblée nationale demandait à l’unanimité la nationalisation des entreprises opérant dans ces secteurs. Annoncée donc après la chute du Président Fulbert Youlou, les nationalisations entrent dans la phase pratique en 19661967, pour se poursuivre et s’accélérer les années suivantes. L’Etat congolais voulait s’occuper de toute l’économie. Il nationalise le 14 juin 1967 la Compagnie Africaine de Services Publics (C.A.S.P.) qui avait le monopole de distribution de l’eau et crée la Société nationale de distribution d’eau (SNDE) et l’Union électrique coloniale (UNELCO) pour créer la Société nationale d’énergie (S.N.E.). Dans le domaine des hydrocarbures, les sociétés étrangères distribuant ce produit sont également nationalisées par ordonnance du 4 juin 1973 pour créer Hydro-Congo ; dans celui des transports, l’Agence Transéquatoriale des communications est transférée dans le giron de l’Etat pour devenir l’Agence Transcongolaise des Communications en 1969 ; la société Air-Congo est aussi nationalisée et devient Lignes nationales Aériennes du Congo (Lina-Congo), etc. Parallèlement, l’Etat crée ex-nihilo d’autres entreprises publiques : Complexe textile de Kinsoundi à Brazzaville, Cimenterie de Loutété, Hôtel Cosmos à Brazzaville, Société nationale d’élevage (SO.N.EL.), Société congolaise de - 204 -

recherches et d’exploitation des mines de M’fouati (SO.CO.R.E.M.), etc. Plusieurs offices sont aussi crées : Office national du commerce (OF.NA.COM.), Office des cultures vivrières (O.C.V.), Office congolais de l’informatique (O.C.I.), Office national des postes et télécommunications (ONPT), Office national du cinéma (ONACI), etc. V – Les institutions administratives actuelles Ces institutions administratives résultent de la constitution du 20 janvier 2002. Il s’agit des administrations d’impulsion et de direction, des administrations de régulation et des administrations consultatives. 1-L’administration d’impulsion et de direction : la présidence de la République La présidence de la République est incarnée par le président de la République. Elu au suffrage universel direct pour sept ans, le président de la République incarne l’unité nationale. C’est lui qui nomme aux hautes fonctions civiles et militaires par décret en conseil des ministres. Ces nominations concernent les secrétaires généraux, directeurs et inspecteurs généraux, le chef d’état-major de l’armée, les préfets, le recteur de l’Université Marien Ngouabi, etc. Il nomme les magistrats sur proposition du conseil supérieur de la magistrature. Au sein de la présidence, il faut noter l’existence de rouages essentiels : le cabinet du chef de l’Etat et le secrétariat général du gouvernement.  Le Cabinet du Chef de l’Etat Un décret organise le cabinet du chef de l’Etat. Le cabinet est un service d’étude, de conception, de commandement, de contrôle et de liaison entre les structures politiques, économiques, juridiques et administratives de l’Etat et le - 205 -

président de la République. A la tête du cabinet, se trouve le directeur de cabinet (qui a rang de ministre d’Etat) qui dirige et coordonne les services de la Présidence de la République. Des conseillers exercent au sommet du cabinet : les conseillers spéciaux, les conseillers chefs de département et les conseillers techniques. Les premiers sont placés sous l’autorité du président de la République et se voient confier un secteur particulier de l’action présidentielle, tandis que les autres sont sous l’autorité du directeur de cabinet. Le directeur de cabinet a autorité directe sur le secrétariat général de la Présidence de la République ; ce dernier dirige le personnel de la Présidence et gère le patrimoine immobilier et mobilier de la présidence (logements, bâtiments, véhicules administratifs et matériels divers). Il a en charge les logements des autorités politiques et administratives ainsi que ceux des hauts fonctionnaires de l’Etat.  Le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) Rattaché à la Présidence de la République, le secrétariat général du gouvernement veille au bon fonctionnement du gouvernement. Institution charnière, il règle les procédures et circuits de décision du gouvernement. C’est donc une instance technique dont dépendent la coordination et la continuité de l’action gouvernementale, par-delà les changements pouvant affecter la composition du gouvernement. Concrètement, ce rôle se subdivise en quatre missions : – le SGG prépare et organise le travail du gouvernement, ce qui suppose la coordination de l’action de chacun des ministres (préparation des projets de décrets, des réunions gouvernementales, du conseil des ministres) ; sert de lien entre le gouvernement et les autres institutions, notamment le Parlement et la Cour constitutionnelle ;

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– il est conseil juridique du gouvernement, notamment en matière constitutionnelle. Il rédige les circulaires d’application des lois et décrets qui sont ensuite signés par le président de la République ; – il veille à l’application des lois et décrets, notamment en les diffusant, à travers le Journal Officiel dont il assure la production et la diffusion ; – enfin, il assure et garantit l’archivage des actes du conseil des ministres et des réunions interministérielles. Le secrétariat général du gouvernement est dirigé par un Secrétaire général qui a rang de ministre et qui est placé sous l’autorité directe du président de la République.  Les administrations ad hoc Il est ici question des hauts-commissaires et des commissaires. Les guerres successives des années 1990 ont montré les limites de l’administration classique dans la résolution de questions très sensibles telles la Réconciliation nationale, le civisme, la réinsertion des ex-combattants. Pour de telles missions, l’administration étatique apparaît comme partiale ou illégitime aux yeux d’une partie de la population. Cela explique la création d’administrations ad hoc, placées directement auprès de la Présidence de la République. Ainsi ont été créés le Haut-Commissariat à la réinsertion des excombattants, celui à l’Instruction civique et à l’Education morale, le Commissariat général du comité de suivi de la convention sur la reconstruction et la paix, et, tout récemment, la Délégation générale chargée de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre. Ces organes comptent parmi leurs membres des représentants de l’opposition et de la société civile, ce qui les distingue des administrations classiques et leur confère une

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certaine indépendance. Leur action a largement contribué au rétablissement de l’ordre public à la fin des années 1990.  Le conseil des ministres et ses membres Présidé par le Chef de l’Etat, il réunit tous les ministres et secrétaires d’Etat. Y participent également, le Secrétaire général du Gouvernement, le directeur de cabinet du Chef de l’Etat qui ont préparé l’ordre du jour, arrêté définitivement par le président de la République. Généralement, les questions d’ordre légal (projets de lois) ou règlementaires (projet de décrets) sont d’abord envisagées. Puis les questions d’ordre général (bilan d’une politique, orientations nouvelles, etc.). Enfin, sont prises les mesures d’ordre individuel telles que les nominations aux postes qui, selon la constitution, doivent être pourvus en conseil des ministres. Une hiérarchie existe entre membres du conseil des ministres. Parmi les ministres, en haut du rang protocolaire se trouve le ministre d’Etat : ce titre honorifique et protocolaire tend à mettre en avant les ministres qui représentent un parti politique ou un courant, ou dont le parcours politique exige une distinction particulière. Le titre marque aussi le couronnement d’une carrière ministérielle. Les ministres constituent la majorité des membres du gouvernement. A la tête d’un département ministériel, ils ont vocation à participer au conseil des ministres. Viennent ensuite les ministres délégués, qui sont rattachés soit à la Présidence soit aux ministres d’Etat ou aux ministres. Ils prennent en charge une partie des attributions de leur autorité de tutelle. Ils n’en sont pas moins ministres à part entière, dotés d’une véritable autonomie administrative. A ce titre, ils participent au conseil des ministres. Enfin, les secrétaires d’Etat terminent l’ordre protocolaire. Ils sont rattachés aux ministres pour prendre en charge une partie des attributions ministérielles. Ils sont également dotés d’une autonomie administrative au sens - 208 -

où ils prennent et signent les actes de gestion de leur département et participent de droit au conseil des ministres. S’agissant du découpage gouvernemental, il faut dire de façon générale que le nombre de départements ministériels a une tendance sur le long terme à croitre : de 10 ministres en 1957, le gouvernement compte de nos jours entre 30 et 35 ministres. Au fur et à mesure qu’augmentent les compétences étatiques, se créent des ministères. Aux ministères d’origines (affaires étrangères, justice, intérieur, agriculture, etc. .), se sont ajoutés, souvent par détachement, d’autres ministères devenus trop importants : l’intégration de la femme au développement, l’environnement, la reconstruction, l’action humanitaire, l’intégration économique sous régionale. D’une façon générale, le découpage ministériel se fait verticalement, c’est-à-dire par secteur d’activité (agriculture, industrie, équipement, santé, etc.), soit horizontalement, c’està-dire par fonctions (finances, fonction publique, communication). Ces secteurs sont divisés en direction générale, elles-mêmes scindées en directions centrales. Autre précision : le ministère est un ensemble de services administratifs dont l’action conjuguée tend vers une même spécialité. 2-Les administrations de régulation : les autorités administratives indépendantes C’est une nouveauté au Congo ; elle est consécutive à la démocratisation de la vie politique et administrative. Elle participe à une meilleure protection des droits des citoyens. La régulation inclut la fonction de réglementation au sens de création de règles destinées à encadrer un secteur de l’activité économique ou sociale, règles dont l’administration assure le respect. Le statut des autorités administratives indépendantes se veut une réponse à l’incapacité d’une administration classique à régler certaines questions économiques et - 209 -

socialement ou même politiquement sensibles. S’agissant par exemple du contrôle de la régularité des élections, contrôle de la concurrence dans un secteur où l’Etat est un des principaux opérateurs, ou encore du respect de certaines libertés fondamentales des citoyens, l’administration classique ne dispose ni de la souplesse nécessaire, ni de l’impartialité et de l’objectivité requises pour apporter des solutions qui soient acceptées par l’administré. C’est pour cette raison qu’ont été créées les autorités administratives indépendantes. Ces institutions sont qualifiées d’ « autorités » parce qu’elles prennent des décisions administratives, générales ou individuelles ; elles sont qualifiées d’ « administratives » car elles relèvent du pouvoir exécutif et non des pouvoirs législatif et judiciaire ; elles sont « indépendantes» parce qu’elles sont soustraites à la hiérarchie ministérielle. Les autorités administratives indépendantes congolaises présentent la particularité d’être consacrées par la constitution, même si celle-ci ne les qualifie pas expressément ainsi. Ces autorités sont : le conseil supérieur de la liberté de communication, la Commission nationale des droits de l’homme et le Médiateur de la République. Leur constitutionnalisation traduit la volonté des autorités politiques de garantir leur indépendance. 

Le Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC) Le CSLC veille au respect de la personne humaine et de sa dignité, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la protection des enfants et des adolescents devant toute information nocive émanant des médias de toutes formes, y compris l’Internet. Il est composé de 11 membres désignés par le président de la République : il s’agit de deux professionnels de l’information et de la communication et d’un représentant des associations scientifiques et savantes. Deux sont désignés - 210 -

par le Président de l’Assemblée nationale : un parmi les professionnels de l’information et de la communication et un parmi les membres des associations culturelles. Deux sont désignés par le Président du Sénat : un professionnel de l’information et de la communication et un représentant des consommateurs. Siègent encore deux professionnels de l’information et de la communication, dont l’un doit émaner de l’université. Ils sont désignés par leurs pairs. Le mandat des membres du CSLC est de trois ans, renouvelable une fois. Le CSLC dispose d’un pouvoir de police qui se traduit par l’attribution ou le retrait des fréquences radiophoniques et télévisuelles et de la carte d’identité professionnelle des journalistes. Il peut suspendre ou ordonner l’arrêt d’une programmation audiovisuelle ou d’une publication, non conforme aux dispositions du cahier des charges. 

La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) La CNDH est un organe constitutionnel de suivi de la promotion et de la protection des droits de l’homme, un espace de consultation, de dialogue entre les citoyens, les pouvoirs publics et la société civile. Cette commission a donc vocation à sensibiliser la population sur les droits qu’elle tient de la constitution. Elle est composée de 45 membres venus d’horizon divers : il y a des personnalités choisies par le président de la République, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Médiateur de la République, les représentants d’organisations non gouvernementales œuvrant dans les domaines des droits de l’homme, des droits de l’enfant, des droits de la femme, des associations juvéniles, des associations des handicapés, des syndicats, etc.

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La CNDH est saisie par toute personne s’estimant victime d’une violation d’un droit fondamental. Elle rend des avis et des recommandations.  Le Médiateur de la République Le Médiateur de la République, désigné en conseil des ministres par le président de la République pour trois ans, est chargé de simplifier et d’humaniser les rapports entre les administrés d’une part, et les administrations étatiques ou locales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public d’autre part. Il s’agit donc d’un intermédiaire entre les pouvoirs publics et les citoyens, saisi de toutes revendications des seconds relatives au fonctionnement ou plutôt aux dysfonctionnements des premiers. Il ne tranche pas les litiges entre l’administration et l’administré ; mais il a un pouvoir de médiation. Lorsqu’une réclamation lui paraît justifiée, il peut émettre une recommandation proposant un règlement en équité ou toute réforme tendant à l’amélioration du fonctionnement de l’administration. 3-L’administration consultative : cas du Conseil économique et social (CES) On qualifie d’administration consultative toute instance de l’Etat ou des collectivités locales ayant pour vocation d’apporter aux administrations actives les avis nécessaires à une action ou à une prise de décision. Ces avis procèdent d’une expertise émanant de personnes possédant les connaissances propres à éclairer l’administration dans un domaine donné. Le Conseil économique et social, prévu par la constitution, est une instance de concertation entre les différentes catégories socio-professionnelles. Il conseille les pouvoirs exécutif et - 212 -

législatif, en émettant un avis sur les projets de décrets ayant trait à des questions économiques et sociales. Le CES participe ainsi à l’élaboration de la politique économique et sociale de l’Etat. La saisine du CES appartient au président de la République, aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale. L’auto-saisine est possible. Il est composé de 75 membres choisis parmi les catégories socioprofessionnelles censées représenter l’ensemble du tissu économique et social congolais : syndicats des salariés, syndicats patronaux, associations paysannes, chambres de commerce et d’industrie, professions libérales, organisations religieuses, etc. CONCLUSION L’évolution des institutions administratives congolaises permet de les caractériser ainsi : ces institutions ne s’éloignent pas de celles de l’ex-métropole, la France. De ce point de vue, le cordon ombilical n’est pas encore totalement coupé. Ensuite, les institutions se sont démocratisées en accordant une attention particulière au sort du citoyen. En dépit de certaines lacunes, encore perceptibles, dans leur fonctionnement, ces institutions ne se départissent pas de leur objet principal : la satisfaction de l’intérêt général.

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CHAPITRE 8 L’EVOLUTION DE LA JUSTICE CONGOLAISE DE 1960 A 2010 par Philippe ONGAGNA INTRODUCTION A l’instar d’autres pays d’Afrique francophone, anciennes colonies françaises, la République du Congo célèbre le cinquantième anniversaire de son indépendance le 15 août 2010, à un moment où en France le débat sur la colonisation n’a jamais été aussi intense dans l’espace public 104. L’écho de ce débat dans l’ancienne colonie française du Congo est de nature à susciter la réflexion sur les institutions héritées de la colonisation, notamment l’institution de la justice.

104

Entre 2000 et 2010, la littérature est déjà abondante sur le passé colonial de la France. On citera, entre autres, P.Weil et S.Dufoix (sous la direction de), 2005, L’esclavage, la colonisation et après… Paris, PUF ; P. Blanchard, N. Bancel et S. Lemaire (sous la direction de), 2005, La fracture coloniale : la société française au prisme de l’héritage colonial, Paris, La Découverte ; M. Ferro (sous la direction de), 2003, Le livre noir du colonialisme (XVIe et XXIe siècles) : de l’extermination à la repentance, Paris, R. Laffont ; G. Manceron, 2003, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale de la France, Paris, La Découverte ; E. Snarese, 1998, L’ordre colonial et sa légitimation en France métropolitaine. Oublier l’autre, Paris, L’Harmattan ; Boubacar Boris Diop, Odile Tobner, François-Xavier Vershave, 2005, Négrophobie, Paris, Les arènes ; N. Blanchard et F. Vergès, 2003, La République coloniale : essai sur une utopie, Paris, Albin Michel.

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L’étude de l’évolution de la justice congolaise depuis l’acquisition de l’indépendance est d’une importance indéniable dans la mesure où elle s’inscrit dans une philosophie traditionnelle qui fait de chaque date anniversaire un événement particulier, et qui lui donne tout son sens et sa raison d’être : la nécessité d’un bilan, le positionnement dans l’instant présent, la projection dans les défis du futur. Le terme « justice » est évoqué ici sous l’angle technique, autrement dit comme étant « l’ensemble des tribunaux et de l’organisation judiciaire »105 ou encore «l’organisation du pouvoir judiciaire ; ensemble des organes chargés d’administrer la justice conformément au droit positif »106. L’allusion sera également faite à la conception philosophique et morale selon laquelle la justice renvoie à « ce qui est idéalement juste, conformément aux exigences de l’équité et de la raison ; en ce sens la justice est tout à la fois un sentiment, une vertu, un idéal, un bienfait, une valeur…, ce à quoi chacun peut légitimement prétendre (en vertu du droit) ; en ce sens la justice consiste à rendre à chacun le sien et demander justice signifie réclamer son dû, son droit »107. Cette conception sera évoquée ici en référence à la fonction sociale de la justice. De 1960 à 2010, l’histoire de la justice congolaise est une oscillation entre le modèle français hérité de la colonisation et le modèle marxiste importé des régimes communistes. L’étude du fonctionnement de ces deux systèmes dans le paysage juridique et judiciaire congolais permettra non seulement une meilleure compréhension des difficultés de leur mise en œuvre, mais aussi celles d’une mise en œuvre d’un modèle 105

G.Cornu, 2005, Vocabulaire juridique, PUF, (7e éd.) V° justice. Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, V° justice. 107 G.Cornu, op.cit.

106

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juridique congolais proprement dit. Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre modèle, l’histoire de la justice congolaise restera à jamais marquée par le mimétisme, la dualité, voire la trilogie, ou la juxtaposition des modèles, à l’instar d’autres systèmes juridiques africains façonnés par le fait colonial. La particularité de cette histoire tient à l’existence de ces deux systèmes qui se sont succédé dans le temps. Leur étude chronologique nous conduira par la suite à nous interroger sur l’état actuel de la justice congolaise. I - L’héritage colonial : continuité et discontinuité Au lendemain de l’accession du Congo à l’indépendance nationale, son système juridique ne fut rien d’autre qu’une reproduction du modèle colonial, à quelques exceptions près en ce qui concerne la prise en compte de certaines réalités locales. Si sur le plan politique, la décolonisation marque la fin d’une époque, la situation est différente dans le domaine de la justice où l’emploi des formules telles que « survivance », « persistance », « legs », « héritage » ou « pérennité »108 est révélateur et souligne encore avec force la présence du passé colonial. Dans ce domaine qui fait l’objet de la présente réflexion, ce passé colonial a suivi un mouvement en dents de scie. Après avoir connu son heure de gloire entre 1960 et 1963, il a disparu sous le poids du système marxiste entre 1964 et 1990, avant de refaire surface en 1991 après la Conférence Nationale. C’est donc ce triple mouvement d’apparition, de disparition et de réapparition qu’il importe de reconstituer. Mais, pareille reconstitution n’est compréhensible que lorsqu’elle est précédée d’un rappel des périodes précoloniale et coloniale.

108

P.Weil et S .Dufoix, op. cit., p. 3.

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1. la justice aux périodes précoloniale et coloniale Loin d’être une génération spontanée, le modèle juridique et judicaire colonial a été transposé au Congo au terme d’un processus dont le rappel s’impose ici avec force. Contrairement aux clichés et aux stéréotypes véhiculés par les récits des voyageurs coloniaux, il a existé un système juridique en Afrique précoloniale, et donc au Congo. Quoique son niveau d’organisation fût rudimentaire, elle n’en demeura pas moins un mode efficace de règlement des différends. Elle « était rendue conformément aux coutumes locales par les chefs indigènes »109, comme on en a retrouvé l’illustration à travers le tribunal coutumier du chef Ta-Nkewa à Bacongo (arrondissement situé au sud de Brazzaville), dans les années 60. La campagne de la conquête coloniale a porté sur une remise en cause de la justice coutumière. D’aucuns y ont vu une justice des chefs à tendance despotique ou soumise à l’autorité discrétionnaire du pouvoir politique, marquée par des procédures rudimentaires jugées peu civilisées 110. On peut ne pas partager les jugements occidentaux portés sur cette justice, mais l’on reconnaîtra cependant volontiers qu’elle présente des particularités qui l’opposent, trait pour trait, à la justice occidentale dite moderne. Ainsi leur comparaison est marquée par des oppositions binaires caractéristiques du couple modernité-tradition. Alors que la justice occidentale s’appuie sur la loi et l’écrit, la justice traditionnelle précoloniale s’articule autour de la coutume et de l’oralité ; à l’universalité des codes occidentaux, la justice traditionnelle oppose le droit local ; aux normes générales et 109

Dislere, Damas et Devilliers, 1886-1887, Traité de législation coloniale, Paris, Sirey, p. 646, cité par E. Le Roy, 2004, Les Africains et l’institution de la justice. Entre mimétismes et métissages, Dalloz, p. 23. 110 E. Le Roy, op.cit., p. 22.

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impersonnelles de la justice moderne, la justice traditionnelle oppose des critères discrétionnaires personnalisés comportant le risque d’abus ; la neutralité et l’indépendance de la justice moderne contrastent avec la partialité et la dépendance vis-àvis du pouvoir politique dans la justice traditionnelle précoloniale ; à l’homogénéité et l’unité d’un système juridique occidental codifié, le droit précolonial traditionnel oppose la pluralité et la diversité des solutions indigènes 111. Même si l’évolution historique n’a pas remis en cause la justice traditionnelle en la remplaçant purement et simplement par la justice moderne, la colonisation de l’Afrique dans la seconde moitié du XIXe siècle et l’organisation administrative qu’elle impose dans les territoires conquis, va bouleverser en profondeur l’organisation judiciaire. Le premier fait caractéristique de cette période fut la politique indigène. Cette politique qui visait, entre autres, l’implication des chefs traditionnels dans l’œuvre de justice, avait été redéfinie par le gouverneur Félix Eboué à la suite de la conférence de Brazzaville de 1944 : La colonie est composée de deux éléments stables : la souveraineté française et l’autorité indigène issue de la terre. Les administrations sont les représentants de la souveraineté française, les chefs sont les tenants de l’autorité locale…112. Mais le rôle du chef indigène dans l’œuvre de justice est considérablement réduit. En effet, il ne dispose d’aucune compétence en matière judiciaire. Seule, lui est reconnue la 111

Pour un inventaire exhaustif de ces critères de distinction : V.E Le Roy, op.cit., p.25. 112 F.Eboué, 1945, La nouvelle politique indigène, cité par E. Le Roy, op. cit, p.102.

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faculté de concilier en matière civile et commerciale. Sa compétence en matière pénale n’est pas reconnue113. Le régime de l’indigénat fut remplacé par le décret du 19 novembre 1947 ayant introduit le code pénal d’outre-mer114. Dans certaines colonies, les tribunaux indigènes s’étaient déjà transformés en tribunaux coutumiers à partir de 1903115. D’une manière générale, on remarquera qu’entre 1900 et 1960, la politique coloniale française s’était caractérisée par la mise en place progressive d’une administration judiciaire de type métropolitain, après la création des juridictions indigènes. Pareille stratégie lui a permis d’assurer un meilleur contrôle des colonies. Aussi, a-t-elle maintenu l’ordonnancement judiciaire à trois niveaux. Au sommet de la pyramide se trouvaient la cour de cassation et le Conseil d’Etat situés à Paris. Les pourvois en cassation exigeaient donc des justiciables des colonies des frais de voyage dont seuls les plus nantis, donc les colons, pouvaient s’autoriser. Au deuxième niveau, venaient les cours d’appel, l’une à Dakar, l’autre à Brazzaville. Au troisième niveau se trouvaient les tribunaux de première instance. Au plus bas niveau de l’échelle, se situait la justice de paix abrogée en 1958. Cet ordonnancement constitua l’étape la plus décisive de la conquête coloniale française en Afrique dans le domaine judiciaire. Il a marqué de son empreinte indélébile l’institution judiciaire congolaise. Il est curieux, voire paradoxal, de 113

E. Le Roy, op.cit., p. 103. On rappellera, pour mémoire, que par décret en date du 17 mars 1903 réorganisant la justice au Congo, la législation métropolitaine était applicable au Congo français en matière civile, commerciale et pénale. Voir, codes d’audiences, recueil de codes et textes usuels, Ministère de la justice, République du Congo Brazzaville, Ed. GIRAF et Agence intergouvernemental de la Francophonie, 2001, p. 171. 114 E. Le Roy, op.cit., p. 105. 115 Ibid., pp.155-156.

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constater à quel point cinquante ans après l’accès du Congo à la souveraineté internationale, l’outil privilégié de la domination coloniale reste un modèle fascinant. Pourtant ce modèle imposé par la colonisation sera abandonné quelques années après l’indépendance, au profit du système marxiste. Ce dernier aura vécu jusqu’à la Conférence nationale souveraine en 1991, avant de disparaître à son tour, pour céder à nouveau le terrain au modèle issu de la colonisation. 2. Maintien et éclipse du modèle juridique colonial Le système juridique congolais issu de la colonisation s’est maintenu au cours de la courte période qui s’étale de1960 à 1963. Après avoir régné sans partage, pourrait-on dire, dans l’espace territorial de la jeune République du Congo indépendante, il a connu une période d’éclipse sous la poussée de l’idéologie socialiste naissante. Cette éclipse aurait pu laisser croire à une disparition définitive du modèle hérité de la colonisation, en raison de l’importation du modèle socialiste et de la survivance du droit traditionnel et coutumier. Il n’en fut cependant pas ainsi et la disparition momentanée de l’héritage juridique colonial ne fut qu’apparente. La coexistence, voire la juxtaposition de ces systèmes dans un même espace est caractéristique de la situation juridique de la plupart des pays colonisés. Cette dualité, ou pluralisme juridique, traduit toute l’ambiguïté du système juridique congolais qui apparaît sinon comme l’enfant bâtard de l’indépendance, du moins comme le métis de la République. Il convient donc de rappeler les mécanismes par lesquels cette justice coloniale s’est maintenue au Congo après l’indépendance, et comment, malgré sa disparition, elle a continué à sous-tendre l’univers juridique congolais, amplifiant ainsi le phénomène du pluralisme juridique car, au lieu de deux systèmes (marxiste et

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coutumier), il en existera désormais trois, dont le système colonial.  Transfert des compétences en matière de justice La justice congolaise post-coloniale est née le 12 juillet 1960. En effet, c’est à cette date que par un accord particulier, la France a transféré à la République du Congo toutes les compétences de la Communauté instituées par l’article 78 de la constitution du 04 octobre 1958116. Dans une formule solennelle, cet accord proclame à son article 1er : « La République du Congo accède, en plein accord et en amitié avec la République française, à la souveraineté internationale et à l’indépendance par le transfert des compétences de la Communauté ». L’article 2 renchérit : « Toute les compétences instituées par l’article 78 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont, pour ce qui la concerne, transférées à la République du Congo ». Parmi les matières qui faisaient l’objet de cet accord, figurait donc la justice. Mais le caractère partiel et restreint du transfert de compétences en cette matière, ne faisait aucun doute. Seules, étaient effectives les compétences relatives aux tribunaux et à la cour d’appel, en raison de l’implantation de ces juridictions sur le territoire congolais. En l’absence d’une cour de cassation, la justice congolaise demeurait tributaire de la France en matière de recours devant cette haute juridiction. Cette dépendance judiciaire partielle fut scellée par un accord relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre la République Française et la République du Congo en date du 12 juillet 1960. Aux termes de l’article 1er de cet accord, « jusqu’à l’installation par la République du Congo de la juridiction de cassation compétente pour connaître des recours 116

Accord particulier portant transfert à la République du Congo des compétences de la Communauté, Paris, 12 juillet, J.O.R.C.1960, p.553.

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formés contre les décisions rendues par les juridictions congolaises de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ces recours continueront d’être portés devant les formations spéciales du conseil d’Etat et de la cour de cassation » à Paris. Cet accord avait par ailleurs maintenu la réciprocité entre les deux pays en matière d’exécution des décisions de justice. En vertu de son article 2, « Les décisions rendues par les juridictions siégeant sur le territoire de la République du Congo continueront, jusqu’à la fin de la période transitoire prévue à l’article premier, à être exécutées sur territoire de l’autre Etat… »117. L’ensemble de ces accords fut entériné par la loi du 28 juillet 1960 portant ratification des accords de transfert de compétences passés entre la République française et la République du Congo118. Le transfert intégral des compétences en matière de justice à la République du Congo ne devint effectif qu’après la création de la cour suprême, comme l’exigeait l’article 1er de l’accord sus-indiqué. Pour la première fois dans l’histoire de la République, cette juridiction fut créée par la Constitution du 2 mars 1961, en son article 58. Conformément aux prévisions de ce texte, elle devait comprendre quatre chambres : la chambre constitutionnelle, la chambre judiciaire, la chambre administrative et la chambre des comptes. La détermination de sa composition, son organisation, ses attributions et son fonctionnement était du domaine de la loi. Celle-ci intervint le 20 janvier 1962119. Aux termes de cette loi la cour suprême était compétente en matière constitutionnelle, judiciaire, administrative et électorale. Elle fut installée le 20 117

Accord relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre la République française et la République du Congo, J.O.R.C. 1960, p554. 118 Ibid. 119 Loi n° 4-62 du 20 janvier 1962 portant création de la cour suprême, J.O.R.C. 1962, p149.

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janvier 1962 et assure son service dès cette date, à la suite du décret du 12 juin 1962 portant application de la loi du 20 janvier 1962 relative à la création de la cour suprême120. A partir de cette date les pourvois en cassation formés contre les arrêts de la cour d’appel de Brazzaville n’étaient plus portés devant la cour de cassation à Paris, mais au Congo. C’est donc à la suite de la création et de l’organisation de la cour suprême que le cordon ombilical a été définitivement rompu entre la France et la République du Congo dans le domaine de la justice, tout au moins au niveau de la prise en charge et de la gestion de ce domaine. On relèvera toutefois que cette évolution n’est pas exclusive aux juridictions de l’ordre judiciaire. En effet, pendant la longue épopée coloniale au Congo, les juridictions administratives en tant qu’entité judiciaire à part entière n’ont jamais existé. La création de la justice administrative remonte à un décret du 30 juin 1959 relatif aux contentieux administratifs121. A la suite de ce décret, le tribunal administratif fut créé à Brazzaville pour la première fois. Pourtant l’organisation judiciaire de la période post-coloniale n’en a jamais tenu compte. La loi du 11 janvier 1961 fixant l’organisation judiciaire n’avait pas reconnu le tribunal administratif dans sa fonction de dire le droit au même titre que la cour d’appel, la cour criminelle, les tribunaux de grande instance, les tribunaux d’instance et les tribunaux de commerce122. C’est par la loi n°06/62 du 20 janvier 1962 fixant la compétence de la cour d’appel et des tribunaux de grande instance que « fut formellement établie la justice 120

Décret n°62-165 du 12 juin 1962 portant application de la n°4-62 du 20 janvier 1962 portant création de la cour suprême, J.O.R.C. 1962, p543. 121 A. Iloki, 2006, Le recours pour excès de pouvoir au Congo, L’Harmattan, p.19. 122 A. Iloki, Ibid.

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administrative »123. Cette émergence douloureuse des juridictions de l’ordre administratif est symptomatique des balbutiements du début de l’indépendance. Faute d’avoir pu inventer son propre système judiciaire au lendemain de son indépendance, sans doute en raison de l’impréparation, le Congo restera tributaire du modèle français pendant quelques années. En dépit de son instabilité tenant aux circonstances politiques de l’époque, ce modèle a néanmoins connu un certain essor avec la création d’autres juridictions de type français dans le paysage judiciaire congolais, et leur organisation s’est perfectionnée progressivement. Il en fut ainsi de la création de la Haute Cour de justice par la Constitution du 2 mars 1961 (art. 64-66), maintenue par la Constitution du 8 décembre 1963 (art. 75-80). Elle est compétente pour juger les membres du gouvernement en raison des crimes ou des délits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. La responsabilité du président de la République peut être engagée devant cette juridiction en cas de haute trahison. Pour la première fois, son fonctionnement et sa composition furent organisés par une ordonnance du 24 décembre 1963124. Depuis cette date jusqu’à nos jours, toutes les constitutions successives ont toujours institué cet organe. Pendant les cinquante années de l’indépendance du Congo, la haute cour de justice n’a jamais siégé.  Disparition apparente du modèle colonial et ambiguïté du système juridique congolais Après le soulèvement populaire des 13,14 et 15 août 1963, la vie politique congolaise prend une orientation nouvelle. 123

Iloki, op. cit. Ordonnance n°63-26 du 24 décembre 1963 portant organisation de la Haute cour de justice, J.O.R.C. 1964, p12.

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Cette période politique agitée a abouti à la création en 1964 d’un parti unique, le Mouvement national de la révolution (M.N.R), par une loi du 20 juillet 1964125. Ce climat politique nouveau fut déterminant pour une nouvelle orientation de l’institution tournée vers le socialisme. Par une loi en date du 9 septembre 1964, le tribunal populaire fut créé126. Dans la tourmente, le Congo venait ainsi de tourner une page de l’histoire de son système juridique. Cette séquence, sur laquelle nous reviendrons, consacre la disparition du modèle juridique hérité de la colonisation, pour faire désormais la part belle au modèle importé des pays communistes. Cependant, à y regarder de près, cette disparition n’est qu’apparente. La réalité des faits laisse plutôt penser à une absence de rupture et à un attachement au modèle français127. Sous un autre angle, la résistance du droit traditionnel et coutumier est si tenace que rien ne permet de conclure, ici encore, au triomphe absolu du modèle marxiste. La persistance du modèle français est perceptible à bien des égards. On rappellera, entre autres, que les tribunaux congolais étaient devenus certes des juridictions populaires d’inspiration marxiste, mais la cour suprême de type français, qui n’avait pas changé d’appellation, a continué à jouer son rôle d’organe régulateur de l’ensemble du système juridique national. De même, les juges non professionnels appelés à siéger dans ces tribunaux, n’avaient qu’un rôle purement symbolique dans les 125

Loi n° 25-64 du 20 juillet 1964 portant institution du Parti unique, J.O.R.C. 1964, p 637. 126 Loi n° 24-64 du 09 septembre 1964 portant création du Tribunal populaire, J.O.R.C. 1964, p753. 127 J.-M. Breton, 1997, « Portée et limites de la réception des modèles exogènes : réflexion sur la socialisation du système juridique dans l’expérience marxiste congolaise (1963-1991) », in La création du droit en Afrique, sous la direction de D. Darbon et F. du Bois de Gaudusson, Paris, Karthala, p.247 et p.253.

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affaires importantes en raison de leur absence de qualification, laissant ainsi aux juges professionnels, formés selon le modèle français, le rôle le plus important128. Quant à la survivance du droit traditionnel et coutumier, elle se manifeste de manière éclatante par la prise en compte de certaines institutions congolaises qui échappent à la conception juridique des modèles importés. Il en est ainsi de la répression de la sorcellerie. L’article 264 du code pénal congolais incrimine les pratiques de sorcellerie, magie ou charlatanisme. Ce texte punit de peines d’escroquerie « quiconque aura participé à une transaction commerciale, ayant pour objet l’achat ou la vente d’ossements humains ou se sera livré à des pratiques de sorcellerie, magie ou charlatanisme … ». De même, mutatis mutandis, la loi du 25 juin 1964 réprime les sociétés secrètes dites « Andzimba » et toutes autres sociétés secrètes assimilées, au titre de l’association de malfaiteurs129. Son article 1er dispose : « les sociétés sécrètes dites « Andzimba » et toutes autres sociétés secrètes similaires ayant pour but de préparer ou de commettre les crimes contre les personnes, sont des associations de malfaiteurs au sens des articles 265, 266 et 267 du code pénal ». La perception cultuelle de la gravité du phénomène « Andzimba » dans la société congolaise est perceptible à travers les dispositions de ce texte. Sa sévérité est telle que le législateur a privé les auteurs de ces crimes du bénéfice des circonstances atténuantes prévues à l’article 463 du code pénal congolais. Ces dispositions qui ont coexisté avec le système colonial d’abord, marxiste ensuite, témoignent de la vitalité du droit coutumier. Sous un angle différent, la reconnaissance de la polygamie par les articles 135 et 136 du code congolais de la famille, participe à la même logique. 128 129

J.-M. Breton, op.cit., p.254. Codes d’audiences, op.cit., p.245.

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L’ensemble de ces facteurs a fait du système juridique congolais un modèle syncrétique. Son mérite est sans doute d’avoir fait coexister sur un même territoire des courants contradictoires et antagonistes. Faute de pouvoir les concilier, il n’a pas su trouver la voie médiane, laissant ainsi libre cours à une confrontation dans laquelle seul le modèle français a eu raison des autres. Il n’a connu une longue période d’éclipse que pour réapparaître à la suite de l’échec du modèle marxiste. 3. Renaissance du modèle colonial après la Conférence nationale souveraine de 1991 Le retour au modèle juridique français hérité de la colonisation a fait sa réapparition dans le paysage de la justice congolaise à la suite de l’échec du modèle soviéto-marxiste à la fin des années 90. L’objectif marxiste de « désaliénation culturelle, dans le domaine juridique, n’a pu réussir à gommer l’héritage colonial »130. La Conférence nationale souveraine a été l’occasion pour la justice congolaise de réaffirmer son attachement aux valeurs libérales d’origine coloniale. Ce retour s’est fait au prix de multiples réformes dont l’objectif était le réaménagement des institutions judiciaires. Le ton de ces réformes, qui consacrent le retour au modèle juridique libéral, avait été donné par l’Acte fondamental du 4 juin 1994 portant organisation des pouvoirs publics durant la période de transition131. Dans son article 76, cet Acte fondamental a laissé au législateur le soin d’organiser le fonctionnement des juridictions, tandis que son article 87 avait abrogé les lois et règlements antérieurs qui lui étaient contraires. Par ces dispositions, la Conférence nationale venait ainsi de proclamer le retour au modèle d’inspiration coloniale. 130

J.-M. Breton, op.cit., p. 264. Acte fondamental portant organisation des pouvoirs publics durant la période de transition, J.O.R.C. juin 1991.

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Toute une série de réformes se succédera par la suite, dans le domaine des juridictions de droit commun et en matière de juridictions politiques. Sur le terrain des juridictions de droit commun, il importe de rappeler que ce mouvement de réformes commence avec l’acte n°076 de la Conférence nationale en date du 21 juin 1991 portant changement des appellations des juridictions132. A partir de cette date, les tribunaux populaires d’obédience marxiste ont été supprimés au profit de dénominations anciennes héritées de la colonisation. Ainsi, l’appellation cour d’appel remplaçait celle de tribunal populaire de région ou de la commune autonome de Brazzaville, le tribunal de Grande Instance se substituait au tribunal populaire d’arrondissement, le tribunal d’instance reprenait ses droits sur le tribunal populaire de quartier ou tribunal populaire de village-centre. La loi du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire133, ainsi que les lois postérieures qui l’ont modifiée ou complétée134, ont définitivement entériné cette évolution. La cour suprême dont l’appellation n’a jamais changé, n’a connu que quelques aménagements successifs au gré des reformes. Son rôle a été déterminant pendant les tergiversations politiques du début des années 90. Pendant longtemps, on se souviendra de son avis en date du 3 avril 1993, émis à propos du sens et de la nature de l’article75 de la Constitution du 15 mars 1992, notamment sur le concept de 132

Acte n°076 du 21 juin 1991 portant changement des appellations des juridictions, Codes d’audiences, p.158. 133 Loi n°22-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire en République du Congo, in Recueil des lois, de1991à1994, par J.C. Mavila et G. Longombe (Eds.), Mission française de coopération et d’action culturelle, p.147. 134 Loi n°19-99du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire, Codes d’audiences, p.648.

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« majorité parlementaire à l’Assemblée Nationale », et sur la nature et le contenu de l’obligation présidentielle qui en découlait dans le choix du Premier ministre. Du point de vue des juridictions politiques, on fera observer, sans prétendre à l’exhaustivité sur ce bilan, que la présence du conseil constitutionnel dans le paysage judiciaire congolais, rappelle avec force, l’attachement de notre système juridique au modèle français. Sous tous les angles, leur identité est parfaite : identité dans la composition (neuf membres) et le mode de désignation des membres, similitude dans les compétences, l’organisation et le fonctionnement. L’on se souviendra aussi, pendant longtemps encore, de sa décision du 19 juillet 1997 135 relative à la prorogation des délais de l’élection présidentielle de 1997 et, subséquemment, du mandat du président Pascal Lissouba. Depuis la Constitution du 20 janvier 2002, la cour constitutionnelle s’est substituée au conseil constitutionnel. Ce changement de nom, sans incidence sur la nature et le rôle de cette institution, ne comporte aucune originalité par rapport au modèle français. L’attrait de ce modèle est en partie le témoignage de l’enracinement congolais dans la culture de l’ancienne puissance coloniale. Les effets psychologiques de ce lien historique et culturel entretenu depuis plus d’un siècle seraient, pensons-nous, l’une des explications de l’inadaptation et, par conséquent, de l’échec du système juridique marxiste. II - Le modèle marxiste et son échec L’importance du modèle juridique de type soviéto-marxiste était le corollaire d’un choix politique fondé sur l’idéologie des pays communistes de l’Europe de l’Est. Le Congo a vécu une 135

Cons. const., Décision n°001/97 du 19 juillet 1997.

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longue expérience marxiste au cours des trois premières décennies de son indépendance, expérience qui s’est achevée, on le sait, avec la Conférence nationale en 1991. Cette expérience permet désormais, avec le recul du temps, une observation exhaustive, parce qu’elle est achevée et enfermée dans un espace de temps clos 136. A ce titre, plus que le modèle français qui a refait surface, elle se prête aisément à une analyse qui permet d’en dresser un bilan définitif à travers sa genèse, son développement et la survenance de son terme. Dans ce voyage à travers les cinquante ans de l’histoire de la justice congolaise, il importe donc de marquer un temps d’arrêt sur cette séquence qui semble, selon toute prévision, révolue à jamais. Un indicateur retient notre attention à cet effet : la disparition des juridictions de droit commun et d’exception d’obédience marxiste. A la différence des juridictions du modèle français qui n’avaient connu qu’une suspension momentanée et apparente, et qui sont réapparues par la suite, celles de type marxiste ont disparu sans laisser la moindre trace. Les conditions de leur disparition après la Conférence nationale ayant déjà été abordées, nous n’y reviendrons que pour insister sur leurs particularités et leur fonctionnement. 1. Naissance et disparition des juridictions de droit commun de type marxiste C’est une loi du 21 avril 1983 portant réforme de la justice en République Populaire du Congo137 qui avait instauré un système de justice populaire d’obédience marxiste. Pour siéger dans ces juridictions populaires, les juges non professionnels étaient élus sur des critères et par les instances politiques. 136

J.-M Breton, op.cit., p. 248 Loi n° 53-83 du 21 avril 1983 portant réforme de la justice en République Populaire du Congo.

137

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Cette loi témoignait de la volonté du gouvernement de l’époque d’élaborer un droit socialiste de type marxisteléniniste138. Elle fut complétée par celle du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière139. Force est de préciser que la dénomination tribunal populaire s’appliquait aux seules juridictions de fond, à l’exception de la cour suprême. Suivant leur niveau dans la hiérarchie judiciaire, on trouvait les tribunaux populaires de village ou de quartier, les tribunaux populaires de district ou d’arrondissement, les tribunaux populaires de région ou de commune. Dans le paysage judiciaire congolais de l’époque, ces tribunaux populaires ont été confrontés, eux aussi, à la résistance du modèle judiciaire traditionnel et coutumier. On assiste, comme à l’époque du modèle français au lendemain de l’indépendance, à la coexistence du système soviéto-marxiste et coutumier. Mais au-delà de cette dualité, la situation était plus complexe dans la mesure où le système français continuait à opposer sa résistance. Cette cohabitation à trois, si invraisemblable qu’elle pût paraître, ne laissait guère augurer un avenir meilleur au modèle marxiste. A une époque où la propagande marxiste était à son apogée, on a connu, paradoxalement, des procès retentissants mettant en cause les membres des sociétés secrètes « Andzimba ». Dans le même temps, les tribunaux coutumiers continuaient à défier, sur leurs terres congolaises, le modèle judiciaire importé des républiques socialistes soviétiques. L’une des illustrations la plus saisissante de cette situation fut, le tribunal coutumier du chef Ta-Nkewa situé à Bacongo. On rappellera, en effet, que ce tribunal avait émergé sur la base 138

J.-M. Breton, op.cit., p. 250. Loi n°51-83du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, Codes d’audiences, p.127.

139

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d’un décret du 26 juillet 1944. Cette juridiction coutumière qui recourait à la conciliation, mais aussi à des condamnations sans textes, « fonctionnait ainsi hors du dispositif officiel mais avait une légitimité si forte que le Parti congolais du travail, parti unique de type soviétique, avait bien du mal à en contrôler le fonctionnement selon les critères populaires »140, autrement dit selon des critères marxistes. A tous les points de vue, elle fonctionnait exclusivement sur la base des principes du droit coutumier, sans la moindre référence aux critères du système juridique dit moderne. Comme précédemment indiqué, c’est par acte n°076 du 21 juin 1991 que la Conférence nationale a définitivement mis un terme aux juridictions de droit commun de type marxiste. Mais, l’aventure judiciaire marxiste a été surtout marquée par les abus et les dérives des juridictions d’exception. 2. Naissance et disparition des juridictions d’exception de type marxiste Les juridictions d’exception sous coloration socialiste et marxiste sont apparues dans l’histoire de la justice congolaise à des fins politiques. Elles étaient destinées, en effet, à sauvegarder l’ordre politique contre toute atteinte extérieure et intérieure .Aussi, les procès retentissants organisés à cet effet mettaient souvent en cause ceux qui étaient considérés comme les « ennemis de la Révolution ». Le premier objectif clairement affiché était donc la protection de l’ordre politique contre ceux que le discours officiel de l’époque désignait par le qualificatif « réactionnaire » 141. Toutefois, la compétence de ces juridictions d’exception avait été étendue aux infractions de droit commun. 140 141

E. Le Roy, op. cit., p.29 et sv. Sous le parti unique marxiste, le terme « réactionnaire » désignait l’opposant ou l’adversaire politique.

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 Compétence La création des juridictions d’exception de type marxiste variait au gré des circonstances et de la nature des affaires. On a vu apparaître tour à tour la cour martiale, la cour révolutionnaire de justice, la cour révolutionnaire d’exception. Elles étaient compétentes pour connaître toute les affaires relatives aux atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat. L’une de leurs particularités était d’être des juridictions sui generis qui n’appartenaient ni aux juridictions de l’ordre judiciaire, ni aux juridictions de l’ordre administratif. L’autre trait caractéristique, qui témoignait de leur extrême sévérité, était l’interdiction de toute voie de recours contre leurs décisions. La première juridiction du genre, après l’indépendance, a été instituée par la loi du 9 septembre 1964 portant création du tribunal populaire142. Suivant son article 2, « en cas de menaces graves contre la révolution ou de trouble portant atteinte à l’ordre publique ou à l’autorité de l’Etat, le président de la République, après avis du bureau politique du parti, devra par décret pris en conseil des ministres, décider de l’installation du tribunal populaire pour réprimer les crimes et délits spécifiés aux articles 3, 4, 5 et 6 et ceux commis depuis le 15 août 1963 ». Du point de vu de la répression, on notait, entre autres, la référence à la peine de mort et aux travaux forcés. Dans le même ordre d’idées, le régime provisoire de 1969 avait créé par l’ordonnance du 7 février 1969 la Cour révolutionnaire de justice143 dotée des mêmes attributions que le Tribunal populaire sus-indiqué. Mais, à la différence de 142 143

Loi n°24-64 du 09 septembre 1964 portant création du tribunal populaire, J.O.R.C. 1964, p.753. Ordonnance n°02-69 du 7 février 1969 portant création de la cour révolutionnaire de justice, J.O.R.C. 1969, p.386.

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celui-ci, la peine de mort ne figurait pas dans l’arsenal répressif. La première session de la Cour révolutionnaire de justice fut convoquée par décret en date du 6 mars 1969144; un autre décret en date du 16 décembre de la même année en a mis fin145. Par ordonnance du 10 novembre 1969, la Cour martiale fut installée pour juger toutes les personnes, auteurs, co-auteurs, complices, prévenus d’attentat contre la sûreté de l’Etat intérieure comme extérieure146. L’un des traits caractéristique des abus de cette juridiction était l’impossibilité d’exercer toute voie de recours contre ses décisions. Pour les mêmes motifs, à une semaine d’intervalle, une Cour révolutionnaire d’exception fut créée147. Le 23 mars 1970, un coup d’Etat dirigé contre le régime du Président Marien Ngouabi échoue. Par décret en date du 18 avril 1970, une commission criminelle exceptionnelle du comité central du Parti congolais du travail (PCT), parti unique, prononce des sanctions contre les fonctionnaires inculpés indirects de ce coup d’Etat148. Les sessions de ces juridictions se sont succédé jusqu’en 1978 lorsque, à la suite de l’assassinat du Président Marien Ngouabi, une ordonnance du 2 janvier 1978 crée une Cour

144

Décret n° 69-114 du 6 mars 1969 portant installation de la Cour révolutionnaire de justice, J.O.R.C.1969, p.143. 145 Décret n° 69-410 du 16 décembre 1969 mettant fin à la session de la Cour révolutionnaire de justice, J.O.R.C. 1970, p.5. 146 Ordonnance n° 22-69-CNR du 10 novembre 1969 portant création de la Cour martiale, J.O.R.C. 1969, p.571. 147 Ordonnance n° 24-69 du 18 novembre 1969 portant création d’une Cour révolutionnaire d’exception, J.O.R.C. 1969, p 586. 148 Décret n° 70-119 du 18 avril 1970 prononçant des sanctions contre les fonctionnaires inculpés indirects du coup d’Etat manqué du 23 mars 1970, J.O.R.C. 1970, p.207.

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révolutionnaire d’exception149 chargée de juger les personnes impliquées dans ce crime. Suivant les dispositions de son article 2, « la Cour révolutionnaire d’exception est compétente pour juger toutes les personnes, auteurs, co-auteurs et complices d’attentat contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat. Elle est également compétente pour juger les personnes qui ont concouru, facilité, aidé à la préparation et à la consommation de l’assassinat du président du comité central du Part Congolais du Travail, président de la République, chef de l’Etat, le camarade Marien Ngouabi ». A la même date, un décret portant nomination des membres de la Cour révolutionnaire d’exception150 organise la composition de cette juridiction. Le siège de Président est confié à Charles Assemékang, celui de Vice-président est occupé par Richard Eyeni. Le siège de commissaire du gouvernement et celui de Vice-commissaire du gouvernement sont respectivement occupés par Jacques Okoko et Gilbert Mampouya. Sept membres sont également nommés. L’extrême sévérité de cette juridiction apparaît également dans les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance : « les décisions rendues par la Cour révolutionnaire d’exception ne sont susceptibles d’aucun recours ». Des condamnations à la peine capitale furent prononcées à l’issue de l’audience. La succession d’événements politiques de 1960 à 1977, année de l’assassinat du Président Marien Ngouabi, fut telle que ces juridictions d’exception eurent le vent en poupe. Sans être exhaustif, on ne saurait toutefois terminer ce tableau sans évoquer la Cour de sûreté de l’Etat créée par une ordonnance

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Ordonnance n° 01-78 du 02 janvier 1978 portant création de la Cour révolutionnaire d’exception. 150 Décret n° 78-01 du 2 janvier 1978 portant nomination des membres de la Cour révolutionnaire d’exception.

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du 29 août 1978151. Elle était compétente pour connaître des crimes et délits relatifs aux événements du 14 août 1978 : affaire Dieudonné Miakassisa, Félix Mouzabakani, Bernard Kolelas, Robin Wamba et autres.  Extension de compétence Sur le plan politique, la période qui précède l’assassinat du Président Marien Ngouabi se caractérise par la radicalisation de la pensée marxiste-léniniste. Cette prise de position extrême conduit les instances du parti unique à traiter avec fermeté tous ceux qui, même en son sein, seraient tentés de s’écarter des principes et des orientations marxistes. Aussi, la menace politique ne vient plus seulement de l’extérieur, mais de l’intérieur. La meilleure manière d’y faire face était l’extension de la compétence de la Cour révolutionnaire de justice à des actes qui lui échappaient traditionnellement, et dont certains auteurs appartenaient à l’élite du Parti. Tel est le sens de la loi du 5 août 1976, qui donne compétence à la cour révolutionnaire de justice en matière d’ « infractions pénales de nature à porter atteinte directement au crédit du parti et de ses organisations de masse, les infractions pénales de nature à porter atteinte directement au crédit de l’Etat, à entraver son développement économique ou nuire à son équilibre financier »152. Au nombre de ces infractions figuraient, entre autres, la concussion, la corruption de fonctionnaire, le détournement de deniers publics, etc. 151

Ordonnance n° 33-78 du 29 août 1978 portant création de la cour de sûreté de l’Etat. 152 Loi n° 30-76 du 5 août donnant compétence à la Cour révolutionnaire de justice et organisant la procédure applicable en matière de crimes et délits de détournement de deniers publics, d’escroqueries au préjudice du parti et des organisations de masse, de l’Etat, de sabotage économique.

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Ces juridictions d’exception ont pu siéger jusqu’au milieu des années 80. La Conférence nationale de 1991, en sonnant le glas du régime politique d’obédience marxiste, les a du même coup entraînés dans l’abîme. L’expérience juridique du marxisme aujourd’hui close, n’a eu qu’un caractère éphémère dans un paysage socio-culturel congolais marqué par son attachement à l’ancienne puissance coloniale. III – L’Etat actuel de la justice congolaise A la suite de l’échec du modèle marxiste, la justice congolaise, on l’a vu, reste marquée à jamais par la persistance du modèle français hérité de la colonisation. Ce système judiciaire officiel instauré sous l’ère coloniale perdure en dépit de son inadaptation à certaines réalités locales. A l’heure où le Congo célèbre les cinquante ans de son indépendance, cette situation appelle, plus qu’à toute autre époque, un diagnostic de l’institution judiciaire à l’effet d’apprécier les avancées réalisées et les échecs subis. Dans sa fonction traditionnelle, en effet, la justice est un facteur de paix sociale et de progrès. A ce titre, son rôle est incontestablement le plus déterminant dans la consolidation de l’Etat de droit que les Congolais appellent de leurs vœux. De ce point de vue, la seule question qui vaille, après cinquante ans d’indépendance, est celle de la capacité d’appropriation et d’une parfaite maîtrise de cette institution judiciaire de type colonial. Le progrès social et la consolidation de l’Etat de droit auxquels il est fait allusion sont déterminés par cette capacité à maîtriser et à faire progresser l’instrument judiciaire. De son échec, découlera celui de notre modèle social tout entier. Tel un miroir qui nous renvoie notre propre image, un regard sans complaisance sur notre justice nous aidera à mieux comprendre nos propres balbutiements dans la construction de l’édifice national. Le diagnostic doit être établi avant l’examen - 238 -

des réformes les plus récentes déjà réalisées, et d’autres qui restent à entreprendre. 1. Diagnostic C’est un constat unanime suivant lequel la justice congolaise est malade. De l’avis de tous, elle n’a connu aucune évolution notable depuis les premières années de l’indépendance du Congo, jusqu’à nos jours. On notera toutefois que ses maux se situent à deux niveaux : le premier niveau est celui des structures, le second est relatif aux acteurs de la justice.  Structures On rappellera que le texte de base qui fixe l’organisation du pouvoir judiciaire en République du Congo est la loi du 20 août 1992, modifiée et complétée par celle du 15 août 1999153. Aux termes de l’article 1er de cette dernière loi, et en vertu des dispositions de la Constitution du 20 janvier 2002 relatives au pouvoir judiciaire, de même que les constitutions qui l’ont précédée, « la justice est rendue au nom du peuple congolais » par un seul ordre de juridictions. D’une manière générale, la carte judiciaire congolaise compte 103 juridictions réparties comme suit : une cour suprême ; une cour des comptes et de discipline budgétaire ; cinq cours d’appel situées à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Owando, et Ouesso ; quatorze tribunaux de Grande instance, dont douze sont fonctionnels, notamment à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Owando, Ouesso, Impfondo, Ewo, Sibiti, Madingou, Mouyondzi, Djambala, et Kinkala, étant précisé que les deux situées à Gamboma et à Mossendjo ne 153

Loi n° 022/92 du 20 août 1992 ; Loi n° 19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant la loi n° 022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire.

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sont pas fonctionnels faute de cadre de travail et de personnel ; soixante-quatorze tribunaux d’instance dont six tenus par les magistrats sont fonctionnels : quatre situés à Brazzaville (PotoPoto, Makélékélé-Bacongo, Mfilou et Talangaï ), deux à Pointe-Noire (Tsié-Tsié et Tchinouka). Certains tribunaux d’instance sont animés par des greffiers tandis que d’autres n’ont d’existence que sur le papier ; deux tribunaux de travail, dont un situé à Brazzaville et l’autre à Pointe-Noire ; deux tribunaux de commerce situés à Brazzaville et à Pointe-Noire ; quatre tribunaux pour enfants situés respectivement à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Ouesso. En raison d’énormes difficultés que connaît l’ensemble du système judiciaire, le Congo, soucieux de consolider l’Etat de droit, n’a eu d’autre choix que de solliciter l’aide de ses partenaires extérieurs. C’est dans ces conditions qu’au cours de l’année 2004, un accord dénommé ACP COB 8 est intervenu entre le gouvernement congolais et l’Union Européenne. L’unité Technique de mise en œuvre en est le projet d’appui à l’Etat de Droit (PAED), installé à Brazzaville. Au nombre d’études et de projets déjà réalisés, on retiendra ici le diagnostic de la justice sur l’ensemble du territoire154. Le constat général dressé à cet effet est accablant. De cette étude, il ressort que les différentes juridictions auxquelles il est fait allusion sont confrontées à de graves difficultés de fonctionnement. A quelques exceptions près, indique le rapport, les juges des tribunaux d’instance par exemple, « lorsqu’un bâtiment existe, sont rarement sur place. Ils élisent domicile au siège du tribunal de Grande Instance, alors que des fonds sont attribués chaque année dans le budget de l’Etat pour le fonctionnement des Tribunaux d’Instance155. Les dysfonctionnements de ces juridictions évoquées dans les 154 155

PAED, Diagnostic du secteur de la justice (inédit). Rapport précité, p.5.

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lignes qui précèdent, sont autant d’indices révélateurs de la mauvaise santé du système judiciaire congolais. On n’omettra pas de mentionner les conséquences des troubles socio-politiques que le Congo a connus de 1993 à 2003 sur l’infrastructure judiciaire. La destruction des bâtiments et des équipements (matériels et outils de travail, mobilier de bureau, documentation, machines à écrire, etc.), ont considérablement ruiné le fonctionnement d’un système judiciaire déjà fragile. S’il est vrai par ailleurs, outre le fait des violences que le pays a connues, que les infrastructures et les équipements des juridictions varient en fonction du lieu et de la structure juridictionnelle, la situation n’est guère satisfaisante dans l’ensemble. Aussi, l’état de vétusté des infrastructures, la pénurie et le délabrement des équipements sont, sans excès de langage, la règle dans la plupart de nos juridictions. Cet état de délabrement est souvent la conséquence de la pénurie des ressources financières, une autre plaie de la justice congolaise. En effet, les ressources financières des juridictions et de l’ensemble des services judiciaires, sont essentiellement constituées des dotations budgétaires de l’Etat, des provisions, des frais de levée de grosses, de la vente des casiers judiciaires et certificats de nationalité, de l’immatriculation au registre de commerce et crédit mobilier. Les cours et tribunaux disposent d’une partie des recettes des services judiciaires rendus par les greffes. On s’accorde toutefois à reconnaître que les ressources provenant des greffes ne sont pas toute enregistrées, et le manque de contrôle des greffes donne lieu à des abus dans l’emploi des recettes156. L’administration pénitentiaire est rattachée désormais, depuis plus de quinze ans, au ministère de la justice et des droits humains, à l’instar de l’administration pénitentiaire 156

Rapport du PAED précité, p.5.

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française. Elle dispose de 15 maisons d’arrêt, dont trois ou quatre sont à peine fonctionnelles, suivant le rapport du projet d’appui à l’Etat de droit (PAED) : ce sont celles situées à Brazzaville, Owando, Madingou, et Pointe-Noire. La capacité d’accueil de l’ensemble des maisons d’arrêt est de 1000 détenus. Elles emploient plus de 250 agents dont une partie relève de la force publique. En l’état actuel des choses, il n’existe encore ni corps de fonctionnaires pénitentiaires, ni filière de formation spécifique. En 2007, la maison d’arrêt de Brazzaville, le plus important établissement pénitentiaire du pays, était proche des limites de sa capacité d’accueil qui est de 400 détenus, à en croire le rapport sus-indiqué. Elle regroupait 381 personnes, parmi lesquelles une dizaine de mineurs, 321 prévenus et 60 condamnés. Avec une capacité d’accueil de 200 personnes, la prison de Pointe-Noire comptait la même année 140 détenus dont 80 personnes en détention préventive. A Dolisie, troisième ville du pays, l’inexistence d’une maison d’arrêt est préoccupante. Les personnes poursuivies sont détenues dans les cachots des locaux de la police et de la gendarmerie, en principe réservés aux personnes gardées à vue, ce qui entraine pour conséquence le non-respect des délais en matière de garde à vue. Outre la surpopulation carcérale, et en dépit de quelques efforts de rénovation, les établissements pénitentiaires congolais sont vétustes et sous équipés. Avec une ration par jour dans la plupart des cas, le régime alimentaire des prisonniers est déplorable. La durée des détentions préventives est excessive, faute d’audiences criminelles régulièrement organisées. Dans ces conditions de dysfonctionnement général, l’objectif de réinsertion sociale des détenus est un vœu pieux. Les maux qui affectent les structures judiciaires et pénitentiaires sont aussi dénoncés en ce qui concerne les acteurs judiciaires. - 242 -

 Acteurs judiciaires L’un des problèmes majeurs auquel la justice congolaise est confrontée est celui des ressources humaines. Depuis son accession à l’indépendance, le Congo accuse un déficit chronique en personnel judiciaire. Loin de connaître la moindre amélioration, la situation ne cesse de s’aggraver au fil des années. Pour une population estimée à 3,5 millions d’habitants, le pays ne dispose que d’un effectif de 254 magistrats. Ce chiffre dérisoire peut paraître rassurant eu égard à la situation des autres pays de la sous-région. Le Cameroun, avec une population de 12 millions d’habitants, ne compte que 552 magistrats ; le Gabon, avec une population de 1.011.710 habitants, dispose d’un effectif de 266 magistrats ; la République centrafricaine, peuplée de 3 millions d’habitants, compte, elle, 72 magistrats seulement ; de même, le Tchad avec une population de 6.288.261 habitants, ne dispose que d’un effectif de 105 magistrats157. On serait donc tenté de se réjouir de cette comparaison, tant il est vrai que la similitude entre notre pays et nos voisins pourrait constituer un motif de satisfaction, sauf vis-à-vis du Gabon dont l’effort est plus considérable dans ce domaine. Mais, comparaison n’étant pas raison, le déficit chronique du personnel de la magistrature au Congo est préoccupant à plus d’un titre. On observe avec constance des écarts considérables dans la répartition du personnel par juridiction. Alors que dans certaines juridictions, on enregistre des effectifs pléthoriques, dans d’autres le système est dysfonctionnel faute d’une composition suffisante. Sur le terrain, fort malheureusement, certains professionnels, sont 157

E. Le Roy, op.cit., p. 199. Ces chiffres que nous reprenons à notre compte sont avancés ici sous réserve des changements éventuels intervenus dans ces pays depuis la date de leur publication par l’auteur cité.

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contraints de cumuler plusieurs fonctions, au détriment des principes essentiels des procédures en vigueur. Pour parer au plus pressé, des recrutements des bénévoles ou des contractuels, notamment au niveau des greffes, sont observés à une échelle non négligeable et tendent à devenir légion. A la fin des années 80 et au début des années 90, la nomenclature des acteurs judiciaires s’est considérablement renforcée grâce à une meilleure organisation de certaines professions libérales et l’apparition de nouvelles professions dans le paysage judiciaire congolais. C’est ainsi que, par une loi en date du 29 septembre 1989, la profession du notariat a été instituée158. La profession d’avocat, qui a longtemps fonctionné sans cadre légal, est désormais régie par la loi du 20 août 1992159. Pendant longtemps également, la profession d’huissier de justice n’était pas partie intégrante du système judiciaire congolais. C’est à la faveur de loi du août 1992 qu’elle a été instituée160. On dénombre actuellement 37 notaires au Congo. Leurs études sont concentrées à Brazzaville et à Pointe-Noire. L’ordre national des avocats compte environ 155 avocats dont 131 titulaires sont répartis entre le barreau de Brazzaville (57 avocats) et le barreau de Pointe-Noire (74 avocats). La profession d’huissier de justice compte 77 membres concentrés à Brazzaville et à Pointe-Noire. L’ensemble de ces professions est confronté à des sérieuses difficultés susceptibles de compromettre leur efficacité. On relève notamment une insuffisance de formation, la concurrence d’autres acteurs dans l’exécution des décisions de justice - policiers, magistrats -, réduisant ainsi à peu de choses 158

Loi n° 17/89 du 29 septembre 1989 portant institution du notariat. Loi n°026-92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession d’avocat. 160 Loi n°027-92 du 20 août 1992 portant institution de la profession d’huissier de justice.

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près le domaine d’intervention des huissiers de justice. On note également l’inefficacité, voire l’inexistence des mesures disciplinaires, etc. La situation est d’autant plus préoccupante que seule une partie des acteurs judiciaires (magistrats, avocats, greffiers) bénéficie d’une formation professionnelle initiale. Celle-ci est assurée par l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature (ENAM), et par l’Ecole nationale moyenne d’administration (ENMA). Toutefois, le problème de la formation à l’ENAM en particulier nécessite une étude poussée en vue de la révision des programmes, afin de permettre leur meilleure adaptation aux besoins du marché de l’emploi. On indiquera néanmoins que la formation initiale dispensée aux acteurs de la justice a été complétée depuis quelques années, au niveau inter-Etats, par la formation au droit OHADA. Celle-ci est assurée sous la forme de sessions organisées par l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA), dont le siège est situé à Porto-Novo (Benin). Les séminaires de restitution sont organisés au niveau des Etats (parties au Traité OHADA) par les commissions nationales OHADA.  Déontologie Au-delà des difficultés relatives aux infrastructures et aux ressources humaines, la justice congolaise reste marquée par des problèmes d’éthique et de déontologie dont il serait aussi imprudent qu’irresponsable de tenter d’en minimiser la portée. A en croire le constat unanimement dressé par les institutions nationales et internationales, mais aussi par les voix les plus autorisées de la vie publique nationale, la justice congolaise est malade du comportement de certains de ses acteurs. Dans un paragraphe consacré à la gouvernance administrative et judiciaire intégré dans le Document de - 245 -

Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), le comité national de lutte contre la pauvreté insiste sur quelques faiblesses déontologiques de la justice congolaise. Il estime que la « gouvernance judiciaire » se caractérise, entre autres, par « le développement de la fraude, de la corruption et de la concussion…, la confusion des rôles entre les services de la justice et ceux de l’ordre public ; les arrestations arbitraires et les gardes à vue abusives »161. Renchérissant dans le même ordre d’idées, il soutient, sous la forme d’une formule péremptoire, que « les causes principales de la corruption, de la concussion et de la fraude sont l’absence de contrôle dans l’administration, et le bas niveau des rémunérations et l’inefficacité du système judiciaire »162. Ce diagnostic général de la justice congolaise a suscité de multiples réflexions. Il importe donc d’exposer, aussi synthétiquement que possible, la nature et le contenu des solutions déjà apportées, et celles qui font encore l’objet de réflexions. 2. Solutions « Aux grands maux, les grands remèdes ». Dans l’histoire de la justice congolaise, il est temps, plus que jamais, de faire de cet enseignement de la sagesse populaire le leitmotiv de la réforme du système judiciaire. Quoique dans certaines circonstances il y a loin de la coupe aux lèvres, dans le domaine de la justice, nombreuses sont les solutions ou les tentatives de solution qui sont apportées ou en voie de l’être, même si par leur manque de rigueur, elles s’apparentent souvent à des velléités.

161

Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, DSRP 20082010, Ministère du plan et de l’aménagement du Territoire, p.28. 162 Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, op.cit., p.29.

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On indiquera, pour illustration, que l’une des réformes les plus importantes de cette première décennie du XXIè siècle est, sans doute, la réforme de la carte judiciaire congolaise. En effet, dix lois votées le 25 juin 2008 ont porté création de certaines juridictions, ou modification du ressort d’un certain nombre de tribunaux et cours d’appel. Il en est ainsi de la loi n°12-2008 du 25 juin 2008 portant création de la cour d’appel de Ouesso, des lois n°13-208, n°14-2008, n°15-2008 du même jour créant respectivement les tribunaux de grande instance de Kindamba, d’Oyo et de Mossaka. De même, les lois n°s 162008 à 19-2008 de la même date ont respectivement modifié les ressorts des tribunaux de grande instance de Gamboma, de Kinkala, Brazzaville et Owando. Celles votées sous les nos 202008 et 21-2008 ont porté modification du ressort des cours d’appel de Brazzaville et d’Owando163. Si la réforme est salutaire, en ce sens qu’elle vise, entre autres, le rapprochement entre les justiciables et la justice, et le désencombrement de certaines juridictions, il y a cependant fort à craindre qu’elle soit confrontée à de graves difficultés en raison du déficit du personnel judiciaire. Parmi les avancées les plus significatives, on mentionnera également la mise en place de la commission nationale de la lutte contre la corruption164. Grâce à la loi du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion, la fraude et les infractions assimilées165, cette forme de délinquance est désormais soumise à un régime juridique d’une grande sévérité. Sévérité dans la qualification, car certains délits ont 163

J.O.R.C., 3 juillet 2008, pp. 1128-1129. Décret n°2007-155 du 13 février 2007 portant réorganisation de la commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude. 165 Loi n° 5-2009 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion, la fraude et les infractions assimilées, J.O.R.C. 1er octobre 2009, p.2449. 164

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été transformés en crimes ; sévérité également dans la répression en ce sens que le maximum de certaines peines a été considérablement relevé. Cette loi appelle un certain nombre d’observations, car en dépit de l’objectif très louable poursuivi par le législateur, il y a fort à craindre qu’elle se révèle inefficace, voire inutile, tout comme la commission de lutte contre la corruption chargée de l’appliquer. On fera observer à cet effet que les infractions de corruption, de concussion, de fraude et les infractions assimilées qui relèvent soit du droit pénal spécial commun (extorsion, trafic d’influence, vol, escroquerie, recel, etc.), soit du droit pénal des affaires (abus de biens sociaux, favoritisme, blanchiment) font déjà partie de la nomenclature traditionnelle du code pénal. Naturellement, il appartient aux juridictions répressives d’appliquer les dispositions pénales y relatives. Il est donc étonnant de voir le législateur extraire du dispositif du code pénal une catégorie d’infractions pour prétendre en faire une loi à part entière, sans le moindre souci d’innovation. La loi n°5-2009 du 22 septembre 2009 apparaît ainsi comme un doublon inutile. Sous l’angle procédural, on pourra déplorer l’étonnant transfert de compétence des organes judiciaire répressifs, notamment la juridiction d’instruction et les organes chargés de l’enquête préliminaire, vers un organe sui generis, la commission de lutte contre la corruption, dont certaines attributions sont contestables sur le plan juridique166. Certes, la pression de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international a sans doute contraint le législateur congolais à aller dans ce sens, mais dans un pays indépendant et souverain 166

Aux termes des articles 11 et suivants du décret du 13 février 2007, la commission de lutte contre la corruption est compétente pour mener des investigations ; elle est habilitée à saisir les autorités judiciaires et reste soumise au respect du principe du contradictoire.

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depuis cinquante ans, la réponse au problème de la corruption est la répression pénale traditionnelle, sans pression des institutions internationales. Dans le système judiciaire comme ailleurs, le problème de la corruption relève de l’éthique et de la déontologie. Dans cette hypothèse, il appartient au Conseil Supérieur de la magistrature, dont l’une des attributions est de veiller à la discipline des magistrats, de se prononcer167. C’est dans ces conditions que lors de sa session ordinaire du 4 mai 2009, il a prononcé la révocation de onze magistrats des cours et tribunaux168. Le motif de la révocation généralement évoqué est exclusivement à connotation déontologique. Il s’agit du « manquement grave aux devoirs de son Etat, à l’honneur, à la délicatesse, et à la dignité de sa charge ». Dans l’histoire de la justice congolaise, le fonctionnement de cet organe n’a pas été régulier. Au cours de sa session ordinaire sus-indiquée, il avait formulé une recommandation relative à l’institution d’un code de déontologie du magistrat. Dans la circulaire du 18 septembre 2009 relative à la feuille de route du Gouvernement169, le président de la République avait prescrit des mesures en ce sens. On ne manquera pas de relever quelques progrès réalisés par le projet d’appui à l’Etat de droit tels que l’informatisation des greffes des tribunaux de grande instance de Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie. 167

168 169

Loi organique n°22-2008 portant organisation, composition et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature, J.O.R.C, 31 juillet 2008, p.1627. Procès-verbal de la session ordinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature du 4 mai 2009, inédit. Circulaire n° 436 du 18 septembre 2009 relative à la feuille de route du Gouvernement (inédit).

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CONCLUSION A l’image de la plupart des systèmes juridiques et judiciaires des pays dont l’histoire est étroitement liée à la colonisation, le modèle juridique congolais reste encore très fortement marqué par la conjonction des influences extérieures. La réception des modèles exogènes ne s’est pas faite sans douleur. Si l’expérience marxiste n’est plus que le souvenir d’un passé révolu, en revanche l’héritage colonial français continue à peser de tout son poids, peut-être encore pour très longtemps. L’ère du cinquantenaire de l’indépendance du Congo s’est ouverte avec ce modèle français et se referme avec lui. Souvent à la croisée des chemins entre ses propres réalités et des modèles exogènes, le système juridique congolais n’a pas encore trouvé sa voie. L’expérience n’est guère satisfaisante. Certes, le système français qui nous sert de modèle, a le mérité de la rationalité et de la rigueur de ses concepts, mais l’obstination aveugle dans son application à des réalités qui lui sont souvent étrangères, conduira, à terme, à l’impasse. Si cette observation est connue de tous, le plus difficile reste toujours d’imaginer la voie de sortie. Cinquante ans après l’indépendance, aucune réflexion sérieuse n’a pu être construite en ce sens, et nous sommes encore réduits, comme par le passé, à mimer sans effort et avec beaucoup de maladresses, le droit français. Cette attitude passive aurait pu échapper au blâme ne seraitce que par un effort d’entretien et d’amélioration substantielle des infrastructures judiciaires et des instruments juridiques existants. Or, dans ce domaine, beaucoup d’efforts restent encore à fournir, et nombreuses sont les pistes à explorer et à exploiter. Il en est ainsi, entre autres, du renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de la réforme des codes et d’autres textes, la construction, la réhabilitation et le renforcement des infrastructures et de l’équipement, etc. Mais - 250 -

en raison de l’ampleur de la tâche, le but à atteindre est encore hors de portée. Toutefois, dans le ciel brumeux de la justice congolaise, on peut y percevoir quelques éclaircies. Tel est notamment le cas, on l’a vu, de la réforme de la carte judiciaire et de l’informatisation de certains greffes. Mais ces efforts sont encore si timides que la sagesse et la prudence n’autorisent pas, en l’état actuel des choses, un optimisme béat. Gageons néanmoins que la célébration du centenaire de l’indépendance de notre pays sera placée sous le signe de l’espoir.

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CHAPITRE 9 LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE AU CONGO (1960-2010) Par Jean DIAMOUANGANA INTRODUCTION GENERALE Au lendemain de l’Indépendance, les hautes autorités politiques congolaises reconnaissent que le secteur de la science et de la technologie, s’il est manifestement tributaire du développement national, il en est aussi le moteur. Ils ont, à cet égard, amplement souligné les formes diverses de cette influence : - mise en lumière des mécanismes naturels et sociaux et de leurs évolutions prévisibles qui éclairent la décision politique ; - découverte et évaluation des ressources potentielles, qui apportent une décision au développement ; - renforcement de la capacité nationale à adopter et intégrer de nouvelles technologies mises au service de la capacité nationale de production ; - création d’une capacité nationale d’innovation pour apporter des améliorations décisives, qualitatives et quantitatives, à tous les secteurs de l’économie nationale ; - intensification de la coopération régionale et internationale. Dans cette perspective, la science et la technologie ont été élevées au rang de secteur à part entière, doté d’un appareil de décision et d’exécution, et bénéficiant d’une reconnaissance spécifique aux plans politique, administratif et budgétaire.

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Quel regard peut-on, très objectivement avoir en direction de la science et de la technologie au Congo sur le plan de leur histoire, de leurs forces et de leurs faiblesses ? I- Histoire 1-Avant l’indépendance Les documents qui s’efforcent de faire le point sur la recherche scientifique au Moyen-Congo sont assez épars. Abraham Constant Ndinga Mbo170 en a fait une recension exhaustive. Il en ressort qu’une abondante documentation écrite sur l’activité scientifique au Congo date surtout de l’après Seconde Guerre mondiale. Elle est à prendre dans France Outre-mer et dans Industrie et Travaux d’Outre-mer. De 1947 à 1959, plus de 130 numéros du Bulletin d’Informations Economiques et Sociales, puis à partir de janvier 1957 du Bulletin de Statistiques de l’Afrique Equatoriale, ont été diffusés régulièrement par les services statistiques de Brazzaville. On peut citer comme publications proprement scientifiques, qui peuvent être considérées comme des périodiques africanistes ou tropicalistes : Cahiers d’Etudes Africaines (elles continuent de paraître aujourd’hui), Cahiers d’Outremer, Bulletin de la Société de Pathologie Exotique, Bois et Forêts des Tropiques, L’Agronomie Tropicale, la Revue de Botanique appliquée. Il faut ranger dans cette catégorie de périodiques africanistes le Bulletin de la Société des Recherches Congolaises avec 28 numéros parus à Brazzaville, de 1922 à 1941. Son relai a été pris, après la Seconde Guerre mondiale, par le Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines, dont la série initiale (de A. C. Ndinga Mbo, 2003, Pour une histoire du Congo. Méthodologie et réflexions, Paris, L’Harmattan, pp.72-79

170

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1945 à 1947) compte trois fascicules, et la nouvelle publiée de 1950 à 1960 sous l’égide de l’Office de la Recherche Scientifique d’Outre-mer (ORSOM), puis l’Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-mer (ORSTOM) vingt. Cette collection s’achève avec les deux tomes (1962 et 1963) du Bulletin de l’Institut de Recherches Scientifiques au Congo. L’Institut d’Etudes Centrafricaines, créé en 1946, a été jusqu’en 1959, un organisme du Gouvernement Général de l’AEF, chargé des mêmes tâches que l’IFAN (Institut d’Afrique Noire) en AOF, notamment l’inventaire scientifique de l’AEF, l’étude de ses problèmes généraux et spéciaux, et le rassemblement de la documentation. Il comprenait trois centres : - Brazzaville, avec les services de pédologie, biologie végétale, hydrologie, sciences humaines ; - Pointe-Noire, avec la station océanographique ; - et Bangui, avec, au départ, l’observation géophysique, auquel s’était ajoutée une section d’hydrologie.

Les travaux effectués par l’IEC ont été récapitulés dans le n° 19-20 du Bulletin de l’Institut d’Etudes Centrafricaines. Le chercheur pourra y consulter notamment : -

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Trochain J. L., « Les études poursuivies par l’Institut d’Etudes centrafricaines depuis sa création sur le territoire de la République du Congo », p. 127-188 ; Soret M., «Les sciences humaines en République du Congo, de 1948 à 1960 », p. 169-182.

Le chercheur tirera aussi profit, non seulement de l’importante littérature « gestionnaire » de l’époque coloniale (productions et documentations d’origine administrative), mais - 255 -

aussi de nombreux travaux en sciences humaines ou sociales publiés par les africanistes français dans le cadre de l’ORSTOM, ou de sa filiale à Brazzaville, l’Institut d’Etudes Centrafricaines. L’entreprise rentrait dans les préoccupations du Haut-Commissaire de l’AEF Bernard Cornut-Gentille dans son souci d’identifier et de classifier les problèmes de développement de la Fédération. Cette production scientifique africaniste comprend notamment des résultats d’enquêtes publiés sous forme d’articles ou d’ouvrages de : -Marcel Soret, pour la démographie ; -Gilles Sautter, pour la démographie et la géographie rurale ; - Pierre Vennetier, pour la démographie économique ; - Georges Balandier, pour l’anthropologie sociale. Toujours dans le cadre de l’ORSTOM, des études scientifiques financées par le Fonds d’Aide et de Coopération (FAC) français ont été entreprises de 1960 à 1961 pour l’établissement d’un plan de mise en valeur harmonieuse de la Cuvette congolaise. La direction de cette mission d’études avait été confiée à Maumon. Le célèbre agronome français René Dumont avait fait partie de cette mission du 6 au 19 mai 1961 : son best-seller L’Afrique noire est mal partie171 est en partie alimentée par les enquêtes réalisées au Congo, sous le régime de l’Abbé Président Fulbert Youlou ! Le chercheur pourrait tirer largement profit du « Rapport Maumon » qui constitue une contribution très importante dans la connaissance de la partie septentrionale du Congo.

171

R. Dumont, - 1961, Terres vivantes. Voyages d’un agronome autour du monde, Paris, Terre Humaine ; - 1962, L’Afrique noire est mal partie, Paris, Le Seuil.

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Il convient de mentionner comme autre centre de recherches créé à cette époque coloniale, plus précisément en 1939, l’Institut Pasteur de Brazzaville (IPB) à l’issue de la mission d’étude de la maladie du sommeil. L’Institut Pasteur se consacrait à des recherches d’où devaient nécessairement découler des applications pratiques utiles pour le bien-être des populations. Les missions de cet institut ont porté surtout sur la protection de la santé publique par le dépistage des maladies endémiques, la préparation des vaccins assurant une lutte efficace contre ces maladies et l’exécution de toutes les analyses de laboratoire. Elles ont permis la poursuite de certaines recherches ; par exemple la rage a pu être identifiée par isolement et l’étude du virus rabique a été amorcée à Brazzaville. Il faut dire que l’IPB était l’un des creusets de la recherche biomédicale et des actions de santé publique. Cet institut appartenait au Réseau International des Instituts Pasteurs rattachés à la communauté pasteurienne. Au cours de cette période d’après-guerre, toutes les activités de recherche scientifique et technique étaient organisées et conduites au sein des institutions de l’administration coloniale sous l’impulsion de l’intervention du Fonds d’investissement et de développement économique et social (FIDES, 19471958). En voici la liste : Institut de Recherche pour les Huiles et Oléagineux (IRHO) ; Institut de Recherches Agronomiques Tropicales (IRAT) ; Institut de Recherche du Coton et des Textiles exotiques (IRCT) ;

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Institut des Etudes Centrafricaines (IEC), devenu par la suite, Office de Recherche Scientifique et Technique d’Outremer (ORSTOM) ; - Centre Technique Forestier Tropical (CTFT). Jusqu’en 1962, l’Institut d’Etudes Centrafricaines (I.E.C.) regroupait les chercheurs de l’ORSTOM travaillant dans les anciennes colonies françaises en Afrique équatoriale, à savoir le Moyen-Congo, le Gabon, l’Oubangui-Chari et le Tchad. La direction de l’I.E.C. était située à Brazzaville mais les laboratoires étaient localisés à Brazzaville, Pointe-Noire, Bangui, Libreville et Fort Lamy. En 1960, ces laboratoires sont tous devenus des Centres autonomes de l’ORSTOM. Le Centre ORSTOM de Brazzaville était dénommé « Institut de Recherches Scientifiques au Congo » (I.R.S.C.) entre 1961 et 1963. En 1962, un second laboratoire souterrain a été ouvert à Bitori, dans le district de Kindamba et ce, pour certaines études d’entomologie médicale. 2-Après l’indépendance, Au lendemain de l’indépendance, les pouvoirs publics congolais ont commencé à doter le pays de textes permettant l’intégration de la recherche et du développement expérimental dans le développement économique et social. Les textes ciaprès peuvent être cités : - décret n°60/277 du 23 septembre 1960 portant création du Comité de recherche scientifique au Congo ; - décret n°63/232 du 24 juillet 1963 portant création du Conseil supérieur de la recherche scientifique et technique ; - décret n°66/268 du 3 septembre 1966 portant création du Conseil national de la recherche scientifique et technique.

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Ces structures créées entre 1960 et 1966, n’ont pas malheureusement donné à la recherche l’impulsion escomptée. C’est ainsi que seront publiés les textes mettant en place certains organismes: - ordonnance n°9/69 du 28 mars 1969 portant création du Laboratoire national de santé publique ; - décret n°69/290 du 21 juillet 1969 portant organisation et fonctionnement du Laboratoire national de santé publique ; - décret n°76/9 du 17 janvier 1976 portant création du département de la recherche scientifique auprès du Conseil d’Etat ; - décret n°76/10 portant nomination du Ministre délégué, chargé de la recherche scientifique ; - décret n°78/123 du 17 février portant création et organisation du secrétariat général à la recherche scientifique auprès du ministère des mines et l’énergie, chargé de la recherche scientifique - décret n°78/166 du 3 mars 1978 portant attribution et organisation du ministère des mines et de l’énergie chargé de la recherche scientifique ; - décret n°79/358 du 30 juin 1979 portant nomination du directeur général de la recherche scientifique et technique ; - décret n°81/217 du13 avril1981 portant réorganisation du Conseil national de la recherche scientifique et technique ; - décret n°81/564 du 29 août 1981 portant création de la Station bioécologique et forestière de Dimonika ; - décret n°82/842 du 16 septembre 1982 portant statut particulier du personnel de la recherche scientifique ; - décret n°82/856 du 18 juin1982 portant création, attribution et fonctionnement du Conseil scientifique et technique au sein du ministère de la culture, des arts et de la recherche scientifique ;

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- décret n°82/856 du 18 juin 1982 portant création attribution et fonctionnement d’un Conseil scientifique et technique au sein du ministère de la recherche scientifique - décret n°83/011 du 11 janvier 1983 portant création du Centre national de semences améliorées(CNSA) placé sous la tutelle du ministère de l’agriculture et de l’élevage; - décret n°83/782 du 19 octobre 1983 portant création attribution et organisation de la Direction générale de la recherche scientifique et technique ; - décret n°84/858 du 13 août 1984 portant création du ministère de la recherche scientifique ; - décret n°85/882 du 6 juillet 1985 réorganisation du Conseil national de la recherche scientifique et technique ; - loi n°028/85 portant création du Centre d’étude sur les ressources végétales (CERVE) ; - arrêté n°9535 MRSC Cab du 7 novembre 1985 déterminant le taux et les modalités d’attribution de la prime de recherche allouée aux chercheurs de la DGRST; - loi n°02/86 du 22février 1986 portant création du Centre de recherche géographique et de production cartographique ; - loi n°11/86 du 19 mars 1986 portant création du Centre de recherche vétérinaire et zootechnique(CRVZ) ; - loi n°12 du 19 mars 1986 portant création du Centre de recherche agronomique de Loudima ; - loi n°12/86 du19 mars 1986 portant création du Centre de recherche et d’initiation des technologies ; - décret n°86/932 du 2 septembre 1986 approuvant les statuts du Centre de recherche agronomique de Loudima ; - décret n°86/936 du 2 septembre 1986 portant organisation et fonctionnement du Centre de recherche vétérinaire et zootechnique - décret n°86/856 du 27 juin 1986 portant attribution et organisation du ministère de la recherche scientifique ; - 260 -

- loi n°008 du 7 février1987 portant création du Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU) placé sous la tutelle du ministère de la santé ; - décret n°88/622 du 30 juillet 1988 portant organisation et fonctionnement du Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU). Au lendemain des troubles sociopolitiques des années 1992 et 1993 qui ont entraîné la fermeture du Centre ORSTOM de Brazzaville (devenu entre-temps Institut de recherche pour le développement, IRD ) du fait de la destruction de nombreuses infrastructures publiques et privées, pour faire face à un certain nombre d’exigences, une nouvelle impulsion a été donnée à la politique scientifique congolaise. Celle-ci s’est traduite par l’adoption et la publication des textes ci-après : - loi n°15-95 du 7 septembre 1995 portant orientation et programmation du développement scientifique et technologique ; - décret n°97-247 du 5 août 1997 portant création du Conseil supérieur de la science et de la technologie(CSST) ; - décret n°97-256 du 5 août 1997 portant création du Comité interministériel de la science et de la technologie (CIST); - décret n°97-252 du 5 août 1997 portant création et organisation de la Délégation générale à la recherche scientifique et technologique(DGRST) ; - décret n°97-251 du 5 août 1997 portant création des centres de recherche suivants : Centre de recherche et d’étude en science sociale et humaine(CRESSH) ; Centre de recherche sur l’amélioration génétique des plantes(CERAG) ; Centre de recherche sur la conservation et la restauration des terres(CRCRT) ; Groupe d’étude et de recherche sur la diversité biologique(GERDIB) ; Centre de recherche forestière du littoral(CRFL) ; Centre de recherche hydro - 261 -

biologique de Mossaka (CRHM) ; Centre de recherche forestière d’Ouesso (CRFO). Le décret n°97-245 du 31 Juillet 1997 quant à lui porte création des unités de recherche suivantes qui tentent de combler le vide laissé par les laboratoires du centre IRD de Brazzaville : - Unité de recherche sur les écosystèmes aquatiques ; - Unité de recherche sur la physique de l’atmosphère et la bioclimatologie ; - Unité de recherche sur la nutrition et l’alimentation humaine : - Unité de recherche sur les ressources microbiennes ; - Unité de recherche en phytiatrie ; - Unité de recherche sur les systèmes de production agricole ; - Unité de recherche sur l’épidémiologie des endémies ; - Unité de recherche sur la physiologie rénale et l’hypertension. Le décret n°97-248 du 5 août 1997 porte création du Fonds national pour le développement scientifique et technologique. Ce fonds est théoriquement destiné à financer des projets de recherche sur appel d’offre. 3-Influence de l’environnement international. L’évolution et les structures actuelles des organismes directeurs de la politique scientifique et technologique nationale ont été particulièrement influencées par trois événements historiques : l’expérience coloniale, les réunions internationales organisées par l’Unesco et d’autres organisations des Nations unies et l’assistance internationale aux Etats membres dans le cadre de la coopération technique

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en matière d’élaboration de leurs politiques scientifiques et technologiques. Dans le cadre des organismes des Nations unies et dans le but de réduire la dépendance de l’Afrique dans le domaine de la science et de la technique par rapport aux anciennes métropoles coloniales et de renforcer les capacités scientifiques et technologiques endogènes des pays de ce continent, de nombreuses actions entreprises ont revêtu principalement la forme de conférences ou de colloques. Le Congo y a pris une part active et il peut être rappelé : 1la conférence régionale intergouvernementale organisée par l’UNESCO et la CEA à Lagos (Nigeria°, 28 juillet – 6 août 1963) sur «la recherche scientifique et la formation en Afrique », qui a abouti à l’adoption d’un plan de développement de la recherche et de la formation en Afrique ; 2la conférence internationale sur « l’organisation de la recherche scientifique et la formation du personnel en Afrique sur l’étude, la conservation et utilisation des ressources naturelles », tenue à Lagos (Nigeria) du 28 juillet au 6 août 1964. L’une des recommandations majeures de cette conférence de Lagos concernait la mise en place des organismes nationaux de politique scientifique et technologique dans les Etats membres africains en vue de stimuler les activités de science et technologie pour le développement ; 3- la première conférence des ministres chargés de l’application de la science et de la technologie en Afrique(CASTAFRICA) tenue à Dakar (Sénégal), du 21 au 30 janvier 1974 organisée par l’UNESCO, en coopération avec l’OUA et la CEA. Cette conférence a abouti à l’adoption des recommandations sur les politiques scientifiques et technologiques des Etats africains. Elle a insisté sur la - 263 -

nécessité d’établir des passerelles entre l’université et les centres de recherche ; 4le colloque OUA/CEA/PNUD sur les perspectives de développement de l’Afrique à l’horizon 2000, Monrovia (Liberia), février 1979 ; 5la conférence régionale africaine du Caire (Egypte) de 1978 organisée dans le cadre de la préparation de la conférence des Nations unies sur la science et la technologie au service du développement (CNUSTD), prévue à Vienne (Autriche) en août 1979 ; 6la conférence des Nations unies sur la science et la technique au service du développement, Vienne (Autriche), tenue du 20 au 31 août 1979 et dont l’objectif principal était la recherche des voies et moyens devant permettre de combattre le fossé économique entre le tiers monde et les pays industrialisés ; l’approfondissement de cette question, soulevée et à peine esquissée à Vienne, devait se poursuivre à travers de nombreuses conférences spécifiques au niveau de chaque région ; 7le 16ème sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA, (Monrovia, juillet 1979) qui a abouti à l’adoption de la « déclaration de Monrovia » dans laquelle les Chefs d’Etat et de gouvernement expriment leur volonté de mettre la science et la technologie au service du développement en renforçant la capacité autonome de leur pays dans ce domaine ; 8le 1er sommet économique des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA (Lagos 28-29 avril 1980)qui a abouti à l’adoption du « plan d’action de Lagos », dont notamment le chapitre V, consacré à la science et à la technologie ; 9le colloque de OUA, organisé en coopération avec l’UNESCO, sur le thème « Science et culture comme base du développement africain » tenu à Libreville (Gabon) du 23 au - 264 -

27 janvier 1981.Une résolution de ce colloque demande à l’OUA d’organiser une rencontre des « Hommes de science en Afrique » ; 10- la 6ème réunion du Conseil Scientifique Africain, tenu à Libreville du 28 janvier au 1er février 1981 ; 11- le 16ème congrès international sur histoire de la science tenu à Bucarest (République Socialiste de Roumanie) ; 12- le congrès mondial de la confédération des organisations internationales scientifiques et techniques pour le développement (CISTOD), tenu à Tunis du 11 au 15 avril 1983 ; 13- la conférence des ministres de la recherche scientifique et de l’enseignement supérieur des pays membres de l’agence de coopération culturelle et technique, tenue à Yamoussoukro ( Cote d’Ivoire) du17 au 22 octobre 1983 ; 14- la 1ère réunion consultative intergouvernementale du réseau africain des institutions scientifiques et technologique (RAIST), tenue à Nairobi (Kenya) du 11 au 13 juillet 1983 ; 15- la réunion des organismes directeurs de la politique scientifique et technologique nationale dans les pays d’Afrique Intertropicale, tenue à Dakar (Sénégal) du 8 au 12 juillet 1985 ; 16- le 21ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA, tenu à Addis-Abeba (Ethiopie) du 10 au 20 juillet 1985 qui a abouti à l’adoption du programme prioritaire de redressement économique de l’Afrique (1986 – 1990) dont le paragraphe 34 stipule : « L’expérience montre qu’aucun pays n’a connu de percée économique sans la création d’une base minimum en matière de science et de technologie ». Au cours de ce même sommet, les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA ont adopté la Résolution OUA (AHG) 146 (XXI) demandant à l’UNESCO l’élaboration d’un programme spécial d’aide à l’Afrique dans le domaine de la recherche scientifique et technique pour le développement et destiné à - 265 -

développer les capacités scientifiques et techniques des pays africains dans les domaines de la géologie, la microbiologie, l’agriculture, l’alimentation, la santé, les eaux superficielles et souterraines ; 17- la 44ème session du conseil des Ministres de l’OUA, tenu à Addis-Ababa en Juillet 1986. au cours de laquelle il fut adopté la résolution CM/1048 (XLIV) autorisant le secrétaire général de l’OUA et le pays hôte (République Populaire du Congo) à organiser, avec l’appui de l’Unesco, le 1er congrès des Hommes de science en Afrique à Brazzaville en juin 1987 ; 18- le 1er congrès des hommes des sciences en Afrique, tenu à Brazzaville, en juin 1987. Au cours de ce congrès, fut créée l’Union panafricaine pour la science et la technologie (UPST), avec siège à Brazzaville. Le Professeur Levy Makany fut désigné Secrétaire général de la structure ; 19- la 2ème Conférence des ministres chargés de l’application de la science et de la technologie au développement en Afrique (CASTAFRICA II ) tenue à Arusha,( Tanzanie ) du 6 au 15 juillet 1987 ; 20- la Conférence mondiale de l’Unesco sur la science au XXIe siècle, tenue à Budapest (Hongrie) du 26 juin au 1er juillet 1999 ; 21- la première Conférence ministérielle africaine sur la science et la technologie, tenue à Johannesburg (Afrique du Sud) en novembre 2003 ; 22- la conférence sur « le partenariat scientifique avec l’Afrique », tenue du 3 au 7 mars 2008 à Addis-Abeba (Ethiopie).

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II. Les forces La recherche scientifique congolaise a aussi bénéficié d’une certaine impulsion grâce aux accords et conventions ci-après : - Accord de coopération scientifique et technique du 1er janvier 1974 qui a permis la tenue de la Commission paritaire franco-congolaise sur la recherche scientifique et technique tenue à Paris du 23 – 24 mars 1982 ; - Convention générale entre l’Institut d’Elevage et de Médecine vétérinaire des pays tropicaux (IEMVT) et la DGRST du 21août 1981 ; - Convention avec le Groupement d’Etudes et de Recherches pour le développement de l’agronomie tropicale (GERDAT) ; - Accord avec le Centre international pour l’élevage en Afrique (actuel Institut International pour l’Elevage), (Addis Abeba, Ethiopie) ; - Accord du 12 juin 1970 de coopération scientifique entre l’URSS et le Congo ; - Accord de coopération avec le Centre de recherche pour le développement international(CRDI) ; - Convention d’association entre le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement(CIRAD), le Congo et la Société Eucalyptus et Fibres du Congo. A partir des années 1980, le Congo a amorcé une coopération avec le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR). Cette coopération a concernée particulièrement : - l’Institut international d’agriculture tropicale (IIAT) d’Ibadan (Nigeria) ; - 267 -

- l’Institut international sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT), Patancheru (Inde) ; - le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), Cali (Colombie) ; - l’Institut international de recherche en élevage (ILRI), Addis Abeba (Ethiopie). Le Congo dispose aujourd’hui d’un plan national de développement scientifique et technique (PNDST) 2009-2013 Comme on l’a déjà indiqué, « s’assurer de l’intégration de la science et de la technologie au plan national de développement » est l’une des fonctions essentielles de l’organe directeur de la politique scientifique et technologique nationale. Celle-ci ne peut se réaliser aisément que dans les pays où un tel organe existe et fonctionne. Le Congo dispose à cet effet de deux mécanismes de coordination et de concertation assez fonctionnels : le Conseil supérieur de la science et de la technologie et le Comité interministériel de la science et de la technologie. Il faut aussi signaler l’existence du Conseil d’administration de la Délégation générale à la recherche scientifique et technologique, même si celui-ci ne se réunit que de manière épisodique. Aujourd’hui au Congo, de nombreux centres de recherche sont assez fonctionnels. Il s’agit de : - 15 centres de recherches spécialisés sous tutelle directe de la DGRST; - 2 centres d’appui à la recherche sous tutelle de la DGRST; - 11 établissements d’enseignement supérieur constituant l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville ; - 13 organismes scientifiques et techniques rattachés à d’autres ministères. - 268 -

S’agissant des centres sous la tutelle de la DGRST, il convient de citer : - le Centre de recherche géographique et de production cartographique (CERGEC), qui est installé dans les vieux bâtiments laissés par l’Institut Géographique de France (IGN) ; - le Centre d’études sur les ressources végétales (CERVE) qui est la seule institution installée dans des bâtiments; par le Congo, au cours du plan quinquennal 1982-1986 ; - le Centre de recherches agronomiques de Loudima (CRAL), qui est installé dans les structures laissées par l’ancienne Station Agronomique de Loudima ; - le Centre de recherche et d’initiation des projets de technologie(CRIPT); - le Centre de recherche sur l’amélioration génétique des plantes (CERAG) ; - le Centre de recherche et d’étude en sciences sociales et humaines (CRESSH) ; - le Centre de recherche sur la conservation et la restauration des terres (CRCRT) ; - le Groupe d’étude et de recherche sur la diversité biologique (GERDIB), qui occupent les vieux bâtiments laissés par l’IRD de Brazzaville ; - le Centre de recherches vétérinaires et zootechniques (CRVZ), qui est installé, assez confortablement, dans les bâtiments de l’ancien Laboratoire vétérinaire scientifique (LVS) ; - le Centre de recherche hydro biologique de Mossaka (CRHM) ; - le Centre de recherche forestière du Littoral (CRFL), qui est installé dans les bâtiments laissés par le centre IRD de Pointe-Noire ; - 269 -

- le Centre de recherche forestière de Ouesso (CRFO) ; - l’UR2PI : Unité de Recherche sur la Productivité des Plantation Industrielles., devenu Centre de recherche sur la durabilité des plantations industrielles(CRDPI) ; - la Station de recherche bioécologique et forestière de Dimonika, qui est installée dans les bâtiments délaissés par le colon belge Vigoureux ; - le Centre régional de recherche agronomique et forestière d’Oyo (CRRAFO), qui est en cours d’installation. Deux organismes d’appui à la recherche, sous la tutelle de la DGRST, sont à citer: - l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche (ANVAR) ; - le Centre national de documentation et d’information scientifique et technique(CNDIST). Voici les organismes ayant des activités scientifiques, mais relevant d’autres ministres : - le Centre d’épidémiologie et des grandes endémies(CEGE) ; - le Centre national de la statistique et des études économiques (CNSE) ; - l’Institut national de recherche et d’action pédagogique (INRAP) ; - le Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU); - le Laboratoire national de santé publique (LNSP) ; - le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) ; - le Service national de reboisement (SNR) ; - le: Centre national des études du sol(CNES);

- 270 -

- le Centre de vulgarisation des techniques agricoles (CVTA) ; - le Centre national de semences améliorées ; - le Centre de vulgarisation des techniques d’élevage; - l’Institut congolais d’appui au développement. Voici les services techniques des entreprises publiques ayant des activités techniques importantes : - la Société nationale d’électricité (SNE) ; - la Société nationale de distribution d’eau (SNDE); - la Société des postes et de l’épargne du Congo ; - l’Office congolais d’informatique (OCI) ; - la Société de Télécommunications du Congo (SOTELCO). Voici les établissements privés d’enseignement supérieur ayant aussi des activités de recherche : - l’Université libre du Congo(ULC) ; - l’Institut supérieur de technologie d’Afrique Centrale (ISTAC) de Pointe-Noire, qui est un des établissements de l’Université Catholique d’Afrique Centrale dont le siège est à Yaoundé (Cameroun) ; - la Faculté de théologie protestante de Makélékélé. - l’Institut supérieur de gestion et d’administration des entreprises(ISGAE). Il faut aussi signaler l’existence de quelques laboratoires dans les entreprises et sociétés suivantes : - Société Agricole et de Raffinage Industriel du Sucre (SARIS), établie à Nkayi - Total ELF-Congo, société pétrolière installée à PointeNoire ; - 271 -

- AGIP société pétrolière installée à Pointe-Noire ; - Chevron – Texaco, société pétrolière installée à PointeNoire ; - ENI-Congo société pétrolière installée à Pointe-Noire ; - AMOCO société pétrolière installée à Pointe-Noire ; - Eucalyptus et Fibres du Congo, installé à Pointe-Noire ; - les Brasseries du Congo, installées à Brazzaville. Certaines ONG et sociétés savantes assurent des activités scientifiques appréciables, telles : - la Société de Biologie du Congo (SBC); - l’Académie des Sciences du Congo ; - le Centre d’expertise scientifique et technique pour développement ; - le Groupe de recherche sur l’écologie forestière l’environnement ; - la Société congolaise de chirurgie ; - la Société congolaise de gastro-entérologie ; - la: Société congolaise de gynécologie obstétrique ; - la: Société congolaise de pédiatrie ; - le Centre d’étude et de recherche sur les analyses politiques économiques ; - le Groupement pour l’étude et la conservation de biodiversité pour le développement.

le et

et la

 Sur le plan des ressources financières. Les structures de recherche et d’enseignement supérieur publics ont fait l’objet d’une attention assez suivie de la part du gouvernement. Les ressources financières affectées à l’Université Marien Ngouabi et à la Délégation générale à la recherche ont connu un accroissement notable au cours de la période allant de 1979 à 1994. Elles sont passées de 4,2 milliards de francs CFA en - 272 -

1979, à 10,5 milliards en 1994. Une inflexion a été notée au niveau des ressources provenant de l’extérieur, notamment de la France et de l’Union soviétique. Elle est surtout due : - au ralentissement de la coopération scientifique avec l’Institut de recherche pour le développement ( IRD, ex ORSTOM) et le ministère de l’Agriculture de la Russie ; - aux programmes d’ajustement structurel signés avec les Institutions de Breton Woods. Un Fonds national de développement de la science et de la technologie a été créé en 1997, mais il n’est pas encore très fonctionnel. D’autres arrangements particuliers qui garantiraient le financement suivi des activités dans le domaine de la science et de la technologie, restent à mettre au point afin d’accroitre les fonds alloués à la RechercheDéveloppement dans le budget national et atteindre l’objectif de 1 % du produit national brut recommandé par Castafrica I (1974) et le plan d’action de Lagos (1980). Les données sur les ressources financières affectées aux activités scientifiques et technologiques au cours des deux premières décennies de l’indépendance ne sont pas accessibles. Il y a cependant à souligner qu’à partir de l’année 1976, de nombreux accords de coopération ont été signés avec les partenaires tels que la France, l’URSS, l’Agence de coopération culturelle et technique(ACCT), l’UNESCO, le Centre de recherche pour le développement international (CRDI), l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA). Ces partenaires ont participé très activement au financement des divers programmes et à la formation des chercheurs et techniciens.

- 273 -

L’évolution des crédits mis à la disposition du ministère de la recherche par l’Etat congolais et les partenaires au cours de la période 1979-1985 est donnée au tableau I. Il est à souligner que la France a apporté la plus grande contribution financière. Cette contribution a englobé le budget de fonctionnement des deux centres ORSTOM installés à Brazzaville et à Pointe-Noire, les charges de personnel de nationalité française évoluant au Centre forestier tropical Congo. Dans les dépenses prises en charge par la France sont incluses les aides apportées par le Fonds d’aide et de coopération (FAC) dans le cadre du projet « relance de la recherche agronomique appliquée », les aides sectorielles du ministère français de la coopération. En ce qui concerne la contribution de l’Etat congolais aux dépenses de recherche du ministère de la recherche, on constate qu’elle a amorcé aujourd’hui une substantielle augmentation. Les tableaux II et III donnent des indications sur des ressources financières affectées à l’Université Marien Ngouabi et aux centres de recherche placés sous la tutelle du ministère de la recherche scientifique. Tableau I : Evolution du budget du ministère de la recherche, par source de financement (en millions de F.CFA) Années Congo France URSS Divers Total organis. 1979

154,566

758,350

110,000

1980

297,492

528,000

130,000

17,601

1981

475,032

796,500

120,519

11,019 1.403,070

1982

496,359 1.017,950

121,988

18,610

1983

623,002 1.078,392

137,805

45,635 1.884,834

- 274 -

4,789 1.027,695 973,093 2.654,907

1984

737,982 1.041,500

115,985

30,989

2.126,456

1985

746,510 1.422,700

177,508

41,619

2.388,337

Tableau II : Evolution des ressources financières affectées à l’Université Marien Ngouabi (en millions de F.CFA) Années Fonction InvesPersonnel Total -nement tissement 2000

1.127,582

500,000

7.690,422

9.318,004

2001

1.210,500

2.080,000

8.160,700

11.451,200

2010

12.000,000

Source : DPAF, Université Tableau III : Evolution des ressources financières affectées aux centres placés sous la tutelle du ministère de la recherche (en millions de F.CFA) Années Fonction Investis- Personnel Total -nement sement 2000

477,500

180,000

568,000

1.225,500

2001

225,000

665,000

568,000

1.458,000

2002

594,225

568,000

1.162,225

2003

595,000

568,000

1.163,000

2004

873,000

568,000

1.441,000

2005

1.127,033

558,987

1.686,020

2006

1.340,941

528,987

1.869,928

2007

1.464,064

528,987

1.993,051

2008

1.524,064

528,987

2.053,051

2009

1.595,564

528,987

2.124,551

2010

1.611,863

548,987

2.160,850

- 275 -

Pendant plusieurs années, après l’accession du Congo à l’indépendance, les crédits consacrés à la recherche au niveau des centres de recherche du ministère de la recherche scientifique, provenaient de deux sources : le budget de l’Etat congolais et les aides extérieures à travers la coopération scientifique bilatérale et multilatérale. Depuis fin 1992, les appuis extérieurs accusent une baisse croissante puisqu’ils sont passés de 1.642.000.000 Franc CFA en 1985 à 0,5 milliard de F.CFA en 2004. Depuis lors les appuis financiers extérieurs sont quasiment nuls. Cependant, la subvention de l’Etat congolais aux centres de recherche du ministère de la recherche et à l’Université Marien Ngouabi a accusé une progression constante. Au niveau des centres de recherche elle est passée de 746.000.000 en 1985 à 2.160.850.455 en 2010. Il importe de noter que le plus grand financement est consacré à la recherche agronomique qui représente près de 80% des activités de recherche. Sur le plan du rayonnement scientifique international du Congo, plusieurs personnalités ont fait ou font encore la fierté du Congo : ils ont été tous promus sur le plan international, au vu de leurs travaux, professeurs titulaires (dans leurs spécialités) des universités. Ils méritent d’être cités, à l’occasion du Cinquantenaire de l’Indépendance du Congo : - En sciences exactes et naturelles - Pascal Lissouba (généticien), Levy Makany (botaniste), Delphin Loembe (biologiste), Fidèle Mialoundama (biologiste), Joseph Vouidibio (biologiste), Alphonse Ekouya (chimiste), Jean- Maurille Ouamba (chimiste), Thomas Silou (chimiste), Bernard Mpassi Mabiala (physicien), Eugène Okassa (mathématicien).

- 276 -

- En sciences de la santé -Bernard Galiba (premier professeur agrégé en médecine congolais, spécialiste en anato-pathologie), Christophe Bouramoué (cardiologue), Jean-Louis Nkoua (cardiologue), Grégoire Kaya Ganziami (ophtalmologue), Jean-Roger Ekoundzola (gynécologue), Hervé Fortuné Mayanda (pédiatre), Georges Moyen (pédiatre), Prosper Senga (pédiatre), Samuel Nzingoula (pédiatre), Charles GombeMbalawa, (cancérologue), Assori Itoua-Ngaporo (gastroentérologue), Jean Rosaire Ibara (gastro-entérologue), Armand Moyikoua (traumatologue), Fidèle Yala (biologiste), Bernard Pena-Pitra (traumatologue), Raoul Massengo (chirurgien), Antoine Ange Abena (pharmacologue), Martin Diatewa (biochimiste). - En sciences sociales -Théophile Obenga (philosophe, égyptologue, linguiste et historien), Abraham Constant Ndinga Mbo (historien), Dominique Ngoie-Ngalla (historien), François Lumwamu (linguiste), Paul Nzete (linguiste), Charles Zacharie Bowao (logicien), Bonaventure Maurice Mengho (géographe), Marie-Joseph Samba-Kimbata (climatologue), André-Patient Bokiba (critique littéraire), Bernard Nganga (angliciste). III- Les faiblesses La pénurie du personnel scientifique, ingénieurs et techniciens qualifiés et la mauvaise utilisation de ceux qui sont disponibles sont préjudiciables au développement de la recherche scientifique au Congo. On doit par ailleurs souligner : 1- l’absence fréquente de données de base fiables permettant au planificateur de prendre des décisions appropriées ; - 277 -

2- l’absence ou la faible intégration de la science et de la technologie au plan national de développement résultant en particulier de la pénurie du personnel capable de traduire en programmes scientifiques et technologiques les objectifs de développement économique et social ; 3-l’insuffisance des ressources financières affectées au développement scientifique et technologique national et l’inadéquation du système de budgétisation existant à la spécificité de la science et de la technologie ; 4- la pénurie des cadres scientifiques et techniques de différents niveaux et l’inexistence d’une planification équilibrée de la formation des différentes catégories de ce personnel ; 5- la faiblesse des infrastructures de recherche et l’absence ou l’insuffisance des services scientifiques et technologiques, notamment dans le domaine de l’information scientifique et de la valorisation des produits de la recherche et leur vulgarisation ; 6-l’absence d’un statut particulier des travailleurs scientifiques, en harmonie avec celui de l’Université. Pourtant, CASTAFRICA I recommande l’établissement des passerelles entre l’université et les centres de recherche ; 7-l’irrégularité dans les financements des projets de recherche. On sait en effet qu’il faut en moyenne sept ans d’efforts financiers soutenus pour que la création d’équipes de chercheurs produise des résultats exploitables. Faute de continuité dans le soutien budgétaire, entraîne généralement la dissolution des unités de recherche et, en fin de compte, le gaspillage des investissements initiaux ; 8-une faiblesse des données sur le potentiel scientifique et technique du Congo. En effet au cours de ces cinquante dernières années, le taux des scientifiques et d’ingénieurs employés à la Recherche-Développement représente encore une trop faible proportion de scientifiques. La conférence - 278 -

ministérielle africaine sur la science et la technologie tenue à Johannesburg en 2003, insistait d’ailleurs sur le renforcement de la base des compétences humaines en augmentant le nombre des scientifiques, ingénieurs et techniciens, la promotion de l’application de la technique pour réaliser les « objectifs du millénaire pour le développement » (OMD). L’évaluation des ressources humaines affectées à l’activité scientifique depuis l’accession du Congo à la souveraineté internationale, n’est pas une tâche aisée, eu égard à la faiblesse des statistiques, et ce particulièrement pour la période 1960 à1984. Quelques éléments ont pu être réunis pour l’Université Marien Ngouabi et les centres placés directement sous la tutelle de la délégation générale à la recherche scientifique et technologique. Les tableaux IV et V donnent la répartition par grade du personnel placé sous la tutelle du ministère de la recherche scientifique et de l’Université Marien Ngouabi au 31 décembre 1985. Il est noté la présence de plus 130 chercheurs expatriés : signe d’un certain dynamisme de la coopération scientifique et technique de l’époque, et que le Congo devrait s’efforcer de retrouver.

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Tableau IV : Répartition par grades du personnel placé sous la tutelle du ministère de la recherche scientifique au 31 décembre 1985 Grades Congolais Expatriés Total 0 2 Maître 2 principal/Directeur de recherche Maîtres de recherche 4 2 6 Chargés de recherche 25 14 39 Attachés de recherche 64 11 75 299 14 285 Techniciens Administratifs 133 3 136 Total 511 46 557 Source : DGRST Tableau V- Evolution des ressources humaines dans les centres de recherche placés sous la tutelle de la délégation générale de la recherche scientifique et technologique Années

AR TR AD Total MP/ MR CR DR 0 13 71 111 156 88 439 0 10 58 98 136 96 398 0 9 52 67 126 94 348 0 13 42 76 92 94 314 1 13 41 72 86 90 303 1 15 38 70 74 88 286

2000 2001 2004 2005 2008 2010 Légende : MP=maître de recherche principal, DR=Directeur de recherche, MR=maître de recherche, CR=chargé de recherche, AT=attaché de recherche, TR=technicien de recherche ; AD=administratif - 280 -

Faute d’un recrutement régulier des personnels scientifiques et techniques, depuis plus de deux décennies, les structures de recherche nationale souffrent d’un manque déconcertant de personnels scientifiques de haut niveau. Ainsi, les chiffres disponibles sont éloquents en la matière (tableaux IV et V). En effet, à la Délégation générale à la recherche scientifique, on compte moins de 20 maîtres et maîtres principaux de recherche. Au niveau de l’Université Marien Ngouabi, la même tendance à la baisse vertigineuse des effectifs est enregistrée depuis plus de cinq ans.

Tableau VI-. Evolution du nombre d’enseignants /chercheurs de l’Université Marien Ngouabi Années PT MC MA A CETP Total 2001 15 43 301 281 4 644 2002 nd nd nd nd nd 673 2003 nd nd nd nd nd 637 2004 18 42 326 243 4 633 2009 22 57 299 214 3 595 2010 nd nd nd nd nd 593 Légende : PT=Professeur titulaire ; MC=Maître de conférence ; MA=Maître assistant ; A=Assistant ; CETP=Chargé d’encadrement technique et professionnel ; T=Technicien ; AD=administratif ; nd=non déterminé  Sur le plan du matériel scientifique et technique Il peut être noté que les organismes publics de recherche et d’enseignement supérieur sont installés dans des infrastructures immobilières assez rudimentaires. Le cas le - 281 -

plus déconcertant est celui de la Délégation générale de la recherche scientifique et technologique dont les bâtiments censés l’héberger sont toujours inachevés depuis le plan quinquennal 1982-1986. Certes le potentiel du Congo en matériels scientifiques et techniques a été en grande partie détruit au cours de la période de troubles qu’a connus le pays et qui ont affecté les activités scientifiques en compromettant leur fonctionnement, mais il faut dire que le pays n’a pu consentir, en faveur de la science et de la technologie, les efforts requis pour en assurer le renouvellement ou le renforcement des infrastructures scientifiques et techniques. CONCLUSION Au cours de ces cinquante dernières années, le taux des scientifiques et d’ingénieurs employés à la RechercheDéveloppement représente encore une trop faible proportion des scientifiques. Il est incontestable que si le Congo veut surmonter quelques-uns de ses problèmes de développement les plus pressants, il doit améliorer dans les prochaines années son potentiel scientifique. Même dans le secteur stratégique comme celui de l’agriculture, le Congo, en matière de la recherche agricole, investit beaucoup moins que tous les autres pays africains. Le ratio d’intensité de la recherche agricole est resté inchangé entre 1995 et 2001, se maintenant à 0,81% du PIB agricole. Cette proportion est légèrement inférieure au ratio correspondant pour l’ensemble du continent africain : 0,85% en 1995. Les pouvoirs publics sont particulièrement interpellés sur l’impérieuse nécessité de valoriser la fonction de chercheur et d’établir une passerelle solide entre recherche et enseignement supérieur. L’enjeu de la science au 21e siècle est donc de trouver des nouvelles modalités pour évoluer d’une logique historique vers - 282 -

une nouvelle logique de partage de la science, notamment en centrant la coopération sur la construction commune des connaissances. Les moyens consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur devraient augmenter au cours des prochaines années afin de marquer ainsi la priorité que le gouvernement entend donner à la recherche. Cette augmentation devra être accompagnée de la volonté de renforcer l’attractivité de la recherche et sa réactivité face aux attentes de la société. Ces moyens devront être mis au service de trois priorités : l’augmentation du potentiel scientifique des organismes ; l’attractivité de la recherche auprès des jeunes chercheurs ; une plus grande réactivité de la recherche financée plus largement sur projets. Au cours des prochaines années des mesures devraient être prises en faveur des fondations ou sociétés savantes, afin que celles-ci soient mieux mobilisées et qu’elles renforcent l’activité de recherche en vue d’un développement économique et social plus équilibré du Congo. Il n’est pas aussi exagéré de dire que c’est un gâchis d’envoyer très tôt à la retraite des scientifiques de haut niveau qui peuvent encadrer des jeunes chercheurs et animer plusieurs équipes de recherche.

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CHAPITRE 10 L’HISTOIRE DE L’EDUCATION AU CONGO Par Gilbert IBIOU L’histoire de l’enseignement au Congo commence avec la colonisation du pays. Le système éducatif colonial d’alors est constitué par le secteur privé confessionnel et le secteur public, sous l’égide de l’administration. Ce système a fonctionné ainsi jusqu’à l’indépendance, et même au-delà, jusqu’en 1965, date de la nationalisation de l’enseignement. I - L’enseignement au Congo pendant la période coloniale 1. L’enseignement missionnaire Tout au début, l’enseignement est une affaire des confessions religieuses : catholique, protestante et salutiste. L’église catholique particulièrement s’est illustrée dans cette œuvre. Les missionnaires catholiques suivent dans la foulée les premiers explorateurs français. Ils prennent l’initiative de créer les premières écoles. Viennent ensuite la mission protestante suédoise et, dans une moindre mesure, la mission salutiste. L’administration se borne à prendre les mesures nécessaires pour contrôler et subventionner les premiers établissements ouverts. 

Organisation

 L’école catholique Le secteur de l’enseignement catholique est animé par le Révérend Père Augouard et le. Révérend Père Carrie. C’est ainsi que sont créées les missions catholiques de Linzolo et de - 285 -

Loango en 1883, puis celles de : Brazzaville en 1887, Liranga en 1889, Bouansa en 1892, Sainte-Radegonde en 1897, Boundji en 1899 et Lékéty en 1900. Ces prêtres sont secondés par les congrégations du Saint-Esprit, du Saint Sacré-Cœur de Marie, de Saint Joseph de Cluny et des Franciscaines missionnaires de Marie. Aux religieuses sont confiées à Brazzaville des écoles de filles : Sainte Thérèse à Poto-poto, Sainte Claire à Moungali, Sainte Agnès à Bacongo et le couvent Javouhey au Centreville. Parfois, elles dirigent un pensionnat pour enfants blancs. Aux religieux (frères des écoles chrétiennes, frères marianistes…), est réservé l’enseignement des garçons dans les centres ou les postes de mission d’une certaine importance. Ils dirigent des écoles primaires, secondaires, normales et des centres de métiers.  Les infrastructures de l’école catholique Dans leur mission d’évangélisation et de civilisation des peuples noirs, les missionnaires s’empressent d’ouvrir des catéchuménats. Ainsi, voit-on l’ouverture des catéchuménats aller de pair avec celle des écoles, celles-ci par ailleurs devançant ceux-là, en vue de la formation du personnel pour l’enseignement du catéchisme. Les installations scolaires sont diversifiées : les écoleschapelles, les orphelinats, les fermes, les ateliers, les villages de liberté, les villages-mariages et les villages chrétiens. On note aussi l’existence des écoles épiscopales installées dans les sièges épiscopaux de Loango d’abord et plus tard, de Brazzaville, des écoles rurales qui naissent à partir de 1891 et des écoles du vicariat apostolique de Loango où les enseignements du français et du latin prédominent. Les écoles épiscopales dispensaient des enseignements plus élaborés et préparaient à l’entrée au séminaire. - 286 -

Ces écoles vont produire les premiers moniteurs qui seront à la fois des catéchistes d’abord, puis des enseignants. Il faut donc relever que ces derniers n’auront reçu au préalable aucune formation pédagogique pour exercer leur profession. Il leur suffisait tout simplement de savoir lire, écrire et calculer. Suivant, précédant même souvent la pénétration administrative, les missionnaires catholiques intensifient leur action. Outre un séminaire, un noviciat pour frères indigènes et un autre pour sœurs à Loango, chaque mission est généralement doublée d’une école dirigée par le missionnaire tandis qu’un frère, chargé des travaux matériels, formera aussi des apprentis. D’autres écoles sont ouvertes dans les villages les plus importants et les missionnaires parcourent les environs pour recruter quelques écoliers. En 1904, il y a 30 à 40 centres dans tout le Congo, en dehors des écoles établies près des missions elles-mêmes. En 1911, les écoles catholiques ont 15.000 élèves avec 22 instituteurs européens. L’apostolat reste assez réduit, les missionnaires cherchant surtout à « civiliser », à diffuser la culture française De 1930 à 1936, beaucoup de moniteurs de l’enseignement privé ne sont que des catéchistes avec le niveau de cours élémentaire 1ère année et cours élémentaire 2ème année. En 1936, deux sections de formation des maîtres de l’enseignement catholique fonctionnent parallèlement, l’une à Mindouli sous la direction de l’Abbé Auguste Nkounkou, l’autre à Boundji sous la direction de l’Abbé Eugène Nkakou. André Davesne, premier inspecteur de l’enseignement primaire en AEF le reconnait et déclare : Les moniteurs, pendant longtemps furent choisis au hasard. Certains d’entre-eux étaient d’anciens boys, d’anciens cuisiniers, d’anciens miliciens, qui savaient à peine lire et écrire. Des agents de - 287 -

l’administration cumulaient les fonctions de maîtres d’écoles primaires et d’interprètes. Ils n’avaient pas acquis la moindre notion de pédagogie théorique ou pratique. Les missionnaires catholiques s’alignent sur l’enseignement officiel dans la formation des enseignants. Des écoles de formation des maîtres s’ouvrent çà et là : à Baratier (Kibouendé) sous la direction du père Jean Ernoult, (auteur des livres d’histoire utilisés au Congo) dès la rentrée scolaire 1947-1948, à Brazzaville, où le collège Javouhey forme des monitrices de l’enseignement privé, et à Makoua en 1951. A partir de 1953, Baratier et Makoua ayant fermé, le collège Chaminade prend le relais de la formation des instituteurs sous la direction des marianistes. Désormais, les maîtres de l’enseignement privé reçoivent la même formation que ceux de l’enseignement officiel. Le seul centre d’enseignement supérieur véritable au Congo est le grand séminaire interdiocésain Libermann de Brazzaville, créé en 1947 pour toute l’AEF, après la fermeture du grand séminaire Saint-Jean de Libreville. Le séminaire s’est révélé alors comme la seule voie d’accès à l’enseignement universitaire que seuls les Congolais qui désiraient se destiner à la prêtrise pouvaient suivre. Là aussi, le nombre de ceux qui en sortaient était faible, à en juger par la faiblesse numérique actuelle du clergé congolais172.  L’école protestante La mission protestante suédoise est arrivée au Congo en 1909. Considérée comme étrangère dans la colonie, contrairement au catholicisme qui est censé incarner et 172

Prosper Ngakéni, 1985, Problèmes d’éducation en République Populaire du Congo, Heidelberg, Editions bantoues, p.58.

- 288 -

pérenniser l’idéologie des colonisateurs français, elle est à peine tolérée. Les missions protestantes seront plus longues à s’installer. Les évangélistes suédois s’établissent à Madzia en 1909, à Musana (actuellement dans le district de Louingui) en 1910, à Brazzaville en 1911. Ils ne pourront toutefois pas créer d’écoles avant 1911, la loi française exigeant que l’enseignement soit donné en français. Malgré tout, les missions protestantes ont créé plusieurs écoles dont les plus importantes sont celles installées dans les localités de Musana, Madzia, Kolo, Indo et Lubétsi173. Le séminaire théologique de l’église évangélique suédoise de Ngouédi, créé en 1942, dans la Bouenza, est en même temps un centre de formation des moniteurs de l’enseignement protestant ; il forme des évangélistes, catéchistes et pasteurs autochtones. Il n’est pas en réalité un établissement d’enseignement secondaire dans la pure tradition française.  L’école salutiste L’armée du salut s’implante au Moyen-Congo à partir de 1937, particulièrement à Brazzaville et à Yangui, localité située à environ 15 km de Kinkala, sur la route KinkalaMindouli. Les activités salutistes sont l’œuvre des missionnaires suisses, français, suédois et sud-africains. Ces missionnaires dirigent des écoles primaires, ainsi qu’une école de formation des moniteurs ouverte à Brazzaville, puis transférée à Yangui à partir de 1955. Tout comme chez les catholiques et les protestants, dans ces écoles salutistes, la première discipline enseignée est l’étude de la bible, complétée de l’enseignement général prescrit par le 173

Rapport sur l’enseignement privé en AEF, 1936, Archives de Brazzaville, GG 485, p.10.

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programme de l’école laïque : les enfants apprennent le français, le calcul, la géographie de l’AEF, l’histoire de France, l’agriculture, l’hygiène.  Finalités Qu’il s’agisse des écoles publiques ou des écoles confessionnelles, les finalités de cette école coloniale restent les mêmes. C'est-à-dire, celles fixées par l’administration coloniale, à savoir : – former des chrétiens et non des hommes instruits ; – former les jeunes gens moralement capables de seconder l’autorité religieuse et coloniale dans leurs familles, dans leurs tribus et à l’intérieur du pays ; – réaliser le programme d’expansion politico-économique poursuivi par l’administration française ; – assurer l’enseignement du français et, par conséquent, l’assimilation de la culture et de la civilisation françaises. De ces finalités, il découle des textes d’application, notamment : – l’arrêté du gouverneur général Martial Merlin du 4 avril 1911 portant organisation du service de l’enseignement en AEF174 ; – l’arrêté du gouverneur général du 19 août 1917 relatif aux établissements d’enseignement privé autorisés en AEF175 qui stipule notamment : « dans les établissements d’enseignement primaire autorisés, les livres, les manuels, les cartes, etc. devront être imprimés en langue française » ; aucun moniteur ne pourra exercer dans les établissements s’il n’est sujet français. 174 175

Journal officiel, 1911, pp. 294-295. Journal officiel, 1917, p. 327.

- 290 -

2. L’enseignement public au Congo (1911-1960) Le vicariat de Loango signale que l’enseignement public démarre en 1905 au Congo français par une école d’adultes. Le 7 septembre 1907, Martial Merlin commissaire général au Congo-Français, étend et généralise l’enseignement public sur tous les territoires de son ressort. La réorganisation des services publics, qui accompagne la création du gouvernement général de l’Afrique Equatoriale française le 15 janvier 1910, se traduit par l’organisation du service de l’enseignement en 1911.  Organisation C’est l’arrêté du 4 avril 1911 qui organise l’enseignement public au Congo. L’enseignement comprend trois degrés : l’enseignement primaire élémentaire ; l’enseignement primaire supérieur ; l’enseignement professionnel. L’enseignement primaire élémentaire est dispensé dans les écoles de circonscription et dans les écoles urbaines. Il comprend l’étude de la langue française, l’écriture, la lecture, le calcul, la leçon de choses pratiques portant sur l’hygiène et l’agriculture. L’enseignement primaire supérieur est donné dans les écoles urbaines. Il comprend : le calcul, l’étude des systèmes métriques, des notions d’histoire contemporaine de la France, des colonies françaises africaines, et particulièrement des colonies de l’AEF, des notions de géographie, de sciences naturelles appliquées à l’agriculture, à l’hygiène, des notions sur l’emploi des médicaments usuels. L’enseignement professionnel est réservé aux enfants ayant reçu l’instruction élémentaire supérieure, par les soins du service des travaux publics.

- 291 -

Les écoles urbaines sont dirigées par un instituteur qui prend le titre de Directeur d’école. Les écoles de circonscription sont dirigées par les soins de l’officier ou du fonctionnaire commandant la circonscription, ou l’un de ses subordonnés. L’enseignement professionnel est placé sous la direction d’un agent technique, désigné par le lieutenantgouverneur. La circulaire du 8 mai 1925 réorganisant l’enseignement, s’inspire de deux principes suivants : – donner dans un délai très court les connaissances du français parlé au plus grand nombre possible d’enfants ; – renvoyer ces enfants dans leur milieu, avant qu’ils ne se soient déshabitués des travaux agricoles et manuels.  Finalités Des finalités de ce système scolaire, découle la politique éducative coloniale qui avait pour objet principal, le maintien et le développement du système colonial. Les programmes étaient tournés vers les besoins de l’économie. Les Européens craignaient surtout que l’enseignement ne devienne un pervers, permettant aux « indigènes » de s’élever dans la hiérarchie sociale et, éventuellement, de devenir la source d’une contestation de l’ordre établi et de la domination blanche. L’enseignement devait permettre à l’indigène d’assimiler les fondements de la culture occidentale, de les respecter et d’en reconnaître la supériorité. Il devait également permettre de fournir à l’économie les hommes dont elle avait besoin : techniciens, employés, auxiliaires, contremaîtres…  Bilan de l’école coloniale Dans la période de l’entre-deux guerres, les structures de l’enseignement au Moyen-Congo se mettent en place. Les structures sont calquées sur le modèle français (primaire, - 292 -

secondaire, supérieur), mais également adaptées aux besoins de la colonie et aux réalités du terrain. L’enseignement public, créé et géré par l’administration coloniale, est encore jeune. L’œuvre scolaire est encore timide, retardant ainsi la formation d’une élite moderne. Avant 1935, le Moyen-Congo ne disposait que des écoles de village, avec un niveau primaire élémentaire telles, l’école de Bacongo et la grande école de Poto-Poto, créées respectivement en 1921 et en 1930. En 1933, on dénombre au Moyen-Congo 42 enseignants et 2411 élèves, comme le montre le tableau n° 1. Tableau n° 1 : Effectif des enseignants et des élèves de la colonie du Moyen-Congo en 1933 Circonscription

Personnel enseignant Européens Indigènes

Nombre d’élèves Garçons Filles

Brazzaville

4

8

606

0

Bas-Congo

1

9

595

0

Bouenza-Louesse

0

3

309

0

Chemin de fer

0

1

20

0

Haut Ogooué

0

1

27

3

Mvouti

0

0

0

0

Kouilou

2

5

222

0

Alima-Léfini

0

2

94

0

LikoualaMossaka

0

3

124

10

Ngoko-Sangha

0

1

198

3

Haute-Sangha

0

2

191

6

- 293 -

Bas-Oubangui

0

0

0

0

Total

7

35

2384

22

T = 2411 Source : Archives Brazzaville, 150, IGE.

La première école secondaire, l’école Edouard Renard, ne voit le jour qu’en 1935. C’est une école supérieure de territoire qui permet aux élèves titulaires du Certificat d’études primaire de poursuivre leurs études jusqu’au niveau de la fin de la 4ème année secondaire. L’école a trois sections : administrative, médicale et pédagogique. Les titulaires du diplôme de sortie deviennent des commis d’administration, des infirmiers, des instituteurs. En 1945, l’école Edouard Renard, qui n’était qu’une école primaire supérieure du Moyen-Congo, est transférée à Dolisie et prend la dénomination de Collège normal Raymond Paillet. Les locaux de l’école Edouard Renard accueilleront l’Ecole des cadres supérieurs de l’AEF. La Conférence de Brazzaville de janvier 1944 donne une impulsion nouvelle à l’enseignement. C’est ce qui justifie l’ouverture des écoles primaires supérieures, une dans chaque territoire de l’AEF. Les meilleurs élèves seront orientés à Brazzaville, à l’Ecole des cadres supérieurs de l’AEF. Celle-ci forme un personnel qualifié pour l’administration, le commerce et les services techniques. Il faut aussi signaler l’ouverture d’un cours d’enseignement secondaire à Brazzaville le 25 octobre 1943 ; l’organisation est calquée sur celle d’un lycée de la Métropole. Ce cours n’a été surtout qu’un établissement pour les enfants blancs. La première session du Baccalauréat pour toute l’AEF a eu lieu en 1943.

- 294 -

En dix ans, de 1946 à 1956, le nombre d’élèves ne fit plus que décupler dans l’enseignement primaire, comme le montre ce tableau176. Tableau n° 2 : Evolution du nombre des classes et des élèves par sexe en 1956 Enseignement public Nombre 181 483 25 770

Ecoles : Classes : Elèves : dont Garçons : 19 921 Filles : 5 849 (*)

%(*) 38,8 41,2 43,3

Enseignement privé Nombre %(*) 286 61,2 689 58,8 56,7 33 774

Nombre 467 1172 59 554

% 100 100 100

43,7 41,8

25 615 8 159

45 536 15 008

100 100

56,3 58,2

Ensemble

Pourcentage calculé par rapport à l’ensemble regroupant enseignements public et privé. Il faut par ailleurs noter qu’à peine 25% des filles étaient scolarisées en 1956, contre plus de 75% de garçons. En 1951, le Cours secondaire de Brazzaville se transforme en Lycée Savorgnan De Brazza. C’est à cette période aussi que l’Ecole des cadres supérieurs pousse sérieusement la formation des élèves africains jusqu’au Baccalauréat. Les premiers examens de l’enseignement secondaire auxquels participeront les Africains du territoire de l’AEF se déroulent à Brazzaville et à Bangui en 1950. Jusqu’à la veille de l’indépendance, le Moyen-Congo dispose de quelques établissements classiques et modernes : le Lycée Fédéral Savorgnan de Brazza à Brazzaville (1951), le Collège moderne à Pointe-Noire (1955), devenu Lycée Victor Augagneur (1959), le Collège Chaminade (1953) et le collège 176

Marcel Soret, op.cit., p. 183.

- 295 -

Champagnat de Makoua (1957), ces deux derniers pour l’enseignement privé subventionné. L’enseignement du second degré réorganisé en 1959, correspond à celui de la Métropole. Il est donné dans des cours secondaires, lycées, collèges modernes aux élèves européens et africains. Avant l’indépendance, le Congo compte six centres de formation des maîtres : Mouyondzi, Dolisie, Makoua, Brazzaville (Chaminade ; Javouhey) et Ngouédi. Il n’y a aucune école normale devant former les professeurs de l’enseignement de second degré. II - L’enseignement au Congo, de l’indépendance à nos jours Le 15 août 1960, le Congo accède à l’indépendance. Malgré la loi n° 44/61 du 28 septembre 1961 qui met fin au régime colonial dans la gestion du système éducatif congolais, le pays reste sous l’emprise néo-coloniale de nombreuses années plus tard. D’importantes réformes vont cependant ponctuer l’évolution de ce système éducatif. 1. Les différentes réformes Plusieurs lois ont été prises par le législateur congolais pour réglementer l’éducation nationale.  Les lois scolaires De 1961 à nos jours, cinq lois scolaires ont été promulguées pour réorganiser le système éducatif congolais.  La loi 44/61 du 28 septembre 1961 fixe les principes généraux de l’organisation de l’enseignement et marque le passage de l’époque coloniale à celle de la souveraineté internationale. Elle rend obligatoire la scolarité de 6 à 16 ans. - 296 -

L’enseignement qui est gratuit, est dispensé dans les établissements publics et privés. Cette gratuité s’étend aux fournitures scolaires. Les enseignants des établissements assimilés sont pris en charge par l’Etat. Le tableau ci-après montre l’évolution de la situation scolaire de l’enseignement primaire, de 1960 à 1965. Tableau n°3 : Evolution des effectifs l’enseignement primaire de 1960 à 1965

scolaires

de

Population du Congo

Ecoles

Classes

1960

932.000

543

1641

99.339

1962

957.000

648

1778

103.273

1963

984.000

749

2276

147.525

1964

1.021.000

777

2492

156.395

1965

1.050.000

806

2766

171.528

Année

Effectifs

Source : Annuaire statistique, 1974, Commissariat général au plan

 La loi 32/65 du 12 août 1965 nationalise l’enseignement et consacre le principe de la laïcité dans tous les établissements scolaires.  La nationalisation de l’enseignement Elle intervient deux ans après la « Révolution des 13, 14 et 15 août 1963 ». Les confessions religieuses sont écartées de tout enseignement. Seul l’Etat congolais a désormais le monopole du système éducatif. D’autres facteurs ont également contribué à la nationalisation de l’enseignement. Il s’agit notamment des conférences africaines sur l’éducation, la conférence de Brazzaville de 1944 et celle d’Addis-Abeba de 1961.

- 297 -

La Conférence de Brazzaville avait déjà fait un certain nombre de recommandations, dont les points essentiels sont : - l’amélioration de la qualité de l’enseignement aux fins d’aboutir à la formation d’une élite vouée à la cause de la Métropole ; - la création des écoles dans les villages présentant plus de 50 enfants ; - la facilitation de la scolarisation des jeunes filles ; - la formation en nombre suffisant des instituteurs et institutrices ; - l’ouverture en nombre suffisant d’écoles professionnelles, d’écoles primaires et d’établissement d’enseignement spécialisé indispensables à la formation d’une élite africaine. De même sous l’égide de l’UNESCO, la conférence d’Addis-Abeba de 1961 avait fixé les objectifs suivants : – l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ; – l’enseignement du second degré dispensé aux enfants ayant achevé leurs études primaires ; – l’enseignement supérieur dispensé autant que possible en Afrique même… ; – une amélioration de la qualité des écoles et des universités africaines. La nouvelle mission que les responsables congolais assignent à l’école est de renforcer leur indépendance et de réparer les carences engendrées par le colonialisme afin de promouvoir une société congolaise authentique et moderne. L’école nouvelle devait également transmettre aux jeunes générations des valeurs et des savoirs ; former des citoyens conscients et de futurs producteurs ; modifier les mentalités et les attitudes chez les individus de chaque groupe pour - 298 -

engendrer des changements sociaux nécessaires et impulser l’évolution vers le progrès, la justice et la liberté.  Les objectifs de la nationalisation La nationalisation de l’enseignement s’assigne les objectifs ci-après : – éduquer les jeunes Congolais en éveillant en eux la conscience critique de la condition de leur peuple, tout en développant en chaque individu les valeurs du travail ainsi que les valeurs culturelles de la société congolaise ; – inculquer et renforcer le sens patriotique et le dévouement pour toutes les causes d’intérêt national ; – conférer des savoirs généraux, scientifiques et techniques de façon à promouvoir la nation congolaise ; – dispenser une nouvelle forme d’éducation de façon à créer des liens étroits entre l’école et le travail ; – participer à l’élévation du niveau intellectuel ; – employer les langues nationales comme véhicule de la pensée et de la science ; – contribuer au développement économique du pays en fournissant en quantité voulue et dans la qualité convenable des cadres, non pas au rabais, mais nécessaires à l’activité nationale ; – démocratiser les structures et les contenus de l’enseignement en les adaptant aux réalités du pays ; – articuler convenablement les opérations d’éducation ; de formation et d’emploi en liaison étroite avec l’environnement ou le milieu local de vie.

- 299 -

 Les résultats obtenus La nationalisation de l’enseignement a réalisé un bond spectaculaire sur le plan de la démocratisation, des infrastructures scolaires, des effectifs scolaires et du personnel enseignant. La période qui court après la nationalisation de l’enseignement a largement contribué à la création des établissements scolaires, en grand nombre, conformément aux objectifs fixés par la loi n°32/65 du 12 août 1965. L’article 1er de cette loi stipule : « Tout enfant vivant sur le territoire de la République du Congo a droit, sans distinction de sexe, de croyance, d’opinion ou de fortune, à une éducation ». Jusqu’en 1983, le Congo compte 4 lycées techniques et 14 collèges d’enseignement technique; 12 lycées d’enseignement général et 181 collèges d’enseignement général. La différence en nombre d’établissements scolaires entre la période avant et après la nationalisation est remarquable. Tableau n° 4 : Evolution des effectifs scolaires de 1965 à 1983 Enseignement secondaire 2ème degré (lycée technique)

Cycle d’enseignement

Enseignement primaire

1965

171.520

10.277

1.035

696

507

1966

186.544

11.922

1.150

186

546

1967

194.960

11.904

1.134

1.035

638

1968

207.595

16.792

932

1.451

503

1969

212.259

20.122

1.060

1.779

315

1970

228.578

22.855

845

2.373

425

Enseignement secondaire 1er degré (CEGP)

Enseignement secondaire 1er degré (CET)

- 300 -

Enseignement 2ème degré (lycée général)

Enseignement secondaire 1er degré (CEGP)

Enseignement secondaire 1er degré (CET)

Enseignement 2ème degré (lycée général)

Enseignement secondaire 2ème degré (lycée technique)

Cycle d’enseignement

Enseignement primaire

1971

241.101

27.099

1.089

3.272

597

1972

262.111

32.875

1.363

4.555

943

1973

277.384

43.894

1.378

6.090

1.186

1974

293.138

58.308

1.900

8.402

1.433

1975

307.194

69.334

2.121

12.207

1.748

1976

319.101

80.534

2.854

13.742

2.490

1977

330.456

98.138

4.009

16.203

2.952

1978

345.736

108.632

5.036

18.578

2.498

1979

558.761

118.958

5.598

19.567

4.035

1980

383.018

129.636

4.927

19.221

4.180

1981

390.676

145.638

8.534

23.080

4.083

1982

6.835

154.653

9.088

2.976

4.185

1983 419.000 165.000 9.845 Source : INRAP, 1983, opt.cit., p.18.

35.000

4.685

La création des Ecoles Normales d’Instituteurs de Brazzaville et d’Owando, à la suite des anciennes écoles de Dolisie et Mouyondzi, a donné un coup de pouce à l’évolution du personnel enseignant au niveau de l’enseignement primaire. L’Institut Supérieur des Sciences de l’Education (INSSED), puis l’Ecole Normale Supérieure (ENS), ont contribué également à l’évolution du personnel enseignant du secondaire.

- 301 -

Tableau n° 5 : Évolution du personnel enseignant de 1965 à 1983 Cycle d’enseignement

1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983

Enseignement primaire

2911 3115 3264 3474 3676 3787 3898 4083 4373 4650 5053 5434 6214 6675 6832 6852 7186 6997 7790

Enseignement secondaire 1er degré (CEGP)

Enseignement secondaire 1er degré (CET)

Enseignement 2ème degré (lycée général)

90 90 104 102 103 81 125 139 137 186 250 296 319 424 399 445

141 186 197 182 193 199 207 248 356 479 619 709 708 587 721 873 982

400 447 371 416 460 490 500 621 741 1.041 1.347 153 1.546 2.174 2.391 2.561 2.928 2940 3.200

Enseignement secondaire 2ème degré (lycée technique)

74 68 83 103 116 86 107 119 194 150 296 208 317 317 363

Source : INRAP, 1983, Op.cit., p 20.

 La loi 20/80 du 11 septembre 1980 pose les bases de « l’Ecole du Peuple » et définit le profil du citoyen congolais à former.

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Le colloque de novembre 1970177 sur l’enseignement fait un diagnostic sur l’école en ces termes : A l’heure actuelle, l’économie du pays dépend beaucoup de l’aide étrangère qui nous parvient de différents pays ou d’organismes internationaux. L’école existante ne prépare pas la relève de cette aide. Elle ne forme pas les techniciens (techniciens agricoles, techniciens de santé, de l’industrie etc.) qui sont nécessaires pour que le Congo puisse avec confiance compter sur les forces et la compétence des jeunes congolais. Au contraire, l’école forme des gens qui administrent de façon bureaucratique une aide étrangère croissante, mais qui pourront difficilement la remplacer. L’école que nous voulons sera « une école du peuple », c’est-à-dire une école au service de l’indépendance nationale et de la démocratie nationale. Le projet de « l’Ecole du l’enseignement en quatre cycles :

Peuple »

réorganise

1er cycle : Eveil Pendant ce cycle, l’enseignement est essentiellement oral. En même temps, l’élève reçoit une initiation à l’acquisition de la lecture et de l’écriture. Les jeux collectifs et les mouvements de groupe ont une place de choix. L’éducation artistique est intégrée dans les méthodes pour consigner l’expérience vécue.

177

Revue mensuelle, « Ecole du peuple », n° 3, p.17, décembre 1976 ; Revue mensuelle, « Ecole du peuple », n° 4, p. 28, novembre 1977.

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2ème cycle : Fixation Le contenu des programmes prévoit : les mathématiques, la géographie, les sciences physique et chimie, les sciences naturelles, l’histoire contemporaine, la langue, les arts ménagers. La formation politique sur le marxisme-léninisme entre dans le corps des disciplines comme l’histoire, la géographie. 3ème cycle : Cycle des métiers Il sera créé des écoles spéciales pour une véritable adéquation des structures de l’enseignement aux structures économiques et sociales du pays. Voici quelques exemples des écoles de métiers à créer : A. B. C. D. E.

Ecole d’agriculture Ecole de santé Ecole des travaux publics Ecole des instituteurs Ecole de mécanique et d’électricité

4ème cycle : Cycle supérieur des métiers Ce cycle constitue pour l’étudiant le prolongement des connaissances théoriques acquises au niveau du cycle des métiers. Voici quelques exemples des écoles supérieures de métiers à créer : A. Ecole supérieure d’agriculture B. Ecole supérieure de la santé C. Ecole supérieure des travaux publics D. Ecole supérieure des enseignants E. Ecole supérieure de mécanique et d’électricité F. Ecole supérieure des industries G. Institut des formations des cadres moyens et supérieurs du secteur tertiaire. - 304 -

 La loi 008/90 du 6 septembre 1990 répond aux conclusions du colloque-bilan de 1988 et au vent de la démocratisation qui souffle dans le monde. Elle libéralise l’enseignement.  La loi 25/95 du 17 novembre 1995 restaure les anciennes appellations des cycles et des classes scolaires. Elle confirme les dispositions de la loi précédente sur la libéralisation de l’enseignement. 2. Du Centre de Documentation Pédagogique à l’Institut National de Recherche et d’Action Pédagogiques En 1955, est créé à Brazzaville, un centre de Documentation Pédagogique (CDP). C’est une cellule de l’Inspection académique chargée des œuvres scolaires comme des examens et concours par correspondance destinés aux enseignants. A l’accession de l’indépendance du Congo, grâce à l’aide de l’UNESCO, le CDP devient un Centre National de Documentation et de Recherche Pédagogique (CNDRP). Sa mission principale est de mettre à la disposition des enseignants des supports pédagogiques et administratifs. Après la nationalisation de l’enseignement, le CNDRP devient un Institut Pédagogique National (IPN). L’IPN devient en 1972 Institut National de Recherche et d’Action Pédagogiques (INRAP) par le décret ministériel n° 72/87 du 10 mars 1972. A l’origine, sa mission principale est de préparer les fondements de « l’Ecole du Peuple » avec les tâches suivantes : – transformer l’esprit et les structures de l’enseignement en République Populaire du Congo pour les adapter aux objectifs « de l’école du peuple » ; – étudier et expérimenter les méthodes pédagogiques les mieux adaptées au milieu scolaire national et aux - 305 -

préoccupations idéologiques du Parti congolais du travail (PCT) ; – orienter et innover les activités pédagogiques des écoles normales et autres établissements de formation dont il assure la tutelle ; – assurer la formation permanente des enseignants par le biais des cours par correspondance et des séminaires pédagogiques ; – doter les écoles de manuels et matériel didactique conformes à l’esprit de « l’école du peuple » ; – coopérer avec les autres institutions qui poursuivent un but similaire ; – promouvoir l’enseignement rural ; – développer les méthodes et techniques nouvelles, notamment celles de l’audio-visuel ; – parfaire et publier les travaux d’enquêtes réalisés au niveau des régions 178. Aujourd’hui, l’INRAP joue un rôle primordial dans la transformation de l’école congolaise par l’élaboration des programmes scolaires, la production des supports didactiques, l’expérimentation et l’innovation des méthodes et techniques d’enseignement/apprentissage. 3. L’Enseignement supérieur Parallèlement, l’enseignement supérieur connaît un développement progressif. L’histoire de l’enseignement supérieur au Congo est liée au fil du temps à celle des relations entre la France et le Congo d’une part, et à celle de la promotion de celui-ci en Afrique Centrale d’autre part. 178

Historique de l’Institut National de Recherche et d’Actions Pédagogiques, Brazzaville, Imprimerie Nationale, n° d’impression 115, n° d’édition 13.

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En 1958, est créé l’Institut d’Etudes Supérieures à Brazzaville par la France. Le 3 décembre 1959, cet Institut se transforme en Centre d’Etudes Administratives et Techniques Supérieures (CEATS) avec siège à Brazzaville. En 1960, est signé le premier accord entre la France et le Congo en matière d’enseignement supérieur. Cet accord est relatif à la création du Centre d’Enseignement Supérieur de Brazzaville (CESB), né sur les cendres du Centre d’Etudes Administratives et Techniques Supérieures (CEATS). Le CESB est « un établissement public de droit français géré par la République française et dont les terrains, les bâtiments et les installations sont propriété française » En décembre 1960, le Congo adresse une requête au Fonds Spécial des Nations unies pour la création d’une Ecole Normale Supérieure. La requête est approuvée en janvier 1961. Le 10 novembre 1961 est signé à Paris un accord portant création de l’Ecole Normale Supérieure d’Afrique Centrale (ENSAC). Le 11 décembre 1961, à Fort Lamy, la conférence des chefs d’Etat d’Afrique Centrale adopte une convention portant organisation de l’Enseignement Supérieur en créant la Fondation de l’Enseignement Supérieur en Afrique Centrale (FESAC). En 1970, se tient le colloque sur l’enseignement qui met en place le projet de « l’Ecole du Peuple ». Dans ce projet l’Université doit être conçue comme le cycle Supérieur des métiers, « creuset de l’intelligentsia nationale ». A partir de cette année, les facteurs de l’éclatement de la FESAC se mettent en place. Le 27 avril 1971 se tient la dernière session du Conseil d’Administration de la FESAC qui décide de sa dissolution pour le 31 octobre 1971. L’Université de Brazzaville est créée

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par ordonnance n° 29/71 du 4 décembre 1971 et ouvre ses portes en octobre 1972. En octobre 1973, l’ENSAC devient l’Institut Supérieur des Sciences de l’Education (INSSED). Le 28 juillet 1977, l’Université de Brazzaville change de nom et devient Université Marien Ngouabi, en reconnaissance de l’action très remarquable de ce président de la République (1968-1977) en milieu universitaire. La profonde réforme attendue et souhaitée est la construction d’une université capable d’accueillir plus de 15000 étudiants. L’amélioration des infrastructures implique les bonnes conditions de travail et d’études. La bibliothèque universitaire est l’un des grands chantiers en cours de réalisation. Elle accueillera 1000 étudiants. Cette réforme de l’Enseignement Supérieur doit se faire en deux axes : reconfigurer l’Université Marien Ngouabi et mettre en œuvre le schéma de déconcentration de l’Enseignement Supérieur. La nouvelle donne politique veut moderniser l’Université et doter le pays d’un enseignement Supérieur de qualité. Ce qui s’est traduit récemment par l’adoption du décret n° 2009/177 du 18 juin 2009 mettant en place, dans plusieurs établissements universitaires le système Licence – Master – Doctorat (LMD), recommandé par les recteurs des universités des pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et le Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES). 4. L’Education congolaise aujourd’hui La Conférence nationale souveraine tenue du 25 février au 10 juin 1991 a fait le bilan de trente années d’indépendance dans le domaine de l’éducation. - 308 -

Ce bilan abordé sous l’angle de la politique globale du système et de la politique sectorielle est jugé insatisfaisant. En effet, le projet de l’Ecole du Peuple n’a pas été réalisé dans son orientation et son contenu. C’est sur la base de ce bilan que la Conférence nationale souveraine a dégagé une nouvelle politique en vue d’améliorer la qualité de l’éducation. L’acte n° 068/91 de la Conférence nationale souveraine, publié le 21 juin 1991, charge le Gouvernement de transition de réviser la loi scolaire n° 008/90 du 6 septembre 1990 portant réorganisation de l’enseignement. C’est bien plus tard, cinq ans après, que la loi scolaire 25/95 du 17 novembre 1995 est publiée. Elle modifie la loi scolaire n°008/90 du 6 septembre 1990 et réorganise le système éducatif en République du Congo. La nouvelle loi scolaire définit les finalités, les buts, les objectifs et le fonctionnement de l’éducation. Elle confirme les dispositions de la précédente loi en ce qui concerne la libéralisation de l’enseignement et l’existence des établissements privés. La Constitution du 20 janvier 2002 garantit, au titre II relatif aux droits et libertés fondamentales, cette vision de l’éducation. L’article 23 stipule clairement que « le droit à l’éducation est garanti ainsi que l’égal accès à l’enseignement et la formation professionnelle ; l’enseignement dispensé dans les établissements publics et privés est garanti ; la scolarité est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans ; le droit de créer des établissements privés, régis par la loi, est garanti ». Outre la loi fondamentale et les différents décrets relatifs au secteur de l’éducation, le chef de l’Etat a récemment défini la politique de modernisation de l’éducation dans son discours d’investiture d’août 2009. La vision de l’éducation dans le cadre de son projet de société dit « Chemin d’avenir » prévoit - 309 -

augmenter et mieux équiper les structures éducatives à tous les niveaux, multiplier les écoles d’excellence pour former les élites, généraliser l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication, promouvoir la formation qualifiante et l’apprentissage, faire passer le taux des enfants ayant accès à l’enseignement primaire de 80 % aujourd’hui à quasiment 100 % en 2016. CONCLUSION Ainsi pour arrimer le pays à la modernité, le pays doit être doté de cadres ayant un niveau élevé d’expertise et de recherche scientifique et technologique. Au niveau de l’enseignement supérieur, l’élaboration d’une loi spécifique avait été envisagée. Cette préoccupation sera probablement prise en compte dans un cadre global. En effet, il est question de plus en plus de mettre en place une loi cadre de l’éducation et de la formation. Cette loi fixera le cadre juridique et organisationnel général, ainsi que les orientations fondamentales du système éducatif congolais. Cette loi cadre, une fois adoptée, permettra à chaque sous-secteur de l’éducation de tirer sa propre loi. Aujourd’hui, l’éducation congolaise est résolument tournée vers l’avenir par les différentes pulsions de modernité et d’excellence que lui impriment les autorités politiques et gouvernementales.

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CHAPITRE 11 LA SANTE AU CONGO DE 1958 A NOS JOURS Par Cyriaque N’DJOBO-MAMADOUD INTRODUCTION Le Congo est situé dans la zone des climats chauds et humides. Elle reçoit des précipitations moyennes de l’ordre de 500 ml d’eau au sud et près de 2000 ml au nord. La température moyenne se situe autour de 25°C ; les écarts thermiques sont faibles au nord (2° C) et s’amplifient au sud (6°C). Le nord du pays bénéficie d’un climat équatorial et il y pleut toute l’année avec une accalmie de décembre à février, puis en juillet. Dans le sud-ouest, le climat prend une tendance tropicale humide; la saison des pluies dure 8 à 9 mois (d’octobre à mai), interrompue par une petite saison sèche en janvier ou février. La grande saison sèche dure 3 à 4 mois (mai – septembre). Les régions du centre (Plateaux Batékés et Cuvette Congolaise) connaissent un climat intermédiaire : le climat subéquatorial. Ces climats sont nuancés suivant les départements par divers facteurs notamment les masses d’eau, les courants marins et le relief. La végétation est constituée par des zones forestières et des zones de savane. Les zones forestières couvrent environ 60 % du territoire national, dont 10 % sont constitués de forêts denses et humides. Leur superficie est estimée à 20 millions d’hectares. Les zones de savane représentent près de 40 % de la superficie du Congo et totalisent environ 12 millions d’hectares. - 311 -

Ces écosystèmes sont propices à l’éclosion de nombreuses maladies tropicales, notamment les maladies infectieuses et les maladies parasitaires. I - Politiques de santé, de l’indépendance à nos jours 1. Les différentes approches d’organisation des services de santé La politique de développement sanitaire au Congo a connu, de l’époque coloniale à ce jour, plusieurs approches successives d’organisation des services de santé : - l’approche des services de soins médicaux complétés par des programmes de santé publique ; - l’approche des services de santé de base ; - l’approche de soins de santé primaires. A l’issue de son accession à l’indépendance le 15 août 1960, le Congo s’est lancé dans un programme de construction des services de santé de base (dispensaires, centres de protection maternelle et infantile, infirmeries, centres médicaux, hôpitaux régionaux ou communaux et hôpitaux généraux, hôpitaux secondaires, institutions spécialisées), Au fil des années, l’application des différentes approches de soins de santé a donné naissance à des Centres de Santé Intégrés et des postes de santé construits à travers le territoire national, le plus souvent, sur l’initiative des communautés. Cette évolution a abouti à une structure pyramidale du réseau des formations sanitaires. Les postes de santé, les dispensaires constituent la base de cette pyramide et le Centre Hospitalier et Universitaire (CHU) de Brazzaville, créé par transformation de l’Hôpital Général de Brazzaville, en est le sommet. L’analyse de la situation qui a précédé l’élaboration du premier Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) a - 312 -

montré que ce réseau de formations sanitaires ne fonctionnait pas comme un ensemble efficace et cohérent : la répartition géographique n’était pas équitable, il y avait de longues files d’attentes des patients en milieu urbain, un mauvais accueil des malades par les personnels de santé et une pénurie chronique en médicaments et fournitures … De ce fait, la recherche d’un niveau d’équité et de satisfaction des besoins les plus importants des populations en matière de santé devenait la préoccupation majeure. Pour ce faire, le Congo a adopté le même scénario de développement sanitaire que les autres pays africains. Plusieurs expériences ont été initiées dans tous les pays, en collaboration avec les agences de coopération internationale. Ces expériences étaient caractérisées par des coûts abordables pour les populations, la gestion et la planification des services et le recouvrement des coûts récurrents, etc. 2. Réponses institutionnelles aux problèmes de santé des populations179 La toute première orientation de politique sanitaire nationale remonte au 3e congrès extraordinaire du Parti congolais du travail (PCT), tenu en mars 1979. Elle consistait à donner « la priorité à la médecine préventive et aux besoins de santé primaires ». Cette orientation a déterminé le développement du secteur santé pendant les années qui ont suivi, jusqu’à l’élaboration et l’adoption du tout premier Plan national de développement sanitaire (1992-1996). Elle a aussi constitué le fondement d’un programme d’action basé sur : – le renforcement des activités de prévention

179

PNDS 1992-1996

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– le renforcement des services de santé de base (dispensaires, centres de protection maternelle et infantile, infirmeries, postes de santé, centres de santé intégrés) par l’intégration progressive des activités curatives, éducatives et promotionnelles ; – le développement des soins hospitaliers spécialisés, avec la création des hôpitaux régionaux dans les chefs-lieux de régions, des hôpitaux de base dans les chefs-lieux de district, des hôpitaux secondaires urbains, des hôpitaux généraux ; – l’approvisionnement et la distribution des médicaments. Cette politique visait la réduction progressive de la dépendance vis-à-vis de l’étranger par l’approvisionnement en médicaments, l’utilisation plus rationnelle des infrastructures, du personnel, le renforcement des équipements et le relèvement du niveau professionnel du personnel médical et paramédical. Un Programme d’Action Economique et Social (PAES) a été adopté pour la période 1990-1994, axé sur : – l’extension de l’expérience des soins de santé primaires ; – la valorisation, la modernisation et la multiplication des structures de santé de base jugées concluantes pour l’ensemble du pays ; – l’élargissement du système de sécurité social de l’époque. La Conférence nationale souveraine de février-juin 1991 a soutenu les soins de santé primaires et a recommandé une programmation sanitaire nationale dont les principaux axes de la politique sanitaire nationale ont été traduits, entre autres, par l’adhésion du Congo aux résolutions sanitaires internationales ci-après :

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– la déclaration des soins de santé primaire (Alma Ata, 1978) ; – la Charte de Développement Sanitaire en Afrique (Lagos, 1980) ; – la Scénario Africain de Développement Sanitaire (Lusaka, 1985) ; – la Déclaration sur l’Initiative de Bamako (Bamako, 1987) ; – la Déclaration des Chefs d’Etat et de Gouvernements de l’OUA intitulée « Santé : base du développement en Afrique » (Addis-Abeba, 1987) ; – la ratification de la Convention Internationale sur les Droits de l’enfant (1990. En juin 1990, un séminaire-atelier a été organisé sur l’Initiative de Bamako au Congo pour concevoir un document de politique générale sur les modalités d’application du concept de l’Initiative de Bamako au Congo. Ce séminaire-atelier a permis de définir le modèle congolais de la mise en œuvre de l’Initiative de Bamako, un modèle à deux niveaux : le centre de santé intégré (CSI) et l’hôpital de référence. Il avait également été conclu que le Congo devait adopter et appliquer un cadre de référence pour toute planification sanitaire à travers le territoire national. C’est ainsi qu’a été élaboré le premier Plan National de Développement Sanitaire (1992-1996). Cependant, les années 90 ont été une décennie d’instabilité au cours de laquelle ses infrastructures sanitaires ont été fortement endommagées avec, pour corollaire, un grand exode des populations qui a entraîné une fuite du personnel qualifié du secteur de la santé. Ces deux facteurs, auxquels il faut ajouter l’insuffisance de la réglementation du système de

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santé, ont contribué à priver une grande partie de la population d’un de ses droits fondamentaux à savoir, le droit à la santé. Depuis 2000 et à l’issue de la guerre de juin 1997, le Congo a adopté une Politique Nationale de Santé qui a été déclinée en un Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) pour la période 2007-2011. De ce PNDS, il a été conçu un programme de développement sectoriel à moyen terme (2008-2012) appelé Programme de Développement du Système de Santé (PDSS) Ce programme découle d’un Programme de travail holistique et détaillé qui a été élaboré en étroite collaboration avec les principaux partenaires au développement du Congo, notamment la Banque Mondiale, l’UE, l’AFD, l’OMS, le FNUAP, le PNUD et l’UNICEF. En 2007, une feuille de route nationale pour l’accélération la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile a été adoptée pour lutter contre la mortalité élevée de la mère et de l’enfant. 3. La formation du personnel La majorité du personnel de santé est formé sur place. On compte comme structures de formation : – la Faculté des Sciences de la Santé, qui forme des médecins, des licenciés en sciences infirmières, en santé publique et en laboratoire. – l’École Nationale d’administration et de Magistrature, qui forme des agents de développement social et des administrateurs civils ; – le Centre Inter-états d’Enseignement Supérieur en Santé Publique d’Afrique Centrale (CIESPAC), qui forme le personnel de santé publique dans le domaine du laboratoire et des médecins spécialistes en santé publique ; – des écoles de formation paramédicale et médico-sociale qui forment des assistants sanitaires, infirmiers diplômés d’Etat, des sages femmes, des assistants sociaux, des assistants - 316 -

de laboratoire, des préparateurs en pharmacie et des agents techniques ; – des centres de formation professionnelle féminins qui forment des auxiliaires puéricultrices ; – une autre partie du personnel est formé à l’extérieur du pays (URSS, Cuba, France, Sénégal, Roumanie…) 4. Les structures sanitaires au Congo et services offerts180 La nomenclature type des structures du système de santé au Congo a permis de relever les appellations suivantes : – le poste de santé : il a pour vocation d’assurer les soins infirmiers élémentaires (secourisme), d’accueillir les accouchements qui ne posent pas de problème. Il constitue la référence locale en ce qui concerne l’éducation pour la santé et la prévention primaire. Il est tenu par du personnel bénévole : agent de santé du village ou accoucheuse traditionnelle. Le poste de santé n’appartient pas à la nomenclature officielle du ministère de la santé ; – le dispensaire : il est implanté tout aussi en milieu urbain qu’en milieu rural. Il assure le diagnostic des maladies courantes, les soins ambulatoires et réalise les examens de laboratoire simples comme la goutte épaisse, l’examen des urines, la glycémie, etc. Dans les villages, les dispensaires assurent également les consultations prénatales et les vaccinations. Ils sont équipés de tables d’accouchement et de lits de maternité pour accueillir les accouchements normaux. Les postes de santé et les dispensaires n’existent plus à l’heure actuelle. – Le centre de santé intégré ou CSI : il assure les mêmes activités que le dispensaire, avec en plus, les activités de santé maternelle et infantile et les consultations spécialisées 180

PNDS 1992-1996.

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d’odontologie notamment en milieu urbain. Le centre de santé intégré représente actuellement la base, le premier niveau de soins de notre système de santé ; – l’hôpital de base (exemple Hôpital de base de Tié-Tié à Pointe-Noire, Hôpital de base de Tala-Ngai à Brazzaville, Hôpital de base de Mouyondzi, Hôpital de base de Makélékélé, Hôpital de base de Djambala, etc.). Il est implanté au chef-lieu du district et assure à la fois des activités de dispensaire et les hospitalisations pour enfants et les femmes (maternité et accouchements), la médecine adulte et la chirurgie ; – l’hôpital régional ou communal, implanté soit au chef-lieu du département, soit dans une commune. Il assure la couverture de toutes les maladies médicales et chirurgicales. Toutes les grandes spécialités médicales et chirurgicales y sont représentées. Le plus souvent, on y pratique de la chirurgie générale, de la médecine générale et la maternité. Sa capacité d’accueil varie entre 100 et 200 lits ; – l’hôpital général (exemple : hôpital général d’Impfondo, hôpital général de Zanaga, hôpital général Adolphe Sicé de Pointe-Noire, etc.), qui assure la prise en charge de toutes les spécialités. La capacité d’accueil varie entre 200 et 800 lits ; – l’hôpital universitaire. C’est l’établissement de soins au sommet de la pyramide des formations sanitaires. Trois missions lui sont assignées : la dispensation de soins médicaux d très haut niveau, la recherche biomédicale, l’enseignement. Le Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaville est le seul établissement de ce type. II - Situation épidémiologique Les maladies les plus fréquentes au Congo sont les maladies infectieuses et les maladies parasitaires. A côté, il existe des

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maladies non infectieuses, principalement les maladies cardiovasculaires et le diabète. Le profil épidémiologique est marqué par la prédominance des maladies infectieuses, la recrudescence des maladies transmissibles (tuberculose, trypanosomiase, schistosomiase) et la progression inquiétante du VIH/SIDA. 1. Maladies transmissibles  Paludisme En 2006, le paludisme a été la première cause de morbidité avec 55,1 % des motifs de consultation. Au total, 157.757 cas181 ont été notifiés pour 253 décès enregistrés, soit un taux de létalité égal à 0,16 %. Les enfants de moins de 5 ans, représentent 41,6% des cas, avec un taux de létalité de 74,3 %. La situation du paludisme au Congo est préoccupante. Plusieurs facteurs sont incriminés : – la résistance du plasmodium aux antipaludiques usuels observée dans tout le pays (chloroquine : 80 à 90 % ; sulfadoxine-pyriméthanine : 15 à 30 %), a conduit à changer le protocole de traitement du paludisme en 2006 ; – la pénurie fréquente de médicaments dans les formations sanitaires ; – le non-respect des schémas thérapeutiques basés sur les dérivées de l’artémisinine, préconisés par la politique nationale de lutte contre le paludisme ; – la faible utilisation de la moustiquaire et des matériaux traités à l’insecticide ; – la non application des autres orientations de la lutte intégrée contre les vecteurs, notamment celles en rapport avec l’assainissement du milieu.

181

EDSC – 1 Congo CNSEE, 2005.

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 Tuberculose En 2005, au total 9.959 cas ont été détectés, soit un taux d’incidence annuelle de 350 cas pour 100 000 habitants, dont 40,6% de Tuberculose pulmonaire à bacilloscopie positive (TPM+). La couche de la population la plus atteinte est celle âgée de 15 à 44 ans, avec 75 % de tous les malades. Cette incidence élevée serait attribuée à de multiples facteurs, notamment : – la co-infection avec le VIH : le taux de séroprévalence du VIH chez les malades chez qui on a trouvé le bacille dans les crachats est de 17 %182 ; – la faible capacité de détection des cas, étant donné que les centres de diagnostic et de traitement ne sont situés pour la plupart de cas que dans les chefs-lieux des départements ; – la forte proportion des personnes qui abandonnent le traitement, évaluée à 27 % en 2004 ; – la précarité des conditions de vie de la population dont 50 % vit en dessous du seuil de pauvreté ; – la faible intégration du programme de lutte contre la tuberculose dans les activités des formations sanitaires ambulatoires.  Infection à VIH et le Sida Selon les résultats de l’enquête réalisée en 2003183, le taux de prévalence du VIH au Congo est égal à 4,2% chez les sujets âgés de 15 à 49 ans. Mais les départements et localités ne sont pas touchés de la même manière par cette maladie. Les localités de Sibiti et Dolisie ont les taux les plus élevés avec respectivement 10,3 % et 9,4%, alors que les prévalences les plus faibles sont observées à Djambala et Impfondo avec 1,3% et 1,5%. Le graphique ci-dessous indique la répartition des 182 183

Rapport PNLT/DLM 2005. Rapport de l’enquête CREDES/ CNLS 2003.

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taux de prévalence par chefs lieux de départements et communes. Graphique n° 1 : Distribution de la séroprévalence du VIH par départements en 2003 12

10,3

10

9,4

8

Taux

6 4

5

4,7 3,6

3,3

2,6

2,6

2 0

1,5

1,3

Bzv

PNR

Dis

Sbti

Mgou

Nkyi

Kla

Djbla

Owdo

Ipfdo

Localités

En outre la situation est caractérisée par : – une prévalence particulièrement élevée dans les tranches d’âge de 35 à 39 ans (8,4 %) et 40 à 44 ans (7,8 %) ; – une tendance à la féminisation de l’épidémie, avec des taux moyens de 4,7 % chez les femmes contre 3,8 % chez les hommes ; – des taux de prévalence présentant selon le niveau d’instruction: 5,4% chez les non scolarisés, 4,1 % pour les personnes du niveau primaire, 4,8 % pour le niveau collège, 3% pour le niveau lycée et 2,5 % pour le niveau universitaire ; – des groupes vulnérables constitués par : les adolescents, les femmes victimes de violences sexuelles, les professionnelles du sexe, les orphelins du SIDA, les enfants nés de mères séropositives, les agents de la force publique, les ex combattants, les personnes déplacées, sinistrées et - 321 -

réfugiées, les personnes handicapées, les malades mentaux, les toxicomanes et le personnel de santé ; – et une propagation de l’infection à VIH dans les communautés favorisée par la pauvreté, le faible niveau économique de la femme, la résistance à l’utilisation du préservatif, le vagabondage sexuel et la prostitution, le déni de l’existence du SIDA et la recrudescence des violences sexuelles. De source hospitalière, 40 % des lits d’hôpitaux sont occupés par les malades du SIDA dans les principales villes ; le taux de mortalité due au SIDA a augmenté à Brazzaville de 14 % en 1991 à 21,5 % en fin 2003. C’est la première cause de mortalité chez les adultes de 15 à 45 ans. Chez les enfants de 0 à 4 ans, 7 % des décès sont attribuables au SIDA.  Infections Sexuellement Transmissibles (IST) En 2003, près de 17.734 cas d’infections sexuellement transmissibles ont été notifiés par les formations sanitaires. La séroprévalence de la syphilis a été estimée à 5 %. Le caractère de « maladies honteuses » attribué aux infections sexuellement transmissibles conduit souvent à une automédication, ce qui laisse penser que les données notifiées sont en dessous de la réalité.  Infections respiratoires aiguës Les données de la carte sanitaire du Congo indiquent que les infections respiratoires aiguës viennent au second rang des motifs de consultation chez les enfants de moins de 5 ans en 2003 avec 7,1 % des cas. En 2002, elles représentaient 29,8 % des causes de décès des enfants de moins de 5 ans enregistrés dans les hôpitaux.

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 Maladies diarrhéiques En 2002, au total 19 411 cas de maladies diarrhéiques ont été notifiés, comprenant 55,4 % de diarrhées simples, 22,6% de gastro-entérites, 14,7 % d'amibiases et 7,4 % de shigelloses. En outre, les maladies diarrhéiques arrivaient au cinquième rang des principales causes de décès dans les hôpitaux en 2002. La thérapie de réhydratation par voie orale constitue l’essentiel du traitement de ces maladies. Son utilisation au niveau des ménages est passée de 41 %, en 1994, à 64% en 2000184. Ce qui est encourageant.  Trypanosomiase humaine africaine La trypanosomiase humaine touche actuellement 5 Départements sur 12 (Niari, Bouenza, Pool, Plateaux et Cuvette) avec 3629 cas notifiés en 2005 dans les trois grands foyers qui sont : le foyer de la vallée du Niari qui concerne les localités de Boko – Songho, Madingou, Nkayi et Loudima ; le foyer du couloir qui couvre les districts de Ngabé, Mpouya, Gamboma et Makotimpoko et le foyer de la Cuvette qui concerne les districts de Mossaka et Loukolela.  Schistosomiase urinaire Elle sévit dans plusieurs foyers avec des taux de prévalence qui varient entre 5 et 35 % en milieu scolaire. Au total, 2018 cas ont été enregistrés en 2002, répartis entre les départements de la Bouenza (62,9 %), du Kouilou (19,1 %), de Brazzaville (10,4 %) et du Niari (6,2 %). Une recrudescence de la schistosomiase a été observée dans les anciens foyers du Niari, de la Bouenza, du Kouilou et s’accompagne d’une extension

184

Ministère de la santé, 2002, Rapport annuel d’activités du Programme National de lutte contre la tuberculose.

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de la maladie dans d’autres départements, notamment ceux de la Lékoumou.  Lèpre Fin 2005, au total 215 cas ont été enregistrés, soit un taux de prévalence de 0,67 % pour 10.000 habitants. Les enfants représentent 9,1 % de ces nouveaux cas. Par ailleurs, 207 cas ont été détectés, qui représentent un taux de détection de 0,64 % pour 10.000 habitants. Le pourcentage des personnes qui sont atteintes par plusieurs bacilles de cette maladie parmi les nouveaux cas est de 79,2 %.  Ulcère de Buruli L'Ulcère de Buruli a fait son apparition au Congo en 2000 dans les Départements du Kouilou, du Niari et de la Bouenza. En 2005, au total 293 cas cumulés ont été enregistrés dont 77,8 % dans le Kouilou, 12,3 % dans le Niari et 12,1 % dans la Bouenza.  Onchocercose L’onchocercose, maladie responsable de la cécité, sévit principalement dans trois foyers : le bassin du fleuve Congo avec son affluent le Djoué, le bassin du fleuve Kouilou-Niari et le bassin de l’Oubangui. Les deux premiers sont hyper endémiques. Environ 700.000 personnes sont exposées à l’onchocercose dans les deux grands foyers. Chez les adultes, les taux de cécité de type 1 et de type 2 sont respectivement de 1,7 % et de 3,4 % en zone d’endémie, contre 0,5 et 0,7 % en zone non onchocerquienne. L’adhésion des populations au traitement par le médicament appelé Ivermectine est en évolution ; elle a concerné 65 % des personnes atteintes de la maladie au cours de ces dix dernières années. - 324 -

La couverture géographique correspondant au pourcentage des villages à traiter, couverts par la distribution de l’Ivermectine, était de 92,3 % en 2002. L’objectif annuel de traitement de la population éligible visée étant de 435.565 personnes, la couverture thérapeutique correspondant au pourcentage de la population totale de la zone cible hyper et méso endémique, traitée n'était que de 22,8 %.  Maladies cibles du Programme Elargi de Vaccination (PEV) Les maladies évitables par la vaccination ont été réduites à des taux de prévalence assez bas au cours des années 20052006, grâce à l’amélioration des taux de couverture vaccinale. Quoique des efforts réels aient été accomplis dans l’amélioration de la couverture vaccinale, celle-ci n’est pas la même d’un département à un autre, et même à l’intérieur d’un même département. De même, l’objectif de réaliser un taux de couverture vaccinale égale à 80 % par antigène et dans chaque circonscription socio sanitaire, est loin d’être atteint.  Rougeole Depuis l’année 2005, un net recul de l’incidence de la maladie est observé. Cette évolution résulte des effets conjugués des activités de vaccination de routine et des campagnes de vaccination organisées en 2005. C’est ainsi que le taux de couverture vaccinale contre la rougeole est passé de 55,6 % en 2005 à 63,3 % en 2006. En 2006, 183 cas de rougeole ont été notifiés sur l’ensemble du territoire, dont 5 décès185.

185

Rapport de la Direction de l’Epidémiologie et de la Lutte contre la Maladie, 2006.

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 Poliomyélite Le Congo, comme beaucoup de pays d’Afrique noire, a adopté la stratégie appelée « initiative éradication de la poliomyélite » et, depuis 2001, aucun cas de poliovirus sauvage n’a été signalé. Toutefois, le Congo reste un pays à haut risque d’importation du virus parce qu’il est entouré de pays où ce virus circule (Tchad, Centrafrique, Angola, République Démocratique du Congo).  Tétanos néonatal et maternel De 2005 à 2006, le nombre de cas de tétanos néonatal et maternel (TNM) est passé de 12 à 2 cas (Pool : 1cas ; Likouala : 1 cas). Etant donné la faiblesse de la surveillance active et du système national d’information sanitaire dans son ensemble, une sous notification de la maladie est fort probable.  Fièvre jaune En 2006, 99 cas ont été notifiés dont 2 décès. Il faut noter que depuis l’introduction du vaccin antiamarile, la régression de la maladie est perceptible en milieu hospitalier. Ici également, des faiblesses de la surveillance épidémiologique sont observées.  Méningites En 2006, au total 163 cas, dont 27 décès dus à la méningite purulente, ont été enregistrés dans les formations sanitaires. En dépit de ce que la méningite cérébro-spinale fait partie des huit maladies à potentiel épidémique, sa surveillance n’est pas encore organisée. Les laboratoires de plusieurs hôpitaux de districts ne disposent pas toujours de techniciens de laboratoire ayant une formation appropriée ; le plateau technique, les réactifs et consommables requis font également défaut.

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 Choléra Après les épidémies observées en 1998 (160 cas, dont 11 décès), 1999 et 2001 à Brazzaville et à Pointe-Noire, aucun cas n’a été notifié sur l’ensemble du territoire depuis lors.  Maladies émergentes : la fièvre hémorragique à virus Ebola (FHVE) Inconnue jusque-là au Congo, la fièvre hémorragique à virus Ebola (FHVE) a fait son apparition en 2001 dans le Département de la Cuvette Ouest qui a été le théâtre de quatre épidémies successives. En 2001, 57 cas ont été enregistrés, dont 42 décès. L'épidémie d'octobre 2002 à mai 2003 a été la plus meurtrière ; elle a fait 143 cas, dont 128 décès (soit 89,5% des cas). La troisième enregistrée de septembre 2003 à janvier 2004, a fait 35 cas, dont 29 décès, et la dernière en 2005 avec 12 cas, dont 9 décès. La gestion de ces épidémies s’est heurtée à plusieurs difficultés inhérentes au contexte économique et socioculturel du Département de la Cuvette Ouest. Il s'agit, notamment, du délabrement du système de santé de ce département dans son ensemble, du degré d’ignorance de la maladie par la population, de leurs habitudes alimentaires particulièrement orientées vers la consommation des viandes de chasse, de l'enclavement du département du fait de l'état de dégradation très avancée des routes et pistes agricoles, et du refus de coopérer avec les équipes d’intervention. A cause de la persistance de l’épizootie, le risque épidémique reste important avec possibilité d'extension aux départements et pays limitrophes.  Monkey pox Une épidémie de Monkey pox a sévi dans le département de la Likouala en juin 2003. Au total, 10 cas ont été notifiés et

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confirmés par le Centre de Contrôle des Maladie (CDC) d’Atlanta aux Etats Unis. Aucun décès n'a été enregistré. 2. Maladies non transmissibles 

Maladies par carences nutritionnelles

 Malnutritions sévères et aiguës L'évaluation de l'état nutritionnel réalisée en 1999186, a révélé que la prévalence moyenne des petits poids de naissance est égale à 13,3 %. Elle varie de 13,6 % en milieu rural à 9,4 % en milieu urbain. La comparaison de ces chiffres avec les données des années 80 montre une nette régression de ce phénomène. La malnutrition chronique est observée chez 26 % des enfants de moins de cinq ans. En outre, la malnutrition sévère touche 1 adolescent sur 5.  Carences en micro nutriments Les troubles liés aux carences en micro nutriments sont persistants au Congo. A propos de la carence en iode, dont la manifestation la plus visible est le goitre, dans les années 80 elle a sévi dans les départements de la Likouala, la Sangha et la Lékoumou. L’étude la plus ancienne à ce sujet date de 1987 et avait concerné 872 personnes âgées de 0 à 39 ans dans le district de Dongou. Le goitre était visible chez 4,5 % d’enfants de moins de 5 ans. L’évaluation de l’état nutritionnel de 1998 a révélé l’ampleur des troubles dus à la carence en iode dont la prévalence moyenne était égale à 10,2 %. Les départements les 186

Situation nutritionnelle au Congo Brazzaville, MSP, URNAH, Médecins d'Afrique; Rapport d'enquête 2000.

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plus touchés sont la Likouala (19,1 %), la Cuvette (15,8%) et la Sangha (13,3 %). Par ailleurs, les taches de Bitot, symptôme de la carence en vitamine A, sont observées en milieu urbain chez 6,2 % des enfants et 9,7 % des femmes. En milieu rural, ces taux s'élèvent respectivement à 12,6 % et à 10,1 %. Ces observations indiquent que la carence en vitamine A est un réel problème de santé publique au Congo, notamment dans certaines zones écologiques (Cuvette Ouest, Plateaux, Pool, Lékoumou et Niari).  Hypertension artérielle En 2006, au total 4586 cas d’hypertension artérielle (HTA) ont été enregistrés. L’hypertension artérielle reste la première maladie cardiovasculaire observée chez l’adulte au Congo. Une enquête187 sur l’hypertension artérielle et les autres facteurs de risque cardiovasculaires réalisée à Brazzaville en 2004 auprès de 2095 sujets, a montré que 32,5 % d’entre eux étaient hypertendus, plus particulièrement les sujets âgés de 54-65 ans (68,2 %). La maladie atteint aussi les sujets jeunes de 25-34 ans (19 %), touche toutes les classes sociales, aussi bien dans les zones urbaines que rurales.  Diabète sucré En 2004, 491 cas ont été enregistrés, dont 6 décès dans les registres des services hospitaliers. On estime que cette maladie toucherait environ 20.000 personnes.  Cancers En moyenne, 80 à 90 nouveaux cas sont notifiés par année dans le registre des cancers du service de cancérologie du 187

G: Kimbally Kaky, 2004, ¨ Enquête sur HTA et les autres facteurs de risque à Brazzaville, juin (ronéo).

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CHU de Brazzaville. Le cancer du col de l'utérus arrive au premier rang, suivi respectivement par celui du sein (17 %) et le cancer primitif du foie. La plupart des malades arrivent à un stade très avancé de la maladie et très peu d’entre eux ont accès à un traitement.  Drépanocytose Une étude, effectuée en 1986 sur le sang du cordon ombilical de nouveau-nés, a montré que 22,25 % des sujets étaient hétérozygotes et 1,25 % homozygotes188. La drépanocytose est l'une des principales causes des hospitalisations enregistrées dans les services de pédiatrie. Les manifestations de cette maladie sont souvent déclenchées par une autre maladie (paludisme, infections respiratoires aiguës, malnutrition, diarrhées, …). C’est pourquoi les décès dus à la drépanocytose sont difficiles à recenser, car ils surviennent souvent dans un tableau d’anémie sévère ou d’infection. 3. Santé de la reproduction Le taux de mortalité maternelle reste élevé, estimé à 781 pour 100.000 naissances vivantes, malgré le fait que les grossesses sont suivies dans 88 % des cas de femmes enceintes189 et que 86 % d’entre elles accouchent en présence d’un personnel de santé 190. Ce taux de mortalité maternelle figure parmi les plus élevés des pays africains à développement humain moyen. Elle est attribuée principalement aux avortements provoqués, (41 %) aux complications infectieuses des césariennes, (31,6 %) aux hémorragies (10 %), et à l’hypertension artérielle en rapport avec la grossesse (8,5 %). 188

Rapport annuel DLM/DGS 2002. EDSC 1 2005 Congo/CNSEE. 190 EDSC 1 2005 Congo/CNSEE.

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Cette mortalité élevée s’explique par la faible qualité des soins et services fournis aux femmes pendant la grossesse et au moment de l’accouchement. D’autres facteurs sont incriminés : la faible utilisation du traitement préventif intermittent du paludisme pendant la grossesse (3 %), la faible utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticides (7 %) et des méthodes contraceptives (13 %). 4. Santé des adolescents et des jeunes Les adolescents représentent près d’un tiers de la population avec une forte concentration en milieu urbain (56,6 %). On note une précocité des rapports sexuels souvent non protégés (âge moyen 14 ans). Ce qui explique la forte prévalence des grossesses chez les adolescentes (8,5 %). Pour promouvoir la santé des jeunes, dont plus 80% fréquentent l’école, les pouvoirs publics avaient développé les services de santé pré-scolaire, scolaire et universitaire. Cependant, le déficit des connaissances en santé de la reproduction, l’absence des services adaptés et la faible utilisation des services en la matière exposent de plus en plus les adolescents à des comportements néfastes pour leur santé génésique : tabagisme, violence, consommation abusive d’alcool, des drogues et autres substances hallucinogènes. Une étude réalisée en 2003 sur les connaissances, les attitudes et les pratiques, révèle que : 67,7 % des jeunes et adolescents n’ont pas de connaissance sur les services de santé reproductive, 75 % ne fréquentent pas lesdits services, et 3026 % des adolescents ont recours à l’automédication pour traiter les infections sexuellement transmissibles. 5. Santé bucco-dentaire L’enquête réalisée par la Direction de la Santé de la Famille en 2002 en milieu scolaire, avait révélé que 30% d’élèves interrogés et examinés ont reconnu avoir souffert de la carie - 331 -

dentaire. Malheureusement, cette étude n’avait pas permis d’apprécier la prévalence des autres affections bucco-dentaires telles que la stomatite gangreneuse, le noma, le cancer de la bouche, les manifestations bucco-dentaires de l’infection à VIH, les traumatismes et les kystes des maxillaires. 6. Santé mentale Les pathologies mentales les plus courantes dans la Région africaine de l’OMS191 comprennent des troubles mentaux courants : la dépression, la schizophrénie, l’épilepsie, les problèmes de santé mentale des enfants, les troubles mentaux d’origine organique, les troubles dus aux stress post traumatiques, l’usage et l’abus des substances psycho actives. En l’absence de données fiables, l’ampleur de ces pathologies est encore mal connue au Congo. Toutefois, des facteurs aggravant la mauvaise santé mentale sont bien présents. Il s’agit notamment : des stress post traumatiques qui ont suivi les conflits sociopolitiques récurrents que le Congo a connus, l’augmentation du chômage, l’accroissement de la pauvreté au sein de la population, le manque de structures sociales pour assister les plus vulnérables, l’augmentation de la consommation des substances psycho-actives, l’augmentation des actes de violence en particulier les viols de femmes et d’enfants, les ravages du VIH et du SIDA. Afin de mieux faire face aux problèmes de santé mentale, le Congo dispose depuis 2002 d’une stratégie nationale de santé mentale.

191

OMS, 1999, Stratégie régionale de la santé mentale, 49ème réunion du Comité régional pour l’Afrique, Windhoek, septembre.

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7. Handicaps et réadaptation Une étude réalisée en 2002 à Brazzaville et à Pointe- Noire montre qu’on retrouve un pourcentage élevé de handicaps auprès des sujets âgés de 10 à 39 ans. Trois types de handicaps majeurs sont notés dans 80 % des cas : surdité (37,3 %), paralysies (32,8%) et cécité (27,9 %). III - La lutte contre les maladies au Congo Elle se fait grâce à l’intervention des projets et programmes spécifiques. Il s’agit : 1)- du programme national de lutte contre la lèpre, qui s’occupe du traitement des malades souffrant de la lèpre à l’échelle nationale de façon standardisée et coordonnée dans le but de les guérir, de prévenir les handicaps physiques, sensoriels et socioculturels, d’empêcher l’apparition des résistances médicamenteuses et de protéger la population en diminuant la source d’infection. Dans chaque département le programme doit dépister 90 % des nouveaux cas de lèpre avant la stade de mutilation de la maladie, traiter 90% des nouveaux malades et limiter l’apparition de nouvelles mutilations existantes à 10% des anciens cas enregistrés par an ; 2)- du programme de lutte contre le paludisme, qui vise la réduction de la mortalité causée par le paludisme chez les enfants de moins de 5 ans et chez la femme enceinte. Ce programme assure actuellement la gratuité du traitement du paludisme pour les enfants de 0 à 15 ans et chez la femme enceinte ; 3)- du programme de lutte conte la schistomiase à qui il a été assigné les objectifs de : - 333 -

– améliorer l’état de santé des populations des zones endémiques par la réduction des cas de maladie ; – faire que la maladie ne soit plus un problème de santé publique ; – amener la population, par la sensibilisation, à se prendre en charge. Les activités de ce programme sont intégrées dans celles des centres de santé. A côté, des équipes mobiles d’agents sont déployées dans les zones hyper endémiques. Le programme dresse la carte des points de transmission de la maladie. Il fait une surveillance épidémiologique régulière des foyers sentinelles et le traitement sélectif des cas positifs. Il assure le contrôle de l’extension de la maladie avec la participation de la population. Il fait la sensibilisation de la communauté pour l’assainissement de l’environnement afin d’éviter le contact des populations avec le parasite responsable de la maladie ; 4)- du programme national de lutte contre le SIDA qui s’occupe de : – la prise en charge médicale et psychosociale des malades du SIDA et des séropositifs ; – la promotion des comportements sexuels responsables ; – la surveillance épidémiologique de la maladie ; – la promotion de la sécurité transfusionnelle (qualité des produits sanguins destinés à la transfusion) ; 5)- du programme national de lutte contre la tuberculose, chargé de la prise en charge des personnes souffrant de la tuberculose ; 6)- du programme élargi de vaccination, chargé de la couverture vaccinale des enfants de 0 à 11 mois contre les maladies-cibles, et de la femme enceinte contre le tétanos. Des personnels de santé assurent la vaccination dans les centres de - 334 -

santé. Des agents vaccinateurs sont constitués en équipes mobiles pour rattraper les enfants qui ont manqué des vaccins.

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CHAPITRE 12 LA FEMME DANS L’HISTOIRE DU CONGO

Par Jeanne DAMBENDZET INTRODUCTION Ce premier manuel sur l’histoire générale du Congo tentera de mettre en lumière, à grands traits, certains aspects de la vie des Congolaises en montrant, pour rétablir les équilibres, qu’au-delà des souffrances, ces femmes ont eu leur part de gloire dans l’histoire de leur pays. Aujourd’hui encore, les femmes congolaises exercent différentes fonctions qui leur confèrent beaucoup de prestige. Il apparaît, à maints égards, des situations de suprématie des femmes vis-à-vis des hommes. Cette position de suprématie souvent occupée par les femmes a influencé la vie des sociétés de l’époque précoloniale et coloniale, en même temps qu’elle a révélé la capacité de nos ancêtres à construire des entités sociales viables, régulées par des mécanismes de médiation élaborés, même si, malgré tout, celles-ci ont souvent véhiculé des préjugés négatifs attachés à la personne des femmes, qui restent encore aujourd’hui très vivaces. Bien que très peu de travaux de recherche se soient concentrés, au plan strictement historique, sur la problématique de la femme congolaise dans les sociétés précoloniale, coloniale et contemporaine, il convient de signaler certains travaux de recherche, dont particulièrement la - 337 -

thèse de Doctorat en histoire de Scholastique Dianzinga192 et le livre de Catherine Coquery-Vidrovitch193 qui sont d’une valeur inestimable quant à l’éclairage qu’ils apportent sur la situation de la femme congolaise. En effet, la thèse de Doctorat de Scholastique Dianzinga est d’une grande richesse sur les rôles et les statuts de la femme ainsi que les pouvoirs qu’elle a détenus et assumés dans la société congolaise, depuis les origines jusqu’à l’indépendance du Congo. Mais, cette recherche ne couvre pas la totalité des périodes et des situations, du fait de leur hétérogénéité. En conséquence, l’une des tâches urgentes aujourd’hui consiste à lancer un mouvement de recherche historique avant l’œuvre de restauration de la confiance de la femme congolaise en elle-même, confiance perdue assurément lors des chocs engendrés, mais souvent imposés par les processus de conditionnement, d’évangélisation et de colonisation. Aussi, écrire l’histoire des femmes, c’est chercher à rendre visible ce qui a été oublié ou perdu ou même jamais discerné. La nécessité pour les femmes congolaises de connaître leur histoire n’est plus à démontrer. C’est une démarche qui éclairera leur conscience et leur restituera le rôle d’actrices de l’histoire de leur peuple et de leur pays. La célébration, le 15 août 2010, du Cinquantenaire de l’accession du Congo à la souveraineté nationale, fournit une occasion en or à la Nation pour inscrire dans son histoire quelques pages dédiées à la femme congolaise. Scholastique Dianzinga, 1997, Les femmes congolaises : du début de la colonisation à 1960, thèse de doctorat en histoire, Université de Pau et des Pays de l’Adour (ronéo). 193 Catherine Coquery-Vidrovitch, 1994, Les Africaines : histoire des femmes d’Afrique Noire du 19ème au 20ème siècle, Paris, Editions Desjonquières. 192

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I- La situation de la femme dans les sociétés précoloniale et coloniale L’histoire de la femme congolaise de manière générale, se confond avec l’histoire des femmes du monde. Les femmes, à travers le monde, ont souvent été méprisées, sous-estimées, marginalisées, exploitées et maltraitées par leurs partenaires, les hommes, qui ont longtemps jeté l’anathème sur leurs pouvoirs, les rôles qu’elles ont joués et les places qu’elles ont occupés dans leurs communautés respectives. En interrogeant l’histoire ancienne de la société congolaise, en écoutant ce qui reste de la tradition orale, principale source d’information de cette époque précoloniale et coloniale, on fera remonter des profondeurs, les richesses enfouies dans les consciences et le subconscient de l’humanité congolaise sur la condition de la femme. Après cette maïeutique, on pourrait alors commencer l’œuvre de « déconstruction » des préjugés élaborés patiemment dans différents domaines, autour de l’infériorité de la femme et de son incapacité à exercer les pouvoirs et à occuper des postes de haut niveau et lui redonner alors toute la considération, toute la dimension que les sociétés congolaises « dites masculines » ont pourtant accordées à la femme, fruit d’une reconnaissance tacite de la suprématie de celle-ci sur l’homme, à certains égards. Suprématie perçue et captée à travers la division du travail. Les femmes ont, en effet, reçu plusieurs responsabilités dans leurs sociétés. Leur analyse en dit long sur la place qui leur revenait dans l’univers familial, économique et socioculturel. 1-Pouvoirs et rôles des femmes dans la société congolaise Dans les sociétés précoloniale et coloniale, les femmes détenaient des pouvoirs réels qui apparaissent à travers la division du travail opérée par les hommes. Des pouvoirs politiques, juridiques, et magico-religieux ; des pouvoirs - 339 -

économiques et sociaux, (productrice et génitrice, éducatrice et gardienne des valeurs ancestrales) aux pouvoirs de médiatrice et de régulatrice en cas de conflits, que de responsabilités pour des personnes que l’on traite d’inférieures et d’incapables !  Pouvoirs politiques, juridiques et religieux Scholastique Dianzinga194, à ce propos, écrit : La question des pouvoirs et des droits est au cœur des rapports entre les sexes. Elle fait référence à la hiérarchie sociale. Dans les formations sociales précoloniales, les femmes comme les hommes détenaient le pouvoir. En fait, il n’y avait pas qu’un pouvoir, mais des pouvoirs. Le champ des pouvoirs des femmes est vaste. On peut également parler des pouvoirs liés à la fécondité, des pouvoirs occultes, des conseillères des chefs ou des rois, des épouses auprès de leurs maris, de l’autorité et de la puissance des femmes-chefs, ainsi que des reines. Dans les rapports de la « Mission de l’Ouest-Africain » présentés par Catherine Coquery-Vidrovitch195, le Commandant Pradier, compagnon de l’explorateur Albert Dolisie, évoque le cas d’une femme, Combiabéka, qui exerça une grande influence dans la localité de Bonga :

Scholastique Dianzinga, op. cit., pp. 153-154. C. Coquery-Vidrovitch, 1966, Brazza et la prise de possession du Congo. La Mission de l’Ouest Africain (1883-1885), Paris – La Haye, Mouton, p. 331.

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Combiabéka est une corpulente personne à cheveux gris, à l’air digne et à la bouche impérieuse ; elle est très obéie de ses esclaves et des hommes de son village, très connue aussi des indigènes qui commercent dans la rivière et qui ne manquent jamais de s’arrêter chez elle. Elle se livre elle-même activement au commerce de l’ivoire et des esclaves et ses pirogues, toujours bien équipées, sont sans cesse en route sur la Sangha ou la Likouala. Outre Bonga, Combiabéka possède dans l’intérieur, le long de la crique, un autre village entièrement peuplé de ses esclaves”. A la naissance des premières revendications politiques qui s’exprimèrent dès les années 1920, du fait du Kimbanguisme dans la région de Boko et surtout de l’ « Amicale des originaires de l’Afrique Equatoriale Française », fondée à Paris en 1926 par André Grénard Matsoua, les femmes avaient adhéré en grand nombre là où l’action de cette Association se révéla active (particulièrement en milieu lari). Elles s’acquittaient des cotisations lancées par l’Amicale tout comme elles faisaient partie de la foule qui avait investi la place de la Mairie à Brazzaville pour exiger la libération des hommes arrêtés. Les représailles de l’administration coloniale contre les matsouanistes furent d’une cruauté sans limites. On assista en pays lari à des viols de femmes par les miliciens et tirailleurs. Des hommes, des femmes et des enfants furent enduits d’eau salée, de piment et exposés au soleil. La participation des femmes aux divers mouvements de révolte était une donnée réelle de leur engagement politique sous la colonisation.

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Les femmes se dressèrent aussi contre les missionnaires catholiques. En 1933, des femmes fréquentant la mission catholique de Linzolo refusèrent les petites médailles qui leur avaient été offertes196. Pendant que leurs aînées se battaient pour arracher des victoires au plan politique dans les années de pré indépendance (1953 -1955), des jeunes filles de 10 à 13 ans, livrèrent un autre combat contre un système inégalitaire à Brazzaville au niveau de l’institution religieuse Saint Joseph de Cluny, d’Anne Marie-Javouhey, où filles noires et filles blanches évoluaient dans deux systèmes de séparation, aux conditions de vie différentes. Marie-Françoise Dambendzet, Jeanne Dambendzet et Mabel Seshie (togolaise), résistèrent jusqu’au changement radical, c’est à dire la suppression des barrières entre les communautés noires et blanches 197. Il faut noter au passage qu’avant la colonisation, le royaume teke réservait à la femme une place de choix. La Reine Ngalifourou (1864-1956) fut intronisée au terme de l’initiation de « Ousson Liss » ainsi que le prévoyait la tradition. La Reine surmonta toutes les épreuves de l’initiation. A la mort de son mari, elle prit la relève et régna pendant 45 ans. Les dignitaires ne jugèrent pas l’opportunité de choisir un autre roi. Lors de son initiation, elle reçut les douze nkobi, des pouvoirs surnaturels. Elle mourut le 8 juin 1956, après avoir été une Reine crainte et vénérée. Depuis 2008, l’actuelle Reine Ngalifourou est la conseillère spéciale du Roi. Elle participe : - à la détermination des choix qui président à l’état des rapports avec les voisins ; 196

Scholastique Dianzinga, op. cit., pp. 153-154. Micheline Ngolengo, 2005, Itinéraire politique de la femme congolaise, de la pré indépendance à nos jours (inédit). .

197

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à l’accroissement du prestige royal ;

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au développement du sens de la justice chez le Roi.

Dixième dignitaire du Royaume, la Reine assure un rôle essentiel dans les cérémonies d’intronisation. C’est elle qui, après la cérémonie, présente au nouveau Roi les dignitaires présents, les chefs de terre et le peuple. Dans la Lékoumou, Mapila joua un rôle important pendant la colonisation : elle s’occupait de rendre la justice, gérait les questions foncières et l’administration coloniale sollicitait souvent son concours dans le règlement des questions économiques et sociales. Très respectée, elle faisait régner l’ordre dans sa localité. Dans de nombreuses groupes ethniques de la Cuvette, les femmes étaient depuis bien longtemps dépositaires de grands secrets qu’elles ne livraient pas au public, sauf en cas de menace d’intérêts majeurs en jeu. Lorsque, par exemple, des esclaves introduits dans des familles voulaient s’arroger les droits des héritiers, c’était encore les femmes qui, avec beaucoup de finesse, passaient par les magistrats locaux (twere) pour informer la communauté villageoise sur les origines véritables des uns et des autres afin de permettre aux « kani » de mettre fin à l’usurpation. Mais, pour des raisons de cohésion sociale et de protection de l’unité au sein de leurs communautés, les principes établis n’autorisaient pas l’humiliation ni des condamnations péremptoires des infortunés en public. Cette sagesse était transmise aux hommes par les femmes, soucieuses de préserver la dignité humaine car « un homme blessé et humilié était un fauve en liberté, capable de tout », affirmaient les femmes. Il est aussi important de signaler que dans ces groupes ethniques de la Cuvette congolaise (Mbosi, Koyo, Akwa, Ngare, Mboko, Ngare, Likuba, Likwala…, l’otwere, c'est-à- 343 -

dire le pouvoir de régler les conflits était à l’origine une affaire de femmes qui avaient la responsabilité de gérer, en relation directe avec le kani, les conflits et de rechercher l’apaisement social. Elles le faisaient si discrètement et si bien qu’elles s’étaient imposées et, très souvent, on recherchait leurs compétences dans le règlement des conflits et des réconciliations entre les familles, individuellement ou collectivement. Alors les hommes, jaloux de cet immense pouvoir détenu par les femmes, mirent tout en œuvre pour le récupérer et établir leur domination. Ils mirent en place des mécanismes pour s’entremettre dans l’espace « lorgné » pour en prendre le contrôle. Dans le cas d’otwere, ce sont les « twere » (assesseurs du kani, chef couronné dans la Cuvette congolaise) qui ont pris subtilement la place des femmes afin de régenter tous les protocoles et déroulements des affaires jusqu’à effacement total des femmes de cette sphère. Aujourd’hui, dans ces sociétés de la cuvette congolaise, les femmes d’un certain âge - grand-mères, tantes, mères assistent à la palabre à proximité du lieu des délibérations, sans prise de parole. Mais en cas de blocage, on suspend les séances de travail pour aller solliciter la médiation féminine, qui passe par les hommes, à différents titres. Le kani qui ne prenait pas ses repas avec les hommes de la communauté dans les « kanza » ou « olèbè » (lieux de rencontres masculines) attendait d’être informé sur toute la vie du village par son épouse ou une des épouses (dans le cas d’un mariage polygame). Cette épouse détenait un pouvoir d’information très important dès lors que le kani dépendait de son épouse pour un exercice efficient de ses fonctions de chef, notamment dans le processus décisionnel.

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 Pouvoirs et rôles économiques Au plan économique, la femme était écrasée par ses multiples rôles : épouse, mère, agent économique et social. Ce fardeau la fatiguait et contribuait à son vieillissement prématuré. Son environnement, (sans infrastructures appropriées) la fragilisait davantage. La pénibilité de son travail agro pastoral était son lot quotidien. Sur sollicitée par les corvées d’eau, de collecte de bois, d’entretien de la famille, par les longues marches et par les maternités successives, elle subissait, en outre, de nombreuses inégalités résultant d’une société construite sur la prééminence de l’homme. La perception traditionnelle du statut de la femme la condamnait à une injustice criarde qui devenait une menace pour elle qui était la pierre angulaire de la cellule familiale. Cependant, lorsque du matin au soir, la femme est courbée pour bêcher et biner son champ, l’entretenir et y faire pousser les produits dont elle a besoin pour nourrir sa famille, nul doute ne peut exister sur ses compétences d’ingénieur agricole. Qui mieux qu’elle peut évoquer les questions de cycle et de calendrier agricoles, de fertilité des sols et des différentes sortes de techniques pour les amender ? Qui mieux qu’elle maîtrise les différentes techniques de transformation et de conservation des excédents agricoles, de fumage de poisson, de chenilles et de champignons ? Qui mieux qu’elle peut dénouer les conflits et les querelles entre clans et se poser en juge et conseillère des chefs sur les droits des lignages dont elle avait une parfaite connaissance ? Les soins tous azimuts quotidiens qu’elle apportait sans discontinuer aux enfants, aux vieilles femmes, aux personnes malades, aux orphelins du clan, à l’époux et aux hommes du clan, font sans cesse appel à une multiplicité de connaissances, - 345 -

à la pluridisciplinarité de son savoir-faire, de ses savoirs qui faisaient dire à Aloba, un homme considéré comme « philosophe » en pays mbosi de Boundji : Les femmes et l’énergie qui les animent sont à la base du monde. Elles sont comparables aux abeilles et aux fourmis… Si une famille est unie, à la base, il y a une femme sage. C’est en effet elle qui alimente le dialogue en ménage, favorise l’harmonie et la compréhension entre elle et l’époux, entre le père et les enfants. Elle est elle-même un lien entre sa famille et celle de son époux. La Bible parle de «la femme sage qui bâtit sa maison et de la femme insensée qui la met sens dessus dessous »198 L’exercice physique que lui imposaient ses activités agricoles, ne lui apportait-il pas en retour plus de santé ? Le constat est que bien souvent, les veuves sont plus nombreuses que les veufs ! Dans les Etats en plein processus de développement, il y a peut-être besoin d’hommes et de femmes attachés au travail, au travail assidu et durable, même si parfois sa pénibilité renvoie à la nécessité de la mécanisation des travaux. Ce qui d’ailleurs répond aux préoccupations actuelles de modernisation de l’agriculture dans tous ces processus. Au plan de l’économie domestique, il a déjà été démontré dans plusieurs études, le rôle capital joué par les femmes dans les communautés. Elles géraient presque tout, veillaient aux réserves dans les greniers, gardaient l’épargne familiale 198

Cf Proverbes 14, verset 1.

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constituée qui ne sortait qu’en cas de problèmes graves : maladies des enfants, acquisition des semences, paiement des amendes en cas de délits jugés (achat de poulet, de cabris), dans les affaires de sorcellerie, d’adultère, etc.  Pouvoirs et rôles socioculturels Au plan socioculturel, la femme apparaissait comme le pilier de la famille et, partant, de l’ensemble de la société. En effet, dans le processus de socialisation, ce sont les femmes qui assurent le rôle de la formation première de l’enfant « garçon et fille » jusqu’à 7 ans à peu près. C’est aussi pendant cette période délicate que l’enfant acquerrait les savoirs de base qui sont des éléments constitutifs de sa future personnalité, ainsi que les valeurs fondamentales d’amour, de solidarité, d’altruisme, de tolérance, de partage, de patience, de respect de l’autre, d’éthique, d’endurance, de compassion, de pardon, de la connaissance des dieux et des totems familiaux et de celle de l’Etre Supérieur. Les femmes lui transmettaient les codes sociaux et les valeurs qui sous-tendaient l’édifice social. Ce sont toutes ces valeurs et vertus qui fondaient l’homme dans ses relations avec l’univers et avec les autres humains que l’enfant apprenait très tôt auprès de sa mère et des autres femmes. Ces premières années s’avéraient déterminantes pour le futur adulte et le citoyen de demain. La femme créait les conditions d’une vie harmonieuse pour l’ensemble de la famille et de la communauté. Son action participait à leur équilibre. Toute comparaison faite, il convient de noter que c’est à la femme qu’est dévolue la délicate mission de transférer à des êtres fragiles des réalités complexes.

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A la fin de cette préparation initiale, la plus difficile et la plus subtile où sont sollicités connaissance et sagesse, amour, tendresse, tact, patience, psychologie et pédagogie de la femme, le jeune peut quitter sa mère pour rejoindre le groupe d’hommes adultes où commencera son éducation aux valeurs de puissance, de domination et de commandement, tandis qu’aux côtés de la mère et des autres femmes du clan, la jeune fille parachève sa formation sur ses futurs rôles d’épouse, de mère, de productrice et de gardienne des valeurs, ainsi que du façonnement de son esprit et de son raisonnement, en attendant le mariage. Même lorsqu’elle était admise dans la famille du futur époux, ce rôle d’apprentissage relevait de la belle famille ou des autres femmes du clan. La femme congolaise a reçu le meilleur qui la rapproche des choses spirituelles. On parle d’élévation de la femme qui aspire, dans son silence, dans son recueillement et son accablement, à la rencontre avec le divin. Elle sollicite sans cesse l’intervention des mannes des ancêtres, évoque toutes sortes de divinités familiales - les dieux lares - pour conjurer le mauvais sort et réussir sa mission. Elle est sublimée par l’homme. Le sait-il ? Ou feint-il de l’ignorer ? Alors, pourquoi tant de conspirations et de contradictions pour la placer en arrière-plan ? Pourquoi tant de tabous et d’interdits pour l’éloigner des postes où la reconnaissance de son pouvoir serait sans équivoque ? C’est la peur de se voir supplanté par une « adversaire » redoutable que l’homme s’est mis à tisser une série de stratégies pour écraser la femme et la soustraire du champ d’action, rejetant dans son égoïsme le partage du pouvoir. Il y a un proverbe chez les Mbosi qui dit : « A bâa dzaa oyourou afi la kéna ndzo ». Ce qui veut dire : « En présence des hommes, la femme ne peut se permettre de tuer le serpent ». C’est là une interdiction faite à la femme de prendre - 348 -

des initiatives pendant que les hommes sont présents. On sait fort bien que les longues heures de travail agricole, de cueillette, de pêche passées dans les plaines, savanes et forêts l’ont souvent exposée aux attaques de nombreux prédateurs auxquelles elle doit faire face. Pour jouer ces rôles multiples et délicats, les femmes ellesmêmes passaient par des processus initiatiques contraignants. Au Kouilou, les structures du « tchikumbi » et dans la Cuvette celles de « omenga » ne remplissaient pas un autre rôle que celui de préparer l’adolescente à la multitude de ces rôles. Ce sont les aînées qui recevaient cette responsabilité : grandsmères, tantes, grandes sœurs assuraient aux jeunes filles l’apprentissage des valeurs essentielles sur la préservation de l’harmonie dans le foyer et la paix dans la communauté. Les formatrices veillaient à faire acquérir à la jeune fille douceur et bonté, management des relations sexuelles, ces valeurs qui peuvent stabiliser la famille. A l’opposé, comparer une femme à un homme était péjoratif, considéré comme une injure. Très souvent, on impute l’échec de l’enfant, de l’adolescent, de la femme et de l’homme à sa mère, tandis que les réussites sont associées à l’image du père. Quelle responsabilité pour les femmes, et quel esprit retors des hommes ! L’ambigüité qui caractérise ainsi l’attitude de l’homme dans sa relation avec les femmes est frappante : d’un côté, il y a sublimation, de l’autre domination et mépris. Dans sa sagesse, la femme a dû souvent jouer le jeu avec l’homme en acceptant son infériorité pour privilégier et protéger la vie. L’ambivalence de cette question des pouvoirs des femmes peut simplement renvoyer à la nécessité de réconciliation et de restauration des relations harmonieuses entre les hommes et les femmes dans une approche de complémentarité. - 349 -

Mais, par quel processus les femmes ont-elles pu perdre leur « suprématie » sur les hommes ? 2- De la perte de la « position élevée » de la femme dans la société Dès lors, la question de la perte de la « position élevée » de la femme peut interpeller l’homme congolais. Elle peut s’examiner sous l’angle de l’intrusion de la colonisation et de l’évangélisation dans la vie des sociétés traditionnelles du Congo et de toutes sortes de techniques de récupération développées par les hommes pour reprendre à la femme son rôle dominant sur eux. Il n’y a qu’à voir le pouvoir de la femme dès l’origine (Eve et Adam) et celui de la mère qui donne la vie. Les contraintes imposées aux colonisateurs par les multiples activités découlant de leur installation, la création des infrastructures de base, même sommaires, exigeaient en permanence des personnes affranchies des tâches domestiques. En effet, le portage des produits, des bagages, et des marchandises accompagnant les missionnaires ou les administrateurs et agents coloniaux, la construction des maisons, des écoles et des églises, l’ouverture des forêts dans la perspective de construction des routes, des ponts, etc., nécessitaient une main d’œuvre disponible et forte. Les hommes étaient là, qui passaient beaucoup de leur temps dans les « kanza » ou les « mbongui », à discuter, à parler, à fumer et à boire. La puissance coloniale a donc sollicité cette force musculaire disponible. Nécessité obligeant, l’homme congolais a été instruit, il est devenu l’auxiliaire de l’administration coloniale et missionnaire. Sachant lire et écrire, il a commencé à expérimenter la « magie » représentée par le décryptage des signes et symboles de l’écriture. Et les femmes demeuraient dans - 350 -

la société indigène, vouées à la vie privée inhérente à ses fonctions naturelles, plutôt qu’aux affaires publiques . C’est ainsi qu’elles ne furent pas prises en compte dans l’implantation de l’administration coloniale. Ce qui a permis à l’homme de tirer gloire et fierté vis-à-vis de la femme demeurée inculte et ignorante. Dès lors, on peut imaginer toutes les stratégies échafaudées par l’homme pour reprendre à la femme sa suprématie, pour mieux l’opprimer. Du coup, cette pseudo reconnaissance de l’homme lui a permis de se revaloriser aux yeux de la société, renforçant ainsi sa domination sur la femme. En conséquence, l’homme s’est installé dans de fausses croyances sur sa supériorité à l’égard des femmes, alors que celles-ci, d’un point de vue des choses jugées nobles, celles qui élèvent à une plus grande dimension, sont placées audessus des hommes. Dans la division du travail, les hommes confient aux femmes les tâches subtiles liées à l’éducation et à la formation des enfants, les citoyens de demain dans leur partie éthique, spirituelle et morale. Si au plan physique on peut s’imposer par la force du muscle, il n’y a rien de plus beau que la finesse, la subtilité et la connaissance cognitive détenues par la femme. C’est là toute la différence entre l’homme et la femme. L’un ravalé au niveau de l’animalité avec sa force musculaire et l’autre élevée aux choses de l’esprit. Ce qui n’est pas dit et discerné sur la femme, c’est tout cela. Les choses ont été alors jugées par rapport à leur apparence. Dans les communautés congolaises, la femme est force de cohésion sociale et gardienne des liens communautaires. Souvent on entendait dire :

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Une femme qui a passé du temps dans un foyer, devient la sœur du mari, c'est-à-dire qu’elle est capable de connaître toute l’histoire de la famille de son mari et d’en témoigner, même devant les juridictions traditionnelles. Elle devient ainsi un membre à part entière de cette famille, surtout investie d’autorité. Cette position lui a permis de développer beaucoup d’autres qualités, dont : la mémoire, la rigueur d’analyse, l’écoute de l’autre, la recherche du dialogue et du consensus. La problématique de la femme dans l’histoire du Congo soulève des problèmes d’une grande complexité qui nécessitent des recherches complémentaires, selon les localités, car l’hétérogénéité des cas mérite des études spécifiques. Malgré la contribution significative qu’elles ont apportée au développement de leur société, les femmes du Congo ont subi de la part des hommes des injustices criardes. Sont-elles restées muettes face à l’attitude discriminatoire des hommes ? II-Causes du réveil des femmes pendant les périodes précoloniale et coloniale 1-Causes lointaines Du 18e au 20e siècle, les « bruits de bottes » des mouvements de revendications des femmes lors de leurs courageuses prises de position, notamment la marche des Parisiennes sur Versailles les 5 et 6 octobre 1789 pour exiger leur droit de vote, la révolte des ouvrières new-yorkaises en 1857 qui revendiquaient le droit au travail et les conditions de travail plus humaines, se sont répandus dans le monde entier.

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Le sort réservé à Olympe de Gouges passée à l’échafaud en 1793 pour avoir osé présenter un projet de « Déclaration sur les droits de la femme et de la citoyenne », la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » le 26 août 1789 par la France ; la déclaration de Clara Zet Kin sur le problème des femmes devant le Congrès fondateur de la Deuxième Internationale de Paris en 1889, l’apparition des idées révolutionnaires en Europe, les revendications pour la libération des peuples encore opprimés, ainsi que les luttes pour l’accession aux droits de l’homme et aux droits politiques, ont modifié de manière fondamentale la civilisation humaine. Toutes ces luttes courageuses ont abouti en 1910, à l’occasion du Folket Hus de Copenhague au Danemark, à la consécration de la Journée Internationale de la Femme le 8 mars, dont l’héroïne fut Clara Zet Kin, membre de l’Union Internationale Féminine. Plus récemment, les échos des deux guerres mondiales (1914-1918) et (1939-1945), de la guerre d’Indochine et de celle d’Algérie où certains de leurs parents, époux, frères ou oncles, étaient partis au loin pour défendre les prétendus idéaux de démocratie, d’unité et de paix proclamés par les puissances coloniales de l’époque et celles qui luttaient contre le communisme, leur parvenaient, certes, avec retard et déformés mais avec leur cortège de malheurs et cristallisaient les sentiments de révolte des femmes qui s’ancrèrent au plus profond de leur cœur. Les mouvements de revendications pour les indépendances nationales des femmes affiliées à l’Amicale de André Grénard Matsoua contre l’occupation coloniale ; la révolte qui éclata en 1928 en pays baya (Oubangui-Chari) et qui s’étendit jusqu’au Moyen-Congo dans les circonscriptions de la haute Sangha et du Bas-Oubangui provoquée par les populations insurgées (la - 353 -

guerre dite de kongo-wara), déterminées à chasser les Européens, à mettre fin au travail forcé, à l’impôt, aux brutalités et tracasseries des miliciens, connurent la participation active des femmes congolaises. Après la Seconde Guerre mondiale, quelques femmes d’Europe et d’Asie, ayant vécu directement ou indirectement les atrocités, les affres et les conséquences multiformes engendrées par cette terrible guerre, ont voulu crier non à ces atrocités. Elles se sont réunies en congrès le 1er décembre 1945 à Paris, pour créer la Fédération Démocratique Internationale des femmes. Ainsi naquit une nouvelle organisation ouverte à toutes les femmes du monde entier, conçue pour les unir autour d’un programme universel, posant la question féminine d’une manière nouvelle comme un tout unique, une entité inséparable de la lutte pour la démocratie et l’indépendance nationale, le progrès social et la paix universelle. Ce fut le point culminant de la lutte des femmes du monde pour l’intégration de la femme à la vie politique, économique, sociale et culturelle, en vue de la reconnaissance de sa dignité en tant que mère, travailleuse et citoyenne. Des Africaines avaient pris part à ce congrès et les informations se répandirent partout, y compris au Congo. 2-Causes immédiates L’agitation fébrile qui gagna l’Afrique noire francophone dans sa quête vers la souveraineté nationale sur un fond de crise ayant pour pères Nkwamé Nkrumah, Sékou Touré, Félix Houphouët Boigny, Modibo Keita, Barthélemy Boganda, Patrice Lumumba, Jean Félix Tchicaya, Jacques Opangault, et les exactions des colons lors de leur implantation en Afrique, et au Congo, a influencé les femmes congolaises des villes de Pointe Noire et Brazzaville, dont certaines ont timidement commencé à - 354 -

s’organiser, comme une réplique à leurs frères qui continuaient à les marginaliser et à les traiter comme des mineures, dans le même temps où ils réclamaient haut et fort l’indépendance nationale des colonisateurs et n’hésitaient pas à associer les femmes à toutes les révoltes menées. Ces nouvelles venant du Congo et des contrées lointaines, se répandaient comme une traînée de poudre. Elles parvenaient aux colonisateurs et aux missionnaires qui les commentaient entre eux dans leurs cercles. Les interprètes, les domestiques ainsi que tous les relais et auxiliaires de l’administration coloniale ramenaient dans leurs familles, les informations qu’ils captaient des discussions de leurs maîtres. Ce bouillonnement a provoqué une réelle prise de conscience au sein des femmes qui s’organisèrent en associations à caractère socioculturel d’abord et, plus tard, en associations politiques.  Naissance des associations à caractère socioculturel Ainsi donc, sont nées à partir de 1948, des associations d’entraide et de solidarité où de braves femmes, de niveau moyen ou analphabètes, incapables d’intervenir dans les débats en cours, ont commencé à affirmer leur personnalité de manière différente, en tant qu’ « existentialistes ». Ces associations intervenaient financièrement en cas de maladie, de décès, de retrait de deuil et des fêtes d’anniversaires d’un membre à travers des ristournes qu’elles avaient créées et qui leur assuraient une réelle autonomie vis-à-vis des hommes. Il s’agit, à Brazzaville, notamment de : -La Violette, présidée par Assitou Lombolo, Georgine Saba et Georgine Faignond ; -La Pose, présidée par Anne Marie Tombo et Elise Mapela ; - 355 -

-La Rosette, présidée par Anne Marie Ngala, mais créée par la célèbre chanteuse Joséphine Mboale, affectueusement appelée Joséphine Bijou, qui s’était distinguée par ses chansons « révolutionnaires » à l’ère du MNR ; -La Lune, présidée par Rosalie Nde ; -L’Etoile de mer, créée et présidée par Félicité Safouesse. Paradoxalement, la volonté d’affirmation de leur personnalité se trouva entravée par la présence de certains hommes qui prirent la direction de ces associations. Pourtant, dans la même période, on pouvait noter l’existence d’un groupe de femmes instruites qui auraient dû être sollicitées pour conduire la destinée de ces associations. A partir de 1952, d’autres femmes se retrouvèrent dans le cadre des fraternités religieuses, à savoir : Sainte Rita, Sainte Thérèse, Saint Joseph, Les femmes de l’Armée du Salut, Les femmes Kimbanguistes, etc.… Les femmes leaders d’associations socio culturelles, malgré leurs limites intellectuelles, ont su mobiliser autour d’elles, de nombreuses adhérentes, sur la base d’objectifs précis. Certaines d’entre elles, encore vivantes, telle que Mâ Nono, affectueusement appelée « Café Nono » du nom de son bardancing (mais de son vrai nom Bankaites Noéllie), continuent de prendre jusqu’à ce jour une part active aux activités organisées par le Ministère de la Promotion de la Femme, comme de véritables icônes. Certaines de ces associations existent encore aujourd’hui, renouvelées dans leurs effectifs du fait des décès et du vieillissement des « Mères fondatrices ». Leurs activités sont tournées vers le secteur économique, où, tant bien que mal, ces braves femmes résistent à l’épreuve du temps.

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La grande prestance et la forte personnalité qui distinguaient ces femmes ont suscité auprès de leurs filles une ambition qui les a poussé à s’organiser dans des associations, sous différentes appellations, telles que : les « 12 balles », la « Femme », etc.… L’affirmation de leur personnalité et de leur indépendance vis-à-vis des hommes de leur époque (les années 1950-1960 notamment), les nombreuses initiatives qu’elles prirent en organisant tous les week-end des activités culturelles (soirées dansantes) dans les bars dancing célèbres de Brazzaville (Faignond, Mon pays, MACEDO, Pigalle, Cabane Bantou, La Flottille, etc.) qui mobilisaient toute une jeunesse emportée par ce mouvement ainsi qu’une population en quête de loisirs, attendant les fins de semaine pour se donner à « cœur joie » dans ces lieux de réjouissances, commencèrent à inquiéter les autorités administratives. En tant que puissance organisatrice de la société congolaise, ces autorités déploraient l’absence de motivation et l’inertie de l’élite féminine, bien qu’embryonnaire. Dans le même temps où leurs sœurs non alphabétisées débordaient d’une énergie qui malheureusement ne les valorisait pas toujours, ces femmes constituant l’élite féminine commencèrent aussi à s’éveiller. Aussi prirent-elles part à l’histoire et firent une partie de celle-ci, sans toujours l’écrire parce qu’à leur époque, l’instruction était une denrée rare. Cependant, quelques-unes d’entre elles, qui avaient « franchi le Rubicon », car ayant reçu cette précieuse denrée à l’époque du Moyen-Congo, prirent des initiatives louables. Elles animèrent, pour certaines, des émissions à la Radio de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F), publièrent des articles dans la Revue Liaison (organe d’expression des cercles culturels implantés à partir de 1948 à travers les quatre territoires de l’AEF) sur l’émancipation de la femme africaine. - 357 -

Félicité Jeanne Safou- Safouesse, Présidente de l’Association Etoile de mer, première présentatrice et productrice à Radio AEF, écrivait dans la Revue qu’elle avait créée « La congolaise dans la société ». Cet outil lui a permis d’informer l’opinion publique nationale sur les luttes menées par les femmes à travers le monde : Angola, Guinée Bissau, Mozambique, Afrique du Sud, Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud… Marie José Gouvéa, célèbre sous l’anthroponyme de MarieJosée Mathey, à la voix fluette, a rempli de joie les cœurs des Congolais et laissé un souvenir inoubliable dans la mémoire collective en tant que première journaliste aux dons exceptionnels. Mambou Aimée Gnali, l’intellectuelle rentrée de France avec une tête pleine et bien faite a écrit dans « Présence africaine ». Elle, la militante, l’intellectuelle formée techniquement et politiquement dans les universités françaises et dans les cercles des étudiants africains en France et dans la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) qui se battaient pour les Indépendances de l’Afrique et des Antilles, a marqué son époque. Ses prises de position tranchées à l’Assemblée Nationale (de 1963 à 1965) ont fait d’elle une femme de distinction qui refusait d’aliéner sa liberté. Hélène Bouboutou, première femme enseignante intégrée dans la Fonction Publique en 1940 est devenue la première universitaire congolaise (docteure) et Maître-assistante de Géographie en 1973 à l’Université de Brazzaville (débaptisée Université Marien Ngouabi depuis le 28 juillet 1977). Céline Claudette Yandza s’est distinguée comme une figure de proue en publiant dans la Revue Liaison plusieurs articles aux thèmes variés. Ses camarades de lutte de cette époque se souviennent d’elle comme une femme de grande conviction politique, caractérisée par un courage extraordinaire. Ses prises - 358 -

de position vigoureuses, son attachement aux idées progressistes, à l’émancipation politique nationale et des femmes, l’ont couronnée de succès. Arrêtée et condamnée sans jugement le 26 juin 1966 sous l’ère du MNR, elle purgea 25 mois de prison, à cause de ses opinions politiques. Céline Claudette Yandza l’infatigable, participait à la plupart des réunions politiques organisées au cours de cette période tumultueuse de la vie politique nationale (de 1963 à 1968). Tout en menant le combat politique pour le progrès social, Céline n’avait pas cessé d’améliorer ses connaissances malgré de grandes responsabilités familiales. L’institutrice avait préparé en République Démocratique d’Allemagne une licence et une maîtrise en sciences sociales. Elle avait réalisé un parcours politique riche : première femme Ambassadeur, première Présidente de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo (URFC) en 1965, première femme Commissaire Politique. Il est notable de mentionner ici que le 6 mars 1955, Céline Claudette Yandza anima une causerie-débat sur l’émancipation de la femme congolaise. Elle l’incitait à cette époque coloniale à s’inspirer de l’exemple de ses sœurs africaines et d’autres continents, engagées dans les luttes de libération et le combat pour l’indépendance nationale, telles que Jeanne Martin Cissé de la Guinée Conakry, de Caroline Diop du Sénégal, Awa Kéita du Mali, de Marie-Hélène Leboucheux de France et d’Eléonor Roosevelt d’Amérique, etc. Cette causerie débat fut le détonateur de l’action de l’élite féminine. Son exposé publié dans le n° 46 de la Revue Liaison suscita l’intérêt des françaises dont les époux assumaient des responsabilités importantes au Haut-Commissariat Général de l’AEF. Madame Chauvet, épouse du Haut-Commissaire général, face au développement du mouvement des « existentialistes » qui, à la longue, pervertissait les mœurs, s’en inquiéta et - 359 -

responsabilisa Madame Cabon, épouse du Secrétaire Général du Haut-Commissariat général de l’AEF à entreprendre des discussions avec l’élite congolaise en vue de sa sensibilisation, conscientisation et responsabilisation ainsi que de son implication dans la création d’associations à caractère politique, susceptibles de jouer un rôle important dans la société congolaise.  Naissance des associations à caractère politique C’est dans ces conditions qu’est née en 1959 au Congo (Brazzaville), une branche de l’Association des Femmes de l’Union Française (AFUF), sous la présidence de Madame Chauvet, avec pour objectifs essentiels : -l’émancipation et la promotion de la femme africaine ; -la revendication d’un code de famille africain ; -la défense des intérêts de la mère et de l’enfant ; -l’application du code du travail, la protection particulière de la femme salariée ; -l’acquisition de bonnes manières : savoir vivre, art ménager, coutume, broderie, cérémonie domestique, puériculture, etc. L’AFUF s’affilia très tôt au Conseil International des Femmes. Pendant cette période (1950-1955), d’autres femmes se retrouvèrent dans le cadre du Cercle Culturel de Poto-Poto. Céline Claudette Yandza, membre de ce cercle, en assurait la présidence avec un bureau ayant comme membres : Simone Aubert Ganga, Firmine Kailly, Antoinette Malalou, Odile Otouna. Il sied de signaler au passage que Céline Claudette Yandza, née Eckomband, avait reçu un bel héritage politique de son père Moïse Eckomband, brillant homme politique de la - 360 -

génération de Jacques Opangault, ancien Vice-président du Conseil de gouvernement du Moyen-Congo de 1957 à 1958. Par ailleurs, Céline Yandza avait bénéficié d’un excellent encadrement de son époux, Gérard Yandza, qui favorisa la promotion de son épouse d’une part, et de son mentor Antoine Létembet Ambilly, rédacteur en chef de la Revue Liaison et Président du Cercle Culturel de Poto-Poto d’autre part. Dans le même temps, Dominique Nzalakanda, Président du Cercle Culturel de Bacongo, s’occupait de l’encadrement de Firmine Kailly, élue Présidente des femmes de Bacongo. Firmine est une autre grande figure des militantes des premières heures de l’indépendance du Congo. A partir de 1960, d’autres associations politiques virent le jour. Il s’agit de : - l’Association des Femmes Africaines (AFA), créée en 1960 à Pointe-Noire par Romaine Poaty, avec comme Présidente d’honneur Marguerite Tchitchelle. Cette association était aussi affiliée au Conseil International des Femmes dont l’objectif principal était l’émancipation de la femme et sa participation au développement social, économique et culturel de la nation ; -l'Union pour l'Émancipation de la Femme Africaine (UEFA), créée en 1961, ayant pour objectif principal la prise de conscience de la femme pour le plein épanouissement de sa personnalité et de son autonomisation en vue de sa participation effective dans tous les domaines de la vie nationale. L’UEFA deviendra plus tard l’Union des Femmes du Congo (UFC). Parmi les femmes qui ont participé à l’activité politique naissante des années 1960, on peut citer : Antoinette Paka, Hélène Elende, Henriette Atemou (premières ouvrières à l’usine textile de Kinsoundi) ; Anne Paiton, Anne Fini, Françoise Mango, Pierrette Kombo, etc. - 361 -

En 1964, ces associations se regroupèrent pour constituer un front de lutte pour l’émancipation et les droits des femmes appelé « Union Nationale des Femmes du Congo » (UNFC) qui, à l’issue d’une grande Assemblée Générale, devint l’ « Union Démocratique des Femmes du Congo » (UDFC), présidée par Elisabeth Ngouémo. Au Congrès de mars 1965, l’UDFC devint « Union Révolutionnaire des Femmes du Congo » (URFC). Le Congrès constitutif portant création de l’URFC se tint du 3 au 5 mars 1965 après des travaux préparatoires intenses placés sous la présidence de Céline Yandza assistée d’Odile Tsonde, et Jeanne Dambendzet, respectivement 1ère et 2ème Secrétaires du Bureau préparatoire. L’URFC avait pour missions : -l’organisation, la mobilisation, l’éducation, l’encadrement politique des femmes en vue de leur participation effective au processus du développement national ; -la consolidation et l’intensification des liens d’amitié de solidarité avec toutes les femmes du monde éprises de paix et de justice en général, et en particulier avec les organisations féminines nationales, sous-régionales et internationales poursuivant les mêmes objectifs que l’URFC. A partir de 1976, l’URFC intégra les structures administratives dans lesquelles la femme siégeait à la Trilogie Déterminante qui statuait sur la vie des administrations ou des entreprises. Dans cet élan, quatre femmes ont réussi à créer des partis politiques. Il s’agit de : Julienne Berthe Doukoro Beguel (l’Union pour la Démocratie et le Développement du Congo U.D.D.C.-), Yvonne Ngolo-Lembe (Parti Républicain pour la Paix et le Développement - P.R.P.D-), Angèle Bandou (Parti Africain des Pauvres -P.A.D.-) et Claudine Munari - 362 -

(Mouvement pour l'Unité, la Solidarité et le Travail M.U.S.T.-) L’absence d’un cadre institutionnel gouvernemental pour l’orientation et la mise en œuvre d’une politique d’intégration de la femme au développement, avait amené l’URFC à exiger du Gouvernement la création d'un mécanisme gouvernemental, mais seule la Direction de l’Intégration de la Femme au Développement fut créée au Ministère du Plan en 1990. Plus tard, cette Direction sera érigée en Ministère Délégué chargé de l’Intégration de la Femme au Développement auprès de la Présidence de la République, placé sous la responsabilité de Marie Thérèse Avemeka. Ce ministère deviendra après la guerre de 1997, le Ministère de la Famille et de l’Intégration de la Femme au Développement, dirigé par Cécile Matingou. Il convient de signaler que la création d’un Ministère chargé de la Promotion de la Femme a été un long combat de l’URFC, particulièrement des Présidentes Joséphine Mountou Bayonne et Elise Thérèse Gamasssa qui, malgré de nombreuses oppositions, réussirent à faire triompher l’intérêt majeur des femmes. III- Evolution du statut de la femme pendant les 50 ans de l’Indépendance nationale 1-Au plan juridique Après la démarche d’élucidation des rôles, places et pouvoirs des femmes dans les sociétés précoloniale, coloniale et pré-indépendance, l’évolution de la femme congolaise pendant les cinquante ans de souveraineté nationale peut être appréciée ici aux plans juridique, politique et socioéconomique sous la mouvance d’une nouvelle approche, celle qui permet d’intégrer les changements découlant des combats que les aînées ont livrés contre les colonisateurs. - 363 -

Le statut personnel de la femme a enregistré en cinquante ans une évolution significative, consécutive aux nombreuses luttes menées par les femmes congolaises. L’on est passé de l’inégalité à l’égalité juridique constitutionnellement garantie.  De la Constitution Si la première Constitution du Congo indépendant présente une certaine ambigüité sur le statut de la femme, celles qui suivent reconnaissent toutes le principe de l’égalité des sexes, avec quelques nuances. Concernant la reconnaissance constitutionnelle de l’égalité des sexes dans la Constitution du 2 mars 1961, l’article premier, alinéa 2, dispose : « Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion ». L’article 4 dispose : « Le suffrage est universel, direct, égal et secret. Sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi, les nationaux congolais majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». La première Constitution du Congo indépendant ne reconnaît que l’égalité devant la loi des citoyens, c'est-à-dire des personnes qui participent à l’élection et à l’expression du suffrage. Mais elle ne reconnaît pas l’égalité de l’homme et de la femme en tant qu’individu. Or, en droit l’on ne peut assimiler le citoyen et l’individu. Et, cette égalité reconnue par l’article premier est relative, car l’article 4 ne confère à la femme que la qualité d’électeur et non l’éligibilité, c'est-à-dire la femme peut voter, mais elle ne peut être élue. C’est la Constitution du 8 décembre 1963 qui vient reconnaître l’égalité des sexes. Dans la Constitution du 8 décembre 1963, l’égalité absolue de l’homme et de la femme est affirmée.

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L’article premier alinéa 2 de la Constitution énonce : « Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion ». L’article premier alinéa 4 énonce : « Elle garantit à la femme des droits égaux à ceux de l’homme ». La Constitution du 8 décembre 1963 assure l’égalité absolue de l’homme et de la femme. Ce qui permet désormais à la femme d’être électrice et élue. Ce qui explique le fait que les premières femmes députés ne le furent qu’à partir de cette date. Elle est suivie en cela par la Constitution du 30 décembre 1969 (article 11 et article 13) et la Constitution du 24 juin 1973 (article 10 et 17). La Constitution du 24 juin 1973 proclame l’égalité dans la vie privée, politique et sociale. Elle innove en précisant que l’égalité de l’homme et de la femme intervient dans les domaines privé, politique et social. L’article 17 énonce : « La femme a les mêmes droits que l’homme dans les domaines de la vie privée, politique et sociale. Pour un travail égal, la femme a droit au même salaire que l’homme. Elle jouit du même droit en matière d’assurance sociale ». La Constitution du 8 juillet 1979 quant à elle, proclame l’égalité des sexes et la reconnaissance de la capacité juridique de la femme. Cette Constitution reconnaît l’égalité de tous les citoyens congolais en droit (article 11), la capacité juridique et politique de tous les citoyens congolais âgés de 18 ans qui prennent part aux élections et peuvent être élus dans les organes du pouvoir d’Etat (article 12). La Constitution du 20 janvier 2002 apparaît sur ce point comme un tournant décisif. En effet, l’article 8 de la - 365 -

Constitution du 20 janvier 2002 énonce le principe de l’égalité juridique de l’homme et de la femme. Cet article ne se contente pas d’une formule incantatoire, car il dispose en son alinéa 3 que le législateur a l’obligation de garantir et d’assurer au moyen d’une loi, la promotion de la femme et sa représentativité à toutes les fonctions politiques, électives et administratives. C’est notamment sur ce fondement qu’a été élaborée la loi n°21-2006 du 21 août 2006 sur les partis politiques dont l’article 8, alinéa 3, dispose : « Ils doivent garantir et assurer la promotion et la représentativité de la femme à toutes les fonctions politiques, électives et administratives ». C’est là le résultat d’un grand et long combat des femmes.  Du code électoral L’article 61, alinéa 3 nouveau, de la loi n°5-2007 du 25 mai 2007 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°9-2001 du 10décembre 2001 portant loi électorale, dispose : « La présentation de la candidature doit tenir compte de la représentativité des femmes à raison d’au moins 15% des candidatures ». Pendant la préparation du projet de cette nouvelle Constitution, la résistance des hommes, farouchement opposés à cette évolution, s’était heurtée à la détermination des femmes, leur ténacité et leur volonté inébranlables de voir changer les choses de manière irréversible. Sous les orientations pertinentes de la Ministre en charge de la promotion de la femme Jeanne Dambendzet qui suivait de près ce débat, les juristes femmes, membres de la commission constitutionnelle, Delphine Emmanuel Adouki, Jocelyne Milandou, Rebecca Oba Quionie et Okouo avaient veillé jusqu’à l’adoption finale du texte définitif avec l’article 8, - 366 -

comme le voulaient les femmes. La reconnaissance de l’égalité juridique de l’homme et de la femme n’implique pas automatiquement l’uniformité du régime juridique de l’homme et de la femme car des discriminations légales peuvent être instituées selon que la femme soit mariée ou non.  Du statut de la femme mariée : de l’incapacité à la capacité juridique Le statut de la femme mariée a enregistré durant cette période une évolution lente, en dents de scie. L’application du code napoléonien de 1804 dans les colonies produisit des conséquences directes sur la capacité juridique de la femme mariée199. Bien que l’incapacité de la femme mariée ait été abolie en Métropole en 1938, cette situation perdurait dans les colonies. L’ordonnance du 21 avril 1944 reconnaît le droit de vote aux femmes. Elles sont élues aux élections municipales des 29 et 31 mai 1945. 199

Extraits du code napoléonien : Article 213 – le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéir à son mari. Article 214 – La femme est obligée d’habiter avec son mari, et de le suivre partout où il juge nécessaire de résider… Article 215 - La femme ne peut ester en justice sans l’autorisation de son mari. Article 217 - La femme ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir à titre gratuit ou onéreux, sans le concours du mari dans l’acte, ou son consentement par écrit. Article 229 – Le mari pourra demander le divorce pour cause d’adultère de sa femme. Article 230 - La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari, lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison commune.

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L’incapacité de la femme mariée demeure la règle jusqu’à l’adoption du code de la famille en 1984 (Loi n°073/84 du 17/10/84). Aussi, pour tous les actes de la vie civile, la femme doit obtenir l’autorisation de son époux. La reconnaissance de la capacité juridique de la femme mariée apparaît donc comme une autre étape décisive dans la lente marche des femmes congolaises vers leur épanouissement. Elle lui permet désormais de poser des actes juridiques de manière indépendante (sous la seule réserve du régime matrimonial). En 1975, Agathe Mambou, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, se heurta à l’exigence de présenter une attestation de son mari pour la sortie du Congo, au moment d’aller participer au Congrès Mondial des femmes de 1975 à Berlin. Sa vive réaction permit de faire sauter cet écrou en 1976. Malgré un environnement général marqué du sceau de l’égalité juridique en matière de travail, d’éducation, de santé, certains îlots de résistances demeurent, à savoir : -l’inégalité en matière fiscale ; -l’inégalité en matière d’adultère ; -la prise en charge du ménage par le seul époux, etc… Une commission mise en place pour les réformes à mener travaille ce jour sous l’autorité du Ministère de la Justice. 2-Au plan économique et socio culturel La manifestation de l’engagement de la femme congolaise tout au long de ces 50 ans d’indépendance est grande. De la politique à l’armée, de la défense de la paix au syndicalisme, de l’appui à toutes les luttes de libération, de sa représentation dans les organisations sous-régionale, régionale et internationale (MULPOC, OPF, FDIF, RESEFAC), la femme

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congolaise s’est distinguée par sa participation active à de nombreux combats. 3-Au niveau de l’armée Les femmes congolaises ne sont pas restées en marge dans le processus de la défense de la révolution, donc de la Nation. En effet, dès les premières heures des « Trois Glorieuses Journées » ( 13-14-15 août 1963), journées de combat pour la vie, un puissant courant patriotique embrasa l’ensemble du peuple congolais. Ainsi, naquirent les premières unités populaires de défense armée de la révolution (CDR, Défense Civile) dans lesquelles les Congolaises adhérèrent en masse avec enthousiasme, faisant totalement leur, cette pensée de Lénine qui déclarait : « Qu’on ne peut pas être dans la société et vivre en dehors de la société ». Quelques figures de proue marquèrent cette époque. Il s’agit de Jeanne Nzambila, Sophie Dzokou, Adélaïde Mougany, Hélène Miayoka, etc. Cette implication est l’expression de la prise de conscience de la femme congolaise qui, éveillée par le processus de conscientisation mis en marche avec les revendications sociopolitiques de l’heure, comprit qu’aucun secteur ne devrait plus lui être interdit. L’histoire de la France lui renvoyait l’image de Jeanne d’Arc, cette jeune adolescente de 19 ans qui vainquit l’armée anglaise en 1429 à Orléans. De la résistance antifasciste soviétique, elle avait des informations relatives à l’héroïne Kosmandimianskaia qui posa des actes hautement militaires ayant porté des coups durs aux armées ennemies. D’Afrique de l’Ouest, lui parvint l’action courageuse des Amazones du Roi d’Abomey (Bénin, aujourd’hui). Du monde, ce sont des nouvelles des militantes des fronts nationaux de libération du Viêt-Nam, d’Algérie, de Chine, de Corée, d’Angola, du Mozambique, du Nicaragua, d’Afrique du Sud, de Rhodésie du Nord (Zambie) et du Sud (Zimbabwe) etc. qui - 369 -

viennent attiser le feu de la révolte. Et plus tard, les femmes revendiquent leur intégration dans l’armée, brisent les barrières et investissent un domaine qui était réservé aux hommes. L’ouverture de l’armée aux congolaises en 1974 mérite d’être inscrite en lettres d’or, à l’actif de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo (URFC) qui avait constamment proclamé que les femmes congolaises pouvaient aussi intégrer les Forces Armées Congolaises (FAC), malgré de grandes oppositions. A l’issue du premier colloque de l’armée tenu en juillet 1974, une recommandation sur le recrutement de la femme dans l’armée populaire nationale fut adoptée. C’est le 11 décembre 1974 qu’un recrutement général intégra la femme dans l’armée nationale. Près de 40 ans après, en 2010, on peut constater que la congolaise a bien intégré la force publique. On trouve dans l’armée, dans la Police, dans la gendarmerie des femmes officiers et sous-officiers. Il s’agit notamment de : Colonel Georgine Bendiama, Colonel Delhot Magnongou, Colonel Emilienne Oya, Béatrice Ngondou, première femme capitaine dans l’armée congolaise. Il faut signaler qu’au début des années de leur intégration, certaines ont payé le prix dans leur vie conjugale ; les époux n’acceptaient pas toujours l’engagement de leurs conjointes. A cet égard, à l’occasion de la célébration des 50 ans de l’Indépendance du Congo, des femmes, premières parachutistes, devraient recevoir l’hommage de la République. Il s’agit notamment des sœurs jumelles Micheline et Victoire Golengo dont on se souvient du saut de para exécuté en 1964.

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4-Au plan de la sécurité et de la paix Au cours de ces 50 ans d’indépendance, particulièrement dans la période de la démocratisation de la nation congolaise 1990 à 2010 - certaines femmes ont souvent initié de puissantes actions à haut risque visant la prévention et le maintien de la paix, élaboré des stratégies politiques, infiltrant les groupes adverses, recherchant le dialogue avec les adversaires politiques et engageant des actions secrètes de grand courage en vue du retour des institutions démocratiques sur la scène politique. Elles n’ont pas été en reste dans la gestion des conflits, ont intégré des mécanismes institutionnels pour assurer le suivi des accords de paix. Des prises de positions tranchées aux déclarations de soutien au Parti (MNR-PCT) pendant la « période révolutionnaire » lorsque la révolution était menacée (19681990) ; des marches pacifiques exigeant l’arrêt des assassinats par la force publique (1993-1996), leur contribution est inestimable. Des femmes comme Joséphine Mountou Bayonne, Julienne Berthe Doukoro-Beguel, Jacqueline Mamoni, Jeanne Dambendzet, Louise Kanga, Scholastique Dianzinga, Monique Okaka Yoka, Emilienne Lekoundzou, Emilienne Botaka, Anne Bitsindou, Adélaïde Moundele-Ngolo, Emilienne Raoul, Hélène Nanitelamio, Elise Thérèse Gamassa, Jeanne Yandza, Antoinette Kebi, Jeanne Françoise Leckomba Loumeto Pombo, Antoinette Paka, Ida Victorine Ngampolo et Yvonne Lembe Ngolo ont réalisé des exploits dans l’ombre pour éviter la « balkanisation » du Congo. Toutes ces autres femmes, anonymes, qui se sont levées à l’intérieur du pays comme au centre contre leurs propres partis, pour éviter tantôt leur éclatement, tantôt pour défendre la vie, se désolidarisant de leurs Etats-Majors qui fourbissaient - 371 -

des armes contre leurs frères et sœurs, au risque de leur propre vie, sont innombrables. En 1968, à l’annonce de l’arrestation du Capitaine Marien Ngouabi et du Lieutenant Gaston Eyabo, les femmes, très tôt le matin du 31 juillet, sous la conduite de Alice Badiangana (membre du Mouvement national de la révolution (MNR) et grande figure du mouvement féminin congolais) se sont retrouvées en concertation et ont décidé de rallier le « mouvement » constitué en vue d’aller libérer les deux officiers, en scandant les slogans suivants : « Nous ne voulons pas de sang au Congo, nous voulons la paix ! Libérez le Capitaine Marien Ngouabi et le Lieutenant Gaston Eyabo ». Malheureusement, au moment de la rédaction de la motion de contestation, certaines femmes, privilégiant les considérations tribales, ont fait éclater leur unité au sein du « mouvement insurrectionnel ». Alice Badiangana et Céline Yandza, connues pour leurs idées révolutionnaires et communistes, se sont encore distinguées cette fois-là par leur courage et détermination. Comme Céline Yandza, Alice Badiangana avait fait quelques mois de prison en 1958 pour ses idées marxistes. Toujours dans le cadre de la sauvegarde de la paix, lorsque dans les années 1990, souffle le vent de la « démocratie pluraliste », avec pour conséquences immédiates des conflits internes, la voix des femmes s’est élevée pour attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale à travers des déclarations, interpellations, appels, points de presse, meetings, marches, cultes, tribunes radio télévisées, etc. Ces actions déployées en amont pour le maintien de la paix assurèrent en aval la prévention des conflits. On peut retenir quelques actions : - 372 -

 au niveau des interpellations : - l’interpellation des parties belligérantes le 15 décembre 1993 lors du Forum national de la Femme (Appel du 15 décembre) ; - les interpellations de la Médiation Nationale sise à Brazzaville en 1997 ; - les interpellations publiques des leaders politiques sur le fait d’avoir armé les enfants ; - le lancement d’un S.O.S. à la Médiation Internationale de Libreville pour venir en aide Congo (1997) ; - l’interpellation des Chefs d’Etats africains et de l’OUA 1997 ; - l’interpellation de toutes les femmes congolaises à Brazzaville sur leur rôle et leur responsabilité pendant la guerre civile de 1997 ; - les interpellations des leaders d’opinion tous azimuts pour qu’ils mettent tout en œuvre afin d’obtenir le cessez-lefeu, le rétablissement de la circulation par la levée des barricades érigées dans les zones de conflits ainsi que la reprise du trafic ferroviaire souvent interrompu ; - l’interpellation des autorités par le Comité Régional de Concertation des ONGs et Associations Féminines du Kouilou (CERCOF).  au niveau des marches pour la paix : - la marche pacifique organisée par les « mamans catholiques » à l’issue de la Conférence Nationale (mai 1991) ; - le 22 décembre 1993, bravant toutes les forces, ces femmes ont organisé une marche à travers les rues de la villecapitale jusqu’au Palais présidentiel pour la remise d’un message de paix où les femmes ont dit, à genoux : « PLUS JAMAIS ÇA ! »;

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- la marche des « mamans catholiques », le 24 décembre 1993, avec pour point de convergence le Palais présidentiel où elles ont revendiqué le droit, le respect et la protection de la vie ; - la marche mondiale des femmes en mai 2000 à Brazzaville d’abord, à New York puis à Washington (septembre- octobre 2000). C’était une marche pour l’espoir, l’égalité, la paix et la démocratie. Une marche pour le respect de leur intégrité physique et mentale. La femme congolaise s’engageait auprès des autres femmes pour protester contre la violence faite aux femmes. Leur slogan : « la Congolaise dit : NON à la pauvreté et à la violence à partir de l’an 2000 ». 5-Au plan syndical Le mouvement syndical congolais comprenait à la veille de l’Indépendance trois centrales : la Confédération Générale du Travail (CGT) d’obédience communiste, la Confédération Africaine des Travailleurs Croyants (CATC) d’inspiration chrétienne, la Confédération Congolaise des Syndicats Libres (CCSL), réformiste et la Fédération Autonome Postale (FAP). Il ouvrit ses portes aux femmes congolaises dès les premières années de l’indépendance. C’est le cas notamment de Yvonne Félix Tchicaya, jeune enseignante et Directrice de la célèbre école ménagère de Poto-Poto. Elle joua un rôle décisif dans la défense des droits des travailleurs. Elle sera suivie de : Clémentine Ndembo (de la Fédération de la Santé), Angélique Kouka, Henriette Diatoulou, Angélique Kouamala, Jeannette Ganga-Zanzou, Isabelle Niangou, Louise Dzia-Lefoundzou, Valérie Ossie et Firmine Kailly, toutes responsables au niveau national. Au niveau intermédiaire, Marie-Louise Dambendzet, grande journaliste et chef du Mouvement National des Pionniers à l’école Saint-Vincent de Poto-Poto, occupa de nombreux postes au niveau du syndicat. Aujourd’hui, elle - 374 -

représente les femmes au niveau du « Réseau des Femmes d’Afrique Centrale » (RESEFAC). 6-au plan du sport Le Forum des femmes tenu du 28 au 31 juillet 2010 a permis de faire le bilan de la pratique du sport par la femme congolaise depuis l’indépendance nationale. Les femmes du Congo, comme dans les autres secteurs de la vie nationale, n’ont pas ignoré la pratique du sport. Avant l’indépendance de notre pays en 1960, la pratique de l’éducation physique et du sport était réservée à une élite. Plus tard il y a eu des regroupements sectoriels dans les quartiers qui sollicitaient les jeunes pour des compétitions (mwana football) en ce qui concerne les garçons. Les jeunes filles s’adonnaient au ndzango traditionnel, à la marelle etc.….Néanmoins, quelques enseignants faisaient faire quelques exercices physiques à leurs élèves du sexe masculin, notamment, sous forme de gymnastique appelée « mouvements d’ensemble ». A compter de 1960 la pratique de l’éducation physique et du sport dans les établissements scolaires avec la participation des élèves des deux sexes, a été favorisée par l’arrivée de 20 moniteurs dont 5 femmes, parmi lesquelles on peut citer Mme Marcelline Ovaga, formées en éducation physique sortis de l’Action de Rénovation Rurale (ARR) et de 8 coopérants français spécialistes en éducation physique et sportive. Au fil des années, les enseignants d’EPS français ont été remplacés par les nationaux et, à partir de 1968, nous avons eu les premières enseignantes d’EPS formées à l’extérieur du pays plus précisément en Tunisie, à savoir : Simone Nkakou Moundziala, Berthe Maleka , Anne-Marie Taba-Goma Niemet, Alexandrine Mbounou Balendet Bokouabela Saby et Françoise Mahoungou Tsathy. - 375 -

Le besoin en formation des cadres se faisant de plus en plus sentir, le Gouvernement décida d’ouvrir l’Institut National des Sports (INS) en 1971 et l’Institut Supérieur d’Education Physique et Sportive (ISEPS) en 1975. Cela avait favorisé l’intéressement de la jeune fille congolaise à intégrer ce corps de professionnels de l’éducation physique et des sports. Signalons que la plupart de ces dames ne se sont pas arrêtées à la formation initiale ; elles ont accédé à la formation supérieure pour devenir cadre de maîtrise. Le département des sports compte actuellement : 20 inspectrices d’EPS ; 49 professeurs certifiés d’EPS ; 56 professeurs adjoints d’EPS; 30 conseillers pédagogiques d’EPS sorties de l’ISEPS; 15 inspectrices de sports ; 6 conseillères de sports ; 100 maîtresses d’EPS sorties de l’INJS (auparavant INS). L’Office National du Sport Scolaire et Universitaire (ONSSU), quant à lui, est l’organe qui a favorisé l’éclosion du sport en milieu féminin. L’organisation des championnats dans les régions, a favorisé l’engouement de la jeune fille à intégrer les équipes de leur établissement. L’arrivée des nouvelles enseignantes sur le terrain a fait de l’Association Sportive Scolaire (ASS) un lieu de leur stimulation. Les après- midi du jeudi étaient réservés aux entraînements sportifs et la contribution des chefs d’établissements donnait de la valeur à l’activité pour l’honneur de l’établissement. Les championnats nationaux qui se tenaient tantôt à Brazzaville, tantôt à PointeNoire permettaient un brassage des élèves de toute la République. On a vu des établissements uniquement de filles émerger tels que le Collège d’Enseignement général AnneMarie Javouhey et le Collège Normal de Mouyondzi. De 1968 à 1969, l’organisation des semaines culturelles a permis de découvrir des équipes avec des joueuses féminines, notamment l’équipe de hand-ball de Fort Rousset (Owando actuellement).

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Concernant la participation aux différents jeux continentaux et internationaux en athlétisme, la jeune fille congolaise a fait sa première participation continentale en 1964 avec l’athlétisme à la Coupe des tropiques à Yaoundé au Cameroun. L’équipe de relais 4 x 100 dames était composée de Charlotte Dandou, Yvonne Loufoua, Simone Maleka et Lucienne Galiba. Ces jeunes filles avaient remporté la médaille d’or. Pour la petite histoire, à cause de la bonne prestation de la délégation congolaise, le Conseil Supérieur du Sport Africain (CSSA) avait décidé de la construction du Stade omnisports qui devait abriter en 1965 les Premiers jeux africains à Brazzaville. Lors des 1ers jeux africains de 1965 à Brazzaville, la jeune fille congolaise n’était présente qu’aux épreuves d’athlétisme, avec comme tête d’affiche Lucienne Galiba au 100 mètres. Aux Jeux olympiques de 1976, à Montréal au Canada, les Congolaises étaient présentes avec la sprinteuse Brigitte Baegne ; à ceux de 1984, Françoise Mpika a participé aux quarts de finale du 200 mètres aux Jeux Olympiques de Los Angeles aux Etats-Unis d’Amérique. En hand-ball, le palmarès de la femme congolaise est élogieux : - en 1972, l’équipe nationale créée en 1970, participa aux éliminatoires des Deuxièmes jeux d’Afrique centrale à Brazzaville et occupa la première place ;  en 1976, les Diables Rouges dames participèrent à la Coupe d’Afrique des nations à Alger, et se classèrent 2èmes sur 8 équipes nationales ; aux 1ers jeux d’Afrique Centrale au Gabon, elles remportèrent la médaille d’or ;  en 1977, elles participèrent à la Coupe du monde junior en Roumanie, et se classèrent 12èmes sur 16 équipes ;

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 en 1978, elles se classèrent 2ème aux 2èmes championnats d’Afrique des nations au Cameroun ;  en 1979, elles se classèrent 1ère à la première édition de la Coupe Marien Ngouabi à Brazzaville ;  en 1980, leur participation aux Jeux Olympiques de Moscou fut nulle ;  en 1981, elles remportèrent la deuxième édition de la coupe Marien Ngouabi à Tunis ;  en1983, elles remportèrent la troisième édition de la coupe Marien Ngouabi au Caire en Egypte, et gardèrent définitivement le trophée ;  en 1985, elles occupèrent la première place à la coupe des Nations Challenge Agosthino Neto en Angola ;  en 1987, elles se classèrent 2èmes à la Coupe d’Afrique des Nations à Brazzaville. Les basketteuses n’ont pas connu la même évolution que les handballeuses. Mais elles ont participé à quelques compétitions à l’extérieur, notamment à Libreville en 1976 et à Luanda en 1981, dans le cadre de la coupe d’Afrique Centrale. Le football féminin n’a pris de l’ampleur dans notre pays qu’à partir de 1990. Actuellement, on compte 12 équipes (à Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie) pour un effectif de 270 joueuses. L’équipe nationale de football féminin a fait sa première sortie internationale en 2004 lors des matches éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations à Libreville. Depuis, elle n’arrive pas à franchir le cap des éliminatoires des différentes compétitions continentales.

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7-au plan de la gestion associative Le 26 juin 1966, la Présidente Nationale de l’URFC, Céline Claudette Yandza ayant été arrêtée, incarcérée et jetée en prison sans jugement, l’URFC fut confiée momentanément à la Georgette Bouanga Taty jusqu’au Congrès ordinaire de l’Organisation en 1971 qui porta Joséphine Bouanga à la tête de l’Union. En bon révolutionnaire, le Président Marien Ngouabi tenait à l’émancipation des femmes et, pour les encourager, il assistait souvent aux sessions du Conseil Central et se rendit compte du « décalage idéologique » existant entre le Parti et l’Union. Pour le Parti, l’ennemi n°1 du peuple congolais était l’impérialisme international, français, en particulier. Pour les femmes, leur ennemi n°1 était l’homme. Cette divergence fut à l’origine de la destitution de Joséphine Bouanga. On peut se poser aujourd’hui la question suivante : l’analyse des femmes était-elle fausse ? Des décennies plus tard, la femme congolaise se retrouve toujours face à l’homme congolais. Les élections législatives organisées en 2002, en 2007 ont mis les femmes aux prises avec les camarades de leurs partis. Chaque fois qu’il s’est agi d’inscrire les femmes sur les listes électorales des Conseils départementaux, les Etats-majors des partis, très subtilement, les ont portées à la fin de chaque liste, garantissant ainsi leur échec lors des élections. Que de combats ! Que d’opposition pour leur nomination à différents postes ! Et pourtant, leur présence dans les sphères de décisions influencerait certainement de manière positive la vie de la Nation en raison de leur sens élevé de la protection de la vie qu’elles donnent. Joséphine Mountou Bayonne, une « cacique » du Parti congolais du travail (PCT), Présidente de l’URFC de 1973 à - 379 -

1979, a marqué son époque par son courage, sa ténacité et sa fidélité à son Parti. Femme aux grandes convictions politiques, elle a su affronter toutes les oppositions internes suscitées contre elle au sein de l’Union, particulièrement contre sa volonté d’élargir la base de l’URFC en y injectant du sang nouveau au Conseil Central de 1976 qui a vu arriver des cadres féminins de haut niveau. Sa décision d’inscrire quelques noms de cette génération nouvelle de jeunes femmes « expertes et rouges » sur la liste de la délégation congolaise au Congrès Mondial des femmes à Berlin (RDA) en octobre 1975, lui a valu des attaques virulentes des « anciennes », qui affublaient les nouvelles d’appellations inamicales : « les intruses », « les bics molayi ». Son courage est encore passé à l’épreuve du feu en février 2007, à l’occasion de la deuxième session extraordinaire du Comité Central du PCT, en pleine crise entre conservateurs et refondateurs. Membre du Bureau Politique, membre de la Commission Nationale de Contrôle et de Vérification (CNCV) du Parti, elle refusa de signer le rapport de la CNCV, ce qui aurait permis de valider quinze ans d’inactivité du Parti. Ce refus courageux sauva le Parti. Ida Victorine Ngampolo (très jeune, 23 ans), prit part à la Conférence des Femmes Africaines (CFA) en 1964 à Zanzibar. Celle-ci devint l'Organisation Panafricaine des Femmes (OPF) en 1968 à Alger, qui fut l'unique instrument de lutte pour la libération politique du continent africain et pour l’indépendance nationale des pays qui n’avaient pas encore accédé à la souveraineté nationale, jusqu’en 1980. Successivement, les Congolaises occupèrent des postes à l’OPF dont le siège était basé à Alger (Algérie) jusqu’en 1981. Il s’agit de Victorine Okotaka-Ebale, Ida Victorine Ngampolo, Romaine Ekouya Poaty. - 380 -

A la Fédération Démocratique Internationale des Femmes (FDIF), (Berlin, 1977-1984), à l’UNESCO à Paris (19801992), d’autres femmes représentèrent l’URFC respectivement comme Déléguées de l’URFC auprès de la FDIF et Représentantes de la FDIF auprès de l’UNESCO. Dans ces institutions, le dynamisme de la femme congolaise lui a permis de s’assurer une visibilité réelle au niveau international. Jeanne Dambendzet, Marie-Josée Mathey, Marie-Thérèse Avéméka et Victorine Engobo, pendant cette longue période (1977-1992), réalisèrent un travail remarquable qui valut à la Congolaise une reconnaissance des autres organisations féminines. En novembre 1999 et en mars 2002, le Congo a été élu tour à tour à la 6ème Conférence Régionale des Femmes Africaines (Addis Abeba) pour un mandat de 5 ans et à la Présidence de la Commission de la Femme des Nations-Unies à New York pour une durée de 4 ans. Au Gouvernement, au Parlement, dans les institutions constitutionnelles, dans les administrations publiques, dans l’armée, dans le secteur privé, dans les Organisations Non Gouvernementales, dans les associations, dans la société civile, dans les entreprises, dans les marchés, bref, les femmes menèrent un rude combat, avec efficacité, pour relever les défis du développement tout en apportant la preuve de leurs compétences dans un environnement marqué par l’âpreté, les intrigues et des oppositions profondes. IV- Atouts de la femme congolaise dans son combat pour plus de liberté et vers la parité Les 50 ans de l’indépendance nationale ont pu, à cet égard, être témoin de la combattivité des femmes, laquelle leur a permis d’obtenir et souvent d’arracher des victoires importantes ayant fait évoluer leur statut dans la société. Il faut souligner que les femmes - 381 -

tentent en réalité de se réapproprier ce que les hommes leur ont « volé ». Ils se sont progressivement arrogé tous les pouvoirs que la femme détenait. Même la maternité qui restait le dernier bastion de sa puissance a été investie par les hommes. La désacralisation de l’arrivée de l’enfant au monde, tout le mystère qui l’entourait est tombée dès l’instant où les hommes ont été appelés à participer à ce processus à différents niveaux en tant que maris (pères, médecins, spécialistes, gynécologues et obstétriciens, etc.). Mais dans cette marche ascendante vers plus de liberté et de responsabilités, il convient de souligner l’inestimable atout dont les femmes ont bénéficié, sans lequel leur situation n’aurait pas connu une évolution si fulgurante, notamment au plan constitutionnel depuis 1963. L’appui inconditionnel de quelques hommes d’Etat et chefs de partis a été décisif dans cette lutte des femmes, dans la rapide évolution constitutionnelle du statut de la femme. L’un d’entre eux s’est particulièrement distingué par un soutien plus fort. Il s’agit de Denis Sassou Nguesso. Dans son discours à l’occasion de la célébration du 20ème anniversaire de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo, en 1985, il déclara : Ces luttes et les leçons fondamentales du mouvement révolutionnaire attestent que l’émancipation de la femme est nécessairement une composante du combat multiforme des peuples pour l’indépendance, le progrès social, le socialisme et la paix… Il est impossible de remporter la victoire finale dans le combat libérateur et l’édification d’une société nouvelle débarrassée de l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’exploitation de la femme par l’homme, sans la participation active, pleine et consciente de la masse et des femmes qui représentent d’ailleurs la - 382 -

moitié de la société ( ) Bref, elles sont non seulement les égales des hommes, mais elles pallient aussi leurs défauts. Je les estime parfaitement capables d’assumer des responsabilités de haut niveau. Et, dans son livre Le manguier, le fleuve et la souris, il déclare : Je souhaite tout d’abord, donner aux femmes congolaises la place qu’elles méritent au sein de la société. Encore trop souvent laissées en marge de la marche des affaires sur le plan familial comme sur le plan social, elles souffrent d’injustices multiples. Or, elles sont plus nombreuses que les hommes, et sont peut-être plus dynamiques qu’eux, dans les campagnes comme dans les villes200. Liant la parole à l’écrit et à l’action, il a été le premier à inscrire dans une Constitution, (celle du 20 janvier 2002) article 8, l’égalité juridique, l’interdiction de la discrimination basée sur les sexes, la représentativité des femmes dans toutes les fonctions politiques, électives et administratives. Sous ses différents mandats, la responsabilisation des femmes dans les institutions constitutionnelles s’est améliorée : à la Cour Suprême, la Cour Constitutionnelle, au Gouvernement, au Conseil Economique et Social et à la Commission des Droits Humains, etc. Il a également été celui qui a nommé la première femme Ambassadeur, la première femme Commissaire politique et, contre toute attente, a osé confier la préparation d’un Congrès du PCT à une femme. En effet, en 1988, Jeanne Dambendzet a

200

D. Sassou Nguesso, op. cit., p. 133.

- 383 -

été responsabilisée dans la préparation du 4ème Congrès Ordinaire du PCT de 1989. Même si les effectifs dans l’appareil de l’Etat sont encore en deçà des attentes des femmes, on note une évolution positive au niveau du Gouvernement. Les tableaux ci-après présentent l’évolution des statistiques de la représentativité des femmes au niveau du Parlement, au niveau du Gouvernement, dans les hautes institutions de la République, et dans les collectivités locales. Tableau n°1 : Répartition des parlementaires par législature, selon le genre, au Congo

Législature

Hommes

Femmes

Total

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

1959

61

100

00

0.0

61

100

1963

52

94.6

03

5.4

55

100

1973

111

88.8

08

11.2

119

100

1979

139

90.9

13

9.1

152

100

1984

138

90.1

15

9.9

153

100

1989

114

85.8

19

14.2

133

100

1991 (CSR)*

140

12

7.8

153

100

92.2

- 384 -

119

95.2

06

4.8

125

100

9

Assemblée Nationale

2

Sénat

56

96.6

02

3.4

58

100

88.0

09

9.0

75

100

1 9

1998 (CNT)** 2

66

Assemblée Nationale

117

90.7

12

9.3

129

100

2

Sénat

51

85.0

09

15.0

60

100

2

Assemblée Nationale

127

92.7

10

7.3

137

100

7

Sénat

67

89.33

08

10.67

75

100

2008

Sénat

50

83.3

10

16.7

60

100

0 0

0 0

Source : Archives du Parlement. *CSR : Conseil Supérieur de la République, Parlement de transition au sortir de la Conférence Nationale ; **CNT : Conseil National de Transition, Parlement de transition au sortir du Forum National sur la Reconstruction, la Réconciliation et l’Unité Nationale.

- 385 -

Tableau n°2 : Répartition des membres du Gouvernement, par période et selon les sexes

Période

Hommes Nombre

Femmes %

Nombre

%

1975

16

94.1

01

5.9

1985

22

95.7

01

4.3

1989

24

96

01

4

1991

20

95

01

5

1993

32

94.1

02

8.6

1995

32

91.4

03

9

1997

30

90.9

03

9.1

1997

23

88.5

03

11.5

1999

23

92

02

8

2002

32

86.5

05

13.5

2005

32

86.5

05

13.5

2009

32

86.5

05

13.5

- 386 -

Tableau n°3 : Présence des femmes dans les hautes institutions de la République, de 2002 à nos jours

Haute institution de la République

Hommes Nombre

Femmes

%

Nombre

Total

%

Nombre

%

Cour Suprême

30

85.7

05

14.3

35

100

Cour Constitutionnelle

08

88.8

01

11.1

9

100

Cour des Comptes et Discipline Budgétaire

15

83.3

03

16.6

18

100

Haute Cour de Justice

30

83.3

06

16.6

36

100

Commission Nationale des Droits de l’Homme

30

66.6

15

33.3

45

100

Conseil Supérieur de la Liberté de la Communication

10

90.9

01

9.1

11

100

Conseil Economique et Social

48

64

27

36

75

100

- 387 -

Tableau n°4 : Répartition des gestionnaires des collectivités locales, selon le genre, de 2002 à nos jours Institutions

Hommes Nombre

Femmes %

Nombre

%

Préfectures

12

100

00

0.0

Sous-Préfectures (2008)

86

100

00

0.0

Présidents et Conseils Départementaux

11

100

00

0.0

Secrétaires Généraux des Départements jusqu’en 2008*

11

91.6

01

8.4

Mairies de communes

06

100

00

0.0

Conseils Locaux (2007)**

743

84.8

113

15.2

*Actuellement il n’y a aucune femme à ce poste. **On note une nette augmentation du nombre de femmes dans l’accès aux conseils locaux. En effet, leur nombre est passé de 68 (8.55%) sur 727 hommes (91.44%) à la suite des élections locales de 2007.

Loin de freiner la promotion de la femme, les 4 derniers Présidents, certainement en raison de leur étroite relation avec leur mère, ont pu découvrir leur valeur intrinsèque, ainsi ontils décidé de favoriser l’émancipation des femmes. Cependant, des résistances perdurent quand vient le moment de nommer aux postes de prise de décision ou de désigner des femmes sur les listes électorales. C’est ici qu’apparaît le paradoxe entre la volonté constitutionnelle de changement et - 388 -

les faits. Et pourtant, il est admis partout que la Nation qui néglige les femmes, se refuse les moyens de son développement. C’est un impératif de développement que de prendre en compte plus de la moitié de la population. La former, la qualifier, l’éduquer, l’instruire politiquement, techniquement, scientifiquement ouvre le chemin à l’avenir. Bien des changements en effet sont intervenus dans les lois et, théoriquement, les femmes ont récupéré la plupart de leurs droits perdus tout au long de leur histoire. Cependant, il y a encore un long chemin à parcourir au niveau de la transformation des mentalités, des préjugés et toutes ces anciennes manières de penser, de fonctionner qui ont souvent la vie dure. Les Congolaises doivent s’armer de patience. Au lieu de passer le temps à tenter de persuader les uns et les autres de leur valeur, elles doivent travailler dans le domaine de leur volonté pour libérer toutes leurs capacités dans une nouvelle créativité. CONCLUSION La présentation des femmes, dans cette illustration historique en témoignage de leur marche depuis la période pré-coloniale et post-coloniale, vient de mettre en lumière, sans équivoque, que les femmes, contrairement aux clichés négatifs véhiculés sur leur incapacité à concevoir, à diriger et, donc à contribuer à l’œuvre de construction de leur société, ont plutôt été des ouvrières efficaces aux multiples qualifications. Leur pluridisciplinarité adaptative à tous les rôles que leur confiait la société, n’a eu d’égale que les mesures prises en amont pour les former, à travers des processus initiatiques variés et complexes, afin de les préparer à répondre aux besoins et aux exigences du développement de leur communauté.

- 389 -

Dans les divers rôles et fonctions qu’elles devaient assumer, les femmes ont eu l’attitude de l’architecte, du peintre ou du musicien face à sa création, laissant éclater son génie. Il convient donc de rappeler qu’à cet égard, il faut un minimum d’équité dans la société pour que chacun accepte de jouer sa partition, avec harmonie. Les femmes, courageusement, ont été dans tous les combats, sur tous les fronts, sur tous les terrains, portant leur part de responsabilité, suppléant souvent les démissions masculines. Dès lors, l’amélioration de leur situation, la promotion de leurs droits, l’évolution de leur statut et de leur place dans la société passeront par la définition et l’élaboration des politiques globales touchant aux différents aspects de la vie, sans exclure la femme. Il est apparu par ailleurs, au travers de cette présentation, des priorités sur lesquelles il conviendrait de mettre un accent particulier. Il s’agit de la nécessité pour les femmes d’être présentes dans les sphères de décisions afin qu’elles contribuent à influencer les décisions à prendre concernant la vie de la société. Le renforcement de leur pouvoir politique et économique paraît à cet égard mieux couvrir leur ambition de participer à la construction d’un monde fondé sur les valeurs d’équité, de solidarité, de partage, d’amour et du respect de l’autre. Le sens élevé de leur responsabilité à préserver la vie qu’elles donnent, qui s’est révélé tout au long de cette présentation, leur impose des sacrifices souvent insupportables, mais supportés, en raison de cette volonté protectrice. Malheureusement, face aux conspirations et aux stratégies échafaudées par l’homme pour les éloigner des postes où la reconnaissance de leur pouvoir serait sans équivoque, les femmes, sagement, ont dû courber l’échine pour laisser la première place à l’homme afin de sauvegarder la vie, et - 390 -

refusèrent ainsi de porter la responsabilité des blocages qu’engendreraient les égos des hommes. Alors, sans discernement, les hommes ont fini par se laisser séduire et convaincre de leur pouvoir à refaçonner le monde tout seuls, à le recréer sans l’apport des femmes et leur vision humaniste. Les résultats sont catastrophiques. A l’échelle du Congo, la pauvreté, les violences, l’immoralité, les égoïsmes, les crises, les guerres, la déshumanisation de la société, et tous les dysfonctionnements observés hier et aujourd’hui, sont en partie dus à cette sécheresse spirituelle d’une société masculinisée, où seules les valeurs fondées sur l’argent dominent. D’où la nécessité de repenser le monde en tenant compte de la contribution que les hommes et les femmes pourraient apporter chacun dans un esprit de complémentarité. C’est là où le besoin de former les femmes, de les préparer à assumer efficacement leurs responsabilités comme le faisaient les anciens, redevient une exigence urgente. Ne dit-on pas que former une femme c’est former une Nation ? L’éducation au sens le plus large, apparaît dès lors, comme la clé de voûte du salut du Congo. La femme congolaise attend la reconnaissance de ses droits, mais davantage, la préparation de toute la société aux mutations qui induisent de profonds changements de mentalités, afin que la vision devienne réalité. Les pouvoirs publics, à tous les niveaux, ont la responsabilité de mieux prendre en compte la présence féminine dans tous les espaces de décisions s’ils ont une réelle ambition de faire avancer le Congo, de le tirer par le haut, de refuser de le niveler par le bas et ainsi, construire réellement une société nouvelle, fondée sur des valeurs morales sûres de paix, de justice, de partage, d’amour, de solidarité et de progrès social. - 391 -

CHAPITRE 13 LA JEUNESSE DANS L’HISTOIRE DU CONGO (1960 à 2010) par Jean-Pierre NGOMBE INTRODUCTION Dès l’Indépendance en 1960, les jeunes du Congo se sont montrés très dynamiques, en prenant des responsabilités dans les différents mouvements socio-politiques qui ont jalonné les 50 ans de l’Indépendance nationale. Ce dynamisme est ici retracé, à travers les différentes organisations juvéniles, dont nous allons, dans les lignes qui suivent, rappeler l’existence, indiquer les objectifs et énumérer les actions les plus importantes. I-Historique des mouvements socio-politiques et de jeunesse (1960-2010)

la

Lorsque le 15 août 1960, le Congo accède à l’indépendance, le paysage socio-politique est caractérisé par le multipartisme, la pluralité des syndicats et la diversité des mouvements de jeunesse, relevant, pour la plupart, des confessions religieuses. Au lendemain de l’indépendance, la situation sociopolitique se dégrade progressivement, et de façon flagrante, sous l’œil complaisant et indifférent d’un gouvernement dont l’arrogance affichée indigne et révolte les masses populaires. Sous l’impulsion des syndicalistes abusés, le peuple, excédé, s’empare de la rue et fait tomber le régime vomi de l’Abbé - 393 -

Fulbert Youlou. C’est la Révolution des 13, 14 et 15 août 1963. Une nouvelle ère est née, rompant systématiquement avec le passé, et prônant l’unicité d’organisation dans toutes les couches sociales et dans les différentes catégories socioprofessionnelles. C’est l’ère du « monopartisme », qui s’étendra de 1963 à 1991, année de la Conférence nationale souveraine (C.N.S.) laquelle exhumera le multipartisme et les différents mouvements de jeunesse enterrés depuis des lustres. Pendant près de 28 ans (de 1963 à 1991), le Congo vibrera au diapason du marxisme-léninisme, dont les phares seront braqués sur le chemin qui mène vers une société socialiste. Toute l’organisation sociale et politique sera bâtie selon le modèle des pays socialistes : parti unique (M.N.R., puis P.C.T.), syndicat unique (C.S.C.), organisation juvénile unique (J.M.N.R., puis U.J.S.C.), mouvement unique d’enfants et d’adolescents (M.N.P.), organisation unique regroupant les élèves et les étudiants (U.G.E.E.C.), un regroupement de tous les écrivains et artistes (U.N.E.A.C.), ainsi qu’une organisation unique des femmes (U.R.F.C.). Toute autre organisation sociopolitique en dehors de ce schéma, était considérée comme une hérésie. La chute du régime de l’Abbé Fulbert Youlou, le 15 août 1963, entraîna de facto la dissolution de tous les partis politiques, laissant un vide qui sera comblé par le congrès constitutif du Mouvement national de la révolution (M.N.R.), tenu à Brazzaville, du 29 juin au 02 juillet 1964 qui consacra la naissance d’un parti unique, le M.N.R., et l’élection d’Alphonse Massamba-Débat comme Président. Signalons au passage, que l’idée de créer au Congo un parti unique avait déjà été énoncée, depuis avril 1963, par les - 394 -

leaders des différents partis politiques pour qui, le parti unique était la solution idéale pour éviter la réédition des émeutes intertribales de 1958 à Pointe-Noire et de 1959 à Brazzaville. L’Assemblée nationale fut alors convoquée en session extraordinaire le 10 avril 1963 ; elle adopta à l’unanimité et par acclamation la loi n°14/63 du 13 avril 1963, portant création d’un parti unique. Mais, les événements s’étant précipités, Youlou ne put faire aboutir son projet. Faisons observer que cette analyse des leaders politiques d’antan, a démontré par la suite sa justesse. En effet, pendant tout le règne du parti unique (M.N.R. et P.C.T. confondus), il n’eut aucune émeute, aucune guerre civile. C’est après la Conférence nationale souveraine et avec la résurgence du multipartisme, que le Congo a offert au monde le désolant spectacle des guerres civiles à répétition. Alors qu’il est à la tête du M.N.R., Massamba-Débat prône le « socialisme bantou », à la place du « socialisme scientifique », idéal du Parti. Il fut ainsi taxé de déviationniste, c’est-à-dire, celui qui s’écarte de la voie principale, la voie qui mène au but. Dès lors, il ne pouvait plus, aux yeux des militants, conduire la barque. Il fut alors déchu de ses fonctions de président du M.N.R. et de président de la République, à la suite du mouvement insurrectionnel du 31 juillet 1968 dirigé par le Capitaine Marien Ngouabi. Afin d’éviter au navire de faire naufrage, le M.N.R. fut dissout et remplacé par le C.N.R. (Conseil National de la Révolution). Après une période de transition, assurée par le C.N.R., sous la présidence de Marien Ngouabi, le Parti congolais du travail (P.C.T.) voit le jour le 31 décembre 1969, à l’issue d’un congrès constitutif tenu à Brazzaville. A cette occasion, - 395 -

Marien Ngouabi est élu Président du P.C.T., secondé par un cadre issu de la J.M.N.R., en l’occurrence Claude Ernest Ndalla, élu au poste de 1er Secrétaire du Comité Central du P.C.T.. La jeunesse comptera parmi les congressistes, plusieurs de ses membres. Plus tard, le putsch manqué du 22 février 1972, dirigé par Ange Diawara, provoqua une forte hémorragie au sein du P.C.T., plusieurs militants ayant été arrêtés. Ce qui entraîna la convocation en décembre 1974 d’un congrès extraordinaire, qui renouvela les instances et reconduisit Marien Ngouabi à la tête du Parti. En raison des contradictions idéologiques au sein de la direction politique, et au regard de la situation économique préoccupante, le Comité Central du P.C.T. fut convoqué en décembre 1975, en session extraordinaire. Il en sortit une déclaration dite « déclaration du 12/12/1975 », qui reconnaît les faiblesses du Parti dans la gestion de la chose publique et dans la conduite des masses populaires. A cette occasion, il fut créé une nouvelle direction du Parti, dénommée « Etat-Major Spécial Révolutionnaire (E.M.S.R.) », composée de cinq membres, et dirigée par Marien Ngouabi. Le Comité Central fut suspendu jusqu’à nouvel ordre. En plus de Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, Louis Sylvain Goma et Denis Sassou Nguesso, on note dans l’Etat-Major Spécial Révolutionnaire, la présence de Jean-Pierre Ngombé, cadre de la Jeunesse, chargé de s’occuper des questions d’Education, de Propagande et d’Information. Le 18 mars 1977, Marien Ngouabi est assassiné. Le Comité Militaire du Parti (C.M.P.), dirigé par Joachim YhombyOpango, est créé en remplacement de « l’Etat-Major Spécial Révolutionnaire ». Le C.M.P. convoquera, le 05 février 1979, - 396 -

en session extraordinaire le Comité Central du P.C.T., en hibernation depuis le 12 décembre 1975. A l’issue de cette session, Joachim Yhomby-Opango est déchu de ses fonctions et radié du P.C.T. Par la même occasion, le Comité Central dissout le C.M.P. et met en place, une commission préparatoire du congrès, dirigée par Denis Sassou Nguesso. En mars 1979, le congrès se tient et le P.C.T., avec à sa tête Denis Sassou Nguesso, entre dans une nouvelle dynamique, jusqu’à la Conférence nationale souveraine. Notons que le mouvement qui amena Denis Sassou Nguesso à la tête du Parti, fut appelé « Mouvement du 5 février », car il rappelle la date de la réhabilitation du Comité Central du P.C.T. II- Les mouvements congolais de jeunesse 1. Le scoutisme En 1907, en Afrique du sud, un général britannique à la retraite, du nom de Robert Baden Powell, fonda un mouvement de jeunesse, dont l’audience rayonnera rapidement et progressivement dans le monde entier : le scoutisme (scouting, en anglais). Créé en France en 1909, le scoutisme fut institué au Congo en 1927, sous les dénominations : Éclaireurs de France ou Scouts de France, le Congo étant à cette époque-là, une colonie, un territoire français d’outre-mer. Le scoutisme a pour but de contribuer au développement des jeunes en les aidant à réaliser pleinement leurs capacités physiques, intellectuelles et spirituelles, en tant que personnes humaines, en tant que citoyens et en tant que membres de la communauté internationale. Le scoutisme est strictement apolitique, c’est-à-dire qu’il ne se mêle en aucun cas et sous

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quelque forme que ce soit, de questions politiques. Voici les devoirs du scout :  le scout a des devoirs envers Dieu : il doit adhérer à des principes spirituels et religieux. Cette clause est valable uniquement chez les scouts appartenant à une obédience religieuse, et non chez les laïcs ;  le scout a des devoirs envers son pays, dans la perspective de la promotion de la paix et du développement national ;  le scout a des devoirs envers lui-même. Il doit ainsi veiller à son développement personnel. Les textes de base qui soutiennent son action, sont la « Loi », code moral exposé en dix articles et la « Promesse », sorte d’engagement pris en public par le scout, au cours d’une cérémonie solennelle, engagement à mener sa vie selon les principes contenus dans la « Loi ». Ecole de la vie, le scoutisme regroupe en son sein des enfants et adolescents de 7 à 20 ans, et aussi des adultes. Il répartit ses membres en trois catégories, selon l’âge des adhérents :  les louveteaux (de 7 à 12 ans) ;  les éclaireurs ou scouts (de 12 à 20 ans) ;  les routiers (au-delà de 20 ans). Ces appellations varient selon les différents mouvements scouts, et selon qu’il s’agisse de tel âge ou de tel sexe. Et chaque mouvement s’organise en tenant compte de certaines réalités sur le terrain. Les scouts se distinguent dans la société par leur tenue spéciale, inspirée de celle portée par les troupes coloniales - 398 -

britanniques : une chemise kaki, un short, un chapeau à larges bords. On y ajoute un foulard attaché autour du cou. Chaque mouvement scout, dans différents pays, choisit librement une couleur pour son uniforme ; et au sein d’une même association, il arrive que la couleur de la tenue diffère en fonction de l’âge ou du sexe. Au Congo, le scoutisme a constitué, avant l’indépendance, jusqu’en 1965, l’un des mouvements les plus visibles, les plus connus et les plus actifs au sein de la jeunesse. Parmi les premiers responsables scouts des années 60, on retiendra, entre autres :  chez les scouts d’obédience catholique, les noms de François Itoua, Jean Leturmy, Alphonse Kouka, Honoré Mombelo, Georges Bouassi et Dominique Samba ;  chez les scouts laïcs (éclaireurs du Congo), les noms de Clément Nkodia « Mangouste », Benjamin Gomez « Baghera », Isidore Diaboua « lièvre », Liberlin de Soriba Diop « Akela », Guillaume Mébiama « Pivert », Simon Massoumouna « Baloo » et Jean-Pierre Ngombé « Akela » ;  chez les scouts protestants (éclaireurs unionistes), les noms de Thomas Bissambou, Ange Dandou et Joseph Toungami ;I.  chez les scouts salutistes, le nom de Adolphe Tchicaya ;  chez les scouts kimbanguistes, les noms de Samuel Nsomi, Félix Diambouana et Bernard Memvouidibio. 2. L’Association scolaire du Congo (A.S.CO.) Créée au lendemain de la proclamation de l’indépendance, l’A.S.CO. regroupe en son sein, des élèves de toutes les conditions sociales, sans distinction de sexe ni de religion. Elle - 399 -

a pour objectifs essentiels : la défense des intérêts matériels et moraux des élèves. Mais, sous l’influence de l’Association des Etudiants Congolais basés en France (A.E.C.), l’Association Scolaire du Congo s’intéresse également aux questions politiques et prend position dans la manière dont le gouvernement conduit les affaires du pays. Elle évolua ainsi, sous l’œil très regardant des services secrets du Président Fulbert Youlou, qui voyaient en elle, l’embryon d’un mouvement communiste. C’est ce qui expliquera qu’à la veille du 15 août 1963 (jour de la Révolution), des responsables de l’A.S.CO. aient été arrêtés et écroués, en même temps que des syndicalistes et des militants de l’Union de la Jeunesse Congolaise (U.J.C.), organisation semi clandestine et proche du communisme par ses prises de position politiques. Aimé Matsika, fondateur et président de cette organisation, fut par exemple arrêté. A l’occasion du passage à Brazzaville, d’Ahmed SekouToure, Président de la Guinée, passage ponctué par son discours incendiaire du 04 juin 1963 à la place de l’Hôtel-de ville, des centaines de jeunes, dirigés par l’A.S.CO., brandirent, aux côtés des travailleurs, des pancartes hostiles au régime de Youlou. 3. La Jeunesse du Mouvement national de la révolution (J.M.N.R.) Alors que la Révolution venait de triompher, des éléments acquis au « colonialisme » et attachés au tribalisme, tentèrent de libérer de sa prison l’Abbé Fulbert Youlou, le 07 février 1964. Indignés, les jeunes de Brazzaville, venus de tous les quartiers, organisèrent le lendemain 08 février 1964, un vaste meeting, pour fustiger ces « pêcheurs en eau trouble » et exhorter en même temps la jeunesse dans son ensemble, à la prise de conscience sur l’unité nationale et la préservation des - 400 -

acquis de la Révolution. C’est en commémoration de cette journée que la jeunesse allait désormais fêter chaque année, le 08 février. Quelques mois plus tard, sous l’égide du M.N.R., un congrès regroupant tous les mouvements de jeunesse fut convoqué en vue de la création d’une organisation unique des jeunes, qui sera dénommée : J.M.N.R. (Jeunesse du Mouvement national de la révolution). Signalons que les mouvements de la jeunesse catholique avaient claqué la porte aux organisateurs du congrès. Ce congrès tenu du 07 au 08 août 1964, dota la J.M.N.R. d’une direction nationale avec André Hombessa comme président, d’une devise « Production- Discipline-Fusil » et d’un hymne composé par Ange Dandou. Les autres membres de cette direction furent, Martin Mbéri, Ange Diawara, Oscar Samba, Gustave Abba-Gandzion, Claude Ernest Ndalla, Prosper Matoumpa-Mpollo, Cécile Matingou, Gandigbe et Antoine Boudzoumou. Le congrès assigna à la Commission Nationale Exécutive élue, les missions prioritaires suivantes :  créer un mouvement unique d’enfants et d’adolescents ainsi qu’un autre regroupant les élèves et étudiants ;  veiller à l’éducation morale et civique, afin d’élever le niveau de conscience de toute la jeunesse et la rendre ainsi disponible aux tâches de la Révolution ;  promouvoir les activités économiques, culturelles et artistiques au sein de la jeunesse ;  défendre la Révolution par tous les moyens, y compris les armes. Sur le plan politique, la J.M.N.R. apporta au M.N.R. non seulement des cadres, mais aussi des idées novatrices et

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révolutionnaires, nécessaires à l’adoption, à l’éclosion et à la propagation de l’idéologie marxiste-léniniste. La J.M.N.R. empruntera à un parti politique sud-africain, le slogan « UN KOTO WA SIZWE » ; ce qui signifie en langue zoulou : « Fer de lance de la Nation ». Le mot Nation fut remplacé par le mot Révolution ; ce qui donna : « J.M.N.R., fer de lance de la Révolution ». En effet, la J.M.N.R a joué le rôle d’aiguillon, en incitant chaque fois que cela était nécessaire, le M.N.R. à prendre des mesures révolutionnaires et salutaires en faveur du peuple. Le 2ème congrès de la J.M.N.R. se tint du 19 au 22 juillet 1967 à Brazzaville, sur fond de crise, du fait de l’existence en son sein, de deux tendances antagonistes, à savoir : la tendance de « la foi aveugle aux armes », incarnée par Ange Diawara, celle qui pensait que le pouvoir était au bout du fusil, au bout du canon et « le clan du verbe », incarné par Martin Mbéri, tendance qui estimait que dans la lutte politique, c’est l’argument qui doit primer, en d’autres termes, la force de l’argument doit être au-dessus de l’argument de la force. Malgré le fait que Martin Mbéri ait été élu par les congressistes, le Bureau Politique du M.N.R imposera Ange Diawara comme Président de la J.M.N.R., avec comme autres membres du bureau Claude Ernest Ndalla, André Hombessa, Ange Edouard Poungui et Nicolas Okongo. Le Conseil national de la Révolution (C.N.R.), issu du mouvement insurrectionnel du 31 juillet 1968, après dissolution du M.N.R., nomma une nouvelle direction de la J.M.N.R. appelée Commission Nationale Exécutive, à la tête de laquelle fut désigné Ange Edouard Poungui. Mais, profitant de l’absence du Président Marien Ngouabi (qui se trouvait à Kinkala, localité proche de Brazzaville), quelques membres du C.N.R., favorables à Prosper Matoumpa-Mpollo, falsifièrent la décision du C.N.R. au profit de ce dernier. Ange Edouard Poungui fut en - 402 -

définitive nommé second de l’équipe, suivi de Claude Ernest Ndalla, Gustave Abba-Nganzion, Nicolas Okongo, Bernard Combo-Matsiona, Camille Bongou, Célestin Goma-Foutou, Joseph Ludovic Samba, Marie-Albert Collelas, Simon Massamouna, Elie Gandziami et Jean-Pierre Onanga. En août 1969, se tint à Brazzaville le 3ème congrès de la J.M.N.R. au cours duquel, on assista à un remue-ménage. Le thème proposé, « les tâches actuelles de la jeunesse au regard de la situation concrète de l’heure », sera controversé et longtemps débattu avant d’être adopté. Malgré tout, le congrès fut suspendu. Les délégations repartirent chez elles et revinrent quelques jours plus tard pour reprendre les travaux. Cette fois, le 3ème congrès de la J.M.N.R. se mua en congrès constitutif de l’U.J.S.C. (Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise). Par ailleurs, il sied de signaler à cette époque l’existence de la Défense Civile, considérée comme bras armé de la J.M.N.R. Son slogan était : « le pouvoir est au bout du fusil ». L’armée issue de la colonisation, ayant été taxée par les révolutionnaires comme étant au service de la puissance colonisatrice, la France, il fallait créer, parallèlement à cette armée régulière, une autre force militaire, capable de défendre la révolution et les intérêts du peuple. Ainsi, sous l’impulsion de la J.M.N.R., fut créée la Défense Civile, par loi n°1265 du 18 juin 1965, à Brazzaville. Ses membres étaient recrutés parmi les militants actifs de la J.M.N.R. et des autres organisations des masses (C.S.C. et U.R.F.C.). Le commandement du corps national de la Défense Civile fut confié à Ange Diawara, membre du directoire de la J.M.N.R., qui demeurera à ce poste jusqu’en 1968, année de la dissolution de la Défense Civile et de l’intégration de ses éléments dans l’Armée Populaire Nationale (A.P.N.) créée le 22 juin 1966 par loi n°11-66 du 22 juin 1966.

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Pour maîtriser le maniement des armes, apprendre la discipline militaire et se familiariser avec les techniques de la guérilla, la Défense Civile fit appel à des experts cubains et égyptiens. Répartis sur plusieurs sites, les miliciens de la Défense Civile recevaient de façon intensive des cours de formation politique et idéologique, et participaient à de nombreuses séances de tirs. On retiendra à son actif, malgré les bavures et les dérapages observés, que la Défense Civile inculquait à ses membres des valeurs morales telles que le respect du Peuple et l’amour de la Patrie. 4-L’Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise (U.J.S.C.) Née en 1969, à l’occasion du 3ème congrès de la J.M.N.R. qui s’était terminé en queue de poisson, l’U.J.S.C. se considérait comme l’avant-garde de toutes les organisations spécialisées de la jeunesse (M.N.P. et U.G.E.E.C.). Sa devise était : « Production – Discipline – Fusil ». Comme une locomotive, elle menait le combat de toute la jeunesse, sous la coupe du P.C.T. Bernard Combo-Matsiona fut élu président de l’U.J.S.C à son congrès constitutif. Il lui était adjoint 9 Viceprésidents, à savoir : Jean-Jules Okabando, Edouard Okombi, Aristide Massamba, André Obami-Itou, Elie Gandziami, Marie-Albert Collelas, Simon Massamouna, Michel Mpani et Jean-Pierre Massounga. Cette équipe fut remaniée lors de la session extraordinaire du Comité Central de l’U.J.S.C., tenue à Brazzaville du 26 au 28 mars 1970. Bernard Combo-Matsiona fut reconduit Président d’un bureau ayant comme autres membres : Alphonse Foungui, Joseph Ludovic Samba, Aristide Massamba, Jean-Jules Okabando, Pierre Mounguellet, Maurice Malela-Soba, Jean-Pierre Ngombé, Michel Mpani et Jean-Pierre Mouanda. En 1971, suite à des incidents intervenus à Kinshasa contre les étudiants du Congo-Brazzaville et à la réplique organisée - 404 -

par des jeunes brazzavillois qui prirent d’assaut l’ambassade du Zaïre, le Bureau Politique du Comité Central du P.C.T. décida de relever Bernard Combo-Matsiona de ses fonctions de président de l’U.J.S.C. et de le remplacer par Alphonse Foungui, alors 1er Vice-président chargé de l’éducation, de la presse et de la propagande. Au lendemain du putsch manqué du 22 février 1972, dont le chef de file fut Ange Diawara, se tint au « pont du Djoué » du 22 au 26 septembre de la même année, une session extraordinaire du Conseil Central de l’U.J.S.C. qui porta Jean Jules Okabando à la tête de l’Union et prit, contre les militants impliqués dans ce coup, une série de sanctions allant de la suspension à l’exclusion du Comité Central. Du 03 au 09 mai 1973, l’U.J.S.C. tint son 2ème congrès. Jean Jules Okabando fut élu, Premier Secrétaire du Comité Central. A la suite de la grève avortée du 24 avril 1976, initiée par la Confédération Syndicale Congolaise (C.S.C.) et soutenue par certains cadres du Comité Central du P.C.T., dont Jean Jules Okabando, ce dernier fut relevé de ses fonctions de Premier Secrétaire du Comité Central et remplacé par Jean-Pierre Ngombé au cours d’une session extraordinaire du Comité Central de l’U.J.S.C. Le 3ème congrès ordinaire de l’U.J.S.C. tenu à Brazzaville, du 23 au 27 décembre 1977 sous l’égide du Comité Militaire du Parti (C.M.P.) élit, par acclamation, Jean-Pierre Ngombé au poste de Premier Secrétaire du Comité Central de l’U.J.S.C. Au lendemain du triomphe du « Mouvement du 5 février 1979 » dirigé par Denis Sassou Nguesso, alors Premier Viceprésident du C.M.P. et, dans le but d’écarter tous ceux qui n’avaient pas favorisé ce « Mouvement », le Comité Central de l’U.J.S.C. se réunit en session extraordinaire. Jean-Pierre Ngombé fut remplacé par Gabriel Oba-Apounou. Le 4ème congrès de l’U.J.S.C. qui eut lieu à Brazzaville du 09 au 14 août 1981, confirma Gabriel Oba-Apounou au poste - 405 -

de Premier Secrétaire. Ce dernier fut reconduit au 5ème et au 6ème congrès tenus respectivement en 1985 et en 1989. Michel Ngakala lui succéda en 1990 et s’y maintint jusqu’en 1991, année de la tenue de la Conférence nationale souveraine. A partir de la Conférence nationale souveraine, une multiplicité d’organisations de jeunes étant née, l’U.J.S.C. devint alors, une locomotive sans rames. Elle perdit son rôle d’avant-garde et se contenta désormais d’être simplement un appendice du P.C.T. dont dépend jusqu’à ce jour sa survie. Dans sa nouvelle formule, l’U.J.S.C est dirigée depuis 1991 par Isidore Mvoumba. 5. Le Mouvement National des Pionniers (M.N.P.) Le 10 avril 1965, à l’initiative du comité exécutif de la J.M.N.R. (Jeunesse du Mouvement national de la révolution), fut publié un texte portant nomination d’une commission composée de 17 membres (tous, des cadres des mouvements scouts) chargée de créer le Mouvement National des Pionniers (M.N.P.) en vue du remplacement de tous les mouvements scouts existants dans le pays. Du 11 au 19 septembre 1965, un séminaire réunit au « pont du Djoué » une centaine de responsables scouts, venus des quatre coins du Congo et appartenant au mouvement des éclaireurs du Congo (laïcs), aux éclaireurs unionistes (protestants), aux éclaireurs salutistes et aux éclaireurs kimbanguistes. N’y participèrent pas les scouts du Congo, d’obédience catholique, ayant fait défection depuis le congrès constitutif de la J.M.N.R. en août 1964. Le 19 septembre 1965, le M.N.P. naquit. Les séminaristes adoptèrent les textes fondamentaux, l’hymne national des pionniers, composé par Jean-Pierre Ngombé et le chant de la « promesse », composé par Joseph Toungamani. Toutes les décisions issues de ce séminaire furent validées par la

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Direction Nationale de la J.M.N.R. Celle-ci nomma Auguste Bitsindou Commissaire Général du M.N.P. Calqué sur le scoutisme d’où il tire les grands principes de son organisation, le M.N.P. fut un mouvement d’éducation d’enfants et d’adolescents congolais. Il éduquait ses membres selon la morale socialiste, qui met l’accent sur la primauté des intérêts collectifs sur les intérêts individuels, l’amour et la défense de la patrie. Sa devise était « servir ». A la différence du scoutisme, le M.N.P. participait à la vie politique du pays, en soutenant la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme, en combattant le tribalisme, et en propageant parmi les enfants, les idées marxistes-léninistes. Le M.N.P. connut trois grandes périodes dans son implantation et son développement : Premièrement, du 19 septembre 1965, date de sa naissance, au 03 août 1968, date de la mort d’Auguste Bitsindou. Cette période sera caractérisée par une succession d’activités éducatives, culturelles et sportives (camps de formation des cadres, colonies de vacances, mouvements gymniques inédits, etc.) ainsi que par une série de contacts et d’échanges avec les mouvements des pionniers des pays socialistes. Deuxièmement, du 03 août 1968 au 04 mars 1970, le M.N.P. connut une période de léthargie, due en partie à la disparition tragique de son premier Commissaire Général. Un nouveau Commissaire Général fut nommé en la personne de Simon Massamouna à la tête d’une équipe remaniée. Quelques activités nationales (colonies de vacances, camp de formation des cadres) furent organisées. Mais la base du mouvement resta presque inactive. Troisièmement, le 04 mars 1970, des jeunes venus de tous les quartiers de Brazzaville, assiégèrent la permanence de l’U.J.S.C et exigèrent la nomination de Jean-Pierre Ngombé à - 407 -

la tête du Mouvement National des Pionniers, en remplacement de Simon Massamouna. Le Président du Conseil Central de l’U.J.S.C., Bernard Combo-Matsiona dut signer le même jour le texte qui nommait Jean-Pierre Ngombé Commissaire Général des pionniers, à la tête d’une équipe de dix membres dont la mission essentielle était de redynamiser le jeune mouvement, par la relance de certaines activités mises en veilleuse. L’année 1970, sera alors marquée par de nombreuses activités (camps de week-end, colonies de vacances nationales et internationales, camps de formation des cadres à divers niveaux, etc.) et aussi et surtout, par des réformes importantes qui élargiront le champ d’action du M.N.P. et mettront l’accent sur l’aspect éducatif du Mouvement. Les mesures ci-après allaient consolider l’action du M.N.P. : - le port obligatoire d’une tenue scolaire uniforme par les élèves des écoles primaires et secondaires (écoles primaires, collèges et lycées). Ceci afin d’éviter de faire apparaître au sein de l’école et à travers leur habillement, les différences sociales des élèves. Cette mesure fut rendue publique par la note circulaire n°16016/EN.SGE-DAAF du 24 août 1970 signée du Ministre de l’Education Nationale ; - l’intégration officielle du M.N.P. à l’école. Pour une éducation harmonieuse de l’enfant, il fallait désormais « mettre l’argile entre les mains du potier » c’est-à-dire, confier l’enfant à l’enseignant, cet homme qui a appris et exerce le métier qui consiste à transmettre les connaissances et à modeler le caractère de l’enfant. Grâce à l’arrêté n°4696/EN-CAB du 11 novembre 1970 signé du Ministre de l’Education Nationale, cette intégration fut effective ; - le salut des couleurs à l’école. Afin d’éveiller et d’élever chez l’enfant l’esprit patriotique, il fut institué le salut aux couleurs à l’école. Tous les matins avant d’entrer en classe, les élèves se réunissaient autour du mât portant le drapeau - 408 -

national, chantaient l’hymne national ainsi que l’hymne des pionniers. Par lettre circulaire n°2459/EN-CAB du 27 novembre 1970 signé du Ministre de l’Education Nationale, cette pratique fut rendue obligatoire ; - l’inscription de la loi du Pionnier, parmi les disciplines scolaires, en remplacement de la morale traditionnellement enseignée. La loi du pionnier présentée en dix articles, est un code moral et civique. Citons quelques articles illustrant la portée éducative de cette loi : - le pionnier est un militant conscient et efficace de la jeunesse ; - le pionnier respecte la nature et la transforme utilement ; - le pionnier respecte les biens publics et les biens d’autrui ; - le pionnier accomplit chaque jour une bonne action ; - le pionnier accomplit sa tache jusqu’au bout ; - le pionnier dit toujours la vérité. Désormais, cette loi était enseignée à l’école comme une discipline, au même titre que le français. Cette mesure fut rendue obligatoire par lettre circulaire n°2356/EN-CAB du 11 octobre 1970, signée du Ministre de l’Éducation Nationale. Les différents Commissaires Généraux qui se sont succédé après Jean-Pierre Ngombé, à savoir, Vincent Massengo, Adolphe Tchicaya, Gérard Bolanzi, Michel Nkoli et JeanBaptiste Dzangue, veillèrent jalousement à perpétuer ces nouvelles pratiques, et à les enrichir par des activités toujours croissantes et toujours plus intenses, jusqu’à la Conférence nationale souveraine qui rendit à tous les anciens mouvements scouts leur liberté d’existence. Le M.N.P. cessa alors d’exister.

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6. L’Union générale des élèves et étudiants congolais (U.G.E.E.C.) Créée le 15 juillet 1965 à Brazzaville à l’issue de son congrès constitutif, l’U.G.E.E.C. regroupait en son sein les élèves et étudiants de toutes conditions sociales, sans distinction de sexe ni de religion. Sa devise, inspirée de celle de la J.M.N.R., était « Etude-Discipline-Fusil ». Ses objectifs étaient : - la lutte pour la défense des intérêts moraux et matériels des élèves et étudiants ; - la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme : - pour la libération totale (politique, économique et culturelle) du Congo ; - pour l’établissement d’une société juste et démocratique garantissant la paix et assurant le bonheur de tous ; - la formation d’une élite forte, capable de contribuer au développement harmonieux du pays. En conformité avec ces objectifs, l’U.G.E.E.C. mena, aux côtés de la J.M.N.R. puis de l’U.J.S.C, le combat pour l’amélioration des conditions de vie et d’études des élèves et étudiants. Ce qui la conduisit souvent à organiser des manifestations lui permettant de faire entendre sa voix. On retiendra, à titre d’exemple, la grève du 15 novembre 1971 déclenchée par les élèves du lycée du Drapeau Rouge (actuellement Chaminade). Cette grève s’étendit très vite dans les autres établissements secondaires de Brazzaville. Le 18 novembre, les étudiants de l’Ecole Normale Supérieure (E.N.S.) et ceux du Centre d’Enseignement Supérieur de Brazzaville (C.E.S.B.) entrèrent à leur tour dans la grève. Le mouvement se généralisa au point d’inquiéter la direction nationale du PCT. Les grévistes revendiquaient entre autres, - 410 -

l’ouverture des internats, restés fermés depuis la rentrée des classes, la démocratisation de l’enseignement dont les programmes demeuraient inadaptés aux réalités congolaises. Malgré la justesse de ces revendications, reconnue par le pouvoir, celui-ci déplora le caractère anarchique de la grève et surtout, la présence dans ce mouvement, d’éléments jugés dangereux. Le 23 novembre 1971 à la place de la gare de Brazzaville, au cours d’un « meeting-monstre », le Président Marien Ngouabi dénonça avec véhémence le comportement hypocrite de certains membres du PCT, prétendus « instigateurs de ce mouvement contestataire. » Le lendemain, 24 novembre, les élèves et étudiants, reprirent le chemin de l’école, mettant ainsi fin à la grève. L’U.G.E.E.C. s’était aussi illustrée par sa participation à toutes les activités tendant à élever le niveau politique et idéologique de ses membres, à améliorer les conditions d’étude des élèves et étudiants en vue de les orienter vers des débouchés qui devaient tenir compte des besoins du Congo en cadres qualifiés. Elle était de ce fait membre de la Commission nationale des bourses. Compte tenu du souci exprimé par l’U.G.E.E.C. d’améliorer les conditions de vie des étudiants congolais à l’étranger et particulièrement en France, une mission d’Etat conduite par Michel Konko, alors Secrétaire du Comité Central de l’U.J.S.C. chargé de l’Organisation, se rendit à Paris en février 1977 dans le but de préparer les conditions de la création de l’O.G.E.S. (Office de Gestion des Etudiants et Stagiaires) en remplacement de l’O.C.A.U. (Office de Coopération et d’Accueil Universitaire) géré par les Français. Le 16 mars 1977, l’O.G.E.S. fut créé à la suite d’un Conseil d’Administration ayant regroupé les autorités françaises et congolaises ainsi que leurs experts respectifs. Ceci renforça l’autorité de l’U.G.E.E.C. sur l’ensemble des étudiants congolais basés à l’étranger.

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Toutes ces victoires de l’U.G.E.E.C. ont été remportées sous la direction des différents présidents qui se sont succédé à la tête de cette Union : Martin Adouki (premier Président de l’U.G.E.E.C. élu en 1965), Ange Edouard Poungui, MarieAlbert Collelas, Maurice Claude Malela-Soba, Paul Banga Kanga, Arsène Destin Tsaty-Boungou et Paul Antillon. Au 5ème congrès de l’U.J.S.C. (1985), l’U.G.E.E.C. disparut et fut remplacée par deux fédérations : la Fédération Nationale de la Jeunesse Scolaire (FE.NA.JE.SCO.) et la Fédération Nationale de la Jeunesse Estudiantine (FE.NA.J.EST.) 7. L’Association des étudiants congolais en France (A.E.C.) Créée en 1952, à la suite de la F.E.A.N.F. (Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France) et sous l’impulsion d’un groupe d’étudiants réunis autour de Damase Bouboutou, l’A.E.C. s’était fixée comme objectifs essentiels : la défense des intérêts matériels et moraux des étudiants congolais basés en France (questions de bourse, de logement, etc.). Très tôt, l’A.E.C. adhéra à la F.E.A.N.F. et devint de ce fait, porteuse des idées véhiculées par cette organisation continentale. Le vent de l’indépendance soufflant sur l’Afrique, l’A.E.C. puisera dans la F.E.A.N.F. les armes de son combat qui, syndicaliste au départ, deviendra politique. Les militants de l’A.E.C. n’étaient-ils pas les cadres de demain ? Comment pouvaient-ils se désintéresser alors de la politique ? Les réponses à ces questions poussèrent l’A.E.C. à ajouter à son arc de nouvelles cordes : la lutte pour l’indépendance nationale, pour la démocratie et le progrès social. Les regards de ses militants étaient désormais tournés vers Brazzaville, et leurs idées penchaient, bien entendu, du côté des forces progressistes.

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En 1960, l’A.E.C. désapprouva et condamna le régime de l’Abbé Fulbert Youlou, considéré comme le valet de l’impérialisme, le continuateur de la politique coloniale, l’homme à la solde de la France. C’est ainsi qu’elle applaudira plus tard, les événements des 13, 14 et 15 août 1963, qui firent tomber le Président Youlou. Après ce mouvement insurrectionnel, certains de ses militants rentrèrent au Congo, pour y mener le combat politique, au sein du M.N.R., puis du P.C.T., et aussi au sein de la J.M.N.R. et de l’U.J.S.C., pour le triomphe des idées progressistes. Ce fut le cas de Pierre Nze, de Justin Lekoundzou, de Jean-Pierre Thystère-Tchicaya et d’Ambroise Noumazalay qui sera nommé Premier ministre de MassambaDébat en remplacement de Pascal Lissouba. La vie politique du Congo sous le MNR et le PCT eut une incidence dans la vie et le fonctionnement de l’A.E.C.. ses membres se divisèrent, à la longue, en des tendances divergentes, « pour ou contre tel régime au pouvoir », sur des bases tantôt tribales tantôt idéologiques. L’A.E.C. fut invitée par Marien Ngouabi à prendre part en juillet 1972 à la Conférence nationale organisée à Brazzaville par le P.C.T. A cette occasion, elle fut représentée par Martin Mbemba, Jean Opa et Paul Nzete qui marquèrent leur présence, par un discours incisif mais constructif. L’AEC a connu des périodes de crise (1968 à 1969, 1972 à 1973, 1982 à 1984), souvent influencées par la situation politique à Brazzaville qui, souvent, provoquait des scissions au sein du mouvement. Voici quelques noms de ceux qui ont été élus au cours des différents congrès, à la tête de l’A.E.C., en qualité de Président : Damase Bouboutou (1er Président de l’A.E.C.), Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, Justin Lekoundzou, Martin Nkiele Mbemba, Jean Opa, Mathias Ndzon, Paul Nzete, Henri Ossebi, Joseph Milandou, Abel Kouvouama, Jean Ossibi… - 413 -

III Les Organisations juvéniles internationales et la jeunesse congolaise 1. La Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (F.M.J.D.) Organisation regroupant les mouvements de jeunesse des pays capitalistes, socialistes et des pays dits du tiers monde et identifiée par l’Organisation des Nations-Unies (O.N.U.) comme une Organisation Non Gouvernementale (O.N.G.), la F.M.J.D. fut créée à Londres en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; son siège est à Budapest (Hongrie). Elle a pour objectifs essentiels : - la promotion de l’amitié et de la solidarité entre les peuples ; - la lutte pour la libération des peuples encore opprimés et pour leur indépendance réelle ; - la participation à des tribunes internationales exigeant le désarmement, la paix, la démocratie et le progrès social ; - l’organisation de façon périodique (tous les 4 ans) du Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, dont la première édition eut lieu à Prague (Tchécoslovaquie), en 1947. Cette tradition culturelle qui favorisait le brassage des jeunes du monde entier, s’était poursuivie sans désemparer jusqu’en 1989, année de la chute du mur de Berlin et de l’éclatement du bloc socialiste. Elle connut dès lors, un temps mort et fut relancée en 1997 à la Havane (Cuba), puis en 2001 à Alger. La 16ème édition s’est tenue au Venezuela en 2005. La jeunesse congolaise, membre de la F.M.J.D. par le biais de l’U.J.S.C., prit une part active dans le fonctionnement de cette organisation internationale, à travers la présence effective des cadres de l’U.J.S.C. au sein des instances dirigeantes et permanentes. Il s’agit de Flamant André Ganga, Décos Nguié Alanvo, Léonard Mabassy et Michel Nkoli, tous membres du - 414 -

Comité Central de l’U.J.S.C. La jeunesse congolaise participait, de façon régulière, aux différentes manifestations politiques et culturelles organisées par la F.M.J.D. Citons au passage, le 10ème Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, tenu à Cuba en 1978 ainsi que le 11ème Festival tenu à Berlin en 1982. 2. L’ Union internationale des étudiants (U.I.E.) L’U.I.E. fut fondée le 27 août 1946 à Prague (Tchécoslovaquie) par 43 associations estudiantines nationales de plusieurs pays. Son but est de défendre les intérêts des élèves et des étudiants, à travers le monde. L’U.I.E. a rassemblé, à une certaine époque, près de 152 organisations estudiantines de 114 pays. C’est dire l’audience qu’elle avait, à ses débuts. On lui reproche le fait que les services secrets de l’U.R.S.S. (le K.G.B.) aient pu, à travers elle, infiltrer des agents dans les pays occidentaux. Depuis l’éclatement du bloc socialiste, les activités de l’U.I.E. sont en baisse. L’Association des Etudiants Congolais (A.E.C.) et l’Union Générale des Elèves et Etudiants Congolais (U.G.E.E.C.) furent pendant longtemps membres de l’U.I.E. 3. La Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (F.E.A.N.F.) Créée en 1950 pour défendre les intérêts matériels et moraux des étudiants africains en France, la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France fut membre de l’Union Internationale des Étudiants. Organisation de lutte politique et porteuse des idéaux d’indépendance nationale, de démocratie et de progrès social, la F.E.A.N.F. avait largement influencé les mouvements de libération nationale en Afrique. On sait par exemple que, le « NON » de Sekou-Touré au Général de Gaulle en 1958 fut « soufflé » par les dirigeants de la F.E.A.N.F. On sait aussi que, nombre de cadres des pays - 415 -

d’Afrique noire francophone puisaient leurs énergies au sein de la F.E.A.N.F., pour les mettre à la disposition de leurs indépendances respectives. Au Congo, on peut citer par exemple comme cadres éminents ayant été notamment à l’école de la FEANF : Roch Auguste Ngandzadi, Lazare Matsokota, Ambroise Noumazalay, Henri Lopès, Martin Mbemba, Pierre Moussa, … 4. Le Mouvement panafricain de la jeunesse (M.P.J.) Créé au lendemain des indépendances africaines, dans un élan de liberté conquise, le Mouvement Panafricain de la Jeunesse est né au terme d’une conférence tenue à Conakry (Guinée) du 26 au 30 Avril 1962. Son combat ? La libération totale du continent africain, du colonialisme, du néocolonialisme, de l’impérialisme et de toute autre forme d’exploitation. Dans ce combat, le Mouvement Panafricain de la Jeunesse dont le siège permanent est basé à Alger, visait également l’affirmation de l’identité et de la personnalité africaines. Reconnue par l’O.U.A. et l’O.N.U., le Mouvement Panafricain de la Jeunesse, entretient des relations multiformes avec d’autres organisations juvéniles continentales et internationales, d’Europe et d’Amérique latine, notamment avec la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique (F.M.J.D.). En 1987, à l’occasion de la célébration de son 25ème anniversaire, le Mouvement Panafricain de la Jeunesse fut invité à Brazzaville par l’U.J.S.C – J.P. (Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise – Jeunesse du Parti). Issebere Hamadoun, Secrétaire Général de l’organisation, prit part à ces festivités, aux côtés de nombreux jeunes venus de plusieurs pays d’Afrique. A cette occasion, le M.P.J. a été honoré par le Président congolais Denis Sassou Nguesso, qui l’a élevé au rang de « Commandeur dans l’Ordre National du Dévouement - 416 -

Congolais ». Par cette décoration, le Congo reconnaissait les mérites de cette organisation de la jeunesse africaine, dans l’accomplissement de ses missions. La jeunesse congolaise, représentée par l’U.J.S.C., a participé activement et régulièrement aux différentes activités organisées par le Mouvement Panafricain de la Jeunesse, et notamment aux différentes conférences statutaires : - la 3ème conférence tenue à Dakar (Sénégal) en 1970 ; - la 4ème conférence tenue à Benghazi (Libye) en 1973 ; - la 5ème conférence tenue à Brazzaville (Congo) en 1979 ; - la 6ème conférence tenue à Arusha (Tanzanie) en 1985 ; - la 7ème conférence tenue à Alger (Algérie) en 1990 ; - la 8ème conférence tenue encore à Alger en 1996 ; - la 9ème conférence tenue à Windhoek (Namibie) en 2003. C’est à cette conférence de Windhoek, que le Mouvement Panafricain de la Jeunesse changera de nom, pour s’appeler désormais : Union Panafricaine de la Jeunesse (U.P.J.). A cette même occasion, le M.P.J. changea le fusil d’épaule, pour se battre désormais, sous la nouvelle appellation, sur le terrain économique, la lutte pour l’indépendance n’ayant plus sa raison d’être. Albert Patrick Etokabeka a été pendant longtemps Représentant Permanent de l’U.J.S.C. auprès du M.P.J., à Alger. 5. Le Comité international des mouvements d’enfants et d’adolescents (C.I.M.E.A.) Créé en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après la F.M.J.D. dont il est membre, le C.I.M.E.A. a pour objectifs fondamentaux : la coopération avec tous les mouvements d’enfants et d’adolescents à travers le monde, la défense des droits des enfants et adolescents, la participation aux activités de solidarité à travers les festivals internationaux - 417 -

et les conférences thématiques. Son siège est à Prague (Tchécoslovaquie). Le M.N.P. a été pendant longtemps membre du C.I.M.E.A. Certains de ses cadres ont occupé des postes de « permanent » au sein de ce comité international, concomitamment avec leur qualité de représentant à la F.M.J.D. CONCLUSION On remarquera, à travers les différentes organisations juvéniles répertoriées, à travers leurs objectifs et leurs actions, que la jeunesse congolaise a joué, au fil des années, un rôle déterminant dans la vie politique et la construction nationale. Nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que la jeunesse congolaise organisée en « mouvements » sociopolitiques a été au cours des cinquante années écoulées, une « Grande Ecole » pour l’élite congolaise.

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CHAPITRE 14 HISTOIRE DU MOUVEMENT SYNDICAL CONGOLAIS par Jérôme OLLANDET INTRODUCTION Au Congo, comme dans d’autres pays d’Afrique noire francophone, le combat des syndicats reste sans nul doute la première forme de lutte contre la colonisation, la mieux organisée. Bon nombre de leaders africains firent leur apprentissage de militant avant tout dans les syndicats, avant d’aller aux partis politiques. Jacques Opangault, fondateur du Mouvement Socialiste Africain (MSA), fut d’abord un syndicaliste aux côtés de l’un de ses plus grands compagnons de lutte, Kikhounga-Ngot. Félix Houphouët-Boigny dirigea le syndicat des planteurs de Côte d’Ivoire avant de se faire connaître comme leader de parti politique. Le cas de Ahmed Sékou Touré en Guinée-Conakry est bien connu. Ce fut par l’action des syndicats que la logique de l’exploitation coloniale commença à être mise en cause. En 1959, la grève des agents de l’UNELCO, la société d’électricité de Brazzaville, qui paralysa toutes les activités industrielles et commerciales de la capitale, montra déjà le poids que cette force vive allait jouer plus tard dans la marche des affaires du pays. A partir de l’année 1961, l’action syndicale commençait déjà à se confondre avec l’opposition politique au pouvoir établi. Cette opposition classique (politique) étant devenue quasiment nulle, ce furent les - 419 -

syndicats qui menèrent l’action populaire ayant abouti finalement au renversement de l’Abbé Fulbert Youlou, le premier président du Congo. Mais comment le syndicat menat-il sa lutte lorsque de nouveaux enjeux se présentèrent dans le pays avec les défis de l’indépendance ? I- Aperçu général La naissance des premiers syndicats au Congo et de manière plus générale en Afrique noire francophone se confond avec celle des premiers partis politiques. A la Conférence de Brazzaville de 1944, la plus grande ouverture faite par le pouvoir colonial fut l’autorisation accordée aux ouvriers africains de s’organiser en syndicats. Il y a eu sur ce point un certain retard par rapport aux colonies britanniques où les syndicats se structurèrent très tôt. Ce fut à Dakar que se tint en 1945 la première rencontre des syndicats des colonies françaises d’Afrique noire. A cette réunion qui connut beaucoup de succès, les responsables des syndicats de l’AEF furent absents. L’administration, le clergé et les milieux d’affaires exercèrent toutes sortes de pressions pour empêcher cette participation. La conférence de Dakar traita surtout de la manière d’organiser le monde ouvrier africain en proposant la création d’un bureau unique qui aurait comme mission celle de coordonner l’action des unités syndicales qui naissaient dans les différentes colonies. On avait fixé le principe de la tenue des rencontres à cinq années. La deuxième réunion eut lieu à Bamako cinq ans plus tard. A cette rencontre, les débats essentiels portèrent sur la manière de trouver un mode de coordination efficace de l’action syndicale entre l’AOF et le Togo d’une part, l’AEF et le Cameroun d’autre part. Pour la première fois, quelques syndicalistes congolais prirent part à ces assises qui démarrèrent véritablement le mouvement syndical sur le - 420 -

continent. Un troisième congrès se tint à Cotonou en 1956. Le débat qui avait divisé les participants aux deux premières réunions et qui portait principalement sur l’engagement des syndicats aux côtés des partis politiques, ne trouva toujours pas de solution à Cotonou. Une partie des syndicalistes avait adhéré au principe de leur participation à la lutte pour l’indépendance du continent. Les défenseurs de cette thèse de l’engagement politique des syndicats avançaient que leur combat pour les droits sociaux des travailleurs en Afrique passait nécessairement par la lutte commune que toutes les forces vives menaient sur le continent contre la colonisation. Les autres arguaient qu’un tel engament émousseraient leur combativité dont le but essentiel était avant tout le bien-être des ouvriers. A cette rencontre, on projeta la création d’une organisation syndicale commune au niveau continental. Mais l’absence de l’Afrique du Nord à ce congrès de Cotonou, ne permit pas de mettre sur pied cet organe de combat. Il fallut attendre le congrès de Conakry pour voir se concrétiser cette idée d’une centrale unique de coordination syndicale. Ainsi naquit l’Union Générale des Travailleurs de l’Afrique Noire (UGTAN). En même temps que le syndicat militant se structurait autour du l’UGTAN, un autre courant traversait le monde ouvrier : la Confédération Syndicale Africaine (CSA) restait favorable pour une séparation nette entre l’action syndicale et la lutte politique. Elle justifiait l’apolitisme du mouvement syndical comme une attitude de sagesse devant les brutalités de l’administration coloniale qui avait tendance à confondre volontairement ces deux formes de lutte. Le congrès de Casablanca de 1961 avait fait naître beaucoup d’espoir. Les deux courants allaient-ils trouver un terrain d’entente pour une fusion des points de vue ? C’était bien l’espoir de tous les participants. Mais les pressions que l’administration coloniale et les milieux d’affaires exercèrent - 421 -

sur certaines délégations firent qu’au lieu d’un syndicat unique, on arriva à un simple compromis. Celui-ci donna naissance, non pas à un syndicat panafricain, mais à un organe de concertation collégiale entre les diverses centrales. Cette formation baptisée, Union Syndicale Panafricaine (USPA) dont les rôles n’étaient jamais définis de manière exacte, ne vécut que l’espace d’un congrès. En réalité, elle n’exerça aucune influence sur les syndicats locaux, qui gardèrent leur mouvement d’action et leurs réseaux d’alliance. De manière générale, le syndicalisme africain oscilla pendant longtemps entre ces deux conceptions, celle d’une centralisation et celle d’une autonomie des syndicats. II- Les syndicats au Congo, des origines à 1963 Ce fut après le congrès tenu à Cotonou en 1956 que le syndicalisme apparut véritablement, mais de façon timide, dans les milieux ouvriers congolais. Comme les premiers partis politiques, les syndicats congolais naquirent sous l’ombrage des formations syndicales françaises. De ce fait, ils ne purent éviter ni les inconvénients d’une telle obédience, ni les tares du syndicalisme français dont l’activité se confond parfois avec le combat politique. Cela avait fini par leur faire suivre les luttes internes du monde ouvrier européen. Les syndicalistes français qui participèrent à la naissance de ces différents syndicats au Congo relevaient des groupements différents, dont les plus représentatifs étaient la CGT, la CFTC et la CGTFO. Au départ, les trois centrales syndicales congolaises qui allaient jouer un rôle majeur dans le pays étaient de simples prolongements de ces trois grands syndicats qui se disputaient l’adhésion des ouvriers en France, et qui transportèrent ainsi au Congo et ailleurs en Afrique, leurs luttes internes et leur forme d’organisation. Mais dans un pays où la classe ouvrière - 422 -

était très faible numériquement, l’influence des syndicats devait être naturellement très faible. Jusqu’en 1960, l’action syndicale au Congo ressemblait fortement à une activité secrète de quelques initiés, qu’on prenait volontiers dans les lieux ouvriers comme de simples trouble-fêtes. D’ailleurs, bon nombre de travailleurs évitaient souvent de les fréquenter pour ne pas avoir des ennuis avec leurs patrons d’entreprise. Bien que cette activité fût légalement autorisée par la loi, l’action syndicale restait encore très discrète autour de trois grands regroupements : la CATC, la CASL et la CGAT. 1-La CATC La Conférence Africaine des Travailleurs Croyants (CATC) recrutait ses militants essentiellement dans les milieux chrétiens. Il était de loin le syndicat le plus important au Congo par le nombre de ses adhérents. Affiliée à la Conférence Française des Travailleurs Chrétiens, (CFTC), elle était d’obédience catholique. Par conséquent, le poids de cette église était considérable sur ce syndicat. Ses principaux responsables étaient : Gilbert Pongault, François Gandou, Pascal Okyemba Morlende, Biyaoula et Eticault. Ses membres les plus nombreux se trouvaient dans les milieux de l’enseignement privé. Lorsqu’on connaît la place occupée par cet ordre d’enseignement dans le pays, on comprend alors pourquoi les maîtres des écoles catholiques furent en première ligne dans les premières contestations du gouvernement de l’Abbé Fulbert Youlou. Leur grève de 1961 avait obligé l’Etat à prendre en compte la paie de leurs salaires par le Trésor public. C’était un grand soulagement que les églises apprécièrent positivement au départ. Mais cela allait se retourner contre elles quelques années plus tard lorsque la loi 15/62 du 15 février 1962 versa tous ces maîtres dans la fonction publique comme des fonctionnaires de l’Etat. Dès lors, les missionnaires n’avaient - 423 -

plus d’autorité réelle ni sur leur carrière administrative, ni sur leur traitement salarial. Au début de 1962, il se forma le Syndicat National des Enseignants du Congo (SNEC) qui regroupait les maîtres des établissements privés des trois confessions religieuses qui tenaient des écoles dans le pays, à savoir : les Catholiques, les Protestants et les Salutistes. Paul Bantou en fut le premier secrétaire général. Le SNEC fut très actif lors du débat national portant sur le statut de l’enseignement au Congo. En août 1965, lorsque le parlement congolais vota la loi portant sur la nationalisation de l’enseignement avec l’appui de beaucoup d’enseignants du secteur privé qui étaient des députés, les missionnaires se sentirent trahis par leurs maîtres. Ils tentèrent de faire échouer l’application de cette loi. Ce fut l’Eglise catholique qui donna le ton en ordonnant le boycott de la rentrée scolaire suivante, tout en demandant aux professeurs qui enseignaient dans leurs deux grands établissements secondaires, le Collège Chaminade à Brazzaville et le Collège Champagnat à Makoua, de déserter les salles de classe tant que certaines dispositions de la loi n’étaient pas revues. Trop tard ! La ferveur révolutionnaire de cette période était si grande que ce dernier baroud d’honneur ne pouvait plus influer sur un jeu politique qui avait déjà choisi sa logique et ses hommes. Ce geste maladroit des missionnaires leur fit tout perdre. La Révolution congolaise ayant pris en main l’encadrement de toute la jeunesse, façonna un autre état d’esprit chez les jeunes Congolais qui finirent par voir l’action missionnaire avec un esprit beaucoup plus critique qu’auparavant. La percée fulgurante des églises de réveil qu’on observe aujourd’hui pourrait avoir quelques racines dans cet état d’esprit où l’on cessa de considérer les anciennes églises établies dans le pays comme les seules voies du salut. La CATC avait aussi beaucoup de militants dans les milieux du secteur des affaires. Ici, l’action syndicale était plus - 424 -

difficile à mener, compte tenu de l’hostilité souvent affichée par le patronat européen qui appréciait mal cette liberté donnée aux travailleurs de revendiquer des droits. C’est là un détail important quand on sait que la France avait exporté en Afrique pendant la période coloniale les éléments de sa bourgeoisie les plus conservateurs qui furent dans une large mesure, les auxiliaires zélés du pouvoir des administrateurs coloniaux. Aux colonies, l’Etat, l’Eglise et le Capital formaient un tout indissociable. Même si dans l’ensemble, les dirigeants de la CATC au contact avec les réalités du pays, étaient ouverts aux idées du changement, certains parmi eux, par contre, restaient farouchement hostiles à ce qu’ils considéraient comme la percée du communisme dans la région. Plus tard, cette vision puérile de la situation coûtera à ce syndicat, sa mise à l’écart du processus révolutionnaire en cours dans le pays. 2-La CASL La Conférence Africaine des Syndicats Libres (CASL) fut la deuxième formation qui discutait l’adhésion des travailleurs avec la CATC. Son chef était Léon Robert Angor. Les deux centrales syndicales dont les fondements idéologiques étaient pourtant différents, avaient en commun l’anticommunisme viscéral que les milieux du clergé et ceux des affaires leur inculquaient à doses répétées. En fait, le sigle de cette centrale était un calque à peine dissimilé de la Conférence Internationale des Syndicats Libres (CISL) dirigée pendant longtemps par Irving Brown, dont l’activisme au profit de la C.I.A. en Afrique ne faisait l’ombre d’aucun doute. La CASL comptait parmi ses militants des hommes honnêtes qui s’étaient engagés très vite dans le combat aux côtés des dirigeants politiques pour la libération du continent. Mais ces derniers, mal informés de la nature des rapports qui liaient leur organisation à la C.I.S.L., travaillaient en réalité pour l’offensive américaine en Afrique, devenue une proie - 425 -

facile avec les indépendances fragiles des nouveaux Etats. La section congolaise de ce syndicat, la CASL de Léon Angor, allait jouer un rôle majeur dans la formation du syndicat unique au Congo. 3-La C.G.A.T. Le troisième mouvement syndical congolais fut la Conférence Générale Africaine des Travailleurs (CGAT) que dirigeaient deux figures emblématiques du syndicalisme congolais : Julien Boukambou et Abel Thauley Nganga. Ce syndicat était en réalité la section congolaise d’une centrale française, la Conférence Générale des Travailleurs (CGT). Par ce biais, la C.G.T était très proche des milieux du P.C.F et, par le truchement de la Fédération Syndicale Mondiale (F.S.M.), la CGAT de Julien Boukambou était liée aux pays du camp socialiste. Ses dirigeants avaient pour la plupart eu l’occasion de visiter l’Europe de l’Est, notamment la Tchécoslovaquie et la Hongrie, et surtout la RDA. D’autres avaient aussi voyagé dans certains pays socialistes d’Asie comme le Viêt-Nam et la Corée du Nord. Par ailleurs, des liens étroits existaient entre ce syndicat et les organisations syndicales ayant la même orientation dans certains pays africains : Guinée, Mali, Egypte et Congo-Léopoldville. Parmi ses responsables, quelques-uns avaient adhéré au marxisme-léninisme qu’ils essayaient alors de propager clandestinement en milieux scolaires et ouvriers. C’était évidemment un tour de passe-passe difficile, lorsqu’on connaît l’anticommunisme viscéral du pouvoir congolais au lendemain de l’indépendance du pays. Aussi, les responsables de ce syndicat furent-ils très souvent poursuivis par les services de police « pour activité subversive ». Leur activisme en milieux scolaires avait appris à la jeunesse congolaise à se jeter très tôt dans les arcanes du jeu politique. Deux capitales, Accra et Conakry, avaient permis à ce syndicat de réaliser une certaine - 426 -

coordination de son activité avec celles d’autres syndicats ayant le même objectif en Afrique. Pendant le bref passage de Patrice Lumumba à la tête de l’Exécutif congolais, Léopoldville fut la voie par laquelle quelques militants de cette centrale purent sortir facilement du Congo-Brazzaville pour leurs voyages vers la Guinée, le Ghana, l’Egypte, le Mali ou vers les pays socialistes d’Europe ou d’Asie. Julien Boukambou, qui fut la plus grande figure de ce syndicat, visita la plupart de ces pays qu’il apprit à comprendre et faire connaître à ses partisans. III-Vers une unité d’action Jusqu’en 1963, la situation syndicale au Congo était confuse. La C.A.T.C « croyante », la CASL « anticommuniste », la CGAT « sympathisante des idées socialistes », le monde ouvrier était divisé entre trois centrales aux idéologies presque antagonistes. Malgré cela, les traditions de lutte du monde ouvrier congolais et la combativité du mouvement syndical, firent leur point de convergence. On sait par exemple que ce fut la grève générale déclenchée par les trois syndicats qui fit changer le cours de l’histoire du Congo trois années après la proclamation de son indépendance. C’était en août 1963. Ce fut le meeting historique organisé le 12 août 1963 à Brazzaville, à la Place de la Gare, sous le mot d’ordre « il faut que ça change », par les responsables syndicaux unis au sein d’une alliance baptisée, Comité de Fusion Syndical, qui donna du courage à la population de Brazzaville pour la conquête du pouvoir le 15 août 1963. Pour réussir leur action, les trois centrales firent un front commun de lutte qui eut raison du régime de Fulbert Youlou. Car, en frappant sans discernement, tant dans les partis politiques que dans les syndicats, le pouvoir avait confondu ses ennemis. Cela leur donna une belle occasion de s’entendre contre lui. - 427 -

Leur peur commune les avait finalement unis pour la suite de leur bataille ! Mais, après leur victoire, les trois syndicats ne purent se mettre d’accord sur la conduite du pouvoir qu’ils venaient de gagner. Bien que visant le même objectif, à savoir les meilleures conditions de travail, ces trois centrales ne se mirent pas d’accord sur la conception même du rôle qu’ils allaient jouer dans le processus en cours. Face à l’apolitisme des syndicats prôné par des leaders du syndicat chrétien, s’opposait une autre conception, celle qui militait pour un engagement politique ferme aux côtés des autres forces vives ayant adhéré à la nouvelle logique des institutions. Ceux-là considéraient que l’engagement syndical n’était pas incompatible avec la lutte politique du peuple congolais. Pour eux, ceux qui sont chargés de défendre les travailleurs, ne sauraient restés indifférents au mouvement en cours dans le pays, au risque d’en être écartés. Le syndicat doit-il être engagé ou apolitique ? Cette question de choix idéologique divisa pendant assez longtemps le monde ouvrier. Ce conflit explique en partie les débuts tumultueux de la Révolution congolaise. Dans cette ambiance trouble, les trois centrales syndicales organisèrent le monde ouvrier, en priorité dans le secteur privé, avec les appréhensions de leurs divisons internes. Elles abandonnaient l’administration à elle-même. Si les travailleurs de l’ASECNA adhérèrent à la CGAT, ce fut simplement parce que quelques dirigeants de cette centrale, comme Aimé Matsika, y comptaient de bonnes relations. Ce fut également le cas de la CATC, qui organisa surtout l’enseignement privé. Le syndicat des cheminots resta une chasse gardée de la CGTFO, exactement comme en France. Il restait alors le cas des agents de l’Etat, les fonctionnaires. Honnêtes et très souvent bons travailleurs, les fonctionnaires congolais formaient des groupes non étiquetés, généralement ouverts aux - 428 -

idées nouvelles et suivant avec intérêt l’évolution de l’Afrique et du monde. Ils étaient très fiers de l’indépendance de leur pays, mais ils demeuraient profondément indignés de voir des injustices et des scandales qui éclataient sous leurs yeux et dont ils étaient souvent des victimes expiatoires ou parfois des auteurs inconscients. L’africanisation des postes tardait à venir, et ils en ressentaient une amertume face à un gouvernement dont les conseillers, les directeurs de cabinets ministériels, parfois même les secrétaires dactylographes, restaient encore des cadres européens de l’administration coloniale, devenus alors des assistants techniques par l’heureuse magie des accords de coopération avec l’ancienne métropole. Par ailleurs, la loi 15/62 du 3 février 1962 fixant le statut général de la fonction publique, n’intervint qu’une année après la convention collective du 1er septembre 1960 dont l’esprit était la prise en charge de ces cadres coloniaux par le nouvel Etat. Le cadre commun de l’AEF ayant cessé d’exister, la France voulut par le truchement de cette loi congolaise, trouver du travail à ses anciens serviteurs dont le recasement en métropole était difficile à réaliser. Les fonctionnaires congolais formaient des noyaux non négligeables de sympathisants, prêts à cautionner un mouvement de changement radical et cela d’autant plus facilement que leur adhésion à des syndicats était totalement interdite. Aussi, allaient-ils s’organiser, sur la base coopérative en section syndicales (Agriculture, SAF, Santé, etc.) Ce fut en 1961 que les fonctionnaires se regroupèrent pour donner naissance à la « Conférence des Fonctionnaires », une formation qui donna plus tard naissance à la « Conférence Syndicale des Fonctionnaires ». Cette formation ne fonctionna pas très bien, à cause des menaces de renvoi souvent brandies par l’administration contre des agents de la fonction publique qui adhéreraient à des syndicats. Les responsables des trois - 429 -

grandes centrales syndicales utilisèrent justement cette interdiction pour amener les agents de la fonction publique à soutenir leur action clandestine. Souvent, la répression maladroite et aveugle des services de police contre quelquesuns d’entre eux pour leurs prises de position dans certains conflits du travail, poussa davantage les fonctionnaires vers la désobéissance civique. Ils furent également très actifs dans le soulèvement populaire d’août 1963. IV- La Confédération Syndicale Congolaise (CSC) Après le renversement de l’Abbé Fulbert Youlou et l’instauration dans le pays du parti unique, le Mouvement national de la révolution (MNR), le syndicalisme congolais allait connaître une nouvelle orientation. Le congrès constitutif du MNR avait recommandé au bureau politique du nouveau parti d’organiser les syndicats et les autres forces populaires qui avaient adhéré au mouvement en cours, en centrale unique, comme la jeunesse l’avait déjà fait bien avant la naissance du parti. Le gouvernement avait intérêt à voir le monde ouvrier regroupé en une seule centrale pour avoir à ce niveau un seul interlocuteur. Conformément à ces directives de juillet 1964, les responsables politiques firent organiser à Brazzaville du 5 au 8 novembre de la même année, un congrès regroupant les trois syndicats du pays et leurs adhérents. Ici, plus qu’aux assises de la jeunesse, les luttes furent très dures. Déjà, la naissance du MNR avait déjà creusé un grand fossé entre la CGAT, favorable au parti unique, et la CATC, qui refusait d’y apporter son soutien. Les travaux du congrès des syndicats se tinrent dans un climat de vive tension entre ces centrales. Avant le congrès, l’agitation était déjà perceptible dans Brazzaville au sein des milieux ouvriers. Des tracts circulaient dans les entreprises, les bureaux et les

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établissements scolaires pour inviter tous les travailleurs à rejeter le projet d’une centrale syndicale unique du syndicat. Au congrès de novembre, trois forces étaient en présence : la CGAT, la CASL et la CATC qui regroupait la majeure partie des maîtres de l’enseignement privé, très nombreux dans la fonction publique, les agents de la santé, les ouvriers des mairies ainsi que ceux des maisons commerciales de Brazzaville et de Pointe Noire. La CATC était le syndicat le plus représentatif des travailleurs congolais de tous les secteurs. Ses responsables comptaient sur ce poids numérique pour reprendre l’initiative du mouvement et s’imposer comme le syndicat le plus représentatif du pays. A l’ouverture des travaux, la lutte s’engagea dans la salle entre la C.G.A.T. de Julien Boukambou et la C.A.T.C de François Gandou. Chacune des deux centrales devait faire des opérations de charme pour avoir l’alliance du syndicat de Léon Robert Angor, la CASL, dont le nombre de militants se comptait en réalité sur le bout des doigts. Mais ce syndicat minoritaire avait les mains plus libres que les deux autres centrales. Cela lui permit d’être au bout du compte le grand arbitre du jeu qui fit tout basculer pour la naissance du syndicat unique. Au moment de se décider sur l’orientation définitive à retenir, la question posée dans la salle du congrès, se présentait comme une alternative qui n’admettait pas d’atermoiements possibles. La question qui allait être soumise au vote des congressistes était simple : « Pour ou contre le syndicat unique ? ». Cette question préjudicielle conditionnait la suite des travaux. Cette question ainsi posée excluait tout débat de procédure. Il y eut cependant des discussions sur la manière dont ce vote allait se passer. Après d’âpres débats, Julien Boukambou et ses partisans avaient obtenu le principe d’un vote par syndicat, qui se ferait non pas individuellement, mais par centrale. Le scrutin n’était pas ouvert aux délégués présents dans la salle, mais aux trois centrales seulement qui devaient donner leur - 431 -

voix par leur délégué. Chaque syndicat allait faire des consultations au niveau de ses membres avant de revenir en salle pour donner la réponse du groupe. Le scrutin se résumait au bout du compte à trois voix que les trois responsables : Julien Boukambou, François Gandou et Léon Angor devaient exprimer par un vote à main levée. Après une pause de quelques instants au cours de laquelle chaque centrale devait faire le tour de la question avec ses militants et affiner sa réponse, les travaux reprirent en plénière sur cette question préjudicielle, celle du choix définitif de la forme syndicale à retenir dans le pays. A la question du bureau dirigeant les débats, François Gandou leva le doigt contre le projet de syndicat unique et Julien Boukambou leva le sien pour le syndicat unique. On attendait alors la réponse de Léon Angor. Grand silence dans la salle ! Avec le goût du pittoresque qu’il affectionnait souvent, Léon Angor leva alors le doigt pour appuyer Julien Boukambou en faveur du syndicat unique. Le verdict était donné : deux voix contre une. Le syndicat unique était né ! Léon Angor avait créé la surprise qui, en réalité, n’en était pas une. Tout le monde savait les accointances qui existaient entre les deux syndicats. Les défenseurs de la fusion syndicale avaient triomphé sur l’autre tendance. Le vote de Léon Angor fut salué dans la salle par de grands applaudissements qui accompagnaient de sourdes huées contre la CATC de François Gandou et ses camarades, qui tentèrent de s’opposer énergiquement en demandant un autre mode de scrutin. Trop tard ! Les autres savouraient déjà leur victoire. Malgré les vives protestations de la CATC, plus rien ne changea le cours des évènements. Le syndicat unique naquit dans ces conditions cocasses, mêlées d’astuces et d’intimidations de toutes sortes. La centrale syndicale que dirigeait Léon Robert Angor n’avait pas le poids numérique de celui de Julien Boukambou ; encore moins de celui de François Gandou. Mais ce fut son vote qui fit tout - 432 -

basculer à gauche, pour donner naissance à la Confédération Syndicale Congolaise (C.S.C) qui régnera seule sur le monde ouvrier pendant près de trente ans. Cette façon paraissait bien singulière, mais ceux qui avaient mis au point ce mode de scrutin, défendirent énergiquement leur choix. En 1965, Léon Robert Angor, devenu député, représentant de la CSC à l’Assemblée nationale, devint le président de l’auguste chambre. Il allait tout faire pour placer la CSC sous l’autorité du nouveau parti unique. L’unification des syndicats congolais en une seule centrale avait été réalisée parce que dans la salle, on n’avait pas tenu compte du poids numérique de chaque syndicat. Malgré sa défaite, la CATC resta ferme sur ses positions du départ. Non seulement elle refusa de reconnaître la nouvelle centrale, mais encore elle rejeta également l’offre de faire partie du Conseil confédéral, l’instance dirigeante du nouveau syndicat. Dans le préambule de son acte constitutif, on pouvait déjà noter cette volonté de faire jouer au syndicat des fonctions politiques : La classe ouvrière congolaise proclame sa volonté inébranlable d’attachement à l’esprit qui a présidé à la Révolution des 13, 14, 15 août 1963…Elle reconnaît la Confédération Syndicale Congolaise (CSC) comme la seule organisation ouvrière nationale.201 Le texte du préambule invitait au sein du nouveau syndicat tous les fonctionnaires du secteur public, tous les ouvriers, les employés de bureau, tous les étudiants à adhérer au nouveau syndicat. Les problèmes du monde paysan furent également évoqués au congrès. Mais le syndicat unique n’inséra pas les paysans dans ses rangs ; on se contenta de cette vague 201

Anonyme, Histoire du syndicalisme au Congo, p. 8.

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promesse. Le discours politique prenait le pas sur le discours syndical. On affirmait que dans la lutte contre le sousdéveloppement économique du pays et pour l’émancipation accélérée de l’homme, la CSC devait inscrire au centre de son activité, le problème coopératif. 202 Concernant le problème d’adhésion de la CSC au MNR, les positions des uns et des autres furent floues. Les radicaux du parti défendirent cette entrée au motif que la Révolution congolaise était déclenchée par la classe ouvrière, et que son déroulement devait incomber toujours aux ouvriers. Mais ce point de vue fut combattu par une autre aile du parti, pour qui le monde paysan était au Congo une force révolutionnaire plus puissante que le prolétariat des usines, numériquement insignifiant dans le pays. On retrouvait ici les deux conceptions du mouvement révolutionnaire qui avaient cours dans le monde : la thèse soviétique du prolétariat moteur de l’histoire et celle de la révolution chinoise s’appuyant sur le monde paysan. Au Congo, ces deux conceptions avaient déjà chacune ses partisans et ses contradicteurs. L’aile prochinoise, pourtant soutenue dans le pays par des anciens étudiants congolais en URSS comme Claude Ernest N’dalla, partageait cette thèse avec la majorité de la population. Cette deuxième querelle qui opposait les partisans du Livre rouge de Mao Tse Tong qui devint à partir de 1965, le véritable bréviaire des révolutionnaires congolais, à ceux qui prônaient la primauté de la classe ouvrière, annonçait déjà les chaudes empoignades que le parti allait vivre en son sein. Il fallait se déterminer : du modèle chinois ou soviétique, lequel serait convenable pour le pays ? Ce conflit allait connaître son point d’acuité à la fin de l’année 1965, après la visite officielle du secrétaire général du 202

Anonyme, Histoire du syndicalisme au Congo, p 3 (inédit).

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MNR, président de la République, Alphonse Massamba-Débat en Chine. En effet, il y eut après ce voyage un intérêt réel pour la révolution chinoise, que la population congolaise jugeait plus proche de la réalité congolaise que cette théorie éloignée de la lutte du prolétariat ouvrier. Quelques mois après son allégeance au parti, la Confédération Syndicale Congolaise obtint la mise au ban de la CATC. Celle-ci fut mise hors-la loi par un acte du gouvernement, qui interdisait toutes ses activités sur toute l’étendue du pays. Mais ses responsables ne désarmèrent pas pour autant. Comme certains parmi eux avaient été élus comme députés à l’Assemblée nationale, ils tentèrent, sans succès, de briguer le perchoir du parlement où ils avaient gardé leurs sièges. Pour eux, cette bataille était décisive pour conserver leur place dans les nouvelles institutions. La victoire de Léon Angor sur le candidat de la C.A.T.C. François Gandou montrait que, l’union sacrée qui les avait sauvés en juillet 1963, cessait d’exister. L’élimination du syndicat chrétien de la scène congolaise devint totale lorsque la CSC mit sur place les premières sections et unités de base dans lesquelles l’adhésion des militants de François Gandou fut totalement exclue. Dans un numéro du journal Etumba ou Combat, un autre organe du parti qui venait de naître après le truculent Dipanda de Ndalla Graille, on pouvait lire cette violente attaque contre le bureau de la C.S.C lorsque Pierre Eticault de la CATC se fit élire à la tête de la fédération syndicale des entreprises d’Etat. Pour l’auteur de l’article, cette entrée était une infiltration intolérable, qu’il fallait à tout prix enrayer. Voici le texte de cette dénonciation : Les frères de la défunte C.A.T.C. avaient refusé l’unité syndicale au moment où les jeunes, les femmes et les autres forces formaient la J.M.N.R., l’U.R.F.C. et le M.N.R. Ils arguaient qu’ils ne - 435 -

pouvaient pas appartenir à la C.S.C. qui était politique, alors qu’eux faisaient du syndicalisme apolitique ! Mais, voilà que ces mêmes messieurs reprennent du service. Et où ? Dans les organismes politiques de la Révolution. Leur apolitisme a-t-il évolué ? Travailleurs congolais ! Sauvons la Révolution des infiltrations des éléments de la C.A.T.C. au sein de la C.S.C. ! 203 Après la session du comité central de février 1966 qui avait adopté la charte du MNR, les quatre représentants du syndicat chrétien furent exclus du parti. Car le groupe de François Gandou n’avait pas boudé seulement la création d’une centrale syndicale unique, mais il avait refusé également de reconnaître la nouvelle orientation idéologique que prenait le mouvement révolutionnaire. Ce combat fut le dernier baroud d’honneur politique que ce groupe ne pouvait pas gagner. François Gandou le savait, mais la pression du clergé poussait la charrette dans l’espoir de faire changer le cours des évènements. Peine perdue ! Deux mois plus tard, les deux députés de la C.A.T.C. furent contraints de quitter à leur tour l’Assemblée nationale. Le congrès constitutif du syndicat avait élu un conseil central de 48 membres et un bureau exécutif de neuf membres ayant à sa tête Diallo Idriss, qui devint de ce fait le premier secrétaire général de la CSC. Cette entrée en lice de ce musulman fervent, mais amateur de bar dancing et d’autres lieux de bonne vie, venait ajouter de la confusion à la petite guerre des religions qui ne se déroulait jusque-là dans le pays qu’entre Catholiques et Protestants. Comme on pouvait le 203

Journal Etumba, n°113 du 5 février 1966, « La C.A.T.C. renaît ! », p.4

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constater, la Révolution congolaise avait donc plusieurs fronts à soutenir ! En plaçant le marxisme-léninisme au-dessus de cette querelle des religions, le parti unique réussit à juguler les ardeurs des uns et des autres. Quatre années plus tard, une loi fut votée pour fixer au nombre de 7 la liste des confessions religieuses autorisées dans le pays. Ce point d’histoire est capital à saisir. La Révolution marxiste du Congo-Brazzaville n’avait jamais interdit la pratique de la religion dans le pays. Simplement, devant la prolifération des sectes qui naissaient malgré le discours philosophique contraire du pouvoir, elle en fixait tout juste le nombre d’obédiences. Ce fut seulement à ce niveau que l’Etat fit l’unique geste d’intervention en matière religieuse. La loi n°40-64 du 17 décembre 1964 allait consacrer la CSC comme l’unique centrale syndicale dans le pays. Comme le mouvement de la jeunesse, le monde du travail se dressait à son tour comme une autre source du pouvoir révolutionnaire. Voici un extrait de cette loi : Article 1er : Il est constitué une organisation syndicale nationale unitaire et collective qui prend le nom de Confédération Syndicale Congolaise et regroupe, sur le principe de l’adhésion volontaire, sans distinction de race, de nationalité et d’opinion religieuse, les travailleurs et les salariés de toute nature… Article 3-Sont dissoutes toutes les centrales syndicales ouvrières autres que la C.S.C. La loi était stricte sur le point de l’unicité de l’action syndicale au Congo. Elle n’admettait aucune concurrence faite à ce nouveau. A partir de cette disposition légale, la CATC qui avait refusé d’intégrer la centrale unique, était mise hors-la loi. - 437 -

Ses responsables se plièrent devant leur défaite dans un combat qui leur était défavorable en cette période d’exaltation populaire. La querelle des syndicats était terminée sur cette rancœur des uns et la grande satisfaction des autres. Le syndicat unique devenait ainsi la seule forme d’organisation ouvrière qui était retenue dans tout le pays pour toutes revendications salariales et de promotion.  La CSC et le PCT En juillet 1968, le régime congolais avait connu une grande secousse interne. Alphonse Massamba-Débat, président de la République et secrétaire général du MNR, avait quitté le pouvoir et le capitaine Marien Ngouabi l’avait remplacé aux fonctions de chef d’Etat. Le MNR avait été suspendu. Quelques mois plus tard, un congrès extraordinaire fut convoqué en décembre 1969, à l’issue duquel un nouveau parti fut mis en place sur les cendres du MNR. Cette nouvelle formation prit le nom de Parti congolais du travail (PCT). Marien Ngouabi en devint le président et, par voie de conséquence, le chef de l’Etat, comme le stipulaient les dispositions du nouveau parti. Malgré ce grand changement au niveau des hommes et de la direction politique, la nouvelle logique des institutions installées dans le pays depuis 1964 fut poursuivie. Dans cette nouvelle conjoncture, quelles relations le syndicat unique, la CSC, mis en place sous le MNR, allait-il entretenir avec le nouveau parti ? En tout cas, le climat de confiance se renforça entre le syndicat et le parti unique. La CSC reconnut vite le PCT et se mit sous son autorité comme les autres organisations populaires. La figure emblématique de cette première grande phase du syndicalisme militant, Anatole Kondho, fut toujours un membre du comité central du PCT. Marien Ngouabi se félicitait d’ailleurs de cette collaboration, quelques années plus tard, lorsqu’il déclarait le 27 décembre 1974 : - 438 -

Le Parti congolais du travail puise sa force dans le peuple,s’éduque auprès des masses révolutionnaires organisées, en tête desquelles, se trouve la dynamique et historique Confédération Syndicale Congolaise dont la lutte dans le temps et dans l’espace ne cesse d’avancer de victoires en victoires. C’était en ces termes que Marien Ngouabi s’était adressé à la classe ouvrière congolaise lors du 4e congrès ordinaire de son organisation. Cette déclaration qui constituait pour les responsables syndicaux un véritable motif de satisfaction, allait pousser ceux-ci à plus d’ardeur au travail, mais aussi à plus d’incohérence dans leur action. Alors que le pays traversait une crise économique sévère, les différents syndicats d’entreprises parastatales se mirent à élaborer à tout de rôle, des statuts particuliers dont le but devint essentiellement l’augmentation des avantages de toutes natures pour les travailleurs. Peu importe la bonne marche financière et budgétaire de ces sociétés d’Etat. Le gouvernement était impuissant d’arrêter cette logique incompréhensible. Quant au PCT, il était pris dans son propre jeu politique des alliances. Les organisations de base étaient son fondement structurel. Elles constituaient la véritable structure par laquelle sa légitimité était fondée. Son autorité sur la population passait nécessairement par ces structures d’encadrement pour couvrir tout le pays. Ainsi, la CSC étant devenue son rempart devant toutes formes de contestation ouvrières possible, il lui devint impossible de s’opposer à ses ambitions. Mais, tout en devenant le grand défenseur du processus révolutionnaire, la CSC ne put comprendre qu’elle sciait la branche de l’arbre sur lequel ce processus révolutionnaire était justement assis. Usant de chantage et de pressions, aussi de démagogie, elle obtint du gouvernement la signature de ces conventions collectives dont on savait les impacts néfastes. - 439 -

En 1973, il fut institué au sein des entreprises d’Etat, la Trilogie déterminante. Par ordonnance 73/26 du 10 juillet 1973, le chef de l’Etat signa un texte qui donnait à chaque entreprise parastatale, la possibilité de fixer ses propres avantages et ses règles de gestion. Les vannes étaient alors ouvertes. Les entreprises confectionnèrent des conventions spécifiques où la grille des salaires et la liste d’avantages accordés aux travailleurs n’avaient aucune relation avec leur santé économique réelle. Depuis longtemps, les syndicats poussaient à cette politique avec la bénédiction des cellules du parti à la base, instaurées dans chaque entreprise. La Trilogie déterminante remplaça le Conseil d’administration. Le directeur général de l’entreprise, nommé par le gouvernement, ne pouvait rien décider tout seul sans l’aval du parti et du syndicat. Pour la gestion quotidienne de son unité, il devait compter sur le Tribunal des camarades pour punir la moindre indiscipline. En fait, le directeur devait régner sur tous ses hommes, sans jamais les gouverner réellement. Ainsi, d’œuvres sociales qu’elles avaient été auparavant, ces entreprises d’Etat devinrent des unités syndicales où le combat militant remplaçait la compétence et où la prime venait avant le rendement de l’agent au travail ou bien la santé financière de l’entreprise. Malgré cette confusion des rôles dont l’issue était connue, à savoir l’effondrement du secteur économique d’Etat, le gouvernement continua sa politique de subventions pour renflouer leurs caisses, toujours vides. Toujours dans cette foulée du syndicalisme triomphant, il fut créé un impôt spécial appelé « check-off ». Il s’agit d’une retenue opérée à la source sur tous les salaires versés au Congo, tant par le secteur public que privé. La Confédération Syndicale Congolaise qui recevait toutes les sommes retenues, expliquait cet impôt comme un geste de solidarité nationale qui allait lui permettre de réaliser des œuvres sociales pour tous les travailleurs congolais : - 440 -

centres de repos et de vacances, crèches et jardins d’enfants, centres médicaux, etc. On s’aperçut plus tard que l’argent collecté n’avait rien créé, et qu’il avait plutôt grossi les revenus des dignitaires des syndicats, qui se cachaient dans la CSC pour arranger leur situation. Sur ces fonds, il y eut beaucoup de malversations impunies. Et malgré cela, l’impôt ne fut jamais supprimé. Le contribuable congolais continua ainsi de payer à cette « canaille » jusqu’en 1992, des fonds sans contrepartie ! Toutes ces folies « révolutionnaires » s’appuyaient évidemment sur une éclaircie économique et financière due à quelques retombées des prix du pétrole qu’on venait d’enregistrer. On avait pris cela comme la fin des malheurs dans tout le pays. Ces retombées pétrolières avaient ouvert quelques perspectives encourageantes sur le plan des finances publiques. Le pays aborda l’année 1974 sur cette illusion de prospérité. Toute l’année se passa dans ce climat d’euphorie et d’apparente stabilité. En cours d’exercice, le budget national bénéficia d’un apport de 21 milliards de F/CFA non prévus au départ. Cette manne venait du bonus que le pays avait obtenu de la remontée des prix du pétrole. De quoi tourner les esprits ! Ce fut ce qui arriva. Marien Ngouabi lui-même était plus euphorique que le peuple, et il pouvait déclarer que le chômage se résorberait totalement au point que le Congo pourrait importer de la main-d’œuvre. Dans ses discours, il citait pêle-mêle les réalisations à entreprendre dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures, de l’amélioration des conditions de vie de la population, etc. Le pays avait-il trouvé ses équilibres économiques ? En tout cas, dans les quartiers de Brazzaville, beaucoup de personnes pensèrent cela d’autant facilement qu’on assistait au développement dans certains cercles du pouvoir des signes extérieurs de richesse, qui vexaient la

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population. Voici le point de cette situation paru dans le journal Etumba du 7 mars 1974. Jamais la capitale congolaise n’avait vu auparavant un parc automobile si vaste et si varié et flambant neuf ! Jamais auparavant on n’avait vu surgir de terre tant de villas de luxe à Brazzaville et à PointeNoire, les deux grandes villes du pays ! Le costume des couches possédantes avait changé. Parfois aussi les goûts alimentaires ! Cette escalade des salaires qui toucha une minorité de la population, provoqua tout naturellement au niveau national une certaine inflation, qui eut entre autres conséquences, le déséquilibre au niveau des ménages qui se traduisit naturellement par une montée vertigineuse des prix des denrées de première nécessité sur le marché Tout devint très cher partout dans le pays. Le sac de foufou 204 passa en 1975 de 6.500 F/CFA à 11.000 F/CFA, parfois davantage. Le kilogramme de viande augmentait dans des proportions moins fortes car cette denrée étant subventionnée par le Trésor public à travers une société d’Etat, appelée ONIVEG. Celle-ci commandait de la viande pour le marché de la capitale qu’elle revendait en réalité à un prix inférieur à celui de revient par kilogramme. Les fruits, le prix du taxi, les fournitures scolaires, tout avait subi une forte augmentation. Le médicament était subventionné. Sur ce produit, il y eut moins de perturbations sur les ménages. L’augmentation des prix de produits agricoles donna un coup de relance à l’agriculture vivrière. Au niveau du gouvernement, des slogans 204

Farine de cossettes de manioc qui est l’aliment de base de la population congolaise.

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mobilisateurs étaient arrêtés pour inciter la population au retour aux travaux de la terre. Dans la foulée, le comité central du PCT lança les champs du parti, qui s’avérèrent plus tard être un échec cuisant. Le gouvernement lui-même renforçait cette illusion de richesse en lançant son plan de développement économique et social du pays, baptisé « Programme Triennal ». L’évènement médiatique chanté dans tous les folklores du pays, était présenté aux populations comme le premier pas que le Congo levait pour une nouvelle marche vers l’affermissement du processus révolutionnaire. On promettait des décisions fermes qui allaient remettre le pays sur les rails et relancer l’économie. Dans ce climat d’enthousiasme, le gouvernement et le parti invitaient surtout le peuple à suivre les directives, afin de réussir cette nouvelle bataille du développement, de manière ferme. V- La période de la brouille La confiance qui avait toujours régné entre le la CSC et le PCT commença à se dégrader à partir de 1977, lorsque la crise économique devint plus sévère. Les entreprises d’Etat, essoufflées par le poids de leurs charges, devenaient incapables de payer correctement les salaires de leurs nombreux et onéreux personnels. Les travailleurs de ce secteur important, qui n’avaient jamais connu une pareille situation, rejoignaient ainsi ceux de la fonction publique dont les traitements mensuels étaient versés au hasard des rentrées fiscales au trésor public. Ces unités parapubliques devinrent alors des terreaux fertiles sur lesquels tous les discours pouvaient faire germer des rêveries de toutes sortes. Ce climat social tout à fait morose, se doubla d’une grave crise politique. Le 18 mars 1977, Marien Ngouabi, le président du PCT, président de la République, était assassiné dans sa résidence. - 443 -

Dans cette situation politique difficile, le comité central du PCT confia le pouvoir à un organe provisoire, chargé de ramener le calme dans le pays. Celui-ci était appelé, Comité Militaire du Parti. Il était dirigé par Joachim YhombyOpango. La nouvelle direction politique se retrouva face à une crise financière plus aigüe encore. De ce fait, tous les secteurs de la vie nationale furent bloqués. Le monde ouvrier devint très nerveux et les grèves furent courantes, malgré le discours officiel qui dissimulait ces refus du travail et rassurait la population sur la capacité du gouvernement à redresser la situation. Le syndicat se retrouva alors le dos au mur, coincé entre son allégeance au parti et son devoir de défenseur des intérêts du monde ouvrier. Mais, habiles manœuvriers, Anatole Kondho et ses camarades retournèrent la situation en leur faveur en mettant les malheurs des travailleurs sur la seule responsabilité du gouvernement, accusé d’incapacité à gérer les affaires publiques. Ils l’accusaient également de chercher à bloquer l’expression libre des citoyens en commençant par la liberté syndicale. En fait, le syndicat qui avait été en partie responsable des dérapages économiques que connaissait le pays, était comme le pyromane qui criait à l’incendie dont il pouvait accuser facilement le premier venu. Ce fut dans ce contexte que se tint du 26 au 30 avril 1978 le e 5 congrès de la CSC qui marqua la première grande brouille entre le syndicat unique et le parti unique. A ce 5e congrès, Anatole Kondho et ses camarades ne pouvaient pas ignorer, ni négliger cette conjoncture tumultueuse sans se faire discréditer par la base. Aussi, déployèrent-ils tous leurs talents pour relancer le mouvement syndical en pleine déconfiture. A l’issue des travaux, un programme d’action fut adopté, basé sur l’organisation, l’éducation et la mobilisation des travailleurs. Pour réussir cette action, un organe de coordination, nommé Commission Confédérale Exécutive (COCONEX), fut mis en place. C’était en fait un succédané - 444 -

que les syndicalistes avaient pu trouver à la place du bureau exécutif de la CSC. Car, ses activités avaient été suspendues par le CMP, comme il l’avait fait pour les autres organes dirigeants des autres structures de base du parti : l’URFC et l’UJSC. Le cahier de charges qui fut élaboré à l’intention du CMP et du gouvernement, montrait qu’on passait de la simple lutte ouvrière à une véritable opposition politique. Au cours de la rencontre du 8 décembre 1978 entre le CMP et la COCONEX, la contradiction éclata au grand jour tant les points du document intriguaient la direction politique. Dans le climat de ce régime militaire assez sévère, le syndicat apparut comme la seule force vive du pays à poser clairement les problèmes, notamment ceux du blocage des structures politiques. Le meeting du 30 janvier 1979 à la « Place de la Gare », devenue depuis longtemps, « Place de la Liberté », fut une grande occasion de dénonciation de la mauvaise gestion du pays et de l’insécurité de l’emploi. Les syndicalistes prirent un grand risque pour leur propre sécurité. Ils durent trouver des « cachettes » pour leur sécurité. La pression du syndicat qui put gagner très vite le milieu de la jeunesse, aboutit alors à la convocation de la session extraordinaire du comité central du PCT qui mit fin à l’existence du CMP. Une nouvelle direction politique plaça Denis Sassou Nguesso à la tête du parti et de l’Etat. Le bureau de Jean-Michel Bokamba Yangouma, qui remplaça celui de Anatole Kondho, rétablit les bonnes relations entre le syndicat, le gouvernement et le parti et cela, jusqu’à la Conférence Nationale en 1991 à l’issue de laquelle le syndicat unique fut abandonné au profit du la pluralité des centrales syndicales.

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CONCLUSION Le syndicalisme était né au Congo dans les mêmes conditions que les partis politiques, en ce sens qu’ils furent au départ de simples prolongements des centrales syndicales existant dans la Métropole (la France). Mais il n’est pas faux de soutenir que c’est par la lutte syndicale que beaucoup de leaders congolais sont arrivés à l’engagement politique. Jacques Opangault fut d’abord le chef du syndicat de la Fonction Publique, avant de s’engager véritablement dans la lutte politique en créant son parti, la SFIO-Congo, qui se mua en MSA quelques années plus tard. Ce fut en août 1963 que les syndicats congolais firent leur entrée triomphale dans l’histoire. Leur action mit fin au régime politique que connut le pays sous l’Abbé Fulbert Youlou, le premier président du Congo indépendant. Il faut indiquer que ces syndicats étaient allés en guerre contre Fulbert Youlou pour l’empêcher d’imposer au pays son idée de « parti unique », qu’ils considéraient déjà comme un désir de vouloir bâillonner les libertés fondamentales, parmi lesquelles celle de la vie syndicale. Ironie de l’histoire, les syndicats congolais devinrent après la chute de Fulbert Youlou, non seulement une centrale unique, mais encore ils se muèrent en grand défenseur du « parti unique » sous le MNR d’abord, sous le PCT ensuite. La Confédération Syndicale Congolaise fut l’un des bras séculiers du pouvoir révolutionnaire. Ses grandes figures emblématiques furent des membres du Comité central du Parti Certains montèrent jusqu’au niveau du Bureau politique. Cette alliance prit fin avec l’avènement sur l’échiquier national de la pluralité politique.

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PARTIE VIII HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES

CHAPITRE 15 LE CONGO ET LE MONDE par Delphine Edith EMMANUEL ADOUKI INTRODUCTION Après plusieurs décennies d’administration coloniale, le territoire du Moyen-Congo bénéficie d’une autonomie interne croissante qui débouche sur la fondation de la République du Congo. La fondation de la République du Congo s’opère en deux temps. Le 28 septembre 1958, le territoire du MoyenCongo approuve par référendum le projet de Constitution par 339.436 voix contre 2.133 et manifeste ainsi sa volonté d’intégrer la Communauté institutionnelle organisée sous l’égide de la France. Puis, l’Assemblée territoriale du Moyen-Congo adopte la délibération n° 112-58 du 28 novembre 1958 dont l’article premier dispose : « Le territoire du Moyen-Congo manifeste sa volonté de devenir un Etat membre de la Communauté créée par la Constitution du 4 octobre 1958 ». Il sied de rappeler qu’avant son accession à l’indépendance, la République autonome du Congo est organisée successivement par la Constitution du 28 novembre 1958 et la Constitution du 20 février 1959. Ainsi, le nouvel Etat, membre de la Communauté française, est autonome c’est-à-dire qu’il ne dispose pas de la plénitude et de l’exclusivité des compétences qui caractérisent un Etat souverain. Car, de nombreuses compétences demeurent dévolues à la France, chef de file de la Communauté205. Il s’agit : de la politique étrangère, de la 205

La Communauté conventionnelle, établie entre Etats indépendants, succède à la Communauté institutionnelle. Voir sur ce point, F. Borella, 1959, « L’évolution de la Communauté », AFDI, pp. 761-783 ; F. Borella, 1960, « L’évolution de la Communauté », AFDI, pp. 925-952 ;

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défense, de la monnaie, de la politique économique et financière, des matières stratégiques, de la justice, de l’enseignement supérieur, des transports extérieurs et communs et des communications. Sous la conjonction de facteurs internes et externes qui créent des conditions favorables et irréversibles, l’indépendance de la République du Congo est proclamée le 15 août 1960206. Le statut d’Etat, et les effets juridiques qui y sont attachés, lui permettent d’établir des rapports de coopération, de conclure des conventions internationales, d’exercer le droit de légation, d’accéder à des organisations internationales et le cas échéant, de répondre de ses actes qui causent préjudice, au niveau international. Les accords de Matignon du 12 juillet 1960 en effet organisent le transfert des compétences entre la France et le Congo ; il s’agit de l’Accord particulier portant transfert à la République du Congo des compétences de la Communauté, de l’Accord relatif aux dispositions transitoires applicables jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de coopération entre la République française et la République du Congo, de l’Accord relatif aux dispositions transitoires en matière de justice entre la République française et la République du Congo et de l’Accord sur la participation de la République du Congo à la Communauté. Ces accords sont ratifiés par la loi n° 60-43 du 23 juillet 1960 et entrent en vigueur le 14 août 1960. La présente étude sur « le Congo et le Monde » comporte deux axes. Il s’agit d’examiner, dans un premier temps, la coopération bilatérale établie par le Congo avec de multiples partenaires (I) et, dans un second temps, la coopération multilatérale, c’est-à-dire la coopération organisée dans le cadre de la famille des Nations unies (II). R. De Lacharrière, 1960, « L’évolution de la Communauté francoafricaine », AFDI, pp. 9-40. 206 . Voir textes in A. Gabou, 1984, Les Constitutions congolaises, Paris, LGDJ, NEA, 547 p.

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I - La coopération bilatérale La coopération bilatérale de la République du Congo est de nature évolutive et diversifiée. Elle repose sur des options politiques et idéologiques fixées par les régimes politiques qui se sont succédé. On observe, à cet effet, quatre périodes essentielles qui correspondent à des modalités particulières de coopération : - la période des relations privilégiées avec la France ; - la période des relations bilatérales diversifiées ; - la période des relations bilatérales privilégiées avec l’URSS ; - l’ouverture ou la coopération tout azimut. 1. La coopération privilégiée avec la France La République du Congo observe une coopération bilatérale privilégiée avec la France et certains Etats francophones modérés durant les trois années qui suivent 207 l’indépendance . Le maintien de ces liens traditionnels avec la France s’explique notamment par le fait que dans le monde bipolaire des années soixante dominé par la guerre froide, le jeune Etat congolais ressentait le besoin d’une protection que seule l’ancienne métropole pouvait lui apporter208, qui lui fournit, en outre, du personnel destiné à pallier l’insuffisance de cadres dans l’administration congolaise. Cette coopération s’organise dans le cadre de onze accords au moyen desquels, le Congo adhère à la Communauté rénovée209, établit des relations diplomatiques privilégiées avec la France, obtient la 207

Voir, sur ce point, N. Mayetela, « Le Congo dans les relations internationales classiques », in J.M. Breton, J. Capiaux, M. Mabounda (dir.), 1987, Manuel de Droit Public Congolais, Paris, Economica, p. 658. 208 Ibidem, p. 650. 209 Accord particulier sur les conditions de participation de la République du Congo à la Communauté du 15 août 1960.

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formation de son personnel militaire210 et le recrutement de personnel enseignant211. Il s’agit de l’Accord particulier sur les conditions de participation de la République du Congo à la Communauté, de l’Accord de coopération en matière de politique étrangère, de l’Accord concernant l’assistance militaire technique, de l’Accord en matière d’aide, de l’Accord en matière domaniale, de l’Accord de coopération culturelle, de la Convention d’établissement, de l’Accord relatif au Centre d’enseignement supérieur de Brazzaville, de l’Accord de défense, de l’Accord de coopération en matière monétaire, économique et financière et de l’Accord relatif à l’enseignement supérieur. Ainsi, par exemple, dans l’Accord relatif à la coopération en matière de politique étrangère, plus précisément à l’article premier alinéa 1, l’Ambassadeur de France est aussi Haut Représentant du président de la République et Représentant spécial de la Communauté. Il est de droit Doyen du corps diplomatique accrédité à Brazzaville. Avant la prise de toute décision importante en matière de politique étrangère, les deux Etats conviennent de se concerter et d’harmoniser leurs positions (article 4). La relation privilégiée avec la France amène très souvent le jeune Etat, membre du groupe dit de Brazzaville, à aligner, en matière de politique étrangère, ses positions sur celle de l’ancienne puissance coloniale.212. 210

Cf Article 11 de l’Accord relatif à l’assistance militaire technique entre la République française et la République du Congo, du 15 août 1960. 211 Cf Accord de coopération culturelle entre la République française et la République du Congo du 15 août 1960. 212 La politique étrangère de la République du Congo s’inspire, « dans l’esprit de la Charte des Nations unies, d’un même idéal et des mêmes principes″ ». Cf Préambule, alinéa 3 de l’Accord de coopération en matière de politique étrangère entre la République française et la République du Congo du 15 août 1960.

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2. La coopération bilatérale diversifiée Au lendemain du mouvement insurrectionnel des 13, 14 et 15 août 1963, s’installe un nouveau régime politique qui recentre la politique étrangère de la République du Congo en établissant une coopération bilatérale plus diversifiée. La France n’apparaît plus, de 1963 à 1968, comme le partenaire privilégié de la République du Congo213 qui s’attache à observer une politique d’ouverture et ainsi « de coopérer avec tous les autres peuples du monde dans la paix, la justice et l’égalité »214 sur la base du « principe du non-alignement politique et diplomatique »215. C’est ainsi que le Congo noue des relations diplomatiques avec les Etats considérés comme progressistes à l’instar de l’Algérie, de l’Egypte, de la Chine216, de la Corée du Nord217, de Cuba et de l’URSS218 et des pays de l’Europe de l’Est. 3. La coopération bilatérale privilégiée avec l’URSS Le changement de régime politique, survenu en 1968, se traduit notamment par la succession de la République populaire du Congo à la République du Congo, ainsi que par la réorientation de la politique étrangère axée sur les liens permanents et privilégiés avec les Etats « progressistes » et 213

L’on note durant cette période notamment, le retrait de la base militaire française de Brazzaville, Cf. N. Mayetela, « Le Congo dans les relations internationales classiques », op.cit., p. 664. 214 Dernier paragraphe du préambule de la Constitution du 8 décembre 1963. 215 Article 4 alinéa 2 des Statuts du Mouvement national de la révolution. 216 Trois accords sont signés le 2 octobre 1964, à savoir : un traité d’amitié, un accord de transport maritime et un accord de coopération mutuelle. 217 Trois accords sont signés. Il s’agit de l’Accord de coopération scientifique et technique, de l’Accord de commerce et de l’Accord de fourniture d’aide économique. 218 Le Congo a signé un accord de coopération économique et technique avec l’URSS et procédé à l’échange d’ambassadeurs.

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socialistes, tout en maintenant ou en réaménageant les relations établies avec les autres Etats. En illustration, le Congo établit des relations diplomatiques avec la Roumanie et conclut avec elle un accord de coopération économique et technique, un accord commercial et un accord culturel. Les accords de coopération du 15 août 1960 conclus avec la France sont dénoncés par le Congo qui sollicite leur renégociation. Le 1er janvier 1974, onze nouveaux accords sont conclus, à savoir : le traité de coopération, l’Accord de coopération technique en matière de formation des cadres et équipements techniques de l’armée nationale populaire, la Convention en matière de coopération judiciaire, l’Accord sur les droits fondamentaux des nationaux, l’Accord sur la coopération culturelle, l’Accord sur la coopération scientifique et technique, l’Accord sur la coopération économique et technique, l’Accord sur la coopération sanitaire, l’Accord sur le concours en personnel, l’Accord sur le transport aérien et l’Accord sur la coopération en matière de marine marchande. Les relations diplomatiques avec les USA, interrompues en 1965, sont rétablies en juin 1977. La conclusion du Traité d’Amitié et de Coopération avec l’URSS, le 13 mai 1981, fixe les conditions de développement et d’approfondissement des relations politiques, économiques et scientifiques entre les deux Etats qui conviennent de se consulter sur toutes les questions internationales majeures les concernant219, de coordonner leurs positions en vue d’éliminer une menace contre la paix ou de rétablir la paix220, de s’abstenir de participer aux actions et mesures dirigées contre l’autre partie contractante221 et de développer leurs liens

219

Article 6 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981. Article 7 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981. 221 Article 10 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981. 220

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d’amitié et de coopération222. En même temps, le Congo normalise ses rapports avec la République du Zaïre, après plusieurs phases de tension, en concluant divers accords. On peut citer entre autres : le Manifeste du 16 juin 1970, l’Accord du 18 août 1972 de Franceville, l’Accord de la coopération économique, scientifique et culturel du 14 mai 1974, la Convention d’assistance administrative mutuelle en matière de douane du 14 mai 1971 et la Convention générale de sécurité sociale du 28 mai 1979. 4-La coopération « tout azimut » L’effondrement du mur de Berlin accélère la « décommunisation » de l’Europe de l’Est et, allié à des facteurs internes, crée les conditions d’évolution des régimes politiques des Etats africains qui, à l’issue des transitions démocratiques, deviennent multipartistes223. Ce nouvel environnement contribue, une fois de plus, à la détermination de nouveaux objectifs en matière de politique étrangère, ainsi qu’à la diversification des partenaires de la République du Congo. Contenus dans le Projet de Société de Son Excellence Monsieur Denis Sassou Nguesso, président de la République, Le Chemin d’Avenir, De l’espérance à la prospérité 20092016, ceux-ci visent la modernisation de l’outil diplomatique et la promotion de la diplomatie au service du développement. La nouvelle politique étrangère de la République du Congo s’attelle à moderniser, rationaliser l’outil diplomatique et élargir la carte diplomatique ; à contribuer à l’accélération du processus d’intégration sous-régionale ; à engager la diplomatie au service du développement et à renforcer la coopération avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux et, 222

Article 9 du Traité d’Amitié et de Coopération du 13 mai 1981. Voir, G. Conac (dir), 1993, L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 516 p.

223

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à participer, de manière active, à la construction de l’Union africaine et de l’intégration de l’Afrique. A cette fin, plusieurs initiatives seront menées, notamment l’ouverture de nouveaux postes diplomatiques et consulaires dans tous les pays du G8 et dans les pays émergents, la mise en œuvre de projets d’intérêt régional retenus dans le cadre de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), la gestion apaisée des relations du Congo avec ses voisins, le soutien au processus d’intégration et de développement de l’Afrique et l’engagement permanent sur la scène internationale. II. La coopération multilatérale Le rayonnement de la République du Congo et l’efficacité de sa diplomatie se traduisent notamment par l’accréditation de nombreuses missions au Congo224 et l’ouverture de nombreux postes diplomatiques et consulaires à l’étranger225. La coopération multilatérale est ici examinée dans le cadre spécifique de l’Organisation des Nations unies et des institutions spécialisées. 1. Le Congo et l’Organisation des Nations unies L’admission à l’Organisation des Nations unies est perçue par tout nouvel Etat comme un signe de la reconnaissance de sa qualité de sujet de droit international. Aussi, l’un des premiers actes posés, après l’organisation des rapports avec l’ancienne puissance coloniale, consiste-t-il à accéder à 224

Au 15 juin 2010, sont présents en République du Congo 46 Ambassades, 8 Consulats généraux et 28 Consulats honoraires. 225 Au 15 juin 2010, le Congo a ouvert à l’étranger 37 Ambassades, 2 Consulats généraux et 44 Consulats honoraires.

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l’organisation internationale afin de participer aux différents organes et de poursuivre la réalisation de ses buts. 2. L’admission à l’organisation mondiale L’admission de la République du Congo à l’ONU résulte de la demande d’admission, assortie d’une déclaration226, adressée à l’Assemblée générale de l’Onu et soutenue, en même temps que celle de quatorze autres Etats227, par la France228 et la Tunisie, C’est ainsi que, conformément à l’article 4 de la Charte de l’ONU, le Conseil de Sécurité recommande l’admission de la République du Congo à l’ONU229, le 23 août 1960. Celle-ci intervient le 20 septembre 1960 suite au vote de la résolution n° 1486 (XV) de l’Assemblée générale de l’ONU. La résolution n° 1486 (XV) du 20 septembre 1960 de l’Assemblée générale de l’ONU est ainsi libellée : 1486 (XV) Admission de la République du Congo (Brazzaville) à l’Organisation des Nations unies. L’Assemblée générale,

226

La déclaration de la République du Congo, par laquelle elle accepte les obligations de la Charte, figure dans le document enregistrée le 20 septembre 1960 sous le numéro 5362, in RTNU, vol. 375, p. 111. 227 Il s’agit du Cameroun, de la République du Togo, du Mali, de Madagascar, de la Somalie, du Congo-Léopoldville, du Dahomey, du Niger, de la Haute-Volta, de la Côte d’Ivoire, du Tchad, du Gabon, de la République centrafricaine et de Chypre. 228 Dans l’article 6 de l’Accord de coopération en matière de politique étrangère du 15 août 1960, la France prend l’engagement de soutenir la candidature du Congo à l’ONU et à ses institutions spécialisées. 229 Cette question est inscrite au vingtième point de l’ordre du jour de l’Assemblée générale relatif à l’admission de nouveaux Etats membres à l’ONU. La décision d’admission de la République du Congo est prise durant la 864ème séance plénière. Voir, Assemblée générale, Documents officiels, 15ème session, 864ème séance plénière, 20 septembre 1960, 16 p.

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Ayant reçu la communication du Conseil de Sécurité, en date du 23 août 1960, recommandant l’admission de la République du Congo (Brazzaville) à l’Organisation des Nations unies, Décide d’admettre la République du Congo (Brazzaville) à l’Organisation des Nations unies. 3. La participation aux organes de l’ONU L’adhésion à la Charte de l’ONU implique l’admission à l’Organisation des Nations unies et à la Cour internationale de Justice, organe judiciaire principal des Nations unies230. Il en résulte ipso facto nombre de droits et de devoirs, notamment celui de participer aux différents organes de l’ONU ainsi que l’obligation de contribuer au budget de l’organisation. L’installation d’une mission permanente du Congo aux Nations unies à New York231, à Genève232 et à Nairobi233 à partir de 1960, marque la volonté du nouvel Etat de participer aux activités de l’organisation et d’en assurer le suivi. Durant les sessions ordinaires ou extraordinaires de l’Assemblée 230

Article 92 de la Charte de l’ONU. Depuis sa création, la mission permanente du Congo auprès des Nations unies a connu plusieurs Ambassadeurs, représentants permanents du Congo auprès des Nations unies, à New York. Il s’agit de : leurs Excellences Emmanuel Dadet (1960-1964), Jonas Mouanza (1964-1968), Alphonse Ongagou (1968-1969), Nicolas Mondjo (19701985), Martin Adouki (1985-1992), Daniel Abibi (1993-1997), Basile Ikouébé (1998-2007) et Raymond Serge Bale (2008-). 232 La mission permanente du Congo auprès des Nations unies à Genève est ouverte depuis l’année 1993. Ont été Ambassadeurs représentants permanents de la République du Congo, leurs Excellences Messieurs Jean Nzikou, Roger Julien Menga et Luc Joseph Okio. 233 La mission permanente du Congo auprès de l’Office des Nations unies à Nairobi est ouverte le 31 mai 2010. La représentation est le fait du Ministre Conseiller, Chargé d’Affaires par intérim, M. Jean Pierre Ossey.

231

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générale de l’ONU, la Mission permanente du Congo auprès des Nations unies bénéficie de l’appui de délégations en provenance de Brazzaville, parfois conduites par le président de la République, Chef de l’Etat, qui prennent part aux travaux de l’Assemblée générale de l’ONU. La République du Congo mène une diplomatie active dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies dont l’efficacité est reconnue par ses pairs. Son affiliation à divers groupes de solidarité et son engagement politique sont connus. L’on peut citer notamment le « groupe de Brazzaville » formé par les Etats francophones, au lendemain de leur accession à l’indépendance, et qui comprend le Congo-Brazzaville, le Cameroun, la Côte-d’Ivoire, le Dahomey, le Gabon, la HauteVolta, Madagascar, la Mauritanie, le Niger, la République centrafricaine, le Sénégal et le Tchad. Le Rwanda et le Togo sont membres associés à partir de 1963. Ces Etats adoptent aux Nations Unes une démarche singulière face aux Etats afroasiatiques. Lors du vote sur la crise algérienne, ils marquent leur solidarité avec la France. Ils se distinguent des autres Etats africains lors de l’examen de la question du Congo à l’ONU. On ne saurait ne pas déplorer que cette diplomatie remarquable ne lui ait pas valu la désignation quinquennale à la présidence de l’Assemblée générale de l’ONU lors de la dernière session, les Etats membres ne lui ayant confié que le poste de vice-président234. 234

Les Etats africains ont assuré une dizaine de fois la présidence de l’Assemblée générale de l’ONU. A ce jour, ont présidé l’Assemblée générale de l’ONU, M. Mongi Slim, tunisien, en 1961, lors de la 16ème session ; M. Alex Quaison-Sackey, ghanéen, en 1964, lors de la 19ème session ; Madame Angie E. Brooks, libérienne, en 1969, lors de la 24ème session ; M. Abdelaziz Bouetiflika, algérien, en 1974, lors de la 29ème session ; M. Salim A Salim, tanzanien, en 1979, lors de la 34ème session ; M. Paul J.F. Lusaka, zambien, en 1984, lors de la 39ème session ; M. Joseph Nanven Garba, nigérian, en 1989, lors de la 44ème

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La qualité de membre à part entière habilite la République du Congo à être désigné en qualité de membre non permanent du Conseil de Sécurité en application de l’article 23 de la Charte. Alors que de nos jours, de nombreux Etats n’ont pas été élus par l’Assemblée générale en cette qualité235, il faut s’auréoler du fait que le Congo a, deux fois de suite, été élu membre non permanent du Conseil, la première fois, en 1986 et la seconde fois, en 2006. Ce qui atteste de la confiance et de l’estime dont bénéficie notre pays aux niveaux régional et universel. En même temps, il convient de déplorer le fait que l’Afrique n’ait que la possibilité de désigner trois membres non permanents au Conseil de Sécurité de l’ONU mais surtout qu’elle ne dispose pas de siège permanent au Conseil de Sécurité. Aussi, lors du dernier Sommet Afrique - France qui s’est tenu à Nice du 31 mai au 1er juin 2010, le président de la République du Congo, exprimant ainsi le point de vue de l’Union africaine, a déclaré que la réforme du Conseil de Sécurité devrait comporter deux postes de membres non permanents pour l’Afrique. Ce à quoi, le Président français a répondu en déclarant le soutien de la France « pour un poste permanent au Conseil de Sécurité ». L’Afrique doit en effet s’organiser au sein des Nations unies afin que la question de la démocratisation avance et que sa résolution aboutisse aux amendements de la Charte, tant attendus et si nécessaires.

session ; M. Amara Essy, ivoirien, en 1994, lors de la 49ème session ; M. Theo Ben Gurirab, namibien, en 1999, lors de la 54ème session ; M. Jean Ping, gabonais, en 2004, lors de la 59ème session et le Docteur Ali Abdussalam Treki, libyen, en 2009, lors de la 64ème session. 235 Dix pays africains n’ont jamais été membres du Conseil de Sécurité. l s’agit de : la République centrafricaine, des Comores, la Guinée équatoriale, l’Erythrée, le Lesotho, le Malawi, Sao Tomé et Principe, les Seychelles, le Swaziland et le Tchad.

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Le Conseil économique et social est l’organe chargé des questions relatives au développement économique, social et culturel. Il comprend cinquante membres élus par l’Assemblée générale de l’ONU pour une période de trois ans. Le Congo a été plusieurs fois élu membre du Conseil économique et social, ce qui lui a permis de contribuer utilement à la détermination des choix de l’ONU dans le secteur déterminant du développement économique et social. Depuis son accession à l’indépendance, la République du Congo est un Etat pacifique qui établit des relations de bon voisinage avec les Etats frontaliers, procède à la prévention et au règlement pacifique de ses différends internationaux. En illustration, la République du Congo a notamment conclu le Pacte de non-agression entre la République du Congo et la République démocratique du Congo du 29 décembre 1998, l’Accord sur la création d’une commission conjointe tripartite en matière de sécurité le long des frontières communes entre la République d’Angola, la République du Congo et la République démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord sur la question des réfugiés et des déplacés de guerre entre la République d’Angola, la République du Congo et la République démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord sur l’établissement et la circulation des personnes et des biens entre la République d’Angola, la République du Congo et la République démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord-cadre de coopération en matière de sécurité entre la République d’Angola, la République du Congo et la République démocratique du Congo du 3 décembre 1999, l’Accord en matière de formation entre la République d’Angola, la République du Congo et la République démocratique du Congo du 3 décembre 1999 et, le Protocole d’accord sur la paix, la sécurité et la stabilité entre la République d’Angola, la

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République du Congo et la République démocratique du Congo du 15 janvier 2003. Bien que partie au Statut de la Cour internationale de Justice, le Congo n’a pas formulé, à l’instar de nombreux Etats, de déclaration facultative d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, en application de l’article 36 paragraphe 2 du Statut de la Cour. Aussi, toute saisine de la Cour suppose-t-elle, au préalable, le consentement des Etats concernés au moyen d’un compromis ou d’une requête de l’un des Etats fondée sur le consentement présumé de l’autre Etat. C’est sur ce fondement que le Congo saisit, le 9 décembre 2002, au moyen d’une requête unilatérale fondée sur le consentement présumé de la France236, la Cour internationale de Justice du différend qui l’oppose à la France relatif à certaines procédures pénales engagées en France. La France accepte expressément l’exercice de la compétence de la Cour internationale de Justice, par lettre datée du 8 avril 2003 de son Ministre des affaires étrangères, transmise au greffe de la Cour, le 11 avril 2003. Dans ses conclusions tendant à l’indication de mesures provisoires, le Congo allègue que la France aurait méconnu sa souveraineté d’une part, en s’attribuant unilatéralement une compétence universelle en matière pénale et en s’arrogeant le pouvoir de faire poursuivre et juger le Ministre de l’intérieur d’un Etat étranger et, en ne reconnaissant pas l’immunité pénale d’un Chef d’Etat étranger, d’autre part. Par conséquent, le Congo demande à la Cour d’obtenir de la France l’annulation des actes d’instruction et de poursuite accomplis sur son territoire. La Cour, dans son ordonnance du 17 juin 2003, observe que les procédures engagées ne créent pas de préjudice irréparable. Et 236

Cette procédure figure à l’article 38, paragraphe 5, du Règlement de la Cour internationale de Justice.

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que par conséquent, les circonstances ne sont pas de nature à justifier l’indication de mesures conservatoires237. Enfin, malgré l’existence de juristes qualifiés et chevronnés, la République du Congo, depuis son accession à l’indépendance, n’a pas encore bénéficié de l’élection d’un juge à la Cour internationale de Justice. La sous représentativité actuelle de la République du Congo dans la fonction publique internationale devrait être corrigée par une politique plus volontariste de sélection et de soutien des candidatures congolaises. De manière générale, au sein de l’Organisation des Nations unies, le Congo s’est attelé à la réalisation des buts de l’organisation universelle dans les domaines du maintien de la paix et de la sécurité internationales, de l’autodétermination des peuples coloniaux, du développement économique et social et du respect des droits de la personne humaine. Victime de conflits internes entre 1993 et 2003, il a bénéficié de l’assistance multiforme de l’organisation ainsi que de ses institutions spécialisées, avec lesquelles, en période normale, il entretient des relations de coopération. 4. Le Congo, les institutions spécialisées et les organismes rattachés La République du Congo appartient aux quinze institutions spécialisées de l’ONU et est membre, depuis 2009, de 237

Cf Cour internationale de Justice, Ordonnance du 17 juin 2003. Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo contre France). Cette ordonnance est rendue par quatorze juges favorables et un Juge contre. Les juges Koroma et Vereshchetin soumettent des opinions individuelles et le juge ad hoc de Cara, une opinion dissidente.

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l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA)238. Ces institutions contribuent de manière déterminante à son développement économique et social. Elles interviennent dans divers domaines sectoriels et apportent des appuis multiformes à la République du Congo sous forme de prêts, de financement de projets et d’assistance technique. La coordination de ces activités par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) dans le cadre du Plan d’Action du Programme Pays 2009-2013 et du Cadre de coopération de pays 2009-2013 évite le chevauchement et la duplication de compétences ainsi que la perte des ressources disponibles. C’est dans ce cadre que sont fixées les priorités pour le Congo pour lesquelles le soutien de l’ONU et de la société internationale est sollicité et qui font l’objet de programmes. Il s’agit de la bonne gouvernance, de l’appui à la lutte contre la pauvreté, de l’énergie et de l’environnement et de la prévention des crises et du relèvement. Auxquels s’ajoutent le genre, les nouvelles technologies de l’information et de la communication et le VIH/Sida239. L’admission du Congo dans les institutions spécialisées s’opère à des périodes différentes. Dans un premier temps, le nouvel Etat devient membre de l’Organisation des Nations 238

Bien qu’étant partie, par succession d’Etats, depuis le 15 octobre 1962, à la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946, le Congo n’a pas ratifié la Convention des Nations unies sur les immunités des institutions spécialisées du 21 novembre 1947 et ses treize annexes. 239 Les priorités pour le Congo ont été établies de manière concertée sur la base des conclusions du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP). Voir sur ce point, Conseil d’Administration du PNUD, Projet descriptif du programme pays pour la République du Congo (2009-2013), 16 juillet 2008, 8 p.

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unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de l’Organisation internationale du travail (OIT), de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de l’Union internationale des télécommunications (UIT), de l’Union postale universelle (UPU), de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) et des institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international). Il adhère tardivement à l’Organisation maritime internationale (OMI), à l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), à l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et à l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA). La promotion du développement économique, social et culturel et la lutte contre la pauvreté justifient l’adhésion de la République du Congo aux nombreuses conventions élaborées sous les auspices des institutions spécialisées. Le Congo est membre de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), depuis le 24 octobre 1960, avec laquelle elle entretient une coopération fructueuse dans les domaines de l’éducation, de la science et de la culture. Le Congo a été plusieurs fois membre du Conseil exécutif de l’UNESCO240 et il participe à de nombreux organes subsidiaires241. Il a été, en outre, élu le 7 février 2003, 240

Il est représenté au Conseil exécutif de l’UNESCO par Levy Makany de 1968 à 1974, Hilaire Bouhoyi, de 1985 à 1989, Antoine Ndinga Oba, de 1998 à 2005 et Jean Marie Adoua depuis 2010. 241 Le Congo a été membre du Conseil international de coordination du Programme sur l’homme et la biosphère, du Conseil intergouvernemental du programme international, du Conseil intergouvernemental du programme gestion des transformations

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président du groupe africain de l’UNESCO par les ambassadeurs africains réunis au siège de l’UNESCO. Dans le cadre de cette mission, il assure la coordination des relations entre les pays d’Afrique et l’UNESCO242. Le Congo qui a ratifié plusieurs conventions élaborées sous les auspices de l’organisation243, a bénéficié de l’aide postconflit de l’UNESCO. Il participe à l’initiative Education pour tous (EPT)244, à l’initiative pour la formation des enseignants

sociales, du Conseil intergouvernemental pour le développement de la communication, du Comité du siège et de la Commission océanographique intergouvernementale. En 2010, le Congo préside avec Henri Djombo, le Conseil international de coordination du Programme sur l’homme et la biosphère, il est membre du Comité de siège, jusqu’en 2012, et membre de la Commission océanographique intergouvernementale. 242 C’est Antoine Ndinga Oba qui est Ambassadeur et Représentant du Congo auprès de l’UNESCO à cette date. 243 Il s’agit, entre autres, de l’Accord visant à faciliter la circulation internationale du matériel visuel et auditif de caractère éducatif, scientifique et culturel du 10 décembre 1948, de l’Accord pour l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel du 22 novembre 1950 et de la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre 1961. 244 La Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous est adoptée par la Conférence de Jomtien du 5 au 9 mars 1990 afin d’assurer à tous l’universalité du droit à l’éducation pour l’an 2000 en maîtrisant les diverses contraintes qui constituent un frein aux efforts entrepris en matière d’éducation. Le cadre d’action de Dakar ″L’Education pour tous : tenir nos engagements collectifs″ adopté lors du Forum mondial sur l’éducation de Dakar du 26 au 28 avril 2000, renouvelle les engagements pris à l’horizon 2015. Voir sur ce point, le Rapport National du Congo, Education pour tous : Bilan à l’an 2000, disponible sur www.unesco.org/education/wef/country reports/ Congo/ contents.html.

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en Afrique subsaharienne (TTISSA)245 et au projet sur la formation pour les enseignants en sciences. L’UNESCO contribue au Festival panafricain de musique (FESPAM) qui se déroule tous les deux ans. Le Congo a soumis à l’UNESCO une liste de quatre sites soumis à la liste indicative du patrimoine mondial. Il s’agit de l’ancien port d’embarquement des esclaves de Loango, du domaine royal de Mbé, du Parc National d’Odzala Kokoua et du Parc National de Nouabale Ndoki. Il dispose actuellement de deux réserves de la biosphère à Dimonika et à Odzala Kokoua. Membre de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis le 26 octobre 1960, le Congo abrite, depuis la période coloniale, le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique.246 La décision d’installer le Bureau régional de l’OMS pour la zone Afrique à Brazzaville est prise par le Conseil exécutif de l’OMS en juin 1951. La Convention relative à l’installation du Bureau régional en Afrique est signée par Maurice Schuman, Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, à Paris le 1er août 1952, et par Brock Chisholm, Directeur général de l’OMS, à Genève, le 23 juillet 1952. L’accord de siège est conclu le 20 août 1952 par le Gouverneur Cédile, Secrétaire général de l’Afrique équatoriale française (AEF) et le Docteur Cambournac, premier Directeur général de l’OMS pour 245

L’initiative pour la formation des enseignants en Afrique subsaharienne vise, sur la période 2006-2015, à améliorer l’accès, la qualité et l’équité de l’éducation au moyen d’une qualité et une quantité accrues du corps enseignant en Afrique. 246 Sur la genèse du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, voir P. Mouhouélo, 2003-2004, De la bibliothèque manuelle à la bibliothèque hybride : cas du Centre de documentation de l’OMS Afro, Mémoire de Maîtrise, Faculté des lettres et de sciences humaines, Université Marien Ngouabi de Brazzaville.

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l’Afrique. Lors de son accession à l’indépendance, le Congo succède à la France dans l’accord de siège qui le lie à l’OMS. L’OMS constitue un partenaire précieux de la République du Congo dans le cadre de la lutte contre les maladies et les épidémies ; ce qui contribue à l’amélioration de la prise en charge et de la santé des populations. La coopération avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’exécute dans le cadre de la Stratégie de coopération de l’OMS avec le Congo qui, pour la période 2008-2013247, comprend cinq axes stratégiques : - l’amélioration de la performance des services, y compris les programmes de santé ; - la réduction de la mortalité maternelle et l’amélioration de la survie de l’enfant ; - la réduction de la charge de la morbidité et de la mortalité attribuée au paludisme, à la tuberculose, au VIH/Sida et aux autres maladies transmissibles ; - le renforcement des capacités de préparation et de réponse aux épidémies et autres situations d’urgence et ; - le renforcement du partenariat et des mécanismes de coordination des interventions ainsi que la mobilisation des ressources. L’extension, au moyen de la clause coloniale, de nombreuses conventions internationales du travail au Territoire du Moyen-Congo248, à l’instar d’autres territoires 247

Organisation mondiale de la Santé, Stratégie de l’OMS avec le pays 2009-2013, Congo, 2009, 49 p. 248 Avant son accession à l’indépendance, de nombreuses conventions internationales du travail étaient applicables au Moyen-Congo conformément à l’article 35 de la Constitution de l’OIT qui dispose que les Etats membres de l’OIT sont tenues d’appliquer les conventions qu’ils ratifient aux territoires non métropolitains et pour l’exécution

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non métropolitains, a contribué à l’amélioration des conditions de travail et à des progrès sociaux, dans les colonies. Aussi, lors de son accession à l’indépendance, le nouvel Etat, qui décide d’adhérer à l’Organisation internationale du travail (OIT) le 10 novembre 1960249, se trouve-t-il face à une alternative, succéder ou non à la France à l’égard des conventions internationales du travail. Le premier élément de l’alternative garantirait les acquis constitués par les travailleurs et les organisations professionnelles, tandis que le second les remettrait en question et pourrait être assimilé à un château de cartes qui s’écroule250. Lors de son adhésion à l’OIT, le Congo reconnaît être lié par les obligations découlant des conventions internationales déclarées applicables à son territoire par la France251, sous réserve de certaines conventions générales pour lesquelles il recourra à l’adhésion.. Pour certaines conventions internationales du travail, le Congo succède à la France. Il s’agit de: la Convention n° 6 sur le travail de nuit des enfants (industrie) du 28 novembre 1919, de la Convention n° 11 sur le droit d'association (agriculture) du 12 novembre 1921, de la Convention n° 13 sur la céruse (peinture) du 9 novembre 1921, de la Convention n° 14 sur le repos hebdomadaire (industrie) du 17 novembre 1921, de la Convention n° 26 sur les méthodes de fixation des salaires minima du 16 juin 1928, de desquelles ils adressent des rapports au Bureau international du Travail. Toutefois ils peuvent procéder à des modifications afin de les adapter aux conditions locales. Conférence internationale du Travail, 45ème session, Genève, 1961, Rapport III, Partie IV, pp. 253-346, Aspects d’évolution sociale dans les territoires et anciens territoires non métropolitains. 249 Le Congo a ratifié, le 23 août 2002, l’Instrument portant amendement de la Constitution de l’OIT du 19 juin 1997. 250 Voir F. Wolf, 1961, « Les conventions internationales du travail et la succession d’Etats », AFDI, p. 745. 251 Ibidem.

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la Convention n° 33 sur l’âge minimum (travaux non industriels) du 30 avril 1932 et de la Convention n° 41 révisée du travail de nuit des femmes du 19 juin 1934. Bien que la France ait reconnu applicables au territoire du Moyen-Congo certaines conventions internationales du travail, le nouvel Etat décide souverainement d’y adhérer ; il s’agit de: La Convention n° 4 sur le travail de nuit des femmes du 28 novembre 1919, de la Convention n° 5 sur l'âge minimum (cas industrie) du 28 novembre 1919, la Convention n° 81 sur l'inspection du travail dans l’industrie et le commerce du 11 juillet 1941, de la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, la Convention n° 89 sur le travail de nuit des femmes (révisée) du 9 juillet 1948, la Convention n° 95 sur la protection du salaire (révisée) du 1er juillet 1949, la Convention n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective du 1er juillet 1949, la Convention n° 100 sur l’égalité de rémunération du 29 juin 1951, la Convention n° 105 sur l'abolition du travail forcé du 25 juin 1957 et la Convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession) du 25 juin 1958. Conformément à l’article 22 de la Constitution de l’OIT, le Congo a soumis au Bureau international du Travail (BIT) des rapports en application des conventions auxquelles il est lié252. Mais il n’a pas présenté, en application de l’article 19 de la Constitution de l’OIT, de rapports relatifs aux conventions non ratifiées, ni indiqué les raisons pour lesquelles il ne les a pas ratifiés, ni les obstacles qui s’y opposent ou qui en retardent la

252

Les rapports concernent les conventions n° 13, 14, 26, 29, 81, 87, 89, 95, 98, 100, 105, 111, 119, 138, 144, 149, 150, 152 et 182, in Commission de l’Application des normes, 2005, Observations et informations concernant certains pays, troisième partie, OIT, Genève, p. 92.

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ratification253, malgré l’engagement pris par son représentant de respecter ses obligations constitutionnelles254. La succession de la République du Congo à la France détermine aussi l’affiliation du Congo à l’Organisation météorologique mondiale (OMM), et à l’Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI). La France participe à la Conférence diplomatique de Washington dont les travaux s’achèvent, le 11 octobre 1947, par la création de l’Organisation météorologique mondiale. En vertu de la clause coloniale, elle décide d’appliquer la Convention portant création de la nouvelle institution aux territoires non métropolitains. Par conséquent, avant son accession à l’indépendance, la République du Congo bénéficie des diverses prestations en matière d’observations et de services météorologiques. Toutefois, la République du Congo refuse de succéder automatiquement à la France et décide souverainement d’adhérer à l’institution le 21 novembre 1960. Le Congo est membre de diverses commissions de l’Organisation météorologique mondiale 255. Il s’agit de : la Commission des systèmes de base, la Commission des instruments et méthodes d’observation, la Commission des sciences de l’atmosphère, la Commission de météorologie agricole, la Commission technique mixte d’océanographie et de météorologie maritime, la Commission d’hydrologie et la Commission de climatologie.

253

Commission de l’Application des normes, 2005, Rapport général, Première Partie, p. 39, paragraphe 149. 254 Ibidem. 255 Voir, Organisation météorologique mondiale (OMM), 2009, Composition de l’OMM, octobre, 296 p.

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La participation à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)256, contribue, à compter du 9 novembre 1961, à l’amélioration des niveaux de nutrition, l’augmentation de la productivité agricole, de la qualité de vie des populations rurales et au développement de l’économie mondiale. L’objectif de sécurité alimentaire pour tous est poursuivi dans le cadre du Programme national pour la sécurité alimentaire (PNSA). La coopération très intense menée avec la FAO permet au Congo de bénéficier de multiples financements de portée nationale et sous régionale. En 2010, plusieurs projets sont en cours, il s’agit de : - programme spécial de sécurité alimentaire (2005-2010) SPFP/ARC/2201 d’un montant de 873,607 millions de dollars ; - appui à l’élaboration d’une stratégie pour un développement durable de la pêche et de l’aquaculture (20082010) TCP/PRC/3201 d’un montant de 329,000 millions de dollars. - appui en matière de contrôle des normes et de la qualité des produits alimentaires (2009-2010) d’un montant de 72,000 millions de dollars ; - assistance d’urgence pour le contrôle de la peste porcine africaine (PPA au Congo (2009-2010) TCP/PRC/3202 BABY 02 d’un montant de 93,975 millions de dollars ; - système d’alerte précoce à l’érosion pluviale et à la dégradation des terres à Brazzaville (2009-2010) TCP/PRC/3202 BABY 03 d’un montant de 375,716 millions de dollars ; 256

Le Congo a ratifié diverses conventions conclues sous les auspices de la FAO. Il s’agit notamment de : la Convention internationale pour la protection des végétaux du 3 décembre 1951 et du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture du 3 novembre 2001.

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- appui à l’évaluation des ressources en arbres et forêts – Phase II du Projet TCP/PRC/3101 (2009-2010) d’un montant de 90,000 millions de dollars ; - analyse sous régionale de la flambée des prix (ISFP) TCP/RAF/3203 BABY 01 (2008-2010) d’un montant de 115,608 millions de dollars ; - atelier sous régional sur les biocarburants (2008-2009) TCP/RAF/3203 BABY 02 d’un montant de 115,608 millions de dollars ; - appui au Comité sous régional des pêches du Golfe de Guinée (COREP) pour la préparation d’un plan d’action stratégique et d’un programme régional de promotion de la pêche 2009-2010 TCP/RAF/3217 d’un montant de 123,050 millions de dollars. - formulation d’un programme d’action et des outils de mise en œuvre pour la gestion durable des pêches et de la sécurité alimentaire dans le bassin du fleuve Congo TCP/RAF/33.3 (2010-2011) d’un montant de 430,000 millions de dollars. Peu de temps après son accession à l’indépendance, le Congo intègre l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’Union postale universelle (UPU), l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) qui lui permettent d’intensifier sa coopération dans les domaines de l’aviation civile internationale, la protection intellectuelle, le développement industriel, les télécommunications, le commerce et le tourisme. L’Union internationale des télécommunications (UIT) contribue à l’amélioration, à l’utilisation rationnelle des télécommunications et à la mise au point d’installations

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techniques destinées à améliorer l’efficacité des services de télécommunications. La coopération du Congo avec l’Union internationale des télécommunications est fructueuse. L’Union postale universelle (UPU) assure un rôle de conseil, de médiation et de liaison entre les Etats et les services postaux. A ce titre, elle fixe au moyen de sa Constitution, de ses protocoles additionnels, du Règlement général et de la Convention postale universelle diverses règles qui lient le Congo à compter de son adhésion le 5 juillet 1961. Il est en 2010 membre de l’UPU qui regroupe quarante et un pays membres. Sa participation à l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) date du 26 avril 1962. Elle assure l’uniformisation de la réglementation, des normes et des procédures relatives à l’aviation civile internationale257. La République du Congo adhère aux institutions financières chargées de promouvoir la coopération monétaire internationale, de garantir la stabilité financière et de faciliter les échanges. L’admission au Fonds monétaire international (FMI) conditionne la participation à la Banque mondiale et aux autres institutions financières internationales. C’est ainsi que le 10 juillet 1963, la République du Congo devient partie aux Accords de Bretton Woods du 22 juillet 1944. L’adhésion à l’Association internationale de développement (AID) s’opère le 8 novembre 1963, à la Société financière internationale (SFI), le 10 octobre 1980, à la Convention portant création de l’Agence multilatérale de garantie des Investissements 257

L’adhésion à la Convention relative à l’aviation civile internationale (OACI) du 7 décembre 1944 s’opère en même temps que l’adhésion à l’Accord sur le transit des services aériens et l’Accord sur le transport aérien international.

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(AMGI), le 5 juillet 1990 et, à la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats (CRDI), le 23 juillet 1966. Le Congo entretient une coopération intense avec la Banque mondiale. A la date du 17 septembre 2008, le portefeuille de la Banque de Brazzaville s’élève à 172 millions de dollars américains dont 144 millions sous forme de don au titre de sept projets. Il s’agit du Projet de renforcement des capacités, de transparence et de gouvernance (projet PRCG 62) 20082012 de quinze millions de dollars, du Projet d’urgence de relance et d’appui aux communautés (PURAC) 2003-2008, quarante et un millions de dollars, du Projet de lutte contre le VIH/SIDA et de Santé (PLVSS) 2004-2009, dix-neuf millions de dollars, du Projet d’appui à l’éducation de base (PRABASE) 2005-2008, vingt millions de dollars, du Programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-combattants (PNDDR) 2006-2009, dix-sept millions de dollars, du Projet de Développement agricole et de Réhabilitation des pistes (PDARP) 2008-2013, vingt millions de dollars et du Projet sectoriel de développement du secteur de la santé (PDSS) 2008-2012, quarante millions de dollars. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale lancent en 1996 « l’initiative pays pauvres très endettés » qui permet d’alléger la dette excessive des Etats et qui compromet leurs possibilités de développement. L’allègement de la dette contribue à la réduction de la pauvreté et permet de soutenir les secteurs sociaux, notamment la santé et l’éducation ainsi que les programmes favorables aux pauvres. Afin de bénéficier de cette « initiative », l’Etat doit réduire la pauvreté au moyen de réformes structurelles qui lui permettent, au stade initial, d’être admis au point de décision après avoir notamment élaboré un « Document de stratégie de réduction de la

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pauvreté » (DSRP) sur la base d’un processus participatif aux niveaux local et national. Le point d’achèvement permet à l’Etat qui a réalisé de bonnes performances, dans le cadre des programmes soutenus par des prêts du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, d’obtenir la réduction intégrale de sa dette. Les Conseils d’administration de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) approuvent, respectivement, les 26 et 27 janvier 2010, le point d’achèvement après le point de décision, effectif depuis le 8 mars 2006, qui lui permet de bénéficier d’un allègement total du service de la dette de 1,9 milliards de dollars dont 1,7 milliards, dans le cadre de l’ « ’initiative Pays pauvres très endettés » (PPTE) et, 201,3 millions, au titre de l’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM)258. Le Congo est le 28è Etat à atteindre le point d’achèvement. Dans un communiqué du Fonds monétaire international (Communiqué de presse n° 10/20 du 28 janvier 2010), il ressort que les autorités ont exécuté intégralement les mesures liées à la stratégie nationale de réduction de la pauvreté, à la stabilité macro-économique, à la gestion des finances publiques et à la gouvernance du secteur pétrolier et les réformes dans les secteurs de l’éducation et de la santé. La dette congolaise est passée de 9,2 milliards de dollars américains, fin 2004, à 2,4 milliards de dollars américains. 258

L’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) est instituée par le G8 en 2005 lors du sommet de Gleneagles en Ecosse. Elle vise l’annulation de la dette des pays très endettés notamment africains et la fourniture de ressources supplémentaires aux pays bénéficiaires de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) afin de les aider à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cette initiative d’allègement de la dette multilatérale ne concerne que l’Association internationale de développement (AID), le Fonds monétaire international et le Fonds africain de développement.

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Le Congo est membre du Centre pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats (CIRDI) depuis le 23 juin 1966 dont il a ratifié les quatre règlements259. Quatre requêtes contre la République du Congo ont été soumises au CIRDI, dont deux ont été retirées260 et deux ont débouché sur des sentences arbitraires261. En application de l’article 54 (2) de la Convention de Washington du 8 mars 1965 instituant le CIRDI, le Congo a désigné le Tribunal de Grande Instance de Brazzaville comme étant la juridiction compétente en matière de reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales rendues par le CIRDI262. 259

Il s’agit du Règlement administratif et financier, du Règlement de procédure relatif à l’introduction des instances de conciliation et d’arbitrage, du Règlement de procédure relatif aux instances de conciliation et du Règlement de procédure relatif aux instances d’arbitrage. 260 Il s’agit de la requête de la Société Kufpec (Congo) Limited contre Republic of Congo (ICSID case n° ARB/97/2) du 27 janvier 1997, retirée le 8 septembre 1997 et de la requête de Sancem international ANS contre Republic of Congo (ICSID case n° ARB/06/12) du 17 juillet 2006, retirée le 10 juillet 2008, après un règlement amiable. 261 La procédure initiée par AGIP S.P.A contre People’s Republic of Congo (ICSID case n° ARB/77-1) du 4 novembre 1997 a conduit à la constitution du Tribunal arbitral le 18 juillet 1978 formé par Jǿgen Trolle (Danemark), R.J. Dupuy (France), Fuad Rouhanni (Iran) qui a rendu sa sentence arbitrale le 30 novembre 1979, voir, la Revue critique de droit international privé, 1982, pp. 92-105. La requête de SARL-Benvenuti et Bonfant contre République populaire du Congo (ICSID Case n° ARB/77/2) du 15 décembre 1977 donne lieu à la formation d’un Tribunal arbitral le 9 mai 1978, reconstitué le 6 juin 1978, composé de Jǿgen Trolle, Rudolf Bystrieky et Edulberg Razafindialambo. La sentence arbitrale est rendue le 8 août 1980. Voir Revue critique de droit international privé, 1982, pp. 379-382 et Journal de droit international, 1981, pp. 365-370. 262 Voir sur ce point le document ICSID/8-E, p. 2.

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La participation à l’Union de Paris et à l’Union de Berne, au moyen de la succession d’Etats à la France263 précède l’adhésion à la Convention instituant l’Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI) le 2 septembre 1975. L’accession à l’Organisation maritime internationale (OMI), le 5 septembre 1975, et l’adhésion à de multiples conventions contribuent à la sécurité du transport maritime, à la prévention de la pollution par les navires, à la détermination des responsabilités et à l’indemnisation ainsi qu’à la facilitation du trafic maritime. Membre de l’ONU, le Congo a participé activement aux travaux de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), organe subsidiaire de l’Assemblée générale de l’ONU avant sa transformation en institution spécialisée264. Il adhère le 16 mai 1983 à la nouvelle institution spécialisée. Le Congo a bénéficié depuis son admission à l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel265 (ONUDI) du financement de quinze projets pour un montant total de 1.290.836 dollars. On peut citer notamment, l’assistance à la gestion stratégique au plan intégré de développement industriel (PIDA), le projet d’appui à la mise 263

Le Congo succède à la France, le 8 mai 1962 à la Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886 et à la Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, révisée à Bruxelles le 26 juin 1948. 264 Ph. Bretton, 1979, « La transformation de l’ONUDI en institution des Nations unies », AFDI, pp. 567-578. 265 Le retard dans le paiement de ses contributions au titre des années 2002 à 2005, lui vaut une suspension de son droit de vote à l’ONUDI en juillet 2005. Après paiement desdites cotisations, le Congo est rétabli dans son droit.

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en œuvre de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants et le programme intégré de relance des activités industrielles. Le Congo devient membre de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), instituée le 27 septembre 1970, le 29 juillet 1977. Membre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), il accède à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) le 27 mars 1997. L’appartenance au Fonds international de développement agricole (FIDA), depuis le 27 juillet 1978, assure au Congo le financement de multiples projets d’appui au développement rural, à la commercialisation et aux initiatives locales, à la pêche artisanale et au développement des cultures vivrières. De 1983 à 1990, le Congo a bénéficié du financement de 4 projets à hauteur de 39.250.000 dollars. La FIDA a financé depuis 1983, six projets à hauteur de 46,2 millions de dollars qui ont bénéficié à 97.573 ménages. Le montant total de ces projets s’élève à 78,7 millions de dollars. Trois opérations sont terminées et trois projets sont en cours. Pour les opérations terminées, il s’agit de : - marketing et projet d’initiatives locales, 14,3 millions de dollars, prêt FIDA, 7,7 millions de dollars au 12 décembre 1990 ; - projet de développement de cultures alimentaires à Kindamba, 4,7 millions de dollars, prêt FIDA, 2,2 millions de dollars au 3 avril 1986 ; - projets de pêche artisanale dans la Cuvette, 5,2 millions de dollars, prêt FIDA : 3,1 millions de dollars au 20 avril 1983. Pour les opérations en cours, il s’agit de :

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- projet de développement rural dans la Likouala, le Pool et la Sangha, 18,7 millions de dollars (total du montant accordé, 8,6 millions de dollars au 9 novembre 2009 ; - projet de développement rural dans les secteurs du Niari, de la Bouenza et de la Lékoumou, 20,8 millions de dollars, prêt FIDA, 8,4 millions de dollars, date d’approbation, 20 avril 2006 ; - projet de développement rural dans les Plateaux, Cuvette et la Cuvette-Ouest, 15,2 millions de dollars, prêt FIDA, 11,9 millions de dollars, date d’approbation, 21 avril 2004. La stratégie du FIDA au Congo est formulée dans le Document de Stratégie, élaboré en 2002, qui vise la restauration de la capacité de production, le soutien aux agriculteurs et l’appui aux services sociaux de base, la réhabilitation des infrastructures et l’amélioration de l’accès aux services financiers. Cette approche intégrée tient compte des aspects économiques et sociaux, des besoins en matière de développement communautaire ainsi que de la gestion des financements et des ressources naturelles. C’est le 15 juillet 2009 que le Congo décide de devenir membre de l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA), organisme placé sous l’égide des Nations unies. Organisée par les statuts du 23 octobre 1956, l’AIEA est chargée de contribuer à l’usage de l’énergie atomique en faveur de la paix, de la santé et de la prospérité du monde. En outre, elle est chargée de la mise en œuvre du traité de nonprolifération des armes nucléaires266. Afin d’assurer l’efficacité du traité de non-prolifération des armes nucléaires du 1er juillet 1968, les Etats parties 266

Article II des Statuts de l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA) du 23 octobre 1956.

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s’engagent, dans les dix-huit mois de leur adhésion, à conclure avec l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA) des accords de garantie en matière de vérification. Le Congo, après son adhésion à l’AIEA, élabore un protocole additionnel approuvé par le Conseil des gouverneurs de l’AIEA, le 7 septembre 2009 et qu’il a signé le 13 avril 2010, mais pas ratifié à ce jour. CONCLUSION La République du Congo apparaît à l’issue de ce survol267 comme un membre actif et bien intégré du concert des nations. Il convient de préciser que la République du Congo en sa qualité de membre de l’ONU participe à de multiples programmes et fonds institués par l’organisation. On peut citer entre autres, le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), le Programme alimentaire mondial (PAM), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Le volontarisme qui préside à la conduite de sa politique étrangère se traduit notamment par des options diverses aux niveaux bilatéral et multilatéral. Sur la base de ces acquis, et après cinquante ans d’indépendance, l’avenir se présente chargé de promesses auxquels le peuple congolais aspire légitimement et dont il attend avec espérance la réalisation.

267

Voir sur ce point, D..E. Emmanuel-Adouki, 2007, Le Congo et les traités multilatéraux, Paris, L’Harmattan, pp. 75-81.

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CHAPITRE 16 LE CONGO DANS L’AFRIQUE: APERÇU GENERAL DE POLITIQUE EXTERIEURE par Pascal GAYAMA INTRODUCTION En tant que champ d’action immédiat et cadre naturel de déploiement de ses politiques, l’Afrique représente pour la République du Congo, sujet de droit international depuis cinquante ans, le lieu normal de son positionnement dans le monde et le baromètre indiquant son degré d’insertion dans le rôle imparti à chaque nation à l’échelle planétaire. En une cinquantaine d’années, la République du Congo a ainsi été appelée autant à s’affirmer elle-même qu’à se constituer en maillon d’une chaîne commune, à travers des modalités multiples. Si elle a eu à se façonner à travers cinq Constitutions et environ autant de Lois ou d’Actes fondamentaux, le principe d’un président de la République clef de voûte de la politique extérieure n’a jamais varié au fil des changements intervenus à la tête de l’Etat. En somme, qu’il s’agisse de Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi, Joachim Yhomby-Opango, Denis Sassou Nguesso, Pascal Lissouba et de nouveau Denis Sassou Nguesso, chacun d’eux a été, en vertu de la Constitution : garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des accords et des traités internationaux, responsable de la nomination des ambassadeurs et des Envoyés Extraordinaires auprès - 491 -

des puissances étrangères, lesquels accréditent auprès de lui leurs ambassadeurs et Envoyés extraordinaires. En outre, ce pays qui s’est intitulé « République du Congo » dès 1958, confirmé comme tel en 1960, autoproclamé « République Populaire du Congo » de 1969 à 1991 avant de se rappeler au bon souvenir de la « République du Congo », a toujours entretenu dans son opinion politique nationale, un fond idéologique fait à la fois d’anti-colonialisme de principe que d’un panafricanisme nécessaire, lesquels ont déterminé différentes formes d’actions au sein d’un espace régional et mondial à la fois ouvert et compartimenté. Aussi, pouvonsnous distinguer dans cette expérience cinquantenaire : - ce qui, à travers une « indépendance conditionnée », relève de la mouvance francophone, avec la France, longtemps puissance africaine de fait, et comme tel, gestionnaire de pans entiers de la politique de ses « partenaires » ; - ensuite les caractéristiques de la solidarité sousrégionale, organisée autour de la CEMAC et de la CEEAC, étapes obligées vers un horizon continental stratégique constitué par l’Union Africaine, émanation directe de l’Organisation de l’Unité Africaine ; - la prise en compte du processus de libération, en tant que préalable indispensable à la paix, à la stabilité et au règlement des conflits, dans une Afrique minée par les contraintes du développement, et interpellée par des enjeux environnementaux de plus en plus présents. I - Une indépendance conditionnée 1. La coopération-parrainage A l’accession de la République du Congo à l’indépendance le 15 Août 1960, le domaine des Affaires Etrangères, symbole - 492 -

emblématique de la souveraineté internationale (268), figurait au nombre des secteurs transférés par la République française au jeune Etat. Mais, pour de multiples raisons, la France n’en continuait pas moins à porter une attention vigilante sur la politique extérieure du Congo. En effet, la Constitution de la Ve République Française, en vertu de laquelle son président était également président de la Communauté franco-africaine, n’était pas encore amendée(269); tandis que les esprits des premiers dirigeants officiels du pays semblaient encore marqués par le clair-obscur politique de l’autonomie interne, instauré deux ans auparavant avec, à la clef, la « fatwa » (pour délit de sécession) prononcée contre la Guinée par un Général de Gaulle très amer, ulcéré de ce qu’un territoire sous domination française ait pu opter pour l’indépendance immédiate comme ne l’y avait apparemment pas autorisé, selon lui, le référendum de 1958 ! Les propos tenus cette année-là par De Gaulle le 24 septembre à Brazzaville étaient en effet ceux-ci : A l’intérieur de cette communauté, si quelque territoire, au fur et à mesure des jours, se sent, au bout d’un certain temps que je ne précise pas, en mesure d’exercer toutes les charges, tous les devoirs de l’indépendance, eh bien, il lui appartiendra d’en décider par son Assemblée élue, et si c’est nécessaire, par le référendum de ses habitants. Je garantis d’avance que dans ce cas, la métropole ne s’y opposera pas…

268

Les autres domaines de souveraineté concernés étaient ceux de la Défense, de la monnaie et de la Justice. 269 C’est en 1995 seulement qu’intervint un tel amendement portant sur le titre intitulé De La Communauté.

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Or deux ans seulement avaient suffi pour que les charmes de l’indépendance dans la Communauté se laissent ébranler par l’irrésistible attraction de respect et d’honorabilité internationale exercée par la Guinée sur tous les autres pays demeurés dans le giron de l’ancienne métropole! Paris dut donc faire une concession à l’évolution de l’Afrique, tout en tâchant de s’y maintenir de son mieux, par le biais d’une coopération envisagée en tant que contrepartie de l’indépendance. Celle-ci ainsi octroyée, dans une sorte de Commonwealth à la française, ne pouvait être exempte de conditionnalités : la première consistant en la signature concomitante d’Accords de Coopération, fondements d’une aide nécessairement liée, où il y allait autant du maintien du rang et des intérêts de grande puissance de la France dans le monde, que des prérogatives directes des Africains eux-mêmes dans les charges d’investissement et de gestion relevant des domaines prioritaires de leur pays, notamment ceux du social et des infrastructures(270). Le Président Fulbert Youlou ne s’en formalisait pas outre-mesure qui, dans son discours à l’occasion de la proclamation de l’indépendance, pouvait déclarer devant André Malraux, Envoyé Spécial du gouvernement français : Nous avons été heureux de vous demander de continuer l’aide que vous nous apportez déjà et qui va être concrétisée et précisée dans les accords de coopération que nous avons signés tout à l’heure… Pour s’en rendre compte davantage, il n’est que de se référer, mutatis mutandis, à la correspondance adressée par le 270

Dans ses Mémoires, De Gaulle révèle clairement combien un statu quo colonial aurait bien été plus préjudiciable à la France, avec les charges qu’il entraînait, qu’une évolution maîtrisée.

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Premier ministre français, Michel Debré, à son « homologue » Léon Mba du Gabon (indépendant le 17 août), où il demandait à ce dernier de lui confirmer par écrit que sitôt l’indépendance proclamée, le Gabon procéderait à la signature des accords de coopération avec la France(271). Du côté congolais, la sincérité du Président Fulbert Youlou ne pouvait être mise en doute lorsqu’au jour de l’indépendance, à la cérémonie de lever des couleurs du drapeau congolais, il pouvait s’émouvoir le plus naturellement du monde du sort fait au drapeau français, comme si un enfant pouvait, à ses premiers pas, se passer de son tuteur (272). Pour combler ce vœu, la France, prévenante, avait déjà fait en sorte que son dernier Haut-Commissaire au Congo, Guy Georgy, devint également son premier ambassadeur dans le pays273. Dans le même temps, la politique africaine de la France se fit « domaine réservé » confié à Jacques Foccart (et ses successeurs), Conseiller spécial à l’Elysée pour les affaires africaines et qui, de ce fait, pouvait échapper au contrôle du Parlement. Les formes archaïques de la « Françafrique » étaient campées… 2. Le pied à l’étrier André Malraux ne s’y trompait pas, qui déclarait en substance, ce 15 Août 1960 :

271

Alfred Grosser, 1966, La Politique extérieure de la Ve République, Paris, Le Seuil 272 Guy Georgy, 1989, Le Petit Soldat de l’Empire, Paris. 273 A Paris, pour donner évidemment la preuve que tout avait changé sans que dans la forme des choses, rien, ou si peu n’ait changé, le Ministère de la Coopération, logé rue Monsieur, dans les locaux mêmes du Ministère des Colonies dont il était le prolongement, fut érigé en interlocuteur privilégié des diplomaties africaines, en lieu et place du Ministère des Affaires Etrangères situé Quai d’Orsay.

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La France vous lègue des structures économiques, administratives et financières, mais s’il n’y a pas d’Etat, elles ne suffisent pas à en faire un. Avertissement aux accents prémonitoires, qui avait bien valeur d’engagement : la France restait toute disposée à continuer une œuvre à parachever… Brazzaville pouvait dès lors compter au nombre des destinations les plus prisées par la diplomatie et la coopération françaises, étant donné l’intérêt spécial que lui accordait l’homme de Brazzaville, alias le Général de Gaulle. Est-ce paradoxalement en raison même de cet intérêt que celui-ci ne crut pas devoir venir en personne proclamer l’indépendance de « son » Afrique, dans sa bonne ville de Brazzaville, comme le fit la Reine Elizabeth II en 1957 pour le Ghana à Accra, ou le roi Baudoin quelques semaines plus tôt, le 30 juin à Léopoldville, préférant y déléguer, non pas le Premier ministre Michel Debré, mais André Malraux, Ministre d’Etat, certes, homme de culture de surcroit, et sans doute interprète profond des grandes énigmes de l’histoire ? Pour être énigmatique, la cérémonie du 15 août 1960, haute en couleurs pourtant, ne manqua pas de l’être à plus d’un titre, à commencer par ces mots très persuasifs du Président Fulbert Youlou : Comment ne pas être ému en constatant le réalisme de cette France amie qui a su nous conduire à la plénitude de la souveraineté, dans l’estime et l’affection, affermissant nos pas dans la conduite des affaires, sans réticence ni arrière-pensée, sachant bien que nous continuerons à lui porter… Avant de conclure par un simple et clair « Vive la France »! A quoi, le grand Malraux répondit, énigme pour énigme, à la fin de son propos, par un non moins vibrant: « Voici - 496 -

l’indépendance du Congo, et le drapeau vivant de la Communauté ! ». Chacun avait compris; et c’était l’essentiel… C’est donc tout naturellement, avec la participation de la France, que le Congo posa les premiers jalons de sa diplomatie, en particulier par la formation des premiers cadres (dont Charles-David Ganao et Bernard Kolelas)(274). Le Congo entreprit d’adhérer aux principaux traités et conventions régissant les relations diplomatiques et consulaires internationales(275), et le Statut Commun du Personnel Diplomatique et Consulaire fut élaboré en 1961. En diplomatie, le pied à l’étrier consista aussi dans le privilège reconnu à la France de représenter le Congo partout où n’existait pas de représentation diplomatique ou consulaire congolaise; tandis que l’ambassadeur de France au Congo avait automatiquement qualité de Doyen du corps diplomatique quelle que fût son ancienneté en poste. Le Congo ne tarda pas à tisser la toile de son réseau diplomatique en privilégiant deux axes : l’Afrique Centrale et les lieux d’intérêt prioritaire comme les grandes capitales occidentales et les Organisations internationales, à commencer par les Nations-Unies où il fut admis le 20 septembre. En un demi-siècle, le Congo peut se flatter d’avoir étendu ce réseau à 105 des 192 pays membres de l’ONU dont 35 des 54 pays d’Afrique. Une trentaine d’ambassades ont été disséminées dans le monde et autant implantées à Brazzaville, sans compter celles qui opèrent à partir de Kinshasa, ni les institutions

274

Cf. Charles-David Ganao: Interview dans Le Regard Diplomatique, n° 1, Oct-Nov. 2008, Brazzaville. 275 Au 40e anniversaire de l’indépendance, le nombre d’instruments juridiques de coopération auxquels le Congo était partie s’élevait à 250; et, avec l’Afrique seulement, le nombre des Grandes Commissions Mixtes à 25.

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internationales, ainsi que les Consulats généraux honoraires276dont certains sont basés à Pointe-Noire.

ou

3. Le Congo au sein de la mouvance francophone Le facteur linguistique, la défense et la monnaie ont longtemps déterminé l’appartenance au groupe francophone d’Afrique. S’agissant du facteur linguistique, le Congo et les Etats de sa génération ont naturellement opté pour le français comme langue officielle. De là à fonder toute une philosophie et toute une démarche politique, il n’y a qu’un pas adopté par les pays intéressés, non sans des avantages, mais aussi des limites, voire même parfois des handicaps. En tant qu’avantage, la langue française apparaît comme un dénominateur à travers lequel certaines formes de relations multilatérales ont parfois été envisagées. Elle a permis à des écrivains congolais de jouir d’un grand rayonnement international : Tchicaya U Tam’si, Sylvain Bemba, Sony Labou Tansi, Henri Lopès, JeanBaptiste Tati Loutard, Emmanuel Dongala, Alain Mabanckou, Théophile Obenga, etc. Cependant, le Congo eut parfois à marquer des réserves vis-à-vis d’initiatives susceptibles de diviser l’Afrique en zones d’influences linguistiques contrôlées de l’extérieur. Sur ce plan, l’OUA a été amenée à s’accommoder des langues des anciens maîtres, même si l’article 29 de la Charte de 1963 disposait que : Les langues officielles de l’Organisation et de toutes ses institutions sont, si possible, des langues 276

Ainsi, dès 1960, des relations diplomatiques furent établies avec les pays suivants : Gabon, Tchad, Centrafrique, Congo-Léopoldville, Cameroun, France, Royaume-Uni, Portugal, Etats-Unis et Canada, mais aussi Côte d’Ivoire, Madagascar et Mauritanie. La primeur revint naturellement à l’Afrique Centrale, objet d’un maillage serré, avec des relations nouées peu à peu avec tous les 10 autres membres de la CEEAC.

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africaines, ainsi que le français et l’anglais (le portugais ensuite). En matière de défense, le Congo a dénoncé, en 1965, des accords qui justifiaient le maintien sur son sol de bases militaires françaises, se prémunissant ainsi contre des formes intempestives d’interventions de quelque gendarme de l’Afrique que ce fût, au motif de sécurité extérieure voire même intérieure. Il s’est instauré par la suite une coopération militaire plus décomplexée, qui touche aussi bien à la formation du personnel qu’à l’équipement des armées ou à des programmes conjoints, intégrant des concepts comme ceux du RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines en Matière de Paix et de Sécurité), côté français, ou AFRICOM (Commandement militaire pour l’Afrique), côté américain, avec ou sans implication d’organismes multilatéraux (CEEAC ou UA). Pour ce qui est de la monnaie, le Franc CFA n’a connu qu’un changement de façade, passant de Colonies Françaises d’Afrique à Communauté Financière Africaine : le trésor français continue d’en garantir la convertibilité moyennant une étrange disposition consistant dans le dépôt, par le pays africain, jusqu’à 65% de ses avoirs en devises. Des voix de plus en plus impatientes s’élèvent aujourd’hui, non sans raison, pour s’étonner d’une situation que n’a pratiquement guère modifié l’institution de l’Euro, ce qui ne fait qu’infantiliser des pays, indépendants depuis cinquante ans mais hésitant encore à s’approprier un des attributs essentiels de leur souveraineté, préférant en laisser la maîtrise au bon vouloir du partenaire européen, libre d’en déterminer à sa guise le sort, notamment les taux de dépôt en question, leur usage, les modalités de convertibilité ou de dévaluation. L’Union Monétaire d’Afrique Centrale (UMAC) et la - 499 -

Communauté Economique Africaine qui prévoient des mécanismes bancaires et monétaires aux niveaux sous-régional et régional, constituent plus que jamais pour le Congo les cadres appropriés en vue des réformes qui s’imposent à cet égard. Le « Groupe de Brazzaville » est l’appellation issue d’une concertation organisée dans la capitale congolaise dès décembre 1960, avec la participation des Etats de l’ex-AOF et de l’ex-AEF plus le Togo, le Cameroun et Madagascar, et qui allait donner naissance à l’UAM (Union Africaine et Malgache) bientôt transformée, en Organisation Africaine et Malgache de Coopération Economique (UAMCE) en1961. Celle-ci se mua, en février 1965, en OCAM (Organisation Commune Africaine et Malgache). Le Congo en abrita longtemps un organisme de coordination technique dans un domaine-pivot, l’UAMPT, (Union africaine et Malgache des postes et télécommunications). On doit aussi à ce groupe la création d’une compagnie aérienne emblématique, Air Afrique, qui après un parcours prometteur, ne survécut pas au manque de cohérence entre ses parrains(277). L’OCAM eut du mal à s’imposer à l’OUA et internationalement comme organisation sous-régionale, eu égard au caractère composite de son implantation géographique qui allait des rives du Sénégal à l’Océan Indien. Son bilan politique, entaché de postures ambigües dans des dossiers comme la crise du Congo-Léopoldville, du Biafra, des Comores, de l’Angola, de l’Afrique australe, etc. acheva de relativiser sa pertinence sur l’échiquier continental. 277

Entre les Etats concernés et les partenaires stratégiques (UTA ou Air France), il ne semble pas y avoir eu de perspectives de coopération fondée sur le développement autonome de la compagnie africaine.

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En revanche, l’ACCT (Agence de Coopération Culturelle et Technique) qui tint sa première session en 1970, prépara l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) et son Conseil International de la Francophonie, dont l’ossature est formée par les relations franco-africaines élargies au Canada, à la Belgique et à la Suisse, et qui rassemble aujourd’hui des membres d’Europe, d’Afrique, d’Asie et des Amériques. En s’y aménageant une place progressivement affirmée, le Congo en est devenu maintenant un des membres les plus fiables. L’OIF se cherche toujours des marques sûres pour représenter aux yeux du monde, davantage qu’un simple « ensemble d’exception culturelle », mais un véritable vecteur de développement multisectoriel (socio-politique, humain), face à une anglophonie conquérante. La place de l’OIF chez les Occidentaux eux-mêmes manque encore de réelle visibilité… Quant à la Conférence des pays d’Afrique et de France, qui tint son premier sommet en février 1986, elle a commencé par réunir des pays francophones avant de s’élargir à d’autres. Toutefois, son ritualisme l’a rendu propice à certaines illusions comme la fameuse injonction de La Baule (juin 1990), qui fit accréditer l’idée d’un rôle pionnier de Paris dans la démocratisation des pays africains, malgré un bilan qui attestait plutôt le contraire. La vérité est que la perestroïka et la glanost gorbatcheviennes dataient déjà de 1985, et qu’au moins en 1989, l’Assemblée des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA avait à cet égard adopté une très importante « Déclaration sur la situation politique et socioéconomique en Afrique et les changements fondamentaux qui se produisent dans le monde », soulignant la volonté et la détermination des Africains à piloter eux-mêmes les processus

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liés à la démocratisation et au développement de leur continent(278). II – Expérience de solidarité sous-régionale 1-Dispositions préliminaires: de l’URAC à l’UDEAC L’histoire et la géographie ont doté le Congo d’une position qui l’appelait à jouer un rôle de catalyseur sur le plan sousrégional. La capitale de l’ex-AEF, Brazzaville, qui comptait déjà plus de 100.000 habitants en 1960, et son arrière-pays, avec le port de Pointe-Noire, jouissaient d’infrastructures relativement développées qui attiraient spontanément les partenaires désireux de s’implanter dans la sous-région à moindre frais ou soucieux d’en faire la plaque-tournante d’un nombre convenable d’activités diplomatiques, économiques et de services. En réaction à la « balkanisation » imposée par l’ex-colonisateur, et la date fatidique de l’indépendance s’approchant, trois des quatre territoires de l’ex-ensemble aéfien, Congo, RCA et Tchad, las d’attendre l’aval du Gabon et de la France, convinrent, en mai 1960, de se constituer en URAC (Union des Républiques d’Afrique Centrale), avec toujours pour capitale Brazzaville, en vue d’une accession commune à l’indépendance. Mais, ce sursaut assez tardif ne survécut guère aux entraves aussitôt dressées sur son chemin, à commencer par celle du Gabon préférant un splendide « isolement » plutôt que de

278

Cette conférence est de plus en plus concurrencée par d’autres fora du genre : Chine-Afrique, Inde-Afrique, Japon-Afrique (TICAD), EtatsUnis-Afrique, Amérique Latine-Afrique, etc. Ce qui justifie la pertinence d’une solidarité sous-régionale ou régionale africaine préalable et incontournable.

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servir de « vache à lait » des autres (279; et celle de l’ancienne métropole qui, après le démantèlement des grands ensembles fédéraux n’était prête à soutenir, ni l’expérience du Mali (entre le Sénégal et le Soudan) en Afrique de l’Ouest, ni celle de l’URAC. Il y eut aussi la mort brutale (et non encore totalement élucidée) une année plus tôt, de Barthélémy Boganda, dernier Président du Grand Conseil de l’AEF et meilleur avocat de l’unité fédérale. Enfin, s’imposait un nationalisme naissant dans chacun des pays qui se découvraient, à l’instar de la Guinée de Sékou Touré, une vocation à devenir membres à part entière de la communauté internationale avec honneurs et prérogatives conséquents. Cependant, les structures de l’Agence Trans-Equatoriale de Communications (ATEC) comprenant le port de Pointe-Noire, le Chemin de Fer Congo-Océan, les ports fluviaux de Brazzaville et Bangui, ainsi que la voie dorsale Bangui-Tchad constitueront la base physique de l’Union Douanière Équatoriale auquel le Cameroun se joignit pour former, en 1964, l’UDEAC (Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale). Lorsqu’en Août 1963, le Congo vire au socialisme scientifique, en raison de cette singularité, il allait être l’objet d’une méfiance confinant à un véritable cordon sanitaire, pour risque de contagion révolutionnaire. Le bras de fer qui s’ensuivit entre le Congo et ses voisins qu’il taxait de « valets de l’impérialisme », créa une tension suffisante pour justifier, en 1970, la nationalisation des infrastructures de l’ATEC basées au Congo(280). Néanmoins, par réalisme, le 279

Attitude symétrique à celle de la Côte-d’Ivoire qui s’opposa à un exécutif fédéral en ex-AOF. 280 En mesure de rétorsion, la RCA et le Tchad, pays enclavés, commencèrent à privilégier, pour leur approvisionnement, le port de Douala au Cameroun, au détriment de Pointe-Noire. Tandis que la Société des Pétroles de l’Afrique Equatoriale (SPAE), qui se proposait

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principe des relations de bon voisinage prévalut, s’exprimant à travers la CEMAC et la CEEAC, auxquelles s’imposent des préoccupations pressantes relatives à la Paix, à la Sécurité et à l’Environnement. 2-Initiatives communautaires impliquant le Congo  La CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale) voit le jour le 16 Mars 1994, et correspond à une évolution de l’UDEAC vers un véritable marché commun doté d’organes politiques (Chefs d’Etats et de Gouvernements, Ministres, Parlements) ainsi que d’institutions ou d’instruments techniques appropriés tels que la Banque Centrale, la Banque de Développement, l’Union monétaire, etc. Aux cinq de l’UDEAC, s’est ajouté la Guinée Equatoriale qui y joue un rôle de plus en plus remarqué. Chaque année, la CEMAC célèbre sa « journée » le 16 mars; et elle a adopté un Programme Economique Régional (PER) allant de 2010 à 2015 qui prévoit entre autres, l’instauration d’un document de voyage, un instrument de paiement (chèque) régional, ainsi qu’une compagnie aérienne communautaire, AIR CEMAC.  La CEEAC (Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale), bien que née en 1983 et relancée en 1999 en raison des vicissitudes traversées par plusieurs de ses membres dont le Congo, en 1997, constitue présentement un des maillons de la Communauté Economique Africaine qui, on le sait, repose sur les cinq groupements économiques régionaux du continent. Son espace comprend, outre les membres de la CEMAC, ceux de la CEPGL (Communauté Economique des Pays des Grands Lacs) composée des d’installer sa seconde raffinerie au Congo, second producteur de la zone, décida de la construire là où se trouvait déjà la première, au Gabon.

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anciennes colonies belges (R.D.Congo, Ruanda et Burundi), des anciennes colonies portugaises (Angola et Sao-Tomé-et Principe), ainsi que la Guinée Equatoriale. Son actuel Secrétaire Exécutif est l’ancien Premier ministre congolais, Louis Sylvain-Goma. La CEEAC entend s’atteler, dans des conditions sans doute difficiles, ne serait-ce qu’en raison des disparités spatiales et juridiques, à une intégration physique, économique et monétaire de ses 11 Etats membres. Ses axes stratégiques, définis au sommet de Brazzaville en Octobre 2007, visent les communications, et autres secteurs prioritaires, en vue de la réalisation progressive d’une zone de libre échange, et d’un marché commun. Dans les prochaines années, la CEEAC s’impliquera de plus en plus dans les domaines de la paix et de la sécurité, ainsi que dans le domaine de l’environnement au sein du grand bassin du Congo. Le grand projet du bassin du Congo constitue présentement la « réponse » donnée par un grand nombre de pays aux préoccupations d’ordre environnemental d’intérêt mondial qui touchent autant à la conservation des écosystèmes, à la gestion et à la préservation de la diversité biologique, qu’à l’impact sur les changements climatiques de ce second poumon écologique du monde, après l’Amazonie. La gestion de ce dossier, fruit d’initiatives particulières auxquelles se sont engagés les Chefs d’Etat d’Afrique Centrale, en 1999 à Yaoundé et en 2005 à Brazzaville, a abouti à la signature du Traité instituant la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC). Tout son enjeu consistera dans la conciliation des nécessités de développement des pays africains concernés, habilités à faire une exploitation rationnelle de leurs ressources naturelles, tout en faisant leur juste part aux impératifs de survie de la planète. Défi majeur qui justifie une coopération Nord-Sud exprimée, à l’instigation du Congo et des USA (en septembre 2002 à Johannesburg), - 505 -

par le lancement d’une coalition mondiale intitulée « Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo » (PFBC) avec des enjeux hautement stratégiques nécessitant la mobilisation de la double solidarité régionale et internationale, avec ce qu’une telle ruée vers l’or vert implique d’éveil d’intérêts de la part de toutes les puissances du monde. Sous les auspices générales de la CEEAC, le bassin du Congo et la COMIFAC s’activent à mobiliser des financements (200 millions de dollars au début), en appui aux mesures essentielles destinées à la préservation de cet écosystème forestier et aquatique de premier plan.  Quant à la Conférence Internationale des Pays des Grands Lacs, qui réunit les pays suivants : Angola, Burundi, Congo, Kenya, RCA, République Démocratique du Congo, Ruanda, Ouganda, Soudan, Tanzanie et Zambie, elle est appuyée par des partenaires internationaux, et se propose de déployer quatre séries d’objectifs : a) démocratie et bonne gouvernance; b) paix et sécurité; c) développement économique et intégration régionale; d) questions sociales et humanitaires. Un Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement y a vu le jour en 2006, avec pour principaux instruments : 4 protocoles relatifs à : la non-agression et la défense mutuelle; la coopération judiciaire; la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles ; et la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance. En matière de paix et de sécurité, l’Afrique centrale a déjà posé, sous l’égide de la CEEAC, les jalons d’une organisation affirmée par la signature, en Juillet 1996 à Yaoundé, d’un Pacte de non-agression, avec le concours appréciable du Comité Spécial des Nations-Unies sur la Paix et la Sécurité en Afrique Centrale, un organe ad hoc du Département des - 506 -

Affaires Politiques du Secrétariat de l’ONU. La sous-région entreprend, en outre, depuis quelques années également, de se prendre en charge; et de ce point de vue, elle abrite à Yaoundé, un Centre sous-régional des Droits de l’Homme ; elle s’est dotée en 1999, d’un Conseil de Paix et de Sécurité dénommé COPAX, chargé de promouvoir la paix et la sécurité. Au titre de ses préoccupations actuelles, figure la lutte contre la prolifération des armes légères. Et parmi les autres dispositions à son actif, figurent: un Mécanisme d’Alerte Rapide (MARAC) et la Force Multinationale de l’Afrique Centrale (FOMAC), chargée du maintien de la paix, actuellement déployée en RCA avec, entre autres, l’assistance de l’Union Européenne. Le rôle actif joué par le Congo au sein de la FOMAC lui a déjà valu d’en assurer le commandement, avec le Vice-Amiral Hilaire Moko. 3. Approches bilatérales Avec tous ses voisins, le Congo a développé des relations bilatérales intenses. Le Gabon, la RD Congo, l’Angola et le Tchad se sont particulièrement illustrés à cet égard. Ainsi, avec le Gabon, les relations sont passées d’une atmosphère d’étrange incompréhension du temps des « pères de l’indépendance », Léon Mba et l’Abbé Fulbert Youlou, à une bienveillante amitié avec El Hadj Omar Bongo et ses homologues congolais successifs, Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi, Joachim Yhomby-Opango, Denis SassouNguesso et Pascal Lissouba, non sans quelques traits de méfiance sporadiques, toutefois. La crise culmina en 1962 lors des rencontres sportives de la Coupe des Tropiques. L’amélioration constante des relations entre les deux pays s’est manifestée en plus d’une circonstance, par exemple pour l’évacuation du manganèse de la Compagnie Minière de l’Ogooué (COMILOG) par le - 507 -

Congo(281). Le rôle du Gabon fut également décisif dans les bons offices entre les belligérants congolais de la guerre civile de 1997. Le président Omar Bongo Ondimba ne ménagea ni son temps ni ses efforts pour réunir les Congolais à Libreville ou se déplacer à Brazzaville pour s’impliquer personnellement dans les délibérations, comme en 2001 au Dialogue National sans exclusive. La République Démocratique du Congo a entretenu avec son homonyme, la République du Congo, des rapports contrastés. L’annonce faite par Charles de Gaulle le 24 septembre 1958 à Brazzaville en faveur des indépendances prit de court le Congo belge. Par la suite, le gouvernement de Patrice Lumumba reprocha à celui de Fulbert Youlou sa sympathie à l’égard de Joseph Kasavubu, ou de Moïse Tshombé, leader de la sécession du Katanga. Les changements de régime intervenus de part et d’autre ne furent pas toujours bénéfiques. Sur fond de guerre froide, avec la rébellion lumumbiste ou la guerre en Angola, ce fut, pour Tschombé puis Mobutu à partir de 1966 à Kinshasa, Massamba-Débat ensuite Marien Ngouabi à partir de 1968 à Brazzaville, des occasions de développer des rapports en dents de scie. En dépit d’événements dramatiques ayant de temps à autre occasionné fermetures de frontières, on n’omettra pas des faits plus positifs, fruits des délibérations de la Commission mixte de coopération entre les deux Congo, tels que divers accords de paix et de sécurité à l’instar du Mémorandum du 16 juin 1974 entre les présidents Marien Ngouabi et Mobutu Sese Seko; divers accords commerciaux ou sectoriels, relatifs à 281

Le Gabon mit fin à l’arrangement concernant la COMILOG suite à un grave malentendu intervenu en 1991 lors de l’accident ferroviaire de Mvoungouti.

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l’interconnexion des réseaux électriques des deux villes à partir du barrage d’Inga; le projet de liaison route-rail, etc. La situation en Angola a longtemps constitué pour la diplomatie congolaise un des dossiers les plus emblématiques. Le gouvernement Youlou s’y impliqua de très bonne heure comme l’indique l’intervention de Stéphane Tchichelle, Ministre des Affaires Etrangères, le 15 Octobre 1960 devant la tribune de l’Assemblée Générale de l’ONU, appelant Salazar à ne pas se montrer « moins généreux que De Gaulle et Elizabeth II » (qui ont décolonisé leur partie de l’Afrique); et que l’Angola ne constituait nullement une province comme le prétendait le Portugal, mais une colonie. Tchichelle n’en appelait pas moins les Angolais à faire montre d’un nationalisme véritable pour ne pas succomber à la tentation d’un nationalisme à rebours (anti-portugais). A la session suivante, en 1961, les deux Congo demandèrent sans succès une réunion du Conseil de Sécurité pour traiter du cas angolais qui leur occasionnait déjà un flux incessant de réfugiés. Une réunion tenue par les gouvernements des deux Congo sur le fleuve au mois de juin 1963 aboutit à un communiqué ne préconisant « ni dialogue, ni rupture avec le Portugal », mais l’invitant à entamer sans tarder le processus de décolonisation. En Juillet de la même année, dans un appel articulé, l’Abbé Fulbert Youlou invitait les mouvements nationalistes angolais à s’unir : Vous avez le droit de tout faire, de choisir votre politique, votre tactique, mais vous n’avez pas le droit

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d’échouer, leur déclarait-il, ajoutant : Vous avez le devoir de réussir et même de réussir vite282. A partir d’août 1963, le Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA) se vit accorder pleine reconnaissance et plein soutien à Brazzaville qui en devint alors Quartier Général politique et militaire. Le Congo fournit à la lutte de libération de l’Angola un appui multiforme, diplomatique et logistique notamment, et mit à sa disposition toutes les conditions en son pouvoir à cet effet, et ce, tout au long des deux périodes de guerre que furent: la guerre anti-coloniale proprement dite, qui dura jusqu’en 1975, année de l’indépendance; et la guerre civile, allant de 1975 à 2002, ayant opposé le MPLA au FNLA et à l’UNITA. Le Congo s’impliqua aussi à travers de nombreux bons offices joués en vue de la réconciliation des frères angolais divisés, soit entre les Mouvements de Libération (MPLA, FNLA et UNITA de Jonas Savimbi entré en lice en1974), soit au sein du MPLA (avec la « Révolte de l’Est » dirigée par Daniel Chipenda, et la « Révolte Active » menée par Joaquim et Mario de Andrade). Toujours est-il que le territoire de la République Populaire du Congo fut d’un intérêt stratégique majeur pour l’assistance fournie par l’URSS et Cuba en faveur du Gouvernement angolais dirigé par le MPLA, même si le Congo était encore seul à pouvoir jouer les médiateurs entre le Zaïre et l’Angola alors qu’ils s’accusaient mutuellement d’ingérence, par soldats cubains et gendarmes katangais interposés.

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Ce plaidoyer vibrant eut pour effet immédiat le rappel par le Portugal de son ambassadeur à Brazzaville et la rupture des relations diplomatiques avec le Congo.

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Ce rôle de médiation permit par ailleurs au Congo de clarifier sa position au sujet du Cabinda. Car, en 1975 à Kampala, lors d’une session ministérielle de l’OUA sur l’Angola, le Congo et le Zaïre avaient ensemble demandé que soient prises en considération les vues des indépendantistes cabindais du FLEC (Front de Libération de l’Enclave du Cabinda). L’émotion suscitée était partagée par les 3 Mouvements angolais pour qui l’enclave du Cabinda faisait partie intégrante de l’Angola. Le président Marien Ngouabi dut se rétracter de cette alliance improbable avec le Zaïre et déclarer devant le sommet de l’OUA de juillet 1976 en substance: Nous savons qu’il existe des problèmes au Cabinda; mais pour le moment, il nous faut nous concentrer sur la lutte de libération contre le colonisateur portugais. Une fois libérés, nous faisons confiance à nos frères angolais pour trouver eux-mêmes les solutions appropriées à leurs différends. Ainsi fut mis fin au bref accès de sympathie pro-cabindaise dont le Congo put être soupçonné un moment. En reconnaissance de toutes les marques de solidarité, manifestées par le Congo, ce fut le premier pays à dépêcher en 1974 en Angola libéré, une délégation officielle reçue très chaleureusement par l’amiral Coutinho, membre du MFA et avant-dernier gouverneur portugais à Luanda. Le premier ambassadeur du Congo à Luanda, Benjamin Bounkoulou, y fit longtemps office de Doyen du Corps Diplomatique. Les Angolais tenaient en effet que ce fut non pas un politique, mais un diplomate de carrière capable de coopérer avec eux à l’organisation de leur jeune service diplomatique. Cette disponibilité active du Congo perdura au profit du MPLA-Parti - 511 -

du Travail et du gouvernement angolais tant qu’à Brazzaville l’allié Parti congolais du travail gérait le pouvoir. Mais elle bascula au profit de l’opposition UNITA de Jonas Savimbi, sous le président Pascal Lissouba (entre 1992 et 1997). Avec le Tchad, le Congo s’est impliqué depuis le milieu des années 70 en proposant ses bons offices aux protagonistes de la guerre civile ayant caractérisé la fin du régime Tombalbaye, les invitant à ce effet à Brazzaville et y recevant même des réfugiés de ce pays. Sous les auspices de l’OUA, un contingent congolais y a été dépêché en 1981 dans des conditions de grande précarité sécuritaire. Avec l’UA, en 2006, le Tchad et le Soudan se sont offert à une médiation congolo-libyenne, aboutissant à un engagement réciproque d’interdiction de présence et de séjour de rebelles dans les territoires de l’une ou l’autre partie. Concernant le Darfour voisin, l’Accord du 5 Mai 2006 signé à Abuja entre le gouvernement soudanais et la plupart des rebelles est à mettre à l’actif du Congo, tout comme les Accords de Dakar du 23 mars 2008 établissant un Groupe de Contact présidé par le Congo, auquel on doit en bonne partie l’amélioration du climat tchado-soudanais espéré par l’Afrique et la communauté internationale. III - Le Congo en Afrique 1-De l’Organisation de l’Unité Africaine à l’Union Africaine Le 25 mai 1963, le Congo participe à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine, par l’adoption de sa Charte suivi de sa ratification par le Président Fulbert Youlou

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le 12 juillet (283). Lorsqu’en l’an 2000, les pays africains décident de passer de l’Organisation de l’Unité Africaine à l’Union Africaine, l’Acte Constitutif de l’UA succédant à la Charte de l’OUA, le Congo en est également membre fondateur, non sans avoir formulé, au départ, quelques réserves sur l’opportunité d’une telle mutation et surtout sur l’intérêt d’une démarche pragmatique en vue d’un gouvernement continental éventuel. Toujours est-il que sur un parcours global de positionnement et d’action, le Congo a pu particulièrement s’illustrer à travers trois domaines : l’appui aux mouvements de libération; la conciliation, le règlement des conflits et les questions relatives au développement. En matière de conciliation, le Congo a fait preuve de temporisation dans la question du Sahara Occidental qui, de ce point de vue, constituera un cas spécifique. La République Populaire du Congo avait, du temps du Président Marien Ngouabi, reconnu la RASD et la République du Congo est revenue sur cet acte, après la Conférence nationale souveraine. 2. En première ligne Par son engagement sans réserve dans le soutien aux mouvements africains de libération, le Congo s’est identifié aux pays de la Ligne de Front considérés alors comme les appuis les plus déterminés en faveur des luttes engagées contre les régimes coloniaux et racistes. Très tôt en effet, il a pris place au sein du Comité de Coordination pour la Libération de l’Afrique, organe spécialisé de l’OUA, composé de 17 pays membres et installé à Dar-Es-Salam. Le Comité de Libération a fourni un appui considérable aux Mouvements d’Angola (MPLA, FNLA et UNITA), du Mozambique (FRELIMO), de Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), de Sao-Tomé-et 283

A partir d’Août 1963, le pays passe du camp « modéré » (Groupe de Monrovia), à celui de « progressiste ».

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Principe (FLSTP) ; et d’Afrique australe : SWAPO de Namibie, ANC et PAC d’Afrique du Sud, ZAPU et ZANU de Rhodésie-Zimbabwe. Et le Congo fut de ceux qui, parmi les Etats membres de l’OUA, étaient les plus stricts à appliquer les décisions continentales concernant par exemple les boycotts et les embargos. Il suspendit ainsi ses relations diplomatiques avec la Grande Bretagne, entrainant la fermeture de l’ambassade britannique à Brazzaville, tandis que les Etats-Unis décidaient eux-mêmes de partir avant que les deux ne reprennent plus tard le dialogue direct avec le Congo. Il en fut de même avec Israël, par solidarité avec la cause palestinienne et arabe réputée, en partie, cause africaine. Dans le même contexte, le Congo supprima ses liaisons aériennes avec l’Afrique du Sud(284), et point n’est besoin de préciser qu’il en était résulté des pertes financières très importantes pour le Congo, 3. Actions spécifiques sur la scène africaine Le Congo fit également partie de la Conférence des Etats d’Afrique Centrale et Orientale qui lui valut, sous la présidence de Marien Ngouabi, d’abriter, en 1976, la Conférence des 16 (devenus 17 après adhésion du Cameroun), et d’ériger à Brazzaville la « Cité des 17 ». C’était un cadre de solidarité et de mobilisation des capacités de pays membres, au sein de l’OUA, certes, mais tenant compte d’une unité géographique et culturelle qui, en outre, les exposait plus que d’autres aux charges et pressions résultant de la lutte contre le colonialisme et l’apartheid.

La mesure occasionna la fermeture de l’Agence de la compagnie aérienne néerlandaise KLM, en 1975 également, puis la ligne Johannesburg-Brazzaville alors exploitée par la compagnie française UTA.

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En assumant à deux reprises les fonctions de Président en exercice, pour l’OUA en 1986-1987, ensuite l’UA de 2006 à 2007, Denis Sassou Nguesso a pu s’identifier à certaines initiatives, longtemps dans le dossier du Tchad, mais encore concernant particulièrement : - le Symposium International des Hommes de Lettres contre l’Apartheid en Mai 1987 sous le thème « Les écrivains accusent l’apartheid », et qui préconisa, entre autres, l’instauration d’un programme consacré à l’apartheid dans chaque école africaine; - le Premier Congrès des Hommes de Sciences, en Juin 1987, toujours à Brazzaville, qui aboutit à la création de l’UPST (Union africaine de la Science et de la Technologie), dont le premier Secrétaire Général est le Professeur Lévy Makany. A ces initiatives s’ajoutèrent: la création du Fonds Africa qui rallia, entre autres, l’appui des Pays Non-Alignés; l’aménagement de la Salle des Fêtes de l’OUA à Addis Abéba, le « Congo Hall »; et la mise en place d’un Comité ad hoc Permanent sur l’Afrique australe que Denis Sassou Nguesso anima au-delà de la fin formelle de son mandat. C’est dans ce contexte que se situe l’organisation, à Brazzaville, des pourparlers décisifs qui aboutirent au « Protocole de Brazzaville » du 13 décembre 1988 réunissant Américains, Sud-Africains, Angolais, Namibiens et Cubains, ouvrant la voie à l’indépendance de la Namibie, proclamée en mars 1990 et que les parties américaine et sud-africaine conditionnaient au retrait des troupes cubaines d’Angola. Accompagnant le processus, le Congo fit partie du GANUPT (Groupe d’Assistance des Nations-Unies pour la Transition en Namibie). L’action du Congo avec la Namibie et l’Afrique du Sud s’est depuis, inscrite dans une durée symbolisée par - 515 -

d’importants accords de coopération touchant à des domaines essentiels de développement tels que l’agriculture, les mines, la pêche, les transports, etc. Et les Namibiens se souviennent encore de leur domaine à Loudima… A ces actions, se sont ajoutées celles menées en rapport avec le dossier de la crise en Côte d’Ivoire en 2006, où le Congo s’est associé, ès qualité, au GTI (Groupe de Travail International) dans le processus de désarmement et d’identification devant conduire aux élections. Un Représentant de la présidence en exercice de l’UA avait alors été nommé à Abidjan en la personne du Général Jean-Marie Michel Mokoko. 4. Le défi du développement Les questions à caractère économique et social ont enfin reçu du Congo, au cours des décennies écoulées, au niveau panafricain, une attention à la mesure de leur importance. L’OUA qui, dans le préambule de sa Charte, s’assignait comme devoir « de mettre les ressources naturelles et humaines de notre continent au service du progrès général de nos peuples dans tous les domaines de l’activité humaine », n’a pas ménagé ses efforts à cet égard. La stratégie africaine, aujourd’hui articulée autour du Traité d’Abuja instituant la Communauté Economique Africaine, adopté en 1991, et le NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique) en 2001(285), renvoie aux objectifs résumés dans l’Acte Final et le Plan d’Action de Lagos de 1980 visant l’instauration d’un Nouvel Ordre Economique en Afrique sur une base endogène et auto-entretenue. 285

Si le NEPAD est pour l’UA ce que fut le Traité d’Abuja pour l’OUA, les deux stratégies sont à tout le moins complémentaires et gagnent à s’insérer organiquement dans la structure de l’Organisation continentale.

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Le Congo a naturellement participé à l’ensemble de ce processus, aussi bien à des niveaux techniques que politiques, en association avec la Commission Economique des NationsUnies pour l’Afrique (CEA), qu’avec le concours de la Banque africaine de développement (BAD). On notera, d’une manière générale, que sous l’égide de l’ensemble de ces institutions, de nombreuses conférences statutaires, de niveau ministériel ou technique (tel le Comité Directeur de l’OUA en 1986 à Brazzaville) ont été organisées, couvrant la plupart des secteurs de développement des pays africains (286). C’est sur la base de ces délibérations que l’OUA ou l’UA formulent des politiques multilatérales de coopération avec ou sans l’ONU et ses institutions spécialisées opérant en Afrique, ainsi que d’autres Organisations régionales comme l’Union Européenne ou la Ligue des Etats Arabes, dans le cadre de leurs accords spécifiques. Autant de stratégies qui ont émaillé les décennies écoulées, et dont on espère qu’elles pourront bien s’insérer dans les « Objectifs du Millénaire pour le Développement » adoptés au Sommet Mondial de 2005 à New York. Il en est ainsi d’importantes mesures et décisions de politique globale panafricaine (287) auxquelles les Etats ne se 286

Il s’agit, entre autres des Conférences des ministres responsables du Développement Economique et de la Planification; de l’Education; de la Commission du Travail et des Affaires Sociales; des Conférences des Ministres de la Santé, du Commerce, de l’Industrie, de l’Environnement, etc. 287 Ce sont, entre autres : la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples(1981) ; le CARPAS (Cadre Africain de Référence pour les Programmes d’Ajustements Structurels,1989); la Position Commune Africaine sur le Développement Humain et Social (1994); la Position Commune Africaine sur l’Environnement et le développement (prélude à Rio 92); la Position Commune Africaine sur la crise de la dette extérieure (1997); le programme Africain de Lutte contre la Pandémie du VIH/SIDA; la Convention de Bamako sur les déchets dangereux; la

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réfèrent pas assez alors qu’ils en sont parties prenantes, voire directement auteurs. A ces engagements majeurs se sont ajoutées des préoccupations sociales et humaines interpellant le Congo et concernant des fléaux meurtriers comme le SIDA, le paludisme et la tuberculose. Le Congo disposait déjà, sur ce plan, d’une institution d’envergure, le Bureau Régional de l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’Afrique, installé depuis 1952 du temps de l’AEF, provisoirement délocalisé à Harare pour cause de guerre civile au Congo en 1997, et que la fermeté de l’OUA jointe à l’engagement du gouvernement congolais ont permis de faire revenir à Brazzaville. Le Congo, faut-il le rappeler, eut à bénéficier, de la part du Secrétariat de l’OUA, de deux apports financiers symboliques de 40.000 et 75.000 dollars respectivement, remis au gouvernement par un Secrétaire Général Adjoint, en assistance d’urgence en faveur de victimes de ces deux guerres civiles de 1993 et 1997. CONCLUSION Dans une évocation comme celle-ci, on ne peut occulter le souvenir du rôle particulier joué par les Syndicats, les Femmes et les Jeunes aux niveaux de leurs associations affiliées aux organisations panafricaines : l’Organisation de l’Unité Syndicale Africaine (OUSA) basée à Accra, l’Organisation Panafricaine des Femmes (OPF), basée à Luanda, et l’Organisation Panafricaine de la Jeunesse (OPJ), basée à Alger, ainsi que de valeureuses ONG représentant la société civile.

Charte Africaine de la Participation populaire au développement; la Charte Africaine d’Action Sociale; etc.

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Enfin, une des contreparties majeures de la généreuse contribution du Congo aux affaires internationales en général pourrait s’évaluer soit en termes de présence humaine dans les institutions panafricaines ou internationales, soit à l’aune d’implantations d’activités à vocation régionale ou internationale génératrices d’investissements ou de gains variés sur son sol. Sur ces deux plans, l’utilisation internationale de l’expertise congolaise reste encore en deçà des potentialités. Les perspectives restent cependant ouvertes. Ainsi par exemple le FESPAM (Festival Panafricain de Musique) géré par le Congo pour le compte de l’Afrique et dont le caractère intégré, multisectoriel, associant justement créativité, industrie, communication, coopération, et en fin de compte participation de partenaires divers, s’inscrit dans ce sens. Il pourrait en effet en résulter une synergie globale, aussi bien culturelle, scientifique, que technique et économique, propre à mettre en valeur et à promouvoir des ressources dont l’Afrique détient, parmi d’autres, la matrice.

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TABLE DES MATIÈRES PRÉFACE DENIS SASSOU NGUESSO ............................................. 5 PARTIE VII HISTOIRE POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE DU CONGO (1958-2010) ....................................................... 7 Chapitre 1er Naissance, indépendance, et gestion de la première République du Congo, de1958 à 1963 Jean-Marie Melphon Kamba ........................................... 9 Chapitre 2 Le Congo sous l’ère du Mouvement national de la révolution (MNR), de 1963 à 1968 Martin Mbéri ...................................................................57 Chapitre 3 Le Congo sous l’ère du Parti congolais du travail (PCT), de 1968 à 1990 Camille Bongou................................................................87 Chapitre 4 La Conférence nationale souveraine et la relance du processus démocratique au Congo (1991-1997) Séverin Andzoka .............................................................117

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Chapitre 5 Des événements de 1997 à la normalisation de la vie démocratique au Congo Ngnia Ngama Moyen......................................................145 Chapitre 6 Le multipartisme au Congo, de 1990 à 2010 Grégoire Lefouoba ........................................................163 Chapitre 7 Histoire des institutions administratives congolaises, de1957 à 2002 Placide Moudoudou ......................................................193 Chapitre 8 L’évolution de la justice congolaise, de 1960 à 2010 Philippe Ongagna ..........................................................215 Chapitre 9 La recherche scientifique et technologique au Congo (1960-2010) Jean Diamouangana........................................................253 Chapitre 10 L’histoire de l’éducation au Congo Gilbert Ibiou....................................................................285 Chapitre 11 La santé au Congo, de 1958 à nos jours Cyriaque N’Djobo Mamadoud ........................................311 Chapitre 12 La femme dans l’histoire du Congo Jeanne Dambendzet.........................................................337 - 524 -

Chapitre 13 La jeunesse dans l’histoire du Congo, de 1960 à 2010 Jean-Pierre Ngombe........................................................393 Chapitre 14 Histoire du mouvement syndical au Congo Jérôme Ollandet ..............................................................419 BIBLIOGRAPHIE ..........................................................447 PARTIE VIII HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES .455 Chapitre 15 Le Congo et le monde Delphine Edith Emmanuel-Adouki ..................................457 Chapitre 16 Le Congo dans l’Afrique : aperçu général de politique extérieure Pascal Gayama ...............................................................491 BIBLIOGRAPHIE ..........................................................521 TABLE DES MATIERES...............................................523

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