Lexiques bilingues dans les domaines philosophique et scientifique 2503511767

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Lexiques bilingues dans les domaines philosophique et scientifique
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Fédération Internationale des Instituts d'Études Médiévales 1EX1ES ET ÉTUDES DU MOYEN ÂGE, 14

LEXIQUES BILINGUES DANS LES DOMAINES PHILOSOPHIQUE ET SCIENTIFIQUE (Moyen Âge · Renaissance)

BREPOLS 2001

FÉDÉRATION INŒRNATIONALE DES lNSTITIJTS D'ÉTUDES MÉDIÉVALES

Président: L.E. BOYLE (t) (Commissio Leonina, Roma)

Vice-Président : L. HOL1Z (Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, Paris)

Membres du Comité: M. FASSLER (Yale University, Connecticut) C. LEONARD! (Società Intemazionale per Io Studio del Medioevo Latino, Firenze) J. MARTÏNEZ GAZQUEZ (Universitad Autèmoma de Barcelona, Departament de Ciències de l'Antiguitat i de l'Edat Mitjana, Barcelona) M.C. PACHECO (Universidade do Porto, Gabinete de Filosofia Medieval, Porto) A. RINGBOM (lnstitute of Medieval Studies of the Âbo Akademi, Turku)

Secrétaire et Editeur responsable : J. HAMESSE (Institut Supérieur de Philosophie, Louvain-la-Ne uve)

Trésorier: O. WEUERS (Constantijn Huygens Instituut, Den Haag)

Fédération Internationale des Instituts d'Études Médiévales TEXTES ET ÉTUDES DU MOYEN ÂGE, 14

LEXIQUES BILINGUES DANS LES DOMAINES PHILOSOPHIQUE ET SCIENTIFIQUE (Moyen Âge - Renaissance)

Actes du Colloque international organisé par /'Ecole Pratique des Hautes Etudes - IVe Section et l1nstitut Supérieur de Philosophie de l'Université Catholique de Louvain (Paris, 12-14juin1997)

édités par J. HAMESSE et D. JACQUART

BREPOLS 2001

© 2001, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.

D/200110095/87

ISBN 2-503-51176-7

Printed in the E.U. on acid-free paper

TABLE DES MATIÈRES

Introduction par J. HAMESSE .................. .................. . .

vii

H. HUGONNARD-ROCHE, Lexiques bilingues grec-syriaque et philosophie aristotélicienne .................. ............... .

1

G. TROUPEAU, Le lexique arabe-syriaque d'Elie Bar Shiâyâ

25

M. ZONTA, Arabie and latin glosses in medieval hebrew translations ofphilosophica l texts and their relation to hebrew philosophical dictionaries .................. ....... .

31

J.-P. ROTIISCHILD, Remarques sur la tradition manuscrite du glossaire hébreu-italien du Commentaire de Moïse de Salerne au Guide des égarés (en appendice, note sur les glossaires médicaux hébreux ; liste de manuscrits hébreux contenant des 1?lossaires) .................. ....... .

49

L. MOULINIER, Un lexique «trilingue » du X/le siècle : la Lingua ignota de Hildegarde de Bingen .................. ..

89

D. JACQUART, Note sur les Synonyma Rasis ................. .

113

B. MONDRAIN, Un lexique botanico-médical «bilingue » dans le Parisinus gr. 2510 .................. .................. ... ..

123

G. ENDRESS, Bilingual lexical materials in the arabic tradition of the hellenistic sciences ..................... .............. .

161

J.-M. MANDOSIO, Les lexiques bilingues philosophique s, scientifiques et notamment alchimiques à la Renaissance .... ........ ...... ......... ....... ..... ....... .... .. .. ...... ...

175

Index des auteurs anciens et médiévaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

227

Index des auteurs modernes . . .. . . .. . . .. . . . .. .. . .. . . . .. .. . . . . .. .. . ..

233

Index des manuscrits

237

Jacqueline HAMESSE (Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve)

INTRODUCTION

En 1994, une Settimana fut consacrée aux Manuscrits des lexiques et glossaires de /'Antiquité tardive et du Moyen Age dans le cadre des activités scientifiques organisées par le Centre Ettore Majorana à Brice. Cette rencontre répondait à un besoin. En effet, les recherches menées depuis vingt ans ont permis de montrer l'influence des instruments de travail pendant le Moyen Age. Les intellectuels de l'époque y recouraient abondamment dans de nombreux domaines pour pallier tant la pénurie des textes que la consultation impossible ou limitée de bon nombre d'oeuvres. Parmi ces recueils pratiques, utiles et plus facilement accessibles, les lexiques et les glossaires ont dû jouer un rôle important, si l'on en croit le grand nombre d'exemplaires encore conservés dans les manuscrits. Malheureusement, presque tous restent inédits et nous sommes loin d'avoir à notre disposition un recensement de ces recueils. D'autre part, aucun ouvrage de synthèse ne permet encore actuellement un accès aisé à cette littérature. Il a donc semblé opportun de remédier à ces lacunes. Le colloque d'Erice a constitué un premier pas dans ce sens. Une semaine de travaux passionnants, au dire des participants, n'a pas suffi à dresser un status quaestionis. Le rapide tour d'horizon prévu initialement ne fut même pas complet : pour diverses raisons, la section consacrée aux lexiques scientifiques fut supprimée en dernière minute. Il fut donc décidé, en conclusion de cette première rencontre, de poursuivre les recherches en ce domaine, en réunissant régulièrement autour d'une table les spécialistes de secteurs plus précis et plus limités. La priorité fut donnée aux lexiques scientifiques bilingues. C'est ainsi que cette table ronde a

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J. HAMESSE

été organisée en collaboration avec D. Jacquart à la IVe section de l'Ecole Pratique des Hautes Etudesl. Les actes de ce premier colloque d'Erice, publiés en 1996, donnent un premier aperçu de la richesse de la documentation à étudier2. Le volume a déjà fait l'objet de quelques recensions critiques qui soulignent l'intérêt des recherches entreprises. Nous espérons donc vivement que les articles rassemblés dans le présent ouvrage apporteront un complément d'information indispensable dans un domaine qui n'avait pas encore été abordé3. La terminologie technique, qu'elle soit scientifique ou autre, pose d'emblée deux problèmes: bon nombre de vocables latins sont d'origine étrangère et il convient donc de recourir à des lexiques bilingues pour en saisir le sens exact. Ensuite, la spécificité même du vocabulaire appelle un certain nombre de connaissances de base pour mieux en saisir la portée et les nuances. Des recueils de définitions s'avèrent donc nécessaires pour fournir aux lecteurs les significations diverses qu'un même terme peut avoir. D'autre part, lorsqu'on aborde la littérature scientifique du moyen âge, on se trouve immanquablement confronté aux problèmes de traduction. La terminologie technique constitue évidemment la première pierre d'achoppement pour les traducteurs. Comment rendre de manière

1 Un heureux concours de circonstances a permis la matérialisation de ce projet. En effet, cette rencontre s'est inscrite dans le cadre d'un accord de collaboration qui fut signé en 1997 entre la IVe section de !'Ecole Pratique des Hautes Etudes et l'Institut Supérieur de Philosophie de l'Université Catholique de Louvain. Qu'il me soit permis d'exprimer ici notre reconnaissance la plus vive aux autorités de ces deux institutions. 2 Les manuscrits des lexi.ques et des glossaires de /'Antiquité tardive à la fin du Moyen Age. Actes du Colloque international organisé par le "Ettore Majorana Centre for Scientific Culture" (Erice, 23-30 septembre 1994) édités par J. HAMESSE (Fédération Internationale des Instituts d'Etudes Médiévales. Textes et Etudes du moyen âge, 4), Louvain-la-Neuve, 1996, XIII - 723 pp. 3 Pour être complet, le volume aurait dû contenir également le texte des communications présentées par Marie-Elisabeth Boutroue (Les lexiques botaniques), par Luc Ferrier (Lexi.ques bilingues de médecine contenus dans des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale de France ) et par Dimitri Gutas (Greek and Arabie Lexica : Medical Practices and Modern Research). Ces orateurs ont renoncé à publier leur texte. Nous le regrettons vivement.

INTRODUCTION

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précise en latin des vocables grecs, arabes, hébreux ou syriaques, lorsqu'on n'a pas à sa disposition d'équivalent adéquat ou lorsqu'on ne comprend pas la portée exacte d'un terme? Comment répondre à des exigences de précision, lorsque le bagage linguistique dont on dispose est loin d'être suffisant ? Comment enfin transposer dans une autre langue une matière pour laquelle on n'a pas reçu d'initiation ou d'introduction suffisante ? Les lexiques bilingues qui nous ont été conservés devaient certainement répondre aux besoins des traducteurs4. La plupart de ces lexiques sont anonymes. Très peu comportent des préfaces, ce qui nous prive d'informations précieuses concernant d'abord les buts poursuivis par l'auteur du recueil, ensuite les destinataires des ouvrages et enfin la méthode suivie pour réaliser le travail. Les prologues d'oeuvres médiévales n'ont pas encore fait l'objet d'études d' ensemble5. On trouve des informations intéressantes à ce sujet dans un volume consacré aux prologues d'oeuvres techniques et scientifiques del' Antiquité, publié il y a quelques années, mais le sujet est loin d'avoir été épuisé6. Un colloque organisé à Rome en 1998 a permis d'aborder le thème pour les textes du moyen âge en général et de donner un premier aperçu de la problématique et des renseignements qu'on peut tirer de ces introductions7. De nombreuses questions restent encore sans réponse à propos des lexiques bilingues. A part le rôle d'aide indispensable qu'ils ont joué pour de nombreux médiévaux, qu'ont-ils fourni d'autre à la culture médiévale et peut-être plus largement à la culture européenne ? Il faut d'abord souligner qu'ils ont apporté une part non-négligeable à l'histoire de la lexicographie en général. En les étudiant au fil des siècles, on voit se constituer petit à petit la technique lexicographique qui est la nôtre aujourd'hui. On y remarque l'importance attachée par les médiévaux à l'étymologie, à la dérivation et à la grammaire. Le rôle des compilateurs

4 Cf. article de J.-P. Rothschild contenu dans ce volume. 5 Une rencontre sur ce thème a été organisée à Rome en 1998. Cf. note 7. 6 Prefazioni, prologhi, proemi di opere tecnico-scientifiche latine, a cura di C. SANTINI e N. Sc1voLErro, I. Roma, 1990. 7 Cf. Les prologues médiévaux. Actes du Colloque international organisé par l'Academia Belgica et l'Ecole française de Rome avec le concours de la F.I.D.E.M. (Rome, 26-28 mars 1998) édités par J. HAMESSE (Fédération Internationale des Instituts d'Etudes Médiévales. Textes et Etudes du moyen âge, 15). Turnhout, 2000.

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J. HAMESSE

a répondu progressivement à des règles plus rigoureuses. Par exemple, le classement alphabétique qui va de soi de nos jours ne s'est pas toujours imposé de manière évidente dès le début. D'autre part, les titres, lorsqu'ils sont d'époque, témoignent d'une certaine imprécision. O. Weijers a bien montré que le mot lexique d'origine grecque que nous utilisons aujourd'hui ne se trouve guère dans les recueils du moyen âge 8 • On utilise plutôt des termes latins pour les désigner et il faudra, semble-t-il, attendre la fin du XVe siècle pour voir le succès du vocable lexicon. Ceci rejoint des constatations faites pour d'autres domaines. La langue du moyen âge privilégie plutôt les formes latines pour translittérer des mots d'origine étrangère. Ce n'est qu'au XVe siècle, pour faire savant et se démarquer des barbarismes latins inventés par les médiévaux que les intellectuels recourent à des mots de résonance grecque. Lexicon n'apparaît donc que tardivement. Il faut se méfier de certaines attestations plus anciennes qui figurent dans des répertoires de manuscrits. Elles sont dues la plupart du temps à des catalogueurs modernes ou à des utilisateurs postérieurs. On ne peut donc rien tirer à ce propos de bon nombre de catalogues modernes. Concernant les titres toujours, on constate que les médiévaux utilisaient parfois un tenne pour l'autre, sans grande précision: vocabulum, dictionarium et glossarium ne sont pas toujours distingués de manière précise9. Il faut attendre la fin du moyen âge pour voir apparaître une rigueur plus grande, ce qui explique probablement aussi le succès du vocable lexicon à la même époque. Le deuxième apport de ces lexiques se situe au niveau de l'enrichissement de la langue latine médiévale. Utilisés tant par certains traducteurs que par des universitaires, ils vont fournir dans divers domaines un vocabulaire technique nouveau. On trouvera des néologismes latins destinés à rendre des termes d'origine étrangère, des nouveaux sens attribués à des vocables classiques ainsi que des translittérations de concepts grecs ou arabes ayant une consonance latine. Ils vont donc contribuer à la constitution d'une terminologie technique plus riche. Il faudra d'ailleurs voir dans quelle mesure les divers ternies

8 O. WEDERS, Dictionnaires et répertoires au moyen âge. Une étude du vocabulaire (CIVICIMA. Etudes sur le vocabulaire intellectuel du moyen âge, 4). Turnhout,

1991. 9 Ibid.

INTRODUCTION

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nouveaux ainsi créés auront une survie dans la langue latine plus tardive ainsi que dans les divers parlers vernaculaires. Notre vocabulaire technique actuel est-il encore tributaire de cette époque et dans l'affirmative, quelle est la part médiévale d.ans la langue contemporaine? Un des intérêts du thème traité sera certainement de montrer comment la création d'un langage scientifique remonte déjà à l'époque romaine et qu'après les difficultés rencontrées pendant le haut moyen âge, les traducteurs médiévaux vont continuer un travail créateur d'un point de vue linguistique. D. Jacquart a fait remarquer dans un article consacré aux traducteurs du XIe siècle que les traductions de cette époque semblent recourir plus volontiers à des lexiques greco-latins pour leur terminologie médicale qu'au vocabulaire disponible, mais moins précis figurant par exemple dans les Etymologies d'Isidore de Séville. Elle signale également un phénomène très intéressant : deux traducteurs différents utilisent un vocable identique pour traduire des termes grecslO. Ceci implique probablement le recours à une source commune qui pourrait être un lexique bilingue. Cette constatation nous mène à un autre point important : dans quelle mesure ces lexiques bilingues faisaient-ils partie des instruments de travail liés à l'enseignement de la médecine et des sciences ? Nos connaissances en la matière sont limitées, mais il y aurait certainement là une voie intéressante à explorer. Certaines communications y feront allusion, apportant ainsi des éléments de réponse. On peut aussi se poser la question de savoir dans quelle mesure ces lexiques ont eu une influence sur l'évolution des connaissances scientifiques et sur le développement de diverses disciplines. Les spécialistes d'histoire des sciences auront probablement des avis autorisés à ce sujet. Enfin dernier point à examiner : le latin a-t-il vraiment joué un rôle clef dans l'élaboration du lexique scientifique européen ? En ce qui concerne la

10 Cf. D. JACQUART, Less traducteurs du XIe siècle et le latin médical antique, in Le latin médical. La constitution d'un langage scientifique. Réalités et langage de la médecine dans le monde romain. Actes du Ille Colloque international "Textes

médicaux latins antiques" (Saint-Etienne, 11-13 septembre 1989).Textes réunis et publiés par G. Sabbah (Publications de l'Université de Saint-Etienne. Mémoires, X). Saint-Etienne, 1991, pp. 422 - 423.

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J. HAMESSE

philosophie, Heidegger avait émis des réserves très sérieuses, comme l'a bien montré A. de Libera11.

Habent sua fata libelli. Jamais affirmation ne nous a paru plus adaptée. L'ouvrage sort de presse avec un grand retard à cause d'une série d'incidents qui ont bloqué à plusieurs reprises la mise au point du manuscrit. Les auteurs qui nous ont fait confiance en consignant leur texte dans les délais impartis en sont les premières victimes. Nous espérons pouvoir compter sur leur compréhension. En raison de tous ces avatars, la publication n'aurait pas vu le jour sans le dévouement et l'aide de plusieurs personnes auxquelles nous tenons à exprimer notre reconnaissance la plus vive.

11 Cf. A. DE LIBERA, Le latin, véritable langue de la philosophie ?, dans Aux

origines du lexique philosophique européen. L'influence de la latinitas. Actes du Colloque international organisé à Rome (23-25 mai 1996) édités par J. HAMESSE (Fédération Internationale des Instituts d'Etudes Médiévales. Textes et Etudes du moyen âge, 8). Louvain-la-Neuve, 1997, pp. 1-22.

HENRI HUGONNARD-ROCHE

(C.N.R.S. - Ecole pratique des Hautes Etudes, Paris)

LEXIQUES BILINGUES GREC-SYRIAQUE ET PHILOSOPHIE ARISTOTÉLICIENNE

Les lexiques bilingues grec-syriaque ne sont assurément pas les lieux où l'on irait le plus volontiers chercher trace de la philosophie aristotélicienne en syriaque. La forme même de ces documents rebute quelque peu, a priori, la recherche philosophique. On ne peut guère espérer y trouver une pensée articulée, mais tout au plus une suite inorganisée d'éléments juxtaposés. Et chacun d'eux est certainement par trop sommaire pour offrir une vue pertinente du sujet auquel il se rapporte. Nous allons pourtant essayer de montrer le parti qui peut être tiré de la réunion même de pareils éléments. Nous n'obtiendrons certes pas la description de doctrines philosophiques, à partir des matériaux linguistiques qui étaient destinés seulement à leur expression. Mais nous suggérerons que l'on peut parfois percevoir, sous-jacentes à la compilation de ces matériaux, certaines des pratiques en usage dans les écoles, ou quelques traits de l'orientation générale des études. Une difficulté préliminaire arrête quiconque veut s'intéresser au contenu philosophique des documents lexicographiques en langue syriaque. C'est tout simplement que les travaux lexicographiques accomplis par les savants de langue syriaque, entre le vie et le xe siècle, sont encore très imparfaitement connus. La première raison en est la disparition des plus anciennes compilations lexicographiques. Nous n'en conservons, en général, la trace que dans des compilations plus tardives qui ont réutilisé le matériel antérieur et 1' ont refondu dans des ensembles plus vastes. Deux de ces compilations tardives sont les fameux ouvrages de !Sa' Bar 'Ali (t 1001), et d'Abü al-I:Iasan Bar Bahliil (qui aurait composé son lexique à Bagdad dans la seconde moitié du xe siècle). Ces ouvrages ont été les lointains ancêtres, et certaines des sources, du grand dictionnaire syriaque-anglais composé dans la seconde moitié du XIXe siècle par R. Payne Smith, mais ils n'ont guère

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H. HUGONNARD-ROCHE

été étudiés pour eux-mêmes. L'étude d'ensemble la plus importante sur les questions de lexicographie syriaque reste encore le livre, écrit en latin, par Adalbertus Merx, Historia artis grammaticae apud Syros, vieux de plus d'un sièclel. D'autre part, on ne dispose d'aucun répertoire des lexiques bilingues contenus dans les manuscrits syriaques, et les indications figurant dans les catalogues de manuscrits sont en général très insuffisantes pour savoir de quelle nature exacte sont les ouvrages lexicographiques qu'ils contiennent. Dans les manuscrits, en effet, plusieurs types de travaux lexicographiques peuvent se trouver représentés, et à l'occasion associés : des traités sur les mots équilittères, des explications de mots difficiles, des explications de mots grecs (transcrits en syriaque), des explications de synonymes, des glossaires grec-syriaque ou syriaquearabe, des listes de termes techniques en syriaque, ou en syriaque et en arabe, etc.2. lJunayn ibn Isl).aq, par exemple, composa un ouvrage sur les points (traité d'orthoépie ou d'accentuation des mots à l'aide de points diacritiques, marquant la vocalisation ou l'accentuation proprement dite), un ouvrage sur les mots équilittères, un ouvrage d'explication des mots grecs en syriaque3 . En général, seul l'examen du

1 A. MERX, Historia artis grammaticae apud Syros, Leipzig, 1889, (Abhandlungen für die Kunde des Morgenlandes, IX). 2 On trouve, par exemple, divers textes lexicographiques de ce genre réunis dans le recueil constitué par le manuscrit de l'India Office, syr. 9 (écrit au début du xixe siècle, mais issu de copies rassemblant des textes anciens): voir la description du contenu de ce manuscrit donnée par G. FURLANI, «Il manoscritto siriaco 9 dell'India Office», in Rivista degli studi orientali, 10 ( 1923-25), pp. 315-320. Quatre des textes conservés dans ce manuscrit ont été édités par G. HOFFMANN, Opuscula Nestoriana, Kiel, 1880: il s'agit d'explications de mots équilittères (dont la source est une compilation du métropolite 'AnaniSôc, datant du vue siècle, reprise par ijunayn ibn Isl)aq, au ixe siècle), d'explications de mots de même son et de sens différent (composées, au xvre siècle, par 'AbdiSô' b. Jôl)annan), de deux séries d'explications de mots difficiles contenus dans la Bible; sur ces textes, voir aussi le compte rendu de l'ouvrage de HoFFMANN par Th. NôLDEKE, in Zeitschrift der Deutschen Morgenliindischen Gesellschaft, 35 (1881), pp. 491-501, et la note de R.J.H. GoTTIIEIL, «A Syriac Lexicographical Tract», in Hebraica, 5 (1888-89), pp. 215-229. 3 Cf. MERX, Historia artis grammaticae, pp. 105-107; et les ouvrages de HOFFMANN et de NôIDEKE cités à la note précédente.

LEXIQUES GREC-SYRIAQUE ET PHILOSOPHIE ARISTOTÉLICIENNE

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manuscrit lui-même permet de prec1ser la nature des textes lexicographiques qu'il contient, et éventuellement de formuler quelque hypothèse sur leurs sources ou leur destination. Dans ces conditions, mon propos ici sera d'une ambition très limitée. Je me bornerai à évoquer deux lexiques grec-syriaque, que mes recherches sur la tradition de la logique aristotélicienne en syriaque m'ont conduit à examiner. Le premier d'entre eux est conservé dans deux manuscrits dont les textes se recouvrent partiellement : le manuscrit de Berlin syr. 88 (olim Petermann 9) et le manuscrit de Bagdad (olim Alqosh, N.-D. des Semences 54) 4 • Le manuscrit de Berlin, qui compte 238 folios, contient, dans sa première moitié, divers textes de grammaire et de logique en syriaque, en particulier des traductions des principaux traités aristotéliciens étudiés dans les écoles syriaques, c'est-à-dire les Catégories, le Peri Hermeneias et les Premiers Analytiques Uusqu'à la fin du livre I, chapitre 7), auxquels s'ajoutent toutes sortes de scolies ou d'écrits mineurs sur ces sujets5. Dans ses premiers folios, le manuscrit est écrit sur deux colonnes, d'une même main, dont la copie est datée de 1260 à 1' explicit de la traduction syriaque de l'Isagogè de Porphyre, qui occupe la colonne de droite (aux folios 8v à 36r)6. Face à I'Isagogè, la colonne de gauche contient successivement la petite grammaire versifiée de YüQ.annâ bar Zu'bi, moine nestorien et grammairien célèbre, actif au tournant des xne et xme siècles (folios 8v-17r) ; puis un traité touchant les règles d'accentuation dont l'auteur serait Elias de Tirhân7, patriarche nestorien

4 Grâce à la générosité d'un Père anonyme, nous avons pu prendre connaissance du contenu de ce manuscrit, dont nous ignorons toutefois où il se trouve précisément (à Bagdad ou dans un monastère des environs): nous prendrons la liberté de le désigner comme manuscrit de Bagdad, par souci de simplification. 5 Pour la description détaillée du manuscrit, voir: Die Handschriften-Verzeichnisse der Koniglichen Bibliothek zu Berlin, XXI, 1, Verzeichniss der syrischen Handschriften von E. SACHAU. Berlin, 1899, pp. 321-335. 6 Il s'agit de la traduction de l'Isagogè exécutée en 645 par Athanase de Balad, dont le texte a été partiellement édité par A. FREIMANN, Die Isagoge des Porphyrius in den syrischen Übersetzungen, Diss. Erlangen, 1896. Berlin, 1897. Sur la tradition syriaque de l'Isagogè, voir notre étude« Les traductions syriaques de l'Isagoge de Porphyre et la constitution du corpus syriaque de logique», in Revue d'histoire des textes, 24 (1994), pp. 293-312. 7 Ce traité a été édité par MERx, Historia artis grammaticae, pp. 194-197.

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H. HUGONNARD-ROCHE

entre 1028 et 1049 (folios 17r-21 v) ; puis un opuscule anonyme sur les noms des accents (folios 20r-21 v)8 ; puis encore un autre opuscule anonyme sur les accents (folios 22r-25, et 27v)9, et enfin le lexique bilingue grec-syriaque auquel je m'arrêterai dans quelques instants, lexique suivi à nouveau par un opuscule sur les points servant à l'accentuation, dont l'auteur est Joseph bar Malkon, qui fut métropolite de Nisibe en 1190. Le manuscrit de Bagdad contient notamment, après un fragment de texte non identifié (dont le début manque), les ouvrages suivants: le lexique bilingue grec-syriaque, dont nous nous occuperons (fol. 5b17a)10; l'épître de Sévère Sebokt à Jonan, évêque de Tella, sur certains mots du Peri Hermeneias et des Premiers Analytiques d'Aristote ; le premier livre des Premiers Analytiques d'Aristote ; et l'explication de la deuxième section du Peri Hermeneias d'Aristote, composée par Proball. Le second lexique, auquel nous nous arrêterons, est conservé dans le manuscrit de Paris BnF syr. 346 (daté de 1309, au fol. 168v), dont les trois quarts sont occupés par des œuvres cosmographiques de Sévère Sebokt (t 667) 12. Il s'agit d'un très court lexique bilingue grecsyriaque (fol. 171 v), attribué également à Sévère, qui fut évêque au

8 Édité par MERX, Historia artis grammaticae, pp. 197-200. 9 Édité par MERX, Historia artis grammaticae, pp. 189-194. 10 Signalons que les feuillets sont numérotés (en lettres syriaques) à leur verso: par « fol. Sb», nous désignons donc le recto du feuillet qui fait face au verso numéroté h. Par « 17a », nous désignons le verso numéroté yh, car les lettres h et w sont utilisées deux fois chacune par erreur. 11 Voir la description sommaire de l'ensemble du manuscrit, écrit au début du x1xe siècle, par J.-M. VoSTÉ, ((Catalogue de la bibliothèque syro-chaldéenne du couvent de Notre-Dame des Semences près d'Alqos (Iraq)», in Angelicum, 5 (1928), p. 23, sous le numéro LIV. 12 Voir la description détaillée des œuvres de Sévère contenues dans ce manuscrit, par F. NAu, «La cosmographie au vue siècle chez les Syriens», in Revue de l'Orient Chrétien, 15 (1910), pp. 225-254: il s'agit principalement du Traité sur l'astrolabe et du Traité sur les constellations. Contrairement à l'hypothèse formulée par NAU (p. 252, n. 1), le bref lexique du manuscrit de Paris n'a aucun rapport avec le traité de Sévère Sebokt, connu sous le titre de « Lettre au prêtre Aitilala sur quelques termes du Peri Hermeneias d'Aristote » (conservé notamment dans le manuscrit de Londres, B. L., Add. 17156).

LEXIQUES GREC-SYRIAQUE ET PHILOSOPHIE ARIST01ÉLICIENNE

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monastère de Qennesre, et s'acquit une grande réputation par le développement qu'il y donna aux études de science et de philosophie grecques.

* Pour des raisons qui apparaîtront plus tard, je commence par présenter plus en détail le lexique qui paraît le plus récent, celui des manuscrits de Berlin et de Bagdad. Au premier abord, les textes des deux manuscrits semblent différents. Dans le manuscrit de Berlin, en effet, le lexique, qui occupe, dans l'ordre, les folios 26v, 29r-v, 28r-v, 30r-31r13, est anonyme et il porte simplement comme intitulé les mots: pussiiq smiihë yawniiyë, «explication de mots grecs». Dans le manuscrit de Bagdad, d'autre part, le lexique, également anonyme, porte un intitulé qui le rattache immédiatement à la tradition philosophique, à savoir : tüb niihrii d-petgiimë 'asqë d-it b-perirmaniyii d-aristiitalis, « explication de mots difficiles qui sont dans le Peri Hermeneias d'Aristote». Et les premiers mots, dans chacun des deux textes, sont différents. Un examen plus attentif, pourtant, montre que les premiers termes du lexique de Berlin apparaissent un peu au-delà du milieu du lexique de Bagdad (au folio 13a): à partir de cet endroit, les deux textes sont identiques, si l'on ne tient pas compte de quelques omissions, ici et là, de l'un par rapport à l'autre, mais peu nombreuses (le plus souvent des omissions du texte de Bagdad par rapport à celui de Berlin). Il semblerait donc que l'on soit en présence de deux versions d'un même lexique bilingue. Le texte du manuscrit de Berlin, qui compte environ 235 mots, plus leur traduction syriaque, représenterait une partie du lexique complet, qui compterait quelque cinq cents termes dans le manuscrit de Bagdad14. Si l'on considère d'abord la partie commune aux deux manuscrits, on remarque immédiatement que les mots transcrits en lettres syriaques,

13 Le lexique lui-même ne comporte pas d'ordre perceptible, mais la suite des folios peut être restituée à l'aide du texte de l'Isagogè de Porphyre, qui figure dans la colonne de droite, face au lexique. Cet ordre est, en outre, confirmé par le texte du manuscrit de Bagdad. 14 Nous n'avons pas fait le compte des mots dans le manuscrit de Bagdad: nous donnons une estimation approximative fondée sur la longueur respective des deux textes.

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et accompagnés de leur traduction syriaque, sont grecs, pour la grande majorité d'entre eux, mais aussi qu'un certain nombre sont d'origine hébraïque (voire, exceptionnellement, de source sanscrite comme ptakré, « idoles », ou persane comme kïlïdiirii, « messager » ). Les mots hébreux, ou d'origine hébraïque, sont le plus souvent des noms propres, et le terme syriaque qui est accolé à chacun d'eux est une interprétation de ce nom, généralement inspirée par une analyse étymologique dudit nom - analyse étymologique exacte ou supposée. Par exemple, üriiytii (qui désigne la loi mosaïque, et dérive de la racine YRH, sur laquelle est formé, en hébreu, le mot Torah) est expliqué par nührii etii («la lumière est venue» )15 ; ürïslem, «Jérusalem», est expliqué par nührii wa-sliimii ( « lumière et paix ») ; Seth est expliqué par setestii ( « fondation ») ; Adonaï par hayii miiryii (« vie du Seigneur»), 'edén par bussiimii («allégresse»), etc.16. Le même procédé d'interprétation des noms est aussi appliqué à des noms propres d'origine grecque ou latine, et l'on trouve, par exemple, pefriis expliqué par fü'ii («rocher»), diyüdi5ri5s expliqué par debl;lii d-zewos ( « sacrifice de Zeus » ), tei5di5ri5s par yahb aliihii (« dieu a donné » ), atanasïs par lii miiyütii ( « immortel » ), pïli5tei5s par rii]Jem aliihii (« aimant dieu »), etc.

15 La même étymologie se trouve dans les lexiques de Bar 'Ali et de Bar Bahlül, ainsi que dans le recueil de mots équilittères du manuscrit India Office, syr. 9, qui a sa source dans l'œuvre du métropolite 'AnaniSo', reprise par ijunayn ibn Isf:taq (voir supra n. 2); elle pourrait provenir de Jacques d'Edesse, selon NôLDEKE (dans son compte rendu de l'ouvrage de HOFFMANN, in Zeitschrift der Deutschen Morgenliindischen Gesellschaft, 35 (1881), p. 495), qui note que Jacques avait de grandes connaissances en hébreu et qu'il lui est arrivé d'emprunter à la Aggadah juive. 16 Cet aspect du lexique ne relève pas de notre propos ici, mais nous signalons cependant, comme élément de comparaison possible avec la tradition syriaque sur ce sujet (qui reste à étudier), l'étude récente, et pionnière dans le domaine latin, de G. DAHAN, «Lexiques hébreu / latin? Les recueils d'interprétations des noms hébraïques», in Les manuscrits des lexiques et glossaires de /'Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge, éd. par J. HAMEssE. Louvain-la-Neuve, 1996, pp. 481-526. Dans le domaine latin, le genre des interprétations de noms hébraïques est ancien, comme on sait, puisqu'il remonte à l'ouvrage de saint Jérôme, Liber interpretationum hebraicorum nominum, composé vers 390: cf. l'édition de Paul de LAGARDE, Onomastica sacra, 1870, reprise dans le Corpus Christianorum, series latina, 72, S. Hieronymi opera 1,1. Turnhout, 1959, pp. 57-161.

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Si l'on excepte les noms propres interprétés en syriaque, les termes grecs qui composent la majeure partie du lexique de Berlin (c'est-à-dire aussi la portion du manuscrit de Bagdad qui lui correspond) appartiennent à des domaines très divers de la langue, et ils ne sont liés par aucune unité thématique. Outre les mots de la langue philosophique, on y trouve, en effet, des mots se rapportant à l'art militaire, comme cnpa.TetU, cnpa.TtwTI)ç, XtÀtapxoç, crm:îpa., par exemple, et quelques mots d'origine latine qui avaient été transposés en grec, tels que centurio (xevTOp(wv ou xevTOÛptwv), legio (t..eytwv); on y rencontre aussi des mots qui désignent des fonctions publiques ou administratives, comme èipxwv, TjyeµWv, crTpa.TI)y6ç, TETpclp)(Tlç, ~ouÀEUTÎ)ç; des mots encore qui appartiennent au vocabulaire de la religion, comme eùayyét..wv, eùa.yyef..tcrTÎ)ç, ÈxxÀT)crtacrnxf), èiyyet..oç, èiytoç, .S.e6ç, &.ecivaTOç, &.rc6crTOÀoç, etc.17. Mon intention n'étant pas d'analyser l'ensemble du lexique, je viens aux mots qui, dans la partie commune aux deux manuscrits de Berlin et de Bagdad, relèvent du champ philosophique. Il s'agit d'une quarantaine de mots (le compte pouvant varier légèrement selon la manière de définir ce champ). Ces mots appartiennent, dans leur quasitotalité, au vocabulaire de la logique aristotélicienne, telle qu'elle était reçue dans la tradition syriaque (c'est-à-dire le corpus formé de 1'/sagogè de Porphyre et des trois premiers traités de l'Organon). Ce sont des mots tels que : crut..i\.oytcrµôç, rcp6Tacrtç, nTwcrtç, xa.Tciacrtç, &.rc6acrtç, rcpocrôtoptcrµ6ç, &.rcoavnx6ç, èiTOµoç, à.vT(acrtç, XUTT)yOpta, Ùno0enxôç, XUTT)yoptxôç, µeTci0ecrtç18. Quelques autres mots appartiennent au vocabulaire du commentaire philosophique, comme : rcpo0ewp(a, ùnoµvf)µaTa (« mémoires », «commentaires»), rcpayµaTeta, dcraywyf). D'autres encore

17 Pour faciliter la lecture, nous avons donné les mots grecs sous leur forme originale, et non dans leur transcription syriaque. Souvent cette transcription a défonné les mots - que ce soit dès la première rédaction du lexique ou au cours de sa transmission - , et pour quelques-uns des mots transcrits, dans le lexique de Berlin ou dans celui de Bagdad, nous n'avons d'ailleurs pas pu retrouver leur forme originale. 18 Le mot µE-r>.

20 Le texte de ce paragraphe (que nous avons parfois corrigé tacitement avant de le traduire) suit de très près le passage consacré aux cas nominaux dans l'adaptation syriaque de la grammaire grecque (Technè) attribuée à Denys le Thrace; pour l'adaptation syriaque, attribuée à Joseph ljuziiyii (VIe siècle), cf. l'édition donnée par MERX, Historia artis grammaticae, p. 35 (du syriaque). En particulier, la version syriaque de Denys et le lexique de Bagdad respectent l'ordre canonique des cas en grec, et désignent ceux-ci par les mêmes traductions syriaques des termes techniques grecs, en les illustrant des mêmes exemples (qui n'existent pas dans le grec de Denys); tous deux ajoutent aussi la même remarque touchant l'absence du vocatif en syriaque. Toutefois, l'autre dénomination du causatif, qui serait «hypothétique», selon le lexicographe, ne se trouve pas dans la version syriaque de Denys. Cette dénomination, étrange au premier abord, pourrait peut-être s'expliquer par référence au lexique d'Hésychius, qui met en face de ùno9éouç, entre autres termes, le terme ah:(m; sur certaines correspondances entre des emplois de termes grecs, dont le lexique d'Hésychius conserve la trace, et les traductions de ces termes grecs dans le lexique grec-syriaque de Paris, voir nos remarques plus loin.

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« Il y a trois modes generaux, c'est-à-dire le mode nécessaire (ananqaya), ou le possible (metma$yana), ou l'impossible (la meskl)iinii), c'est-à-dire que toute parole, lors de son émission, est dite selon l'une de ces trois matières (hülas): nécessaire (a1$ayta) ou

possible ou impossible; [exemples:] 'Socrate est un vivant', 'Socrate est médecin', 'Socrate est une pierre' »21. « sunperasma est la collection des choses qui ont été dites, comme le

Deutéronome composé par Moïse».

« sülabas: deux ou trois signes (iitwiitii) d'un nom, qui sont attachés les uns aux autres dans son émission, comme on dit barniisa («homme»), qui est fait de trois syllabes, à savoir bar-na-sa». « dyalïqpqa: s'explique par le moyen de« exercice» (mdarSüta); elle a quatre méthodes (nisé)22, à savoir la division, la définition, ce qui est appelé en grec analütiqii - c'est-à-dire «la dissolution en sens

21 On notera que les modalités reçoivent ici une interprétation purement «matérielle», au sens qui est leur donné dans le passage suivant d' Ammonius (In De int., p. 88, 12-19), concernant la relation entre sujet et prédicat dans la proposition composée de deux termes: « Myw ôè crxfotv xa0' Tlv ô xaTI)'yopo ùnoxetµ.lvcii. 0-rav e'Lnwµev -rov f}Àtov XLVEL0"0at il TOV av0pwnov (q>ov dvm, il OUÔÉTIOTE ùmipxeL, &av e'Lnwµev TOV f}A.tov fo-ravat il TOV av0pwnov nn:pw-rov dvm, il no-rÈ µÈv ùnapxet TIOTÈ ÔÈ oux ùnapxet, 0-rav e'lnwµev -rov }.:wxpaTI)v ~aôl(etv il àvaytvwcrxetv. -ra>); hpiiqfrüqlïs (È:na.x-rpoxéÀTJÇ) : nom composé qui signifie deux substances (üsias) ».L'introduction à la philosophie, dont le lexique grec-syriaque est comme une image en réduction sur le plan linguistique, semble donc partir des premiers éléments des Prolégomènes traditionnels pour aller jusqu'aux chapitres initiaux du Peri Hermeneias. En ce sens pourrait se justifier la référence à ce traité qui figure dans le titre mis en tête du lexique : «explication de mots difficiles qui sont dans le Peri Hermeneias d'Aristote ». Mais cette remarque appelle immédiatement une précision: dans le lexique, il n'apparaît aucun terme appartenant au traité des Catégories, c'est-à-dire aucun terme appartenant au vocabulaire de l '« être ». Ce qui suggérerait que, dans le cursus associé à ce lexique, il ne devait pas non plus être traité des questions se rapportant à ce domaine de la philosophie. Une dernière remarque enfin, d'ordre textuel. Compte tenu de l'unité conceptuelle que nous croyons trouver dans cette partie propre du lexique de Bagdad, et de l'hétérogénéité qui caractérise la seconde partie qu'il a en commun avec le lexique de Berlin (comme nous l'avons signalé ci-dessus), il nous semble probable que les deux parties étaient à l'origine disjointes et n'appartenaient pas à un même lexique. Leur réunion a sans doute été le fait d'un copiste ou d'un érudit, à une date sensiblement postérieure à celle de la rédaction de ces deux ouvrages.

28 Sur le contenu des Prolégomènes, on peut trouver une vue d'ensemble dans SrMPucrus, Commentaire sur les Catégories, traduction commentée sous la direction de 1. HAnor, fasc. I, Leiden, 1990. Pour la tradition orientale des quatre questions, voir Chr. HEIN, Definition und Einteilung der Philosophie. Von der spatantiken Einleitungsliteratur zur arabischen Enzyklopadie. Frankfurt am Main, 1985, pp. 57-

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* Je viens maintenant au second lexique, celui qui est attribué à Sévère Sebokt dans le manuscrit de Paris syr. 346. Il est composé d'abord d'une liste de 23 mots grecs transcrits en lettres syriaques, avec leur traduction syriaque, présentés en colonne, puis d'un court texte (écrit à pleine page) donnant les définitions de cinq termes, et enfin de la traduction d'un dernier mot grec oÀwç (rendu par kull kulleh). Conformément à ce qu'annonce le titre de cet opuscule, pussiiqii dperierminias («explication du Peri Hermeneias »), les mots grecs appartiennent au vocabulaire de la logique. Mais le fait remarquable est que leur traduction syriaque ne relève pas toujours, quant à elle, du vocabulaire technique de cette discipline en syriaque. Et la comparaison avec le premier lexique, décrit sommairement plus haut, souligne cette « anomalie »29. Dans les lexiques de Berlin et Bagdad, en effet, les traductions sont généralement conformes à ce que l'on rencontre dans les textes syriaques de logique, qu'il s'agisse, assez rarement, de traductions proprement dites, comme celle de TITWCTLÇ par mapultii (chute) ou de uoLç par kyiinii; qu'il s'agisse, le plus souvent, d'interprétations suscitées soit par l'étymologie (np6·rncrLç traduit par qadïmüt taksii «antériorité du rang»), soit par l'emploi du mot dans la langue source (àn6o.oLç traduit par mrïmiinütii «qui supprime», [d]- µeni0eoLç par lii mtal}mii « indéterminé », Ù\n(cpo.oLç par ma$ütii « conflit », qui équivaut au grec µ6.x:ri). Or, il n'en va pas de même dans le lexique de Paris. Voici quelques exemples de comparaison. Le mot xo.Tacpo.oLç est traduit dans les lexiques de Berlin et Bagdad par le terme mnil}ânütii («qui pose», formé sur la racine NWI:I, signifiant « être en repos » ), - terme employé par Proba, par exemple, et remplacé ensuite par sâyümtâ, qui est présent chez Jacques d'Édesse et sera le terme technique consacré par l'usage; dans le lexique attribué à Sévère, xo.Tacpo.mç est rendu par salmüt melltâ (dont un bon équivalent serait l'expression latine consensus sermonis). Le mot àn6cpo.mç est traduit dans les manuscrits de Berlin et de Bagdad, comme dans les œuvres de Proba ou de

29 C'est la raison pour laquelle nous avons présenté d'abord le lexique de BerlinBagdad

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Jacques d'Édesse, par le terme technique mrimânütâ habituel en syriaque, mais il est traduit, dans le manuscrit de Paris, par l'expression gziir dina qui signifie « sentence, jugement». Le mot &.nocpo.nLx6ç est traduit, dans les manuscrits de Berlin et de Bagdad, par le terme technique pasqii ( « décisif » ), alors que dans le manuscrit de Paris &n6cpo.vmç est traduit par tawseftii d-melltâ mrakbütii («accroissement d'un discours, composition »)30, et que ànocpmrnx6ç est traduit par mgalyânâ (qui correspond au grec cpo.vep6v) et par ml)awyânâ (équivalent de ÔeLxnxôç). Le mot ÔLo.Àexnx-f) est traduit par le nom drâsâ («controverse») ou l'adjectif dârüsâyâ dans les manuscrits de Berlin et de Bagdad, mais par patïnii (« ténu, subtile, difficile ») dans celui de Paris. Enfin, le mot rtpôi:o.crtç est traduit par qadimut talcsii dans le manuscrit de Berlin, et par süsâtii d-mamllâ ( « pré-discours ») dans celui de Bagdad, mais par §u 'iillii ( « question ») dans celui de Paris. Ces quelques exemples suffisent à montrer comment le lexique de Paris se différencie des deux autres. Les lexiques de Berlin et de Bagdad donnent généralement, pour les mots grecs du domaine philosophique, les équivalents syriaques consacrés par l'usage, ceux qui se sont imposés comme termes techniques dans le domaine logique en particulier. Les quelques exceptions à cette pratique sont certaines traductions de type explicatif, substituées aux translittérations pures et simples parfois retenues en syriaque, comme l)rizut mamllë ( « arrangement de phrases ») pour cruÀÀoyLcrµôç, qïitâr mamllë ( « connexion de phrases ») pour xo. nnop (o., ou encore les deux explications données des mots « rhétorique » et « poétique », comme respectivement « ce qui contient beaucoup de choses en peu de mots » et « ce qui allonge une petite chose en beaucoup de mots »31. Deux autres exceptions à la pratique habituelle, dans ce lexique, sont la traduction de rtpâÇLç par tas'ïtâ (terme dont on attendrait plutôt qu'il

30 Peut-être faudrait-il corriger mrakbütâ en mrakabtâ et lire« accroissement d'un discours composé » ? 31 Ces deux définitions de la rhétorique et de la poétique ont été reprises, par exemple, dans le lexique de Bar Bahlül. On peut noter aussi que la description de la rhétorique dans les termes susdits est habituelle dans la tradition arabe de la balâga remarque que je dois à l'obligeance de mon collègue Maroun Aouad.

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traduise ~loç), et la traduction de un60ecnç par 'ellta 32 : ces deux traductions sont à l'image de celles que l'on va découvrir dans le lexique de Paris. Le lexique de Paris, en effet, qui se donne, dans son intitulé, comme l'explication de termes techniques du Peri Hermeneias, propose paradoxalement des traductions inadéquates de ces termes, voire des traductions fausses si l'on tient compte du contexte logique de leur emploi en grec. Ainsi, à.n6acrtç a deux sens en grec, « négation » et «assertion, jugement», mais le lexique de Paris ne mentionne que le second, alors que c'est le premier qui est en usage dans le Peri Hermeneias. Le mot xa•uacrtç a toujours le sens d'affirmation dans le Peri Hermeneias, mais il est intéressant de remarquer que le Lexique d'Hésychius d'Alexandrie (composé au veNie siècle)33 place, à côté de xa•aanxfrv, le mot cruyxa•Ù.0nov (où l'on retrouve la notion de consensus de la traduction syriaque), et que le Lexique de Photius (seconde moitié du rxe siècle) ainsi que la Souda (lexique byzantin du xe siècle) mettent, en face de xmaacrtç, l'expression np6ppT)crtç ôu'x ouyxa•a0foewç, qui correspond bien à la formule syriaque34_

Remarquons aussi, à propos de la traduction de à.noavnxôç par mgalyana et ml;lawyana , que le lexique d'Hésychius met en face de à.noa(vet (« déclare ») le mot aveponotel (« explique » ), et en face de à.noa(voucrt, la forme ànoôetxvûoucrtv. S'agissant de la traduction de npo•acrtç par §u'alla, on peut évidemment noter que le mot grec a plusieurs sens : «prémisse » (en logique), « énoncé» (mathématique), «protase» (à laquelle répond l'apodose en grammaire), mais aussi «question proposée » ou «problème », et que la Souda écrit : npo•acrtç fi npo•etvoµévT) èpwnicrtç (« la question proposée»). On peut encore rapprocher l'explication, donnée par le lexique de Paris, du mot àvaÀunxr) à l'aide des mots

32 A propos de ce dernier terme, voir nos remarques touchant l'expression du cas grec causatif en syriaque, dans le lexique de Bagdad, au moyen des termes 'eltiinâ et syllmâyâ («hypothétique»), ci-dessus note 20. 33 Pour ce lexique (Luvay~ naowv r..tf;ewv xaTÔ. OTOLXEîov), cf. Hesychii Alexandrini Lexicon, ed. M. SCHMIDT. 4 vol., Iena, 1858-1862; Hesychii Alexandrini Lexicon, ed. K. LATTE. 2 vol., Copenhague, 1953-1966. 34 Cf. Photii Patriarchae Lexicon, ed. S.A. NABER. Leiden, 1864-1865; Suidae Lexicon, ed. A. ADLER (Lexicographi Graeci, I). 5 vol., Leipzig, 1928-1938.

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mawpyiinütii awkit mtalqiinütii ( « disparition, c'est-à-dire destruction »)35, de l'explication du mot à.vnÀumç à l'aide du mot à.vcnpom1 («renversement, ruine»), dans le lexique d'Hésychius. Le lexique du manuscrit de Paris donne donc, pour certains mots de la logique aristotélicienne, des traductions correspondant à des emplois usuels au vie siècle de ces mots, mais qui ne sont pas les emplois techniques d' Aristote36. A cet égard, le contraste est net avec les quelques définitions qui suivent le lexique proprement dit. En effet, les deux premières définitions, celles des termes xo.i:Œa.mç et àrr6ucrlç, sont données de la manière suivante : «La définition de katapasïs est : phrase qui, en tant qu'elle dit le vrai ou le faux, dit quelque chose de quelque chose. La définition de apopasis est : phrase qui, en tant qu'elle dit le vrai ou le faux, supprime quelque chose de quelque chose ». Ces définitions sont en parfait accord avec la doctrine logique aristotélicienne37. Et de même, la suite de ce petit texte est de pure logique : « La définition de antïpasis est : conflit de katapasis et de apopasis. La définition de prosdiorïsmos est : expression vocale qui est toujours placée avec le sujet, montrant comment le prédicat se trouve relativement à la quantité du sujet, en tant qu'il [le prédicat] est ou n'est pas, ou bien égal au sujet ou bien plus grand que lui. Les universels sont généraux, mais les généraux ne sont pas universels, car la maison qui a de nombreux maîtres est dite commune, mais elle n'est pas universelle. L' anfipasis ne dit pas le faux en même temps». Il y a donc différence de style entre le lexique proprement dit, et les définitions qui lui font suite, dans le manuscrit de Paris. Et l'impression prévaut que le lexique ne fait que donner un sens immédiat, ou courant

35 Notons que le mot m(alqâniita est mis comme équivalent de aniilii(.ïqiya, dans le lexique de Bar 'Ali. 36 Nous avons considéré que le Lexi.que de Photius et la Souda portaient eux aussi témoignage de certains emplois usuels au temps d'Hésychius, comme la comparaison de ces divers lexiques tend d'ailleurs à le confirmer. 37 Cf. ARISTOTE, Peri Hermeneias, 17a20-21, 25-26.

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peut-être, de certains mots grecs, qui ont une acception technique différente en philosophie, et plus spécifiquement en logique. Ce trait nous engage à douter, d'ailleurs, de l'attribution à Sévère Sebokt du texte en question. On comprend mal comment Sévère, qui était fort averti des problèmes de logique et a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, aurait pu proposer, pour des termes techniques en la matière, des traductions manifestement inadéquates, et contraires à son propre usage.

* Un autre aspect du travail lexicographique des auteurs syriaques, dans le domaine philosophique, est perceptible sur l'exemple du lexique attribué à Sévère Sebokt, si mince que soit ce texte. C'est l'association d'un lexique grec-syriaque, proprement dit, avec une suite de définitions de termes techniques. On ne saurait séparer, en effet, si ce n'est par artifice, les lexiques bilingues d'autres formes littéraires de compilations linguistiques et philosophiques. Et le manuscrit de Berlin fournit également des exemples sur ce sujet. A la suite immédiate du lexique bilingue grec-syriaque, dont j'ai donné un aperçu auparavant, et de la même main, viennent une liste bilingue syriaque et arabe des dix catégories aristotéliciennes, et une liste bilingue syriaque et arabe de treize «matières» (hayülë)38, puis une liste d'une cinquantaine de mots, qui presque tous sont des mots grecs en translittération syriaque, mais sans traduction. Ils se rapportent également à ce que l'on peut appeler la tradition isagogique, c'est-à-dire le cursus d'introduction aux études philosophiques : ce sont les noms désignant quelques-uns des principaux éléments de la logique (np6·racrtç, xaTaamç, ùn6acrtç, àvT(acrtç, npocrôtoptcrµ6ç, cruÀÀoytcrµ6ç, [d-]µeTa9ecrtç, etc.) ou quelques-unes de ses formes argumentatives (0.noôetxnx6ç,

38 Il s'agit, en fait, des treize «qualités affectives» suivantes: couleur, épaisseur, minceur, lourdeur, légèreté, densité, fluidité, chaleur, froid, humidité, sécheresse, dureté, mollesse. Sur les « qualités affectives » (no.0rrnxal nm6TTyn:ç), qui sont l'une des quatre espèces de qualités distinguées par Aristote dans les Catégories, cf. Cat., 8, 9a28 sq. (cf. aussi, Métaphysique,~. 14, 1020b8 sq.). Les deux listes, des catégories et des « matières», qui forment un seul texte dans le manuscrit, ont été éditées par G. FURLANI, « Contributi alla storia della filosofia greca in Oriente», in Rendiconti della Reale Accademia dei Lincei, Classe di se. morali, storiche e filologiche, serie quinta, vol. 23 (1914), pp. 154-175 (p. 156).

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ÔlaÀexnx6ç, àn6ôetftç, etc.), et aussi les noms désignant certaines parties de la philosophie, ou certaines disciplines du cursus scolaire (xau1yoplaç, nepl épµT)vdaç, àvaÀunxa, -romxa, pT)•optxn, yewµeTpla, àoTpovoµla). En somme, cette liste de mots pourrait à bon droit, me semble-t-il, être considérée comme un lexique «unilingue», c'est-à-dire un ensemble de termes techniques grecs qui sont passés directement dans le vocabulaire philosophique syriaque sous la forme de translittérations, et sont devenus d'usage courant sous cette forme39. Sans doute pourrait-on même aller plus loin et suggérer l'hypothèse suivante : il n'est pas impossible que de telles listes de termes techniques d'origine grecque aient été confectionnées à l'usage de l'enseignement, et l'on peut imaginer qu'elles aient servi au premier apprentissage de la logique ou fait l'objet de pratiques de mémorisation40. Elles ont pu aussi accompagner la lecture de textes, et le mot xuxvoç, qui figure dans la liste, me semble tout à fait significatif à cet égard : il apparaît, à plusieurs reprises, dans des exemples de syllogismes formés par Aristote dans les Premiers Analytiques. Ce n'est évidemment pas un terme technique par lui-même (en philosophie), mais on pourrait dire que c'est un mot technique contextuellement, en ce qu'il est l'une des «valeurs» prises par les lettres de termes dans les syllogismes, - ce qui justifie sa présence dans la liste en question41.

39 Cet apport du grec au syriaque est similaire à un apport antérieur et de même nature du grec au latin, dont Cicéron se fait l'écho, tout en déplorant que les richesses de la langue latine n'aient pas été exploitées suffisamment pour éviter ces emprunts, cf. De finibus, m,2,5 : « Quamquam ea uerba quibus instituto ueterum utimur pro Latinis, ut ipsa philosophia, ut rhetorica, dialectica, grammatica, geometria, musica, quamquam Latine ea dici poterant, tamen, quoniam usu percepta sunt, nostra ducamus ».On reconnaît, dans les mots grecs cités par Cicéron, les mêmes mots que le syriaque a empruntés au grec. 40 C'est le lieu de rappeler que Quintilien recommandait au pédagogue de faire apprendre par cœur aux débutants des listes de glossae; cf. De institutione oratoria, I, 1, 35: « Protinus enim potest interpretationem linguae secretioris, id est quas Graeci glossas vocant, dum aliud agitur, ediscere, et inter prima elementa consequi rem postea proprium tempus desideraturam ». 41 De telles listes de mots techniques rappellent les ouvrages de lexicographie confectionnés dans l' Antiquité, qui portaient sur les termes rares et techniques trouvés chez les auteurs littéraires et destinés à des usages scolaires, sur le modèle des glossai

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Le lien entre cette sorte de liste de mots techniques et l'activité de lecture commentée est discrètement indiquée, dans notre exemple du manuscrit de Berlin, par le regroupement même de certains termes. Ainsi les premiers mots de la liste (qui ne sont pas, par exception, des translittérations du grec, sauf un) se traduisent de la façon suivante : « kephalaia [je garde ici le mot grec transcrit], but, utilité, ordre, quelle est la cause du titre, division des chapitres, à quoi se rapporte [littéralement : «remonte» (saleq)]42 Cl, UO"ffi7tOV :. 1 (31) :E1C07tCl péyyta, U7t7tEpl.1COV :. 1

(32) :Ertf3U'tOUÇ, (3Ep'tcOVl.1CCl : .

(33) :Ee7t'tɵrt'tCO, O"EpCl7ttVffi :. 1 (34) l:'tuxaôoc;, µ7tÔ(ta.) 25

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