Les formes de la phrase nominale en grec ancien: étude sur la langue de l'Iliade (I et II)

Ce livre mérite les éloges qu'appelle un ouvrage de linguistique, dont on appréciera la clarté, la rigueur et le re

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Les formes de la phrase nominale en grec ancien: étude sur la langue de l'Iliade (I et II)

Table of contents :
Introduction
1. Position du probléme
Historique
Les langues non indo-européennes
Les langues indo-européennes
La prédication
Pourquoi l'Iliade?
2. Analyse des constituants
La phrase nominale à “un terme"
La phrase nominale à deux termes
La phrase nominale à trois termes
Phrase nominale à quatre termes
Expansions
Enchâssements
Hypotaxe
Négation
Ordre des mots
Conclusion: Les phrases nominales
3. Récit - discours
Position du probléme
Le récit
Le discours
Modalité
4. La phrase nominale dans ses rapports avec *es
Position du probléme
Similitudes entre phrase verbale et phrase nominale
Variance / Invariance
La double structuration de ἐστί
Temps et mode
ἐστί copule: Questions sémantiques
Virtualité : non-effectivité
Conclusion
Références bibliographiques
INDEX DES PASSAGES CITES
INDEX FRANÇAIS
INDEX DES TERMES GRECS
TABLE DES MATIERES

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Les formes de la phrase nominale en grec

Nicole Lanérés

LES FORMES DE LA PHRASE NOMINALE EN GREC ANCIEN Etude sur la langue de l'Iliade

I

Cet ouvrage, tiré d'une thése de Doctorat d'Etat soutenue en 1992 à l'Université de Paris VII, a bénéficié des remarques et suggestions des membres du jury : nous remercions

ici Mme

C. Dobias-Lalou,

MM.

M. Casevitz,

F. Charpin,

L. Galand,

J.L. Perpillou, et J. Perrot. Nous témoignons tout spécialement notre gratitude à Michel Casevitz qui a dirigé cette thèse, à Lionel Galand avec qui nous avons pu de nombreuses fois nous entretenir de la langue berbère et qui a lu le manuscrit, à Jean Perrot, qui a bien voulu nous faire partager un peu de sa connaissance des langues finno-ougriennes, à Christian Touratier, qui a mis à notre disposition le fruit de ses recherches sur la phrase nominale latine, à Mme Porcher pour sa contribution à notre travail sur le sanskrit, et à J.L. Durand dont les amicales remarques ont nourri notre réflexion. Nous rendons également hommage à D. Cohen : sans ses livres nous n'aurions sans nul doute pas été à méme d'engager ce travail.

Avertissement

Nous avons généralement suivi la traduction que Paul Mazon a donnée pour l’Iliade aux éditions Les Belles Lettres. A chaque fois que sa traduction était trop éloignée du texte grec, nous l'avons cependant modifiée, ou en avons proposé une autre plus littérale. Il est clair que nos

traductions n'ont aucune prétention littéraire mais sont faites dans l'unique souci de mettre en évidence la construction et de rendre notre travail plus accessible à des non hellénistes, ce qui explique que nous ayons à maintes reprises conservé, à côté de la nôtre, la traduction de P. Mazon. Le verbe, et éventuellement d'autres termes, absents de la phrase

grecque mais nécessaires à l'intelligibilité de la phrase frangaise, sont indiqués entre parenthéses. Nous avons en outre, dans la mesure du possible, adopté pour les exemples grecs une présentation qui rende sensible leur place au sein de l'hexamétre dactylique.

’Endyepor - τί δέ τις ; τί δ᾽ οὔ τις ; σκιᾶς ὄναρ ἄνθρωπος. Pindare, VIIIE Pythique

Introduction Pourquoi la phrase nominale ? I] n'est

l'importance

plus

de

possible

depuis

la construction

le début

de

ce

siécle

nominale

en

grec.

d'ignorer

B. Delbrück,

K. Brugmann, et surtout Α. Meillet!, ont en effet montré que les phrases

non verbales pour lesquelles nous sommes tentés de substituer un verbe étre, ne sont pas des phrases elliptiques de étre mais des phrases complétes : la phrase nominale est un trait caractéristique de la syntaxe grecque comme elle est caractéristique de la syntaxe du sanskrit.

L'importance du phénomène ne fait aucun doute tant il est bien attesté depuis l'épopée jusqu'à la fin de l'époque classique, si l'on en croit les grammairiens

du XX*

siécle?, mais surtout comme

a pu nous en

convaincre la lecture attentive d'un certain nombre d'œuvres choisies pour leur diversité. Jusqu'au milieu du IV* siècle avant J.-C. au moins, la phrase nominale résiste en effet avec succès à la phrase verbale. L'œuvre de Pindare contient plus de 250 phrases nominales, les tragédies d'Eschyle, prises dans leur ensemble, environ 500, et la seule Médée d'Euripide près

de 120. La phrase nominale est courante dans la prose d'Hérodote et dans celle de Platon : nous avons relevé plus de 230 phrases nominales dans le

Sophiste, plus de 220 dans le Phedre, et prés de 320 dans le Théétete, qui est plus long. La phrase nominale est encore trés usitée chez Aristote, si

l'on en croit notre relecture de /'Ethique à Nicomaque ; en revanche, au IIIe

1 B. Delbrück,

Vergleichende

Syniax

der

indogermanischen

Sprachen,

Strasbourg ;

K. Brugmann, Abrégé de grammaire comparée des langues indo-européennes : A. Meillet, "La phrase nominale en indo-européen", MSL, 14, p. 1-26. 2 D. Barbelenet, De la phrase à verbe être dans l'ionien d'Hérodote ; B. Rosenkranz, "Der lokale Grundton und die persónliche Eigenart in der Sprache des Thukydides und der älteren attischen Redner", Indogermanische Forschungen, 48 ; J. S. Lasso de la Vega, Sobre la oración

nominal en atico ; La oración nominal en Homero : W. Wilke, De ellipsi copulae verbi εἶναι in fabulis Euripidei ; Ch. Guiraud, La phrase nominale en grec d'Homère à Euripide.

10 siècle, les quelque 5837 vers des Argonautiques d'Apollonios de Rhodes ne contiennent plus qu'une centaine de phrases nominales, qui, pour la plupart, ne doivent vraisemblablement leur existence qu'à l'imitation de la langue homérique. A la simple question de savoir ce qu'on entend par phrase nominale il n'y a pourtant pas aujourd'hui, pour le grec, de réponse claire. En son temps, E. Benveniste! a proposé certains éléments de réponse, sans pour

autant vraiment résoudre le probléme ; et l'étude de Ch. Guiraud?, qui se veut conforme à la théorie de Benveniste, ne contribue pas à le clarifier. C'est pourquoi nous ne croyons pas manifester une prétention exagérée en tentant à notre tour de définir ce qu'est la phrase nominale en grec et de déterminer ses conditions d'apparition. Pour ce faire nous commencerons par essayer d'interroger les Anciens ; mais nous nous donnerons sur-

tout pour táche, aprés avoir établi un historique de la question, de construire une problématique capable d'insérer la construction nominale en

grec dans un cadre linguistique plus général et plus conséquent.

! E. Benveniste, "La phrase nominale" in Problèmes de linguistique générale I, ch. XIII.

? Ch. Guiraud, La phrase nominale.

11

premiére partie

Position du probléme

12

chapitre 1

Historique

1 - Les Anciens Platon et Aristote

La premiére entreprise de description de la langue, telle qu'on la

trouve chez les philosophes grecs, aboutit à la détermination d'une distinction fondamentale entre le nom et le verbe. Platon :

Οὐκοῦν

ἔστι

ποτὲ

ἐξ ὀνομάτων

λόγος,

od5'

μὲν μόνον συνεχῶς

αὖ

ῥημάτων

λεγομένων

χωρὶς

οὐκ

ὀνομάτων

λεχθέντων [..] οὐδεμίαν γὰρ οὔτε οὕτως οὔτ' ἐκείνως πρᾶξιν οὐδ' ἀἄπραξίαν οὐδὲ οὐσίαν ὄντος οὐδὲ μὴ ὄντος δηλοῖ

τὰ povnB£vra,

πρὶν ἄν τις τοῖς ὀνόμασι

τὰ

ῥήματα

kepdon. “Des noms tout seuls énoncés bout à bout ne font jamais un discours, pas plus que les verbes énoncés sans l'accompagnement d'aucun nom [...] ; les sons proférés n'indiquent ni action, ni inaction, ni être, soit d'un étre, soit d'un non-étre, tant qu'on n'a pas, aux noms, mélé les verbes."

Sophiste!, 262 a-c Aristote :

Pour qu'il y ait assertion, et par conséquent possibilité d'établir le vrai et de le distinguer du faux, il est nécessaire que quelque chose soit affirmé d'un sujet. Aristote fonde la logique sur l'établissement de la notion de su-

1 Texte établi et traduit par A. Dies, Paris, Belles Lettres, 1925 ; cf. Théététe, 206 d.

Historique

13

jet, ὑποκείμενον, et de prédicat, κατηγορούμενον, lequel semble recouvrir

à la fois les notions de verbe et d'adjectif "attribut" : Ἔστι

δὲ

οὐσία

ἵππος ᾿ πόσον λευκὸν,

μεῖζον

δὲ

καίειν

de

οἷον

τύπῳ

δίπηχυ,

γραμματικόν.

πρός

τι

: κεῖσθαι

ὑποδέδεται,

εἰπεῖν

οἷον

τρίπηχυ δὲ

: ποὺ δὲ οἷον ἕν Δυκείῳ,

χθές, πέρυσιν

δὲ οἷον

μὲν

οἷον

- ποιὸν

δὲ

διπλάσιον,

Ev ἀγορᾷ

οἷον

ἥμισυ,

^ ποτὲ δὲ οἷον

δὲ οἷον ἀνάκειται,

ὥπλισται

ἄνθρωπος,

κάθηται:

ἔχειν

^ ποιεῖν δὲ οἷον τέμνειν,

πάσχειν δὲ οἷον τέμνεσθαι, καίεσθαι

“Ἕκαστον δὲ

τῶν εἰρημένων αὐτὸ μὲν καθ’ αὐτὸ Ev οὐδεμιᾷ καταφάσει λέγεται, τῇ δὲ πρὸς ἄλληλα τούτων συμπλοκῇ καταφάσις γίγνεται: ἅπασα γὰρ δοκεῖ κατάφασις ἤτοι ἀληθὴς ἢ ψευδὴς

εἶναι,

οὐδὲν

οὔτε

λευκόν,

τῶν δὲ κατὰ

ἀληθὲς

τρέχει,

οὔτε

μηδεμίαν

ψεῦδός

συμπλοκὴν

ἔστιν,

οἷον

λεγομένων

ἄνθρωπος,

νικᾷ.

“Est substance, pour le dire en un mot, par exemple, homme, cheval ; quantité, par exemple, long-de-deux-coudées, long-de-trois-coudees ; qualité : blanc, grammairien ; relation : double, moitié, plus grand ; lieu : dans le Lycée, au Forum ; temps : hier, l'an dernier ; position : il est couché, il est assis ; possession : il est chaussé, il est armé ; action:

il

coupe, il brüle ; passion : il est coupé, il est brûlé. Aucun de ces termes en lui-même et par lui-même n'affirme ni ne nie rien ; c'est seulement par la liaison de ces termes entre eux que se produit

l'affirmation ou la négation. En effet, toute affirmation et toute négation est, semble-t-il bien, vraie ou fausse, tandis que pour des expressions

sans aucune liaison il n'y a ni vrai ni faux : par exemple homme, blanc, court, est vainqueur." Catégories, 221

Par liaison, Aristote entend, bien sûr, la conjonction d'un verbe et d'un sujet : IV.

Λόγος

δέ

ἔστι

φωνὴ

σημαντικὴ

ἧς

τῶν

μερῶν

τι

σημαντικόν ἔστι κεχωρισμένον, ὧς φαάσις, &AA' οὐχ ὡς κατάφασις ἢ ἀπόφασις. Λέγω δέ, οἷον ἄνθρωπος σημαίνει μέν τι, ἄλλ' οὔχ ὅτι ἔστιν ἢ οὔκ ἔστιν’ ἄλλ’ ἔσται κατάφασις ἢ ἀπόφασις, iv τι προστεθῇ.

1 Le texte est celui de l'édition L. Minio-Paluello, Oxford, 1949. La traduction est celle de J. Tricot, Paris, Vrin, 1984.

14

POSITION DU PROBLEME “L'énoncé est un constituant de la parole porteur d'une signification dont une partie quelconque a une signification autonome du point de vue de l'énonciation, mais sans constituer une assertion. Je veux dire que ἄνθρωπος (homme) par exemple signifie bien quelque chose, mais ne

signifie pas que ce quelque chose est ou n'est pas : il n'y aura affirmation ou négation que si on ajoute quelque chose." De Interpretatione!, 16 b

V. [..1 ᾿Ανάγκη δὲ πάντα λόγον ἀποφαντικὸν ἔκ ῥήματος εἶναι ἢ πτώσεως : καὶ γὰρ ὃ τοῦ ἀνθρώπου λόγος, Kov μὴ τὸ ἔστιν ἢ ἔσται ἢ ἣν À τι τοιοῦτο προστεθῇ οὔπω λόγος ἄποφαντικός

᾿

"Tout énoncé assertif comporte nécessairement un verbe ou une forme fléchie du verbe. De fait, même l'énoncé définissant l'homme n'est pas un énoncé assertif tant qu'on n'y ajoute pas est ou sera ou était , ou

un équivalent." De Interpretatione!, 17a

C'est la conception méme des voies d'accés à la vérité qui conditionne la grammaire. Platon et Aristote fondent une ontologie, leur souci est de rendre compte de la multiplicité des apparences en respectant le principe

de l'immuabilité et de l'éternité de l'Etre : poser le verbe être leur est, à ce titre, nécessaire et ils ne peuvent que passer sous silence les phrases

dépourvues de verbe. Cela ne signifie donc pas que les Grecs en ignoraient l'existence, que, dans la pratique langagière, la phrase nominale n'offrait pas des possibilités particulières, et qu'ils n'en usaient pas en toute connaissance de cause. Les grammairiens et la théorie de l'ellipse Les grammairiens alexandrins ne remettent pas en cause cette distinc-

tion entre le nom et le verbe ; comme les philosophes, ils s'en tiennent à l'idée que toute assertion comporte nécessairement un verbe. Pour preuve, la théorie de l'ellipse telle qu'elle est exposée au tout début de la Syntaxe d'Apollonios Dyscole :

I Le texte est celui de l'édition L. Minio-Paluello. La traduction est celle de M. Baratin et F. Desbordes in L'analyse linguistique dans l'Antiquité classique, p. 99 ; cf. également :

Aristote, Poétique, XX 1457a 14 ; Rhétorique, III 1404 b 26: Ὄντων 5' ὀνομάτων koi g ημάτων t£ ὧν 6 λόγος συνέστηκεν "le langage se composant de noms et de verbes ...".

Historique Ἔστιν

ἀκριβῶς

15

οὖν fj τάξις μίμημα τοῦ αὐτοτελοῦς

πρῶτον

τὸ ὄνομα

θεματίσασα,

λόγου,

παΐνυ

μεθ’ ὃ τὸ ῥῆμα,

εἴγε πᾶς λόγος ἄνεν τούτων οὗ συγκλείεται. Παρὸν γοῦν πιστῶσασθαι, ἐκ συντάξεως οἷον περιεχούσης τὰ μέρη τοῦ

λόγου, ἐξ ἧς εἴπερ ὑποσταλήσεται

ὄνομα ἢ ῥῆμα, τὰ τοῦ

λόγου où συγκλείεται, ct μέντοι πάντα τὰ ὑπόλοιπα, où πάντως ἐλλείπει 6 λόγος. Ὃ αὐτὸς ἄνθρωπος δλίσθησας σήμερον κατέπεσεν * ἔγκειται τὰ μέρη τοῦ λόγου παρὰ τὸν σύνδεσμον, ἐπεὶ προστεθεὶς ἕτερον λόγον ἀπαιτέσει. Φέρε οὖν ἐλλεῖψαι τὸ ὄνομα ἢ τὸ ῥῆμα, καὶ ἐλλείψει 6 λόγος, ἐπιζητῶν ὅπου μὲν τὸ ῥῆμα, ὅπου δὲ τὸ ὄνομα, ὅ αὐτὸς

δλίσθησας σήμερον δλίσθησας σήμερον.

κατέπεσεν À ὅ αὐτὸς

ἄνθρωπος

"L'ordre [des mots] est à l'image de l'énoncé complet : tout à fait en tête il place le nom, et après lui le verbe, tant il est vrai que sans eux aucun énoncé n'est achevé. On peut s'en convaincre en partant d'une construction contenant toutes les parties du discours : que l'on supprime le nom ou le verbe, l'énoncé est inachevé, mais que l'on supprime tout le reste, l'énoncé ne présente absolument pas de lacune. Le méme homme ayant glissé aujourd'hui tomba : toutes les parties du discours y sont représentées à l'exception de la conjonction dont l'ajout entrafnerait un nouvel énoncé. Or supposons que le nom ou le verbe manque, l’énoncé présentera une lacune, exigeant selon le cas un nom ou un verbe : le méme ayant glissé aujourd'hui tomba ou le méme homme ayant glissé

aujourd'hui."

Il est clair que la théorie de l'ellipse telle qu'elle est formulée par Apollonios Dyscole ramène tout énoncé non verbal au modèle général, passant de ce fait sous silence le problème

soulevé

par la présence

d’énoncés nominaux dans la langue. Il est vrai que la théorie de l'ellipse n'apparaît qu'incidemment, en tête d'une étude sur les pronoms.

En outre, si l’on en croit le témoignage des Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, l'usage de la phrase nominale était, au II€ siècle avant notre ère, sans doute tombé en désuétude : au IIJE siècle avant J.-C., Apollonios de Rhodes n'employait déjà plus la phrase nominale que d'une maniere artificielle et, semble-t-il, à unique fin d'imiter l'épopée homérique ; il est donc vraisemblable que l'analyse d'Apollonios Dyscole ait correspondu au sentiment linguistique qui était le sien. En tout état de ! Apollonios Dyscole, De Constructione Libri Quattuor (Περὶ Συντάξεως) in Grammatici Graci, Il, II. Traduction originale.

16

POSITION DU PROBLEME

cause, elle ne rend pas compte de la réalité linguistique qui était celle des époques archaique et classique.

La phrase nominale et le sentiment linguistique des Anciens Car il est clair que, jusqu'à l'époque classique, les Grecs n'assimilaient

pas la phrase nominale à la phrase verbale: tout laisse supposer au contraire que la phrase nominale était un type de phrase bien différencié et autonome. - L'emploi généralisé de la phrase nominale jusqu'au IVE siècle le montre bien : dans certains textes, comme l'Iliade, ou les œuvres de Pindare, le nombre des phrases nominales dépasse méme celui des phrases avec ἐστί. Il est difficile d'admettre que la construction la plus fréquente puisse être fondée sur la construction la moins courante, füt-elle verbale.

- Par ailleurs, tout laisse supposer que les anciens Grecs ne confondaient pas dans leur pratique langagiére phrase nominale et phrase verbale.

Ainsi Platon qui ne souffle mot de la phrase nominale dans le Sophiste, suggère dans le Banquet qu'il y a entre les deux types de phrase une diffé-

rence de valeur à prendre en considération, et qu'il en joue. Le discours sur l'Amour qu'il prête au poète tragique Agathon et qui est un pastiche ironique du style ampoulé des poétes tragiques, contient un nombre anormalement élevé de phrases nominales!.

Ce discours de cinq pages (194e-197c) ne comporte pas moins de 34 phrases nominales, trés nettement concentrées (21 phrases) dans l'exorde et

dans la péroraison, ce qui est significatif d'un style particuliérement élaboré : exorde

(194e-195b)

péroraison

(197d e)

:

7 phrases nominales (dont 1 χρή)

:

14 phrases nominales (dont 1 χρή)

exorde : PEyd δὲ δὴ βούλομαι, πρῶτον μὲν εἰπεῖν dc χρή uc εἰπεῖν, ἔπειτα εἴπεῖν. Δοκοῦσι γάρ μοι πάντες οἵ πρόσθεν εἰρηκότες, οὗ τὸν θεὸν ἐγκωμιάζειν, ἀλλὰ τοὺς ἄνθρώπους εὐδαιμονίζειν τῶν ἀγαθῶν ὧν ὅ θεὸς αὕτοῖς αἴτιος - Önotog δέ τις αὐτὸς ὧν ταῦτα ἐδωρήσατο, οὐδεὶς εἴρηκεν. Εἷς δὲ τρόπος ὀδρθὸς παντὸς ἐπαίνου περὶ παντός, λόγῳ διελθεῖν

1 Cf. A. Moreschini-Quattordio, "La frase nominale nelle lingue indo-europee".

Historique

17

οἷος οἵων αἴτιος ὧν τυγχάνει περὶ οὗ ἄν 5 λόγος fj οὕτω δὴ τὸν Ἔρωτα καὶ ἡμᾶς δίκαιον ἐπαινέσαι, πρῶτον αὐτὸν, οἷος ἔστιν, ἔπειτα τὰς δόσεις. Φημὶ οὖν ἐγὼ πάντων θεῶν, εὐδαιμόνων ὄντων, Ἔρωτα (εἴ θέμις καὶ ἀνεμέσητον εἴπεῖν) εὐδαιμονέστατον εἶναι αὐτῶν, κάλλιστον ὄντα καὶ ἄριστον. Ἔστι δὲ κάλλιστος ὧν τοιόσδε. Πρῶτον μὲν νεώτατος θεῶν, ὦ Φαῖδρε. Μέγα δὲ τεκμήριον τῷ λόγῳ αὐτὸς παρέχεται, φεύγων φυγῇ τὸ γῆρας,

ταχὺ

dv

δῆλον

ὅτι,

θᾶττον

γοῦν

τοῦ

δέοντος

ἥἡμῖν

προσέρχεται. *Je veux dire, comment je dois régler mon dire — et dire ensuite seu-

lement. Tous ceux qui ont déjà parlé n'ont pas, me semble-t-il, fait l'éloge du dieu. Ils ont félicité les hommes des biens qu'ils lui doivent, mais ce qu'il est au juste lui-même, pour leur avoir fait ces présents, personne ne l'a dit. Or, la seule méthode correcte, dans tout éloge, et sur tout sujet, est d'expliquer la nature de l'objet dont on parle et la nature de ce dont il est

responsable. C'est ainsi que nous devons procéder nous aussi dans l'éloge de l'Amour : en montrant d'abord sa nature, et ensuite les dons qu'il nous fait. Je déclare donc que de tous les dieux, qui sont heureux, l'Amour (s'il

est permis de le dire sans éveiller leur jalousie) est le plus heureux, car il est le plus beau et le meilleur. Il est le plus beau car voici sa nature. D'abord il est, Phèdre, le plus jeune des dieux. Une grande preuve, à l'appui de ce que je dis, est fournie par lui-même : c'est de quelle fuite il fuit la vieillesse, laquelle est rapide, on le sait, et vient à nous en tout cas plus vite qu'i! ne faudrait."! Péroraison :

Οὗτος δὲ fug ἀλλοτριότητος μὲν κενοῖ, οἰκειότητος δὲ πληροῖ, τὰς τοιάσδε ξυνόδους μετ’ ἀλλήλων πάσας τιθεὶς συνιέναι,

ἕν

ἑορταῖς,

Ev

χοροῖς,

Ev

θυσίαις

γιγνόμενος

ἡγεμών, πρᾳότητα μὲν πορίζων, ἀγριότητα δ’ ἐξορίζων : φιλόδωρος εὐμενείας, Köwpog δυσμενείας ^ ἔλεως ἀγαθοῖς: θεατὸς σοφοῖς, αγαστὸς θεοῖς - ζηλωτὸς ἁμοίροις, κτητὸς εὐμοίροις: Τρυφῆς, “Αβρότητος, Χλιδῆς, Χαρίτων, “Ἱμέρον, Πόθου πατήρ ᾿ ἐπιμελὴς ἀγαθῶν, ἀμελὴς κακῶν * ἕν πόνῳ, tv φόβῳ, ἐν πόθῳ, ἔν λόγῳ κυβερνήτης, ἔπιβατης" ! Nous donnons pour cet extrait et les suivants le texte et la traduction établis par P. V icaire, Paris, Les Belles Lettres, 1989.

18

POSITION DU PROBLEME παραστάτης

τε καὶ

σωτὴρ ἄριστος ^ ξυμπάντων

τε θεῶν καὶ

ἀνθρώπων κόσμος - ἡγεμὼν κάλλιστος καὶ ἄριστος, ᾧ χρὴ ἕπεσθαι

πάντα ἄνδρα

ἔφυμνοῦντα

καλῶς,

δῆς

μετέχοντα

ἣν ἄδει θέλγων πάντων θεῶν τε καὶ ἀνθρώπων νόημα!. Οὗτος, ἀνακείσθω,

ἔφη, ó nxp' ἐμοῦ λόγος, τὰ μὲν

παιδιᾶς,

τὰ δὲ

ὦ Φαῖδρε,

σπουδῆς

τῷ

θεῷ

μετρίας,

καθ’

ὅσον ἐγὼ δύναμαι, μετέχων. *D'inimitié, c'est lui qui nous vide, et d'amitié c'est lui qui nous emplit ; de toutes réunions, comme celle qui nous assemble, il est le fondateur ; dans les fêtes, dans les chœurs, dans les sacrifices, il se fait notre

guide ; apportant la douceur, écartant la rigueur, libéral en bienveillance, illibéral en malveillance, propice aux bons, contemplé des sages, admiré des dieux, il est envié de qui s'en voit privé, précieux à qui s'en voit comblé. Luxe, Délicatesse, Volupté, les Gráces, la Passion, le Désir, sont ses enfants. Soucieux des bons, insoucieux des méchants, dans la peine, dans la crainte, dans le désir, dans le discours, il est à la barre, il est prét au combat. C'est notre soutien, c'est notre sauveur par excellence. De tous les dieux, de tous les hommes, il est l'honneur ; c'est le guide le plus beau, le meilleur, et tout homme doit le suivre, célébrer sa gloire en de

beaux hymnes, et tenir sa partie dans ce chant dont il enchante l'esprit et de tous les dieux et de tous les hommes.

Voilà, dit-il, mon discours, cher Phèdre : qu'il soit mon offrande au dieu. La fantaisie et le sérieux y ont chacun leur part, que j'ai mesurée aussi bien qu'il est en mon pouvoir."

En réponse à ce discours, le pastiche ironique auquel se livre Socrate, est clair (198 b) : Καὶ πῶς, d μακάριε, εἴπεῖν τὸν Σωκράτη, οὗ μέλλω ἀπορεῖν, καὶ ἐγώ, καὶ ἄλλος δστισοῦν μέλλων λέξειν μετὰ

καλὸν οὕτω καὶ παντοδαπὸν λόγον ῥηθέντα ; Καὶ ἄλλα

οὔχ

καλλους

ὅμοίως μὲν

θαυμαστά

τὸ δ' ἐπὶ

ra μὲν

τελευτῆς

τοῦ

τῶν Övoudrav καὶ ῥημάτων τίς οὐκ ἄν ἐξεπλαΐγη

ἀκούων ; Ἐπεὶ ἔγωγε, ἐνθυμούμενος ὅτι αὐτὸς οὐχ οἷός τ’ ἔσομαι οὔδ' ἐγγὺς τούτων οὐδὲν καλὸν εἰπεῖν, ὅπ’ αἰσχύνης

ὀλίγου ἀποδρὰς ᾧχόμην, εἴ πῃ εἶχον. Καὶ γάρ με Γοργίου ó I On peut, il est vrai, contester le caractère nominal des termes de cette accumulation en les analysant comme des appositions au terme introducteur οὗτος. A notre sens, la présence d'une pause forte entre chaque segment, et de noms comme πατήρ ou κυβερνητής plaident en faveur de l'autonomie de chacun des segments, interprétable comme

une phrase nominale à sujet

effacé ; il y a, en tout état de cause, une parenté étroite entre phrase nominale et apposition (cf. infra, deuxième partie, p. 156 sq.).

Historique

19

λόγος dveu(uvpakev, ὥστε ἀτεχνῶς τό τοῦ "Ourípov ἐπεπόνθη - ἐφοβούμην μή μοι τελευτῶν ὃ ᾿Αγάθων Γοργίου κεφαλήν, δεινοῦ λέγειν, Ev τῷ λόγῳ ἐπὶ τὸν Eudv λόγον πέμψας, αὖτόν uc λίθον τῇ ἀφωνία ποιήσειεν. *Et comment éviterais-je, bienheureux Eryximaque, répartit Socrate,

d'étre embarrassé, moi ou tout autre aussi bien qui devrait parler aprés un discours d'une telle beauté, d'une telle variété ? Tout n'y est pas admirable au méme degré sans doute ; mais, dans la péroraison, qui n'aurait été frappé de la beauté des mots et des phrases ? Pour ma part, en effet, je me reconnaissais incapable de rien dire dont la beauté approchät cela, εἴ pour un peu je me serais enfui, de honte, si j'avais pu le faire. Ce discours, en effet, me rappelait Gorgias, au point d'éprouver exactement ce dont parle Homère : je craignais qu'Agathon, à la fin de son discours n'envoyát sur le mien la tête de Gorgias, le terrible orateur, et ne me transformät en pierre, en me rendant muet."

Cet extrait est significatif : - il met en évidence l'existence d'un rapport entre phrase nominale et discours.

- il montre que la phrase nominale a une valeur et des emplois qui ne sont pas ceux des phrases avec être. - il suggère que cette valeur est du méme ordre que celle des allitérations et des pléonasmes dont est plein par ailleurs le discours d'Agathon et dont se moque également Socrate dans sa réponse (198 a) : la fonction de la phrase nominale est à chercher du côté de /'effet produit sur l'auditoire. Sur ce point, il est particulièrement intéressant, puisque Platon luiméme rapproche le style du poéte tragique de celui de Gorgias, de confronter quelques-uns des fragments du sophiste aux témoignages qu'ont laissés les Anciens. Dans les fragments qui nous restent de Gorgias, les phrases nominales! sont immédiatement repérables : Κόσμος

πόλει

μὲν εθανδρία,

σώματι

δὲ καλλος,

ψυχῇ

δὲ

σοφία, πράγματι δὲ ἀρετή, λόγῳ δὲ ἀλήθεια c τὰ δὲ ἐναντία τούτων ἀκοσμία: ἄνδρα δὲ καὶ γυναῖκα καὶ λόγον καὶ

ἔργον καὶ πόλιν καὶ πρᾶγμα χρὴ τὸ μὲν ἄξιον ἐπαίνου ἐπαίνῳ τιμᾶν, τῷ δὲ ἀναξίῳ μῶμον ἐπιτιθέναι ἴση γὰρ

1 Citées par A. Moreschini-Quattordio, "la frase nominale", p. 22.

20

POSITION DU PROBLEME

ἁμαρτία καὶ ἀμαθία ἐπαινεῖν τὰ μωμητά.

μέμφεσθαί

vc



ἐπαινετὰ

καὶ

“La parure d'une cité, c'est le courage de ses héros ; celle d'un corps, C'est sa beauté : celle d'une âme, sa sagesse ; celle d'une action, c'est son excellence ; celle d'un discours, c'est sa vérité. Tout ce qui s'y oppose dépare. Aussi faut-il que l'homme comme la femme, le discours comme l'action, la cité comme les particuliers, soient, lorsqu'ils sont dignes de louanges, honorés de louanges, et lorsqu'ils n'en sont pas dignes, frappés de blâme. Car égales sont l'erreur et l'ignorance à blämer ce qui est louable ou à louer ce qui est blámable." Eloge d'Hélène, 11.1! πᾶσι

yàp 8 γε προδότης πολέμιος,

τῷ νόμῳ,

τῇ δίκῃ,

τοῖς

θεοῖς, τῷ πλήθει τῶν ἄνθρώπων *car le traître est l'ennemi de tout le monde, il est l'ennemi de la loi,

de la justice, des dieux, de la majorité des hommes" Defense de Palamède, 11a, 17

οἶκτος μὲν οὖν καὶ λιταὶ καὶ φίλων παραίτησις Ev ὄχλῳ μὲν οὔσης τῆς κρίσεως χρήσιμα “les lamentations, les supplications, les dépositions des amis, lorsque le procès a lieu devant la foule, sont fort utiles" Défense de Palamede, 11a, 33

τοῖς δὲ ἀγαθοῖς dvópdoiv afperstepos θάνατος δόξης αἰσχρᾶς : τὸ μὲν γὰρ τοῦ βίου τέλος, fj δὲ τῷ βίῳ νόσος “et pour les gens de bien la mort est préférable à une renommée honteuse : la mort n'est que la fin de la vie, la renommée honteuse est un mal qui la ronge" Défense de Palaméde,

11a, 35

Selon A. Moreschini-Quattordio?, la présence de tant de phrases nominales est à mettre au compte du style "gnomique" de Gorgias. Or il se trouve que le témoignage des Anciens parle, non de style gnomique, mais d'effet, d'emphase, de grandeur, de souffle, de puissance : Σικελία Γοργίαν Ev Λεοντίνοις ἤνεγκεν, ἐς ὃν ἀναφέρειν

ἡγούμεθα τὴν τῶν σοφιστῶν τέχνην, ὥσπερ ἔς πατέρα:

εἴ

1 Pour cet extrait et les suivants le texte est celui de l'édition M. Untersteiner in Sofisti, Testimonianze e frammenti, Il ; la traduction est celle de J. L. Poirier in Les Présocratiques. 2 A. Moreschini-Quattordio, "la frase nominale", p. 22 ; cf. J. Lasso de la Vega, La oración

nominal, p. 333.

Historique γὰρ

τὸν AloyAov

21

EvBuundfnuev,

ὧς πολλὰ

τῇ τραγῳδίᾳ

ξυνεβάλετο ἐσθῆτι τε αὐτὴν κατασκενάσας καὶ ὀκρίβαντι ὑψηλῷ καὶ ἡρώων εἴδεσιν ἀγγέλοις τε καὶ ἔξαγγέλοις καὶ οἷς ἐπὶ σκηνῆς τε καὶ ὅπὸ σκηνῆς χρὴ πράττειν, τοῦτο ἂν εἴη καὶ 5 Γοργίας τοῖς δμοτέχνοις. “Ορμῆς τε γὰρ τοῖς σοφισταῖς ἦρξε καὶ παραδοξολογίας καὶ πνεύματος καὶ τοῦ τὰ μέγαλα μεγάλως ἑρμηνεύειν, ᾷἀποσταάσεών τε καὶ

προσβολῶν,

ὗφ' ὧν

σοβαρώτερος, κόσμου

καὶ

5

λόγος

ἡδίων ξαυτοῦ γίγνεται καὶ

περιεβάλλετο δὲ καὶ ποιητικὰ δνόματα ὑπὲρ

σεμνότητος

᾿

“La Sicile a donné naisssance à Gorgias de Léontium, à qui l'on doit, à notre avis, faire remonter l'art des Sophistes, dans la mesure oü il en détient la paternité. Considérons Eschyle, et réfléchissons à tout ce qu'il a apporté à la tragédie : il l'a mise en costumes, il lui a donné le cothurne qui reléve les personnages, les figures des héros, les messagers de l'intérieur et de l'extérieur, il a fixé les actions qui doivent se faire sur la scéne ou en descendant de la scéne : ce que Gorgias a fait en ce qui concerne son art est du même ordre. Il a imprimé son élan au courant sophistique, avec ses paradoxes, avec son souffle, avec sa maniere d'exprimer gran-

dement les grandes choses, avec ses ruptures de construction, ses débuts fracassants, toutes choses qui rendent le discours plus plaisant et plus imposant : à quoi il adjoignit encore, pour plus de splendeur et de solennité, ses vocables poétiques.”

Philostrate, Vie des sophistes, |, 1X, 1-5! "Hv δὲ τῶν ἀπεσταλμένων ἀρχιπρεσβευτὴς Γοργίας 6 ῥήτωρ, δεινότητι λόγου πολὺ προέχων πάντων τῶν καθ’ ἕαντόν. [..1 καὶ τῷ ξενίζοντι τῆς λέξεως ἐξέπληξε τοὺς ᾿Αθηναίους ὄντας εὐφυεῖς καὶ φιλολόγους. Πρῶτος γὰρ

ἐχρήσατο τοῖς τῆς λέξεως σχηματισμοῖς περιττοτέροις καὶ τῇ φιλοτεχνίᾳ διαφέρουσιν, ἄντιθέτοις καὶ ἴσοκώλοις καὶ παρίσοις καὶ δμοιοτελεύτοις καί τισιν ἑτέροις τοιούτοις, ἃ τότε μὲν διὰ τὸ ξένον τῆς κατασκενῆς ἀποδοχῆς ἥξιοῦτο, νῦν δὲ περιεργίαν ἔχειν δοκεῖ καὶ φαίνεται καταγέλαστα πλεονάκις καὶ

κατακόρως

τιθέμενα.

“Le chef de la délégation était l'orateur Gorgias qui surpassait nettement ses contemporains par son éloquence. [...] L'étrangeté de son élocution stupéfia les Athéniens, gens distingués et amateurs de beaux dis-

I Texte établi par E. Capps et al. . Traductionde J. L. Poirier in Les Présocratiques.

22

POSITION DU PROBLEME cours. Il fut en effet le premier à utiliser des figures de style assez singuliéres et qui témoignent d'un amour extraordinaire des procédés : antithéses, isocolies, correspondances de termes, homéotéleutes, et d'autres

encore du méme genre, figures qui méritaient les applaudissements selon le goüt du temps, pour la nouveauté de l'agencement, et qui, aujourd'hui semblent raffinées à l'excès et apparaissent ridicules quand elles sont employées trop souvent et jusqu'à satiété." Diodore de Sicile, XII, 53, 2-4!

Δηλοῖ δὲ τοῦτο Γοργίας τε ὃ Λεοντῖνος, Ev πολλοῖς πάνυ φορτικήν τε καὶ ὑπέρογκον ποιῶν τὴν κατασκευὴν καὶ "où πόρρω διθυραάμβων τινῶν" ἔνια φθεγγόμενος, καὶ τῶν ἐκείνου συνουσιαστῶν of περὶ Λικύμνιόν τε καὶ Πῶλον.

“Hyaro δὲ καὶ τῶν ᾿Αθήνησι ῥητόρων fj ποιητική τε καὶ τροπικὴ φράσις, ὧς μὲν Τίμαιός φησι, Γοργίου ἄρξαντος ἥνίκ’ ᾿Αθήναζε

πρεσβεύων κατεπλήξατο τοὺς ἀκούοντας tfj

δημηγορίᾷ, ὡς δὲ τἀληθὲς ἔχει, τὸ καὶ

παλαιότερον αἴεί

τι θαυμαζομένη. “On en trouve de bons exemples chez Gorgias de Léontinoi, qui en maints passages s'exprime en un style pesant et tout enflé, "assez proche du dithyrambe." [...]

Son style poétique et plein de figures fit aussi grand effet sur les orateurs athéniens, d'après Timée, lorsque Gorgias prit en premier la parole, lors de son ambassade à Athènes ; la harangue qu'il prononça devant l'assemblée subjugua ses auditeurs. A vrai dire, autrefois ce style suscitait l'admiration."

Denys d'Halicarnasse, Lysias, 4-5?

Tous ces extraits montrent à quel point il est trop sommaire de vouloir réduire la phrase nominale à une simple ellipse du verbe et qu'elle est au contraire ressentie comme quelque chose de trés particulier par les anciens Grecs eux-mémes.

l Texte établi et traduit par M. Casevitz, Paris, Belles Lettres, 1972. 2 Texte établi et traduit parG. Aujac, Paris, Belles Lettres, 1978.

Historique

23

2 - "L'invention" de la phrase nominale La comparaison Il faut cependant attendre le début de ce siècle et l'essor de la grammaire comparée avec B. Delbrück! puis K. Brugmann pour qu'enfin soit

donné à la phrase non verbale un statut de phrase autonome : "Parmi les termes de la phrase complexe il y en a deux qui sont obligatoires ; on les appelle sujet et prédicat 1) Le sujet, centre et fondement de l'expression est depuis l'indo-européen le plus souvent le nominatif d'un mot appartenant à l'une des classes qui peuvent être employées comme substantifs. 2) Le prédicat était primitivement 8) ou une forme personnelle du verbe b) ou un nom (substantif ou adjectif) ou un adverbe? (adverbe de lieu ou de maniére comme ici, ainsi ) le cas échéant une pré-

position, qui étaient accolés au mot servant de sujet, suivant le type de Skr. tvám värunah "tu es V.", sá me pitá "celui-ci est mon père”, tvám hávyah "tu dois être invoqué”, kvà séryah "οὗ est le soleil?".'3 Au début du siècle A. Meillet4, à son tour s'appuie sur l'étude de l'ancien iranien, du sanscrit védique, et aussi du lituanien, du vieux prussien,

du vieil irlandais et du russe (où il constate que l'extension de la phrase nominale est un phénoméne récent) pour conclure du grec : "Le grec étant sur ce point proche de l'iranien ancien, on peut considérer qu'ils ont un état proche de l'indo-européen ancien [...] ; "tu

es Varunah" est ancien : tvám várunah."

Pour Meillet, l'étude des langues non-indo-européennes, et en particulier sémitiques, contribue elle aussi pour une large part à la mise en évidence, par analogie, que la phrase non verbale et non elliptique est une donnée fondamentale des langues : c'est ainsi que le russe dit : "le déjeuner

prêt”

et l'arabe de la même façon : Zaydun *alimun

"Zayd

sage”.

1B. Delbrück, Vergi. Syntax, III, p. 116.

2 C'est nous qui soulignons. 3K. Brugmann, Abrégé de grammaire comparée des langues indo-européennes, p. 862. 4 A. Meillet, "La phrase nominale".

24

POSITION DU PROBLEME

Vers la méme époque, R. Gauthiot! tente de démontrer que l'extension de la phrase nominale en russe est due à l'influence de langues non indoeuropéennes telles que le hongrois avec lequel le russe se trouvait en

contact. Enfin, Marcel Cohen? pose clairement le principe, pour les langues sémitiques, que l'expression nominale est originale et assez différente de l'expression verbale pour lui étre opposée : “Le verbe sémitique ne se comprend bien que par opposition à la phrase nominale."

et, ce faisant, invite à réfléchir d'une maniére nouvelle sur le type de rapports que peut entretenir la phrase nominale grecque avec le verbe être. La théorie de l'affaiblissement d'un verbe plein en copule Mais reconnaitre l'existence de la phrase nominale comme expression autonome et par conséquent admettre son ancienneté a pour effet de bouleverser toutes les données fournies par les grammairiens anciens selon lesquelles la phrase nominale est secondaire à la phrase verbale. En effet : - cela s'inscrit en faux contre la théorie selon laquelle l'opposition

verbo-nominale serait une donnée naturelle donc universelle et sous-jacente à toute forme d'expression non verbales. - cela conduit à envisager la possibilité d'un double emploi. On se trouve alors en présence d'une difficulté, car la phrase nominale et la

phrase verbale semblent avoir été utilisées à la méme époque et dans le méme emploi. K. Brugmann4

après avoir défini la phrase comme formée d'un nom

et d'un verbe, ou d'un nom et d'un nominal, écrit : “A cela s'ajoute, dès l'époque indo-européenne, le groupe composé de

la copule et du prédicat comme skr. tvám hi ratnadhá ἀεὶ, car iu es généreux ."

! "La phrase nominale en finno-ougrien", MSL, 15. 2 Le système verbal sémitique et l'expression du temps, p. 40 (cité par A. MoreschiniQuattordio, "La frase nominale”).

3 Voir sur ce point : infra, p. 117, "La prédication”. 4 Abrégé, ὃ 861.

Historique

25

Meillet considère également qu'il y a partout en indo-européen des phrases à verbe étre qui semblent identiques aux phrases sans verbe

comme

"tu es Varunah" : tvám várunah.

- Or le principe général de l'économie des langues rend peu satisfaisante l'idée que deux constructions différentes aient pu faire double emploi. D'où le renversement de la théorie : la phrase nominale précéderait l'apparition de la copule. Et ainsi s'élabore la théorie de l'affaiblissement d'un verbe de sens plein *es-, exister, en copule, théorie qui a l'avantage de référer à l'usure bien connue du lexique : la phrase nominale, à l'origine

seule expression de l'étre se serait vu peu à peu supplantée par le verbe étre et destinée à disparaître. Cette théorie permet de rendre compte de façon satisfaisante

du

phénoméne

anomal

de

la

coexistence

de

deux

constructions dans le méme emploi : il s'agirait en réalité d'une coexistence transitoire de deux états de langue. B. Delbrück! est le premier à proposer cette explication, suivi par K. Brugmann qui en outre fait remonter la création de la copule à l'époque indo-européenne? : “Le prédicat était primitivement a) ou une forme personnelle du verbe b) ou un nom (substantif, ou adjectif) ou un adverbe (adverbe de lieu

ou de manière comme ici, ainsi) le cas échéant une préposition, qui étaient accolés au mot servant de sujet [...]. C) A cela s'ajoute, dès l'époque indo-européenne, le groupe composé de la copule et du prédicat (substantif, adjectif ou adverbe ; le cas échéant préposition), généreux". La copule

comme skr. tvám hi ratnadhä ási "car tu es était primitivement un verbe à signification

concrète (le sens primitif de *es-mi "je suis" est inconnu ; le plus ancien qu'on puisse établir est "j'existe"), et le substantif ou l'adjectif était une apposition au sujet mise en rapport intime avec le verbe prédicatif (la terre est une boule

= la terre existe en tant que boule). Le passage du

verbe à la copule vient de ce que l'existence principale portait sur le nom prédicatif, de façon que l'idée contenue dans le verbe n'avait plus d'importance et qu'elle a disparu. Le verbe en vint ainsi à ne plus marquer qu'un rapport. De méme dans des phrases comme ceci existe ici le verbe est devenu un simple terme de liaison, en sorte que l'adverbe désormais forme le seul contenu du prédicat. Cette oblitération de sens

1 Vrgl. Syntax ΤΠ, p. 117. 2 Abrégé, p. 663, ὃ 861c.

26

POSITION DU PROBLEME qui a abouti à la copule a été favorisée par l'exemple des prédicats purement nominaux (b).

Les expressions b) et c), dont la première doit avoir régné seule à l'époque où les verbes jouant le rôle de copule avaient encore un contenu

concret, ont pris ainsi une valeur semblable en indo-européen et dès lors elles vont de pair."

A. Meillet reprend à son compte l'explication : *En indo-européen, étre avait à toutes les formes valeur de mot auto-

nome."! *Pour indiquer dans la phrase nominale les diverses notions accessoires que les formes verbales expriment, il a fallu y introduire un verbe, aussi peu significatif que possible par lui-m&me. La racine *es qui signifiait "exister" s'est trouvée apte à ce rôle [...]. Le verbe d'existence, perdant sa signification propre, a été réduit peu à peu au róle de simple copule. Des cas où il était nécessaire, l'emploi s'en est étendu à des cas où il ne l'était nullement en indo-européen [...] La phrase nominale en est arrivée ainsi à comprendre une copule, ce qui en a changé le caractère.”2

Selon lui, le grec témoigne encore du sens plein que le verbe *esavait à l'origine puisqu'il en subsiste des traces, en particulier dans l'ordre des mots?. Les causes du développement de la copule

Selon Meillet le développement d'une copule tient donc à la nécessité d'exprimer les "diverses notions accessoires que les formes verbales expriment". En effet si la copule ne sert pas, au méme titre que les autres verbes, à l'expression de la réalité, elle a l'avantage, comme toute forme verbale, de

marquer la personne, le mode et le temps. Or, selon lui, la 3€ personne du singulier est une forme non marquée, qui fonctionne en quelque sorte comme un degré # par opposition aux autres ; de méme l'indicatif serait un

degré 9 par rapport aux modes "marqués" que sont le subjonctif et l'optatif, et le présent un degré 9 par rapport au futur et au passé. Cela expliquerait qu'à la 3€ personne de l'indicatif présent, la phrase puisse se passer de verbe : la phrase nominale, qui se rencontre essentiellement à la 3€ personne du singulier et qui représente toujours un présent de l'indicatif, deviendrait en quelque sorte un degré # de la phrase à verbe être. Puis pro-

1 *La phrase nominale". 2 A. Meillet, J. Vendryes, Traité de grammaire comparée des langues classiques, $ 873.

3 Sur cette question, voir infra, quatrième partie., p. 627 sq.

Historique

27

gressivement la copule aurait eu tendance à concurrencer la phrase nominale également au présent, ce dont témoignent les faits grecs. Recul et délimitation des emplois de la phrase nominale

Dans leur effort pour montrer que la coexistence des deux types de phrase dans le méme emploi ne pouvait qu'aboutir à la disparition de l'un d'eux ou restreindre considérablement son champ d'application, Brugmann, puis Meillet tentent de montrer que la phrase nominale, qui dans certains domaines est encore à l'époque classique en concurrence avec étre, voit le plus souvent son champ d'application se restreindre à quelques emplois spécifiques: Ainsi K. Brugmann! : “Dans la plupart des langues l'emploi de la copule a encore pris une extension plus grande par rapport à l'état indo-européen, et le prédicat sans verbe ne s'est conservé que dans un domaine restreint, par ex. dans les sentences?, comme le latin omnia praeclara rara , ou bien là où le prédicat était un infinitif ou un adjectif verbal, comme skr. naitad âttave

"ceci n'est pas à manger", grec τοῦτο

ποιητέον. Ce n'est qu'en

lituanien et dans un certain nombre de langues slaves que la copule manque encore aujourd'hui dans la plupart des cas."

A. Meillet, quant à lui, va plus loin dans l'effort de classification. Après avoir tenté une description des principaux emplois de la phrase nominale chez les auteurs grecs — Homère, Aristophane, Platon, etc... — il conclu& à une répartition de la phrase nominale par rapport au verbe *estelle que partout — ancien iranien, védique, lituanien, vieux prussien, vieil irlandais —, méme à l'état isolé, les phrases nominales se rencontrent dans les cas suivants : 1° 2° 3? 4° 5? 6?

vérités générales adjectifs au neutre indiquant une appréciation noms indiquant possibilité ou nécessité adjectifs verbaux en *-1o, *-no adjectifs verbaux de nécessité phrases négatives

IK. Brugmann, Abrégé, ὃ 861.

2 C'est nous qui soulignons. 3 A. Meillet, J. Vendryes, Traité, $ 871, p. 595;

"En latin comme en grec, la phrase

nominale pure est d'usage dans l'expression des vérités générales ; tv τῷ φρονεῖν yàp μηδὲν ἥδιστος βίος "le plus grand bonheur est de ne pas penser" (Soph. Aj. 554).

28

POSITION DU PROBLEME

Avec Meillet, une description systématique de la phrase nominale est enfin entreprise ; cette description n'est cependant pas encore menée à son

terme, elle reste à faire. Ainsi Meillet ne tente aucune étude de sa structure ni de la nature de ses constituants. Pour lui la phrase nominale semble comporter normalement deux termes, bien que le 7raité! admette l'existence de phrases à un

terme et que partout χρή et ἀνάγκη soient envisagés parmi les phrases nominales. Et surtout, parce qu'il ne parvient pas à définir de régles d'application de la phrase nominale, il se contente de constatations qui restent disparates. Enfin, au terme de sa description, les différents plans, lexical, sémantique, morpho-syntaxique, énonciatif, restent confondus, ce qui lui interdit de définir un classement véritablement opératoire. En fait, il lui manque un

outil d'analyse, celui-là même qui est à construire.

1 A. Meillet, J. Vendryes, Traité, ὃ 869, p. 594 : "... il n'y a lieu d'énoncer expressément le sujet que s'il n'est pas connu de l'interlocuteur ou du lecteur {...]. Dans la phrase nominale, le sujet peut manquer également. On lit dans Platon, Théag. 130d, à la suite d'une interruption : ἄπιστον

μὲν, ἀληθὲς

δέ. Cette réplique constitue une double phrase nominale sans sujet

exprimé : "incroyable mais vrai*. De méme en latin : ridiculum ! (Tér. Andr. 474, 712, etc...).

Historique

29

3 - L. Hjelmslev Au lieu de s'en tenir à une explication d'ordre diachronique qui, nous l'avons vu, a l'inconvénient de ne pas rendre compte de maniere satisfaisante de l'ensemble des phénoménes grecs, Louis Hjelmslev! se place dans

une perspective résolument synchronique. L'avantage de qu'elle lui permet de considérer que si deux constructions nément à une époque donnée, leur coexistence méme est signe qu'elles peuvent étre ramenées à un systéme général

cette position est existent simultanécessairement le d'opposition.

Dans son effort pour découvrir ce systéme, Hjelmslev entame à propos du latin une réflexion sur les problémes fondamentaux attachés au concept de phrase, et donc sur les notions de prédication, de verbe et de fonction verbale.

Concernant la prédication, c'est la question de la structure de la phrase nominale qui est en jeu. À l'inverse de ses prédécesseurs qui n'admettent comme "phrases nominales pures" que les phrases attributives, Hjelmslev

n'exclut aucun type de phrase non verbale, pas méme les phrases à terme unique : “Ce type diffère du type prédicatif par le fait que, en règle générale, il ne comporte pas de sujet explicite. On réserve souvent le terme de phrase nominale (pure) à la désignation des prédications ; mais on arrive de la

sorte à séparer ce qui appartient au même ensemble et à réunir des choses radicalement différentes. La grammaire traditionnelle établit à tort un abime entre les phrases monorémes et dirémes ; cette distinction n'est

qu'un héritage de la logique classique et ne correspond à aucune réalité

linguistique."2

Concernant le concept de verbe, Hjelmslev montre que celui-ci ne s'identifie pas à la fonction verbale. En effet, au verbe sont, selon lui, attachées cinq caractéristiques ex-

primées par des morphémes spécifiques, le temps, le mode, l'aspect, la personne et la diathèse : “Les morphèmes dits verbaux appartiennent à la phrase prise dans son ensemble, et non au verbe seul."3

1 Louis Hjelmslev, Le verbe et la phrase nominale, p. 253-281.

2 Ibid. p. 267. 3 Louis Hjelmslev, Le verbe et la phrase nominale, p. 276.

30

POSITION DU PROBLEME

Il y aen outre un élément chargé d'organiser la cohésion de la phrase ; cet élément, que l'on prend traditionnellement mais à tort pour le verbe, correspond à ce qu'il appelle la fonction "jonctive" ou "cohésive" de la phrase. Or la phrase nominale comporte toutes ces caractéristiques au méme

titre que la phrase verbale : "Toute phrase nominale comporte dans son contenu certains éléments que la grammaire traditionnelle devrait logiquement reconnaitre comme

des éléments, sans qu'elle comporte nécessairement de verbe.”

Il s'agit d'une phrase bien formée ; la fonction jonctive elle-méme n'est pas une caractéristique verbale : il n'y a pas identité entre verbe et fonction verbale : “Est verbe une conjonction de proposition.'?

Elle exprime : - le temps, à savoir le présent à l'exclusion du futur et du passé, - le mode, à savoir l'indicatif à l'exclusion du subjonctif,

- l'aspect, à savoir l'infectum à l'exclusion du perfectum, - la diathèse : “Si on introduit expérimentalement un verbe dans la phrase nominale,

ce verbe exige quelquefois l'actif et quelquefois le passif."3

- la personne : “Ἢ s'ensuit que la caractéristique d'une phrase nominale comporte en latin, au même titre que celle d'une phrase verbale, un morphème de personne ; dans les exemples étudiés, c'est un morphéme de 3€ personne ; mais, selon le contexte, il peut s'agir aussi des autres personnes grammaticales [...]. La catégorie de la personne peut se faire représenter par n'importe quel membre : la phrase nominale peut étre à la premiere, à la deuxième, à la troisième personne."4

La question qui reste à résoudre en définitive est celle de savoir ce qui oppose les deux types de phrase. A ce stade de sa réflexion, Hjelmslev retenant de l'analyse diachronique de ses prédécesseurs la théorie de l'affaiblissement d'un verbe en copule, en déduit que la phrase nominale est

1 Jbid., p. 256.

2 Ibid., p. 279-280. 3 Jbid., p. 263. 4 Jbid., p. 264.

Historique

31

l'aboutissement d'une évolution qui va du verbe plein à la copule et de la copule à l'absence de copule : “Verbe d'existence, le verbe étre se fait aussi copule et constitue ce qui semble &tre le centre de la phrase dite nominale (pater bonus est). Or,

cette copule peut à son tour se faire superflue ; elle se réduit à zéro en donnant existence ainsi à la phrase nominale pure."!

On se par rapport choix entre phase et de

trouve donc en présence de deux types de phrases qui sont l'une à l'autre comme un degré plein par rapport à un degré 9 : le les deux types se fait uniquement en fonction du besoin d'emmise en relief : “Ainsi, la différence entre beatus ille et beatus est ille consiste uniquement en ceci que la première phrase ne contient pas de base verbale, alors que la deuxième en contient (ce qui amène un changement de relief). Les deux phrases contiennent indifféremment une caractéristique, qui est, dans les deux cas indifféremment, une caractéristique de phrase. Dans cette caractéristique, il n'y a qu'un morphéme qui change en passant

de l'une de ces phrases à l'autre : c'est le morphéme de relief"? et:

“Nous proposons cette interprétation méme pour les exemples du type certum est ? — Certum (Pl., St 613). Ici encore, il y a une différence de

relief : en répondant par certum est , on insisterait sur la prédication, par

opposition à la réponse simple certum."?

La démarche de Hjelmslev4 ouvre des perspectives nouvelles. En cherchant à montrer que la phrase nominale et le verbe étre font partie d'un

méme systéme d'opposition, il est tout prés de déterminer des régles de distribution. En outre la démarche par laquelle il tente de replacer l'existence de la phrase nominale à l'intérieur d'une réflexion sur le systéme général de la phrase lui permet effectivement de lancer les bases d'une théorie à la fois capable de résoudre l'apparente contradiction entre phrase verbale et non verbale et de prendre en compte les phrases telles que les phrases à "un terme".

En considérant que les deux types de phrases, malgré leur similitude, sont de valeur différente et que la différence est de l'ordre de la mise en re-

1 Ibid., p. 253. 2 Ibid., p. 276.

3 Ibid., p. 26.

4 Ibid., p. 253-281.

32

POSITION DU PROBLEME

lief par rapport à l'expression non marquée, il systématise de facon intéressante l'embarrassante question du style.

Mais, en refusant de considérer que la phrase nominale est ancienne pour en faire un affaiblissement de la copule, il s'interdit du méme coup d'en faire un trait structurel de la langue pour n'en faire qu'un phénomène "d'usage!" : le locuteur se trouve devant un choix stylistique — puisqu'il a

à choisir entre deux degrés, le ? plein et le ^9 d'un syntagme unique — non pas devant deux types d'expressions différents.

et

Or, selon nous, admettre que la phrase nominale est simple variante

de la phrase copulative et qu'elle en est issue, est une position indéfendable. Cela ne s'accorde en effet ni avec les données du grec ni avec celles d'autres langues indo-européennes comme le sanskrit qui montrent

toutes que la phrase nominale est une construction bien vivante dés l'origine.

Enfin, si la mise en paralléle de la phrase nominale avec la phrase à verbe être est intéressante, la relation qu'elle entretient avec le temps, le mode et l'aspect, doit étre de toute évidence à nouveau soumise à l'étude.

! Sur la notion d'usage, cf. L. Hjelmslev, "Langue et parole" in Cahiers Ferdinand de Saussure, 1942, n? 2.

Historique

33

4 - E. Benveniste En 1950, E. Benveniste reprend le probléme et publie l'article! qui fait autorité aujourd'hui. Il y démontre que la phrase nominale est une expression tout à fait autonome et tente d'expliquer ce qui fait sa spécificité par rapport à la phrase avec être. Prenant appui sur une étude de langues trés diverses, il montre que la distinction verbo-nominale n'est pas universelle puisque les catégories que

nous tenons pour verbales, comme le temps et la personne, ne sont pas, dans toutes les langues, attachées à un verbe mais peuvent l'étre à des no-

minaux. D'accord en cela avec Hjelmslev, Benveniste opère donc une distinction entre le verbe et la fonction verbale. Il définit tout d'abord la phrase comme un "énoncé assertif fini" reconnaissable à ce qu'il est entre deux pauses et doté d'une intonation spécifique, puis il analyse la fonction verbale ; celle-ci

est,

selon

lui,

une

fonction

cohésive,

comme

le dit

Hjelmslev, mais elle est aussi une fonction assertive "consistant à doter l'énoncé d'un prédicat de réalité" : “Une assertion finie, du fait méme qu'elle est une assertion, implique référence de l'énoncé à un ordre différent, qui est de l'ordre de la réalité. A la relation grammaticale qui unit les membres de l'énoncé s'ajoute implicitement un "cela est !" qui relie l'agencement linguistique au système de la réalité."?

Pour qu'un énoncé remplisse les conditions qui font de lui une asser-

tion, il n'est pas nécessaire qu'il contienne un verbe, ni méme deux termes. La fonction verbale, élément implicite mais invariable au plan de l'assertion, est en effet première par rapport au verbe, tandis que /a forme grammaticale sous laquelle elle se présente est explicite mais variable. Cet élément variable peut étre, en indo-européen méme, de la classe des noms. Phrase verbale et phrase nominale remplissent par conséquent de la méme fagon la fonction verbale, puisqu'elles sont toutes deux au méme titre des phrases autonomes et bien constituées.

IE Benveniste, "La phrase nominale", Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 46, 1950 ; repris dans Problèmes de linguistique générale I, Paris, 1966, ch XIII, p. 151-167.

2 *La phrase nominale", p. 154.

34

POSITION DU PROBLEME

Par ailleurs, le statut de la phrase nominale est variable lui aussi selon que la langue considérée a un verbe étre ou non et que la phrase y est "une expression simplement possible ou une expression nécessaire".

Si la langue a un verbe être, et c'est le cas dans les langues indo-européennes, le probléme est celui de la coexistence des deux constructions. Plus tard, Benveniste reviendra d'ailleurs sur ce point : "Le fait qu'il existe une "phrase nominale", caractérisée par l'absence de verbe, et qu'elle soit un phénomene universel, semble contradictoire avec le fait, trés général aussi, qu'elle ait pour équivalent une phrase à

verbe être.”!

Pour résoudre le probléme, il faut donc prendre soin de distinguer la fonction de copule de son expression grammaticale : “Ce qu'il importe de bien voir est qu'il n'y a aucun rapport de nature ni de nécessité entre une notion verbale "exister, étre là réellement" et la fonction de "copule". On n'a pas à se demander comment il se fait que le verbe "étre" puisse manquer ou étre omis. C'est raisonner à l'envers. L'interrogation véritable sera au contraire : comment un verbe "étre" existe-t-il, donnant expression verbale et consistance lexicale à une rela-

tion logique dans un énoncé assertif."?

C'est en réalité la présence dans la majorité des langues indo-européennes modernes d'un verbe être aussi bien dans la fonction de copule que comme verbe d'existence — par exemple le français cela est à côté de cela est bon — qui nous incite à croire que la situation ancienne était identique et qu'une phrase avec ἔστί a la méme valeur qu'une phrase nominale. Pour Benveniste, d'accord sur ce point avec Meillet, le verbe être est à

l'origine un verbe de sens plein : "On doit insister fortement sur la nécessité de rejeter toute implication d'un "étre" lexical dans l'analyse de la phrase nominale, et de réformer des habitudes de traduction imposées par la structure différente des langues occidentales modernes. Une interprétation stricte de la phrase nominale ne peut commencer que lorsqu'on s'est libéré de cette servitude

et qu'on a reconnu le verbe esti en indo-européen comme un verbe pareil aux autres. Il l'est, non seulement en ce qu'il porte toutes les marques morphologiques de sa classe et qu'il remplit la même

fonction syn-

taxique, mais aussi parce qu'il a dû avoir un sens lexical défini, avant de tomber — au terme d'un long développement historique — au rang de

LE. Benveniste, Pbs 1, ch XVI, "être et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 187.

2 [bid., p. 189.

Historique

35

*copule*. ἢ n'est plus possible d'atteindre directement ce sens, mais le

fait que *bhu- , "pousser, croitre", a fourni une partie des formes de *espermet de l'entrevoir. En tout cas, même en l'interprétant comme *exister, avoir une consistance réelle", on le définit suffisamment par sa

fonction d'intransitif susceptible d'étre employé absolument, soit accompagné d'un adjectif apposé ; de sorte que esti absolu ou esti + adjectif fonctionne comme un grand nombre de verbes intransitifs en cette double position [...]. On doit restituer au verbe étre sa pleine force et sa fonction authentique pour mesurer la distance entre une assertion nominale et une

assertion à étre."!

Benveniste reviendra plus tard sur ce point : “Il ἃ en effet une notion lexicale dont l'expression verbale est aussi authentique, aussi ancienne que n'importe quelle autre, et qui peut avoir son plein exercice sans jamais empiéter sur la fonction de la "copule". I! faut seulement lui rendre sa réalité et son autonomie. En indo-européen, ce lexéme est représenté par *es-, qu'il vaudra mieux éviter de traduire par étre, pour ne pas perpétuer la confusion dont nous essayons de sortir.

Le sens en est "avoir existence, se trouver en réalité", et cette existence, cette "réalité" se définissent comme ce qui est authentique, consistant, vrai...'?

De ce fait, si cette analyse est juste, la phrase nominale et la phrase à verbe étre sont de nature différente : il est faux de dire que l'une est une variante ou une forme seconde de l'autre ou d'affirmer, comme le fait Hjelmslev, que la phrase nominale est un degré zéro de l'autre : “Il n'y a pas lieu en indo-européen d'établir entre phrase nominale et phrase verbale à "étre" une relation forme zéro à forme pleine. [...]. ll y a

bien opposition entre omnis homo mortalis et omnis homo mortalis est ;

mais elle est de nature, non de degré."?

En somme, en indo-européen, tandis que le verbe étre marquerait une existence, c'est à la phrase nominale que serait attachée la fonction de copule comme marque d'identité entre deux termes‘. Les deux types de phrases sont donc nettement différenciés, "ils n'assertent pas de la méme manière" et l'emploi de la phrase nominale en indoiranien, comme en grec ou en latin, n'est pas accidentel mais systématique. Il est certes difficile, à époque historique, alors que *es- semble déjà utilisé 1 "La phrase nominale", p. 159.

2 "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 188. 3 "La phrase nominale", p. 159. 4 «Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 188.

36

POSITION DU PROBLEME

comme copule, de découvrir ce qui fait la différence entre les deux types

de phrase. Benveniste propose cependant une solution. Selon lui, l'assertion verbale est porteuse de toutes les déterminations attachées au verbe (temps, mode et personne) et marque la relation avec le

locuteur. La phrase nominale au contraire, parce qu'elle ne porte pas les marques du verbe, serait non modale, non temporelle, non personnelle, hors de toute relation avec le locuteur : “Une assertion nominale, complète en soi, pose l'énoncé hors de toute localisation temporelle ou modale et hors de la subjectivité du locuteur.

Une assertion verbale, où *esti est sur le méme plan que *esmi ou *essi ou que toute autre forme temporelle du méme

verbe, introduit dans

l'énoncé toutes les déterminations verbales et le situe par rapport au locuteur."l

Les exemples convoqués à l'appui de la démonstration semblent en

effet confirmer cette analyse pour le grec : Par exemple, chez Pindare, la phrase nominale a, selon lui, toujours

une valeur de vérité générale? ; elle est réservée au dialogue ou au discours direct, elle vise à convaincre, et "pose un rapport intemporel et permanent qui agit comme un argument d'autorité". La situation serait identique dans les Travaux et les Jours d'Hésiode. Au contraire, dans l'œuvre d'Hérodote, qui est narrative, on rencontre essentiellement la phrase à ἔστί "qui renseigne objectivement sur des situations de fait" tandis que la phrase nominale est rare, mais conforme à son emploi chez Hésiode ou chez Pindare : “Une lecture étendue (mais non exhaustive) nous en a livré moins de

dix exemples, qui figurent tous dans des discours rapportés et qui sont tous des "vérités générales" [...). La rareté de ces phrases et leur caractère stéréotypé illustrent le contraste entre la poésie sentencieuse et la prose narrative ; la phrase nominale n'apparaît que là où intervient le discours direct et pour énoncer une assertion de type "proverbial".'3

! "La phrase nominale", p. 160. ? Contrairement à ce qu'il prétend, Benveniste donne des phrases nominales des Pythiques une liste incompléte. Sur un total de 55 phrases, Benveniste n'en cite en effet que

19. Les

références manquantes sont les suivantes : 1 79, 164, 172; II 139, 149; ΠῚ 188, 299, 205; IV 100, 154, 291, 439, 519;V 61, 97, 151; VIII 139; IX 62, 75, 134, 165, 199, XI 44, 70; XII 49 ; et pour χρή: I1 61, 161, III 106, 185, 189, IV 1, 250, 482, IX 88 ; χρεών

3 Pbs |, ch. XIII, "La phrase nominale", p. 163.

: 1197, III 2.

Historique

37

Chez Homère, la phrase nominale ne se rencontrerait également que dans des discours pour des assertions de caractére permanent, non occasionnel, alors que toutes les phrases avec ἔστί désigneraient des situations actuelles : “La phrase nominale et la phrase à ἔστί n'assertent pas de la méme manière et n'appartiennent pas au même registre. La première est du discours ; la seconde, de la narration. L'une pose un absolu ; l'autre décrit une situation. Ces deux traits sont solidaires et ils dépendent ensemble

du fait que, dans l'énoncé, la fonction assertive repose sur une forme nominale ou sur une forme verbale. La liaison structurale de ces conditions ressort à plein. Etant apte à des assertions absolues, la phrase nominale a valeur d'argument, de preuve, de référence. On l'introduit dans le discours pour agir ou convaincre, non pour informer. C'est, hors du temps, des personnes et de la circonstance, une vérité proférée comme telle. C'est pourquoi la phrase nominale convient si bien à ces énonciations oà elle tend d'ailleurs à se confiner, sentences ou proverbes, après avoir connu plus de souplesse."

Enfin, selon Benveniste, le sanskrit présente la méme situation que le grec. Par ailleurs, deux langues fourniraient une confirmation de la justesse de cette analyse : l'irlandais, qui oppose l'essence, exprimée par la phrase

nominale, à l'existence exprimée par la phrase à verbe étre, et l'espagnol qui présenterait également un systéme d'opposition entre essence et existence, mais au travers d'une opposition entre deux verbes être, ser pour l'essence et estar, pour l'existence.

Que penser de la thése de Benveniste ? Elle est séduisante et, à premiére vue, convaincante mais, à y regarder de plus prés, pose toutes sortes de problémes. Temps, mode, personne

Benveniste consacre toute la premiére partie de son étude sur la phrase nominale à démontrer que les catégories du temps, du mode et de la personne ne sont pas nécessairement attachées au verbe. Or affirmer que la phrase nominale en grec est inapte à exprimer ces catégories, affirmation

qui par ailleurs ne repose sur aucune étude systématique d'un corpus exhaustif, ne peut justement se faire sans le présupposé que le temps, le mode et la personne sont nécessairement attachés au verbe. Il y a là une contradiction. En outre, rien n'autorise à penser que ce qui est vrai pour les autres langues ne vaut pas pour l'indo-européen alors méme que de nombreux 1 Jbid., p. 165.

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POSITION DU PROBLEME

exemples, y compris parmi ceux que prend Benveniste, infirment son propos ; les phrases nominales paraissent bel et bien exprimer : Le temps H 52

οὗ γάρ πώ roi μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot n'est point encore de mourir ni d'accomplir ton destin

Pindare, Pythiques, ΧΙ, 46 : τὰ μὲν «bv» ἅρμασι καλλίνικοι

πάλαι

leur char leur ἃ valu jadis la victoire Le

mode

Il y a entre autres des exemples de phrases avec κε ou ἄν qui expriment une éventualité : Eschyle, Suppliantes, 486 :

καὶ yàp τάχ’ dv τις οἶκτος εἰσιδεῖν τἄδε la compassion naîtra sans doute à cette vue

La personne De nombreuses phrases nominales contiennent un pronom de la 1° ou de la 2€ personne, comme le montrent les exemples choisis par Benveniste lui-même : I 401

où γὰρ ἐμοὶ ψυχῆς ἄνταξιον il n'est rien pour moi qui vaille la vie

A 167

col tà γέρας πολὺ μεῖζον, (mais vienne le partage), ta part à toi est bien plus grande

Subjectivité La phrase nominale, en tant qu'énoncé assertif n'exprimant ni la personne ni le temps ni le mode, serait par ailleurs en dehors de la subjectivité

du locuteur. Or de multiples indices viennent contredire cette thése. Outre le fait que les pronoms personnels y sont nombreux, on trouve par exemple sans difficulté des phrases nominales : Interrogatives :

Pindare, Pythiques, VIII, 95 : τί δέ τις ; τί δ’ οὔ τις ; qu'est-on 7 que n'est-on pas 7

Historique

39

Sophocle, Electre, 1221 :

fj γὰρ σὺ ἐκεῖνος ; tu es donc Oreste 7 Exclamatives :

Pindare, Pythiques, V, 1 :

μακάριος, ὃς ἔχεις heureux, toi qui as ...

Hérodote, III, 29 : ἄξιος μὲν Αἰγυπτίων οὗτός γε 6 θεός il est bien digne des Egyptiens, ce dieu-là ! Essence / existence

Expliquer la distinction entre ἐστί et la phrase nominale par le besoin

de différencier l'essence et l'existence pourrait sembler satisfaisant, pour peu que l'on s'en tienne au corpus d'exemples présenté par Benveniste. Si en effet, la phrase nominale était toujours de structure attributive et

avait dans tous les cas pour fonction de poser une équivalence, cela serait plausible : de fait, toutes les phrases de Pindare citées par Benveniste sont attributives, et ont toutes une valeur de sentence. Mais Benveniste lui-méme admet par ailleurs implicitement que la phrase nominale n'est pas nécessairement attributive et ne marque pas forcément une équivalence puisque, parmi les phrases citées par lui comme nominales, il y a : - des phrases à un seul terme : χρή, δῆλον, etc ..., - des phrases à prédicat adverbial : Hérodote, II ,173 : οὕτω δὴ καὶ ἀνθρώπου κατάστασις telle est aussi la condition de l'homme

- des phrases à prédicat casuel ou prépositionnel : 1318

ἴση μοῖρα μένοντι, καὶ

ct μάλα τις πολεμίζοι᾽

Ev δὲ ἰῇ τιμῇ Auèv κακὸς δὲ καὶ ἔσθλός (car on ne gagne pas de reconnaissance à se battre avec l'ennemi obstinément, sans tréve : ) la part est la m&me pour qui reste chez lui et pour qui guerroie de toute son âme ; méme estime attend le láche et le brave

40

POSITION DU PROBLEME

Il est en outre douteux que ces phrases expriment toujours une es-

sence : le probléme se pose par exemple de savoir si les possessives n'exprimeraient pas plutót une existence : "ceci (est) à moi" ne voudrait-il pas plutót dire "ceci existe pour moi" ? L'essence ne se laisse pas si aisément opposer à l'existence. Inversement, ?cc( qui, selon Benveniste, sert dans tous les cas à ex-

primer une existence occasionnelle, sert chez Pindare à l'expression des sentences: Pindare, Pythiques, 247 : ἐντὶ μὲν θνατῶν φρένες ὠκύτεραι κέρδος αἴνῆσαι πρὸ δίκας δόλιον le cœur des mortels est trop prompt à chérir un gain trompeur à la place de la justice

Et méme le corpus le plus ancien, à savoir l'épopée homérique, présente un nombre important de sentences avec ἐστί: Σ 128

οὗ κακόν ἔστι,

τειρομένοις ἑτάροισιν ἀμυνέμεν αἷπύν ὄλεθρον (oui, mon fils, tu dis vrai) : il n'y a pas de honte à écarter des siens, quand ils sont épuisés, le gouffre de la mort

Faut-il en conclure que la transformation de ἔστί en copule est antérieure à l'épopée et que le remplacement progressif de la phrase nominale par la phrase verbale y est déjà largement entamé ? Mais, si tel était le cas,

le probléme de la phrase nominale resterait entier, car cela voudrait dire que pendant plusieurs siécles les deux constructions ont été en concurrence : or c'est cette concurrence méme qui est à expliquer ! Ser / estar

Pour étayer sa thése et montrer que l'opposition entre essence et existence est en effet un trait caractéristique des langues indo-européennes, Benveniste s'appuie sur l'exemple de l'espagnol moderne. Mais, outre le fait que l'argument n'a guére d'autre valeur qu'analogique, l'opposition entre ser, "étre d'essence", et estar, "étre d'existence ou de circonstance!",

ne rend pas tout à fait compte de la réalité.

1 [bid., p. 167.

Historique

41

Ser s'emploie, dit-il, pour définir "une caractéristique essentielle", ce qui est en effet confirmé par son emploi avec des épithétes de nature comme long, large, rond, pointu, vertical, etc...! : es bueno, es malo il est bon, il est mauvais

la bodega es obscura la cave est obscure

el español es muy fácil de aprender l'espagnol est trés facile à apprendre Inversement, estar s'emploie, avec un adjectif ou un participe passé,

pour marquer une qualification passagère, temporaire : estoy furioso contigo je suis furieux contre toi estoy muy cansado je suis trés fatigué esta malo il est malade

la ropa está lavada les vétements sont lavés

Si la régle ne souffre en effet guére d'exception quand le prédicat est un adjectif attribut, il en va tout autrement dans les autres cas :

- Ser s'emploie, méme s'il s'agit d'une circonstance occasionnelle, lorsque l'attribut est un nom : soy el ültimo je suis le dernier (de la classe) hoy es el 27 de abril aujourd'hui, c'est le 27 avril

- Ser s'emploie pour marquer l'origine, la possession, la matière : este coche es de mi madre cette voiture est à ma mère

1J. Bouzet, Grammaire espagnole.

42

POSITION DU PROBLEME la mesa es de madera la table est en bois

- Impersonnel, il sert à marquer une circonstance occasionnelle : es necesario hacerlo ahora mismo

il est important de le faire tout de suite

- Il peut exprimer une situation temporaire, un processus en cours : 4 qué es de tu vida? que deviens-tu ? (= qu'advient-il de ta vie ?)

- Et surtout, ser est le verbe qui, par excellence, marque "l'existence absolue!" : Dios es Dieu existe

Inversement estar peut désigner une caractéristique essentielle, lorsqu'il s'agit d'une localisation, permanente ou non : los Pirineos están en la frontera entre España y Francia

el problema está en el precio

La situation espagnole est donc infiniment plus complexe que ne l'avoue Benveniste. Elle a, en fait, l'immense avantage de montrer combien

la distinction entre essence et existence, entre vérité particulière et affirmation permanente, est difficile et peu süre : en tout état de cause, fonder une théorie de la phrase nominale sur une l'opposition entre l'essence et l'existence, ne peut donc se faire sans précautions. Il n'est en effet pas certain qu'une telle opposition soit véritablement pertinente. Pause

Dans son article sur la phrase nominale, Benveniste signale l'existence d'une pause entre les deux termes nominaux comme élément susceptible

d'éviter la confusion entre une phrase et un simple syntagme nominal. La pause serait, dans certaines langues, un effet du renversement de l'ordre des mots, visant à constituer l'un des deux termes comme attribut, et non un élément intrinséque, nécessaire à la constitution de deux termes nominaux

quels qu'ils soient comme phrase.

1 J. Bouzet, ibid.

Historique

43

En 1960, Benveniste revient sur le probléme pour insister cette fois sur l'importance de la pause. Il reconnait dans la pause un élément grammatical, dépourvu d'expression graphique, mais présent dans l'énoncé, et devant étre placé sur le méme plan que la copule, verbale ou non verbale! : “La création d'un "être" servant à prédiquer l'identité de deux termes n'était pas inscrite dans une fatalité linguistique. En nombre de langues, à diverses époques de l'histoire, la fonction jonctive, assurée généralement par une pause entre les termes, comme en russe, a tendu à se réaliser

dans un signe positif, dans un morphéme. Mais il n'y a pas eu de solution unique et nécessaire [...]. Le sémitique ancien n'a pas, comme on sait, de

verbe "être". Il suffit de juxtaposer les termes nominaux de l'énoncé pour obtenir une phrase nominale, avec un trait supplémentaire, probable, mais dépourvu d'expression graphique, qui est la pause entre les termes. L'exemple du hongrois, du russe, etc..., donne à cette pause la valeur d'un élément de l'énoncé ; c'est méme le signe de la prédication. Il est vraisemblable que partout οὗ la structure de la langue permet de consti-

tuer un énoncé prédicatif en juxtaposant deux formes nominales dans un ordre libre, on doit admettre qu'une pause les sépare. Sous cette condi-

tion, les formes nominales assurent la prédication." Avec la pause, Benveniste a mis l'accent sur un élément essentiel. En

effet, si la pause a un róle syntaxique, analogue à celui de la copule, il semble bien que ce soit là précisément qu'il faille chercher la réponse au

probléme de la phrase nominale. Quel est le rapport entre torf et la pause ? telle est la vraie question ; Benveniste a mis en œuvre les éléments nécessaires à ce qu'elle soit posée, mais il ne l'a pas posée. C'est à cette question que, pour notre part, nous tenterons de répondre, sachant par ailleurs que cela implique que nous nous s'intéressions à l'acte méme d'énonciation en dehors duquel la pause, comme élément sans expression graphique, n'est

pas autrement pensable.

IE Benveniste, "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 189.

44

POSITION DU PROBLEME

5. J. Lasso de la Vega Nous passerons rapidement sur le livre! que José Lasso de La Vega fit paraître en 1955 et dont le principal mérite est seulement qu'il est le premier ouvrage entiérement consacré à la phrase nominale chez un auteur particulier. Dans le premier chapitre, J. Lasso de la Vega traite des pro-

blémes théoriques posés par la phrase nominale. Il s'intéresse tout d'abord au probléme de la distinction verbo-nominale, puis aux notions de copule et de prédicat pour s'attacher enfin aux théses de Hjelmslev et de Benveniste qu'il récuse en leur reprochant leur formalisme. Les théories de ces auteurs sont pour lui démenties par l'épreuve des faits.

Après un second chapitre où il montre que la phrase nominale est en indo-européen un mode d'expression tout à fait courant et autonome, il se livre dans un troisiéme chapitre à une étude précise des faits homériques.

Cette étude pourrait apporter une contribution essentielle à la compréhension de la phrase nominale en grec dans la mesure où la langue de l'épopée a effectivement une valeur de révélateur concernant l'état de la langue grecque archaique. Malheureusement, faute d'avoir su se doter d'outils théoriques adéquats, et parce qu'il n'accepte que "l'épreuve des faits", il ne peut que se livrer à une série de classements sémantiques et statistiques qui n'apportent pour finir aucune vue nouvelle sur la nature de la phrase nominale ou de

son rapport avec le verbe être. Il considère que la phrase nominale est plus ancienne que la phrase avec être, mais par ailleurs, ne propose pas d'autres explications que des explications métriques ou stylistiques qui peuvent avoir, certes, une valeur ponctuelle mais ne permettent pas d'éclaircir le

probléme et nous laissent sur notre faim.

1 J. Lasso de la Vega, La oración nominal en Homero.

Historique

45

6 - Ch. Guiraud — 1962 La première étude dont l'intention avouée soit d'appliquer au grec les théories de Benveniste sur la phrase nominale parait en 1962 sous la plume de Ch. Guiraud. Ce livre est actuellement, sur la question, l'ouvrage de référence pour le grec!. La premiere critique de Ch. Guiraud porte sur le corpus choisi par Benveniste. Lui-méme passe en revue? l'/liade et l'Odyssée, les poèmes homériques, les œuvres d'Hésiode, d'Hérodote, d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide, de Pindare et de Théognis. Le dépouillement de textes aussi étendus lui permet de montrer que Benveniste passe sous silence certains types de phrases non verbales, ceux justement qui risqueraient d'infirmer sa thèse : "Elle a l'inconvénient de négliger les expressions non-verbales différentes des vérités générales." La deuxiéme critique porte sur l'extension du concept de phrase nomi-

nale. Benveniste, qui, il est vrai, ne s'est pas vraiment expliqué sur la question, considère qu'est nominale toute phrase qui pose un absolu, méme si elle énonce une caractéristique personnelle, comme par exemple : H 52

οὗ γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot n'est point encore de mourir ni d'accomplir ton destin

Pour Benveniste, c'est parce qu'elle pose un absolu, que : “La phrase nominale convient si bien à ces énonciations où elle tend d'ailleurs à se confiner, sentences et proverbes”

mais cela ne signifie pas que toutes les phrases nominales sont des sentences. Or, selon Ch. Guiraud, Benveniste n'aurait pas suivi jusqu'au bout son propre raisonnement, qui ne permet d'admettre comme nominales que les sentences et les proverbes : *Sur le plan théorique m&me, il semble qu'il faille préciser les vues de Benveniste en restreignant encore le domaine de la phrase nominale."3

1 Ch. Guiraud, La phrase nominale en grec d'Homère à Euripide, Paris. 2 Les listes de phrases qu'il propose ne sont pas non plus exhaustives.

3 Ch. Guiraud, La phrase nominale, p. 20.

46

POSITION DU PROBLEME Ce faisant, Ch. Guiraud se trouve devant une double difficulté : i] lui

faut d'un cóté réduire la phrase nominale à une catégorie restreinte, de

l'autre justifier l'existence d'un nombre accru de phrases non-verbales. 1- La phrase nominale authentique Seules les sentences sont des phrases nominales "authentiques", à deux conditions cependant: qu'elles n'aient aucune relation avec le contexte, et qu'elles soient attributives. L'exemple suivant, qui remplit ces deux conditions, est constitué de deux "phrases nominales authentiques" : Sophocle, Philoctète, 476 : τὸ t' αἰσχρὸν ἐχθρὸν καὶ τὸ χρηστὸν εὐκλεές ce qui fait honte est odieux, ce qui est noble est glorieux

Ch. Guiraud ne présente aucune autre justification à cette définition que la nécessité de faire coincider rigoureusement les théses de Benveniste avec les faits. Pour le reste, il procéde par élimination. C'est ainsi que ne font pas partie de la catégorie des "phrases nominales authentiques" :

- toute phrase qui comporte une indication de temps ou de mode. Telle phrase admise par Benveniste comme assertion de valeur permanente est par exemple rejetée par Ch. Guiraud parce qu'elle est "située dans un temps distendu, non défini, non limité" mais non pas éternel :

A404

ὃ yàp αὖτε βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων pour la force, il dépasse son père méme

ou :

Eschyle, Suppliantes, 486 : καὶ γὰρ τάχ’ ἄν τις οἶκτος εἰσιδεῖν τάδε la compassion naítra sans doute à cette vue

- toute phrase contenant une indication de personne,

- toute phrase comportant un "sémantéme verbal" : "Puisque toute idée verbale est exclue par définition d'une phrase nominale, on suspectera l'authenticité d'énonciations, méme générales, dans lesquelles on doit rétablir un "sémantème verbal".

1319

Ex:

Ev δὲ ἴῇ τιμῇ ἡμὲν κακὸς fót καὶ ἔσθλός

"Le lâche et le brave se trouvent dans la méme estime", c'est-à-dire "Méme estime attend le láche et le brave". Nous devons rétablir ici un verbe qui a un sens, celui de "se trouver". On ne peut parler par consé-

Historique

47

quent de phrase à verbe exclu. Il semble qu'il s'agisse plutôt de ce que J. Humbert appelle une phrase "sans verbe pour raison d'économie ver-

bale" mais qui est, en fait, sous-tendue par des notions verbales."!

Un tel point de vue est à prendre avec beaucoup de méfiance ; il est en effet caractéristique des erreurs induites par le phénoméne de la traduction ; par exemple, dans la phrase citée, le verbe attend n'est évidemment qu'un artifice de traduction. Plus grave, il se peut que le verbe d'existence se trouver soit lui-même un effet de la traduction en français, langue qui n'admet pas l'emploi de la phrase nominale dans le style neutre "soutenu". Or, en toute logique, on ne peut s'autoriser que d'habitudes de traduction pour affirmer qu'il est nécessaire de suppléer un verbe

d'existence là où il n'y a pas de verbe. Cela revient en tout cas à exclure de la catégorie des phrases nomi-

nales toutes les phrases non-attributives ; car est, il y a ou se trouver sont porteurs d'un sémantéme verbal d'existence. Mais, embarrassé par le fait que les phrases "existentielles" sont souvent des vérités générales, il en fait malgré tout une catégorie proche des phrases nominales : “Les vérités générales non-attributives représentent déjà autre chose, un type de non-verbales proche des nominales mais néanmoins distinct?. Nous avons ici une catégorie intermédiaire : d'une part par la convergence syntaxique des zéros (de temps, de mode, de personne), elle s'apparente aux nominales authentiques ; d'autre part, par la sous-entente d'un verbe sémantiquement positif, elle est à rapprocher de toutes les phrases sans verbe qui ne sont pas des nominales et que nous appellerons

"non-verbales"."3

- Toute phrase ayant un lien quel qu'il soit avec le contexte : “La vérité générale est rigoureusement indépendante du contexte ; on peut l'en isoler, on peut méme constituer des listes de sentences ou de

proverbes."4

Ch. Guiraud se voit donc obligé d'imaginer une multiplicité de catégories intermédiaires selon que la phrase incriminée est "plus ou moins" rattachée au contexte, et par conséquent "plus ou moins" éloignée de la phrase nominale "authentique".

48

POSITION DU PROBLEME

Sont ainsi éliminées à leur tour les subordonnées, méme si elles expriment une vérité générale et méme si leur lien avec le contexte est des

plus láches, comme c'est le cas avec : - ἐπεί,

- certaines complétives ("ces dernières équivalant pour le sens à des propositions non dépendantes introduites par deux points"), - certaines relatives comme : ἃ καλλίστα

μὲν Ev ὄλβῳ,

καλλίστα δ' ἕν πενία (la jeunesse) qui est si belle dans l'opulence, si belle encore dans la pauvreté

Euripide, Héraklès, 647-648

2- Les autres phrases attributives Dans le groupe important des phrases nominales "non-authentiques",

Ch. Guiraud repère à nouveau un certain nombre de catégories qui seraient toutes traversées à leur tour par une opposition entre deux types d'asser-

tions, les "appréciations particuliéres" d'un cóté et les "descriptions et renseignements" de l'autre.

2. 1. Les "appréciations particuliéres" D'un cóté se trouveraient les phrases sans verbe qui sont des "vérités générales" mais qui sont d'une maniére ou d'une autre rattachées au contexte : ce sont les “appréciations particulières", parfois très proches des

phrases nominales authentiques si elles sont attributives mais qu'on aurait tort de confondre avec elles : *Nous aurions donc ici une catégorie intermédiaire entre la phrase nominale authentique, celle des vérités générales dans les propositions non-dépendantes et ce qu'il faut plutót considérer comme des phrases non-verbales [...], vérités situées en grande partie hors du temps, mais rattachées néanmoins au contexte par un lien, d'importance et de solidité

variable."! et:

"Les appréciations particuliéres ressemblent aux vérités générales (jugements en grande partie hors du temps). Mais elles s'en distinguent

1 Ibid., p. 47.

Historique

49

par leur rattachement au contexte, ce sont des énonciations malgré tout

différentes. Sans doute s'agit-il d'une catégorie linguistique intermédiaire entre phrases à verbe exciu (vérités générales nominales) et phrases à verbe non exprimé (description et renseignements non-verbaux). Mais il serait vain de créer un mot nouveau. L'essentiel est de savoir que cette

catégorie existe et constitue une annexe de la phrase nominale authen-

tique."

Parmi les exemples donnés par Ch. Guiraud nous citerons deux phrases de Pindare:

Olympiques, IV, 25 :

χεῖρες δὲ καὶ ἦτορ ἴσον mes) bras et (mon) cceur (valent) autant

Pythiques, X, 27: *O χάλκεος οὐρανὸς οὔ ποτ’ ἀμβατὸς αὐτῷ le ciel d'airain lui (reste) inaccessible

2.2. Les "descriptions et renseignements" Les "descriptions et renseignements" n'auraient en revanche rien à

voir avec les phrases nominales authentiques puisqu'elles visent des situations actuelles. Ch. Guiraud n'admet donc la phrase suivante, pourtant citée par Benveniste comme exemple de phrase nominale, qu'en tant que phrase non verbale exprimant un "renseignement" :

A404

ὃ yàp arc βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων lui, pour la force, dépasse son père même

Parmi les "descriptions" Ch. Guiraud : 1153

πᾶσαι

nous citerons un exemple

donné

par

δ’ ἐγγὺς ἅλός, νέαται Πύλου ἤμαθόεντος

toutes ces villes sont prés de la mer, au bout du territoire de la Pylos des sables

2.3. Zones frontières Ch. Guiraud lui-même reconnaît que la cohérence du système n'est

pas absolue puisqu'il écrit en conclusion de son étude sur les phrases attributives :

1 Jbid., p. 160.

50

POSITION DU PROBLEME “Tel est le système que nous avons confronté avec les faits. Une pre-

mière difficulté est constituée par le probléme de la charnière entre appréciation et renseignement ....]. Il ne faudrait pas cependant accorder trop d'importance à cette question. Ce genre de difficulté est inévitable ;

il y a toujours des zones frontières.” 3 - Les non-attributives

Cette rubrique regroupe "toutes les catégories, avec ou sans verbe

être, qui se définissent par un sens particulier de ctvo!". Ch. Guiraud n'énonce pas moins de onze "sémantémes" susceptibles de rendre "l'idée

verbale" : vivre ; étre possible, permis ; existence pure ; existence locale ; existence possessive ; existence locale-possessive ou possessive-locale ;

locales ; possessives ; prédicat adverbial autre que le lieu oü l'on est ; détermination prépositionnelle autre que le lieu où l'on est ; détermination casuelle autre que le datif possessif ou local . Tous

sont

"appréciations

traversés

également

particuliéres"

et

par

"descriptions

une

opposition

entre

et renseignements",

opposition en outre en partie recouverte, lorsqu'il s'agit de l'existence pure,

par une opposition supplémentaire entre existence concrète (il existe une ville nommée Ilion) et existence abstraite (/a nécessité de ceci existe).

Les rapports de ötre avec la phrase nominale Ch. Guiraud découvre à propos des phrases à verbe être un système d'opposition paralléle à celui qu'il propose pour la phrase nominale. Selon

lui, il y a également trois catégories de phrases à verbe être, en premier lieu les phrases attributives qui ont l'air de vérités générales, puis les autres phrases attributives, enfin les phrases non attributives. 1 - Les vérités générales attributives avec éfre Ch. Guiraud fait remarquer qu'il existe, contrairement à ce que laisse supposer Benveniste, un nombre important de phrases qui, bien que contenant un verbe êfre, expriment une vérité générale comme :

Pindare, Néméennes, X, 20 :

ἔστι δὲ καὶ κόρος ἀνθρώπων βαρὺς ἄντιάσαι il est dangereux de provoquer chez ses auditeurs la satiété | [bid., p. 161.

Historique

51

Ch. Guiraud tente de justifier la présence de étre dans les phrases de

ce type de deux manières : 1- La présence de tarf est à chercher dans la valeur "actualisante, réalisante" de la racine *es- , particuliérement lorsque ἔστι est mis en relief en téte de phrase, ce qui représenterait une "mise en avant de la réalité de l'affirmation". 2- ἐστί apparaît à chaque fois que la phrase a quelque lien avec le contexte, ce qui l'oppose à la phrase nominale. Avec être, la phrase s'in-

tégre à une argumentation au sein de laquelle elle a une valeur conclusive ou concessive ainsi que le prouve la présence de "mots de liaison appropriés” comme οὕτω, ou de certaines particules comme δέ, rot, xa(tot, καὶ

μήν: “Les vérités générales à verbe être sont rattachées d'une certaine façon au particulier et représentent le passage du particulier au général."! “Les vérités générales à ἐστί! εἶσί, au lieu de constituer des vérités immuables, essentielles, se déduisent de l'examen d'un cas particulier, apparaissent comme la conséquence d'un développement antérieur."?

Ch. Guiraud reconnaît lui-même que ce deuxième type d'explication ne donne pas entière satisfaction puisqu'il est inapte à rendre compte de toutes les vérités générales avec être, comme par exemple : S287

où γὰρ καλὸν ἀνήσασθαι δόσιν ἐστίν car présent refusé est toujours une insulte

Il se rassure néanmoins en remarquant que ces phrases sont "rares". 2. Les attributives avec être

Par ailleurs, selon Ch. Guiraud, les phrases avec être sont, comme les phrases nominales, à subdiviser en deux groupes, d'un cóté les "appréciations particuliéres", de l'autre les "renseignements ou descriptions". 2.1. Appréciations particulières Bien que certaines phrases qui ont un caractère absolu mais sont liées au contexte ou sont actualisées d'une manière quelconque — déictiques,

52

POSITION DU PROBLEME

pronoms personnels, etc... — soient à rejeter de la catégorie des phrases nominales authentiques, la construction nominale y est néanmoins, selon Ch. Guiraud, la construction attendue : “Dans les appréciations particulières la tendance devra être au non

emploi du verbe."!

Or la construction verbale est dans de tels emplois particuliérement fréquente,

voire

dominante

chez

certains

auteurs

comme

Homère,

Hérodote et Sophocle. Loin de se laisser embarrasser par les contradictions que ne laisse pas de créer son systéme de classement, Ch. Guiraud propose de justifier l'emploi "non attendu" du verbe par le sens de *es- qui permet de comprendre qu'il s'agit : - soit d'une actualisation ; c'est ainsi qu'il explique la présence de ἔστί en Ψ 309 alors que Ψ 310 présente une construction nominale : Y 309

ἄλλά tot ἵπποι

βάρδιστοι θείειν : τῶ τ’ οἴω Ao(yt' ἔσεσθαι: Τῶν δ’ ἵπποι μὲν ἔασιν ἀφάρτεροι, οὐδὲ Tes bétes, en revanche, sont assez lentes à la course ("chose connue, sur

laquelle on passe"), et j'imagine que tu vas à un désastre : les autres ont des chevaux plus rapides ("information")

- Soit d'une volonté de renforcer l'affirmation. Ch. Guiraud écrit pour expliquer la présence du verbe être dans certaines phrases de Sophocle : "Essai pour convaincre, argument important, dénégation importante, affirmation redondante, conclusion désabusée" et d'Euripide : "Découverte importante, affirmation de scepticisme religieux importante, affirmation de culpabilité. .."? On remarquera que cette dernière explication diffère peu d'une explication simplement stylistique. Et c'est en effet une telle explication que propose Ch. Guiraud pour un certain nombre de phrases dont il ne sait que faire ; c'est ainsi qu'à propos d'Hérodote, il parle de "recherche de variété", de "variante peut-être plus expressive", 2.2. "Renseignements ou descriptions" Selon Ch. Guiraud, on devrait, s'agissant de ce type de phrases, s'attendre à trouver une majorité de phrases verbales puisque elles ! Jbid., p. 64.

2 [bid., p. 79-80. 3 [bid., p. 83.

Historique

53

désignent toutes une situation actuelle!. Or il n'en est rien ; chez certains auteurs, comme Pindare, et méme chez Eschyle, Euripide et dans l'Iliade

c'est au contraire la construction nominale qui l'emporte. Ch. Guiraud

considère que dans ce cas, il n'y a plus d'opposition entre phrase nominale et verbale mais que la phrase nominale est seconde par rapport à la phrase verbale et en constituerait en quelque sorte le degré zéro. Il lui reste alors à expliquer l'absence de être. Les raisons invoquées sont diverses. L'absence du verbe peut provenir : - du désir de "ne pas insister" : “Lorsque ie degré zéro est constitué par la tournure verbale, ce qui est théoriquement le cas pour les descriptions et renseignements, les énonciations non-verbales se trouvent en quelque sorte en retrait. Elles expriment des choses sur lesquelles pour une raison ou pour une autre, on ne veut pas insister."2 - de la relation avec le contexte

On fait par exemple volontiers l'économie du verbe dans le cas des réponses, et aussi dans les énumérations?. - du caractère exclamatif de la phrase "On a depuis longtemps noté une parenté entre l'exclamation, forme rudimentaire d'expression et la tournure non-verbale."4 - des besoins de la mise en relief,

"parce que l'idée verbale passe au second plan" ou à cause de la présence de déictiques. - des automatismes et de l'habitude Xptó,

χρεών seraient employés

sans verbe

"automatiquement,

en

quelque sorte"6 ; ἀνάγκη conditionne l'emploi non-verbal" ; pour ce qui est de λόγος et de νόμος, il s'agit d'ellipses verbales dans des expressions trés employées :

54

POSITION DU PROBLEME “Lorsqu'une expression est trés employée (ex. λόγος + inf., on dit que, ou νόμος + inf., c'est la coutume que, on arrive à ne plus exprimer &ot{ parce que le sujet parlant a en mémoire la tournure à verbe être

correspondante qui lui sert en quelque sorte de caution. La référence se fait implicitement à la “tournure mere"."l

- de la métrique - de choix stylistiques : La justification est : “souvent d'ordre individuel et stylistique : désir de varier l'expression

en introduisant par moments une phrase sans verbe."? et:

"Lorsque le sujet est un nom ou un pronom, on constate plus de diversité et davantage d'entorses à la répartition. En l'absence du sujet (...] il se développe alors une non verbalité à caractère stylistique."3

- de variantes “n'intéressant pas la structure de la langue dans ce qu'elle a de plus général."4

L'emploi de telle construction plutót que de l'autre peut provenir du genre littéraire — les chœurs tragiques ont une prédilection pour le tour non verbal par imitation du style pindarique — , de nécessités métriques, de variantes personnelles —

si Pindare a une prédilection pour la phrase

nominale, "il s'agit là d'un probléme individuel de style"s. En outre, et malgré l'appel aux arguments stylistiques, Ch. Guiraud s'avoue incapable de justifier certains emplois. Il y a par exemple chez Homère des "emplois qui résistent”, pour lesquels "on ne voit pas toujours

pourquoi les aédes n'ont pas employé le verbe étre comme dans l'Odyssée : 6316

δυσμενέων ἄνδρῶν πλεῖος δόμος la maison est pleine d'hommes misérables

1 Jbid., p. 157. 2 [bid., p. 106.

3 Ibid., p. 158. 4 Ibid., p. 158.

5 Ibid., p. 74.

Historique

55

2.3. Zones frontiéres Enfin l'existence de nombreuses "zones frontiéres" entre "appréciations particuliéres" et "descriptions et renseignements" risque de rendre

vain tout l'effort entrepris pour trouver un systéme d'explication cohérent : ainsi "dans la partie du poème d'Hésiode consacré aux "jours" tout classement s'est révélé impraticable."! 3 - Les non attributives avec étre

Comme nous l'avons dit plus haut, la présence de être est attendue dans les phrases non-attributives et s'explique aisément d'aprés

Ch. Guiraud par le sens plein de *es-? subdivisé en onze sémantémes dont les principaux sont vivre, être possible, existe, être dans, appartenir à . Ce classement se laisse à son tour décomposer en "appréciations particuliéres" et "descriptions et renseignements", ce qui ne va pas, là non plus, sans de grandes difficultés et l'obligation de reconnaitre l'existence de nombreuses "zones frontiéres" : Il lui faut par exemple admettre que certaines possessives "se laissent

malaisément répartir dans une catégorie déterminée", que le principe d'une opposition entre "appréciations particuliéres" et "descriptions et renseignements" n'est pas pertinent dans le cas des prédicats adverbiaux.

Faute d'arguments il ne se prive pas, là non plus, de faire appel aux explications stylistiques : chez Eschyle ou Hérodote, il s'agirait "d'effets de style?" ; ou bien l'explication est à trouver dans le "genre littéraire{". Parfois méme, il renonce à toute tentative de justification : “Nous assistons à une victoire des formes sur la fonction, et, dès lors, l'arbitraire s'installe et le choix de l'usager est déterminé par des circonstances extérieures : usage reçu, commodités personnelles diverses.” 4 - Essence / existence

On sait par ailleurs qu'il oppose l'existence "abstraite", οὐ la construction nominale serait normale, et l'existence "concrète" qui appelle le verbe

1 Ibid.,p. 156. 2 Ibid., p. 161.

3 Ibid., p. 173. 4 Jbid., p. 188.

5 Ibid., p. 188.

56

POSITION DU PROBLEME

être : si, dans ce dernier cas, le verbe manque, il lui faut tenter de justifier son absence. Il a recours alors à la théorie de l'affaiblissement de êrre en copule : "Le développement de la phrase sans verbe qui devient mécanique, en

quelque sorte, a dû être favorisé par le fait que le sens d'existence est inStable"!

Mais, alors que cette théorie sert depuis Meillet à expliquer la généralisation de être au détriment de la phrase nominale, vouée à disparaître, elle

est utilisée ici pour justifier l'apparition de la phrase nominale, ce qui est sans rapport avec les données linguistiques qui, toutes, plaident au contraire pour son ancienneté. A bout d'arguments sans doute, Ch. Guiraud finit par ne plus savoir ce qui différencie les deux types de phrase : “Quand on voulait insister sur l'idée d'existence on avait recours aussi

bien à la phrase à ἐστί qu'à la tournure verbale.”?

Finalement, c'est l'idée méme d'une opposition entre "essence" et "existence" qui se trouve remise en cause puisque, si exister s'affaiblit au point de ne plus exprimer qu'un simple rapport — et de disparaître —, les

phrases non-attributives acquiérent le statut des attributives?. C'est ainsi qu'à propos de la tournure il n'(est) personne qui..., il écrit

"une valeur

attributive se fait jour*" ou à propos de tel exemple d'Hésiode (Travaux, 427) : πόλλ' ἐπικαμπύλα κᾶλα les bois courbés ne manquent pas “En fait, ce type de phrase est à cheval sur les existentielles et les attributives. On peut admettre que, lorsque l'adjectif signifiant "nombreux"

est en téte comme ici et qu'il n'y a pas de verbe exprimé, c'est que l'idée d'existence passe au second plan."

Une telle remise en question de l'opposition entre essence et existence n'a rien pour surprendre, elle peut au contraire se justifier et servir de point

de départ à une analyse d'un nouveau type. C'est ce que Ch. Guiraud n'entreprend pas ; dans ces conditions, comment peut-il construire tout un systéme de classification à partir d'une telle opposition ?

1 Ibid.,p. 170-171. 2 Jbid., p. 188. 3 Ibid., p. 208. 4 [bid., p. 167.

Historique

57

Quel que soit l'angle sous lequel on le considère, le système élaboré

par Ch. Guiraud apparait somme toute trés peu convaincant. Loin de mettre en doute la justesse des vues de Benveniste, ce qui aurait logiquement dü découler du dépouillement des faits, il préfére les pousser jusque dans leurs conséquences les plus absurdes: en admettant sans examen que par "absolu" il faut entendre "sentence attributive", Ch. Guiraud se voit contraint de ne considérer comme "authentique" qu'une infime partie de l'ensemble des phrases nominales. La maniére dont il élimine toutes les autres tout en reconnaissant qu'elles sont "non-verbales" voire presque "nominales" montre à l'envi que le probléme de la phrase nominale en grec reste entier.

Par ailleurs l'entreprise de classification à laquelle il se livre de facon à séparer les phrases nominales "authentiques" de l'ensemble des autres, et pour distinguer les autres entre elles, est tout à la fois complexe, confuse, et sans grande pertinence puisque le systéme auquel il parvient est tout entier traversé de "zones frontières" et de phrases inclassables. Le probléme se complique du fait de l'existence dans chaque catégorie

d'un nombre élevé de phrases, et en particulier de sentences, comportant un verbe être pour lesquelles il a bien du mal à prouver que le système d'opposition auquel il se réfère est toujours pertinent : général/particulier ; absolu/situation

actuelle ; essence/existence ; absence

de

lien

avec

le

contexte/lien avec le contexte, etc... Pour résoudre ses difficultés, Ch. Guiraud fait en outre constamment appel à des explications d'ordre stylistique, ce qui revient à inscrire le choix entre la phrase verbale et la phrase nominale dans une perspective individuelle, alors que depuis Meillet on sait que l'existence de la phrase

nominale est un phénomène de langue et que le probléme ne peut trouver une solution que si l'on parvient à dépasser les contingences du style. Zones frontiéres, recours aux explications stylistiques, phrases inexplicables, autant de preuves que le systéme ne fonctionne pas : la pertinence d'un systéme d'explication linguistique se mesure à sa capacité de rendre compte de l'ensemble des phénoménes en cause, exception faite de ce qui est démontré appartenir à un autre systéme. Les théses de Ch. Guiraud reposent sur des considérations sémantiques dont il n'est pas difficile de montrer le caractére à la fois confus et

subjectif : classer tel ou tel exemple dans les "appréciations particulières", les "descriptions" ou les "renseignements" est affaire de sentiment personnel, non rigueur scientifique. La distinction qui est faite entre “phrases nominales attributives authentiques" et vérités générales non-attributives

58

POSITION DU PROBLEME

donc "non-authentiques" repose elle-méme sur une opposition sémantique

entre "essence" et "existence", opposition dont Ch. Guiraud reconnait luiméme qu'il n'est pas toujours possible de la mettre en évidence. La question méme de la contexte, qu'il considére comme qu'il s'est bien gardé d'examiner statut de phrase nominale à une

relation de la phrase nominale avec le tranchée, pose toutes sortes de problémes : comment peut-il par exemple refuser le phrase sous prétexte qu'elle contient une

particule et admettre comme phrase nominale authentique une sentence

contenant γάρ et insérée dans un développement argumentatif ? Enfin, dans sa réflexion sur les rapports de la phrase nominale avec la phrase à verbe être, Ch. Guiraud a fait fi de ce qui a justement été l'idée de génie de Benveniste, à savoir que la phrase nominale est caractérisée par une pause sur laquelle porte peut-étre la fonction verbale. Ch. Guiraud, au lieu de se demander ce qu'est le verbe par rapport à la fonction verbale, et la pause par rapport à est s'en tient à la notion de "sémantéme verbal" ; ce faisant, il manque son sujet.

Historique

59

7- Ch. Guiraud — 1976 Dans un article! paru en 1976, Ch. Guiraud revient sur le sujet et précise sa position. D'un cóté la phrase nominale authentique est attributive et comporte quatre degrés zéro, ceux du sémantéme, du temps, du mode et de la per-

sonne. Les autres phrases sans verbe ne sont pas des phrases nominales : ce sont des phrases "elliptiques" car elles sont "secondaires par rapport à la forme syntaxique compléte (celle qui comporte un verbe)". Quant aux phrases à verbe être, il les répartit en deux catégories : les unes doivent étre appelées "nominales-verbales" et les autres "verbalesnominales" suivant que, dans le complexe prédicatif, c'est l'élément nominal ou l'élément verbal qui est prépondérant".

La question de la dénomination des phrases à verbe étre est qualifiée de "cruciale" bien qu'on ne voie pas a priori en quoi cela peut aider à la compréhension de la phrase nominale ou méme de la phrase verbale, et que lui-même reconnaisse en quelque sorte l'absurdité d'une telle démarche : “Il est bien évident que l'on est gêné ici d'avoir à enfermer dans des termes de définition une réalité difficilement saisissable. A la limite, on pourrait dire que chaque nouveau verbe du système nominal-verbal ou

verbal-nominal pose un probléme spécifique."

Par ailleurs Ch. Guiraud s'interroge sur ce qu'a été la prédication nominale en indo-européen primitif dans la mesure où "il n'est pas interdit de penser que le grec ancien rappelle par certains aspects le statut primitif".

Son point de vue est qu'il est nécessaire d'abandonner la théorie de l'affaiblissement de *es- en copule sous prétexte que la synthése des deux phrases — la terre existe et la terre est une boule — aurait été impossible. Le raisonnement par lequel Ch. Guiraud s'oppose à la proposition de Brugmann s'appuie sur deux arguments d'ordre ethnologique. Le premier porte sur la représentation du monde des Indo-européens primitifs :

ICh. Guiraud, "Nouvelles réflexions sur la phrase nominale", Zeitschrift für vergleichenden Sprachforschung, 1976, p. 1-7.

60

POSITION DU PROBLEME “Une expression comme "la terre existe" n'est pas concevable dans une langue servant à exprimer une mentalité primitive. Les primitifs n'ont pas besoin d'affirmer l'existence du réel ; pour eux, le réel est ce qui

est."

Le second oppose "syntaxe rudimentaire" qui serait celle des hommes dits "primitifs" et "syntaxe élaborée" qui serait la nótre c'est à dire bien sür celles des anciens Grecs : *Dans une syntaxe rudimentaire, nous venons de voir que la simple juxtaposition du sujet et du prédicat suffit à constituer une phrase. I] n'en est pas de méme lorsque la syntaxe devient plus élaborée. Dans ce cas, il faut en effet introduire des spécifications de temps, de mode, etc..., qui nécessitent l'apparition d'un support verbal."

L'idée est donc que le verbe étre qui s'est ainsi constitué, ne pouvant exprimer l'existence pour les raisons ci-dessus énoncées, devait nécessairement exprimer l'essence. Mais comme l'essence était exprimée par la phrase nominale, il fallait que ce soit une "essence" d'une autre sorte, plus

ou moins affaiblie : “une sorte d'essentialité relative [...], non pas une essence hors du temps (phrase nominale), mais une essence confrontée plus ou moins au

réel, renforcée plus tard en verbe d'existence."

Tout cela n'apporte guère d'éclaircissements sur la nature de la phrase à verbe étre en grec ni de la phrase nominale. L'argumentation n'est rien d'autre qu'une "pétition de principe" selon les propres termes employés par

Ch. Guiraud à l'encontre des théoriciens de l'affaiblissement de *es- en copule. Elle complique en outre inutilement la situation. Mais surtout, et ce qui est plus grave, elle ne s'appuie sur rien d'autre qu'une intime conviction, celle de l'infériorité des sociétés "primitives" par rapport à la supériorité supposée de la nótre. Il est étrange, et pour le moins déplaisant, de voir les préjugés ethnocentriques attachés à notre civilisation aller se nicher jusque dans l'analyse linguistique pour y constituer une théorie opposant des syntaxes inférieures dites "rudimentaires" à des syntaxes "plus élaborées", alors méme qu'aucun fait, aucun indice ne vient étayer cette thèse !

Historique

61

8- La grammaire générative : Charles H. Kahn En 1973, paraît une étude trés complète sur le verbe être en grec qui renouvelle en partie la question de la phrase nominale!.

Ch. H. Kahn reconnait l'importance théorique de la question de l'antériorité de la phrase nominale sur la copule verbale soulevée par K. Brugmann, B. Delbrück et A. Meillet.

Il souligne l'intérét des théories d'E. Benveniste et de L. Hjelmslev en ce qu'elles tentent d'une part de placer le probléme dans une perspective

plus générale qui soit indépendante du développement historique de l'indoeuropéen et d'autre part de définir une différence de structure et de signification entre les deux types de phrases. Il relève par ailleurs que les études tentées postérieurement

par

J. Lasso de la Vega en 1955 et Ch. Guiraud en 1962 ne font qu'établir des classifications d'ordre sémantique sans parvenir à une théorie générale satisfaisante : “A la question : qu'est-ce qui distingue la phrase dans laquelle le verbe apparaît de celle où il n'apparaît pas? il n'y a en général pas de réponse. Toute tentative de fournir une réponse systématique en termes sémantiques ou rhétoriques doit rencontrer exceptions et difficultés à chaque pas, comme Guiraud est obligé de le reconnaitre."2

Dans la perspective transformationnelle qui est la sienne, il n'est question ni d'étude sémantique ni d'étude historique et le probléme est somme toute moins difficile à résoudre : “Le probléme apparaît sous un jour différent et son importance théo-

rique est considérablement diminuée."?

Tout d'abord, Ch. H. Kahn, s'appuyant sur le fait que l'absence de copule est rarement obligatoire, — χρή en est un exemple presque unique — refuse l'idée que la phrase nominale puisse étre autonome.

ICh. H. Kahn, The verb "be" and its synonyms, AppendixB ; "On the theory of the nominal sentence", p. 435 sq.

2 Ibid., p. 442. 3 Jbid., p. 435. 4 C'est en effet le cas en grec. Mais il y a des langues qui ne connaissent pas le verbe dire, certains dialectes berbères par exemple.

62

POSITION DU PROBLEME

D'autre part, la fréquence de l'emploi de la copule chez Homére rend selon lui improbable la théorie de Meillet selon laquelle l'existence aurait pu s'affaiblir en copule : “L'hypothèse du développement du rôle de la copule *es à partir d'une utilisation premiére comme verbe d'existence est à rejeter du grec

de toute facon, vu la prédominance de la construction copulative chez Homère : 85% des occurrences de étre."l

En fait, il s'agit pour lui de ramener l'apparente diversité à l'unité en posant en structure profonde une phrase à partir de laquelle s'élaborent

toutes les autres par une série de transformations ou de dérivations. Là οὗ, en termes traditionnels, on parlerait d'ellipse, en termes modernes, on peut

interpréter le contraste entre phrase nominale et phrase verbale comme le contraste entre structure de surface et structure profonde. La difficulté se

limite alors à celle de décider de la phrase qui est à poser en structure profonde. On peut, en théorie, faire dériver καλός ἐστὶ 6 παῖς de καλὸς ὃ παῖς

mais cette analyse a, selon Ch. H. Kahn, l'inconvénient de n'étre pas économique. C'est pourquoi, aux termes d'une longue discussion, il s'inscrit en faux contre la théorie de Lyons? selon laquelle *es- n'est pas à poser en structure profonde : “Les théoriciens contemporains [...] ont des hypothèses concernant un développement à partir de quelque état primiuf de la langue. A la place du mythe de la phrase nominale primitive en indo-euro-

péen, ils offrent une théorie de structure profonde dans laquelle le verbe être n'apparaît pas et à la place de l'évolution historique de la copule, ils

proposent une grammaire générative dans laquelle être est introduit par différentes transformations."?

Pour Ch. H. Kahn au contraire, le verbe étre est toujours présent en structure profonde et son omission est simplement de l'ordre de l'accidents : “La phrase nominale en grec et dans les autres langues indo-européennes est à regarder comme un phénomène de structure de surface...

ICh. H. Kahn, The verb "be", p. 198, 8 4.

? J. Lyons, Linguistique générale. 3 Ch. H. Kahn, The verb "δε", p. 195-198, $3, "étre et devenir: opposition générale d'aspect". ^ Et si χρή

ne peut être accompagné d'une copule, c'est, selon Ch. Kahn, qu'il doit être

considéré comme un verbe.

Historique

63

Le probléme revient à la question : dans quelles circonstances la langue

permet-elle d'omettre le verbe ?"1 La réponse tient à la structure des langues indo-européennes dans lesquelles le verbe a un róle décisif, à la fois syntaxique et sémantique : “La réponse à l'utilisation de la copule se trouve dans le système indo-européen des désinences verbales comme marques de la personne, du temps, du mode et du nombre."?

La copule *es- à l'indicatif "est la marque de la phrase déclarative ou affirmation de vérité..."? et, par ailleurs "contribue quelque peu à la signification en vertu de sa valeur aspectuelle de verbe d'état."4 Du fait que la copule est toujours à poser en structure profonde, celleci peut étre omise, mais à deux conditions : - qu'elle n'apporte pas d'informations : “Ainsi la règle générale au sujet de l'absence de la copule est la suivante : la copule peut être omise quand elle n'apporte pas d'informa-

tions."5

Cela explique que la copule soit plus particuliérement omise à la 3€ personne du singulier du présent de l'indicatif : l'indicatif, le présent, et la 3€ personne du singulier sont en réalité, d'aprés Ch. H. Kahn, respectivement le degré zéro du mode, du temps et de la personne.

- que la phrase soit "claire". “A la question : quand l'omission de la copule est-elle possible ?, nous pouvons donner la réponse générale : quand la structure de la phrase est claire sans l'expression du verbe ; en d'autres termes, quand le lecteur ou le locuteur peut reconstruire la forme appropriée de clu ( sans difficulté."6

Il découle de cela que l'omission du verbe dépend essentiellement des

possibilités offertes par le contexte puisque seul le contexte immédiat permet de reconstruire le verbe manquant. Pour Ch. H. Kahn, toutes les phrases nominales, y compris les vérités générales sont donc étroitement

ICh. H. Kahn, The verb "be", ch III, p. 65, $2 ; ch V, $ 8, p. 210. 2 Ibid., p. ch. V, $ 2, p. 185, "La théorie de la copule". 3 Jbid., p. 184, 8 1.

4 jbid.,p. 198, ὃ 4. 5 Ibid.,p. 439. 6 Ibid., p. 438

64

POSITION DU PROBLEME

liées au contexte. En revanche, si la phrase nominale est rare dans les subordonnées c'est que le contexte ne se préte pas à l'omission du verbe dont l'absence risquerait d'empécher toute compréhension.

L'omission de la copule ne dépend donc en aucun cas du contenu sémantique de la phrase. Elle s'applique en outre à n'importe quel type de structure de phrase. Que celle-ci soit attributive, locative, possessive avec un prédicat au génitif ou au datif, adverbiale, etc..., la copule peut être omise dans tous les cas. C'est ainsi qu'il écrit à propos d'Homère : “J'émets l'opinion que, quelles que soient les variations dans le mètre, emphase, autre nuance stylistique, il ne peut y avoir de différence dans la syntaxe ou la structure sémantique entre les phrases avec et sans verbe

dans la liste suivante d'exemples paralléles."!

Et cela est vrai non seulement pour la copule, mais aussi pour le verbe d'existence?. Ainsi que le dit Ch. H Kahn en conclusion, l'omission de la copule "ne caractérise pas une forme particuliére de phrase, pas plus qu'un

emploi particulier ou un sens de εἶμί " : *j claim that the non-expression of the verb in these existential sentences makes no more difference to the sense or syntax than it does for the copula examples considered earlier. There is of course a tendency to omit the verb less often in those constructions where it has a stronger

value. And in some non-copulative uses the distinctive structure of the sentence would be obscured if the verb were left out. (Thus, in the vital, potential and veridical uses the verb is seldom if ever omitted.) But once these qualifications have been made, we must recognize the fact that the phenomenon of omission known as the nominal sentence extends to the existential as well as to copulative uses of εἶμί. Omission does not cha-

racterize any particular sentence form nor any particular use or meaning

of cluC"

Une fois admis que la phrase nominale n'est que /e degré zéro de l'expression verbale, il ne reste qu'à essayer de comprendre dans quelles conditions se fait l'omission de la copule : “La possibilité de l'omission de la copule est un phénomène bien défini de langue, au sens saussurien du terme, tandis que l'acte d'omission

est un phénomène de parole complexe et variable dépendant de nombreux facteurs différents qui sont en partie syntaxiques mais bien plus souvent stylistiques, et m&me dans certains cas mécaniques (par exemple

1 Ch. H. Kahn, The verb "be*, p. 444. 2 [bid,, p. 439.

Historique

65

quand des considérations métriques entraînent l'omission de formes chez Homère). On peut par conséquent discuter de l'emploi possible du degré Zéro en termes généraux mais on ne peut pas donner un relevé général

des conditions selon lesquelles s'exerce le choix."!

Bien qu'il soit impossible, selon Ch. H. Kahn, de trouver une regle

générale, et que seule une analyse stylistique et une description syntaxique puissent étre entreprises, celui-ci fait, au hasard de ses recherches, un certain nombre de remarques qui tendraient à prouver qu'il y a certaines constantes dans l'emploi de la phrase nominale et que ces constantes ne sont pas exactement d'ordre stylistique et ne découlent pas non plus du genre littéraire: Chez Xénophon, Ch. H. Kahn reconnait une différence de traitement

de la phrase nominale selon que l'on est dans le récit ou dans le discours. Chez Lysias, la phrase nominale est beaucoup plus fréquente dans l'Epitaphios que dans les autres discours ce qui tendrait à prouver : “Non pas que l'Epitaphios est d'un autre auteur, mais que, comme une pièce épidéictique écrite pour une occasion solennelle, elle touche au "Grand style" et qu'une caractéristique de ce style est l'omission fré-

quente de ἐστί comme chez les poètes tragiques."?

L'usage qu'en font Platon et Aristophane suggére que la phrase nominale est en outre le signe du style naturel et de la conversation. Ch. H. Kahn remarque qu'au contraire la prose courante du discours, et le récit historique utilisent ἐστί. Chez Homere, il constate avec Benveniste la fréquence des sentences nominales (tout en faisant remarquer qu'elles sont souvent aussi verbales). Et à propos des exemples homériques de phrases adverbiales : ^Nous voyons que l'adverbe initial suffit à rendre la structure prédicative claire, de sorte que le verbe peut étre omis. Mais nous voyons aussi que le verbe, s'il était exprimé, ne servirait pas à localiser un objet mais à

affirmer que de telles choses sont présentes à l'endroit indiqué."? Toutes ces remarques constituent, selon nous, un faisceau d'indices

qui montrent que la phrase nominale apparait dans des conditions particu-

ICh. H. Kahn, The verb "be", p. 438.

2 [bid., p. 443.

3 Ibid., p. 450.

66

POSITION DU PROBLEME

liéres qu'il n'est peut-étre pas impossible de définir comme ses conditions d'énonciation.

On voit aisément quelles sont les limites d'une théorie qui inscrit la recherche dans des limites strictement synchroniques.

Elle s'interdit de poser comme hypothése qu'il peut y avoir en grec une situation de concurrence entre la copule et la phrase nominale et que cette situation puisse étre le résultat d'une évolution historique. Pour Ch. H. Kahn, il n'y a pas d'autonomie de la phrase nominale, ce

qui contredit les faits. La phrase nominale est en effet bien attestée comme expression autonome dans bien d'autres langues y compris en grec comme

l'ont montré Meillet et Benveniste. Ch. H. Kahn est donc contraint de reprendre à son compte les explications traditionnelles dont on sait qu'aucune n'est satisfaisante : explications stylistiques par les variations personnelles, la métrique, le genre littéraire ; théorie stoicienne de l'ellipse ; description de l'opposition verbe / nom comme une opposition plein / *g, ce qui constitue une régression par rap-

port aux efforts de Meillet et de Benveniste. En outre, s'il refuse de faire sienne l'hypothèse qu'il y aurait une différence de structure entre les deux types de phrase, c'est parce qu'il veut ignorer l'existence de la pause comme entité spécifique et, comme

Ch. Guiraud, préfére ne pas se pencher sur le fait que la fonction verbale est à distinguer du verbe. Pour lui, comme pour les tenants de la tradition, la phrase est nécessairement verbale. Comme Ch. Guiraud, il passe à côté,

nous semble-t-il, de ce qui est la véritable nature de la phrase nominale et que Benveniste avait pressenti.

L'apport de Ch. H. Kahn est cependant considérable dans la mesure où il permet enfin de se délivrer de l'emprise des habituels classements "sémantiques et rhétoriques" qui sont ceux de Ch. Guiraud, de Lasso de la

Vega et aussi en partie de Benveniste ; Ch. H. Kahn fait la démonstration qu'on peut traiter de la question de la phrase nominale sans passer par une obligatoire opposition entre essence / existence ou sentences | non sentences. Il montre

en

particulier

qu'il

n'y a pas

d'opposition

entre

les

différentes valeurs de *es-, et par conséquent entre les différentes structures morpho-syntaxiques des phrases verbales et nominales : il apporte la preuve que les phrases attributives sont à prendre en compte au méme titre que les non-attributives.

Historique

67

Il souligne en outre l'importance et le róle du contexte dans la compréhension de toutes les sortes de phrases nominales, qu'il s'agisse ou non de vérités générales, battant en brèche de façon particulièrement intéressante l'argument sur lequel est fondée la théorie de Benveniste, selon lequel les phrases nominales se prétent à l'expression des sentences parce qu'elles

n'ont aucun lien avec le contexte. En posant de façon neuve la question de la phrase nominale dans ses rapports avec le verbe étre, Ch. H. Kahn invite en tout cas à entreprendre

de nouvelles recherches.

Conclusion Les différentes études qui s'échelonnent de l'Antiquité à nos jours ne permettent pas de connaítre avec exactitude ce qu'est la phrase nominale, ni de comprendre quelles sont ses formes, ses conditions d'emploi et comment elle s'articule par rapport au verbe étre. Chacun de ces points

mérite par conséquent d'étre soumis à examen : - Le nombre de ses constituants

La phrase nominale contient-elle toujours deux termes ? peut-elle en contenir davantage ? ou ne faire qu'un seul terme ? - Sa structure morpho-syntaxique Doit-on considérer comme phrase nominale la phrase attributive à

l'exclusion de tout autre type de phrase ? Que faire alors des phrases nonattributives ? Et quelles sont-elles ? - Ses conditions d'emploi Un grand nombre de phrases nominales ne sont à l'évidence pas des

vérités générales. Si on les considére elles aussi comme des phrases nominales, comment les prendre en compte, et comment en définir les emplois.

- Son rapport avec étre Comment se fait-il que certaines expressions ne se rencontrent qu'avec être, d'autres jamais ? Que certaines autres se rencontrent

indifféremment avec ou sans être ? Si l'on ne doit pas parler d'e//ipse ni d'omission de la copule, et si au contraire la phrase nominale est une

expression à la fois ancienne, autonome et bien formée, quels sont donc les critères qui la distinguent de la phrase avec être ou l'y opposent ?

68

POSITION DU PROBLEME

Le besoin se fait sentir d'une étude qui reprenne de facon systématique toutes les données pour tenter de les interpréter à la lumiére du principe que la langue a une logique à laquelle répond vraisemblablement l'existence de deux constructions paralléles et que c'est cette

logique qu'il faut découvrir. Afin d'éviter, autant que faire se pourra, les piéges de la tradition, des opinions préconçues ou des habitudes de traduction, il conviendra avant toute chose de parcourir diverses études consacrées à d'autres langues que le grec, indo-européennes et non indo-européennes, puis de se donner des

outils théoriques suffisants en réfléchissant aux divers problémes que posent, pour l'analyse de la phrase nominale, les notions de phrase, de verbe, de fonction verbale, de prédicat et de prédication.

69

chapitre 2

Les langues non indo-européennes

L'idée que nous nous faisons du grec ancien est évidemment tributaire

de nos propres habitudes linguistiques et grammaticales. Pour avoir quelque chance de définir correctement l'extension et la nature de la phrase nominale en grec, il faut donc que nous tentions de nous en libérer : pour cela, il est indispensable d'opérer, à l'exemple de Meillet et de Benveniste,

un détour par d'autres langues, en particulier non indo-européennes. Celui-ci, dés l'abord, nous permettra une constatation fondamentale : la quasi-universalité de la phrase nominale.

1 - Domaine d'extension de la phrase nominale La phrase nominale occupe en effet une aire considérable. On la rencontre dans l'ensemble du domaine finno-ougrien! (finnois, hongrois, vogoul, ostiak, votiak, etc...), samoyède (Sibérie centrale), turc? , domaine

sémitique? (hébreu biblique, hébreu classique, akkadien, araméen), éthiopien classique (guèze), berbère, bugis (Célébes d'Indonésie), langues

d'Amérique du Nord et du Sud* (comox, nootka et salish de Colombie britannique, tübatulabal et autres langues aztéques du Sud de la Californie, cahuilla de Californie du Sud, aymara de Bolivie, nahuatl du Mexique, etc...).

IR. Gauthiot, La phrase nominale en finno-ougrien. 2 E. Benveniste, Pbs I, ch. XVI, "étre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 191.

3 A. Meillet, "La phrase nominale en indo-européen"; et surtout David Cohen, La phrase nominale et l'évolution du systéme verbal en sémitique, Paris, 1984. 4 C1. Hagège, "Du concept à la fonction en linguistique, ou la polarité verbo-nominale".

70

POSITION DU PROBLEME

2 - Ses formes et ses emplois Un tour d'horizon de diverses langues montre que la notion de phrase nominale est loin de s'appliquer à la seule phrase attributive à deux termes

nominaux. De fait, la phrase nominale se présente sous diverses formes qui va-

rient en fonction du nombre des termes, de la capacité à exprimer le temps, l'aspect et la personne, de la nature des constituants, de la relation des constituants entre eux, et de l'existence ou non d'une copule être. La structure courante est partout à deux termes. Il existe toutefois des

énoncés monorhèmes qui sont traités dans les descriptions de ces langues comme phrases nominales. 2.1. Un terme

Dans les langues chamito-sémitiques, en guéze par exemple "il n'est

pas impossible de relever des énoncés constitués par une forme non-verbale unique!". Les énoncés monorhémes se rencontrent essentiellement :

Dans des tournures stéréotypées : chleuh “L'énoncé nominal est fréquent, mais limité à quelques tournures stéréotypées. II peut comporter un seul nominal, si celui-ci est précédé de

ha voici, voilà , de lah il n'y a pas , de ur-d ce n'est pas

ha tigMi voici la maison

ha-T-iN la voilà lah

tigMi

il n'y a pas de maison ur-d ag rum ce n'est pas du pain ur-d nTa

ce n'est pas lui?“

! D. Cohen. La phrase nominale en sémitique, p. 152. 21, Galand, "Le berbère", p. 217.

:

Les langues non indo-européennes

71

Dans les questions : berbére (dialecte du Centre marocain)! mani quel-endroit

& dans (lequel)

da tTd? tu manges ?

οὗ est-ce que vous prenez vos repas ?

mani constitue le noyau nominal d'une proposition déterminée par une relative (-i est à l'origine un élément antécédent d'une relative). chleuh? id agrum ? est-ce du pain ? i δὰ nTa ?

est-ce lui ?

Dans les réponses : gueze? wa

’abelo

manne

'allu

sab'

et - jedis à lui qui ces gens? et je lui dis : qui (sont) ces gens ? — wa-yobela-ni zagäbyäna warq — et - il dit - (à) moi amasseurs - (d) or et il me dit : des amasseurs d'or

akkadien* mi-i-na

aru-ka

quoi

branches (de) toi ?

?

- is . la-a [in) bi

bois (de) non fruit

que sont tes branches ? du bois sans fruit

D. Cohen fait remarquer à propos de ces phrases : *Nous

sommes

là en présence d'un phénoméne

banal dans toute

langue ; dans le dialogue, la réponse ne reprend pas explicitement le sujet

énoncé dans la question."5

1 Les exemples berbères sont tirés de l'ouvrage de Henri Frei, Le livre des deux mille phrases.

21, Galand, "Le berbère”, p. 217. 3D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 154. 4 Ibid., p. 233.

5 Ibid., p. 155.

72

POSITION DU PROBLEME

Dans des phrases coordonnées Un sujet unique régit souvent plusieurs prédicats : ancien babylonien : du-ub-bu-ba-tufu ma-da ü sa-bu-um ul a Éi-ir-ha-an Si-ip-ri-a

e-pé-if-tum

%a i-peSu

i-sa-at

ü-

palabres (-de)- lui nombreuses et travailleurs qui exécutent sont peu nombreux -non de hauteur

(de) -täche (-de) -moi"

= les palabres à son sujet sont nombreuses et les travailleurs qui sont à l'ouvrage sont peu nombreux ; ils ne sont pas à la hauteur de ma tâchel.

Dans les affirmations d'existence ancien babylonien? : mi-im-ma ü-ul bi-it-qum {il n'y a] absolument pas de brèche pa-ni %a-at-ti ü [c'est] le printemps,

Éa-ma-tu ἃ mi-lu-um i-na na-ri pluies et hautes eaux dans le fleuve

wa-za

soba

guèze - kWallu

et - ceci - tout - lorsque et tout ceci eut lieu lorsque?...

Dans des formules du dialogue : akkadien “I s'agit de formules stéréotypées de la conversation courante qui se présentent souvent, dans les langues les plus diverses, sous des formes

particuliérement elliptiques."4 &-

ta-al-Éu-á-ma

um-ma

Tu-üm-ma

/ um-ma

a-na-

ku-ma

te

4-em

ma-tim

ki-i-/

$u-ul-mu-ü

Tu-ul-mu-um

je l'ai interrogé en disant : quelles nouvelles du pays ? va-t-il bien ? Il m'a dit : il va bien

l La phrase nominale en sémitique, p. 234.

2 Ibid. p. 236. 3 Ibid., p. 153. 4 Ibid., p. 236.

Les langues non indo-européennes

73

sulmum

paix (il ya)paix

=

il va bien

berbère bahu ! (touareg)

mensonge

c'est faux ha

oh!

ayriwn-a

bras-ce

yurk!

(Centre marocain)

chez toi !

les beaux biceps que vous avez !

ayriwn-a est ici le terme nominal unique ; yurk peut être interprété comme une proposition relative nominale. Avec un participe : gueze Des phrases à terme unique du type sahuf "écrit" (= il est écrit) sont

fréquentes. Il s'agit de participes passés passifs correspondant à un impersonnel francais ; nous sommes ici à la limite de la phrase nominale!. On aura constaté à la lecture de ces quelques phrases qu'aucune différence n'est faite entre essence et existence ; qu'elles soient existentielles ou

non existentielles, les phrases à un terme sont considérées comme des phrases nominales. Le probléme qui est soulevé à la faveur de ces exemples est donc bien, pour ce qui concerne le grec, celui de la pertinence de la distinction entre essence et existence. D'autre part, les accepter comme

phrases nominales pose un autre

type de problémes? . Cela contraint en effet à poser la question de la nature de la prédication. Est-on en droit de dire qu'il existe des phrases véritablement à un terme ou au contraire ces phrases ne sont-elles pas toutes en réalité à deux termes ? L'un des termes, en général le sujet, serait alors sous-entendu, donné par le contexte, ou présupposé.

1 La phrase nominale en sémitique, p. 155. ? Voir infra, ch. IV, "La prédication".

74

POSITION DU PROBLEME

2.2. Deux termes

2.2.1. Attributive Quand la phrase nominale exprime une identité entre deux termes, elle est constituée d'un sujet et d'un attribut. Dans ce type de phrases la question de la reconnaissance du prédicat comme tel peut poser probléme : l'adjectif attribut doit en effet étre distingué de l'épithéte ; en outre, lorsque le prédicat est un nom, il n'est pas toujours aisé de reconnaître le sujet. Les critéres de reconnaissance sont divers ; ils peuvent tenir au contexte, à

l'utilisation de marques prédicatives, à l'ordre des mots (en particulier dans les langues qui n'usent pas de l'article) ou tout simplement à /'intonation (dans le cas d'une langue vivante ce critére est évidemment déterminant) :

ainsi, alors qu'en akkadien l'ordre des mots n'a pas d'autre pertinence que la mise en relief, en guèze, l'ordre marqué est l'ordre prédicat-sujet. Quoi qu'il en soit, la phrase attributive est partout largement représentée. Langues chamito-sémitiques!

ancien babylonien um-mi

e-ni-tum

mere (-de)- moi grande - prétresse ma mère est une grande prétresse ie-er-tum

an-ni-tum

ordre

i-ia-[tjum

ce

à moi

cet ordre est mien

babylonien récent ana

Cnisabe

te-nu-á

je (suis) le remplaçant de la déesse an-nu-u

a-na-ku

du blé

du-u

c'est lui

gueze zantu

bo

"asi

celui - ci homme celui-ci est un homme

l Ex. cités par D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 238-239.

2 Ex. cités par D. Cohen, ibid. p. 151.

Les langues non indo-européennes

75

copte! En copte, la phrase nominale attributive est rare avec adjectif ou un

substantif comme sujet, elle est au contraire fréquente avec un pronom personnel sujet de la 1€ ou de la 2€ personne, ou avec un démonstratif : andk

ulös

je (suis) un pätre

ptk-ta

— hélpis

tu (es) mon espoir

ann

han fox

nous (sommes) des ignorants υδδε ρὲ c'est (= il est) un pátre

arabe Zaydun

'üálimun

Zaïd (est

savant

*abuhu

musinun

père-son

Age

son père est âgé araméen? malküteh

malküt

“ala

royauté -(de)-lui

royauté -(de) toujours

sa royauté (est) une royauté éternelle berbère

Avec la particule prédicative d? : nk d

amaziy

moi [je suis] berbère aqowal-agi

mati

d-aborkan

ce bouc n'est pas noir

I Ex. cités par M. Malinine, "La phrase nominale copte", p. 28. 2 Ex. cités par E. Benveniste, "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 189-190. 3 "[La particule d] est souvent le seul élément distinctif de l'attribut et de l'épithète : Ihonk azuren une joue épaisse »# lhonk d azuran la joue est épaisse" proposition sans verbe en berbère, entretien sur La phrase dite nominale".)

(A.

Basset,

"La

76

POSITION DU PROBLEME

Avec un déterminant du nom sujet : ism-as

brahim

nom-à-lui Brahim

il s'appelle Brahim

Avec une proposition relative dont l'antécédent est sujet : ayrum ad

ΕἸ ΤῊ

pan ce j'ai mangé! c'est du pain ce que j'ai mangé

Domaine finno-ougrien? hongrois

En hongrois?, l'utilisation de la phrase nominale est limitée à la construction attributive (à la 3€ personne du singulier et du pluriel).

a ἐς, kék le ciel bleu le ciel est bleu

ez ce

a könyv lelivre

szép beau

ce livre est beau

ezek

a könyvek

ces

le livres

— szépek beaux

ces livres sont beaux

L'ordre des mots n'a pas d'influence sur la construction. On dit aussi : szépek ezek a könyvek beaux ces le livre ces livres sont beaux

1 Ces deux derniers exemples sont tirés de : L. Galand, "Le berbère", p. 217. 2 Certains exemples sont tirés de ; R. Gauthiot, "La phrase nominale en finno-ougrien", p. 204 sq. On se reportera en outre aux ouvrages suivants. Pour l'ostiak à : L. Honti,

Chrestomathia Ostiatica,

Pour le ziriéne à : R. Kárdy, Chrestomathia Syrjaenica.

3 Cf. L. Nyéki, Grammaire pratique du hongrois d'aujourd'hui.

Les langues non indo-européennes

T!

vogoul du nord Pour ce qui est du traitement de la phrase nominale, le vogoul! du

nord, qui est le dialecte le plus utilisé et le plus littéraire, différe peu du hongrois. L'utilisation de la construction nominale y est cependant étendue aux deux premières personnes. nap

jäniöy

yum,

am

toi

grand homme,

min

moi petit

tu (es) l'ainé, je (suis) le cadet

La phrase nominale est courante au singulier et au pluriel : ιυν

saka

cheval

très

jomäs

beau

le cheval est très beau

luwt

saka

jomäst

chevaux très beaux les chevaux sont très beaux

ostiak

L'ostiak de l'Est connaît la phrase nominale attributive à toutes les personnes, au singulier, au duel et au pluriel. má

moi

mörtö

— en-bonne-santé

je suis en bonne santé tem ämp j&moki ce chien bon (ki: part. prédicative) ce chien est bon tem ces

ämkon deux chiens (an : duel)

Pnoko jäken bons

(κοι : marque du duel) ces deux chiens sont bons tem ces

ämpst chiens

Fmoke bon -

ces chiens sont bons

1 Cf. B. Kálmán, Chrestomathia Vogulica

jitt 8

78

POSITION DU PROBLEME

votiak

La phrase nominale est employée en votiak! à toutes les personnes, et pas uniquement en construction attributive :

ton kiön 7 toi qui? qui es-tu ?

zyriene

Le zyriéne présente également des phrases nominales attributives ; l'adjectif prédicat

y a une marque de pluriel différente de celle des noms.

L'ordre des mots y est obligatoirement sujet - prédicat. prédicat substantif sijg velgdié il (est) instituteur najg

velgdjsjas

il (sont) instituteurs (jas : marque du pluriel des noms)

adjectif prédicat kerka iZid la maison (est) grande juis vizuv le courant (est) rapide

jujas

vizulgé

les courants (sont) rapides (8$: pluriel de l'adjectif prédicat) taje νὸν jon ce cheval (est)

fort

taje

joneé

vevjas

ces chevaux

(sont)

forts

On aura remarqué que la phrase nominale attributive n'est nulle part restreinte à l'expression des vérités générales. En outre, l'examen de diverses langues non indo-européennes montre à l'évidence que la phrase attributive, formée d'un sujet et d'un adjectif prédicat, pour être souvent représentée, n'est pas un modèle général ; au contraire, une phrase nominale à deux termes peut avoir pour prédicat un

1 Cf. S. Csücs, Chrestomathia Votiatica.

Les langues non indo-européennes

79

adverbe, une préposition, ou méme un nom à un cas autre que le nominatif pour exprimer des notions telles que le lieu, l'appartenance, etc... 2.2.2. Situañive

Les phrases nominales dont le prédicat est adverbial ou prépositionnel sont également très fréquentes. Indonésie “Quant à la circonstance, s'il faut entendre avec Benveniste qu'elle est exclue de la phrase nominale dans la mesure où en seraient exclus les syntagmes nominaux jouant le rôle de prédicat et marqués comme circonstants par un relateur, là encore les faits apportent une contradiction. Pour prendre un exemple tiré du bugis, on trouve couramment dans cette

langue la construction suivante : ri dans

-baruga -maison de réunion

-i -padaworoané -ind. 3° pers. -père

mon père est dans la maison de réunion.”

Finno-ougrien zyriène ver

séjin

d'erévn'a

forêt derrière village derrière la forêt est un village ti kjtgng£ vous où (és : marque du pluriel) où êtes - vous ? mi nous

tangf ici (és : marque du pluriel)

nous sommes ici

votiak

kjtjn ton ? où

toi ?

où es-tu ?

1C1. Hagège, "Du concept à la fonction en linguistique", p. 20.

-ku -mien

80

POSITION DU PROBLEME

mordve

Le mordve! a la particularité d'étre capable de former des phrases en

adjoignant temps. Il toutes les la ville et sonnel est

à un item nominal quelconque un morphéme de personne ou de présente en conséquence des phrases nominales situatives, à personnes. Ainsi, à partir de össo ville-dans où & est le nom de -so un morphème locatif, le mordve peut dire (le pronom perfacultatif aux deux premières personnes) : (mon)

ofsan

ville- dans je je suis dans la ville (ton)

ofsat

ville- dans tu tu es dans la ville son

οὗεο

ville-dans lui il est dans la ville

ostiak de l'est ämpäm katé chien-moi dans la maison mon chien est dans la maison ämläm

katnatôt

chiens-mes dans la maison (forme locative au pluriel) mes chiens sont dans la maison

Chamito-sémitique : arabe? fi -1beyti ragulun dans la maison homme-un il yaun homme dans la maison

akkadien ina

ri-tim

dans herbages

me-e

eaux

dans les herbages il y a de l'eau

1 Voir J. Erdódi, Erza - Mordvin. 2 Ex. cité per D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 38.

Les langues non indo-européennes

81

copte! péksón tay ton - frére ici ton frère est ici

pékaën

ὠ hm - pökäy

ton - frère dans ta-maison ton frère est dans ta maison

guèze môt qedmena mort devant-nous la mort est devant nous

2.2.3. Possession et appartenance guèze

L'emploi de la préposition ba- (be- / bo-/ bi- / b-, dans, par, chez) avec les marques

personnelles suffixées fournit une expression de la

possession? : car

bo-ka en-toi

’a’maro science

puisque tu as de la science

biya

ahatta

en-moi

une

walatta fille

j'ai une fille "al-bomu nogus non-en-eux τοὶ ils n'ont pas de roi akkadien 3 bi-ti-iq-tum Fa —er-re-Éi-im-ma dommage de cultivateur - ma le dommage est (au compte) du cultivateur

I Ex. cités par M. Malinine, "La phrase nominale copte", p. 27. 2 Cet emploi d'une préposition locative est abondamment attesté dans les langues chamitosémitiques ; cf. D. Coben, La phrase nominale, p. 180 sq.

3 D. Cohen, ibid. p. 239.

82

POSITION DU PROBLEME na-da-nu donner

ἕά de

Éarri roi

donner est le fait du roi

berbére! mazal-ag

tiyuzad

(kabyle)

encore nous des poules nous avons encore des poules yiwon

gur-s

chez lui, il a la terre dars

akal

(kabyle)

la terre tarwa

(chleuh)

chez lui, des enfants il a des enfants dar

s

asrdun

(chleuh)

chez lui, un mulet il a un mulet

2.3. Trois termes ?

Par ailleurs, la phrase nominale se limite rarement ἃ deux termes exprimés. Elle comporte la plupart du temps d'autres termes qui sont des expansions?, expansion du sujet, du prédicat ou de la phrase. Parfois, la présence d'une expansion peut inciter à poser une phrase à

trois termes. Mais en fait, une phrase à trois termes est presque toujours réductible à une phrase à deux termes, à la seule condition que l'on soit en mesure d'identifier le prédicat. Ainsi : gueze wa

-sote-ssa

et — boisson-ssa

soruy

ba-'amsala

zayt saruy

pure

comme huile

pure

(888 : encl. de mise en relief)

et une boisson

pure

comme l'huile pure

peut s'interpréter aussi bien comme : et une boisson (est) pure comme l'huile pure

1 L. Galand, "Le berbère", p. 217. 2 Sur la notion d'expansion , voir Martinet, Syntaxe Générale, ὃ 3. 64, p. 86.

Les langues non indo-européennes

83

que comme : et une boisson pure (est) comme l'huile pure “Rien n'indique dans une telle phrase la fonction du premier soruy

qui peut être soit épithète de sote- soit attribut en fonction dicative."!

pré-

En réalité, l'ambiguité est normalement levée : - par l'emploi d'une marque prédicative. Ainsi, dans l'exemple cité, si seruy avait été attribut, il aurait normalement entraîné la présence

de wa'atu à la troisième place dans la phrase?. - ou, en l'absence de marque prédicative, par l'ordre des mots et l'intonation, ce qui est le cas dans cet exemple où l'on doit comprendre : "une boisson pure est comme l'huile pure (dans la lampe)"

3 - Personne, mode et temps 3.1. Mode

Il arrive que la phrase nominale exprime un mode autre que l'indicatif. C'est le cas, par exemple, en akkadien (ancien babylonien) où des constructions existentielles habituellement accompagnées du suffixe -ma peuvent être rendues optatives par l'adjonction de la particule -lu : lü

pu-bu-ru-um

- ma

que rassemblement - ma que le rassemblement ait lieu?

3.2. Temps La phrase nominale est également apte à exprimer le temps.

Langues d'Amérique ΓΙ. Hagége souligne ce point à propos de certaines langues d'Amérique :

1 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 193. 2 Ibid., p. 193 : "Cette marque est le pronom personnel qui peut donc exercer la fonction de copule de phrase."

3 D. Cohen, ibid., p. 237.

84

POSITION DU PROBLEME “Il n'est pas vrai que les prédicats nominaux n'expriment pas le temps, la personne ou la circonstance, sauf à décider de maniere circulaire qu'on n'appellera nominales que les phrases dont le prédicat est caractérisé par des traits négatifs. Le temps, à commencer par lui, est tout à fait compa-

tible avec les prédicats nominaux, comme on peut le voir dans de nombreuses langues d'Amérique du Nord et du Sud, et par exemple dans cette phrase de comox (Colombie britannique) :

hégos -s - δὲ te^? e chef -3*pers.sg. - passé celui-ci Ce même type de structure se rencontre dans les autres langues salish, ainsi

qu'en

nootka

(Colombie

britannique),

en

tübatulabal

et autres

langues uto-aztèques du Sud de la Californie, etc...”

Benveniste lui-méme ne le contredit pas qui cite une expression no-

minale en rübatulabal munie d'un suffixe de passé? : tikapiganán-gi mangeur-passé-je

je suis celui qui a mangé tikapiganán mangeur-passé-[lui] il est celui qui a mangé

Langues sémitiques Dans les langues sémitiques, la phrase nominale peut également exprimer le passé, voire le futur. Ainsi, en hébreu? : “Par elle -méme la phrase nominale ne comporte pas de précision de temps. Elle note un fait du passé (Jér. XXIV, 2), du présent (Job XXII, 12) ou du futur (Gn. XVI, 12: yädö bakkóm weyad köl bó sa main sera contre tous et la main de tous sera contre lui."

Le temps est en effet fréquemment donné par le contexte, à moins

que, comme en vieil akkadien, il ne soit simplement exprimé par des adverbes de temps“.

1 CI. Hagège, "Du concept à la fonction en linguistique".

2 E. Benveniste, "La phrase nominale", p. 156. 3H. Cazelles, "La phrase dite nominale en hébreu." p. 92. 4 Voir : W. Von Soden, Gründriss der Akkadischen Grammatik.

Les langues non indo-européennes

85

Finno-ougrien

Au sein du domaine finno-ougrien, le mordve présente des caractéristiques du méme type : en adaptant un morphéme de personne ou de temps

à un prédicat nominal, quel qu'il soit, il offre une véritable "conjugaison" du nominal. Il présente ainsi, à côté des formes de présent homme-je, homme-tu, homme-lui , des formes de prétérit : loman'el’in’

homme-je - 1* pers du passé j'étais un homme loman’el’it

homme-tu - 2* pers du passé tu étais un homme son

loman’el’

lui homme-lui - 3€ pers du passé il était un homme

3.3. Personne

Dans la plupart des exemples précités, on a pu constater la présence constante d'indices de personne. De toute évidence, le champ de la phrase

nominale n'est pas restreint à la 3€ personne du singulier. Ainsi en hongrois, langue qui n'a pas de phrases nominales de 1€ ni de 25 personne, les phrases nominales sont courantes à la 3€ personne du pluriel. L'existence de phrases nominales de 1° et de 2€ personne est large-

ment attestée par ailleurs. Le vogoul et la plupart des griens ont des phrases de la 1° et de la 2€ personne. langues non indo-européennes connaissent également nales aux deux premières personnes, si l'on en croit Cl.

dialectes finno-ouBeaucoup d'autres des phrases nomiHagège! :

"Quant à la personne, on la voit déjà présente, comme morphème zéro, dans l'exemple comox, mais d'autres langues l'expriment couramment au sein d'un prédicat nominal, et par exemple pour les langues anciennes, l'accadien, et pour les langues modernes, la cahuilla (Californie du Sud), le samoyède (Sibérie centrale), le bugis (Célèbes), et l'aymara

(Bolivie). Voici des illustrations tirées de ces deux dernieres langues : ata το -i pammana τὶ wajo

esclave -poss. 3€ pers.

-indice 3* pers. P. par rapport à W

1 CI. Hagège, "Du concept à la fonction en linguistique", p. 20.

86

POSITION DU PROBLEME Pammana est esclave de Wajo xuma -ya Auqaila -a

toi -m. de thème garçon tu es un gargon."

-ta

-wa

-pred. -ind. 26 pers -m. de rheme

et Benveniste! à propos de l'araméen : 'elähkön hü

votre dieu, lui (=est)

‘eläh

‘elhin

le dieu des dieux

'anahná himmó ‘abdôhi di-'eláh-s'mayyà nous sommes les serviteurs du dieu du ciel et de la terre

w'ar'á

4 - Le probléme du rapport avec étre Par ailleurs, le statut de la phrase nominale dépend en grande partie de la présence ou de l'absence d'un verbe être dans la langue. Le rapport entre la construction nominale et la copule verbale est certes trés variable selon

les langues, mais, par sa variété méme, il montre à quel point la question de la phrase nominale est liée à celle de l'existence de la copule : “La phrase avec "être" alterne en principe avec zéro, mais l'insertion du verbe être qui permet, dans certaines constructions, de lever des ambiguités, tend à se généraliser à l'ensemble des constructions ana-

logues."?

Dans les langues qui ignorent la copule verbale, la phrase nominale a tendance à connaître une large extension ; parfois la phrase contient une marque prédicative (adverbe, affixe ou pronom) ; mais souvent une copule verbale tend à se développer. Dans les langues qui connaissent la copule, une répartition se fait normalement entre les deux types de phrases, telle qu'elles ne se font pas concurrence. En tout état de cause, nous sommes en droit d'affirmer que dans l'ensemble des langues non indo-européennes, la distinction entre le verbe et le nom n'est pas fondatrice de tous les modéles de phrases. Nous présentons ici quelques unes des possibilités offertes par les diverses langues.

| E. Benveniste, "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 189

2 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 230.

Les langues non indo-européennes

87

4.1. Langues οὗ la copule éfre est inconnue 4.1.1. Juxtaposition Quelques langues ne connaissent pas la copule verbale comme le quichéi, certains parlers berbères ou certaines langues sémitiques anciennes : “Le sémitique ancien n'a pas, comme on le sait, de verbe "être". Il suffit de juxtaposer les termes nominaux de l'énoncé pour obtenir une

phrase nominale."?

4.1.2. Affixes et particules Mais souvent la langue développe une particule "prédicative" qui tient lieu de copule : nombre de phrases, à un ou à deux termes, sont définies comme phrases par la présence d'un adverbe, d'un pronom suffixé ou d'une particule dite prédicative.

Domaine chamito-sémitique ancien babylonien? Une proposition constituée par un seul mot plein présente la plupart du temps une particule suffixée -ma : ni-zi-iq-tu-um-ma tracas

-ma

C'est (= il y a) du tracas nu-ku-ur-tum-ma hostilité - ma

c'est (= il y a) de l'hostilité su-bu-um-ma

rire - ma

me-lu-lum-{ma]

jeux - m

c'est (il y a) du rire et des jeux

1 Cf. E. Schiefer, "zur Abgreuzung von Nominalsatz und Ellipse”, in Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, 88, 1974, p. 199-209.

2 E. Benveniste, "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 189. 3 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 237.

88

POSITION DU PROBLEME

berbère

De même beaucoup de parlers berbères! placent devant le terme nominal une particule d, prédicative : D

adryal

c'est aveugle il est aveugle d

1 "il

c'est

garçon

c'est un garçon ssboh

d -ahoddur,

ce matin,

des crépes, maintenant

tura

d - ott cam

du couscous?

araméen : “On peut donner à la fonction de prédication un signe exprès : c'est le pronom dit de 3° sg qui sert de "copule" ; il est alors inséré entre le sujet et le prédicat : "eláhkón hü ’eläh "elhin "votre dieu, lui(=est) le dieu des dieux"?. Il en est ainsi même quand le sujet està la 1€ ou à la 2* personne :

"anahná himmô

‘’abdôhi di-

’eläh-dmayyä w "ar -ἃ "

nous sommes les serviteurs du dieu du ciel et de la terre”, litt. "nous eux ses serviteurs du dieu"4 [...] C'est le méme schème qu'on trouve en arabe : [...] Quand le sujet et le prédicat sont l'un et l'autre déterminés, on peut insérer le pronom huwa, "lui*, entre les deux : allahu huwa "lhayyu? "Dieu lui (= est) le vivant"."6

Turc En turc, un pronom sert également de marque prédicative : ! Cf. L. Galand, Le berbére, p. 218 : " Les parlers du Maroc central et de la Kabylie ont remarquablement développé l'usage de la particule prédicative d (4 ) "c'est". [...] Il est remarquable que le chleuh et le touareg, qui ne disposent pas du syntagme (d + nom) pour

l'énoncé affirmatif, ont développé un pseudo-verbe "Etre", g en chleuh (proprement "faire, constituer"), umas en touareg ; chicuh iga alihiy ou sMihiy a iga "il est Chleuh". 2 Ce dernier exemple, kabyle, est tiré de ; A. Basset, "La proposition sans verbe en berbère, entretien sur la phrase dite nominale" , p. 91.

3 Litt. dieu - (de) - vous lui dieu - (des) dieux. 4 Litt, nous eux serviteurs (-de) -lui de dieu - (de) - cieux et - terre.

5Lirt. Allah lui le - vivant $ E. Benveniste, "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 189.

Les langues non indo-européennes

89

“La prédication est souvent dotée d'un signe distinctif, qui n'est autre qu'un pronom, personnel ou démonstratif, ajouté à un terme ou à un syntagme nominal. Le type en est, dans les dialectes orientaux : min yas" màn , "je suis jeune"[...] ; on peut dire que l'expression "normale" du

rapport prédicatifà la 3° sg consiste dans l'emploi du pronom οἱ, "il, lui", postposé à un terme nominal : vx turc ädgü ol,"il est bon"... turc khwa-

rezmien bu ”älam kitab ol, ‘ce monde est un livre', etc..."!

Basque En basque, la copule da est en réalité un pronom?. Domaine finno-ougrien

L'ostiak utilise également une marque prédicative suffixée, pour l'ostiak oriental : (&ki /(aki en vach et en vasjugan, (aka en salim. Ainsi,

pour reprendre un exemple déjà cité : tem ámp ce chien ce chien est bon

jgimeki bon

tem ämkon jímeke ces deux chiens — bons ces deux chiens sont bons

ken

tem &ámpet ces chiens ces chiens sont bons

jitet

jéëmoko bon -

s

4.2. Ambiguité de la notion de copule verbale La tendance est cependant générale dans les langues non indo-européennes quelles qu'elles soient, à développer une copule verbale. Celle-ci

procéde parfois de la verbalisation d'une "copule" non verbale. Ailleurs elle dérive d'un verbe de sens plein peu à peu "affaibli". Ainsi en guèze : “Les procédés par lesquels ont été introduites des copules sont divers. L'un d'entre eux, et qui est en partie celui des langues qui semblent géné! E, Benveniste, "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques" p. 189-190: màn yaf màn (littéralement) "moi jeune moi", bu 'alam kitab ol : "ce monde livre lui".

2 J. Van Ginneken, Principes de Linguistique psychologique, Paris-Leipzig-Amsterdam, 1907, p. 109 sq. cité par Schiefer, p. 207.

90

POSITION DU PROBLEME tiquement les plus proches du guèze, est précisément la réduction de certains verbes signifiant êfre au statut de copule verbale [...]

Du point de vue du fonctionnement, c'est hallo qui, des trois verbes “être” montre le plus clairement peut-être, l'ambiguité de la notion de copule verbale, et aussi la maniére dont un verbe d'existence s'insinue dans la phrase nominale, d'abord avec son sens plein, avant de s'user sémantiquement et tendre vers un statut de simple copule."!

En fait, il y a en gueze trois verbes qui ont servi à développer une copule verbale : hallo "être là", kona "se produire", nabara s'asseoir.

Par ailleurs la transformation et l'affaiblissement d'un verbe plein en copule est tout à fait explicable, comme le montre par exemple l'analyse que fait D. Cohen de hallo: “En fait, ce qui conduit à de telles généralisations c'est le fait méme que hallo a pour sens celui de "étre dans un lieu ou dans une situation". Il en résulte qu'une phrase de structure: sujet + hallo + prédicat “locatif” ne diffère pas sémantiquement de celle qui ne comporterait qu'un

sujet

+ prédicat

"locatif".

Il n'est

pas

surprenant

dans

ces

conditions que la phrase nominale à prédicat locatif ait tendu à se renouveler sous une forme plus lourde, plus analytique, par l'emploi de hallo."?

4.3. Opposition temporelle entre phrase nominale et être Dans certaines langues qui possédent une copule verbale, il se produit une répartition entre les deux types de construction. Ainsi, l'hébreu classique ne possède au présent aucune forme de être.

Le présent est donc exprimé par la seule phrase nominale: la phrase nominale exprime à elle seule le présent et s'oppose de ce fait aux autres temps, qui, eux, ont le verbe?.

Le nahuatl n'a pas de copule au présent ; celle-ci n'apparaît qu'aux autres temps : la encore il y a une alternance temporelle.

Aux temps autres que le présent le hongrois, le vogoul et l'ostiak utilisent toujours la copule verbale.

ID. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 210-211. 2D. Cohen, ibid., p. 230-231.

3 D. Cohen, ibid., p. 12-14.

Les langues non indo-européennes

91

4.4. Opposition de personnes Dans certaines langues, en particulier finno-ougriennes, il y a une op-

position de personnes entre phrase nominale et phrase verbale telle qu'à l'indicatif présent la 3€ personne s'oppose aux deux autres. C'est le cas en hongrois!, tandis qu'en tchérémisse?, la 3€ personne du singulier est seule nominale.

4.5. Concurrence entre éfre et la phrase nominale Mais, dans les langues qui peuvent utiliser la phrase nominale en concurrence avec une copule étre, la question se pose de savoir si la phrase

nominale et la phrase verbale ont le méme emploi, ou si elles sont utilisées à des fins différentes. 4.5.1. Ils ne sont pas identiques

Il est des cas où être et la phrase nominale ne sont de toute évidence pas identiques. En fait, étre n'est pas utilisé comme copule mais avec un sens plein.

Dans le domaine finno-ougrien, il semble, à en croire Gauthiot, que étre ne soit jamais utilisé que dans le sens plein de se trouver, exister. en hongrois : “van €t vannak doivent être usités partout où l'on insiste sur l'idée

d'étre, d'exister, de se trouver. Ainsi, tandis que e gyerek nyolc esztendós signifie "l'enfant est âgé de huit ans", e a gyerek van már nyolc esztendós a le sens de "l'enfant est vraiment âgé de huit ans" et appuie tout particulièrement sur la réalité actuelle du fait énoncé. De méme

"où est-il?" se dit en hongrois hol van? , et "le livre est sur la

table"

a kónyv az asztalon van." ^4

La copule n'apparait en fait jamais dans les phrases nominales attributives hors des cas d'expression quantitative chiffrée. Inversement, les expressions être dans, être à exigent la présence du verbe d'existence.

IR Gauthiot, "La phrase nominale en finno-ougrien", p. 202. 2 [bid., p. 213. 3 Cela représente, semble-t-il, l'aboutissement d'une situation antérieure οὐ la phrase nominale était de régle au présent de l'indicatif à toutes les personnes du singulier et du pluriel, comme c'est normalement le cas en ostiak et en vogoule. Voir sur ce point : Gauthiot, "La phrase nominale en finno-ougrien", p. 223. 4 Ibid., p. 202.

92

POSITION DU PROBLEME

De méme, en vogoul, être n'apparaîtrait, selon Gauthiot, qu'en cas d'insistance sur la réalité du fait : “Comme en hongrois, le verbe êfre ne figure que pour insister sur la

réalité du fait ; ainsi dans nali ku£ej ale'in qui signifie "toi, tu es le maître de la maison", la qualité de maître s'opposant à celle de travailleur qui figure juste auparavant. [...] Le verbe étre est énoncé quand il signi-

fie vivre, exister, se trouver."l

La méme analyse est faite par D. Cohen pour l'éthiopien classique

(guèze) “Dans certains cas la présence de hallo et kona se justifie par le sens plein de ces verbes, "étre présent, exister", etc... pourhal, "devenir"

pour kona. Ici, il n'y a d'alternance possible sur aucun plan

entre les deux sortes de phrases.”?

4.5.2. Ils sont identiques Il arrive cependant, aux dires des informateurs, que les deux constructions aient exactement le méme emploi. Leur coexistence peut être en ce cas le signe que l'on se trouve en pré-

sence d'un processus de verbalisation et que la copule verbale a pris peu à peu de l'extension, sans que forcément, au moins pour un temps, la phrase nominale en soit affectée. Les raisons de l'extension de la copule verbale, si extension il y a, sont

aisées à expliquer. Ce sont : - le besoin d'exprimer le mode, la personne, le temps

en hongrois “A l'imparfait et au prétérit, à l'impératif et au conditionnel, ainsi qu'à la premiere et à la deuxiéme personne du présent indicatif le verbe "étre" est toujours exprimé : on dit az ég kék volt "le ciel a été bleu" [...] C'est à dire que le verbe "etre" figure partout où il est porteur d'indica-

tions grammaticales qu'un verbe seul peut donner : il n'apparaît pas comme ayant un sens propre, mais parce qu'il exprime soit le temps, soit le mode, ou bien parce qu'il sert à déterminer la personne.”? Au futur, "le ciel sera bleu" se dira :

! Ibid., p. 204.

2 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 230-231. 3R. Gauthiot, "La phrase nominale en finno-ougrien", p. 202.

Les langues non indo-européennes az ég

kék

le ciel

bleu

93

lesz

sera

et au conditionnel "le ciel serait bleu" : az ég

kék

volno

le ciel

bleu

serait

La situation est analogue en vogoul : “En vogoule, la phrase nominale pure n'est d'usage que là où la copule serait au présent de l'indicatif ; c'est le verbe qui, dans ce dialecte de Sibérie comme en hongrois, indique le temps et le mode."!

- d'évidentes raisons de clarté

éthiopien classique (guèze) - “Dans d'autres cas, le contexte ne contient pas un certain nombre des déterminations qui peuvent lui étre conférées par un verbe. Dans ce cas aussi, il n'y a pas à proprement parler d'alternance, puisque les verbes halloet kona fournissent des informations nécessaires qu'une simple phrase nominale ne contiendrait pas [...] L'insertion du verbe étre, qui permet dans certaines constructions de lever des ambiguités, tend à se généraliser à l'ensemble des constructions analogues."?

- une tendance à employer une forme plus lourde En guèze, l'utilisation de l'expression nominale sujet - prédicat locatif a tendance à se réduire au profit de l'expression verbale avec hallo qui signifie "se trouver dans"? et qui est plus lourde. Dans le domaine finno-ougrien, /'ostiak de l'Est présente des caractéristiques du méme type tout à fait intéressantes : la construction verbale

peut, aussi bien que la construction nominale, recevoir une particule prédicative. Les raisons de l'emploi de cette particule, m&me avec érre, en sont

vraisemblablement similaires : En construction nominale :

1€ et 2€ personne : construction nominale pure IR. Gauthiot, "La phrase nominale en finno-ougrien", p. 203. Mais dans cette langue, "il

n'en est pas de méme pour les personnes ; le verbe "étre" n'apparait pas comme l'expression de la première ou de la deuxième”.

? D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 230-231.

3 Cf. D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 230-231.

nécessaire à

94

POSITION DU PROBLEME má moi

moórté en bonne santé

3€ personne : particule prédicative : tem ämp ce chien

jämoki bon

Avec la copule être : aux 1€ et 2€ personnes : mi

morêy

"ἃ εὖ πὶ

moi

en bonne santé

suis

(morèy : forme de translatif associé à la copule)

avec la particule prédicative mà

môrôks

moi

en bonne santé-ks

wásóm

suis

De l'exemple de ces diverses langues, nous retiendrons la variabilité

des types, l'existence de formes intermédiaires entre la phrase nominale et la phrase à copule verbale. En fin de compte, à regarder comment, dans ces langues, s'opère le passage entre phrase nominale et phrase à verbe être, entre absence de copule et copule non-verbale, entre copule non-verbale et

copule verbale, on conviendra que la question du rapport entre la copule être et la phrase nominale en grec est à reprendre entièrement, et, autant que possible, sans idées préconçues. En tout état de cause, aucune de ces

diverses langues n'autorise à poser a priori qu'il faut, parce qu'il s'agit de la langue grecque, éliminer toutes les formes de phrases nominales autres que

les vérités générales attributives. L'exemple des langues non indo-européennes incite au contraire à se méfier des exclusives de cette sorte.

95

chapitre 3

Les langues indo-européennes

Qu'en est-il des langues indo-européennes ? On sait que l'étude des

langues indo-européennes anciennes et en particulier du sanskrit eut une influence déterminante! sur la découverte de la phrase nominale en grec. Il est donc naturel qu'à notre tour, nous tentions de nous inspirer de la situation de la phrase nominale dans le domaine indo-européen.

Dans les langues indo-européennes, le champ couvert par la phrase nominale est également trés étendu?. On la rencontre à époque ancienne, aussi bien en sanskrit qu'en iranien, en hittite, en osco-ombrien, en latin,

puis, à date plus récente, en russe ancien, dans les langues baltiques, en islandais, en gotique, en irlandais. Les langues actuelles ne l'ignorent pas non plus : on sait qu'elle est un trait caractéristique du russe moderne ;

mais elle existe aussi dans des langues qui feignent de l'ignorer, comme le français et, naturellement, le grec moderne.

Langues anciennes Sanskrit

La phrase nominale est en sanskrit un phénoméne ancien comme en

grec, mais contrairement à l'évolution grecque, la phrase nominale a connu dans cette langue un développement considérable, et dans la prose plus que dans la poésie, ce qui tend à montrer qu'il s'agit là d'un phénomène concer-

nant l'évolution générale de la langue :

1 Voir B. Delbrück, K. Brugmann, A. Meillet, op cit.

? Voir sur ce point : A. Moreschini-Quattordio, "la frase nominale".

96

POSITION DU PROBLEME “Le style nominal est en progression constante au cours [du dévelop-

pement] de la langue."!

Au développement de la phrase nominale correspond une décadence

générale du verbe qui tend à étre remplacé par des formes nominales : "Toute l'expression souple du verbe est passée aux noms verbaux."?

L'exemple du sanskrit rend donc impossible de souscrire à l'idée que le verbe est partout amené à se développer parce qu'il serait le moyen d'ex-

pression le plus complet ou le plus élaboré, et le seul conforme au sentiment linguistique indo-européen. Evolution et emploi de la copule en sanskrit La racine *es- fournit en sanskrit comme en grec une copule asti, et des verbes "décolorés" y servent également de verbes de substitution :

nirvartyate, samjäyate, et les verbes signifiant briller?. La copule est réguliérement employée quand une spécification verbale est nécessaire : asti apparait en particulier à la faveur d'un changement de

sujet, de temps ou de mode, dans les propositions négatives, les subordonnées, comparatives en particulier, et dans les systémes conditionnels ou causals“. Mais au présent, asti s'est peu à peu fixé comme élément facultatif, se figeant dans certains emplois, à l'initiale, dans les contes par exemple, et a

fini par équivaloir à l'adverbe vraiment. A date ancienne, il apparait réguliérement à la 1° et à la 2€ personne mais son absence est de règle à la 3€

personne. Asti est cependant réguliérement employé quand il y a lieu d'insister$ : atither

abhyupetasya

sammänam

vidhätum

Çaktir

asty

— esam

l'hóte(gén.) qui arrive respect montrer pouvoir il y a pour eux il est en leur pouvoir de manifester du respect à un hôte qui vient JM, VI, 13

IL. Renou, Grammaire sanscrite, ὃ 375. 2? L. Renou, ibid., $ 278. 3L. Renou, ibid., $ 376 b.

4 A. Moreschini-Quattordio, "la frase nominale", p. 10-14. 5L. Renou, ibid., $ 118 d et $ 376. 61, Renou, ibid., $ 376 b (n).

Les langues indo-européennes

97

ou plutót d'exprimer une réalité immanente : *Nei testi vedantici la frase nominale sussiste accanto alla frase con asti in chiara oppositione semantica : indica ció che si predica di un soggetto, non la sua esistenza. Si encontra il verbo "essere" in frasi come :

Maitráyaniya

Upanisad, 3, 2 asti khalv anyo'paro

bhütätmä

khyo "c'é infatti, un altro (scl. ätman) chiamato bhütätman!* ; ibid. 4,4 asti brahmeti brahmavidyävid abravit "c'é il brahmá — disse colui che conosce la dottrina del brahma?" ; tt tvám asi? & la formula usata nella Chandogya Upanishad (cfr VI,3 ; X,3 ; X113 ; XIII, 3) per esprimere la realtà immanente a tutte le cose e dell'uomo, e per indicare che la verità & in noi, poiché l'étman, principio psichico individuale, € il bráhman, principio universale della natura, si identificano nell'esistente."4

Formes et emploi de la phrase nominale Quant à la phrase nominale, dont l'extension est considérable, nous

l'avons dit, ses formes et ses emplois sont trés divers. La grammaire du sanskrit de L. Renou distingue deux types, une phrase nominale "pure" et une phrase "semi-nominale". La phrase nominale pure La notion de "phrase nominale pure" désigne certes souvent en sanskrit une phrase "attributive" mais ne se limite pas à ce type, bien au contraire! 1 - Attributives

Avec un prédicat nominal, la phrase nominale du sanskrit sert à l'expression des assertions d'ordre général ; il s'agit souvent de sentences : na

I asti

sádhu

khalv

dänam

anyo

crotriyasya

"paro

pradänam

bhütatmákhyo

en réalité un autre-autre bhu-tat-ma—appelé C'est en réalité un autre qui a pour nom bhu-tat-ma-n brahmeti brahma-vidyä-vid abravit 2 asti le brahma-iti brahma-science-qui connaît — a dit (imparfait) est *Il est le brahman" a dit celui qui connaît la doctrine du brahma

(c^ est

3 (δὲ cela

tvám tu

asi es

:

tu es cela

4 A. Moreschini-Quattordio, "la frase nominale", p. 14, $ 1.4. 5L. Renou, Grammaire sanscrite, $ 375-377.

98

POSITION DU PROBLEME nég.

bon

don

d'un lettré

le don

ce n'est pas un bon cadeau que le don d'un brahmane instruit Maha-bha-rata, Ille, 8

naitan

nyáyyam

paya

upayoktum

nég-ce

convenable

lait

boire

il n'est pas convenable de boire du lait!. Mahäbharata, la, 45

Cependant des assertions qui, sans étre des sentences, indiquent de facon générale ou absolue une caractéristique constante ou un attribut non

accidentel trouvent ici leur expression:

comme

le précise Adriana

Moreschini Quattordio2, la phrase nominale concerne souvent les dieux ou

les héros divinisés. Elle a même parfois un caractère descriptif et sert à justifier ou confirmer une identité mais sur un ton absolu, sans équivoque. Mais la phrase nominale attributive peut étre actualisée, exprimer la personne : Vümadevasyácvau

Vämyau

manojavau

Va-madeva-les deux chevaux (sont) les Vamya rapides comme la pensée

(gén) ce sont les deux chevaux de Vamadeva, les Vamya, rapides comme la pensée Mah., il a, 41

Elle peut également, dans le récit, prendre à la faveur du contexte une valeur passée : hi’çvah =

hi

en effet

so’gnih (axvah

le cheval

8ο

celui-là

(A)gnih

Agni

Ce cheval (que tu as vu), c'est (ou c'était) Agni

Mah., 1a, 167

Le sujet peut étre un pronom : bien que l'usage de la phrase nominale

soit plus limité à la 1€ (aha) et à la 2€ personne (tvam) qu'à la 3€, il est néanmoins fréquent. L'anaphorique sah , le relatif yah , l'interrogatif kah, etc..., sont également souvent en position de sujet? : Pausah

khalv

aham

Pausa

en vérité

je suis

I Ces exemples et les suivants sont tirés de J. Bloch, "La phrase nominale en sanscrit", p. 27-96

2 Adriana Moreschini-Quattordio, "la frase nominale". 3 Les exemples qui suivent sont cités par J. Bloch, "La phrase nominale en sanscrit", p. 53.

Les langues indo-européennes c'est moi qui suis Pausa

Mah., la, 103

tvam

satyä

rtä

tu

bonne

juste-et

ca

tu es bonne et juste

sa celui-là et lui, qui est-il ? kim

99

Mah., XI], 48

cápi et-aussi

kah qui ? Manh., la, 163, 165

tat ?

que cela? qu'est-ce ? kas

tvam

qui

tu?

Mah., la, 162, 165 ?

qui es-tu ?

Veta. la., 31, 41,

ya

evam vidho

(celui) qui

de telle sorte

celui qui est ainsi

Mah., la, 32, 5

Mais toutes les phrases nominales dites "pures" ne se limitent pas, d'après les grammairiens du sanskrit, au type attributif : beaucoup ont une structure morpho-syntaxique toute différente : 2 - Prédicat adverbial : sarvathá

laukäyatikam

eva

çästram

partout appartenant-aux-lauka-yatikam précisément la doctrine! c'est seulement la doctrine des lauka-yatikam qui a une valeur absolue BrhaspsS., II, 5

3 - Prédicat casuel : par exemple au passé? : Püros

tu

bháry&

Puru (génitif poss.) or (particule) épouse

Kaucalyà

näma

Kaugalya

nommée

Puru avait une femme nommée Kauçalya

Mah., Ib, 11 Daksád

Aditih

ablatif de provenance

Aditi

de Daksäd naquit Aditi

1L. Renou, Grammaire sanscrite, $ 376. 2 J. Bloch, "La phrase nominale en sanscrit", p. 51.

Mah., Ib, 7

100

POSITION DU PROBLEME

avec un pronom à un cas indirect! : esa

te

püpa

cela

de toi (genitif)gäteau

ce gäteau est pourtoi

Mah., la, 69

tasya

bhrátaras

trayah

de lui (génitif) il eut trois fréres

fréres

trois Mah., la,16

Selon Renou2, l'instrumental est particulièrement bien adapté en sanskrit à l'usage de la phrase nominale : “L'usage de certains cas, tel l'instrumental, qui visent à une valeur prégnante, joint aux libertés de la phrase nominale, fournit des tournures

très concises où de simples noms abstraits jouent le rôle de véritables propositions subordonnées, selon le cas causales, conditionnelles, concessives, finales :

vidhyabhavät (ceci a lieu) par suite de l'absence de regie nirdiste pürvasya (ceci vaut) en cas de prescription concernant le terme pr&c&dent.”?

4 - Phrases ἃ un seul terme nominal

En outre, bien qu'il les considére comme elliptiques, Renou accorde à des énoncés à un terme le statut de phrase nominale : pramánam mesure (nominatif neutre) la chose fait autorité

à vous de juger viparyayah contraire (nominatif masculin)

c'est le contraire

1 J. Bloch, ibid.

21, Renou, Grammaire sanscrite, ὃ 227 D. 3L. Renou, ibid. ; litt.

vidhy - abhavät

— : régle-absence-de (ablatif)

nirdiste pürvasya : en prescription (locatif) du-précédent (génitif). 4L. Renou, Grammaire sanscrite, $ 376.

Les langues indo-européennes

101

Le champ défini par la phrase nominale "pure" est en définitive beaucoup plus vaste que celui qui est donné pour le grec par Benveniste et,

surtout, par Ch. Guiraud. En effet, la structure attributive n'est pas la seule possible. Et du point de vue sémantique, elle ne se limite pas à l'expression des sentences. Elle est au contraire tout à fait apte à exprimer le temps et la personne. La phrase semi-nominale Par ailleurs le sanskrit a développé un type de phrase où les rapports verbaux sont notés par des noms verbaux! . Le prédicat y est d'ordinaire : 1 - Adjectif en -ta (-na ) et -tavant Selon J. Bloch?, "ces participes fournissent plus de la moitié des

phrases nominales dans la prose du Maha-bharata”. Ils sont utilisés à la fois pour leur valeur de temps et leur valeur d'aspect : -tavantest aoristique tandis que -ta est tantót imperfectif, tantót perfectif (présent accompli) tantót aoristique : il est en particulier employé dans le dialogue pour l'expression du passé proche ou du présent accompli : aham

k

apy

anupadam

de mon côté particule

anugata

sur vos traces adverbe

eva

— suivant précisément -la : accompli particule

je vous suis sur le champ? Çak., 24, 14

2 -Adjectifs verbaux d'obligation Leur valeur est fortement atténuée en futur, potentiel, irréel : yat

tena

narake

upapadya

dásiputrena

bhavitavyam

puisque par celui-ci en enfer étant arrivé fils d'esclave il doit être devenu instrumental locatif instrumental adj verbal (de sah) neutre impersonnel il aurait dû, arrivé en enfer, renaître fils d'esclave* Div., 55,3

IL. Renou, Grammaire sanscrite, $ 375 ; J . Bloch, "La phrase nominale en sanskrit". 21. Bloch, "La phrase nominale en sanscrit", p. 58. 3 Au sens οἱ le francais "j'arrive" se traduit en grec moderne par l'aoriste ἔφτασα (ancien ἔφθασα); L. Renou, Grammaire sanscrite, $ 377.

4L. Renou, ibid.

102

POSITION DU PROBLEME cucrüsuná

bhavitavyam

obéissant

il faut être

il faut être obéissant!

Mah., l a, 78

3 - Participes : Tous les auteurs notent la fréquence du participe sans auxiliaire : de fait, le grammairien Pänini donnait déjà adhïyant, dhärayant comme substituts de l'indicatif ; et autorisait au parfait (upa)gucruväms, upeyivams, anäcväms, etc..., en fonction de verbes? Le vaste éventail des formes et des emplois de la phrase nominale en sanskrit met donc bien en évidence le fait que, quoiqu'elle soit tout particuliérement adaptée à des expressions de caractére général ou absolu, ce qui,

soit dit en passant, n'est pas sans rapport avec le caractére méme des textes dans lesquels elle figure, la phrase nominale n'a pas pour donnée structurelle d'étre attributive ou absolue. Iranien ancien

La situation dans les autres langues indo-européennes anciennes est comparable. En iranien, la situation de la phrase nominale est comparable à celle du sanskrit. Asti manque réguliérement à la 3€ personne du singulier : manä

piti

Viltüspa

Viftüspayhyà

pitä

Arfáma

mon pere est Vístaspa, le père de Viftäspa est

— Ar$àma? Bk., 1,2

et à la 3€ personne du pluriel : “Même à la 3° personne du pluriel, l'omission du verbe être est normale dans les gäthäs ; l'exemple suivant est bien caractéristique, Y. XLV,7: yói

zi

Kiwà&

áüharetá

b(a)vainü



ceux qui sont vivants, qui l'ont été, qui le seront ; et, là où figure honG , c'est avec le sens de ils existent." 4

1 J. Bloch, "La phrase nominale en sanscrit". 21, Renou, Grammaire sanscrite, $ 377. 3 A. Meillet, "La phrase nominale en indo-européen", p. 2.

4 Ibid.

Les langues indo-européennes

103

La phrase nominale n'exprime pas seulement l'équivalence ou l'identité mais aussi l'appartenance et dans ce cas n'est pas attributive mais pourvue d'une détermination casuelle : noit

möi

vàsta

xÉmat

anyö

à moi pas d'autre pasteur que vous!

Le sujet en est fréquemment un pronom de la 3€ mais aussi des 1€ et

2€ personnes : le pronom sujet est toujours à la 1€ personne dans les inscriptions des rois Achéménides : adam

Därayavaur

xSäyadiya

vazraka

χἔαγαθίγα

xSäyaßiyänam

je (suis) Darius le grand roi, roi des rois?

DB, 1, 1-3

Le sujet est souvent un pronom relatif : he

hói

mainyü

Tyaoßanäiflä

urvadö

qui [est] son ami par l'esprit et par les actes?

Comme en sanskrit, le participe, en particulier le participe en -ta, est également utilisé dans les constructions nominales : ima tys manä kartam voilà ce qui (a été) fait par moi?

DB,1,27

Hittite En hittite5, la situation est comparable. Le hittite posséde une copule ;

la phrase nominale y est cependant usuelle. On la rencontre dans des phrases attributives du type : attai

le père

aïtui

fest]

bon

Elle est également de règle avec un pronom sujet, qu'il s'agisse du pronom relatif ou des pronoms personnels de 1€, 2€ et 3€ personnes : ammuk

ERUMDINGIR-LIM

je (suis) le serviteur du dieu

1 A. Meillet, "La phrase nominale en indo-européen", p. 4.

2 A. Moreschini-Quattordio, "La frase nominale", p. 19. 3 A. Meillet, "La phrase nominale en indo-européen", p. 4. 4 A. Moreschini-Quattordio, "La frase nominale", p. 19. 5 Voir pour un exposé sur le hittite et pour les exemples ; A. Moreschini Quattordio, "La

frase nominale", p. 25-28.

104

POSITION DU PROBLEME zik

LUGAL.GAL

tu (es) le grand roi

UL

DUMU-JA

apa*

il n(est) pas mon fils

Elle exprime parfois la nécessité : nugarai ammuk

LU'MUD.IA

il (doit &tre) ainsi pour mon mari

Enfin, dans l'expression du passé, le participe est fréquemment em-

ployé en construction nominale : Κυϊδὲ

pijantes

qui (ont été) donnés

Russe ancien!

Comme dans les autres langues indo-européennes anciennes, la phrase

nominale entre en concurrence avec le présent de la copule. L'emploi de étre comme copule répond, semble-t-il, à un souci de clarté ou d'expressivité, mais il s'agit dans certains cas du verbe plein d'existence. La phrase nominale quant à elle se présente habituellement sous une

forme attributive : zemlja nafa velika i obilna notre terre (est) grande et fertile

Le sujet est souvent un pronom, pronom personnel, des 1€, 2€ et 3€ personnes du singulier ou du pluriel, ou un pronom relatif : ty nati knjazl tu (es) notre prince ἃ kotoraja vesom v devjanosto pud (la massue) qui (est) d'un poids de 90 pud

En outre, le prédicat n'est pas toujours un attribut ; ce peut étre aussi une détermination casuelle : a jaZ Vi vsemi vinovatí peredi Bogomi i predi nimi quant à moi, je (suis) coupable devant Dieu et devant lui

! Voir A. Moreschini Quattordio, "La frase nominale", p. 30-31.

Les langues indo-européennes

105

Selon Adriana Moreschini-Quattordio!, la situation de la phrase nominale est, dans les autres langues indo-européennes, plus confuse. Dans les langues baltiques, la phrase nominale est bien attestée mais l'état ancien de ces langues nous est inconnu. En is/andais et en gotique, il est malaisé

de faire la part de l'influence grecque. Quant à l'irlandais, selon Benveniste?, il utiliserait comme le grec la copule pour l'expression de l'existence et la phrase nominale pour celle de l'essence : il est probable que, comme en grec, cette distinction préte à discussion. En latin, les choses ne semblent pas se passer pas non plus tout à fait de la manière dont

les décrit Benveniste. Latin Le latin est caractérisé comme les autres langues indo-européennes, par l'existence de la phrase nominale dans des emplois οὗ elle semble

concurrencer la copule étre. La coexistence des deux constructions rend également parfois malaisée l'identification de la phrase nominale en tant que phrase non elliptique mais autonome et bien formée ; son existence ne

fait cependant aucun doute. Esse peut étre employé comme copule, mais aussi, à l'état isolé, comme verbe d'existence : sunt enim qui putant ... Il existe (il y a) des gens qui pensent

Cic, Tusc., 1,18 eorum hominum qui nunc sunt gloria la gloire de nos contemporains

Cic., Pomp., 27

En face de esse, la fréquence d'emploi de la construction nominale varie d'un auteur à l'autre : Térence et Tacite l'affectionnent particuliérement, elle se rencontre souvent en poésie, elle est plus rare chez Tite-Live ou Salluste. Il arrive que la phrase nominale soit à un terme : Nulla fugae ratio, nulla spes, omnia muta aucune chance de fuite ! aucun espoir ! partout le silence !

Cat., 64, 186-187

1 A. Moreschini Quattordio, "La frase nominale".

2 E. Benveniste, "La phrase nominale", p. 167.

106

POSITION DU PROBLEME

Sa valeur est alors généralement exclamative : nec mirum ! pas étonnant !

Cic., Lae., 32

nihil facilius ! rien de plus facile !

Ter., And., 437

ou interrogative : quid novi ?

Mais elle est plus généralement à deux termes et attributive ; elle sert alors volontiers à l'expression des définitions intemporelles : mala mens, malus animus

Térence, Andr., 164

summum jus summa injuria

Cic, Off., 1,53

omnia praeclara rara

omnis homo mortalis triste lupus stabulis varium et mutabile semper femina!

Toutes les phrases attributives n'ont cependant pas nécessairement une valeur gnomique. Il en est au contraire qui sont actualisées : - avec un déictique : Quid hoc tristius ?

quoi de plus triste que cela ?

- avec un pronom personnel sujet, par exemple de la 1€ personne : Nam Polydorus ego car je suis Polydore

Virg., En, III, 45

- avec une spécification temporelle : En relation avec un contexte donné, la phrase nominale est en effet apte à exprimer le temps : Philippum quidem Macedonum regem rebus gestis εἰ gloria superatum a filio, facilitate et humanitate video superiorem fuisse ; itaque alter semper magnus, alter saepe turpissimus Philippe, roi de Macédoine, fut certes dépassé par son fils en exploits et en gloire, mais je constate qu'il fut supérieur en affabilité et en bonté.

1 Ces derniers ex. sont cités par E. Benveniste, "La phrase nominale", p. 159-165.

Les langues indo-européennes

107

Aussi le premier fut-il toujours grand, tandis que le second fut souvent trés vil Cic., Off., 1, 90 Nemo quisquam acceptior ; servi liberique amabani personne n'était mieux vu ; esclaves, hommes libres, tout le monde l'ai-

mait!

P1., Pers., 648-649

La construction nominale est fréquente avec un participe ou un adjectif verbal : haec mandata voilà les missions qui furent confiées

Liv., 24, 4, 5

illud non ferendum cela ne doit pas &tre toléré

Cic., Fam.,12, 2, 2

Mais la structure attributive n'est pas la seule représentée ; le prédicat peut en effet étre un adverbe ou une détermination casuelle : - un prédicat au génitif indique la possession : illud vero pusilli animi cela reléve d'un petit esprit

Cic., Ep., 2, 17, 7

- un prédicat au datif marque l'appartenance : suus cuique mos

Ter, Phorm., 454

à chacun ses principes Quid tibi cum illa ? Qu'est-ce que tu as à voir avec elle?

Ter, Eun., 511

- un prédicat adverbial ou prépositionnel indique le lieu ou la situation : hinc illae lacrimae de là ces larmes

Ter., Andr., 126

Causa praecipua ex formidine la principale raison était la crainte

Tac., An., 1, 7,5

1 Ex. cité par A. Ernout, F. Thomas, Syntaxe latine.

108

POSITION DU PROBLEME

Langues modernes “On aurait vite fait de dénombrer les langues indo-européennes qui ne

la connaissent pas (telles les langues occidentales d'aujourd'hui)."!

C'est en ces quelques mots que Benveniste pensait régler le sort de la phrase nominale dans les langues européennes d'aujourd'hui. Nous allons voir que la question de la phrase nominale mérite néanmoins d'y étre soulevée. De fait, les langues européennes modernes sont, au regard de la phrase nominale, de deux types. Il y a d'un cóté celles, dont fait partie le russe moderne, pour lesquelles la phrase nominale est considérée comme l'une des structures fondamentales de la langue, parce que dans ses emplois elle n'est pas concurrencée par la copule ; et d'un autre cóté, des langues

qui sont censées "ignorer" la phrase nominale pour la raison que la phrase verbale aurait conquis tout l'espace linguistique et y serait le seul mode d'expression naturel ; parmi ces langues, le français et le grec moderne.

L'usage constant de la phrase nominale est une innovation du russe moderne?, peut-être issue, d'après R. Gauthiot?, de l'influence des langues

finno-ougriennes, ou plutót, semble-t-il, de l'utilisation en construction nominale du participe passé. Toujours est-il qu'en russe moderne la 3€ personne du verbe être est" est une forme figée qui sert essentiellement à exprimer l'existence : Bog

est’

Dieu

existe

On la trouve en particulier dans des locutions se rapportant à cet em-

ploi où est' a la valeur d'il l'idée d'êtres : toto

y a , et dans des phrases où il sert à insister sur

i est

c'est justement le cas

Elle apparaît par ailleurs pour l'expression de la possession, en concurrence avec la construction nominale, avec la préposition u "chez" ! E. Benveniste, "La phrase nominale”, p. 151.

2 A. Meillet, "La phrase nominale en indo-curopéen", p. 15. 3 R. Gauthiot, "la phrase nominale en finno-ougrien". 4 Cf. V. Pisani, "Zum russischen Nominalsatz", IF, XLIX, 1931, p. 47-51.

SP. Boyer, N. Spéranski, Manuel pour l'étude de la langue russe, p. 197.

Les langues indo-européennes

109

suivie d'un pronom personnel au génitif (ou avec un datif sans préposition!) : u

tebja

(est

den'gi

chez toi (est) de l'argent

tu as de l'argent

et parfois dans les définitions, mais il s'agit d'un emploi exceptionnel dans

la langue parlée? : Bog

est’

ljubov'

Dieu est amour

Celovek est’ suflestvo l'homme est une créature

ko qui

vsemu privykajußlee s'habitue à tout

En fait, méme à la 3€ personne, en dehors des cas où la présence de étre s'explique par un sens existentiel, c'est la phrase nominale qui est la régle : attributive dom

nov

la maison (est) neuve on

dobr

il est bon on

pisatel'

il est homme de lettres

ja

soldat

moi soldat

=

je suis soldat

il est à la maison

possessive klju* u menja

la clef, c'est moi qui l'ai

En outre, la phrase nominale se rencontre également en concurrence

avec la verbe étre à d'autres temps que le présent pour peu que le contexte soit clair (au passé et au futur, l'attribut est au nominatif en construction nominale et au cas instrumental en construction verbale). ! Voir D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 9-12. 2 P. Boyer, N. Spéranski, Manuel pour l'étude de la langue russe, p. 197.

110

POSITION DU PROBLEME

Français On hésite en français à parler de phrase nominale à propos des multiples phrases sans verbe que contiennent la langue parlée, les journaux, les

affiches, les décrets officiels et aussi la littérature. C'est ainsi qu'Henri Bonnard! peut écrire : "]l vaut mieux penser que ces constructions à base non verbale, nées peut-étre de la norme propositionnelle par répétition d'une ellipse, sont devenues des unités complexes marginales propres aux titres ou à cer-

tains types de discours narratif ou autre où leur forme attendue devient la norme."

Et pourtant, la comparaison avec la situation dans les autres langues, indo-européennes ou non, contraint quiconque ne céde pas à la tentation de suivre sans examen la théorie de la nécessaire présence du verbe, à tenir ces phrases du frangais contemporain pour ce qu'elles sont, à savoir des phrases nominales. Ne pas leur accorder ce statut, c'est une fois encore pré-

férer à la description des faits de langue une tradition qui ne peut s'accommoder, pour des raisons théoriques, que de l'ellipse. D'autres grammaires quant à elles, comme la "grammaire Larousse du français contemporain" ou la "grammaire systématique de la langue française” admettent, il est vrai, l'existence de la phrase nominale?. De fait celle-ci se rencontre :

- dans la langue courante écrite ou parlée : Quel enfant ! Jolie cette robe ! défense d'entrer ! affichage interdit ! attention, chien méchant !

- dans la langue journalistique : Japon : remaniement ministériel

Albanie : autorisation du premier journal non officiel Danemark : disparition du quotidien du PC foudroyante offensive alliée contre l'Irak

IH. Bonnard, Code du Français courant. 2 J.C Chevalier, C. Blanche-Benveniste, M. Arrivé, J. Peytard, Grammaire Larousse du français contemporain ; Ch. Baylon, P. Fabre, Grammaire systématique de la langue française.

Les langues indo-européennes

111

- dans la langue littéraire Des souterrains murés, partout le silence, obscurité et visage de pierre : voilà le château de Combourg (Chateaubriand)!

Structure et emploi : Pour ce qui est de sa structure, la phrase nominale en français présente des caractéristiques rencontrées dans d'autres langues. Phrase à un terme

Les phrases nominales à un terme sont relativement fréquentes et de structures diverses : - noms verbaux et noms d'action exprimant une existence (comparer le latin tibi hanc narratio) : manifestation, remaniement, autorisation, défense, interdiction, dis-

parition, nomination, détournement, soulagement, εἰς...

- nom déterminé par un adjectif exclamatif : quel enfant ! quelles vacances !

- nom suivi d'un pronom relatif : votre sac que vous oubliez ! la voiture qui s'en va toute seule !

Cette façon brutale qu'elle a de vous saisir par la peau du cou et de vous jeter là, au milieu de la piste, en spectacle aux gens (Nathalie Sarraute)?

Dans un système conditionnnel : Une éclaircie, vous avez déjà pardonné

(Jean Rouault, Les champs

d'honneur)

Phrase à deux termes Elle est la plupart du temps attributive : le régiment, anglais jusqu'au bout des ongles Dans l'ordre inverse : admirable, ce tableau !

1 Ex. cité par la Grammaire Larousse du français contemporain, p. 86. 2 Ibid.

112

POSITION DU PROBLEME jolie, cette robe !

L'inversion de l'ordre des mots permet en effet de signifier l'existence de deux syntagmes puisqu'il n'y a pas en français de syntagme unique du type admirable ce tableau !

Un type trés productif est celui des phrases dont le prédicat est un participe: affichage interdit ! les otages bientôt libérés !

Le prédicat peut être, sous certaines conditions, prépositionnel ou adverbial : tempête sur Bagdad !

Vous, ici ! Personne :

La phrase nominale peut s'appliquer aux deux premières personnes : moi, un enfant ? et, sur un ton d'indignation : toi, un voleur ? Temps : I] n'est pas vrai en français que la phrase nominale ait un emploi

limité au présent. Avec des adverbes ou d'adjectifs spécifiques, elle peut s'appliquer au présent ou au futur : Isabelle Peron bientót libérée ! Course de chevaux hier à Vincennes Gréce : prochaine libération des auteurs du putsch des colonels

La phrase nominale et le verbe être : Dans toutes ses réalisations, elle peut étre remplacée par une phrase verbale avec être

ou

il y a, se trouve, etc... Pourtant être

et il y a ne

constituent pas véritablement des formes de substitution. On n'écrira pas i/ y a défense d'entrer ni m&me il est défendu d'entrer, on n'écrira pas il y a un chien méchant ni le chien est méchant. La phrase nominale, pour possé-

der un contenu sémantique identique à la phrase verbale correspondante, n'en est donc pas moins ressentie comme ayant une valeur différente de la phrase verbale. Il est par ailleurs évident qu'en français comme dans d'autres langues la distinction entre essence et existence (= est/ il y a) n'est pas pertinente

quand il s'agit de comprendre en quoi se distinguent phrases nominales et

Les langues indo-européennes

113

phrases verbales : chien méchant par exemple traduit en effet aussi bien i/ yaun chien méchant que le chien est méchant. L'emploi de la phrase nominale est donc de toute évidence fortement conditionné par sa valeur énonciative. Si l'on se réfère au registre de langue dans lequel la phrase nominale se manifeste, il est notable par exemple qu'elle est proscrite de la langue correcte non marquée, qui est

celle du discours public, du journal officiel, et de l'école. Mis à part les cas οὗ elle est utilisée à des fins de rapidité (style télégraphique) elle représente un discours marqué, fortement modalisé. Modalisation

Le ton de la phrase nominale n'est en effet pas celui de l'assertion. Tandis que la phrase assertive à l'indicatif, neutre et non modalisée, est verbale, (vous oubliez votre sac, le régiment est anglais jusqu'au bout des

ongles, l'affichage modalisée!.

est interdit)

la phrase

nominale

est affective,

Cette différence entre les deux types de phrase est aisément repérable à l'intonation. Phrase nominale et phrase verbale ne font pas partie du méme registre. Ainsi, la phrase nominale est volontiers exclamative quand elle exprime un ordre, une défense, une mise en garde, une émotion. Elle est parfois interrogative, pour exprimer par exemple l'indignation : moi un voleur ? Dans les phrases dirhémes, la courbe mélodique en est normalement montante et interrogative pour le sujet, exclamative pour le prédicat, qui lui sert en quelque sorte de réponse. Ainsi : Le régiment, anglais jusqu'au bout des ongles !?

pourrait se réécrire : Le régiment ? anglais jusqu'au bout des ongles

E: Une éclaircie, vous avez déjà pardonné

pourrait se noter : 1 Nous entendons ce mot au sens que lui donnent 1. Dubois Linguistique : "Dans la problématique de l'énonciation (acte de parlant), la modalisation définit la marque donnée par le sujet à 2 Ex. cité per Ch. Baylon, P. Fabre, Grammaire systématique

et alii dans le Dictionnaire de production du texte par le sujet son énoncé”. de la langue frangaise, p. 189.

114

POSITION DU PROBLEME Une éclaircie ? vous avez déjà pardonné.

Mais on prendra soin de noter que l'intonation elle-même est rendue possible par la présence d'une pause entre les deux termes nominaux, notée

par une virgule et automatiquement produite par l'ordre des mots s'il y a inversion du sujet : admirable, ce tableau ! Alors qu'avec l'ordre inversé la pause peut être simplement logique, dans le cas, plus rare, où l'ordre des mots normal est respecté, la pause est nécessairement appuyée : ce {ableau ? — admirable !

Ce rapide examen des emplois de la phrase nominale en français permet de se faire une idée de ce que sont sa structure et son fonctionnement

dans le tissu vivant de la langue. Il montre bien tout d'abord que la phrase nominale, méme en français moderne, n'est pas une simple variante stylistique de la phrase verbale mais qu'elle est autre. Qui plus est, il met en évidence l'absolue nécessité qu'il

y a de prendre en compte

/'acte méme

d'énonciation! en dehors duquel il est impossible de formuler une théorie cohérente de la phrase nominale : celle-ci est caractérisée par une intonation spécifique qui, dans les phrases à deux termes, est conditionnée par la

pause : la pause apparait en dernier ressort à la fois comme l'élément structurant de la phrase nominale et comme un élément linguistiquement repérable?. Grec moderne

Pour en revenir au grec, nous donnerons un aperçu de la situation en grec moderne. Dans la langue démotique, la phrase nominale semble soutenir la comparaison avec le français et, vraisemblablement, les autres langues occidentales modernes. On y rencontre :

- des phrases à un terme : λάθος ! erreur!

I Sur cette question, voir quatrième partie, p. 533 sq. ? Dans une analyse de type traditionnel, la phrase nominale pourrait apparaitre comme une variante stylistique de la phrase à verbe être ; elle serait donc à étudier au niveau de la “performance”. Mais dans une perspective qui prend en compte l'acte d'énonciation comme donnée fondamentale du discours, la phrase nominale est bien une catégorie autonome à traiter comme un phénomène de "langue" et non un phénomène de "parole". C'est la raison pour laquelle nous ne traiterons pas ici de la valeur performative de telle ou telle phrase particulière dans un contexte donné.

Les langues indo-européennes

115

ὡραῖος καίρος σήμερα! beau temps aujourd'hui!

- des phrases à deux termes rendues possibles par l'inversion de l'ordre

des mots : καλό τό κρασί! (il est) bon ce vin !

ὥμορφο

τό φορέμα cov

jolie, ta robe !

On rencontre en outre constamment, comme en français, des phrases

nominales dans les titres de journaux et dans la langue littéraire, poétique en particulier. Ainsi cet exemple tiré de l'œuvre de Constantin Cavafy : *O θεὸς ut θεσπεσία δόξαν ἐμπρός, ut δύναμι στὸ βάδισμά rov. *O ὌΑκρατος πίσω Le dieu resplendissant de gloire, la démarche puissante (est) devant. L'Intempérance (est) derriere.

La phrase nominale est en définitive connue d'un trés grand nombre de langues, à l'extérieur comme à l'intérieur du domaine indo-européen, et

cela à quelque époque que l'on se situe. Or, malgré la diversité de ses formes, et la diversité des systémes linguistiques, que la langue posséde un verbe être ou non, elle laisse toujours percevoir qu'elle est un type d'expression spécifique : cela conduit à penser que l'étude de la phrase nominale dans une langue donnée ne peut se faire en dehors d'une théorie générale.

Dans aucune langue, la notion de phrase nominale n'est exclusivement appliquée à la phrase attributive. Dans aucune langue, la phrase nominale n'est limitée à l'expression des vérités générales. Elle exprime au contraire dans toutes les langues la personne et, sous certaines conditions, le temps.

Enfin, et cela est particuliérement vrai pour les langues dénuées de verbe étre, la distinction entre essence et existence comme distinction entre

phrase nominale et phrase verbale, ne parait pas définitivement pertinente.

IA. Mirambel, Grammaire du Grec moderne.

2 K.TIKABA®Y , ΠΟΙΉΜΑΤΑ A', 1905-1918, Ἢ Συνοδεία τοῦ Διονύσου.

116

POSITION DU PROBLEME

Définir la phrase nominale en grec ancien comme une "vérité générale attributive" par opposition à tous les autres types de phrases non verbales,

revient donc à définir un hapax, ce qui va à l'encontre de tout ce que nous savons de cette langue. Tout donne à penser au contraire que le grec ancien ne différe pas des autres langues : il suffit pour s'en persuader de prendre en compte les divers types de phrases qui ont été rejetés sous le prétexte qu'il ne s'agissait pas de phrases nominales authentiques. Avant de tenter une étude systématique de la situation en grec ancien, il sera néanmoins nécessaire que nous nous dotions de quelques outils

théoriques : ceux-ci permettront de systématiser l'analyse et de ne pas nous laisser troubler par l'apparente diversité des modéles de phrases rencontrés.

Traiter de la phrase nominale implique en effet que nous sachions préalablement répondre à la question : "Qu'est-ce qu'une phrase nominale ?" et par suite à la question : "Qu'est-ce qui fait qu'une phrase nominale est une

phrase ?" et donc aussi à celle-ci : "Qu'est-ce qu'une phrase ?"

117

chapitre 4

La prédication

Dire que la "phrase nominale" est une phrase suppose qu'elle remplit, au méme titre que la phrase verbale, les conditions qui en font une phrase. Quelles sont ces conditions ? La phrase nominale est-elle une phrase ?

Voilà les deux questions essentielles. Mais il est impossible de leur apporter une réponse sans avoir, avant toute autre démarche, entrepris une courte réflexion sur la notion de phrase. 1. L'unité fondatrice du discours est la phrase Les grammairiens et les philosophes anciens ignorent pour ainsi dire la notion de phrase, passant directement de l'unité de sens (le mot et le groupe de mots), au discours!. La phrase est cependant une entité linguistique fondamentale, comme l'a montré E. Benveniste : “La limite supérieure est tracée par la phrase, qui comporte des constituants, mais qui [...] ne peut intégrer aucune unité plus haute.'? et:

“La phrase est une unité, en ce qu'elle est un segment de discours.”3

et bien d'autres linguistes, parmi lesquels Emilio Bonvini^: “Seule la phrase permet l'accès au dicible puisqu'elle organise les différents signes linguistiques mis en présence dans un ensemble unitaire ayant le statut d'unité du discours."

1 Voir sur ce point F. Charpin, L'idée de phrase grammaticale et son expression en latin, P. 562. 2 E. Benveniste, Pbs I, ch X, "les niveaux de l'analyse linguistique", p. 125.

3 Ibid., p. 130. 4E. Bonvini, Prédication et énonciation en käsim.

118

POSITION DU PROBLEME

Les définitions proposées font de la phrase une unité sémantique, une unité mélodique ou une unité grammaticale. Voyons ce qu'il en est de ces

définitions. - La phrase ne peut se définir comme une unité sémantique tant il est facile de construire des phrases dépourvues de sens. Elle n'est cependant

pas une simple succession de mots! ; il va de soi au contraire qu'elle est généralement ce qui est pourvu de sens?. La phrase est donc, sinon une unité sémantique, du moins une unité productrice de sensi.

- La phrase ne se réduit pas non plus à une courbe mélodique spécifique entre deux pauses. A. Martinet* montre par exemple que "// ne pleut plus. Je vais aller faire mes courses" est, du point de vue de la ligne mélodique qui marque une chute sur le seul faire mes courses, interprété comme

une phrase unique. La phrase est néanmoins généralement associée à cette courbe mélodique : "|l y a coincidence fréquente, voire normale, entre la phrase définie comme une construction grammaticale et la phrase définie en référence à

la courbe mélodique. "5

- La phrase sera donc définie de façon plus satisfaisante comme une unité syntaxique. Elle est précisément l'unité syntaxique autonome par laquelle s'institue l'intelligibilité du discours. Une phrase qui ne serait pas grammaticalement construite serait dépourvue de sens. Tous les linguistes

s'accordent sur cette définition. C'est par exemple celle de Meillets : *Un ensemble d'articulations liées entre elles par certains rapports grammaticaux et qui, ne dépendant grammaticalement d'aucun autre en-

semble, se suffisent à elles-m&mes."

de Martinet? : “Nous avons intérêt à définir le terme de phrase d'une façon strictement syntaxique.”

1 Cf. A. Martinet, Syntaxe générale, p. 85 2 Cf. E. Benveniste, "Les niveaux de l'analyse linguistique", p. 130. 3Cf. F. Charpin, L'idée de phrase grammaticale et son expression en lalin, p. 14.

4 A. Martinet, Syntaxe générale, p. 89. 5 Ibid., p. 89.

6 A. Meillet, Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes, p. 326.

7 A. Martinet, Syntaxe générale, p. 90.

La prédication

119

de David Cohen! : “Pour ce qui concerne la recherche entreprise ici, une constatation

simple suffira à en fournir le cadre : la phrase est un énoncé syntaxiquement complet qui n'a besoin d'aucun élément supplémentaire pour étre actualisé. Elle se présente donc comme le terme ultime de la hiérarchie

syntaxique : elle est constituée, non constituante, le discours n'étant en principe qu'un ensemble de phrases et non pas une unité organique où la phrase remplirait une fonction particulière.”

La question se pose donc à ce stade de comprendre ce qui organise la

phrase en tant qu'unité syntaxique. C'est, nous le verrons, le phénomène de la prédication. 2. La phrase nominale est une phrase En tant qu'unité autonome, intelligible et produite entre deux pauses selon une courbe mélodique spécifique, la phrase nominale est bien une phrase, ainsi que le dit Benveniste : *Nous dirons que la phrase nominale en indo-européen constitue un

énoncé assertif fini, pareil dans sa structure à n'importe quel autre de méme définition syntaxique."

En faudrait ce que langues verbe ;

effet, pour étre en droit de mettre en doute cette proposition, il pouvoir affirmer que toute phrase bien formée contient un verbe, récuse l'étude des divers systèmes de langue : la structure des n'est pas universellement fondée sur l'opposition d'un nom et d'un certaines langues sont au contraire caractérisées par l'indistinction

verbo-nominale. 3. L'indistinction verbo-nominale

L'idée que le verbe est antérieur au nom remonte à la plus haute

Antiquité, puisqu'on la trouve chez les grammairiens indiens et chez les Grecs. Mais l'idée que le nom est antérieur au verbe est plus récente ; elle

1 D. Cohen, La phrase nominale et l'évolution du système verbal en sémitique. Nous ne nous attacherons donc pas ici aux recherches menées sur l'existence d'une unité supérieure à la phrase qui sont celles en particulier de Weinrich, Grammaire textuelle du français, Paris, 1990. Nous ne nous interdirons pas cependant de déborder le simple cadre de la phrase à chaque fois que cela sera nécessaire.

2 Infra, p. 117 sq. 3E. Benveniste, "La phrase nominale", p. 158.

120

POSITION DU PROBLEME

se trouve chez des grammairiens latins comme Varron, les nominalistes médiévaux, ou Leibniz !. Le fait est que ce débat est absurde puisqu'aussi bien le verbe et le nom se définissent par les relations syntaxiques qu'ils entretiennent entre

eux : “Ce qui caractérise un tel débat, c'est sa vanité foncière [...]. En effet, les termes de nom et de verbe désignent des parties du discours, c'est-àdire des éléments de construction de l'énoncé linguistique qui ne peuvent pas, par définition, se concevoir en soi, mais les uns par rapport aux

autres?.”

Il faut admettre que la distinction "naturelle" ni une donnée universelle langues du monde montre au contraire le nom et le verbe est variable et qu'il

verbo-nominale n'est ni une donnée puisque la description des diverses que le degré de différenciation entre s'y rencontre des noms verbaux, des

adjectifs conjugués, des verbes en fonction de noms et des phrases sans verbe.

C'est justement sur ces données que se fonde Benveniste pour justifier l'existence de la phrase nominale comme phrase? : “En hupa (Oregon), des formes verbales actives ou passives à la 3€ personne s'emploient comme noms : nafiya, "il descend", est le mot pour "pluie" ; nillifi, "il coule", désigne le "ruisseau" ; naxowilloi, "c'est attaché autour de lui", dénomme la ceinture, etc... En zuñi, le nom hä-

tokä, "soleil" est une forme verbale de yäto-, "traverser". Inversement des formes verbales peuvent se constituer sur des notions qui ne correspondent pas à ce que nous appellerions des procés. En siuslaw (Oregon), des particules comme waha "de nouveau", ya$xa, "beaucoup", se

conjuguent verbalement. La conjugaison des adjectifs, des pronoms interrogatifs et surtout des numéraux caractérise un grand nombre de

langues amérindiennes. [...]. Il y a des langues où l'expression la plus claire du passé appartient

non au verbe, mais au nom : hani?l , "la maison" ; hani?pi?l , "la maison au passé" (= ce qui est une maison ne l'est plus)."

CI. Hagège relève également des phénomènes de ce genre ; “Dans de nombreuses langues, on ne trouve aucune différence for-

melle entre les deux termes qui, dans une langue à forte différenciation

1 Sur cette question, voir Cl. Hagège, "Du concept à la fonction en linguistique", p. 15-29.

2 Cl. Hagège, ibid., p. 17. 3 E. Benveniste, "La phrase nominale", p. 153.

La prédication

121

verbo-nominale comme le français, seront traduits l'un par un nom, exprimant l'entité, l'autre par un verbe, exprimant l'état ou l'action. Ainsi en

comox qaymex' veut dire, selon le contexte, tantôt "les gens, les êtres humains" , tantôt "être en vie" [...]

Enfin et surtout, une même forme de syntagme référant à la 3° personne peut équivaloir soit à un énoncé indépendant, soit à une proposition relative, ex :

qV2L-t-o-s

z

il arrive ou celui qui arrive

On retrouve des faits voisins en nahuatl ; l'affixation (ici une préfixation) des indices personnels au nom en fonction prédicative, tout aussi

courante que dans le cas du bugis ou de l'aymara conduit à considérer, puisque l'indice de 3€ personne du sg est zéro, que le fameux morphéme in, préposé au nom et qu'on traite généralement comme un article défini, introduit en réalité tout nom en tant que prédicat d'une proposition relative, comme en comox (et en nootka, etc...)."!

Selon D. Cohen, un phénomène identique peut être relevé en hébreu biblique : “Les verbes statifs ou qualitatifs fonctionnent comme des adjectifs conjugués, et correspondent, comme le statif en général, à des sortes de

phrases nominales."? Ces quelques exemples suffisent à montrer que, pour qu'il y ait phrase, la présence d'un verbe en tant que tel n'est pas nécessaire. Il reste donc à tenter de comprendre ce qui fonde un syntagme en tant que phrase,

quels sont les critéres de reconnaissance d'un tel syntagme, et comment il fonctionne. 4. La prédication Prédiquer Pour qu'il y ait phrase, c'est-à-dire énoncé complet et autonome, il faut

que soit accompli l'acte par lequel on asserte quelque chose, que nous appellerons acte de prédiquer ou prédication : “Les types de phrases qu'on pourrait distinguer se ramènent tous à un seul, la proposition prédicative, et il n'y a pas de phrase hors de la prédi-

cation.”3 1 C1. Hagège, "Du concept à la fonction en linguistique", p. 21. 2 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 312. 3 E. Benveniste, Pbs I, "Les niveaux de l'analyse linguistique", p. 129.

122

POSITION DU PROBLEME

Prédiquer est précisément l'acte constitutif de la phrase : “La relation de prédication se réalise au niveau de l'énoncé et définit la phrase comme unité syntaxique ultime et autonome."!

Deux termes “Le prédicat est une propriété fondamentale de la phrase, ce n'est pas une unité de phrase. Il n'y a pas plusieurs variétés de predication.”?

Mais prédiquer, c'est-à-dire produire une assertion, a pour effet de dire quelque chose de quelque chose. L'acte de prédiquer implique deux termes entre lesquels s'établit une relation qui est précisément la relation prédicative : "Les signes linguistiques contenus dans une phrase ne sont pas des isolats ou des piéces juxtaposées mais des entités qui sont investies dans

une relation réciproque, à savoir la relation prédicative. Celle-ci instaure une hiérarchisation entre les signes en présence motivée par l'exigence de dicibilité. Cette hiérarchisation établit une opposition fondamentale entre

deux termes : le prédicat d'une part, et le non-prédicat de l'autre.”

Asserter, c'est "dire quelque chose au sujet de quelque chose", ce qui revient à dire que l'assertion est le produit de la prédication ; cela conduit bien évidemment à s'interroger sur la nature des termes mis en relation. Théme et rhéme

On connaît la distinction ancienne entre ce dont on parle, qui est le thème (ὑποκείμενον) et ce qu'on en dit, qui est le rhème (ῥῆμα) ou propos si l'on emploie la terminologie de Ch. Bally. Mais l'assimilation du theme au sujet grammatical (ὄνομα) et du rhème à l'attribut (fj) est à mettre au compte de la philosophie? ; celleci effectue en effet un glissement de la valeur ontologique (la substance et

l'attribut) à l'analyse syntaxique : ainsi Aristote procède de la constatation que le verbe "est toujours le signe des attributs, de ceux qui sont affirmés d'un sujet".

ID. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 45.

? E. Benveniste, Pbs. I, "Les niveaux de l'analyse linguistique", p. 129. 3 E. Bonvini, Prédication et énonciation en kàsim, p. 25. 4 Voir Platon, Cratyle, 431bc.

5 De Interpretatione, III, 16b 10.

La prédication

123

On constate le méme glissement dans la grammaire de Port-Royal!, dont les vues ont connu le développement que l'on sait. Or s'il est vrai que dans nombre de cas les deux termes de la prédication s'identifient en effet au thème et au rhème, cela n'est en rien néces-

saire ; le théme peut étre aussi bien sujet que prédicat et inversement : ainsi

dans la phrase Pierre est parti, le théme est Pierre si la phrase répond à la question qu'a fait Pierre ? mais est parti si la question posée est qui est parti ? La relation ici établie est d'ordre sémantique et donc d'un autre ordre que la relation prédicative. D'une part, comme il a été amplement démontré plus haut, la notion

de prédicat ne saurait s'identifier à celle de verbe. Théme et rhéme fondent une relation sémantique, non une relation syntaxique : celle-ci est établie par la prédication.

La prédication fonde une relation syntaxique : Par la relation établie entre un sujet et un prédicat, la prédication définit des fonctions telles que le prédicat est le terme central dont il serait impossible de se passer. La constitution d'une phrase bien formée dépend de la présence de deux termes dont la relation est de nature syntaxique (Ξ hiérarchiquement déterminés). Ce faisant, elle ne détermine

pas de catégories morphologiques,

comme le soulignent Cl. Hagège? : “Les verbes et les noms, ce sont là des termes de parties du discours,

des termes catégoriels et non des termes faisant référence aux fonctions. Or, ce qui commande l'organisation de l'énoncé, ce ne sont pas les caté-

gories en soi, lesquelles varient selon les langues, ce sont les relations entre les termes qui représentent ces catégories, ce sont autrement dit les

fonctions. La relation de base sans laquelle aucun énoncé, dans aucune langue, ne peut affieurer au dicible, c'est celle entre un terme déterminé qu'on appellera le prédicat et le reste, le déterminant. Voilà la relation fondatrice d'énoncé, car elle est liée à la nécessité même qui fait que, pour que puisse advenir un message reconnu comme complet, il faut absolument qu'une hiérarchie abrupte fasse éclater comme différents,

1 "Le jugement que nous faisons des choses, comte quand je dis la terre est ronde, s'appelle proposition ; et ainsi toute proposition enferme nécessairement deux termes ; l'un appelé sujet, qui est ce dont on affirme comme terre ; et l'autre appelé attribut, qui est ce qu'on

affirme comme ronde..." cité par D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 4.

2 Cl. Hagège, "Du concept à la fonction en linguistique", p. 23.

124

POSITION DU PROBLEME comme impossibles à rendre interchangeables, un terme et un autre, un centre et une périphérie."

ou : “Autrement dit, a a, c'est-à-dire deux termes de fonction identique sans coordination, donc une même relation dans les deux sens, ne peut

constituer un énoncé.”

et E. Bonvini : “La hiérarchisation qui s'opère entre les signes linguistiques, qui fonde l'opposition "prédicat/non-prédicat", opère également une différenciation fonctionnelle entre les signes en présence, si l'on entend par fonction justement la relation qui s'établit entre les signes linguistiques sur la base de la relation prédicative."?

Les fonctions par lesquelles se réalise la relation prédicative sont le

sujet et le prédicat ; ce sont là les deux termes nécessaires de la prédication. Mais, dans sa réalisation concréte, la notion de prédicat, comme on l'a vu au début de ce chapitre, ne saurait se confondre avec le verbe. Par ailleurs, dans les langues qui ont le verbe comme élément central de phrase,

elle n'est pas non plus à confondre avec le "prédicat" au sens étroit tel que le définit une tradition qui réserve le terme à l'attribut du sujet d'une phrase avec étre . On peut dire en effet de "A" qu'il est beau, ou ici, ou derriere la

porte, ou à toi, ou qu'il dort ou joue du piano. Dans des phrases de ce type, le prédicat est représenté par les éléments commutables est beau, est ici, est

derrière la porte, est à toi, dort, joue du piano, c'est à dire tour à tour par : - un verbe - un syntagme verbal

Toute structure prédicative peut s'adjoindre d'autres fonctions, que nous appellerons expansions selon la terminologie de Martine, soit au niveau de l'un des deux constituants, soit au niveau de la phrase. Il s'agit ici des expansions du verbe, à savoir, pour l'essentiel, de la fonction objet. être+ attribut, être à... , être dans... , etc...

1 CI. Hagège, La phonologie panchronique, Paris, 1978, p. 33, cité par E. Bonvini, Prédication et énonciation en kàsim, p. 25.

? E. Bonvini, Prédication εἰ énonciation en käsim, p. 25. 3 Sur cette notion, voir A. Martinet, Syntaxe générale, 3.64, p. 86, "Expansion et noyau".

La prédication

125

Dans ce dernier cas, le syntagme prédicatif ne se présente pas obligatoirement sous la forme copule + attribut. Au contraire, être peut tout aussi bien étre accompagné d'une détermination casuelle, d'un circonstant ou d'un syntagme prépositionnel.

5 . Les indices de prédication Il faut en outre que "quelque chose" assure la cohésion de la phrase, autrement dit établisse une hiérarchie entre les termes en désignant l'un d'entre eux comme prédicat.

Indices formels La plupart des langues utilisent pour ce faire des indices formels de prédication, généralement attachés au prédicat, et de forme variable, morphémes spécifiques, suffixes, pronoms copules!, particules copulatives et

enfin copules verbales : “Ainsi diverses langues opposent, dans les formes nominales, un état "absolu" ou "indépendant" à un état "prédicatif" qui s'en distingue par la forme. En araméen, par exemple, l'adjectif signifiant "bon" est táb lors qu'il est prédicat de phrase nominale et tàbà lorsqu'il est épithète, d'où malka tábà

"le bon roi", malka táb "le roi est bon"

(dans

les deux

cas, la séquence est "roi bon".'2

L'indice de prédication acquiert parfois des caractéristiques "verbales" — personne, aspect, conjugaison personnelle, etc... — au point que peu à peu la construction, nominale à l'origine, finit par donner lieu à une véritable conjugaison, comme c'est le cas dans certains dialectes arabes.3

En l'absence de marques spécifiques de la prédication, la distinction entre le sujet et le prédicat peut également se faire en arabe au moyen d'in-

dices "externes" tels que l'opposition entre terme défini et terme indéfini : “En fait la relation se trouve tout de même révélée secondairement par des indices externes. Si le sujet est défini (par l'article ou autrement), ce qui est le cas le plus général, la succession

nom défini - nom indéfini

dénoncera la relation comme prédicative ; une relation qualificative exigerait, pour un premier terme défini, un second terme également défini.

1 Cf. A. Meillet, Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes, p. 357, cité par D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 583.

2D. Cohen, L'aspect comme catégorie verbale, p. 47.

3 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 580.

126

POSITION DU PROBLEME Ainsi la séquence ar- rafulu maridun est une phrase nominale signifiant "l'homme (est) malade" et distincte de ar-ragulu-I-maridu "l'homme malade" (litt. "l'homme le malade")."!

Ainsi, en guèze, dans des phrases à trois termes dont deux des termes

sont susceptibles de constituer chacun le prédicat, la présence d'un pronom personnel comme marque explicite de la prédication permet de lever toute ambiguité?.

Spécialisation de lexémes en fonction de prédicat Certaines langues produisent également une spécialisation d'une catégorie lexicale en fonction de prédicat. C'est le cas des langues indo-européennes avec le verbe. Dans les langues indo-européennes en effet, alors que le nom peut étre

aussi bien utilisé en fonction de prédicat que de sujet, le verbe ne peut se trouver qu'en fonction de prédicats. Le chinois, présente également une spécialisation de ce type : “Dans une langue comme le chinois qui ignore la variation morphologique, certaines formes (lai "venir" par exemple) sont assignables à une classe de verbes par le seul fait qu'elles ne peuvent se trouver qu'en relation prédicative, mais aucun trait formel de leur propre structure ne

les caractérise formellement comme tels."4 Exclusion

En guèze, comme en français, certains constituants de phrase, adverbes, syntagmes prépositionnels etc..., ne peuvent se rencontrer en fonction de sujet. Ordre des mots

En l'absence de morphéme spécifique, l'ordre des mots joue le plus

souvent le róle de marque de la prédication. Ainsi en éthiopien 'ab dahay signifie "le Père (est) le soleil" et dahay 'ab "le soleil (est) le Père" :

1 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 581.

2 Ibid., p. 156. 3 Pour une explication de l'idée traditionnelle selon laquelle le verbe est le siège de la relation prédicative, voir D. Cohen, L'aspect comme catégorie verbale, p. 50.

4D. Cohen, L'aspect comme catégorie verbale, p. 49.

5 Ibid., p. 19.

La prédication

127

“L'ordre des termes apparait donc ici comme un véritable morphéme d'agencement de la phrase. [...) Certaines langues, comme le turc par exemple, font un usage remarquable de ce morphéme d'agencement de phrase. Une opposition syntaxique y existe entre les deux séquences possibles pour un groupe constitué d'un nom et d'un adjectif : ak kóy

"(le) blanc village", köyak "(le) village (est) blanc"

Un tel phénomène, il faut le souligner, n'est pas particulier au turc. Il est au contraire d'une grande fréquence dans les langues du monde. Comparer par exemple : samoyède (Y ourak) :

sawa har

har sawa vieil-irlandais :

"(un)

bon

couteau"

"(le) couteau est bon"

infer maith maith infer

"(le/un) bon homme" "(l') homme (est) bon"."!

6. La pause Reste un certain nombre de phrases dans l'écriture d'un indice de prédication. effet de distinguer une phrase bien formée son est belle" de puichra domus "la belle

qui ne présentent aucune trace Rien en apparence ne permet en comme pulchra domus "la maimaison" qui est une simple jux-

taposition de termes? : “Bien des langues connaissent le méme type de séquence mais n'en distinguent pas moins les deux emplois sans intervention d'aucune marque "segmentale". En éthiopien classique par exemple, un groupe

comme zentu bo'ssi, formé d'un démonstratif masculin zantu et d'un nom

masculin bo’esi "homme"

phrase : "cet homme",

peut constituer soit un terme dans une

soit une phrase complète : "celui-ci est un

homme". Les faits sont analogues en hébreu. Ainsi dans Exode 32/17, la

séquence

qöl milhamäh ba-mahan&h (litt. "bruit de guerre dans-le-

camp, il y a un bruit de guerre dans le camp") est un énoncé complet : "un bruit de guerre est dans le camp, il y a un bruit de guerre dans le

camp" ; elle pourrait aussi bien représenter un membre de phrase.”3 Benveniste a bien noté ce fait : "Le sémitique ancien n'a pas, comme on le sait, de verbe "être". Il

suffit de juxtaposer les termes nominaux de l'énoncé pour obtenir une

ID. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 19.

2 A. Emout, F. Thomas, Syntaxe latine, p. 146. 3 D. Cohen, L'aspect comme catégorie verbale, p. 46.

128

POSITION DU PROBLEME phrase nominale, avec un trait supplémentaire, probable, mais dépourvu d'expression graphique, qui est la pause entre les termes. L'exemple du hongrois donne à cette pause la valeur d'un élément de l'énoncé ; c'est

même le signe de la predication.”!

En fait il est impossible pour comprendre le phénoméne de la prédication de se baser sur le seul énoncé écrit. Prédiquer est un acte qui engage les deux actants d'une énonciation?, un locuteur et son allocutaire. A ce titre, on ne peut se passer de prendre en compte le phénoméne de l'énonciation qui est, précisément, constitutif de l'énoncé. Une phrase est normalement identifiable? en ce qu'elle suit une ligne mélodique entre deux

pauses, d'abord ascendante, puis descendante : “Considérée ainsi comme la limite de la construction syntaxique, la phrase se définit, au-delà de la syntaxe, par ses relations référentielles externes à l'énoncé lui-méme et se délimite par les traits démarcatifs, le

plus souvent "supra-segmentaux" (intonation, jonctures), qui en signalent le début et la fin et la marquent formellement comme constituant un tout autonome. Rien n'est impliqué, avec une telle définition, pour ce qui touche à la nature morphologique des constituants de la phrase. N'importe quel membre du groupe des formes susceptibles de se trouver en

position absolue, non liée, pourrait les incarner."4

Dans une phrase nominale non pourvue de morphème prédicatif, le rôle de l'acte locutoire est encore plus déterminant : dans le cas où l'ordre des mots ne permet pas de lever l'ambiguité, c'est la présence d'une pause5

entre les deux termes et l'existence d'une intonation particulière qui, seules, différencient un syntagme fait de deux termes juxtaposés ( T1 T2 ) d'une phrase de structure en apparence identique ( T1 - T2 ) :

! E. Benveniste, "Etre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 189. ? Nous ne dirons rien ici de ce qu'implique la prise en compte de l'énoncé comme discours ; nous nous bornerons à constater pour l'instant que les données de l'oral, telles que l'intonation, les pauses font partie de plein droit de l'analyse de la phrase.

3 Cf. supra, ch. I, p. 33 sq. 4 D. Cohen, L'aspect comme catégorie verbale, p. 44 ; cf. Benveniste, "La phrase nominale", p. 154. Pour ce qui concerne la définition de la phrase comme unité porteuse de référence, voir E. Benveniste, Pbs I ‚"Les niveaux de l'analyse linguistique", p. 130. 5 ]l convient de prendre garde au fait que la notion de pause recouvre deux réalités différentes. La pause qui sert à délimiter la phrase (et aussi les mots ou les groupes de mots) a une fonction démarcative. En tant qu'elle permet de différencier une phrase nominale d'un syntagme nominal, elle a au contraire une fonction distinctive ; l'opposition pause/non pause correspond ici à une opposition syntaxique. Cf. F. Charpin, L'idée de phrase grammaticale et son expression en latin, p. 196.

La prédication

129

“Tout groupe déterminé-déterminant peut être transformé sans modification des termes eux-mêmes en énoncé fini. Les modifications portent

nécessairement sur les marques supra-segmentales (intonation et pause). Eventuellement, elles peuvent aussi porter sur l'ordre des termes ou consister en l'adjonction d'une marque spécifique. Mais en principe les premières suffisent "1

Réalisation graphique de la pause C'est la raison pour laquelle, si l'on veut rendre compte de la réalité langagière qui distingue une phrase nominale de deux termes juxtaposés, il est juste de doter la pause d'une transcription graphique : “Ce qu'il est possible de constater, c'est qu'il y a toujours au moins une marque explicite qui permet d'opposer ces deux types de syntagme. Certes l'écriture ne rend pas compte de toute la réalité du langage, mais

l'analyse des pris soin de graphique, il τοῖς, faits de

phénomènes oraux ne laisse pas de doute : le tiret qu'on a noter dans le cas de la phrase (ΤΊ -Τ2 n'est pas un artifice correspond bien à une réalité linguistique. Des traits jonctupause et d'intonation, établissent formellement la phrase en

tant que telle

Nous préférerons pour notre part le signe « > qui rend mieux compte selon nous de la réalité linguistique, de sorte que toute phrase nominale à deux termes répondra au schème ( TI « » T2). Phrases à un terme

Nous avons jusqu'à présent considéré que l'énoncé minimum fondé par la prédication est un énoncé de deux termes syntaxiquement détermi-

nés, un sujet et un prédicat. Or, il existe, en particulier en grec, des énoncés à un terme, qu'il est nécessaire de prendre en compte, mais qui sont sources de toute sorte de difficultés. David Cohen? pose le probléme en ces termes : “Il s'agit de savoir dans quelle mesure il est nécessaire de poser deux termes différents, assumant deux fonctions différentes, pour instaurer une phrase valablement constituée. [...]

1 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 45. 2 [bid., p. 18.

3 bid., p. 40.

130

POSITION DU PROBLEME Ainsi, il n'est pas possible d'éliminer totalement du tableau, dans les langues qui font l'objet de ce travail, des phrases qui ne comprennent qu'un seul terme. Mais liées à des conditions très particulières, et fort rares au demeurant, elles ne mettent pas en cause la nature bifonctionnelle de la phrase en sémitique. Dans d'autres langues, elles peuvent au

contraire manifester la structure phrastique essentielle. Mais ce qu'il importe de remarquer, c'est que dans le cas Οὗ une phrase est constituée par

un terme unique, qui n'est pas analysable en deux unités deux fonctions distinctes, deux cas sont possibles : ou bien démontrable de l'un des deux termes, disons le sujet, et on se en fait devant un cas particulier de la phrase à deux termes

remplissant il y a ellipse trouve alors ; ou bien le

terme est totalement autonome, et il n'est plus possible d'employer les termes de sujet et de prédicat, dans le sens qu'auraient ces mots pour la phrase à deux termes où ils se définissent complémentairement l'un par

l'autre."

En fait rien n'autorise à dire que la prédication constitue un principe de partition de la phrase. Elle établit en effet une relation "syntaxique" qui peut fort bien ne pas se trouver exprimée dans le cadre de l'énoncé, ainsi

que le souligne Benveniste! : “12 nombre de signes entrant dans une phrase est indifférent : on sait qu'un seul signe suffit à constituer un prédicat. De méme la présence d'un

sujet auprès d'un prédicat n'est pas indispensable : le terme prédicatif de la proposition se suffit à lui-même puisqu'il est en réalité le déterminant du sujet."

Si tel est le cas, la relation "syntaxique" peut étre donnée par le contexte ou bien méme rester implicite. Sujet contextuel La prédication comme acte de langage insere nécessairement l'énoncé dans un contexte, textuel ou extra-textuel (référentiel), qui est susceptible

de prendre en charge l'un des termes de la prédication. Contexte textuel

Quand il s'agit du contexte textuel, l'un des termes, bien souvent le sujet, est susceptible de ne pas apparaitre dans l'énoncé.

1 E, Benveniste, "Les niveaux de l'analyse linguistique", p. 128.

La prédication

131

Le phénomène est banal s'agissant de réponses à des questions ; on le connaît bien en français, il se rencontre ailleurs, par exemple en guèze! : wa

‘obelo mannu

'ollu sab'

wa-yobela-ni

zagäbyäna

warq

et -je dis-à lui qui ces gens et-il dit - (à) -moi amasseurs-(d'}or et je lui dis qui sont ces gens ? et il me dit : des amasseurs d'or

en akkadien : “La situation la plus simple et la plus nonmale est celle où la proposition nominale ne constitue que la réponse à une demande d'identification.

La question tient en quelque sorte le sujet en suspension, auquel la réponse accroche un prédicat: (Bab. r.) mi-i-na aru-ka -i s. la-a [in]bi "que [sont] tes branches fruit).”2

? — Du bois sans fruit (litt. bois de non-

Peut-on dire qu'à propos de tels exemples, le sujet est "sous-entendu" et la phrase "elliptique" ? La notion "d'ellipse" implique que le terme

"manquant" qui, en toute logique grammaticale, devrait étre exprimé, soit présent dans la pensée mais volontairement supprimé de l'énoncé (le "dit").

Toutes les définitions traditionnelles s'accordent sur ce point, celle de Fontanier? par exemple : "L'ellipse consiste dans la suppression de mots qui seraient nécessaires à la plénitude de la construction, mais que ceux qui sont exprimés font assez entendre pour qu'il ne reste ni obscurité ni incertitude."

ou celle de Littré : “On retranche quelque mot dans une phrase."

Nous ne nions pas que de telles suppressions puissent en effet se ren-

contrer. Mais, à propos d'énoncés tels que ceux que forme le systéme question/réponse, il faut bien reconnaitre que la notion de "suppression" ne correspond pas à la réalité. Il n'y a dans la réalité langagière aucune opération tendant à supprimer l'un des termes de la réponse au moment de l'énoncer puisque le terme "manquant" est suffisamment et pleinement

énoncé dans la question. La langue fait ici l'économie d'un terme dont elle n'a nul besoin pour l'intelligibilité du discours et qui, s'il était énoncé, serait purement et simplement percu comme redondant.

1 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 155. 2 [bid., p. 233.

3 P. Fontanier, Les figures du discours, p. 305.

132

POSITION DU PROBLEME

Nous dirons donc que, dans un contexte donné (dans le cas d'une réponse, le contexte est la question) une phrase dont un terme n'est pas

énoncé peut étre compléte et bien formée. Par souci de commodité et parce qu'il faut bien nommer les phénoménes de ce type, nous parlerons en ce cas non pas d'ellipse mais d'effacement du sujet (ou d'un autre terme)!. En tout état de cause, il est courant qu'une proposition ait pour sujet

un élément exprimé par une forme autonome dans la proposition précédente ; c'est par exemple la règle en guéze?. Mais l'effacement du sujet est, en dehors des réponses, lié la plupart du temps aux phénoménes de la co-

ordination et de l'accumulation ; ainsi en akkadien : “Une construction relevée un peu plus fréquemment est celle où le terme sujet se trouve en facteur commun en quelque sorte, dominant plus

d'une forme prédicative.'?

Α ce type, se rattachent les comparaisons qui, par exemple en français, se présentent couramment sous une forme "elliptique" : i/ a des petits pieds, comme son frere . Contexte extra-textuel

Mais il se peut que l'un des termes de la prédication ne soit pas formulé tout simplement parce qu'il est contenu dans le contexte situationnel ou gestuel. Il s'agit d'un phénoméne courant dans la pratique langagiére

quotidienne puisqu'aussi bien on n'a pas nécessairement besoin de nommer ce que l'on montre : le geste qui désigne, le contenu situationnel commun aux interlocuteurs au moment de l'énonciation tiennent lieu de signes extra-linguistiques.

Même si un phénomène de cet ordre ne peut se reconnaître que dans des textes qui reproduisent un usage oral de la langue, il n'y a donc aucune raison de refuser de le prendre en compte. Ainsi, en français des phrases comme "le fou ! (= quel fou je vois) ;

l'imbécile (qu'il est !) ; le gaz ! (il faut l'éteindre), qui sont tenues dans

I La notion d'effacement provient de la grammaire générative (cf. M. Gross, Méthodes en syntaxe). Nous l'emploierons exclusivement pour nommer le terme à suppléer tel qu'il est désigné par le contexte.

2 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 154. 3 Ibid., p. 234.

La prédication certaines grammaires pour des interjections, sont

133 au contraire, à notre

sens, des phrases autonomes bien formées.

Il est à noter que ces phrases, parce qu'elles sont ancrées dans la situation, ont une forte tonalité exclamative.

Prédicat rhématique Dans ces conditions, un énoncé monorhéme devient syntaxiquement

analysable dés lors qu'on le rattache au contexte! et qu'on le reconnait comme élément d'une relation prédicative à deux termes. Il arrive cependant que prédicat et rhéme se confondent et que le terme unique, quel qu'il soit, soit effectivement traité par la langue comme une phrase autonome et bien formée. Dans ce cas, ainsi que l'explique

D. Cohen : “Le terme est totalement autonome et il n'est plus possible d'employer les termes de sujet et de prédicat dans le sens qu'auraient ces mots pour

la phrase à deux termes où ils se définissent complémentairement l'un par l'autre. Si on maintient traditionnellement l'usage du mot prédicat, c'est dans le sens où on use du mot "prédication" pour désigner la constitution d'une phrase bien formée. Le prédicat est ici la fonction qui fonde par elle-même l'assertion ; dans l'autre type de phrase il n'est qu'un terme de la conjonction qui remplit cette fonction."2

Le phénomène est particulièrement évident en nahuatl. Dans cette langue, les réponses reçoivent une marque prédicative identique, quelle

que soit la fonction qu'elles auraient dans la phrase complète restituée ; ainsi dans des phrases telles que : Qui dort ici ? Pierre (= Pierre dort ici)

Que manges-tu

? de la viande (= je mange de la viande)

les réponses Pierre et de la viande, qui sont respectivement sujet et objet, recevraient en nahuatl la méme marque morphologique. C'est pour décrire de tels phénoménes qu'a pu étre proposée la notion de prédicat rhématique.

1 Cf. A. Martinet, Syntaxe générale, p. 194 ὃ 83. 2 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 41.

3 Cf. Conférence prononcée au colloque de CLELIA (Aussois, 1989) par Jean Launay : voir Lalies 10, Paris, 1992.

134

POSITION DU PROBLEME

Quand il s'agit des langues indo-européennes, il est généralement possible de ramener les énoncés à un terme à des énoncés à deux termes, et on peut faire l'économie d'une telle analyse à condition de souligner l'importance du contexte pour l'analyse linguistique, qu'il soit, textuel, ges-

tuel ou situationnel. Il peut cependant être utile de poser l'existence de phrases à un terme autonomes à chaque fois que l'on a affaire à des énoncés qu'une analyse traditionnelle déclare syntaxiquement inanalysables et relégue dans la classe des interjections!. Et, en théorie, rien ne légitime l'exclusion du champ de la phrase nominale des énoncés tels que silence ! ou un siege !, s'il s'en rencontre. La prédication d'existence Une forme particuliére de phrase à un terme est celle qui asserte

l'existence ou la non-existence de quelque chose. Ce type de phrases se trouve dans les langues les plus variées : "La constatation de l'existence ou de la présence d'une chose, d'un &tre ou d'un fait pourrait se faire au moyen d'un énoncé réduit au monème ou au synthème qui désigne l'entité en cause. Il est probable que

cette possibilité peut être relevée un peu partout [ ...]"? Ainsi, en akkadien? : mi-im-ma w-ul bi-it-qum (il n'y a) absolument pas de bréche pa-ni

s'a-at-ti ἃ %-ma-tu à mi-lu-um

i-na na-ri

C'est le printemps, pluies et hautes eaux dans le fleuve

ou, formule stéréotypée de la conversation courante : gulmum paix

(il y a) paix

! A. Martinet, Syntaxe générale, p. 194 : "Par transfert, des monèmes, des synthèmes, voire des syntagmes de la langue se voient convertis en interjections ; attention! dis donc! tiens! en avant! Ces éléments se figent ipso facto et leur analyse en unités significatives n'a plus, synchroniquement, d'intérêt"

2 A. Martinet, Syntaxe générale, p. 197. 3 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 236.

La prédication

135

en gueze! : wa-za-kV ollu

soba

et tout ceci [eut lieu] lorsque...

Toutes ces constructions ne comportent qu'un terme, celui dont on af-

firme l'existence.

j

En frangais, les phrases de ce type ne sont pas rares, dans la langue des journaux, et méme dans la langue littéraire la plus relevée?. Ainsi ce passage de Chateaubriand cité dans la Grammaire du français contemporair? comme exemple de phrases nominales : “Des souterrains murés : partout silence, obscurité et visage de pierre : voilà le cháteau de Combourg."

Des souterrains murés équivaut en effet à il y a des souterrains mu-

rés, silence regne,

à

ilya lesilence

c'est-à-dire

le silence existe,

le silence

etc...

En grec des expressions aussi courantes que χρή ou ἀνάγκη il y a nécessité, la nécessité existe, entrent dans ce cadre.

Comment analyser de tels énoncés ? S'agit-il de phrases à un terme, autonomes et bien formées, et est-on en droit de parler à leur propos de "prédicat rhématique" ? Ou bien est-il préférable d'en faire des phrases à deux termes, elliptiques d'un verbe d'existence, ce qui aurait au moins

l'avantage de les faire entrer dans le cadre général, bifonctionnel ? Dans tous les cas, l'affirmation d'existence étant implicite

— mais

non pas elliptique : aucun terme n'est ici véritablement manquant —, on peut considérer que la prédication d'existence est, en dernier ressort, une

phrase à deux termes, l'un implicite posant l'existence, l'autre, exprimé, en énongant le contenu.

Il reste néanmoins que rien dans le contexte — qu'il soit textuel ou situationnel — ne suggère le terme manquant et que l'énoncé isolé, tel qu'il est réduit à un terme unique, est immédiatement intelligible dans la chaine du discours. C'est pourquoi nous préférerons traiter les énoncés de ce type comme des phrases autonomes à un terme : mais c'est là simple raison d'économie. 1 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 153. 2 Cf. ch. précédent. 3 Ex. cité dans la Grammaire du Français contemporain, p. 86.

136

POSITION DU PROBLEME

La phrase nominale existentielle se présente en outre sous deux formes :

- Dans un cas, il s'agit d'une phrase à un terme et l'affirmation a valeur indéfinie : (il y a) des chevaux, (il y a) du bruit, (il y a) du vent

- Dans l'autre, l'affirmation est déterminée : Le déterminant est locatif : (il y a) un cheval dans la cour

Il peut aussi exprimer /'appartenance : =

(il y a) un/le cheval à moi j'aiuncheval ou le cheval est à moi

Dans des phrases de ce type, la mise en rapport de (i/ y a) un cheval dans la cour avec il y a un cheval conduit à poser une phrase existentielle à un seul syntagme composé d'un sujet et de son déterminant : (i/ y a ) un cheval-dans-la-cour, (il y a) un cheval-à-moi.

Poser une phrase à deux termes dont l'un serait sujet et l'autre prédicat semble cependant plus simple et aussi plus conforme au modéle général bifonctionnel : le/un cheval (est) dans la cour lejun cheval (est) à moi

En ce qui concerne l'arabe, D. Cohen pose quant à lui le probléme en

ces termes : “La traduction légitime de l'arabe : fil-bayti ragıliun (litt. "dans la maison homme") par "il y a un homme dans la maison" a conduit tres souvent à assimiler l'ensemble à un groupe déterminatif "un homme dans la maison" qui serait un membre d'une phrase elliptique dans laquelle un

"prédicat d'existence" serait sous-entendu. On serait alors en présence d'une phrase nominale à un seul terme [...]. Le type de phrase en question semble bien devoir étre analysé comme une phrase à deux termes dans l'ordre prédicat-sujet [...]. L'assertion équivaut donc à une affirmation d'existence, mais celle-ci est un effet secondaire de l'énonciation

principale qui est locative."

ID. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 40.

La prédication

137

Il est vrai que différents facteurs et en particulier l'ordre des mots peuvent jouer selon les langues en faveur de l'une ou de l'autre de ces analyses. Comme nous le verrons à propos du grec homérique, uo: peut être, selon sa

place dans la phrase, déterminant d'un nom ou prédicat. Les phrases nominales de type nom - adjectif comme le/un cheval blanc posent le méme type de problémes. Il se peut en effet que la phrase soit à un terme, (il y a) le /un cheval-blanc, et que blanc soit épithéte ; mais

il peut aussi s'agir d'une phrase à deux termes : le cheval (est) blanc . Dans

des phrases de ce type, seul le contexte, ou bien la présence explicite d'une marque séquentielle, telle qu'une pause (inférée bien souvent par l'ordre des mots), ou l'adjonction d'une expansion entre les deux termes, permettent de trancher en faveur de l'une ou l'autre construction. Il faut en conclure qu'il y a des cas de neutralisation de deux constructions et qu'il peut étre non pertinent d'opposer l'essence à l'existence. L'habitude que nous avons de vouloir choisir entre il y a et être, entre existence et copule

est dans bien des cas simplement issue d'une illusion ethnocentrique et de

nos habitudes de traduction. Questions de méthode La phrase nominale est donc un phénoméne universellement répandu

qui se manifeste sous des formes qui, pour n'étre pas en nombre illimité, sont cependant trés variables. Or il est remarquable qu'à aucun moment la description des langues incriminées — sauf celle du grec ancien — ne privilégie l'une de ces formes considérée comme "authentique" à l'exclu-

sion de toutes les autres. On est donc en droit de penser qu'il n'y a en fait aucune raison pour que le grec se distingue en cela des autres langues et oppose une "phrase

nominale pure", attributive et exprimant l'essence, aux phrases nominales "non authentiques" parce que non attributives, ou attributives mais actuali-

sées. A l'issue de cette réflexion, une conclusion s'impose donc : il est grand temps de reconsidérer le probléme dans son ensemble.

Pour ce faire, et pour éviter de nous égarer dans les méandres des interprétations sans fondement ou fondées sur la seule tradition, nous nous en tiendrons, pour commencer, à une méthode uniquement descriptive. La description se fera sur des critères purement formels, d'ordre morpho-syntaxique, tels que la nature des constituants, envisagés selon qu'ils

138

POSITION DU PROBLEME

appartiennent à la classe des noms, des adjectifs, des adverbes, etc..., ou selon leur forme casuelle.

Le nombre des constituants, leur fonction syntaxique, qu'ils soient sujets, prédicats ou déterminants, seront également envisagés, ainsi que l'ordre dans lequel ils apparaissent. C'est alors seulement que nous serons en mesure de dire si certains

types de phrases non verbales sont à exclure de la catégorie des phrases nominales ou si, au contraire, il doit étre conclu à la diversité des formes de la phrase nominale en grec comme dans d'autres langues. Naturellement, pour avoir quelque chance de mener à bien une pa-

reille entreprise, il est impératif de s'étre au préalable constitué un corpus homogène et surtout parfaitement exhaustif.

139

chapitre 5

Pourquoi

l'Iliade ?

Enfin, défendre l'hypothèse que la phrase nominale est une expression inhérente à la structure de la langue grecque, et non une variante stylistique de la phrase verbale, impose de suivre une méthode qui permette de dépasser le stade de l'analyse stylistique. Comment faire en l'absence d'un corpus de phrases réellement prononcées ? Prendre un corpus le plus vaste possible ou au moins représentatif de tous les genres, couvrant une période suffisamment longue — de l'épopée homérique aux Argonautiques d'Apollonios de Rhodes par exemple — devrait être la meilleure solution.

Il s'agirait tout d'abord d'établir un relevé exhaustif de toutes les phrases nominales! — éventuellement de toutes les phrases à verbe étre — pour chaque auteur retenu. On pourrait ensuite tenter de les classer selon des critéres purement formels, morpho-syntaxiques et lexicaux, seule mé-

thode susceptible à ce stade de ne pas donner prise aux inconvénients de critéres purement subjectifs. On

parviendrait ainsi peut-être à définir des types généraux

de

phrases et à faire la part des variations stylistiques et des formules accidentelles. C'est ensuite seulement qu'il serait envisageable de tenter de découvrir les conditions d'apparition de la phrase nominale dans leur contexte. Malheureusement, l'ampleur de la táche la rend, dans le cadre de ce

travail et vu les conditions de sa cun lexique de la langue grecque bales ; en outre, un corpus aussi point d'un systéme informatique

réalisation, parfaitement impossible : aune permet de repérer les phrases non vervaste, pour étre traité, exige la mise au élaboré, et pour commencer l'accés aux

1 Aucune des listes des phrases nominales publiées à ce jour n'est exhaustive, pas plus celles de Ch. Guiraud que celles d'E. Benveniste.

140

POSITION DU PROBLEME

textes, ce qui n'était pas à notre portée au moment où nous avons entrepris ce travail. Une telle recherche n'était pas envisageable!. D'autre part, l'étude d'un phénomène linguistique sur une période de plusieurs siécles implique celle de son évolution — de l'emploi diversifié et constant de la phrase nominale à sa quasi-disparition — Il faudra aussi

s'attacher à reconnaitre les influences, dont on sait qu'elles sont nombreuses en grec, et, en faisant la part de celles-ci, chercher à saisir l'état réel de la langue au moment de sa réalisation textuelle : on sait par exemple que la langue des Tragiques est influencée par celle de l'épopée, mais en méme temps représentative de l'attique classique, que celle de Thucydide est tributaire du style des Sophistes, etc... Or on ne saurait prétendre décrire ni comprendre une telle évolution sans s'appuyer sur une connaissance éprouvée et précise d'un état antérieur (sinon premier) de la langue, capable de fonctionner comme point de réfé-

rence. Il est donc indispensable de se livrer en tout premier lieu à une étude strictement synchronique d'un corpus à la fois homogène, suffisamment

étendu et faisant état de la langue la plus ancienne. Voilà pourquoi s'impose le choix de l'épopée homérique comme corpus d'étude de la phrase nominale. La langue épique a le double avantage d'étre à la fois le témoin d'un état extrémement ancien du grec et d'étre représentative d'une langue rela-

tivement plus récente? En effet, le principe méme de sa composition fait, comme l'a montré Milman Parry?, que l'épopée est constituée d'anciennes formules qui préexistaient à l'époque de sa composition et fournissaient la matiére méme de

son improvisation par les aèdes. Cela explique le caractère composite de la langue épique qui est faite d'éléments dialectaux d'époques différentes, et d'éléments artificiels : il se peut que l'épopée ait vu le jour dès l'époque mycénienne?, que les aèdes éoliens s'en soient trés tót emparés ; du continent, elle serait ensuite passée 1 Une telle banque de données est disponible depuis peu ; le système IBYCUS met désormais à la disposition des chercheurs l'ensemble de la littérature grecque sur un seul disque compact. 2 Voir P. Chantraine, "La langue de l'Iliade" in Introduction à l'Iliade. 3 M. Parry, Les formules et la métrique d'Homére ; et A. Parry, The Making of Homeric verse. The collected papers of Milman Parry. 4 CJ. Ruijgh, L'élément achéen dans la langue épique ; et P. Chantraine, Introduction à l'Iiade, p. 105 sq.

Pourquoi l'Iliade ?

141

dans les colonies éoliennes d'Asie pour finalement se développer dans les

cités ioniennes orientales!. Le texte qui nous est parvenu témoigne donc d'une longue tradition par la présence de traits arcado-chypriotes et manifeste également l'effort

des aèdes qui, empruntant des formules étrangères à leur propre dialecte, les modifient et les adaptent quand la structure de leur dialecte leur en laisse la possibilité. C'est ainsi qu'on a pu repérer comment toute une série de formules recouvre des formules plus anciennes et comprendre le processus de leurs modifications. Il n'y a évidemment aucune raison que le phénoméne n'ait pas touché la syntaxe, bien que son ampleur soit ici beaucoup plus difficile à évaluer : “En principe les faits syntaxiques du langage homérique doivent avoir

ce même caractère mélangé et artificiel, mais il est encore plus difficile de faire le départ entre les différentes espéces d'éléments, ioniens, éoliens, mycéniens ou artificiels."4

Ainsi, l'absence de l'article dans l'épopée peut, selon C.J. Ruijgh, recevoir deux types d'explication entre lesquelles il est impossible de trancher5: - ou bien l'article était déjà usité dans l'ionien contemporain de la formation de l'épopée et son absence témoigne d'un usage antérieur : celle-ci s'explique en ce cas par la difficulté qu'il y aurait eu, pour des raisons mé-

triques, à insérer l'article dans d'anciennes formules sans les modifier profondément. - ou bien l'article n'était pas encore en usage dans la langue ionienne à l'époque de la constitution de l'épopée. De méme, la structure de certaines constructions peut avoir changé. Ainsi de l'exemple des verbes de mouvement construits dans l'épopée homérique soit avec c, soit avec un accusatif seul :

1 CJ. Ruijgh, Autourde " τε épique", ὃ 105. 2 Ibid , $ 105. 3 Cf. A. Hoekstra, Homeric modifications of formulaic prototypes ; et J.B. Hainsworth, The flexibility of the Homeric formule.

461 Ruijgh, Autourde " te épique" , ὃ 106. 5 Ibid.

142

POSITION DU PROBLEME “Dans une perspective synchronique, on peut dire que les aèdes se

permettent parfois de supprimer la préposition : le type de A 322 représente la construction étrangere à l'ionien contemporain. Dans la perspective diachronique, il s'agit d'une construction remontant à une phase plus ancienne de la tradition épique [...] Dans la tradition plus ancienne, le verbe était donc accompagné de deux compléments, l'un étant un ad-

verbe, l'autre un nom à l'accusatif."! Il est légitime de penser que ces exemples ne sont pas les seuls et

qu'on pourrait trouver d'autres cas de constructions qui, coexistant dans l'épopée, ne coexistaient pas en réalité dans le même état synchronique de la langue?. Ce qui fait probléme, entre autres, est la coexistence, dans des emplois similaires, d'une construction nominale et d'une construction verbale.

*es- et la phrase nominale dans l'épopée Les données du probléme étant identiques, les explications qu'on peut avancer sont du méme type. Explication diachronique - Si l'on suppose qu'une des deux expressions est antérieure à l'autre, la conservation de l'expression la plus ancienne serait à mettre au compte d'impératifs métriques : l'aède n'aurait conservé la formule ancienne qu'au cas Οὗ sa modification aurait été impossible. Si, comme une certaine tradition le suggére?, la phrase nominale est l'expression ancienne, on peut alors soutenir que *es- affaibli en copule a

été inséré dans les formules de ce fait modifiées, ou bien se rencontre dans les passages les moins soumis au respect des formules traditionnelles, dans les comparaisons par exemple*. L'explication vaudrait pour le passage d'expressions nominales comme μοῖρα, de règle dans l'Iliade, à μοῖρά ἔστι dans l'Odyssée (e 41, 114, ı 532). Mais il faudrait admettre une explication exactement inverse pour rendre compte du passage de la formule de l'Iliade θέμις ἔστί à θέμις

1 CJ. Ruijgh, Autour de * tc épique" , $ 106. 2 Ibid., $ 109 -110. 3 Cf. supra, ch. II, p. 23, "L'invention" de la phrase nominale.

^Cf. CJ. Ruijgh, Autour de "τε épique" , $ 114.

Pourquoi l'Iliade ?

143

que l'on trouve pour la première fois dans l'Odyssée (w 286) ou dans les textes postérieurs (Hésiode, Trav., 137, Sophocle, Trach., 809, Phil., 661).

- Si on admet au contraire que *es- et la phrase nominale, ainsi par exemple que l'éolien πέλομαι, sont également anciens, on peut considérer

que leur coexistence tient à la conservation des expressions dialectales, ou bien à l'utilisation artificielle de l'une ou de l'autre pour des raisons métriques.

Les deux types d'explication ont le défaut d'étre fondées sur l'hypothése implicite que la construction avec *es- et la phrase nominale ont une signification identique : en cherchant une explication diachronique à la coexistence de deux tours supposés identiques, on s'interdit de prendre en

compte l'idée qu'il peut y avoir entre eux une différence sémantique, ou au moins une différence d'emploi. Or cette possibilité ne peut étre sérieusement envisagée que dans le cadre d'une analyse synchronique.

Explication synchronique On peut en effet raisonnablement soutenir que la construction verbale

et la phrase nominale fixation par les aèdes sentes dans la langue. des valeurs différentes

coexistent dans l'épopée parce qu'à l'époque de sa ioniens, elles étaient toutes deux effectivement préOn est dans ce cas conduit à supposer qu'elles ont et de se demander quelles sont ces valeurs.

Des arguments qui ne manquent pas de poids plaident en faveur de cette dernière hypothèse.

- Les deux expressions sont anciennes. La phrase nominale et la construction avec *es- sont toutes deux des expressions anciennes qui apparaissent dans tout le domaine indo-européen. En grec méme elles se

trouvent dans des dialectes divers, qui vont du dorien des lois de Gortyne à l'éolien de Sappho. La phrase nominale semble également toucher tous les dialectes : on la trouve dans les inscriptions, dans le code de Gortyne, dans les tablettes mycéniennes, qui sont des listes, donc par définition sans verbes, etc...

-

L'explication

par

des

raisons

métriques

n'est

pas

satisfaisante. Certes, l'hexamétre dactylique interdit les séquences péoniques du type ἄμεινόν ἔστι ou ἄριστός ἔστι tandis qu'il autorise ἀμείνων (A 404) et εἶ τό γ' ἄμεινον (A 116) ou ὅσσοι ἄριστοι (P 509).

ἔστί

144

POSITION DU PROBLEME

Mais l'exemple de ἄριστος montre que l'épopée ne s'interdit pas d'adopter l'ordre des mots inverse! si le besoin s'en fait sentir, comme en

P 513 ot Τρώων εἰσὶν ἄριστοι. En outre du fait de l'indépendance des termes qui caractérise la syntaxe épique?, l'adjonction d'un monosyllabe à voyelle bréve tel qu'une par-

ticule est un moyen simple et courant de soumettre une séquence rebelle aux contraintes de l'hexamétre. - Le fait que les deux types d'expression coexistent tout au long de l'histoire de la langue grecque au moins jusqu'à Aristote est la confirmation qu'il s'agit là de deux types d'expression encore vivantes à

une époque largement postérieure à l'épopée, et donc qu'elles étaient toutes deux vivantes à l'époque de la constitution de l'épopée. - En outre, le caractère formulaire de l'épopée n'empêche pas qu'en dernier ressort, ainsi que le montre G. Nagy, c'est toujours le contenu qui prime et que la formule elle-même n'est jamais une formule creuse mais a toujours tout son sens : "Granted, diction is indeed regulated by meter from the descriptive point of view, but this regulation is from the historical point of view only

the result of a more basic principle, namely, that diction is ultimately re-

gulated by theme.'?

Il est de ce fait hasardeux de postuler, en se fondant sur de malencontreuses habitudes de traduction, que deux formules, l'une avec ἐστί, l'autre nominale, sont nécessairement identiques.

Il y a au contraire de multiples raisons de penser que le choix de la construction nominale plutót que du verbe est toujours motivé et, une fois

pris ce parti, de tenter de comprendre, par une étude synchronique, quel type de motivation préside à ce choix. Enfin,

les

procédés

de

composition,

d'improvisation

et

de

transmission de l'épopée homérique, tout en n'interdisant pas de souscrire à la thèse d'un auteur unique, maître d'œuvre de la version finalement parvenue jusqu'à nous, sont la garantie méme que la langue y est moins soumise qu'une autre à la personnalité d'un "auteur" et à ses effets de "style". Quoique composite la langue épique est en outre expurgée des

1 Cf. J.B. Hainsworth, The flexibility of the Homeric formule.s, p. 69. 2H. Goube et al, Homère, Odyssée, p. 29.

3G. Nagy, The Best of the Achzans, $ 4.5.

Pourquoi l'Iliade ?

145

particularismes locaux qui l'auraient rendue impropre à devenir l'organe de

communication panhellénique! qu'elle a été : *La langue homérique est un excellent moyen d'expression transdialectal, ce qui explique son emploi persistant tout au long de l'Antiquité"?

En tout état de cause, par delà ses variantes morphologiques et lexicales, l'unité de la langue épique? est évidente : c'est précisément parce

qu'elle est artificielle qu'elle est une langue panhellénique, supradialectale et suprapersonnelle. Dans l'épopée la question de la phrase nominale se trouve donc d'emblée posée comme une question de langue et ne saurait

étre traitée comme une question d'ordre stylistique. Pourquoi l'Iliade ? L'exigence du corpus le plus homogène possible impose en outre de ne travailler pour commencer que sur l'Iliade (15 693 vers). Il y a en effet certaines différences entre l'Iliade et l'Odyssée "qui donnent à penser que

l'Iliade est antérieure à l'Odyssée"^. Nous avons donc délibérément choisi de ne considérer que le poème le plus ancien. Les quelques sondages que nous avons faits dans le corpus des phrases nominales et des phrases à verbe étre de l'Odyssée nous ont d'ailleurs, pour l'essentiel, semblé devoir confirmer notre thèse.

1 Voir sur ce point : G. Nagy, The Best of the Achæans, $ 14. ? R. Hodot, "Inscriptions et littérature dialectale"; voir "Homerische Kunstsprache ; Synchron und Diachron", p. 127-143.

aussi

3 Cf. A. Meillet, Aperçu d'une histoire de la langue grecque. p. 185. 4H. Goube et al., Odyssée, p. 29.

M. Meier-Brügger,

deuxiéme partie

Analyse des constituants

148

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Introduction

La structure des phrases nominales apparait en grec incarnée dans des phrases à deux termes de type sujet-prédicat.

Cela pose quelques problémes. Certains types d'énoncés semblent en effet ne pas correspondre à la définition générale qui veut qu'une assertion, pour étre compléte,

soit composée

de la conjonction de deux termes

distincts, un sujet et un prédicat : on relève dans l'Îliade nombre d'énoncés

à un seul terme nominal! et, dans certaines conditions, des énoncés à plus de deux termes. L'objet de ce travail sera donc tout d'abord de savoir si ces deux types d'énoncés peuvent se ramener au modéle prédicatif général, ou si au contraire on doit en effet admettre l'existence de phrases nominales à un seul terme et de phrases à trois, voire quatre termes. REMARQUE :

Pour déterminer, du point de vue de leur structure formelle, des types généraux de phrases nominales, nous nous en tiendrons en fait aux unités appelées noyaux?, que nous prendrons soin de distinguer des expansions : celles-ci feront l'objet d'une étude à part.

1 Pour les problèmes soulevés par les phrases à un terme, cf. supra

"La prédication”,

p. 129 sq.

2 Pour les notions de noyau et d'expansion, cf. A. Martinet, Syntaxe Générale, p. 86, ὃ 3. 64: "L'expérience nous montre que, parmi les unités significatives qui composent les énoncés, il en est qui peuvent disparaître sans affecter la validité ni les rapports mutuels des éléments qui demeurent. Ce sont parmi eux qu'on rencontre ceux que la grammaire traditionnelle appelle les "compléments". On les considére aujourd'hui comme des expansions à partir d'un noyau constitué par les unités qui ne sauraient disparaître sans €liminer l'énoncé considéré."

149 En outre, le concept méme de phrase voudrait peut-étre que la phrase

nominale soit une proposition indépendante. Et c'est en effet le cas le plus général. Il s'avére cependant que la construction nominale se rencontre souvent en proposition subordonnée. Dans quels types de subordonnées

apparait-elle donc et sous quelles conditions ? Peut-on encore parler de "phrase nominale" ? Autant de questions auxquelles nous tenterons d'apporter une réponse. Enfin nous ne pourrons éviter d'étudier les conditions d'apparition de la négation dans les phrases nominales.

150

chapitre 1

La phrase nominale à “un terme"

1. Critéres de reconnaissance

Reconnaitre qu'une phrase est une phrase nominale à un seul terme n'est pas toujours aisé. En effet, le caractère particulier des phrases à terme unique ainsi que l'autonomie dont jouissent les mots dans la phrase

homérique peuvent préter à confusion ; la difficulté porte tant sur la reconnaissance du noyau de la phrase que sur sa délimitation. Un travail préalable s'impose donc, consistant à définir les critères de reconnaissance d'une telle phrase. 1. 1. Les marques habituelles de constitution de phrase Dans la majorité des cas, reconnaitre un terme unique comme phrase

n'offre pas de difficulté particuliére parce que le terme unique est accompagné des marques habituelles de constitution de phrase : particules ou adverbes, termes subordonnants ; il suffit de reconnaître ces marques. En cas cas d'absence de telles marques, il est en revanche nécessaire de définir les critères qui permettent de s'assurer qu'on se trouve en présence d'une phrase nominale. 1.1.1. Particules et adverbes

voip Introduit fréquemment une phrase nominale, comme l'ont remarqué de nombreux auteurs :

La phrase nominale à "un terme" M 66

151

ἔνθ' od nox ἔστιν καταβήμεναι οὐδὲ μάχεσθαι ἱππεῦσι : στεῖνος γάρ, ὅθι τρώσεσθαι otó Pour les meneurs de chars, il n'est aucun moyen d'y descendre ni de s'y battre : (il y a) un défilé où j'imagine qu'ils recevraient des meurtrissures

δέ

Y 368

καί κεν ἐγὼν ἐπέεσσι καὶ ἀθανάτοισι μαχοίμην: ἔγχει 5’ ἀργαλέον moi aussi, avec des mots, je combattrais les Immortels eux-mémes. Avec la

lance, (ce serait) moins aisé

096€

Q 420

περὶ δ' αἷμα νένιπται, οὐδέ ποθι

μιαρός

le sang qui le couvrait est lavé ; (il n'y a) nulle part de souillüre.

Les particules qui introduisent χρή : Il y a dans l'Iliade 26 occurrences de χρή ; elles sont toutes (sauf une)

accompagnées d'une particule : dAA« (2 ex) ^57 ᾿Αλλὰ χρὴ καὶ ἐμὸν θέμεναι πόνον οὐκ ἀτέλεστον mais obligation (il y a) de ne pas rendre mon labeur sans effet.

T 228

ἀλλὰ χρὴ τὸν μὲν καταθάπτειν ὅς κε θάνῃσι obligation (il y a) d'ensevelir celui qui meurt

γάρ (1 ex) T 149

οὐ yàp χρὴ κλοτοπεύειν ἔνθαδ’ ἐόντας οὐδὲ διατρίβειν obligation (il y a) que nous restions pas là à discourir ni à perdre du temps

μέν

(2 ex) A 216

χρὴ μὲν σφωίτερόν yc, θεά, ἔπος εἰρύσσασθαι obligation (il y a), déesse, d'observer votre ordre à toutes deux

1309

χρὴ μὲν δὴ τὸν μῦθον ἀπηλεγέως ἀποειπεῖν obligation (il y a) de vous signifier brutalement la chose

δέ

(4ex)

E 490

σοὶ δὲ χρὴ τάδε πάντα μέλειν νύκτάς τε καὶ ἦμαρ mais pour toi, obligation (il y a) de songer à tout cela

et

N 235, V 644,1 627

152 οὔδέ

ANALYSE DES CONSTITUANTS (8 ex)

Toutes les occurrences se trouvent dans la formule οὐδέ χρή, il ne te (me) faut pas, suivie ou non d'un infinitif :

νῦν

τί σε (με)

οὐδέ τί σε χρή:

1496, 613 ; K 479; TI 721; T 420; Y 133; Ψ 478

οὐδέ τί uc χρή:

T 67

(3ex)

Classé comme adverbe dans le Dictionnaire étymologique! et comme particule par E. Schwyzer?, viv est ici placé en tête de phrase et, à ce titre,

utilisé comme marque de constitution de phrase, en plus de sa valeur temporelle. N 463

νῦν σε μάλα χρὴ γαμβρῷ

ἀμυνέμεναι

pour toi maintenant (il y a) absolument obligation de secourir ton beaufrère

Π 492

νῦν σε μάλα χρή

αἰχμητήν τ’ ἔμεναι pour toi maintenant (il y a) absolument obligation d'étre un guerrier

intrépide

to

(dex)

Dans l'Iliade, τῶ sert également de marque de constitution de phrase, comme le souligne P. Chantraine? : "C'est cette valeur de liaison du théme de l'article qui explique certains tours adverbiaux : τῶ, ancien instrumental, alors, c'est pourquoi ."

H 331

tà σε χρὴ πόλεμον μὲν du’ fjot παῦσαι ᾿Αχαιῶν, c'est pourquoi obligation (il y a) que, dès l'aube, tu arrêtes le combat que mènent les Achéens

1100

τῶ cc χρὴ περὶ μὲν φάσθαι

ἔπος ἦδ’ ἐπακοῦσαι

c'est pourquoi pour toi (il y a) plus que pour d'autres obligation de parler et écouter

! J. L. Perpillou, D.E.L.G., s.v. x prj. ? Gr. Gr. II, p. 570. 3 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 160, 8 237, Remarque.

La phrase nominale à "un terme" II 631

153

τῶ οὔ τι χρὴ μῦθον ὀφέλλειν, ἀλλὰ μάχεσθαι c'est pourquoi obligation (il y a) non pas d'entasser des mots, mais de se

M 315

τῶ νῦν χρὴ Aux(oiat

μετὰ πρώτοισιν ἐόντας

ἕστάμεν c'est pourquoi maintenant (il y a) absolument obligation (pour nous) de nous tenir au premier rang des Lyciens

1.1.2. Conjonctions ἐπεί Ω 423

ὥς Tor κήδονται μάκαρες θεοὶ υἷος ἕῆος καὶ νέκυός περ Éóvroc, inet σφι φίλος πέρι κῆρι c'est ainsi que les dieux bienheureux veillent sur ton fils même mort parce qu'il (est) cher à leur cœur

Γ 381

ὥς τε θεός comme une déesse

Z 477

ὡς καὶ ἐγώ περ tout comme moi

Ω 68

ὧς γὰρ ἔμοιγε comme pour moi

V 537

ὥς ἐπιεικές ainsi qu'il (est) convenable

Φ 476

ὧς τὸ πρίν comme jadis

E 806

d τὸ πάρος περ comme

auparavant

εἰ Q 667

εἴ περ ἀνάγκη si nécessité (il y a)

V 791

&pyoAÉov δὲ ποσσὶν ἐριδήσασθαι ᾿Αχαιοῖς, εἶ μὴ ᾿Αχιλλεῖ (il est difficile) aux Achéens de lutter à la course avec lui, si ce n'est à Achille

154

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Les subordonnées, principalement comparatives et conditionnelles, se prétent bien à l'expression brachylogique puisque la présence de la conjonction interdit toute hésitation sur la nature du syntagme ainsi

constitué. Mais il se peut qu'il ne s'agisse pas toujours de véritables phrases nominales!. 1. 2. En l'absence de marques de constitution de phrase

En l'absence de toute marque explicite de constitution de phrase, une phrase à terme unique peut néanmoins se trouver bien constituée, mais sous certaines conditions qui sont à définir. Celles-ci se résument en fait à la mise en relief de l'élément qui est le noyau de la phrase, soit qu'utilisé comme réponse il soit de fait isolé, soit par d'autres procédés comme la place en

début de vers ou en téte de phrase, avant les expansions. En réalité, les occurrences sont rares : B24

εὕδεις, ᾿Ατρέος vtt δαίφρονος ἱπποδάμοιο :

οὗ χρὴ παννύχιον εὕδειν βουληφόρον ἄνδρα quoi ! tu dors, fils d'Atrée, le brave dompteur de cavales ! un héros ne doit pas dormir la nuit entiére litt. obligation (il y a) pour un héros de ne pas dormir la nuit entière

χρή sert ici de réponse à la question fictive posée au vers précédent ; tout se passe comme s'il était en tête de discours : K 43

Τὸν δ’ ἀπαμειβόμενος προσέφη κρείων ᾽Αγαμέμνων χρεὼ βουλῆς ἐμὲ καὶ σέ, διοτρεφὲς ὦ Μενέλαε, κερδαλέης

:

Le roi Agamemnon, en réponse, lui dit: "Tous les deux, toi et moi, Ménélas nourrisson de Zeus, (nous avons) besoin d'un conseil adroit"

Il s'agit d'une réponse ; χρεώ est placé à la fois en téte de phrase et en téte d'un discours. V 205

f$ δ' αὖθ’ ἕζεσθαι μὲν ἀνήνατο, εἶπε δὲ μῦθον : οὔχ ἕδος - εἶμι γὰρ αὖτις mais elle décline l'offre de s'asseoir et leur dit : (il n'est) pas (question) de siège ! je repars

I Cf. infra, "Tours brachylogiques", p. 172 sq.

La phrase nominale à "un terme"

155

Plusieurs éléments permettent d'isoler un syntagme nominal οὐχ ἕδος : le contexte — il s'agit d' une réponse —, la place de ἕδος en tête du discours, la particule ycp qui fait de ctu:1e premier mot d'une phrase subséquente. 2. Le noyau de la phrase est un nom 2. 1. Nom seul En subordonnée

Il arrive qu'un nom suive à l'état isolé un terme subordonnant : la phrase est claire et bien formée : Ω 667

εἴπερ &vdykn si nécessité (il y a)

Dans des tours exclamatifs Parfois un nom figure à l'état isolé en téte de vers avec une forte tonalité exclamative. Certains, comme P. Chantraine, pensent qu'il ne s'agit

pas de phrases nominales : "Certains tours exclamatifs ou impératifs peuvent sembler proches de la phrase nominale. Ils s'en distinguent parce qu'il n'y a pas proprement

proposition."1

On est pourtant en présence d'énoncés assertifs finis, entre deux

pauses, non verbaux et non elliptiques. Il n'y a aucune raison sérieuse, de ce fait, de ne pas les tenir pour des phrases nominales.

V 205 ñ 5' αὖθ' ἕζεσθαι μὲν ἀνήνατο, εἶπε δὲ μῦθον : οὔχ ἕδος mais elle décline l'offre de s'asseoir et leur dit : non, pas de siège !

c'est-à-dire : il n'est pas question de siège, je ne veux pas m'asseoir !

E 784

ἔνθα στᾶσ' fuac θεὰ λευκώλενος Ἥρη, Στέντορι εἰσαμένη μεγαλήτορι χαλκεοφώνῳ, ὃς τόσον αὐδήσασχ' ὅσον ἄλλοι πεντήκοντα :

1 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 3, $ 2, Remarque.

156

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Αἰδώς, ᾿Αργεῖοι, κάκ’ ἐλέγχεα εἶδος ἀγητοί: Héré alors s'arréte et pousse un cri ; elle a commencé par prendre l'aspect de Stentor au grand cœur, à la voix de bronze, aussi forte que celle de cinquante autres réunis : (c'est une) honte, Argiens ! láches infámes, sous

votre magnifique apparence !

cf.

Θ 228, N 95, etc...

La plupart des tours exclamatifs constitués d'un nom seul présentent cependant certaines difficultés. On peut en effet hésiter entre trois types de

construction : - une apposition au sujet du verbe précédent - une phrase nominale avec un nom seul. - une phrase nominale à deux termes, dont le sujet serait effacé. Certaines occurrences feraient plutót opter pour une apposition du fait

qu'il y a une identité de cas, de nombre et de genre entre le terme isolé en début de vers et le sujet du verbe immédiatement précédent : V 301

᾿Αντίλοχος δὲ τέταρτος ἐύτριχας ὥπλίσαθ’

Νέστορος ἀγλαὸς

ἵππους,

υἱὸς ὑπερθύμοιο

Antiloque le quatrième harnache ses coursiers à la belle criniére, (il est) le

glorieux fils de Nestor

X 85

μηδὲ

πρόμος

ἵστασο

τούτῳ

σχέτλιος et ne te campe pas en champion devant lui ; cruel !

213

Audio

δὴ τέθνηκε

Μενοιτίου

ἄλκιμος υἷός,

σχέτλιος Oui, j'en suis sûr : le vaillant fils de Ménoitios est mort, le cruel !

B37

φῆ γὰρ 8 y’ αἱρήσειν Πριάμου πόλιν ἤματι κείνῳ, νήπιος, οὐδὲ τὰ ἤδη ἅ fa Ζεὺς μήδετο ἔργα il croit qu'il va ce jour méme prendre la cité de Priam : le sot ! il ne sait pas l'oeuvre que médite Zeus

D'autres termes, également à l'état isolé et sans marques de constitution de phrase, ne se rattachent que pour le sens et non par l'accord à un terme précédent. Ces tours sont traditionnellement tenus pour des appositions : “L'autonomie de chaque terme a pour conséquence que l'a&de peut, à

l'occasion, perdre de vue le mot auquel il se réfère, d'où des libertés dans

La phrase nominale à "un terme"

157

les règles d'accord, d'où aussi l'intervention de groupes de mots qui ne se rattachent pas strictement à ce qui précède ou à ce qui suit."!

De notre point de vue, il s'agit néanmoins de phrases nominales : le changement de genre, de nombre, voire de catégorie lexicale, prouve en

effet leur indépendance par rapport au contexte : P 236

μάλα δέ σφισιν ἔλπετο θυμὸς νεκρὸν ὅπ' Αἴαντος ἔρύειν Τελαμωνιάδαο, νήπιοι : fj τε πολέσσιν ἐπ’ αὐτῷ θυμὸν ἀπηύρα leur cœur a bon espoir d'arracher le corps à Ajax, fils de Télamon. — les sots ! à plus d'un, sur ce corps, au contraire, il prendra la vie !

E 406

Σοὶ ó' ἐπὶ τοῦτον ἀνῆκε θεὰ γλαυκῶπις ᾿Αθήνη νήπιος, οὐδὲ τὸ οἶδε κατὰ φρένα Τυδέος υἷός Sur toi, c'est Athéné, la déesse aux yeux pers, qui a déchainé cet homme.

Le sot ! il ne sait pas en son cœur ce beau fils de Tydée

De fait, il n'est pas impossible que la phrase nominale soit à l'origine de la formation du tour appositionnel : "L'apposition à une phrase entiére a pu étre originellement au nominatif. [Certains tours] pourraient s'expliquer comme des phrases

nominales insérées."2 Et en effet ces exemples sont sans doute de ceux à partir desquels s'est

constitué le tour appositionnel. Le dernier probléme qui se pose est celui de savoir si l'on se trouve en présence d'une phrase à un terme ou d'une phrase à deux termes dont le sujet serait effacé. Lorsque la phrase est exclamative, il est évident que la

restitution d'une phrase à deux termes ne rend pas compte de la spontanéité de l'expression : il est un sot n'est pas l'équivalent de νήπιος sot !. Il serait certainement ici plus juste de dire que le sujet se trouve dans le contexte situationneP, ce qui, sur le plan linguistique, stricto sensu, conserve à l'expression un statut de phrase à "un terme" alors que, d'un point de vue

moins restrictif, elle peut effectivement étre ramenée à la catégorie générale des phrases à deux termes.

1 Cf. P. Chantraine, Gram. hom. II, $ 15 ; voir aussi : E. Schwyzer, Syntax, p. 64.

2 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 15, $ 18 ; cf. E. Schwyzer, die Parenthese, P. 40. 3 Cf. supra, première partie, p. 132 sq.

158

ANALYSE DES CONSTITUANTS

La question est difficile ; elle ne trouvera pas ici de réponse définitive. L'intérét de la poser est cependant évident : elle montre la parenté qu'ont les différentes structures de phrases et permet d'entrevoir qu'il n'y a pas entre

elles de rupture mais qu'elles sont au contraire dans un rapport de continuité. 2.2. Avec une expansion 2.2.1. L'expansion est un adjectif

Les phrases de ce type sont peu nombreuses ; elles se rattachent aux exemples précédents, et les difficultés d'analyse sont les mêmes. Dans certains cas, il semble que l'on puisse trancher pour un terme unique : Y 165

ὅν τε καὶ ἄνδρες ἀποκταάμεναι μεμάασιν

dypóucvot,

πᾶς δῆμος

que des hommes — (il y a) tout un peuple — brülent de mettre à mort

Certaines occurrences, en revanche, invitent à poser un terme sujet effacé : T 124

Εὐρυσθεύς, σὸν γένος

Σθενέλοιο πάις Περσηιάδαο,

C'est Eurysthée, le fils de Sthélénos le Perséide ; (il est de) ta race

2.2.2. L'expansion est une subordonnée M 66

στεῖνος ydp, ὅθι τρώσεσθαι οἷώ (il y a là) en effet un défilé où j'imagine qu'ils recevraient des meurtrissures

2.2.3. *Nécessité, destin" : expansions Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer! les problémes spécifiques des prédications d'existence qui semblent aboutir à des phrases à un seul terme? exprimé en position de noyau, celui précisément dont on affirme l'existence.

1 Cf. supra, première partie, p. 134 sq. 2 Cf. J. L. Perpillou, nominale".

D.E.L.G.,s. v. χρή : "Dés

Homére,

uniquement

en

phrase

La phrase nominale à "un terme" Il s'agit des noms

159

qui sont utilisés à l'expression de la nécessité, de

l'obligation, du destin : χρή!, xped?, ἀνάγκη, μοῖρα, νέμεσις. Il est exceptionnel que ces noms se trouvent à l'état isolé ; nous n'en connaissons qu'un exemple dans l'Iliade, et encore s'agit-il d'une expression où la présence d'un infinitif "effacé" se laisse aisément percevoir : N 667

τῇ δὲ δυωδεκάτῃ πτολεμίξομεν, ct περ dwiykn le douziéme, nous serons préts à nous battre, si nécessité (il y a)

Partout ailleurs ils sont accompagnés de termes à l'accusatif, au génitif,

au datif, d'adverbes ou d'infinitifs, qu'il est permis, au moins dans un premier temps, de considérer comme des expansions, méme s'agissant de

xpi : “χρή a un régime encore nominal, avec un génitif, un infinitif, un

accusatif (...), plus tard avec parfois un datif de personne.'?

Expansion adverbiale I 197

fj τι μάλα xpeó ; (y en a-t-il) vraiment besoin ?

Accusatif

χρή L'accusatif peut être considéré comme le sujet d'un infinitif "effacé". II 721

Ἕκτορ, τίπτε μάχης ἀποπαύεαι

; οὐδέ τί ac χρή

Hector, pourquoi suspendre la lutte ? pour toi cela ne s'impose méme pas litt. (il n'y a) pour toi méme pas d'obligation

T 420

Ξάνθε, τί μοι θάνατον μαντεύεαι ; οὐδέ τί σε χρή Xanthe, pourquoi me prédis-tu la mort ? pour toi cela ne s'impose méme pas

1 Pour

l'étymologie

de χρή

voir J. L. Perpillou, D.E.L.G., s. v. χρή ; voir aussi

P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 40, ὃ 49, et p. 304-305

ὃ 446.

2 Voir J. L. Perpillou, D.E.L.G., s. v. χρεώ : χρεώ est un nom d'action formé sur χρή.

3 J. L. Perpillou, D.E.L.G., s. v. χρή. 4 On voudra bien se reporter sur ce point au Dictionnaire Etymologique de la Langue Grecque, s. v. χρή (J. L. Perpillou) ; et à P. Redard, Recherches sur χρή, χρῆσθαι, p. 4051.

160

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Y 133

Ἥρη, μὴ χαλέπαινε περ’ ἐκ νόον : οὐδέ τί ac χρή Here, ne t'irrite pas plus que de raison : pour toi cela ne s'impose même pas

χρεώ K 85

φθέγγεο, μηδ’ ἀκέων ἐπ’ Eu’ ἔρχεο - τίπτε δέ σε χρεώ ; parle, et n'approche pas de moi bouche close. De quoi as-tu besoin ? litt. en quoi (y a-t-il) un besoin te concernant ?

Accusatif et génitif

χρεώ I 75

μάλα δὲ χρεὼ πάντας ᾿Αχαιοὺς

ἐσθλῆς καὶ πυκινῆς (il y a) grand besoin, pour tous les Achéens, d'un bon et ferme (avis)

1607

Φοῖνιξ, ἄττα γεραιέ, διοτρεφές, οὔ τι με ταύτης

χρεὼ τιμῆς Phénix, mon bon vieux père, rejeton de Zeus, de cet honneur-là, je n'ai nullement besoin litt. (il n'y a) nullement besoin pour moi de cet honneur

K 43

χρεὼ

βουλῆς ἐμὲ καὶ

σέ, διοτρεφὲς à Μενέλαε,

κερδαλέης toi et moi, Ménélas nourrisson de Zeus, (nous avons) besoin d'un conseil adroit

A 606

τί δέ oc χρεὼ ἐμεῖο ; quel besoin (as)-tu donc de moi 7

Infinitif χρή A 216

χρὴ μὲν σφωίτερόν γε, Beck, ἔπος εἰρύσσασθαι obligation (il y a), déesse, d'observer votre ordre à toutes deux

1309

χρὴ μὲν δὴ τὸν μῦθον ἀπηλεγέως ἄποειπεῖν obligation (il y a) de vous signifier brutalement la chose

I 627

ἀπαγγεῖλαι δὲ τάχιστα χρὴ μῦθον Δαναοῖσι

καὶ οὐκ ἀγαθόν περ ἐόντα

faire au plus vite le rapport aux Danaens (est) une obligation, quelque défavorable qu'il soit.

N 235

ταῦτα δ' ἅμα χρή σπεύδειν

La phrase nominale à "un terme"

161

obligation (il y a) de faire ensemble cet effort Π 631

τῶ οὔ τι χρὴ μῦθον ὄφέλλειν, ἀλλὰ μάχεσθαι c'est pourquoi obligation (il y a) non pas d'entasser des mots, mais de se battre

Τ 228

ἀλλὰ χρὴ τὸν μὲν καταθάπτειν & κε θάνῃσι mais obligation (il y a) d'ensevelir celui qui meurt

νέμεσις Ξ 80

οὗ γάρ τις νέμεσις φυγέειν κακόν, οὐδ' ἀνὰ νύκτα (il n'y a) pas de bláme à fuir le malheur, méme de nuit

Proposition infinitive χρή Β 24

οὗ χρὴ παννύχιον εὕδειν βουληφόρον ἄνδρα obligation (il y a) pour un conseiller de ne pas dormir la nuit entiére

A57

ἄλλὰ χρὴ καὶ ἐμὸν θέμεναι πόνον οὐκ ἀτέλεστον mais obligation (il y a) de ne pas rendre mon labeur sans effet.

H 331

τῶ σε χρὴ πόλεμον μέν du’ For παῦσαι

᾿Αχαιῶν

c'est pourquoi obligation (il y a) pour toi, dès l'aube, d'arrêter le combat que

mènent les Achéens I 100

τῶ σε χρὴ περὶ μὲν φάσθαι ἔπος ἦδ' ἐπακοῦσαι c'est pourquoi pour toi (il y a) plus que pour d'autres obligation de parler et écouter

M 315

τῶ νῦν χρὴ Aux(otct

μετὰ πρώτοισιν ἐόντας

ἕσταμεν notre devoir dés lors est aujourd'hui de nous tenir au premier rang des Lyciens [litt. obligation (il y a) pour nous...]

où yàp χρὴ κλοτοπεύειν ἔνθαάδ' ἐόντας

T 149

(ce n'est) pas le moment que nous restions là [litt.: obligation (il y a) que nous ne restions pas là] à discourir

tut δὲ χρὴ γήραι λυγρῷ

V 644

πείθεσθαι pour moi, obligation (il y a) d'obéir à la triste vieillesse

νῦν σε μάλα χρὴ

N 463 γαμβρῷ

ἀμυνέμεναι

162

ANALYSE DES CONSTITUANTS aujourd'hui pour toi (il y a) absolument obligation de secourir ton beau-

frére

νῦν σε μάλα χρή

Π 492

αἴχμητήν τ’ ἔμεναι maintenant obligation (il y a) pour toi d'étre un combattant

X 268 οὐδέ τί σε χρή

νηλεὲς ἦτορ ἔχειν pour toi (il n'y a) pas méme obligation d'avoir une âme impitoyable

οὐδέ τί σε χρή

I 613

τὸν φιλέειν pour toi (il n'y a) pas méme obligation d'aimer celui-là cf.

K 479, Σ 406, T 67, Ψ 478

χρεώ

τὸν δὲ μάλα χρεώ

A 409

ἑστάμεναι κρατερῶς (il y a) absolument besoin que celui-là tienne, et de toutes ses forces

τῶ ut μάλα χρεώ

Σ 406

πάντα Θέτι καλλιπλοκάμῳ ζῳάγρια τίνειν (il y a) donc absolument besoin que je paye à Thétis aux belles tresses toute la rançon de ma vie !

V 308

tà καί ac διδασκέμεν οὔ τι μάλα χρεώ besoin (n'est) donc pas du tout de t'apprendre rien à mon tour

μοῖρα P 421

ὦ φίλοι, Et καὶ μοῖρα παρ ἀνέρι τῷδε δαμῆναι πάντας δμῶς amis, même si notre destin (était) de succomber aux côtés de cet homme,

tous, d'un seul coup

La question pourrait ainsi paraître close, et χρή, ἀνάγκη, μοῖρα, etc... passer une fois pour toutes pour les noyaux d'une phrase nominale à "un

terme". Ce serait ignorer que la construction de ces noms avec un infinitif — une proposition infinitive ou un accusatif, si la présence d'un infinitif

"effacé" se fait nettement sentir —

pose un trés sérieux probléme.

La phrase nominale à "un terme"

163

Du point de vue de l'origine du tour en effet, chacun de ces noms χρή, χρεώ, ἀνάγκη, etc..., pose l'existence d'une nécessité, d'un besoin, etc... ; il

est le noyau d'une phrase nominale à un seul terme exprimé, au sein de laquelle l'infinitif fonctionne comme un déterminant!. Mais il se trouve qu'avec un infinitif le nom (χρή, xpeó, etc...) est susceptible d'étre ressenti comme le prédicat d'un infinitif sujet. On pourrait donner un équivalent français en disant par exemple que la nécessité existe, il y a nécessité d'agir serait perçu comme agir est une nécessité parallèle à agir est nécessaire.

D'un point de vue diachronique, il semble donc que l'Iliade offre la possibilité d'observer les étapes d'un glissement de la prédication d'existence à une construction attributive ; P. Chantraine a noté le phénomène : “C'est peut-être en liaison avec l'infinitif complétif que s'est développé un infinitif sujet qui semble apparaitre d'abord dans des sentences et des phrases nominales. Ce tour s'observe [...] :

- avec un adjectif neutre comme prédicat : [...] H 282 ἀγαθὸν καὶ νυκτὶ πιθέσθαι,...1). Le tour s'emploie avec cda xpóv, νεμεσσητόν,

βέλτερον, etc... - avec un substantif : 3 80 οὗ γάρ τις νέμεσις φυγέειν koxóv?, [...]. Des infinitifs consécutifs ont été sentis ici comme sujets. De méme

avec αἷσα, μόρος, θέμις, ἀναγκη, [etc...), χρή et χρεώ. Ἢ De notre point de vue, qui est synchronique, nous ferons remarquer que le parallélisme des séquences, χρή - infinitif d'une part et adjectif

neutre - infinitif d'autre part, est tel qu'il impose une analyse identique pour les deux constructions, comme le prouveront les exemples qui suivent : E 80

οὗ ydp τις νέμεσις φυγέειν κακόν, o05' ἀνὰ νύκτα (il n'y a) pas de blâme à fuir le malheur, même de nuit

en face de

ISelon E. Schwyzer (IJ, Syntax, p. 366) cet infinitif remplit à l'origine la même fonction qu'un déterminant au génitif : "Ursprünglich genitivisch ist der Infinitiv bei χρεώ: A 341 ; 80 auch bei χρή: Α 216".

2 "La nuit aussi mérite qu'on l'écoute". 3 "Nul ne saurait trouver mauvais que l'on cherche à fuir le malheur". 4 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 304-305, $ 446.

ANALYSE DES CONSTITUANTS T 124

οὔ of ἀεικὲς ἄνασσέμεν ᾿Αργείοισιν il n'(est) pas indigne de lui qu'il régne sur les Argiens

M 315

τῶ viv χρὴ Λυκίοισι μετὰ πρώτοισιν ἔόντας Eotoinev c'est pourquoi maintenant (il y a) obligation (pour nous) de nous tenir au

premier rang des Lyciens

en face de O 496

οὔ οἵ ἀεικὲς ἀμυνομένῳ

περὶ

πάτρης

τεθνάμεν (il n'est) pas indigne de lui qu'il meure en défendant son pays

Π 492

νῦν σε μάλα χρή αἴχμητήν τ' ἔμεναι maintenant obligation (il y a) pour toi d'étre un guerrier intrépide

Y 251

dAAK τί À ἔριδας καὶ νείκεα. νῶιν ἄναγκη νεικεῖν ἀλλήλοισιν ἐναντίον; mais sommes nous forcés [litt. en quoi (y a-t-il) pour nous nécessité] de

nous disputer, de nous prendre à partie face à face ?

Ω 224

εἶ δέ μοι «fax τεθνάμεναι παρὰ νηυσὶν ᾿Αχαιῶν χαλκοχιτώνων, βούλομαι si mon destin (est) de périr prés des nefs des Achéens à la cotte de bronze,

je l'accepte en face de

$ 498

ἀργαλέον δὲ πληκτίζεσθ' ἀλόχοισι

Διὸς νεφεληγερέταο

(il est) dangereux d'en venir aux coups avec

les épouses

de Zeus,

assembleur de nuées

1309

χρὴ μὲν δὴ | τὸν μῦθον | ἀπηλεγέως ἀποειπεῖν obligation (il y a) de vous signifier brutalement la chose

ou

vous signifier brutalement la chose (est) une obligation (coupes trihémimère et troisième trochaique)

en face de 1615

καλόν τοι | σὺν ἐμοὶ | τὸν κήδειν ὅς κ’ ἐμὲ κήδῃ ton devoir, c'est de te joindre à moi pour faire du mal à qui me faitdu mal litt. (il est) beau pour toi, uni à moi, de nuire à qui me nuit

(coupes trihémimère et penthémimère)

La phrase nominale ἃ "un terme"

165

Le fait est que l'ordre des mots est strictement paralléle dans les deux types de phrase. A deux exceptions près, χρή, ἀνάγκη, etc..., tout comme

l'adjectif neutre, précèdent l'infinitif selon l'ordre habituel dans les phrases attributives : prédicat - sujet. Or, pour que l'infinitif puisse étre tenu pour un déterminant du nom, il faudrait qu'il forme avec le nom une séquence indissociable, dans la majorité des cas au moins; la réalité est fort différente : tout se passe au contraire

comme si l'aède avait recours à tous les moyens syntaxiques ou prosodiques à sa disposition — enjambement, particules, coupes — pour dissocier infinitif et nom et en faire un sujet et un prédicat. Il est vrai que la structure du vers, qui est formulaire, a pu jouer un grand róle dans la constitution de ce type de séquences.

I] semble donc évident que, dés lors qu'ils sont accompagnés d'un infinitif, χρή, χρεώ, &voyxn, etc..., ont tendance à cesser de fonctionner

comme noyaux uniques de phrases nominales à un terme. La conclusion est qu'il est vain de vouloir à tout prix faire la différence

entre phrases à un terme et phrases attributives à deux termes. L'exercice a du moins l'intérét de souligner combien il est difficile en grec? de distinguer prédication d'existence (il y a nécessité de faire) et prédication attributive (faire est nécessaire), et donc d'inciter à la méfiance devant toute analyse de la phrase nominale qui se fonderait sur une distinction entre essence et existence. Datif et infiniti Il arrive que certains noms comme θυμός, νέμεσις, ἀνάγκη,

μοῖρα,

soient accompagnés à la fois d'un infinitif et d'un datif. θυμός N 775

Ἕκτορ, ἔπει τοι θυμὸς ἀναίτιον αἰτιάασθαι Hector, puisque ta passion (est) d'accuser un innocent

1 Cf. infra, ch. IX, p. 299. 2 Cela n'est pas vrai dans toutes les langues. Dans certains parlers berbères, par exemple, le passage à la tournure négative, qui différencie les deux tours, permet de vérifier que la langue distingue en effet l'essence de l'existence (cf. supra, première partie, ch IV). Tel n'est pas le cas en grec.

ANALYSE DES CONSTITUANTS

où γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot (n'est) point encore de mourir πὶ d'accomplir ton destin

εἴ περ uot καὶ μοῖρα Διὸς πληγέντι κεραυνῷ κεῖσθαι ὅμοῦ νεκύεσσι μεθ’ αἵματι καὶ κονίῃσιν quand même (j'aurais) pour destin, frappé par la foudre de Zeus, d'être couché avec les morts dans le sang et la poussière Ψ 80

καὶ δέ col αὐτῷ μοῖρα θεοῖς ἐπιείκελ' ᾿Αχιλλεῦ τείχει ὅπὸ Τρώων εὐηφενέων ἀπολέσθαι et, à toi-même, Achille pareil aux dieux, le destin (est) de périr sous les

murs des Troyens opulents

ἄναγκη Ε 633

Σαρπῆδον, Λυκίων βουληφόρε, τίς τοι ἀναγκη πτώσσειν ἔνθαδ᾽; Sarpédon, conseiller des Lyciens, quelle nécessité (y-a-t-il) donc pour toi de te terrer ici! ?

Y 251

ἄλλά τί À ἔριδας καὶ νείκεα viv ἀναγκη νεικεῖν ἀλλήλοισιν ἐναντίον ; mais sommes nous forcés [litt. en quoi (y a-t-il) pour nous nécessité] de nous disputer, de nous prendre à partie face à face ?

χρή

E 490

σοὶ δὲ χρὴ τάδε πάντα μέλειν νύκτάς τε καὶ ἥμαρ eh bien, tout cela c'est à toi d'y songer nuit et jour lit. mais pour toi, obligation (il y a) de songer à tout cela nuit et jour

REMARQUE : la fonction du datif

La construction nom-datif-infinitif fait difficulté ; en effet, si χρή, μοῖρα, etc.. . Sont les noyaux d'une phrase nominale à terme unique,

il parait légitime de considérer que, dans des phrases qui contiennent un

pronom personnel au datif du type H 52 οὗ γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν ton lot n'est point encore de mourir

ou E 490 aol δὲ χρὴ τάδε πάντα μέλειν

νύκτας τε καὶ ἥμαρ eh bien, tout cela, c'est à toi d'y songer (= pour toi obligation il y a d'y songer) nuit et jour, le datif est un déterminant du nom. L'ordre des mots, qui place généralement le datif avant le nom, et sa

Î Nous considérons τίς comme une expansion du nom; cela se discute : cf. infra, p. 232 sq.

La phrase nominale à "un terme"

167

valeur fréquemment possessive dans la langue épique! semblent confirmer cette analyse. Cependant, l'existence de toute une série de phrases à deux termes de type nom sujet - datif prédicat comme : E 759 ^ 197

ἐμοὶ 5’ ἄχος τῷ μὲν κλέος

à moi la souffrance ἃ lui la gloire

Σ 180

σοι λώβη

à toila honte

interdisent d'établir une séparation définitive entre les deux types de

construction?. Cela permet de souligner une fois encore combien il est difficile de vouloir opposer des structures de phrases en réalité trés proches. 3. Le noyau est un adjectif 3. 1. Adjectif neutre seul Un certain nombre d'adjectifs neutres se trouvent employés seuls, ou suivis d'une expansion (adverbe ou datif instrumental).

En indépendante : A 217

& γὰρ ἄμεινον car ainsi (c'est) mieux

Y 368

ἔγχει δ' ἀργαλέον avec la lance (ce serait) moins aisé

En subordonnée :

V 537

ὧς ἐπιεικές ainsi qu'il (est) convenable

=

T 147

Ξ 125

τὰ δὲ μέλλετ’ ἀκουέμεν, ὥς ércóv περ cela, vous devez avoir entendu dire combien (c'est) vrai

5 307

ἐπεὶ À πολὺ φέρτερον οὕτω car (c'est) bien préférable ainsi

1 Cf. P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 71. 2 Cf. infra, "Phrase nominale à deux termes", p. 182 sq.

168

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Une fois encore, la difficulté est de savoir si l'on se trouve en présence d'une phrase nominale à un terme ou d'une phrase elliptique à deux termes. Certes, de telles expressions sont couramment employées sans sujet, et

l'on peut soutenir, si l'on ne prend en compte que ce qui est effectivement énoncé, qu'elles se suffisent à elles-mémes : évident ! mieux ainsi ! difficile ! etc..., sans qu'il soit nécessaire ni méme utile de parler d'ellipse du sujet. C'est ce que nous faisons ici en les rangeant au nombre des phrases nominales à un terme. Il faut savoir cependant que l'adjectif neutre employé seul a toujours,

dans les phrases citées, un sujet implicite qui est l'idée contenue dans la phrase précédente, qu'elle soit exprimée par le verbe ou par l'ensemble de la phrase. Ainsi ὡς ἐπιεικές signifie : comme cela est convenable, ἐπεὶ À πολὺ

φέρτερον οὕτω : car cela vaudra cent fois mieux, ὧς γὰρ ἄμεινον : cela sera mieux ainsi, ἔγχει δ' ἀργαλέον : avec la lance combattre sera

difficile. A cela s'ajoute le fait que l'adjectif, par sa nature, est volontiers prédicat. Ces phrases se classent parmi les phrases nominales à "un terme" parce qu'elles n'ont qu'un terme exprimé ; mais dans la mesure oü le terme manquant est présupposé, on peut aisément les ramener au modéle général : il s'agit ici d'une construction prédicative à deux termes avec effacement du

sujet. 3. 2. Adjectif neutre - infinitif Un tour fréquent consiste en l'emploi d'un adjectif neutre en téte de phrase suivi d'un infinitif. Ce tour rappelle la construction de χρή avec une

expansion à l'infinitif ; on pourrait donc étre tenté d'y voir une phrase nominale à un terme. La tournure impersonnelle du français incite d'autant plus facilement à faire de l'adjectif le noyau d'une phrase à terme unique que la langue de l'Iliade place constamment l'adjectif neutre en tête de phrase!, ce qui ne saurait tenir lieu d'argument.

Le fait est que la nature de l'adjectif, à laquelle est attachée la fonction de prédicat, et celle de l'infinitif, volontiers sujet, font de cette construction une phrase nominale à deux termes constituée d'un adjectif prédicat et d'un

I Cf. infra, p. 200 sq.

La phrase nominale à "un terme"

169

infinitif sujet. Il convient à ce propos de prendre garde à la traduction il est bon de, il convient de. O 51:

βέλτερον, fj ἀπολέσθαι

ἕνα χρόνον ἢὲ βιῶναι

mieux (vaut) en un instant (savoir si nous devons) vivre ou périr

B 297

ἀλλὰ καὶ

ἔμπης

αἶσχρόν τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι et cependant, il est honteux, après une si longue attente, de s'en revenir les mains vides V 791

ἄργαλέον δὲ ποσσὶν ἐριδήσασθαι ᾽Αχαιοῖς, el μὴ ᾿Αχιλλεῖ (il est) difficile pour les Achéens de lutter à la course avec lui, sauf pour Achille

Cette étude de l'adjectif neutre permet en tout cas de mettre une nouvelle fois en évidence l'existence d'une continuité entre les différents

types de structure de phrases, et par là de nous obliger à douter du bien fondé de la théorie qui veut qu'une structure unique, réservée à la phrase nominale dite "authentique", s'oppose à d'autres structures de phrase "non authentiques”. 3. 3. Adjectif en apposition

3.3.1. L'adjectif détermine un nom à un cas différent K 437

τοῦ δὴ καλλίστους

ἵππους ἴδον ft μεγίστους

λευκότεροι χιόνος, θείειν δ' ἀνέμοισιν

ὁμοῖοι

j'ai vu ses coursiers, les plus beaux et les plus grands (que j'aie jamais vus) ; ils (sont) plus blancs que neige et, pour courir, égaux au vent

K 545

εἴπ’ ἄγε u’, ὅππως

τοῦσδ'

ὦ πολύαιν' ᾿Οδυσεῦ, μέγα κῦδος ᾿Αχαιῶν, ἵππους λάβετον,

καταδύντες

ὅμιλον

Τρώων, À τίς σφωε πόρεν θεὸς ἀντιβολήσας ; αἰνῶς ἀκτίνεσσιν Zotkóreg ἢελίοιο. allons!, parle, illustre Ulysse, noble gloire des Achéens. De quelle façon avez-vous pris ces chevaux ? est-ce en plongeant dans la masse troyenne ?

1 Ce dernier exemple soulève d'autres problèmes, étant donné le statut semi-verbal du

participe ἐοικότες.

170

ANALYSE DES CONSTITUANTS Ou un dieu serait-il venu vous les offrir ? (ils sont) terriblement semblables aux rayons du soleil.

Ici, il s'agit d'une réponse. 3.3.2. Apposition ou phrase nominale ?

On peut se poser, à propos de certains adjectifs de genre animé, les mémes questions qu'à propos de certains noms habituellement analysés comme appositions!, dont on peut se demander s'il ne sont pas en réalité des constituants de phrases nominales à un terme. Voyons ce qu'il en est : μετὰ δὲ κρείων

B 477

ὄμματα καὶ κεφαλὴν

"Ayogu£uvov,

ἴκελος Διὶ τερπικεραύνῳ

au milieu d'eux (se trouve) le puissant Agamemnon ; pour les yeux et le

front (il est) pareil à Zeus tonnant.

B 526

Λοκρῶν 6' ἡγεμόνευεν ᾿Οιλῆος ταχὺς Αἴας, μείων, od τι τόσος γε ὅσος Τελαμώνιος Αἴας, ἀλλὰ πολὺ μείων c'était le fils d'Oilée, le rapide Ajax, qui conduisait les Locriens ; (il est) plus petit, (il n'est) pas aussi grand qu'Ajax le fils de Télamon, (il est)

méme beaucoup plus petit

( 572

Πηλείδης 5’ ofkoto λέων ὥς ἄλτο θύραζε, οὔκ οἷος, ἅμα. τῷ γε δύω θεράποντες ἕποντο Cependant le fils de Pélée bondit, comme un lion, hors de son logis ; il (n'était) pas seul ; deux écuyers l'accompagnaient...

B 745

τοὺς 5' tx Πηλίου doc καὶ Αἰθίκεσσι πέλασσεν : οὐκ οἷος, ἅμα τῷ γε Λεοντεύς, ὄζος "Apnoc il venait de les chasser du Pélion, de les pousser vers les Ethices. (Il n'est) pas seul, avec lui (se trouve) Léontée, rejeton d'Arès

Ces deux derniers exemples sont particuliérement intéressants en ce qu'ils montrent bien ce qu'est l'autonomie de l'adjectif dans la phrase homérique. En 2 573, οὐκ οἷος, qui est au cas et au genre du nom, peut passer pour une apposition : il le détermine. En revanche, en B 745, οὐκ οἷος jouit d'un véritable statut d'autonomie puisque le pronom qui, pour le sens, en serait le sujet se trouve quatre vers plus haut, et à l'accusatif.

1 Supra, p. 156 sq.

La phrase nominale ἃ "un terme"

171

Il est à noter en outre que, dans tous les exemples cités, l'adjectif se trouve bien souvent en rejet dans le vers suivant, ce qui invite d'autant plus à le traiter comme un élément autonome.

On est donc en droit de penser que l'adjectif n'est pas un simple déterminant mais continue à l'époque homérique à étre senti comme constituant d'une phrase nominale ainsi que l'écrit P. Chantraine! : “.. Le nominatif intervient librement à l'intérieur de la phrase. Parfois il constitue une bréve phrase nominale insérée dans le cours du développement : K 436-437 , K 545-547"

Et c'est bien de cette autonomie de l'adjectif que rend compte dans chacun des exemples précédents la traduction de Paul Mazon. 3.3.3. Phrase à un terme ou phrase à deux termes ?

La question est donc de savoir si cet adjectif, quand il a les caractéristiques d'une phrase nominale — phrase parce qu'autonome par rapport au contexte, et nominale parce que non verbale et non elliptique d'un verbe — est le noyau d'une phrase à un terme ou le prédicat d'une phrase

attributive. Contrairement à l'adjectif neutre dont le sujet est une abstraction, une "idée", l'adjectif de genre animé des exemples précédents invite à poser comme sujet grammatical un pronom personnel qui reprendrait le nom exprimé dans le contexte immédiat. Il est donc permis de considérer que ce type de phrases correspond également au modèle général et qu'il s'agit de phrases du type sujet - prédicat avec effacement du sujet, méme si cette

analyse a l'inconvénient d'une certaine lourdeur. Nous conclurons donc, une fois encore, au lien qu'entretient la phrase nominale avec l'apposition, et à la continuité entre les trois structures

rencontrées, à savoir apposition, phrase nominale à un terme et phrase nominale à deux termes : nous entrevoyons ici l'idée qu'il n'y a pas un type unique de structure de phrase nominale, à deux termes exprimés, opposé à d'autres mais bien plutót un passage graduel, et souvent insensible, d'un type à l'autre.

1 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 16.

172

ANALYSE DES CONSTITUANTS

4. Tours brachylogiques 4.1. Avec un nom ou un pronom :

4.1.1. Comparaisons Les comparaisons les plus simples prennent habituellement dans l'Iliade la forme de brachylogies. Il est douteux que celles-ci soient à ranger dans la catégorie des phrases nominales, la présence d'une idée verbale issue du verbe de l'élément comparé s'y faisant presque toujours sentir: c'est

précisément cette propriété des comparatives qui fait souvent parler à leur propos d'ellipse ou d'omission du verbe : "L'omission

du verbe est particuliérement

fréquente

dans

les

comparaisons : M 299 βῆ ῥ' Tuev ὥς τε λέων δρεσίτροφος, il part comme (part) un lion!.”

Pourtant ces notions d'omission et d'ellipse sont sans doute appliquées à tort aux expressions comparatives qui n'ont manifestement jamais connu de verbe, comme P. Chantraine le reconnait d'ailleurs? : “Il n'existe pas, à proprement parler, chez Homère d'ellipse du verbe dans la phrase verbale. Toutefois, il peut n'étre pas répété lorsqu'il peut étre aisément suppléé."

De fait, les phénomènes qui génèrent les expressions de ce type sont vraisemblablement à rapprocher de ceux qui régissent, d'une part, le jeu des questions-réponses et, d'autre part, la coordination?, dans lesquelles le verbe

n'est normalement pas répété. Nous préférerons donc à leur propos parler de présupposés* et dire

qu'il s'agit en effet de constructions non verbales, effectivement constituées d'un seul terme exprimé qui en forme le noyau. C'est pourquoi nous les

prendrons en compte, provisoirement du moins (il n'est pas exclu que certaines soient, sous certaines conditions, des phrases nominales au sens où nous l'entendons). Pour chacun des exemples cités nous prendrons soin

néanmoins de noter le verbe ou l'expression verbale "effacée". 1 P. Chantraine, Gram. Hom., II, p. 7. 2 Ibid., p. 6. 3 Cf. supra, p. 131. 4 Sur la notion de présupposé, voir O. Ducrot, Le dire et le dit, Paris, 1984.

La phrase nominale à "un terme"

173

ὥς + nom

Γ 381

τὸν δ' Éffpnog ' " Agpobí(tn fecic μάλ’ ὥς τε θεός mais Aphrodite alors le lui ravit : ce n'est qu'un jeu pour la déesse

litt. trés facilement, ainsi qu'une déesse

$ 493

δακρύοεσσα δ’ ὕπαιθα θεὰ φύγεν ὥς τε πέλεια. la déesse baissa la tête en pleurant et s'enfuit comme une colombe

X 308

οἴμησεν δὲ Acc ὥς v' αἴετός ὑὕψιπετήεις puis, se ramassant, il prit son élan, ainsi qu'un aigle de haut νοὶ

ὡς + pronom Z 477 Ζεῦ ἄλλοι τε θεοί, δότε δὴ καὶ τόνδε γενέσθαι

παῖδ’ ἐμόν, ὥς καὶ ἐγώ περ, ἀριπρεπέα Τρώεσσιν Zeus ! et vous tous, dieux ! permettez que mon fils, comme moi, se distingue entre les Troyens, qu'il montre une force égale à la mienne !

Ω 398

ἀφνειὸς μὲν 8 y' ἐστί, γέρων δὲ δὴ ὧς σύ περ ὧδε il est riche mais vieux, tout comme toi

ὡς + datif

Q 68

φίλτατος ἔσκε θεοῖσι βροτῶν ot tv ᾿Ιλίῳ εἰσίν -

ὡς γὰρ ἔμοιγ' mais Hector était pour les dieux le plus cher des mortels qui sont dans Ilion, comme (il l'était) pour moi

Nom + ὧς!

Δ 471

of δὲ λύκοι ὡς ἀλλήλοις Énópovcav et eux, comme des loups, se ruerent les uns sur les autres

Q 770

ἑἕκυρὸς δὲ πατὴρ ὥς ἥπιος oet mon beau-père, lui, était envers moi doux comme un père (phrase nominale)

Δ 482

6 5' ἐν κονίῃσι χαμαὶ

πέσεν αἴγειρος ὥς

et l'homme chut au sol dans la poussiére comme un peuplier

! Remarque : Etymologiquement ὥς, particule postposée, ne doit pas être confondue avec ὡς puisqu'il s'agit d'un ancien “whux < *swo instrumental. Mais très tôt, elle a été

sentie comme un emploi particulier de ὡς.

174

ANALYSE DES CONSTITUANTS

ὥς ὅτε + nom

^ 462

ἤριπε δ', ὡς ὅτε πύργος, Evi κρατερῇ ὕσμένῃ il s'écroula comme lorsque (s'écroule) une tour dans la mêlée brutale

V 712 ἀγκὰς δ' ἀλλήλων λαβέτην χερσὶ στιβαρῇσιν ὡς ὅτε ἀμείβοντες, τοὺς τε κλυτὸς ἤραρε τέκτων δώματας ὑψηλοῖο,

βίας ἀνέμων ἀλεείνων

ils s'empoignent à bras le corps avec leurs mains vigoureuses comme dans le cas (litt. comme il arrive quand) des chevrons qu'un charpentier fameux assemble au haut d'une maison, pour la garder des violences du vent

Relatives comparatives ^ 361

τὰ γὰρ φρονέεις ἅ τ' ἐγώ περ

car tu ressens ce que précisément je (ressens) (phrase nominale)

H 286

ἀρχέτω, αὐτὰρ ἐγὼ μάλα πείσομαι fj περ ἂν οὗτος qu'il donne le signal, de mon côté j'obéirai totalement à ce que celui-ci (ordonnera)

Φ 371

οὗ μέν τοι ἐγὼ τόσον αἴτιός εἶμι, ὅσσον οἵ ἄλλοι πάντες, ὅσοι Τρώεσσιν ἄρωγοί je suis beaucoup moins coupable que (ne l'est) aucun autre champion de Troie

4.1.2. En subordonnée avec εἶ ou ὅτε

Comme

dans les exemples précédents, la phrase peut n'être pas

véritablement nominale parce qu'elle est rattachée à un verbe qui se trouve

dans le contexte immédiat : Π 227

οὔτέ τεῳ σπένδεσκε θεῶν, ὅτε μὴ Διὶ πατρί et lui-même n'y faisait libation à aucun dieu, quand ce (n'était) pas à Zeus Père

Mais il se peut aussi qu'il s'agisse d'une phrase constituée:

nominale

bien

- parce que le contexte est lui-même formé d'une phrase nominale : Ψ 791

ἄργαλέον

δὲ

ποσσὶν ἐριδήσασθαι ᾿Αχαιοῖς, εἶ μὴ ᾿Αχιλλεῖ (il est) difficile pour les Achéens de lutter à la course avec lui, sauf pour Achille

La phrase nominale à "un terme"

175

- parce que rien dans le contexte précédent ne permet de présupposer

un verbe : Σ 219

ὥς δ’ ὅτ’ ἀριζήλη φωνή, ὅτε v' ἴαχε σάλπιγξ ||. ἃς τότ' ἄριζήλη φωνὴ γένετ’ Αἰακίδαο comme (il arrive) quand (il y a) un son éclatant et que retentit la trompette [...], ainsi éclatante sonne la voix de l'Eacide.

Le verbe γένετο est placé deux vers plus loin, trop loin pour porter de quelque manière que ce soit sur la phrase nominale. 4. 2. Avec un adverbe

Il s'agit généralement de tours brachylogiques difficilement analysables. 4.2.1. En proposition indépendante assertive : P 450

οὗ yàp Édouwr

ἣ ody ἅλις ὗς καὶ τεύχε' ἔχει καὶ ἐπεύχεται αὕτως; je ne le tolérerai pas ; n'(est-il) pas suffisant qu'il ait les armes et s'en glorifie comme il fait 7

interrogative : K 424

πῶς γὰρ νῦν; comment donc [font-ils] à cette heure 7

4.2.2. Comparaisons! : ὥς + adverbe

E 806

αὐτὰρ ὃ θυμὸν ἔχων ὃν καρτερόν, ὥς τὸ πάρος περ

cf.

mais il avait le cœur brutal, comme toujours litt. comme auparavant H 370

B 258

εἴ x’ ἔτι σ’ ἀφραίνοντα κιχήσομαι ὥς νύ περ ὧδε que je te trouve encore à faire l'idiot comme (c'est) justement le cas

® 476

μὴ σευ νῦν ἔτι πατρὸς ἑνὶ μεγάροισιν ἀκούσω εὐχομένου, ὥς τὸ πρὶν ἐν ἀθανάτοισι

θεοῖσιν

1 Pour les difficultés propres aux expressions comparatives, voir supra, p. 172.

176

ANALYSE DES CONSTITUANTS que désormais je ne t'entende plus au palais paternel te vanter, comme jadis, au milieu des dieux immortels

Relatives :

V 480

ἵπποι δ' αὐταὶ ἔασι παροίτεραι, αἷ τὸ πάρος περ ce sont les mêmes chevaux qui sont les premiers, ceux qui précisément (l'étaient) auparavant

4.2.3. Subordonnées avec εἶ, ὅτι, ὄφρα : E 690 : ὄφρα τάχιστα le plus vite possible ^ 193 : ὅττι τάχιστα le plus vite possible I 659, 0 146, V 71, = 29, V 403, W 414, etc... 5. Le noyau de la phrase est un adverbe Les exemples sont rares mais bien attestés. Il s'agit d'expressions figées

qui sont à coup sûr non verbales. ἅλις

ἅλις, qu'on trouve par ailleurs employé avec un datif!, est parfois utilisé comme noyau d'une phrase interrogative : E 349

À οὐχ ἅλις ὅττι γυναῖκας ἀναάλκιδας ἥπεροπεύεις; (n'est-il) pas suffisant que tu subornes de faibles femmes 7

P 450

fi οὐχ ἅλις ὧς καὶ τεύχε’ ἔχει; (n'est-il) pas suffisant qu'il ait les armes 7

ἄλλως

:

A 391

fj τ’ ἄλλως ὅπ’ ἐμεῖο (il en est) autrement du mien

ἄνα ἄνα debout ! est un adverbe exclamatif :

1247

AA’ ἄνα, cl μέμονας yc

=

allons, debout, si tu as quelque envie ... Z 331, etc...

! Comme en I 376 ἅλις δέ of ; voir à ce sujet : infra, ch. II, p. 80.

La phrase nominale ἃ "un terme"

177

Nous ne tenterons pas d'analyser de telles expressions. En revanche, certaines phrases qui semblent avoir un adverbe pour terme unique sont en réalité des phrases à deux termes dont le sujet effacé! : K 113

οὖδὲ udA' ἐγγύς et (les nefs ne sont) pas tout prés

Conclusion

Il existe en grec un certain nombre d'expressions non verbales à un seul terme. Toutes ne sont pas des phrases nominales : certaines d'entre elles restent en marge parce qu'elles sont des tournures brachylogiques, elliptiques du verbe, ou des expressions figées difficilement analysables.

En revanche, un bon nombre d'entre elles ont des caractéristiques de phrases nominales :

- elles contiennent des marques de constitution de phrase (particules, adverbes).

- elles ne sont ni verbales ni elliptiques d'un verbe.

Le terme unique qui pose ainsi une existence, peut étre : - un adverbe (emploi rare),

- un nom, - un adjectif (mais le cas de l'adjectif dont la fonction habituelle est de déterminer un nom souléve quelques difficultés). Quand le noyau de la phrase est un nom : A l'exception des noms signifiant la nécessité ou le destin, il est rare qu'un nom soit employé à l'état isolé comme noyau d'une phrase nominale.

Si tel est le cas, le nom a une valeur exclamative, ou fonctionne comme réponse ; il est alors placé en tête de la phrase ou en tête du discours. La plupart du temps le nom reçoit des expansions —

casuel, adverbe, infinitif.

1 Cf. infra, p. 185 sq.

déterminant

178

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Or la présence de ces expansions rapproche la phrase ainsi formée d'autres types de phrases dont les constituants sont les mémes, mais qui

présentent une autre organisation syntaxique : - nom sujet - datif - nom sujet - adverbe

Par exemple la phrase à un terme À τι μάλα χρεώ; y a-t-il un immense besoin ? (1 197) n'est pas tellement différente de οὐδέ ποθι μιαρός nulle part il n'y a de souillure (92 420) ou de ἐγγὺς ἀνήρ l'homme (est) tout près

(= 110) phrases dans lesquelles nous serons amenés

à

reconnaitre des phrases nominales à deux termes! :

- sujet - prédicat nominal présenté souvent sous la forme inversée prédicat - sujet. Quand le noyau est un adjectif - neutre : Il est rarement employé seul. Si tel est le cas, il est proche d'une phrase

nominale à deux termes dont le sujet effacé serait un "cela" à tirer du contexte. La plupart du temps l'adjectif neutre est, comme le nom, suivi d'un infinitif : mais dans ce cas, on pourra sans difficulté faire de l'infinitif le sujet de l'adjectif, tandis que l'adjectif, dont c'est justement la fonction habituelle, devra être considéré comme prédicat. - masculin ou féminin :

Il se peut que l'adjectif soit apposé au nom qui précède ; parfois cependant, il est isolé et mis en relief en début de vers. Dans ce cas il faut admettre qu'il est un constituant d'une phrase nominale. On est amené alors

à poser une construction nominale à deux termes de type sujet - prédicat dont le sujet est effacé. En somme,

l'étude de la phrase nominale à un terme conduit à

découvrir un certain nombre de notions importantes qui s'y rattachent.

1 Cf. infra, p. 185 sq.

La phrase nominale à "un terme"

179

Elle permet de : - poser l'existence de quatre types de structure de phrase.

- poser la notion d'effacement du sujet gráce à laquelle le lien se trouve établi entre la phrase nominale à un terme et les autres types de phrase. - souligner déterminante

l'importance

dans

du

contexte qui intervient

de

façon

le choix que fait le sujet parlant de la structure

grammaticale apparente. - discerner l'existence d'une continuité entre les différents types de structure de phrase, phénomène accentué sans aucun doute par l'une des caractéristiques de la langue épique qui est sa structure modulaire, mais aussi repérable gráce à elle. Il faut souligner l'importance de cette notion de

continuité : c'est en effet l'existence d'un mode de passage scalaire d'un type de phrase à l'autre qui interdira de considérer qu'une phrase nominale "authentique" ne peut appartenir qu'à un seul type de structure de phrase, à

savoir la phrase attributive.

180

chapitre 2

La phrase nominale à deux termes

Une assertion passe normalement par la constitution d'une relation "prédicative" entre deux termes appelés, l'un sujet, l'autre prédicat. Cela

explique suffisamment qu'à la relative rareté de la phrase à "un terme" puisse s'opposer l'abondance des phrases à "deux termes". Sur le plan formel, ce type de phrase n'est pas homogène mais se répartit en quatre groupes : -

sujet sujet Sujet sujet

-

génitif prédicat datif prédicat adverbe ou syntagme prépositionnel attribut

qui sont à leur tour susceptibles de se diviser en sous-groupes si l'on tient compte de la nature de leur prédicat, de leur sujet, et de l'ordre des mots.

Ces phrases posent, pour commencer, un probléme d'ordre général, celui de leur reconnaissance comme phrases!. Nous reviendrons sur ce point cas par cas. Il existe cependant des critéres généraux de reconnaissance de ces phrases. Certains de ces critéres sont les mémes que pour la reconnaissance de phrases à "un terme" : - Une

phrase

est

un

exposé

assertif fini

entre

deux

pauses?.

Reconnaître la fin d'une phrase précédente, ou le commencement d'une

1 Sur

la notion de

phrase

et l'ensemble

des

problèmes

qui

lui sont

F. Charpin, L'idée de phrase grammaticale et son expression en latin.

2 Cf. E. Benveniste, "La phrase nominale".

attachés,

voir

La phrase nominale à deux termes

181

phrase subséquente suffit à assurer que l'on est bien en présence d'une phrase et non d'un syntagme nominal. - La présence de particules (ἀλλα, δέ, γάρ, ἤτοι), d'adverbes, de subordonnants (ὅς, εἴ) sont des marques suffisantes de constitution de

phrase. La reconnaissance d'une phrase à deux termes suppose en outre qu'on

la différencie d'un simple syntagme nominal. Dans certaines langues, comme l'éthiopien classique, une marque morphologique spécifique est attachée au mot quand celui-ci n'est qu'une expansion. Mais en grec, il n'existe pas de telles marques. C'est pourquoi l'on ne peut éviter de définir les critéres qui permettent de reconnaître deux termes juxtaposés comme phrase : de fait, on reconnaîtra une phrase à la présence d'une pause entre les deux termes, pause qui, dans l'hexamétre dactylique, est généralement représentée par une coupe!. Voici les principaux types de phrases à deux termes :

1. Sujet - prédicat au génitif Les phrases de ce type sont peu nombreuses dans l'Îliade. Du point de vue sémantique, le prédicat au génitif indique l'appartenance ; il fait toujours partie de la classe des noms. 1.1. Critéres de reconnaissance

Quand le sujet est un pronom, le probléme de la reconnaissance de la phrase nominale comme phrase à deux termes ne se pose pas : le pronom ne peut recevoir de déterminant au génitif. Mais si le sujet est un nom, il y a un risque de confusion : comment distinguer une phrase nominale d'un syntagme constitué d'un nom et d'un génitif adnominal ? Et quand la phrase est constituée de deux noms dont l'un est au génitif, comment savoir si l'on est en présence d'un sujet et d'un prédicat au génitif ou s'il s'agit d'une phrase à un terme constituée d'un nom et d'un génitif

1 La coupe sera désormais représentée par le symbole | .

182

ANALYSE DES CONSTITUANTS

adnominal ? Comme nous l'avons dit précédemment, seule la recherche de la pause, marquée par la coupe, permet de trancher ; ainsi, en : A13

"AM

Aror νίκη μὲν

ἀρηιφίλου Μενελάου

mais la victoire en tout cas (appartient) à Ménélas chéri d'Arès

la coupe troisième trochaïque placée aprés la particule, permet de s'assurer que le génitif est prédicat, et, en:

E 379

οὗ yàp ἔτι Τρώων καὶ ᾿Αχαιῶν

| φύλοπις ctv,

(ce n'est) plus désormais entre Troyens et Achéens (qu'a lieu) l'atroce mêlée

la pause bucolique remplit la même fonction.

1.2. Ordre : sujet - génitif prédicat Le sujet est un nom A13 ᾿Αλλ’ ἤτοι νίκη μὲν

| ἀρηιφίλου Μενελάου

mais la victoire en tout cas (appartient) ἃ Ménélas chéri d'Arès

Le sujet est un pronom Θ 524

μῦθος δ’ ὃς μὲν νῦν ὑγιὴς ... le langage qui à cette heure (est) sensé

E265

Τῆς γάρ rox γενεῆς ἧς ... car ils (sont) de la race dont ...

V 790 οὗτος δὲ προτέρης γενεῆς προτέρων τ’ ἀνθρώπων mais celui-là (est) de l'âge d'avant, de la génération précédente

1.3. Ordre : génitif prédicat - sujet E 379

οὗ yàp ἔτι Τρώων καὶ ᾿Αχαιῶν | φύλοπις αἰνή (ce n'est) plus désormais entre Troyens et Achéens (qu'a lieu) l'atroce mêlée

2. Sujet - prédicat au datif Cette construction, contrairement à la précédente, est fréquente dans l'Iliade ; sur le plan sémantique, elle indique l'appartenance.

La phrase nominale à deux termes

183

2.1. Critéres de reconnaissance

Dans la langue épique τοι τόξον peut théoriquement signifier un arc

est à toi, tu as un arc, mais peut tout aussi bien représenter un simple syntagme nominal ton arc si le datif est un datif sympatheticus!

utilisé

comme déterminant du nom. C'est dans les exemples suivants la présence d'une marque de constitution de phrase, particule, adverbe, terme subordonnant, qui garantit l'existence d'une phrase :

V 736

νίκη 6' ἀμφοτέροισιν mais la victoire (est) à vous deux

® 157

αὐτὰρ ἐμοὶ γενεὴ ἐξ ᾿Αξιοῦ εὐρὺ ῥέοντος au contraire, mon origine (remonte) à l'Axios au large cours

K 418

οἷσιν &vdyxn, pour qui c'est nécessaire litt. pour qui (il y a) nécessité

En l'absence de marque de constitution de phrase, c'est le contexte immédiat qui renseigne sur la nature du syntagme : dans les deux seules occurrences de cette nature, la phrase nominale fait partie d'un système conditionnel dont elle est la proposition principale ; il n'y a donc aucun doute possible. Σ 180

co: λώβη, αἴ κέν τι νέκυς ἠσχυμμένος ἔλθῃ pour toi quelle honte (litt. (ce sera) une honte], s'il arrive parmi les morts mutilé !

X53

outrageusement

εἶ δ' ἤδη τεθνᾶσι καὶ εἶν "A(6xo δόμοισιν, ἄλγος ἐμῷ θυμῷ καὶ μητέρι, τοὶ τεκόμεσθα

1 Sur ce datif, voir P. Chantraine, Gram. hom. II, $ 92, p. 71: "Une extension très ancienne de l'emploi du datif consiste dans l'usage de ce cas pour désigner la personne qui est particulièrement intéressée au procès verbal. Il se trouve ainsi proche du génitif mais comporte une signification moins objective [...]. De nombreux exemples de datif comportent unc valeur possessive [...]. Ce tour s'observe particuliérement avec les pronoms personnels atones du type uoi, vot, of, etc..., dont on a pensé qu'ils comportaient originellement la valeur de génitif."

184

ANALYSE DES CONSTITUANTS mais si déjà ils ont péri, s'ils sont aux demeures d'Hadès, quelle (litt. (c'est) une] peine pour notre cœur, à moi et à leur mère, qui leur avons donné le jour !

2.2. Ordre : sujet - datif prédicat Le sujet est un nom V 342 χάρμα δὲ τοῖς ἄλλοῖσιν et la joie (est) pour les autres

V 736

νίκη δ' ἀμφοτέροισιν la victoire (est) à vous deux

X53

ἄλγος ἐμῷ θυμῷ καὶ μητέρι quelle [/it. (c'est) une] peine pour notre coeur, à moi et à leur mère !

Le sujet est un pronom Σ 435

ἄλλα δέ μοι νῦν

pour moi, voici d'autres douleurs encore litt. d'autres (douleurs) (sont) maintenant pour moi

2.3. Ordre : datif prédicat - sujet Cet ordre est de beaucoup le plus courant. A 197

τῷ μὲν κλέος, ἄμμι δὲ πένθος

-

pour lui la gloire, pour nous le deuil Δ 207

Δ 417

τούτῳ 5' αὖ μέγα πένθος ᾿Αχαιῶν δῃωθέντων ce (sera) pour lui un deuil immense, si les Achéens sont détruits

2278



τῷ δ' ἄλγιον

pour lui (il y aura) une grande souffrance

E 759

ἐμοὶ δ' ἄχος mais j'en souffre, moi litt. pour moi (il y a) de la souffrance

Σ 180

σοι λώβη (quelle) opprobre (il y aura) pour toi

T 63

Ἕκτορι

μὲν καὶ Τρωσὶ

τὸ κέρδιον

La phrase nominale à deux termes

185

le profit (est) pour Hector et les Troyens

K 418

οἷσιν ἀνάγκη pour qui c'est nécessaire litt. pour qui (il y a) nécessité

Dans tous les phrases de ce type, le sujet exprime une notion abstraite : la souffrance, la rancune, la honte, la gloire, le profit, la nécessité. Les datifs sont presque toujours des pronoms (une trentaine de pronoms contre trois noms), qui se répartissent comme suit :

1€ pers. sg

:

μοι, ἐμοί

2€ 3€ 1c 3e

: : : :

σοι, tot τῷ, τούτῳ ἄμμι οἷσι, ἀμφοτέροισι

pers. pers. pers. pers.

Sg sg pl pl

3. Sujet - prédicat adverbial ou prépositionnel Ce type est bien représenté, puisqu'il y a 67 occurrences. Adverbes et syntagmes prépositionnels sont à étudier ensemble du fait qu'ils ont une signification analogue — ils expriment le lieu et secondairement le remps ou toute autre notion dérivée — et qu'en outre la frontière entre les deux séries n'est pas toujours aisée à définir. Il faut en effet tenir compte de

l'indépendance des termes qui caractérise la langue homérique : un datif d'intérêt peut fort bien se trouver au voisinage d'un adverbe tel que ἕν, περί ou ἐπί sans que pour autant celui-ci soit nécessairement senti comme une

préposition. Nous avons néanmoins pu répartir toutes les occurrences en deux séries, que voici : 3.1. Prédicat adverbial

3.1.1. Ordre : sujet - adverbe V 498

οἵ τε πάροιθεν ceux qui (sont) au premier rang

186

ANALYSE DES CONSTITUANTS

3.1.2. Ordre : adverbe - sujet

Le prédicat est un adverbe interrogati Le sujet est un nom. ^

πῶς;

L'emploi de cet adverbe semble infirmer l'idée que tous les prédicats adverbiaux expriment le lieu. Il s'agit en réalité d'une exception apparente. En effet, la phrase

commengant

par πῶς; est la derniére d'une suite

d'interrogations toutes amenées par no); Πῶς δαί; fonctionne en fait ici comme une variante stylistique de ποῦ; K 408

πῶς δαὶ τῶν ἄλλων Τρώων φυλακαί τε καὶ cüvat ; comment donc (sont) les avant-postes et le campement Troyens ?

des autres

ποῦ;

N 770

ποῦ τοι Δηίφοβός τε βίη θ’ “Ἑλένοιο ἄνακτος ᾿Ασιάδης τ’ ᾿Αδάμας Nö’ ἼΑσιος, Ὑρτάκου υἷός ; ποῦ δέ τοι "O8pvoveó ; où (sont) donc Déiphobe et le vigoureux seigneur Hélénos, et Adamas, fils d'Asios, et Asios, fils d'Hyrtaque ? où est Othryonée ?

Le prédicat est un adverbe de lieu Le sujet est un nom. K 251

ἔγγύθι

δ' f

l'aube (est) tout prés

E 740

ἐν δ' Ἔρις, Ev δ’ ᾿Αλκή, tv δὲ κρνόεσσα ᾿Ιωκή, Ev δέ τε Γοργείη κεφαλὴ là (il y a) Querelle, Vaillance, Poursuite qui glace les coeurs, et la tête de la Gorgone

E 216

ἔνθ’ Evi μὲν φιλότης, Ev δ’ ἵμερος, ἐν δ' δαριστύς là dessus (sont) la tendresse, le désir, l'entretien amoureux aux propos séducteurs

Σ 422

ἔνθα Θέτις περ là (se trouve) Thétis précisément

B 477

μετὰ δὲ κρείων "Ayauéuvov,

187

La phrase nominale à deux termes au milieu d'eux (se trouve) le puissant

Agamemnon

ἀμφὶ δ' ᾿Αθηναῖοι

^ 328 et tout autour (sont) les Athéniens περὶ

A 37

δὲ Δεῖμος

τε Φόβος

τε

et tout autour (se trouvent) Terreur et Déroute

o05' ἔπι xcpun

N 104 (il n'y a) pas en (eux) de goût pour la lutte

αὐτὰρ ὄπισθεν

Q 325 ἵπποι mais derrière (viennent) les chevaux

τηλόθι δ’ ὕλη

Ω 662

ἀξέμεν

ἐξ ὄρεος

(tu sais) que le bois (est) loin, à amener de la montagne

E 479

τηλοῦ γὰρ Avk(n, Ξάνθῳ ἐπὶ δινήεντι (elle est loin) la Lycie, sur les bords du Xanthe tourbillonnant

οὔδέ ποθι μιαρός

() 420 et (il n'y a) nulle part de souillure

3.2. Prédicat prépositionnel Nom sujet - prédicat prépositionnel Δ 253

Ξ»Ιδομενεὺς μὲν ἑνὶ προμάχοις, Idoménée (se tient) devant leurs lignes

I 153

πᾶσαι δ’ ἐγγὺς ἅλός, νέαται Πύλου ἡμαθόεντος toutes (sont) prés de la mer, au bout de la Pylos des sables I 295

Pronom sujet - prédicat prépositionnel καὶ ἄντυγες ot περὶ δίφρον

A 535

et la rampe qui (est) autour du char

A 537

αὖ τ' ἀπ΄ ἐπισσώτρων (les éclaboussures) qui (jaillissent) des jantes

188

ANALYSE DES CONSTITUANTS Γ 391

κεῖνος 8 y' Ev θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι λέχεσσι celui-ci (est) dans la chambre, sur le lit fait au tour

Χ 299

&AA' ὃ μὲν Ev τείχει mais il (est) dans nos murs

Prédicat prépositionnel - nom sujet K 435

tv δέ σφιν “Ῥῆσος Βασιλεύς, πάις ᾿Ηιονῆος et au milieu d'eux (se trouve) Rhésos, leur roi, fils d'Eionée

O 741

τῷ Ev xepat

φόως, οὗ μειλιχίῃ πολέμοιο

le salut (est) donc dans nos mains, non dans la faiblesse au combat

II 630

tv yàp χερσὶ τέλος πολέμου, ἐπέων δ’ ἑνὶ βουλῇ : car l'issue de la guerre (est) dans nos bras, (celle) des paroles (est) au conseil

I 319

tv δὲ ἰῇ τιμῇ ἡμὲν κακὸς ἠδὲ καὶ ἔσθλός dans la même estime (se trouvent) le lâche et le brave

K 428

πρὸς μὲν ἁλὸς Κᾶρες καὶ Παίονες ἀγκυλότοξοι καὶ Λέλεγες καὶ Καύκωνες δῖοί τε Πελασγοί du cóté de la mer (se trouvent) les Cariens,

les Péoniens aux

arcs

recourbés, les Lélèges, les Caucónes et les Pélasges divins e 261

τοὺ δὲ per’ ᾿Ατρείδαι,

"Ayaufuvov

καὶ

Μενέλαος

τοῖσι δ' En’ Αἴαντες, θοῦριν ἐπιειμένοι ἀλκήν, τοῖσι δ' in’ ᾿Ιδομενεὺς καὶ ὀπάων ᾿Ιδομενῆος

Μηριόνης, ἀτάλαντος ᾿Ενυαλίῳ &vbprupóvtn, τοῖσι 5’ in’ ᾿Ευρύπυλος, Εὐαίμονος ἀγλαὸς υἷός Derrière Diomède se (trouvent) les Atrides,

Agamemnon et Ménélas ; puis

les deux Ajax vêtus de leur valeur ardente, puis Idoménée, et le suivant

d'Idoménée, Mérion, émule d'Enyale meurtrier, puis Eurypyle, illustre fils

d'Evémon I 43

ἔρχεο ' πάρ tot 666 pars : la route (est) devant toi

Ω 408

fj ἔτι πὰρ νήεσσιν ἐμὸς nci dis-moi si mon fils (se trouve) toujours prés des nefs

La phrase nominale à deux termes

189

Prédicat prépositionnel - pronom sujet A 174

πάρ’ ἔμοιγε καὶ ἄλλοι prés de moi (il y en a) bien d'autres

4. Sujet - attribut Sur le plan formel, la différence entre un attribut et les prédicats étudiés précédemment tient au fait que l'attribut est dans une plus grande dépendance par rapport au sujet. Cette dépendance se manifeste essentiellement par le phénomène de l'accord, variable, il est vrai, selon la

nature du prédicat : le nom, quand il est attribut,

reste

relativement

indépendant du sujet puisqu'il ne s'accorde qu'en cas et pas toujours en nombre, tandis que l'adjectif prend obligatoirement, sauf exception, à la fois le cas, le genre et le nombre du sujet.

4.1. L'attribut est un nom

Critéres de reconnaissance du prédicat Il importe une fois encore de se poser la question préalable des critéres de reconnaissance du prédicat. Mais cette fois, la question n'est pas de savoir si l'on se trouve en présence d'une phrase bien formée mais lequel des deux noms est sujet. En effet, dans la mesure où déterminant et déterminé sont de méme nature, ici de la classe des noms, ils peuvent en théorie l'un comme l'autre remplir les fonctions de sujet ou de prédicat!. La solution est d'ordre lexical : il est rare que les deux substantifs couvrent un champ

sémantique strictement identique. En fait, “Les grammairiens et surtout les logiciens constatent que le sujet d'une phrase attributive est ordinairement plus particulier que le prédicat [...]. Du point de vue de la logique des propositions, la phrase attributive asserte

qu'une classe (sujet) est incluse dans une autre classe (prédicat).'?

! Bien que, dans la langue épique, qui n'use pas de l'article, le phénoméne

puisse se

produire : comment différencier Podalire est un médecin de le médecin est Podalire ?

2 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 33-34.

190

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Le méme avis prévaut en effet chez des linguistes comme Lyons pour

qui les termes généraux peuvent étre : “ἃ la fois en position sujet et en position objet dans des propositions bien formées ; les termes particuliers ne peuvent se trouver qu'en position

sujet"! Nous suivrons cette analyse. En pratique, cela reviendra à reconnaitre

deux types de sujets selon que : - une classe est posée comme incluse dans une autre classe : /e cheval est un mammifere, - un sujet unique (- une classe réduite à un seul membre) est posé comme appartenant à une classe : Socrate est un homme.

4.1.1. Nom sujet - nom prédicat Ordre : sujet - prédicat A 514

ἰητρὸς γὰρ ἀνὴρ πολλῶν ἄνταξιος ἄλλων car un médecin (est) l'égal de beaucoup d'autres hommes

Ordre : prédicat - sujet T 91

πρέσβα Διὸς θυγάτηρ "Arn Erreur (est) fille ainée de Zeus

A 833

ἰητροὶ μὲν γὰρ Ποδαλείριος ñôt Μαχάων Podalire et Machaon, en effet, (sont) médecins

4.1.2. Pronom sujet - nom prédicat Il s'agit là d'un type bien représenté. Ordre : sujet - prédicat 1* pers. sg Q 396 τοῦ yàp ἐγὼ θεράπων car, je (suis) son écuyer

1 J. Lyons, Linguistique générale, p. 259.

La phrase nominale à deux termes

191

3€ pers. sg E 245

ὃ μὲν τόξων Ed εἰδώς l'un (est) expert à l'arc

E 184

εἶ δ' 8 γ' ἀνὴρ ὅν φημι si celui-ci (est) l'homme que je dis

P 587

& το πάρος γε

μαλθακὸς αἴχμητής qui (était) jadis si piètre combattant

Y 358

οὔὐδέ κ' "Apre, ὅς περ θεὸς ἄμβροτος pas plus qu'Arés, qui (est) un immortel pourtant

T 178

οὗτος y’ ᾿Ατρείδης εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων, cet homme (est) le fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon

T 200

Οὗτος 5' αὖ Λαερτιάδης πολύμητις ᾿Οδυσσεύς celui-là (est) le fils de Laërte, l'industrieux Ulysse

Z 460

Ἕκτορος ἦδε γυνή cette femme (est celle) d'Hector

3€ pers. pluriel [55 ὅσσοι ᾿Αχαιοί tous ceux qui (sont) Achéens

duel

H 281

ἄμφω 5' αἴχμητά (vous étes) tous deux des guerriers

ordre : prédicat - sujet P 335

αἰδὼς μὲν νῦν ἧδε cette fois-ci c'(est) une honte

Les autres phrases de ce type sont d'analyse difficile car elles contiennent un élément, adjectif ou adverbe, qui pourrait étre prédicat!. 4.2. L'attribut est un pronom Il y a une seule occurrence de ce type, interrogative : 1 Sur les phrases à trois et quatre termes, cf. infra, p. 202 sq. et p. 223 sq.

192

ANALYSE DES CONSTITUANTS T 226

Τίς rap ὅδ' ἄλλος ᾿Αχαιὸς ἀνὴρ ἢύς τε μέγας τε, ἔξοχος ᾿Αργείων κεφαλὴν ἥδ’ εὐρέας ὥμους; quel (est) donc cet autre guerrier achéen, noble et grand, qui dépasse les

Argiens de sa tête et de ses larges épaules ?

4.3. L'attribut est un adjectif Il s'agit là de la catégorie quantitativement la plus importante de phrases nominales, ce qui ne saurait étonner puisque l'une des fonctions principales de l'adjectif est justement la fonction prédicative. 4.3.1. L'adjectif est relativement indépendant du sujet Il arrive que le sujet soit au masculin ou au féminin tandis que l'adjectif

est au neutre, singulier ou pluriel. L'ordre des mots est toujours prédicatsujet : B 201

οὔκ ἀγαθὸν πολνυκοιρανίη avoir trop de chefs ne vaut rien liit. le commandement de plusieurs (n'est) pas une bonne chose

81

βέλτερον ὅς φεύγων προφύγῃ κακὸν ft ἁλώῃ il vaut bien mieux, par la fuite, échapper au malheur plutót que d'étre attrapé litt. (c'est) mieux celui qui par la fuite échappe...

1 385

ὅσα ψάμαθός τε κόνις τε aussi nombreux que (le sont) les grains de sable ou de poussière

4.3.2. L'adjectif est totalement dépendant du sujet Le sujet est un nom

Ordre : sujet - prédicat

L'adjectif est au positif E 441

ἔπει οὔ ποτε φῦλον éuotov ἀθανάτων τε θεῶν χαμαὶ ἐρχομένων τ’ ἀνθρώπων car jamais (elles ne formeront) une race semblable la race des dieux immortels et celles des humains qui marchent sur la terre

I 341

ὅς τις ἀνὴρ ἀγαθὸς καὶ ἐχέφρων tout homme qui (est) bon et sensé

La phrase nominale à deux termes I 408

ἀνδρὸς δὲ ψυχὴ πάλιν ἐλθεῖν οὔτε λειστή οὔθ’ ἕλετή la vie d'un homme

(n'est) suscepuble ni d'étre prise en butin ni d'étre

arrachée pour revenir ensuite

1505

6’ *Arn σθεναρή τε καὶ ἄρτίπος l'Erreur (est) robuste et alerte

K 216

τῇ μέν κτέρας οὐδὲν Óuotov aucun présent (n'est) pareil à celui-là

A 561

βίη δέ τε νηπίη αὐτῶν et leur violence (est) puéniie

M 320

Ar’ ἄρα καὶ tc

ἔσθλή mais en vérité leur vigueur (est) noble

N 222

οὔ τις ἀνὴρ νῦν αἴτιος aucun homme aujourd'hui (n'est) coupable

N 634

τῶν μένος altv ἀτάσθαλον (les Troyens) dont l'ardeur (est) insensée

Ξ 471

fj ῥ' οὐχ οὗτος ἀνὴρ Προθοήνορος ἀντὶ πεφάσθαι

ἄξιος; cet homme (n'est-il) pas digne d'étre tué autant que Prothénor ? O 497

dAA' ἄλοχός

τε σόη καὶ

παῖδες dnfoow,

mais sa femme et ses enfants (restent) saufs pour l'avenir

O 498

καὶ οἶκος καὶ κλῆρος ἀκήρατος sa maison et son patrimoine (sont) intacts

V 611

ἵνα γνώωσι καὶ οἷδε ὡς ἐμὸς οὔ ποτε θυμὸς ὑπερφίαλος καὶ ἀπηνής pour que ceux-ci sachent que mon cceur (n'est) ni arrogant ni implacable

Y 437

ἐπεὶ À καὶ ἐμὸν βέλος ὀξὺ πάροιθεν mon trait à moi aussi (a été) pergant autrefois

N 726

193

ndıc δ’ ἔτι νήπιος αὕτως l'enfant (est) bien petit encore

194

ANALYSE DES CONSTITUANTS

L'adjectif est au comparatif φιλοφροσύνη γὰρ ἄμείνων I 256 car la douceur (est) meilleure

® 264

θεοὶ δέ τε φέρτεροι ἀνδρῶν les dieux (sont) plus forts que les hommes

ordre : prédicat - sujet L'adjectif est au positif A 229

δημοβόρος βασιλεύς, ἐπεὶ ... (il est) un dévoreur de peuple, le roi, puisque ...

A 518

fj δὴ λοίγια ἔργ’ 8 τέ y' ἐχθοδοπῆσαι ἔφήσεις ah ! l'affaire (est) fácheuse puisque tu me conduiras à me brouiller avec Héré

ἄργαλέος γὰρ ᾿Ολύμπιος ἀντιφέρεσθαι le dieu de l'Olympe (est) difficile à combattre

μέγα ἔργον la táche (est) ardue

Y 286

ληιστοὶ μὲν γάρ τε βόες καὶ ἴφψια μῆλα car bœufs et gras moutons (sont) susceptibles d'être enlevés I 407

κτητοὶ δὲ τρίποδές re καὶ ἵππων ξανθὰ κάρηνα trépieds et chevaux aux crins blonds (sont) susceptibles d'étre achetés

I 497

στρεπτοὶ δέ τε καὶ θεοὶ αὖτοί les dieux eux-mémes (sont) susceptibles d'étre fléchis

O 14

ñ μάλα δὴ κακότεχνος, ἀμήχανε, σὸς δόλος, Ἥρη ah ! ta ruse (est) bien méchante, intraitable Héré

Σ 309

ξυνὸς ᾿Ενυάλιος Enyale (est) commun à tous

Y 131

χαλεποὶ δὲ θεοὶ φαίνεσθαι

ἐναργεῖς

la vue des dieux qui se montrent en pleine lumière est difficile à soutenir litt. les dieux qui se montrent en pleine lumière (sont) difficiles (à regarder)

La phrase nominale à deux termes Ψ 427

195

στεινωπὸς γὰρ ὅδός, τάχα 5’ εὐρυτέρη παρελάσσαι car la route (est) étroite ; plus large, tout à l'heure, elle te permettra de me dépasser

Ψ 590

λεπτὴ δέ τε μῆτις et la raison (est) mince

Ψ 627

οὗ yàp ἔτι ἔμπεδα γυῖα, φίλος, πόδες, οὐδέ τι χεῖρες car mes membres, mon cher, ne (sont) plus solides, ni mes pieds ni mes bras

Ω 235

μέγα κτέρας (c'est) un objet de prix

Ω 770

ἑκυρὸς δὲ πατὴρ dc ἤπιος αἴεί mon beau-père, lui, (a) toujours (été) doux comme un père

avec οἷος! : B 192

οὗ γάρ πω σάφα otc0' οἷος νόος ᾿Ατρείδαο tu ne sais pas encore exactement quelle (est) la pensée de l'Atride

ὄφρα ἴδηαι

E 222

οἷοι Τρώιοι ἵπποι pour que tu voies ce que valent les chevaux de Trôs litt. tu verras quels (sont) les chevaux

Θ 106

οἴη περ φύλλων γενεὴ, τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν comme naissent les feuilles, ainsi font les hommes litt. telle (est) la naissance des feuilles, telle (est) celle des hommes

6 450

οἷον ἐμόν γε μένος καὶ χεῖρες ἄαπτοι telles (sont) ma fougue et mes mains redoutables

A 653

εὖ δὲ σὺ οἶσθα, γεραιὲ διοτρεφὲς, οἷος ἐκεῖνος

δεῖνος ἀνήρ tu sais, vieillard issu de Zeus, quel homme terrible (est) celui-là Σ 262

οἷος ἐκείνου

θυμὸς ὑπέρβιος

telle qu'(est) son âme violente

! Sur l'interrogation indirecte, cf. infra, p. 269 ; sur ὅσος, cf. p. 274.

196

ANALYSE DES CONSTITUANTS avec ὅσος:

K 418

ὅσσαι μὲν Τρώων πυρὸς ἐσχάραι tous les foyers qui (appartiennent) aux Troyens

L'adjectif est au comparatif A80 κρείσσων γὰρ βασιλεὺς ὅτε ... un roi (est) plus puissant quand...

X 373

f μάλα δὴ μαλακώτερος diugoupitoua Bout Ἕκτωρ ἢ oh ! cet Hector-là (est) vraiment plus doux à palper que

V 590

κραϊιπνότερος μὲν γάρ

τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις

car l'humeur en lui (est) vive et [ἃ raison (est) mince

L'adjectif est au superlatif X 325

ἵνα τε ψυχῆς ὥκιστος ὄλεθρος c'est là que la vie se laisse détruire au plus vite litt. là où la perte de la vie (est) la plus rapide

Q 348

τοῦ περ χαριεστάτη ἥβη et dont l'áge (est) trés charmant

Le sujet est un pronom

Ordre : sujet - prédicat Avec un pronom sujet de 1* ou 2* personne

L'adjectif est au positif X 431

τέκνον, ἐγὼ δειλή

-

mon enfant, que je (suis) malheureuse ! Σ 54

X 477

Ἕκτορ, ἐγὼ δύστηνος Hector, que je (suis) malheureuse !

N 493

αὐτὰρ

ἐγὼ πανάποτμος

quant à moi, je (suis) tout à fait malheuereux !

Y 434

οἷδα δ’ ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi

B 201

σὺ 5' ἀπτόλεμος καὶ ἄναλκις,

La phrase nominale à deux termes

197

οὔτέ ποτ’ ἐν πολέμῳ ἐναρίθμιος οὔτ’ ἑνὶ βουλῇ tu (es) un pleutre, un couard, et tu ne comptes pas plus au conseil qu'au combat [lizt. tu (n'es) jamais compté, ni dans la bataille ni au conseil]

L'adjectif est au comparatif Y 434 οἷδα δ' ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi

Q 504

ἐγὼ 5' ἐλεεινότερός περ moi, je (suis) encore plus pitoyable

L'adjectif est au superlatif e 423 ἀλλὰ σύ y' αἰνοτάτη mais toi, (tu es) terrible entre toutes Avec un pronom sujet de la 3° personne

Avec

6, fi, τό, αὐτός, οὔ τις

L’adjectif est au positif T 346 ὃ 5' ἄκμηνος καὶ ἄπαστος lui, il (demeure) sans rien manger, sans rien prendre

M 63

f| δὲ μάλ’ ἀργαλέη περάαν celui-ci (est) trop malaisé à franchir

L'adjectif est au comparatif ὃ δ' ἄρα πρότερος καὶ ἀρείων B 707 il (était) son aîné et son modèle

A 786

βίῃ δ’ 8 γε πολλὸν ἀμείνων par la force, celui-là (est) bien meilleur que toi

® 437

τὸ μὲν αἴσχιον cela (serait) trop honteux

V 578

αὐτὸς δὲ κρείσσων ἄρετῇ τε βίῃ τε tandis que lui (Ménélas) (était) supérieur par le rang et la force

O 569

? Avt (Aoy', οὔ τις σεῖο νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

L'adjectif est au superlatif Y 243 ὃ γὰρ κάρτιστος ἁπάντων il (Zeus) (est) le tout puissant

198

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Avec le pronom relatif

Les phrases nominales introduites par un pronom relatif! sont extrémement nombreuses.

ὅς L'adjectif est au comparatif H 457

& σέο πολλὸν ἀφαυρότερος (un dieu) qui (est) bien plus faible que toi

L'adjectif est au superlatif N 313

ὃς ἄριστος ᾿Αχαιῶν qui (est) le meilleur des Achéens

ὅς nep? H 114

8 περ σέο πολλὸν ἀμείνων (Achille) qui (est) pourtant bien meilleur que toi

Π 709

ὅς περ σέο πολλὸν ἀμείνων (Achille) qui (est) pourtant bien meilleur que toi

ὅς κε

L'adjectif est au positif E 481

ὅς κ’ ἐπιδευής celui qui (est) indigent

ὅς τε

L'adjectif est au positif B 365

γνώσῃ ἔπειθ’ ὅς 6' ἡγεμόνων κακὸς ὅς τέ νυ λαῶν tu sauras qui, des chefs et des hommes, (est) un láche

M 269

ὦ φίλοι, ᾿Αργείων & τ’ ἔξοχος & τε μεσήεις ὅς τε χερειότερος mes amis, parmi les Argiens celui qui (est) supérieur, qui (est) moyen, qui (est) moins bon

O 137

μάρψει δ' ἑξείης ὅς v' αἴτιος ὅς τε καὶ οὐκί

1 Sur la question des relatives, voir infra, p. 274 sq. 2 Sur ὅς περ voir P. Monteil, La phrase C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique”, p. 359.

relative

en grec

ancien,

p. 160

sq. et

La phrase nominale à deux termes

199

et il saisira indistinctement celui qui (est) innocent et celui qui ne (l'est) pas

L'adjectif est au comparatif M 269 à φίλοι, ᾿Αργείων & τ’ ἔξοχος ὅς τε μεσήεις ὅς τε χερειότερος mes amis, parmi les Argiens celui qui (est) supérieur, qui (est) moyen, qui (est) moins bon

L'adjectif est au superlatif O 238 & v' ὥκιστος πετεηνῶν celui qui (est) le plus rapide des étres ailés

V 655

&udrnv, À τ' ἀλγίστη δαμάσασθαι une mule qui (est) très difficile à dresser

ἥ τις!

L'adjectif est au superlatif P 62

βοῦν, À τις ἀρίστη la vache qui (est) la plus belle

ὅσοι L'adjectif est au superlatif P 509 ὅσσοι ἄριστοι x

tous ceux qui (sont) les plus braves M 13, etc ...

ordre : prédicat - sujet Avec un pronom sujet à la 2* personne

L'adjectif est au positif Ω 376

(αἴσιον), οἷος δὴ σὺ δέμας καὶ εἶδος ἄγητός, tel que tu (es), enviable par ta taille et ta beauté

Avec un pronom sujet à ia 3° personne

L'adjectif est au positif B 449

fxaróuBoioz

δὲ ἕκαστος

chacune (vaut) cent bxeufs

L'adjectif est au comparatif Θ 483 ἐπεὶ où σέο κύντερον ἄλλο puisqu'il (n'y a) rien de plus chien que toi

1 Cf. P. Monteil, La phrase relative en grec ancien, p. 124 sq.

200

ANALYSE DES CONSTITUANTS

V 858

ἥσσων yàp δὴ κεῖνος car celui-là (est) inférieur

Le sujet est une proposition relative!

Ordre prédicat - sujet E 407

ὅττι ucA' où δηναιὸς ὃς ἀθανάτοισι

μάχηται

(il ignore) qu'(il n'est) absolument pas fait pour vivre longtemps celui qui

fait la guerre aux Immortels

Le sujet est un infinitif

Ordre : sujet - prédicat Il n'y a, à notre connaissance, qu'un exemple de ce type avec adjectif au comparatif : A 272

ἐπεὶ

πείθεσθαι

un

ἄμεινον

car (il vaut) mieux obéir

ordre : prédicat - sujet

L'adjectif est au positif T21 μῆτερ ἐμή, τὰ μὲν ὅπλα θεὸς πόρεν of’ ἐπιεικὲς ἔργ' ἔμεν ἀθανάτων ma mére, un dieu m'a fourni une armure telle qu'il (est) convenable que soit une œuvre d'Immortel

H 282

ἀγαθὸν καὶ νυκτὶ πιθέσθαι (il est) bon aussi d'obéir à la nuit

Ω 425

ὦ τέκος, À ῥ' ἀγαθὸν καὶ ἐναίσιμα δῶρα διδοῦναι ἀθανάτοις mon enfant ! qu'(il est) utile de faire aux Immortels les offrandes qui leur reviennent !

P 19

Ζεῦ πάτερ, où μὲν καλὸν ὑπέρβιον εὐχετάασθαι ah ! Zeus Père, (il n'est) pas beau de se vanter avec excès

I 523

πρὶν δ' οὔ τι νεμεσσητὸν κεχολῶσθαι jusqu'à ce jour nul ne t'eüt fait grief de garder ton courroux litt. auparavant garder ta colère (n'était) nullement blämable

I Voir infra, p. 274 sq.

La phrase nominale à deux termes

201

4.3.3. Effacement du sujet

Enfin nous rappellerons ici l'existence de phrases nominales attributives dont le sujet est effacé. 1l a déjà été traité de cette question et de son rapport avec l'apposition!. Nous nous bornerons ici à en citer ici pour mémoire quelques exemples : 1225

χαῖρ’, Ay1Ac9, δαιτὸς μὲν ἐίσης οὐκ ἐπιδευεῖς

-

Salut, Achille, nous ne manquons pas de repas où l'on partage les parts [lit (nous ne sommes) pas manquant}

K 437

λευκότεροι χιόνος, θείειν δ' ἀνέμοισιν ὅμοῖοι (ils sont) plus blancs que neige et, pour courir, égaux au vent

Avec un adjectif neutre, le sujet est l'idée contenue dans le contexte précédent : I 70

οὔ τοι ἄεικές (cela n'est) pas inconvenant en vérité

A 217

ἃς γὰρ ἀμείνον car (c'est) mieux ainsi

1 Cf. supra, "La phrase nominale à un terme", p. 170 et p. 172.

202

chapitre 3

La phrase nominale à trois termes

Nous n'avons eu affaire jusqu'à présent qu'à des phrases simples, à "deux termes", οὗ les deux termes étaient respectivement le sujet et le prédicat. Il ne faudrait pas en déduire que toutes les phrases de l'Iliade se

limitent à leurs deux "noyaux"; la réalité est tout autre et la plupart des phrases nominales sont formées d'un nombre de mots largement supérieur à deux. Généralement la reconnaissance du prédicat se fait néanmoins sans difficulté; nous avons d'ailleurs cité des phrases de ce genre : ni l'adjonction de particules, ni celle d'un adverbe de temps ne troublent la clarté de la phrase. Certaines expansions!, aisément reconnaissables, comme les adjectifs possessifs et la plupart des génitifs adnominaux, ne troublent pas

non plus la lecture. Les exemples sont néanmoins nombreux de phrases οὗ, bien que le sujet soit évident, le prédicat est malaisé à déterminer. Nous citerons ici deux exemples qui donneront une idée de la difficulté : il s'agit de deux phrases de structure semblable, accompagnées de la traduction qu'en donne

P. Mazon : V 330

λεῖος δ' ἱππόδρομος ἄἀμφίς la piste autour (est) unie

Si l'on en croit la traduction, l'adjectif λεῖος est prédicat et l'adverbe dp (c n'est qu'une expansion du nom sujet. 1 Cf. infra, ch. V, "Expansions", p. 228 sq.

La phrase nominale à trois termes

$ 532

203

fj γὰρ ᾿Αχιλλεύς ἐγγὺς ὅδε κλονέων Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

Dans cette phrase au contraire, P. Mazon semble faire de ἐγγὺς le

prédicat. On peut se demander ce qui a motivé ce choix. Car pourquoi ne pas traduire : autour, il y a une piste toute unie, et : celui-ci, tout près (=

qui est tout pres), qui les bouscule est Achille ? Dans le premier cas, la traduction paraît fondée, puisque l'adjectif, placé en tête, est en outre séparé du syntagme nominal par la particule. Mais la traduction de la deuxiéme phrase ne respecte pas l'enjambement qui sépare nettement un nom, Achille,

sans doute prédicat, et un syntagme sujet ἐγγὺς ὅδε κλονέων. Le probléme qui se rencontre ici est exactement le suivant : faut-il poser une phrase à trois ou quatre termes (c'est-à-dire à 3 ou 4 noyaux) ?, et faut-il poser un double prédicat ? Cela conduirait à admettre l'existence

d'une phrase à trois termes (trois noyaux), ce qui ne correspond pas à notre conception de la structure prédicative!: il nous semble impossible d'admettre,

au plan théorique, l'existence de phrases de plus de deux

noyaux. Il est vrai cependant qu'il est parfois extrémement difficile, si la phrase

comprend plus de deux termes, de décider que tel adjectif est épithéte ou attribut, tel datif, prédicat ou possessif — datif sympatheticus? —, tel adverbe, prédicat ou expansion. Les phrases nominales se présentent en effet sous des formes diverses : sujet sujet sujet sujet sujet

-

génitif - lieu? génitif - adjectif datif - adjectif génitif - datif adjectif - lieu

sujet - datif - lieu

sujet - adjectif - adjectif

1 Cf. supra, "La prédication", p. 117 sq. 2 Sur les problémes liés à la fonction du datif : cf. supra, p. 166. 3 Pour plus de commodité, nous entendons sous cette dénomination toute détermination situative, qu'il s'agisse d'un adverbe de lieu ou d'un syntagme prépositionnel.

204

ANALYSE DES CONSTITUANTS

S'il faut ramener la phrase au modéle général des structures prédicatives, sur quelle analyse se fonder pour déterminer à coup sûr le prédicat ? Tels sont les termes en lesquels se pose le probléme.

Pour le résoudre, le seul moyen à notre disposition consiste à commencer par déterminer les critéres de reconnaissance du prédicat.

Dans une phrase à deux noyaux mais à plusieurs termes, le prédicat est vraisemblablement ce qui est mis en relief. La tâche consiste par conséquent à étudier les divers procédés de mise en relief, à commencer par l'ordre des mots car la place en tête de phrase, et avant les particules, désigne à coup

sûr le prédicat. Le prédicat est également reconnaissable à ce qu'il est séparé du sujet par une pause, représentée dans l'hexamètre par une coupe : l'étude des coupes fournira donc des renseignements précieux. Au contraire, un

terme en fonction d'expansion aura tendance à se fondre par voisinage dans le syntagme qu'il détermine. Le probléme est donc plus complexe qu'il n'y parait. Dans bien des cas, seul un examen attentif de l'ordre des mots, des particules et des coupes permet de proposer une solution. Encore faut-il s'attendre à devoir rester

parfois dans l'indécision.

1 - Sujet - génitif - lieu Les phrases de ce type sont peu nombreuses. Elles sont toujours aisément réductibles à une phrase à deux termes : la détermination locative,

placée en téte de phrase est prédicat. Le génitif est une expansion du nom

sujet. B 852

ἔξ ᾿Ενετῶν, ὅθεν ἡμιόνων γένος ἀγροτεράων, (ils viennent) de chez les Enètes, d'où (vient) la race des mules sauvages

A 90

ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων λαῶν, οἵ of ἕποντο An’ Αἰσήποιο ῥοάων autour de lui (se trouvent) les puissantes files de guerriers en armes qui l'ont suivi depuis les bords de l'Esèpe.

La phrase nominale à trois termes

205

2 - Sujet - datif - lieu La fréquence de ce tour est remarquable. Et la difficulté n'est pas toujours aisée à résoudre : l'expression locative peut en effet, comme le

datif, étre utilisée en fonction de prédicat. 2.1. Ordre : datif - lieu - sujet Le datif, par sa place en premiere position, aprés la conjonction et après la négation peut être considéré comme prédicat. Α 515

ἐπεὶ 08 τοι ἔπι δέος tu n'as, toi, rien à craindre

ul

litt. car sur toi (il n'y a) pas de crainte

141

ἐπεὶ οὔ of ἕνι φρένες, o05' ἤβαιαί car en lui (il n'y a) pas de sens, pas le moindre

Mais il est vrai qu'on est en droit d'hésiter sur la nature des morphémes ἔπι et ἕνι : s'agit-il des prépositions ἐπί et ἐν en postposition, ou d'adverbes, voire de préverbes ? La question reste pour le moment sans réponse, si l'on en croit P. Chantraine : “Le texte homérique offre de nombreux exemples où la construction prépositionnelle est en train de se constituer et où l'on peut se demander si

nous avons affaire à un préposition, ou à un adverbe ou à un préverbe."! et: “Si l'on se souvient des conditions dans lesquelles nous a été transmis le texte homérique et du caractère originellement oral des deux poèmes, on estimera qu'il n'est pas possible de donner toujours à ces problémes de

solution tranchée et que la distinction entre préposition, adverbe et préverbe

n'était pas essentielle pour les premiers aèdes.”2 Etant

donné

l'accentuation

de ἔπι et la liberté dont on sait que

jouissent les mots les uns par rapport aux autres dans la phrase homérique, nous préférons le tenir pour un adverbe, suivant en cela Chantraine? . Nous

1 Gram. hom. II, $ 116, p. 84.

2 Jbid., ὃ 117, p. 85.

3 Ibid.,

$3 p.3.

206

ANALYSE DES CONSTITUANTS

avons là, une fois de plus, l'occasion de remarquer combien se fait aisément, dans l'Iliade, le passage d'une structure de phrase à l'autre. 2.2. Ordre : datif - sujet - lieu

Placé en première position, après les adverbes et après la négation, le datif est prédicat : B 241

ἀλλὰ μάλ’ οὐκ ᾿Αχιλῆι χόλος φρεσίν, ἀλλὰ μεθήμων Achille(n'a) vraiment pas de rancune au cœur : il (est) indulgent

Mais dans l'exemple suivant, bien qu'en premiére position aprés la particule, le datif fasse corps avec le nom sujet, il s'agit d'un datif sympatheticus! ; en effet, l'ensemble du syntagme ainsi formé, ἐμοὶ γενεή,

est séparé par une coupe, ici penthémimère, du syntagme situatif dont on peut, sans grand risque d'erreur, affirmer qu'il est prédicat : 9 157

αὐτὰρ

ἐμοὶ γενεὴ | ἐξ ᾿Αξιοῦ εὐρὺ ῥέοντος

au contraire mon origine (remonte) à l'Axios au large cours

2.3. Ordre : lieu - datif - sujet Sa place en téte de phrase indique que le prédicat est l'adverbe de lieu ; le datif, qui fait corps avec le nom sujet, est plutót un datif sympatheticus : K 407

ποῦ δέ of ἵπποι; où (sont) ses chevaux 7

Y 83

ποῦ τοι dncıdaf; où (sont) donc tes menaces ?

Y 390

ἐνθάδε τοι

θάνατος

ici pour toi (il y a) la mort

2.4. Ordre : lieu - sujet - datif Placé en téte, le syntagme locatif est prédicat et le datif est un datif

d'intérét.

1 A propos du datif "sympatheticus" , voir supra, p. 183, n.1. ym

La phrase nominale à trois termes X 453

207

ἔγγὺς δή τι κακὸν Πριάμοιο τέκεσσιν un malheur (est) proche pour les enfants de Priam

2.5. Ordre : sujet - datif - lieu

Dans l'exemple suivant, l'adverbe de lieu, bien que n'étant pas en téte de phrase, est prédicat, le datif est un datif d'intérêt : ce type d'analyse est ici imposé par le sens. Mais l'étude des coupes en fournit la confirmation ; le syntagme sujet γένος δέ μοι est en effet placé entre deux pauses ; l'adverbe

de lieu en est séparé par la pause bucolique : Δ 58

καὶ γὰρ ἐγὼ θεός εἶμι, | γένος δέ uot

ἔνθεν ὅθεν σοι

moi aussi je suis déesse, et je sors d'où tu sors litt. ma naissance (vient) d'où (elle vient) pour toi

2.6. Ordre : sujet - lieu - datif Dans l'exemple suivant, le sujet est séparé par la ponctuation bucolique du groupe formé par l'adverbe de lieu et le datif ; le datif, à

l'origine un datif d'intérêt, est ici plutôt une expansion de ἐγγύθεν, une fonction quasi-prépositionnelle ; c'est donc

le syntagme

qui a

complet

ἐγγύθεν αὐτῷ qui est prédicat : Σ 133

(δηρὸν ἐπαγλαιεῖσθαι,) ἐπεὶ φόνος | ἐγγύθεν αὐτῷ car la mort (est) tout près de lui

3. Sujet - adjectif - génitif 3.1. Le génitif est prédicat Ce type de phrase est rare. La coupe y sépare nettement le prédicat du sujet. - par exemple, avec une pause bucolique :

E 379

οὗ yàp ἔτι Τρώων καὶ ᾿Αχαιῶν

| φύλοπις αἰνή,

(ce n'est) plus désormais entre Troyens et Achéens (qu'a lieu) l'atroce lée

208

ANALYSE DES CONSTITUANTS

- ici, l'ordre des mots qui place en téte de phrase le génitif ἀνδρὸς et les coupes — trihémimère et troisième trochaique — isolent le groupe sujet τόδε σῆμα du génitif et de son expansion πάλαι H 89

ἀνδρὸς μὲν | τόδε σῆμα | πάλαι voilà la tombe d'un homme mort jadis

κατατεθνηῶτος :

κατατεθνηῶτος

lin. cette tombe (est) celle d'un homme mort jadis

3.2. L'adjectif est prédicat

Le nom est en téte de phrase Des phrases de ce type ne présentent guère de difficultés. O 238

ὅς v' ὥκιστος πετεηνῶν celui qui (est) le plus rapide des êtres ailés

L'adjectif est en téte de phrase Il peut étre placé en téte de phrase, avant la particule ; le génitif est une expansion du nom sujet ou du prédicat!. Ξ 417

χαλεπὸς

δὲ Διὸς μεγάλοιο

κεραυνός

et la foudre du grand Zeus (est) méchante

A 390

κωφὸν yàp βέλος ἄνδρὸς ἀναάλκιδος οὔτιδανοῖο car le trait (est) émoussé, qui vient d'un láche et d'un homme de rien

A 801

ὀλίγη δέ τ' ἀνάπνευσις πολέμοιο car (il est) court le temps pour souffler à la guerre

O 203

στρεπταὶ μέν τε φρένες ἐσθλῶν les cœurs des braves (sont) susceptibles d'être fléchis

® 190

τῶ κρείσσων μὲν Ζεὺς ποταμῶν ἁλιμυρηέντων c'est pourquoi Zeus (est) plus puissant que les fleuves coulant à la mer

Le génitif est en téte de phrase Le génitif est néanmoins une expansion du sujet I Cf. infra, p. 235 sq. et p. 243 sq.

La phrase nominale à trois termes O 563

209

αϊδομένων ἀνδρῶν πλέονες σόοι At πέφανται parmi les hommes d'honneur, (il est) plus de sauvés que de tués

1497

τῶν περ καὶ μείζων ἀρετὴ τιμή τε βίη vc leur valeur, leur gloire, leur force (sont) supérieures

E 783

ἢ oval κάπροισιν, | τῶν τε σθένος | οὐκ ἀλαπαδνόν,

=

des sangliers dont la force (n'est) pas facile à détruire H 257

ou du prédicat Z 479 πατρός y' ὅδε πολλὸν ἀμείνων celui-ci (est) bien meilleur que son pere

4. Sujet - adjectif - datif Dans une phrase de type Sujet-adjectif-datif, il est impossible de

décider a priori si le prédicat est le datif ou l'adjectif. L'un comme l'autre, en effet, peuvent étre utilisés comme expansion ou comme prédicat. Ainsi une phrase comme μοὶ λευκὴ ἵππος peut aussi bien se comprendre j'ai une

jument blanche (= blanche.

à moi | une jument-blanche) que ma jument est

En cas d'incertitude, il faudra donc une fois encore tenir le plus grand

compte de l'ordre des mots et de la place de la pause par l'examen des

coupes. 4.1. Le sujet est un pronom Il n'y a pas d'ambiguité dans les phrases de ce type ; le pronom est toujours sujet et n'a pas d'expansion nominale au nominatif. Pronom sujet, nom prédicat Dans une phrase à trois termes de type pronom-nom-datif, le pronom est toujours sujet! et le nom prédicat (attribut).

1 Sur la cette propriété du pronom, voir supra, "La phrase nominale à un terme" : nous n'avons relevé qu'une occurrence de pronom attribut ; cf. p. 190.

210

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Le datif est une expansion de la phrase ou du prédicat!. K 477

Οὗτός τοι, Διόμηδες, ἀνήρ, οὗτοι δέ τοι ἵπποι celui-ci , Dioméde, (c'est) l'homme, ceux-là (ce sont) les chevaux

O 144

lpiv 8, À τε θεοῖσι μετάγγελος ἀθανάτοισι Iris, qui (est) messagère des dieux immortels

O 91

Κρόνου le fils de Cronos qui (est) ton époux

X 513

od6€v σοί y' ὄφελος

nic,

ὅς τοι ἀκοίτης

rien n'(est) pour toi un profit

Pronom sujet, adjectif prédicat Le datif, quelle que soit sa place dans la phrase, est expansion. () 255

"A uot ἐγὼ πανάποτμος hélas ! je (suis) bien malheureux !

Ω 437

σοὶ μὲν ἐγὼ πομπὸς moi, je (serais) pour toi guide

I 425

ἔπει οὔ σφισιν ἦδε γ' ἑτοίμη puisque pour eux, ce projet (n'est) pas efficace

Ω 52

où μήν οἵ τό γε κάλλιον οὐδέ τ’ ἄμεινον cela en vérité n'(est) pour lui ni plus beau ni meilleur

T 409

οὐδέ τοι ἥμεῖς αἴτιοι, ἀλλὰ θεός τε μέγας καὶ μοῖρα κραταιή ce n'est pas nous, en vérité, qui (en sommes) la cause, mais un dieu terrible

et l'impérieux destin A 335

οὗ τί uox ὄμμες Énox(vioi, ἄλλ’ ᾽Αγαμέμνων envers moi, (ce n'est) pas vous (qui êtes) coupables, mais Agamemnon

Θ 205

εἴ περ yàp x’ ἐθέλοιμεν, ὅσοι Δαναοῖσιν &poyot méme si nous le voulions, nous tous qui (sommes) Danaens

1 Cf. infra

, p. 247 et 249-250.

les protecteurs des

La phrase nominale à trois termes ® 371

211

of ἄλλοι πάντες, ὅσοι Τρώεσσιν ἄρωγοί tous les autres, tous ceux qui (sont) les protecteurs de Troie

I 521

of τε σοὶ αὐτῷ φίλτατοι ᾿Αργείων (les héros) qui te (sont) les plus chers parmi les Argiens

X 73

πάντα δὲ καλὰ θανόντι nep, ὅττι φανήῃ tout (est) beau (chez lui), même mort, de ce qu'il laisse voir

avec l'adjectif en tête de phrase 1312

ἐχθρὸς γάρ μοι κεῖνος ὁμῶς ᾿Αίδαο πύλῃσιν celui-là m'(est) en horreur à l'égal des portes d'Hadès

avec effacement du sujet et enjambement! : οὗ yàp ἔμοιγε

Φ 439

καλόν de ma part, (ce ne serait) pas bien

4.2. Le sujet est un infinitif Le prédicat est toujours un adjectif. L'ordre des mots est l'ordre inverse : adjectif prédicat-infinitif sujet quand la phrase est négative, le datif est en téte de phrase. I 615

καλόν τοι σὺν ἐμοὶ τὸν κήδειν & κ' ἐμὲ κήδῃ (il est) beau pour toi, uni à moi, de nuire à qui me nuit

χαλεπόν τοι ἐρισθενέος Κρονίωνος

® 184

παίσιν ἐριζέμεναι

ποταμοῖό περ ἐκγεγαῶτι

(il est) dangereux en vérité, füt-on né d'un fleuve, de lutter avec le fils de Cronos

&pyoAfov δὲ

V 791

ποσσὶν ἐριδήσασθαι ᾿Αχαιοῖς, εἴ μὴ ᾿Αχιλλεῖ (il est) difficile pour les Achéens de lutter à la course avec lui, sauf pour Achille

P 415

ὦ φίλοι, οὗ μὰν ἦμιν εὔκλεές ἀπονέεσθαι

νῆας ἐπὶ γλαφυράς amis, pour nous (il ne serait) pas glorieux de retourner aux nefs creuses I Voir supra, "Effacement du sujet", p. 201 sq.

212

ANALYSE DES CONSTITUANTS

E 253

οὗ γάρ μοι γενναῖον ἄλυσκαζοντι μάχεσθαι,

οὐδὲ καταπτώσσειν (il n'est) pas de mon sang de combattre en me dérobant, encore moins de me terrer

O 496

οὔ of ἀεικὲς ἀμννομένῳ

περὶ

πάτρης

τεθνάμεν (il n'est) pas indigne de lui de mourir en défendant son pays

T 124

οὔ of ἀεικὲς ἄνασσέμεν ᾿Αργείοισιν (il n'est) pas indigne de lui qu'il régne sur les Argiens

4.3. Le sujet est un nom

Critères de reconnaissance du prédicat Lorsque le sujet est un nom, l'adjectif peut aussi bien étre une expansion du nom (épithéte) que prédicat (attribut), mais le datif peut remplir les mémes fonctions. Soit l'exemple suivant : 1318

ἴση μοῖρα μένοντι, καὶ el μάλα τις noAtu(Zot la part (est) identique pour qui reste chez lui et pour qui guerroie de toute son áme

Qu'on traduise le sort est le méme pour qui reste chez soi ou bien le méme sort est réservé à qui reste chez soi, le sens est à peu prés identique ; d'un point de vue syntaxique, les deux constructions sont acceptables. En

outre, rien dans l'organisation des coupes ne vient rompre l'unité du syntagme ni donner d'indication. Dans ce cas précis, on préférera cependant une construction du type sujet - datif prédicat dans la mesure où le datif en tant que participe coordonné à une proposition subordonnée, est particuliérement à méme de prendre une fonction prédicative.

Il est donc légitime de supposer qu'il y a pour ainsi dire toujours dans une phrase homérique les indices suffisants pour reconnaitre un prédicat et le distinguer d'une expansion. C'est pourquoi il est nécessaire une fois encore de s'assurer des critères habituels de reconnaissance du prédicat : - l'ordre des mots

La phrase nominale à trois termes

213

La place en téte de phrase désigne le prédicat, qu'il soit adjectif ou

datif, bien que ce ne soit généralement pas une condition suffisante. Juxtaposé au nom, le datif ou l'adjectif est, pour ainsi dire, dans "l'orbite" du nom et fait, à ce titre, partie du syntagme nominal sujet. Le

datif est un datif de possession ("sympatheticus"), l'adjectif est épithète. - les pauses : coupes, rejets, enjambements - les particules

Quand l'adjectif ou le datif est en tête de phrase, il est en outre fréquemment isolé et mis en relief par la présence d'une particule qui, de ce fait, le désigne comme prédicat. 4.3.1. L'adjectif est prédicat rot datif "éthique" : Dans quelques phrases le datif rot est un datif éthique, son utilisation est déjà quasiment celle d'une particule affirmative, tu vois, d'où en vérité, assurément. Aucune hésitation n'est possible sur l'identité du prédicat. Bien que rare, cet emploi se rencontre dans la langue homérique! : N 115

ἄκεσταί τοι φρένες ἐσθλῶν les cœurs des braves (sont) assurément susceptibles d'être ranimés

1158

?”Aföng τοι ἀμείλιχος ἦδ' ἀδάμαστος Hades en vérité, (est) implacable et inflexible

M 412 πλεόνων δέ τοι ἔργον ἄμεινον un meilleur ouvrage (est) en vérité le fait d'un plus grand nombre

V 315

μήτι cot δρυτόμος μέγ’ ἀμείνων Ar βίηφι par l'intelligence, en vérité, un bücheron (est) meilleur que parla force

Adjectif en téte de phrase 171

πλεῖαί tot οἴνον κλισίαι tes baraques (sont) pleines de vin

1 Voir à ce propos P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 72, $ 93, Remarque; et E. Schwyzer, Gr. Gr. il, p. 580-581.

214

ANALYSE DES CONSTITUANTS

B 227

πλεῖαί τοι χαλκοῦ κλισίαι tes baraques (sont) pleines de bronze

Adjectif en téte suivi d'une particule Z 227

πολλοὶ ydp ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί τ’ ἐπίκουροι, κτείνειν j'ai bien d'autres hommes à tuer parmi les Troyens ou leurs illustres alliés litt. car nombreux (sont) pour moi les Troyens et leurs illustres alliés à tuer

6 104

ἧπεδανὸς δέ νύ τοι θεράπων, βραδέες δέ vox ἵπποι en vérité, ton écuyer (est) faible et tes chevaux (sont) lents

1378

ἐχθρὰ δέ uot τοῦ δῶρα ses présents me (font) horreur

N 244

ἀρίζηλοι δέ of αὖγαί les feux en (sont) éblouissants

N 413

δνωδεκάτη δέ of fjox (c'est) pour lui la douziéme aurore

Z 229

πολλοὶ δ’ αὖ σοὶ ᾿Αχαιοί ἐναιρέμεν et nombreux aussi (sont) pour toi les Achéens à abattre

K 226

ἄλλά τέ of βράσσων τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις mais son intelligence (est) plus courte et sa malice (est) mince

Adjectif en rejet ou aprés une coupe Le datif est un datif possessif, il fait partie du syntagme nominal sujet. rejet : K 93

οὖδέ μοι ἦτορ ἔμπεδον et mon cœur (n'est) pas tranquille

troisiéme trochaique : T 106 (αὐτός), ἐπεὶ οἵ παῖδες | ὑπερφίαλοι καὶ ἄπιστοι (lui), puisque ses fils (sont) arrogants et déloyaux

pause bucolique : 8 32

εὖ vu καὶ ἡμεῖς ἴδμεν | ὅ τοι σθένος | οὐκ ἐπιεικτόν

La phrase nominale à trois termes

215

nous savons bien nous aussi que ta force (est) indomptable!

Adjectif placé avant la coupe Dans

les

deux

exemples

qui

suivent,

des

raisons

syntaxiques

permettent en outre de s'assurer que l'adjectif est attribut. pause bucolique : N 773 ("Doc &nevvij) | νῦν rot σῶς | αἰπὺς ὄλεθρος la mort vertigineuse (est) pour toi certaine maintenant

placé devant la pause σῶς n'est pas coordonné à l'adjectif αἷ πύς qui fait, lui, partie du syntagme nominal sujet. coupe hephthémimère : A 177. αἴεὶ γάρ τοι ἔρις τε φίλη | πόλεμοί τε μάχαι τε -

car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats Ε 891

L'adjectif, accordé avec le sujet le plus proche est focalisé devant la coupe au sein du groupe coordonné ἔρις τε πόλεμοί τε μάχαι τε

4.3.2. L'adjectif est une expansion du sujet Datif en téte de phrase suivi d'une particule ou d'un adverbe

Δ 417

τούτῳ 6’ αὖ μέγα πένθος ce sera pour lui un deuil immense

Z352

τούτῳ δ’ οὔτ’ ἄρ νῦν φρένες ἔμπεδοι mais celui-là (n'a) pas le coeur ferme

O 509

fiv δ' od τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων, pour nous (il n'est) nul parti, nul plan meilleur que...

Π 159

πᾶσιν δὲ παρήιον αἵματι φοινόν leurs bajoues à tous (sont) rouges de sang

Σ 96

αὐτίκα γάρ τοι ἔπειτα | μεθ’ Ἕκτορα

| πότμος ἑτοῖμος

1 On assiste sans doute avec l'utilisation de l'adjectif en -tós précédé d'une négation à un des phénomènes qui sont à l'origine de la verbalisation de la phrase nominale.

Pour δ, voir P. Chantraine, Gram. hom. II, $ 417, p. 285 ; le prédicat est ici un adjectif verbal précédé d'une négation; il s'agit peut-être ici de l'un des tout premiers exemples de verbalisation de la phrase nominale.

216

ANALYSE DES CONSTITUANTS car, tout de suite aprés Hector, la mort (est) préparée pour toi

Ici, le nom et l'adjectif sont indissociables aprés la pause. datif suivi d'une coupe

troisiéme trochaique : N 354

fj μὰν ἀμφοτέροισιν | δμὸν γένος Nö’ ἴα πάτρη (ils ont) tous deux méme origine et mémes parents

penthémimére : Φ 568

καὶ yàp θην τούτῳ | τρωτὸς χρὼς EL

χαλκῷ

car en vérité, celui-ci (a) une peau qu'entame la pointe du bronze

A y bien regarder, toute phrase à trois termes se ramène donc au type général à deux termes sujet - prédicat. Cependant les hésitations possibles sur la nature du prédicat (adjectif attribut, datif ou détermination

locative) aux quelles donnent

lieu ces

phrases, montrent qu'elles sont apparentées, qu'elles soient attributives ou non ; cette parenté méme interdit de les opposer. De fait, leur différence syntaxique ne dépend en aucune facon de leur structure profonde mais de procédés d'expression liés aux caractéristiques de la langue orale et aussi de

la langue épique. Le choix du prédicat dépend en dernier ressort de /'ordre des mots dans la phrase et dans le vers, de leur mise en relief, de leur place par rapport à la coupe et donc de l'intonation.

5 - Sujet - datif - génitif Il est facile, dans les phrases de ce type, de reconnaitre le prédicat : le datif, qui est en téte de phrase, a cette fonction :

Y 293

d πόποι, À μοι ἄχος μεγαλήτορος Αἰνείαο hélas! que j'(ai) de peine pour le magnanime Enée !

1 401

où yàp ἐμοὶ ψυχῆς &vro£iov il n'est rien pour moi qui vaille la vie litt. pour moi (il n'existe) pas d'équivalent à la vie

La phrase nominale à trois termes

217

6 - Sujet - adjectif - lieu Avec un déterminant locatif, nous difficulté puisque, dans la langue épique, étre attributive ou locative. Ainsi, c'est, en signifie ici, il y a une jument blanche (ici

rencontrons le méme type de la méme phrase peut en théorie apparence, la méme phrase qui | une jument-blanche) et ici, la

jument est blanche (ici, la jument | blanche). En fait, une étude attentive de l'ordre des mots et des coupes permet presque toujours de réduire la phrase à une phrase à deux termes. 6.1. L'adverbe de lieu est prédicat

6.1.1. Ordre : prédicat - sujet : L'adverbe de lieu ou le syntagme prépositionnel locatif se trouve

parfois en tête de phrase. Il est dans ce cas souvent isolé du syntagme nominal sujet par une particule, par la coupe ou méme conjugués :

par les deux

en téte de phrase :

A 345

ἔνθα φίλ’ ὀπταλέα κρέα ἔδμεναι Tob κύπελλα οἴνου

πινέμεναι

μελιηδέος

là où il (est) agréable de manger des viandes rôties et de vider des coupes de vin délicieux

8 15

ἔνθα σιδήρειαι

τε πύλαι καὶ χάλκεος οὐδός

οὗ (sont) les portes de fer et le seuil de bronze

en première position après adverbes de temps et particules :

E 193

ἄλλα mov Ev μεγάροισι | Λυκάονος ἕνδεκα δίφροι et, cependant, dans le palais de Lycaon, (il y a) onze beaux chars

E 724

αὐτὰρ ὕπερθε χαάλκε' ἐπίσσωτρα προσαρηρότα mais par dessus (se trouvent) des cercles de bronze bien ajustés

Y 98

alc yàp πάρα εἷς γε θεῶν toujours à ses côtés (il y a) un dieu

suivi de particules : E 740 iv δ' Ἔρις, ἐν 6' ᾿Αλκή, ἐν δὲ κρυόεσσα ᾿Ιωκή, ἐν δέ τε Γοργείη κεφαλὴ δεινοῖο πελώρου,

218

ANALYSE DES CONSTITUANTS δεινή τε σμερδνή τε, Διὸς τέρας αἰγιόχοιο là (il y a) Querelle, Vaillance, Poursuite qui glace les cœurs, et la tête de

Gorgô, l'effroyable monstre, terrible, affreuse, signe de Zeus porte-égide

® 569

ἐν δὲ ἴα ψυχή en (lui), (il y a) la méme vie

V 479

πάρα yàp καὶ ἀμείνονες ἄλλοι car prés d'ici (il y en a) d'autres meilleurs

1227

(ἢδὲ καὶ ἔνθαδε νῦν) πάρα yàp μενοεικέα πολλὰ ||... δαίνυσθ’ tout près (il y a) force plats délectables pour festoyer,

d'une coupe trihémimère : K 244

οὗ πέρι μὲν | πρόφρων κραδίη καὶ θυμὸς ἀγήνωρ

tv πάντεσσι πόνοισι en lui l'âme ardente et le cœur fier (sont) prêts à toutes les peines

K 428

πρὸς μὲν ἅλὸς | Κᾶρες καὶ Παίονες ἀγκυλότοξοι καὶ Λέλεγες καὶ Καύκωνες δῖοί τε Πελασγοί du cóté de la mer (se trouvent) les Cariens, les Péoniens aux

arcs

recourbés, les Lélèges, les Caucönes et les Pélasges divins

d'une coupe penthémimère : A 90

ἕσταότ’ : ἀμφὶ δέ μιν | κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων λαῶν autour de lui (se trouvent) les puissantes files de guerriers en armes

d'une coupe hephthémimere : E 193

ἄλλά

καλοὶ

που Ev μεγάροισι

πρωτοπαγεῖς

Λυκάονος | ἕνδεκα δίφροι

νεοτευχέες

et, cependant, dans le palais de Lycaon, (il y a) onze beaux chars, frais bátis, tout neufs

d'une pause bucolique : K 473

τριστοιχί - παρὰ δέ σφιν ἑκάστῳ | δίζυγες ἵπποι auprès de chacun (se trouve) un couple de cavales

d'un enjambement : E 724 τῶν ἥτοι χρυσέη Truc ἄφθιτος, αὐτὰρ ὕπερθε χαλκε’ ἐπίσσωτρα προσαρηρότα, θαῦμα ἰδέσθαι la jante est d'or, inaltérable, mais par-dessus (se trouvent) des cercles de bronze bien ajustés — une merveille à voir

La phrase nominale à trois termes

219

6.1.2. Ordre : sujet-prédicat : précédé d'une pause bucolique :

N 335

ἥἤματι τῷ ὅτε τε πλείστη κόνις | ἀμφὶ κελεύθους le jouroù la poussière (est) abondante sur les chemins

Y 249

(παντοῖοι),

ἐπέων δὲ πολὺς νομὸς | ἔνθα καὶ

ἔνθα

et un riche fonds de mots (s'y trouve), dans un sens comme dans l'autre

6.2. L'adjectif est prédicat (attribut)

6.2.1. Ordre prédicat - sujet L'ordre des mots est inversé par rapport aux exemples précédents ; ici, c'est l'adjectif qui se trouve mis en relief en téte de phrase, la plupart du temps séparé du sujet par une particule. Le terme situatif, qu'il soit adverbe ou syntagme prépositionnel, fait partie par sa place du syntagme nominal sujet. Adjectif en téte de phrase : Y 248

πολέες δ’ ἕνι μῦθοι

παντοῖοι nombreux (sont) les propos qu'on y trouve, il (sont) de toutes sortes

Adjectif suivi d'une particule : Θ 537

πολέες 5' ἄμφ' αὐτὸν ἕταῖροι nombreux (sont) autour de lui ses compagnons

Θ 481

βαθὺς δέ vc Τάρταρος ἄμφίς le Tartare (est) profond tout autour

V 330

λεῖος δ’ ἱππόδρομος ἄμφίς la piste autour (est) unie

E 177

χαλέπη δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις terrible (est) la colére d'un dieu en retour

K 185

πολὺς 5’ Öpunaydds

ἀνδρῶν fj5b κυνῶν un grand tumulte (s'élève) alors, d'hommes et de chiens

En’ αὐτῷ

220

ANALYSE DES CONSTITUANTS

E4

μείζων δὴ παρὰ νηυσὶ βοὴ θαλερῶν αἰζηῶν voici que, près des nefs, grandit [/itt. (est) plus grand] l'appel de guerre de nos robustes gars

Adjectif mis en relief par la coupe ou par un enjambement :

coupe hephthémimère : Y 249

| ἐπέων δὲ πολὺς | νομὸς ἔνθα καὶ ἔνθα" (il y a) un riche fonds de mots, dans un sens comme dans l'autre

enjambement : Γ 45

οὕνεκα καλὸν

εἶδός In’ à voir la beauté sur ses membres

litt. de ce que belle (est) sur (lui) l'apparence

V 520

οὐδέ τι πολλὴ

χώρη μεσσηγύς et (il n'y a) pas beaucoup d'intervalle entre eux

Adjectif relatif : Σ 53

ὅσ’ ἐμῷ ἕνι κήδεα θυμῷ tous les soucis qui (sont) dans mon cœur

V 487

δππότεραι προσθ’ ἵπποι (demandons-nous) quels chevaux (sont) en téte

au neutre

:

ᾧ 251

ὅσον τ’ ἐπὶ δουρὸς Epunf d'une portée de lance litt. selon la mesure où (vient dessus) le jet d'une lance

V 327

ἕστηκε ξύλον αὖον ὅσον τ’ ὄργυι' ὑπὲρ αἴης c'est un tronc desséché, qui se dresse environ à une brasse du sol litt. selon la mesure où (il y a) une brasse au dessus du sol

6.2.2. Ordre sujet - prédicat Adjectif mis en relief par la coupe coupe hephthémimère A 395 otovol δὲ περὶ | πλέες ἢὲ γυναῖκες les oiseaux (sont) tout autour plus nombreux que les femmes

La phrase nominale à trois termes

221

pause bucolique

B 604

Of δ’ ἔχον ᾿Αρκαδίην ὑπὸ Κυλλήνης ὄρος ain, Αἰπύτιον παρὰ τύμβον, Tv’ ἀνέρες | ἀγχιμαχηταί, puis les gens d'Arcadie, au pied du mont Cyllène, près du tombeau d'Epyte, pays des hommes experts au corps à corps

litt. à où les hommes (sont) experts au corps à corps

Développement de formule : E 371

ἀσπίδες ὅσσαι ἄρισται ἑνὶ στρατῷ ἠδὲ μέγισται tous les boucliers qui (sont) les meilleurs et les plus grands dans toute l'armée

N 313

ὃς ἄριστος ᾿Αχαιῶν τοξοσύνῃ, ἀγαθὸς δὲ καὶ Ev σταδίῃ ὕσμίνῃ (Teucros), qui (est) le meilleur à l'arc de tous les Achéens, un brave aussi au corps à corps

Π 271 ᾿Αργείων

παρὰ νηυσὶ

ὃς μέγ’ ἄριστος καὶ ἀγχέμαχοι θεράποντες

(le fils de Pélée) qui (est) de loin le plus brave des Argiens campés près de ces nefs, lui, ainsi que ses écuyers experts au corps à corps,

6.3. Cas d'interprétation difficile Il est néanmoins extrémement difficile, dans certains cas, de réduire les phrases de ce type à des phrases à deux termes. Cela arrive, par exemple, lorsque /'adverbe de lieu et l'adjectif se trouvent mis en relief ensemble par l'enjambement : A 156

ἐπεὶ fj μάλα πολλὰ μεταξύ οὔρεα τε σκιόεντα

θάλασσά

tc ἤχήεσσα

car entre (nous sont) bien des monts ombreux et la mer sonore

On pourrait décider que, dans cette phrase, l'adjectif πολλά, parce qu'il précède l'adverbe μεταξύ, et qu'il est lui-même renforcé par un adverbe μάλα, est prédicat. En réalité, il ne s'agit peut-étre que d'un effet de style, étant donné que, du point de vue sémantique, l'adverbe est essentiel tandis

que l'adjectif joue pourrait étre épithéte comme les deux adjectifs du vers suivant (mais l'argument n'est pas décisif). N 797

tv δέ τε πολλὰ

222

ANALYSE DES CONSTITUANTS κύματα παφλαάζοντα πολυφλοίσβοιο θαλάσσης et là, par milliers, (s'élèvent) les vagues de la mer bruissante

On peut dire, sans grand risque d'erreur, que l'adverbe de lieu £v est ici

prédicat du fait qu'il est isolé en téte de phrase avant deux particules. On voit les limites de telles analyses. Ces deux exemples mettent en tout cas en évidence la compatibilité des deux constructions, attributive et locative, et leur aptitude à se superposer.

7 - Sujet - adjectif - adjectif Il existe enfin un type de phrase, peu courant, mais dont l'analyse serait particuliérement délicate si la langue n'avait à sa disposition les moyens d'empécher toute confusion. Il s'agit de phrases à trois termes juxtaposés au nominatif, dont deux adjectifs.

En réalité, le prédicat est généralement reconnaissable, soit à l'aide des critéres habituels, soit, comme dans l'exemple suivant, à ce qu'il s'agit d'un adjectif en -*to, déverbatif!, et donc particuliérement apte à figurer comme prédicat. T 150

ἔτι yàp μέγα ἔργον dipexrov une grande tâche (est) encore à accomplir

1 On se trouve vraisemblablement ici en présence d'un processus de verbalisation de la phrase nominale.

223

chapitre 4

Phrase nominale à quatre termes

Il existe aussi des phrases, en petit nombre il est vrai, qui contiennent à la fois les trois éléments, datif, adjectif, adverbe de lieu (ou syntagme prépositionnel situatif) susceptibles de remplir une fonction prédicative. La question est ici encore de savoir si l'on peut réduire ce type de phrases à une structure à trois termes puis à deux termes. Pour ce faire, il convient, de

la méme façon, de déterminer la fonction de l'adjectif, en particulier par l'étude de sa place dans la phrase et par rapport à la coupe, puis la fonction

du datif et le róle de la détermination locative. Il est commode à cette fin de commencer par l'étude de l'adjectif: s'il se trouve au voisinage du nom, placé avec lui aprés une pause, ou entre deux noms sujets coordonnés, l'adjectif fait, sans aucun doute possible, partie du syntagme nominal!. Le prédicat est alors celui des deux autres

termes qui est mis en relief par l'ordre des mots : le datif est prédicat s'il est placé en téte de phrase, mais si l'adverbe de lieu (ou le syntagme prépositionnel) est en téte, c'est l'adverbe de lieu qui est prédicat.

1 - L'adjectif est épithéte 1.1. Le datif, placé en téte de phrase, est prédicat : Ordre : datif - lieu - sujet

Π 157

ὠμοφάγοι, | τοῖσίν τε περὶ φρεσὶν ἄσπετος ἀλκή, (des loups) carnassiers — ils (ont) une vaillance prodigieuse dans le cœur

1 Cf. supra, p. 212 sq.

224

ANALYSE DES CONSTITUANTS

avant la particule et l'adverbe de temps E 603

τῷ 6’ αἴεὶ | πάρα εἷς γε θεῶν, ὃς λοιγὸν ἀμύνει à ses côtés!, toujours (se trouve) un dieu, qui écarte de lui le malheur

avant une coupe trihémimère : N 267

Καί τοι ἐμοὶ | παρά τε κλισίῃ καὶ νηὶ μελαίνῃ

πόλλ' ἕναρα Τρώων (j'ai), moi aussi dans ma baraque et ma nef noire, nombre de dépouilles

troyennes

avant une particule et une coupe troisiéme trochaique : X 357

(πείσειν) : f| γὰρ σοί yc | σιδήρεος ἐν φρεσὶ car en vérité tu (as) dans la poitrine un cceur de fer

θυμός

Ordre : datif - sujet - lieu avant une coupe trih&mimere Σ 394

À ῥα νύ uox

δεινή τε καὶ αἰδοίη θεὸς ἔνδον

ah ! j'(ai) une terrible et auguste déesse, là sous mon toit

1.2. Le lieu placé en téte est prédicat Ordre : lieu - datif - sujet Interrogatif : L'adverbe de lieu, en téte de phrase, est prédicat, le datif est un datif

possessif ("sympatheticus") ; l'adjectif détermine un nom sujet coordonné : E 171

Πάνδαρε, ποῦ tot τόξον ἰδὲ πτερόεντες διστοὶ καὶ κλέος; Pandare, où (est) ton arc, où (sont) tes flèches ailées et ton renom?

O 440

ποῦ νύ tot tol ὦκύμοροι

καὶ

τόξον;

οὗ (sont) donc tes fléches promptes à donner la mort, et ton arc?

avant une coupe troisiéme trochaique : K 473 (τριστοιχί) * παρὰ δέ σφιν | ἑκάστῳ δίζυγες ἵπποι auprès de chacun (se trouve) un couple de cavales

I Pour nc pot, voir P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 120, $ 170.

Phrase nominale ἃ quarre termes

225

avant une coupe penthémimère : X 300

νῦν δὲ δὴ ἐγγύθι | μοι θάνατος κακός, | οὐδ’ ἔτ’ ἄνευθεν et voici qu'à cette heure, tout prés, pour moi, la cruclle mort (est là). et (n'est) plus ioin

^90

ἕσταότ'. ἀμφὶ δέ μιν] κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων λαῶν autour de lui (se trouvent) de puissantes files de guerriers en armes

avant la particule : 6 48

Γάργαρον, ἔνθα δέ of | τέμενος βωμός vc θυήεις le Gargare, οὗ il (a) son sanctuaire et son autel odorant

Ordre : lieu - sujet - génitif - datif L'adverbe de lieu est placé en téte de phrase avant la particule : X 453

ἐγγὺς δή τι κακὸν Πριάμοιο

τέκεσσιν

un malheur (est) tout proche pour les fils de Priam

1.3. Le sujet est un pronom Dans les phrases de ce type le prédicat est un nom déterminé par un adjectif épithéte ; le datif ou le lieu sont expansions. En voici quelques exemples:

Sujet - datif - nom - adjectif

$ 155

ἦδε δέ uot νῦν ἢὼς ἕνδεκαάτη, ὅτ’ ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα“ voici [litt. celle-ci (est)] pour moi déjà la onzième aube que je suis arrivé à Ilion

Sujet - lieu - nom - adjectif A 525

τοῦτο yàp ἔξ ἐμέθεν γε ner’ ἀθανάτοισι

μέγιστον

τέκμωρ c'(est) de ma part le plus puissant gage (que je puisse donner) parmi les Immortels

226

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Sujet - datif - génitif - nom E80

ἄλλά τί μοι τῶν foo ; mais quel plaisir en (ai)-je ? litt. mais quel (est) pour moi le plaisir (que j'ai) de cela ?

2 - L'adjectif est attribut En revanche, lorsque l'adjectif se trouve en tête de phrase, il est en position de focalisation : l'adjectif est prédicat (attribut). Le datif et la déter-

mination locative sont à considérer comme des expansions!. L'adjectif est en téte : avant une particule : T 169

θαρσαλέον νύ of ἦτορ ἑνὶ φρεσίν en sa poitrine son cœur

(est) intrépide

relatif : 253

ὅσ’ ἐμῷ Evi κήδεα

θυμῷ

tous les soucis que j'(ai) dans le cœur !

Σ 105

roto; tàv οἷος od τις ᾿Αχαιῶν χαλκοχιτώνων ἐν πολέμῳ moi qu'aucun Achéen à la cotte de bronze n'égale ἃ la bataille litt. étant tel que ne l'(est) aucun des Achéens...

En position de focalisation, iso/é du sujet apres la coupe, l'adjectif est également prédicat : troisiéme trochaique : T 402

εἴ τίς τοι καὶ κεῖθι | φίλος μερόπων ἀνθρώπων δὶ tu (as), là aussi, un favori parmi les mortels

Il faut bien admettre cependant que l'analyse fonctionnelle semble dans certains cas assez arbitraire.

Cela arrive en particulier dans les phrases où datif et le lieu sont presque à l'état de syntagme prépositionnel et ne sont plus guère dissociables : 1 Cf. infra, ch. V, "Expansions", p. 228 sq.

Phrase nominale à quatre termes T 409

227

dAAd τοι ἐγγύθεν ἥμαρ ὀλέθριον mais pour toi le jour fatal (est) tout prés

Et surtout, dans un certain nombre de ces phrases, la place du datif en

téte de phrase n'empéche pas une mise en relief de l'adjectif qui, séparé du

nom par le déterminant locatif, prend de ce fait une valeur forte, presque prédicative : ® 192

καὶ γάρ aot | ποταμός yc πάρα μέγας, el δύναταί

τι

χραισμεῖν tu (as) près de toi un grand fleuve : (vois donc) s'il peut te prêter aide

X 357

À γάρ σοί yc | σιδήρεος tv φρεσὶ θυμός car en vérité tu (as) dans la poitrine un cceur de fer

L'intérét de ces exemples difficiles est une fois encore qu'ils montrent qu'il n'y a pas lieu d'opposer les différents types de phrases, mais qu'au contraire, il y a dans la phrase homérique à la fois autonomie des termes, et continuité ou compatibilité entre les trois structures fondamentales : sujet - datif

sujet - prédication locative sujet - attribut

228

chapitre 5

Expansions

Il ressort de l'étude précédente qu'il n'y a pas de phrases à trois et quatre termes-noyaux, et que, méme si un petit nombre d'entre elles fait difficulté, il est toujours possible de les ramener au modèle général, à savoir à une phrase à deux termes. Le troisiéme et le quatriéme termes, secondaires, ne sont que des expansions : de méme que le sujet, le prédicat peut étre constitué d'un noyau et de ses expansions. Il est fréquent, en outre, que l'expansion ne porte ni sur le sujet ni sur le prédicat mais sur l'ensemble de l'assertion : nous parlerons dans ce cas d'expansion de phrase. Nous examine-

rons donc à tour de róle : 1. les expansions du sujet 2. les expansions du prédicat 3. les expansions de phrase

1. Expansion du sujet 1. Le sujet est un pronom L'expansion est :

1.1. Un nom en apposition E 245

ὃ μὲν τόξων ED εἰδώς Πάνδαρος l'un (est) expert à l'arc, (c'est) Pandare

6 423

ἄλλὰ σύ y’ αἰνοτάτη, κύον ἄδδεές mais toi (tu es) terrible entre toutes, chienne impudente

Expansions

229

1.2. Un nom au génitif B 365

γνώσῃ ἔπειθ’ &

θ' ἡγεμόνων κακὸς ὅς τέ νυ λαῶν

tu sauras ensuite qui, des chefs ou des hommes, (est) un brave ou un láche

T 365

Ζεῦ πάτερ, οὔ τις σεῖο θεῶν ÓAoótcpoz ἄλλος Ah ! Zeus père, il (n'est) pas d'autre dieu plus exécrable que toi

T 402

εἴ τίς τοι καὶ κεῖθι φίλος μερόπων ἀνθρώπων si, là aussi, tu (as) quelque favori parmi les mortels

P 475

"Αλκίμεδον,

τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος Óuotoc;

Alcimédon, quel autre Achéen (est) semblable à toi (Ξ te vaut) en effet 7

Σ 105

roto; àv οἷος od τις ᾿Αχαιῶν χαλκοχιτώνων iv πολέμῳ moi qu'aucun Achten à la cote de bronze n'égale à la bataille litt. étant tel que ne l'(est) aucun des Acbéens...

® 275

ἄλλος δ’ o τίς uot τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων, mais nul des dieux issus du ciel n'(est) coupable envers moi

1.3. Un pronom

T 391

κεῖνος 8 y’ Ev θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι λέχεσσι celui-ci (est) dans sa chambre, sur le lit fait au tour

1.4. Un adverbe ® 532

ñ γὰρ ᾿Αχιλλεύς

ἐγγὺς ὅδε κλονέων Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

1.5. Un adjectif O 569

"Avr(Aoy', οὔ τις σεῖο νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν

-

Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi I 365, V 439

$ 275

ἄλλος δ’ οὔ τίς μοι τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων,

ἀλλὰ φίλη μήτηρ

230

ANALYSE DES CONSTITUANTS aucun des dieux, issus du ciel (n'est) coupable envers moi, mais ma mére seule

P 475

”AAxtuedov, τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος Óuotoz; Alcimédon, quel autre Achéen (est) semblable à toi en effet 7

T 391

κεῖνος ὅγ' tv θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι καλλεί τε στίλβων καὶ εἵμασιν

λέχεσσι

celui-ci (est) dans la chambre, sur le lit fait au tour, tout brillant de sa

beauté et de sa parure

1.6. Une proposition relative

Qu'il s'agisse d'une relative anaphorique : 1312 ἐχθρὸς γάρ μοι κεῖνος ὁμῶς ᾿Αίδαο πύλῃσιν

4

ὅς

celui-là m'(est) en horreur à l'égal des portes d'Hadès, qui...

ou déterminative : A 174

πάρ’ ἔμοιγε καὶ ἄλλοι

οἵ κέ με τιμήσουσι à mes côtés (il y en a) bien d'autres prêts à me rendre hommage

A 526

οὗ yàp ἐμὸν παλιναάγρετον οὐδ’ ἀπατηλὸν οὐδ’ ἀτελεύτητον, 8 τι κεν κεφαλῇ κατανεύσω mon (arrét) n'(est) ni révocable, ni trompeur, ni vain, que je confirme d'un

signe de mon front

X 73

πάντα δὲ καλὰ θανοντί nep, ὅττι φανήῃ tout (est) beau (chez lui), m&me mort, de ce qu'il laisse voir

1.7. Une proposition relative sujet E 407

ὅττι μαλ’ od δηναιὸς ὃς ἀθανάτοισι

μάχηται

(il ignore) qu'il n'est) absolument pas fait pour vivre longtemps celui qui fait la guerre aux Immortels

81

βέλτερον ὅς φεύγων προφύγῃ κακὸν ft ἁλώῃ il vaut bien mieux, par la fuite, échapper au malheur plutót que d'étre attrapé litt. (c'est) mieux celui qui par la fuite échappe...

Expansions

231

2. Le sujet est un nom

2.1. L'expansion est un possessif, un démonstratif, un indéfini Les adjectifs de cette catégorie déterminent habituellement un nom ; les reconnaître comme expansions du nom sujet est aisé : Y 437

ἐπεὶ À καὶ ἐμὸν βέλος BED πάροιθεν puisque mon trait, à moi aussi, (a été) percant autrefois καταλέξον

Ω 408

fi ἔτι πὰρ νήεσσιν ἐμὸς πάις dis-moi si mon fils (se trouve) encore prés des nefs O 14

fj μάλα δὴ κακότεχνος, ἀμήχανε, σὸς δόλος, Ἥρη ah ! ta ruse (est) bien méchante, intraitable Héré !

N 222

SN av,

od τις ἀνὴρ νῦν αἴτιος

Thoas, aucun homme aujourd'hui (n'est) coupable

O 509

“Hutv δ’ od τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων, pour nous (il n'est) nul parti, nul plan meilleur que...

M 270

ἐπεὶ

od πω πάντες Óyotot

ἀνέρες Ev πολέμῳ puisque tous les hommes (ne sont) pas les mémes au combat

K 558

ἵπποι δ’ οἷδε, γεραιέ, νεήλυδες, mais ces chevaux-là, vieillard, (sont) des nouveaux-venus

T 226

τίς rap ὅδ' ἄλλος ᾿Αχαιὸς ἀνὴρ Ads τε μέγας rc; quel (est) donc cet autre guerrier achéen noble et grand 7

z41

ñ ῥ' οὐχ οὗτος ἀνὴρ Προθσήνορος &vri πεφαῖσθαι

ἄξιος ; cet homme (n'est-il) pas digne d'étre tué autant que Prothénor ?

2.2. L'expansion est un adjectif Difficuités liées à la nature de l'adjectif : L'adjectif se préte aussi bien à une utilisation comme prédicat que comme épithéte. Sa présence dans une phrase nominale en rend parfois

232

ANALYSE DES CONSTITUANTS

malaisée l'analyse, et cela d'autant plus que l'article est pratiquement inusité dans la langue épique. Le probléme a été exposé en son temps!, nous n'y reviendrons pas. Disons pour résumer que l'opération destinée à s'assurer de la fonction de l'adjectif se fonde sur l'examen du contexte, de l'ordre des

mots, de la place par rapport à la coupe, des enjambements, des rejets. La plupart du temps, le prédicat est ainsi désigné par sa place en téte de phrase alors que l'adjectif épithéte se trouve, lui, au voisinage du nom et séparé du prédicat par une pause, par des particules, ou par tout autre procédé lexical.

2.2.1. Le prédicat est locatif Le prédicat, habituellement placé en téte de phrase, peut étre un génitif, un datif, une détermination locative.

B 477

μετὰ δὲ κρείων ᾽Αγαμέμνων au milieu d'eux (se trouve) le puissant Agamemnon

E 741

ἐν δέ τε Γοργείη κεφαλὴ δεινοῖο πελώρου et là (se trouve) la tête de Gorg6, l'effroyable monstre

Dans un ordre inversé :

N 335

ἤματι

τῷ ὅτε vc πλείστη κόνις ἀμφὶ κελεύθους

quand la poussière (est) abondante sur les chemins

L'expansion peut étre un adjectif en apposition? : E 741

iv 8€ τε Γοργείη

κεφαλὴ

δεινοῖο πελώρου,

δεινή τε σμερδνή τε, Διὸς τέρας αἰγιόχοιο et là (se trouve) la tête de Gorg, l'effroyable monstre, terrible, affreuse, signe de Zeus porte-égide B 477

μετὰ δὲ κρείων "Ayogéu vov,

ὄμματα καὶ κεφαλὴν ἴκελος Διὶ τερπικεραύνῳ "Aptt δὲ ζώνην, στέρνον δὲ Ποσειδάωνι au milieu d'eux (se trouve) le puissant Agamemnon

; pour les yeux et le

front (il est) pareil à Zeus tonnant, pour la ceinture à Ares, pour la poitrine à Poséidon

E 193

ἄλλά που Ev μεγάροισι | Λυκάονος ἕνδεκα δίφροι

! Pour les difficultés liées à la présence d'un adjectif, cf. supra, p. 212 sq. et 221 sq. ? Pour les problémes soulevés par l'apposition et ses rapports avec la phrase nominale, voir supra, p. 169 sq.

Expansions καλοὶ

πρωτοπαγεῖς

233

νεοτευχέες

mais dans le palais de Lycaon, (il y a) onze beaux chars, frais bâlis, tout neufs

N 797

ἐν δέ τε πολλὰ κύματα

παφλάζοντα

πολυφλοίσβοιο

θαλάσσης,

κυρτὰ φαληριόωντα, πρὸ μέν τ’ ἄλλ', αὐτὰρ in’ ἄλλα et là, par milliers, (s'élévent) les vagues de la mer bruissante, leurs crétes en

volutes toutes blanches d'écume, les unes devant, les autres derrière

L'adjectif est fréquemment employé comme expansion d'un nom sujet lui-méme coordonné à un sujet employé seul :

E 171

ποῦ tot τόξον ἰδὲ πτερόεντες διστοὶ καὶ

κλέος;

Pandare, où (est) ton arc, où (sont) tes flèches ailées et ton renom 7

© 48

ἔνθα δέ of τέμενος βωμός τε θνήεις il a là son sanctuaire et son autel odorant

K 428

πρὸς μὲν ἅλὸς Κᾶρες καὶ Παίονες ἀγκυλότοξοι καὶ Λέλεγες καὶ Καύκωνες δῖοί τε Πελασγοί du côté de la mer (se trouvent) les Cariens, les Péoniens recourbés, les Lélèges, les Caucónes et les Pélasges divins

O 440

ποῦ νύ τοι tol ὦὥκύμοροι καὶ τόξον; où (sont) donc tes flèches promptes à donner la mort, et ton arc 2

2.2.2. Le prédicat est un génitif E 379

οὗ yàp ἔτι Τρώων καὶ ᾿Αχαιῶν | φύλοπις alvi, (ce n'est) plus entre Troyens et Achéens (qu'a lieu) l'atroce mélée

2.2.3. Le prédicat est un datif Δ 417

τούτῳ δ’ αὖ | μέγα πένθος | ᾿Αχαιῶν δῃωθέντων (ce sera) pour lui un deuil immense, si les Achéens sont détruits

2 352

τούτῳ δ’ οὔτ' ἂρ νῦν | φρένες ἔμπεδοι mais celui-là (n'a) pas un cœur ferme

N 354

fj μὰν ἀμφοτέροισιν | δμὸν γένος | fjo' ἴα πάτρη (ils ont) tous deux même origine et mêmes parents

aux

arcs

234

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Il arrive que l'adjectif détermine un nom sujet lui-méme coordonné à un premier nom sujet employé seul : O 509

*Hyuiv 6’ οὔ τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων pour nous (il n'est) nul parti, nul plan meilleur

V

148

ὅθι τοι τέμενος βωμός τε θυήεις là où (sont) ton sanctuaire et ton autel odorant

2.2.4. Le prédicat est un adjectif attribut La difficulté pourrait venir de ce que la phrase contient deux adjectifs susceptibles de remplir la fonction de prédicat. En fait, la phrase est toujours claire : la place de l'un des deux adjectifs en téte de phrase ou avant une particule, le désigne habituellement comme prédicat tandis que l'adjectif en

fonction d'épithète se trouve au voisinage du nom!. Il s'agit en l'occurrence d'un pronom interrogatif : T 226

τίς rap δδ' ἄλλος ᾿Αχαιὸς ἀνὴρ Ads tc μέγας τε, ἔξοχος ᾿Αργείων κεφαλὴν Nö’ εὐρέας duo ; quel (est) donc cet autre guerrier achéen, noble et grand, qui dépasse les

Argiens de sa tête et de ses larges épaules 7

d'un relatif :

Θ 106

οἷοι Τρώιοι ἵπποι tels que (sont) les chevaux troyens

Le prédicat est séparé du syntagme sujet par une pause bucolique: N 773

νῦν rot σῶς | αἰπὺς ἄλεθρος maintenant pour toi la mort vertigineuse (est) certaine

Le prédicat est en téte de phrase, avant la particule, et suivi d'une coupe troisiéme trochaique : Y 131

(ἔν πολέμῳ)

᾿ χαλεποὶ

δὲ | θεοὶ φαίνεσθαι

ἐναργεῖς

la vue des dieux qui se montrent en pleine lumiere est difficile à soutenir litt. les dieux qui se montrent en pleine lumiere (sont) terribles

Il est fréquent que l'adjectif soit l'expansion d'un nom coordonné à un premier nom employé seul :

Z 227

πολλοὶ γάρ ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί T’ ἐπίκουροι

1 Cf. supra, p. 221.

Expansions

235

κτείνειν car nombreux (sont) pour moi à tuer les Troyens et leurs illustres alliés

Θ 450

οἷον ἐμόν γε μένος καὶ χεῖρες ἄαπτοι tels que (sont) ma fougue et mes mains redoutables

I 406

ληιστοὶ

μὲν ydp βόες καὶ ἴφια μῆλα,

κτητοὶ δὲ τρίποδές τε καὶ ἵππων ξανθὰ kdpnvoc car bœufs et gras moutons (sont) susceptibles d'être enlevés, trépieds et

chevaux aux crins blonds (sont) susceptibles d'étre achetés

K 244 οὗ πέρι μὲν πρόφρων κραδίη καὶ θυμὸς ἀγήνωρ tv πάντεσσι πόνοισι en lui l'âme ardente et le cœur fier (sont) prêts à toutes les peines

Φ 275

ἄλλος δ’ οὔ τίς μοι τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων,

ἀλλὰ φίλη μήτηρ aucun des dieux issus du ciel (n'est) coupable, mais ma mere seule

Dans les phrases suivantes les deux noms sujets coordonnés sont déterminés par un adjectif épithéte : A 156 ἐπεὶ À μάλα πολλὰ μεταξύ οὔρεα τε σκιόεντα θάλασσά τε ἤχήεσσα car entre (nous sont) trop de monts ombreux et la mer sonore

od56€ τοι fjuciq

T 409

αἴτιοι, ἀλλὰ θεός τε μέγας καὶ μοῖρα κραταιή ce n'est pas nous, en vérité, qui (en sommes) la cause, mais un dieu terrible

et l'impérieux destin

2.3. L'expansion est un nom au nominatif 2.3.1. Noms sujets coordonnés Il arrive souvent dans l'Îliade que le syntagme sujet prenne une extension considérable non seulement du fait d'adjectifs qui le déterminent mais parce qu'il est constitué de deux ou de plusieurs noms coordonnés. Nous avons relevé une trentaine d'exemples de ce type. En voici quelques uns : A 177

«lc γάρ τοι ἔρις τε φίλη πόλεμοί τε μάχαι τε car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats E 891

A 156

ἐπεὶ À μάλα πολλὰ μεταξύ

236

ANALYSE DES CONSTITUANTS

οὔρεα τε σκιόεντα θάλασσά τε ἤχήεσσα il est entre nous trop de monts ombreux et la mer sonore

E 171

Παάνδαρε, ποῦ tot τόξον ἰδὲ πτερόεντες O10 rol καὶ κλέος; Pandare, où (est) ton arc, où (sont) tes flèches ailées et ton renom 7

8 15

ἔνθα σιδήρειαι

τε πύλαι καὶ χαλκεος οὖδός

οὗ (sont) les portes de fer et le seuil de bronze

I 385

ὅσα ψαμαθός τε κόνις τε aussi nombreux que (le sont) les grains de sable et de poussière

1319

ἂν δὲ ἰῇ τιμῇ flutv κακὸς À6È καὶ ἔσθλός dans la méme estime (se trouvent) le láche et le brave

1498

τῶν περ καὶ μείζων ἀρετὴ τιμή τε βίη τε; leur valeur, leur gloire, leur force (sont) supérieures

K 408

πῶς δαὶ τῶν ἄλλων Τρώων φυλακαί τε καὶ cüvat; comment (sont) donc Troyens ?

K 428

les avant-postes et le campement

des

autres

πρὸς μὲν ἅλὸς Κᾶρες καὶ Παίονες ἀγκυλότοξοι καὶ Λέλεγες καὶ Καύκωνες δῖοί τε Πελασγοί du côté de la mer (se trouvent)

les Cariens, les Péoniens aux

arcs

recourbés, les Lélèges, les Caucônes et les Pélasges divins cf.

E 53, 740; Z 227; © 48, 261, 450, 479; 1 406, 407;

K 244, 428; M 94; N 354; z 141; O 440, 497, 509; T 409; Ω 548.

2.3.2. Nom en apposition! B 745

odk οἷος, ἅμα τῷ yc Λεοντεύς, ὄζος "Apnoc, υἱὸς ὑπερθύμοιο

Kopóvou

Καινείδαο

(il n'est) pas seul, avec lui (se trouve) Léontée, rejeton d'Arés, né du fils de Cénée, le bouillant Coróne

^ 328

ἀμφὶ δ’ ᾿Αθηναῖοι, μήστωρες ἀυτῆς tout autour (se trouvent) les Athéniens, maîtres des batailles

E 741

ἐν δέ τε Γοργείη κεφαλὴ δεινοῖο πελώρου,

1 A propos des problèmes soulevés par l'apposition, voir supra, p. 169 sq.

Expansions

237

δεινή τε σμερδνή τε, Διὸς τέρας αἰγιόχοιο là (se trouve) la tête de Gorg6, l'effroyable monstre, terrible, affreuse, signe de Zeus porte-égide

K 435

tv δέ σφιν “Ῥῆσος Βασιλεύς, πάις ᾿Ηιονῆος et au milieu d'eux (se trouve) Rhésos, leur roi, fils d'Eionée

N 770

ποῦ tot Δηίφοβός τε βίη θ' *EACvoto ἄνακτος

᾿Ασιάδης τ' ᾿Αδάμας ἦδ' "Aaioc, Ὑρτάκου υἷός ; où (sont) donc Déiphobe, le robuste seigneur Hélénos, et Adamas, fils

d'Asios, et Asios, fils d'Hyrtaque ?

2.4. L'expansion est un nom au génitif Les difficultés consécutives à la présence d'un génitif ont été examinées en leur temps!. Voici quelques exemples d'expansions au génitif : Avec un attribut

B 192

od γάρ πω σάφα ota8' οἷος νόος ᾿Ατρείδαο tu ne sais pas encore exactement quelle (est) la pensée de l'Atride

B 803

πολλοὶ yàp κατὰ ἄστυ μέγα Πριάμου ἐπίκουροι car les alliés (sont) nombreux dans la grande ville de Priam

E 441

ἔπει οὔ ποτε φῦλον Buotov

ἀθανάτων τε θεῶν χαμαὶ ἐρχομένων τ’ ἀνθρώπων car jamais (elles ne formeront) une race semblable la race des dieux

immortels et celles des humains qui marchent sur la terre B 804

ἄλλη 6' ἄλλων γλῶσσα noAvantptov ἀνθρώπων la langue des diverses races d'hommes (est) différente

dans un ordre inversé :

τῶν τε σθένος οὐκ ἀλαπαδνόν

E 783

(sangliers) dont la force (n'est) pas facile ἃ abattre

Avec un prédicat au datif Y 293

ὦ nónoi, À μοι ἄχος μεγαλήτορος Alvelao hélas! que j'ai) de peine pour le magnanime Enée !

1 Cf. supra, p. 181.

238

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Avec un prédicat locatif Les occurrences sont extrémement nombreuses : K

185, 407; I 407, A 390, 801; N

115, 267;

O 94, 203;

P 176;

Σ 262, etc...

En voici quelques exemples : B 852

ὅθεν ἡμιόνων γένος ἀγροτεράων d'oà (vient) la race des mules sauvages

^ 90

ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων λαῶν autour de lui (se trouvent) les puissantes files de guerriers en armes

Le génitif détermine un nom coordonné à un premier nom sujet : N 770

ποῦ tot Δηίφοβός τε βίη 8' *EACvoto ἄνακτος ; où (sont) donc Déiphobe , et le vigoureux seigneur Elenos ?

2.5. L'expansion est un adverbe de lieu Le prédicat est ici, selon l'habitude, détaché en téte de phrase, tandis

que l'adverbe en fonction d'expansion se trouve au voisinage du nom sujet : 6 481

βαθὺς δέ τε Τάρταρος ἄμφίς le Tartare (est) profond tout autour

V 330

λεῖος ó' ἱππόδρομος ἄμφίς la piste autour (est) unie

E 177

χαλέπη δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις terrible (est) la colére d'un dieu en retour

T 44

οὕνεκα. καλὸν

εἶδος ἔπ’ à voir la beauté sur ses membres litt. de ce que belle (est) sur (lui) l'apparence

2.6. L'expansion est un pronom au datif

Dans le chapitre consacré à la "phrase nominale à trois termes", nous avons eu l'occasion d'étudier les difficultés soulevées par les phrases qui contiennent à la fois un datif et un autre terme susceptible d'étre prédicat,

Expansions

239

qu'il soit adjectif ou détermination locative!. A chaque fois que le pronom au datif précéde immédiatement le nom sujet, nous avons été amenée à

reconnaitre un datif sympatheticus? proche d'un génitif adnominal ou d'un adjectif possessif. En voici quelques exemples : Avec un prédicat locatif K 407

ποῦ δέ of ἵπποι; οὗ (sont) ses chevaux 7

Y 83

ποῦ τοι ἀπειλαί; oü (sont) donc tes menaces 7

8 48

ἔνθα δέ of τέμενος βωμός Te θνήεις où il (a) son sanctuaire et son autel odorant

Avec un attribut

N 244

ἀρίζηλοι δέ οἵ αὐγαί ses feux (sont) éblouissants

et, dans l'ordre inverse :

K 93

οὔδέ μοι ἦτορ ἔμπεδον et mon cœur (n'est) pas tranquille

T 106

ἐπεὶ οἵ παῖδες ὑπερφίαλοι καὶ ἄπιστοι puisque ses fils (sont) arrogants et déloyaux

2.7. L'expansion est un infinitif Les noms habituellement suivis d'une expansion de ce type sont peu nombreux. Ils se résument dans l'Iliade à : χρή A 216, B 24, Δ 57 etc..., χρεώ A 409, Z 406, V

308 ; ἀνάγκη

E 633, Y 251 ; μοῖρα II 421, H 52, V 80, O 117 ; μόρος T 421 Ξ 80; θυμός N 775.

1 Cf. supra, p. 206-208, et p. 212 sq. 2 Sur le datif sympatheticus voir supra, p. 183, n. 1.

; νέμεσις

240

ANALYSE DES CONSTITUANTS

En voici quelques exemples! : z 80

οὗ γάρ τις νέμεσις φυγέειν κακόν (il n'y a) pas de bláme à fuir le malheur

tut δὲ χρὴ γήραι λυγρῷ

V 644 πείθεσθαι

pour moi, obligation (i! y a) d'obéir à la triste vieillesse

T 421

8 μοι μόρος ἔνθαάδ’ ὀλέσθαι (je sais) que mon sort (est) de pénr ici

2.8. L'expansion est une proposition relative Cette forme d'expansion est fréquente, elle donne au sujet une extension considérable : M

66

ἱππεῦσι * στεῖνος γάρ, ὅθι τρώσεσθαι ot car (il y a) un défilé, οὗ j'imgine qu'ils seraient blessés

ἄμμι δὲ ἔργον

B 137

αὕτως ἀκράαντον, οὗ εἵνεκα δεῦρ’ ἱκόμεσθα pour nous la tâche (est) inachevée, pour laquelle nous sommes arrivés ici I 312

ἐχθρὸς γάρ uot κεῖνος δμῶς ᾿Αίδαο πύλῃσιν ὅς χ' ἕτερον μὲν κεύθῃ Evi φρεσίν, ἄλλο δὲ εἴπῃ celui-là m'(est) en horreur à l'égal des portes d'Hadès, qui dans son cœur

cache une chose et sur les lévres en a une autre I 385

οὐδ’ ct μοι

τόσα δοίη ὅσα ψάμαθός

τε κόνις vc

m'offrit-il des biens aussi nombreux que (le sont) les grains de sable et de

poussière

K 558

ἵπποι δ' οἷδε, γεραιέ, νεήλυδες, οὗς Éptc(vec Θρηίκιοι mais ces chevaux-lä,

vieillard, (sont)

des nouveaux-venus,

ils (sont)

Thraces

O 440 ὦὥκύμοροι

καὶ

ποῦ νύ τοι of τόξον, 8 τοι πόρε Φοῖβος ᾿Απόλλων ;

I Pour l'étude des problèmes posés par ce type de construction, voir supra, ch. I, p. 154

sq.

Expansions

241

où (sont) donc tes flèches si promptes à donner la mort, et ton arc à toi

donné par Phébus A pollon ? Τ 91

πρέσβα Διὸς θυγάτηρ "Arn, fj πάντας ἀᾶται, Erreur (est) fille aînée de Zeus, la maudite, qui fait errer tous les êtres

Φ 275

ἄλλος 5' οὔ τίς uot τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων,

ἀλλὰ φίλη μήτηρ, ἥ με ψεύδεσσιν ἔθελγεν aucun des dieux issus du ciel, (n'est) coupable envers moi, mais ma mére

seule, qui m'a endormi avec ses mensonges

Φ 37] ὅσσον of ἄλλοι

οὗ μέν toi ἐγὼ τόσον αἴτιός εἶμι, nivrec, ὅσοι Τρώεσσιν Apwyot

moi, je ne suis pas aussi coupable que tous ceux qui (sont) les protecteurs

de Troie

πάις δ' ἔτι νήπιος αὕτως

Χ 484

ὃν τέκομεν σύ τ’ ἐγώ τε óvoctyuopot et il (est) si petit encore, le fils que nous avons mis au monde, toi et moi, malheureux !

La proposition relative détermine parfois un génitif qui est lui-même un déterminant du sujet : A 201

ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων λαῶν, οἵ οἵ ἕποντο Τρίκης ἐξ ἱπποβότοιο autour de lui (se trouvent) les puissantes files de guerriers en armes qui sont venus à sa suite de Triké, nourriciére de cavales

Z 460

Ἕκτορος ἧδε γυνή, ὃς ἄριστεύεσκε μάχεσθαι Τρώων ἱπποδάμων cette femme (est celle) d'Hector, qui était le premier au combat parmi les Troyens dompteurs de cavales

3. Le sujet est un infinitif L'infinitif peut admettre un sujet ainsi que tous les déterminants habituels du verbe : c'est le seul cas oü l'on rencontre réguliérement l'accusatif

— comme sujet ou déterminant de l'infinitif : il est par ailleurs pratiquement inusité dans les phrases nominales de l'Iliade.

242

ANALYSE DES CONSTITUANTS

3.1. Infinitif seul Bien entendu, l'infinitif peut à son tour recevoir tous les déterminants habituels du verbe :

ἀλλὰ καὶ ἔμπης

B 297

αἶσχρόν τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι cependant (il est) honteux en vérité de rester si longtemps et de s'en revenir les mains vides

A 345

ἔνθα φίλ’ ὀπταλέα κρέα ἔδμεναι ἠδὲ κύπελλα οἴνου πινέμεναι μελιηδέος, ὄφρ’ ἐθέλητον là, (il est) agréable de manger des viandes rôties et de vider des coupes de vin délicieux, tout autant que vous en voulez

&pyoAfov δὲ

O 140

πάντων ἄνθρώπων ῥῦσθαι γενεήν τε τόκον τε (il est) malaisé de sauver les fils et rejetons de tous les humains

Φ 498

ἀργαλέον πληκτίζεσθ’

ἀλόχοισι

δὲ

Διὸς νεφεληγερέταο

(il est) dangereux d'en venir aux coups avec les épouses de Zeus, assem-

bleur de nuées

X 129

βέλτερον αὖτ’ ἔριδι ξυνελαυνέμεν ὅττι τάχιστα (il vaut) mieux vider notre querelle au plus vite

ἀργαλέον δὲ

V 791

ποσσὶν ἐριδήσασθαι ᾿Αχαιοῖς (il est) difficile pour les Achéens de lutter à la course avec lui T 124

οὔ of ἀεικὲς ἄνασσέμεν

᾿Αργείοισιν

il nest) pas indigne de lui qu'il règne sur les Argiens

Φ 184

χαλεπόν toi ἐρισθενέος Κρονίωνος παίσιν ἐριζέμεναι ποταμοῖό περ ἐκγεγαῶτι (il est) dangereux en vérité, m&me pour qui est né d'un fleuve, de lutter avec les fils du Cronide tout puissant

P 415

ὦ φίλοι, οὗ μὰν ἥμιν cükAcéc ἀπονέεσθαι

νῆας ἐπὶ γλαφυράς amis, pour nous (il ne serait) pas glorieux de retourner aux nefs creuses

O 140

ἀργαλέον δὲ

Expansions

243

πάντων ἀνθρώπων ῥῦσθαι γενεήν τε τόκον τε (il est) malaisé de sauver les fils et rejetons de tous les humains

3.2. Proposition infinitive Il arrive que le sujet de la phrase nominale ne soit pas un infinitif seul

mais une proposition infinitive : il va de soi qu'elle peut contenir tous les déterminants habituels du verbe, et, de ce fait, prendre une extension considérable, ainsi qu'en témoignent maints exemples : T 182

οὗ μὲν γάρ τι νεμεσσητὸν βασιλῆα

ἄνδρ' ἀπαρέσσασθαι, ὅτε τις πρότερος χαλεπήνῃ car (il n'est) pas répréhensible qu'un roi offre des satisfactions à un homme

quand il s'est le premier emporté contre lui

M 176 ἄργαλέον δέ pe ταῦτα θεὸν ὥς πάντ’ ἀγορεῦσαι mais que je dise tout cela, comme (si j'étais) un dieu, (est) difficile

et

T 21,

499, V 50 , O 425, etc...

2. Expansion du prédicat 1. Le prédicat est un nom 1.1. L'expansion est un adjectif épithéte A13

RR’ ἤτοι νίκη μὲν ἀρηιφίλου Meveldou mais la victoireen tout cas (appartient) à Ménélas chéri d'Arés

P 587

& το πάρος yc

μαλθακὸς αἴχμητής (Ménélas) qui (était) jadis si piètre combattant

X 288

σὺ yàp σφίσι πῆμα μέγιστον car toi, tu (es) pour eux le pire des fléaux

1.2. L'expansion est un nom en apposition T 178

οὗτος y’ ᾿Ατρείδης εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων, ἀμφότερον βασιλεύς τ' ἀγαθὸς κρατερός τ' αἴχμητής c

ANALYSE DES CONSTITUANTS cet homme (est) le fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon, noble roi et puisant guerrier tout ensemble

T 200

Οὗτος δ' αὖ Λαερτιάδης πολύμητις ᾿Οδυσσεύς celui-là, (c'est) le fils de Laërte, l'industrieux Ulysse

1.3. L'expansion est une proposition relative E 265

τῆς γάρ tot γενεῆς ἧς Τρωί περ εὔρύοπα Ζεὺς δῶχ' υἷος ποινὴν Γανυμήδεος car (ils sont) de la race dont Zeus à la grande voix, donna jadis les rejetons à Trós en rançon de son Ganyméde

E 184

Et δ’ 8 y' ἀνὴρ ὅν φημι, δαίφρων Τυδέος υἷός, si celui-ci (est) l'homme que je pense, le brave fils de Tydée

H 89

ἄνδρὸς μὲν τόδε σῆμα πάλαι

κατατεθνηῶτος

ὅν ποτ' ἀριστεύοντα κατέκτανε φαίδιμος Ἕκτωρ cene tombe (est celle) d'un homme mort jadis, d'un preux que tua l'illustre lector

X 53

ἄλγος ἐμῷ θυμῷ καὶ μητέρι, τοὶ τεκόμεσθα quelle (= c'est une) peine pour notre cœur, à moi et à leur mère, qui leur avons donné le jour !

2. Le prédicat r.. un adjectif 2.1. L'exyansion est un adverbe Z 479

πατρός y’ ὅδε πολλὸν ἀμείνων celui-ci (est) bien meilleur que son père

cf.

H 114, H 457, A 787, Π 709

T 56

ἀλλὰ μάλα Τρῶες δειδήμονες mais les Troyens (sont) trop timides αἵνῶς ἀκτίνεσσιν

ξοικότες ἤελίοιο

(ils sont) terriblement semblables aux rayons du soleil

fj δὲ μάλ' ἀργαλέη περάαν celui-ci (est) trop malaisé à franchir

Χ 373

Expansions

245

2.2. L'expansion est un génitif L'adjectif est fréquemment déterminé par un génitif. Celui-ci se rencontre en particulier comme déterminant du comparatif et du superlatif. Déterminant d'adjectif B 226

πλεῖαί rot χαλκοῦ κλισίαι tes baraques (sont) pleines de bronze

À 514

ἰητρὸς yàp &vi)p πολλῶν ἄνταάξιος ἄλλων car un médecin (est) l'égal de beaucoup d'autres hommes

Déterminant du comparatif A 404

ὃ γὰρ αὖτε βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων car lui au contraire, pour la force, il (est) meilleur que son propre père

H 114

8 περ σέο πολλὸν ἀμείνων qui (est) pourtant bien meilleur que toi Φ 107

& σέο πολλὸν ἀφαυρότερος qui (est) bien plus faible que toi

O 569

? Avr (Aoy', oU τις σεῖο νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

et :

T 193, 365; Z 479; H 457; © 483; TI 688, 709; Y 334; Φ 107, 109; V 439

Déterminant du superlatif I 521

οἵ τε σοὶ αὐτῷ

φίλτατοι ᾿Αργείων qui te (sont) les plus chers parmi les Argiens

N 313

ὃς ἄριστος ᾿Αχαιῶν

τοξοσύνῃ qui (est) le meilleur à l'arc de tous les Achéens

O 238

& τ' ὥκιστος πετεηνῶν qui (est) le plus rapide des êtres ailés

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Y 243

6 yàp κάρτιστος ἁπάντων car il (est) le plus puissant de tous

® 253

ὅς 8' ἅμα κάρτιστός τε καὶ ὥκιστος πετεηνῶν qui (est) à la fois le plus fort et le plus rapide des oiseaux

et

E 266, 1 158, Y 243, & 251, V 43, etc...

2.3. L'expansion est la conjonction ij Cela ne se produit que dans le cas où l'adjectif est au comparatif : A 395

οἵωνοὶ δὲ περὶ πλέες ἤὲ γυναῖκες et les oiseaux (sont) autour de lui plus nombreux que de femmes

O 509

fjuiv 5' οὔ τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων,

À αὐτοσχεδίῃ μῖξαι χεῖρας τε μένος τε pour nous (il n'est) nul parti, nul plan meilleur que de mettre en contact, dans le corps à corps, nos bras, nos fureurs

V 315

μήτι tot δρυτόμος u£y' ἀμείνων At βίηφι par l'intelligence, en vérité, un bücheron (est) meilleur que par la force

X 373

d nónoi, À μάλα δὴ μαλακώτερος ἀμφαφάασθαι Ἕκτωρ ἢ ὅτε νῆας ἐνέπρησεν πυρὶ κηλέῳ cet Hector-là (est) vraiment plus doux à palper que celui qui naguère livrait

nos nefs à la flamme brülante

2.4. L'expansion est un datif L'adjectif est au positif K 547

αἰνῶς dxt(vcooiv

ξοικότες ἠελίοιο.

(ils sont) terriblement semblables aux rayons du soleil

K 216

τῇ μέν κτέρας οὐδὲν Óuotov aucun présent (n'est) pareil à celui-là

K 437

θείειν δ’ ἀνέμοισιν Óuotot et (ils sont), pour courir, égaux aux vents

Expansions

247

L'adjectif est au comparatif A 786

βίῃ 5' 8 γε πολλὸν ἀμείνων pour la force, celui-là (est) bien meilleur (que toi)

Φ 439

σὺ γὰρ γενεῆφι νεώτερος car tu (es) plus jeune par la naissance

T 193

μείων μὲν κεφαλῇ ᾿Αγαμέμνονος ᾿Ατρείδαο, il a la t&te de moins que l'Atride Agamemnon litt. il (est) plus petit d'une tête que l'Atride Agamemnon

2.5. L'expansion est un accusatif de relation H 457

ὅς σέο πολλὸν ἀφαυρότερος χεῖρας τε μένος τε qui (est) bien plus faible que toi par les bras et la fougue

Q 376

οἷος δὴ σὺ δέμας καὶ εἶδος ἄγητός tel que tu (es), admirable per ta taille, et ta beauté

2.6. L'expansion est un infinitif A 589

ἀργαλέος γὰρ ᾿Ολύμπιος ἀντιφέρεσθαι le dieu de l'Olympe (est) difficile à combattre

B 297

ἀλλὰ καὶ ἔμπης αἶσχρόν τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι cependant (il est) honteux en vérité de rester si longtemps et de s'en revenir les mains vides

E 253

οὗ γάρ uot γενναῖον ἄλυσκάζοντι μάχεσθαι, οὐδὲ καταπτώσσειν (il n'est) pas de mon sang de combattre en me dérobant, encore moins de me terrer

Z 229

πολλοὶ 5' αὖ σοὶ ᾿Αχαιοί ἐναιρέμεν

cf.

et nombreux aussi (sont) pour toi les Achéens à abattre Z 227

K 402

of δ' ἄλεγεινοὶ ἄνδραάσι γε θνητοῖσι δαμήμεναι ἦδ' ὄχέεσθαι

248

ANALYSE DES CONSTITUANTS ceux-là (sont) malaisés à dresser, aussi bien qu'à conduire, pour de simples mortels

K 437

θείειν 5' ἀνέμοισιν ὅμοϊοι et pour courir (ils sont) semblables au vent

M64

fi δὲ μάλ’ ἄργαλέη περάαν celui-ci (est) trop malaisé à franchir

3. Le prédicat est un adverbe Il y a dans l'Iiade au moins un exemple de phrase dont le prédicat est

un adverbe suivi d'une expansion. L'expansion est une proposition relative : ^58

γένος δέ μοι ἔνθεν ὅθεν σοι mon origine (est) celle d'où tu (sors)

Pour résumer, nous dirons que le prédicat peut recevoir des expansions de toute espéce : un adjectif, un adverbe, un nom au nominatif en apposition, à l'accusatif "de relation", au génitif, au datif, une proposition relative ou, aprés un comparatif, une subordonnée introduite par À.

3. Expansion de phrase Expansion du sujet et expansion de prédicat sont loin de rendre compte de tous les cas d'expansion possibles dans les phrases nominales de l'Iliade. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner le vers suivant : X 288

σὺ γὰρ σφίσι πῆμα μέγιστον car toi, tu (es) pour eux un immense fléau

On ne peut dire de σφίσι qu'il détermine le sujet ; il ne détermine pas non plus le prédicat, comme le montre la phrase ainsi réduite : Ἐσὺ yàp πῆμα μέγιστον tu es le pire des fléaux

Nous appellerons donc expansion de phrase les constituants qui, tout en n'étant pas au nombre des noyaux de la phrase, ne déterminent ni le sujet ni le prédicat.

Expansions

249

1. L'expansion est un datif Le datif, nous l'avons vu, peut étre prédicat, expansion du sujet ou du prédicat!. Il porte en fait la plupart du temps sur l'ensemble de la phrase? comme

le montrent les exemples que voici : A 335

où τί uot ὕμμες ἐπαίτιοι, GAA' ᾽Αγαμέμνων envers

moi,

vous,

(vous

n'étes)

nullement

coupables,

mais

(c'est)

Agamemnon

A 167

col

τὸ γέρας πολὺ

μεῖζον

à toi (revient) la part de loin la plus importante

Z 227

πολλοὶ

γάρ ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί τ’ ἐπίκουροι,

j'ai bien d'autres hommes à tuer parmi les Troyens ou leurs illustres alliés litt. car nombreux (sont).pour moi les Troyens et leurs illustres alliés à tuer

Z 229

πολλοὶ δ’ αὖ σοὶ ᾽᾿Αχαιοί ἔναιρέμεν ὅν κε δύνηαι et nombreux aussi (sont) pour toi les Achéens à abattre

2. L'expansion est un adverbe ou une particule 2.1. Particules

Rares sont les phrases grecques qui ne contiennent pas de particules, particules de liaison, particules énonciatives, explicatives etc... Bien évidemment les phrases nominales ne différent pas en cela du modéle général et

connaissent toutes les particules habituelles de la langue homérique : ἀλλά, ἄτάρ, αὖτε, γάρ, γε, δέ, δή, ñ, μάν, μέν, μήν, περ, ταρ, τε, τοι et même

la particule éventuelle κε.

Nous n'en donnerons donc ici que quelques exemples : A 404

6 yàp αὖτε βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων * car lui au contraire, pour la force, il (est) meilleur que son propre père

B 446

μετὰ δὲ γλαυκῶπις ᾿Αθήνη,

1 Cf. supra, p. 182-184, 205-207, 209-217. 2 Pour la recherche des critéres de reconnaissance du prédicat, cf. supra, p. 209 sq.

ANALYSE DES CONSTITUANTS au milieu d'eux (se trouve) Athéné aux yeux pers

Ρ 415

ὦ φίλοι, οὗ μὰν ἧμιν εὐκλεές ἀπονέεσθαι

νῆας ἐπὶ γλαφυράς mes amis, pour nous, (il ne serait) pas glorieux de retourner aux nefs

creuses

Ψ 590

ἄναξ Μενέλαε, σὺ δέ πρότερος καὶ ἀρείων : οἷσθ’ οἷαι νέου ἀνδρὸς ὑπερβασίαι τελέθουσι: κραιπνότερος μὲν γάρ τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις seigneur Ménélas, tu (es) mon aîné et mon modèle ; tu sais ce que sont les excès d'un jeune homme ; son humeur (est) vive et sa raison (est) mince

2.2. Adverbe de maniére

ἐπεὶ À πολὺ φέρτερον οὕτω

^ 307 car (c'est) bien préférable ainsi 2.3. Adverbe de lieu

K 434

Θρήικες

οἶδ’ &noiveuBe

νεήλυδες, ἔσχατοι

ἄλλων

les Thraces que voici, à part, (sont) des nouveaux-venus, à l'extrémité des lignes

Y 248

πολέες δ' ἕνι μῦθοι παντοῖοι, ἐπέων δὲ πολὺς νομὸς ἔνθα καὶ ἔνθα là (se trouvent) propos de tous genres ; (il s'y trouve) un riche fonds de mots, dans un sens comme dans l'autre

Σ 394

ἢ f νύ μοι δεινή τε καὶ αἰδοίη θεὸς ἔνδον ah ! j'(ai) une terrible, une auguste déesse, là sous mon toit

T 402

εἴ τίς tot καὶ κεῖθι φίλος μερόπων ἀνθρώπων si, là aussi, tu (as) un favori parmi les mortels

A 156

ἐπεὶ À μάλα πολλὰ μεταξύ οὔρεα τε σκιόεντα

θάλασσά

τε ἤχήεσσα

car entre (nous sont) trop de monts ombreux et la mer sonore

O 497

&AA' dAoyóc τε σόη καὶ παῖδες ὀπίσσω sa femme et ses enfants (restent) saufs pour l'avenir

V 479

παρα γὰρ καὶ ἀμείνονες ἄλλοι

251

Expansions car près d'ici d'autres (sont) bien meilleurs

Y 437.

Enc À καὶ ἐμὸν βέλος BED πάροιθεν puisque mon trait à moi aussi (a été) percant autrefois

A 395

ofwvot δὲ περὶ πλέες ἠὲ γυναῖκες et les oiseaux (sont) tout autour plus nombreux que les femmes

2.4. Adverbe de temps

porte sur le présent : N 222 Ὦ Θόαν, οὔ τις ἀνὴρ νῦν αἴτιος Thoas, aucun homme aujourd'hui (n'est) coupable

Σ 435

ἄλλα δέ μοι νῦν pour moi, (il y a) maintenant d'autres douleurs

porte sur l'avenir:

Σ 96

αὐτίκα ydp rot ἔπειτα μεθ' Ἕκτορα πότμος ἕτοῖμος car, tout de suite aprés Hector, la mort (est) préparée pour toi

T 409

ἄλλά τοι ἔγγύθεν ἥμαρ ὀλέθριον mais pour toi, le jour fatal (est) tout prés

T 150

ἔτι γὰρ μέγα ἔργον ἄρεκτον une grande tâche (est) encore à accomplir

V 427

στεινωπὸς yàp ὅδός, τάχα δ’ côpurépn παρελαάσσαι car la route (est) étroite ; bientôt (elle sera) plus large : tu pourras me

dépasser

porte sur le passé : H 433

ἧμος 5° οὔ vip πω fc, ἔτι δ' ἀμφιλύκη νύξ (ce n'était) pas encore l'aube, la nuit (était) encore à demi étoilée

P 587

ὅς τὸ πάρος γε

μαλθακὸς αἴχμητής (Ménélas) qui (était) jadis un si piètre combattant

Y 437

ἐπεὶ À καὶ ἐμὸν βέλος δξὺ πάροιθεν puisque mon trait, à moi aussi, (a été) pergant autrefois

marque une temporalité étendue ou indéfinie : A 177. αἰεὶ γάρ τοι ἔρις τε φίλη πόλεμοί τε μάχαι τε

252

ANALYSE DES CONSTITUANTS

car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats E 891, N 634, Π 688, P 176, Y 98, N 584, 770. Ε 441

ἔπει

οὔ ποτε φῦλον

Óuotov

ἄθαναάτων τε θεῶν χαμαὶ ἐρχομένων τ' ἀνθρώπων car jamais (elles ne formeront) une race semblable la race des dieux immortels et celles des humains qui marchent sur la terre

3. L'expansion est un déterminant prépositionnel 3.1. De lieu

duet e 537

πολέες δ' ἄμφ' αὐτὸν ἑταῖροι et ses compagnons (seront) en foule à ses côtés

tv E

193

ἄλλά nou ἐν μεγάροισι

Λυκάονος ἕνδεκα δίφροι

et, cependant, dans le palais de Lycaon, (il y a) onze beaux chars Σ 53

ὅσ’

ἐμῷ

ἕνι

κήδεα

θυμῷ

tous les soucis que j'(ai) dans le cœur

Τ 169

θαρσαλέον νύ ot ἦτορ ἐνὶ φρεσίν son cœur, assurément, (est) intrépide en sa poitrine

ñ γάρ σοί yc σιδήρεος ἐν φρεσὶ θυμός

Χ 357

car en vérité tu (as) dans la poitrine un cœur de fer

ἐξ

Α 525 τοῦτο yàp ἔξ ἐμέθεν yc μετ' ἀθανάτοισι μέγιστον c'(est) de ma part le plus puissant gage (que je puisse donner) parmi les Immorteis

πολλοὶ

γὰρ κατὰ ἄστυ

μέγα Πριάμου

ἐπίκουροι

car les alliés (sont) nombreux dans la grande ville de Priam

Καί τοι ἐμοὶ παρά τε κλισίῃ καὶ νηὶ μελαίνῃ

πόλλ' ἕναρα Τρώων (j'ai), moi aussi, dans ma baraque et ma nef noire, nombre de dépouilles troyennes

Expansions P 164

253

ὃς μέγ’ ἄριστος ᾿Αργείων παρὰ νηυσὶ καὶ ἀγχέμαχοι θεράποντες qui (est) de loin le plus brave à bord des nefs argiennes, avec ses écuyers experts au corps à corps

=

n 271

E4

μείζων δὴ παρὰ νηυσὶ βοὴ θαλερῶν αἰζηῶν voici que, près des nefs, grandit [litt. (est) plus grand] l'appel de guerre de nos robustes gars

I1 157

τοῖσίν τε περὶ φρεσὶν ἄσπετος ἀλκή ils (ont) une vaillance prodigieuse dans le cceur

V 327

ὅσον τ’ dpyur’ ὑπὲρ αἴης qui se dresse environ à une brasse du sol litt. selon la mesure οὗ (il y a) une brasse au-dessus du sol

3.2. De temps Ξ 80

od ydp τις νέμεσις φυγέειν κακόν, οὐδ’ Ava νύκτα (il n'y a) pas de bläme à fuir le malheur, méme de nuit

K 185

πολὺς 5’ δρυμαγδὸς

ἔπ’ αὐτῷ

ἀνδρῶν Mt κυνῶν un grand tumulte (s'éléve) alors, d'hommes et de chiens

X96

αὐτίκα γάρ τοι ἔπειτα uc8' Ἕκτορα πότμος ἑτοῖμος car, tout de suite aprés Hector, la mort (est) préparée pour toi

4. L'expansion est un infinitif de but Z 227

πολλοὶ γάρ ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί t' ἐπίκουροι, κτείνειν car nombreux (sont) pour moi les Troyens et leurs illustres alliés à tuer

Z 229

πολλοὶ δ' αὖ col ᾽Αχαιοὶ Évot péucv Bv κε δύνηαι et nombreux aussi (sont) pour toi les Achéens à abattre

254

ANALYSE DES CONSTITUANTS

πάρα γὰρ μενοεικέα πολλὰ

Ι 227

δαίνυσθ' tout près (il y a) force plats délectables pour festoyer A 514

ἰητρὸς yàp &vi)p πολλῶν ἀντάξιος ἄλλων ἴούς τ' ἐκταάμνειν ἐπί c ἤπια φάρμακα παάσσειν un médecin vaut [/itt.(est) l'égal de] beaucoup d'autres hommes, s'il s'agit d'extraire des flèches ou de répandre sur les plaies des remèdes apaisants

P 475

᾿Αλκίμεδον, τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος δμοῖος ἵππων ἀθανάτων ἐχέμεν δμῆσίν τε μένος τε Alcimédon, quel autre Achéen te vaut [lizt. (est) semblable à toi] en effet

pour maintenir dociles et fougueux à la fois des chevaux immortels ?

T 140

δῶρα 5' ἐγὼν ὅδε πάντα παρασχέμεν, ὅσσα … me voici, moi, ici, prêt à te donner tout ce que... litt. celui-ci (c'est) moi pour offrir tous les présents que...

τηλόθι δ’ ὅλη

Q 662 ἀξέμεν

ἐξ ὄρεος

le bois (est) loin, à amener de la montagne

5. L'expansion est une subordonnée 5.1. Complétive ὅτι E 349

ἣ οὖχ ἅλις ὅττι γυναῖκας ἀναάλκιδας ἥπεροπεύεις; n'est-il) pas suffisant que tu séduises de faibles femmes 7

cf.

Y 670

5.2. Causale ἐπεί A 231

δημοβόρος βασιλεύς, ἐπεὶ οὐτιδανοῖσιν ἀνασσεις il (est) un dévoreur de peuple le roi (que tu es) puisque tu commandes à des gens de rien

1407

&v6püc δὲ ψυχὴ παλιν ἐλθεῖν οὔτε λειστή οὔθ’ ἑλετή, ἐπεὶ ἄρ κεν ἀμείψεται ἕρκος ὄδόντων la vie d'un homme (n'est) susceptible ni d'étre prise en butin ni d'étre arrachée pour revenir ensuite, du jour qu'elle est sortie de l'enclos de ses dents

Expansions M 320 ἐσθλή, ἐπεί Λυκίοισι

255

dAA' ἄρα καὶ ic μέτα πρώτοισι μάχονται

mais, paraît-il, leur vigueur (est) noble, puisqu'ils se battent au premier rang des Lyciens

Σ 80

ἄλλά τί μοι τῶν ἦδος, ἐπεὶ φίλος dc’

ἑταῖρος, Πάτροκλος;

mais quel plaisir en (ai)-je, puisqu'est mort mon ami Patrocle ? Y 368

ἔγχει 6' ἀργαλέον, ἐπεὶ À πολὺ φέρτεροί εἶσιν avec la lance, ce (serait) moins aisé, puisqu'ils (sont) beaucoup plus forts

οὗ yàp ἔμοιγε

Φ 439

καλόν, ἐπεὶ πρότερος γενόμην καὶ πλείονοι olda de ma part, ce ne (serait) pas bien car je suis ton aîné et j'en sais plus que toi Q 255

ὦ uot ἐγὼ πανάποτμος, ἐπεὶ τέκον υἷας ἀρίστους Τροίῃ ἔν εὐρείῃ, τῶν δ' οὔ τινά φημι λελεῖφθαι hélas, je (suis) bien malheureux puisque j'ai donné le jour à des fils, qui étaient des braves, dans la vaste Troie : et je songe que d'eux, aucun ne m'est resté

Q 493

Ω 426

ὦ τέκος, À ῥ' ἀγαθὸν καὶ ἐναίσιμα δῶρα διδοῦναι ἀθανάτοις, ἐπεὶ οὔ nor’ ἐμὸς noc, εἴ nor’ ἔην γε,

λήθετ’ ἑνὶ μεγάροισι θεῶν, ot Ὄλυμπον ἔχουσι ah ! mon enfant, qu'(il est) utile de faire aux Immortels les offrandes qui leur reviennent puisque mon fils — si jamais j'eus un fils —

son palais, n'oubliait les dieux, maîtres de l'Olympe

jamais dans

5.3. Conditionnelle

I 318

ἴση μοῖρα μένοντι, καὶ εἶ μάλα τις πολεμίζοι la part (est) la m&me pour celui qui reste et pour qui guerroie de toute son áme

μοῦνος δ’ ct πέρ τε νοήσῃ,

K 225

ἄλλά τέ οἵ βράσσων τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις seul on peut voir aussi ; mais la vue ne voit pas si loin et l'esprit demeure

un peu court litt. et l'homme seul, méme s'il pense aussi, néanmoins chez lui l'intelligence (est) plus courte et la malice (est) mince

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Ο 498

καὶ οἶκος καὶ κλῆρος ἀκήρατος, εἴ κεν ᾽Αχαιοὶ οἴχωνται σὺν νηυσὶ φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν sa maison, son patrimoine (sont) intacts, si les Achéens partent avec leurs

nefs pour les rives de leur patrie

Ρ 475

᾿᾿Αλκίμεδον, τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος δμοῖος ἵππων ἀθανάτων ἐχέμεν δμῆσίν τε μένος τε, εἶ μὴ Πάτροκλος,

θεόφιν μήστωρ ἀταλαντος,

ζωὸς ἔών ; Alcimédon, quel autre Achéen te vaut [litt. (est) semblable à toi] en effet

pour maintenir dociles et fougueux à la fois des chevaux immortels ? si ce n'est Patrocle, pour le conseil égal aux dieux, lorsqu'il vivait

Φ 192

καὶ ydp got ποταμὸς γε npo χραισμεῖν

μέγας, et δύναταί

τι

car tu (as) prés de toi un grand fleuve : (vois donc) s'il peut te préter aide

Ψ 792

ἀργαλέον δὲ ποσσὶν ἐριδήσασθαι ᾿Αχαιοῖς, et μὴ ᾿Αχιλλεῖ (il est) difficile pour les Achéens de lutter à la course avec lui, sauf pour Achille

αἴ κεν Σ 180

σοι λώβη, αἴ κέν τι νέκυς ἤσχυμμένος ἔλθῃ pour toi (ce sera) une honte s'il arrive parmi les morts outrageusement mutilé !

τῷ δ’ ἄλγιον, αἴ κ’ ἐθέλῃσιν

Σ 278

ἐλθὼν ἐκ νηῶν περὶ τείχεος ἄμμι μάχεσθαι pour lui (il y aura) une grande douleur s'il prétend venir des nefs combattre dans nos murs

5.4. Temporelle ὅτε A 80

κρείσσων yàp βασιλεὺς ὅτε χώσεται ἀνδρὶ χέρηι car un τοὶ (est) plus fort quand il s'en prend à un vilain

Σ 219

ὡς δ' dr’ ἄριζήλη φωνή, ὅτε v' ἴαχε σάλπιγξ ἄστυ περιπλομένων δηίων ὅπὸ θυμοραιστέων comme lorsque (s'élève) le son éclatant quand sonne la trompette, sous l'effet des ennemis, destructeurs de vies humaines, qui enveloppent une cité

T 183

οὗ μὲν γάρ τι νεμεσσητὸν βασιλῆα

Expansions

257

ἄνδρ’ ἀπαρέσσασθαι, ὅτε τις πρότερος χαλεπήνῃ car (il n'est) pas répréhensible qu'un roi offre des satisfactions

à un homme

quand il s'est le premier emporté contre lui

Φ 156

ἦδε δέ μοι

νῦν

ἠὼς ἑνδεκάτη, ὅτ' Bc Ἴλιον εἰλήλουθα voici [litt. c'(est) déjà pour moi] la onzième aube que je suis à l'Hion 5.5. Relative

Z 227

πολλοὶ γάρ ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί 1' ἐπίκουροι, κτείνειν ὅν κε θεός γε πόρῃ καὶ ποσσὶ κιχείω j'ai bien d'autres hommes à tuer parmi les Troyens ou leurs illustres alliés, si un dieu me les améne et si je les joins moi-méme à la course

ὅσσον N 222

Ὦ Θόαν, οὔ τις ἀνὴρ γινώσκω

νῦν αἴτιος, ὅσσον ἔγωγε

Thoas, aucun homme (n'est) aujourd'hui coupable, pour autant que je sache

τοίος.... οἷος..., τόσος... ὅσος... B 528

οὔ τι τόσος γε ὅσος Τελαμώνιος Αἴας (il n'est) pas aussi grand qu'Ajax le fils de Télamon

E 483

ἀτὰρ οὔ τέ μοι ἐνθάδε τοῖον οἷόν x’ ἤὲ φέροιεν ᾽Αχαιοὶ ἤ κεν ἄγοιεν et pourtant, (ai-je) ici à moi, que les Achéens puissent emporter, emmener 7

Z 146

οἵη περ φύλλων γενεὴ, τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν comme naissent les feuilles, ainsi font les hommes litt. telle (est) la naissance des feuilles, telle (est) celle des hommes

6. L'expansion est un participe Il arrive qu'un participe au génitif ne s'appuyant sur aucun nom exprimé!, soit employé en fonction d'expansion de phrase : V 520

ὃ δέ τ' ἄγχι μάλα τρέχει, οὐδέ τι πολλὴ χώρη μεσσηγύς, πολέος πεδίοιο θέοντος la roue tourne toute proche et (il n'y a) pas beaucoup d'intervalle entre eux, tant qu'il court sur la vaste plaine

1 Il ne s'agit pas encore d'un génitif absolu, bien que cet emploi en soit tout proche; voir sur ce point : P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 323-324.

chapitre 6

Enchâssements

Malgré les difficultés rencontrées, nous avons pu, grâce à la notion d'expansion, à l'analyse de l'ordre des mots et à la recherche de la pause, montrer que les phrases nominales les plus complexes et les plus longues sont réductibles à deux éléments simples, les noyaux, correspondant l'un au

sujet, l'autre au prédicat. Il est cependant encore un aspect de l'ordre des mots qu'il faut prendre en compte, tant il peut contribuer à obscurcir, si l'on n'y prend garde, l'ana-

lyse de la phrase nominale : le syntagme sujet et le syntagme prédicatif ont en effet une particulière aptitude à se présenter disjoinis ; la conséquence en est que sujet et prédicat, qui par ailleurs sont normalement séparés par la pause, se trouvent en méme temps soudés par le jeu de leurs expansions,

soit de facon simple selon un procédé d'enchássement, soit de facon plus complexe selon un phénomène d'imbrication si chacun des deux noyaux a une expansion. La présentation de quelques cas particuliers donnera une idée de ce type de phrases. L'ordre des mots est celui des noyaux. 1. Enchássement du prédicat à l'intérieur du sujet 1.1. Ordre sujet - prédicat Prédicat entre le sujet et son déterminant ® 275

ἄλλος δ’ οὔ τίς uot τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων,

ἀλλὰ φίλη μήτηρ aucun des dieux issus du ciel n'est coupable envers moi, mais ma mère seule

Enchâssements

259

Prédicat entre deux sujets coordonnés O 497

ἀλλ' ἅλοχός τε σόη καὶ παῖδες ὄπίσσω mais sa femme et ses enfants (restent) saufs pour l'avenir

T 409

οὖδέ τοι ἡμεῖς αἴτιοι, KARA θεός τε μέγας καὶ μοῖρα κραταιή ce n'est pas nous, en vérité, qui (en sommes) la cause, mais un dieu terrible

et l'impérieux destin

® 275

ἄλλος δ’ od τίς μοι τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων,

ἄλλὰ φίλη μήτηρ aucun des dieux issus du ciel n'est coupable envers moi, mais ma mère seule

A 177.

ale γάρ τοι ἔρις τε φίλη πόλεμοί τε μάχαι τε car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats

Prédicat entre οὔ τις et dARoc O 569

"Avt(Aoy', od τις σεῖο νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

V 439

᾿Αντίλοχ’, οὔ τις σεῖο βροτῶν δλοώτερως ἄλλος Antiloque, aucun mortel au monde (n'est) plus exécrable que toi

1. 2. Ordre Prédicat - Sujet Prédicat entre déterminant du sujet et sujet M 270

ἐπεὶ οὔ πω πάντες Ópotoi ἀνέρες

ἕν πολέμῳ

car tous les hommes (ne sont) pas les mémes au combat

X 325

ἵνα τε ψυχῆς ὠκιστος ὄλεθρος c'est là que la vie se laisse détruire au plus vite

litt. là où la perte de la vie (est) la plus rapide P 176

dAX' αἴεί τε Διὸς κρείσσων νόος αἰγιόχοιο mais la volonté de Zeus porte-égide (est) toujours plus forte

260

ANALYSE DES CONSTITUANTS

B 349

πρὶν καὶ Διὸς αἰγιόχοιο γνώμεναι

εἴ τε ψεῦδος ὑπόσχεσις,

εἴ τε καὶ οὔκί

avant de savoir si une promesse de Zeus (est) mensonge, ou non

Dans cette phrase le prédicat (souligné) est enchássé entre le génitif déterminant et le nom sujet ; il y a une prolepse du déterminant. 2. Enchässement du sujet dans le prédicat 2.1. Ordre : sujet - prédicat Sujet enchássé entre le prédicat et son déterminant

A 653

εὖ δὲ σὺ οἶσθα, γεραιὲ διοτρεφὲς οἷος ἔκεῖνος δεῖνος ἀνήρ tu sais, vieillard issu de Zeus, quel homme terrible (est) celui-là

T 56

ἀλλὰ μάλα

Τρῶες δειδήμονες

mais les Troyens (sont) trop timides

Z 460

Ἕκτορος ἦδε γυνή, ὃς... cest) la femme d'Hector qui ...

Z 479

πατρός y' ὅδε πολλὸν ἀμείνων celui-ci (est) bien meilleur que son père

2.2. Ordre Prédicat - Sujet Sujet entre deux noms coordonnés

Le nom sujet (souligné) est enchássé entre deux noms prédicats coordonnés : ^ 510

ἐπεὶ od σφι λίθος χρὼς οὐδὲ σίδηρος χαλκὸν ἀνασχέσθαι ταμεσίχροα βαλλομένοισιν car leur peau (n'est) pas de pierre ni de fer

Sujet entre adjectif relatif et adjectif

$ 108

οὖχ δράᾳς οἷος καὶ ἔγὼ καλός τε μέγας τε; ne vois-tu pas combien je (suis) beau, je suis grand ?

Enchâssements

Ω 376

261

οἷος δὴ σὺ δέμας καὶ εἶδος ἄγητός tel tu (es), enviable par ta taille et ta beauté

Sujet entre le prédicat et son déterminant H 89

ἀνδρὸς μὲν

τόδε σῆμα πάλαι

κατατεθνηῶτος

cette tombe (est celle) d'un homme mort jadis

3. Imbrication des syntagmes sujet et prédicat Ordre des noyaux : sujet - prédicat T 365

Ζεῦ πάτερ, où τις acto θεῶν δλοώτερος ἄλλος Ah ! Zeus pere, il (n'est) pas d'autre dieu plus exécrable que toi

I1 688

ἄλλ’ alel τε Διὸς κρείσσων νόος fie περ ἄνδρός mais toujours la volonté de Zeus (est) plus forte que celle d'un mortel

Ordre des noyaux : prédicat - sujet Y 131

χαλεποὶ δὲ θεοὶ φαίνεσθαι

ἐναργεῖς

la vue des dieux qui se montrent en pleine lumiere est difficile à soutenir litt. les dieux qui se montrent en pleine lumière (sont) terribles

Cette liste n'est pas exhaustive, loin s'en faut ; elle aura suffi néanmoins à montrer la variété de structure apparente offerte par les phrases nominales de l'Iliade.

262

chapitre 7

Hypotaxe

Il arrive, nous en avons relevé maints exemples, nominale

apparaisse

en "proposition

subordonnée".

que la phrase La construction

nominale serait-elle donc compatible avec la subordination ? Si tel est bien le cas, il se peut que, depuis le début de ce travail, nous traitions à tort des "phrases" nominales et que la désignation même de la phrase nominale comme "phrase" soit à reconsidérer. Mais il est possible au contraire que ce soit la notion de subordination qui, eu égard aux caractéristiques de la langue épique, soit, sous certains de ses aspects, à réenvisager. La question est d'importance puisque c'est le concept méme "phrase nominale" qui est en cause ici.

de

Pour avoir quelque chance de déterminer les conditions d'apparition de la "construction" nominale en "subordonnée", nous examinerons les termes

subordonnants un à un, en commengant par relever ceux que la construction nominale semble exclure. 1 - Subordonnants non représentés temporelles δπότε, εὖτε, ἦμος, ὥς, ὅπως, ἐπεί, ἡνίκα, ἔξ οὗ, ἕως comparatives ὅπως, ὥσπερ, ἥτε

complétives interrogatives indirectes

Hypotaxe δπόσος, ὅπου, ónnórc, ὅπως, εἶ, πότερος...

263 À...

finales

ἵνα, ὄφρα, ὥς, ὅπως 2 - Subordonnants représentés causales

ἐπεί (18 ex), οὕνεκα (3 ex)

temporelles ὅτε τε (2ex), ὥς ὅτε (10 ex), πρίν (1 ex)

et les expressions : ὄφρα τάχιστα (1 ex), ὅττι τάχιστα (nombreux ex) locatives ὅθεν (2 ex), ὅθι (1 ex), ἔνθα (6 ex), ἵνα (2 ex) conditionnelles

εἶ (7 ex), ct περ Q ex), el καί (1 ex), ct τε (1 ex) comparatives ὥς (nombreux ex)

complétives par que ὥς (16x), 8 (2ex), ὅ τε (2 ex)

interrogatives indirectes

οἷος (6 ex), ὅσος (1 ex), δππότερος (1 ex) relatives

ὅς, ὅς te, ὅς κε, ὅς τις, & περ (35 ex), 8 περ (1 ex), ὅσος (15 ex), οἷος (6 ex), 3 - Analyse 3.1. Causales ἐπεί A 153, 272, 416, 515; T 106, 214; Δ 307, 510; E 441; Θ 483; I 341, 425; N 775; 3 141; Σ 133; Y 437; Ω 423.

264

ANALYSE DES CONSTITUANTS

L'étymologie de ἐπεί en fait un composé de in({) et de ci!. Il s'agit d'une ancienne conjonction temporelle qui n'a cependant pas dans l'épopée de valeur vraiment subordonnante mais est bien plutót sentie comme un adverbe : “Les propositions introduites par ἔπεί sont souvent trés proches des

propositions coordonnées et souvent elliptiques."? οὕνεκα T 45; E 265.

Avec οὕνεκα, on n'est pas non plus en présence d'une véritable conjonction de sens parce que. Il s'agit en effet originellement de la combinaison du relatif οὗ et de ἕνεκαϑ. Le sens originel de οὕνεκα est fait à cause duquel d'où s'est produit le passage à à cause du fait que*. Le probléme de la présence de οὕνεκα avec une phrase nominale se ramène donc à celui de l'utilisation de la phrase nominale en proposition relatives.

3.2. Temporelles ὅτε Ὅτε est particulièrement fréquent dans rencontre également en construction nominale.

la langue

épique ;

il

se

La conjonction temporelle ὅτε est trés probablement une forme bátie sur le thème du relatif *yo auquel vient s'adjoindre le suffixe *-te qui était sans doute à l'origine un morphéme de démonstratifé. Elle a pour sens "tantót" comme ἄλλοτε. Il ne s'agit donc aucunement d'une véritable conjonction? mais d'un relatif spécialisé dans un sens temporel :

! P. Chantraine, D.E.L.G. 2 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 287, $420, R I. 3 P. Chantraine, D.E.L.G.

4 Cf. C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique", $ 421. 5 Cf. infra, p. 274 sq. $ Cf. sur ce point : P. Chantraine, D.E.L.G.; et P. Monteil, La relative en grec, p. 270 sq. 7 Pour plus de détails, voir C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique", ὃ 281 sq., et: $ 395 sq.

Sur le débat concernant l'étymologie de ὅτε, voir P. Monteil, La relative en grec, p. 271.

Hypotaxe

265

“ὅτε εἰ τότε semblent remonter à la combinaison du ncutre du pro-

nom ὅ (τό ) avec une particule *rc/ro ou *k«. En cfíct l'accusatif peut servir de complément de temps."1

En cet emploi, ὅτε introduisait donc à l'origine une proposition relative ainsi que le montre son utilisation en construction nominale où il détermine un nom antécédent? : N 335

ἤματι τῷ ὅτε τε πλείστη κόνις ἀμφὶ κελεύθους quand la poussière (est) abondante sur les chemins

A l'époque historique, et le phénoméne est déjà perceptible dans l'Iliade, ὅτε, qui est devenu un adverbe pronominal de temps, se construit sans antécédent ni adverbe corrélatif. Mais on ne trouve pas ce tour en

construction nominale, sauf dans l'expression formulaire ὥς ὅτε où ὅτε fonctionne à peu prés comme un mot vide“.

Ce tour est très fréquent : il y en a 37 exemples dans l'Iliade, et nous

en avons relevé 9 en construction nominale : M 132 ἕστασαν

dx ὅτε τε δρύες οὔρεσιν ὕψικαάρηνοι,

af τ’ ἄνεμον μίμνουσι

καὶ δετὸν ἥματα πάντα

ils sont pareils aux chénes des montagnes qui, portant haut la téte, tiennent

bon chaque jour, sous le vent, sous la pluie litt.: ils se dressent comme lorsque les chênes dans les montagnes sont tête haute et qui tiennent bon ...

εἴ:

B 394; N 471, 571; O 362, 679; TI 406; Σ 219; V 712.

Le tour ὅτε μή est, quant à lui, un tour brachylogique, comparable à εἶ μή et produit par effacement du verbe précédent : ὅτε y est incontestablement une conjonction de sens éventuel : 11 227

οὔτέ τεῳ anévócakc θεῶν, ὅτε μὴ Διὶ πατρί et lui-m&me n'y faisait libation à aucun dieu, quand ce (n'était) pas à Zeus Pere

1 C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique", $ 422. ? Cf. P. Monteil, La relative en grec, p. 275: il y a par ailleurs dans nombreuses occurrences qui présentent ἥμαρ comme antécédent de ὅτε.

l'lliade de

3 C. J. Ruijgh, Autour de "re épique", ἃ 281. 4 Cf. P. Monteil, La relative en grec, p. 277. 5 Cf. P. Chantraine,

cf. infra, p. 290-305.

Gram.

hom. II,

$ 382,

p. 259 ; pour

l'emploi

de

la négation:

266

ANALYSE DES CONSTITUANTS

REMARQUE : ὄφρα τάχιστα (E 690) La conjonction ὄφρα est trés fréquente dans l'Iliade. On en relève en tout 146 exemples. Elle n'existe cependant en construction non verbale que

dans cette unique expression. Il s'agit à l'origine d'un adverbe relatif, qui est devenu dès l'époque homérique une conjonction subordonnante à valeur temporelle et finale!. C'est peut-étre ce caractére de conjonction subordonnante qui explique son absence en construction nominale. La seule exception en est ce tour brachylogique. πρίν

Πρίν n'apparait qu'une fois en téte d'une construction nominale ; sa valeur ancienne d'adverbe y est tout à fait claire puisqu'il se trouve dans cet exemple accompagné de la particule de liaison δέ : I 523

τῶν μὴ σύ γε μῦθον ἐλέγξῃς μηδὲ πόδας : πρὶν δ' οὔ τι νεμεσσητὸν κεχολῶσθαι ne rends pas vains leurs propos, leur démarche. Auparavant garder ta colère (n'était) nullement blâmable

3.3. Conditionnelles εἶ Α 116; Γ 402; Ε 184; Τ 264 et:

O 117; Ω 667 εἴ περ

P 421 Β 349 Ρ 477; Ψ 793

εἶ καί εἴ τε εἶ μή (brachylogie)

Le morphéme εἶ ἃ l'apparence d'une conjonction subordonnante. A l'origine cependant le tour était paratactique si l'on en croit P. Chantraine : "Toutefois, le fait que ct s'emploie comme interjection soit avec l'impératif, soit avec l'optatif de souhait, donne à croire que cette particule n'était pas subordonnante à l'origine... Dans de pareilles formules, εἶ a dû signifier alors, dans ce cas."?

1 Cf. P. Monteil, La relative en grec, p. 308.

2 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 274, et p. 275, ὃ 405: "Il apparaît que les propositions conditionnelles sont issues d'une parataxe."

Hypotaxe

267

Il n'est donc pas impossible qu'il faille chercher dans cet état ancien de langue la possibilité pour la phrase nominale d'apparaitre dans de telles constructions. 3.4. Comparatives ὥς A la différence de ὅπως qui appartient au théme de l'interrogatif indéfini, et qui n'apparaît jamais en construction nominale, ὡς est un adverbe relatif de manière! qui signifie "comme, de la manière dont" ; il répond à l'adverbe démonstratif

ὥς « *so-2.

. En ce sens, ὥς se rencontre,comme nous l'avons vi?, dans des expres-

sions brachylogiques,

avec un pronom

(Z 477, O 570) ou un nom au

nominatif (T 381), un pronom au datif (N 68), un adverbe de temps (E 806,

K 309, ® 476) ou de manière (B 258). Ces expressions comparatives, pour non verbales qu'elles soient, ne peuvent étre tenues pour des phrases nominales au sens strict du terme. Elles impliquent en effet toujours une idée verbale : comme dans le cas de la coordination ou du jeu question— réponse, une séquence simple comparant—comparé se satisfait

normalement d'une seule occurrence du verbe. L'adverbe relatif ὧς introduit néanmoins parfois de véritables phrases nominales : T 147

ὥς ἐπιεικές

αἴ.

comme (il est) convenable = 121, V 537

Il arrive en outre que ὥς, associé à ὅτε ou ct, forme une locution d'un

type particulier dont l'origine, à en croire P. Chantraine^, est à chercher

dans une construction nominale, "comme si la conjonction ὥς introduisait une phrase nominale exprimant l'idée de comme il arrive". P 62

ὥς δ’ ὅτε τίς τε λεὼν δρεσίτροφος, ἀλκὶ

πεποιθώς,

! P. Chantraine, D.E.L.G. ; P. Monteil, La relative en grec, p. 328 sq. 2 Cf. C. 1. Ruijgh, Autour de "τε épique", ὃ 283. 3 Cf. supra p. 172 sq. 4 P. Chantraine, Gram. hom. Il, p. 252, ὃ 372.

268

ANALYSE DES CONSTITUANTS

βοσκομένης ἀγέλης βοῦν ἁρπάσῃ À τις ἀρίστη comme (il arrive) quand un lion nourri dans les montagnes et sür de sa

force, au milieu d'un troupeau qui pait, ravit la vache qui (est) la meilleure

ἀμφὶ 6' ἄρ’ αὐτὸν

A 474

Τρῶες ἕπονθ' ὡς εἴ τε δαφοινοὶ θῶες ὄρεσφιν ἄμφ' ἔλαφον κεραὸν βεβλημένον, ὅν τ' ἔβαλ’ ἀνὴρ ἰῷ ἀπὸ νευρῆς et autour de lui les Troyens suivaient ; comme s“il s'était s'agi) des chacals

fauves qui, dans la montagne, entourent un cerf ramé qu'un homme a atteint d'une flèche jaillie de son arc

Ultérieurement, nous aurons l'occasion de montrer! l'existence d'une certaine affinité de la phrase nominale avec les comparaisons. Pour le moment, nous nous bornerons à constater que le trait caractéristique des propositions introduites par ὧς est leur autonomie : *Ce qui est caractéristique des propositions comparatives, c'est la liberté de leur allure. Cette liberté d'allure [...] s'explique par le caractère paratactique de la construction.”2

Les traces de l'emploi paratactique de & sont visibles en particulier en ce qu'il est parfois accompagné de γάρ ou, plus souvent, de la particule gé-

néralisante - coordonnante cc?. On en trouve des exemples en construction nominale : Ω 68

φίλτατος ἔσκε θεοῖσι βροτῶν ot Ev Ἴλιῳ clo(v ὡς γὰρ ἔμοιγε, ἐπεὶ οὔ τι φίλων ἡμάρτανε δώρων mais il était pour les dieux le plus cher des mortels qui sont dans Ilion, comme (il l'était) pour moi aussi car il n'omettait aucune des offrandes qui m'agréent

τὸν δ’ ἐξήρπαξ’ ᾿Αφροδίτη

Γ 381

ῥεῖα μαλ’ d τε θεός mais Aphrodite alors le lui ravit; ce n'est qu'un jeu pour la déesse litt. trés facilement, comme une οἷος

Z 146; Θ 450; 2 105, 262; T 21; Ω 376

1 Cf. infra, troisième partie, p. 351 et 353 sq. 2 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 253, ὃ 373, et p. 355, ὃ 513.

3 Cf. infra, p. 275.

Hypotaxe

269

Du point de vue étymologique, le relatif qualificatif οἷος est un adjectif bâti sur le thème *yo. Le deuxième élément -10ç n'est pas clair!. Il s'agit peut-être d'un ancien génitif singulier pronominal *-syo-5?. En tout cas, P. Chantraine fait remarquer l'autonomie de cette construction : l'origine paratactique du tour est confirmée par son emploi en corrélation avec τοῖος

ainsi que par la possibilité qu'ont τοῖος et οἷος d'étre accompagnés d'une particule coordonnante : Z 146

οἵη περ φύλλων γενεὴ, τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν comme naissent les feuilles, ainsi font les hommes

Q 376

ὅς μοι τοιόνδ’ ἧκεν 65oinópov ἀντιβολῆσαι, αἴσιον, οἷος δὴ σὺ δέμας καὶ εἶδος ἄγητός (un dieu) qui met sur ma route un passant comme toi, de si bon augure, tel tu (es), enviable par ta taille et ta beauté

ὅσος B 528, I 385

Le relatif catégoriel ὅσος est employé en corrélation avec τόσος. Il

également dérivé du théme *yo auquel est adjoint un morphéme adverbial *-ti-os3.

“Ὅσον τε, quant à lui (Φ 251; Y 327), introduit une comparaison quantitative. La présence de τε indique à l'origine une coordination : en 327, par exemple, ὅσον τε sert de comparaison mais introduit en fait une relative autonome qui détermine un ordre de grandeur : l'expression finit par être à peu près l'équivalent d'un adjectif épithéte^ :

V 327 ἕστηκε ξύλον αὖον ὅσον τ’ ὄργυι’ ὑπὲρ αἴης C'est un tronc desséché qui se dresse environ à une brasse du sol litt. selon la mesure οὗ (il y a) une brasse au dessus du sol

3.5. Interrogatives indirectes

! Cf. E. Schwyzer, Gr. Gr. I, p. 609, n. 5. 2 Cf. P. Monteil, La relative en grec, p. 180.

3 Cf. ibid, p. 205.

4 Cf. C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique", ὃ 52.

270

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Les interrogatives indirectes appartiennent en règle générale à la subordination relative!, régle qui se confirme en construction nominale.

οἷος B 192; E 222; 6 106; Δ 653; O 94; Φ 108.

Il arrive que οἷος introduise une interrogative indirecte aprés οἷδα ou δράω. Il s'agit ici encore du pronom

relatif, et non d'un interrogatif

spécifique, ainsi que le souligne P. Chantraine : “L'emploi du relatif sans antécédent a pour conséquence

qu'après

certains verbes il est à peu près équivalent d'un pronom interrogatif indirect : le pronom οἷος introduit librement des propositions relatives qui expriment avec quelque emphase une explication. ὦ

Le processus de formation de telles constructions, si l'on en croit C. J. Ruijgh, tient à ce que la relative introduite par οἷος a la fonction d'un substantif exprimant une idée de qualité qui serait déterminant objet du verbe principal. ὅσος

*Oc« introduit ici une relative déterminative^. Il ne s'agit pas d'une véritable interrogative indirecte.

X53

κλῦτε, κασίγνηται Νηρηίδες, ὄφρ’ ἐὺ πᾶσαι εἴδετ' ἀκούουσαι

da’ ἐμῷ ἕνι κήδεα θυμῷ

écoutez-moi, Néréides, mes sœurs pour que vous sachiez toutes, en m'écoutant, tous les soucis que j'(ai) dans le cœur !

δππότερος

V 487

ἴστορα δ' ᾿Ατρείδην ᾿Αγαμέμνονα θείομεν ἄμφω, δππότεραι πρόσθ’ ἵπποι prenons pour arbitre le fils d'Atrée, Agamemnon,

pour savoir quels

chevaux (sont) en téte

1 P. Monteil, La relative en grec, p. 180 ; cf. P. Chantraine, Gram. hom. Il, p. 430

2 P. Chantraine, Gram. hom. Il, p. 238, 8 349. 31} s'agit d'une "relative autonome à noyau incorporé" : cf. C. J. Ruijgh, Autour de "re épique", 8 428 ; cf. infra, "les relatives", p. 274 sq.

4 Cf. infra, p. 278.

Hypotaxe

271

L'interrogatif indirect δππότερος appartient également au théme du relatif. Il est en effet formé de l'interrogatif indéfini πότερος ; et d'un pre-

mier élément indéclinable ὅ-, sans doute identique à celui que l'on trouve dans ὅτις! ὅτου à côté de ὅστις / οὗτινος et qui est sans doute issu du relatif neutre ὅ « *yo-d. La question de l'existence d'interrogatives indirectes nominales se rattache donc au probléme général de l'existence de propositions relatives nominales.

3.6. Complétives ὡς L'emploi de ὥς complétif aprés un verbe cognitif est en fait dérivé de sa valeur d'adverbe relatif de manière, selon un processus qui a été explicité par C. J. Ruijgh! : "En attribuant à ὥς sa pleine valeur d'adverbe relatif de maniere (car je sais comment ...) on obtient une relative autonome exprimant une certaine manière, qui est le COD de οἶδα."

Voici l'unique occurrence de ce tour en construction nominale : V 611

ἵνα γνώωσι καὶ οἷδε ὥς ἐμὸς οὔ ποτε θυμὸς ὕπερφίαλος καὶ ἀπηνής pour que tous ici sachent que (= comment) mon cœur (n'est) ni arrogant ni

implacable 6, 8 τε, ὅττι

Le pronom 8 au sens de que se trouve avec otóo en T 421 et © 32, 8

τε avec γινώσκω en P 623, et ὅττι avec οἶδα en E 407. Les pronoms 8 ,8 τε, ὅττι sont les anciens accusatifs neutre singulier des relatifs ὅς, ὅς τε, ὅς τις. Ils appartiennent donc au thème du relatif *yo.

Si l'on en croit Chantraine?, il s'agit à l'origine d'accusatifs de relation de sens causal :

1 C. J. Ruijgh, Autour de "re épique", $ 283. 2 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 289, $ 424

; cf. E. Schwyzer, Gr. Gr. Il, p. 645.

272

ANALYSE DES CONSTITUANTS "C'est des propositions causales de ce type que sont issues les propositions exprimant un jugement et qui suivent les verbes signifiant "penser, croire, juger, dire, voir", etc... Ces propositions sont le plus souvent introduites par un relatif neutre à l'accusatif. Les conjonctions 8, 8 τε, ὅ τι signifient concernant le fait que, le fait que puis que et sont devenues des outils grammaticaux."

REMARQUE : ὅττι τάχιστα(A 193, Ψ 71, etc...)

Ce tour brachylogique se rattache vraisemblablement à cet emploi du relatif comme accusatif de relation, ici dénué de sens causal. 3.7. Locatives

ἵνα

L'étymologie de ἵνα est incertaine!. I] y a cependant toutes les raisons de penser qu'il s'agit de l'anaphorique *i non thématisé ( *a,y) qui est égale-

ment à la base de *yos > & (latin i-s), auquel s'ajoutent une caractéristique d'instrumental *-na et une aspiration, peut-être analogique de &2. Bien que sa valeur finale soit ancienne, ἵνα a sans doute été d'abord un

adverbe relatif de lieu. En tout cas, il n'apparaît en construction nominale qu'au sens local, où il est synonyme de ὅθι. B 603

Αἰπύτιον παρὰ τύμβον, Tv’ ἀνέρες ἀγχιμαχηταί près du tombeau d'Epyte, là où les hommes (sont) experts au corps à corps

Sa valeur adverbiale est en outre soulignée par la présence en X 325 de

la particule "digressive" τε: X 325

ἵνα τε ψυχῆς ὥκιστος ὄλεθρος c'est là que la vie se laisse détruire au plus vite litt. là où la perte de la vie (est) la plus rapide

ὅθι, ὅθεν

ὅθι (V 148) εἰ ὅθεν (B 852; Δ 57) sont des adverbes relatifs, formés sur

le thème du relatif *yo à l'aide de suffixes locatifs. Ils sont susceptibles de déterminer un antécédent : 1 Cf. P. Chantraine, D.E.L.G. ; voir aussi : P. Monteil, La relative en grec, p. 376 sq.

? Cf. C. J. Ruijgh, Autour de "re épique", $ 383. 3 P. Monteil, La relative en grec, p. 387.

Hypotaxe A58

καὶ yàp

273

ἐγὼ θεός εἶμι, γένος δέ μοι ἔνθεν ὅθεν σοι

moi aussi, je suis déesse et mon origine (est) celle d'oü tu (sors)

Les trois adverbes relatifs ἵνα, ὅθι et ὅθεν sont donc à traiter comme

le pronom relatif simple!. La "proposition relative" qu'ils introduisent est en réalité caractérisée "principale".

par

une

trés large

autonomie

par

rapport

à la

ἔνθα À 345; 6 15; 8 48; = 216; Σ 422.

L'origine de ἔνθα est incertaine ; ἔνθα est sans doute formé sur un

anaphorique (autre que *-yo) et répond au relatif ὅθι. Son emploi dans l'épopée indique qu'il s'agit d'un adverbe démonstratif, ainsi que le montre C. J. Ruijg? : "Quoi qu'il en soit, au niveau synchronique du langage homérique,

ἔνθα est parallèle au pronom démonstratif 6, comme ἐνθαῦτα le sont à ὅδε et οὗτος."

ἔνθοΐδε et

Sa valeur d'adverbe est en effet tout à fait claire dans des phrases

comme : À 345

πρώτω

γὰρ καὶ

δαιτὸς ἀκουάζεσθον

ἐμεῖο,

ὅπποτε δαῖτα γέρουσιν ἐφοπλίζοιμεν ᾿Αχαιοί ἔνθα φίλ’ ὀπταλέα κρέα ἔδμεναι ἠδὲ κύπελλα οἴνου πινέμεναι μελιηδέος, ὄφρ’ ἐθέλητον n'étes vous donc pas les premiers à écouter mon appel au festin, quand nous, Achéens, nous préparons un festin pour les Anciens, là où (il est) agréable de manger des viandes róties et de vider des coupes de vin

délicieux, tout autant que vous en voulez ?

Elle est encore plus évidente dans l'exemple suivant oü ἔνθα se trouve suivi de la particule coordonnante δέ: 6 48

“Iônv δ' ἵκανεν πολυπίδοικα, μητέρα θηρῶν, Γάργαρον, ἔνθα δέ of τέμενος βωμός τε θυήεις Il atteint ainsi l'Ida aux mille sources, la cime du Gargare, cette mère des fauves où il (a) son sanctuaire et son autel odorant

1 Cf. E. Schwyzer, Gr. Gr. Il, p. 647,6). ? C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique", $ 387.

274

ANALYSE DES CONSTITUANTS

En fait, ἔνθα doit vraisemblablement à son emploi anaphorique! d'étre utilisé comme relatif (anaphorique) ; ainsi dans l'exemple suivant :

τῆλε μαλ’, ἧχι βάθιστον ὅπὸ χθονός ἔστι BépcOpov, 8 15

ἔνθα σιδήρειαι

τε πύλαι

καὶ χάλκεος oü5óc

τόσσον ἕνερθ’ ᾿Αίδεω ὅσον οὐρανός ἔστ’ ἀπὸ γαίης à moins que je ne le saisisse et ne le jette au Tartare brumeux, tout au fond de l'abime qui plonge au plus bas sous terre, où (sont) les portes de fer et

le seuil de bronze, aussi loin au-dessous de l'Hadès que le ciel l'est audessus de la terre

3.8. Relatives

Les propositions nominales relatives sont introduites dans l'Iliade non seulement par le pronom ὅς, et ὅς τε, ὅς περ, ὅς κε, ὅς τις

mais aussi par

8a(o}x, liste à laquelle il convient d'ajouter 8 περ, ce qui fait un total d'au moins 35 occurrences.

Etymologie Le relatif &; est un ancien anaphorique *yo?. Selon P. Monteil : “La valeur relative de ὅς, À, τό a peu de chances de remonter à l'indoeuropéen. [...] Quant à la valeur de ce thème *yo-, outre un emploi relatif

connu sur une portion seulement de l'aire indo-européenne, il a possédé une valeur anaphorique, connue sur la totalité de cette aire, et qui, pour cette raison a dû être plus ancienne et fondamentale.'9 Cependant les occurrences où & est encore nettement utilisé comme

anaphorique et où il équivaut à 8 δέ et celui-ci, sont peu nombreuses. P. Monteil n'en compte que 33 exemples dans l'Iliade (et 15 dans l'Odyssée}. REMARQUE : ὅσος Selon

C.

J. Ruijgh5,

la seule différence entre ὅσος et le relatif ὅς

"consiste en ceci que ὅσος souligne l'idée de quantité." On est donc en ! P. Monteil, La relative en grec, p. 368 sq.

2 Cf. P. Chantraine, D.E.L.G. 3 P. Monteil, La relative en grec, Partie I, ch I. 4 P. Monteil, La relative en grec, p. 44. 5 C. J. Ruijgh, Autour de "rc épique", 8 446.

Hypotaxe

275

droit de parler de l'emploi quasi anaphorique de ὅσοι à chaque fois que ὅσοι renvoie à un adjectif de quantité. Traces d'un emploi anaphorique Il reste néanmoins des traces de cet état ancien, comme par exemple : La présence de la particule τε On connaít les deux fonctions de la particule τε, coordonnante d'un côté et digressive-généralisante de l'autre. C. J. Ruijgh a montré qu'il s'agissait à l'origine de la méme particule coordonnante! : la particule re, méme quand elle apparait aprés & avec une valeur généralisante, est sans doute la trace d'une ancienne coordination : “Il est possible d'admettre qu'à l'origine τε coordonnait le substantif et la relative à condition qu'on attribue à la relative la fonction grammaticale d'un substantif.”?

En tout cas, si l'on en croit P. Monteil, le pronom ὅς τε serait anaphorique dans tous ses emplois : “Envisagée d'un point de vue extérieur et purement formel, la relative

introduite par ὅς τε présente dans la quasi totalité des cas l'aspect d'un anaphorique.”?

En voici des exemples en construction nominale : O 238

βῆ δὲ κατ' ᾿Ιδαίων δρέων, ἴρηκι ἐοικὼς ὦκέι φασσοφόνῳ, ὅς τ’ ὥκιστος πετεηνῶν Des cimes de l'Ida il descend, pareil au milan, rapide tueur de colombes,

qui (est) le plus rapide des êtres ailés (= et celui-ci est le plus rapide...)

V 655

fju(ovov ταλαεργὸν ἄγων κατέδησ' tv ἀγῶνι tere ἀδμήτην, À τ’ ἀλγίστη δαμάσασθαι il amène et attache au milieu de l'assemblée une mule patiente, de six ans,

encore indomptée, et qui (= celle-ci) (est) très difficile à dresser

! Dont la valeur est "digressive-permanente" ; cf. C. J. Ruijgh, Autour de "re épique",

ch.I , ὃ 13 sq.

? Autour de "τε épique”, 8 19. 3 P. Monteil, La relative en grec, p. 106.

276

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Autonomie de la relative Accord

La relative ne s'accorde pas forcément avec l'antécédent. Ce phénomène, constaté depuis longtemps!, est également un indice que la relative était à l'origine un syntagme autonome et non un déterminant. 155

οὔ τίς τοι τὸν μῦθον Óvócoctat, ὅσσοι ᾿Αχαιοί personne parmi tous ceux qui (sont) Achéens ne critiquera ton langage

Absence d'antécédent

Mais c'est surtout l'absence d'antécédent qui constitue la meilleure preuve de cette autonomie. Les exemples n'en sont pas rares en construc-

tion nominale : E 481

κἀδ’ δὲ κτήματα πολλά, τά T' ἔλδεται ὅς x’ ἐπιδευής et mes trésors sans nombre dont réve qui (est) indigent (celui qui est pauvre)

O 137

μάρψει δ' ἑξείης ὅς τ’ αἴτιος ὅς τε καὶ οὔκί et il saisira indistinctement qui (est) innocent et qui (est) coupable

Certains, qui semblent formulaires sont certainement trés anciens : H 50

αὐτὸς δὲ προκάλεσσαι

᾿Αχαιῶν

& τις ἄριστος

toi-même, défie (celui) des Achéens qui (est) le plus brave

^ 211

περὶ δ' αὐτὸν ἀγηγέραθ’ ὅσσοι ἄριστοι κυκλόσ’ et autour de lui se sont rassemblés tous ceux qui (sont) les plus braves

P 509

Alavr' ᾿Αργείων fyfrope, καὶ Μενέλαε, ἤτοι μὲν τὸν νεκρὸν ἐπιτραΐπεθ' ὅσσοι ἄριστοι vous, les deux Ajax, guides des Argiens, et toi, Ménélas, confiez donc le mort à tous ceux qui (sont) les plus braves

et

M 13, Ξ 371, etc...

Tout se passe comme si, dans ce type de phrases, le relatif jouait le rôle d'un article :

1 P. Chantraine, Gram. nominale”, p. 47- 49.

hom. II, 8 28 ; cf. aussi

A. Moreschini

Quattordio,

"La

frase

Hypotaxe

277

*On sait que l'adjectif peut étre substantivé, c'est-à-dire qu'il peut adopter la fonction syntaxique d'un substantif [...] De la méme fagon, la relative peut elle-même adopter la fonction d'un substantif. "*

Il s'agit là selon Benveniste d'un tour extrêmement ancien?

Relative anaphorique digressive Dérivé de l'emploi anaphorique, l'emploi d'une relative pour souligner un détail, apporter une explication, indiquer une restriction, est particuliérement fréquent avec la construction nominale?. La relative joue ici un róle accessoire dans la phrase, agissant comme une parenthése. C'est là une caractéristique bien connue de la parataxe®: “Il existe chez Homère des restes notables d'un usage archaïque, en particulier dans la parataxe, c'est-à-dire l'énoncé où une proposition se trouve mise sur le même plan que la principale si elle exprime une notion accessoire ou complémentaire qui devrait en dépendre.”

Nous en donnerons quelques exemples : Ψ 480 ἵπποι 6' αὐταὶ Εὐμήλου

ἔασι παροίτεραι͵, at τό πάρος περ,

ce sont les mémes chevaux qui sont les premiers, ceux qui précisément (l'étaient) auparavant

explicative: II 271

& dv Πηλείδην τιμήσομεν, ὃς μέγ’ ἄριστος

᾿Αργείων παρὰ νηυσὶ καὶ ἀγχέμαχοι

θεράποντες

nous ferons ainsi honneur au Péléide, qui (est) le plus brave des Argiens campés près de ces nefs, lui, ainsi que ses écuyers experts au corps à

corps,

concessive : Π 709

où νύ τοι αἶσα

σῷ ὗὕπὸ δουρὶ πόλιν πέρθαι Τρώων ἄγερώχων,

! C. J.Ruijgh, Autour de "τε épique", 8 265. 2E. Benveniste, Pbs I, p. 208 sq., "La phrase relative. Problèmes de linguistique générale". Le débat que cette question n'a pas manqué de soulever est développé in M. Moreschini-Quattordio, "La frase nominale", p. 41 sq. . Pour notre part, nous n'y entrerons pas davantage.

3 Cf. C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique”, $ 262. 4 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 232.

278

ANALYSE DES CONSTITUANTS οὐδ' ὅπ’ ᾿Αχιλλῆος, ὅς περ σέο πολλὸν ἀμείνων le destin ne veut pas qu'elle soit prise par ta lance, la ville des Troyens altiers — ni par celle d'Achille, qui (est) pourtant bien plus brave que toi

Le tour est particuliérement fréquent avec ὅς τε. C'est là, ainsi que l'a montré C. J. Ruijgh!, la pleine valeur de la particule τε: “Nous avons dit ($ 2) qu'en général, les phrases à τε épique consttuent une espèce de digression, c'est-à-dire qu'on peut les supprimer sans

que l'intégrité syntaxique et sémantique de ce qui précède en soit atteinte. Les relatives oà figure τε épique ne sont pas nécessaires pour déterminer le mot

— ou le groupe de mots —

auquel elles se rapportent, mais elles

expriment ce qui était déjà donné de facon implicite par l'antécédent : il s'agit de relatives digressives... "

En voici deux exemples : O 238

βῆ δὲ κατ’ "I6x(ov óp£ov, ἴρηκι ξοικὼς ὦὥκέι φασσοφόνῳ, ὅς τ' ὥκιστος πετεηνῶν Des cimes de l'Ida il descend, pareil au milan, rapide tueur de colombes, qui (est) le plus rapide des êtres ailés

V 655

ἡμίονον ταλαεργὸν ἄγων κατέδησ’ tv ἀγῶνι ἕξετέ’ ἀδμήτην, À τ' ἀλγίστη δαμάσασθαι il amène et attache au milieu de l'assemblée une mule patiente, de six ans, encore indomptée, et qui (Ξ et celle-ci) (est) trés difficile à dresser

Relative déterminative

Il arrive néanmoins que la relative ne tienne pas la place d'un substantif et qu'à ὅς ne puisse pas étre substitué δέ. Elle joue alors le róle d'un adjectif épithète, nécessaire, et non contingent, à la compréhension de la phrase. On

dira qu'il s'agit d'une relative déterminative. A ce qu'assure C. J. Ruijgh?, cet emploi peut être dérivé de l'emploi anaphorique, ce que confirment certains exemples où l'on retrouve les expressions formulaires déjà citées : P 62

βοῦν ἁρπάσῃ ἥ τις ἀρίστη ravit la vache qui (est) la plus belle

1 C. J. Ruijgh, Autour de "τε épique”, ὃ 4. 2 C. 1. Ruijgh, Autour de "re épique”, $ 262.

Hypotaxe V 659

279

᾿Ατρείδη τε καὶ ἄλλοι ξυκνήμιδες ᾿Αχαιοί, ἄνδρε δύω περὶ τῶνδε κελεύομεν, ὦ περ ἀρίστω Atrides, et vous aussi, Achéens aux bonnes jambières, j'invite à se disputer ces enjeux deux hommes, qui (sont) les meilleurs

371

ἄσπίδες ὅσσαι ἄρισται Evi στρατῷ ἠδὲ μέγισται ἕσσάμενοι ἰοὺ les boucliers qui (sont) les meilleurs et les plus grands dans toute l'ar-

6 περ H 114 Ξ

ὅ περ σέο πολλὸν ἀμείνων qui (est) pourtant bien meilleur que toi Φ 107

Il s'agit ici du théme de l'article *so, qui on le sait, a une valeur démonstrative. I] marque un lien avec ce qui précède. C'est de sa valeur démonstrative que découle son emploi en fonction de relatif. La faiblesse du lien syntaxique de la relative ainsi formée avec la principale est évidemment à souligner : “I s'agit d'une juxtaposition qui est devenue équivalente à une su-

bordination. "!

Conclusion

Les subordonnées οὗ apparaissent des phrases nominales se trouvent toutes introduites par des subordonnants qui ne sont pas de véritables conjonctions. Certaines "subordonnées" de cause, de lieu, de condition, sont intro-

duites par des morphémes adverbiaux (nef , ἔνθα) ou une particule (ci). Toutes les autres sont introduites par des relatifs, qu'il s'agisse de pronoms ou d'adjectifs (ὅς, οἷος, ὅσος, etc...), d'adverbes construits sur le théme du relatif (ὧς, ὅτε, ἵνα, ὅθι, ὅθεν), d'anciens relatifs à l'accusatif (8,

ὅττι), au génitif (οὕνεκα), ou méme d'articles en fonction de relatifs (ὅ περ). Dans ces conditions, le probléme se réduit à celui de l'existence de

phrases nominales relatives, d'autant plus que les phrases nominales intro-

1 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 166, ὃ 248.

280

ANALYSE DES CONSTITUANTS

duites par un pronom relatif constituent le groupe numériquement le plus

important des subordonnées nominales. La caractéristique de toutes les subordonnées nominales est /eur autonomie

par rapport à la principale.

Pour celles dont le subordonnant, adverbe, ou pronom, est accompagné d'une particule coordonnante (δέ, δή, γάρ et méme

τε), il est aisé de

montrer qu'il s'agit là, en réalité, d'une construction paratactique.

Mais, méme si le subordonnant n'est pas un adverbe, et méme sans la présence d'une particule coordonnante, il est de nombreux cas οὗ le subordonnant a une valeur anaphorique. Il s'agit alors de "relatives autonomes", selon l'expression de C. J. Ruijgh. Dans de tels syntagmes, le terme subor-

donnant, pronom, adjectif ou adverbe relatif, a toujours une fonction dans la phrase oü il se trouve. La "subordonnée" se suffit à elle-méme et le lien qu'elle entretient avec la principale est contingent.

Ainsi certaines relatives ont la valeur d'une parenthèse et fonctionnent comme digression par rapport au discours principal ; dans les comparatives l'adverbe relatif ὡς équivaut à un complément de manière dans la phrase

qu'il introduit. Enfin, méme quand de telles subordonnées sont déterminatives, c'est-àdire nécessaires à la compréhension de la principale, elles ne perdent en rien leur caractére propre qui est de fonctionner comme une unité autonome

équivalent à un substantif, un adjectif, ou un adverbe. Il en serait tout autrement de subordonnées introduites par de véritables conjonctions subordonnantes. Ces dernières sont au contraire étroitement commandées par la principale!, comme c'est par exemple le cas pour

les finales. Or il se trouve justement qu'il n'y a aucune subordonnée finale en construction nominale. Les seules exceptions apparentes concernent εἶ

μή et ὅτε μή : nous avons vu qu'il s'agissait de brachylogies. Ainsi que nous le montrerons au chapitre suivant, il n'y a pas de place pour la négation μή en construction nominale.

1 Cf. C. J. Ruijgh, $ 282: "La différence entre la conjonction subordonnante et le relatif autonome consiste en ce que celui-ci ne remplit pas de fonction dans la phrase sousjacente, tandis que celle-là remplit bien une telle fonction."

Hypotaxe

281

Dans la langue l'épopée, et, à plus forte raison, dans les constructions nominales qui, on le sait, ont quelque chance de conserver des traits particuliérement archaiques de la langue, on ne peut en régle générale considérer les subordonnées nominales comme des propositions "subordonnées" au sens plein de ce terme. L'ancienne construction paratactique s'y laisse en effet presque toujours discerner. Il est en conséquence légitime d'affirmer que

la phrase nominale est bien une phrase.

chapitre 8

Négation

La nature de la phrase nominale, qui en fait une phrase autonome et bien formée, se manifeste dans son aptitude à recevoir une négation : les phrases nominales négatives sont nombreuses. La phrase nominale se comporte-t-elle vis à vis de la négation comme

la phrase verbale ? Telle est la question à laquelle nous allons nous mettre en devoir de répondre.

1. Les diverses formes de la négation 1. μή La phrase nominale n'accepte pas la négation μή, qu'on ne rencontre que dans une expression brachylogique!, ci μή. V 791

ἀργαλέον δὲ ποσσὶν ἔριδήσασθαι

᾿Αχαιοῖς, el μὴ ᾿Αχιλλεῖ

(il est) difficile pour les Achéens de lutter à la course avec lui, sauf pour Achille

P 475

"AAx(ut5ov, τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος δμοῖος ἵππων ἀθανάτων ἐχέμεν δμῆσίν τε μένος τε, εἶ μὴ Πάτροκλος;

! On trouve également ὅτε μή. Il s'agit en fait d'une phrase elliptique du verbe : 1227

οὔτέ τεῳ σπένδεσκε θεῶν, ὅτε μὴ Διὶ πατρί

et lui-même n'y faisait libation à aucun dieu, si ce n'est à Zeus Père

Négation

283

Alcimédon, quel autre Achéen est-il semblable à toi (Ξ te vaut) en effet pour maintenir dociles et fougueux à la fois des chevaux immortels, si ce n'est Patrocle ?

2. a- privatif Il y a dans l'lliade quelques occurrences de ce type!, pour moitié composées d'adjectifs en *-102.

A 525

οὗ yàp ἐμὸν παλιναάγρετον 085’ ἀπατηλὸν οὐδ’ ἀτελεύτητον,

8 τι κεν κεφαλῇ κατανεύσω

mon (arrêt) n'est) ni révocable, ni trompeur, ni vain, que je confirme d'un

signe de mon front

B 136

ἄμμι δὲ ἔργον αὔτως ἀκράαντον, οὗ εἵνεκα δεῦρ' ἱκόμεσθα pour nous la tâche (est) inachevée, pour laquelle nous sommes arrivés ici

1158

'Αίδης τοι μείλιχος Nö’ ἀδάμαστος Hades en vérité (est) implacable et inflexible

T 124

οὔ of ἀεικὲς &vxootucv ᾿Αργείοισιν (il n'est) pas indigne de lui qu'il régne sur les Argiens

T 346

6 δ’ ἄκμηνος καὶ ἄπαστος il (Achille) (demeure) sans rien manger, sans rien prendre

3. οὗ

3.1. οὗ employé seul La fréquence de la négation οὗ dans les phrases nominales est à souligner. Nous en avons recensé plus d'une quarantaine d'occurrences sans compter toutes les phrases où elle apparait en composition. Sa place est normalement en téte, comme dans l'exemple suivant :

! Il y ena sept avectoxv(: B 796; Γ 63, 65; E 892; Z 434; H 117; I 63. 2 Le lien de a- privatif avec l'adjectif en *-to est à signaler. L'adjectif en *-10, qui est normalement formé sur une racine verbale apparaissait à l'origine essentiellement en composition (cf. P. Chantraine, La formation des noms, p. 304). Sa présence en phrase nominale a peut-étre contribué à l'extension de la phrase verbale.

284

ANALYSE DES CONSTITUANTS

T 124

où of ἀεικὲς ἀνασσέμεν ᾿Αργείοισιν (il n'est) pas indigne de lui qu'il régne sur les Argiens

3.2. Renforcement de ov La négation o) apparait fréquemment combinée à un autre morphéme pour aboutir à une forme renforcée!. Elle est ainsi combinée à : Un adverbe

B 241

ἀλλὰ ucA' οὐκ ᾿Αχιλῆι χόλος φρεσίν Achille (n'a) vraiment pas de rancune au cœur

cf.

E 407

L'indéfini r:

Il s'agit d'un accusatif de relation, dont l'utilisation aboutit au renforcement de la négation : A 335

οὔ τί μοι ὄμμες ἐπαίτιοι, ἄλλ’ "^Ayoufuvov, vous (vous n'étes) nullement coupables envers moi : (c'est) Agamemnon

cf. E 481; 1 523; T 181; B 528.

Celle-ci peut étre à son tour renforcée par un adverbe : A 416 αἴθ’ ὄφελες παρὰ νηυσὶν ἄἀδάκρυτος καὶ ἀπήμων ἦσθαι, ἐπεί νύ τοι αἶσα μίνυνθά περ, od τι μάλα δήν que n'es-tu donc resté, assis prés de tes nefs, ignorant des pleurs et des peines, puisque pour toi l'accomplissement du destin (est) assurément pour bientôt, et non dans trés longtemps !

ou bien coordonnée pour apparaître sous la forme οὐδέ τι : V 520 6 δέ τ’ ἄγχι μάλα τρέχει, οὐδέ τι πολλὴ χώρη

μεσσηγύς,

πολέος πεδίοιο

θέοντος

la roue tourne toute proche, et (il n'y a) pas beaucoup d'intervalle entre eux,

tant qu'il court sur la vaste plaine

qui apparait également dans l'expression : οὐδέ τί σε (uc) χρή (H 108; TI 721; T 420; etc...)

1 οὔ se combine avec d'autres morphémes. Dans la langue épique, il ne s'agit jamais à proprement parler de forme "composée". Voir sur cette question : E. Schwyzer, Gr. Gr. II, p. 597 δ).

Négation

285

Le morphème κι Celui-ci n'est autre que la forme prise par l'indéfini τι devant *u!. La phrase est ici brachylogique : B 349

πρὶν καὶ Διὸς αἰγιόχοιο γνώμεναι

εἴ τε ψεῦδος ὑπόσχεσις, εἴ τε καὶ οὐκί

avant de savoir si une promesse de Zeus (est) mensonge, ou non

3.3. Combinaison de οὐ Avec

rig

La combinaison de οὗ avec τις produit l'équivalent d'une forme négative de l'indéfini, au sens de "personne" ou de "aucun".

οὔ τις νόος οὔ τις... ἄλλος ἄλλος δ’ οὔ τίς

Ο 509 Ο 569 ® 275

Avec les particules coordonnantes vc ou δέ Οὐδέ et οὔτε sont utilisés comme corrélatifs : οὗ...

οὐδέ...

Ω 52, Μ 247, Π 707, Δ 510, E 53, = 141, V 627

οὐδέ...

οὐδέ...

Χ 300

οὐδέ...

ἀλλά...

Τ 409

οὔτε... οὔ τις...

οὔτε... οὔτε...

Z 352, B 201 Ο 569

sauf dans l'expression brachylogique : οὗ μάλ’ οὐδέ

V 441

Avec d'autres particules M 247

οὗ γάρ τοι κραδίη μενεδήιος οὐδὲ μαχήμων ton cceur (n'est) pas si endurant au carnage ou à la bataille

1 Cf. A. Meillet, J. Vendryes, Traité, $ 880.

286

ANALYSE DES CONSTITUANTS

Avec un adverbe de temps ou de lieu οὔ ποτε

E 441, V 611

οὗ γάρ πώ ro:

Η 52

οὔ rcp πω οὗ γὰρ ἔτι οὐδέ ποθι

Η 433 Ἑ 379, Ψ 627 Ω 420

Combinaisons multiples οὔ πώ τις οὗ μὲν γάρ τι

Ω 505 Τ 182

2. La négation οὗ dans les phrases à "un terme" La négation se trouve toujours en téte de phrase, ce qui, étant donné le caractére proclitique de οὗ, est sa place "naturelle" dans une phrase à un terme.

Elle porte sur le noyau : il s'agit d'une négation de phrase. E 349

fj οὖχ ἅλις ὅττι ; (n'est-il) pas suffisant que ...?

Ψ 670, etc...

οὗ χρὴ παννύχιον εὕδειν βουληφόρον ἄνδρα obligation (il y a) pour un héros de ne pas dormir la nuit entière où νέμεσις, Τρῶας καὶ

ξυκνήμιδας ᾿Αχαιοὺς

τοιῇδ’ ἀμφὶ γυναικὶ πολὺν χρόνον ἄλγεα πάσχειν non, (il n'y a pas lieu) de blämer les Troyens ni lesAchéens aux bonnes

["

jambières, si, pour telle femme, ils souffrent (= de souffrir pour telle femme) de si longs maux

80

οὗ γάρ τις νέμεσις φυγέειν κακόν, οὐδ' ἀνὰ νύκτα: (il n'y a) pas de bláme à fuir le malheur, méme de nuit

οὔ νύ τοι αἷσα

Π 707

σῷ ὑπὸ δουρὶ πόλιν πέρθαι Τρώων ἀγερώχων ton destin ne (veut) pas que la ville des Troyens altiers soit prise par ta lance

Négation

V 205

287

oùx ἕδος non ! pas de siége !

combinée avec un adverbe : H 52 οὗ ydp πώ τοι μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot (n'est) pas encore de mourir ni d'accomplir ton destin H 433

fluoc δ' οὔ roip πω fie, ἔτι δ' ἀμφιλύκη

νύξ

(ce n'était) pas encore l'aube, la nuit (était) encore à demi étoilée

E 379

οὗ γὰρ ἔτι Τρώων xot ᾿Αχαιῶν φύλοπις aiv (ce n'est) plus désormais entre Troyens et Achéens (qu'a lieu) l'atroce mélée

Q 420

οὐδέ

ποθι

μιαρός

nulle part (il n'y a) de souillure.

sous la forme οὐδέ : X 300

νῦν δὲ δὴ ἐγγύθι

μοι θάνατος κακός, 006’ ἔτ’ ἄνευθεν

o05' ἄλέη et voici qu'elle (est là), pour moi, tout près, la cruelle mort et (n'est) plus loin ; (il n'y a) nul moyen de lui échapper

3. La négation οὗ dans les phrases à deux termes L'analyse de la négation dans une phrase à un terme ne présente aucune espèce de difficulté. Il n'en est pas de méme lorsqu'il s'agit d'une phrase à deux termes.

En grec, la négation peut en effet porter sur l'assertion tout entière, ainsi que le fait remarquer J. Humbert : “Placée en tête de phrase, la négation od commande

les ensembles

complexes qui la constituent : [...] on s'inscrit en faux contre la phrase tout entière, et on peut traduire C'est une erreur de dire que... “1

ou sur l'un des constituants de la phrase, que celui-ci soit sujet, prédicat,

expansion de phrase : "Elle peut affecter seulement un mot de la phrase -adjectif, adverbe en particulier — sans influer sur le sens général de celle-ci ; ainsi se forment des litotes que le grec affectionne... Il faut nécessairement, quelle que soit

1}. Humbert}, Syntaxe, p. 347, $ 616.

288

ANALYSE DES CONSTITUANTS la nature du mot considéré, que la négation qui le modifie le précède im-

médiatement. "!

Il y aen effet six possibilités, selon que l'ordre des mots est sujer-predicat ou prédicat-sujet, d'une part, selon que la négation porte sur l'un des constituants ou sur l'ensemble de l'assertion, d'autre part, ce qui peut se

formaliser de la manière suivante? : S « » [non P] [non S] < > P

P« » [non S] [non PI « » 5

non[S «

non

» P]

[P«

» 5]

Voici ce que donne le dépouillement des exemples :

1. La négation porte sur le second terme 1.1.

S« »

[non P]

Il n'y a qu'une occurrence de ce type : E 783

1.2.

ἢ συσὶ καάπροισιν, τῶν τε σθένος οὐκ ἀλαπαδνόν, ou bien des sangliers dont la force (n'est) pas facile à détruire



» [non S]

Le prédicat est dans ce cas le relatif οἷος. Le sujet est toujours un pronom indéfini combiné avec οὐ. Σ 105

τοῖος tàv οἷος οὔ τις ᾿Αχαιῶν χαλκοχιτώνων ἕν πολέμῳ moi qu'aucun Achéen à la cotte de bronze n'égale au combat liti. qui suis tel qu'aucun des Achéens ne (l'est) au combat

Q 505

ἔτλην δ’ of’ οὔ πώ τις ἐπιχθόνιος βροτὸς ἄλλος j'ai osé, moi, ce que jamais encore (n'a osé) mortel ici-bas

| Ibid., p. 347 , ὃ 615. 2 "S" désigne le sujet, "P" le prédicat, le signe
la pause, {

]la phrase.

Négation

289

Lorsque oi porte sur le second terme de la phrase, l'analyse ne présente aucune espèce de difficulté. 2. La négation porte sur le premier terme Il n'en est pas de méme lorsque la négation porte sur le premier

terme : il est ici plus difficile de décider si la négation porte sur le premier terme ou sur l'assertion dans son ensemble. 2.1.

nonS «

»P

Si le sujet est un indéfini Dans la langue homérique, l'indépendance de chaque terme est telle

que, méme suivie du pronom indéfini, la négation placée à l'initiale absolue peut étre encore sentie comme une négation de phrase : O 569

᾿Αντίλοχ᾽, οὔ τις σεῖο νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

V 439

"Avr(Aoy', od τις σεῖο βροτῶν δλοώτερως ἄλλος Antiloque, aucun mortel au monde n'(est) plus exécrable que toi

Il semble cependant plus juste de considérer l'ensemble οὔ τις, dans

lequel où porte sur le sujet avec lequel il se combine, dans la mesure où l'on a des exemples de οὔ τις ailleurs qu'à l'initiale absolue. O 509

fitv 5' οὔ τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων pour nous (il n'est) nul parti, nul plan meilleur que de mettre en contact...

Φ 275

ἄλλος δ’ οὔ τίς μοι τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων, ἀλλὰ φίλη μήτηρ, À με ψεύδεσσιν ἔθελγεν aucun des dieux issus du ciel n'est coupable envers moi, mais ma mère seule

La phrase est donc du type [non S]

« » P

Si le sujet est un nom ou un pronom Ni le nom ni le pronom ne se combinent avec le sujet. Οὐ est ici une négation de phrase.

290

ANALYSE DES CONSTITUANTS

E 471

fj f' oùx οὗτος ἀνὴρ Προθοήνορος &vrl πεφαάσθαι ἄξιος ; cet homme ne mérite-t-il pas [/irr. (n'est-il) pas digne] d'être tué autant que Prothénor?

et, en combinaison avec un adverbe de temps :

E 441

ἔπει οὔ ποτε φῦλον δμοῖον ἀθανάτων τε θεῶν χαμαὶ ἐρχομένων τ’ ἀνθρώπων car jamais (elles ne formeront) une race semblable la race des dieux

immortels et celles des humains qui marchent sur la terre

V 611

ἵνα γνώωσι καὶ οἷδε ὡς ἐμὸς oU ποτε θυμὸς ὑπερφίαλος καὶ ἀπηνής pour que ceux-ci sachent que mon cœur n'(est) jamais arrogant ou implacable

La phrase est donc du type non [S «

» P]

Si le sujet est précédé d'un pronom au génitif ou au datif La négation doit étre plutót analysée comme une négation de phrase, du fait que plusieurs indices invitent à le faire : où est combiné avec τι : Il s'agit d'un accusatif de relation qui ne peut porter sur le sujet. A 335

οὔ τί μοι ὄμμες ἐπαίτιοι͵, ἄλλ' ᾽Αγαμέμνων, en aucune façon vous (vous n'êtes) coupables envers moi, mais (c'est) Agamemnon

od est isolé du pronom par des particules : M 247 οὗ γάρ τοι κραδίη μενεδήιος οὐδὲ μαχήμων il n'est pas vrai que ton cœur (soit) si endurant au carnage ou à la bataille

En outre ici le datif est un datif possessif, étroitement lié au nom sujet. Il y a donc tout lieu de considérer que οὗ est une négation de phrase méme dans les cas où rien ne le sépare du pronom : 1425

ἐπεὶ od σφισιν ἧδε y! ἑτοίμη puisque pour eux ce projet (n'est) pas efficace

La phrase est donc du type non [S «

» P]

Négation 2.2.

nonP «

291

>S

On se trouve ici en présence d'une difficulté : la négation porte-elle sur

le prédicat ou s'agit-il d'une négation de phrase ? La plupart des exemples invitent à voir dans la négation une négation de phrase. 2.2.1. non [P«

»S]

Il est en effet possible d'affirmer que o est une négation de phrase : a - Quand o est en corrélation L'existence d'une corrélation entre deux phrases garantit l'emploi de οὔκ comme négation de phrase. οὐ...

οὐδέ... A 510

ἐπεὶ οὔ σφι λίθος χρὼς οὐδὲ σίδηρος χαλκὸν ἀνασχέσθαι

ταμεσίχροα βαλλομένοισιν

leur peau (n'est) pas de pierre ni de fer pour résister au bronze qui entame la chair quand ils sont touchés Ε 253

οὗ γάρ uot γενναῖον ἄλυσκαάζοντι

μάχεσθαι,

οὐδὲ καταπτώσσειν (il n'est) pas de mon sang de combattre en me dérobant, encore moins de

me terrer

ἐπεὶ οὔ of ἕνι φρένες, οὐδ' ἤβαιαί car en lui (il n'y a) pas de sens, pas le moindre

οὗ yàp ἔτ’ ἔμπεδα γυῖα, φίλος, πόδες, οὐδέ τι χεῖρες non, mes membres, mon cher, ne (sont) plus solides, ni mes pieds ni mes bras

οὔ oí ἀεικὲς ἀμυνομένῳ

περὶ

πάτρης

τεθναμεν - ἄλλ’ ἄλοχός τε σόη καὶ παῖδες ὀπίσσω il (n'est) pas indigne de lui de mourir en défendant son pays. Sa femme et ses enfants (restent) saufs pour l'avenir Ρ 415

ὦ φίλοι, οὗ μὰν ἧμιν εὔκλεές ἀπονέεσθαι νῆας ἐπὶ γλαφυράς, ἄλλ’ αὐτοῦ γαῖα μέλαινα πᾶσι χάνοι amis, pour nous (il ne serait) pas glorieux de retourner aux nefs creuses ; que sous nos pieds à tous s'ouvre plutôt la terre noire !

292

ANALYSE DES CONSTITUANTS

T 409

ἄλλά τοι ἔγγύθεν ἦμαρ ὀλέθριον - οὐδέ τοι fjucic

αἴτιοι, ἀλλὰ θεός τε μέγας καὶ μοῖρα κραταιή mais pour toi le jour fatal (est) tout prés ; ce n'est pas nous qui sommes) la cause, mais un dieu terrible et l'impérieux destin

(en

b - Quand οὔ est combiné avec ri T 182

où μὲν γάρ τι νεμεσσητὸν βασιλῆα ἄνδρ’ ἀπαρέσσασθαι, ὅτε τις πρότερος χαλεπήνῃ car (il n'est) pas répréhensible qu'un roi offre des satisfactions à un homme quand il s'est le premier emporté contre lui

c - Quand P 19

οὔ est isolé du prédicat par des particules Ζεῦ πάτερ, οὗ μὲν καλὸν ὑπέρβιον εὐχετάασθαι ah ! Zeus pere, (il n'est) pas beau de se vanter avec excès

E 253

où γάρ μοι γενναῖον ἄλυσκάζοντι

μάχεσθαι,

οὐδὲ καταπτώσσειν (il n'est) pas de mon sang de combattre en me dérobant, encore moins de me terrer

P 414

ὦ φίλοι, οὗ μὰν ἧμιν εὐκλεές ἀπονέεσθαι

νῆας ἐπὶ γλαφυράς amis, pour nous (il n'est) pas glorieux de retourner aux nefs creuses.

d - Quand le contexte n'impose pas d'autre analyse A 515

ἐπεὶ od τοι ἔπι δέος tu n'as, toi, rien à craindre

litt. i| n'est pas vrai que la crainte (soit) sur toi

et méme si le prédicat est précédé d'un pronom au génitif ou au datif Θ 483

oU σευ ἔγωγε σκυζομένης ἀλέγω, ἐπεὶ οὗ σέο κύντερον ἄλλο de ton dépit je n'aurais cure, puisqu'il (n'y a) rien de plus chien que toi

En somme, οὗ placé en tête de phrase semble avoir toujours pour

fonction de nier l'assertion prise dans son ensemble. On retiendra, à titre d'exemples caractéristiques, les deux phrases suivantes : l'assertion y est niée par la négation οὗ (οὐδέ) placée en tête, tandis que, de son côté, le prédicat, introduit par un «- privatif, y exprime une idée négative.

Négation A 525

293

οὗ yàp ἐμὸν παλινάγρετον οὐδ’ ἀπατηλὸν οὔὐδ' ἀτελεύτητον, ὅ τι κεν κεφαλῇ κατανεύσω mon (arrét) n'(est) πὶ révocable, ni trompeur, ni vain, que je confirme d'un

signe de mon front

T 124

οὔ of ἀεικὲς ἀνασσέμεν ᾿Αργείοισιν (il n'est) pas indigne de lui qu'il régne sur les Argiens

2.2.2.

[non P] «

» S

Il arrive néanmoins que la négation puisse ne pas étre analysée comme

une négation de phrase. Son renforcement la fait plutôt porter sur le prédicat.

E 407

μάλ’ οὗ δηναιὸς ὃς ἀθανάτοισι

μάχηται,

(il ignore) qu'(il n'est) absolument pas fait pour vivre longtemps celui qui fait la guerre aux immortels

B 241

ἀλλὰ ucA' οὔκ ᾿Αχιλῆι χῶλος φρεσίν, ἀλλὰ μεθήμων Achille (n'a) vraiment pas de rancune au cœur : il (est) indulgent

Il arrive cependant que la négation placée à l'initiale absolue, puisse

passer pour une négation de phrase : B 204

oùk ἀγαθὸν | πολυκοιρανίη | ... le commandement de plusieurs (n'est) pas une bonne chose

Ici, la présence aprés ἄγαθόν d'une coupe secondaire trihémimére, liée à une coupe ephtémimère après le nom sujet, isole les deux termes de la phrase ; la négation semble plutót faire corps avec l'adjectif. Il est vrai qu'il s'agit ici d'un des cas où prédicat et prédication se confondent.

3. Effacement du sujet où combiné avec τι est négation de phrase : A 416

ἐπεί νύ τοι αἷσα μίνυνθά περ, οὔ τι μάλα δήν puisqu'assurément l'accomplissement du destin (est) pour bientôt, et non dans trés longtemps !

B 528

οὔ τι τόσος γε ὅσος Τελαμώνιος Αἴας, ἄλλὰ πολὺ μείων

294

ANALYSE DES CONSTITUANTS

(il n'est) pas aussi grand qu'Ajax le fils de Télamon, (il est) méme beaucoup plus petit

Mais lorsque, par effacement du sujet, la phrase se réduit au seul pré-

dicat, et que la négation, placée en téte est οὖ, il est difficile de dire si la négation porte sur le seul prédicat ou plutót sur l'ensemble de l'assertion : là encore, prédicat et prédication se confondent. 1225

χαῖρ’, Αχιλεῦ, δαιτὸς μὲν Elan | οὐκ ἐπιδευεῖς Salut, Achille, nous ne manquons pas [/itt. (nous ne sommes) pas man-

quant] de repas où l'on partage les parts

Ici, l'expansion au génitif suivie d'une pause bucolique

isole le

syntagme constitué par la négation suivie du prédicat. B 745

oûk οἷος

-

(il n'est) pas seul A 573

T 214

ἐπεὶ

od πολύμυθος

005' ἀφαμαρτοεπής car il (n'était) ni prolixe, ni maladroit

Conclusion

Comme la phrase verbale, la phrase nominale est susceptible de recevoir une négation. - Le phénomène le plus notable est l'absence de la négation μή — qui n'apparaît qu'à deux reprises dans une expression brachylogique. - A l'exception de quelques adjectifs en «- privatif, la négation est οὔ, qui est la négation de réalité. - Cela confirme l'autonomie qui est celle de la phrase nominale, méme

en proposition "subordonnée". - Cela donne quelque indication quant au fonctionnement de la phrase nominale qui, méme si elle est susceptible de prendre certaines valeurs modales, comme nous le verrons par la suite, a peu à voir avec les formes de la

modalité traditionnellement attachées aux modes verbaux.

Négation

295

- L'Iliade ne fait pas volontiers porter la négation sur le prédicat. - La négation est le plus souvent en téte de la phrase, et porte sur l'en-

semble de l'assertion plutót que sur ses constituants. Cela revient à dire qu'elle ne modifie ni la structure formelle de la phrase, ni méme son caractere d'assertion de véritéi. - Ce trait est confirmé par la fréquence des phrases nominales négatives coordonnées à d'autres phrases, nominales ou verbales.

La phrase nominale a bien toutes les caractéristiques d'une phrase.

1 Sur cette question, telle qu'elle se pose dans la langue de Platon et qui n'est pas sans rapport avec les faits homériques, voir l'analyse de M. Baratin et F. Desbordes in L'analyse linguistique dans l'Antiquité classique, p. 17 : “Il n'est pas question d'opposer un sujet et un prédicat mais de montrer que ce qu'énonce un énoncé n'est vrai ou faux qu'en fonction de l'existence de ce sur quoi il porte..."

296

chapitre 9

Ordre des mots

Un dernier point reste à considérer concernant cette fois non pas la nature des constituants, la faculté de recevoir une négation ou d'apparaitre en

proposition subordonnée mais l'ordre des noyaux dans les phrases à deux termes. La question n'est pas sans importance : dans certaines langues, c'est

l'ordre des mots qui permet de différencier une phrase nominale d'un syntagme nominal, ayant de ce fait la fonction d'un morphéme de constitution

de phrase!. Cela signifie en méme temps que l'ordre des mots est ce qui permet la production de la pause. Joue-t-il en grec le méme róle ? Il semble que non. Il n'est pas impossible cependant que la phrase nominale adopte, dans certaines conditions, un ordre des mots spécifique. Pour tenter d'en juger, nous commencerons par répertorier toutes les

phrases nominales à deux termes? (ou réduites à deux termes), en les répartissant en deux séries, selon qu'elles suivent l'ordre sujet - prédicat ou l'ordre prédicat - sujet (SP et PS pour abréger). Mais aucune interprétation sérieuse ne saurait étre donnée des résultats ainsi obtenus s'ils ne sont pas confrontés aux résultats donnés par un travail similaire sur la phrase verbale correspondante (avec ἐστί ou cto(). 1 Cf. supra, première partie, ch. IV, p. 117 sq. ? [|] conviendra

néanmoins

d'admettre

biguité de certaines expressions.

une certaine

marge

d'erreur

imputable

à l'am-

Ordre des mots

297

C'est ce que nous ferons!. 1 - Le sujet est un nom 1.1. Prédicat adverbial ou prépositionnel: Phrase nominale ordre sujet -prédicat

ordre prédicat-sujet

nom sujet - adverbe

2

adverbe - nom sujet

36

nom sujet - préposition

4

préposition - nom sujet

17

total

6

total

53

soit un pourcentage de : SP 10,1696 L'ordre des mots majoritaire est l'ordre Prédicat - Sujet. Phrase verbale

nom sujet - êot{ - adv/prép |

7

adv/prép -Écv(-nom sujet

nom sujet - adv/prép-tot{

5

adv/prép - nom sujet - ἐστί ] 13

total

12

total

3 16

soit un pourcentage de : SP 42,85% Bien que l'ordre des mots majoritaire soit, comme pour la phrase nominale, l'ordre prédicat - sujet, il semble cependant moins significatif. Bien qu'on ne puisse pas en faire une loi, l'ordre prédicat - sujet est donc ici spécifiquement attaché à la construction nominale.

1 La phrase à ἔστί peut, en théorie, se rencontrer sous six formes différentes (cf. infra, p. 582) :

5 -στί

Nous

-P

Ῥ- ἐστί- 5

5-Ρ- ἐστί ἔστι -5.-"Ρ

P-S- ort ἔστι -Ρ- 5

ne confronterons

ici la phrase nominale qu'avec

les phrases

verbales des deux

premiéres catégories. La derniére pose en effet des problémes particuliers puisque c'est le verbe qui est en position de focalisation.

298

ANALYSE DES CONSTITUANTS

1.2. Prédicat au génitif Les phrases nominales au génitif sont peu nombreuses. mais l'ordre prédicat - sujet y semble majoritaire. nom sujet - E génitif

2

FA énitif - nom sujet

4

La comparaison avec la phrase verbale y est impossible : il n'existe qu'une occurrence verbale de type nom sujet - génitif - ἐστί. Nous ne tiendrons donc compte que des phrases dont le prédicat est au datif. 1.3. Prédicat au datif: Phrase nominale nom sujet - datif

6

datif - nom sujet

26

soit un pourcentage de : SP 18,275% REMARQUE

:

Dans la quasi-totalité des cas le datif est un pronom: 5 occurrences sur 6 pour l'ordre SP, 24 sur 26 pour l'ordre PS. Phrase verbale

nom sujet - ἔστί - datif

1

datif - ἐστί - nom sujet

8

nom sujet - datif - ἐστί

-

datif - nom sujet - ἐστί

4

total

1

total

12

soit un pourcentage de : SP 7,7% L'ordre des mots est presque exclusivement l'ordre prédicat - sujet, comme pour la phrase nominale. 1.4. Prédicat attributif Phrase nominale

Ordre des mots nom sujet- nom attribut nom sujet - adj. positif "

-

"

-

. comparatif

-

nom attribut - nom sujet

4

35

adi. positif - nom sujet

66

4

comparatif - nom sujet

8

superlatif - nom sujet

2

superlatif

total

299

39

total

80

soit un pourcentage de : SP : 32, 77% L'ordre des mots majoritaire est, pour la phrase nominale, l'ordre prédicat - sujet. Phrase verbale La confrontation de ces résultats avec ceux de la phrase verbale est intéressante :

nom suj. - ἐστί - nom attr. nom suj. - ἐστί - adj. attr.

3 | nom attr. - ἔστί - nom suj. 21 | adjattr - ἔστί - nom sujet

nom sujet - nom att.- ἔστί

-

nom sujet - adjectif attr.

9 _| adjectif attr. - nom sujet

total

33

8

| nom attr. - nom sujet - ἐστί |

total

-

6 14

soit un pourcentage de : SP 70,296 Avec un attribut, l'ordre des mots majoritaire de la phrase verbale est l'ordre sujet-prédicat, au contraire de l'ordre majoritaire dans la phrase nominale.

2 - Le sujet est un pronom 2.1. Prédicat adverbial Phrase nominale pronom sujet - adverbe nom suj. - préposition total

soit un pourcentage de : SP

-

adverbe - pronom sujet

2

6

préposition - pronom sujet

1

6

total

3

66,66%

300

ANALYSE DES CONSTITUANTS Phrase verbale

pron suj.-tar(-adv /prép.

2

adv/prep-tot{ -pron. suj.

pron suj.-adv/prép - ἔστί

5

adv/prép -pron suj.-èot{

2

total

7

total

2

soit un pourcentage de

: SP

-

77,77%

Lorsque le sujet est un pronom l'ordre des mots est normalement sujer -prédicat, que la phrase soit nominale ou verbale ; ce qui correspond en grec à la place normale du pronom en tête de phrase. 2.2. Prédicat au génitif Comme dans le cas des phrases à sujet nominal, les phrases comportant un génitif prédicat sont en trop petit nombre pour que leur interprétation en soit significative. Le nombre des phrases est sensiblement égal, quel que soit l'ordre des mots. Le nom sujet semble cependant préférer l'ordre prédicat-sujet tandis que le pronom y serait plutót en téte de phrase selon l'ordre attendu ; il n'y a pas de phrase verbale correspondante : pronom sujet - génitif

2

_génitif - pronom sujet

]

2.3. Prédicat au datif: Phrase nominale

Avec un prédicat au datif, l'ordre des mots semble indifférent quand le

sujet est un pronom : pronom sujet - datif

2

datif - pronom sujet

2

Phrase verbale

Au contraire, la phrase verbale suit dans tous les exemples l'ordre sujet-prédicat. pron. sujet - ἐστί- datif pron. sujet - datif - ἐστί

3

datif - ἔστί - pron. sujet datif - pron. sujet - tot{

-

Ordre des mots

301

2.4. Prédicat attributif Phrase nominale pron. sujet - nom attr

21

nom attr - pron. sujet

2

pron. sujet - adiectif attr

33

adjectif attr - pron. sujet

7

pron. sujet - comparatif

25

comparatif - pron. sujet

3

pron. sujet - superlatif

18

superlatif

1

total

97

total

- pron. sujet

13

soit un pourcentage de : SP 88,18% Le pronom a tendance là aussi à étre en téte de phrase : Phrase verbale pron sujet-bov(-nom attr pron - sujet-tot{-adj. attr pron

1 5 |

sujet-nom att-tot{

12

pron sujet-adj. attr-tor{

22

total

40

|

nom attr.-êot{-pron. sui. adj att -tov(-pron. sujet

1

nom att -pron sujet-tot{

2

adjattr-pron sujet-ot{

6

total

9

soit un pourcentage de : SP 81,63% Cela est conforme à l'emploi habituel du pronom avec un pronom sujet, que la phrase soit nominale ou verbale, l'ordre majoritaire est l'ordre suJet-predicat. 3 - Le sujet est un infinitif Phrase nominale infinitif sujet - adj. positif

-

adj. positif - infinitif sujet

19

infinitif sujet - comparatif

-

comparatif - infinitif sujet

2

infinitif sujet - superlatif

-

superlatif - infinitif sujet

total

-

total

21

302

ANALYSE DES CONSTITUANTS Phrase verbale

inf. sujet - ἐστί adj. attr

-

adj. attr - ἐστί - inf sujet

12

Que la phrase soit nominale ou verbale, l'infinitif est en deuxiéme position. REMARQUE : Les degrés de l'adjectif

Alors que les phrases nominales qui ont pour sujet un nom et celles qui ont pour sujet un pronom sont en nombre sensiblement égal (119 avec un nom et 110 avec un pronom), le comparatif et le superlatif sont plus volontiers employés avec un pronom sujet :

- 14 avec un nom sujet (12 comparatifs et 2 superlatifs) soit 11,76%, - 47 avec un pronom sujet (28 comparatifs et 19 superlatifs) soit 42,7296. La proportion est trés différente pour la phrase verbale: sur 59 phrases verbales attributives avec un nom pour sujet, on compte 5 comparatifs et 10 superlatifs, soit 25,4296 ; il y a d'autre part 49 phrases avec un pronom pour sujet, mais seulement 6 comparatifs et 3 superlatifs, soit

18,36%. Donc, non seulement la proportion s'inverse, mais l'écart est, dans la phrase verbale, peu significatif. Le nombre particuliérement élevé de comparatifs et de superlatifs avec un pronom en construction nominale s'explique peut-étre par la prédilection de l'Iliade pour des expressions formulaires tels que ὅσοι ἄριστοι. Il est clair que l'ordre des mots ne fonctionne pas comme phéme d'agencement de phrase nominale.

un mor-

En effet, tant l'analyse interne que la comparaison avec la phrase verbale montrent qu'il n'existe pas d'ordre spécifique à la phrase nominale!.

Il arrive que l'ordre des mots soit fixe, ou quasi-fixe, mais cela n'a aucune signification concernant la phrase nominale puisque cela vaut également pour la phrase verbale : - l'infinitif sujet vient toujours après le prédicat - le pronom est normalement en téte de phrase ! Pour plus de détails sur l'ordre des mots dans les phrases cf. Lasso de la Vega, La oración nominal en Homero, p. 141 sq.

nominales

et verbales,

Ordre des mots

303

- le datif est normalement en téte

Il existe cependant des cas où la phrase nominale privilégie un ordre des mots qui n'est pas celui de la phrase verbale : - avec un prédicat prépositionnel ou adverbial, la phrase nominale a une nette préférence pour l'ordre Prédicat - Sujet, tandis que l'ordre semble plus libre dans la phrase verbale. - avec

un attribut,

la phrase

nominale

préfère

l'ordre

Prédicat-Sujet (67,33%), tandis que la phrase verbale préfère nettement l'ordre inverse (70,2%) : c'est le seul cas où les deux types de phrase s'opposent, concernant l'ordre des mots.

On peut donc raisonnablement conclure que l'ordre des mots, s'il n'est pas un morphème d'agencement de phrase, joue cependant un rôle dans la constitution de certaines phrases nominales. Il apparaît surtout que la focalisation du prédicat en tête de phrase

contribue, sans que cela soit une obligation, à l'apparition de la pause quand la phrase est attributive!.

I Cf. le français "jolie, cette robe!" par rapport à "cette robe, jolie!" possible mais moins satisfaisant.

304

Conclusion

Les phrases nominales

Définir la structure de la phrase nominale dans l'lliade par delà l'extréme diversité de ses formes, telle était la difficulté. La première opération consistait donc à trouver selon quels critéres distinguer les termes principaux (noyaux) des termes secondaires (expansions). Ce travail achevé, il s'avère légitime d'affirmer qu'il n'y a pas un modéle unique de phrase nominale mais plusieurs, qui se définissent tant par Je nombre de termes (de noyaux) que par la nature du predicat.

1. Un modèle général de phrase : la phrase à deux termes L'acte de prédication constitue la phrase comme phrase en posant deux termes explicites, un sujet et un prédicat! : E 759

ἐμοὶ

5' ἄχος

pour moi (il y a) de la souffrance

E 479

τηλοῦ γὰρ Aukfn car elle (est) loin la Lycie

M 13

ὅσσοι ἄριστοι tous ceux qui (sont) les plus braves

Cela n'autorise en aucune facon à identifier le prédicat à l'attribut : la nature du constituant qui a fonction de prédicat est variable et c'est justement la diversité des prédicats qui offre un principe de classement opéra-

toire. I Cf. supra, première partie, ch. IV, p. 117 sq.

Conclusion

305

Les phrases nominales présentent trois types de prédicat : - casuel (au génitif ou au datif)

- adverbial ou prépositionnel - attributif

L'exclusion de l'accusatif comme prédicat de phrase nominale est un des traits les plus remarquables de ce classement. Seules trois formes casuelles se rencontrent en position de prédicat : le nominatif, comme attribut du sujet, le génitif et le datif.

1.1. Prédicat au génitif ou au datif Les phrases dont le prédicat est au génitif ou au datif sont remarquablement proches : elles ont une structure formelle identique et sont apparentées sur le plan sémantique dans la mesure où les notions d'appartenance (génitif) et de possession (datif) sont voisines.

La différence essentielle est quantitative : les génitifs prédicats sont rares tandis qu'il est courant de rencontrer des prédicats au datif. 1.2. Prédicat adverbial ou prépositionnel

En tant que prédicats, adverbes et syntagmes prépositionnels ont une valeur identique dans la mesure où ils expriment les uns comme les autres une localisation, spatiale ou temporelle. 1.3. Attribut

La construction de type sujet - attribut est de loin la plus fréquente. L'attribut en est la plupart du temps un adjectif, mais on rencontre des

noms dans cette fonction. Or c'est précisément à ce type de phrase qu'est traditionnellement réservée la dénomination de "phrase nominale pure", sous certaines conditions.

11] n'y a pas, à notre connaissance dans l'Hliade, de phrase nominale dont le sujet serait un nom à l'accusatif.

2 Cf. supra, premiere partie I, ch. VI, p. 45 sq.

306

ANALYSE DES CONSTITUANTS

1.4. Parenté entre les différents types Malgré leur différence morphologique, les trois types de phrase ont en réalité une certaine parenté. Dans la série suivante de phrases simples à deux termes, l'ordre des mots est en effet identique, ainsi que l'utilisation de particules coordonnantes : V 590

λεπτὴ δέ τε μῆτις et la raison (est) mince

V 427

στεινωπὸς yàp ὅδός car la route (est) étroite

Q 662

τηλόθι

δ’ ὕλη

le bois (est) loin

E 759

ἐμοὶ δ' ἄχος mais j'en souffre, moi litt. pour moi (il y a) de la souffrance

Il y a d'autre part, du point de vue lexical, deux séries de ressemblances : la possessive E 759 est apparentée à la vérité générale attributive V 590 en ce que les deux sujets (ἄχος et μῆτις) appartiennent à la catégorie des

abstraits. La phrase à prédicat adverbial N 662 et l'attributive Ψ 427 sont proches en ce qu'elles définissent toutes deux des lieux (forét et route). On ne peut donc s'appuyer sur la définition d'une structure formelle pour distinguer une phrase nominale "pure"

— attributive —

qui serait

Vérité générale des autres types de phrases et encore moins pour les opposer. 2. La phrase à “un terme” Bien que la prédication se fasse normalement au moyen de deux termes, il arrive que la phrase n'ait qu'un terme exprimé. Plusieurs cas se présentent, selon que la phrase n'est à un terme qu'en

apparence, qu'il s'agit d'une expression brachylogique ou figée, ou qu'elle n'ait véritablement qu'un terme :

Conclusion

307

2.1. Phrase à un terme proprement dite On rencontre cependant en grec des phrases constituées d'un terme unique qui en est le noyau. Une analyse plus approfondie pourrait sansdoute la ramener au modèle général de prédication!, mais, pour ce qui est du grec homérique, il est vrai que de telles phrases sont des phrases à un terme. Font partie des "phrases à un terme" : - des noms en petit nombre mais courants qui expriment des notions

comme la nécessité et le destin, - certains tours exclamatifs,

- certains adjectifs neutres qui ne renvoient à aucun terme exprimé dans le contexte,

- quelques expressions figées. 2. 2. Existentielles ou attributives ?

Reconnaître une phrase à deux termes n'est pas toujours aussi aisé qu'il

y paraît. Il est en effet parfois difficile de savoir si l'on se trouve en présence d'une phrase à un terme ou d'une phrase à deux termes : l'écart est si mince entre les deux constructions qu'il peut parfois sembler hasardeux de trancher. - D'une part, dans la langue épique qui n'use pour ainsi dire pas de l'ar-

ticle, il est théoriquement impossible de choisir entre (il y a) une jumentblanche et la jument | (est) blanche. Il est néanmoins possible de trancher

à condition de tenir le plus grand compte de l'intonation et de la pause qui existe nécessairement entre le sujet et le prédicat : on ne peut guére que se fier, puisqu'il s'agit ici en l'occurrence d'hexamétres dactyliques, qu'à la place de l'adjectif par rapport aux coupes et aux particules. Néanmoins, et alors méme que la différence se résume parfois à une différence d'intonation, force est de constater qu'il y a entre les deux types

une proximité et des possibilités de passage de l'un à l'autre qui mettent, au moins provisoirement, hors du champ de la pertinence la distinction entre phrase attributive et phrase existentielle. 1 Cf. supra, première partie, ch. IV, p. 117 sq.

308

ANALYSE DES CONSTITUANTS

- D'autre part, méme si, à l'origine, le tour nom - infinitif était analy-

sable comme nom + expansion, l'influence du type adjectif neutre - infinitif, où l'infinitif est sujet, a eu pour résultat que la séquence nom - infinitif est comprise comme une construction attributive nom prédicat - infinitif sujet. Sans revenir! sur la discussion concernant le probléme, nous tirerons

argument de cette ambiguité pour affirmer que le passage d'une construc-

tion à l'autre est de type scalaire et donc qu'il est impossible de les opposer définitivement. 2.3. Effacement

Il se peut également que la phrase prétendument à un terme soit en réalité une phrase à deux termes, qui, par effacement du sujet ou, plus rarement, du prédicat, n'a qu'un terme exprimé. Le sujet (ou le prédicat) est en

fait présent, mais il faut le chercher dans le contexte textuel, (voire à l'occasion dans le contexte référentiel). Effacement du prédicat : V 627

οὗ yàp ἔτι ἔμπεδα γυῖα, φίλος, πόδες, οὐδέ τι χεῖρες non, mes membres, mon cher, ne (sont) plus solides, ni mes pieds ni mes bras

Effacement du sujet : Δ 58

γένος δέ μοι ἔνθεν ὅθεν σοι (moi aussi, je suis déesse) et mon origine est celle d'où tu (sors)

K 437

τοῦ δὴ καλλίστους ἵππους ἴδον fj5t μεγίστους λευκότεροι χιόνος, θείειν δ' ἀνέμοισιν ὁμοῖοι il ἃ les plus beaux coursiers, les plus grands que j'ai jamais vus ; ils (sont) plus blancs que neige et, pour courir, égaux au vent.

3. Phrase à trois et à quatre termes 3.1. Elimination de ces phrases Certaines phrases nominales peuvent paraître constituées de trois, voire quatre termes :

1 Cf. supra, p. 158 sq.

Conclusion

Φ 532

309

ñ γὰρ ᾿Αχιλλεύς ἐγγὺς ὅδε κλονέων car Achille (est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

L'existence de phrases de cette sorte invite à admettre la possibilité de

prédications à plus de deux termes. Une étude précise de chacune d'entre elles montre en fait qu'elles peuvent toujours étre ramenées au modéle géné-

ral à deux termes de type sujet - prédicat + expansions!. Il est cependant intéressant de constater que tout se passe comme si elles étaient formées, en structure profonde, de la superposition de deux, voire trois phrases prédicatives à deux termes, ce qui correspond au schéma suivant (abstraction faite de l'ordre des mots) : P1 (sujet-attribut )+ P2 (sujet-datif)

=

P (sujet - datif - attribut)

P2 (sujet-datif) + P3 (sujet-lieu)

=

P (sujet- datif - lieu)

P1 (sujet-attribut)+ P3 (sujet-lieu)

z

P (sujet-lieu-attribut)

P1 (sujet-attribut) + ΡΖ (suj-dat) +P3 (suj-lieu) =

P

(sujet-datif-lieu-attr)

3.2. Difficultés

3.2.1. Confusion entre prédicat et expansion C'est justement dans cette aptitude qu'a la syntaxe homérique à superposer les structures de phrase que résident les difficultés que l'on rencontre

parfois à déterminer le prédicat. Cela tient également au fait que les déterminations casuelles (génitif ou datif), locatives (adverbe ou syntagme prépositionnel) et l'adjectif peuvent être utilisés indifféremment en fonction de prédicat ou en fonction d'expansion.

3.2.2. Expansions, enchüssements, imbrications Il est rare en outre qu'une phrase nominale soit réduite à sa structure minimale ; elle contient la plupart du temps des expansions qui peuvent lui conférer une certaine étendue et rendre de ce fait malaisé le repérage des

noyaux. 1 Cf. supra, p. 202 sq., et p. 223 sq.

310

ANALYSE DES CONSTITUANTS

3.2.3. Le rôle pivot de l'adjectif Il est remarquable enfin que la principale source d'ambiguité tienne à la

nature de l'adjectif dont la présence vient parfois troubler la clarté d'une construction. Le phénoméne est particuliérement intéressant en ce qu'il touche à la structure méme de la phrase nominale. La structure de base d'une phrase nominale prédicative se présente en

effet de la manière suivante :

Sujet (nom)



lieu Prédicat 4 datif - génitif adjectif

Quand un adjectif vient s'ajouter à une structure de phrase à deux termes, cela donne une phrase à trois constituants formalisable de la maniére suivante:

Sujet

(nom



lieu datif - génitif adjectif



adjectif

Et cela donne en réalité trois couples de phrases tels que : 1 - Le prédicat peut être l'adjectif ou la détermination locative : autour de lui | (il y a) de puissantes files de guerriers

puissantes | (sont) autour de lui les files de guerriers 2 - Le prédicat peut étre l'adjectif ou le datif

à moi | jument blanche à-moi-jument | blanche

- j'ai une jument blanche = ma jument est blanche

3 - Le prédicat peut être l'un quelconque des deux adjectifs : une mort atroce | (est) certaine une mort certaine | (est) atroce

Déterminer à propos de phrases de ce type des critères incontestables de reconnaissance du prédicat est une opération malaisée du fait que l'adjectif agit, en quelque sorte, comme un élément perturbateur de la structure de

base. Par son ambivalence fonctionnelle, l'adjectif se trouve être, en effet.

Conclusion

311

un élément sensible de la phrase nominale : il est le constituant autour duquel s'organise toute la cohérence du système.

4. Focalisation du prédicat Si la difficulté tient, en certains cas, à reconnaitre le prédicat, la langue épique fournit néanmoins la plupart du temps des moyens sûrs de le repérer. Le prédicat est en effet généralement marqué, non pas comme dans certaines langues par des indices spécifiques de prédication!, mais par les divers procédés de mise en relief qu'elle a à sa disposition. Ces moyens sont, pour l'essentiel, les suivants : 4.1. Coordination

En règle générale, il n'y a d'adjectif épithéte du nom sujet que s'il est désigné clairement comme tel. L'un des procédés employés à cet effet consiste à coordonner le syntagme adjectif - nom à un nom sujet qui le précéde. La fréquence du procédé est remarquable avec un adjectif prédicat :

- sur 13 phrases avec prédicat locatif - sur 10 phrases avec datif-génitif prédicat - sur 11 phrases avec adjectif prédicat

: 4 : 2 04

4.2. Particules Lorsque le prédicat se trouve en téte de phrase, il est généralement

isolé et séparé du sujet par une ou plusieurs particules. Par sa place en seconde position dans la phrase la particule, outre sa valeur sémantique spéci-

fique, semble précisément avoir cette fonction séparatrice. 4.3. Coupes Le principal critére de désignation du prédicat est néanmoins /a pause dont il n'est pas inutile de souligner à nouveau l'importance? pour ce qui est de la constitution de la phrase nominale en de nombreuses langues. 1l s'agit

là d'un phénoméne connu et bien décrit par Benveniste : ! D. Cohen, L'aspect verbal, p. 4 ; cf. première partie, ch. IV, p. 117 sq. 2 Cf. premiere partie, ch. IV, p. 117 sq.

312

ANALYSE DES CONSTITUANTS “Il suffit de juxtaposer les termes nominaux de l'énoncé pour obtenir une phrase nominale, avec un trait supplémentaire probable, mais dépourvu d'expression graphique, qui est la pause entre les termes. L'exemple du hongrois, du russe, etc..., donne à cette pause la valeur d'un élément de

l'énoncé ; c'est même le signe de la prédication. Il est vraisemblable que partout où la structure de la langue permet de constituer un énoncé prédicatif en juxtaposant deux formes nominales dans un ordre libre, on doit admettre qu'une pause les sépare. Sous cette condition, les formes nomi-

nales assurent la prédication."!

S'agissant de l'hexamétre épique, la pause logique de la prédication nominale correspond normalement aux coupes ou à la ponctuation bucolique, méme si ce n'est pas là une régle absolue.

Quel que soit l'ordre des mots, c'est en effet de part et d'autre de la pause que se distribuent le sujet et le prédicat ainsi que le montrent les exemples suivants : l.a. prédicat (lieu) - sujet [adjectif + nom]

coupe trihémimére : A 90

ἀμφὶ δέ μιν] κρατεραὶ

στίχες ἀσπιστάων

λαῶν et autour de lui (se trouvent) les puissantes files de guerriers en armes

1.b. prédicat (adjectif) - sujet [nom + lieu]

coupe trihémimère Θ 481

βαθὺς δέ τε | Τάρταρος ἄμφίς le Tartare (est) profond tout autour

2.a. prédicat (datif) - sujet [adjectif - nom] coupe trihémimère : Δ 417 τούτῳ δ’ αὖ | μέγα πένθος ᾿Αχαιῶν δῃωθέντων (ce sera) pour lui un deuil immense, si les Achéens sont détruits

2.b. prédicat (adjectif) - sujet [datif - nom] coupe troisiéme trochaique : T 106 αὐτός, ἐπεὶ οἵ παῖδες | ὑπερφίαλοι καὶ ἄπιστοι puisque ses fils (sont) arrogants et déloyaux

ΤῈ, Benveniste,

p. 42-43.

"étre et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 189 sq. ; et supra,

Conclusion

313

3. prédicat (adjectif)- sujet [adjectif - nom] pause bucolique :

N 773

(Ἴλιος αἴπεινή) νῦν tot σῶς | αἰπὺς ὄλεθρος pour toi maintenant la mort vertigineuse (est) certaine

coupe penthémimère : K 244

οὗ πέρι μὲν πρόφρων | κραδίη καὶ

θυμὸς ἀγήνωρ

tv πάντεσσι πόνοισι en lui l'âme ardente et le cœur fier (sont) prêts à toutes les peines

4.4. Ordre des mots

En outre, dans les phrases à trois et quatre termes, et quelle que soit la nature de chacun des constituants, le prédicat est la plupart du temps repérable à sa place en tête de phrase, où il se trouve détaché des autres constituants par la particule ou des adverbes. Ainsi, dans les phrases à trois termes dont l'un des constituants est un adjectif, seul l'ordre des mots peut indiquer si l'adjectif est attribut ou épithéte :

O 509

futv δ’ οὔ τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων, ἢ... il (n'est) pour nous nul parti, nul plan meilleur que ...

pourrait se comprendre comme

une phrase attributive : pour nous, nul

parti, nul plan ne sont meilleurs que... Mais, alors que l'adjectif n'est séparé du sujet οὔ τις νόος καὶ μῆτις par aucune coupe, le datif est mis en relief en téte de phrase avant la particule : comme l'indique la traduction de P. Mazon, le datif est nécessairement

prédicat d'une phrase "existentielle" : pour nous, il n'y a nul parti, nul plan meilleur que...

A contrario, la place de l'adjectif en téte de phrase et en position détachée le désigne comme prédicat : 1378

ἐχθρὰ δέ μοι τοῦ δῶρα ses présents me (font) horreur

L'importance de l'ordre des mots pour la détermination du prédicat est donc évidente. Telles phrases de structure en apparence identiques sont si-

314

ANALYSE DES CONSTITUANTS

tuatives, attributives, ou expriment l'appartenance selon que l'adverbe, l'attribut ou le datif sont l'objet de la focalisation produite par l'ordre des mots. Celui-ci, loin d'étre aléatoire ou un simple effet de style, revét en réalité une

fonction syntaxique. Est-ce à dire qu'en grec l'ordre des mots est, comme

l'écrit David

Cohen! pour les langues sémitiques, un "véritable morphéme d'agencement de phrase"? Il ne semble pas qu'on puisse aller jusque là. Dans l'Iliade, l'ordre des mots n'est pas une marque de prédication, car il n'obéit qu'à un principe de fréquence, non à une règle. 5. Phrase nominale

= un jeu de phrases

L'un des traits caractéristiques de la langue homérique est l'autonomie dont jouissent les mots les uns par rapport aux autres. En l'absence d'article, il est en outre souvent impossible de se fonder sur une régle comme celle de l'enclave pour déterminer la composition des

divers syntagmes. La conséquence en est qu'une phrase qui contient en méme temps trois éléments — datif, adjectif, détermination locative — susceptibles d'étre prédicats ou expansions, peut, en théorie, étre analysée comme la superposition ou la fusion de deux phrases à deux termes ayant un sujet identique : P

=

Pl(nomsujet-datif prédicat)

+ ^ P2(nom sujet - adjectif prédicat)

P

=

Pl(nomsujet- datif prédicat)

+ — P3 (nom sujet - prédicat locatif)

P

=

P2 (nom sujet - adjectif prédicat) +

ou ou P3 (nom sujet - prédicat locatif)

Il s'agit, bien sûr, d'un schéma tout théorique. Celui-ci permet du moins

de mettre en évidence le fait que les différents types de phrases nominales ne s'excluent ni ne s'opposent. Nous n'en donnerons qu'un exemple, qui nous semble fournir la clef du processus d'élaboration de la phrase nominale dans l'Îliade :

1 D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 19.

Conclusion X 300

315

νῦν δὲ δὴ ἔγγύθι μοι θάνατος κακός et voici qu'à cette heure, (elle est là) pour moi tout prés, la cruelle mort

La genèse de cette phrase pourrait s'expliquer par la fusion de trois phrases simples : 1-

θάνατος

κακός

2-

ἔγγύθι θάνατος

la mort est tout près

3-

por

c'est la mort pour moi

θάνατος

— la mort est cruelle,

La fusion une fois effectuée, on pourrait dire qu'a lieu une réorganisation syntaxique de la phrase, telle que l'adverbe de lieu devient prédicat de la nouvelle phrase ainsi formée. En outre, à cette phrase viennent s'ajouter une phrase locative puis une phrase à un terme ; cela montre comment les différents types de construction, loin de s'exclure, peuvent se combiner, se superposer et se coordon-

ner : X 300

νῦν δὲ δὴ ἐγγύθι μοι θάνατος κακός, οὐδ’ ἔτ' ἄνευθεν οὔδ’ ἀλέη à cette heure, (elle est là) pour moi tout près, la cruelle mort, et (n'est) plus loin ; (il n'y a) nul moyen de lui échapper

On se rend bien compte, en effet, tant à partir des exemples proposés que de leur formalisation, que : - il n'y a pas un modèle unique de phrase nominale, mais plusieurs - il n'y a pas d'opposition, du point de vue de la structure, entre les différents modèles de phrases, - les différents types de phrases sont aptes à se superposer, à fusionner, à se coordonner. - il n'y a bien souvent qu'une différence de focalisation entre les diffé-

rents types de phrase. L'exemple cité permet en outre de se rendre compte de l'extréme facilité avec laquelle s'opère le passage entre vérité générale et vérité particuliére! : 1] suffit pour cela de l'adjonction ou de la suppression d'un datif à valeur particularisante, d'un pronom personnel ou d'un adverbe de temps. Le ! Sur les différents degrés d'actualisation de la phrase nominale, voir infra, p. 378 sq.

316

ANALYSE DES CONSTITUANTS

passage d'un type de phrase à l'autre se fait de facon progressive, il est scalaire. Cela interdit de poser en théorie l'existence d'une opposition entre un groupe de "phrases nominales pures" et des phrases nominales "non-authentiques", entre des "vérités générales" et les " vérités particuliéres".

En fait, selon toute vraisemblance, l'opposition entre "l'existence" et "l'essence" n'est la plupart du temps qu'un effet de la traduction dans les langues indo-européennes modernes. La structure attributive elle-méme fait partie de l'ensemble des struc-

tures possibles dont les constituants sont permutables et, à l'exception du sujet, non obligatoires.

Cela fait qu'il est possible de proposer un schéma simple capable à la fois de rendre compte de tous les types de phrases nominales possibles et de mettre en évidence leur fonctionnement, par substitution, addition, combinaison :

expansion

pe - génitif

du sujet

expansion

adiecti

peu

du prédicat

À

génitif

4

|

expansion de phrase

lieu

datif temps

Achevé d'imprimer à l'Université Charles-de-Gaulle — Lille III

Les formes de la phrase nominale en grec

Nicole Lanérés

LES FORMES DE LA PHRASE NOMINALE EN GREC ANCIEN Etude sur la langue de l'Iliade

II

troisiéme partie

Récit - discours

326

RECIT-DISCOURS

Position du probléme L'étude formelle a permis de montrer qu'il n'y a pas un type de phrase

nominale mais plusieurs, et qu'il est impossible d'opposer une construction particuliére (attributive), qui serait seule "nominale", aux autres types de phrases sans verbe "étre", qui seraient de statut différent ou indéterminé. Le passage d'une catégorie de phrase à l'autre est en effet toujours possible, par addition, superposition, substitution. Nous avons ainsi été en mesure de réintégrer dans la catégorie générale des phrases nominales divers types de phrases, y compris des

phrases contenant des références temporelles ou personnelles ; il s'avére, semble-t-il,

qu'au

contraire de ce que soutient Benveniste,

la phrase

nominale n'ignore pas les catégories du temps ni celles de la personne : nous avons en effet eu l'occasion de rencontrer des adverbes de temps et des pronoms personnels, en particulier de la 1€ et de la 2€ personne, en construction nominale. Mais dans quelles conditions cela est-il possible ? Une étude strictement formelle comme celle que nous avons menée jusqu'ici ne permet pas de s'en faire une idée. Il faudra pour ce faire tenter d'abord de comprendre de quelle facon la phrase nominale s'insére dans l'énoncé. Vu sous cet angle, le probléme est d'abord celui de savoir si la phrase nominale est susceptible d'apparaître dans le récit aussi bien que dans le discours et de déterminer quelles sont ses conditions d'apparition dans l'un ou dans l'autre. L'Iliade est en effet constituée d'une succession de récits et de discours dans une proportion à peu prés égale (53,3796 de récits). Or Benveniste soutient que la phrase nominale n'apparaît chez Homère que

dans les discours! : “On n'a aucune peine à s'assurer que, chez Homère, la phrase nominale apparait seulement dans des discours, non dans les parties narratives ou descriptives.”

En tout état de cause, la distinction entre le récit et le discours est réputée recouvrir les deux catégories fondamentales de tout énoncé.

1 "La phrase nominale", p. 164.

Position du problème

327

On le sait depuis Platon, il y aurait lieu en effet de distinguer, pour des raisons que nous n'évoquerons pas ici, deux modes du récit!, le simple récit ou récit pur (nit,

διήγησις) d'un côté, et de l'autre, le discours rapporté

qu'il nomme imitation (μίμησις), l'épopée étant un genre mixte. - l'épopée : fj 6' αὖ δι’ ἀμφοτέρων ἕν τε τῇ τῶν ἐπῶν ποιήσει “Une troisième espèce, formée du mélange des deux autres, apparait

dans la poésie €pique.”? - lerécie :

Οἷσθ' οὖν ὅτι μέχρι μὲν τούτων τῶν ἐπῶν καὶ ἑλίσσετο πάντας ᾿Αχαιούς,

᾿Ατρείδα δὲ μάλιστα

δύω, κοσμήτορε λαῶν

Λέγει τε αὐτὸς ὅ ποιητὴς καὶ οὐδὲ ἐπιχειρεῖ ἡμῶν τὴν διάνοιαν ἄλλοσε τρέπειν ὥς ἄλλος τις 6 λέγων À αὖτός - τὰ δὲ μετὰ ταῦτα ὥσπερ αὐτὸς dv Ó Χρύσης λέγει καὶ πειρᾶται fuic ὅτι μάλιστα ποιῆσαι μὴ “Ὅμηρον δοκεῖν εἶναι τὸν λέγοντα, ἀλλὰ τὸν ἱερέα, πρεσβύτην ὄντα. Καὶ τὴν ἄλλην δὴ πᾶσαν σχεδόν τι οὕτω πεποίηται διήγησιν περί τε τῶν ἕν Ἰλίῳ καὶ περὶ τῶν Ev ᾿Ιθάκῃ καὶ ὅλῃ ᾿Οδυσσείᾳ παθημάτων. Πάνυ μὲν οὖν, fon.

Οὐκοῦν διήγησις μέν ἔστιν καὶ ὅταν τὰς ῥήσεις ἑκάστοτε λέγῃ καὶ ὅταν τὰ μεταξὺ τῶν ῥήσεων ; “Tu sais donc que jusqu' à ces vers : et il conjurait tous les Grecs et en particulier les deux Atrides, chefs des peuples, le poète parie en son nom et ne cherche même pas à nous donner le change et à nous faire croire que c'est un autre que lui qui parle. Pour ce qui suit, au contraire, il le raconte, comme s'il était lui-même Chrysès, et il s'efforce de nous donner autant que possible l'illusion que ce n'est pas Homere qui parie mais bien le vieillard, prétre d'Apollon ; et c'est à peu prés ainsi qu'il a composé tout le récit des événements qui se sont passés à Ilion, à Ithaque et dans toute l'Odyssée. C'est vrai, dit-il. N'y a t-il pas récit quand il rapporte, soit les divers discours prononcés, soit les événements intercalés entre les discours ?"

1 République, 392 c - 394 d. 2 République, 394 c. 3 Ibid., 393 a.

328

RECIT-DISCOURS

- l'imitation! : Ei δέ yc μηδαμοῦ Éaurèdv ἀποκρύπτοιο Ó ποιητής, πᾶσα ἂν αὐτῷ ἄνευ μιμήσεως fj ποίησίς τε καὶ διήγησις γεγονυῖα

εἴη. "Si le poéte ne se cachait jamais, l'imitation serait absente de toute sa composition et de tous ses récits."2

Ce rappel de la distinction entre les genres aurait pour nous peu d'intérêt si la répartition des phrases nominales dans l'épopée ne semblait étroite-

ment liée au choix du mode narratif. La question n'est cependant pas aussi simple que ne le dit Benveniste et il n'est pas possible de le suivre jusqu'au bout lorsqu'il prétend que la

phrase nominale apparait exclusivement dans les discours. La phrase nominale n'est en effet pas étrangère au récit, bien qu'elle y Soit présente en moindre proportion que dans les discours, comme le prouve le tableau de la page suivante.

L'examen de ce tableau conduit à se poser un certain nombre de questions : 1? De quelle facon l'appartenance à l'ordre du récit ou à celui du dis-

cours conditionne-t-il l'apparition de la phrase nominale ? 2? Comment se fait-il que les phrases nominales, dont Benveniste affirme qu'elle sont indépendantes de la personne et du mode, soient si nombreuses dans le discours, qui est, plus que toute autre, une forme d'énoncé

liée à l'expression de la subjectivité ? 3? Comment se fait-il enfin que le récit contienne des phrases nominales ? que celles-ci soient cependant infiniment moins nombreuses que dans le discours ? Et peut-on définir les conditions d'insertion des phrases nomi-

nales dans le récit ?

1 Jbid., 393 c. 2 Sur cette question, voir : Aristote, Poétique, 1460 a ; et G. Genette, Figure II, p. 50-54,

"Diégésis et mimésis" : "Cette division théorique, qui oppose, à l'intérieur de la diction poétique, les deux modes purs et hétérogènes du récit et de l'imitation, entraîne et fonde une classification pratique des genres, qui comprend les deux modes purs, plus un mode mixte, ou, plus précisément, alterné, qui est celui de l'épopée". Voir également : G. Genette, Figure Ill, p. 184 ; R. Dupont-Roc, J. Lallot, Ecriture et théorie poétique. Lectures d'Homére, Eschyle, Platon, Aristote, 1976 , F. de Martino, "Omero fra narrazione e mimesi", Belfgor, 32, 1977, p. 106.

329

Position du problème

Autant de questions qui conduisent à réfléchir sur la nature du récit d'une part, et sur la relation de la phrase nominale avec le contexte d'autre part : c'est au fond tout le probléme du mode d'énonciation qui est ici à envisager. Chant

nombre de vers

Total | récit A B r ^ E Ζ H e I K A M N Ξ O II P X T Y ® X w Q

| 610 877 461 544 | 909 529 | 482 | 565 713 | 579 | 848 | 471 | 837 522 | 746 | 867 761 617 424 | 503 | 611 | 515 | 897 | 804

| | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | |

231 585 216 294 562 199 228 286 121 277 527 340 562 260 435 583 471 335 183 262 324 219 521 344

Total | 15692 | 8365

|discours| | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | |

379 292 245 250 347 330 254 279 | 592 302 321 131 275 262 311 284 290 282 241 241 287 296 376 460

| 7327

%

nombre de phrases

récit | 4 disc. | récit — ldiscours 38 67 47 54 62 38 47 51 17 48 62 72 67 50 58 67 62 54 43 52 53 43 58 43

62 33 53 46 38 62 53 49 83 52 38 28 33 50 42 33 38 46 57 48 47 57 42 57

0 17 0 6 6 0 2 5 0 1 4 1 6 1 4 3 3 6 1 5 3 1 2 5

20 18 13 9 29 8 12 11 37 22 13 12 13 9 19 11 15 15 21 18 21 18 37 26

82

427

53,4 | 46,6 | 16,1

83,9

330 chapitre 1

Le récit

Afin que le travail d'interprétation concernant la présence de phrases nominales dans le récit soit engagé sur les bases les plus précises possible, nous ferons, en guise de préliminaire, un relevé de ces phrases, situées, dans la mesure du possible, au sein de leur contexte.

I. Les divers types de phrases nominales dans le récit 1 - Phrase à "un terme"

Il n'y a pratiquement pas de phrases nominales à "un terme" dans le récit, à l'exception remarquable de quelques incises de tonalité exclamative. nom seul P 236

μάλα δέ σφισιν ἔλπετο θυμὸς νεκρὸν ὅπ’ Αἴαντος ἔρύειν Τελαμωνιάδαο,

νήπιοι * fj τε πολέσσιν ἐπ’ αὐτῷ θυμὸν ἀπηύρα leur cœur a bon espoir d'arracher le corps à Ajax, fils de Télamon — les sots! à plus d'un, sur ce corps, au contraire, il prendra la vie !

cf.

Y 265, Y 466

nom + infinitif

E 725 τῶν ἤτοι χρυσέη ἴτυς ἄφθιτος, αὐτὰρ ὕπερθε χαλκε’ ἐπίσσωτρα προσαρηρότα,

θαῦμα

ἴδέσθαι

la jante est d'or, inaltérable, mais par-dessus (se trouvent) des cercles de bronze bien ajustés — une merveille à voir !

nom -.adjectif

Y 166

Πηλείδης δ’ ἑτέρωθεν ἐναντίον ὦρτο λέων ὥς, σίντης, dv τε καὶ ἄνδρες ἀποκταάμεναι μεμάασιν

ἀγρόμενοι, πᾶς δῆμος le Péléide à son tour bondit à sa rencontre commeun lion malfaisant que des hommes brülent de mettre à mort ; (ils sont) tout un peuple !

Le récit

331

nom 4 expansion temporelle H 433 Ἦμος δ'οὗ tp πω ἠώς, ἔτι δ' ἀμφιλύκη νύξ Ce n'est pas encore l'aube, mais c'est déjà un jour douteux qui régne, quand

tours brachylogiques ^ 462

ὡς ὅτε πύργος comme quand (il s'agit) d'une tour

T 366

ὥς εἴ τε πυρὸς σέλας comme si (c'était) l'éclat de la flamme

2 - Phrase

= sujet - lieu

Dans le récit, les phrases de ce type sont nombreuses, qu'elles aient pour prédicat un syntagme prépositionnel, un adverbe relatif ou un adverbe. Certaines d'entre elles peuvent faire problème dans la mesure où l'on pourrait être tenté de "sous-entendre" un verbe d'action, inféré par le contexte immédiat. L'existence d'un certain nombre d'occurrences οὗ aucun verbe d'action n'est à suppléer, conduit à poser à l'origine des phrases nominales qui, dans un contexte donné, peuvent prendre l'apparence de phrases elliptiques!. Quoi qu'il en soit, ces phrases sont de structure parfaitement claire : une seule d'entre elles (Θ 48) comporte une expansion au datif, une seule une indication temporelle (N 335). Il arrive, en revanche, que le sujet soit suivi d'une expansion — apposition ou proposition relative. En voici des exemples : ἅμα

B 822

οὖκ οἷος, ἅμα τῷ γε δύω ᾿Αντήνορος υἷε, ᾿Αρχέλοχός τ’ "Ακαμας τε, μάχης εὖ εἰδότε πάσης (il n'est) pas seul : à ses côtés (se trouvent)

Archéloque et Acamas, experts à tous les combats

les deux fils d'Anténor,

ἄμφί ^90

εὗρε Λυκάονος υἱὸν ἀμύμονά τε κρατερόν τε ἑσταότ’ - ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων͵ λαῶν, of of ἕποντο An’ Αἰσήποιο ῥοάων et elle trouve le fils de Lycaon, puissant et sans reproche ; autour de lui (se trouvent) les puissantes files des guerriers en armes qui l'ont suivi depuis les bords de l'Esèpe

! On voit se dessiner, à la faveur de tours de ce genre, le processus de verbalisation qui sera à l'origine de l'apparente diminution de la fréquence des phrases nominales en grec.

332

RECIT - DISCOURS

^ 328

εὗρ’ υἱὸν Πετεῶο Μενεσθῆα πλήξιππον ἑσταότ’ - ἀμφὶ δ’ ᾿Αθηναῖοι, μήστωρες ἀυτῆς il trouve ensuite le fils de Pétéos, Ménesthée, toucheur de cavales ; tout autour (se trouvent) les Athéniens, maîtres des batailles

N 335

(ἤματι τῷ) ὅτε τε πλείστη κόνις ἀμφὶ κελεύθους le jour où la poussière (est) abondante sur les routes

and A 537

af τ' ἄπ’ ἐπισσώτρων (les éclaboussures) qui (jaillissent) des jantes

ἐκ

Β 625

Ot &' ἐκ Δουλιχίοιο ἘἜχιναων θ’ ἱεράων νήσων, at ναίουσι πέρην ἁλὸς Ἤλιδος ἄντα ceux-là (viennent) de Doulichion, et ceux-là des iles saintes des Echines,

qui font face à l'Elide au delà de la mer

iv ^ 253

᾿Ιδομενεὺς μὲν Evi προμάχοις, συὶ εἴκελος ἄλκήν Idoménée (se tient) devant leurs lignes, pareil pour la vaillance à un sanglier

E 740

ἐν 5’ "Epic, ἐν δ’ ᾿Αλκὴ, ἐν δέ τε κρύοεσσα Ἰωκὴ tv δέ τε Γοργείη κεφαλὴ δεινοῖο πελώρου, δεινή τε σμερδνή τε, Διὸς τέρας αἰγιόχοιο (l'égide) là (se trouvent) Querelle, Vaillance, Poursuite qui glace les cœurs, et la tête de Gorgó, l'effroyable monstre, terrible, affreuse, signe de Zeus porte-égide

N 797

Of δ’ ἴσαν ἀργαλέων ἀνέμων ἀτάλαντοι

KEAAN,

ἥ ῥά θ’' ὑπὸ βροντῆς πατρὸς Διὸς εἶσι πέδον δέ, θεσπεσίῳ 5’ δμάδῳ ἁλὶ

μίσγεται,

Ev δέ τε πολλὰ

κύματα παφλάζοντα πολυφλοίσβοιο θαλάσσης, κυρτὰ φαληριόωντα, πρὸ μέν τ’ ἄλλ', αὐτὰρ in’ ἄλλα ils allaient, pareils à la bourrasque, déchainée par les vents farouches, qui, au bruit du tonnerre de Zeus Pére, vient s'abattre sur la terre, pour aller

ensuite, dans un fracas prodigieux, se heurter au flot marin ; là, par milliers, (se déchainent) les vagues de la mer bruissante, leurs crétes en volutes,

toutes blanches d'écume, les unes devant, les autres dernière

O 632

Ev δέ τε τῇσι νομεὺς οὔ πω σάψα εἰδὼς

θηρὶ μαχέσσασθαι ἕλικος βοὸς ἄμφὶ φονῇσιν avec elles (est) un berger ne sachant pas exactement lutter contre le fauve,

pour qu'il ne lui tue pas une de ses vaches aux cornes recourbées (dans une comparaison)

Le récit

333

ἔνθα Θ 48

ἔνθα δέ ot τέμενος βωμός τε θυήεις où il (a) son sanctuaire et son autel odorant

ἔνθα Θέτις περ

Σ 422

(il s'approche avec peine de l'endroit) où (est) Thétis

ἐπί Θ 262

τοῖσι 5’ ἐπ’ Αἴαντες θοῦριν ἐπιειμένοι ἄλκήν, τοῖσι ó' In’ ᾿Ιδομενεὺς καὶ ὀπάων ᾿Ιδομενῆος

Μηριόνης, ἀτάλαντος ᾿Ενναλίῳ ἄνδρειφόντῃ puis les deux Ajax, vêtus de valeur ardente ; puis Idoménée , et le suivant d'idoménée, Mérion, emule d'Enyale meurtrier

Θ 265

Πηλείδης δ' dnópovotv ὅσον τ’ ἐπὶ δουρὸς por) (le Péléide s'éloigne, en un seul bond,) d'une portée de lance

('Apkab(nv) tv' ἀνέρες ἀγχιμαχηταί l'Arcadie, pays des hommes experts au corps à corps

(λαυκανίην), ἵνα τε ψυχῆς ὥκιστος ὄλεθρος ( la gorge) c'est là que la vie se laisse détruire au plus vite litt. là où la perte de la vie (est) la plus rapide

of 6' uw’ ᾿Ατρείωνα διοτρεφέες βασιλῆες θῦνον κρίνοντες, μετὰ δὲ γλαυκῶπις ᾿Αθήνη les rois issus de Zeus, autour de l'Atride, s'évertuent à les ranger ; parmi eux, Athéna aux yeux pers B 477

ὡς τοὺς ἡγεμόνες διεκόσμεον

ἔνθα καὶ ἔνθα

ὑσμίνην δ’ ἱέναι, μετὰ δὲ κρείων

᾿Αγαμέμνων

de méme les chefs rangent leurs hommes, les uns ici, les autres là, pour marcher à la mêlée ; parmi eux, Agamemnon

Θ 261

τὸν δὲ μετ’ ᾿Ατρείδαι,

"Ayoutuvov καὶ

derrière Diomède (se trouvent) les Atrides,

Μενέλαος

Agamemnon et Ménélas

ἄμφί Δ 201

τὸν δ’ ἐνόησεν ἕσταότ'- ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων λαῶν, οἵ of ἕποντο Τρίκης ἐξ ἱπποβότοιο et il l'aperçoit debout ; autour de lui (se trouvent) les puissantes files de

guerriers en armes qui sont venus à sa suite de Trikké, nourricière de cavales

334

RECIT - DISCOURS

ὅθεν Β 852

(ἐξ Ενετῶν) ὅθεν ἡμιόνων γένος ἀγροτεράων de chez les Enètes, d'où (vient) la race des mules sauvages

ὄπισθεν Ω 324

πρόσθε μὲν τὰς ᾿Ιδοῖος Innoı, τοὺς καρπαλίμως

ἡμίονοι ἕλκον τετροκυκλον ἀπήνην, ἔλαυνε δαίφρων : αὐτὰρ ὄπισθεν 5 γέρων ἐφέπων μάστιγι κέλευε κατὰ ἄστυ

devant, les mules que menait le sage [dée, tiraient le chariot à quatre roues. Derrière, (venaient) les chevaux que le vieillard conduisait et excitait du

fouet, vivement, à travers la ville

παρὰ δέ σφιν ἑκάστῳ δίζυγες ἵπποι (ils dorment...) auprès de chacun (se trouve) un couple de cavales

τῇ δ’ ἐπὶ μὲν Γοργὼ βλοσυρῶπις ἔστεφοαίνωτο δεινὸν δερκομένη, περὶ δὲ Δεῖμός τε Φοβός τε Gorgone aussi s'y étalait en couronne, visage d'horreur aux terribles regards, et tout autour (se trouvaient) Terreur et Déroute

καὶ ἄντυγες at περὶ δίφρον et la rampe qui (est) autour du char

Y 500

τῶν ἤτοι χρυσέη Truc ἄφθιτος, αὐτὰρ ὕπερθε χαλκε' ἐπίσσωτρα npocapnpóra, θαῦμα ἰδέσθαι la jante est d'or, inaltérable, mais par-dessus (se trouvent) des cercles de bronze bien ajustés 3 - Phrase

z nom sujet - datif

Ce type est trés peu représenté dans le récit. E 53

&AA' où of τότε yc χραῖσμ’ "Aprenıc ἰοχέαιρα, οὐδὲ ἑκηβολίαι, fouv τὸ πρίν y' ἐκέκαστο mais Artémis la Sagittaire ne lui sert à rien aujourd'hui, pas plus que l'art du lancer, auquel il excellait naguère

N 354

SH μὰν ἀμφοτέροισιν δμὸν γένος fjó' ἴα πάτρη (ils ont) tous deux même origine et mêmes parents

Π 157

of δὲ λύκοι

ὥς

Guogdyot, τοῖσίν τε περὶ φρεσὶν ἄσπετος ἀλκή

Le récit

335

eux, tels des loups carnassiers — ils (ont) une vaillance prodigieuse dans le cœur

πᾶσιν δὲ παρήιον αἵματι φοινόν

Π 159

leurs bajoues à tous (sont) rouges de sang 4 - Phrase

z sujet - attribut

4.1. Le sujet est un nom Β 527

Λοκρῶν δ’ ἡγεμόνευεν

"Οιλῆος ταχὺς Αἴας

μείων, οὔ τι τόσος ὅσος Τελαμώνιος Αἴας c'était le fils d'Oilée, le rapide Ajax, qui conduisait les Locriens ; (il est)

plus petit, (il n'est) pas aussi grand qu'A jax le fils de Télamon

6 δὲ χερμάδιον λάβε χειρὶ

E 303

Τυδείδης, μέγα ἔργον alors le fils de Tydée, dans sa main, prend une pierre — merveilleux ex-

ploit !

τῶν firoı χρυσέη Trug ἄφθιτος

leur jante est d'or, inaltérable

fj συσὶ κάπροισιν τῶν δὲ σθένος oüx ἄλαποδνόν (on dirait des sangliers) dont la force (n'est) pas facile à abattre

E 783

ὥς δ’ ὅθ' Ind ῥιπῆς πατρὸς Διὸς ξερίπῃ δρῦς πρόρριζος, δεινὴ δὲ θεείου γίνεται dur,

ἐξ αὐτῆς, τὸν δ' οὔ περ ἔχει θράσος ὅς κεν ἴδηται ἐγγὺς ἐών, χαλεπός δὲ Διὸς μεγάλοιο κεραυνός on voit de méme crouler un chéne tandis que se dégage une odeur affreuse de soufre et que quiconque voit un tel spectacle de prés en perd soudain tout courage

Φ 264

— car la foudre du grand Zeus (est) méchante

ἃς αἰεὶ ᾿Αχιλῆα κιχήσατο κῦμα ῥόοιο καὶ λαιψηρὸν fóvroc θεοὶ δέ τε φέρτεροι ἀνδρῶν de méme, à chaque instant, le flux atteint Achille, si prompt qu'il puisse être : les dieux (sont) plus forts que les hommes

Ω 348. βῆ δ’ ἱέναι koópo αἰσνητῆρι

ξοικώς,

πρῶτον ὑπηνήτῃ, τοῦ περ χαριεστάτη ἥβη il se mit en marche sous les traits d'un jeune prince dont l'áge (est) tout à fait charmant - datif

Ν 244

βῆ δ’ Tuev ἄστεροπῇ ἐναλίγκιος, fjv τε Κρονίων

336

RECIT - DISCOURS

χειρὶ λαβὼν ἐτίναξεν An’ αἰγλήεντος ᾽Ολύμπου, δεικνὺς σῆμα βροτοῖσιν - ἄρίζηλοι δέ of αὐγαί puis il part et va, semblable à l'éclair que saisit le bras du Cronide , pour le brandir du haut de l'Olympe éclatant, quand il veut révéler quelque signe aux mortels ; les feux en (sont) éblouissants

Ρ 572

καί of μυίης θάρσος ἑνὶ στήθεσσιν Évijkev, ᾿ἧ τε καὶ Epyouévn μάλα. περ χροὸς ἀνδρομέοιο

ἰσχανάᾳ δακέειν, λάρον τέ of αἷμ' ἀνθρώπου Athéna met la vigueur dans ses épaules et ses genoux, et, dans sa poitrine, l'audace de la mouche... : pour elle le sang de l'homme (est) savoureux

4 lieu E 724

τῶν ἤτοι χρυσέη Truc ἄφθιτος, αὐτὰρ ὕπερθε χαλκε' ἐπίσσωτρα | προσαρηρότα la jante est d'or, inaltérable, mais par-dessus (se trouvent) des cercles de bronze bien ajustés

K 185

πολὺς ó' ὀρυμαγδὸς

in’ αὐτῷ

ἄνδρῶν ἣδε κυνῶν un grand tumulte (s'éléve) alors, d'hommes et de chiens (dans une comparaison)

V 520

ὃ δέ v ἄγχι μάλα τρέχει, οὐδέ τι πολλὴ χώρη μεσσηγύς, πολέος πεδίοιο θέοντος la roue tourne toute proche, et (il y a) peu d'intervalle entre eux, tant qu'il

court par la vaste plaine

4.2. Le sujet est une proposition infinitive M 176 ἄλλοι δ’ ἄμψ' ἄλλῃσι μάχην ἐμάχοντο πύλῃσιν : ἄργαλέον δέ με ταῦτα θεὸν ὥς πάντ’ ἀγορεῦσαι chaque groupe a sa porte pour laquelle il combat. Mais que je dise tout cela comme (si j'étais) un dieu (est) difficile

4.3. Le sujet est un pronom B 707

ὃ 5’ ἄρα πρότερος καὶ ἀρείων ἥρως Πρωτεσίλαος ἄρήιος et lui, Protésilas, le héros belliqueux (était) son aîné et son modèle

+ lieu:

Ω 162

6 δ’ Ev μέσσοισι γεραιὸς ἐντυπὰς Ev χλαίνῃ κεκαλυμμένος tandis qu'au milieu d'eux, le vieillard (était) strictement enseveli dans son manteau

Le récit O 238

337

βῆ δὲ κατ’ ᾿Ιδαίων δρέων, ἴρηκι ξοικὼς ὦκέι φασσοφόνῳ, ὅς v' ὥκιστος πετεηνῶν et Apollon descendit des cimes de l'Ida, pareil au milan, rapide tueur de colombes, qui (est) le plus rapide des oiseaux

$ 253 Πηλείδης 5’ &nópovocv ὅσον τ' ἐπὶ δουρὸς Epwrf, aterod οἴματ' ἔχων μέλανος, τοῦ θηρητῆρος, & 9° ἅμα κάρτιστός τε ὥκιστος πετεηνῶν le Péléide s'éloigne, en un seul bond, d'une portée de lance ; il ἃ l'élan de l'aigle noir, l'aigle chasseur, qui (est) le plus fort et le plus rapide des oi-

seaux O 144

"Ipiv 8", À τε θεοῖσι μετάγγελος ἀθάνατοισι Hera cependant appelle Iris qui (est) la messagère des dieux immortels

V 655

fju(ovov ταλαεργὸν ἄγων κατέδησ' tv ἀγῶνι ἕξετέ' ἀδμήτην, fj c ἀλγίστη δαμάσασθαι il amène au milieu de l'assemblée une mule encore indomptée qui (est) très difficile à dresser

P 62

ὡς δ’ ὅτε τίς τε λέων δρεσίτροφος, ἀλκὶ πεποιθώς,

βοσκομένης ἀγέλης βοῦν ἁρπάσῃ ἥ τις ἀρίστη comme (il arrive) quand un lion nourri dans les montagnes et sür de sa

force, au milieu d'un troupeau qui pait, ravit la vache qui (est) la plus belle

M 13

αὐτὰρ ἐπεὶ κατὰ μὲν Τρώων 8cvov ὅσσοι ἄριστοι mais du jour οὗ, chez les Troyens, étaient tombés tous ceux qui (étaient) les plus braves

B 449

αἰγίδ’' ἔχουσ’ [...] τῆς ἑκατὸν θύσανοι

παγχρύσεοι ἤερέθονται,

πάντες ξυπλεκέες, ξκατόμβοιος δὲ ἕκαστος Athéna ἃ l'égide que ne touchent ni l'âge ni la mort, et dont les cent franges, tout en or, voltigent au vent, toutes sont tressées, et chacune (vaut) cent bœufs

Σ 517

ἦρχε 5’ ἄρα σφιν

"Apre καὶ Παλλὰς ᾿Αθήνη,

ἄμφω χρυσείω Arès et Pallas Athénée les commandaient, tous deux (étaient) en or

Il y a donc dans le récit 25 phrases de type sujet - attribut, qui se répartissent comme suit : le sujet est un nom

14

le sujetestuninfinitif

— 1

le sujet est un pronom

10

338

RECIT - DISCOURS

4.4. Effacement du sujet ou apposition Nous avons déjà eu l'occasion! d'étudier les problémes posés par des phrases que l'on serait tenté d'analyser comme des appositions. L'autonomie de ces phrases, dans l'Iliade, conduit à penser qu'elles sont encore senties, au

moins pour un certain nombre d'entre elles, comme des phrases nominales. Cette catégorie de phrases a fréquemment une valeur exclamative. En voici quelques exemples tirés des récits de l'Iliade :

Adjectifen rejet, accord partiel L'accord incomplet de l'adjectif avec le nom qui précéde témoigne du caractére nominal du tour. Σ 604

Πολλὸς δ’ ἱμερόεντα χορὸν περιίσταθ' ὅμιλος τερπόμενοι une foule immense fait cercle autour du chœur charmant ; ils (sont) ravis !

Adjectif en rejet, accord avec le nom L'adjectif est en rejet, souvent à distance du nom ; il y a un grand nombre de phrases de ce type. Dans l'exemple suivant la présence de la coordination καί prouve qu'il s'agit bien d'une phrase autonome : E 135

Τυδείδης 5' ἐξαῦτις ἰὼν προμαχοισιν ἐμίχθη: καὶ πρίν περ θυμῷ μεμαώς Τρώεσσι μαχεσθαι et le fils de Tydée retourne se méler aux champions hors des lignes ; son ardeur était déjà grande à lutter contre les Troyens

Autres exemples : B 478

μετὰ δὲ κρείων ᾽Αγαμέμνων

ὄμματα καὶ κεφαλὴν ἴκελος Διί τερπικεραύνῳ

"Aptt δὲ ζώνην, στέρνον δὲ Ποσειδάωνι au milieu d'eux se dresse le roi Agamemnon ; pour les yeux et le front, il est pareil à Zeus tonnant, pour la ceinture à Arés, pour la poitrine à

Poséidon

B 527° Λοκρῶν 6’ ἡγεμόνευεν ᾽Οιλῆος ταχὺς Αἴας μείων, οὔ τι τόσος ὅσος Τελαμώνιος Αἴας, ἀλλὰ πολὺ μείων

1 Cf. supra, p. 172 sq.

Le récit

339

c'était le fils d'Oilée, le rapide Ajax, qui conduisait les Locriens ; (il est) plus petit, (il n'est) pas aussi grand qu'Ajax le fils de Télamon, (il est)

méme beaucoup plus petit

B 822

odx οἷος, ἅμα tQ γε δύω ᾿Αντήνορος υἷε (il n'est) pas seul : à ses côtés (se trouvent) les deux fils d'Anténor

Q 573

Πηλείδης δ'οἴκοιο λέων ὥς ἄλτο θύραζε, οὐκ oloc , ἅμα τῷ γε δύω θεράποντες ἕποντο cependant le fils de Pélée bondit, comme un lion ; il n'(était) pas seul ; deux écuyers l'accompagnaient

O 281

Τοῖσι

δ’ ἔπειτ' ἀγόρευε

Gode," Ανδραίμονος

υἷός,

Αἰτωλῶν dx’ ἄριστος, ἐπιστάμενος μὲν ἀκόντι, ἐσθλὸς δ’ tv σταδίῃ alors Thoas, fils d'Andrémon, s'adresse à eux ; (c'est) le meilleur des Etoliens, (il est) expert à la lance, (il est) brave au corps à corps

5 - Expressions comparatives Lorsque la comparaison se limite à un seul élément, son expression se fait généralement au moyen de ὡς (ou de ὥς postposé) et d'un terme nominal. Il y a dans le récit de nombreuses occurrences de ce type. Il s'avére cependant que ces expressions, qui contiennent une idée verbale, ne peuvent étre tenues, stricto sensu, pour des phrases nominales!. Nous n'en donnerons donc ici que deux exemples, pour mémoire : Γ 381

τὸν δ’ ἐξήρπαξ’ "Aupob(tn ῥεῖα μάλ’ ὥς τε θεός mais Aphrodite le lui ravit, ce n'est qu'un jeu pour une déesse

Ω 572

Πηλείδης 5' οἴκοιο λέων & ἄλτο θύραζε cependant, le fils de Pélée bondit, comme un lion, hors de son logis

En somme, les différents types de phrases se répartissent dans le récit de manière sensiblement différente de la répartition générale ainsi que le prouve le tableau ci-dessous (nous ne tenons pas compte des expressions

comparatives) :

1 Cf. supra, p. 172 sq.

340

RECIT - DISCOURS

phrase à "un terme"

sujet - datif

11

4

sujet - lieu

33

sujet - attribut

30

effacement du sujet

total

9

87

Il convient de remarquer en effet : - la rareté des phrases à "un terme" ; l'absence de χρή,

- la rareté des phrases du type sujet - datif et la rareté du datif en général, - la surreprésentation des phrases de type sujet - lieu, - le nombre réduit de phrases du type sujet - attribut.

II. Le récit est histoire Qu'est-ce qu'un récit ? Pour tenter de déterminer les conditions d'apparition et d'emploi de phrases nominales dans le récit, on ne peut, nous semble-t-il, l'économie d'une réflexion sur le probléme de la nature du "récit".

faire

Reprenant dans un premier temps la distinction établie par Platon dans la République!, nous dirons que le "récit pur" (nA?) διήγησις) s'oppose à "l'imitation" (μίμησις) dont la forme achevée se trouve dans le discours rap-

porté?.

Pour ce qui est du récit, il est de tradition de dire que le narrateur reste extérieur à l'énoncé pour laisser "l'histoire se raconter elle-méme?"

nous savons ce que cette position a d'arbitraire^, mais elle a l'intérêt de laisser la possibilité, dans un premier temps, de n'étudier que le seul contenu narratif.

Analysés de ce point de vue, les éléments constitutifs des récits de l'Iliade peuvent se répartir comme suit : 1 392 c - 394 d.

2 Cf. supra, p. 327 sq. 3 G. Genette, Figures III. 4 Cf. infra, p. 349 sq.

;

Le récit

341

- éléments descriptifs : le monde de l'épopée - personnages : origine, identité, descriptions - événements, actions

- indications temporelles

1 - Eléments descriptifs : le monde de l'épopée Le récit comporte généralement une part de description. L'Îliade ne

fait pas exception à cette régle, tant s'en faut. Objet de représentation imaginaire, le monde de l'épopée est constitué de la description des lieux, mais aussi des choses, des animaux ou des hommes. Les phénomènes naturels H 433 *Huo δ'οὗ tcp πω Aux, ἔτι δ’ ἀμφιλύκη νύξ ce n'est pas encore l'aube, mais c'est déjà un jour douteux qui régne

Le pays

B 604

Οἵ δ’ ἔχον " Apkab(nv Tv’ ἀνέρες ἀγχιμαχηταί puis ceux qui habitaient l'Arcadie, pays des hommes experts au corps à

corps B 625

Ot δ' ἐκ Δουλιχίοιο Ἐχιναων θ’ ἱεράων νήσων, af ναίουσι πέρην ἁλὸς Ἤλιδος ἄντα ceux-là viennent de Doulichion, et ceux-là des îles saintes des Echines, qui font face à l'Elide au delà de la mer

B 852

t ’Ever@v ὅθεν fju(ovov γένος ἀγροτεράων de chez les Enètes, d'où (vient) la race des mules sauvages

8 48

Tdpyapov,

ἔνθα δέ of τέμενος βωμός vc θυήεις

le Gargare, οὗ il (a) son sanctuaire et son autel odorant

Les chevaux, les chars, la bataille K 473

παρὰ δέ σφιν ἑκάστῳ δίζυγες ἵπποι prés de chacun (se trouve) un couple de cavales

E 725 τῶν ἥτοι χρυσέη tru ἄφθιτος, αὐτὰρ ὕπερθε χαάλκε’ ἐπίσσωτρα προσαρηρότα la jante est d'or, inaltérable, mais par-dessus (se trouvent) des cercles de bronze bien ajustés

À 535

καὶ ἄντυγες ot περὶ δίφρον et la rampe qui (est) autour du char

RECIT - DISCOURS

A 537

αἵ τ’ ἄπ' tricot pov et (les éclaboussures) qui (jaillissent) des jantes

=

Y 500

$ 251

Πηλείδης 5’ ἀπόρονσεν ὅσον t' ἐπὶ δουρὸς Épuñ le Péléide s'éloigne, en un seul bond, d'une portée de lance

Le monde des dieux £422

ἔνθα Θέτις περ (l'endroit) oà (est) Thétis

l'égide: E 740 iv 5' "Epic, ἐν δ' ᾿Αλκὴ, ἕν δέ τε κρύοεσσα Lux)

iv δέ τε Γοργείη κεφαλὴ δεινοῖο πελώρου, δεινή τε σμερδνή τε, Διὸς τέρας αἰγιόχοιο (l'égide) là (se trouvent) Querelle, Vaillance, Poursuite qui glace les cœurs,

et la tête de Gorgë, l'effroyable monstre, terrible, affreuse, signe de Zeus porte-égide

A37

τῇ δ’ ἐπὶ μὲν Topyà βλοσυρῶπις ἔστεφαάνωτο δεινὸν δερκομένη, περὶ δὲ Δεῖμός τε Φοβός τε Gorgone aussi s'y étalaient en couronne, visage d'horreur aux terribles regards, et tout autour (se trouvaient) Terreur et Déroute

B 449

πάντες ξυπλεκέες, ξκατόμβοιος δὲ ἕκαστος (les franges de l'égide) toutes sont tressées, et chacune (vaut) cent bœufs

la ceinture d'Aphrodite : E 216

ἔνθ’ ἕνι μὲν φιλότης, Ev 5' ἵμερος, Ev 6' δαριστύς,

πάρφασις là-dessus (sont) tendresse, désir, entretien amoureux, discours séducteur

2 - Les personnages Dans un récit à la troisième personne, comme l'Îliade, les personnages sont désignés par des noms, noms propres et noms communs, ou des pronoms, personnels et démonstratifs, et cela, aussi bien dans les phrases no-

minales que dans les phrases verbales. Que la phrase soit nominale ou verbale, le récit donne des renseignements sur l'identité et l'origine de ces personnages, ou bien les décrit. Descriptions A 90

εὗρε Avukcovoz; υἱὸν duóuovd τε κρατερόν τε ἑσταότ’ - ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπισταων,

Le récit

343

λαῶν, ot ot ἕποντο &n' Αἰσήποιο ῥοάων elle trouva le fils de Lycaon, puissant et sans reproche ; autour de lui (se trouvent) les puissantes files de guerriers en armes qui sont venus à sa suite des bords de l'Esèpe

Δ 201

Δ 253

ἦλθε δ’ ἐπὶ Κρήτεσσι κιὼν ἀνὰ οὐλαμὸν ἀνδρῶν : οὗ δ’ ἄμφ’ ᾿Ιδομενῆα δαίφρονα θωρήσσοντο : "Ἰδομενεὺς μὲν ἑνὶ προμάχοις, aut εἴκελος ἄλκήν A travers la foule guerrière, il arriva prés des Crétois. Ceux-ci se trouvaient, tout cuirassés, autour du belliqueux Idoménée. Idoménée (se tenait) devant

leurs lignes, pareil pour la vaillance à un sanglier

ἃ 328

tÜp' υἱὸν Πετεῶο Μενεσθῆα πλήξιππον ἑσταότ’ - ἀμφὶ 5’ ᾿Αθηναίοι, μήστωρες ἀυτῆς il trouva ensuite le fils de Pétéos, Ménesthée, dompteur de chevaux ; il était là, au milieu de ses Athéniens, maîtres des batailles

"Apre καὶ Παλλὰς ᾿Αθήνη

Σ 517

ἄμφω χρυσείω, [...] καάλω καὶ μεγάλω σὺν τεύχεσιν, ὥς τε θεώ περ

ἀμφὶς ἀριζήλω Arès et Pallas Athénée, tous deux (étaient) en or [...], beaux et grands, en armes, comme des dieux, étincelants des deux côtés

Ω 162

ποῖδες μὲν πατέρ’ ἀμφὶ καθήμενοι ἔνδοθεν αὐλῆς

δάκρυσιν εἵματ’ ἔφυρον, 6 δ' ἐν μέσσοισι γεραιὸς ἐντυπὰς Ev χλαίνῃ κεκαλυμμένος assis autour du pere, les fils, dans la cour, trempaient de pleurs leurs vétements, tandis qu'au milieu d'eux, le vieillard (était) strictement enseveli dans son manteau

Oriei B 822

Δαρδανίων αὖτ’ ἦρχεν Ed πάις ᾿Αγχίσαο,

Αἰνείας, τὸν ὅπ’ ᾿Αγχίσῃ τέκε 61 ᾿Αφροδίτη, Ἴδης tv κνημοῖσι θεὰ βροτῷ εὐνηθεῖσα les Dardaniens, eux, avaient à leur tête le noble fils d'Anchise, Enée, conçu aux bras d'Anchise par la divine Aphrodite, déesse unie à un mortel, dans les gorges de l'Ida

B 625

Ot 6’ ἐκ Δουλιχίοιο Ἐχιναάων 0' ἱεράων νήσων, af ναίουσι πέρην ἅλὸς Ἤλιδος ἄντα ceux-là viennent de Doulichion, et ceux-là des îles saintes des Echines, qui font face à l'Elide au delà de la mer

344

RECIT - DISCOURS

Identité Par identité, nous entendons non pas des expressions destinées à marquer l'origine d'un personnage ("fils de " etc...) mais celles qui donnent de

lui les traits caractéristiques, par lesquels on le reconnait : i! s'agit la plupart du temps d'épithètes "de nature" ou d'expressions équivalentes. La phrase nominale est généralement dans ce cas attributive (avec ou sans effacement du sujet) : cette construction, parce qu'elle pose une équiva-

lence, est tout particuliérement adaptée à cet usage. sujet - attribut : B 707 ὃ δ' ἄρα πρότερος καὶ ἀρείων ἥρως Πρωτεσίλαος ἀρήιος

et lui, Protésilas, le héros belliqueux était) son aîné et son modèle

effacement du sujet! : B 527 Λοκρῶν δ’ fiyenövevev "Οιλῆος ταχὺς Αἴας, μείων, οὔ τι τόσος ὅσος Τελαμώνιος Αἴας, c'était le fils d'Oilée, le rapide Ajax, qui conduisait les Locriens ; (il est) plus petit, (il n'est) pas aussi grand qu'Ajax le fils de Télamon O 281 Αἰτωλῶν

dx’ ἄριστος,

God," Avôpatuovoc υἷός, ἐπιστάμενος μὲν dixóvri,

ἐσθλὸς 5' tv σταδίῃ Thoas, fiis d'Andrémon ; (il est) le meilleur des Etoliens, expert à la lance,

brave au corps à corps

3 - Evénements : à la frontière du récit et de la description De fait, l'évocation des lieux et des choses est indissociable des événements auxquels ils servent de cadre : narration et description constituent la trame méme du récit. Nous en voulons pour preuve la fréquence remarquable de la particule δέ qui a justement pour fonction de marquer l'insertion de la phrase nominale dans la trame narrative?

1 Cf. supra, p. 338 sq. 2 Voir à ce sujet : C. J. Ruijgh, Autour de "re épique", p. 12. ὃ 128: “AË marque le début d'une nouvelle partie du récit (...] ou de la reprise du récit aprés digression. La valeur

fondamentale de δέ consiste simplement à indiquer que le second fait s'ajoute comme élément nouveau au fait déjà exprimé, c'est-à-dire qu'il marque la transition à un fait nouveau".

Le récit

345

Mais, tandis que par sa vitesse un récit sans description tend vers le résumé, un récit émaillé de descriptions s'étend et se ralentit, ainsi que l'a

montré J. Ricardou!

:

“Ralentir la vitesse du récit, et il s'enfonce dans l'enlisement de la description ... Par l'invasion de ses parenthèses, la description est une machine à enliser le récit De là que les écrivains de l'euphorie diégétique, tel Homère, multiplient les actions à l'intérieur des descriptions."

Il n'y a donc pas à s'étonner qu'un certain nombre de phrases nominales soit à la frontière de la description et du récit : parce qu'elle est non verbale, la phrase nominale marque un arrét dans le défilé des événements. Mais il se peut que cet arrét ne soit pas tout à fait réalisé : la phrase nominale est apte également à énoncer une action, mais sur le mode d'un extrême ralentissement. Dans l'exemple suivant l'événement est inscrit dans la détermination temporelle (ἔπ’ αὐτῷ) et dans le contenu sémantique du nom sujet ; la phrase n'en est pas moins énoncée sur le mode de la fixité : K 185

πολὺς 5' ὀρυμαγδὸς

En’ αὐτῷ

&vôpüv ft κυνῶν un grand tumulte (s'éléve) alors, d'hommes et de chiens

Il est cependant plus fréquent que le mouvement ou l'action soit induit par le contexte : Chars, chevaux

V 520

ὃ δέ τ' ἄγχι μάλα τρέχει, οὐδέ τι πολλὴ χώρη μεσσηγύς, πολέος πεδίοιο θέοντος la roue tourne toute proche, et (il y a) peu d'intervalle entre eux, tant qu'il court par la vaste plaine

N 324

πρόσθε μὲν fju(ovot ἕάκον

τετραάκυκλον ἀπήνην,

τὰς Ἰδαῖος ἔλαυνε δαίφρων - αὐτὰρ ὄπισθεν ἵπποι, τοὺς ὃ γέρων ἔφέπων μάστιγι κέλευε καρπαλίμως κατὰ ἄστυ devant, les mules que menait le sage Idée, tiraient le chariot à quatre roues. Derrière, (venaient) les chevaux que le vieillard conduisait et excitait du fouet, vivement à travers la ville

1 Le Nouveau Roman, p.124.

346

RECIT - DISCOURS Hommes

B 446

οἵ δ’ ἄμφ' ᾿Ατρείωνα διοτρεφέες βασιλῆες θῦνον κρίνοντες, μετὰ δὲ γλαυκῶπις ᾿Αθήνη les rois issus de Zeus, autour de l'Atride, s'évertuent à les ranger ; parmi eux, Athéna aux yeux pers

B 477

ὥς τους ἡγεμόνες διεκόσμεον ἔνθα καὶ ἔνθα ὕσμίνην δ’ ἱέναι, μετὰ δὲ κρείων ᾿Αγαμέμνων de méme les chefs rangent leurs hommes, les uns ici, les autres là, pour marcher à la mêlée ; parmi eux, Agamemnon

Ces phrases nominales sont suivies d'une expansion chargée d'énoncer l'action ou sont précédées de verbes narratifs. De là à considérer que ces

phrases sont en réalité des phrases verbales elliptiques, il n'y a qu'un pas qu'on pourrait être tenté de franchir. Il s'agirait là d'une erreur induite par l'influence du contexte. Ces phrases sont bien des phrases nominales en ce qu'elles se bornent à énoncer un fait. Alors que dans un contexte descriptif, elles auraient une valeur descriptive, dans un contexte narratif qui est celui des exemples ci-dessus, elles peuvent sembler remplir une fonction diégétique. Or, à l'exception des cas, rares dans l'Iliade, où l'un de ses constituants a un sens narratif, la phrase nominale n'indique par elle-méme ni action ni mouvement : de fait, dans un contexte narratif, sa fonction est de ralentir l'action à l'extrême à tel point que celle-ci se trouve comme en suspens en un point du déroulement temporel. On aura en tout cas remarqué à cette occasion une fois encore le lien étroit qu'entretient la phrase nominale avec le contexte, voire la dépendance

où elle se trouve vis à vis du contexte. 4 - Temps de la narration L'épopée, comme la plupart des récits est au passé ; le passé de l'épopée! s'oppose bien entendu au présent, qui est le temps de la narration, mais aussi à un temps plus ancien, antérieur au temps de l'épopée, qui est le

temps des hommes d'autrefois?. Or, si l'on en croit Benveniste, la phrase nominale serait intemporelle :

1 Cf. infra, p. 349 sq. ? F. Frontisi-Ducroux, "La cithare d'Achille", p. 31.

Le récit

347

“Une assertion nominale, complète en soi, pose l'énoncé hors de toute localisation temporelle."

Cela peut en effet paraître confirmé par le caractère descriptif et statique que nous venons de définir. Il n'y a cependant, dans la structure de la phrase nominale, aucune raison de principe qui lui interdise d'exprimer le temps. En effet, la phrase nominale, comme toute phrase, est susceptible d'avoir pour noyau un terme

exprimant par lui-même le temps (comme par exemple en français l'adjectif "récent") et surtout de recevoir diverses expansions temporelles, adverbes,

locutions prépositionnelles ou subordonnées?. En outre, il arrive fréquemment que la phrase nominale soit entrainée dans la sphère temporelle par le contexte : ainsi, si la phrase fait partie d'un systéme syntaxique, du type protase - apodose en particulier qu'elle soit principale ou subordonnée, celle des deux propositions qui contient un verbe confère à la phrase nominale une valeur temporelle équivalente. Parfois, bien que ne constituant pas avec le contexte de système syntaxique, la phrase nominale tire, par enchâssement, sa valeur temporelle de la phrase précédente et de la phrase suivante. Adverbes de temps E 53

δίδαξε yàp "Aprenıc ἄλλ’ οὗ of τότε γε χραῖσμ' Ἄρτεμις ἰοχέαιρα

οὐδὲ ξκηβολίαι, ἧσιν τὸ πρίν γ’ ἐκέκαστο mais Artémis la Sagittaire ne lui servait à rien alors, pas plus que l'art du lancer, auquel il excellait naguère

E 135

Τυδείδης δ' εξαῦτις ἰὼν προμάχοισιν ἐμίχθη: καὶ πρίν περ θυμῷ μεμαώς Τρώεσσι μάχεσθαι, δὴ τότε μιν τρὶς τόσσον ἕλεν μένος et le fils de Tydée retourna se mêler aux champions hors des lignes ; son ardeur naguere était déjà grande à lutter contre les Troyens ; mais, à cette heure, une fougue trois fois égale a pris possession de lui

Temps donné par le contexte B 446

οἵ δ’ ἄμφ' ᾿Ατρείωνα διοτρεφέες βασιλῆες θῦνον κρίνοντες, μετὰ δὲ γλαυκῶπις ᾿Αθήνη les rois issus de Zeus, autour de l'Atride, s'évertuent à les ranger ; parmi eux, Athéna aux yeux pers

1 "La phrase nominale", p. 160. 2 Cf. supra, p. 248 sq.

RECIT - DISCOURS Β 477

ὡς touc ἡγεμόνες διεκόσμεον ἔνθα καὶ ἔνθα ὑσμίνην δ’ ἱέναι, μετὰ δὲ κρείων ᾿Αγαμέμνων de méme les chefs rangeaient leurs hommes, les uns ici, les autres là, pour

marcher à la mélée ; parmi eux, Agamemnon Δ 90

εὗρε Λυκάονος υἱὸν ἀμύμονά τε κρατερόν τε ἑσταότ’ - ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπισταζων, λαῶν, οἵ ot ἕποντο &n' Αἰσήποιο ῥοάων et elle trouva le fils de Lycaon, puissant et sans reproche, debout ; autour

de lui (se trouvaient) les puissantes files de guerriers en armes qui étaient venus à sa suite des bords de l'Esèpe

Δ 201

τὸν δ’ ἐνόησεν ἑσταότ’ - ἀμφὶ δέ μιν κρατεραὶ στίχες ἀσπιστάων

λαῶν, οἵ οἵ ἕποντο

Τρίκης ἐξ ἱπποβότοιο

et il l'apercut debout ; autour de lui (se trouvaient) les puissantes files de guerriers en armes qui étaient venus à sa suite de Trikké, nourriciére de cavales

Η 433

SHuoç δ'οὗ rcp πω fx, ἔτι δ' ἀμφιλύκη

νύξ

τῆμος ἄρ’ ἀμφὶ πυρὴν κριτὸς ἤγρετο λαὸς ᾿Αχαιῶν ce n'était pas encore l'aube, mais ce n'était plus une nuit à demi lumineuse,

quand autour du bücher s'assembla une troupe choisie d'Achéens M

13

αὐτὰρ ἐπεὶ κατὰ μὲν Τρώων θαάνον ὅσσοι ἄριστοι mais, du jour où, chez les Troyens, étaient tombés tous ceux qui (étaient) les plus braves

ἤχθετο γὰρ fo

N 354 Τρωσὶν δαμναμένους,

Διὶ δὲ κρατερῶς

ἔνέμεσσα.

SH μὰν ἀμφοτέροισιν δμὸν γένος fjó' ἴα πάτρη ἀλλὰ Ζεὺς πρότερος γεγόνει καὶ πλείονα ἤδη L'idée qu'ils soient vaincus par les Troyens lui faisait horreur, il en voulait violemment à Zeus. (Iis avaient) tous deux la méme origine et les mêmes

parents ; mais Zeus était son aîné et en savait plus que lui

K 473

Of δ’ εὖδον καμάτῳ ἀδηκότες [...] παρὰ δέ σφιν ἑκάστῳ δίζυγες ἵπποι᾽ “Ῥῆσος δ’ iv μέσῳ εὖδε eux dormaient recrus de fatigue (...] ; auprès de chacun (se trouvait) un

couple de cavales ; au milieu dormait Rhésos Ω 162

δάκρυσιν εἵματ’ ἔφυρον, 6 δ' tv μέσσοισι γεραιὸς ἐντυπὰς Ev χλαίνῃ κεκαλυμμένος

- ἀμφὶ

δὲ πολλὴ

κόπρος ἔην κεφαλῇ τε καὶ αὐχένι τοῖο γέροντος

Le récit

349

assis autour du pere, les fils, dans la cour, trempaient de pleurs leurs vétements, et lui, au milieu d'eux, le vieillard, (était) strictement enseveli dans

son manteau ; sur sa vieille tête et son cou se trouvait de la boue épaisse

Ω 324

πρόσθε μὲν fju(ovov ἕλκον τετράκυκλον ἀπήνην, τὰς ᾿Ιδαῖος ἔλαυνε δαίφρων

: αὐτὰρ

ὄπισθεν

ἵπποι, τοὺς 6 γέρων ἐφέπων μάστιγι κέλευε καρπαλίμως κατὰ ἄστυ devant, les mules que menait le sage Idée, tiraient le chariot à quatre roues. Derrière, (venaient) les chevaux que le vieillard conduisait et excitait du

fouet, vivement à travers la ville

La liste des occurrences nous a permis de vérifier qu'un nombre non négligeable de phrases nominales a effectivement une fonction dans le récit : les unes renseignent sur l'identité de personnages, d'autres sont descriptives, d'autres sont liées au déroulement du récit. Si certaines se situent dans un présent indéterminé et ne font pas référence à des personnages, beaucoup néanmoins ont une valeur temporelle ou désignent des personnes. Quelques-unes des phrases relevées ci-dessus soulévent cependant di-

vers autres problémes, que nous avons passés sous silence : l'étude qui va suivre a justement spour objet de les préciser.

III. Le récit est discours Depuis Flaubert, le roman réaliste tend à laisser croire que le narrateur

se tient à distance du récit au point de "laisser l'histoire se raconter elleméme"!, Nous ne nous laisserons cependant pas prendre aux pièges de l'il-

lusion réaliste, alors méme que Platon lecteur de l'Iliade avait déjà, en son temps, l'intuition que le narrateur du récit, en tant que sujet de l'énonciation, prend en charge sa propre parole :

Otc8' οὖν ὅτι μέχρι μὲν τούτων τῶν ἐπῶν : καὶ ἐλίσσετο πάντας ᾿Αχαιούς, Arpelda δὲ μάλιστα δύω, κοσμήτορε λαῶν,

λέγει τε αὐτὸς δ᾽ ποιητής “Tu sais donc que jusqu'à ces vers : et il conjurait ious les Grecs et en

particulier les deux Atrides, chefs des peuple, le poète parle en son nom."

Le probléme posé au travers des termes de ce débat est en fait celui du degré de présence du narrateur dans le récit. 1 G. Genette, Figures III, p. 186. 2 République, 393 a.

350

RECIT - DISCOURS

1 - Narrateur, narrataire

Considérer qu'une histoire peut se dérouler indépendamment de son

narrateur n'est possible que temporairement, par commodité. Certes la présence du narrateur ne se manifeste pas au méme degré dans les différents genres ; dans un récit à la première personne, elle sera plus aisément repérable que dans un discours scientifique!. Mais, à quelque degré que ce soit, le narrateur se laisse toujours apercevoir ; c'est au lecteur

de chercher en quels points il se cache. Car tout énoncé suppose que le narrateur énonce sa position de locuteur : il est nécessairement le produit d'un mécanisme de "mise en fonctionnement de la langue" qui est précisément l'acte d'énonciation : “L'acte individuel par lequel on utilise la langue introduit d'abord le locuteur comme paramètre dans les conditions nécessaires à l'énonciation. "2

Ce faisant le destinataire auquel il s'adresse se laisse deviner également : c'est le "narrataire" du récit (ici l'Iliade), c'est à dire le public, ainsi que le

monde qui est le sien, par rapport auquel il se pose ; Benveniste insiste sur ce point : “Mais immédiatement, dès qu'il se déclare locuteur et assume la langue,

il implante l'autre en face de lui, quel que soit le degré de présence qu'il attribue à l'autre. Toute énonciation est, explicite ou implicite, une allocution, elle postule un allocutaire. Enfin dans l'énonciation, la langue se trouve employée à l'expression

d'un certain rapport au monde [...]. La référence est partie intégrante de

l'énonciation."3

La traditionnelle opposition entre le récit et le discours est ainsi remise en cause. Le récit n'est en réalité qu'une des formes du discours, celle dont la spécificité est justement que le locuteur tente d'y dissimuler les marques de sa présence.

1 Voir sur ce point: G. Genette, Figures III, p. 186, "Récits d'événements" ;

T. Todorov, "Les catégories du récit littéraire", Communications, 8, p. 132 : "L'histoire est une abstraction car elle est toujours perçue et racontée par quelqu'un, elle n'existe pas en soi". C. Kerbrat-Orecchioni, La subjectivité dans le langage, p. 170: "La subjectivité langagiére est partout, mais diversement modulée selorr'Tes énoncés [...]: il n'est pas de genre qui échappe à l'emprise de la subjectivité”.

2 Pbs 1], p. 82, "L'appareil formel de l'énonciation". 3 Ibid.

Le récit

351

Dans le discours, la présence du locuteur se manifeste de facon explicite au moyen "d'un jeu de formes spécifiques dont la fonction est de mettre le locuteur en relation constante et nécessaire avec son énonciation!". Ces

indices sont : a- des indices de personne (je/tu), des déictiques b- des indications temporelles Le récit, en tant que discours, contient les mémes marques. Et l'Iiade qui, comme tout récit, laisse supposer la figure d'un narrateur, quelle que soit la difficulté d'en approcher l'image, contient nécessairement ces marques. Il ne saurait donc étre question de chercher à déterminer les conditions d'apparition de la phrase nominale dans les récits de l'Iliade sans avoir préalablement tenté d'en repérer les indices d'énonciation et d'en définir les conditions d'énonciation?. 2 - Les indices spécifiques de l'énonciation 2.1. Indices de personne Il est tout d'abord intéressant de constater qu'en certains points du récit?, l'aéde se désigne lui-même à la première personne comme sujet de l'énonciation. Sa prise de parole y est en outre elle-méme signifiée par des verbes comme "dire" ou des noms comme la "voix" ou la "bouche"^. Dans ces phrases l'allocutaire est la Muse à laquelle l'aéde transmet aussitôt le soin de la prise en charge de l'acte d'énonciation5 La figure de l'aède et celle de la Muse se rencontrent ainsi au moment de la présentation 1 Pbs II, p. 82, "L'appareil formel de l'énonciation". 2 L'évocation du cadre énonciatif général de l'Iliade (les conditions générales de la production et de la réception, les circonstances spatio-temporelles, etc...) est indispensable pour qui

veut tenter d'appréhender

le récit comme

discours.

Son

étude

systématique

dépasserait cependant les limites de ce travail. C'est pourquoi nous nous attacherons surtout pour notre part à la recherche des traces linguistiques de la présence du locuteur au sein de l'énoncé. Sur les concepts d'énonciation restreinte et d'énonciation au sens large, voir C. Kerbrat-

Orecchioni, L'énonciation, p. 31. 3 Cf. F. Frontisi - Ducroux, "La cithare d'Achille", p. 16 sq. 5 On ne manquera pas de faire le rapprochement avec le terme même

désigne l'épopée : ἔπος. 5 Cf. infra, "Les indices spécifiques de l'énonciation", p. 374 sq.

par lequel se

352

RECIT - DISCOURS

des personnages, au début et à la fin du "Catalogue des vaisseaux", et également dans le cours de l'épopée, lors d'interruptions : B 484

Ἔσπετε viv uot, Μοῦσαι͵ Ολύμπια δώματ’ ἔχουσαι, et maintenant, dites-moi, Muses, habitantes de l'Olympe,

=

A 21, = 508

B 488

πληθὺν ó'oük ἄν ἐγὼ μυθήσομαι οὐδ’ óvoujvo, οὔδ’ εἴ μοι δέκα μὲν γλῶσσαι, δέκα δὲ στόματ’ εἶεν,

φωνὴ δ’ ἄρρηκτος, χάλκεον δέ μοι ἥτορ ἐνείη la foule, je n'en puis parler, je n'y puis mettre des noms, eussé-je dix

langues, eussé-je dix bouches, une voix que rien ne brise, un cœur de bronze en ma poitrine

B 493

ἀρχοὺς αὖ νηῶν ἐρέω νῆάς τε προπάσας je dirai en revanche les commandants des nefs et le total des nefs

B 761

σύ uot ἔννεπε, Μοῦσα et maintenant, dis-moi, Muse, ...

Dans ces phrases l'allocutaire était la Muse mais dès lors que celle-ci a pris en charge l'énonciation, l'allocutaire devient l'auditoire uni parfois à l'aéde sous la forme complexe du prétent tous deux à la Muse. B 486

Nous dans l'attention commune qu'ils

ἥμεῖς δὲ κλέος otov ἀκούομεν odóc τι ἴδμεν nous n'entendons qu'un bruit, nous, et ne savons rien

Parmi les phrases nominales, une seule contient des indices spécifiques d'énonciation ; elle est particulièrement intéressante en ce qu'elle désigne à la fois la figure du narrateur (ue), celle du narrataire (ἀγορεῦσαι) et l'acte

d'énonciation (ταῦτα ἀγορεῦσαι). Le verbe ἀγορεῦσαι en effet, décrit en méme temps l'acte de parole et l'assemblée venue écouter le récit, ce qu'in-

dique l'étymologie (ἀγορά est à rapprocher de &yc(po) : M 176

ἄργαλέον δέ uc ταῦτα θεὸν ὥς παντ' ἀγορεῦσαι mais que je dise tout cela comme (si j'étais) un dieu (est) difficile

Certains scholiastes ont condamné ce vers sous prétexte qu'il constituait une intervention de l'auteur! ; nous pensons au contraire qu'il n'a pas à être rejeté, tout au moins pour ce motif : l'aède ne peut dire que ce que la Muse lui donne de voir. Il convient à ce propos de rappeler que chaque intervention de l'aède a pour objet de souligner l'incapacité où il se trouve à prendre en charge le discours. 1 Cf. F. Frontisi-Ducroux, "La cithare d'Achille”, n. 35, p. 20.

Le récit

353

Dans la mesure où l'on admet que l'énonciateur véritable de l'épopée est la Muse et non pas le poète, qui n'est que le canal par où se dit l'épopée, le vers devient donc parfaitement clair et se trouve à sa place dans le cours du récit. 2.2. Indices temporels Le présent Découvrir la présence du narrateur dans le récit conduit en outre,

comme l'a montré Benveniste!, à repérer les marques de la catégorie du présent : “Une troisième série de termes afférents à l'énonciation est constituée par le paradigme entier des formes temporelles qui se déterminent par rapport à l'ego, centre de l'énonciation [...] De l'énonciation procède la catégo-

rie du présent et de la catégorie du présent, naît la catégorie du temps. Le présent est proprement la source du temps."

Bien que ce présent soit un temps linguistique qui n'a rien à voir avec le "temps chronique" et "le temps physique", c'est en fonction de lui que s'échelonnent les différents temps du récit : Le système temporel de l'Îliade n'échappe constate en effet que les temps des verbes y sont rapport au présent de l'énonciation, et que, d'autre paces temporels est marqué par un adverbe de temps

pas à cette règle ; on clairement définis par part chacun de ces esspécifique :

Le temps de l'épopée Dans I'Iliade, le temps de l'épopée est le passé (aoriste, présent de narration ou imparfait descriptif), l'adverbe spécifique τότε. Il s'instaure à partir du présent des "hommes d'aujourd'hui" marqué par νῦν, adverbe qui sert en quelque sorte d'embrayeur de tout le discours (E 304; Y 287; M 449).

Y 285

6 δὲ χερμάδιον λάβε χειρί Αἰνείας, μέγα ἔργον, 8 où δύο y' ἄνδρε φέροιεν,

οἷοι νῦν βροτοί εἶσ’ Enée alors dans sa main prit une pierre ; l'exploit (est) merveilleux, deux hommes, deux hommes d'aujourd'hui ne la porteraient pas

B 484

ἔσπετε νῦν uot, Μοῦσαι

"OA sunto δώματ' ἔχουσαι

! Pbs II, p. 83, "L'appareil formel de l'énonciation",

2 E. Benveniste, "Le langage et l'expérience humaine”, p. 73 sq.

354

RECIT - DISCOURS

ὑμεῖς yàp Beat ἔστε, πάρεστέ te, ἴστέ τε πάντα

ἥμεῖς δὲ κλέος οἷον ἀκούομεν οὐδέ τι ἴδμεν et maintenant, dites-moi, Muses, habitantes de l'Olympe

— car vous êtes,

vous, des déesses, partout présentes, vous savez tout ; nous n'entendons qu'un bruit, nous et ne savons rien

Ainsi, en ce qui concerne la phrase nominale citée plus haut, il va de soi que l'aéde situe implicitement l'acte d'énonciation dans le présent des hommes d'aujourd'hui :

M 176 ἀργαλέον δέ uc ταῦτα θεὸν ὥς παντ' ἀγορεῦσαι mais que je dise tout cela comme (si j'étais) un dieu (est) difficile

Le passé . Le troisiéme espace temporel est celui du temps antérieur à l'épopée, marqué par l'adverbe πρίν. Temps de la guerre de Troie antérieur à l'épopée : E 135

Τυδεΐδης καὶ πρίν et le fils de ravant déjà

δ' ἐξαῦτις ἰὼν προμάχοισιν ἐμίχθη: περ θυμῷ μεμαώς Τρώεσσι μάχεσθαι Tydée retourna se méler aux champions hors des lignes ; aupa(il était) dans son cœur tout bouillant de combattre les Troyens

Temps des "Hommes d'autrefois" :

E 637

ἐπεὶ πολλὸν κείνων ἔπιδεύεαι ἀνδρῶν ot Διὸς ἐξεγένοντο ἐπὶ προτέρων ἀνθρώπων tu es trop au-dessous de ces fameux héros qui naquirent de Zeus porteégide au temps des hommes d'autrefois

Le futur Il existe également un temps du discours en instance de se dérouler qui est le futur :

B 493

ἀρχοὺς αὖ νηῶν ἐρέω νῆάς τε προπάσας je dirai en revanche les commandants des nefs et le total des nefs

Les phrases nominales tirées du récit ne se situent donc pas en dehors de la sphère temporelle ; elles sont au contraire prises à l'intérieur du systéme des temps. Dans certains cas, elles font partie de la diégèse et s'inscrivent dans le temps de l'épopée, qui est au passé ; elles ont pour fonction de donner l'impression d'un arrét momentané du déroulement des événements. Elles s'inscrivent parfois dans le temps des hommes d'autrefois, antérieur au temps de l'épopée.

Le récit

355

L'une d'entre elles se situe dans le présent de l'énonciation ; et c'est

précisément à partir de celle-ci que s'instaure cette sorte de discours que l'on nomme le "récit" de l'Iliade.

3 - Les indices implicites d'énonciation Tout récit, comme tout énoncé, a une source et un garant qui est le narrateur proférant un discours devenu récit. Il se peut que, comme le nar-

rateur de Jacques le Fataliste, il apparaisse de temps à autre pour lancer quelques clins d'œil en direction du narrataire et signifier qu'il est bien le maître d'œuvre. Mais, traditionnellement, la figure du narrateur ne se laisse reconnaître par des marques spécifiques qu'en quelques points du récit. Et, si les scholiastes ont pu contester l'authenticité des vers qui les contiennent, c'est précisément du fait que l'histoire est censée "se raconter elle-même". Dans le cours ordinaire du récit, le narrateur se cache et, s'il invite à retrouver sa trace, ce n'est que de facon diffuse et par des voies détournées. La première question à laquelle on se heurte alors est celle de l'identité du narrateur.

3.1. Qui est le narrateur ? l'aéde ou la Muse ?

La question de l'identité du narrateur est fort complexe, comme le prouve l'embarras de tous les linguistes qui ont tenté de lui apporter une réponse!.

L'épopée présente de ce point de vue une situation particuliérement ambiguë. En effet, l'aède, dont la présence s'affirme en certains points du récit, présence physique qui, de toute facon, ne saurait étre dissimulée, étant données les conditions de composition de l'épopée et celles de son énonciation, s'empresse de transférer la charge de cette énonciation à la Muse qui, de ce fait, devient la véritable narratrice du récit.

L'aéde demande à la Muse de parler par sa voix, il n'est plus alors que l'instrument "inspiré" de la divinité. Du point de vue linguistique, le véri-

1 Voir à ce sujet : R. Barthes, 5/Z, p.146: "Le propre de l'écriture est d'empêcher de ne jamais répondre à cette question". T. Todorov, Les catégories du récit littéraire, p. 152: "Nous avons une quantité de renseignements sur lui qui devraient nous permettre de le saisir, de le situer avec précision, mais cette image fugitive ne se laisse pas approcher et elle revét constamment des marques contradictoires". C. Kerbrat-Orecchioni, L'énonciation, p. 172: “Dès lors qu'il s'agit d'un texte littéraire, le probléme de qui parle s'obscurcit effroyablement".

356

RECIT - DISCOURS

table énonciateur du discours n'est pas l'aede mais la Muse que l'aéde se

met avec son public en position d'écouter : B 484

Ἔσπετε νῦν μοι, Μοῦσαι ᾿Ολύμπια δώματ’ ἔχουσαι ὑμεῖς γὰρ θεαί ἔστε, πάρεστέ vc, ἴστέ τε πάντα,

ἡμεῖς δὲ κλέος οἷον ἀκούομεν οὐδέ τι ἴδμεν

οἵ τινες ἥγεμόνες Δαναῶν καὶ κοίρανοι ἦσαν : et maintenant, dites-moi, Muses, habitantes de l'Olympe

— car vous êtes,

vous, des déesses, partout présentes, vous savez tout ; nous n'entendons

qu'un bruit, nous, et ne savons rien —

dites-moi quels étaient les guides,

les chefs des Danaens

Dans l'Iliade, le processus d'énonciation se fait donc en deux étapes que l'on peut schématiser comme suit :

1*

Allocuteur aede



Narrateur

canal

Muse

aède

Le phénomène

>

Allocutaire Muse

>

Narrataire

public

ici décrit est véritablement

un acte de possession

divine, mais il n'y a rien là qui ne soit conforme à la conception grecque de la poésie, comme le prouvent ce passage de Platon! : Οὕτω

δὲ

καὶ

f

Μοῦσα

ἔἐνθέους

μὲν

ποιεῖ

αὐτὴ

[....]

Πάντες γὰρ οἵ τε τῶν ἐπῶν ποιηταὶ of ἀγαθοὶ οὐκ ἔκ τέχνης ἄλλ’ ἔνθεοι ὄντες καὶ κατεχόμενοι πάντα ταῦτα τὰ καλὰ λέγουσι ποιήματα [..] Κοῦφον γὰρ χρῆμα ἔστιν καὶ πτηνὸν καὶ ἱερόν, καὶ οὗ πρότερον

ποιητής οἷος τε

ποιεῖν πρὶν ἄν ἔνθεός τε γένηται καὶ ἔκφρων καὶ 6 νοῦς μηκέτι

ἐνῇ

ἕως 6’ ἄν τουτὶ

ἔχῃ τὸ κτῆμα,

ἀδύνατος

πᾶς

ποιεῖν ἄνθρωπός ἔστιν καὶ χρησμῳδεῖν. “De méme aussi, la Muse fait des inspirés par elle-même [....]. Car tous les poètes épiques, les bons poètes, ce n'est point un effet de l'art, mais pour être inspirés par un dieu et possédés qu'ils débitent ces beaux poèmes [....]. C'est chose légère que le poète, ailée, sacrée ; il n'est pas en état de créer avant d'étre inspiré par un dieu, hors de lui, et de n'avoir plus sa

1 Jon, 533d - 535 a.

Le récit

357

raison ; tant qu'il garde cette faculté, tout être humain est incapable de faire ceuvre poétique et de chanter des oracles."

et le commentaire qu'en fait J. P. Vemant! : “En divulguant ce qui se cache dans les profondeurs du temps, le poète apporte, dans la forme même de l'hymne, de l'incantation et de l'oracle, la révélation d'une vérité essentielle qui a le double caractère d'un mystère religieux et d'une doctrine de sagesse [....]. La vision divinatoire du poete inspiré se place sous le signe de la déesse Μνημοσύνη, Mémoire, mère des Muses. Mémoire ne confère pas la puissance d'évoquer des souvenirs in-

dividuels, de se représenter l'ordre des événements évanouis du passé. Elle apporte au poète, comme au devin, le privilège de voir la réalité immuabie et permanente ; elle le met en contact avec l'étre originel, dont le temps, dans sa marche, ne découvre aux hommes qu'une infime partie, et pour la mas-

quer aussitôt.”

Si nous nous sommes attardée si longtemps sur cette question de l'identification du narrateur, c'est que ce détour était nécessaire pour comprendre à quel niveau d'insertion se situent dans le récit un bon nombre de phrases nominales qui ne semblent pas participer de la diégèse, au contraire

de celles de la catégorie précédente. Reconnaître la Muse comme narratrice, c'est poser un sujet d'énonciation qui a le double privilége d'étre à la fois transtemporel et suprahumain. - Parce qu'elle vit dans le temps des dieux, présent indéterminé, contemporain tout à la fois du temps des "hommes d'aujourd'hui" et du temps des personnages de l'épopée, la Muse est située dans une temporalité autre que celle des hommes. Parce qu'elle participe de l'ensemble de ces es-

paces temporels, la Muse a le pouvoir d'affirmer la cohésion de la collectivité en lui procurant la mémoire du passé. On devine comment la phrase nominale s'inscrit dans ce contexte : phrase sans verbe, elle se situe volontiers dans un présent qui n'est ni le présent de l'énonciation ni le temps contemporain de l'épopée mais bien le présent indéterminé des Muses. Nous ne suivons pas tout à fait ici l'analyse de Benveniste selon laquelle la phrase nominale est "hors de toute détermination temporelle". Plutót que d'atemporalité, il nous semble en effet plus exact de parler d'indétermination temporelle ou, éventuellement, de pluri-temporalité, comme le

1 Mythe et Pensée II, p. 108-109.

358

RECIT - DISCOURS

fait Adriana Moreschini-Quattordio!, d'autant qu'à l'en croire il s'agit là d'un trait caractéristique général de la phrase nominale indo-européenne : *Si puo obiettare al Benveniste che, anche a proposito della frase nominale indo-europea, di cui particolarmente si interessa, sarebbe più esatto

parlare di indeterminatezza temporale piuttosto che di atemporalità : chi enuncia una frase nominale, oppone — almeno in alcune lingue — il momento particolare di una determinata azione ad una serie indeterminata di momenti di una condizione generale. Come vedremo nelle nostre analisi, la

frase nominale puo contrapporre una condizione che si adatta a più situazioni - quindi, non tanto atemporale quanto politemporale - ad una situazione determinata nel tempo e adeguarsi a contesti temporalmente diffenziati dal parlante."

- L'omniscience suprahumaine de la Muse

lui confére le pouvoir

d'émettre des jugements ou des informations sur le monde dont on peut affirmer qu'ils auront valeur d'absolu pour la collectivité : c'est donc précisément de ce cóté que nous aurons à chercher les indices implicites de l'énonciation. 3.2. Les marques implicites de l'énonciation Dans un récit, comme nous l'avons vu, le narrateur reste à distance de l'énoncé ; dans l'Iliade, la présence de la Muse, dès lors qu'elle a été donnée,

ne se manifeste plus que de manière indirecte, diffuse, elle reste néanmoins décelable par un certain nombre de marques? . Quelles sont ces marques ? Ce sont les informations, les opinions ou les

jugements de valeur que seul un narrateur tout puissant est en mesure de prendre en charge. On cherchera de ce fait les traces d'inscription du narrateur : - dans le degré d'explicitation des informations énoncées : "Noms communs et noms propres sont supposés connus, sinon le dénominatif s'accompagne d'un prédicat explicatif ou d'une périphrase définitionnelle."3

! "La frase nominale", p. 5. 2 Cf. T. Todorov, "Les Catégories du récit littéraire", p. 150 ; εἰ C. Kerbrat-Orecchioni, L'énonciation, p. 158 sq., "Le statut linguistique du locuteur" .

3 C. Kerbrat-Orecchioni, L'énonciation, p. 160.

Le récit

359

- dans le choix de l'appareil stratégique, affectif, argumentatif mis en place par le locuteur pour agir conformément à ses objectifs illocutoires!,

- dans les réflexions générales, - dans les figures de rhétorique et particuliérement les comparaisons ainsi que le montre Todorov : “Lors d'une comparaison (comme de toute autre figure rhétorique) ou

d'une réflexion générale, le sujet de l'énonciation devient apparent, et le narrateur se rapproche ainsi des personnages. Ainsi les paroles du narrateur chez Flaubert nous signalent l'existence d'un sujet de l'énonciation qui fait des comparaisons ou des réflexions sur la nature humaine [...}. Il y a un lieu où, semble-t-il, nous approchons suffisamment cette image : nous pouvons l'appeler le niveau appréciatif. La description de chaque partie de l'histoire comporte son appréciation morale...'2

Concernant l'Iliade, on s'apercevra sans peine que la présence de la Muse dans le récit se manifeste en effet quand il s'agit d'apporter une explication, de préciser une identité ou d'émettre un jugement de valeur, toutes opérations qui sont volontiers simultanées : il n'est pas rare que l'expression revéte alors la forme d'une phrase nominale (de type sujet-prédicat ou sujet effacé-prédicat), de tonalité plutót exclamative. 3.2.1. Informations B 528

μείων, οὔ τι τόσος γε ὅσος Τελαμώνιος Αἴας, ἀλλὰ πολὺ μείων (il est) plus petit, (il n'est) pas aussi grand qu'Ajax le fils de Télamon, (il est) méme beaucoup plus petit

B 707

6 δ’ ἄρα πρότερος καὶ ἀρείων ἥρως Πρωτεσίλαος ἄρηίος et lui, Protésilas, le héros belliqueux, (était) son ainé et son modele

O 144

?Ip(v 8' ἥ τε θεοῖσι μετάγγελος ἀθανάτοισι Iris qui (est) la messagère des dieux immortels

O 238

ἴρηκι ξοικώς ὦκέι φασσοφόνῳ, ὅς v' ὥκιστος πετεηνῶν pareil au milan, rapide tueur de colombes, qui est le plus rapide des êtres ailés

B 478

ὄμματα καὶ

κεφαλὴν ἴκελος Διὶ τερπικεραύνῳ,

1 Ibid ; cf. E. Benveniste, Pbs II, p. 84, "L'appareil formel de l'énonciation".

2 "Les catégories du récit littéraire", p. 151-152.

360

RECIT - DISCOURS

"Apeı δὲ ζώνην, στέρνον δὲ TToocióctovi (Agamemnon) pour les yeux et le front, il est pareil à Zeus tonnant, pour la ceinture à Arès, pour la poitrine à Poséidon

Ο 281

(Gode)

Αἰτωλῶν

dx’ ἄριστος,

ἐπιστάμενος μὲν ἀκόντι,

ἐσθλὸς δ’ ἦν σταδίῃ (Thoas) (c'est) le meilleur des Etoliens, (il est) expert à la lance, (il est)

brave au corps à corps

"Apre καὶ Παλλὰς ᾿Αθήνη

Σ 517 ἄμφω χρυσείω, [...]

καλω καὶ μεγάλω συὺ τεύχεσιν, ὥς τε θεώ περ

ἀμφὶς ἄριζήλω Arès et Pallas Athénée [...] tous deux en or [...}, beaux et grands, en armes, comme des dieux, étincelants des deux côtés

3.2.2. Explications Φ 264

Gc

αἴἰεὶ ᾿Αχιλλῆα κιχήσατο κῦμα fóoto

καὶ λαιψηρὸν ἔόντα " θεοὶ δέ τε φέρτεροι ἀνδρῶν de même, à chaque instant, le flux atteint Achille, si prompt qu'il puisse être : les dieux (sont) plus forts que les hommes

= 216

ἔνθ’ ἕνι μὲν φιλότης, ἐν δ' ἵμερος, Ev δ' δαριστύς,

πάρφασις (la ceinture d'Aphrodite) là (est) la tendresse, là (est) le désir, là (est) l'entretien amoureux, le discours séducteur

X 325

Accukav(nv, ἵνα τε ψυχῆς ὥκιστος ὄλεθρος la gorge, là où la vie se laisse détruire au plus vite

litt. là où la perte de la vie (est) la plus rapide 3.2.3. Jugements de valeur

La Muse, c'est à dire le narrateur de l'épopée émet certaines informations à tonalité affective, voire exclamative, impliquant un jugement de valeur: E 725

τῶν Aroı χρυσέη Truc ἄφθιτος, αὐτὰρ ὕπερθε

χαλκε' ἐπίσσωτρα προσαρηρότα, θαῦμα ἰδέσθαι la jante est d'or, inaltérable, mais par-dessus (se trouvent) des cercles de bronze bien ajustés — une merveille à voir !

P 236

μαάλα δέ σφισιν ἔλπετο θυμὸς νεκρὸν In’ Αἴαντος Épóciv Τελαμωνιάδαο, νήπιοι : leur cœur a bon espoir d'arracher le corps à Ajax, fils de Télamon ; les sots !

Le récit

Σ 604

361

πολλὸς δ’ ἱμερόεντα χορὸν περιίσταθ’ ὅμιλος τερπόμενοι une foule immense fait cercle autourdu chœur charmant ; ils (sont) ravis!

Y 285

ὃ δὲ χερμάδιον λάβε χειρὶ Αἰνείας, μέγα ἔργον, ὃ οὗ δύο γ’ ἄνδρε φέροιεν,

οἷοι νῦν βροτοί εἶσ’ Enée alors dans sa main prit une pierre

— l'exploit (est) merveilleux —

deux hommes d'aujourd'hui ne la porteraient pas

Y 166

Πηλείδης δ’ ἑτέρωθεν ἐναντίον ὦρτο λέων ὧς, σίντης, ὅν τε καὶ ἄνδρες ἀποκτάμεναι μεμάασιν dypóucvoi, πᾶς δῆμος le Péléide, à son tour bondit à sa rencontre. On dirait un lion malfaisant,

que des hommes brülent de mettre à mort ; (il y a là) tout un peuple

C'est en tant que jugement de valeur que nous reléverons ici le tour ὅσος ἄριστος : l'instance narrative est seule en effet à pouvoir juger de la valeur guerrière. M 13

αὐτὰρ ἐπεὶ κατὰ μὲν Τρώων θάνον ὅσσοι ἄριστοι mais du jour οὗ chez les Troyens étaient tombés tous ceux qui (étaient) les plus braves

Enfin, le domaine οὗ se manifeste de facon privilégiée l'opinion du narrateur est celui des comparaisons!. 3.3. Comparaisons C'est précisément dans les comparaisons que se manifeste l'émergence des instances narratives. Qu'est-ce en effet que dire qu'un héros est l'égal d'un dieu, d'un lion ou d'un aigle, qu'un dieu est semblable au milan ou à

l'éclair sinon énoncer un avis ? Les comparaisons sont de fait le lieu d'émission jugements de valeur.

privilégié des

Or, sur le plan morpho-syntaxique, elles ont cette caractéristique re-

marquable qu'elles sont volontiers non-verbales. Ainsi, certaines comparaisons, brèves, s'énoncent sous forme de phrases nominales, tandis que d'autres, plus étendues, sont composées de phrases verbales et de phrases nominales.

! Voir par exemple : A. Severyns, "Simples remarques sur les comparaisons homériques" et: A. Bonnafé, "Quelques remarques à propos des comparaisons homériques de l'lliade".

362

RECIT - DISCOURS

Il est intéressant en outre de prendre en compte ici les expressions comparatives composées de ὥς, ὥς τε, ou ὥς postposé, méme si elles n'entrent pas à proprement parler dans la catégorie des phrases nominales! ;

elles viennent en effet confirmer qu'on se trouve, avec les comparaisons, devant un phénomène d'ensemble qui tend à l'effacement du verbe en même temps qu'à l'expression des jugements de valeur. Comparatives "elliptiques" : ὥς τε

Γ 381

τὸν δ' ἐξήρπαξ' ᾿Αφροδίτη ῥεῖα μάλ’ ὥς τε θεός mais Aphrodite alors le lui ravit ; ce n'est qu'un jeu pour la déesse litr. ainsi qu'une déesse

P 542

ἀνὰ 6' αὐτὸς ἔβαινε πόδας καὶ χεῖρας ὕπερθεν αἱματόεις ὥς τις τε λέων κατὰ ταῦρον ἔδηδώς et il montait lui-même, les pieds et même, plus haut, les mains, tout couvert de sang ainsi qu'un lion qui a dévoré un taureau

$ 493

δακρύοεσσα δ’ ὕπαιθα θεὰ φύγεν ὡς τε πέλεια la déesse baissa la tête en pleurant et s'enfuit ainsi qu'une colombe

X 308

otunoev δὲ dAcl; ὥς τ' αἴετός ὕψιπετήεις puis, se ramassant, il prend son élan, ainsi qu'un aigle de haut vol

dans une phrase nominale : E 518

Ko

καὶ μεγάλω σὺν τεύχεσιν, ὥς τε θεώ περ

ἀμφὶς ἀριζήλω (Arès et Pallas Athénée) ils (sont) beaux et grands, en armes, comme des dieux, étincelants des deux côtés

ὥς postposé ^ 482

6 δ' ἦν κονίῃσι χαμαὶ πέσεν αἴγειρος ὡς et il choit au sol dans la poussière, comme un peuplier noir

Ω 572

Πηλείδης δ’ οἴκοιο λέων ὥς ἄλτο θύραζε, cependant le fils de Pélée bondit, comme un lion, hors de son logis

M 176 ἀργαλέον δέ uc ταῦτα θεὸν ὥς πάντ’ ἀγορεῦσαι mais que je dise tout cela comme (si j'étais) un dieu (est) difficile

dans une phrase nominale : Q 770 ἑκυρὸς δὲ πατὴρ ὥς ἥπιος αἷἴεί mon beau-père, lui, a toujours été doux comme un père 1 Cf. supra, p. 172 sq.

Le récit

363

Adjectifde comparaison prédicat d'une une phrase nominale B 478

ὄμματα καὶ κεφαλὴν

ἴκελος Διὶ

τερπικεραύνῳ,

"Apti δὲ ζώνην, στέρνον δὲ Ποσειδάωνι (Agamemnon) pour les yeux et le front, il est pareil à Zeus tonnant, pour la ceinture à Arès, pour la poitrine à Poséidon

ὥς εἴ τε,

d δ’ ὅτε

Certaines locutions subordonnantes utilisées pour introduire des comparaisons comme ὡς εἴ τε ou ὥς 5’ ὅτε s'expliquent! par la présence d'une construction nominale: ὧς < V 712

» εἴ τε ou ὡς «

> 5' ὅτε.

ἀγκὰς δ' ἀλλήλων λαβέτην χερσὶ στιβαρῇσιν ὡς ὅτε ἀμείβοντες, τοὺς τε κλυτὸς ἤραρε τέκτων

δώματας ὑψηλοῖο, βίας ἀνέμων dAcc(vov ils s'empoignent à bras le corps avec leurs mains vigoureuses comme dans le cas (litt. comme quand) des chevrons qu'un charpentier fameux assemble au haut d'une maison, pour la garder des violences du vent

A 474

ἀμφὶ 5' ἄρ’ αὐτὸν Τρῶες ἕπονθ’ ὡς εἴ τε δαφοινοὶ θῶες ὄρεσφιν

ἄμφ’ ἔλαφον κεραὸν βεβλημένον, dv τ’ ἔβαλ’ ἀνὴρ là ἀπὸ νευρῆς et autour de lui les Troyens suivaient et l'entourent comme s'(il s'agissait)

des chacals fauves qui, dans la montagne, entourent un cerf ramé qu'un homme a atteint d'une fléche jaillie de son arc

Phrases nominales insérées dans un système comparatif L'insertion de phrases nominales dans les systèmes comparatifs est un phénomène tout à fait remarquable par sa régularité. La phrase nominale apparait le plus souvent en tant que relative ou en tant qu'indépendante coordonnée à une relative (selon un procédé habituel d'amplification).

Le pivot de la comparaison est indifféremment : - un adjectif - un génitif déterminatif - &, ὧς te, dX δ' ὅτε

Le pivot est un adjectif : La phrase nominale est une relative : E 782 λείουσιν ἔοικότες ὥμοφαάγοισιν 1 Cf. supra, p. 172 sq.

364

RECIT - DISCOURS

ἢ συσὶ κάπροισιν, τῶν τε σθένος οὐκ ἀἄλαπαδνὸν semblables à des lions carnassiers ou bien des sangliers dont la force (n'est) pas facile à détruire

H 256

βῆ δὲ κατ’ "Ióx(ov δρέων, ἴρηκι ἐοικὼς ὦκέι φασσοφόνῳ, ὅς t' ὥκιστος πετεηνῶν des cimes de l'Ida, Apollon descend, semblable au milan, rapide tueur de colombes qui (est) le plus rapide des &tres ailés

Ω 348

βῆ 5’ ἱέναι κούρῳ alounriipı ἔοικως, πρῶτον ὑπηνήτῃ,

τοῦ περ χαριεστάτη ἥβη

Hermès se mit alors en marche, sous l'aspect d'un jeune prince, chez qui

commence à percer la moustache, et dont l'âge est tout à fait charmant

La phrase nominale est une indépendante coordonnée : N 244

βῆ δ’ tuev ἄστεροπῇ ἐναλίγκιος, ἥν τε Κρονίων χειρὶ λαβὼν ἐτίναξεν &n' αἰγλήεντος ᾽Ολύμπου, δεικνὺς σῆμα βροτοῖσιν - ἄρίζηλοι δέ οἵ αὐγαί Idoménée part et va, à l'éclair que saisit le bras du Cronide, pour le brandir du haut de l'Olympe éclatant, quand il veut révéler quelque signe aux mortels ; les feux en (sont) éblouissants

N 797

of δ' ἴσαν ἀργαλέων ἀνέμων

ἀταλαντοι

KEAAT,

# ῥά θ' ὑπὸ βροντῆς πατρὸς Διὸς εἶσι πέδον δέ, θεσπεσίῳ 5' δμάδῳ AA κύματα. παφλάζοντα

μίσγεται, Ev δέ τε πολλὰ

πολυφλοίσβοιο

θαλάσσης,

κυρτὰ φαληριόωντα, πρὸ μέν t' ἄλλ’, αὐτὰρ in’ ἄλλα ils vont, pareils à la bourrasque, déchaînée par les vents farouches, qui, au bruit du tonnerre de Zeus Père, vient s'abattre sur la terre, pour aller ensuite, dans un fracas prodigieux, se heurter au flot marin ; là, par milliers, (se déchainent) les vagues de la mer bruissante, leurs crétes en volutes toutes

blanches d'écume, les unes devant, les autres derrière

Le pivot est un génitif déterminatif La phrase nominale est une relative : $ 251 Πηλείδης 5' ἀπόρουσεν ὅσον τ’ Ent δουρὸς ἐρωή,

aterod οἴματ’ ἔχων μέλανος, τοῦ θηρητῆρος, ὅς θ' ἅμα κάρτιστος τε καὶ ὥκιστος πετεηνῶν le Péléide s'éloigne, en un seul bond, d'une portée de lance ; il ἃ l'élan de l'aigle noir, l'aigle chasseur, qui (est) le plus fort et le plus rapide des oiseaux

La phrase nominale est une indépendante coordonnée : P 572 καὶ of μυίης θάρσος tvi στήθεσσιν ἑνῆκεν ἥ τε καὶ ἔργομένη μάλα περ χροὸς ἄνδρομέοιο

Le récit

365

ἰσχανάᾳ δακέειν, λαρὸν τε of αἷμ’ ἀνθρώπου elle mit dans sa poitrine l'audace de la mouche, qui, quelque soin qu'on

prenne à l'écarter, s'attache, pour la mordre, à la peau de l'homme et trouve son sang savoureux [litt. pour elle son sang (est) savoureux]

Le pivot est ὥς postposé ot δὲ λύκοι

Π 156

ὡς

ὠμοφαγοι͵ τοῖσίν τε περὶ φρεσὶν ἄσπετος ἀλκή, οἵ τ’ ἔλαφον κεραὸν μέγαν οὔρεσι δῃώσαντες δάπτουσιν : πᾶσιν δὲ παρήιον αἵματι 164

τοῖοι

φοινόν

[...]

Μυρμιδόνων ἡγήτορες ñôt μέδοντες

ἄμψ' ἀγαθὸν θεράποντα ποδώκεος Αἰακίδαο ῥῴοντ eux, ainsi que des loups carnassiers — ils (ont) une vaillance prodigieuse dans le cœur —

qui, dans la montagne, déchirent, puis dévorent un grand

cerf ramé ; leurs bajoues à tous (sont) rouges de sang ; [...] ainsi les guides et les chefs des Myrmidons s'empressaient autour du brave écuyer de l'Eacide aux pieds rapides

La phrase nominale est une indépendante coordonnée : K 185 ὡς δὲ κύνες περὶ μῆλα δυσωρήσονται Ev αὐλῇ θηρὸς ἀκούσαντες

ἔρχηται δι’ ὄρεσφι

κρατερόφρονος,

ὅς τε καθ’ ὕλην

^ πολὺς 6’ ὄρυμαγδὸς ἐπ’ αὐτῷ

ἄνδρῶν ἠδὲ κυνῶν, ἀπὸ τέ σφισιν ὕπνος ὅλωλεν ὡς τῶν νήδυμος ὕπνος ἀπὸ βλεφάροιιν δλώλει νύκτα φυλασσομένοισι κακήν comme on voit, dans un parc, les chiens s'inquiéter soudain pour les brebis parce qu'ils viennent d'entendre un fauve au cœur brutal qui va, par la forêt, ἃ travers les montagnes : un grand tumulte alors (s'éléve), d'hommes et de chiens ; pour tous, c'en est fait du sommeil. De même, c'en est fait aussi du doux sommeil pour les yeux des veilleurs, dans cette nuit cruelle O 630

αὐτὰρ 8 y’ ὡς rc λεών

δλοόφρων βουσὶν ἐπελθών,

αἵ ῥά v' Ev εἷαμενῇ ἕλεος μεγάλοιο νέμονται μυρίαι, Ev δέ τε τῇσι νομεὺς où πω σάφα εἰδώς

θηρὶ μαχέσσασθαι ἕλικος Box; duel φονῇσι᾽ [...] 636

ὧς τότ' ᾽Αχαιοὶ

θεσπεσίως ἔφόβηθεν ὅφ' Ἕκτορι καὶ Διὶ πατρί mais Hector (va), comme un lion féroce qui s'attaque à des vaches paissant en foule l'herbe humide dans un vaste marécage ; avec elles (est) un berger ne sachant pas exactement comment lutter contre le fauve [...] ; de méme

en ce jour une immense panique saisit les Achéens devant Hector, devant Zeus Père !

366

RECIT - DISCOURS ὡς δ’ ὅτε

La phrase nominale est temporelle :

N 335

d δ’ 88 ’ ὑπὸ λιγέων ἀνέμων σπέρχωσιν ἄελλαι ἥματι

τῷ ὅτε τε πλείστη κόνις ἀμφὶ

κελεύθους,

οἵ t' ἄμυδις κονίης μεγάλην ἱστᾶσιν ὀμίχλην, ἃς ἄρα τῶν δμόσ' ἦλθε μάχη de méme que (cela se passe) quand sous l'effet des vents sonores les tempêtes se déchainent, le jour où la poussière (est) abondante sur les routes

— οἵ eux, la rassemblant, en forment une énorme nue poudreuse —, de méme la bataille ne fait plus qu'un bloc de guerriers

La phrase nominale est une relative : P 62 ὡς δ' ὅτε τὶς τε λεὼν δρεσίτροφος, ἀλκὶ πεποιθώς, βοσκομένης ἀγέλης βοῦν ἁρπάσῃ À τις ἀρίστη comme (il arrive) lorsqu'un lion nourri dans les montagnes et sür de sa force, au milieu d'un troupeau qui paît, ravit la vache qui (est) la meilleure

La phrase nominale est une indépendante coordonnée : E 417

ὡς 5' 80'

ὑπὸ ῥιπῆς πατρὸς Διὸς ἐξερίπῃ δρῦς

πρόρριζος, δεινὴ θεείου γίνεται ὀδμὴ ἐξ αὐτῆς, τὸν δ’ οὔ περ ἔχει θράσος ὅς κεν ἴδηται ἐγγὺς ἐών, χαλεπὸς δὲ Διὸς μεγάλοιο κεραυνός ὡς ἔπεσ’ Ἕκτορος ὦκα χαμαὶ μένος ἐν κονίῃσι de même que lorsque, sous le trait que lance Zeus Père, crouler un chêne, racines arrachées, tandis que se dégage une odeur affreuse de soufre et que quiconque voit tel spectacle de prés en perd soudain tout courage ; car la foudre du grand Zeus (est) méchante ; de méme la fougue d'Hector vite

s'abat dans la poussière

REMARQUE : Comparatives "homériques"

On aura remarqué la facilité avec laquelle les comparaisons dites "homériques" (II 156; O 630) retardent l'apparition du verbe — ou, si l'on préfére, anticipent celle du sujet — au point que dans certains cas la structure de la phrase ne peut s'expliquer que par une anacoluthe. Certes, il ne s'agit pas là de constructions nominales ; ne peut-on pas dire cependant que le verbe se voit pour un temps éliminé en faveur de l'effort de mise en relief, par juxtaposition, des deux termes de la comparaison ? 3.4. La particule cc Du fait que toutes les phrases de cette sorte expriment d'une façon ou d'une autre un jugement de valeur, on ne s'étonnera pas qu'elles comportent fréquemment la particule τε. Celle-ci apparait le plus souvent dans les com-

Le récit

367

paraisons (ὥς re), ou bien dans les relatives (& re) ; mais on trouve également εἴ te, ὅτε Te, ou tout simplement δέ τε. La particule τε a ici la valeur digressive-permanente telle qu'elle a été mise en évidence par C. J. Ruijgh : Dans les relatives : “Le plus souvent τε épique se trouve après un relatif ou une conjonction coordonnanie au début d'une phrase qui sert de digression à un élément précédent"

Dans les comparaisons : “Comme il s'agit en principe de faits permanents inactualisables, l'emploi de τε adverbial y est trés fréquent, de sorte qu'on en trouve parfois de véritables agglomérations."

Dans les vérités générales : ^[qui] mentionnent un fait permanent servant à expliquer un élément précédent du récit ou du discours.”

Cette valeur à la fois digressive et permanente de τε apparait à chaque fois qu'il s'agit pour le narrateur d'émettre un jugement dissimulé sous la forme d'une référence abstraite.

Conclusion À ce stade de notre recherche, il semble désormais possible de déterminer à quelles conditions la phrase nominale peut appartenir au "récit". 1 - Structure

Dans le récit, le nombre des phrases à "un terme" est extrémement réduit. Le datif, sous quelque forme que ce soit, prédicat ou expansion, est également trés peu fréquent. Les phrases attributives sont bien représentées, bien que dans une proportion plus faible que dans le discours. Elles sont utilisées pour informer, pour expliquer ou pour décrire. La structure la plus fréquente est locative.

! Voir C. J. Ruijgh, Autour de "rt épique", $ 2, 3, 4.

368

RECIT - DISCOURS 2 - Fonction narrative ou énonciative :

Dans le discours, les phrases nominales se répartissent en deux catégories : certaines font plutót partie de la narration, d'autres sont plus proprement énonciatives. 2.1. Narrative

Quand elles appartiennent à l'ordre du récit, elles sont presque toujours descriptives : elles renseignent sur l'identité des personnages, les décrivent, décrivent des objets, des lieux. Il s'agit souvent de phrases locatives.

Mais elles sont parfois à la frontière de la description et du récit. Insérées dans le déroulement des événements et subissant l'influence du contexte, elles marquent, sinon un véritable arrét de l'action, mais du moins un ralentissement. Elles ont, à ce titre, une valeur que l'on pourrait appeler narrative-descriptive. 2.2. Enonciative

Un certain nombre de phrases se trouvent dans le récit en tant que le récit est un type particulier de discours. - Il arrive, méme dans le récit, que la phrase nominale contienne des indices explicites d'énonciation. C'est la cas en M 176 où l'aède se désigne lui-même comme narrateur et, ce faisant, fait référence au public, à l'acte et au temps de l'énonciation. - La véritable instance de l'énonciation est cependant /a Muse à

laquelle l'aède a délégué la parole, et dont la présence n'est repérable qu'en des marques implicites : Ja phrase nominale est précisément l'une de ces

marques. Ces phrases sont le lieu où se concentrent les jugements et les informations donnés par la Muse, ou les instances d'énonciation qu'elle prend en charge : Les informations elles confinent parfois s'inscrire dans l'ordre émettre des jugements

portent essentiellement sur l'identité des personnages, à la description. C'est pourquoi elles peuvent sembler du récit. En fait, elles servent la plupart du temps à de valeur.

Les jugements de valeur et les commentaires proprement dits sont d'ordre explicatif ou affectif. Les phrases par lesquelles s'émettent ces jugements sont souvent exclamatives.

Le récit

369

Mais leur caractéristique essentielle est qu'elles se concentrent dans les comparaisons (qui sont les principales "figures" de la rhétorique homé-

rique), qu'elles soient elles-mêmes comparatives ou qu'elles soient insérées dans un systéme comparatif. 3 - Particules L'utilisation des particules refléte cette répartition.

Deux cas se présentent : Si la phrase est narrative ou descriptive, la particule est presque toujours δέ coordonnant.

Les autres particules employées, μέν, ἄλλά, αὐτάρ,

ἥτοι, obéissent également à des impératifs diégétiques. Si la phrase a une valeur énonciative, elle peut n'étre introduite par aucune particule mais étre simplement incise ou juxtaposée. Elle est parfois introduite par δέ adversatif ou additif, mais le plus souvent par la particule digressive-permanente τε, qui apparaît aussi bien dans les comparaisons que dans les vérités de caractère général. 4 - Personne

Si elle est narrative ou descriptive, elle désigne habituellement les personnages, héros ou dieux par leur nom ou par l'intermédiaire de pronoms de la 3€ personne. Si elle est énonciative, elle laisse constamment

deviner,

par des

marques implicites (et une seule fois par un pronom de la 1€ personne), la présence de l'instance d'énonciation. 5 - Temps La phrase nominale n'ignore pas la catégorie du temps ; elle l'exprime au contraire, soit par elle-même (adverbes de temps), soit par le contexte. Le temps peut étre un temps déterminé (présent, passé de l'épopée ou temps antérieur à l'épopée). Il s'agit parfois également d'un présent indéterminé qui recouvre le présent des instances énonciatives, le passé de l'épopée et le temps antérieur

370

RECIT - DISCOURS

à l'épopée ; c'est le temps de la Muse qui embrasse la totalité de l'expérience humaine et élève les hommes, par la voix de l'aède, au temps des dieux!.

6 - Vérité générale / vérité particulière Au terme de ce travail, nous sommes donc en mesure d'affirmer que la phrase nominale est, dans le récit, susceptible aussi bien d'exprimer des vérités particulières, qu'elles soient temporaires ou permanentes, que des vérités générales permanentes, comme le montreront quelques exemples :

Vérités particulières temporaires E 53

GAR où of τότε yc χραῖσμ’ Ἄρτεμις ἰοχέαιρα, οὔδὲ EknBollor, ἧσιν τὸ πρίν γ' ἐκέκαστο mais Artémis la Sagittaire ne lui servait à rien alors, pas plus que l'art du lancer auquel il excellait naguère

Vérités particulières permanentes

B 707

ὃ δ' ἄρα πρότερος καὶ ἀρείων ἥρως Πρωτεσιλαος ἄρήιος et lui, Protésilas, le héros belliqueux, (était) son aîné et son modèle

Vérités d'expérience permanentes B 604

ἵν' ἀνέρες ἀγχιμαχηταί (l'Arcadie), pays des hommes experts au corps à corps

La particule τε apparait souvent dans cette catégorie de phrases : $ 253

ὅς θ' ἅμα κάρτιστός τε ὥκιστος πετεηνῶν (l'aigle noir) qui (est) le plus fort et le plus rapide des oiseaux

Vérités générales z47

χαλεπός

δὲ Διὸς μεγάλοιο

κεραυνός

la foudre du grand Zeus (est) terrible

Cette catégorie de phrases est souvent signalée par la présence d'une particule τε: $ 264

θεοὶ δέ τε φέρτεροι ἀνδρῶν les dieux (sont) plus forts que les hommes

1 Cf. P. Vidal-Naquet, Le Chasseur Noir, "Temps des dieux et temps des hommes", p. 69.

Le récit

371

Somme toute, la phrase nominale, dans le récit, asserte un fait ou une vérité, mais sans préjuger de son caractére permanent ou temporaire, général ou particulier. L'appartenance à tel ou tel type d'assertion tient à la nature des constituants, à la présence ou à l'absence de τε, et dépend largement du contexte. Le passage entre les différents types de phrases se fait selon les procédés d'addition ou de substitution, ainsi que le montre l'exemple suivant, qui est une vérité particulière,

M 176 ἀργαλέον δέ με ταῦτα θεὸν ὥς παντ’ ἄγορεῦσαι mais que je dise tout cela comme (si j'étais) un dieu (est) difficile

mais dont on peut, au prix de la substitution du pronom personnel par un

indéfini, faire une vérité générale. Il y a donc lieu de souligner que c'est un système de continuité, non d'opposition, qui relie ces différents types de phrases.

372 chapitre 2

Le discours

Dans l'Îliade, le nombre de phrases nominales est infiniment plus élevé dans les discours que dans le récit. Le récit couvre en effet 53,37% de l'ensemble du corpus mais ne contient que 17,10% de phrases nominales tandis que les discours, qui n'en couvrent que 46,6396, contiennent 82,9096 des phrases nominales.

Ce résultat pose probléme. Comment se fait-il en effet que la phrase nominale, définie comme intemporelle et impersonnelle, ait plus d'affinités avec le discours, qui se veut au contraire personnel et subjectif ? Cet aspect du probléme est bien le plus difficile, mais c'est précisément dans sa solution que réside l'explication de la phrase nominale, si tant est

qu'il y en ait une. Comme pour le récit, la méthode la plus süre nous semble étre de commencer par réfléchir à ce qu'on entend par "discours" et donc aux

conditions de son énonciation.

I. Les caractéristiques du discours 1 - Le poéte céde la parole Le propre du discours est, pour reprendre la définition de Platon, que le poète y cède la parole aux personnages! : Τὰ δὲ μετὰ ταῦτα ὥσπερ αὐτὸς ὧν ὃ Χρύσης

λέγει

καὶ

πειρᾶται ἡμᾶς ὅτι μάλιστα ποιῆσαι μὴ “Ὅμηρον δοκεῖν εἶναι τὸν λέγοντα, ἀλλὰ τὸν ἱερέα, πρεσβύτην ὄντα

1 République, 393 b.

Le discours

373

“Pour ce qui suit, au contraire, il le raconte, comme s'il était lui-même Chryses, et il s'efforce de nous donner autant que possible l'illusion que ce n'est pas Homère qui parle, mais bien le vieillard, prêtre d'Apollon."

Ce moment où l'aède s'apprête à céder la parole est indiqué par un

court préambule, qui ne fait jamais défaut, caractéristique déjà relevée par Aristote! : δ δὲ ὀλίγα

φροιμιασάμενος

εὐθὺς

εἰσάγει

ἄνδρα

ἢ yv-

ναῖκα ἢ ἄλλο τι ἦθος. “Homère, après un court préambule, met aussitôt en scène un homme ou une femme ou quelque autre personnage caractérisé...”

Nous donnons ici pour mémoire quelques uns de ces préambules. Les embrayeurs du discours y sont les verbes de déclaration, les noms propres ou les pronoms qui servent à désigner le sujet de l'énonciation à venir :

T 319

ὧδε δέ τις εἴπεσκεν

᾿Αχαιῶν τε Τρώων τε

et chacun de dire, Achéen ou Troyen

E 229

τὸν 5' αὖτε προσέειπε Λυκάονος ἀγλαὸς vió; le glorieux fils de Lycaon répliqua

E 251

τὸν δ' dp' ὕπόδρα ἰδὼν προσέφη κρατέρος Διομήδης Diomede le fort sur lui léva un oeil sombre et dit

V 586

τὸν δ' αὖτ’ "Avr(Aoyoc πεπνυμένος &vr(ov ηὔδα Anüloque sagement le regarda et dit

1196

τὼ καὶ δεικνύμενος προσέφη πόδας ὠκὺς ᾿Αχιλλεύς puis en l'accueillant Achille aux pieds rapides dit

2 - La prise de parole : les exordes homériques Dans l'Iliade, le personnage s'affirme toujours comme l'allocuteur dès l'instant de sa prise de parole et il le fait en posant l'allocutaire. L'analyse de

Benveniste?,

immédiatement

selon lequel

implante

tout discours

est le fait d'un

Je

"qui

l'autre en face de lui", trouve ici sa pleine

justification : tous les discours homériques sont des interpellations ; ils commencent, de façon redondante (nous n'avons rencontré qu'une exception), par un vocatif suivi d'un impératif ou d'un verbe à la deuxième

1 Poétique, XXIV, 1460 a. 2 Pbs II, p. 82, "L'appareil formel de l'énonciation" ; cf. Pbs 1, "La nature des pronoms", et "De la subjectivité dans le langage”.

374

RECIT - DISCOURS

personne. Ce n'est qu'ensuite qu'ils posent la premiére personne, sous la forme d'un pronom personnel ou d'un morphéme verbal : 132

?^Arpt(ón, σοὶ πρῶτα μαχήσομαι ἀφραδέοντι Atride, je m'en prendrai d'abord à toi et à ta folie

H47

Ἕκτορ, dit Πριάμοιο, Διὶ μῆτιν ἀτάλαντε, À ῥά νύ μοι τι πίθοιο ; Hector, fils de Priam, que ta pensée égale à Zeus, voudrais-tu m'en croire?

V 19

χαῖρέ uot, ὦ Πάτροκλε, καὶ εἶν ᾿Αίδαο δόμοισι je te salue, Patrocle, même au fond de l'Hadès

Dans le discours homérique, l'acte d'énonciation s'affirme donc de facon claire, puisque la responsabilité du locuteur est totalement revendiquée et prise en charge dés le moment où l'aéde lui a cédé la parole. Cette prise en charge n'est ensuite, dans le déroulement du discours, jamais occultée,

bien au contraire. 3 - Le discours comme énonciation

3.1. Les indices spécifiques de l'énonciation

:

Le locuteur est, dans le discours, constamment amené à réaffirmer sa

position d'énonciateur. Ainsi que le montre Benveniste! : *La présence du locuteur à son énonciation fait que chaque instance de discours constitue un centre de référence interne. Cette situation va se ma-

nifester par un jeu de formes spécifiques dont la fonction est de mettre le locuteur en relation constante et nécessaire avec son énonciation." Ces formes sont connues ; ce sont :

3.1.1. Les indices de personne : - les pronoms personnels Je / Tv. - les déictiques :

Les indices de l'ostension, pronoms démonstratifs et adverbes de lieu, ont pour point de référence unique un ici (où Je suis). Ils réfèrent à des Objets, des lieux, des individus :

! Pbs II, "L'appareil formel de l'énonciation", p. 82.

Le discours

375

“Enfin, dans l'énonciation, la langue se trouve employée à l'expression d'un certain rapport au monde [...]. La référence est partie intégrante de

l'énonciation."!

Cette propriété des déictiques nous permettra de leur adjoindre la catégorie des noms propres qui par définition, renvoient au référent, ainsi que certains autres noms, à condition qu'ils désignent des individus, des objets ou des lieux appartenant au domaine référentiel. 3.1.2. Les indices temporels dont le point de référence est le présent de l'énonciatiom, exprimé par l'adverbe maintenant. 3.2. Dans l'Iliade L'étude de l'Iliade confirme cette analyse, comme

le prouve

par

exemple le discours que tient Achille à Ulysse au chant I (v. 308 à 429). Dans ce discours de 121 vers, les indices spécifiques de l'énonciation sont trés nombreux : 3.2.1. Indices de personne 1e personne La 1€ personne apparait 58 fois, en moyenne une fois tous les trois Vers : 36 fois sous la forme du pronom (ἐγώ, μοι, ἐμεῦ) 22 fois sous la forme d'un morphème verbal.

ll se peut que la quantité élévée d'indices de la 1€ personne s'explique en partie par le caractére égocentrique d'Achille ; il n'en est pas moins vrai que les autres discours présentent les mémes caractéristiques. 2€ personne Les marques de la 2* personne sont dans ce discours moins nom-

breuses, mais elles sont disposées de facon à confirmer à intervalles réguliers Ulysse et son compagnon dans leur statut d'allocutaires. Le discours s'ouvre, selon la procédure habituelle, par un préambule qui est une interpellation au vocatif. I E. Benveniste, Pbs II, "L'appareil formel de l'énonciation", p. 82.

2 Cf. E. Benveniste, Pbs. I, "La nature des pronoms”, p. 253.

376

RECIT - DISCOURS 1308

Διογενὲς Λαερτιάδη,

πολυμήχαν'

᾿Οδυσσεῦ

Diogène, fils de Laërte, Ulysse aux mille ruses !

suivie au vers 311 d'un verbe à la deuxième personne τρύζητε Au vers 346 apparait à nouveau un vocatif ( "Οδυσεῦ) οἵ, au vers 359,

deux verbes à la deuxiéme personne suivis d'un pronom : 359

ὄψεαι, αἴ x’ ἐθέλῃσθα καὶ αἴ κέν rot τὰ μεμήλῃ tu pourras voir, si tu le veux et si la chose t'intéresse

A la fin du discours, une adresse aux allocuteurs fait apparaitre à nouveau les indices de personne : 418-21

ἐπεὶ οὐκέτι δήετε τέκμωρ Ἰλίου αἰπεινῆς * μάλα γάρ ἔθεν εὐρύοπα Ζεὺς

Χεῖρα ξὴν ὑπερέσχε, τεθαρσήκασι δὲ λαοί. ᾿Αλλ’ ὑμεῖς μὲν ἰόντες ἀριστήεσσιν ᾿Αχαιῶν

ἀγγελίην ἀπόφασθε il est trop tard, vous ne verrez plus la fin de la haute Ilion. La chose est süre : Zeus à la grande voix sur elle a étendu son bras, et ses guerriers ont repris confiance. Pour vous donc allez signifier mon message aux chefs des Achéens.

3.2.2. Indices temporels Le présent, le passé et le futur sont réguliérement notés par les morphémes verbaux. Mais, à intervalles réguliers, le temps de l'énonciation se trouve souligné par un indice spécifique. pour le présent : νῦν ἔτι o05' ἔτι oûkétri

v. 344, 356, 380, 426 v.371 v. 375 — v. 418

pour le passé : ποτε

v. 355

pour un temps qui "échappe au temps" :

&c(

v. 317, 321, 372

3.2.3. Adverbes de lieu L'adverbe du lieu de l'énonciation ici se trouve exprimé à deux re-

prises : ἔνθάδε

ν. 338, 364

Le discours

371

3.2.4. Référent Le discours a également pour objet le monde : pour Achille, le référent est lui/eux/ces choses.

Le référent est tout aussi bien le monde de l'épopée, proche et contemporain, avec ses héros, ses chevaux, ses objets, que des personnages ou des lieux éloignés, dans le temps ou dans l'espace, et que le monde des dieux.

Le monde de l'épopée La guerre de Troie, c'est avant tout: une cité : κατὰ Tpofnv, v. 329 ; τεῖχος ; v. 349 ; πύλας, v. 352

des contrées lointaines : Orchoméne, v. 381 ; Thébes d'Egypte, v. 381 ; Pythó, v. 405 des bateaux : σὺν νηυσί, v. 328 ; νήεσσιν, v. 347, 428 ; νῆας, v. 358 , 361, 424. des hommes, les héros :

noms propres : Agamemnon, v. 315, 332, 339, 368, 386, 388, les Atrides, v. 341, les Achéens, v. 370, 403, Hector, v. 351, 352, 356, Hélène, v. 339, etc...

pronoms démonstratifs : ὅδε, v. 331, 391, ro, v. 369, τοῦ, v. 378 pronoms personnels : of, v. 376 ; μιν, v. 378, 391, 429 Le monde éloigné : dans l'espace Orchoméne, v. 381 dans le passé Pélée, v. 394 Le monde des dieux : Thétis, v. 410 l'Ebranleur de la terre, v. 362

378

RECIT - DISCOURS

Apollon, v. 405 Zeus, v. 419

Réfléchir à la question du référent dans l'Iliade conduit à constater que le monde n'a pas le méme degré de présence selon qu'il s'agit du monde contemporain du moment de l'énonciation, d'un monde éloigné dans le temps ou dans l'espace, ou d'un monde de temporalité plus diffuse : nous dirons que l'énoncé est susceptible d'avoir divers degrés d'actualisation. C'est ce point que nous étudierons maintenant. 4 - L'actualisation

Linguistiquement, actualiser un énoncé consiste à lui conférer une réalité en l'insérant dans un contexte qui en marque le degré d'existence. Nous suivons sur ce point A. Martinet : “Dans beaucoup de langues, le fait qu'un monème s'emploie dans une situation bien définie, de la bouche d'un certain locuteur, dans des circonstances particulières, ne suffit pas à concrétiser suffisamment une des virtualités sémantiques que comporte sa signification pour en faire un énoncé linguistiquement satisfaisant : féte n'est pas, à lui seul, un message linguistique ; pour qu'il le devienne, il faut l'ancrer dans la réalité en marquant l'existence effective (il y a fête), l'existence éventuelle (il y aurait fête), voire

l'inexistence (il n'y a pas de fête). Il convient, comme on dit, d'actualiser le monème. I] faut, pour ce faire, un contexte, c'est-à-dire, au minimum, deux monèmes, dont l'un est spécifiquement porteur du message et dont

l'autre peut être considéré comme l'actualisateur."! Les actualisateurs sont les procédés de langue qui relient le concept au référent. À condition de préciser que le référent est lui aussi de l'ordre de

l'imaginaire, on peut dire que dans le syntagme ce livre, le démonstratif ce assure le lien entre le concept livre et la réalité. Une telle définition de l'actualisation appelle encore quelques remarques. 4.1. Nombre de termes

- un terme unique est rarement actualisé

1 A. Martinet, Eléments de linguistique Générale, p. 124, ὃ 4-25 ; et Syntaxe générale, p. 119, $ 5-17.

2 Cf. Ch. Baylon, P. Fabre, Grammaire systématique de la langue française.

Le discours

379

Certains types de morphémes à l'état isolé peuvent être actualisés par

eux-mêmes à condition toutefois qu'ils se présentent à l'intérieur d'un contexte où d'une situation de communication qui les actualise, dans les réponses par exemple : [οἱ ! Va ! Jean ! demain ! - deux termes sont habituellement nécessaires

En dehors des cas précédents, somme toute particuliers, la plupart des lexémes, pris isolément, comme fête, cheval, route, mort, destin ou brillant, bleu, vaillant, noble

ne désignent que des concepts ; par eux-mémes,

ils ne sont pas actualisés ; ils doivent, pour l'étre, recevoir un actualisateur. 4.2. Les actualisateurs Ce sont :

- les indices spécifiques de l'énonciation, démonstratifs (articles définis s'il y en a) ; adverbes de lieu et de temps ; - certains compléments prépositionnels de lieu et de temps ; - certains adjectifs exprimant également le lieu et le temps, comme "proche, lointain, passé, récent, actuel" ; - le contexte enfin.

Ainsi, dans l'énoncé "la paix est loin", l'adverbe "loin" actualise la phrase si le contexte fait qu'on la comprend par rapport à la situation d'énonciation. Mais dans un autre contexte, l'adverbe peut marquer une dis-

tance relative à l'espace inscrit dans le contexte lui-même. Certains parlent

dans le premier cas de référence déictique, dans le second de référence cotextuelle. La méme remarque s'applique à la localisation temporelle!. Concernant l'étude de la phrase nominale dans le discours, seul le premier cas est vraiment opératoire : nous limitant à une définition étroite de l'actualisation, nous considérerons que l'énoncé est actualisé du seul point de vue de la référence déictique, exception faite pour les pronoms de la 3€ personne, quand ils renvoient à un substantif exprimé dans le co-texte?.

1 Voir sur ce sujet : C. Kerbrat-Orecchioni, L'énonciation, p. 45-49.

2 Nous nous séparons donc sur ce point de la définition donnée par Martinet, Eléments de Linguistique Générale.

380

RECIT - DISCOURS

4.3. Les différents degrés d'actualisation Au terme de cette réflexion, nous sommes donc en mesure de dire que :

Il n'y a pas d'actualisation si la phrase reste abstraite, générale ou indéfinie, qu'il s'agisse d'une vérité générale comme "le destin de l'homme est de mourir" ou d'une vérité

d'expérience comme "la mer est immense". L'actualisation est totale

Si la phrase référe à la situation d'énonciation, au locuteur, à l'allocutaire ou bien à un individu ou un objet qui font partie de la référence déictique, comme dans les énoncés suivants : je suis ici / Agamemnon est ici / dans sa / ma tente Agamemnon est en colere / tout prés

ces chevaux sont tout frais / à moi c'est mon destin

L'actualisation est partielle dans tous les autres cas.

De fait, nous serons amenés à parler d'actualisation partielle à propos des assertions d'identité qui parsèment le corpus des phrases nominales de l'Iliade du type "Ulysse est rusé” ou "Achille est meilleur que toi". En effet les noms propres actualisent l'assertion, mais les adjectifs de "nature", qui

s'appliquent indifféremment au présent de l'énonciation ef à la durée de la vie des personnages n'autorisent à parler que d'actualisation partielle. Inversement, dans un énoncé du type "on tue à cette heure dans la plaine de Troie", nous parlerons d'actualisation partielle puisque, bien que la localisation soit de type déictique, l'assertion s'applique à un actant indéfini.

Si à son tour la localisation n'est plus précisée et que l'assertion est du type "on tue à cette heure quelque part", il va se soi que l'actualisation, tout en

restant partielle, est moindre. On aura compris qu'il est possible de définir une série de degrés d'actualisation. Il reste à montrer que la phrase nominale ne se cantonne pas dans le premier type, mais qu'au contraire elle est susceptible d'exprimer tous les degrés d'actualisation, et cela quelle que soit sa structure formelle.

Le discours

381

Conclusion : discours et phrase nominale

A en croire Benveniste!, la phrase nominale, qui n'apparaîtrait pourtant que dans le discours, est impersonnelle, coupée de tout rapport avec le contexte et, par voie de conséquence, sans doute de toute relation avec les instances d'énonciation et la deixis : “L'assertion aura ce caractère propre d'être intemporelle, impersonnelle, non modale... Cette assertion nominale ne peut pas non plus participer à la propriété essentielle d'une assertion verbale, qui est de mettre le temps de

l'événement en rapport avec le temps du discours sur l'événement. La phrase nominale en indo-européen asserte une certaine "qualité" (au sens le plus général) comme propre au sujet de l'énoncé, mais hors de toute dé-

termination temporelle ou autre et hors de toute relation avec le locuteur."

Le paradoxe est de taille : comment un énoncé aussi complétement tributaire de la deixis et aussi constamment frappé des marques de son énonciation est-il susceptible d'accepter des phrases totalement coupées de celle-

ci? La réponse ne peut passer que par l'étude des modes d'actualisation de la phrase nominale et, en premier lieu, l'analyse de celui de chacun de ses constituants. Il conviendra en particulier de se demander si l'actualisation, ou, au contraire, la valeur généralisante et indéfinie, est donnée par la nature du

constituant ou par le contexte. Déterminer le rôle du contexte dans le processus d'actualisation est en

effet de toute première importance : si la valeur générale ou particulière de telle phrase nominale ne tient qu'au contexte, elle n'est pas à chercher dans une "nature" de la phrase nominale ; il deviendra alors particuliérement difficile de tenter d'opposer, comme le fait Ch. Guiraud, une classe de "vérités générales" qui seraient des phrases nominales "authentiques" à des phrases, nominales pourtant, mais non authentiques. Il restera ensuite à découvrir de quelle façon s'opère le passage d'un degré d'actualisation à l'autre ; il sera ainsi démontré qu'il est impossible

d'opposer l'un d'entre eux aux autres.

! *La phrase nominale", p. 159.

382

RECIT - DISCOURS

II. Nominatif sujet 1 - Actualisation 1.1. Le constituant actualise

1.1.1. Nom propre

Seuls les noms propres, parce qu'ils référent par définition au monde, sont actualisés par eux-mémes, sans le secours du contexte. On les trouve dans des phrases locatives ou attributives : Lieux :

.E 479

τηλοῦ γὰρ Aukfn (elle est) loin la Lycie

Héros : A 335 οὗ τί μοι ὄὕμμες ἐπαίτιοι, ἄλλ’ "Ayoutuvov envers moi, (ce n'est) pas vous (qui êtes) coupables, mais

Agamemnon

ἣ γὰρ ᾿Αχιλλεύς

® 532

ἐγγὺς ὅδε κλονέων Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

P 476

£l μὴ Πάτροκλος si ce n'est Patrocle

X 373

ὦ πόποι, À μάλα δὴ μαλακώτερος ἀμφαφάασθαι Ἕκτωρ ἢ ὅτε νῆας ἐνέπρησεν πυρὶ κηλέῳ oh ! cet Hector-là (est) vraiment plus doux à palper que celui qui naguère livrait nos nefs à la flamme brülante

Groupes d'hommes : πολλοὶ γάρ ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί τ’ ἐπίκουροι, Z 227 κτείνειν j'ai bien d'autres hommes à tuer parmi les Troyens ou leurs illustres alliés litt. car nombreux (sont) pour moi les Troyens et leurs illustres alliés à tuer

Z 229

πολλοὶ 5’ αὖ σοὶ ᾽Αχαιοὶ Evo péuev et nombreux aussi (sont) pour toi les Achéens à abattre

K 434

Θρήικες οἶδ’ ἀπανευθε νεήλυδες, ἔσχατοι ἄλλων tv δέ σφιν “Ῥῆσος Βασιλεύς, πάις ᾿Ηιονῆος les Thraces que voici, à part, (sont) des nouveaux-venus, à l'extrémité des

lignes, et, au milieu d'eux, Rhésos, leur roi, fils d'Eionée

Le discours Κ 428

πρὸς μὲν ἅλὸς Κᾶρες καὶ

383

Παίονες ἀγκυλότοξοι

καὶ Λέλεγες καὶ Καύκωνες δῖοί τε Πελασγοί du cóté de la mer (se trouvent)

les Cariens, les Péoniens

aux

arcs

recourbés, les Lélèges, les Caucónes et les Pélasges divins

1.1.2. Pronom personnel de 1* et 2* personne Toutes les occurrences se trouvent dans des phrases attributives.

le pers. sg T 140

δῶρα 5’ ἐγὼν ὅδε πάντα παρασχέμεν me voici, moi, ici, prêt à te donner tout ce que ... litt. celui-ci (c'est) moi pour offrir tous les présents que...

Y 434

οἶδα δ' ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi

Φ 108

οὔχ δράας οἷος xot ἐγὼ καλός tc μέγας te; ne vois-tu pas combien moi, (je suis) beau et grand

® 482

χαλεπή τοι ἐγὼ μένος ἄντιφέρεσθαι τοξοφόρῳ περ ἔούσῃ pour toi je (serai) pénible, à t'opposer mon ardeur, en dépit de l'arc que tu

portes

Q 396

τοῦ yàp ἐγὼ Ocpdnov car, je (suis) son écuyer

Q 437

σοι μὲν ἐγὼ πομπὸς pour toi, je (serais) un guide

ἐγὼ δ’ ἐλεεινότερός nep

Ω 504

moi, je (suis) encore plus pitoyable tours exclamatifs :

Σ 54

”N μοι ἐγὼ δειλή ah ! (que) je (suis) misérable !

Q 552

Ὦ μοι tyóv pauvre de moi !

Χ 431

τέκνον, ἐγὼ δειλή mon fils, que je (suis) malheureuse !

Χ 477

Ἕκτορ, ἐγὼ δύστηνος Hector, que je (suis) malheureux !

Ω 255



uot ἐγὼ πανάποτμος

RECIT - DISCOURS hélas, je (suis) bien malheureux !

N 493

αὐτὰρ ἐγὼ πανάποτμος quant à moi, je (suis) bien malheureux !

2€ pers. sg

Θ 423

ἀλλὰ σύ y' αϊνοτάτη, κύον &b56c& mais toi (tu es) terrible entre toutes, chienne impudente

O 570

"Avr(Aoy', od τις octo νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν οὔτε ποσὶν θάσσων οὔτ’ ἄλκιμος ὧς σὺ μάχεσθαι Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi, (n'est) plus rapide de ses pieds, et (n'est) comme toi brave au combat

Y 434

οἶδα 5’ ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi

ᾧ 439

σὺ yàp γενεῆφι νεώτερος tu (es) plus jeune par la naissance

X 288

σὺ γάρ σφισι πῆμα μέγιστον car toi, tu (es) pour eux le pire des fléaux

V 588

ἄναξ Μενέλαε, σὺ δέ πρότερος καὶ ἀρείων seigneur Ménélas, tu (es) mon aîné et mon modèle

Q 376

οἷος δὴ σὺ δέμας καὶ εἶδος ἄγητός tel que tu (es), enviable par ta taille et ta beauté

1e personne du pluriel T 410

οὐδέ vot ἥμεῖς αἴτιοι, ἀλλὰ θεός τε μέγας καὶ μοῖρα κραταιή ce n'est pas nous qui (en sommes) la cause, mais un dieu terrible et l'impérieux destin

2€ personne du pluriel et du duel A 335

od τι μοι ὄμμες ἐπαίτιοι, ἀλλ’ "Ayoutuvov envers moi, (ce n'est) pas vous (qui étes) coupables, mais Agamemnon

H 281

ἄμφω δ’ αἴχμητά (vous êtes) tous deux des guerriers

Le discours

385

1.2. Le contexte actualise

1.2.1. Nom Certains substantifs peuvent étre actualisés, qu'ils soit animés ou inanimés, du moment qu'ils réfèrent au monde. Dans l'Iliade, qui use peu de l'article défini, c'est le contexte immédiat, c'est-à-dire les expansions ou le prédicat et, plus généralement l'expression linguistique des instances d'énoncialion, qui renseignent sur le degré d'actualisation du nom sujet de la phrase nominale. Mais ce peut étre aussi le contexte au sens large, à savoir la phrase précédente. Nom animé :

actualisé par un pronom personnel ou un adjectif : T 106 ἀἄξετε δὲ Πριάμοιο βίην, ὄφρ’ ὅρκια τάμνῃ ar, ἐπεὶ of παῖδες ὑπερφίαλοι καὶ ἄπιστοι et amenez ici le puissant Priam : il faut qu'il conclue le pacte en personne, puisque ses fils (sont) arrogants et déloyaux

fj ἔτι πὰρ νήεσσιν ἐμὸς nci; (dis-moi) si mon fils (se trouve) encore près des nefs

ὄφρα ἴδηαι οἷοι Τρώιοι ἵπποι tu verras ce que (sont) les chevaux de Trôs

Θ 106

actualisé par un déictique : K 558

ἵπποι

δ’ οἶδε, γεραιέ, νεήλυδες, oc

Epec(vec

Θρηίκιοι mais ces chevaux-là, vieillard, (sont) des nouveaux-venus, (ils sont) thraces

471

$ f' oùx οὗτος ἀνὴρ Προθοήνορος &vri πεφάσθαι

ἄξιος ; Ul

car cet homme (n'est-il) pas digne d'étre tué autant que Prothénor ?

110

Τοῖσι δὲ καὶ μετέειπε βοὴν ἀγαθὸς Διομήδης :

ἐγγὺς ἀνήρ Diomède au puissant cri de guerre alors prend la parole : "l'homme (= cet homme) (est) prés de nous"

actualisé par une proposition relative : παὶς δ' ἔτι νήπιος αὕτως,

Ω 726

ὅν τέκομεν σύ τ’ ἐγώ (il est) bien petit encore, le fils que toi et moi, nous avons mis au monde

386

RECIT - DISCOURS -

X 484

actualisé par le contexte : I1 745 Τὸν 6' ἐπικερτομέων προσέφης, Πατρόκλεις ἱππεῦ -

fj μαλ’ ἐλαφρὸς ἀνήρ, ὥς ῥεῖα κυβιστᾷ et, railleur, tu lui dis, Patrocle, le bon meneur de chars : "Ah ! (qu'il est) souple, celui-là ! quelle aisance dans ses sauts !" V 487

Toropa δ' ᾿Ατρείδην

᾿Αγαμέμνονα

Oc(oucv ἄμφω,

δππότεραι προσθ’ ἵπποι prenons pour arbitre le fils d'Atrée, Agamemnon,

pour savoir quels

chevaux (sont) en téte

Q 770

Ékupx δὲ πατὴρ ὥς ἥπιος αἷεί mon beau- pere, lui, (était) toujours doux comme un pere

Lieux actualisé par un pronom personnel 143 παρ τοι 666 la route (est) devant toi

actualisé par un adverbe 1153

πᾶσαι

δ’ ἐγγὺς ἅλός

toutes (ces villes) (sont) prés de la mer

N 662

οὖἷσθα yàp ds κατὰ ἄστυ ξέλμεθα, τηλόθι δ’ ὕλη tu sais que nous sommes bloqués dans la ville, et que le bois (est) loin

actualisé par le contexte M 66 ἧ δὲ ucA' ἀργαλέη περάσαν - σκόλοπες yàp Ev αὐτῇ δξέες ἑστᾶσιν, ποτὶ δ' αὐτοὺς τεῖχος ᾿Αχαιῶν ἕνθ' οὔ πως ἔστιν καταβήμεναι οὐδὲ μάχεσθαι ἱππεῦσι - στεῖνος γάρ, ὅθι τρώσεσθαι οἷώ il (Ξ le fossé) est trop malaisé à franchir : des pieux aigus s'y dressent, et, tout contre eux, le mur des Achéens . Pour les meneurs de chars, il n'est aucun moyen d'y descendre ni de s'y battre : (il y a) un défilé où j'imagine qu'ils recevraient des meurtrissures

Epoque actualisé par un pronom personnel Q 413 ἀλλ’ ἔτι κεῖνος κεῖται ᾿Αχιλλῆος παρὰ νηί αὕτως Ev κλισίῃσι - δυωδεκάτη δέ of ἢὼς κειμένῳ il est toujours près de la nef d'Achille, tel quel, dans sa baraque ; (c'est) pour lui la douzième aurore qu'il est là, étendu

Le discours

387

1.2.2. Effacement du pronom sujet de la 1* personne : L'actualisation est le fait du seul contexte. 1225 Xoip', Ay1Ae, δαιτὸς μὲν Elong odx ἐπιδευεῖς fuév ἑνὶ κλισίῃ ᾿Αγαμέμνονος ᾿Ατρείδαο

ἠδὲ καὶ ἐνθάδε νῦν salut, Achille, nous ne manquons pas [/itt. (nous ne sommes) pas manquant] de repas οὗ l'on partage les parts, que ce soit dans la baraque d'A gamemnon, le fils d'Atrée, ou dans la tienne maintenant

(nous = Ajax et

Ulysse)

1.2.3. Pronom de la troisième personne : A la troisiéme personne seul le contexte permet de déterminer la valeur du pronom. Nous entendons ici par contexte aussi bien le co-texte que le référent selon que le pronom a sa pleine valeur déictique ou qu'il s'appuie sur un nom qu'il détermine. 1.2.4. Démonstratif sujet - lieu : T 391

κεῖνος 8 γ' Ev θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι λέχεσσι il (Páris) est dans sa chambre, sur le lit fait au tour

X 299

dAA' ὃ μὲν Ev τεῖχει mais il (Déiphobe) (est) dans nos murs

sujet - attribut : A 404 ὃ yàp αὖτε βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων car lui au contraire, pour la force, il (est) meilleur que son propre père

T 346

6 δ' ἄκμηνος καὶ ἄπαστος il (Achille) (demeure) sans rien manger, sans rien prendre

Y 183

ὃ 5' ἔμπεδος 006’ dea (gpov il (Priam) (est) ferme, (il n'est) pas étourdi

A 786

βίῃ δ’ 8 γε πολλὸν ἀμείνων pourtant, par la force, celui-ci (est) bien meilleur (que toi)

H 114

8 περ σέο πολλὸν ἀμείνων (Achille) qui (est) pourtant bien meilieur que toi

$ 107

κατθανε καὶ Πάτροκλος, ὅ περ σέο πολλὸν ἀμείνων Patrocle est bien mort, qui (valait) bien plus que toi

388

RECIT - DISCOURS

K 402

of δ’ ἀλεγεινοὶ ἄνδραάσι γε θνητοῖσι δαμήμεναι ἦδ' ὄχέεσθαι mais (ils sont) malaisés à dresser aussi bien qu'à conduire, pour de simples mortels

Ξ-

P 76

Y 123

ἵνα εἰδῇ 8 μιν φιλέουσιν ἄριστοι ἀθανάτων,

of 5’ αὖτ' ἀνεμώλιοι

οἵ τὸ ποΐρος περ

Τρωσὶν ἄμύνουσιν πόλεμον καὶ δηιοτῆτα afin qu'il sache que (ce sont) les premiers des Immortels (qui) l'aiment ; les dieux au contraire (sont) sans consistance qui, depuis longtemps, protègent les Troyens contre la guerre et le carnage!

οὗτος

sujet - génitif : V 790

οὗτος δὲ προτέρης γενεῆς προτέρων τ’ ἀνθρώπων mais celui-là (est) de l'áge d'avant, de la génération précédente

sujet-attribut : T 178 οὗτος y' ᾿Ατρείδης εὐρὺ κρείων "Ayogtuvav cet homme (est) le fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon T 200

οὗτος 5' αὖ Λαερτιάδης πολύμητις

᾿Οδυσσεύς

celui-là, (c'est) le fils de Laërte, l'industrieux Ulysse

K 477

τὸν δ' ᾿Οδυσεὺς προπάροιθεν ἰδὼν Διομήδει δεῖξεν Οὗτός τοι, Διόμηδες, ἀνήρ, οὗτοι δέ τοι ἵπποι,

οὗς νῶιν πίψαυσκε Δόλων, ὃν ἐπέφνομεν ἡμεῖς Ulysse ie premier le (Rhésos) voit, et il le montre à Diomede : "Celui-ci, vois-tu Diomede, (c'est) l'homme, ce (sont) les chevaux que nous indiquait

ce Dolon que nous avons tué"

QU tóc sujet - attribut : V 578

αὐτὸς δὲ κρείσσων ἄρετῇ τε βίῃ τε

tandis que lui (Ménélas) il (était) supérieur par le rang et la force

τό

A 116

ἀλλὰ καὶ ὧς ἐθέλω δόμεναι πάλιν, εἴ τό y' ἄμεινον et, malgré tout cela, je consens à le rendre, si c'est le bon parti

Le pronom τό représente ici le référent. ! Nous rangeons toutes les occurrences de 8 parmi les démonstratifs, ce qui peut faire

probléme. Nous suivons en cela l'avis de P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 166: "Dans plus d'un exemple, il est malaisé de déterminer si l'article est proprement l'équivalent du relatif ou s'il est démonstratif. A la vérité, la question ne doit pas être tranchée”.

Le discours

389

1.2.5. relatif ὃς ἄριστος ᾿Αχαιῶν

N 313

τοξοσύνῃ (Teucros), qui (est) le meilleur à l'arc de tous les Achéens

ὃς u£y' ἄριστος

IT 271

᾿Αργείων παρὰ νηυσὶ καὶ ἀγχέμαχοι θεράποντες (le fils de Pélée) qui (est) de loin le plus brave des Argiens campés près de ces nefs, lui, ainsi que ses écuyers experts au corps à corps,

P 164

τοίου γὰρ θεράπων πέφατ’ ἀνέρος, ὃς μέγ' ἄριστος ᾿Αργείων παρὰ νηυσὶ

καὶ ἀγχέμαχοι

θεράποντες

(tant est puissant celui) dont l'écuyer vient d'étre tué et qui (est) de loin le

plus brave à bord des nefs argiennes, avec ses écuyers experts au corps à

corps Y 334

ὃς σεῦ ἅμα κρείσσων καὶ φίλτερος ἀθανάτοισιν (le fils de Pélée) qui (est) à la fois bien plus fort que toi et plus aimé des Immortels

P 587

οἷον δὴ Μενέλαον ὑπέτρεσας, ὅς τὸ πάρος yc

μαλθακὸς αἴχμητής tu as eu une telle peur de Ménélas, qui (était) jadis si piétre combattant

V 480

ἵπποι δ' αὐταὶ

ἔασι

παροίτεραι, ot τὸ πάρος περ,

Εὐμήλου ce sont les mêmes juments qui sont les premières, celles qui précisément (l'étaient) auparavant, celles d'Eumèle

ὅς nep Π 709 ὅς περ σέο πολλὸν ἀμείνων (Achille) qui (est) pourtant bien plus brave que toi

2 - Actualisation partielle Un nombre considérable de phrases ne sont que partiellement actualisées parce que, tout en faisant référence aux personnages de l'épopée, elles

n'en précisent ni le nombre, ni l'identité. 2.1. Le constituant actualise

ὅσοι 155

οὔ τίς τοι τὸν μῦθον ὄνόσσεται, ὅσσοι ᾿Αχαιοί personne parmi tous ceux qui (sont) Achéens ne critiquera ton langage

1 Sur les problèmes afférents aux relatives, cf. supra, p. 274 sq.

390

RECIT - DISCOURS

P 509

Αἴαντ' ᾿Αργείων ἥγήτορε, καὶ Μενέλαε, ἤτοι μὲν τὸν νεκρὸν Enırpained’ ὅσσοι ἄριστοι vous, les deux Ajax, guides des Argiens, et toi, Ménélas, confiez donc le mort à tous ceux qui (sont) les plus braves

6 205

εἴ περ γὰρ x’ ἐθέλοιμεν, ὅσοι Δαναοῖσιν &poyot méme si nous voulions, nous tous qui (sommes) Danaens

$ 371

les protecteurs des

où μέν τοι ἐγὼ τόσον αἴτιός εἶμι,

ὅσσον of ἄλλοι πάντες, ὅσοι Τρώεσσιν ἄρωγοί je suis bien moins coupable envers toi qu'aucun de tous ceux qui (sont) les protecteurs de Troie

$ 428

τοιοῦτοι νῦν πάντες, ὅσοι Τρώεσσιν &poyot, εἶεν tel soit maintenant le sort de tous ceux qui (sont) les protecteurs de Troie

K 418

ὅσσαι μὲν Τρώων πυρὸς ἐσχαραί, οἷσιν ἀνάγκη aussi nombreux que (sont) les foyers des Troyens, pour qui (c'est) néces-

saire

Ξ 371

ἀσπίδες ὅσσαι ἄρισται Evi στρατῷ ἠδὲ μέγισται ἕσσάμενοι tous les boucliers qui (sont) les meilleurs et les plus grands dans toute l'armée

2.2. Le contexte actualise

Le nominatif sujet peut étre : Un pronom démonstratifde 3€ personne : κεῖνος:

La phrase est de type sujet - attribut V 858 ὃς δέ κε unpfvBoro τύχῃ, ὄρνιθος ἁμαρτών, ἥσσων γὰρ δὴ κεῖνος, 5 δ' οἴσεται ἡμιπέλεκκα celui qui touchera la corde, en manquant l'oiseau (sera) moins bon —

— c'est que celui-là

emportera les haches

Un pronom relatif: Ψ 498

τότε δὲ γνώσεσθε ἕκαστος ἵππους ᾿Αργείων, ot δεύτεροι οἵ τε πάροιθεν alors chacun d'entre vous saura quels sont, des chars d'Argos, ceux qui (sont) au second rang et ceux qui (sont) au premier

Le discours V 659

391

"Arpr(ón τε καὶ ἄλλοι ξυκνήμιδες ᾿Αχαιοί, ἄνδρε δύω περὶ τῶνδε κελεύομεν, B περ ἀρίστω Atrides, et vous aussi, Achéens aux bonnes jambieres, j'invite à se disputer ces enjeux deux hommes qui (sont) les meilleurs

V 802

3 - Valeur générale ou indéfinie 3.1. Conférée par le constituant lui-méme Le nominatif sujet peut avoir par lui-méme une valeur généralisante ou indéfinie à condition qu'il s'agisse d'un substantif abstrait que ne précise aucun déterminant ni le contexte. Nom abstrait B 204

οὗ μέν πως πάντες βασιλεύσομεν

ἔνθαδ’ ᾿Αχαιοί

:

οὐκ ἀγαθὸν πολυκοιρανίη chacun d'entre nous autres Achéens ne va pas devenir roi ici ; (ce n'est) pas une bonne chose (que) le commandement de plusieurs

I 256

σὺ δὲ μεγαλήτορα θυμὸν

ἴσχειν tv στήθεσσι ^ φιλοφροσύνη γὰρ ἀμείνων c'est à toi qu'il appartient de maîtriser ton cœur superbe en ta poitrine : la douceur (est) meilleure

Infinitif sujet tQ οὗ νεμεσίζομ' ᾿Αχαιούς

B 297

ἄσχαλάαν παρὰ νηυσὶ κορωνίσιν : KARA καὶ ἔμπης αἶσχρόν τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι je n'en puis donc vouloir aux Achéens s'ils maugréent à côté de leurs nefs recourbées. Et cependant, (il est) honteux, après une si longue attente, de revenir les mains vides

T 79

*0 φίλοι ἥρωες Δαναοί, θεράποντες "Apnoc, ἕἑσταότος μὲν καλὸν ἀκουέμεν héros Danaens, serviteurs d'Arés, mes amis, celui qui peut parler debout, (Il est) décent de l'écouter

3.2. Conférée par le contexte 3.2.1 Nom animé

Le contexte est lui-méme général ou indéfini

392

RECIT - DISCOURS I 319

ἴση μοῖρα μένοντι, καὶ εἶ μάλα τις πολεμίζοι᾽ Ev δὲ ἴῇ τιμῇ ἡμὲν κακὸς δὲ καὶ ἔσθλός la part (est) identique pour qui reste chez lui et pour qui guerroie de toute son áme ; dans la méme estime (se trouvent) le láche et le brave

A 395

AT’ ἄλλως ὅπ’ ἐμεῖο, καὶ εἴ x’ δλίγον περ ἐπαύρῃ,

BEI βέλος πέλεται, καὶ ἀκήριον αἶψα τίθησι: τοῦ δὲ γυναικὸς μέν τ' ἀμφίδρυφοί εἶσι napeıaf,

παῖδες δ’ ὄρφψανικοί - ὃ δέ θ' αἵματι γαῖαν ἔρεύθων πύθεται, olovol δὲ περὶ πλέες ἠὲ γυναῖκες (il en est) autrement du mien. Si peu qu'il touche, mon trait , à moi, est

acéré ; il fait sur l'heure un mort — un mort dont la femme a les joues déchirées, dont les enfants sont orphelins, tandis qu'il rougit lui-même de son sang le sol sur lequel il pourrit, et que les oiseaux autour de lui (sont) beaucoup plus nombreux que les femmes O 497

οὔ οἵ ἀεὲς ἀμυνομένῳ περὶ πάτρης τεθναμεν ᾿ ἄλλ’ ἄλοχός τε σόη καὶ παῖδες ὀπίσσω, καὶ οἶκος καὶ κλῆρος ἀκήρατος, εἴ κεν ... il n'y a pas de honte pour qui meurt en défendant son pays. Sa femme et ses enfants (restent) saufs pour l'avenir ; sa maison, son patrimoine (sont)

intacts, du jour oà ... Le contexte est actualisé

La phrase nominale marque une rupture par rapport à ce contexte C'est, en particulier, le changement de personne qui signale le passage

à une vérité d'ordre général. A 514

πὰρ δὲ Maydov βαινέτω, ἐς νῆας δὲ τάχιστ’ ἔχε μώνυχας ἵππούς -

ἰητρὸς yàp ἄνὴρ πολλῶν ἄνταξιος ἄλλων lose τ' ἐκταάμνειν ἐπί τ’ ἤπια φάρμακα πάσσειν et fais près de toi monter Machaon ; puis, au plus tôt, dirige vers les nefs tes coursiers aux sabots massifs ; un médecin vaut [/it. (est) l'égal de] beaucoup d'autres hommes, s'il s'agit d'extraire des fléches ou de répandre sur les plaies des remèdes apaisants

V 315 GAR’ ἄγε δὴ σύ, φίλος, μῆτιν ἐμβάλλεο θυμῷ παντοίην, ἵνα μή σε παρεκπροφύγῃσιν ἄεθλα’ μήτι τοι δρυτόμος μέγ’ ἀμείνων At βίηφι A toi donc, mon petit, de te mettre en tête autant d'idées que tu pourras, si tu ne veux pas que le prix t'échappe ; par l'intelligence, en vérité, un bücheron (est) meilleur que par la force

Le discours

393

3.2.2. Pronom de la troisième personne Le pronom de la 3€ personne peut avoir une valeur indéfinie ou générale conférée par le contexte et parfois soulignée par le pronom indéfini τις,

la particule éventuelle «c ou par re généralisant!. La phrase est introduite par : Un pronom indéfini O 563

αἰδομένων ἀνδρῶν πλέονες σόοι Nie πέφανται parmi les hommes d'honneur (il est) bien plus de sauvés que de tués

Un pronom relatif Ce pronom a, lui aussi, une valeur indéfinie : à la 3€ personne, le relatif simple ne donne à lui seul aucune précision sur le degré d'actualisation de la phrase. C'est à l'antécédent, et parfois méme au contexte élargi, qu'incombe cette fonction : les relatives de valeur indéfinie ou générale sont souvent insérées dans un contexte qui exprime une éventualité ou un fait à venir. Mais, le plus souvent, la valeur indéfinie du relatif est soulignée par l'adjonction de certains morphémes de valeur généralisante si bien que le relatif se présente sous la forme ὅς τις, ὅς τε, & xc, ὅσοι, plutôt que sous

la forme simple &. B 365

et δέ κεν ὥς ἔρξῃς καί τοι πείθωνται ᾿Αχαιοί γνώσῃ ἔπειθ’ ὅς θ' ἡγεμόνων κακὸς ὅς τέ νυ λαῶν si tu agis ainsi et si les Achéens te suivent, tu sauras qui, des chefs, (est) un brave

H 50

αὐτὸς δὲ προκάλεσσαι ᾿Αχαιῶν ὅς τις ἄριστος ἄντιβίον μαχέσασθαι Ev αἴνῇ δηιοτῆτι aprés quoi, défie qui des Achéens (est) le plus brave, de te tenir téte, en luttant avec toi, dans l'atroce carnage

H 457

ἄλλος κέν τις τοῦτο θεῶν δείσειε νόημα,

ὅς σέο πολλὸν ἀφαυρότερος χεῖρας τε μένος τε un autre dieu redouterait ce projet un dieu qui (serait) cent fois plus faible que toi par les bras et par la fougue

O 137

udpyet δ’ Ée(nc ὅς τ' αἴτιος & τε καὶ οὔὗκί et il saisira indistinctement qui (est) innocent et qui (est) coupable

1 Cf. C. J. Ruijgh. Autour de "τε épique", $3: “On le rencontre dans les vérités générales qui mentionnent un fait permanent servant à expliquer un élément précédent du récit ou du discours".

394

RECIT - DISCOURS

1341

À μοῦνοι φιλέουσ’ ἀλόχους μερόπων ἄνθρώπων

᾿Ατρείδαι ; ἐπεὶ ὅς τις ἄνὴρ ἀγαθὸς καὶ ἐχέφρων τὴν αὐτοῦ φιλέει καὶ κήδεται les Atrides sont-ils les seuls des mortels à aimer leur femme ? Tout homme qui (est) bon et sensé aime sa femme et la protège

E 481

ἔνθ’ ἄλοχόν re φίλην ἔλιπον καὶ νήπιον υἷόν, κὰδ’ δὲ κτήματα πολλά, τά τ’ ἔλδεται ὅς x’ ἐπιδευής j'ai laissé là ma femme et mon fils tout enfants, et mes trésors sans nombre dont réve qui (est) indigent

Une proposition relative Trois phrases nominales ont pour sujet une proposition relative au subjonctif éventuel de valeur généralisante :

E 407

οὐδὲ τὸ οἷδε κατὰ φρένα Τυδέος υἷός, ὅττι μάλ’ οὗ δηναιὸς ὃς ἀθανάτοισι

μαχηται

il ne sait pas en son cœur qu'(il n'est) absolument pas fait pour vivre longtemps celui qui fait la guerre aux Immortels

[312

ἐχθρὸς γάρ μοι κεῖνος δμῶς ᾿Αίδαο πύλῃσιν

ὅς χ' ἕτερον μὲν κεύθῃ ἑνὶ φρεσίν, ἄλλο δὲ εἴπῃ celui-là m'(est) en horreur à l'égal des portes d'Hadès, qui dans son cœur cache une chose et sur les lévres en a une autre

81

βέλτερον & φεύγων προφύγῃ κακὸν Al GAdn (il n'y a) pas de blâme à fuir le malheur, méme de nuit

4 - Quel statut pour les dieux ?

Il est somme toute relativement aisé de déterminer si tel ou tel nom de héros ou de chose est actualisé ou non. En revanche, déterminer si une phrase qui fait intervenir un dieu, est actualisée, pose un probléme autrement délicat. Il est toutefois particuliérement intéressant de le soulever dans

la mesure où ces phrases montrent de façon particulièrement nette le rapport étroit qu'entretiennent de fait phrases actualisées et "vérités générales".

En effet, les dieux prennent part à l'action, ils ont une identité, un "caractère" ; ils sont des personnages qui font, exactement au méme titre que les hommes, partie du monde de l'épopée. De ce point de vue, une assertion qui contient un nom propre de dieu est actualisée. L'actualisation est totale si la phrase référe à un moment précis de la narration.

Le discours

395

L'actualisation est partielle si elle concerne une assertion d'identité et porte sur un caractére permanent du dieu. Mais en méme temps, les dieux sont en dehors du temps des hommes,

ils représentent des notions qu'il serait vain de vouloir leur soustraire : ainsi, Zeus représente la Souveraineté, Hades la mort, etc... ; à travers eux s'exprime une réflexion sur la destinée humaine. Dans les phrases où ces notions apparaissent, deux types d'assertion se superposent donc et sont simultanées, l'une particulière, l'autre permanente et générale. 4.1. Actualisation totale :

Le dieu n'est qu'un actant de l'épopée. A 175

np’ ἔμοιγε καὶ ἄλλοι οἵ κέ με τιμήσουσι, μάλιστα δὲ μητίετα Ζεύς à mes côtés (il y en a) bien d'autres prêts à me rendre hommage, et, avant tous, le prudent Zeus

Σ 394

À ῥά νύ μοι δεινή τε αἴδοίη θεὸς ἔνδον ah ! j'(ai) une terrible, auguste déesse, là, sous mon toit

4.2. Actualisation partielle : Les assertions d'identité, en général des propositions relatives, sont ac-

tualisées dans la mesure οὗ elles désignent des actants de l'épopée, mais n'en ont pas moins un caractere abstrait. Ο 91

Κρόνου πάις, & τοι ἀκοίτης il faut qu'il t' (Héra) ait fait bien peur, le fils de Cronos qui (est) ton époux

Y 358

οὐδέ x’ "Apnc, & περ θεὸς ἄμβροτος

,

pas plus qu'Arés, qui (est) un immortel pourtant

En tant qu'assertions de valeur générale, elles sont susceptibles de recevoir la particule généralisante τε qui souligne ici la permanence d'un carac-

tère ; il ne s'agit pas pour autant de vérités générales. Q 292 olwvöv, ταχὺν ἄγγελον, & τε of αὐτῷ φίλτατος oluvüv (demande-lui en présage) l'oiseau, son rapide messager, qui (est) pour lui

le plus cher des oiseaux

N 310 olevóv, ταχὺν ἄγγελον ὅς τε σοὶ αὐτῷ

RECIT - DISCOURS φίλτατος olovóv (envoie-moi) ton oiseau, rapide messager, l'oiseau qui (est) pour toi le plus

cher des oiseaux

4.3. Valeur généralisante Le dieu est ici devenu symbole de la destinée humaine : Zeus

A 589

ἀργαλέος γὰρ ᾿Ολύμπιος ἀντιφέρεσθαι il est malaisé de lutter avec le dieu de l'Olympe

Y 243

6 γὰρ κάρτιστος ἁπάντων il (Zeus) (est) le tout puissant

® 190

τῶ κρείσσων μὲν Ζεὺς ποταμῶν ἅλιμυρηέντων c'est pourquoi Zeus (est) plus puissant que les fleuves coulant à la mer

Hades I 158

᾿Αίδης tot ἀμείλιχος Nö’ ἀδάμαστος Hades (est) implacable et inflexible en vérité

Ares Σ 309

ξυνὸς ᾿Ενναάλιος, καί τε κτανέοντα κατέκτα Enyale (est) le méme pour tous : souvent, il tue qui vient de tuer

Erreur

1505

ἥ δ' *Arn σθεναρή τε καὶ ἄρτίπος Erreur (est) robuste et alerte

T 91

πρέσβα Διὸς θυγάτηρ "Arn, À πάντας iro, οὐλομένη Erreur (est) fille aînée de Zeus ; elle fait errer tous les êtres , la maudite

au pluriel : I 497

στρεπτοὶ δέ τε καὶ θεοὶ αὐτοί, τῶν περ καὶ μείζων ἀρετὴ τιμή τε βίη τε les dieux eux-mémes se laissent toucher dont pourtant la valeur, la gloire et la force (sont) supérieures (à la tienne)

Y 131

χαλεποὶ δὲ θεοὶ φαίνεσθαι

ἐναργεῖς

on soutient mal la vue des dieux qui se montrent en pleine lumière litt. les dieux qui se montrent en pleine lumière (sont) terribles

Le discours

397

III. Nominatif prédicat Depuis Aristote! et ses recherches sur les "catégories de la prédica-

tion", la question de savoir si le prédicat est à ranger dans la catégorie des "universaux" ou dans celle des termes "particuliers" n'a cessé de retenir l'attention?. Les théories traditionnelles sont reprises en ces termes par J. Lyons? : “A partir de ces distinctions, nous pouvons énoncer l'important principe de logique traditionnelle suivant : alors qu'on trouve des termes universaux

à la fois en position sujet et en position objet dans les

propositions bien formées, les termes particuliers ne peuvent se trouver qu'en position sujet. Les exemples classiques de propositions formées d'un terme particulier et d'un terme universel sont : Socrate est un homme (générique) et Socrate est sage (caractérisant) ; exemple d'une proposition composée de deux termes universaux : les hommes sont sages."

Concernant la phrase nominale attributive, la question a évidemment une grande importance : une assertion nominale actualisée tient-elle cette valeur indifféremment de l'un ou de l'autre de ses constituants ? Autrement

dit, le prédicat des phrases nominales peut-il avoir une valeur particularisante? David Cohen‘, écrit pour sa part, non sans prendre quelques précautions : “En fait, on serait plutôt tenté de [...] poser que les "particuliers" peuvent étre sujet ou prédicat alors que les "universaux" sont normalement prédicatifs."

Et, de fait, dans les phrases nominales de l'Iliade, la quasi-totalité des prédicats attributifs sont des épithétes de nature, des adjectifs de valeur axiomatique ou quantitative, du type ἄμεινον, οἷος, ἀγαθός, πολλοί, ἔσθλός, ἄπιστος, etc..., ou des noms définissant une classe, comme "Ulysse est un

homm»e...".

Mais il faut tenir compte des "éléments de particularisation" qui sont susceptibles d'actualiser le prédicat : l'Iliade présente ainsi quelques exemples

d'attributs actualisés par une expansion. Nous donnerons ici quelques exemples des deux types. 1 2 3 4

Aristote, De Interpretatione. Cf. premiere partie, p. 117 sq., "La prédication". J. Lyons, Linguistique Générale, p. 259. D. Cohen, La phrase nominale en sémitique, p. 33.

398

RECIT - DISCOURS

1 - Valeur générale ou indéfinie nom

H 281

ἄμφω δ' αἴχμητά (vous étes) tous deux des guerriers

A 653

εὖ δὲ σὺ οἶσθα, γεραιὲ διοτρεφὲς,οἷος ἐκεῖνος

δεῖνος ἀνήρ tu sais, vieillard issu de Zeus, quel homme terrible (est) celui-là

ὅς τὸ πάρος yc

P 587

μαλθάκος αἴχμητής Ménélas qui (était) jadis un si piètre combattant

adjectif B 204

οὔκ ἀγαθὸν πολυκοιρανίη avoir trop de chefs ne vaut rien litt. le commandement de plusieurs (n'est) pas une bonne chose

βίῃ δ’ 8 ye πολλὸν ἀμείνων

A 787

pour la force, celui-là (est) bien meilleur

M 63

fj δὲ μάλ’ ἀργαλέη περάαν celui-ci (est) tout à fait difficile à franchir

O 94

οἷος ἐκείνου θυμὸς ὕπερφίαλος καὶ ἀπηνής tu sais combien son cœur (est) arrogant et implacable

2 - Actualisation Il arrive cependant que le nominatif prédicat soit actualisé : 2.1. Par le constituant lui-même

nom propre T 178

οὗτος γ' ᾽Ατρείδης εὐρυκρείων ᾿Αγαμέμνων cet homme (est) le fils d'Atrée, le puissant prince

T 200

Agamemnon

οὗτος 5x8 Λαερτιάδης πολύμητις ᾿Οδυσσεύς cet homme (est) le fils de Laérte, Ulysse aux mille ruses

À 833

intpol μὲν yàp Ποδαλείριος fjót. Μαχάων car Podalire et Machaon (sont) médecins

adjectif de sens temporel K 434 Θρήκες οἶδ' ἀπάνευθε νεήλυδες, ἔσχατοι ἄλλων

Le discours

399

les Thraces que voici, à part, (sont) des nouveaux-venus, à l'extrémité des

lignes K 558

ἵπποι δ’ οἶδε, γεραιέ, νεήλυδες mais ces chevaux-là, vieillard, (sont) des nouveaux venus

2. 2. Par une expansion L'attribut est en particulier fréquemment précisé par un déterminant au génitif! ou par une proposition relative. O 569

"Avr(Aoy', οὔ τις σεῖο νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

K 477

οὗτός τοι, Διόμηδες, ἀνήρ, οὗτοι δέ τοι ἵπποι͵ où νῶιν πίφαυσκε Δόλων celui-ci , Diomede, (c'est) l'homme, ceux-là (ce sont) les chevaux que nous indiquait ce Dolon

Conclusion

:

L'étude des phrases nominales attributives confirme l'analyse traditionnelle selon laquelle l'attribut n'a généralement pas par lui-méme de valeur actualisante ni particularisante. Cela peut cependant se produire : les prédicats sont commutables, ce dont on est amené à conclure qu'il n'y a pas, en ce qui concerne les prédicats, d'opposition

irréductible entre valeur généralisante et valeur actuali-

sante.

Nous poserons donc en principe la définition suivante de la phrase nominale attributive : /'un ou l'autre des constituants peut étre actualisé ou les deux.

IV. Prédicat ou expansion au génitif Quel róle joue le génitif dans le processus d'actualisation ou de non actualisation de la phrase ? On ne peut, là non plus, opposer un type de phrases aux autres ; il y a lieu au contraire de mettre en évidence l'existence d'un passage progressif d'un type de phrase à l'autre.

1 Cf. supra, p. 248 sq.

400

RECIT - DISCOURS

1 - Actualisation 1.1. Par le constituant lui-méme

Nom propre singulier expansion du sujet B 192 οὗ γάρ πω σάφα οἶσθ' οἷος νόος ᾿Ατρείδαο tu ne sais pas encore exactement quelle (est) la pensée de l'Atride

prédicat ^13 ἀἄλλ' fjrot νικὴ μὲν ἀρηιφίλου Μενελάου mais la victoire en tout cas (appartient) à Ménélas chéri d'Arés

expansion de prédicat T 91 πρέσβα Διὸς θυγάτηρ "Arn Erreur (est) fille ainée de Zeus

X 453

ἴγγὺς δή τι κακὸν Πριάμοιο τέκεσσιν un malheur (est) tout proche pour les enfants de Priam

Pronom de la 1° personne : Une seule occurrence :

A 390

κωφὸν yàp βέλος ἀνδρὸς ἀνάλκιδος οὔτιδανοῖο SH τ’ ἄλλως ὅπ' ἐμεῖο car le trait (est) émoussé, qui vient d'un lâche et d'un homme de rien. Il en est autrement des miens

Pronom de la 2€ personne : Le génitif est complément du comparatif : H 114 8 περ σέο πολλὸν ἀμείνων =

qui (est) pourtant bien meilleur que toi ® 107

Π 709

ὅς περ σέο πολλὸν ἀμείνων qui (est) pourtant bien meilleur que toi

H 457

ὅς ato πολλὸν ἄἀφαυρότερος (un dieu) qui (est) bien plus faible que toi

O 569

"Avr(Aoy', οὔ τις acto νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

Y 334

ὃς σεῦ ἅμα κρείσσων καὶ φίλτερος ἀθανάτοισιν qui (est) ἃ la fois plus fort que toi et plus aimé des Immortels

Le discours Y 434

401

οἶδα δ' ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi

V 439

"Avr(Aoy', οὔ τις otto βροτῶν ὀλοώτερος ἄλλος Antiloque, aucun mortel au monde n'(est) plus exécrable que toi

O 509

fjuiv δ'οὔ τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων nul plan (n'est) meilleur que celui-ci

1.2. Par le contexte

Pronom de la 3° personne Le génitif est un pronom de la 3€ personne dont seul le nom qu'il rem-

place, situé dans le contexte précédent, peut indiquer l'actualisation. prédicat :

Le pronom au génitif n'est jamais prédicat. expansion du sujet 1378 ty8pà δέ μοι τοῦ δῶρα ses présents (Ξ d'Agamemnon) me (font) horreur

Σ 262

οἷος ἐκείνου θυμὸς ὑὅπέρβιος telle qu'(est) son âme trop violente

T 264

εἶ δέ τι τῶνδ’ ἐπίορκον et s'(il y a) dans tout cela quelque injure

2 - Actualisation partielle 2.1. Par le constituant lui-même

Nom propre pluriel expansion du sujet B 365 εἶ δέ κεν ὡς ἔρξῃς καί vot πείθωνται ᾿Αχαιοί γνώσῃ ἔπειθ’ ὅς 8’ ἡγεμόνων κακὸς & τέ νυ λαῶν si tu agis ainsi et si les Achéens te suivent, tu sauras qui, des chefs, est un brave

Η 50

αὐτὸς δὲ προκάλεσσαι ᾿Αχαιῶν ὅς τις ἄριστος ἄντιβίον μαχέσασθαι Ev avi δηιοτῆτι après quoi, défie qui des Achéens est le plus brave, de te tenir tête, en luttant avec toi, dans l'atroce carnage

402

RECIT - DISCOURS O 569 P 475

?"Avc(Aoy', οὔ τις σεῖο νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi "Αλκίμεδον,

τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος ὅμοῖος ;

Alcimédon, quel autre Achéen (est) semblable à toi en effet 2

prédicat E 379 οὗ γὰρ ἔτι Τρώων xod ᾿Αχαιῶν φύλοπις αἴνή (ce n'est) plus désormais entre Troyens et Achéens (qu'a lieu) l'atroce mêlée

P 623

γινώσκεις δὲ καὶ αὐτὸς 8 τ' οὐκέτι κάρτος ᾿Αχαιῶν tu comprends toi-méme que la victoire n'(est) plus pour les Achéens

2.2. par le contexte Pronom de la 3* personne Il s'agit là encore d'un pronom de la 3€ personne dont l'actualisation est donnée par le nom qu'il remplace. N 634

τῶν μένος altv ἀτάσθαλον (les Troyens) dont l'ardeur (est) follement présomptueuse

3 - Valeur généralisante 3.1. Conférée par le constituant Nom singulier Le nom au génitif est un nom abstrait, générique ou désigne l'appartenance à une classe. Expansion de sujet :

La structure des phrases est variée : sujet - datif , sujet -attribut, sujet lieu.

1401

od γὰρ ἐμοὶ ψυχῆς ἄνταξιον il n'est rien pour moi qui vaille la vie litt. (il n'existe) pas pour moi d'équivalent à la vie

[143

où x' ἐμὲ σοὶ ἴσκοντες ἀπόσχωνται

πολέμοιο

Τρῶες, ἀναπνεύσωσι δ' ἄρήιοι υἷες ᾿Αχαιῶν τειρόμενοι

- BA(qn δέ τ' ἀνάπνευσις πολέμοιο

Le discours

403

qui sait si les Troyens, me prenant pour toi, ne s'en vont pas renoncer à se battre et laisser ainsi souffler les vaillants fils des Achéens, à cette heure épuisés ; car le temps pour souffler à la guerre (est) court

τί μοι ἔριδος καὶ ἀρωγῆς :

Φ 360

quel (est) pour moi (l'intérêt) de batailler et de leur porter secours? Prédicat : V 790

οὗτος δὲ προτέρης γενεῆς προτέρων

τ’ ἀνθρώπων

mais celui-là (est) de l'áge d'avant, de la génération précédente

expansion de prédicat : fj γὰρ πολέμου δαριστὺς

P 228 car c'(est) la loi de la guerre

Nom pluriel Il s'agit de termes génériques ou indéfinis. Toutes les phrases sont attributives.

Expansion du sujet E 441

ἔπει οὔ ποτε φῦλον δμοῖον ἀθανάτων τε θεῶν χαμαὶ ἐρχομένων rt’ ἀνθρώπων car jamais (elles ne formeront) une race semblable la race des dieux

immortels et celles des humains qui marchent sur la terre Z 146

οἵη περ φύλλων γενεὴ, τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν comme naissent les feuilles, ainsi font les hommes litt. telle (est) la naissance des feuilles, telle (est) celle des hommes

N

115

ἄκεσταί tot φρένες ἐσθλῶν les cœur des braves (sont) susceptibles d'être ranimés

O 203

στρεπταὶ μέν τε φρένες ἐσθλῶν les cceurs des braves (sont) susceptibles d'étre fléchis

O 140

ἄργαλέον δὲ

πάντων ἀνθρώπων ῥύσθαι γενεήν τέ τόκον τε (il est) malaisé de sauver les fils et rejetons de tous les humains

V 439

^ Avt(Aoy', οὔ τις acto βροτῶν ὄλοώτερως ἄλλος Antiloque, aucun mortel au monde n'(est) plus exécrable que toi

M 412

πλεόνων δέ tot ἔργον ἄμεινον un meilleur ouvrage en vérité (est) le fait d'un plus grand nombre

RECIT - DISCOURS

Expansion du prédicat ἰητρὸς yàp vip

A 514

πολλῶν ἄνταάξιον ἄλλων

un médecin (est) l'égal de beaucoup d'autres hommes

3.2. Donnée par le contexte Nom

Le contexte est général ou indéfini : E 178

εἶ μή τις θεός ἔστι κοτεσσάμενος Τρώεσσιν

ἱρῶν μηνίσας: χαλεπὴ δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις à moins que ce ne soit là quelque dieu en courroux contre les Troyens, qui leur en veut d'un sacrifice omis ; terrible (est) la colére d'un dieu en retour I 408

κτητοὶ δὲ τρίποδές τε καὶ ἵππων ξανθὰ κάρηνα: &vôpèc δὲ ψυχὴ πάλιν ἐλθεῖν οὔτε λειστή οὔθ’ ἑλετή, ἐπεὶ ἄρ κεν ἀμείψεται ἕρκος ὀδόντων trépieds et chevaux aux crins blonds (sont) susceptibles d'étre achetés : la

vie d'un homme ne se retrouve pas ; jamais plus, elle ne se laisse enlever ni saisir, du jour qu'elle est sortie de l'enclos de ses dents

L'assertion nominale marque une rupture par rapport au contexte :

νῦν δέ μ' ἐπιγράψας ταρσὸν ποδὸς εὔχεαι αὕτως"

A 390

οὐκ ἀλέγω, ὥς εἴ με γυνὴ βάλοι ἢ πάις ἄφρων -

κωφὸν γὰρ βέλος ἄνδρὸς ἀναάλκιδος οὐτιδανοῖο pour une égratignure à la plante d'un pied, tu te vantes bien haut. Je n'en fais pas plus de cas que si ce füt femme qui m'eüt touché — voire enfant sans raison encore. Le trait (est) émoussé, qui vient d'un láche et d'un

homme de rien

4 - Valeurs actualisante et généralisante se superposent 4.1. Le constituant a les deux valeurs

Cela se produit, comme nous l'avons vu précédemment, avec les noms des dieux.

singulier P 176

ἄλλ' αἰεί τε Διὸς κρείσσων νόος αἰγιόχοιο mais la volonté de Zeus porte-égide (est) toujours la plus forte

pluriel I 159

᾿Αίδης τοι ἀμείλιχος ἦδ' ἀδάμαστος

Le discours

405

τοὔνεκα καί τε βροτοῖσι θεῶν ἔχθιστος ἁπάντων Hadès (est) implacable et inflexible ; c'est aussi pourquoi il est, de tous les dieux celui que les hommes haïssent le plus.

4.2. Elles sont données par le contexte Dieux 1 498

στρεπτοὶ

δέ τε καὶ

θεοὶ αὐτοί,

τῶν περ καὶ μείζων ἀρετὴ τιμή τε βίη τε ce n'est pas à toi d'avoir une âme impitoyable, alors que les dieux euxmêmes se laissent toucher, dont pourtant la valeur, la gloire et la force (sont) supérieures (à la tienne)

Guerre

Le nom de la guerre présente le méme type d'ambiguité puisque, dans le contexte, il désigne à la fois le concept de guerre et la guerre de Troie en train de se dérouler : O 741

ἄλλ’ iv yàp Τρώων πεδίῳ πύκα θωρηκταων πόντῳ κεκλιμένοι ἑκὰς ἥμεθα πατρίδος αἴης τῶ Ev χερσὶ φόως, où μειλιχίῃ πολέμοιο nous sommes dans la plaine des Troyens à la forte cuirasse, acculés à la mer, loin des rives de notre patrie ; c'est pourquoi le salut (est) dans nos mains, non dans la faiblesse au combat

I1 630

ἐν yàp χερσὶ

τέλος πολέμου

la fin de la guerre (est) dans nos bras ( de cette guerre)

Le génitif a donc une valeur tout aussi bien actualisante que généralisante ; cela ne dépend pas de la structure grammaticale de la phrase, qui varie, mais du lexique (noms propres, noms génériques, noms abstraits, singulier, pluriel) et du contexte. Ici encore, les dieux (cela est particuliérement vrai pour Zeus) ont un

statut ambigu, du fait qu'en tant qu'actants ils actualisent l'assertion, mais

qu'en tant qu'immortels maîtres du destin, ils confèrent à la phrase une valeur de vérité générale. Ce phénoméne s'observe également à propos de certains substantifs tels que /a guerre qui désigne une notion abstraite, tout en faisant, de fait, référence à la guerre contemporaine au discours, la guerre de Troie. Comme au nominatif, les constituants au génitif ont donc tout aussi bien une fonction généralisante qu'une fonction d'actualisation. Cela ne dé-

406

RECIT - DISCOURS

pend ni de la fonction grammaticale ni de la structure de la phrase mais uniquement du nombre, de l'appartenance lexicale, et du contexte. Comme au nominatif, l'ambiguité attachée au nom des dieux et à certaines notions abstraites qui recouvrent des faits concrets, contribue à prou-

ver que les deux types d'assertion, actualisée/non actualisée, ne s'excluent ni ne s'opposent puisqu'au contraire elles sont compatibles et superposables.

V. Prédicat ou expansion au datif Le datif, dans les phrases nominales de l'Iliade, est rarement un substantif mais presque toujours un pronom! ; il est prédicat, expansion du suJet (datif sympatheticus), expansion du prédicat, voire expansion de phrase ; mais la structure fondamentale de la phrase reste la méme, quelle que soit la fonction du datif, et bien qu'il ne soit pas toujours aisé de la déterminer. Cela prouve, on le sait, l'indépendance syntaxique dont jouissent les termes à l'intérieur de la phrase épique : c'est la raison pour laquelle nous n'attacherons pas ici une importance particuliére à la distinction entre expansion et prédicat. Quoi qu'il en soit, la présence d'un datif a généralement pour effet d'actualiser la phrase nominale, sauf dans quelques cas où, au contraire, il contri-

bue à lui conférer une valeur générale. 1 - Actualisation 1.1. Par le constituant lui-méme

1.1.1. Nom propre datif prédicat

B 241

ἀλλὰ μάλ’ οὐκ ᾿Αχιλῆι χῶλος φρεσίν Achille n'a vraiment pas de rancune au cœur

T 63

"Exrop: μὲν καὶ Τρωσὶ τὸ κέρδιον ' le profit (a été) pour Hector et les Troyens

expansion X 453

ἐγγὺς δή τι κακὸν Πριάμοιο τέκεσσιν un malheur (est) tout proche pour les enfants de Priam

I Cf. supra, p. 182 sq.

Le discours

Θ 205

407

ὅσοι Δαναοῖσιν ἄρωγοί nous tous qui (sommes) les défenseurs des Danaens

ἀργαλέον δέ

Ψ 791

ποσσὶν ἐριδήσασθαι ᾿Αχαιοῖς, εἴ μὴ ᾿Αχιλλεῖ (il est) difficile pour les Achéens de lutter à la course avec lui, sauf pour Achille

1.1.2. Nom + adjectif possessif X 53

ἄλγος ἐμῷ θυμῷ καὶ μητέρι quelle peine {lit. peine (il y a)] pour mon cœur, et pour leur mère !

1.1.3. Pronom de la I® et2€ personne La fréquence élevée des pronoms de 1€ et surtout de la 25 personne au datif singulier est tout à fait remarquable : uot

25

tot σοι

40

1e / 2€ pers plur total

4 69

μοι

πάρ’ ἔμοιγε καὶ ἄλλοι

A 175

οἵ κέ με τιμήσουσι, μάλιστα δὲ μητίετα Ζεύς à mes côtés (il y en a) bien d'autres prêts à me rendre hommage, et, avant tous, le prudent Zeus

A 335

οὔ τι uot Üuuec ἐπαίτιοι, ἄλλ' ᾽Αγαμέμνων envers moi, (ce n'est) pas vous (qui êtes) coupables, mais

^ 58

Agamemnon

γένος δέ uox ἔνθεν ὅθεν σοι (moi aussi, je suis déesse) et ma naissance (est) celle d'oü tu (tires la tienne)

E 759

ἐμοὶ 5' ἄχος et j'en souffre, moi

I 312

ἐχθρὸς γάρ uot κεῖνος bu

᾿Αίδαο πύλῃσιν

celui-là m'(est) en horreur ἃ l'égal des portes d'Hadès I 378

ἐχθρὰ δέ μοι τοῦ δῶρα ses présents me (font) horreur

I 401

οὗ yàp ἔμδι ψυχῆς ἄνταξιον il n'est rien pour moi qui vaille la vie

RECIT - DISCOURS litt. (il n'existe) pas pour moi d'équivalent à la vie

οὐδέ uot ἦτορ

K 93

ἔμπεδον et mon cœur (n'est) pas tranquille

N 267

Καί τοι ἐμοὶ παρά τε κλισίῃ καὶ vnl μελαίνῃ

πόλλ' ἕναρα Τρώων en vérité, (j'ai,) moi aussi dans ma baraque et ma nef noire, nombre de dé-

pouilles troyennes

II 433

ὦ uoi ἐγών, 8 τέ μοι Σαρπηδόνα, φίλτατον ἀνδρῶν,

μοῖρ’ ὑπὸ Πατρόκλοιο Μενοιτιάδαο δαμῆναι malheur sur moi, puisque le destin (veut) que Sarpédon, pour moi le plus cher des mortels, tombe sous les coups de Patrocle, le fils de Ménoitios

Ο 117

εἴ περ uot καὶ μοῖρα Διὸς πληγέντι κεραυνῷ κεῖσθαι ὅμοῦ νεκύεσσι μεθ’ αἵματι καὶ κονίῃσιν méme si j'(avais) pour destin, frappé par la foudre de Zeus, d'étre couché avec les morts, dans le sang et la poussière

Σ 80

ᾷλλά τί μοι τῶν ἦδος, ἐπεὶ φίλος ὥλεθ’ ἑταῖτος ; mais quel plaisir en (ai) - je puisqu'il est mort, mon cher compagnon?

Σ 394

À ῥά νύ μοι δεινή τε καὶ αἰδοίη θεὸς ἔνδον ah ! j'(ai) une terrible, une auguste déesse, là, sous mon toit

Σ 435

ἄλλα δέ μοι νῦν pour moi, maintenant (se présentent) d'autres douleurs

Τ 421

εὖ νύ τοι οἷδα καὶ αὐτὸς 8 uot μόρος ἔνθαάδ' ὄλέσθαι νόσφι φίλου πατρὸς καὶ μητέρος je sais bien en vérité que mon sort (est) de périr ici, loin de mon père et de ma mere

Y 293

ὦ πόποι, À uot ἄχος μεγαλήτορος Αἰνείαο hélas ! que j'(ai) de peine pourle magnanime Enée

Φ 157

αὐτὰρ

ἐμοὶ γενεὴ ἐξ ᾿Αξιοῦ εὐρὺ ῥέοντος

au contraire mon origine (remonte) à l'Axios au large cours

Φ 275

ἄλλος δ’ οὔ τίς μοι τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων, aucun autre des dieux issus du ciel (n'est) à ce point coupable envers moi

τί μοι ἔριδος καὶ ἀρωγῆς ;

Φ 360

quel (est) pour moi (l'intérét) de batailler et de leur porter secours?

οὗ yàp ἔμοιγε

Φ 439 καλόν

Le discours

409

car de ma part, ce ne (serait) pas bien Χ 300

νῦν δὲ δὴ ἔγγύθι

μοι θάνατος κακός

voici qu'à cette heure, pour moi, elle (est) toute proche, la cruelle mort

Ω 68

ὥς γὰρ fuou' comme pour moi

Ω 224

£l δέ μοι αἷσα τεθνάμεναι

παρὰ νηυσὶν ᾿Αχαιῶν

si mon destin (est) de périr prés des nefs des Achéens

d μοι Ω 255

ὦ uot

ἐγὼ παναάποτμος

hélas, je (suis) bien malheureux !

TI 433

ὦ μοι ἐγών, 8 τέ μοι Σαρπηδόνα, φίλτατον ἀνδρῶν, μοῖρ’ Ünd Πατρόκλοιο Μενοιτιάδαο δαμῆναι malheur sur moi, puisque le destin (veut) que Sarpédon, pour moi le plus cher des mortels, tombe sous les coups de Patrocle, le fils de Ménoitios

τοι / σοι Α

177

«tcl γάρ τοι ἔρις τε φίλη πόλεμοι τε μάχαι τε car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats E 891

σοι δὲ χρὴ τάδε πάντα μέλειν νύκτας vc καὶ ἥμαρ mais, pour toi, obligation (il y a) d'y songer, nuitet jour

Ε 633

Σαρπῆδον, Λυκίων

βουληφόρε,

τίς τοι Kvayen

πτώσσειν ἔνθαΐδ’; Sarpédon, conseiller des Lyciens, quel sort te contraint donc à errer ici 7

πολλοὶ δ’ αὖ σοι "Ayotol ἐναιρέμεν et nombreux aussi (sont) pour toi les Achéens à abattre

οὗ γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot (n'est) point encore de mourir ni d'accomplir ton destin V80 . ᾿

nip τοι 6566 la route (est) devant toi

εἴ περ γάρ τ’ ἄλλοι yc περὶ κτεινώμεθα. πάντες νηυσὶν in’ ᾿Αργείων, σοί δ’ οὗ δέος ἔστ’ ἀπολέσθαι οὗ γάρ τοι κραδίη μενεδήιος οὐδὲ μαχήμων quand nous autres, nous devrions, tous, être tués à côté des nefs argiennes, tu n'as rien à craindre pour ta vie à toi ; ton cœur (n'est) endurant ni au car-

nage ni à la bataille

410

RECIT - DISCOURS Ν

ἄκεσταί tot φρένες ἐσθλῶν

115

en vérité, les cœurs des braves (sont) susceptibles d'être ranimés

Ν 773

νῦν τοι σῶς αἰπὺς ὄλεθρος en vérité, pour toi maintenant la mort vertigineuse (est) certaine

Ν 775

Ἕκτορ, ἔπει Tor θυμὸς ἀναίτιον αἰτιάσασθαι Hector, puiqu'en vérité ta passion (va) à accuser un innocent

O 91

fj μάλα δή σε φόβησε Κρόνου πάις, & τοι ἀκοίτης il faut qu'il m'ait fait grand peur le fils de Cronos qui (est) ton époux

Ο 440

ποῦ νύ τοι tol Gk*óuooot καὶ τόξον, 8 τοι πόρε Φοῖβος ᾿Απόλλων ; oü (sont) donc tes fl&ches si promptes à donner la mort, et l'arc à toi donné par Phébus Apollon ?

οὔ νύ τοι «fox

II 707

σῷ ὑπὸ δουρὶ πόλιν πέρθαι Τρώων ἀγερώχων, 086’ ὅπ’ ᾿Αχιλλῆος ton destin ne (veut) pas qu'elle soit prise par ta lance, la ville des Troyens altiers — pas plus que par celle d'Achille

P 475

᾿Αλκίμεδον, τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος ὅμοῖος : Alcimédon, quel autre Achéen (est) semblable à toi en effet 7

Σ 96

αὐτίκα γάρ τοι ἔπειτα μεθ’ Ἕκτορα πότμος ἕτοιμος car, tout de suite aprés Hector, la mort (est) préparée pour toi

2 180

σοι λώβη quelle opprobre pour toi lin. pour toi (il y a) de la honte

T 409

ἄλλά τοι ἔγγύθεν fjuxp ὀλέθριον mais le jour fatal (est) proche pour toi

Y 83

ποῦ τοι ἀπειλαί ; οὗ (sont) donc tes menaces 7

Y 390

ἔνθαάδε τοι θάνατος ici, pour toi, (il y a) la mort

Φ 184

χαλεπόν

παίσιν ἐριζέμεναι

τοι ἐρισθενέος Κρονίωνος

ποταμοῖο περ ἐκγεγαῶτι

(il est) dangereux pour toi, méme si tu es né d'un fleuve, de lutter avec le fils de Cronos Φ 192

καὶ γάρ cot ποταμὸς γε πάρα μέγας tu (as) près de toi un grand fleuve

Le discours

411

χαλεπή τοι ἐγὼ μένος ἀντιφέρεσθαι

Φ 482

τοξοφόρῳ περ ἔούσῃ pour toi je (serai) pénible, à t'opposer mon ardeur, en dépit de l'arc que tu

portes

A γάρ σοί γε σιδήρεος Ev φρεσὶ θυμός

Χ 357

car en vérité tu (as) dans la poitrine un cœur de fer

Χ 513

οὐδέν σοί y' ὄφελος (il n'y a) aucun profit pour toi

Ψ 80

καὶ δέ σοὶ αὐτῷ μοῖρα θεοῖς ἐπιείκελ' ᾿Αχιλλεῦ

τείχει ὑπὸ Τρώων εὐὔηφενέων ἀπολέσθαι et ἃ toi-même Achille pareil aux dieux, ton destin (est) de périr sous les murs des Troyens opulents

ὅθι τοι τέμενος βωμός τε θυήεις là où (sont) ton sanctuaire et ton autel odorant

σιδήρειόν νύ τοι ἦτορ vraiment, ton cceur (est) de fer

Ω 521

olwvöv, ταχὺν ἄγγελον ὅς τε σοὶ αὐτῷ φίλτατος οωνῶν (envoie-moi) ton oiseau, rapide messager, l'oiseau qui est pour toi le plus Cher des oiseaux

σοὶ μὲν ἐγὼ πομπὸς pour toi je (serais) un guide

Ω 548

αἴεί τοι περὶ ἄστυ μάχαι τ’ ἀνδροκτασίαι τε toujours, autour de ta ville, (il y a) des batailles, des tueries !

uot

et σοι ^ 58

γένος δέ μοι ἔνθεν ὅθεν σοι et ma naissance (est) celle d'où tu (tires la tienne)

I 615

καλόν τοι σὺν ἐμοὶ τὸν κήδειν ὅς κ' ἐμὲ κήδῃ (il est) beau pour toi de nuire avec moi à qui me nuit

® 110

&AA' ἔπι τοι καὶ ἐμοὶ θάνατος καὶ μοῖρα κραταιή mais sur ma tête et sur la tienne (sont) la mort et l'impérieux destin

REMARQUE: la "particule" tot

Dans un certain nombre de phrases, vo: semble utilisé comme particule affirmative plutót que comme pronom de la 2* personne ; c'est pourquoi

412

RECIT - DISCOURS

P. Mazon, pour éviter sans doute d'alourdir la traduction, préfére généralement n'en pas tenir compte : I 70

ἔοικε τοι, oU τοι ἀεικές cela te revient, (cela n'est) pas indigne de toi

K 477

τὸν δ' ᾿Οδυσεὺς προπάροιθεν ἰδὼν Διομήδει δεῖξεν : Οὗτός

τοι, Διόμηδες,

οὗς νῶιν πίφαυσκε

ἀνήρ,

οὗτοι

δέ τοι

-

ἵπποι,

Δόλων, ὃν ἐπέφνομεν ἡμεῖς

Ulysse le premier le voit, et il le montre à Diomède : "Celui-ci, vois-tu Diomede, (c'est) l'homme, ce (sont) les chevaux que nous indiquait ce

Dolon que nous avons tué"

N 267

Καί

tot

ἐμοὶ

παρά

τε κλισίῃ καὶ

νηὶ

μελαίνῃ

πόλλ’ ἕναρα Τρώων en vérité, (j'ai,) moi aussi dans ma baraque et ma nef noire nombre de dépouilles troyennes

La "particule" rot apparaît en particulier dans les vérités générales : B 298

ἄλλὰ

καὶ

ἔμπης

αἰσχρόν τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι et cependant (il est) honteux, voyez-vous, de rester si longtemps et de s'en revenir les mains vides I 158

? A(6nc τοι ἀμείλιχος Nö’ ἀδάμαστος Hades (est), vois-tu, implacable et inflexible

M 412

ἄλλ’ ἐφομαρτεῖτε : πλεόνων δέ τοι ἔργον ἄμεινον agissez avec moi : plus on est, voyez-vous, mieux (est) l'ouvrage

N

115

Αἰδώς, ᾿Αργεῖοι [...] ἄκεσταί τοι φρένες ἐσθλῶν Honte, Argiens [...] ; les cœurs des braves, voyez-vous, (sont) susceptibles d'étre ranimés

Malgré les apparences, il s'agit, là encore, du pronom de la 25 personne, employé comme datif éthique. Si l'on reprend l'une des phrases précédemment citées (par exemple B 298) il est clair que vo: y renvoie en réalité au vers 284 qui marque le début de la prise de parole et qui disait :

?Atpt(ón, νῦν δή oc, ἄναξ, ἐθέλουσιν "᾽Αχαιοὶ πᾶσιν ἔἐλέγχιστον θέμεναι μερόπεσσι

βροτοῖσιν

*Fils d'Atrée, les Achéens en ce moment veulent faire de toi, seigneur, le plus humilié des hommes, au regard de tous les mortels."

Relativement au contexte, il serait en définitive permis de traduire :

Le discours

413

"Et cependant, (il est) honteux, vois-tu, de rester si longtemps et de s'en revenir les mains vides"

voire : et cependant, vois-Iu, (il est) honteux pour nous de rester si longtemps et de nous en retourner les mains vides

Le méme type de remarque pourrait s'appliquer aux autres occurrences de la "particule" τοι : il s'agit toujours du pronom de la 2€ personne. Le pronom ro: est ici utilisé pour lancer un appel à l'allocutaire, requé-

rir son attention, réclamer son assentiment. Cet emploi a été étudié par E. Schwyzer! : "Eine uralte volkstümliche Gebrauchweise ist der (logisch entbehrliche) Datif eines Personalpronomens besonders der 1. und 2. Personen [...] zur Bekundung oder zur Erweckung innerer Teilnahme am

dargestellten Sachverhalt (sogenannte Dativus ethicus).'? “Bei Homer ist entklitisches rot fast überall Dativ ; als dat. ethicus steht es fast durchaus in Reden an Einzelpersonen [...]. Wenn eine Mehrheit angeredet ist, ist vot nicht mehr "denk dir", und "denkt euch" paßt nur dem Sinne nach (z. B. M 412).”3

La présence de τοι dans les "vérités générales" prouve en tout cas que celles-ci sont susceptibles de recevoir les marques de la subjectivité et confirme qu'aucun type de phrase nominale n'est jamais, a priori et par nature, détaché du contexte.

1.1.4. 1* et26 personne du pluriel et du duel Les occurrences en sont plus rares. 1e personne O 509

fiutv δ’ οὔ τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων pour nous nul parti, nul plan ne (sont) meilleurs que de ...

1 Gr. Gr. II, p. 580, 4, n. 1. 2 Ibid., p. 149, & ; trad. : "Un très ancien usage populaire (superflu sur le plan de la logique) est celui du datif d'un pronom personnel, surtout de la l&re et 2ème personne... pour exprimer ou susciter une participation plus personnelle au fait exposé (nommé datif éthique)." 3 Trad. : "Chez Homère, éthique, il figure presque unique... Quand l'allocutaire vous" qui n'est valable qu'en

l'enclitique tot est presque partout un datif. Comme datif exclusivement dans des discours adressés à une personne est un pluriel, τοι ne signifie plus alors "vois-tu", mais "voyezfonction du contexte."

414

RECIT - DISCOURS

P 415

d φίλοι, οὗ μὰν ἥμιν εὐκλεές ἀπονέεσθαι

νῆας ἐπὶ γλαφυράς amis, pour nous (il ne serait) pas glorieux de retourner aux nefs creuses

Y 251 ἀλλά τί ἢ ἔριδας καὶ νείκεα viv ἀνάγκη νεικεῖν ἀλλήλοισιν Évavr(ov; mais sommes nous forcés [litt. en quoi (y a-t-il) pour nous nécessité] de nous disputer, de nous prendre à partie face à face ?

2€ personne : V 736

μηκέτ’ ἐρείδεσθον, μηδὲ τρίβεσθε κακοῖσι"

νίκη δ’ ἀμφοτέροισιν n'insistez pas ; ne vous épuisez pas à peiner ainsi : la victoire (est) à vous deux

1.2. Par le contexte Présupposition du pronom Il arrive que le datif pluriel du pronom soit présupposé : I 227

πάρα γὰρ

μενοεικέα

πολλὰ

δαίνυσθ' tout prés (il y a) force plats délectables pour festoyer

^ 345

ἔνθα φίλ’ ὀπταλέα κρέα ἔδμεναι δὲ κύπελλα οἴνου πινέμεναι

μελιηδέος, ὄφρ’ ἐθέλητον

là (il vous est) agréable de manger des viandes rôties et de vider des coupes

de vin délicieux, tout autant que vous en voulez

Pronom de la 3€ personne τῇ 7 τῷ

Σ 278

τῷ δ’ ἄλγιον, αἴ x' ἐθέλῃσιν ἐλθὼν ἔκ νηῶν περὶ τείχεος ἄμμι μάχεσθαι il en cuira à Achille [lirt. pour lui (il y aura) une grande douleur] s'il

prétend venir des nefs combattre dans nos murs

Τ 92

πρέσβα Διὸς θυγάτηρ "Arn, À πάντας diro, οὐλομένη : τῇ μέν 8’ ἁπαλοὶ πόδες Erreur (est) fille aînée de Zeus ; c'est elle la maudite qui fait errer tous les

étres ; elle (a) des pieds délicats

ot

T 106

ἄξετε δὲ Πριάμοιο βίην, ὄφρ' ὅρκια τάμνῃ αὗτός, ἐπεὶ of παῖδες ὑπερφίαλοι καὶ ἄπιστοι

Le discours

415

et amenez ici le puissant Priam : il faut qu'il conclue le pacte en personne, puisque ses fils (sont) arrogants et déloyaux

οὔδ'

I 376

ἂν ir’ αὖτις

ἐξαπαάφοιτ' ἐπέεσσιν ^ ἅλις δέ οἵ il ( Agamemnon) ne me jouera pas une fois de plus avec des mots. Assez pour lui ! T 124

οὔ οἵ ἀεικὲς ἀνασσέμεν ᾿Αργείοισιν (il n'est) pas indigne de lui qu'il régne sur les Argiens

Q 413

ἄλλ' ἔτι κεῖνος κεῖται ᾿Αχιλλῆος παρὰ νηὶ αὕτως Ev κλισίῃσι ^ δυωδεκάτη δέ of ἢὼς κειμένῳ il (= Patrocle) est toujours près de la nef d'Achille, tel quel, dans sa baraque ; (c'est) pour lui la douzi&me aurore qu'il est là, étendu

Ω 52

οὗ μήν οἵ τό γε κάλλιον οὐδέ τ’ ἄμεινον non, en vérité, cela n'est) pour lui (= Achille) ni plus beau ni meilleur

Ω 292

αἴτει 5' olovóv, ταχὺν ἄγγελον, & τε of αὐτῷ φίλτατος olwvav demande-lui (Ξ au Cronide) en présage l'oiseau, son rapide messager, qui est pour lui le plus cher des oiseaux

pluriel : I 425

ἔπει οὔ σφισιν ἦδε y! ἑτοίμη puisque pour eux (se montre) inefficace le projet qu'ils ( = les Achéens)

ont formé ici

X 288

καί κεν ἐλαφρότερος πόλεμος Τρώεσσι γένοιτο σεῖο καταφθιμένοιο * σὺ γὰρ σφίσι πῆμα μέγιστον la guerre serait moins lourde aux Troyens si tu étais mort : pour eux, tu (es) le pire des fléaux

Ω 423

ὡς tot κήδονται

μάκαρες

θεοὶ

υἷος Éfoc

καὶ νέκυός περ ἐόντος, ἐπεί σφι φίλος πέρι κῆρι c'est ainsi que les dieux bienheureux veillent sur ton fils même mort car il (est) cher à leur cœur

2 - Actualisation partielle 2.1. Par le constituant lui-méme

substantif V 342

μή πως ἵππους τε τρώσῃς κατά 8° ἅρματα dir χάρμα δὲ τοῖς ἀλλοῖσιν

-

416

RECIT - DISCOURS mais évite bien de toucher la pierre, si tu ne veux ni blesser tes chevaux ni fracasser ton char : (ce serait) toute joie pour les autres

2.2. Par le contexte

of O 496

ὃς δέ κεν ὑμέων βλήμενος ἠὲ τυπεὶς θάνατον καὶ

πότμον ἐπίσπῃ,

τεθνάτω “οὔ of ἀεικὲς ἀμυνομένῳ περὶ πατρης τεθνάμεν celui de vous qui, blessé de loin ou frappé de prés, arrivera ἃ la mort et au terme de son destin mourra, soit ! il n'(est) pas indigne de lui de mourir en

défendant son pays

K 418

ὅσσαι μὲν Τρώων πυρὸς ἐσχάραι, οἷσιν ἀνάγκη, οὗ δ' ἐγρηγόρθασι aussi nombreux que (sont) les foyers des Troyens, pour qui (c'est) une nécessité ; ceux-là restent éveillés

3 - Valeur générale ou indéfinie 3.1. Donnée par le constituant Nom pluriel K 402

of 6' ἄλεγεινοὶ

ἄνδράσι γε θνητοῖσι δαμήμεναι ἦδ᾽ ὄχέεσθαι, ἄλλῳ y’ fj ᾿Αχιλῆι, τὸν ἀθανάτη τέκε μήτηρ mais ceux-là (sont) pour les mortels malaisés à dresser, aussi bien qu'à conduire, à l'exception d'Achille, qui est fils d'immortelle

K 547

αἵνῶς ἀκτίνεσσιν ἐοικότες fjcA(oto (ils sont) terriblement semblables aux rayons du soleil

3.2. Donnée par le contexte Partici

Dans ce dernier cas, la phrase est toujours de type Sujet - prédicat datif.

I 318

ἐπεὶ οὐκ ἄρα τις χάρις fev μάρνασθαι δηίοισι per’ ἄνδράσι νωλεμὲς oic : ἴση μοῖρα μένοντι, καὶ εἶ μάλα τις πολεμίζοι

Le discours

417

car on ne gagne pas de reconnaissance à se battre avec l'ennemi obstinément, sans tréve : la part (est) identique pour qui reste chez lui et pour qui guerroie de toute son áme

T 80

ἕσταότος μὲν καλὸν ἀκονέμεν, οὐδὲ ἔοικεν

ὑββαάλλειν : χαλεπὸν γὰρ ἐπισταμένῳ περ ἔόντι qui peut parler debout, (il est) décent de l'écouter et malséant de l'interrompre ; car (c'est) pénible même pour quelqu'un d'expérimenté

X 73

νέῳ δέ τε πάντ’ ἐπέοικεν "Apnt κταμένῳ, δεδαιγμένῳ ὄξέι χαλκῷ

κεῖσθαι : πάντα δὲ καλὰ θανοντί περ, ὅττι φανήῃ à un jeune guerrier tué par l'ennemi, déchiré par le bronze aigu, tout νὰ ; tout (est) beau (chez lui), même mort, de ce qu'il laisse voir

. Pronom de la 3* personne K 216

ὅσσοι yàp νήεσσιν ἐπικρατέουσιν ἄριστοι,

τῶν πάντων ot ἕκαστος ὅιν δώσουξι μέλαιναν

θῆλυν Önsppnvov : τῇ μέν κτέρας οὐδὲν ὅμοῖον tous les héros qui commandent une nef, tous, sans exception, lui donneront chacun une brebis noire — une mère avec un agneau sous elle ; aucun présent (n'est) pareil à celui-là

of Dans les deux phrases suivantes, la valeur générale du contexte est soulignée par le subjonctif éventuel. T 169

ὅς x’ ἀνὴρ οἴνοιο kopeoodyevos καὶ ἐδωδῆς ἄνδράσι

δυσμενέεσσι

πανημέριος πολεμίζῃ,

θαρσαλέον νύ of ἧτορ ἑνὶ φρεσίν l'homme qui, bien rassasié de viande et de vin, guerroie tout un jour contre l'ennemi, eh bien, son cœur (est) intrépide en sa poitrine

K 226

μοῦνος δ’ εἴ πέρ τε νοήσῃ,

ἀλλὰ τέ of βράσσων τε νόος, λέπτη δέ τε μῆτις seul, on peut voir aussi ; mais la vue ne voit pas si loin et l'esprit demeure un peu court litt. et l'homme seul, m&me s'il pense aussi, néanmoins chez lui l'intelligence (est) plus courte et la malice (est) mince

Conclusion - Le datif est parfois un nom propre, qui actualise l'assertion. - Le datif est plus fréquemment un pronom : 70 phrases sont actualisées par un pronom au datifde la 1€ personne et de la 2€ personne (56) ou

418

RECIT - DISCOURS

un pronom de la 3€ personne, contre 3 où le datif of a une valeur indéfinie ou généralisante. - Le degré d'actualisation du pronom de la 3€ personne dépend essentiellement du contexte (méme si la particule τε souligne dans certains cas la valeur généralisante du pronom). - Dans sa structure formelle, rien ne distingue une phrase actualisée par le datif d'une phrase à laquelle le datif confère une valeur générale. - Il y a pour le datif, comme au nominatif ou au génitif, un degré intermédiaire d'actualisation, que nous avons appelé actualisation partielle. - L'examen des divers constituants au datif, et en particulier la présence dans certaines "vérités générales" de τοι "éthique", permet d'affirmer une fois encore qu'il est impossible d'opposer sérieusement deux types de phrases, les "vérités générales" et les "vérités particulieres".

VI. Accusatif L'accusatif est rare dans les phrases nominales de l'Iliade. Quand il apparaît, c'est, dans tous les cas, comme expansion de χρή / xpeó : 23 des 31 occurrences de χρή / xpe comportent une expansion à l'accusatif, qui a immanquablement pour effet d'actualiser la phrase!. 1-

Actualisation totale 1.1. Par le constituant Nom

accusatif et déterminant au génitif 175 βουλὴν βουλεύσῃ : μάλα δὲ χρεὼ πάντας ᾿Αχαιοὺς ἐσθλῆς καὶ πυκινῆς (il y a) grand besoin, concernant tous les Achéens, d'un bon et ferme (avis)

1 Sur les difficultés d'analyse de cet accusatif, cf. J. L. Perpillou, DELG, s. v. χρή. Dans l'Iliade, χρή, χρεώ se rencontrent exclusivement dans les discours. Le phénomène est. imputable au fait que le devoir ou la nécessité dont il s'agit indique une "tentative d'appropriation occasionnelle" pour laquelle "le procès est nécessairement restreint à la sphére de la personne concernée par χρή": on voudra bien consulter sur ce sujet:

P. Redard, Recherches sur χρή, χρῆσθαι, p. 40-54.

Le discours

419

accusatif expansion d'un infinitif ^57

ἀλλὰ χρὴ καὶ ἐμὸν θέμεναι

πόνον οὐκ ἀτέλεστον

mais obligation (il y a) de ne pas rendre mon labeur sans effet.

Pronom de 1* ou de 2* pers du sg Il est employé seul ou comme sujet d'un infinitif. με

sujet d'un infinitif : T 67

οὐδέ τί με χρή

ἄἀσκαλέως alel μενεαινέμεν il ne me sied pas de m'obstiner sans répit dans ma colère litt. obligation (il y a) pour moi de ne pas ... Σ 406

τῶ ut μάλα χρεὼ

navra Θέτι καλλιπλοκάμῳ ζῳφαάγρια τίνειν (il y a) donc absolument besoin que je paye à Thétis aux belles tresses toute la rançon de ma vie !

V 644

ἐμὲ δὲ χρὴ γήραι λυγρῷ πείθεσθαι obligation (il y a) pour moi d'obéir à la triste vieillesse

accusatif seul (déterminant au génitif) :

1607

Φοῖνιξ, ἄττα γεραιέ, διοτρεφές, οὔ τι uc ταύτης

χρεὼ τιμῆς Phénix, mon bon vieux père, rejeton de Zeus, de cet honneur-là, je n'ai pas besoin litt. me concernant, (il n'y a) aucun besoin de cet honneur-là σε

sujet d'un infinitif : H 331 τῶ σε χρὴ πόλεμον μὲν du’ ñot παῦσαι ᾿Αχαιῶν c'est pourquoi obligation (il y a) que, dés l'aube, tu arrétes le combat que mènent les Achéens

1100

τῶ σε χρὴ περὶ μὲν φάσθαι ἔπος ἦδ' ἐπακοῦσαι c'est pourquoi pour toi (il y a) plus que pour d'autres obligation de parler et écouter

N 463

νῦν σε μάλα χρὴ

γαμβρῷ ἀμυνέμεναι obligation absolue (il y a), aujourd'hui, que tu secoures ton beau-frère

II 492

νῦν ct μάλα χρή

αἴχμητήν r' ἔμεναι

420

RECIT - DISCOURS

-

maintenant obligation (il y a) pour toi d'étre un guerrier intrépide Χ 268

] 497

οὐδέ τί ac χρή νηλεὲς ἦτορ ἔχειν ce n'est pas à toi d'avoir une áme impitoyable

litt. obligation (il y a) que tu n'aies pas ...

I 613

οὐδέ τί σε χρή τὸν φιλέειν tu ne dois pas l'aimer litt. obligation (il y a) que tu...

K 479

οὐδέ τί σε χρή ἕσταμέναι μέλεον σὺν τεύχεσιν pour toi (il n'y a) pas méme obligation de rester planté là, tout armé, sans rien faire

Ψ 478

οὐδέ τί ac χρή λαβραγόρην

ἔμεναι

pour toi (il n'y a) pas méme obligation d'être si passionné discoureur

accusatif seul : K 85

φθέγγεο, und’ ἀκέων En’ ἔμ’ ἔρχεο ^ τίπτε δέ oc χρεώ ; parle et n'approche pas de moi bouche close : de quoi as-tu besoin [en quoi (y a-t-il) quelque besoin te concernant] ?

accusatif employé seul (infinitif effacé") : I1 721

Ἕκτορ,

τίπτε μάχης ἀποπαύεαι ; οὐδέ τί σε χρή :

Hector, pourquoi suspendre la lutte ? pour toi cela ne s'impose pas litt. pour toi (il n'y a) méme pas d'obligation T 420

Ξάνθε,

τί uot θάνατον

μαντεύεαι ; οὐδέ τί σε χρή :

Xanthe, pourquoi me viens-tu prédire la mort ? pour toi cela ne s'impose

pas

Y 133

Ἥρη,

μὴ χαλέπαινε παρ’ ἐκ νόον - οὐδέ τί σε xp

:

Héré, ne t'irrite pas plus que de raison : pour toi cela ne s'impose pas accusatif seul (déterminant au génitif) :

H 109

"᾿Αφραίνεις, Μενέλας διοτρεφές, οὐδέ τί ac χρή ταύτης ἀφροσύνης c'est folie, Ménélas issu de Zeus ! et ce n'est pas à toi que sied telle folie

uc et oc

sujet d'un infinitif : V 308 τῶ καί σε διδασκέμεν οὔ τι μάλα χρεώ {il n'y a) donc absolument aucun besoin que je t'apprenne rien à mon tour (ici, la 1* pers. est suggérée par le coniexte)

Le discours

421

accusatif seul (déterminant au génitif) :

K 43

χρεὼ βουλῆς ἐμὲ καὶ σέ, διοτρεφὲς ὦ Μενέλαε, κερδαλέης toi et moi, Ménélas nourrisson de Zeus, (nous avons) besoin d'un conseil

adroit

A 606

Tinte με κικλήσκεις͵,᾽ Αχιλεῦ ; τί δέ σε χρεὼ ἐμεῖο ; pourquoi m'appeler Achille ? quel besoin (as)-tu donc de moi 7

1.2. Par le contexte

Il arrive souvent qu'un pronom de la 1€ personne, non exprimé, soit suggéré par la présence d'un participe à l'accusatif. C'est du morphéme d'accusatif sg. ou plur. que se déduit le pronom, dont la personne est donnée par le contexte.

Dans toutes les phrases de ce type, le pronom "effacé" et le participe sont sujets d'une proposition infinitive, elle-même expansion d'une phrase nominale à "un terme", ou peut-étre plutót sujet d'un nom senti comme prédicat!. αἰδώς P 335

"Extóp τ’ ἠδ' ἄλλοι Τρώων ἄγοὶ Nö’ ἐπικούρων, αἰδὼς μὲν νῦν ἧδε y' ἀρηιφίλων ὅπ’ ᾿Αχαιῶν

Ἴλιον εἰσαναβῆναι ἀναλκείῃσι δαμέντας Hector, et vous tous, chefs troyens et alliés, ce (serait) cette fois une honte

que, domptés par les Achéens chéris d'Arès, nous remontions vers Ilion, en cédant à la lácheté uot pa P 421

ὦ φίλοι, εἶ καὶ μοῖρα παρ ἀνέρι τῷδε δαμῆναι

πάντας ὅμως, amis, méme si notre destin (était) de succomber aux côtés de cet homme,

tous d'un seul coup

χρή

Α 216

χρὴ μὲν σφωίτερόν γε, Oc, ἔπος εἰρύσσασθαι καὶ μάλα περ θυμῷ κεχολωμένον obligation (il y a) pour moi, déesse, d'observer votre ordre à toutes deux quelque courroux que je garde en mon cœur

Μ 315

τῶ νῦν χρὴ Λυκίοισι μετὰ πρώτοισιν ἔόντας ἑστάμεν

1 Sur cette question, voir supra, p. 158 sq.

422

RECIT - DISCOURS aujourd'hui obligation (il y a) pour nous de nous tenir au premier rang des Lyciens T 228

dAAà χρὴ τὸν μὲν καταθάπτειν ὅς κε θάνῃσι, νηλέα θυμὸν ἔχοντας, En’ ἤματι δακρύσαντας celui qui meurt, obligation (il y a) pour nous de l'ensevelir, d'un cœur impitoyable, après l'avoir pleuré un jour

T 149

νῦν δὲ μνησώμεθα χάρμης

αἶψα μάλ" οὗ γὰρ χρὴ κλοτοπεύειν ἐνθαδ’ ἐόντας

οὐδὲ διατρίβειν pour l'instant, rappelons seulement notre ardeur guerrière au plus vite ; car (il n'y a) pas pour nous d'obligation de rester là à discourir ni à perdre du temps

2 - Actualisation partielle Elle est produite par le constituant lui-même. Il n'y a qu'une occurrence de ce type. Il s'agit d'un nom propre à l'accusatif pluriel, employé comme expansion de χρεώ. I 75

μάλα δὲ χρεὼ πάντας

᾿Αχαιούς

ἐσθλῆς καὶ πυκινῆς (il y a) grand besoin, pour tous les Achéens, d'un bon et ferme (avis)

3 - Valeur générale ou indéfinie Inversement, la valeur générale ou indéfinie d'un accusatif dans une phrase nominale est toujours produite par le contexte. 3.1. Nom

Il s'agit de termes génériques. L'accusatif est, dans ce cas, le sujet d'une proposition infinitive, ou en est l'expansion (COD). expansion de χρή B24

εὕδεις, Ατρέος vtt δαίφρονος ἱπποδάμοιο : οὗ χρὴ παννύχιον εὕδειν βουληφόρον ἄνδρα Quoi ! tu dors, fils d'Atrée, le brave dompteur de cavales ! un héros ne doit

pas dormir la nuit entière litt. obligation (il y a) pour un héros de ne pas dormir la nuit entière

Le discours

423

Infinitif sujet T 182

οὗ μὲν γάρ τι νεμεσσητὸν

ἄνδρ' ἀπαρέσσασθαι,

βασιλῆα

ὅτε τις πρότερος χαλεπήνῃ

(pour toi, fils d'Atrée, désormais sache être plus juste, même à l'égard de tout autre qu'Achille ;) car (il n'est) pas répréhensible qu'un roi offre des satisfactions à un homme quand il s'est le premier emporté contre lui

O 140

&pyaAÉov

δὲ

πάντων ἀνθρώπων ῥῦσθαι γενεήν τε τόκον vc (il est) malaisé de sauver les fils et rejetons de tous les humains

3.2. Pronom sujet de la 3° personne

A 409

ὅς δέ x' ἄριστεύῃσι μάχῃ Evi, τὸν δὲ μάλα xpcó ἑσταάμεναι κρατερῶς, À c ἔβλητ’ À c0 ἔβαλ' ἄλλον celui qui est vraiment un héros au combat, celui-là doit tenir [litt. (il y a)

absolument besoin qu'il tienne], et de toutes ses forces, qu'il blesse ou soit blessé

Conclusion - L'accusatif a presque toujours pour effet d'actualiser l'énoncé. - Il arrive cependant qu'il ait une valeur générale normalement conférée par le contexte. - Les divers constituants à l'accusatif sont commutables, comme le met

en évidence la série de phrases suivante : avec χρή:

T67

οὐδέ τί

με

χρή

(actualisé)

N 463

νῦν

σε

μάλα χρὴ

(actualisé)

B24

οὗ χρὴ.

εὕδειν

ἄνδρα

(non actualisé)

με

μάλα

χρέω

(actualisé)

ua

χρεώ

(non actualisé)

᾿Αχαιούς

(actualisation partielle)

avec yptó : £406

τῶ

A 409

τὸν δὲ

175

μάλα δὲ χρεὼ

πάντας

- Le degré d'actualisation du constituant à l'accusatif ne dépend pas fondamentalement de la structure formelle de la phrase. - Cela prouve une fois encore que toute tentative d'opposer les vérités générales aux autres types d'assertions nominales est parfaitement arbitraire.

424

RECIT - DISCOURS

χρή On pourrait étre tenté de croire que χρή et χρεώ conviennent plus particuliérement à l'expression des vérités générales. Les phrases qui les contiennent semblent en effet coupées du contexte et, surtout, indépendantes des instances de l'énonciation je-nous / tu-vous. Il n'en est rien pourtant.

On se souvient! que χρή n'apparait que dans les discours et jamais dans les récits. Cela ne s'explique que parce que χρή a conservé dans la langue épique sa valeur originelle, qui est essentiellement subjective. En A 409 et B 24, phrases qui pourraient étre prises comme des archétypes des "vérités générales", parce qu'elles posent une nécessité absolue, l'assertion s'applique en réalité à l'allocutaire du discours ; il suffit, pour s'en convaincre, d'une lecture attentive du contexte : B24

εὕδεις, "Arpfoz υἱὲ δαίφρονος ἱπποδάμοιο :

οὗ χρὴ παννύχιον εὕδειν βουληφόρον ἄνδρα Quoi ! tu dors, fils d'Atrée, le brave dompteur de cavales ! obligation (il y a) pour un héros de ne pas dormir la nuit entière

A 409

"OQ uot γώ, τί πάθω ; μέγα μὲν κακὸν αἴ xc φέβομαι

πληθὺν ταρβήσας᾽ τὸ δὲ ῥίγιον αἴ κεν ἁἅλώω μοῦνος ᾿ τοὺς δ’ ἀλλοὺς ἐφόβησε Κρονίων. ᾿Αλλὰ τί ἥ μοι ταῦτα φίλος διελέξατο θυμός ;

οἶδα γὰρ ὅττι κακοὶ μὲν ἀποίχονται

πολέμοιο,

& δέ x’ ἀριστεύῃσι μάχῃ Évi, τὸν δὲ μάλα χρεώ ἑστάμεναι κρατερῶς, À τ’ ἔβλητ’ À v ἔβαλ’ ἄλλον Hélas ! que vais-je devenir ? devant cette foule ; mais il est tué. Le Cronide a mis en fuite besoin mon cœur de disputer

Le mal est grand, si, pris de peur, je fuis plus terrible encore si, restant seul, je suis tous les autres Danaens. — Mais qu'as-tu ainsi ? Je sais que ce sont les láches qui

s'éloignent de la bataille. Celui qui est vraiment un héros au combat, celuilà doit tenir [litt. (il y a) absolument besoin qu'il tienne], et de toutes ses

forces, qu'il blesse ou soit blessé

La valeur subjective de xpr a été mise en lumière par P. Redard? qui, mettant en rapport χρή avec χρῆσθαι ("consulter un oracle"), écrit : "C'est toujours une personne qui consulte l'oracle, observe une coutume, est soumise à la fortune ... χρῆσθαι est essentiellement humain et il est impossible d'employer χρή dans une expression comme "il faut que 1 Cf: supra p. 417, n. 1.

? P. Redard, Recherches sur χρή, χρῆσθαι, p. 40-54.

Le discours

425

la pluie tombe". Le procès accompli par le verbe s'accomplit invariablement

à l'intérieur de la sphere du sujet. " et: “χρή indique une tentative d'appropriation, selon des modalités d'emploi qui reflètent celles de χρῆσθαι, mais très tôt, cette appropriation, étant définie par rapport à une norme qui fait loi, χρή assume la notion de devoir, de nécessité qui devient dominante."

A propos des phrases qui peuvent passer pour des vérités générales coupées du contexte, Redard précise : “Dans ces derniers exemples, la nécessité est absolue, tandis que dans les exemples précédents (οὐδέ τί σε χρή, etc ...) le sujet demeurait psychologiquement libre de s'y soustraire, quitte à en subir le prix. Mais qu'il y ait ou non liberté, c'est-à-dire que la tentative d'appropriation soit voulue ou subie, c'est secondaire... Seule importe la tentative d'appropriation Dans tous les cas, cette appropriation est occasionnelle mais recommandée ou imposée par référence aux obligations inhérentes à un rang, une fonction, une qualité ou un emploi. Le procès exprimé concerne invariablement une personne."

Une étude attentive de χρή permet donc de confirmer ce que suggère l'ensemble de l'analyse des constituants, à savoir qu'il n'y a ni rupture ni opposition entre les différents types de phrases, mais un passage progressif de l'un à l'autre puisque, quand bien méme l'assertion paraîtrait générale et absolue, elle est toujours susceptible d'impliquer l'une des instances de l'énonciation.

VII - Lieu L'analyse des constituants! a permis de dégager quelques grands types de phrases nominales, parmi lesquels le type sujet - prédicat locatif. Mais nous avons pu constater que la localisation est aussi trés fréquemment exprimée sous la forme d'une expansion : on constate de ce fait qu'un grand nombre de phrases nominales sont dans le discours utilisées à l'expression du lieu. L'expression du lieu n'y est cependant pas uniforme. Trois cas se pré-

sentent : - la localisation réfère à la 1€ personne, qui est l'instance du discours,

1 Cf. supra, deuxième partie, p. 147.

426

RECIT - DISCOURS

- la localisation réfère à la 2€ personne, qui est l'allocutaire du discours, - la localisation ne réfère pas aux instances du discours mais est relative

à un étre (ou une chose) désigné par un pronom de la 3€ personne ou par un nom. Localisation par rapport à la 1* personne Dans le discours, localiser un objet se fait toujours par rapport à un point de référence qui est nécessairement l'instance qui dit Je et désigne l'objet d'un geste!, en méme temps qu'elle en énonce la présence : *Ce sont les indicateurs de la deixis qui organisent les relations spatiales et temporelles autour du "sujet" pris comme repere : "ceci, ici, main-

tenant", et leurs nombreuses corrélations : "cela, hier, l'an dernier, demain", etc. Ils ont en commun ce trait de se définir seulement par rapport à l'instance de discours où ils sont produits, c'est-à-dire sous la dépendance du je qui s'y énonce.'2

Mais le point de référence, à savoir le pronom Je, et son correspondant spatial ici ou temporel maintenant sont fréquemment omis. C. KerbratOrrechioni? insiste particulièrement sur ce point: “Encore convient-il d'ajouter que [...] les déictiques, et plus généralement les "points de référence" sont trés fréquemment élidés, * soit qu'ils se déduisent aisément du cotexte (référence cotextuelle), * soit qu'ils coincident avec l'instance énonciative (référence déictique).

Même chose avec la référence spatiale : en dehors de toute contre-indication cotextuelle, une phrase telle que 1| pleut sera interprétée par catalyse comme il pleut là où je me trouve, le président de la république comme le président d'ici maintenant."

Cela n'empéche pas que les déictiques de 1€ personne se laissent déduire d'adverbes comme loin ou près qui ne peuvent justement se comprendre qu'en référence à ceux-ci. Localisation par rapport à la 2€ personne La localisation est parfois à mettre en relation avec l'allocutaire du discours, représenté par le pronom de la 2* personne, lui-méme toujours situé

1 Cf. E. Benveniste, Pbs. II, "L'appareil formel de l'énonciation", p. 82. 2 Cf. E. Benveniste, Pbs. I, "De la subjectivité dans le langage", p. 262 ; et Pbs. II, *L'appareil formel de l'énonciation", p. 82-83.

3 C. Kerbrat-Orrechioni, L'énonciation, p. 56.

Le discours

427

par rapport à l'instance du discours qui dit Je, posée au préalable en face de lui ; l'assertion est donc ici encore actualisée, totalement ou partiellement. Localisation relative

Il est également toujours localisé par rapport à Je. Il est susceptible, à son tour, de servir de point de référence à une nouvelle localisation. Quand elle est relative à une 3€ personne, la localisation désigne tou-

jours un objet éloigné, quelle que soit la distance : dans certains cas, l'objet, localisé par rapport à l'instance de 3€ personne, fait partie du champ de vision de l'observateur-locuteur qui peut l'indiquer d'un geste. Mais il est le plus souvent situé hors de ce champ, selon une échelle des distances qui va d'une relative proximité (la ville de Troie par rapport au guerrier qui est

dans la plaine) à l'éloignement maximum, celui de la distance géographique ou d'une distance imaginaire, celle qui, par exemple, sépare l'homme des dieux. Du point de vue morphologique, les indices spécifiques de la localisation sont les déictiques en tant qu'indices de l'ostension, pronoms démons-

tratifs, adverbes de lieu et de temps.

Les indices spécifiques de la localisation 1 - Pronoms démonstratifs

Dans ce cas la distance est relative au choix du pronom personnel, proximité dans le cas de ὅδε, distance rapprochée dans le cas de οὗτος, éloignement dans celui de κεῖνος. M 63

#58 μάλ’ ἄργαλέη περάαν ce (fossé) (est) trop malaisé à franchir

Η 89

ἀνδρὸς μὲν τόδε σῆμα πάλαι

κατατεθνηῶτος

cette tombe (est celle) d'un homme mort jadis

$ 532

ñ γὰρ ᾿Αχιλλεύς ἐγγὺς ὅδε κλονέων Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

T 178

τοῦτο δέ τοι ἐρέω, ὃ u’ ἀνείρεαι ἠδὲ μεταλλᾷς ᾿ οὗτος y’ ᾽Ατρείδης εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων mais je te répondrai, puisque tu questionnes et enquétes : cet homme (est) le fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon

428

RECIT - DISCOURS

N 235

ἄλλ’ ἄγε τεύχεα δεῦρο λαβὼν ἴθι: ταῦτα 6' ἅμα χρή σπεύδειν allons, va chercher tes armes et reviens ici : obligation (il y a) qu'ensemble nous fassions cet effort

T 391

κεῖνος 8 y' ἦν θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι λέχεσσι celui-ci (est) dans la chambre, sur le lit fait au tour

2 - Adverbes de lieu

2.1. Référence : 1° personne Le pronom est exprimé πὰρ' ἔμοιγε καὶ ἄλλοι

A 174

οἵ κέ με τιμήσουσι prés de moi, il y en a bien d'autres préts à me rendre hommage

Σ 394

A Bd νύ uot δεινή τε καὶ αἰδοίη θεὸς ἔνδον ah ! j'ai une terrible et auguste déesse là, sous mon toit !

T 421

εὖ νύ Tor οἷδα καὶ αὐτὸς 8 uot μόρος ἐνθάδ’ δλέσθαι je le sais bien en vérité que mon sort (est) de périr ici

X 300

νῦν δὲ δὴ γγύθι μοι θάνατος κακός, οὐδ’ ἔτ’ ἄνευθεν maintenant, elle (est) tout prés de moi, la mort cruelle, elle (n'est) plus loin

Φ

110

&AA' ἔπι τοι καὶ

ἐμοὶ

θάνατος καὶ μοῖρα κραταιή

mais sur toi et moi (se tiennent) la mort et l'impérieux destin

Le pronom est implicite Ener À πολλὰ μάλα μεταξύ

A 156

οὔρεα τε σκιόεντα θάλασσά τε ἤχήεσσα car il est entre nous trop de monts ombreux, et la mer sonore

τηλοῦ γὰρ Aukfn car (elle est) loin la Lycie

τῶν yàp νῆες ἔασιν ἑκαστάτω, οὐδὲ μαλ’ ἐγγύς leurs nefs à eux sont loin ; et méme (elles ne sont) pas tout prés

110

τοῖσι δὲ καὶ μετέειπε βοὴν ἀγαθὸς Διομήδης : ἰγγὺς ἀνήρ,

πείθεσθαι

où δηθὰ ματεύσομεν,

αἴ x’ ἐθέλετε

Le discours

429

Dioméde au puissant cri de guerre alors prend la parole : l'homme (est) tout près ! nous n'aurons pas à le chercher longtemps, pourvu que vous daigniez seulement m'écouter

Ι 227

πάρα

γὰρ

μενοεικέα

πολλὰ

δαίνυσθ’ tout près (il y a) force plats délectables pour festover

fj γὰρ ᾿Αχιλλεύς

Φ 532

ἐγγὺς ὅδε κλονέων Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

οὐδέ τί σε χρὴ ^ πάρα yàp καὶ ἀμείνονες ἄλλοι

Ψ 479

λαβραγόρην ἔμεναι

obligation (il y a) pour toi de ne pas être un passionné discoureur, car tout prés, bien d'autres (sont) meilleurs

Ω 662

οἶσθα yàp ὧς κατὰ ἄστυ ἀξέμεν ἐξ ὄρεος

ξέλμεθα,

τηλόθι

δ’ ὕλη

tu sais que nous sommes bloqués dans la ville, et que le bois (est) loin, à

amener de la montagne

μείζων δὴ παρὰ νηυσὶ βοὴ θαλερῶν αἰζηῶν voici que, prés des nefs, grandit {{{Π|. (est) plus grand] l'appel de guerre de nos robustes gars

Ο 741

ἄλλ' ἐν yàp Τρώων πεδίῳ πύκα θωρηκταων πόντῳ κεκλιμένοι

ἑκὰς ἥμεθα πατρίδος αἴης

:

τῷ Ev χερσὶ φόως, οὗ μειλιχίῃ πολέμοιο nous sommes dans la plaine des Troyens à la forte cuirasse, acculés à la mer, loins des rives de notre patrie ; c'est pourquoi le salut (est) dans nos mains, non dans la faiblesse au combat Χ 299

Δηίφοβον yàp ἔγωγ’ ἐφάμην ἤρωα παρεῖναι: dAA' 6 μὲν Ev τείχει je croyais avoir prés de moi le héros Déiphobe ; mais il (est) dans nos

murs Ω 407

fj ἔτι πὰρ νήεσσιν Pul πάις ; (dis-moi) si mon fils (se trouve) encore près des nefs

2.2. Référence : 2* personne Le pronom est toujours exprimé I 43

πάρ τοι

ὅδὸς

la route (est) devant toi

430

RECIT - DISCOURS

Φ 192

καὶ yàp col ποταμός γε πάρα μέγας car tu (as) prés de toi un grand fleuve

Q 548

αἷεί τοι περὶ ἄστυ μάχαι t' ἄνδροκτασίαι

τε

toujours, autour de ta ville, (il y a) des batailles, des tueries !

E 171

Παάνδαρε, ποῦ tot τόξον ἰδὲ πτερόεντες διστοὶ καὶ κλέος ; Pandare, où sont donc tes flèches ailées et ton renom 2

cf.

K 407, N 769

O 440 ὠκύμοροι

ποῦ νύ τοι to( καὶ τόξον, ὅ τοι πόρε Φοῖβος "AnóAAnv ;

où (sont) donc tes flèches si promptes à porter la mort et l'arc à toi donné

par Phébus Apollon ?

Y83

Αἰνεία, Τρώων

βουληφόρε, noU τοι ἀπειλαί ;

Enée, bon conseiller des Troyens, où (sont) donc tes menaces 7

2.3. Référence : 3€ personne 2.3.1. Actualisé a - Pronom ou substantif animé

Exprimé actualisation totale : Γ 391 δεῦρ’ ἴθ'.᾿Αλέξανδρός σε καλεῖ οἶκον δὲ νέεσθαι κεῖνος 8 y’ ἐν θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι

:

λέχεσσι

καλλεί τε στίλβων καὶ εἵμασιν viens avec moi : Alexandre t'invite à rentrer chez toi. Celui-ci (est) dans la

chambre, sur le lit fait au tour, tout brillant de sa beauté et de sa parure

K 435

tv δέ σφιν Ῥῆσος βασιλεύς, πάις ᾿Ηιονῆος et, au milieu d'eux (Ξ les Thraces) (se trouve) Rhésos, leur roi, fils d'Eionée

Σ 133

ἐπεὶ φόνος ἐγγύθεν αὐτῷ car la mort (est) tout près de lui (= Hector)

X 453

ἐγγὺς δὴ τι κακὸν Πριάμοιο τέκεσσιν un malheur (est) tout proche pour les fils de Priam

actualisation partielle : K 244

οὗ πέρι

μὲν πρόφρων κραδίη καὶ

tv πάντεσσι πόνοισι

θυμὸς ἄγήνωρ

Le discours

431

en lui (= Ulysse) l'âme ardente et le cœur fier (sont) prêts à toutes les peines

E 141

ἐπεὶ où of ἕνι φρένες, od5' ἠβαιαί car en lui (il n'y a) pas de sens, pas le moindre

Implicite

Y 98

«tct yàp πάρα εἷς γε θεῶν, ὃς λοιγὸν ἄμύνει à ses côtés toujours (se trouve) un dieu, qui écarte de lui le malheur

b - Objet dans l'espace

vérité géographique L'assertion se situe dans un présent de vérité permanente. "1153

πᾶσαι 5' ἐγγὺς ἅλός, νέαται Πύλου ἤμαθόεντος toutes (sont) prés de la mer, au bout de la Pylos des sables

V 327 ἕστηκε ξύλον αὖον ὅσον τ’ ὄργυι' ὑπὲρ αἴης 330

[..],

λεῖος δ' ἱππόδρομος ἄμφίς

c'est un tronc desséché qui se dresse environ à une brasse du sol [...] ; la piste autour (est) toute unie

espace des dieux 815 ἥμιν ἑλὼν ῥίψω ἐς Τάρταρον ἤερόεντα,

τῆλε uc", ἧχι βάθιστον Ind χθονός ἔστι βέρεθρον, ἔνθα σιδήρειαι τε πύλαι καὶ χάλκεος οὖὐδός à moins que je ne le saisisse et ne le jette au Tartare brumeux, tout au fond de l'abime qui plonge au plus bas sous terre, où (sont) les portes de fer et le seuil de bronze

2.3.2. Lieu et temps indéterminés : répétition Δ 345

πρώτω yàp καὶ δαιτὸς ἀκουασζεσθον ἔμεῖο͵

δππότε δαῖτα γέρουσιν ἐφοπλίζοιμεν ᾿Αχαιοί : ἔνθα φίλ’ ὀπταλέα κρέα ἔδμεναι ἠδὲ κύπελλα οἴνου πινέμεναι μελιηδέος, ὄφρ’ ἐθέλητον n'étes vous donc pas les premiers à écouter mon appel au festin, quand nous, Achéens, nous préparons un festin pour les Anciens ? là (= dans les festins de cette sorte), (il vous est) agréable de manger des viandes rôties et

de vider des coupes de vin délicieux, tout autant que vous en voulez

Comparaison La localisation est ici à la fois abstraite et répétée. N 104

Τρῶας

ἔφ’ ἡμετέρας ἱέναι

νέας, ot τὸ npo,

nep

φυζακινῇς ἐλάφοισιν ξοίκεσαν, af τε καθ’ ὕλην

432

RECIT - DISCOURS

80v πορδαλίων tc λύκων τ’ ἤια πέλονται αὕτως ἤἠλάσκουσαι

ἀναάλκιδες, o05' ἔπι yctpun

ces Troyens qu'on eût pris naguère pour des biches effarées, qui, dans la forét, proie vouée aux chacals, aux pantheres, aux loups, ne savent que se dérober ; (il n'y a) en (elles) aucun goût pour la lutte

vérité générale I1630

ὦ πέπον, οὔ tot Τρῶες Óvcióc(ow, ἐπέεσσι

νεκροῦ χωτήσουσι:

ποαΐρος τινὰ γαῖα καθέξει:

ἐν γὰρ χερσὶ τέλος πολέμου, ἐπέων δ' Evi βουλῇ doux ami, ce n'est pas en usant de mots injurieux que tu éloigneras les Troyens du cadavre : la terre auparavant doit garder une proie ; l'issue de la guerre (est) dans les bras, celie des paroles dans le conseil (litt. et les

paroles, c'est au conseil qu'elles décident )

Y 248

στρεπτὴ δὲ γλῶσσ’ ἐστὶ βροτῶν, πολέες δ' ἕνι μῦθοι le langage des hommes est souple ; à l'intérieur (se trouve) un riche fonds

de mots

Conclusion

Dans le discours, les phrases nominales locatives sont nombreuses. La localisation s'y fait par rapport à un point de repere constant, l'instance énonciative qui dit Je et réfère à la "réalité" (référence déictique). Ce point de repère est souvent omis, mais présupposé par la situation énonciative ou le contexte. Le degré d'actualisation des phrases nominales locatives est variable : - actualisation totale , notée par les adverbes ici et maintenant, - actualisation partielle, par exemple dans les assertions d'identité, - indétermination temporelle : comparaisons, répétitions, - vérités d'expérience, - espace et temps des dieux, - vérités générales, abstraites et situées dans un présent indéterminé plutót qu'intemporelles. En outre, l'étude des phrases nominales locatives fait apparaitre l'existence d'un certain nombre de vérités générales locatives. Cela permet de constater que les vérités générales ne sont pas exclusivement attributives. On ne peut, là encore, établir aucune opposition entre les divers degrés d'actualisation, puisque le passage de l'un à l'autre se fait de maniére pro-

Le discours

433

gressive et que deux phrases identiques, tant du point de vue lexical que du point de vue grammatical, peuvent aussi bien, pour l'une, être totalement actualisée, pour l'autre, exprimer une vérité générale. Les deux exemples

suivants mettront cela en évidence : O 741

ἄλλ’ iv γὰρ Τρώων πεδίῳ πύκα θωρηκτάων πόντῳ κεκλιμένοι ἑκὰς ἥμεθα πατρίδος atu

᾿

τῶ ἕν χερσὶ φόως, οὗ μειλιχίῃ πολέμοιο nous sommes dans la plaine des Troyens à la forte cuirasse, acculés à la

mer, loin des rives de notre patrie ; c'est pourquoi le salut (est) dans nos mains, non dans la faiblesse au combat

(assertion actualisée)

Μηριόνη, τί σὺ ταῦτα καὶ ἐσθλὸς ξὼν ἀγορεύεις :

II 630

ὦ πέπον, οὔ τοι Τρῶες ὄνειδείοις ἐπέεσσι νεκροῦ χωρήσουσι * πάρος τινὰ γαῖα καθέξει ?v γὰρ χερσὶ τέλος πολέμου, ἐπέων δ' ἑνὶ βουλῇ : τῶ οὔ τι χρὴ μῦθον ὀφέλλειν, ἀλλὰ μάχεσθαι Mérion, tu as beau être brave : pourquoi parler ainsi 7 Doux ami, ce n'est pas en usant de mots injurieux que tu éloigneras les ou Troyens du ca-

davre : la terre auparavant doit garder une proie : l'issue de la guerre (est) dans les bras, celle des paroles au conseil. Ce qu'il faut, ce n'est pas entasser les mots, c'est se battre

(la phrase nominale a toutes les apparences d'une vérité générale) Cela prouve en dernier ressort l'extrême dépendance de la phrase nominale par rapport au contexte.

VIII. Temps De ce qui précède, il résulte que la phrase nominale est tout à fait apte à exprimer la personne ; ce faisant, elle se trouve dans un rapport d'étroite dépendance avec le contexte. Sous quelles conditions est-elle également apte à exprimer le temps ? C'est ce que nous nous proposons d'étudier maintenant. Il est au préalable important de se convaincre que, par sa structure méme, la phrase nominale n'est pas liée à l'expression de la temporalité : un sujet et un prédicat qui, en grec, ne sont ni l'un ni l'autre susceptibles de contenir de morphéme temporel, se trouvent par l'intermédiaire d'une pause, pris dans une relation logique mais non temporelle. Hors de tout contexte, et si aucun constituant n'en vient préciser le temps, la phrase nominale se trouve donc dans un temps indéterminé, qui

434

RECIT - DISCOURS

est une sorte d'état zéro du temps plutót qu'un véritable présent, quoi que le développement ultérieur de la copule ἔστί puisse laisser croire. Il suffit cependant d'une indication spécifique du temps, comme un adverbe de temps, pour que la phrase nominale se situe dans une tempora-

lité véritable, que ce soit le présent, le passé ou le futur. En outre l'expression du temps peut étre le fait de l'un quelconque des constituants de la phrase, pour peu qu'il contienne un séme temporel, et surtout du contexte.

1 - Présent temporel et présent indéterminé Du fait que la phrase nominale se trouve structurellement dans une sorte d'état zéro du temps qui est plus proche du présent que de tout autre

temps, le probléme est à chaque fois de savoir ce qu'on entend par "présent". Quelques remarques permettront d'y voir plus clair : - le présent est toujours celui de l'énonciation : tout acte d'énonciation étant produit par un ego!, l'expression du temps, qu'elle soit accompagnée des indices de personne ou non, a comme point de référence le présent des instances d'énonciation. - le présent peut se limiter à l'instant de l'énonciation ou le déborder.

- s'il est strictement contemporain du discours, l'actualisation est totale.

- S'il déborde les limites du temps contemporain au discours, et bien qu'il n'y ait pas de séparation stricte entre les deux degrés d'énonciation, l'actualisation est partielle. - l'actualisation partielle peut désigner un procés accidentel et temporaire.

- elle peut au contraire exprimer une caractéristique constante, un attribut non accidentel d'un sujet déterminé, comme

c'est le

cas pour les diverses sortes d'assertions d'identité. - si le caractère permanent s'applique aux dieux, si le présent ne rencontre pas de limites, il s'agit alors d'un présent indéterminé, celui précisément qui est caractéristique des "vérités générales". 1 Cf. E. Benveniste, Pbs. 1, "De la subjectivité dans le langage", p. 262 ; et C. KerbratOrecchioni, L'énonciation, p. 45-48.

Le discours

435

1.1. L'expression du présent ne dépend pas du contexte 1.1.1. Actualisation totale

Un adverbe spécifique situe l'assertion au moment de l'énonciation, qu'il en soit contemporain (viv), qu'il soit conçu comme un point d'arrivée (ἔτι) ou un point de départ (οὔ πω). Avec un adverbe

I 225

χαῖρ' ᾿Αχιλεῦ ᾿ δαιτὸς μὲν Élonc οὐκ ἐπιδευεῖς ἡμὲν Evi κλισίῃ ᾿Αγαμέμνονος ᾿Ατρείδαο ἠδὲ καὶ ἔνθαδε νῦν Salut, Achille, nous ne manquons pas [litt. (nous ne sommes) pas manquant] de repas οὗ l'on partage les parts, que ce soit dans la baraque d'Agamemnon, le fils d'Atrée, où dans la tienne maintenant

M 315

τῶ νῦν χρὴ Avux(otat μετὰ πρώτοισιν ξόντας ἕσταμεν notre devoir dés lors est aujourd'hui de nous tenir au premier rang des Lyciens [litt. obligation (il y a) que nous...]

N 222

?0 Θύαν, οὔ τις ἀνὴρ νῦν αἴτιος Thoas, aucun homme aujourd'hui (n'est) coupable

N 773

|.

Viv rot σῶς αἰπὺς ὄλεθρος

pour toi maintenant la mort vertigineuse (est) assurée

O 502

νῦν ἄρκιον ἢ ἀπολέσθαι fj σαωθῆναι καὶ ἀπώσασθαι κακὰ νηῶν maintenant (il est) inévitable, ou bien de périr, ou bien d'étre sauf et de repousser des nefs le malheur

P 336

αἰδὼς μὲν νῦν ἦδε y' ἀρηιφίλων ὅπ’ ᾿Αχαιῶν Ἴλιον εἰσαναβῆναι

ἀναλκείῃσι

δαμέντας

ce (serait) cette fois une honte que, domptés par les Achéens chéris d'Arès, nous remontions vers Ilion, en cédant à la lácheté

Φ 155

ἦδε δέ μοι νῦν ἢὼς ἔνδεκάτη, dt’ ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα: celle-ci (est) pour moi aujourd'hui la onzième aube que je suis à l'Ilion

X 268

νῦν σε μάλα χρή αϊχμητήν t' ἔμεναι καὶ θαρσαλέον πολεμιστήν c'est bien maintenant qu'il te faut [Zitt. qu'obligation (il y a) pour toi d'] être un combattant, un guerrier intrépide

436

RECIT - DISCOURS cf.

Π 492, etc...

X 300

νῦν δὲ δὴ ἐγγύθι μοι θάνατος κακός voici que maintenant, (elle est) tout prés de moi la cruelle mort

ἔτι Χ 484

πάις δ' ἔτι νήπιος αὔτως ὃν τέκομεν (il est) si petit encore, le fils que nous avons mis au monde

T 150

ἔτι γὰρ μέγα ἔργον ἄρεκτον une grande táche (est) encore à accomplir

Ω 408

καταλέξον

À ἔτι πὰρ νήεσσιν ἐμὸς πάις dis-moi si mon fils (se trouve) toujours pres des nefs

οὐκέτι

E 379 οὗ γὰρ ἔτι Τρώων καὶ ᾿Αχαιῶν φύλοπις αἰνή =

(ce n'est) plus désormais entre Troyens et Achéens (qu'a lieu) l'atroce mélée T 150

P 623

γινώσκεις δὲ καὶ αὐτὸς 8 v' οὐκέτι κάρτος ᾿Αχαιῶν tu comprends que la victoire n'(est) plus pour les Achéens

V 627

οὗ yàp ἔτ’ ἔμπεδα γυῖα, φίλος non, mes membres, mon cher, ne (sont) plus solides

X 300

νῦν δὲ δὴ ἐγγύθι μοι θάνατος κακός, οὔὐδ' ἔτ’ ἄνευθεν οὐδ’ ἄλέη voici que maintenant pour moi (elle est) tout prés, la cruclle mort, et (n'est) plus loin ; (il n'y a) nul moyen de lui échapper

οὔ πω Η 52

οὗ γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν ton destin (n'est) pas encore de mourir

Avec un déictique Signalons pour mémoire que, pour ancrer une assertion dans le présent du discours, une marque spécifique n'est pas absolument nécessaire, puisqu'un déictique, pronom démonstratif ou adverbe de lieu, peut suffire : M 63

f| δὲ μάλ’ ἀργαλέη nepdav celui-ci (est) malaisé à franchir

T 200

οὗτος δ’ αὖ

Λαερτιάδης

πολύμητις

᾿᾽Οδυσσεύς

Le discours

437

celui-là, (c'est) le fils de Laërte, Ulysse aux mille ruses

1.1.2. Vérité générale Avec un adverbe οὔ

ποτε

Ε 441

μηδὲ θεοῖσιν

To’ ἔθελε φρονέειν, ἐπεὶ oU. ποτε φῦλον δμοῖον ἀθανάτων τε θεῶν χαμαὶ ἐρχομένων τ' ἀνθρώπων ne prétends pas égaler tes desseins aux dieux : ce seront toujours deux races distinctes que celle des dieux immortels et celle des humains qui marchent sur la terre αἴεί P 176

ἄλλ' alel τε Διὸς κρείσσων νόος αἰγιόχοιο mais la volonté de Zeus porte-égide (est) toujours plus forte

Sans adverbe B 203 οὗ μέν πως πάντες. βασιλεύσομεν ἔνθαάδ' ᾿Αχαιοί :

οὐκ ἀγαθὸν πολυκοιρανίη i nous, Achéens, chacun ne va pas devenir roi ici : (ce n'est) pas une bonne chose (que) le commandement de plusieurs

I 256

σὺ δὲ μεγαλήτορα θυμὸν ἴσχειν Ev στήθεσσι φιλοφροσύνη γὰρ ἀμείνων c'est à toi qu'il appartient de maîtriser ton cœur superbe en ta poitrine : la

douceur (est) toujours meilleure

1.2. L'expression du temps dépend du contexte 1.2.1. Actualisation totale A 13

καὶ νῦν ἔξεσάωσεν διόμενον θανέεσθαι.

* AAA! ἥτοι νίκη μὲν ἀρηιφίλου Μενελάου ἡμεῖς δὲ φράζομεθ’ ὅπως ἔσται

τάδε ἔργα

une fois encore, il l'a sauvé, à l'heure où il pensait périr. Mais la victoire en tout cas (appartient) à Ménélas chéri d'Arés ; à nous de voir la façon dont iront les choses

M 66

ἔνθ’ οὔ πως ἔστιν καταβήμεναι οὐδὲ μάχεσθαι ἱππεῦσι" στεῖνος γὰρ, ὅθι τρώσεσθαι δίω pour les meneurs de chars, il n'est aucun moyen d'y descendre ni de s'y battre ; car (il y a) un défilé οὐ j'imagine qu'ils recevraient des meurtrissures

438

RECIT - DISCOURS

V 205

fi δ’ αὖθ’ ἔζεσθαι μὲν ἀνήνατο, εἶπε δὲ μῦθον οὐχ

tóó

mais elle décline l'offre de s'asseoir et leur dit : non, (il n'est) pas (question) de siege !

P 450

où yàp ἐάσω:

fj οὐχ ἅλις ὡς καὶ τεύχε’ ἔχει : je ne le tolèrerai pas ; n'(est-il) pas suffisant qu'il ait les armes?

Phrases exclamatives :

Les phrases nominales exclamatives!, parce qu'elles sont déclenchées par le contexte référentiel, c'est à dire la situation d'énonciation, assertent dans l'instant présent. E 787

αἴδώς, ᾿Αργεῖοι, xdk' ἐλέγχεα εἶδος ἀγητοί honte (soit) sur vous, Argiens ! láches infámes sous votre magnifique apparence !

H 96

Θ 228, Ν 95,0 502, Π 422 μοι, ἀπειλητῆρες,᾽ Αχαιίδες, οὐκέτ’ ᾿Αχαιοί ah ! bravaches ! Achéennes, (car vous n'étes) plus des Achéens !

£54

duo,

ἐγὼ δείλη, ὦ μοι δυσαριστοτόκεια

ah ! misérable (que) je (suis), mère infortunée d'un preux !

cf.

X 431

N 255

"O μοι ἐγὼ πανάποτμος hélas ! je (suis) bien malheureux !

X 477

Ἕκτορ, ἐγὼ δύστηνος Hector, que je (suis) malheureux !

I1 745

ὦ nónoi, À μαλ’ ἐλαφρὸς &vijp, ὡς ῥεῖα κυβιστᾷ ah ! qu'(il est) souple, celui-là, quelle aisance dans ses sauts !

1247

ἄλλ' ἄνα, allons, debout !

P236

νήπιοι les sots !

1.2.2. Actualisation partielle

La valeur généralisante de l'adverbe peut être limitée par le contexte : ! Sur cette question : cf. P. Chantraine, Gram. hom. II, $ 45.

Le discours

439

il suffit pour cela que le caractére permanent ait par exemple pour limites la vie du sujet, ou le temps de la guerre : acte A 177

αἰεὶ γάρ τοι ἔρις τε φίλη πόλεμοι τε μάχαι

τε

car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats (le discours s'adresse à Achille)

E 891

Τρωσίν, τῶν μένος αἰὲν ἀτάσθαλον les Troyens dont l'ardeur (est) insensée

«lei γὰρ πάρα cfc yc θεῶν, ὃς λοιγὸν ἀμύνει il n'est pas d'homme capable de combattre Achille en face : à ses côtés toujours (se trouve) un dieu, qui écarte de lui le malheur

Ω 548

αἴεί τοι περὶ ἄστυ μάχαι τ’ ἀνδροκτασίαι τε et voici que les fils du Ciel ont amené sur toi le malheur ! toujours, autour de ta ville, (il y a) des batailles, des tueries



ποτε Y

ἵνα γνώωσι καὶ οἷδε

611

ὡς ἐμὸς οὖ ποτε θυμὸς ὑπερφίαλος καὶ ἀπηνής pour que ceux-ci sachent que mon cœur n'est en aucun cas arrogant ou implacable (il s'agit de Ménélas)

1.2.3. Vérité générale L'assertion est générale parce que le contexte lui-méme est général. Y 248

στρεπτὴ δὲ γλῶσσ’ ἐστὶ βροτῶν, πολέες 5' ἕνι μῦθοι παντοῖοι, ἐπέων δὲ πολὺς νομὸς ἔνθα καὶ ἔνθα le langage des hommes est souple ; à l'intérieur (se trouvent) propos de tous genres ; (il y a) un riche fonds de mots, dans un sens comme dans l'autre

V 590

008’ οἷαι νέου ἀνδρὸς ὕπερβασίαι τελέθουσι: κραιπνότερος μὲν γάρ τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις tu sais ce que sont les excés d'un jeune homme ; son humeur (est) vive et sa raison (est) mince

2 - Passé

Bien que la phrase nominale, en l'absence de désinences verbales, donne le sentiment de se situer dans le présent indéterminé que nous avons évoqué au début de cette étude, elle est tout à fait apte à exprimer le passé.

440

RECIT - DISCOURS

2.1. Le passé est exprimé par une marque spécifique Le passé peut étre exprimé par une marque spécifique, adverbe ou lo-

cution adverbiale, ou par un autre constituant, prédicat ou expansion, non spécifique mais porteur d'un sème temporel. Dans les deux cas, tout se passe comme si la marque du passé venait lever l'indétermination temporelle que nous avons reconnue comme une sorte de temps "zéro" caractéristique de la construction nominale. Adverbe τῶν μὴ σύ γε μῦθον ἐλέγξῃς

1 523

μηδὲ πόδας - πρὶν 6' οὔ τι νεμεσσητὸν κεχολῶσθαι ne rends pas vain leurs propos, leur démarche. Jusqu'à ce jour garder ta colere (n'était) nullement blámable

ὡς τὸ πρίν

Φ 476 comme jadis

οἷον δὴ Μενέλαον ὑπέτρεσας, ὃς τὸ πάρος γε

P 587

μαλθακὸς αἴχμητὴς si tu as une telle peur de Ménélas, qui (était) jadis si piètre combattant

Ψ 480

ἵπποι 6’ αὐταὶ ἔασι παροίτεραι, ot τὸ πάρος περ Εὐμήλου ‘ ce sont les mêmes juments qui sont les premières, celles qui précisément (l'étaient) auparavant, celles d'Eumèle

ἐπεὶ À καὶ ἐμὸν βέλος δξὺ πάροιθεν

Y 436

puisque mon trait, à moi aussi, (a été) pergant autrefois

Adjectif K 434

Θρήικες οἶδ’ ἀπάνευθε

νεήλυδες, ἔσχατοι

ἄλλων

les Thraces que voici, à part, (sont) des nouveaux-venus, à l'extrémité des

lignes

K 558

ἵπποι ó'ofóc, γεραιέ, νεήλυδες, otc ἐρεείνεις, Θρηίκιοι mais ces chevaux-là, vieillard, (sont) des nouveaux venus : ils (sont) Thraces

2.2. Le temps est déterminé par le contexte Q 770

ἄλλ' εἴ τις με καὶ ἄλλος Evi μεγάροισιν ἔνίπτοι

δαέρων ἢ γαλόων ἢ εϊνατέρων εὐπέπλων, fj ἕκυρή Ékupèc δὲ πατὴρ ὥς ἤπιος αἴεί ἄλλὰ σὺ τόν y’ ἐπέεσσι

παραιφάμενος κατέρυκες

Le discours

441

au contraire, si quelque autre dans le palais me critiquait, de mes beauxfréres ou de leurs sceurs, ou de leurs femmes aux beaux voiles, ou encore de ma belle-mère — mon beau-père, lui, (a) toujours (été) doux comme un

père — c'était toi qui les retenais 3 - Futur

3.1. Le futur est exprimé par un adverbe L'actualisation est totale.

Certains adverbes de la sphère spatio-temporelle comme bientôt ou tout prés, ont une double fonction :

- ils mettent en rapport l'assertion avec la situation d'énonciation. C'est ainsi que ἐγγὺς proche, situe le procès par rapport à νῦν ἐνθάδε. - ils situent le procés aux marges du présent, dans un futur imminent. αὐτίκα, ἔπειτα Σ 96 αὐτίκα γάρ τοι ἔπειτα μεθ’ Ἕκτορα. πότμος ἑτοῖμος car tout de suite aprés Hector, la mort (est) préparée pour toi

ἐγγύς K 251

ἐγγύθι 6' ἠώς l'aube (est) tout prés

Σ 133

ἐπεὶ φόνος ἐγγύθεν αὐτῷ carla mort (est) tout près de lui

T 409

ἄλλά roi Éyyecv ἦμαρ δλέθριον mais pour toi, le jour funeste (est) proche

X 300

νῦν δὲ δὴ ἔγγύθι μοι θαάίνατος κακός maintenant, la mort cruelle (est) tout prés de toi

X 453

ἐγγὺς δή τι κακὸν Πριάμοιο τέκεσσιν un malheur (est) tout proche pour les fils de Priam

Φ 110

ἄλλ’ ἔπι τοι καὶ ἐμοὶ θάνατος καὶ μοῖρα κραταιή

ἔπι néanmoins, sur toi et sur moi (se tiennent) la mort et l'impérieux destin

τάχα

X 129

βέλτερον ὅττι ταχιστα (il vaut) mieux vider notre querelle au plus vite

442

RECIT - DISCOURS

V 427

téy« 5' côpurépn bientôt, (elle sera) plus large

3.2. Le temps est donné par le contexte

Dans certains cas, bien que la phrase ne contienne aucune indication temporelle, elle est, par le contexte, projetée dans l'avenir. Il s'agit alors d'un futur indéterminé, apparenté à l'éventuel. 6 537

ἄλλ' tv πρώτοισιν, δίω,

κείσεται οὐτηθείς, πολέες δ’ up’ αὐτὸν ἑταῖροι,

ἢελίου ἀνιόντος ἐς αὔριον mais parmi les premiers, j'imagine, il gisera, blessé, et nombreux (seront) autour de lui ses compagnons, quand montera le soleil de demain

Σ 180

σοὶ λώβη, «t κεν τι νέκυς ἤσχυμμένος ἔλθῃ pour toi (ce sera) une honte, s'il arrive parmi les morts outrageusement mutilé !

N 667

τῇ δὲ δυωδεκαάτῃ πτολεμίξομεν, εἴ περ ἄναάγκη le douzième, nous serons prêts à nous battre, s'il y a) nécessité

3.3. χρή, μοῖρα et l'expression du futur L'expression du futur dans les phrases nominales ne se limite pas à des exemples où il est clairement exprimé comme temps. Un grand nombre de phrases ne contiennent en effet aucune marque spécifique du futur, ne tirent aucune valeur temporelle du contexte, et regardent néanmoins vers l'avenir du fait de connotations temporelles constitutives de l'un de leurs noyaux. Ainsi, de méme que les déictiques impliquent un présent, et que l'adjectif νεήλυδες rejette le procès dans le passé, de méme, des substantifs comme

χρή

et uot pa, ou des adjectifs comme ἑτοῖμος ont une valeur vir-

tuelle et, de ce fait, tournent l'assertion vers l'avenir. Leur étude implique une réflexion sur l'expression de la modalité dans la phrase nominale : ce fera l'objet d'un chapitre ultérieur!. Conclusion

La phrase nominale est apte à exprimer le temps : dans le discours, le point de référence est toujours l'instance d'énonciation. Il suffit donc, pour qu'une phrase nominale s'insère dans le présent du discours, qu'elle reçoive 1 Cf. infra, ch. 3, p. 504 sq.

Le discours

443

un adverbe de temps, ou méme un déictique. Elle peut également exprimer le passé ou le futur.

D'autre part, sa structure méme, nominale et non verbale, la place dans une temporalité indéterminée, une sorte "d'état zéro" du temps, qui la rend particulièrement apte à exprimer des idées générales : celles-ci sont situées dans un espace abstrait, non temporel, et de ce fait proche de l'indétermination temporelle qui est constitutive de la construction nominale. Le temps n'est pas toujours exprimé par des adverbes spécifiques. Il

peut l'étre par l'intermédiaire d'autres constituants, tels que déictiques, adjectifs, voire substantifs. Enfin, il est remarquable de constater une fois de plus l'étroite dépendance de ces phrases par rapport au contexte, puisque le temps, ainsi que le degré d'actualisation, sont fréquemment conférés ou précisés par le contexte.

IX. Caractéres de la phrase nominale dans le discours A l'issue de l'étude des phrases nominales dans le discours, il est possible de faire un certain nombre de constatations : 1° La phrase nominale est apte à référer à la situation d'énonciation, à savoir à la personne, au temps et au lieu. La personne est souvent celle du locuteur, je, celle de l'allocutaire, tu, et parfois la 3€ personne. Le temps est maintenant, autrefois ou plus tard, le lieu, ici, tout prés ou loin. Tous les

déictiques peuvent étre employés comme constituants de phrase nominale. 2? Inversement, elle est apte à énoncer une vérité générale, intemporelle et impersonnelle ; mais le nombre de vérités générales est inférieur à celui des vérités particulières. 3? Il est impossible d'opposer les deux types de phrases. Les vérités générales se trouvent à l'extrémité d'une série dont l'autre est occupée par des phrases dont l'actualisation est totale. Entre les deux extrémes,

les

phrases se distribuent selon leur degré d'actualisation : - vérités d'apparence absolue mais référant, en réalité, à une époque ou à un groupe déterminé (la guerre de Troie, les Achéens, les Troyens), du type: "celui qui meurt, il faut l'ensevelir" (T 228) = "celui qui meurt, il nous faut l'ensevelir"

444

RECIT - DISCOURS

- assertions d'identité, hors du temps s'il s'agit des dieux, mais limitées

dans le temps s'il s'agit des hommes, voire restreintes au temps de la situation d'énonciation s'il s'agit par exemple de la bravoure dans tel combat particulier. - phrases dont la temporalité est indéfinie mais variable : la phrase est une vérité générale s'il s'agit d'un individu quelconque ; elle ne l'est plus si

elle désigne un individu au sein d'un groupe ; s'il s'agit des Achéens, l'actualisation est faible ; s'il s'agit des concurrents connus de telle course de chars précise, elle est presque totale. 4? Le degré d'actualisation de la phrase dépend de celui de ses constituants. Pour qu'une phrase soit actualisée, il suffit que l'un de ses constituants le soit. - si aucun de ses constituants n'est actualisé, il s'agit d'une sentence ou d'une vérité générale : I 256

φιλοφροσύνη yàp ἀμείνων la modération toujours (est) meilleure

- si les deux constituants sont actualisés, l'actualisation est totale :

K 434

Θρήκες οἶδ' ἀπάνευθε νεήλυδες, ἔσχατοι ἄλλων les Thraces que voici, à part, (sont) des nouveaux venus, à l'extrémité des lignes

- Si l'actualisation porte sur un seul constituant, l'actualisation est partelle : M 63

ἧ δὲ μάλ’ ἄργαλέη περαάν ce fossé [actualisé] (est) difficile à franchir [en général]

Le tableau suivant tente de faire la synthèse des diverses possibilités d'actualisation : actualisation

nominatif

valeur générale

dépend du contexte

nom abstrait sg

pronom 3* pers

totale : nom propre sg

pronom 1€ pers pronom 2° pers

| nom plur: ἀνέρες & τις

ὅς κε + subj partielle : nom propre pluriel

ὅσσοι

| nom sg : ἀνήρ

445

Le discours

génitif

totale :

nom propre sg pronom 1€ pers pronom 2* pers

nom sg : ἀνήρ nom abstrait

pronom 3° pers

nom plur : &vépec

partielle : nom propre pluriel

totale :

nom propre 58

nom abstrait sg

pronom 3° pers

pronom 1€ pers

nom plur

participe

nom abstrait sg nom pluriel

participe

pronom 2* pers

partielle : nom propre pluriel

accusatif

totale : pronom 1° pers pronom 2* pers

pronom 3* pers.

partielle :

déictiques : ταῦτα

nom propre plunel

lieu

totale :

ἐνθάδε

πάρα

ἐγγύς

iv

ὅδε (εἰς...) temps αἷεί

αἷεί οὔ ποτε

5? Le degré d'actualisation de la phrase dépend en grande partie de la

nature de ses constituants : - Les noms propres et les pronoms personnels de la 1€ ou de la 2€ personne sont toujours actualisés.

446

RECIT - DISCOURS

- Les noms propres pluriel marquent généralement une actualisation partielle. - μοι, tot, ὅδε sont toujours actualisés, of pronom de la 3e personne ne l'est pas forcément.

6? Il est fréquemment déterminé par le contexte : ainsi certains constituants, comme le pronom de la 3° personne of, peuvent, selon le contexte, actualiser l'énoncé ou au contraire iui conférer une valeur générale : Ω 52

οὗ μήν οὗ τό yc κάλλιον οὐδέ τ’ ἄμεινον cela n’(est) pour lui ni plus beau ni meilleur (actualisation totale)

T 169

θαρσαλέον νύ of ἦτορ ἐνὶ φρεσίν son cœur (est) intrépide en sa poitrine (vérité générale)

Il faut en particulier prendre en compte le fait que, dans la langue homérique, les substantifs ignorent l'article, et ne sont qu'exceptionnellement accompagnés d'un possessif, ce qui les met dans l'entiére dépendance du contexte : I1 630

ἐν yàp χερσὶ τέλος πολέμου, ἐπέων δ’ ἑνὶ βουλῇ dans les bras (est) l'issue de la guerre, au conseil (celle) des paroles - et les paroles, c'est au conseil qu'elles décident (vérité générale)

O 741

ἄλλ’ ἐν γὰρ Τρώων πεδίῳ πύκα θωρηκτάων πόντῳ

κεκλιμένοι

ἑκὰς ἥμεθα πατρίδος αἴιης

-

τῶ Ev χερσὶ φόως, où μειλιχίῃ πολέμοιο nous sommes dans la plaine des Troyens à la forte cuirasse, acculés à la mer, loin des rives de notre patrie ; le salut (est) donc dans nos mains, non

dans la faiblesse au combat (actualisé)

7° L'actualisation peut être obtenue par simple addition d'un constituant. Ainsi, la phrase suivante a les apparences d'une vérité générale : T 228

ἀλλὰ χρὴ τὸν μὲν καταθάπτειν & κε θάνῃσι, mais obligation (il y a) d'ensevelir celui qui meurt

Mais le vers 229, par l'adjonction de participes présupposant le pronom personnel nous, l'actualise : T 228

ἀλλὰ χρὴ τὸν μὲν καταθάπτειν

ὅς κε θάνῃσι,

νηλέα θυμὸν ἔχοντας, En’ ἤματι δακρύσαντας

Le discours

447

obligation (il y a) que nous ensevelissions celui qui meurt, d'un cœur impitoyable, aprés l'avoir pleuré un jour

Les deux exemples qui suivent montrent comment la seule adjonction de uo: actualise une phrase qui pourrait étre une vérité générale : P 19

οὗ μὲν καλὸν ὑπέρβιον εὐχετάασθαι (il n'est) pas beau de se vanter avec excès

E 253

οὗ yàp uot γενναῖον μάχεσθαι (il n'est) pas de mon sang de combattre en se dérobant

8? Les éléments actualisés et les éléments non actualisés sont commutables :

Σ 406

τῶ με μάλα xpéo πάντα Θέτι καλλιπλοκάμῳ ζῳαάγρια τίνειν (il y a) donc absolument besoin que je paye à Thétis aux belles tresses toute la rangon de ma vie ! (actualisation totale)

A 409

ὅς δέ x’ ἄἀριστεύῃσι μάχῃ Évi, τὸν δὲ μάλα χρεώ ἑστάμεναι κρατερῶς, À τ’ ἔβλητ' À c0 ἔβαλ’ ἄλλον celui qui est vraiment un héros au combat, celui-là doit tenir (litt. (il y a) absolument besoin qu'il tienne], et de toutes ses forces, qu'il blesse ou soit blessé (vérité générale)

9° Certains constituants, qui recèlent une certaine ambiguité, peuvent comporter simultanément une valeur générale et une valeur particulière. Ainsi τοι est, morphologiquement, un pronom de la 2€ personne, mais il est

fréquemment utilisé dans des phrases de valeur générale au point qu'il est senti parfois comme une particule généralisante!. De la méme fagon χρή, méme quand il parait poser une nécessité absolue, en dehors des catégories de la personne, implique toujours la prise en

compte personnelle d'une obligation. C'est le cas également du nom des dieux, dont le statut confére aux phrases où ils apparaissent à la fois une valeur de vérité particulière actualisée et une valeur de vérité générale. C'est le cas enfin de phrases qui malgré leur apparence formelle d'assertion absolue, concernent la situation d'énonciation : B 297

ἀλλὰ καὶ ἔμπης

1 Cf. supra, deuxième partie, p. 211 et p. 411-412.

448

RECIT - DISCOURS

αἶσχρόν tot δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι cependant (il est) honteux en vérité de rester si longtemps et de s'en revenir

les mains vides

z que nous revenions les mains vides

V 50

ὕλην v ἀξέμεναι παρα τε σχεῖν ὅσσ' ἐπιεικές

νεκρὸν ἔχοντα νέεσθαι und ζόφον ἤερόεντα fais apporter du bois et fournir au mort tout ce qu'il (est) convenable qu'un mort ait pour plonger dans l'ombre brumeuse = tout ce qu'il sied que Parrocie ait pour plonger dans l'ombre brumeuse

10? Nous sommes donc en mesure d'affirmer que : - dans le discours, la plupart des phrases nominales dépendent

de la situation d'énonciation et contiennent les indices spécifiques qui en sont les marques. - les vérités générales forment bien un groupe repérable de phrases nominales mais ne forment qu'une catégorie de phrases parmi d'autres, catégorie qui, par ailleurs, est loin d'étre coupée du contexte ou des assertions particulières les plus actualisées.

Le discours

449

X. Fonction des phrases nominales dans le discours 1 - Position du problème Nous avons envisagé jusqu'à présent l'étude de la phrase nominale de deux points de vue différents, un point de vue morpho-syntaxique qui s'attachait aux structures formelles, et un point de vue qui, prenant la phrase comme acte d'énonciation, s'attachait à la recherche des marques de la eixi Ce faisant, nous n'avons pu éviter de prendre en compte certaines catégories sémantiques dés lors qu'elles recoupent les catégories morpho-syntaxiques et qu'elles ont quelque rapport avec la deixis. 1.1. Catégories sémantiques Les phrases nominales de l'Iliade se distribuent selon les catégories sémantiques suivantes : Assertions d'existence

Certaines phrases posent une existence, le plus souvent celle d'une nécessité ; elles ont pour noyau χρή, χρεώ, ἀνάγκη et sont le plus souvent suivies d'une expansion.

Assertions d'appartenance Celles-ci ne s'opposent pas aux précédentes en ce qu'elles posent également une existence : l'existence est ici posée pour un individu!. Ce sont des phrases à deux termes dont le prédicat est un datif ou un génitif d'appartenance. Assertions locatives

Ces phrases situent un individu ou un objet dans le temps ou dans l'espace. Ce type est souvent combiné au précédent : Y 390

ἐνθάδε τοι θάνατος ici, pour toi, (il y a) la mort

1 Cf. supra, p. 399 sq.

450

RECIT - DISCOURS

Constructions attributives qualifiant de manière non permanente Par exemple :

K 558

ἵπποι 6’ οἷδε, γεραιέ, νεήλυδες mais ces chevaux-là, vieillard, (sont) des nouveaux venus

Assertions d'identité

Entrent dans cette catégorie toutes les phrases qui identifient un étre ou un objet. Ce sont les assertions d'identité proprement dites, telles que : T 200

οὗτος δ’ αὖ Aue ρτιάδης πολύμητις

᾿Οδυσσεύς

celui-ci, (c'est) le fils de Laërte, Ulysse aux mille ruses

et aussi : E 183 Et δ’ 8 γ' ἀνὴρ dv φημι, δαίφρων Τυδέος vtóz si celui-ci (est) l'homme que je pense, le brave fils de Tydee

et des expressions comme : ὅσοι ἄριστοι Constructions attributives qualifiant de manière permanente De nombreuses phrases énoncent une qualité permanente donnée comme un trait naturel : 6 106

ὄφρα ἴδηαι οἷοι Τρώιοι

ἵπποι

tu verras ce que (sont) les chevaux de Trós

Les phrases de ce type sont équatives en ce qu'elles mettent en relation deux termes, À et B, de facon que A soit entièrement défini par B!. Les "vérités générales" qui mettent le plus souvent en relation deux termes abstraits, appartiennent pour la plupart à cette catégorie. Assertions mixtes

Comme nous l'avons montré dans la première partie de ce travail, il n'y a pas lieu de se représenter les catégories définies ci-dessus comme des catégories étanches. La fréquence des expansions — temporelles, locatives, possessives — ainsi que les nombreuses possibilités de substitution et d'emboitement que présente la langue homérique, font qu'au contraire, souvent,

elles se mélent et se superposent.

l Voir sur ce point : Cl. Hagège, l'Homme de parole, p. 214.

Le discours

45]

1.2. Rapport entre essence et existence Nous ne nous attarderons pas sur une éventuelle distinction entre essence et existence que les possibilités d'emboitement et de constructions mixtes rendent de toute facon caduque aussitôt posée. S'il est possible de

"poser une existence" lorsqu'il s'agit d'une phrase à "un terme", s'il est encore possible de le faire quand la nécessité, ou le destin, est posée pour un individu — i/ y a nécessité pour, il y a un destin pour — cela devient un exercice purement formel dés lors que l'on se trouve devant une structure de phrase du type sujet - datif - adjectif : ici, seul l'ordre des mots ou la place de la pause permet de dire quelle est la construction la plus plausible. C'est pourquoi nous n'hésiterons pas à affirmer qu'à l'époque de l'épopée, la langue grecque ne faisait pas de distinction nette entre ces deux notions. Catégorie sémantique et fonction Dire qu'une phrase nominale appartient à une catégorie sémantique ne saurait cependant donner qu'une idée approximative de son utilisation dans la chaine parlée.

Il ne faut, en effet, pas confondre la valeur sémantique d'une phrase prise isolément (méme si bien souvent celle-ci ne se réalise pleinement qu'en faveur du contexte) et son utilisation dans la chaine parlée!. Prise en elle-méme, la phrase peut signifier le lieu, l'identité, l'appartenance, etc... Cela ne signifie pas que sa fonction dans la chaine parlée soit d'identifier, de localiser, d'indiquer une appartenance. En effet telles assertions d'identité ou d'appartenance peuvent certes étre utilisées en tant que telles, dans un contexte narratif par exemple ; mais elles peuvent également étre utilisées à fins d'explications, d'arguments a contrario, de réponses, etc... Dans ce cas l'assertion d'appartenance, ou d'identité, passe au second plan. On voit la difficulté : définir la fonction d'une phrase nominale ne peut se faire indépendamment de son contenu sémantique, mais celui-ci ne définit pas toutes les fonctions possibles de la phrase. Il est donc nécessaire de distinguer le plan du contenu de la phrase et celui du contenu du discours.

La difficulté s'accroit encore du fait qu'à ces deux plans s'ajoutent des fonctions d'ordre modal, comme c'est le cas lorsqu'il s'agit de questions, de manifestations de sentiments en réaction à un discours ou à un événement.

1 Voir sur ce point: O. Ducrot, Les mots du discours .

452

RECIT - DISCOURS

Somme toute la phrase nominale obéit aux lois du discours, comme toute autre phrase.

Le discours comme chaine parlée Il est donc nécessaire, avant tout, de se demander quelle est la spécificité de ce discours particulier qu'est le discours homérique. Dans l'Iliade, le discours enchaîne un autre discours ou bien s'insére à l'intérieur d'une suite événementielle.

- S'il est en rapport avec l'événement, il le précède et le provoque ou bien le suit et constitue une réaction par rapport à lui. Il arrive aussi que le discours soit en quelque sorte redondant par rapport à l'événement : il en est un commentaire, simultané ou postérieur. - S'il est déclenché par un discours adverse, il peut avoir pour fonction de répondre, de marquer une réaction, de questionner pour obtenir une réponse.

- Bien souvent, le discours informe, explique, décrit, tente de persuader.

- Enfin, les discours de l'Iliade sont caractérisés par le désir de convaincre et donc par l'emploi constant d'une certaine rhétorique argumentative par laquelle l'aède compare, pose des hypothèses, raisonne des causes et des effets, tire des conclusions. En tout état de cause, définir la fonction d'une phrase nominale ne peut se faire que par rapport au discours dont elle n'est qu'un élément : il n'y a

dans l'Iliade aucune phrase nominale isolée, et toutes les fonctions sont susceptibles d'étre remplies par des phrases nominales. Il est en général aisé de découvrir la fonction particuliére de telle phrase nominale : celle-ci est normalement rendue intelligible gráce à un certain nombre d'indices formels que sont : - les connecteurs : l'étude des particules dont la spécificité est l'expression du lien qu'entretiennent les phrases entre elles, est ici essentielle. - le contexte : dans le cas d'une asyndéte ou d'une particule

polyvalente comme δέ, l'étude du contexte permet de définir la valeur de la phrase. Cependant, définir chaque fonction susceptible d'étre remplie par une phrase nominale ne saurait suffire : il faudra encore, pour chaque phrase,

Le discours

453

- noter le rapport entre la fonction de la phrase et sa structure morpho-syntaxique de façon à voir s'il est possible d'isoler certains types de phrases nominales et de les opposer aux autres, - noter le rapport entre la fonction et la place de la phrase dans le discours. Il se peut en effet que le nombre et la fonction des phrases nominales varient selon leur place en début, en cours ou en fin de discours. Nous ne donnerons pour chaque fonction ainsi définie que quelques exemples représentatifs et un certain nombre de références : seuls des tableaux, que nous présenterons en conclusion!, permettront de rendre

compte de façon claire à la fois du nombre, de la place et de la structure de l'ensemble des phrases nominales du discours. Dans le discours, les phrases nominales ont pour fonction de : 2 - Manifester une réaction

2.1. Réponses En téte de discours Les réponses se trouvent généralement en téte de discours. T 200

Τὸν δ’ ἠμείβετ’ ἔπειθ' “Ἑλένη Διὸς ἐκγεγαυῖα : Οὗτος δ’ αὖ Λαερτιάδης

πολύμητις

᾿Οδυσσεύς

ὃς τράφη Ev δήμῳ ᾿Ιθάκης κραναῆς περ ἐούσης εἰδὼς παντοίους

τε δόλους καὶ μήδεα πυκνά

Et la fille de Zeus, Hélène, lui répond : "Celui-là, (c'est) le fils de Laérte,

Ulysse aux mille ruses. Il a grandi dans le pays d'Ithaque et sur son sol ro-

cheux. Il est expert en ruses de tout genre autant qu'en subtils pensers."

K 43

Τὸν 6' ἀπαμειβόμενος προσέφη κρείων " Ayaufuvov χρεὼ βουλῆς tub καὶ σέ, διοτρεφὲς ὦ Μενέλαε,

:

κερδαλέης Le roi Agamemnon en réponse lui dit :"Toi et moi,Ménélas nourrisson de Zeus, (nous avons) besoin d'(un conseil) adroit"

En deuxième position

vérité générale : Z 146

Τυδείδη μεγάθυμε, τί ἢ γενεὴν ἔρεείνες ; οἵη περ φύλλων γενεὴ, τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν Magnanime fils de Tydée, pourquoi me demander quelle est ma naissance ? comme naissent les feuilles, ainsi font les hommes

1Cf. p. 489 sq.

454

RECIT - DISCOURS litt. telle (est) la naissance des feuilles, telle (est) celle des hommes

Dans le cours du discours

Les réponses interviennent dans le cours du discours en particulier quand un locuteur se répond à lui-méme ou répond à un interlocuteur imaginaire : T 178

τοῦτο δέ τοι ἐρέω, ὃ u’ ἀνείρεαι ἠδὲ μεταλλᾷς : οὗτος γ’ ᾽Ατρείδης εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων mais je te répondrai, puisque tu questionnes et enquêtes : cel homme (est) le fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon

K 434

Θρήικες of5' ἀποαΐνευθε νεήλυδες, ἔσχατοι ἄλλων tv δέ σφιν “Ῥῆσος Βασιλεύς, πάις ᾿Ηιονῆος les Thraces que voici, à part, (sont) des nouveaux-venus, à l'extrémité des lignes, et, au milieu d'eux, Rhésos, leur roi, fils d'Eionée

REMARQUE

Il arrive que ces phrases aient une double fonction, qu'elles servent à la fois de réponse et de premier argument à une argumentation qui sera déve-

loppée dans le discours : I 309

Διογενὲς Λαερτιάδη,

πολυμήχαν'

᾿Οδυσσεῦ,

χρὴ μὲν δὴ τὸν μῦθον ἀπηλεγέως ἄποειπεῖν $ nep δὴ κρανέω

τε καὶ

ὧς τετελεσμένον ἔσται,

ὧς μή μοι τρύζητε παρήμενοι ἄλλοθεν ἄλλος. "Divin fils de Laerte, industrieux Ulysse, je dois [/itt. obligation (il y a) de] vous signifier brutalement la chose, comme j'entends le faire et comme elle se fera, de sorte que vous n'aurez pas à roucouler l'un aprés l'autre, assis là, à mes côtés.

N 222

"N eov, οὔ τις &vi)p νῦν αἴτιος, ὅσσον ἔγωγε γινώσκω ᾿ πάντες yàp ἐπισταμεθα πτολεμίζειν. "Thoas, aucun homme (n'est) aujourd'hui coupable, pour autant que je sache : tous nous avons à combattre...

Références A 216; T 178, 200; Z 146; 1 309; K 43, 428, 434, 435; N 222, 267; = 110; II 492; P 19; Σ 128; T 79, 217; V 205, 439.

Le discours

455

2.2. Manifestation d'un sentiment

Les discours sont émaillés de phrases de forte tonalité exclamative, souvent à "un terme", mais également à deux termes. "un terme"

I1 422

αἰδώς, ὦ Λύκιοι (c'est une) honte, Lyciens !

Π 433

ὦ μοι ἐγών pauvre de moi !

P236

νήπιοι les sots !

deux termes

Σ 54

ὦ μοι, ἐγὼ 6c(An, ὦ μοι δυσαριστοτόκεια ah ! misérable (que) je (suis), mère infortunée d'un preux !

X 477

Ἕκτορ,

ἐγὼ δύστηνος

hélas, Hector, quelle infortune est la mienne!

Ces phrases se trouvent habituellement en téte de discours, mais aussi parfois dans le cours du discours. En téte de discours

X 431

τέκνον, ἐγὼ δείλη mon fils, quelle misere est donc la mienne !

En cours de discours

N 255

d μοι ἐγὼ πανάποτμος hélas ! je (suis) bien malheureux !

Références A 231, 518; T 365; E 787; H 96; Θ 228; N 95; O 14, 502; Π 422, 433; P 236; Σ 54; Y 296; ® 552; X 477; Ω 205, 255, 425, 493, 521. 2.3. Commentaires

Un certain nombre de phrases nominales sont utilisées pour commenter un événement au moment où il se produit ou quand il vient de se produire.

Les structures en sont diverses : à "un terme", attributives, possessives.

RECIT - DISCOURS

"un terme"

H 191

τὸν μὲν πὰρ πόδ’ Edv χαμάδις βάλε φώνησέν τε : ὦ φίλοι, ἤτοι κλῆρος ἐμός il jette le sort à ses pieds, par terre, et déclare : "Amis, voici mon sort !"

sujet - génitif H 89

ἀνδρὸς μὲν τόδε σῆμα πάλαι

κατατεθνηῶτος

cette tombe (est celle) d'un homme mort jadis

sujet - datif Y 390

δούπησεν δὲ πεσών,

6 δ’ ἐπεύξατο δῖος ᾿Αχιλλεύς

-

Κεῖσαι͵,᾽ Οτρυντείδη, πάντων ἐκπαγλότατ' ἀνδρῶν : ἐνθάδε τοι θάνατος l'homme tombe avec fracas ; le divin Achille triomphe : "Te voilà donc à terre, fils d'Otryntée, l'homme entre tous terrible ! Ici, pour toi, (il y a) la mort

sujet - attribut

O14

f| μάλα δὴ κακότεχνος, ἄμήχανε, σὸς δόλος,

Ἥρη

ah ! ta ruse (est) terrible, intraitable Héré !

I1 745

ὦ nónoi, À μαλ’ ἐλαφρὸς ἀνήρ, ὡς ῥεῖα κυβιστᾷ ah ! qu'il (est) souple, celui-là, quelle aisance dans ses sauts !

Ω 425

à τέκος, À ῥ’ ἀγαθὸν καὶ ἐναίσιμα δῶρα διδοῦναι ἀθανάτοις ah ! mon enfant, qu'il est) utile de faire aux immortels les offrandes qui

leur reviennent !

En téte de discours Les phrases de ce type se trouvent généralement en téte des discours :

Y 293

"Q πόποι, fj μοι ἄχος μεγαλήτορος Αἰνείαο hélas ! que j'(ai)de peine pour le magnanime Enée

X 373

Ὥ πόποι, À μάλα δὴ μαλακώτερος ἀμφαφάασθαι Ἕκτωρ ἢ ὅτε νῆας ἐνέπρησεν πυρὶ κηλέῳ Oh ! cet Hector-là (est) vraiment plus doux à palper que celui qui naguère livrait nos nefs à la flamme brûlante

Références T 156; E 403, 406; H 89, 191; 1 70; O 14; Π 745; Y 293, 390; X 373, 513; Ω 737.

Le discours

457

3 - Provoquer une réaction 3.1. Exhortations

Rares sont les phrases qui n'ont que cette seule fonction, comme : 1247

ἄλλ’ ἄνα, allons, debout!

La plupart du temps les phrases de ce type ont pour première fonction d'exprimer un sentiment comme l'émotion, la colère, l'indignation, etc...

E 787

:

αἰδώς, ᾿Αργεῖοι, κάκ’ ἐλέγχεα εἶδος ἄγητοί (c'est une) honte, Argiens ! läches infámes, sous votre magnifique apparence !

3.2. Questions

Quelques phrases sont des questions. Certaines d'entre elles n'ont qu'une valeur oratoire et sont en réalité explicatives ou adversatives ; nous les traiterons en temps utile. Les phrases nominales interrogatives se trouvent indifféremment : En tête de discours E 171

cf.

Πάνδαρε, ποῦ τοι τόξον ἰδὲ nrepéevrec διστοὶ καὶ κλέος ; Pandare, où (est) ton arc, où (sont) tes flèches ailées et ton renom 7 K 407, N 769

Dans le cours du discours

K 407

ποῦ δέ of ἕντεα κεῖται ἄρήια, noU δέ ot ἵπποι ; où sont ses armes guerrières ? et où (sont) ses chevaux 7

En fin de discours A 606

τίπτέ uc κικλήσκεις, ᾿Αχιλλεῦ ; τί δέ σε χρεὼ ἐμεῖο ; pourquoi m'appelles-tu, Achille 7 quel besoin (as)-tu de moi ?

Les types morpho-syntaxiques sont divers : "un terme" E 633

Σαρπῆδον, Λυκίων βουληφόρε, τίς τοι Avdyen πτώσσειν ἐνθάδ᾽ ;

458

RECIT - DISCOURS Sarpédon, conseiller des Lyciens, quel sort te contraint donc à errer ici ? litt. quelle nécessité (y-a-t-il) pour toi à errer ici ?

locatives O 440

ποῦ νύ τοι lof ;

où (sont) donc tes flèches 7

attributives

E 471

À ῥ' οὐχ οὗτος ἀνὴρ Προθοήνορος ἀντὶ πεφαάσθαι ἄξιος ; cet homme ne mérite-t-il pas [lim. (n'est-il) pas digne] d'être tué autant que Prothénor?

Références T 226; E 171, 349, 633; I 197; K 85, 407, 408; A 606; N 275; = 471; O 440; Y 83; Ω 408.

4 - Informer

Un trés grand nombre de phrases nominales ont pour toute fonction, ou pour fonction principale, d'énoncer un fait pour informer d'un événement, d'une qualité, d'une identité. 4.1. Sur l'identité Nom propre

Une phrase nominale peut informer du nom d'un personnage. Cela arrive, en général, au début d'un discours en réponse à une question, mais parfois aussi en cours de discours : T 200

οὗτος 5' αὖ Λαερτιάδης πολύμητις ᾿Οδυσσεύς celui-là, (c'est) le fils de Laërte, Ulysse aux mille ruses

Références T 200; K 477.

4.2. Sur une qualité permanente La plupart du temps, les discours de l'lliade ne nomment pas ; ils informent sur un trait permanent donné comme inhérent à la nature de l'objet ou de l'individu. Ces phrases sont nombreuses et de structures variées. Elles se trouvent généralement dans le cours du discours, mais parfois aussi en fin de discours.

Le discours

459

Les structures syntaxiques sont trés diverses quand il s'agit de caractéristiques géographiques ; en revanche, les phrases nominales qui énoncent des qualités concernant les étres vivants — hommes, dieux, animaux — sont trés souvent des propositions relatives (39 occurrences). "un terme"

T 421

εὖ νύ τοι οἷδα καὶ αὐτὸς δ uot μόρος ἐνθάδ’ δλέσθαι νόσφι φίλου πατρὸς καὶ μητέρος je le sais bien, vois tu, que mon sort (est) de périr ici, loin de mon père et de ma mère

sujet - datif K 418

ὅσσαι μὲν Τρώων πυρὸς ἐσχάραι, οἷσιν ἀναγκη aussi nombreux que (sont) les foyers des Troyens, pour qui (c'est) une nécessité ; ceux-là restent éveillés

sujet - lieu 8 15

ἔνθα σιδήρειαί τε πύλαι καὶ χαλκεος οὐδός (le Tartare) oà (sont) les portes de fer et le seuil de bronze

1153

πᾶσαι

δ’ ἔγγὺς M,

νέαται Πύλου fjux8ócvroq

toutes (ces villes) (sont) prés de la mer, au bout du territoire de la Pylos des sables

sujet - datif - lieu V 148 ὅθι τοι τέμενος βωμός τε θνήεις là où (sont) ton sanctuaire et ton autel odorant

B 241

ἄλλὰ μάλ’ οὔκ ᾿Αχιλῆι χόλος φρεσίν Achille n'a vraiment pas de rancune au cœur

sujet - adjectif - lieu V 330

λεῖος δ’ ἱππόδρομος ἀμφίς le sol autour (du tronc desséché) (est) uni

sujet - datif - adjectif T92

tfj μέν 8' ἁπαλοὶ

πόδες

ses pieds (sont) délicats

Sujet - attribut

Les phrases attributives définissant une qualité permanente sont nombreuses. Ce sont : 4 indépendantes : K 437

λευκότεροι

χιόνος, θείειν δ' ἀνέμοισι

Óuotoi

ils (sont) plus blancs que neige et, pour courir, égaux au vent

460

RECIT - DISCOURS

5 complétives, normalement introduites par un verbe cognitif : celui-ci a l'avantage de mettre en évidence la valeur informative de ces phrases : Y 434

οἶδα 5' ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi

V 611

ἵνα γνώωσι καὶ οἷδε ὧς ἐμὸς οὔ ποτε θυμὸς ὑπερφίαλος καὶ ἄἀπηνής pour que tous ici sachent que mon cœur n'(est) en aucun cas arrogant ou implacable (il s'agit de Ménélas)

vérité générale :

E 407

οὐδὲ τὸ οἷδε κατὰ φρένα Τυδέος υἷός, ὅττι ur’ οὗ δηναιὸς ὃς ἀθανάτοισι

μάχηται

il ne sait pas en son cœur qu'il n'est) absolument pas fait pour vivre long-

et

temps celui qui fait la guerre aux Immortels e 32, T 421.

39 relatives :

Sur 39 relatives de ce type, 37 ont un relatif au nominatif. Le prédicat est οἷος (7 occurrences) : B 192

οὗ γάρ πω σάψα ofa8 οἷος νόος ᾿Ατρείδαο tu ne sais pas encore exactement la pensée de l' Atride

E 222 οἷοι Τρώιοι

ἵπποι, ἐπιστάμενοι

ὄφρα ἴδηαι πεδίοιο

κραιπνὰ uc! ἔνθα καὶ ἔνθα διωκέμεν Hört φέβεσθαι tu verras ce que (sont) les chevaux de Trós et comme

ils savent par la

plaine, en tout sens et vite, poursuivre aussi bien que fuir

A 653

εὖ δὲ σὺ οἶσθα, γεραιὲ διοτρεφές, οἷος ἐκεῖνος δεινὸς ἀνήρ tu sais, vieillard issu de Zeus, quel homme terrible (est) celui-là

O94

ur uc, θεὰ Θέμι, ταῦτα διείρεο * οἶσθα καὶ αὐτή,

οἷος ἐκείνου θυμὸς ὑπερφίαλος καὶ ἀπηνής ne m'interroge pas là-dessus, divine Thémis : tu sais combien son cœur (est) arrogant et implacable

$ 108

ody δράᾳς οἷος καὶ ἐγὼ καλός τε μέγας te; ne vois-tu pas combien moi-même je (suis) beau, je suis grand 7

Le sujet est ὅς, & τις, & τε (18 occurrences) :

Y 334

ὃς σεῦ ἅμα κρείσσων καὶ φίλτερος ἀθανάτοισιν

Le discours

461

(le fils de Pélée) qui (est) à la fois bien plus fort que toi et le plus aimé des mortels

O 91

Κρόνου

πάις, ὅς τοι ἀκοίτης

le fils de Kronos, qui (est) ton époux

C'est de cette catégorie que fait partie l'expression formulaire ὅς ἄριστος: Ν 313

ὃς ἄριστος ᾿Αχαιῶν

τοξοσύνῃ (Teucros), qui (est) le meilleur à l'arc de tous les Achéens

P 164

τοίου yàp θεράπων πέφατ’ ἀνέρος, ὃς μέγ’ ἄριστος

᾿Αργείων παρὰ νηυσὶ (tant est puissant celui) dont l'écuyer vient d'étre tué et qui (est) de

beaucoup le plus brave à bord des nefs argiennes

ὅσοι (12 occurrences) :

On décline l'identité d'un groupe au moyen d'une relative avec ὅσοι : la proposition relative joue ici le rôle d'un nom: I 55

ὅσσοι ᾿Αχαιοί tous ceux qui (sont) Achéens

e 205

ὅσοι Δαναοῖσιν ἄρωγοί nous tous qui (sommes) les protecteurs des Danaens

Références B 192, 365, 528; Γ 193; A 211; E 222, 245, 407; Z 460, 479; H 50; 6 32, 205, 106; I 55, 341, 521; K 418, 437, 477; À 653; M 13, 269, 270; N 313, 634; Ξ 371; O 91, 137, 238, 569; Π 271; P 164, 509; Σ 53, 105, 262; T 92, 421; Y 334, 434; Φ 108, 371, 428; Ψ 43, 611, 659, 802;

148,

292, 310, 376.

4.3. Sur un fait temporaire Une catégorie proche de la précédente est celle des phrases qui informent, non pas sur une qualité permanente, mais sur un attribut ou un fait temporaire. La structure de ces phrases est variable. sujet - génitif P 623 γινώσκεις δὲ καὶ αὐτὸς 8 τ' οὐκέτι κάρτος ᾿Αχαιῶν tu comprends toi-méme que la victoire n'(est) plus pour les Achéens

462

RECIT - DISCOURS

sujet - attribut K 558

ἵπποι δ’ οἷδε, γεραιέ,

νεήλυδες, oc

ἐρεείνες

Θρηίκιοι mais ces chevaux-là, vieillard, (sont) des nouveaux venus, ils (sont) Thraces

T 346

6 5' ἄκμηνος καὶ

ἄπαστος

il (Achille) (demeure) sans rien manger, sans rien prendre

sujet - adjectif - datif

$ 155

ἧδε δέ uot νῦν ἢὼς ξνδεκάτη, ὅτ' ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα c'(est) pour moi aujourd'hui la onzième aube que je suis à l'Ilion

Elles se rencontrent parfois au début ou en fin de discours, mais principalement dans le cours du discours : début de discours P 587 οἷον δὴ Μενέλαον ὕπέτρεσας, ὅς τὸ πάρος γε

μαλθακὸς αἴχμητής tu as eu une telle peurde Ménélas, qui (était) jadis si piétre combattant

milieu de discours V 480

ἵπποι 5' αὐταὶ ἔασι παροίτεραι, at τὸ πάρος περ,

Εὐμήλονυ ce sont les mêmes juments qui sont les premières, celles qui précisément (l'étaient) auparavant, celles d'Eumèle

fin de discours V 487 Δεῦρο vuv ἢ τρίποδος περιδώμεθον ft λέβητος, ἴστορα δ’ ᾿Ατρείδην ᾿Αγαμέμνονα θείομεν ἄμφω, δππότεραι πρόσθ’ ἵπποί, ἵνα γνοίης ἀποτίνων Tiens ! parions donc un trépied, un bassin, — en prenant pour arbitre le fils d'Atrée, Agamemnon, — (pour savoir) lequel des deux chars (est) en

tête, de façon à ce qu'en payant tu comprennes

Références Γ 391; 6 537; I 225; K 558; P 587, 623; Φ 155; V 50, 480, 487, 498;

Q 422, 662.

5 - Fonctions "logiques" Comme nous l'avons dit, la phrase nominale est également susceptible de faire partie d'un système logique. Par "système logique" nous entendons une suite de phrases qui constitue un raisonnement. Insérée dans un tel contexte, la phrase nominale, tout comme chacune des phrases du systéme,

Le discours

463

prend valeur d'argument : elle est concessive, explicative, conclusive, et

aussi additionnelle si elle n'est qu'une partie d'un argument. Elle peut également faire partie d'un systéme comparatif ou hypothétique. 5.1. Comparatives Nombreuses sont les subordonnées comparatives nominales. La plupart sont formées d'expressions brachylogiques. Nous ne relevons ici que les subordonnées comparatives identifiables comme des phrases : T 147

ὥς ἐπιεικές comme (il est) convenable

Φ 371

οὗ μέν τοι ἐγὼ τόσον αἴτιός εἶμι

ὅσσον of ἄλλοι πάντες, ὅσοι Τρώεσσιν ἄρωγοί, moi, je ne suis pas aussi coupable que tous ceux qui (sont) les protecteurs de Troie

wfrité générale :

Z 146

οἵη περ φύλλων γενεὴ, τοίη δὲ καὶ ἀνδρῶν comme naissent les feuilles, ainsi font les hommes litt. telle (est) la naissance des feuilles, telle (est) celle des hommes

Les subordonnées comparatives se rencontrent parfois en début ou en fin de discours, mais surtout dans le cours du discours. au début de discours

T 21

Μῆτερ ur, rà μὲν ὅπλα θεὸς πόρεν of’ ἐπιεικές ἔργ’ ἔμεν ἀθανάτω ma mère, un dieu m'a fourni une armure telle qu'(il est) convenable que soit

une œuvre d'immortel

en cours de discours V 327 ἕστηκε ξύλον αὖον ὅσον τ’ ὄργυι' ὑπὲρ αἴης c'est un tronc desséché qui se dresse environ à une brasse du sol

en fin de discours Ω 376

οἷος δὴ σὺ δέμας καὶ εἶδος ἄγητός,

πέπνυσαί τε νόῳ, μακάρων δ’ ἔξ ἔσσι τοκήων tel que tu (es), enviable par ta taille et ta beauté, ton esprit avisé, et fils sans doute de parents fortunés

Références B 258; Z 146; Θ 450; Ξ 125; Σ 262; T 21, 145; Φ 371, 476; V 32, 537; Ω 68, 376.

464

RECIT - DISCOURS

5.2. Hypothétiques Nombre de phrases nominales apparaissent dans un systéme hypothétique. Nous ne prendrons en compte ici que les subordonnées, les prin-

cipales ayant une autre fonction dans la chaine discursive. Elles sont de structure variable. On les trouve en milieu ou en fin de discours, jamais en tête. Subordonnées par ci *Un terme"

début de discours :

P 421

ὦ φίλοι, εἶ καὶ μοῖρα παρ’ ἀνέρι τῷδε δαμῆναι ndvrog δμῶς, μή πώ τις ἐρωείτω πολέμοιο amis, méme si (pour nous) le destin (était) de succomber aux cótés de cet

homme, tous, d'un seul coup, que nul n'aille pour cela renoncer à la bataille

fin de discours (667 τῇ δὲ δυωδεκάτῃ πτολεμίξομεν, εἴ περ ἄναγκη le douziéme, nous serons préts à nous battre, s'(il y a) nécessité

Sujet - datif au cours du discours O 117.

εἴ περ μοι καὶ μοῖρα Διὸς πληγέντι κεραυνῷ κεῖσθαι ὅμοῦ νεκύεσσι μεθ’ αἵματι καὶ κονίῃσιν même si j'(avais) pour destin, frappé par la foudre de Zeus, d'être couché avec les morts, dans le sang et la poussière

Q 224

εἶ δέ μοι «ox

τεθνάμεναι παρὰ νηυσὶν ᾿Αχαιῶν χαλκοχιτώνων, βούλομαι si mon destin (est) de périr prés des nefs des Achéens à la cotte de bronze,

je l'accepte

Sujet - adjectif en milieu de discours A 116

ἀλλὰ καὶ d ἐθέλω δόμεναι παλιν, εἴ τό y' ἄμεινον et, malgré tout cela, je consens à le rendre, si c'est le bon parti

en fin de discours

T 264

εἶ δέ τι τῶνδ' ἐπίορκον, ἐμοὶ θεοὶ ἄλγεα δοῖεν πολλὰ ucA', ὅσσα διδοῦσιν ὅτις σφ' ἄλίτηται

Buóococ

Le discours

465

et, s'(il y a) ici le moindre parjure, que les dieux me fassent souffrir les mille maux qu'ils font souffrir à qui les a offensés en jurant !

Relative hypothétique en milieu de discours H 457

ἄλλος κέν τις τοῦτο θεῶν δείσειε νόημα,

ὅς σέο πολλὸν ἀφαυρότερος χεῖρας τε μένος τε un autre dieu redouterait ce projet, un dieu qui (serait) bien plus faible que toi par les bras et par la fougue

Références : A 116, 167, 547; Ε 184; H 457; N 463; Ξ 376; O 117; P 477, 421; X 180; T 264; V 791; Ω 224, 667.

5.3. Explicatives La catégorie la plus nombreuse est sans aucun doute celle des phrases nominales explicatives. Elles se rencontrent en tous les points du discours ; tous les types de structures de phrase sont représentés. 5.3.1. En tête de discours

Placée en tête, la phrase nominale est destinée à servir de référence lors de la suite du discours. "un terme" I1 492

Γλαῦκε

πέπον, πολεμιστὰ uev! ἀνδράσι,

νῦν σε μάλα χρή

αἰχμητήν τ' ἔμεναι καὶ θαρσαλέον πολεμιστήν Glaucos, doux ami, toi qui es entre tous un guerrier, c'est bien maintenant, si jamais, qu'il te faut [/itt. qu'obligation (il y a) pour toi d'] être un combattant, un guerrier intrépide

sujet - nom attribut P 335

Ἕκτόρ

τ’ ἢδ' ἄλλοι Τρώων &yol fjó' ἐπικούρων,

αἰδὼς μὲν νῦν foe y’ ἀρηιφίλων ὅπ’ ᾿Αχαιῶν Ἴλιον εἰσαναβῆναι ἀναλκείῃσι δαμέντας Hector, et vous tous, chefs troyens et alliés, ce (serait) cette fois pour nous une honte que, domptés par les Achéens chéris d'Arés, nous remontions vers Ilion,en cédant à la lâcheté.

adjectif neutre - infinitif sujet O 502 Αἰδώς, ᾿Αργεῖοι : vüv ἄρκιον À ἀπολέσθαι ἠὲ σαωθῆναι καὶ ἀπώσασθαι κακὰ νηῶν Honte, Argiens ! maintenant (il est) inévitable, ou bien de périr, ou bien d'étre sauf et de repousser des nefs le malheur

466

RECIT - DISCOURS vérités générales:

T80

ὯὮ φίλοι ἥρωες Δαναοί, θεράποντες Ἄρηος ἕσταότος μὲν καλὸν ἀκουέμεν, οὐδὲ ἔοικεν ὑββαάλλειν ^ χαλεπὸν γὰρ ἐπισταμένῳ περ tóvri héros Danaens, serviteurs d'Arès, mes amis, celui qui peut parler debout, (il est) décent de l'écouter et malséant de l'interrompre ; car (c'est) pénible, méme pour quelqu'un d'expérimenté

infinitif sujet - adjectif neutre - datif

P 415

ὦ φίλοι, οὗ μὰν ἥμιν ἐυκλεὲς ἀπονέεσθαι νῆας ἐπὶ γλαφυράς, ἄλλ’ αὐτοῦ γαῖα μέλαινα πᾶσι χανοι amis, pour nous (il ne serait) pas glorieux de retourner aux nefs

creuses ;

que sous nos pieds à tous s'ouvre plutót la terre noire !

5.3.2. En deuxième position ou au cours du discours Les structures de phrases sont extrémement diverses et les phrases trés nombreuses. Nous n'en donnerons pas une liste compléte. Le tableau placé à cet effet à la fin de ce chapitre en rendra compte. Nous nous attacherons

de préférence ici à étudier la façon dont ces phrases sont liées au contexte précédent par une particule, ou au contraire dont elles sont simplement juxtaposées. Asyndete Au cours du discours, la fonction de certaines phrases nominales n'est parfois soulignée par aucune particule. De ce fait, c'est, la mise en rapport avec le contexte qui, seule, confére à la phrase sa fonction : cela se vérifie en

particulier quand la fonction est ner puisque, on le sait, la nature tique!. Pour preuve, le fait qu'à s'était, pour l'essentiel, justement cative?.

explicative. Il n'y a pas là matière à s'étonde la langue homérique est plutót paratacl'époque classique, l'usage de la parataxe maintenu dans les phrases de valeur expli-

"un terme" X 268

(παντοίης ἀρετῆς μιμνήσκεο) : νῦν σε μάλα χρή

1 P. Chantraine, Gram. hom. II, p.351, ὃ 509: “Les propositions se succèdent sans que les rapports qui les unissent soient analysés”; cf. ὃ 512 et 518. 2 J. Humbert, Syntaxe grecque, p. 371 : “L'asyndète formelle est d'usage courant quand la phrase n'est que le développement et l'explication de la phrase précédente : ainsi, quand on fournit la preuve annoncée, ou le détail d'une connaissance que l'on communique ; de méme, quand un élément démonstratif — local ou temporel — attire l'attention sur une personne ou un objet".

Le discours

467

αἴχμητήν τ' ἔμεναι καὶ θαρσαλέον πολεμιστήν c'est bien maintenant qu'il te faut étre un combattant, un guerrier intrépide

sujet - lieu Γ 391

δεῦρ’ ἴθ’ -᾿Αλέξανδρός ac καλεῖ οἶκον δὲ νέεσθαι κεῖνος 8 y’ Ev θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι λέχεσσι,

καλλεί τε στίλβων καὶ εἵμασιν viens avec moi : Alexandre t'invite à rentrer chez toi. Il est dans sa chambre,

sur le lit fait au tour. Sa beauté luit autant que sa parure

sujet - datif Φ 360

λῆγ’ ἔριδος, Τρῶας δὲ καὶ αὐτίκα δῖος ᾿Αχιλλεὺς

ἄστεος ἐξελάσειε * τι μοι ἔριδος καὶ ἀρωγῆς ; que le divin Achille banisse aujourd'hui m&me les Troyens de leur ville : quel (est) pour moi (l'intérêt) de batailler et de leur porter secours ?

sujet - adjectif B 204

οὗ μέν πως πάντες βασιλεύσομεν ἐνθάδ’ ᾿Αχαιοί:

οὖκ ἀγαθὸν πολυκοιρανίη : εἷς κοίρανος ἔστω εἷς βασιλεύς chacun va devenir roi ici, parmi les Achéens. (Or) le commandement de

plusieurs (n'est) pas une bonne chose : (donc) qu'un seul soit chef, qu'un seul soit roi

K 216

τῇ μὲν κτέρας οὐδὲν Óuotov aucun présent (n'est) pareil à celui-là

vérité générale : O 563

ὦ φίλοι, ἀνέρες ἔστε, καὶ αἰδῶ θέσθ’ Evi θυμῷ, ἀλλήλους t' αἰδεῖσθε κατὰ κρατερὰς ὕσμϊνας -

αἰδομένων ἀνδρῶν πλέονες σόοι At πέφανται amis, soyez des hommes ; mettez-vous au cœur le sens de la honte. Faitesvous mutuellement honte dans le cours des mêlées brutales ; parmi les hommes d'honneur (il est) bien plus de sauvés que de tués

sujet - adjectif - lieu A 345

πρώτω yàp καὶ δαιτὸς dxovudzcaBov ἐμεῖο,

ὅπποτε δαῖτα γέρουσιν ἐφοπλίζοιμεν * Ayoiot : ἔνθα φίλ' ὀπταλέα κρέα ἔδμεναι À κύπελλα οἴνου πινέμεναι μελιηδέος, ὄφρ' ἐθέλητον n'étes vous donc pas les premiers à écouter mon appel au festin, quand nous, Achéens, nous préparons un festin pour les Anciens? là, vous avez plaisir à manger des viandes rôties et à vider des coupes de vin délicieux, tout autant que vous en voulez

RECIT - DISCOURS

sujet - adjectif - datif A 335

χαίρετε, κήρυκες, Διὸς ἄγγελοι fjót καὶ ἀνδρῶν, ἄσσον Tr’: οὗ τί μοι ὄὕμμες ἐπαίτιοι͵, ἄλλ’ ᾽Αγαμέμνων, ὃ σφῶι προίει Βρισηίδος εἵνεκα κούρης salut ! héros , messagers de Zeus et des hommes. Approchez : envers moi, (ce n'est) pas vous (qui étes) coupables, mais Agamemnon, qui vous envoie quérir la jeune Briséis

vérité générale : οὖκ ἄρα τις χάρις fiev I 318 μάρνασθαι δηίοισι μετ’ ἀνδράσι νωλεμὲς αἷεί : ἴση μοῖρα μένοντι, καὶ εἰ μάλα τις πολεμίζοι on ne gagne pas de reconnaissance à se battre avec l'ennemi obstinément, sans tréve : la part (est) identique pour qui reste chez lui et pour qui guerroie de toute son âme

infinitif sujet - attribut M 243

ἡμεῖς δὲ μεγάλοιο

Διὸς πειθώμεθα

βουλῇ,

ὃς πᾶσι θνητοῖσι καὶ ἀθανάτοισιν ἄνασσει : εἷς οἰωνὸς ἄριστος ἀμύνεσθαι περὶ πάτρης ne mettons notre foi que dans la volonté du grand Zeus, qui régne sur tous

les mortels et sur tous les Immortels. (Il n'est qu') un bon présage, (c'est de) défendre son pays

infinitif sujet - adjectif neutre - datif

vérité générale O 496

ὃς δέ κεν ὑμέων

βλήμενος ἠὲ τυπεὶς θάνατον καὶ πότμον ἐπίσπῃ,

τεθνατω * οὔ οἵ ἀεικὲς ἀμυνομένῳ περὶ πάτρης τεθναμεν celui de vous qui, blessé de loin ou de prés, arrivera à la mort et au terme de son destin mourra, soit ! il (n'est) pas indigne de lui de mourir en

défendant son pays

En dehors des cas, nombreux, d'asyndéte, la valeur explicative de la phrase nominale est réguliérement soulignée par la présence d'une particule spécifique.

La fonction explicative de ces phrases, οὗ γάρ a toujours le sens de en effet, est tout à fait claire, puisqu'elle se saisit indépendamment du contexte. "un terme"

M 66

Eve’ οὔ πως ἔστιν καταβήμεναι οὐδὲ μάχεσθαι ἱππεῦσι

- στεῖνος γάρ, ὅθι τρώσεσθαι oló

Le discours

469

pour les meneurs de chars, il n'est aucun moyen d'y descendre ni de s'y

battre:

car (il y a) un défilé οὐ j'imagine qu'ils recevraient des

meurtrissures

sujet - lieu I1 630 ὦ πέπον, od τοι Τρῶες δνειδείοις ἐπέεσσι νεκροῦ χωτήσουσι:

Ev γὰρ χερσὶ

παρος τινὰ γαῖα καθέξει"

τέλος πολέμου, ἐπέων 5’ ἑνὶ βουλῇ

doux ami, ce n'est pas en usant de mots injurieux que tu éloigneras les Troyens du cadavre : la terre auparavant doit garder une proie ; l'issue de la guerre (est) dans les bras, celle des paroles dans le conseil ( et les paroles, c'est au conseil qu'elles décident )

sujet - datif ® 568 καὶ yàp θην τούτῳ τρωτὸς χρὼς ὄξέι χαλκῷ, car il (a) en vérité une peau qu'entaille la pointe du bronze

sujet - génitif E 265

Τῆς γάρ τοι γενεῆς ἧς Tpo( nep εὐρύοπα Ζεὺς δῶχ' υἷος ποινὴν Γανυμήδεος car ils sont de la race dont Zeus, le dieu à la grande voix, donna jadis les re-

jetons à Trôs en rançon de son Ganymède

sujet - nom attribut A 833 ἰητροὶ μὲν yàp Ποδαλείριος δὲ Μαχάων car Podalire et Machaon (sont) médecins

sujet - adjectif A 404

ἀλλὰ σὺ τόν y' ἐλθοῦσα, Bed, ὑπερλύσαο δεσμῶν,

ὧχ' ἑκατόγχειρον καλέσασ’ ἐς μακρὸν "Ὄλυμπον, ὃν Βριάρεων καλέουσι

θεοί, ἄνδρες δέ τε πάντες

Alya(ov' : ὃ γὰρ αὖτε βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων, ὅς δα παρὰ Κρονίωνι καθέζετο κύδει γαίων mais toi, tu vinsà lui ; tu sus, toi, déesse, le soustraireà ses chaines. Vite, tu mandas sur les cimes de l'Olympe l'étre aux cent bras que les dieux nomment Briarée et tous les mortels Egéon, car lui au contraire, pour la force, il (est) meilleur que son propre père : il vint s'asseoir aux côtés du Cronide, dans l'orgueil de sa gloire

sujet - adjectif - lieu ® 192

κρείσσων δ’ αὖτε Διὸς γενεὴ ποταμοῖο τέτυκται

καὶ γάρ σοι ποταμός γε πάρα μέγας et la race de Zeus est faite plus puissante que celle d'un fleuve, et en effet tu (as) prés de toi un grand fleuve

sujet - datif - adjectif M 247

νηυσὶν ἐπ’ ᾿Αργείων, σοί δ’ οὗ δέος ἔστ’ ἀπολέσθαι

470

RECIT - DISCOURS

οὗ γάρ τοι κραδίη μενεδήιος οὐδὲ μαχήμων quand nous autres, nous devrions, tous, être tués à côté des nefs argiennes, tu n'as rien à craindre pour ta vie à toi, car ton cœur (n'est) pas endurant au camage ou à la bataille

ἐπεί Dans la langue homérique, ἔπεί ne se trouve qu'avec une valeur expli-

cativel. sujet - datif N 775

"Exrop, ἐπεί τοι θυμὸς ἀναίτιον αἰτιάασθαι Hector,

puisque ta passion (va) à accuser un innocent

sujet - lieu - datif E 141

ἐπεὶ οὔ of ἕνι φρένες, οὐδ’ ἡβαιαί

car en lui (il n'y a) pas de sens, pas le moindre

sujet - adjectif E 441

Φράζεο, Τυδείδη, kal ydZco, μηδὲ θεοῖσιν

To’ ἔθελε φρονέειν, ἔπει οὔ ποτε φῦλον δμοῖον ἀθανάτων τε θεῶν χαμαὶ ἐρχομένων t' ἀνθρώπων prends garde à toi, fils de Tydée : arriére ! et ne prétends pas égaler tes desseins aux dieux : car jamais (elles ne formeront) une race semblable la

race des dieux immortels et celles des humains qui marchent sur la terre

sujet - datif - adjectif T 106 ἄξετε δὲ Πριάμοιο βίην, ὄφρ' ὅρκια rcuvm αὖὗτός, ἐπεὶ of παῖδες ὑπερφίαλοι

καὶ ἄπιστοι,

μή τις ὑπερβασίῃ Διὸς ὅρκια δηλήσηται et amenez ici le puissant Priam : il faut qu'il conclue le pacte en personne, puisque ses fils (sont) arrogants et déloyaux. Il ne convient pas qu'une extravagance fasse tort au pacte de Zeus

8 τε

Du sens originel de l'accusatif 8 τε, concernant le fait que, est issue une valeur causale?, dont on trouve un exemple avec une phrase nominale :

"un terme" I1 433 ὦ μοι ἐγών, 8 τε Σαρπηδόνα, φίλτατον ἀνδρῶν, μοῖρ’ ὅπὸ Πατρόκλοιο

Μενοιτιάδαο δαμῆναι

malheur sur moi, puisque le destin (veut) que Sarpédon, pour moi le plus

cher des mortels, tombe sous les coups de Patrocle, le fils de Ménoitios !

1 Sur ἐπεί: cf. supra, p. 263. 2 Cf. supra, "L'hypotaxe", p. 262 sq. ; sur l'emploi causal de ὅ τε, voir P. Chantraine, Gram. hom. Il, p. 284 , ὃ 418.

Le discours

471

δέ explicatif La particule δέ est extrémement fréquente en construction nominale. Loin d'y avoir toujours ses deux valeurs habituelles!, coordonnante et ad-

versative, elle se présente au contraire bien souvent comme une particule explicative ou conclusive. Le phénomène est bien expliqué. On connaît la prédilection de la langue homérique pour la parataxe et la coordination au détriment de la syntaxe et de la subordination? : "Un trait de la phrase homérique est l'emploi fréquent de la coordination au lieu de la subordination. La proposition coordonnée peut jouer le rôle d'une circonstantielle de temps, de lieu, de conséquence, de concession, d'une relative."

Mais en outre, la phrase homérique semble souvent préférer à des particules "logiques", comme γάρ et οὖν, la particule δέ qui marque un lien ténu, celui de la coordination pure et simple : méme dans des phrases où elle semble explicative ou conclusive, δέ est en réalité utilisé pour sa valeur coordonnante : c'est de la seule connexion des deux phrases ainsi reliées que découle la valeur logique dont δέ est le support, comme le montre bien J. D. Dennistor? : “δέ is not infrequently used where the context admits, or even appears to demand, γάρ (or, occasionally, οὖν or ἤ). In such cases the writer is content with merely adding one idea to another, without stressing the logical connexion between the two, which he leaves to be supplied."

Ainsi donc, la particule δέ a pu étre été utilisée pour souligner toute espèce de rapports logiques^. La particule δέ est donc susceptible de souligner un rapport logique tout aussi bien du point de vue de ce qui suit que de ce qui précède : δέ est indifféremment explicatif ou conclusif. De fait, δέ prend couramment une valeur explicatives : 1 Cf. 1. D. Denniston, G. P., p. 163. 2 H. Goube et al., Odyssée, "Appendice grammatical", $ 30, p. 41. 3 J. D. Denniston, The Greek Particles, p. 169 (1): "Il n'est pas rare que δέ soit utilisé quand le contexte admet ou semble exiger ydp — ou occasionnellement οὖν ou À. Dans de tels cas le locuteur se contente purement et simplement d'ajouter une idée à une autre sans faire ressortir entre les deux la connexion logique qu'il laisse suppléer".

4 P. Chantraine, Gram. hom. II, p. 357, ὃ 517. 56€ conservera cette valeur jusqu'à l'époque classique dans la langue poétique. On la

trouve chez Hésiode, et aussi chez les Tragiques et chez Aristophane : cf. J. D. Denniston, G. P., p. 169, li.

472

RECIT - DISCOURS

χρή, χρεώ 175

Πολλῶν 6' ἄγρομένων τῷ πείσεαι ὅς κεν ἀρίστην βουλὴν

βουλεύσῃ

: μάλα δὲ χρεὼ πάντας

᾿Αχαιοὺς

ἐσθλῆς καὶ πυκινῆς une fois qu'ils seront rassemblés en grand nombre, tu préteras l'oreille à qui t'ouvrira le meilleur avis. Les Achéens ont tout à fait besoin d'un bon et

ferme avis

N 235

ἄλλ’ ἄγε τεύχεα δεῦρο λαβὼν ἴθι: ταῦτα δ' ἅμα χρή σπεύδειν allons, va chercher tes armes, puis reviens ici ; car obligation (il y a) pour nous de faire cet effort ensemble

sujet - datif V 342

λίθου 5' ἀλέασθαι Enxupetv,

μή πως ἵππους xApua δὲ τοῖς mais évite bien de fracasser ton char

τε τρώστς κατά 8' ἅρματα EX : ἀλλοῖσι toucher la pierre, si tu ne veux ni blesser tes chevaux ni : la joie (serait) pour les autres

sujet - adjectif vérité générale

Σ 201

ὀλίγη δέ τ’ ἀνάπνευσις πολέμοιο car le temps pour souffler à la guerre (est) court

sujet - adjectif-datif vérité générale

X 73

νέῳ δέ vc πάντ’ ἐπέοικεν

"Apnı κταμένῳ, δεδαιγμένῳ ὄξέι χαλκῷ, πάντα δὲ καλὰ θανόντί περ, ὅττι φανήῃ A un jeunc guerrier tué par l'ennemi, déchiré par le bronze aigu, tout va : tout ce qu'il laisse voir, même mort, (est) beau

infinitif sujet - adjectif neutre I 523 μηδὲ πόδας

τῶν μὴ σύ γε μῦθον ἐλέγξῃς

πρὶν 6’ οὔ τι νεμεσσητὸν κεχολῶσθαι

ne rends pas vain leurs propos, leur démarche. Auparavant garder ta colére (n'était) nullement blämable

μέν

La particule μέν n'est, pas plus que δέ, une particule explicative. Mév, qui correspond à μήν, a à l'origine, comme μήν, une valeur affirmative et emphatique!. 1 Cf. J. D. Denniston, G.P., p. 359, I; voir aussi : Goube et al., Odyssée, p. 436, n. 82.

Le discours

473

Ainsi, les deux phrases nominales qui suivent tirent leur valeur explicative, non pas de la présence de μέν, mais de l'asyndète que μέν a justement

pour but de souligner. sujet - adjectif Φ 437 Φοῖβε, τί fj δὴ νῶι διέσταμεν ; οὐδὲ ἔοικεν

ἀρξάντων ἑτέρων : τὸ μὲν αἴσχιον, αἴ x’ ἀμαχητὶ ἴομεν Οὔλυμπον δὲ Διὸς ποτὶ χαλκοβατὲς δῶ. ἄρχε : σὺ γὰρ γενεῆψι νεώτερος Phæbos, pourquoi restons-nous, tous deux, loin l'un de l'autre? cela ne convient guère maintenant que les autres nous ont donné l'exemple ; ce

(serait) honteux de regagner l'Olympe et le palais de Zeus au seuil de bronze sans avoir combattu. Commence, car tu (es) plus jeune par la naissance

vérité générale O 203

Οὕτω γὰρ δή τοι, Γαιήοχε κνανοχαῖτα, τόνδε φέρω Διὶ μῦθον ἀπηνέα τε κρατερόν τε, À τι μεταστρέψεις ; στρεπταὶ μέν τε φρένες ἐσθλῶν.

Οἶσθ’

& πρεσβυτέροισιν Ἐρινύες altv ἕπονται.

Dois-je porter tel quel à Zeus, maitre de la terre, dieu aux crins d'azur, ton intraitable et dur propos ? ou bien ne te laisseras-tu pas fléchir? Les cœurs des braves (sont) susceptibles d'étre fléchis. Tu sais que les Erinyes toujours suivent les ainés. τοι

Comme pour μέν, ce n'est pas à la "particule" ro: qu'il faut attribuer la

valeur explicative de la phrase nominale dans laquelle elle s'insére. To:, qui est en réalité le pronom de la 2€ personne!, n'est utilisé ici que pour sa valeur énonciative.

La valeur explicative de la phrase nominale provient de sa confrontation avec la phrase précédente au moyen de l'asyndète. I 158

δμηθήτω.

᾿Αίδης τοι ἀμείλιχος fjó' ἀδάμαστος

qu'il cède : Hades (est) implacable et inflexible en vérité

N 115

ἄλλ' ἀκεώμεθα θᾶσσον - ἄκεσταί rot φρένες ἐσθλῶν hátons-nous plutôt de soigner le mal : en vérité les cœurs des braves (sont)

susceptibles d'étre ranimés

V 315 ἄλλ’ ἄγε δὴ σύ, φίλος, μῆτιν ἐμβάλλεο θυμῷ παντοίην, ἵνα μή σε παρεκπροφύγῃσιν ἄεθλα:

μήτι tot δρυτόμος μέγ' ἀμείνων fit βίηφι 1 Cf. supra, p. 213 et 411-412.

474

RECIT - DISCOURS A toi donc, mon petit, de te mettre en tte autant d'idées que tu pourras, si tu ne veux pas que le prix t'échappe ; par l'intelligence, en vérité, un bücheron (est) meilleur que par la force

5.3.3. En fin de discours

Asyndète sujet - datif Φ 360 λῆγ’ ἔριδος, Τρῶας δὲ καὶ αὐτίκα δῖος ᾿Αχιλλεὺς ᾷστεος ἐξελάσειε ^ τι μοι ἔριδος καὶ ἀρωγῆς ; que le divin Achille bannisse aujourd'hui méme les Troyens de leur ville : quel (est) pour moi (l'intérét) de batailler et de leur porter secours ?

sujet - adjectif Σ 309

οὗ μιν ἔγωγε

φεύξομαι

ἐκ πολέμοιο δυσηχέος,

ἀλλὰ

μάλ’ ἄντην

στήσομαι, À κε φέρῃσι μέγα κράτος, ἧ κε φεροίμην ξυνὸς moi, je et nous Enyale

᾿Ενυάλιος, καί τε κτανέοντα κατέκτα ne fuirai pas la sinistre bataille ; je me camperai bien en face de lui, verrons qui, de lui ou de moi, remportera un grand triomphe. (est) le méme pour tous : souvent, il tue qui vient de tuer

γάρ "un terme" H 52

οὗ γάρ πώ tot μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot (n'est) point encore de mourir ni d'accomplir ton destin

vérité générale : E80 οὗ γάρ τις νέμεσις φυγέειν κακόν, οὐδ’ ἀνὰ νύκτα: (il n'y a) pas de bláme à fuir le malheur, m&me de nuit

sujet - adjectif

vérité générale A 514

πὰρ δὲ Moydov βαινέτω, ἐς νῆας δὲ τάχιστ’ ἔχε μώνυχας ἵππους : ἰητρὸς γὰρ ἀνὴρ πολλῶν ἀντάξιος ἄλλων ἴούς τ’ ἐκτάμνειν ἐπί c ἤπια φάρμακα πάσσειν et fais près de toi monter Machaon ; puis, au plus tôt, dirige vers les nefs tes coursiers aux sabots massifs ; car un médecin vaut [litt. (est) l'égal de]

beaucoup d'autres hommes, s'il s'agit d'extraire des flèches ou de répandre sur les plaies des remèdes apaisants

infinitif sujet - adjectif neutre T 182 "Arpt(5n, σὺ δ' ἔπειτα δικαιότερος καὶ ἔπ’ ἄλλῳ ἔσσεαι * οὗ μὲν γάρ τι νεμεσσητὸν βασιλῆα

Le discours

ἄνδρ' ἀπαρέσσασθαι,

475

ὅτε τις πρότερος χαλεπήνῃ

pour toi, fils d'Atrée, désormais sache &tre plus juste, méme à l'égard de tout autre qu'Achille

; car (il n'est) pas répréhensible qu'un roi offre des

satisfactions à un homme quand il s'est le premier emporté contre lui

ἔπεί sujet - adjectif - lieu A 156

οὗ γάρ πώ ποτ’ ἐμὰς βοῦς ἤλασαν οὐδὲ μὲν ἵππους,

οὐδέ ποτ’ ἐν Φθίῃ ἔριβώλακι βωτιανείρῃ καρπὸν ἐδηλήσαντ’, ἐπεὶ fj μάλα πολλὰ μεταξύ οὔρεα τε σκιόεντα θάλασσά τε ἤχήεσσα Jamais ils n'ont ravi mes vaches ou mes cavales ; jamais ils n'ont saccagé les moissons de notre Phthie fertile et nourricière : entre nous (sont) trop de monts ombreux, et la mer sonore

sujet - lieu - datif N 423 ὧς τοι κήδονται μάκαρες θεοὶ υἷος ἕῆος καὶ νέκυός περ Eövrog, nel σφι φίλος πέρι κῆρι c'est ainsi que les dieux bienheureux veillent sur ton fils méme mort car il (est) cher à leur cœur

δέ explicatif

sujet - adjectif-lieu vérité générale E 178 εἶ μή τις θεός ἔστι κοτεσσάμενος Τρώεσσιν

ἱρῶν μηνίσας: χαλεπὴ δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις à moins que ce ne soit là quelque dieu en courroux contre les Troyens, qui leur en veut d'un sacrifice omis ; terrible (est) la colére d'un dieu en retour

μέν

La particule a ici sans aucun doute une valeur intensive : elle ne fait en

réalité que souligner l'asyndéte. O 203

Οὕτω γὰρ δή τοι, Γαιήοχε κυανοχαῖτα, τόνδε φέρω Διὶ μῦθον ἀπηνέα τε κρατερόν τε, À τι μεταστρέψεις ; στρεπταὶ μέν τε φρένες ἐσθλῶν.

Οἶσθ’ ὡς npcoBuréporoiv Ἐρινύες αἷὲν ἕπονται. Dois-je porter tel quel à Zeus, Maitre de la terre, dieu aux crins d'azur, ton intraitable et dur propos ? ou bien ne te laisseras-tu pas fléchir ? Les cceurs des braves (sont) susceptibles d'être fléchis. Tu sais que les Erinyes toujours suivent les aînés.

Références A 80, 156, 174, 177, 274, 335, 404, 416, 515, 525, 526, 589, 817

B 201, 204, 226, 803 T 44, 106, 214, 391

476

RECIT - DISCOURS

^ 345 E 178, 253, 265, 379, 441, 603, 783, 891 Ζ 227 H $2, 281, 283, 293, 401 Θ 484 I 43, 71, 75, 158, 227, 256, 312, 318, 376, 401, 406, 425, 496, 523, 613, 615 K 93, 216, 244, 251, 479 A 390, 514, 649, 801, 833 M 63, 66, 243, 247, 270, 412 N 115, 235, 775 Ξ 4, 80, 141 O 140, 203, 496, 502, 563 Π 43, 433, 492, 630, 707, 721 P 228, 335, 415, 450, 475 Σ 96, 133, 201, 309 T 63, 80, 91, 140, 149, 150, 182, 409 Y 98, 131, 133, 243, 248, 436 Φ 184, 192, 275, 360, 439, 498, 532 X 73, 268, 288, 357 V 315, 342, 427, 478, 479, 590, 627, 736, 858 Ω 68, 396, 423, 425, 504, 548

Les particules utilisées dans les phrases nominales explicatives se distribuent de la façon suivante : γάρ

45

δέ

31

inet

14

τοι

7

μέν

4

᾿οὕνεκα 8 τε

δή

2 1

1

5.4. Adversatives

La phrase nominale énonce souvent un fait contraire à un fait précédemment énoncé. Elle n'apparaît évidemment jamais dans la première

Le discours

477

phrase d'un discours, il arrive qu'elle soit en deuxiéme position, elle est rare en fin de discours, mais elle est fréquente en cours de discours. Sa place dans le discours ne semble pas avoir d'influence sur la structure formelle, qui est variable.

Elle est généralement liée à la phrase précédente par une particule adversative ; l'asyndéte est cependant fréquente. 5.4.1. En téte de discours ἄλλά

sujet - datif Σ 80 Μῆτερ

ἐμὴ, τὰ μὲν ἄρ μοι ᾿Ολύμπιος ἐξετέλεσσεν

ἄλλά τί μοι τῶν ἦδος, ἐπεὶ φίλος ὥλεθ’ ἑταῖρος, Πάτροκλος ; ma mere, tout cela, le dieu de l'Olympe l'a bien achevé pour moi ; mais quel plaisir en (ai)-je, maintenant qu'est mort mon ami Patrocle?

sujet - datif - lieu T 409 καὶ λίην σ’ ἔτι νῦν yc σαώσομεν, ὄβριμ’ ᾿Αχιλλεῦ ἄλλά τοι ἐγγύθεν ἥμαρ ὀλέθριον oui, sans doute, une fois encore, puissant Achille, nous te raménerons ;

mais pour toi le jour fatal (est) proche 6€ adversatif

sujet - adjectif B 201

Δαιμόνι’, ἀτρέμας ἦσο καὶ ἄλλων μῦθον ἄκουε, οἵ σέο φέρτεροί εἶσι, où δ' ἀπτόλεμος καὶ ἄναλκις,

οὔτέ ποτ’ Ev πολέμῳ ἐναρίθμιος οὔτ’ ἑνὶ βουλῇ Grand fou ! demeure en place et tiens-toi tranquille ; puis écoute l'avis des autres, de ceux qui valent mieux que toi, tandis que tu n'(es) toi, qu'un pleutre, un couard, qui ne comptes pas plus au Conseil qu'au combat

sujet - adjectif - datif K 402 f| ῥά νύ τοι μεγάλων δώρων Encuafero θυμός, ἵππων Αἰακίδαο δαίφρονος - of 5' ἀλεγεινοὶ

ἀνδράσι γε θνητοῖσι δαμήμεναι ἦδ' ὄχέεσθαι ἄλλῳ γ' fj ᾿Αχιλῆι, τὸν ἀθανάτη τέκε μήτηρ ton cœur avait, ma foi, le goût des beaux cadeaux, les chevaux du brave Eacide ; mais (ils sont) pour les mortels malaisés à dresser, aussi bien qu'à

conduire, à l'exception d'Achille, qui est fils d'Immortelle

478

RECIT - DISCOURS 5.4.2. Dans le cours du discours

Asyndète

Tous les exemples se trouvent dans le cours du discours. sujet - datif : La particule μέν peut avoir en grec homérique une valeur adversative, en particulier aprés une phrase négativel. Ce n'est pourtant certainement pas le cas dans la phrase suivante οὗ μέν a plutót la valeur d'une particule emphatique : τὴν ὄφελ' àv νήεσσι κατακτάμεν ἴΑρτεμις ἰῷ,

ἤματι τῷ dt’ ἐγὼν EAöumv Λυρνησσὸν δὀλέσσας : τῶ k' où τόσσοι ᾿Αχαιοὶ BERE ἕλον ἄσπετον οὖδας δυσμενέων ὑπὸ χερσίν, ἐμεῦ ἀπομηνίσαντος :

Ἕκτορι μὲν καὶ Τρωσὶ τὸ κέρδιον Ah! celle-là, pourquoi donc Artémis ne l'a-t-elle pas tuée d'une flèche sur mes nefs, le jour où je l'ai prise en détruisant Lyrnesse ? Moins d'Achéens ainsi eussent mordu la terre immense sous les coups de nos ennemis, alors que ma colère me retenait loin d'eux. Au contraire, le profit (a été) pour Hector et les Troyens

expression prépositionnelle

La force de l'opposition est ici renforcée par fj τε intensif. A 391

κωφὸν γὰρ βέλος ἀνδρὸς ἀνάλκιδος οὐτιδανοῖο. SH τ’ ἄλλως ὅπ’ ἐμεῖο car le trait (est) émoussé, qui vient d'un lâche et d'un homme de rien. (Il en est) autrement des miens

ἀλλά χρή

Δ 57

οὐκ &véw φθονέουσ', ἐπεὶ À πολὺ φέρτερός ἔσσι: ᾿Αλλὰ χρὴ καὶ ἐμὸν θέμεναι πόνον οὐκ ἀτέλεστον AA ἤτοι μὲν ταῦθ’ ὑποείξομεν ἀλλήλοισι, σοὶ μὲν ἐγώ, σὺ δ' ἐμοί mon refus est mon labeur à gation (il y a) nous ici l'un à

Τ 228

sans portée, puisque tu es cent fois plus fort que moi. Mais moi, il ne faut pas non plus le rendre sans effet [litt. oblide ne pas rendre mon labeur sans effet]... Allons, cédonsl'autre, toi à moi, comme moi à toi

πότε κέν τις ἀἄναπνεύσειε πόνοιο ; ἀλλὰ χρὴ τὸν μὲν καταθάπτειν ὅς κε θάνῃσι,

1 Cf. 1. D. Denniston, G.P., p. 368, IL.

Le discours

479

νηλέα θυμὸν ἔχοντας, En’ ἤματι δακρύσαντας quand donc pourra-t-on souffler un peu à la peine 7 mais celui qui meurt, il faut (litt. obligation (il y a) de] l'ensevelir, d'un cœur impitoyable, apres l'avoir pleuré un jour

sujet - lieu X 299 An(eopov γὰρ ἔγωγ’ ἐφάμην ἥρωα παρεῖναι : ἄλλ’ 6 μὲν Ev τείχει je croyais avoir prés de moi le héros Déiphobe ; mais il est dans nos murs

sujet - datif B 241

ἑλὼν γὰρ ἔχει γέρας, αὐτὸς ἀπούρας ἀλλὰ μάλ’ οὐκ ᾿Αχιλῆι χόλος φρεσίν, ἀλλὰ μεθήμων il lui a pris, il lui retient sa part d'honneur. Mais Achille n'a vraiment pas de rancuneau Cœur, au contraire ii est indulgent

Y 251

δπποῖόν x’ εἴπῃσθα ἔπος, τοῖόν x’ ἐπακούσαις :

Mrd τί fj ἔριδας καὶ νείκεα νῶιν ἄναγκη νεικεῖν ἀλλήλοισιν ἐναντίον ; quelque mot que tu dises, tu t'entendras riposter par un pareil ; mais sommes nous forcés [Jitt. en quoi (y a-t-il) pour nous nécessité] de nous

disputer, de nous prendre à partie face à face ?

sujet - génitif ^13

καὶ νῦν ἐξεσαάωσεν διόμενον θανέεσθαι.

᾿Αλλ’ ἤτοι νίκη μὲν ἀρηιφίλου MevtAdov ἡμεῖς δὲ φροαΐζομεθ’ ὅπως ἔσται τάδε ἔργα une fois encore, il l'a sauvé, à l'heure οὗ il pensait périr. Mais la victoire en tout cas (appartient) à Ménélas chéri d'Arès : à nous de voir la façon dont iront les choses

sujet - adjectif 6 423

ἀλλὰ σύ y' alvordrn,

κύον ἀδδεές, cl Ereöv γε

τολμήσεις Διὸς ἄντα πελώριον ἔγχος ἀεῖραι mais toi (tu es) terrible entre toutes, chienne impudente, si vraiment, contre

Zeus, tu oses lever ta pique monstrueuse

P 176

od τοι ἐγὼν ἔρριγα μάχην οὖδὲ κτύπον ἵππων : ἄλλ' αἴεί τε Διὸς κρείσσων νόος αἰγιόχοιο ce n'est pas que je craigne ni la bataille ni le fracas des chars ; non, mais le vouloir de Zeus porte-égide toujours (est) plus fort

sujet - datif - adjectif ® 275

ἄλλος 5' οὔ τις μοι τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων,

ἀλλὰ φίλη μήτηρ, ἣ με ψεύδεσσιν ἔθελγεν aucun des dieux issus du Ciel n'est) à ce point coupable envers moi, mais ma mere seule, qui m'a endormi avec ses mensonges

480

RECIT - DISCOURS

sujet - adjectif - lieu vérité générale : O 497

ὃς δέ κεν ὑμέων βλήμενος À τυπεὶς θάνατον καὶ πότμον ἐπίσπῃ, τεθνάτω “οὔ οἵ ἀεικὲς ἀμυνομένῳ περὶ πάτρης τεθναμεν : ἄλλ’ ἄλοχός τε σόη καὶ παῖδες ὄπίσσω,

καὶ οἶκος καὶ κλῆρος ἀκήρατος, εἴ κεν ᾽Αχαιοὶ οἴχωνται σὺν νηυσὶ φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν celui de vous qui, blessé de loin ou frappé de prés, arrivera à la mort et au terme de son destin mourra, soit ! il n'(est) pas indigne de lui de mourir en défendant son pays. ; sa femme et ses enfants (restent) saufs pour l'avenir ;

sa maison, son patrimoine (sont) intacts, du jour οὗ les Achéens sont partis avec leurs nefs pour les rives de leur patrie

6€ adversatif

χρή Ψ 644

νῦν αὖτε νεώτεροι ἀντιοώντων ἔργων τοιούτων - ἐμὲ δὲ χρὴ γήραι λυγρῷ πείθεσθαι à de plus jeunes maintenant de s'offrir pour de telles épreuves ; mais quant à moi, (j'ai) l'obligation d'obéir à la triste vieillesse

sujet - datif Σ 435

ἄλλα

δέ μοι νῦν

mais pour moi, maintenant (se présentent) d'autres douleurs

X 53

εἶ 6' ἤδη τεθνᾶσι καὶ εἶν

"A(5xo δόμοισιν,

ἄλγος ἐμῷ θυμῷ καὶ μητέρι, τοὶ τεκόμεσθα mais si déjà ils ont péri, s'ils sont aux demeures d'Hadés, quelle peine pour notre cœur, à moi et à leur mère, qui leur avons donné le jour !

sujet - adjectif A 787

πρεσβύτερος δὲ σύ ἔσσι : βίῃ δ’ 8 yc πολλὸν ἀμείνων tu es son aîné, mais, par la force, il (est) bien meilleur (que toi)

sujet - datif - adjectif - lieu vérité générale :

T 169

ὃς δέ x’ ἀνὴρ οἴνοιο κορεσσάμενος καὶ ἐδωδῆς ἀνδράσι δυσμενέεσσι

πανημέριος πολεμίζῃ,

θαρσαλέον νύ of ἧτορ ἑνὶ φρεσίν l'homme au contraire qui, bien rassasié de viande et de vin, guerroie tout un jour contre l'ennemi, chez lui le cceur (est) intrépide en la poitrine

infinitif sujet - adjectif neutre/ (sujet) - adjectif neutre I 523

τῶν μὴ σύ γε μῦθον ἐλέγξῃς

Le discours

481

μηδὲ πόδοιςς : πρὶν δ' οὔ τι νεμεσσητὸν κεχολῶσθαι ne rends pas vain leurs propos, leur démarche ; mais auparavant garder ta colère (n'était) nullement blämable

Y 368

καί κεν ἐγὼν ἐπέεσσι καὶ ἀθανάτοισι μαχοίμην : ἔγχει δ' ἀργαλέον, ἐπεὶ À πολὺ φέρτεροί εἶσιν moi aussi, avec des mots, je combattrais les Immortels eux-mémes. Mais avec la lance, ce (serait) moins aisé, puisqu'ils sont cent fois plus forts

καί δέ

sujet - datif La phrase suivante est introduite par καί additif suivi de δέ adversatif : V 80

καὶ δὲ σοὶ αὐτῷ μοῖρα θεοῖς ἐπιείκελ’ ᾽᾿Αχιλλεῦς τείχει nb Τρώων ἀπολέσθαι et à toi méme, Achille pareil aux dieux, ton destin (est) aussi de périr sous

les murs des Troyens opulents ?

Relative adversative

Il arrive qu'une proposition relative ait une valeur adversative. Le relatif est en ce cas toujours accompagné de περ. ® 107

κατθανε

καὶ

Πατροκλος,

8 περ σέο πολλὸν ἀμείνων

Patrocle est bien mort, qui (valait) bien mieux que toi

sujet - génitif - adjectif 1 498 οὖδέ τί σε χρὴ νηλεὲς ἦτορ ἔχειν : στρεπτοὶ δέ τε καὶ θεοὶ αὐτοί, τῶν περ καὶ μείζων ἄρετὴ τιμή τε βίη τε ce n'(est) pas à toi d'avoir une áme impitoyable, alors que les dieux euxmêmes (se laissent) toucher, dont la valeur, la gloire, la force sont supérieures (aux tiennes)

5.4.3. En fin de discours dAAd sujet - datif - adjectif vérité générale : K 226

μοῦνος 5’ ct περ τε νοήσῃ,

ἀλλὰ τέ of βράσσων τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις litt. et l'homme seul, même s'il pense aussi, néanmoins chez lui l'intelligence (est) plus courte et la malice (est) mince

δέ adversatif sujet - génitif

V 790

Αἴας μὲν yàp ἔμεῖ' ὀλίγον προγενέστερός ἔστιν,

482

RECIT - DISCOURS οὗτος δὲ προτέρης γενεῆς προτέρων τ’ ἀνθρώπων Ajax est un peu mon aîné ; mais celui-ci est de l'âge d'avant, de la génération précédente Relative adversative

Π 709

οὔ νύ τοι αἶσα

σῷ ὑπὸ δουρὶ πόλιν πέρθαι Τρώων ἀγερώχων, οὐδ’ ὅπ’ ᾿Αχιλλῆος, ὅς περ σέο πολλὸν ἀμείνων ton destin ne (veut) pas qu'elle soit prise par ta lance, la ville des Troyens altiers — ni par celle d'Achille, qui (est) pourtant bien plus brave que toi αὖτε

La particule αὖτε signifie ordinairement "à nouveau". Elle marque parfois le passage à une idée nouvelle!, et, ce faisant, peut, dans certains contextes, par exemple aprés une phrase négative, prendre une valeur adversative "d'un autre côté, au contraire".

infinitif sujet - adjectif neutre X 129

οὗ μέν πως νῦν ἔστιν ἀπὸ δρυὸς οὐδ’ ἀπὸ πέτρης τῷ δαριζέμεναι, d τε παρθένος ἠί(θεός τε,

παρθένος ἤ(θεός τ’ δαρίζετον ἀλλήλοιιν : βέλτερον αὖτ’ ἔριδι ξυνελαυνέμεν ὅττι τάχιστα non, non, ce n'est pas l'heure de remonter au chéne et au rocher, et de deviser tendrement comme jeune homme et jeune fille tendrement devisent ensemble. Mieux (vaut) vider notre querelle, en nous rencontrant au plus

tôt

On peut finalement dresser un tableau des phrases nominales adversatives qui rende compte de la manière dont elles sont liées à la phrase antécédente : asyndète

3

relatif ἄλλά δέ

5 23 14

αὖτε

1

ἄτάρ

2

Références : A 391; B 137, 201, 241, 297; T 56; A 13, 57; E. 193, 483, 490, 644; Z 352; H 114; Θ 423; 1 497, 523; Καὶ 226, 402; À 787; M 167, 320; = 4;

1 Cf. H. Goube et al., Odyssée, "Appendice grammatical", p. 434, n. 71.

Le discours

483

O 497; II 709; P 76, 176; Σ 80; T 63, 169, 228, 346, 409; Y 107, 123, 251, 368; Φ 110, 275; X 53, 129, 299; Ψ 80, 104, 309, 441, 578, 644, 790; Ω 437. 5.5. Additionnelles

Les phrases nominales peuvent avoir une valeur additionnelle marquée le plus souvent par la particule δέ connective qui trouve là sa fonction originelle.

Nombreuses et de formes variées, elles se trouvent quasiment toujours dans le cours du discours. 5.5.1. δέ (οὐδῶ En tant que phrases coordonnées, elles sont la plupart du temps insérées dans un ensemble qui a une autre fonction, explicative ou adversative par exemple. Ainsi, la phrase nominale apparait fréquemment avec δέ (et οὐδέ) comme deuxième élément d'une explication dont le premier est luimême introduit par γάρ ou δέ explicatif. "un terme" I 496

οὔδέ τί ac χρὴ

νηλεὲς ἦτορ ἔχειν : στρεπτοὶ δέ τε καὶ θεοὶ αὖτοί car ce n'est pas à toi d'avoir [ litt. obligation (il y a) que tu n'aies pas] une âme impitoyable, alors que les dieux mêmes se laissent toucher

sujet - lieu K 251

ἄλλ’ ἴομεν : μάλα γὰρ νὺξ ἄνεται, ἐγγύθι δ' ἠώς allons ! la nuit, ma foi s'achève et l'aube (est) tout près

et, comme élément d'une comparaison homérique : N 104

Τρῶας Ey’ ἡμετέρας ἰέναι νέας, ot τὸ ndpoc περ φυζακινῇς ἔλάφοισιν ἐοίκεσαν, af τε καθ’ ὅλην θώων πορδαλίων τε λύκων t' ἥια πέλονται

αὕτως ἤλάσκουσαι ἄναλκιδες, o05' ἔπι χάρμη ces Troyens qu'on efit pris naguère pour des biches effarées, qui , dans la forêt, proie vouée aux chacals, aux panthères, aux loups, ne savent que se dérober, et (il n'y a) pas en (elles) de courage ni de goût pour la lutte

sujet - adjectif Y 183

6 5' ἔμπεδος οὔδ' ἀεσίφρων

il (Priam) (est) solide, (il n'est) pas étourdi

484

RECIT - DISCOURS

sujet - nom attribut H 281

ἀμφοτέρω yàp σφῶι

φιλεῖ νεφεληγερέτα Ζεύς,

ἄμφω δ’ αἴχμητά car vous étes tous les deux chéris de Zeus, assembleur de nuées ; vous étes

tous les deux des guerriers

sujet - adjectif - lieu Y 248

στρεπτὴ δέ γλῶσσ' ἔστί βροτῶν, πολέες δ’ ἕνι μῦθοι παντοῖοι, ἐπέων δὲ πολὺς νομὸς ἔνθα καὶ ἔνθα: le langage des hommes est souple ; à l'intérieur (se trouvent) propos de tous genres ; (il y a) un riche fond de mots, dans un sens comme dans l'autre

sujet - adjectif - datif Z 227

πολλοὶ

μὲν yàp ἐμοὶ Τρῶες κλειτοὶ

κτείνειν ὅν κε θεός γε πόρῃ καὶ

τ’ ἐπίκουροι,

ποσσὶ

κιχείω,

πολλοὶ δ’ αὖ col ᾿Αχαιοί ἔναιρέμεν Bv κε δύνηαι car j'(ai) bien d'autres hommes à tuer parmi les Trovens ou leurs illustres alliés, si un dieu me les amène et si je les joins moi-même à la course. Et tu (as) aussi bien d'autres Achéens à abattre, si tu le peux

5.5.2. Mineures de syllogisme Un emploi particulier de la phrase nominale de valeur additionnelle mérite en outre de retenir l'attention : en cet emploi, la phrase nominale se trouve non seulement liée au contexte auquel elle est coordonnée, mais est insérée à l'intérieur d'un système logique à trois termes où, liée aussi bien à ce qui suit qu'à ce qui précéde, elle occupe la position de mineure d'un syllo-

gisme du type : 1° A 2°OrB 3° Donc

C

Elle est en général accompagnée de δέ au sens de or, à moins qu'elle ne soit liée à ce qui précéde par une asyndete. Toutes les phrases de ce type se trouvent dans le cours du discours. Asyndète sujet - adjectif neutre - datif Avec la particule emphatique Ω 52 αὐτὰρ 8 y' Ἕκτορα ἵππων ἔξάπτων περὶ ἕλκει : od μήν of τό

μήν: δῖον, ἐπεὶ φίλον ἦτορ ἀπηύρα, σῆμ’ ἕτάροιο φίλοιο γε κάλλιον οὖδέ τ’ ἄμεινον :

Le discours

485

μὴ ἀγαθῷ περ ἐόντι νεμεσσηθῶμέν of ἡμεῖς mais à celui-là, il ne suffit pas d'avoir pris la vie du divin Hector ; il l'attache à son char, il le traîne tout autour du tombeau de son ami ; (Or) ce n'(est)

pour lui ni plus beau, ni plus noble : (donc) nous pourrions bien nous f&cher contre lui !

δέ

sujet - datif E 759

Ζεῦ πάτερ, οὗ veuca (tr "Apr τάδε καρτερὰ ἔργα, δσσάτιόν τε καὶ οἷον ἀπώλεσε λαὸν ᾿Αχαιῶν uchy, ἀτὰρ où κατὰ κόσμον, ἐμοὶ δ' ἄχος [...]

762

Ζεῦ πάτερ, À ῥά τί μοι κεχολώσεαι, αἴ κεν *Apna λυγρῶς πεπληγυῖα μάχης ἐξαποδίωμαι Zeus Père ! n'es-tu pas indigné contre Arès de toutes ces horreurs 7 Quelle nombreuse et belle troupe il a détruite aux Achéens ! - à tort et à travers : tout lui est bon, (or) j'en souffre, moi [...] (donc) Zeus Père, te fácheras-tu, si je frappe Arès un peu rudement, pour le chasser du combat ?

sujet - adjectif I 505 καὶ γάρ τε Λιταί εἶσι Διὸς κοῦραι μεγάλοιο, χωλαί τε ῥυσαί τε παραβλῶπές t' ὀφθαλμώ, αἴ fid τε καὶ μετόπισθ' "Atrk ἀλέγουσι κιοῦσαι: fj δ' "Arn σθεναρή τε καὶ ἀρτίπος, οὕνεκα πάσας πολλὸν

ὑπεκπροθέει

c'est qu'il y ἃ les Prières, filles du grand Zeus. Boiteuses, ridées, louchant des deux yeux, elles courent, empressées, sur les pas d'Erreur. Or Erreur (est) robuste et alerte ; c'est pourquoi, sur toutes, elle prend une large

avance

Les phrases nominales additionnelles se répartissent comme suit :

asyndète δέ

3 24

αὐτάρ

2

αὖτε

1

καί

1

Références B 24, 202, 804; A 13, 58; E 604; Z 352, 430; Θ 104, 481, 537; I 505, 627; K 226; A 394, 395, 409; N 314; Σ 278; T 67; Y 249; $ 569; X 129, 300, 484; Ψ 588; Ω 52, 325, 419, 420, 573, 662, 726.

486

RECIT - DISCOURS 5.6. Conclusives

La phrase nominale peut enfin étre utilisée comme conclusion d'un raisonnement. La relation avec ce qui précéde peut étre, ici encore, marquée par une asyndète. Mais on trouve en général une particule spécifique, δέ, δέ δή, và, εἵνεκα.

Les structures morpho-syntaxiques sont variées, mais ce type de phrase ne se rencontre quasiment pas, et pour cause, en téte de discours. 5.6.1. En cours de discours

Asyndete infinitif sujet - adjectif neutre - datif T 124

σὸν γένος - où of ἀεικὲς ἀνασσέμεν ᾿Αργείοισιν il est de ta race : (il n'est) pas indigne de lui qu'il régne sur les Argiens

δή En tant que particule emphatique, δή ne coordonne pas les deux phrases mais souligne l'asyndéte. sujet - datif - lieu X 453

tv δ' ἐμοὶ αὐτῇ στήθεσι πάλλεται ἦτορ ἄνὰ στόμα, νέρθε δὲ γοῦνα πήγνυται * ἐγγὺς δή τι κακὸν Πριάμοιο τέκεσσιν. et moi-même, je sens au fond de ma poitrine le cœur me sauter aux lèvres, tandis que mes genoux se raidissent sous moi : un malheur est tout proche

pour les fils de Priam

δέ La prédilection de la langue homérique pour la coordination simple

explique l'emploi de δέ, particule additionnelle à l'origine, comme particule conclusive. C'est en fait la place de la phrase nominale à /a suite d'un contexte donné qui lui confère sa valeur conclusive.

χρή E 490

σοὶ δὲ χρὴ τάδε πάντα μέλειν νύκτας τε καὶ ἦμαρ

&pyoüc λισσομένῳ τηλεκλειτῶν ἐπικούρων νωλεμέως ἐχέμεν, κρατερὴν 6' ἀποθέσθαι

ἐνιπήν

eh bien, pour toi, obligation (il y a) d'y songer, nuit et jour, de supplier les

chefs de tes illustres alliés, pour qu'ils tiennent sans défaillance, et de te décharger ainsi d'un dur reproche

sujet - datif Σ 435

ἄλλα δέ μοι νῦν

Le discours

487

pour moi, maintenant (se présentent) d'autres douleurs

sujet - adjectif - datif 1 378

ἐχθρὰ δέ uot τοῦ δῶρα ses présents (= d'Agamemnon) me (font) horreur

O 509

οὗ μὰν ἔς γε χορὸν κέλετ’ ἐλθέμεν, ἀλλὰ μάχεσθαι. “Ἡμῖν δ’ οὔ τις τοῦδε νόος καὶ μῆτις ἀμείνων,

ἢ αὐτοσχεδίῃ μῖξαι χεῖράς τε μένος TE : ce n'est pas à la danse qu'il convie les siens, c'est à la bataille. Pour nous nul parti, nul plan ne (sont) meilleurs que de mettre en contact, dans le corps à corps, nos bras, nos fureurs

δὲ δή sujet - datif - lieu X 300 Δηίφοβον yàp ἔγωγ’ ἐφάμην ἥρωα παρεῖναι: ἄλλ' 6 μὲν Ev τείχει ἐμὲ δ' ἐξαπάτησεν ᾿Αθήνη νῦν δὲ δὴ ἐγγύθι μοι θάνατος κακός, οὐδ’ ἔτ’ ἄνευθεν

οὐδ’ ἄλέη je croyais avoir prés de moi le héros Déiphobe ; mais il est dans nos murs :

Pallas Athéné m'a joué ! A cette heure, elle (est) là pour moi toute proche, la cruelle mort, elle n'(est) plus loin ; nul moyen de lui échapper

εἵνεκα

(sujet) - adjectif - datif *Afónc τοι ἀμείλιχος fj5' ἀδάμαστος

I 159

τοὔνεκα καί τε βροτοῖσι θεῶν ἔχθιστος ἁπάντων Hades (est) implacable et inflexible en vérité ; mais c'est aussi pourquoi il

(est), de tous les dieux celui que les hommes haissent le plus

χρή, xptó : I 100 τῶ Gt χρὴ περὶ μὲν φάσθαι ἔπος fj5' ἐπακοῦσαι κρηῆναι δὲ καὶ ἄλλῳ, ὅτ’ ἄν τινα θυμὸς ἀνώγῃ εἰπεῖν εἷς ἀγαθόν c'est pourquoi obligation (il y a) pour toi, encore plus que pour d'autres, de parler et d'écouter, et, au besoin, d'agir d'après l'avis d'un autre, lorsque

son cœur l'aura poussé à parler pour le bien de tous

M 315

τῶ νῦν χρὴ Λυκίοισι

μετὰ πρώτοισιν ἔόντας

ἕσταμεν notre devoir dès lors est aujourd'hui dé nous tenir au premier rang des Lyciens [/itt. obligation (il y a) que nous...]

Σ 406

A νῦν ἡμέτερον δόμον ἵκει" τῶ uc μάλα χρεὼ πάντα Θέτι καλλιπλοκάμῳ ζῳάγρια τίνειν

488

RECIT - DISCOURS et la voici aujourd'hui qui vient chez nous ! (il est) donc absolument besoin

que je paye à Thétis aux belles tresses toute la rançon de ma vie

sujet - adjectif Φ 190

τῶ κρείσσων μὲν Ζεὺς ποταμῶν ἅλιμυρηέντων c'est pourquoi Zeus (est) plus puissant que les fleuves coulant à la mer

5.6.2. En fin de discours

χρή, χρεώ Π 631

Ev γὰρ χερσὶ

τέλος πολέμου,

ἐπέων δ’ Evi

τῶ οὔ τι χρὴ μῦθον ὀφέλλειν, AR

βουλῇ

:

μάχεσθαι

l'issue de la guerre (est) dans les bras, celle des paroles dans le conseil (Ξ et les paroles, c'est au conseil qu'elles décident ) ; c'est pourquoi, ce qu'il faut, ce n'est pas entasser les mots, c'est se battre

sujet - lieu O 741

τῶ Ev χερσὶ

φόως, οὗ μειλιχίῃ πολέμοιο

C'est pourquoi, le salut (est) dans nos mains, non dans la faiblesse au com-

τῶ

00

asyndète



Les phrases nominales conclusives se distribuent donc comme suit :

2

δὲ δή εἵνεκα

-

δή



δέ

Références ἃ 197; E 490; H 330; I 100, 159; M 315; N 773; Z 30, 81, 453; O 509, 511, 741; TI 631; Σ 406, 435; T 124; Φ 482; V 308.

Conclusion 1 - Place dans le discours Pour conclure, nous présenterons tout d'abord des tableaux montrant

comment, chacune selon sa fonction dans le discours, les phrases nominales sont utilisées pour ouvrir un discours, se trouvent dans le cours du discours

servent à clore le discours. L'expérience a montré que nombre de phrases nominales se trouvent non pas dans le premier vers d'un discours, mais aus-

Le discours

489

sitôt après, dans le second vers. Le phénomène nous a paru suffisamment

remarquable pour mériter une rubrique particuliére : les phrases de cette rubrique seront ensuite prises en compte dans une catégorie unique, celle des débuts de discours. En ce qui concerne les fins de discours, il arrive également qu'une phrase nominale se trouve dans l'avant-dernier vers. Le phé-

nomène ne nous a pas paru mériter une place particulière. 1.1. Manifester une réaction répondre "un terme" sujet - lieu sujet - dat.- lieu |sujet - attribut sujet - adj. - lieu inf. sujet - datif total

début 4 2 1 3 1 2 13

2€ 1 1 3 5

m 1 1

fin 0

total 5 3 l 7 1 2 19

début 8 2 2 1 1 14

2€ 0

m 4 4 8

fin 0

total 12 2 6

début 3 1 1 2 3 10

2€ 1 1 2

m 5 3 8

fin 0

total 9 1 1 2 1 6 20

montrer une émotion

"un terme" sujet-attribut sujet-attribut-datif inf. sujet-datif sujet-adj.-dat.-lieu total

22

commenter

"un terme" sujet - lieu sujet - datif sujet - génitif sujet - dat. - lieu sujet - attribut total

490

RECIT - DISCOURS exhorter "un terme"

début 1

2€ -

m -

fin -

total 1

début 4 2 1

2€ ]

m ] 3 1

fin 2 1 -

total 7 6 3

5

3

16

2€ -

m 1

fin

total 3

2€ 1 1 3 5

m 2 1 34 1 38

fin l 3 4

total 1 2 2 46 4 Ϊ 56

début 1 2 -

2€ 2 1 1 -

m 2 l

fin 1 2 1 1 -

total 3 0 1 0 5 1 4 1

3

4

3

5

15

questionner "un terme" sujet - lieu sujet - attribut

total

7

1.2. Informer sur l'identité sujet-nom attr.

début 2 ᾿

sur une qualité permanente "un terme" sujet - lieu sujet - datif sujet - attribut sujet - adj. - datif sujet - adj. - lieu total

début 8 l 9

sur un fait temporaire sujet - lieu sujet - datif sujet - génitif sujet - datif - lieu sujet - attribut inf sujet - adjectif sujet - adj. - lieu sujet - adj. - datif

total

Le discours

491

1.3.Fonctions logiques comparatives début "un terme" sujet - lieu sujet - attribut

2 2 -

2€ 1 2

m 5 1 3

fin 1

total 8 3 6

total

4

3

9

1

17

"un terme"

début 1

2€ -

m 3

fin 2

total 6

sujet - datif

-

-

3

-

3

sujet - attribut sujet - adj. - lieu

-

-

3 3

1

3 4

total

1

0

12

3

16

début

2€

m

fin

total

"un terme"

3

]

14

2

20

sujet - lieu

1

2 Ι 1 ] 12 2 4 3

6 2 3 4 22 9 16 7

l 1 5 2 1 6

8 5 4 6 39 13 22 16

2

-

3

hypothétiques

explicatives

sujet - datif sujet - génitif sujet - dat. - lieu sujet - attribut sujet - adj. - lieu sujet - adj. - datif inf sujet - attribut

1 -

inf sujet - adj. - datif

1

-

sujet - adj.- datif - lieu

1

-

total

7

27

-

85

]

-

18

137

492

RECIT - DISCOURS

adversatives

"un terme" sujet - lieu sujet - datif sujet - génitif sujet - attribut inf sujet - adjectif sujet - adj. - datif sujet - adj. - lieu sujet - dat.- lieu sujet - dat. - adj. - lieu total

début

2€

m

fin

total

l 1

1 2 l 2 6

5 3 4 1 8 2 5 2 3 2 35

] | l 2 | ] 3

6 4 5 2 10 3 8 6 6 2 52

début -

2€ -

m 3 4

-

1 l

l 8 4 3 3 26

] 1 2

l 10 4 4 3 29

début 0

2€ ] Ι 2

m 6 1 2 3 12

fin I Ϊ 4 l 2 9

total 7 Ι 5 2 5 2 1 23

10

additionnelles

"un terme" sujet - lieu sujet - datif sujet - attribut sujet - adj. - datif sujet - adj. - lieu sujet - datif - lieu total

fin -

total 3 4

conclusive

"un terme" sujet - lieu sujet - datif sujet - dat. - lieu sujet - attribut sujet - adj. - datif inf. sujet - attribut inf. sujet - adj. - dat. total

Le discours

493

totaux

début

2€

réponses

13

5

sentiment

14

commenter questions exhortation identité qualité permanente fait temporaire comparative hypothetique explicative adversative

10 7 1 2 9 3 4 1 7 Ι

additionnelle

conclusive total début et 2€ place| totaux

2 1 -

m

fin

total

1

19

8

22

8 5 -

27 6

38 3 10 12 85 35

3 18 10

20 16 l 3 56 15 18 16 137 52

-

1

26

2

29

-

2 - 56

12

9

23

244

55

427

3 -

| 5 4 3 -

72 128

4 5 1

Les résultats de cette enquéte viennent confirmer ce que nos précédentes analyses avaient largement laissé entrevoir : l'extrême diversité des

emplois de la phrase nominale. La phrase nominale n'a, dans le discours — et dans le récit — plus de fonction unique qu'elle n'a de structure formelle unique.

pas

2 - Fonction

Les 14 fonctions que nous avons retenues se situent en fait sur 4 plans différents.

La conséquence en est que plusieurs fonctions (en général deux) sont susceptibles de coexister dans certaines phrases. Cela explique les difficultés qu'il y a à réunir l'ensemble des fonctions sous forme de tableaux et la prudence avec laquelle doivent étre pris les résultats de ces tableaux. Les chiffres qu'ils donnent restent cependant significatifs dans la mesure où, méme pour les phrases qui cumulent plusieurs fonctions, il est presque toujours possible de définir une fonction principale.

494

RECIT - DISCOURS Fonction 1

Il arrive que, dans les discours de l'Îliade, les phrases nominales servent à exprimer une réaction à un discours ou à un événement. Elles sont cependant en nombre relativement modeste : réponses

19

expression d'un sentiment

22

commentaires

20

total

61

En effet, si l'on peut dire que toute phrase placée en téte de discours à la suite d'un autre discours constitue une réponse à ce discours, il n'en est

pas moins vrai que le nombre de phrases explicitement désignées comme réponses ne dépasse pas une vingtaine. De la méme facon, beaucoup de phrases expriment une émotion ou un sentiment, ou bien commentent un événement, mais peu nombreuses sont celles qui en font leur attribution spécifique. Fonction II

Bien que le nombre des phrases nominales interrogatives soit relativement modeste (une vingtaine) l'existence de telles phrases est bien attestée. Il n'y a en revanche quasiment aucune phrase spécifiquement exhortative. Fonction III

La catégorie des phrases nominales informatives est, elle, beaucoup mieux représentée : la phrase nominale a fréquemment pour fonction de fournir une identité, indiquer une qualité permanente ou temporaire. En outre, les phrases nominales sont nombreuses qui donnent une information en réponse à un interlocuteur, ou pour le contredire, ou en guise d'explication, etc... Le nombre des phrases informatives est, dans ces conditions, sensiblement plus élevé que les 74 phrases qui ont pour fonction principale d'informer. identité

3

qualité permanente

56

fait temporaire

15

total

74

Le discours

495

Dans cette catégorie l'expression des qualités permanentes semble la plus fréquente ; elle l'est cependant moins qu'il n'y paraît dans la mesure où des expressions formulaires telles que ὃς ἄριστος, of ἄριστοι se trouvent répétées à maintes reprises et accroissent d'autant le nombre des exemples relevés. Fonction IV

Il s'avère enfin que la phrase nominale s'insere aisément à l'intérieur du discours comme élément d'une argumentation ; la répartition est la suivante (les pourcentages sont arrondis) : phrases nominales :

comparatives hypothétiques additionnelles conclusives adversatives explicatives

total

18 16 29 23 52 137 275

6% 6% 11% 8% 19% 50%

Sur 427 phrases nominales relevées dans le discours, 275 phrases ont une fonction "logique" soit 64% de l'ensemble des phrases nominales du discours.

Or, sur ce total, 137 d'entre elles sont explicatives, ce qui représente la moitié des phrases utilisées comme arguments et 32% du total. A ce chiffre, viennent en outre s'ajouter certaines phrases "additionnelles" qui font partie d'un ensemble explicatif. Concernant la phrase nominale, on ne manquera donc pas de se convaincre de l'importance de la fonction explicative. De là à conclure que la fonction explicative est spécifique de la phrase nominale, il n'y a qu'un pas qu'on se gardera bien de franchir puisque celleci est tout à fait apte à remplir d'autres fonctions. 3 - Fonction et structure formelle

Il est à remarquer d'autre part qu'il n'y a pas de correspondance exacte entre fonction et structure morpho-syntaxique. Tout au plus peut-on discerner des tendances.

496

RECIT - DISCOURS

Infinitif sujet - adjectif neutre Les phrases dont le sujet est un infinitif sont toujours un élément d'une

argumentation. Elles sont la plupart du temps explicatives, mais peuvent également étre conclusives ou adversatives : explicatives

17

adversatives

3

conclusives

3

total

23

Relatives

Les propositions relatives sont également plutót spécifiques de certaines catégories sans étre pour autant attachées à une seule : elles sont presque toujours informatives, servant à fournir un renseignement, indiquer une identité, énoncer une qualité. Mais cette fonction, attachée elle-méme à leur construction attributive, s'efface souvent devant une fonction logique, explicative ou concessive : définit une qualité permanente ou une identité définit une qualité temporaire

39

explicative

2 4

concessive

5

4 - Position privilégiée On rencontre des phrases nominales en tout point du discours. Il est cependant intéressant de noter que, toutes proportions gardées, la phrase nominale a une certaine prédilection pour /'ouverture des discours.

Les 427 phrases nominales relevées dans les discours se répartissent comme suit :

total début totaux

début

2è v

72

56 128

m

fin

total

244

55

427

Ce qui donne en pourcentages : ouverture de discours

- corps de discours fermeture de discours

=

30%

=

57%

=

13%

Le discours

497

Ces résultats inspirent quelques remarques : En ouverture de discours la phrase nominale est utilisée comme réponse, commentaire, réaction émotionnelle ; elle n'informe pas, exception

faite des cas où l'information méme est une réponse. Elle sert également de point de départ de l'argumentation. Elle se rencontre aussi, quoiqu'en moindre proportion, en fin de discours, généralement avec une valeur conclusive. Le début et la fin sont des moments privilégiés du discours, destinés, non à informer, mais à faire impression. Il faut donc admettre que la phrase nominale a une force de persuasion que n'a pas la phrase verbale : rien à ce

stade de notre étude ne permet encore d'en déterminer les raisons avec certitude : nous tenterons de le faire dans un chapitre ultérieur qui aura justement pour objet de confronter la phrase nominale avec la phrase à verbe être.

5 - Le probléme des vérités générales Les phrases à valeur de vérités générales sont aptes , elles aussi, à assurer tous les types de fonctions. Nous rappellerons ici brièvement comment se pose le probléme de ces phrases et ce que nous entendons par vérités générales. Les phrases nominales assertent généralement des faits, mais le degré d'actualisation de ces faits est variable. Si le fait énoncé à propos d'un individu est permanent, l'assertion est absolue, bien qu'actualisée. Mais si le fait concerne une classe d'individus non définis, l'assertion est absolue et géné-

rale ; si l'individu est un dieu, la phrase nominale est à la fois actualisée, et générale!. Le passage d'un type d'assertion à l'autre est progressif, puisqu'il

se fait par substitution ou addition?. C'est par rapport à cet ensemble, et seulement par rapport à lui, que se pose donc le probléme des "vérités générales" proprement dites, à savoir des sentences.

Les sentences pures sont peu nombreuses : 53 phrases sur 427 recensées dans le discours, soit à peine plus de 12,40%.

1 Cf. supra, p. 370-371. 2 Cf. supra, p. 398, et p. 406 sq.

498

RECIT - DISCOURS

Ce chiffre est peu significatif : il n'autorise pas à assimiler construction nominale et vérités générales. Du point de vue de leur contenu sémantique, celles-ci expriment habituellement une qualité permanente. Mais, leur fonction dans la chaîne discursive est variable générales sont aptes, fout comme les autres phrases nominales, plupart des fonctions du discours. Leur fonction habituelle est une fonction logique , explicative dans la quasi-totalité des cas, montre le tableau suivant :

: les vérités à remplir la néanmoins ainsi que le

début 1 ] 2

2è v 1 1

m 3 3

fin 0

total i 2 3 6

comparative hypothetique explicative

l

1 3

16

8

l 28

adversative

-

-

2

i

4

additionnelle conclusive total total général

Ϊ 3

4 5

11 29 32

] 3 13 13

12 3 47 53

réponses sentiment commenter questions identité qualité permanente fait temporaire total

fonctions logiques :

C'est parce que les sentences sont puisées dans le systéme de valeurs

reconnu par la société toute entiére, qu'elles sont aptes, au cours d'une argumentation, à étre utilisées comme référence explicative et qu'elles ont force d'autorité. Ainsi s'explique qu'elles servent volontiers de premier argument d'un raisonnement : une sentence placée en début de discours, souvent à la

suite d'une premiére phrase chargée de marquer la réaction au discours précédent — il s'agit le plus souvent de χρή ou de χρεώ — énonce une vérité dont la fonction est de fonder l'argumentation qui va suivre en lui servant de référence.

Le discours

499

Les sentences permettent également de clore les discours à l'aide d'un dernier argument qui est une explication sans appel!.

En voici quelques exemples caractéristiques ainsi que les références : Ouverture

La phrase suivante, donnée en réponse à un discours, sert, en tant que référence explicative, de premier argument au discours qui va suivre : P 19

Ζεῦ πάτερ, οὗ μὲν καλὸν ὅπέρβιον εὔὐχετάασθαι ah ! Zeus Pere, (il n'est) pas beau de se vanter avec excès

Références 4 occurrences :

P 19, T 79, Φ 498, Ω 425.

Deuxième position M 269

ὦ φίλοι, ᾿Αργείων & τ' ἔξοχος ὅς τε μεσήεις ὅς τε χειρειότερος, ἐπεὶ 08 πω πάντες ὅμοῖοι

ἀνέρες Ev πολέμῳ mes amis, (tous ceux qui) parmi les Argiens (sont) supérieurs, ou moyens, ou moins bons, car tous les hommes ne (sont) pas les mémes au combat

Références 5 occurrences : A 589; B 24; Z 146; M 2706; T 79.

Au cours du discours

1 256

σὺ δὲ μεγαλήτορα θυμὸν

ἴσχειν ἐν στήθεσσι φιλοφροσύνη γὰρ ἀμείνων c'est à toi qu'il appartient de maîtriser ton cœur superbe en ta poitrine : la douceur toujours (est) meilleure

Références 31 occurrences : A 80; B 204, 296, 804; E 407, 441; I 256, 318, 319, 341, 406, 407, 408, 497, 498, 505; A 390, 409, 801; N 115, O 496, 563; II 630; P 176; T 80, 169; Y 248, 249; X 73; V 315, 590. 1 Mais les sentences ne sont pas les seules phrases nominales à se trouver en début et en

fin de discours.

500

RECIT - DISCOURS

Fin Les sentences suivantes sont des explications qui servent à clore le discours : O 140

ἤδη γάρ τις τοῦ γε βίην καὶ χεῖρας ἀμείνων

À πέφατ’, ἢ καὶ ἔπειτα πεφήσεται ^ ἀργαλέον δὲ πάντων ἀνθρώπων ῥῦσθαι γενεήν τε τόκον Te.” car déjà plus d'un a été tué, qui valait mieux que lui pour la force et les bras, et plus d'un sera tué encore ; (il est) malaisé de sauver les fils et les rejetons de tous les humains"

E 178

εἶ μή τις θεός ἔστι κοτεσσάμενος Τρώεσσιν

ἱρῶν μηνίσας ^ χαλεπὴ δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις ." à moins que ce ne soit là quelque dieu en courroux contre les Troyens, qui leur en veut d'un sacrifice omis ; terribie (est) en retour la colére d'un dieu"

Références : 14 occurrences: E 178; H 282; K 226; A 514, M 412; Ξ 80, 81; O 140, 203, 741; Π 631;

Σ 201; T 182; Y 131.

A ces phrases pourraient venir s'ajouter en fin de discours un certain nombre d'autres phrases qui, tout en étant actualisées, ont quasiment valeur de sentences comme : E 178, O 511, O 741.

6 - La question du contexte L'étude de la distribution fonctionnelle des phrases nominales confirme le fait que la phrase nominale n'est en aucune maniére indépendante du

contexte. Enoncée en réaction à un discours ou à un événement, ou comme incitation à réagir, elle est toujours intimement liée étroite au contexte. Réponse,

elle fait suite à une question ; question elle exige une réponse. Informative, elle donne des renseignements sur les actants du récit, et n'échappe jamais au contexte, qu'il s'agisse du co-texte ou du monde. Elément d'une argumentation, elle forme avec le contexte un systéme logique dont il serait impossible de la soustraire sans détruire l'argumentation. A l'issue de ce chapitre, nous sommes donc en droit d'affirmer que Ja phrase nominale n'est jamais indépendante du contexte.

Le discours

501

Conclusion : récit / discours Au début de ce chapitre, nous nous étions posé un certain nombre de questions : comment se fait-il que les discours contiennent plus de phrases

nominales que les récits ? Dans les deux sortes d'énoncé les phrases nominales sont-elles du méme type, tant du point de vue morpho-syntaxique que du point de vue sémantique, ou bien les deux corpus sont-ils absolument

dissemblables ? Leur mode d'utilisation diffère-t-il ? et quel est ce mode ? Alors méme qu'elles sont plus nombreuses dans les discours, qui sont

pourtant l'expression méme de la subjectivité, peuvent-elles, comme l'affirme Benveniste, étre coupées du contexte, de la personne, du temps ? Au cours de cette analyse, nous avons tout d'abord dû nous interroger sur la nature de chacun des deux types d'énoncés, ce qui nous a permis non seulement de définir leur spécificité mais surtout de mettre en évidence leur parenté. C'est seulement au travers de cette problématique, et exclusivement à travers elle, que la question du mode de fonctionnement des phrases nominales dans l'Iliade avait, à notre avis, quelque chance d'étre correctement

posée. 1 - Récit et discours comme énoncés spécifiques Discours Le discours est le mode de la subjectivité, de la spontanéité, de l'ur-

gence : le locuteur réagit, commente, réplique, questionne, cherche à impressionner, ou à convaincre. Le discours s'inscrit donc au sein d'une rela-

tion avec un partenaire ; ce faisant, il est dialogue en méme temps que tout entier tourné vers l'action. Il ne s'attarde donc ni en narrations ni en descriptions : dans un tel contexte, les phrases nominales ne sont pas descriptives, elles sont réponses, questions, commentaires de l'événement ou du discours précédent. Ou bien elles informent, sur un lieu, une identité, une qualité, etc... Comme le discours lui-même, elles expriment la subjectivité du locu-

teur : un grand nombre d'entre elles contient un pronom au datif (μοι /cor). En outre, face à l'interlocuteur, le discours homérique se veut persuasif, il se fait volontiers raisonnement. Les phrases nominales sont utilisées comme arguments, elles sont conclusives, adversatives, et, surtout, explicatives.

502

RECIT - DISCOURS

Parfois, l'énonciateur tente d'imposer son point de vue en recourant à

un argument susceptible d'offrir la garantie de l'impartialité, reconnu de l'ensemble de la collectivité : c'est alors que le discours référe au devoir et qu'apparaît χρή ou χρεώ, ou bien, qu'il fait appel à cette vérité générale, abstraite, transcendante, qu'est la sentence.

Récit Le récit est par définition narratif et descriptif. Mais le narrataire n'a pas lui-méme assisté aux événements qu'il relate. Seule, la Muse, qui est en dernier ressort le véritable narrateur, en a été le témoin, mais un témoin lointain, extérieur. L'aède, dont la tâche est seulement de transmettre ce savoir divin, a, vis à vis des événements révolus qu'il relate, une attitude déta-

chée et tranquille. Le flux du récit se déroule donc sans heurt, libéré de l'urgence, libre de tout désir de faire triompher une quelconque vérité personnelle.

Dans le récit, contrairement à ce qui est la régle dans le discours, les phrases nominales n'expriment pas une réaction spontanée ou violente, ne répondent pas, ne posent pas de questions, ne cherchent pas à provoquer de réaction. Le récit, ordinairement, ne cherche pas à convaincre, il ne raisonne pas, les phrases nominales n'y sont donc pas argumentatives ; le récit n'a pas, vis à vis de son auditoire, à faire appel au devoir ; cela explique qu'il ne présente aucune occurrence de χρή ; pour la méme raison, il n'a pas non

plus à recourir à l'autorité transcendante : il n'y a que deux sentences dans les récits de l'Iliade. Dans le récit, les phrases nominales sont donc, comme il est permis de s'y attendre : - informatives, elles renseignent sur l'identité et sur le lieu (dans le récit, 42,596 des phrases nominales sont locatives)

- descriptives, avec une nuance narrative parfois. 2 - Récit et discours : un seul type d'énoncé Le récit appartient par bien des aspects, à l'ordre du discours. Et l'aéde (ce peut étre parfois la Muse), bien qu'en apparence absent des événements qu'il relate, intervient en réalité à maintes reprises. Quand l'aède intervient directement, ce qui arrive de temps à autre, Je récit se fait discours .

Le discours

503

Il arrive que le narrateur commente et réagisse, comme dans le dis-

cours. Comme dans le discours, bien que beaucoup plus rarement, il raisonne et argumente : la phrase nominale est alors explicative (1 ex) ou adversative (3 ex).

Comme dans le discours, l'aède peut faire appel à une sentence, utilisée ici comme commentaire de l'événement (2 occurrences : ® 264, E 417).

Son mode privilégié d'intervention est cependant la comparaison, qui lui permet d'intervenir de façon à la fois déguisée et poétique. Inversement, le discours peut se faire récit ; la phrase informative devient alors description ; ou bien le jugement porté par le locuteur se dissimule derriére une comparaison. La répartition des emplois entre récit et discours tient donc aux caractéristiques propres de ces deux modes d'énonciation, mais n'oppose pas deux ensembles de phrases. La phrase nominale n'est pas par nature impersonnelle, intemporelle, coupée du contexte. Elle est au contraire trés étroitement liée à celui-ci, ainsi qu'au référent ; elle exprime le temps et la personne, elle est subjective : on aura remarqué que le datif est presque toujours un pronom de la 1€ ou de la 2€ personne, représentant des instances d'énonciation, et rarement un pronom de la 3€ personne ou un nom.

Il tensité propre tout la mettant

ressort en définitive de cette étude que la phrase nominale a une inparticuliére : il est vrai que, du fait qu'elle est nominale, elle est à donner à l'assertion le caractére d'un absolu ; mais elle porte surmarque de l'oralité : elle tire sa force de la pause qui sépare, en les en relief, le sujet et le prédicat.

La phrase nominale ne se comprend que comme acte d'énonciation : ce n'est pas parce qu'elle est intemporelle qu'elle s'utilise dans les sentences, mais bien parce qu'elle est orale. On peut dire pour finir, avec Benveniste, que la phrase nominale appartient au discours.

chapitre 3

Modalité

Selon Benveniste, la phrase nominale, parce que non verbale, n'est pas apte à exprimer la modalité. Pour notre part, nous avons eu au contraire l'occasion de découvrir que la phrase nominale prend bel et bien ici et là une valeur modale. Il est donc temps de tenter de déterminer dans quelles conditions on

peut parler de modalité à propos de la phrase nominale et, au préalable, de se demander s'il s'agit bien de modalité. La modalité, définitions

La notion de modalité est généralement associée à celle de mode verbal. Ainsi l'optatif indique le mode potentiel, le subjonctif, la volonté ou l'éventualité, tandis qu'une phrase à l'indicatif serait, du point de vue modal non marquée. Du fait que la phrase nominale, bien que non verbale, est le plus souvent assimilable à une phrase à l'indicatif, il est donc naturel de penser qu'elle est, du point de vue modal, non marquée. Il serait cependant naif de s'en tenir à ce point de vue. On sait en effet que les modes verbaux ne recouvrent pas à eux seuls tout le champ de la modalité. La langue posséde en effet d'autres moyens d'exprimer les catégories modales, moyens lexicaux et intonation en particulier. Parmi les moyens lexicaux retenons par exemple des morphémes tels que le suffixe *-70 qui exprime la possibilité, ou les noms d'obligation comme χρή ou x pto. Mais l'on ne saurait exclure de l'étude de la modalité celle de la modalisation qui indique la maniére dont le locuteur, au moment de l'énonciation, envisage son propre énoncé : l'intonation, généralement soutenue par.une particule modalisatrice, fait d'une phrase assertive et non marquée une phrase exclamative, jussive, interrogative. L'assertion elle-

Modalité

505

méme est, en tant que telle, parfois affectée de modalisateurs qui en accentuent le caractére proprement assertif. La modalisation est tout entiére

expression de la subjectivité. Nous envisagerons donc ici tour à tour les trois aspects de la modalité que nous venons de définir.

I. Modalisation : l'intonation Un grand nombre de phrases, qui ne font qu'énoncer une assertion, paraissent non marquées du point de vue modal. 1 - Phrases assertives

1.1. Assertion simple phrases locatives T 391

κεῖνος 8 y’ tv θαλάμῳ καὶ δινωτοῖσι λέχεσσι καλλεί τε στίλβων καὶ εἵμασιν celui-ci (est) dans la chambre, sur le lit fait au tour, tout brillant de sa

beauté et de sa parure

E 479

τηλοῦ yàp Avx(n car (elle est) loin la Lycie

Σ 422

ἔνθα Θέτις περ là oà (est) Thétis

assertions d'appartenance V 148

ὅθι toi τέμενος βωμός τε θνήεις là où (sont) ton sanctuaire et ton autel odorant

Toutes les autres assertions d'appartenance contiennent un modalisateur phrases attributives K 558

ἵπποι δ’ οἶδε, γεραιέ, νεήλυδες mais ces chevaux-là, vieillard, (sont) des nouveaux venus

N 222 °Q av, οὔ τις ἀνὴρ νῦν αἴτιος Thoas, aucun homme aujourd'hui (n'est) coupable

506

RECIT - DISCOURS

1.2. Modalisation comme expression de la subjectivité Dans nombre de phrases nominales assertives cependant, l'accent est

porté sur le regard posé par l'énonciateur sur son énonciation et sur la maniére dont il cherche à imposer son point de vue à l'allocutaire. Certains lexémes contenus dans l'assertion nominale servent alors de modalisateurs ; ce

sont :

- les particules assertives et intensives - le datif éthique! τοι En voici quelques exemples : Particules P 415

ὦ φίλοι, où μὰν ἧμιν εὐκλεὲς ἀπονέεσθαι

νῆας ἐπὶ γλαφυράς amis, pour nous (il ne serait) pas glorieux de retourner aux nefs creuses Ω 52

où μήν of τό γε κάλλιον οὐδέ τ’ ἄμεινον cela n'(est) pour lui ni plus beau ni plus noble

σιδήρειόν νύ τοι ἦτορ

Ω 205 vraiment, ton cceur (est) de fer

Δ 307

& δέ x’ ἀνὴρ ἀπὸ ὧν ὄχέων ἕτερ’ ἅρμαθ' ἵκηται,

ἔγχει δρεξάσθω, ἐπεὶ À πολὺ φέρτερον οὕτω si l'un de vous peut, de son char, atteindre un char ennemi, qu'il tende sa lance : cela (vaudra) beaucoup mieux

A 391

À τ’ ἄλλως ὅπ' ἐμεῖο (il en est) autrement de mes traits.

ἦ γὰρ ᾿Αχιλλεύς

$532 ἐγγὺς ὅδε κλονέων

Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

X 357

ἦ γάρ aot γε σιδήρεος Ev φρεσὶ θυμός car un cœurde fer (est) en toi

Y 293

ὦ πόποι, À uot ἄχος μεγαλήτορος Αἰνείαο hélas ! que j'(ai) de peine pour le magnanime Enée

1 Cf. supra, p. 213 et p. 411-412.

Modalité

507

À μάν N 354

À μὰν ἀμφοτέροισιν δμὸν γένος fj5' ἴα πάτρη (ils ont) tous deux même origine et même parents

A μάλα, À μάλα δὴ 11745

ὦ πόποι, À μάλ' ἐλαφρὸς ἀνήρ, ὡς βεῖα κυβιστᾷ ah ! qu'(il est) souple, celui-là, quelle aisance dans ses sauts !

X 373

ὦ πόποι, ἣ μάλα δὴ μαλακώτερος ἀμφαφάασθαι Ἕκτωρ fj ὅτε νῆας ἐνέπρησεν πυρὶ κηλέῳ oh ! cet Hector-là (est) vraiment plus doux à palper que celui qui naguère livrait nos nefs à la flamme brülante

Datif éthique N 115

ἄκεσταί τοι φρένες ἐσθλῶν les cœurs des braves (sont) susceptibles d'être ranimés

Ces exemples montrent à quel point la phrase nominale peut être subjective et dépendre de la situation d'énonciation. Cela confère à l'assertion un caractère souvent proche de l'exclamation. Celle-ci a cependant son caractère propre. 2 - Phrases exclamatives

En effet, l'exclamation n'a pas pour but principal de souligner le message contenu dans l'assertion, mais, en en modifiant l'intonation, de renseigner sur les sentiments du locuteur, comme la joie, la douleur, l'indignation, etc... ; l'exclamation est habituellement marquée par une particule spécifique. 2.1. Avec particule exclamative d uot

I1 433

ὦ uox ἐγών pauvre de moi !

Σ 54

ὦ μοι͵ ἐγὼ δείλη, d μοι δυσαριστοτόκεια ah ! misérable (que) je (suis), mère infortunée d'un preux !

Q 255

d μοι ἐγὼ παναάποτμος hélas ! je (suis) bien malheureux !

H96

d

uot, ἀπειλητῆρες,᾽ Αχαιίδες, οὐκέτ’ ᾿Αχαιοί ah ! bravaches ! Achéennes

-- (je ne peux) plus (dire) Achéens !

508

RECIT - DISCOURS

d πόποι

II 745

ὦ πόποι, fj μαλ’ ἐλαφρὸς ἀνήρ, ὡς ῥεῖα κυβιστᾷ ah ! qu'il (est) souple, celui-là, quelle aisance dans ses sauts !

fito H 191

ὦ φίλοι, ἤτοι κλῆρος ἐμός amis, voici mon sort !

5 ῥά La particule ἄρα sert à établir un contact entre le poéte et l'attente de l'auditeur!.

Σ 394

f| Bá νύ μοι δεινή τε καὶ αἰδοίη θεὸς ἔνδον ah ! 1.41) une terrible et auguste déesse, là, sous mon toit !

2.2. Intonation seule

Parfois, la place dans le discours, le caractére immédiat de l'énonciation et le contexte suffisent à donner à la phrase une tonalité exclamative. discours E 787 αἰδώς, ᾿Αργεῖοι (c'est une) honte, Argiens !

X 431

τέκνον, ἐγὼ δείλη mon fils quelle misere (est) donc la mienne !

X 477

Ἕκτορ, ἐγὼ δύστηνος hélas, Hector, quelle infortune (est )la mienne !

récit P 236

μάλα δέ σφισιν ἔλπετο θυμὸς

νεκρὸν ὕὅπ' Αἴαντος ἔρύειν Τελαμωνιάδαο, νήπιοι leur cœur a bon espoir d'arracher le corps à Ajax, fils de Télamon : les sots !

Y 166 ἀγρόμενοι,

ὅν τε καὶ ἄνδρες ἀποκτάμεναι πᾶς δῆμος

que des hommes

— (il y a) tout un peuple —

Y 286

μεμάασιν

brülent de mettre à mort

6 δὲ χερμάδιον λάβε χειρὶ

Aîvelog, μέγα ἔργον, ὃ οὗ δνὸ ἄνδρε φέροιεν,

οἷοι νῦν βροτοί εἶσ’ 1 P. Chantraine, DELG.

Modalité

509

Enée alors dans sa main prend une pierre — l'exploit (est) merveilleux : deux hommes, deux hommes d'aujourd'hui ne la porteraient pas

3 - Phrases interrogatives

La phrase nominale est parfois, non pas assertive, mais interrogative. 3.1. Questions

Il arrive que la question posée soit vraiment une demande de renseignements : E 633

Σαρπῆδον, Λυκίων βουληφόρε, τίς τοι &votykn πτώσσειν Evo’; Sarpédon, conseiller des Lyciens, quel besoin ( as-tu) donc de te terrer ici 7

A 606

τί δέ σε χρεὼ ἐμεῖο ; quel besoin (as)-tu donc de moi 7

3.2. Fausses questions Mais la plupart des interrogations de l'Iliade, au moins quand il s'agit de phrases nominales, sont de type oratoire, la limite entre les deux types n'étant d'ailleurs pas toujours trés marquée. Ce que mettent en évidence des phrases de ce type, c'est encore la visée de l'énonciateur, et donc l'expression de sa subjectivité. £80

ἀλλά τί μοι τῶν ἧδος, ἐπεὶ φίλος ὥλεθ’ ἑταῖρος, Πάτροκλος ; mais quel plaisir en (ai)-je, maintenant qu'est mort mon ami Patrocle?

Y 251 ἄλλά τί À ἔριδας καὶ νείκεα. νῶιν ἀναγκη νεικεῖν ἀλλήλοισιν ἐναντίον ; mais sommes nous forcés [liit. en quoi (y a-t-il) pour nous nécessité] de

nous disputer, de nous prendre à partie face à face?

$ 360

τί μοι ἔριδος καὶ ἀρωγῆς ; quel (est) pour moi (l'intérêt) de batailler et de leur porter secours?

Ξ 471

À ff οὐχ οὗτος ἀνὴρ Προθοήνορος ἀντὶ πεφασθαι

ἄξιος

;

car cet homme n'est-il) pas digne de vivre autant que Prothoénor ?

P 475

"Αλκίμεδον, τίς γάρ τοι ᾿Αχαιῶν ἄλλος 6uotoc ἵππων ἀθανάτων ἐχέμεν δμῆσίν τε μένος τε, Alcimédon, quel autre Achéen (est) semblable à toi (= te vaut) pour mainte-

nir dociles et fougueux à la fois des chevaux immortels ?

510

RECIT - DISCOURS

P 450

οὗ γὰρ ἐάσω: À οὖχ ἅλις ὥς καὶ τεύχε᾽ ἔχει καὶ ἐπεύχεται αὕτως ; je ne le tolérerai pas ; n'(est-il) pas suffisant qu'il ait les armes et s'en glorifie comme il fait ?

4 - Phrases jussives 1247

AX

ἄνα

allons, debout !

cf.

z 376

Au travers de l'étude de la modalisation, nous pensons une fois encore avoir mis en évidence une fois encore le caractère subjectif de la phrase nominale. Loin d'être impersonnelle, inapte à l'expression de la modalité, elle est au contraire vouée à l'expression de la subjectivité du locuteur, elle est à proprement parler un acte de langage.

II. Modalité comme mode verbal La phrase nominale parce qu'elle est non verbale serait inapte à exprimer les notions modales réservés aux modes verbaux, comme

la volonté,

l'éventualité, l'hypothèse, etc... Si en effet la phrase nominale ne dépendait pas du contexte, il serait sans doute possible de soutenir un tel point de vue ; mais elle est au contraire étroitement dépendante du contexte au point de former avec celui-ci, sous certaines conditions, un véritable système de deux ou plusieurs propositions. On comprend alors, que, bien que non verbale, mais parce qu'elle est étroitement dépendante du contexte et donc affectée

par le mode du verbe de la proposition à laquelle elle est liée, elle puisse faire partie d'un système hypothétique ou éventuel. Ce système peut se présenter de deux façons, suivant que la phrase nominale est subordonnée ou principale : 1 - Principales

La phrase nominale, quand elle est proposition principale, prend la coloration modale de la subordonnée. 1.1. Systéme hypothétique à l'indicatif X 53

εἶ &' ἤδη τεθνᾶσι καὶ εἶν ᾿Αίδαο δόμοισιν, ἄλγος ἐμῷ θυμῷ καὶ μητέρι, τοὶ τεκόμεσθα

Modalité

511

mais si déjà ils ont péri, s'ils sont aux demeures d'Hadès, quelle peine pour

notre cœur, à moi et à leur mère, qui leur avons donné le jour !

Θ 423

ἀλλὰ σύ y' αϊνοτάτη, κύον ἀδδεές, εἰ ἔτεόν γε τολμήσεις Διὸς ἄντα πελώριον ἔγχος ἀεῖραι mais toi (tu es) terrible entre toutes, chienne impudente, si vraiment, contre

Zeus, tu oses lever ta pique monstrueuse

1.2. Systéme au subjonctif éventuel La subordonnée est une conditionnelle ou une relative ; le mode est le

subjonctif précédé de κε. Σ 180

σοι λώβη, αἴ κέν τι νέκυς ἠσχυμμένος ἔλθῃ pour toi (ce sera) une honte s'il arrive parmi les morts outrageusement mutile !

Z 227 πολλοὶ μὲν yàp ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί τ’ ἐπίκουροι, κτείνειν ὅν κε θεός γε πόρῃ καὶ ποσσὶ κιχείω, πολλοὶ 6' αὖ σοὶ ᾿Αχαιοί Évotpfucv ὅν κε δύνηαι j'ai bien d'autres hommes à tuer parmi les Troyens ou leurs illustres alliés, si un dieu me les amène et si je les joins moi-même à la course et tu as aussi bien d'autres Achéens à abattre, si tu le peux O 497

ὅς δέ κεν ὑμέων βλήμενος ft τυπεὶς θάνατον καὶ πότμον ἐπίσπῃ, τεθνάτω * οὔ of ἀεικὲς ἀμυνομένῳ περὶ πάτρης τεθνάμεν - ἄλλ’ ἄλοχός τε σόη καὶ παῖδες ὀπίσσω,

καὶ οἶκος καὶ κλῆρος ἀκήρατος, εἴ κεν ᾽Αχαιοὶ οἴχωνται

σὺν νηυσὶ φίλην ὃς πατρίδα γαῖαν

celui de vous qui, blessé de loin ou frappé de près, arrivera à la mort et au terme de son destin mourra, soit ! il (n'est) pas honteux pour lui de mourir

en défendant son pays ; sa femme et ses enfants (restent) saufs pour l'avenir ; sa maison, son patrimoine (sont) intacts, du jour οὗ les Achéens sont

partis avec leurs nefs pour les rives de leur patrie

T 169

ὅς x’ ἀνὴρ οἴνοιο κορεσσάμενος καὶ ἐδωδῆς ἀνδράσι

δυσμενέεσσι

πανημέριος

πολεμίζῃ,

θαρσαλέον νύ of ἦτορ ἑνὶ φρεσίν l'homme qui, bien rassasié de viande et de vin, guerroie tout un jour contre l'ennemi, en sa poitrine le cceur (est) intrépide

2 - Subordonnées

A 116

ἀλλὰ καὶ ὥς ἐθέλω δόμεναι παλιν, εἴ τό γ' ἄμεινον et, malgré tout cela, je consens à la rendre, si c'(est) le bon parti

512

RECIT - DISCOURS

E 184

εἶδ’ 8 y’ ἀνὴρ ὅν φημι, δαίφψρων Τυδέος υἷός, οὔχ ὅ y' ἄνευθε θεοῦ τάδε μαίνεται en tout cas, si celui-ci (est) l'homme que je pense, le brave fils de Tvdée, ce

n'est pas sans l'aide d'un dieu qu'il montre ici telle fureur

T 264

εὖ δέ τι τῶνδ’ ἐπίορκον, ἐμοὶ θεοὶ ἄλγεα δοῖεν πολλὰ μάλ’, ὅσσα διδοῦσιν ὅτις σφ’ ἀλίτηται ὀμόσσας εἴ, s'(il y a) ici le moindre parjure, que les dieux me fassent souffrir les

mille maux qu'ils font souffrir à qui les a offensés en jurant !

Q 224

et δέ μοι «tou τεθνάμεναι παρὰ νηυσὶν ᾿Αχαιῶν χαλκοχιτώνων, βούλομαι si mon destin (est) de périr prés des πεῖς des Achéens à la cotte de bronze,

je l'accepte N 667

τῇ δὲ δυωδεκάτῃ

πτολεμίξομεν,

εἴ nep ἀνάγκη

le douzième, nous serons prêts à nous battre, s'(il y a) nécessité

Nous sommes donc en mesure d'affirmer que, méme du point de vue qui restreint la modalité aux modes verbaux, la phrase nominale n'est pas étrangère à la modalité : les liens étroits qu'elle entretient avec le contexte lui permettent, dans certaines conditions d'exprimer la modalité verbale.

III. Modalités logico-sémantiques Il est une autre sorte de modalités, que nous appellerons "modalités linguistiques" parce qu'elles trouvent leur expression dans les constituants lexicaux de la phrase et non pas dans l'intonation ou le contexte. Ce sont les

modalités des logiciens!, celles qui concernent les catégories du nécessaire et du non nécessaire, du possible et de l'impossible (modalités aléthiques), et les catégories de l'obligatoire et du facultatif, du permis et du défendu (modalités déontiques).

1 - Modalités déontiques 1.1. Noms

Les phrases nominales à "un terme" qui énoncent une obligation font

partie de cette catégorie, que l'obligation soit imposée de l'extérieur (par

1 Cf. J. Cervoni, L'énonciation, p. 76.

Modalité

513

exemple par les lois divines), ou qu'elle soit intériorisée (s'il s'agit du devoir issu du code de l'honneur).

χρή E 490

σοὶ δὲ χρὴ τάδε πάντα μέλειν νύκτας τε καὶ ἦμαρ

ἀρχοὺς λισσομένῳ τηλεκλειτῶν ἐπικούρων νωλεμέως ἔχέμεν, κρατερὴν δ’ ἀποθέσθαι ἐνιπήν eh bien, pour toi, obligation (il y a) d'y songer, nuit et jour, de supplier les

chefs de tes illustres alliés, pour qu'ils tiennent sans défaillance, et de te décharger ainsi d'un dur reproche

ἄναάγκη E 633

Σαρπῆδον, Λυκίων

βουληφόρε,

τίς τοι ἄναγκη

πτώσσειν ἔνθαδ’ ἐόντι μάχης ἀδαήμονι φωτί ; Sarpédon, bon conseiller des Lyciens, quel besoin (y at-il) donc pour toi de

te terrer ici, comme un homme qui ne sait rien du combat ?

uotpe, μόρος 1318

ἴση μοῖρα μένοντι méme destin (est) à celui qui reste

T 421

εὖ νύ τοι οἷδα καὶ αὐτὸς 8 uot μόρος ἐνθάδ’ ὀλέσθαι, νόσφι φίλου πατρὸς καὶ μητέρος je le sais bien vois-tu, que mon sort (est) de périr ici, loin de mon pere et de ma mère

αἷσα Ω 224

ei δέ μοι αἷσα τεθνάμεναι παρὰ νηυσίν ᾿Αχαίων χαλκοχιτώνω si mon destin (est) de périr prés des nefs des Achéens à la cotte de bronze

1.2. Adjectifs prédicats Obligatoire | défendu Il n'y a pas, dans les phrases nominales de l'Iliade, d'adjectif signifiant nécessaire ou obligatoire ; il n'y a pas non plus d'adjectifs d'obligation en * feo : l'adjectif en *-1eo n'est pas attesté chez Homère. Cependant l'Iliade n'ignore pas l'existence des adjectifs déontiques. Ceux-là apparaissent en effet sous la forme d'adjectifs exprimant la convenance ou comportant un jugement de valeur.

ΤΡ, Chantraine, La formation des noms, ὃ 246, p. 308.

514

RECIT - DISCOURS Convenable | honteux

Les adjectifs "convenable" et "honteux", signifient de fait "conformes

ou contraires à ce qu'il faut". Ils affirment la nécessité d'une obéissance à des normes, et, en tant que tels, posent l'obligatoire et le défendu, bien que sur un mode atténué. A 547

ἄλλ' ὃν μέν x’ ἐπιεικὲς ἀκουέμεν s'il en est qu'il (est) convenable que tu saches

O 496

οὔ οἵ ἀεικὲς ἀμυνομένῳ

περὶ

πάτρης

τεθνάμεν

(il n'est) pas honteux pour lui de mourir en défendant son pays 170

δαίνυ δαῖτα γέρουσιν

^ ἔοικε tot, οὔ τοι ἀεικές

offre un repas aux Anciens : la chose te revient, (cela n'est) pas indigne de

toi

Dans ce dernier exemple, l'ensemble des deux phrases

fonctionne

comme une apposition logique de valeur explicative. Mais la phrase nominale proprement dite porte un jugement de valeur souligné par ro: éthique. Φ 437

τὸ μὲν αἴσχιον, ot x’ ἀμαχητὶ ἴομεν Οὔλυμπον δὲ Διὸς ποτὶ

χαλκοβατὲς

δῶ

ce (serait) honteux de regagner l'Olympe et le palais de Zeus au seuil de

bronze sans avoir combattu

B 297

ἀλλὰ καὶ ἔμπης αἶσχρόν τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι et cependant, il (est) honteux, aprés une si longue attente, de revenir les mains vides

Adjectifs axiologiques Dans les phrases nominales de l'Iliade, un grand nombre d'adjectifs ap-

partiennent aux catégories du beau et du bon ou de leurs contraires. Or, asserter qu'une chose est belle ou laide implique une référence à des normes : - norme interne tout d'abord, relative à la classe d'individus dont sont énoncés la beauté ou la laideur : tel bouclier est beau relativement à la classe des boucliers.

- norme externe ensuite puisque relative au sujet de l'énonciation. C'est en effet l'énonciateur qui décide que telle ou telle chose est belle ou non. Mais la norme d'évaluation est elle-méme relative à l'idée que l'énonciateur s'en fait. Elle tient du système collectif des valeurs, à la fois social, esthétique et moral qui est celui du monde héroique.

Modalité

515

En ce qu'ils référent à ce systéme de valeurs collectives, la beauté a toujours une valeur paradigmatique. Mais ce qui est beau est ce qui est

conforme à ce qu'il convient qu'il soit et à ce qu'il faut étre ou à ce qu'il faut faire. C'est pourquoi les adjectifs axiologiques énongant le beau ou le bon ont toujours dans l'Iliade une valeur déontique.

Degrés de l'adjectif Enongant une qualité, l'énonciateur effectue nécessairement une opération de comparaison : la comparaison est un ressort naturel du discours

axiologique. En effet, dire que quelque chose ou quelqu'un est beau ou bon le classe sur une échelle d'évaluation, par rapport à ce qui ne l'est pas, d'une part, et par rapport à une moyenne, d'autre part. Pour preuve, un exemple qui ma-

nifeste on ne peut plus clairement l'échelle d'évaluation : M 269



(Aot, Apyc(av ὅς τ’ ἔξοχος ὅς τε μεσήεις

ὅς τε χερειότερος, ἐπεὶ οὔ πω πάντες δμοῖοι ἀνέρες Ev πολέμῳ, νῦν ἔπλετο ἔργον ἅπασι mes amis, (tous ceux qui) parmi les Argiens (sont) supérieurs, ou moyens, ou moins bons — car tous les hommes ne (sont) pas les mémes au

combat —

il y a aujourd'hui du travail pour tous

Cela étant, l'énonciateur prend souvent soin de dissimuler l'échelle

d'évaluation qui est la sienne. Dans le souci qu'a la langue homérique de différencier ce qui est bien de ce qui est mal, ce qui est beau a en effet tendance à être dit dans l'absolu : "Les prédications du type beau tentent de se faire passer pour absolues et se formulent sur le mode de l'en soi."!

Il découle de ce qui précède que les adjectifs axiologiques se trouvent représentés à la forme positive mais surtout au comparatif, au superlatif ou munis de préfixes intensifs. L'adjectif est en effet : - au positif si l'échelle de valeurs est dissimulée. - au comparatif, si elle est explicite. - au superlatif ou sous une forme intensive s'il s'agit de privilégier l'expression d'un absolu. En outre, les adjectifs exprimant une comparaison sont également fréquents quand la comparaison induit une qualité.

1 C. Kerbrat-Orecchioni, L'énonciation, p. 91.

516

RECIT - DISCOURS

La plupart assertent simplement qu'un individu ou une chose sont beaux ou laids. Mais une catégorie importante est à mettre à part, celle des adjectifs

neutres prédicats d'un sujet normalement à l'infinitif : toutes les phrases de ce type ont pour objet l'affirmation de valeurs, et se traduisent par "il est beau, il est bon, il convient de ...".

Positif Le sujet est un nom beau & 108

οὐχ δράας οἷος καὶ ἐγὼ καλός τε μέγας te; ne vois-tu pas combien, moi aussi, je (suis) beau et grand Τεῦκρός

0', ὃς ἄριστος

᾿Αχαιῶν

τοξοσύνῃ, ἀγαθὸς δὲ καὶ Ev σταδίῃ ὑσμίνῃ Teucros, qui (est) le meilleur à l'arc de tous les Achéens, et un brave aussi au corps à corps

I 341

ὅς τις ἀνὴρ dya8ó; καὶ ἐχέφρων τὴν αὐτοῦ φιλέει καὶ κήδεται tout homme qui (est) bon et sensé aime sa femme et la protége

grand

μέγα ἔργον

E 303

l'ouvrage (est) admirable laid, mauvais A 231 δημοβόρος βασιλεύς, ἐπεὶ οὐτιδανοῖσιν ἀνάσσεις il (est) un dévoreur de peuple le roi (que tu es), puisque tu commandes à des gens de rien

B 365

et δέ κεν ὥς ἔρξῃς καί τοι πείθωνται " Ayotot γνώσῃ ἔπειθ’ ὅς θ' ἡγεμόνων κακὸς si tu agis ainsi et si les Achéens te suivent, tu sauras qui des chefs est un

(lâche) N 634

τῶν μένος altv ἀτάσθαλον les Troyens dont l'ardeur (est) insensée

O 14

À μάλα δὴ κακότεχνος, ἀμήχανε,

σὸς δόλος,

δὴ ! ta ruse (est) terrible, intraitable Héré !

A 801

ὀλίγη δέ τ' ἄνάπνευσις πολέμοιο carle temps pour souffler à la guerre (est) court !

Ἥρη

Modalité K 226

517 λεπτή δέ τε μῆτις

et l'esprit (est) mince

adjectif intensif οἷος A 653

εὖ δὲ σὺ οἶσθα, γεραιὲ διοτρεφές, οἷος ἐκεῖνος δεινὸς ἀνήρ et tu sais bien, vieillard issu de Zeus, quel homme terrible (est) celui-là

Adjectif neutre : le sujet est un infinitif beau ᾧ 439

dpyc σὺ γὰρ γενεῆφι νεώτερος ^ où γὰρ ἔμοιγε καλόν, ἐπεὶ πρότερος γενόμην καὶ πλείονα οἷδα commence : tu (es) le plus jeune : de ma part, ce ne (serait) pas bien car je suis ton aîné et j'en sais plus que toi

1615

καλόν rot σὺν ἐμοὶ τὸν κήδειν & κ' Bub κήδῃ (il est) beau pour toi, uni à moi, de nuire à qui me nuit = ton devoir, c'est de te joindre à moi pour...

laid, mauvais E 253 οὗ γάρ μοι γενναῖον ἀλυσκάζοντι οὐδὲ καταπτώσσειν

μάχεσθαι,

il n'est) pas de mon sang de combattre en me dérobant, encore moins de me terrer

On rattachera à cette catégorie un adjectif neutre attribut d'un nom

d'action féminin : B 204 οὐκ ἄγαθόν πολυκοιρανίη le gouvernement de plusieurs n’(est) pas bon

Avec un préfixe intensif T 106

ἐπεὶ of παῖδες ὑπερφίαλοι καὶ ἄπιστοι puisque ses fils (sont) arrogants et déloyaux

O94

οἷος ἐκείνου θυμὸς ὑπερφίαλος καὶ ἀπηνής tu sais combien son cceur (est) arrogant et implacable

Ω 255

d μοι ἐγὼ novdnoruo hélas ! je (suis) tout à fait malheureux

M 269

᾿Αργείων ὅς τ’ ἔξοχος parmi les Argiens, celui qui (est) supérieur

518

RECIT - DISCOURS

Superlatif En -istoLes adjectifs axiologiques prennent fréquemment la forme d'un superlatif en *1cro, ce qui convient tout à fait à l'expression d'un absolu. Le su-

perlatif en *isi(h)o indique en effet un degré absolu de la qualité. Ainsi, μέγιστος "le grand parmi les hommes", signifie que cet homme incame à lui

seul la haute taille, "entre tous ceux qui l'ont à un degré variable!". Le degré absolu de la qualité ou du défaut marqué par le superlatif, est en outre souvent renforcé par sa présence au sein de formules généralisantes telles que & τις, ὅσσαι, ὅς τε. ἄριστος

Cet adjectif est extrémement fréquent en proposition relative. En voici quelques exemples : H 50

αὐτὸς δὲ προκάλεσσαι

᾿Αχαιῶν ὅς τις ἄριστος

ἀντίβιον μαχέσασθαι Ev ovii δηιοτῆτι aprés quoi défie celui qui (est) le plus brave des Achéens de te tenir téte dans l'atroce carnage

II 271

ὡς ἄν Πηλείδην τιμήσομεν, ὃς μέγ’ ἄριστος ᾿Αργείων παρὰ νηυσί nous ferons

ainsi honneur au Péléide qui (est) de loin le plus brave des

Argiens campés près des nefs

P 509

ἥτοι μὲν τὸν νεκρὸν ἐπιτραπεθ' ὅσσοι ἄριστοι confiez donc le mort à tous ceux qui (sont) les plus braves

le plus haut V 43

οὗ μὰ Ζῆν’, & τίς τε θεῶν ὕπατος καὶ ἄριστος non, par Zeus, qui (est) le plus haut et le plus grand des dieux

le plus rapide

O 238

βῆ δὲ κατ’ ᾿Ιδαίων δρέων, ἴρηκι ξοικὼς ὦκέι φασσοψόνῳ, & τ’ ὥκιστος πετεηνῶν Des cimes de !'Ida il descend, pareil au milan, rapide tueur de colombes, qui (est) le plus rapide des êtres ailés

le plus fort ᾧ 251 aicroU οἴματ’ ἔχων μέλανος, τοῦ θηρητῆρος, ὃς θ' ἅμα κάρτιστός τε καὶ ὥκιστος πετεηνῶν

! E. Benveniste, Noms d'agent et noms d'action, p. 163.

Modalité

519

il a l'élan de l'aigle noir, l'aigle chasseur, qui (est) à la fois le plus fort et le plus rapide des oiseaux

En

-raroc

Ce superlatif, bien que, comme le précédent, il porte une qualité à son point ultime!, est, comme le comparatif en -repoç auquel il est associé, beau-

coup plus rare dans les phrases nominales de l'Iliade : Q 348

τοῦ περ χαριεστάτη ἥβη (prince) dont la jeunesse (est) tout à fait charmante

Θ 423

ἄλλὰ σύ y' αἰνοτάτη, κύον αδδεές mais toi (tu es) terrible entre toutes, chienne impudente

Comparatifs En -ἰων

Ces comparatifs, comme on peut s'y attendre, sont nombreux. Ils sont souvent renforcés par πολύ ou πολλόν qui attribuent une qualité à un degré à ce point supérieur qu'il équivaut à l'expression d'un absolu et rend leur

emploi trés voisin de celui des superlatifs, à ceci prés que l'échelle d'évaluation est ici explicite. En tout état de cause, ces comparatifs ont, étymologiquement une valeur intensive?, méme si en grec cette valeur s'est atténuée ou a disparu. meilleur

A 404

ὃ yàp αὖτε βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων car lui au contraire, pour la force, il (est) meilleur que son propre père

A 116

εἶ τό y’ ἄμεινον Si cela (vaut) mieux

A 216

ὥς γὰρ ἄμεινον en effet (c'est) mieux ainsi

M 412

πλεόνων δέ τοι ἔργον ἄμεινον un meilleur ouvrage (est) en vérité le fait d'un plus grand nombre

^ 307

ἐπεὶ À πολὺ φέρτερον car (cela vaudra) beaucoup mieux

B 707

ὃ δ’ ἄρα πρότερος καὶ ἄρείων ἥρως Πρωτεσίλαος ἄρήιος

1 P. Chantraine, Morphologie historique du grec, $ 120, p. 113. 2 E. Benveniste, Noms d'agent et noms d'action, p. 122-125.

520

RECIT - DISCOURS Protésilas, le héros belliqueux (était) son aîné, et il (était) meilleur

pire

Y 434

οἶδα 5' ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi

plus grand 1497

τῶν περ καὶ μείζων ἀρετὴ τιμή τε βίη τε leur valeur, leur gloire, leur force (sont) supérieures

plus petit T 193

μείων μὲν κεφαλῇ ᾿Αγαμέμνονος ᾿Ατρείδαο, il (est) plus petit d'une tête que l'Atride Agamemnon

K 226

μοῦνος δ’ ct πέρ τε νοήσῃ, ἄλλά τέ οἵ βράσσων τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις litt. et l'homme seul, même s'il pense aussi, néanmoins chez lui l'intelligence (est) plus courte et la malice (est) mince

plus fort A80 κρείσσων γὰρ βασιλεὺς ὅτε χώσεται ἀνδρὶ χέρηι un roi (est) toujours plus fort quand il s'en prend à un vilain En -repoç

valeur positive V 588

σὺ δὲ πρότερος καὶ ἀρείων

et tu (es) mon aîné et

K 437

λευκότεροι

mon modèle

χιόνος

ils (sont) plus blancs que neige et, pour courir, égaux au vent

valeur négative H 457 ὃς σέο πολλὸν dupxupótcpoc χεῖρας τε μένος τε (un dieu) qui (est) cent fois plus faible par les bras et la fougue

M 271

᾿Αργείων & τ’ ἔξοχος & τε μεσήεις

ὅς τε χερειότερος parmi les Argiens, celui qui (est) supérieur, celui qui (est) moyen, celui qui (est) moins bon

® 439

ἄρχε: σὺ yàp γενεῆφι νεώτερος * où γὰρ ἔμοιγε

καλόν, ἐπεὶ πρότερος γενόμην καὶ πλείονα οἶδα commence : tu (es) plus jeune par la naissance (Ξ donc plus faible), car de ma part, ce ne (serait) pas bien, carje suis ton aîné et j'en sais plus que toi

Q 504

ἐγὼ δ’ ἐλεεινότερός περ moi, (je suis) plus pitoyable

-

Modalité

521

Autres types de comparaison L'échelle des valeurs est souvent établie à l'aide d'adjectifs au positif

qui, de par leur sens méme, introduisent habituellement une comparaison entre deux termes. Il est à remarquer qu'alors le comparant a toujours pour trait distinctif de représenter l'absolu d'une qualité ou d'un défaut. K 437

λευκότεροι χιόνος, θείειν δ’ ἀνέμοισιν Óuotot (ils sont) plus blancs que neige et, pour courir, égaux au vent

K 547

atv

ἀκτίνεσσιν

ἐοικότες ἤελίοιο

(ils sont) terriblement semblables aux rayons du soleil

B 478

ὄμματα καὶ κεφαλὴν

ἴκελος Διὶ τερπικεραύνῳ

pour les yeux et le front, il (Agamemnon) (est) pareil à Zeus tonnant

Δ 253

᾿Ιδομενεὺς μὲν Evi προμάχοις, aut εἴκελος ἄλκήν Idoménée (est) devant leurs lignes, pareil pour la vaillance à un sanglier

1318

ἴση μοῖρα μένοντι, καὶ εἶ μάλα τις πολεμίζοι: iv δὲ τιμῇ ἡμὲν κακὸς À6 καὶ ἔσθλός la part (est) identique pour qui reste chez lui et pour qui guerroie de toute son âme ; dans la méme esume (se trouvent) le lâche et le brave

2 - Possibilité

Les phrases nominales de l'Îliade sont également susceptibles d'exprimer la possibilité ou son contraire, soit à l'aide d'adjectifs prédicats

composés du suffixe *-to spécifique, soit sous la forme atténuée d'adjectifs exprimant la facilité ou la difficulté.

Adjectifs en *-fo A l'origine le suffixe *-to aurait, comme les morphèmes -τ- et -τι-, surtout été employé dans des composés! : I 158

᾿ῬΑίδης tot ἀμείλιχος Nö’ ἀδαμαστός Hades (est) implacable et inflexible en vérité

Mais très tôt le grec a pu former, à partir de n'importe quelle racine verbale, des adjectifs en -τός, avec le ton sur la finale. Les exemples en sont nombreux en phrase nominale? : 1 P. Chantraine, La formation des noms, ὃ 240, p. 303. 2 L'adjectif verbal en *-to est également bien représenté avec ἔστί : cela pose évidemment le problème des rapports entre phrase nominale et phrase verbale. Les adjectifs

522

RECIT - DISCOURS

I 497

οὐδέ τί σε χρὴ νηλεὲς ἦτορ ἔχειν - στρεπτοὶ δέ τε καὶ θεοὶ αὖτοί non, ce n'est) pas à toi d'avoir une âme impitoyable, alors que les dieux mémes (sont) susceptibles d'étre touchés

1408

κτητοὶ δὲ τρίποδές τε καὶ ἵππων ξανθὰ κάρηνα:

ἄνδρὸς δὲ ψυχὴ πάλιν ἐλθεῖν οὔτε λειστή οὔθ’ ἕλετή, ἐπεὶ ἄρ κεν ἀμείψεται ἕρκος ὀδόντων trépieds et chevaux aux crins blonds (sont) susceptibles d'étre achetés : la

vie d'un homme (n'est) susceptible ni d'étre prise en butin ni d'étre arrachée pour revenir ensuite, du jour qu'elle est sortie de l'enclos de ses dents

I 523

τῶν μὴ σύ γε μῦθον ἐλέγξῃς

μηδὲ πόδας : πρὶν δ’ οὔ τι νεμεσσητὸν κεχολῶσθαι ne rends pas vain leurs propos, leur démarche. Jusqu'à ce jour garder ta colére (n'était) nullement blämable

Bien que le sens de l'adjectif en -ro n'ait sans doute été à l'origine que l'expression d'une qualité ou d'un état, il a pris dés les textes les plus anciens, un sens de possibilité, ainsi que le montre P. Chantraine! : “Cet usage, qui ne semble pas indo-européen, ne s'observe ni en latin, ni en sanskrit. En grec, θνητός qui est déjà attesté chez Homère, signifie qui peut mourir." Facile / difficile

L'expression de la possibilité se fait également au travers d'adjectifs dont le sens est facile ou difficile. En effet, "il est facile de faire" et trés voisin de "il est possible de faire". H 257

συσὶ κάπροισιν, τῶν rc σθένος οὐκ ἀλαπαδνόν sangliers dont la force n'(est) pas facile à détruire

M 63

fj δὲ μάλ’ ἀργαλέη περάαν ce fossé (est) trop malaisé à franchir

A 589

ἀργαλέος yàp ᾿Ολύμπιος ἀντιφέρεσθαι il (est) difficile de lutter avec le dieu de l'Olympe

Φ 482

χαλεπή τοι ἔγὼ μένος ἄντιφέρεσθαι

en *-to ont sans doute joué leur rôle dans le processus de verbalisation de la phrase nominale. Cf. P. Chantraine, La formation des noms, $ 241, p. 304.

1 Ibid., ὃ 244, p. 306.

Modalité

523

τοξοφόρῳ περ ἔούσῃ pour toi je (serai) pénible, à t'opposer mon ardeur, en dépit de l'arc que tu

portes I 425

ἐπεὶ οὔ σφισιν ἧδε y’ ἑτοίμη puisque pour eux (se montre) inefficace ce projet

(ἔτοιμος signifie ici qui peut tre réalisé) 3 - Virtualité

Obligation et possibilité sont les deux aspects de la modalité telle qu'elle s'exprime de maniére lexicale dans la phrase nominale. Or elles s'insèrent toutes deux, en ce qui concerne les phrases nominales du moins, dans

une troisième catégorie modale, à la fois plus générale et plus particulière,

dans laquelle nous reconnaitrons l'expression de la virtualité, qui s'étend en outre à toute une série d'autres phrases qui n'entrent pas dans les deux catégories précédentes. En effet, le devoir, l'obligation, la possibilité, la facilité, le destin, la mort, telles qu'ils se présentent dans les phrases nominales, trouvent toujours leur point d'application dans l'avenir. Cette catégorie modale s'apparente à celles qui sont habituellement exprimées par les modes verbaux. Il ne s'agit pourtant ni de désidératif (futur), ni d'éventuel, ni de potentiel (dans telles conditions, telle chose pourrait étre

réalisée). Son expression est bien évidemment lexicale : le terme destin, par exemple, implique une réalisation "à venir" qui existe virtuellement bien avant sa réalisation. Mais elle semble en méme temps déterminée par trois autres facteurs : - le contexte,

- la nature des constituants de la phrase. Dire en effet que "le destin est achevé" ou que "l'obligation est remplie" ne trouve pas de point d'application dans l'avenir puisque l'idée d'achévement contenue dans le prédicat neutralise le sème de virtualité contenu dans le sujet. Il faut que la mort soit "proche", que le devoir "presse" ou que le destin soit à "accomplir" pour que soit envisagée une réalisation future. L'expression de la virtualité est donc obtenue par l'association d'un certain type de sujets et de prédicats.

524

RECIT - DISCOURS

- le traitement de la temporalité imputable à la structure méme de la phrase nominale!. Le caractére non verbal de la phrase la place

en effet dans un présent qui doit, sauf exceptions, étre compris comme l'expression d'une temporalité indéterminée. Le fait asserté au présent par une phrase nominale est souvent porteur, en germe, d'une réalisation à venir. La phrase énonce par exemple une capacité qu'il est possible ou vivement

conseillé de mettre en œuvre, un état virtuel qui ne demande qu'à se réaliser. 3.1. Valeur virtuelle des noms en position de noyaux? Prises dans la chaine syntagmatique, la nécessité et l'obligation acquié-

rent une valeur virtuelle : Le devoir

χρή présuppose une capacité "tu es capable d'y songer”, et une commencé à y songer mais tu vas sion d'une mise en œuvre dont le E 490

: "il te faut songer à cela" signifie aussi : virtualité parce qu'il signifie : "tu n'as pas certainement le faire". Il implique la décirésultat à venir ne peut être que profit.

σοὶ δὲ χρὴ τάδε πάντα μέλειν νύκτάς vc καὶ ἦμαρ

ἀρχοὺς λισσομένῳ τηλεκλειτῶν ἐπικούρων νωλεμέως ἐχέμεν, κρατερὴν δ’ ἀποθέσθαι ἐνιπήν eh bien, tout cela, pour toi, obligation (il y a) d'y songer, nuit et jour, de

supplier les chefs de tes illustres alliés, pour qu'ils tiennent sans défaillance, et de te décharger ainsi d'un dur reproche Le destin, le sort H 52

οὗ γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot (n'est) pas encore de mourir ni d'accomplir ton destin

$ 110

ἄλλ’ ἔπι τοι καὶ

ἐμοὶ

θάνατος καὶ μοῖρα κραταιή

mais sur toi et sur moi (se tiennent) la mort et l'impérieux destin

T 421

εὖ νύ τοι οἶδα καὶ αὐτὸς 8 μοι μόρος ἐνθάδ’ ὀλέσθαι, νόσφι

φίλου πατρὸς καὶ μήτρος

1 Cf. infra, quatrième partie, p. 644 sq. 2 Certains sont sujets, mais les noms indiquant l'obligation, la nécessité, le sort, quand ils sont accompagnés d'un infinitif, sont peut-étre plutót à analyser comme prédicats ; sur ce probléme, cf. supra, deuxième partie, p. 154 sq.

3 Voir sur ce point : J. L. Perpillou, D.E.L.G., s.v. χρή.

Modalité

525

je le sais bien, vois-tu, que mon sort (est) de périr ici, loin de mon pere et de ma mère

A 416

αἴθ’ ὄφελες παρὰ νηυσὶν ἀδάκρυτος καὶ ἀπήμων ἦσθαι, ἐπεί νύ τοι αἶσα μίνυνθά περ, os τι μάλα δήν que n'es-tu donc resté, assis près de tes nefs, ignorant des pleurs et des peines, puisqu'assurément l'accomplissement du destin (est) pour bientót, et non dans trés longtemps !

£96

αὐτίκα ydp τοι ἔπειτα nad’ Ἕκτορα πότμος Eroinos car, tout de suite aprés Hector, la mort (est) préparée pour toi

La

mort

Y 390

ἔνθαάδε τοι θάνατος ici, pour toi, (il y a) la mort

X 300

νῦν δὲ δὴ ἐγγύθι

μοι θάνατος κακός, οὐδ’ ἔτ’ ἄνευθεν

o05' AA à cette heure, elle n'(est) plus loin, elle (est) là, pour moi, toute proche, la

cruelle mort, nul moyende lui échapper

N 773

νῦν rot σῶς αἰπὺς ὄλεθρος pour toi maintenant la mort vertigineuse (est) assurée

T 409

ἀλλά τοι ἔγγύθεν ἥμαρ ὀλέθριον mais pour toi, le jour fatal (est) proche

® 110

ἄλλ’ ἔπι τοι καὶ ἐμοὶ θάνατος καὶ μοῖρα κραταιή mais sur toi et sur moi (se tiennent) la mort et l'impérieux destin

X 133

ἐπεὶ φόνος ἐγγύθεν αὐτῷ la mort (est) tout prés de lui

Le malheur X 453

ἐγγὺς δή τι κακὸν Πριάμοιο τέκεσσι un malheur (est) tout proche pour les enfants de Priam

La crainte A 515

ἐπεὶ οὔ τοι ἔπι δέος puisque tu n'as rien à craindre

La rancune, la colère

B 241

ἀλλὰ μάλ’ οὐκ ᾿Αχιλῆι χόλος φρεσίν, ἀλλὰ μεθήμων Achille (n'a) vraiment pas de rancune au cœur : il (est) indulgent

E 178

χαλεπὴ δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις

526

RECIT - DISCOURS terrible (est) la colére d'un dieu en retour

La parole, la pensée B 192

οὗ γάρ πω σάφα οἷσθ’ οἷος νόος ᾿Ατρείδαο tu ne sais pas encore exactement quelle (est) la pensée de l'Atride

K 226

ἄλλά τε of βράσσων τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις mais chez lui l'intelligence (est) plus courte et la malice (est) mince

Y248

πολέες δ’ ἕνι μῦθοι παντοῖοι,

ἐπέων δὲ πολὺς νομὸς ἔνθα καὶ

ἔνθα

le langage des hommes est souple, à l'intérieur (se trouvent) propos de tout genre ; (il y a) un riche fond de mots, dans un sens comme dans l'autre

3.2. Valeur virtuelle des adjectifs prédicats Possible | impossible La notion de possibilité telle qu'elle s'exprime au travers du suffixe *-10 indique une capacité à agir tout en indiquant que la réalisation de l'acte projeté est déjà virtuellement effective. Comme le montre l'exemple suivant, "étre capable" énonce un acte susceptible de voir le jour à tout moment et dés l'instant de l'énonciation. I 497

οὐδέ τί σε χρὴ νηλεὲς ἦτορ ἔχειν - στρεπτοὶ δέ τε καὶ θεοὶ αὖτοί non, ce n'(est) pas à toi d'avoir une âme impitoyable, alors que les dieux mêmes (sont) susceptibles d'être touchés

Il y a là une expression de la modalité sensiblement différente de celle qui s'exprime au moyen des modes verbaux, optatif et subjonctif.

Facile | difficile, terrible Les adjectifs qui expriment ces notions tendent également, dans la phrase où ils sont insérés, et à la lumière du contexte, à prendre une valeur virtuelle. H 257

συσὶ κάπροισιν, τῶν τε σθενὸς οὐκ ἀλαπαδνόν sangliers dont la force n'(est) pas facile à détruire

E 178

χαλεπὴ δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις terrible (est) la colére d'un dieu en retour

Modalité

527

Puissant, nombreux

Certains adjectifs évaluatifs non axiologiques contiennent, dans le

contexte de l'épopée, la méme valeur modale d'aptitude. Au singulier, l'adjectif πολύς indique l'aptitude de quelque chose ou de quelqu'un qui est

"gros de" ; au pluriel, il peut indiquer la puissance donnée parle nombre et, par conséquent, l'aptitude, objective ou subjective, à vaincre ou surmonter une difficulté. V 520 ὃ δέ τ’ ἄγχι μάλα τρέχει, οὐδέ τι πολλή

χώρη μεσσηγύς la roue tourne toute proche, et (il y a) peu d'intervalle entre eux

Z 227

πολλοὶ μὲν yàp ἐμοὶ Τρῶες κλειτοί τ’ ἐπίκουροι, κτείνειν car nombreux (sont) pour moi les Troyens et leurs illustres alliés à tuer

Beau, bon

Ces adjectifs et tous les adjectifs de sens voisin prennent la plupart du temps, dans le contexte de l'épopée, une valeur d'aptitude ; dans ce cas, ils contiennent un séme qui est : "capable de vaincre, d'agir, de parler, etc!...". En effet, seul a une aptitude au combat et à la victoire celui qui est valeureux, fort, beau et brave, donc "bon". Et, dés lors que l'individu remplit ces conditions, possède ces qualités, il a toujours virtuellement le pouvoir d'y

conformer ses actes. C'est ainsi que jugement sur les qualités physiques, devoir moral et aptitude se trouvent réunis dans l'épopée. L'adjectif &pf£nAoı, "éblouissant", pour décrire l'éclair désigne l'aptitude de Zeus à manifester sa puissance : N 244

ἄρίζηλοι δέ of αὐγαί les feux en (sont) éblouissants

La blancheur des chevaux indique leur perfection et donc leur supériorité au combat :

1 Voir à ce sujet la définition du beau donnée par Critobule dans le Banquet de Xénophon, V 3-7: "Je sais par exemple qu'un bouclier peut être beau, tout comme une épée et une lance. — Et comment est-il possible que ces objets qui ne se ressemblent

nuliement soient cependant tous beaux ? — Par Zeus, répondit Critobule, s'ils ont été bien fabriqués en vue des ouvrages pour lesquels nous acquérons chacun d'eux ou s'ils sont par nature bien appropriés à nos besoins, ces objets ont aussi leur beauté." Socrate se moque de cette définition en en montrant d'absurdes conséquences. Il n'en reste pas moins vrai que, ainsi que l'a montré W. C. K. Guthrie, Les Sophistes, p. 178, la beauté et la convenance sont normalement associées en grec à l'idée d'aptitude à une fonction.

528

RECIT - DISCOURS K 437

λευκότεροι χίονος, θειείν 5’ ἀνέμοισιν δμοῖοι ils (sont) plus blancs que neige et, pour courir, égaux au vent

De même "un trait acéré",

βέλος ὀξύ (Y 437) marque l'aptitude de son

propriétaire à la victoire. L'adjectif ὑπερφίαλος "arrogant" désigne l'aptitude à intimider, donc à

vaincre, ou, dans un autre contexte, l'inaptitude. Les adjectifs σθεναρός "robuste" et ἀρτίπος "qui a bon pied" (I 505), ἐλαφρός (II 745) "souple", ont une valeur modale identique. Terrible, ennemi 1312

ἐχθρὸς γάρ uot κεῖνος ὁμῶς ᾿Αίδαο πύλῃσιν ὃς x’ ἕτερον μὲν κεύθῃ Evi φρεσίν, ἄλλο δὲ εἴπῃ celui-là m'(est) en horreur à l'égal des portes d'Hadès, qui dans son

cœur cache une chose et sur les lèvres en a une autre

signifie qu'un combat peut à tout instant voir le jour contre celui qui inspire une telle inimitié. Ξ 417

χαλεπὸς

δὲ Διὸς μεγάλοιο κεραυνός

car la foudre du grand Zeus (est) terrible

indique l'aptitude de Zeus à se servir à tout instant de la foudre. Cause de Les adjectifs causatifs, fréquents dans l'Iliade, expriment aussi une conséquence qui est en germe dans l'acte ou le caractère de tel individu.

N 222

ὦ 66v, οὔ τις ἀνὴρ νῦν αἴτιος, ὅσσον ἔγωγε γινώσκω Thoas, aucun homme aujourd'hui (n'est) coupable, pour autant que je sache

A 335

οὔ τί μοι ὄμμες ἐπαίτιοι͵, GAZ’ "Ayoufuvov vous n'êtes pas en cause, seul (l'est) Agamemnon

Degrés de l'adjectif Bien entendu, les comparatifs et les superlatifs énoncent une qualité susceptible d'étre indéfiniment mise à l'épreuve. Ils indiquent une aptitude, absolue et définitive dans le cas du superlatif, relative à autrui dans le cas du comparatif. H 114

8 περ σέο πολλὸν ἀμείνων qui (est) pourtant bien meilleur que toi

Modalité

529

signifie l'aptitude à s'engager dans l'action. T 193

μείων μὲν κεφαλῇ ᾿Αγαμέμνονος ᾿Ατρείδαο εὐὔρύτερος il 'est) plus petit d'une tête qu'Agamemnon mais (il est) plus large

indique une capacité moindre d'Ulysse (μείων) rachetée par une aptitude

supérieure (cüprcpozc)à commander et à se battre. H 456

ἄλλος κέν τις τοῦτο θεῶν δείσειε νόημα, ὅς σέο πολλὸν ἀφαυρότερος χεῖρας τε μένος τε un autre dieu redouterait ce projet, un dieu qui (serait) bien plus faible que toi (Zeus) par les bras et par l'élan

indique l'aptitude exceptionnelle de Zeus à la domination. $ 251

& θ' ἅμα κάρτιστός τε ὥκιστος πετεηνῶν l'aigle noir qui (est) le plus fort et le plus rapide des oiseaux

Cette assertion est vraie dans la seule mesure où l'oiseau peut à tout moment fournir la preuve de sa supériorité. Au repos, il est le plus fort et le plus rapide parce qu'il est capable de l'étre et que cela ne saurait étre mis en doute : il s'agit bien d'une aptitude de l'oiseau. Θ 423

ἀλλὰ σύ y’ αἰνοτάτη, κύον ἀδδεές, el ἔτεόν γε τολμήσεις Διὸς ἄντα πελώριον ἔγχος ἀεῖραι mais toi (tu es) terrible entre toutes, chienne impudente, si vraiment, contre

Zeus, tu oses lever ta pique monstrueuse.

3.3. Lieu et temps comme expressions modales

Ainsi que l'on s'en sera rendu compte à la lecture des pages précédentes, les adverbes et les prépositions de lieu et de temps jouent un róle essentiel dans l'élaboration de l'expression modale de la virtualité. Ce sont eux en effet qui, en indiquant une proximité, signalent que tel événement est imminent, que tel héros, parce qu'il est proche, est une menace, etc... Lieu

Z 110

ἐγγὺς ἀνήρ l'homme (est) tout prés

est une menace car l'homme est Diomede et le contexte est la guerre. ® 532

ñ γὰρ ᾿Αχιλλεύς ἐγγύς ὅδε κλονέων Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule

530

RECIT - DISCOURS

indique l'aptitude particuliére d'Achille au combat et fait pressentir la vic-

toire de ceux qui se trouvent à ses cótés. ^ 253

᾿Ιδομενεὺς ἐνὶ προμάχοις Idoménée (se tient) devant les lignes

n'exprime pas seulement un fait mais a une valeur de menace, puisqu'on sait

que si Idoménée se tient devant les lignes, c'est dans l'intention de vaincre. La phrase désigne l'aptitude du héros à se battre : la victoire d'Idoménée est déjà virtuellement remportée.

Par métaphore, certaines phrases qui paraissent n'exprimer qu'une localisation, prennent à la lumiére du contexte, la méme valeur modale, celle d'une réalisation à venir :

I 43

πάρ tot Ó5óc la route (est) devant toi

signifie "tu peux partir". O 741

ἐν χερσὶ φόως la lumière (est) dans nos mains

signifie : avec notre force et nos armes, nous sommes capables de repousser les Troyens prés des nefs. Le salut est ici virtuellernent réalisé. Temps

Les adverbes de temps ont également pour fonction de diriger l'assertion vers l'avenir ou marquent un présent gros des actes ou des événements à venir : maintenant Σ 435

ἄλλα δέ μοι νῦν

pour moi, maintenant (se présentent) d'autres douleurs

L'adverbe viv, dans ce contexte, indique que la douleur de Thétis n'en est qu'à ses débuts, que l'essentiel est à venir, contenu en germe dans la réalité présente : il s'agit de la mort d'Achille qui se prépare. tout prés K 251

ἐγγύθι

ἠώς

l'aube (est) tout prés

n'énonce pas simplement un fait mais au contraire est promesse de victoires et de défaites parce que l'on sait que les combats reprennent à l'aube.

Modalité

531

pas encore H 52 οὗ γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν ton lot (n'est) point encore de mourir ni d'accomplir ton desun

à l'avenir O 496

ὃς δέ xev ὑμέων βλήμενος ἤὲ τυπεὶς θάνατον καὶ πότμον ἐπίσπῃ,

τεθνάτω : οὔ of ἀεικὲς ἀμυνομένῳ περὶ πάτρης τεθναμεν - ἄλλ' ἄλοχός τε σόη καὶ παῖδες ὀπίσσω celui de vous qui, blessé de loin ou frappé de prés, arrivera à la mort et au terme de son destin mourra, soit ! (il n'est) pas honteux pour lui, de mourir en défendant son pays ; sa femme et ses enfants (restent) saufs pour

l'avenir

L'adverbe de lieu ὀπίσσω, qui a ici une valeur temporelle, énonce un espoir, souligne les promesses contenues dans l'adjectif aón, alors que l'assertion

reste dans un présent indéterminé. 3.4. Contexte et expression de la virtualité Nous avons eu l'occasion de constater une fois de plus, tout au long de cette étude, l'importance du contexte. Elle est telle qu'il donne parfois, à lui seul, à la phrase sa nuance modale. A13

ἀλλ’ ἤτοι νίκη μὲν &pnto(Aou MtvcAcov mais la victoire (appartient) à Ménélas

Cette phrase exprime l'aptitude de Ménélas à remporter la victoire mais c'est le contexte qui la fait porter sur l'avenir, indiquant que la victoire est en germe. A 156

ἐπεὶ A μάλα πολλὰ μεταξὺ οὔρεά τε σκιόεντα θάλασσα τε ἤχήεσσα car entre nous (sont) trop de monts ombreux et la mer sonore

Achille définit non pas une aptitude mais une inaptitude particuliére des habitants de l'Epire à vouloir combattre les Troyens qui ne leur ont rien fait étant donné la distance entre les deux pays : seul le contexte permet de lire dans cette phrase autre chose que l'énoncé d'un fait. En outre, certaines phrases prennent une valeur virtuelle du fait qu'elles forment système avec une proposition au futur : M 66

στεῖνος yàp, ὅθι τρώσεσθαι

οἴω

(il y a) un défilé οὗ j'imagine qu'ils recevraient des meurtrissures

532

RECIT - DISCOURS

Etant donné le contexte de la guerre, on sait que le défilé est le lieu des embuscades. Le mot στεῖνος indique qu'une victoire au terme d'une embus-

cade est déjà virtuellement remportée, ce que confirme l'infinitive. Conclusion

La phrase nominale est parfaitement apte à exprimer la modalité, qu'il s'agisse de la modalité couramment exprimée par le verbe, des phénomènes de modalisation ou des modalités linguistiques. Dans l'Iliade, la phrase nominale semble cependant avoir une valeur

modale spécifique, que l'on peut désigner par les termes de virtualité ou d'aptitude : la phrase nominale pose qu'un acte, un événement, un avenir sont en germe dans l'assertion présente, que cela s'exprime par une capacité, une aptitude, une abondance, une plénitude.

Ce type d'expression modale s'y fait au travers de choix lexicaux, choix des sujets, des adjectifs, choix des adverbes, des comparatifs, des superlatifs ; elle semble liée, également, à la structure même de la phrase. Enfin, elle n'est sans doute pas sans rapport avec le contexte héroique propre à l'épopée. Les phrases où elle s'exprime sont en effet autant de références à l'aptitude des guerriers ou des dieux qu'exaltation de cette aptitude. Elles sous-entendent la victoire ou la défaite qui sont toujours virtuellement

contenues dans l'énoncé. Cela est évidemment lié au déroulement de l'action, donc au contexte, mais aussi au systéme de représentations qui est à la fois celui des héros de l'épopée, celui de l'aède et celui du public : cela peut expliquer en partie que les phrases nominales soient si nombreuses dans

l'épopée. S'il est vrai que l'expression de la virtualité est une spécificité de la phrase nominale, en tant qu'elle est non verbale et temporellement indéter-

minée, on tiendrait là enfin un élément d'explication de ce qui précisément sépare la phrase nominale de la phrase verbale. Il convient pourtant de rester prudent : à ce stade de notre étude, une telle affirmation reste à vérifier :

seule la confrontation des emplois de la phrase nominale avec ceux de la phrase à verbe êfre sera à méme d'en confirmer la justesse

mer —

et peut-étre de la modifier et de la préciser.

— ou de l'infir-

quatriéme partie

La phrase nominale dans ses rapports avec *es-

534

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

Position du probléme Il est désormais établi qu'existent en grec homérique des phrases sans verbe, nombreuses, claires et bien formées qui, de ce fait, méritent toutes la

dénomination de "phrases nominales". Celles-ci se caractérisent par la diversité de leur structure formelle : à quelques exceptions prés, la phrase nominale n'est pas une expression figée.

Il s'agit au contraire d'un type de construction bien vivant, et donc susceptible de multiples variations. Le contenu sémantique et modal est tout aussi varié. Les phrases nominales sont aptes à exprimer la personne, le mode et méme le temps. Elles sont en outre étroitement liées au contexte.

On peut se demander dans ces conditions s'il existe réellement une dif-

férence d'emploi entre les phrases nominales et les phrases à verbe érre, également nombreuses dans l'Iliade. En effet, les traits qui semblent les plus caractéristiques de la phrase nominale tels que l'expression des qualités permanentes,

la fonction explicative, l'ordre des mots prédicat - sujet, ne

constituent pas des règles et se retrouvent par ailleurs dans les phrases à verbe être. Le probléme difficile de la spécificité de l'un et de l'autre type de phrases est dorénavant à poser : c'est à la confrontation de la phrase nomi-

nale et de la phrase verbale qu'il nous faut, à ce stade de notre enquéte, consacrer nos efforts. Pourquoi une phrase sans verbe plutót qu'une phrase avec érre ? Les exemples sont nombreux qui inciteraient à penser que phrase nominale et phrase verbale sont interchangeables, et que l'une ne serait en quelque sorte que le degré zéro de l'autre.

Position du probléme

535

Un tel point de vue a l'énorme inconvénient de n'offrir aucun outil

théorique capable de conduire à la découverte des régles — si tant est qu'il en existe — en vertu desquelles s'opère le choix entre les deux types de phrases. En effet, si ces phrases sont interchangeables, les seules raisons qui président au choix de l'une plutót que de l'autre, ne peuvent étre que de l'ordre de l'accidentel, c'est-à-dire stylistiques ou métriques, et il n'y a rien

de plus à en dire!. Or, nous avons la conviction, après bien d'autres, que la phrase nomi-

nale a bel et bien en grec une réalité et une fonction spécifique et qu'il est par conséquent légitime de croire à l'existence de telles régles. Nous envisagerons donc la question en posant comme hypothèse que la phrase à verbe éfre et la phrase nominale ont chacune un champ d'action spécifique, et qu'il est à découvrir. Il convient pour cela d'admettre comme points de départ quelques évi-

dences : si le locuteur a à sa disposition, pour un méme contenu sémantique, deux types d'expression identiques — au verbe prés —, cela a au moins trois implications :

1- La phrase verbale et la phrase nominale fonctionnent non pas chacune à l'état isolé mais l'une par rapport à l'autre ;

il faut poser l'existence d'une relation nécessaire entre les deux formes d'expression. 2- Cette relation est une relation de similitude.

3- Elle est sans doute également une relation d'opposition. Il reste donc à explorer le contenu de cette relation. Mais il faut auparavant en définir les deux termes ; car si la phrase nominale est maintenant connue, il reste à délimiter le deuxième terme de cette relation : car la phrase nominale est-elle à mettre en relation avec l'ensemble du paradigme de *es-, avec les substituts de être, voire avec d'autres verbes, ou seulement

avec certaines formes comme par exemple la 3€ personne du présent de l'indicatif ?

1 Cf. Ch. Kahn, The verb "δε", p. 448 :“Bien qu'il y ait certainement d'autres facteurs en jeu, il me semble clair qu’ [...] Homère obéit essentiellement à des considérations métriques [...]. Si cela est vrai, il ne peut y avoir de différence de structure ni de signification entre phrase nominale et phrase verbale."

536

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

Relation avec l'ensemble du paradigme de être Il n'y a pas de relation pertinente entre la phrase nominale et l'ensemble du paradigme de étre. Dans certaines familles de langues et en particulier les langues indo-eu-

ropéennes, l'une des fonctions spécifiques du verbe est d'exprimer les catégories de la personne, du temps, de l'aspect et du mode. Et c'est justement cela qui, d'après Benveniste!, différencierait la phrase à verbe êfre de la phrase nominale : "La différence résulte des propriétés qui appartiennent à chacune de ces classes. Dans la phrase nominale l'élément assertif, étant nominal, n'est

pas susceptible des déterminations que la forme verbale porte : modalités temporelles, personnelles, etc... L'assertion aura ce caractère propre d'être intemporelle, impersonnelle, non-modale.”2

Nous laisserons de cóté pour l'instant la question de la personne et de l'aspect pour ne considérer que les catégories du temps et du mode : nous constaterons qu'à leur propos, cette remarque de Benveniste, qui est une des prémisses de sa réflexion sur la phrase nominale, s'applique parfaitement

à l'emploi du verbe être dans l'Iliade : singulier | pluriel

total

indicatif présent

262

63

325

imparfait

166

86

252

futur

87

6

93

optatif

51

15

66

6

4

10

mode subjonctif

A ces formes, il convient peut-être d'ajouter l'aoriste et le parfait de γίγνομαι comme substituts de être à l'aoriste et au parfait?.

En revanche, l'expression du temps et du mode n'est pas une fonction spécifique de la phrase nominale. La phrase nominale peut en effet exprimer le temps et le mode : Î E, Benveniste, "La phrase nominale", p. 153 sq.

2 Ibid., p. 159.

3 Voir infra, p. 659 sq.

Position du probléme

537

- par des moyens lexicaux : futur passé impératif

V 427, Σ 96 P 587, E 135 E 787 (dva)

- par son insertion dans un contexte donné :

futur subjonctif optatif

B 446, B 477, ^ 90, À 201 X 180 H 457

Mais de telles occurrences sont peu fréquentes et la phrase nominale ne sert jamais à l'expression d'une idée qui serait à l'optatif, n'est jamais en

concurrence avec un infinitifl. De fait, les occurrences de ce type ne permettent en aucune manière de conclure à une fonction temporelle ou modale

(au sens des modes verbaux bien entendu) de la phrase nominale prise dans son ensemble. Il convient plutót de se dire que, dans les cas de cette sorte, et à moins qu'il ne s'agisse d'expressions figées — une expression comme εἶ «μὴ ᾿Αχιλλεῖ est pratiquement la seule où se rencontre μή ; il s'agit ici d'un

"effacement" du verbe plutót que d'une phrase nominale —, la construction nominale est certainement commandée par d'autres contraintes que la seule expression du mode et du temps?.

Du point de vue temporel et modal, la phrase nominale n'est donc pas quantitativement significative au regard des possibilités développées par le verbe étre. Mettre en relation la phrase nominale avec l'ensemble du paradigme de étre n'est donc pas une opération pertinente. Seule est pertinente

la mise en relation de la phrase nominale avec les formes de l'indicatif présent. Relation avec l'indicatif présent de êfre Il est légitime en revanche de mettre en relation la phrase nominale avec les formes du présent de l'indicatif de être puisque les quantités respectives de l'un et de l'autre types de phrases sont comparables. Mais, tandis qu'à la 1€ et à la 2€ personne, le nombre des phrases verbales est supérieur à celui des phrases nominales, la proportion s'inverse à la 3€ personne, et de façon particulièrement significative au singulier :

1 Sur la question du participe, Voir supra, p. 169 sq. et p. 338.

2 Voir infra, p. 569 sq.

538

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

étre

phrase nominale

16 sg

26

15

2 sg_ 3° sg

37 182

13 381

1€ plur

11

2

2€ plur

5

3

3€ plur

63

94

3

6

327

514

duel

total

L'étude suivante aura donc pour objet dans un premier temps de définir ce qui fait la similitude, voire l'interchangeabilité des deux types de phrases, pour tenter ensuite, à partir de certains indices tels que l'ordre des mots, de déceler ce qui fait leur différence.

539

chapitre 1

Similitudes entre phrase verbale et phrase nominale

La phrase nominale et la phrase à verbe étre se trouvent trés souvent

dans un rapport de substitution où elles semblent interchangeables, à quelque personne et à quelque niveau que ce soit.

1 - Niveau morpho-syntaxique 1.1. Constituants semblables

1.1.1. Sujet 1€ personne : A 516

ὅσσον ἐγὼ μετὰ πᾶσιν ἀτιμοτάτη θεός εἶμι combien je suis méprisée entre tous les dieux

en face de Φ 482

χαλεπή

τοι ἐγὼ μένος ἀντιφέρεσθαι

τοξοφόρῳ περ boc pour toi je (serai) pénible, à t'opposer mon ardeur, en dépit de l'arc que tu

portes

et

H 231

fjucic δ' εἰμὲν τοῖοι ot ἂν σέθεν ἀντιάσσαιμεν nous sommes de taille ἃ t'affronter

en face de T 410

οὐδέ τοι ἡμεῖς

αἴτιοι, ἀλλὰ θεός τε μέγας καὶ μοῖρα κραταιή

540

*es- ET LA PHRASE NOMINALE ce n'est pas nous qui (sommes) coupables, mais un dieu terrible et l'impérieux destin

2€ personne : A 281

εἰ δὲ σὺ καρτερός éco: si tu es fort

en face de Y 434 οἶδα δ' ὅτι σὺ μὲν ἔσθλός, ἐγὼ δὲ σέθεν πολὺ χείρων je sais que tu (es) brave et que je (suis) bien au-dessous de toi et

B 485

ὑμεῖς yàp θεαί ἔστε, πάρεστέ vc, ἴστε τε πάντα car vous, vous êtes des déesses : vous êtes partout présentes, vous savez tout

en face de A 335

οὗ τί uot ὄμμες ἐπαίτιοι, ἀλλ’ " Ayoufuvov, envers moi, vous, (vous n'étes) pas coupables, mais (c'est)

Agamemnon

3€ personne : Nom Ω 59

αὐτὰρ

᾿Αχιλλεύς ἔστι

θεᾶς γόνος

Achille au contraire est le fils d'une déesse

en face de

T91

πρέσβα Aux θυγάτηρ "Arm Erreur (est) la fille aînée de Zeus

et

P 201

d δείλ’, οὐδέ τί τοι θάνατος καταθύμιός ἔστιν

ὃς δή τοι σχεδόν ἔστι ah ! malheureux ! pour toi la mort n'est pas obsédante, qui est pourtant si

prés de toi

N 773

νῦν rot σῶς atri

ὄλεθρος

pour toi maintenant la mort vertigineuse (est) assurée

Pronom T 229

Οὗτος 5' "Atac ἐστὶ πελώριος, ἕρκος ᾿Αχαιῶν celui-ci est Ajax, le prodigieux Ajax, rempart des Achéens

Similitude

54]

en face de T 200

Οὗτος

δ’ αὖ Λαερτιάδης

πολύμητις

᾿Οδυσσεύς

celui-là, (c'est) le fils de Laërte, Ulysse aux mille ruses

d.

ὃ ñ 8 γε ὅδε

A Y A T

581, 1 699, 107, 281, N 70, X 30, Ω 398, 167, T 192,

κεῖνος

Ι 63, Υ 106.

Infinitif ® 485

ἤτοι βέλτερόν ἔστι κατ’ οὔρεα θῆρας ἐναίρειν ἀγροτέρας τ’ ἐλάφους À κρείσσοσιν ἶφι μάχεσθαι assurément, il vaut mieux aller massacrer les bétes des montagnes et les

biches sauvages que d'entrer en guerre ouverte avec des gens qui sont plus

forts

en face de : O 511 βέλτερον, fj ἀπολέσθαι

ἕνα χρόνον At βιῶναι

mieux (vaut) un instant (savoir si nous devons) vivre ou périr

Proposition relative V 345

οὐκ ἔσθ’ ὅς κέ σ’ ἕλῃσι μεταάλμενος il n' y aura plus personne pour te vaincre

en face de E 481

Ka’ δὲ κτήματα

no,

τά τ’ ἔλδεται

ὅς κ' ἐπιδευής

les trésors sans nombre dont réve celui qui (est) pauvre

1.1.2. Attribut Positif

V 484

ὅτι τοι νόος ἐστὶν &nnvic parce que ton cœur est intraitable

en face de € 309 ξυνὸς

Ἔ νναάλιος

Enyale (Arès) (est) le méme pour tous

avec préfixe α- privatif et suffixe -to: Z 434

λαὸν δὲ στῆτον παρ’ Epıveöv, ἔνθα μάλιστα

542

*es- ET LA PHRASE NOMINALE ἄμβατός

ἔστι πόλις καὶ

ἐπίδρομον ἔπλετο τεῖχος

arrête donc l'armée près du figuier sauvage, là où la ville est accessible, et le mur facile à emporter

en face de

B 137

af δέ nov ἡμέτεραί rt’ ἄλοχοι καὶ νήπια τέκνα cor’ ἑνὶ μεγάροις ποτιδέγμεναι ἄμμι δὲ ἔργον αὕτως ἄκράαντον, οὗ εἵνεκα δεῦρ’ ἱκόμεσθα nos, femmes, nos jeunes enfants, en nos manoirs attendent, mais pour nous

la táche (est) inachevée, pour laquelle nous sommes arrivés ici

Comparatif A 114

ἐπεὶ où θέν ἔστι χερείων car elle n'est pas inférieure à elle

en face de H 114

8 περ σέο πολλὸν ἀμείνων

qui (est) pourtant bien meilleur que toi et

E 410

τῶ νῦν Τυδείδης, cl καὶ μάλα κάρτερός ἔστι͵ donc aujourd'hui le fils de Tydée, même s'il est très fort...

en face de H 457 ἄλλος κέν τις τοῦτο θεῶν δείσειε νόημα, & σέο πολλὸν ἀφαυρότερος χεῖρας τε μένος τε un autre dieu redouterait ce projet, un dieu qui (serait) bien plus faible que toi

Superlatif Z 271

πέπλον δ’ ὅς τίς τοι χαριέστατος fob μέγιστος ἔστιν Evi μεγάρῳ καί τοι πολὺ φίλτατος αὐτῇ le voile qui pour toi est le plus beau et le plus grand en ton palais, et qui t'est à toi même de loin le plus cher

en face de Y 243

6 yàp κάρτιστος ἁπάντων

car il (est) le plus puissant de tous

1.1.3. Génitif prédicat Y 107

fj μὲν γὰρ Διὸς ἔσθ’ car l'une est fille de Zeus

Similitude en face de H 89 ἀνδρὸς μὲν τόδε σῆμα πάλαι

543

κατατεθνηῶτος

cette tombe (est celle) d'un homme mort jadis

1.1.4. Datif prédicat Au datif, le prédicat est habituellement, dans la phrase verbale comme

dans la phrase nominale, un pronom personnel : V 549

ἔστι τοι ἐν κλισίῃ χρυσὸς πολὺς tu as dans ta baraque de l'or en quantité

en face de Σ 435

ἄλλα δέ μοι νῦν

pour moi, maintenant (se présentent) d'autres douleurs

1.1.5. Prédicat adverbial ou prépositionnel O 737

od μὲν τι σχεδόν ἔστι πόλις πύργοις ἄραρυϊα aucune ville munie de remparts n'est ici tout prés

E 360

tv’ ἀθανάτων ἕδος ἐστί là où est le séjour des Immortels

en face de

E 479

τηλοῦ yàp Avuk(n car (elle est) loin la Lycie

et, pour marquer l'origine : B 857

ὅθεν &pypou

ἐστὶ γενέθλη

(de la lointaine Alybe, pays) où naît l'argent litt. d'où (est) l'origine de l'argent

A 63

xod γάρ τ’ ὄναρ ἐκ Διός ἔστιν le songe aussi est message de Zeus

en face de D 157

αὐτὰρ ἐμοὶ γενεὴ ἐξ ᾿Αξιοῦ εὐρὺ ῥέοντος au contraire mon origine (remonte) à l'Axios au large cours

544

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

1.1.6. Expansion Comme dans le cas des phrases nominales, une expansion peut déterminer l'un des constituants ou la phrase dans son ensemble : Expansion de sujet ou de prédicat

Accusatif P 252

ἀργαλέον δέ μοί ἔστι διασκοπιᾶσθαι

ἕκαστον

ἡγεμόνων il ne m'est pas aisé de reconnaitre aujourd'hui chacun des chefs

en face de O 140

ἀργαλέον δὲ

πάντων ἀνθρώπων ῥῦσθαι γενεήν τε τόκον τε (il est) malaisé de sauver les fils et rejetons de tous les humains

Génitif ^ 323

tb γὰρ γέρας ἐστὶ θανόντων car cet hommage appartient aux morts

en face de P 623

8 τ’ οὐκέτι κάρτος ᾿Αχαιῶν

la victoire n'(appartient) plus aux Achéens

déterminant du comparatif V 789 Αἴας μὲν yàp ἐμεῖ' δλίγον προγενέστερός ἔστιν car Ajax est un peu mon aîné

en face de O 569 "Avr(Aoy', οὕ τις acto νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

déterminant du superlatif E 378

ὃς ἐμοὶ πάντων πολὺ φίλτατός ἔστιν qui est pour moi le plus cher de tous

en face de Y 243

6 γὰρ κάρτιστος ἁπάντων

car il (est) le plus puissant de tous

Datif E 254

ἔτι μοι μένος ἔμπεδόν ἔστι ma fougue est encore intacte

Similitude en face de ( 205

545

σιδήρειόν νύ τοι ἦτορ

vraiment, ton cceur (est) de fer

Proposition relative I 117

&vtí vu πολλῶν

λαῶν ἔστιν ἀνὴρ ὅν τε Ζεὺς κῆρι ψιλήσῃ il vaut à lui seul bien des guerriers, l'homme que Zeus chérit dans son cœur

en face de Y 98 αἰεὶ yàp πάρα εἷς γε θεῶν, ὃς λοιγὸν ἀμύνει à ses côtés, toujours (se trouve) un dieu, qui écarte de lui le malheur

Expansion de phrase Datif B 295

fiiv δ’ εἴνατός ἔστι περιτροπέων ἐνιαυτὸς ἐνθάδε

μιμνόντεσσι

et pour nous, voici que s'achève la neuvième année où nous demeurons ici

en face de

$ 155

ἦδε δέ μοι νῦν ἠὼς ἕνδεκατη, dt’ ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα: c'(est) pour moi aujourd'hui la onzième aube que je suis ἃ l'Ilion

Lieu

A 300

ἅ μοι ἔστι θοῇ παρὰ νηὶ μελαίνῃ ce que j'ai à moi près de ma nef noire rapide

en face de

N 335

ἤματι τῷ ὅτε τε πλείστη κόνις ἀμφὶ κελεύθους le jour où la poussière (est) abondante sur les routes

Temps

A 541

αἷεί τοι φίλον ἐστὶν ἐμεῦ ἀπὸ νόσφιν ἐόντα κρυπτάδια φρονέοντα δικάζεμεν tu te plais toujours, quand tu es loin de moi, à décider d'un cœur secret

X 219

οὔ of νῦν ἔτι y' ἔστι πεφυγμένον ἄμμε γενέσθαι il n'est plus possible qu'à cette heure, il nous échappe

en face de A 177.

αἴεὶ γάρ rot ἔρις τε φίλη πόλεμοί τε μάχαι TE : car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats

546

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

V 627

οὗ yàp ἔτ' ἔμπεδα γυῖα, φίλος non, mes membres, mon cher, ne (sont) plus solides

Subordonnées Q 373 οὕτω πῃ τάδε y’ ἐστί, φίλον τέκος, ὥς ἀγορεύεις il en est, mon fils, tout comme tu dis

en face de A 231 δημοβόρος βασιλεύς,

ἐπεὶ οὐτιδανοῖσιν ἀνάσσεις

il (est) un dévoreur de peuple le roi (que tu es), puisque tu commandes à

des gens de rien

1.1.7. Négation od

La négation οὗ est fréquente, et presque toujours en téte de phrase : O 737

οὗ μέν τι σχεδόν ἔστι πόλις πύργοις ἀραρυῖα aucune ville munie de remparts n'est ici tout prés

en face de 1401 od yàp ἐμοὶ ψυχῆς ἄνταξιον il n'est rien pour moi qui vaille la vie lin. (il n'existe) pas pour moi d'équivalent à la vie 1.1.8. Ordre des mots

La place des noyaux, sujet et prédicat, est semblable dans la phrase

verbale et dans la phrase nominale. L'ordre sujet - prédicat et l'ordre prédicat - sujet sont représentés dans les deux types de phrase. Dans les deux cas, le datif est volontiers placé avant le sujet : E 338

ἔστιν τοι θάλαμος, τὸν ... tu as la chambre que...

en face de X 513 οὔδέν σοί y' ὄφελος il (n'y a) aucun profit pour toi

L'attribut se trouve, lui, aussi bien devant le sujet que derrière : [I 65

οὔ τοι ἀπόβλητ’ ἐστὶ θεῶν ἐρικυδέα. δῶρα ils ne sont pas méprisables, tu le sais, les dons glorieux des dieux

en face de

Similitude

E 178

χαλεπὴ δὲ θεοῦ ἔπι μῆνις terrible (est) la colere d'un dieu en retour

et

E 191

θεός νύ τίς ἔστι κοτήεις un dieu, assurément, est irrité

en face de

N 634

τῶν μένος altv ἀτάσθαλον leur ardeur (est) toujours insensée

1.2. Structures de phrases semblables 1.2.1. Sujet - (στῇ - attribut

E 191

θεός νύ τίς ἔστι κοτήεις un dieu, assurément, est irrité

en face de 1505 ἧ δ' ”Arn σθεναρή τε kal ἄἀρτίπος Erreur (est) robuste et alerte

- sujet effacé - attribut

N 157

οὔτε γάρ ἔστ’ ἄφρων, οὔτ’ ἄσκοπος οὔτ' ἀλιτήμων car il n'est ni fou ni aveugle ni criminel

en face de B 478 ὄμματα καὶ κεφαλὴν ἴκελος Διὶ τερπικεραύνῳ pour les yeux et le front, (il est) pareil à Zeus tonnant

1.2.2. Sujet - (στῇ - génitif

Y 106

fj μὲν yàp Διὸς ἔσθ’ l'une est fille de Zeus

en face de V 790

οὗτος δὲ προτέρης γενεῆς προτέρων τ’ ἄνθρώπων mais celui-là (est) de l'âge d'avant, de la génération précédente

547

*es- ET LA PHRASE NOMINALE 1.2.3. Sujet - (στῇ - datif Z 413

οὐδέ uot ἔστι πατὴρ καὶ πότνια μήτηρ je n'ai plus de pére ni de digne mere

V 550

εἰσὶ δέ τοι δμῳαὶ καὶ μώνυχες ἵπποι tu as des captives et des chevaux aux sabots massifs

en face de Δ 417

τούτῳ δ’ αὖ μέγα πένθος ᾿Αχαιῶν δῃωθέντων pour lui, de son côté, (ce sera) un deuil immense

si les Achéens

détruits

1.2.4. Sujet - (στῇ - attribut - datif E 254

ἔτι μοι μένος ἔμπεδόν

ἔστιν

ma fougue est toujours intacte

Q 399

ἕξ δέ of υἷες ἔασιν il (a) six fils

en face de K 93

οὔδέ

μοι

ἦτορ

ἔμπεδον mon cœur (n'est) pas tranquille

1.2.5. Sujet - (στὸ - lieu 6 456

ἵν’ ἀθανάτων ἕδος ἐστίν là oà se trouve le séjour des Immortels

en face de Σ 422

ἔνθα Θέτις περ

là oà (se trouve) Thétis

1.2.6. Sujet - (στῇ - lieu - adjectif 6 14

τῆλε μάλ’, ἧχι

βάθιστον Ind χθονός ἔστι

βέρεθρον

très loin, là où l'abime est le plus profond sous terre

en face de

6 481

βαθὺς δέ τε Τάρταρος duoc le Tartare (est) profond tout autour

sont

Similitude

549

1.2.7. Sujet - @ort) - datif - lieu T 440

πάρα γὰρ θεοί εἶσι καὶ ἡμῖν car tout près sont les dieux, pour nous aussi

en face de

Y 390

ἐνθάδε τοι θάνατος ici, pour toi, (il y a) la mort

1.2.8. Sujet - (στῇ - adj - datif- lieu V 549

ἔστι δέ τοι ἐν κλισίῃ χρυσὸς πολύς, tu as dans ta baraque de l'or en quantité

T 440

πάρα yàp θεοί εἶσι καὶ ἡμῖν tout près, il y a aussi des dieux pour nous

en face de

N 267

καί τοι ἐμοὶ παρά τε κλισίῃ καὶ νηὶ μελαίνῃ πόλλ' ἔναρα Τρώων en vérité, (j'ai,) moi aussi, dans ma baraque et ma nef noire, nombre de dépouilles troyennes

2 - Niveau sémantique En outre la comparaison des deux types de phrase conduit à admettre leur similitude non seulement du point de vue de l'analyse des constituants

mais aussi du point de vue sémantique : la phrase nominale et la phrase verbale expriment l'une comme l'autre certaines grandes catégories sémantiques telles que : Le lieu

Y 391

ὅθι roi τέμενος πατρώιόν ἔστιν là où est le sanctuaire de tes pères

en face de V 148

ὅθι

τοι

τέμενος

βωμός vc θυήεις

là où (sont) ton sanctuaire et ton autel odorant et

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

B 857

ὅθεν ἄργύρου

ἔστι γενέθλη

d'où vient l'argent [litt. de là où (est) l'origine de l'argent]

en face de B 852

ὅθεν ἡμιόνων γένος ἀγροτεράων

d'oà (vient) la race des mules sauvages

L'appartenance £ 338

ἀλλ' εἶ δή ῥ' ἐθέλεις καί τοι φίλον ἔπλετο θυμῷ, ἔστιν τοι θάλαμος,

τὸν τοι φίλος υἱὸς ἔτευξεν

si c'est là ce que tu veux et si cela plaisait à ton cœur, tu as la chambre que

t'a faite ton fils

en face de

Σ 180

cox λώβη pour toi (c'est) une honte !

L'identité T 167

ὅς τις 85 ἔστιν ᾿Αχαιὸς ἀνὴρ ἢύς vc μέγας vc (dis-moi) quel est ce guerrier achéen noble et grand

en face de

T 226

τίς tap 86' ἄλλος ᾿Αχαιὸς &vi)p Nic τε μέγας te; quel (est) encore ce guerrier achéen noble et grand 7

et

T 229

οὗτος δ' ᾿Αἴας ἐστὶ πελώριος, ἕρκος ᾿Αχαιῶν celui-ci est le prodigieux Ajax, rempart des Achéens

en face de T 178

οὗτος y' ᾿Ατρείδης εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων mais je te répondrai, puisque tu questionnes et enquétes : cet homme (est) le fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon

Une qualité, permanente ou non A 581

6 yàp πολὺ φέρτατός ἔστιν il est de beaucoup le plus fort

en face de Y 243

6 γὰρ κάρτιστος ἁπάντων car il (est) le plus fort de tous

Similitude

551

et

E 254

ἔτι μοι μένος ἔμπεδόν ἔστιν ma fougue est encore intacte

en face de

K 93

οὐδέ μοι ἦτορ ἔμπεδον mon cœur (n'est) pas tranquille

et

N

111

ἄλλ’ εἶ δὴ καὶ ndunav ἐτήτυμον αἴτιός ἐστιν

ἥρως ᾽Ατρείδης, εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων mais s'il est entiérement vrai que le coupable est le héros fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon

en face de $ 275 ἄλλος δ’ οὔ τίς μοι τόσον αἴτιος Οὐρανιώνων,

ἀλλὰ φίλη μήτηρ aucun des dieux issus du ciel n'{est) à ce point coupable envers moi mais

ma mére seule

Une vérité abstraite

P 252

ἄργαλέον δέ μοί ἔστι διασκοπιᾶσθαι ἕκαστον ἡγεμόνων il m'est difficile de reconnaître aujourd'hui chacun des chefs

en face de V 791

ἀργαλέον δὲ

ποσσὶν ἔριδήσασθαι ᾿Αχαιοῖς, εἶ μὴ ᾿Αχιλλεῖ (il est) difficile aux Achéens de lutter à la course avec lui, si ce n'est à Achille

et

$ 485

ἥτοι

βέλτερόν ἔστι κατ’ οὔρεα θῆρας Evafpeıv

&ypotépox t' ἐλάφους il vaut mieux en vérité aller massacrer les bêtes des montagnes et les biches sauvages

en face de X 129

βέλτερον αὖτ' ἔριδι ξυνελαυνέμεν ὅττι τάχιστα (il vaut) mieux vider notre querelle au plus vite

et

552

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

B 119

αϊσχρὸν γὰρ τόδε y’ ἐστὶ καὶ ἐσσομένοισι

πυθέσθαι

cela est honteux à faire connaître aux générations à venir

en face de B 297 αἶσχρόν

ἀλλὰ καὶ ἔμπης τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι

et cependant, (il est) honteux, aprés une si longue attente, de revenir les mains vides

Une sentence

B 196

θυμὸς δὲ μέγας ἐστὶ διοτρεφέων βασιλήων τιμὴ δ' ἐκ Διός ἔστι la colère est terrible des rois issus de Zeus : l'honneur leur vient de Zeus

I 250

οὐδέ τι μῆχος

ῥεχθέντος κακοῦ ἔστ’ ἄκος εὑρεῖν et quand le mal est fait, il n'est plus de moyen d'y trouver remède

A 793

ἀγαθὴ δὲ παραίφασίς ἔστιν ἑταίρου il est bienfaisant l'encouragement d'un compagnon

P 446

οὗ μὲν γάρ τί πού ἔστιν διζυρώτερον ἄνδρός rien n'est plus misérable que l'homme

X 128

οὗ κακόν ἔστι, τειρομένοις ἑτάροισιν ἀμυνέμεν αἷπύν ὄλεθρον et il n'est pas honteux d'écarter des siens, quand ils sont épuisés, le gouffre de la mort

X 262

ὥς οὐκ ἔστι λέουσι καὶ ἀνδράσιν ὅρκια πιστά car il n'est pas de pacte loyal entre les hommes et les lions

en face de

K 226

μοῦνος δ’ εἴ πέρ τε νοήσῃ, ἀλλὰ τέ of βράσσων τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις seul, on peut voir aussi ; mais la vue ne voit pas si loin et l'esprit demeure

un peu court litt. et l'homme seul, même s'il pense aussi, néanmoins chez lui l'intelligence (est) plus courte et la malice (est) mince

V 315 μήτι tot δρυτόμος μέγ’ ἀμείνων fit βίηφι par l'intelligence, un bücheron (est) meilleur que par la force

Similitude

553

3 - Niveau énonciatif 3.1. Répartition récit - discours Le tableau suivant montre la répartition des phrases, nominales et verbales, à la 3€ personne du singulier et du pluriel, selon qu'elles appartiennent au récit ou au discours ; la 1€ et la 2€ personnes, qui, par définition, sont

spécifiques du discours, ne figurent pas dans ce tableau.

total

récit

179 63

10 9

169 54

5,6 14,3

94,4 85,7

phr. nominale | 477!

87

390

182

81,8

ἐστί εἶσί

discours | 9b récit | 90 disc.

Ce tableau prouve que &at(/eta( appartient au discours et que, dans les discours, le pourcentage des phrases verbales est méme plus élevé que

celui des phrases nominales. Il est vrai que le présent est par définition le temps du discours et que, dans le récit, l'imparfait du verbe être est abondamment représenté :

imparfait

total

récit

| discours | % récit

% disc

3* sg

130

87

43

66,9

33,1

3° plur

82

67

15

81,7

183

Il est d'autant plus intéressant de noter la présence, en face de 73 phrases nominales, de 19 occurrences de ἔστί / cto( dans le récit.

Le moment est donc venu de confronter les deux types de phrases. 3.2. ἐστί dans le récit

Dans le récit, ἐστί énonce un fait considéré comme vrai au moment de l'énonciation, qu'il s'agisse d'un fait toujours vérifié, ou que le présent soit celui de l'énonciation et s'oppose au temps de l'épopée.

111 faut ajouter à ce chiffre 37 phrases nominales des 1* et 2€ personnes, et de la 2€ personne du duel.

554

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

3.2.1. Présent de vérité générale Vérités géographiques B 811

ἔστι δὲ τις προπάροιθε

πόλιος

αἰ πεῖα κολώνη

il est devant la ville une haute butte, à l'écart

cf.

B 755, 857; N 32; X 153.

Vérités mythologiques E 342

rover’ &vatuovéc εἶσι, καὶ ἀθάνατοι

καλέονται

c'est pour cette raison qu'elles n'ont pas de sang et sont appelées immor-

cf.

telles E 342; Ξ 386; Σ 419.

Vérités d'expérience 6 84

ὅθι τε πρῶται τρίχες ἵππων

κρανίῳ ἐμπεφύασι, μάλιστα δὲ καίριόν ἔστι (le divin Alexandre l'a frappé d'une flèche au sommet de la téte,) là où commence la crinière au crâne des chevaux, là où se trouve le point le plus critique

cf.

E 726, 728; 6 84, 326; K 352.

Sentences Y 265 où ῥηίδι’ ἔστι θεῶν ἐρικυδέα. δῶρα &vôpoiai γε θνητοῖσι δαμήμεναι οὔὐδ' ὑποείκειν il est bien malaisé à de simples mortels de détruire ou de céder les glorieux présents des dieux

Comparaisons X 30 λαμπρότατος μὲν 8 y' ἐστί, κακὸν δέ τε σῆμα τέτυκται cf.

son éclat est sans pareil, mais il n'est qu'un sinistre présage TI 163

3.2.2. Présent de l'énonciation

E 304

δ δὲ χερμάδιον λάβε χειρὶ Τυδείδης, μέγα ἔργον, ὃ οὗ δύο γ' ἄνδρε φέροιεν,

οἷοι νῦν βροτοί εἶσ’

cf.

alors, le fils de Tydée, dans sa main, prend une pierre — l'exploit est merveilleux — que deux hommes ne porteraient pas, deux hommes d'aujourd'hui M 383, 449; Y 297.

Similitude

555

Des phrases de ce type montrent bien que le récit est aussi discours : au récit "inspiré" par la Muse l'aède ajoute ses propres commentaires!. 3.3. Modalités 3.3.1. Modalisation

La phrase verbale, comme la phrase nominale, peut, en méme temps

qu'elle asserte un fait, manifester le point de vue de l'énonciateur sur ce qu'il énonce, ce qui est clairement mis en évidence par l'apparition de particules énonciatives : . Modalisation 6

Il arrive qu'une assertion soit simplement donnée pour ce qu'elle est, sans intention énonciative ; l'ordre des mots est type sujet - prédicat : Q 293

καὶ εὖ κράτος ἐστὶ

μέγιστον

et sa force est immense

en face de

Σ 133

ἐπεὶ φόνος ἐγγύθεν αὐτῷ la mort (est) tout prés de lui

Mais, la plupart du temps, l'assertion contient diverses particules qui en renforcent ou en modifient l'intonation, et sont autant d'indices de l'émergence dans l'énoncé du point de vue de l'énonciateur au moment de l'énon-

ciation. Présence de particules énonciatives

ñ Q 763

ἢ μέν μοι πόσις ἐστὶν ᾿Αλέξανδρος θεοειδής certes, mon époux est Alexandre pareil aux dieux

B 291

f| μὴν καὶ πόνος ἐστὶν ἄνιηθέντα νέεσθαι certes la tâche est assez dure pour qu'à bout de peine on s'en aille

en face de Φ 532

ἐγγὺς ὅδε κλονέων 1 Cf. supra, troisième partie, p. 349 sq.

ἣ γὰρ ᾿Αχιλλεύς

556

*es- ET LA PHRASE NOMINALE Achille (c'est) celui-ci, tout prés, qui les bouscule et

Θ 211

ἐπεὶ À πολὺ φέρτερός ἔστι car assurément, il est bien plus fort

en face de

A 307

ἐπεὶ À πολὺ φέρτερον οὕτω car (c'est) bien préférable ainsi

ἤτοι

ᾧ 485

ἤτοι βέλτερόν ἔστι κατ’ οὔρεα θῆρας ἐναίρειν assurément, il vaut mieux aller massacrer les bêtes des montagnes

en face de

A13

᾿Αλλ’ ἥτοι νίκη μὲν ἄρηιφίλου Μενελάου la victoire en tout cas (appartient) à Ménélas chéri d'Arès

vá, À νύ E 191

θεός νύ τίς ἔστι κοτήεις assurément, un dieu est irrité

O 129

ἣ νύ τοι αὕτως οὔατ’' ἀκουέμεν ἔστί en vérité, c'est en vain que tu as des oreilles pour entendre

en face de

Q 205

σιδήρειόν νύ τοι ἦτορ vraiment, ton cceur (est) de fer

Σ 394

à Bá νύ μοι δεινή τε καὶ αἰδοίη θεὸς ἔνδον ah ! j'(ai) une terrible et auguste déesse sous mon toit

Interrogation

H 446

Ζεῦ πάτερ, À fii τίς ἔστι βροτῶν

En’ ἀπείρονα γαῖαν

& τις Er’ ἀθανάτοισι νόον καὶ μῆτιν ἐνίψει ; Zeus Père, est-il donc un mortel sur la terre infinie qui fasse désormais connaitre aux immortels sa pensée, son dessein ?

en face de E 471 À ῥ' ody οὗτος ἀνὴρ Προθοήνορος ἄντὶ πεφασθαι

ἄξιος ; car cet homme (n'est-il) pas digne d'étre tué autant que Prothénor 7

Similitude

557

3.3.2. Modalités logico-sémantiques La phrase verbale sert, selon toute apparence, à l'expression des mémes modalités logico-sémantiques que la phrase nominale :

Obligation, nécessité Noms θέμις

A 779 et

εὖ παρέθηκεν, ἅ τε ξείνοις θέμις ἐστίν il nous offrit tout ce qu'il est de règle d'offrir à des hôtes B 73; 1 33, 276; A 779; Ξ 386; T 177; V 44, 581; Ω 652.

en face de χρή

Π 492, etc...,

ἄνάγκη

E 633,

uot po

I 318.

Adjectifs prédicats de type axiologique Bon, beau / mauvais Σ 128

οὗ κακόν

τειρομένοις ἑτάροισιν ἀμυνέμεν

ἔστι,

αἰ πύν ὄλεθρον

et il n'est pas honteux d'écarter des siens, quand ils sont épuisés, le gouffre de la mort

O 404

ἀγαθὴ δὲ παραίφασίς ἔστιν ἑταίρου il est bienfaisant, l'encouragement d'un compagnon

en face de B 204

οὔκ ἀγαθὸν πολυκοιρανίη le commandement de plusieurs (n'est) pas une bonne chose

et

x 106

ἀγορῇ δέ τ’ duc(vové; εἶσι καὶ ἄλλοι À l'assemblée, il y en a bien d'autres qui sont meilleurs

en face de: A404 ὃ yàp αὖτε βίῃ οὗ πατρὸς ἀμείνων car lui au contraire, pour la force, il (est) meilleur que son propre père

558

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

Convenable / honteux

Les adjectifs qui désignent ce qui est moralement ou socialement beau

ou laid suivent le méme traitement : B 118

αἰσχρὸν yàp τόδε y' ἐστὶ καὶ ἐσσομένοισι

πυθέσθαι

cela est honteux à faire connaitre aux générations à venir

en face de B 297

ἀλλὰ καὶ ἔμπης

αἶσχρόν τοι δηρόν τε μένειν κενεόν τε νέεσθαι cependant (il est) honteux en vérité de rester si longtemps et de s'en revenir les mains vides et

Θ 234

νῦν δ’ οὐδ’ ἑνὸς ἀξιοί εἶμεν Ἕκτορος et aujourd'hui, nous ne sommes pas dignes d'Hector

Possibilité Adj en

*-to

Tout comme la phrase nominale, la phrase verbale exprime parfois la possibilité (6 occurrences) au moyen d'adjectifs en *-ro, presque tous préfixés en o- privatif. T 63

ὥς σοὶ ἑνὶ στήθεσσιν ἀτοΐρβητος νόος ἔστί de même ton cœurau fond de ta poitrine est à l'abri de la crainte

et : Z 434

ἄμβατος,

T 65

ἄπόβλητα,

Ε 892

ἄάσσχετον, ἐπιεικτόν,

Η 117

ἀκόρητος

en face de I 158

᾿Αίδης τοι ἀμείλιχος fi’ ἀδάμαστος

Hades (est) implacable et inflexible en vérité

Facile / difficile

La notion de facilité, voisine de la notion de possibilité, se présente toujours avec ἐστί sous la forme d'un adjectif neutre attribut d'un infinitif sujet.

Similitude

559

M 410 ἄργαλέον δέ μοί ἔστι καὶ ἰφθίμῳ περ ἐόντι μούνῳ ῥηξαμένῳ θέσθαι παρὰ νηυσὶ κέλευθον il m'est difficile, si fier que je sois, d'enfoncer les lignes tout seul et de vous ouvrir un chemin au milieu des nefs

cf.

P 252

Y 265

où ῥηίδι’ ἐστὶ θεῶν ἐρικυδέα δῶρα ἄνδρασι γε θνητοῖσι δαμήμεναι οὔὐδ' ὑποείκειν il n'est pas facile pour de simples mortels de détruire ou de céder les glorieux présents des dieux

en face de A 589

ἄργαλέος yàp ᾿Ολύμπιος ἄντιφέρεσθαι le dieu de l'Olympe (est) difficile à combattre

4. Place et fonction dans la chaine discursive La phrase verbale semble intervenir à la méme place que la phrase no-

minale et remplir les mémes fonctions dans la chaine discursive. 4.1. Place dans le discours

Comme la phrase nominale, la phrase verbale se place volontiers en téte du discours ou à la fin. Téte de discours La phrase verbale se trouve placée dans ce cas derrière le vocatif qui est de régle au début de tous les discours!. P 201

SA SEA’, οὐδέ τί τοι θάνατος καταθύμιός ἔστιν Ah ! maiheureux, la mort ne t'obsède guère, qui est pourtant si près de toi

Ω 763

Ἕκτορ, ἐμῷ θυμῷ δαέρων πολὺ φίλτατε πάντων, À μέν μοι πόσις ἐστὶν ᾿Αλέξανδρος θεοειδής Hector, de tous mes beaux-frères le plus cher à mon cœur, je n'oublie pas que mon époux est Alexandre pareil aux dieux

et

ἔστί etot

1 Cf. supra, p. 373.

T 192, 229; H 446; K 378; A 786; = 212, 313; P 629; Σ 128; V 44, 103; Ω 334, 373. Β 796; A 7, 51; N 312.

560

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

à la deuxiéme personne: toot

T 172; Z 215; K 164; N 275, 726; O 247, TI 515, 538; T 217; Φ 150; Ω 387, 407.

en face de

O 569

"Avt(Aoy', οὕ τις otto νεώτερος ἄλλος ᾿Αχαιῶν Antiloque, aucun autre Achéen (n'est) plus jeune que toi

Fin de discours

O 404

τίς δ’ οἶδ’ ct κέν of σὺν δαίμονι θυμὸν Óp(vo παρειπών ; ἀγαθὴ δὲ παραίφασίς ἔστιν ἑταίρου.»» qui sait si, le ciel aidant, je n'arriverais pas à ébranier son cœur par mes avis ? il est bienfaisant l'encouragement d'un compagnon

et

ἐστί

Γ 309; O 144, 211; N 787; = 63; II 457, 675; X 427; T 417

etat

N 639, I1 750

à la 1€ et à la 25 personne : εἶμι toc(

Α 516; e 27. E 813; K 167; Ω 377.

en face de Σ 201

αἴ κέ σ' ὑποδδείσαντες ἀπόσχωνται

πολέμοιο

Τρῶες, ἀναπνεύσωσι 5' ἄρήιοι υἷες ᾿Αχαιῶν τειρόμενοι - ὀλίγη δέ t' ἀνάπνευσις πολέμοιο.»» nous verrons si, pris de peur, ils ne vont pas renoncer à se battre et laisser ainsi souffler les vaillants fils des Achéens à cette heure épuisés ; le temps pour souffler à la guerre (est) court !

4.2. Fonction Comme la phrase nominale, la phrase verbale est utilisée pour : 4.2.1. Questionner T 192

εἴπ’ ἄγε μοι καὶ τόνδε, φίλον τέκος, ὃς τις ὅδ’ ἔστι dis-moi donc, mon fils : celui-là, qui est-il ?!

Α la deuxiéme personne :

O247

τίς δὲ σύ ἔσσι, φέριστε θεῶν, ὅς μ' εἴρεαι ἄντην ; Qui donc es-tu, noble dieu, qui viens m'interroger en face ?

1 Dans les phrases de ce type, il semble que le verbe soit absolument toujours employé.

nécessaire et

Similitude

561

4.2.2. Répondre Placé en téte d'un discours, ἔστί peut, comme tout autre verbe, étre

utilisé dans une phrase dont l'objet est de répondre à l'interlocuteur : £197

Τὴν δὲ δολοφρονέουσα προσηύδα πότνια Ἥρη «« Δὸς νῦν μοι φιλότητα καὶ

ἵμερον, ᾧ τε σὺ πάντας

δαάμνᾳ ἀθανάτους Mt θνητοὺς ἄνθρώπους. 212

:

[...] >>

Τὴν δ'αὖὗτε προσέειπε φιλομμειδὴς "᾿Αφροδίτη

:

pas de crainte) — pour que je sache, moi, combien je suis méprisée entre tous les dieux ( 133, N 173

2 - Deuxiéme personne Phrase nominale : fonction énonciative 6 423

ἄλλὰ σύ y’ αἰνοτάτη, κύον dib5céc, cl ἔτεόν yc τολμήσεις Διὸς ἄντα πελώριον ἔγχος ἄεϊραι mais toi (tu es) terrible entre toutes, chienne impudente, si vraiment, contre

Zeus, tu oses lever tà pique monstrueuse B 201

«« Δαιμόνι', ἀτρέμας ἦσο καὶ ἄλλων μῦθον ἄκονε, ot σέο φέρτεροί εἶσι, σὺ 5' ἄπτόλεμος καὶ ἄναλκις, οὔτέ ποτ’ iv πολέμῳ ἐναρίθμιος οὔτ’ ἑνὶ βουλῇ grand fou, demeure en place et tiens-toi tranquille ; puis écoute l'avis des autres, qui sont meilleurs que toi : tu (es) un pleutre, un couard, et tu tu ne

comptes pas plus au conseil qu'au combat

litt. tu (n'es) jamais compté, ni au combat ni au conseil

Variance / invariance

577

Phrase verbale : fonction informative - non énonciative

La phrase verbale rappelle une information à titre d'argument : B 485

ἔσπετε νῦν μοι͵ Μοῦσαι

᾿᾽Ολυμπια δώματ’ ἔχουσαι

ὑμεῖς γὰρ θεαί ἔστε et maintenant, dites moi, Muses, habitantes de l'Olympe

vous, des déesses

169

— car vous étes,

"Arpr(5n, σὺ μὲν ἄρχε : σὺ yàp βασιλεύτατός toat à toi de nous conduire : tu es le plus grand roi

1 98

σέο δ' ἄρξομαι,

οὕνεκα

πολλῶν

λαῶν ἔσσι ἄναξ je commencerai par toi parce que tu es le seigneur de milliers d'hommes

Elle informe de la possibilité d'un témoignage : B 301

εὖ yàp δὴ τόδε ἴδμεν ἑνὶ φρεσίν, ἔστε δὲ πάντες μάρτυροι il est un fait dont nos coeurs se souviennent et dont, tous, vous étes témoins

Comme à la 1* personne, la phrase verbale peut étre introduite par un verbe cognitif : B 365

γνώσῃ ἔπειθ' ὅς 0' ἡγεμόνων κακὸς & τέ νυ λαῶν

46 ὅς x’ ἐσθλὸς ἔῃσι ^ κατὰ σφέας γὰρ μαχέονται tu sauras qui, des chefs et des hommes, (est) un láche ou un brave, puis-

qu'ils iront par groupes à la bataille

A la 2* personne, ἔστί informe parfois sur une identité. La phrase peut étre niée : E 813

ἄλλά

σευ À κάματος πολυάιξ γυῖα δέδυκεν,

f| νύ σέ που δέος ἴσχει ἄκήριον “ οὐ σύ y’ ἔπειτα Τυδέος ἔκγονός toot δαίφρονος Οἰνείδαο est-ce donc la fatigue du combat bondissant qui pénètre tes membres 7 ou

est-ce une terreur láche qui te retient ? Alors, tu n'es pas fils du brave fils d'Oenée, tu n'es pas fils de Tydée

ou bien faire l'objet d'une question, posée en téte de discours : Ζ 123

Τίς δὲ σύ toot, φέριστε, καταθνητῶν ἀνθρώπων ; qui donc es-tu, noble héros, parmi les hommes mortels 7

cf.

O 247; Φ 150; Ω 387.

578

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

3 - 16/2* pers. : système d'opposition verbal / nominal En outre, l'existence de possibilités de combinaisons, dans une suite de phrases ou de propositions, des constructions verbale et nominale met égale-

ment bien en évidence l'existence du système d'opposition : fort

VS

=

information

VS

énonciation

E 890-891 Le vers E 890 se veut informatif tandis que le vers 891 est une exclamation indignée : Μή E 890 E 891

τί uot, ἀἄλλοπρόσαλλε,

παρεζόμενος μινύριζε

:

ἔχθιστος δέ μοι ἔσσι θεῶν οἵ Ὄλυμπον ἔχουσιν αἰεὶ γάρ τοι ἔρις τε φίλη πόλεμοί τε μάχαι τε ne viens pas, tête à l'évent, gémir ici à mes pieds. Tu m'es ic plus odieux de

tous les Immortels qui habitent l'Olympe ; car toujours te (sont) chers, la querelle, la guerre et les combats

D 482 - 485 Le vers 482 est une exclamation de fureur tandis que le vers 485 se

veut informatif : Φ 482

χαλεπή τοι ἐγὼ μένος ἀντιφέρεσθαι

τοξοφόρῳ περ ξούσῃ [...] 485

ἤτοι βέλτερόν ἔστι κατ’ οὔρεα θῆρας tvafpeıv

ἀγροτέρας τ’ ἐλάφους ἢ κρείσσοσιν ἶφι μάχεσθαι pour toi je (serai) pénible, à t'opposer mon ardeur, en dépit de l'arc que tu portes [...). Il vaut mieux, assurément, aller massacrer les bêtes des mon-

tagnes et les biches sauvages que d'entrer en lutte ouverte avec qui est plus fort que toi

Q 396 - 399 Dans l'exemple suivant, la phrase nominale, contrairement aux appa-

rences, n'énonce pas une information mais dit l'indignation de l'énonciateur qui avance un argument tout personnel : en revanche, dès la proposition suivante l'énoncé prend une valeur informative, ce qui explique l'apparition et la répétition du verbe être : οὗ γὰρ ᾿Αχιλλεύς εἴα μάρνασθαι, ( 396

κεχολωμένος

᾿Ατρείωνι.

Τοῦ γὰρ ἐγὼ θεράπων, μία δ' ἤγαγε νηῦς εὐεργής ᾿ Μυρμιδόνων δ’ ἔξ εἶμι, πατὴρ δέ μοί ἔστι Πολύκτωρ

Variance / invariance

579

398

ἀφνειὸς μὲν 8 y’ dort, γέρων δὲ δὴ ὥς σύ περ ὧδε

399

ἕξ δέ of υἷες ἔασιν,

ἐγὼ δέ of Ἑβδομός εἶμι

Achille nous avait interdit le combat, dans son dépit contre l'Atride. Or, je (suis) son écuyer. La méme nef bien construite nous a menés ici tous

deux. Je fais partie des Myrmidons ; mon père esi Polyctor. Il est riche,

mais vieux, comme tu l'es toi- méme. Il a six autres fils :;je suis, moi, le septiéme

Il s'avère donc qu'aux deux premières personnes, la règle formulée sous la forme : ἔστ

VS




=

énonciation -

VS

énonciation +

où ἔστί est affecté d'un indice négatif, peut être reformulée de manière à rendre compte d'une fonction également positive de ἐστί: tort

VS




=

information

VS

énonciationt

II. Variance / invariance à la 3« personne La phrase nominale

A la 3€ personne, la règle selon laquelle la pause forme avec le verbe ἔστί un système d'opposition dans la stratégie énonciative,

n'est pas

toujours repérable sans difficultés. Toutefois, un grand nombre de phrases nominales isolées sont affectées, par leur insertion dans un contexte donné, leur place dans le discours, ou la nature de leurs constituants, d'une intonation spécifiquement énonciative, interrogative parfois, mais la plupart du temps exclamative. 1 - Phrase nominale isolée

La phrase nominale est : 1.1. Interrogative

Il y a peu de phrases nominales interrogatives. Quand c'est le cas, il s'agit d'une fausse interrogation, qui ne vise pas à obtenir une réponse mais à marquer un sentiment, la colére ou le mépris, et donc à provoquer une ré-

action. Dans une telle perspective, la phrase nominale a, en fait, une valeur illocutoire.

580

*es- ET LA PHRASE NOMINALE E

171

Πάνδαρε,

ποῦ roi τόξον ἰδὲ πτερόεντες

καὶ

;

κλέος

διστοὶ

Pandare, où (est) ton arc, où (sont) tes flèches ailées et ton renom ?

O 440 ὠκύμοροι

καὶ

τόξον, ὅ τοι πόρε

ποῦ νύ τοι lol Φοῖβος ᾿Απολλων ;

οὗ (sont) tes fléches promptes à porter la mort et l'arc à toi donné par

Phabos Apollon ?

Y 83

Αἰνεία, Τρώων βουληφόρε, noU τοι ἀπειλαί, ἃς Τρώων βασιλεῦσιν Önfoyeo olvonordZwv ; Επές, bon conseiller des Troyens, οὗ (sont) donc tes menaces 7 Οὗ (sont)

ces promesses qu'en vidant ta coupe de vin tu faisais aux rois troyens ?

1.2. Exclamative 1.2.1. Dans les discours

En début de discours, la phrase et le verbe introducteurs donnent le

ton et, en précisant les modalités de l'énonciation, désignent et soulignent la valeur exclamative de la phrase nominale, qui, dans ce cas, prend donc éga-

lement une valeur illocutoire : E 787

ἔνθα στᾶσ’ ἤνυσε θεὰ λευκώλενος Ἥρη, Στέντορι

εἰσαμένη

μεγαλήτορι

χαλκεοφώνῳ,

ὃς τόσον αὐδήσασχ' ὅσον ἄλλοι πεντήκοντα : , le verbe être exprime un procès

d'état, fait un constat de réalité, ce que ne fait pas la pause.

623

chapitre 5

éot{ copule : Questions sémantiques

La conjonction de l'indicatif et du présent a pour effet d'inscrire le procès dans la réalité présente. Reste à savoir si la troisième composante de

ἐστί, la racine *es- concourt à cet "effet de réalité" ou si elle ne sert à former qu'une copule "vide".

1 - Position du probléme En fonction de copule, un verbe sert à poser une identité entre deux

nominaux. Il n'exprime qu'une relation logique, la relation prédicative!, non une relation sémantique et n'a par lui méme aucune valeur sémantique?. Cette définition traditionnelle de la copule? est généralement admise pour le grec^ ; mais il faut prendre garde que être est susceptible par ailleurs d'avoir un sens plein’, comme par exemple dans le français je pense donc je suis. La question de savoir si, à l'origine, le verbe étre avait la double valeur de copule et de verbe plein n'est pas sans intérét. En effet, si *es- était dés ! Cf. D. Cohen, L'aspect verbal, p. 47-49. 2 A. Martinet, Syntaxe générale, $ 5. 20: “En Français, l'existence d'une copule peut faire croire à la présence d'un prédicat verbal, alors que la copule simple ou vide n'est que le support formel des modalités qui portent en fait sur le véritable prédicat..." 3 A. Martinet, Syntaxe générale, ὃ 5. 55: "Il s'agit d'un élément de contenu sémantique nul..."

4 Ch. Kahn, The verb "δε", p. 211: "La copule être apparaît comme un verbe muet..." 5 E. Benveniste, Pbs I, "être et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 188, "Quand on parle d'un verbe "étre", il faut préciser s'il s'agit de la notion grammaticale ou de [8 notion lexicale."

624

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

l'origine susceptible de servir de copule "vide", il ne pourrait y avoir, à l'intérieur du système ἐστί / < >, aucune opposition sémantique entre *eset la pause.

1.1. Affaiblissement en copule

En fait, tout conduit à penser que *es- a une valeur originelle unique, la valeur d'existence, ainsi que Benveniste l'a mis en évidence : “Quand on parle d'un verbe tre, il faut préciser s'il s'agit de la notion grammaticale ou de la notion lexicale. C'est pour n'avoir pas fait cette distinction qu'on a rendu le probléme insoluble et qu'on n'a méme pas réussi

à le poser clairement. Il y a en effet une notion lexicale dont l'expression verbale est aussi authentique, aussi ancienne que n'importe quelle autre, et qui peut avoir son plein exercice sans jamais empiéter sur la fonction de copule. Il faut seulement lui rendre sa réalité et son autonomie. En indoeuropéen, ce léxéme est représenté par *es- [...]. Le sens en est avoir

existence, se trouver en réalité, et cette existence, cette réalité se définissent comme ce qui est authentique, consistant, vrai."

La seule question est donc bien de savoir si, à cóté de ce sens d'existence et à partir de lui, s'est constituée trés tôt en grec, voire dès l'indo-eu-

ropéen, ainsi que le suggère K. Brugmann?, une véritable copule, sémantiquement vide, ou si ἔστί, au moins en grec homérique, a conservé un sens

verbal plein qui l'opposerait sur le plan sémantique à la pause, sémantiquement vide.

Selon la position traditionnelle, *es- se serait affaibli en copule de sorte que εἶναι aurait en grec deux sens. C'est la position de K. Brugmann : “La copule était primitivement un verbe à signification concrète (le sens primitif de *es-mi je suis est inconnu ; le plus ancien qu'on puisse établir est j'existe)."

et aussi celle de A. Meillett : “Le verbe d'existence, perdant sa signification propre, a été réduit peu à peu au rôle de simple copule."

I E. Benveniste, Pbs I, "être et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 188. 2 K. Brugmann, Abrégé de grammaire comparée, p. 664, ὃ 862.

3 Ibid., p. 663, $ 861. 4 A. Meillet, J. Vendryes, Traité, $ 873.

ἐστί copule

625

1.2. L'accentuation de ἔστί

La justesse de cette théorie semblerait confirmée par l'accentuation traditionnelle telle que G. Hermann! en a fixé les régles, vraisemblablement

à partir d'un commentaire d'Eusthate sur l'Iliade cité dans le Lexique de Photius. Le paroxyton ἔστι serait utilisé pour le verbe de sens plein exister, être possible tandis que tor{ serait réservé à la copule atone.

Mais en réalité, l'accentuation traditionnelle de &cv( ne prouve rien puisqu'il s'agit d'un usage qui ne remonte pas à l'Antiquité : “C'est là une règle inventée par les éditeurs modernes, ignorée des

grammairiens anciens?...”

. En outre, l'existence d'un ἔστί atone ne constitue pas une preuve qu'il aurait perdu toute valeur sémantique, bien au contraire. Ce que l'on devine du verbe indo-européen conduit à penser que tous les verbes — comme tous les mots — pouvaient perdre leur accent propre dans la phrase : ^[l n'y a jamais eu aucune espèce de mot qui fût toujours tonique dans la phrase. Tous les mots pouvaient, dans certaines circonstances, y perdre leur accent propre."4

Les circonstances dont parle K. Brugmann semble à mettre en rapport avec la place du mot dans la phrase : "Les formes personnelles du verbe qui, dés l'époque indo-européenne, étaient tantôt toniques tantôt atones avaient dès cette époque diverses

places dans la phrase."5

K. Brugmann insiste$ sur le caractére tonique de toutes les formes personnelles du verbe en début de phrase ou au commencement d'un récit et sur la possibilité qui est la sienne de devenir atone ou plus faiblement accentué à une autre place dans la phrase, par exemple aprés un nom ou un pro-

nom. Les formes enclitiques de ἐστί et de φημί (conservées peut-étre pour des raisons métriques) refléteraient en fait un état ancien de tous les verbes :

! G. Hermann, De emendatione ratione graecae grammaticae, p. 84.

2 Voir sur ce point: Ch. Kahn, The verb "be", p. 422. 3 J. Vendryes, Traité d'accentuation grecque, $ 123, p. 110.

4 K. Brugmann, Abrégé de grammaire comparée, $ 53. 5 Ibid., ὃ 928. 6 Ibid., $ 53.

626

*es- ET LA PHRASE NOMINALE “Ainsi s'explique également l'abaissement plus grand encore du ton de

quelques verbes de sens très faible, comme notamment le verbe être, par ex grec dyagá; ἔστιν en face de εἴ nov ζώεί τε καὶ ἔστιν."

Enfin, les variations de la place de ἔστί dans la phrase montre qu'il est traité comme toute autre forme verbale, non comme un véritable enclitique : en grec archaïque par exemple, ἔστί n'a pas, comme les particules enclitiques, tendance à se placer en deuxiéme position dans la phrase (loi de Wackernagel) : “Dans le grec le plus ancien, en très grand nombre chez Homère, mais encore également chez Hérodote, la loi est vivante selon laquelle un petit

mot faiblement accentué, quelle que soit sa fonction syntaxique, est placé immédiatement derrière le premier mot de la phrase.”2

Il n'y a en conséquence aucun argument d'ordre syntaxique, ou morphologique ou étymologique qui permette d'opposer deux types de verbe être dans l'Iliade. Seuls le développement ultérieur de la copule et l'usage qui en est fait dans les langues modernes peuvent conduire à une telle conclu-

sion. 1.3. Etre et ilya

Bien que, dans certains cas, la distinction faite par le français entre un être copule et un être d'existence ("il y a") semble s'appliquer à la langue homériques, B 118

τοῦ γὰρ κράτος ἐστὶ car sa force est immense

μέγιστον

E 360

ὄφρ' ἐς Ὄλυμπον ἵκωμαι, ἵν' ἀθανάτων ἕδος kart pour que je regagne l'Olympe, où il y a le séjour des Immortels,

on sait qu'il n'en est rien*, bon nombre de phrases, tant nominales bales, interdisant toute distinction de ce genre :

que ver-

I K. Brugmann, Abrégé de grammaire comparée, ὃ 928. 2 J. Wackernagel, Maße

Vorlesungen über Syntax:"Im ältesten Griechisch, in sehr hohem

bei Homer, auch noch bei Herodot, ist das Gesetz lebendig, daß schwach betonte

Wörtchen, welches immer ihre syntaktische Beziehung sei, unmittelbar hinter das erste Wort des Satzes gestellt werden." Voir aussi : A. Meillet, "La phrase nominale" , p. 21.

3 Voir sur ce point : première partie, p.39 sq. et p. 55 sq. 4 Cf. supra, p. 307 sq. et 451.

ἐστί copule

T 63

627

& σοὶ ἑνὶ στήθεσσιν ἄταάρβητος νόος ἔστί de méme, ton cceur est ferme au fond de ta poitrine.

peut se comprendre : de méme, (ily a pour toi) tu as un cœur ferme au fond de ta poitrine

T 169

θαρσαλέον νύ οἵ frop ἑνὶ φρεσίν son cœur (est) intrépide en sa poitrine

peut se comprendre : au fond de sa poitrine (se trouve) un cceur intrépide

X 357

À γάρ σοί γε σιδήρεος Ev φρεσὶ θυμός car (il y a) dans ta poitrine cœur de fer

peut se comprendre : car dans ta poitrine ton cceur es! de fer

1.4. La copule peut avoir un sens plein

Et en effet, il est faux de partir de la conviction qu'un verbe, parce qu'il est employé comme copule, a nécessairement un sens vide. En français, il existe des verbes, tels que sembler ou paraître, qui, bien qu'utilisés comme copules, ont un sens spécifique! et ne sont pas devenus des synonymes de

être. Pourquoi ne serait-ce pas le cas du verbe être en grec, au moins dans un état ancien de la langue ? Etymologiquement, la racine *es-, nonobstant Ch. Guiraud?, semble bien avoir un sens plein d'existence : "Le sens en est avoir existence, se trouver en réalité et cette existence, cette réalité se définissent comme ce qui est authentique, consistant, vrai. Cette notion se particularise d'une manière révélatrice dans les formes nominales dérivées : latin sons, "coupable", terme juridique qui s'applique à l'étant, à celui qui est réellement (l'auteur du délit) ; skr. sant- , av. hant- ,

"existant, actuel, bon, vrai" ; av. haiqya- "vrai" ; sattva- , "existence ; entité, fermeté” ; v. isl. sannr, "vrai" ; grec τὰ ὄντα, "vérité ; possession" (cf. le sens de οὔσια, ἐξουσία).

! A. Martinet, Syntaxe générale, ὃ 5. 55. 2 Ch. Guiraud, "Nouvelles réflexions sur la phrase nominale". 3 E. Benveniste, Pbs I, "être et avoir dans leurs fonctions linguistiques", p. 188.

628

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

Or le sens de la racine *es- n'est pas contradictoire avec son emploi dans l'Iliade comme présent d'un verbe à l'indicatif. Au contraire, la particularité de *es- est justement de s'accommoder mieux de l'indicatif que des autres modes. Un étude précise des occurrences de être dans l'Îliade montre en effet son affinité avec l'indicatif, mode de la réalité, comme le prouve le nombre des occurrences de être telles qu'elles apparaissent, toutes personnes

confondues, dans le tableau suivant : indicatif

optatif

subjonctif

610

66

10

Ce tableau montre d'autre part le peu d'affinités de *es- avec le subJonctif, mode des opérations de l'esprit et de tous les aspects de la virtualité, de l'éventuel, du possible.

2 - tort a un sens plein d'existence Il est connu que ἔστί peut avoir, même en grec classique, le sens de exister, vivre, ainsi que le sens dérivé de étre possible. Dans l'Iliade, ce sont

là en effet les sens fréquents de ἐστί. D'aprés Ch. H. Kahn!, ἔστί a trés rarement un sens existentiel dans l'liade. Une telle appréciation nous semble de l'ordre du parti-pris

linguistique tant elle est discutable. L'examen attentif des exemples montre au contraire que, dans un nombre considérable de phrases ἔστί a un sens d'existence qu'on peut traduire par exister, se trouver, vivre, et surtout, que dans toute une série d'exemples, l'habitude de traduire par être masque le sens de être en réalité qui est celui de ἐστί et qui est différent de celui d'une

simple copule. Le sens de exister dans la réalité est souvent imposée par la structure

de la phrase ou par ses composantes lexicales. Ainsi, dans certains cas, et en ICh. H. Kahn, The verb "be", ch V, "La théorie de la copule", ὃ 4, p. 198 :“Etre contribue donc quelque peu à la signification en vertu des marques verbales de personnetemps-mode

que contient la marque de l'indicatif d'assertion de vérité et en vertu de sa

valeur aspectuelle de verbe d'état. L'hypothèse du développement du rôle de la copule *esà partir d'une utilisation première comme verbe d'existence est à rejeter du grec de toute façon, vu la prédominance de la construction copulative chez Homère: 85% des occurrences de être.”

ἔστί copule

629

particulier dans une structure sujet - εἶσί quand le sujet est un animé, être prend le sens de vivre. Avec un sujet animé, mais dans un autre contexte, il

signifie simplement exister. Avec un sujet non animé, il peut signifier exister réellement et aussi se trouver, dans l'acception géographique du terme. Ainsi, le sens de ἔστί semble varier, mais une notion commune est à la base

des différentes acceptions et cette notion est la réalisation du procés.

Le sens plein du verbe est par ailleurs souvent confirmé par sa place dans la phrase (en téte) ou dans le vers (souvent en rejet), et par l'accentuation. Atone, ἐστί ne perd cependant pas forcément sa valeur de réalisation du procès. 2.1. Sujet animé : exister, vivre 2.1.1. être = vivre

Sujet - ἔστί - lieu

V 103 ὦ πόποι, À ῥά τίς ἔστι καὶ εἶν ᾿Αίδαο δόμοισι ψυχὴ καὶ εἴδωλιον un je ne sais quoi vit encore chez Hadès, une âme, une ombre

pluriel A 566

ὅσοι

θεοί εἰσ’ Ev ᾽Ολύμπῳ

tous les dieux qui vivent sur l'Olympe x

E 877; Θ 451; € 429.

E 267

ἵππων ὅσσοι ἔασιν ὅπ’ ἠῶ τ’ ἤέλιόν τε les coursiers qui sont (Ξ qui vivent) sous l'aube et le soleil

Ι142

γαμβρός κέν μοι ἔοι : τίσω δέ μιν ἶσον "Ορέστῃ ὅς μοι τηλύγετος τρέφεται θαλίῃ Evi πολλῇ : τρεῖς δέ μοί εἶσι θύγατρες ἑνὶ μεγάρῳ εὐπήκτῳ qu'il y soit mon gendre, et je l'honorerai à l'égal d'Oreste, qu'on élève pour moi, tendrement choyé, au sein d'une ample opulence : dans mon manoir

solide vivent trois filles

Ω 67

φίλτατος ἔσκε θεοῖσι βροτῶν ot Ev Ἰλίῳ εἰσίν il était pour les dieux le plus cher des mortels qui vivent dans Ilion

df.

A 272; M 383, 449.

630

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

2.1.2. éfre 2 exister

sujet - ἐστί pluriel 1502 καὶ γάρ τε Atra( εἶσι Διὸς κοῦραι μεγάλοιο c'est qu'il y a les Prières, les filles du grand Zeus

II 98

AT γὰρ, Ζεῦ τε πάτερ καὶ ᾿Αθηναίη καὶ "AnoAAov, μήτέ τις οὖν Τρώων θάνατον φύγοι, ὅσσοι ἔασι Ah ! Zeus Pere ! Athéné ! Apolion ! fasse le Ciel que pas un des Troyens, tous autant qu'ils sont, n'échappe à la mort !

4 infinitif 1688

ὥς ἔφατ’ - εἴσι καὶ οἷδε rois’ cinfucv, of uox ἕποντο voilà ce qu'il a dit ; et ceux-ci sont là pour le répéter, qui m'accompagnaient

N 312

Νηυσὶ μὲν àv μέσσῃσιν ἀμύνειν clat καὶ ἄλλοι les nefs du centre, d'autres sont là pour les défendre

Q 489

o05€ τίς ἔστιν ἀρὴν καὶ λοιγὸν ἀμῦναι et il n'y a personne pour écarter le malheur, la détresse

Sujet - ἐστί - lieu

H 446

Ζεῦ πάτερ, À ῥά τίς ἔστι βροτῶν ἐπ’ ἀπείρονα γαῖαν ὅς τις ἔτ’ ἀθανάτοισι νόον καὶ μῆτιν ἐνίψει ; ah ! Zeus Pere, est-il donc un mortel sur la terre infinie qui fasse désormais connaître aux Immortels sa pensée, son dessein

2.2. Sujet non-animé : êfre = exister réellement Sujet - ἐστί N 373

οὕτω πῃ τάδε γ’ ἐστί, φίλον τέκος, ὧς ἀγορεύεις oui, il en est, mon fils, tout comme tu dis

N 636

πάντων μὲν κόρος ἐστὶ, καὶ ὕπνου καὶ φιλότητος μολπῆς τε γλυκερῆς καὶ ἀμύμονος ὄρχηθμοῖο de tout il y ἃ satiété, de sommeil, d'amour, de doux chants, de danse impeccable

avec un infinitif B 291 f| μὴν καὶ πόνος ἐστὶν &vinBévra νέεσθαι

ἔστί copule

631

certes il y a assez de peine pour qu'à bout de peine on s'en aille

Sujet - ἔστί - lieu Γ 45

dAA' οὐκ ἔστι βίη φρεσὶν οὖδέ τις ἀλκή mais il n'y a pas de force dans son cœur ni de vaillance

Σ 419

tig Ev μὲν νόος ἐστὶ μετὰ φρεσίν dans leur cœur existe une raison

Θ 456

ἵν’ ἀθανάτων ἔδος ἐστίν là où se trouve le séjour des Immortels

ἔστι yàp ἔνδον

K 378

χαλκός τε χρυσός τε πολύκμητός τε σίδηρος il y a chez moi du bronze, de l'or et du fer travaillé

En structure locative, ἔστί apparaît souvent au début d'un récit pour planter un décor dont est affirmée la réalité au moment de l'énonciation. B 811

ἔστι δὲ τις προπάροιθε πόλιος αἰ πεῖα κόλωνη il est devant la ville une haute butte, à l'écart

Z 152

ἔστι πόλις "Egópn μυχῷ "Apycoz ἱπποβότοιο il est une ville, Ephyre, au fond de l'Argolide, nourricière de cavales

A 71

ἔστι δέ τις Θρυόεσσα πόλις, αἰπεῖα κολώνη,

τηλοῦ En’ ᾿Αλφειῷ, νεάτη Πύλου ἡμαθόεντος τὴν ἄἀμφεστρατόωντο διαρραῖσαι

μεμαῶτες

il est une ville, du nom de Thryoesse, sur une haute butte, loin, au bord de l'Alphée, au bout du territoire de la Pylos des sables ; ils cherchaient à

l'envelopper, avides de la détruire A 722

ἔστι δέ τις ποταμὸς Μινυήιος εἷς ἅλα βάλλων ἔγγυθεν ᾿Αρήνης, ὅθι μείναμεν "Hà δῖαν il est un fleuve, du nom de Minyée, qui se jette à la mer, près d'Arène.

Nous attendimes là l'aube divine

O 737

οὗ μέν τι σχεδόν ἔστι πόλις πύργοις ἄραρυϊα non,il n'y a pas tout prés de ville munie de remparts

N 32

ἔστι δέ τι σκέος εὐρὺ βαθείης βένθεσι λίμνης il est une vaste grotte au plus profond des abimes marins

632

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

Sujet -

datif

I 73

πᾶσά τοί ἔσθ’ ὑὕποδεξίη pour recevoir, tu as tout ce qu'il te faut

z 338

ἔστιν tot θαάλαμος, τὸν toi φίλος υἱὸς ἔτευξεν il y a pourtoi une chambre, celle que t'a faite ton fils

Y 246

ἔστι γὰρ ἀμφοτέροισιν ὀνείδεα. μυθήσασθαι πολλὰ μάλ’ nous avons tous deux sans doute bien des outrages à lancer

ὡς οὖκ ἔστι λέουσι καὶ ἀνδράσιν ὅρκια πιστά car il n'est pas de pacte loyal entre les hommes et les lions

οὔ toi ἔτ’ ἔσθ’ óncA veu il n'est plus pour toi de refuge

2.3. Dans les subordonnées introduites par εἶ Le sens qu'a êor{ de être en réalité est particulièrement évident dans des subordonnées qui s'interrogent sur la réalité d'un phénomène, ou envisagent la réalité d'une hypothèse. Interrogatives E 183

σάφα δ’ οὖκ οἶδ’ cl θεός ἔστιν je ne sais pas trés bien s'il ne s'agit pas d'un dieu

Hypothétiques Dans un systéme hypothétique à l'indicatif A 564 et δ' οὕτω τοῦτ’ ἐστίν, ἐμοὶ μέλλει φίλον εἶναι S'il en est comme tu le dis, c'est sans doute que tel en est mon bon plaisir

H 117

εἴ περ ἄδειής τ’ ἐστὶ καὶ ct μύθου ot’ ἀκόρητος φημί μιν ἀσπασίως γόνυ καάμψειν, αἴ κε φύγῃσι δηίου tx πολέμοιο καὶ αἵνῆς δηιοτῆτος méme s'il est intrépide et s'il est insatiable de batailles, je crois qu'il sera aise de détendre ses membres, s'il échappe au combat cruel et à l'atroce

camage

&ar( copule A 366

633

ñ θήν σ’ ἐξανύω vc καὶ Sorcpov ἄντιβολήσας, εἴ πού τις καὶ ἔμοιγε θεῶν ἐπιτάρροθός ἔστι sois tranquille, ton compte est bon, si je te rencontre, méme longtemps,si seulement un dieu est là pour me secourir, moi aussi

dans

Y 453 N

11]

ἄλλ’ cl δὴ καὶ πάμπαν ἐτήτυμον αἴτιός ἔστιν

ἥρως ᾽Ατρείδης, εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων, οὕνεκ’ ἀπητίμησε ποδώκεα Πηλείωνα ἡμέας y’ οὔ πως ἔστι μεθιέμεναι πολέμοιο mais en admettant comme entiérement vrai que le coupable est le héros fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon parce qu'il a fait affront au Péléide aux pieds rapides, il ne nous est pas possible d'abandonner la bataille

N 316

ot μιν ἄδην ἔλόωσι καὶ ἐσσύμενον πολέμοιο, Ἕκτορα Πριαμίδην, καὶ et μάλα καρτερός ἔστι à cet Hector, le fils de Priam, ils sauront bien donner tout son soûl de combats, méme s'il est trés fort

τελέσαι δέ με θυμὸς ἄνωγεν,

Σ 427 εἶ δύναμαι

τελέσαι γε καὶ el τετελεσμένον ἔστί

mon cœur me pousse à le faire, s'il est vrai que c'est chose que je puis faire

et qui se soit faite déjà

Aprés un impératif ou un subjonctif de défense : E 177

ἄλλ' ἄγε τῷδ’ ἔφες ἀνδρὶ βέλος, Διὶ χεῖρας ἀνασχών,

ὅς τις ὅδε κρατέει καὶ δὴ κακὰ πολλὰ ἔοργε Τρῶας, ἐπεὶ πολλῶν τε καὶ ἐσθλῶν γούνατ’ ἔλυσεν tt μή τις θεός ἔστι κοτεσσάμενος Τρώεσσιν τρῶν μηνίσας Va, tends les mains vers Zeus ; puis décoche ton trait contre l'homme qui triomphe ici et qui a déjà fait tant de mal aux Troyens, en rompant les genoux de tant de héros — à moins que ce ne soit là quelque dieu en cour-

roux contre les Troyens, qui leur en veut d'un sacrifice omis. E 410

τῶ νῦν Τυδείδης, ct καὶ μάλα κάρτερός ἔστι,

φραζέσθω μή τίς οἵ ἀμείνων σεῖο μάχηται ainsi, que le fils de Tydée, pour fort qu'il soit, prenne bien garde qu'un plus vaillant que toi ne vienne le combattre

K 239

μηδὲ σύ y’ αἰδόμενος σῇσι φρεσὶ τὸν μὲν ἄρείω καλλείπειν, σὺ δὲ xc(pov' ὄπάσσεαι

aldor εἴκων,

ἐς γενεὴν δρόων, μηδ’ εἶ βασιλεύτερός ἔστιν

634

*es- ET LA PHRASE NOMINALE ne va donc pas, d'une âme trop courtoise, laisser là le meilleur, pour en prendre un moins bon, par pure courtoisie, en ne regardant qu'au lignage, méme s'il s'agit d'un plus grand roi

Π 450

ἀλλ’ εἴ τοι φίλος ἐστί, τεὸν δ' üAogóptroa top, ἥτοι μέν μιν ἔασον S'il est vrai que Sarpédon t'est cher, si ton caeur pour lui se désole, eh bien ! laisse-le tomber

2.4. être = être possible Du sens fort exister réellement dérive le sens de ἔστι être possible

avec un infinitif : = 313

Ἥρη, κεῖσε μέν ἔστι καὶ ὕστερον δρμηθῆναι Héra, il est possible de partir là-bas plus tard

V 157

γόοιο μὲν ἔστι xod ὅσαι sans doute, il est possible de se gaver de plaintes

précédé d'une négation (16 occurrences) :

® 193

ἄλλ’ οὐκ ἔστι Διὶ Κρονίωνι μάχεσθαι mais il n'est pas possible de se battre contre Zeus, le fils de Cronos

2.5. θέμις

ἔστί

Traduire tantót par vivre, exister, étre possible, et tantót par étre en di-

sant que étre copule n'est pas le méme que étre d'existence — ce que semble confirmer la différence d'accentuation entre ἔστί et ἔστι — ne fait que masquer /'unité fondamentale de étre, au moins dans la langue de l'Iliade. Dans tous les cas en effet, ἐστί sert, à notre sens, à asserter une réa-

lité, à poser l'effectivité d'un proces. L'intérét d'une telle analyse est, croyons-nous, qu'elle permet de rendre compte enfin de l'expression θέμις ἐστί.

Si l'on en croit Ch. Guiraud!, le fait que θέμις soit toujours suivi de ἔστί, alors que ἀναγκη

et μοῖρα

ne le sont jamais,

fait probléme.

1 Ch. Guiraud, La phrase nominale, p. 216, à propos de θέμις ἐστί : "Comme le plus souvent dans l'Iliade, ces formules sont de la plus grande banalité et leur développement

ἔστί copule

635

L'explication habituelle est, faute de mieux, que la structure métrique de θέμις ἐστί lui permet de s'insérer facilement dans un hexamétre dactylique. Ce type d'explication ne fait guère ici, comme beaucoup d'explications métriques ou stylistiques, que masquer l'embarras du commentateur. L'analyse du contexte dans lequel apparait θέμις, permet de remarquer

que, contrairement à μοῖρα, aloa, ἀνάγκη qui envisagent l'avenir, θέμις concerne toujours le présent. C'est que θέμις, comme

l'enseigne l'étymologie du mot (de la racine

*dheo, poser), pose l'existence d'une justice immanente qui préside aux rapports concrets entre les hommes!. Contrairement à νέμεσις qui désigne dans l'Iliade une justice transcendante, proche en cela de &vcyxr et des

autres figures du destin, θέμις est, dans l'Iliade, de l'ordre du vérifiable et non de celui du virtuel, il ne fait pas partie du monde à venir et que seuls connaissent les dieux ou les devins, mais du monde de la réalité concrète, qui est celui des instances d'énonciation. En outre, θέμις n'est pas tourné comme χρή vers la réalisation future d'un acte qui est "à faire", mais,

contrairement à χρή, décrit l'acte dans sa réalisation. θέμις est tout entier du cóté du référent. Il est donc naturel, dans ces conditions, que θέμις soit accompagné de

ἔστί dont la fonction est justement d'inscrire le procès dans le réalisé. Un

examen

de la totalité des occurrences

de l'Iliade, dans

leur

contexte, permettra de vérifier ce fait : B73

πρῶτα δ’ ἐγὼν ἔπεσιν πειρήσομαι, fj θέμις ἐστί mais j'userai d'abord de mots pour les táter, ainsi qu'il est normal

133

?Arpe(ón, σοὶ πρῶτα μαχήσομαι ἀφραδέοντι, ἥ θέμις ἐστί, ἄναξ, ἀγορῇ : σὺ δὲ μή τι χολωθῇς Atride, c'est à toi d'abord que je m'en prendrai, et à ta folie, ce qui est normal, seigneur, à l'assemblée : n'entre pas en colère !

1276

καὶ ἐπὶ μέγαν ὅρκον ὄμεῖται μή ποτε τῆς εὐνῆς ἐπιβήμεναι δὲ μιγῆναι,

s'explique avant tout par leur commodité

métrique [...]; ἥ

θέμις

développée secondairement pour des raisons métriques." ! E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes.

ἔστί,

formule

636

*es- ET LA PHRASE NOMINALE À θέμις ἐστίν, ἄναξ, À τ’ ἀνδρῶν fj τε γυναικῶν et il te jurera m&me un grand serment que jamais il n'est entré dans son lit ni ne s'est uni à elle, comme il est normal, tu le sais, seigneur, entre hommes et femmes

T 177

& τε ξείνοις θέμις ἐστίν nous offrit tout ce qu'il est de règle d'offrir à des hôtes

ἦρχε δ’ ἄρά σφι Ποσειδάων ἔνοσισίχθων,

δεινὸν ἄορ τανύηκες ἔχων Ev χειρὶ παχείῃ, εἴκελον ἀστεροπῇ ^ τῷ δ’ οὗ θέμις ἐστὶ μιγῆναι tv δαὶ λευγαλέῃ, ἀλλὰ δέος ἰσχάνει ἄνδρας à leur téte marchait Poséidon, ébranieur du sol ; dans sa forte main, il tenait une longue épée, terrible, pareille à l'éclair ; nul il n'a le droit de l'approcher au cours de la mêlée cruelle : l'épouvante retient les guerriers loin d'elle

La traduction est ici ambigué car elle infére une virtualité ; le contexte permet de rétablir la bonne lecture. celle d'une loi que chacun applique dans le temps de l'action. Ici, le contexte est au passé, puisque l'expression se

trouve dans le récit, mais la loi de Poséidon est valable aussi bien dans le temps de l'énonciation qui est celui de l'aéde. V 44

οὗ θέμις ἐστὶ λοετρὰ καρήατος ἄσσον ἱκέσθαι, πρίν γ' ἐνὶ Πάτροκλον θέμεναι πυρὶ σῆμα τε χεῦαι il n'est pas de règle que je permette à l'eau d'approcher de mon front, avant que dans le feu j'aie déposé Patrocle

La traduction, comme dans le cas précédent, infére une notion de vir-

tualité qui n'existe pas. Achille se contente de nier qu'une loi soit posée, qui,

dans le contexte présent, lui permettrait de se laver. V 581

? Avt(Aoy', et δ’ ἄγε δεῦρο, διοτρεφές, À θέμις ἐστί,

στὰς ἵππων προπαροιθε καὶ ἅρματος, [...] 585

ὄμνυθι μὴ μὲν ἑκὼν τὸ ἐμὸν δόλῳ ἅρμα πεδῆσαι tiens, Antiloque, viens ici, nourrisson de Zeus, et, conune il est de règle, debout, en face de tes chevaux et de ton char [...] ,.jure.donc que tu n'as pas, par traítrise et volontairement, gêné la marche de mon char

Ω 652

"Extix μὲν δὴ A&&o, γέρον φίλε, μή τις ᾿Αχαιῶν ἐνθάδ’ ἐπέλθῃσιν βουληφόρος, οἵ τέ μοι aei βουλὰς βουλεύουσι παρήμενοι, fj θέμις ἐστί tu coucheras dehors, cher vieillard. J'ai peur qu'ici ne vienne un de ces Achéens qui ont voix au conseil et qui, chez moi, sans cesse entrent

s'asseoir et consulter, ainsi qu'il est normal

ἐστί copule

3 - Emploi attributif : ort

637

"copule"

Il reste cependant une difficulté, celle du choix de ἐστί ou de la pause en construction attributive. Il est en effet traditionnel de dire que, dans une telle construction, ἐστί est "copule" et n'a pas d'autre fonction que de poser

une équivalence entre deux termes. Cela refléte sans aucun doute un état de la langue à une époque plus récente mais ne rend pas compte mérique où, de toute évidence, ἐστί fonctionne la plupart du position avec la pause. Dire que ἔστί copule a un sens vide méme plan que la pause et oblige à considérer que, sauf dans

de l'état hotemps en ople met sur le les cas où la

phrase nominale a une fonction énonciative évidente, le choix entre la pause et ἐστί ne s'opère qu'en fonction de critères stylistiques ou métriques. Or, à y regarder de plus près, il n'est pas impossible de reconnaître dans l'emploi de ἔστί par rapport à la pause, l'existence d'une opposition entre ce qui est de l'ordre du réalisé et ce qui ne l'est pas.

Certes, un certain nombre de phrases se prétent difficilement à l'analyse. Il existe néanmoins suffisamment d'indices pour que l'on puisse ad-

mettre le bien fondé de l'hypothèse : 3.1. Emploi de ἔστί dans un contexte de doute ou de crainte Dans l'Îliade, ἐστί est employé, et non la pause, à chaque fois qu'à l'intérieur d'un contexté de doute ou de crainte, le locuteur asserte quelque chose dont il est sûr, qu'il considère comme réel :

E 191

καί μιν ἔγωγ’ ἐφάμην " Aióovijt προιάψειν, ἔμπης δ' οὐκ ἐδάμασσα

^ θεός νύ τίς ἔστι κοτήεις

je croyais le jeter en päture ἃ Hadès, et je ne l'ai pas abattu ! il faut qu'un dieu m'en veuille [= réellement, un dieu est irrité]

X40

"Exrop, μή uot μίμνε, φίλον τέκος, ἀνέρα τοῦτον οἷος ἄνευθ’ ἄλλων,

ἵνα μὴ ταχα πότμον ἐπίσπῃς

Πηλείωνι δαμείς, ἐπεὶ ἢ πολὺ φέρτερός ἔστι Hector, crois-moi, et n'attends pas cet homme, mon enfant, seul ainsi, loin des autres de peur que, bien vite, tu ne sois au terme de ton destin, dompté

par le Péléide : il est cent fois plus fort que toi [la réalité est qu'il est cent fois plus fort que toi] Z 271

πέπλον δ’ ὅς τίς τοι χαριέστατος A6

μέγιστος

ἔστιν ἑνὶ μεγάρῳ καί τοι πολὺ φίλτατος αὐτῇ

638

*es- ET LA PHRASE NOMINALE le voile qui pour toi est le plus beau et le plus grand qui existe en ton palais, et qui t'est de loin le plus cher

3.2. ἐστί et les degrés de l'adjectif Les comparatifs en -τερος et les superlatifs en -tartog et -1oroc se construisent presque toujours avec ἔστί tandis que les adjectifs en -(ov s'accommodent plus volontiers de la pause.

Les adjectifs en -repoç, qui servent à comparer deux personnes ou deux choses, n'envisagent pas une qualité selon un mode d'évaluation abs-

trait ou moral comme le ferait un adjectif en -{wv!, mais effectuent une mise en rapport concrète de deux êtres dont les qualités sont de l'ordre du vérifié, de l'effectif : ἐστί




κοΐρτερος

8

-

φέρτερος

14

2

πρότερος νεώτερος

1 3

2

βασιλεύτερος

3

-

olZupistepov

1

-

Les superlatifs en -tarog attribuent aux êtres ou aux choses une qualité qui se manifeste concrétement comme étant au plus haut degré possible. ἐστί




μέγιστος

7

2

ἔχθιστος

1

-

καάρτιστος φέρτατος βασιλεύτατος

1 2 1

1 -

νεώτατος

2

-

φίλτατος

3

3

Seuls font exception à la régle φίλτατος et l'expression ὅσοι ἄριστοι,

toujours nominale.

! Sur l'opposition dans les comparaisons entre réalité et abstraction, Voir p. 658 sq.

ἔστί copule

639

Voici quelques exemples : A 281

εἶ δὲ σὺ καρτερός ἔσσι, θεὰ δέ σε γείνατο μήτηρ ἄλλ' ὅ γε φέρτερός ἔστιν, ἐπεὶ πλεόνεσσιν ἀνάσσει s'il est vrai que tu es fort, et qu'une déesse fut ta mère, lui, de son côté, il est

plus fort encore, puisqu'il commande à plus d'hommes A 581

cl περ γάρ x’ ἐθέλῃσιν ᾿Ολύμπιος ἄστεροπητής ἐξ ἔδέων στυφελίξαι: ὃ γὰρ πολὺ φέρτατός ἔστιν et si l'Olympien qui lance l'éclair éprouvait seulement l'envie de la précipiter

à bas de son siège ! car réellement, il est de beaucoup le plus fort ! B 118

Οὕτω nou Διὶ μέλλει ὕπερμενέι φίλον εἶναι, ὃς δὴ πολλάων πολίων κατέλυσε κάρηνα

f' ἔτι καὶ λύσει ^ τοῦ γὰρ κράτος ἐστὶ μέγιστον quoi, c'est donc là le bon plaisir de Zeus, de Zeus tout puissant, qui a déjà découronné tant de cités et en découronnera plus d'une autre encore, car sa

force est immense ! N 483

Δεῦτε, φίλοι, καί u’ οἴῳ ἀμύνετε - δείδια δ' αἰνῶς

Αἰνείαν ἐπιόντα πόδας ταχύν, ὅς μοι ἔπεισιν, ὃς μάλα καρτερός ἔστι μάχῃ Evı φῶτας ἐναίρειν : καὶ δἔχει ἥβης ἄνθος, 8 τε κράτος ἔστι μέγιστον A moi, amis : je suis seul, au secours ! j'ai terriblement peur, en face de l'attaque d'Enée aux pieds rapides, qui marche sur moi et est fort entre tous

pour abattre les gens au combat. Il a la fleur de la jeunesse, et c'est là la force supréme

3.3. Phrases nominales et verbales d'apparence identique Analysées dans une perspective énonciative, des phrases nominales et verbales jusqu'alors embarrassantes parce qu'apparemment identiques, se

répartissent en deux séries cohérentes : avec ἔστί c'est la réalité du procés qui est envisagée, avec la pause la phrase a essentiellement une valeur

énonciative. Ainsi : - Dans la série 80 / Q 765 / $2 413, le poète a préféré la construction nominale pour manifester l'émotion éprouvée à la vue du cadavre d'Hector et la construction avec ἔστί pour désigner une situation par-

ticuliérement pénible pour qui la vit effectivement : Ω 413

ἄλλ' ἔτι κεῖνος κεῖται ᾿Αχιλλῆος παρὰ νηὶ

640

*es- ET LA PHRASE NOMINALE αὕτως Ev κλισίῃσι

* δυωδεκάτη δέ of ἠὼς

κειμένῳ il (Ξ Hector) est toujours prés de la nef d'Achille, tel quel, dans sa baraque ;

(c'est) pour lui la douzième aurore qu'il est là, étendu

en face de ® 80

ἥως δὲ μοί ἔστιν

fioc δυωδεκάτη, ὅτ’ ἐς Ἴλιον εἰλήλουθα πολλὰ παθών et cette aube est pour moi la douzième depuis que j'ai regagné llion après bien des épreuves

Q 765

ὡς πρὶν ὥφελλον ὀλέσθαι.

Ἤδη γὰρ νῦν μοι τόδ’ ξεικοστὸν ἔτος ἐστὶν

ἐξ οὗ κεῖθεν ἔβην καὶ turc ἀπελήλυθα πάτρης que ne suis-je morte avant ! voici vingt ans déjà que je suis partie de là-bas

et que j'ai quitté mon pays

- Dans la série Γ 200 / T 229, la phrase avec ἔστί fonde une suite déclarative qui s'intéresse à l'identification des guerriers massés au pied des remparts de Troie ; il s'agit d'une assertion de réalité. Hélène a soin d'ap-

porter à Priam une réponse sérieuse et dénuée d'émotion! : T 226

Τίς rap ὅδ’ ἄλλος ᾽᾿Αχαιὸς vip ἢύς τε μέγας τε, ἔξοχος ᾿Αργείων κεφαλὴν ἦδ' εὐρέας ὥμους ; >> Τὸν δ' “Ἑλένη τανύπεπλος ἀμείβετο, δῖα γυναικῶν : Οὗτος 5' ᾿Αἴας ἐστὶ πελώριος, ἕρκος ᾿Αχαιῶν "Ἰδομενεὺς 5’ ἑτέρωθεν ἑνὶ Κρήτεσσι θεὸς ὥς ἕστηκ', quel est encore ce guerrier achéen noble et grand, qui dépasse les Argiens

de sa tête et de ses larges épaules 7 et la toute divine, Hélène aux longs voiles, répond : "celui-ci est Ajax, le prodigieux Ajax, rempart des Achéens. De l'autre côté, comme un dieu, Idoménée se dresse parmi ses Crétois

En revanche, la phrase nominale est isolée et a une valeur emphatique :

T 200

Οὗτος δ' αὖ Λαερτιάδης πολύμητις ᾿Οδυσσεύς ὃς τράφη Ev δήμῳ ᾿Ιθάκης κραναῆς περ ἐούσης εἰδὼς παντοίους τε δόλους καὶ μήδεα πυκνά celui-là, (c'est) le fils de Laërte, Ulysse aux mille ruses. Il a grandi dans le

pays d'Ithaque et sur son sol rocheux. I] est expert en ruses de tout genre autant qu'en subtils pensers

I Cf. supra, p. 620.

ἔστί copule

64

- Dans la série A 648 / V 205, la phrase nominale a de méme uniquement une valeur énonciative tandis que la phrase verbale énonce une

réalité: A 648

οὐχ ἕδος ἐστί, γεραιὲ διοτρεφές,

οὐδέ με πείσεις

il n'est pas question de siège, vieillard issu de Zeus, et je ne t'écouterai pas

V 205

f$ δ' αὖθ’ ἔζεσθαι μὲν &vvaro, εἶπε δὲ μῦθον : οὐχ ἔδός mais elle décline l'offre de s'asseoir et leur dit : "(il n'est) pas question de siège !"

REMARQUE

:

La phrase suivante, où αἴτιος est associé à ἐστί, a toutefois valeur de réalisation effective :

N

111

ἄλλ’ cl δὴ καὶ πάμπαν ἐτήτυμον αἴτιος ἔστιν ἥρως ᾽Ατρείδης, εὐρὺ κρείων ᾽Αγαμέμνων mais admettons comme entièrement vrai que le coupable soit le héros fils d'Atrée, le puissant prince Agamemnon

Conclusion C'est à notre avis une profonde erreur que de poser — et d'opposer — deux valeurs de ἔστί. Il y a au contraire tout lieu de conclure à l'unité fondamentale de "étre" en grec ; nous en voulons pour preuve le témoignage

de l'Iliade. Etre y a en effet le plus souvent un sens plein, quelle que soit la structure morpho-syntaxique de la phrase à laquelle il appartient. Si l'on en croit la tradition, le sens plein de ἐστί, qui est aussi son sens originel, serait exister ou vivre ; ἐστί se serait ultérieurement affaibli en co-

pule. Mais il appert de l'étude de l'Iliade que l'unité des différents emplois de ἐστί tient moins à la notion d'existence qu'à celle, plus précise, de réalisation effective. Ἔστί permet d'envisager l'existence comme une donnée du réel, et non comme une notion abstraite ou une vue de l'esprit. C'est ainsi que,

méme dans les phrases attributives, ἐστί tend, du moins dans l'Iliade, à conserver son sens sous la forme d'un sème de "réalité" dont la fonction est d'asserter l'effectivité de l'énoncé.

642

*es- ET LA PHRASE NOMINALE

En tout état de cause, cette hypothése permet de rendre compte de fa-

con satisfaisante du systéme à l'intérieur duquel s'opposent ἐστί et la pause. Face à la pause qui a une fonction propre, énonciative, &ov( est à son tour positivement marqué, en ce qu'il sert à dire que le procès est effectivement réalisé.

La règle primitivement énoncée :