Les esclaves aux Antilles françaises, XVIIe-XVIIIe siècles 2900339049, 9782900339046

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Les esclaves aux Antilles françaises, XVIIe-XVIIIe siècles
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ESCLAVES

ANTILLES

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(XVIE - XVIIT SIÈCLES)

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ANTILLES

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(XVIE - XVIII: SIÈCLES)

BASSE-TERRE

SOCIÉTÉ

FORT-DE-FRANCE

D'HISTOIRE

SOCIÉTÉ

D'HISTOIRE

DE LA MARTINIQUE

DE LA GUADELOUPE

1974 Trent LU PETERS

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Library

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE, SUR PAPIER VERGÉ D’ARCHES PUR CHIFFON, CENT EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 1 A 100 ET SOIXANTE EXEMPLAIRES RÉSERVÉS A L'AUTEUR ET AUX ÉDITEURS, NUMÉROTÉS DE I A LX, LE TOUT CONSTITUANT L'ÉDITION ORIGINALE

INTRODUCTION

Qu’on n’attende pas un livre de synthèse. Ce sera plutôt un faisceau de notes. Non par fausse modestie, mais parce que le mot notes exprime bien le caractère rapide, fragmentaire et discontinu de nos observations. Il est encore prématuré de présenter une vue d'ensemble sur les esclaves de nos Antilles. Cet essai sera donc limité : d’abord son champ est étroit. Nous resterons surtout au XVIII siècle. Puis, il ne s'attache qu’aux esclaves des plantations, les plus nombreux, il est vrai. Enfin, faute d’assez nombreux renseignements, il a été impossible de pousser certains chapitres aussi loin qu’on le souhaitait : ainsi, les conditions du travail, l’état

sanitaire, les limites de la christianisation, ou même d’aborder plusieurs questions pourtant d'importance : les châtiments, la place des créoles dans les ateliers, certaines formes de la résistance à la servitude comme les incendies volontaires et les empoissonnements, la persistance des africanismes. La démographie ne peut pas être traitée ni étudiée la place exacte des esclaves de couleur. Saint-Domingue restera au centre. Les sources l’ont imposé. Celles que l’on conserve sur les esclaves de Saint-Domingue sont d’une si extraordinaire richesse qu’à côté, ce que nous avons pour la Martinique et la Guadeloupe est d’une insigne pauvreté. Les inventaires des Archives Nationales (séries T, AB XIX et A.P.) et les Archives départementales (séries E, F et J) soulignent ce déséquilibre.

Ces pages serviront de conclusion à l’histoire d’une trentaine de sucreries, caféières et indigoteries aux sources particulièrement abondantes. Presque toutes étaient de grandes plantations appartenant à des colons qui ne résidaient pas. Les gérants qui les dirigeaient avaient à rendre compte de leur administration. Leurs rapports mensuels, leur comptabilité, leurs journaux de travaux nous ont été conservés plus ou moins complets. Une documentation fragmentaire sur une centaine d’autres plantations a complété les monographies des plus importantes. Les correspondances des administrateurs coloniaux, les mémoires généraux qui souvent les accompagnent, ni les manuscrits de Moreau de Saint-Méry n'ont été vus systématiquement. S'en plaindra qui voudra.

301963

8

LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

Trop est trop. L'examen d’une trentaine de recueils des sous-séries c, C° et C° du fonds des Colonies nous a déçu. L’effort a été surtout dirigé du côté des papiers de plantations. Ils ont été notre source essentielle. Ils offrent des types de documents qu’on ne trouve généralement pas ailleurs : des plans d'habitations, des rapports de gestion avec les annotations des propriétaires, des comptes suivis, des états d’esclaves, des instructions de colons sur leur départ à

leurs gérants, surtout des journaux de travail et d'hôpital. Ces papiers sont nombreux et importants d’abord aux Archives Nationales, puis dans les archives départementales et parmi les manuscrits des bibliothèques publiques et des sociétés savantes. D’autres sont conservés dans les anciennes familles coloniales qui toutes nous ont réservé le plus généreux accueil et que nous remercions ici très profondément.

Les minutes des notaires antillais à la Section Outre-Mer des Archives Nationales, les complètent ainsi que les papiers des biens d’absents des quartiers occupés par les Anglais (1796-1797), et les dossiers dits de l'indemnité accordée en 1826 aux anciens colons de Saint-Domingue. Ils restent indispensables à toute monographie d’exploitation coloniale. Décrire la vie des esclaves d’après ces sources est un paradoxe. Ce ne sont jamais eux qui parlent, qui témoignent, mais les gérants ou les maïtres, qui sont blancs et qui s'expriment en colons. Au XVIII siècle les voyageurs sont rares qui reviennent avec des yeux innocents et écrivent. Devant ces documents, l'esprit critique doit rester en éveil, se méfier toujours, opérer une double rectification. Il a à se rappeler que ce sont des blancs qui ont la parole, puis que la plupart de ces blancs ne sont pas les maîtres, mais des gérants qui s'adressent à d’anciens colons, ou même parfois à des propriétaires sans expérience coloniale, tous très is et qu’ils ont souvent intérêt à tromper, et d’abord au sujet des

esclaves.

LES

SOURCES

1. LES PAPIERS

DE PLANTATION

Entrés aux Archives Nationales et aux Archives départementales, par-

mi les manuscrits des bibliothèques publiques ou restés dans les familles, les papiers de plantation sont tous de même origine, et constitués par des documents de même type. Ils ne se distinguent que par leur richesse plus ou moins grande. C’est le sequestre révolutionnaire, puis aux XIX° et XX° siècles des achats ou des dons qui les ont fait sortir des familles pour les placer dans des dépôts publics. Ils forment un tout. S’y trouvent parfois mêlés des correspondances familiales et des documents intéressant directement l’histoire politique, mais pour l'essentiel il s’agit de papiers d’entreprise, de gestion d’entreprise, qui traitent de problèmes analogues, qui abordent les mêmes difficultés, qu’affectent les mêmes soucis. Ils forment exactement des archives parce qu’ils ont pour origine l’activité même des plantations. Les soulèvements aux Antilles, les incendies, les naufrages, les prises de guerre, et en France, l’humidité et la négligence, en ont fait disparaître un grand nombre. De la Martinique et de la Guadeloupe il nous reste peu de papiers de plantation. Si on en conserve tant de Saint-Domingue, c’est que très tôt les anciens colons ont espéré obtenir une indemnité pour la perte de leurs biens et qu'il leur a paru utile de garder leurs papiers pour établir leur droit.

Ceux qui apportent le plus de renseignements sur la vie des esclaves sont : 1) Les plans de plantation, quand ils montrent bien l’emplacement, les formes et la distribution des cases-nègres, leur éloignement des cultures, la répartition des places vivrières. Malheureusement la planimétrie est nulle.

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

2) Les inventaires, les estimations, les prises de possession, dressés au moment des partages de succession, au départ d’un colon ou à l'arrivée

d’un nouveau gérant ou à l'entrée d’un nouveau maître ; les actes d achat sont beaucoup plus sommaires. Ces descriptions de plantation sont toujours menées avec méthode. Nous arrêtent ici le nombre et le type des

cases-nègres, les matériaux de leur construction et leur état ; la superficie et l'emplacement des jardins particuliers des esclaves et des « vivres

communs

», la grandeur et le site de l’hôpital et du cachot ;les petites

places qui dans les mornes dépendaient des sucreries et abritaient les in-

disponibles, les vieillards, les convalescents. Une liste des esclaves, mais souvent très sommaire, complète les inventaires ; elle permet de voir le rapport entre les surfaces cultivées et le nombre des esclaves en bonne forme physique. 3) Les « états d’esclaves », « les états de situation » sont encore plus riches de renseignements. Ils sont de triple origine. a) Sont d’abord les états qui suivent les comptes annuels de gestion ou les comptes généraux que devaient rendre les gérants à la veille de leur remplacement. Ce sont souvent des listes nominatives avec les noms, surnom, âge, emploi, qualités physiques, et les traits de caractère de chaque esclave. Les marrons. En annexe, mais pas constamment, les achats et les ventes d'esclaves. b) On se doute bien qu’il importait aux maîtres en France de connaître au plus près le nombre et l’état de leurs esclaves à tout moment de l’année. Leur gérant leur envoyait les précisions demandées, un état de situation. Les nombres des « travailleurs », des indisponibles, des surâgés, infirmes, ou à l'hôpital, des décès, des naissances, des enfants, sont pré-

sentés sous forme de tableaux. Des maîtres envoyaient des imprimés préparés que le gérant n’avait qu’à remplir. Le malheur est que la manière de présenter ces états change d’une habitation à l’autre et sur la même plantation d’un gérant à l’autre. L’un énumère les enfants après leur mère, un autre les groupe à part. Un gérant ordonne les esclaves par atelier, un autre d’après leur âge, ou leur emploi, ou la date de leur entrée sur la plantation.

Quelques propriétaires, plus exigeants, demandaient des états trimestriels, voire mensuels, du mouvement de la population de leurs ateliers.

c) De son côté, l’administration exigeait tous les ans un état général du personnel de chaque plantation, pour établir la capitafion sur les esclaves et dresser le recensement général, car un état des blancs accompagnait celui des esclaves, ainsi que celui des armes et des surfaces en vivres. N’étaient taxés que les esclaves de plus de 14 ans et de moins de 60 ans, mais de nombreux gérants déclaraient les enfants et les vieillards.

LES

SOURCES

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4) Ces états n'étaient qu’un extrait méthodiquement présenté du cahier des esclaves qui était une liste très aérée des esclaves pour qu’on pût y mettre des annotations après chaque nom : la date de leur entrée ou de leur naissance, leurs accidents, leurs maladies, leurs séjours à l’hôpital, leur fuite et leur motif, leur reprise, les décès, avec leur date et cause, les affranchissements officiels ou les libertés de savane, les vendus ou

loués. Ces cahiers sont très rares.

5) Les comptes. L'absence des colons, l'administration des plantations par des gérants imposaient d’importantes comptabilités. De France, les propriétaires voulaient connaître leurs revenus, leurs dettes, la cause des pertes. L'intérêt de ces comptes généraux ne se découvre que par une minutieuse analyse. Mille détails rapprochés permettent de connaître l'esprit de chaque gérant, sa plus ou moins grande honnêteté. Un compte n’est jamais impersonnel. Ils montrent les changements

des cadres blancs, les achats, locations

et ventes d'esclaves, les dépenses pour leurs vivres, pour leurs médicaments, pour la toile de leur vêtement ou pour les confections, le mode de distribution des vivres, les gratifications, le détail des marronages, leur date, les frais de reprise, la durée des charrois.

Bien entendu, on ne découvre pas tout ce qu’on désirerait. Tout compte, et surtout tout compte de gérant, veut aboutir à une vérité officielle et soutenir les intérêts de celui qui présente les comptes. Il s’agit de conduire celui qui les apure à une certaine vision des choses. Il n’y faut que de la méthode

: être à demi-silencieux sur certaines dépenses,

les grouper adroitement, permet d’escamoter certaines réalités. L’on sent qu'il y a un arrangement, une certaine transposition, mais que l'on ne peut mesurer. A côté des comptes généraux, les comptes spéciaux : de frais d’hôpital, de chirurgien, de construction des cases d’esclaves, de travaux extraordinaires,

etc.

De détail en détail on arrive à des observations générales sur les conditions de vie des esclaves, sur la part d'initiative qu’on leur laisse pour se nourrir, sur le montant de leur petit commerce avec la grand’case qu’ils fournissent de poisson frais, de gibier, de graisse de porc, de cordes, de sparterie, de manches

d'outils, etc.

6) Les rapports de gestion se présentent sous la forme de lettres men-

suelles ou à peu près mensuelles, et distribuées selon un plan toujours le même. IL y est question d’abord des « événements » : sécheresses, ouragans, coups de vent, incendies, qui ont retardé les travaux, les cultures, détourné les esclaves pour réparer les bâtiments, le CIC

presque pluies, ravagé moulin,

de t+

12

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

numéro Puis des travaux commencés, poursuivis ou achevés avec Je « fouilété ont qui indigo à d’herbe ou caféiers de cannes, de des pièces de de barriques lées », plantées, sarclées, coupées ou cueillies ; combien

a rendu sucre ont été faites, mises à l’étuve, ou pilées, ce que chaque pièce prorécoltes les pour ons prévisi les ; café de milliers de ou de formes, chaines. La santé des esclaves, le nombre des malades à l’hôpital, des contales gieux, les médications spéciales qui ont été imposées, les accidents, grossesses, les naissances et les décès. Les sucres et cafés menés à l’embarcadère,

l'outillage,

la toile,

les

vivres entrés aux magasins.

7) Les journaux de travail veulent être le miroir de l’activité quoti-

dienne des habitations. Ils sont disposés de manière que le gérant puisse montrer ce qui s’est fait sur la plantation et que le propriétaire puisse surveiller l'emploi de chacun de ses esclaves. Il doit parvenir à se rendre compte du temps passé sur chaque « pièce » cultivée, dont il connaît le site, la superficie, la qualité du sol, le rendement moyen. Ces journaux ne se sont multipliés qu’assez tard. Les esclaves y sont répartis en plusieurs équipes de force différente à qui est confiée une tâche particulière, les ouvriers toujours à part. Le journal de travail est un moyen de combattre le gaspillage de la main-d'œuvre et ses détournements par les gérants. La tenue de ce journal est de plus en plus méthodique et sans doute efficace. Un relevé en est envoyé en France chaque mois, il accom-

pagne le rapport du gérant. Sur une feuille oblongue, des colonnes portent la date, la température, les heures de pluie, de vent, le nombre des esclaves présents au travail le matin et le soir dans chaque atelier, le nombre des malades à l'hôpital, des esclaves qui sont hors de l’habitation, des marrons. Le numéro de la pièce où on travaille. Des gérants ajoutent une note générale sur la situation sanitaire. D’autres ont à inscrire le nombre des formes de sucre coulées, étuvées, pilées, le nombre de paniers de café cueillis, passés au moulin, triés. Si l’on connaît la superficie de chaque pièce, la force de l'atelier, le nombre des heures mises à la culture des pièces, on se rend compte du travail qui a été demandé.

Les journaux de caféières sont plus rares que ceux des sucreries qu’on appelle journaux de roulaison.

Sur les journaux d’hôpitaux sont enregistrées les entrées et les sorties, mais pas toujours la maladie. Des gérants y joignent les dépenses de nourriture et de médicaments. Des chirurgiens y consignent leurs prescriptions devant le nom des malades. Ce soin n'apparaît qu’à la fin du XVIII siècle, il semble imiter une pratique anglaise.

LES

8) Les

instructions

aux

SOURCES

gérants.

Les

13

colons

rentrant

en

France

confiaient la direction de leur plantation à un gérant et leur laissaient des recommandations plus ou moins méthodiques. Ou bien, rentrés depuis quelque temps, l’examen des inventaires, des comptes, des états d’esclaves les conduisait à envoyer à leurs gérants de longues observations sur la manière dont ils entendaient voir mener leurs biens. Ils y résumaient leur expérience coloniale. Deux points restent au centre : la réduction des dépenses et la bonne discipline des esclaves. Les instructions que nous avons pu lire venaient de planteurs sucriers, de Saint-Domingue, de la Guadeloupe et de la Guyane. On dit instructions mais c’est de vœux qu’il conviendrait de parler, de conseils. C’est là que l’on voit la grande part d'initiative et de liberté de décision prise par les gérants. Elles revêtent des formes variées. Dans quelle mesure ces instructions ont-elles été suivies, ont-elles influé sur la vie des esclaves ? Nous devons

rester prudemment sceptiques en cherchant à connaître les gérants qui les reçoivent. Tout dépendait de leur caractère, de leur autorité et honnéteté. Toujours une grande partie de la réalité nous échappera. On voit comment certains propriétaires rêvent de transformer leur habitation. Leur premier idéal est d’en faire un monde qui ne sera plus sans cesse renouvelé par des achats successifs, mais une manière de village constitué par des groupes de familles moins esclaves que serves qu’unirait un solide esprit commun. De petites récompenses habilement distribuées développeraient cet esprit et la fierté d’appartenir à une plantation bien tenue. Après 1780, des colons commencent à se préoccuper des maladies trop nombreuses et de la dénatalité. Le souci de l’alimentation régulière et plus abondante des esclaves grandit et celui de l’acclimatement des nouveaux. 9) Les lettres d’économes au propriétaire. Il arrive parfois que parallèlement au gérant un des économes chargé spécialement des esclaves écrive au propriétaire, quand il est son parent, ou qu’il lui a demandé de lui parler régulièrement des esclaves. Ces lettres sont moins étudiées que les rapports du gérant, plus bavardes. Mais nous sommes ici en dehors des archives de plantation. Ce sont aussi des lettres des colons à leurs familles qui parlent souvent de quelques esclaves ; presque toujours d’esclaves domestiques de la grand’case. of

Les papiers de plantation sont innombrables, les uns considérables, d’autres réduits à quelques épaves. Sont énumérés ici très succinctement non pas tous ceux qui ont pu être analysés, mais ceux qui ont apporté

14

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

le plus de renseignements. Ils seront classés non par dépôt, mais par colonie et à Saint-Domingue par quartier, rapprochant papiers publics — archives nationales et départementales, bibliothèques — et papiers privés. À mesure seront citées les études dont ces papiers ont été la source.

On n’énumérera pas les multiples actes trouvés dans les minutes des notaires coloniaux. Ils sont trop nombreux. Tous les notaires sont à voir. On est assuré d’y trouver des achats de plantations, des fermages d’ateliers, des ventes, des affranchissements d’esclaves, des comptes de tutelle, etc.

G. Debien, « Les sources manuscrites de l’histoire et de la géographie de SaintDomingue (dans les bibliothèques publiques de France), Port-au-Prince, s.d. [1935], in-8°, 50 p. Extrait de la Revue de la Soc. d’hist. d'Haïti, n° 19, juillet 1935. G. Debien, « Pour connaître un type de fortune : les archives de quelques familles de planteurs antillais », Annales d'hist. écon. et soc., sept. 1938, p. 424-429. G. Debien, « Archives de planteurs, I, les Papiers Galbaud du Fort ; II, Papiers ; III, Papiers Frémond de la Merveillère ; IV, Papiers Croisoeuil ». Rev. de la Soc. d'hist. d'Haïti, janvier 1941, avril 1943 et avril 1946. Bréda, Noé, Butler, d'Héricourt et Polastron

G. Debien, « Archives 1946, extr. 28 p.

de plantations des Antilles», B‘* Soc. arch.

R. Massio, « Les papiers Navailles-Séguineau fr. 1950, p. 232-234.

(1745-1829) », Rev.

de Nantes,

hist. des col.

R. Massio, « Chronique des sources privées de l’histoire coloniale dans le pays de Bigorre (1950-1952) ». Rev. de la Soc. haït. d'hist., Avril 1953/%p 0190-37: G.A. Chevalier, G. Debien, L. Dermigny, Hugues, M. Gaucher, J. Marion et R. Richard, « Plantations d'Amérique et papiers de famille, TI», Annales des Antilles, 1955 n° 2, p. 1-16, n° 3-4, p. 26-65.

H. de Branche, G. Debien, L. Dermigny, RJ. Le Gardeur, R. Massio et R. Ricou Plantations d'Amérique et papiers de famille, II, Mâcon, imp. Protat, 1960, in-8°, 80 p. G. Debien,

Ch. Frostin, Fr. Girod et J.-C1. Nardin, «Papiers des Antilles », en + Amériques latines, série Sciences de l'homme, n° 2, juillet-décembre 1968, p. 181-209.

D’ M. Châtillon, G. Debien, X. du Boisrouvray

et G. de Maupeou,

privés sur l’histoire des Antilles », Revue franç. d'hist. d'outre-mer,

« Papiers

1972, p 432.

LES

SOURCES

15

I - GUYANE. 1) Papiers Goupy des Marets. Sucrerie à Remire. Deux journaux de voyage (1675-1676 et 1687-

1690). Mémoires

sur

la nourriture

des

esclaves

- État

Instructions pour leur conduite (1). Bibliothèque de Rouen, ms n° 2436. (Collection Montbret n° 125).

des

esclaves.

Coquebert

de

2) Papiers Dumont-Quincerot. Habitations Loyola, Mont-Louis et Beauregard, anciennement aux Jésuites, à Remire (2).

Sucrerie, cotonneraie, cacaoyère, vivres (1787-1876). Chez M. Quincerot, au château de Quincerot par Montbard (Côte

d'Or). 3) Papiers Grimod d'Orsay. Habitations Monjoli et Boulanger, 1774-1780. Comptes Archives Nationales. T.187°.

État

des esclaves.

4) Papiers Béhague. Habitation de Monsinéri. Archives

Nationales,

T.496.

II - MARTINIQUE. 5) Papiers Rochechouart. s Sucrerie à l’Anse-à-l’Ane, aux Trois-Ilets (Martinique). Comptes, correspondance des gérants, mémoires divers, une vingtaine d'états d’esclaves, 1746-1778 (3). Archives Nationales, T.256° *‘ * et T.355°.

B‘*

de l'Institut

de famille»,

in Annales

(1) G. Debien, «Sur une sucrerie de la Guyane en 1690», français d'Afrique noire, T. XXVI, série B, 1964, p. 166-187.

(2) R. Richard, « Plantations d'Amérique des Antilles, 1955, n° 2, p. 26-32.

(3) G.

Debien,

« Destinées

d'esclaves

et papiers

à la Martinique,

l'Institut français d'Afrique noire, 1960, p. 1-91.

1746-1778»,

B‘*

de

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

16

6) Papiers Levassor de la Touche, La Touche de Beauregard, Papin, Pocquet de Pihéry. Sucrerie et caféière au Lamentin (1764-1843). Listes d’esclaves annuelles et plans. Archives Nationales, AB XIX, 3356.

7) Papiers Gradis. Sucrerie à Basse-Pointe. Inventaires. Comptes. En microfilm aux Archives de la Gironde.

III - GUADELOUPE.

8) Papiers Larchevêque-Thibaut. Dossier Chastel. Plan de la sucrerie Chastel dite Belle-Espérance au Morne-à-l’Eau. à Vic-de-Bigorre, chez M. X.. (1960).

9) Papiers Charret. Sucrerie de Saint-Robert et caféière du Mont d'Or au Baillif à Mesdames de Saint-Georges et de Clairefontaine (1). Inventaire général,

1787.

à Nantes, librairie Bellanger, (1965). 10) Papiers Chambly. Sucrerie Hertel Chambly de Cournoyer. « Journal pour servir en ma société de l’habitation Sainte-Rose ». Cahier des dépenses et recettes du 13 octobre 1772 au 2 mai 1789, 44 p. Comptes du 4 février au 29 juillet 1784. Listes, des esclaves, 1788, des esclaves

affermés,

25

juin

1786.

Archives Nationales T.682.

IV - SAINT-DOMINGUE $ 1. Autour du CAP.

11) Papiers Bongars. Sucrerie Maisoncelle

Comptes (mars-juillet

à la Petite-Anse,

1765).

Archives Nationales T.520°**, (1) G. Debien, «Plantations à la Guadeloupe : la caféière et la sucrerie Bologne au Baillif (1787) », in Bulletin de la Société d’hist. de la Guadeloupe, n° 3-4, 1965

p. 11 à 21.

L

LES

17

SOURCES

12) Papiers Bréda. Sucrerie à la Plaine-du-Nord et au Haut-du-Cap (1). État des esclaves, 1785.

Correspondance des gérants, 1775-1778. Archives Nationales. 18 AP 3.

Comptes et correspondance avec les gérants. Chez M. le vicomte Gaston de Butler, à Villefranche-de-Rouergue.

Comptes Chez M. Plan et Archives

et correspondance du gérant. J. Denys de Bonnaventure, à Beaumont-en-Véron (I-et-L.) correspondance des gérants. de la Loire-Atlantique, E.691.

13) Papiers Robineau. Indigoterie, puis sucrerie à la Petite-Anse. Inventaire, 1706 (2). chez M. G. Debien, Ligugé, (Vienne).

14) Papiers Gradis. Sucrerie Nugent-Lacaze au Quartier-Morin, 1739-1783. Inventaire. Actes d’achat. Déposés aux Archives de la Gironde. 15 7 Papiers Gallifet. e 3 sucreries contiguës à la Petites-Anse, dites Gallifet, la Gossett et Desplantes. 2 caféières à la Grande-Rivière, Bahon et Castella.

s, Plans. Tableau de recensement, et état des esclave s, esclave des » té mortali et é 1786, 1791 ; « Natalit

1774041775, 1775, 1790,

JT Vente d’esclaves. Gestion d’'Odelucq. Comptes. Gestion Mossut. Journaux de travaux, 1775, 1790, 1791. Correspondances. 129 et 130. Archives Nationales. 107 AP, 5, 8, 20, 127, 128, u-Cap », Rev. de la Faculté (1) G. Debien, « Sur la sucrerie Bréda du Haut-d k 18-27. p. 1965, 10, d’ethnologie n° du-Nord, 1785 », id. n° 11, 1965, _— G. Debien, « Sucrerie Bréda de la Plainep. 26-33. Annales, n° 11, 1956. Les esclaves — G. Debien, Études antillaises, Cahiers des . 161-173 de Bréda avant le soulèvement du Nord, p. et G. de Maupeou, « Papiers uvray Boisro (2) D' Châtillon, G. Debien, X. du française d'histoire d'outre-mer, 1971, Revue s», Antille des re l’histoi sur privés p. 438-442.

18

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

16) Papiers Grimouard. | : Sucrerie Trèves et Turpin dite Macnemara au Quartier-Morin (1). Estimation et inventaire, 12 janvier 1786. Archives de la Vienne. Dépôt 65. Caféière Bartholomée, aux Matheux. Correspondance

du colon avec sa femme,

1794-1798.

Chez M. le vicomte de Grimouard, à Poitiers (1933) (2). 17) Papiers Montaigu de Bouzols. Sucrerie d’Argout près du Cap. Lettres et comptes de productions. Sucrerie Bouzols, près de Port-au-Prince. Correspondance. États. Archives Nationales. T.292***

18) Papiers d’Aux. Sucrerie à la Plaine-du-Nord, au canton du Morne-Rouge (3). Plan de 1731 ; actes d’achats, 1745 ; procuration générale avec précision des pouvoirs, 1775 ; état général, 1775 ; prise de possession, 1782 ; procès-verbal d’estimation, 1786 ; tableau des esclaves, 1786 ; état des pièces de cannes, 4 août 1787 ; journaux des tra- f

vaux, 1786-1791. Lettres, rapports, de J.P. Garcin, procureur de la sucrerie, 26 décembre 1786-20 avril 1792. chez M. le marquis Baudry d’Asson, à Fonteclose par la Garnache (Vendée).

19) Papiers Gallois. Sucreries à la Plaine-du-Nord et à la Nouvelle-Bretagne.

Archives de la Sarthe 1 J/154. 20) Sucrerie Saint-Michel au Quartier-Morin. Procès-verbal d’inventaire, 1783. Archives de la Charente-Maritime. B 6 042.

21) Papiers Baudin. Sucrerie des Josué Baudin au Quartier-Morin. Archives de la Sarthe. 5 F 253-257.

(1) G. Debien, « Les sources de l’histoire coloniale aux Archives de la Vienne », Revue des Bibliothèques, 1934, p. 48. (2) Vicomte de Grimouard, « Une victime de la Révolution à Saint-Dom ingue, Bartholomée, d’après sa correspondance », Revue d'histoire des colonies, 1935. (3) D: Châtillon, G. Debien, X. de Boisrouvray et G. de Maupeou, « Papiers privés sur l’histoire des Antilles », Revue française d'outre-mer, 1972, p. 443-450.

in st nt n se àm

PES PRPR

LES SOURCES

19

22) Papiers Fournier de La Chapelle. Deux sucreries à Limonade. Comptes de ventes de sucre. Comptes de recettes et dépenses, 1780

et 1781. Tableau du relevé des recettes et dépenses, 1782-1786. Comptes-courants du marquis de La Chapelle avec la maison Jauges

et Dupuis de Bordeaux, 1783. — Plan de la sucrerie principale. Archives

du Gard.

Correspondances commerciales.

21 J 1 à 6.

23 LEA Papiers Dupaty. Sucrerie Dupaty à l’Acul. Comptes des recettes et dépenses, (1° janvier-31 décembre 1787). Archives

Nationales.

T.987.

24 ) Papiers Borthon de l’Étansg. Sucrerie au Limbé (1754-1785) ; inventaire, lettres, comptes. chez M. du Vigneau aux Radrets, par Sargé-sur-Bray (Sarthe).

25 st Papiers Mondion. Sucrerie au Limbé. Comptes-courants avec les plantations Chauveau et Rostaing, ans VIIL, IX et X. chez M*° Mahieux à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique).

26)

Papiers Hue de Montaigu. Sucreries à Limonade et au Trou. État général en 1775. Comptes des procureurs du 21 juin au 26 décembre 1777. Sucrerie de la Petite-Anse (Limonade), Remise de l'habitation à Jean Castaing, gérant. Liste des esclaves, 27 novembre 1778. Comptes la maison néral du Archives

1777, 1781, 1784 ; Comptes-courants de l’habitation avec Aubert du Cap, 1778, 1779, 1781, 1782 ; inventaire gé25 mai 1783. Nationales. T.356.°

27 sr Papiers d’Agoult. Sucrerie au Camp-de-Louise. Journal de travail (mai 1787) ; journal de l’hôpital (1789-1790). Archives Nationales, AB. XIX,

3 355, dossier 5.

l Correspondance avec Genton, le gérant (1790) ; journal d’hôpita et journal de travail (juin-décembre 1790). Archives Nationales. Section Outre-Mer. Acquisitions. de Correspondance. Comptes. Etats d'esclaves. Chez M. le marquis . Vienne) (HauteGlane r-surCromières, à Cussac, par Oradou

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

20

is ot nc uit hs ÈS id *

NE are 28) Papiers La Prunarède-Maupoint. Caféières Bahon et de la Montagne Noire à la Grande-Rivière. : Comptes. État d'esclaves (1772-1774 et 1781-1783).

chez M"° la marquise de La Prunarède, 13, rue Marceau à Montpellier.

29) Papiers Robert de la Bressaudière Caféières Robert au Pilate. Inventaires, 1764, 1785 et an VIII. Prise de possession, testaments, liste des débiteurs. Chez M. le comte H. de Gastines, château d’Ardenay (Sarthe).

30) Papiers Besselère. Lettres d’un jeune raffineur du Quartier-Morin puis de Maribaroux (1777-1788) (1). Archives

des Landes, F 581.

31) Papiers Vincens de Causans. Sucrerie Lefebvre au Bois-de-Lance (Limonade) et caféière au Dondon. Correspondance et surtout Observations sur les comptes annuels par La Lorie, un des cohéritiers, 1780, 1781, 1782, 1873. Elles équivalent à des instructions. Archives Nationales.

548°°

$ 2. Presqu'île du Nord.

32) Papiers Foüche et Begouen-Demeaux. Sucrerie Foäche à Jean-Rabel (2). Inventaire, instructions, correspondance. Chez M. Laurent Begouen-Demeaux, Paris, XVI.

49, rue

de

Boulainvilliers,

33) Papiers Collette (3). Caféière

au Gros-Morne.

Inventaire.

Chez M. Georges-Ary Chevalier, 58 bis, B‘ Bru à Alger (1938). (1) G. Debien, « À Saint-Domingue avec deux jeunes économes de plantation (1774-1788) », Revue de la Soc. d'hist. et de géogr. d'Haïti, juillet 1945, p. 64 à

86.

(2) Jean Verschuren, «La sucrerie Foäche à Jean-Rabel », Revue de la Soc. haïtienne d'hist. et de géogr., octobre 1953, avril et juillet 1955. — G. Debien, Plantations et esclaves à Saint-Domingue, Dakar, 1963, in-8°, II. Sucrerie Foäche (1770-1803). Publications de la Section d’histoire de la Faculté des lettres de Dakar.

6) G.A. Chevalier, Étude sur la colonisation française en Haïti. Origine et développement des propriétés Collette, s]. nd. (Port-au-Prince, 1939), 61 p. in-8° id. «Un Colon de Saint-Domingue pendant la Révolution : Pierre Collette, planteur de Jean-Rabel », Revue de la Soc. d’hist. et de géogr. d'Haïti de janvier 1940 à janvier 1941.

LES

SOURCES

2

$ 3. Quartier de Fort-Dauphin.

34) Papiers Hecquet. Indigoterie Hecquet à Jacquezy à la Savane Longue (1). Inventaires de l’habitation, 1767 et 1782. Comptes divers. Correspondance. Chez M. François Girod, 6 rue du général Lecourbe à Besançon. in « Papiers des Antilles »…, les Papiers Hecquet, p. 187-195. Cahiers des Amériques Latines, 1968 n° 2. 35) Papiers Sauvage et Thomas. Sucreries à Jacquezy, près Fort-Dauphin.

Inventaires, 1778 (2). 36) Papiers Desmé de Chavigny. Sucrerie au Trou : comptes, inventaire, correspondance, instructions

au gérant, 1750. Indigoterie à Jacquezy : plan, inventaire, comptes, correspondance, Chez M. Desmé de Chavigny, à Chavigny, près Chinon (1939), et aux Archives Nationales, Section Outre-Mer, en microfilm. 37) Papiers Beaunay. Sucreries : 1°) au Trou, habitation Beaunay-Craon à Sainte-Suzanne : inventaires de 1755-1767-1772. Liste des esclaves, 1758 ; procès-verbaux

de prise de possession 1769, 1771 et 1772. 2°) Beaunay de Boishimont au Quartier-Morin : prise de possession 1771, inventaire

1767.

3°) du Fond-Bleu à Limonade (1740, an VIII). 4°) Bailleul au Boucassin. Correspondance des gérants, 1778-1806. Journal d’exploitation (août 1774 à décembre 1787 et octobre et décembre 1788). Comptabilités des sucreries Beaunay-Dutot au Quartier-Morin. Correspondance du gérant J. Mills, 1755-1758. Lettres du sieur Cairon, gérant, (1783-1790). Chez M. le marquis de Fayet, château de Montmirail (Sarthe) et Archives de la Sarthe (1 Mi/16R1àR

5).

(1) François Girod, Une fortune coloniale sous l'Ancien régime, la famille Hecquet à Saint-Domingue, 1724-1796. Annales de l'Université de Besançon, 115, Paris, les Belles Lettres, 1970, in-8°, 207 p. — id. « Un atelier d’esclaves à Saint: Domingue dans la seconde moitié du XVIII° siècle, in Procès-verbaux et mémoires de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, vol. 178, 1970,

p. 59-79. (2) M"° Fr. Thésée, « Sur deux sucreries de Jacquezey (nord de Saint-Domingue), 1778-1802 », Actes du 92° Congrès national des Sociétés savantes, 1967, T. IJ p. 227-295.

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

22

38) « Inventaire !” nommées les la plaine du prise de M.

du fonds et mobilier des trois habitations sucreries Terriers Rouges, Grand-Bassin et le Trou, situées dans Cap-Français, quartier Dauphin... dressé lors de la Auvray le 3 décembre 1788 et jours suivants ».

Bibliothèque de Rouen,

Ms 833 (G.105).

39) Chartier de La Buissière. Papiers relatifs aux plantations possédées à Saint-Domingue, au Trou, par le marquis Pavy de la Pailleterie puis par son héritier, le comte de Maulde. Titres de propriété, inventaire, états, mémoires, comptes rendus des gérants, correspondance (1729-1791). Archives du Pas-de-Calais, 10 J 26-28,

31-34 et 40.

40) Papiers Loyseau de Montauger. Sucrerie à Fort-Dauphin.

Inventaire du 15 février 1778 (1). Archives de la Charente. E 289. 41) Papiers Beaumartin. Sucrerie Leroy à Maribaroux. Livre de comptes (janvier-mai 1786). Archives de la Gironde, I J 518.

42) Papiers La Bassetière. Sucrerie Cottineau, puis Lory, à la Coupe près de Fort-Dauphin. 1°) Correspondance de M. et M”° Lory de La Bernardière et de M. de Fouchais, propriétaires avec les gérants (2). à M. de la Bassetière, déposée aux Archives de la Loire-. Atlantique. 2°) Procès-verbal d’arpentage et plan général (1757) chez M°° J. de Maupeou, à Auzay, près Fontenay-le-Comte (Vendée). 43) Papiers Le Quen de La Neuville. Sucreries au Terrier-Rouge : la Grande-Place, la Petite-Place et la Nouvelle-Bretagne.

État général de 1751 et de 1765 (3). chez M. Léonce Lasserre

à Dax.

(1) Gustave Vallée, « Un atelier d’esclaves à Saint-Domingue au XVIII° siècle », La Porte Océane, janvier 1955, p. 27-31.

(2) G. Debien, Plantations et esclaves à Saint-Domingue, Mâcon, 1962, in-8°. I. La sucrerie Cottineau (1750-1778). G) H. de Branche, G. Debien, L. Dermigny, R.J. Le Gardeur, R. Massio et R. Richard, Plantations d'Amérique et papiers de famille, IX, Mâcon, 1960, in-8°,

p. 51-61.

LES SOURCES

23

44) Papiers Croisœuil. Sucrerie au Trou.

Compte annuels de gestion (1743-1791) (1). Chez M. de Croisœuil-Châteaurenard, villa El Destino.

Bayonne-

Beyris (Landes) en 1938. $ 4. Le Dondon,

Marmelade,

Ennery.

45) Papiers Dumourier du Périer et Caignet. Caféière à la Marmelade. Inventaire des biens de feu M”° veuve Dumourier du Perrier. Archives Nationales. T.210*.

46) Papier Peyrigné-Lalanne.

Caféière à la Marmelade (2). État de la plantation, états d’esclaves. à M. Robin de La Lanne-Mirless, Londres S.W. 3.

12, Basil Mansion, Basil street,

47) Papiers Genty. Caféière au Dondon. Inventaire du 24 janvier 1771. Archives de la Vienne, E* 1438.

48) Papiers Lemercier de La Rivière. Caféière à Ennery. Correspondance (1784-1790). Archives de la Sarthe. Minutes Bourges, de La Flèche, 4 E VI/968. $ 5. Fond-Baptiste.

49) Papiers Paquet de Lugé. Sucrerie à Montrouis. Inventaire. Journaux de travaux, 1790-1792 (3). Archives de la Loire-Atlantique, E 1296. (1) G.

Debien,

« Archives

de

planteurs,

II, les Papiers

Croisoeuil ».

Revue

d'hist. et de géog. d'Haïti, vol. 17, n° 61, avril 1946, p. 31-45. (2) R. Massio, « Chronique des sources privées de l’histoire coloniale dans le pays de Bigorre, 1950-1952 », Revue de la Soc. haït. d’'hist. et de géog., janvier 1953, p. 19-37 et id. « La Bigorre et Saint-Domingue au XVIII° siècle. Quelques types d'habitations de Bigourdans à Saint-Domingue ». id. avril 1955, p. 5-21. (3) H. du Halgouët, «Inventaire d’une habitation à Saint-Domingue », Revue d'histoire des colonies, 1933, p. 215-250. — Marcel Reiïble, « Les esclaves et leurs travaux

Domingue, et VI.

sur la sucrerie Lugé à Saint1788-1790 », B** Soc. arch. et hist. de la Charente, 1970, n° 1, p. V

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

24

50) Papiers Caféière Compte Déposés

Navailles-Séguineau. ; Séguineau à Fond-Baptiste (1). 1790-1797. gérants, des ondance corresp 1788, de gestion, aux Archives des Hautes-Pyrénées.

51) Papiers Andrault. Caféière à Fond-Baptiste (1776-1803) (2). colon. Correspondance des gérants avec le colon et réponses du Ar d’esclaves. liste Relevés de comptes, Ligugé Debien, G. et (L.-et-G.) Chez M. Pesme à Montpouillan (Vienne). 8 6. L’Artibonite.

sais 52) Papiers Lamand. Caféière à la Petite-Rivière de l’Artibonite. Actes d’achat, comptes, états d’esclaves, correspondances. Archives Nationales. Section Outre-Mer. Greffes généraux, Saint-Domingue, cartons 8 et suivants. 53) Papiers Richard d’Abnour. Sucrerie à l’Artibonite. Indigoterie à Jérémie. Inventaire, 11 avril 1771. Chez M"° Vignès-d’Abnour,

35, rue Copernic, Paris, XVT°.

54) Papiers Jacques Arnauld. Caféière aux Verettes. Vente, 1774, Bail d'esclaves, 1775. Bibliothèque de La Rochelle, ms 1980-81.

55) Papiers Ségur de Pitray. Indigoterie et cotonneraie à l’Artibonite, une caféière aux GrandsBois, une caféière aux Cahos.

Comptes des dépenses de la plantation des Cahos (1782-1784) ; comptes de dépenses ; compte général ; comptes-courants (1783-

1787) (3). Collection du D' Châtillon, à Pointe-à-Pitre. (1) Roger Massio, « Les papiers Navailles-Séguineau (1745-1829) », Rev. d’hist. des col. fr. 1950, p. 132-134, id. « Un dossier de plantation à Saint-Domingue (1745-1829) », Rev. d'hist. de l'Amérique fr. juillet 1952, p. 62-110. (2) Ch. Frostin, Fr. Girod, J.-CI. Nardin et G. Debien, «Papiers les, IIT >. Cahiers des Amériques latines, 1966, n° 2, p. 206-209. — 1.-CI. Dupont,

La caféière

Andrault

du

quartier

de

des

Fond-Baptiste

Antil(Saint-

Domingue), 1776-1802. Mémoire de maîtrise, Nantes, 1970, 84 p. 6) D° M. Châtillon, G. Debien, X. du Boisrouvray et G. de Maupeou, piers privés sur l’histoire des Antilles », Rev. fr. d’hist. d'outre-mer, 1972.

« Pa-

25

LES SOURCES

56) Papiers de Langle. onite, indiSucrerie Rivière au Nollo, à la Petite-Rivière de l’Artib ées par exploit Cahos, aux et l’Inde de Coupe la à hattes goterie et François de Rivière lui-même. Inventaires généraux de 1767 et 1777 (1). e en JanChez M. le marquis de Langle, au château de la Couyèr zay (IL.-et-V.).

57) Papiers Laville.

Plan d’une indigoterie à l’Artibonite. (Sarthe). Chez M. de Mouchy, à la Grifferie, au Lude

58) Papiers Belin-Desmaraïs. Indigoterie à l’Artibonite. (2). Inventaire. États d’esclaves. Correspondances Archives

de la Charente-Maritime.

E 292-301.

59) Papiers Mauger.

hauts de l’Artibonite veSucrerie, caféière et cotonneraie dans les arre, épouse de Lau-Desb Catherine Dieulefils

nues par héritage à épousé Guillaume Mauger rent Mauger ; sa sœur Éléonore qui avait rie et d’une indigoterie au frère de Laurent, avait hérité d’une sucre te : quartier des Verettes et au bac de l’Artiboni ou de gérant, d'esclaves ou 300 lettres de procureurs d'habitation les affaires de ces plantae d'anciens esclaves, ayant pour centr des esclaves, les et les travaux tions, dont la santé, la nourriture

accidents (1772-1793).

Un état de la sucrerie (1774-1791)

avec listes d’esclaves.

Verettes et du vieux bac Comptes de gestion des habitants des s. de l'Artibonite (1752-1805), 207 pièce de Ladouzan (Morbihan). eau chât au é, Chez M. Marion de Proc

60) Papiers Ingrand. Correspondance d’un colon caféier, l’Artibonite (1770-1780). Archives

aux

Cahos,

au

quartier

de

de la Vienne, E 1285.

KR. Massio et L. Dermigny, R.J. Legardeur, Annales des (1) H. de Branche, G. Debien, II», le, famil de érique et papiers R. Richard, « Plantations d'Am Antilles, 1968, p. 21-24. Saint-Domingue « Un établissement français à (2) M"° Germaine André-Hesse, e, 1° septembre 1938, p. 278-301. Franc au XVIII° siècle », Mercure de famille Charruyer, on des Belin (membre de la — Henri Teychenié, L'habitati du XVIH® siècle. é moiti ième deux la dans mingue p. dact. id. « Les armateurs rochelais) à Saint-Do 274 1959, , Paris s, des supérieure ta de Ciencias Revis Mémoire pour le diplôme d’étu », 93) 2-17 (176 à Saint-Domingue esclaves de l'habitation Belin 1960, p. 237-266. sociales, Univ. de Porto-Rico,



LES ESCLAVES AUX ANTILLES

26

æ,h

$ 7 L’Arcahaye.

61) Papiers Sucrerie Compte ment et

ma" de dci a

Dolle et Raby du Moreau. Raby aux Vases (1). AUS pe 1786-mars 1787). États de situation. États de chargede ventes. Inventaires 1787 et instructions.

Archives de l’Isère 2 E.378, 379/2, 380/1, 2, 3 et 4, 381.

62) Papiers La Barre. Sucreries aux Vases et au Boucassin, à l’Arcahaye.

Correspondance du colon avec sa femme restée en France (17861790) (2). Archives de la Charente-Maritime, E 337. Comptes et correspondance avec le gérant. Archives de la Vienne, E 581.

63) Papiers Poyen et La Vincendière. Sucreries des Roseaux à Montrouis et à la Ravine sèche, et caféière aux Grands Cahos. Etats d’esclaves.

Chez M. Max Begouen, Montastruc (Dordogne).

château

de Beilefond

par Lemonzie-

64) Papiers Guiton de Maulévrier. Caféière aux Matheux (Arcahaye) (3)

Concessions (1743). Procès-verbaux d’arpentage, 1756-1769, plans,

achats de plantations, baux de terrains et d’esclaves. Ventes de terrains et d’habitations. État d’esclaves, 1779. Correspondance de gérant. Constitution de société. Comptes divers. Inventaires divers Comptes-courants. Procédures. Archives de la Vienne. E" 553, 1967, 1968, 1969, 1970. .(@) G-A. Chevalier, G. Debien, L. Dermigny, M. Gaucher, G. Hugues, J. Marion, R. Massio et R. Richard, « Plantations d'Amérique et papiers de famille », Annales des Antilles, n°° 2 et 3-4, 1955, p. 48-52. — Pierre Léon, Marchands et sSpéculateurs dauphinois dans le monde antillais du XVIII° siècle, les Dolle et les Raby, Paris, les Belles Lettres, 1963, in-8°. (2) G. Debien, Un colon sur sa plantation, Dakar, 1959, in-8°, 185 p. Publications de la section d’histoire de la Faculté des Lettres de Dakar, n° 1. id. e Com tes, profits, esclaves et travaux de deux sucreries de Saint-Domingue (1774-1798) ». Revue d’hist. et de géog. d'Haïti, octobr e 1944 et janvier 1945.

(3) G.

Debien,

Études

Cahiers des Annales,

antillaises, XVIII

n° 11, 1, Dans

colon et une caféière (1743-1799),

un

siècle, Paris, 1956, in-8°, 137 p. neu RU Da | à Ï Ingue : un

quartier

21

LES SOURCES

65) Papiers sur la sucrerie Cauvin-Fosse au Boucassin. Plan et comptes. ne) Chez M. de Laulanié, à Sainte-Croix par Montferrand (Dordog j # en 1938.

66

st

Papiers Mahé de Launay. Sucrerie au Boucassin. Correspondance de négociants (1769-1800) Fontenay-leChez M. J. de Maupeou, id. (1950) à Auzay près

Comte (Vendée).

u-Prince (1788). Plan de la sucrerie Damiens aux environs de Port-a

Chez M. Dauvergne,

19 rue Lagrange, Paris, V°.

67) Papiers Corregeolle. Sucrerie aux Vases. llet 1775), liste Comptes, 1773-1774, états des travaux (janvier-jui des esclaves en 1769 (1). Collection du D° Châtillon, à Pointe-à-Pitre. 8. Mirebalais.

Grands-Bois.

68 LA Papiers Dartis. Caféière aux Grands-Bois (2). Acte de vente et inventaires, 21 décembre

1778.

à G. Debien.

69 st Papiers Gilbert.

Caféière Labour au Mirebalais. age de culture, 1785. Inventaires des meubles, esclaves, outill Archives de la Vienne. F 3. & G, Au

Cul-de-Sac.

70) Papiers d’Argout.

Bouquets. Sucrerie près du bourg de la Croix-des1” août 1781. Vente du Cap, du n maiso la de laves Vente d'esc Instructions amicales de 1780. mobilier et de l’argenterie, 20 mars à Saint-Domingue, 6 novemPeyrac au jeune comte d’Argout allant procureur des biens de MM. bre 1778. Instructions pour M. Collin, out. d’Arg le marquis de Bouzols et le comte Archives Nationales.

(1) D’ Châtillon,

G. Debien,

T.412. X. de Boisrouvray

et G. de Maupeou,

« Papiers

p. 45-46. Rev. franc. d'hist. d'outre-mer, 1972, privés sur l’histoire des Antilles », la faculté de Revue », s s-Boi Grand aux nce (2) G. Debien, « Une caféière-réside d'ethnologie, n° 6, 1963, p. 3 à 21.

28

71)

12)

LES ESCLAVES

Papiers Bion. Sucrerie La Taste au Cul-de-Sac. Compte de dépense. 1° janvier-24 mars 1786. Bibliothèque de La Rochelle, ms 1961.

Papiers Hanus de Jumécourt. Sucrerie Mathieu Descloches au Cul-de-Sac. a Correspondance du colon avec son beau-frère Gerbier (1786-1792). Chez M. Paul-Chevalier,

73)

AUX ANTILLES

1960.

Papiers Pihéry de Sivré. Sucrerie du Palmiste Clair, à la Croix-des-Bouquets

(1).

Acte d'achat par Pihéry de Sivré à L.P. de Brancas, marquis de Céreste. Comptes. Testament. Correspondance (1731-1802). Chez M. A. Latron, à Alger en 1935. Chez M*° Percheron de Mouchy, 1947. et chez M. le comte Jacques de Maupeou, à Auzay, près de Fontenay-le-Comte (Vendée) 1947. 74) Papiers Pihéry. Sucrerie Montléart aux Varreux (Cul-de-Sac), du Marécage au Culde-Sac (2). Inventaire de la sucrerie Montléart, 30 mai 1731. Acte de vente par L.H. Taveau de Chambrun de Châteaublond à dame Laurence

75)

Bigot, veuve de J.J. Drouillard de la moitié de la sucrerie du Marécage, 8 juillet 1782. Compte de gestion de cette sucrerie (1° janvier 1791-22 mars 1792) État des sucres envoyés. Chez M. J. de Maupeou, à Auzay près Fontenay-le-Comte (Vendée) Papiers Vaudreuil. Sucrerie Duras et Vaudreuil au Cul-de-Sac. Comptes (1789). Lecesne gérant, 5 états des esclaves (17891791). États et mouvement (1788-1791). Correspondance du gérant (17891791). Factures de sucres. Plan. Sucrerie au Morne Rouge. Rapports du gérant Plante au (17891791). État de l'habitation (1788-1791).Travaux, emplo i des nègres, plantations, ventes, mouvement des naissances et décès. Correspondance. Plan. Échange de sucreries au Cul-de-Sac. Archives Nationales. T.561.

(1) A. Latron, « L'administration d'une planta tion à Saint-Domingue siècle ». Revue hist. des Antilles, 1930, avriloctobre, p. 34-39. (2) H. de Branche... « Plantations d'Amé rique II », p. 47-51.

au XVIII*

LES

SOURCES

29

76) Papiers Calendini. Sucrerie Pihéry frères et Rosseau à la Grande-Plaine, quartier du Cul-de-Sac. État des recettes et dépenses. Archives de la Sarthe.

13 F.

17 Lu Papiers Boutin. Sucrerie au Cul-de-Sac du Rendez-vous (1). Correspondance des gérants avec le propriétaire (1784-1792). 47 états mensuels de situation (juillet 1787 à juillet 1791). Bibliothèque de La Rochelle, ms 855. Concession, (1703). Actes d’achat (1755). Plan (1759). Inventaires 1757,

de 1756,

à M. Dauvergne,

1764 et 1768. Notes diverses.

19 rue Lagrange, Paris V°.

78 D4 Papiers Rasseteau. Sucrerie Fleuriau au Cul-de-Sac et caféière aux Grands-Bois (2). Plan, comptes de gestion de la sucrerie (1770-1777).

Comptes de gestion et de dépenses et procès-verbal de remise de la caféière (1786). Chez M. Maurice Prouteau, ancien gouverneur des colonies, à Poitiers (1939).

19 sr Papiers Grandhomme de Gizeux.

Sucrerie Beaulieu dite Deslandes à Léogane, et sucrerie Bonrepos au Cul-de-Sac. Contrat d’achat de l'habitation Bonrepos, 1714. Correspondance de J. Sartre, procureur, 1775-1789. Sucrerie Beaulieu.

Relevé

des comptes

1775-1783.

État des esclaves,

1764. Instruc-

tions au gérant. Relevé des comptes des sucres chargés pour France (1775-1776). M"° la comtesse de Tinguy, château de la Picauderie à Thouaré sur-Loire (Loire-Atlantique).

80 LS Papiers Lecogq. Indigoterie. Inventaire de 1704 au Cul-de-Sac. Archives

de la Vienne.

E* 1970.

Papiers des Antilles IV », Cahiers (1) S. Chassagne, KR. Richard, G. Debien, « : financiers et revenus coloniaux Boutin Papiers 1969. 4, n° latines, des Amériques

au XVIIL: siècle : un exemple, p. 113-135. de famille IL», p. 22116 (2) H. de Branche, « Plantations d'Amérique et papiers

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

30

$ 10. Fond-Ferrier.

81) Papiers Guiot. Caféière à la Rivière-Pilote près de Port-au-Prince. Correspondance d’un colon-résident (1756-1792) (1). Chez M. Marion, Estoublon (Alpes-Maritimes). 82) Papiers Bongars et Broc. Caféière des Délices, à Fond-Ferrier. 1°) Prise de possession, état d'esclaves,

baux,

testament

(1785-

1825). à la Société historique de la Province du Maine, au Mans (2). 2°) Compte-1778 1780 ;

; inventaires en forme de

776

récolement,

et

compte général, 1771-1776 et 1784-1785, par Roberjot. compte général, 1779-1782 et 1782-1783. compte général, 1771-1722-1774. Gestion de Bertte : mobilier et nègres, 1771-1776. Vente de la plantation du Fond de l’île à Vaches par le comte

de Morainville au duc de Choiseul-Praslin Paris, 5 septembre 1768).

(Trutat,

notaire

à

Compte de la sucrerie Bongars à la Petite-Anse (1769-1778). Archives Nationales.

T.520”*.

83) Papiers Carrère. Caféière Beauvallon à Fond-Ferrier. Inventaire général, état des esclaves et des cultures (3). Titres, inventaire général, état des esclaves et des cultures. Chez M. le colonel de Carrère à Tarbes (Hautes-Pyrénées).

84) Papiers La Rochefordière. Caféière les Brignolières, près Kingskof (1792-1802). Comptes de dépenses, fructidor an X. Chez M. le commandant de La Rochefordière, château de la Chau-

velière par Chanzeaux (M.-et-L.).

(1) J. Marion,

« Un Nantais

à Saint-Domingue,

Nantes et de la Loire-Inférieure, 1938, p. 114-133.

1756-1792 ». B'"

RO

;

Rte M

(2) H. de Branche, G. Debien, L. Dermigny, R.J. Le Gardeur, R. Massio e See « Plantations d'Amérique et papiers de famille II », Mécon 1060 HER : | ,

p.

— G. Debien, « Histoire de deux plantations à Saint-Domine du Maine, juillet-septembre 1968, p. 305-321. PAS (3) H. de Branche... p. 26.

1 RP

il ER



LES

SOURCES

31

$ 11. Léogane.

85) Papiers Galbaud du Fort. Sucrerie à Léogane et caféière aux Abricots (1). 1° Sucrerie, inventaire de 1710

Inventaires, 1729 ; estimation générale, 1741. Compte général, 1742-1762 ;listes des esclaves, 1746, 1750, 1754, 1757, 1758, 1767-1768, 1767-1773. Comptes 1742-1777, extrait du journal des travaux, décembre 1728 ; correspondance des gé-

rants, 1756-1791 ; comptes de vente de sucre et de café, comptescourants, correspondances commerciales ; notes mensuelles des recettes et dépenses d’avril 1768 à mars 1776; notes des naissances, morts et achats d’esclaves, 1776-1787. Plan.

2° Caféière Acte d'achat, 24 septembre 1750 ; état des mars 1755 ; état des esclaves envoyés à la comptes des recettes et dépenses, 1750-1760 naissances et mortalités, 1778. à Angers, chez Madame le comtesse du Fort,

esclaves achetés, 31 Grande-Anse, 1756 ; et 1777 ; notes des

et au Fort (par SaintJoseph de Portricq, près de Nantes, chez les sœurs missionnaires de Marie.

86) Papiers Regnaud de Beaumont. Correspondance d’un économe de plantation à Léogane, mère (1743-1786) (2). Archives Charente-Maritime. E.514.

avec

sa

87) Papiers Beauharnais. Sucrerie à la Ravine (Léogane). États d'esclaves, 1768, 1769 ,1776, 1777, 1778, 1779, 1785. à G. Debien

(1) G. Debien, (2).

Nous n’avons pour « avec les nations », près des Trois-Ilets, hommes, 55 femmes, Total

le XVIII siècle qu’une liste d’esclaves martiniquais celle de la sucrerie Rochechouart, à l’Anse à l’âne en 1767 (3). Y figurent 162 noms d'esclaves : 44 39 garçons et 24 filles. Les principales nations sont : Mulâtres

Aradas

créoles ———

|

Bondas

| comen ten.

14

Un seul de la pointe occidentale de l'Afrique, du Cap-Vert. Pas de

Congos, mais des hommes de la côte d’Ivoire (Bondas) et de la côte des

Esclaves. On peut déjà parler de la créolisation très avancée en Martinique. Les offres de vente que publie la Gazette de la Martinique, qui ne peuvent être utilisées ici pour connaître en détail les origines des esclaves, nous révèlent cependant la même importance des créoles : le 14 août

1787, est mise en vente au Carbet dans les hauteurs du Fond Capot une petite plantation avec 25 esclaves, tous créoles ;le 26 février 1789 : deux familles de la succession de Dunoyer, maître de canot à l’Anse à Céron : une mère avec 6 enfants mulâtres, une mère de 4 jeunes câpres (4) ; sur le supplément du 12 mai 1789, une vente à la Tartane d’une tuilerie

avec 60 esclaves « la plupart créoles de l'habitation, dont 21 d’une seule souche ». # A la Guadeloupe.

Nous sommes encore plus mal pourvus pour la Guadeloupe, mais pour que une tout autre raison : dans les inventaires de plantation on ne parle de l'isle espagnole ou (DARÉETF: Pierre-François-Xavier Charlevoix, Histoire Voyage du chevalier Des ; 498 p. IL, in-4”, vol. 2 1, 1730-173 Paris, , omingue Saint-D P. Adolphe Cabon. HisMarchais, II, p. 125 ; le P. J.-B. Labat, IL, p. 43, 474 ; le I, p. 95. in-8°, vol. 4 38), (1930-19 s.d. toire d'Haïti, Port-au-Prince, 474. 440, 424, p. (2) IL, p. 22, IV, p. 189, (3) Archives Nationales, T. 256/°. (4) Enfants d’un noir et d’une mulâtresse ou inversement.

7Pan

56

LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

B'slsl.

S|$|1s12, s O 1O ,

Quartier

Cayes de Jacmel

place à vivres

V'° Brossard D. Paillette

1757 1757

»

Roche, V'° Thomas

1757

indigoterie-coton

23

et 51 T0 36|

et Bourjolly caféière > >

> >

7 J. Lartigue

>

sucrerie

indigoterie > caféière > >

Plaine à Jacob Cap Rouge

>

caféière > > »

»

Torbeck

”Plaine àJacob

A. Fournier Brosse Regnaud

Nippe

indigoterie indigoterie sucrerie

1767 1767 1769 1769

__ | 18/47] 04 [fetes 2:80 __[45[73|23|

_4| 15] 2) 2{

me |

Viaud

1783

Laborde

1791 1791 1766 1762 1767

Cavalier Chaumeil Bodking

3° sucrerie

[15/10] 7)

Demaupins

indigoterie indigoterie caféière vente indigoterie 2° sucrerie

Laborde

Mouchez

Chevalier— Longpré

25

__|.4] 4] 5h

1761 1773 1774 1780 1787

Martelly

19|

1759 1759 1767

1773 1773 1773 "Wilbert -Larrey 1774 Theuret Renaud-Jalès 1774 Theuret MAITRE 1787 Maphaud 71788 CI. Charron 1787 “Bergeron-Duluc 1787 Lehinas Brun 1787 Darbat ET N

cotonneraie

» > >

L. Boissier

Lanfroy, Drouet, mulâtres libres Castex et Noël

>

v

Theuret A. Fournier

4[5

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15/10] 3/ 11983) 8

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1PAPat]. 5107 “19! 58| 28| — f144l112l 16| 32/60) 73| 417 4|

LES ORIGINES

| Mondongues

— — — — — — — — — — — —

RACREEN

|

= b=ù _ Es

57

58

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

de trois classes d’esclaves : les créoles, les mulâtres et les noirs de Guinée.

Nous n’avons ici que faire de ces renseignements trop sommaires. Le 3 janvier 1777, dans les mornes de la rivière Baugendre, Thomas

Lépinard vend à Pierre Lesieur une caféière mise en valeur par 46 esclaves : 19 de Guinée, 24 créoles, 2 mulâtres, etc. (1). Le 10 mars 1771; le sieur Gaschet vend aux sieur et dame Couffré du Petit-Blanc, 11 domestiques, dont 9 mulâtres (2). A Petit-Canal, le 21 mars 1780, Jean-César Gaschet, négociant cède à Chérot de La Salinière, 16 esclaves, tous mulâtres (3). Marguerite Arson, veuve Fontaine, s’associe à son fils pour le revenu du travail de 12 esclaves au Mancenillier : 5 créoles, 7 « de

Guinée », etc. Si nous comparons les caractéristiques de ces ateliers à celles des 136

marrons d’origine connue que d’août à septembre 1788 publie la Gazette de la Guadeloupe, nous aboutissons à une distribution analogue : 7 mulâtres, 49 créoles, 13 Tbos, 13 Sosos, 10 Mocos, 10 Cap-Laous, 4 Congos, 2 Sénégalais, 2 Bambaras et 1 Mine. Plus du tiers de créoles mais une part insignifiante de Congos (4). “

À Saint-Domingue. Dans le Sud (1757-1791 ) (5) Les origines des esclaves de Saint-Domingue sont mieux connues. Plus de 200 listes d’esclaves avec indication de leur nation ont pu être analy(1) Minutes Gaignard de Pommery, de Basse-Terre. Tous ces actes sont dans le minutier colonial de la Section Outre-Mer. (2) Givry, notaire au Mancenillier. (3) Givry, notaire. 10 mars 1781 : voir aussi le contrat de mariage d’Hercule Nadau de Bonval avec D°!° Constance Dyel de Vaudroque à Petit-Canal, le 18 août 1777, — celui du chevalier Martini de Saint-Jean avec Anne-Victoire Lecointre de Berville, veuve Dunot de Saint-Maclou (Boyer, notaire à Pointe-àPitre), 21 septembre 1789, etc.

(4) Nous

n’avons

pas encore

trouvé

de listes d'esclav

es du XVIII siècle à Sainte-Lucie, mais seulement les déclarations de Marronage publiées en 1789, 1790 et 1791 dans la Gazette de Sainte-Lucie, hebdomadaire, de Castries, dont

on ne peut rien tirer de significatif : 18 noms de marrons, dont 12 sont d’origine inconnue, 3 créoles, 1 mulâtre, un Cap-Laou, un Ibo, 2 nouveaux (Bibliothèque Nationale, f° LC 12 31). (5) Les listes du Sud, comme plus loin celles de l'Ouest et du Nord, ont été publiées par Mme Roseline Siguret, « Esclave s d’indigoteries et de caféières au quartier de Jacmel (Saint-Domingue), 1757-17 91 d'outre-Mer, 1968, p. 190-230, dont les sources », in Revue française d'histoire sont les minutiers des notaires coloniaux conservés à la Section Outre-Mer des Archives Nationales; —— Jes autres par Gabriel Debien, Marcel Delafosse, Jacques Houdaille, Roger Massio, Robert Richard et Henri Teychenié, « Origines des esclaves des Antilles », Bulletin de l'Institut français d'Afrique Noire, série B, 1961-1968. Dans ces tableaux nous ne ferons figurer ni les inconnus, ni les nations qui ne sont représentées que par un individu.

LES ORIGINES

59

: caféières, sucreries, sées. Elles viennent de toutes les sortes de plantation vivres ; des plaines, à places s petite de même et indigoteries, cotonneraies été trouvées pour ont des mornes, du Sud, de l'Ouest, du Nord ; mais peu issent de telle répart se listes le Nord-Ouest. Malgré cette lacune, ces assez juste sur être doit qui le généra vue une manière qu’elles procurent la provenance des esclaves de Saint-Domingue. es, de 1750 à 1798, Ces listes s’échelonnent sur une cinquantaine d’anné plus nombreuses bien sont Elles ère. réguli re toutefois pas d’une maniè aux dernières années. années 1756-1791. Nous grouperons d’abord les listes du Sud des usions avec celles concl nos s reron compa Nous . Elles sont nombreuses du Nord-Est (1775-1790) ; qu'imposent les listes de l'Ouest, du Nord et les quartiers occupés par dans nts avec les listes des plantations d’abse tion nous a laissé de si istra admin leur dont et les Anglais (1796-1797) générale des précédentes nombreux inventaires. Ce sera une vérification

observations. présentée sous la forme Pour simplifier, l’analyse des listes du Sud est d’un seul tableau.

Theuret résument l’histoire de Les trois listes des esclaves de Pierre r. En 1759 il établit une caféière sa caféière et l’évolution de son atelie 10 Congos, 7 Ibos, 3 Mammerys. avec 42 esclaves où l’on voit 15 créoles, te 19 esclaves : 4 créoles, 4 appor qui Il s’associe à Antoine Fournier 1774 il est séparé de Fournier. Il Congos, 5 Ibos et 2 Mammeryÿs. En 3 Congos, 2 Aradas ; et après diafferme 37 esclaves, dont 27 créoles, 146 têtes : 64 créoles, 25 Congos, 1787, vers achats son atelier compte en 4 Bibis et 2 Bambaras, 6 Aradas. 11 Thiambas, 11 Ibos, 7 Sénégalais,

ement. La proportion des créoles s'élève douc

ques années monté trois sucreries Le banquier Laborde avait en quel Cayes. Il avait regroupé dans ses dans la Plaine à Jacob au nord des coup moins importantes. Chabeau établissements plusieurs plantations er à gros effectif. Nous connaissons cune de ces sucreries avait un ateli iers deux d’entre eux en 1791, les atel non seulement la composition de t. emen lopp déve leur de toire l’his de la 2° et de la 3° habitation, mais ate, l’autre 439. Le noyau de ces La 2° sucrerie avait 348 esclaves S'y ent Vinr ales. initi ons tati plan des liers fut constitué par les esclaves nédes à tés et de 30 nouveaux ache ajouter des groupes de 10, de 20 fois une autre des Aradas, une autre s, Nago des griers. Une fois ce sont fois, la à on nati une nt rqua négrier déba des Ibos ou des Sosos, chaque ethnie attaché à ne prendre qu’une seule soit se ne nt géra le que à moins

par négrier.

60

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Quartier

Plantation

Propriétaires

Date

a &[5158

5

s10

Léogane

sucrerie

Santo Domingo

Fond-Ferrier Mirebalais

caféière indigoterie

>

Carrère Laboube

Chastulé

1784 | 702 |31} 1789 92 .:7 1248

» Artibonite

> indigoterie

Lecoq Belin-Desmarais

1787 | 88 _7 | 58h 1777 | 191 100

>

> >

> >

> » >

Saint-Marc Grands-Bois TEE TT Re < Arcahaye

1781

1785

> >

1784 1790

> » sucrerie

Reynaud Lucas Breton des Chapelles|

sucrerie

Mérot

TEE

Bellevue

vs

En _18

|100| | 44]

|184| |105| |205| |124|

1784 | 110] 2 |9] 1793 |101|5| 46| 1785 |142 |9 |95|

caféière La Vincendière |” 1786 |67| |23| » Dartis 1797 |37| | 9h > __ Sallier-Dupin|1797 |102| | 52| > _ Amous | 1796 | 58|6 |251 1795.

|160!

|D

caféière __ Maulévrier |1796 | 116| | | ME er Vis Poules 2 «|1700 l'127 100

—————

A

SAR |!"

40 {00 |7 ©,111

Chose remarquable, les plantations Laborde n’ont acheté aucun Congo.

Tous ceux que l’on compte ici sont du fonds initial (1). 1e

Cet ensemble de plantations est assez varié pour représenter les gines du plus grand nombre des esclaves dans le Sud avant 1789. oriLe premier trait c'est ici l’absence de mulâtres parmi les esclave plantation. On avait vu souvent le contraire sur les petites plantationss de de la Guadeloupe et de la Martinique. Dans le Sud elles sont pourtan t très nombreuses aussi à être possédées par des gens de couleur. Est-ce que

les libres s’y tiendraïent surtout dans les bourgs et dans les villes ?

(1) Public Record Office, H.C.A. 30/884. Renseignement dû à l’obligean ce de M. Bernard Foubert qui prépare l’histoire de ces sucreries. Voir aussi G. Debien < Une indigoterie à Saint-Domingue à la fin du XVIII: siècle », Revue d'histoire des colonies, 1940-1946, p. 1-44.

61

LES ORIGINES

| ££ S= Ë

Cotocolis Mondongues

Coromantis Mandingues

Haoussas

serrés. Cependant nous Les créoles, adultes et enfants sont en Tangs café, pourvus d'ateliers au s gagné sommes dans des quartiers récemment plus anciennes planles sur ées d'ann es dizain constitués depuis quelques avons dénombrés nous que tations. Des 2 862 esclaves d’origine connue près du tiers. soit s, créole dans le Sud entre 1757 et 1791, sont 918 t nombreux au moment Les Congos ne semblent pas particulièremen iers, après 1767. Les d’atel où nous commençons à recueillir des listes peu de Nagos et d’Aradas. Jbos sont alors autant qu'eux, tandis qu’il est après les créoles, tandis que Mais bientôt les Congos viennent aussitôt s et les Nagos. Les Congos les Ibos diminuent et que montent les Arada s 216, les Nagos 203. Arada les réunissent 488 noms, les Ibos 144, s'établit, les Congos vienA partir de 1780 à peu près, un équilibre Mines ou des Bambaras, t des nent en tête des « Africains », suivent tantô etc. als, Sénég des ou des Thiambas

D

62

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

A Saint-Domingue.

Dans l'Ouest (1757-1791).

Dirigeons-nous maintenant vers l'Ouest. Nous arrivons d’abord à Léogane dans une plaine à sucreries dont nous avons de nombreux inventaires, mais où ne sont pas souvent précisées les origines des esclaves. Nous avons heureusement l’atelier de la sucrerie Santo-Domingo où un petit noyau travaillait depuis longtemps avec des esclaves de ferme. Nous n’avons que les noms des esclaves du vieux fonds en 1781 (1). A l'Est de Léogane, dans les mornes de Fond-Ferrier, quartier de caféières, on n’a qu’une liste, celle de l’habitation Carrère de Beauvallon en 1784 exploitée par 70 esclaves (2). Au Mirebalais, au Nord-Est de Port-au-Prince, il s’agit des trois indigoteries Labouche, 1785, Chastulé, 1785, et Lecoq, 1787, d’une centaine d'esclaves chacune (3). Sur ces trois plantations la symétrie des origines est remarquable. Les ethnies sont dans un ordre pour ainsi dire fixe, les

Congos venant à la suite des créoles, toujours dominants. Le canton des Grands-Bois entre le Mirebalais et l’Étang Saumâtre avait été mis en valeur par le café. En 1789, les caféières n’avaient pas vingt ans. Ainsi les plantations Dartis (4), Sallier-Dupin et ArnousCornillaud (5). Les créoles sont toujours en tête. Les papiers Belin des Archives de la Charente-Maritime nous présentent une indigoterie de l’Artibonite dont nous connaissons l’atelier à trois dates différentes, en 1777, en 1784 et en 1790. La part des créoles y va croissante par le jeu des naissances alors que toutes les autres nations diminuent régulièrement par les décès. L’acquisition de 16 Côte d’Or maintient les forces (6).

L'un des plus riches quartiers de Saint-Domingue était celui de l’Arcahaye. Il était très grand. La plaine littorale, avec les cantons des Vases, du Boucassin, était couverte de riches sucreries, tandis qu’à l’Est la double chaîne des Matheux portait de grandes caféières, montées après 1770, d’un coup. Les colons de l’Arcahaye passaient pour acheter les plus beaux sujets des négriers qui se présentaient à Port-au-Prince et à SaintMarc. Nous avons 4 ateliers de l’Arcahaye : ceux des caféières Maulévrier, de 116 esclaves (7), Poulle, de 137 et Bellevue, de 40, aux Matheux, (1) « Les origines des esclaves des Antilles », B** de l'I.F.A.N., 197.

1966, p. 195-

* (2) Roger Massio « Les origines... », B“* de l’I.F.A.N. 1963, p. 235-239. (3) Archives de la Vienne, F3. (4) G. Debien, e Les origines. », B‘* de l'I.F.A.N., 1963, p. 23-27.

(5) Jacques Houdaille, B“* de l’I.F.A.N. 1964, p. 197-211. (6) Henri Teychenié, in « Origines. », B°* de l’1.F.A.N., 1964, p. 368-372. (7) G. Debien, Dans un quartier neuf de Saint-Domingue : un colon, une caféière, 1743-1799, in Études antillaises, XVIII° siècle, Paris, Colin, 1954, ’in-8°, p. 107.

LES ORIGINES

63

et de la sucrerie Mérot au Boucassin, de 160 esclaves (1). La haute proportion des Congos sur les caféières des mornes est remarquable, comme celle des Nagos sur la caféière de François Poulle, négociant à Nantes, qui montre que toutes ces plantations ont été pourvues de maind'œuvre par des acquisitions massives de « nouveaux ». La présence de 11 Mozambiques chez Poulle en est une autre preuve. M"* Françoise Thésée a analysé les origines des esclaves de 4 plantations des quartiers de Saint-Marc et de l’Artibonite ; la caféière

La

Vincendière près du bourg de Saint-Marc, de 67 esclaves en 1786, des indigoteries Reynaud en 1774 de 100 esclaves au canton des Cordes-àviolon, et Lucas de 101 esclaves en 1783 près du bourg de la PetiteRivière ; et de la sucrerie Breton des Chapelles près du bourg des Verettes en 1785 : 142 esclaves (2). Sur les plantations de l’Arcahaye les mulâtres sont plus nombreux que sur celles du Sud.

A Saint-Domingue. Dans le Nord (1760-1785).

Nous sommes beaucoup moins bien pourvus de listes d’esclaves pour la partie du Nord. Il y eut les incendies de plantations en août et en septembre 1791 aux débuts du soulèvement des esclaves, mais cela n’explique pas tout. On a conservé d’assez nombreux « états d’esclaves > du Nord, mais sans précision sur leur origine. Naturellement nous avons presque exclusivement des listes d'esclaves de sucreries. D'abord à Fort-Dauphin, aujourd’hui Fort-Liberté, qui n’était pas un quartier bien fertile et qui se développa assez tardivement, nous avons r du la sucrerie Loyseau de Montauger. Elle appartenait à un conseille qui créoles, 90 offrait têtes 150 de atelier Conseil supérieur du Cap. Son voisines sucreries Les (3). l’atelier de es cinquièm faisaient les trois es Thomas et Sauvage (4) et Chavane présentent les mêmes caractèr part la créoles, des place grande la généraux des plantations de plaine : frères Jamot, (Archives (1) Mise en possession de l'habitation Torcelle, par les Recueil 1639). — Mise 1745, janvier 29 ye, l’Arcaha de notaires Nationales, S.O.M. 15 juin 1795. — Bail id., n, Boucassi au Mérot Jean de en possession de la sucrerie Perron, colon aux P. par Nantes, à t négocian de l'habitation de François Poulle, : Matheux, id. 10 octobre 1790. Recueil 1635. , 25 septembre 1786. Bail de l'habitation appelée Bellevue, aux Matheux omingue, Paris, 1972, in-8°, (2) Les négociants bordelais et les colons de Saint-D p. 222-236. (3) Archives de la Charente, E 289. y (Nord de Saint-Domingue), (4) M"° Fr. Thésée, « Sur deux sucreries de Jacquez s Savantes, Strasbourg-ColSociété des l nationa s Congrè 1778-1802 ». Actes du 96”* II, p. 242. e, porain contem et e mar, 1967, Section d'histoire modern

er a

64

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

& Quartiers

Plantation

Propriétaires

sucrerie » » » indigoterie

Loyseau Thomas Sauvage Chavannes Hecquet

1778

caféière

Broissard

1760 | 36

Limbé >

sucrerie »

Petite-Anse Plaine-du-Nord Haut-du-Cap

»

Borthon La Ferronnaye Brossard Bréda Bréda

Fort-Dauphin Jacquezy » » »

DS

» »

Date

S

ë

150 a 3 181 _18 12 132 4 4 120 | 10 _6 107 EE 6

1760 1784

1

42 5 4 217 6 15 188 44 13 210 +73 _8

1784 1785

relativement effacée des Congos, sauf à Chavanne où ils sont le cinquième, et la présence d’un goupe de mulâtres. Sur l’indigoterie Hecquet, à Jacquezy (1) limitrophe des sucreries Thomas et Chavanne, les créoles et les Congos rassemblent les quatre cinquièmes de l’atelier. Les Congos voient leur part s'élever à la caféière Brossard des Plantes en 1784 (2) dans les mornes de la Grande-Rivière du Nord que bornera au Nord la plaine du Cap et de Jacquezy. Avec les créoles ils groupent les deux tiers de l'atelier. A une huïtaine de lieues au Sud du Cap, au Limbé, Borthon de l’'Étang (3) du Conseil du Cap, possédait une petite sucrerie de 42 esclaves en 1760, tandis qu’à la Belle-Hôtesse les La Ferronnaye en avaient en 1784 une de 217 (4). La distribution des

races

n’a guère

changé entre 1760 et 1784. Les créoles, adultes et enfants, sont un peu plus du tiers des ateliers, la proportion des Congos est en baisse.

Plus proche du Cap, la Petite-Anse était aussi un quartier de sucreries. Nous y connaissons les ateliers Brossard des Plantes-Laquehay de 188 (1) Fr. Girod, Une fortune coloniale sous l'ancien régime, la famille Hecquet

à Saint-Domingue,

1970, in-8°, p. 125.

1774-1796.

Annales

historiques

de l’Université

de Besançon

(2) Communication de M°”* Lucile Bourrachot, des Archives du Lot-et-Garonne

(3) Papiers Duvigneau aux Radrets, par Sargé-sur-Braye (Loir-et--Cher). (4) Archives Nationales, T. 210°!.

ñ |

65

LES ORIGINES

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s cerise de robustesse. Le « ramassage des temps à les accoutumer au de patience. On consacrait donc moins de à peiner sur des sols en pente, monde des caféières, bien qu’ils y eussent guère. En somme l’apprenrait prépa ce à quoi leur vie en Afrique ne les n », des « esclaves de houe » tissage manuel des travailleurs « de jardi 19 juillet 1770. Papiers Regnauld (1) Regnaud de Beaumont à sa mère, mont, 1789. Achetés en mai, ils sont (4) Inginac à Mme du Fort, 30 juin bre. en décem Maulévrier dans les Matheux, 1° (G) Marsillac, gérant de la caféière . vrier Maulé 1787. Papiers Guiton de d'Amérique, Paris, 1742, 8 vol. (4) Labat, Nouveau voyage aux isles Dr 45: (5) Ibid. IV, p. 453. (6) Ibid. XII, p. 34.

de Beauau travail

septembre à in-12, IV,

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

ou « de terre » était celui donc de la grande culture de plantation : fouille des sols pour la mise en terre des caféiers, de l’indigo ou de la canne, et coupes de l’indigo et de la canne, travaux qu’ils ne connaissaient pas en Afrique.

Dans certains cas on distingue bien dans leurs habitudes agricoles ce qui était leur fond africain de l’apport imposé par le travail aux cultures commerciales. Aussi dès qu’ils s’échappaient, les marrons de SaintDomingue, les émancipés de la Jamaïque ou de la Guyane comme les insurgés d’après 1791, c’est leurs cultures africaines qu’ils pratiquèrent : mil, manioc, ignames, avec l’exploitation du café comme semi-culture de

plantation pour les échanges avec le dehors. Ces mois d’adaptation n’étaient pas seulement une période intermédiaire d’acclimatement et de soumission à une autorité nouvelle. Les arrivants changeaient de milieu naturel. Il était donc important de recruter surtout des jeunes, de caractère plus souple, moins sujets au chagrin que des vieux même non décrépits, qui étaient les derniers que les capitaines de négriers parvenaient à vendre. Le syndic des PP. dominicains de la Guadeloupe s'était chargé en 1704 d’une vingtaine de nègres nouveaux qui étaient le rebut d’une cargaison de la compa-

gnie de Guinée, qui n'avaient pas laissé de lui coûter 9 500 livres, quoiqu'il y en eût les deux tiers qui fussent si vieux qu'ils avaient déjà les cheveux gris, marque assurée chez les nègres d’une grande vieillesse. Comme ils étaient vieux, ils étaient fort indociles et presque point du tout propres au travail et les anciens nègres de la maison ne voulaient point s’en charger. Le plus jeune de tous prit la peine de

se pendre au balancier du moulin un jour qu’on ne faisait pas de sucre (1).

Le chevalier Des Marchaïis, c’est-à-dire le P. Labat encore, précise: Il est certain que quoique des enfants de 10 à 15 ans ne soient pas capables d’un grand travail en arrivant en Amérique, on a au moins l’avantage de les élever comme on veut; on leur fait prendre tel pli et telles allures qui conviennent à leurs maîtres. Ils apprennent plus facilement la langue du pays et les coutumes, ils sont plus susceptibles des principes de la religion, ils oublient plus aisément

leur pays natal et les vices qui y règnent, ils s’affectionnent à leurs maîtres, sont moins sujets à aller marrons, c’est-à-dire de s'enfuir, que les nègres plus âgés, ils apprennent aisément le service des maisons et des métiers, ne prennent pas fantaisie (2), ce qui porte aisément les grands à se désespérer. Il est vrai que pour se charger de ces sortes de nègres il faut être déjà en état

de faire rouler son habitation par d’autres qui soient plus capables de travailler. lis ne conviennent pas à des personnes qui ont un pressant besoin de gens. Cepen-

dant un colon qui connaît bien ses intérêts et qui est en état de se passer du gros travail qu’il ne peut espérer que de quelques années de ces jeunes nègres, ne peut mieux faire que d’en acheter et de les dresser tout doucement au travail auquel il les destine,

étant bien

sûr qu'il en

sera

infiniment

mieux

servi que

de ceux

qui seront plus âgés. Outre qu’il y a dans une habitation une infinité de travaux où un enfant de quinze ans en fait autant qu’un homme de trente. Ceux qui (1) Labat, IV, p. 212. (2) Nostalgie, mal du pays.

LES NOUVEAUX

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voudront se convaincre de cette vérité n’ont qu'à lire ce que j'ai écrit des manufactures de l'Amérique dans mon Voyage des isles (1). ss

Les pertes qu’éprouvaient les nouveaux au cours de la première et de la seconde années sont à l’origine des précautions que l’on prit pour permettre leur remise sur pied à leur arrivée, et pour les conduire au travail sans accident. Elles font admettre qu’une bonne part de ce qu’écrivent les gérants doit être vraie, les intérêts en jeu étant très importants. Le nombre des décès fut toujours considérable. Le P. Labat qui parle pour la fin du XVII° siècle et qui n’a pas de raison d’exagérer, estime qu’il faut s’attendre à la perte d’un tiers des nouveaux la première année travaux « par les maladies auxquelles ils sont sujets, soit à cause des ». (2) més accoutu auxquels ils ne sont pas Dans un groupe de huit, qu’il a acheté en 17 64, le gérant de la sucre-et 1767, rie Grandhomme au Cul-de-Sac a perdu quatre hommes avant nt seuleme Trois . l'hôpital à retiré être doit pian du un cinquième attaqué gérant même le restent donc au travail du jardin. La même année, meurent en acquiert un autre lot de huit au capitaine Maugin. Trois e trop septièm Un moulin. au coupée main la a un 1765, deux en 1767, sur valides débile est mis sur la petite place. Restent donc cinq ouvriers hasard. seize (3). Ces exemples sont pris au au cours des Aux Matheux, au-dessus de la vallée de l’Artibonite, de la caféière décès les et sept mois où l’on peut suivre les naissances M" Gal(4) 25 de groupe d’un Maulévrier, meurent sept nouveaux achetés de a qu’elle ceux de tiers le mourir voit an baud du Fort en un

sur 30,.et M°° Glaize de 1764 à 1767. Le chevalier de Coustard, 16 de Léogane (5). r quartie ce Maisoncelle 14 sur 15, le tout dans

Joulin à la sucrerie De six jeunes Congos vendus par le négociant mois, « quoiqu’ils ues quelq en Cottineau à Fort-Dauphin, quatre meurent é de vivres », manqu pas t n’aien , jardin un aient été bien nourris, aient eu leur nourriture régulièrement affirme le gérant (6), et même aient reçu vite réduit de moitié. à la main. Un autre achat de six est aussi très isles et à Cayenne fait en 1725-1727, (1) Voyage du chevalier Des Marchais aux 132. p. IV, Paris, 1730, 4 v. in-12, (2) VL, p. 176. à Thouaré-sur-Loire (Loire-Atlantique). (3) Papiers Grand'homme, à la Picaudrie, , 1°° septembre 1787, et 28 mars 1788. (4) Marcillac au marquis de Maulévrier bre 1767. (5) Parison à M”° du Fort, 19 novem Joulin et à e. Papiers La Bassetière, Lory à (6) Archives de la Loire-Atlantiqu 1774. Fourneau, négociants au Cap, 1° mars

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LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

Un hôpital pour nouveaux, installé à la Petite-Anse, près du Cap, vit mourir en 1783 110 de ses malades sur les 333 qui y étaient entrés cette année-là (1). Il faut dire que ce site passait pour malsain. Les pertes étaient moins élevées sur les tout jeunes, sur les enfants de 10 à 12 ans. C’est le vrai Âge pour acheter des nègres quand on n’a pas besoin de grands nègres et je n’en achèterai jamais d’autres pour le remplacement des nègres qui mourront chaque année, unique moyen de ne laisser jamais affaiblir les ateliers parce qu’au bout de trois ans ces enfants valent des nègres créoles (2).

L'expérience dictait donc de n’acheter de nouveaux que par petits groupes et autant que possible de même race (3). Une douzaine étant le meilleur nombre rapidement assimilable (4). Le printemps s’était révélé la meilleure saison pour commencer l’acclimatement (5). Cependant, malgré toutes les mesures prises, on peut estimer que la moitié des nouveaux décédait au cours de leurs trois premières années à Saint-Domingue. #

Pour finir, il faut signaler que des colons ou des gérants, qui se croyaient ingénieux, cherchaient à tirer parti de la période de désorientation de leurs esclaves pour s’imposer artificiellement à eux avant qu'ils aient le temps de se reconnaître. Au temps où tout était nouveau et surprenant pour eux, des surprises préparées, mettant à profit leur ignorance, marquaient plus profondément encore leur imagination perplexe. En somme servaient alors des séances de prestidigitation, proportionnées au genre d'intelligence qu’on attribuait aux nouveaux. Ces habilités leur donnaient à la fois de la crainte et de la considération pour leur maître, inspiraient des ménagements à ceux qui se croyaient malins, en imposaient à ceux qui pouvaient être sorciers. Thibaut de Chanvallon avoue avoir usé de telles machineries à la Martinique (6).

(1) Moreau de Saint-Méry, I, 241. (2) Papiers de M. le vicomte G. de Butler. Villevaleix, 31 mai 1790. (3) Bibliothèque de La Rochelle, Ms 855, 4 septembre 1786. (4) Archives de la Loire-Atlantique, Papiers La Bassetière, 23 juillet 1766 15 juillet 1777. (5) Laborie, p. 163. (6) Voyage de la Martinique. en 1751, Paris, 1763, in-4°, p. 65.

et

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DE CASE

Arrivés aux îles et achetés soit à bord directement au capitaine repré-

sentant de l’armateur du négrier, ou à terre au consignataire de l’armateur,

les captifs passaient aux mains de leurs nouveaux maîtres. A partir de ce moment ils étaient appelés des esclaves. On voit peu de spéculateurs acheter d'importants groupes de captifs pour les revendre un à un à plus haut prix ; seuls les chirurgiens et quelques planteurs audacieux couraient le risque d'acquérir des « queues de cargaison » que leur mauvais état n’avait pas permis de céder par individus. Prenant ces lamentables rescapés de la traversée, ils tâchaient

de les remettre sur pied chez eux par quelques semaines de repos complet et de suralimentation et de les revendre avec gros avantage. La tentative était très risquée. Les nouveaux pouvaient avoir pour maîtres des habitants d’une ville ou d’un bourg : négociants, boutiquiers, artisans, employés, ou officiers. Mais les neuf dixièmes entraient sur les plantations, les uns comme domestiques, d’autres comme apprentis des ouvriers assurant la conduite régulière du travail et le bon état des bâtiments, le plus grand nombre comme « esclaves de terre », c’est-à-dire comme ouvriers ou plutôt comme manœuvres agricoles. Avec eux nous sommes au Cœur de l'esclavage colonial. Sur toutes les plantations on distinguait dès abord entre les esclaves de case et les esclaves de l'atelier (1), appelés aussi de jardin, de place ou de bêche. La proportion entre ces groupes variait d’une plantation à l’autre, mais sur les plus petites elles-mêmes, on retrouvait cette répartition fondamentale. Ainsi dans les mornes des Orangers qui dominent ouvriers agricoles (1) Le mot atelier avait plusieurs sens. Il désignait soit les groupés selon d’une plantation, ou l’une des équipes constituées par ces derniers, leur force en grand, deuxième ou petit atelier.

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la plaine de Léogane, la minuscule indigoterie Regnault de Beaumont possédait en 1776 quatorze esclaves : 8 hommes, 5 femmes et une en-

fant (1). A la grand’case étaient 1 valet, 1 cuisinier et 1 cocher et sous

les ordres d’un commandeur 5 esclaves au jardin. A côté : un charpentiertonnelier et 3 impotents. La proportion des domestiques était plus importante sur les petites habitations. Le cas de la plantation Regnault de Beaumont n’est pas une exception. Sur les grandes sucreries de plaine dont les propriétaires résidaient,

la domesticité était assez nombreuse. Comme en France, un service important passait pour indispensable et servait à hausser le prestige de la

maison. Les sucreries Saintard au nord de la plaine de l’Arcahaye, Caradeux au Cul-de-Sac et Motmans à Léogane s’enorgueillissaient de multiples serviteurs. C’est après une visite en de telles demeures que des voya-

geurs ont décrit avec un étonnement mi émerveillé, mi scandalisé, l’essaim des valets, cuisiniers et filles de service de tout genre. Mais ce n’était pas

là une domesticité ordinaire. Quand le colon n’était à la colonie que pour des années qu’il croyait courtes et qu’il menait son monde pour le plus gros revenu possible, il ne s’embarrassait pas d’un service qui faisait façade. Il se contentait du nécessaire, d’un valet, d’un cuisinier, d’un cocher, et d’une blanchisseuselingère. Si sa femme était là, elle avait une fille de chambre, une nourrice

pour son enfant, une gardienne pour les plus grands. Le jour où l’on recevait, parfois des ouvriers montaient aider à la grand’case. La médiocrité du service se voit sur les listes de la main-d'œuvre des plantations moyennes et grandes dirigées par des gérants. Sans doute elles n'étaient pas dressées pour montrer un excès de la domesticité et il faut là aussi avoir l’œil critique. Elles devaient préciser aux propriétaires en France les noms et l'emploi de tous les esclaves, et elles étaient contrôlées.

On doit penser que les emplois sont présentés de manière à montrer que

tous les esclaves étaient placés où ils pouvaient rendre le plus sous la gestion d’un administrateur consciencieux. Quand un état de main-d’œuvre signale une simple « ménagère » au service d’un gérant, il convient de supposer qu’elle était aidée par de jeunes valets empruntés au jardin. Parmi les domestiques l’on trouvait peu de mulâtres, mais quand un ou deux servaient dans la grand’case où parfois ils étaient nés, ils occupaient une place de choix, parfois de confiance : valets-commissionnaires,

par exemple, écrivains, tenant une place dans les cadres mi-domestiques encore du service général de la plantation. Ce ne sera que tout à la fin de la colonie qu’on verra quelques-uns d’entre eux, sous-économes ou même économes, poste qu’on paraît avoir soigneusement évité de leur

donner auparavant. Mais il faut conclure qu’en général, on n’a pas eu (1) 8 créoles, 2 Congos, 2 Aradas,

1 Mondongue

et 1 Nago.

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souci d’avoir des gens de couleur dans les grand’cases. Ils sont plutôt parmi les ouvriers. Le fond de la domesticité était noire et masculine, mais pas toujours à majorité créole. On a tendance à choisir ceux qui sont le mieux faits, qui se présentent bien, les plus alertes, les plus habiles, mais surtout les meilleurs sujets. On prend des fils de servante, qui ont grandi dans la maison, qui sont au fait des mœurs coloniales. Savoir le créole ne paraît

pas être une qualité indispensable, car il entre souvent des nouveaux parmi les domestiques. Quand la femme d’un colon doit faire garder de petits enfants, elle recherche une esclave d’une chrétienté assurée. Être appelé pour servir les colons était une faveur, un honneur ou une récompense, mais un emploi pas toujours très stable. Dans les grand’cases la distribution des tâches était assez systématique dès qu’il y avait plusieurs domestiques : aux hommes, la cuisine et le service de table, les courses, toujours nombreuses, les rapports avec le voisinage et la ville, le soin des chevaux des maîtres et de la chaise : aux

femmes : les enfants, les lavages, le soin du linge et la confection des vêtements des esclaves. Elles forment un personnel bien plus fixe que celui des hommes, soit parce qu’on appelle surtout des jeunes hommes nouveaux pour essayer leurs aptitudes qu’on envoie ensuite dans les rangs, ou parce que les hommes couraient plus de risques de démériter et de retrouver la houe des champs de cannes. La punition la plus redoutée était en effet le renvoi parmi les travailleurs du jardin. Les emplois de domestiques étaient enviés parce qu’on était mieux du conourri, mieux habillé, mieux traité et directement sous les ordres

condition lon et de son gérant, non plus sous ceux du commandeur. Leur car leur jardin, de formait un grand contraste avec celle des esclaves étaient repas Leurs maîtres. leurs de celle vie était assez étroitement liée à

la lenteur faits des reliefs, souvent copieux de la grande table, ils avaient ennuis, aux joies, aux part t prenaien rs serviteu Des colons. des de ceux

huissiers ou aux deuils de la maison. On les voit avertir de l’arrivée des de la maréchaussée. de la famille L'association de la vie des esclaves domestiques avec celle En voici îles. des venues ces pondan corres des colons transparaît dans les isolées. tes anecdo des pas sont ne deux exemples qui e. Il y était Criquet était un esclave de la sucrerie Du Fort à Léogan Philippe colon, Le tion. planta la de créole né de Thérèse, elle-même it « de satisfa Bretagne, Galbaud du Fort, de la Chambre des comptes de et valet comme pris l’avait » sa bonne humeur et de sa mine avenante 1745. en Nantes à emmené avec lui à son retour Nantes (1). Il peut Voilà Criquet dix ans en France au Fort près de (1) Aujourd’hui

Notre-Dame

du Fort, en Saint-Joseph de Portricq.

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venir en ville et y retrouver d’autres noirs, domestiques comme lui. Son maître n’a qu’à se louer de « son bon service et de sa loyauté » ; mais

prédans la maison il se dispute souvent avec les autres serviteurs, qu’il Elles ions. observat tend commander. Il fait gros dos quand il reçoit des

sont sans nombre, mais il ne paraît pas qu’on le punisse. M. Galbaud du Fort le renvoie à Léogane où il retrouvera sa mère et son père. Quand, en 1762, Galbaud du Fort revient à Saint-Domingue, comme

conseiller au Conseil supérieur de Port-au-Prince, Criquet est toujours à la grand’case au service du gérant. Il redevient le chasseur de son maître

qui le charge de toutes ses courses de confiance, le fait son messager entre la plantation et Port-au-Prince, lui fait soigner les esclaves malades, lui donne la surveillance des nouveaux. En 1766, le conseiller meurt à Saint-Marc. C’est Criquet qui est auprès de lui. Que va devenir Criquet ? Parison, le gérant, le sait « réellement atta-

ché » à la famille. Il songe à l’envoyer à M”° du Fort restée à Nantes. « Le nègre Criquet paraît content d’aller vous servir, lui écrit Parison le 4 novembre 1767. J'espère que vous le serez de lui. Je compte le faire passer sur le Saint-Cast, si le capitaine veut de lui.»

Blanchard, le procureur général des Galbaud du Fort pour leurs affaires à la colonie, voyait ce départ d’un autre œil « Comme on a beaucoup d’égards pour lui, je pense qu’il vous convient mieux de le laisser ici.» Mais Criquet partait le 19 novembre. On lui avait confié dans trois malles les effets de son maîtres défunt. Pour ne pas avoir de caution à consigner, on l'avait fait monter secrètement à bord et inscrit comme marron sur le livre-journal de l’habitation. Les recherches possibles de l'administration avaient leur réponse.

Au Fort, l’entente avec les autres domestiques fut cette fois très courte. Criquet demanda à retourner à Léogane. Parison s’opposa, on s’en doute, à cette envie de revoir si tôt « le pays natal ». Je crois qu’il fait une faute de revenir, écrit-il à M”° du Fort le 1°’ avril 1768. Il y a de nouveaux règlements qui mettent tous les nègres dans le cas d’être vendus au profit du roi, quoique libres depuis longtemps, s’ils ne sont pas portés sur un recensement jusqu'à ce qu'ils aient fait ratifier leur liberté par le général (1) et l’intendant, ce qu’il n’est pas facile d’obtenir pour le moment.

Criquet revit cependant Léogane.

Les lettres de M”° des Rouaudières à sa fille Pascalite mariée en France près de Saint-Calais, au marquis de Vanssay, la tiennent au courant de toute la vie de la sucrerie où elle a passé son enfance. M”*° des

Rouaudières était l'épouse d’un colon du quartier de Torbeck près des (1) Le gouverneur.

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DE CASE

s, envoie Cayes. Elle redit les paroles, les geste lite : Pasca de ice nourr ienne de l’anc

les petits cadeaux

de

souvenir

sais avec de la perte de ta bonne et je de toi pendant ton eus a e qu'ell soins les pour ma chère satisfaction ta reconnaissance de la récompenser. Nous tâcherons,temps (1). enfance, et l'envie que tu as eue ue quelq dans u cadea petit un faire amie, de te mettre à même de lui jeune négresse urs oublié de te parler d’une toujo 25 novembre 1775 — J'ai nt de ton départ mome ’au jusqu e sevré été as tu où qui t'a gardée depuis le moment ment attachée et u d’elle ? Tu lui étais singulière s de tes noupour la France (2). Te souviens-t reçoi je que fois e de toi chaqu elle à toi. Elle s’informe exactement m'appartient point en particulier, mais je l'ai ne velles. C’est un très bon sujet. Elle pour domestique. (3) une caisse r dernièrement à ta chère tante se, contenant 13 juin 1777 — J'ai fait passe adres ton à r papie dû trouver un petit de confiture dans laquelle tu as un petit cadeau que te es d’écaille; les bagues sont deux petits cocos et des bagu en son langage. nts lime comp de coup beau de fait Marie-Jeanne, accompagné de taffetas un dans une des manches de ta robe s. Les voici 5 juin 1778 — Tu trouveras compliment mille fait. Elle oie. t'env petit collier que Marie-Jeanne alite, bonjour tout madame, dire mademoiselle Pasch li voyé ; laye moi; en son langage : « T'en prie, laque e pelot belle pour pile en allé mouri sans plin pour moy, dire li gran merci pas vély véni dans païs si, moy Moy bien envie voir li. Mais li ». Je ne sais si tu entendras bien ce langage (4). nt moy voir li, moy pas allé conte un petit cadeau dans la caisse aux marmelades 19 avril 1785 — Tu trouveras sa part à Carode oyer d’env prié m'a gardienne, d’or avec bague que Marie-Jeanne, ton ancienne e petit une a y il .. . Dans l’une. line (5). Ce sont deux calebasses aussi. e qu’elle lui envoi un petit grenat enveloppé de coton de Mariebagues d’écaille, C’est un cadeau t que uvien 15 avril 1786 — Je t'envoie des resso se Elle . asses que les quatre caleb c'en que pense Jeanne à tes quatre petits ainsi Elle it. garda te te faisait lorsqu'elle c'était un grand cadeau qu’elle est un bien grand pour eux. 30 janvier

1775



Je suis fâchée

vieux ager entre les domestiques les C’est comme un dû que de part s, îchie défra rpes écha les bien connu, vêtements, des colifichets à l'attrait Mais in. jard le dans r sorti pour colon les pantalons qui avaient servi au drap s et des habits : les hommes, de neuf s ange rech des i auss nt vaie s ils rece lacé remp ent étai s ange veste ; leurs rech e et de bonne coupe, redingote et vest une et alon pant Un in. ers du jard s plus souvent que ceux des ateli livre 24 de 9 livres, deux pantalons, l’un en de 66 livres, des chapeaux de és donn sont s, rechange de 41 livre 15 sols, l’autre de 9 livres, un Vases, de la sucrerie La Barre, aux ues stiq dome des 1786 et en 1778 à dans la plaine de l’Arcahaye. la de la section d'histoire de 48. p. , 1965 7, n° r, sité de Daka Faculté des Lettres de l'Univer (2) Pour le pensionnat. de Des Rouaudières. e perdu je sens à ce (3) Mne de Marans, sœur is su le créole ou en aurait-ell (4) Paschalite n’aurait-elle jama (1) G.

Debien,

Lettres

de

colons,

point ? Sa mère était créole. te. (5) Une des filles de Paschali

Publication

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Parmi ces privilégiés il en est de plus favorisés. Marie, négresse née sur la sucrerie, achète pour elle en 1786 un beau rechange de 67 livres 10 sols, un chapeau de 57 livres 15 sols, en 1788 un autre chapeau, du ruban, des mouchoirs, 4 aunes de polonaise et deux fois des souliers à

8 livres 5 sols. En 1789, 18 aunes de toile à 5 livres 5 sols d’aune, 10 aunes d’indienne, deux mouchoirs, 3 paires de souliers et un parasol. En 1790, une pièce de toile de Bretagne pour habiller sa fille, une négresse. Marie est couturière et coquette (1). Un chapeau, un mouchoir de tête sont des cadeaux fort appréciés aussi des hommes. De gros boutons pour la redingote sont la récompense suprême, car ils se voient de loin. Les très riches planteurs et leurs femmes créoles qui avaient l’orgueil d’une maison qui fait parler d’eux, avaient une lingère et une couturière qu’ils avaient envoyées en France faire plusieurs années d’apprentissage. On les avait fait partir sous la surveillance d’un capitaine, d’un second ou de quelque ami de passage. Au retour, elles avaient à tailler ou à retoucher les robes de madame, à tailler et à coudre les rechanges qu’on distribuait aux esclaves du jardin la veille de Noël, à ajuster les casaques et les pantalons des esclaves quand on les achetait de confection. Pour les avoir plus seyants ou pour se parer d’un jupon mieux tiré, des esclaves encourageaient l’habilité et l’activité des ciseaux et de l'aiguille de la couturière avec quelques escalins (2). Le moyen était discret, mais bien connu sur toutes les plantations. Au bout de plusieurs années, la couturière pouvait avoir constitué un petit pécule. Hormis les hommes de course et les postillons, les domestiques sortaient peu de la maison qu’ils devaient tenir en ordre parfait, époussetant en toute occasion les meubles, jamais bien nombreux et rarement chargés de bibelots, frottant les faïences, les terrines, les tourtières, fourbiss ant les

cuivres, rangeant la vaisselle, repassant le linge qu’on exigeait le plus blanc du monde, soignant les perruches de madame ou de mademois elle, les volailles du « poulier ». Les domestiques n’avaient pas à l’ordinaire de jardins particuliers, mais cela dépendait du nombre

des serviteurs, du site des jardins et

de la volonté du colon. Le temps leur eût souvent manqué pour en prendre soin. L’aristocratie de leur place et de leurs mains leur déconsei llait de

se charger de ce souci. Planter du manioc, arroser des verdure s, eût été s’abaisser au niveau des esclaves de jardin. Ni volailles, ni cochons. Mais

par-dessous la vanité ou les interdictions il y avait des ententes prospères. Les hommes de la cuisine trouvaient à s’arranger avec des noirs du jar-

din, leur faisant utiliser les déchets pour élever en commun des cochons.

(1) G. Debien, « Comptes, profits, esclaves et travaux de deux sucreries de Saint-Domingue (1774-1798) » [sucreries La Barre, aux Vases], Revue de la société haïtienne d'histoire, janvier 1945, p. 30.

(2) Un escalin valait 15 sols.

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tous par le site et le confort Le rang des domestiques était visible pour des ouvriers et des noirs de leurs cases. Elles étaient à part de celles ’case (1), pour être à grand ou du jardin, près de la case à demeurer plus commodément aménaportée du moindre appel, mieux à l'ombre, dormaient auprès des engées. Les nourrices, les gardiennes d’enfants sur une nafte. fants qu’on leur avait confiés, dans un coin, es dont la main-d'œuvre Sur les caféières dans les quartiers des morn le que sur les sucreries, pénib n’était jamais suffisante mais le travail moins ramassage des cafés quand des au aider à nt souve nt avaie ues stiq dome les cueillette. Mais rien de régulier, pluies avaient raccourci la saison de la d'appoint, sans bonne volonté les esclaves de case restant une petite force travail proprement dit de la terre : exagérée. On les chargeait rarement du des sarclages quelquefois.

économes du jour au lendemain, Des € moutons France » (2), promus t, sentaient vite l’hostilité des géran le regardés de haut par le colon et par reflet de l'attitude du maître. domestiques, leur air de supériorité, [luil, écrit à et voudrait que tout rampât sous L'habitant en général est rogue comme apprenti-raffirer d’ent vient qui mont Beau imitent jusqu’au sa mère le jeune Regnault de Léogane. Leurs domestiques les neur sur la sucrerie Motmans à de l’'économe, et si linge le nt hissa blanc en s et avilie pitié point de se croire déshonorées Quant au blanchissage, c’est faire

le linge. elles y sont forcées elles abîment linge en pièces. Il est vrai qu'on ne leur donne le ou trois lessives du comme les négresses mettent malice, elles écrasent en deux ont toute l’autoqui jamais de savon. Mais aussi par chef en font pas aux économes linge tout neuf, ce qu’elles ne n’en à pas (3). rité au lieu que le sous-économe

res que nous répétaient nos grand’mè Cela fait rêver devant la légende deaux Bor de ts cian négo les que s, ance sans précision de date et de circonst ive à Saint-Domingue pour profiter less leur r lave nt yaie envo es Nant et de qui la rende l’habilité de ses javandières surtout de la pureté de ses eaux et était des blanchisseuses créoles ait ribu voyaient incomparable. L’habileté dist leur n le savon, objet cher, qu’o dites es de « retirer » et de revendre lian des e plac sa à s employaient pourtant avec parcimonie. Elle m, qui est ges et des citrons. Leur reno oran des res, cend à savon, des fum dont par le ît avoir pour origine plus parvenu jusqu’en France, para r. e que sa blancheu elles savaient embaumer le ling assimiler Jon peut d’une certaine façon I1 était une autre classe, que DasEE a de la sucrerie Galbaud tations, en particulier celui (1) Plans de nombreuses habi par Richelieu, Indre-et-Loire); inventaire et plan er du Fort à Léogane (au Verg à Cavaillon (Papiers Vanssay) et Laborie, The Coffee de la sucrerie Des Rouaudières on, 1798, in-8°, p. 186. Lond Planter of Saint-Domingue, signifiant les frais débarqués. (2) Expression des esclaves économes de plantation, mingue avec deux jeunes t-Do Sain A € et 1945. Lettres des 8 (3) G. Debien, juill , toire d'his Société haïtienne 1774-1788 », Revue de la et 29 novembre 1776.

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aux domestiques parce qu’elle prenait son repas près de la cuisine de l’habitation et avait des cases différentes de celles des esclaves ordinaires : c’étaient la matrone ou accoucheuse, la maîtresse de l’hôpital et ses aides, hommes ou femmes qui la secondaient sur les très grandes plantations, le maître-arroseur qui réglait les circuits d’eau dans les pièces de cannes et de vivres, et certains gardiens. Leur nombre variait beaucoup d’une habitation à l’autre. Les instructions de Stanislas Foäche, sur son départ pour France, à

son gérant Paris (1) nous montrent l’activité, le mouvement et la complexité de la domesticité de sa sucrerie de Jean-Rabel.

Il sera nécessaire de faire apprendre à faire le pain au nègre cuisinier ou à la nègresse accoucheuse ou d’acheter un nègre boulanger de 3 à 4000 livres (2), mais qui fût taillé de manière à pouvoir en faire un bon domestique et à aider à soigner les animaux, car un boulanger est nécessaire, mais ne peut être employé que quelques heures tous les deux jours à faire du pain (3). C’est un mal que les domestiques ne soient pas très occupés. Moins ils le sont, plus ils sont vicieux. Un petit jardin est nécessaire à bien des égards. Mais il le serait quand il ne procurerait que d'occuper les domestiques à sarcler, à arroser, enfin à aider le nègre jardinier. Il est bon que les domestiques aient une place Pour se procurer une espèce de revenu pour aider à leur habillement. Il faut que le bien-être soit le fruit de leur travail. Ils n’ont pas le dimanche pour eux, mais ils peuvent avoir de temps en temps des après-midi. L’hospitalière est intelligente, soigneuse et craintive. En la tenant sur un bon pied, elle sera un sujet rare. Elle était anciennement cuisinière et boulangère , et comme tous les sujets intelligents elle a réussi à tout ce à quoi elle a été employée. Elle n’est heureusement pas vieille. Le nègre François, cocher, est de bonne volonté, doux, d’un service agréable, maniant assez bien les animaux, mais il ne faut pas lui laisser prendre de l’ascendant dans la grand’case, Il en tirerait profit. Il est un peu patelin. Il est adroit à tout et n’excelle à rien. Il a le défaut, en menant, de tracasser les chevaux, et par conséquent

de les fatiguer. Il est craintif et n’a besoin que de châtimen

ts légers ou d’être menacé. Une népgresse qui ait soin du ménage, les clés de la dépense, rende compte, fasse travailler les domestiques, enfin une négresse qu'on nomme ménagère, est un sujet très intéressant qui manque sur l'habitation. Une griffe (4) achetée de Roux avec les charpentiers, conviendra peut-être pour cette fonction. Elle est jeune et paraît intelligente, mais elle a peut-être des défauts qui s’y opposent. D'être

étrangère à l'atelier serait un motif de préférence. Il faut que l’aisance règne, mais le coulage n’est pas l’aisance et va souvent très loin. par un examen fréquent et un ordre établi sur toutesOn ne peut y remédier que les consommations et en formant un bon sujet. C’est une espèce de command eur qui doit être distingué. Les autres domestiques sont tels qu’il est aisé de voir qu'ils ont été mal conduits,

(1) Frère du célèbre architecte bizontin. . @) Il s’agit de livres coloniales bien entendu, valant un tiers de moins que la livre tournois. Le prix moyen d’un esclave était alors de 1.800 livres. G) La sucrerie Foäche touchait pourtant au bourg de Jean-Rabel qui devait avoir un boulanger. (4) Enfant d’un noir et d’une mulâtresse ou d’un mulâtre et d’une négresse.

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DE CASE

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faisant tout malpropres pour eux comme pour tout ce qu’ils font, blanchissart mal, sur mal. Ils mettent la patience de M. Paris souvent à l'épreuve. Mais son séjour détails ainsi l'habitation y remédiera bientôt. Le chirurgien doit l’aider dans ces que dans le soin du petit jardin (1). est en état La négresse qui a la direction du poulailler qui est sur la petite place, bien débouché un offre lui bourg du voisinage le Mais objet. cet de bien remplir peut On poste, son perdre de craindre doit Elle volailles. des et séduisant, des œufs doit être de la contenir par cette crainte. Elle est intelligente et fine. Cet endroit en fourches, ressource pour les volailles. On peut aussi y établir un colombier Une belle mare couvert en paille, quoiqu'il y en ait deux sur la grande place (2). élever beaucoup renouvelée par le canal d’arrosage rend cet endroit très propre à de canards. Paris prendra Les domestiques avaient l’air misérable. Pour sa bienvenue Monsieur mouchoirs, l’un les compris y , rechanges deux chacun à donner leur quoi de au Cap de 3 livres l’aune, et de brin complet, l’autre de chemise blanche, toile de Rouen, de Rouen (3), 5/8 blanche et bleue toile en culotte d’une cotte et d’une grande Du gingas pour les fils et coton ou façon de coutil de 3 livres 15 (sols) à 4 livres. Pour l’hospitalière enfants de tout l’atelier à la mamelle pour chemises et bonnets. direction du ménage... la avoir pour prendra qu’il celle pour et e d’indienn cotte une rechanges) et toujours Il faut occuper les négresses de case à. coudre (des toile nous est plus cette que parce gros en donnons les Nous faits. de à en avoir s cargaisons. Il faut nos de partie fait qu’elle et g Combour la facile à avoir que abus. Les mauvais les éviter pour donne en on qui à ceux de aussi tenir note exacte sujets en vendent souvent pour boire (4).

+

est la preu(Le fait que très peu de domestiques partaient en marronage douce assez était vie leur que et faim leur à ent ve évidente qu’ils mageai n situatio leur de mal grand plus Le telle, comme ient regarda ou qu’ils la côté à : s ictoire contrad cas des était son instabilité. On se trouve devant père en fils, esclaves servant la même famille et dans la même case de suivant iques domest de s groupe de et fille, en mère de ou plus souvent r quartie un dans e mariag par leur maître ou leur maîtresse s’établissant ment change d’un ion l’occas à iques domest lointain, on voit des ventes de Les domestide propriétaire ou au moment d’un départ pour la France. u maître. nouvea du r ques allaient augmenter « les forces » de l'atelie . marrons devenir ent pouvai C’est alors que ces domestiques déchus anciens des irs Beaucoup de témoignages contemporains et les souven l’attant assure tion Révolu la de colons réfugiés en France au moment s maître leurs de famille la à iques domest de chement d’un grand nombre r des enfants. (1) Probablement celui qui est cultivé par l’atelie clayonnage de lattes. Il y avait un nt (2) C'est-à-dire en colombage léger soutena été constituée par la réunion déjà deux colombiers, car la sucrerie Foäche avait es. caféièr et eries indigot petites rs de plusieu bleues et blanches. (3) On peut donc s’imaginer des casaques à bandes Domingue, Dakar, 1962, in-8’, (4) G. Debien, Plantations et esclaves à SaintDa 123;

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quand survinrent les attaques, incendies ou pillages des plantations, et des massacres de colons. On cite des exemples de fidélité héroïque, de dévouement silencieux, d’attachement dans les années de misère et d’exil,

jusqu’à la mort. C’est que la situation générale des domestiques était tout à fait privilégiée, en marge de l'atelier, tout près des colons (1).

(1) Le baron de Wimpffen (Voyage à Saint-Domingue pendant les années 1788 1789 et 1790, Paris 1797, 2 v. on-12, I, p. 80) prétend eu Saint-Domingue un blanc ne pouvait être servi par un blanc et Ducœurjoly (Manuel des habitants de Saint-Domingue, Paris 1802, 2 v. in-8° II, p. 69) dit qu’on ne voyait pas de blancs domestiques. Oui, peut-être au sens strict de valets, mais sur les rôles d'armement

de Nantes on voit s’embarquer de nombreux domestiques qui partent servir des HAS er ; seNe RE femmes encore, qui accompagnent une maïtresse et ses enfants. actes de sépulture de Ï issi disent aussi Wimpffen et Ducœurjoly. É ES rer

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D’HABITATION

, La diversité des travaux exigés par l’exploitation à la fois agricole ne à générale e tendanc la et ons plantati des iale commerc et industrielle rendaient demander à l'extérieur que le moins possible de main-d'œuvre, variés, assez x, nombreu assez rs d'ouvrie Corps nécessaire d'organiser un diverses. tâches mille à r s'adapte capables de ou leur Ces métiers étaient confié à des esclaves que leurs aptitudes moins ou plus avait qu’on et jeunes uer disting fait débrouillardise avaient issage apprent en mis en apprentissage. Quelques-uns avaient été envoyés la ville proche chez chez un artisan d’un port, d’autres au bourg ou à enfin avaient été ux nombre plus Les . couleur de un artisan blanc ou ion. plantat formés sur place auprès de vieux ouvriers de la ation de leur Nous n’avons pas assez de listes d'esclaves avec l'indic tion des propor la sur s précise ations observ des ter présen emploi pour oup beauc que assurer peut ouvriers dans l’ensemble d’un atelier, mais on sorne femmes les que tandis métier, un des hommes valides occupaient maître. du maison la de service le pour que jardin du taient des travaux de la sucrerie Baugé Un exemple retenu entre plusieurs autres, celui Bouquets à Saint-desCroix la de se parois , en la plaine du Cul-de-Sac l'inventaire dressé Sur Domingue, nous place devant un cas très ordinaire. plantation d’abcette ait afferm en 1796 par l’administration anglaise qui s, puis les homme les part, à naire l'ordi à sent (1), on a groupé comme et les fems homme les femmes, enfin les enfants. Mais ici on a distingué réunit emble L'ens vieux. et mes valides des infirmes, malades incurables compSont filles. 21 et ns garço 21 s, 131 esclaves : 37 hommes, 52 femme connaissons l’emploi tés comme valides, 19 hommes et 6 femmes. Nous commandeurs, 3 su2 : de tous. Parmi les 15 disponibles sont énumérés de l’Institut français d'Afrique Noire, (1) J. Houdaille, « A Saint-Domingue », B‘" 607. à 601 p. B, Série T. XXVIL,

rt

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criers, 4 cabroutiers, 2 charrons, un maçon, un tonnelier, un gardien et un valet. Au jardin 4 hommes seulement. En face, sur les 36 femmes valides on ne compte guère que 2 servantes,

2 lavandières et une hospitalière, les 31 autres au jardin. Ainsi les femmes n’ont qu’une sortie bien étroite vers le service à la grand’case, alors que les hommes, plus nombreux qu’elles pourtant, n’occupent que le deuxième rang dans les champs. Par une lente mais incessante promotion ils parviennent, les uns à être cabrouetiers ou charretiers, les autres sucriers. Cette répartition n’est pas au reste particulière à Saint-Domingue ni aux Antilles françaises, c’est comme une loi générale dans toutes les îles. Les plus importants, les mieux soignés, sinon les plus nombreux des ouvriers, étaient les sucriers, aux cuissons de la fabrication des sucres. D’eux dépendait le travail général de la plantation, car sur leur activité étaient réglées la roulaison au moulin et la coupe des cannes. Ils conduisaient la « cuite » des sucres depuis la première jusqu’à la cinquième chaudière de ce qu’on appelait l'équipage, depuis le jus exprimé des cannes, le vesou, jusqu’au versement du sucre dans les formes pour qu’il s’y purge. Il y avait donc à la sucrerie, des chauffeurs, des sucriers qui menaient la cristallisation progressive des sucres, et un maître-sucrier. Ce travail de jour et de nuit était exténuant et cependant très recherché par les esclaves. Il durait au cours de la saison de la roulaison, du mois de décembre à celui de juillet, ne s’arrêtant que du samedi soir au dimanche au soir pour le nettoyage des foyers, des chaudières, du bassin, des canalisations à vesou et pour la revision du moulin. On voulait des sujets vigoureux, sérieux, ponctuels et entraînés aux travaux nocturnes si propices aux accidents. L’apprentissage était long. Le travail se faisait par quart de 6 heures, les relèves étant réglées par l’économe qui surveillait l’activité du moulin et la sucrerie, et couchaïit non loin des feux. Il était là surtout pour qu’on prît garde aux incendies que la paille des cannes passées au moulin, la bagasse, partout répandue sur le sol, rendait un danger de tous les instants. Les sucriers avaient leur chef, le maître-sucrier, très souvent un blanc.

On se plaignait beaucoup de l'humeur indépendante et frondeuse du maître-sucrier blanc à l’égard des économes. Assez bien payé, chef de la sucrerie à la saison de la roulaison, il avait ses raisons de se croire important. Était-il noir, c'était avec le premier commandeur que la mésintelligence était sourde et les histoires multiples. L'importance de sa place venait du fait qu’il devait connaître sérieusement le sol de toutes les pièces de cannes,

comment

les cannes

S'y

développaient selon qu’elles avaient été peu ou bien fumées, si la pièce était récemment ou anciennement défrichée, si les cannes y avaient souffert du sec, des pluies ou du vent, si elles avaient été malades, si elles étaient bien nouées et bien mûres au moment de la coupe. Tous ces ren-

seignements étaient nécessaires pour savoir quel mélange était à préparer

LES OUVRIERS

D’HABITATION

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il y pour la meilleure cristallisation, quel nombre d'œufs et de citronsmaîtrele Quand fallait faire entrer, le temps et la conduite de la cuite. décisions seul, sucrier était un esclave, sans doute qu’il ne prenait pas ces à dire. Bien mot son que mieux avait il is mais avec le gérant. Toutefo deurs maîtresdes maîtres-sucriers passaient commandeurs et des comman

sucriers. leur nourriture Les ouvriers sucriers étaient les rois des ateliers avec ou du poisbœuf du plus abondante que celle des nègres de terre, avec ution des distrib la de Lors jours. son salés, de la guildive (1) tous les ons et pantal des tenues, bien tions planta les rechanges ils recevaient sur Tous res. ordinai s des casaques de meilleures toiles que ceux des esclave idomest les pas ent voulai ne les vieux chapeaux de la grand’case, dont s. ques, étaient l’orgueil des sucrier avait ses équipes Leur travail était jumelé avec celui du moulin qui

. Les mouliniers — un spéciales de mouliniers et d’enfourneuses de cannes de mules que l’on ges équipa les saient condui homme et un enfant — . heures Pour « donner à changeait toutes les heures ou toutes les deux que des femmes. Leur naire l’ordi manger >» au moulin, on ne prenait à e les doigts, la main prendr ent pouvai roues les travail était dangereux, car femmes avaient à peu près ou le bras d’une des pourvoyeuses, mais ces alimentation on avait aux ure la nourriture des sucriers. Pour une meille les volontaires que l’on tous nts, fréque postes difficiles et aux accidents es avaient à ramasser la voulait. Des enfants ou des esclaves peu robust ordre sous le hangar à en bagasse qui sortait des moulins et à l’entasser aux. fourne aux bagasse. Elle servait de combustible e d'ouvriers sur les sucreries, Si les sucriers formaient la plus forte équip ère place sur les caféières. premi la les cabrouetiers, ou charretiers avaient iles, plus longs, incesdiffic plus nt étaie En pays de mornes les transports des muletiers, par conséquent sants. Les cabrouetiers y étaient surtout apprentissage ils n'avaient pas à plus nombreux qu’en plaine. Pour leur quitter l’habitation. harnais et des cabrouets, du Ils étaient chargés du petit entretien des affecté un homme et un était uet pansage des chevaux. A chaque cabro aide qui était surtout un garçon d’écurie. lité des chevaux, des mulets, Un chef-cabrouetier avait la responsabi des bœufs, des ferrures, de par mû des bœufs du moulin quand il était aux chevaux, de la régularité du la propreté et de la fermeture du parc dère

barriques de sucre à l’'embarca transport des cannes au moulin, des café. Les pertes fréquentes de bêtes ou au port, de celui des boucauds de de toutes les semaines, jui imposaient à la suite d’épizooties, les accidents surveillant de toutes les bêtes de la d’être quelque peu vétérinaire et le tiers demander et obtenir la consplantation. On voit des maîtres-cabroue

() Tafia.

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truction d’un abri dans la savane, voire d’une écurie, le creusement d’un abreuvoir. Mais les commandeurs se recrutaient rarement parmi eux.

Entre les noirs du jardin et les ouvriers, les cabrouetiers faisaient un corps particulier avec son esprit, ses cases à part près de la savane, ou près de l’abri du parc aux bêtes lorsqu'il y en avait un. On exigeait d'eux, en principe tout au moins, une haute taille, une force spéciale. Ils étaient l’élément flottant des plantations, avaient servi sur d’autres

plantations, pouvaient venir de lointains quartiers. D’où leur verbe haut et leurs gestes d’anciens. Ils se vantaient d’être les plus dures têtes des habitations. Leurs fréquents déplacements vers les bourgs ou les villes ou les embarcadères, leur connaissance de tous les passeurs des bacs du quartier, de tous les aubergistes et cabaretiers, de tous les caboteurs, les

faisaient facilement personnages d’importance, sachant que de la régularité des charrois dépendait le bon état des denrées portées à la mer et des provisions qu’ils en ramenaïient. Les colons ou les gérants soucieux du bon ordre, quand ils avaient à

acquérir des cabrouetiers, les louaient à l’essai auparavant. Point de mutres parmi eux. Les mulâtres étaient plutôt cochers à la grand’case (1). Rarement moins de deux tonneliers travaillaient sur les plantations

moyennes, car tous les produits coloniaux, même le café, et beaucoup de vivres secs destinés aux îles étaient expédiés ou arrivaient en barils ou en boucauds. Il y avait donc à tout moment à monter des fûts. De s'attendre aux futailles des marchands ou de louer des tonneliers, c’est un manque d'économie et de prudence qui coûte bien cher. 11 vaut mieux en avoir chez soi et à soi, c’est-à-dire qu’il faut apprendre le métier à quelque jeune nègre dans lequel on ait remarqué quelque inclination pour le métier, après quoi on n’en manque plus parce qu’on lui en donne d’autres à instruire. Comme ils sont tous fort glorieux et superbes, ils se piquent de n'être pas au rang de ceux qui travaillent à la terre et d’avoir d’autres nègres sous eux (2).

Un tonnelier devait savoir tirer quelque parti des vieilles futailles, faire de solides caisses, dresser un bât, faire du merrain dans les mornes, ou en acheter. De celui qui venait de France on était souvent à court. Ces

personnages considérables étaient les hommes heureux des plantations. Une assez large liberté de manière et même de mouvement leur était laissée. On employait des infirmes à la tonnellerie : « Quoique ce sujet soit devenu par un vice de sang tout contrefait des jambes, ce qui m’a obligé à le mettre tonnelier, je n’aurai pas moins de regret à sa perte s’il vient à mourir (3). » (1) Sur les cabrouetiers dans les îles anglaises voir Pitman, « Slavery on the British West India plantations in the Eighteenth Century », Journal of Negro History, oct. 1926, p. 597 et 603. (2) Labat, IV, p. 164.

Fe Papiers Galbaud

du Fort, Parison

à M°

du Fort, Léogane,



octobre

ET

LES OUVRIERS

D'HABITATION

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Le travail du bois plus considérable encore sur les plantations au XVIT d’anciens siècle, avait été uniquement le fait d'ouvriers blancs engagés ou charrons. rs, menuisie long, de engagés pour la plupart : bâcherons, scieurs monde le tout et cher payer faisaient se ils x, Toujours trop peu nombreu (1). même de rs menuisie Les entes. impertin s exigence leurs de t se plaignai des ouvriers Avant la fin du siècle, on commença à recruter en France esclaves. jeunes de à métier leur re apprend à gros gages, mais qui durent de ouvriers comme nage, charron au rabot, au scie, la à On mit des noirs sad’un et s insolent trop rechange pour empêcher les blancs de devenir laire extravagant (2).

« du bois Dès qu’une plantation possédait quelque réserve de bois, ouvrier un avait elle arbres, comme on appelait les grands

debout », long qui pouvait faire charpentier. Ce noble mot désignait un scieur de du maçon que du des madriers et dresser des planches. Il tenait plus

au-dessus d’un petit charpentier. Beaucoup de constructions étaient faites entre lesquels légers x poteau de e carcass solage en maçonnerie, d’une « du bousil— torchis des demi-troncs de palmistes mais plus souvent du irement ordina ntes, charpe Les lage entre poteaux > — servaient de murs. de palmistes,

de taches assez frustes étant recouvertes de paille de cannes, ux (essentes), voire bardea de ts, pruden ou riches et chez les planteurs uses

cation de nombre de tuiles ou d’ardoises apportées comme lest. L’édifi aidé d’une équipe maçon, de que cases relevait donc plus du charpentier s dans les morcaféier colons des Mais vres. d’esclaves servant de manoeu les profesvéritab de travail nes où le froid était à craindre voulaient un construire nt faisaie Ils s. esclave sionnels, même pour les cases de leurs blanc maçon un par — s brique en jamais e les murs en pierre — presqu n’aation d’habit charpentiers ou mulâtre, entrepreneur à forfait. Car les vaient qu’une formation superficielle. d’une désiré et cela provient fréquemment Bien peu le sont [intelligents] au point l’ouvrage d’un sujet de passer se de eur plant le he économie mal entendue qui empêc apprensomme raisonnable pour le mettre en un certain temps ou de sacrifier une z-Vous Sur presque toutes les habitations que tissage chez un bon maître. Aussi n’ave charpentiers. sans en avoir les talents. s, des esclaves qui ont le nom de maçon

er de la Guadeloupe, et ses dit Poyen de Sainte-Marie, colon sucri les (3). observations valent pour toutes nos Antil ins à sucre, qu'ils fussent à Le montage ni les réparations des moul les cafés ou à grager le mauer bêtes ou à eau, les moulins à décortiq s à bien par des charpentiers mené être t aien pouv nioc ou le maïs, ne contents, fanSur les menuisiers blancs jamais (1) Labat, IL, 52 et VIII, 207. : et cet esclave tasques et glorieux, IL, p. 10. un esclave à la taille de la pierre (2) Le Père Labat fit même dresser : aux jeunes forma des jeunes (I, p. 50). ou conseils d'un vieux planteur P. 6. (3) De l'exploitation des sucreries in-8°, petit 1792, e), -Terre (Guadeloup agriculteurs des colonies, Basse

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

« de logis ». Un spécialiste était nécessaire. Un blanc à l’ordinaire, avec ses ouvriers blancs, de couleur ou noirs, venait sur la plantation, travaillait à l’entreprise, fort cher, car la roulaison des cannes dans la saison,

n’attendait pas. Sa nourriture et celle de ses aides, toujours en plus du prix du travail, devait être copieuse et soignée, avec vin et viande. Comme les travaux aux moulins, ceux de grosse maçonnerie allaient à

des entrepreneurs. Les maçons arrivaient quand les hommes de l’habitation avaient abattu les arbres, façonné madriers et poteaux, creusé les fondations, tiré la pierre nécessaire. Un charron était rare. Ses talents faisaient objet de quolibets, car il n'était pas toujours capable de faire un cabrouet neuf. On lui donnait surtout à réparer une roue, une aiguille de cabrouet, quand il savait ferrer une roue et que le travail n’était pas trop important. Il devait permettre au matériel de l'habitation de parvenir vaille que vaille au moins à une demivieillesse entre les mains de cabrouetiers malhabiles ou négligents et par les chemins les plus difficiles. Les colons s’arrangeaient pour ne pas avoir à donner au charron un cabrouet à faire en

entier, mais seulement un

plancher, une aiguille, des fourragères. Des essieux tout faits et même des roues figurent souvent sur les comptes d’habitation. Ils viennent de France. Bien entendu toutes les voitures de maître, d’un travail plus soigné, légères et vernissées, les chaises, rapides mais fragiles, sont commandées à un carrossier du Cap ou de Port-au-Prince, voire de Paris. x

On appelait « machoquet » ou machoquier ou encore taillandier, un forgeron-serrurier dont la principale tâche était d’entretenir les « ferre-

ments » des esclaves de jardin : machettes, houes, haches, pioches, de les

rebattre, d’aiguiser les scies. Cette révision était à faire à peu près chaque quinzaine. Quand l’outillage n’était pas assez important pour retenir l’activité d’un machoquet à plein temps, on traitait à forfait avec un forgeron blanc, de couleur ou avec un noir libre qui venait chaque mois un certain jour inspecter les houes, réparer les gonds des portes, les chaudrons et marmites des esclaves, les serrures et les cadenas, dont les grand’cases

étaient de fortes consommatrices. Ce furent sans doute les machoquets blancs qui formèrent les premiers esclaves ouvriers des plantations. Un esclaves taillandier est cité sur la sucrerie des dominicains à laguadeloupe en 1701 (1).



À part, à côté des ouvriers, mais davantage à l'ombre de la grand’case, les gardiens et gardiennes, dispersés à leurs postes dans la journée, et (1) Labat, VII, p. 417.

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à tour de rôle la nuit, les gardiennes bien moins nombreuses que les hommes. Parmi les sujets faibles étaient pris les gardiens de barrière, qui sur les grandes sucreries avaient leur case près du portail et rehaussaient le pres-

tige de l’habitation, puis les gardiens d’entourage (1), qui avaient à veiller au mouvement des entrées et sorties, au bon état des lisières formées par des haies de citronniers ou de campêche. Ils avaient à les tailler sans cesse à la plus juste hauteur, bouchant les passages qu’avaient pu faire les bêtes. Ces postes-là étaient remis à des esclaves de confiance, mais infirmes ou à des vieux, à ces derniers comme une retraite et un honneur. Sur quelques plantations tous les gardiens étaient des vieillards. Leur nombre voulait correspondre aux besoins précis, mais on était presque toujours loin du compte. On trouvait les gardiens des magasins aux provisions, les gardiens pour les jardins aux vivres communs, et pour les jardins particuliers, pour les pièces de cannes aussi afin d'éviter les incendies toujours terribles, les maraudages des marrons la nuit, et ceux des esclaves, éternels suceurs de canne. Ils étaient parfois aidés par des chiens, au moins à la Guadeloupe. Ils pouvaient se faire de légers pourboires s’ils devenaient

chasseurs

de rats pris dans les cannes,

non

dans les bois et

à tant payés à la douzaine (2). Des colons les encourageaient en les taxant ces Tous soir. le queues les remettre à avaient ils dont jour, de rats par gardiens avaient leur cuisine à eux. Dans les savanes proches des cannes ou des caféiers, les gardiens des pour « bêtes cavalines » et des bœufs à cabrouets, au repos, en réserve facilement le moulin ou les charrois, étaient en nombre variable mais

, où aux multiplié pour donner quelque emploi tranquille aux infirmes e ou la machett la manier encore pas nt pouvaie ne qui convalescents de longs après nse récompe houe. Ce pouvait être aussi une manière de services. sur les Les hattiers ou gardiens de places, installés dans les mornes parndants indépe quasi étaient parcs d'élevage dépendant des plantations, par plus au e semain par fois deux ou qu’une ce qu'ils n'étaient visités moins un, avait le commandeur, par le maître-gardien quand il y en le du bétail de la souvent encore par le colon ou le gérant. Le contrô hatte revenait à l’économe,

c'était alors une surveillance forfaitaire, si

de place vivre à peu l'on peut dire. On laissait pratiquement ces gardiens du bétail étranger tion l’irrup près à leur guise pourvu qu’ils empêchassent mornes pour un les dans s envoyé et la sortie des malades qu’on avait le droit de pronssent mainti qu’ils c'était tiel changement d’air. L'essen it d’être réuni risqua qui priété de l'habitation sur un terrain non cultivé du Fort, Léogane, (1) Papiers Galbaud du Fort. Parison à Mme et 20 mai 1776. (2) Poyen de Sainte-Marie, p. 26-28.

8 janvier 1769

102

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

au domaine du roi parce qu’il n’avait pas été établi dans les délais voulus.

On accusait souvent ces gardiens de recéler des marrons. Parison, le gérant que nous connaissons, parle des gardiens de bestiaux.

Léogane, 20 septembre 1773. Voici le fait. Je fis abandonner dans les bois pendant les secs certains mulets que je trouvais trop maigres et ayant voulu depuis quelque temps les rassembler tous, je les faisais compter le soir à la barrière par M. Burot (1) qui trouvait le compte quoiqu'il en manquât quatre ou cinq qui sont morts. Les gardiens les faisaient ressusciter à ses yeux comme passe-volants en les remplaçant par d’autres mulets de M. Cottin (2) qu’ils lui faisaient compter et qu’ils rendaient après la visite faite. Quoique les meilleurs sujets de votre habitation m’assurent avoir eu connaissance de leur mort et que c’est sans doute la crainte des châtiments qui a empêché les gardeurs de me l’accuser en son temps, je ne me rends point facilement à cette raison qui peut devenir abusive et ne les tuerai point sur les livres sans le fait bien vérifié (3).

Le gardien des écluses et les arroseurs des sucreries avaient à régler l’arrivée des eaux d'irrigation et à tenir les rigoles toujours propres. La surveillance de l’écluse était souvent la charge d’un chef-gardien. On la donnait à un vieux commandeur. Parvenir gardien, passer cabrouetier et sucrier était comme l’acquisition d’un grade. Quand la garde était tranquille, elle permettait de tresser des couffins, des paniers, des nattes ou des cordes, de tailler des manches d’outils, de fabriquer des pièges à rats, qu’achetait la grand’case. Malgré toutes les précautions les colons et gérants accusent les cabrouetiers de voler des provisions, des sucres et du tafia au cours des charrois,

et les gardiens de perdre de nombreux bestiaux par leur négligence. Ils savaient que leurs gens avaient de nombreuses manières de cacher leurs fautes ou leurs fraudes aux yeux des économes innocents. Nous n’avons

cité qu’un de leurs procédés. Un chasseur et un pêcheur n’étant pas sur toutes les plantations, on ne parlera d’eux que pour dire que le chasseur était porteur d’un fusil, avait

son nom enregistré à la sénéchaussée, était pourvu d’une plaque, un peu comme un garde-chasse. Il va sans dire que tous les ouvriers, les gardiens et les cabrouetiers naturellement exceptés, étaient appelés au jardin au moment des pointes

qu’étaient la mise en bottes des cannes lors de leur coupe et le ramassage des cafés sur les mornes

(4).

(1) Un jeune économe récemment arrivé sur la sucrerie. (2) Un voisin de la plantation du Fort. G) Les esclaves déclaraient morts, gravement blessés, ou avec une patte cassée, des bœufs dont ils se partageaient la viande. Le colon ou le gérant soupçonnait un abus à la régularité de ces accidents. Sur les plantations à proximité de la mer, les colons faisaient jeter à l’eau toutes les bêtes mortes par accidents ou blessées sans retour. (4) Labat, VII, 196, à propos de cochers et de postillons quand le colon ne sortait pas ; et Laborie, p. 164.

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D’'HABITATION

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Si les hospitalières et les accoucheuses, prises parmi les femmes bien notées, propres, mais jamais très jeunes, peuvent être regardées plus comme des domestiques que comme des ouvrières, leurs aides, les infirmières,

étaient des ouvrières, tenant propres l’hôpital et ses abords, préparant les bains, lavant le linge des malades. Sur de nombreuses plantations elles étaient aussi chargées des petits enfants sevrés quand leur mère travaillait au jardin ou quand ils étaient orphelins. Ces enfants restaient ainsi groupés près de la case du maître, « nourris à la main », leur repas préparé du colon. L’hospitalière était logée à part, à l'hôpital même à la Sat ou à côté.

Les esclaves désiraient fort exercer un de ces métiers ou occuper un de ces postes, entrer dans l’heureuse compagnie hors rang des plantations, au travail moins surveillé, au laisser-vivre plus grand. L'apprentissage, toujours long, d’au moins trois ans dit Laborie, colon caféier du Gros Morne dans le Nord (1) était un temps sans revenu, mais pour les esclaves l’ou-

verture d’une vie plus quiète. Ils préféraient même parfois cette vie loin

d’un commandeur à celle des domestiques plus astreignante et toujours sous l'œil du maître. Cette préférence était chez plusieurs un effet d’amourpropre. « Il est bon de distinguer toujours les nègres ouvriers des autres, soit en leur donnant plus de viande, soit en leur faisant quelques gratifications (2). » Envoyés en courses ou chargés le dimanche de travaux supplémentaires urgents, ils recueïllaient quelques pourboires de leurs maftres, parfois généreux ou bons calculateurs. Leurs travaux moins monotones que ceux du jardin les faisaient vivre en marge. De 1à leur humeur fière et leur hauteur à l'égard des travailleurs de terre qu’ils méprisent. La fille d’un ménage de cabroutier — car il y avait ménage — est refusée à un beau mais simple coupeur de cannes. De là leur humeur de gens à part, couchant près de leurs boutiques, faisant un cuisine entre eux et sous un contre-maître qui est presque toujours ils quand et er, particuli carré un aîné. Leurs jardins sont parfois dans croient se ils tissage d’appren ans trois ville la à ou ont fait en France les anciens des anciens.

, Ajoutons que les gens de couleur sont nombreux parmi les ouvriers tonnede places Les se. grand’ca la de service qu’au x bien plus nombreu ce. Ils ne lier, de menuisier, de forgeron apparaissent avoir leur préféren sont jamais gardiens, cabrouetiers ni sucriers.

(1) p. 161. (2) Labat, IV, p. 189.

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

On n’observe pas de correspondance sensible entre les métiers et les races sinon peut-être pour les Bambaras qui sont mis assez volontiers aux travaux du bois. Mais ce n’est là qu’une tendance et très hésitante. Les créoles sont loin de dominer parmi les ouvriers, on a seulement une préférence pour eux quand il s’agit des tonneliers. Les ouvriers du bois étaient parfois loués à des plantations voisines comme aides, à la journée, ou à la semaine, rarement au mois ou pour mener une entreprise, abattre des arbres, transporter des madriers, scier des planches, construire des cases, réparer un ponceau. De même les couturières ou les lingères. C’était le maître ou le gérant qui réglait l’affaire (1). Aux très longues locations et non plus à des plantations voisines *mais pour des travaux lointains, l’admisnistration voyait de grands inconvénients, un danger social pour les femmes surtout. Elle interdisait ces fermes, ces travaux à demi-contrôlés. Toujours en vain. Elle oubliait sa propre pratique des corvées. Si la division du travail est dès la fin du XVIT° siècle très sérieusement organisée, les habitations sont loin de vivre en économie fermée. Elles

produisent le plus possible de petits objets, des outils, les vivres dont elles ont besoin. Elles demandent au dehors peu de vivres, peu de spécialistes. Elles cherchent à former leurs ouvriers, mais c’est qu’ils manquent partout et se font payer très cher. On veut comprimer les frais généraux que l’on trouve toujours trop élevés. Si elles montent elles-mêmes leurs cases, leurs charpentes, c’est qu’elles croient le faire à meiïlleur compte. Et si sur la fin du XVIIT siècle elles le font de moins en moins, c’est parce qu’elles s’aperçoivent qu’elles y consacrent trop d’un temps qu’on a calculé plus avantageusement producteur de denrées.

(1) Dès le XVIT° siècle, des ouvriers sont loués, ainsi des maçons et des taill

de pierre. Labat, IL *p. 199.

ÿ

es

LES CADRES

DU TRAVAIL

“AU JARDIN”

Les gérants et les économes.

e, le fait même du travail La multiplicité des tâches, toujours en chaîn on stricte sur les grandes planpar des esclaves, imposaient une organisati une hiérarchie plus ou moins tations. Les esclaves étaient encadrés par nourriture, t leurs travaux, leur nuancée de surveillants dont dépendaien

leur vie.

près le gérant, les éconoAu plus haut était le procureur, au plus mes-surveillants et les commandeurs. aste très simple le cas des L'on a coutume d’opposer en un contr s et celui des plantamême euxs plantations dirigées par les colon absent, par des procureurs tions administrées, le propriétaire étant lexe. D'abord, que le maître et des gérants. La réalité est plus comp dès qu’elle était un peu ation fût ou non à la colonie, une plant de direction souvent étoffé. De importante, avait toujours un cadre t deux habitations ; ils ne nombreux planteurs présents, possédaien L’autre, surveillée de beaucoup résidaient que sur la plus grande. Cela aboutissait à un système part. à plus loin, avait sa direction directe et l'administration par intermédiaire entre l'administration Et même sur le bien où il gérant. Les cas sont variés, multiples. un ou deux économes et urs toujo réside, le colon a sous lui presque sent un blanc par 20 esclaves. teneurs de livres. Les réglements impo exactement, mais il y a presque Cette proportion n’est jamais appliquée ce des plantations moyennes et toujours plusieurs blancs à la surveillan grandes. parfois un charpentier, un chiCes blancs sont le maître-sucrier,

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

rurgien toujours et sur les sucreries vers la fin, souvent un laboureu r, un guildivier ou distillateur de tafia. Lorsque le colon réside mais doit rendre des comptes à des parents, à des associés, ou à des négociants ses créanciers, l’admini stration des plantations est plus complexe car une série de registre s est à tenir, des comptes sont à dresser, en double, en triple exempla ire. Un économe teneur de livres est recruté qui s’occupe aussi des esclaves Au surplus, les colons n’aimaient pas beaucoup s’occup er euxmêmes du travail des esclaves. Ils laissaient souvent ce soin à un économe particulier ou à un sous-économe qui veillait aux détails quotidiens, qui était de garde au moulin de la sucrerie ou à ceux des caféières, dépistai t les faux malades, etc. Ainsi du point de vue des esclave

s au labeur la différence n’était pas toujours bien nette entre les plantations sur lesquelles vivait le maître et celles dont les propriétaires étaient ab-

sents.

Ce qu’il nous l’importance de exploitation de s’il est question nent ensuite son

importe de distinguer pour le travail, c’est la nature et la plantation d’abord ; il nous faut voir s’il s’agit d’une moins d’une cinquantaine d’esclaves ou de deux cents, d’une sucrerie, d’une caféière ou d’une indigoterie. Viensite et son ancienneté. La résidence ou la non-résidence

du colon n’est à examiner qu’à la fin. Une caféière et une indigoterie étaient un organisme moins complexe, moins lourd qu’une sucrerie. Le travail y était plus simple. La direction des tâches

y était plus directement et plus souvent entre les mains des propriétaires résidant, Mais les colons vivant sur place, nous ont laissé beaucoup moins de documents comptables et ïls n’avai ent pas à envoyer régulièrement de rapports sur les travaux, ni à tenir ces journaux mensuels qui nous

sont si précieux pour connaître la distribution des tâches, leur régularité ou leurs à-coups.

Quand le propriétaire réside en France il donne tous ses pouvoirs à un négociant, ou à un planteur qui le représente en général pour toutes les affaires de sa plantation. C’est le Procureur. Quand c’est un négociant cette procuration est doublée d’un contrat pour fournir les vivres de France, ferrements, esclaves, bois d'Amérique , etc. car il a souvent fait des avances à l'habitation et il veut assur er la rentrée de son dû en contrôlant les dépenses et les revenus. Il est payé par un pourcentage

LES GÉRANTS ET LES ÉCONOMES

107

le et c’est à travers sur le chiffre d’affaires. Il tient la comptabilité généra elle qu’il veille de haut sur la vie de la plantation. , est le grand responsaT1 décide de certains travaux, même importants

ne réside pas sur la plantation, ble de la bonne marche de l’ensemble. Il de plusieurs

procuration mais en ville car il est souvent porteur de la loin. La vie des esclaen loin propriétaires absents. On ne le voit que de ves ne dépend pas beaucoup de lui.

Le gérant

la direction de l'habitation. Le gérant est le délégué du procureur à sme du propriétaire resté ou Sa place est donc liée elle aussi à l’absentéi le procureur, tantôt par le t par passé en France (1). Il est choisi tantô des plantations où résident des sur ts géran des aussi est Il re. propriétai d’une sucrerie à l'atelier important, femmes, créoles ou non. La direction que des héritiers n’a-

ait aussi leur est difficile (2). L'expérience montr ons, l’un avec la terre, l’autre itati explo les ger parta à êt intér vaient pas esclaves. Les héritiers, même les avec un troisième

avec les bâtiments, er les plantations dans l’indivision, vivant sur place, avaient intérêt à laiss présence d’un gérant commun, ou et d’en partager les revenus. D'où la

de gérants particuliers (3). n’ont aucun fonds dans la planLes gérants à leur début au moins, C’est même pour commencer aux. tation et ils sont démunis de capit ce. Ils viennent de toutes les proleur fortune qu’ils ont pris une géran de métiers ou d'emplois très divers, vinces de France, parfois directement, Les gérants créoles sont rares. trop souvent sans expérience coloniale. de Vanssay, à la Barre, près de Le précepteur des enfants du marquis Saint-Domingue pour y trouver une Saint-Calais, veut en 1780 passer à ier réformé ou un ancien sous-offiplace de gérant (4). Ou c’est un offic d'Haïti, 1930gérants : R° P.A. Cabon, Histoire ions sur l’état (1) Pour les généralités sur les dérat Consi il, erteu d’Aub ard 504; Hilli 2 v. in-8°, I, 1938, 4 vol. in-8°, II, p. 427 et Saint-Domingue, Paris, 1776-1777, Paris, 1802, présent de la colonie française de ue, ming t-Do Sain habitants de

el des p. 239, IL p. 275 ; Ducœurjoly, Manu Au temps de Saint-Domingue et de la Martiuët, 2 v in-8°, IL, p. 63 ; H. du Halgo rial d'une famille 84; M. Begouen-Demeaux, Mémo nique, Rennes, 1941, in-8°, p. tes, profits. », I, Comp « n, Debie G. 107; II, p. Papiers Granddu Havre, 1948, 1957, 5 v. in-8°, s, dière Rouau Des correspondance tière. 24, II, p. 46. Papiers Vanssay, Basse La rs Papie rs Galbaud du Fort, homme, Papiers d’Agoult, Papie 1791. juin 26 s, Des Rouaudière (2) Papiers Vansay, correspondance -Atlantique, E 691). Loire la de ives (Arch (3) Papiers Bréda Des Rouaudières, 26 janvier 1790. (4) Papiers Vanssay, correspondance

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

cier qu’un colon appelle pour le remplacer à la tête de son habitation, ou quelque gentilhomme, ami ou parent d’un propriétaire colonial (1). On était parfois plus exigeant. On désirait un homme fait au pays, connu dans le quartier. Il est hors de doute que les gérants de nos îles étaient d'un rang plus élevé que les gérants anglais du XVIIT siècle ou que les gérants américains du XIX° (2). Mais la réalité ne correspondait pas aux vœux des propriétaires coloniaux. Hilliard d’Auberteuil, qui n’a pas un faible pour les gérants, estime que la plupart de ceux qui dirigent des sucreries vers 1770 viennent de la classe des économes et des raffineurs (3). Qu'il ait été choisi par le procureur ou par le propriétaire lointain, il est lié à la plantation par un contrat. I] reçoit une somme fixe par an qui va de 6000 à 10 000 livres sur les grandes plantations ; mais qui est de 3 à 4 000 livres sur les indigoteries ou caféières moyennes. S’y

ajoute souvent une commission de 2 % sur les recettes brutes. En principe il est l’agent exécutif des volontés du maître et du procureur, mais pratiquement il sait être très indépendant de l’un ou de l’autre. Sa grande

qualité est de savoir commander. Il vit sur l’habitation, soit dans la grand’

case ou dans une case à part, avec sa famille quand elle est à la colonie. Il reste quelquefois très longtemps à la direction. Il correspond régulièrement avec le propriétaire, comme avec le procureur. L’exploitat ion

agricole, la fabrication des sucres, ou la bonne qualité, la belle présen-

tation des cafés, lui sont confiées. Il fait des propositions d’amélioration, prend livraison des vivres, des toiles, des ferrements (4), fait les expéditions, tient le journal des travaux et le grand livre des dépenses. Mis là pour le plus de revenu possible, sachant que sa place est « le seuil de la prospérité », on comprend que ce soit lui qui fasse la loi aux esclaves, qui règle l'allure de leur vie et de leur travail (5). Sa tâche est de presser la machine agricole et industrielle par tous les moyens pour

en augmenter le rendement. Son activité se traduit au loin par des nombres. Il peut donc être sans pitié s’il tient que le but principal de sa place est d’expédier le plus de barriques de sucre ou de boucauds de café possible. Les tâches des esclaves et des bêtes, la discipline générale sont réglées par lui. Comme disent les Anglais, il est une scie qui mord à l'aller et au retour. (1) Voir les exemples du comte Guiton de Maulév rier, du comte de La Barre qui font venir, l’un, un ancien sous-officier de son régiment, l’autre son frère. (2) John S. Bassett, The plantation overser, Smith College, Portland, 1925, in-8°, p. 7 et 8. (3) Considérations sur l'état présent de la colonie française de Saint-Domingue. Paris, 1776-1777, 2 v. in-8°, I, p. 154. Issu de rustica proles dit de son ancien gérant Lory de La Bernar

dière, 25 janvier 1757. Papiers La Bassetière, (4) L’outillage en fer. (5) G. Debien, Comptes … II, p. 6 et 8.

LES GÉRANTS ET LES ÉCONOMES

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Le propriétaire en France ne songe guère à ce qui se passe chez lui relativement à ses nègres et il se livre avec confiance à un homme qui lui envoie d'immenses sommes. J'ai un bon procureur (1), dit-il, La bonne dupe! Dans cinq ou six ans cet agent si vanté quittera l'habitation après avoir fait sa fortune (2).

Le gérant doit veiller à l'abondance des vivres. Ses instructions sont précises sur ce point, mais il en prend à son aise avec le détail des recommandations qui lui viennent d’absents. Quand le revenu arrive à peu près régulièrement on le laisse largement mener la barque à sa guise. L'entretien des malades est à sa charge ; leurs médicaments et leurs vivres sont pris à forfait. Le système mène à la spéculation sur les achats de riz, de vin, de farine ou de biscuits, à des vols sur leur distribution, à une entente avec les fournisseurs ou avec les chirurgiens (3).

Les travaux multiples qui devaient produire plus de sucre et plus de café encore devaient être faits sans que les esclaves fussent surmenés, sans que fût réduite la surface des vivres au bénéfice des cannes ou des caféiers. Mais les pièces consacrées aux cultures commerciales étaient un plus grand souci que celles des vivres communs. Ce qui n’indique pas que le travail pour « les denrées » fut toujours bien surveillé. Il semble que par l'intermédiaire des économes, du maître-sucrier, du chef cabroue-

tier, les différents « services » aient été mieux dans la main des gérants que celui de l'atelier agricole que menait le commandeur (4). Quand les esclaves n’avaient jamais vu leur maître, c’était leur gérant

qui était le vrai maître. Il prenait toutes ses prérogatives. Mais les esclaves se rendaient compte qu’à côté et en plus du profit du planteur, le gérant cherchait le sien et qu’il ne pouvait l’obtenir qu’en surchargeant l'atelier. Quelques colons croyaient qu’une plantation pouvait être menée sans fouet. Peu de gérants l’admettaient (5), sachant bien que ce qui leur était demandé ce n’était pas d’abord d’être philantropes, mais d’exciter les noirs au travail pour faire monter le revenu (6). (1) Pris ici, comme souvent, dans le sens de gérant. de Saint-Domingue, (2) C°!' Malenfant, Des colonies et particulièrement de celle

Paris, 1814, in-8°, p. 163. (3) Girod-Chantrans, Voyage

d'un Suisse dans différentes colonies d'Amérique l, 1785, in-8°, 177. Girod-Chantrans n'était Neufchâte guerre, dernière la pendant d’origine comtoise. génie, du officier un pas un Suisse mais modernes sous la zone torride et particolonies Des ant, Saint-Ven (4) Barré de an X (1802), in-8°, p. 323 et 326. Paris, mingue, Saint-Do culièrement de celle de Gérard, colon de Bl. Maurel, Le vent du large ou le destin tourmenté de J.-B. Saint-Domingue, Paris, 1952, in-16, 507 p., p. 52.

(5) C°' Malenfant, p. 173. général Leclerc, com(6) Hilliard d’Auberteuil, I. p. 37, et G"! Leclerc, Lettres du P. Roussier, Paris, mandant en chef de l'armée de Saint-Domingue en 1802, p.p. 1937, in-8°, p. 217.

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Le nègre Francisque est mort des suites des mauvais traitements du gérant, mérités ou non. Son état à l’hôpital m'inspira de la pitié. Neuf nègres marrons depuis longtemps. ne voulaient pas rentrer malgré la promesse formelle qu'il ne leur serait rien fait! Cette obstination m’a fait soupçonner la vérité, et étant allé aux informations sans que cela pôt nuire au bon ordre, j'ai découvert beancoup de dureté de la part du gérant, beaucoup de négligence sur les soins que l’on doit avoir en général et surtout à l’hôpital. J’ai pris le parti de changer le gérant, et M. Valsemey se trouve remplacé par M. La Bertonnière.. Je ne pouvais faire de meilleur choix de toute manière (1).

Les gérants célibataires pouvaient se constituer un petit harem, ce qui n’était pas toujours su par les lointains propriétaires, ou prendre « une ménagère », mais le désordre dans l’atelier le révélait souvent en France. Ainsi pour le gérant de la sucrerie Cottineau à Fort-Dauphin : Aussi ne devons-nous pas être étonnés s’il est arrivé du dérangement dans les meilleurs ateliers tel que celui de l'habitation puisqu’une autre chose encore plus à

craindre et pernicieuse, c’est qu’il s'ensuit la préférence que l’on peut avoir pour certains individus. Une négresse entretenue à la grand’case a, sans contredit, ses parents, ses amis, ses créatures. Ceux-là vivent à gogo pendant que les autres sont surchargés. Cette affinité est bientôt connue. De là naïssent le dépit, les querelles, les vengeances et enfin le dérangement total d’un atelier. Ils sont hommes comme nous et alors les châtiments ne font qu’augmenter leur désespoir. Voilà une bonne leçon, monsieur, si Vous savez en profiter (2).

Un nouveau gérant le remplace, mais qui met le désordre d’une autre manière : « Étant conduits avec cruauté, les nègres ne connaissent ni fêtes, ni dimanches pour les travaux de leur place (3). N’ayant aucuns vivres, le poison s’en est mêlé (4) ». A sa femme qui de Nantes le suppliait de rentrer dans sa famille, le conseiller Galbaud du Fort, écrit de Léogane : Vous pouvez, me direz-vous, mettre un procureur-gérant (5) sur votre bien. Eh bien ! Vous avez raison; mais où le prendre cet honnête homme qui ne volera

pas, qui aura soin de vos nègres et de vos bestiaux, qui ne tirera pas tout le suc de votre sol pour se procurer une grande quantité de grains, qui ne prendra pas les vivres de vos nègres pour élever des bestiaux qui lui appartiendront ? Où trouver un homme bon habitant, exact dans ses comptes, qui se contentera d’un domestique et qui ne prendra point les nègres pour travailler à son profit. Voilà, ma chère femme, à quoi se trouvent réduits les biens de ceux qui sont

(1) Archives de la Loire-Atlantique, E 691. Papiers Bréda. Villevaleix, le procureur au comte de Butler, 31 juillet 1790. (2) Papiers La Bassetière (Archives de la Loire-Atlantique), Lory de la Bernar-

dière, 1°* février 1758. (3) De leurs jardins particuliers. MERE La Bassetière. D’Aubenton à Lory, de Verneuil-au-Perche, 12 octore è (5) Il est une confusion fréquente entre les mots de procureur et de gérant dans la langue des colons. Ils disent parfois procureur à la place de gérant. Le procuteur-gérant était un gérant porteur d’une procuration générale et vivant sur la plantation.

LES GÉRANTS ET LES ÉCONOMES

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en France. Sur cent habitations qui sont gérées par procureur j’en vois 95 qui sont en ruines et 95 procureurs riches (1).

Un gérant agit comme un maître : J'ai procuré les nègres que nous avions de marrons à l'exception du nommé Ouesquia, premier parti par la maladresse du voisin Joubert. Cependant je ne suis

point inquiet sur son sort parce que l’on en a eu connaissance du côté du GrandGoave. L'absence de ce nègre qui est un excellent cabrouetier à bœufs ne laisse pas de me gêner beaucoup depuis que nous avons perdu l’autre cabrouetier nommé Choïqui ; aussi je n’ai plus que ceux que l’on forme actuellement. Vous avez l’obligation de la perte de ce dernier à ce coquin de La Fontaine, procureur ((2) de M. de Bonneguise, qui a prétendu que le nègre qui avait été voler des ignames dans les places de ses nègres, avait été assommé et étranglé à un arbre. Comme ce sujet était dans son tort, je n’ai aucun droit à réclamer justice d’une action dont on ne peut donner des preuves, mais c’est bien mal entendre les intérêts de ses commettants que de souffrir de pareilles voies parce qu’il y a tout à appréhender que l’auteur (3), qui est un nommé François, nègre menuisier de 10.000 livres, ne paye pas de sa personne. Et voilà comment on perd des nègres sans en savoir la cause. Comme [La Fontaine] passe dans le navire avec la présente,

je me félicite d’être débarrassé d’un tel personnage qui nous a fait tant de tort et qui ne se sert de moyens aussi bas que parce qu’il n’a pas la hardiesse de regarder un honnête homme en face comme si l’on ne pouvait avoir de procès avec les gens sans se venger d’une manière aussi lâche. L’on dit qu’il va acheter l'habitation Bonneguise et est en état de la payer et pourra réussir. Il se propose bien de voir Monsieur de Coustard, dont il se dit l’ami. J'ai peine à croire qu'un escroc de sa façon soit jamais admis chez lui, ou il le connaîtrait mal (4).

Le portrait du gérant passé procureur dressé par Malenfant, explique bien quelle pouvait être sa conduite à l’égard des esclaves : S'il devient procureur, le voilà au comble de ses vœux. Il achète de suite une voiture; la négresse ménagère est abandonnée pour une mulâtresse, qui désole les nègres sur l'habitation. C’est presque toujours une chèvre insatiable, Tous les dimanches ou samedis au soir il se rend à la ville chez les négociants avec lesquels il est en relations d’affaires. Il y trouve tous les propriétaires et les procureurs; là un bon dîner servi avec autant de goût que d'élégance l’attend. Il fait sa partie, va au bal des mulâtresses ou au spectacle, revient le lendemain sur l'habitation. Il s’occupe dans la semaine de la comptabilité, de la correspondance; jouit du 1/10° du revenu de l’habitation; ne sort plus qu’à la fraîcheur du matin et du soir et se dédommage amplement des fatigues qu’il a éprouvées étant économe (5). ES

Les économes.

Les gérants avaient sous leurs ordres un, ou deux, parfois trois jeunes gens venus à la colonie pour sortir de misère ou pour faire fortune. La première place qu’ils trouvaient était celle de sous-ordre sur une sucre(1) 2) (3) (4) (5)

Papiers Galbaud du Fort, Léogane, 5 mars 1765. Il y a ici, encore, confusion entre le terme procureur et celui de gérant. De la pendaison. Papiers Galbaud du Fort, Parison à Mme du Fort, Léogane, 13 mai 1774. C°' Malenfant, p. 162.

112

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

rie. C’étaient les économes. Un poste d’économe était un peu comme un stage pour acquérir une première expérience du travail sur les plantations. La plupart des colons résidant se faisaient aussi aider par un ou deux économes (1). Ils commençaient par tenir le copie-lettres par faire les duplicata et les triplicata de la correspondance. On préférait ne pas s’en remettre à eux dans les commencements pour la surveillance des esclaves, mais s’ils montraient de l’autorité ils avaient aussitôt la charge générale de l’atelier. La surveillance du bon ordre au moulin leur donnait l’habitude du commandement. Ils avaient à assurer le mouvement de la roulaison, et sur les caféières le dépulpage des « cerises », et le séchage des grains. La relève des équipes, le calme aux fourneaux, le contrôle du travail nocturne était de leur ressort (2). Pour un qui s’acclimatait et finissait par apprendre la conduite de la cuisson des sucres et de la bonne préparation des cafés, deux repartaient malades, dégoûtés du travail, du gérant ou du colon, aigris pour toujours. Car leur vie est dure, les tâches constantes. Ils sont mal payés ; com-

me des contre-maîtres, des sous-ordres méprisés, soumis à un gérant toutes les heures du jour et renvoyés pour un rien car les jeunes gens demandant leur place sont nombreux (3). Ils viennent d’un peu partout. Parfois ils ont des frères à la colonie, artisans, économes aussi, d'anciens matelots (4), soldats sortis du service, des paysans, les neveux pauvres d’un colon. Pour devenir gérant, pour s’acheter un premier esclave, il faut commencer par entrer en ces mauvaises places. Quelques-uns d’entre eux arrivent chaudement recommandés par un ami du propriétaire. Léogane, 23 mars 1769. — M. Girard a été assez heureux pour trouver son oncle M. Rolland à Saint-Marc, où il est débarqué... Il est recommandé d’une trop bonne part pour ne pas trouver en moi tous les secours dont il aura besoin. Il fera le 4° que j'aurai, ce qui me fait appréhender qu’à moins qu’il n’ait véritablement envie de travailler il ne trouve facilement des moments de dissipation. C’est pour-

quoi je vais faire en sorte d’en placer un ces jours-ci et aurai attention à placer les trois autres de façon qu'ils ne se trouvent ensemble

qu’au moment des repas, connaissant par expérience combien la réunion de plusieurs jeunes gens tracassent les nègres (5).

Logés dans une case exiguë, blanchis s’il ne peut, nourris chichement, leur salaire leur permet juste de s’entretenir : (1) Papiers Jumécourt.

Correspondance

d’Hanus de Jumécourt

avec

son

beau-

frère Gerbier, 1789-1791, chez M. Paul-Cavallier. (2) C'était la même pratique à la Jamaïque. Cf. Roughley, The Jamaica Planter’s guide, Londres, 1823, in-8°, p. 42.

(3) Cabon, II, p. 505. G. Debien, « A Saint-Domingue, avec deux jeunes économes de plantation (1774-1778) », Revue de la Société haïtienne d'histoire, juillet 1945. (4) Ainsi le cas de Delsol, sous-économe au quartier de Cavaillon, mort en 1785 (Archives Nationales. Colonies, E 118). (5) Parison à Me du Fort.

LES GÉRANTS ET LES ÉCONOMES

LS

Aux Cayes, 17 septembre 1775. — Je rencontrai ce jour-là M. Delar aux Cayes qui me donna des nouvelles de mon neveu, écrit Redon de Monplaisir, colon caféier au Flamand (Cavaillon), à son père. Il n'y avait pas de pauvre nègre aussi misérable que lui. Il n’a ni pain, ni vin, ni viande, ni beurre, ni graisse,

ni sel, ni poivre. Ïl ne mange

que des vivres de terre et boit de l’eau (1).

Aussi les économes changent-ils souvent de place : C’est une vivacité de ma part que d’en être sorti [de chez son oncle] la nuit après avoir soupé sans avoir dit rien à personne. Il croyait me mener comme un de ses nègres, mais comme étant libre de mon corps je me suis pourvu ailleurs où je n’en suis pas fâché. J'ai souffert beaucoup chez lui, plus que si j'avais été chez les étrangers (2).

Et l’oncle explique tout en deux mots : Passer à Saint-Domingue sans aucun talent, c’est vouloir mourir au coin d’une haie. Il y a autant de jeunes gens sans place qu’il y en a de placés. Il ne se passe pas de mois qu’il ne s’en présente quelqu'un pour la vie seulement. Ainsi vous voyez par là la grande misère (3).

Sur la sucrerie des Vases à l’Arcahaye où résida de 1786 à 1790 le comte de La Barre, quatre économes se succédèrent (4). Sur la caféière Dumas de Montignac, dont l’atelier était beaucoup moins important, c’est comme un tourniquet : 7 économes s’y remplacent en six ans. Valade y reste 54 jours, Curet six mois et demi. Les salaires y sont cependant assez x

élevés pour des économes,

de 2 000 à 2 800 livres (5).

Ces jeunes, engagés par le gérant ou par le procureur quand le colon ne résidait pas, restaient inconnus du propriétaire. Ils partaient sans qu’il le sût. Un changement était toujours un à-coup dans le travail. Le maitre savait bien qu’il payait mal ses économes. Mais le tarif des salaires était socialement imposé : tant de « moutons-France » attendaient une place ! Les esclaves eux-mêmes, à moins qu’il ne s’agît d’un économe injustement sévère et toujours prêt à punir, n’aimaient pas non plus voir de nouvelles figures, celles d’ambitieux excédant l'atelier pour se faire valoir. Dans les mornes des Matheux, Marsillac, gérant de la caféière Maulévrier, prend pour l’aider un économe envoyé par la maison Garesché, qui a la procuration du comte Guiton de Maulévrier, alors à Cognac. Mais cet homme ne reste qu’une quinzaine : « Ces messieurs croient tout savoir et ne sont propres qu’à déranger les nègres. Aussi je n’en prendrai plus n’ayant que du dérangement de leur part (6). » (1) Papiers Redon de Monplaisir, trouvés à Saint-Avit près Aiguillon par Mne Le Bayon dans une propriété achetée par sa famille et communiqués par M'° L. Bourne ; rachot des Archives du Lot-et-Garonne. (2) Id. Lettre du jeune Redon, neveu à son père, de janvier 1776. (3) Redon de Monplaisir, l'oncle, à son frère, s.d. (1776). ; (4) Archives de la Charente-Maritime, E. 333. Papiers La Barre. (5) Id. de la Vienne, Papiers Maulévrier, E° 1969. Marsillac à 1°" septembre 1787. (6) Id. 1°* novembre 1787.

FE Maulévrier,

114

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Sur les caféières Masseau-Lacroix, Lejay et Bartholomée, à côté de Maulévrier, c’est les mêmes entrées et sorties de surveillants et de conducteurs de travaux, après les mêmes négligences ou les mêmes excès de zèle. Le trait arrivé le jour de la Fête-Dieu vous caractérisera encore mieux leur soumission [des esclaves]. M. Briau (1) qui voyait que je n’attendais que la pluie pour planter une pièce de patates dont les trous étaient fouillés depuis longtemps, ordonna à mon insu au commandeur d’aller les planter parce que la veille il avait fait une petite rosée qui n’était cependant rien moins que suffisante, Ils ne se le firent pas dire deux fois et le matin je les vis qui allaient au travail. Je les renvoyai en priant ce monsieur de ne jamais donner d’ordre. Mais si je fusse sorti ce jour-là ils n’en auraient pas moins travaillé, dont j'aurais été très fâché, parce que je sais ce que c’est que d’ôter à des nègres les jours qui leur sont accordés pour se reposer, à moins que ce ne soit pour leur propre avantage. Enfin, mesdames, je n'aurais pas osé moi-même donner de pareils ordres il y a quelques années (2).

Cette instabilité n’était pas particulière aux Antilles françaises. A An-

tigua, (3), à la Jamaïque (4), sur le continent, en Géorgie (5) et plus tard

à la Louisiane, ce sont les mêmes changements. On doit conclure que

c’est comme une des lois de l’esclavage et de l’administration indirecte. Ces économes avaient des fonctions très diverses, les unes très générales, les autres très précises. Ils tiennent les livres, assez réduits quand le maître est là et qu’il n’a pas à rendre compte de l’activité de la plantation à des associés, à des créanciers. Mais toujours ils ont à dresser la liste des esclaves que demande l’administration, à la mettre sans cesse à jour en y portant les naissances, les décès, les accidents, à établir l’état du bétail, des ustensiles, des provisions. Ils tiennent le journal des travaux, mais avant tout ils conduisent les esclaves ; les commandeurs au-dessous

d'eux mènent les équipes des travailleurs agricoles. Sauf les domestiques

de la grand’case, les économes ont à surveiller tous les esclaves, les cabrouetiers, les tonneliers, les charpentiers, le forgeron, les gardiens, les malades. Ils doivent avoir l'œil sur les travaux, sur le bétail, sur les jardins, les places à vivres, les magasins, les cases des esclaves, l’état du moulin, de l’embarcadère et de son entrepôt. Aux jours de disette, quand les vivres communs sont venus à manquer et que l’on nourrit les esclaves au moins en partie « à la main », c’est lui qui fait cette distribution



(1) (2) 4 juin (3)

L’économe, C'est-à-dire au temps où il était lui-même économe, Parison à Mme du Fort, 1769. U.B. Phillips, « An Antigua plantation, 1769-1818 », in North Carolina

Historical Review, 1926, p. 442.

2 Id. « A Jamaica slave plantation », in the American Histor. Rev., 1914, p.

(5) R.B. Flanders, Plantation Slavery in Georgia, Univ. North Carol. Press, 1933, in-8°, 336 p. et J.S. Bassett, The Southern plantation overseer, Smith College Fiftieth Ann. publ. V, 5, 1925, 280 p.

LES GÉRANTS ET LES ÉCONOMES

115

des rations. Il est responsable du bon ordre général des esclaves devant par le colon ou devant le gérant qui vont souvent en ville ou sont reçus . quartier autre d’un s des planteur soir de la Noual que Je m'occupe le mieux qu'il m'est possible car depuis le me suis pas déshabillé ne je juin de 23... le . jusques.. rouler à nous commençâmes s une heure avant le jour de la valeur d’un moys, couché qu'après minuit et levé de souliers tous les paire une usé Jay entières. et plus souvent passer les nuits deux paires 24 1. et de très moys depuis que suis icy. Je viens d’en acheter sont trouvez trop ee Pour les bons que je m’avois emporté, ils se Don trois (1).

up plus Car les tâches des économes sur les sucreries étaient beaucovécu aux ont qui ceux de nages lourdes que sur les caféières. Les témoig îles sont unanimes sur ce point. au moment de la roulaison. [Sur une sucrerie] il doit être debout jour et nuit selon son étendue afin cheval ou pied à tion, Faire chaque matin le tour de l'habita disposer le plus avantageusement. de connaître les travaux et la manière de les tion du sucre et à la conduite Souvent on est obligé de veiller la nuit à la fabrica laborieuse il faut être d’un si vie une mener Pour ent. travaill y qui des nègres, Dans les caféières et les indigoteries tempérament robuste et n’aimer point le repos. On a toujours le temps de dormir, la conduite des travaux n’est pas si fatiguante. sont pas semblables (2). ne ces espéran ses et mais l'économe gagne moins e, il faut être d'une taille et conduit la et talent le Ce n’est pas le tout que t pas toujours se figurer peuven ne nègres les d’une corpulence à en imposer, Car

individu (3). qu'une autorité absolue puisse sortir d’un petit

gent ou non, les esclaQu'il fût consciencieux ou non, habile et intelli d’eux pour bien conprès tout tenir se de lui A s. ves lui étaient confié cases, leur caracleurs es, naître leur véritable état de santé, leurs ménag

ur parti, car il s’agit tère, les limites de leur force pour en tirer le meille résidât ou que le gécolon le Que ment. rende le avant tout de multiplier ils étaient trop retenus rant fût presque en permanence Sur l'habitation, t trop d'obligations avaien ou tion, par les affaires générales de la planta r aucun soin à nos donne quent consé par ns de société : « Nous ne pouvo économe. Dieu sait un à nègres ni à nos cultures. Il faut s’en rapporter nt bien que leurs savaie s maître comment tout va ! (4) ». Souvent les de de commandemétho autre une t avaien économes et les commandeurs leurs subordonnés dépendait ment qu'eux et ils savaient que l'autorité de t des îles. Qui pouvait étaien plus du fouet que du respect. Mais les îles les changer ? à

ie à Fond-Baptiste, Dans les papiers de la caféière Andrault établ Saint-Domingue, est con-

à l'extrême Nord de la paroisse de l'Arcahaye (1) 1776. (2) (3) (4)

neveu à son père, au Perche, 15 juillet Papiers Redon de Monplaisir. Redon É , Hilliard d’Auberteuil, I, p. 165. 9 août 1773. Léogane, Fort, du Me à Parison Fort, Papiers Galbaud du Rouaudières, 17 septembre 1784. Papiers Vanssay, correspondance Des

116

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

servée la correspondance (1786-1792) de l’économe avec le propriétaire J.-B. Andrault retiré en France sur la terre qu’il avait acquise près de Melle (Deux-Sèvres). Les lettres d’économe sont extrêmement rares parce qu’ils n’avaient pas à rendre compte de leur activité en France et qu’ils ne savaient pas tous écrire. Mais il se trouve qu'après son départ J.-B. Andrault avait confié sa caféière à un neveu pour sa gestion générale et à d’autres neveux et cousins pour les postes secondaires. L’oncle a dû exiger cette correspondance et la demander très riche de détails circonstanciés. Andrault le jeune, l’économe, ne lui parle donc que de ses tâches, c’est-à-dire à peu près constamment des esclaves, qui en 1787, étaient au nombre de 187. Ce cas est unique (1).

L'activité qu’il déploie à Fond-Baptiste est bien résumée par ce que dit le colonel Malenfant de la journée des économes. Il suffit d’omettre ce qu’il précise sur les sucreries : Le zèle d’un économe ne laisse pas un instant l’esclave dans l’inaction ; il le surveille dans la fabrication du sucre, ne quitte pas un instant la sucrerie ni les moulins. On ne permet pas d'y mettre une chaise. Il se lève la nuit pour surveiller les arroseurs afin qu’ils ne laissent pas perdre l’eau destinée pour les cannes. Dans les temps de pluie, il se réunit à eux ; veille à ce que l’eau qui tombe par torrents ne s'échappe point ; il épie et fait épier par quelques noirs affidés tout ce qui se passe sur l'habitation ; il fait son rapport le matin en venant déjeuner avec le propriétaire ou le procureur (2) qui font à peine attention à lui; s’il est bien mouillé par la rosée, si ses vêtements sont transpersés de sueur, si ses souliers sont bien couverts de boue, cela prouve son activité et fait présager qu’il sera bon habitant. Quelle fausse idée !

A peine a-t-il mangé qu'il retourne au jardin, en fait le tour deux ou trois fois, visite les différents cultivateurs détachés et rentre quand l'atelier a quitté ses travaux. Alors il va dans sa case où il se jette sur un mauvais lit, en attendant

qu'on vienne le chercher pour dîner. A table, il occupe le petit bout, ne lève pas les yeux, ne prononce pas un mot et ne répond que par monosyllabes aux questions que l’on veut bien lui faire. L'instant du dessert est pour lui le signal du départ. Il se rend à la suite des nègres au jardin, se retire à 6 heures et retourne pour souper à 8 heures. Enfin le moment du repos arrive. Il va oublier ses peines et se débarrasser de ses fatigues dans les bras d’une sensible Africaine (3).

La vie dure qu’on lui imposait avait, à n’en pas douter une répercussion sur sa manière de conduire les esclaves. Il n’était pas tendre pour eux. Se croyant capable de diriger n’importe quel travail, il ne mesurait pas leur fatigue, et s’il n’y avait pas au-dessus de lui, le reprenant, un gérant ou un maître attentif et expérimenté, il pouvait en quelques semaines « déranger » les esclaves, les sortir de leur train habituel, les harasser sans profit. L'atelier marquait alors de la mauvaise volonté, On aboutissait à faire le travail plus lentement, et à coups de fouet, quand (1) Papiers Andrault. Ces lettres vont être citées dans une monograp hie de la caféière Andrault. : (2) Quand il prenait ses repas à la grand’table, ce qui était loin d’être la majorité es Cas. (3) C°’ Malenfant, p. 158.

LES GÉRANTS ET LES ÉCONOMES

MT

on n'avait pas commencé par là. Le maître ou le gérant mécontent, renvoyait l’économe ; et le même épisode recommençait, car peu d’économes

paraissent avoir eu l’art de bien mener un atelier. Mais l’on devine les conséquences sociales ; le grand nombre de jeunes gens à la recherche d’un travail ou du vivre simplement, leur jalousie ou leur haine des colons

fortunés.

Il faut dire cependant que leur contact quotidien avec les esclaves créait une certaine familiarité entre les économes et l'atelier. Ils se sentaient les uns et les autres les plus bas de leur couleur. On voit des ateliers faire grève pour obtenir le départ d’un gérant. prespue jamais pour la renvoi d’un économe.

FU IST PSP

VII

LES CADRES

DU TRAVAIL

“AU JARDIN”

Les commandeurs.

dire l’ateL'ensemble des esclaves qui travaillaient aux cultures, c’est-àson chef, valait que ce lier entendu au sens restreint, valait exactement

les conduisait. le commandeur. Il était le principal des esclaves, celui qui ion courante, express une reste au nt reprena , Laborie Comme l’écrivait jour, il est le jardins, il était « l’Âme de la plantation (1) ». Dans les renet les esclaves derrière tous les travailleurs ; une fois le soleil couché ent, sont assuva-et-vi petits des silence le cases, des trés, la tranquillité rés par lui (2).

du XVII siècle, Jusque vers 1720 aux îles, à la Guyane jusqu’à la fin blanc, « serviun rs toujou mais e esclav un pas le commandeur n’était ou sur les inditeur » du colon et payé. Sur les places à tabac, à coton noirs. Des esclales et s engagé autres goteries, un engagé commandait les les sucreries d’abord, ves ayant remplacé en nombre les engagés blancs sur engagé, continua un le système du commandeur blanc, engagé ou ancien argot, dans le Port-M de t certain temps. De son premier établissemen à un nommé 1664 en te condui la laisse n Nord de Saint-Domingue, Ogero le P. Labat que s ndeur comma des t plupar La (3). tique Giraut, son domes siècle sont XVII du fin la à cite à la Martinique et à la Guadeloupe des blancs (4). (1) P. 164. île danoise au XVIIT* siècle, et drivers (2) On les appelait bambas à Sainte-Croix, chez les Anglais. es habitées par les Français, Paris, 1667(3) Dutertre, Histoire générale des Antill 5 1671, 3 vol. in-4°, III, p. 126. 1694) et 1L p: 178 ; HI, p.57 en 1695 (4) I, 118 ; IL, 145 (sucrerie Joyeux en à la Guadeloupe, IV, p. 501-502.

120

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Il y a un commandeur dans chaque famille qui a soin de faire travailler les serviteurs (les engagés) et sur lequel on se repose de l'habitation. Quand il est habile on ne le saurait assez payer, mais quand il est fainéant ou sans expérience il ruine bientôt son maître. Leur appointement est de 1.300 livres, de 2.000 livres et de 3.000 livres de petun par an (1). Il mange à la table du maître et tous les serviteurs, Français et esclaves, lui obéissent en toutes choses (2).

Ils sont armés, au moins d’un sabre (3) car une machette ne paraît pas avoir été considérée comme une arme. Aux commandeurs des petites sucreries de la Martinique, peut-être parce que beaucoup sont blancs, est laissée une grande initiative. Cependant ils ne peuvent recevoir à table ou la nuit les voyageurs de passage. Ils doivent les signaler au colon ou au gérant quand il n’est pas très éloigné, qui décide (4). Dans les Antilles anglaises on avait la même coutume (5). Quand le P. Labat propose lorganisation-type d’une sucrerie, c’est encore d’un comman deur blanc, d’un engagé au salaire de 600 livres, recruté particulièrement pour cet emploi, qu’il est question (6). Et il cite l’un d’eux du nom de Dauphin é,

aux îles depuis cinq à six ans, qui a servi longtemps sur les galères

et qui est marié à une mulâtresse (7). Les minutiers de La Rochelle, de Nantes et de Dieppe conservent des contrats d'engagement de « conducteurs d’esclaves » et de raffineurs qui savaient qu’ils devien draient commandeurs. L’on observe très bien la substitution du commandeur noir au blanc. À côté des esclaves les engagés blancs avaient été d'abord très nombreux sur les plantations. D’où leur place de commandeur. Les noirs arrivant par la traite directe ou par des prises sur les Anglais et les Espagnols, les tâches agricoles furent le lot des seuls esclaves. Les travaux professionnel s de raffinage, de charpente,

de tonnellerie, de forge,

passèrent aux engagés. Il n’y eut plus aucun d’eux aux jardins où les noirs prirent la place du commandeur. Quelques forgerons, quelques raffineurs et tonneliers blancs demeurèrent mais qui avaient des chefs à part,

tout indépendants du commandeur des jardins. La multipl ication et le loppement des sucreries sont pour beaucoup dans la disparition des mandeurs blancs. Leur entretien revenait plus cher que celui d’un mandeur noir.

à fait

dévecomcom-



(1) Ce qui ne permettait pas de faire grande chère. (2) Dutertre, II, p. 429,

(3) Labat, IV, p. 501. Plus tard des commandeurs noirs seront aussi armés. E. Petit cite une ordonnance qui leur permet d’être armés pour la défense des cases des esclaves et pour la garde des troupeaux (Traité sur le &gourvernement des esclaves Hp 144): (4) Aïnsi au Marigot, à la Martinique en 1694, Labat, I, p. 108. (5) A la Barbade, Labat, VI, p. 191. (6) IV, p. 207. (7) IL, p. 178.

LES

p21

COMMANDEURS

eux, ont aussi joué La multiplication des mulâtres, trouvés trop nombr facilement, enlevaient contre eux. Les commandeurs blancs s’enfuyaient à la Martinique guerre de l des femmes. Le 15 février 1702, un consei commandeur ur, Jolicœ dit , Pineau s Jacque condamne aux galères à vie la garnison. de soldat ois autref et ult Malva de sieur de l’habitation du dans sa retiré avait il ans, Ayant déjà déserté il y avait sept ou huit muune avec enfui s'était et t Ruper de case un soldat de la compagnie er d'exig aussi it accusa les On (1). gnol Lespa é lâtresse, femme du nomm goule ique, Martin la A un travail excessif et de châtier trop durement. Code noir, qui enjoint de verneur doit rappeler en 1708 l’article 43 du tuent des esclaves sous qui s ndeur comma les poursuivre les maîtres et leurs ordres (2) et un commandeur

blanc est condamné

à l’amende le

eur et des voisins puni 2 juillet 1715, pour avoir en l'absence du procur eur du Petit-Goave supéri l Consei du arrêt un esclave qui en mourut. Un le 2 septembre 1726, à trois à Saint-Domingue, condamne de son côté ans de galère, un commandeur

blanc qui a tué un esclave (3). Mais les

blancs avec les négresses des relations continuelles des commandeurs des plaintes des administrateurs ateliers, qui ont été constamment l’objet cause de leur disparition. et du clergé colonial, ont été la principale gement, mais il croit que sa Le P. Labat approuve nettement le chan y a bien des habitants qui Il « principale raison en a été l’économie. d’un blanc. Sans entrer que nègre ur se servent plutôt d’un commande font fort bien et je m'en suis dans les raisons d'économie, je crois qu'ils toujours bien trouvé (4) »>. indigoteries sont encore des A Saint-Domingue les conducteurs des indigoteries diminue, absorbées blancs en 1700, mais le nombre des chez Pouancey, le gouverneur, ane, qu’elles sont par les sucreries. À Léog esclaves » est un engagé blanc (5 neveu d’Ogeron, « le conducteur des le commandeur de la sucrerie Noël En revanche à la Guyane dès 1690, ans, du royaume de Juda (6), au Daà Remire, est un noir, âgé de 29

(7). Pollé, appelé Bazan par les noirs homey actuel, du nom de Paul ou parce c’est et ; neur temps sucrier, c’est-à-dire chef raffi

Il est en même

andeur. qu’il est raffineur qu’il est passé comm

jeanTRS EVE 025 février 1702. J. Petiti ance, Soc. d’hist. de-Fr Fort1717, en nique Le Gaoulé, la révolte à la Marti Martinique, 1966, in-8°, p. 441. 1708. cs A16, f° 374, v°, 22 août Archives Nationales. Colonies. Peytraud, p. 336.

CAAA (1) Archives Nationales. Colonies.

Roget, de la (2)

(3)

(4) IV, p. 193. (5) Papiers Beauharnais. (6) Aujourd’hui Ouidah. p. 168. rie de la Guyane en 1690 », (7) G. Debien, « Sur une sucre

122

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Au XVII siècle on prend des commandeurs de presque toutes les nations d’Afrique. Sur ce point aucune préférence n’est sensible, si ce n’est peut-être pour les Aradas, On parait tenir compte surtout de la composition de l'atelier, au moins jusque vers la fin du siècle. Dans un atelier à quelques races dominantes : Aradas, Congos, par exemple, le choix va non à un sujet de ces nations, mais à celui d’une nation représentée par très peu d'individus, par un seul si possible. Après 1760 quand monte dans les ateliers la proportion des créoles, on voit recruter des créoles et de plus en plus. En 1767 déjà l’indigoterie Hecquet à Jacquezy, dépendance de Fort-Dauphin, a un commandeur créole de 54 ans, et en

1782, un autre de 32 ans (1). Naturellement peu d’Africains arrivés depuis peu d’années. Cependant des Africains sont nombreux de moins de 30 ans. Très peu d’Ibos, de Nagos et encore moins de Congos malgré leur proportion dans les ateliers, Des gens de couleur très rarement (2). Je crois n’avoir trouvé que deux d’entre eux, et un seul comme premier

commandeur. Les quelques Congos que l’on voit sont à la tête d’ateliers de caféières en des quartiers de mornes, ainsi à Jérémie, ou aux Délices aux abords de la chaîne des Matheux. Peut-être que leur petit nombre

comme commandeurs vient de la réputation de cette nation portée, disait-on, au marronage. Un des commandeurs Congos, que nous avons trouvés, est déclaré marron (3).

À la fin de la période coloniale, les créoles obtiennent la préférence. Sur les 150 listes d’ateliers que M. Jacques Houdaille a analysées pour

les années 1796, 1797 et 1798, dans les quartiers occupés par les Anglais, il a relevé le nom et la nation d’une cinquantaine de command eurs sur des sucreries, caféières et indigoteries où dominaïent en général pour plus de moitié, des créoles. Une quarantaine de ces commandeurs sont créoles. Une dizaine sont soit Aradas ou Caramentis, Ibos, Nagos, Congos etc. L’un est même Mondongue. Sur les sucreries de plaine, à cette date, ne sont que des commandeurs créoles. Auparavant, en 1785, la sucrerie Bréda du Haut-du-Cap a un commandeur Malé, nation

très rarement représentée à Saint-Domingue, ce qui fait penser que cet homme devait être le seul de sa race sur cette plantation. Partout où il y a plusieurs commandeurs, le premier est toujours créole. Sur la plantation Sauvage à Jacquezy, sur les 4 commandeurs, 3 sont créoles, trois des quatre caféières de la famille Séguineau à Fond-Baptiste ont un com-

mandeur créole, une a un commandeur

Adlia.

(1) François Girod, Une Jortune coloniale sous l’ancien régime, la famille Hecquet à Saint-Domingue, Annales littéraires de l’Université de Besançon, n° 115 (1970), p. 206. (2) Sur la caféière J.-B. Andrault à Fond-Baptiste où sont 3 commandeurs, le grif Jean-Pierre est commandeur des esclaves de la place de la Colline qui dépend de la plantation principale et assure ses vivres. Il a 29 ans. (3) Affiches américaines du 6 mai 1767, n° 364, Cité par M. Jean Fouchard, Les marrons de la liberté.

LES COMMANDEURS

123

commandeurs originaiDeux questions se posent au sujet du choix des leur pays, avaient été chefs res d'Afrique. Ne prenait-on pas ceux qui, en point tenait-on compte de de village, « de royaume » ? Et jusqu’à quel es qui n'étaient à la esclav Les ? la langue parlée par Île commandeur très mal parler créole, et colonie que depuis quelques années, devaient En revanche ils parlaient ’on prit pourtant des commandeurs parmi eux. les ateliers aux noudans ées peut-être plusieurs langues africaines utilis parlant plusieurs ns marro des lé signa est Vite toujours nombreux. Il angues. t toujours la plus grande Le choix d’un commandeur noir demandai que pour un commandeur attention et on était pour lui plus exigeant jeune, entre 28 et 40 ans. blanc. On voulait un homme jeune ou assez commandeurs de plus de 50 ans, S'il se trouve sur des plantations des y sont entrés bien plus jeunes. Ils i. c’est qu’ils ont vieilli dans cet emplo ance (1), intelligent, expérimenté, On soubhaïitait un homme de belle prest ne » de la plantation et le quartier, c’est-à-dire connaissant bien la « routi tout se faire obéir. L'idéal était avant sobre, de caractère sûr, sachant horions que de son fouet. On qu’il se servît plus pour cela de rudes geste autoritaires. prenait donc un esclave à la voix et au bien le un nègre fidèle, sage, qui entende Il faut choisir pour cet emploi ter les ordres exécu bien et obéir faire se sache travail, qui soit affectionné, qui de gens au aisé à trouver car il n'y a point que les qu'il reçoit. Ce dernier point est obéir mieux nt fasse se nt avec plus d’empire et qui monde qui commande À, (2). tés quali s autre les sur r veille à nègres. C'est au maître

er à la Guadeloupe, donne les Et Poyen de Sainte-Marie, colon sucri : mêmes conseils. Le planteur doit avoir r lui-même, commandeurs. [il] doit les forme L'art de n’employer que de bons l'atelier (3) susceptibles dans isolés es, docil , actifs , récompenses les choisir jeunes, intelligents acher ses commandeurs par les d’émulation, Le planteur doit s'att quand il est content et les contenir par ses qu’il leur donne de temps en temps les fois qu'ils s’écartent de leur devoir. Tous s remontrances et ses corrections toute ipalement ceux-ci, en sont l’âme, et les bons princ les sous-ordres de l’habitation, et dépendent toujours d'eux (4). ou mauvais succès du planteur,

sucrier de la Grenade, qui, à la Et le marquis de Casaux, planteur d’être anglais :

choisi remise de l’île à l'Angleterre avait

voulu s’en de l’économe si le maître n’a pas nome n’est Le premier soin du maître ou et l’éco ur, ande comm er premi un r donner la peine, doit être de forme (1) (2) (3) (4) vieux VIII,

andeurs. alais ni de Bambaras sont comm Pourtant presque jamais des Sénég Labat, IV, p. 193. C’est nous qui soulignons. conseils d'un l'exploitation des sucreries ou Poyen de Sainte-Marie, De e, 1792, petit in-4”, -Terr Basse ies. colon des rs planteur aux jeunes agriculteu 184 p., P. 5.

s

124

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

qu'un piqueur de rien si dans l’espace de trois mois il n’a pas su élever du commandeur jusqu’à lui persuader que c’est lui qui est l’économe (1);

l’âme

L’emblème de son autorité était un fouet à manche tantôt long, tantôt court (2) qu’il portait toujours à la main, ou une baguette que les noirs par dérision appelaient « coco macaque ». Ce fouet claquait en l’air à

tout instant. Sur les plantations sans cloche, il servait le matin à réveil-

ler les esclaves, et à les réunir pour l'appel. « Mais il doit lui être défendu de le faire claquer sans cesse aux pieds des esclaves ou en l'air, ce qui accoutume l'atelier à ce bruit qui cesse de lui en imposer (3). » Ses tâches étaient sans fin et il recevait pour commander comme une semi-délégation des pouvoirs du maître ou du gérant. Ses ordres retombaient sur tous les travailleurs du jardin, mais non sur les ouvriers du

moulin ou de la sucrerie ni sur les cabrouetiers, qui avaient tous leurs

chefs particuliers, mais comme il était responsable du bon ordre général son autorité s’étendait parfois aussi sur eux. Le commandeur remplissait les fonctions subalternes de direction du travail, réglant les occupations, et donc le train des tâches, réprimandant ou fouettant les paresseux et les indociles. Après l’appel du matin et son rapport à l’économe sur ceux qui se déclaraient malades, il avait à conduire l’atelier au jardin. Sa place était derrière la troupe pour éviter les retards, bourrant l’un, frappant l’autre, toujours menaçant et criant. C’était à l’économe ou au gérant de vérifier le nombre exact des malades et des indisponibles pour causes diverses. À lui aussi de mesurer le matin et l'après-midi la tâche à entreprendre, après en avoir calculé la durée. C’est au premier commandeur à désigner quels esclaves feront tel ou tel travail, car il connait la force de chacun d’eux (4). Selon le temps, à lui de décider s’il convient de renvoyer au lendemain ou simplement de suspendre un travail gêné par la pluie, ou bien jugé trop pénible en un seul jour. Mais s’il pouvait le diminuer il ne pouvait pas l’augmenter, une fois passé l’écono me. Au reste il ne mettait jamais directement un ouvrage à la place d’un autre (5). a Le soir son rapport oral servait à l’écon ome à tenir le journal du travail où étaient notés : le temps qu’il avait fait, le nombre des présents aux diverse s tâches le matin et le soir, celui des malades, et celui

des esclaves « détournés » c’est-à-dire occupés hors du jardin à des travaux extraordinaires, le numéro ou le nom des pièces de cannes ou de ca-

(1) Essai sur l’art de cultiver et d'en extraire le sucre, Paris, 1786, in-8°. (2) Un énorme fouet, Paul-Erdman Isert, Voyage s en Guinée et dans les îles cardibes en Amérique, Paris, 1793. in-8°, p. 304. (3) Poyen de Sainte-Marie, D'022:

(4) Marquis de Casaux, Essai, p. 267. (5) Sur le rôle du commandeur lors de Ja coupe des cannes : Labat, III, p. 373.

LES

féiers cerise relles Le avoir avait

129

COMMANDEURS

où l'atelier avait travaillé, le nombre des paniers de café « en » ramassés. Dans son rapport, étaient signalés les fuites, les quegraves, les coups, les accidents, les mauvais sujets. dimanche, quand l'atelier ne travaillait pas, le commandeur devait l'œil sur les sorties, sur les retours du marché et tous les jours il à rendre compte de tout ce qui lui avait paru insolite.

extrêmement Comme l'occupation d’un habitant qui veut remplir son devoir est ur fatiguante, on a jugé à propos pour en diminuer le poids d'établir un commande un fidèle nègre qui veille sans cesse sur la conduite des autres et qui doit rendre des autres compte de leurs actions. Les égards qu'on a pour lui en comparaison cela l'autorité à joignez vous si ; exactitude son à peu pas t contribuen ne nègres l'intérêt despotique qu’on lui accorde sur tout l'atelier, vous serez convaincu de

qu’il a à se maintenir à son poste. vaut souvent Cependant ne vous reposez pas trop sur sa prétendue fidélité ; il qu’étant plus parce même, de choisir le à intérêt à on et autres, les tous moins que il de ses semblables, méchant il se fait mieux craindre. Comme il connaît les ruses talent merveilleux sait aussi y apporter les remèdes convenables ; il a en outre un vous un parfait pour vous entretenir dans l'illusion ; il affectera d’avoir pour son génie et que la dévouement qui n’aboutira qu’à vous tromper. Ainsi pénétrez comprendre que familiarité que vous avez avec lui n’aille pas jusqu’à lui faire avec lui, car il ne l’aveugle pas faites Ne t. attachemen son de convaincu êtes vous doublement. Il ne péche jamais par ignorance. Ainsi quand il manque, châtiez-le

s’en plaindra pas, sachant bien qu'il le mérite. en vous faisant Je vous finirai ici de vous caractériser le génie du commandeur, ts; il faut châtimen les souvent plus le exerce il qui sur nègres des observer ceux Il ne stupides. plus aux comme rusés plus aux t égalemen remarquer qu'il s'attache toujours les victimes s'adresse ordinairement qu'à ces derniers, qui Sont presque avec lesquels il de sa brutalité, n’osant exercer sa vengeance sur les plus mutins, faire une verte répriest souvent compère et compagnon ; c’est à vous à lui en chaleur ses droits en mande en particulier, mais vous devez aussi soutenir avec sauf à vous en expliinflige, qu'il s châtiment les toujours nt approuva en public, A nt (1). quer tête à tête avec lui pour faire droit à qui il appartie

punir les Car les commandeurs ont le droit ou prennent le droit de qu’il ne assure Laborie t. restrein esclaves. En principe, ce pouvoir est à fait tout est nombre ce mais fouet, de coups doit pas dépasser trois ou colon du r l'humeu de ou volonté la de dépend il fait, en ; théorique fautes Les champ. le sur de son gérant. Ces coups de fouet sont donnés jugées le soir au plus graves, demandant une punition plus sévère, sont s en sa préchâtiée aussi e princip en et maître le par retour du travail sence. doit avoir de sa prééminence Veillez... à ce que la très haute idée qu'il a et qu'il et que les nègres sachent nègres, les traiter de façon sa sur trop n’influe un peu respecté que vous, mais plus façon quelque en soit qu'il est n bien que votre intentio obtiendront justice qu'ils t, plaignen se qu'ils voulez qu'ils sachent aussi que vous châtier ou s’il a de manière la dans ion si le commandeur a fait quelque innovat excédé le châtiment qu’il est permis d’infliger (2). (1) SJ. Ducœurjoly, Manuel des habitants 1802, an X, 2 vol. in-8°, Lp#59: (2) Marquis de Casaux, p. 289.

de Saint-Domingue,

Paris,

Lenoir,

"m -de

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Naturellement tous les commandeurs entreprenaient de persuader à leur maître que le bien de son service était d’abroger cet usage des plaintes qui commençaient à se répandre aux dernières années d’avant la Révolution. Trop souvent l’économe, le gérant, le colon lui-même abandonnaïent aux commandeurs une part notable de leur autorité car ils se rendaient compte que la régularité des plus durs travaux reposant sur le commandeur, il était nécessaire qu’il eût part jusqu’à un certain point à la discipline générale de l’habitation, donc au droit de punir sévèrement. Le fouet qui était la punition la plus fréquente au cours des travaux mêmes, était distribué un peu comme l’entendait le commandeur. A lui d’apprécier l'importance de la paresse, du mauvais vouloir ou du manquement. Il n’en rendait compte à l’économe qu’ensuite. Si les punitions plus graves étaient décidées par le colon ou par le gérant, c’était parce qu’ils craignaient qu’elles ne fussent une manière de vengeances personnelles de la part des commandeur. En fait c'était généralement à eux que revenait la répression des fautes moyennes, et ils n’avaient qu’à faire un rapport de quelques mots sur les coups de fouet ou les nuits de barre qu’ils avaient donnés pour qu’ils ne parussent pas excessifs. On n’avait qu’à souhaiter que les coups fussent distribués en silence et sans colère. Ainsi d’une manière qui variait d’une plantation à l’autre, le commandeur se sentait associé à des tâches dont l’organisation et le rythme dépendaient en partie de lui. De son importance le commandeur abusait souvent se donnant le droit de châtier sévèrement. Des morts suivaient quelquefois : J'ai vu des d’une manière leur charrette s’y opposassent

nègres attelés à une voiture être fouettés par le nègre conducteur plus impitoyable que les rouliers ne traitent leurs chevaux quand est embourbée, malgré que plusieurs blancs qui étaient présents de toutes leurs forces.

Le commandeur qui mène un atelier est toujours plus méchant que son maître. Celui-ci est sans cesse obligé de le surveiller pour modérer l’ardeur de son zèle (1).

Le prestige que son rôle lui donnait le faisait tyranneau officiel, grand personnage. « Le fils d’un commandeur ou d’un ouvrier ne voudra pas épouser le fils d’un nègre de jardin (2). » Un mémoire sur les esclaves des Antilles l’appelle « coq des ateliers » (3). Ce fut un mal permanent sur lequel les correspondances coloniales ne trouvent rien à dire et où les comptes de plantation sont discrets par nature. Par hasard un de ces cas nous est résumé dans la correspondance des (1) Dominique-Harcourt Lamiral, L'Affrique et le peuple affricain considérés sous tous leurs rapports avec notre commerce et nos colonies, Paris, 1789, in-8°,

p. 212. (2) Labat, IV, p. 495. (3) Archives des Affaires étrangères. Mémoires et documents. Afrique 14, f° 94.

LES COMMANDEURS

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gérants de la sucrerie de Stanislas Foäche à Jean-Rabel. Il s’agit de JeanBaptiste, troisième commandeur de cette plantation de plus de 500 esclaves. En 1779 il a 45 ans. Nous ne savons pas s’il avait son ménage sur la sucrerie, mais à coup sûr il était l’origine de troubles dans de nombreuses familles de ses subordonnés. Il n’en passera pas moins, un moment, premier commandeur et l’affranchissement récompensera ses bons services, parmi lesquels peut-être d’abord, ceux de patriarche. Le numéro du 11 septembre 1792 du Journal politique de Saint-Domingue résume le résultat d’un de ses talents : MM. Morange et Hardivilliers (1), négociants au Cap, exposent (2) les que le nègre Jean-Baptiste, premier commandeur de l'habitation Foäche, de plus de 60 enfants existant sur cette habitation a rendus à la colonie en nant l’ordre dans un atelier composé de plus de 500 nègres sur lesquels les ne cessaient de faire des entreprises.

services et père maintebrigands

Du maître de Jean-Baptiste, Stanislas Foäche, négociant havrais qui avait vécu longtemps à Saint-Domingue où il avait dirigé diverses plantations comme procureur, nous avons les instructions qu’il laissa aux quitter gérants de sa plantation de Jean-Rabel, en 1778, au moment de

la colonie. Sur la conduite à tenir à l'égard des commandeurs, ce sont la les instructions les plus précises que nous ayons vues. Elles sont à (3). générale très portée de et ion exploitat cette à ères fois, particuli une réponse insolente Il est nécessaire que les commandeurs soient respectés et présence du proqui leur serait faite doit être punie avec sévérité, par ordre et en r sans inconvépriétaire ou de celui qui le représente. Le maître pourrait pardonne qu’elle est envers le nient une pareille action envers lui, mais il ne le peut dès manquement est plus ou commandeur. sans détruire toute subordination. Le doit y avoir de modifine il mais , coupable du caractère le suivant moins grand offensé. Pour rendre eur command du ion sollicitat la qu’à t cation dans le châtimen à bien faire leur attacher les et nègres aux les les commandeurs plus respectab Le premier commandeur devoir, il les faut mettre dans l’aisance et les distinguer. et avoir abondance doit être surtout distingué par son mieux habillé et mieux logé qu'il ne puisse s’en de vivres ; que tous ces avantages lui viennent du maître, qu'il ne peut exiger procurer aucun sur les nègres et que tout l'atelier sache obligé de maintenir aucun travail que pour leur maître ou qu’il est spécialementinquiétudes contre ses sans réclamer puissent qu’ils et eux le bon ordre parmi injustices, s’il en commettait. suivre les travaux pour Le premier commandeur étant continuellement occupé à son compte. Pour pour r travaille peut ne ordre, bon au le maître, soit à veiller autres nègres et les tous à comme nt appartie lui qui le dédommager du temps au propriétaire, il faut qu'il emploie constamment à une surveillance nécessaire nègre pour travailler à sa lui accorder toutes les semaines une journée d’un (5) et que ce ne soit pas deur comman le par désigné soit nègre ce que ; (4) place

(1) Associés de Stanislas Foäche. (2) Devant la seconde Assemblée coloniale, celle du Cap. lm aux Archives de la (3) Papiers Begouen-Demeaux, aujourd’hui en microfi . Seine-Maritime (4) A sa place à vivres. régisseur. Voir deux (5) Lapsus probable. Il a voulu dire le gérant ici appelé lignes plus loin : « désigné également, par le régisseur ».

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LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

toujours le même, et toutes les après-midi lui permettre de faire quitter le travail à un nègre, désigné également par le régisseur, pour l’employer pendant ces deux heures seulement (1). Il faut aussi aider les deux autres commandeurs en raison des soins qu’on exige d’eux pendant le temps qui leur appartient. Enfin on doit les intéresser au maintien du bon ordre, à bien remplir tout leur devoir, en rendant leur sort heureux. Il faut les mettre assez dans l’aisance pour qu’ils soient dans le cas de soulager les malheureux, loin de les vexer. J'observe qu’à tout il faut des bornes et que l’excès dans les bontés qu’on aurait pour eux deviendrait nuisible en ce qu’il diminuerait leur ressort. Que leur bien-être soit modéré et toujours la récompense de leur bonne conduite. Le bon ordre dans l’atelier dépend absolument de l'intelligence, de la bonne conduite, de l’activité, de la fermeté des commandeurs. L’inspection du régisseur doit se porter essentiellement sur eux. Un bon commandeur est un homme rare et d’une valeur inappréciable, Un bon régisseur les forme. Celui qui est en apprentissage de commandeur sur l'habitation des héritiers Béhotte (2) est destiné à être le premier commandeur. C’est un nègre créole de l'habitation que les autres verront sans peine leur supérieur parce qu’il a toujours été distingué et qu'il aura acquis des connaissances qu'ils respectent. Quoiqu'il soit nécessaire à bien des égards je ne crois pas qu’il convienne de le faire venir avant la roulaison. J'ai recommandé à M. Sonnier (3) de le faire passer par tous les travaux : planter, sarcler et couper des cannes, couper du plant, amarrer cannes et plant, charrier l’un et l’autre, servir cannes et bagasses, chauffer au fourneau et écumer. Un bon commandeur doit savoir tout faire. Ensuite suivre tous les travaux avec le commandeur [de] Jean-Rabel (4), pour apprendre à commander des travaux, à rendre compte, à recevoir les ordres pour distribuer les nègres où besoin est... Le premier commandeur actuel est un homme à veiller de près pour qu'il ne vexe pas les nègres, et surtout pour qu’il ne trouble pas les ménages. Si cela lui arrivait encore il faudrait en faire un châtiment exemplaire. Il faudra dès le début lui parler ferme en particulier et le tenir dans la crainte. C’est le seul des commandeurs qui sache faire travailler les nègres et qui ait quelque idée de culture (5). Michel, second commandeur, est d’un caractère doux, mais trop faible. Il a besoin d’être excité, pressé pour faire travailler ceux qui sont sous ses ordres, ou seul. Si vous lui retiriez le commandement, vous pourriez sans danger le mettre cabrouetier. 11 l’a été. I1 doit savoir soigner les animaux. Je ne connais pas bien le 3° commandeur, mais je le crois assez bon sujet (6). Le commandeur qui a la conduite des négriilons et négrittes m'a paru très intelligent pour cette partie. Je le crois attaché à sa femme et sans passions vives. Un nègre libertin serait très dangereux dans cette partie. Lorsqu'on est dans le cas de reprocher au commandeur qu’il ne fait pas assez travailler les nègres, il est bon de le faire publiquement et durement, [del le menacer de punitions fortes s’il ne se corrige pas. Il est nécessaire que les nègres —

(1) Le grand avantage d'être commandeur

contraste avec les esclaves du rang. (2) Parmi lesquels était la femme de Malouet. (3) Gérant de la sucrerie Béhotte.

est donc de manger

(4) C'est-à-dire d’abord en sous-ordre. (5) C'était un créole Âgé de 31 ans, du nom

mandeur encore en des « cultivateurs ».

1797, au

temps

(6) C'était notre Jean-Baptiste,



de Joseph.

à Jean-Rabel

à sa faim, par

I1 sera premier

les esclaves

seront

com-

devenus

TC

LES COMMANDEURS

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sachent l'intention du régisseur et que la vivacité dans le travail est un ordre les émané de lui. S'il est dans le cas de reproches de dureté, de sévérité, il faut lui faire en particulier, sans quoi il ne serait pas respecté et il serait à craindre que les nègres. ne parviennent à le faire destituer. Même observation pour les blancs en sous-ordre. Les nègres sentent intérieurement l'intérêt qu'a le maître, ou son représentant, de les conserver. Ils ne le supposent pas chez les commandeurs ou les blancs en sous-ordre, J’observe ici qu’il est bien plus facile de former des en souscommandeurs qui restent toujours attachés à l'habitation que des blancs p du ordre, qui peuvent la quitter. Ces derniers ne doivent être que les aides-de-cam régisseur. On ne doit punir les commandeurs qu'après de mûres réflexions. Il faut auparaet vant épuiser la ressource des menaces en particulier, La crainte du châtiment, sur les plus encore celle de perdre leur état doit faire plus d'impression sur eux que des châtiautres nègres. S’ils sont sans intelligence on ne les formera jamais par d'espérance. sujets des remplacer les pour choisir et destituer les ments. Il faut il y a de la Si leur négligence est causée par la distraction de leurs passions, r il ne ressource et le temps les corrigera. Quelque talent qu'ait un commandeu autre faut pas hésiter à le destituer s’il est prouvé qu’il a suborné la femme d’un malgrands nègre (1). Ce crime doit être impardonnable ou l’on s'expose aux plus et en présence heurs. Dans ce cas le châtiment doit être de la plus grande sévérité dangereux, et aussi d'autorité abus d’un punir le faut Il assemblé. l'atelier de se plier à pôût ne commander à habitué nègre qu’un craindre à comme il serait condamner à la l’obéissance, et qu’il ne conçût le désir de se venger, il faut le qu’il y soit chaîne pour longtemps, qu’il soit mis à la barre à la sortie du travail, à ne pouvoir amené par un nègre éprouvé, et qu'il soit mis à la barre de manière en répondrai. s’en évader sans réveiller le nègre qui serait auprès de lui et qui conduit et qu'il Après un châtiment long et exemplaire, si le nègre s’est bien juge pas convesoit un sujet utile, on peut le rétablir dans son poste. Si on ne le Il est des autres. ou vivres de gardien de poste quelque confier nable il faut lui ont comqu’ils ceux avec confondre de prudent pas caractères qu’il ne serait cas. mandés longtemps. C’est à la sagacité du régisseur de décider en pareil

Il faut donner aux commandeurs

au premier de l'an outre leur rechange en

grosse toile, une de brin 7/8 ou de Vimoutiers

(2), au premier commandeur

une

redingote bleue et à tous les autres une grise (3).

On se doute que l’on ne punissait le commandeur que pour une faute grave car l’abaisser ainsi c’était toucher presque au principe de la dispour cipline. Il n’était recouru à un châtiment qu’en des cas extrêmes et depas faisait le n€ on servir d'exemple extraordinaire. Communément châou ndé réprima était Il ion. humiliat une été vant l'atelier, ce qui eût de l’atelier, tié à l'écart. Si la faute était répétée on le châtiait à la tête et il devait cesser ses fonctions (4).

deurs que cent autres Il doit moins répugner d’avoir à châtier deux comman puisqu’elle porte sur les nègres et cette correction est plus favorable au planteur leviers qui font mouvoir l'atelier (5). Le commandeur (1) En réalité, on n’app'iquera jamais ces ordres. jeunes filles. ni de n’a pas dû avoir ses 60 enfants de sa femme,

(2) (3) (4) (5)

C'était ce qu’imposait le code noir. G. Debien, Plantations et esclaves, p. 39. Laborie, p. 165. Poyen de Sainte-Marie, p. 20-21. Poyen de Sainte-Marie, p. 4.

Jean-Baptiste

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Pas de plus grande punition que de le faire rentrer dans le rang ou parmi les ouvriers d’où sortaient la plupart des commandeurs. Aïnsi à Léogane, sur la sucrerie Beaulieu-Deslandes dont l'atelier était conduit par deux créoles : Noël, de 46 ans, premier commandeur et Larose de 36 ans. Le péché mignon de Larose était l’ivrognerie. Impossible au gérant de l’en corriger. Larose venait du moulin. Le gérant l’y remit en 1764 et le remplaça par Jacques, un jeune de 26 ans. Larose était encore moulinier en 1770. Depuis un an qu'il est question de ma sortie de Bonrepos (1), écrit le gérant le 15 août 1782, les nègres de cette habitation m'ont donné une peine incroyable pour les contenir et ce n’est que par le plus heureux hasard que j'ai échappé le jour de la Pentecôte à l’affreux complot qu'ils avaient formé de me détruire ainsi que toute ma famille. Une blanchisseuse fut surprise dans mon office à l’eau, prête à empoisonner mes jarres. Elle s’enfuit et jeta au vent la poudre qu’elle tenait à la main. Mais l’ayant fait arrêter et mettre à la question dans une étuve (2), (où pour ne pas révéler son secret elle essaya de se pendre) elle m’avoua que le premier commandeur, son oncle, lui avait donné cette poudre pour mettre dans mes vases, et que sur la demande qu’elle lui fit du but de sa démarche, il lui avait répondu qu’elle tendait à m'inspirer de l’indulgence pour une mulâtresse, autre parente, que je voulais mettre au jardin (3) pour avoir méchamment fait une fausse couche forcée, Ce commandeur et la mulâtresse ont constamment nié n’avoir aucune part au forfait de la blanchisseuse et la justice eût pu seule découvrir la vérité. Mais ce moyen était terrible et eût pu faire découvrir une foule de complices et ruiner M. de Brancas, à qui je me suis contenté d’en rendre compte, ainsi que de la précaution que je prenais de faire enchaîner et enfermer ces trois monstres (4).

Les commandeurs qui menaient bien leur monde, sans trop de violences exagérées étaient récompensés. Pour les flatter lors de la distribution des vêtements à la fin de l’année, ils recevaient sur de nombreuses plantations doubles rechanges accommodés à leur mesure, et pour le dimanche un habit de drap, un chapeau de maître ou à peu de chose près ; ils étaient mieux vêtus que les domestiques (5). Puis on les laissait se procurer de petites « commodités », plus de volailles que les autres et deux porcs au lieu d’un « dont la vente les met en état de se vêtir proprement et de bien entretenir leur famille » (6). J'ai prétendu qu’il fallait lui faire un traitement qui aidât un peu à l'illusion [qu’il était l’économel, mais observez à cet égard une règle qui me paraît bien importante : à la réserve des vivres et du vêtement nécessaire, ne donnez rien à des temps fixes ; qui ne puisse être envisagé comme une affaire de coutume, (1) Nom de l'habitation, au Cul-de-Sac. (2) Bâtiment isolé où l’on faisait sécher les formes de sucre. (3) Cette mulâtresse servait donc à la grand’case, (4) Papiers Senot de la Londe. Lettres du gérant de Beaulieu, 8 janvier 1764 et Papiers Sartre aux Archives du Maine-et-Loire, 15 août 1787. (5) Papiers Galbaud du Fort. Parison à Mme Galbaud, Léogane, 6 juillèt 1778 et Papiers Senot de la Londe, Observations, p. 27 ; Papiers Bion, 30 juin 1791, Bibliothèque de La Rochelle, Ms 1981. | (6) Ducœurjoly, I, p. 34.

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LES COMMANDEURS

mais que toute largesse soit faveur et récompense et tombe sans être attendue, certila que n’est Ce l’activité. entretient e L’espéranc espérée. être sans non pas tude qui engendre l’indolence (1).

Des commandeurs

avaient des montres et de l’argenterie (2).

La responsabilité, donc le prestige de nombreux commandeurs étaient si grands que le colon ou le gérant les consultaient pour les achats de nouveaux esclaves, et ils accompagnaient leur maître à bord des négriers quand il allait choisir des « bossales » de telle ou telle race, ou à la barre des tribunaux quand des marrons repris et non réclamés, étaient mis à l’encan. Ils appréciaient mieux que personne les qualités physiques ou les défauts de ceux que le colon ou le gérant se proposaient d’acsur quérir (3). Quand, en mars 1793, M” de La Rochejaquelein arrive est elle gérant, de sa sucrerie au Baconnais dans le Sud où il n’y a plus (4). e l’économ que mieux bien était s’il rèçue par le commandeur comme les harQuand un commandeur maltraitait les esclaves hors de propos, le désordre celait, les harassait par des travaux mal distribués, mettait

e et, par le surmenage, c'était le signe d’une médiocre discipline général avait colon un Mais désirer. à fort laissait qui ent rendem disait-on, d’un dos le sur sse maladre sa vite fait de faire retomber son inexpérience et des commandeurs. têtes, les Comme ils connaissent de près chaque esclave, les mauvaises de l’atel'esprit travail, le et lité timides, tous les paresseux, la tranquil au mobien vit le On . meneurs vrais les sont lier, dépendent d’eux. Ils les ras, ssement ralenti son travail, du arrêts Les ion. Révolut ment de la , le marronage semblements nocturnes, les assemblées de plusieurs ateliers

eux-mêmes collectif, les incendies, et en plusieurs cas les soulèvements mis chez été a feu Le « deurs. comman des on directi la se firent sous 14 avril le depuis moi chez moi par mes commandeurs déserteurs de caféier aux 1797 », écrit

le 16 mars

1798

le colon

Bartholomée,

Matheux, à sa femme réfugiée à New-York (5). commandeurs. Il n’était pas très exceptionnel de voir s'enfuir des ou d’une mévite trop choisis avait les qu’on C'était grave, et la preuve plusieurs trouvé a sentente entre eux et un économe. M. J. Fouchard en

t un commandeur parexemples dans les Affiches américaines (6). Souven

(1) Marquis de Casaux, p. 288. et infortunes les plus accablantes de (2) Joinville-Gauban, Voyage d'outre-mer v. in-8°, I, p. 143. 2 1814, Paris, uban, lle-Ga Joinvi M. de la vie et 3 octobre 1777, 28 mars 1784. juillet 24 e, Léogan Fort, du Mme à (3) Parison acquelein aux Antilles. SouveRochej la de famille La «€ (4) Ch. de Beaucorps, 1931, sans numéro, p. 4-5. , Antilles des que nirs d’émigration ». Revue histori tion ; Bartholomée d’après Révolu la de victime (5) Vicomte de Grimouard, « Une s, 1935, p. 113. colonie des ire d'histo Revue in », ce pondan sa corres de l’École, 1972, in-8°, p. 362 (6) Les marrons de la liberté, Paris, Éditions et 406.

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

tait avec un groupe d’esclaves de la plantation. Rattrapé, il était alors puni de mort en principe. Le 6 mai 1767. — La Serpe, Congo, commandeur, au sieur Saint-Aignan, est déclaré marron depuis le 3 février avec l’Espérance, Congo, patron de canot. On promet 120 livres de récompense.

3 juin 1767. — Valérius, nègre rouge, commandeur à la coupe à David, l'Acul, chez M. Dumay, est marron depuis 8 mois. Ivrogne et mauvais sujet.

à

juin 1769. — Jean-Pierre, créole sans étampe, 1° commandeur, appartenant à M. Robert, colon à la Ganetière près Port-au-Prince, parti avec 10 nègres et négresses.

Quand un commandeur se montrait voleur ou menteur habituel, il n’y avait pas d’autre remède que de le vendre, ou de l’envoyer sur une autre plantation le plus loin possible. Ce n’était nullement rarissime. Sur les sucreries tout au moins on regardait cependant à deux fois avant de faire un changement, car la stabilité du commandeur passait pour un demidogme, à juste titre pour être plus importante que quelques maraudages. Sur les caféières, les commandeurs, chargés peut-être d’une autorité moins grande et d’un atelier moins nombreux, étaient plus facilement remplacés. Le gérant de la caféière Giroust, aux Abricots, presque à l’extrémité du Sud, annonce à la propriétaire : 4 septembre 1775. — J'ai vendu... à un nommé Perrier. votre ancien commandeur nommé Aban.. M. Burot (1) a été le premier à me conseiller cette affaire en me le dépeignant comme un mauvais sujet qu’il fallait absolument écarter. Il en avait même essuyé quelques épreuves, et l’on avait tout à craindre de lui parce qu'ayant été remplacé par un excellent commandeur du parti du Grand Goave (2), il n’avait plus d'espérance de recommander … M. Giroust (3) avait fait tout le mal par sa trop grande confiance et sa promesse de liberté. Ainsi le nègre s'était porté à des excès vis-à-vis de lui, qui avec tout autre (4) auraient mérité la mort (5).

Dès qu’une plantation possédait une souvent moins, le colon se faisait assister le voit dès l’établissement des premières sucrerie Bonrepos au Cul-de-Sac en 1714 étaient conduits par quatre commandeurs

centaine d’esclaves, et même de plusieurs commandeurs. On sucreries. Par exemple sur la où un peu plus de cent esclaves : trois créoles et un mulâtre, un des très rares commandeurs de couleur que nous ayons trouvés (6). Au reste dans tous les cas où le terrain était très escarpé ou coupé de profondes ravines, un commandeur ne pouvait que très difficilement surveiller une trentaine d’esclaves. Cette multiplication des contremaîtres (1) L’économe de la caféière des Abricots, qui appartient aux Galbaud du Fort. (2) D’un groupe d'esclaves qu'on venait d’acheter.

(3) Ancien propriétaire de la caféière.

(4) Avec un autre maître ou avec un autre esclave ? (5) Papiers Galbaud du Fort. (6) Papiers Senot de la Londe.

133

LES COMMANDEURS

venait de la multiplication même des équipes. Les plus faibles des esclaves sont de plus en plus commandés par un chef à part. Ou bien un second commandeur

surveillait les arrosages, veillait à l'entretien des canaux,

it surponceaux et rigoles (1). Mais le nombre des commandeurs dépenda même tout des vues du colon ou du gérant, ou de la composition

de

sation en l'atelier dont les origines et les âges pouvaient prêter à l’organi nt rendeme du aussi e dépendr pouvait Il s. distincte équipes deux ou trois la de et relief du ou , que l’on entendait obtenir du travail des esclaves moins ou plus caféièrs de ou cannes de distribution générale des pièces en général tenu groupées. Sur la fin du XVII siècle où le travail est partout plus ent devienn de plus près qu'auparavant, les commandeurs ordonnée bien on plantati une sur que nombreux et les colons estiment peut deur comman qu’un plus au eurs travaill de Cest une trentaine Laborie. ande conduire utilement. C’est le nombre même que recomm encadrer le même Dans les îles danoises on mettait deux d’entre eux pour nombre d’esclaves (2). quelque course Quand un commandeur était malade, ou absent pour généralement s, sucrier des un c'était importante dans un canton voisin, prévu pour était cement rempla ce et ; çait rempla le plus ancien, qui le très souétant reste qu’il n’y eût pas d’interrègne. Les commandeurs au une normal était tout quand avait, vent recrutés parmi les sucriers, il y (3). r prévoi à manière d'avancement facile

action toute sa vie, le Vers la soixantaine, quand il avait donné satisf de gardien d’enrepos, de et choix de e tâche

maître lui confiait quelqu ndeur trée, de barrage, de place à vivres ; et le comma

obtenait

plus

, ou même l’affranchissefacilement que tout autre la liberté de savane

ment régulier.

#+

me Vases, Archives de la Charente-Mariti (1) Ainsi sur la sucrerie Borderie aux

. Papiers La Barre. E 377. Comptes Mazet (2) Isert, p. 304. Bibliothèque de La Rochelle, Ms (3) Papiers Lataste, 13 janvier 1786.

1961.

LA DISTRIBUTION DES TÂCHES use des esLes ouvriers agricoles formaient la classe la plus nombre jardin » ou de « », terre de s esclave e, celles des «

claves, la dernièr de « houe », c’est-à-dire à tout faire.

sucreries, une Sur les plantations un peu importantes, Sur toutes les sur la force fondait se Elle s. esclave ces division était ménagée parmi t ateappelai qu’on s équipe par s réparti étaient leurs physique. Les travail et second un grand, un ou liers. Il y avait un grand et un petit atelier généisation l’organ C’était s. esclave des un petit ateliers, selon le nombre chée l’homorale de toutes les plantations d'Amérique. Était ainsi recher de l’acclimaet âges des généité des forces, qu’exprimait l’homogénéité colons se Des pas. it compta ne tement. La juste balance des sexes . pouvait se s’il races, es certain soucièrent de grouper 2 tion sous les ordres Le grand atelier était l’épine dorsale de la planta es qui étaient assez esclav les t tuaien du premier commandeur. Le consti s et des femmes homme Des x. travau gros les tous forts pour supporter le bêchage, la sol, du s’y côtoyaient, en plein âge. Les tâches de fouille cannes, le creusement des coupe la , plantation des caféiers ou des cannes les très gros travaux, comme des canaux, leur étaient imposés. Toutefois l'extraction des pierres, le portage de matériaux

l'abattage des arbres, . étaient le lot d’hommes pris dans le grand atelier au grand atelier. Il lui _ On ne voit pas d’alimentation spéciale destinée s en temps de pluie, parfoi était donné du tafia lors des grands efforts, res. rdinai extrao ux trava des cours et au arrivés dont on voulait Les moins robustes, les nouveaux, récemment pour n’être pas laissés à ménager l’acclimatement mais encore assez forts s enceintes ou nourrices, leur case ou à quelque gardiennage, les femme r. Il ne formait pas une atelie d mais pas partout, comptaient dans le secon les saisons, l’état sanitaire équipe régulière, son importance variant avec entrait, on en sortait. Le général, et les vues d'intérêt du colon. On y

136

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

chirurgien avait quelques regards sur ces esclaves etpouvait demander pour eux une ration supplémentaire, du tafia, du riz. Quelquefois. La peine était moins grande dans cet atelier parce que les tâches étaient plus variées : ainsi la plantation du petit-mil, des patates, du maïs, le transport du fumier dans des paniers, et son tassement à la maïn autour des pieds de cannes ou de caféiers, le transport des cendres des foyers de la sucrerie dans les pièces, l’épaillage et l’étêtage des cannes, le ramassage de l’herbe pour les bêtes de travail, la mise en tas de la

bagasse qui doit servir de combustible à l’équipage de la sucrerie (1), le nettoyage des chemins après l’orage, etc. Cependant il était un travail qui revenait souvent et qui prenait le meilleur de ses forces : celui des « sarclaisons ». Elles étaient répétées : une tâche d’entretien. Il ne s’agissait pas seulement d’arracher les mauvaises herbes, maïs d’enlever aux jeunes cannes les feuilles desséchées pour donner de l’air aux souches et les débarrasser des insectes (2). Les incendies étaient évités du même coup. Les « passages » devenaient inutiles quand les plants de cannes avaient plusieurs mois (3). Moins souvent répétés sur les caféières ils y retenaient moins de bras. Cet atelier avait aussi son commandeur. Un second atelier n’était pas organisé partout. Quand il y avait deux ateliers nettement séparés, passer du grand au second, était comme un déclassement dont souffraient quelques amours-propres. Lorsque les enfants étaient assez nombreux entre huit et douze ou

treize ans ils étaient placés sous la surveïllance particulière d’une matrone

pour quelques travaux légers. C’était le petit atelier. Chaque enfant avait un panier. Leur groupe était conduit à l’épierrage du « jardin », au ramassage de l’herbe, de la paille des cannes ou de la bagasse tombée autour du moulin. D’où le nom d’ « enfants au panier ». A 12 ou à 13 ans, plus rarement à 14, ils passaient dans le grand atelier : les plus habiles ou les fils d'ouvriers devenaient apprentis ouvriers. Cette organisation d’un petit atelier dépendait des colons, de leurs soucis de la mortalité enfantine toujours grande. En les rassemblant ainsi on pouvait mieux prendre garde à leur santé, à leur nourriture. Leur matrone avait à veiller à la propreté de leurs pieds qu’attaquaient les

chiques et dont la plante pouvait souffrir d’abcès divers. La bonne santé

() L’équipage est ici la série des cuves où l’on faisait cuire le jus des cannes

pour le transformer en sucre. (2) R° P. Cabon, Histoire d'Haïti, IL, p. 508 : Wimpffen, Voyage à Saint-Domingue pendant les années 1788, 1789 et 1790, Paris, an V, 2 v. in-8°, J, p. 227. Du-

cœurjoly, Manuel des habitants de Saint-Domingue, Paris, 2 v. in-8°, I, p. 107-108. G) Girod-Chantrans, Voyage d'un Suisse dans différentes colonies d'Amériq ue pendant la dernière guerre, Neufchâtel, 1785, in-12, p. 264.

LA DISTRIBUTION

DES

TACHES

137

la prospérité d’une plantades enfants était l’un des meilleurs signes de tion.

ou de son gérant. Ouand il Elle dépendait aussi de l’origine du colon n, le maître faisait comme sortait d'un milieu pauvre ou avait été artisa ion de laisser sans occuquest pas il avait vu faire en France où il n’était laborieuses. Et comme ces pation les enfants, mêmes petits, des classes ations modestes, caféières colons possédaient presque toujours des plant bien grouper les enfants à ent ou indigoteries où ils résidaient, ils tenai leur petit nombre. et à les garder sous leur regard, malgré n trop rigide. On pouvait Au reste n’imaginons jamais une répartitio provisoirement, tantôt les hait, détac on navoir qu'un seul atelier dont les travaux. plus forts, tantôt les moins vaillants, selon nous donne une vue généL'analyse des inventaires de deux sucreries deux assez grandes plantations. rale de la distribution du travail sur Citronniers à Léogane et de la Elles sont du même quartier, celui des inventaires datent tous Îles deux Ces même force : 130 et 141 esclaves.

de 1768.

comptait 141 esclaves, dont Au 1° juillet 1768, la sucrerie Beaulieu, ts ne sont pas mis en ligne. 87 hommes et 54 femmes (1), les enfan

8 cabrouetiers, 3 charpentiers, Parmi les hommes : 2 commandeurs, On ; — 9 gardiens : de barrière, de 3 tonneliers, 2 arroseurs et un MAaÇç els 7 valides et 2 infirmes ; — 13 vivres, de bestiaux etc. parmi lesqu et distillerie : 2 mouliniers, 9 sucriers à la fabrication du sucre et à la piés, estro 7 dont sans emploi : 2 guildiviers ; — 29 infirmes et vieux ère

t sont aux jardins d’une mani 5 vérolés, des aveugles ; — 9 seulemen sous le nom de grand atelier. permanente et on les désigne parfois (18 à l'atelier, et 2 sarcleuses) ; — Sur les 54 femmes, 20 aux jardins aux vivres, 2 à l'hôpital) ; 28 hors 4 gardiennes (2 aux poulaillers et ant , 7 « surâgées » ; une infirme vend de service : 11 infirmes, 8 vérolées n. s du jardi du tafia est comptée parmi les ouvrière qui servent le gérant qui occupe N’apparaissent pas les 5 domestiques valet et deux la grand’case : 3 hommes

: un postillon, un cuisinier, un

femmes.

gardiens, 29 travailleurs de jardin en Ce qui fait en tout 31 ouvriers, 13 57 infirmes et vieux, et 5 domesticomptant ici les deux commandeurs, ques. ectif le quart ou le cinquième de l'eff Aux travaux agricoles n’est que tiers. et là les femmes font les deux 1469, Papiers Motmans. (1) Bibliothèque de Dijon, Ms

138

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

C’est une répartition analogue le 6 mars 1768 sur la sucrerie Galbaud

du Fort où sont 54 hommes

Parmi les hommes

et 58 femmes,

: 1 commandeur,

3 tonneliers et un maçon —

valides.

10 cabrouetiers, 4 charpentiers.

10 à la fabrication du sucre (8 sucriers, 1

chauffeur à l’étuve (1), 1 charroyeur de cendre) et 2 guildiviers, — 3 charroyeurs d'herbe dont un en apprentissage ; — 10 gardiens ;— 9 hommes au jardin. Ils font contraste, avec les 44 femmes du jardin, que complètent 6 gardiennes (1 pour les enfants, 1 pour la volaille et 4 aux barrière s) ; — 3 infirmières, et 5 sarcleuses. A la grand’case, pour le service du gérant : un cuisinier et son marmiton et deux femmes, dont la sage-femme. Sur un mornet voisin, pour les vivres communs et les jardins des esclaves : 4 hommes et 4 femmes

avec un commandeur âgé. Mais nous n’avons pas le nombre des invalides et des vieillards sans emploi qui ne devaient pas être moins d’une cinquantaine. sur la sucrerie Beaulieu

commandeurs ..,..... OUVFISS nn

2 SR PPS

sur la sucrerie Galbaud

1 34 19

PALIER ee ete LS TT ee avec les infirmières AU MU es PONS ARTE 58 avec les sarcleuses domestiques ........ SRE 4 hors de service (connus) 57 ....... L Avec le même nombre d'esclaves la sucrerie Galbaud parait mettre au jardin bien plus de monde. Peut-être a-t-elle moins d’infir mes et d’indisponibles. On parait y avoir un plus grand soin des enfants, qui ont une

gardienne différente de la sage-femme, et des malade s ; 3 gardiennes sont Pour eux. Le fait que la sage-femme sert en même temps à la grand’case marque une volonté d'économie de main-d'œuvre, et elle doit être ici

générale.

Les sarcleuses sont comptées à part du groupe des hommes et des femmes qui paraissent former le grand atelier, ensem ble. Les femmes ne prendraient part qu'aux travaux agricoles ordina ires, les hommes aux grosse

s tâches. Des deux côtés, la proportion des ouvri ers est grande ; celle des travailleurs du jardin bien plus d’un cinquième sur la sucrerie Beaulieu et chez Gaïlbaud du Fort plus d’un tiers, ce cinquième et ce tiers étant en très grande majorité des femmes

S’arrangeait-on pour que ces équipes de travail fussent une réunion de groupes ethniques le moins hétérogène possible, ou de familles, de groupements de mères

et de fils, de frères ? ou furent-ils seulement tolérés ?

——

(1) Pour le séchage des formes remplies de sucre.

LA DISTRIBUTION

DES

TACHES

139

pour répondre ici. Il Nous ignorons trop quelle fut la vie des esclaves d’une plantation à ente différ est probable que l’attitude du colon était gardées que pour ent n’étai es intern l'autre, et que ces petites escouades e du travail, et rythm le dans rité régula de et laisser plus de souplesse du jardin aux nts es fréque surtout pour éviter le marronage. Les passag rendaient difet s atelier des n rangs des ouvriers modifiaient la compositio . lleurs travai ficilement stables ces unions de agricoles sur presque La part, somme toute réduite, des travailleurs ue permanente de la presq crise toutes les plantations fait découvrir une bras pour les cultures entreprises, main-d'œuvre. Il n’était jamais assez de entendait ficie avait été trop largement calculée. L’on

parce que leur super ir les mauvais COUPS, les occuper les « forces » au complet, sans prévo dant les travaux, les fréretar es, brutal s ouragans, les avalasses, ou pluie les esclaves, les accidents de quentes épidémies, la haute mortalité parmi main-d'œuvre. de travail fréquents. On était souvent à court ipal défaut de l’organisation L’imprévision du surmenage était le princ et surtout sur les sucreries, qui du travail sur les grandes plantations, u stable de pièces en culture, pourtant, depuis longtemps établies, au résea entre leurs « forces » et ibre équil juste pouvaient avoir trouvé un plus n’avaient jamais d’ouvriers de leurs tâches. Mais même là les planteurs trouvaient personne à prendre à supplément pour les coups durs. Ils ne r de renfort, ou d'individus atelie d'un la semaine, au mois, l’affermage ne s’improvisant pas. n devait répartir le travail de Il était bien répété pourtant qu’un colo nnier que le moins possible. ses esclaves de manière qu’il ne fût saiso ries, « la primeur », commençait La coupe des cannes sur les sucre et se poursuivait jusqu’en juillet. L’on à la fin de décembre ou en janvier par mois. Ensuite, l'été, la coupe « roulait » alors une dizaine de jours par mois ; mais rien d’absolument n’occupait plus que cinq ou six jours de travail sur les sucreries. Quand fixe, comme le font voir les journaux sarclaisons. Juillet et août voyaient on ne roulait pas, on travaillait aux de cannes, pendant que les sarclages la « fouille » pour les plantations r que des pièces ne fussent à bêcher continuaient. À tout prix était à évite pendant la pleine roulaison. En reou à planter ou « à recourir » (1) née la maturité des cannes à rouler l’an poussant ces travaux, la date de de s pluie Les ger. chan à des tâches suivante était retardée, et la suite et aux trav les ient mula accu t, emen tous ces mois ralentissaient le mouv Les e. coup la de au temps même les fatigues en obligeant de planter

. esclaves étaient accablés, surmenés forrégulièrement celui de décembre, Le mois de novembre, mais plus OMmOn s moin aux à des trav

occupée maient une brève détente. Elle était e du moulin, à la consolidation des oyag nett au et e tones : au démontag (1) A replanter les pieds manqués.

140

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

foyers de l'équipage, à l’étanchéité du bassin à vesou, à la réparation des cases, des magasins divers, des barrières. Les sarclaisons ne chômaient jamais. Les réfections de bâtiments, le curage des canaux non plus. Les jeunes cannes étant mûres à dix-huit mois et leurs rejetons un an

ensuite, et le nombre des années à rejetons n’étant pas le même sur toutes les sucreries et sur une sucrerie dans toutes les pièces, il y avait là pour le planteur le moyen d’un certain jeu. L’échelonnement de la maturité des cannes sur un plus grand nombre de mois pouvait mieux régulariser

le travail, établir un intervalle plus long entre deux pièces de cannes

à

couper. Mais le calcul était délicat, car les pièces n'étaient pas de la même superficie, et le colon ne pouvait parvenir qu’à des à-peu-près. De plus le choix n’était pas très grand aux Antilles entre les variétés de cannes arrivant à maturité en un temps différent (1). Sans doute aussi un autre moyen permettait d’abréger les travaux, qui était d’exploiter une ou deux pièces en vieux rejetons au lieu de les replanter ; ainsi plus de semaines de fouilles, plus de replantation ; que des sarclaisons. Mais la contre-partie était douloureuse : les vieux rejetons rendaient beaucoup moins de vesou que les cannes nouvelles. Qu’en concluait la volonté du revenu ? Il fallait donc calculer au plus juste les avantages et les inconvénients, heureux quand on tenait compte de la force de la main-d'œuvre dont on disposait, qui elle n’était changeante que dans le sens de la diminution, chaque plantation ne vivant que de sa main-d'œuvre jamais suffisante.

Combien de plantations parvenaient à étaler leurs travaux de manière à tre sans à-coups, sans trop grandes fatigues pour leur atelier, à avoir

toute l’année

des pièces de cannes

à fouiller, à planter,

à sarcler, à

épailler, à couper, et du terrain à mettre en vivres : patates, ignames, maïs, petit-mil ? Il était aussi assurément de grandes caféières, même de 150 esclaves où le travail était méthodiquement réglé et analogue sur bien des points à celui qui était organisé sur les sucreries. Mais on ne les trouvait qu’en quelques quartiers où ces plantations avaient pu être montées du premier

Coup, ou très rapidement, avec des capitaux, donc avec un atelier, im-

portant. Ainsi dans la paroisse de l’Arcahave, les caféières Séguineau et Andrault dans les mornes de Fond-Baptiste, la caféière Maulévrier aux Matheux, et Dartis, aux Grands-Bois (2). Mais plus ordinairement, sur-

tout dans le Sud, les caféières sont de plus petits établissements avec une cinquantaine d’esclaves.

(1) R° P. Cabon, Histoire d'Haïti, IX, p. 502. (2) G. Debien, Dans un quartier neuf de Saint-Domingue : un colon, une caféière (1743-1799) in Études antillaises. XVIII siècle. Cahier des Annales n° 11, et « Une caféière-résidence aux Grands-Bois », Revue de la faculté d’ethnolo gie (Port-auPrince), n° 6, 1963, p. 3-21.

VERT

LA DISTRIBUTION

DES

TACHES

141

des C’est pour la raison bien simple que les planteurs de café sont pour fort peiner dû hommes arrivés sans fortune dans la colonie. Ils ont acquérir les esclaves leur permettant de commencer une exploitation. En faits général leurs ateliers ne sont pas composés d'hommes nés au pays, plus fois la à sont Ils és. débarqu nt récemme ins, d’Africa mais pays, au t compten ateliers Ces créoles. dociles, et moins souples que les esclaves les ne l’on et s, d’enfant moins , sucreries des ceux moins de femmes que conduit pas exactement de la même manière que ceux de plaine. des Malgré la force réduite de leur main-d'œuvre, ces caféières ont se ions, concess s plusieur sur nt s'étende Elles rables. superficies considé des par et nes, incertai prolongent par des acquisitions aux limites souvent toujours prétentions sur des terrains occupés par des libres sans titres pentes les sur e, montagn en établies s toujour sont bien réguliers. Elles rs ». intérieu mornes doubles « des vallées hautes plus les dans très raides, s répartie les cultivab terres les Le relief, les multiples ravines, fragmentent ps longtem pour neufs, s quartier des dans est On sur plusieurs versants. fixées. La encore ; il s’agit d'exploitations pionnières, incomplètement qui locales, ses entrepri par , mise en valeur y avance mais par à-coups moins. en parfois , d’années ne quinzai une en tâtent les sols et les épuisent consacrées uniqueElles ne sont pas standardisées, pas toujours d’ailleurs ers sont aussi cotonni de et ment au café. Des pièces d’herbe à indigo cultures. des ireurs francs-t les sont cultivées. Ces jeunes plantations bien plus ées, dispers , Beaucoup d’entre elles sont très loin des plaines aux reliées mal bas, d’en es isolées les unes des autres que les sucreri assez donc sont Elles (1). mules pour s sentier bourgs et à la mer par des doivent se contenter indépendantes pour bien des côtés de leur vie. Elles est reliée à celle ements isionn de leurs vivres, car la question des approv elles plantent débuts leurs Dès es. difficil et des transports toujours longs sucreries. des places à vivres bien plus grandes que celles des sur les plancomme là est On C'est comme un décalage d’époques. elles étaient quand t, gemen aména leur de temps tations du XVII: siècle au et l’indigo, cannes es, encore des centres qui combinaient plusieurs cultur éle-

d’une cotonneraie, d’un car les caféières aussi se doublent souvent sucreries, et parfois de l’exdes celui que vage toujours plus important

ploitation des bois. température bien plus Au surplus, parler de morne, c’est parler d’une d’un rythme de saintes, fréque pluies de et froide qu’en plaine littorale, esclaves d’autres travaux, sons établi autrement. Tout cela impose aux moins régulières. tes, des fatigues différentes, des tâches plus promp les colons sont là, surDans les premières années de leurs habitations faut des revenus leur il veillant eux-mêmes de près leur monde, car : ; modernes sous la zone torride et parti(1) Barré de Saint-Venant, Des colonies 243. p. Paris, sd. [1802], in-8°, particulièrement de celle de Saint-Domingue.

142

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

rapides, et leur personnel d'encadrement est peu nombreux : un économe. Ils poussent au travail, le veulent productif. C’est un fait attesté partout. Cependant les journaux de travail des caféières montrent des équipes plus fragmentaires, naturellement moins bousculées que celles des plaines sous un climat plus accablant. La distribution des « bois neufs » ou plantations nouvelles de caféiers, augmente la lenteur des mouvements, donne

aux tâches une autre cadence qu’en plaine. Les esclaves étaient sans cesse houspillés par leurs maîtres, qui vivaient plus proches d’eux, qui étaient moins souvent absents. Ils étaient mieux logés, ou plus solidement, soignés plus attentivement, appartenaient à un certain cercle familial, du fait seul qu’ils étaient mieux connus. A ce sujet les témoignages sont nombreux. Le plus typique et le plus général de ces témoignages est la différence de place que la question de leurs esclaves tient dans les correspondances des colons caféiers comparativement à celle qu’elle a chez les sucriers (1). Les travaux des caféières offraient un autre aspect que ceux des habitations à cannes. Sur ces plantations neuves les tâches de déboisement ou de défrichement étaient en tout commencement. Venaient ensuite les plantations, les fumures et la taille des caféiers, les nettoyages bien entendu, aussi répétés cependant que dans les pièces de cannes, la cueillette enfin. Mais tout l'atelier ne participait pas à ces travaux. Le déboisement en particulier n’était pas toujours fait par des esclaves de la caféière. Il était pris à forfait par des bûcherons, qui, à une date convenue, devaient remettre une partie du terrain, bien dégagée, un brüûlis. Les gens de couleur étaient très souvent les entrepreneurs de ces abattages. Quand le colon se chargeait de ces travaux préliminaires il les confiait non à tout l'atelier mais à une équipe d'hommes robustes, ou réputés robustes, parce qu’ils étaient Africains, des Congos presque toujours (2). La plantation, après le creusement des trous où placer les jeunes pieds, était la partie la plus fatigante des travaux parce que la pluie interrompait les tâches. Les esclaves avaient à peiner sur des terrains en pente forte. L’opération délicate de la taille revenait à quelques spécialistes qui avaient déjà travaillé sur de plus anciennes caféières. Il s’agissait ici de soin, de savoir-faire plus que de force. Sur la caféière Maulévrier aux Matheux sur plus de 50 esclaves qui sont au jardin, 6 seulement, des hommes, taillent les caféiers tous les deux ans. Quand les plantations étaient faites, non sur des sols forestiers mais sur des savanes, les fumures devenaient capitales. Elles étaient confiées aux femmes et aux enfants qui y passaient beaucoup de journées. A la bonne saison étaient montés dans des paniers et entassés à l’abri dans (1) Ainsi les correspondances de J.-B. Andrault, colon à Fond-Baptiste, J. ingrand, J. Montignac. (2) G. Debien, « Le plan et les débuts d’une caféière à Saint-Do mingue : la plantation, La Merveillère aux Anses-à-Pitre (1789-1792) » Revue d'histoire d'Haïti, oct. 1943, p. 12-33.

LA DISTRIBUTION

DES

TACHES

143

des fosses à fond de terre battue et couverte, des boues, des pailles hachées, des terres de costière, et du fumier. L’ensemble criblé formaïit davantage un compost que du fumier. Il était non répandu sur le sol mais enfoui et tassé au pied des caféiers. Les tailles, les fumures, les nettoyages

sont finis à la floraison, au printemps. La récolte du café se poursuivait pendant de longs mois. La pleine cueillette se faisait de septembre à décembre, mais les fruits n'étaient pas mûrs tous à la fois. Il en était à ramasser dès le mois de juillet, et des « cerises » n'étaient à point qu'après le mois de mars. De septembre à

janvier, la grande passe, et en mars une seconde passe, moins importante. Hors de ces « ramassages » intenses, qui mobilisaient tous les bras de la plantation, des « grapillages » sans fin, moins serrés et n’occupant que les femmes et les enfants. La récolte demande une grande attention car il y a d’abord à débarrasser les arbres des faux cafés que la sécheresse » a échaudés, fait jaunir prématurément et tachés, les grains « crocros mûres. bien et à ne prendre que les cerises Ces travaux présentent deux caractères qui les distinguent de ceux des selon sucreries. D’abord les tâches y sont bien plus nettement réparties et aux hommes aux taille, la et ment déboise le hommes aux : sexes les femmes

le creusement

des fosses à planter, les sarclaisons,

à tous les

saison. cueillettes, mais aux femmes les fumures et les grapillages de petite que la soin de plus bien ient demanda y tâches les ble l’ensem dans Puis grandes plus les it entraîna qui culture des cannes. La coupe des cannes tentes, qui fatigues de l’année, est remplacée par des cueillettes intermit ons. plantati et fouilles des d'effort temps au ondre corresp de sont loin étaient esclaves les que Dans l’ensemble les colons s’accordent à dire mornes qu’en contraints à des tâches beaucoup moins fatiguantes sur les . anglaises Antilles les dans opinion même plaine. C’était la agricoles il y avait Sans doute, à côté de ces occupations proprement grains, mais ils étaient le grageage, le séchage, la pilaison et le triage des ces tâches ne retede es pénibl loin de prendre tout l'atelier. Les plus tour de rôle. Ainsi à jour, par s femme ou naient que quelques hommes de leur forte envelople grageage ou dépulpage qui consistait à faire sortir au retour du jardin soir le pe les deux grains de chaque cerise, se faisait moulin, un au petit. Six par double équipe, deux hommes au grand d’un commandeur, travailhommes se remplaçant sous la surveillance la , Jaient d’une heure et demie à deux heures

à passer la récolte de

grand nombre de caféières journée. Le café était passé deux fois. Un , mus par des mulets. grains les grager à firent construire des moulins nes caféières de bien des Leurs ruines se voient encore sur les ancien r les grains de la pelsépare quartiers. De même pour la pilaison, pour que plusieurs lavages mais ait, entour les licule — le parchemin — qui auges en bois qui faisaient et séchages avaient permis de détacher. Les pileurs et pileuses furent, là office de mortiers et le travail pénible des

144

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

aussi, remplacés par des moulins, à bras, ceux-ci, analogues à des moulins à vanner. Ils ne faisaient pas autant de besogne que les pilons mais le manque ou le prix de la main-d'œuvre faisait trouver-là une économie. Ajoutons que les caféières appliquaient au moins au moment de la cueillette un système qui devait être avantageux pour les colons comme pour les esclaves car il alla se développant : le travail à la tâche. L’atelier n'avait pas à travailler tant d'heures par jour, mais chacun avait à rame-

ner le soir tant de paniers au moulin. Le travail à la tâche n’était pas inconnu sur les autres plantations mais il ne s’y appliquait qu'à des travaux de marge, de tonnellerie par exemple, pour l’abattage du bois, l'extraction ou le transport de la pierre, le creusement des canaux. Si le panier était plein avant l’heure du retour, le travail était fini, et le café

cueilli en supplément obtenait une légère prime (1). Après la saison très longue du ramassage, moins pénible par l’intensité du travail que par les heures du moulin le soir, l’atelier était réparti à faire des sarclaisons de jeunes caféiers ou des plantations nouvelles. A cette époque de l’année c’était la saison des pluies. Elle apportait une certaine détente, que les planteurs sucriers considéraient comme de la ronchalance et dont ils se scandalisaient: « M. Durocher qui a fait le voyage au quartier de Jérémie (2) m’a dit que les habitants ne savaient pas tirer parti de leurs nègres et que hors du temps de la récolte ils faisaient ce qu’ils voulaient, et surtout ceux de M. Giroust, son oncle (3). »

Cette impression de relâche que les sucriers rapportaient d’une visite aux caféières, aux indigoteries aussi, s’explique par les différences que nous avons remarquées séparant les grandes des petites plantations. Du fait que les cueillettes des cafés ou les coupes d’herbe à indigo n'étaient pas faites en quelques semaiïnes, mais se poursuivaient pendant de longs mois, du fait aussi que les sarclages y occupaient aussi une très notable partie de l’année, on était en un autre monde que sur les sucreries à 100 à 200 esclaves et plus. Les pluies ralentissaient le travail. La comparaison des journaux de travail des caféières à ceux de roulaisons sur les sucreries procure à ce sujet des évidences sans réplique : les journées de pleine cueillette et les lentes heures des interminables « grapillages » demandaient plus de patience et de bonne humeur que de force. Le travail à la tâche pouvait se voir aussi souvent sur les indigoteries. Les esclaves devaient y ramasser tant de paquets d’herbe bleue dans la (1) Laborie, p. 151 ; Joinville-Gauban, Voyage d'outre-mer et infortunes les plus accablantes de la vie de M. Joinville-Gauban, Paris 1814, 2 v. in-8°, I, p. 138 ;

Chastenet d’Est. La science du était (2) Quartier de l'extrémité de fièvre de travail pionnier. (3) Papiers Galbaud du Fort, p. 244, La tâche minimum

cultivateur américain, si, frimaire an IX, in-8°, d’un baril par jour, de 25 livres.

la péninsule du Sud de Saint-Domingue en pleine Parison, 17 octobre

1772.

LA DISTRIBUTION

DES

145

TACHES

r journée (1). Sa tâche finie, le coupeur d'herbe était libre de travaille d'heures p beaucou pas n’eût qu’il pour ainsi arrangé s'était On lui. pour vers la fin de liberté. Il fallait cependant que la possibilité d’une détente fait après fût entaire supplém travail du de la journée fût un appât. Que qu’elle bien e, rarissim était départ le avant matin le la tâche assignée

que ce « borecût une légère rétribution. Le repos était préféré. Disons ou que le retard en était récolte la nus » n’était accordé que lorsque en main, bien esclaves les ces, expérien s plusieur temps menaçait. D’après » donréglée corvée de bon esprit, que l’on faisait travailler ainsi « par et le (2), » té d’habili et ardeur naient des preuves « de plus grande travail dépendait beaucoup

moins du fouet du commandeur

(3).

et une discipline Cependant malgré un mode de travail moins rigide, très forte. La rs toujou fut es caféièr moins sévère, la mortalité sur les nouveaux esdes èmes cinqui trois Les . arente qu’app contradiction n’est claves introduits à Saint-Domingue de 1767 à 1777 a établi depuis 1767 une infinité de ont été employés à la culture du café et l’on nouvellement pris en Guinée, nègres de up caféières qui ont coûté la vie à beauco dans les montagnes couvertes de travaux rudes de à tôt trop livrés été ont qui climat ennemi, et souvent point de brouillards où ils ne pouvaient trouver qu'un issement du nombre des nègres l'accro rendu a qui ce C’est bles, vivres convena n 1767 (4).

la paix jusqu’e bien moins sensible qu’il ne l'avait été pendant

eux décès parmi eux Il s’agit essentiellement de nouveaux. Les nombr de climat et de la ement chang ue brusq étaient avant tout le fait d’un nuits sont froides Les le. nouvel ture nourri une à difficulté à se mettre mornes étaient des ers au-dessus de 800 mètres et les esclaves des quarti nes. Leurs noctur froids les contre et mal protégés contre les brouillards chaud. Les au r dormi pour ants suffis pas ent vêtements de travail n’étai étaient tions planta des couvertures de laine qui étaient distribuées sur ne se rs caféie urs plante les ies trop légères, et pas plus que sur les sucrer de ndue L’éte gens. leurs de ture nourri la de soucièrent jamais beaucoup esdes s besoin les tous leurs places à vivres leur paraissait répondre à . claves rapport aux tâches qu’on Puis l'insuffisance de la main-d'œuvre par

rs des caféières comme celle des lui demandait était la faiblesse des atelie Papiers Guiton Maulévrier, Lettres de (1) Archives de la Vienne. FE" 1969. quartier neuf de Saint-Domingue, un un Dans , Debien G. et 1776, J. Trembley, p. 57-64, et « A Saint-Domingue ises, antilla Études in 799, colon, un caféier, 1743-1 r 1775; févrie 8 », tion planta de avec deux jeunes économes Au musée des Salorges à 1772. bre novem 7 du (2) Papiers Philippe. Lettre Nantes avant 1939. du ont poussé le plus loin les expériences (3) Ce sont les planteurs anglais qui London, trade, slave the on ns vatio Obser travail à la tâche. Cf. C.B. Wadstrom, y.… » p. 624. 1784, in-8, p. 203; et Pitman « Slaver Barré de Saint-Venant, p. 236. (4) Hilliard d’Auberteuil, I, p. 70, et

146

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

sucreries ; ils manquaient de souplesse. Pour les travaux ordinaires, dans

les années où les maladies et les décès ne les diminuaient pas trop brusquement, les forces parvenaient mal à faire à temps tous les travaux. Les achats de nouveaux, de remplacement ou de supplément, étaient toujours limités par le manque de crédit, toujours en retard par rapport aux besoins. Or en plus des travaux impérieux de la cueillette, étaient des tâches accidentelles supplémentaires, des détournements : des bâtiments à réparer, des toitures à refaire, que le vent avait enlevées, un chemin montueux à adoucir. Il fallait se contenter de son monde. Encore moins que sur les sucreries on ne parvenait à louer des équipes de renfort provisoire sur les caféières. On ne trouvait que de petits ateliers à affermer, et jamais moins qu’à l’année ou pour plusieurs années. Quand ces travailleurs étaient assurés pour un temps assez long, on développait les plantations, les travaux agricoles de routine, mais quand survenaient des tâches de surplus, on était toujours sans les bras nécessaires. Pour une saison, pour quelques jours ou pour une entreprise traitée à forfait, on ne pouvait recruter que des « ouvriers à talent » : tonneliers, maçons, forgerons, charpentiers. Encore étaient-ce plutôt les ouvriers des plantations qui descendaient se louer dans les bourgs, du consentement de leurs maîtres. Le fait au reste était rare car les locations d'esclaves, par groupe ou par individu, étaient surtout un fait urbain. Quand on avait la chance de trouver à louer des travailleurs agricoles, c'était des esclaves appartenant à des mineurs, à une succession en procès, ou très récemment partagée. Ils ne formaient pas de véritables équipes volantes (1).

#

(1) Nourris, ces esclaves étaient loués à raison de 200 à 300 livres par an. Des conventions prévoyaient les décès, maladies, accidents et les naissance s et marro.

nages.

LA JOURNÉE

Dimanches

DE TRAVAIL

et fêtes —

Corvées.

gérant, mais L’horaire de la journée ne dépendait pas du colon ni du pas sur le n’allait travail Le . précise était qui e, de la coutume général aient de dépend voyait, même rythme partout, mais les différences qu’on travail de ux journa des en L'exam la nature des plantations, de leur site. jardins les où e distanc la et pluies les C’était le met bien en évidence. les plus grandes étaient des bâtiments des habitations qui apportaient ait les sucreries, succéd différences, avec cette courte morte saison qui, SUT sons. roulai à la saison harassante des

5 heures, le commandeur Environ une demi-heure avant le jour, vers de plusieurs coups ement claqu au ou sifflet au

faisait lever les esclaves ir d’une cloche montée, de fouet. Quand la plantation pouvait s’enorgueill centaine d’esclaves d’une tions le réveil se faisait à la cloche. Les habita ngue, depuis les -Domi Saint de Sud le avaient toutes une cloche. Dans aux Antilles anglaises Coteaux jusqu’à Jérémie, aux îles du Vent, comme servait d’une coquille se on au lieu d’une cloche, du fouet ou du sifflet, ent et rentraient partai nt, levaie s’y es de lambi, gros coquillage. Les esclav (1). lambi du travail au son du

, mais par l’éconoEnsuite c'était l’appel, fait non par le commandeur Il retenait le nom de me, qui avait une liste des esclaves à la main. ceux qui se disaient de ceux qui ne se présentaient pas, allait aux cases gien, ou les enchirur du ge passa malades et les y consignait jusqu’au à l'arrivée du jusqu’ diète la à tenait les voyait à l'hôpital où l'infirmière chirurgien.

_@

p. 742. Moreau de Saint-Méry, Description, IL,

148

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Après l’appel, la prière commune et le déjeuner. La prière paraît être un usage obligatoire, mais on ne peut assurer qu’on la faisait partout. La pratique en était ferme dans les quartiers des environs du Cap. Des colons les faisaient déjeuner avant de partir,

d’autres

vers

8 heures.

C'était selon la difficulté du chemin ou la distance des jardins. Quand ce premier repas avait lieu au loin, l’atelier avait une demi-heure de pause (1). Le départ se faisait une demi-heure après le lever quand on ne mangeait pas. Le travail était parfois très éloigné des cases. La matinée finissait à onze heures ou à midi. Sur les caféières le repas était pris aux champs, apporté par la femme qui l’avait préparé, ou bien une femme le faisait cuire dans le coin d’une pièce de caféiers, ce que la peur des incendies empêchait de faire sur les sucreries. Les colons soucieux du régime de leurs esclaves attachaient une grande importance à les voir prendre des aliments chauds. Une pause venait ensuite d’une heure environ (2). Si leurs jardins particuliers n'étaient pas très éloignés, les esclaves pouvaient aller y travailler, mais le plus grand nombre préférait s'étendre. La préparation des patates, des ignames ou du millet chauds, à midi et parfois le soir, revenait non à une femme « de houe », mais à une demi valide, à une vieille ou à une libre de savane, c’est-à-dire à

une esclave que le maître avait libérée mais sans la faire passer sous la bénédiction onéreuse de l’administration. Au XVI/ siècle, une ou deux fois par semaine, avant la pause de midi, le commandeur les conduisait aux places à vivres communs pour fouiller des patates, provision des jours suivants (3). Le travail reprenait au signal des commandeurs. Au XVIII° siècle ces heures de travail aux vivres furent remplacées par l’après-midi du samedi.

Quand sur les caféières l’atelier ne revenait pas aux cases à midi on lui donnait une pause plus courte, mais il retournait plus tôt, une heure avant le coucher du soleil (4).

Un peu avant le coucher du soleil on congédie les ateliers de houe et les esclaves qui les composent vont dans les champs ramasser une charge d’herbe pour alimenter les animaux. Une heure après ils se rassemblent pour faire inspecter leurs herbes,

ce qu'on exécute avec soin tant pour s’assurer de la quantité que de la qualité. On en fait la distribution et les travaux de la journée finissent. En quittant le

(1) Papiers Vanssay. Correspondance Girard, 1769. (2) Laborie, p. 176, Thibault de Chanvallon, p. 108, disent deux heures. Satineau, Histoire de la Guadeloupe, Paris, 1928, in-8, p. 265, dit une heure et demie. Ils sont larges. (3) Labat, II, p. 402. (4) Laborie, p. 196.

,

LA JOURNÉE DE TRAVAIL

149

travail à midi its agissent de même et jettent leurs herbes (dans le tas prévu en allant au travail l’après-midi) (1). ; Le soir les esclaves sont appelés avec leurs herbes devant la maison principale, lieu du ralliement. Le planteur cause avec les commandeurs des travaux du jour; donne des ordres pour ceux du lendemain (2).

Cette coutume de la Guadeloupe ne se retrouvait pas partout à SaintDomingue où on a vu sur les plantations de quelque importance s’organiser un petit atelier, l’atelier du panier, qui était chargé principalement d’apporter du fourrage. Mais à Saint-Domingue et à la Grenade au temps de la coupe des cannes et donc de la cuisson des sucres, le besoin de combustible imposait une pratique parallèle : du travail sans Pendant toute la récolte, que les nègres ne reviennent jamais que les n’excepte je ; sucrerie la de fourneaux les pour paille porter leur charge de la récolte. Observez temps de pluie un peu forte, ce qui est rare dans la saison de trompent sur leur qu’il est presque impossible que la moitié des nègres ne vous de roseaux, charge si vous ne les astreignez pas à se servir de petits brancards (3). quatre avec lesquels sans être surchargés deux nègres portent autant que

comme Le travail cessait tout à fait au coucher du soleil mais

les tropiques, il est une très

rapide

sous

retombée de rideau, les esclaves

rentraient à leurs cases la nuit faite.

e, les Pour le repas du soir, que chaque ménage préparait lui-mêm tranqu'une d'eux exigée N’était libres. uement pratiq esclaves étaient avoir été une quillité à demi-silencieuse. L'appel du soir ne paraît pas ux. Les rigoure aussi ou matin, pratique aussi régulière que celui du fût deur comman premier le que pourvu tes, sorties pouvaient être fréquen prévenu. des cannes ou Un grand effort était demandé au moment de la coupe le temps réduit t avaien gées prolon esses sécher des quand des pluies ou buées distri étaient tafia de planter. Dans ces circonstances, des rasades de rité l'obscu à jusqu’ e poussé était aux travailleurs et la présence au jardin car tages d’avan que nts nvénie d’inco plus cela à complète. Mais il y avait surveil la et tes les maladroits risquaient de se blesser avec leurs machet lance des paresseux devenait dérisoire. es : les caféiers De nombreux planteurs faisaient veiller leurs esclav en dehors des soir e pour le triage de quelques sachets de grains chaqu au moulin, du mil ou de mois de la cueillette, soit pour le « grageage » Et au cours du ramassage, leur maïs pour leur nourriture du lendemain. (1) C'est-à-dire les mettent de soir, et les présenter ensemble. (2) Poyen de Sainte-Marie, De loupe), 1792, in-8°, p. 15. (3) Marquis de Casaux, Essai sucre par M.D.C.…., de la Société p. 230.

ent le côté pour les réunir à celles qu’ils apport l'exploitation des sucreries, Basse-Terre (Guade e le sur l’art de cultiver la canne et d'en extrair royale de Londres, Paris, Clouzier, 1786, in-8”,

à

150

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

pour le décorticage des cerises ramenées chaque jour du jardin. C’était deux heures supplémentaires. Ce travail du soir était ici un héritage des planteurs de tabac du XVIF° siècle qui faisaient torquer (tordre) les feuilles de pétun après le retour des champs, fort avant dans la nuit. C’est le travail à quoi on s'occupe le soir après souper, ce qu’on appelle la veillée, travail long et ennuyeux car les maîtres ou les commandeurs ne donnent pas moins d’une douzaine de gaulettes chargées de plantes à éjamber (1) à chaque serviteur (2) ou esclave qui, quelque habile qu’il puisse être ne saurait avoir fini sa tâche que longtemps après minuit, de manière qu’il ne lui reste jamais qu'environ cinq heures pour reposer, supposé même qu'ils ne soient pas obligés une partie de ce temps pour aller chercher des crabes, des grenouilles ou autre chose pour augmenter le peu de nourriture qu’on leur donne. Mais ce n’est pas ici le lieu de reprocher aux habitants d'Amérique leur dureté à l’égard de leurs serviteurs et de leurs esclaves. On ne se sert d’aucun outil pour ce travail; les ongles et les dents doivent faire l'office de couteaux et de ciseaux (3).

Dès leurs débuts les sucreries exigèrent des travaux de nuit au temps de la roulaison. C’était la partie essentielle de toutes les tâches industrielles de la fabrication des sucres. Il n’a pas été possible de faire disparaître. le travail de nuit pendant les roulaisons. Si chaque soir on les eût arrêtées, les cannes auraient bientôt passé sur pied, ou l’on eût été forcé d’en planter un quart de moins avec le même nombre de nègres. On remédiait à la rigueur de ce travail en divisant l’atelier (comme un équipage à bord d’un navire) en quarts d'hommes et de femmes, chacun d’eux ne veillant que 4 heures de nuit, de deux une, les deux premiers depuis huit heures du soir jusqu’à minuit et les seconds depuis minuit jusqu’à 4 heures du matin. Ces veilleurs étaient amplement compensés dans les sucreries par les secours en aliments que l’on y donnait aux nègres des bâtiments (4), par les cannes qu’ils mangeaient et par le sirop que l’on distribuait ou qu’on leur laissait prendre. C’est une boisson très saine et très nourrissante que les noirs ne buvaient pas mais qu’ils mangeaient pour ainsi dire, tant le sirop était épais et tant ils en avaient à discrétion. Le dimanche ils en remplissaient les marchés (5).

Aïnsi, sur certaines plantations on avait gardé la distribution primitive des tâches, tous les esclaves du jardin étaient forcés de passer plusieurs fois au travail de la fabrication des sucres, pendant une des nuits de la roulaison. Ils y étaient occupés comme manœuvres, les femmes pour faire passer les cannes au moulin, les hommes pour remuer le vesou ou jus de cannes dans les premières chaudières de l'équipage ou soutenir les feux des cinq chaudières, porter la bagasse à sécher, puis à « la pile » aux bagasses, et à en ramener celles qui étaient bonnes à servir de combustible. Il n’y avait de spécialiste que le chef sucrier. (1) (2) (3) (4) linier, (5)

Retirer les nervures des feuilles. A chaque engagé. Labat, VI, p. 312. C'est-à-dire des esclaves qui travaillaient déjà dans la sucrerie: maître mouchef sucrier. F. Carteaux, Soirées bermudiennes, Bordeaux, an X-1802, in-8°, p:297.

LA JOURNÉE DE TRAVAIL

151

Puis l’on arriva à une autre organisation. On tira de l'atelier des hom-

mes qui furent à la cuisson des sucres, à l’entretien des feux, à tour de rôle, pendant le temps de la campagne de fabrication. Ils se relayaient entre eux, la nuit et le jour, mais restaient tout à fait à part des travaux de la coupe. Ils retournaient dans l’atelier de houe la roulaison terminée. Mais pour les femmes qui avaient à alimenter le moulin, on continua à les prendre dans l'atelier, mais sans faire d’elles des ouvrières attachées à cette tâche particulière. Leur quart fini, elles revenaient au travail des cannes à couper. Ailleurs on faisait passer aux fourneaux l’équipe des ouvriers : charpentiers,

tonneliers,

maçons,

etc.

Le peu de nègres que je peux... occuper (1) ne permet pas d'accélérer aussi promptement que je le voudrais. Nous n’avons que cinq nègres soi-disant charpentiers — dont Léveillé et La Fortune, excellents... Ces mêmes nègres font le quart la nuit des quand on roule et par conséquent ne peuvent être poussés au travail comme fort détourner les de contraint suis Je plus. de chose autre font ne qui ouvriers souvent pour d’autres travaux

accidentels (2).

Aux Antilles anglaises où en général les sucreries étaient plus petites que les nôtres et avec moins de main-d'œuvre, on cite des plantations où les esclaves après avoir travaillé toute la journée au jardin étaient à la nuit envoyés au moulin et devant les fourneaux où ils peinaient encore plusieurs heures (3). En 1701 encore le P. Labat passant à Saint-

que le Thomas, île danoise, s’étonna que les sucreries n’y travaillassent sur comme là, jour. Elles ne faisaient donc que peu de sucre (4). Mais

les sucreries anglaises on en vint à la même mode de faire travailler au moulin et aux chaudières toute la nuit, mais par équipes spécialisées. miLe moulin s’arrêtait le samedi soir pour reprendre le lundi à huit les toutes ent succédai s’y équipes les nuit (5). Selon les sucreries éviter ou toutes les six heures. Les esclaves étaient obligés de fumer pour de s'endormir (6). jeune Regnault de BeauIl y a le quart à faire à la sucrerie, écrit à sa mère le de six heures du matin est qui , Léogane à s Motman sucrerie la sur économe mont, et on fait une semaine matin, du heures six jusqu’à minuit depuis ou jusqu’à midi, (7). tour à tour quart second le autre une le premier quart et

es et fit Si le travail de nuit fut régulièrement organisé sur les sucreri (1) A la construction d’une étuve. (2) Papiers Galbaud du Fort, 30 décembre 1772. 2 v. in-8°, I, p. 322. (3) Frossard, La cause des nègres esclaves, Lyon, 1789, (4) Labat, VII p. 331. (5) Labat, IL, p. 376. (6) Labat, IL, p. 410-411. s’agit ici des quarts (7) G. Debien, « A Saint-Domingue. », p. 42. Il surveillants.

des

152

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

supprimer les veillées sur les caféières, elles demeurèrent planteurs, pour la honte des colons sérieux.

au gré des

Après la récolte vous n’ordonnerez jamais de veillées hors le cas d’absolue nécessité et même alors, sous aucun prétexte elles ne passeront pas une heure ou une heure et demie, Quant aux veillées de la récolte, elles ne chagrinent jamais les nègres : ils ne murmurent jamais contre la nécessité (1).

Les administrateurs ne parvinrent jamais à faire supprimer les veillées. L'’ordonnance de décembre

1785 revient sur leur interdiction, mais ne

paraît pas avoir réussi à les empêcher. Notre champ d'observation est trop court pour qu’on puisse apporter des renseignements sur le sujet. Les travaux très pénibles du moulin et de la sucrerie étaient très recherchés. On les faisait considérer comme une récompense, car des ouvriers étaient suralimentés et leur nourriture arrosée de tafia. La lumière du jour durant une douzaine d’heures, le travail au dehors était de cette durée moins les deux heures de pause données en principe pour couper la journée. Mais là n’est point tout. C'était l’intensité du travail qui comptait principalement. Or elle variait selon l’autorité du colon, de son gérant, selon les commandeurs, selon aussi la nature des cultures et selon les saisons. Quelques colons, des gérants, s’appliquaient à varier un peu le travail à faire, au moins à ce que l’effort du matin ne fût pas renouvelé après-midi. Ils s’arrangeaient pour faire couper le matin les pièces de cannes les plus éloignées et l’après-midi celles qui étaient le plus proches du moulin (2). Mais il faut reconnaître que ces préoccupations ne sont pas transparentes à travers tous les journaux de roulaison. Le gérant, comme le maître, ne venait inspecter le travail qu’une fois par jour pour s’assurer de sa régularité, pour ordonner les punitions demandées par l’économe ou le commandeur, et offrir quand il pleuvait ou pour hâter quelque tâche urgente, une rasade de tafia. Poyen de Sainte-Marie recommande au colon, donc au gérant, de se montrer l'après-midi sur le chemin de l’atelier qui se rend au travail, pour voir si la colonne est en ordre et s’il n’est pas de traînards privilégiés. Il semblerait donc que la discipline des mouvements fût à l’ordinaire moins grande l’après-midi (3). Aux jardins, le travail se faisait soit en avançant, soit en reculant. On allait en reculant pour « la fouille > des trous, pour le piquage des cannes et des plants de caféiers (4). On allait en avant pour les sarclages, mais toujours en ligne et sur un seul front. La régularité du travail était (1) Marquis de Casaux, Essai, p. 280.

(2) Chastenet d’Est. Le cultivateur américain, p. 80. (3) Poyen de Sainte-Marie, p. 14. (4) Labat, I, p. 280.

LA JOURNÉE DE TRAVAIL

153

le commandeur. Le P. Labat insiste ainsi plus grande. Derrière, surveillait méthode (1). Un des hommes, ou beaucoup sur les avantages de cette e que tous avaient fini par conle commandeur, chantait un air d'Afriqu ait la monotonie. Tout l'atelier naître, qui animait le travail, en romp aître le rôle des créoles et des Afrireprenait. Il serait intéressant de conn os, dans ces chants. cains et en particulier celui des Cong s, l'atelier était toujours dehors. Sauf par les jours de très grandes pluie ne pluie s’annonçait longue, un Coup Quand une tornade arrivait, ou qu’u il. Par grosses averses les esclaves de sifflet ou de fouet suspendaït le trava des sacs, mais ne rentraient pas. recevaient des couvertures qui étaient mettre à l'abri sous des ajoupas consSur des caféières ils pouvaient se . On n’aimait pas les faire descendre truits exprès dans l’angle d’une pièce la discipline mieux assurée. aux cases avant l'heure, on croyait ainsi étriques, la multiplication des La division du jardin en pièces géom ie (2), la numérotation des rfic supe bornes mesurant exactement leur e le plan général, lui faisaient connaîtr avait nt abse re maît le dont es, pièc la à ou s, lage sarc aux à la fouille, il le nombre de journées nécessaires plantation par son atelier dont sa de ie part telle ou la coupe de telle de part la On pensait calculer juste connaissait les forces. En principe. par dix jours de travail. On voulait e plui de par pluie en comptant un jour été bien fait ou bâclé. Encadré très arriver à savoir si le travail avait ou rds, il devait être sans hasa l'exemple des années précédentes, c’est ce que l’on voulait, le calendrier et ine rout réduits. Venait ainsi une L’on er à celui de l’année précédente. de d’une année s’efforçant de ressembl ave escl fouiller, sarcler ou couper un il trava savait quelle superficie pouvait d’un er parl pièce. L’on peut force moyenne dans telle ou telle industriel. , prétoujours faussés par les maladies ses Mais ces calculs étaient presque eres séch les par qu’on avait pensé, es clav vues mais plus lentes à guérir d'es s mort les par , emps à contre-t les pluies multipliées et toujours Les tâches se trouvaient réparties entre . qu’on ne remplaçait pas aussitôt travail une age quasi permanent, d’où le men sur un D'où . bras de s moin discipline, la de ment erre s de fête, le ress rs, s’ils partie du dimanche et des jour deu de l’économe et des comman teur qui sans parler du zèle du gérant, plan Un rendement à soutenir. savait er, avaient une réputation de bon ateli son de inu faites, l’entrain cont plus en recherchait des tâches bien mieux Je dixième des travailleurs les Mais qu’il devait avoir le quinzième, (3). es rès la superficie des pièc à s repo du strict nécessaire mesuré d’ap que quel ent rdai Ceux aussi qui acco s. rare ent étai s teur plan naux jour bons les travail, comme on le voit dans leurs esclaves après un gros 4 carreaux — (1) Labat, IL, p. 346. e pièce de cannes était de 263. (2) La superficie idéale d’un p. ans, antr d-Ch Giro ogramme. et leur forme un parallél (3) Laborie, p. 164.

4 ha 5 —

dti att los à

154

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

de plantation, après le plantage des cannes, après la roulaison ou après une journée de pluie. Les colons mesuraient leur richesse, leur revenu d’après la superficie

de leurs cultures, le nombre de leurs carreaux de cannes, ou en indigo,

d’après leurs milliers de caféiers. Ils voulaient à tout prix faire le gros revenu chaque année, On poussait tout pour y parvenir (1). même C'était poser le principe même du harassement de leurs ateliers. La facilité de

s'étendre sur des terres de réserve trop vastes était, comme dit Laborie, la tentation permanente, tandis que le nombre des esclaves ne progres-

sait jamais en conséquence. Ainsi trop de cannes plantées, trop de pieds de caféiers pour la main-d'œuvre dont on disposait. Pas de détente. C'était « les travaux forcés ». Après de longs conseils à son gérant, le président du Vau, d'Angers, co-héritier avec le duc de Brancas-Céreste, de la sucreri e Bonrepos au Cul-de-sac, concluait en lui recommandant pour éviter la fatigue extrême, de conduire régulièrement le travail de ses esclaves. L'ordre et la police sont nécessaires dans un atelier et contribuent autant à la Conservation des nègres que l’abondance des vivres. On de calenda ou danse de nuit. ne jamais les faire travaill doit donc. ne pas souffrir er [les dimanches et fêtes]... On ne fera jamais faire de veillées aux nègres dans quelque temps que ce soit. Les journées sont toujours assez longues pour suffire aux travaux quand on sait les bien faire employer. L'homme qui travaille sans nuit. Outre que les veillées sont fatiguantes et rebutant cesse a besoin de repos la es, il en résulte peu d’avantage. Dans les habitations les mieux gouvernées je n’ai point vu de veillées et cependant on était toujours au-devant de ses travaux. Les nègres en général n’aiment point le travail. Ils ne sont pas susceptibles d’émulation, ce qui joint à une conception dure et bornée les rend peu industrieux et maladroits. En leur ordonnant un genre de travail il faut leur répéter plusieurs fois comment il faut l’exécuter. Il faut leur apprendre les moyens les plus simples et les plus faciles et ne pas se rebuter. Quand ces précautions ont été prises, ils n’ont plus d’excuses et la prudence ordonn e le châtiment suivant l'exigence des cas (2)



Les lois de Dieu et des législateurs donnaient aux tout entier, du samedi à minuit au lendemain à la esclaves le dimanche même heure, ainsi que les jours de grande fête, en nombre réduit à la Noël, au jour de lan, à la Fête-Dieu, à la Toussaint. Les colons s’arra ngeaient pour que leur nombre fût plus restreint qu’en France et ils avaien t fait déplacer la date de celles qui tombaient au milieu des travaux les plus pressés, et l’on en avait supprimé beaucoup (3). La correspondance des préfets apostoliques avec la Propagande pour demander la réduc tion de nombre de fêtes est tout à fait édifiante. (1) Poyen de Sainte-Marie, p. 8. (2) Papiers Grandhomme, Observations au gérant, 1785, p. 17-20. G) Labori

e, p. 177.

155

LA JOURNÉE DE TRAVAIL

pas ou étaient peu En réalité les fêtes que l’on conservait n'étaient ter, mais il n'y l'attes pour là sont x travau chômées. Les journaux des le jour de tions de planta eut pas de règle générale. Ainsi sur beaucoup à sur jour-l ce de ie Labor par l'An était joyeusement fêté. La description ngue, -Domi Saint de Ouest Nordle dans e sa caféière du quartier du Borgn nous laisse longtemps

ses bruits dans l'oreille (1). Mais

aïlleurs, cette

la caféière Andrault, journée est tout comme un jour de semaine. Sur ou d’une vache la bœuf d’un tage l’abat elle est seulement marquée par partir les esclaves pour veille, et un repas de viande fraîche et l’on voit Saint-Jean, de la Saintla de le jardin, le jour des Rois, de la Fête-Dieu, doublent le témoignage ques isasti Pierre. Les plaintes des supérieurs ecclés fête dépendait de la de jours des ge chôma Le des journaux de travaux. euse. Quand ils ne résivolonté des colons, de leur propre pratique religi gérant, qui à ce sujet à leur daient plus, peu laissaient des instructions

était là. faisait ce qu’on avait fait du temps où le maître accordés en entier car Encore les jours de fête ne leur sont-ils pas ations d’aller cherhabit Îles toutes ue les esclaves sont obligés sur presq la semaine, aussi des herbes cher la provision de bois à brûler pour toute r les travaux du sucre dès pour les bestiaux et quelquefois de commence llaient pas aux cultures le travai ne le dimanche soir. Quand les esclaves D'abord, le dimanche dimanche, ils n'étaient pas pour cela au repos.cases par le colon, ou le des était, en principe, le jour de l'inspection contrôler si elles étaient pour nt, souve plus le me écono un par gérant, , quand elles parlent ances spond corre les propres et bien rangées. Mais es sont faites le dimanche, et de ces visites, jamais ne précisent qu’ell allusion à ces passages qui ne se aucun journal de travaux ne fait même s idéales. ation plant voyaient que dans les cases des hebdomadaires, les esclaves alLors de la distribution des rations matin, à une heure fixe, sous nche laient les chercher au magasin le dima magasin venaient des jardins à l'œil d’un économe. Ces provisions du allés le matin fouiller les patates, vivres collectifs. Des esclaves étaient des paniers de maïs. Le maïs, couper les régimes de bananes, ramasser pour la nourriture de la nche dima le comme le mil, était à grager eux pour Un horaire régulier semaine. Ils devaient donc s’entendre entre ce matin-là tous ceux qui aient au moulin à mil (2). Les infirmières recev à renouveler. Le bétail était ou faire avaient un pansement à se faire passé en revue. voisines des centres paroïissiaux, Hors des esclaves des sucreries assez pouvaient descendre au marché des et hors des esclaves des caféières qui istance à la messe. Laborie, pourbourgs le dimanche matin, point d’ass (1) Laborie, p. 181. Foäche es à Saint-Domingue ; la sucrerie 2) G. Debien, Plantations et esclav 1803, Dakar, 1962, in-8°, p. 106.

Jean-Rabel, 1770-

à

156

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

tant attaché à l'instruction chrétienne des siens, décrit la prière qu’ils font en commun le dimanche sur la petite savane de sa plantation, qui servait aussi aux danses (1). Dans ses instructions à son gérant, Stanislas

Foäche, qui va quitter Saint-Domingue, et qui tient à faire apprendre le catéchisme à ses 500 esclaves, ne parle pas de les faire envoyer à la messe dominicale. Cependant sa sucrerie est aux portes mêmes du bourg de Jean-Rabel. Ceux qui restaient sur les habitations prenaient la matinée à travailler à leurs jardins particuliers (2). Les esclaves qui allaient porter au marché

leurs légumes,

œufs

et

volailles, se montraient-ils à la messe ? Ces marchés se tenaient près de l'église après la messe, suite délicate. Et combien allaient au marché ? Une partie seulement des ateliers, les créoles, si l’on en croit Moreau de Saint-Méry, et surtout les femmes. Faudrait-il penser que c’étaient sur-

tout les femmes qui étaient présentes à l’église ? Les colons ou les gérants attachés au bon ordre ou à la réputation de leur habitation, ne laissaient pas qui voulait partir pour le marché. Ils distribuaient le samedi soir des « billets ». La permission de sortir en ville était ainsi donnée à tour de rôle. En principe du moins, car d’après les déclarations de marronage, ces billets n'étaient pas rendus tous au retour. Il y avait un véritable

trafic de faux billets, ou leur date était réadaptée aux circonstances. Les esclaves partaient de bonne heure le dimanche matin. Ils devaient être

rentrés au coucher du soleil (3). Sur beaucoup de plantations les esclaves sortaient sans billet dans un rayon d’une lieue.

L’après-midi du dimanche était libre, c’est-à-dire l’heure des jeux, des

beuveries et des danses. Les jeux étaient les dés, les cartes, les combats

de coqs ; les distractions étaient les repas avec les amis des plantations voisines ; pour quelques-uns la pêche, mais des danses pour tous. Elles devaient être permises par le maître, car qui dit danses, dit tams-tams, turbulence et cris. Mais ce n’était pas les colons qui les regardaient d’un

mauvais œil, ils étaient assez tolérants à ce sujet, mais l’administration,

la police, parce que ces ébats toujours très bruyants étaient l’occasion de trop grands rassemblements et de beuveries prolongées d’où sortaient des disputes, des coups, un remue-ménage de passions peu prospice aux travaux du lendemain, voire des troubles graves. Mais l'administration avec ses exempts de maréchaussée n’était pas plus puissante sur ce point que sur tous les autres, et malgré une réglementation sévère, elle tolérait en fait ce qu’elle ne pouvait empêcher. Les danses préférées étaient la calanda, la danse de don Pèdre, et le (1) Laborie, p. 176. (2) Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions des colonies l'Amérique sous le Vent, Paris, 1784-1789, 6 vol. in-4°, I, p. 52. (3) Laborie, p. 178.

françaises

de

157

LA JOURNÉE DE TRAVAIL vaudou, car les colons paraissent l'avoir souvent Il était défendu de danser auprès des cases, mais Les réglements y interdisent l'admission des plantations, mais les réglements ne sont pas la devaient toutes cesser (2).

assimilé à une danse (1). seulement sur la savane. esclaves étrangers à la vie. A neuf heures elles

fêtes et les dimanches, 1 esttrès à propos d’avoir tous ses esclaves chez soi les accidents du feu qui aux remédier pour t seulemen non (3), Labat P. le disait déjà encore pour les mais besoins, d’autres encore ou cannes, les peut s’allumer dans J'aimais mieux désordre. quelque e commettr y et voisins empêcher de courir chez les — excepté le calanda (4) — permettre aux autres de danser toutes sortes de danses que de les laisser aller dehors.

d’eauMêmes certains dimanches, il leur payait un musicien et des pots

de-vie, dit-il (5).

travaux Mais le trop petit nombre d’esclaves imposait aux ateliers des D’abord sur ions. plantat de nombre sur he dimanc le s entaire supplém risquait les sucreries à la saison des roulaisons, quand un arrêt du travail s mauvai le que ou sucre de es barriqu s quelque de faire perdre au colon certains moins au roulait On ne. campag la de début le reculé temps avait cueillette jusqu’au dimanches (6). Sur les caféières on poussait souvent la dimanche à midi.

ce jour solennel que le législateur suprême nous ordonne

Le dimanche même, ure de notre âme, le dimanche de consacrer au repos de notre corps et à la nourrit n’ont que ce temps-là pour ils car , fatigues leurs à ruption d'inter pas ne met ions où on leur fournit leur plantat les dans et manioc, leur et cultiver leurs patates er même ce jour-là (7). travaill faire les de commun trop subsistance, il n’est que

les esclaves du Les ouvriers étaient appelés plus souvent encore que ues, transbarriq des age jardin à des travaux urgents le dimanche : rabatt au moulin tions répara les t llemen ports des sucres ou des cafés. Nature pas très nt n'étaie elles quand sucre, à ères ou à l'équipage des chaudi seulepas paient importantes, étaient faites le dimanche. Elles n’occu idispos leur à mis étaient jardin ment les charpentiers. Des hommes du cas les ent précis tions planta des s compte Les tion comme manœuvres. quelque récompense : où ces aides des ouvriers professionnels ont reçu fraîche, plus rare, viande de n, un peu d’argent, une distribution de salaiso he. dimanc le lé travail t avaien ils et naturellement de tafia, quand pense par récom petite d’une , iture nourr L’appât d’un supplément de rche des reche la ateliers à esclave repris, faisait courir ce jour-là les yée, et emplo être y it marrons de la semaine. Toute la journée pouva même plusieurs dimanches de suite. (1) Moreau de Saint-Méry, Loix, I, p. 52. (2) Laborie, p. 178. GA pot (4) Parce qu’impudique. (5) IV, p. 469. t dès 5 heures (6) Le travail au moulin reprenait souven 34. p. I, n, Gauba illeJoinv (7) Frossard, I, p. 323.

À 6 du soir le dimanche.

158

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Une des grandes occasions de surmenage et de mécontentement des esclaves était les travaux « du dehors », les détournements.

Le mot avait un sens double aux Antilles. C’était d’abord consacrer le travail d’un atelier à des tâches non-agricoles, non directement productives de denrées coloniales, ou bien le gérant faisait travailler pour lui une partie de l’atelier. Une plantation était un grand chantier d’incessantes réparations, de reconstructions et même de constructions. Il y avait sur les sucreries comme sur les caféières toujours une toiture que le vent avait enlevée, un mur crevassé, un chemin à améliorer, en plaine un canal à faire ou à curer, un ponceau à construire. Selon les directives des propriétaires ces travaux ne devaient occuper les ateliers que durant la saison des tâches moins urgentes, entre les dernières coupes de cannes et la primeur. Mais dans la réalité ces travaux duraient de bien plus longues semaines, soit parce qu’un ouragan les avait rendus indispensables, qui avait renversé des cases, ou plus simplement parce que le gérant y avait intérêt. Lui en effet faisait les marchés de matériaux, traitait avec les maçons, les charpentiers ou les entrepreneurs du dehors que des esclaves de la plantation avaient toujours à seconder. Il achetait la chaux, les planches, les madriers avec bénéfice. La mise de manœuvres au service des entrepreneurs était l’objet d’accords secrets qu’on ne peut supposer au désavantage du gérant. Dans ces conditions on voit quel intérêt il avait à entreprendre le plus souvent possible la réfection de la purgerie, de l’étuve, des magasins, à déplacer les cases des esclaves, pour les mettre, c’était l'évidence, en meilleur air ou pour avoir un terrain excellent à planter des cannes. Il n’est pas de journaux de travaux, de comptes ou de lettres de gérants où il ne soit question de cuves à remonter à la sucrerie, de bassin à vesou à refaire, de buttes de moulin à relever, de mur à reprendre en sousœuvre, de toit à recouvrir. Le vent est le grand ennemi, et les malfaçons le malheur général, une partie attendue parmi les plaintes des gérants (1). Les corvées du roi étaient de ces détournements, les plus longs. < Un bon habitant est celui qui ne détourne pas ses nègres (2) ».

Des gérants peu consciencieux « retiraient » des ateliers les meilleurs

sujets et les faisaient travailler pour leur compte. Par exemple ces esclaves allaient cultiver des patates sur une place des mornes pour l’engraissement des cochons du gérant. Des esclaves moins robustes élevaient un grand troupeau de moutons pour lui, ou des chevaux, un vrai haras. D’autres allaient se louer en ville pour lui. Quand le gérant possédait une petite exploitation dans le quartier, des esclaves de l’atelier du maître

en doublaient les forces. Ce n’est pas aux journaux de travail que l’on

(1) Correspondances de Parison, gérant de la sucrerie Galbaud du Fort àLéogane, de Sartre, gérant de la sucrerie Bonrepos au Cul-de-Sac, en particulier les lettres des 14 février et 15 août 1776 et celles de 1777. (2) Correspondance des Jogues, négociants à Nantes (1778-1791), 6 octobre 1789.

LA JOURNÉE DE TRAVAIL

159

confiait le nombre de ces esclaves détournés. Il n’est donc pas facile d’en connaître l'importance. Dans ces cas l’atelier du maître risquait d’être surmené. Les gérants qui abusaient de ces détournements pouvaient être dénoncés par le commandeur, par les esclaves eux-mêmes qui parvenaient à atteindre l’oreille du procureur, d’un voisin. Ceux de la sucrerie Fleuriau au Cul-de-Sac dénoncèrent le gérant de la sucrerie Foucaud du FondParisien. Nous té pas connai que métier procureur la fait maitre nous; li gagné une habitation dans morne; c’est nègres Fleuriau planté café, qui fait tout travail là. Li gagné 15 à 20 nègres à li. Toutes les semaines li envoyé sur habitation li 30 à 40 nègres Fleuriau. Ça pas coquin blancs ci la 1à? Nous connai, nous dois travail pour maître nous sur habitation li, mais nous dois pas travail sur habitation procureur nous (1).

C’est des multiples détournements de son prédécesseur que gémit le nouveau gérant installé sur la sucrerie Bréda au Bois-de-Lance, près du Cap, comme d’ailleurs tous ceux qui commencent à gérer une plantation. Un exposé de la situation d’abord : Sur 199 têtes de nègres, il n’y en a que 70 qui travaillent. J’ai témoigné mon étonnement. On a voulu me montrer les contrôles et c’est avec ces mêmes contrôles qu’en admettant encore tout ce qui a été dit, j'ai fait voir le déficit de l'emploi total. On m'a dit qu'il y avait 25 nègres infirmes et hors d'état d'aller à la place (2), autant de négresses dans le même cas, autant d’enfants. Cela fait 75 têtes; en les joignant aux 70 travaillant, je n’ai pu trouver que 145 têtes et j'ai fait voir qu’il y en avait 45 de reste pour l’hôpital, ce qui n’était pas possible, les gardiens de vivres, de places à nègres (3), etc. ne devant se prendre que sur le nombre des infirmes hors de service actif. On n’a su que me répondre (4).

Et sa conclusion est que la main-d'œuvre a été épuisée par des détournements considérables. *

dx

D’autres travaux spéciaux accablaient plus encore les esclaves et étaient redoutés des maîtres eux-mêmes : les corvées du roi pour les travaux publics, c’est-à-dire pour les fortifications et pour les chemins. Les ateliers n’avaient pas à y espérer les distributions d’eau de vie et de morue que des gérants donnaient au moment des travaux non agricoles. Pour ces corvées les habitations devaient fournir tous leurs esclaves valides, ou une proportion déterminée, ou seulement les hommes, ou seulement les créoles et tous ceux qui étaient bien faits au pays. Les travaux des plantations étaient donc suspendus. Premier murmure. Dans la réalité tous les colons n’envoyaient pas leurs esclaves. A côté (1) Paris, (2) (3) (4)

C°! Malenfant, Des colonies et particulièrement de celle de Saint-Domingue, 1814, in-8°, p. 206. C'est-à-dire sur la petite habitation où l’on réunissait les vieillards « surâgés ». Leurs jardins. Papiers Butler, Archives de la Loire-Atlantique, E 691, 1788.

160

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

de ceux qui en étaient régulièrement exemptés, comme les religieux, les capitaines de milice, s’allongeait la liste des hauts seigneurs, des officiers supérieurs qui possédaient des habitations, et de quelques-uns de leurs amis (1). Objet de jalousie et de mécontentement. Deuxième murmure. Les officiers s’exemptaient d’envoyer leurs nègres, favorisaient leurs parents et amis, rejetaient toute la charge sur les pauvres qui étaient les plus obéissants (2). Les habitants de cette île [la Martinique] sont depuis longtemps fatigués des longues corvées auxquelles leurs nègres sont employés pour les fortifications du Fort-Royal. [On avait] toujours pris la douzième partie depuis plus de dix-huit mois sans qu’on leur ait payé aucune chose. Cette corvée est fort à charge à ces habitants qui ne tirent leur subsistance que par le travail de leurs nègres de sorte qu'on peut dire que la plus grande partie manque de nourriture un mois de l’année et que d’autres en sont entièrement ruinés par la perte de leurs nègres qui meurent dans ces travaux (3).

S'il en était ainsi des colons, quel devait être l’état de leurs esclaves ! Les colons n’avaient pas à les nourrir pendant les travaux du roi — ou ils se dispensaient de le faire —. Les esclaves n’apportaient aucune provision avec eux. Ils vivaient donc surtout de maraude, « ce qui était un prétexte pour quitter les travaux pour chercher de quoi manger et ne revenir que fort tard ou point du tout ». Le marronage était la suite inévitable des corvées, que ce fût à la Martinique, à la Guadeloupe, à Saint-Domingue ou à la Guyane. — Troisième murmure. Aux travaux du roi se propageaient les épidémies, que favorisaient la mauvaise nourriture et le mauvais état général des esclaves. Au retour de quelques semaines de corvée, un atelier était pendant quelques jours incapable de se remettre à des tâches régulières. Du repos, une nourriture surveillée et plus forte étaient nécessaires. On s’en rendra compte à la lecture des extraits de la liste des esclaves de la sucrerie Noël à Remire en Guyane, morts en 1689 et en 1690. 19 septembre 1689. Grand Jacques, aagé de 61 ans, est mort à minuit d’une chutte qu’il a fait à Cayenne aux travaux du Roy, de laquelle il a hu le pied foulé et estoit enflé pour avoir voulu marcher, outre qu’il avait hu des ulcères à cette jambe, de sorte que sa jambe se gatta d’une manière à estre presque pourye d’avoir esté du temps sans estre pansé ny mesme noury jusqu’à ce qu’un noir de Ramotabo (4) le rapporta dans un hamac avec un camarade. Mais ce qu’on put faire après ne servit de rien. Il estoit trop tard. Il estait sucrier.… 12 décembre 1689. Dibia, aagé de 42 ans, est mort d’un coup de bâton qu’un commandeur (5) des travaux du Roy luy donna dans le bas ventre le 28 novembre

(1) «Les Nègres de M. de Grasse ». Revue d'histoire des colonies, 1928, p. 346354. (2) Labat, VII, p. 423.

(3) Patoulet au ministre, 28 février 1680. Archives Nationales, Colonies C® A2.

(4) Nom de lieu.

: (5) À cette date, les commandeurs paraissent avoir été presque tous des blancs en uyane.

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LA JOURNÉE DE TRAVAIL

estant à travailler dans son escouade après en avoir hu plusieurs sur le corps (?) avant celuy-là, mais non pas sy dangereux, puisque ce fut un coup de bôrconde sang quy quy l’avoit offencé que peut après il luy prit une fièvre avec un flux de que le l'ont accompagné jusqu’à la mort. Nous n’en sûmes rien à l'habitation (1) em Boudet averty en et vivres des chercher vint femme sa que 4 décembre ce pour l’habitation à aussy vint quy Violette La ça, Outre parlant à luy-mesme. plus mesme sujet en avertit aussy et luy dit parlant à luy que Dibia ne travaillait et à Cayenne et qu’il avoit été battu par un nommé Lespérance commandeur (2) pour qu’il étoit malade comme sa femme l’avoit dit, qu’estant party de Cayenne venir à l’habitation il n’avoit pu aller jusqu’à Ramotabo.….. employés Tous les noirs de mad. habitation, que nous avons hu dans ce temps-là audit Lesdans les travaux du Roy m'ont dit qu’ils avoient ouy dire par Boudet t en quelque pérance, de bien châtier les noirs de notre habitation s’ils manquaien un coup, avoient habitation autre d’une noirs les sy que cause estoit chose, ce qui ur commande ce que parce trois s quelquefoi et deux ceux de la nostre en avoient bon travail. ne manquait pas d’estre repris. Ce Dibia était bonne hache et de mort après 25 mars 1690. André Dominique dit Alexandre, de Congo, est travaux du Roy à avoir hu fort longtemps un flux de sang qu’il avait raporté des marcher de Cayenne. Il avoit à sa mort tous les boyaux retirés et ne pouvoit faiblesse. Il estoit de bonne hache et à faire le feu aux fourneaux. après avoir langui 20 juillet 1690. Jouan, Congo, aagé de 24 ans, est mort à Cayenne un coup depuis le 28 novembre 1689, qu'il reçut aux travaux du Roy sur le costé gauche, de baston par ce nommé Lespérance, commandeur des noirs, cerveau qu’il luy avoit à l'endroit du rein. À sa mort il avoit un transport au commencé le 20 mars sans le quitter. terme d’un garçon 28 août 1690. Marie, femme de Doué, a accouché avant

le 14 avril dudit an avait la fièvre (3). elle revenue est elle quand et mois, dudit 12 le allée et y estoit revenue mort au retour des travaux du Roy, d’où elle estoit

faisaient On a ici quelque idée de la manière dont les commandeurs les très ion, imentat sous-al La corvée. travailler en Guyane les esclaves de la trop de résultat le être t devaien travaux ces t mauvais coups pendan s traitements, hâtive organisation des corvées du roi, et tous les mauvai

des changeces punitions excessives, étaient la suite vraisemblablement se ments

de commandeurs,

et du tafia. Les nouveaux

contre-maîtres

s, sans montraient très brutaux à l'égard d’esclaves qui leur étaient inconnu e que conduir à n’avoir ménagements pour des hommes qu'ils savaient plus. pendant quelques semaines au

(1) Économe de la sucrerie de Noël. (2) Commandeur blanc. (3) G. Debien, «Sur une sucrerie de la Guyane l'Institut français d'Afrique Noire, 1964, p. 14-16.

en

1690 ». Ext. Bulletin de

UN

DÉBUT

DE

MÉCANISATION

1760 par le déveL’allègement du travail à la houe fut obtenu après dépulpage des du fatigue la et e, charru la à age labour loppement du construction la par bras, à grains de café au pilon et au petit moulin à cannes moulin du ment tionne perfec le de moulins à mules. De même Mais es. sucreri les dans travail du ions condit ures conduisit à de meille beaucolons des par rises ce furent là des transformations lentes, entrep que de la soulager. coup plus soucieux de réduire la main-d'œuvre, les premiers colons par es La charrue avait été introduite aux Antill t été recrutés pour avaien és engag des bien au milieu du XVII° siècle, et de charrue que pour cultiver être des laboureurs ; mais ils n’avaient mené r jamais retenu dans nos du tabac et un peu l’indigo. On paraît n'avoi rer les terres à cannes labou de a Malag de îles l'habitude espagnole venant carrés entourés de fossés et de préparer le piquage du plant en de petits saisons sèches (1). Dès aux peu profonds pour recueillir l’eau de pluie sée. C’était le moment où la fin du XVII siècle, la charrue y fut délais usement aux petites Antilles et Ja culture de la canne se développait série les esclaves s’installa unioù la main-d'œuvre noire se multipliait. Avec terre avec la houe (2). la de l versellement l'usage africain du travai beaucoup mieux que le labouOn avait remarqué que le bêchage valait les sarclages légers que les et caux, rage pour beaucoup de sols tropi profonds. Les mornes labour par là mières

usage; ce ne sont partout que des inégalités du terrain ont établi cet entraîneraient toutes les terres qu’un antes ou coteaux. Les pluies abond erait rendues meubles, la terre se trouv plus profond aurait détachées et prédes rt plupa la s ution préca é ces épuisée. On en à l'expérience. Malgr un rapport aujourd’hui (3). d’auc ue presq sont ées cultiv été terres qui ont

(1) Thibault de Chanvallon, p. 127. qui rappelait l’ilère de l'Afrique de l'Ouest. (2) La houe à très long manche, ou africaine ? L'instrument était-il d’origine caraïbe 25. p. , allon Chanv (3) Thibault de

164

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Jamais on ne retournait tout le sol et les sarclages consistaient à gratter la terre superficiellement quand ils n’étaient pas un simple arrachage des herbes à la main. D’où leur répétition incessante, les « passes » et « repasses » dont parlent les journaux de travail. A l'outillage réduit qu'était la houe à bêcher, somme toute assez légère, correspondait un très long travail manuel, pas nécessairement très pénible en lui-même mais demandant une abondante main-d'œuvre. La culture de quelques carreaux suffisait à occuper une centaine d’esclaves. Malgré les effets connus du ruissellement sur les sols profondément retournés, les avantages de la charrue pour la simplification du travail furent prônés par des colons revenus habiter en France. Quelques-uns envoyèrent « des corps de charrue » sur leur habitation. Les inconvénients parurent moins sensibles. Au surplus on était persuadé que le terrain n’était pas près de manquer. Si les sols étaient épuisés par les labours, on aurait toujours derrière soi de fortes réserves. Ce furent apparemment les Anglais qui les premiers balancèrent avantages et inconvénients, et se décidèrent pour la charrue. Long qui résida à la Jamaïque de 1757 à 1769 fait remarquer « qu’une charrue dont on avait fait l'usage dans la paroisse de Clarendon avait retourné plus de terrain en un jour et d’une manière beaucoup plus parfaite que cent esclaves n’avaient pu le faire dans le même temps avec leurs houes (1) ».

Peu après on commença à se servir méthodiquement du labourage à la Martinique. « Quelques habitants du Lamentin ont commencé de travailler avec la charrue les terres fortes qu’ils ont dans les lieux plats (2). On pourrait étendre plus loin l’usage de cet instrument (3). >» Au début de la saison des pluies on procédait en croisant les lignes de pente avec des sillons plus profonds que les transversaux. C’était comme des saignées pour empêcher les effets du ruissellement. On remarqua que des façons répétées aidaient beaucoup à la lutte contre les fourmis. Les partisans des charrues eurent 1à un don tout particulier d’observation. Mais avant 1779 l'emploi des charrues se développa très lentement. . Leurs progrès furent plus rapides ensuite (4). Au point que dès 1772 le sieur Brun, ancien major des volontaires corses, se fit accorder pour

six ans le privilège de la vente d’une charrue de son invention « destinée à labourer à l’aide d’un nègre et d’un mulet autant de terre que douze nègres à la manière ordinaire du pays » (5), c’est-à-dire avec la houe. (1) tique, (2) (3)

History of Jamaica, London, 1774, 3 vol. in-8°, qui est une histoire polisociale et économique de l’île, paroisse par paroisse. Le Lamentin est en plaine. Thibault de Chanvallon, p. 127. (4) J. Duval, Les colonies et la politique coloniale de la France, Paris, 1864, in-8°, p. 154. (5) Moreau de Saint-Méry, Loix, V, p. 332, 2 novembre 1772.

UN DÉBUT DE MÉCANISATION

165

L'invention était évidemment une merveille, mais surtout de spéculation,

pour profiter d’un mode de travail commençant. Des planteurs sucriers, même des gérants, engagèrent en France à hauts prix (1) des paysans pour conduire un attelage de labour et apprendre à des esclaves à lier des bœufs au joug et à mener une charrue. Ce n’était pas un apprentissage d’un jour. Il y avait à triompher des habitudes des esclaves, des mauvaises plaisanteries des voisins. Les esclaves en d’une sucrerie de l’Arcahaye avaient ri les premiers de l'innovation envoyé nous maîtres ; la la ci cabrouet petit que zautres Mirez disant « nous li la France pour planter cannes, maître nous li pas connaît yeu >, Fondau Foucaud sucrerie la de gérant dit Malenfant qui était alors Parisien et il ajoute que le gérant abandonna cet essai. cannes de cette manière, Si j'avais eu une charrue j'aurais fait la culture de mes noirs, non par de et il ne m’eût pas été difficile de faire entendre raison à mes pécuniaires. Je me nses récompe des par excitant les en mais nts mauvais traiteme aire m’eût permis de faire serais moqué des lazzis des colons, surtout si le propriét un essai de ce genre (2).

es. L'emploi de la charrue se multiplia après des discussions acharné s Motman s sucrerie les Dans le seul quartier de Léogane nous connaissons au Cul-dede Beauval, Galbaud du Fort qui engagèrent des laboureurs, la GuadeÀ naïis. Beauhar et homme Grand s, Sac les sucreries Bonrepo à la louange de loupe le guide écrit par Poyen de Sainte-Marie est tout aucune caféière cite ne On plaine. en la charrue. Tous ces exemples sont Les inéganature. la contre été C’eût ge. laboura qui ait eu recours au toujours pluies les lités brusques des terrains, la raideur des pentes et , et charrue la de l’usage abondantes dans les mornes allaient contre d’abord le rendait impossible. ent dans le A la Martinique de petites sucreries se lancèrent hardim labourage à la charrue (3). rent jusqu’à la fin A Saint-Domingue des moniteurs de labourage arrivè mode de travail ce de ans partis les 1785 de et nombreux. Mais autour s terres planes bonne de paraissent avoir eu moins de faveur. Le manque des sols fut par ation dégrad La de réserve montra peut-être où on allait. rendait parfois noirs eurs labour des resse malad endroits évidente, et la l'essai très coûteux. avec la charrue dans les plaines, Quelques cultivateurs ont essayé de labourer ations aux terres extrêmement prépar es certain donner qu’à servir mais elle ne peut nts qu'on l'a presque entiènvénie d’inco tant urs d’aille te légères. Son usage présen rement abandonné.

payé. (1) De 2.000 à 4.000 livres tournois, voyage (2) Malenfant, p. 153-154. Belle-Fontaine, une sucrerie de 47 (3) Ainsi à Case-Pilote, au quartier de la e de la Martinique, 2 octobre Gazett x. carreau 47 de et petits, et esclaves, grands 1788, p. 172.

s pr +

166

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

conclut Dutrône de La Couture (1), qui fut un grand spécialiste de la culture de la canne. Maïs il exagère. Il simplifie trop. Ces quelques habitants qui continuaient à faire labourer leurs jardins à la charrue étaient assez nombreux, car il était évident que le labourage diminuaïit de moitié le temps du travail puisqu’avec la charrue on aura plus tôt planté quatre pièces que fouillé une seule avec la houe. Mais la routine resta solide et très vivante l'hostilité des esclaves. Apparemment il y a là un paradoxe. La charrue leur épargnait un travail que tout le monde reconnaissait pénible. Certains planteurs des Cayes, au dire de Moreau de Saint-Méry, avaient introduit chez eux le labourage pour soulager leur atelier (2). Sans doute y a-t-il là les habitudes du travail à la main apportées d’Afrique, qui triomphent, mais l’on peut penser aussi que les esclaves savaient bien que leurs tâches n'étaient que déplacées et qu’on leur trouverait toujours un autre travail pénible. *+

Des perfectionnements aux moulins à broyer les cannes eurent quelque répercussion directe sur le travail de plusieurs des équipes qui préparaient les sucres. Le premier à4 compter fut le remplacement des moulins à mulets de Saint-Domingue ou à bœufs (Martinique et Guadeloupe) par des moulins à eau. Sans doute en les installant songea-t-on d’abord à l’économie que l’on faisait sur les bêtes. Il fallait six bêtes pour faire tourner un moulin, et il était nécessaire de les relever toutes les deux heures. Elles faisaient trois quarts de deux heures par vingt quatre heures. Une quarantaine de mulets était donc indispensable au moulin. Les dépenses générales d’entretien étaient diminuées et l’on n’avait pas à renouveler sans cesse des équipages achetés à gros frais (3) et toujours comptant « à l’espagnol ». Mais la force hydraulique quand il était possible de l'installer avaït pour résultat aussi de supprimer les équipes de mouliniers qui menaïent les mules dans le moulin. Leur tâche était pénible et de nuit plus que de jour. Ils furent remplacés par un seul gardien de vanne (4). C’est pour épargner leurs esclaves que les gérants des habitations Boutin au Cul-deSac, et Galbaud du Fort à Léogane font monter un « second équipage de moulin moderne (5) ». « Cela donnera deux ou trois heures de som(1) in-8°, (2) (3) (4)

Précis de la canne et sur les moyens d'en extraire le suc essentiel, 1789, p. 331. Moreau de Saint-Méry, Description, édition de 1797-1798, II, p. 686. Entre 700 et 1.000 livres coloniales un mulet vers 1785. G. Debien, « À Saint-Domingue avec deux jeunes économes ». Lettre du 17

mai 1776. (5) Papiers Galbaud du Fort, Parison à M”° du Fort, 29 juillet 1775.

167

UN DÉBUT DE MÉCANISATION

meil de plus à vos nègres (1) ». Après 1780, les moulins à eau vont se multiplier ; dans la seule plaine des Cayes, dans le Sud de Saint-Domingue 56 sucreries sur 100 sont équipées avec un moulin à eau (2). Les personnes

qui connaissent

la structure

d’un

moulin

à sucre

savent

qu'un

nègre pousse les cannes d’un côté entre les cylindres, tandis qu’un autre nègre (3) placé derrière les prend au passage et les repousse pour achever d'en exprimer tout le suc. Le premier de ces deux esclaves ne court aucun

risque parce que les

cannes qu’il présente au moulin ayant encore la longueur et la dureté d’un bâton ne l’obligent pas de trop s’avancer, mais comme par cette dernière pression elles sont amollies et brisées, le second esclave est forcé d'approcher la main plus près afin de les saisir toutes et de les faire glisser entre les cylindres, de sorte que seules’il est surpris par le sommeil ou par quelque distraction et qu’il se laisse ment pincer le bout du doigt il ne peut plus le retirer, le doigt passe, ensuite la main, ensuite le bras et tout le corps excepté la tête (4).

Autour de 1780, une invention va réduire le nombre des accidents. On adapta aux moulins « sur la seconde face, une machine appelée doubleuse » qui servit à engager les cannes une seconde fois. Cette machine

fit faire l’économie d’un ou de deux ouvriers et évita des accidents (5).

Mais des jeux « à l’anglaise », très coûteux (6) et des modifications apportées par Barré de Saint-Venant perfectionnèrent encore les moulins, mais

sans rien changer au travail des esclaves (7). avec Les fourneaux que l’on monta à la façon brésilienne, c’est-à-dire

a la un seul foyer général au lieu d’un sous chaque chaudière, simplifi travail à Mais (8). » ible combust de rapports « les et feux des ance surveill réduit, main-d'œuvre réduite. insDes pompes à feu pour les moulins n’eurent pas le temps d’être elles Mais (9). cinq ou quatre que tallées. On n’en peut guère compter du moune furent jamais qu’un procédé pour amener de l’eau au-dessus pour le ntés représe eussent elles progrès quels pas voit ne l’on lin, et provoquèrent travail des esclaves. Elles attirèrent une grande curiosité, un grand scepticisme (10). Ms 855. Saint-Virtorbe à (1) Bibliothèque de La Rochelle. Papiers Boutin, M. Boutin, 1° avril 1787. de 1797-98. (2) Moreau de Saint-Méry, Description, II, 681, édition que des femmes qui hommes des autant c'était s sucrerie s certaine Sur (3) t . servaien les moulins (4) Bibliothèque de Nantes, Ms 880, p. 378. (5) Dutrône La Couture, Précis, p. 104. (6) 7.500 livres arrivés au port de la colonie. s, p. 371. Voir aussi les (7) Barré de Saint-Venant, Des colonies moderne Ms 855, 1° mars 1788. e, Rochell La de hèque Bibliot la à Boutin Papiers aux Cayes. (8) Moreau de Saint-Méry, Description, IL, p. 723, (9) Une à l’Artibonite. 1768, de Parison : « Mais en (10) Papiers Galbaud du Fort. Léogane, 1° juillet n'ayez entendu parler de la vous que pas re peut-êt n’est il parlant du moulin

168

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Le souci plus direct d’épargner la peine des esclaves le soir après leur retour du jardin et de maintenir leur santé en état par une meilleure préparation de leur nourriture a présidé à coup sûr au perfectionnement des moulins à grager le manioc et le maïs. Leurs pilons écrasaient très 2

mal les grains, qui étaient d’une cuisson difficile et lente, donnaient des

maux de ventre répétés. Les pilons furent remplacés par des moulins à bras mus par les travailleurs rentrant de leurs tâches. La besogne était fatiguante encore, mais durait beaucoup moins longtemps que la pilaison. Sur des plantations même on établit des moulins à mulets pour écraser le mil et le maïs des esclaves. La pilaison du soir par les femmes était passée aux hommes qui faisaient mouvoir le moulin à bras ; avec le moulin à mules, elle était devenue comme collective. Des Matheux, dans les hauts de l'Arcahaye, 28 mai 1788. M'occupant toujours du soin de faciliter le travail de votre habitation et de diminuer le nombre de ceux qui fatiguent les nègres, mon intention est de faire l’an prochain un pavillon en maçonne… pour faire aller les moulins à grager par un mouvement égal à celui de M. Masseau (1) qui est très simple et très commode et d'y faire un moulin à farine pour le maïs et le petit-mil.. Il y a beaucoup de meules à SaintMarc propres à le faire, qu’on a fait venir. Je les ai fait rendre sur l’habitation... Je pense que vous goûtez trop bien le besoin de cet ouvrage et son utilité pour ne pas approuver mon projet, son utilité étant trop grande pour donner aux nègres une nourriture facile et saine, parce que les pilons ne font que de la très mauvaise farine qui est toujours aigre et qu’ils écrasent les nègres qui pilent, et que ceux qui ne peuvent le faire et qui sont en très grande nombre mangent

découverte que le sieur Bineau a faite d’une machine qui doit les faire mouvoir tout seuls sans que l’on soit obligé d'employer l’eau ni la force d’aucun animal. L'expérience doit en être faite sous peu et la machine exposée au jugement des arbitres. Si cela réussit comme il n’y a plus à en douter, il vous coûtera 500 livres comme ayant souscrit pour vous depuis six mois. Je désire pour l'avantage de tous les habitants qu’elle ait tout le succès qu’on en attend. Au moyen de quoi il ne sera plus besoin de mulets ni d'animaux quelconques, si ce n’est pour les charrois, ce qui pourra se faire uniquement par des bœufs, et par ce moyen pouvant se passer d’une si grande quantité de bestiaux, l’on pourra mettre en cannes bien des savanes que l’on était obligé d’avoir pour leur fournir les pâturages. L'on dit la machine si simple que je me flatte de n'être pas le dernier à la mettre à exécution sans qu’il vous en coûte aucun frais, dès que je l’aurai vue et que l’on sera assuré de son utilité. 1° Décembre 1768. L'on devait faire voir au public le 26 de novembre le moulin de M. Binot, en présence de MM. le général et intendant. Mais soit qu'il ne soit pas entièrement fini ou qu’il ait manqué quelque chose à la perfection de son moteur suivant toute apparence, la vue en a été renvoyée à deux mois. Ce délai m'est bien suspect et j’appréhende bien que ce soit l’histoire de la montagne dans la fable et quoique M. Rolland, l'ingénieur, vient d’annoncer dans les gazettes, qu’il donnera incessamment le devis d’une pareïlle machine, je ne puis cependant, mesdames, me dispenser d’acheter à la première occasion 8 ou 9 mulets qui me sont absolument nécessaires pour faire le revenu de l’année prochaine. Pas un mot sur les esclaves.

(1)Planteur caféier des mornes Maulévrier.

des Matheux,

un

des voisins de la caféière

UN DÉBUT DE MÉCANISATION

169

cra-cra (1), ce qui occasionne beaucoup le grain à moitié cuit et majeure partie uses ; par ce moyen les nègres en sont coûte très de maladies et de pertes toujours de vivres. Si vous êtes d'avis que oup beauc bien mieux nourris et l'on y gagne ux. veuillez me répondre de suite afin je fasse cet objet qui ne sera pas bien coûte eprise que jusqu'au mois de janvier, d'entr n’a qui er l'ouvri pas e manqu que je ne (2). et avec lequel je me suis abouché à ce sujet

peut-être un avantage acPour le colon, le bien-être des esclaves était et d'une manière plus fin plus és cessoire. Mais avec des grains écras diarrhées, mais surégale, les hommes

souffriraient moins

souvent de

aussi. tout il y aurait moins d’indisponibles, moins de décès

t « écumer » l’eau où avait Jusqu’au milieu du siècle environ on faisai s. Ce mouvement

des gaule macéré l'herbe à indigo en la battant avec bras, la relève devant être de oup beauc yait emplo ant, épuis sans fin était es qui remplacèrent les légèr es ailett à fréquente. On installa des moulins esclaves mit le moulin en moubatteurs. Une manivelle tournée par deux née. Leur nombre surtout. vement. La force des ouvriers était éparg la gaule fut abandonné paralléLe dépulpage des cafés en cerises à chaque soir à la saison de la. lement à partir de 1775. Il se faisait és. Les grains devaient être tous cueillette quand les esclaves étaient rentr le bassin pour le lavage du dans mis séparés de leur coquille pour être ins à bras, légers, des dépullendemain. On construisit d’abord des moul rouleau et un au petit. Ils gros peurs mus par trois hommes, deux au re. Deux passages au moulin d'heu s quart les tous r lace remp se devaient réglé d’après la grosseur moyenne étaient nécessaires. Le moulin était assez court, cependant une fatides cerises. Le travail très pénible était gue sur la fatigue du jour. place à des moulins « roulés » Ces moulins à bras firent eux aussi bœufs. Fut mis au point un système par des mulets et quelquefois par des un large muret circulaire pourvu sur d’une grande roue verticale tournant était mis et décortiqué sans que la d’une gorge. Le café à préparer y force des esclaves eût à intervenir. glacis pour aider à l’enlèvement Après le lavage et le séchage sur les les grains, le café était repassé au de la pellicule très fine qui enrobait moulin à piler, mû lui aussi par des pilon. Le pilon fut remplacé par un e fait très vite. mulets. Ce changement paraît s’êtr à la mécanisation de certains La tendance générale fut après 1770 on des moulins. Ils prenaient la cati travaux très pénibles, par la multipli bien pour les hommes une moins donc it C’éta . aves escl des bras place des bien de planteurs avaient prévu cet grande fatigue en bien des cas. Com à-côté ? (1) C'est-à-dire mal concassé. s, p. 115. (2) G. Debien. Études antillaise

LA

NOURRITURE

pline et le rendement des La bonne santé et lentrain, donc la disci dont ils étaient nourris. Le façon la de esclaves, dépendaient avant tout centre de leur histoire. Or il fut problème de leur alimentation fut au et pas seulement aux premiers l'un des plus négligés par leurs maîtres, du régime colonial. e hont temps, toujours ce fut la grande avons pour l’étudier de nomLa question est d’accès malaisé. Nous raux de nos îles au ministre de breuses lettres des administrateurs géné s à leurs gérants, les lettrescolon la marine (1), les instructions des coloniaux. Les journaux de trarapports des gérants aux propriétaires car ils nous permettent de voir vail feraient bien mieux notre affaire des distributions de vivres et la parfois les dates et donc la régularité ils sont rares et tous du dernier nourriture quotidienne des ateliers, mais es aussi les descriptions et les retiers du XVIII° siècle. Peu nombreus les comptes de plantations où appamarques de voyageurs. I1 est enfin ent » pour achats de salaisons, raissent les « dépenses d’approvisionnem pois divers, faits très souvent oc, de de riz, de biscuit, de farine de mani redistribués en rations générales. Ce être pour s même euxaux esclaves comptes, et on n’en a pas toujours des n’est jamais un chapitre important se voit à travers tous ces documents Je détail. Mais sans rien forcer on les et ves escla les ir nourr de ales dérouler les différentes manières génér leur assurer une alimentation pour n ratio inist l'adm de pliés essais multi plus régulière et meilleure. 1. Au XVII

siècle.

re des esclaves quand au milieu du Trois traits caractérisent la nourritu rvations. XVII° siècle commencent nos obse a administrateurs ies, C7 Correspondance des (1) Archives Nationales, Colon ce des administrateurs de la Martinique; C ndan de la Guadeloupe; C° Correspo urs de Saint-Domingue. Correspondance des administrate

o dit

172

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

C’est d’abord que leurs vivres sont les mêmes que ceux des engagés qui forment, rappelons-le, le plus grand nombre des blancs. Ils ont de la farine de manioc dont ils font des bouillies ou une sorte de biscuit, la

cassave, qui se conserve plusieurs jours quand elle est bien au sec ; des bananes, des pois, des patates et des salaisons. Seule la préparation diffère chez les blancs et la férocité des pimentades est double chez les noirs. En 1647 le P. Maurile de Saint-Michel nous décrit les pois qui paraissent, au moins à Saint-Christophe, la nourriture essentielle de tous les habitants. La vie de l’homme se conserve particulièrement par les pois qui y viennent à ravir et j'y en ai vu de diverses espèces, pois de Rome, fésoles, haricots anglais que cette nation a apportés de la Virginie, pois d'Angole ou d’Afrique (1) qui sont faits comme lentilles. On en fait des tonnelles (2).

Les petits enfants, noirs et blancs, étaient nourris de bananes pilées, cuites en bouillies. Mais « le potage de pois où l’on rompt de la cassave avec un peu de piment, un peu de jus de citron et un petit morceau de lard » doit cependant être un plat plutôt préparé par les blancs.

Noirs et blancs consommaient en commun

pour une grande part de

leurs vivres, du bœuf salé d’Irlande, de la morue, des harengs et de la tortue salée, importés en barils. Ces salaisons faisaient dépendre leur

nourriture de la régularité des importations.

Cette nature de marchandise est plus nécessaire aux îles que ne sont toutes les autres car la viande que l’on donne aux nègres pour leur nourriture est le bœuf, dont la consommation est si grande que 30.000 barriques (3) ne suffisent pas tous F ans et je ne sais pas si la France pourrait fournir une si grande nourriture (4).

La place très importante des salaisons dans l’alimentation des esclaves se pèse si l’on peut dire, aux plaintes des colons quand elles viennent à manquer, aux protestations des gouverneurs quand le roi veut arrêter les importations de bœuf d’Irlande et les remplacer par du bœuf de France que ne se conservait pas (5), ou quand les esclaves et les engagés en corvées pour le roi n’ont pas leur ration réglementaire. En novembre 1672, les travaux de fortification au Cul-de-Sac Royal sont arrêtés « car les nègres qui servent les ouvriers n’ayant que de la farine de manioc, désertent et les ouvriers à qui la viande manque, ne (1) Était-ce le pois rouge qui fut apporté du Congo ?

(2) Voyage des Isles Camercanes en l'Amérique dentales.. Le Mans, 1652, in-8°, p. 64.

qui font partie des Indes Occi-

(3) Qui devaient être de 160 livres pesant chacune. Labat, IV, p. 299. (4) Baas, gouverneur des îles, au ministre, 28 février 1672, Archives Nationales , Colonies C° A1, f° 168 et 1°" juin 1672, ibid. f° 242. (5) Vignols, « L’importation en France au XVIII siècle du bœuf salé d'Irlande », Revue historique, 1928, p. 79-95.

LA NOURRITURE

143

peuvent et ne veulent travailler (1) ». Ici l’on peut remarquer une diffé-

rence entre les engagés que sont les ouvriers et les esclaves. A Saint-Christophe les colons sont plus gênés encore. Le défaut de bœuf salé sera la destruction des nègres parce qu’ils ne peuvent vivre sans cela... Si le bœuf de la manque aux esclaves, les esclaves manquent aux habitants. Ceux qui auront et les force deviendront marrons et déserteurs et les faibles comme les femmes familles. enfants s’affaibliront et mourront ainsi qu'on le voit déjà en plusieurs des Il faut vous faire savoir, monseigneur, que le bœuf étant la véritable viande nègres, il leur en faut nécessairement si on veut qu’ils travaillent (2). est leur Ce peuple ne voit plus de moyen pour nourrir les nègres car le lard monseigneur, savoir, us Voulez-vo force. par que mangent n’en ils et (3) aversion racines qu’on ja véritable nourriture des esclaves ? Ils vivent de différentes sortes de deux livres de appelle patates, ignames et manioc. A cela les habitants joignent travail dure jour et bœuf salé par semaine pour chaque nègre qui travaille et ce (4). Si donc ces nuit car de 24 heures le nègre n’en a que 4 pour se reposer à tant de peine misérables n’ont plus de bœuf, comment est-il possible qu'ils résistent

il est certain en ne mangeant que des racines ? Or s’il ne vient de bœuf d'Irlande, la

ur, que qu’ils n’en mangent point de celui de France (5). Je sais bien, monseigne le récit par t s'émeuven personnes de peu que et dure est esclaves destinée des misère cette que et misère leur de l’excès voit de leurs maux, mais lorsqu'on insensible si dans ce est encore augmentée par plusieurs accidents, il faut être ur, qu’en cet endroit moment-là on est sans compassion. Je vous avoue, monseigne sont hommes et je suis très faible et que les esclaves me font pitié parce qu'ils plus malheureuse condition une à réduits être pas devraient ne hommes les que que celle des bêtes.

s « Le bœuf manque ! le bœuf manque ! » aura peut-être été en quelque obtenir pour e général re manœuv une circonstances une plainte concertée, denrées la liberté d'importer des vivres étrangers et donc d'exporter des

guère croire coloniales vers la Hollande surtout, mais le ton ne le laisse

sont graves. ici. Les lamentations paraissent sincères car les disettes » (6). ison compara par « Tout n’est rien encore, les tortues Au XVII: siècle quand elles y étaient nombreuses à nourrir les servi oup beauc ont îles des côtes les sur fraîches prises e pittomanièr la conté a esclaves, comme les blancs. Le P. Labat nous eil, in-

de Bécham resque de les capturer. En 1698, d’après un mémoire îles du cap Vert les pour Nantes de encore t parten tendant de Rennes, et envoyées salées deux barques qui vont à la pêche aux tortues qui seront

A1, f° 202. (1) Baas au ministre, 20 novembre 1672, C® (2) I. f° 199. étaient musulmans ou plus ou (3) Serait-ce parce que beaucoup d'esclaves moins islamisés ? dits sucriers qui travaillent à la (4) Il n’est question ici que des ouvriers ient les autres ni receva Que fabrication du sucre aux fourneaux. s. Vignol L. Cf. (5) Parce qu’il arrivait très avarié. f" 267. (6) Baas au ministre, 8 février 1674. C° Al,

174

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

aux îles pour les esclaves (1). De même, des pêcheurs de Dieppe et de

Saint-Malo (2). Bientôt devenues plus rares, les tortues ne servent plus

qu’à faire des bouillons pour les esclaves malades. Le deuxième trait est l'usage alors très répandu de distribuer

de la

guildive, c’est-à-dire du tafia, aux esclaves pour leur donner du montant,

en s’arrangeant pour présenter ces petits coups comme une récompense.

On ne leur donne à boire de l’eau de vie que lorsqu'on les oblige à quelque travail rude, quand ils replantent le tabac au fort de la pluie. L'eau de vie estant un peu plus commune dans les îles depuis qu’on y fait du sucre par le secret qu’on a trouvé d’en faire avec l’escume qu’on tire des chaudières et sirops qui découlent des formes... On leur en donne quelques jours de la semaine chez quelques habitants où les commandeurs sont fidèles (3) car s’ils sont ivrognes ils dissipent dans les débauches qu’ils font avec leurs amis ce qui leur est donné pour être distribué aux esclaves dont ils ont la conduite (4).

Le P. Labat n’était pas non plus avare de verser aux esclaves du Fond Saint-Jacques, la sucrerie des dominicains de la Martinique, des coups de guildive, pour le réconfort, la récompense et l’amitié. L’abus à la vérité ne commençait que lorsque cet alcool était distribué à la place des vivres. Le mestre d’une habitation doit faire donner tout autant comme il le peut un coup de guildive à ses esclaves le matin et le soir sitost que la prière est faite, et mesme un peu fort ; cela les échauffe et donne du courage pour travailler. Outre ce coup d’eau de vie qu’on donne aux esclaves soir et matin, s’il y en a quelqu'un quy dans la journée fasse quelque chose d’extraordinaire et satisfasse le maître, il lui donne un coup de cette guildive tant pour lui faire connaître qu’il a bien fait que pour l’encourager à bien faire et à luy faire connaître que ce coup luy a esté donné par grâce. Outre cet eau de vie qu'on donne journellement aux esclaves, le mestre d’une habitation fait encore donner tous les dimanches matins à chaque sucrier qui sont des esclaves, une pinte d’eau de vie et leurs trois livres de viande autant qu'il le peut. Lorsqu'un mestre fait faire quelqu’abaty, il est de coutume qu'il fasse donner de l’eau de vie à ses esclaves à déjeuner, outre les deux coups ordinaires du soir et du matin afin de leur donner de la force, mais il faut que le mestre prenne garde qu'on ne leur en donne point trop parce que cela serait fort dangereux (5).

Cela représentait une large consommation de tafia, bien qu’on ne distribuât qu’un tafia léger, meilleur, je le souhaite, que le clairin haïtien d’aujourd’hui. Enfin le maître prend directement en charge la nourriture de ses gens soit qu’il achète aux négociants ou aux capitaines de navire des salaisons, ou qu’il fasse planter des vivres : manioc, ignames, patates, dits « vivres de terre » ou des « vivres secs » maïs, pois, riz, qui, eux (1) Archives de la Loire-Atlantique, C 873, f° 73-76, et Thibault de Chanvallon, Voyage à la Martinique, Paris, 1763, in-4°, p. 174. (2) Archives de l’Ille-et-Vilaine, 9 B 1698.

(3) La plupart des commandeurs étaient alors, on l’a vu, des engagés blancs. (4) P. Dutertre, II, p. 480. S (5) Voyage aux îles d'Amérique de Goupy, Ms 2436, de la Bibliothèque ouen.

de

LA NOURRITURE

175

peuvent être emmagasinés à la grand’case. Ces rations, avec du sel, sont

données le dimanche, ou au début de la semaine, le lundi matin, le bœuf salé ou la morue étant assortis de farine de manioc, de patates, de pois

ou de bananes (1). Cette distribution est faite à la case principale ou au magasin, rarement par le maître lui-même, mais par le commandeur ou par un esclave âgé, de confiance, quand latelier n’est pas très nombreux. Quelques colons préfèrent distribuer les vivres deux fois par jour, à midi et au retour du travail, le soir. Il semble que dans ces cas la nourriture soit plus régulière. Sur toutes les plantations les esclaves ont à se pourvoir de vivres verts : piments, gombos, giraumons, etc. A ces rations fournies par l’habitation, ils ajoutaient quand ïls le pouvaient, des crabes de terre ou de mer et le produit de leur pêche. Les comptes de quelques plantations parlent de pêcheurs qui vont en mer pour rappOrter de la marée à l'atelier. Les distributions de vivres n'étaient faciles que sur les petites et sur les moyennes plantations. Le coulage était inévitable. Entre le magasin et le panier ou la calebasse des esclaves, il devait se glisser bien des parties prenantes. À la Martinique l'usage fut suivi plus strictement qu’à Saint-Domingue où les ateliers étaient plus importants. quelque L'on donne pour l'ordinaire dans chaque case quelque vieille négresse ou marautre preste d’accoucher ou quelque Français engagé pour avoir soin de la du mite pendant que les autres travaillent sur place aux champs. Quand l'heure morles distribue ur commande le lors pour et tous appelle les on venue est dîner fantaisie. Quand ceaux que chaque nègre emporte dans sa case pour manger à sa leur dîner sur ils travaillent sur quelque place éloignée de l'habitation on leur porte ils mangent tous le lieu comme l’on fait aux vendanges en France et pour lors ensemble (2).

A la Martinique les esclaves se trouvaient peut-être bien de ces distributions de vivres au temps du P. Labat, mais il n’en avait pas toujours été ainsi, ni à Saint-Christophe ni à Saint-Domingue, où les escla-

ves étaient très mal nourris, au reste comme les engagés dont ils parta-

Sur geaient le manger. Ces distributions n’assuraient une nourriture que cieux. conscien colons quelques de ons les plantati Les négligences ou les mauvaises volontés durent être notoires et mulet tiples pour qu’interviennent des réglements sur les vivres des esclaves pour et et Duparqu de est il des engagés. On ignore la date du premier, eur et la Martinique. Il est antérieur à son établissement comme gouvern et de Grenade la de que, Martini la de îles ès roi du lieutenant général AppaSainte-Alouzie dont les lettres patentes sont du 27 octobre 1651. les pas sons connais n’en nous rs, remment il remonte à 1646. D'ailleu détails. Le

général

du Parquet

voyant

que

(1) Il s’agit toujours de bananes-légume. (2) Labat, VII p. 193.

quelques

habitants

de

la Martinique

en

176

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

usaient très mal avec leurs esclaves fit une ordonnance par laquelle il était enjoint à tous les maistres de case qui avaient des nègres de leur donner chaque semaine pour le moins deux livres de viande par teste dans l’arrière-saison et trois quand les navires arrivaient. Outre cela on leur donne de la cassave et des pois qu'ils font bouillir avec un peu de graisse. Leur boisson, c’est de l’eau qui ne leur est pas épargnée parce que ce sont eux-mêmes qui ont la peine de l'aller quérir. Il y a des cases où le maître donne un baril de viande à la fois qu’on distribue tous les dimanches aux nègres avec une quantité de cassave et de pois. Chaque famille de nègres fait sa cuisine à part et apprête à sa mode et à son goût ce qu'ils doivent manger. Il est vrai que je ne sais comme ces pauvres gens le font — mais avec le peu de viande qu’on leur donne, ils se portent mieux que beaucoup de Français. Ils suppléent à la viande par des ignames, des patates, des giraumons, du gros mil, que nous appelons en France bled de Turquie, et par quantité d’herbes et de fèves de sept ans avec lesquelles ils font de si étranges salmigondis qu’il n’y a qu’eux seuls capables d’en manger (1).

L'autre règlement est de peu postérieur. C’est celui de Patrocle de Thoisy, gouverneur général des îles, du 13 août 1648. Il oblige les mattres às cultiver pour leurs esclaves des vivres qui seront surveillés par les officiers de milice. L'intervention de l’autorité se précise (2). Mais ces réglements n'étaient à peu près que des vœux. La régularité, la quantité et la qualité de l’alimentation des esclaves varièrent avec chaque île et surtout avec les plantations. L’âpreté des colons au gain toujours grande faisait juger secondaire l’entretien de leurs ateliers, et on reste sur l’impression d’une négligence à peu près générale et permanente. Comme la nourriture des esclaves dépend de leurs maîtres, elle est aussi différente dans chaque case que l’humeur de ceux qu'ils servent. Les uns sont mieux nourris que les autres, mais à dire le vrai ils sont tous nourris d’une manière tout à fait pitoyable, de sorte que s’ils n’avaient l'adresse de se pourvoir eux-mêmes ils pâtiraient infiniment (3).

D’après le P. Labat l’effort des planteurs ne fut pas très grand. Cependant ce n’est pas une grosse dépense à Saint-Domingue de leur donner de la viande car les Espagnols amènent des bœufs et des vaches dans les quartiers français autant qu’on peut en avoir besoin, à 4 ou 5 écus pièce... Or quand dans une habitation il y a six-vingt ou cent trente nègres on donnerait deux bœufs ou vaches par semaine ce ne serait au plus qu’une dépense de huit ou dix écus, sur quoi il faut ôter le prix des peaux qui se vendent un écu la couple quand ce sont des peaux de vaches ou de bouvards (4) et un écu pièce quand ce sont des peaux de bœufs. Cet avantage ne se trouve point dans les îles du Vent où il faut acheter

des viandes salées venant d'Europe, souvent très rares et toujours chères (5).

C’est à la fois contre l’irrégularité des rations, contre les différences de traitement d’une île à l’autre et contre l’abus de l’alcoo!l que voulut (1) (2) (3) (4) (5)

Dutertre, II, p. 480. Ibid. Id., p. 479. De veaux. VII, p. 193.

LA NOURRITURE

CUT

réagir l'édit de 1685, dit Code noir (1). Des questionnaires aux gouverneurs, des rapports divers, bref une enquête, l’avaient préparé. Cette codification des usages voulut améliorer la nourriture des esclaves en rendant sa surveillance plus facile : à leurs Article XXII. Seront tenus les maîtres de fournir par chaque semaine demi, et pots deux , nourriture leur pour au-dessus et ans 10 de esclaves âgés demie et livres deux pesant cassaves trois ou manioc, de mesure du pays, de farine salé ou trois chacune au moins, ou choses équivalentes, avec deux livres de bœuf qu'ils sont livres de poisson ou autre chose à proportion, et aux enfants depuis sevrés jusqu'à l’âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus. de vie guildive Art. XXIII. Leur défendons de donner aux esclaves de l'eau pour tenir lieu de la subsistance mentionnée au précédent chapitre. et entretenus par Art. XXIV. Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus pourront en donner leurs maîtres selon que l'avons ordonné par ces présentes, sur lesquels, et avis à notre procureur et mettre leurs mémoires entre ses mains, poursuivis seront maîtres les , d’ailleurs viennent en lui avis les même d'office, si ts traitemen les pour observé être voulons nous que ce à sa requête, et sans frais, barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves.

L’édit de 1685 n’apporta guère d’amélioration, semble-t-il. Leur ration les chaparhebdomadaire, des esclaves la mangeaient en quatre repas et malades nt tombaie qui ceux dages étaient de tous les jours. Les rations de la Quand . magasin le pour moins au perdues en cours de semaine étaient vivres les que et ante insuffis était ion plantat la de secs vivres récolte des plus heude terre étaient mal venus, il fallait avoir recours à des voisins l'offre et entre ce différen la saient connais reux, ou aux marchands qui la demande. Les esclaves en souffraient toujours : roi a ordonné qu’on donnât A l'égard de la viande, j'ai déjà remarqué que le par semaine. Cette ordonsalée viande de demie et livres deux à chaque esclave , ou par la négligence d’autres p beaucou que e observé nance (2) n’est pas mieux des maîtres qui veulent e l’avaric par ou main la tenir des officiers qui devraient y r pour leur nourdépense sans peuvent qu'ils tirer de leurs esclaves tout le travail viandes salées dans un temps riture ; ou souvent par l'impossibilité d’avoir des s à un prix excessif. Les gens de guerre où le peu que l'on en rapporte est toujour des patates et des ignames planter faisant en défaut ce à nt supplée raisonnables autre moyen dont on ne quelque par ou viande de lieu au ent et les leur distribu raisonnables le nombre gens ces De r. cherche veut en manque guère quand on est petit (3).

étaient en principe Les distributions sous la responsabilité des maîtres humains. Heb-

fussent une bonne chose, mais à condition que les colons es. risqué domadaires, elles étaient des plus *

p.37: (1) Le Code noir. Paris, Prault, 1742, in-12, (2) C’est l’édit de 1685. (3) Labat, IV, p. 198.

178

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Il est à croire que dès l’introduction des esclaves dans nos îles ils reçurent un petit coin de terre pour s’en faire un jardin près de leur case comme un petit coin d'Afrique à eux pour les vivres verts de leur goût. Ils n’y trouvaient pas l’essentiel de leur nourriture, seulement un complément. Les distributions demeurèrent. Du produit de leur petit jardin les esclaves achetaient du tabac, de la guildive, de la toile ou compensaient la faiblesse du rendement des vivres communs (1). Les Portugais avaient un autre système pour nourrir leurs esclaves. On le trouve à San Tomé dès 1545. Peut-être venait-il de Madère. Le pilote anonyme auteur de la Navigation de Lisbonne à l’île de la Tortue (2) nous apprend que le patron n’y fournit rien à ses nègres. Ceux-ci travaillent toute la semaine, pour lui et le samedi seulement pour leur compte : « Le planteur n’a pas à se soucier de leur procurer des vêtements, ni à les nourrir ni à leur faire bâtir des abris car tout cela, ils le font euxmêmes. »

Des Hollandais chassés du Brésil en 1640, après le triomphe des Portugais vinrent se réfugier à la Guadeloupe ; quelques-uns aussi passèrent à la Martinique. Ils avaient des esclaves. Ils n'étaient pas dans l'usage de distribuer des vivres à leurs ateliers, mais de leur accorder une pièce de terre et un jour par semaine pour la cultiver. A eux de se nourrir et de se vêtir. Le P. Dutertre qui séjournait alors en Guadeloupe, est le premier à nous signaler cette nouvelle manière de gouverner les esclaves introduite par les réfugiés hollandais : ., Plusieurs Français croyant gagner beaucoup de se décharger de la nourriture et de l'entretien de leurs esclaves ont voulu imiter les Hollandais, mais ces esclaves n'étant pas stylés à ce petit manège comme ceux du Brésil, sont contraints de voler leurs propres maîtres aussi bien que leurs voisins pour trouver de quoi vivre.

La nécessité où on les réduit par cette sorte de lésine est si grande qu’il y en a qui ne vivent que de rapines, ce qui cause un grand mal aux voisins de ces sortes de maîtres, car ils ne peuvent plus cultiver d’ananas dans leurs jardins, élever de volailles, ni entretenir des bananiers à l'écart de leurs habitations, qui ne soient

à la discrétion de ces nègres affamés (3).

Le même système était appliqué aux îles anglaises, en particulier à la Barbade (4) mais il ne semble pas que cet exemple ait eu de l’influence dans nos Antilles. L’imitation de la pratique des Hollandais suffit. Lentement, non par île entière, mais par quartiers, par plantation, cette

manière de laisser aux esclaves la responsabilité d’assurer leur nourri(1) Pitman, « Slavery », p. 620.

(2) Traduction de $S. Sauvageot in Garcia de Orta, Revista de Junta de Investigacoes de Ultramar, vol. 9, n° 1, p. 9.

(3) IL, p. 481.

(4) Labat, VII, p. 42 et 197.

LA NOURRITURE

179

ture, s’étendit. Le P. Dutertre continue, qui passa plusieurs années à la Guadeloupe. Les nègres. ont le samedi libre pour se nourrir et s’entretenir à la façon du Brésil pour travailler ce jour-là chez les habitants qui les nourrissent et leur don-

nent dix gens qui se servir est obligé

livres de pétun pour leur peine. Ils ne manquent pas de trouver des les occupent et l’on . est aujourd’hui bien plus à l’aise à la Martinique de d'eux de cette manière que d'emprunter ceux de ses voisins pour qui on de faire d’autres corvées quand ils les ont prêtés (1).

Ainsi aux esclaves de choisir de cultiver leur terrain ou de chercher des journées à faire. Peu consacraient le samedi uniquement à leur jardin. Les femmes restaient à travailler leur champ tandis que les hommes allaient à une besogne payée. Ce fut d’abord sur les petites places à coton et à indigo que furent abandonnées les distributions hebdomadaires. La multiplication des sucreries ne freina pas cette transformation, tout au contraire. En décembre 1691, Blénac et Patoulet, les administrateurs

des îles sous le Vent, se

plaignent de la négligence des colons et avisent le ministre que « les nègres des gros habitants , n’ayant pas assez de nourriture « volent les vivres des petits. Ceux-ci sont bien aise de sortir de leur voisinage et les autres d’acquérir leurs biens » (2). Ils demandent un nouveau réglement sur les obligations des planteurs et contre les vols. Le ministre est supplié de le faire préparer. En 1696, le P. Labat signale à son tour cette coutume qu’il juge très mauvaise (3). les Anglais et HolL'autre abus est passé des Espagnols et des Portugais par n petit nombre : quoiqu’e îles, nos de habitants quelques à ceux-ci de jandais et et s’entretenir de eux pour r travaille pour nègres aux samedi le c’est de donner et le gain qu'ils travail le par famille leur et eux pour vêtements et de nourriture font pendant ce jour-là. pas leurs véritables intérêts Les habitants qui suivent cette maxime n’entendent font ce jour-là, il est qu’ils gain le par enir s’entret car si leurs esclaves peuvent

faisant travailler pour certain qu'ils pourraient les entretenir eux-mêmes en les fasse un mauvais temps qu’il eux. Mais si ces esclaves sont malades ce jour-là ou ils passent le samedi s et libertins qui les empêche de travailler ou si, étant fainéant suivante ? semaine la nt-ils subsiste quoi de er travaill sans

et interdit aux L'administration essaya de lutter contre cette pratique, complètement, nourrir se pour s esclave leurs à re remett colons de s’en ou pour se vivres leurs et de leur accorder le samedi pour travailler à d’homcorps de alors pas avait n’y il louer comme salariés. Mais aux îles, et les roi, du ordres aux force donner pour mes de loi et de justice magistrats étaient eux aussi planteurs. (1) Dutertre, I, p. 485.

CRCTAS FEES INT G) IV, p. 201.

ME s 180

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Dans l'assemblée des habitants du Cul-de-Sac Marin, à la Martinique, le 12 mars 1700, l’intendant s’en prend à « l’abus qui s’est insensiblement glissé dans cette île contre les réglements exprès de Sa Majesté qui portent que tous les habitants seront tenus de tenir leurs nègres sans qu’ils leur puissent jamais donner aucun jour de la semaine sous prétexte de se procurer eux-mêmes leur nourriture » (1). La vente libre du produit de leurs jardins était considérée comme un colportage indiscipliné, un inadmissible désordre. Les administrateurs généraux virent là une nouvelle forme de la négligence des colons. Les esclaves souffraient tout autant. La libération de la journée du samedi, très rare au XVII siècle, n’apporta pas de solution satisfaisante au problème des vivres. L’expérience des jardins particuliers agrandis montra « que seuls les esclaves qui [étaient] ménagers et qui ne dissipaient pas en débauche le pétun qu'ils [gagnaient], se nourrissaient et s’entretenaient honnêtement » (2). Les colons disaient que trop d’esclaves négligeaient leurs jardins ou n’entendaient rien à un travail non dirigé. C’était des colons qui n’avaient pas adopté le système du samedi libre. Ils répétaient que les noirs ne cherchaient à tirer de leur terrain que du tafia ou de quoi jouer, ou mieux s’habiller le dimanche sans chercher à s’approvisionner en vivres. Le gardiennage de ces jardins était une lourde charge. Il avait cependant grand’peine à éviter la maraude des voisins, les pilleries par vengeance, les vols des marrons. L’on répétait en se fondant sur une expérience que nous ne pouvons vérifier, que les secs prolongés, les vents avaient des effets pires sur les jardins des esclaves que sur les cultures commerciales. Bref l'essentiel de la nourriture n’était pas assuré. La part des « verdures > était trop développée par rapport aux « vivres de terre » et aux grains. Et les colons de la Martinique,

comme

l'administration,

trou-

vaient « que cette coutume brésilienne » laissait trop de liberté aux esclaves » (3).

Le P. Labat dit avoir vu peu de bons jardins potagers. « Les habitants s’attachent uniquement au travail de leur habitation et comptent sur les herbages que les esclaves cultivent sur les lisières des bois et dans quelque coin de terre qu’on leur laisse (4).» Car, autre forme de la chasse au revenu et de l’incurie des « habitants » pour leurs noirs et

leurs vivres, ils ne leur abandonnaïent que les plus mauvais coins de la plantation, ceux qui ne pouvaient pas produire de sucre, de café. Là a été une des causes de la mauvaise alimentation des esclaves (5). (1) Archives Nationales, Colonies. C° A12, f" 365 v°. (2) Dutertre, II, p. 485.

(3) Ibid. (4) Labat, I, p. 389 et Hilliard d’Auberteuil, I, p. 133. (5) Phélippeaux, au ministre, 20 juin 1703, C* A19, f° 159.

LA NOURRITURE

181

Les disettes, fréquentes, empêchent aussi des planteurs de cesser les rations hebdomadaires. Par exemple en 1700 où le baril de farine de manioc est passé de 6 à 18 livres (1). Il faut nourrir, chose inouie, les esclaves à la farine de France à une époque où beaucoup de blancs se contentent de cassave. Les prix baissent en juillet, mais les colons continuent à se lamenter et donnent à leurs esclaves la liberté de se nourrir eux-mêmes sans l’aide de distributions (2). Il faut remarquer que les colons continuèrent sur toutes les plantations à distribuer du sel et des rations de guildive et que pour les esclaves employés à la fabrication des sucres, et qui avaient à donner un grand

effort et à assurer les quarts devant les chaudières, les distributions de

vivres subsistèrent partout.

3%

Lis

Devant les inconvénients de cette pratique que ne cessaient de dénoncer les administrateurs coloniaux et les Conseils supérieurs, le ministre de la marine chercha à renforcer l'interdiction du samedi libre imposée colon, par le Code noir et à empêcher l'abandon des distributions. Le

c'était un principe qui devait rester absolu, était responsable de la nourriture de son atelier. Le 2 janvier 1696 le Conseil supérieur de la Gua-

1708 et, deloupe le redira, et les arrêts du Conseil du roi des 21 mai

1731. Le 3 mars 1714. Le ministre reviendra à la charge le 10 juillet a un condamn upe Guadelo la de r 6 novembre 1736, le Conseil supérieu nourrir. les de lieu au samedi le esclaves ses à colon qui avait accordé t Mais peu de colons tinrent compte de toutes ces défenses, pourtan était l'usage où a change ne Rien siècle. répétées au cours du XVIIT Un demiétabli. Les interdictions ralentirent seulement son extension.

succès (3). A Saint-Domingue, Malouet qui était administrateur

colonial et en les approuvait. créole, une femme, sa de ge l’hérita par colon même temps ation du amélior une Les récalcitrants voyaient comme lui dans le système sort des esclaves : que le maître est tenu de L'édit de 1685 règle la quantité et l'espèce de vivres fourniture en donnant cette de er décharg se de défend lui et fournir à ses esclaves par semaine. Deux fois une compte leur pour er aux noirs la permission de travaill postérieurs à cet édit, en ont ordonnances du roi et un arrêt du Conseil d’État e s’est introduit dans toutes les confirmé les dispositions ; néanmoins l'usage contrair aux esclaves, que la permisrien donne ne on ; que Martini la à excepté , colonies Il est inconvenable et jours. huit en fois une compte leur pour er sion de travaill assurée par cette plus est nègre du nce subsista la que dire cependant vrai de £° 7. (1) L'intendant Robert au ministre, 1°" février 1700, C* A13, 160 v°. A13, f” (2) L'intendant Robert au ministre, 14 juillet 1701. C° (3) Colonies, F° 222, p. 643.

182

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

méthode qu’en en chargeant le maître, la dureté, la cupidité et la misère de plusieurs les exposant à laisser leurs esclaves sans nourriture. Cependant on ne saurait tenir trop la main à ce que chaque habitation soit abondamment pourvue de vivres (1).

De même à la Guadeloupe, il est vrai plus proche de Surinam, colonie hollandaise. En 1731 le P. Charlevoix écrit : Bien

des maîtres

ne

nourrissent pas leurs esclaves et se contentent de leur chercher ou pour gagner leur vie, mais quelque n’a pas pu encore découvrir de quoi ils vivent

donner quelque relâche pour recherche qu’on ait faite, on

alors (2).

La pratique devait subsister à la Guyane jusqu’à l’émancipation générale de 1848. Le samedi libre y était appelé le samedi nègre. Un régisseur de l’habitation Malgré-Tout, Hérault de Montalis, demande le 21 août 1822 l'autorisation de prendre

le dimanche prochain à Bathilde, une esclave de la plantation, et dorénavant la faire travailler le samedi nègre, la négresse ne pouvant prétendre au samedi puisqu'on la nourrit, d’autant plus qu’elle ne vient pas à l'habitation travailler à son abattis (3), mais va passer la journée avec son compère (4).

A la Martinique et à la Guadeloupe les esclaves passaient pour les plus heureux de tous ceux de nos îles. Les noirs [y] sont conduits par leurs maîtres. Ils sont bien mieux nourris qu’à Saint-Domingue. Ils sont encore mieux à Cayenne. Dans cette colonie les nègres, leur tâche finie, plantent en vivres pour leurs besoins le terrain que le maître ne peut cultiver en denrées (5).

Ils avaient du poisson et du gibier. L’administration eut cependant gain de cause sur un point, mais indirectement pour ainsi dire : les esclaves n’eurent plus guère le moyen de se louer le samedi comme journaliers ; la pratique en diminua beaucoup. Ce jour-là fut consacré à la culture de leurs vivres sur les plantations qui conservèrent le mode de distribution de rations. Le samedi, ou l’après-midi du samedi tout au moins, on ne travailla pas aux cannes, ni aux caféiers maïs aux vivres communs et quelquefois à la répartition des rations. Ces heures de jardin furent dirigées, surveillées par les commandeurs comme toutes les autres tâches de la semaine. Là où ce calendrier fut appliqué strictement, la discipline et le rendement des cultures vivrières y gagnèrent, des colons disent beaucoup. Cette répartition des (1) Malouet, Collection de mémoires et correspondances nistration des colonies, Paris, an X, 5 vol. in-8", IL, p. 20.

officielles sur ladmi-

: AR AON de l'isle espagnole ou Saint-Domingue, Paris, 1731, 2 v. in-4°, » P. . (3) Son défrichement. (4) Correspondance Hérault. Archives de la Loire-Atlantique, 2 J 15. (5) C°’ Malenfant, Des colonies et particulièrement de Saint-Domingue, Paris, 1814, in-8°, p. 180.

183

LA NOURRITURE

travaux était aussi le résultat du caractère industriel croissant de la grande culture de la canne. s » Avec ces vivres de distribution les esclaves disposaient des « douceur et cases, de leur petit lopin particulier qui occupait l’espace entre les

que l’on continuait d’appeler « jardin-case ». À la vérité c'était un coin minuscule. Pour le protéger contre la maraude des mauvais sujets et celle des esclaves des bourgs ou des villes qui cherchaient toujours à ions envivre aux dépens des vivres de culture, les esclaves des plantat up beauco eurent maîtres leurs que ux d’épine touraient leur jardin de haies multipli la er empêch pour es palissad des par er remplac de mal à faire e d’oseill peu un tiraient cation des rats. De ces jardins-case les esclaves France de bres concom des ds, de Guinée, des giromons, sorte d’épinar à calebasses, et de Guinée, des poivrons, du piment z'oiseau, de la liane

du tabac enfin si la terre le pouvait. Les pois divers, les patates,

les

ignames, le manioc venaient des pièces à vivres communs.

, et ils font si bien Plusieurs habitants leur permettent de nourrir des volailles plus nécessaires. À l’arrivée leurs petites affaires qu'ils se procurent les choses les capitaines (qui sont pour lors des vaisseaux ils ont l’adresse de faire présent aux ou de chapons qu'ils leur poulets de paires quelques de fraîche) viande de affamés en toiles, soit en eau-de-vie, soit valent, qu'ils ce de au-delà fois quatre vendent portent le reste aux gargosoit en autre chose qu’ils peuvent avoir besoin, et qu’ils sont nécessaires. Ce petit leur qui choses les échange en tiers, qui leur en donnent maîtres qui le permetaux eux avantag fort est et p commerce les soulage beaucou état les choses nécessaires, qu'ils tent : car ils s’achètent si abondamment pour leur s’entretiennent eux-mêmes et ne sont plus à charge. ure de ce qu'ils cultivent. Ils en Les nègres ne se contentent pas pour leur nourrit nt et avec raison comme regarde qu'ils morue la vendent une partie pour avoir de vrai, je pense que des hommes une substance essentiellement nécessaire et dans le tés avec les seuls produits de la obligés de travailler très fort seraient mal substan terre (1).

ne devint pas la Mais dans l’ensemble la nourriture de leurs esclaves s des adminisrépété nages témoig préoccupation normale des colons. Les de la sson, l’intendant trateurs sont là pour nous en convaincre. Vaucre ant les ateliers étaient mieux traités qu’à Saint-

Martinique, où cepend

Domingue, résume bien la situation :

et la nourriture de leurs nègres, Les habitants négligent aisément l'entretien pour s'attacher uniquement à la même abandonnent les plantations de manioc (2). geux avanta plus sont leur qui sucres des ue fabriq , écrivent le gouverneur d’Ennery Par un intérêt aussi inhumain que mal calculé presque généralement jusqu’à la sacrifie et l’intendant de Vaivre (3), l'habitant momentanée de son revenu. on entati l'augm à nègres ses de ance subsist

. Du revenu, encore du revenu, plus de revenu ne

e, Port-au-Prince, (1) Le gouverneur de Saint-Domingue au ministr C° A141. A19, f° 266 v°. (2) Vaucresson au ministre, 25 janvier 1713. C* (3) Port-au-Prince, 24 août 1776. C° Al 144.

17 mai 1772.

184

LES ESCLAVES AUX ANTILLES 2. Les efforts des administrateurs.

Sur le point précis des vivres les gouverneurs et intendants des îles prirent toujours la défense des esclaves, essayèrent de les protéger contre

lincurie de leurs maîtres, au reste à peu près en vain. Leurs incessantes interventions prouvent directement combien les esclaves pâtissaient de la négligence des colons. Dès le dernier tiers du XVII°

siècle

l’administration

coloniale,

les

Conseils supérieurs multiplièrent les réglements sur les vivres ; des ordonnances locales inspirèrent celles que fit publier le roi. On ne peut même pas les énumérer toutes ici, tant elles furent nombreuses à imposer aux

colons un minimum de cultures vivrières proportionné à l’importance des ateliers. Le Conseil de la Martinique oblige le 12 juillet 1681 chaque planteur à entretenir 200 fosses de manioc par engagé ou esclave sous peine de 1 000 livres de sucre d’amende (1). A la même époque le Conseil de Léogane, à Saint-Domingue, se contente de 150 pieds de manioc, mais y joint 10 pieds de bananiers et un baril de grain par an et par esclave de plus de dix ans. Il n’est plus question de bœuf salé. Le 7 mars 1703 une nouvelle ordonnance du Conseil de la Martinique impose à tous les colons de nos Antilles de planter 500 fosses de manioc à trois boutures par tête de blanc, de noir ou de mulâtre grand ou petit, et de renouveler les pieds qu’on arracherait. Les capitaines de milice veilleraient à l’exécution de l'ordonnance, les punitions étant fixées par arbitrage, procédé peu efficace d’autorité (2). Le 1* janvier 1707 il fut défendu à la Martinique de donner aux esclaves du tafia pour leur tenir lieu de subsistance ou des sols marqués ou la plus grande partie du samedi pour travailler à leur profit (3). Tout en observant avec satisfaction que les vivres ne manquaient pas, Vaucresson, le nouvel intendant de la Martinique, rappelait le 1° avril 1710 l’obligation des 500 fosses de manioc par esclave (4). Il parut nécessaire en mai 1713 de faire réafficher l’ordonnance de 1703 contre la tyrannie des maîtres qui refusaient de s’occuper de nourrir leurs gens (4). Le recueil des lois particulières à la Guadeloupe et à ses dépendances (6) consacre 67 pages aux ordonnances du 11 mai 1708, du 16 mars 1739, du 10 mars 1740, du 2 septembre 1747, du 15 mai 1763 et du (1) Archives Nationales, Colonies. F° 236. (2) Archives Nationales, Colonies. C° A13, f° 197 et B32, 20 avril 17 110872) sur la même question.

(3) (4) (5) (6)

Id. C° A16, f° 220 v°. Id. B32, f° 358. Id. C* A19, £° 93 v°. Archives Nationales, Colonies F°, p. 326.

LA NOURRITURE

185

r, au mois de « septembre 1772. Chaque année, dans chaque quartie habitants quatre septembre les capitaines de milice accompagnés par imposait qu’on dit rd Frossa es. devaient contrôler l’état des cultures vivrièr straadmini vérité une être doit Ce (1). an par cette ronde quatre fois vrai, le 19 août 1762, tive. À la fin de la guerre de Sept ans il est

toujours devant l'intendant de Saint-Domingue veut que la colonie ait un carreau Donc mois. six pour » terre de elle une provision de « vivres ves. d’escla ntaine cinqua par manioc en planté (1 Ha 13), sera 19 juin 1776 Une circulaire des administrateurs de la Martinique du lesquelles Îles dans ions condit les e précis r, aux commandants de quartie être distribués aux vivres prélevés dans les magasins du roi pourront bonne exécution la mande recom esclaves. Une autre du lendemain leur être en pleine devait L’on vivres. de tions ordonnances sur les planta isette. des anciens régleA Saint-Domingue c’est encore le renouvellement fosses de manioc, 400 er impos t veulen qui ments sur les vivres du pays dans les mornes, vivant et cette fois 25 pieds de bananiers par 20 esclaves un carreau de avec ers, banani de et 100 fosses de manioc et 25 pieds dans les plaisont qui ceux pour es esclav 20 patates et d’ignames par nes (2). prise par Dillon et par A la veille de la Révolution, une ordonnance Tabago cédé par l’AngleRoume de Saint-Laurent, administrateurs de que la manière de nourterre au traité de Versailles, réglemente et expli rir les esclaves (3). quand un Ouragan, des Ces prescriptions sont publiées de nouveau le rendement des vivres t rédui sécheresses ou des pluies prolongées ont . Elles sont signe de grains les et verts s de terre ou ont ravagé les vivre nt à la plantation régulière de disettes commencées (4). Ces textes veille nt à maintenir une proportion vivres sur chaque exploitation, s’applique ves dans chaque atelier. Et escla des fixe entre les vivres et le nombre esclaves en âge de travailler vont les déclarations pour la capitation des ces mises en vivres et les commencer désormais par un état des surfa décriront avec plus de prés ation actes de vente, les inventaires de plant cultures, énuméreront les carreaux cision la superficie et la nature des re des bananiers. en patates, en petit-mil, en maïs, le nomb 1789, 2 v. in-8°, I, p. 332. (1) La cause des esclaves nègres, Lyon, de onomisme colon de la partie française (2) Charles Frostin, Histoire de l’aut s. Contribution à l'étude du sentiment I siècle Saint-Domingue aux XVII° et XVII doctorat, Paris, 1972, 826 p. dactyl. américain d'indépendance, Thèse de mé à Tabago en 1787, in f°, 29 p. (3) Colonies, F° 65, Réglement impri

pendant Martinique rend les vivres rares et (4) Ainsi l'ouragan de 1780 à la er 1785. janvi 12 5, f° 85, A C° ies Colon cinq ans insuffisants.

186

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Plus efficaces étaient les secours, qui en

cas

de vivres

manquant,

étaient vendus pour les esclaves par les magasins de la marine. Naturel lement ce n'étaient pas les meilleurs barils de bœuf et de poisson salé qui étaient ainsi cédés, mais les vieux approvisionnements : Après que ce bœuf et ces farines [pour les soldats] auraient été gardés il pourrait en disposer pour les vendre aux habitants au moyen des vivres qu’il mettrait à la place. Le munitionnaire trouverait toujours à avantageusement de ces vieux vivres, savoir du bœuf en le vendant aux pour leurs nègres (1).

Ainsi en juin 1776 à la Martinique

(2),

et

six mois, nouveaux se défaire habitants

à Saint-Domingue

au

lendemain de l'ouragan du 16 août 1786 : « Le désastre est au point que les magasins du roi ont été distribués aux habitants voisins de cet ouragan au même prix de France pour pouvoir nourrir les nègres (3). » 3. Les principaux vivres des esclaves.

Une expérience séculaire avait établi quels vivres il fallait planter et développr dans les différentes îles au XVIII° siècle : vivres de terre, grains, vivres verts, qui pouvaient dans les meilleures conditions de rapidité et de conservation faire le fond de la nourriture des esclaves. Les tubercules d’abord, le manioc, l’igname, la patate, le chou-caraïbe ou tayau. 1) Le manioc fut le tubercule le plus répandu au XVII siècle, celui dont les colons encouragèrent la culture pendant longtemps, beaucoup d’entre eux se nourrissant eux-mêmes de sa farine dont on faisait la cassave, Ils avaient hérité ce vivre des Portugais du Brésil. Les plus favorables saisons pour le planter étaient Noël et le mois de mars, mais on pouvait en mettre en terre toute l’année, un peu de pluie suffisant pour le faire lever. Il n’était pas délicat, demandait peu d’entretien, et point un terrain choisi. On n’avait qu’à le couvrir plus ou moins selon la saison. Au bout d’un an, il était mûr. En terre il se maintenait trois, quatre

et même cinq ans si le terrain était élevé. C’était sa farine que les colons distribuaient à leurs esclaves quand ils donnaient des rations. A la fin du XVII* siècle le baril de farine de manioc valait de 4 à 5 livres en temps ordinaire, mais de 16 à 18 livres en cas de disette (4). Chaque ménage d’esclaves recevait donc une platine ou plaque de fonte pour faire (1) Colonies C° A14, f° 213 v°, 15 août 1702. nique au ministre.

Robert intendant de la Marti-

(2) C° À 75, f° 66, 15 juin 1776. (3) Boutin à Saulnier, gérant de sa sucrerie du Cul-de-Sac, le 24 novembre 1786. Bibliothèque de La Rochelle, Ms 855. (4) Robert au ministre, le 1°" février 1700. C® A 12, f° 87 et 14 juillet 1707

C° A 13, f° 160 r°.

LA NOURRITURE

187

plante cuire la cassave qui servait de pain. Le peu de sensibilité de cette manioc Le colons. des gements encoura à la sécheresse dictait aussi les siècle. Ensuite fut la plus grande culture vivrière de nos îles au XVII° . Le camaesclaves des ation aliment dans grande moins place il eut une Martinique (1). gnoc, variété du manioc ordinaire, était cultivé à la

le planter 2) L'igname avait aussi de grands avantages. On pouvait il voulait des mais ue, Doming Saintà d’août et mai de mois les entre é des sols des sols neufs. Ses différentes variétés s’adaptaient à la diversit de Guinée au me L'igna dit. ment propre e l’ignam quartiers. Il y avait un peu amer, et t tubercule plus long, plus cylindrique aussi, plus compac ou l’aul’une Mais an. par ressemblait au manioc, produisait deux fois une patate, la sur s esclave des nce préfére la tre espèce n’emporta jamais à (2). s habitué fois qu’ils y étaient à la fin du XVIF 3) Le vivre que les colons commencent à prôner manioc et l’ignale que ance abond grande plus siècle et firent planter en préférence. La leur me, est la patate. De multiples raisons expliquent ordinaire de mode e, cassav la que patate est plus vite préparée et cuite la mettait On d’eau. moins de deman elle et c la consommation du manio

de mars, mais on pouvait la en terre au cours des mois de février ou assez saisons. En deux jours, assurait-on, il en était mis

planter en toutes mois. Elle se conservait en terre pour s’approvisionner pendant quatre dans le sol était une en magasin (3). Ce légume non saisonnier laissé pour garantir l’avepe, princi réserve qui se renouvelait d'elle-même. En r la même quanplante en devait on nir, avant d’en arracher des pieds t de sol, et on ne réussissait tité, mais elle aimait à être changée souven pourrit aux

me, la patate pas toutes les plantations (4). Comme l’igna énients était que tous inconv ses de moindres pluies (5). Mais un autre mettaient beaucoup ainsi s Congo Les pas. nt les nouveaux ne les aimaïe ées persistantes. diarrh ent des de temps à s’y habituer, et elles leur donnai dont on s’apercevra surtout En revanche elle offrait deux avantages siècle quand les sols à cannes au cours de la seconde moitié du XVIII age vert : la patate peut suis’épuiseront et qu’on sera en quête de fourr court et garder le sol ement assol vre les cannes dans la rotation d’un éditier ou description de l'indigo, 2° (1) Élie Monnereau, Le parfait indigo presque mot à mot Ducæurjoly, I, copié qu'a 90; p. in-12, 1765, imp. tion, Marseille, particulier de l'indigo marron, au Cap, p. 72; Tardif de ja Borderie, Traité 10. Martin, 1972, in-12, 40 p., p.

72, 73 et 325 ; Thibault de Chanvallon, (2) Monnereau, p. 90 ; Ducæurioly, IL p.

p. 145. (3) Joinville-Gauban, Lp:167: (4) Tardif de la Borderie, p. 17. rs Butler, 1670. Colonies C° A 1, f° 25. Papie (5) Baas au ministre, 15 janvier 8 octobre 1788. Moreau nce, de-La Boistron, Polas de le comte de Butler au comte de Saint-Méry, IL, p. 1274.

188

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

propre et ses fanes donnent un fourrage vert très utile et plus abondant que celui des feuilles de manioc. Enfouies, ses fanes servaient d’engrais vert. On ne donne aux nègres que des patates. Le commandeur les conduit tous les jours avant l’heure du premier repas à la pièce de cannes où chacun en fouille autant qu’il en a besoin pour sa journée. La plupart des maîtres ne leur donnent pas autre chose. C’est à eux à se pourvoir du reste, On leur permet d’élever des cochons et ils le peuvent faire très facilement avec les branches ou le bois ou les feuilles des patates et les grosses écumes quand ils en peuvent avoir (1).

Les céréales n’étaient pas nombreuses à entrer dans l’alimentation des esclaves : le mil, le maïs et le riz.

Le petit-mil avait au début paru d’une très grande ressource. C'était un grain d'Afrique que les nouveaux connaissaient bien en général. Il se conservait longtemps après la récolte, pour peu qu’on le tînt à l’abri de l'humidité et des rats. Mais sa conservation n’était pas passive. Elle demandait de fréquentes expositions au soleil, donc la nécessité d’un glacis propre et bien entretenu à côté du magasin à grains. Sa pilaison dans un mortier fatiguait les négresses et demandait du temps. Les grains risquaient d’être mal écrasés, de former du cra-cra, cause de troubles intestinaux. Le mil ne fut donc pas d’abord un vivre des plus importants. Le mil à panache planté au mois d’août était récolté à Noël. Le mil à chandelle planté (2) à la fin de mars, était plus délicat, demandait une bonne terre tandis que le premier n’exigeait pas de sol spécial (3). Il ne deviendra une des bases de la nourriture des esclaves qu’après 1750 quand on aura multiplié les moulins à grager le mil d’une manière plus régulière et plus fine et organisé le travail collectif autour de ces moulins établis par les colons pour gagner des heures de travail et pour 4 améliorer l’état sanitaire (4). L'expérience heureuse de la culture du maïs ne conduisit pas à la développer en très grand. Les esclaves l’aimaient vert, rôti à la braise, donc mal cuit, d’où des coliques sans fin, et leurs suites redoutées des colons, qui ayant beaucoup de peine à surveiller le ramassage des épis, n’encourageaient pas sa plantation. Sur chaque habitation lorsqu'on plantait une pièce en cannes, on semait du maïs, mais il n’était point généralement donné aux noirs ; il était réservé pour les poules et les chevaux des blancs. Dans les habitations qui manquaient de bras et dans celles qui exigaient qu'on replantât souvent les cannes, il y avait davantage de maïs ; mais les procureurs et les gérants les faisaient souvent vendre au lieu de les donner aux noirs. Dans les sucreries où les rejetons donnaient encore du revenu après 10 ou 12 ans, on plantait peu de grandes cannes et le maïs n’était (1) (2) (3) (4)

Labat, édition Dechartre, Paris, 1931, 2 v. in-8°, I, p. 106. On ne parlait jamais de semer aux îles, mais de planter, même les grains. Monnereau, p. 94. G. Debien, Études antillaises, XVIII° siècle, Paris, 1956, in-8°, p. 115-116.

LA NOURRITURE

189

pièces de pas si abondant. Si on veut se servir de la charrue, on plantera cinq feraientcannes pour une: alors on se procurera du maïs. Pourquoi les colons n’en ils pas des provisions ? (1)

Il était planté en août et en septembre, partout, mais spécialement sur des terres nouvellement cultivées, c’est-à-dire comme plante intercalaire, entre les souches de l’indigo ou entre les pieds de caféiers. On le récoltait en décembre. Joinville-Gauban nous assure que dans l'Ouest on en voyait trois récoltes par an. Il veut dire que planté à des saisons différentes on pouvait en avoir des épis à trois différentes saisons de l’année (2). Il servait beaucoup plus à la table des colons créoles qui le mancochons geaient bouilli, concassé ou en farine, ou pour les volailles et les que pour les esclaves (3). Le mahy était dit mil à la Martinique (4), ou gros mil, ce qui est parle pour nous source d'incertitude, car on ne sait pas toujours si on de mil ou de maïs. ntation Le riz fut toujours très apprécié, par les colons, pour l'alime plula dont mes eux-mê s esclave les par moins up beauco ; s des esclave Quand riz. le pas saient connais ne part venaient de régions d’Afrique qui leur pour ux nouvea aux riz du donner de les planteurs avaient l’idée rejet de le traite, de voyage leur de misère la après forces rendre des nt pas très cette nourriture était général. Par la suite les esclaves n’avaie aux îles, peu t cultivai le on car riz, du souvent l’occasion de manger le plus cher, t revenai leur grain ce que disent colons Des très localement. fait, En nts. négocia aux cher de tous les vivres. C’est qu’ils l’achetaient aux ou x, nouveau aux scents, convale aux il était réservé aux malades, que nt contime du es anglais s colonie des C'était (5). équipes de force venait le riz consommé chez nous. pois donnaient au Si le maïs demandait quatre mois de végétation, les Leurs espèces lle. mervei bout de quarante ou de cinquante jours, une pois à nègres violet, pois , pigeon pois , étaient innombrables : pois blancs ue, pois Doming Saintde e, Cayenn de pois , Guinée ou à Pascal, pois de œil de pois , hicane arada, pois-souche, pois-sorcier, pois-savon, pois-c appequ’on , préféré le la, d’Ango poisson, mais surtout le pois Congo ou monles dans ment érable consid « t donnai qui lait fayot, haricot rouge, ————

(1) Malenfant, p. 185. (2) Joinville-Gauban, I, p. 174. (3) Monneron, p. 75. (4) Thibault de Chanvallon, p. 25. malades, en 1777 pesant 479 livres et (5) Un boucaud de riz pour les nègres pesant 996 livres à 50 1. le 100 pour riz de sacs 6 — ; 100 le demie à 30 livres et de cabrouetage : 1501 1. (M”° Bonté calami de temps le soulager les nègres dans de la caféière Broc aux Délices). s compte et 1776, gars à la Petite-Anse, 14 mai

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

tagnes surtout dans les terres neuves (1). » Le pois-souche, plat et de

couleur jaune clair, se présentait sous la forme de liane qui s’enroulait autour des troncs d’arbre (2). Ces différentes espèces se récoltaient depuis le mois de juin jusqu’à celui de janvier. Malgré son importance dans l’alimentation des esclaves (3), ce vivre ne figure pas souvent dans

les réglements de l’administration sur les vivres. C’est qu’il n’était pas cultivé sur les plantations dans les pièces à vivres communs, en grand. Il était une des productions personnelles des esclaves, soit dans leurs jardins particuliers ou le plus souvent comme cultures intercalaires tolérées par les colons entre les rangs de caféiers, ou sur les bords des allées qui séparaient les caféiers. Les esclaves en vendaient aux plantations pour les distributions générales (4). Les pois ne se consommaient pas seulement secs, mais très souvent verts. L’on en avait ainsi toute l’année. La banane, s’entend la banane-légume, était le mets favori des esclaves. Elle se développa beaucoup à Saint-Domingue au cours de la deuxième moitié du XVIII siècle. Les esclaves l’aimaient surtout grillée et avant qu’elle soit mûre. On en devine les conséquences. Aussi les colons dans leurs instructions aux gérants demandaient qu’ils interdisent aux esclaves fruits et racines rôtis pour éviter les maux d’estomac qui principalement

leur donne

digérer facilement,

d’autant

des

incommodités

qu’elle est toujours

considérables

remplie

ne

de cendre,

pouvant au

lieu

se que

bouillie elle devient fondante et fait une très bonne nourriture. Les commandeurs avaient l'œil à l'heure de leur repas de faire exécuter [ces] ordres. (5).

C'était un vivre saisonnier, et un coup de vent pouvait l’abattre. C’est l’objet de plaintes fréquentes dans les lettres des gérants (6). Aussi, souvent on la plantait dans les ravines, sur les costières, profitant d’un coin libre. Il ne parait pas qu’on ait négligé de planter sur les habita-

tions un grand nombre de bananiers. Mais on ne s’attachait pas assez à leur fumure, et l’on ne savait pas combattre leurs parasites. Plantés au mois d’août les bananiers offraient leurs régimes neuf mois plus tard. Coupées après la récolte les « souques » repoussaient. Une bananeraïie, pourvu qu'on l’éclaircît une fois l’an « il y en a pour la vie (7) ». A l’extrême fin du XVIII siècle on détruisit les bananiers en plaine, « le (1) Joinville-Gauban, I, p. 175.

(2) Monnereau, p. 89 et 92. Moreau de Saint-Méry, IL, p. 201, Laborie, p. 27-29. (3) De Baas au ministre, 8 février 1674. C° A1, f° 264 v°. (4) 17 septembre 1774 : 1 baril de pois rouges pour les nègres : 54 1.; 2 barils de maïs: 72 1.; le 24 septembre 1774 : 1 baril de pois rouges et 1 baril de maïs: 96 I. achetés au nègre Randoué (Plantation Bongars à la Petite-Anse). (5) « Observations d’un habitant des isles françaises d'Amérique par le marquis de Ségur, lieutenant de Roi » (1776). Colonies F° 12 n° 1. (6) Par exemple de celui de la caféière Maulévrier aux Matheux, en 1787. Cf, Tardif de la Borderie, p. 17. (7) Monnereau, p. 92.

LA NOURRITURE

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meilleur de tous les aliments bien préférable aux patates qui en général donnent la diarrhée aux noirs nouveaux et surtout aux Congos. Ils périraient tous si on les privait de bananes (1) ». *

ax

Tous ces vivres n'étaient pas cultivés en même temps dans toutes les îles, et dans une île dans tous les quartiers et des différences pouvaient se voir d’une plantation à une autre. Pour Saint-Domingue, Moreau de . Saint-Méry a donné quelques indications sur les vivres cultivés ou préférés dans chacune des parties : Nord, Ouest et Sud. Ce n’est pas du tout un tableau, mais plutôt des points de détail, des allusions. Les nuances de climat, la variété des sols et des usages dans chaque quartier créaient de bien plus grandes différences qu’il ne dit dans la nourriture des esclaves. Ceux du Nord passaient pour les mieux nourris, pour les meilleurs travailleurs. C'était une manière d’axiome. Il nous est difficile de contrôler jusqu’à quel point il correspondait à la réalité (2). Je crois que cette réputation d’une nourriture plus solide venait de l’abondance des « vivres-pays », que les pluies régulières — sauf dans la partie orientale — faisaient mieux réussir que dans l'Ouest et dans le Sud. Les vivres de terre : manioc, patates, étaient moins chers que partouts ailleurs (3). Dans le Nord, la séparation entre sucreries et places à vivres était ments, plus avancée que dans tout le reste de la colonie. Des établisse

annexes des grandes plantations, étaient consacrés= à la culture des bana-

nes, des patates, du manioc. Même des places à vivres tout à fait indé-

pendantes se multiplièrent vers la fin de la période coloniale, pour fourdes nir le Cap de fourrage et de légumes, mais aussi pour les sucreries

environs,

« avec un succès très lucratif > (4).

des vivres du quartier de la Grande-Rivière dépassait même celui

Le renom des de Plaisance et de vivres des environs du Cap, de Limonade, d'Ouanaminthe, la plaine y ont ce qu’on Jean-Rabel. C’était au point que « plusieurs sucreries de sont nécessaires

leur appelle de petites places d’où elles tirent tous [les vivres] qui y trouve de quoi faire lui-même phin Fort-Dau le disette de temps les dans que et

subsister ses ateliers (5).

de FortLes quartiers de plaine dans l'Est du Cap, surtout autour duraiïent qui sse séchere de s période Dauphin étaient sujets à de longues nt des tombaïe les desquel suite la à juin à même de février à mai ou (1) Malenfant, p. 182.

(2) (3) comte (4) (5)

Moreau de Saint-Méry, I, p. 106. le comte de Butler au Id. I, p. 145, p. 204, 658 ; IL, p. 17, et Papiers Butler, de Polastron, Bois-de-Lance, 8 octobre 1788. Moreau de Saint-Méry, I, p. 151 Moreau de Saint-Méry, I, p. 225.

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

« avalasses » peu propices à la plantation de nouveaux vivres. Entre février et août, on ne pouvait certaines années rien tirer du sol. Il fallait avoir des provisions de vivres secs. Ces disettes d’une demi-année faisaient périr de nombreux esclaves, multipliaient les marrons, n'étaient jamais propices à la discipline (1). Les esclaves du Nord avaient conservé les principaux vivres du XVI/° siècle. Ils préféraient la cassave aux patates, sauf les esclaves du quartier du Petit-Trou (2).

Ceux de l'Ouest n’avaient aucun goût pour la cassave. Ils aimaient mieux les patates et le petit-mil (3). Point partout cependant. En certains quartiers, le maïs tenait la place du petit-mil ou le complétait ; à Montrouis notamment. On ne sait pourquoi les colons caféiers y avaient développé le maïs, mais peu favorisé l'établissement des jardins particuliers (4), et bien des plantations, surtout les caféières, y restaient sans jardins-case. Il est vrai que c'était un quartier de récent défrichement,

les caféières qui en étaient encore à leur début distribuaient des rations à leurs esclaves. Ils n’avaient que ces vivres pour se nourrir, vivres pionniers. « La chair et le poisson salé est ce qui compose la bonne chère qu’ils entremêlent de quelque ragoût créole où le piment n’est jamais épargné », dit Moreau de Saint-Méry qui n’a dû voir l’Ouest que des jours de fête (5) ou qui songe aux esclaves de quelque colon ami qu’il s’agit de remercier. À Léogane où sévissait l’absentéisme des planteurs, il avoue : « Il en est qui ne prenne pas garde que leurs habitations n’ont pas toujours la quantité de vivres nécessaires aux nègres. Ils semblent ne pas savoir que l’on exige trop de travail d’un homme qu’on ne nourrit pas assez (6). » Les colons du Sud n’avaient pas la réputation de bien nourrir leurs ateliers. C’est qu’ils étaient pour une bonne part des colons nouveaux, sur des plantations pionnières, et que les esclaves s’y trouvaient en grand nombre aussi des nouveaux, peu propres au jardinage. Aussi les ouragans,

les sautes de températures y étaient fréquents. Cependant autour des Cayes les esclaves étaient « très doucement traités ». Les terrains sont considérables. On leur en abandonne beaucoup et la proximité de la ville leur fournit un grand débouché et des échanges qui servent à varier leur nourriture dont le fond est le petit-mil et la patate. La cassave, qui est rare, n’en est guère qu’un supplément (7). ee

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)

Moreau de Saint-Rémy, I, p. 143 et 162. TI, 106, II, p. 603. I, p. 722. IL, p. 12 et 156. IL, p. 722. IL, p. 1120. II, p. 1296.

LA NOURRITURE

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De Tiburon à Jérémie, leur nourriture, dit Moreau de Saint-Méry (1) était à peu près la même que celle des îles du Vent : la banane, l’igname, le chou-caraïbe, la patate et le manioc. Mais on serait heureux de pouvoir le vérifier sur des journaux de travail. Au Petit-Trou de Nippe la patate dominait (2). A Cavaillon, plaine littorale, l’on cultivait beaude coup de riz, mais il ne constituait pas, à beaucoup près, l'essentiel y esclaves Les . quartiers autres les dans vendu était Il l'alimentation. mis en pâte », avaient pour nourriture « le petit-mil concassé, bouilli et

fourle couche-couche, ou cousseau de la Guyane, des graines de gigiri nissant l’huile (3). Sud Il semble donc que malgré sa plus récente mise en valeur, le des celui de t différen très esclaves des ure nourrit de type un avait pas ce était régions plus anciennement exploitées. La plus grande différen ait fourniss ce commer le , délicate qu’en cas de calamité ou de soudure secs. vivre de secours des très difficilement e, deux terA Saint-Louis en 1744, le roi acquit du maréchal d’Estré dont il fit rs, grandeu ntes différe de lots 25 en r partage rains qu'il fit l’une ventes, aux es imposé vendre 24. « Il n’y eut que deux conditions pas ait cumuler ne l’on que l’autre vivres, que l’on ne cultiverait que des isl’'admin -dire c’est-à roi, Le ». (4) roi le par s deux portions divisée sait. connais qu’il besoin tration coloniale, allait donc au devant d’un indépendantes des Elle encourageait la multiplication de places à vivres elles. à es plantations mais associé Sud était de voir Une spécialité de plusieurs quartiers maritimes du des crabes et uliers partic s jardin leurs de vivres aux r les esclaves ajoute des cayeux ou sardines. où ils abondaient, Aux Flamands, Dalmarie, aux Grands-Halliers, en mai ou en ent sortai Ils ils constituaient une ressource appréciable. de mer ou cracrabes les guait distin On juin, aux premières pluies (5). faire des trous fallait il e l’anné de reste Le . blancs bes rouges, les crabes de mancefruits des pour les attraper (6). Quand ils avaient mangé ent-ils cet brûlai es esclav les Aussi er. nillier ils risquaient d’empoissonn fruits (7). leurs de r nourri se t pussen ne crabes arbre pour que les d’une encore mieux et Quand une plantation était proche d'un bourg grand d’un ient trouva se et é march ville, des crabes étaient portés au

profit (8). (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Moreau de Saint-Rémy, IL, p. 1406. IL, p. 1224. IIL, p. 1270. I, p. 1250. II, p. 1373 et p. 1405. III, p. 1239. IL, p. 707. de Chanvallon, De même à la Martinique. Thibault

p. 101, 108 et 109.

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Dans le Nord, les crabes n'étaient nullement inconnus,

mais

ils ne

paraissent pas avoir eu une grande place dans l'alimentation des esclaves. On y parle des crabes comme d’animaux nuisibles et envahissants. Sur la sucrerie Fournier de Bellevue au Limbé on dut payer pendant vingt jours 14 chasseurs de crabes qui en tuèrent plus de 20 000. Les cayeux, ou sardines, abondaient dans les mêmes parages côtiers : sur la côte d'Aquin, depuis les Côtes de fer jusqu'aux Flamands, au Petit-Salé, au Mouillage à Fouquet, à la Callebassière, les bancs s’approchaient en mai et juin pour disparaître en février. Les premiers jours les poissons empoisonnaient (1). Dans le grand étang de l'Ouest vivaient des caïmans qui venaient déposer leurs œufs sur le sable au printemps. Les esclaves épiaient les bêtes, les assommaient et prenaient leurs œufs. Dans les mêmes parages et à la même saison des tortues pondaient la nuit. Avec un chien et munis d’une chandelle, les chasseurs trouvaient leur abri (2). Les anolis, lézards de jardin, étaient aussi un appoint. On ne parle pas beaucoup dans les documents de ce que buvaient les esclaves. Rien ne figure sur les comptes des plantations où d’ailleurs l’alimentation des esclaves tient une si petite place. Sur les sucreries leur boisson pouvait être un peu variée. En dehors

de la grappe que les esclaves buvaient les jours de fête, on avait le vin de canne et le ouicou qui était une eau bouillie avec des morceaux de canne (3). Ailleurs ils pouvaient se faire du masbi, qui était de l’eau bouillie avec des patates cuites. Ouicou et masbi ne se gardaient que quelques jours. Partout, leur boisson ordinaire était de l’eau, de n’importe quelle eau. C’était là aussi un des points négligés de leur alimentation, l’origine de multiples maladies plus ou moins déterminées. A Port-de-Paix, les esclaves de l’indigoterie Tardif, n’avaient à boire

qu’une eau sulfureuse qui ne perdait sa puanteur qu’en s’éloignant lentement de sa source, mais elle les exemptait de maladies cutanées (4). A Petit-Goave, la ravine à Caïmans, qui donnait de l’eau à de nombreuses habitations, était depuis longtemps signalée comme insalubre. Elle fut analysée par Ferrière, médecin du roi, et trouvée non potable, malfaisante. A trois cents toises plus haut, la source à Périer était excellente, et citée partout comme telle, mais les esclaves la trouvaient hors de leur portée. « Comment assujetir les nègres à faire ces trois cents toises de plus ! ». (1) (2) (3) (4)

Moreau de Saint-Méry, IL, p. 1239. Id. II, p. 1191. Même chasse à la Martinique. P. Maurile de Saint-Michel, p. 65. Moreau de Saint-Méry, II, p. 685.

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LA NOURRITURE

puits parce Les esclaves sont principalement les grands préconiseurs de l’eau de lorsque le et eux, pour peine une serait d’autre procurer que le soin de [s’] en maître ne se fie pas à ce qui se dit en faveur du puits, il est bon de les surveiller, (1). si l'on ne veut pas que leur paresse ne soit pas toujours à tromper sur un puits

A la Martinique on prenait beaucoup plus de soin pour se procurer une eau salubre. On y préférait l’eau de pluie à toute autre. « On la recueille même dans de grandes jarres de Provence qui contiennent jusqu’à 200 pintes. Des gouttières sont disposées pour recevoir l’eau pluviale (2). » À Saint-Domingue la grande qualité d’une eau pour les esclaves était sa proximité. Elle tenait lieu de propreté et de salubrité.

Au XVIII* siècle, la viande n’avait pour ainsi dire aucune place dans hareng l'alimentation des esclaves. Ils recevaient un peu de bœuf ou de aux eux pour rares étaient salé les jours de fête chômée et Dieu sait s’ils îles ! Quand ils étaient malades à l'hôpital, ou

convalescents,

il était

On le convenu qu’on leur donnait du bouillon et un morceau de bouilli. tion l’habita de voisin bourg du s boucher les avec voit par les comptes il y s, malade les et qu’ils fournissaient à forfait. Mais entre le boucher a le gérant et l’économe.

ent à élever Aux malades de s’en procurer s'ils le pouvaient. Ils arrivai Mais les case. leur t touchai souille la de la volaille et le cochon dont était cochon Le matin. he dimanc du marché au volailles allaient plutôt

les jambons, était vendue fondu pour sa graisse, la mantègre, qui, avec du

pour acheter à la grand’case, pour avoir quelque argent, pour boire, du cochon était reste Le he. tabac, des colifichets, un vêtement du dimanc donc peu de ient mangea ils Ainsi pour les jours de fête, donc salé. gérant ou un le avec ement arrang ou viande sinon par maraude, fraude économe.

ne, certains bœufs En 1744 sur la sucrerie Galbaud du Fort à Léoga puissent avoir de qu’ils pour devenus trop vieux sont vendus aux noirs une exception ? Toute une là fût ce que r pense l Faut-i e. fraîch e viand Ja

(1) Moreau de Saint-Méry, IL, p. 1181.

1 "p.507

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

196

case aussi se cotise pour acquérir un bœuf qui vient de se casser jambe (1). Les rats. sont devenus si nombreux

la

qu’ils dévorent tout malgré les chats mar-

rons et les couleuvres dont ils sont la proie. Les nègres les chassent aussi, surtout à la fin de chaque coupe de cannes. C’est la seule viande fraîche dont ils se régalent. Ils en sont si friands qu’ils mangent eux-mêmes de ces animaux qu’ils trouvent morts. C’est par cette raison sans doute qu'on s’abstient d'employer le poison pour détruire cette race parasite. Ce goût des noirs ne doit point surprendre les Européens puisqu'il y a des nations de nègres qui mangent des charognes et même s’en régalent. Mais ces nègres sont d'Afrique et méprisés par les autres noirs ; et sont nommés Mondonges (qui mange charogne) (2).

On ne dirait pas tout si on ne parlait pas pour finir de deux pratiques, l’une des plaines à sucreries, l’autre de toutes les plantations. L’une permettait aux esclaves de se soutenir, l’autre d’avoir certains vivres sans avoir à fouiller leurs jardins : Les noirs des îles étaient de grands suceurs de cannes ; ils le sont restés. Malgré la surveillance, jour et nuit, des gardiens, mais qui étaient des compères, il était assez facile le soir de se glisser dans les épais fourrés de cannes et d’en couper quelques belles tiges, ou d’en tirer au passage des cabrouets qui allaient au moulin, ou d’en prendre dans le tas de celles qui attendaient d’être roulées. Les tiges avaient beau être empaquetées et à l’intérieur comptées, la faim est la faim et les cannes un régal. Thibault de Chanvallon reconnaîtra les avantages alimentaires de la canne pour les esclaves. « Elle fait vivre pour ainsi dire tous les nègres qui assez souvent n’ont d’autres aliments. C’est presque la seule ressource de ceux qui fuient de chez leurs maîtres et qui vont se cacher dans les bois (3). » La canne était donc un très heureux complément aux vivres. L'autre pratique était la faculté accordée, par certains colons à leurs esclaves de mettre des vivres dans les allées qui séparaient les pièces de cannes pour éviter les incendies (4), entre les jeunes plants des caféiers (5) et même dans les indigos (6). C’étaient les vivres intercalaires. Sans doute de nombreux planteurs réservaient ces terres pour les vivres communs et les faisaient planter en mil, ignames, maïs ou pois pour l'atelier sous la direction du commandeur. Heureux les ateliers qui pouvaient disposer de ces suppléments de sols préparés et où, vivres et cultures commerciales pouvaient être sarclés en même temps. Gaïn de temps, épargne de fatigues. —————

(1) G. Debien. La sucrerie Galbaud du Fort, p. 103. (2) Malenfant, p. 186.

(3) (4) (5) (6)

p. 174. Labat, IV, p. 215. Moreau de Saint-Méry, I, p. 143. Monnereau, p. 88, Tardif de la Borderie, p. 10 et 15.

LA NOURRITURE

197

Mais il fallait une entente entre le maître et l’atelier, et régler pour ces cultures la distance qui séparait les caféiers et ne mettre jamais qu’un rang de manioc et de patates car au moment de la fouille les raci-

nes de caféiers se trouveraient emmêlées avec les tubercules. En général on ne permettait que le maïs, le mil, le riz, le manioc, et les pois, ceux qu’on ne ramait pas (1).

4. Un exemple : les vivres sur une caféière

Les journaux de travail et la correspondance du gérant et d’un économe de la plantation Andrault vont nous montrer d’assez près comment pouvait s’organiser la culture des vivres sur une caféière de Saint-Domingue à la fin de l’époque coloniale. Il ne s’agit pas d’un modèle, mais sans doute d’un cas tout ordinaire. Nous l’exposons simplement parce que le hasard de papiers heureusement

conservés nous l’a présenté (2). Nous

remarquons seulement qu’il est peu de correspondances de gérant où la question de la nourriture des esclaves revienne si souvent. Le gérant est un neveu du colon rentré depuis peu en France. L’éclairage est bon. Il s’agit d’une caféière de demi-morne, établie à Fond-Baptiste en la paroisse de l’Arcahaye, à sa limite avec le quartier de Montrouis qui dépendait de Saint-Marc. Nous sommes à l'extrémité septentrionale de la chaîne des Matheux. Tout le quartier est planté en café. Des lettres d’Andrault à son gérant-neveu et de celles du gérant à son oncle se dégagent fortement trois traits, trois soucis, qui, tous, ne sont pas nécessairement les caractérisitiques des colons 1) la préoccupation constante de l'alimentation sinon excellente, du moins très régulière des esclaves ; 2) ses efforts pour disposer d’une réserve surabondante de vivres assez

variés ; 3) la volonté de consacrer une petite plantation annexe de la caféière, à la culture de tous les vivres. Il écrit à son neveu

Bernard, le 6 janvier 1790 :

(1) Laborie, p. 28 ; Ducœurjoly, IL, p. Te sent en deux lots : (2) Ce qu’on peut appeler les papiers Andrault se répartis son gérant et de son 1° celui de la correspondance reçue par Andrault de Nantes, de Bordeaux et de La économe, de ses amis et voisins, des négociants de et de toiles son habimatériel de ent fourniss et cafés ses vendent Rochelle, qui factures et connaissedes travail, de journaux des tation (1770-1793); s’y joignent ; 1787 ments, une liste des esclaves en par un de ses descendants, 2° d’un registre de copie-lettres d’Andrault, conservé . Garonne) (Lot-etillan Montpou à M. Pesme,

198

LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

sont &Tu ne saurais me flatter davantage que par la certitude que nos nègres plus nourris à discrétion ; mais ménage le terrain pour faire durer le plaisir longtemps. Il me semble voir cet ensemble de bananiers dans les basses raques. Mon imagina-

que le tion se repait de satisfaction. Rien au monde n’est aussi cher à mon cœur désir de voir tout ce qui respire et surtout ce qui est autour de moi, tranquille et heureux. Le bonheur des autres fait le mien (1).

Andrault veut que ses esclaves aient des provisions « à gogo ». Son expérience et celle de Bernard leur font redouter « les cas fortuits », les coups de vent, les ouragans, les sécheresses prolongées, et les chenilles qui ont plus d’une fois abattu les plus belles promesses des bananiers et des maïs (2). mais surtout « les avalasses » qui sur ces terres en pente rapide entraînent dans les ravines l’humus et les récoltes. « Le seul moyen d’avoir toujours assez de vivres, c’est d’en avoir souvent trop (3). » Ce conseil du marquis de Casaux, est un principe à Fond-Baptiste. Sur la caféière les bananes sont, dit le gérant, en si grande abondance que l'atelier ne peut suffire à les manger, et même s’il comptait cinquante têtes de plus, il se perdrait des vivres (4). La place de la Colline, dépendance de la grand’case foisonne de bananiers, et le magasin des réserves est plein de pois et de maïs. « Vous pouvez être et plus heureux (5). » assuré que vos nègres n’ont jamais été mieux nourris ES « Les pluies sont déclarées. Je fais planter à force de vivres (6). » Les vivres promettent beaucoup. Les pois vont entrer en fleurs dans la semaine. La chenille m'a mangé ceux que j'avais fait planter dans les cafés. les autres. n’ont point été touchés. Ainsi il en reste encore beaucoup, et les mahys et tayaux (7)

sont très beaux. La Colline va soutenir pour la même quantité de bananiers. J'en ai fait planter dans le petit bois neuf (8) et dans les terres abattues (9) par vos nègres. Je ferai une jolie récolte de maïs dans le bois neuf (10).

Il y a peut-être ici quelque complaisance pour flatter les préoccupations de l’oncle-colon qui se croit philanthrope et donc bon maître. Ces assurances répétées de vivres abondants peuvent aboutir à une augmentation des gages du gérant. D’autre part, beaucoup de ses lettres sont de 1790 et de 1791, où pour aller au devant des remuements des ateliers (1) Andrault à Bernard, Melle, 15 juillet 1790. (2) Bernard à Andrault, 12 avril 1792. (3) Essai sur l’art de cultiver la canne... Paris, Clouzier, 1786, in-8°, p. 142.

(4) 22 mars et 5 juin 1790. (5) Décembre

1790. (6) 18 mai 1790. (7) Tubercule, appelé aussi chou-caraïbe. (8) Un bois neuf est une jeune plantation de caféiers. On voit ici l’importance des cultures intercalaires, mais sur cette plantation, dirigée par le gérant, elles sont

destinées aux provisions communes. (9) Défrichées. (10) 27 juin 1788.

LA NOURRITURE

menaçants on fait effort pour les mieux nourrir. Mais ici manière de contre-épreuve ; ce que répète le gérant doit l'absence de marrons. Presque aucun d’entre eux n’est journaux de travaux. Pas question non plus de marrons

199

nous avons une être vrai : c’est porté sur les dans la corres-

pondance. Or on sait que la mauvaise nourriture était la grande cause du marronage. Les vivres sont ici assez variés, sans qu’on puisse dire si c’est un trait de la plantation et du quartier. Le gérant parle sans cesse de ses plantations de bananiers, de pois, de maïs ou de riz, moins souvent de patates et de petit-mil.

Les préférences vont aux bananes et aux pois. Des bananes sont mises les repartout où il est possible, dans les ravines, sur les costières, dans En (1). libre terrain un trouve se s’il planes pièces grandes coins, par assulle d'interva pieds 10 à juin 1788 4 carreaux aux souches plantées régimes reront 5 000 touffes à 3 régimes annuels. C’est une centaine de

e pour la que les esclaves à la saison pourront couper chaque dimanch faible : point un ient provision de la semaine (2). Les bananes présenta les tous à exposées t restaien elles réserve, on ne pouvait les mettre en s’efforcolons des que alors ation consomm leur de aléas jusqu’au moment assurait çaient de développer les vivres dont la conservation au magasin de entendu bien t s'agissai Il ateliers. l'alimentation régulière de leurs

au bananes-légume. Tous les régimes pris, les souches étaient coupées ent absolum pas pied, où le feu était mis (3). La production m'était régulière, un vivre de remplacement était nécessaire :

des bananiers, de manière Le sec a causé un intervalle dans la production toute la Colline un régime dans trouver pas t pourrai que dans ce moment l’on ne Je ne peux en avoir pour cas. ce dans aussi de bananes en maturité. Je me trouve m'occasionne une dépense plus les domestiques et les nègres indisposés, ce qui depuis quelque temps beaucoup forte en farine pour les nègres [malades], ayant de nègres à l’hôpital (4).

re parce que Le gérant parle encore plus souvent des pois, mais peut-êt planter les qu’à sarcler les à et semer les à l'atelier passe plus de temps vivres parce qu’il bananiers. Aux yeux de Bernard, c’est le premier des saisonnier, légume un C’est donne après quelques mois de végétation. e on aptist Fond-B A (5). réserve en mis récolté d’août à décembre et . récolté ne voit pas semer de nouveaux pois sur le champ revanche en 1787 en barils, 230 à 225 de En 1786 on en ramasse Andrault de Sales, autre neveu, (1) J.-B. Andrault à Bernard, 6 janvier 1790. re 1790, de Bernard, 13 avril 1789, économe de la caféière, à son oncle, 20 décemb 22 mars, 15 juillet, 8 octobre 1790.

(2) (3) (4) (5)

9 juin 1790, X à J.-B. Andrault, 27 février 1780. 21 juillet 1790 et J.-B. Andrault, 6 janvier 1790. 10 août 1786. 20 juillet et 30 août 1787, 25 août 1789.

200

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

on ne recueillit qu’un tiers en plus de la semence, et en 1791, 60 barils seulement (1). Il fallait d’autres vivres pour assurer les approvisionne-

ments. Certaines années en revanche, il en est tant ramassé qu’il n’y a pas imprudence à en vendre des quantités considérables aux plantations voisines (2). Le baril de pois vaut une trentaine de livres pris sur place

mais 41 lorsqu'il est livré à l’embarcadère de Montrouis d’où des bar-

ques l’emmènent au marché de Saint-Marc ou de Port-au-Prince. C’est le légume que l’on peut conserver le plus longtemps. Il n’est ici jamais

précisé de quelle espèce il s’agit. Les chenilles font certaines années beaucoup de tort aux pois:

Il y-a une quantité de pieds où il n’est pas resté une gousse. J'en avais planté le double de ce qu'il en fallait pour la consommation de l'habitation, ce qui fait que je n’en manquerai pas. D’ailleurs je me propose d’en faire une seconde planta-

tion où les mahys ne sont point épais, c’est-à-dire dans les cafés. Ceux du bois neuf sont très beaux. Ils entrent en flèche. J'en ai planté dans les vieux terrains

près de la savane. Comme ils n’étaient pas si avancés que les autres, la chenille les a tous ravagés. Je n’en tirerai pas la semence dans cette partie parce qu'étant moins avancés que les autres, la chenille a donné la préférence (3).

Chez Andrault les pois sont aussi la principale récolte des esclaves sur leurs jardins particuliers. Ils vendent à l’embarcadère de Montrouis et de l’Arcahaye la plus grande partie de leur récolte. Autant qu’il le peut l’économe qui sous la direction générale du gérant a la charge particulière des esclaves, s’arrange pour acheter leur récolte (4). Dans

les 230 barils de 1786 sont comptés les pois des esclaves.

Une

année, Andrault de Sales, l’économe, obtient de son oncle de

se

autre faire

livrer par les esclaves leur part de récolte. IL en a ainsi 81 barils qu’il leur paie 23 livres chaque ; mais quittant l’habitation il est obligé de laisser ses pois au magasin car il ne dispose plus de mulets pour les descendre à l’embarcadère. Le gérant les lui reprend à 26 livres 5 sols le baril (5). Il est très souvent question des travaux qu’exige la culture des maïs. Semés d'avril à la mi-juin ou un peu plus tard ils lèvent à Saint-Domingue au bout d’une semaine (6). On les récolte à la fin de novembre et au début de décembre : Dans deux jours je commencerai à faire ramasser les mahys. Il y en aura beaucoup cette année. Les pluies qui ont été abondantes, en ont fait périr au moins un sixième, mais la grande quantité fait qu’il en restera assez. Vos jardins sont très

(1) 15 janvier 1787 — et J.-B. Andrault à Bernard, 12 octobre 1791. (2) 11 décembre 787. Bernard va vendre 60 barils de pois en juin 790.

(3) 10 août 1786. (4) 30 août 1787. (5) 20 novembre 1788. (6) 7 novembre 1787.

LA NOURRITURE

201

6 jours à sarcler les bois neufs, en nets. Le mahys ramassé, il me restera 5 ou jeunes caféiers (2). aux l’air de ôter les bois mahys (1) pour donner

s concassés raLes quantités ramassées se comptent au nombre des panier menés à la grande case (3). l'alimentation Jusqu'en 1787 la part du riz parait considérable dans prévoit qu'il d Bernar local. Trait lt. Andrau re des esclaves de la caféiè ent pendant plus Jui en faudra 25 barils qui l’approvisionneront largem seront suffisants. qui barils, 19 d’un an. En fait il n’en récoltera que annuelle. Sanite ion provis sa pour Sanite, à Il pourra même en envoyer Port-au-Prince à retirée vit qui lt, Andrau J-B. de ère ménag est l’ancienne car son statut , maître ancien son dans une maison de son maître, ou de d annonce Bernar te suivan e L'anné (4). de libre paraît très mal défini (5). Comme des pois, triomphalement à son oncle qu’il en à 120 sacs Cette surabondance liers. les esclaves ont du riz dans leurs jardins particu a semées en riz qu’on les nouvel terres de vient surtout d’un défrichement ancien esclave de la avant d'y cultiver des caféiers. Un mulâtre, Duc, où il a une place à lui. « Duc, caféière, vit sur la lisière de la plantation a permis d’abattre chez lui leur , t avec vos nègres

par un arrangemen leur a fait bien plaisir en pour qu’ils se fissent des jardins à riz, ce qui nt beaucoup (6). » rendro ce que ce sont des terres vierges qui leur aussi pour le fourrage Du petit-mil était semé pour son grain, mais l’alimentation. Des dans vert. Il est donc difficile de mesurer sa place présent comme est il fois deux Par pas. provisions de mil n’apparaissent t comme engrais vert (7). un fourrage que l’on sarcle ou que l’on enfoui et cet essai ne parait pas Les patates semblent une culture récente pourrissent dans la pièce, satisfaire le goût des esclaves. « Les patates bananes ». Andrault ne les ne pouvant se fouiller et [Vatelier] préférant Pour un fourrage qui ni x, sérieu is tient pas leurs fanes pour un engra -mil et les cannes petit le re préfè il s vache ses et compte. Pour ses mulets 2

ses bêtes. Les premières en vert, dont deux pièces ont été plantées pour on n’en eut que 32 1780, En récoltes de patates ont été manquées. Les bienheureuses (8). e prévu avait qu’on ine paniers au lieu de la centa es à la Colline patat encore des patates étaient là au soutien. On plante -t-il. semble s, succè en août et en septembre 1788. Sans grand de loin en loin sur la caféièLes tayaux ou choux-caraïbes se montrent mais le croire sere intermittente, re, ce qui donne l'apparence d’une cultu maïs. (1) C'est-à-dire les tiges desséchées des (2) 18 novembre 1786. 1787, 15 mars 1788. (3) 30 août, 29 octobre, 22 novembre

(4) 29 octobre 1787.

(5) 20 novembre 1788. Andrault, 2 mai 1787. (6) Andrault de Sales, l’économe à J.-B. (7) 5 janvier 1790 et 28 juillet 1791. pluies avaient fait pourrir les patates.

(8) 20 mars 1790. Les

202

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

rait se tromper. Les tayaux tiennent ici une place très grande dans l’alimentation des esclaves, au moins, en une certaine saison.

L'on tenta la pomme de terre, mais sans qu’on sache le résultat et combien de fois l’essai fut renouvelé. « A la réception de la vôtre j'étais à la Colline où j'ai passé une semaine avec la moitié de votre atelier pour faire planter une pièce de patate et 15 sacs de pommes de terre qui me remplaceraient et au-delà, la perte des vivres qu’a ravagés le coup de vent du 16 du mois dernier (1) ». Les vivres communs avaient été longtemps cultivés sur des pièces « en vieux jardins », c’est-à-dire qu’on les plantait à la place de caféiers dont le rendement s’était beaucoup affaibli et qu’on avait arrachés après épuisement. Je n’ai point, ainsi que vous le présumiez, négligé les bananiers plantés dans les vieux jardins Testu (2), mais ils produisent peu. Il n’y a que les nouvelles plantations qui donnent prodigieusement, mais leur travail me coûte beaucoup de détournements et qui me gênent (3). Tu te disposes à baliser la ravine au-dessus (4) des cases. Alors tu prendras donc le parti d'abandonner les bananes du côté opposé et dans les vieux jardins à café (5). Jai fait relever (la pièce) de l’Ouest, entre la grande case et la rivière aux Puces. Quoique vieille terre, il y a la moitié qui porte régime... J’en suis dédommagé par

la proximité et l’agrément d’avoir de la culture de tous côtés de l’établissement... J'avais fait planter des vivres dans les cafés et terres anciennement défrichées (6).

Même chez Andrault, ce n’est pas les meilleurs sols qui étaient consacrés aux vivres. Quand la récolte est moins abondante,

on essaie de refaire les sols

en mettant le feu aux chaumes du riz, à celles du petit-mil, « opération que l’on assure être à même de les renouveler (7) ». Mais la plus grande partie des vivres vient de cultures intercalaires dans les pièces de caféiers. Vos jeunes caféiers seront cette année peu de vivres, sans crainte de manquer,

soulagés : je ferai mettre cette année par l'augmentation faite à la Colline et dans les vieilles terres que je ferai [ensuite] mettre en fourrage (8).

(1) (2) (3) (4) sur le (5) (6) (7) (8)

30 août 1787. Habitation achetée par Andrault pour agrandir la sienne. Bernard à Andrault, 24 août 1789. C’est au-dessous qu’il faut entendre, les cases de l’habitation haut du mornet. Andrault à Bernard, 22 mars 1790. Bernard à Andrault, 1° mars 1787. Andrault à Bernard, 6 janvier 1790. de Bernard, 15 mars 1788.

étant établies

LA NOURRITURE

203

Colline, ne sont pas bien Les jeunes plantations au Nord, près le chemin de la que l’on est forcé de vivres de ce abondan grande La âge. leur pour s profitée terre en est la seule cette de té médiocri la à jointe partie, cette mettre dans propose de n’y mettre me je car bon est sol le où ns néanmoi cause. Ils viendront donner des vivres vont Colline la de s bananier les que plus autant de vivres parce pendant plus de trois mois à tout votre atelier (1). Ed

l’on abandonnaîit Pour remédier à l'épuisement des sols dégradés que e la concentraaptist Fond-B à aux vivres sur la caféière on voit se faire e. A deux spécial annexe place une sur tion des cultures alimentaires ait une posséd lt Andrau tion habita pale princi sa de e heures de march la avant s caféier en e planté place secondaire, la Colline, qui avait été sol de parties des offre il mais fonds, grande. Ce n’est point un bon ation, en cultures vierge. On continuera à planter des vivres sur l’habit la Colline, on qu’à tandis intercalaires surtout, mais de moins en moins, ra de plus plante on mais , épuisés s caféier ne renouvellera pas les pieds de ce chande s ciaire bénéfi grands les furent es esclav en plus de vivres. Les gement. autre des bananiers sont Sur un défrichement on sème du riz, Sur un ; en 1788, 4 carreaux riz du en mai 1787, puis

plantés : 2 000 touffes mil ; en 1789 sont défride bananiers, 3 de riz, des patates et du petitmis en patates, le reste en riz, chés 4 nouveaux carreaux dont 2 1/2 sont présente même le projet d’un en bananiers et en caféiers (2). Le gérant l'irrigation, mais l’entreprise pour nivellement des carreaux de bananiers l et l'on ne peut songer à travai de ées journ 000 exigerait de 1 200 à 1 pris par les plantations, sardétourner si longtemps le grand atelier déjà claisons

et cueillettes (3).

et des convalescents, qui Ce n’est pas le petit atelier, quelques vieux ont leurs jardins pratiIls ne. Colli plante, sarcle ou récolte les vivres à la e de l'atelier de la grande culiers et s’entretiennent à peu près. Une parti vivres, « ce qui m’obliux des plantation monte à la Colline pour les trava dérables » et « m’arrière dans consi nts rneme détou des à t, géran ge, dit le l'avantage d’avoir des vivres e prouv me quelques travaux », « mais cela manquent, ce qui occasionne la pendant que beaucoup d'habitants en t des pertes considérables » (4). désertion de leurs esclaves dont s’ensuiven devraient nous apprendre dans Les journaux mensuels des travaux (5) étaient plantés, sarclés et ées, quelles conditions en combien de journ (1) Id. 30 août 1787. à Anjuin 1789; et d’Andrault de Sales (2) Id. 3 juin 1788; 13 avril et 20 drault, 15 janvier 1787. (3) De Bernard, 9 juin 1788. (4) 19 juillet 1789. pour 1791 (5) 5 pour 1787, 4 pour 1790, un

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LES ESCLAVES AUX ANTILLES

récoltés les vivres. Maïs ces journaux ont été tenus par plusieurs économes qui n’ont pas suivi la même méthode. L’économe de 1787 donne la répartition quotidienne des esclaves mais sans autre détail. Les journaux de 1790 précisent les travaux qui ont été faits, mais sans dire ce que les esclaves faisaient le dimanche comme s'ils avaient à eux toute la journée. Pour la fin de l’année on a le détail des dimanches, et donc du jeu des rations. Les dimanches sont tous consacrés à l’approvisionnement et à la distribution des vivres. Ce jour-là l’atelier est divisé : une équipe, nombreuse presque toujours, est envoyée à la Colline d’où elle ramène une centaine de régimes de bananes. Les esclaves qui sont restés sur la caféière reçoivent des paniers de maïs. Ce grain a été concassé au moment de la récolte dans le champ même par l’ensemble de l’atelier qui en prépare ainsi, le 29 novembre, 720 paniers, 540 le 1° décembre etc. Il est probable que ceux à qui on donne du maïs le partagent avec les coupeurs de régimes et que les coupeurs partagent les régimes avec les autres. Pendant une partie du mois d’août où il n’y a pas de bananes mûres, du maïs est distribué. A la fin du mois des bananes reviennent dans les rations jusqu’en novembre où reparaît le maïs. Puis aux bananes sont joints les tayaux. Le 12 décembre

1790, 80 esclaves descendent aux bananes, 36

arrachent des tayaux, 7 reçoivent du maïs. Le dimanche suivant c’est encore 80 esclaves aux régimes, 30 aux tayaux, 13 qui touchent du maïs. Plusieurs semaines les tayaux remplacent à peu près complètement le maïs. Les distributions de pois et de riz doivent se faire au cours des mois dont les journaux manquent. Il n’est question apparemment que des ramassages et distributions le dimanche matin. Le jour de Noël 1790 tombe un samedi. Les esclaves ne sont pas libérés du travail. Ils vont aux jardins toute la journée pour cueillir du café dans une pièce commencée depuis quelques jours. Ils n’ont de libre que l’après-midi où il leur est distribué non de la viande mais de la morue. C’est la gratification annuelle. Les tâches d’approvisionnement et de distribution hebdomadaires sont pour le lendemain, dimanche. Le temps passé à la culture des vivres communs n’est pas trop marchandé. On passe à semer des pois en 1790, les 2, 3, 25 et 26 mai, le 18 juin, les 7 et 8

septembre. Il y a deux récoltes par an. Ils sont battus aussitôt dans le champ, comme le maïs qui est concassé sur place, on ne sait par quel moyen, avant d’être mis au magasin. Le gérant tient la clé du grand dépôt aux vivres, mais il y a à côté un petit magasin dont un esclave est responsable : « Un seul sujet, le plus fidèle, est chargé de la clé d’une très petite quantité de provisions que je sais par expérience ce qu’elles doivent durer et lorsqu'elles sont finies j'en fais mettre d’autres nécessaires à la consommation (1). » (1) 21 juillet 1788.

LA NOURRITURE

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Les journaux de travail n’ont pas à nous parler des jardins particuliers. Les allusions qu’on y fait sourdent de très loin en très loin, et seulement quand leurs plantations individuelles manquées ou très retardées par le mauvais temps, des vivres communs sont plantés par tout l'atelier. A l'ordinaire chacun y plante à son heure ce qu’il entend. Plusieurs de ces jardins sont repris pour y mettre des caféiers, donc déplacés. « Les nègres se sont faits des jardins que je ferai également replanter en café. J'ai repris les anciens jardins afin de cultiver les jeunes arbres qui y sont plantés (1). » Ainsi sur la caféière Andrault le système est mixte. L'essentiel de la nourriture des esclaves est assuré par des cultures vivrières exploitées en commun, surveillées par des gardiens que désigne le maître, et pourvoyant aux distributions hebdomadaires dont les éléments changent avec les saisons. Une autre part, mais infiniment moins importante, vient des jardins particuliers. Elle est hors distribution. Apparemment jamais de viande. Cultiver les vivres de la même manière que « les denrées » coloniales, était le meilleur moyen d’avoir des rations régulières qui passaient sous les yeux du gérant. Les colons y trouvaient deux avantages : la réduction des heures consacrées à la production des vivres, la réduction aussi des achats de vivres au dehors. A Fond-Baptiste, malgré l’esprit pas trop colon d’Andrault, la régularité des vivres est pour la régularité du trarevenu. vail. Des fêtes, des arrêts, le moins possible. Le travail c’est le F7

5. Sur la fin du XVIII siècle

les viCette pratique des distributions générales qu’approvisionnaient on l'aband que ue Doming vres communs fut bien plus répandue à Saintne travaux de journal Aucun . esclaves aux d’une journée et d’une terre libre. travail de s cite de ces journée du maître Ces vivres communs, répétons-le, sont directement l'affaire ion. plantat la de uante constit partie une ou de son gérant. Ils forment x de carreau les Tantôt surface. même la partout occuper d’y loin mais sont de cannes patates, de manioc et de bananiers s'étendent à côté des pièces la place à sont Ils ement. prolong at immédi ou de caféiers ou dans leur pieds de caféiers de rejetons trop vieux qu’on vient d’arracher ou de très long assoun dans qui ne rendaient plus assez, comme un temps force ». Tantôt e premièr de « sols des lement. On n’a donc jamais là sur des terres ion plantat la de lisière la à s commun on à mis les vivres (1) 15 avril 1788.

d

206

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

de marge et de rebut. Leur surveillance est moins facile, renfermés qu’ils sont cependant de haies vives ou de palissades. Pourvus ou non d’entourage, ils sont gardés. On y a mis quelque impotent, quelque vieillard inutile ailleurs, qui a là sa case. Des habitations, à la vérité très rares, ont un commandeur particulier qui surveille tous les gardiens, ceux des vivres les premiers. Ainsi qu’on l’a vu sur la caféière Andrault la tendance sur la fin du XVIII siècle est de cultiver les vivres sur une place à vivres établie hors de l’habitation mais en dépendant. On prend pour cela le coin d’une hatte ou parc à bétail, une partie de savane que lon barricade. Mais où que soient les vivres ce sont les mêmes ateliers qui travaillent aux cannes ou aux caféiers et aux vivres. Ils n’y vont pas seulement les aprèsmidis du samedi mais n'importe quels autres jours de la semaine, selon les disponibilités laissées par les cultures principales. Toute plantation devait déclarer à l’intendance quelles surfaces elle avait mises en patates, en manioc, etc. et combien de touffes de bananiers

allaient produire. Rien ne nous permet de dire si ces états étaient d’une précision exacte et vérifiés souvent. Les capitaines de milice avaient à contrôler les déclarations en passant des inspections. Ces capitaines étaient colons eux-mêmes, d'importants colons. Ces déclarations ne disent que très rarement où sont placées les pièces en vivres ou la qualité de leur sol. Cette imprécision est de grande portée. Des actes de vente, des inventaires après décès nous font connaître la proportion de la surface en vivres communs par rapport à celle des cultures commerciales et par rapport au nombre des esclaves. Les sucreries donnaient en général beaucoup moins de place aux vivres communs que les caféières, qui disposaient d’une surface plus grande. Voici trois caféières et une sucrerie de Saint-Domingue : la caféière Maulévrier dans les mornes des Matheux, dans l'Ouest, en 1779 ; la caféière Villars et Raby du Moreau, à la Marmelade, dans le Nord, en 1787 ; et celle de Barbé, au quartier de Dame-Marie, dans le Sud, aussi en 1787, et la sucrerie Jude et Compagnon, au Boucassin, au Nord de Port-au-Prince en 1796.

A Maulévirer sont 27 carreaux en café en face de 8 carreaux en vivres : 3 en patates, 3 en petit-mil, 1 en ignames, à quoi il convient d’ajouter la bananeraie et des pois semés dans l'intervalle des pieds de caféiers. L'atelier est d’une centaine d’esclaves. La part consacrée aux vivres, entre le tiers et le quart de la superficie cultivée, est forte. Le maître est là, point un tendre pourtant. Pas encore de jardins particuliers (1). La caféière Villars et Raby du Moreau couvre 130 carreaux. 58 sont (1) G. Debien, Études antillaises. XVIII° siècle, p. 112.

207

LA NOURRITURE

en caféiers ; 20 en vivres, c’est 33 % de la superficie cultivée. Elle possède 54 esclaves adultes. Mais la valeur que les experts donnent aux carreaux selon leurs cultures, parle clairement : les carreaux en café sont prisés 1 500, 1 200 ou 1 000 livres, les moins bons 750 livres. Le carreau en vivres ne va qu’à 600 livres (1). A Dame-Marie, le 8 janvier 1781, la caféière Barbé offre à ses 43 esclaves, dont 32 adultes, 6 carreaux en vivres, en face de 10 en vieux

caféiers, 10 en cacaoyers et 129 carreaux en savanes, bois et halliers (2). Au Boucassin dans la plaine de l’Arcahaye, le 29 septembre 1794, la sucrerie Jude et Compagnon est de 88 carreaux et 1/2 ; 62 sont en cannes, 8 en rejetons de cannes et en patates (3), 14 en patates, jen petit-mil, 1 « en vivres », ce qui fait 18 carreaux pour la nourriture des esclaves, presque le cinquième de l’ensemble ; mais nous ignorons le nombre

de bouches

à nourrir

(4).

Dans tous ces cas la surface en vivres était donc considérable par rapport à celle qui était consacrée aux « denrées », et par rapport au nombre des esclaves, bien plus grande que celle qu’observa Malouet qui assure que le dixième des carreaux cultivés l'était en vivres-pays. Mais ces proportions sont un trompe d'œil. Le sol des carreaux plantés en vivres était toujours au-dessous du médiocre. Malouet ajoute que les traneuf vaux du maître retenaient sur presque toutes les plantations les clé La trop. C'était (5). esclaves ses de forces des et temps du dixièmes est là. Après 1770, à ces deux solutions classiques des vivres particuliers : indépendants et des vivres communs on joignit un demi-mode nouveau compléun ainsi ent apportai qui ers, particuli l’agrandissement des jardins cases, ment aux vivres communs. Le jardin-case n’est plus à côté des une sur ou tion l’habita de mais avec les vivres communs aux lisières (6). ménage par lotie a qu’on pièce grande une « place » spéciale. C’est ou petit grand e, d’esclav tête par carreau de e huitièm un On compte quand il s’agit de gros

vivres,

et seulement

un

seizième

(1 412 m°)

aire civil quand il s’agit de légumes légers ou de verdure. Le commiss an IIT pluviose 19 du ation proclam sa par ons dimensi ces Polverel fixera dans le monde antillais (1) P. Léon, Marchands et spéculateurs dauphinois Lettres, 1963, in-8°, p. 62. du XVIII: siècle, les Dolle et les Raby, Paris, les Belles 1939). (2) Papiers O’Rourke, Archives du Loiret, I F 392 (avant

(3) C'est-à-dire en patates intercalaires. ration anglaise. (4) Archives Nationales. Section Outre-Mer. Série G. Administ Recueil n° 2. (5) IV, p. 122. ion de ces lots sur la (6) Voir aux Archives Nationales (N II) la disposit sucrerie

Laborde

dans la plaine des Cayes.

208

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

(7 février 1794) (1). Des maîtres partageaient eux-mêmes ce lot en deux une partie pour les vivres secs, l’autre pour les verdures. Jamais de grain. Ce développement des jardins-case au loin paraît la conséquence de la manière nouvelle du groupement des cases. Sur les grandes plantations

tout au moins, sur les sucreries en particulier, les cases des esclaves ne

sont plus des cases isolées. Elles sont rapprochées, alignées, presque sans intervalle entre elles, ou se présentent sous l’aspect de longs bâtiments où chaque ménage a son logement. Cet aménagement a commencé d’ap-

paraître à la fin du XVII° siècle, mais c’est après la première moitié du siècle suivant qu’il s’est multiplié. L’on a regroupé les jardins comme on a regroupé les cases. La répartition des cultures vivrières restait en gros la même. Dans les pièces de vivres communs, les colons plantaient deux ou trois vivres, les plus vite venus, à rendement massif, pour une nourriture de féculents. On allait au plus commode, au plus court travail. Dans les jardins-case, de petites racines, du gombo, des courbarils, giraumon, oseille de Guinée, etc. cultures plus variées que celles des vivres communs ou des jardinsnègres. Cette variété au reste n’est souvent qu’apparente, qu’une impression produite par le fouillis qu’on prend pour de la diversité, C'était le désordre des lougans d’Afrique, scandale des esprits géométriques. Rien qui rappelât l’ordre carré des pièces de cannes et leur mosaïque savante quand elles étaient divisées par des allées pare-feu ou des rigoles

d’irritation, mais un tohu-bohu de pieds de mil, de maïs, de patates et

de pois rampant, de toutes hauteurs imaginables, un manque de dessin, qui faisait emmêlement pour l’œil, mais sans doute variété pour l’alimentation. S’y installa le cadre social africain des cultures vivrières. Du moment que la majorité des « esclaves de terre » était féminine, l’Afrique se retrouvait dans le travail des jardins-nègres. Les tâches devaient être divisées, l’homme préparant le sol et les femmes plantant, sarclant, récoltant. Il se trouva parfois qu’on fit travailler aux jardins-nègres (ou jardinscase) tel après-midi de la semaine, souvent le samedi, sous la conduite du commandeur. C'était quand les « vivres communs » allaient manquer, après une sécheresse ou trop d’eau. Vers la fin du siècle on se rendit compte que la question des jardinscase soulevait une difficulté. En dotant l’esclave d’une terre qu’il pouvait cultiver à peu près à sa guise, le maître développait chez lui une certaine indépendance économique, et comme un commencement de droit de propriété. Le jardin ressemblait à une tenure. On multiplia donc

(1) G.G. « Aux origines colonies, 1949, p. 348-423.

de

l'abolition

de l'esclavage ». Revue

d'histoire

des

LA NOURRITURE

209

les changements d'emplacement des jardins en favorisant la coutume de certaines ethnies africaines de déplacer souvent leurs cases et leurs jardins (1). Les déplacements de jardins se voient surtout sur les sucreries car ils répondaient aussi à des nécessités d’assolement. On craignit donc que les esclaves ne s’attachassent trop à leur champ. La crainte devait être vaine. D’abord parce que les esclaves avaient

vu pratiquer ou avaient pratiqué eux-mêmes en Afrique une agriculture itinérante temporaire. En bien des régions d’Afrique l'usage ne laissait considérer comme leur que le sol qu’ils cultivaient, le temps qu’ils le cultivaient, Aux îles ils avaient peu la notion d’un fonds définitivement acquis, et savaient qu'une année ou l’autre leur maître pourrait faire porter leurs jardins ailleurs. Il était heureux pour les colons que leurs esclaves eussent une tout autre conception de la propriété du sol que la leur et qu’ils ignorassent ce qu'est la parcelle familiale acquise par un long façonnement. En Amérique, même sur les vieilles sucreries, on

avait peu la notion européennes du « champ », de la terre faite par la culture. Toujours les esclaves tinrent à avoir un jardin. En août 1791, au commencement de l’insurrection du Nord, ils réclamèrent le système des « trois jours » : trois pour leur maître, trois pour leur jardin particulier. L’esclavage glissait ainsi au servage. Presque partout, les distributions de rations restèrent le moyen de nourrir les malades et les enfants. Des gérants se chargeaient à forfait de la nourriture des malades reclus à l'hôpital auxquels ils devaient donner du vin, du pain ou du biscuit, du riz ainsi qu’un peu de viande fraîche et du bouillon. Les dépenses traide cette prise en charge étaient débattues et elles entraient dans le n l’occasio alors était malades des ien L'entret tement général du gérant. ments. détourne de ts, permanen d'abus Heureusement toutes les plantations ne procédaient pas ainsi. Pour vivres leurs malades des colons achetaient directement au commerce des t de intendan ancien , Bongars ons spéciaux. Les comptes des plantati ons plantati Ses sujet. ce à détails s quelque nt Saint-Domingue, présente

et une caféière étaient une sucrerie à la Petite-Anse, tout près du Cap le biscuit sont et riz Le (2). aux Délices dans le Sud de Port-au-Prince sont achetées malades les pour 1772, En le fonds de leur alimentation. de biscuit ; livres 350 1774, en et cent le livres 30 à riz 429 livres de

pour les convaen 1778 quelques boisseaux de fèves et de la cassave payée 33 livres est Elle pain. le et lescents. Elle remplace les biscuits

ce point : Bertrand-Bocandé, (1) Voir au milieu de bien d’autres observations sur méridionale », B‘" Société de mbie Sénéga ou ise portuga Guinée la sur « Note de Lestange, Les Coniagui et les géographie de Paris, mai et juin 1849, p. 348. Mie Bassari, Paris, 1955, in-8°.

(2) Archives Nationales, T 520.

210

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

par quinzaine. Il n’apparaît pas d’achats de viande dans les comptes pour les malades ou les convalescents. Quand une plantation va manquer de bananes, les malades seuls s’en voient distribuer (1). Les achats pour la nourriture des domestiques sont bien différents. Ils ont eux aussi un jardin sur certaines plantations, mais ne peuvent le cultiver que de loin en loin. Ils s’arrangent avec quelques compères et partagent les vivres produits. Ou bien c’est le maître qui fait faire leur jardin. Sur quelques plantations ils ont assez de temps pour travailler à leur jardin ; sur la sucrerie Foäche à Jean-Rabel par exemple : C'est un mal que les domestiques ne soient pas très occupés. Moins ils le sont, plus ils sont vicieux. Un petit jardin est nécessaire à bien des égards. Mais il le serait quand il ne procurerait que les moyens d'occuper les domestiques à sarcler, à arroser, enfin à aider le nègre-jardinier (2). Il est bon que les domestiques aient une place pour se procurer une espèce de revenu pour aider à leur habillement. Il faut que le bien-être soit le fruit de leur travail. Ils n’ont pas le dimanche pour eux, mais ils peuvent avoir de temps en temps des après-midis (3).

Ici, sans prendre part aux travaux des vivres communs, les domestiques ont leur ration hebdomadaire achetée aux esclaves de terre. L'atelier est leur fournisseur. Les esclaves de la sucrerie Bongars vendent de la cassave et des fèves pour 663 livres 5 sols au cours des six derniers mois de 1778. Ces fèves sont livrées deux fois par mois. De 1770 à 1774 c’est de la morue et des fèves qui figurent sur les comptes pour les nouveaux de la Petite-Anse, à vrai dire en quantité peu respectable : un baril de poisson salé et 150 livres pesant de morue en 1770 ; 6 boisseaux de fèves à 51 livres le baril en 1772. En 1773, de la morue encore, du tabac et des pipes. Les rations sont distribuées tous les deux jours. Nous ignorons quel était le nombre des nouveaux. Des colons — très rarement des gérants — nourrissent les enfants de leurs esclaves « à la main ». C’est pour ne leur faire manger que des grains mieux pilés par le moulin à grager de la grand’case et pour leur donner des forces après plusieurs jours de colique. Les colons euxmêmes, leur femme parfois, présidaient à cette distribution. Deux barils de farine sont achetés pour les négrillons de l’habitation Leroy (4) en février 1784, à 82 I. 10 sols. En temps ordinaire peu de dépenses figurent dans les comptes pour la nourriture des esclaves qui travaillent aux cultures. Fe

(1) (2) (3) p. 43. (4)

Andrault, 10 août 1786. Qui était chargé des places à vivres des domestiques. G. Debien, Plantations

et esclaves

à Saint-Domingue.

Comptes de la sucrerie Leroy, pour 1782-1784.

La sucrerie

Foäche,

LA NOURRITURE

211

Quand survenait une calamité : sécheresses persistantes, ouragans ravageurs des vivres, les rations étaient fortement diminuées, parfois réduites à rien. De grandes plantations procédaient alors à des distributions de farine, de cassave, de gruau, même de hareng, de biscuit. Mais ces se-

cours ne se voyaient que sur les habitations bien tenues, c’est-à-dire chez les colons ou les gérants prévoyants qui avaient su se constituer des réserves supplémentaires, le petit nombre. Le tremblement de terre de juin 1770 dans l'Ouest eut des conséquences tristement célèbres à ce sujet. Beaucoup d’esclaves moururent malgré les secours, tardifs il est vrai. Des distributions générales sont faites chez M. de Bongars en 1776 après une récolte manquée des vivres. Ici le maître n’assure pas l’ordinaire des esclaves. Entre le 5 janvier et le 31 décembre sont achetés à la Grande-Rivière ou à la Plaine-du-Nord pour 1 151 livres 17 sols et 1 denier de cassave ; le 14 mai 20 barils de pois à 50 livres ; 6 sacs de riz faisant 994 livres : 50 livres ; le 17 septembre 1 baril de pois et 2 de maïs, au

nègre (libre ?) Randoué ; le 24, 1 baril de pois et 1 de maïs ; en novembre 9 boisseaux de fèves, 1 de riz, du maïs, du riz, du biscuit, 6

barils de maïs ; enfin 1 905 livres de riz à 25 livres le cent, soit près de 5 000 livres en dehors de la plantation, pour « soulager les nègres dans le cas de la dure calamité ». Mais on trouvait moins coûteux de donner des journées de travail libre, les distributions obligeant à recourir au commerce. Lory, le gérant de la sucrerie Cottineau à Fort-Dauphin, se voit commander par ses parents nantais, le 26 juillet 1776 : Vous faites bien pendant ce sec de nourrir vos nègres et de leur donner comme vous faites plusieurs jours dans la semaine pour travailler à leurs jardins. Vous ne sauriez trop les ménager. Au retour des pluies, il faut, suivant le besoin, donner un jour de travail de gratification aux nègres pour l’'employer à réparer leurs places à vivres, et même deux, s’il est nécessaire (1).

En 1785, la sécheresse des mois d’avril et de mai fit souffrir les noirs jusqu’à la fin de l’année et même jusqu’à l'été de l’année suivante. Des Cayes, dans le Sud, le colon Jogues, écrit le 29 mai

1786

: « Nous

ne savons nourrir des esclaves. Sans les Américains tous mourraient de faim (2) ». En ce cas-là la discipline n’était pas des plus facile. L’ouragan du 16 août 1786 dans l'Ouest et dans le Sud vint doubler la disette ; il laissa un souvenir terrible. Partout la sécheresse continuait. Toutes les correspondance concordent : des Matheux, du Cul-de-Sac, de Léogane, des Cayes :

(1) Papiers La Bassetière. Porv (p.122 (2) Papiers Jogues.

Archives

de la

Loire-Atlantique.

Correspondance

212

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Parison à M"° Galbaud du Fort, Léogane, 11 avril 1786. — Les montagnes sont partout en feu. Il y a disette générale de vivres. Un tiers des nègres sont abandonnés à leurs propres ressources et à quelque prix que ce soit on ne peut se procurer leur subsistance. Les farines sont très chères parce qu’elle sont enlevées par l'habitant pour faire du biscuit. Il me reste encore heureusement la pièce de

patates le long de la rivière... Cependant si je trouve à acheter un moulin à maïs je ne le manquerai pas. Ce sera une ressource de plus pour les nègres nouveaux à qui je pourrai donner le petit-mil et le maïs qui me reste en farine. On est obligé de leur varier la nourriture et avec de l'argent on ne peut s’en procurer. 17 mai. — Tous les habitants manquant de vivres, la colonie est dans une disette générale. Les nègres souffrent beaucoup... On ne trouve pas même de pois pour planter et un régime de bananes se vend une gourde (1).

Sur les petites plantations et même sur des grandes on était alors obligé de laisser aux esclaves une liberté à peu près complète pour chercher de quoi manger. Ils se répandaient dans le quartier, chapardant ce qu’ils pouvaient, chassant sur les mornes, surtout pêchant. On fermait les yeux sur les abus. Les cannes étaient la grande ressource des affamés. C'était un mal moindre que le dépérissement complet, puis la perte des esclaves. Le travail ne reprenait qu’à la fin de la disette. #

Les comptes d’entretien des ateliers : que le roi avait au Môle-SaintNicolas, à Port-au-Prince et à l’île de la Gonave pour les travaux de

fortification et de la marine nous décrivent l’alimentation des esclaves à la chaîne publique. C’étaient des marrons récidivistes repris et non réclamés par leurs maîtres, des condamnés aux travaux publics par les tribunaux. Ils étaient nourris à la ration que prescrivait le Code noir (2). Les ateliers du Môle et de Port-au-Prince organisèrent leurs jardins à vivres. Au Môle, l'atelier au complet fut mis à abattre le bois du terrain neuf de l’habitation du roi, puis on laissa une équipe particulière de sept esclaves pour les vivres. De 1767 à 1770 ce nombre fut porté à 30 quand l'atelier fut augmenté pour mettre le Môle en défense. Mais l’on se rendit compte que les vivres aïnsi produits revenaient très chers. Ils étaient cultivés sur une quarantaine de carreaux. A partir de 1775 on ramena à sept le nombre des esclaves jardiniers, qui n’entretinrent

qu’une vaste bananeraie (3). On en vint à la distribution de vivres achetés. A Port-au-Prince où peut-être les crédits plus généreux et la chaîne publique mieux jardins à vivres fut plus heureuse, du moins En 1764 un grand jardin fut établi à l’Est

pour l’atelier du roi furent surveillée, l’expérience des dura-t-elle plus longtemps. des casernes près des cases

des esclaves (4), mais en 1785 on revint aux rations tirées du magasin du roi. (1) (2) (3) (4)

La gourde valait un peu plus de 8 livres coloniales. Papiers de la Merveillère. Archives Nationales, 125 A P. Moreau de Saint-Méry, II, 754 (édition de 1797). Id, p. 1055, édition de 1958.

LA NOURRITURE

213

L'atelier que le roi entretenait à l’île de la Gonave abattait le bois nécessaire à la marine. En 1789, le directeur des fortifications sous les

ordres duquel était l’atelier eut à calculer quelles étaient les meilleures rations pour le meilleur rendement des équipes au travail et à quel prix revenaient ces rations. Le contrôle fut établi très rigoureusement en 1789 et 1790. On se rendit compte que la ration consistant en 24 onces de biscuit des magasins du roi et en 8 onces de bœuf salé ou de lard alternativement, était la meilleure pour les travailleurs de force et qu’elle revenait à un peu plus de 25 sols 6 deniers par jour. Elle était donc plus coûteuse que la journée d’un esclave de plantation. Au Môle, pour construire deux batteries retranchées à la gorge, ainsi que les magasins et bâtiments en dépendant, il y avait de grands terras-

sements à entreprendre. Les esclaves du roi, qui là étaient de simples

manœuvres, recevaient un ordinaire de 21 sols. Au directeur des fortifications il parut juste de leur accorder un supplément. Tant à cause de l'excédent de la fatigue, qu’à cause de la dureté de leur position sur ce plateau aride, brûlé de soleil, battu des vents et dénué de toute espèce de ressource. On suppose qu'ils seront au nombre de 150, que les travaux dureront leur un an et qu’on accordera à chacun... 10 sols de gratification par jour qu'on donnera soit en habillement, soit en supplément de vivres (1).

Des comptabilités de plantations soigneuses du détail ont relevé les frais quotidiens de la nourriture d’anciennes esclaves affranchies qui travaillaient à la grand’case comme ouvrières, laveuses ou couturières, mais plus rarement le coût de la journée « des hommes de bêche », loués pour les grands travaux. Nous aurions ainsi une idée du prix de revient de la nourriture des esclaves quand ils recevaient des rations. Le prix monte lentement au cours du XVIII‘ siècle, mais comme toutes choses. La journée revient de 15 à 20 sous pour les femmes, libres ou non. Pour les hommes, c’est un peu plus, de 21 à 22 sous (2). Si l'on veut une comparaison, rappelons qu’à la fin du XVIIT siècle aucune auberge du Cap ne paraît avoir donné à des blancs de repas à moins de 3 livres. rêe

Vers 1780, deux tubercules et l'arbre à pain, conseillés par les naturalistes et les voyageurs, puis prônés par les philanthropes, furent essayés par des colons et apportèrent l'espoir d’un supplément aux vivres des esclaves ou même de leur renouvellement. On attendit d’abord beaucoup du tayau, ou chou-caraïbe ou malanga. peu C'était une racine. De sa feuille longue, en forme de cœur et un caféières les pour vivre un C'était calalou. violette, on pouvait faire un 2

directeur des fortifications de Saint-Domingue, au 1789. Archives Nationales, Colonies C° A 162. mars 26 rince, Port-au-P ministre, au Terrier Rouge de 1742 à 1790. Comptes Croisœuil sucreries des (2) Comptes des sucreries Jogues et Beauharnais à la Croix des Bouquets. (1) Le colonel de Frémond,

214

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

des mornes. Il ne présentait pas que des avantages, car il ne venait que sur les fonds humides, sur le bord des ravines. Il donnait moins que la

patate et se montrait bien plus indigeste. On s’en communiquait des semences sous le secret comme si tout l'intérêt de la plante nouvelle aurait été perdu si elle entrait sur toutes les plantations (1). Après 1780, elle est assez généralement adoptée. La pomme de terre venant de France fut introduite à la Martinique par Debadier, naturaliste du roi (2). Elle ne paraît pas y avoir été reçue avec faveur. À Saint-Domingue ses débuts sont inconnus. Ils paraissent avoir été très hésitants. On a vu les essais tentés sur sa caféière par J.-B. Andrault,

planteur à Fond-Baptiste.

Elle était trouvée aussi

comestible qu’en France, mais on lui reprochaït de rendre aux îles beaucoup moins qu’en France. Bref elle ne fut qu’une curiosité. L'introduction de l’arbre à pain fut précédée d’une incroyable réputation. I1 devait être l’aliment de paradis pour les esclaves. Sans aucun travail de la terre, ils trouveraient là mieux que les patates, les pois, le

petit-mil ou le maïs. Il fut planté le 7 août 1788 sur la sucrerie Belin au Limbé près du Cap (3). Sa culture ne fut donc pas répandue avant l’époque de l'indépendance. A une époque, un peu postérieure, semble-til, mais on ne sait exactement quand, un autre arbre à pain apparut, le « véritable », qui a gardé ce nom en Haïti, où il est le seul consommé. En fait, on ne trouve à Saint-Domingue un peu largement planté avant 1789 que le tayau. La pomme de terre fut surtout un sujet de conver-

sation, comme l'arbre à pain au début. #

Les communautés religieuses des Antilles étaient à peu près seules à posséder des plantations où les naissances équilibraient les décès. Cela fait supposer que leurs esclaves étaient nourris au moins convenablement. Nous n’avons rien trouvé sur les habitations des jésuites et des domi-

nicains à Saint-Domingue, mais sur la nourriture

des esclaves

de la

plantation des dominicains à la Martinique voici un document qui révèle qu’elle était solide. Elle permet de penser qu’en général à la Martinique les esclaves étaient mieux traités que dans la grande île. Nous avons environ 500 esclaves sur l’habitation (4). Si nous leur donnons du bœuf il faut environ 8 barils désossés par semaine. Si nous leur donnons de la morue il en faut 10 quintaux. Le bœuf coûte 85 à 100 livres en temps de paix, la morue de 50 à 66 livres. Il y a 52 semaines. La moyenne proportionnelle est 42.000 livres.

(1) Joinville-Gauban, I, p. 169 ; Ducœurjoly, IL, p. 33 ; Chamois à J.-B. Andrault, de La Rochelle, 8 octobre et 1° novembre 1791. Papiers Andrault. (2) Isert, p. 323 ; Joinville-Gauban, IE, p. 171. (3) Moreau de Saint-Méry, IL, p. 631. (4) Au Fond Saint-Jacques, paroisse de Sainte-Marie.

LA NOURRITURE

215

L'habitation fournit une partie de la farine, mais il faut en acheter souvent. Le plus faible coup de vent, le sec, la pluie, nous forcent à acheter pendant 15 à 18 mois la farine : mais en supposant constamment la moitié de la farine fournie par nous-mêmes, il y a 26 semaines à fournir en argent. Souvent nous remplaçons

la farine par le riz ; mais alors tant pis, c’est une preuve de la plus grande disette et la cherté du comestible en est augmentée. Admettons donc 6 mois de farine à acheter ; il faut par semaine 25 à 30 barils. La farine vaut quelquefois 66 livres, quelquefois 33. La moyenne proportionnelle est 49 livres 10 sols qui donne une dépense effective de 36.071 1. 10 sols. Il y a de jeunes esclaves qui n’ont que demi-ordinaire, il y a des vieux qui ont double ration. L'un compense l’autre. Pendant la guerre et depuis neuf ans la colonie a été affligée de 5 coups de vent dont 2 furent ouragans furieux. La farine a été vendue jusqu’à 120 livres (1), la morue 150 livres, le bœuf 180, et alors point de sucre, ou bien peu. Les années de désolation ont coûté des dépenses immenses, qu’un corps réuni de missionnaires a pu supporter mais auxquelles tout particulier n’aurait pu suffire (2).

A la Martinique où la nourriture aurait été mieux assurée qu’à SaintDomingue, Thibault de Chanvallon, qui fut intendant des Iles sous le Vent, se plaint de la situation vers 1760. On y voyait pourtant un important petit élevage pour la vente et un grand nombre de petites

plantations s’y consacraient

aux

vivres

pour l’approvisionnement

des

sucreries : Plusieurs habitants malgré le cri de l'humanité ne donnent aucune nourriture à

leurs esclaves. Ces hommes infortunés sacrifient leurs sueurs et leurs travaux aux besoins de leurs maîtres et souvent à satisfaire leur luxe et leurs passions frivoles,

sans attirer sur eux la moindre pitié, la même

attention qu’on a pour les bêtes

de somme que l’on fait travailler. Le plus grand nombre même des colons qui guidés par leur cœur ou par leur intérêt, sentent ou réfléchissent, ne leur donnent qu’une partie de la nourriture qui leur est nécessaire. Ils sont obligés de la chercher ailleurs, ou dans leur adresse ou dans les travaux particuliers qu’ils font pour leur propre compte aux heures de repos qu’on leur accorde. Les crustacés la leur offrent à cet égard de grandes ressources par la quantité qu’on en trouve à

mer et dans les rivières.

Des témoignages multiples et précis, les menaces répétées des ordon-

nances royales ou locales contre les colons qui négligent l’entretien de leurs esclaves, sont d’une éloquence sans réplique : la mauvaise nourriture et la sous-alimentation ont été la grande plaie de l'esclavage à SaintDomingue, le mal central. Monnereau, colon indigotier dans la plaine de Limonade, ne cesse de jeter l’alarme : que pour Si j'en recommande l'exactitude [des jardins particuliers], ce n’est font pas de cas, n’en qui s d’habitant nombre de affectée e l’indolenc r condamne dominés qu'ils sont par l’avidité de grossir leurs revenus (3). de Limonade La négligence de nombre de procureurs d'habitation des paroisses cet article sur rendue nce l'ordonna à r conforme se à èrement, particuli et de Morin que d’espérer pas permet me ne avoir, doit l’on que vivres] [de pour la quantité

froment, donc (1) Les prix des barils de farine disent qu’il s’agit de farine de importée. la Martinique, 10 (2) État des biens des RR.PP. dominicains missionnaires à septembre 1784 : Archives Nationales, Colonies F3 A 22. (3) Le parfait indigotier, Paris, 1748, in-12, p. 87 et 97.

216

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

je puisse la leur faire exécuter sans employer contre eux les | voies .de rigueur... J'ai écrit à tous les commandants de quartier de faire la même visite tous les trois mois, afin qu’il ne puisse se glisser aucune relâche (1).

Des esclaves n’arrivaient à se procurer leur nécessaire que dans le mesure où il leur était possible de faire un petit commerce. « Le nègre qui trouve à vendre et à acheter a plus de ressources. et sa condition s'améliore. Mais moi qui songe. aux nègres que la misère ou le défaut d’aliments substantiels et de secours de l’art de guérir, moissonnent ! »

écrit tristement Moreau de Saint-Méry (2). Il savait que seuls les plus industrieux parvenaient à s’assurer ce supplément de nourriture. Quelques colons, plus avisés et plus prévoyants, étaient conscients de cette misère et du mal où menait le mauvais entretien des vivres. Mais nous sommes aux dernières années des plantations. Le président Pays du Vau, du présidial d’Angers, un des propriétaires de la sucrerie dite Bonrepos dans la plaine du Cul-de-Sac, au Nord de Port-au-Prince, fait observer à son gérant : On ne peut pas forcer un homme au travail s’il n’est nourri et abondamment. Il est donc de première et absolue nécessité d’entretenir beaucoup de vivres. Le défaut de vivres exténue un atelier et le besoin joint à l’inclination qu'ont les nègres au vol, les porte à voler chez les voisins. Quand ils sont surpris ils sont lardés de coups ou subissent un châtiment rigoureux, juste pour le bon ordre, mais injuste parce qu’on a pu le prévenir (3).

A peu près dans les mêmes termes le comte de Reynaud, député de Saint-Domingue, s'exprime devant la Constituante le 31 octobre 1789. Il s’agit d’adoucir le sort des esclaves pour faire taire les abolitionnistes. Le moyen le plus efficace à parvenir à ce qui reste à désirer est de donner en abondance... des vivres dont la disette occasionne plus de punitions que tout autre motif, car le manque de vivres entraîne des vols, des querelles, des désordres, des révoltes et même des assassinats ; il faut bien cependant maintenir l’ordre dans les ateliers.

Le vicomte de La Ferronnaye se plaint de la légèreté des colons : Tout propriétaire de terre à Saint-Domingue, même nègre, mulâtre, veut établir en sucre, café, coton ou indigo. Personne ne s'occupe de la partie de nécessité première [les vivres]. car il arrive souvent que des ateliers d'esclaves sont forcés par la faim au désespoir et à devenir voleurs, ce qui a deux inconvénients : celui de rendre l’esclavage [la Ferronnaye écrit : l’esclave] insupportable et par conséquent met dans le cas d'employer tous les moyens pour secouer le joug ; l’autre est que l’habitant qui a soin de pourvoir à la nourriture de ses nègres se trouve ravagé par ceux de son voisin qui en manque (4); inconvénient destructeur et cependant nécessaire. Empêcher quelqu'un mourant de faim de piller les vivres est une chose impossible. Peut-on respecter l’abondance des autres quand la nécessité (1) Lilancourt, gouverneur de Saint-Domingue pi. au ministre, Le Cap. 21 février 1777. Archives Nationales, Colonies C° A 145. (2) Moreau de Saint-Méry, I, p. 153-154, édition de 1797. (3) Papiers Grandhomme, à la Picaudrie, par Thouaré-sur-Loire (Loire-Atlanne — M”* la comtesse de Tinguy, « Observations du président du Vau, >, Dr A7. (4) Ravages que signale déjà le P. Labat.

LA NOURRITURE

Di

dans la colonie de voir l'exemple physique manque ? Cependant il est commun de cette misère. ant à tous les nègres et mulâtres Ce malheur ne peut se réparer et qu’en défend et à élever des bestiaux. Il vivres de s’adonner à d’autres cultures qu’à celle des les blancs qui n'auraient pas ndre contrai de geux avanta même re peut-êt serait genre de culture. Ce moyen ne au-dessus de dix nègres de s’adonner au même elle serait plus certaine, de là mais rable, considé aussi fortune présente pas une de certain, c’est que ce genre à y qu’il Ce lier. particu même plus avantageuse au les plus grands biens. irement nécessa a produir de culture encouragé et même forcé, empêcherait le briIl rs. étrange secours de Il mettra dans le cas de se passer Le travail de la culture des vivres ion. populat la erait augment et vols des e gandag à les nourrir (1). semble propre à faire naître les hommes comme

voir se constituer une En cette fin de l'époque coloniale on souhaite les sucreries et de pour classe de petits colons entrepreneurs de vivres de la Guadeloupe eur supéri l Consei Le fourrage pour leurs attelages. aux d'encourager génér urs strate admini aux 1784 r demande le 14 janvie (2) ; et il y aires ément la formation de ces plantations vivrières compl ce nétait Mais (3). es esclav 200 en avait 40 autour du Cap qui occupaient pas savons ne nous car ion solut demiune ou , à qu’une solution locale s. si les esclaves du quartier furent alors mieux nourri nte, mais son ineffiL’attention générale des administrateurs fut consta tant d’autres le pousur cacité également continue. Sur ce point comme aux colons. Il avait vues ses er impos voir royal ne put presque jamais sition des rations, compo la it prescr es, esclav des réglementé la nourriture euses plantanombr de le système de distribution. s’il fut appliqué sur sur d’autres , ordres les tous é tions jusqu’à la fin, s’installèrent, malgr libres pour s heure des non, où avec uliers habitations des jardins partic ent pas m’étai modes deux les exploiter. Quand ils étaient combinés, ces es, esclav aux ative l'initi de ient une mauvaise solution parce qu’ils laissa rité régula la ines africa es cultur aux té et qu’ils unissaient à leur fidéli disciplinée d’un travail de plantation. de mauvaise volonté qu’il Le mal ne venait pas de là. Ce n’est pas ance chez les planteurs. Leur faut parler, mais d’insouciance, d’imprévoy l aux vivres et débourser travai lutte pour le revenu faisait négliger le au dehors. Que dire des sions provi de t le moins possible pour lacha ? gérants, de certains gérants tout au moins maîtres au bon état des les que essés intér Les gérants étaient moins er en France le plus de sucre ateliers. Du seul fait qu’ils devaient envoy leur était abandonnée pour tive ou de café possible, une grande initia

en France, des colons laissaient l'alimentation des esclaves. En rentrant , et ensuite leurs où un chapitre était consacré aux vivres

des instructions sur la qualité et la juste quanlettres répétaient leurs recommandations Nationales. T 210° et ‘. (1) Papiers La Ferronnaye. Archives F° 232 p. 421. Moreau (2) Archives

Nationales,

Colonies.

p. 154 (édition de 1797). (3) Malouet, Collection... IV, p. 124.

de Saint-Méry,

I,

218

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

tité des rations ; mais la conscience du gérant était le grand régulateur. Elle devait s’entendre avec l’ambition de devenir colon au plus tôt. Ne devait-il pas se plier aux nécessités de l’année, aux coups de vent, aux longues pluies, aux sécheresses surtout, qui l’avaient surpris sans assez de réserves. Il se plaint de l’extrême humidité qui a empêché de tenir

en bon état le petit-mil du magasin, le riz, les provisions de pois ou de maïs ; ou bien les rats, les insectes avaient fait les plus grands dégâts. Il sacre contre les salaisons qu’il a dû acheter aux marchands tous malhonnêtes parce qu’ils ne cèdent, à gros prix, que des salaisons avariées, des légumes secs piqués, trop vieux ou terreux. Malgré cela il doit multiplier les barils de sucre ou de café qui, paraissant bien en évidence sur les comptes, proclament son activité. Entre les ordres qu’il reçoit et leur exécution il y a toujours une place à trouver pour l'intérêt ; et quand le gérant et le chirurgien s’entendent, c’est au dépens du propriétaire lointain très souvent, mais de celui des esclaves toujours. + On hésite peu pour généraliser, car les colons ou les gérants étaient rares, qui s’entendaient avec les esclaves pour les vivres particuliers. Ils leur étaient achetés d’avance à prix fait et constituent ainsi une réserve pour les distributions générales. Tel ou tel vivre était ainsi imposé qu’on jugeait plus nourrissant, moins indigeste ou moins périssable. De même dans les plaines irrigables, à l’Arcahaye et à Léogane, sur les sucreries où l’arrosement est pratiqué, les esclaves « sont ordinairement dans l'abondance » fait remarquer Hilliard d’Auberteuil qui connaissait bien la situation. « On leur laisse prendre de l’eau la nuit du samedi et toute la journée du dimanche. Leurs plantations suffisamment arrosées ne manquent presque jamais (1). » Mais ces plantations étaient l’exception. Dans les autres quartiers à irrigations, les esclaves étaient mal nourris. Ainsi dans la plaine du Cap. Après tout cela il est ridicule de parler des méfaits de la monoculture sur l’alimentation des esclaves. Les choses ne furent pas si simples. Les disettes, qui furent nombreuses, furent la conséquence du manque de

réserve, de l’imprévoyance, de la mauvaise surveillance des cultures vi-

vrières, de la volonté aussi, permanente, de n’acheter que pour quelques milliers de livres de provisions par an pour les esclaves. De leurs esclaves, les colons négligèrent tout, sauf le travail qui rendait. Tous les moyens étaient bons qui gonflaient un certain versant des comptes avec les négociants métropolitains et l’indifférence pour la vie matérielle de leurs hommes pouvait bien être un de ces moyens.

(1) I, p. 133, note.

XII

LES CASES DES ESCLAVES

La plantation loge tous ses esclaves.

temps qu'un La disposition du relief, la proximité de l’eau, en même Elles ne cases. terrain sec et découvert règlent l'emplacement de leurs plus être pour sont pas construites très loin du logement des maîtres facilement surveillées. la maison « Les cases des nègres doivent toujours être sous le vent de » (1), ce feu du ts acciden des cause à nts bâtime et de tous les autres

mouches (2). Une danger permanent, et lui épargner le bruit et les ou puits, était mare canal, grande abondance d’eau, ruisseau, source, de leur

tés du choix tenue pour indispensable, et c'était une des difficul é de l’eau dont propret la er d’assur ible quartier. Il fut toujours imposs 1694, chez les dominise pourvoyaient les esclaves. A la Martinique en étaient sur une petite cains du Fond Saint-Jacques, « les cases des nègres canal du moulin pasLe e. hauteur, dit le P. Labat (3), derrière la sucreri Galbaud cases des sucreries sait au milieu ». En 1785 et 1786, toutes les -Sac sont déménagées Cul-de au homme (4) et Grand

du Fort, à Léogane pour être à portée d’une meilleure eau.

orter les A quelque prix que ce soit il faut transp ncées comme t étaien elles où humide et les placer là et exposées au seront plus éloignées [de la grand’case] haut où elle est plus à même de prendre de l’eau en

(1) Labat, IV, p. 21e (2) Dutertre, IL p. 482. (3) Labat, I, p. 114.

1786. (4) Papiers Galbaud du Fort, 16 septembre 28. p. , ations Observ me, dhom Gran s (5) Papier

cases dans un endroit moins en 1764 et 1765. Ainsi elles grand air et les nègres seront moins mauvaise (5).

220

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

I. L'évolution du logement des esclaves.

Au XVII siècle, les cases des esclaves désordre. Dans la savane

sont

installées

un

peu

en

réservée aux esclaves, elles s'installent assez

librement. Chaque famille plante sa case. Un espace nettoyé en rond fait le centre d’un groupe de cases. Nous ne savons pas si ces groupes sont par ethnies. Le maître n’intervient que négativement si l’on peut dire, pour réduire le nombre de cases par ménage ou pour empêcher qu’on ne construise à part celles des femmes. Sauf cette interdiction, l'ordre était à peu près celui que les esclaves voulaient. Le quartier se présentait donc comme une agglomération lâche, et un peu anarchique. Nous ignorons quelle était l’influence du bien plus grand nombre d’hommes que de femmes sur la disposition et la distribution des cases ? Tous les esclaves d’une même

famille bâtissent leurs cases

en un

en sorte néanmoins qu'ils laissent 10 à 12 pas de distance. beaucoup ils font ordinairement un cercle, et ils laissent une

même

lieu,

Quand ils sont place commune

au milieu de toutes les cases, qu’ils ont grand soin de tenir fort nette (1). Chaque nègre qui n’est pas marié a sa petite case à part. L'homme et la femme n’en ont qu’une pour eux et pour leurs petits enfants, mais dès qu’ils sont grands, le père a soin de leur en bâtir quelqu’une proche de la sienne (2). Les cases des nègres sont au-dessous du vent, chaque garçon et chaque homme marié a la sienne, et ainsi on verra quinze à vingt petites cases l’une proche de l’autre devant une grande place qu’ils ont soin de tenir fort propre (3).

Il y avait donc dans la forme et dans le plan des cases plus qu’un écho de l’Afrique. Leurs silhouettes devaient rappeler l’origine de leurs constructeurs car en ce premier siècle, c’étaient les esclaves qui élevaient leurs cases. Les unes devaient être rondes avec un toit conique, à la manière des cases mandingues, d’autres rectangulaires, toutes sans autre ouverture qu’une porte basse et des murs négligés, comme provisoires. Et c’est sans doute ce manque de fenêtres et d’aération qui faisait décrire ces cases de la Martinique d’avant 1660 par le P. Charlevoix, comme « des tanières faites pour loger les ours (4) ». Ce mot veut montrer la misère de ces logements. S’appliquait-il aux cases-nègres de toutes les habitations ? Le P. Labat plus civilement glisse : « Quoique ces cases soient très peu de chose. » À la Guadeloupe on aurait conservé bien plus nettement qu'ailleurs jusqu’à la fin de l’esclavage une partie de cette disposition des cases à l’africaine. Les ménages y auraient eu deux cases, une pour les parents, l’autre pour les enfants. Quand un enfant atteignait 16 ans, on lui bâtissait sa case (5). L'usage d’une case pour célibataire n’y était pas (1) Dutertre, II, p. 483.

(2) Id. II, p. 482.

(3) Id. IL, p. 429. (4) Td., II, p. 97. (5) C’est au moins ce que dit M. Satineau (Histoire de la Guadeloupe sous l'ancien régime, 1685-1789, Paris, 1928, in-8°, p. 240). Mais il paraît avoir généralisé, et cru vrai pour tout le XVIII° siècle, ce qui se faisait au XVII° siècle.

LEURS

221

CASES

absolument général. On y voyait des cases partagées entre deux ou trois familles. Partout où la vie garda une allure pionnière, tant qu’il y eut à déboiser, à établir des places à vivres, à tabac, des indigoteries, le loge-

ment des esclaves resta à peu près le même.

Il reflétait un

certain

genre de vie. Au XVIII siècle encore, bien des caféières aux cultures n. d'avant-garde conservèrent ces habitudes de provisoire et de sans-faço les sur que r s'installe pour d’aise plus beaucoup eurent y Les esclaves un cases de groupes les grandes plantations des plaines. Sur les pentes africain, village un avec ance ressembl peu desserrées y gardèrent quelque des plaines le colon veillant surtout aux incendies. Aux yeux des colons à demiêtre pour les quartiers des esclaves des hauteurs passaient planLe froid. le contre nts insuffisa t sauvages, dispendieux et cependan

donne les teur caféier Laborie, qui écrit à la fin du XVIIT siècle et es d’heureus ion installat conseils de son expérience pour la meilleure dans un s caféières, recommande de bâtir de ces cases à demi africaine

on songera premier temps, pour les bûcherons et les défricheurs. Ensuite à édifier (1). long sur 6 de Dutertre nous montre des cases de 9 à 10 pieds de large, de 10 à 12 de hauteur. coins et de deux autres plus composées de 4 fourches qui en font les quatre roseaux, que la plupart font de que n’est qui ure couvert la t appuien élevées qui plus haute la palissadent tiennent la qui Ceux terre. de pied descendre jusqu’à un se servir de roseaux sans autres les uns les tiennent se avec de gros pieux qui que leurs cases sont bien si l’air, de d’avoir aises comme les Français qui sont bien

n’y entre, ce qu’ils font avec beaucoup closes comme une boîte, de peur que le vent que la nuit, comme ces nuits sont de raison, parce que n'y étant presque jamais du vent et du grand air, ainsi odés incomm trop seraient ils froides, ements extrêm haut (2).

pieds de le jour n’y entre que par la porte, qui est de cinq

s plantations bien Des changements apparaissent sur les très grande ent des sucreries lissem l'étab t avant la fin du XVII° siècle. Ils suiven et bien entendu teries indigo des ceux que aux effectifs plus nombreux souvent rudis, légère que ceux des places à tabac. A la place de cases déjà géomés groupe des isent mentaires et un peu désordonnées, appara triques.

7 à 800 [esclaves] avait fait entourer Monsieur le général de Poincy qui en avait des cellules de pierre et de brique. bâtir fait avait leur quartier de muraille et leur partie ayant été détruite par le feu, une Mais Ce quartier s'appelait la ville d’Angola. (3). autres les comme bâtis sont se (sic) ils depuis

disposées à distance Et ce sont les premiers regroupements de cases commence à le recomà peu près égale entre elles, comme le P. Labat leurs esclaves : « On de ent mander à ceux qui veulent installer le logem (1) Laborie, p. 16 et 17. (2) Dutertre, IL, p. 483.

(3) Labat, V, p. 211, 475 et 478.

222

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

ne doit pas négliger de les bâtir avec ordre, un peu éloignées les unes des autres, séparées par une ou deux rues ». Il constate pour le plaisir des yeux que les colons de la Martinique « ont soin que les cases de leurs nègres soient bien alignées et uniformes ». Si tous les imitaient « cela ne coûterait rien et [serait d’] un très bon effet qui joint à la beauté des maisons et au grand nombre qu’il y en a depuis le bord de la mer jusqu'aux étages les plus voisins du centre de l’île [ferait] une perspective dont le coup d’œil est enchanté quand on est en mer.» (l).

Elles ne sont pas très grandes d’abord, n’abritent que trois ou quatre ménages au plus. Ainsi vers 1730, la sucrerie Canivet à Vallières, dans le Nord de Saint-Domingue, s’enorgueillit de 20 cases à esclaves de 30 pieds sur 20 (2). On s'éloigne donc des usages des débuts où l’on n’aurait jamais imaginé ce que la physionomie des quartiers des esclaves de jardin allait devenir par l'établissement des grandes sucreries. Puis ce groupement allongé des cases se multiplia. De larges chemins séparèrent les lignes de cases, de chaque côté elles se firent face, protégées par une barrière contre le petit bétail, et souvent par des arbres ou des bananiers contre les incendies. Elles pouvaient donc encore paraître à demi cachées comme au temps de l’ordre libre. Il convient de planter des bois d’ormes dans les intervalles des cases-nègres soit pour empêcher la communication du feu en cas d'incendie, soit pour parer les cases des grands coups de vent. On ne souffrira point d’entourage de gommiers, messiniers et autres autour des cases à nègres (3).

On est en droit de penser que cet aménagement nouveau des cases était pour une part une conséquence de la prédominance des hommes parmi les esclaves que les plantations achetaient. Le nombre réduit des femmes permettait de loger les hommes à part, avant de les voir se mettre en ménage. La symétrie ne venait pas seule, et elle n’était pas simplement pour le coup d'œil. Elle se conjuguait, en principe au moins, avec une hygiène mieux comprise, plus de propreté. Bien entendu on songeait à l'effet, à satisfaire l’amour-propre, à sacrifier au prestige. Ce devait être par surcroit que cette disposition correspondait à un meilleur recasement des esclaves. La surveillance pouvait être plus stricte et diminués les risques de vols. L’humanitarisme s’entendait avec l'intérêt. Les toutes petites cases individuelles ou familiales ne disparurent pas pour autant. Des inventaires de plantations énumèrent des « ajoupas » isolés qui sont habités par des esclaves. Mais jamais ils ne sont décrits On signale seulement qu’ils sont presque toujours en mauvais état. Ces (1) Labat, VI, p. 209.

(2) Papiers Canivet et Joubert, chez M. le D’ Prime à New-York. (3) Papiers Grandhomme. Observations, p. 27.

LEURS

CASES

223

abris sont « si peu de chose » que les actes de vente ne prennent pas toujours la peine de les citer comme logement. Sur les petites et même sur de moyennes plantations la disposition n’est pas partout en cases bien alignées. Elles restent en ordre lâche. Les esclaves de la caféière Tausias à Plymouth, au quartier de Jérémie, ont des cases « en positions diverses » (1). Les 287 de la sucrerie Peyrac aux Petits-Bois (Croixdes-Bouquets) n’ont que 6 grandes cases. On pourrait conclure que leur moyenne par case est de 48. Mais aux cases s'ajoutent « divers ajoupas » (2), là aussi ils sont en positions diverses (3). La mise à ferme en 1796 et en 1797 des biens d’absents par l’administration anglaise des quartiers occupés nous vaut la description de 170 sucreries, caféières et indigoteries (4). On y voit très bien comment logeaient les esclaves. C’est un rappel de toutes les formes de leurs cases. Les premières remarques ne sont pas pour surprendre : les cases d’une plantation ne sont jamais d’une grandeur uniforme ni toutes dans le même état, ni construites ou couvertes avec le même matériau. IL y a là un premier disparate, parce qu’on ne les a pas construites à la même date ni réparées en même temps.

Une autre remarque qui étonnera, c’est qu’à l’ordinaire elles n’abritent chacune qu’un petit nombre d’esclaves, qu’un ménage sans doute : de 2 à 10 esclaves. Ainsi aux Vases, quartier de grandes sucreries, chez le président de Massé, il est 18 cases pour 23 esclaves (5), à Poy la générale 70 pour 206 esclaves (6), chez Pons, 22 pour 87 esclaves (7), à Corréjolles, 32 pour 178 (8) ; chez Gasnier de l’Epinay, de 22 pour 98 (9). Il n’y a que sur la sucrerie Raby que la moyenne est plus élevée : 179 esclaves dans 19 cases (10). On peut faire la même observation au Boucassin, à la Croix-des-Bouquets, à Port-au-Prince, à (1) Archives

Nationales.

Section Outre-Mer.

Domaine.

Administration

anglaise.

Ferme des biens d’absents. Recueil 9 bis, 1°" mars 1797. (2) Id. n° 8, 16 novembre 1796.

(3) Des ajoupas aussi sur la sucrerie Coustard à la Grande Plaine au Cul-de-Sac (n° 2, 3 novembre 1796). inventaires sont sans (4) Ces adjudications forment 14 recueils, mais où les recueil et la date de ordre géographique. Nous ne citerons que le numéro du l'inventaire. (5) Recueil n° 7, 6 janvier 1797. (6) N° 5, 17 septembre 1796. (7) N° 7, 16 septembre 1796. (8) N° 8, 5 juin 1796. (9) N° 4 bis, 15 septembre 1796. (10) N° 8, 9 septembre 1796.

224

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Saint-Marc, au Mirebalais et dans le quartier de Jérémie (1). Bref, le nombre des esclaves par case évoque bien rarement un entassement. Si un nombre à quelque sens, il est bas. Encore est-il abaissé par ceux qui logent dans les ajoupas et les cases de barrière qui ne sont pas à l’ordinaire comptés avec les cases des esclaves de jardin (2). Plusieurs de ces cases sont divisées en plusieurs chambres. Il faut supposer que ce sont les plus grandes cases. Sur la caféière Dupin au quartier de la Croix-des-Bouquets, il est 12 cases dont 4 composées de 4 chambres (3). Dans le même quartier la caféière Daudoin aîné, avec un pavillon où logent des esclaves, on compte 4 cases doubles, divisées en 6 chambres chacune (4). Aux Délices, dans les premiers mornes des Matheux,

la caféière Sabourin

n’a qu’une case, partagée en 7 cham-

bres (5). À Montrouis, les 300 esclaves de la sucrerie Pasquet de Lugé logent dans 21 cases partagées par des planches et des cloisons en baguettes passées au lait de chaux (6). Il s’agit donc de cases collectives, aux logments séparés par des cloisons légères. A partir de 1780 on aperçoit plusieurs changements. D’abord la réduction du nombre des cases et leur allongement, pour la multiplication des logements sous le même toit. Les dangers d’incendie sont plus grands, mais les dépenses de construction ont diminué, maintenant que ce ne sont plus les esclaves qui bâtissent leurs cases, mais des entrepreneurs. Beaucoup de ces cases ont plus de 30 pieds de long sur 16 de large. Mais toutes les cases d’une plantation n’ont pas une telle superficie. La sucrerie Séguin à la Queue Espagnole à la Croix-des-Bouquets est riche (1) Au Boucassin, sur la sucrerie Fauveau : 18 cases pour 135 esclaves (20 sept. 1796, n° 5); Foucaud, 38 cases pour 216 (29 septembre 1796, n° 4); Dubuisson, 26 pour 103 (22 septembre 1796, n° 3) ; Poy-la-ravine, 62 pour 302 (23 sept. 1796, 3 bis); Sabourin, 10 pour 105 (4 octobre 1796, n° 9). A la Croix-des-Bouquets : sucreries Boutin, au Rendez-vous, 29 pour 156 (15 novembre 1796, n° 6 bis) ; Deschapelles, 40 pour 150 (28 septembre 1796, n° 3); Descloches, 10 pour 159 (20 novembre 1796), n° 3); Jouanneau, 14 pour 106 (23 novembre 1796, n° 5); Le Meilleur, 22 pour 210 (21 novembre 1796, 1 bis); Nolivos, à la Queue Espagnole, 20 pour 216 (11 novembre 1791, n° 8); Blanchard, au Mapou, 15 pour 84 (18 octobre 1796, 1 bis); Boulainville au Mapou, 40 pour 15 (19 décembre 1796, 1 bis); à Port-au-Prince, sucrerie d'Orléans, 5 pour 75 (18 décembre 1796, n° 3); Lavezac à Montrouis, 7 pour 141 (31 octobre 1796, n° 6); Denis au Mirebalais,

30 pour 64 (9 décembre 1796, n° 3) ; sur la sucrerie Testas à la Guinaudée (Jérémie), 60 cases de diverses grandeurs abritent 171 esclaves (20 janvier 1797, 1 bis); chez Foûche, à la Voldrogue, 80 cases pour 125 esclaves (16 janvier 1797, n° 4). (2) Ce petit nombre d’esclaves par case peut être alors aussi une conséquence de la guerre, du non remplacement par la traite. (3) 2 décembre 1796, 152 esclaves y vivent. (4) N° 3, 3 décembre 1796. (5) Recueil n° 9, 10 octobre 1791. (6) Archives de la Loire-Atlantique. Papiers Pasquet de Lugé, E 1094; inventaire.

LEURS

CASES

225

de 27 cases, mais il n’en est que quelques-unes à avoir 60 pieds sur 12 (1) ; la sucrerie Fortin aux Petits-Bois (Croix-des-Bouquets), possède 37 cases pour 216 esclaves. Il n’y en a qu'une de 120 pieds sur 84 (2). La plantation Raby aux Vases, de 19 cases, s’enorgueillit de 6 couvertes en essentes, de 132 pieds de long à 2 500 livres chacune (5) x Mais les planteurs étaient à la fin du XVIIT siècle encore peu nombreu demandépense la esclaves leurs de t logemen au r consacre t qui pouvaien avaient dée par ces grandes cases. S'ils étaient soucieux de leur atelier, ils par le ts découver toits les ou s crevassé assez à faire à réparer les murs . tendance une reste cases des nt vent. L’agrandisseme Autre nouveauté : ce n’est plus de construction de cases qu’il faut de monparfois parler mais de montage. Les poteaux d’angle ou servant utilisés être pour bles, démonta être pour disposés sont portes, tants aux pandes ou s planche des placer deux fois et portés ailleurs. On n’a qu’à pranouvelle Cette case. la refaire pour neaux clissés et garnis de mortier chardes (4) gazette la de voie la par que point au ée tique s’est multipli pieds de long pentiers offrent de monter des panneaux tout préparés de 80 la Louisiane, arrien chêne des Pyrénées. Du Mississipi, c’est-à-dire de

vent aussi des éléments de cases ainsi préfabriquées. cases. Autour On a également supprimé ou réduit les espaces entre les centrale. Le rue seule une avec nettes, plus d'elles les « places » sont casernes, petites de en peu à peu orme transf se s esclave logement des plus bien ers d'ouvri s dortoir en un camp de travailleurs. Ce sont des uelle individ ou le familia vie une ayant s que des habitations de paysan re construite chez eux. Le quartier des esclaves évoque une cité houillè avant 1914 ou une ezba de Basse Égypte. es de SaintToutes ces modifications sur plusieurs grandes sucreri , un des astravail du rythme le et isation l’organ comme sont Domingue, marque la en qui et îles, aux lle pects de l’activité industrielle qui s’insta vie. Les cases

sont refaites souvent

et souvent

déplacées, pas seulement

par les orages et à cause de la fragilité des matériaux très éprouvés Ces déplacements s. gérant des ou colons des é tornades, mais par la volont à la recherche s champ étaient le résultat de nouvelles distributions des nt craindre faisaie sement d’épui de sols plus riches dès que des signes en même ainsi it profita On ents. rendem la prochaine irrégularité des (1) N° 9, 5 novembre 1796. (2) N° 4, 4 novembre 1796. case a 80 pieds sur 15 (n° 9, 25 (3) Sur la caféière Sallabert à Plymouth une e, une de 100 pieds divisée en aptist Fond-B février 1797); sur celle de Robert à 1796); chez Lévêque à Jérémie, e octobr 8 chambres pour 33 esclaves (n° 8, 24 bis, 16 juin 1796); chez Prébois, au (6 s esclave 54 pour pieds 118 de 2 cases (n° 8, 18 janvier 1797): Grand-Vincent (Jérémie) une de 100 pieds

88. (4) J. Fouchard, Les marrons de la liberté, p.

226

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

temps de la fumure des courettes abandonnées et des jardins des casesnègres. Il est facile de comprendre que ces déplacements n'étaient pas favorables à la conservation des stricts alignements et l’on n’est pas obligé de croire que les esclaves y trouvaient le même compte que les cultures. Ils détestaient ces déplacements : Les nègres ne sont. gais ni bien portants; leurs cases sont mauvaises et mal situées. Elles sont dans l'endroit le plus malsain de l'habitation, vice essentiel auquel il est important de remédier. Ce qui peut se faire sans frais puisqu’une

partie du terrain qu’occupent les cases à nègres peut être mis en cannes et payer indispensable (1).

la dépense de ce changement

Ces changements aboutissaient à la réduction du jardin-case derrière la maison et au report de plusieurs de ses productions dans les grands jardins à vivres communs. Ils n’assurent plus que la variété des verdures et des crudités dont les esclaves ont besoin pour joindre à leurs patates, mil, salaisons. Ces « rafraichissements » sont moins à la portée de leurs mains. La nourriture se fait elle aussi plus industrielle. 2. Les cases des domestiques, ouvriers et commandeurs.

Une ou deux servantes couchaient dans la grand’case quand le planteur avait des petits enfants, dans un coin ou sous la galerie, sur une natte ou un matelas. Le gros de la domesticité logeait au dehors mais à part des ouvriers et des esclaves de jardin, à portée de la voix de leurs maîtres, assez loin de l’atelier pour bien marquer la promotion sociale que représentait le passage au rang des gens de la grand’case. Sur les petites plantations, les domestiques n’ont pas toujours leurs cases à part ; cependant on en trouve aussi bien sur la petite caféière Fesquet à Damemarie (Anse d’Esnault) (2) que sur la sucrerie Thomas au Boucassin (3). Les cases du cuisinier, des valets, du cocher et de la lingère sont

bien énumérées à part sur la caféière Darrigade, près de la grande rivière de Léogane, et sur celle de La Tour achetée le 20 octobre 1783 par Durand de Beauval. La grande sucrerie Paquet de Lugé à Montrouis a fait construire un bâtiment assez grand, couvert d’essentes qui sert en partie de remise et en partie de logement aux servantes tandis qu’à proximité en deux cases logent les domestiques hommes. Elles sont éva(1) Papiers Galbaud du Fort. Parison à M"° Galbaud, 12 juillet 1789. Voir aussi : Papiers Butler, correspondance Villevaleix, Haut-du-Cap, 31 juillet 1789; Papiers Boutin, Ms 855 de la Bibliothèque de La Rochelle, 20 novembre 1784; Papiers Maulévrier, Marsillac à Maulévrier, 1°’ novembre 1787 et 26 juillet 1789. Archives de la Vienne, E" 599. (2) N° 4, 1°’ novembre 1797. (3) N° 9 bis, 20 septembre 1796.

LEURS

CASES

ALT

luées à 3 000 livres chacune alors que les deux chambres aux économes souvertes de tuile, ne sont estiées que 2 000 livres (1). Les cases des ouvriers Celles des ouvriers sont rarement décrites en détail. Il est à croire qu’elles sont comparables à celles des esclaves de jardin, mais elles sont énumérées à part dans les inventaires soigneu-

sement faits. Les cabrouetiers logeaient à proximité des mulets d'équipage ou des bœufs de charroi, à côté de la remise ; les tonneliers près de les leur tonnellerie, les forgerons près de la forge, car ils en étaient les. gardiens responsab La case des commandeurs.. Elle est plus grande que les autres, pour un ménage quand il n’est qu’un commandeur, pour autant de ménat à ges qu’il y a de commandeurs quand ils sont plusieurs. On les construi

l'écart des cases de l’atelier mais avec les mêmes matériaux. L’arma-

bois (2). ture est simplement plus forte et plus lourde, il y entre plus de ier Maulévr caféière la de deurs comman deux les logeait qui case La était fenêtre La fenêtres. deux et aux Matheux avait 25 pieds sur 12 souvent le seul confort qui distinguât ces cases de celles de l'atelier. de Il arrive qu’elles leur soient mitoyennes, mais au commencement cette Mais lance. surveil de et eur d’honn leur ligne comme à la place et d’amourcontiguité est rare pour des raisons combinées de prestige celles des que souvent propre, et elles ne sont pas déplacées aussi nègres-jardins. ndeur qu’a A n’en point douter c’est d’abord une case de comma ai été on ne et cases, ntes visitée ce colon : « Je suis entré en différe des rideaux et ointes courtep des avec lits des peut plus surpris d’y voir pas la plus n’est ce que vrai est Il glaces. petites de avec d’indienne lits (3). » bons fort de grande partie, mais il y en a peu qui in’aient les cases est seulement sur les plantations de plaine que l'on décrit es. Sur sucreri s grande de gardiens de barrière, et spécialement sur les sucrerie la sur 7 est en il Ainsi quelques-unes elles sont nombreuses. ation l'habit Sur 2 etc, rale, a-géné Poix-l sur de Poix-la-ravine, et 4 types deux bien ue Raby, une à l’entrée de Correjolles, etc. On disting sans pa, d’ajou es manièr des , de ces cases ; les unes sont toutes petites de dizaine d’une x, bestiau de cannes, de doute pour gardiens de vivres, et ions, plantat des pieds de côté. Les autres sont à la grande entrée mène

nt de l'allée qui couvertes d’essentes. Plusieurs sont au commenceme

Inventaire après le décès de M. Jean (1) Archives de la Loire-Maritime, E 1094. décembre 1788). mbre(nove uis Montro à Lugé, de comte , Paquet Cahiers des Annales, n° 11, siècle, (2) G. Debien, Études antillaises, XVIII° 113. à 88 p. 1956, in-8°, me; il doit s'agir de la Martinique. (3) Ce colon est malheureusement anony 1036). Ms ales, (Archives Nation

228

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

à la grand’case. Elles sont pour la noblesse du paysage, un ornement qui veut exprimer la richesse d’une famille de colons.

3. Les éléments

des cases.

On a peine à imaginer combien de cases d’esclaves sont” dites en mauvais ou en très mauvais ou en piètre état. On dirait qu’ils ne logent que dans des masures en ruines. Leurs cases ne restent pas bien longtemps debout : les poteaux d’angle pourrissent, le toit est crevé, à moitié enlevé par le vent, les murs se crevassent, s’effritent, tombent : une misère. C’est que même lorsqu’elles sont construites par des entrepreneurs, elles le sont rapidement et avec des matériaux le moins onéreux possible : en bois-pays. Il est des nouveaux qui attendent qu’on leur trouve un abri, des cases d’anciens qui ont été renversées, etc. L’armature des murs se compose de poteaux enfoncés en terre. Un solage est très rare. Ces poteaux sont en « bois rond » « mou », quelquefois équarri, ou en demi-troncs de palmistes. Les poteaux en bois dur sont la marque de maîtres qui s'intéressent au logement de leurs esclaves. Entre Îles poteaux, des « fourches » qui fixent un léger treillage en lattes enduites de terre, ou des gaulettes ; on parle alors de murs clissés. Il s’agit bien plus d’une mince paroi que d’un mur. Ou bien le mur est bousillé, c’est-à-dire composé de boudins de paille ou d'herbe sèche qu’enrobe un mortier de terre. Il est plus de murs bousillés que de clissés. On voit quelques cases « planchéiées » ou « glacéiées » (1). Il n’est presque jamais question de fenêtre. Des cases sont « maçonnées entre poteaux ».

Il doit s’agir de briquetage, mais on ne signale clairement de briques qu'aux Matheux. Un léger crépissage passé à l’eau de chaux cachait le clissage ou le bousillage, un crépissage hâtif était toujours assez bon. Il est dans l’usage de n'employer à la construction des cases à nègres que de mauvais bois. Elles subsistent peu et il faut toujours recommencer, ou bien on n’a pas soit disant le temps de les établir. Elles périssent et les nègres restent exposés à l’injure de l’air d’où naissent les maladies et la mortalité. Il y aura plus d'économie que de dépense à acheter chaque année quelques forts poteaux de bois, soit en

réparation soit en construction à neuf des cases à nègres. Comme le terrain de la savane est plat il convient de donner aux cases une élévation de 9 pieds sous traverse et d’élever le dedans de la case de 8 pouces. Elles en sont plus saines (2).

Dans les mornes, il est aussi des cases légères aux murs « bousillés

entre poteaux », mais sur les caféières importantes, bien assises enfin, c’est « en dur », en solides murs que l’on élève les cases des esclaves. (1) Papiers Butler. Villevaleix à M. de Bonnaventure, 1791. (2) Papiers Grandhomme. Observations, p. 23.

Haut-du-Cap,

30

avril

LEURS

229

CASES

Elles entrent dans le plan général des bâtiments, y ont leur place bien à elles. Ces cases « en maçonne » sont particulièrement nombreuses aux Matheux — caféières Maulévrier, Verger, etc. — et à Fond-Baptiste — caféière Séguineau —, aux Délices (Arcahaye), aux Grands-Bois ; aux

Matheux, la caféière Dijon montre encore au bas du grand glacis central les ruines de ses cases-nègres appuyées au mur de soutènement ; et envahies par les ramifications des figuiers-maudits. Elles sont sans fenêé-

tres : de même à Fond-Baptiste, les ruines des cases de la caféière Séguineau, dite Marécageuse. Les toitures sont beaucoup moins uniformes. La charpente est ordinairement légère, assez négligée. On cite quelques charpentes bâtardes, une fois une charpente « de maître ». Elles sont soutenues par les murs de pignon, et par des « fourches ». De la paille de cannes, ou de maïs, des taches de palmiste, moins souvent de l'herbe de Guinée ou « à panache

», font toit, la paille de têtes de cannes

dominant.

Mais

les bardeaux ou essentes sont loin d’être rares, essentes en bois-pays sans doute, non de France, anglaises ou du Mississipi, réservées à la case du maître. Parfois des tuiles (1). Quand les cases sont en nombre elles ne sont jamais couvertes du même matériau. À Poix-la-générale, au Boucassin,

25 cases sont couvertes d’essentes,

estimées

600

livres

chacune, et 37 couvertes de paille à 250 livres. La sucrerie Deschapelles à la Croix-des-Bouquets a 4 cases à essentes divisées en 5 chambres de et 36 couvertes de paille. A Poix-la-ravine, les cases des gardiens les pour autres, 70 les essentes, des ont s domestique de et barrière esclaves de houe, de la paille. L'emploi des essentes est aussi fréquent . sur les caféières des mornes qu’en plaine : caféière Fesquet à Damemarie Maulévrier aux Matheux, Lavaud à la Grande-Rivière

de Jérémie.

aux C’est une exception de voir les 38 esclaves de la caféière Lacour large, de 15 sur long de pieds 40 de case une dans Cayemites logés essentes en poteaux de bois dur, avec charpente de maître couverte en large. de et précédée d’une galerie de 8 pieds pèrent Quand aux dernières années d’avant 1789, des colons se préoccu nt andère recomm se ils , esclaves de la question du logement de leurs travée la ou case la , ménage un Pour simple. tion entre eux une disposi deur sépade case était divisée en trois parties : deux pièces en profon de la quarts trois aux t montan rées non par une cloison très légère galerie une e courett la sur e derrièr par et mur, hauteur, mais par un toit complémensous le prolongement du toit, ou un appentis avec un taire (3). 1796), 12 cases à 1.000 livres; (1) Sucrerie Mirot aux Vases (n° 7, 7 septembre de 120 x 84 pieds, couverte de sucrerie Fortin à la Croix-des-Bouquets, une case tuiles, n° 4, 4 novembre 1796. (2) Laborie, p. 18-19.

230

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

À aurait été la chambre-cuisine, B la chambre

C la galerie-appentis.

Cette dernière stylisation, si on peut parler ainsi, se multiplie au moment où se développent chez certains colons les soucis démographiques, donc d’hygiène et d’humanité. De nombreux planteurs faisaient badigeonner de chaux l'extérieur et l’intérieur des cases pour mieux en assurer et en surveiller la propreté, mais aussi pour attirer l’œil des passants sur la bonne tenue et même l'air pimpant de leur propriété. Chaque ménage, ou chaque mère avec ses enfants, ne disposait pratiquement que d’une pièce éclairée par une porte divisée en deux à mihauteur pour que sa partie supérieure püût servir de fenêtre pendant que le bas restait fermé. Dans les mornes, à la fin, on construit deux pièces,

l'une pour le jour, l’autre pour la nuit. Il fallait que l’œil de notre colon anonyme pour décrire ainsi la demeure des esclaves : Les cases à nègres Elles sont alignées, envieraient ces cases autant tous les soirs.

fût porté à l’optimisme

forment une espèce de petit village dans chaque habitation. faites en bois, et bien couvertes. Beaucoup de malheureux et bien des officiers de l’armée seraient fort aisés d’en trouver Elles ont 30 pieds de long sur 14 de large, sont composées

d’une cuisine, d’une salle, d’un cabinet et d’une chambre à coucher. Ces cases sont données à une famille (1).

C'était plutôt l'idéal que la réalité. Aux dernières années de l’époque coloniale sont bâties entre les casesnègres et la grand’case, comme si c'était une récente nécessité ou l’ex(1) Archives Nationales, Ms 1036.

LEURS

CASES

231

cachots pression d’un redoublement de craintes, des cachots, dits parfois « maçonne en sont Ils nuit. obscurs ». Le mot dit tout : l’étroitesse, la

près les et couverts d’essentes. Les inventaires de sucreries sont à peu Poix-lan, Boucassi au Thomas et lles Courrejo : parler seuls à nous en a deux on plantati générale et Poix-la-ravine. Le cachot de cette dernière commoaux adossé est cachot le pièces. Sur la sucrerie Mérot aux Vases Grandsdités. Il est quelques cachots sur les caféières, ainsi à Dartis aux Bois (1), où le cachot est voûté.

ires des Les latrines sont décrites de telle manière sur les inventa sont une elles si savoir de e possibl pas est nous ne bâtiments qu’il sont Elles . esclaves des dépendance des cases des maîtres ou de celles tuiles, de ou tes d’essen es couvert et toujours avec solage, en maçonne à l’usage des disposition et matériaux qui feraient conclure qu’elles sont aux Va-ravine Poix-la grand’cases ainsi sur les sucreries Vergés, Mérot, udes-Bo Croixla à Séguier in, ses, Deschapelles et Sabourin au Boucass quets. 4

faire construire Un contrat de l’habitation Savigny à l’Artibonite pour ait pour les demand 6 cases par deux entrepreneurs nous dit ce que l’on s en 3 divisée être 16, sur pieds esclaves. Ces cases devront avoir 46 avec ation d’élév 1/2 pieds 7 auront solage, chambres. Elles seront sur ain pichep de e planch une porte et une fenêtre, ouvertures et cloison en bois en is équarr x poteau de et la couverture en tuile, et les murs faits incorruptible (2). a la procuration de La maison Reynaud et Cie de Saint-Marc, qui es reçoit l’ordre à Verett aux r Breton Deschapelles, propriétaire sucrie 4 cases à nègres, couvertes la fin de 1788, de faire bâtir annuellement (solage), clissées et bousillées, avec poteaux en bois

de tuiles, sur seuil rond, aux moindres frais possible (3).

Fe

ont laissé la silhouette Frossard, Ducœurjoly, Laborie, Malenfant nous ètent. compl se générale des cases-nègres. Leurs descriptions claies qui soutiennent un torchis de Les murs de ces cases sont composés de qu’une porte et une fenêtre. Elles n’ont Elles vache. de bouse de et terre grasse aux Grands-Bois », Revue de la Faculté (1) G. Debien, « Une caféière-résidence 10. p. d'ethnologie, n° 6, 1963, Greffe de Saint-Domingue, car(2) Archives Nationales. Section Outre-Mer. ton 7. et colons de Saint-Domingue, liaisons (3) M"° Fr. Thésée, Négociants bordelais 55. p. d'habitation, Paris, 1972, in-8°,

292

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

sont alignées et quand la plantation est considérable, elles forment plusieurs rues. Cette habitation des nègres est placée à quelque distance de celle des maîtres et sous le vent pour préserver celle-ci des incendies qui sont très fréquents, car les nègres font du feu dans leurs cases pendant presque toute la nuit pour dissiper l'humidité. Chaque case est divisée [séparée] par un espace de 15 à 20 pieds où les nègres tiennent leur volaille et un porc (1).

Frossard n’est pas allé à Saint-Domingue, semble-t-il, ne parle donc pas de choses qu’il a vues. Simplement il résume ce que des colons lui ont appris. Ducœurjoly et Malenfant sont d’anciens gérants : Des maisons construites le plus souvent de l'écorce du palmiste, appliquée par étages à des piliers affermis en terre et dont le sommet est couvert avec les feuilles du même arbre ou celles du latanier ne peuvent offrir aucune espèce de luxe (2). Les cases ou les maisons des nègres sont quelquefois construites de maçonnerie, mais plus souvent en bois revêtu d’un enduit de terre franche préparée avec de la fiente de vache: un cours de chevrons élevés sur ces espèces de murailles et fixés à la pièce qui règne le long du faîte, compose le toit qui est couvert avec des feuilles de roseau, de palmiste, de latanier, d’herbe à panache ou de tête de cannes. Ces cases n’ont qu’un rez-de-chaussée long d'environ 20 à 25 pieds sur 14 à 15 de largeur. Il est partagé par des cloisons de roseaux en deux ou trois petites pièces fort obscures qui ne reçoivent le jour que par la porte et quelquefois par une ou deux petites fenêtres (3).

Près de chaque case, les noirs plantent des piquets en terre pour attacher leurs cochons. Ils y plantent aussi ordinairement un arbre où leurs poules viennent se percher. 4. Le mobilier

des cases.

Dans la demi-obscurité on avait vite fait de dénombrer le pauvre mobilier : d’abord quelques couis ou calebasses de différentes grandeurs,

des canaris, 4 ou 5 plats de bois ou de grosse terre cuite, des fourchettes de bois dur, une dame-jeanne, ou de vieux pots à sucre pour conserver l’eau fraîche, une cruche chez les plus aisés, un pot grossier qui selon les circonstances servait de saladier, de boîte à bijoux, voire

de bas de laine, alors enfoui en terre. Un sac pour mettre la farine, un demi-baril pour laver le manioc ou les patates, un ou deux chaudrons,

une poële et une cafetière. « Un tonneau défoncé par un bout sert à renfermer leurs patates et leurs bananes (4) ». Un mauvais coffre ou une caisse servait de malle où étaient serrés sur la semaine les mouchoirs de tête et de cou, de belle couleur, les ——

(1) Frossard, I, p. 331. (2) Ducœurjoly, I, p. CCV. (3) Ducœurjoly, IL, p. 33.

(4) Id. II, p. 33.

LEURS

233

CASES

il y avait une cotonnades, les jupons fleuris de dentelles variées, quand coquette dans la case ; « un banc, une table » (1). La porte était fermée par une serrure en bois. les travaux de En plaine, et partout où l’on était à l’abri du vent, te : pilonnacouret la dans re derriè ou cuisine se faisaient devant la case,

un chaudron de fonte ge du mil, préparation de la cassave, cuisson dans Souvent un trépied. (2). ou dans une marmite, fournis par l'habitation garde de distribuer t avaien colons Pour éviter les empoisonnements, des n de bois. charbo de on questi n’est il Jamais des ustensiles de cuivre. nuit et pour la que case Les esclaves ne rentraient guère dans leur un feu perrieur l’inté à mais ; née se préserver du froid. Pas de chemi ent les pensai iques moust les r chasse pour t, fuman manent et toujours lueur la de plus En (3). colons, mais assurément par habitude africaine sur les les esclaves, au moins des tisons, un flambeau de bagasse dont

sucreries, avaient toujours une provision. Le P. Dutertre

s’étonnait de la rudesse

des lits :

ne qui ne le crût plus propre à faire Leur lit fait peur à voir, et il n'y a person nécessaire pour réparer les forces. repos le er procur lui qu'à souffrir un corps en forme de claie et élevé de acées entrel es d’arbr es branch Ce lit est composé de n’y a ni draps ni paillasse, il mais : bâtons gros trois pieds de terre sur quatre la grosse côte leur sert Ôôtent ils dont rs balisie de ni couverture. Quelques feuilles ns pour se garantir du haillo nts mécha es de paillasse; et ils se couvrent de quelqu durant la nuit qu’ils ont eu pendant tout froid, qui leur est d’autant plus sensible r extrême où ils sont exposés en travail le jour les pores ouverts par la chaleu lant (4).

Sur ce point, aucun

aufre confort au

cours du

siècle

suivant,

pas

sur piquets ou des planches d’autre literie jusqu’à la fin, qu’une claie tendue plus ou moins riginatte recouvertes de paille de maïs, ou une rsée. renve boîte de sorte t, dement sur un long cageo

les nattes de fibres de palmier, Quelquefois des hamacs, faits comme caféiers, dans les mornes, de eurs pas de paillasse. Quelques plant M. Roy, sucrier au quartier donnaient une couverture. En 1694, chez e un esclave

P. Labat trouv de la Grande-Rivière de la Martinique, le case sur une planche entre sa de u piqué par un serpent, couché au milie

de 1743. (1) Papiers Galbaud du Fort, comptes îles », ue est celui des cases d'esclaves aux Afriq en cases des ier mobil «Le Le (2) in-12, vol. 2 1767, Paris, ise, que frança Demanet, Nouvelle histoire de l'Afri DZ Le S.M. Africain, Paris, 1789, in-8°, p. 61; (3) Lamiral, l'Afrique et le peuple in-8”, v. 2 X, an , bourg Stras et Afrique, Paris Golberry, Fragment d'un voyage en du Sénégal l'intérieur de l'Afrique aux sources IL, p. 304; G. Mollien, Voyage dans , IL p. 239. Labat note. 265, p. in-16, 1889, et de la Gambie, Paris,

(4) Labat, IL, p. 483.

234

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

deux feux et couvert de quelques blanchets, c’est-à-dire de gros draps de laine où l’on passe le sirop dont on veut faire du sucre blanc (1). Leurs lits sont dans de petits renfoncements pratiqués dans les murs. Ils consistent en deux ou trois planches posées sur des traverses. Un billot de bois sert de chevet (2). Cette description vaudrait pour le Sénégal : Les lits sont des claies posées sur des traverses soutenues par de petites fourches qui s'élèvent à un pied de terre : ils s’y couchent pêle-mêle, hommes, femmes, fillés et garçons. On fait le feu au milieu de la case, et il faut être nègre pour résister à la fumée, qui n’ayant point d’autre issue, remplit entièrement leur demeure (3).

Avec l'éloignement des débuts se perd partout le caractère africain des cases. Les extérieurs se carrent, le groupement se systématise, la disposition extérieure tend à l’uniformité. Mais l’intérieur resta toujours de lPAfrique, car les ustensiles, l’aération, la literie, le mode de vie lié au logement, demeurèrent à peu près libres, donc africains. L’industrialisation, pourtant graduelle du type d'habitat, la symétrie, ne pénétrèrent pas dans les cases. 4 II convient d'éviter de parler de village au sujet de ces groupes de cases. Le mot est à peu près ignoré des documents du XVIII° siècle, il ne correspond pas à la réalité. Des suites de cases tirées au cordeau, symétriques, ne rappellent pas un village mais une cité, un camp, un dortoir. Ce ne sont pas les esclaves qui ont conçu leur demeure, ni qui en ont choisi le site. L’ensemble a été préparé de haut et soumis à une destination particulière. On n’a pas à réaménager des bâtisses anciennes. Il s’agit d’abriter de fortes équipes de travailleurs, une troupe. Est-ce là des circonstances propices pour former un village ? Puis le temps a manqué pour cimenter un esprit, ou si chaque plantation a eu son esprit il n’est pas venu de la vie de village, mais surtout du travail en commun. Les familles ne furent jamais assez stables, au moins à Saint-Domingue, pour y apporter leur assise.

me

(1) Labat, I, p. 73, édit. Dechartre. (2) Frossard, I, p. 331.

o PT :

in-8°, p.

Relations de plusieurs voyages

à la côte d'Afrique.

Paris,

1791,

XIII

LE VÊTEMENT

DES ESCLAVES

ent des esclaves ne faciLa dispersion des renseignements sur le vêtem nous allons parler clair voir Pour les. généra lite pas les observations habits des domestiques et d’abord des vêtements des jours de travail, des enfin, passeront sous nos ches, commandeurs, puis des habits des diman es. esclav yeux les silhouettes de quelques 1. Le vêtement des jours de travail. qu'il nous faille invoLe plus ancien et le plus précis témoignage rna à la Guadeloupe séjou qui tre Duter P. du quer ici est encore celui ta à laGrenade, s’arrê et qui entre 1640 et 1642, puis de 1643 à 1647, les mœurs connu a Il 1657. en stophe

à la Martinique et à Saint-Chri des îles et parlé sans réticence particulière.

des esclaves, car si l’on juge ordinaiC’est ici où paraît véritablement la misère richesse des habits qui la couvrent on la par nne perso s très rement de la qualité d’une des haillons de nos nègres qu’ils sont a lieu de dire en voyant la pauvreté (1). monde au soit qui ion misérables et de la dernière condit

on de grosse toile », et sur Les hommes n’ont « qu’un méchant caleç e pour les engagés, les chapeaux la tête un bonnet. Pour les esclaves comm couvertes que « d’une jupe ou sont sont alors très rares. Les femmes ne nd jusqu’à terre à quelques-unes une cotte de la même étoffe qui desce x, sans bonnet ni autre chose mais qui souvent ne Va pas jusqu'aux genou sur la tête » (2). plantation, les enfants vont tout Jusqu'à un âge qui varie sur chaque commencent à leur faire porter nus. Dès cinq ou six ans des maîtres plus tard que les enfants portent une chemise ; mais en général c’est bien un vêtement.

(1) I, p. 585. (2) IL, p. 486.

236

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Survivent alors des coutumes ramenées d’Afrique : les enfants ont les jambes et les poignets ornés de grelots, de bracelets. Ils ont « un collier. et une espèce de ceinture de rassade bleue, blanche ou verte ». Des hommes et des femmes s’oignent tout le corps d’huile de palmiste pour paraître plus noirs, mais, déjà au temps de Dutertre beaucoup ne frottent plus que leur visage et celui de leurs enfants. Est-ce parce qu’ils viennent tous de régions non encore islamisées, ils ne se montrent pas la tête rasée. Ils se font couper les cheveux de près, mais tantôt avec des formes et des figures, ou en étoiles, ou à la façon des religieux, mais la manière la plus commune est par bandes, laissant autant de pleins que de raies. Et ils font la même chose à leurs petits enfants. D’autres attachent leurs cheveux pourtant extrêmement courts à des fils pour les rendre plus longs. Dutertre ne trouve rien de plus désagréable, car de on les

quoi qu'ils s’estiment bien parés quand il leur pend à la tête une soixantaine cordons de coton qui lient leurs cheveux de la grosseur du petit doigt, cependant prendrait pour lors leurs têtes pour celle d’une Méduse à qui les peintres après poètes donnent des serpents au lieu de cheveux (1).

La créolisation assez rapide va supprimer tous ces usages. #

L’édit de 1685 « touchant la police des îles », dit le Code noir (2), a voulu sur beaucoup de points réagir contre de graves négligences des

maîtres d’esclaves. Il ne résume pas un état

vœux. Son article XXV

prescrit que

seront

de

fait,

fournis

il exprime

des

chaque année à

tous les esclaves deux habits de toile, ou quatre aunes de toile (7 m 52) au gré des maîtres. Ce n’était pas pour faire une bien riche garde-robe, et pourtant ces deux « rechanges » ne furent jamais qu’un idéal. Sur la plupart des plantations on n’en distribua jamais qu’un par an et à des intervalles très irréguliers, les casaques de confection et les toiles en coupons

arrivant pas toujours au moment où on les attendait. #

À son débarquement au Fort Saint-Pierre à la Martinique voici ce que vit le P. Labat. « Il vint beaucoup de nègres à bord. Ils avaient pour tout vêtement qu’un simple caleçon de toile, quelques-uns un bonnet ou un méchant chapeau. (3). » (1) I, p. 520. (2) Le Code noir ou recueil des réglements rendus jusqu'à présent concernant le gouvernement, l'administration de la justice, la police, la discipline et le commerce des nègres dans les colonies françaises, Paris, Prault, 1741, in-8°, p. 38. (3) I, p. 66.

LEURS

237

VÊTEMENTS

Tous les esclaves des Antilles allaient sans souliers, sans protection,

sauf ceux du quartier de l’île à Vaches dans le Sud de Saint-Domingue où sévissaient tant de moustiques « que les habitants devaient donner des guêtres [à leurs esclaves]... pour leur couvrir les jambes et les pieds ». Mais cette exception était citée (1). On n’y Les casaques ne vont qu’à cinq ou six pouces au-dessous de la ceinture. peu plus un a qui Vitré, gros du appelée Bretagne de toile grosse la de que emploie l’aulne et que les d’une aulne de largeur, qui coûte en France de 15 à 18 sols is jusqu’à un écu. marchands vendent communément 30 sols aux isles et quelquefo habits par an, Il y a des maîtres raisonnables qui donnent à chaque nègre deux et deux casaques deux et hommes aux caleçons deux et c’est-à-dire deux casaques et ne pas se laisser jupes aux femmes. Par ce moyen ils peuvent laver leurs hardes manger par la vermine... caleçons et une D’autres maîtres moins raisonnables ne leur donnent que deux casaque. une et casaque ou deux jupes et un caleçon D’autres qui le sont encore moins ne leur donnent qu’une casaque ou une jupe.e que de la toile pour Et d’autres qui ne le sont point du tout, ne leur donnent s de fil, sans aiguillée quelques avec jupe une ou faire une casaque et un caleçon leurs hardes, ni où ils se mettre en peine par qui ni comment ils feront faire vendent leur toile et leur fil prendront pour en payer la façon. D'où il arrive qu'ils l’année. toute pendant nus presque vont et aux femmes pour leur Quatre aulnes de toile suffisent aux hommes et cinq de toile aux femmes aulnes deux encore donne donner à chacun deux habits. On enfants que pour se faire un nouvellement accouchées, tant pour couvrir leurs lne ou trois quartiers de large pagne, c’est-à-dire une espèce d’écharpe d’une demi-au le dos quand ils sont assez formés sur enfants leurs lier pour servent se elles dont comme elles font quand ils pour n’avoir plus besoin d'être portés dans un panier sont nouveaux-nés (2).

quand les colons C’était de la forte toile, écrue à l'ordinaire, solide

à vêtir les esclaconsentaient à y mettre le prix, que celle qui servait iers — sept, Vimout de brin de parlent tion planta de s ves. Les compte Laval, de la de urg, huit et trois-quarts —, de Fougères, de Combo de Saintgrosse bonne « de fort, Rochelle ou de Flandre, de gros Fougères de toile La types. ces de guère e s’écart Georges ». On ne coûtait en 1780, 40 sous l’aune (1 m

88), le gros fort et le brin, 48

(3). La toile de et jusqu’à 50 sous. C'était la plus coûteuse de toutes eux. pour Vitré était déjà du luxe navire, parfois à bord, Ces achats étaient faits à des capitaines de chez les négociants on pour les avoir à meilleur compte. En rade ou ses pour habiller les dépen Les les acquiert toujours par pièces entières. (1) Labat, VII p. 258. (2) IV, p. 202. (3) Papiers Croisœuil, comptes du 22 mai G. Debien, Études antillaises, p. 55.

1777, 25 mai

1778

et de 1782; et

238

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

esclaves sont toujours deux ou trois fois plus lourdes que celles pour leur nourriture.

Ces toiles étaient l’objet d’un commerce immense, car elles servaient aussi à vêtir les petits blancs, ces « habitants peu fortunés », et à emballer le coton. On les appelait alors du « balendrap ». Elles étaient aussi employées à recouvrir les paillasses des grand’cases et servaient de draps pour les hôpitaux d’habitation. « On ne s’éloignerait assurément pas d’une juste évaluation en portant à 12 millions (1) par année les ventes à Saint-Domingue des toiles de Saint-Georges, Combourg, gros-fort. Qu’on y ajoute pour au moins 4 millions de vente de brin, Vimoutiers, 7/8 et 3/4 (2) ». Après la guerre d'Amérique les colons se plaignirent des fraudes sur ces toiles vendues plus légères, moins solides, dont « les malheureux » esclaves des mornes pâtissaient surtout.

Les distributions de vêtements tout faits ne paraissent s’être développées qu’au XVIII: siècle, et elles ne dominèrent jamais les coupons de toile dans les comptabilités des plantations. On combina les deux procédés. Tantôt une couturière de la grand’case taillait et cousait les rechanges dans la toile de chaque esclave, la plantation se chargeant de la façon, tantôt elle ne fournissait que le fil, de Rennes toujours ; à chacun de s'arranger. Façon et rapiéçages à l’occasion étaient payés alors avec les petits bénéfices du jardin particulier. A l’Arcahaye sur l’habitation de M”*° Lecomte, c’est la femme du colon qui discute pour les noirs les prix demandés par la couturière, une libre. Ils préfèrent cette manière de faire qui leur permet quelque personnalité vestimentaire. Seuls les esclaves nouveaux étaient vêtus alors directement par leurs maîtres.

La même toile était donnée aux hommes et aux femmes. Mais ne recevaient pas partout de quoi faire faire deux rechanges par an.

ils

Sur l’indigoterie Guiton-Trembley à l’Arcahaye en 1778, les esclaves du jardin n’avaient vers la fin de l’année que quatre aunes, hommes et femmes indifféremment. Le président Pays du Vau, un des propriétaires de la sucrerie Grandhomme au Cul-de-Sac, recommande à son gérant en 1786 : Il est d’équité un rechange aux qui puissent en 4 sols par aulne

naturelle et l'ordonnance l’exige (3) qu’il sera donné chaque année nègres et négresses. Il n’est point en ce temps de paix de raisons dispenser (4) et j'approuve de plus qu’on ne regarde pas à 3 ou pour avoir de la bonne toile et qu'on fournisse aux nègres nou-

(1) D’aunes.

(2) colon (3) (4)

Papiers François de Neufchâteau. Archives Nationales, 27 AP, 11. P. Zarrat, à l’Acul de Samedi, au quartier Dauphin, 8 janvier 1783. Il s’agit du Code noir, mais c’est deux rechanges par an qu'il exigeait. La guerre d'Amérique avait arrêté les arrivages de toile.

239

VÊTEMENTS

LEURS

veaux plusieurs rechanges jusqu’à ce qu'on voie qu’ils peuvent particulier se procurer quelques hardes (1).

A Jean-Rabel, Stanislas esclaves de sa sucrerie :

Foäche

demande

deux

par leur travail

rechanges

pour les

les nègres Les négrillons et négrittes doivent avoir deux rechanges par an et aussi De même les . eux-mêmes par ressources des aient qu'ils ce jusqu'à nouveaux nègres. Ainsi il faut misérables (2). Il les faut donner tout faits à cette espèce de de faits. Nous les occuper les négresses de case à en coudre et toujours à en avoir la Combourg et * donnons en gros parce que cette toile est plus facile à avoir que de ceux à qui qu’elle fait partie de nos cargaisons. Il faut aussi tenir note exacte souvent pour boire. on donne, pour éviter les abus. Les mauvais sujets en vendent chemises et bonDu gingas (3) pour les enfants de tout l'atelier à la mamelle pour nets (4).

Deux casaques par an n'étaient pas à vrai dire le lot ordinaire. Aussi

les esclaves de jardin allaient

en

haïllons,

au

moins sur

la semaine,

pas presque nus. C’était la honte des voyageurs. Le Code noir n’était re. nourritu leur pour que plus observé pour le vêtement des esclaves les et cents convales les er bénéfici faisaient Quelques colons seulement dépense grosse une C’était casaque. e deuxièm d’une atelier vieux de leur l’acquéque de l’acheter 4 livres 10 sols ou 5 livres. Le seul fait qu’on que ce montre passage, de eurs pacotill rait comme les mouchoirs, aux nnel. exceptio assez ent supplém vêtement était un et 8 aux Sur la fin, des plantations donnèrent 7 aunes aux hommes rechandeux l, paraît-i tailler, faire se nt femmes. Les hommes pouvaie ne. africai e coutum une ait appliqu On pagnes. deux femmes ges et les ou quelLes toiles et les casaques étaient distribuées la veille de Noël pour décent nt vêteme un avaient s esclave les Ainsi ques semaines plus tôt. froid le où rs quartie les fêtes et pouvaient se couvrir un peu dans les était redouté. pas pour les Mais tous ces vêtements étaient légers. Ils ne suffisaient Quelques s. chaude vestes mois d’hiver dans les mornes. Il eût fallu des chaque faire faisait homme Grand e colons y pourvoyaient. La sucreri de ant intend ancien s, Bongar (5). s esclave ses année des gilets pour sa pour 1774 mai 16 le Saint-Domingue, achète 60 « gilets à nègres » tion planta sa comme Mais livres. caféière des Délices, au prix de 162 gilets sont pour l’hôpital, a plus de 60 esclaves, on peut penser que ces

le 7 novembre 1773, et les de même que les 12 casaques, à 7 1. 17 s. pièce

(1) Papiers Grandhomme. Observations. Les rechanges annuellement. (2) Les infirmes et les vieillards. (3) Toile de Bretagne. 125. (4) G. Debien, Plantations et esclaves, p.

(5) Papiers Grandhomme,

1° mars 1785.

nouveaux

usaient

plus

de

deux

240

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

12 couvertures à nègre, du 10 juillet 1774 (50 livres). Cependant ailleurs, il est bien question de 6 couvertures de laine pour l'hôpital, à 7 1. 10 sols. Mais, le 27 décembre 1784, aucun doute, c’est 24 douzaines de couvertures à nègres, pour 1480 livres. Il ne s’agit plus d'hôpital. Sur les plantations que dirige Bongars les achats sont fréquents de couvertures de laine ou de coton : à 49 livres pour celles de laine, à 41 pour les autres. Mais la pratique ordinaire était autre, et de nombreux colons tenaient pour générosité d’abandonner à leurs esclaves pour se couvrir la nuit de vieux blanchets qui ne pouvaient plus servir à passer les

sucres. J'ai distribué à vos nègres, écrit à M"° du Fort son gérant de Léogane le 14 octobre 1769, depuis trois semaines la toile que l’on a coutume de leur donner tous les ans au commencement de janvier. L’intention est de les préserver du froid. Je ne puis approuver que pour avoir l’air de leur distribuer des étrennes l’on attende que la saison soit passée avant qu’ils soient en état de se couvrir.

Lui répartissait dès le mois d’octobre la toile achetée pour la Noël. La couleur grise ou bleue de la toile donnait un air uniforme à toutes ces casaques et jupes, quand elles étaient dans leur neuf. 2. Les domestiques.

Les domestiques, les commandeurs, aussi les ouvriers parfois, étaient bien plus soigneusement vêtus que les autres esclaves, et cette différence était ancienne, puisque le P. Labat demande déjà que ceux qui servent à la grand’case soient habillés d’une toile plus belle (1). Cela devint vite une tradition. Une ordonnance des administrateurs des îles du Vent sur le luxe des esclaves réglementa le 4 juin 1720 la séparation qui s'était ainsi peu à peu établie. 1°) Ceux qui servent au jardin et à la culture des terres ne pourront à l’avenir être habillés que conformément à l’ordonnance de 1685 et de toile de Vitré, soit pour chemise et caleçon, et tout au plus de chemises de gros Morlaix et de caleçons et jupes de gros gingas ou grosses indiennes pour les fêtes et dimanches, sans or porter d’autre habillement sous peine de prison et de confiscation de leurs ardes. 2°) Ceux qui servent à titre de valets ou de servantes dans les maisons pourront se vêtir de toile de Vitré ou de Morlaix ou de vieux habits de leurs maîtres, avec colliers et pendants d'oreilles de rassade ou argent et pourpoints et candales de livrée suivant la qualité de leurs maîtres, avec chapeaux et bonnets, turbans et brésilienne simple, sans dorure, ni dentelle, ni bijoux d’or, de pierrerie, ni soie, ni ruban. 3°) Les libres pourront porter de la toile blanche de gingas, cotonille, indienne ou autres étoffes équivalentes de peu de valeur, avec pareils habits dessus, sans soie, dorure ni dentelles, à moins que ce ne soit à très bas prix (2).

(1) IV, p. 204. (2) É. Petit, I, p. 83.

LEURS

VÊTEMENTS

241

Mais il y a des accommodements avec le ciel, et même avec l’administration car les colons tiennent à être entourés d’un service qui présente bien et qui marque leur rang. La toile des rechanges des domestiques à la grand’case de la sucrerie Croisœuil au Terrier-Rouge et le drap de leurs habits sont choisis fins. Dans les comptes de cette habitation l’on trouve pour un demi-siècle les dépenses pour vêtir les serviteurs et les négrillons. On fait venir un tailleur pour habiller les valets et postillons (1). Le départ pour l’apprentissage au Cap de deux jeunes filles du TerrierRouge, le départ aussi pour le Cap de deux autres apprenties de la sucrerie du Fort, de Léogane en 1780, précisent le prix des vêtements neufs qu’elles emportent sur elles. Dans ces deux cas, ce prix monte à 40/45 livres. Il faut supposer qu’on a permis à ces ouvrières de preste allure, quelque coquetterie pour faire parler au loin de la bonne tenue des plantations d’où elles viennent. Leurs vêtements ordinaires de travail doivent être moins

indispensable vingtaine de tements d’été Les habits

coûteux.

Un bon habit de femme

avec le foulard,

complément, paraît coûter à Saint-Domingue en 1780, une livres. Est-il possible de comparer ce prix à celui des véd’une paysanne à la même époque ? des domestiques sont particulièrement choyés. A la Grande

Anse chez M. de Broc on achète pour Toulouse, serviteur, une chemise

blanche et un habit pour 42 livres 10 sols (29 juillet 1769) et en octobre 4 pièces de toile de Bretagne qui doivent faire à chaque domestique une chemise blanche à 12 livres. Pour Marie-Thérèse, pour Hortense et pour Eulalie et ses enfants on dépense 48 livres de chemises neuves. Les cochers qui portent au loin le renom d’une maison sont mieux

nse, sont vêtus encore. À Jean, cocher de la sucrerie Broc à la Petite-A

ses données le 16 octobre 1776, 5 chemises à 10 livres 4 sols pièce. Pour ye, l’Arcaha A sols. 12 livres 178 année-là vêtements il est dépensé cette toile au sur l'habitation La Barre, Pierrot, le cocher, reçoit 5 aunes de de cocher de is, lieu de 4 accordées aux esclaves de jardin. Jean-Lou

et des chemises M"° de Motmans, se voit donner une veste, un habit une veste, deux 1778, février En s. 10 1. 133 C’est en décembre 1772. chose : 106 1. même chemises, un chapeau : 108 1. 10 s. ; en 1779, la

plus belle que Le premier indigotier est récompensé par une casaque valeur de 39 d’une chapeau un par et es celle des esclaves ordinair livres — pour les dimanches. livres. Elles sont Les chemises pour ouvriers coûtent, en nombre, 4

toutes faites ». de toile blanche. Bongars d’un coup en achète 153 « sont prises elles quand plus de livres Elles sont à payer une ou deux de Cholet toile en tête, de irs moucho Les nt. seuleme par demi-douzaines (1) Comptes de 1771 et de 1777 en particulier.

242

sont au même c’est seulement Ces mouchoirs bleu dominent. froid. Avons-nous

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

prix. Ils ne semblent pas réservés aux ouvriers (1). Mais à eux que nous en voyons distribuer dans les comptes. sont de couleurs bariolées, mais le rouge, le jaune et le Ils étaient utilisés comme foulards quand ïil faisait affaire ici à des ouvriers ou à des esclaves de jardin ?

J'ai reçu le drap que vous m’avez envoyé. Permettez-moi de vous dire qu'il est trop beau pour toute sorte de nègre. J’en ai donné ci-devant aux dix meilleurs sujets et il m'en reste encore de quoi faire deux vestes que je ferai faire au premier jour. Enfin ils se ressentiront de votre générosité et j'en espère un bon effet. Mais jusqu’à présent nous n’avons pas songé aux négresses. Certaines ne méritent pas moins votre attention et souvent sont plus faciles à gouverner que les hommes. Cependant, mesdames, je vous prie de ne me rien envoyer que lorsque vous aurez reçu le mémoire de ce qu’il conviendrait d’avoir (2).

Avant de repartir pour Le Havre

Stanislas

Foäche jette un

coup

d'œil sur les vêtements des esclaves de sa sucrerie de Jean-Rabel : T1 faut aux cabrouetiers, indigotiers, gardiens de vivres à poste fixe, gardiens des mornes, hattiers, arroseurs s'ils travaillent la nuit, maçons, charpentiers, à chacun une casaque (3). Aux indigotiers un rechange de Vimoutiers s’ils font bien leur devoir pendant la coupe. Mais dans ce temps seulement. Les domestiques avaient l’air misérable. Pour sa bienvenue M. Paris (4) prendra au Cap de quoi leur donner à chacun deux rechanges, y compris les mouchoirs, l’un de brin complet, l’autre d’une chemise blanche, toile de Rouen de 3 livres 10 sols à 4 livres l’aune et d’une cotte ou d’une grande culotte de toile blanche et bleue de Rouen, 5/8 fil et coton, ou façon de coutil de 3 livres 15 sols à 4 lLivres. Pour l’hospitalière, une cotte d’indienne et pour celle qu’il prendra pour avoir la direction du ménage. Si les commandeurs n’ont pas eu leurs étrennes en redingotes et les autres en casaques, il leur donnera, au cocher tous les ans : veste et chapeau, et à tous les domestiques aussi, une casaque (5).

d'animaux

Bayon de Libertat, un des gérants de l’habitation Bréda au Haut-duCap, achète pour les commandeurs de belles redingotes de drap à 25 livres 15 s. l’une (6). Partout l’habillement des commandeurs était plus soigné : redingotes, de préférence bleue, un grand chapeau.

(1) «Les habitants qui sont attachés à leurs nègres doivent donner

deux fois

par an à chacun d’eux un habillement, savoir : aux hommes, une chemise, une longue culotte et un mouchoir, et aux femmes : une chemise, un jupon et un mouchoir. » Ducœurjoly, I, p. 44. (2) Papiers Galbaud du Fort, Parison, Léogane, 17 octobre 1772. G) On pourrait en conclure que les esclaves de jardin n’avaient pas de vêtements tout faits. Que de la toile. (4) Le nouveau gérant.

(5) G. Debien, Plantations et esclaves, p. 124. (6) Papiers Butler. Comptes de l'habitation du Haut-du-Cap, 4 février 1789.

LEURS

VÊTEMENTS

243

3. Le dimanche

Les voyageurs s’accordent pour dire que les esclaves au travail sont

souvent misérablement vêtus, quelques-uns couverts de loques, mais ils sont aussi unanimes à nous assurer que le dimanche il n’en est plus de même. C'était le jour général de la coquetterie. Cette différence fut sensible dès le début de l’esclavage colonial. le P. Dutertre, les hommes ont une chemise et un chapeau. Les femmes ont aussi une chemise avec de quelque serge rouge ou bleue. Et c'est tout ce de leur donner quand ils les entretiennent. S'ils veulent avoir quelque chose pour se parer où pour parer leurs enfants, ils sont obligés de se le procurer eux-mêmes. Leur plus grande ambition c’est d’avoir de belles chemises et quelques glands à leur chapeau ; les femmes sont curieuses de jupe de belle toile blanche, qu’elles préfèrent à toutes les étoffes comme plus capables de relever leur noirceur en quoi elles mettent leur plus grande et beauté. Quand elles ont leurs beaux habits de toile, elles portent des colliers de rubans des avec rangs cinq ou quatre à blanche rassade des bracelets de fort couleur à leurs cheveux, à leurs chemises et à leurs jupes et se tiennent propres les jours où elles ne travaillent pas (1).

Les dimanches et fêtes, dit caleçon de couleur avec un une jupe de toile blanche ou que les maîtres sont obligés

Au cours de la semaine, l’esclave portait le vêtement de la soumission, le dimanche le vêtement qui était bien à lui, qu’il avait acquis des pourboires du maître ou des produits de son jardin. Cet habit soigné le mettait dans son meilleur jour. Les noirs, dit le P. Labat, « sont toujours glorieux d’une coiffure ». Les engagés aussi. Tous étaient bien de leur siècle. Les hommes portaient le dimanche un chapeau, une chemise et un caleçon de belle couleur. Au chapeau un galon ; quand on ne pouvait songer à des glands, des boutons d’argent ou de métal blanc ornaient la chemise ; des bagues les doigts. de Autant qu’elles le pouvaient, les femmes faisaient écho à la mode

France fort portée aux rubans. trouLes administrateurs et magistrats, gens grognons par profession, s au-dessu s dépense grandes des cause vaient ces habitudes dangereuses, ne Ils ge. libertina au et vols aux ainsi portées esclaves des moyens des au voyaient pas d’équilibre entre le luxe des femmes et leur vertu — moins le dimanche. Ces habitudes, propres d’abord aux esclaves des villes, furent aussi ts plus bientôt celles des domestiques de plantation (2). Les vêtemen nse. Les beaux, que leurs maîtres leur avaient donnés, étaient une récompe reçues. ions félicitat des r porter, c’était s’honore (1) I, p. 486. (2) Labat, IV, p. 489.

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244

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Des ordonnances somptuaires cherchèrent à mettre ordre au luxe des femmes, à imposer plus de simplicité dans leur toilette. On croyait ainsi les réduire à la vertu. Ces ordonnances et réglements font l’effet d’un air d’orgue de barbarie. On s’en prit surtout aux mulâtresses qu’on voulut astreindre aux prescriptions du Code noir (1). Ce fut peine perdue. L’impuissance de l’administration fut aussi grande pour faire appliquer ces articles que pour les autres (2). #%

4. Signalements d’esclaves.

Tous ces renseignements ne nous mettent pas en face des esclaves, mais devant des silhouettes rapides, ou des généralités. Ils laissent beaucoup à faire à l’imagination. Voici heureusement comme des photographies : les signalements des marrons repris et mis à la geôle jusqu’à la réclamation de leurs propriétaires. Les premiers journaux des Antilles prirent l’habitude de publier ces signalements : la Gazette de Saint-Domingue dès son numéro du 15 février 1764, la Gazette de la Martinique la même année. Bien que précises, ces notes ne donnaient pas au début, les détails que nous désirons sur les vêtements des esclaves ; leurs étampes, les

incisions sur le visage ou sur le corps, les marques individuelles, étaient à peu près méthodiquement décrites : l’état de la dentition et de la chevelure, les traces de coups ou de brûlure, mais pendant longtemps rien sur les vêtements parce que, pensait-on, ils n'étaient pas assez caractéristiques pour permettre d’identifier un fugitif ; ce ne sont des renseignements que de très loin en très loin. Le premier signalement par les habits est celui d’un nommé JeanJacques mulâtre, le 18 juillet 1764 : portant une grande culotte et une chemise de fil d’épreuve à fond blanc à grandes haies bleues (3).

Aux dernières années du XVIIT° siècle, à peu près toutes les gazettes coloniales multiplient les descriptions vestimentaires et ces descriptions sont assez uniformes pour se prêter à un résumé ; mais n’oublions pas que l’état des vêtements ne dépend pas seulement du souci individuel du marron, mais de la durée de son marronage et du temps qu’il a pu faire. Tout le monde est vêtu de toile : les hommes d’une chemise (de Vitré ou de gingas) et de culottes, tantôt longues, on dirait parfois des culottes (1) Durand-Molard, Code de la Martinique, I, p. 159, Réglement du 4 juin 1720. (2) L. Peytraud, p. 226-232. (3) Gazette de Saint-Domingue, 1764, p. 804.

LEURS VÊTEMENTS

245

bouffantes à l’orientale, tantôt courtes (de brin, de coutil, de grosse toile, de rondelette, rarement de Vitré ou de Colette, et plus rarement encore de gingas). Le gingas serait réservé aux chemises. Il y aurait donc déjà des

spécifications dans les vêtements. Les deux pièces des vêtements d'homme ne sont plus automatiquement de la même toile, ni automatiquement de la même couleur. Les casaques sont rares ainsi que les vestes, marque des esclaves choyés. A la Martinique, une fois, « un vieil habit de camelot ». Ce n’est pas le camelot qui surprend, ce n’était pas une toile de bien grande valeur, mais « l’habit » (1). Au-dessus de sa casaque bleue, Joseph, Sénégalais de 22 ans, a mis une candale de grosse toile (2). Ces chemises, jupes et culottes sont peu souvent écrues. Il en est de toutes blanches, mais la couleur bleue domine, rayées ou à petits car-

reaux. Un marron repris à la Martinique a une chemise blanche et une culotte rouge. C’est un créole. Les esclaves ont toujours un couvre-chef, au point que la tête nue est un signalement. Sont découverts quelques nouveaux. Un chapeau de paille est la coiffure ordinaire, mais on ne précise pas toujours en quoi est le chapeau. L'expression « un vieux chapeau » dit tout. Les chapeaux ronds en laine, les casquettes de laine, sont pour les mulâtres (3). Les signalements des femmes

sont moins nombreux,

car elles furent

beaucoup moins à s’enfuir. Ils représentent des extrêmes : les femmes sont, ou mieux vêtues que les hommes ou plus fréquemment en haïllons. ; Jamais de chapeau, maïs un mouchoir de tête ou un morceau de toile leurs chemises sont en fil d’épreuve. Moko, de Désirée, de 22 ans, a une jupe de gingas à petits quadrillages. Silvie, et un mouchoir neuf 18 ans, une jupe neuve de gingas à grands carreaux bleus bleu à raies rouges (4).

La chemise et la jupe sont parfois blanches, mais on ne peut pas dire

nouvelle, si ce sont couleurs ordinaires ou couleurs de dimanche. Une Auraïitjaune. et une Sousou, de 45 ans, a un collier de rassade rouge

ue, elle ramené ce collier d'Afrique ? Le 10 juillet 1790, à la Martiniq Antilles des d’une venue créole une doute sans Mariette, parlant anglais, anglaises, a un collier à deux cornes. 5

de Détail qui a grand sens : les nouveaux qui s’échappent sont loin ion. l'except même c’est : neufs ts vêtemen des porter tous (1) Gazette de la Martinique, 19 février 1789. (2) Gazette de la Martinique, 19 mars 1789. (3) Gazette de la Martinique, 26 octobre 1790.

(4) Gazette de la Martinique, 7 août 1788.

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sm

246

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Voici d’abord les mieux vêtus des nouveaux : deux Sousous, un homme

et une femme, sont repris le 19 juin 1788 au Petit-Bourg de la Guade-

loupe (1). Ils ont chacun une chemise de grosse toile, l’homme un chapeau

et une culotte courte ; elle, une jupe et un chapeau, fait unique. Des chapeaux sont distribués aux nouveaux, peut-être aux femmes aussi bien qu’aux hommes ; ensuite les femmes délaisseraient leur chapeau pour revenir à l'usage africain de se couvrir autrement la tête. Le 5 juin 1788, à la Basse-Terre de la Guadeloupe, deux marrons sont mis à la geôle : Pamphile, fait au pays, et un nouveau, mais tous les deux Ibos : fugitifs ensemble ils ont été repris en même temps. Ils sont vêtus pareillement d’une casaque rouge et d’une grande culotte de brin. Le 27 octobre 1788, deux Bibis, nouveaux, ont chemise et culotte

courte de Vitré. Un autre est vêtu d’une chemise neuve à petits carreaux. Mais le lot ordinaire est de vieux vêtements ou des haïllons. « Sans chemise », « sans chapeau », sont un signalement de nouveaux. Suzanne, Mine, n’a qu’une mauvaise toile grise qui lui couvre la ceinture (2). Un Moko, de 18 ans, n’a qu’une mauvaise chemise de brin et au cou un morceau d’indienne rouge et bleue. Pas de culotte (3). Un autre nouveau

n’a pour tout qu’une vieille étoffe de laine rayée autour des reins et un

vieux chapeau de paille. Un Kimbo, de 22 ans, est couvert d’un vieil

habit de camelot avec un « vieil haillon à l’entour » (4). « Vieille chemise » « vielle culotte et haïllons » sont répétés trop familièrement au sujet de nouveaux pour qu’on puisse penser qu'ils avaient reçu des vêtements neufs que les travaux et les longues courses ont usés (5). On distingue bien lorsqu'il s’agit de vêtements déchirés ou de vêtements vieux. Il faut croire que les nouveaux ne recevaient de rechanges neufs que quand on n’en avait pas de moins bons à leur distribuer. Les vêtements des morts ou laissés par les marrons seraïent donc récupérés, les nouveaux ne recevant de rechanges neufs que par chance. Ils ne sont vêtus décemment que plus tard quand, entrés dans le grand atelier, et que leur jardin produit, ils peuvent s’acheter des chemises, de la toile pour se faire vêtir. L'état général des vêtements des esclaves dépend donc surtout de leur pécule, de leur esprit d'économie, de leur savoir-faire, c’est-à-dire beaucoup plus de leur amour-propre que des distributions de leur maître.

(1) Gazette (2) Gazette (3) Gazette (à) Gazette reins et sur la (5) Gazette

de la Guadeloupe, de la Martinique, 26 avril 1789. de la Martinique, 9 octobre 1789. de la Martinique, 19 février 1789. Un haillon de toile grise sur les tête, est signe d’un nouveau. de la Martinique, 26 juin 1789.

LEURS

247

VÊTEMENTS

Les nouveaux ne sont pas seuls à être couverts de haillons. Des esclaves depuis longtemps au pays, des créoles même, n’ont rien à envier aux plus

miséreux des nouveaux. Noël, créole du Fort-Royal, âgé de 12 ans, est repris sans culotte, avec une chemise, et sur la tête un mauvais Mmouchoir (1). Galion, créole de 20 ans, n’a que de vieux haïillons (2). Théodore, créole lui aussi, repris à Basse-Terre le 27 octobre 1789, âgé

de 50 ans, n’a qu’une vieille culotte de brin, et une veste de soldat, sur leLe de laquelle se voient des marques et des lettres faites avec de la rouille. Cependant les créoles se distinguent à l’ordinaire à l'état de leurs vêtements, à des habits Hippolyte, de 35 ans, Jean-Pierre, calfat, a habit rayé avec une

mieux ajustés. Au Fort-Royal, le 17 juillet 1788 : « bien vêtu, bonne mine » ; le 25 décembre 1788, une veste verte ; François, âgé de 23 ans, « un chemise et une culotte blanche » (3) ; le 25 sep-

tembre 1788, Marin, 30 ans, porte « la queue et des souliers » ; Zéline, cuisinier de 23 ans, porte un pantalon de rondelette, une chemise de

gingas bleue et une casquette de laine (4).

En s’habillant plus soigneusement les créoles marrons cherchaient à passer pour libres : Philippe, âgé de 33 ans, porte queue et lévite et bien se dit libre ; à Basse-Terre (Guadeloupe) : Jean-Claude, « en veste, harcette e permettr se t pouvaien créoles Des (5). » libre disant se vêtu,

africaine. diesse parce que leur langage ne révélait pas leur proche origine colons Les vols d’habits étaient des incidents courants et prévus. Des esclaleurs de s casaque font mettre leurs initiales sur les chemises et l’autre à ion habitat d’une hardes les ent ves (6). On se volait plus facilem qu'entre esclaves de la même habitation. À

que portent Deux grands traits ressortent de l’ensemble des vêtements mê-

s ou les marrons. D’abord leur variété. Il est des marrons en haïllon entretien. bon en , seyants , propres nts vêteme me presque nus. Il est des lier particu re Ces différences dépendent de bien des choses. Du caractè plande ceux de ville de s de chaque esclave. Elles séparent les esclave les nouveaux tation, les domestiques des travailleurs « de terre », aussi (1) Gazette de la Martinique, 18 juillet 1789. (2) Gazette de la Martinique, 26 juin 1789. (3) Gazette de la Martinique, 10 février 1790. (4) Gazette de la Martinique, 1°° avril 1790. (5) Gazette de la Guadeloupe, 31 juillet 1788.

(6 Gazette

29 mai 1789.

de la Guadeloupe,

26 octobre

1788

et Gazette

de la Martinique,

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

248

des faits au pays et des créoles. Elles soulignent des différences sociales. On les a vues. Mais à n’en pas douter elles disent quel jour de la semaine ont fui les esclaves de plantation, s’ils se sont échappés un dimanche ou un jour de travail. On n'arrive pas à se rendre toujours bien compte si le vêtement a s

été fourni par le maître ou choisi par l’esclave, couleur, tissu et forme, et donc payé de ses deniers ; mais on n’échappe pas à l'impression que

les haillons, les casaques sales et déchirées, les pantalons en lambeaux ont

appartenu à des vêtements distribués par les maîtres. C’est comme si les colons ne s'étaient jamais sérieusement astreints à vêtir décemment leurs esclaves. Pour le travail aux champs leurs gens étaient, pensaient-ils, toujours assez bien vêtus. Les deux rechanges annuels que leur bonne conscience et le Code noir, imposaient aux meilleurs, étaient très rapidement usés. Les esclaves attendraient bien la Noël. Pour les dimanches, c’est-à-dire les sorties, le principal, ils s’en remettaient à la coquetterie,

au savoir-faire des esclaves eux-mêmes, à leur pauvre bourse, et ils les voyaient s’habiller mieux que décemment, et à leurs frais, ce jour-là. La négligence des colons en a été encouragée, et beaucoup d’entre eux ont, jusqu’à la fin, considéré le vêtement ou la toile qu’ils donnaient, comme une récompense.

XIV

LES ESCLAVES

ET LA RELIGION

esclaves fut évidemment le Ce qu’il y eut de chrétien dans la vie des mêmes, qui ne se soucièrent reflet de la vie religieuse des colons euxqu’ils vivaient eux-mêmes tant qu’au de la religion sur leurs plantations

en chrétiens.

Antilles aux XVII et XVII On a beaucoup écrit sur l’église aux sur la religion des esclaves, siècles (1), sur le clergé, mais peu ou point parlerons pas ici des instine sur leur instruction religieuse (2). Nous , de oire religieuse des Antilles françaises (1) L’Essai bibliographique sur l’hist un premier guide. Voir aussi du même : p.) sera des docuJ. Rennard (Paris, s.d. in-16, 94 aises des origines à 1914, d'après Histoire religieuse des Antilles franç p. (presque exclusivement sur la Martinique) ; 440 in-8°, ons, juin, ments inédits, Paris, 1954, les », in Revue d'histoire des missi «Les missions catholiques aux Antil colonies françaises aux des ieux relig «État — au XVIT° septembre 1935 et mars 1936; et protestants aux Antilles françaises coloniale on Antilles en 1743 », id. 1930; « Juifs ituti const de t proje Un « Roussier, religion aux siècle », ibid., sept. 1933; — P. mars 1936; — R° PJ. Janin, La Paris, s.d. pour le clergé aux Antilles », ibid., ), ution Révol la à régime (de 1624 colonies françaises sous l'ancien ngue : P. Condon, « The -Domi Saint Sur el. offici assez Records and (1942), in-8°, 234 p. — ngo », U.S. Catholic Hist. Soc. Church on the island of San Domi et XIIL, p. 11-60; — William A. Trembley, 1919 Studies, 1918, XIL, p. 7 à 28 et on the French -Dominique during the last years « The status of the Church in Saint 11-18, et tous p. 1961, april 1, n° X, Studies, publications monarchy, 1781-1893 », Caribbean des tout avant sont qui e du Cap, les ouvrages de Mer Jan, ancien évêqu Cap-Haïtien, 1942, in-8°, 71 p. Histoire relisse, p. ; Port-aude documents : Le Cap, la paroi Port-au-Prince, 1949, in-8°, 164 gieuse du Cap. Notes et documents, 527 p. et les Congréin-8°, 1956, ibid., euse, religi oire 1951, in-8°, Prince, Documents pour l'hist Saint-Domingue, 1681-1793, ibid., gations religieuses au Cap-Français,

234 p.

la France, Vaumas, L'éveil missionnaire de in-8°, (2) L'ouvrage de Guillaume de 1942, Lyon, , gères étran ons aire des missi d'Henri IV à la fondation du sémin ngélisation des Caraïbes. R‘ P.A. l’éva qu’à guère ache s'att ne ibution au 454 p., p. 195-220, aises (XVII°-XVIII° siècles), contr Gisler, L’esclavage aux Antilles franç la 3° partie p. 150-209,

in-8°, 213 P. Voir problème de l'esclavage, Fribourg, 1965, res. onnai les missi

250

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

tutions ecclésiastiques ni des ordres et congrégations ou seulement par rapport aux esclaves et à leur vie chrétienne. Un sociologue étudierait comment les croyances africaines se sont mêlées à une certaine foi chrétienne, à partir de quand cet emmêlement apparaît, s’il se développe avant l'époque de l’indépendance d'Haïti, si on le voit dans nos autres îles. Il est si peu de documents sur cet aspect de la vie religieuse des esclaves avant le XIX° siècle et je suis si peu africaniste, que je laisse cette étude aux gens compétents. 1. Au XVIlT'siècle (1).

Les esclaves introduits en nos îles au milieu du XVII: siècle étaient avant tout des esclaves de prise, c’est-à-dire de traite portugaise et espagnole. Or les Portugais avaient pour principe de n’introduire en Amérique que des esclaves qu’ils avaient baptisés déjà en Afrique. Les esclaves. pris sur les Espagnols ou sur les Portugais sont ordinairement chrétiens quand ïls nous sont vendus car ils ne font point de difficulté de les baptiser sitôt qu’ils les ont achetés en Afrique dans l'espérance de les instruire quand ils seront chez eux. Mais ces sortes de baptisés n’en sont pas plus savants

dans nos mystères et ne nous donnent pas moins de peine à instruire que ceux qui ne l'ont pas été (2).

Cette pratique remontaït au moins à la deuxième moitié du XVI° siècle. Vers 1619, le « vicaire général » qui était le seul prêtre à avoir juri-

diction à Luanda en Angola,

conférait le baptême à tous les esclaves. Il n’examinait pas leurs dispositio ns et ne leur donnait pas la moindre instruction préparatoire. Il en était d’ailleurs incapable puisqu'il ignorait le kikongo, mais pour chaque baptême il recevait une certaine redevance. et l’évêque Emmanuel-Baptiste, qui signale l’abus à Rome, estime néanmoins qu’il faut le tolérer puisque c’était la principale ou l'unique ressource du curé (3).

Le baptême leur était donné le plus souvent à l’embarquement, sur la plage. L'obligation fut imposée par le roi de Portugal de concentr er aux îles du cap Vert, avant leur départ pour le Brésil, tous les esclaves traités en Afrique afin de baptiser tous ceux qui ne venaient pas du Congo ou de l’Angola, sans doute parce qu’ils étaient censés y avoir été baptisés. Cet ordre dut aider à la christianisation des esclaves. Aussi cet autre usage portugais que l’on observe dès le début de l’exploitation de (1) Journal des missions évangéliques, Paris, H. Servier, 1826-1829, 4 vol. a publié de nombreux textes sur l'introduction du christia nisme parmi les esclaves. (2) Le P. J.-B. Dutertre, Histoire générale des Antilles habitées par les Français, Paris, 1667-1671, 4 vol. in-4°, II, p. 469. (3) Le P. Hildebrand, capucin, Le martyr Georges de Geel et les débuts de la mission au Congo (1645-1652), Anvers, Archives des Capucins, 1940, p. 288, note 3. Il ne cite pas sa source.

RELIGION

251

femmes que d'hommes, a en San Tomé et du Brésil, d'acheter autant de ges entre esclaves baptisés. principe favorisé la multiplication des maria Mais cet usage ne passa pas en nos îles. ient à ne pas introduire en Les Portugais, comme les Espagnols, veilla élisation était plus diffiAmérique d’esclaves musulmans (1). Leur évang au roi ni aux compaSOUCI ce cile. Chez nous les textes ne prêtent pas XVI siècle parlent d’esclaves gnies de colonisation. Quelques colons au islamisés, de yolofs. aient à Saint-Christophe, à Il semble bien que tous ces esclaves arriv milieux très sérieusement la Martinique et à la Guadeloupe en des autre chose qu’une coutume chrétiens, pour qui le baptême était tout ou une contrainte administrative. oup Dutertre en 1654 (2), y vit avec beauc haïs Presque tout le commun peuple, dit sont y x vicieu les et vices les estimée et de franchise. La franchise y est avec beaucoup de dévotion et la s église les ente fréqu y On tous. et blâmés de y est autant ire, en un mot le christianisme pratique des sacrements y est ordina e. Franc en et si solidement établi comme

ance et avec des détails plus Treize ans plus tard, c’est la même assur précis : îles et les ues-uns des habitants ait décrié les assurer Bien que la vie licencieuse de quelq ant pourt puis je iété, d’imp et e tinag ait fait passer pour un pays de liber si grande bénédiction au zèle et au travail une avec vérité que Dieu y a donné de piété à présentement autant de vertu et des missionnaires qu’il s’y rencontre présentés et l’on y assiste sont y ments sacre les car : e Franc proportion que dans Ja et la dévotion ité qui témoigne assez le zèle aux offices divins avec une assidu est éloignée d’une et s ation habit des partie bonne la première des habitants et parce qu’une e de case vient ordinairement à quelquefois de deux lieues ; le maîtr s (3) et retourne promptement, la messe tique messe avec les principaux domes grand’messe n à la maîtresse de venir à la ménage en étant achevée, pour donner le moye du ns besoi les selon bien ils se divisent avec le reste de la famille ; ou parce qu’il se rencontre des Mais . messe la à vient e quatre lieues sorte que tout le mond qu'il faut faire quelquefois trois où habitations si éloignées des églises Ceux-ci n'y vont pas .. messe. la à venir pour que de les par mer avec danger de se noyer ches. Ce serait trop exiger d'eux régulièrement toutes les fêtes et dimanait toujours quelques-uns de la case qui n’y y y vouloir contraindre, bien qu’il manquent point (4).

Martinique qui, sans doute devait Chez Du Parquet, le seigneur de la rtre précise : donner l'exemple à tous, le P. Dute

un pilote de Lisbonne à l'île Saô Tomé par extrait de (1) Serge Sauvageot, « Navigation et R. Mauny » d Mono Th. de notes ave 9, n° 1, p. 7 portugais anonyme (vers 1545) de Investigacôes de Ultramar, vol. Garcia de Orto, Revista de Junta et 9. , de la Saint-Christophe, de la Guadeloupe 467. (2) Histoire générale des Isles de p. in-4°, 1654, ois, Langl Paris, , Martinique et autres dans l'Amérique s. blanc gés enga des ici s’agit Il (3) des Antilles. II, p. 399. (4) J.-B. Dutertre, Histoire générale

2S2

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Après les prières, il y avait un jeune homme qu’il avait acheté exprès (1), qui faisait prier Dieu les nègres tout haut, leur faisait réciter le Pater, l’Ave, le Credo et le Confiteor, en français avec les commandements de Dieu et un formulaire de prières avec des actes de contrition : et tout se terminait sur un Exaudiat pour le Roy et la maison Royale ; à son imitation les bons habitants ont pris cette sainte coutume (2).

C'était pour sauver des âmes payennes que Louis XIII avait accepté l’introduction d’esclaves sur les terres d'Amérique occupées par ses sujets. On avait fini par le convaincre qu’on n’y créait pas l'esclavage, qu’on ne faisait que déplacer des esclaves de l’Afrique aux îles pour leur profit parce qu’ils y étaient baptisés, et pour celui des colons qui trouvaient ainsi de la main-d'œuvre (3). Au temps de Richelieu (4) comme au temps de Colbert, toutes les compagnies de colonisation créées pour la mise en valeur des Antilles par l’apport d’engagés blancs et d’Africains, se virent enjoindre dans leurs lettres patentes de recruter des religieux pour instruire et baptiser leurs esclaves et pour veiller à la pratique de leurs engagés. Mais avec les mœurs du temps toutes ces prescriptions

pour l’évangélisation des nouveaux

étaient comme

super-

Îlues. Elles correspondaient aux préoccupations profondes d’une époque où la vie était modelée par la pratique religieuse, et même là-bas, encore rythmée par la prière publique et par les sacrements. Le baptême allait donc de soi et si en 1685 le Code noir en son article II précisa encore sur ce point le devoir des maîtres, ce fut simplement l’enregistrement solennel d’une coutume solide et universelle en nos îles. Il n’y avait pas à parler des esclaves créoles. Ils étaient reçus au baptême comme des fils de chrétiens. Cet esprit se plaisait à s’opposer à l’inconscience des Anglais et des Hollandais qui trouvaient de bonnes raisons pour ne pas faire baptiser leurs esclaves. Pendant le séjour que j'ai fait autrefois dans les îles de Saint-Eustache (5) et d’Antigoa (6), on me dit que les Hollandais et les Anglais tenaient pour maxime... de n’avoir point d’esclaves chrétiens, croyant faire injure au sang et à la foi de Jésus-Christ de tenir en servitude ceux que sa grâce affranchit de la captivité, et l’on m’assura qu’ils ne baptisaient jamais leurs nègres que quand ils les croyaient (1) Un engagé.

(2) IE, p. 403. (3) Au cours du XVII° siècle et du XVIII° siècle les religieux font allusion aux directives chrétiennes de Louis XIII. « Aussi est-ce pour cette raison que nos rois ont authorisé la traite et pourquoi ils enjoignent si étroitement aux maîtres de les faire instruire et baptiser dans le temps convenable ; comme c’est pourquoi les Souverains Pontifes ont accordé aux missionnaires des pouvoirs étendus. » Réglement de discipline pour les nègres adressé aux curés dans les isles françaises de l’Amérique. (Archives Nationales, Colonies. F° 90). (4) Instructions de Richelieu (Archives Nationales, Colonies. F° 35). (5) Dans les îles Vierges dans l’Est de Porto-Rico, alors aux Hollandai s. (6) Alors aux Anglais, au Nord de la Guadeloupe.

253

RELIGION à l'article de la mort et que s'ils réchappaient de leurs maladies et n'étaient plus obligés de servir leurs maîtres que comme les qui gagnent de bons gages (1) : ceux qui me firent ce rapport que la plupart des habitants les laissaient assez souvent mourir peur de les perdre s'ils venaient à guérir (2).

ils étaient libres autres serviteurs me dirent aussi sans baptême, de

Ainsi presque tout le XVII siècle est marqué chez les colons comme chez les gouverneurs par le soin de la diffusion du christianisme parmi les esclaves. Et ce n’était pas seulement de la pratique extérieure de la religion que l’on se souciait. propaCes mœurs chrétiennes étaient alors soutenues activement ou d’évantâche leur à gées par des missionnaires tout dévoués en général clairsemés, gélisation. Ils n’étaient alors que quelques douzaines, donc très Capusuivant. siècle qu’au ux nombre moins ent infinim mais les esclaves des comnt formaie (6) jésuites et (5) carmes (4), ains dominic (3) cins, engagés blancs. (1) C'est-à-dire les engagés blancs, ou plutôt les anciens u voyage aux isles Nouvea Labat, J.-B. P. le aussi voir (2) Dutertre, IL, p. 470, 43-45. p. d'Amérique, Paris, 1742, 8 vol. in-12”, VII, (3) Daniel

d’Allanche,

o.m.

cap.

« Les

des

missions

capucins

français

dans

T. XIL, p. 163-174. les Antilles au XVII° siècle ». Études franciscaines, 1904, naire apostolique et supémission et teur prédica , capucin Provins, de ue

Pacifiq s et en la Nouvelle France, rieur, préfet des missions de son ordre en ces quartier chez Nicolas et Jean de Paris, que, l'Améri de isles des Brève Relation du voyage 172/D/3 Mis. 12). Rome, à , Cordini thèque (Biblio la Coste, 1646, in-16°, III et 30 p. et brève relation du voyage des Le P. Pacifique de Provins, Le voyage de Perse ctions critiques par G. Godeîles de l'Amérique, édité avec des notes et des introdu o.m. cap. Bibliotheca Seraphica e, Wingen de Hilaire P. et cap. o.m. Paris, de froy

ii à Brundisio, Ord. Min. Capucina, cura PP. Collegii Assisiensis S. Laurent XLII-274, 48 et 84 p. in-8°, 1939, IV, et III T. ca, Histori Cap. Edita, Sectio Provins aux Antilles». Rev. d'hist. Abbé J. Rennard, «Le P. Pacifique de . 293-298 p. franciscaine, avril-juin 1926, nts pour servir à l’histoire Godefroy de Paris, o.m. cap. « Notes et Docume du

P. Pacifique

de

Provins ». Études

franciscaines,

1933,

T. XLV,

p. 348-357,

7; p. 469-491. 439-455, 569-586; 1934, T. XLVI, p. 194-21 Pacifique de Provins ». Collectanea P. le oublié, naire mission grand Un « __ Id. 1935, p. 213-204, 571-595. ; 5 522-54 , 367-380 p. IV, T. franciscana, 1934, (4) Dominicains. cains en Amérique ou aperçu histoLe R° P. Marie-Augustin Roze, Les Domini des frères prêcheurs dans le nouveau ces rique sur la fondation des diverses provin 492 p., ch. I, Saint-Domingue. in-8°, 1878, frères, elgue Poussi Paris, monde. dominicaines), année 1935. MB. Guénin, « Aux Antilles» (les missions n des Frères prêcheurs à Saintmissio la sur ents Docum Ruzic, Abbé I. Le in-8°. 1940, Domingue, Lorient, s», Revue d'histoire des Missions, J. Rennard, «Le P. Labat, o.p. aux Antille

1

juin 1926, 34 p.

(5) Carmes. Archives de l’Ille-et-Vilaine, 9 H7.

(6) Jésuites. George

Breathett,

«The

Jesuite in Colonial

à Haïti»,

Historian,

Feb.

1961.

254

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

munautés jeunes, fortement encadrées. Le rôle de tous ces religieux est manifeste surtout pour l’évangélisation des Caraïbes et pour l’abjuration des protestants passés en nombre considérable aux îles, mais ils ne négligeaient pas les esclaves pour autant. Le P. Chevillard, jésuite, qui séjourna à la Guadeloupe, nous apporte un témoignage précis sur les efforts des premiers missionnaires pour instruire les esclaves. Son livre est de 1658 (1). Les noirs sont pris plus communément dans l’Afrique et dans quelques cantons de l'Amérique (2), car on les amène de Guinée, d’Angole, de Sénégal et plusieurs autres, tous différents d’idiomes comme aussi de diverses nations. Nous remarquons que les Noirs du cap Vert ont quelque teinture du mahométan, mais que rarement ils ont entendu le marabou (3) étant d’ailleurs d’un esprit si stupide, si

matériel et si grossier que c’est une peine insupportable de les instruire vu leur peu d’entendement et d’attache aux enseignements. Mais les nations de Gorée (4) et d’Angole sont d’un génie plus subtil, faciles à apprendre la langue, à concevoir quand on les instruit et bons chrétiens quand ils embrassent avec affection la Religion (5).

Toutefois la véritable conversion des esclaves ne se faisait pas sans peine. Tant les uns que les autres [les Angolas et les Cap-Verts] nous donnent beaucoup de peine à les instruire, à raison de leur ignorance et stupidité mais ce qui nous console dans nos travaux est qu'ils ne sont pas employés en vain car la plupart d’entre eux après avoir été instruits et baptisés, sont constants en la foi, très bons chrétiens et qui bien souvent servent d’exemple de piété à nos Français. Les noirs venus dans les navires sont baptisés après une suffisante instruction aux jours destinés à ce sujet adorable, et c’est dans les principales fêtes de NotreSeigneur, jours auxquels on baptise les néophytes avec toutes les cérémonies désignées dans le rituel romain (6).

Certains religieux sont si peu ménagers de leur santé qu’ils meurent de leur très « grande vigilance à... catéchiser de case en case les nègres et dans l’église à instruire les uns et les autres ». Ainsi le P. Picart, dominicain (7). (1) Les desseins de Son Éminence le cardinal de Richelieu pour l'Amérique, ce qui s'est passé de plus remarquable depuis l'établissement des colonies, Rouen, 1658, in-16° (Bibliothèque Nationale. Réserve, 4° 4K 12 2). (2) Les Indiens. (3) Juste remarque sur l'islamisation très incomplète des Wolofs du Sénégal.

(4) On attend plutôt : de Guinée. 6) P. 68. «Les enfants nés dans les îles sont aussi bien instruits que les petits Français, ainsi suçant la Religion avec le lait, et y étant élevés dès leur enfance, il y a lieu d’espérer qu'ils en pratiqueront les œuvres pour faire leur salut >». Dutertre, II, p. 469. (6) P. Chevillard, p. 198. (7) Le P. Dominique Picard, arrivé à la Guadeloupe en 1640 ou en 1641 (octobre). Il administra la chapelle de Saint-Hyacinthe à la Capesterre ; il était supérieur à la Guadeloupe quand il mourut paralysé en 1646 ou 1647.

RELIGION

255

A la fin du XVII° siècle le père Labat qui parcourut beaucoup de paroisses de la Martinique et de la Guadeloupe nous laisse une vue

générale sur la vie religieuse des colons et des esclaves en ces îles. Certes il a quelque complaisance pour ce qu’il a entrepris et son humeur le porte toujours à un grand optimisme. Quelques retouches sont à faire à ses affirmations. Mais elles nous donnent la couleur du temps. En arrivant à la Martinique, il est témoin d’une piété remarquable.

Le 2 février 1694. — J'assistai à l'office. Je confessai beaucoup. et je fus très édifié par le grand nombre de personnes qui firent leur dévotion (1).

. Le 20 février 1964, un dimanche

: Je me rendis à mon église (2) au point du

de nègres et d'enfants blancs à qui je fis le catéchisme... Les nègres comme je l’ai dit. sont bien plus susceptibles de notre religion et de nos mystères que les Indiens et les Caraïbes, leur naturel est tout différent. Ce qu'il faut observer avant de baptiser les adultes c’est de découvrir ceux qui ont fait le métier de sorcier en leur pays, car quelque promesse qu’ils fassent ils le quittent rarement... Il faut différer leur baptème sans se rendre à leurs importunités et les tenir au rang de catéchistes (3) jusqu'à ce qu’on soit assuré par une longue expérience qu’ils ont abandonné tout à fait les pratiques qu'ils avaient avec le diable. Nous savons encore que leurs sorts et leurs maléfices sont moins à craindre quand ils sont païens que lorsqu'ils sont chrétiens. Je laisse à la curiosité des lecteurs de chercher la raison de ce fait. Ce que je puis dire, c’est qu’il est constamment vrai (4). jour et j'y trouvai un

grand nombre

A la Guadeloupe, le dimanche

11 mars

1695 :

« Tout le quartier de Ferry, de la Pointe-Noire et du Grand Cul-deSac, se rendirent à la chapelle. J’y étais venu avant le jour et je confessai jusqu’à 11 heures ». En 1696, pour Pâques, il est aux Goyaves, toujours à la Guadeloupe. bien Le samedi, je me rendis un peu avant le jour à la chapelle. J’y trouvai déjà monde. Je confessai longtemps. Je fis les fonctions du jour et je “baptisai nègres adultes que je trouvai très bien instruits. Le lendemain, jour de Pâques, fis le service et je confessai la plus grande partie des habitants de ce quartier après la quelques-uns du grand Cul-de-Sac. Je prêchai. Je fis le catéchisme bien instruits aussi nègres les et enfants les trouver de consolation la j'eus et messe et des maîtres pour le moins que dans les paroisses où il y a des curés résidents d'école (5).

du 11 je et

les Caraïbes, (1) I, p. 337. Voir aussi le P. Raymond Breton, Trois relations, colonisation la de années premières vingt des histoire , la Guadeloupe, 1635-1656 132 p. de la Guadeloupe, publiées par l'abbé J. Rennard, Paris, 1939, in-8°, que). (2) Du Macouba (Martini (3) De catéchumènes, veut-il dire. (4) VII, p. 325. (5) Id., p. 289 et 293.

TOD

256

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

Au Macouba, le P. Labat réserve aux blancs la semaine sainte pour qu’ils fassent leurs pâques, la semaine suivante aux esclaves (1). Pour bien connaître l’état de sa paroisse il se fait donner par les colons une liste de leurs esclaves adultes qui ne sont pas baptisés. Chez un colon du quartier de la Grande-Rivière, nommé Roy, protestant, il est appelé pour confesser un esclave piqué par un serpent : Je commençai par cette habitation à prendre l’état des âmes de ma paroisse. J'y trouvai 110 nègres, grands et petits, entre lesquels il y avait 8 nègres adultes / qui n'étaient pas baptisés.. je recommandai fortement [à l’économe] aussi bien qu’au commandeur d’avoir soin qu’on fit exactement la prière matin et soir et le catéchisme, et de ne pas manquer de m'envoyer les nègres dimanches et fêtes de bon matin à l’église. Je faisais la même chose dans toutes les habitations de ma paroisse et j'eus sujet de me louer de l'exactitude de mes paroiïssiens sur cet article (2).

Il s’agit ici de confessions et de communions pascales. Nous voyons moins clairement les choses hors de ce temps, et l’on ne peut citer, passé Pâques, que des confessions administrées à des malades en danger de mort. Il doit être question de confessions de fin de Carême dans ce passage où le P. Labat parle de la passion des mangeurs de terre : « J’ai été obligé quelquefois de refuser les sacrements à de grandes jeunes filles qui avaient ce goût dépravé, après que je m'étais fatigué inutilement le mois entier à les persuader du tort qu’elles se faisaient (3). »

2. Les sacrements

au XVII° siècle.

La christianisation des esclaves nous est précisée par leur pratique des sacrements. Le témoignage est sans équivoque. Mais voyons d’abord leur baptême.

Assez vite les dominicains et les jésuites établirent dans leurs missions l’usage de donner le baptême aux esclaves en tenant compte soigneusement de leur âge et de l’ancienneté de leur arrivée aux îles. Les créoles étaient assimilés aux Français. Ces religieux établirent de baptiser les tout jeunes dès leur descente des négriers. Leur instruction se faisait ensuite, mais ils faisaient attendre les adultes jusqu’à ce qu’ils eussent quelques connaissance, très élémentaire il est vrai, de la religion chré-

(1) IL, p. 337. (2) Id. I, p. 171. (3) Id. II, p. 18.

RELIGION

257

tienne. Les dominicains et les jésuites apportaient donc de la prudence dans l'administration de ce sacrement aux adultes en pensant qu’ils devaient d’abord être catéchisés et se montrer capables d’une contrition sincère (1).

Dans la mission des capucins, les adultes étaient au début baptisés

presque aussitôt après leur débarquement. Les dominicains reprochaïient aux capucins de procéder avec trop de légéreté, parlaient de relâchement, de négligence. Des capucins finirent pas suivre l’usage des dominicains et des jésuites, du moins à peu près, car après 1770 on protestera ue, écrit dans son (1) Thibauld de Chanvallon, ancien intendant de la Martiniq 1763, in-4°, p. 60: Paris, , suivantes années les et 751 1 en Voyage de la Martinique.

la côte de Guinée «Tous s’accordent en ceci que les nègres qui viennent de dans nos îles. On arrivée leur à baptisés être peuvent ans 12 à 10 de avant l’âge leur physionomie que l’on ne baptise point ceux qui arrivent plus âgés. C’est sur juge leur âge. le baptème (par les Mais lorsque ces mêmes nègres âgés à qui l’on a refusé mort, les uns les de danger en sont ) Caraïbes aux refuse le mêmes raisons qu'on religion, ni par leur de ance connaiss aucune n’aient baptisent, quoique ces nègres aires, au missionn d’autres ; s baptisé d’être réfléchi conséquent aucun désir réel ou disent que c’est le profaner contraire, leur refusent le baptême en pareil cas. Ils pas, qui ne peut même pas le que de l’administrer à un homme qui ne le désire religion et que souvent même notre de et Dieu de idée aucune n'a puisqu'il désirer langue. notre pas il n’entend son curé laisse mourir ses Ainsi tel habitant pour se soumettre à la décision de voisin dans une autre paroisse nègres nouveaux sans baptême, tandis qu’il voit son autorisé par son pasteur à en agir autrement ». e au ministre (Archives Le 22 mars 1762, le sieur d'Hauterive, magistrat, s’adress Nationales, Colonies, C° A 18, f° 289). sont très relâchés sur le « Je dois vous informer que les jacobins et les capucins nt trop, plutôt par néglibaptême des nègres adultes. Surtout les capucins le prolonge bonne raison. Ils consomment gence ou faute de faire leur devoir que par aucune disant qu’il far” instruire les baptême le conférer de que avant ans deux un ou

et de zèle. nègres, à quoi ils donnent véritablement peu de temps qui nous assura €n plein nègre un pendu être allait dernier janvier de Au mois sans lavoir pu obtenir. e baptêm le it demanda il mois dix-huit conseil que depuis s. Ma conscience et capucin des prieur au s là-dessu avis J'ai dit doucement mon » rends. en vous je que compte le mon devoir sont acquittés par à Saint-Domingue proteste Sur la fin du siècle, Malouet, qui a été administrateur : changé a e lui aussi, mais la manièr t à baptiser les nègres qui « Les curés de l’ordre de Saint-Dominique se refusen s dans la religion. Les instruit soient qu’ils avant arrivent de la côte d’Afrique : toutes les négresses eux avec iquer commun autres nègres déjà baptisés, évitent de et ils sont traités par leurs les repoussent avec horreur; on les appelle chiens, ces animaux; ils ne croient a pour camarades avec le même mépris que fon onnant, Le désespoir qu’occasionne empois les en crime un tre même pas commet ux, les porte souvent à se détruire nouvea nègres les r baptise de le refus des curés l'horreur de leurs semblables. Je et ns vexatio les eux-mêmes, ne pouvant endurer

2538

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

encore contre la précipitation avec laquelle ils baptisaient les nouveaux, sans instruction, dès leur débarquement (1). Dans quelques quartiers des petites Antilles, le maître était automatiquement pris pour parrain des nouveaux baptisés, au moins aux commencements. Puis les curés préférèrent une autre personne parce qu’ils pouvaient exiger d’elle de plus sérieuses qualités chrétiennes, d’avoir fait ses pâques et de n’être point libertine. Mais c'était là plutôt un vœu qu’une exigence. À Saint-Domingue ce fut souvent un esclave de la même habitation qui fut choisi comme parain. Mais sans doute y aurait-il à distinguer entre les baptêmes des nouveaux adultes et celui des enfants créoles. Un certain relâchement commença très tôt à Saint-Domingue. Le 30 novembre 1727, le ministre dut signifier aux administrateurs généraux, qui étaient alors le chevalier de La Roche-Allard et Duclos, de tenir la main aux baptêmes d’enfants. Ils étaient négligés. L’intervalle entre la naissance et le baptême augmentait. Et quelques années plus tard, Larnage et Maillart, autres administrateurs généraux, furent amenés par leur ordonnance du 11 octobre 1743, à obliger les habitants à faire baptiser les enfants dans les quarante jours après leur naissance sous peine d’une amende de 500 livres. On conserve les registres paroissiaux des esclaves de Case-Pilote à la Martinique qui vont de 1760 à 1762, de 1767 à 1769, de 1772 à 1774 et de 1783 à 1800. Ils permettent de constater que malgré une crise de négligence entre 1768 et 1772, 10 % des enfants sont baptisés dans la semaine, 60 % dans la quinzaine, et plus de 90 % dans le mois. Ceci jusqu’en 1783. Puis survient une baisse brutale qui dure jusqu’en 1790. Une remontée commence au cours des quatre années suivantes, puis de nouveau une chute. Le mouvement de déchristianisation est pourtant amorcé en Martinique depuis plusieurs années. De 1760 à 1800 les mariages sont devenus plus rares. Les intervalles entre les naissances et les baptêmes sont les mêmes, que les parents soient mariés ou non. (2) ne ferai pas ici une dissertation théologique pour détruire l’opinion funeste des religieux dominicains. Je me borne à les dénoncer au gouvernement qui s'empressera, je ne saurai en douter, de faire cesser cette conduite que l'ignorance et la superstition peuvent seules justifier. Les autres curés, les capucins entre autres, croient que la soumission, le désir et l'innocence sont les dispositions essentielles que l'Église exige pour recevoir ce sacrement et ils ont le soin de recommander aux parrains et aux marraines d'instruire les esclaves baptisés. » (Collection de mémoires et correspondances officielles. Paris, 1802, 5 v. in-8°, II, p. 221). (1) Mgr Jan, Les congrégations religieuses au Cap-Français, Saint-Domingue,

1681-1793, Port-au-Prince, 1951, in-8°, p. 110. (2) Renseignements dus à l’obligeance de M. l’abbé B. David, curé du Diamant (Martinique)

1760 et 1848.

qui prépare une monographie

sur la population

de Case-Pilote entre

259

RELIGION

On est bien loin ici des cinq ou six mois, et même parfois un an ou deux qui d’après les correspondances séparaient à Saint-Domingue la date des naissances de celle des baptêmes chez les esclaves comme chez les blancs. C’est là d’abord que les habitudes religieuses des esclaves ne sont” que le reflet de celles de leurs maîtres. Cependant il était des colons très soucieux de faire baptiser leurs esclaves le plus tôt qu’il leur était possible. Ainsi en 1790 le colonel Frémond de La Merveillère, directeur des Fortifications de Saint-Domingue (1). esAu XVII: siècle, à la Guadeloupe, le P. Dutertre nous montre des

claves qui se confessent et communient les jours de fête: fréquentent les sacrements

avec beaucoup

de piété et ce qui nous

paraît

Is admiration en comme incroyable en France, est le sujet ordinaire de notre communier et il se Amérique, car nous les voyons fort souvent se confesser et hommes et passe fort peu de dimanches ou de fêtes où nous ne voyons plusieurs (2). dévotions leurs faire femmes

Au surplus Rochefort nous assure avoir vu des esclaves jeûner rigoureusement pendant le carême et tous les jours de prescription (3). Le P. Labat précise parfois le nombre des confessions et des communions qu’il a administrées à la Martinique. Ainsi au Macouba où on de l'installa curé en 1694 à son arrivée, il trouva sur les 690 esclaves firent nt seuleme 64 sa paroisse, 58 qui n'étaient pas baptisés ; mais Mais leurs pâques. Ils s'étaient assurément confessés. C'était assez peu. ne Il ? ion proport telle une r présente -on pouvait où à Saint-Domingue pales dans que doit être possible de trouver des nombres comparables Guadeloupe, roisses de la mission des jésuites à la Martinique et à la sèrent évangéli qu’ils omingue Saint-D de Nord et dans leur mission du

de 1705 à 1763.

j

. Peu La confession demandait une instruction religieuse assez poussée t être devaien ions confess Les de baptisés pouvaient sans doute y accéder. commune. sommaires, ne serait-ce que par la nécessité d’user d’une langue étaient-ils s esclave les îles aux arrivée leur après Combien de temps n de combie après x, capables de se confesser en créole, et les religieu Mais ? créole en ion confess une re mois de colonie pouvaient-ils entrend èrent confess qui jésuites les par ies desserv es en fait, sauf dans les paroiss caféière à Saint-Domingue: la (1) G. Debien, «Le plan et les débuts d’une 791) », in Revue de la société (1789-1 -Pitre, Anses-à plantation La Merveillère aux d'histoire d'Haïti, octobre 1943, n° 51, p. 27-33. (2) Dutertre, I, p. 489. s d'Amérique, Rotterdam, 1645, (3) Histoire naturelle et morale des îles Antille

Antilles et on pouvait y user de in-4°, p. 341. Les jours de jeûne étaient réduits aux i. vendred le viande

260

LES ESCLAVES AUX ANTILLES

beaucoup parce que « le curé des nègres » connaissait le créole, le sacrement de pénitence fut surtout le sacrement des mourants, et seulement quand ils le demandaient. Le P. Margat, jésuite, curé à Saint-Domingue a dit la difficulté à, confesser les esclaves, encore parle-t-il sans doute des créoles. Ce n’est pas une petite [peine] que le dégoût causé par notre assiduité continuelle auprès des nègres. On en confesse quelquefois plus de cent en une matinée.

C’est surtout dans l'exercice de la confession

qu’on a le plus à travailler. La qu’on ne inutilités discussion juges-nés de leurs différends, et il faut une extrême patience pour les écouter et les mettre d’accord (1). plupart s'y présentent comme des statues qui ne disent rien à moins les interroge. D’autres nous accablent par le détail minutieux de mille qu’on est obligé d’écouter avec patience pour ne pas les rebuter. La de leurs intérêts est une autre source d’embarras. Nous sommes les

Les difficultés restaient les mêmes au lendemain de la libération générale en 1848, au moins à la Guadeloupe (2). “

Il n’est jamais parlé de la confirmation des esclaves, et pour ainsi dire jamais de celle des blancs. Elle ne fut donnée aux îles que lors des passages de l’archevêque de Santo-Domingo dans la partie française. Ce n’est que le 24 juillet 1752 que le pape Benoit XIV accorda au préfet des dominicains de la Martinique et à celui des jésuites le pouvoir de confirmer. À Saint-Domingue, le préfet apostolique des dominicains, le P. Duguet, l’obtiendra seulement en 1780. Les préfets étaient à peu près seuls à se plaindre du manque de ce sacrement.
» ou « libres de savane

». Sur certaines sucreries ils sont

assez

nombreux.

Il faut

conclure de ces différences que c’est la volonté du colon qui décide tout, c’est-à-dire son caractère. Il est pour le moins certains aléas dans ces libertés. Le gérant de l’indigoterie Belin-Desmarais à l’Artibonite, en envoyant aux héritiers du colon récemment décédé l’inventaire provisoire de la plantation, leur parle d’un esclave que son maître avait voulu libérer. « Il va par cet inventaire, écrit-il, jouir d’un attachement qu'avait pour lui feu son maître qui avait prudemment donné ordre à M. Raulin (2) de lui donner sa liberté, ce que ce dernier a fait dans le temps, au moyen de quoi nous allons agir de façon à ce qu’il ne soit pas compris dans l'inventaire qui va se faire (3).» Donc, tant que le propriétaire était là l’esclave était libre et considéré comme tel par le procureur, mais son nom demeurait sur la liste. Belin-Desmarais prévoit, qu’après sa mort cette liberté sera contestée par les nouveaux maîtres. Il donne ordre à son représentant qu’à l’avenir le nom de ce libéré soit enlevé de la liste. Il n’est jamais question ici d’un affranchissement adminis-

tratif (4). L'expression « libre de savane » paraît venir de la Martinique, mais elle est devenue générale dans nos Antilles sur la fin du XVIII siècle. Êtr e libre de savane est loin d’être complètement indépendant. Pour un (1) G. Debien, « Sur la sucrerie Bréda du Haut-du-Cap, 1785 », Revue de la faculté d’ethnologie (Port-au-Prince), n° 10, 1965, p. 18-27, et «La sucrerie Bréda de la Plaine-du-Nord (1785) », Revue de la faculté d’ethnologie, n° 11, 1966. (2) Le procureur de l’habitation. au établissement français à Saint-Domingue «Un André-Hesse, (3) M"° XVIIT: siècle », Mercure de France, 1°" septembre 1938, p. 299. (4) Au contraire il est question d’une liberté officielle dans cette lettre de ‘Mr° Dumas-Montillac à David, son procureur : «Limoges, 18 avril 1780, Je vous supplie d'accélérer la liberté du nommé Jean-Jacques, mulâtre, s’il ne l’a déjà. J'espère que votre première lettre me tranquillisera sur ce malheureux qui a tant de titres à ma commisération vu qu'il y a un temps infini qu’il devait jouir de sa liberté et que c’était l'intention de feu mon mari et qu’il en a donné l'ordre à tous ses fondés de procuration. Vous avez trop de probité pour ne pas apprécier ma délicatesse à cet égard. (Jean-Jacques serait-il un enfant de son mari ?) au moyen de quoi je me flatte que vous sentez assez l'inquiétude que j'en ressens chaque jour, si la chose n’est déjà faite». Papiers Montillac.

‘in fé dt i

382

LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

grand nombre d’esclaves la liberté complète eût été la misère. Les dis-

tributions de rations et un jardin les attachent longtemps à la plantation,

et officiellement leur maître gardait un certain regard sur eux. Ils ne pouvaient s'éloigner très loin de l'habitation, restaient dans son ombre.

Le souci de la discipline générale règle leur liberté. Ces libres paraissent

vivre sur un coin des plantations, plus ou moins dans ses cadres, prenant part en beaucoup d’occasions à la vie commune, soumis donc à un point qu’il nous est impossible de préciser, à l’ordre quotidien, aux observations du colon qui reste un peu leur maître. La liberté est pour eux avant tout la faculté d’aller et de venir à volonté et parfois d'abandonner la plantation. Ils ne sont jamais forcés au travail. Zabelle, esclave de l’indigoterie Sainton, au Fond-des-Blancs, sur la paroisse du Fond-desNègres en 1787 (1) est présentée comme « absente de l’habitation et maîtresse de ses volontés en considération de ses services ». Son âge n’est pas donné, mais il faut penser qu’elle est assez âgée, car Rada, dont le nom suit le sien sur la liste, sert Zabelle et l’accompagne. Au lieu d’avoir leur lot dans le grand quadrillage des jardins particuliers ces libres se font donner une parcelle plus grande, plus indépendante sinon meilleure, bien à l’écart, dans quelque coin de la plantation, dans la zone souvent peu précise des limites du côté des mornes. Ils s’y carrent comme ils l’entendent. Cette place à vivres ne leur est accordée que leur vie durant et naturellement elle ne peut être échangée. On voit des échanges proposés au maître, mais jamais celui-ci y consentir. Il était prévu que ce jardin devait revenir à la plantation, pas aux enfants du libre quand il en avait, même de libres. Si la jouissance pouvait parfois être longue, elle gardait le caractère très net d’un simple usufruit, et ces jardins ne risquaient jamais d’entraîner le morcellement de cette partie des plantations. Plutôt que dans les cases que les planteurs gardent toujours groupées et alignées, la plupart préfèrent leur case à eux près de leur jardin bien entouré. Laissés à eux-mêmes par ce demi-isolement, ils peuvent plus facilement que tous les autres aller à leurs « habitudes » sur les plantations voisines. Aux abords des grandes plantations mais plus visiblement près des grandes caféières des mornes on voyait de ces cases isolées de libres de savane avec leur jardin. C’était déjà l’aspect haïtien de l’habitat rural que nous décrivent les géographes. Sur les plantations où la nourriture était encore assurée non par la liberté du samedi mais par des rations hebdomadaires, il était entendu

qu'ils devaient se nourrir. En fait ils avaient part à des distributions de

salaisons, de riz et de biscuit, quand les autres en recevaient. Mais c’est

qu’en dehors de la morue ces rations-là étaient assez rares et avaient (1) Inventaire des biens de Jacques Sainton, 29 janvier 1787, Minutes Monneront (Archives Nationales. Section Outre-Mer. Notariat de Saint-Domingue).

LES AFFRANCHISSEMENTS

383

un tour de récompense. En temps ordinaire ils avaient à résoudre entièrement le problème de leur subsistance. Au lendemain des sécheresses ou des tornades sur les jardins, ils participaient aux secours et les jours de fête ou dans les très grandes occasions, à des morceaux de viande fratche. Ils n’avaient donc pas à s'adapter brusquement à une situation très nouvelle. La première liberté était celle du travail. Les uns consentaient à donner des journées au moment de la coupe des cannes ou de la cueillette du

café. Ils recevaient alors un petit salaire. Il était parfois loin d’être insignifiant. Chanlatte, esclave de la sucrerie La Barre aux Vases, reçoit

en 1785 la liberté de son maître. Il est charpentier, a déjà un jardin et une case à lui. Il les conserve naturellement. Le principal changement dans son travail est qu’il travaille moins et est payé pour les tâches qu’on lui confie. Il besogne au milieu de ses camarades, et en collaboration avec eux. Entre le 18 septembre 1786 et le 20 juillet 1788, les comptes de l'habitation montrent qu’il reçoit 715 livres 5 sols. Ce n’est pas un véritable salaire régulier, c’est selon les réparations qu’il a faites aux toits des cases et des remises. En septembre 1786, il reçoit 8 livres 5 sols. en octobre 66 livres, en avril 1787, 33 livres, en juin 66 livres, en juillet

179 livres 5 sols. Il y a des mois où on lui donne comme un fixe, 33 livres en juin 1787, 66 livres en juillet, un mois plein ou un demi-mois, d’autres où il semble être payé à façon. Les plus grosses sommes doivent représenter en même temps son salaire et une fourniture de bois. Il est dit tantôt « nègre de l’habitation », ce qui veut dire esclave, tantôt « libre de l'habitation », tantôt « libre > tout court. La nature du lien qui l’unit à son maître ou à son ancien maître n’est donc pas essentiellement modifié. Par les liaisons et cousinages, par l’ancienne camaraderie du travail, par des intérêts communs multiples, des libres ne se dégagent pas de leur plantation. Ils sont présents à tous les calendas, aux baptêmes, aux fêtes. Leur liberté est donc de longs repos, la pêche, une alimentation de leur choix, et la possibilité très recherchée d’élever un ou deux moutons, une chèvre, en plus du cochon gardé au piquet à la porte de bien des cases. Sur les testaments on distingue très nettement les affranchissements qui devront être demandés

aux administrateurs,

des

libérations

sur

place.

Voici un exemple tiré des dernières volontés de Hallot de Chavannes : Je donne et lègue à la nommée Charlotte qui m’a nourri deux enfants, liberté de savane et cent-cinquante livres de pension viagère. Je fais le même traitement à la nommée Michou, nourrice de ma fille, avec cent-cinquante livres de pension viagère qui lui sera payée de six mois en six mois sur mes revenus. Je prie ma femme ou autres exécuteurs du présent testament, le gérant de mon habitation, de ne point les inquiéter ni exiger de service de leur part (1).

Le point curieux ici c’est que depuis qu’il y avait des esclaves aux (1) 10 juillet 1777. Papiers Hallot de Chavannes. Archives Nationales, T 201/1.

384

LES ESCLAVES

AUX

ANTILLES

îles, les nourrices d’enfants de colons pouvaient facilement être affranchies, c’était une manière de droit. Mais on s’arrangeait pour ne leur donner la liberté que quand elles avaient atteint un certain âge, quand elles avaient non seulement nourri mais élevé les enfants et même vu grandir les petits-enfants. Les administrateurs ne faisaient pas difficulté de leur accorder l’affranchissement officiel. Peut-être pas toujours gratuitement. Hallot n’aura sans doute pas voulu présenter de demande à l'administration pour éviter la taxe des libertés. On n’aura pas besoin de souligner que chez le comte de La Barre aux Vases, chez Belin-Desmarais à l’Artibonite, chez M*° Dumas-Mon-

tillac et sur l'habitation Hallot de Chavannes, il ne s’agit pas d'esclaves de jardin mais d’un charpentier, de domestiques, de nourrices. Et même les serviteurs des grand’cases et le personnel des cadres des habitations c’est de libertés de savane bien plus que d’affranchissements réguliers qu’ils profitent après de longues années de bons services : cochers comme Toussaint Louverture, commandeurs, maîtres de moulins, arroseurs, sucriers. Les esclaves « de terre > ne sont guère libérés qu’au moment de leur vieillesse, quand ils n’ont plus de force, et qu’à soixante ans passés on ne paie plus pour eux la capitation. Ils sont libérés parce qu’ils sont vieux. En ces cas, ils continuent à recevoir des distributions de nourriture. La liberté est le laisser-aller qu’on leur abandonne. Quand ils ont un jardin, le commandeur le fait cultiver par des jeunes. La récolte en est partagée. Sont aussi tenus pour libres parmi les ouvriers de jardin les mutilés, les ladres ou lépreux, les aveugles. Dès le XVII° siècle il était assez généralement reçu de libérer les mères de cinq ou six enfants vivants. On l’a vu. Pour encourager les mariages l’administration posa la règle que seraient affranchies les mères de six enfants légitimes de leur couleur, vivant sur la même plantation qu’elles et quand leur plus jeune aurait atteint l’âge de sept ans. C'était de singulières limitations et à ce titre, il y aurait eu peu d’affranchissements. Mais l’ancien usage prévalut. Beaucoup de colons continuèrent à se montrer plus larges. Ils libéraïent des mères qui avaient eu six ou même cinq enfants, qu’ils travaillassent ou non sur la plantation et qu’ils fussent noirs ou de couleur. En revanche des colons attendaient qu’il y eut sept enfants. Aucun ne demandait pour elles l’affranchissement. Elles ne bénéficiaient que de la liberté de savane. À la place de la liberté à la naissance de leur troisième ou du quatrième enfant elles furent exemptées sur quelques plantations de Saint-Domingue et de la Guadeloupe d’une journée de travail chaque semaine par nouvel enfant. Ainsi sur la caféière Laborie au Gros-Morne, dans la partie du Nord de Saint-Domingue et sur la sucrerie Poyen de Sainte-Marie à Sainte-Rose (Guadeloupe) (1). L'usage commençait à (1) Laborie, p. 174; Poyen de Sainte-Marie, Basse-Terre (Guadeloupe), 1792, in-8°.

De

l’exploitation

des sucreries,

LES AFFRANCHISSEMENTS

385

s’en répandre à la fin du siècle. C'était à peu près la seule occasion que des mères de jardin avaient de devenir libres. Les papiers des plantations nous offrent peu de détails sur les affranchissements officiels, encore moins sur les libertés de savane, et presque aucun sur les libérations d’esclaves de jardin. Force nous est donc de ne citer que des exemples ile libertés de domestiques et de nourrices. Ces esclaves offrent le cas de s’être rachetés et d’être restés cependant à l’intérieur de la plantation. Nous sommes sur la sucrerie Galbaud du Fort à Léogane. L’histoire de Guitteau et de Thérèse sa femme est significative.

Guitteau, né en 1702, vraisemblablement sur la plantation, figure comme cuisinier sur le recensement de 1740 où il est estimé 1 500 livres, donc un esclave à talent. En 1748 il obtient son rachat contre 1 380 livres, soit juste sa valeur. Il verse 510 livres le 1° février. Le second versement n’a lieu que le 14 juillet 1749 et le solde huit ans après le premier paiement, en octobre 1756. Cependant depuis 1748 Guitteau jouit de sa liberté. Il était mort en 1765.

Le petit pécule de Guitteau passe à sa femme Thérèse née sur la sucrerie en 1712, qui jugea prudent de le déposer entre les mains de M. du Fort où il était plus en sûreté que dans une poterie enfouie sous la natte de sa case. 8 juin 1767. Parison le gérant à M"* du Fort. — Il me reste en garde une somme de 150 livres. Cet argent appartient à la vieille Thérèse. Je sais que M. du Fort bien avait l'intention de lui faire du bien. Elle vous prie, mesdames, de vouloir qu’elle lui permettre de s'acheter quoiqu’elle soit comme libre depuis vingt ans ne vous est d'aucune utilité que pour accoucher vos négresses. Je suis persuadé que que quand bien même elle serait libre, elle ne voudrait pas terminer ailleurs chez vous le peu de jours qu’elle a à vivre. regarde 1°" avril 1768, à la même. — Je me conformerai à vos ordres pour ce qui un nègre Vénus et Thérèse. Pour Vénus, je crois qu’il faut donner au moins et qui ne donne pièce d’Inde (1). Cette négresse qui a toujours été à la journée mal que 30 livres par mois, doit avoir de l'argent. De plus elle a toujours fort a pu qu’elle payé M. Berquin (2) pendant la guerre, ce qui me fait écrire lui aider à mettre en réserve. Au surplus, puisque Criquet (3) revient, il pourra cette somme payer pour e embarrassé pas sera ne elle conséquent par et travailler n’ayant aucune infirmité qui l'empêche de gagner.

ordres la 11 avril 1768. J'ai. donné aujourd’hui en votre nom et suivant vos obligée sera et habitation votre sur toujours restera Elle liberté à la vieille Thérèse. autres nègres un d’accoucher vos négresses. Je lui ai donné dans la place de vos Je ne sais autres (4). petit coin de terre pour mettre en manioc ainsi que les prix de sa liberté si elle aura seulement la force d’en tirer parti. Elle donne pour

(1) (2) (3) (4) tiques

De premier choix. Le procureur de la plantation. Son fils. Parce que comme accoucheuse, elle était une n’avaient pas de jardin à l'ordinaire.

domestique,

et les domes-

386

LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

les 405 livres que j'avais à elle, une vieille cavale qui peut valoir de 90 à 100 livres et un billet de 100 livres sur un nègre libre. Je n’ai pas vu Vénus. Lorsqu'elle viendra du Port-au-Prince, je traiterai avec elle, mais ce sera à d’autres conditions (1).

La libération de Thérèse est caractéristique. La lenteur marquait toutes ces libérations. Cependant ces libres de chez M°° du Fort sont mariés et nés sur la sucrerie. Ils sont bien connus. Ils occupent des emplois que l’on dit lucratifs. Malgré cela ils ont grand mal à être libérés. Dans les deux cas l’opération se fait par degrés, par rachats, ce qui n’est pas vu d’un bon œil par l'administration. Guitteau est libéré à 46 ans, avant d’être indisponible, mais Thérèse ne l’est qu’à cinquante six ans, à un âge assez avancé, et elle doit rester à la disposition de la plantation. Elle n’est pas libre au regard des autorités. On a vu que malgré la défense faite aux colons de permettre à quelques-uns de leurs esclaves de travailler à leur gré contre une redevance fixe, mensuelle, la coutume était de laisser certains noirs de bonne conduite généralement, se louer eux-mêmes loin de la plantation. A partir de 1745, le gérant de la sucrerie Galbaud du Fort porte en recette 600 livres remises par Marianne et Vénus, lingères, qui se louent en ville.

Ces deux esclaves travaillent chez qui a besoin d’elles. Elles doivent verser au gérant 24 livres par mois. Parmi ces ouvrières qui se louaient ainsi selon les occasions et à leur gré, nombre parvenaient à obtenir la liberté de savane. Vénus en est ici un exemple. Mais elles mettaient de longues années pour accumuler un pécule. Vénus qui se louait librement à depuis 1745 n’est parvenue à sa liberté qu’en 1768. La liberté de savane ne modifiait pas toujours sensiblement la situation des esclaves. Les mœurs générales étaient là. La même attitude de respect et de soumission leur était imposée. Le nègre libéré Choisi est « donné » à la plantation Croisœuil du Terrier-Rouge en 1769 par Coltier, le procureur de l’habitation Duvézieu (2). La baronne de La Ferronaye parle de « son mulâtre libre », Pierre Vinet, domestique, qui

a été libéré par son mari et avec une pension sérieuse (3). Moreau de Saint-Méry a raison de dire qu’il était « fort peu de nègres libres dont les habitudes différaient de celles des nègres esclaves (4) ». C’est très net dans les mariages. Les libres prenaient indifféremment des femmes libres ou des esclaves. De même des femmes libres épousent facilement un de leurs esclaves (5). La différence ne se voyait guère que dans le —

(1) G. Debien, La sucrerie Galbaud du Fort, 1690-1802, p. 104. (2) Comptes Croisoeuil. Compte de nourriture, 1769. (3) Papiers La Ferronnaye (Archives Nationales, T. 210), 14 septembre 1789. (4) Description, I, p. 90. (5) J. Houdaille, « Origines des esclaves des Antilles», Bulletin de l'Institut français d'Afrique noire, T. XXVI ; série B. p. 647-667.

LES AFFRANCHISSEMENTS

387

comportement des libres à l’égard des autres. Ils se montraient plus hardis,

plus hautains (1). On parle de haine et de jalousie. Lors du soulèvement d'août 1791 dans le nord de Saint-Domingue, les cases des nègres et des gens de couleur libres furent incendiées dès le début (2). Les mœurs n'étaient pas très différentes dans les colonies anglaises des îles ou sur le continent. Les mêmes usages y étaient connus, de l'émancipation tacite et de l’affranchissement virtuel (3), la même rareté des affranchissements par rachat (4), le même contraste entre la libération des domestiques et des ouvriers et celle beaucoup plus rare des esclaves de jardin. Quand de nombreux colons se réfugient aux États-Unis pendant la Révolution avec quelques-uns de leurs esclaves, la pratique des libérations de savane sera transposée en affranchissement différé. Là plus d’autorisation administrative. L’émancipation se fait devant notaire. Catherine Guérin, dit Lalo, du Cap, affranchit son esclave Figaro, âgé de 12 ans, en 1793 devant un notaire de Philadelphie. Le garçon s’engage à la servir douze ans encore, mais il n’est plus qu’un domestique relativement libre (5).

DS En 1775 circula aux îles l’annonce d’un

prochain

affranchissement

général. Ce bruit venait des ports de France où vivaient de très nombreux esclaves ou anciens esclaves, libres ou tenus pour libres (6). Avait-il été répandu par eux ? Le gouvernement, disait-on, projetait de donner la liberté à tous, mulâtres et noirs (7). Le ministre de la marine voulut

calmer

aussitôt cette inquiétude,

aller au-devant

des désordres

qu’une telle rumeur ne manquerait pas de provoquer si elle prenait corps. Il en informa la chambre de commerce de Bordeaux et prit la protection des maîtres d’esclaves. (1) Thibauld de Chanvallon, Voyage à la Martinique, p. 59-60. (2) Papiers Boutin, 3 septembre 1791. Bibliothèque de La Rochelle, Ms 855. (3) Charles S. Sydnor, Slavery in Mississipi, New-York, 1933, in-8°, p. 179

et Rosser H. Taylor, Slaveholding in North Carolina, versity North Carolina Press, 1926, in-8°, p. 75.

an

economic

view, Uni-

(4) Sydnor, p. 38 et Fr.W. Pitman, « Slavery on the British West India plantations in the eighteenth century », Journal of Negro Slavery, octobre 1926, p. 615. (5) Archives Nationales. Section Outre-Mer. G. Papiers des réfugiés de SaintDomingue ; Consulat de Philadelphie, Recueil n° 9. (6) Dépêche du ministre de la marine à la chambre de commerce de Bordeaux du 25 mars 1776 (Archives de la Gironde, C 4337) et aux autres chambres de commerce (Archives Nationales, Colonies, B 39, Saint-Domingue, p. 44). (7) Délibération de la chambre de commerce de Bordeaux du 18 avril 1776. Archives de la Gironde, C 4257.

388

LES ESCLAVES

AUX

ANTILLES

Les colons doivent être assurés que les liens de leur intérêt particulier

avec

celui de l’État sont communs et ils n’ont à attendre du roi que des actes de bienfaisance et de nouvelles marques de son attention pour tout ce qui peut contribuer à leur bonheur (1)...

Le ministre ne croyait qu’à une provocation lancée par quelques malintentionnés. Il pensait qu’il n’y avait eu que des esclaves ou des esprits

faibles à croire à une telle baliverne. A cette date on voit mal quelles démarches précises de ceux qui commençaient à se dire en France adversaires de la traite et de l’esclavage, avaient fait lever ces bruits et ces inquiétudes. Ils correspondaient à une obscure attente des esclaves, Jusqu'à quel point y eut-il à partir de ce moment l’idée de liberté générale ? Et cette idée alla-t-elle en se précisant ? L’examer des journaux de Saint-Domingue permet de compter les déclarations de marronage et de reprise d’année en année. Il va sans dire que leur total ne correspond pas à la stricte réalité comme l’a montré M. Jean Fouchard (2). Il est bien au-dessous, mais donne une idée de l’évolution générale du mouvement des fuites. Or il ne se révèle point alors de recrudescence, du moins qui ne soit pas parallèle aux arrivées de plus en plus nombreuses des esclaves. L’activité d’agents qui auraient pris contact avec les esclaves des plantations n’est pas signalée. On n’en est pas encore au temps de la Société des Amis des Noirs qui multiplia toutes les craintes, leur donna une assise, créa l’espionite.

Mais après cette date la méfiance s’aigrit. La multiplication des mémoires contre les affranchissements en est la preuve. On veut contrebalancer la propagande des prêcheurs d’émancipation (3). C’est que les noirs et les gens de couleur débarquent de plus en plus nombreux en

France, et risquent d’être atteints par les idées de liberté et d'égalité. Les colons vont provoquer les ordonnances et arrêts de 1777 et de 1778 (4) qui restreindront le nombre des esclaves en France en contrôlant mieux (1) L. Peytraud, p. 415. (2) Les marrons de la liberté, Paris, 1972, in-16. (3) Entre autres le mémoire sans date mais des années 80, des Archives de la Gironde C 4383. (4) Ordonnance de l'amirauté de France portant injonction à toute personne du royaume de déclarer les nègres et mulâtres qui sont à leur service. Paris, Simon, 1775, in-4°, et Ordonnance de juillet 1777 prorogeant la déclaration des nègres. sous peine d'une amende de 200 I. pour les maîtres et de prison pour les nègres, Paris, Simon, 1777, in-4°. Déclaration du roi pour la police des nègres, donnée à Versailles le 9 août 1777, Paris, imp. royale, 1777, 6 p. Arrêt du conseil du roi pour la police des noirs, mulâtres et autres gens de couleur aux colonies. Du 7 septembre 1777. Moreau de Saint-Méry, Loix, V, p. 798. Arrêt du conseil du roi pour la police des noirs, mulâtres et autres gens de putes qui sont dans la ville de Paris, du 11 janvier 1778. Paris, imp. royale, P-

LES

AFFRANCHISSEMENTS

389

leur arrivée, en créant dans chaque port un dépôt destiné à les recevoir pendant le court séjour de leur maître (1). Les arrivées d’apprentis ne ralentirent pas, qui, leur métier appris, s’attardaient à Paris ou autour des ports, de domestiques qui suivaient leurs maîtres et qui restaient, comme eux. Les musiques des régiments ne manquèrent jamais de hauts noirs pour trompettes, tambours et grosses caisses. Mais ce qui importe ici c’est le mouvement d’opinion que représentent ces mesures de défense et les réactions qu’elles provoquèrent chez les gens de couleur libres et chez les autres. Cette réaction contre la multiplication des esclaves et des mulâtres en métropole est comprise par eux comme

un aspect de la guerre contre les libres, comme

la vo-

lonté de les murer dans leur colonie d’origine.

Les circulaires ministérielles qui à partir de 1776 prennent un tour plus vif de défense raciale, l'arrêt du Conseïl du 5 avril 1778 qui veut interdire en France les mariages mixtes (2) témoignent du même esprit. Des décisions judiciaires plus sévères sont appliquées aux noirs pour les moindres délits. L'apparition de tout inconnu étranger devient suspecte aux îles jusqu’à ce qu’il soit identifié. On voit le nombre des libres croître plus rapidement que jamais, atteindre celui des blancs, le dépasser très probablement même, ce que les recensements sont faits pour masquer soigneusement. Ils acquièrent des situations auxquelles ils n’auraient pu penser une trentaine d’années plus tôt. Quelques-uns, de couleur, revien-

nent de France après plusieurs années dans la boutique d’un orfèvre, d’un horloger, dans l’étude d’un notaire, au greffe d’un tribunal. Ils trouvent à se placer à la colonie comme écrivains. Plusieurs sont gérants de caféière, après avoir êté horlogers, économes ou sous-économes. C’est la caféière de leur père. Un haut échelon est monté. Les jalousies, les haïines se héris-

sent. La législation contre les libres qu’inspirent les plaintes répétées des colons et les alarmes de certains administrateurs, va être doublée de me-

sures qui réglementent, uniformisent et améliorent le sort des esclaves et qui renforcent l’action de l’État. Les ordonnances du roi du 17 décembre 1784 et du 23 décembre 1785 (3) réduisirent l’autorité des procureurs et des économes des plantations d’absents, et leur latitude de présenter à l’intendance pour leur libération tous ceux de leurs esclaves qui leur paraissaient le mériter. Les correspondances coloniales du moment sont pleines de récriminations contre cet empiétement révolutionnaire de

l'État. En fait deux tendances se font jour au sujet des libres chez les admi(1) L. Vignols, « Les esclaves coloniaux en France... ». (2) Arrêt du conseil du roi concernant les mariages

des noirs,

mulâtres

autres gens de couleur, du 5 avril 1778. De l'imprimerie royale, 1778, 2 p. (3) Moreau de Saint-Méry, Loix, VI, p. 618-628.

et

390

LES ESCLAVES

AUX

ANTILLES

nistrateurs des îles à la veille de la Révolution. Il y a ceux qui devant la montée rapide des libres et des mulâtres voient la société créole en grand péril, redoutent la fin prochaine de sa prépondérance. Ils s’opposent à la future « domination de la couleur » avec les armes de la législation coloniale aidée de la mauvaise volonté des bureaux, qu’on n’a

jamais à stimuler. Et il y a ceux, beaucoup moins nombreux il faut le

reconnaître, qui ne croient pas à des lendemains prochains aussi sinistres,

et veulent garder la porte ouverte entre les couleurs. Ce contraste est

très apparent en 1789, pourtant à un moment où la crainte sociale est chez la plupart des blancs de Saint-Domingue montée à son parOXySme. En mai 1789, le gouverneur de Saint-Domingue, le marquis Du Chilleau, en remettant l’intérim à Vincent avant de quitter

la colonie,

lui

enjoint de ne pas consentir à d’autres affranchissements que ceux de noirs ou d’hommes de couleur qui auraient servi six ans dans la maréchaussée (1). Du Chilleau était le grand ami des colons et il avait peur des libres. Mais en face de lui se trouvaient ceux qui dirigeaient les finances de la colonie, ce gros problème. Pour eux, restreindre les affranchissements c'était priver le budget d’une partie de ses ressources, de la caisse des libertés, et plus grave, c'était risquer des « mouvements très dangereux »

des esclaves désormais sans grand espoir d’être libérés. Ils cherchaïent refuge à l'étranger. Barbé-Marbois, l’intendant, et le gouverneur Peïnier qui remplaça bientôt Vincent, demandèrent qu’on appliquât sans chicane les instructions du roi au sujet des affranchissements auxquelles au demeurant contrevenaient les ordres laissés par Du Chilleau. Il n’est pas impossible que les restrictions plus étroites des libertés imposées en 1789 aient donné à plus de marrons l’idée de passer à l'espagnol. Mais ce qui nous reste de documents sur les esclaves fugitifs ne le laisse pas apparaître. Toujours est-il qu’en octobre 1789, la rumeur se répandit à Saint-Domingue que le roi d'Espagne attirait le plus d’esclaves possible dans des provinces d'Amérique en leur promettant la liberté (2). C'était la cédule royale du 28 février 1789, concédant la libre entrée des esclaves de traite étrangère à Cuba, à Porto-Rico, à Santo-Domingo, la partie espagnole de Saint-Domingue, et dans la province de Caracas (3), qui provoquait ces bruits et faisait craindre le passage de plus nombreux marrons dans la partie espagnole. Au milieu des rumeurs multiples sur les îles et de l’appréhension générale, on comprend qu’un colon ait annoncé à Bordeaux tout uniment, que l’esclavage était supprimé chez les Es(1) Vincent, gouverneur pi. et Barbé-Marbois au ministre, 28 juillet (Archives Nationales. Colonies ; C° A 162). (2) Peinier et Barbé-Marbois au ministre, 23 octobre 1789, id. (3) Francisco Pérez de la Riva, El café, La Habana, 1941, in-8°, p. 12-13.

1789.

LES AFFRANCHISSEMENTS

391

pagnols d’à côté de la partie française et que le gouvernement y accueil-

lait comme libres tous les noirs qui s’y réfugiaient (1). L’on sait que les marrons y avaient été bien souvent reçus sans rudesse, et que les Espagnols avaient toujours fait grande difficulté de rendre les fugitifs ; mais le bruit qui courait était fait de peur et d’hispanophobie. Le ministre eut beaucoup de peine à rassurer les armateurs et les propriétaires coloniaux des ports, répéter que la nouvelle était sans fondement (2). Tous les intérêts demeurèrent émus ; même après les explications du gouverneur espagnol qui n’avait jamais donné l’ordre, dit-il, de tenir comme libres les marrons réfugiés chez lui (3). Mais un ordre étaitil nécessaire ? Les prescriptions même multipliées, même minutieuses, ne résolvaient pas le problème des libres, toujours lié à celui, grinçant, des gens de couleur. C'était le plus grand problème que « l'affaire des colonies » devait poser devant la Constituante. Non seulement il n’avait pas été résolu avant 1789, mais on évitait de l’aborder franchement. Il était une

masse sur une pente. Pas plus que les colons, pas plus que les administrateurs, la Constituante ne pourra l'arrêter.

(1) Archives de la Gironde. Chambre de commerce de Bordeaux. C 459, 18 novembre 1789. (2) Id. 3 décembre 1789. (3) Id. 18 mars 1790.

XVIII

CONTRE

L’ESCLAVAGE

L'histoire de la résistance à l'esclavage, c’est-à-dire les représailles des esclaves contre leurs maîtres, devrait former ici un chapitre important. En fait il n’en sera rien et pour bien des raisons. Les documents n’ont pas encore été réunis, les recherches ne font que commencer. Je n’ai que des indications rencontrées chemin faisant au Cours d’autres analyses. Pour qu’elles trouvent tout leur sens, elles doivent être reprises avec méthode et selon un plan mieux éclairé. Ce côté de la vie des esclaves me demeure très mal connu. D'ailleurs les documents ne nous le montrent deque par l'extérieur, alors que pour être bien comprises ces réactions

les vraient être vues par le dedans. Étudier les révoltes, les suicides, origines, aux causes, aux aller faut il empoisonnements n’est pas tout,

suivre leur développement tandis que les commencements sont presque toujours incertains et leurs chefs non discernables. que Nous ne nous arrêterons un peu longuement qu’au marronage sans l’esde ce vengean une toujours te représen qu'il assurer s nous puission les assassiclave opprimé. A la vérité ce sont les incendies volontaires, ce ! résistan de formes vraies les sont qui nats d’économes ou de gérants +

car Ce serait d’abord l’histoire des révoltes qu’il conviendrait de faireesclades lles représai des r observe à elles sont l'aspect le plus facile et pour le XIX° ves. On ne les a jusqu'ici étudiées qu’à la Martinique ces recherrésumé a qui siècle, et nous n’avons pas pu lire le mémoire siècle ne XVIII* au ents mouvem les que ches (1). A vue de pays il semble lieu les nt qu’eure siècle XVII° au C’est rayon. furent pas de très large de la celui fut nt plus graves soulèvements. De beaucoup le plus importa ique (1815-1831), mémoire (1) Georges Lafare, Les révoltes d'esclaves à la Martin 1960. Paris, ures, supérie s d’étude e pour le diplôm

394

LES ESCLAVES

AUX

ANTILLES

Guadeloupe en 1656, où les esclaves étaient peu nombreux encore, bien plus nombreux déjà que les blancs toutefois. Leur projet était de massacrer tous les colons, de prendre leurs femmes et leurs biens, d’ériger deux rois, l’un à Basse-Terre, l’autre à la Capesterre. Houël, le gouverneur, arma des esclaves sûrs. Le complot échoua parce qu'il s’était formé deux bandes opposées : l’une d’Angolas, l’autre de Cap-Verts. Ces der-

niers prévinrent les planteurs. Les représailles m'était pourtant qu’un projet.

furent terribles (1). Ce

En 1699 à la Martinique, une autre révolte générale ne fut prévenue « que de quelques moments, tant il est vrai que le désir de la liberté et de la vengeance est toujours le même chez tous les hommes et les rend capables de tout entreprendre pour se satisfaire » (3). On voit en 1704, encore à la Martinique, deux marrons voleurs et assassins qui fu-

rent exécutés. L’un d’eux exhortait les esclaves à faire comme lui pour se rendre les maîtres de l’île (3). Une lettre de Gabaret, gouverneur, du

28 juillet 1710, rend compte des poursuites qu’il fait contre les marrons et parle d’une conspiration qu’il a découverte de 20 esclaves prêts à brûler le bourg de Saint-Pierre (4). En 1748, des esclaves voulurent profiter de la nuit de Noël pour s'emparer de l’île. Ils échouèrent parce qu’un colon eut par hasard connaissance de leur projet (5). Au XVIII* siècle, où la proportion des blancs, hors des bourgs, dimi-

nua d’année en année après 1740 en face des esclaves de plus en plus nombreux, où des nouveaux arrivaient à Saint-Domingue par dizaine de

milliers par an, peu ou pas de révoltes. De même à la Guadeloupe (6). La peur d’un soulèvement qui pointe ici ou là (7), est liée assez confu-

sément à la multiplication des nouveaux ; comme si un complot ne pou-

vait être que le fait d’esclaves récemment débarqués. Le clergé d’autre

part est facilement soupçonné de favoriser les révoltes, sinon de les fomenter. En 1770, Grégoire Magi, frère dominicain, passé de La Havane

à Saint-Domingue, est envoyé à la Bastille parce qu’on croyait qu’il avait

voulu soulever les esclaves de Port-au-Prince, au moment du tremblement de terre (8). A travers les rapports des gérants et les correspondances

des colons, on ne voit point de craintes précises de conspiration et de (1) Boyer Peyreleau, Les Antilles, 1827, 2 vol. in-8°, II, p. 226. (2) Labat, II, p. 149. (3) Archives Nationales. Colonies, C® 15, 12 juillet 1704. (4) Id. F° 250, f° 857 ; Peytraud, p. 351. (5) Peytraud, p. 371. (6) Satineau, p. 285. (7) Un complot pour une insurrection est dénoncé à Saint-Domingue (Archives Nationales. Colonies, E 48, dossier Bourguignon). (8) Archives Nationales. Colonies, E 295, dossier Magi.

en

1784

CONTRE

L’ESCLAVAGE

395

soulèvement, j'entends de craintes ayant duré longtemps. Ce dont on a peur c’est des marrons

en bandes.

Les papiers des plantations ne sont pas assurément les documents qui nous renseignent le mieux sur les révoltes des esclaves, sinon sur celle du mois d’août 1791 dans le Nord. Tout donc est à faire en partant d’autres sources. On devra commencer par comparer les soulèvements fréquents, des esclaves à ceux des captifs à bord des négriers, qui furent

parfois terribles. Nous avons de attendent (1) et à l’histoire des

Les uns sont peut-être les prolongements des autres. nombreux récits de révoltes en mer. Mais ces sources c’est en Amérique et aux États-Unis qu’on s’est attaché « séditions » (2). A nous de chercher quelle fut exac-

leur durée, tement la chronologie des insurrections, leur étendue exacte,

de coules alliances qu’elles trouvaient chez les libres, chez les gens être pour passé ont quartiers Des blancs. leur ou même chez quelques tes turbulen plus pour races Des mesures. aux d’autres plus sensibles que Ayos des celle que les autres, plus riches en « mauvais sujets », comme l’expérience, de l'actuelle Nigéria. Cette opinion était-elle bien fondée sur de quarnts mouveme les Entre ? ra-t-on qu’en-di ou sur des peurs, des révolLes l’autre. à tiers y eut-il essai de communication, appel d’une île injuste maître, mauvais tel ou tel tes sporadiques se lèvent-elles contre ou maladroit, ou contre l'esclavage en général ? on consiEn 1848 au moment de la libération générale des esclaves des esclaation protest une comme ions dérait les suicides sur les plantat Au age. l'esclav contre nts argume des un C'était ves contre leur sort.

s et le marronage des XVIII: siècle, avec les révoltes à bord des négrier manifestations des nettes plus des une nouveaux, les suicides étaient déjà

esclaves contre leur maître, la vengeance suprême. traversée que les C’est au départ des côtes d’Afrique, au début de la ou par grouent, isolém soit s, négrier les captifs se donnaient la mort sur semaines res premiè deux les oup beauc aient redout pes. Les capitaines n'étaient Ils . daient coïnci s du voyage vers les îles. Révoltes et suicide traite de ux journa Les s. voyage les pas toutefois à déplorer dans tous G. Martin, Nantes au XVIII° siè(1) Il y a d’abord les révoltes citées par in-8°. L'on a oublié le succès 1931, Paris, 1774), (1714rs négrie des l'ère cle : e. Mérimé de le nouvel de Tamango, la

rebellion on St-Croix, Danish (2) W. Westergaard, « Account of the negro (1926), p. 60-61 ; AH. History Negro of Journal », nts West Indies. Docume om» id. 1928, p. 22-36; freed l physica for slave the of Gordon, eThe srugle Virginia Negro insurrecin men white of pation James H. Johnston, « The partici insurrection before slave an Americ « Wish, tions», id. (1941), p. 158-168; H. « The Jamaica Slave Insurrection 1861 », id. 1937, p. 299-321; Ronald V. Sires, C. Carrol, Slave insurrection in loan, 1832-1863 », id. (1942), p. 295-320; Joseph 229 p. W.A. Owens Slave in-8°, 938, Boston, 65, 1800-18 States, the United d », London, Davies, 1953, Amista « shooner the on revolt the of mutiny : the story

in-8°, 280 p.

396

LES ESCLAVES

AUX

ANTILLES

ou de bord des négriers ne nous sont pas parvenus bien nombreux. Nous ne savons pas si les traversées sans suicides ou sans révoltes étaient le résultat d’une surveïllance plus attentive ou dépendaient du point où la traite avait été faite. Le suicide était aussi la tentation des nouveaux au cours de leurs premiers mois sur les plantations, mais il n’avait pas la même importance que le marronage et il semble même qu’il ait été assez rare. Il était, pensait-on, l'effet du chagrin, du dépaysement. A la Guadeloupe en 1696 un nouveau se tue chez les Pères dominicains. Je fus fâché de cet surtout parce qu'étant n'avait pu l’instruire ni car il est rare que les

chrétiens.

Les planteurs au suicide ainsi portugaise. Les tuer eux-mêmes gots (3) et les

accident pour plusieurs raisons, dit le P. Labat (1), et nouveau venu et ne sachant pas encore la langue, on le baptiser, ce qui aurait sans doute empêché ce malheur, nègres se portent à ces coups de désespoir quand ils sont

avaient cru remarquer que certaines races étaient portées les nations de l’actuelle basse Casamance et de la Guinée Balantes « aiment mieux se laisser mourir de faim ou se que de rester esclaves » (2) ; semblablement les BissaCazéguts d’une des îles Bissao.

Leur caractère naturellement fier leur rend l'esclavage insupportable, surtout hors de leur pays. Il n’y a rien qu’ils n’entreprennent pour en sortir. On ne peut prendre trop de précautions pour éviter qu’ils ne se révoltent quand on les a embarqués; les femmes sont aussi redoutables que les hommes (4).

Au contraire, les Mandingues étaient « les meilleurs noirs de PAfrique pour le travail, robustes, dociles, fidèles. pas sujets comme la plupart des nègres de Guinée à se désespérer de leur condition jusqu’à s’en vou-

loir débarrasser par la mort ou par la fuite (Sex

( Au témoignage du P. Labat, parmi les esclaves du golfe de Guinée,

Les Quiambas, établis à côté des Foins (6) avec lesquels ils ne font pour ainsi dire qu'un par leurs mœurs et leur inclination, ne doivent pas être achetés. Ce sont de mauvais sujets qui mettent le chagrin dans la tête des autres. Il n’en faut pas davantage pour porter toute une cargaison d'esclaves à se désespérer et

(1) IX, p. 405. (2) Cultru, Premier voyage du sieur de La Courbe fait à la Coste d'Afrique en 1685, Paris, 1913, in-8°, p. 258. (3) J.-B. Durand, Voyage au Sénégal, Paris, an X, 2 v. in-4°, I, p. 178. (4) Id. I, p. 185. (5) Brue, Relation de son sixième voyage, 1718. Walckenaer, Histoire des Voyages, II, p. 27. (6) Les Fons, du Dahomey.

CONTRE

L’ESCLAVAGE

397

à se laisser mourir de faim. Dès que le chagrin s'empare de l'esprit des nègres, ils s’assoient par terre, les coudes sur les genoux et la tête entre les mains et en trois ou quatre jours ils meurent, supposé qu'ils ne prennent pas le parti de se renverser l'extrémité de la langue dans la trachée-artère et de s’étouffer (1).

Les Fons sont enclins « à s’étouffer et à manger de la terre pour se faire mourir. Ils se chagrinent aisément, ce que les Levantins appellent « prendre fantaisie ». Mais il n’y a pas que les Fons à se laisser ainsi périr de nostalgie (2). Les nègres du royaume de Bénin et de Congo et autres environs. sont les moins estimés de la côte, non seulement parce qu'ils ne peuvent s’accoutumer à d’autres vivres qu'à ceux de leur pays qui sont principalement des ignames, des patates, mais parce qu’ils se chagrinent et meurent assez promptement (3).

Les Ibos de l’actuelle Nigeria souffraient beaucoup « du mal du pays » et leurs croyances les portaient facilement à se tuer. Mais il faut croire que les suicides pour aller retrouver l'Afrique dans l’au-delà n’étaient pas nombreux ; les colons, les voyageurs, sont peu précis et se répètent les uns les autres. A la Martinique Thibault de Chanvallon paraît remarquer que les suicides sont plus fréquents qu’à Saint-Domingue où cependant l'esclavage était bien plus dur. On nous amène de quelques cantons d’Afrique des nègres qui pensent que quand ils meurent ils s’en retournent chez eux. Ils ne sont point lâches au travail. Ils ont de bonnes qualités. Plusieurs habitants n’en achètent point d’autres. Cette acquisition est quelquefois hasardée. S'ils sont mécontents de leurs maîtres ou s’ils prennent quelques dégoûts ils n'hésitent point à se donner la mort ; ils se pendent, ils s’étouffent en retournant leur langue au-dedans comme s'ils voulaient l’avaler. Un habitant m’a dit qu’il avait appris d’un nègre que pour les empêcher d’attenter à leur vie il fallait quand on les châtiait les punir très sévèrement parce qu’alors ils n’oseraient aller en leur pays et s'y montrer avec les marques des coups de fouet qu'ils avaient reçus. Cet habitant qui avait plusieurs nègres de cette nation a toujours suivi ce conseil et s’en est bien trouvé. Il connaissait un autre colon dont le nègre avant d’être châtié menaçait de se tuer si on le punissait. Quand il eût été puni très rigoureusement on le laissa en liberté, on lui donna une corde et des instruments propres à trancher sa vie. On l'en défiait même. Les plaisanteries l’emportèrent sur le désespoir et sur le préjugé et il n’osa s'y résoudre. Ce même nègre passant ensuite à un autre maître

(1) 1730, (2) (3)

Labat, Voyage du chevalier de Marchais 4 v. in-12, IL, p. 126. Voir aussi Pruneau de Pommegorge. Labat, ib. IL, p. 172.

en Guinée.

en 1725-1727,

Paris,

398

LES ESCLAVES

AUX ANTILLES

qui le traitait avec trop de douceur, finit par s’étouffer avec simples menaces qui lui avaient été faites (1).

sa langue,

sur de

Sans doute y a-t-il dans cette façon d’expliquer les faits autre chose qu’une fine psychologie, mais ce récit montre au moins combien sont compliqués ces cas de suicide une fois qu’il ne s’agit plus de suicides de la période difficile de l’acclimatement. Les colons ont donc observé que la notion d’ethnie devait intervenir dans le suicide. Cela prouve que certains esclaves conservaient plus que d’autres des attaches avec leur pays d’origine, qu’ils en avaient la nostalgie, et que par la mort ils voulaient rejoindre l’Afrique de leurs pères (2). Dans ces cas quel est le rôle du fond religieux et social ? L’espoir d’un retour au pays natal est-il directement à considérer comme une réaction contre l’esclavage ? Avec toutes les réserves qu’impose une telle vomparaison il serait bon de rechercher quels furent le nombre et les causes des suicides dans les recrues des troupes noires, transportées loin de leur pays natal, loin de l’Afrique. La destruction des esclaves par eux-mêmes pour provoquer le dépit du maître paraît s’assimiler à un genre de suicide que Jeffreys a observé dans certaines régions de l’Afrique de l’Ouest, chez les Ashantis du Ghana en particulier, mais aussi à l'Est (3). Ce suicide a pour but la vengeance sur les vivants. Selon ce médecin ce suicide repose sur des croyances précises et sur une certaine organisation sociale. Il s’agit avant tout de la croyance en la résurrection des corps sous la forme de bons et de mauvais esprits ayant des missions à accomplir sur la terre parmi les vivants ; et cette croyance est liée au culte des ancêtres, en est sans

doute l’origine. Le suicide est un moyen de retour sous forme d'esprit pour torturer celui qui vous offense et vous a poussé au suicide. Il est très particulier aux pays animistes, rare en pays noirs islamisés. Après quelques mois sur les plantations les suicides deviennent rares. On avait remarqué que, le baptême reçu, les nouveaux ne tentaient pas de se tuer. L'époque du suicide était donc celle des mois qui suivaient le débarquement, comme il suivait le départ des côtes d’Afrique. Ni dans les comptes ni dans les journaux de roulaison, ni dans les correspon-

(1) Voyage, p. 63-64. (2) R. Bastide dans «Le suicide du noir brésilien >» ÆEstudios afrobrasileros, 2 série, 1951, remarque que «les Mina du Dahomey et les Yoruba essaient de tuer

leur maître tandis que les tribus du Gabon, du Mozambique et les Peuls tentent de se suicider ». (3) Jeffreys, md. « Samsonic suicide or suicide of revenge among African Studies (London) sept. 1952, p. 118-122. Voir aussi Paul African homicide and suicide, Princeton University Press, 1960, in-8°, Asuni, Le suicide en Nigeria de l'Ouest.

mystérieux

Africans », Bohannan. 270 p. et

CONTRE

L’ESCLAVAGE

399

dances, on ne voit citer de nombreux cas de mort volontaire. Les suicides

sont le fait d’estropiés ou de malades chroniques. Il y aurait à parler d’une manifestation contre l’esclavage que l’on peut rapprocher du suicide, c’est l’auto-mutilation. Mais on ne la voyait que très rarement aux Antilles. Elle paraît aussi très rare en Afrique (1). Pourrait-on parler d’un parralélisme assez précis entre le suicide et l’automutilation aux Antilles au temps de l'esclavage ?

Ce n’est pas dès le début de l’esclavage aux îles qu’on entend parler d’empoisonnement. Le P. Dutertre, qui n’est cependant pas venu aux premiers débuts, n’en dit mot (2). Mais une ordonnance du gouverneur de la Guadeloupe, de juillet 1682, prévoit le châtiment de différents crimes et parmi ces crimes ceux qui se commettent par « les vénéfices et poisons » (3). C’était le moment où l’on menait les enquêtes qui préparaient l’édit général pour la conduite des esclaves qu’on appelle le Code noir. Il fut publié en 1685, sans souffler mot des empoisonnements. On doit conclure qu’ils étaient rares.

Aux dernières années du XVII‘ siècle le P. Labat vint aux îles. Il séjourna surtout à la Martinique. Sa curiosité naturelle le mettait au fait de bien des accidents et de tous les on-dit. Il cite plusieurs empoisonnements à la Martinique en 1696 et en 1698, chez le sieur de Saint-Aubin et sur l’habitation du Fond Saint-Jacques (4), puis chez le sieur Laquant à Sainte-Marie (5). Il s’agit de soupçons d’empoisonnement sur des esclaves par des esclaves. Vengeances indirectes contre des maîtres ? Le Père Labat ne se perd pas en commentaires. L’on sait qu’en 1721, le Conseil supérieur de la Martinique condamna un esclave à mort pour crime d’emprisonnement (6). A la Guadeloupe, nous avons deux arrêts du Conseil supérieur des 11 mai et 14 août 1720, qui condamnent des esclaves à être brûlés vifs pour (1) Daouda Sow, Les conduites auto-agressives : suicides au Sénégal, thèse de médecine, Dakar, 1962, multicopié. (2) Satineau, p. 285. (3) Archives Nationales. Colonies, F° 286, p. 487. (4) I, p. 65, 66 ; IV, p. 500. (5) IV, p. 512-515. (6) L. Peytraud, p. 319.

et

automutilations

400

LES

ESCLAVES

AUX

ANTILLES

empoisonnement (1); et en février 1724, est promulguée une ordonnance du roi sur les vénéfices et poisons, qui rend la dénonciation des empoisonneurs obligatoire et les punit de mort par pendaison. Elle fait allusion à l’ordonnance de juillet 1682, citée plus haut, et laisse penser que le poison sévissait surtout aux îles du Vent (2).

Pendant une vingtaine d’années, pas de condamnations connues ni de réglementation nouvelle, mais à partir de 1743, les empoisonnements et les réactions contre les empoisonnements se multiplient. En 1742, à la suite de deux procès criminels, le Conseil du Cap rend un arrêt de réglement défendant aux chirurgiens, apothicaires et droguistes de confier des poisons aux esclaves (3). Suit le 1° février 1743 une déclaration sur les nègres qui composent des remèdes ou poisons, pour guérir les animaux et les hommes des piqûres de serpent (4). Comme si les guérisseurs et les empoisonneurs étaient mêmes gens pour les colons. Le 30 décembre 1746, une nouvelle déclaration royale étend aux îles du Vent l'effet de celle du 1°* février 1743, destinée aux îles sous le Vent (5). Les préoccupations s’étendent à toutes nos îles. Les administrateurs des îles du Vent sont alors les premiers dans la lutte contre les empoisonnements. Le 4 octobre 1749, leur ordonnance prescrit à tous les habitants de faire ouvrir le corps de ceux de leurs esclaves et animaux qu’ils soupçonneront d’être morts de poison. Cette recherche devra être faite avec diligence, par des chirurgiens jurés qui en dresseront procès-verbal en règle où les causes de la mort seront précisées (6). Il est toutefois bien plus souvent question d’empoisonnement de bestiaux que d’esclaves.

« Tout à coup, en mai 1756, dans le quartier du Cap et de FortDauphin », on découvre « une pratique presque générale d’empoisonnements faits par des nègres esclaves (7) ». Ce sont des dénonciations d’esclaves qui constituent le fond des preuves. Il est peut-être question ici du début de Macandal, dont il faudra bien essayer de faire l’histoire en dépit de la disparition des greffes judiciaires du temps et du silence

(1) Satineau, p. 289, note 1.

(2) É. Petit, Traité sur le gouvernement des esclaves, Genève-Paris, 1777, 2 v. in-8°, I, p. 96. (3) Id. I, p. 122, un arrêt du Conseil souverain de la Martinique, du 5 sep-

tembre 1769 fait à peu près les mêmes prescriptions. É. Petit, I, p. 314. (4) Id. I, p. 148. (5) Id. I, p. 167. (6) Id. I, p. 173, et Archives Nationales. Colonies F° 236, p. 493. (7) L. Peytraud, p. 321.

CONTRE

L’ESCLAVAGE

401

d’une partie au moins des correspondances administratives (1). Au nombre des pièces de la procédure de 1756 est la déclaration d’une négresse suivant laquelle le P. Duquesnoy, jésuite chargé de l’instruction des nègres dans le quartier du Cap, lui avait défendu de nommer ses complices. On a dû simplifier le témoignage et le jésuite a dû dire à cette négresse que la déclaration du roi rendant obligatoires les dénonciations, n’engageait pas les consciences. L’on tournait l'affaire contre les jésuites, ces protecteurs des esclaves injustement traités. Les Conseils supérieurs aideront à les supprimer en les accusant de souffler un mauvais esprit. Le roi fit « retirer » le P. Duquesnoy de la colonie.

On aurait employé très peu le poison contre les colons, les noirs croyant que leurs drogues n’avaient de succès que sur les Africains, grâce à « leurs dieux et démons », et aucun sur les blancs. Cependant on citait toute une famille de la Guadeloupe empoisonnée en 1763 (2), et l’on parle de cas où le poison avait été donné à des maîtres qui avaient promis la liberté après leur mort. « Après tout ce qui s’est passé de la part des esclaves vous devez sentir combien il est important de détruire en eux l'espoir de la liberté par testament qui les a portés à commettre tant de crimes (3) ». Sans qu’elle ait été cependant la terre privilégiée des empoisonneurs on sévit très sévèrement à la Guadeloupe contre eux par l'ordonnance du 5 juillet 1767. Aux curés était enjoint de la lire tous les trois mois au prône en créole et aux habitants de la faire lire tous les mois à la prière du matin et du soir (4). Le poison est alors, disait-on, avant tout un moyen de vengeance qui s’attaque d’abord aux bœufs, aux mulets, aux chevaux nécessaires à la marche régulière du travail. L'exploitation devient un chaos, le maître est « mortifié ». Les esclaves ne seraient attaqués qu’en des circonstances années 1756-1758 (1) Il n’y a guère que la sous-série C® A et B, à voir pour les de Saint-Méry. Moreau de s manuscrit les et pièce, à pièce examiner qu’il faudrait du Cap qui teur l’ordonna par Macandal de procès du mot Il n’est pas soufflé mingue en Saint-Do Tramond, J. : moment du parle pourtant des grands procès Lambert. Paris, sd. 1756 et 1757, d'après la correspondance de l’ordonnateur du Conseil supérieur du Société d’hist. des colonies françaises in-8°, p. 24. Un arrêt défend de nouveau «les Cap, du 11 mars 1758, concernant les empoisonnements, ficelés macanpratiques prétendues magiques et d’empoisonnement », «les paquetsse trouvait joint sacrilège «le laquelle à » saintes choses de ion dals..., profanat macandals étaient à remettrès souvent : eau bénite, encens bénit, crucifix ». Les I, p. 204). L'on voit d'où (Petit, curés aux ou tre dans la huitaine, aux maîtres venait le nom de Macandal, un surnom emprunté à un sortilège.

(2) Satineau, p. 290. Nationales. (3) Le ministre aux administrateurs des îles sous le Vent. Archives Colonies, B 109, 6 avril 1759. (4) Archives Nationales. Colonies, F° 236, p. 491.

402

AUX

LES ESCLAVES

ANTILLES

bien plus graves, bien moins souvent. Le poison s’en prend donc au régime du travail, dont on voudrait diminuer l'intensité, à moins qu’il ne s’agisse plus simplement d’épizooties particulièrement meurtrières. On établissait des relations directes entre la sévérité des traitements et le poison ; mais on ne recueillit jamais que des on-dit. Pour rester impunis, des empoisonneurs commençaient leurs crimes par leur propre famille, par leur femme, leurs enfants. Alors qui se vengeait ? On se perdait encore plus en conjonctures quand le coupable était l’esclave le mieux traité de l’habitation, celui qui passait pour le meilleur.

Ces morts de bestiaux ou d’esclaves en séries jetaient la colère chez les colons plus qu’ils n’apportaient la terreur. Toutes les morts, les maux d’entrailles, les maladies inconnues, passaient pour l’effet du poison ; et l’on se croyait facilement entouré de puissances occultes et surnaturelles. Il n’est pas impossible que les empoisonneurs aient eu aussi ce but-là, de dominer leur maître, de lui faire sentir, humiliation suprême avant sa ruine, un pouvoir caché, mais tout proche.

Ils étaient dits appartenir à une ou à des nations particulièrement intelligentes, plus actives que les autres, qui apportaient d’Afrique « la connaissance de plusieurs plantes vénimeuses » (1). Mais, il s’agit de bruits informes. Avec des plantes tropicales, étaient utilisées l’anilier, la

graine de lilas, le laurier-rose, le jus de la canne de Madère, le sublimé ou l’arsenic. Le fait d’empoisonnement de blancs en Afrique. au cours d’une campagne négrière est assuré. Dans le journal du négrier le Mars, Van Alstein, lieutenant, signale la mort à Mayombe au Congo, de plusieurs blancs d’un senau havrais (2). Était-ce une vengeance ou une défense ? Au reste les précisions ne sont pas grandes.

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Devant « les mortalités », la recherche des coupables était toute l’activité des colons, et le grand sujet des lettres des propriétaires absents. Celles des Lory, négociants nantais, adressées de France aux gérants de leur sucrerie de Fort-Dauphin est un témoignage de ces grandes préoccupations ; encore sont-elles, à coup sûr, atténuées pour nous qui n’avons pas les lettres venues de la colonie, mais seulement les réponses qu’on y a faites. Le poison aurait sévi sur cette plantation dès 1765, sur les animaux d’abord, puis sur les hommes.

(1) Thibauld de Chanvallon, p. 64. (2) Journal du Mars, 26 février 1756. Papiers Van la Flandre occidentale à Gand.

Alstein,

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CONTRE

L'ESCLAVAGE

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Lory de La Bernardière à Delisle, gérant, 15 mars 1766. — Je n'ai pu lire sans horreur tous les détails de noirceurs et de méchancetés de la part des nègres que vous me marquez. Je ne conçois pas comment cet habitant à qui on a dit que le poison avait été pris sur notre habitation a pu ne pas demander le nom de ceux qui le fournissaient. Il faut