Les empereurs romains en Afrique du Nord: Les grandes réformes du IIe au IIIe siècle après J.-C. 9782343026589, 2343026580

Les empereurs romains ont manifesté un intérêt particulier pour les provinces qui préserveraient la Roman way of life. E

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Les empereurs romains en Afrique du Nord: Les grandes réformes du IIe au IIIe siècle après J.-C.
 9782343026589, 2343026580

Table of contents :
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LES REFORMES AGRAIRES ET ECONOMIQUES DES EMPEREURS ROMAINS DANS LES PROVINCES D’AFRIQUE.
DEUXIEME PARTIE : LES EMPEREURS ET LA GESTION MILITAIRE ET DIPLOMATITIQUE DES REVOLTES DANS LES CITES.
CONCLUSION GENERALE
INDEX DES AUTEURS ANCIENS
TABLE DES MATIERES

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Noël Christian-Bernard OBIANG NNANG

LES EMPEREURS ROMAINS EN AFRIQUE DU NORD LES GRANDES RÉFORMES DU IIe AU IIIe SIÈCLE APRÈS J.-C.

Les empereurs romains en Afrique du Nord Les grandes réformes du IIe au IIIe siècle après J.-C.

Études africaines Collection dirigée par Denis Pryen Dernières parutions Pierre KIPRÉ, Cultures et identités nationales en Afrique de l’Ouest. Le Daà dans la société béninoise d’hier à demain, 2014.

Edouard Epiphane YOGO, Etat fragile et sécurité humaine au sud du Sahara, 2014. Wendpanga Jacob YOUGBARÉ, Méthodes d’aide à la décision appliquées pour le développement au Burkina Faso. La méthodologie Data Envelopment Analysis (DEA), 2014. Pierre KOULODJI, Vatican II et la parenté responsable. Histoire et analyse de Gaudium et spes 50,2, 2014. Lucien PAMBOU, La mondialisation, une chance pour l’Afrique ? Les Afriques noires francophones de l’ouest et du centre : sujets d’hier, acteurs de demain, 2014. Daniel Isaac ITOUA, Instruments de musique traditionnelle des Mbôsi du Congo, 2014. Pascasie Minani PASSY, Femmes en politique au Burundi. Leur nombre, leur influence ?, 2014. Elisabeth SHERIF, Élection et participation politique au Niger : le cas de Maradi. Contribution à l’analyse électorale en Afrique, 2014. Roger KAFFO FOKOU, Les Mbäfeung, peuple des hautes terres de l’ouest du Cameroun. Croyances et pratiques traditionnelles et culturelles, 2014. Rachel MAENDELEO RUTAKAZA, Le rétablissement et la consolidation de la paix en République Démocratique du Congo de 1990 à 2008, 2014. Liliane MBAZOGUE, L’éducation à la prévention du sida dans les classes de sciences, 2014. Constantin KUBETERZIÉ DABIRE, Financement d’un projet de partenariats public-prive (PPP), Missions du consultant et guide méthodologique, 2014. Olivier M. MBODO, Afrique subsaharienne, Populations, écologie et histoire, 2014. Eric M. NGANGO YOUMBI, Les prérogatives de puissance publique au Cameroun, 2014. Alhassane CHERIF, La parenté à plaisanterie (le sanakouya). Un atout pour le dialogue et la cohésion sociale en Guinée, 2014.

Noël Christian-Bernard OBIANG NNANG

LES EMPEREURS ROMAINS EN AFRIQUE DU NORD Les grandes réformes du IIe au IIIe siècle après J.-C.

L’Harmattan

Du même auteur aux éditions L’Harmattan : Les empereurs et les cités d'Afrique du IIe au IIIe siècle ap. J.-C.

© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-02658-9 EAN : 9782343026589

A Dieu, qui m’accorde le souffle de vie.

A mes parents Nang Marcel et Efone Marie Yolande.

A ma très chère épouse Nadia Mboumba D’Almeida Ayoko. A mes enfants.

« La romanité est pour toute chose le salut », Tertullien, De Pallio, I, 1 ; CCL, 2.

« Les mots donnent en moyenne, autant d’idées que les idées donnent de mots », Paul Valéry

Tertullien, De Anima, 30, 3 ( CCl, 2, p. 827) : « Certe quidem ipse orbis in promptu est cultior de die et instructor pristino omnia iam pervi, omnia nota, omnia negotiosa, solitudines famosas retro fundi amoenissimi oblitteraverunt, silvass arva domuerunt, feras pecora fugaverunt, harenae seruntur, saxa panduntur, paludes eliquantur, tantae urbes quantae non casae quondam, iam nec insulae horrent nec scopuli terrent ; ubique domus, ubique populus, ubique respublica, ubique vita ! » Lire : « Nous constatons, avec certitude, que le monde est de jour en jour mieux cultivé et mieux pourvu de tout qu’autrefois, tout est accessible, tout est connu, tout est travaillé ; des domaines ruraux très agréables ont fait reculer des déserts célèbres, les sillons ont dompté les forêts, les troupeaux ont mis en fuite les bêtes sauvages, les étendues de sable sont ensemencées, on ouvre les rochers, on assèche les marécages, il existe plus de villes qu’il n’y eut jadis de maisons, ni les îles, ni les récifs n’inspirent plus d’effroi. Partout des habitations, partout des peuples, partout des cités, partout la vie ! ».

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AVANT-PROPOS Cet ouvrage est la suite logique du premier intitulé Les empereurs romains et les cités d’Afrique du IIème au IIIème siècle ap. J.-C., paru en 2011 à L’Harmattan, collection Etudes Africaines. Il permet de suivre les actions directes et indirectes des empereurs romains en Afrique du Nord. L’utilité d’un tel ouvrage est de s’appuyer sur les aspects militaires, agricoles et diplomatiques de ces interventions dans les provinces de l’Afrique antique. Une telle réflexion s’avérait nécessaire tant les étudiants que j’ai eus en Licence 2, à l’université Omar Bongo de Libreville, en manifestaient l’intérêt. Je me suis donc lancé dans la rédaction de cet ouvrage qui permettra sans aucun doute de connaître un peu plus cette histoire de l’Afrique antique trop souvent diminuée et restreinte aux guerres puniques et aux exploits exacerbés d’un empire carthaginois aux abois et voué à la destruction – delenda carthago est-, organisée par un Scipion Emilien dit « Scipion l’Africain » las du souvenir de la défiance de Rome envers cette puissance anéantie. Après une première réflexion sur les rythmes d’octroi de la civitas romana, je me suis interrogé sur les causes de la prospérité de cette région romaine, ainsi que des difficultés à la romaniser intégralement, d’où l’importance de traiter les aspects agricoles, militaires et diplomatiques.

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INTRODUCTION

Les empereurs romains1 n’ont pas toujours eu des rapports uniformes avec toutes les provinces ni avec toutes les cités, qu’elles fussent municipes, colonies ou simples civitas peregrinus2, ou encore pagus3 ou vicus4. Le fait qu’il y ait une différence de statut entre les cités montre qu’elles n’étaient pas à niveau égal les unes des autres ; et que, même à l’intérieur des statuts, il y avait des disparités significatives caractéristiques des rapports privilégiés, et parfois très particuliers, entre le pouvoir central et telle ou telle civitas. L’histoire de l’Afrique ne nous a été que partiellement retracée par les auteurs anciens. Un premier récit à peu près continu va jusqu’à l’époque de Tibère pour l’Africa et de Claude pour la Maurétanie. Prenant non pas directement le relais de SALLUSTE, mais après un hiatus d’une soixantaine d’années, CESAR et le PSEUDO-CESAR, avec La Guerre civile5 et la Guerre d’Afrique, nous renseignent sur les événements qui ont marqué un moment bref, de cinq années à peine au milieu du premier siècle ap. J.-C., mais qui ont marqué l’histoire de l’Afrique d’une façon certainement décisive. Il faut ensuite recourir à DION CASSIUS qui, dans un court passage6, nous livre quelques indications sur la refondation et le renforcement de Carthage, mais de façon très 1

Histoire Auguste, Texte traduit par André Chastagnol, Paris, Robert Laffont, 1994, 1244 pages ; ZOSSO (Fr.), Les empereurs romains (27 av. J.-C. – 476 ap. J.-C., Edit. Errance, Paris, 2002, 253 pages ; ROMAN (Y.), Empereurs et sénateurs. Une histoire politique de l’Empire romain, Paris, Fayard, 2001, 543 pages. ZOOS (Fr.) et ZINGG (Ch.), Les empereurs romains, Ed. Errance, Paris, 2002, 254 pages. 2 BRIAND-PONSART (Cl.), HUGONIOT (Ch.), L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitaine, pp. 95-98. 3 Id., op. cit., p. 103. 4 Ibidem. 5 Bellum civile, II, 23-44. 6 DIO CASS., LX, 9, 6; Aur. Victor, Caes., 4, 2.

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rapide et superficielle, on pourrait dire évènementielle, sans la moindre précision de nature juridique, par exemple sur les institutions de la cité et de la province dont elle était la capitale, non plus que sur l’étendue du territoire où ces institutions s’appliquaient. TACITE prend le relais, pour l’Afrique du temps de Tibère, avec le récit circonstancié de la guerre de Tacfarinas. Ce qui est étonnant dans les sources concernant notre étude, c’est une absence du milieu du Ier siècle à la fin du IIIème siècle. On ne trouve que de rares allusions de-ci de-là : les expéditions vers les Garamantes7, au voyage d’Hadrien en 1288 ; à la guerre des Maures sous Antonin le Pieux9 ; au voyage de Septime Sévère et l’extension du limes en Tripolitaine10. Notre documentation s’est enrichie avec les inscriptions qui touchent la vie religieuse même si notre étude ne porte pas sur les aspects religieux de la présence impériale dans les cités d’Afrique romaine. C’est également par des pierres inscrites, tout comme ce fut le cas pour le culte impérial, que nous connaissons l’organisation militaire. On a pu reconstituer la conception générale du système défensif, afin de préserver les acquis de la présence romaine, à partir des ordres du jour d’Hadrien à Lambèse par exemple11, mais d’innombrables inscriptions révèlent la dispersion des garnisons locales, les raisons stratégiques de leur installation12 (nous allons montrer que les incursions des tribus y sont pour quelque chose, notamment celle des Baquates et des Autololes), et même de leur vie quotidienne13. Et par ailleurs quelques inscriptions de 7

TACITE, Hist., IV, 50 ; Pline, N. H., V, 5. SHA, Vita Hadr., XIII, 4 ; le dossier épigraphique est réédité dans Les Discours d’Hadrien à l’Armée d’Afrique (exercitatio), sous la direction d’Y. Le Bohec, Paris, De Boccard, 2003, pp. 59-76. 9 SHA, Vita Pii, V, 4 ; Pausanias, VIII, 43, 3. 10 SHA, Vita Severi, XVIII, 3; Tertullien, Adv. Iud. 7. 11 Prosopographie chrétienne du Bas-Empire, 1, Prosopographie de l’Afrique chrétienne (303-533), sous la direction d’A. Mandouze, Paris, CNRS, 1982. 12 REBUFFAT (R.), Au-delà des camps romains d’Afrique mineure, renseignements, contrôle, pénétration, ANRW, II, 10, 2, pp. 474-513. 13 AE, 1907, n° 4 et 5 ; 1954, n° 136 ; P. SALAMA, Bornes milliaires et problèmes stratégiques du Bas-Empire en Maurétanie, CRAI, pp. 346-354 ; P. SALAMA et M. CHRISTOL, Une nouvelle inscription d’Aïoun Sbiba 8

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la Césarienne apportent des détails sur les difficultés du milieu du IIIème siècle14. Nous avons utilisé les sources épigraphiques et archéologiques pour montrer l’importance des monuments figurés. En effet, de nombreuses monographies ont été réalisées, notamment sur les cités suivantes : Hadrumète15, Césarée de Maurétanie16, Belalis Major17, Utique18, Volubilis, Dougga, Mactar, Carthage, et bien d’autres. Certaines publications ont été consacrées à un type de monument, comme les thermes19. Nous avons constaté que l’archéologie et l’épigraphie sont inséparables, et l’étude d’un monument funéraire a pu une nouvelle fois apporter la démonstration avec le grand mausolée de Cillium (en Tunisie), où a été gravé un remarquable poème de cent dix vers, qui nous renseigne sur l’origine, la composition, les ambitions, la culture d’une famille romanoafricaine du second siècle : très classique dans son expression poétique et architecturale, cette culture ne repousse cependant pas ses fondements libyco-puniques20. L’épigraphie africaine d’ailleurs nous a rendu un nombre considérable de carmina, qui sont autant de témoins de la diffusion de la culture classique. C’est à travers ces sources que nous mettons l’accent sur les réformes agraires et les rapports diplomatiques entre les princes et les cités, et les cités entre elles. Cette optique d'étude implique tout naturellement un certain nombre d'interrogations, à savoir: comment se caractérisent la présence et l’action des empereurs dans les cités concernant l’insurrection maurétanienne dite « de 253 », dans Cah. du Centre Glotz , XII, 2001, pp. 253-267. 14 CIL, VIII, 2615 ; 9047 ; 12296 ; AE, 1907, n° 4 et 5 ; Cypr., Ep. LXII ; J. Jacques, Les curateurs des cités dans l’Occident romain de Trajan à Gallien, Etudes prosopographiques, V, Paris, 1983, pp. 380-381. 15 FOUCHER (L.), 1964. 16 LEVEAU (Ph.), 1984. 17 MAHJOUBI (A.), 1978. 18 LEZINE (A.), Utique, Tunis, 1968. 19 THEBERT (Y.), 2003. 20 Groupe de recherches sur l’Afrique Antique (de l’Université de Montpellier III), 1993.

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d’Afrique romaine sur les plans agricole, économique et diplomatique ? Comment se caractérisent les politiques agricoles et fiscales surtout dans ces provinces ? Un certain nombre de termes nous permettront de cerner et de répondre à ces interrogations : indulgentia, beneficia, ex permissu, ex auctoritate, etc.

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PREMIERE PARTIE : LES REFORMES AGRAIRES ET ECONOMIQUES DES EMPEREURS ROMAINS DANS LES PROVINCES D’AFRIQUE.

INTRODUCTION Au début du IIème siècle, le secteur méridional de l’Africa est mis en valeur ; apparaissent alors de grands domaines dans cette région. Cette croissance se lit grâce à l’étude du développement de l’administration qui les régissait. Au début du règne d’Hadrien, la titulature du premier procurateur connu est celui de « procurateur de l’empereur21, pro(uratori Aug(usti) praediorum saltu(um) [Hip]ponensis et Thevestini »22 ; ce titre imprécis prouve la nouveauté de cette fonction créée en liaison avec l’extension territoriale des domaines impériaux. Les sources épigraphiques retrouvées fournissent des informations sur ce que sont les deux lois agraires les plus célèbres de l’histoire de l’empire romain, à savoir : la lex Manciana et la lex Hadriana de rudibus agris. Ces deux lois nous donnent avec précision des informations sur les avantages que pouvaient tirer les exploitants de ces grandes propriétés impériales, et les implications de ces lois sur le développement de la richesse des cités. Une autre interrogation serait celle de savoir quelle fut la situation des autres paysans ne bénéficiant pas de ces lois, mais les mobiles23 de leur élaboration a fait l’objet de nombreux travaux.

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Sur la gestion des domaines par les représentants de l’empereur : KOLENDO (J.), « La hiérarchie des procurateurs dans l’inscription d’Aïn-elDjemala (CIL, VIII, 25943) », REL, 46, 1968, pp. 319-329. KEHOE (D.P), The Economics of Agriculture on Roman Imperial Estates in North Africa (Hypomnemata 89), Göttingen, 1988, au-delà d’une étude historique et géographique de la vallée du Bagrada, reprend l’étude de ces grands textes de la législation agraire africaine retrouvés dans cette région. 22 « Responsable des biens de la région d’Hippone et de Théveste ». CIL, VIII, 535 (ILS, 1435) = ILAlg., I, 285 : …procurateur de l’empereur pour les domaines des ensembles fonciers d’Hippone et de Théveste. 23 Ces inscriptions furent rédigées à la suite de différends qui opposaient les ouvriers de la terre à l’administration impériale. Une autre inscription importante, retrouvée à Souk el-Khemis (CIL, VIII, 14464, texte daté de 182183), conserve le texte d’une pétition présentée par les habitants du saltus Burunitanus à Commode.

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Il est important avant de continuer de faire une distinction entre les propriétés impériales (saltus) et les propriétés de particuliers (fundus) exploitant des domaines autres que ceux de l’empereur et des membres de sa famille. En effet, des colons romains s’étaient installés dans le Maghreb à la fin de la République, près des exploitations agricoles indigènes. Avec l’occupation de petites parcelles individuelles, le processus de colonisation se prolongea jusqu’à l’époque des Flaviens, puis diminua progressivement. En même temps, de grands possesseurs romains et italiens qui exploitaient une importante main-d’œuvre indigène réussirent à concentrer dans leurs mains d’immenses domaines24. Il est important dans une autre mesure de montrer quelles furent les décisions des princes sur le plan économique qui ont été une entorse au développement des cités. A ce propos, il nous faut parler des pressions fiscales et des conséquences de crises sur les cités ; en ayant précisément à l’esprit le souci de voir si la crise du IIIème siècle a eu un impact sur la vie des cités. Il nous faudra éviter toute confusion entre les terres occupées par les paysans au profit des familles dirigeantes des cités, et les baux emphytéotiques25. Une autre question est celle de se 24

Beaucoup de possesseurs exploitèrent les richesses de leurs terres pour faire une carrière politique : ce fut le cas, à l’époque d’Hadrien, du sénateur Licinius Africanus dont le saltus Beguensis à Casae (Henchir Begueur), était situé sur un territoire ayant jadis appartenu aux Musulames, ou de P. Iunius Iunianus Martilianus, gouverneur de Numidie à l’époque d’Alexandre Sévère qui possédait une villa à 17 km de Mascula (Kenchela). Il arrivait aussi que les possesseurs soient des notables indigènes, entrés dans l’ordre équestre puis sénatorial grâce à leurs terres. Fr. JACQUES, « Propriétés impériales et cités en Numidie méridionale », CCG, 3, pp. 123-139, examine les témoignages offerts par les régions de Kenchela et de Timgad, qui tendraient à montrer, dans le premier cas au moins, l’apparition tardive d’organismes municipaux. 25 La diffusion des baux emphytéotiques a conduit certains spécialistes à supposer que cette forme de location ait été conçue dans les pays du Maghreb puis, de là, exportée dans le reste de l’Empire. D’autres, plus raisonnablement, ont émis l’hypothèse, selon laquelle les baux emphytéotiques, importés en Afrique, ont trouvé, grâce à l’étendue des propriétés impériales, une telle application qu’ils deviennent un modèle pour les autres provinces. En effet, une loi promulgué en 422 par Honorius (Code Théodosien XI, 28, 13), démontre l’extension des terres impériales en Zeugitane et en Byzacène qui atteignaient 1/6 de la superficie totale des deux provinces (91000Kme), une

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demander si les lois agraires concernaient toutes nos provinces26.

donnée encore plus significative si l’on garde à l’esprit que la surface cultivable représentait environ 5/9 des territoires. Honorius voulait éviter, d’une part, que les agriculteurs ne fussent ruinés par des charges fiscales excessives, et d’autre part, inciter à la culture des terres. 26 A l’époque impériale, le territoire de la province d’Afrique devint la propriété du peuple romain et de l’empereur. Par conséquent, les indigènes comme les citoyens romains n’étaient pas propriétaires des terres qu’ils cultivaient. Ils n’avaient que la jouissance de la possession (possessio) ou l’usufructus. Probablement, des formes d’exploitation agraire différentes ont cohabité à l’intérieur d’une même réalité locale.

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CHAPITRE I. LES REFORMES AGRAIRES. Pour une entrée en matière, j’ai opté pour une transcription des inscriptions qui constituent l’essentiel de notre chapitre. Elles nous permettent de saisir l’importance et surtout les mobiles et les objectifs visés par les empereurs qui ont promulgué ces lois agraires. Elles consistent, tout comme ce fut le cas pour les lois agraires des frères Gracques sous la République27, à valoriser les terres des domaines impériaux et privés. Il ne s’agira pas de revenir sur les études qui ont été faites sur ces lois, mais d’en montrer les répercussions et les insuffisances. A. LES DOCUMENTS EPIGRAPHIQUES Les inscriptions d’Henchir28 Mettich de 116-11729, celle d’Aïn el Djemala datant du règne d’Hadrien30, de Souk31 el Khémis de 180-18232 et celle d’Aïn Ouassel33 forment le corpus de quatre inscriptions ; il constitue un dossier de documents qui se complètent mutuellement et qui fixent la redevance des colons, la législation du travail agricole sur les grands domaines impériaux, conditions reprises par les biens privés. Une inscription trouvée à Thugga34 fait mention des conditions d’exploitation des terres impériales. Ces sources illustrent la 27

BRIZZI (G.), Storia di Roma, Bologne, 1997, pp. 245-442 ; Histoire romaine, 1, édit. F. Hinard, Paris, 2000, pp. 531-921. SAUMAGNE (Ch.), Le plan de la colonie gracchienne de Carthage, CT, 10, 1962, pp. 473-487. 28 Souvent abrégé en « Hr », c’est le nom donné à une ferme. 29 CIL, VIII, 25902. 30 CIL, VIII, 25943. 31 C’est un marché. 32 CIL, VIII, 14464. : Une autre inscription importante, retrouvée à Souk elKhemis (CIL, VIII, 14464, texte daté de 182-183), conserve le texte d’une pétition présentée par les habitants du saltus Burunitanus à Commode. 33 CIL, VIII, 26416. 34 AE, 2001, 2083.

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politique menée par les princes et les conditions de travail des agriculteurs qui se sont caractérisées par un changement des conditions de vie des habitants des cités. Afin de donner de la cohérence à cette entrée en matière sur la politique agraire ou agricole, nous avons pris soin de donner ici une traduction de la première inscription supra dixi, qui concerne un bien privé, au –dessus de la plinthe on pouvait lire : Première face « Ce règlement a été publié par Lucius Victor, fils d’Odilon, « Sur l’ordre de notre maître Auguste, l’empereur César Trajan Auguste Optimus Germanicus Parthicus et de toute la famille divine. Règlement édicté par Licinius Maximus et Felicitor, affranchis d’Auguste, tous deux procurateurs, sur le modèle de la lex Manciana. A ceux qui habitent autour du Fundus (domaine) Villae Magnae Varianae, c’est-à-dire des Mappalia Siga, il est permis de mettre en valeur les champs, qui sont des subcesiva, et cette permission leur est donnée conformément à la lex Manciana : c’est à savoir que celui qui aurait mis en valeur en aura l’usus pour lui personnellement. Quant aux fruits qui seront récoltés sur ces subcesiva, les coloni devront en donner aux propriétaires ou aux locataires ou aux régisseurs dudit fundus les parts fixées dans la lex Manciana, aux conditions suivantes : les parts de fruits qu’ils devront, pour chaque espèce de culture, fournir, apporter et moudre, ils les fourniront à leur gré aux locataires et aux régisseurs ; et si les locataires et les régisseurs annoncent par écrit […], que les coloni devront fournir leur quotes-parts [de telle ou telle manière] les coloni devront fournir aussi leurs colonicae partes aux locataires ou aux régisseurs de ce fundus. Les personnes domiciliées sur le domaine de la Villa Magna ou Mappalia35 Siga qui occupent ou occuperont les fermes 35

C’est l’habitat des pauvres ou « gourbis » dont le nom a pu désigner un quartier d’une grande ville va se répandre dans tout l’Empire : Ch. LECOEUR, Les mappalia, Hesperis, 24, 1937, pp. 29-45 ; E. G. GODERT, Les mapalia, RT, 1938, pp. 343-345 ; G. MARCY, Les mapalia, Hesperis, 29, 1942, pp. 23-40; J. MARTINIE, A propos des mapalia, Hesperis, 36, 1949, pp. 446-447.

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appartenant au propriétaire du domaine fourniront aux propriétaires ou aux chefs d’exploitation le montant exact des parts de fruits, de vendanges, conformément à la coutume mancienne (ou consuetudo Manciana), soit : pour le blé, le tiers de la récolte au sortir de l’aire ; pour l’orge, le tiers de la récolte au sortir de l’aire ; pour le vin, un tiers du vin recueilli dans la cuve ; pour l’huile, la tierce part ; pour le miel, un setier par ruche. Magister et par Flavius Gemmius Felix, fils de Birzil, petit-fils d’Annobal, étant défenseur. » Deuxième face Celui qui aura plus de cinq ruches à la récolte du miel, devra en donner [une part supplémentaire sans doute] soit aux propriétaires, soit aux locataires ou aux régisseurs du fundus. Si quelqu’un transporte du fundus Villae Magna Varianae ou Mappalia Siga, des ruches, des essaims, des abeilles, des vases à miel dans sa « terre octonaire », et avec l’intention de causer un préjudice aux propriétaires ou aux locataires ou aux régisseurs de ce fundus, dans ce cas [les ruches], les essaims, les abeilles, les vases à miel et le miel qui [y seront] appartiendront aux locataires ou aux régisseurs en bloc. Les figues sèches, cueilles sur les figuiers qui ne font pas partie du verger attenant aux bâtiments mêmes de la ferme, [devront être partagées] de telle sorte que le colonus n’ait pas à sa disposition plus [de telle partie, le reste] étant donné [ou laissé] aux locataires ou aux régisseurs du fundus. Pour ce qui est des figueries et des olivettes plantées depuis longtemps avant cette loi [et en plein rapport], le colonus devra en partager la récolte avec les locataires ou les régisseurs de ce fundus conformément à la consuetudo Manciana. Si plus tard (après la publication du présent règlement), une figuerie venait à être créée, il lui sera permis de disposer à son gré pendant cinq récoltes de suite du produit de ces figuiers ; après la cinquième récolte, il devra donner aux locataires ou aux régisseurs dudit fundus la part fixée par la lex Manciana et indiquée plus haut. Il permit de semer et de cultiver de nouvelles vignes à la place des anciennes aux conditions suivantes : pendant les cinq premières vendanges, la récolte de ces vignes sera laissée à la

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disposition de celui qui les aura semées ; mais après la cinquième vendange, à partir des semailles, le tiers de la récolte devra être donné, comme fixé par la loi mancienne, aux locataires […] Troisième face […] il lui sera permis de percevoir à son gré la récolte de cette olivette qu’il a ainsi plantée pendant dix récoltes consécutives à la plantation ; et de même après la dixième récolte, il devra remettre aux fermiers de ce domaine la tierce partie de l’huile produite. Quiconque greffera des oliviers sauvages devra verser un tiers de la récolte au bout de cinq ans. Dans le domaine de Villa Magna Variana, autrement dit Mappalia Siga, le revenu des champs qui sont ou seront ensemencés de plantes fourragères, à l’exception de ceux ensemencés de vesces, devra être remis aux fermiers ou chefs d’exploitation ; les gardiens (surveillants) qui recouvriront ce produit. Quant au bétail qui naîtra dans l’intérieur du fundus Villae Magnae ou Mappalia Siga, les coloni devront payer, aux fermiers ou aux chefs d’exploitation pour chaque tête de bétail, la redevance de quatre pièces de bronze. Si quelqu’un coupe, détruit, emporte, vole, abîme, mutile dans le fundus Villae Magnae, c’est-à-dire dans les Mappalia Siga, quelque récolte sur pied ou en branche, mûre ou non, et si quelque préjudice [doit en résulter] pour les locataires ou les régisseurs [dudit fundus… Quatrième face Quiconque aura planté ou plantera des arbres fruitiers sur le domaine de Villa Magna, a le droit de léguer par testament à ses enfants, issus d’un mariage légitime, l’usage de cette plantation. Si quelqu’un met ou a mis en culture une terre inculte, implante ou a implanté une maison et si quelqu’un qui a cultivé cesse de le faire, du moment où la terre cesse d’être cultivée, le droit de culture est préservé et le demeurera dans le délai de deux ans après le jour d’interruption de la culture. Après deux ans, les fermiers, ou les chefs d’exploitation (cultiveront la terre ?).

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Quand une pièce de terre a été cultivée l’année précédente, et cessera ensuite de l’être, les fermiers ou chefs d’exploitation de ce domaine signifieront à celui qui est dit avoir l’usage de cette terre d’avoir à la remettre en culture ; si après signification, celui-ci continue à différer la reprise du travail et s’il persiste l’année suivante au terme de cette seconde année, les fermiers ou chefs d’exploitation de ce domaine cultiveront la terre. Les colons résidant sur le domaine donneront leurs noms aux fermiers de ce domaine et chacun devra fournir des corvées de gardiennage dans les champs. Quant aux stipendiarii qui habiteront dans le domaine de Villa Magna (Mappalia Siga) ; ils devront fournir aux fermiers. Cette loi a été écrite par Lurius Victor, fils d’Odilon, magister et par Flavius Geminius Felix, defensor, fils d’Annobal, fils de Birzil. »36 Ce document, gravé sur les quatre faces d’un dé rectangulaire quelque peu endommagé, révèle l’existence d’un grand domaine plus proche de Carthage et de la côte que les saltus déjà connus : le texte mentionne Trajan, qualifié de Parthicus, surnom que l’empereur porte entre 115 et août 117 et date donc de ces années-là ; il est antérieur aux autres sources épigraphiques qui concernent les grands domaines. Ce 36

CIL, VIII, 25902 ; date : 116-117. Le texte intégral se présente comme suit : « Un non solum cognoscere per tot retro annos instantibus ac supplicantibus nobis vestramque divinam subscriptionem allegantibus supersederit… Missis militibus in eumdem saltum Burunitanum alios nostrum adprehendi et vexari, alios vinciri, non nullos cives etiam Romanos virgis et fustibus effligi jusserit. Eo solo merito nostro quod in tam gravi pro modulo mediocritatis nostrae tamque manifesta injuria imploratum maiestatem tuam acerba epistola usi fuissemus … Impulit nos miserrimos hominess rursum divinae provindentiae tuae supplicare et ideo rogamus, sacratissime imp., subveritas. Ut kapite legis hadrianae quod suprascriptum est, ademptum est, ademptum sit jius etiam procuratoribus nedum conductori adversus colonos ampliandi partes agrarias aut oprearum praebitionem jugorumve. Ut se habetn literae proc(uratroum) quae sunt in tabulario tractus Karthag. non amplius annuas quam binas aratorias, binas sartorias, binas messorias operas debeamus… ut pote cum in aere inciso et undique versum vicinis nostris perpetua in hodiernum forma praestitutum et proc. literis confirmatum ».

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règlement concerne ici une propriété privée ou fundus et fixe les redevances ou même les stipendiarii. Propriété limitée et cadastrée, le domaine forme un tout constitué par des terres cultivées et des bâtiments, la Villa Magna suivi du nom propre, sans doute celui du premier propriétaire romain, Varianus. Le second terme, Mappalia Siga, est le terme local antérieur. C’était un domaine créé hors de toute structure urbaine, soit acheté par ce Varianus, soit concédé par l’indulgentia imperatoris sur des terres de l’ager publicus. Un historien contemporain, W. HELD, dans un article sur la lex Manciana, démontre qu’elle s’appliquait aussi bien dans les domaines impériaux que dans les domaines privés et qu’elle donnait un véritable statut au colon37. Les coloni sont les hommes qui cultivent la terre, les uns dans la première partie du texte sont domiciliés en dehors et autour du fundus, auxquels on concède l’usage de lots de terres, des subcesiva. Les inquilini sont des ouvriers agricoles, étrangers au pays, venus louer leurs bras pour des tâches précises. Ce règlement est le complément de la fondation du fundus ; pour mettre fin à tout litige, il fixe les droits du propriétaire, qui est l’empereur, et gère la situation nouvelle des habitants du pays à la suite de la création de ce bien foncier. Les procurateurs impériaux38 avec leur personnel ont délimité le fundus sur des terres occupées jusqu’alors par des indigènes, 37

HELD (W.), « Die lex Manciana », Altertum, 11, 1965, pp. 223-253. KEHOE (D.), “Lease Regulations for Imperial Estates in North Africa. Part 2”, ZPE, 59, 1985, pp. 151-173. dans ces deux études, l’auteur s’attache à l’étude de l’application de la lex Manciana, destine aux terres privées et à un certain nombre de domaines impériaux, à partir des inscriptions d’Henchir Mettich et d’Aïn Ouassel. 38 KOLENDO (J.), « La hiérarchie des procurateurs dans l’inscription d’Aïn el-Djemala (CIL, VIII, 25943) », REL, 46, 1968, pp. 319-329. Cette inscription, en mentionnant l’oléiculture et la production de vin, prouve que ces deux productions ont fait de grands progrès depuis l’époque de Pline l’Ancien qui disait qu’elles étaient peu répandues. Le miel d’origine africaine bénéficiait d’une grande réputation, optima cera, la meilleure cire selon Pline l’Ancien. Les cultures variées de ce domaine s’orientaient vers la recherche de profits maximaux en développant des produits liés à la commercialisation et à l’exportation ; il n’y a pas pour autant de monoculture mais la recherche, à travers les produits les mieux appropriés, du gain maximal.

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habitant une agglomération, Mappalia Siga. Le nouveau possesseur jouit de ces terres et peut les exploiter à sa guise. Cette forme de propriété inférieure à celle du peuple romain permet toutefois à son détenteur de vendre et de léguer ce type de biens. Les indigènes qui n’habitent pas sur ce domaine peuvent cultiver des subcesiva, parcelles de sol non mises en valeur jusqu’à cette date, dont la superficie est inférieure à une centurie ou dont la culture est difficile. Seul l’usus est donné aux indigènes, droit lié à un individu qui ne peut ni vendre, ni donner, ni léguer ces parcelles. Le partage de récoltes se fera conformément à la lex Manciana. Les coloni, eux, continuent de cultiver la parcelle dont ils ont le seul usus, mais doivent donner au propriétaire ou ses représentants une partie des récoltes, quantité résultant de la lex Manciana, un tiers pour les céréales, le vin et l’huile, un quart pour les fèves, un demi-litre de miel par ruche. Les deux inscriptions trouvées39 au sud de l’oued Siliana, à Aïn Ouassel et à Aïn-el- Djemala reproduisaient une pétition rédigée sous Hadrien par les cultivateurs d’un fundus et les avantages accordés en réponse à l’empereur. Nous reproduisons ici le texte traduit : Première face « [Pétition aux procurateurs des cultivateurs du pagus( ?)40] ----anus : « Nous vous demandons, ô procurateurs, en invoquant en vous cette sagesse que vous déployez au nom de César, de bien vouloir veiller à nos intérêts et à ceux de sa majesté et nous donner les terres qui sont en marécages ou en broussailles à planter d’oliviers et de vignes, conformément à la loi Manciana, et selon la condition du saltus Neronianus, qui 39

DE LIGT (L.), « Studies in Legal and Agrarian History, I. The Inscription from Henchir Mettich and the lex Manciana”, Ancient Society, 29, 1998/1999, pp. 219-239, s’interroge sur le lien qui existe entre ces deux célèbres lois. Le commentaire des colonnes 1 et 4 lui fait envisager, qu’à l’origine, la loi avait été prévue pour des domaines privés avant d’être étendue aux domaines impériaux. 40 Il n’est pas sûr que les cultivateurs soient issus du pagus limitrophe des domaines concernés et la question se pose de savoir s’il s’agissait bien de petits propriétaires voisins attirés, comme le pensait J. CARCOPINO, par les conditions des baux.

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est voisin de vous. En vous adressant cette pétition [nous songions] au fundus Neronianus précité et à l’accroissement des habitants----». Deuxième face [---]que tu en donnes l’ordre. Déclaration de procurateurs de l’empereur César Hadrien Auguste : "Attendu que notre César, en raison de l’infatigable dévouement qui est le sien et avec lequel il veille perpétuellement aux intérêts de l’humanité, ordonne de mettre en valeur toutes les parties des champs propres à la culture tant de l’olivier ou de la vigne que des céréales, par ce motif et par délégation de sa providence, il est permis à tous d’occuper même les parcelles qui sont situées dans les centuries affermées des saltus Blandianus et Udensis, et dans ces parties de terrain qui, distraites des saltus Tuzritanus et Domitianus, ont été annexées au saltus Tuzritanus et ne sont pas exploitées par les fermiers ; et à ceux qui les auront occupées, de les posséder, d’en jouir, de les laisser à leurs héritiers, droit qui est impliqué dans la loi d’Hadrien sur les terres en friche et sur les terres restées incultes pendant dix années consécutives. Et sur ces saltus Blandianus et Udensis , ils ne livreront pas, en vertu du présent règlement, une part de récolte supérieure à la part livrée ailleurs à cause de la loi Manciana ; mais celui qui aura occupé les lieux négligés par les fermiers donnera la part qui est habituellement donnée, le tiers de la récolte. Egalement s’il s’agit de ces régions qui, distraites des saltus Lamianus et Domitianus, ont été annexées au saltus Tuzritanus on donnera la même part. En ce qui concerne les oliviers qu’un des possesseurs aura plantés ou greffés sur des oliviers sauvages, aucune part des récoltes perçues sur eux ne sera exigée avant dix ans, ni avant sept ans pour les arbres fruitiers ; et aucun autre fruit n’entrera dans la masse pour le calcul des parts que ceux que les possesseurs mettront en vente. Pour ce qui est des redevances de céréales, quiconque y sera soumis devra les livrer pendant les cinq premières années à celui sous le bail de qui il aura pris possession ; et après ce laps de temps, à l’administration".

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Quatrième face [Lettre des procurateurs de la regio] : Carinus et Doryphorus à leur cher Primigenius, salut. Copie de la lettre à nous écrire par Tutilius Pudens, egregius vir, pour que tu en prennes connaissance, et pour les lignes qui suivent, elles doivent être exposées dans les lieux les plus fréquentés : "Veridius Bassus et Januarius et leur cher Martialis, salut : s’il y a des champs qu’on a abandonnés et qui sont en friche, s’il y en a dans cette circonscription de saltus, qui soient en broussailles et en marais, voulant en vertu de la loi Manciana, etc.----"41. L’empereur, qui mène une politique agraire et fiscale, concède des terres de ses saltus ; il veut faire mettre en valeur toutes les terres en friche ou abandonnées aptes à être cultivées. Cet effort s’est étendu à l’Africa, coordonnant les efforts des colons. L’intérêt de l’empereur et ceux des colons coïncident : plus les revenus du domaine étaient élevés, plus la ferme des biens était élevée. De même, les surplus engrangés sur le prix des loyers étaient pour le conductor proportionnels aux surfaces cultivées et à leur rendement. Il convient quelque peu de fournir ici un passage d’Hérodien42 sur la lex Manciana pour être en harmonie avec la suite de nos propos : « ȆȦIJȠȞ ȝȑȞ ȖȐȡ ʌâıĮȞ IJȒȞ țĮIJ˸ ˸ ˸ ǿIJĮȜȓĮȞ țĮȓ ȑȞ IJȠȓȢ ȜȠȚʌȠȓȢ ȑșȞİıȚȞ ȐȖİȫȡȖȘIJȩȞ IJİ țĮȓ ʌĮȞIJȐʌĮıȚȞ ȩıĮȞ ȐȡȖȩȞ İʌȑȡİȥİȞ¸ ȩʌȩıȘȞ IJȚȢ ȕȠȪȜİIJĮȚ țĮȓ įȪȞĮIJĮȚ¸ İȓ țĮȓ ȕĮıȚȜȑȦȢ țIJȒȝĮ İȓȘ¸ țĮIJĮȜĮȝȕȐȞİȚȞ¸ ȑʌȚȝİȜșȑȞIJȚ IJİ țĮȓ ȖİȦȡȖȒıĮȞIJȚ įİıʌȩIJȘ İȓȞĮȚ̙̗ ǼįȦțȑ IJİ ȖİȡȖȠȨıȚȞ ȐIJȑȜİȚĮȞ ʌȐȞIJȦȞ ȑȢ įȑțĮ ȑIJȘ țĮȓ įȚȐ ʌĮȞIJȩȢ įİıʌȠIJİȓĮȢ ȐȝİȡȚȝȞȓĮȞ ». Nous comprenons le texte ainsi : « Tout d’abord en effet, à travers toute l’Italie et dans les autres régions, [la terre] qui n’était absolument pas cultivée ni travaillée, il [Pertinax] l’attribua en partage pour 41

CIL, VIII, 27943 ; traduction de J. CARCOPINO, 1906, 371-372. Cette inscription date de 117-138. 42 HERODIEN, II, 4, 6. Nous suivons aussi le texte publié par C. R. WHITTAKER.

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l’occuper, dans la mesure où on le voulait et on le pouvait, même si c’était un bien impérial, et il en rendit maître celui qui s’en était occupé et l’avait cultivé. Et il lui donna une immunité fiscale pendant dix ans et une sécurité permanente de possession »43. Pour les Romains d’Afrique, ce droit « mancien » est attribué par l’autorité publique de détenir et de posséder le terrain d’autrui, d’en user, d’en jouir (l’usus et le fructus) et d’en disposer sous certaines conditions : planter et y entretenir des oliviers et vignes, payer au propriétaire du sol une redevance en nature définie. Ces lois d’incitation à l’occupation des terres jugées subcessives44 ont obtenu des résultats essentiels, augmenté considérablement la surface des terres en culture, et permis aux Africains de s’enrichir par l‘exportation de leurs produits. J. PEYRAS45 a montré que les habitants, après avoir mis en valeur les versants de la vallée de l’Oued Tine, sont descendus dans les vallées marécageuses où s’est développé le fundus Aufidianus à partir du milieu du IIème siècle; des travaux hydrauliques ont été 43

WHITTAKER (C. R.), Herodian, II, 4, 6, p. 61. Mais une autre traduction nous est donnée par G. CHARLES-PICARD et J. ROUGE (Textes et documents relatifs à la vie économique et sociale dans l’empire romain (31 avant J.-C. – 225 après J.-C.), Paris, 1969, p. 141) ; ils ont compris le passage ainsi : « Il avait ordonné tout d’abord que toutes les terres incultes et abandonnées, en Italie comme dans le reste des provinces, quand bien même ce seraient des terres impériales, appartiendraient, quelle que fût leur superficie, à ceux qui voudraient les occuper et pourraient les mettre en culture. Il accorda à ces cultivateurs l’exemption d’impôts pour dix ans, les assurant de plus qu’ils ne seraient pas inquiétés pendant tout le temps de leur possession ». En dernier lieu, D. Roques, Hérodien : Histoire des empereurs romains de Marc Aurèle à Gordien III (180ap. J.-C. – 238 ap. J.-C.), Paris, 1990, p. 57) traduit ainsi : « En effet, il avait d’abord permis à quiconque, en Italie ou dans les provinces, voudrait ou pourrait s’approprier une terre qui, si grande fût-elle et relevât-elle de l’empereur, restait, faute d’être cultivée, totalement stérile, d’en être le maître pourvu qu’il s’en occupât et la travaillât. Il avait concédé à ceux qui la mettraient en valeur une exemption de tout impôt durant dix ans et leur avait assuré qu’ils ne seraient jamais inquiétés par l’autorité du pouvoir impérial ». 44 Selon la définition des agrimensores, sur les terres qui, par suite de leur caractère naturel empêchant leur mise en culture, n’étaient rattachées à aucun fundus. 45 PEYRAS (J.), AntAfr., 10, 1975, pp. 181-228.

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faits et ont permis le développement d’une économie fondée sur la viticulture et l’oléiculture. Il faut préciser que ces lois étaient appliquées sur ce qu’on nomme saltations, c’est-à-dire des pâturages boisés46. On note ici que chaque exploitation agricole, au-delà de quelques cultures vivrières, développe des productions destinées à la commercialisation. Ces incitations impériales bénéficient aussi aux propriétaires et aux conductores puisqu’ils perçoivent les redevances dues. Elles prennent acte d’une pression démographique qui rend disponible une main-d’œuvre pour mettre en valeur des terres nouvelles. Des dédicaces montrent la reconnaissance d’un habitant de la fossa regia, sur l’ancien territoire numide. Cette inscription des années 204-205, dédiée au salut de la famille impériale, cite un Aufidius Utilis, qui se qualifie de mancianae cultor47. Un autre apport important de la période romaine et des beneficia imperatoris se trouve dans les textes de lois dont certains sont connus grâce à des inscriptions. La plus importante, parce que les suivantes la mentionnent, est connue sous le nom d’inscription d’Henchir Mettich48 dont le contenu, ut supra dixi, a été gravé au temps de Trajan, peut-être avant sous les Flaviens. Les paysans recevaient un usage personnel du sol, héréditaire, et ils ne pouvaient pas être expulsés, mais n’étaient nullement propriétaires. Ils devaient remettre à l’empereur via le conductor49 1/3 du blé, de l’huile et de l’orge, ¼ des fèves, et six jours de corvées. Les inscriptions d’Aïn el-Djemala, gravée sous Hadrien50, et d’Aïn Ouassel, sous Septime Sévère51, nous informent d’une loi appelée lex Hadriana de rudibus agris qui reprenait les 46

GAFFE (F.), op. cit., p.663. ILT, 629. 48 CIL, VIII, 25902. Cette loi autorise des particuliers à s’installer sur des terres non alloties; c’est-à-dire qui ont échappé au parcellement et qui ne sont pas mises en valeur, et elle leur donne le titre de colons. 49 Les conductores sont de puissants fermiers, capitalistes, qui pèsent du poids de leur influence et de leurs coalitions sur les velléités d’indépendance des procurateurs. 50 CIL, VIII, 25943. 51 CIL, VIII, 26416. 47

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termes de la lex Manciana. Elle mentionnait également des terres incultes et elle interdisait en outre une augmentation des charges. A cet effet, en 202 et 205, un certain Aufidius Utilis, de la cité d’Henchir ez-Zitouna, se dit manciane cultor52. Ces trois grandes inscriptions tunisiennes, découvertes au début du siècle, éclairent le dossier de l’agriculture africaine et les possibilités d’enrichissement offertes aux paysans à la fin du Ier siècle. L’étude des lois agraires nous permet de comprendre la formation du colonat en Afrique romaine, mais nous ne ferons pas ici une autre étude sur le colonat en Afrique, déjà étudié par Jerzy KOLENDO. Nous allons voir la place de cette loi agraire dans les conditions de vie des habitants des cités. Dans l’inscription d’Henchir Mettich, représentant le règlement des procurateurs sur les conditions de vie dans le fundus Villae Magnae Varianae id est Mappalia Siga, les paragraphes consacrés aux terres incultes ainsi que des cultures de l’olivier, des figuiers et de vignes y tiennent une place importante dans le texte. Cette inscription réglait l’occupation des terres incultes, et non la mise en culture de ces terres. Dans les inscriptions d’Aïn-el-Djemala et Aïn Ouassel, qui se composent de documents concernant la mise en culture des terres incultes, se trouvent plusieurs prescriptions réglant ces questions. Cette inscription d’Henchir-Mettich53 atteste de cette politique agricole instituée par les empereurs en faveur des cités. Gravée sous Trajan, elle reproduisait un règlement agricole appelé lex Manciana, qui avait été composé sous le règne de Vespasien, voire un peu avant son règne, dans les bureaux des procurateurs des domaines impériaux (sermones procuratorum). Ce règlement prévoyait, dans un domaine appelé Villa Magna Variana id est Mappalia Siga, les conditions de location des terres oubliées dans le tracé de centuriations et nommées subcesiva. C’étaient des terres incultes car situées dans des zones soit marécageuse ou

52 53

IlTun., 629. ILPB, 388.

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désertiques, et le plus souvent utilisées comme pâtures par les propriétaires des terres cultivées voisines. Il faut dire que les conditions étaient très avantageuses pour les cultivateurs qui se lançaient dans la valorisation de ces terres. En effet, les paysans, déjà tenanciers du domaine de Villa Magna, étaient exemptés des redevances pendant cinq ans s’ils y plantaient des vignes et de figuiers et dix ans pour les oliviers. Ces redevances étaient versées aux conductores54 ou à leurs intendants (vilici). Une deuxième inscription, trouvée à Aïn el-Djemala55, révélait sous le règne d’Hadrien l’existence de paysans qui, en application de la lex Manciana, demandaient au service du patrimoine impérial de louer des terres incultes d’un domaine impérial, le saltus Tuzritanus. Ces paysans étaient intéressés par les conditions très avantageuses des baux manciens et demandaient à ce qu’elles fussent appliquées sur le domaine pour bonifier et mettre en valeur ces terres arides et difficiles à cultiver. Beaucoup de ces terres se trouvaient là encore sur les pentes montagneuses des saltus et étaient délaissées par les conductores. Le service du patrimoine donna satisfaction à cette demande et introduisit le régime des baux manciens sur le domaine concerné. Il y appliqua aussi une loi à portée universelle d’Hadrien sur les terres incultes et abandonnées depuis dix ans et ajouta au saltus Tuzritanus les terres limitrophes de domaines impériaux voisins, qu’elles fussent retombées en friche ou tout simplement non immatriculées dans le cadastre. Cet ajout avait pour but de rendre plus attractive la prise à ferme du domaine par des conductores malgré sa faible rentabilité. Par ailleurs, aux paysans volontaires de cultiver sur une superficie plus vaste que celle qu’ils avaient demandée, outre des céréales, des oliviers, des vignes et d’autres arbres fruitiers, et cela sans payer de loyer avant dix ans pour tous les oliviers et avant sept ans pour tous les arbres fruitiers. L’empereur Hadrien encourageait donc la conversion des agriculteurs africains à l’arboriculture, sans doute pour deux 54

Riches entrepreneurs qui prenaient à ferme pendant cinq ans le droit de percevoir les redevances des tenanciers. 55 ILPB, 163.

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raisons simples. D’une part, parce que le blé de l’Afrique (particulièrement de la Proconsulaire), et aussi des autres provinces suffisait largement au début du IIème siècle à l’approvisionnement de Rome. D’autre part, cette politique permettait aussi l’extension des terres agricoles utiles, en plus de favoriser l’enrichissement des agriculteurs africains, remplissait le fiscus, ce qui était l’un des leitmotivs des empereurs. Les empereurs sont même allés jusqu’à créer des services de sécurité pour les cultivateurs. En effet, la sécurité des cultivateurs était confiée à des magistri ; à Henchir Mettich et à Sertei en Césarienne56, il est fait mention d’un defensor, mais on connaît aussi des associations de conductores créées pour s’opposer aux abus de l’administration centrale. Un texte de Thugga montre les conductores de la regio réunis en confrérie, une réorganisation peut-être non officielle mais capable d’influencer les décisions du procurateur. Dans un certain nombre de cas, les conductores pouvaient compter sur l’appui des procurateurs corrompus qui ne garantissaient pas les droits des colons. En revanche, les coloni attestés dans l’inscription du saltus Burunitanus furent en mesure d’exploiter les divergences entre procurateur et conductores sur la gestion des fundus au point de faire entendre leur voix auprès de l’Empereur. Tout ceci résume ce qu’on a appelé la révolution économique de l’Afrique romaine (Ier siècle de notre ère). On note à cette époque l’extension de la culture de l’olivier, qui a été encouragée par la Lex Manciana, et qui permettra aux agriculteurs africains d’exporter à partir du IIème siècle des quantités considérables d’huile et provoquer l’enrichissement de nombreuses régions de l’Afrique romaine. Cet enrichissement va favoriser l’urbanisation. Une autre inscription va nous montrer une fois de plus la politique aux penchants ‘’favoritistes’’ des empereurs romains vis-à-vis des cités africaines, mais aux mobiles révélateurs d’un besoin d’assurer le train de vie de l’Urbs. Ce qui nous permet de parler de la lex Hadriana de rudibus agris.

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CIL, VIII, 8826.

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Mais quelles sont les implications de ces lois dans les cités africaines ?

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B. LES IMPLICATIONS DES MANCIANA ET HADRIANA57.

LOIS

AGRAIRES

La lex Hadriana58, appliquée sur les terres incultes, montre le souci de l’État romain, d’une part, d’inciter financièrement les coloni des domaines impériaux et privés à diversifier leur production et à se convertir à une arboriculture plus rentable que la céréaliculture. D’autre part, l’autre motivation des empereurs dans cette politique empreinte de favoritisme tendait à mettre en valeur les terres stériles de l’Afrique, alors que les baux quinquennaux des conductores qui louaient les domaines impériaux ne les disposaient pas à des aménagements agraires et hydrauliques certes plus rationnels, mais fort onéreux à court terme bien sûr. L’intérêt du statut mancien était que le tenancier conservait, sur ses nouvelles locations, les deux tiers de sa récolte, ce qui lui donnait vraisemblablement une aisance matérielle suffisante pour voir les années suivantes venir sans craindre la gêne. En même temps, les conductores des domaines impériaux et les simples propriétaires trouvaient dans l’enrichissement de leurs tenanciers une source de revenus plus forts et plus sûrs à long terme. Les empereurs, eux, soucieux de voir les revenus affermés de leurs domaines rentrer régulièrement dans leur caisse, étaient bien sûr les grands bénéficiaires à la longue. Il faut souligner la longévité du statut mancien, signe de son succès. Une inscription d’Aïn Ouassel, gravée sous Septime Sévère59, reproduisit le texte gravé au temps d’Hadrien – preuve que le statut mancien était toujours appliqué. Il permit selon toute vraisemblance de formidables ascensions sociales, 57

COURTOIS (C.), in Tablettes Albertini, p. 114-116. CIL, VIII, 26416. Elle est connue par l’inscription d’Aïn el Djemala, prolonge la lex Manciana, offrant aux paysans volontaires la possibilité de cultiver, sur les zones montagneuses des saltus délaissées par les intendants impériaux (conductores) ou les propriétaires privés, des oliviers, des vignes et autres arbres fruitiers sans payer de loyer avant respectivement dix et cinq ans, date à laquelle le statut mancien s’appliquait de nouveau. 59 ILPB, 165. 58

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l’enrichissement des propriétaires africains qui formaient l’élite des cités, mais aussi et certainement, celui des tenanciers, comme « le moissonneur de Mactar »60, sans lesquels les propriétaires n’auraient connu une telle prospérité. Mais nous notons tout de même un recul de ces terres au Bas-Empire, probablement dû à l’insécurité dans les campagnes, attribuée parfois à la présence des tribus berbères aux portes des cités. La présence des empereurs atteste encore de leur regard pour les provinces africaines. En effet, Hadrien fut l’un des princes attestés par les sources qui ait effectué des voyages en Afrique romaine. En effet, il ne voyagea pas à travers l’Empire par dilettantisme, mais pour inventorier et mobiliser toutes les forces vives de l’Empire contre la menace d’une décadence imminente. Sa politique tendit sans doute principalement à favoriser l’urbanisation. Mais il se préoccupa aussi d’améliorer le sort des paysans. Il semble qu’au début de son règne il ait pris une mesure générale et de très vaste portée, dont l’objet n’était rien moins que remédier au danger de la dépopulation. Par la suite, il se contenta, semble-t-il, d’assurer la stabilisation par de vastes travaux de bornage. Les documents épigraphiques provenant des domaines impériaux (saltus) d’Afrique du Nord sont seuls à faire connaître l’existence d’une lex Hadriana de rudibus agris et iis qui per X annos continuos inculti sunt. Le titre complet ne se rencontre que dans l’inscription d’Aïn Ouassel, qui date de Sévère. Mais son existence est supposée par le sermo procuratorum de l’empereur Hadrien gravé sur l’inscription citée ci-dessus. Mais quels sont les droits que le cultivateur acquiert ? En effet, le texte de cette inscription définit le droit que le cultivateur sans titre acquiert par la mise en valeur de terres en friche : possidendi ac fruendi heredique suo relinquendi ius61. Une inscription, trouvée à Aïn el Djemala, tente de le compléter, et d’expliquer que la lex interdisait aux 60

AE., 1975, 883; CIL, VIII, 11824. BOTTERI (P.), La définition de l’ager occupatorius, Cahiers du Centre Glotz, III, Paris, 1992, pp. 45-55 ; C. MOATTI, Etude sur l’occupation des terres publiques à la fin de la République romaine, Ibid., pp. 57-73.

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procurateurs du prince et aux fermiers (conductores) de modifier la part de fruits et le nombre des jours de corvée qui avaient été précédemment fixés. Mais ce n’est pas la lex Hadriana qui fixait le montant de ces obligations, elle se référait aux règlements d’administration et spécialement à la lex Manciana et se contentait d’interdire qu’on les aggravât. Mais le problème de la relation entre la lex Manciana, dont l’origine, selon des études récentes, daterait de l’époque des Flaviens, et la lex Hadriana, est discuté jusqu’à nos jours. Nous pouvons cependant retenir les certitudes suivantes sur les avantages pour les populations des cités. D’abord, la lex Hadriana donnait, d’une part, l’autorisation à quiconque de cultiver les terres en friches, et, d’autre part, définissait un droit acquis par l’exploitant, qui est un usus propius. Ensuite, la lex Hadriana précise la définition de cet usus proprius sous la forme ius possidendi ac fruendi heredique suo relinquendi62. Enfin, et c’est une certitude historique, la lex Hadriana ne concernait évidemment que l’Afrique, même si elle peut être proche d’une loi sous Pertinax, connue par Hérodien63, qui accordait, comme la lex Hadriana, une exemption de dix ans de fermage. Mais la lex Hadriana avait une portée plus générale comme nous le constatons par ces propos, cette emphase du sermo procuratorum : « quia Caesar noster pro infatigabili cura per quam absidue pro humanis itulitatibus excubat… »64. En outre, l’autre mobile d’Hadrien était que cette loi permettait un accroissement de la population, puisque les paysans d’Aïn el Djemala invoquaient en faveur de leur requête l’incrementum habitatorum, dont l’application de la lex Manciana avait déjà fait bénéficier le saltus Neronius proche de leurs habitations. Nous devons toutefois nuancer ces avantages de la lex Hadriana et de la lex Manciana. En effet, la seconde loi est une coutume domaniale et tend à favoriser la création de petites tenures, qui, malgré leur indépendance apparente, sont liées aux grands domaines par des obligations perpétuelles. Au contraire, 62

Tablettes Albertini, p. 202. HERODIEN, II, IV, 6. Cette thèse fut soutenue aussi par J. CARCOPINO, premier éditeur du texte d’Aïn Djemala. 64 Idem. 63

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la lex Hadriana prévoyait peut-être une subordination directe de l’exploitant à l’Etat. Ainsi se comprend que les culturae Mancianae de l’époque vandale, connues par les Tablettes Albertini, sont placées sub domino d’un grand propriétaire. Celui-ci, en acquérant le droit d’usage de l’exploitant, rétablit l’intégrité de son domaine primitif. En tout cas, dans la province d’Afrique, il s’est manifestement fait une contamination entre la lex Manciana et la lex Hadriana. « Les cultures manciennes de l’époque vandale accordent à l’exploitant des droits définis sensiblement comme ceux que concédait la lex Hadriana : habere, tenere possidere »65 ; que les droits concédés par Hadrien sur de telles tenures aient comporté également le droit de vente, c’est ce que rendent patent les Tablettes Albertini. Concernant le bornage qui est utile pour délimiter les frontières des cités entre elles, Hadrien est intervenu pour rétablir un bornage effectué par Capito Pomponianus, c’est-àdire sans doute C. Tullius Capito Pomponius, consul en 84, proconsul sous Domitien ou Nerva. Sur l’ordre du prince, termini repositi…inter Suppenses et Vofricenses, par un esclave impérial qui était arpenteur (mensor) et envoyé par le prince luimême (missum ab ipso)66. Nous ne disons pas que cette politique est exclusive à Hadrien, Trajan agit de même à Delphes par exemple, mais pas en Afrique. Continuant sur cette présence et cette action des empereurs en Afrique romaine, nous retrouvons encore Hadrien, qui, en 137 de notre ère, charge le procurateur de Maurétanie Césarienne C. Petronius Celer de cantonner la gens Numidarum67. A cette même opération peut se rapporter une autre borne68, remarquable surtout parce qu’elle fut posée ex auctoritate d’Hadrien, mais auspiciis de L. Caesar. Ce que nous avons pu constater à l’étude de ces-dites loi, c’est qu’elles ressemblent beaucoup plus à des contrats entre d’une part l’empereur considéré ici comme propriétaire et 65 66 67 68

« Les empereurs romains d’Espagne » CNRS, 1964, pp.136-1138. AE., 1942-1943, 35. I.L.S., 5960, fines adsignati genti Numidarum. Ibid., 5963.

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des paysans des cités; et d’autre part des propriétaires particuliers, souvent de riches colons et encore des paysans. En effet, le mot lex ne doit pas être pris dans le sens d’une loi, mais plutôt dans celui d’une clause, d’un contrat, comparable à une lex dicta ou lex contractus, qui fixe les conditions de la vente des terres. Comme le propriétaire est l’empereur, c’est lui qui fixe alors les conditions, et les possessores ne peuvent que les accepter.

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C. LES LEGES MANCIANA ET HADRIANA, ET LE PROBLEME DE LA POTESTAS OCCUPANDI. C1. Portée et buts des lois agraires. La question essentielle qu’il faut se poser à l’étude de ces deux lois, et dont la seconde est exclusivement appliquée en Afrique romaine (nous ne trouvons nulle part ailleurs son application dans le monde romain), est la portée et le but de ces lois? En outre, les taux des redevances, peu importe le propriétaire, et la sécurité de l’occupation des terres avaient-ils pour objectif de favoriser les colons ou la rentrée de l’impôt? Il y eut un léger progrès avec la lex Hadriana, et la lex Manciana perdura jusqu’à la période vandale, ce qui n’est pas le cas de la lex Hadriana. Nous ne reviendrons pas sur le débat des optimistes et des pessimistes69, nous mettons l’accent sur les aspects positifs et négatifs de ces lois impériales70. Il est vrai 69

PEYRAS (J.), La potestas occupandi dans l’Afrique romaine, DHA, 25, p. 129-157. Pour les premiers, les lois auraient permis aux agriculteurs qui les mettaient en valeur de posséder des droits sûrs et définitifs (La « potestas occupandi ») sur les biens concédés et elles marqueraient un progrès par rapport à la situation antérieure, la lex Hadriana améliorant la lex Manciana flavienne et s’inscrivant dans une tradition italienne d’encouragement appliquée jusqu’aux Sévères. Pour les seconds, si la loi mancienne est bien flavienne, son but était de s’entendre avec les colons indigènes, les termes du contrat étant pour les colons la sécurité de la terre en échange d’un paiement régulier selon un pourcentage défini des récoltes. Il n’est pas sûr que les redevances prévues par la lex Manciana aient été inférieures à celles qui étaient prévues par le droit coutumier antérieur : il se pourrait que l’Etat ait profité du désir naturel des paysans d’avoir plus de terres garanties stables en leur offrant des loyers plus élevés. cf C. R.WHITTHAKER, Land and labour in North Africa, Klio, 60, pp. 331-362. 70 Nous croyons que ces lois avaient des portées positives de réciprocité. Elles permettaient d’une part, pour le fisc d’avoir des rentrées monétaires non plus seulement par les impôts classiques, et d’autre part pour les paysans agriculteurs de s’enrichir et d’orner leurs cités et même de briguer le cursus municipalis. Mais de nombreuses zones d’imprécision restent à éclairer. En effet, il n’est pas sûr que les redevances prévues par la lex Manciana aient été inférieures à celles qui étaient prévues par le droit coutumier antérieur : il se pourrait que l’État ait profité du désir naturel des paysans d’avoir des terres

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aussi que nous ignorons si ces règlements, en l’occurrence ces deux lois, ont été appliqués sur de nombreuses propriétés, privées ou impériales, mais il semble improbable qu’ils concernaient des domaines privés mais plutôt des domaines impériaux. Le fait que les futurs locataires devaient demander la permission pour obtenir ces conditions semble d‘une part exclure l‘idée d‘une mesure générale, d‘autre part attester que les coloni y trouvèrent un profit. Mais nous notons toutefois un enrichissement des populations africaines et les exportations sont élevées compte tenu des quantités exportées. À ce sujet, D. J. MATTINGLY parle de la production d’huile à Kasserine qui a atteint 40 000 à 80 000 litres pour 10 000 à 20 000 oliviers71. Cet enrichissement des paysans donnait lieu à des successions donc à l’existence de fortunes héréditaires. La réussite des lois agraires est leur longévité ; c’est pour nous le signe de leur succès. Une inscription d’Aïn Ouassel, gravée sous Septime Sévère72 (note), reproduisit le texte gravé au temps d’Hadrien, preuve que le statut mancien était toujours appliqué. Les Tablettes Albertini73, actes notariés rédigés à l’époque vandale, mentionnent encore des terres manciennes à la fin du Vème siècle. Cette permanence du colonat s’expliquerait mal s’il n’avait pas rencontré un grand succès auprès des paysans africains. Les baux du statut mancien étaient très avantageux et constituèrent un stimulant puissant pour l’agriculture africaine. Ils permirent selon toute vraisemblance de notables ascensions sociales, l’enrichissement des propriétaires africains qui formaient l’élite des cités, mais aussi,

garanties stables en leur offrant des loyers plus élevés. Chose encore plus surprenante, est le fait que ces dispositions n’aient pas atteint les habitants d‘Aïn-Ouassel, d’où une mesure ciblée à une cité par rapport à la vitalité et aux vœux de ses habitants, pourtant situés à proximité, avant le règne de Septime Sévère, si le but avait été d’augmenter de façon systématique la production agricole. Il semble pour de nombreux historiens que la question est de savoir quel fut l’objectif réel de ces règlements, de même que l’étendue des domaines concernés. 71 MATTHIOLE (D. J.), dans Hitchner, 1988. 72 ILPB, 165. 73 COURTOIS (C.), Tablettes Albertini, p. 202.

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certainement, celui des tenanciers, sans le dynamisme desquels les propriétaires n’auraient pu connaître une telle prospérité74. Quelques inscriptions évoquent des paysans fiers de leur réussite. Ainsi, dans la région de Mateur (Proconsulaire et Tunisie actuelle), l’exploitant anonyme d’un domaine, le fundus Aufidianus, dont le contenu est le suivant : «…Agricolae in [spl(endidissima)] / rep(ublica) Bihensi bilt[a], conductori parl/atori restitut/ori / fundi Aufidiani et, / praeter cetera bona q(uae) / in eodem f(undo) fecit, sterlies / qu[o]que oeastri surcul[os] inserendo plurimas o[leas] / instituit ; puteum iux[ta]/ viam, pomarium cum tri[chilis] post collectarium, vin[eas] / novellas sub silva aequ[e in] / stituit. Uxor mar[ito] / incomparabili fec[it] . » 75. Cette inscription nous permet de comprendre que le personnage remit ce domaine en valeur dans la seconde moitié du IIIème siècle, en créant des oliviers par greffe d’oléastres, en creusant un puits et en plantant un verger et des vignes, ce qui à notre raisonnement constitue un choix arboricole hautement spéculatif. En effet, la nouveauté réside ici dans le fait qu’il avait conclu un bail de longue durée, de type emphytéotique, contrairement aux conductores des saltus impériaux, dont les baux couraient sur cinq ans. Les oliviers ne produisent pas avant un délai assez long, raison pour laquelle les agriculteurs 74

Il ne faut pas imaginer des situations figées et des campagnes immobiles. Les paysans enrichis pouvaient diversifier leurs revenus et cumuler des terres en pleine prospérité, qu’ils concédaient à des tenanciers, tout en prenant à bail eux-mêmes des terres manciennes. Quant aux colons les plus fortunés, ils obtenaient par le statut mancien un bail perpétuel et héréditaire sur les subcesives qui en faisait une quasi-propriété : aucun document explicite ne leur interdisait, s’ils arrivaient à s’enrichir, d’acheter en pleine propriété d’autres terres.

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AE, 1975, 883; J. PEYRAS, Le Fundus Aufidianus, Ant. Afr., tome 91975, 181-222.Notre traduction : «[A..], agriculteur dans la très splendide république de Biha Bilta (Henchir Behaïa), fermier libre de toute dette, qui a restauré le fundus Aufidianus et qui, indépendamment de tout le bien qu’il a fait dans ce même fundus, a aussi créé, en greffant les rejets stériles de l’oléastre, un grand nombre d’oliviers ; il a créé également un puits près de la route, un verger avec des treilles, puis un collecteur, des vignes nouvelles sous les arbres. Son épouse à son mari incomparable a élevé (ce monument) ».

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manciens étaient exonérés de redevances pendant les six ans qui suivaient la plantation ou le greffage76. Il ne risquait pas non plus que ses héritiers, s’il en avait, de devoir quitter le domaine et l’énumération des réalisations et des qualités dans l’épitaphe indique que la veuve a voulu affirmer ses droits et, éventuellement, ceux de ses héritiers sur les biens mis en valeur par son mari. Les domaines impériaux ne seraient-ils pas un signe des expropriations des terres des Africains par les empereurs afin d’en avoir l’usufruit ? Lorsque l’empereur annexait de nouveaux territoires, une partie des terres lui revenait, et il pouvait en distribuer à sa famille ou à ses amis. En effet, nous savons que Matidie, la sœur de Trajan, en reçut en Afrique. En outre, l’existence de domaines impériaux apparaît fréquemment à travers la mention de procurateurs au service du prince. Ainsi à Lambafundi (Hr Touchine), près de Lambèse, l’épitaphe de T. Flavius Respectus, fils d’un affranchi impérial appelé Flavius Extricatus, procurateur d’un saltus impérial, indique une possession impériale77. Septime Sévère, quant à lui, procéda à des expropriations après l’élimination de Clodius Albinus. Mis à part ces situations, cette pratique obligeait les indigènes à n’utiliser que des terres peu fertiles, afin d’éviter d’être chassés de leurs terres. La Lex Hadriana qui était favorables aux colons fut prise par Hadrien. Cette loi va permettre aux locaux de disposer de terres très fertiles tout en assumant les charges et les obligations fiscales, sous le regard d’un condictor, bien entendu. Ces lois ont entraîné des abus perpétrés par les conductores. En effet, une inscription, trouvée à Souk elKhemis, retranscrit une plainte des colons du saltus Burunitanus et la décision impériale. Ces derniers protestèrent auprès du prince Commode contre le non-respect des termes de la lex Hadriana et les abus perpétrés contre eux par les conductores du salut, restés impunis en raison de leur collusion avec le procurateur, et ceci en dépit du fait que les clauses avaient été 76 77

Sur le sens de « inserendo » ; J. Peyras, op. cit., p. 214. CIL, VIII, 2436

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inscrites sur des tables de bronze et envoyées dans le voisinage78. Ceci nous invite à comprendre l’impact et les abus de l’administration impériale voyant la prospérité engendrée par la loi agraire d’Hadrien. La lex Hadriana de rudibus agris et iis per X annos continuos inculti sunt précède celle de Pertinax qui permettait d’occuper les terres incultes appartenant aussi bien à des personnes privées qu’à l’empereur. En se fondant sur cette loi générale d’Hadrien, l’administration impériale donnait des ordres exécutoires réglant certaines situations particulièrement compliquées. C’était, avant tout, le sermo procuratorum, connu par les inscriptions ut supra dixi, qui définissaient très minutieusement la possibilité d’occuper les terres prises à ferme par les conductores, mais non cultivées par eux. Contrairement à la thèse, et à un des articles79 de Charles SAUMAGNE80, la lex Manciana n’avait pas seulement pour but ou objet l’occupation des terres incultes, mais elle réglait aussi les rapports à l’intérieur du domaine. En se référant à cette loi, on définissait en détail les devoirs de ceux qui in f(undo) Villae Magnae sive Mappalia Siga villas habent habebunt. La question qu’on se pose est celle de savoir pourquoi ces deux lois subsistent ensemble, et pourquoi dans les siècles qui suivirent, on mentionne encore la lex Manciana alors que la lex Hadriana a disparu des inscriptions ou encore des requêtes. En outre, les pétitionnaires de l’inscription d’Aïn-el-Djemala mentionnent les deux lois. Alors pourquoi ces deux lois se retrouvent dans le même dossier? La réponse à cette question a été réglée par Jerzy KOLENDO81. Les deux lois agraires réglaient des problèmes différents tout en restant complémentaires. En effet, les problèmes se rapportant à la lex Hadriana sont définis par son titre complet: lex Hadriana de rudibus agris et iis qui per X annos continuos inculti sunt. Comme le prouvent les passages de l’inscription 78

CIL, VIII, 10570. Ouvriers agricoles ou rôdeurs de celliers ? Les circoncellions d’Afrique, Annales d’histoire économique et sociale, VI, 1934, pp. 351-364. 80 Sa thèse limitait la portée de la lex Manciana à une simple occupation des terres incultes. 81 KOLENDO (J.), op. cit., p. 51. 79

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d’Hr Mettich, celle-ci réglait les rapports entre les propriétaires des domaines et les colons. Eu égard au fait qu’elle concernait toutes les catégories de terres, elle était citée dans les prescriptions ayant trait à l’occupation des subcesiva dans le fundus Villae Magnae Varianae, ainsi que dans la requête des pétitionnaires de l’inscription d’Aïn-el-Djemala82. L’affermage des domaines impériaux était appliqué non seulement dans la région du moyen Bagrada ; mais aussi vraisemblablement dans d’autres régions d’Afrique83. Les lois agraires ont été un moyen qualitatif de mettre les terres abandonnées en culture et de les valoriser. Par extension elles ont entraîné un enrichissement effectif des colons et des conductores. D’un autre côté, elles ont permis de renflouer les caisses du fisc. Toutes les parties y trouvaient leur compte. De nombreux témoignages épigraphiques parlent de tel ou tel Africain qui, ayant demandé à cultiver les terres jugées incultes, s’était enrichi et avait même pu monter dans l’échelle sociale. A cet effet, nous avons le célèbre « moissonneur de Mactar ». Ce paysan parvenu nous permet de comprendre qu’à la base de toutes les grandes fortunes indigènes on trouve la possession de biens-fonds. Tel fut le cas du moissonneur de Mactar qui nous raconte sa vie en disant : « Je suis né d’une famille pauvre; mon père n’avait ni revenu ni maison à lui. Depuis le jour de ma naissance, j’ai toujours cultivé mon champ; ma terre ni moi n’avons pris aucun repos. Lorsque revenait l’époque de l’année où les moissons étaient mûres, j’étais le premier à couper mes chaumes; lorsque paraissaient dans les campagnes les groupes de moissonneurs qui vont se louer autour de Cirta, la capitale 82

Les redevances des colons, en nature ou en corvées, étaient destinées aux conductores. En effet, d’après les inscriptions ut supra dixi., ce n’est point au fisc que les colons payaient leurs redevances mais aux concessionnaires (conductores) qui avaient pour cinq ans le droit de cultiver, à leur profit, les terres non assignées et toucher les quotes-parts des récoltes provenant des parcelles alloties.

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CARCOPINO (J.), Sur l’extension de la domination romaine dans le Sahara de Numidie, RA, 1924, II, p. 324. La fertilité de cette région permet de formuler l’hypothèse qu’il s’agit ici de domaines donnés à bail.

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des Numides, ou dans les plaines que domine la montagne de Jupiter, alors j’étais le premier à moissonner mon champ. Puis quittant mon pays, j’ai pendant douze ans moissonné pour autrui sous un soleil de feu; pendant onze ans, j’ai commandé une équipe de moissonneurs et j’ai fauché le blé dans les champs des Numides. A force de travailler, ayant su me contenter de peu, je suis enfin devenu propriétaire d’une maison et d’un domaine: aujourd’hui je vis dans l’aisance. J’ai même atteint les honneurs: je fus appelé à siéger au Sénat de ma cité et de petit paysan devins censeur. J’ai vu naître et grandir autour de moi mes enfants et mes petits-enfants; ma vie s’est occupée paisible et honorée de tous. »84. Pour un paysan qui réussit, au prix d’infinies privations, à économiser le pécule qui lui permit d’acquérir un champ et, par là, le droit de compter dans la société, combien d’autres durent mourir misérables après avoir usé leur vie dans les équipes de moissonneurs (turmae messorum), pour le compte de gros propriétaires, « sous un soleil de feu »85. Une autre interrogation est celle de se demander sur quels critères les terres étaient attribuées aux colons. Question à laquelle, jusqu’ici, aucune étude moderne n’a apporté de réponses. En effet, les études qui ont été faites jusqu’ici ont toujours donné une priorité aux grands propriétaires fonciers, omettant les petits qui étaient les plus nombreux. Le 84

CIL, VIII, 11814. IlTun., 528. D. Pikhaus, dans Studia Bruxellensia, 1987, pp. 81-94. Les historiens oublient assez souvent que ce texte a été trouvé sur un monument funéraire accompagné par six épitaphes, celle d’une femme appelée Caeselia Namina, un texte anonyme, un autre qui mentionne un ou une Nam[pamo ?] et deux autres appartenant l’un à un C. Mulceius Maximus et l’autre à un S. Au[relius ?] F[…]nus. C’est sans doute le chef de famille qui a fait graver ce beau texte, dans le genre de La Fontaine : « Travaillez, prenez de la peine ». Il affirme qu’il est né dans la pauvreté, que chaque année il allait louer ses bras sur les Hautes Plaines pour y faire les moissons. Sa fortune et son sérieux lui ont permis d’entrer dans le Sénat de sa cité. 85 JULIEN (Ch.-A.), Histoire de l’Afrique du Nord, p.164. Sur ce sujet, nous pouvons aussi citer J. KOLENDO, Le colonat en Afrique sous le HautEmpire, Les Belles Lettres, 1991, à compléter par C. Courtois, L. Leschi, C. Perrat, C. Saumagne, Tablettes Albertini. Actes privés de l’époque vandale édités et commentés, 1952, pour la continuité du statut mancien. Pour l’auteur, le colonat, propre à l’Afrique, est lié au passage de la vie nomade ou seminomade à la vie sédentaire pour de nombreux indigènes

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moissonneur de Mactar est justement cet exemple qui nous permet de penser que les baux n’étaient pas seulement accordés à des propriétaires richissimes ou encore aux grandes familles des cités. C2. Le problème de la potestas occupandi. IL est important de voir la signification juridique et sociale, dans sa durée, dans son extension géographique86. Il s’agit de s’interroger sur la possibilité d’un maintien ou d’une remise en cause des progrès que constituaient les dispositions qui avaient été prises d’Hadrien aux premiers Sévères. C’est autour des documents africains que nous avons étudiés87, et de l’édit des empereurs Arcadius et Honorius pour l’Antiquité tardive88, que nous avons jugé plus judicieux de continuer notre recherche. Examinons d’abord, en allant à l’essentiel, les deux épigraphes des domaines du Bagrada. A Aïn Djemala, la requête est la suivante :

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Nous ne pouvons pas examiner ici tous les textes qui concernent l’action d’Hadrien en ce domaine. A. PIGANIOL, dans sa politique agraire d’Hadrien, dans Les empereurs romains d’Espagne, Paris, 1965, pp. 135-138, a tenté une courte synthèse. On peut aussi se reporter à B. D’ORGEVAL : L’empereur Hadrien, œuvre législative et administrative, Paris, 1950. 87 Pour Aïn Djemala : CIL, VIII, 25943 ; ILT 1320 ; AE, 1952, 209, 130 ; Id., 1954, 191. pour Aïn Ouassel, voir CIL, VIII, 26416, ILT, 1373. Nous renvoyons, pour la bibliographie, à Z. Ben Abdallah : Catalogue des inscriptions latines païennes du musée du Bardo, Coll. EFR, XCII, ParisRome, 1986, pp. 62-65. On y ajoutera l’étude fondamentale de Ch. SAUMAGNE : Etudes d’Histoire sociale et politique relative à la province d’Afrique. I. Etudes sociales. Essai sur une législation agraire. La lex Manciana et le ius mancianum, Cah. de Tun., X, 37-40, pp. 11-114. Voir en dernier lieu, J. PEYRAS, Les grands domaines de l’Afrique Mineure d’après les inscriptions, Du latifundium au latifondo, Bordeaux III, 17-19 décembre 1992, pp. 107-128. 88 Cod. Theod., 9, 42, 19.

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«---] / tuant, rogamus, procurato/[res, per pro]videntiam vestram quam / [nomine Ca]esaris praestatis, velitis nobis / [et utilitat]i illius consulere, dare no/b[is eos agros] qui sunt in paludibus et / in siluestribus instituendos olivetis / et vineis lege Manciana condicione / [s]altus Neroniani vicini nobis cu[m] / [ed]eremus hanc petitionem nostr[am] / [fu]ndum suprascriptum N[eronianum] / [i]ncrementum habita[torum ----] »89. La réponse est indirecte. Elle s’appuie sur un texte réglementaire90, le sermo procurato[rum Im]p(eratoris) [C]aesaris Hadriani Aug(usti), qui s’applique une disposition législative91, la lex Hadriana92. Il est évidemment nécessaire de serrer au plus près le sens des mots pour comprendre l’importance de la loi. Nous donnons ici l’intégralité du texte : « Attendu que notre César…ordonne que soient cultivées soigneusement toutes ces portions de terre qui sont aptes tant aux oliviers ou aux vignes qu’à la production des blés (frumentis), pour cette raison, par délégation de sa providence, le Pouvoir est créé pour tous occuper (potestas fit omnibus…occupandi) aussi ces portions (de terres) qui se trouvent dans les centuries affermées des saltus Blandianus et

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Nous demandons…que vous nous donniez ces terres qui sont dans les marais ou dans les lieux boisés pour les fonder, au moyen d’olivettes et de vignes, selon la condition de la loi Manciana… Il manque environ 8 lignes sur cette face. 90 Ch. SAUMAGNE, op.cit., pensait que le sermo procuratorum constituait la réponse. D. Flach, op.cit., estime que ce document est un élément de la réponse faite par Titilius Pudens, procurator tractus. 91 La dernière loi comitiale bien attestée, votée pendant le règne de Nerva, fut une loi agraire (J. GAUDEMET, Institutions de l’Antiquité, Paris, 1967, p. 496.) 92 C’est l’inscription de Aïn Ouassel qui nous fait connaître l’intitulé du document : « …lege Hadriana comprehensum de rudibus agris et iis qui per (decem) annos continuos inculti sunt ». Le sermo procuratorum est précédé dans ce même document, par « Exemplum legis Hadriana / in ara proposita ». La titulature de la famille impériale est suivie par les propositions « aram legis divi Ha/driani Patroclus Augg[g](ustorum) lib(ertus) / proc(urator) instituit et legem infra / scriptam intulit ».

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Udensis, et dans ces portions (de terre) qui, distraites… »93. Une lacune d’une dizaine de lignes a été comblée par l’inscription d’Aïn Ouassel en ces termes : « Quia Cae[sar n(oster) ….om]/nes partes agrorum quae tam oleis au[t] / vineis quam frumentis aptae sunt [ex]/[c]oli iubet, itcirco per missum prov[id]/[en]tiae eius potestas fit omnibus e[tia]/m eas partes occupandi quae in c[en]t/[u]ri(i)s ( ?) elocatis saltus Blandiani e[t V]/[de]nsis [et] i[n illi]s partibus sunt q[uae ex]/… »94. Une dernière occurrence nous est donnée par cette même inscription concernant les redevances, en ces termes : « Quas partes aridas fruct[u]/um quisque debebit dare, eas pr[o]/ximo quinquennio ei dabit in / cuius conductione agr(um) occupaverit ; post it tempus rationi ».

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« …des saltus Lamianus et Domitianus ont été annexées au saltus Tuzritanus et ne sont pas exploitées par les fermiers ; et à ceux qui auront fait acte d’occupation (isque qui occupaverint), est donné ce droit de posséder, de jouir et de laisser à leurs héritiers, (droit) qui est aussi comporté par la loi Hadrien, sur ces terres vierges et sur celles qui n’ont pas été cultivées pendant dix années consécutives ». 94 « saltu Lamiano et Dom[i]/tiano iunctae Tuzritano / sunt nec a conductoribus ex[er]centur. Isque qui occupauerint pos/sidendi ac fruendi (h)eredique s[u]/o relinquendi id ius datur / quod et lege Ha(dria)na comprehensum de rudibus agris / et iis qui per (decem) an(no) conti/nuos inculti sunt. Nec ex / Blandiano et Udensis sal/tu maiores partes fruc/[tuum…] ».

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Nous avons traduit ce texte en ces termes : « Quiconque devra les parties frumentaires95 des récoltes les donnera les cinq premières années à celui dans la conductio duquel il aura occupé un champ. Après ce laps de temps, il les versera à l’administration ». Il s’avère nécessaire d’examiner à nouveau ces phrases puisqu’il ne semble pas qu’on ait jamais donné une interprétation complète. Ce ne sont pas les différences déjà reconnues – encore que, il est vrai, les historiens ne soient pas toujours d’accord entre eux – entre la lex Manciana et la lex Hadriana qui nous retiendront ici, c’est-à-dire le fait que la seconde comporte des dispositions, absentes de la première, sur la transmission héréditaire des terres emblavées96, sur les corvées, sur les parcelles non cultivées des centuries affermées par les conductores. En fait, la loi d’Hadrien reprend, en l’adaptant et en utilisant toutes les possibilités, une ancienne tradition d’époque républicaine. Que cette pratique ait été vivante sous l’Empire, c’est ce que prouvent aussi bien les traités techniques des arpenteurs que les documents qui émanent des empereurs. Il n’est pas inutile de rappeler à ce propos que, dès la loi agraire de 111 avant notre ère (que nous rappellent les Institutiones de GAIUS), le domaine d’occupation s’oppose aux parcours de la transhumance97. Mais tandis que cette dernière était privilégiée dans la législation relative à l’Italie, au point d’interdire de détenir de tels biens-fonds dans les secteurs de 95

Ch. SAUMAGNE (Essai, p. 51) traduit aridas par « frumentaires ». J. CARCOPINO, (op.cit., MEFR, XXVI, 1906) admet qu’il s’agit des redevances des céréales. 96 S’il est question sur l’inscription de Henchir Mettich de redevances frumentaires, cela provient du fait que les bénéficiaires de la lex Manciana cultivaient aussi des céréales. Mais ce n’est que dans le cadre de la lex Hadriana que ces cultures donnent droit à la transmission héréditaire, comme nous l’apprend l’inscription d’Aïn Ouassel. 97 Voir, très commodément, le canevas de traduction de J. Granet : La loi agraire épigraphique de 111, Pallas, 35, 1989, pp. 138-140, et l’article qui le suit : La loi agraire de 111 et l’élevage, Ibid., p. 141 s.

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l’ager publicus réservé aux troupeaux de l’ager scripturarius98 (neiue quis in agro agrum oqupatum habeto neiue defendito…), il n’en était pas de même dans l’Africa. L’inscription de Henchir Snobbeur, par exemple, favorise, en 196 semble-t-il, les agriculteurs au détriment des troupeaux de moutons conduits par des bergers de statut servile99. Nous ne sommes pas sûrs que cela ait correspondu au choix d’une cité pérégrine dont la romanisation juridique aurait précédé « la romanisation officielle ». Nous verrons, bien au contraire, dans les dispositions du décret civique, l’application normale des lois et règlements de l’Etat, lesquels s’appliquaient à des secteurs provinciaux que la loi agraire dont nous venons de faire état assujettissait directement à la législation prise au nom du peuple romain100. Hadrien a utilisé une tradition ancienne de l’Italie, l’occupatio des terres publiques (d’origine militaire, mais aussi utilisée depuis longtemps en dehors d’un contexte de guerre), pour favoriser la production agricole dans l’empire et consolider la possession foncière par l’octroi de la potestas occupandi101, pouvoir calqué sur les droits qui s’attachaient à l’ager privatus. La lex Hadriana, telle qu’elle apparaît en Afrique du Nord, se présente comme un ensemble complexe qui portait sur les droits des cultivateurs, les types de terres, les redevances, les corvées et les prestations d’attelage. Cette loi 98

La thèse de droit de C. TRAPPENARD sur l’ager scripturarius, Paris, 1908, reste fondamentale. 99 Voir D. LENGRAND, L’inscription d’Henchir Snobbeur, témoin de la romanisation d’une cité pérégrine d’Afrique Proconsulaire au IIème siècle, Ant.Afr., t. 29, 1993, pp. 127-135. L’inscription de Henchir Snobbeur (CIL, VIII, 23956) permet de savoir que les deux lois visaient également les possessions privées et les terres louées par les communautés urbaines. 100 C’est ce qui ressort de la loi agraire de 111 av. J.-C. (CIL, I, 200). On remarquera que, contrairement à ce qui était prévu en Italie, la partie africaine de la loi ne prévoit pas la possibilité d’un parcours destiné à la transhumance (pas plus que de secteurs de nomadisme), ce qui met en doute les conjectures ou « certitudes » modernes sur les tribus nomades dans l’espace de la première province d’Afrique. 101 J. PEYRAS, 1999, DHA, 25, pp. 129-157, insiste sur le fait que cette potestas, dérivée d’une tradition italienne et inscrite dans la lex Hadriana, permet l’occupation de terres publiques pour développer la production. Elle décline sous les Sévères.

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semble, à notre avis, plus libérale que la lex Manciana, en ce qui concerne les genres de sols et les cultures qui permettaient d’obtenir le droit de posséder, de jouir des biens créés, de les transmettre en héritage. Il faut souligner aussi qu’il ne s’agissait pas d’une simple permission comme c’était le cas dans la coutume mancienne, mais d’un pouvoir effectif, d’une potestas. Elle n’était pas, de plus, une consuetudo africaine, mais elle constituait une loi de portée générale. Tout cela est corroboré par la législation promulguée par le même empereur dans les mines lusitaniennes de Vipasca102.L’inscription de Vipasca II se réfère directement à Hadrien103. C. DOMERGUE écrit à ce sujet justement que « l’intention que trahissent toutes ces mesures destinées à développer et à organiser l’activité minière est bien la même que celle qu’on décèle par exemple dans la lex Hadriana de rudibus agris… »104. La lex Hadriana fut appliquée dans les domaines du Bagrada sous l’empereur Commode105, comme nous l’apprend l’inscription du saltus Burunitanus106. Elle servit de référence pendant les augustats conjoints de Septime Sévère et de ses fils : nous le savons grâce à l’épigraphie d’Aïn Ouassel107. Il serait inutile de donner un exemple supplémentaire d’application de la loi108, sous le règne de Pertinax109, d’où provient probablement la lex Manciana. 102

Nous nous référons essentiellement au livre de C. DOMERGUE : La mine antique d’Aljustrel (Portugal) et les tables de bronze de Vipasca, ParisBordeaux, 1983. 103 C’est certain pour le § 2 qui porte sur les puits argentifères « quorum pretia secundum liberalitatem sacrissimi imp(eratoris) Hadriani Aug(usti) observabuntur » C. DOMERGUE, op.cit., p.115). L’empereur est vivant (Id., p. 179). La restitution du nom d’Hadrien, proposé par C. DOMERGUE pour le 1er paragraphe, au lieu de la référence à un procurateur d’Auguste. 104 Id., p. 180. 105 Les références chronologiques permettent d’avancer que le texte a été gravé entre 180 et 191. 106 En revanche, c’est en vain que les colons avaient attendu un rescrit pendant le règne de Marc Aurèle et de Lucius Verus (161-169) ou pendant celui qui avait réuni l’empereur-philosophe et son fils (176-180). 107 Cod. Just., VII, 73, 1. 108 C.R. WHITTAKER (Herodian, texte et traduction de C.R. Whittaker, Cambridge (Massachussetts), 1969, II.4. 5-7, pp. 160-161, n.2) envisage la

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A travers tous ces textes, il ressort un certain nombre de précisions : -l’intervention de l’empereur pour attribuer une terre qui n’était ni cultivée, ni travaillée : ce sont les termes mêmes de la lex Hadriana « de rudibus agris et iis qui per (decem) annos continuos inculti sunt ». -Le dessein d’occuper, la volonté et l’aptitude du preneur : « dans la mesure où on le voulait et où on le pouvait ». Nous retrouvons ici ce qui, en la matière, est constamment affirmé dans les textes latins, à savoir la nécessité de faire acte de volonté et capacité pour obtenir le statut d’occupator. -La mise en culture et la reconnaissance du statut d’ager occupatorius : « il en rendit maître celui qui s’en était occupé et l’avait cultivé ». -La légalisation d’une occupation de fait, démarche qui est, nous l’avons vu, caractéristique de l’occupatio. -La permanence de la possession, attestée dans nombre de textes que nous avons cités. Quant à l’exemption de redevances durant dix années, elle apparaît à Aïn Ouassel, comme liée à la potestas occupandi, pour les oliviers, qu’ils aient été greffés ou plantés : « De oleis quas quisq[ue aut in scro]/bibus posuerit aut oleastris i[nse]/ruerit, captorum fructuum nu[lla pars] / decem proximis annis exigetur ». Il y a donc tout lieu de penser que HERODIEN a traduit dans son texte, repris par C.R. WHITTAKER110, ou interprété un document latin qui rappelait la lex Hadriana. Mais, objectera-t-on, pourquoi cette action fait-elle référence au seul Pertinax ? Il y a à cela plusieurs réponses, qui ne s’excluent pas d’ailleurs les unes les autres. Il faut remarquer d’abord que ce que cherche l’auteur, c’est à marquer les bienfaits de ce principat, dont on le sait, Septime Sévère s’est réclamé. C’est possibilité d’une application de la lex Hadriana, mais ajoute « But this measure may have been simply tactician and have needed restating as a result of the wars and plague of the last thirty years ». Ce n’est pas le cas dans les saltus africains. 109 Hérodien, II, 4, 6. 110 HERODIAN, II, 6, p. 161.

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donc Pertinax qui est le centre d’intérêt, et non quelqu’un d’autre. De la même manière, le refus de voir inscrire comme biens-fonds privés de l’empereur ce qui appartenait au peuple romain est présenté comme acte de générosité qui lui serait propre, alors que tout Prince lié au Sénat en faisait de même111 ; on doit aussi souligner que l’existence d’une loi n’implique pas qu’elle soit appliquée. Il faut pour cela qu’interviennent des circulaires des agents de l’administration, voire, dans le cas de difficultés, des rescrits impériaux comme ce fut le cas pour imposer certaines dispositions de la loi d’Hadrien dans le saltus Burunitanus112 ; ou encore des édits, constitutions ou lois, de caractère général ou applicables dans tel domaine du droit ou dans telle région, conformément au rôle qu’assume l’empereur dans les provinces, sans partage dans les provinces impériales, partiellement dans celles qui appartiennent au Sénat. En outre, il nous est impossible de dire ce qu’était devenue, après les premiers Sévères, cette loi universelle et philanthrope qui concédait à celui qui fondait, à partir d’une matière brute que FRONTIN aurait qualifiée ‘’d’agreste’’, une exploitation agricole ou minière par la mise en valeur complète de ce qu’il avait ‘’occupé’’, un ‘’Pouvoir’’ calqué sur celui de l’antique pater familias, mais qui n’existait qu’en fonction de la mise en valeur réelle de biens sur lesquels le peuple romain ou le prince conservaient leurs droits. Peut-être la lex Hadriana fut-elle dépassée par des dispositions mieux appropriées, telles que le contrat d’emphytéose ? Peut-être s’avéra-t-elle inadaptée, du fait de son caractère universel, aux réalités propres à l’Afrique, alors que se maintenaient sans changement les culturae définies par une consuetudo manciana attestée depuis des siècles. 111 Quand Hadrien voulut se concilier le Sénat, choqué par le meurtre des quatre consulaires, « il interdit que les biens des condamnés alimentent le patrimoine privé de l’empereur ; toute la somme afférente devait aller au Trésor public » (Histoire Auguste. Les empereurs romains des IIème et IIIème siècles, Paris 1994, Vie d’Hadrien, trad. A. CHASTAGNOL, p. 27). 112 Notons à ce sujet, comme nous le constatons dans plusieurs saltus de la Medjerda, que l’application d’une loi ne se fait pas simultanément dans tous les fundi et qu’elle résulte toujours, autant que nous puissions le constater, d’une demande des intéressés.

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En dressant quelque peu le bilan de ces lois agraires, nous pouvons affirmer que la législation conçue par Hadrien, par exemple, a constitué, par rapport aux anciennes traditions héritées de la République, et même si on la compare aux libéralités flaviennes113 marquées, sur le plan général, par la « licence occupatoire », pour utiliser l’expression de J. PEYRAS114, sur les subcessives et, au moins pour l’Africa, par les garanties de la lex Manciana, un progrès notable. Non seulement elle s’applique à des types de terres que les Flaviens n’avaient pas envisagés, mais elle permet aux ‘’occupants’’ d’obtenir des droits sûrs et définitifs sur les biens concédés, droits qui sont marqués par cette même potestas qui caractérisait traditionnellement la ‘’Puissance’’ ou le ‘’Pouvoir’’ du maître sur ses biens en général, sur son ager privatus en particulier. Cette potestas dépendait toutefois de l’accomplissement de deux conditions : la mise en valeur de la chose concédée, car, pour prendre l’exemple africain, un autre cultivateur pourrait ‘’occuper’’ les terres qui seraient restées en friche pendant dix années consécutives ; le règlement de ce qui était dû au ‘’peuple romain’’ ou à l’empereur, voire à d’autres ‘’domini’’, car l’occupatio s’inscrivait, non dans une propriété complète, mais dans une possession liée à une exploitation qui s’inscrivait dans le cadre d’un bien où plusieurs bénéficiaires se partageaient des droits différents.

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Il faudrait distinguer, en fait, la politique menée par chacun des empereurs de cette dynastie. Remarquons simplement ici que la concession des subcessives et des terres exclues ou en surplus caractérise avant tout Domitien (Frontin : De controversiis agrorum, La. 53 ; Suétone, Domitien, 9, 7 ; Hygin, De limitibus, La. 111). Cela, bien évidemment, s’oppose à l’idée, admise par la plupart des chercheurs, suivant laquelle la lex Manciana fut promulguée sous Vespasien. Il est vrai qu’une écrasante majorité pense qu’elle était réservée à la seule Africa. 114 PEYRAS (J.), La potestas occupandi dans l’Afrique romaine, DHA 25/1, 1999, p. 149.

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D. LES CRITERES SUBCESSIVA.

D’ATTRIBUTION

DES

Il est évident que la question reste entière puisque les sources sont muettes à ce sujet, mais des déductions, à l’étude des inscriptions, sont possibles. Question complexe compte tenu du silence des inscriptions à ce sujet. Toutefois, nous savons qu’elles étaient confiées à des conductores qui sont des fermiers, ayant la confiance des propriétaires fonciers. Ces derniers étaient probablement d’anciens légionnaires, des vétérans qui avaient reçu des terres après leur service militaire. Mais il y a aussi les propriétés impériales qui ont nécessité un règlement dans leur occupation. Au regard nous trouvons que les paysans qui s’enrichissent ne sont pas nombreux et on ne saurait prendre l’exemple du moissonneur de Mactar comme généralisant la condition des agriculteurs africains. Car nous savons que ce sont les propriétaires fonciers qui s’enrichissaient le plus, ainsi que les membres des grandes familles issues de la bourgeoisie locale. Ce qui nous pousse à nuancer les bienfaits des leges supra dixi. En outre, le fait que ces dispositions n’aient pas atteint les habitants d’Aïn Ouassel, cité située à proximité d’Aïn-elDjemala, avant le règne de Septime Sévère, apparaît surprenant, si le but avait été d’augmenter de manière systématique la production agricole. Reste donc entière la question de savoir quel fut l’objectif réel de ces règlements, de même que l’étendue des domaines concernés. Nous ignorons si ces lois ont été appliquées sur d’autres domaines privés. Nous savons toutefois que la lex Manciana est encore appliquée aux IVème siècles115, d’où la preuve qu’elle est appliquée sur d’autres domaines; ce qui pour nous est une mesure générale; ce qui n’est pas le cas de la lex Hadriana. En ce qui concerne la lex 115

cf. «Tablettes Albertini», actes de vente de l’époque vandale dans le sud de l’ancienne Proconsulaire à la fin du Vème siècle. Le statut mancien était encore manifestement attractif en 319. Cf. Cth. XI, 63, 1.

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Hadriana, les futurs locataires devaient demander la permission pour obtenir ces conditions, ce qui semble d’une part exclure l’idée d’une mesure générale, et d’autre part attester que les coloni y trouvèrent un profit pendant plusieurs générations. En fait, des acteurs sociaux très divers, formant un très large éventail de conditions, étaient engagées dans la production de denrées d’exportation. Les conditions d’attribution étaient le plus souvent réunies par de riches propriétaires aristocratiques occupant le sommet de la hiérarchie sociale dans les cités africaines. PLINE L’ANCIEN évoque des confiscations effectuées par Néron au détriment de grands propriétaires sénatoriaux116. Le terroir de Lepcis Magna a servi d’assise économique à des familles qui ont atteint les sphères gouvernementales de l’Empire117. L’avènement de Septime Sévère marque l’aboutissement d’un phénomène séculaire, qui a concerné aussi d’autres familles que celle des Septimii. A un échelon inférieur de la hiérarchie sociale, des notables d’envergure locale contribuaient aux productions agricoles de l’Afrique. A la fin de sa vie, le « Moissonneur de Mactar » fait partie de cette catégorie. Il possède alors des terres. Et, dans sa cité, il a atteint le sommet de la carrière municipale. A ce moment, son profil devait ressembler à celui d’un chevalier de Thubursicu Numidarum qui se présente comme un bonus agricola118. Ceci dit, faire carrière dans l’ordo municipalis requérait d’être propriétaire foncier. Toutefois, des personnages socialement proches des élites municipales apparaissent non pas comme des propriétaires, mais comme des entrepreneurs agricoles. Ils portent le nom de conductores, en référence au contrat d’affermage (de locatioconductio) qu’ils ont conclu avec l’empereur ou un dominus privé. Souvent, l’engagement financier du conductor était considérable. Le conductor exploitait en faire-valoir direct, parfois représenté par un vilicus (un régisseur), une partie de domaine que les historiens décrivent comme une « réserve », 116

Pline l’Ancien, NH, XVIII, 35. DI VITA-EVRARD (G.), « Note sur quelques timbres d’amphores de Tripolitaine », BCTH, 21, 1985, p. 147-158. 118 AE, 1903, 319. 117

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par analogie avec la période médiévale. Les inscriptions de la vallée de Bagrada et du fundus Aufidanus laissent entendre que les contrats d’affermage étaient emphytéotiques et transmissibles. Le monde paysan était lui-même très hiérarchisé. Les colons, des tenanciers vivant dans des fermes isolées ou des hameaux, en faisaient partie. Ils cultivaient des lots familiaux, transmissibles et aliénables, en échange du versement de loyers en nature et probablement en argent. Dans les domaines impériaux de la vallée du Bagrada, les redevances s’élevaient le plus souvent au tiers des productions. Les colons devaient, en outre, s’acquitter de quelques jours de corvées annuelles. Or, ces prestations pouvaient être à l’origine de tensions entre colons et conductores. En outre, les colons étaient propriétaires d’attelages ; ils avaient les moyens humains et financiers de mettre en culture de nouvelles terres. Ils jouissaient en plus d’une indépendance de fait garantie par leur statut, et pouvaient s’adresser à l’empereur et faire graver des inscriptions. Il existait certes des travailleurs pauvres, mais ceux-ci ne disposaient pas de lots fonciers à titre perpétuel. Comparés aux colons, qui sont des hommes libres, les esclaves ruraux (appartenant aux propriétaires aux conductores ou aux colons eux-mêmes) jouissaient d’une condition bien moins enviable. Soumis aux variations saisonnières de l’offre de travail, jamais sûrs de réussir à se louer, contraints à se déplacer pour cela, les salariés agricoles vivaient l’existence la plus précaire. L’épitaphe de Mactar lève fugitivement le voile sur les groupes de moissonneurs qui parcouraient les campagnes numides du IIIème siècle. Le défunt a été des leurs, avant de devenir chef d’équipe, puis propriétaire. Nous voyons que le choix des représentants des empereurs se portait sur une branche de la société déjà plus ou ou moins nantie, mais en tout cas appartenant aux classes plus moins aisées des cités. En effet, les colons étaient le plus souvent propriétaires d’attelages, avaient les moyens humains et financiers de mettre en culture de nouvelles terres, jouissaient d’une indépendance de fait garantie par leur statut, avaient les moyens de s’adresser à l’empereur pour obtenir, per

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indulgentiam imperatoris, ces terres jugées subcessiva. Ces mêmes propriétaires pouvaient en outre faire graver des inscriptions en hommage à un empereur.

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E. LIMITES DES POLITIQUES AGRAIRES. Le terme defensio se rapporte à l’interdiction de laisser paître le bétail sur certains terrains. L’application de la procédure de definitio-defensio sur le territoire de la Maurétanie par exemple devait donc sans doute éviter l’exploitation de certaines terres en tant que pâturages, ce qui rendait difficile la mise en culture. Une partie des terres accaparées de cette façon était vendue ; des autres parties on formait ensuite de grands domaines. Le cas des terres appartenant à Matidia (la nièce de Trajan ou la fille de sa nièce) sur lesquelles on implanta des colons seulement sous Sévère Alexandre119 prouve qu’entre l’occupation des terres (definitio, defensio120) et leur mise en culture réelle pouvait s’écouler un laps de temps assez important. Dans les inscriptions d’Aïn-el-Djemala et Aïn-Ouassel, qui se composent de documents concernant la mise en culture de terres incultes, se trouvent plusieurs prescriptions réglant ces questions. Ce sera avant tout la lex Hadriana de rudibus agris et iis per X annos continuos inculti sunt. Cette loi précède celle de Pertinax qui permettait d’occuper les terres incultes appartenant aussi bien à des personnes privées qu’à l’empereur. En se fondant sur cette loi générale d’Hadrien, l’administration impériale donnait des ordres exécutoires réglant certaines situations particulièrement compliquées. C’était, avant tout, le sermo procuratorum, connu par les inscriptions d’Aïn-el-Djemala et Aïn-Ouassel, qui définissait très minutieusement la possibilité d’occuper les terres prises à ferme par les conductores, mais non cultivées par eux. Nous n’allons pas faire ici l’apologie de cette loi mais voir ses effets en Afrique romaine, et sur les populations d’un point de vue qualitatif sur le plan de l’amélioration de leur existence.

119 120

CIL, VIII, 8812. ROSTOWZEW (M.), Studien, p. 383.

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Nous pouvons comprendre à l’étude des inscriptions que les intérêts des conductores, et donc de l’administration impériale et les agriculteurs, étaient contradictoires. En effet, les conductores, désireux de s’assurer des profits aussi grands que possible durant la période de leur bail, n’étaient pas spécialement intéressés à ce que l’économie soit rationnelle. L’intérêt des conductores les poussait à réaliser immédiatement les plus gros profits. L’administration, en revanche, soucieuse de pouvoir donner le domaine à ferme pendant la période suivante de cinq années pour la même somme, ou une somme plus importante que la précédente, s’opposait à toutes les formes d’une économie qui ressemblait à un pillage. En outre le heurt de ces tendances opposées se manifeste le plus nettement dans les questions liées au montant des prestations des colons. Le procurateur qui, dans une controverse se poursuivant à ce sujet, avait pris le parti des conductores, agissait, selon les propos de la plainte des colons du saltus burunitanus, contra fas atque in perniciem rationem tuarem, c’est-à-dire de l’empereur. Les intérêts étaient également incompatibles dans le cas de la mise en culture des terres incultes, si vivement recommandée par l’administration. Les conductores craignaient des résultats moins abondants en récoltes, ce qui aurait entraîné automatiquement une diminution des redevances121. En outre, les terres incultes pouvaient donner des revenus aux conductores en tant que pâturages. Mais de nombreuses difficultés se révélaient dans l’occupation des terres incultes. Il y a de nombreuses plaintes adressées au prince. Les pétitionnaires s’efforcent de justifier la nécessité d’une réponse favorable à leur requête ; ils en appellent à la maiestas ou à l’utilitas de l’empereur (note). Amis pour ne pas frustrer les conductores l’administration impériale va les encourager pour qu’eux-mêmes occupent ces 121 CUQ (E.), Le colonat partiaire dans l’Afrique romaine d’après l’inscription d’Henchir Mettich, extrait des Mémoires présentés par divers savants à l’Académie des Inscriptions et belles Lettres, 1897, p. 10. L’auteur pense même que les redevances payées sur les subcesiva sont pour le propriétaire du domaine la compensation du préjudice qu’il subit, lorsque ses colons ne se consacrent pas entièrement à la culture de ses terres.

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terres. En outre, afin de surmonter la mauvaise foi des conductores122, lorsqu’il s’agissait des terres incultes, les princes vont essayer de les faire s’y intéresser matériellement. Les lois agraires ont probablement conduit à une augmentation du nombre d’emplois pour les classes défavorisées. En effet, la société africaine en comptait certainement, même si les inscriptions et les textes littéraires en mentionnent très rarement (le domaine de Pudentilla, en Tripolitaine, en compte au moins quatre cents123). Un relatif consensus se fait sur le nombre plutôt réduit d’esclaves en Afrique, un ensemble de provinces où les activités manufacturières sont bien moins développées qu’en Égypte ou en Orient et où la main-d’œuvre rurale est surtout composée de libres : c’est le système du « colonat partiaire » (à part de fruit), fondé sur la consuetudo manciana, et qui a été confirmé, sur les domaines impériaux, par l’empereur Hadrien sous le nom de Loi d’Hadrien sur les terres en friches. Les conditions pour les colons sont très avantageuses car, en contrepartie du tiers de la récolte et de ces six jours de corvée, ils jouissent d’un droit d’usage héréditaire sur le lot affermé, sauf abandon de la culture pendant deux ans. A l’étude de l’inscription du Saltus Burunitanus (Souk el-Khemis), nous apprenons, justement, que les colons se sont plaints qu’un intendant avait essayé d’augmenter le nombre des jours de corvées124. Nous avons sur le support, sur la pierre tout le dossier : la longue pétition des colons, le rescrit de Commode qui leur donne satisfaction, la lettre d’accompagnement du rescrit, rédigée à Rome par le procurateur du patrimoine, enfin l’accusé de réception des colons. L’objectif la lex Hadriana était de stabiliser la population rurale, et tout nous prouve qu’elle atteint ce but. La forte présence des grands domaines n’a toutefois pas supprimé l’existence de paysans, petits ou moyens, qui cultivent leurs terres et habitent en ville. A Thubursicum Numidarum, Quintus Vetidius Iuvenalis se qualifie de bonus agricola, 122

KOLENDO (J.), Le colonat en Afrique sous le Haut-Empire, p. 38. APULÉE, Apol., 93, 4. 124 CIL, VIII, 10570 ; DESSAU, ILS, 6870, d’après G. Charles-Picard et J. Rougé, Textes et documents relatifs à la vie économique et sociale dans l’Empire romain, SEDES, 1969, pp. 219-220. 123

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expression dont il est fier comme de ses autres titres de gloire, « omnibus honoribus functus, pater III equitum romanorum, in foro iuris peritis. »125 On peut supposer que notre personnage est un cultivateur aisé. En revanche, les possessores, sans doute des vétérans ou encore leurs descendants, de Verecunda étaient des paysans libres mais moins riches que Vetidius Iuvenalis. Le duovir Lucius Saedius Octavius Felix à Tipasa tirait ses revenus d’un domaine connu situé à trois kilomètres à l’est de la cité126 Nous pourrions multiplier les exemples mais ce n’est pas l’objet de notre étude, mais nous voulions cibler l’action et la présence des princes à partir des décisions générales ou particulières qu’ils prennent au profit des cités africaines. A ce propos, grâce aux bénéfices issus de la vente de la terre, il y eut un embellissement du paysage urbain. Parmi les exemples qu’il faut citer, nous avons l’épitaphe en vers, dite du « moissonneur de Mactar »127, qui date probablement de l’époque des Sévères. Nous vous donnons ici l’intégralité de l’inscription. En 23 ans comme travailleur saisonnier puis comme chef d’équipe, ce citadin de Mactar anonyme a su économiser au point d’acheter des terres pour agrandir son domaine et parvenir ainsi à atteindre le cens décurional. Notre exemple peut vraisemblablement être un cas isolé, mais pas unique ; sa vie est néanmoins un témoignage sur la difficulté pour les fermiers de trouver des faucheurs pour la moisson et par conséquent obligés d’offrir des salaires suffisamment élevés pour attirer des travailleurs. Il illustre ces déplacements saisonniers de travailleurs qui profitent d’un calendrier des récoltes décalé grâce à l’altitude et qui peuvent de ce fait louer leurs bras dans plusieurs régions voisines. Ces migrations saisonnières ne sont pas spécifiques des provinces africaines mais se retrouvent partout dans le monde méditerranéen. Cette inscription est aussi un document sur la rentabilité des petites et moyennes 125

ILS, 6850: « ayant géré toutes les magistratures municipales, père de trois chevaliers, habile à dire le droit sur le forum. » 126 ILAlg., I, 1362. 127 CIL, VIII, 11824; AE, 1975, 883. Cette célèbre inscription du Moissonneur de Mactar, qui date probablement de 260 ap. J.-C. suggère les possibilités réelles d’ascension sociale qui s’offraient aux paysans entreprenants.

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exploitations, sur les possibilités d’ascension sociale pour un homme dur au labeur et économe à l’extrême. Nous avons aussi une autre inscription qui montre la réussite des lois agraires ; c’est celle de l’agriculteur anonyme du fundus Aufidianus, qui se définit en ces termes : « [A..], agriculteur dans la très splendide république de Biha Bilta (Hr Behaïa), fermier libre de toute dette, qui a restauré le fundus Aufidianus et qui, indépendamment de tout le bien qu’il a fait dans ce même fundus, a aussi créé, en greffant les rejets stériles de l’oléastre, un grand nombre d’oliviers ; il a créé également un puits près de la route, un verger avec des treilles, puis un collecteur, des vignes nouvelles sous les arbres. Son épouse à son mari incomparable a élevé (ce monument). »128 La rareté des inscriptions du même type, exaltant les paysans qui ont eu la même ascension que le fameux moissonneur de Mactar, nous pousse à considérer que les promotions sont peu nombreuses ou peu attestées par les sources. Nous relevons, aussi, que cette insuffisance des preuves littéraires est comblée par les sources épigraphiques qui nous permettent de voir qu’il y a eu un essor économique des cités africaines. Hadrien encourageait la conversion des agriculteurs africains à l’arboriculture. Mais quels en étaient les mobiles ? Sans doute parce que le blé d’Afrique et des autres provinces suffisait à l’approvisionnement de Rome, mais aussi parce que l’extension de la surface agricole, en plus de favoriser l’enrichissement des agriculteurs africains, remplissait en fin de chaîne les caisses de l’Etat. On voit le souci de l’Etat d’inciter les coloni des domaines impériaux et privés à diversifier leur production et à se convertir à une arboriculture plus rentable que la céréaliculture. Cette évolution des produits africains va ainsi favoriser son essor économique, mais aussi la mise en place d’un système de contrôle des finances.

128 AE, 1975, 883 ; J. PEYRAS, Le fundus Aufidianus, étude d’un grand domaine de la région de Mateur, AntAfr., 9, 1975, pp. 181-222.

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Cet essor économique ets marqué par la mise en place d’un système d’octroi de parcelles emphytéotqiues à long terme.

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CHAPITRE II : L’ESSOR ECONOMIQUE DES CITES AFRICAINES.

Un des meilleurs spécialistes des antiquités africaines comme E. ALBERTINI pouvait écrire, il y a soixante ans environ, avec, certes, ce souci apologétique habituel à l’époque coloniale, même chez les représentants les plus autorisés de l’historiographie : « Dans l’ensemble des régions soumises à son autorité, Rome a organisé la production et les échanges : en assurant l’ordre, en disciplinant et en outillant les populations qui avant elle étaient barbares, en leur enseignant le confort et le luxe, en créant des routes, en favorisant le trafic maritime, elle a développé une activité économique dont bénéficièrent tous ceux qui vivaient dans les frontières de l’Empire. Rome a aménagé le monde de façon à s’assurer à elle-même les ressources dont elle avait besoin, mais en même temps de façon à améliorer les conditions d’existence de tous ceux qu’elle avait soumis »129. Que l’œuvre économique de Rome, en Afrique comme dans les autres provinces, ait d’abord été orientée vers ses propres intérêts, chacun en convient aisément. Il resterait toutefois à savoir si cette entreprise a profité aux provinciaux dans leur ensemble, et non pas, pour l’essentiel, à une aristocratie locale, romaine ou africaine. De toute façon, quelle que fût la prospérité, d’ailleurs toute relative, des provinces africaines devenues colonies d’exploitation pour l’Empire, ce développement s’édifia sur le travail de populations indigènes besogneuses qui, du moins en certaines zones, supportèrent à leur détriment les conséquences des mutations intervenues dans le régime des terres. Il est sûr que l’extension des domaines agricoles a donné une impulsion aux exportations et à la diversification des 129

L’Afrique romaine, p. 45.

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productions, pour enfin permettre l’essor d’une économie commerciale. A. L’EXTENSION DES DOMAINES AGRICOLES.

La principale des mesures économiques de Septime Sévère est l’extension de la zone de contrôle romaine vers le Sud, en vue d’affecter de nouvelles terres à l’agriculture. En effet, et c’est l’un des intérêts de Rome pour l’Afrique : le blé. Les biographes de l’empereur Septime parlent de la masse de blé dans les greniers de Rome à sa mort; il en est de même pour l’huile, comme le souligne l’Histoire Auguste: « Moriens septem annorum canonem, ita ut cottidiana septuaginta quinque milita podium expendi possent, reliquit; olei vero tant, ut per quinquennium non solum urbis usibus, sed et tous Italiae, quae oleo eget, sufficeret »130. Pour obtenir de meilleurs résultats, Septime Sévère facilite les conditions d’exercice de l’agriculture, en encourageant la multiplication de petits propriétaires libres131. Mais surtout il protège les paysans qui risquent d’être en butte aux exactions des procurateurs132, et redonne vigueur aux dispositions de la lex Manciana au profit de ceux qui mettent en culture des terres incultes. L’agriculture africaine se fait aussi sentir par des mesures à première vue sans rapport immédiat: l’accroissement et la réorganisation du patrimonium impérial ainsi que de la res privata permettent à l’empereur de faire passer sous sa dépendance directe une bonne partie de la production agricole. Les terres qui viennent s’ajouter aux domaines impériaux sont 130

Hist. Aug. (Vita Sev.), XXXIII, 3 : « A sa mort, il laissait un excédent de blé correspondant à sept ans du contingent fiscal annuel et suffisant pour pouvoir distribuer quotidiennement soixante-quinze mille boisseaux. Quant à l’huile, il en laissait de quoi subvenir aux besoins non seulement de Rome mais même de toute l’Italie qui en manquait ». 131 ROSTOVTZEFF (M.), Social and Economic history , p.405. 132 CIL, VIII, 26416.

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des terres confisquées. Une autre mesure économique est celle de la lex portus de Zaraï. L’importance de l’Afrique dans le domaine frumentaire se trouve consolidée par la création d’une flotte spécialisée dans le transport des grains comme nous le confirme l’Histoire Auguste à propos de la politique de Commode Antonin, en ces mots: «Classem Africanam instituit, quae subsidio esset, si forte Alexandrina frumenta cessassent. Ridicule tian Carthaginem Alexandriam Commodianam Togatam appellavit, cum classem quoque Africanam Commodianam Herculeam appelasses »133. Commode Antonin a en outre montré beaucoup d’intérêt à résoudre le problème du Saltus Burunitanus134. En effet, Commode donna pleine satisfaction aux requêtes qui lui avaient été présentées par les paysans de ce saltus, qui avaient à se plaindre de la cruauté des conductores.

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Hist.Aug. (Vita Commodi), XVII, 7-8: «Il créa une flotte africaine destinée à servir de renfort au cas où le blé venant d’Alexandrie venait à manquer. (…) donna à Carthage le nom d’Alexandrie Commodienne Togata après avoir donné aussi à la flotte d’Afrique celui de Commodienne Herculienne. ». 134 CIL, VIII, 10570: Missis militibus in eundem saltum Burunitanum, ali[os nos]trum adprehendi et vexari, ali[os vinc]iri nonnulos cives tian ro[manos] virgis et fustibus effligi eusse[rit…]. Subvenias, et cum homines rustici tenues manum nostras operis victum tolérantes conductori profusis largitioni(bus) gratiosi(si)mo impares put proc(urates) tuos simu(s), qui(us) (pe)r vices succession(is) per condicionem conductions notus est, miser(arise) ac sacro rescriptionis tuo.

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B. LES PROPRIETES IMPERIALES. Le plus grand propriétaire terrien était l’Empereur – comme c’est le cas dans les Etats contemporains - dont le patrimoine grandissait grâce notamment à la fortune des membres de la famille impériale ; aux legs testamentaires, aux confiscations ; aux biens fonciers vacants ou confisqués à divers titres par l’autorité publique et aux propriétés restées sans héritiers légitimes. La gestion de ces biens, qui représentaient probablement l’élément le plus significatif de la richesse des principes, pouvait être directe ou indirecte135. Néron, avide de profits, aurait éliminé six sénateurs qui à eux seuls contrôlaient la moitié de la province d’Afrique ; les sources sont muettes sur l’identité de ces sénateurs. En Afrique du Nord romaine, la notion de domaine impérial est associée de façon quasi réflexe aux saltus de la moyenne Mejerda. Mais il manque une étude assez complète, de type géographique, faisant le bilan systématique de tous les indices suggérant l’existence de saltus impériaux. Pour la Numidie, l’étude de Lisa FENTRESS136 reste la plus complète. Nous avons des domaines impériaux dans certaines régions : la plaine du Guert, soit la région Nord-Est des Nementcha, sur la route Theveste-Tebessa à Mascula-Khenchela. Nous avons aussi la zone comprise entre Thamugadi et Timgad qui est une référence pour cette étude, et voisine des sites militaires ou civils. Dans les zones définies on trouve des cités de la région d’Henchir Gousset en 276137, à côté de Mascula. Une dédicace à Tacite y a été trouvée, faite par un flamine. Les termes COL(ONI) LEG(UM), AUG(USTI) / [LIB(ERTUS) PRO]C(URATOR)138 impliquent qu’on a affaire à une propriété 135

PLINE L’ANCIEN, Hist. Nat. XVIII, 35. Numidia and the Roman Army, 1979. 137 MARCILLET-JAUBERT (J.), Epigraphica, 41, 1979, pp. 67-70 ; AE, 1982, n°960. 138 Idem 136

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impériale et le rang du dédicant ne laisse pas de doute que ce sont des colons impériaux qui en firent les frais139. Au plus tard au début du IIIème siècle, une partie au moins de la plaine du Guert était propriété impériale. Leges Maiores – Henchir Goussat devait être le centre principal. Grâce à ce statut de propriété impériale, certaines cités se voient attribuer des institutions ; à ce propos nous avons justement Leges Maiores, Verecunda, Henchir el Abiod, Cheria et Henchir el Abtine140. Deux bornes de délimitations datées de 104/105 et 116 ont été trouvées à proximité d’Henchir Kamelel141, à une quinzaine de km au Nord d’Henchir el Abtine et 10 km d’Henchir el Abiod. Ce sont les bornes les plus occidentales connues de la délimitation des Musulames sous Trajan. La formule inter Aug(ustum) et Musul(amios) atteste la présence des terres impériales en contact avec celle de la tribu142. A l’Ouest, le territoire de Timgad s’étendait jusqu’aux portes de Verecunda. Le cas de ce bourg est particulier ; une inscription de 161/162 le nomme vicus Augustorum. Augustus, qui apparaît par ailleurs abrégé, n’est pas ici un élément de titulature comme il est habituel aux colonies et aux municipes. Il faut assurément prendre la formule au pied de la lettre : Verecunda était alors le vicus de Marc Aurèle et Lucius Verus. Ce statut de propriété impériale n’empêcha pas que le vicus soit

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N.DUVAL justifie la présence des affranchis impériaux par des investissements personnels ; par ailleurs, les terres seraient trop pauvres pour qu’on y ait organisé des domaines impériaux. Mais comment expliquerait-on que des personnes privées aient pu mettre en valeur des terres inaptes jugées incultes selon les critères de l’administration impériale ? Les domaines impériaux de la vallée de la Mejerda comportaient d’importantes zones en friche, objet justement des règlements impériaux. 140 A une vingtaine de km au Nord-Est de Leges –Goussat, à l’Est de la plaine du Guert proprement dite, Henchir el Abtine a livré la dédicace encore inédite d’un autel, par un procurateur affranchi de plusieurs empereurs. On y avait assurément un centre domanial, où était pratiqué le culte impérial : on y a aussi retrouvé quatre autels au divin Gallien, à des Tétrarques et à Gratien, dont aucun ne porte de nom de dédicant. 141 ILALg. I, 2989 : inter Aug(ustum) et Musul(amios). 142 ILAlg. I, 2988.

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doté d’institutions et de monuments qui en faisaient une quasicité143. A une vingtaine de km de Timgad à Hr Tabia144, Antonin le Pieux fut honoré par l’affranchi impérial Aelius Datus en 147145. Une dédicace du même type a été trouvée à Aïn Bida146, à 15 km au Nord de Timgad, le procurateur Sporus honorant Commode en 183147. L’Etat romain s’investissait, de diverses manières, dans l’économie africaine. Tout d’abord, les propriétés impériales148, vastes et nombreuses, tenaient une grande place dans l’économie agricole. Elles exigeaient une étroite surveillance administrative. L’éclairage des sources porte surtout sur les époques antonines et sévériennes. Les agents les plus proches du terrain étaient alors les procurateurs de domaines. Ces affranchis de l’empereur étaient en contact direct avec les exploitants, sans être eux-mêmes des spécialistes de l’agriculture149. Gestionnaires, ils procédaient à l’affermage des domaines, puis s’assuraient du respect des engagements contractuel, et statutaires, des conductores et des colons. Ils étaient placés sous les ordres de procurateurs de districts qui, portant le nom de regiones ou de tractus, comprenaient plusieurs domaines en leur sein. Par exemple, les colons du saltus Burunitanus (l’un des domaines impériaux de la vallée du Bagrada) étaient placés dans le tractus de Carthage. Ailleurs, la carte des districts a varié dans le temps, ce qui a tendance à

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CIL, VIII, 4219. CIL, VIII, 23359. 145 M. N. DUVAL a proposé de comprendre les lettres ILP [f]l(amen) p(erpetuus). Cette hypothèse suppose qu’un affranchi ait pu être flamine perpétuel, au mépris de la loi Visellia, et contre les sources qui nous montrent que, les alentours de Rome mis à part, ces employés impériaux vivent en marge des institutions civiques. 146 GSELL (St.), MEFRA 14, 1894, p. 20 : dédicace à Commode datée de 183. 147 Idem. 148 JACQUES (Fr.), « Les propriétés impériales et cités en Numidie méridionale », CCG, 3, Paris, 1992, pp.123-139. 149 KEHOE (D.P.), The economics of Agriculture on Roman imperial Estates in North Africa, Göttigen, 1988. 144

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brouiller notre perception150. Les procurateurs équestres responsables de ces circonscriptions devaient rendre des comptes à la fois au procurateur financier de leur province et au service central du patrimonium (situé à Rome). Le blé du domaine du prince venait s’ajouter au blé fiscal ; et leur acheminement jusqu’à Rome incombait au service de l’annone. Si le blé perçu au titre de l’impôt était insuffisant, on procédait à des achats dans l’arrière-pays ce qui constituait une source de revenus considérable pour les agriculteurs. Ainsi, à la fin du règne de Trajan, un dénommé Titus Flavius Macer fut curateur chargé d’achats frumentaires dans l’arrière-pays d’Hippo Regius151. Les empereurs ont favorisé le développement des industries en Afrique grâce aux dispositions qu’ils prirent concernant l’annone, vital pour satisfaire le besoin croissant des Romains de la métrople. En effet, dès la première moitié du IIème siècle, des marchands et transporteurs d’huile africaine sont en relation avec les empereurs pour l’annone152. En réalité, les acteurs du « commerce libre » et ceux du trafic annonaire ne formaient pas deux catégories distinctes. En effet, les empereurs, tels que Commode, se conduisaient en partenaires, concluant des contrats temporaires avec des naviculaires privés. Le poème de Claudien sur la guerre menée contre Gildo montre bien l’angoisse de Rome sur le thème, visiblement repris par les auteurs de l’ ‘’Histoire Auguste’’. Toujours selon Claudien, Commode aurait créé une flotte d’Afrique, pour le cas où les blés d’Alexandrie cesseraient d’arriver. La responsabilité du ravitaillement de Rome incombait au préfet de l’annone, à ses adjoints et à leurs bureaux installés dans la ville. De nombreux Africains vont être chargés de cette fonction par les empereurs. Dès le règne de Trajan, nous trouvons un certain Titus Flavius Macer de Calama, praef(ecto) 150 CHRISTOL (M.), « Le blé africain et Rome », Le ravitaillement en blé à Rome. Actes du colloque de Naples (14-16 février 1991), Rome, 1994, pp. 295-304. 151 VIRLOUVET (C.), Nourrir les cités de Méditerranée. Antiquité-Temps modernes, Paris, 2003, pp.61-82. 152 CIL, VI, 1620.

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gentis Musulamiorum, curatori frumenti comparandi in annona Urbis153. Le même personnage serait un peu plus tard procuratori Augusti ad praedia saltus Hipponiensis et Thevestini ; ce qui est une focntion très importante confiée à un Romain d’Afrique, et surtout dans sa province d’origine (la Numidie), et non à toute l’Afrique comme le suggéra H. PAVIS D’ESCURAC154. La préfecture de l’annone favorisa le développement d’autres activités qui permettront aux Africains, non issus des familles dirigeantes des cités de se lancer dans les affaires maritimes et une formidable possibilité d’investissement financier dans le secteur agricole, comme en témoigne l’exemple ci-dessus, et il y en a d’autres dans les autres provinces de notre étude155. Durant la période de notre étude, l’Etat n’usait pas de la contrainte, mais prodiguait des avantages et des exemptions fiscales aux armateurs et transporteurs qui acceptaient de le servir. Après la mise en service du port de Trajan, à Ostie, ceuxci étaient en relation avec un adjoint équestre du préfet de l’annone. Or, au IIème siècle de notre ère, au moins quatre de ces procurateurs de l’annone d’Ostie furent originaires d’Afrique156. Eux aussi révèlent le poids des Romains d’Afrique dans l’économie portuaire. Pendant l’Antiquité tardive, enfin, l’Etat dépêchait à Carthage un préfet de l’annone d’Afrique157. Ce développement du trafic portuaire a fourni de nombreux emplois aux Africains, surtout dans les contrôles douaniers et les péages. De ce point de vue, une originalité 153

CIL, VIII, 535 (ILS, 1435) = ILAlg., I, 285. 1976, pp. 125-126. 155 M. CEBEILLAC-GERVASONI (1994) a très bien montré, par son étude sur le blé à Ostie au IIème siècle, la présence déterminante des Romains d’Afrique dans la chaîne de l’approvisionnement en blé de Rome à partir de Trajan, nous aidant à saisir comment les Romains d’Afrique ont su prendre, dans la vie économique, puis politique et intellectuelle de l’Etat, une place prépondérante. 156 IDEM, « Ostie et le blé au IIème siècle ap. J.-C. », in Le ravitaillement en blé de Rome. Actes du colloque de Naples (14-16 février 1991), Rome, 1994, pp. 47-59. 157 RICKMAN (G.E.), The corn supply of ancient Rome, Oxford, 1980, pp. 202-204/ 154

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administrative de l’Afrique, à notre avis, réside dans le fait que, sous le Haut-Empire, un service unique assurait la perception des droits des douanes et de trois autres impôts158. Ainsi, il revenait aux bureaux des quattuor publica Africae159 de percevoir des taxes sur les affranchissements, sur la vente d’esclaves, sur les héritages et sur la circulation des marchandises. Une quinzaine de bureaux est identifiée, grâce à l’épigraphie, en Proconsulaire, en Numidie et en Maurétanie césarienne : dans les ports de Lepcis Magna, de Carthage, d’Utique, de Rusicade et de Chullu. Le personnel administratif qui peuplait ces antennes locales se fondait dans les sociétés portuaires. C. LES EMPEREURS ONT-ILS PU FAVORISER UNE ECONOMIE COMMERCIALE ? L’essor de l’agriculture et des exportations africaines, favorisé par les lois agraires mancienne et hadrienne notamment, entraîna le développement d’un véritable secteur artisanal. La place de l’économie dans la cité antique reste cependant très discutée, et le rôle économique de l’Afrique a été minimisé par des auteurs comme Max WEBER, qui affirmait la supériorité de la vie politique sur l’économie et la préférence aristocratique des élites municipales pour les revenus de la terre, au détriment des métiers de l’artisanat et du commerce. Nous savons que dans l’antiquité romaine ces derniers font partie des negotia, et donc des professions infamantes. Toutefois, il fallait bien vivre et les propriétaires africains semblent avoir largement dépassé ces exigences minimales en tirant de substantiels bénéfices de la commercialisation de leurs produits.

158 S.J. DE LAET, Portorium, étude sur l’organisation douanière chez les Romains surtout à l’époque du Haut-Empire, Bruges, 1949, pp. 247-271. 159 CIL, VIII, 4508, datant de 202, indique les taxes appliquées sur des marchandises transitant par le péage de Zaraï, en Numidie méridionale.

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Blé, huile étaient massivement exportés en Italie et concurrençaient les autres régions de l’Empire. Christophe HUGONIOT parle de « quarante pressoirs recensés dans le territoire de Cillium »160. Mais il ne faut pas oublier les nombreuses attestations épigraphiques et même littéraires d’arbres fruitiers (figuiers, poiriers, pommiers, amandiers, pistachiers, grenadiers), ni l’élevage auquel se livraient les tribus nomades et les chefs d’exploitation, et qui suscitaient parfois des conflits avec les agriculteurs comme l’évoque une inscription gravée vers 170 ap. J.-C.161. Le développement rapide d’une urbanisation prestigieuse dans les cités ne pourrait s’expliquer sans une économie dite mercantile qui enrichirait les cités et leur permettrait d’aussi gros investissements dans leurs villes. Même si les profits étaient en majorité investis dans l’achat de terres et de pierres pour les espaces urbains ; on comprend mieux ce développement des cités au IIème siècle. En tout cas, cette prospérité, rendue possible à la fin du 1er siècle par le maintien de la paix romaine aux frontières, est inséparable de la promotion municipale des cités indigènes et de l’essor urbain. L’économie africaine tourne à plein régime par le fait que les exportations de la plupart des parties de l’Empire sont en plein déclin. La masse des exportations est d’autant plus impressionnante qu’elle s’accompagne d’une autosuffisance dans une période pourtant marquée par un développement urbain considérable. Ainsi, dans le domaine de la production céramique, où elle se lance à son tour à partir de la fin du IIIème siècle. D’autre part, le commerce interprovincial, qui, jusqu’à la fin du IIème siècle, restait contrôlé par l’intermédiaire de Rome, s’organise désormais, en partie au moins, indépendamment de la capitale : un phénomène à mettre en relation avec la disparition des negotiatores et manieurs d’argent professionnels italiens typiques du Haut-Empire et l’apparition de nouveaux comportements financiers de la part des élites provinciales de plus en plus intégrées à la vie de l’Empire-monde. Les échanges méditerranéens se sont « provincialisés ». A une économie 160 161

HUGONIOT (Ch.), op. cit., p. 118. CIL, VIII, 23956.

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centrée sur l’Italie, tirant les bénéfices de sa domination politique, a succédé très tôt, dans l’époque impériale162, une économie mondialisée. En outre, nous remarquons, par l’archéologie comme dans les textes, un développement sur les domaines impériaux d’une culture commerciale par excellence ; l’olivier. De fait, toute augmentation des bénéfices d’exploitation passait par la commercialisation des productions : ces bénéfices profitaient non pas au fisc impérial, mais aux conductores, qui travaillaient pour leur propre profit à améliorer les revenus tirés du sol public. Tout au plus la res privata était-elle assurée d’un paiement plus régulier de ses loyers, tant par la continuité de la gestion des domaines que par un meilleur rapport de ceux-ci, assuré par les investissements que pouvaient seuls engager des conductores permanents. D. LES GRANDES PRODUCTIONS AFRICAINES DANS LES ECHANGES MEDITERRANEENS, DE TRAJAN A DIOCLETIEN.

Nous commençons notre propos par un texte d’un auteur de l’antiquité, le poète Stace, qui disait à propos de la Numidie et par extension de l’Afrique romaine, ceci : « Ni Thasos ni l’onduleux Carystos n’ont été admis ici ; l’albâtre s’afflige loin à l’écart, et l’ophite se lamente d’avoir été exclu ; seuls brillent les marbres détachés des carrières fauves des Numides, seuls les marbres que dans l’antre creux de la phrygienne Synnade, Attis ensanglanta lui-même de taches éclatantes… »163. A la fin de l’époque flavienne, le poète Stace décrivait ainsi le somptueux balnéaire que le chevalier Claudius Etruscus avait fait bâtir à Rome. L’Afrique romaine est évoquée au détour d’un vers, à propos d’une production exportée : le marbre numide. La qualité des marbres africains et phrygiens était 162 163

LE ROUX ( P.), Haut-Empire, pp. 223-243. STACE, Silves, I, 5, 34-38, traduit par H. J. IZAAC (CUF, 1961).

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réputée supérieure164. De fait, dans l’Empire romain, et dans l’esprit des habitants du centre italien en particulier, les provinces africaines avaient l’image des départements d’outremer proches, pourvoyeurs essentiels de biens et de richesses. Pour l’Afrique et ses habitants, l’approvisionnement de marchés extérieurs en divers produits a donné naissance à des structures économiques particulières. Ce rôle a forgé une partie des réalités vécues dans l’Afrique romaine. Toutefois, à travers les grandes productions exportées, ce n’est qu’un pan restreint de l’économie africaine qui sera soumis à l’analyse165. Partielle, l’étude ne peut donc conduire à une compréhension globale de l’économie en Afrique romaine. Aussi nous sera-t-il impossible de prendre part aux controverses historiographiques sur l’essence des économies du monde romain, ou sur l’apport romain au développement de l’Afrique du Nord. La valeur heuristique de ces débats anciens, et des questions générales qui les sous-tendent, peut d’ailleurs être discutée. Le sujet choisi écarte des secteurs économiques aussi fondamentaux que l’agriculture et l’élevage vivriers ou les biens manufacturés produits pour les marchés locaux. Il porte un éclairage nourri sur certaines régions, au détriment d’autres166. Une partie notable de la population de l’Afrique romaine n’était en rien concernée par la production de biens exportés. Cependant, des acteurs aussi différents que des pêcheurs et des potiers, des naviculaires et des colons agricoles, des négociants et des agents de la puissance publique, y étaient associés de quelque manière. Leurs activités ont donné à l’Afrique une physionomie propre et une place originale dans l’Occident romain. 164 FANT (J. C.), « Ideology, gift and trade : a distribution model for the Roman Imperial Marbles », The inscribed economy, Ann Arbor, 1993, pp. 145-170. 165 Pour une vue plus générale, on peut se reporter à la synthèse, ancienne mais toujours utile, de R. M. HAYWOOD, « Roman African », dans T. Franck (éd.), An economic Survey of ancient Rome, vol. IV, Baltimore, 1938, pp. 1-119 166 Cela d’autant plus que nous avons choisi de ne pas évoquer les échanges entre les deux rives du détroit de Gibraltar, traités par L. Gallegarin dans une communication parue dans les Actes du colloque de la SOPHAU (Poitiers, 1er3 avril 2005).

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Ces éléments demandent à être bien cernés par l’analyse d’un corpus documentaire dont il est difficile d’affirmer s’il est, en substance, riche ou pauvre. Les sources de l’histoire économique africaine sont diverses, en tout cas. Les sources textuelles comprennent à la fois des passages d’œuvres littéraires, des extraits des codes juridiques compilés dans l’Antiquité tardive et des inscriptions. Certains textes paraissent d’une grande richesse. Par exemple, les célèbres inscriptions de la vallée du Bagrada, que nous avons étudiées, et qui révèlent le fonctionnement de grands domaines impériaux qui ont fait la richesse de nombreuses cités, n’ont pas de véritables équivalents dans l’Empire. Néanmoins, nombre de textes semblent peu précis, parfois anecdotiques. De surcroît, leur mise en série, dans le but de reconstruire une image cohérente de l’économie africaine, relève souvent de la gageure. Nos connaissances et nos recherches sont discontinues même si elles ne manquent pas d’intérêt. Le but de tout chercheur n’est-il pas de s’engager dans des recherches difficiles afin d’éclairer l’histoire ? Nos connaissances portent sur des contextes chronologiques, économiques et sociaux si différents que les reconstructions des historiens peuvent sembler artificielles. Les sources archéologiques, également, sont aussi diverses et multiples que délicates à manier. Les vestiges des unités de production correspondent à des corps de fermes, des pressoirs, des ateliers de salaison, des fours de potiers. Le temps a transformé les poteries africaines d’exportation et les amphores à huile, à vin ou à sauce de poisson en milliers de tessons. Les vestiges des ports et les épaves témoignent de l’intensité des relations économiques entre les deux rives de la Méditerranée. En effet, les sources de l’histoire économique de l’Afrique ne se cantonnent pas aux territoires africains. L’examen de documents provenant de Rome et du port d’Ostie, en particulier, se révèle indispensable.

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Comment les courants d’échanges économiques ont-ils œuvré à l’intégration, très accomplie, de l’Afrique au monde romain ? Les productions africaines exportées outre-mer sont diverses et portent sur des quantités importantes. L’échange à longue distance de ces marchandises structure en partie un espace africain intégré, selon des modalités spécifiques, à l’espace impérial romain. La personnalité des acteurs qui interviennent dans ces productions et dans leur commercialisation montre l’intensité des relations entre l’Afrique et les autres régions de l’Occident romain. D1. LA DIVERSITE DES EXPORTATIONS AFRICAINES. D1.A. L’HUILE ET LE BLE AFRICAINS.

Les produits exportés par l’Afrique au-delà de ses rivages sont multiples. On peut les répartir en trois grandes catégories. La première est constituée de produits de l’agriculture (les céréales et plus particulièrement le blé)167, sous le contrôle et la vérification de la préfecture de l’annone168 ; et de la pêche, 167 Grenier à blé depuis la royauté numide (règne de Massinissa, 203-148 av. J.-C.), nos provinces, et surtout la Proconsulaire, assurent les deux tiers du ravitaillement en céréales de la ville de Rome sous le Haut-Empire, et en dépit de l’insécurité politique et de l’insécurité à une époque plus tardive (fin IVème siècle par exemple) : BEN MANSOUR (S.), « Millet et vigne », Africa, 10, 1988, pp. 105-116 à partir d’une mosaïque d’Oudhna postérieure au IIIème siècle ; CHRISTOL (M.), « Le blé africain et Rome. Remarques sur quelques documents », dans Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des débuts de la République jusqu’au Haut-Empire, Actes du colloque international de Naples, 1991, CEFR 196, Rome, 1994, pp. 295-304, à propos des productions frumentaires de la Numidie septentrionale. 168 PAVIS d’ESCURAC (H.), La préfecture de l’annone, service administratif impérial d’Auguste à Constantin, BEFAR 226, Rome, 1976, pp. 139-145. On a trouvé dans cet ouvrage nombre d’informations se rapportant à l’Afrique du Nord, plus précisément sur la création et le rôle du praefectus annonae Africae, en 314, en poste à Carthage.

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essentiellement destinés à l’alimentation. La deuxième est issue de l’exportation de ressources de nature minérale, végétale et animale. La troisième, enfin, regroupe des produits manufacturés. Les économies des sociétés préindustrielles étaient dominées par le secteur agricole. Aussi le dynamisme et l’ouverture économiques de l‘Afrique romaine s’expriment-ils, d’abord, dans ce domaine169. Des contrées septentrionales, abritant des terres très fertiles, ont donné à l’Afrique une réputation de grenier céréalier, dès le IIème siècle av. J.-C.170 Il s’agit surtout de la région de Carthage, au sens très large du terme (un hinterland s’étirant profondément dans les vallées du Bagrada et du Katadas) et des hautes plaines de Numidie (de Sicca Veneria à Sitifis). Compte tenu de la pluviométrie abondante dans cette région, il était aisé d’y pratiquer une céréaliculture à grande échelle, de qualité et sans irrigation. Les grains ne faisaient pas l’objet d’une monoculture. Ainsi, des olivettes, des vignes et des vergers sont attestés dans les grands domaines de cette vallée171, pour le bien de l’Urbs qui devait assouvir ses besoins grandissants en annone pour satisfaire ses penchants de ville vouée à l’otium. La question primordiale, pour ne pas verser dans des généralités inutiles, est de chercher le rôle joué par les empereurs dans ces domaines. En effet, à partir du IIème siècle, l’Afrique du Nord s’est affirmée comme une grande, sinon, la plus grande région exportatrice d’huile de l’Empire romain172. Or, dans le monde méditerranéen, l’huile d’olive était une denrée fondamentale ; 169 Pour une représentation générale des campagnes africaines, voir P. LEVEAU, P. SILLIERES et J.-P. VALLAT, Campagnes de la Méditerranée romaine, Paris, 1993, pp. 155-200. 170 RICKMAN (G.E.), The corn supply of ancient Rome, Oxford, 1980, pp. 67-71. 171 Voir supra. 172 Une approche générale de la question est présentée par D. J. MATTINGLY, « Oil for export. A comparison of Libyan, Spanish and Tunisian olive oil production in the Roman Empire », JRA, 1, 1988, pp. 33-56.

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pour l’alimentation et bien d’autres usages, Juvénal ne dit-il pas que l’huile « fut transportée d’Afrique sur les vaisseaux libyens (…) ; c’est elle qui défend les Africains des morsures de serpents »173.En Afrique Proconsulaire, les grands terroirs oléicoles se partageaient entre une zone sahélienne centrée sur Thysdrus et une zone de hautes steppes comprenant les cités de Sufetula, de Thelepte et de Cillium. La seconde se développa après la première pour connaître son plein rayonnement au IIIème siècle. Enfin, l’huile de Maurétanie césarienne, produite dans la vallée de la Soumman, avait une identité régionale forte, appréciée des consommateurs174. En effet, les amphores dans lesquelles elle était conditionnée portaient la mention abrégée « ex provincia Mauretaniae Caesariensis, Tubusuctu »175. A Ostie, par exemple, des négociants de diverses origines y disposaient de petites pièces donnant sur un portique, où ils pouvaient rencontrer leurs clients. Par ailleurs, la mention « Tubusuctu » fait allusion à la ville par laquelle l’huile transitait, avant d’atteindre un port. Une fois chargée sur un navire de mer, celle-ci était acheminée vers des contrées plus ou moins lointaines : vers la Maurétanie tingitane, vers l’Italie, vers Alexandrie, et bien d’autres provinces encore. Mais la plus grande partie était envoyée à Rome. Sa consommation est attestée jusque dans le royaume nubien de Méroé, en 266176. En outre, la législation des empereurs Trajan et Hadrien telle qu’elle apparaît sur les inscriptions des saltus d’Afrique visait au développement des oliveraies sur les subcesives des terrae et rudae. La politique impériale encourage la plantation de l’olivier en Afrique sensiblement à la période même où le service administratif de l’annone prend en charge le ravitaillement en huile de Rome. Il ne s’agit pas là d’une simple coïncidence. A cette même époque, en effet, le déclin de la production italienne d’huile oblige à recourir aux importations 173

JUVENAL, Satires, V, 86. LAPORTE (J.-P.), « Les amphores de Tubusuctu et l’huile de Maurétanie Césarienne », BCTH, 12-14, 1978, pp. 131-157. 175 Idem. A Ostie, le port de Rome, la représentation sur mosaïque d’une amphore portant les lettres MC, pour « M(auretania) C(aesariense) » sert d’enseigne commerciale. 176 TRAN (N.), op. cit., p. 173. 174

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provinciales et Rome désormais se trouve pour son approvisionnement en huile dans la même situation que pour son ravitaillement en blé : elle est tombée dans la dépendance des terres situées au-delà de la Méditerranée. Commode aurait, avec la constitution de la classis Africana Commodiana Herculea, étendu le système à l’Afrique, à une période où le gouvernement romain s’inquiétait du ralentissement de la production frumentaire égyptienne : Classem Africanam instituit quae subsidio, esset, si forte Alexandrina frumenta cessassent177. Par l’étude du texte de l’Histoire Auguste, la classis Commodiana n’est pas une flotte d’Etat créée par Commode pour transporter le blé d’Afrique, elle n’est en réalité qu’un convoi frumentaire (« quae subsidio esset ») des navires privés, des navicularii, tel que Commode l’aurait réorganisé, soit en faisant intervenir des armateurs privés, soit en utilisant parfois des flottes militaires « d’accompagnement qui convoyaient les navires frumentaires »178. Mais, il n’y avait pas que ces produits qui étaient voués à une telle exportation ; il y avait aussi les productions arbustives et halieutiques. Je pense même que les empereurs n’avaient pas prévu un tel développement des produits de leurs provinces. D1.B. LES PRODUCTIONS HALIEUTIQUES ET ARBUSTIVES.

En plus de son blé et de son huile, l’Afrique exportait une partie de ses productions arbustives et halieutiques. La vigne était cultivée, de manière courante, dans les zones bénéficiant d’un climat assez arrosé. Nos sources sont concordantes, de l’époque des Antonins à celle de Dioclétien, et même jusqu’à Saint Augustin. Aussi serait-il erroné de se représenter 177 Vita Commodi, XVII, 7. Commode décida donc d’assurer plus solidement la régularité des arrivages de l’autre grande province frumentaire qu’était l’Afrique, par une réorganisation des transports en provenance de Carthage. 178 PAVIS D’ESCURAC (H.), Le préfet de l’annone, op. cit., p. 207.

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l’Afrique romaine comme une terre de spécialisation céréalière et oléicole. C’est souvent sur les mêmes parcelles que poussaient l’olivier et la vigne. Au-delà de la trilogie méditerranéenne, les campagnes africaines étaient plantées de vergers. Dès lors se pose le problème de l’exportation éventuelle d’une partie des récoltes viticoles et fruitières. Quelques indices suggèrent que les expéditions de vin vers l’Italie n’étaient pas négligeables179. Ainsi, PLINE L’ANCIEN se fait l’écho de la réputation, en Italie, du passum d’Afrique180. Les anciens désignaient sous ce nom du vin paillé, de couleur jaune, fait avec du raisin séché au soleil. Or, selon Pline, seul le passum crétois l’emportait en renommée sur son homologue africain. Sous le Césarat d’Hadrien, l’épigraphie d’Ostie met en scène Lucius Caecilius Aemilianus, importateur de vin dans la capitale romaine et magistrat de la cité d’Uluzzibira, dans l’arrière-pays d’Hadrumète181. Ce négociant était, très probablement, spécialisé dans l’exportation vers Ostie de vin d’Afrique. Enfin, à partir du milieu du IIIème siècle, les amphores, une de nos sources archéologiques, de type africano grande ou africano piccolo, ont dû servir à exporter, non seulement de l’huile, mais aussi du vin et des salaisons d’Afrique182. Des salaisons arrivaient de Maurétanie Césarienne en partance pour Rome, puisqu’un negotians salsamentarius et viarius maurarius y a vécu183. Au total, le vin et les salaisons semblent avoir contribué à la diversité des exportations africaines, dans des volumes non négligeables, mais moins spectaculaires que ceux qui s’attachent au blé et à l’huile. En outre, l’Afrique romaine exportait une partie de ses ressources minérales, végétales et animales. Propriété de l’Etat 179

LEQUEMENT (R.), « Le vin africain à l’époque impériale », AntAfr., 16, 1980, pp. 185-193. 180 PLINE, NH, XIV, 81. 181 AE, 1940, 64. 182 F. ZEVI et A. TCHERNIA, « Amphores de Byzacène au Bas-Empire », AntAfr., 3, 1969, pp. 173-214 ; C. PANELLA, « Le anfore tardoantiche : centri di produzione e mercati prefernziali », dans A. Giardina (éd.), Società romana e impero tardoantico, vol. III : Le merci, gli insediamenti, RomeBari, 1986, pp. 251-284. 183 CIL, VI, 9676.

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romain, le sous-sol africain ne passait pas pour être très riche. En revanche, la renommée du marbre numide était grande, bien au-delà des rivages de l’Afrique. Situées le long d’une arête rocheuse surplombant la vallée du Bagrada, les carrières de Simitthus étaient de loin les plus importantes184. Après tout ceci, il est intéressant de savoir quelles furent les opportunités économiques et commerciales de l’Africa.

D2. LES OPPORTUNITES ECONOMIQUES ET COMMERCIALES DES PROVINCES D’AFRIQUE.

Nous souhaitons dans ce qui va suivre revenir un instant sur quelques modèles explicatifs qui se sont succédé et/ou opposés pour éclairer les changements, voire les inversions qui se sont opérés au fil des siècles dans les échanges commerciaux en Afrique romaine185, impulsés par les empereurs, ou par leurs représentants. M. ROSTOVTZEFF mettait en avant l’idée d’une concurrence des provinces dans une économie régie par la loi du marché186. Cette vision des choses a été combattue en particulier par M.I. FINLEY et ses successeurs187. La dimension sociale a été particulièrement mise en exergue par A. TCHERNIA pour qui le jeu des influences et du pouvoir est prépondérant. D’après lui, la thèse de M. ROSTOVTZEFF fait la part belle au « simple jeu libre et pacifique des forces 184 RÖDER (G.), « Numidian Marble and some of its Specialities », dans H. Herz, M. Waelkens (éd.), Classical Marble: geochemistry, technology, trade, Dordrecht, Boston, Londres, 1988, pp. 91-96. 185 Pour plus de détails sur certaines théories, voir A. BONANNO , Aspects of the Socio-economic Structure of Roman Maritime Commerce, PACT 27, 1990, pp. 47-56. 186 ROSTOVTZEFF (M.), The Social and Economic History of the Roman Empire, Oxford, éd. 1957, rééd.1976. 187 FINLEY (M.I.), The Ancient Economy, Londres, 1973.

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économiques, sans imaginer que le pouvoir, la pression et la violence sociales n’aient aussi joué un rôle »188. S’appuyant sur F. BRAUDEL, il insiste sur le rôle que jouent la violence d’Etat et les choix politiques dans l’histoire des déplacements des nouvelles terres exportatrices sans pour autant que ces espaces soient systématiquement des nouveaux centres de l’économie méditerranéenne occidentale. D. WHITTAKER ajoute une nouvelle perspective au débat en mettant en parallèle commerce et personnel politique pour expliquer certains changements commerciaux189. La principale objection que D. WHITTAKER fait au modèle de l’économie de marché est que celle-ci ignore le comportement des élites elles-mêmes et leur intérêt dans la distribution et le commerce de leurs propres productions190. Déjà sous la République, des membres de l’aristocratie possèdent des grandes propriétés dans les provinces occidentales, mises en valeur par les populations locales, comme Aelius Lama191. D. J. MATTINGLY a proposé dans un article récent un schéma d’évolution de l’économie africaine en développant l’idée d’opportunité économico-politique192. Trois facteurs fondamentaux paraissent avoir créé le substrat sur lequel le potentiel africain a pu s’exprimer à partir de l’impulsion des empereurs: 1/ le développement du service obligatoire de l’annona a offert une formidable possibilité d’investissement financier dans le secteur agricole ; 2 / la présence des garnisons militaires a stimulé la production à la fois en Numidie et en Tripolitaine ; 3 / le partenariat entre propriétaires et coloni a développé une mise en valeur optimale des terres, facilitée par la lex Manciana et la lex Hadriana. Pour l’historien, les élites 188 TCHERNIA (A.), Encore sur les modèles économiques et les amphores, Actes du colloque de Sienne (mai 1986) Amphores romaines et histoire économique : dix ans de recherche, Rome, 1989, pp. 529-536. 189 WHITTAKER (D.), Trade and the Aristocraty in the Roman Empire, Opus, International Journal for Social and Economic History of Antiquity, 4, Rome, pp. 49-75. ,1988 190 Op. cit., 1988, p. 59. 191 CIL, VIII, 14580-14582. 192 MATTINGLY (D. J.), Africa : a Landscape of Opportunity ?, in Mattingly D. J. (éd.), Dialogues in Roman imperialism, JRA supplementary Series 23, Portsmouth, pp. 117-139. 1997,

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romaines d’Afrique ne sont pas les seules à percevoir l’opportunité, les Africains eux-mêmes ont participé activement à créer cette offre193. Après avoir évoqué ce qu’on peut appeler l’autosuffisance, avec les centres urbains qui absorbent les surplus agricoles, (cf. le cas de la Maurétanie Tingitane), il convient d’examiner la seconde économie, imposée par l’Etat impérial et le service annonaire, qui agit parallèlement à l’économie de type régional, avec des structures propres (horrea impériaux, personnel administratif d’Etat) et avec un impact à l’échelle méditerranéenne194. Ce qui explique l’exportation constante des produits alimentaires de base, c’est la mise en place du service annonaire par Auguste vers 22 av. J.-C., pour garantir un approvisionnement régulier de l’Urbs195. Jusqu’à présent, les denrées comme l’huile et le vin étaient acquises par achat par des compagnies de publicani qui en assuraient la ferme. Ces derniers traitaient directement avec les navicularii pour le transport fluvial et maritime. Jusqu’alors, le navicularius agissait pour son propre compte en qualité de mercator, assumant les fonctions techniques et commerciales196. Au début du Haut-Empire, l’orientation commerciale suit les besoins de l’Etat romain, soit une forte importation à Rome même pour ravitailler la plèbe et aux marges de l’Empire (limes rhénan, Britania) pour pourvoir aux nécessités des camps militaires et des nouvelles colonies, comme Augusta Rauricorum. La lex Iulia de Annona accentua cette tendance et bouleversa le schéma organisationnel en instituant un système de ravitaillement pour lequel l’Etat louait les services de compagnies. Les associations de marchands et navigants travaillaient pour l’Etat dans les mêmes conditions que s’ils 193

Idem, p. 134. FENTRESS (E.W.B.), The Economy of an Inland City : Sétif, Actes du colloque L’Afrique dans l’Occident romain (Ier siècle av. J.-C. – IV4ème siècle ap. J.-C.) (Rome 1987), Coll. EFR 134, Rome, 1990, pp. 119-120. 195 Dig., XLVIII, 12, 2. 196 CHIC GARCIA (G.), La proyeccion economica de la Betica en el Imperio romano (época altoiperial), Séville, 1994, pp. 131-132. 194

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travaillaient pour un autre client, sur la base d’un contrat. A la tête de ce service annonaire, une préfecture équestre se chargeait d’établir les contrats entre les mercatores et les navicularii, dont les fonctions techniques et commerciales sont désormais bien différenciées197. Progressivement, le commerce perdra son caractère individualiste pour passer aux mains de grandes et opulentes compagnies, sortes de « corporations fonctionnarisées »198. Mireille CEBEILLAC-GERVASONI a très bien montré, dans son étude sur le blé à Ostie au IIème siècle, la présence déterminante des Romains d’Afrique dans la chaîne de l’approvisionnement en blé de Rome à partir de Trajan, nous aidant à saisir comment les Romains d’Afrique ont su prendre, dans la vie économique, politique et intellectuelle de l’Etat, une place prépondérante. De la même manière que l’on a pu parler d’un « parti hispanique » à la fin du Ier siècle à Rome, l’historienne suggère, avec une volontaire exagération, l’existence d’un « clan des Africains » qui s’impose dès le milieu du IIème siècle avec des personnalités telles que Fronton et Repentinus, originaires de Sicca Veneria, et dont l’influence a été déterminante sur Antonin le Pieux et sur Marc Aurèle199. La prosopographie des divers intervenants dans le processus de transit et de stockage du blé à Ostie montre qu’à tous les niveaux, on trouve des Romains d’Afrique200. Le blé 197 PAVIS D’ESCURAC (H.), La préfecture de l’Annone, service administratif impérial d’Auguste à Constantin, 1976. 198 CHIC GARCIA (G.), El estado y el transporte de las anforas olearias béticas durante el Alto Imperio romano, Gades, 7, pp. 33-35. 199 CEBEILLAC-GERVASONI (M.), Ostie et le blé au IIème siècle ap. J.-C., Actes du colloque international organisé par le centre Jean Bérard et l’URA 994 du CNRS (Naples, février 1991) Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des débuts de la République jusqu’au Haut-Empire (Coll. EFR 196), Naples-Rome, pp. 47-60. 200 Leur importance à Ostie au IIème siècle avait pour base une solide implantation économique : des propriétés agricoles en Afrique, des intérêts dans les « compagnies » de transport sur mer et sur le fleuve et dans les corporations de mercatores frumentarii et mensores frumentarii. On peut supposer, avec F. BERTRANDY, que les Laberii de Thubursicu Numidarum

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leur a permis d’accéder aux magistratures à Ostie sans perdre pour autant leurs positions éminentes dans leurs cités d’origine. Et de citer les cas de grandes familles sénatoriales qui avaient des intérêts et en Afrique et à Ostie, comme les Caecilii, gens originaire de Thubba, qui assumaient depuis des générations le patronage de Thuburbo Minus. Rappelons que le premier titulaire du poste créé à Ostie par Trajan de procurator annonae Ostiae et in portu, M. Vettius Latro, de la tribu Quirina, était originaire de Thuburbo Maius. Dès le milieu du IIème siècle, les Romains d’Afrique étaient prépondérants dans l’Urbs, à la cour, sur les plans politique et intellectuel. Le blé a pu représenter le détonateur qui explique cette émergence africaine d’abord au niveau économique dans un domaine très sensible : le ravitaillement de la Ville. De la même manière que le « parti espagnol » avait émergé dès l’époque flavienne, l’arrivée au pouvoir des Sévères n’est donc pas un début mais une suite logique. C’est cette présence dans l’Urbs, associée au dynamisme de certains ports africains, comme Carthage ou Hadrumète, qui explique en partie l’inversion des tendances commerciales. C’est l’essor de l’huile africaine dans le circuit annonaire, après une timide apparition à Ostie sous les Flaviens, en provenance surtout de Tripolitaine et de Proconsulaire (amphore Africaine I vers 150)201. L’huile africaine concurrence fortement, puis détrône l’huile de Bétique à l’époque sévérienne. C’est probablement l’époque de l’envol des salsamenta de la zone tunisienne qui concurrence les salaisons du Cercle du Détroit de Gibraltar, affectant par là même le commerce

installés à Ostie possèdent un lien avec l’activité marchande (BERTRANDY (F.), A propos des Laberii de Thubursicu Numidarum (Ier-IIème siècles ap. J.C.), AA, 32, 1996, pp. 45-56. 201 CAMPS-FABRER (H.), L’olivier et l’huile dans l’Afrique romaine, Alger, 1953, p. 76 : Mattingly, in Hitchner, op.cit., pp. 248-255.

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tingitan202. Ce produit, distinct d’un bien de première nécessité, n’était pas compris comme une marchandise annonaire, et avait l’habitude de s’échanger à un prix élevé. De là, l’initiative privée des cités productrices de Proconsulaire qui, se servant du courant commercial annonaire, organisent des cargaisons associant la production locale à l’envoi annonaire. Comme en Bétique, les navicularii qui chargeaient des marchandises payées par l’Etat complétaient leur fret avec des expéditions privées203. De cette manière, n’importe quel produit africain accédait avantageusement au marché redistributeur romain. C’est vraisemblablement ainsi que les conserves de poissons du Sahel tunisien obtinrent, dans de bonnes conditions mercantiles, un notable succès sur le marché romain. C’est le démarrage également de l’exportation du vin africain dans des Dressel 30 dès la fin du IIIème siècle. Tout comme les salsamenta de Tunisie, ces amphores sont chargées, probablement comme complément de cargaison, en même temps que le grain annonaire dans le port maurétanien de Saldae ou dans ceux de Proconsulaire, et diffusées dans les provinces de Méditerranée occidentale204. L’ensemble des conteneurs africains représente pour la période antonine près de 45 % des conteneurs présents à Ostie205. A partir de 150 de notre ère, les produits africains ne 202 Raisonnant seulement à partir de l’offre et de la demande, certains pensent, à tort à notre avis, que « les marchés extérieurs n’étaient plus en mesure de recevoir une production excessive » (Cheddad, A., Cohésion et désagrégation dans le circuit du détroit de Gibraltar, Africa romana 15, 2004, pp. 989-1011 203 VILLAVERDE VEGA (N.), Comercio maritimo y crisis del siglo III en el ‘Circulo del Estrecho’ : sus repercusiones en Mauritania Tingitana, ANAM 5, 1992, pp. 333-347. 204 FENTRESS (E. W. B.), The Economy of an Inland City : Sétif, Actes du colloque L’Afrique dans l’Occident romain (Ier siècle av. J.-C. – IVème ap. J.C.), Rome, 1987, pp. 117-128. 205 PANELLA (C.), La distribuzione e i mercati, in Guardina A. et Schiavone A. (éd.), Società romana e produzione schiavistica, II, Bari, 1981, pp. 54-80. Le pourcentage ira en augmentant aux IIIème et IVème siècles. La prospérité de cette économie mercantile explique le développement rapide d’un urbanisme de prestige dans les cités africaines. Cette prospérité, rendue possible au début du IIème siècle par le maintien de la paix romaine aux frontières, est

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cesseront pas leur essor commercial, devenant prépondérants durant tout le Bas-Empire. Cet essor coïncide avec ce qu’on peut appeler l’« africanisation » des élites dirigeantes romaines206, phénomène qui s’accentuera avec l’arrivée au pouvoir de Septime Sévère. En Méditerranée occidentale, l’Afrique concurrence l’Hispanie dans le domaine commercial, parce que, d’une certaine manière, elle l’avait remplacée à la cour du prince. L’implication des empereurs dans le développement des cités a entraîné la création d’un espace africain structuré et intégré par l’échange.

D3. UN ESPACE AFRICAIN STRUCTURE ET INTEGRE PAR L’ECHANGE.

L’insertion de biens économiques dans les courants d’échanges méditerranéens façonne en partie l’espace africain. Les régions productrices constituent des hinterlands reliés aux côtes par de solides infrastructures de transport. Nombreux mais d’importance inégale, points de départ de routes maritimes, les ports africains jouent le rôle d’interfaces. La diffusion des produits africains, depuis les ports de la rive septentrionale de la Méditerranée, révèle l’intégration de l’Afrique à l’espace impérial romain. Sur le territoire africain, les échanges des régions productrices avec l’outre-mer supposent l’acheminement d’une grande quantité de biens vers les côtes. En réalité, les réseaux de transport africains reposent avant tout sur des routes aménagées à l’époque romaine. Compte tenu des conditions hydrographiques, le rôle de la navigation fluviale semble mineur. Ainsi, le Bagrada ne soutient guère la comparaison inséparable de la promotion municipale des cités africaines et de l’essor urbain, avec une forte implication des empereurs. 206 Voir les origines des procurateurs équestres dans PFLAUM, Les carrières…, 1950.

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avec le Quadalquivir et le Rhône d’aujourd’hui, parcourus par une multitude de bateliers. En Afrique romaine, il n’existait pas d’axes de pénétration comparables. Certes, une partie du marbre de Simitthus semble avoir été acheminée par voie fluviale vers les ports d’Utique et de Carthage. La cargaison d’une épave découverte au large de Camarina, en Sicile, comporte à la fois du marbre numide, de la céramique sigillée et des amphores portant l’estampille de Leptis Minus. Aussi est-il probable que ces produits aient été rassemblés et embarqués dans un port situé au débouché de la vallée du Bagrada. Cependant, les productions des carrières numides semblent avoir surtout emprunté la route allant de Simitthus à Thabraca207. Pavée en 129 par Hadrien, cette route du marbre traversait le massif de Khroumire sur une cinquantaine de kilomètres. De la Maurétanie césarienne à la Tripolitaine plusieurs autres routes avaient pour vocation première l’acheminement des produits d’exportation208. Certains itinéraires Nord-Sud de Maurétanie césarienne et de Numidie, ainsi que des itinéraires Ouest-Est en Byzacène, sont exemplaires. La route de Tubusuctu au port de Saldae empruntait la vallée de la Soumman209. Ces itinéraires sont liés à la commercialisation d’huile. Ceux qui mènent aux cités de Rusicade et à Hippo Regius sont à rapprocher de la céréaliculture210. Une via nova Rusicadensis est aménagée entre 124 et 126, à l’époque même où le poids de la Numidie dans l’annone de Rome semble grandir. Elle relie la région de Cirta à la Méditerranée. Il y avait aussi ce que nous avons appelé la « route de l’huile », à l’instar de la « route du marbre ». En effet, les terroirs oléicoles les plus à l’intérieur des terres communiquaient avec un chapelet de ports, via Thysdrus, ou directement, pour les liaisons avec 207 LONGERSTAY (M.), « Un carrefour commercial africain d’importance régionale : Thabraca », BCTH, 22, 1987-1989, pp. 141-152. 208 SALAMA (P.), Les voies romaines de l’Afrique du Nord, Alger, 1951. 209 LAPORTE (J.-P.), « Les amphores de Tubusuctu et l’huile de Maurétanie césarienne », BCTH, 12-14, 1976-1978, pp. 137-157. 210 DE ROMANIS (F.), « Per una storia del tributo granario africano all’annona della Roma imperiale », dans B. Marin, C. VIRLOUVET (éd.), Nourrir les cités Méditerranée. Antiquité – Temps modernes, Paris, 2003, pp. 691-738.

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Hadrumète et Thaenae. En réalité, ces longs itinéraires poursuivaient les routes reliant aux ports des plantations moins éloignées du littoral. Ces routes sont nées de la volonté des empereurs ; et ils les ont entretenues pendant longtemps. Aussi les expressions imagées de « route du marbre » ou de « route de l’huile » sontelles quelque peu réductrices. Une mosaïque de Thabraca, datée du IVème siècle, met en scène un mesureur de blé : la « route du marbre » était aussi semble-t-il, celle du blé de Bulla Regia. L’existence de solides infrastructures routières tend à apparaître comme un facteur de développement et de diversification économique. En conséquence, beaucoup d’hommes ont dû travailler sur les routes africaines, de manière occasionnelle ou permanente. Cependant, les conditions dans lesquelles ils exerçaient leur activité sont mal connues. Tout juste peut-on se fonder, pour une époque tardive, sur un passage du Code Théodosien concernant l’acheminement du blé fiscal africain211. La prospérité, que certaines cités ont tirée de leur position dans les réseaux routiers, a laissé des traces bien plus spectaculaires. Ainsi, Thysdrus212 a fondé une part notable de sa richesse sur son statut de nœud routier. A l’époque de César, cette cité n’était qu’une bourgade, mais déjà un carrefour de pistes. Aux IIème et IIIème siècles, la ville est considérable, dotée de majestueux monuments et de belles demeures, sans concurrente proche. Par sa situation elle était habilitée à devenir un lieu de rassemblement de l’huile produite dans une vaste région. A des centaines de kilomètres plus à l’Ouest, la ville maurétanienne de Tubusuctu assumait probablement la même fonction. Le dynamisme de ces villes est à rapprocher de celui des ports africains. Les côtes de l’Afrique romaine comptaient des ports en grand nombre, dont beaucoup jouaient le rôle d’interfaces entre 211

C. Th., VIII, 5, analysé par G. E. RICKMAN, The corn supply of ancient Rome, Oxford, 1980, pp. 120-121. 212 SLIM (H.), « Quelques aspects de la vie économique à Thysdrus avant le IIème siècle ap. J.-C. », CT, 12, 1964, pp. 155-158 ; aussi H. SLIM, « Nouveaux témoignages sur la vie économique à Thysdrus (El Jem, Tunisie) », BCTH, 19, 1983, pp. 63-83.

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les rives méridionale et septentrionale de la Méditerranée. Il est parfois difficile de distinguer, avec certitude, les centres d’exportation des escales dévolues au cabotage local. Ce réseau portuaire était hiérarchisé. Toutefois, des ports modestes étaient en relation directe avec l’Italie. Ainsi, des naviculaires d’Hippo Diarrhytus, de Misua et de Curubis fréquentaient Ostie. Leur présence dans l’avant-port de la capitale romaine, à la fin des IIème et IIIème siècles, est connue par les mosaïques de la « place des corporations213 ». Pourtant, la distance entre ces ports et Carthage n’est que de quelques dizaines de kilomètres. Hadrumète, Leptis Minus, Gummi et Sullecthum s’échelonnent sur une soixantaine de kilomètres, mais semblent tous entretenir des relations directes avec Ostie. La polarisation portuaire semble plus forte en Tripolitaine et en Numidie, mais le partage des fonctions exportatrices y est aussi la règle. La place de Lepcis Magna était sans égale en Tripolitaine, mais les amphores à huile provenaient aussi de la cité d’Oea214, et les naviculaires de Sabratha disposaient d’un local sur la « place des corporations ». Enfin, Rusicade et Hippo Regius sont somme toute assez proches. Il faut cependant reconnaître à quelques ports une envergure supérieure. Les infrastructures de Lepcis Magna laissent une impression de gigantisme215. A son apogée, après de grands travaux attribués à la bienveillance de l’empereur Septime Sévère, le port lepcitain comprenait plus de 1000 mètres de quais. Ce qui avait entraîné l’établissement de nombreux entrepôts et magasins. En regard, les aménagements repérés sur le littoral des cités de Thapsus, Leptis Minus, Sullecthum, Acholla et Gigthis) paraissent modestes216. En 213

Sur les localités africaines citées sur les mosaïques d’Ostie, voir CIL, XIV, 4549. 214 DI VITA EVRARD (G.), « Note sur quelques timbres d’amphores de Tripolitaine », BCTH, 21, 1985, pp. 147-158. 215 LARONDE (A.), « Le port de Lepcis Magna », CRAI, 1988, pp. 337-353. 216 TROUSSET (P.), « La vie littorale et les ports de la petite Syrte à l’époque romaine », Histoire et archéologie de l’Afrique du Nord. Spectacles, vie portuaire, religions. Actes du colloque d’Avignon (9-13 avril 1990), 1992, pp. 317-332 ; H. SLIM, P. TROUSSET, R. PASKOFF et A. OUESLATI, Le littoral de la Tunisie. Etude géoarchéologique et historique, Paris, 2004, p. 42.

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réalité, seule Carthage pouvait soutenir la comparaison avec Lepcis Magna. Les vestiges des docks, les substructions des grands entrepôts, ont le même aspect colossal217. Or, l’existence de tels espaces de stockage devait distinguer Carthage des ports voisins. Ainsi, les cargaisons de quatre navires marchands du IIIème siècle sont remarquables218. Carthage jouait le rôle de port d’entrepôt, se distinguant à ce titre des autres places de l’actuelle Tunisie. En qualité d’interfaces, les ports africains recevaient, stockaient et expédiaient des marchandises, ce qui avait l’avantage de développer le commerce et les échanges entre les zones côtières de la Méditerranée. Les liaisons maritimes entre les ports de la partie orientale de l’Afrique romaine et la rive septentrionale de la Méditerranée étaient aisées, compte tenu de la proximité de l’Italie : le cœur de l’Empire. PLINE L’ANCIEN insiste sur cette proximité, en affirmant que, d’Ostie, l’Afrique pouvait être atteinte en deux jours219. Ostie n’était qu’à 270 miles nautiques de Carthage, mais à 830 d’Alexandrie220. Ainsi s’explique l’importance des exportations africaines vers l’île de la Sardaigne, par exemple. La circulation des produits africains, sur de longues distances, devait s’appuyer sur des réseaux et des infrastructures de commerce qui, malheureusement, nous échappent en grande partie. Toutefois, il paraît indubitable qu’entre les IIème et IVme siècle les provinces africaines étaient perçues, et en partie organisées, comme un espace voué à l’exportation. Cette donnée a forgé l’identité sociale de nombreux Romains d’Afrique.

217

PICARD (G.- Ch.), La Carthage de saint Augustin, Paris, 1965. TCHERNIA (A.), « Epaves antiques, routes maritimes directes et routes de distribution », dans B. Marin et C. Virlouvet (éd.), Nourrir les cités de Méditerranée. Antiquité –Temps modernes, Paris, 2003, pp. 613-623. 219 PLINE L’ANCIEN, NH, XIX, 3-4. 220 TRAN (N.), op.cit., pp. 182-183. 218

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E. DIVERSITE DES ACTIVITES ECONOMIQUES.

Si les activités artisanales sont peu présentes, d’autres secteurs d’activité et de production ont fourni une riche documentation, en particulier les activités côtières. La production agricole a entraîné d’autres activités et une mention spéciale doit être faite du secteur textile : Alfius Caecilianus, le duumvir d’Abthugni qui perquisitionna le siège de l’évêché de la cité en 303 de notre ère, était le patron d’une petite entreprise textile. C’était un tisserand221. Lorsque parvint en Byzacène le premier édit de persécution de Dioclétien, il était parti acheter des étoffes de lin à Zama en compagnie du curateur de la cité222. La prospérité de ce secteur d’activité est corroborée par la construction d’une « halle aux vêtements » (basilica vestiaria) à Cuicul, à l’instigation du consulaire Publilius Caeionus Caecina223. Le développement du textile était étroitement lié au maintien d’une économie pastorale ou semi-pastorale chez certaines tribus, mais une enquête précise manque sur l’articulation précise des liens économiques entre les différents acteurs.

221

Acta purgantionis Felicis episcopi Autumnitani, éd. Y. Duval, 1. pp. 55-57. Le voyageur n’était donc pas uniquement commercial. 223 CIL, VIII, 20156 222

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E1. LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS. Les productions de Tingitane alimentèrent le marché romain jusqu’au IIIème siècle. Les modalités de la commercialisation de ces salaisons demeurent encore un sujet de débats : le rôle des provinciaux africains dans la commercialisation est controversé, et il est difficile en l’état actuel des connaissances de déterminer si les productions étaient indépendantes, associées ou dépendantes de l’Espagne. On a supposé que les salaisons et les sauces auraient été chargées sur des bateaux contrôlés par des negotiatores espagnols ou italiens. Toutefois, les études du littoral tunisien ont remis en question ce quasi-monopole de l’Occident et il est fort possible que les productions de l’Africa, de toute évidence destinées à l’exportation, aient concurrencé celles des autres provinces. C’est ce que tend à prouver l’étude des bâtiments de Neapolis (Nabeul) et l’unité de Clupea (Kelibia), comme l’analyse d’amphores recueillies à Ostie et dans d’autres sites, qui désignent les villes de Sullecthum (Salakta), Lepcis Minus et Hadrumète, comme de grands ports d’exportations, et que confirment les mosaïques des bureaux (stationes) de la place des Corporations à Ostie (Curubis, Gummi et Sullecthum, notamment). A partir du IVème siècle, la part des productions de Proconsulaire devint prépondérante, et ce jusqu’à la période byzantine. Toutefois, il faut se garder de conclusions hâtives et rester très prudent que l’analyse des produits transportés reste discutée. Non loin de Sullecthum, ont été retrouvées des mosaïques dans de vastes bâtiments. L’une d’elles représentait un navire et on pouvait lire les noms d’armateurs, dont celui d’un Leontius, qui avait placé sa compagnie avec humour sous le signe du lion, l’animal étant lui-même représenté dans une autre salle224.

224

BRIAND-PONSART (Cl.), HUGONIOT (Ch.), op. cit., pp. 227-228.

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Les empereurs ont aussi favorisé indirectement les échanges. En effet, les échanges vers l’extérieur étaient dominés par les produits de l’agriculture et le ravitaillement de Rome, auxquels s’ajoutent d’autres produits, tel le marbre de Chemtou, même si son exportation reste réduite. Les destinations, à part Rome, des ports espagnols, gaulois ou orientaux sont loin d’être toutes identifiées. Liés à ce commerce, les infrastructures portuaires et les greniers, d’importance variable, où domine Carthage, suivie par Lepcis Magna, Hadrumète, Hippo Regius ou Rusicade, et d’autres plus modestes émaillent les côtes. Autre composante des échanges, les marchés locaux (nundinae) et les relations interprovinciales. Ces dernières ne sont connues que par de rares mentions, mais il ne faut pas en minimiser l’importance sous peine de percevoir l’économie africaine comme une forme d’exploitation économique au profit exclusif de Rome225. Le développement des échanges, per beneficia imperatoris, a entraîné la construction des macellia et favorisé le commerce interprovincial. Cette expression désigne à la fois le macellum, « qui a toujours été, à Rome, un édifice au sens plein du mot »226, bâtiment où se déroulaient les échanges alimentaires et édifice d’une fonction bien définie, et les marchés périodiques (nundinae), mais rien ne permet de supposer un lien entre les nundinae et le macellum. La fonction précise du macellum est bien attestée par les textes : il n’y est question que du commerce des vivres, essentiellement le poisson et la viande et il est parfaitement distinct du forum. Construire un macellum apparut indispensable pour toute cité en voie de romanisation. La chronologie des bâtiments érigés dans les provinces africaines227 confirme la charge de « romanisation » qu’il véhiculait. Dans la ville prospère punico-lybique de Lepcis Magna, un riche membre de l’élite municipale, Annobal Rufus,

225

LEVEAU, 2005, 77-89. GROS, 1996, 450. 227 Cf. supra. 226

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l’offrit dès l’époque augustéenne228, et une partie des détails d’architecture fut inspirée par ce qui se faisait alors à Rome sous influence du prince. Il n’en existait qu’un dans chaque cité, sauf à Timgad, qui en eut deux simultanément. Le plus connu est celui dit de Sertius, du nom de ce notable qui l’offrit à ses concitoyens à l’époque sévérienne229. Indépendamment de ces macella, des inscriptions montrent l’instauration de marchés locaux (nundinae), qui se tenaient périodiquement dans de petites localités et sur les terres des grands domaines. La documentation de nos provinces s’avère abondante. Cette importance résulte de l’importance des grandes propriétés dans ces régions230. Les propriétaires devaient obtenir l’autorisation du sénat dans la province d’Afrique, comme le fait savoir une inscription relatant un senatus-consulte pris en 138, précisément le 15 octobre, qui a pour objet la création de nundinae dans un saltus Beguensis localisé à Casae sur le territoire des Musulames231.

228

AMADZZI GUZZO, 1983, pp.377-385. LASSUS, 1966, 1221-1231 ; DE RUYT, 1983, 193-198. A Cuicul, L. Cosinius Primus, fils de Lucius, inscrit dans la tribu Arnensis (et donc originaire de Carthage), duumvir quinquennal, pontife, flamine perpétuel, fit construire un marché doté de colonnes, de statues et d’un ponderarium. 230 DE LIGT, 1993, 155 ; 197. 231 CIL, VIII, 23246 ; ILPB, 26. 229

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E2. LES GRANDS AXES DE CIRCULATION ET LE COMMERCE INTERPROVINCIAL AFRICAIN. Les grands axes de circulation étant au Sud de ceux de la propagation des révoltes, les autorités romaines s’efforcèrent donc, tout au long de la période, de contrôler ces routes caravanières, tout en tirant profit des flux commerciaux qu’elles permettaient de drainer232. Les empereurs romains ont mis en place un certain nombre de tarifs applicables autant aux produits d’importation que d’exportation. Nous avons de nombreuses informations des tarifs pratiqués dans un document épigraphique trouvé à Zaraï et datant de 202 de notre ère, et dont le contenu est le suivant : Le tarif d’octroi de Zaraï (Zraia), établi en 202 « Sous le consulat des empereurs Césars L. Septimius Severus, consul pour la troisième fois, et de M. Aurelius Antoninus, Pieux, Augustes, règlement de l’octroi (portus) établi après le départ de la cohorte. […] Règlement principal de l’octroi : Pour une amphore de vin, pour une de garum 1 sesterce Pour les dattes, par 100 livres 0,5 denier Pour les figues, par 100 livres 0,5 denier Pour les vatassae ( ?), par 10 boisseaux 0,5 denier Pour les noix, par 10 boisseaux 0,5 denier Pour la résine, la poix, l’alun, par 100 livres 0,5 denier »233. En définitive, l’étude des exportations de l’Afrique romaine révèle un indéniable dynamisme économique. Certes, un tel jugement ne peut pas être étendu à toutes les cités africaines, et à toutes leurs composantes. La généralisation 232 233

TROUSSET (P.), 2001, p. 68. CIL, VIII, 4508, traduction de S. LANCEL.

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serait abusive, également, si nous n’avions pas conscience que toutes les régions africaines n’ont pas été concernées, au même titre, par la production de biens d’exportation. Notre regard s’est porté, en priorité, sur la partie nord-orientale de l’Afrique romaine, sur des zones côtières ou bien reliées au littoral. Sur le plan chronologique, le IIème siècle apparaît comme une phase de développement, qui se poursuit au siècle suivant sans frein. Le IIIème siècle africain n’est pas une ère de crise pour les provinces africaines. Au contraire, l’économie africaine semble encore plus diversifiée et ouverte au monde romain. L’impact des exportations sur l’économie locale se lit à travers les vestiges de villes nombreuses et prospères, embellies grâce aux richesses issues de productions le plus souvent rurales. L’économie de l’Afrique antique ne forme pas une sphère autonome, déliée des autres réalités sociales et politiques. Aussi le recours à des modèles explicatifs globaux peut-il sembler séduisant. Le « taxes and trade model » de notre contemporain K. HOPKINS234, complété par les travaux de H.U. VON FREYBERG235, correspond à un schéma de ce genre/ les deux historiens économistes expliquent le dynamisme de zones intérieures de l’Empire par le défi macro-économique que celles-ci ont dû relever. Ces régions devaient alimenter les flux fiscaux qui se dirigeaient vers le cœur italien de l’Empire. Par la suite, elles ne bénéficiaient pas de la redistribution financière que l’Etat romain opérait surtout au bénéfice de périphéries militarisées. Pour les régions intérieures, le dynamisme économique, commercial en particulier, aurait constitué une nécessité imposée par un déséquilibre des paiements. Mais le défi aurait été gagné sans trop de difficulté : les transferts de capitaux vers l’Italie puis vers les périphéries auraient produit une hausse des prix locaux, favorable aux exportations des provinces intérieures. Ce schéma a été contesté par J.

234

HOPKINS (K.), « Taxes and trade in the Roman Empire (200 B. C.-400 A.D.)», JRS, 70, 1980, pp. 101-125. 235 VON FREYBERG (H.U.), Kapitalverkehr und Handel im römischen Kaiserreich (27 v. Chr.-235 n. Chr.), Fribourg-en-Brisgau, 1989.

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ANDREAU236. En effet, un modèle général ne peut rendre compte, totalement, d’une réalité historique qui correspond à une somme de particularités. Cette construction intellectuelle n’est cependant pas inutile. Elle comporte sûrement une part de vrai. Surtout, elle tend à montrer que la prospérité de l’Afrique s’explique à la lumière de solidarités économiques entre les différentes parties de l’Empire.

236

ANDREAU (J.), « L’Italie impériale et les provinces. Déséquilibre des échanges et flux monétaires », dans L’Italie d’Auguste à Dioclétien, Rome, 1994, pp. 175-204.

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CHAPITRE III : LE CONTRÔLE FINANCIER DES CITES AFRICAINES. Avec la mise en place des structures commerciales et économiques, le besoin de contrôle fut exprimé, non seulement par les habitants, mais aussi par les gouverneurs agents de l’administration centrale. A cet effet, les empereurs mirent en place une institution déjà présente dans d’autres provinces : la curatelle, et un service particulier, l’IIII Publicorum Africae, qui était une forme de curatelle composée de personnels administratifs subalternes, mais très efficace pour le service fiscal de l’empereur.

A. LE CONTROLE FINANCIER : LES CURATEURS DE CITES ET LA IIII PUBLICORUM AFRICAE. A1. LES CURATEURS DES CITES. Sous le Haut-Empire, Rome garantit l’autonomie des cités et ne s’occupe pas de leurs affaires tant qu’il n’y a pas de crise grave, telle que trouble de l’ordre public, catastrophe naturelle, faillite ou manquement aux obligations envers Rome, en particulier les obligations fiscales. Le gouverneur fournit aux cités les moyens d’exercer pleinement leurs droits car il garantit le maintien de l’ordre dans la province et assure le fonctionnement harmonieux de la vie économique (par exemple pour la construction du réseau routier), deux conditions indispensables de leur prospérité. C’est pourquoi plusieurs gouverneurs ont été choisis comme patron par de nombreuses cités237. Mais notre propos n’est pas lié à l’action des gouverneurs mais à celle des empereurs eux-mêmes. 237 DONDIN-PAYRE (M.), « L’intervention du proconsul d’Afrique dans la vie des cités », dans L’Afrique dans l’occident romain, Ier s. av. J.-C. – IVème

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La première intervention de l’empereur dans les affaires de certaines cités concerne la nomination, en cas de besoin, de curateurs. Ces commissaires aux comptes, pour utiliser l’expression ou le sens grec logistès238, étaient chargés depuis Trajan par le pouvoir impérial d’examiner les comptes des cités en grandes difficultés financières, même si, jusqu’à Marc Aurèle, ces nominations sont restées exceptionnelles. A la fin du IIème siècle, les curateurs chargés de vérifier les comptes des cités apparurent en Afrique. On admettait depuis Th. MOMMSEN, malgré quelques nuances, que leur création correspondait à la rupture de l’équilibre entre l’Etat et les cités, l’Etat ayant tenté de mettre les cités en tutelle par leur intermédiaire. Selon l’historiographie traditionnelle, cette nouvelle institution correspondrait donc à une crise des finances municipales qui pouvaient augurer d’une gestion approximative ou d’un signe de la décadence des cités dont l’autonomie serait battue en brèche par l’intervention impériale. Les travaux de F. JACQUES (1982)239 ont fait justice de cette interprétation, en particulier pour l’Afrique Proconsulaire, où les premiers curateurs, encore rares, apparaissent sous les Sévères, période d’apogée des cités, avant de devenir plus nombreux au cours du IIIème siècle. La documentation est moins riche que pour l’Italie, moins datée et géographiquement déséquilibrée, mais elle permet tout de même des conclusions très suggestives.

s. ap. J.-C., Rome, coll. EFR 134, 1990,.pp. 333-349. B.E. THOMASSON, « Légats d’Afrique », dans L’Afrique, la Gaule, pp. 132-141, s’interroge sur le choix des légats des proconsuls, pour conclure sur le rôle que jouaient certainement la parenté et la recommandation de l’empereur. On a pu lire J.E.H. SPAUL, « Governors of Tingitana », AntAfr. 30, 1994, pp. 235-260, fournit un catalogue de quarante gouverneurs, sur lequel il se fonde pour expliquer les carrières de chacun avant et après leur gouvernement de cette province. 238 BRIAND-PONSART (Cl.), HUGONIOT (Ch.), op. cit.,p. 350 ; PREVOT (Fr.), L’Afrique romaine, pp. 172-173. 239 Il a démontré qu’il n’en fut rien et que leur fonction première consista à aider les cités à sortir de l’impasse financière dans laquelle les avait conduites une mauvaise gestion, à la suite de travaux d’urbanisme, de programmes d’embellissement disproportionnés eu égard à leurs capacités financières.

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Le premier attesté dans ces fonctions, selon des sources épigraphiques, est un certain P. Aelius Rusticus, de rang équestre, il officia à Sufetula240 en 196. J’ignore s’il avait exercé des procuratèles auparavant ou si son titre de chevalier avait récompensé une honorable carrière municipale241. Les curateurs ultérieurs furent souvent pris parmi les notables carthaginois chevaliers romains, comme le montre cette épitaphe : L. Iulius Maximus, curateur d’Abthugni « A C. Iulius Maximus, décoré du cheval public, ancien édile, ancien questeur de la très splendide colonie Iulia Aurelia Antoni(ni)ana Karthago, curateur de la res publica du très splendide municipe d’Abthugni, pour son affection et sa simplicité envers la res publica, l’ordre (des décurions) et l’ensemble des citoyens. L’ordre a érigé (cette statue) à ses frais. »242. Un autre corps avait aussi le rôle de contrôle financier ; c’est celui des IIII publicorum Africae. C’étaient des affranchis qui avaient été promus par les empereurs pour assurer la perception du 20ème des héritages. Bien que peu connus, ils furent d’une grande importance pour les princes, pour lesquels ils avaient obtenu leur liberté.

240

ILA, 130 et 131. F. JACQUES, 1983, pp.359-360. 242 CIL, VIII, 23085, premier tiers du IIIème siècle. 241

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A2. LES IIII PUBLICORUM AFRICAE : UN EXEMPLE DE PERSONNELS ADMINISTRATIFS EN AFRIQUE.

La découverte récente de textes mentionnant des agents du service fiscal243 Quatuor publica Africae en 1949244, il nous est apparu nécessaire, dans le cadre des beneficia imperatoris, de comprendre le fonctionnement de ce service qui a permis une meilleure gestion des impôts. Ces documents, géographiquement très dispersés, proviennent de Capsa en Proconsulaire, de Cuicul et de Thamugadi en Numidie, et de Sitifis en Maurétanie. Il sera nécessaire de reproduire les textes mentionnés cidessus, afin d’en montrer l’utilité. Capsa : [---]pione verna vec[tigalis / IIII p(ublicorum) ] A(fricae) vil(ico) Capsae et [---/--- c]ontrascriptor[e ---]245. Cuicul :- Veneri / Aug(ustae) sac(rum) ; / Marcellus, Aug(usti) / n(ostri) lib(ertus), c(ontra)s(criptor), et Chres/tus, Aug(usti) n(ostri) verna, / vilicus C Cui/culi IIII pu/blicu(m) (sic) Afric(ae), / posuerunt.246 Imp(eratori) Caes(ari) L(ucio) Septimio / Severo Pertinace (sic) Aug(usto) / Parthico Adiabenico, / Iuliae / Aug(ustae), / matri castr(orum), / Imp(eratori) Caes(ari) 243 Outre les textes repris ici, peu d’inscriptions ont été publiées depuis la parution de l’ouvrage de DE LAET. Il s’agit essentiellement de AE, 1949, 30 (Mactar), 1982, 944 (Hippone / Annaba) et 1984, 930b (Carthage) ; AE, 1979, 77. G. DI VITA-EVRARD a signalé l’existence d’un texte de Lepcis Magna mentionnant un conductor. 244 F. VITTINGHOFF traite aussi des IIII publica Africae dans RE, XXII, 1, 1953, pp. 346-399. Le récente article de P. ORSTED, « Quattuor publica Africae : custom duties or landtax ? », L’Africa romana, 9, 2, 1991, pp. 813829, souvent confus, est contestable à bien des égards. 245 M. KHANOUSSI, « Nouveaux vestiges épigraphiques de la cité latine de Capsa (Gafsa) en Tunisie », L’Africa romana, 11, 1994, pp. 1341-1353 ; AE, 1996, 1702. 246 E. ALBERTINI, CRAI, 1924, pp. 253-258 (AE, 1925, 73), et mieux BCTH, 1928, pp. 197-198.

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M(arco) Aur(elio) / Antonino Aug(usto), Aug(usti) n(ostri) filio, / [L(ucio) Septimio / Getae Caes(ari) Aug(usto)], / Aug(usti) n(ostri) filio, / princ(ipi) iuvent(utis), / procurante Rossio Vitulo, e(gregio) v(iro), / Pastor, vilicus Cuiculi et Milei, et Adauctus, c(ontra)s(criptor).247 Il est utile de faire une remarque importante sur cette dernière inscription. La carrière de ce personnage est connue par une inscription de Bulla Regia qui montre qu’il fut successivement responsable de l’approvisionnement de l’armée partie combattre Clodius Albinus en Gaule, donc entre la fin de 196 et février 197, procurateur centenaire du vingtième des héritages à Rome, procurateur de la région domaniale de Carthage, et enfin procurateur des IIII publica Africae, fonction qu’il occupait, procurante, au moment où le texte de Cuicul fut rédigé248. Sur notre inscription, l’anomalie apparente que constitue l’absence du surnom triomphal Parthicus maximus après 198 n’est pas un exemple et H.-G. PFLAUM en a relevé des exemples en Afrique jusque vers 200249. La titulature de Géta donne également des indications : le prince n’est pas encore Auguste, titre qu’il obtiendra en 209, et surtout porte le prénom L(ucius), ce qui incite à ne pas rabaisser la date du texte au-delà de 205, voire de 202250. 247

GSELL (S.), BCTH, 1917, pp. 346, n°77. Sur ce programme, H.-G. PFLAUM, Les carrières procuratoriennes équestres sous le Haut-Empire romain, Paris, 1960, t. 2, pp. 593-598, n° 224. Son cursus complet nous est donné par ILAfr., 455 de Bulla Regia dont seul le début est reproduit ici : M(arco) Rossio, M(arco) fil(io), Pupina, Vitulo, e(gregio) v(iro), proc(uratori) Augg[g](ustorum) IIII p(ublicorum) pr[ov(inciae) Afr(icae), pr]oc(uratori) Augg[g](ustorum) tract(us) Kart(haginiensis, proc(uratori) XX hereditatium ad centena, / proc(uratori) ann(onae) ob exped(itionem) felicis(simam) Gall(icam)…CIL, VIII, 14454 près de Vaga est une dédicace pro salute imperatoris Septime Sévère, Caracalla, Géta César et Julia Domna, érigée par Rossius Vitulus qualifié de proc(urator) ducen(arius) IIII publ(icorum) Afr(icae). 249 PFLAUM (H.-G.), « Inscriptions impériales de Sila », AntAfr., 3, 1969, pp. 133-144 (=Scripta varia, 1, Paris, 1978, pp. 288-299), notamment pp. 134136. 250 On sait en effet que Géta, P. Septimius Geta, n’a pas porté le prénom L(ucius) que pendant une courte période, avant 205 pour R. Cagnat , Cours d’épigraphie latine, 4ème éd., Paris, 1914, p. 211. 248

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On peut par ailleurs éliminer la période 201-202 ; en effet une inscription de Lepcis Magna, une dédicace à Fulvia Plautilla fiancée de Caracalla, mentionne un autre procurateur, Flavius Celer251. Les fiançailles ayant vraisemblablement eu lieu au printemps 201 et le mariage un an plus tard, le texte date nécessairement de cette courte période252 ; il est certainement de peu postérieur aux fiançailles, occasion probable de l’hommage rendu par le personnel des IIII publica Africae en poste à Lepcis Magna. 6) Thamugadi : D(is) M(anibus) S(acrum) ; Berula, / morigero sine / crimine nupta ma/rito et tenero ad/fectu natorum erep/ta duorum, rem tibi / nostra manu mea pig/nora trado renate / ut liceat nomen ge/netricis dicere / natis luminibus / si quando meis e/go praetuli carum / anxia nunc sine te tu / mulo conclusa qui/esco. P(ia) v(ixit) a(nnis) XXV, m(ensibus) VIII, / d(iebus) XVII, h(ic) s(ita) e(st) ; Renatud, / vectig(alis) IIII p(ublicorum) A(fricae), agens / Thamug(adi), uxoxri cas/tissimae fecit. 7) Sitifis : D(is) M(anibus) s(acrum) ; / Clementianus, vil(icus) / IIII p(ublicorum) A(fricae), vix(it) annis / XXXVIII, qui vilicauit / Sitifi et Portus / et Praesidia, / h(ic) s(itus) e(st). Xavier DUPUIS253 a restitué une partie de cette inscription, qu’il faut comprendre en partie qui vilicauit / Sitifi et Portus / et (contrascripsit) Praesidia ou mieux qui vilicauit / Sitifi et (contrascripsit) Portus / et Praesidia. Il nous donne vraisemblablement une quatrième attestation d’un

251

IRT, 315a. La date des fiançailles a été précisée par M. Christol, « L’épigraphie de Thugga et la carrière de Plautien », dans M. Khanoussi et L. Maurin, Dougga (Thugga) : études épigraphiques, Paris, 1997, p. 140. 253 X. Dupuis, « Les IIII publica Africae », Cahiers Glotz, XI, 2000, pp. 277294. 252

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contrascriptor254 des IIII publica Africae, promu ensuite vilicus.255 Le premier intérêt de ces textes est d’attester de façon sûre l’existence de trois nouvelles stationes des IIII publicae Africae à Capsa, Mila et Timgad, les expressions employés, vilicus Capsae (n°1), vilicus Cuiculi et Milev (n°2), agens Thamug(adi) (n°6), ne laissant aucun doute sur ce point. On peut penser dans le deuxième cas à une promotion qui pourrait être l’occasion de l’hommage rendu à la famille impériale par le responsable du bureau de Cuicul auquel s’était associé son adjoint. Ces textes nous permettent de mieux appréhender la structure des bureaux africains (surtout pour les deux premiers textes). Nous voyons en effet associés dans les deux cas un vilicus et un contrascriptor, fonctions que nous retrouvons dans une autre inscription de Cuicul (n°2). On notera aussi qu’à Djemila (n°2), le contrascriptor Marcellus a été affranchi par l’empereur, ce qui lui vaut d’être cité avant son chef de service, demeuré de statut servile. Il n’est pas exclu que cet affranchissement ne soit pas une simple libération, mais plutôt le prélude et la condition d’une promotion ultérieure, qui justifierait aussi la dédicace à Vénus, divinité traditionnellement vénérée par les employés de l’administration fiscale256. Au vu de ces documents, la fonction de contrascriptor apparaît donc celle d’un adjoint direct du vilicus, chef du bureau, un employé de confiance chargé de certifier, voire de contrôler, la gestion de son supérieur. Leur rôle interdit donc de les considérer comme simples agents d’exécution, de vérification, totalement soumis à l’autorité administrative du vilicus, et permet de mieux comprendre que certains aient pu être affranchis.

254

CAGNAT (R.), op. cit., p. 415. MASSIERA (P.), Bulletin de la société historique et géographique de la région de Sétif, 2, 1941, pp. 101-102, n°22 (AE, 1942-43, 63). 256 Voir les remarques de DE LAET, Documents nouveaux, pp. 101-102. 255

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Le texte de Timgad (n°6) est malheureusement peu explicite et ne nous renseigne pas davantage sur la composition du bureau ; l’absence de précision, agens Thamugadi, montre simplement que nous avons affaire à un membre, sans responsabilité particulière, du personnel servile de la statio. Toutefois, la longueur du texte, vingt lignes, et sa versification, sont un bon indice de l’aisance relative et des prétentions à la culture de cet employé subalterne. Le dossier africain, qui là aussi ne fait que confirmer ce que nous connaissons en Illyricum, met également bien en évidence la relative légèreté de cette administration fiscale. Au vu des textes épigraphiques, le personnel des stationes paraît presque exclusivement composé d’esclaves, le chef du bureau étant un vilicus de condition servile. Nous connaissons certes quelques affranchis qualifiés des procuratores IIII publicorum Africae, mais il s’agit vraisemblablement d’adjoints du procurateur équestre en poste à Carthage257. Il faut y ajouter un procurator telonei maritumi à Hippo Regius et des liberti à Lepcis Magna. Dans les deux cas, il s’agit de ports où par définition l’activité douanière était importante, et Lepcis Magna était probablement la plus grande et la plus riche ville de l’Afrique après Carthage. Cette richesse et cette activité expliquent également que dans cette dernière ville l’administration fiscale ait été très structurée, puisque nous savons qu’un vilicus était responsable de la douane « maritime » et du vingtième sur les héritages, et un autre de la douane « terrestre »258. Un dernier point que permettent d’aborder ces textes, et notamment ceux de Capsa et de Cuicul, est celui de l’évolution 257

Nous en connaissons plusieurs, CIL, VIII, 12655 (Carthage), est l’épitaphe de Pythagoras, Aug(usti) / lib(ertus), proc(urator) IIII p(ublicroum) A(fricae), érigée par MM. Coccei Verencundus / et Verus ; il s’agit donc d’un affranchi de Nerva. AE, 1949, 30 provient de Mactar, on lit T(ito) Flavio, Aug(usti) lib(erto), Sym/phoro, proc(uratori) Aug(usti) IIII p(ublicorum) A(fricae), / Nasenniae (sic) Haeresis patri piissi/mo et sibi et suis, solo suo, pecunia / sua, fac(iendum) cur(auit). 258 IRT, 302 : [---]A[-/---Me]rcurio, / [---]imus, / Traiani Aug(usti) / ser(vus), Priscil/lanus, vil(icus) / marit(imus) et XX / hered(itatium) Lepc[is] / Magn(ae), de(dit) d(edicauit), et infra, n°6.

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de ce service fiscal. On admet que ces taxes ont d’abord été affermées à une societas, puis à des conductores, avant d’être perçues directement par l’administration impériale à une date imprécise, pendant les règnes de Marc Aurèle ou de Commode selon DE LAET259. En fait le raisonnement de ce dernier s’appuyait surtout sur le rapprochement avec la situation de l’Illyricum, moins claire qu’il n’y paraît260, et sur le lien supposé entre le passage à la régie directe et l’apparition des premiers procurateurs équestres ducénaires, rang justifié par l’augmentation des responsabilités qui leur incombaient désormais. Or, l’évolution des salaires attribués à ces fonctions est mal connue faute de documents explicites, le seul cas évident étant celui de M. Rossius Vitulus, expressément qualifié de ducénarius261. Le problème se complique encore quand on prend en compte deux documents. Le premier est une inscription très mutilée de Rome qui retraçait la carrière d’un ancien officier de la garnison de Rome devenu procurateur, et dont le second poste fut précisément la direction du service fiscal africain262. Or, H.–G. PFLAUM a bien montré que ces anciens militaires étaient en principe directement promus à un poste ducénaire en raison de leur âge et de leur expérience263. Il s’agirait donc là d’un autre procurateur ducénaire des IIII publica Africae, dont la carrière s’est déroulée sous Trajan ou sous Hadrien, soixante ans environ avant la réforme supposée par DE LAET. Le second est la nouvelle inscription de Cuicul (n°3) érigée pendant la procuratèle de Rossius Vitulus, sous le règne 259

Portorium, pp. 370-415. Ibidem, pp. 385-386. 261 Supra, n°6. 262 AE, 1979, 77 : [---/--- / p(rimo) p(ilo) bis leg(ionis) --- hasta pu]ra item / [--]i ? --- [donis militaribus ? don’t]o bis / [bello Daci]co item [bello Parthico ? ab imp(eratore) a divo ] Traiano A[ugust]o, / tri[b(uno) coh(ortis) --vig(ilum)], trib(uno) equ[itum sing(ularium) Aug(usti), tri]b(uno) coh(ortis) VII p(raetoriae), / pro[c(uratori) ---]ai ? [---proc(uratori)] / IIII p[ubl(icorum) prov(inciae) Africae ---], / proc(uratori) [---], / proc(uratori) [--]. Ce texte vient d’être republié, avec des restitutions de G. Alfödy, dans le dernier volume du CIL, VI, n° 41276. 263 PFLAUM (H.-G.), Les procurateurs équestres sous le Haut-Empire romain, Paris, 1950, pp. 213 et 219. 260

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de Septime Sévère. Or, là aussi, on constate qu’elle ne s’insère pas dans le schéma proposé par DE LAET puisque le vilicus et le contrascriptior qui avaient la charge du bureau ne spécifient pas leur qualité d’esclave impérial, pas plus d’ailleurs que le vilicus de Capsa (n°1) à la même époque. Si on considère à la suite de G. BOULVERT que le passage de la ferme à la régie directe s’est traduit, ce qui est logique, par une « étatisation » de l’ensemble du personnel et plus précisément par le changement de statut des esclaves des conductores, restés en place et rachetés par l’empereur264, force est de constater qu’en Afrique le changement n’avait apparemment pas encore eu lieu vers 200. Les empereurs ont favorisé la promotion sociale d’anciens esclaves africains, qui étaient d’anciens agents des conductores, qui d’esclaves de particuliers, fussent-ils riches, devenaient ceux du prince, et obtenaient par là même un statut de fonctionnaires impériaux. Les empereurs ont voulu des réformes promotionnelles utiles pour les habitants des provinces. Des personnages en sont même très fiers. Ils indiquent même sans ambiguïté leur qualité d’Augusti libertus et d’Augusti verna. Les indices donnés par ces textes permettent donc de penser qu’en Afrique elle n’a pas eu lieu avant le début du IIIème siècle265. A3. MANIFESTATION D’UNE DES VIRTUTES IMPERATORIS. Contrairement à ce qui a souvent été écrit, l’envoi d’un curateur dans une cité n’est pas considéré comme une brimade, 264 G. Boulvert, Esclaves et affranchis, pp. 309-311. Il n’est pas impossible que nous ayons précisément un exemple à Cuicul, où deux agents portent le nom de Marcellus, l’un adi(utor) mancipis, l’autre Augusti n(ostri) lib(ertus), c(ontra)s(criptor) (n°2). Il pourrait s’agir du même personnage, d’abord esclave d’un conductor, puis de l’empereur et ensuite affranchi. 265 A cette époque, l’administration équestre fut considérablement renforcée, et parallèlement, la pression fiscale commença à croître, conséquence de l’activité militaire des règnes de Septime Sévère et surtout de son fils. Dion Cassius, Histoire romaine, 78, 9-10, y fut très sensible, stigmatisant par exemple le doublement du taux de certains impôts, dont le vingtième sur les héritages et le vingtième sur les affranchissements.

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mais au contraire ressenti comme une manifestation d’une des vertus impériales, l’indulgentia, ainsi que le précise par exemple une inscription trouvée à Thysdrus266. C’est donc une faveur, fruit de l’évergétisme et de la philanthropie du prince, soucieux du bien des cités de l’Empire. Il est d’ailleurs possible que certaines cités aient sollicité cette aide pour sortir d’une crise grave. Tous les curateurs sont désignés par le souverain dont il ils reçoivent un brevet de nomination ; il s’agit soit de clarissimes de haut rang, certainement choisis par l’empereur lui-même et dont la curatelle s’inscrit dans le cursus, soit de notables municipaux probablement proposés par le gouverneur de province. L’étude des personnalités désignées montre que tout est fait pour ne pas heurter la susceptibilité municipale et la tradition. Ainsi, beaucoup sont membres de l’ordre sénatorial. Parmi eux, certains sont de hauts personnages non originaires d’Afrique et que l’empereur fait venir spécialement pour assumer la curatelle d’une cité prestigieuse. Par exemple vers 226, Sévère Alexandre envoie à Lepcis Magna un clarissime italien de rang consulaire, T. Clodius Pupienus Pulcher M[aximus], le fils du futur empereur Pupien267. Il y en a qui sont déjà en fonction en Afrique et on leur confie une curatelle. Ainsi, L. Caesonius Ovinus Manlius Rufianus Bassus est légat du proconsul à Carthage quand lui est confiée la curatelle268. Les empereurs ont même favorisé l’accès aux curatelles aux membres du sénat municipal, même si le recrutement dépendait du poids social de l’individu, c’est-à-dire la dignitas, et de ses relations avec les milieux dirigeants. Comme on l’a dit ut supra dixi, le curateur pouvait être membre de la cité où il exerce sa charge, mais il s’agit alors toujours de situations particulières. Par exemple, trois décurions de Carthage sont originaires de la cité dont ils ont la cura, tel M. Virrius Flavius Jugurtha à Timgad : flamine perpétuel à Timgad, décurion de Carthage et chevalier romain, il fait partie

266

CIL, VIII, 51 ; ILS, 5777. CIL, XIV, 3593 = ILS 1185. 268 AE, 1964, 223. ILAlg., II, 1, 3596 267

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de l’élite des notables de sa cité269. Quant à Gargilius Martialis, à la fois curateur et flamine perpétuel à Auzia, il y occupe une position particulière en tant que vétéran, normalement dispensé des charges municipales. Comme le suppose F. JACQUES, il a pu accepter le flaminat après avoir été agrégé dans l’ordo sans avoir fait carrière270. On ne peut guère étudier concrètement l’activité des curateurs car elle n’est évoquée que de façon très vague dans les hommages que leur rendent les cités à la fin de leur charge. En raison du contrôle qu’ils exercent sur la caisse municipale, on les voit surtout intervenir dans le domaine des travaux publics271. Dans quelques cas, le curateur ne se contente pas d’autoriser les travaux ou de vérifier l’utilisation des fonds publics ; il agit en véritable curator operum, tel Cocceius Anicus Faustus qui, en 251, restaure le système d’approvisionnement en eau du castellum de Tiddis dans la confédération cirtéenne272. Les curatelles de cités, ponctuelles et formelles, n’étaient ni générales ni permanentes, mais des changements vont apparaître à partir de Dioclétien et amoindrir l’autonomie des cités..

269

CIL, VIII, 17909. Mais en pratique beaucoup de curateurs sont Africains et même souvent très proches de la cité qui leur est confiée et probablement d’ailleurs choisis en raison de ces liens ; ces rapports anciens privilégiés transparaissent par exemple dans les hommages qui leur sont rendus, non seulement à eux-mêmes mais encore à des membres de leur famille. Quelques-uns, assez rares, sont même originaires de la cité où ils exercent leur charge. D’autres, même si leur origine africaine n’est pas certaine, sont en tout cas très liés à l’Afrique, tel M. Cocceius Anicius Faustus Flavianus, curateur et patron des quatre colonies de la confédération cirtéenne en 251 / 252. 270 CIL, VIII, 20751 ; PREVOT (Fr.), op. cit., pp. 175. 271 JACQUES (Fr.), Les curateurs des cités dans l’Occident romain de Trajan à Gallien, Etudes prosopographiques 5, Paris, 1983 ; Id., « Les curateurs des cités africaines au IIIème siècle », dans ANRW II, 10, 2, pp. 62-135. 272 ILAlg., II, 1, 3596.

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B. L’EVOLUTION DE LA CURATELLE SOUS DIOCLETIEN. A partir de la tétrarchie, plusieurs éléments montrent que l’autonomie municipale est battue en brèche. Sous Dioclétien, la fonction de curateur fut étendue à toutes les cités. Les curateurs apparaissent lors de l’application des édits de Dioclétien contre les chrétiens en 303-304. On note ici que la curatelle de cité est généralisée mais en même temps profondément transformée, certainement dans le cadre de la réforme dioclétienne ; sujet traité par Cl. LEPELLEY273. On voit que leurs compétences s’étendaient non seulement aux questions financières, mais aussi au maintien de l’ordre et aux affaires policières ainsi qu’à l’application de toutes les décisions impériales274. L’apparition des curatores rei publicae sous Dioclétien est bien attestée en Afrique. A Cirta, ce fut le curateur Munatius Felix qui procéda en 303 à l’inventaire et à la confiscation des biens de l’Eglise locale (Gesta apud Zenophilum). Lors du procès de l’évêque Felix d’Abthugni en 314, au début du schisme donatiste, le curateur de la cité, Claudius Saturninus, était présent et sanctionna les décisions prises par les duumvirs 273

LEPELLEY (Cl.), 1996. La fin du privilège de liberté nous explique cette évolution de la curatelle sous la tétrarchie. Cette question qui reste débattue, concerne le statut privilégié (comportant une certaine immunité fiscale et une autonomie poussée) conféré d’abord aux sept villes africaines (populi liberi) qui avaient pris le parti de Rome contre Carthage ; mais par la suite, d’autres cités l’ont obtenu : DESANGES (J.), Pline, Histoire naturelle, pp. 303-305. GUERBER (E.), PEYRAS (J.), « Les cités libres à l’époque romaine », DHA, 23, 1997, pp. 301-310 : J. PEYRAS, qui traite des cités africaines (pp. 307310), rappelle que la liste de ces cités ne se limite pas au sept populi liberi, mais qu’entrent dans cette catégorie les oppida et les municipia libera ; il voit dans les oppida libera des communautés de perfugae fondées sur des terres de l’ager publicus et dont le statut était inférieur aux sept cités libres. Cl. LEPELLEY, dans « Thugga au IIIème siècle : la défense de la liberté », dans Khanoussi et Maurin, Dougga. Etudes épigraphiques, Bordeaux, 1987, pp. 105-116, montre que la notion de liberté qui se trouve dans la titulature de la cité, recouvre un contenu surtout fiscal. 274 HE, IX, 1, 6.

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de la cité275. Il dominait le collège restreint qu’il formait avec les deux duumvirs. Son autorité s’étendait notamment à la tenue des acta publica, registres en forme de codices dans lesquels étaient enregistrés les procès verbaux liés à la vie municipale, mais aussi les plaintes de particuliers ou les contrats privés. On note que sous Constantin, le curateur est certes toujours nommé directement par le pouvoir impérial dont il est le représentant, mais il est désormais choisi parmi les anciens magistrats municipaux et l’administration impériale se contente en fait d’entériner le choix des curies. Ainsi, la curatelle a été intégrée au cursus municipal dont elle est devenue le sommet : nul ne peut devenir curateur avant d’avoir assumé tous les hommes et toutes les charges dans sa cité276. Le curateur est donc devenu une sorte de « maire annuel »277 dont les duumvirs sont les adjoints. L’atteinte à l’autonomie des cités est donc limitée. Cette fonction permettait, même s’il y a eu certainement des abus au IVème siècle, aux cités de mieux gérer les finances des cités et pour les cités de mieux financer les constructions et restaurations diverses.

275

LEPELLEY (Cl.), II, 1981a, 271. Cth. 12, 1, 20. 277 PREVOT (Fr.), op. cit., p. 177. 276

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DEUXIEME PARTIE : LES EMPEREURS ET LA GESTION MILITAIRE ET DIPLOMATITIQUE DES REVOLTES DANS LES CITES.

INTRODUCTION

Il est vrai que les empereurs ont promu de nombreux personnages dans les cités, mais aussi des cités, soit au rang de municipe ou encore à celui de colonia. Mais tout cet ouvrage, enrichi d’une urbanisation des cités, avec des constructions à caractère profane ou utilitaire, et même défensif, a souffert de nombreux soulèvements et mécontentements des populations peu ou prou romanisées. En réaction aux abus ou encore à un refus de toute subordination à l’administration romaine, ou encore à des expropriations éventuelles des terres, en gros, à toute forme de romanisation disons-le, ces populations, très souvent des Maurétanies ou de Numidie, se révoltent, et perturbent considérablement la présence romaine. Parmi ces peuplades, il y a de nombreuses tribus, dont les plus connues concernant ces évènements sont les Baquates et les Bavares278, mais il y en a d’autres. Il y a aussi d’autres tribus dites partiellement romanisées comme les Suburbures279. Des inscriptions font état de révoltes ou de troubles provoqués par les tribus indigènes, en particulier entre les 278

Il est vrai que les Romains avaient instauré avec ces tribus les moins romanisées des relations réglées par des colloquia et des engagements réciproques : il ne s’agissait pas pour Rome de les soumettre, d’ailleurs en le voulant ces tribus se révoltèrent et entamèrent considérablement la romanisation. Ces tribus vont s’associer pour constituer une fédération ou une confédération. Sous Marc Aurèle, les Macennites et les Baquates sont réunis sous un même chef tout en restant des gentes bien distinctes. En revanche, les Bavares et les Baquates ne constituent en réalité qu’une seule tribu. M. EUZENNAT, 1993, p. 25 ; id., 1984, suggère que la gens des Bavares, qui fait alors figure d’envahisseur, n’avait pas été rattachée, attributa, aux Baquates stabilisés depuis près d’un siècle. 279 Certaines tribus témoignent d’une romanisation de leurs structures tribales, soit en ayant recours à la terminologie latine civique pour désigner des organes de pouvoir tribaux, soit en intégrant certaines fonctions romaines : c’est ainsi que la gens des Suburbures devient une respublica à l’époque sévérienne et une civitas avant la fin du IIIème siècle, faisant partie du territoire de la colonie de Cuicul.

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années 251-253 et la Tétrarchie : quelle signification leur donner ? Cette période marque indubitablement un coup d’arrêt pour la romanisation des régions occidentales, mais il faut sans doute relativiser leur importance, puisque de nombreuses villes continuèrent d’avoir une vie prospère ultérieurement. Cette insécurité affecta particulièrement la Césarienne et la Numidie, mais aussi la Tingitane. Dans cette partie de notre travail, nous ne réfutons pas les beneficia imperatoris, mais nous voulons juste faire un état des lieux et montrer que l’action des empereurs romains en Afrique du Nord fut ponctuée de plusieurs épisodes conflictuels avec, bien sûr, des incidences minimes sur les populations. Nous voulons montrer les insuffisances et les entorses accusées par la romanisation des cités des provinces qui nous intéressent. En outre, il n’est guère dans notre intention de donner un tableau complet des insurrections car la lecture en serait ennuyeuse et n’apporterait rien de plus que ce qu’on trouve déjà dans de nombreux ouvrages consacrés à ce problème280. De toute façon, aucun historien, jusqu’à présent, peut-être à l’exception de Y. LE BOHEC281, ne saurait prétendre connaître 280

BIRAND-PONSART (Cl.), HUGONIOT (Ch.), op.cit., pp. 245-253; MATTINGLY, The constructor of Gsar Duib, Numisius Maximus, tri(bunus cohortis I Syrorum saggitariorum), AntAfr., 27, 1991, pp. 75-82; DI VITAEVRARD (G.), Gsar Duib : construit ou reconstruit sous les Philippes ? Colloque CTHS, 1991, 4, pp. 427-444, pp. 427-444; MODERAN (Y.), Les Maures en Afrique romaine (IVème –VIIème siècle), BEFAR, 314, Rome, 2003 ; on peut aussi lire pour ce sujet : CHRISTOL (M.), « Les troubles en Maurétanie Césarienne sous le gouvernement de T. Licinius Hiéroclès », dans L’Afrique, la Gaule, pp. 255-266 ; il considère ces troubles, autour de 227 et liés à la croissance et à l’expansion de la mise en valeur agricole dans la région de Sétif et au progrès de l’organisation juridique et matérielle des communautés, auxquels résistent certains éléments de la population, attachés à leurs traditions ; du même auteur, on peut aussi comprendre l’insurrection en Maurétanie Tingitane, dans « Rome et les tribus indigènes en Maurétanie Tingitane », L’Africa romana, 5, 1988, pp. 305-337. P. SALAMA nous a fourni des « Vues nouvelles sur l’insurrection maurétanienne dite « de 253 » : le dossier numismatique », dans Actes du 113e congrès des sociétés savantes, Strasbourg, 1988, IVe colloque sur l’Histoire et l’Archéologie de l’Afrique du Nord, Paris, 1991, pp. 455-470. 281 LE BOHEC (Y.), La Troisième légion Auguste, cit.

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tous les mouvements insurrectionnels qui ont marqué la présence romaine en Afrique. Plutôt que de parler de « flambées » dont la liste ne cesse de s’allonger, il serait peutêtre plus juste d’avancer l’idée d’un état insurrectionnel permanent que l’indigence des sources actuelles suggère à peine282. Nous ne donnerons qu’un bref aperçu des insurrections, tout en faisant remarquer que cela ne vient pas occulter toute l’œuvre des empereurs dans nos provinces, mais montrer que cette œuvre ne s’est pas faite sans heurts, avec très souvent des échecs, surtout dans les Maurétanies, où la romanisation a eu du mal à se généraliser, freinée par les Maures283, que les Romains voulaient contrôler284. Il est important de montrer que les empereurs ont effectivement été physiquement présents en Afrique romaine. Quelles en furent les causes ? Nous oserions penser que ce fut à la suite de mouvements de troubles, ou un simple tour du propriétaire, ou encore un autre mode de gouvernement ? En tout état de cause, il faut comprendre l’utilité des voyages des empereurs dans nos provinces. Nous avons jugé, pour des besoins de cohérence argumentaire, traiter ensuite les réactions des empereurs, éventuellement militaires, et enfin 282

PFLAUM (H.G.), Carrières…, p. 913, pense qu’en Afrique une victoire remportée sur une ou plusieurs tribus berbères ne signifie nullement la fin des troubles qui semblent constamment, tel le phoenix, « renaître de leurs cendres ». 283 Les autres habitants de l’Afrique, qui ne voulaient toujours pas accéder à la romanité, et qui restaient attachés à une civilisation que nous avons appelée “néo-libyque”, une très large majorité en fait, furent appelés à cette époque d’un terme général “les Maures”. Ils ont été récemment étudiés (Y. MODERAN, op.cit., pp. 445-540). Ils avaient parfois constitué des coalitions de peuples, notamment en Maurétanie. Ces ancêtres des Berbères vivaient à l’extérieur de l’empire, sur la frontière ou à l’intérieur du domaine des Romains, comme sous le Haut-Empire. 284 La sécurité des frontières reposait bien plus sur une stratégie politique et diplomatique que sur une tactique appuyée sur les ouvrages de fortifications dispersés sur des espaces considérables. Ces politiques ont permis d’établir un état de paix durable sur le limes des Maurétanies. Mais dans ces provinces ce fut précaire, car une succession de troubles naissent, dont les causes sont mal identifiées. De graves révoltes éclatent entre 253 et 260.

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diplomatiques, dans la gestion des troubles en Numdie et dans les Maurétanies.

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CHAPITRE I : PRESENCE EN AFRIQUE ROMAINE : LES VOYAGES DES EMPEREURS EN AFRIQUE ROMAINE.

Le voyage est un mode de gouvernance que les empereurs romains pratiquent dès Auguste. Mlle S. GUEDON285 a écrit un intéressant article sur les voyages des empereurs romains en Afrique jusqu’au IIIème siècle ; nous osons, sans le dénaturer, et avec son accord, reprendre les conclusions de cet article dans notre étude, en ce qui concerne les voyagesd’Hadrien. En effet, c’est à Hadrien286 que l’on doit l’attestation de la présence effective d’un empereur en terre africaine. Non pas qu’ils n’y aient pas songé : Suétone, dans l’Histoire Auguste, nous rapporte que l’empereur Commode aurait projeté lui aussi un voyage en Afrique, mais, selon l’auteur, « Simulavit se et in Africam iturum, ut sumptum itinerarium exigeret, et exegit eumque in convivia et aleam convertit »287. Selon les sources, Septime Sévère se rendit lui aussi en Afrique. C’est cela que nous démontrons dans les pages qui suivent. Il est important, pour comprendre les rapports entre les princes et les cités d’Afrique, de montrer l’importance des 285

S. GUEDON, Les voyages des empereurs romains en Afrique jusqu’au IIIème siècle, (pubblicato in L’Africa romana. Mobilità delle persone e dei popoli, dinamiche migratorie, emigrazioni ed immigrazioni nelle province occidentali dell’Impero romano. Atti del XVI convegno di studio. Rabat, 1519 dicembre 2004, a cura di M. Akerraz, P. Ruggeri, A. Siraj, C. Vismara, Roma, Carocci editore, 2006, II, pp. 689-720). 286 Sur les voyages d’Hadrien : J. Schwartz, Remarques sur les voyages d’Hadrien, dans Bonner Historia-Augusta-Colloquium, 1979-1981, Bonn 1983, pp. 291-301 ; H. HALFMANN, « Itinera principum ». Geschichte und Typologie der Kaiserreisen im Römischen Reich, Stuttgart, 1986, pp. 188-210; R. Zyme, Journeys of Hadrian, “ZPE”, 73, 1988, pp. 159-170. 287 SHA, Commod., IX, I : « afin d’éviter les frais de route obtenus en festins et jeux de hasard (ou de dés) ”.

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voyages qui ont vu de nombreuses cités bénéficier des indulgentiae imperatoris. Pour cela, il est important de dresser un tableau panoramique de certains voyages, toujours à la lumières des sources. Nous en verrons aussi les mobiles. A : LES VOYAGES D’HADRIEN ET DE SEPTIME SEVERE : LES LIMITES DES SOURCES.

Dion Cassius et l’Histoire Auguste montrent plus souvent Hadrien en déplacements nombreux dans les régions de l’Empire, qu’à Rome288. Hadrien entreprit des voyages en Afrique pour vérifier l’étendue de son empire. Les sources nous parlent de cinq voyages à travers l’Empire289. Quels sont les mobiles de ces déplacements ? Une simple visite de routine ? En tout cas c’est ce que disent les sources, mais un prince régnant ne pouvait se permettre un tel déplacement s’il n’y avait pas urgence. Une autre raison peut être alignée, celle d’une expédition militaire afin de préserver le limes. En effet, l’Histoire Auguste mentionne que l’empereur « réprima des soulèvements chez les Maures »290, à la fin de son premier grand voyage de 121/122. L’Histoire Auguste atteste de deux passages291 pour que nous nous avancions sur la preuve d’une présence d’Hadrien en Afrique : XIII, 4 : Inde Romam venit atque ex ea in Africam transiit ac multum beneficiorum provinciis Africanis adtribuit ; XXII, 14 : Quando in Africam venit, ad adventum eius post quinquennium pluit, atque ideo Africanis dilectus est. 288

Dion Cassius, LXIX, 9, 1-6, et 10, I ; SHA, Hadr., 10, 1- 5. SHA, Hadr., 10, 1- 5. 290 SHA, Hadr., XII, 7 : motus Maurorum compressit. L’Histoire Auguste fait allusion aux révoltes maures sans indiquer de quelle Maurétanie il s’agit. Ce qui complique très souvent l’argumentaire sur ces révoltes. 291 SHA, Hadr., XIII, 4 ; XXII, 14. L’emploi du terme latin Africa dans ces deux extraits doit d’ailleurs probablement être pris dans un sens géographique général et non réduit à la simple province de l’Africa Proconsularis ; voir aussi CHOWEN, The Problem of Hadrian’s, cit., pp. 323-324. 289

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Une autre esquisse de preuve de cette présence est liée au discours d’Hadrien et de son itinéraire. En effet, les sources disent qu’il passa par Lambèse en 128 où il rencontra la Tertia Augusta ; il fit une halte à Zaraï, puis à Cirta292, où était présente l’Ala I Pannoniorum. Certains écrits ont force de preuve, et L’Histoire Auguste, bien qu’anonyme nous permet de n’en point douter. En effet, selon l’Histoire Auguste, Hadrien « multum beneficiorum provinciis Africanis adtribuit »293. Cette étape fut bénéfique pour l’Afrique, même si nous ignorons l’importance et le contenu de ces beneficia imperatoris. Mais l’Histoire Auguste nous apprend qu’à cette occasion Carthage fut appelée Hadrianapolis294( …multas civitates Hadrianopolis appellavit, ut ipsam Karthaginem) mais aucune trace épigraphique n’a conservé de souvenir de ce changement de nom. En outre, J. Gascou dit aussi qu’Hadrien aurait profité de son passage à Carthage pour visiter le municipe tout proche d’Utica, auquel il aurait alors accordé le statut très prisé de colonie295. L’épigraphie, qui vient à la rescousse des sources littéraires, atteste que l’empereur avança jusqu’en Maurétanie Césarienne et en Tingitane296. Mais qu’en est-il des autres empereurs dont les données littéraires et épigraphiques attestent d’une présence et d’actions en Afrique ? Les informations tirées des documents sont on ne peut plus contestables, et nous avons évité d’en faire trop mention dans notre travail. Néanmoins, les pièces de monnaie montrent des termes comme indulgentia sur le revers. En effet, plusieurs, frappées sous Caracalla, portent le revers indulgentia

292

ROMANELLI (P.), Storia delle province romane dell’Africa, cit., pp. 338339. 293 SHA, Hadr., XIII, 4 : « se rendit en Afrique, et combla de bienfaits les provinces africaines ». Il est probable que, parmi ces bienfaits, figuraient d’autres mesures que l’octroi de droits municipaux à de nouvelles cités. 294 SHA, Hadr., XX, 4 : …il appella beaucoup de cités Hadrianopolis, entre autres Carthage… 295 J. GASCOU, La politique municipale de Rome en Afrique du Nord, I. De la mort d’Auguste au début du IIIème siècle, dans ANRW, 10-2, 1982, p. 183. 296 CIL, VIII, 9697.

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Augusti297. Lepcis Magna a livré en particulier une inscription298, datée du 11 avril 203/204299, pro reditu Imperatorum trium in Urbem suam300. Cette inscription dédiée à Jupiter Dolichenus, fut gravée par les soins d’un centurion légionnaire du nom de T. Flavius Marinus, sur un autel près du temple de Jupiter. Or, le 11 avril est le dies natalis de Septime Sévère301. Nous sommes dubitatif sur cette hypothèse, et nous comptons sur d’autres travaux pour en faire la démonstration, sans pour autant nous affranchir d’une telle démarche. Alors, quel est le réel intérêt du voyage dans la pratique personnelle du pouvoir et la place de l’Afrique dans l’Empire romain ? Un auteur moderne, et éminent historien, A. CHASTAGNOL, dit à ce sujet : « faire le tour du propriétaire »302. Les discours d’Hadrien devant les armées d’Afrique font penser que le souci d’Hadrien c’est la sécurité de l’empire ; idem pour Septime Sévère303. Ces deux voyages impériaux visaient à la progression du roman way of life de la 297

BABELON (E.), Les monnaies de Septime Sévère, de Caracalla et de Géta relatives à l’Afrique, « RIN », XVI/2, 1903, pp. 157-174 ; P. V. HILI, The Coinage of Septimius Severus and His Family of the Mint of Rome, A.D. 193217, London 1964 ; Methy, op.cit., pp. 287-288. 298 MASTINO (A.), I Severi nel Nord Africa, dans Atti XI Congresso internazionale di epigrafia greca e latina (Roma 1997), Roma 1999, pp. 359363. 299299 MERLAT (P.), Répertoire des inscriptions et monuments figurés du culte de Jupiter Dolichenus, Rennes 1951, pp. 277-278, n° 284, proposa au départ de la dater du 11 avril 208 ou 209. 300 LE BOHEC (Y.), La troisième légion Auguste, cit., p. 178, note 229 ; BIRLEY (A.), op.cit., p. 153. 301 GUEY (J.), Lepcitana Septimiana VI, « RAfr. », 1950, cit., pp. 58-59, qui répertorie les célébrations faites en l’honneur du dies natalis de Septime Sévère. 302 CHASTAGNOL (A.) (éd.), Histoire Auguste, cit., p. 7. 303 SHA, Hadr., X, 2 : Inde in Germaniam transit pacisque magis quam belli cupidus militem, quasi bellum inminiret, exercuit tolerantiae documentis eum imbuens, ipse quoque inter manipula vitam militarem magistrans… (trad. Fr. : « De là il passa en Germanie où, bien que plus attiré par la paix que par la guerre, il exerça les soldats comme si la guerre était imminente : il les instruisait en donnant lui-même des exemples d’endurance, menait au milieu d’eux la vie militaire parmi les manipules… », A. CHASTAGNOL, éd., Histoire Auguste, cit.,p. 31). Sur l’intérêt accordé par Hadrien à l’inspection des armées : DIO. CASS., LXIX, 9, 1-4.

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région, dont les empereurs sont venus sur place vérifier l’effectivité. En conclusion, nous pouvons dire qu’Hadrien et Septime Sévère ont effectivement été en Afrique. Mais le nombre très restreint des voyages impériaux prouve que les princes de Rome n’accordaient pas autant d’importance à cette région sous le Haut-Empire, et le Bas-Empire ne modifia en rien la situation. Au IVème siècle de notre ère, le passage de Maximin en terre africaine est bien isolé et s’inscrit dans un contexte insurrectionnel patent et un changement de régime politique, celui de la Tétrarchie. Alors, comment se caractérise la présence des Gordiens, étroitement liée à celle de Maximin, en Afrique ?

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B : GORDIEN ET MAXIMIN EN AFRIQUE ? Nous connaissons Gordien Ier grâce aux évènements qui l’ont conduit involontairement au trône. Les événements de 238304, c’est-à-dire la révolte entamée par la juvenes305 de Thysdrus, se sont terminés par la répression sanglante opérée par le légat de Numidie, Capelianus306. Gordien, proconsul coulant de vieux jours heureux, après avoir hésité face à la ferveur des populations, accepta l’honneur. Il est connu sous le nom de Gordien Ier ; il associa à son pouvoir son fils, Gordien II. Le coup d’Etat reçut l’appui du Sénat et de nombreux milieux. La IIIe légion Auguste, la seule unité de ce type présente en Afrique, le reconnut elle aussi en un premier temps ; les soldats entreprirent de marteler le nom de Maximin sur les inscriptions. Ils furent écrasés par les troupes de Capelianus307 à la bataille de Carthage le 2 avril 238, et les deux empereurs trouvèrent la mort. Ce sont les épisodes qui marquèrent la présence des Gordiens en Afrique romaine. Qu’en est-il pour les successeurs des Gordiens ? Les sources sont muettes à leur sujet. Que dire de la présence de Maximien en Afrique ? 304

Nous suivons ici les analyses et les conclusions de T. KOTULA, « L’Insurrection des Gordiens et l’Afrique romaine », Eos, 1959-1960, 50, pp. 197-211. 305 Ils appartiennent à l’aristocratie municipale, à la classe des décurions, dont ils sont le fer de lance. G. C. PICARD a bien mis en valeur le rôle de ces juvenes, l’évolution de leur organisation, à propos de la juventus Mactaritana (G.C. PIACRD, Civitas Mactaritana, chap. IV, p. 77. 306 Que Capellien ait été le légat de Numidie, et non pas un procurateur de Césarienne, n’est plus mis en doute aujourd’hui (P. ROMANELLI, Storia…, pp. 453-454 ; B. THOMASSON, Statthalter, II, pp. 214-215). Le procurateur s’était posé en raison des indications contradictoires données par Hérodien et par l’Histoire Auguste. L’historien grec désigne Capelianus comme sénateur commandant « les Maures sujets de Rome, appelés Numides ». L’Histoire Auguste en fait un vétéran qui gouverne les Maures iussu Maximiani. Mais c’est plutôt Hérodien qu’il faut suivre. 307 ILAlg., I, 3598.

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Les indications précises sur les opérations de Maximien en Afrique manquent cruellement. Les allusions qui y sont faites par divers textes, et notamment les panégyriques impériaux, relèvent plus de l’amplification rhétorique que de l’histoire. Néanmoins, l’un de ces textes donne quelques renseignements utiles, puisqu’il précise que Maximien eut à se battre contre des montagnards, et que ces derniers, une fois vaincus, furent déplacés308. C’est là l’un des rares exemples littéralement attestés de déportation de tribus dans l’Afrique impériale. Le recours à la pure et simple déportation marque un tournant dans l’attitude romaine ; jusque-là, en effet, les tribus vaincues étaient seulement privées d’une partie de leurs terres et mises sous le contrôle d’un officier romain. La nouvelle attitude exprime-t-elle une exaspération particulière devant une résistance trop tenace ? Signifie-t-elle qu’en cette fin du IIIème siècle les besoins en terres sont moins urgents ? Ou bien prendelle simplement acte de l’impossibilité pour l’administration romaine d’exercer un contrôle sérieux sur les montagnards, ici les Quinquegentanei ? Il est fort probable que ces trois facteurs se soient combinés pour dicter la décision de Maximien. Mais avant d’en arriver là, il avait fallu livrer bataille pour Maximien, comme l’attestent plusieurs sources littéraires et épigraphiques309, qui sont d’accord pour faire commencer ce voyage de l’empereur en Afrique en 297310.

308

Panégyrique de Maximien et de Constance, éd. Mynors, VII (VI), 8, p. 209 : Tu ferocissimos Mauretaniae populos onaccessis montium jugis et naturali munitione fidentes expugnasti, recepisti, transtulisti (date de ce document : 307). Ces montagnards sont les Quinquegentanei. 309 Panégyriques latins, 5, 21, 2 et 6, 8, 6 ; EUTROPE, 9, 23 ; AURELIUS VICTOR, Livre des Césars, 39, 39. Une inscription découverte à Sitifis, reproduite dans W. SESTON, 1946, n°2, pp. 126-127 ; R. CAGNAT : le soldat Aurelius Gaius, qui sert dans la VIIIe Auguste, traverse ainsi avec Maximien la Gaule, la péninsule Ibérique, les Maurétanies, l’Afrique ; R. REBUFFAT, 1992 ; M. CHRISTOL 1997, p. 200 : M. BENABOU, 2005, pp. 233-237. 310 REBUFFAT (R.): comme il le rappelle, Maximien est à Aquilée le 31 mars 296 d’après les Fragmenta Vaticana, n°313, tandis que dans la Panégyrique de Constance (5, 2), date du 1er mars 297, on attend les premières nouvelles de la campagne contre les Maures qui vient de commencer.

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C’est pour mettre fin aux révoltes maures que Maximien foule, depuis la péninsule ibérique311, la terre africaine de Tingitane en 297, avant que les opérations se déplacent plus à l’Est en 298. Plusieurs inscriptions, découvertes à Tingi et Sitifis, signalent le passage des troupes qui accompagnent l’empereur312. L’armée qui sert sous Maximien chasse notamment les Quinquegentanei au-delà du Hodna313, probablement en Grande Kabylie actuelle, en 297314. Ce serait la seule campagne menée à l’Ouest de Carthage315. Le 10 mars 298, Maximien fait une entrée triomphale dans Carthage, ainsi que l’attestent les sources monétaires316, à moins qu’il n’y soit déjà depuis un certain temps et y ait passé l’hiver comme le suggère R. REBUFFAT317. De retour à Rome, Maximien reçoit les félicitations du Sénat318. Seul parmi les voyages des empereurs en Afrique, celui de Maximien s’inscrit dans un contexte troublé et prend la forme d’une campagne militaire. Comme nous le verrons plus loin, les objectifs poursuivis par Hadrien et Septime Sévère dans leurs déplacements furent différents, et expliquent la géographie de leurs voyages respectifs. C’est également à partir du règne d’Hadrien que la pratique privée des voyages dans l’Afrique romaine, hors de tout cadre étatique, est mieux connue grâce aux récits personnels de voyage. La question que nous nous posons est celle des motifs des empereurs. Est-ce une sorte de tour du propriétaire ou un état des lieux pour mieux s’enquérir des avancées de la romanisation ou de l’assimilation à la romanité ? Ce qui est sûr, c’est que les inscriptions tout comme les autres sources nous permettent d’envisager toutes les hypothèses ; la plus probable 311 Sur ce passage par la péninsule ibérique, une attestation épigraphique en l’honneur de Maximien rappelle une campagne dans la région: R. Rebuffat 1992, n°16, p. 373. 312 Tingi: CIL, VIII, 21814a (IAM, 2, 34), mention du sacer comitatus. Sitifis : AE, 1972, 709 et 710. 313 CIL, VIII, 8836, Tubusuctu. 314 DESANGES 1962, 67; Y. MODERAN 2003, 90, n°13, p. 126. 315 REBUFFAT (R.), 1992, pp. 374-375. 316 SESTON (W.) 1946, n°4, p. 120. 317 REBUFFAT (R.), op.cit., 1992, p. 372. 318 CIL, VI, 1130.

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reste les troubles dans ces provinces orchestrés par des tribus belliqueuses hostiles à l’implantation des Romains, et à la mise sous tutelle de leurs terres. Comment se caractérisèrent ces troubles et quelles furent les réactions des empereurs ?

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CHAPITRE II : PRESENCE ET ACTION LIMITEES PAR DES TROUBLES ET DES INSURRECTIONS.

Dans un article très intéressant, Miss. SIGMAN319 pose le problème de la politique romaine de Maurétanie Tingitane, de ses objectifs et ses limites, et tente d’apprécier le succès ou l’échec de cette politique. Elle a démontré le caractère sporadique et très limité de l’urbanisation comme de la romanisation, l’état permanent de crise entre Rome et les peuples indigènes illustré par les rapports avec les Autololes, les Baquates, et les Zegrenses320 ; et l’abandon essentiel de la province sous Dioclétien. Les difficultés et les insuccès évoquent une contradiction insurmontable entre le « Roman way of life » comme disent les Anglo-Saxons, et les traditions et intérêts des populations locales. Il faut se demander si les raisons de l’occupation de la Tingitane et de la Césarienne ont été, comme le suggère Miss. SIGMAN, essentiellement stratégiques, et dans quel but ? Depuis le IIème siècle av. J.-C., la Maurétanie avait été concernée, marginalement, par la politique africaine de Rome, qui n’ignorait pas le rôle joué par les cités de cette province pendant les guerres puniques. Donc pas d’urbanisation, mais l’établissement de colonies de vétérans pour asseoir la domination romaine. Les considérations stratégiques eurent été sans doute soutenues, pas plus que les préoccupations économiques. L’imperium romanum s’est agrandi naturellement sans nécessité militaire. C’est une vue plus ou moins anachronique 319 SIGMAN (M. C.), The Romans and the Indigenous Tribes of Mauritania Tingitana, Historia, t. 26, pp. 415-439. 320 CARCOPINO (J.), Catalogue des tribus africaines de l’Antiquité classique à l’Ouest du Nil. Dakar, 1962 (cité DESANGES (J.), Catalogue). CHRISTOL (M.), « Rome et les tribus indigènes en Maurétanie Tingitane », L’Africa romana, 5, 1988, pp. 305-337.

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que de prêter à Rome l’objectif a priori d’imposer à ses provinciaux une acculturation forcée, à un moment où elle était fort avare du droit de cité et où la primauté de l’Italie impliquait comme contrepartie la continuité, dans les provinces, des traditions locales et des genres de vie ancestraux. Mais pourquoi les Romains auraient-ils cherché, là plus qu’ailleurs, à détruire des structures qu’ils ont respectées dans bien d’autres régions, notamment en Asie ou dans les Balkans, ou à effacer juridiquement et culturellement des différences qui fondaient leur domination ? L’assimilation n’est devenue un objectif de Rome que sous les empereurs d’origine provinciale, à partir du IIème siècle de notre ère, et dans la mesure où l’essor des cités et de l’urbanisation lui fournissait un soutien largement spontané. En Tingitane le pouvoir romain s’est contenté de voir coexister le « Roman way of life » et des structures de vie indigènes avec leurs modes de vie et surtout leur langue. La liste de Vérone a cité les Mauri Bacautes parmi les gentes quae in Mauretania sunt321. Vers 168, les Baquates, alliés aux Macénites et même aux Bavares322, se soulèvent, détruisent une ville de garnison proche 321

Liste de Vérone : Riese, GLM, p. 129. Les Romains gratifiaient même les chefs et leur famille de la civitas romana, en retour d’un obsequium indéfectible qui assurait en même temps le prestige et l’autorité des élites et devait faciliter la transmission dynastique du pouvoir tribal à l’intérieur d’une même famille. En outre, les Romains avaient institué des pourparlers pour régler tout type de conflits avec les tribus. A cet effet, la tribu des Baquates, citée dans la liste ci-dessus a donné lieu à une abondante bibliographie : M. CHRISTOL, 1988 ; E. FREZOULS, BAM, 2, 1957 ; M. LE GLAY, 1987, pour ne citer que ceux-là. 322 CHRISTOL (M.), « Rome et les tribus indigènes en Maurétanie Tingitane », L’Africa romana, 5, 1988, pp. 305-337 ; FREZOULS (E.), Les Baquates et la province romaine de Tingitane », BAM, 2, 1957, pp. 65-116. Les Romains avaient instauré avec les tribus les moins romanisées des relations réglées par des entrevues et des engagements réciproques : il ne s’agissait donc pas de les soumettre, mais d’assurer aux provinciaux un climat de paix réel et à la tribu concernée son indépendance. Ces peuples alliés jouaient sans doute aussi un rôle de « tampon » en protégeant les communications entre les provinces ou bien celles des caravanes provenant du désert ; elles pouvaient aussi fournir à Rome, au même titre que les tribus internes, des hommes pour l’armée. La tribu des Baquates, en certains cas

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de Volubilis, obligent les Romains à fortifier à la hâte cette ville. Les hostilités prennent fin vers 175, mais recommencent peu après, jusqu’en 180 ; une seconde période de lutte prend fin en 200. Trente ans plus tard, une nouvelle rébellion des Baquates, alliés cette fois aux Bavares, rend nécessaires des mesures exceptionnelles, et les colloquia des années 239-245 sont l’indice d’une longue guerre sans solution, qui se prolonge jusqu’à l’abandon de la province sous Dioclétien, préparé par les colloquia de 277 à 280, nouveau signe de la permanence. Sur la Tabula Banasitana, la collation de la cité romaine à un notable Zegrensis vers 168/169, puis à son fils, devenu princeps des Zegrenses et à la famille de celui-ci, en 177, ne peut guère, à première vue, être invoquée en faveur d’une tension persistante entre Banasa et ses voisins libyques. Que Iulianus soit à la fois princeps de son peuple et citoyen romain n’implique pas qu’il soit simple « agent » romain ; qu’il conserve parallèlement son statut indigène (salvo iure gentis), n’entraîne pas que les Zegrenses aient été résolument imperméables à la romanisation. Ce qui pose un problème est le fait que l’octroi de la civitas romana n’a pas eu pour effet d’exempter Iulianus des obligations fiscales qui lui incombaient323, comme aux hommes de la tribu. L’octroi de la citoyenneté romaine à un indigène portant le titre de princeps des Zegrenses peut aussi bien témoigner d’une bonne entente et de la volonté romaine d’amorcer ici comme ailleurs une certaine assimilation des élites. Les éditeurs de la Tabula ont souligné les synchronismes entre la collation de la citoyenneté à Iulianus I et II et les traités alliée à d’autres peuples comme les Macénites et les Bavares, dans la très belle série de ce que l’on a appelé les « autels de la paix » à Volubilis, a donné lieu à une abondante bibliographie : GONZALVES CRAVIOTO (E.), « Roma y las tribus indígenas de la Mauretania Tingitana : un analisis historiografico », Florentia Iliberritana, 3, 1992, pp. 271-302 ; LE GLAY (M.), « L’épigraphie juridique d’Afrique romaine », dans Epigrafia juridica romana. Actas del coloquio internacional AEIGL, Pamplona, 1987, Pampelune, 1989, pp. 179-182. 323 SESTON-EUZENNAT, p.472, 1. 37 sq : …saluo iure gentis sine diminutione tributorum et vect[i]gali/um populi et fisci.

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conclus par les procurateurs avec les Baquates ; ils discernent « une politique cohérente, visant à isoler les tribus rebelles et à compenser par la diplomatie l’insuffisance probable des effectifs militaires en confiant les gentes à des hommes sûrs »324.

A. LA SITUATION EN PROCONSULAIRE.

Dans cette province, le fait que Septime Sévère ait éprouvé la nécessité de faire construire des forts dans le Sud, qui demeurait calme depuis les Flaviens, dénote sans aucun doute que les tribus méridionales manifestèrent un regain d’activité inquiétant les autorités. Le dispositif fut complété en 246 avec la construction de fortins à Gasr Guib, situé à environ 100 km au sud de Sabratha, connu grâce à sa dédicace en 246, qui associe le gouverneur provincial, le commandant du limes de la Proconsulaire et de Numidie, dont la responsabilité incomba à un certain Numisius Maximus, identifié comme le commandant d’une unité auxiliaire régulière, la 1re cohorte d’archers syriens, cohorte militaire325. Il se pourrait que le fort principal, celui dont dépendaient les fortins de la région, se trouvât à Tentheos. Jusqu’au début du IIIème siècle, les fermes installées sur les marges méridionales de la Proconsulaire vécurent sans protection particulière. Elles consacraient une part de leur production à l’autosubsistance et trouvaient des débouchés pour 324

SIGMAN (M.C.), p.437: « It is obvious that if the Zegrenses had become or were becoming romannized apace, there would have been no need for such an example ». Faut-il alors choisir comme critère de romanisation l’absence de citoyens romains ? La question reste entière. 325 Elle comprit les villes d’Hippo Regius (Annaba), Calama (Guelma), Thubursicu Numidarum (Khomissa), Thagaste (Souk Ahras), Madaure (Mdaourouch) et Theveste (Tebessa).

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la commercialisation des excédents, soit vers les villes de la côte, Lepcis Magna, Oea ou Sabratha, soit dans les camps installés sur les franges du désert, tel Bu Njem, où les tessons gravés (ostraca) retrouvés dans ce fort indiquent que la garnison procédait, vers le milieu du IIIe siècle, à des achats de blé et d’huile transportés par des indigènes. Or, ces fermes se dotèrent de fortifications. Ce changement, qui fut graduel, commença à la fin du IIème siècle et au début du IIIème siècle sous les règnes de Commode et des Sévères, et s’accéléra à partir du milieu du IIIème siècle. Ainsi, El–Amud, ferme romano-libyenne construite à la fin du Ier siècle et occupée jusqu’au IIIème siècle, fut délaissée au profit d’une construction fortifiée située à proximité à la fin du IIIème siècle326. Au cours de la seconde moitié du IIIème siècle, l’abandon de fermes et d’établissements militaires dans le Sud indique un net repli des positions romaines : Gasr Guib fut attaqué entre 244 et 246 ; Bu Njem fut abandonné entre 259 et 263, Gheriat al Garbia, qui avait subi une attaque en 239, disparut dans la même période. Ces régions restèrent sans doute plus ou moins dans l’orbite de Rome, mais selon un système de délégation. Y. MODERAN définit ainsi trois cercles de tribus pour le Bas-Empire327, ils se mirent très probablement en place au cours de la seconde moitié du IIIème siècle. Les indigènes furent chargés d’assurer euxmêmes la protection de ces marges semi-désertiques et purent s’opposer au siècle suivant au passage de tribus plus offensives328. Par contre, au sud de la Tunisie actuelle et dans la zone frontière avec la Libye, les Romains gardèrent intactes leurs positions, comme cela a été démontré par P. TROUSSET329, mais qu’en est-il en Numidie et en Maurétanie Césarienne ?

326

MODERAN (Y.), Les Maures et l’Afrique romaine (IVème-VIIème siècle), BEFAR, 314, Rome, 2003a, pp. 260-261 ; BRUN (J.-P.), Archéologie du vin et de l’huile dans l’Empire romain, Paris, 2004, p. 196. 327 MODERAN (Y.), op.cit., p. 261. 328 Ibidem, pp. 258-278. 329 TROUSSET (P.), 1974.

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B. LA GESTION DES TROUBLES EN NUMIDIE ET EN MAURETANIE CESARIENNE. La dissolution de la IIIème Légion Auguste avait introduit un déséquilibre dans le dispositif militaire, même si l’on peut penser que cette décision ne constitua pas un acte de pure vengeance de Gordien III. On a envisagé un projet de « colonssoldats » sur les frontières avant la lettre, ce qui reste une hypothèse discutée330. Ce qui est sûr, c’est que des troubles sérieux agitèrent la Numidie du Nord-Ouest et la Maurétanie Césarienne au milieu du IIIème siècle. Ils sont signalés par plusieurs catégories de documents, dont une lettre de Cyprien331 et des inscriptions332. En effet, vers 251-260, des insurrections menées par les Bavares orientaux et des tribus alliées menacèrent la région d’Auzia. Exceptionnellement, les révoltés envahirent la Numidie avec le soutien d’une confédération, les Quinquegentanei333. Une partie de l’historiographie contemporaine tend à minimiser ces troubles : il n’ y aurait pas lieu de parler d’insécurité générale et le témoignage de Cyprien, souvent pessimiste, concernerait plus les persécutions contre les communautés chrétiennes334, elles-mêmes plus affectées par les 330

FREZOULS (E.), Rome et la Maurétaine Tingitane : un constat d’échec ?, Antiquités africaines, t. 16, 1980, pp. 65-93. 331 CYPRIEN, Lettre 62. 332 AE, 1907, 4 ; 1946, 39 ; 1998, 1604 ; BCTH, 1943-45, 337 ; CIL, VIII, 2615, 2634, 9047, 9158, 9288, 12296, 20827, 20863, 21486 ; ILS, 1194, 2767, 8503. 333 Ils se sont fait connaître une nouvelle fois dans les dernières années du IIIème siècle. Deux inscriptions de Saldae et de Tubusuctu les nomment, ce qui incite à placer cette tribu aux abords de Soumam. Le texte de Saldae nous apprend que le gouverneur Aurelius Litua, appuyé sur des troupes de Césarienne et Sitifienne, a défait ces Quinquegentanei. Par ailleurs, une inscription d’Auzia fait voir Litua en 290 restaurant, la paix revenue, un pont détruit par la guerre (cf. P.-A. FEVRIER, Approches du Maghreb romain II, Edisud, Aix-en-Provence, 1990, pp. 148-150.) 334 BRIAND-PONASRT (Cl.), HUGONIOT (Ch.), op.cit., pp. 375-424. Ils parlent des premières persécutions, à partir des propos de Tertullien, le premier père de l’Eglise d’Occident ; suivis de ceux de Cyprien jusqu’à l’édit de l’empereur Dèce. En outre, ils poursuivent avec les réactions de Valérien à Dioclétien et ce que l’historiographie contempraine a appelé « la petite paix de

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divisions internes que par ces troubles, qui, pourtant graves, ressembleraient davantage à des actes de banditisme qu’à des révoltes organisées ; ce qui signifie, à tout le moins, que les autorités rencontraient de réelles difficultés à maintenir l’ordre dans cette région. Il semble néanmoins qu’on doive revenir à une perspective plus traditionnelle et considérer que de véritables révoltes, qui ne mirent certes pas l’autorité romaine en péril, mais la fragilisèrent, éclatèrent dans la région. Ces révoltes impliquent certainement un mal-être des révoltés dont les sources classiques, c’est-à-dire littéraires, ne font pas mention. Une factio avait déjà inquiété les habitants de la région d’Auzia pendant le règne de Sévère Alexandre en 227. Le procurateur de Césarienne, T. Licinius Hierocles335, employa pour la réduire des contingents de cavaliers et de fantassins fournis par les deux provinces. Au même moment, sous sa direction, des coloni se regroupèrent dans des castella entourés de murs dans la région de Sitifis (Sétif). Ce mouvement de regroupement et de formation des castella se poursuivit avec, en 234, les coloni du castellum Dianense336, puis, en 244, ceux du castellum Cellense. Dans tous les cas, les coloni construisirent des murs dont on pensait en question par P.-A. FEVRIER337. Pour lui, la construction des remparts, comme celle de portes ou d’arcs de triomphe, comportait une valeur symbolique et ne répondait pas obligatoirement à une préoccupation défensive. Il paraît difficile de souscrire pleinement à cette opinion selon M. BENABOU : le regroupement des colons, accompagné ou non d’une mutation l’Eglise » (257-305). Les auteurs y traitent aussi du progrès du christianisme, du schisme donatien et des idées d’Augustin. 335 CHRISTOL (M.), « Les troubles en Maurétanie Césarienne sous le gouvernement de T. Licinius Hiéroclès », dans L’Afrique, la Gaule, pp. 254266, qui les considère, autour de 227, comme des troubles de croissance liés à l’expansion de la mise en valeur agricole dans la région de Sétif et au progrès de l’organisation juridique et matérielle des communautés, auxquels résistent certains éléments de la population, attachés à leurs traditions. 336 CIL, VIII, 8701 ; ILS, 6887. 337 FEVRIER (P.-A.), 1981, pp. 143-148.

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juridique, et cette nouvelle organisation en castella ne se substituèrent pas à la représentation antérieure, mais répondirent à un sentiment d’insécurité, au moins dans cette région338. Entre 251 et 260, des inscriptions mentionnent une série de troubles, révoltes339 ou actes de banditisme340. Les choses s’aggravèrent vers 251-252 et la reconstitution de la légion coïncida indiscutablement avec une recrudescence de l’agitation des tribus et il paraît difficile de penser que ce retour à une mesure qui avait assuré la paix romaine pendant plus d’un siècle ait été autre chose qu’une mesure dictée par les circonstances. Plusieurs textes rappellent des campagnes militaires menées soit sous le commandement des légats de la Tertia Augusta, soit sous celui de gouverneurs de Césarienne, soit d’officiers spécialement nommés pour harmoniser les opérations sur l’ensemble des provinces. Ils forment un dossier, sans doute incomplet, mais significatif, comme le montrent quelques exemples ci-dessous, à propos des troubles du milieu du IIIème siècle : 1) « A Jupiter Optimus Maximus, et aux dieux et déesses immortels ; C. Macrinus Decianus, homme clarissime, légat propréteur des deux Augustes des provinces de Numidie et de Norique, après avoir taillé en pièce et mis en fuite leurs quatre rois (reges) qui s’étaient unis, les Bavares, qui avaient fait irruption dans la province de Numidie, d’abord dans la région de Milev, une deuxième fois aux confins de la Maurétanie et de la Numidie, une troisième fois, les tribus des Quinquegentanei de la Maurétanie Césarienne, comme celle des Fraxinenses, qui 338

BENABOU (M.), La résistance romaine à la romanisation, Paris, 1976, p. 190. 339 ILS, 8503. 340 Un texte d’Auzia signale la mort d’un dénommé Secundus, tué par les barbares en 247 (CIL, VIII, 9158).

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dévastaient la province de Numidie, le plus célèbre de leur chef ayant été capturé, (élevé ce monument). »341 2) « A Jupiter Optimus Maximus, aux Génies et aux Dieux immortels et aux Victoires de nos seigneurs invaincus, M(arcus) Aurelius Vitalis, personnage de rang honorable, gouverneur de la province de Maurétanie Césarienne, et Ulpius Castus, décurion de l’aile de Thraces, ont accompli leur vœu de plein gré après avoir taillé en pièces et mis en fuite les Barbares, le (x) des ides d’août, l’année de la province 215 (254). »342 3) « A Q. Gargilus Martialis, fils de Quintus, inscrit dans la tribu Quirina, chevalier romain, préfet de la 1re cohorte des Austures de la province de Bretagne, tribun de la cohorte des Espagnols de la province de Maurétanie Césarienne, ayant accompli ses milices, chef (praepositus) de la cohorte des singulares et du détachement des cavaliers maures, qui sont en garnison sur le territoire d’Auzia, décurion des deux colonies d’Auzia et de Rusguniae et patron de la province, en raison de son remarquable dévouement à l’égard de ses concitoyens et de son exceptionnel attachement à sa patrie et parce que son courage et sa présence d’esprit ont permis la capture et la mise à mort du rebelle Faraxen, ainsi que ses proches, l’ordre des décurions de la colonie a fait ériger (ce monument) à frais publics, pour lui, victime d’une embuscade des Bavares. Dédié le huitième jour des calendes d’avril, en l’année de la province 221 (25 mars 260). »343 « Au dieu Mars, qui exerce sa puissance dans le monde militaire ; Sattonius Jucundus, primipile, qui, le premier après la reconstitution de la légion, a déposé son cep de vigne près de l’aigle (et) a fait don de cette statue en l’honneur de la IIIème Légion Auguste Valeriana Galliena ; Veturius Veturianus de

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CIL, VIII, 2615 ; ILS, 1194, à Lambèse. CIL, VIII, 20827, à Aïn Bou Dib, près d’Auzia. 343 CIL, VIII, 9047 ; ILS, 2767, à Auzia. 342

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rang clarissime, légat propréteur des trois Augustes a effectué la dédicace. »344 5) « A la Fortuna Redux des trois Augustes ; en raison du vœu prononcé par la IIIème Légion Auguste Valeriana Galliena, la respublica du municipe de Gemellae, Veturius Veturianus de rang clarissime, légat propréteur des trois empereurs a effectué la dédicace »345. Traditionnellement, l’action de C. Macrinus Decianus (cf. supra n°1), dont l’inscription de Lambèse célèbre les exploits, était située à la fin du règne commun de Valérien et Gallien, vers 259-260. Des travaux de M. CHRISTOL sur la chronologie de ces troubles, il ressort que la chronologie des évènements doit être avancée de quelques années et que la légation de Decianus se termine au début des règnes communs de Valérien et Gallien en 253346. Le texte relate, dans l’ordre, ses expéditions : il intervient en premier contre les Bavares alliés à quatre rois locaux dans la région de Milev ; puis aux frontières de la Maurétanie et de la Numidie ; enfin contre les tribus de Quinquegentanei de Césarienne et les tribus des Fraxinenses347 qui dévastaient la Numidie. La localisation des Bavares et des Quinquegentanei est bien connue : peuple de l’intérieur de la

344

CIL, 2634. AE, 1946, 39 ; L. LESCHI, BCTH, 1943-45, 337. 346 Nous avons retenu les conclusions de M. CHRISTOL, La prosopographie de la province Numidie de 253 à 260 et la chronologie des révoltes africaines sous le règne de Valérien et de Gallien, AntAfr., 10, pp.69-77 ; id., C(aius) Decianus, gouverneur de Numidie, et l’histoire militaire de la province au milieu du IIIème siècle, ZPE, 138, 259-269 ; id., A propos de Faraxen et des Fraxinenses, les nomades aux marges de la Numidie et de la Maurétanie Césarienne, in Regards sur l’Afrique romaine, pp. 248-259. 347 CHRISTOL (M.), A propos de Faraxen et des Fraxinenses, les nomades aux marges de la Numidie et de la Maurétanie Césarienne, in Regards sur l’Afrique romaine, p. 248. on peut aussi lire M. BENABOU, La résistance africaine à la romanisation, La Découverte, Paris, 2005, p. 225. L’auteur revient sur les relations entre Rome et ses peuples, en y apportant des modifications aux anciennes éditions, et en approfondissant certaines questions liées à la localisation et à la précision du déroulement des conflits. 345

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province348. Les Bavares résidaient en Césarienne, au nord de Sétif, vers la frontière Nord-Ouest de la Numidie. Les Quinquegentanei étaient situés près de Saldae en direction de l’Ouest. La première intervention de cette tribu est à Milev, une des colonies de la confédération cirtéenne, près de l’Ampsaga. Cela veut dire qu’une tribu était assez forte pour attaquer une cité depuis longtemps romaine. Ils furent vaincus, mais recommencèrent probablement, mais il n’y a aucune mention de ces raids. Restent les Fraxinenses349, qui ravagèrent eux aussi la Numidie. Leur présence à Auzia signifie le terme d’un trajet qui les amenait en Césarienne depuis les Hauts Plateaux : originaires de la Gétulie telle qu’elle avait été définie par Salluste et Pline l’Ancien, ils auraient franchi la nova praetentura mise en place par Septime Sévère. Ils se seraient aventurés d’abord dans le Sud de la Numidie à Thubunae, puis vers le Sud de la Césarienne, où ils auraient été vaincus pour la seconde et dernière fois, Auzia étant située au Sud des monts de la Djurdjura. C’est alors qu’un certain Q. Gargilius Martialis aurait capturé et fait exécuter le chef des Faraxen350 (cf. Supra n°3). Il faut ajouter, à ces documents, la Lettre 62 de Cyprien, adressée à six évêques de Numidie, parmi lesquels Nemesianus de Thubunae. Elle évoque des enlèvements et demandes de rançon provenant de « barbares » : actes de pur banditisme, véritable révolte organisée par des tribus ? Les trois 348

DESANGES (J.), Catalogues des tribus africaines de l’Antiquité classique à l’Ouest du Nil, Dakar, 1962 ; id., Recherches sur l’activité des Méditerranéens aux confins de l’Afrique, Rome, 1978. 349 CHRISTOL (M.), op. cit., pp. 252-254. On ne doit pas oublier que les Fraxinenses ne sont pas définis comme peuple de Maurétanie Césarienne, du moins directement. Ils ne le sont que si l’on veut rapporter à leur localisation l’indication qui concerne les Quinquegentanei. C’est sur cette proximité géographique qu’on peut les situer au plus près du Djurdjura, au contact même des Quinquegentanei. 350 Dans l’hommage qui lui est fait post-mortem, on indique qu’il avait tué de sa main Faraxen : et quod eius virtute ac vigilantia Faraxen rebellis cum satellitibus suis fuerit captus et interfectus. Voir aussi CIL, VIII, 9047 et ILS, 2767.

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interprétations, plausibles, prouvent que la sécurité était sérieusement compromise dans ces régions. Ces troubles, qui avaient débuté vers 251-252, avaient incité les autorités à rétablir la légion d’Afrique. Traditionnellement, cette réorganisation est datée de l’automne 253 en raison de l’inscription de Gemellae351. D’après les travaux de M. CHRISTOL, la légion avait retrouvé son cantonnement de Lambèse peu de temps auparavant et, lorsque Valérien arriva au pouvoir, elle avait regagné ses campements352. Malgré toutes ces tentatives de déstabiliser les cités africaines, les légions en venaient toujours à bout. En outre, cette nouvelle interprétation entraîne une recomposition des fastes provinciaux entre 253 et 260 et de la chronologie des troubles, si aucune mention d’expédition n’apparaît de la fin 253 à 258, pendant les légations de C. Pomponius Magnus et L. Magius Valerianus. En Maurétanie Césarienne, par exemple, un légat nommé M. Aurelius Vitalis célèbre sa victoire contre des barbares qui furent mis en fuite dans la cité d’Auzia en 254 de notre ère353. Un certain M. Cornelius Octavianus, gouverneur de Césarienne vers 259-260, patron du municipe de Bisica en Proconsulaire, fut investi extraordinaire : il est dit dux (chef) pour l’Africa, la Numidie et la Maurétanie, ce qui sous-entend une action de grande ampleur pour les trois provinces. Il combattit de nouveau les Bavares354. A la fin du IIIème siècle, une recrudescence de l’agitation obligea le Tétrarque Maximien à se rendre en Afrique, on en voit la trace par la reconstruction par le gouverneur Aurelius Litua en 290 d’un point entre Auzia

351

Cf. supra n°4. CHRISTOL (M.), Regards sur l’Afrique romaine, p. 256. 353 Cf. supra n°2. 354 AE, 1907, n°4 ; CIL, VIII, 12294. Il succéda à un certain M. Aurelius Vitalis. Cette inscription montra qu’il combattit les Bavares, population que Gabriel CAMPS a proposé de localiser en petite Kabylie, le nom du massif des Babors pouvant rappeler cette ethnie. 352

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et Rapidum, qui avait été détruit par « la cruauté de la guerre »355. Nous avons jugé utile d’apporter d’autres précisions sur la situation en Césarienne à travers une inscription, qui avait été commentée par J. CARCOPINO, mais dont nous avons enrichi les conclusions. J. CARCOPINO fait mention, dans un de ses articles, de l’insurrection maurétanienne dite « de 253 », à travers l’épitaphe de M. Aurelius Victor, gouverneur de la Maurétanie Césarienne. En effet, en 1919, J. CARCOPINO, dans un article qui reprenait la question des révoltes africaines au milieu du IIIème siècle, faisait connaître un nouveau gouverneur de Maurétanie césarienne, M(arcus) Aurelius Victor356 : Diis p[atr]iis Deabusque, Fortun(a)e Reduci pro salute a[t]que incoluminate D(omini) n(ostri) Imp(eratoris) Caes(aris) P(ublii) Licini(i) Gallieni invicti pii fel(icis) Aug(usti), M(arcus) Aurel(ius) Victor, v(ir) e(gregius) pr(a)eses pro(vinciae) Mauretaniae Caesariensis, protector eius. Dans son commentaire J. CARCOPINO dégageait, de l’adresse à Fortuna Redux et de la dernière formule du texte (protector eius), des indications qui lui paraissaient suffisantes pour conclure que ce gouverneur avait participé à la répression des troubles qui avaient ébranlé l’Afrique du Nord au début de la seconde moitié du IIIème siècle357. Cet auteur en tirait de plus des arguments pour conclure, par rapport aux interprétations de ses prédécesseurs358, à une extension de ces révoltes dans 355

CIL, VIII, 9041 ; P.ROMANELLI, Le iscrizioni volubilitane dei Baquati e i rapporti di Roma con le tribu indigene dell’Africa, Hommages à A. Grenier, Latomus, 57, Bruxelles, pp. 1347-1366 ; Africa, pp. 207-220. 356 CARCOPINO (J.), « L’insurrection de 253 d’après une inscription de Miliana récemment découverte », RAfr., 60, 1919, pp. 369-383 ; AE, 1920, 108. 357 CARCOPINO (J.), op.cit., p. 375. 358 CAGNAT (R.), L’armée romaine d’Afrique et l’occupation militaire de l’Afrique sous les empereurs, I, Paris, 1912, pp. 60-65. P. SALAMA, « Vues nouvelles sur l’insurrection maurétanienne dite de 253 : le dossier numismatique », 113ème Congrès national des sociétés savantes, Strasbourg,

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l’espace et dans le temps. Dans l’espace d’abord, car le témoignage découvert à Miliana, provenant de la partie centrale de la province, permettait d’établir un pont entre les données issues de la partie orientale359 et de la région d’Auzia360, d’une part, et celles que l’on avait cru pouvoir recueillir déjà dans la partie la plus occidentale, d’autre part : Entre Auzia (Aumale) et Altava (Lamoricière), la défense romaine a utilisé la position dominante de Zucchabar (Miliana). D’une frontière à l’autre, de l’Oued el Kebir à la Moulouya, elle a fait barrage sur tous les points où les incursions des montagnards menaçaient la colonisation des plateaux et des plaines »361. Dans le temps aussi, car si l’on pouvait croire que l’inscription de M. Macrinius Decianus362, que l’on plaçait en

1988, (IVème colloque sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord), Paris, CTHS, 1991, II, pp. 455-470. 359 CIL, VIII, 2815 (Lambèse) : cet ex-voto du gouverneur de Numidie fait état de conflits aux limites de sa province et de la Maurétanie Césarienne. Il cite d’abord les Bavares qui, adunatis (quattuor) regibus in prov(inciam) Numidiam inruperant, primum in regione Millevitana, iterato in confino Mauretaniae, puis les Quinquegentanei gentiles Mauretaniae Caesarienses. On ajoutera maintenant la documentation relative à M(arcus) Cornelius Octavianus qui, lorsqu’écrivait J. CARCOPINO, était souvent considéré comme un duc d’époque tétrarchique (CIL, VIII, 21000 = AE, 1900, 125 = AE, 1954, 136 ; ILS, 9006 ; CIL, VIII, 12296 = ILS, 2774 ; CIL, VIII, 8435). R. THOUVENOT, « Rome et les barbares africains », Publication du Service des Antiquités du Maroc, 7, 1945, p. 180. H. PAVIS D’ESCURAC-DOISY, « M. Cornelius Octavianus et les révoltes indigènes du IIIème siècle », Libyca, 1, 1953, pp. 181-186 ; H.-G. PFLAUM, Les carrières procuratoriennes équestres sous le Haut-Empire romain, Paris, 1960, pp. 905-923, n°347 bis. Voir aussi J. CARCOPINO, « L’insurrection de 253 d’après une inscription de Miliana récemment découverte », RAfr, 60, 1919, pp. 369-383. 360 CIL, VIII, 20827 : mention de combats en 254. 361 CARCOPINO (J.), op.cit., p. 378. Dans ce passage, il annonce ce qui sera un leit-motiv de son article : les menaces intérieures provenant des populations indigènes, à partir des montagnes. 362 On retrouve ce personnage dans une inscription, un bulletin de victoire et une action de grâce rendue à Jupiter et aux dieux immortels. Il fut légat propréteur de Numidie : on apprend par cette inscription de Lambèse que les Bavares et leurs quatre rois avaient fait une incursion dans la région de Milev, puis vers les confins occidentaux de la Numidie ; en liaison avec le Quinquegentanei de Césarienne.

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259 ou 260363, marquait le terme des plus grands affrontements, on se demandait si une sécurité absolue était dès lors revenue partout364. Cette inscription du premier janvier 263 venait offrir, plus qu’une confirmation de ce pressentiment, la certitude que « la paix n’avait régné en Maurétanie Césarienne que deux ans plus tard en 262365. En polémiquant quelque peu avec R. CAGNAT, qui se demandait si les soulèvements des montagnards n’avaient pas été en partie provoqués par les tensions nées de la persécution de Valérien366, J. CARCOPINO ne pouvait s’interdire d’amplifier ces troubles en Numidie et en Maurétanie Césarienne. Divers passages dans le corps de l’article revenaient sur la violence et le déchaînement de ces mouvements de révolte. Enfin, au terme de celui-ci, l’auteur s’interrogeait sur leur portée et leur signification et il n’hésitait pas à les considérer, à l’instar des graves secousses qui avaient troublé l’Empire sur les frontières européennes et orientales, comme un des aspects de la grande crise militaire de l’Empire367. Revenant sur l’inscription de Miliana, et en tenant compte que toutes les pièces du dossier alors rassemblé par J. CARCOPINO n’avaient pas une égale valeur, nous avions estimé possible d’en nuancer la portée368. Quelques expressions méritent d’être rappelées brièvement. Le sens de l’expression protector eius s’applique non au rôle militaire du gouvernement dans sa province369, mais à la relation de fidélité qu’entretenait ce dernier avec son souverain, l’empereur Gallien.

363

SALAMA (P.), op.cit., p. 459 et 463. M. CHRISTOL, « Caius Macrinius Decianus légat de Numidie et l’histoire militaire de la province au milieu du IIIème siècle », ZPE, 138, 2002, pp. 259-269. 364 CAGNAT (R.), L’Armée romaine, cit., p.64. 365 Idem. 366 Ibidem. 367 CARCOPINO (J.), « L’insurrection de 253… », cit., n°1, pp. 382-383. 368 CHRISTOL (M.), « M. Aurelius Victor, procurateur de Maurétanie Césarienne sous Gallien en 263 ap. J.-C. », dans M. CHRISTOL et A. MAGIONCALDA, Studi sui procuratori, cit. n°4, pp. 207-226. 369 CAGNAT (R.), L’Armée romaine, cit., p. 60 ; H.-G. PFLAUM, Carrières procuratoriennes, cit., pp. 909-912.

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Une autre inscription vient apporter à ce sujet de nouveaux renseignements sur la présence et l’action des empereurs dans les cités africaines, et montrer que ça n’a pas toujours été l’expression de la Pax Romana. Cette inscription provient d’Aïoun-Sbiba, aux limites sud occidentales. Nous allons l’analyser pour comprendre l’évolution de ces rapports entre les princes et les provinces. Nous sommes sur un site où l’on put établir l’existence d’une forteresse du limes sévérien370. Le lieu s’appelait CEN, comme l’indique une borne milliaire publiée en 1955371. Il était relié par la route à la Cohors Breucorum et à Columnata. Il a fait l’objet d’une notice de St. GSELL, puis il a été mis en valeur par la visite et par les relevés du lieutenant Fort, mais il a ensuite été plusieurs fois revisité. L’occupation remonte au règne de Septime Sévère et l’extension de la province vers le Sud et vers l’Ouest. Le lieu était riche en sources, qui avaient fait l’objet d’aménagements méticuleux : voici un demi-siècle encore l’une d’entre elles alimentait un établissement agricole. Il y eut sous le règne de Caracalla réaménagement des conduites, peut-être dans le but de réaliser au mieux la collecte des eaux et leur concentration : en témoigne une inscription qui rappelle l’action d’une aile de cavalier, à l’initiative d’un personnage d’autorité qui portait le nom de P. Neratius [Phos]phorus372. L’inscription nous place aux limites extérieures de la province, dans le secteur où la progression du limes, à l’époque sévérienne, avait été la plus ample, et bien loin des zones où l’épigraphie atteste sans aucun doute des soulèvements de tribus. Si l’indication d’une victoire n’y apparaît pas explicitement, on ne saurait oublier l’encadrement par deux 370 SALAMA (P.), « Les déplacements successifs du limes en Maurétanie Césarienne (Essai de synthèse) », dans Akten des XI. Internationalen Limeskongresses, Budapest, 1976, pp. 578-579 et pp. 585-586. 371 Idem, « Aïoun-Sbida : Identification de la ville romaine », Libyca, 3, 1955, pp. 173-177 ; AE, 1956, 127 : il s’agit de milliaires de Gordien III et de Philippe l’Arabe. Le texte se termine par l’indication de la distance : A CEN M P I (à la fin du milliaire de Gordien). 372 SALAMA (P.), « Nouveaux témoignages de l’œuvre des Sévères dans la Maurétanie Césarienne », Libyca, 3, 1955, pp. 342-351, d’où AE, 1957, 180.

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palmes de la partie supérieure du texte et la référence aux périls fournis par l’invocation aux dieux maures. On doit donc faire preuve de prudence dans l’appréciation globale de ces données. Les lendemains des combats n’étaient pas nécessairement des moments calmes. Pour l’autorité romaine il fallait conforter les résultats acquis, et peut-être même pratiquer une politique de présence militaire. Les missions des autorités administratives et celles des unités de la garnison étaient précises : en reprenant un langage de nos jours, on pourrait dire qu’était maintenu »l’état d’alerte générale ». Les déplacements du gouverneur et de son escorte militaire ressemblant à des expéditions : les terrains d’inspection étaient des zones réputées hostiles. On pouvait s’estimer heureux d’avoir évité des affrontements majeurs. La notion de salus, c’est-à-dire de sauvegarde dans la difficulté ou le péril, demeurait toujours présente. Q(uintus) Gargilianus Martialis373 ne tomba-t-il pas, en 260, victime d’une embuscade tendue par les Bavares, insidiis Bavarum decepto ? Pourtant, quelques années auparavant, le légat de Numidie leur avait infligé, à ce qu’il prétendait, une sévère défaite374. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes peut-être pas plongés directement dans le contexte des affrontements les plus violents, tels que ceux que rappelaient les ex-voto de M. Aurelius Vitalis en 254 ou l’action de grâces de M. Cornelius Octavianus. Mais, durant la période des difficultés, qui commença dès 253, sinon un tout petit peu avant, et s’étendit jusqu’en 259-260, il ne fait aucun doute que la Maurétanie Césarienne occidentale avait vécu au rythme des autres parties de la province. Si les documents invoqués par J. CARCOPINO ne sont pas toujours, à l’image de l’inscription d’Altava, les témoignages des trésors monétaires révèlent, sans aucun doute, une situation d’insécurité largement étendue dans l’espace. Alors que la province était sous les coups d’événements violents qui 373

Chevalier romain, il a été à la tête d’une cohorte de singulares et d’une vexillation de cavaliers maures placée dans le territoire d’Auzia. Ce dernier personnage a pu faire capturer et tuer Faraxen et les siens révoltés. 374 CIL, VIII, 2615 et 9047 ; voir pour les interprétations, M. CHRISTOL, « La prosopographie de la province de Numidie… », cit., n°8, pp. 73-74.

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l’affectaient dans sa partie orientale et centrale, par ce nouveau document on présume que la zone dans laquelle se trouvait le site d’Aïoun Sbiba fut aussi quelque peu touchée. Mais le futelle par un mouvement violent lui-même, ou en contrecoup de ce qui se produisait ailleurs ? Il est difficile de l’affirmer avec certitude. Cette restauration ne motiva pas à elle seule le déplacement de la plus haute autorité provinciale. Il faut envisager une tournée375, c’est-à-dire la nécessité, dans laquelle se trouvèrent les gouverneurs de Maurétanie Césarienne, alors même que les affrontements les plus violents venaient de se dérouler, de prévenir les désordres, sinon de les réprimer, par une présence constante sur le terrain, par une activité de patrouille dans toutes les parties de la province. Les tournées ne visaient pas seulement à inspecter des garnisons ou à rendre visite aux cités. Elles avaient pour but de montrer la force militaire romaine et, au besoin, de s’en servir pour couper court à toute velléité indigène ; elles avaient aussi pour but d’assurer la restauration de quelques infrastructures qui avaient souffert des désordres précédents ou du poids des ans. Ces tournées n’étaient pas exemptes de risques. Leur bon accomplissement était nécessaire au maintien de l’ordre ou à son rétablissement durable. Elles étaient des entreprises périlleuses et pouvaient donc susciter des manifestations d’action de grâces au terme de leur accomplissement. Autour d’Aïoun-Sbiba s’organisait une petite défense de la frontière occidentale de la province. Par son autel, le gouverneur M. Aurelius Victor indiquait que sa mission dans ce secteur s’était parfaitement déroulée, et qu’il avait échappé à tous les périls éventuels. Ainsi cette inscription, outre les informations qu’elle fournit sur ce gouverneur de Maurétanie Césarienne, permet de considérer le climat général de la province au lendemain

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De ces tournées, nous pouvons avoir un exemple avec le dossier épigraphique relatif au procurateur L. Catellius Livianus en place sous Gordien III puis sous Philippe l’Arabe : B. E. THOMASSON, Fasti, cit. n° 21, pp. 218-219. il a fat élever un autel à Aïoun-Sbiba pro salute et victoria et reditu Gordiani Aug(usti) (CIL, VIII, 21557) ; puis à Cohors Breucorum un autel témoigne encore de son action : il est daté du 30 décembre 243, vraisemblablement au moment de son passage (CIL, VIII, 21560 = ILS, 2608).

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immédiat des graves affrontements qui avaient opposé aux troupes romaines des peuples indigènes. On peut comprendre, si on pousse l’interprétation de cette inscription, quelles étaient à ce moment-là les missions des gouverneurs de Maurétanie Césarienne. Déplacements dans un pays considéré comme hostile, restauration des lieux où la présence romaine s’était établie depuis longtemps et s’était développée : ce n’étaient plus des opérations de pacification, où le recours constant à la force était essentiel pour conduire la répression. C’étaient des opérations où les risques continuaient d’exister, mais elles visaient essentiellement à prolonger les résultats des expéditions militaires précédentes, afin de parvenir à une situation que l’on pourrait qualifier de calme. Entre 253 et 260, Numidie et Maurétanie Césarienne avaient connu des troubles graves. Ils avaient été contenus. Il fallait panser les plaies et réparer les dégâts occasionnés, assurer le retour à une paix plus complète. Mais l’histoire de la Maurétanie Césarienne jusqu’à l’époque tétrarchique montre que ce n’étaient que de faibles temps de répit.

C. LA SITUATION EN MAURETANIE TINGITANE.

Dans cette province il y a eu de nombreux troubles, mais également de nombreux traités entre Rome et les tribus nomades ou voisines. La question qui surgit est celle de savoir si ça a été un constat d’échec. Dans un article paru en 1977376, M. SIGMAN pose le problème de la politique romaine en Maurétanie Tingitane ; ses conclusions ont été critiquées par E. FREZOULS sur les causes des troubles en Maurétanie Tingitane377. Nous avons tenté de 376

SIGMAN (M. C.), The Romans and the Indgenous Tribes of Mauretania Tingitana, Historia, t. 26, 1977, pp. 415-439. 377 Antiquités africaines, t. 16, 1980, pp. 65-93.

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montrer les objectifs et les limites de cette politique, et d’en apprécier le succès ou l’échec. Il est vrai que, depuis J. Carcopino, de nombreuses études de détail, et d’abord les publications des fouilles, notamment celles de Volubilis, Banasa et Thamusida, ont fait progresser, sur bien des points, l’histoire de la province, mais que, malgré les travaux de R. THOUVENOT, M. EUZENNAT, R. REBUFFAT, etc.378, cette histoire a été rarement abordée selon une problématique d’ensemble. Une tentative dans ce sens était certainement opportune, celle de Marlène SIGMAN qui nous a proposé une clé pour expliquer l’échec de Rome en Tingitane : le conflit sans cesse renaissant, jusqu’à ce que les occupants lâchent prise, entre la vocation nomade, ou « semi-nomade », des provinciaux et la vie sédentaire implantée dans les centres romains ou romanisés, et que Rome aurait voulu généraliser dans les territoires annexés. Réexaminée à la lumière de nos sources, quelles soient littéraires ou épigraphiques, et à celle de notre hypothèse, l’histoire de la Tingitane s’éclaire, comme celle des autres provinces de notre étude quant à la présence et à l’action des empereurs dans les cités : ainsi s’expliquent la vanité des quelques succès militaires, le caractère sporadique et très limité de l’urbanisation379 comme de la romanisation380, l’état permanent de crise entre Rome et les peuples hostiles à la 378

Cf. CARCOPINO J., Le Maroc antique, Paris, 1943 ; THOUVENOT R., Une colonie romaine de Maurétanie Tingitane, Valentia Banasa, Paris, 1941 ; Rome et les Barbares africains, P.S.A.M., vol. 7, 1954, pp. 171-177 ; FREZOULS E., Inscriptions nouvelles de Volubilis, I, M.E.F.R., 1953, pp.139-172 ; ROMANELLI P., Storia delle provincie romane dell’Africa, Rome, 1959 ; EUZENNAT M., Les voies romaines dans l’itinéraire d’Antonin, Hommages Grenier, 2, coll. Latomus, 1962, pp. 595-610 ; id., Les Zegrenses, Mélanges offert à William SESTON, Paris, 1974, p. 175-176 ; id., « Les troubles de Maurétanie », CRAI, 1984, pp. 372-393 ; REBUFFAT R., Enceintes urbaines et insécurité en Maurétanie Tingitane, M.E.F.R.A., t. 86, 1974, pp. 501-522. 379 REBUFFAT (R.), Enceintes urbaines et insécurité en Maurétanie Tingitane, M.E.F.R., t. 86, 1974, pp. 501-522. 380 SIGMAN (M. C.), op. cit., p. 415, 429, 434, 438; faiblesse de l’urbanisation et de la romanisation: p. 419, 438 et passim.

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romanisation, illustré notamment par les rapports avec les Autololes, les Baquates, et les Zegrenses ; et l’abandon de l’essentiel de la province sous Dioclétien381. Les difficultés, les insuccès et l’échec final sont liés, pour ma part, à une contradiction insurmontable entre le modèle romain, ce que nous nommons le « Roman way of life », et les traditions et intérêts des populations locales, eux-mêmes conformes à la nature du pays. Cette interprétation unitaire d’une expérience provinciale ne peut guère être qu’acceptée ou réfutée : dire que les différences des mentalités et de genres de vie entre Romains et Indigènes ont pu créer quelques problèmes dans la vie de la Tingitane, comme dans celle des autres provinces telles que la Numidie ou la Césarienne, ce serait formuler une évidence sans grande portée. Avant toute chose, il faut se demander si les raisons de l’occupation de la Tingitane ont été essentiellement stratégiques. Nous verrons que les raisons stratégiques ne sont que secondaires. En réalité, depuis le IIème siècle av. J.-C., la Maurétanie avait été concernée, marginalement, par la politique africaine de Rome, qui n’ignorait pas la place qu’y avait occupée, comme sur la façade méditerranéenne du Maghreb et comme sur les côtes d’Espagne, l’expansion carthaginoise. S’intéresser de près ou de loin à la Maurétanie, c’était à la fois recueillir jusqu’au bout l’héritage de Carthage et tirer les ultimes conséquences du bellum Jugurthinum382. On remarque qu’en Tingitane, on est tenté de penser que le pouvoir romain s’est contenté, probablement à notre sens, sans éprouver un sentiment d’échec, de voir coexister avec quelques centres bien romains ou romanisés (les vétérans italiens notamment), un monde rural largement fidèle à ses structures, à sa langue, à ses modes de vie. A moins que ce 381 RACHET (M.), Rome et les Berbères. Un problème militaire d’Auguste à Dioclétien, Coll. Latomus, 110, Bruxelles, 1970. 382 Bocchus, roi de Maurétanie, avait pris tardivement le parti de son gendre Jugurtha avant de le trahir finalement. L’union des Maures et des Numides, si elle était intervenue plus tôt, aurait rendu plus difficile encore la tâche des Romains.

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monde barbare ait réellement posé des problèmes difficiles, de sécurité en l’occurrence383. La question qu’on se pose est celle de savoir quelles furent les relations entre Rome et les tribus ? Nous savons qu’il y a de nombreuses tribus en Afrique du Nord, et des travaux ont été faits à ce sujet. Un exemple de contacts avec le monde des tribus met en jeu les Autololes, peuple mentionné par plusieurs sources384, qui sont imprécises385. C’est Pline le Jeune qui fournit le plus de détails, à propos de Sala, qu’ils harcèlent, comme le montrent ces propos : « oppidum Sala…iam solitudinibus vicinum elephantorumque gregibus infestum, multo tamen magis Autololum gente, per qua miter est ad montem Africae vel fabulosissimum Atlantem »386. Les Autololes paraissent à la fois extérieurs à la Tingitane et susceptibles de menacer Sala. Ce qui ressort du texte de Pline 383 Thèse que soutient Miss SIGMAN. Mais réfutée sur quelques arguments par E. FREZOULS, dans Antiquités Africaines, t. 86, 1980, p. 65-96. Les considérations stratégiques pouvaient bien ici ou là y avoir une certaine part, mais elles n’étaient pas dominantes, pas plus sans doute que les préoccupations économiques. L’imperium romanum s’était enflé pour ainsi dire naturellement, et souvent sans nécessités militaires véritables, jusqu’aux limites extérieures des mondes qui avaient connu, de près ou de loin, l’empreinte des civilisations méditerranéennes. Mais précisément une telle conception de l’Empire n’impliquait pas l’idée d’une romanisation totale des peuples subjugués. 384

LUCAIN, Pharsale, IV, 677 ; PLINE, H.N., V, 1, 5, 9, et 17 ; VI, 201 ; PTOLEMEE, IV, 6, 6 ; OROSE, I, 2, 94 ; Cf. DESANGES (J.), Catalogues, pp. 208-211. 385 Ainsi, RACHET (M.), Rome et les Berbères, p. 48, pense que les Autololes ont « pu séjourner, en hiver, dans les petites plaines qui jalonnent le littoral, entre Agadir et Mogador, puis remonter vers le Nord en été, jusqu’aux rives du Bou-Regreg… ». DESANGES (J.), Catalogue, p. 208-211, conclut à une localisation « aux confins méridionaux de la Tingitane, non loin du fleuve Salathos (Bou-Regreg » sans exclure « qu’une fraction de ce peuple, à certaines époques, ait habité plus au Sud dans le bassin de l’Oum er Rbia (cf. Carte) ». 386 PLINE, H.N., V, 5.

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le Jeune c’est qu’on les tenait pour des pillards contre lesquels étaient nécessaires des opérations de police renouvelées. Dans l’inscription qui mentionne M. Sulpicius Felix387, où le préfet est remercié d’avoir libéré les Salenses, des opérations de police ou peut-être tout simplement le versement de quelques subsides destinés à acheter leur tranquillité. Mais nous ne resterons pas dans la localisation de cette tribu, nous caractériserons les rapports conflictuels avec les autorités romaines. En effet, les nombreuses inscriptions militaires, découvertes en Maurétanie, indiquent d’importants mouvements de troupes. Mais la datation de ces textes n’est pas toujours assurée, tant s’en faut, et le critère adopté, faute de mieux, par J. CARCOPINO, n’est pas acceptable ; même si par leur gravure ces inscriptions conviennent mieux à l’époque d’Antonin le Pieux qu’au IIIème siècle. On remarque en outre qu’il y a de nombreux corps d’auxiliaires et de détachements légionnaires installés en Césarienne388, ce qui dénote une certaine instabilité et un besoin de renforcer la sécurité. Le passage de l’Histoire Auguste, bien connu, …et Mauros ad pacem postulandam coegit, peut se référer à l’une ou à l’autre des provinces, ou à deux. Inversement, une digression de Pausanias, sans mettre en cause les Autololes, paraît bien, à première vue, se rapporter à la Tingitane389. 387 CHATELAIN (L.), C.R.A.I., 1930, p. 338, a été publiée par GSELL (S.) et CARCOPINO (J.), M.E.F.R., 1931, pp. 1-32. 388 Vexillations légionnaires : I Minervia, à Cartennae (CIL, VIII, 9654, 9662) ; I Adiutrix à Césarée (CIL, VIII, 9376, 21049) ; II Adiutrix, à Cartennae (CIL, VIII, 10230) ; IV Flavia, à Portus Magnus (CIL, VIII, 9762) ; Icosium (B.C.T.H., 1909, p. clxxx) ; VI Ferrata dans l’Aurès (CIL, VIII, 10230) et Rusicade (ILAlg., II, 66) ; VII Gemina, à Sétif (CIL, VIII, 20365) ; X Gemina à Portus Magnus (CIL, VIII, 9761) ; XIII Gemina à Césarée (CIL, VIII, 21057) ; Albulae (CIL, VIII, 21669) et peut-être Césarée (CIL, VIII, 9382) ; XI Claudia, à Portus Magnus (CIL, VIII, 9761). Ailes : I HIspanorum Aravacorum (CIL, VIII, XVI, 100) ; I Aug. Ituraeorum Sagittariorum (Baradez, Libyca, t. 2, p. 113), et d’autres encore. Corps divers : numerus Divitiensis et numerus Melenuensis à Auzia (CIL, VIII, 9059) 389 Vita Pii, V, 4 : « …il força les Maures à demander la paix ». Ce fut, semble-t-il, une affaire grave : J. BARADEZ, Libyca, 2, 1954, pp. 89-139, qui

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Evoquant, à propos de Pallantion, les bienfaits d’Antonin le Pieux à l’égard de la ville d’Arcadie, l’auteur en vient à parler de la politique de cet Empereur pacifique envers les Maures, présentés comme la patrie la plus importante des Libyens indépendants390. Devant le mutisme des textes littéraires, on peut être tenté, à l’aide d’une autre série épigraphique, par l’argument, il est vrai ex silentio, qu’opposent à l’idée d’une guerre en Tingitane les inscriptions militaires de césarienne. En effet, les dédicaces consacrées à Celeia dans le Norique, sa patrie, au chevalier T. Varius Clemens, le mentionnent à quatre reprises comme préfet des auxiliaires envoyés d’Espagne en Tingitane, et emploient même une fois le terme d’expeditio391. La carrière du personnage, qui occupe encore trois postes avant de devenir, vers 152, procurateur de Maurétanie Césarienne, permet de placer sa préfecture des auxilia transférés d’Espagne en Tingitane aux environs de 147392. On conçoit que cette quasiconcordance puisse sembler digne d’attention ; mais si le départ de Felix est dénué de signification politique, elle devient pure coïncidence. Et le seul argument qui subsiste en faveur d’une a sans doute exagéré l’ampleur et la portée de ces évènements ; Pausanias, VIII, 43, 3 390 PAUSANIAS, VIII, 43, 3 : MĮȪȡȠȣȢ ȁȚȕȪȦȞ IJȫȞ ĮȪIJȠȞȩȝȦȞ IJȒȞ ȝİȖȓıIJȘȞ ȝȠȓȡĮȞ 391

CIL, VIII, 5211 : …praef(ecto) auxiliariorum tempore expeditionis in Tingitaniam missorum… ; CIL, VIII, 5212 : …praef(ecto) auxiliorum in Mauretaniam Tingitaniam ex Hispania miss[r]um…; CIL, VIII, 5214: […praef(ecto) auxiliario]rum ex Hispa[nia] missorum mo[mento] exped(itionis) in Mauretaniam Tingitan(am) … ; CIL, VIII, 5215 : …praef(ecto) auxiliorum in Mauret(aniam) Tingitan(am) ex Hispania missorum… 392 PFLAUM (H.-G.), Les carrières procuratoriennes équestres sous le HautEmpire romain, Paris, 1960, I, pp. 368-373. T. Varius Clemens avait été d’abord préfet de la cohors II Gallorum Macedonica, puis tribun militaire à la légion XXX Ulpia Victrix, et préfet de l’ala II Pannoniorum. Après avoir commandé les auxiliaires transférés d’Espagne en Tingitane, il est nommé préfet de l’ala Britannica miliaria (en Maurétanie Césarienne), puis envoyé comme procurateur en Cilicie et en Lusitanie, avant d’être nommé gouverneur de Maurétanie Césarienne, après 150 et sans doute vers 152. REBUFFAT (R.), M.E.F.R.A, p. 515, n°2, date, avec des arguments solides, la mission en Tingitane de fin 147 ou 148.

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activité militaire en Tingitane peu après 145 est l’envoi des auxilia commandés par T. Varius Clemens. Mais le transfert n’est-il pas susceptible d’une autre interprétation ? Toutefois, le passage de la Vita Antonini relatif aux Maures tolère l’idée d’une expédition en Maurétanie. Une confirmation précieuse est fournie par la présence, en 145, d’une vexillatio de la Legio VI Ferrata en Numidie393. Mais dès lors un rapprochement s’impose : à un moment où l’envoi de renforts en Césarienne s’avérait nécessaire, la Tingitane a dû jouer un rôle de soutien analogue à celui de la Numidie, et les auxilia transférés d’Espagne en Tingitane ont remplacé des unités envoyées en Césarienne, tout comme les légionnaires de la VI Ferrata sont venus relever ceux de la III Augusta. L’expeditio serait donc celle de Maurétanie Césarienne, qui est du reste désignée en ces termes mêmes, et non pas simplement par la mention de la Maurétanie, dans un diplôme militaire en 150 ; et la mission de T. Varius Clemens, qui restait en fin de compte le seul argument en faveur d’activités militaires en Tingitane, ne peut même plus être invoquée à l’appui de cette hypothèse394. Les Autololes sont le seul peuple tingitan sur lequel nous disposions d’une information bien datée pour cette époque précise. Mais qu’en est-il des relations de Rome avec les Baquates ? Avec les Baquates, nous sommes sur un terrain plus sûr, grâce à une série de 15 inscriptions, dont 12 mentionnent des colloquia395 romano-baquates, et qui s’échelonnent dans le temps entre 140 et 280396. Une glose de l’Itinéraire d’Antonin

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CIL, VIII, 10230. Diplôme de Brigetio, du 1er août 150 ; CIL, XVI, 99 : …cum essent in expedition(e) Mauretan(iae) Caesarens(is). T. Varius Clemens ne fit d’ailleurs que passer en Tingitane, si l’on en juge par le nombre de postes qu’il occupa ensuite avant 151/152, et il n’est peut-être pas sans signification qu’il ait été envoyé rapidement en Césarienne à la tête de l’ala Britannica miliaria, l’une des unités de Pannonie inférieure envoyées en renfort en Maurétanie Césarienne et mentionnées en 150 dans le diplôme CIL, XVI, 100. 395 Ce sont des palabres qui avaient lieu régulièrement avec les tribus comme les Bavares ou les Baquates, en Afrique du Nord. 396 FREZOULS (E.), p. 66-75. La découverte de nouveaux documents diplomatiques lors des fouilles de 1951 et 1952 a suscité de nombreux 394

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semble vouloir situer les Baquates à l’intérieur de la Maurétanie Tingitane : A Tingi Mauretania, id est ubi Bacavates et Macenites barbari morantur. Mais la Liste de Vérone se contente de citer les Mauri Bacautes parmi les gentes quae in Mauretania sunt397. Vers 168, les Baquates, alliés aux Macénites, se soulèvent, détruisent une ville de garnison proche de Volubilis, obligent les Romains à fortifier à la hâte cette ville. Les hostilités prennent fin vers 175, mais recommencent peu après, jusqu’en 180 ; une seconde période de lutte prend fin en 200. Trente ans plus tard, une nouvelle rébellion des Baquates, alliés cette fois aux Bavares, rend nécessaires des mesures exceptionnelles, telles que la construction de fortifications, et les colloquia des années 239-245 sont l’indice d’une longue guerre sans solution, qui se prolonge jusqu’à l’abandon de la province sous Dioclétien, préparé par les colloquia de 277 à 280, nouveau signe de la permanence du conflit. Venons-en à ce que peuvent nous apprendre sur les rapports romano-baquates les seuls documents dont nous disposions : les inscriptions volubilitaines. Certains textes mentionnent des conversations avec ces mentions : conlocutus cum…398, colloquium habuit ; d’autres évoquent une pax firmanda ou confirmanda399, ou font même état d’un foedus400, commentaires : RACHET (M.), notamment pp. 180-183, pp.192-194, pp. 202204, pp. 211-213 ; BENABOU (M.), notamment, p. 135. 397 Itinéraire d’Antonin, I, 1 ; Liste de Vérone : Riese, GLM, p. 129. 398 Ara/pacis de Volubilis (M.E.F.R., 1956, n° 47, p. 110 : Pro salute imp/ratoris Caesaris / M(arci) Aureli(i) Antonini / Aug(usti) Armeniaci / Medici Parthici / Germanici max(imi) / Epidius Quadratus / proc(urator) eius conlocut(us) / cum Ucmetio prin/ipe gentium Ma/cennitum et Baqua/tium. Nous avons daté cette inscription entre 173 et 175. 399 THOUVENOT (R.), Hespéris, t. 40, 1953, p. 244. Dédicace de Volubilis datée d’avril 245 : I(ovi) O(ptimo) M(aximo) / ceterisque diis deabusq(ue) immortalibus pro salute et / incolumitate et victoriae (sic) Imp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Iulii Philippi Pii / Felicis Aug(usti) et M(arci) Iuli(i) Philipi nobilissimi Caesaris et Marciae / Otaciliae Severae coniugis Aug(usti) n(ostri) et matris Caesaris n(ostri) et / matris castrorum et senatus M(arcus) Maturius Victorinus / proc(urator) eorum pro leg(ato) conloquium cum Sepemazine p(rincipe) g(entis) / Baquatium pacis

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ou encore d’une diutina pax servata401, expression qui confirme qu’il y avait des hostilités. Il y a, en outre, un autel de la paix et une dédicace mentionne un colloquium qu’on place entre 169 et 175402. Ces termes impliquent une certaine tension entre l’administration romaine et les cités, mais pas automatiquement une situation de conflit. L’étude des textes menée ci-dessus ouvre une autre voie dans ce contexte diplomatique. En effet, si la puissance romaine est constamment présente via le délégué de l’Empereur, et sans aucune solution de continuité dans la fides à l’égard des traités conclus, il n’en est pas de même pour l’autre partie contractante. Les Baquates ne formaient pas un Etat, mais un peuple, une gens plus précisément, sans définition juridique plus précise aux yeux de Rome, constitué d’un ensemble de tribus et représenté par un chef accepté. Il fallait qu’au changement d’un chef, Rome s’assure de sa loyauté envers les traités. En toute rigueur, c’était une préoccupation utile même en cas de succession dynastique. Peut-être mais ce n’est pas évident, allait-on jusqu’à marquer de même l’avènement d’un nouvel empereur, ou l’arrivée d’un nouveau procurateur. De plus, les Baquates ne sont pas toujours seuls concernés : dans deux des colloquia au moins, le partenaire de Rome est une fédération dont ils font partie, mais ils ne sont pas les seuls, et où ils occupent même le second rang, ce qui implique encore le transfert de l’autorité à un nouveau titulaire. Ainsi la continuité des rapports diplomatiques entre Rome et ce peuple impliquait nécessairement des renouvellements de la pax, ponctuant le déroulement de l’histoire politique et dynastique du partenaire barbare. Dans cette perspective, la fréquence des colloquia à confirmandae gratia aramq(ue) consecravit / X Kal(endas) Mai(as) / Imp(eratore) D(omino) n(ostro) M(arco) Iul(io) Philippo Aug(usto) et Messio Tetiano co(n)s(ulibus) 400 ILA, n0 609 : …M(auretaniae) T(ingitanae) conloquio / habito cum Iul(io) Nuffusi filio Iul(ii) Matif regis g(entis) Baqu(atium) foederatae paci(s)… 401 ILA, n° 610 : …Aug(usti) / ob diutina(m) pace(m) servat[a(m) cum] / Iulio Nuffusi et nunc conloquio … 402 ILA, n° 609 : …pacis aram statuit et dedicavit die VIIII / Kalendas novembres D(omino) n(ostro)…

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certains moments n’est pas suspecte ; c’est l’expression normale des rapports entre un Etat structuré et une communauté de forme très différente, extérieure à l’Empire et reconnue comme indépendante, ils sont naturellement soumis au rythme de la moins stable des deux parties contractantes, sans que cela puisse porter atteinte au crédit de l’autre. On remarquera que ces textes nous font croire à des relations plus ou moins conflictuelles entre Rome et les Baquates, même s’ils sont difficiles à interpréter. Entre 169 et 175403 en particulier l’entente entre Macénites et Baquates, attestée en 175404, a pu, en renforçant les tribus autochtones, susciter un tel conflit. Et en 226 ou 229405, il s’agit peut-être encore d’une période difficile : on sait que l’Histoire Auguste mentionne formellement une action militaire en Tingitane sous Sévère Alexandre : …actae sunt res feliciter et in Mauretania Tingitana per Furium Celsium406. Toutefois, on note des naturalisations. En effet, un certain Matif407 ou son père a reçu la citoyenneté romaine sous Philippe l’Arabe, la paix correspond aussi au rétablissement d’une continuité dynastique proprement baquate. Il n’ y avait pas que les Baquates, les Macénites ou les Fraxinenses, on trouvait aussi des Zegrenses408, connus surtout grâce à la Tabula Banasitana, ut 403

Dédicace incomplète de Volubilis (CIL, VIII, 21826) : Genio imp(eratoris) / M(arci) Aureli(i) Antonini Aug(usti) / P(ublius) Aelius Crispinus proc(urator) / conlocutus…cum / …o princ(ipe) gentium 404 CIL, VI, 1800 : principis gentim Baquatium. 405 Fragments de dédicace de Volubilis, THOUVENOT (R.), R.E.A., 1939, p. 25-28. M. EUZENNAT, en 1964, en a fait une restitution que nous avons adoptée et qui est la suivante : I(ovi) [O(ptimo) M(aximo) / ceterisq(ue) diis d(eabus)(que) immortalibus pro salute…[princ(ipe) gentis Baquatium pa]cis firmand(ae) aram posuit et dedicavit Idibus Sep/tembribus I[mp(eratore) Severo Alexandro Aug(usto) (iterum) et Aufidio Marcello… 406 SHA, Vita Alexandri Severi, LVIII, 1 : Les choses se passèrent également bien en Maurétanie Tingitane grâce à Furius Celsus… 407 FREZOULS (E.), B.A.M., pp. 88-92 : il faut supposer que la dynastie de Matif et Nuffusi a accédé au pouvoir entre 245 et 249. 408 SESTON (W.), La citoyenneté romaine. XIIIème Congrès International des Sciences Historiques, Moscou, 1970, p. 14 ; Id., Remarques prosopographiques autour de la Tabula Banasitana. B.C.T.H., 1971, pp. 323331 ; EUZENNAT (M.), Les Zegrenses. Mél. SESTON, pp. 175-186.

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supra dixi, nous ne reviendrons pas sur leur localisation, objet déjà de nombreuses études plus ou moins contradictoires, et qui les localisent dans le Rif central, à quelque 150 km au Nord-Est de la colonie de Iulia Valentia Banasa409. Il y a des traités de paix qui impliquent une certaine accalmie dans les relations romano-africaines. Ce que les contemporains ont nommé la pax Africana410. Elle se caractérise par un certain nombre de traités conclus entre Rome et les peuples d’Afrique.

409

EUZENNAT (M.), Mél. SESTON, p. 179. C’est la localisation admise par M. SIGMAN, p. 435. Au contraire Rebuffat (R.), Mél. Dion, p. 451-463, et notamment p. 55 et fig. 3, place les Baniures au Sud du Sebou et les Zegrenses dans la vallée de l’Ouerrha et au Nord, jusqu’en aval du confluent avec le Sebou ; les positions relatives des différents peuples restant les mêmes. 410 HUGONIOT (Ch.), Rome en Afrique, Flammarion, 2000, p. 76.

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CHAPITRE III : LES REACTIONS DES EMPEREURS AUX TROUBLES ET AUX INCURSIONS : ENTRE RIPOSTES ET POLITIQUE D’APAISEMENT ?

A. LES REACTIONS DES ANTONINS FACE AUX TROUBLES EN MAURETANIE CESARIENNE ET TINGITANE.

A1. HADRIEN ET LA REVOLTE MAURE DE 118 / 122.

Les Maures ne pouvaient pas rester calmes bien longtemps : ils reprirent les armes dès le début du règne d’Hadrien, si l’on en croit l’Histoire Auguste411. Les conclusions que l’on a pu en tirer sont incomplètes et parfois erronées, d’où l’indispensable recours à l’épigraphie pour préciser le déroulement et la chronologie des faits rapportés. Le cas Lusius Quietus serait-il la cause du soulèvement de 118 ? Après avoir signalé ce nouveau soulèvement maure412, l’Histoire Auguste continue en ces termes : « Lusium Quietum sublatis gentibus Mauris quas regebat, quia suspectus imperio fuerat, exermavit »413. En 116, Trajan, déjà, lui confia la 411

Vita Hadriani, 5, 2. Dion Cassius, dans son chapitre sur le règne d’Hadrien (Histoire romaine, LXIX), n’en parle aucunement. 412 MODERAN 5Y.), Les Maures et l’Afrique (IVème – VIIème siècle), BEFAR, 314, Rome, 2003, pp. 485-501. C’est un excellent ouvrage qui montre l’impact des tribus maures dans l’affaiblissement des politiques de romanisation dans les Maurétanies. 413 Vita Hadriani, 5.

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mission de pacifier les Juifs de Mésopotamie ; l’année 117 le vit peut-être consul414 et, à coup sûr, gouverneur de Judée. Il fut exécuté au début du règne d’Hadrien, dans des circonstances encore mal définies, avec trois autres consulaires415. Il n’y a pas de place dans cette biographie pour une action quelconque de Lusius Quietus en Maurétanie, dès l’avènement d’Hadrien ; l’Histoire Auguste a fait simplement allusion aux troupes maures commandées par Lusius Quietus, et qui l’avaient accompagné au cours de ses campagnes en Europe et en Orient. Mais ce texte nous amène à penser que la disgrâce de Lusius Quietus (accompagnée, sans nul doute, par le renvoi de ses cavaliers maures), puis son assassinat, pourraient avoir été la cause directe du soulèvement de Maurétanie contre Hadrien416. Réaction normale chez les indigènes que de ne pas tolérer l’ingratitude d’Hadrien envers un excellent serviteur de l’Empire, et de refuser l’obéissance à un maître auquel, même Rome, reprochait le meurtre des amis de Trajan417. Hadrien, contre ces attaques de tribus comme celle des Baquates418, des Macénites, des Bavares, et des Mazices419, prit, 414

Ce n’est pas sûr, en effet, malgré Fasti, p. 34 (en note). Vita Hadriani, 7, 2, et Dion Cassius, LXIX, 2 ; L. PETERSEN, Lusius Quietus, Das Altertum, 14, 1968, pp. 211-217. 416 Comme jadis le meurtre de Ptolémée par Caligula avait provoqué le soulèvement des Maures, menés par Aedemon. 417 DION CASSIUS, LXIX, 2. J. CARCOPINO est d’un autre avis ; il considère le soulèvement de Maurétanie comme précédant et justifiant la dissolution des « goums » maures anciennement sous les ordres de Lusius Quietus ; tel est également l’avis de G.-Ch. PICARD, Civilisation, p. 139. En réalité ce qui choque les habitants de Maurétanie Tingitane, c’est l’assassinat d’un fils du pays. En effet, Lusius Quietus est un chef maure (du Maroc actuel, ancienne Maurétanie Tingitane) qui commandait un corps de cavaliers de même origine que lui et combattit auprès de l’armée romaine, sous Domitien, puis dans les guerres daciques et parthiques de Trajan ; il fut consul suffect vers 117. Les habitants auraient peut-être vu là un moyen utilisé par l’empereur pour écarter l’accès au trône à ce brillant chevalier ; mais ce ne sont là que des hypothèses. 415

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Nous retrouverons leur nom, associé parfois à celui des Bavares et des Macénites, sur des inscriptions découvertes plus récemment à Volubilis et à Rome, et s’échelonnant jusqu’à la fin du IIIème siècle. Voir aussi FREZOULS (E.), « Les Baquates et la province romaine de Tingitane », BAM, 2, 1957, pp. 65-116.

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au surplus, par l’intermédiaire de ses procurateurs dans ce pays, plusieurs mesures importantes qui permettent de déterminer quelle fut la région où se déroulèrent les principaux combats. Ces tribus constituent les forces en présence ; une base de statue trouvée à Cartennae, élevée dans cette ville à un certain C. Fulcinius Optatus420, duumvir, fait état d’une attaque de la cité par une tribu maure. Parmi les mesures prises par Hadrien, nous avons : en 122, la construction de Rapidum421, par le gouverneur Ulpius Apollonius422, au sud-est 419

PTOLEMEE, IV, 1, 5 ; Liber Generationis, I, 197, dans Chron. Min., p. 107 : « Gentes autem quae linguas suas habent hae sunt … Mauri, Baccuates et Massenas, Getuli, Afri qui et Barbares, Mazicei, Garamantes… » ; Itineraire d’Antonin, I, 1 : « A Tingi Mauretania, id est ubi Bacavates et Macenites Barbari morantur » ; Liste de Vérone, XIV, éd. SEECK, p. 252 : « Item quae in Mauretania sunt : Mauri Gensani, Mauri Mazazeces, Mauri Baveres ». Les Mazices étaient établis en Césarienne, et non en Tingitane. Nous avons aussi compris l’impact des tribus dans les provinces qui nous intéressent en lisant HAMDOUNE (Chr.), « Ptolémée et la localisation des tribus de Tingitane », MEFRA, 105, 1, 1993, pp. 241-289 ; il propose une organisation concentrique de l’espace dominé par les Romains : le territoire des cités, le territoire dominé par les cités et peuplé de tribus dont le mode de vie tribal est plus ou moins altéré par le modèle romain, enfin le territoire des périphéries encadré selon les modalités propres. 420 CIL, VIII, 9663 : C. Fulcinio M(arco) f(ilii) Quir(ina tribu), Optato flam. Aug. IIvir. Qq. Pontiff., IIvir. aug. aed., qu[ae]stori, qui irrup[ti]one Baquatium, coloniam tuitus e[st tes]timonio decreti ordinis et populi Cartennitani et incolae, primo ipsi nec ante ulli, aere conlato. La question des incolae a été abordée par R. Compatangelo-Soussignan et Ch.-G. Schwentzel, Etrangers dans la cité romaine, « Habiter une autre patrie : des incolae de la République aux peuples fédérés du Bas-Empire », Presses Universitaires de Rennes (PUR), Rennes, 2007, 265 pages. 421 LAPORTE (J.-P.), Rapidum. Le camp de la cohorte des Sardes en Maurétanie Césarienne, Sassari, 1989, p. 58 et p. 239. Cette restauration est faite par les soins du v(ir) p(erfectissimus) Ulpius Apollonius, gouverneur de Maurétanie Césarienne, sous Dioclétien. Pour la restauration de cette cité : M. CHRISTOL, « La restauration de la ville de Rapidum à l’époque tétrarchique », dans Regards sur l’Afrique romaine, Editions Errance, Paris, 2005, pp. 47-49. 422 CIL, VIII, 20836 : [felicissimis et b]eatissimis temporibus suis, [Imp(eratori) Caes(ar) C(aius) Val(erius)] Diocletianus invictus, puis, fel(ix) [Aug(ustus) et [Imp(erator) Caes(ar) M(arcus) Aur(elius) Val(erius) M]aximianus invictus, pius, fel(ix) [Aug(ustus) et Flavius Val(erius) Constant]ius et Galer(ius) Val(erius) Maximianus nobilissimi Caess(ares)

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de Caesarea, sur les dernières pentes septentrionales du massif des Titteris423. En 128, près de la cité d’Igligili, la construction d’un castellum dont le nom – Castellum Victoriae – est là pour commémorer l’heureuse issue d’une opération menée contre les Maures, quelques années plus tôt424. Nous avons aussi l’érection à Caesarea d’un autel, dédié lui aussi à la victoire d’Hadrien Auguste (« Victoriae Augusti »)425. Enfin, la promotion au rang de colonie du municipe de Tipasa en récompense probable des services rendus pendant la révolte426. Tous ces témoignages coïncident : la Maurétanie Césarienne, de la Moulouya aux Titteris, fut le centre de la rébellion ; ce qui corrobore l’assaut baquate contre Cartennae, contenu si brillamment par C. Fulcinius Optatus. Mais qu’en était-il des effectifs envoyés par Hadrien ? Malgré l’absence de toute indication précise concernant les effectifs romains engagés en Césarienne, il est possible de conclure –indirectement bien sûr – que ce fut difficile pour Hadrien, puisque ce dernier, craignant une extension de la révolte en Tingitane, jugea bon de renforcer les troupes de cette

municipium Rapidense ante plurima tempora rebellium incursione captum ac dirutum at pristinum statum a fundamentis restituerunt, curante [Ul]pio Apollonio, v(iro) p(erfectissimo) p(raeside) p(rovinciae) M(auretaniae) C(aesariensis numini maiestatiq(ue) eor(um) d[evoto] « Durant leur époque fortunée et bienheureuse, l’Empereur César Caius Valerius Diocletianus invincible, pieux, heureux, Auguste et l’Empereur César Marcus Aurelius Valerius Maximianus, invincible, pieux, heureux, Auguste, et Flavius Valerius Constantius, et Galerius Valerius Maximianus, les très nobles Césars, ont restauré de fond en comble, dans son ancien état, le municipe de Rapidum, qui avait été plusieurs règnes auparavant, pris et ravagé par une invasion de rebelles, par les soins d’Ulpius Apollonius, de rang perfectissime, gouverneur de la province de Maurétanie Césarienne, dévoué à leur puissance divine et à leur majesté. » 423 CIL, VIII, 20833 ; M. LE GLAY, Reliefs, inscriptions et stèles de Rapidum, dans MEFR, LXIII, 1954, pp. 53-91, et en particulier pp. 55-60. 424 BARADEZ (J.), « Les nouvelles fouilles de Tipasa et les opérations d’Antonin le Pieux en Maurétanie », Libyca, 2, 1954, pp. 89-147. 425 ALBERTINI (E.), Bull. Arch. Com., 1934, p. 34. 426 IDEM, 1933, p. 88.

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province. A l’aide des diplômes militaires trouvés à Volubilis427 et à Banasa428, nous avions constaté qu’en 109 les troupes du procurateur de Tingitane, Caecilius Redditus, comprenaient deux ailes de cavalerie et six cohortes d’infanterie ; portées à cinq ailes et neuf cohortes en 122429. Grâce à l’Histoire Auguste430, on connaissait le nom du commandant en chef des troupes romaines en Maurétanie, Q. Marcus Turbo. Mais le texte reste imprécis sur le titre exact de l’envoyé d’Hadrien, et sur le qualificatif de la province (Césarienne ou Tingitane) qui lui avait été confiée, même si de nombreuses hypothèses ont été émises à son sujet431. Avec l’Histoire Auguste, on peut penser que le soulèvement maure fut court en 118432. Selon ce dernier, Q. 427

CHATELAIN (L.), THOUVENOT (R.), Diplôme militaire trouvé à Volubilis (Maroc), dans CRAI, 1942, pp. 141-145 = AE, 1943, n°83b. 428 AE, 1934, n°98 ; NESSELHAUF (H.), Zur Militärgeschichte der Provinz Mauretania Tingitana, dans Epigraphica, XII, 1954, p. 34. 429 Plusieurs de ces cohortes étaient mixtes et comprenaient des cavaliers telles les IIa Hispanorum C R, IIIIa Gallorum C R E et la cohorte Syrorum Sagittariorum – mesure nécessaire dans les combats contre les cavaliers maures habitués à la guérilla. 430 VITA HADRIANI, 5, 8 : « …exarmavit Marcio Turbone, Judaeis compressis, ad depriendum tumultum Mauretaniae destinato… ». « … confia à Marcus Turbo, qui avait auparavant écrasé les Juifs, le soin de réprimer la révolte de Maurétanie (Tingitane) ». Nous pouvons ajouter que notre personnage a fait une belle carrière équestre jusqu’à sa préfecture du prétoire de 119 : en dernier lieu G. ALFÖDY, ZPE, 36, 1979, pp. 233-253. 431 ALBERTINI (E.), Fragments d’inscription relatifs à T. Flavius Priscus, procurateur de Maurétanie, dans BCTH, 1930 ; AE, 1931, n°31 ; L. LESCHI, La carrière de Q. Marcus Turbo, préfet du prétoire d’Hadrien, dans CRAI, 1945, pp. 144-162 = AE, 1945, n°113. Ce dernier combinant les fragments des inscriptions de Caesarea avec des textes épigraphiques (CIL, III, 14349 ; AE, 1933, n°31 ; CIL, XIV, 4243 ; CIL, III, 1462), et des sources littéraires (Vita Ael. Caes., 6 ; Fronto, Ad Ant. Pium, 3 ; Eusèbe, Hist. Eccl., IV, 2, 3) soutenait qu’il s’agissait là d’une même personnalité politique venue en Afrique sous les ordres de l’empereur par deux fois, pendant l’automne et l’hiver 117-118, en tant que procurateur de Maurétanie Césarienne ; une seconde fois, pendant l’été 119, avec le titre de pro legato provinciarum Mauretaniarum Caesariensis et Tingitanae. 432 VITA HADRIANI, 5, 2 ; 6, 7 : Audito dein tumultus Sarmatarum et Roxolanorum, praemissis exercitibus Moesiam (Hadrianus) petit. Marcium Turbonem post Mauretaniam praefecturae infulis ornamentum Pannoniae Daciaeque ad tempus praefectit.

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Marcius Turbo serait venu par mer d’Egypte, où il réprimait les révoltes juives d’Alexandrie (117-118). Mais il serait reparti, appelé par Hadrien, en Pannonie et en Dacie, pour participer, en tant que commandant en chef des troupes romaines, à une courte campagne terminée le 9 juillet 118, date de l’arrivée à Rome du nouvel Empereur. Cette chronologie est d’ailleurs confirmée par un diplôme militaire découvert à Thamusida433 et daté du 28 mars 118 (sous le consulat d’Hadrien). Les Maures auraient donc été ramenés à l’obéissance en l’espace de quelques semaines ; ce qui paraît improbable, et les sources à notre portée ne nous ont pas permis de l’expliquer. Quelles furent les Actions d’Hadrien en MaurétanieTingitane ? Se serait-il alors produit un second soulèvement entre mars 118 et 122, qui justifierait l’interruption du séjour de l’Empereur à Tarragone, pendant l’hiver 121-122, sa venue en Maurétanie où il aurait pris la direction de nouvelles opérations et sa victoire sur les berbères, prouvée par les mesures de démobilisation de 122, et si rapide qu’elle lui aurait valu des actions de grâce de la part du Sénat romain434 ? Hadrien a-t-il jugé utile, pour donner un regain d’assurance aux soldats romains et hâter la fin des combats, de se mettre à la tête des troupes qui participaient à la seconde campagne de Maurétanie ? De nombreux auteurs se sont penchés sur la question435, mais nous ne reviendrons pas sur le

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THOUVENOT (R.), Diplôme militaire trouvé à Banasa (Maroc), dans CRAI, 1949, p. 336. 434 VITA HADRIANI, 12, 7 : motus Maurorum compressit et a Senatu supplicationes emeruit. « …réprima la rébellion des Maures, et le Sénat vota en son honneur des prières publiques ». 435 Les arguments présentés par M. Labrousse à l’appui de cette théorie – monnaies de Rome où figure la mention Exped. Aug., avec l’Empereur à cheval, portant cuirasse et armé d’une lance ; monnaies d’Alexandrie, dont l’une représente la Victoire gravant sur un bouclier NȓȤȘ ; mesures stratégiques prises par l’empereur en Afrique du Nord – semblent probants et cadrent avec la chronologie des voyages d’Hadrien en Occident, entre 121 et 123. Lire aussi la Note sur la chronologie du premier voyage d’Hadrien, dans Mélanges de la Société Toulousaine d’Etudes Classiques, II, Toulouse, 1946,

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sujet de manière exhaustive ; nous ne dirons que ceci : Hadrien s’est vraisemblablement rendu en Afrique pendant l’hiver 121122, afin de mettre un terme victorieux à une seconde flambée maure interrompant une courte période de calme relatif. Il y prit des mesures militaires et administratives qui ne sont pas sans rappeler celles de Trajan. Il entreprit quelques constructions à Albulae, sur l’emplacement du fortin élevé en 119 à Praesidium Sufative, par le procurateur L. Seius Avitus436. Le tracé, en 124, de la route joignant Rapidum, d’une part à Auzia, à l’Est, où elle se prolongeait jusqu’à Zarai, d’autre part comme le confirme un diplôme militaire de Volubilis, dont la datation était encore mal définie437. D’autres troubles agitaient la cité de Sala. En effet, en 142 la situation était déjà sérieuse : un groupe d’habitants de cette ville érigeaient, en l’honneur de leur libérateur, une statue portant la dédicace d’un certain M. Sulpicius Felix438, justifiait la situation de crise. Ce dernier combattit les Autololes qui lançaient des razzias sur la cité. M. Sulpicius Felix, préfet de cohorte, et ses cavaliers, pour mettre un terme à cette situation, firent entourer, sur ordre du prince, le municipe d’une forte muraille ; il divisa ses cavaliers en équipes de surveillance destinées à protéger les habitants. Mais ses efforts furent vains. L’empereur envoya alors un légat de rang sénatorial en 144. Ce gouverneur, nommé Uttedius Honoratus, portait dans le décret municipal le titre de amplissimus praeses, vir clarissimus. Il faisait donc partie de l’ordre sénatorial, dont on lui avait alloué le qualificatif, amplissimus, avant de lui octroyer le titre

p. 142 et n. 102-105, pp. 143-144 ; R. THOUVENOT, dans op.cit., Valentia Banasa, p. 83, date à tort de 123 la venue d’Hadrien dans une Maurétanie pacifiée. 436 LESCHI (L.), art. cit. dans CRAI, 1945, p. 163. 437 NESSELHAUF (H.), art.cit., dans Epigraphica, XII, 1950, p. 41. Nous avons remarqué que le texte, très abîmé, de ce diplôme, ne donne aucune indication concernant les effectifs de Tingitane à cette date. Se pourrait-il qu’Antonin le Pieux, ne partageant pas l’optimisme de son prédécesseur, ait d’abord jugé trop réduite la garnison de Tingitane telle qu’elle se présentait en 132 ? 438 CHATELAIN (L.), Le forum de Sala, dans CRAI, 1930, p. 198.

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officiel, créé par Hadrien pour les Pères Conscrits : clarissimus vir. A2. ANTONIN LE PIEUX ET LES REVOLTES EN MAURETANIE CESARIENNE ET TINGITANE. La situation était suffisamment grave pour l’Empereur pour y envoyer autant de personnes. Il en fut de même sous Antonin le Pieux. En effet, vers 158-160, à la fin du règne d’Antonin, de nouveaux troubles durent se produire, cette fois en Maurétanie Césarienne439 dont le procurateur prolégat fut T. Flavius Priscus. Des sacrifices furent offerts à Rome à plusieurs divinités (Rome, Mars et Jupiter), dispensatrices habituelles de la Victoire. Les actes de rébellion ne cessèrent pas pour autant en Tingitane, où des effectifs importants furent conservés jusqu’en 157. Enfin, il apparaît qu’un soulèvement, dont la répression fut rapide, se soit produit en Césarienne en 158-160. Il est impossible, d’après les textes des historiographes impériaux et dans l’état actuel des sources épigraphiques, de déterminer quelles furent les causes de cette crise, et lesquelles, parmi les tribus maures, reprirent les armes contre Rome. Il se révélait que les Berbères de Césarienne et Tingitane étaient d’une indocilité grandissante, incapables de respecter longtemps l’obédience envers les autorités romaines qu’on avait crue acquise pendant le règne d’Hadrien. Ils avaient obligé les généraux d’Antonin à maintenir leurs troupes sur le pied de guerre pendant près de dix-huit ans et ne semblaient guère résolus au calme définitif. Le règne de Marc Aurèle s’ouvrait, en Afrique du Nord, sous de bien sombres auspices. Mais quelles furent ses décisions face aux tribus en présence ?

439 La Tingitane semble calme ; son procurateur, Q. Claudius Ferox Aeronius Montanus (CIL, VIII, 21825), y gouverna de 158 à 162 et dédia un temple avec un portique à la maison impériale, à Volubilis (entre 10 décembre 157 et le 9 décembre 158 : 21e puissance tribunicienne d’Antonin le Pieux).

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A3. MARC AURELE FACE AUX MACENITES ET BAQUATES. Comme on devait s’y attendre, le calme qui suivit la victoire d’Antonin le Pieux, en 160, ne dura guère. En effet, les Maures de Tingitane recommencèrent leurs razzias440 en 168441, cette fois, dans la région de Volubilis. Nous ne reviendrons pas sur le déroulement des hostilités, mais sur les décisions prises par les empereurs ou par leurs représentants. C’est, en effet, en 168-169 que le procurateur se vit dans l’obligation de faire construire autour de la cité un solide rempart, comme l’avait fait 25 ans plus tôt, autour de Sala, M. Sulpicius Felix442. Deux documents épigraphiques découverts à Volubilis établissent que deux des tribus du Sud de la Tingitane, les Macénites et les Baquates, étaient les principales responsables de ces troubles. Il s’agit de deux autels de la paix (arae pacis) relatant deux pactes de non-agression conclus entre l’empereur Marc Aurèle et le prince des Macénites et des Baquates, par l’intermédiaire de ses procurateurs, en l’occurrence le gouverneur Max. Epidius Quadratus, en 175443. 440 Hérodien, dans un de ses fragments, nous permet de savoir qu’il y avait aussi des pillages répétés aux frontières sud-occidentales de la Numidie par des Maures : (7, 9) : « Cette province (la Numidie) était défendue par des castella, en raison de la foule des Maures barbares qui vivent à l’entour, et pour empêcher leurs soudaines razzias ». 441 Cette date a pu être déterminée d’après des fragments d’inscriptions récemment mises à jour : E. FREZOULS, Nouvelles inscriptions de Volubilis, dans CRAI, 1952, pp. 395-402, et MEFR, LXVI, 1956, p. 122 ; MELANI (C.), « Roma e le tribù della Mauretania Cesariense nel III secolo d. C. : una difficile convivenza », Athenaeum 82, 1994, pp. 153-176. 442 CHATELAIN (L.), Le forum de Sala, dans CRAI, 1930, p. 198. 443 ROMANELLI (P.), dans Le inscrizioni volubilitane dei Baquati e i rapporti di Roma con le tribu indigene dell’ Africa, dans Hommages à Albert Grenier, t. III, 1962, p. 1351. mais notre auteur ne croit pas que le princeps soit le même sur les deux inscriptions ; le renouvellement d’un colloquium au bout de si peu de temps pourrait apporter la preuve qu’un autre princeps avait été installé, l’accord entre le chef baquate et le procurateur restant tout à fait personnel.

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Après cette période marquée aussi par des troubles, les empereurs de cette époque ont préféré des colloquia avec les princes maures.

B. LES REACTIONS DES SEVERES.

Nous avons vu les réactions de ripostes, soit de traités des Antonins, mais quelle fut la politique des Sévères en Afrique face à la constance maure ? Une erreur est présente dans quelques ouvrages : Septime Sévère, parce qu’il était Africain, aurait privilégié l’Afrique. Certes, « il avait tout de l’Africain, à commencer par un accent dont on se moquait gentiment à Rome »444. Mais la situation fut en réalité l’inverse : c’est parce que cette région était riche et romanisée qu’elle a pu donner à l’Empire un chef d’Etat. Il n’est même pas sûr du tout qu’il se soit rendu dans sa province ; l’hypothétique voyage de 203 a été beaucoup discuté. Septime Sévère ne fut pas « un empereur africain », comme de nombreux historiens le disent, mais un Africain empereur. Le témoignage le plus évident de la popularité de Septime Sévère en Afrique du Nord est le renouveau de l’architecture publique et privée, sous son règne. Les grandes cités, comme les plus simples bourgades, ont tenu à ériger, en son honneur, des arcs de triomphes, des forums et statues ; sur la pierre de plus modestes mais nombreuses dédicaces, citoyens-romains, militaires de tous grades en service sur le sol africain, ont laissé les preuves de leur attachement au souverain. L’épigraphie était en droit de s’attendre à trouver, parmi les inscriptions accompagnant tous ces monuments, de précieux renseignements susceptibles de l’aider à retracer l’attitude, belliqueuse ou non, des berbères à cette époque. Nous n’avons 444

LE BOHEC (Y.), Histoire de l’Afrique romaine (146 avant J.-C. – 439 après J.-C.), Paris Picard, 2005, p. 75 ; On peut aussi trouver ces propos chez Hérodien, II-III, et SHA, Pert, Did, Sev, Pesc et Clod.

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trouvé que cinq textes faisant mention des relations berbéroromaines sous le règne de Septime Sévère : la notification d’une menace des tribus voisines contre la ville de Rusazus, dont les habitants, pour protéger leur cité, restaurent une tour ruinée sur les premiers contreforts du massif de la Grande Kabylie, sous la procuratelle de P. Aelius Peregrinus Rogatus en 201445 ; une allusion à une victoire de l’Empereur est mentionnée en Maurétanie Césarienne446 ; un nouveau traité de nonbelligérance signé à Volubilis, le 8 mars 200, entre Rome et les Baquates447, par l’intermédiaire du procurateur C. Sertorius Cattianus. L’Histoire Auguste448 et 449 Aurelius Victor relatent en quelques mots, sans préciser leur date, leur gravité ni leur durée, des soulèvements en Tripolitaine. Leur témoignage est confirmé par Tertullien450 qui signale, en outre, une agitation en Maurétanie. Septime Sévère, pour venir à bout de ces situations avait compris qu’il fallait, d’une part, réformer l’armée, comme le

445

CIL, VIII, 8991, révisée dans BAC, 1911. GUEY (J.), Lepcitana Septimiana VI, dans R.Afr., 1952, pp. 61-63, inscription de IRT, 298 et 869, dédicace non datée du fort de Thenadassa, pro Victoria de Septime Sévère. Autel à la Victoire, à Ala Miliaria (AE, 1902, n°4), construit en 201, par les soins du même procurateur P. Aelius Peregrinus Rogatus. 447 MIGLIARIO (E.), Gentes foederatae. Per una riconsiderazione dei rapporti romano-berberi in Mauretania Tingitana, dans Atti della Academia Nazionale dei Lincei, Classe di Scienze Morale, Storiche e Filologiche, Rendiconti, X, 3, 1999, pp. 427-461.Les relations entre Rome et Maures ont joué un grand rôle pour assurer le maintien de l’ordre. Les Baquates avaient obtenu le statut de gens foederata. Le système du foedus était sans doute largement répandu en Afrique. La Tabula banasitana apporte des informations essentielles pour comprendre ces relations. 448 Vita Severi, 18, 3 : Tripolini, unde oriundus erat, contusis bellicosis gentibus, securissimam redidit. « Il apporta à Tripoli, son pays d’origine, une parfaite tranquillité en écrasant des peuplades belliqueuses… ». 449 Aur. Vict., XX, 19. 450 Tert., Adversos Judeos, 7 : …gentes Maurorum et Getulorum barbarae a Romanis obsidentur, ne regione suarum fines excedant… 446

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montre l’excellent ouvrage de Y. LE BOHEC451 : « Il créa de nouvelles légions, accrut le recours au détachement (vexillationes), et améliora l’annone ; il permit aux gradés de constituer des associations appelées collegia, à tous (…) il augmenta leur solde et il les couvrit tous d’honneurs ». Septime Sévère aurait dit à ses fils à sa mort, qu’il fallait entretenir l’armée pour mieux régner, d’où ces termes sur son lit de mort : « Enrichissez les soldats et moquez-vous du reste »452 . D’autre part, il fallait achever l’encerclement et la pénétration des massifs montagneux des Maurétanies, dont les populations restaient, en grande majorité, rebelles à l’obédience envers Rome ; éviter toute nouvelle infiltration vers le Nord des nomades sahariens, en quête de terrains de parcours ou de pillages bénéfiques. En Numidie, par exemple, il envoya une vexillatio de la legio III Augusta ; dans le Castellum Dimmidi453, il envoya la IIIe légion Gallica pour l’installation d’un fort. D’autres présences militaires sont attestées par l’épigraphie à Bu Djem454, à Aïn Wif455, à Aïn el-Avenia456 et Gasr Zerzi457 ; Commode en fit de même en Tripolitaine occidentale. Sévère Alexandre fait face, à son tour, aux mêmes troubles que ses prédécesseurs, surtout en Tingitane en 232234 ; il y envoya Furius Celsus. Ce personnage est attesté par l’Histoire Auguste458 ; il aurait probablement combattu les Maures. Sur ce, il reçut, en récompense de ses succès, les ornements consulaires. Mais un document épigraphique, faisant mention d’un autel de la paix à Volubilis, nous fait croire que 451

L’Armée romaine, 2002, 3e édition, pp. 208-211. TERTULLIEN, Adu Iud, VII ; SHA, Sev., XVIII, 3 ; AURELIUS VICTOR, XX, 19. 453 AE, 1895, n°204. 454 IRT, 913-916 ; AE, 1976, n° 697 et 698. 455 IRT, 868. 456 AE, 1962, n°304. 457 BROGAN (O.), REYNOLDS (J.M.), LibAnt., 1, 1964, pp. 43-44. 458 Vita Alexandri, LVIII, 1 ; 2 : … Actae sunt res feliciter et in Mauretania Tingitana per Furium Celsum … «Les choses se passèrent également bien en Maurétanie Tingitane grâce à Furius Celsus… ». 452

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notre empereur préféra la diplomatie à l’affrontement contre les Bavares et les Baquates459. L’empereur confia la défense du limes460 aux limitanei « soldats-laboureurs »461, la responsabilité de la veille aux frontières africaines, soulageant quelque peu l’effort de Rome qui s’essoufflait en de multiples combats frontaliers, en Europe et en Orient. Quoi qu’il en fût, le climat d’insécurité qui régnait dans la plaine sitifienne ne cessa point pour autant, puisque les travaux de fortification des castella se poursuivaient encore à la fin du règne d’Alexandre Sévère462. Mais quelle est la réaction des Gordiens à Philippe L’Arabe face aux troubles de plus en plus inquiétants? C. LES REACTIONS DES GORDIENS A DIOCLETIEN FACE AUX HOSTILITES BAQUATES ET MAURES.

Les Gordiens sont les empereurs qui sont à l’origine de ce que les historiens contemporains appellent la « crise politique de 238 ». Nous ne reviendrons pas sur les épisodes des troubles qui l’ont caractérisée ; notre intérêt réside dans les décisions impériales face à la menace et aux razzias des tribus : ici les Baquates. Grâce à HERODIEN et aux inscriptions, nous avons pu trouver des marques et les décisions prises par les Gordiens face 459

AE, 1946 : …o salute [Sev]eri Alexandr … Aug… e legato colloquium … gentis Bavarum et Baqautum …te habuit aramq(ue) Maxi… 460 REBUFFAT (R.), « La frontière de la Tingitane », dans Mélanges P. Salama, pp. 265-294 ; LEVEAU (Ph.), « Le limes d’Afrique à l’épreuve de nouveaux concepts (apport du point de vue systémique à la notion de limite et de frontière) », dans Rousselle, éd. Frontières terrestres, frontières célestes dans l’Empire romain, Paris, 1995, pp. 57-65 ; EUZENNAT (M.), Le limes de Tingitane. Recherches sur la frontière romaine au Maroc, Aix-en-Provence, 1989, comporte de nombreux aperçus sur les camps et différentes installations. 461 IBBA (A.), TRAINA (G.), L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitaine (69-439 ap. J.-C.), Rosny-sous-Bois, Bréal, 2006, pp.144-145. 462 CIL, VIII, 8701.

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aux incursions baquates. En effet, en 239, les Baquates avaient donc réussi à se libérer du joug des Bavares, très probablement à la faveur des troubles de 238 ; le second effacement baquate devant une des tribus voisines avait été, cette fois, de courte durée. En cette même année 239, sous le premier consulat de l’Empereur Gordien, le procurateur de Tingitane, Ulpius Victor, vir egregius, portait le titre de prolégat : le « climat » politique de la province paraissait donc, une nouvelle fois, inquiétant. Le qualificatif du procurateur prolégat, vir perfectissimus, la dédicace à la Victoire impériale, qui apparaît dans les inscriptions depuis les Antonins, sont des preuves de la gravité de la situation en Tingitane en 240. Les Baquates avaient pris les armes contre Rome en 240 en Afrique Proconsulaire, un général, « duce Sabiniano » voulut même se faire proclamer empereur, mais Gordien envoya des troupes463. C’est dans cette instabilité romano-romaine que les Maures attaquèrent la Tingitane. Fort heureusement, des troupes venues d’Europe vinrent à bout des Maures qui demandèrent la paix, dès les premiers mois de 241. Nous avons trouvé que les indications précises sur les opérations de Maximien en Afrique manquent cruellement. Les seuls textes précis nous viennent du Panégyrique de Maximien464 ; il précise que ce dernier eut à se battre contre les Quinquegentanei, et qu’après leur défaite il les a déportés465. Mais avant d’en arriver là, il a fallu livrer bataille. La cité de Tubusuctu et sa région servent de lieu de concentration aux 463

Vita Gordiani, 23, 4 : Venusto et Sabino consulibus initia est factio in Africa contra Gordianum tertium duce Sabiniano ; quem Gordianus per praesidem Mauretaniae obsessum a coniuratis ita oppressit ut. Depuis le renvoi de la IIIe légion Auguste, la Numidie n’était occupée que par des unités auxiliaires ; des détachements légionnaires avaient, par contre, été envoyés en Maurétanie Césarienne, sous les ordres d’un procurateur prolégat ; c’est à ces troupes que Gordien fit appel. 464 Panégyrique de Maximien et de Constance, éd. Mynors, VII (VI), 8, p. 209 : Tu ferocissimos Mauretaniae populos inaccessis montium jugis et naturali munitione fidentes expugnasti, recepisti, transtulisti (date : 307). 465 Ce qui est curieux c’est la déportation de ce peuple alors que jusque-là Rome avait toujours privé ces peuples vaincus d’une partie de leurs terres en les mettant sous le contrôle d’un officier romain.

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troupes romaines466. Les combats s’achèvent le 10 mars 298, lorsque Maximien entre triomphalement à Carthage467.

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CIL, VIII, 8836 ( D, 645) Durant la même année 298 se serait déroulée une expédition dirigée par le même Maximien, contre une tribu de Tripolitaine, celle des Ilaguas : CORIPPUS, Johannis, I, pp. 478-482 : voir J. DESANGES, Catalogue, p. 101. 467

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CHAPITRE IV : LES TRAITES DE PAIX OU LA "PAX AFRICANA ROMANA".

Ici nous tenterons de voir comment se caractérisent ce qu’on appelle la Pax Romana, et les tensions entre les empereurs et les tribus. Il est vrai que les empereurs ont été très généreux dans les provinces africaines que nous étudions. Il est aussi vrai que les provinciaux en ont tiré de nombreux avantages tant sociaux qu’économiques. Toutefois, et, malgré ces avancées, les cités ne furent pas gérées de la même manière et de nombreux troubles entachèrent les politiques de romanisation. Ces troubles ou plutôt ces insuffisances ou freins à la politique de la Pax Romana des princes eurent lieu dans les Maurétanies, en Césarienne comme en Tingitane. Pour notre part, nous avons jugé utile d’en montrer quelques aspects, en l’occurrence les conditions de la permanence de la Pax Romana aux trois premiers siècles de notre ère. A. ETAT DU PROBLEME ET DES SOURCES. Les inscriptions font état de révoltes ou de troubles provoqués par les tribus indigènes, en particulier entre les années 251-253 et la Tétrarchie : quelle signification leur accorder ? La période marqua indiscutablement un coup d’arrêt pour la romanisation des régions occidentales, mais il faut sans doute relativiser leur importance, puisque de nombreuses villes continuèrent à avoir une vie prospère ultérieurement. Cette insécurité affecta particulièrement la Césarienne et la Numidie, mais aussi la Tingitane. Dans cette étude, nous avons jugé nécessaire de revenir sur les documents épigraphiques qui nous ont conduit aux

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conclusions de ce chapitre. Il s’agit d’inscriptions qui font état de troubles dans les provinces de Numidie et des Maurétanies, et que nous avions vues ut supra dixi (texte n°1-5). Les sources écrites, littéraires et épigraphiques, attestent déjà clairement l’existence de conflits militaires en Tingitane dès son annexion entre 42 et 45 ap. J.-C. jusqu’à l’évacuation d’une partie de son territoire intérieur englobant Banasa, Volubilis et d’autres régions voisines, au début du règne de Dioclétien468. De nombreux auteurs se sont intéressés au sujet, nous en avons retenu trois qui à notre avis nous apportent des précisions tout à fait remarquables et très développées. Il s’agit de Miss SIGMAN, M. RACHET et M. EUZENNAT469. Chacun d’eux a recensé un certain nombre d’actions militaires menées par Rome pour réprimer les révoltes autochtones. Selon Miss SIGMAN, le conflit entre Romains et autochtones de Tingitane était permanent. Pour illustrer sa conclusion, l’auteur cite dans l’ordre l’exemple de quatre tribus farouchement hostiles à la présence romaine, à savoir, les Maures révoltés sous la direction de leur chef Salabus en 43/44 ap. J.-C. ; les Autololes ; les Zegrenses sous Marc Aurèle et Commode ; les Baquates dès la fin du principat d’Hadrien jusqu’en 280 ap. J.-C. où un accord fut trouvé par la cession d’un territoire intérieur. La question reste de savoir si cela a La date de ce retrait est fixé par J. CARCOPINO, Le Maroc antique, Paris, 1953, p. 244. Elle est déduite de la date de division de la césarienne en deux provinces. Sans revenir ici sur le bien-fondé de la date de la division de la Césarienne, qui est par ailleurs contesté (voir E. FREZOULS, Rome et la Maurétanie Tingitane : un constat d’échec ?, « AntAfr. », 16, 1980, p. 77, n°7), on ne voit pas le rapport entre cette partition et l’abandon par Rome de l’intérieur de la Tingitane. Cette évacuation a eu lieu probablement sous Dioclétien comme nous le montrent de nombreuses monnaies découvertes à Banasa, et dont J. Marion nous montre l’importance dans Note sur la contribution de la numismatique à la connaissance de la Maurétanie Tingitane, « AntAfr. », I, 1967, p. 106 et 113. M. SIGMAN, The Romans and the indigenous Tribes of Mauretania Tingitania, « Historia », 26, 1977, pp. 415-439; M. RACHET, Rome et les Berbères. Un problème militaire d’Auguste à Dioclétien (Coll. Latomus, 110), Bruxelles 1970, pp. 105-140, pp. 148-155 ; M. EUZENNAT, Les troubles de Maurétanie, « CRAI », 1984, pp. 372-391.

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empêché les tribus de continuer leurs révoltes. Rome ne tarda pas à leur donner satisfaction en abandonnant ce territoire vers 284 ap. J.-C. La raison principale de l’insoumission de ces tribus, malgré la jouissance de quelques-uns de leurs chefs, en l’occurrence ceux des Zegrenses et des Baquates, du droit de cité romaine, réside dans le contraire entre le genre de vie rustique des gentes, très attachées à leurs traditions, et celui des Romains, foncièrement citadin. Ce qui témoigne, sans conteste, de l’échec de Rome dans sa tentative de romanisation de la population de Tingitane470. Cette reconstitution de l’histoire de la Tingitane sur quelques siècles, comme l’a souligné E. FREZOULS, procède d’une vision unilatérale et s’appuie sur une interprétation partielle ou partiale des documents. E. FREZOULS a repris tout le dossier, et il serait déplacé d’en reproduire tous les développements. Il est par contre intéressant de rappeler que l’auteur a montré, à juste titre, que la rébellion du chef maure Salabus ne fait pas partie de l’histoire militaire de la Tingitane. D’autre part, E. FREZOULS a conclu, de l’étude des trois exemples choisis par M. C. SIGMAN, que ceux-ci n’illustrent aucun conflit militaire notable entre les Baquates, les Zegrenses et les Autololes d’un côté, et Rome de l’autre471. Mais ce dernier point reste discutable et exige qu’on nuance un peu notre appréciation à son propos. Les deux autres auteurs, M. RACHET et M. EUZENNAT, n’ont pas, à la différence de M. C. SIGMAN, abordé l’histoire de la Tingitane à partir d’idées préconçues ou selon un critère d’appréciation préétabli. Au contraire, ils ont mis en évidence certains faits relatifs à la situation militaire dans cette province. Mais ils n’ont pas échappé pour autant à des incohérences résultant de leur interprétation forcée de certaines données fournies par les sources écrites et archéologiques. Pour s’en rendre compte, il convient de citer deux exemples. Tout d’abord, l’interprétation de M. RACHET. Pour elle, la mention pro legato est accolée au titre de quelques 470 471

SIGMAN (M.), op. cit., p. 415. FREZOULS (E.), op.cit., pp. 65-93.

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procurateurs de Tingitane à une situation de troubles ou encore d’insécurité due à des tribus insoumises472. M. RACHET explique de la même manière la désignation d’un chef militaire, un dux, à la tête de toutes les forces militaires romaines présentes en Afrique, comme c’était le cas entre 84 et 86 ap. J.C.473 Sur le premier point, plusieurs auteurs, dont M. EUZENNAT, estiment à bon droit que le titre de prolégat ajouté à la titulature du procurateur d’une province de rang procuratorien signifie seulement que le gouverneur en question pourra, sur le plan juridique, commander à des détachements légionnaires qui lui sont envoyés en cas de besoin474. M. RACHET a, a contrario, tenu compte de cette explication, mais seulement dans le cas du procurateur prolégat de Tingitane, P. B. Betuinianus, en notant que son titre n’est pas forcément le signe de troubles sous sa procuratelle exercée entre 106 et 114 de notre ère475. Deuxièmement, la nomination de C. Velius Rufus n’est pas à mettre au compte d’un quelconque soulèvement en Tingitane. Car le mot Mauretania auquel fait allusion l’inscription n’est pas spécifié, et par conséquent peut désigner aussi bien la Césarienne ou les deux provinces à la fois476.

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Compte tenu des inscriptions, le nombre de procurateurs ayant bénéficié du rang de légat est de huit. Voir IAM, Lat. II, 369 (sous Claude) ; ibid., 358 sous Trajan; ibid., 298 et 402 sous Sévère Alexandre ; ibid., 358, sous Gordien III ; ibid., 359, sous Philippe l’Arabe. On peut aussi voir l’article de E. FREZOULS, Les Baquates et la province de Maurétanie Tingitane, « BAM », 2, 1957, p. 69. ILS, 9200 : [C. Velius Rufus] dux exercitus Africi et Mauretanici ad nationes quae sunt in Mauretania comprimendas… 474 EUZENNAT (M.), Les troubles, cit., p. 373. 475 RACHET (M.), Rome et les Berbères, p. 170. 476 BENABOU (M.), La résistance africaine à la romanisation d’Auguste à Dioclétien, Paris, 1975, p. 110, pense, sans preuves à l’appui que le soulèvement, supposé, ayant eu lieu à l’époque du dux C. Velius Rufus s’était produit aux confins de la Numidie et de la Césarienne. Des passages de l’Histoire Auguste (SHA, Hadrien, V, 2 ; V, 8 ; VI, 7 ; XII, 7) font allusion à des troubles en Maurétanie sous Hadrien. Mais les termes Mauri et Mauretania ne permettent pas de préciser de quelle province il s’agit. Il se

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Quant à M. EUZENNAT, il a relevé que la destruction du camp d’Aïn Schkour (région de Volubilis) et sa reconstruction, qu’il qualifie de hâtive, sous Marc Aurèle sont un signe d’insécurité due aux agissements des tribus autochtones. Pour corroborer sa déduction, il note qu’à la même époque furent construits les remparts de Volubilis et de Thamusida477. R. REBUFFAT, quant à lui, note à juste titre que les enceintes urbaines ne peuvent constituer à elles seules une preuve pour parler de crises. Car, outre le rôle défensif qui leur est dévolu, elles sont aussi le reflet du développement urbain des villes qui s’en sont dotées478. Ainsi formulées, toutes ces remarques nous invitent-elles, d’une part, à noter qu’il y a eu des troubles en Tingitane et en Césarienne, même si les sources sont floues et imprécises. D’autre part, ces remarques nous invitent aussi à ne retenir comme conflits ou crises que ceux mentionnés par les sources littéraires et épigraphiques. Concernant les sources écrites ; elles ont effectivement gardé le souvenir de quelques frictions en Afrique romaine, et surtout en Tingitane et en Césarienne aux trois premiers siècles de notre ère. Contrairement à ce qu’ont constaté nos auteurs modernes ut supra dixi, leur nombre de conflits n’était pas si élevé. A peine l’une d’entre elles a-t-elle été qualifiée par les sources comme un conflit nécessitant une action militaire. Elle a eu lieu sous le « césarat » d’Alexandre Sévère, en 226 ap. J.C.479 Les inscriptions aussi nous permettent quelques indications sur ces troubles. Elles nous permettent d’en citer deux illustrant l’insécurité en Tingitane. Le premier est relatif à peut que ces soulèvements aient affecté la Césarienne, surtout quand on connaît la politique de ce dernier dans le contrôle des tribus. 477 EUZENNAT (M.), op. cit., pp. 383-384. Il convient d’apporter quelques nuances à ses propos. En effet, il est fort douteux qu’on puisse attribuer des diplômes militaires en cas de menaces aux limites ; sur ce point on peut se référer à l’article de M. ROXAN, The Auxilia of Mauretania Tingitania, « Latomus », 32, 1973, p. 832, note 2. 478 REBUFFAT (R.), Enceintes urbaines et insécurité en Maurétanie Tingitane, « MEFRA », 86, 1974, pp. 501-522. 479 SHA, Alex., LVIII, I : …actae sunt res feliciter et in Mauretania Tingitana per Furium Celsum.

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des actes de brigandage perpétrés aux dépens du territorium de Sala par des tribus voisines de la cité480. Le second se rapporte aux relations diplomatiques, disons, entre Rome et les tribus baquates, seules ou associées aux Macénites entre 169 et 175 de notre ère, et aux Bavares, entre 232 et 234481. La documentation épigraphique, particulièrement riche, qui les a mentionnées, a permis de connaître les rapports entre les deux parties sur une période comprise entre 140 et 280 ap. J.-C.482 Les travaux, qui leur ont été consacrés, ont conclu, de l’étude du vocabulaire utilisé dans les Arae pacis volubilitaines, notamment les termes colloquium, Pax confirmanda, Pax firmanda, que leurs relations étaient entretenues par de simples conversations483. Celles-ci n’ont pas fait suite, malgré leur renouvellement à des dates différentes, à une crise quelconque, selon l’explication d’E. FREZOULS. Cet auteur précise que leur multiplication est due à la succession ininterrompue de nouveaux principes484 à la tête des Baquates et de leurs alliés, les Macénites et les Bavares. Autrement dit, Rome était obligée de conclure un nouveau traité avec l’arrivée d’un nouveau chef qui prit la place de l’ancien princeps évincé ou disparu, en cas 480

IAM, II, 307. Dans cette inscription, il est fait mention du rôle joué par le préfet de l’ala II Syrorum, M. Sulpicius Felix, pour assurer la sécurité dans la chora de Sala suite aux assauts furtifs et répétés des brigands. Pour atteindre cet objectif, le préfet a mis en place un système qui consiste à monter la garde le long de ce territoire, même la nuit. 481 IAM, II, 348, 349-404. Il faut ajouter aussi une inscription publiée dans Frézouls, Les Baquates, p. 69 : I(ovi) [o(ptimo) M(aximo) / ceterisqu] diis deabusque im[mortalibus pro incolu / mitate e]t victoria Imp(eratoris) Caes(aris) [M(arci) Antoni(i) Gordiani Aug(usti) / ---] v(ir) p(erfectissimus) pro(curator) eiu[s pro leg(ato) conloc(utus) cum --- / --- princ(ipe) genti]s Baquatiu[m pacis firmandae aram conse/cravi]t XVII ka[lendas --- / Imp(eratore) Domin]o n(ostro) Gord[iano --- co(n)s(ulibus). 482 Cette date, qui fixe la fin des relations romano-baquates, est fournie par la date précise de l’inscription volubilitaine (IAM, II, 361) qui fait allusion à ces rapports entre les deux parties. 483 FREZOULS (E.), op. cit., pp. 87-88 ; SHERWIN-WHITE (A. N.), The Tabula of Banasa and the Constitutio Antoniniana, “JRS”, 63, 1973, p. 88; DI VITA-EVRARD (G.), En feuilletant les inscriptions du Maroc, 2, “ZPE”, 68, 1987, pp. 201-202. 484 KOTULA (T.), « Les principes gentis et les principes civitatis en Afrique romaine » Eos, 55, 1965, pp. 47-365. DESANGES (J.), « Un princeps gentis à Sétif », BAC, ns, 12-14B, 1976-1978, pp. 121-129.

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de décès, pour lui faire accepter les engagements pris par son prédécesseur. La même démarche pourrait être suivie éventuellement après l’arrivée d’un nouveau procurateur de Tingitane ou avec le changement de règne au sein même de l’empire romain485. A la vérité, l’interprétation d’E. FREZOULS ne se fonde pas seulement sur un raisonnement tenant compte de la situation absurde dans laquelle se trouveraient les représentants de l’Etat romain s’ils renouvelaient indéfiniment des traités aussitôt rompus. Elle est appuyée aussi par les deux dernières inscriptions en date relatives aux Baquates. Celles-ci montrent clairement que, sous le gouvernement d’un même praeses, le pacte fut scellé par l’élévation de deux Arae pacis, une fois avec le chef baquate Matif, qualifié de Rex, en 277 ap. J.-C., et une seconde fois avec son fils et successeur, Mirzi, désigné comme simple princeps en 280 de notre ère486. D’autres raisons peuvent être à l’origine de la prise de contact entre les autorités romaines et les chefs des tribus mentionnées, les chefs baquates. On peut évoquer, par exemple, la fin d’une période de tension, entre les deux parties. A notre avis, cette thèse est étayée par l’exemple du chef baquate, Canartha487. Deux inscriptions nous permettent de telles affirmations. Dans la première, provenant de Volubilis, ce chef

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FREZOULS (E.), op. cit., p. 80. IAM, II, 360 et 361. Il est à noter que le titre de Rex porté par Matif est purement honorifique. Rome le lui a attribué, beaucoup plus pour s’assurer son amitié après une rupture de brève durée, que pour le remercier des services qu’il lui a rendus. 487 CIL, VI, 1800 : D(is) M(anibus) S(acrum) EILI Aureli Canarthae / principis gentium Baquatium / qui vixit ann(is) XVI. Manifestement le mot EILI serait une erreur du lapicide qui a gravé le E à la place du F, car il s’agit ici du mot Filius. Voir, sur ce point, le commentaire de M. CHRISTOL, Les tribus indigènes, cit., pp. 305, note 5. Cette inscription révèle le statut juridique du chef baquate, Carnatha, devenu citoyen romain par la mention de sa dénomination complète, Aurelius Canartha. L’octroi de la civitas romana pouvait être aussi un moyen pour Rome de s’assurer de la loyauté d’un chef indigène. Voir aussi Abdellatf RHORFI, « La Pax Romana en Tingitane et les conditions de sa permanence aux trois premiers siècles ap. J.-C. », dans L’Africa romana, 15, Atti del convegno di studio, Tozeur, 11-15 dicembre 2002, vol 1, pp. 547-566. 486

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est dit Canartha principe con/stituto gentium Baquatium488. Comme on peut le constater, le terme constitutus signifie bel et bien que ce prince est désigné à la tête des Baquates par Rome. Cette intervention pourtant n’est pas une marque de faiblesse de la part des tribus, contrairement à ce que pense M. CHRISTOL489. Elle est le prix exigé de ces tribus pour que Rome puisse établir ses relations avec elles. Ce qui laisse entendre que le lien entre les deux partenaires a été interrompu un certain temps suite à un différend qui pourrait ne pas avoir débouché sur un conflit ouvert. La deuxième inscription, ensuite, découverte à Rome vient renforcer ce constat. Outre le fait qu’elle révèle le statut juridique du chef baquate, Canartha, devenu citoyen romain, par la mention de sa dénomination complète, Aurelius Canartha, elle prouve également, même implicitement, la condition d’otage du fils de Canartha, Memor, décédé à Rome à l’âge de seize ans490. Cette pratique, qui paraît, à première vue étonnante, n’a rien de si particulier. Rome l’a adoptée dans ses relations avec d’autres peuples491, tout comme l’octroi de la civitas romana aux chefs de ces nations pour s’assurer leur loyauté. Cette tension caractérisant leurs relations a eu pourtant lieu à une époque où les Baquates n’étaient plus associés aux Macénnites. Ce qui porte à croire raisonnablement que la pression augmentait en intensité lorsque ces deux peuples étaient coalisés entre 169 et 175 ap. J.-C., ou durant 488

Il s’agit des princes suivants : Tuccuda en 140 ap. J.-C. (IAM, II, 376) ; Canartha en 180 ap. J.-C. (ibid., 356) ; Ililasen en 200 ap. J.-C. (ibid., 350) ; IAM, II, 349. 489 CHRISTOL (M.), Rome et les tribus indigènes en Maurétanie Tingitane, in L’Africa Romana V, p. 306. L’auteur a souligné implicitement cet affaiblissement des Baquates dû, d’après lui, au choix du prince baquate par Rome. 490 CIL, VI, 1800 : D(is) M(anibus) S(acrum) EILI Aureli Canarthae / principis gentium Baquatium / qui vixit ann(is) XVI. Le mot EILI est manifestement une erreur du lapicide qui a mis un E à la place du F, car il s’agit ici du mot Filius. Voir sur ce point, le commentaire de M. CHRISTOL, Les tribus indigènes, cit., p. 305, note 5. 491 Voir, à ce sujet, A. AYMARD, Les otages barbares au début de l’Empire, « JRS », 51, 1961, pp. 136-142.

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l’association baquato-bavare plus tard, entre 223 et 232 ap. J.C.492 La conclusion d’autres traités, sous Marc Aurèle, sous Sévère Alexandre et sous Gordien III, est le reflet à notre sens d’une tension entre Rome et ses interlocuteurs493. En témoigne encore la guerre menée, sous Alexandre Sévère, contre les tribus rebelles qui ne pourraient être que les Baquates et les Bavares si d’autres tribus n’en faisaient pas partie494. C’est dans un tel contexte, par ailleurs, que prend tout son sens militaire le titre de prolégat attribué au procurateur de Tingitane, qui a eu des pourparlers avec le chef des Baquates et des Bavares, Ucmet, pour disposer de Vexillationes amenés en renfort495. Sous Gordien III où trois accords ont été conclus avec les Baquates, la situation ne devait pas être différente de celle de son prédécesseur, Sévère Alexandre, si on en juge encore d’après le nombre de procurateurs de Tingitane estimé à deux au moins, ayant rang de légat (pro legato) sous son règne496.

492 L’association des Baquates avec les Macénnites a pris fin, d’après une inscription de Volubilis (IAM, II, 384), entre 173 et 175 ap. J.-C. Il est possible qu’elle ait duré jusqu’à l’avènement de Canartha en 180 de notre ère (IAM, II, 349). Sur le début de cette coalition on ne possède pas d’informations précises. Mais un témoignage, fourni par une autre inscription (IAM, II, 348), en montre relativement l’existence. Elle date d’une période comprise entre 169 et 174 de notre ère. Il est probable que l’année 169 ap. J.C. est la date à laquelle les deux peuples se sont coalisés. Mais ce n’est pas sûr. Ce qu’on peut par contre affirmer, c’est que leur fédération est postérieure à 140 de notre ère, date de la première inscription mentionnant le nom des Baquates à Volubilis (IAM, II, 376). 493 Sous Marc Aurèle : IAM, II, 356 (entre 169 et 174 ap. J.-C.) ; ibid., 384 (entre 174 et 175 ap. J.-C.). Sous Sévère Alexandre : IAM, II, 356 (226 ou 229 ap. J.-C.) ; ibid., 402 (entre 223 et 234 ap. J.-C.). Sous Gordien III : IAM, II 357 (239 ou 240 ap. J.-C.) ; ibid., 358 (241 ap. J.-C.). 494 Voir supra, note 12. 495 IAM, II, 402. 496 Voir supra, notes 5 et 15.

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C. LES TRAITES DE PAIX : LES COLLOQUIA .

La violence caractéristique du comportement de ces tribus à l’égard de Rome est illustrée également par deux témoignages épigraphiques. Tout d’abord, le premier qui nous est rapporté par une inscription de Cartennae. Celle-ci mentionne, de manière très précise, la mise à sac de la ville de la Césarienne par des tribus baquates. Ce raid a eu lieu dans la première moitié du IIème siècle497. En second lieu, on apprend, grâce à trois inscriptions provenant respectivement de Lambèse, d’Auzia498 et de la région de Sitifis, que les Bavares et leurs complices, les Quinquegentanei et les Fraxinenses, ont dévasté la zone située aux confins numido-maurétaniens499. Vers les années 289 et 292 ap. J.-C., on retrouve les mêmes Bavares divisés en deux rameaux, les Transtagnenses et les Mesgnenses (ou Mesgneitses), en Césarienne d’où ils ont été repoussés par le praeses Aurelius Litua après de rudes combats500. Sans tirer argument du mutisme des sources, surtout littéraires, on peut établir sans risque que les entrevues ou 497

CIL, VIII, 9663 : C. Fulcino M(arco) f(ilio) Quir(ina) Optato flam(ini) Aug(usti) II(duo(vir) qq. Pontiff. IIvir. Aug. aed. Qu[ae]stori qui inrup[ti]one Baquatium co[l]oniam tuitus est [tes]timonio decreti ordinis et populi Cartennitani et incolae primo ipsi nec ante ulli aere conlato. 498 Dans cette cité de Maurétanie Césarienne, on a trouvé une inscription faisant état de désordres réprimés par le procurateur de 227, T. Licinius Hieroclès ; l’état de la pierre ne permet pas de savoir s’il s’agit d’une vraie révolte ou d’un simple brigandage (AE, 1966, n°597. H. PAVIS D’ESCURAC, dans Mél. A. Piganiol, 3, 1966, pp. 1191-1204. 499 CIL, VIII, 2615. Sur la datation nouvelle de ces révoltes, voir M. CHRISTOL, Prosopographie de la province de Numidie de 253 à 260 et la chronologie des révoltes africaines sous le règne de Valérien et de Gallien, « AntAfr. », 10, 1976, pp. 69-77. 500 Sur les Bavares Mesgnenses : CIL, VIII, 21486. Sur les Transtagnenses : CIL, VIII, 9324. Voir aussi J. DESANGES, Catalogue des tribus africaines de l’Antiquité classique à l’ouest du Nil, Dakar, 1976, pp. 47-48.

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pourparlers engagés entre Rome et ces tribus externae n’étaient pas que de simples traités diplomatiques on va dire. Ils avaient souvent lieu après un conflit, que Rome ne perdait pas, mais ils pouvaient fragiliser sa position et ses acquis. Ce constat pourtant ne signifie pas que la diplomatie romaine ait été tenue en échec. Car si l’on tient compte de la longue période durant laquelle les Baquates, seuls ou associés à d’autres tribus, campaient, sans discontinuer, le long des limites orientales de la Tingitane, mais sans avoir réussi à mettre en péril la présence romaine dans cette région, on ne peut pas émettre un tel jugement. Il faut reconnaître que Rome a fait preuve d’efficacité en ce domaine. Rome a usé de tous les moyens pour contrôler les tribus, si l’on prend l’exemple du chef des Baquates, Canartha, qu’elle choisit, en exigeant, de ce dernier, son fils en guise d’otage501. C’est Rome qui a dissous la coalition baquato-macénnite ou bavaro-baquate. Cette n’a pu se produire que par l’intervention des empereurs, véritables bénéficiaires de la séparation de ces confédérations tribales. Il faut, par ailleurs noter, que Rome n’a pas eu des relations de non-belligérance en Tingitane uniquement avec les Baquates et leurs associés. La base de Sala datée de 144 ap. J.C. le suggère implicitement. On peut apprendre dans ce texte que le préfet M. Sulpicius Felix, qui reçut des éloges un peu pompeux en remerciement de ses innombrables services rendus aux Salenses, a eu recours, outre la garde montée jour et nuit, à des moyens pacifiques pour régler le problème de l’insécurité régnante dans le territorium de Sala. Le terme lenitas, l’équivalent de douceur selon J. Carcopino, employé pour décrire l’initiative prise par le préfet pour faire cesser les incursions des pillards, installés en bordure du territoire des Salenses, l’atteste clairement502. Il n’est pas impossible que Rome, dans ces conditions, ait pu nouer des contacts avec un chef ou des chefs de tribus voisines de Sala à des fins pacifiques. Une inscription de Sala, malheureusement très mutilée, pourrait être gravée à cet effet503. 501

Cf. supra, notes 23 et 24. IAM, II, 307. J. CARCOPINO, Le Maroc, cit., p. 213. 503 IAM, II, 312 : [princi]pum gentium. 502

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Comment les empereurs ont pu maintenir la Pax Romana dans des provinces difficiles à gérer ? Nous parlons pour notre part de la Pax Africana dans les provinces romaines d’Afrique. Probablement, d’autres crises ont secoué les cités africaines et les autorités romaines, mais les traces écrites sont absentes. Toutefois, l’étude des faits relatifs aux difficultés rencontrées par Rome en Tingitane montre que le bilan n’était ni trop lourd, comme le pensent C. M. SIGMAN, M. RACHET et M. EUZENNAT, ni trop léger, comme le laisse entendre l’appréciation d’E. FREZOULS504, comparé à celui de la province voisine, la Maurétanie Césarienne, par exemple, où on assiste parfois à une invasion en règle505. Il est vrai que la menace tribale pesait en permanence sur la sécurité des provinces africaines, surtout dans les Maurétanies et en Numidie, comme on l’a vu avec les Baquates, les Bavares, les Fraxinenses ou encore les Quiquegentanei. Cependant, ces dangers latents n’ont pas débouché sur une guerre permanente. La diplomatie romaine a déployé des moyens considérables pour arriver à contenir les tribus ; et elle n’a atteint que relativement son objectif avec les Baquates et les autres à travers des pourparlers, des colloquia. Autant dire que cette diplomatie n’a pas eu toujours raison de ces tribus turbulentes qu’attire l’opulence des cités et de leur territoria. Le calme relatif dans la province ou les provinces est donc dû à d’autres raisons que la diplomatie seule. Résidaientelles dans l’efficacité du dispositif militaire romain ? ou bien dans le succès de la politique des empereurs dans la fixation d’un certain nombre de tribus n’ont agi séparément pour assurer à la province une paix et une stabilité durables, même si ces dernières étaient ponctuées de quelques conflits armés ou d’actes de brigandages isolés ? Plusieurs conditions furent réunies pour que la Tingitane ou la Césarienne ait bénéficié d’une pareille situation qui est, à tout point de vue, privilégiée. 504

SIGMAN (M.), The Romans, cit. ; RACHET (M.), Rome et les Berbères, cit. ; EUZENNAT (M.), Les troubles, cit. ; FREZOULS (E.), Rome et la Maurétanie, cit. 505 Il s’agit des incursions des Bavares et des Quinquigentanei de 253 à 260 ap. J.-C. et de 290 à 292 ap. J.-C. Voir supra, notes 29 et 30.

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Ces conditions, qu’on limite habituellement à la diplomatie, sous toutes ses formes, et à l’efficacité du dispositif militaire, doivent comprendre aussi la prudence suivie dans la politique de conquête de la province.

B.1. LA DIPLOMATIE IMPERIALE COMME POLITIQUE D’APAISEMENT ET D’INTEGRATION DES TRIBUS.

Pour comprendre les relations entre le pouvoir central et les tribus, nous avons pris soin d’étudier leurs relations au sein de la cité de Volubilis (Maroc) qui en offre un excellent exemple. En effet, cette cité offre une série d’épigraphes : les « autels de la paix »506. Ces documents relatent les relations diplomatiques entre Rome et la gens des Baquates de 140 à 280 de notre ère507. Les textes épigraphiques à propos des colloquiae, et mentionnant le terme colloquium, nous permettent de comprendre les rencontres et pourparlers entre le pouvoir central, par le biais de ses représentants (le procurateur ou le gouverneur), et les chefs de la gens des Baquates. Le chef de la gens devait se rendre à Volubilis, centre du colloquium au 506

L’expression « autels de la paix » avait été adoptée par un certain nombre d’auteurs, pour désigner ces monuments épigraphiques, mais elle n’est pas adaptée à la lecture des inscriptions (G. DI VITA-EVRARD, 1987, p. 207). R. REBUFFAT, « Pour une histoire événementielle du Maroc antique », dans Actes des 1ères journées nationales d’archéologie et du patrimoine, vol. 2 : Archéologie préislamique, Rabat, 1-4 juillet 1998, Rabat, 2001, p. 36 : les monuments ont été appelés « autels de la paix », ce qui pouvait impliquer qu’ils célébraient le retour de la paix, et donc la fin d’un conflit. Or, dans les textes, les termes pax et ara appartiennent à des parties de phrase différentes (pacis firmandae causa, confirmandae gratia, foedarata pacis – aram posuit dedicauitque, aram consecravit, aram statuit et dedicavit). 507 EUZENNAT (M.), 1995 ; DESANGES (J.), « Une notion ambiguë : la gens africaine. Réflexions et doutes », dans Toujours Afrique apporte fait nouveau, Paris, 1999. A la fin de cet article cf. Annexe 1. Elles sont indiquées dans le texte par un numéro entre parenthèses.

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cours duquel se règlent les affaires politiques qui régissent ainsi les liens bilatéraux508. En Tingitane, la gens des Baquates semble avoir, sur le plan politique et démographique, une importance moyenne, approximativement égale à celle des Baniures, des Zegrenses ou des Macennites. Les inscriptions montrent leur importance au IIème siècle. C’est ce que nous mettons en exergue dans le tableau ci-dessous :

508

FREZOULS (E.), « Les Baquates et la province romaine de Tingitane », BAM, 2, 1957, pp. 65-116 ; SIGMAN (M.-C.), « The Romans and the indigenous Tribes of Mauretania Tingitana », Historia, 26, 1977, pp. 415-439. Travaux récents : M. CHRISTOL, « Rome et les tribus indigènes en Maurétanie Tingitane », dans L’Africa romana, Atti del V convegno di studio, Sassari, 11-13 dicembre 1987, Sassari, 1988, pp. 305-337 ; R. REBUFFAT, 1995 et 2001a.

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D’après le tableau, nous pouvons comprendre qu’à partir de 140, le princeps des Baquates, Aelius Tuccuda, fait une dédicace à Antonin le Pieux (1). L’inscription n°4 de 180 précise par ailleurs que le prince baquate est désigné par le pouvoir central509 et une autre (11), datée de 277, révèle ce peuple comme fédéré510. Avec ces arae pacis nous apprenons 509

Canarta, principe con/stituto genti Baquatium. LEMOSSE (M.), « La position des foederati », Studi in onore Edoardo Volterra, 2, Milan, 1971, pp. 147-155.

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également que les Baquates, à certains moments de leur histoire, s’allient à d’autres gentes. Dans les années 173 ou 175, ils composent avec les Macennites, avec qui ils ne sont déjà plus alliés en 180511, et c’est avec les Bavares qu’ils nouent alliance, sous Alexandre Sévère 512 (6). Il peut paraître évident que la fréquence de telles rencontres nous fasse croire à d’innombrables crises ; ce qui en réalité n’était pas le cas513. Grâce à M. CHRISTOL, on peut comprendre que la politique impériale à l’encontre des Baquates n’était pas la conquête directe, la sujétion ou la soumission, mais plutôt la pax514. Les rencontres sont placées sous le patronage de divinités romaines devant lesquelles est prononcé un serment. En effet, à partir de Sévère Alexandre, les textes mentionnent une paix confirmée ou raffermie. On trouve ainsi les expressions suivantes : pacis firmandae (cf. Tab. 6, 7, 8 et 9), pacis confirmandae (n°10), foederata paci (n°11), confirmata pace

511

En 173 ou 175, Ucmet est dit prin/cipe gentium Ma/cennitum et Baqua/tium, alors qu’en 180, Canartha n’est à la tête que des Baquates, Canartha, principe con/stituto genti Baquatium. 512 Le dynaste, dont le nom est perdu, est désigné comme […principe]gentis Bavarum et Baquatium. La continuité chronologique offerte par les rencontres et leur nombre montrent que le princeps baquate est en contact régulier avec Rome. Une abondante bibliographie a été consacrée à cette série d’inscriptions en s’intéressant à l’aspect politique, à la nature des relations entretenues par les deux parties ou encore au contenu des entrevues : R.THOUVENOT, 1945 ; E. FREZOULS, 1957 ; SIGMAN, 1977 ; FREZOULS, 1980 ; M. EUZENNAT, 1984 ; R. REBUFFAT, 1993, 1995 et 2001a. 513 Les travaux de R. THOUVENOT (1945) et de M.-C. SIGMAN (1977), ont voulu montrer que la fréquence des pourparlers était le signe de crises qu’il fallait régler par la conclusion de la paix lors des colloquia. Or, les études récentes, celles par exemple de FREZOULS (1980), DI VITA-EVRARD (1987, pp. 200-209) et de R. REBUFFAT (1993 et 2001), démontrent au contraire que les textes sont conformes aux normes de la chancellerie impériale et qu’ils ne témoignent d’aucun problème militaire entre Romains et Baquates. 514 C’est-à-dire la mise en place d’une situation qui permettait aux Baquates de préserver leur autonomie de peuple étranger, tout en assurant en contrepartie à l’autorité romaine une certaine sécurité du territoire (M. CHRISTOL, 1988, pp. 307-308).

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(n°12). La pax relève d’une relation religieusement établie515 et, pour être valide, elle doit être jurée516. En prêtant ainsi serment devant le genius517 de l’empereur, le princeps baquate, comme d’autres, reconnaît par la même occasion l’autorité de ce dernier. Nous sommes tentés de nous demander si ces relations tenaient lieu d’intégration des tribus plus ou moins hostiles à la romanisation. Outre l’octroi de la civitas romana aux Zegrenses Iulianus, à son épouse et leurs enfants, les chefs des tribus avaient aussi la possibilité d’être traités avec respect par les autorités romaines, car les colloquia impliquent forcément des relations de respect et de tolérance. Ce ne fut pas le cas pour les autres principes dont le nom est connu, l’absence de gentilice suggère qu’ils n’ont pas disposé de la civitas romana au même moment : Vcmet, Canartha518, Iliasen et Sepemazine519. Le renouvellement périodique des rencontres ne doit pas être perçu comme un argument en faveur de rapports conflictuels. La proclamation de la paix répétée n’est que le signe de manifestations d’allégeance de la part des principes baquates, qui se doivent de venir faire reconnaître leur pouvoir à chaque 515

REBUFFAT (R.), « Les gentes en Maurétanie Tingitane », AntAfr., 37, 2001, p. 31, rappelle l’exemple de Tacfarinas qui ne pouvait obtenir la paix que dans la mesure où celle-ci devait être jurée. Les représentants des deux parties prêtent donc serment devant les divinités garantes de cette paix. Le princeps baquate, en officialisant son engagement politique par serment devant le deux officiels du panthéon romain, reconnaît par conséquent leur légitimité. 516 REBUFFAT (R.), « L’investiture des chefs de tribus africaines », dans La noblesse romaine et les chefs berbères du IIIème au IVème siècle, SaintGermain-en-Laye, 1995, pp. 24-25. 517 BRAHMI (N.), « Genius et numen : deux manifestations du culte impérial à Volubilis », dans L’Africa romana, Atti del XVI convegno di studio, Rabat, 16-18 dicembre 2004, Roma, 2006, pp. 2187-2204. 518 Sur l’inscription, CIL, VI, 1800 ; Dessau, ILS, 855 : D(is) M(anibus) / Memoris, / Fili(i) / Aureli(i) / Canarthae, / Principis gentium / Baquatium, / Qui vixit / Ann(is) XVI, entre 180 et 200, Canartha porte le gentilice Aurelius. Cela suppose donc qu’il a reçu la civitas romana après octobre 180. Il porte alors le gentilice de Commode. 519 En 245, ce personnage ne dispose pas de la citoyenneté romaine. Les Baquates ne semblent donc pas être concernés par l’édit de 212 qui accorde la civitas romana à tous les habitants libres de l’Empire. Au cours du IIIème siècle, ils l’obtiennent toujours à titre individuel.

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fois qu’arrive un nouveau représentant, un nouveau procurateur ou un nouveau dynaste baquate. Ainsi, la reconnaissance par les dirigeants baquates, de divinités officielles du panthéon romain, lors des colloquia, semble être l’une des formes d’intégration employées par Rome. Sans pour autant suivre une politique de conquête directe à l’égard de la tribu, la politique impériale peut se fonder sur la reconnaissance du pouvoir romain à travers un registre à la fois politique et religieux. La dévotion peut ainsi apparaître comme un des vecteurs d’intégration de ce peuple à l’empire. Sachant que plusieurs autres gentes sont enclavées dans cette zone qualifiée par R. REBUFFAT de « zone civique »520, il convient de se demander si les empereurs faisaient intervenir le même formulaire lors des rapports avec les autres tribus de Tingitane. La fréquence des colloquia tenus à Volubilis témoigne de l’existence de contacts réguliers entre les Baquates et les autorités romaines. Le colloquium est, pour le princeps baquate, comme pour les autres chefs de tribu, l’occasion de faire reconnaître son pouvoir, de discuter des engagements politiques respectifs des deux camps et de confirmer la paix. A travers l’exemple des Baquates et de leurs alliés, les Macennites et les Bavares, on a vu supra qu’elle a été savamment mise en service en Tingitane, par exemple. Rome l’a utilisé avec prudence dans ses relations avec ces interlocuteurs aussi hostiles qu’imprévisibles. Dans la crainte que ces tribus ne deviennent des confédérations trop puissantes en s’associant entre elles, Rome n’a pas hésité à jouer sur leurs rivalités de clan et peut-être aussi sur leurs clivages ethniques pour défaire leur fédération. L’union, puis la séparation, des Baquates de leurs partenaires l’illustre clairement. On sait qu’il y avait à peu près treize camps militaires dont le plus ancien, celui d’Aïn Schkour, date de la seconde 520

REBUFFAT (R.), op. cit., p .27, définit la « zone civique » comme la partie de la province occupée par les territoires des colonies, des municipes, des villes au statut indéterminé mais susceptibles d’en avoir un, et les enclaves sous administration militaire. Cette zone correspond à Tanger, Ceuta, Volubilis et Sala.

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moitié du Ier siècle de notre ère, et tous les autres sont construits vers le début du IIème siècle ap. J.-C., soit au milieu du IIIème siècle521. Les unités auxiliaires, ailes et cohortes, ayant tenu garnison en Tingitane, par exemple, ne sont pas toutes connues, quoiqu’un bon nombre d’entre elles aient été identifiées grâce aux diplômes militaires. Pour cette raison, on ne peut faire des estimations de l’effectif régulier de la province à différentes dates, d’autant que les diplômes ont cessé d’être délivrés aux auxilia dès la fin du IIème ap. J.-C. La présence par ailleurs de l’armée romaine est attestée dès 50 ap. J.-C. grâce à l’épitaphe d’un soldat de la cohorte I Lemavorum découverte à Sala522.

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Cette chronologie est établie par M. EUZENNAT, Le limes de Tingitane. La frontière méridionale, « AntAfr. », Paris, 1989. Elle concerne principalement les camps suivants : Souk-El-Arba, Banasa et Tocolosida datés du début du Ier siècle ap. J.-C ; celui de Sidi Moussa Bou Fri du Ier au IIIème siècle ; celui de Thamusida du milieu du IIème siècle. 522 BOUBE (J.), Sala : notes d’épigraphie, « BAM », 12, 1970/80, pp. 111118. Il importe d’ajouter à titre d’information que le plus ancien diplôme militaire découvert en Tingitane remonte à 57 ap. J.-C. (IAM, II, 498 : à Volubilis). A cause de sa mutilation, seul le nom de la cohorte (I) Asturum et Callaecorum subsiste.

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B.3. LA PRUDENCE OBSERVEE PAR LES EMPEREURS DANS LA CONQUETE DE LA TINGITANE.

Cette attitude adoptée par les empereurs est de loin la plus déterminante des conditions nécessaires au maintien de la paix à l’intérieur et aux confins méridionaux et orientaux de la Tingitane. Elle est manifestée par deux choix faits par Rome dès l’annexion : l’intégration des tribus internae dans le cadre provincial en respectant leur droit et leur genre de vie ; la limitation de la conquête aux régions antérieurement intégrées dans les circuits commerciaux méditerranéens. En raison de la pénurie documentaire, le premier choix ne peut être illustré que par l’exemple des Zegrenses. Dans la fameuse Tabula Banasitana, le nom de cette tribu est mis à l’honneur à l’occasion de la collation du droit de cité à un de ses notables, Julianus, ainsi qu’à sa femme et ses quatre enfants vers 168/169 ap. J.-C. On apprend, grâce au même document, que le second Julianus, devenu princeps de la tribu, a fait bénéficier sa famille de la civitas Romana, mais, comme c’était le cas pour le premier Julianus et sa famille, sur une requête faite au préalable par l’intéressé auprès de la chancellerie impériale523. L’intérêt que représente cette inscription pour notre propos réside plus encore dans l’allusion au maintien des droits coutumiers des bénéficiaires et de leurs obligations fiscales vis-à-vis de Rome même s’ils sont devenus citoyens romains. Car, en soulignant la persistance des devoirs de ces nouveaux cives Romani en matière de fiscalité, la Tabula en vient à prouver implicitement que les Zegrenses étaient un peuple stipendiaire. A cet égard, M. CHRISTOL a raison de noter que le statut des Zegrenses et d’autres tribus internae a été défini après la redactio in provinciam, puis une seconde fois lors de la mission de S. Sentius Caecilianus, légat d’Auguste 523

IAM, II, 94 ; voir aussi IAM, II, pp. 81-91.

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pro praetore ordinandae utriusque Mauretaniae, en 75 ap. J.C.524 Les tribus auxquelles fait référence M. CHRISTOL peuvent être identifiées, du moins une partie d’entre elles, d’après le tableau ethnographique de la Tingitane brossé par PTOLEMEE. Pour incomplet qu’il soit, ce tableau recense à peu près six tribus dont les Zegrenses525. Elles se répartissent du Nord au Sud comme suit : les Métagonites, les Mazikes et les Sokossii ; puis au-dessous les Verbicae ; les Zegrenses et les Baniubae, probablement les Baniures de PLINE L’ANCIEN526. Ces tribus échangeaient entre elles et avec les centres urbains voisins. En tout état de cause, on ne peut pas les considérer comme des tribus soumises, en l’absence d’un témoignage établissant leur révolte à l’intérieur de la province ou bien leur implication dans une rébellion. Au contraire, elles sont en bons termes avec Rome, comme le montre la Tabula Banasitana, puisque un notable et un princeps de l’une de ces tribus, les Zegrenses, sollicitaient la civitas romana. Ce qui prouve que les empereurs n’ont pas cherché à les « acculturer » par la force, étant entendu que le désir de devenir romain émanait des intéressés eux-mêmes, mais à respecter également leur droit sous toutes ses formes. La formule "salvo iure gentis’’ gravée sur la Tabula le confirme sans détour. Le droit reconnu à ces tribus de vivre selon leurs coutumes reflète (les droits locaux doivent être préservés), outre la tolérance habituelle de Rome dans ses rapports avec les peuples conquis ou soumis à son hégémonie, comme c’était le cas pour les Zegrenses, le respect 524

CHRISTOL (M.), op.cit., pp. 312-313. PTOL., I, 5. Les tribus énumérées par Ptolémée sont au nombre de dixsept, en comptant les Maurensii (les Maures) et leurs voisins, les Herpeditanii, que le géographe place dans la partie orientale de la province. Il mentionne aussi les Verves, les Sokossii, les Canni, les Verbicae, les Iangaucani, les Salinsai ou les Volubiliani. Peut-être s’agissait-il ici d’une population rurale vivant à l’intérieur du territorium de Sala et de Volubilis. 526 Voir DESANGES (J.), Catalogues, cit., p. 27, sur cette identification plus que probable des Baniubae de Ptolémée avec les Baniures. Il faut ajouter que, même si l’argument manque de poids, l’ethnonyme Baniures a été gravé sur un fragment de bol découvert à Banasa : cf. R. REBUFFAT, Les Baniures. Un nouveau document sur la géographie ancienne de la Maurétanie Tingitane, in Mélanges offerts à R. Dion, Paris, 1974, pp. 451-463. 525

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s’est traduit dans les actes, faute de documents. Mais il reste que les Zegrenses et les autres tribus internae avaient un terrain qu’elles exploitaient à des fins agricoles et pastorales, avant et après les Romains527. On trouve une inscription de Césarienne relative au cas des Thudedenses, qui réclamaient à Septime Sévère la reconnaissance de privilèges, à savoir, la délimitation de leur territoire et l’immunitas ; ce qui reflète encore plus le respect par Rome des droits divers des tribus528. La seconde mesure, prise par Rome lors de l’annexion de la Tingitane, et qui sera respectée par la suite, consiste à ne pas étendre le territoire de la province au-delà des régions pénétrées d’influences étrangères. Ces régions sont délimitées par des villes côtières et intérieures. Elles comprennent principalement trois cités : Volubilis à l’intérieur, Sala au sud et Tamuda au nord529. Ainsi la carte administrative de la province prend une forme géographique triangulaire, plus allongée du nord au sud et moins élargie de l’ouest vers l’est. Après des décennies de prospection au sol et l’usage de la photographie aérienne, aucun site n’a été découvert au-delà de Volubilis530. Sur la côte méditerranéenne, les recherches effectuées n’ont découvert aucun vestige romain entre Tamuda et Russadir, alors que Ptolémée et l’Itinéraire d’Antonin

527 L’allusion à l’activité pastorale ne doit pas signifier que ces tribus aient vécu uniquement de cette activité ressource ou qu’elles aient été des nomades ou des semi-nomades, ce que Rome n’aurait d’ailleurs pas toléré, étant donné qu’elle combattait ce genre de vie chez les tribus qui s’y adonnaient en les cantonnant à l’intérieur du territoire provincial. Plusieurs exemples fournis par les provinces africaines elles-mêmes le montrent. Il y a, par exemple, le cas des Numides, qui furent fixés sous Hadrien (CIL, VIII, 8813-8814), ou des Thabianenses en Maurétanie Césarienne également (Ph. LEVEAU, Un cantonnement de tribu au sud-est de ‘’Caesarea’’ de Maurétanie : la borne de Sidi Bouzid, « REA », 76, 1974, pp. 293-304). 528 AE, 1958, n° 972. 529 On ne peut inclure Russadir, la plus orientale des villes de la Tingitane, qui donne l’impression de vivre en vase clos, condition que lui imposait sa situation géographique. Elle ressemble sur ce point à Sala, la plus méridionale des sites de Tingitane, mais à la différence de cette dernière, elle est plus isolée géographiquement du reste de la province. 530 Sur l’usage de ces moyens de prospection et leurs résultats, voir M. EUZENNAT, Le limes, cit., 1989, pp. 9-17

203

énumèrent des localités situées entre ces deux cités531. Peut-être quelques-uns des sites côtiers recensés par ces deux sources auraient-ils été fréquentés épisodiquement par les Romains, lorsque ceux-ci effectuaient leur voyage maritime de Tingi vers Russadir, puis vers les premiers points du rivage de la Césarienne, comme le souligne l’Itinéraire d’Antonin532. L’hypothèse est plus vraisemblable compte tenu du fait qu’il n’ y avait aucune liaison terrestre entre les deux Maurétanies. De plus, les transports maritimes entre ces deux provinces offraient plus de sécurité qu’un voyage par voie terrestre533. Car celui-ci aurait été impraticable suite aux raids éventuels des tribus externae, qui n’avaient pas hésité par ailleurs à prendre la mer, à partir des côtes septentrionales de la Tingitane, pour se ruer sur les villes de Bétique sous l’empereur Marc Aurèle, entre la fin de 173 et le début de 176 ap. J.-C.534 Un vaste territoire enserré entre la Tingitane et la Césarienne fut donc délaissé par Rome non que cette dernière n’ait pu le conquérir. Au contraire, en y mettant le prix en hommes et en argent, elle aurait réussi à l’annexer. Mais l’entreprise aurait été coûteuse à long terme, et nous allons nous en expliquer. En effet, en choisissant une politique de conquête pure et simple de cette région africaine, inconnue des Romains de surcroît, un certain nombre de tribus seraient refoulées vers le Sud. Ces tribus ne tarderaient pas à prendre leur revanche en effectuant des razzias dans le territoire ennemi qui avait été le leur.

531

PTOL., I, 3 ; It. Ant., IX, I-XI, 4. Itinéraire d’Antonin, IX, 1-2 : A Tingi litoribus navigatur usque ad Portus Divinos. 533 C’est ce qu’a souligné à bon droit ROXAN (M.), The Auxilia of Tingitana, Latomus, 32,1973, pp. 841-842. 534 SHA, M. Aurel., XXXI, I : Mauri Hispanias prope omnes vastaverant, res per legatos bene gestae sunt ; CIL, VI, 31856 ; ILS, 1354 et 1354a. Voir aussi R. THOUVENOT, Les incursions maures en Bétique sous le règne de Marc Aurèle, « REA », 41, pp. 20-28. Il pense que les Baquates et les Macennites étaient les responsables des troubles dont souffrait la Bétique à cette époque. Il s’appuie sur l’Itinéraire d’Antonin qui situe ces deux tribus sur la côte méditerranéenne (II, 2 : A Tingi Mauretania, id est ubi Bacuates et Macenites Barbari morantur, per maritima). 532

204

De ces tribus externae, on ne connaît que les Autololes et leur ancienne fraction, les Nesimi, placés aux environs de Sala par PLINE L’ANCIEN535, les Verves à l’est de Tamuda, les Canni, les Iangaucani, les Baquates et les Macennites à l’est de Volubilis, les Maures et une fraction des Herpeditani dans la partie orientale de la province, qui figurent tous dans la liste de PTOLEMEE536. Le motif qui a conduit, à notre avis, Rome à ne pas conquérir ce territoire ne se limite pas d’ailleurs à l’appréhension qu’elle aurait ressentie vis-à-vis de cette région inexplorée et peuplée de tribus coupées du monde extérieur, mais concerne aussi le peu d’intérêt qu’elle offrait sur le plan économique. Il se caractérise par un climat semi-désertique, voire désertique par endroits, peu propice aux activités agricoles. Le choix effectué par Rome put aussi être motivé par le coût élevé qu’une conquête périlleuse aurait entraîné sans gagner grand-chose en retour. Pour cette raison, elle s’est contentée, avec son pragmatisme habituel qui est une de ses qualités maîtresses, d’annexer les riches régions agricoles. Le système qu’elle a mis en place pour les défendre se caractérise par son aspect concentrique. Il découpe presque les différentes zones renfermant centres militaires et des tours de guet implantés dans des points stratégiques et moins distants les uns des autres. La carte dressée par R. REBUFFAT du limes de la Tingitane le met en évidence537.

535

PLINE., Nat., V, 17. Ces tribus ne sont pas mentionnées par Ptolémée. PTOL., I, 5. Il faut ajouter aussi les Bavares, souvent associés aux Baquates. 537 REBUFFAT (R.), L’implantation, cit., pp. 60-65. 536

205

CONCLUSION DE LA PARTIE

La pertinence de l’ensemble des choix adoptés par Rome a été confirmée par l’histoire militaire de la Tingitane tout au long des trois premiers siècles ap. J.-C. Cette histoire est jalonnée, il est vrai, de quelques conflits armés ayant opposé Rome, une fois, à des tribus qui avaient dévasté Tamuda, une seconde fois sous Sévère Alexandre, à des adversaires non identifiés non plus, mais devant occuper une région voisine du territoire provincial, et épisodiquement, aux Baquates et leurs alliés successifs, les Macennites et les Bavares. Cependant, l’impact de ces guerres, autant que celui des incursions et pillages attestés à Sala, et qui devaient être fréquents dans le reste de la province, n’a pas ébranlé la domination romaine. La menace que représentaient ces tribus pour Rome était d’ailleurs condamnée à s’estomper aussitôt qu’elle apparaissait. En se transformant même en action armée contre le territoire provincial, elle prenait la forme d’une razzia effectuée pour faire du butin au détriment des cités. S’ajoutent à ces raids, ayant eu pour cibles privilégiées les villes, les infiltrations individuelles qui visaient les territoria, comme le prouve l’inscription de Sala qui mentionne le vol du bétail par des brigands du voisinage538. Pour notre part, il serait raisonnable à la lumière de cette conclusion de qualifier leurs actions armées de brigandage ou d’incursions au lieu de révoltes ou de rébellions. Le seul exemple probant de révolte reste celui qui a abouti à l’avènement au trône de Gordien, qui fut, selon les sources, une situation particulière liée aux pressions fiscales sur les colons romains. Il reste néanmoins que les empereurs eurent quand même du mal à en venir à bout, et, par extension, à accomplir une romanisation complète de l’Afrique du Nord.

538

IAM, II, 307 : …ab solitis iniuri(is) pecorumq(ue) iactura…

206

CONCLUSION GENERALE

Au terme de cette recherche, on peut noter que les empereurs ont promulgué des lois agraires qui ont permis aux habitants des cités, non plus seulement les élites et les grandes familles, mais aussi de simples paysans, de cultiver des terres qui leur étaient inaccessibles jusque-là ; il s’en est suivi des cas exemplaires de promotions sociales comme celui, générique, mais toujours aussi important, du "Moissonneur de Mactar", ou encore celui du "Fundus Aufidianus". Il faut cependant faire remarquer que les lois agraires ne concernaient que les proriétés impériales. Les habitants, de leur côté, ont démontré leur attachement, leur fides et leur obsequium, à travers des hommages de tous genres : arcs honorifiques, culte impérial, temples, etc. Les Augustes, quant à eux, ont favorisé l’urbanisation des cités par des constructions, des restaurations et des aménagements utiles aux cités. En outre, cette présence des empereurs ne fut pas une réussite facile et absolue ; nous pouvons même dire qu’elle a été une réussite incomplète, puisqu’elle a été mise à mal par de nombreux troubles et insurrections qui ont très souvent fait douter de la capacité de l’armée romaine à protéger les frontières. Nous tenons à faire remarquer qu’il y a certes un déséquilibre dans les marques de reconnaissance des deux parties, mais la reconnaissance des princes fut qualitative (utilitaire et nécessaire) et non quantitative, et ce, pour le bien de la cohésion de l’Empire. Tout ceci nous permet toutefois de nuancer les propos de TERTULLIEN qui a pu vivre pendant quelque temps l’évolution des cités, et l’image du pouvoir impérial dans les cités africaines. Notre étude critique, qui n’est pas une cinquième partie de notre travail, mais une approche nuancée des propos de TERTULLIEN et des limites de la présence et de l’action des empereurs dans les provinces africaines, commence par une phrase qui, semble-t-il, démontre les changements qui se sont effectués dans les cités grâce à la beneficia, à l’indulgentia et à la provindentia des empereurs, et à l’adhésion des sujets africains :

208

« La romanité est pour toute chose le salut »539. Par ces propos, TERTULLIEN se félicite de voir les Carthaginois si prospères, grâce à la paix qui règne et aux bonnes récoltes, du fait de l’empire et du ciel, comme il le dit : «Pacis haec et annonae otia ; ab impero et a caelo bene est »540. Il met en parallèle la romanitas, source de prospérité.

539 540

TERTULLIEN, De Pallio, I, 1 ; CCL, 2, p.733 Idem.

209

INDEX DES AUTEURS ANCIENS APULEE, 229 AURELIUS VICTOR, 229 CICERON, 229 CYPRIEN, 142 DION CASSIUS, 15, 116, 128, 167, 168 FLORUS, 229 FRONTIN, 230 FRONTON, 230 GAIUS, 230 HERODIEN, 33, 34, 42, 58, 132, 175, 176, 179, 252 LUCAIN, 230 OROSE, 229 PLINE LE JEUNE, 231 PLUTARQUE, 231 SALLUSTE, 15, 147 SENEQUE, 231 SUETONE, 231 TACITE, 16, 231 TERTULLIEN, 16, 177, 178, 208, 209, 248 VEGECE, 232 VERONE, 230 VIRGILE, 232

210

INDEX DES AUTEURS MODERNES ABBOT, 233 AKERRAZ, 233 ALBERTINI, 229, 233 ALFARIC, 233 ALFÖLDY, 233 AMANDRY, 233 ANDREAU, 233 AYMARD, 233 BABELON, 233 BADEL, 234 BALLU, 234 BARTON, 234 BELKHODJA, 234 BEN ABDALLAH, 234 BEN MANSOUR, 234 BENABOU, 143, 144, 146, 162, 185, 234 BENZINA ABDALLAH, 234 BERTHIER, 235 BERTRAND-DAGEBACH, 235 BERTRANDY, 235 BESCHAOUCH, 229, 235 BIRLEY, 235 BLANCHARD, 235 BLOUET, 235 BOTTERI, 235 BRAHMI, 236 BRIAND-PONSART, 236 BROUQUIER-REDDE, 231 CARRIE, 236 CEBEILLAC-GERVASONI, 236 CHAKER, 236 CHAMPLIN, 236 CHASTAGNOL, 59, 130, 236 CHAUVOT, 246 CHEDDAD, 237 CHERRY, 237 CHRISTOL, 232

211

CIZEK, 238 DAGUET-GAGEY, 238 DARIS, 230 DE ROMANIS, 238 DE RUYT, 238 DE SIMONE, 238 DECLAREUIL, 238 DECRET, 239 DEMOUGIN, 239 DENEAUVE, 239 DESANGES, 239 DESSAU, 230 DETIENNE, 239 DOMERGUE, 232 DONDIN-PAYRE, 239 DUPUIS, 239 EUZENNAT, 186, 239 EVERS, 239 FANT, 240 FANTAR, 240 FENTRESS, 240 FERCHIOU, 240 FERRARY, 240 FREZOULS, 188, 193, 240 GAFFIOT, 240 GAGE, 240 GASCOU, 129, 240 GAUDEMET, 240 GERVASONI, 246 GIESSEN, 227 GIRARD, 240 GOLVIN, 241 GRANET, 241 GREGORI, 241 GREPPO, 241 GSELL, 230 HALFMANN, 241 HAMDOUNE, 241

212

HOPKINS, 242 HUGONIOT, 242 HUMBERT, 242 HURLET, 242 IBBA, 243 INGLEBERT, 243 JACQUES, 243 JARRET, 243 JOHNSON, 233 KHANOUSSI, 231 KHATIB-BOUJIBAR, 244 KUHOFF, 244 LARONDE, 244 LAURENCE, 244 LE BOHEC, 244 LE ROUX, 245 LEGLAY, 231 LENGRAND, 245 LEPELLEY, 119, 120, 239, 245 LEQUEMENT, 245 LESCHI, 231 LETA, 245 LEVEAU, 240, 245 LORIOT, 245 M’CHAREK, 246 MAGIONCALDA, 246 MAROTTA, 246 MASTINO, 246 MATTINGLY, 246 MAURIN, 231 McCORMICK, 246 MERLIN, 231 MOATTI, 41 MOMMSEN, 231 PFLAUM, 231 PIKHAUS, 231 REBUFFAT, 16, 133, 134, 156, 160, 179, 186, 194, 195, 197, 198, 199, 202, 205, 249 ROBERT, 15, 234

213

THOMASSON, 132, 154, 232

INDEX LOCORUM Acholla, 98 Africa, 101 Aïn Ouassel, 25, 30, 31, 35, 36, 40, 41, 46, 52, 53, 54, 55, 57, 58, 61 Aïn-el-Djemala, 21, 36, 49, 50, 61, 65 Aïn-Ouassel, 46, 65 Aïoun-Sbiba, 154 Alexandrie, 99 Altava, 150 Ammaedara, 234 Ampsaga, 147 Auzia, 118, 150 Bagrada, 21, 52, 57, 63, 76, 83, 85, 89, 95 Balkans, 138 Banasa, 139, 156, 165, 171, 172, 173, 183, 187, 200, 202 Beguensis, 103 Bétique, 93, 94, 204 Biha Bilta, 69 Bu Njem, 141 Bulla Regia, 97, 111, 229, 241 Burunitanus, 76 Byzacène, 22, 88, 96, 100 Caesarea, 170 Canartha, 188, 189, 190, 192, 197, 198 Capsa, 113, 114 Carthage, 15, 17, 29, 73, 76, 79, 84, 85, 93, 96, 98, 99, 102, 103, 110, 111, 114, 117, 132, 134, 157, 181, 234, 239, 250 Casae, 103 Ceuta, 199 Chullu, 79 Cillium, 17, 80, 86, 244 Cirta, 50, 96, 119, 129, 230

214

Clupea, 101 Cuicul, 100, 103, 110, 111, 113, 114, 115, 116, 123, 230 Curubis, 98 Djemila, 113 Doryphorus, 33 Dougga, 17, 112, 231, 237, 244, 245 Egypte, 172 Égypte, 67 Espagne, 101 Gallica, 178 Gaule, 111, 124, 133, 143, 241 Gaules, 246 Gemellae, 146, 148 Gétulie, 147 Gheriat al Garbia, 141 Gigthis, 98 Grande Kabylie, 177 Hadrumète, 17, 88, 93, 97, 98, 101, 102 Henchir Mettich, 25, 30, 31, 35, 36, 38, 55, 66, 238 Hippo Diarrhytus, 98 Hippo Regius, 77, 96, 98, 102, 114, 140 Hodna, 134 Igligili, 170 Illyricum, 114, 115 Lambèse, 16, 48, 145, 146, 148, 150, 191 Lepcis Magna, 62, 79, 98, 102, 110, 112, 114, 117, 141, 234, 237, 244 Lepcis Minus, 101 Leptis Magna, 130 Lixus, 244 Mactar, 17, 41, 50, 52, 61, 62, 63, 68, 69, 110, 114, 208 Maghreb, 22, 142, 157, 235 Maroc, 150, 156, 168, 171, 172, 179, 183, 187, 192, 194, 230, 249 Matidie, 48 Mesgnenses, 191 Mésopotamie, 168 Mettich, 36, 50 Mila, 113

215

Milev, 113, 147 Miliana, 151 Mirzi, 188 Misua, 98 Neapolis, 101 Nerva, 43, 53, 114 Numides, 51, 81, 132, 157, 203 Numidie, 22, 50, 76, 79, 81, 84, 85, 90, 96, 98, 110, 123, 124, 132, 140, 141, 142, 144, 146, 147, 148, 150, 151, 153, 155, 157, 161, 175, 178, 180, 182, 183, 185, 191, 193, 232, 235, 237, 243, 245 Oea, 98, 141 Ostie, 78, 83, 86, 88, 92, 93, 94, 98, 99, 101, 236 Proconsulaire, 38, 47, 56, 61, 79, 84, 86, 93, 94, 101, 110, 140, 148, 180, 230, 236, 243, 245, 246, 248 Rapidum, 149, 169 Rome, 38, 52, 67, 69, 71, 72, 77, 78, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 88, 90, 91, 92, 94, 96, 97, 102, 103, 106, 107, 108, 111, 115, 123, 124, 128, 130, 132, 134, 137, 138, 141, 142, 146, 147, 150, 155, 156, 157, 158, 161, 163, 164, 165, 167, 168, 172, 174, 176, 177, 178, 179, 180, 183, 184, 185, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 197, 199, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 230, 231, 233, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 243, 247, 249, 250 Rusicade, 98 Sabratha, 98, 140, 141 Sala, 158, 173, 175, 187, 192, 199, 200, 202, 203, 205, 206 Saldae, 94, 96, 142, 147 Salenses, 192 Sardaigne, 99 Sicca Veneria, 85, 92 Sicile, 96 Sitifis, 143 Sufetula, 86, 109 Sullecthum, 101 Thabraca, 96, 97 Thaenae, 97

216

Thapsus, 98 Thelepte, 86 Thubba, 93 Thugga, 25, 38, 112, 231, 237, 244, 245 Thysdrus, 117 Tiddis, 118 Timgad, 22, 103, 113, 114, 117, 234, 239 Tingitane, 101 Titteris, 170 Transtagnenses, 191 Tripolitaine, 15, 16, 62, 67, 90, 93, 96, 98, 177, 179, 181, 230, 235, 242, 243 Tubusuctu, 86, 96, 97, 134, 142, 180 Tunisie, 17, 47, 94, 97, 98, 99, 110, 141, 230, 231, 244 Tuzritanus, 32, 37, 54 Uchi Maius, 235, 250 Udensis, 32, 54 Uluzzibira, 88 Urbs, 38, 85, 91, 93, 241 Utica, 129 Utique, 17, 79, 96 Verecunda, 68 Veridius Bassus, 33 Villa Magna, 26, 28, 29, 30, 36, 37 Volubilis, 17, 139, 156, 162, 164, 168, 171, 173, 175, 177, 178, 183, 186, 188, 190, 194, 198, 199, 202, 203, 205, 232, 236, 244 Zaraï, 73, 79, 104 Zegrenses, 195 Zucchabar, 150

217

178, 243,

174, 200,

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE I-SOURCES A : SOURCES LITTERAIRES 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

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220. ROUGE (J.), Les Institutions romaines. De la Rome royale à la Rome chrétienne, 2ème édition, Armand Colin, Paris, 1969, 1991, 351 p. 221. ROXAN (M.), « The Auxilia of Mauretania Tingitana », Latomus, 32, 1973, pp. 838-858, pl. XXVII. 222. RUGGERI (P.), « La casa imperiale », Uchi Maius 1. Scavi e ricerche epigraphiche in Tunisia, éd. par M. Khanoussi et A. Mastino, Sassari, 1997, pp. 133-171. 223. RUZE (F.), "Aux débuts de l’écriture politique : le pouvoir de l’écrit dans la cité", pp. 82-94. 224. SAINT-AMANS (S.), - Topographie religieuse de Thugga (Dougga), De Boccard, Paris-Bordeaux, 2004, 432 p. 225. SALAMA (P.), Les bornes miliaires du territoire de Tipasa (Maurétanie Césarienne), Publ. de l’Université de Sassari, 2002. 226. SALAMA (P.), « Une nouvelle inscription d’AïounSbiba, concernant l’insurrection maurétanienne dite "de 253" : Marcus Aurelius Victor, gouverneur de Maurétanie Césarienne », CCG (Cahiers du Centre Gustav- Glotz), 12, 2001, pp. 253-267. 227. SALAMA (P.), « L’huile du prince : évergétisme impérial et l’administration annonaire au IIème siècle apr. J.-C. », dans Histoire, Espaces et Marges de l’Antiquité, I (Hommages à Monique CLAVEL-LEVEQUE), Besançon, 2003, pp. 209-226. 228. SALAMA (P.), Une nouvelle inscription d’Aïoun Sbiba concernant l’insurrection maurétanienne dite « de 253 », dans Cah. du Centre Glotz , XII, 2001, pp. 253-267. 229. SALAMA (P.), CHRISTOL (M.), Une nouvelle inscription d’Aïoun Sbiba concernant l’insurrection maurétanienne dite « de 253 », dans Cah. du Centre Glotz , XII, 2001, pp. 253-267. 230. SAUMAGNE (Ch.), Le droit latin et les cités romaines sous l’Empire. Essais critiques, Paris, Sirey, 1965. - Saint Cyprien, évêque de Carthage, « pape d’Afrique », CNRS, Paris, 1975, pp. 168-171. 231. SAUMAGNE (Ch.), Etude d’histoire sociale et politique relative à la province d’Afrique, I, Etudes sociales. Essai sur la législation agraire. La Lex Manciana et le ius mancianum, CT, X, 37-40, pp. 11-114.

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TABLE DES MATIERES AVANT-PROPOS ................................................................................................... 13 INTRODUCTION.................................................................................................... 15 PREMIERE PARTIE : ............................................................................................ 19 LES REFORMES AGRAIRES ET ECONOMIQUES DES EMPEREURS ROMAINS DANS LES PROVINCES D’AFRIQUE. ...................... 19 INTRODUCTION.................................................................................................... 21 CHAPITRE I. LES REFORMES AGRAIRES. ........................................................ 25 A. LES DOCUMENTS EPIGRAPHIQUES............................................................. 25 B. LES IMPLICATIONS DES LOIS AGRAIRES MANCIANA ET HADRIANA. ............................................................................................................. 40 C. LES LEGES MANCIANA ET HADRIANA, ET LE PROBLEME DE LA POTESTAS OCCUPANDI.................................................................................. 45 C1. PORTEE ET BUTS DES LOIS AGRAIRES. ................................................................. 45 C2. LE PROBLEME DE LA POTESTAS OCCUPANDI......................................................... 52 D. LES CRITERES D’ATTRIBUTION DES SUBCESSIVA. .................................. 61 E. LIMITES DES POLITIQUES AGRAIRES. ........................................................ 65 ECONOMIQUE DES CITES CHAPITRE II : L’ESSOR AFRICAINES. ......................................................................................................... 71 A. L’EXTENSION DES DOMAINES AGRICOLES. ............................................. 72 B. LES PROPRIETES IMPERIALES. ..................................................................... 74 C. LES EMPEREURS ONT-ILS PU FAVORISER UNE ECONOMIE COMMERCIALE ?.................................................................................................. 79 D. LES GRANDES PRODUCTIONS AFRICAINES DANS LES ECHANGES MEDITERRANEENS, DE TRAJAN A DIOCLETIEN..................... 81 D1. LA DIVERSITE DES EXPORTATIONS AFRICAINES. ................................ 84 D1.A. L’HUILE ET LE BLE AFRICAINS. ............................................................ 84 D1.B. LES PRODUCTIONS HALIEUTIQUES ET ARBUSTIVES. ......................................... 87 D2. LES OPPORTUNITES ECONOMIQUES ET COMMERCIALES DES PROVINCES D’AFRIQUE. ............................................................................................. 89 D3. UN ESPACE AFRICAIN STRUCTURE ET INTEGRE PAR L’ECHANGE. .......................................................................................................... 95 E. DIVERSITE DES ACTIVITES ECONOMIQUES. ........................................... 100 E1. LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS. ........................................... 101 E2. LES GRANDS AXES DE CIRCULATION ET LE COMMERCE INTERPROVINCIAL AFRICAIN. .................................................................................. 104 CHAPITRE III : LE CONTRÔLE FINANCIER DES CITES AFRICAINES. ....................................................................................................... 107 A. LE CONTROLE FINANCIER : LES CURATEURS DE CITES ET LA IIII PUBLICORUM AFRICAE. ........................................................................ 107 A1. LES CURATEURS DES CITES. .............................................................................. 107

A2. LES IIII PUBLICORUM AFRICAE : UN EXEMPLE DE PERSONNELS ADMINISTRATIFS EN AFRIQUE. ................................................................................. 110 A3. MANIFESTATION D’UNE DES VIRTUTES IMPERATORIS. ...................... 116 B. L’EVOLUTION DE LA CURATELLE SOUS DIOCLETIEN. ....................... 119 DEUXIEME PARTIE : ......................................................................................... 121 LES EMPEREURS ET LA GESTION MILITAIRE ET DIPLOMATITIQUE DES REVOLTES DANS LES CITES. .............................. 121 INTRODUCTION.................................................................................................. 123 CHAPITRE I : PRESENCE EN AFRIQUE ROMAINE : LES VOYAGES DES EMPEREURS EN AFRIQUE ROMAINE. ............................... 127 A : LES VOYAGES D’HADRIEN ET DE SEPTIME SEVERE : LES LIMITES DES SOURCES. .................................................................................... 128 B : GORDIEN ET MAXIMIN EN AFRIQUE ? .................................................... 132 CHAPITRE II : PRESENCE ET ACTION LIMITEES PAR DES TROUBLES ET DES INSURRECTIONS............................................................. 137 A. LA SITUATION EN PROCONSULAIRE. ...................................................... 140 B. LA GESTION DES TROUBLES EN NUMIDIE ET EN MAURETANIE CESARIENNE. ........................................................................... 142 C. LA SITUATION EN MAURETANIE TINGITANE. ....................................... 155 CHAPITRE III : LES REACTIONS DES EMPEREURS AUX TROUBLES ET AUX INCURSIONS : ENTRE RIPOSTES ET POLITIQUE D’APAISEMENT ? .......................................................................... 167 A. LES REACTIONS DES ANTONINS FACE AUX TROUBLES EN MAURETANIE CESARIENNE ET TINGITANE. ................... 167 A1. HADRIEN ET LA REVOLTE MAURE DE 118 / 122. ................................. 167 A2. ANTONIN LE PIEUX ET LES REVOLTES EN MAURETANIE CESARIENNE ET TINGITANE. .......................................................................... 174 A3. MARC AURELE FACE AUX MACENITES ET BAQUATES. ................... 175 B. LES REACTIONS DES SEVERES.......................................................... 176 C. LES REACTIONS DES GORDIENS A DIOCLETIEN FACE AUX HOSTILITES BAQUATES ET MAURES. ................................................. 179 CHAPITRE IV : LES TRAITES DE PAIX OU LA "PAX AFRICANA ROMANA". ............................................................................................................. 182 A. ETAT DU PROBLEME ET DES SOURCES................................................... 182 C. LES TRAITES DE PAIX : LES COLLOQUIA ........................................ 191 ................................................................................................................................ 191 B.1. LA DIPLOMATIE IMPERIALE COMME POLITIQUE D’APAISEMENT ET D’INTEGRATION DES TRIBUS. .................................... 194 B.3. LA PRUDENCE OBSERVEE PAR LES EMPEREURS DANS LA CONQUETE DE LA TINGITANE. ................................................................ 201 CONCLUSION DE LA PARTIE........................................................................... 206 CONCLUSION GENERALE ................................................................................ 207 INDEX DES AUTEURS ANCIENS ..................................................................... 210

INDEX DES AUTEURS MODERNES ................................................................. 211 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ........................................................................ 218 I-SOURCES ........................................................................................................... 218 A : SOURCES LITTERAIRES .............................................................................. 218 B. SOURCES JURIDIQUES. ................................................................................ 221 C. SOURCES EPIGRAPHIQUES. ....................................................................... 221 D. SOURCES ARCHEOLOGIQUES. ................................................................... 223 E. SOURCES PROSOPOGRAPHIQUES. ............................................................ 224 II. BIBLIOGRAPHIE............................................................................................. 225

L’Afrique aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions Armes légères et groupes armés en Afrique subsaharienne Effets pernicieux sur le développement économique et social

Essimbe Victor

La disponibilité et l’utilisation incontrôlée des armes légères et de petit calibre par les groupes armés peuvent avoir des conséquences destructrices sur l’activité économique officielle et informelle. Ce livre fait le tour complet des handicaps à l’essor économique et au bien-être social des sous-régions de la CEDEAO et de la CEEAC, causés par la «synergie» groupes armés-armes légères. (Coll. Études africaines, 27.50 euros, 268 p.) ISBN : 978-2-336-29316-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-53936-5 accords (Les) politiques dans la résolution des conflits armés internes en Afrique

Ehueni Manzan Innocent - Préface de Jean du Bois de Gaudusson

La question des conflits armés constitue un véritable «casse-tête africain» aussi bien pour les acteurs locaux qu’internationaux. Comment sortir de cette insécurité chronique et de la guerre civile et parvenir à une stabilité et un développement durables ? Ce livre expose la conclusion des accords politiques en insistant distinctement sur l’environnement politique de leur formation ainsi que sur le cadre juridique qui les caractérise. Il procède aussi à l’examen de l’application de ces accords. (Coll. Défense, Stratégie et Relations Internationales, 60.00 euros, 772 p.) ISBN : 978-2-343-00551-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-53836-8 Afrique (L’) n’a pas dit son dernier mot : l’inculturation

Séménou Romain Mensan

L’Afrique va-t-elle si mal ? Les Africains ont-ils les ressources ontologiques et anthropologiques nécessaires au développement du continent ? La culture et la tradition africaines sont-elles viables et efficientes à ces heures de mondialisation ? Quel est l’impact de la religiosité sur le développement du continent africain ? L’Église est-elle complice du sous-développement africain ? Voilà les questionnements qui constituent la texture de ce livre autour d’un thème théologique : l’inculturation. (Coll. Points de vue, 14.00 euros, 136 p.) ISBN : 978-2-336-30159-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-53760-6

ruses (Les) de la mondialisation en Afrique noire Le rôle des intermédiaires du développement

Louvel Roland

L’intégration de l’Afrique noire dans les réseaux planétaires s’est traduite par un «coût de raccordement» très élevé pour le continent. Elle n’aurait jamais pu s’opérer sans l’entremise d’un certain nombre d’intermédiaires : à la fois passeurs et passages obligés, ils mettent en relation, favorisent les échanges, ouvrent les voies du commerce et de la transmission des savoirs. Ces personnages de l’entre-deux interfèrent tout autant qu’ils s’approprient et transmettent les apports extérieurs, en position d’interface entre deux systèmes. (26.00 euros, 262 p.) ISBN : 978-2-336-30095-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-53802-3 Afrique Subsaharienne – Mémoire, histoire et réparation

Dampha Lang Fafa

L’Afrique subsaharienne est la seule partie du monde à avoir subi l’esclavage à échelle massive, ainsi que la colonisation, l’apartheid, le commerce des esclaves et le colonialisme occidental, le tout dans une atmosphère de brutalité sans précédent. Plus de cinquante ans après l’accession à la souveraineté du premier pays de l’Afrique subsaharienne, le Ghana de Kwame Nkrumah (1957), un regard analytique porté sur le continent révèle une situation qui est loin d’inciter à l’optimisme. (Coll. Racines du Présent, 21.00 euros, 204 p.) ISBN : 978-2-336-29371-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-53724-8 Un blanc dramatiquement noir – 55 années en Afrique noire Sénégal - Côte d’Ivoire - Cameroun - Gabon - Congo - Togo - Niger - Mali Guinée - Burkina - Mauritanie

Decupper Joël - Préface de Venance Konan

Voici le récit exceptionnel de 55 années d’existence hors norme en Afrique Noire francophone d’un Français autodidacte devenu patron de presse (Afrique Sport, Afrique Médicale, Africa International, Éditions Chaka…), proche de plusieurs Chefs d’État alors que d’autres l’auraient volontiers pendu. Voici un regard frondeur sur l’Afrique, ses élites, ses mœurs, sans retenues ni déférence, sans préjugés ni parti pris. Le récit fourmille de faits inédits, de péripéties drôles et fâcheuses. (27.00 euros, 364 p.) ISBN : 978-2-343-00946-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53781-1 obtention (L’) des brevets pharmaceutiques en Afrique Le cas des pays de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI)

Juvet Lowé Gnintedem Patrick - Préface de Tshimanga Kongolo

Le législateur OAPI a entendu faire de la propriété intellectuelle un instrument de développement pour les États membres, tout en s’arrimant aux textes internationaux pertinents. Mais le texte adopté lève-t-il pour autant les appréhensions résultant du souci d’assurer l’accès aux médicaments dans un contexte de développement particulier ? (Coll. Études africaines, 21.50 euros, 216 p.) ISBN : 978-2-343-00374-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-53811-5

Lettres de voyage – De la Mer Rouge à l’Atlantique (1901-1903)

Du Bourg de Bozas Robert - Avant-propos et notes de Claude Guillemot

Au tout début du XXe siècle, Robert du Bourg de Bozas, jeune aristocrate fortuné et cultivé, organise à ses frais une mission scientique à travers l’Afrique soutenue par le ministère de l’Instruction publique. Parti de Djibouti le 2 avril 1901, accompagné d’un jeune médecin, de deux autres européens et d’une imposante caravane, il meurt de paludisme au Congo dans la nuit de Noël 1902. Tout au long de son périple, il entretient une correspondance avec ses proches et particulièrement avec son père. (Coll. Mémoires du XXe siècle, 13.50 euros, 126 p.) ISBN : 978-2-343-00244-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-53944-0 Chroniques pour l’émergence d’une Afrique rayonnante

Bissog Martial - Avant-propos de Léonard Gofake - Préface de Guy Parfait Songue

L’auteur jette un regard panoramique sur la société africaine actuelle et le rôle des Africains dans le grand jeu politique du monde. Cette compilation de chroniques est un appel à une prise de conscience et de responsabilité de la part de tous les acteurs du continent, pour mettre sur les rails un nouveau modèle de pensée et de développement afin qu’émerge une Afrique rayonnante. (Coll. Points de vue, 19.00 euros, 196 p.) ISBN : 978-2-336-29302-8, ISBN EBOOK : 978-2-296-53521-3 orientation (L’) des jeunes en Afrique

Okene Richard - Préface de Raoul Boniface Kassea

Depuis 1995, les instances internationales ne cessent de proposer aux pays africains de mieux préparer les jeunes à faire face aux bouleversements de ces dernières décennies. Avec insistance, elles soulignent la nécessité de mettre en œuvre dans chaque pays un système d’orientation et de conseil rénové, apte à assurer le développement global de leur population, avec un accent particulier sur les filles et les femmes. (Coll. Enseignement et éducation en Afrique, 22.00 euros, 218 p.) ISBN : 978-2-336-30088-7, ISBN EBOOK : 978-2-296-53602-9 Politique et indépendances africaines

Coordonné par Eyene Mba Jean-Rodrigue-Elisée

Cet ouvrage entreprend de lire les «indépendances africaines» à travers le prisme de ses propres résultats politique, économique et culturel. Il y parvient en mobilisant la dynamique conceptuelle à l’œuvre dans le discours philosophique. Ce qui est en jeu, c’est la capacité de l’Afrique noire à se refaire, à se recréer, en un mot, à se comporter autrement et différemment. (Coll. Philosopher en Afrique, 14.00 euros, 130 p.) ISBN : 978-2-336-30157-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-53587-9 Hegel, Marx, Engels et les problèmes de l’Afrique noire

Dieng Amady Aly

Cet ouvrage cherche à susciter des discussions de fond autour des difficultés de l’application du marxisme dans les pays où le prolétariat industriel n’est pas encore

très développé. Il s’agit de créer les conditions d’une véritable discussion sur le rôle du marxisme dans la solution des grands problèmes du continent africain. (20.00 euros, 204 p.) ISBN : 978-2-296-99534-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-53702-6 Français de fait et de droit Chronique d’une (ré)intégration réussie

Nyamat Will Mael

Malgré le refus du général de Gaulle d’accepter la départementalisation du Gabon, en violation de la Constitution de la Ve République, l’auteur a le sentiment d’être resté «de fait» français, «colonisé» malgré lui jusqu’à la moelle épinière. Une situation d’autant plus injuste que la France conserve sa mainmise sur le Gabon. Nous devions parler le français, manger français, acheter français, mais n’avions pas le droit d’être Français. Nous avions des obligations, mais aucun droit. (Coll. Racines du Présent, 12.00 euros, 106 p.) ISBN : 978-2-296-99855-1, ISBN EBOOK : 978-2-296-53671-5 renaissance (La) économique de l’Afrique Les signes avant-coureurs d’une puissance en gestation

Matamba Tumba Bob - Préface de Lye M. Yoka

La renaissance du continent africain est un fait indéniable, même si une analyse pointue révèle que cette mécanique ascensionnelle est loin d’avoir atteint la vitesse critique qui garantirait le point de non-retour. L’implication de la volonté politique, à l’échelon national autant que continental, reste le seul gage d’un développement durable et irréversible. Dans ce livre, l’auteur décortique les enjeux de ce marathon économique continental. (Coll. Comptes Rendus, 20.00 euros, 192 p.) ISBN : 978-2-336-29764-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-53642-5 quête (La) identitaire du sujet africain moderne – Perspective psychohistorique et comparée

Same Kolle Samuel

En s’opposant à l’oppression occidentale, des Africains ont entrepris, au début du XXe siècle, un travail d’identification de soi. L’auteur tente aujourd’hui de définir les éléments pour une reconstruction plus fondamentale d’un sujet africain qui, puisant ses ressources en soi et en l’autre, s’inscrit résolument dans la modernité. La méthode qui s’initie ici est une psychologie historique et comparée. (Coll. Pensée Africaine, 18.00 euros, 188 p.) ISBN : 978-2-336-00882-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-53673-9

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LES EMPEREURS ROMAINS EN AFRIQUE DU NORD LES GRANDES RÉFORMES DU IIe AU IIIe SIÈCLE APRÈS J.-C. Les empereurs romains ont manifesté un intérêt particulier pour les provinces qui préserveraient la Roman way of life. En Afrique romaine, l’édit de Caracalla harmonisa les statuts juridiques, en octroyant la civitas romana à tous les habitants libres de l’empire. Les inscriptions mentionnent des beneficia per indulgentia imperatoris et ex auctoritate imperatoris. Grâce à ces beneficia, les Africains romains atteindront les hautes magistratures, et exprimeront leur fides et leur obsequium. Mais la présence et l’action des empereurs se manifestèrent non seulement par des constructions diverses mais également par les réformes agraires et une diplomatie caractérisée par des colloquia, surtout en Numidie et dans les Maurétanies. C’est à travers ces axes que notre ouvrage s’est appuyé, surtout du IIe au IIIe siècle de notre ère. Cet ouvrage permet de saisir l’importance des lois agraires les plus célèbres de l’histoire romaine : la lex Hadriana de rudibus agris et la lex Manciana, dans l’enrichissement des contrées d’Afrique du Nord antique.

Noël Christian-Bernard OBIANG NNANG, Docteur en Histoire et Civilisations de l’Antiquité de Paris IV - Sorbonne, MaîtreAssistant CAMES d’histoire ancienne, enseignant d’histoire ancienne et de grec ancien à l’université Omar Bongo du Gabon, professeur contractuel d’histoire-géographie de l’académie de Créteil et au lycée français Blaise Pascal de Libreville. Ancien gestionnaire des doctorants du Service de la recherche et des doctorats de Paris IV Sorbonne, il a déjà publié de nombreux articles qui portent sur l’histoire gréco-romaine et un premier ouvrage : Les empereurs romains et les cités d’Afrique, du IIe au IIIe siècle après J.-C. Il est également responsable du Centre de Recherches et d’Etudes en Histoire et Archéologie (CREHA) de l’université Omar Bongo. Illustration de couverture : Noël Christian-Bernard OBIANG NNANG.

ISBN : 978-2-343-02658-9

25 €