Les empereurs romains et les cités d'Afrique: du IIe au IIIe siècle ap. J.C. 9782296556874, 2296556876

L'Afrique romaine force l'admiration, compte tenu de la présence romaine par les vestiges qu'elle a laiss

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Les empereurs romains et les cités d'Afrique: du IIe au IIIe siècle ap. J.C.
 9782296556874, 2296556876

Table of contents :
DEDICACES
REMERCIEMENTS
AVANT PROPOS
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE
Chapitre I : Les statuts juridiques et la
Chapitre II : Les promotions individuelles en Afrique romaine de Trajan à Dioclétien.
DEUXIEME PARTIE
Chapitre I : Les reconnaissances des habitants des cités.
Chapitre II. Les marques de reconnaissance des empereurs.
ANNEXES
II. LISTE DES ABREVIATIONS ET DES PERIODIQUES CONSULTES.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES

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Les empereurs romains et les cités d’Afrique, du IIème au IIIème siècle ap. J.-C.

Noël Christian-Bernard OBIANG NNANG

Les empereurs romains et les cités d’Afrique, du IIème au IIIème siècle ap. J.-C.

© L'HARMATTAN, 2011 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-55687-4 EAN : 9782296556874

DEDICACES Je dédie cet ouvrage, A Dieu qui m’accorde la vie et la force nécessaire à la réalisation de ce travail ô combien laborieux ; A mes parents, Marcel NANG et Marie-Yolande EFONE, qui m’ont toujours apporté leur soutien moral et matériel. Je souhaite ardemment leur donner satisfaction et fierté ; A mes frères, sœurs et cousins, pour tout leur soutien si précieux dans la continuité de mes études, et plus spécialement à la Sœur Marcelle-Marie de Jésus pour toutes ses prières, à Georgette Nang et à Edgar Obame pour leurs encouragements ; A mes enfants ; à qui je dois l’ardeur et la motivation dans l’accomplissement de ce travail ; A mes nièces et neveux ; afin qu’ils trouvent une motivation réelle pour les études universitaires de troisième cycle ; A mon épouse bien-aimée Nadia MBOUMBA D’ALMEIDA AYOKO pour son indéfectible soutien. A mon meilleur ami Michaël VANESSE, grâce à qui j’ai pu avoir accès à de nombreux ouvrages de l’Ecole Française de Rome, lors de notre séjour en Italie.

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REMERCIEMENTS J’exprime mes remerciements et ma gratitude à l’égard :  De mon directeur de thèse, Mr Jean-Pierre MARTIN, Professeur émérite d’Histoire de l’Antiquité Romaine à l’université de Paris IV- Sorbonne, qui a accepté de diriger ma thèse dont une partie constitue cet ouvrage. Il a fait montre de disponibilité, de patience et de sincérité, en nous donnant de précieux conseils, afin de nous guider sur le plan des connaissances et de la méthodologie. Il nous a, en outre, permis d’approfondir nos connaissances des textes latins, et de l’importance de l’épigraphie dans nos recherches ;  De Mr. Y. LE BOHEC, Professeur d’histoire romaine à l’université de Paris-IV Sorbonne, qui nous a apporté de précieux conseils et informations à travers son séminaire sur L’armée romaine. Il m’avait proposé de faire un exposé sur l’armée romaine d’Afrique, et, grâce à ce travail, j’ai pu saisir l’importance de l’armée dans l’urbanisation des cités d’Afrique du Nord ;  Du professeur Ségolène DEMOUGIN (Sorbonne et EPHE), pour ses conseils lors de son séminaire sur l’épigraphie de l’Afrique romaine ;  Messieurs Alexis MENGUE M’OYE, Hugues MOUCKAGA, et Alphonse ALIKE, Professeurs d’Histoire de l’Antiquité Romaine à l’université Omar Bongo (Gabon), qui m’ont motivé, et donné les bases nécessaires aux études d’Histoire Ancienne ;  Des enseignants des départements d’Histoire de Paris IV Sorbonne et de l’université Omar Bongo (Gabon);  Du Service de la Recherche et des Doctorats de l’université de Paris IV-Sorbonne ;  Des bibliothécaires du Centre Gustave GLOTZ et de l’Ecole Française de Rome, pour leurs conseils dans la réalisation de la bibliographie.

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AVANT PROPOS L’élaboration de ce travail, qui est le premier tome modifié de ma thèse de doctorat, est le fruit d’un long parcours débuté au Département d’Histoire et Archéologie de l’université Omar Bongo. Parti de nos lectures des guerres puniques, et des rapports qui existaient entre Rome et les peuples d’Afrique du Nord depuis l’époque Républicaine, nous avons confectionné un sujet de thèse. Pendant notre DEA (Diplôme d’Etude Approfondie), notre délimitation chronologique était de Trajan aux Sévères ; nous avons jugé meilleur de la prolonger jusqu’à la Tétrarchie, afin d’élaborer un travail global de la présence des empereurs romains dans les provinces africaines. Notre sujet de thèse a eu alors le titre définitif suivant : Les empereurs et les cités de l’Afrique Proconsulaire, de la Numidie et des Maurétanies (Césarienne et Tingitane), de Trajan à la Tétrarchie. Nous avons adopté pour cet ouvrage le titre suivant : Les empereurs romains et les cités d’Afrique (2e – 3e siècle ap. J.-C.), car il correspond à l’ambition d’en faire un ouvrage de référence sur l’action des empereurs romain en Afrique. Un tel sujet impliquait de répondre à un certain nombre d’interrogations, notamment sur les rapports des princes et des peuples indigènes des cités africaines, sur la situation des peuples qui furent aux côtés des Romains afin que ces derniers viennent à bout de la puissance carthaginoise, ceci, à la lumière des sources littéraires, et surtout épigraphiques, appuyées par une exhaustive bibliographie. Une telle recherche entre dans le cadre d’une meilleure intelligence d’un pan de l’histoire de l’Afrique dans l’Antiquité pour mieux comprendre son histoire au Moyen Age.

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INTRODUCTION GENERALE Au printemps de l’année 146 avant J-C, sur un senatus-consulte, les soldats de Scipion Emilien s’emparent da Carthage1, à la fin de la « Troisième guerre punique »2. La destruction de la ville marquée par la célèbre phrase de Caton L’Ancien « delenda est Carthago »3, de ses armées met fin à un partage géopolitique du pourtour méditerranéen occidental vieux de plusieurs siècles. Rome va commencer une formidable aventure avec les anciennes cités puniques et aménager à la romaine un espace vital aux caractéristiques indéniables et aux richesses, qui serviront à la splendeur de Rome. Il s’ensuit dans cette région, la mise en place d’une sorte de Romano manie. Les provinces dont nous avons la charges de montrer les rapports avec les empereurs sont : la Proconsulaire (Tunisie actuelle), la Numidie, la Maurétanie Tingitane (Maroc actuel) et la Maurétanie Césarienne (la plus grande partie de l’Algérie). La superficie de l’Afrique romaine4 était inférieure à celle de la péninsule ibérique, mais de Lepcis Magna à Sala la distance est, à vol d’oiseau, d’environ 2200 Kilomètres carrés5. 1

Sur cette cité : S. LANCEL, Carthage, 1992, 525 pages ; M. FANTAR, Carthage, approche d’une civilisation, 1993, Tunis, 2 vol ; La civilisation phénicienne et punique, édit. V. Krings, Handbuch der Orientalistik, 20, 1995 (Leyde-New York-Cologne, 923 pages. 2 LE BOHEC (Y.), Histoire militaire des guerres puniques, Paris-Monaco, 1996, pp.275-315, et Le siège de Carthage, Les Cahiers de la paix, 9, 2003, pp.35-53. 3 « C’est Carthage qu’il nous faut détruire ». L’illustre censeur avait distribué des figues fraîches aux sénateurs et leur avait ensuite dit qu’elles provenaient de Carthage. Mais cette anecdote est ambiguë. Beaucoup de commentateurs ont pensé que Caton L’Ancien voulait attirer leur attention sur la concurrence économique. En fait, le traité de 201 (désarmement de Carthage) (cf. TITE-LIVE, XXXVIII, pp. 47-49) avait considérablement affaibli Carthage Carthage, privée de son empire, cependant que Rome ne cessait d’étendre le sien. Donc Carthage n’avait aucun intérêt dans un nouveau conflit qu’elle n’aurait jamais gagné. 4 Stricto sensu, elle désigne la province romaine d’Afrique, dont la définition a varié selon les époques. Mais on peut retenir qu’il s’agit communément de la grande province d’Afrique définie par Auguste, et qui englobe le Constantinois en Algérie (plus tard détaché pour former la Numide), la Tunisie actuelle et le Tripolitaine étendue aux autels des Philènes, au fond de la grande Syrte. Mais il faut inclure à cet espace les Maurétanies, jusqu’à l’océan atlantique, la Cyrénaïque. Cette dernière, pour A. LARONDE ne fait pas partie de l’Afrique romane (voir ouvrage cité infra). 5 LARONDE (A.), L’Afrique romaine (Ier siècle av. J.-C. – IVe siècle ap. J.-C.), REA, 68, 2005, pp. 11-15. Y. LE BOHEC, 2005, pp. 11-13 parle de la géographie physique, avec des précisions sur le relief de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie. En outre, Jusqu’à l’extrême

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Les nombreux monuments présents encore dans les pays du Maghreb actuel que sont la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, nous permettent de comprendre les raisons pour lesquelles le panégyriste de la romanitas, TERTULLIEN, s’exclamait en ces mots : « Ubique domus, ubique populus, ubique respublica, ubique vita ! »6. Il ne faut surtout pas oublier que l’Afrique romaine, particulièrement Carthage, fut jadis une puissance maritime et un Empire prospère qui entretenait des rapports commerciaux avec Rome. A ce titre nous devons nuancer notre propos quant aux apports de l’Empire romain aux cités d’Afrique du Nord. Il est vrai à la lumière des documents, qu’avant l’arrivée des Romains, les provinces africaines étaient déjà prospères, Rome n’y a fait qu’apporter des améliorations. L’Afrique romaine force l’admiration, compte tenu de la présence romaine par les vestiges qu’elle a laissés. De nombreux témoignages épigraphiques, et surtout archéologiques, nous permettent de comprendre la vie que les Romains y ont menée aux côtés des populations, romanisées pour la plupart, de l’ancienne puissance carthaginoise, et dont l’admirable et valeureux Hannibal force l’admiration (par sa stratégie militaire), en défiant la toute puissante armée romaine. Il s’agit dans notre étude, intitulée Les empereurs et les cités de l’Afrique Proconsulaire, de la Numidie et des Maurétanies (Césarienne et Tingitane), de Trajan à la Tétrarchie, de montrer avec exhaustivité, les rapports directs et indirects que les Princes romains et les cités, aux statuts et aux profils souvent différents suivant les provinces (Sénatoriales comme la première ou Impériales, pour les autres), ont pu avoir durant une période si longue. Les rapports conflictuels entre ces deux parties étant nés des "guerres puniques", qui furent comme le dit POLYBE : « La guerre la plus longue et sans trêve, et la plus difficile à gagner que je connaisse de l’histoire »7. Ces conflits se sont soldés par la victoire des Romains sur les Carthaginois ; les Romains maudissant au départ ce territoire, interdisant tout développement même aux dépens des Gracques qui payèrent de leur vie leur audace d’y orientale du Maghreb, la région appelée Tripolitaine par les anciens correspondait à l’ouest de la Libye actuelle et une frange de la Tunisie, souvent oubliée. 6 TERTULLIEN, De Anima, 30, 3 (CCL II, p. 827) : « Partout des habitations, partout des peuples, partout des cités, partout la vie ». 7 POLYBE, I, 63. Pour le déroulement des opérations des trois guerres puniques, Y. LE BOHEC, Histoire militaire des guerres puniques, Monaco, 1996. Mais au constat, l’essentiel des informations sur cette période émane de POLYBE qui s’inspirait tout en le contestant à plusieurs reprises de Philinus, un historien d’Agrigente, philo-carthaginois. Un petit nombre d’inscriptions remontent à cette époque, les elogia des Scipions (CIL I, 6-9), ou la dédicace épigraphique de la colonne installée sur le Forum par Caius Duilius, le consul de 260, après une victoire navale, décorée des rostres des bateaux ennemis (CIL, I, 25).

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vouloir une quelconque organisation prospère. L’Afrique romaine offre un large champ de recherche malgré le nombre de travaux8 que d’éminents savants ont pu y faire ; il y reste, néanmoins, de nombreux points à éclaircir sur les rapports concrets, que nous trouvons dans la plupart des ouvrages lus, mais qui demeurent toutefois des publications de référence, et sur lesquelles nous nous sommes appuyés. Les empereurs romains9 n’ont pas toujours eu des rapports uniformes avec toutes les provinces ni avec toutes les cités, qu’elles fussent municipes, colonies ou simples civitas peregrinus10, ou encore pagus11 ou vicus12. Le fait qu’il y ait une différence de statut entre les cités montre qu’elles n’étaient pas à niveau égal les unes des autres ; et que, même à l’intérieur des statuts il y avait des disparités significatives caractéristiques des rapports privilégiés, et parfois très particuliers, entre le pouvoir central et telle ou telle civitas. L’empereur avait les moyens de gouverner pleinement sans se cantonner à une gestion passive ou patrimoniale de l’Empire. Les sphères ou les espaces dont il disposait se dilataient ou se rétrécissaient au gré des personnes impériales. L’activité du prince n’obéissait pas à un programme politique cohérent et global ; elle mettait en exergue les qualités et l’efficacité de l’Auguste et cherchait à privilégier les questions où l’intervention directe était sollicitée ou était susceptible de lui permettre d’afficher son excellence et sa supériorité, en un mot ses mérites. Il n’y avait pas d’exclusive. Toutefois, l’Empire ne pouvait pas faire face sans le recours aux auxiliaires administratifs qui devaient disposer d’une certaine latitude dans l’activité routinière. Ce qui ne veut pas dire que le gouvernement y était 8

Une très riche bibliographie raisonnée nous est donnée par : BERTRANDY (F.), COLTELLONI-TRANOY (M.), L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitaine 69-439. Enjeux historiographiques, méthodologie, bibliographie commentée, Paris, 2005. L’Ecole Française de Rome publie chaque année un volume de la Bibliographie analytique de l’Afrique antique, et que nous avons pu consulter pour rafraîchir et actualiser nos informations. La dernière parution est de Debergh (J.), LE BOHEC (Y.), Bibliographie analytique de l’Afrique antique 32, Rome, 2003 (contient les ouvrages et les articles parus en 1998). Nous avons aussi consulté la « Bibliographie sur le Maroc antique », L’Africa romana 13, Rome, 1998, pp. 990-1072. 9 Histoire Auguste, Texte traduit par André Chastagnol, Paris, Robert Laffont, 1994, 1244 pages ; ZOSSO (Fr.), Les empereurs romains (27 av. J.-C. – 476 ap. J.-C., Edit. Errance, Paris, 2002, 253 pages ; ROMAN (Y.), Empereurs et sénateurs. Une histoire politique de l’Empire romain, Paris, Fayard, 2001, 543 pages. ZOOS (Fr.) et ZINGG (Ch.), Les empereurs romains, Ed. Errance, Paris, 2002, 254 pages. 10 BRIAND-PONSART (Cl.), HUGONIOT (Ch.), L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitaine, pp. 95-98. 11 Id., op. cit., p. 103. 12 Ibidem.

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centralisé et bureaucratique. Il fallait que l’empereur soit vu et reconnu13, car il était le garant de la cohésion de l’Empire. Les monnaies et les statues des places et lieux publics diffusaient les expressions officielles et les attitudes favorites de la personne du prince, épousaient en quelque sorte son style familier. L’empereur était vu tantôt comme triomphateur, tantôt comme magistrat, tantôt comme fils de Jupiter, ou encore héros et pater patriae. Le terminus a quo qui part du règne de Trajan n’est pas choisi ex nihilo, il caractérise le début d’une politique nouvelle dans les rapports, plus proches, entre les empereurs et le populus des cités provinciales. Les œuvres de cette dynastie sont significatives d’un changement de politique qui a été souvent distante sous les Flaviens. A partir des Antonins, dynastie dont fait partie Trajan, s’opère par l’intervention directe ou indirecte des empereurs, une transformation des provinces, en l’occurrence dans les institutions et les infrastructures, et des promotions plus nombreuses des provinciaux, en récompense de leur fides et de leur obsequium. Ce qui entraînera à voir de fond en comble les beneficia et les indulgentiae des empereurs. Notre terminus ad quem, qui est la Tétrarchie, marque la fin d’une politique impériale, parfois maladroite des généraux qui tendent à maintenir des empereurs sur le trône ou à le devenir eux-mêmes. La tétrarchie est une période incertaine et difficile pour le pouvoir impérial, qui passe d’une succession dynastique à une succession militaire lourde, mais se caractérise par son efficacité et sa continuité. Un pouvoir à quatre (deux Augustes et deux Césars) qui peut bien compliquer la prise de décision. Cependant, cette situation ne va pas altérer les relations des empereurs avec les cités, on note même une nette évolution de leurs rapports. Dioclétien qui est l’artisan de cette période, marque à la fois le rétablissement et la transformation de l’empire romain14. La romanisation cesse d’être autoritaire, extensive, 13

HURLET (F.), « Pouvoir des images, images du pouvoir impérial ; la province d’Afrique aux deux premiers siècles de notre ère », MEFRA 112, 2000, pp. 297-364. L’auteur observe la multiplication significative des images sous les Antonins, ce qui est propre à l’Afrique, et démontre des relations complexes entre les empereurs et les élites locales. L’image de l’empereur était aussi véhiculée par ses représentants. A cet effet, B.E. THOMASSON (« Légats d’Afrique », dans L’Afrique, La Gaule, la religion à l’époque romaine. Mélanges à la mémoire de M. LE GLAY, Bruxelles, 1994 (collection Latomus, 226)) s’interroge sur le choix des légats des proconsuls, pour conclure sur le rôle que jouaient certainement la parenté et la recommandation de l’empereur. 14 Sur la période tétrarchique et les réfomes de Dioclétien, voir notamment : W. SESTON, Dioclétien et la Tétrarchie, I : guerres et réformes, 284-300, Paris, 1946 ; D. VAN BERCHEM, L’Armée de Dioclétien et la réforme constantinienne, Paris, 1952. Pour l’Afrique, voir B.H. WARMINGTON, The North African Provinces from Diocletian to the Vandal Conquest, Cambrigde, 1954.

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conquérante15, pour devenir au contraire spontanée, intensive au sein de secteurs de plus en plus limités : la romanisation progresse qualitativement, mais pas quantitativement. Par ailleurs, la période tétrarchique est marquée par la recrudescence des soulèvements de tribus : ce sont d’abord les montagnards de Césarienne, bientôt relayés ou épaulés par les nomades sahariens16, qui mettent à rude épreuve le système défensif de l’Afrique romaine, contraignant Maximien à conduire personnellement les opérations.Le point de départ de notre réflexion est d’essayer d’apporter notre contribution à une meilleure compréhension des mobiles qui poussèrent jadis les empereurs romains de cette époque à prêter une attention particulière à l'Afrique et à son administration. Il faut dire que l'administration de cette partie de l'Empire romain était vitale pour Rome, car, à l’instar du contingent humain pour l’armée, l'Afrique fournissait, en outre, du blé et de l'huile, et autres matières premières à Rome. L'administration de cette partie de l'Empire contribuait aussi à en harmoniser la romanisation. Le changement de statut des cités, très nombreuses ici, passait aussi par un changement des mentalités des populations autochtones. Les différents statuts des cités montraient l'idée d'une politique administrative de promotion des cités selon le degré de romanisation atteint. Il nous parait opportun et évident que tout au long de notre étude nous nous pencherons autant que faire se peut sur les termes de colonia17, municipium18, civitas19, pagus20, d’une part, et de ceux de summa honoraria,21, indulgentia, beneficia, liberalitas, pecunia, fides et obsequium, d’autre part pour expliquer des relations particulières du pouvoir central avec les élites et même avec de simples habitants des cités. Tout ceci dans l’optique de savoir à quel niveau se situait les relations entre les empereurs et les cités de ces provinces, différentes par leur nature et la configuration de 15

BENABOU (M.), La résistance africaine à la romanisation, Edition La Découverte, Paris, 2005, pp. 233-234. 16 REBUFFAT (R.), « Nomadisme et archéologie », L’Afrique dans l’Occident romain, pp. 231-247 ; Id., « Mobilité des personnes dans l’Afrique romaine », dans C. MOATTI (dir.), La mobilité des personnes en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et documents d’identification, Rome, 2004, pp. 155-203. 17 Villes soit fondées, soit reconstruites, comme Carthage, par de véritables colons, ou dont quelques parties du territoire ont été données à des vétérans, comme ce fut peut-être le cas pour Sicca Veneria. 18 Ville dont tout ou une partie des habitants ont été admis dans la cité romaine. 19 Commune provinciale plus ou moins privilégiée. Les habitants n’en étaient pas, sauf exceptions individuelles, des citoyens romains ; le droit y était pérégrin. Il devait l’impôt foncier pour le droit du sol. 20 C’était une sorte de bourgade ayant ses propres institutions. 21 Le négoce et les affaires que pouvaient entraîner un changement de statut conféré par l’empereur.

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leurs populations. Ceci aussi afin de cerner les tendances à cette époque dans le traitement des cités du Haut-Empire romain à l’aube de l’Antiquité Tardive par les empereurs du IIème et IIIème siècle de notre ère, et corrélativement à la Proconsulaire, à la Numidie et aux Maurétanies. Il nous est apparu opportun de cerner et de comprendre le choix des empereurs dans leurs politiques de promotion des cités d'Afrique afin de saisir les rapports parfois particuliers entre un empereur et une cité plutôt qu’une autre. Tout ceci pour caractériser l’action et la présence des empereurs dans ces provinces. Le cadre chronologique que nous nous sommes fixé place notre réflexion entre le règne de Trajan et la Tétrarchie. Cette période correspond assez bien à une évolution notable dans la condition de cités, et dont plusieurs vont passer du statut de civitas à celui de municipium ou encore à celui de colonia, avec tous les avantages et les contraintes que ces statuts comportent évidemment ; et dont les habitants vont bénéficier de nombreuses largesses (beneficia, indulgentiae, adlecti, naturalisation, etc.).Nous constatons, en effet, qu'après les créations de colonies et de municipes au Ier siècle, et même sous les Flaviens, se manifeste un renouveau en Afrique du Nord; la politique municipale reprend mais de manière timide. C'est à partir de Trajan que nous notons un changement et une multiplication de colonies et de municipes d'un genre nouveau. Ce ne sont plus seulement des déductions de vétérans (les dernières déductions ayant eu lieu sous Alexandre Sévère)22, mais beaucoup plus d'indigènes, donc une volonté manifeste du pouvoir central d'accorder et de confier un peu plus la gestion des cités aux autochtones, bien que de nombreuses cités restent civitas. En outre, nous remarquons des rapports assez particuliers entre les empereurs et les cités, dont des habitants bénéficient de certaines largesses directement du prince, surtout sous les Sévères.D'un point de vue méthodologique, nous avons choisi de prendre en compte toutes les formes de sources : épigraphiques, littéraires et juridiques, prosopographiques, et même archéologiques dans un souci d’illustration.Sur l'organisation politique des cités, il y a des sources littéraires et juridiques qui nous renseignent sur le statut juridique et institutionnel des cités, à savoir le Digeste de Justinien, qui nous donne des renseignements précieux sur la signification réelle des mots de colonia, de municipium ou encore de civitas en droit romain. Les auteurs anciens qui se concentrent sur l'évènementiel comme TACITE23, AMMIENS MARCELLIN24, DION CASSIUS25, 22

CIL, VIII, 26262 ; Lassère (J.-M.), Ubique populus, p. 22. TACITE, Annales, trad. P. Wuilleumier, Paris, CUF, 3e éd., 1990. 24 Res Gestae, livres XV-XXXI, éd. Galletier, J. Fontaine, M.-A. Marié, M. Sabah, 6 vol., Paris, CUF, 1967-1999. 23

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HERODIEN26, APPIEN27 et bien d’autres encore, ou encore L'Histoire Auguste28, apportent des informations fondamentales, bien qu'éparses et souvent prétextes à beaucoup d'allusions, sur les magistrats qui ont exercé des fonctions municipales, dans l'Ordo Decurionum, ou encore sur les activités des empereurs et des gouverneurs, etc. Des auteurs comme AULUGELLE29, ou encore PLINE LE JEUNE30, nous fournissent de nombreux renseignements sur des termes ambigus comme municipium ou colonia, sur le statut des cités ou encore sur le fonctionnement des institutions provinciales, et surtout des cités. La correspondance de PLINE LE JEUNE, bien que fournissant des données d’une grande importance traite peu ou prou des cités d'Afrique du Nord. La source qui nous a le plus fourni d’informations sur l’Afrique romaine fut sans aucun doute l’épigraphie. En effet, les textes épigraphiques sont très divers ; il peut s'agir de comptes-rendus des collèges sacerdotaux, de dédicaces officielles ou privées, d'inscriptions funéraires et des ex-voto. Pour ce faire nous avons utilisé le Corpus Inscriptionum Latinarum (CIL, VIII), qui est un recueil d'inscriptions réalisé par Théodore MOMMSEN en plusieurs tomes ; mais c'est surtout le tome VIII qui nous intéressait car consacré à l'Afrique du Nord. Nous avons eu aussi recours à plusieurs revues comme L'Année Epigraphique31, qui est aussi un recueil d'inscriptions actualisées restituées, traduites et commentées. En outre, il y a la Revue des Etudes Latines (REL)32; la Revue des Etudes Anciennes (REA)33, les Inscriptions Latines d’Algérie (ILAlg.)34 ; les Inscriptions Latines de Tunisie35 ; les Inscriptions Latines d’Afrique36, et bien d’autres sources issues de ces revues. Se pencher sur l’histoire des empereurs et des cités d’Afrique peut paraître simple au vu des publications déjà existantes, et qui ont été faites par 25

Histoire Romaine, trad. Angl. M. Greer, Loeb, Londres, 1962. Histoire des empereurs romains de Marc Aurèle à Gordien III, trad. D. Roques, La Roue à Livre, Paris, 1990. 27 Le livre Africain (ou Libyca), trad. P. Goukowsky, Paris, CUF, 2001. 28 Cf. supra, p. 3. 29 Digeste, II. 30 Lettres, Texte établi et traduit par Anne-Marie Guillemin, 6e tirage, Paris, Les Belles lettres, 2002. 31 Paris, depuis 1888. 32 R.E.L., tome XLII, 1964 ; tome XLV, 1991. Ces tomes ne sont que des indications bibliographiques partielles. Nous avons utilisé de nombreux tomes qui ne sont pas énumérés ici. 33 Depuis 1956. 34 IlAlg., Paris, Société Nationale de diffusion, 1957. 35 IlTun., Paris, Puf, 1944, 340 pages. 36 IlAfr., Paris, Leroux, 1923. 26

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d’éminents historiens tels que J. GASCOU37 , A. CHASTAGNOL38, ou encore les travaux de Cl. LEPELLEY39, qui sont d’une très bonne qualité académique. Mais leurs travaux, bien qu’exhaustifs, traitent des rapports des princes avec les empereurs de manière parcellaire, notamment en ce qui concerne les indulgentiae, et autres beneficia faits par les princes ou par les habitants eux-mêmes en remerciement d’une œuvre impériale. On voit bien que se pencher sur les rapports empereurs / cités d’Afrique n’est pas une banalité si l’on se réfère notamment aux nombreuses publications faites depuis la fin des années 1990 (notes sur les ouvrages)40. En tout état de cause, l’intérêt d’une telle étude porte sur une évidence que rien n’est définitif en histoire. Mais quel est l’intérêt d’entreprendre des recherches dans ce domaine ? Quels peuvent être, aujourd’hui, les objectifs et les enjeux d’une telle recherche pour la communauté universitaire La motivation élémentaire d’un chercheur est de faire avancer la recherche, et d’énoncer des perspectives et des orientations dans une discipline donnée. Je souhaite apporter ma modeste contribution à une meilleure connaissance de l’Afrique romaine en usant de toutes les sources, et dont la principale est l’épigraphique, sans pour autant exclure les autres sources (littéraire, juridique et prosopographique, etc.). Contrairement à notre monde contemporain qui confine l’écriture publique permanente aux épitaphes, aux plaques de rue, aux monuments aux morts, le monde grécoromain peut être considéré comme la civilisation de l’épigraphie, et nous a transmis de milliers de documents gravés à l’occasion d’une remise d’impôt, d’une célébration particulière en l’honneur d’un empereur ou d’un membre de la famille impériale, d’une promotion précise, et bien d’autres occasions encore. L’inscription est presque toujours un document primaire et un témoin direct des faits. Il nous parvient de même sans intermédiaire à la différence des œuvres historiques de l’antiquité transmises par des manuscrits recopiés les uns sur les autres pendant des siècles ; aussi l’épigraphie apporte-t-elle toujours ainsi un peu de fraîcheur renouvelée. 37 La politique municipale…, ANWR, II, pp. 136-229 ; Id., Les pagi carthaginois, Villes et campagnes dans l’Empire romain. Actes du colloque d’Aix-en-Provence (16-17 mai 1980), pp. 139-175 ; Id., Les statuts des villes africaines : quelques apports dus à des recherches récentes, Itinéraires, pp. 231-246 ; Id., Pagus et Castellum de Confédération Cirtéenne, AntAfr., 19, pp. 175-207. 38 L’album municipal de Timgad, Bonn ; Id., Considérations sur les municipes latins du Ier siècle ap. J.- C., Afrique, pp. 351-365 ; Id., La civitas de Thugga d’Auguste à Marc Aurèle, dans Dougga, 1997, pp. 51-60. 39 Ubique Respublica. Tertullien, témoin méconnu de l’essor des cités africaines à l’époque sévérienne, Afrique, 1990, pp. 403-421 ; Id., La fin du privilège de liberté…, Splendidissima civitas, 1996, pp. 207-220. 40 Cf. notes supra n°23.

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L’essentiel de son apport ne concerne pas l’histoire évènementielle, mais l’histoire sociale et administrative, domaines négligés non illustres, secteurs pour l’étude desquels les sources littéraires ne font mention que de manière partielle. Ce qui est sûr, à notre avis, est que la finalité de la recherche en histoire des civilisations de l’antiquité s’inscrit donc dans un projet anthropologique global, celui de la connaissance de l’homme et des sociétés humaines passées.

I. Méthodologie et problématique. Au regard de cette étude je me suis rendu compte que les sources littéraires n’étaient pas très richees en informations sur les relations entre les princes et les cités, contrairement à l’épigraphie. Toutefois, ces sources offrent-elles des informations de première main sur la présence et l’action des empereurs dans les cités africaines ? En effet, lorsque la plupart des sources restaient muettes et fondamentalement impartiales ; chose qui est tout à fait normal pour les sources littéraires, qui s’intéressent aux res illustres indéniablement, les épitaphes et autres documents épigraphiques nous donnent l’image réelle de la société et de la vie des cités africaines.

a. Les nouvelles orientations. J’ai centré mon étude sur des aspects certes étudiés par des auteurs modernes, mais qui ont l’intérêt de faire comprendre que l’Afrique romaine est un vaste champ de recherche, et une région qui passionne encore les chercheurs contemporains. Alors pour ne pas faire des redites ou des erreurs d’interprétation, ou encore de plagier les auteurs modernes qui se sont penchés sur les questions liées à l’Afrique romaine, j’ai décidé de traiter le sujet tel qu’il se présente aujourd’hui : Les empereurs romains et les cités de l’Afrique Proconsulaire, de la Numidie et des Maurétanies (Césarienne et Tingitane), de Trajan à la tétrarchie. Il m’a donc fallu élucider toutes les questions qui surgissaient à ce propos, faire une relecture des sources. L’intérêt de cette étude réside dans sa spécificité : faire une recherche sur la présence et l’action des empereurs dans les provinces d’Afrique romain vise à une meilleure connaissance des cités d’Afrique romaines à travers les termes de civitas romana, indulgentia, beneficium, et bien d’autres, qui permettent une vision éclairée des rapports entre l’administration centrale et les administrations satellites que constituent les cités, dans la perspective de l’écriture d’une histoire globale du continent africain. 17

b. Délimitations chronologiques. Qu’est-ce qui justifie le choix de nos bornes chronologiques ? Notre chronologie obéit à un constat du principat de Trajan (98-117), succédant à celui, fort court, de Nerva (septembre 96 – Janvier 98), qui constitua une étape charnière, et marqua pour plus d’un siècle la géographie politique, économique, sociale et militaire de l’Afrique du Nord. Considéré comme un empereur fidèle à la tradition des grands imperatores, il mena une politique offensive dans bon nombre de régions et surtout en Afrique du Nord (actuel Maghreb). En Numidie, par exemple, son action se traduisit par la mainmise sur de nouveaux territoires, jusqu’à l’Aurès, avec les dernières déductions de colonies, l’installation de la Légion à Lambèse, la délimitation de nombreux territoires effectuée par les légats de la IIIème légion Auguste, en Africa, par quelques promotions d’anciennes cités puniques, et par d’autres beneficia. Bénéficiant d’une grande popularité durant son règne41, comme après sa mort, il laissa le souvenir d’un excellent empereur (Optimus Princeps). Il donna en quelque sorte sa physionomie quasi définitive à l’occupation romaine. La Tétrarchie, qui est la limite chronologique de notre étude, marque un changement définitif sur la politique impériale en Afrique du Nord. Il n’y a plus de déduction depuis longtemps, et de nombreuses cités n’ont plus rien d’Africain, si l’on peut le dire. Les élites romanisées dirigent les cités. Les institutions sont calquées sur celles de Rome. En même temps on peut noter un certain recul du pouvoir impérial dans ces provinces, qui se penchent de plus en plus sur les capacités financières de l’Empire, à cause des nombreuses promotions juridiques qui ont exempté des cités de taxes et tributs divers.

II.

Sources et état du problème.

Plusieurs sortes de documents permettent d’aborder ce sujet. De nature différents, ils se complètent cependant jusqu’à nous donner une idée assez précise : en effet, à n’utiliser qu’une sorte de document, nous nous exposerions à de graves distorsions. C’est ainsi qu’il est apparu indispensable, en ce qui concerne le commentaire général, d’avoir recours à quatre types de sources principales, et dont les plus importantes sont les 41

PLINE LE JEUNE, Lettres, Texte établi et traduit par Anne-Marie Guillemin, 6e tirage, Paris, Les Belles Lettres, 2002.

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sources épigraphiques et littéraires, et dans une moindre mesure, les sources juridiques, archéologiques et prosopographiques. Nous traiterons donc ici des plus importantes : les sources épigraphiques et littéraires.

a. Les sources épigraphiques. En comptant des milliers d’inscriptions, l’épigraphie est de loin la source la plus importante. Bien qu’étant de valeurs inégales, allant de la simple épitaphe42 presque anonyme au témoignage plus concret, plus complet et personnel, certaines inscriptions sont tellement importantes qu’elles ont presque à elles seules la valeur d’un texte littéraire. L’apport des documents épigraphiques à l’histoire est considérable et le territoire de l’épigraphie est vaste4344. Science délicate, elle nécessite de recourir à des techniques spéciales et à un raisonnement rigoureux en nous permettant de voir les anciens en train de vivre. Aussi est-elle en ce sens, une source de base importante nous permettant de nuancer les avis de la littérature dans cette étude que nous faisons sur les rapports entre les empereurs et les cités. b. Les sources littéraires. L’histoire de l’Afrique ne nous a été que partiellement retracée par les auteurs anciens. Un premier récit à peu près continu va jusqu’à l’époque de Tibère pour l’Africa et de Claude pour la maurétanie. Prenant non pas directement le relais de SALLUSTE, mais après un hiatus d’une soixantaine d’années, CESAR et le PSEUDO-CESAR, avec La Guerre civile45 et la Guerre d’Afrique, nous renseignent sur les événements qui ont marqué un moment bref, de cinq années à peine au milieu du premier siècle ap. J.-C., mais qui ont marqué l’histoire de l’Afrique d’une façon certainement 42

L’une des réflexions les plus pertinentes sur le rôle de cette source historique dans le monde antique, à Rome en particulier et dans l’empire romain en général, est celle de CORBIER (M.), L’écriture dans l’espace public romain, in L’Urbs. Espace urbain et histoire. Actes du colloque international organisé par le CNRS et l’Ecole Française de Rome (Rome, 8-12 mai 1985), Rome, 1987, pp. 27-60. Les épitaphes constituent environ 70% du total des inscriptions connues datant de l’Empire romain. Ce primat de l’écriture funéraire que l’on n’observe pas dans d’autres civilisations antiques comme la Grèce ou L’Egypte et même la Mésopotamie, montre qu’on touche là à un phénomène culturel essentiel. R. MACMULLEN va même jusqu’à considérer les épitaphes comme un des principaux signes de la romanisation (The Epigraphic Habit in the Roman Empire, American Journal of philology, 103. 3, 1982, pp. 238-239.

44 45

Bellum civile, II, 23-44.

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décisive. Il faut ensuite recourir à DION CASSIUS qui, dans un court passage46, nous livre quelques indications sur la refondation et le renforcement de Carthage, mais de façon très rapide et superficielle, on pourrait dire évènementielle, sans la moindre précision de nature juridique, par exemple sur les institutions de la cité et de la province dont elle était la capitale, non plus que sur l’étendue du territoire où ces institutions s’appliquaient. TACITE prend le relais, pour l’Afrique du temps de Tibère, avec le récit circonstancié de la guerre de Tacfarinas. Ce qui est étonnant dans les sources concernant notre étude, c’est une absence qui va du milieu du Ier siècle à la fin du IIIème siècle. On ne trouve que de rares allusions de-ci de-là : les expéditions vers les Garamantes47, au voyage d’Hadrien en 12848 ; à la guerre des Maures sous Antonin le Pieux49 ; au voyage de Septime Sévère et l’extension du limes en Tripolitaine50. Dans cette période, on mettra un peu à part les œuvres de TERTULLIEN, un Romain d’Afrique, admirateur de son histoire, et un bon exemple africain de la culture classique. En rigoriste, il prétend fixer les rapports entre chrétiens d’une part, les païens ou les juifs de l’autre, et il nous renseigne ainsi sur la société pluriculturelle de l’Afrique de son temps51. En dehors de cette œuvre exceptionnelle, qui intéresse plus la société et la culture africaine que l’histoire politique, et de celle d’APULEE52, on ne peut relever qu’un seul épisode assez largement traité par nos sources du Haut-Empire, l’affaire de Thysdrus en 238, exposé avec un certain détail par Hérodien53, beaucoup plus brièvement par l’Histoire Auguste54. Il y aussi quelques informations sur l’Afrique romaine dans les œuvres de CYPRIEN55, sous la Tétrarchie et Dioclétien. D’autres encore dans les ouvrages d’AURELIUS VICTOR56, de ZOSIME et d’AMMIEN MARCELLIN57 qui ne sont plus dans nos préoccupations chronologiques. 46

DIO CASS., LX, 9, 6; Aur. Victor, Caes., 4, 2. TACITE, Hist., IV, 50 ; Pline, N. H., V, 5. 48 SHA, Vita Hadr., XIII, 4 ; le dossier épigraphique est réédité dans Les Discours d’Hadrien à l’Armée d’Afrique (exercitatio), sous la direction d’Y. Le Bohec, Paris, De Boccard, 2003, pp. 59-76. 49 SHA, Vita Pii, V, 4 ; Pausanias, VIII, 43, 3. 50 SHA, Vita Severi, XVIII, 3; Tertullien, Adv. Iud. 7. 51 De spectaculis ; De corona ; De cultu feminarum ; Adversus Iudaeos. 52 Indications sur la vie en Afrique du Nord au milieu du IIème siècle dans l’Apologie et dans les Florida. 53 HERODIEN, VII, 4-9. 54 SHA, Vita Gord. III, XXIII, 4-5. 55 Texte et trad. dans J.-L. Maier, 1987, pp. 211-239. 56 De Caesaribus, XL, 17-19. 57 Histoires, Livres 29-31, éd. G. Sabbah, aevc notes de L. Angliviel de la Beaumelle, CUF, Paris, Les Belles Lettres, 2ème tirage, 2002. 47

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Pour suppléer à cette inégalité des sources de tradition manuscrite, il y a évidemment celle qui constitue pour moi la « reine des batailles » : l’épigraphie. Si la documentation papyrologique est pratiquement absente dans nos provinces (seul un manuscrit manichéen a été retrouvé près de Tébessa en 191858), en revanche largement plus de 50 000 inscriptions y ont été publiées. Nous trouvons ces inscriptions dans les livraisons annuelles de L’Année Epigraphique, ou dans des recueils tels le Corpus inscriptionum Latinarum. En effet, l’épigraphie fournit de nombreuses informations sur les instituions de l’Empire, sur la prosopographie, sur les carrières sénatoriales et équestre. Il suffit de rappeler comment la célèbre Table de Banasa59 a permis de restituer partiellement le Pap. Giessen 40, et d’autres documents incomplets dans les sources littéraires. On peut évoquer le codicillus, c’est un document qui termine le cursus de Q. Domitius Marsianus sur une pierre de Bulla Regia : on y trouve les quelques mots de Marc Aurèle félicitant le chevalier africain pour sa nomination et lui rappelant ce qu’on attend d’un bon administrateur : « César Antonin Auguste à son cher Domitius Marsianus, salut. Aspirant depuis déjà longtemps à te promouvoir à l’éclat (splendor) d’une procuratèle ducénaire, je mets à profit le moment avantageux qui est à présent arrivé. Succède donc à Marius Pudens avec espoir dans la durée de ma faveur aussi grand que sera grande ta conscience de la nécessité de conserver intégrité, zèle et expérience (innocentia, diligentia, experientia). Adieu, mon Marsianus, très cher à mon cœur »60. On est tenté de faire le rapprochement avec une lettre adressée par PLINE LE JEUNE à un légat impérial soixante ans plus tôt61. On n’insistera pas sur cet apport à une histoire commune du monde romain. On se bornera à évoquer quelques rubriques, essentiellement quatre, où les pierres écrites ont livré des données originales, intrinsèquement africaines, mais souvent transposables ailleurs. Il y a d’abord des textes qui intéressent la vie économique. Nous connaissons le tarif de Zaraï62 ; une inscription dont le dossier est loin d’être refermé, tant est encore grande l’incertitude sur le texte complet d’une pierre mutilée (on ne sait dans quelle proportion), et sur la nature, la direction des courants commerciaux qu’elle fait entrevoir. Mais d’autres stations d’octroi sont maintenant connues, avec les titres du personnel qui leur était affecté. Il 58

ALFARIC (P.), Un manuscrit manichéen, dans Rev.d’Hist.et de Litt.religieuse, n.s., VI, 1920, pp. 62-98. 59 IAM, 2, 94, avec un important commentaire. 60 AE, 1962, n°183 ; H.-G. PFLAUM, Bonner Jahrb., 171, 1971, pp. 349-350. 61 PLINE, Ep., VIII, 24, à Sex. Quinctilius Valerius Maximus, légat envoyé par Trajan en Achaïe ad ordinandum statum liberarum civitatium. Certains adjectifs employés par Pline (humanis, bonus, peritus, probatus) évoquent la phrase de Marc Aurèle. 62 CIL, VIII, 4508.

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y a surtout le dossier bien fourni de l’agriculture africaine, avec les grandes inscriptions de l’Henchir Mettich63, de l’Aïn el-Djemila64, de Jenan elZaïtouna pour le fundus Tapphugabe(n)sis65, qui mentionnent un manciane cultor, et de Souq el-Khmis66, qui nous ont révélé les dispositions de la consuetudo Manciana et de la lex Hadriana de rudibus agris, et qui ont donné lieu depuis un siècle à un grand nombre d’études. D’autres aspects de la vie économique, et plus généralement de la vie de relations ont été précisés par Pierre SALAMA à partir d’une catégorie d’inscriptions, de bornes milliaires, en l’occurrence une collection de quinze bornes du nord de l’Afrique proconsulaire67. Il a dressé un tableau de la circulation militaire, administrative, économique et fiscale, et même privée, nous restituant l’image d’un « tourbillon de faits économiques »68 : ce dossier nous a été d’une aide précieuse, en nous révélant de multiples interventions impériales dans la gestion des affaires locales très diverses, et cet exemple africain a certainement ses parallèles dans d’autres régions de l’Empire69. Les institutions sont, en effet, le domaine qui profite le plus des nouvelles découvertes épigraphiques. Rares sont cependant les inscriptions qui évoquent les hautes instances, comme le concilium Africae70, ou celui des Maurétanies71. Mais sur ce point les indications des sources littéraires sont tout aussi rares et d’ailleurs allusives72. Très nombreux sont les documents sur le culte impérial, dans ses manifestations municipales, provinciales ou militaires. Les institutions municipales sont un autre domaine largement éclairé par l’épigraphie, et parfois par des textes d’une importance considérable : on citera bien sûr L’Album de Timgad, republié et étudié par A. CHASTAGNOL73. Il s’est aussi intéressé à l’œuvre de Julien 63

CIL, VIII, 26902. CIL, VIII, 25943. 65 ILtun., 628 ; AE, 1980, 918. 66 Idem, 629. 67 SALAMA (P.), Bornes milliaires d’Afrique Proconsulaire, un panorama historique du BasEmpire romain, Coll. EFR, vol. 101, Rome, 1987. 68 Ibidem, p. 80. 69 SALAMA (P.), Les bornes miliaires du territoire de Tipasa (Maurétanie Césarienne), Publ. de l’Université de Sassari, 2002. Dans cet ouvrage, il nous donne une autre étude dans le même domaine, mais qui porte sur le secteur plus limité de Tipasa. 70 CIL, VIII, 17639, datable de 224 à 226 ; relecture, trad. et comm. de D. Legrand dans RHD, 74, 1996, pp. 337-352. Ce texte est un des rares à mentionner le concilium (provinciae). 71 J’ai pu constater qu’il y a une allusion probable dans une inscription de Césarée de Maurétanie (AE, 1995, n° 1793), qui fait connaître une représentante de l’élite municipale à laquelle furent accordées la bandelette d’or et la couronne de la province iudicio patrum. 72 PLINE LE JEUNE, Ep., II, 11, 2 : Marius accusantibus Afris… 73 CIL, VIII, 2403 ; A. CHASTAGNOL, L’Album municipal de Timgad, Bonn, habelt 64

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en Afrique dans le célèbre album municipal de Canusium daté de 22374. Des institutions particulières à l’Afrique sont connues grâce à J. GASCOU, notamment dans la Confédération cirtéenne75. Je me suis heurté à la difficulté d’évoquer les activités des individus, afin de comprendre les rapports des empereurs avec les habitants des cités. J’aurais pu y arriver si les sources épigraphiques n’avaient pas été aussi muettes sur ces activités. En effet, il est peu fréquent que les épitaphes révèlent le métier des défunts ; ce qui m’aurait permis d’entrevoir un beneficium imperatoris ou non ; et quand elles le font c’est de façon très laconique. Des biographies comme celle intitulée « du moissonneur de Mactar » (très largement connue) ou de « l’agriculteur de Biha Belta » sont des exceptions : cette dernière inscription, retrouvée à Bou-Assid, dans la région de Mateur, en Tunisie, fait connaître au IIIème siècle « un fermier libre de toute dette, qui a restauré un fundus et qui …a aussi créé, en greffant les rejets stériles de l’oléastre, un grand nombre d’oliviers ; il a créé également un puits près de la route, un verger avec des treilles, puis un collecteur et des vignes nouvelles sous les arbres »76. Notre documentation s’est enrichie avec les inscriptions qui touchent la vie religieuse même si notre étude ne porte pas sur les aspects religieux de la présence impériale dans les cités d’Afrique romaine. C’est également par des pierres inscrites, tout comme ce fut le cas pour le culte impérial, que nous connaissons l’organisation militaire qui va nous permettre de voir dans la deuxième partie de notre travail le rôle joué par les légionnaires dans l’urbanisation des cités. On a pu reconstituer la conception générale du système défensif, afin de préserver les acquis de la présence romaine, à partir des ordres du jour d’Hadrien à Lambèse par exemple77, mais d’innombrables inscriptions révèlent la dispersion des garnisons locales, les raisons stratégiques de leur installation78 (nous allons montrer que les incursions des 74 CIL, IX, 338=ILS, 6121; un fragment d’inscription de Sigus, en Numidie cirtéenne, pourrait porter lui aussi les vestiges d’un album municipal : CIL, VIII, 10860=ILAlg., II, 6519. 75 Les magistratures de la Confédération Cirtéenne, BCTH, 1984, n s, fasc. 17 B, pp. 323-33 76 AE, 1975, n° 883 ; traduction de J. PEYRAS, Le Fundus Aufidianus : étude d’un grand domaine de la région de Mateur, AntAfr., IX, 1975, pp. 192-222. Voir aussi les commentaires de Ph. LEVEAU, L’Agricola de Biha Belta. A propos d’une inscription récemment découverte dans la région de Mateur, Cah. de Tun., XXVI, 101-102, 1978, pp. 7-13. Étude reprise par J.- M. LASSERE, Les sources de l’histoire de l’Afrique, Rev. Et. Ant., , Pallas, Toulouse, 2005, pp. 19-35. N. MATHIEU traite aussi de la puissnaces des Aufidii dans son ouvrage Histoire d’un nom : les Aufidii dans la vie politique, économique et sociale du monde romain : IIe siècle avant Jésus-Christ - IIIe siècle après Jésus-Christ, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1999, 259 p. 77 Prosopographie chrétienne du Bas-Empire, 1, Prosopographie de l’Afrique chrétienne (303-533), sous la direction d’A. Mandouze, Paris, CNRS, 1982. 78 REBUFFAT (R.), Au-delà des camps romains d’Afrique mineure, renseignements,

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tribus en sont pour quelque chose, notamment celle des Baquates et des Autololes, et même de leur vie quotidienne79. Et par ailleurs quelques inscriptions de la Césarienne apportent des détails sur les difficultés du milieu du IIIème siècle80. Nous avons aussi utilisé les sources archéologiques pour montrer l’importance des monuments figurés surtout. En effet, de nombreuses monographies ont été réalisées, notamment sur les cités suivantes : Hadrumète81, Césarée de Maurétanie82, Belalis Major83, Utique84, Volubilis, Dougga, Mactar, Carthage, et bien d’autres. Certaines publications ont été consacrées à un type de monument, comme les thermes85. Nous avons constaté que l’archéologie et l’épigraphie sont inséparables, et l’étude d’un monument funéraire a pu une nouvelle fois en apporter la démonstration avec le grand mausolée de Cillium (en Tunisie), où a été gravé un remarquable poème de cent-dix vers, qui nous renseigne sur l’origine, la composition, les ambitions, la culture d’une famille romanoafricaine du second siècle : très classique dans son expression poétique et architecturale, cette culture ne repousse cependant pas ses fondements libyco-puniques86. L’épigraphie africaine d’ailleurs nous a rendu un nombre considérable de carmina, qui sont autant de témoins de la diffusion de la culture classique. P.-A. FEVRIER estimait que, malgré les apparences, le silence des pierres était aussi grand que celui des textes, et nous partageons cette affirmation compte tenu des difficultés que nous avons rencontrées. Toutefois, notre travail a été conduit à son terme, en reliant toutes les sources pour en faire nos conducteurs dans la connaissance de l’Afrique romaine Notre documentation ne sera donc jamais complète ni homogène, nous le reconnaissons, mais si nous sommes peut-être moins bien servi que l’historien de l’Egypte, nous sommes conscients des limites de ces sources, contrôle, pénétration, ANRW, II, 10, 2, pp. 474-513. 79

AE, 1907, n° 4 et 5 ; 1954, n° 136 ; P. SALAMA, Bornes milliaires et problèmes stratégiques du Bas-Empire en Maurétanie, CRAI, pp. 346-354 ; P. SALAMA et M. CHRISTOL, Une nouvelle inscription d’Aïoun Sbiba concernant l’insurrection maurétanienne dite « de 253 », dans Cah. du Centre Glotz , XII, 2001, pp. 253-267. 80 CIL, VIII, 2615 ; 9047 ; 12296 ; AE, 1907, n° 4 et 5 ; Cypr., Ep. LXII ; J. Jacques, Les curateurs des cités dans l’Occident romain de Trajan à Gallien, Etudes prosopographiques, V, Paris, 1983, pp. 380-381. 81 FOUCHER (L.), 1964. 82 LEVEAU (Ph.), 1984. 83 MAHJOUBI (A.), 1978. 84 LEZINE (A.), Utique, Tunis, 1968. 85 THEBERT (Y.), 2003. 86 Groupe de recherches sur l’Afrique Antique (de l’Université de Montpellier III), 1993.

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même si elles nous semblent abondantes et finalement équilibrées. Cette immense collection de sources anciennes et épigraphiques a été confortée par une bibliographie que nous avons, autant que faire se peut, ciblée sur les spécificités de notre travail. En effet, plusieurs auteurs modernes se sont penchés sur la politique des empereurs en Afrique romaine, mais de manière plus généraliste sans se pencher assez sur les particularités qu'on y rencontre, par exemple, sur ce que nous avons appelé les ‘’colonies de déductions’’ et les ‘’municipes de promotions’’. En effet, il est important de faire cette distinction qui semble souvent passer sous la coupe des mots. Il y a aussi ce que nous avons appelé les ‘’rescrits de doléances’’. Autant de termes qui ont nécessité, pour nous, une attention particulière. Toutefois, et malgré ces insuffisances, plusieurs auteurs modernes restent incontournables car nous fournissant de précieuses 'informations sur les institutions municipales ; pour cela nous pouvons citer J. GASCOU qui a consacré sa thèse aux "créations coloniales et municipales de Trajan à Septime Sévère"; un autre ouvrage de cet auteur, La politique municipale87…, nous a permis de faire le point sur la politique municipale en Afrique. Dans la même optique, nous avons l'ouvrage de Jean TOUTAIN sur Les cités romaines de Tunisie, bien que très ancien et comportant quelques insuffisances, cet ouvrage consacre plusieurs chapitres aux conditions des cités et surtout à celles des habitants. Michel HUMBERT quant à lui nous brosse un remarquable tableau sur les institutions dans son ouvrage sur "Les Institutions Politiques et Sociales", et bien d’autres encore qui se sont consacrés, à des degrés divers, aux questions que soulèvent l’Afrique du Nord sous le Haut-Empire, tels que Jean -Marie LASSERE88, Jean GAUDEMET89, François JACQUES90 André CHASTAGNOL91, H.-G PFLAUM92, Hellène JOUFFROY93, Gilbert-Charles. PICARD94, Ch. HUGONIOT95 ou encore Cl. BRIAND-PONSART, Michel CHRISTOL96, 87

GASCOU (J.), op.cit. LASSERE (J.-M.), Ubique populus, Tertullien, témoin, de l’essor des cités africaines à l’époque sévèrienne, CNRS, Paris, 1977. 89 GAUDEMET (J.), Les institutions de l’Antiquité, Edition Montchrestien, Paris, 1972, 518 pages. 90 JACQUES (F.), Le privilège de liberté, Ecole française de Rome, 1984, 859 pages. 91 CHASTAGNOL (A.), L’album municipal de Timgad, Bonn, 1978, 110 pages. 92 PFLAUM (H.G.), L’Afrique romaine. Scripta varia I, Librairie. Edition L’Harmattan, Paris, sd., 458 pages. 93 JOUFFROY (H.), La construction publique en Italie et dans l’Afrique romaine, CNRS, Strasbourg, 1986. 94 PICARD (G.Ch.), La civilisation de l’Afrique du Nord antique, édition des études augustiniennes, Paris, 1990. 95 HUGONIOT, L’Afrique romaine de la l’Atlantique à la Tripolitaine (146 av. J.-C.- 533 ap. J.-C.), Paris, Armand Colin, 2005, 569 pages. 88

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Jean-Pierre MARTIN97, Cl. LEPELLEY, des ouvrages de très bonne facture scientifique et académique, et bien d’autres encore comme l’excellent ouvrage de Jean-Michel CARRIE98 et d’Aline ROUSSELLE sur "L’Empire Romain en mutation des Sévères à Constantin".. Nous avons aussi l’ouvrage d’Odile WATTEL sur La politique dans l’Antiquité romaine99, dans lequel elle nous parle de l’art de gouverner sous les différents empereurs jusqu’à la crise du IIIème siècle. Ceci n’est qu’un aperçu de notre bibliographie bien sûr confortée par d’autres ouvrages que nous avons utilisés tout au long de notre travail, à savoir, entre autres, ceux des modernes tels que F. ABBOT et A. JOHNSON, qui dans leur ouvrage Municipal Administration in the Roman Empire100, dresse une synthèse de l’ensemble des communautés aux statuts variés et étudiés les uns après les autres. D’autres tels qu’A. BESCHAOUCH, dans cet article intitulé « Mustitana » in Karthago, au tome XIV, publie de nouvelles inscriptions inédites, et analyse le mécanisme de l’évergétisme. Nous avons aussi intégré de nombreuses monographies qui nous ont permis de cerner l’évolution de certaines cités phares des Antonins à la Tétrarchie101, en passant par les Sévères et les Gordiens, afin de comprendre les changements de statuts qui s’y sont effectués et les auteurs de ces promotions. Notre étude essayera de prendre en compte une évolution protéiforme qui concerne aussi bien les réalités institutionnelles, sociales, les fondements des politiques provinciales des empereurs des IIème et IIIème siècles, ainsi que les motivations et les attentes d'une politique de romanisation avancée. Nous ne prétendons pas faire une étude totale sur les rapports directs ou indirects des cités de la Proconsulaire, de la Numidie et des Maurétanies avec les empereurs, dont plusieurs aspects ont déjà été traités, mais d'autres paramètres seront évoqués dans cette étude. Enfin, notre objet n'est pas de nous borner à une pure étude juridique qui nous restreindrait à une liste des différentes communautés ayant accédé ou non au rang de colonie ou de municipe; objet de nombreuses études (cf. 96

CHRISTOL (M.), Regards sur l’Afrique romaine, Paris, éditions errance, 2005, 301 pages. MARTIN (J.-P.), “ Le modèle romain”, dans les Empires occidentaux de Rome à Berlin, Histoire générale des systèmes politiques, Paris, 1997, pp.15-106. 98 CARRIE (J.-M-), ROUSSELLE (A.), L’Empire romain en mutation, des Sévères à Constantin (192-337), Seuil, 1999, 823 pages. 99 Ibidem. 100 ABBOT (F.), JOHNSON (A.), Municipal Administration in the Roman Empire, NewYork, Russel & Russel, rééd. en 1968. 101 Les empereurs tétrarques (284-305) : Trajan Dèce, Valérien I, Aurélien, Gallien, Probus, jusqu’à Martinien (324), en passant par les réformes de Dioclétien. Voir l’ouvrage de Fr. ZOSSO et Ch. ZINGG, Les empereurs romains, Errance, Paris, 2002, 254 pages. 97

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Jacques GASCOU et Jean-Marie LASSERE), nous y reviendrons bien sûr, mais cette fois en tenant compte de l'évolution et des particularités des deuxième et troisième siècles. Il faut noter que la transformation d'une cité pérégrine en municipe ou en colonie, ne ressemble pas à la création d'une colonie ou d'un municipe d'anciens colons. Cette situation est une innovation des Antonins et des Sévères. Nous évoquerons aussi les mobiles de promotion de telle ou telle cité pérégrine au rang de colonie "honoraire" ou au rang de municipe, d’un notable ou habitant ou de sa famille au « droit de cité », ou encore à une indulgentia précise. Les motifs purent être multiples : richesses économiques, intérêts stratégiques, degré de romanisation, protection de patrons puissants, beneficium de l'empereur, etc. Ces motifs feront bien sûr partie des aspects importants de notre étude. Notre étude a été aussi guidée par la volonté de mettre en valeur les disparités dans la pratique d'une politique de promotion des cités par les empereurs et les objectifs, sinon les mobiles, de ces derniers. Cette optique d'étude implique tout naturellement un certain nombre d'interrogations à savoir : comment se caractérise la présence et l’action des empereurs dans les cités d’Afrique romaine ? Comment se caractérise l’action des empereurs sur l'organisation politique et sociale des cités d'Afrique Proconsulaire, de Numidie et des Maurétanies aux IIème et IIIème siècle de notre ère ? Trouve-ton des disparités dans le traitement des cités par chaque empereur? Quels sont les types de colonies et de municipes qu'on rencontre en Afrique Proconsulaire, en Numidie et en Maurétanie ? Existe-t-il une politique promotionnelle des cités en colonies ou en municipe, et quels en sont les mobiles à cette époque ? L’intérêt de l’Afrique se résumait-elle à l’approvisionnement annonaire de Rome ? Quels furent les impacts de la crise du IIIème siècle dans ces provinces et dans leurs rapports avec les empereurs ? Quels furent les dérapages des administrateurs et les réactions des habitants, citoyens ou pas ? Quelles furent les promotions individuelles accordées par les empereurs aux habitants exemplaires en fides102 et en obsequium103 ? Quelles furent les marques de reconnaissance des habitants des cités dans ces provinces ? Comment se caractérisent les politiques agricoles et fiscales surtout dans ces provinces ? Un certain nombre de termes nous permettront de cerner et de répondre à ces interrogations : indulgentia, beneficia, ex permissu, ex auctoritate, etc.Aussi, serait-il 102

La loyauté et l’obéissance. La déférence. Sur ce terme, Y. ROMAN en a fait une étude lorsqu’il montre les relations complexes et de subordination entre Les empereurs et les sénateurs, paru en 2001 aux éditions Fayard, p. 334-335 ; CICERON, Des termes extrêmes des Biens et des Maux, I, 17. Sur l’origine du mot, CICERON, Lettres familières, I, 9, 21. 103

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convenable de répondre à la question suivante : pourquoi cette période se caractérise-t-elle par un renouveau dans la politique municipale en Afrique romaine et plus spécifiquement en Proconsulaire, en Numidie et dans les Maurétanies ? Ce renouveau est-il dû aux empereurs ? Quelles en sont les implications dans les rapports entre les empereurs et leurs sujets ? Enfin, quels sont tous les avantages, mais aussi les inconvénients qu’en tirent les habitants des cités ? Pourquoi une telle présence et une telle action aux provinces d’Afrique ? Peut-on parler d’une politique stratégique et qualitative des princes en Afrique romaine ? Autant de questions auxquelles nous donnerons des réponses précises et éclairées, à la lumière des sources littéraires, juridiques, épigraphiques, archéologiques, prosopographiques et bibliographiques. Les grandes lignes de notre étude se dessinent donc comme suit : nous consacrerons une première partie à l'examen, d’une part, des promotions collectives et individuelles, globalement des promotions juridiques et d’octroi de la civitas romana conduisant à la formation d’une ou d’élites, qui permettront le renouvellement de l’administration centrale. Dans notre seconde partie, nous traiterons des marques de reconnaissance, d’une part, des cités elles-mêmes et, d’autre part, des beneficia et des indulgentiae des empereurs, ainsi que leurs mobiles. Dans une troisième partie, nous analyserons les politiques économiques, fiscales et agricoles dans les cités, avec un accent tout particulier sur les réformes agraires et leur impact sur les habitants des cités. Enfin, dans une quatrième partie, nous montrerons que les beneficia imperatoris ou via imperatoris sont limités par des insurrections fréquentes et ponctuelles, surtout dans les Maurétanies.

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PREMIERE PARTIE LES PROMOTIONS COLLECTIVES ET INDIVIDUELLES DES CITES D’AFRIQUE PROCONSULAIRE, DE LA NUMIDIE ET DES MAURETANIES.

Les interventions impériales les plus importantes dès le règne de Trajan furent les promotions juridiques et l’octroi de la civitas romana, d’une part aux familles dirigeantes des cités, d’autre part, aux personnes qui exprimèrent leur adhésion à la roman way of life. Les empereurs iront même jusqu’à permettre à beaucoup d’Africains romains l’accès aux hautes magistratures de l’Etat, ainsi qu’aux avantages liés à ces fonctions. En dépit de cet élan promotionnel des empereurs , il faut souligner que tous ne vont pas s’intéresser à l’Afrique avec le même intérêt, ce qui va permettre la formation d’une élite très romanisée, donnant l’illusion à beaucoup d’Africains que tous pouvaient atteindre le même niveau de promotion. Les cités, avant l’édit de Caracalla, vont s’activer à exprimer leur obsequium, afin de voir aboutir leur volonté d’être soit municipe de droit latin ou italique, soit des colonies. Alors comment vont s’exprimer tous ces vœux et toute cette expression de changement ? Quels seront les mobiles de ces promotions, et les conséquences du côté des Africains ?

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Chapitre I : Les statuts juridiques et la constitutio Antoniniana en Afrique romaine ; une nouvelle approche des beneficia imperatoris sous conditions. Durant cette longue période de près de trois siècles - en particulier le II et le IIIème siècle-, considérée comme la plus heureuse de l’Afrique romaine, il convient de distinguer deux grands moments, sans faire preuve d’une rigidité excessive. Du principat d’Auguste à celui de Trajan, les empereurs s’efforcèrent de restructurer l’ensemble de l’Afrique du Nord, sauf dans des marges méridionales, d’une part grâce à la conquête et aux déplacements successifs de la légion vers le sud de la Numidie, d’autre part en raison de l’implantation de colons originaires d’Italie, exception faite de la promotion de cités maurétaniennes par Claude, et, peut-être de l’Afrique Proconsulaire par les Flaviens. La seconde phase, celle qui nous intéresse particulièrement, commence avec Trajan (96-117), pour qui la priorité fut donnée aux régions extérieures à l’Africa vetus, et va s’amplifier avec ses successeurs. L’empereur Hadrien va promouvoir des cités authentiquement africaines ; politique de municipalisation, qui se poursuivit selon des rythmes variables jusqu’au deuxième tiers du IIIème siècle. Ces promotions font partie des beneficia imperatoris ou des indulgentiae, selon la nature des bienfaits, et il n’est pas inutile de les rappeler dans notre étude, même si d’aucuns trouverons que cela n’apporte rien à ce qui est déjà fait sur la question de la municipalisation en Afrique. Pour notre part, faire une étude simplifiée des statuts juridiques revient à rappeler leur importance dans le développement des cités et la montée de nombreux Africains dans l’administration dirigeante de l’Empire et dans les provinces. Je tiens aussi à rappeler qu’une étude qui se veut sérieuse sur l’Afrique romaine ne saurait exclure de brosser un tant soit peu quelques aspects des statuts juridiques des cités des provinces qui la composent, d’où notre obstination à en parler. En outre, la plupart, sinon la quasi-totalité des publications sur l’Afrique romaine104 ème

104

Voir la Bibliographie analytique de l’Afrique antique qui consacre chaque année des études à cette région de l’Empire romain. De nombreux ouvrages récents tels que ceux de Y. LE BOHEC, 2005 ; de Ch. HUGONIOT et Cl. BRIAND-PONSART, 2005 ; de M. BENABOU, 2005 ; de Ch. HUGONIOT, 2000 ; de M. CHRISTOL, 2005 ; de P.-A. FEVRIER, 1990, et de nombreuses publications de la Revue d’études antiques de 2005 sur l’Afrique romaine. X. DUPUIS, ZPE, 93, 1992, pp. 123-131 ; A. BESCHAOUCH, BCTH, 23, 1990-1992, pp. 203-204 ; A. CHASTAGNOL a même traité du droit latin provincial en 1990. Toutes les études récentes, ouvrages et articles accordent toujours une importance aux statuts

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n’ont pu exclure d’évoquer le statut des cités (colonie, municipe, vicus, pagus, etc.), afin de mieux comprendre ces aspects à travers les sources. Il convient aussi dans notre étude d’éviter de commettre un anachronisme105. En outre, la connaissance des statuts municipaux est d’une importance capitale parce que ces derniers sont les indices fondamentaux de la romanisation juridique, de la politique des empereurs vis-à-vis des provinciaux et du désir de ces derniers de se fondre dans la romanité106. Il convient donc d’envisager les processus de mise en place du pouvoir romain, l’administration des provinces, en insistant sur le rythme des installations de colons, puis des promotions. Nous avons, dans un souci d’exhaustivité et de précisions, essayer d’entrer dans le détail, à la lumière des études qui ont déjà été faites depuis de nombreuses années sur la question de la municipalisation, de la provincialisation107, et même de la juridiques. 105 Y LE BOHEC ne dit-il pas à ce sujet : « Il est plus difficile de connaître l’Afrique romaine. Il faut d’une part aller aux sources. Trop souvent oubliés, les auteurs anciens, qu’ils aient été Africains, qu’ils aient écrit sur l’Afrique, ou qu’ils soient entrés dans ces deux catégories à la fois, donnent davantage de renseignements qu’on ne le croirait à lire la littérature qui est actuellement consacrée à ce sujet. (…) Il faut avoir vu le pays et ses habitants. Une connaissance intime est indispensable au savant. Elle aurait évité à des collègues qui vivent dans un continent lointain de récolter des coquillages dans le désert ou d’y installer des vétérans. Elle ne suffit pas pourtant pas. Il est en effet indispensable d’aimer son sujet. » , dans Histoire de l’Afrique romaine, Paris, Picard, 2005, p. 10.Les historiens qui ont travaillé à l’époque dite « coloniale » ont parfois imaginé que rien n’avait changé depuis l’Antiquité ; pour eux, un roi ne pouvait être qu’un « aguellid », les soldats ne formaient que des « goums », etc. 106 Le IIe siècle, notamment sous Hadrien est la période qui vit s’accélérer la processus de municipalisation juridique de manière décisive en Proconsulaire ; le processus atteignit son apogée sous Septime Sévère et ne fléchit pas jusqu’au règne de Gallien. Mais au Bas-Empire ces statuts ont perdu leur importance en raison de l’édit de Caracalla et la législation ne mentionne plus que des civitates. 107 BRIAND-PONSART (Cl), HUGONIOT (Ch), L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitainee (146 av. J.-C. – 533 ap. J.-C.), Paris, Armand Colin, 2005, pp. 44-90. Ch. HUGONIOT, Rome en Afrique, Paris, Flammarion, 2000, 349 pages. Il faut dire que plusieurs travaux reviennent sur les statuts juridiques des cités africaines, et dont les plus récents et les plus complets sur cette question restent les suivants : J. GASCOU, « Les statuts des villes africaines : quelques apports dus à des recherches récentes », dans Itinéraires de Saintes à Dougga, Mélanges offerts à Louis Maurin (Ausonius, 9), Bordeaux, 2003, pp. 231-246 ; Cl. LEPELLEY, « Ubique Respublica. Tertullien, témoin méconnu de l’essor des cités africaines à l’époque sévérienne », dans L’Afrique dans l’Occident romain, pp. 403-421. Des études plus générales apportent des éclairages intéressants : OLIVARES PEDREÑO (J.C.), Conflicto politico y promoción juridica de communidades en el Occidente romano (133 aC – 174 dC), Alicante, 1998 (avec une place réduite pour l’Afrique). ; ORTIZ DE URBINA (E.), « Die römische municipale Ordnung. Realität und Virtualität », dans Bonn. Jahrb., 195, 1995, pp. 39-66, essaie de mettre en relation les différents statuts municipaux, les institutions et l’urbanisation ; PEYRAS (J.), « Statuts des villes et territoires des cités : le mot urbs et ses

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romanisation108 des provinces africaines. Nous concentrerons notre étude uniquement sur les interventions directes et indirectes des empereurs. Les premières concernant les œuvres impériales, et les autres les actions accomplies par les représentants du prince dans les provinces, notamment les proconsuls, les gouverneurs et les légats (per legionem imperatoris). Nous verrons ensuite les rythmes d’expansion de la citoyenneté. Enfin, nous verrons la formation d’une élite, non plus fondée seulement sur le recrutement des membres des grandes familles des cités, mais aussi dans les autres couches de la société africaine issue du monde paysan. A. LA CREATION DIOCLETIEN. A1.a.Caractéristiques promotion".

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MUNICIPES définition

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TRAJAN "municipe

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Les municipes de promotion sont des cités qui ont reçu le statut de respublica109 par faveur personnelle de l’empereur, en fonction de leur niveau de romanisation. Elles bénéficient d’un certain nombre d’avantages par rapport aux cités pérégrines qui, elles, restent astreintes au stipendium110 et à plusieurs types d’impôts. D’après AULU-GELLE « Municipes ergo sunt cives Romani ex municipiis legibus suis et suo iure utentes, muneris tantum cum populo Romano honorati participes, a quo munere capessendo appellati videntur, nullis aliis necessitatibus neque ulla populi Romani lege adstricti, nisi in

dérivés chez les arpenteurs romains », dans Cité et territoire européen, Béziers, 1994, Paris, 1995, pp. 33-66. Une contribution évalue l’importance que revêt l’apport des diverses sources en ce domaine : DESANGES (J.), « Le statut des cités africaines chez les géographes et dans les itinéraires de l’Empire romain », dans La Città mediterranea, 1993, pp. 135-146. Les itinéraires sont les plus riches en informations, mais à utiliser avec prudence. 108 Cette notion fait toujours problème aujourd’hui et que nous évitons en préférant parler de romanité. En effet, il désigne un processus. Un savant anglo-saxon a même récemment estimé que ce mot, inapproprié, devait disparaître des bons livres (R. LAURENCE, Roman Narratives, Archaeological Dialogues, 8, 2, 2001, pp. 90-122). En fait les auteurs actuels quand ils parlent de « romanisation », pensent souvent et surtout à la vie municipale qui leur paraît résumer tous les autres aspects du problème. D’abord, les indigènes ayant fait preuve de romanité ; ensuite ont soutenu la politique impériale. Enfin, ils ont obtenu la civitas romana en récompense de leur attitude générale. 109 Ce terme indique seulement que l’agglomération concernée possédait une caisse, et qu’elle avait donc l’autonomie financière. Voir aussi J. GASCOU, L’emploi du terme res publica dans l’épigraphie latine d’Afrique, MEFRA, 91, 1979, pp. 383-398 110 Tribut payé par les cités vaincues lors des guerres puniques.

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quam populus eorum fundus factus est. »111. Nous comprenons par là que les municipes jouissent d’un certain nombre de libertés par rapport aux colonies, et peuvent se gérer avec leurs institutions propres. Mais jusqu’où allait réellement cette autonomie que nous qualifions d’autonomie de façade ? Car comment expliquer les vœux exprimés pour de nombreuses cités de se voir octroyer le statut de colonie même après reçu la citoyenneté par l’édit de Caracalla en 212 de notre ère ? Et jusqu’où va le munus honorarium et qu’est-ce qu’il implique réellement pour le populus de la cité municipe ? A la différence des premières colonies déduites, qui furent en quelque sorte créées ex nihilo, les municipes romains d’Afrique se situent à l’aboutissement d’une évolution voulue à dessein par les empereurs. Certaines adjacentes à des pagi112 ou à des vici113 où s’étaient installés des vétérans comme ceux de la Troisième légion Auguste114, installée à 111

AULU-GELLE, Nuits Attiques, XXI, 13, 6 : «les municipes sont des citoyens romains se servant de leurs propres lois et de leur propre droit, participant seulement avec le peuple romain à un munus honorarium ; de leur ardeur à assumer ce munus ils tiennent leur nom, semble-t-il sans être liés par aucune autre obligation ni aucune loi du peuple romain, si ce n’est celle dont le peuple s’est porté garant ». 112 Le pagus est fondamentalement un territoire rural, le « district » d’une cité. Les pagi rattachés à Carthage, Cirta et Sicca (et formant leur « pertica ») disparaissent courant IIIème siècle en contrepartie de dédommagements financiers offerts aux cités. Ceux de la pertica de Carthage sont désormais bien connus ; pour cela voir les études des auteurs suivants : FERCHIOU (N.), « Le système défensif de la moyenne vallée de l’oued Miliane dans l’Antiquité et les pagi de vétérans », CAHIERS DE TUNISIE, 1995, 169-170, pp. 51-60 ; GASCOU (J.), « Les pagi carthaginois », dans Villes et campagnes dans l’Empire romain, Actes du colloque d’Aix-en-Provence, 1980, Aix-en-Provence, 1982, pp. 139-175 ; MAHJOUBI (A.), « La cité des Belalitani Maiores. Exemple de permanence et de transformation de l’urbanisme antique », L’Africa romana, 1, 1983, pp. 63-71. Belalis Maior fut un pagus administré par des magistrats et un conseil des décurions jusqu’aux Sévères sans doute, avant d’accéder au statut colonial entre 326 et 331. Sur cette cité on peut aussi lire A. MAHJOUBI, La cité des Belalitani Maiores, Tunis, 1978, 485 pages. 113 Le terme vici désigne un village ; une acception particulière a été proposée : J. GASCOU, « Vici et Provinciae d’après une inscription de Banasa », AntAfr., 28, 1992, pp. 161-172, conteste le sens attribué à ces deux termes par M. CHRISTOL, « Rome et les tribus indigènes en Maurétanie Tingitane », L’Africa romana, 5, 1987, pp. 305-337 ; J. GASCOU considère que, dans l’édit de Banasa, le terme vici désignerait les localités où habitaient les tribus ne faisant pas vraiment partie des provinces. 114 LE BOHEC (Y.), La Troisième légion Auguste, permet de faire une formidable synthèse qui actualise les données déjà présentées par d’autres auteurs tels que CAGNAT (R.), L’armée romaine d’Afrique et l’occupation militaire de l’Afrique sous les empereurs, Paris, 2e éd., 1913. Nous avons pu comprendre la signification des surnoms honorifiques conférés par les empereurs à la légion, et en même temps connaître les activités et la chronologie de cette légion : LE BOHEC (Y.), « Les marques sur briques et les surnoms de la IIIe légion Auguste », Epigraphica, 43, 1981, pp. 127-160 ; DUPUIS (X.), « L’armée romaine en Afrique : l’apport des inscriptions relevées par J. MARCILLET-JAUBERT », Ant.Afr., 28, 1992, pp. 147-160, permet de compléter ou de préciser la documentation relative aux légats,

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Lambèse, d’autres attirés par des negotiatores, qui s’y étaient établis et formaient des cellules de romanisation, d’anciennes cités africaines, dont plusieurs d’origine punique, avaient reçu le statut municipal ; leur sol, à moins d’exemption, demeurant provincial et tributaire. Les promotions municipales ou coloniales furent toujours des décisions impériales. Ce sont les empereurs eux-mêmes qui décidaient de telle ou telle promotion juridique. Mais sur quels critères le prince octroyait-il ces beneficia ? A1.b. Mobiles d'attribution de ces statuts en Afrique romaine. b.1. Le caractère illustre des cités promues. Comment une cité pérégrine accédait-elle au rang de municipe ? Dans la plupart des écrits d’historiens contemporains il ne nous est pas spécifié ce genre de détails, nous croirions que tout semble évident pour les historiens, et pourtant plusieurs confusions restent d’actualité telles que les promotions de cités qui n’ont aucun passé illustre comme Leptis Magna ou encore Utique115 ou les autres Bulla Regia116, Zama Regia, que les historiens disent avoir acquis leurs statuts fussent-ils colonial ou municipal (de municipium), d’après leur passé illustre. En outre, selon quels critères attribuait-on le ius latium maius ou minus à telle ou telle cité ? Autant de questions auxquelles il faudrait apporter des réponses claires nettes et précises, et non de manière laconique comme ce fut jusqu’ici le cas. C’est vrai que ces statuts n’ont plus trop de valeur à partir du IIIème siècle et surtout après l’Edit de Caracalla117. Toutefois, nous constatons une continuité de ces faveurs après 212 de notre ère. Aussi, il convient de nous interroger sur l’attribution même du ius italicum à des cités africaines qui, nous le savons, est très différent du ius latium. Nous devons nous interroger sur tous ces concepts afin d’éviter la confusion qui est présente dans la officiers, soldats, vétérans de la IIIe légion et des unités auxiliaires. On peut aussi lire, pour plus de précision sur les Auxilia, la synthèse de M. ROXAN, « The Auxilia of Mauretania Tingitana », Latomus, 32, 1973, pp. 838-858, pl. XXVII. 115 Siège d’un ancien comptoir phénicien d’Afrique, Utique fut un centre important à l’époque punique (voit les travaux de P. CINTAS, Deux campagnes de fouilles à Utique, Karthago, II, 1951, pp. 5-88 ; Nouvelles recherches à Utique, Karthago, V, 1954, pp. 89-154 ; P. FEVRIER, Une campagne de fouilles à Utique, 1957, pp. 139-170). Utique est devenu colonie par Hadrien (CIL, VIII, 25378). 116 Vieille cité africaine, Bulla Regia était un simple oppidum liberum au début du règne d’Auguste. Sa romanisation parait avoir été rapide et profonde. Elle reçut le statut colonial sous Hadrien. Voir Papyrus de Giessen (texte dans les « Fontes Iuris Romani Antejustiniani », I, Leges, éd. S. RICCOBONO). C’est le seul document qui nous donne (en grec) le texte de l’édit.

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lecture quotidienne. Nous devons nous interroger sur les fondements même de ces droits. Un volet effectif de l’œuvre municipale de Trajan concerna les promotions d’anciennes cités, au passé prestigieux, mais aussi et surtout des ports dynamiques, qui participaient au ravitaillement de Rome118, ainsi Hadrumète et Lepcis Magna devinrent colonies. Il en fut de même pour Leptis Minus, comme cela a été démontré récemment119. Par contre, les indices sont minces et peu probants pour d’autres cités du littoral, telles Oea et Sabratha120. Certaines cités furent jugées importantes grâce notamment à leur ravitaillement en blé121. C’est le cas de la cité de Thignica, qui devint municipe sous Septime Sévère122. Il faut remarquer qu’aucune promotion ne se fit dans l’Africa vetus, que ce fut le hasard ou le fruit d’une politique délibérée. b.2. Installation de la légion à Lambèse et délimitation des territoires des tribus indigènes afin de les tenir en respect. Sous les Antonins et les Sévères, et surtout sous Trajan, il y a un certain nombre de cités qui sont promues aux fins de défense de l’Empire contre des tribus autochtones considérées à tort ou à raison comme belliqueuses, sans tenir compte de la réaction de ces tribus probablement à des expropriations ou à leur confinement dans des zones peu fertiles ou montagneuses. Alors comment expliquer l’installation d’une légion à Lambèse et la délimitation des territoires des tribus ? Parallèlement à 118

Cf infra Troisième partie, chapitre II. GASCOU (J.), Les statuts des villes africaines : quelques apports dus à des recherches récentes, Itinéraires, 2003, pp. 234-235, d’après A. BESCHAOUCH, « L’histoire municipale d’Uchi Maius, ville « africo-romaine » à double communauté civique » CRAI, 2002, pp. 1997-1214. 120 WARD (P.), Sabratha, Stoughton, 1970, 70 pages. 121 Installé dans une région très fertile, grenier à blé d’où Carthage, avant Rome, tirait déjà ses ressources. Les nombreuses ruines qui subsistent attestent la fertilité agricole de cette région : vallées de l’Oued Khalled et de la Siliana ; on peut le comprendre grâce à l’inscription d’Henchir Mettich qui parle d’exploitations rurales, de pressoirs et de moulins qui couvrent le pays. De l’épithète Frugifer attribuée à Thignica, on peut rapprocher celle de Felix, attribuée au municipe voisin de Thabbora (Henchir Tambra) : P. GAUCKLER, Municipium Felix Thabbora, CRAI, 1904, pp. 180-190. les cultes agraires y sont importants ; on vénérait dans la cités de Thignica : Cérès (CIL, VIII, 1398 ; Esculape (CIL, VIII, 15205 : sacerdotes). 122 L’élévation de la civitas Thignicensis au rang de municipe date vraisemblablement du règne de Septime Sévère ; c’est sous cet empereur que les cités voisines de Thubursicum Bure, Thugga et Agbia reçurent le même statut municipal et furent rattachées à la même tribu Arnensis. Les autres titres de Thignica ont dû être ajoutés à l’occasion d’attributions de privilèges (exemptions fiscale) peut-être par Caracalla, sûrement par Alexandre Sévère. 119

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l’installation des colons, avant l’arrivée de la légion et pour surveiller les confins de la Numidie, Trajan conçut un réseau de camps secondaires dont plusieurs furent installés au sud de l’Aurès. Dès 104-105, il ordonne la construction de celui d’Ad Maiores (Hr Besseriani), au sud-est de l’Aurès, relié vers l’est à la route Theveste-Capsa, vers l’ouest, au camp de Ad Medias et, au-delà sans doute à Thabudeos, toujours sur le versant sud de l’Aurès. Couronnement de ce dispositif, le camp de Lambèse, qui se trouve à la limite des Hautes plaines, au pied du versant nord-ouest de l’Aurès, fut transformé de simple poste fortifié qu’il était depuis 81, en camp principal vers 115-117, qui vécut désormais au rythme de la légion123. Il faut signaler un des aspects complémentaires de la politique de Trajan, la délimitation des terres entre les cités et ce qui restait du domaine des tribus, ainsi les terres des Musulames124 furent-elles bornées à plusieurs reprises, au début et à la fin de son principat par Munatius Gallus, Minucius Natalis et Acilius Strabo125, et il promut d’anciennes cités, au passé prestigieux, mais aussi, et surtout, ports dynamiques. Ainsi Hadrumète, Lepcis Magna et Leptis Minus, qui contribuaient au ravitaillement de la capitale, devinrent-elles colonies126 ; par contre, il n’accorda aucune promotion, pour autant qu’on le sache, en Africa vetus. Le principat de Trajan se caractérisa par la généralisation de la romanisation127 par des procédures de délimitation des terres entre les cités et ce qui restait du domaine des tribus, en principe les terres les moins fertiles, et la légion devait veiller à cela. En effet, en 105, L. Minicius Natalis traça des limites entre cette tribu et Madaure, les Thibisences, un domaine impérial et la propriété d’une Valeria Atticilla128. En 116, Acilius Strabo 123 LE BOHEC (Y.), Les unités auxiliaires de l’armée romaine en Afrique Proconsulaire et Numidie sous le Haut-Empire, 1989. Le grand camp fut construit à côté. 124 AE, 1913, n°157. Voir aussi Y. LE BOHEC, « Frontières et limites de la Maurétanie Césarienne sous le Haut-Empire », dans Frontières et limites géographiques de l’Afrique du Nord antique. Hommage à Pierre Salama, Paris, 1999, p. 121. 125 ILAlg., I, 2939 ; 2828 ; 2988 ; 2978 ; ILTun., 1653 ; ILAlg., I, 2829 ; 2939 ; 2989. 126 Les indices sont peu probants pour Oea et Sabratha. 127 Le terme de romanisation est employé par commodité. Voir M. LEGLAY, Les Flaviens, 1968. D’une manière générale, pour les progrès de la municipalisation, voir les ouvrages fondamentaux de J. GASCOU, Politique, 1972, et ANRW, 1982, pp. 136-320. La mise en valeur agricole est encouragée par la lex Manciana et Hadriana, connues par les règlements des saltus impériaux. Car sinon pourquoi ne pas avoir choisi de simple Romains pour le travail de cadastrage et de centuriation ? Les légats, par décision impériale, effectuèrent une série de bornages, destinés à distinguer les terres laissées aux tribus de celles qui feraient l’objet d’appropriations privées, empereur et légats compris, ou seraient affectées à des cités. Furent concernés principalement le territoire des Musulames et les régions méridionales. En Numidie, le légat L. Munatius Gallus (100-102) procéda à une première opération de bornage qui définissait les terres entre les Musulames et celles qui seraient affectées à la colonisation 128 BENABOU (M.), 1976, 116-119 ; résumé dans Y. LE BOHEC, 1989a, 371.

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s’occupa encore des Musulames, qu’il isola de Madaure, d’Ammaedara et d’une autre propriété impériale. Récemment une nouvelle borne, à dix kilomètres à l’est de Thala, en direction de Sufes129, au nord de Casae Benguenses130, concernant cette tribu a été découverte. Elle permet de mieux apprécier la superficie des territoires qui leur furent finalement laissés131. Elle confirme, ainsi que celle trouvée par M. KHANOUSSI132, l’existence d’une enclave musulame dans la moyenne vallée de l’oued Sarrath, délimitée par un territoire impérial, peut-être le saltus Massipianus. Le légat T. Sabinius Barbarus, successeur d’Acilius Strabo, délimita, quant à lui, les frontières des Suburbures133. Autres opérations de délimitations assez bien connues, celles qui furent effectuées dans le sud de la province, dans les oasis du Jerid et de Nefzaoua, étudiées par P. TROUSSET à propos de la civitas (ou du castellum) T(h)igensium au nord du Chott134 el-Jerid135. Tiges, connue par la Table de Peutinger, était une communauté semi-nomade dotée vraisemblablement d’une forme d’organisation pré-urbaine autour d’un centre fortifié et vouée à ce titre, comme le montrent d’autres exemples de cités de la frontière saharienne, à entrer à terme dans les cadres juridiques de la romanisation. L. Minicius Natalis136 fit procéder à des opérations de bornage entre Tacapae (Gabès aujourd’hui) et la cité des Nygbenii d’après les milliaires de la voie tracée vers le sud, et entre la civitas des Nygbenii et Capsa. Lorsque cette dernière accéda au rang de municipe (cf. supra), un pan du désert entra à ce moment dans l’orbite directe de la domination romaine. Quelques années plus tard, la civitas Nygbeniorum fut promue municipe par Hadrien sous le nom de Turris Tamalleni (Telmine). Les historiens se sont longuement interrogés sur la signification de ces opérations ordonnées par les princes : refoulement, cantonnement des tribus, lié à l’expansion territoriale et à une volonté de sécurité ? S’agit-il de sédentariser pour contrôler, mais sans intégrer ou, au contraire, de sédentariser pour intégrer ? Pour Ph. LEVEAU, « l’armée aura été l’agent et le garant de la spoliation des tribus ; le système militaire aura été le signe le plus visible de ce phénomène d’exclusion et de rejet des masses paysannes 129

POINSSOT (Cl.), « Sufes maior et princeps civitatis Thuggae », dans Mélanges d’archéologie, d’épigraphie et d’histoire offerts à J. CARCOPINO, Paris, 1966, pp. 12761270. 130 CIL, VIII, 23246 ; ILPB, 26. 131 A.E., 2000, 1629 (Naddari, 2000, 43-55) 132 KHANOUSSI (M.), 1992, 327. 133 A.E., 1904, 144. Dupuis, 1999, 129-137, a montré l’imbrication de la gens sur le territoire de la cité. 134 Il signifie « lac sacré ». 135 TROUSSET (P.), Tiges et la civitas Tigensium, dans Afrique, 1990, pp.143-167. 136 ILAlg., I, 2939 ; 2828 ; 2988 ; 2978 ; ILTun., 1653.

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par lequel la « civilisation » romaine, trouvant ici les limites d’une capacité assimilatrices bornée aux élites, créait des « barbares » africains qui devaient les ruiner »137. Ces propos peuvent nous rappeler quelque peu le sentiment de nos jours qui consiste, à tort ou à raison, et même injustement à accuser les étrangers de vouloir s’approprier les emplois des nationaux. Au contraire, P.-A. FEVRIER pensait qu’il fallait renoncer à l’emploi du mot « cantonnement » pour qualifier l’attitude de l’Empire vis-à-vis de ces tribus et y voyait un processus destiné à garantir la propriété définitive de ces terres138. L’existence d’un habitat fortifié traditionnel préromain (turris ou castellum) et de communautés fortement structurées autour de la distribution de l’eau constituait un facteur favorable pour la naissance d’une organisation municipale139. Considérons les créations au sud de la dorsale, dans le domaine des Hautes Steppes : Thelepte, Cillium, et, au-delà, Capsa. Pour les deux premières villes, qui sont sans doute à l’origine (c’est à peu près sûr pour Cillium) des Castella Flaviens, autant qu’on peut en juger par les Flavii qu’on y rencontre, la présence des Musunii Regii, tribu nomade située entre Thelepte et Cillium, celle des Musulamii plus au Nord, a dû être déterminante. L’installation d’une colonie de vétérans à Thelepte, en un lieu stratégiquement important, la transformation du Castellum flavien de Cillium en municipe (le droit latin)140, visaient non seulement à tenir en respect ces tribus indigènes, mais aussi à un moment où le développement de l’oléiculture montrait l’intérêt de la région du point de vue économique, à 137

LEVEAU (Ph.), La situation coloniale de l’Afrique romaine, préface de M. BENSEDDIK, AESC, 1979, 8 - 9. 138 FEVRIER (P.-A.), Approches du Maghreb romain, Aix-en-Provence, 1990, II, 126. 139 TROUSSET (P.), Le tarif de Zaraï : essai sur les circuits commerciaux dans la zone présaharienne, AntAfr., 38-39, pp. 355-373. Id., Pénétration romaine de la zone frontière dans le précédent tunisien, L’Africa Romana, 15, 2004b, pp. 59-88. Il est certain, en tout cas, que considérer que Rome n’eut qu’une seule et unique politique, qui serait demeurée intangible pendant trois siècles, conduit à une aberration, dans un sens comme dans l’autre, et nous adopterions volontiers la position mesurée de P. TROUSSET à propos du limes, pour qui ce phénomène traduit un réel processus de mise en tutelle ; mais qui n’exclut pas la promotion urbaine des gentes ou de civitates, lesquelles entreront peu à peu dans la romanité, selon des modalités semblables à celles des autres régions de l’Africa, c’est-à-dire par allégeance des élites sociales progressivement urbanisées et romanisées. 140 CHASTAGNOL (A.), “L’empereur Hadrien et la destine du droit latin provincial au second siècle ap. J.-C. », Rev. Hist., 192, 1994, pp. 217-227, rappelle que c’est l’Afrique qui a connu les mutations les plus fortes en ce domaine. Nous pouvons aussi lire l’article de J. DESANGES, « Le statut des municipes d’après les données africaines », RHD, 1972, pp. 353373 ; ou encore la référence qu’est J. GASCOU, « La politique municipale. I », pp. 180-192 et pp. 233-318 ; JACQUES (F.), « Municipia libera de l’Afrique Proconsulaire », dans Epigrafia, Actes du colloque en mémoire de Attilio Degrassi (CEFR 143), Rome, 1991, pp. 583-606.

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implanter une population romaine ou fortement romanisée dans un secteur jusqu’alors insuffisamment occupé. En l’occupant, elle pourrait mettre en valeur les terrains de parcours des nomades et plus longuement, contribuer à sédentariser ceux-ci et à les intégrer aux deux communes romaines : d’où la création d’un municipe latin à Cillium. Cette méthode de promotion permettrait, en les associant aux vétérans qui formaient le noyau du peuplement romain, de filtrer les candidats à la citoyenneté141. La même méthode fut employée pour élever la cité de Capsa au rang de municipe latin. Les populations de cette cité avaient affaire aux Nygbenii, une tribu nomade qui possédait toutefois une bonne partie du territoire près de la Civitas de Capsa. Alors en intégrant les Nygbenii142 dans la cité leur territoire délimité au détriment des Nygbenii, et d’assurer le développement d’un îlot de romanité dans une région où l’occupation romaine était récente143. Nous notons aussi qu’Hadrien s’est bien gardé d’attribuer à n’importe quelle cité les statuts juridiques tant convoités par elles, et surtout en Numidie, dans la région où Trajan, de Theveste à Thamugadi144 et à Diana Veteranorum, avait constitué des municipalités romaines presque au contact avec les zones encore peu sûres et incomplètement conquises des Némentchas et de l’Aurès. Antonin Le Pieux adopta la même politique que Trajan dans l’octroi du statut de municipe. En effet, nous le voyons dans la promotion de Gigthis ou il y avait là une tribu redoutable, les Cinithii145, mais ce n’était pas tous 141

CHERRY (D.), Frontier and society in Roman North Africa, pp. 75-100. GASCOU (J.), La politique municipale…, pp. 217-218. 143 Cette politique entraînait les indigènes à tout faire pour s’intégrer dans la cité en se romanisant un peu plus chaque jour par l’adoption du mode de vie romain, montrant ainsi la municipalis aemulatio qu’Hadrien s’est vu satisfaire par l’octroi du statut de municipe.Ne confondons pas conquête et occupation : certes la conquête du Sud de la Proconsulaire est effective depuis la création de la province d’Africa Nova. Mais les plans cadastraux, l’installation de cadres administratifs et militaires, la sédentarisation, le développement de la vie urbaine sont plus tardifs. 144 Voir aussi l’article de MORIZOT, 1994, pp.227-234. Pour l’auteur, Thamugadi commande les voies d’accès aux grandes vallées de l’Aurès. Elle faisait partie du système de contrôle de la région qui était en train de se mettre en place et les potentialités agricoles des campagnes voisines permettaient de penser qu’elle deviendrait le centre d’une petite région économique. Trajan fonda cette colonia Marciana Triana Thamugadi par les soins du légat L. Munatius Gallus en 100 de notre ère (CIL, VIII, 17842). 145 DESANGES (J.), 1962, p. 86. La stabilisation de cette tribu se dégage des sources. Tacite, e, 2, 52, qui les mentionne lors du récit de la guerre contre Tacfarinas, les qualifie de haud spernenda natio. Ils sont aussi mentionnés dans la Géographie de Ptolémée, IV, 3, 6 (éd. Müller, p. 636). Leur stabilisation se serait produite dans le courant du Ier siècle apr. J.-C. Voir aussi PLINE, NH, V, 4, 30 et le commentaire de J. DESANGES, pp. 338-340. Sur leur place et leur rôle dans le conflit de Tacfarinas, en dernier, pour une mise au point complète, voir J.142

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les Cinithii qui furent romanisés ; il y eut là aussi une forte sélection des habitants, en prenant scrupuleusement ceux qui avaient un réel penchant pour la romanité. Au terme de ce bilan, on constate que, malgré la fondation de nouvelles cités et la promotion d’anciennes, la majorité des cités, au début du IIème siècle, restèrent encore pour longtemps pour certaines d’entre elles sous le statut pérégrin, jusqu’au début du IIIème siècle. Comme il ne pouvait y avoir de vide juridique, ne serait-ce que pour le paiement de l’impôt, toutes les communautés entraient dans des structures clairement reconnaissables et identifiables par les autorités ; des communautés aux statuts forts divers étaient juxtaposées, colonies romaines englobant des castella ou des civitates, des pagi de citoyens romains, un municipe de droit romain (Utique), plusieurs municipes de droit latin, des cités pérégrins autonomes dirigées par des sufètes, vici urbains ou ruraux, ou tribus (gentes). A1.c. Avantages et limites de ces statuts. c.1. Les avantages de ces statuts. Dans les municipes, statut qui confère toutefois des droits aux bénéficiaires, seule une minorité de privilégiés, surtout les notables locaux qui sont en fait de grands propriétaires fonciers, et ceux qui ont été dans l’uterque ordo, pouvait ainsi bénéficier des droits du citoyen romain. Ainsi les cités de l’Empire aspiraient-elles au statut encore plus envié de colonie romaine, qui conférait la citoyenneté romaine à l’ensemble des hommes libres de la civitas, comme ce fut le cas de Lepcis Magna en 110 sous Trajan.. Dans les municipes, il faut le noter, les citoyens romains se servent de «(…) municipiis legibus suis et suo iure utentes, muneris tantum cum populo Romano honorati participes, a quo munere capessendo appellati videntur, nullis aliis necessitatibus neque ulla populi Romani lege adstricti, nisi in quam populus eorum fundus factus est. »146. Toutefois, plusieurs cités aspiraient au statut de colonie, malgré les avantages qu’elles avaient en gérant toute seule leur cité et selon leurs droits et coutumes, d’où M. LASSERE 1982. On pet ajouter que les Cinithi constituaient une tribu redoutable qui avait pris les armes contre Rome pendant la guerre de Tacfarinas. 146 AULU-GELLE, Noct. Att., XVI, 13, 6 : «(…) leurs propres lois et de leur propre droit, participant seulement avec le peuple romain à un munus honorarium ; de leur ardeur à assumer ce munus ils tiennent leur nom, semble-t-il sans être liés par aucune autre obligation ni aucune loi du peuple romain, si ce n’est celle dont le peuple s’est porté garant ».

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l’étonnement de l’empereur Hadrien qui s’exclame en disant que : « Item alia municipia anyiqua, in quibus Uticenses nominat, cum suis moribus legibusque uti possent, in eius coloniarum mutari gestiverint. »147. c.2. Les limites liées à ce statut. Il est assez curieux de constater que les municipes sont dits citoyens romains, alors que nous savons les avantages que ce statut implique. Cela ne ressort pas dans les avantages accordés à un municipium. Cette citoyenneté n’est que fictive si l’on se réfère à une formule d’Ulpien148 qui dit que : « …recepti in civitatem ut munera nobiscum facerent ». Cette formule indique les limites de cette citoyenneté qui ne vaut que pour une participation aux munera. Ceci implique donc un prix de la civitas octroyée, mais cette formule fixe du coup les limites de la concession (« reçus dans la cité, de façon qu’ils partagent nos munera »). On note à ce niveau que l’extension de la civitas Romana n’aboutit pas à une fusion complète dans l’Etat romain par la disparition de la cité pérégrine, mais que cette pseudo citoyenneté était seulement limitée à une participation aux charges (munera)149. Recherchée par les élites indigènes, qui y trouvaient la possibilité de faire carrière, cette ascension au rang de municipe ne permettait pas toujours à l’ensemble des habitants de la commune de recevoir le même statut juridique. Quoique le sujet soit controversé, il semble bien, en effet, que l’on puisse distinguer deux catégories de municipes, représentant deux temps dans l’évolution vers la romanisation administrative.

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Ibidem, XXI, 13, 4. ULPIEN, Dig. 50, 1, 1. 149 Ce munus honorarium, comme la summa honoraria des magistrats municipaux, c’est la charge ou la dépense qui se rapporte aux dignitates accessibles à l’ensemble des cives Romani. Les allègements fiscaux que donnent les promotions aux différents statuts pré-cités ont bien des limites auxquelles il faut apporter quelques précisions importantes. En effet, l’édit d’Hadrien accorde des adoucissements fiscaux aux promus par la mansuétude de la loi. Mais au bénéfice de ces tempéraments n’avaient pas été admis que les cives veteres, les citoyens de souche ancienne. Quant aux novi cives, c’est-à-dire les naturalisés individuels et ceux qui avaient reçu les Ius Latium, jusque sous Nerva, on pourrait s’interroger sérieusement sur l’avantage que leur offrait soit la promotion de leur civitas au Latium, soit, dans les civitates déjà latines, leur naturalisation par les honneurs. 148

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A2. Les municipes de ius italicum et de ius latium. A l’intérieur même des statuts juridiques, il y avait une grande différence entre une cité de droit italique et celle qui avait le Latium maius. En effet, les Antonins et les Sévères octroyèrent «(…) multis civitatibus dedit, tributa multis remissit »150. Le Latium maius conférait les privilèges assez particuliers aux cités qui en bénéficiaient, et surtout celles qui avaient atteint un niveau de romanisation très poussé. Ce droit conférait des privilèges civils et politiques du droit latin non seulement aux magistrats municipaux, mais aussi aux décurions151.GAIUS ajoute par rapport à cela que « ce droit fut conféré à certaines cités étrangères soit par le peuple romain…»152. Hadrien accorda ce droit à de nombreuses cités pour ne pas être obligé en quelque sorte d’accorder le statut de colonia à de nombreuses cités (Latium multis civitatibus dedit153) qui le désiraient fortement. Cette dernière indication est attestée par le discours d’Hadrien rapporté par AULU-GELLE à propos d’Utique154. Il y a exactement, sous Hadrien, huit cités pérégrines qui deviennent des municipes : Abthugni155 ([mun]icip[iu]m A[e]lium [Had]riana), Althiburos156 (mu[nicipium Ae]lium H[a]driana Aug(ustum) Althib(urum), Avitta Bibba157, Bisica Lucana158, Choba159, Turris Tamalleni160, Thizica161, Thuburbo Maius162, Ulisippira163.La plupart des municipes en Afrique romaine et plus précisément en Proconsulaire, Numidie et dans les deux Maurétanies (Césarienne et Tingitane), possèdent un noyau important de populations romaines qui s’est formé autour des 150

Vita Hadriani, XXI, 7 : « (…) le droit latin à de nombreuses cités, à de nombreuses autres cités fit remise du tribut ». 151 SAUMAGNE (Ch), Le droit latin et les cités romaines sous l’Empire, Paris, 1965. 152 GAIUS, Commentarius Primus, 96 : « quod ius quibusdam peregrinis civivtatibus datum est vel populo romano ». 153 HIST.AUG. (Vita Hadr.), 21, 7: «Il accorda le droit latin à beaucoup de cités et de remises d’impôts à beaucoup d’autres ». 154 AULU-GELLE, Nuits Attiques, XXI, 13. L’intérêt de ce texte est qu’il nous éclaire énormément sur la différence entre municipium et colonia. Cf. Ch. SAUMAGNE, Le droit latin et les cités romaines sous l’Empire, p.49-57. 155 CIL, VIII, 11206; ILAf., 71. 156 CIL, VIII, 27769. M. ENNAIFER, La cite d’Althiburos et l’édifice des asclepieia, Tunis, 1976, 204 pages. 157 CIL, VIII, 800; ILT, 672 ; 1313, 801. 158 CIL, VIII, 12292. 159 CIL, VIII, 8375. 160 CIL, VIII, 83 : [Hadriana conditor] municipii. 161 ILAf., 432. 162 ILAf., 244; 277; 278. 163 AE, 1940, 64.

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camps des légions. Aussi l’élévation de municipes est une promotion normale qui flatte l’amour-propre local, et assure l’extension du droit de cité. Nous avons dressé un petit tableau des cités qui avaient été promues pour leur situation géographique qui convenait parfaitement à la défense de l’Empire. Ce tableau qui est loin d’être exhaustif permet de voir que sous les Antonins la promotion d’une cité obéissait à des impératifs de défense du limes164. Nous pouvons le comprendre grâce au tableau ci-après :

Abthugni Thuburbo Maius Choba Avitta Bibba Turris Tamalleni

CIL, VIII, 23805 I.L.A., 277 CIL, VIII, 8375 CIL, VIII, 799,1177, 8375 CIL, VIII, 83, 800 CIL, VIII, 83, 564.

Nous avons une phrase qui risque de nous mettre devant une situation complexe. Il s’agit de se demander comment le peuple romain pouvait-il conférer un tel droit à une cité ? Comment cela se faisait-il ? Les historiens ne se sont pas encore penchés sur la question, ou simplement n’y voient aucun intérêt et pourtant cette interrogation appelle vraiment réflexion. Notre auteur disait, à propos de ce droit, que c’était aussi « (…) vel a senatu vel a Caesare. … aut maius est Latium aut minus: maius est Latium cum et ii qui decuriones leguntur et ei qui honorem aliquem aut magistratum gerunt civitatem romanam consecuntur; minus Latium est cum hi tantum, vel qui magistratum vel honorem gerunt ad civitatem romanam perveniunt ; idque conpluribus epistulis principum significatur 165 »166. 164

Une étude générale sur les frontières de l’empire sort du discours colonial classique et pose la question du limes en termes socio-économiques, comme en parle C. R. WHITTAKER, Frontiers of the Roman Empire. A social and economic Study, Baltimore-Londres, 1994. 165 De nombreux rescrits sont utilisés à cet effet pour des demandes d’aides ou de citoyenneté par les habitants des cités africaines ; ce que nous avons qualifié de rescrit de doléances. En effet, un grand nombre de pétitions faites par des particuliers via les sénateurs ou les bureaux a libellis, ne soulevaient même pas des points de droits en rapports avec un procès, mais étaient de pures et simples demandes d’honneurs, d’emplois, d’avantages financiers, brefs, de faveurs. Un autre cas fréquent est celui où un justiciable demande non pas qu’on lui fasse bénéficier d’une exception ou du moins de l’interprétation la plus favorable possible : ce qui est une autre forme de beneficium comme le pensent J.-M. CARRIE et A. ROUSSELLE, dans L’Empire romain en mutation, des Sévères à Constantin, Seuil, Paris, 1999, p. 674). 166

GAIUS, op.cit., 96: “(…) par le Sénat, soit par l’Empereur. …est ou le grand droit ou le

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Il est très important de se pencher sur ces particularités car elles déterminent souvent les causes de ces promotions et expliquent pourquoi une cité devient par la suite colonie. Gigthis167 reçut sous Hadrien le droit latin majeur168, ce droit permettait aux décurions, et non aux seuls magistrats, d’obtenir la pleine citoyenneté romaine. De nombreuses études ont contesté à Hadrien l’attribution du droit municipal169 à cette civitas, attribuant définitivement le droit municipal à Antonin le Pieux (conditor municipii). Ce droit comme on peut le constater permettait de promouvoir plus facilement des cités au rang de colonie. Sous les Antonins on a quatre municipes créés dans le Nord-Est de la province de Numidie. La cité pérégrine de Thugga (Dougga) reçut le droit latin de Marc-Aurèle, sous le nom de civitas Aurelia Thugga170. Ce qui est curieux c’est que certaines cités se nomment « municipe libre » dont se prévaut par exemple Thugga. En fait ce terme « libre » signifiait l’extension aux nouveaux municipes des privilèges dont jouissait la colonie « libre » de Carthage, c’est-à-dire de son immunité fiscale171. C’est à travers la dénomination de la communauté que cette liberté petit droit latin : grand on naturalise à la fois ceux qu’on choisit comme décurions et ceux qui occupent déjà une charge ou une magistrature ; petit quand on ne naturalise que ces derniers. Telles est la solution donnée par de nombreuses lettres impériales ». 167 Mais selon DESSAU, qui commente les inscriptions (CIL, VIII, 22729) ; c’est d’Hadrien que les Gigthenses ont reçu le Latium Maius ; et d’Antonin le Pieux, le droit de cité romaine avec le titre de municipium. L’autre nom de cette cité est Bou Ghara. Sur la côte sud de la Tunisie actuelle, en face de l’île de Djerba. 168 CHASTAGNOL (A.), « Gightis, municipe latin d’Hadrien ? » BCTH, 24, 1993-1995, pp. 89-100 : un nouvel examen du dossier épigraphique incite l’auteur à penser que c’est bien Hadrien qui a fondé le municipe en lui donnant le latium minus ; puis Marc Aurèle lui donna le latium maius.. Mais contre cette hypothèse, voir les travaux de J. GASCOU, « Les statuts des villes africaines : quelques apports dus à des recherches récentes », dans Itinéraires de Saintes à Dougga, Mélanges offert à Louis Maurin (Ausonius, 9), Bordeaux, 2003, pp. 231246. 169 A. CHASTAGNOL attribua l’attribution de ce droit à Hadrien (cf. CIL, VIII, 15212). Ses arguments étaient les suivants : un autre texte mentionne le don par un notable, G. Servaeus Macer, inscrit dans les cinq décuries par le divin Hadrien, d’une louve avec les jumeaux, qu’il avait promise pour l’ornement du municipe, or, la statue de la louve étant un signe de la promotion municipale, le don aurait suivi de peu la promotion de Gightis ; les Gightenses citoyens romains se multiplieraient à partir d’Hadrien, avec notamment, un autre notable L. Memius Messius Pacatus, lui aussi inscrit dans les cinq décuries par Hadrien, toutefois. A. CHASTAGNOL ne considère pas cet exemple comme une preuve ; il proposa par ailleurs, de rapprocher le fragment portant mention de conditor municipii d’une dédicace d’Hadrien (CIL, VIII, 22706). 170 CIL, VIII, 15212. A. CHASTAGNOL, 1997, pp. 55-60. Voir aussi BESCHAOUCH (A.), « Dougga, une cité de droit latin sous Marc Aurèle : civitas Aurelia Thugga », dans Khanoussi et Maurin, (éd.), Dougga. Etudes épigraphiques, Bordeaux, 1997, pp. 66-67. 171 CHASTAGNOL (A.), 1997, pp. 55-60. BESCHAOUCH (A.), « A propos du droit latin en Afrique romaine », BSNAF, 1996, pp. 252-262, revient sur le statut de plusieurs villes de Tunisie (Mactar, Thignica, Dougga) avant d’étudier le cas du municipe de droit latin majeur,

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civique est affirmée : la création du municipe et la possibilité subséquente d’afficher la liberté apparaissent comme des bienfaits impériaux, octroyés par Marc Aurèle. Il faut ici, dans la perspective d’éclairer le thème de la « liberté » de Thugga, évoquer une protection des garanties fiscales du pagus172. L’épigraphie de Thugga173 se caractérise par un ensemble d’inscriptions en l’honneur du personnage et des membres de sa famille. Alors que dans d’autres cas, pagus et civitas étaient associés dans les hommages publics174, ici c’est la seule civitas Aurelia Thugga qui s’engage dans des hommages soutenus à Plautilla et à Plautien, entre les fiançailles de la jeune fille avec l’empereur Caracalla et le mariage, qui pour sa part eut lieu en avril 202. Nous sommes vraisemblablement dans le courant de 201 ou tout au début de 202, lorsque s’affirmait avec force la puissance de Plautien auprès des empereurs. L’homme aimait les flatteries. Celles que lui servent les gens de la civitas étaient les plus propres à toucher sa vanité, au moment où il réalisait les plus dévorantes de ses ambitions : [[Fulviae Plautillae Aug(ustae) sponsae]] Imp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Aureli Antonini Aug(usti), [[nurui]] Im(eratoris) Caes(aris) L(ucii) Septimi(i) Severi Pii, Pertinacis, Aug(usti), [[filiae]]/ [[C(ai) Fulvi(i), Plautiani c(larissimi) u(iri), praefecti praetor(io)]]/ [[ac necessari(i)]] dominorum nnn(ostrotum), [[soceri et consoceri]] / Augg(ustorum), civitas Aurelia Thugga d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica). « A Fulvia Plautilla Auguste, fiancée de l’empereur César Marcus Aurelius Antoninus, bru de l’empereur César Lucius Septimius Severus, Pieux, Pertinax, Auguste, fille de Caius Fulvius Plautianus, de rang clarissime, préfet du prétoire et parent de nos seigneurs, ainsi que beau-père et « compère » des empereurs, la civitas Aurelia de Thugga, par décret des décurions et dépense publique »175. [[C(aio) Fulvio Plautiano, praef(ecto) praet(orio)]] [[ac necessario Dominorum nnn(ostrorum)]] Hr el-Aouaria et Sululos. 172 GASCOU (J.), 1999, pp. 101-103. 173 CHASTAGNOL (A.), « La civitas de Thugga, d’Auguste à Marc Aurèle », dans Khanoussi et Maurin (éd.), Dougga. Etudes épigraphiques, Bordeaux, 1997, pp. 56-57. 174 ILAfr., 560a (Marc Aurèle César) ; CIL, VIII, 26526 (Antonin le Pieux divinisé) ; CIL, VIII, 26532 (Faustine la Jeune). 175 ILAfr., 565.

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[[Auggg(ustorum), socero et consocero Augg(ustorum)]] [[patri Fulviae Plautillae]]/ Aug(ustae) civitas Aurelia Thugga d(ecreto) d(ecurionum)176 « A Caius Fulvius Plautianus, préfet du prétoire, parent de nos trois seigneurs Augustes, beau-père et compère des deux Augustes, père de Fulvia Plautilla Auguste, la civitas Aurelia de Thugga, par décret des décurions et dépense publique ». Quel sens donner au qualificatif liberum177 à la lumière de ces remarques ? Ce n’est point la défense des privilèges fiscaux, même s’il était intéressant de les préserver : il nous semble que l’orientation prise par le commentaire de ce terme, dans les travaux récents, appauvrira peut-être le sens, ou le réduira à des situations trop concrètes178. La « liberté »179 de Thugga, c’est peut-être autre chose : l’élévation à 176

ILAfr., 564. L’ambassade pro libertate publica, volumtaria (sic) et gratuita d’A. Vitellius Felix Honoratis eut lieu entre 261 et 268 (CIL, VIII, 26582). Cette libertas publica a pu être interprétée comme la summa libertas du statut colonial et on a avancé que la délégation était venue solliciter ce rang auprès de l’empereur (M. CHRISTOL, 1979, pp. 221-222 ; DUPUIS, 1993, pp. 63-73). Mais F. JACQUES l’a identifiée à juste titre au même privilège fiscal dont on avait joui le pagus puis le municipe, ne serait-ce que parce que, dans un cas différent, on aurait choisi un vocable moins équivoque (Sévère Alexandre devrait son titre de conservator libertatis à la confirmation de ce même privilège ; F. JACQUES 1991, p. 594 ; dans le même sens J. GASCOU 1997, p. 102 ; MAURIN 2000, p. 185). 178 Outre l’article de J. GASCOU, déjà cité, cette explication a été reprise systématiquement dans l’ouvrage sur Thugga (Khanoussi, Maurin 1997) : ainsi dans la communication de Cl. LEPELLEY. On ne doit pas abandonner le sens des propos de P.VEYNE (1961), même s’il convient parfois de nuancer. Par la suite, Sévère Alexandre est appelé conservator libertatis : CIL, VIII, 1484 = 26552 = ILTun., 1415. La fondation de la colonia Licinia Septimia Aurelia Alexandriana Thugga est datée de 260-261. Si la colonie a conservé, après celle de son fondateur, les épithètes sévériennes, elle a définitivement abandonné liberum. On en a déduit que Gallien n’avait pu maintenir l’immunité et que Thugga se trouva ainsi forcée de contribuer aux efforts (Cl. LEPELLEY, 1997, pp. 111-113). Mais nous constatons que quatre textes publics datant de la colonie font encore état de sa libertas 179 Cette question, qui reste débattue, concerne le statut privilégié (comportant une certaine immunité fiscale et une autonomie poussée) conféré d’abord aux sept villes africaines (populi liberi) qui avaient pris le parti de Rome contre Carthage ; mais par la suite, d’autres cités l’ont obtenu.. Lire aussi les auteurs suivants : DESANGES (J.), PLINE, Histoire naturelle, pp. 303305 ; PEYRAS (J.), « Les cités libres de l’Afrique Mineure : organisation et territoire », dans CLAVEL-LEVEQUE (M.) et VIGNOT (A.), Cité et territoire, IIème colloque européen, Besançon-Paris, 1998, pp. 259-276 ; cet ouvrage nous a permis de préciser les caractères de ces communautés auxquelles Rome avait garanti la liberté et l’usage de leur lois et de leurs biens. Chacune avait son originalité, ce que marquait une cadastration propre, sauf Utique et Hadrumète où le parcellaire est conforme aux axes provinciaux. On peut trouver d’autres indications dans S. SAINT-AMANS, Topographie religieuse de Thugga (Dougga). Ville romaine d’Afrique Proconsulaire (Tunisie), Ausonius, 2004, pp. 195-196. 177

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la liberté des Romains d’une communauté pérégrine. Bref, on retrouve un aspect abstrait de la libertas, celui qui se dégage de l’appartenance à une cité, plus particulièrement une cité organisée dans les cadres de la cité romaine. L’esprit dans lequel fut créé le municipium liberum sous Septime Sévère et Caracalla, pourrait correspondre au contexte que nous venons de définir. Cette création signifierait l’unification des communautés alors que la démarche entreprise par le pagus sous Commode et rappelée au début du règne de Septime Sévère venait mettre en évidence l’esprit défensif et conservateur qui l’avait inspiré, et peut-être aussi le souci de conserver la distinction entre pagus et civitas qui était bien ancienne. Ce serait l’accès à un statut civique, fortement marqué par les institutions romaines, qui serait considéré comme la condition d’accès à la liberté, la porte d’entrée à une voie d’émancipation plus complète, vers le rang colonial180. On remarquera ici la tactique habile des empereurs de cette époque qui présentaient ces transformations de statuts des cités – municipes de droit latin en municipe de droit romain – comme une élévation vers une forme supérieure de société, bref comme une progression dans la civilisation. Cette politique pragmatique ne manquait pas de profiter des antagonismes qu’elle provoquait par son jeu savant. En réalité, une hiérarchie de classes sociales établies sur la fortune s’étant substituée à une hiérarchie ethnique, les bénéficiaires de ces opérations se situaient parmi les représentants de l’aristocratie locale. Ceux-là étaient donc toujours plus attachés à un ordre qui leur permettait de porter leurs ambitions bien au-delà des limites de leur cité. Issus de la curie d’une modeste « patrie » africaine, ils pouvaient d’un coup se hisser au niveau des grands destins de l’Empire.Ces énumérations, 180

Cette situation paraissait discriminatoire car ces institutions n’avaient en majorité en leur sein que des Romains et probablement peu d’Africains. En outre, le ius italicum est un droit s’appliquant à des cités et non à des individus. Les hommes y vivant accèdent à la citoyenneté romaine que s’ils étaient élus à une magistrature municipale (ce qu’on nomme le droit latin mineur), ou depuis Hadrien, à l’assemblée municipale locale (le droit latin majeur). Ils partagent les droits personnels des citoyens romains comme le ius conubium, ou le droit de faire un testament. Si, dans les municipes romains, qui demeuraient cependant libres de choisir le droit romain ou de conserver leur ancien droit local et coutumier, tous les habitants devenaient citoyens romains, en revanche, dans d’autres centres, appelés municipes latins, seuls recevaient le droit de cité romaine les représentants de la bourgeoisie municipale qui pouvaient entrer dans le sénat de leur ville, statut qui devenait alors héréditaire. Ces promotions régulières par inscription sur l’album municipal, auxquelles s’ajoutaient celles de privilégiés qui avaient bien mérité au regard de l’administration en place, permirent ainsi de naturaliser un nombre croissant de pérégrins, dont les cités accédaient alors au plan de véritables municipia.PAUL, Dig., L, XV, 8, 11. Voir aussi X. DUPUIS, La concession du Ius Italicum à Carthage, Utique et Lepcis Magna : mesure d’ensemble ou décisions ponctuelles ?“ Splendidissima civitas, cit., pp 57-65.

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malgré leur caractère éclectique paraissent montrer que la plupart des promotions des cités se portaient dans les zones ou régions déjà fortement romanisées, ou bien ouvertes depuis longtemps aux nombreux échanges commerciaux que l’on note à cette époque. Ce qui fut suspect à nos yeux et partant dans notre réflexion c’est une totale absence de toute création en Numidie. A2.b. Les municipes de Ius italicum. Sur la concession du Ius italicum181 à Carthage, à Utique et à Lepcis Magna, le Digeste de Justinien présente ces concessions comme simultanées ; mais l’épigraphie atteste que Lepcis Magna reçut le droit italique vers la fin de 202 ap. J.-C.., et que Carthage seulement sous Caracalla ; on ne peut le préciser pour Utique182. Le ius italicum exempte la cité du paiement du tribut et des impôts comme nous le confirme ces dires de Justinien : «Sciendum est, esse quasdam colonias juris Italici (…) »183. Les cités qui en bénéficiaient avaient surtout un passé prestigieux comme entre autres ‘’Carthage Utique ou encore Lepcis Magna’’184. Sous les Sévères l’octroi du ius italicum à Carthage avait pour but pour la grande cité de ne pas sentir avec amertume son démantèlement. Les Sévères veulent limiter la puissance de grandes cités comme de Carthage.

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PAUL, Dig., L, XV, 8, 11. Voir aussi X. DUPUIS, La concession du Ius Italicum à Carthage, Utique et Lepcis Magna : mesure d’ensemble ou décisions ponctuelles ?“ Splendidissima civitas, cit., pp 57-65. 182 A.E., 1996, 1676, p.586. Siège du plus ancien comptoir phénicien d’Afrique, Utique fut un centre important à l’époque punique comme l’ont attesté de nombreuses recherches archéologiques menées par P. CINTAS, E. COLOZIER et A. LEZINE, Saturne africain. Monuments t. I, p. 25. Ville libre à partir de 144 av. J.-C. et capitale de la province d’Afrique pendant un siècle avant de céder la place à Carthage, Utique devint municipe en 36 av. J.-C., puis colonie sous Hadrien (CIL, VIII 25378). 183 DIGESTE, L, XV, 1: « Il faut dire qu’il y a quelques colonies qui jouissent du droit italique, c’est-à-dire, qui ne payent point de tribut ». Le mot colonie utilisé ici ne correspond pas au statut de la cité ; l’auteur fait allusion à une cité, un municipe ou n’importe quelle civitas. Ce statut était accordé par Rome avec beaucoup d’hésitation car elle lui faisait un manque à gagner par rapport aux rentrées financières, car moins les cités payaient l’impôt moins les caisses étaient renflouées 184 IDEM, L, XV, 11 : « In Africa Carthago, Utica, Leptis magna, a divis Severo et Antonino juris Italici factae sunt ». DUPUIS (X.), « La concession du ius italicum à Carthage, Utique et Lepcis Magna : mesure d’ensemble ou décisions ponctuelles ? », dans Splendidissima Civitas, Etudes d’Histoire romaine en hommage à François Jacques, Paris, 1996, pp. 57-65 conclut à des concessions ponctuelles et exceptionnelles. L’auteur estime que Carthage a reçu cet honneur de Caracalla et non de Septime Sévère comme on le pense habituellement.

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A2.c. Les municipia libera : un cas particulier en Afrique romaine. Il existait en Afrique une catégorie particulière de municipia représentée par les municipia libera185. La libertas, l’autonomie idéale ou réelle, générale ou partielle, par rapport aux ingérences du gouvernement central, était l’un des privilèges les plus fréquemment concédés par les empereurs pour récompenser les communautés qui s’étaient montrées particulièrement méritantes. La loi agraire de 111 av. J.-C., ainsi que la liste provinciale rédigée par PLINE L’ANCIEN, fait allusion à des communautés liberae dont certaines exonérées des impôts ordinaires mais dont on perd la trace à la fin du Ier siècle ap. J.-C. En revanche, sous Septime Sévère, apparaissent les municipes libres (municipia libera) : il s’agit de centres qui avaient maintenu la libertas républicaine même après l’obtention des institutions municipales, indigènes, comme dans les cas de Matara et Thysdrus. D’autres centres, comme Aulodes, Thibursicum Bure et Thugga186, avaient été fondés comme municipia libera, vraisemblablement avec une autonomie administrative majeure à l’égard des ingérences du gouverneur et des divers (munera) qui reproduisaient d’anciens privilèges détenus par le passé par une partie de la communauté elle-même. Le privilège de liberté pouvait se concrétiser par l’extraterritorialité187 du territoire du municipe, l’autonomie des tribunaux, l’exonération d’impôts du gouvernement central (immunitas), mais elle ne s’identifiait jamais avec ces prérogatives. Dans tous les cas, le faible nombre de municipes libres indique qu’il s’agissait d’un privilège qui différenciait ces communautés des autres réalités municipales surtout au niveau des institutions. Ceci explique également la parcimonie avec laquelle l’Empereur concédait le titre ainsi que l’orgueil des communautés provinciales concernant la concession du privilège de liberté 185 JACQUES (F.), « Municipia libera de l’Afrique Proconsulaire », dans EPIGRAFIA. Actes du colloque international d’épigraphie latine en mémoire de Attilio Degrassi, Paris, 1991, pp. 583-606. Voir aussi PEYRAS (J.), « Les cités libres de l’Afrique mineure : organisation et territoire », dans M. CLAVEL-LEVEQUE, A. VIGNOT (dir.), Cité et territoire II, BesançonParis, 1998, pp. 259-276. Nous avons aussi pu approfondir la question sur les cités libres en lisant l’article de J. PEYRAS et E. GUERBER, « Les cités libres à l’époque romaine », DHA, 23, 1997, pp. 301-310 : J. PEYRAS, qui traite des cités africaines (pp. 307-310), rappelle que la liste de ces cités ne se limite pas aux sept populi liberi, mais qu’entrent dans cette catégorie les oppida et les municipia libera ; il voit dans les oppida libera des communautés de perfugae fondées sur des terres de l’ager publicus et dont le statut était inférieur aux sept cités libres. 186 LEPELLEY (C.), « Thugga au IIIe siècle : la défense de la liberté », Dougga (Thugga). Etudes épigraphiques, pp. 61-62 187 LEPELLEY (Cl.), Aspects de l’Afrique romaine : les cités, la vie rurale, le christianisme, Bari, 2001 ; CHRISTOL (M.), Regards, cit., Paris, 2005.

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et sa défense contre les attaques de l’administration centrale. La direction effective des villes appartenait au Sénat municipal, ou ordo, et aux magistrats. Qualifié de « splendide », ils étaient au nombre de cent environs. Le document qui nous révèle leur nombre reste sans conteste L’Album de Timgad188 ; il nous fournit un certain nombre d’informations sur ses membres. Cet Album nous a laissé une liste de curiales, bien que datant du IVème siècle (364)189. Il serait fort regrettable de ne pas parler de l’accession aux charges municipales, et voir comment se caractérisent les fonctions municipales. Comment les empereurs ont-ils permis l’accession puis l’ascension des Africains dans ces fonctions ? Nous répondrons à cette question dans la suite de notre étude. Il est évident que les provinciaux aspiraient à l’obtention d’un statut colonial et dans ce sens le rang de municipium était perçu comme un stade intermédiaire, un passage obligé vers l’institution la plus prestigieuse : la colonie. B. LES PROMOTIONS DES CITES EN COLONIES DE TRAJAN A DIOCLETIEN. A la fin du Ier siècle et au début du IIème siècle, le principat de Trajan succédant à celui fort court de Nerva (septembre 96-Janvier 98), constitua une étape charnière, qui marqua pour plus d’un siècle la géographie politique de l’Afrique du Nord. En Numidie, par exemple, il se traduisit par la mainmise sur de nouveaux territoires, jusqu’à l’Aurès, avec les dernières déductions de colonies, l’installation de la légion à Lambèse, la délimitation de nombreux territoires effectuée par les légats de la IIIème Légion Auguste190, en Africa, par quelques promotions d’anciennes cités puniques. Bénéficiant d’une grande popularité durant son règne191, comme après sa mort, il laissa le souvenir d’un excellent empereur (Optimus Princeps). Il donna en quelque sorte sa physionomie quasi définitive à l’occupation romaine. Le statut colonial assurément le plus prestigieux auquel une communauté pût prétendre : il resta réservé à un nombre limité de cités bien que, dès l’empereur Claude, soient apparues les premières colonies honoraires qui vinrent compléter le dispositif traditionnel des colonies de 188

CHASTAGNOL (A.), L’album municipal de Timgad, Bonn, 1978. Rédigé en 363 ap. J.C., l’album est une liste de personnages ayant exercé des responsabilités municipales et permet de comprendre les rouages institutionnels et sociaux d’une cité du Bas-Empire. 189 CIL, VIII, 2403 ; cf. CHASTAGNOL (A.), L’album municipal de Timgad, Bonn, 1978. 190 LE BOHEC (Y.), La Troisième légion Auguste, CNRS, 1989, 632 pages. 191 PLINE LE JEUNE, Panégyrique de Trajan, 64-65, trad. A. – M. Guillemin.

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vétérans. Toutes ces colonies étaient situées dans des lieux sûrs et fertiles ; les recherches actuelles nous ont permis de sortir de l’argumentaire d’historiens contemporains obsédés par l’idée d’une ceinture de sécurité. Les études récentes et d’autres plus anciennes192 nous ont permis de faire des synthèses afin de mieux apprécier l’extension dans notre chronologie et dans nos provinces de ces fondations coloniales. B1. Une colonie per indulgentia imperatoris. Il est rare de trouver dans les travaux d’historiens contemporains l’existence d’une cité ayant été promue au rang de colonie par indulgentia de l’empereur. Nous l’avons fait à travers une inscription qui fait mention de la colonie d’Uthina qui est qualifiée de colonia Iulia Pietas Tertiadecimanorum Uthina ex Africa indulgentia eius aucta et conservata193. La référence à l’indulgentia est bien attestée dans le discours du prince depuis Nerva, et elle convient particulièrement à Hadrien194, comme c’est le cas dans cette restitution de l’inscription d’une dédicace à Hadrien en provenance d’Ostie qui mentionne ceci : colonia Ostia conservata et aucta omni indulgentia et liberalitate eius (CIL, VI, 972). En effet, c’est à Hadrien que A. BESCHAOUCH attribue la fondation de la colonia Canopitana, voisine d’Uthina, mentionné sur une borne dressée ex indulgentia Imperatoris Hadriani Augusti195. On le préférera à Antonin dont l’absence d’initiatives est remarquable dans la politique municipale196.Parler de colonie honoraire semblerait fortuit mais il est important de soulever une différence que les historiens passent pour une évidence qui ne ferait guère confusion, et pourtant il en est autrement. 192 GASCOU (J.), La politique municipale de l’Empire romain en Afrique Proconsulaire de Trajan à Septime Sévère, CEFR, 8, Rome, 1972 ; LASSERE (J.-M.), Ubique populus, cit. ; LEPELLEY (Cl.), Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, Paris, 1979, t. I, pp. 132136. De nombreux articles ont fait progresser la connaissance des statuts juridiques en Afrique du Nord. 193 CIL, VI, 36917 ; ILS, 6784. ce texte peut être daté d’Hadrien, qui a revêtu sa 18e puissance tribunicienne le 10 décembre 133, selon les Ch. Huelsen, MDAI, Röm. Mitt., 16, 1901, pp. 9596; Id. Klio, 2, 1902, p. 240, n°20. 194 BEAUJEU 1955, p. 424 ; M. CORBIER 1977, pp. 223-224. 195 AE, 1979, 658, cf. BESCHAOUCH 1979, pp. 404-407 ; si la date de la borne ne fait pas de doute, voir les réserves de J. GASCOU 1982, p. 187, sur celle de la fondation coloniale, cidessous, p. 213. La référence à l’Indulgentia impériale ne peut se trouver qu’à partir du règne de Trajan et convient bien à l’époque antonine et sévérienne. En outre, l’attestation de la référence à l’Indulgentia du prince doit être reculée à l’époque julio-claudienne. Cependant, les monuments ne l’attestent pas jusqu’ici avant le règne de Caligula : M. Corbier, 1977, pp. 223-224, n.44. 196 Gascou 1982, p. 193.

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En effet, l’étude des cités romaines est assez particulière car dans les inscriptions nous trouvons des termes un peu spécifiques comme celui « colonia (…) deducta197 »198 dont se vante la cité de Vaga en Proconsulaire199. Que signifie ce terme qui est traduit par colonie déduite ? Que dire de ces particularismes ? Il conviendrait de définir ce que l’on entend par colonie honoraire. Sous les Flaviens, si la plupart des colonies sont encore destinées à des vétérans (mais désormais de souche africaine), l’une d’elle Hippo Regius (Bône ou Annaba) est la première « colonie honoraire » d’Afrique. Ce terme signifie qu’une cité ou ville tout entière reçoit ainsi collectivement l’assimilation à Rome dont tous ses habitants libres deviennent des citoyens romains. En outre, elle qualifierait aussi une cité qui n’a pas eu une installation de colons italiens et créations ex nihilo, mais que la cité préexistante fut promue au rang de colonie200. Ce n’est pas par hasard qu’à cette époque fut rédigée la Lex Manciana201 qui octroyait un statut particulier aux colons des domaines impériaux. Sous Marc-Aurèle et sous Commode, entre 161 et 192, il eut quatre colonies honoraires dont Mactar202. En revenant sur l’œuvre de Trajan, nous disons que son œuvre en Numidie a été d’assurer le contrôle du sud des Hautes Plaines entre la région de Cirta et la barrière montagneuse de l’Aurès203 et des Nementchas, qui forment un obstacle naturel, avec ses forêts épaisses encore peu densément occupées. Il a pu déduire les dernières colonies en Numidie. Cette déduction n’a fait en réalité que régulariser une situation. Toutefois, c’est à Trajan qu’on doit la fondation de la colonie de Sitifis (Sétif) en Maurétanie Césarienne et celle de Moph. Il décida la fondation de Thamugadi 197

CIL, VIII, 14395 : « colonia deducta ». CIL, VIII, 154, 932 ; 1398, 2526 : « colonia Septimia Vaga (…) deducta » (Numidie). Cette cité éprouvait le besoin d’insister sur le fait que sa qualité de colonia ne lui vient pas d’un simple titre honorifique, mais qu’au contraire elle est une authentique colonia, au sens premier du terme, puisqu’elle a reçu une déduction de colons en bonne et due forme. Même s’il ne s’agit en fait que de l’envoi d’un renfort de population, comme le croit J. GASCOU, le geste de Septime Sévère prend une signification bien symbolique, si l’on songe que les dernières déductions en Afrique remontent à Hadrien. Le problème de l’origine de ces colons se pose : on peut supposer que ce sont sans doute des vétérans à qui on accorde un lopin de terre, dans une région très bien choisie, non loin du bassin du Bagradas, déjà rempli des créations augustéennes. J’ai pu envisager que seule une étude de l’onomastique de la colonia nous permettrait de nous prononcer sur l’origine exacte, africaine ou italique, des colons de Vaga (J. GASCOU, La politique municipale…, pp. 168-171). 199 AE, 1966, 592 ; 593 ; 594. 200 DAGUET-GAGET (A.), Septime Sévère. Rome, l’Afrique et l’Orient. Payot, Paris, 2000, p. 440. 201 CIL, VIII, 10570. 202 LEPELLEY (Cl.), Rome et l’intégration dans l’Empire, p.92. 203 BRIAND-PONSART (Cl.), op. cit., p. 62. 198

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(Timgad)204. Une installation préalable d’un poste à Lambèse avait permis de se rendre compte des potentialités offertes à l’agriculture, ce qui permettait de prévoir que la cité deviendrait le centre d’une active région économique205. La colonie Marciana Traiana Thamugadi fut fondée ex auctoritate imperatoris par le légat Minucius Gallus, entre le début du mois d’octobre et le 9 décembre 100 ap. J.-C.206. Il est souvent affirmé que Timgad était une colonie de vétérans, et il est sûr que des vétérans s’y installèrent, tel le centurion M. Annius Martialis207, mais la nouvelle colonie ne saurait se réduire à cette définition. Un municipe, Diana Veteranorum (Aïn Zana)208 , dont la création fut conditionnée par la fondation de Timgad et, surtout, de la légion, fut peut-être fondée peu après, mais ce n’est pas sûr : la plus ancienne mention du municipe date de 149209. Autre cité fondée par Trajan, Cuicul. Proche de la frontière avec la Maurétanie Césarienne, sa fondation compléta celle de Sitifis (Sétif), de l’autre côté de la frontière. Son territoire dépendait auparavant de la Confédération cirtéenne et des citoyens des deux cités conservèrent entre eux des liens étroits ; s’y installèrent, là aussi, des vétérans, ce qui favorisait des déductions. Par analogie avec une autre cité nommé Ammaedara, qui devint colonie grâce à la présence de vétérans, on pense que Theveste devint colonie, mais là encore, la première mention de la colonie est plus tardive et ne date que de la fin du IIème siècle210. Dans la partie méridionale de l’Africa, Trajan fonda Thelepte, probablement avec des vétérans, promut Cillium (Kasserine)211 et l’oasis de Capsa au rang de municipe (Gafsa) au rang de municipes. Ainsi, Trajan entourait les régions où la présence romaine était bien assurée d’une ceinture de cités destinées à jouer le rôle de glacis en cas de soulèvement – la plupart sont peuplées de vétérans – et de foyers de romanisation pour attirer les tribus locales, du moins leurs élites, vers la romanité. 204

Dupuis (X.), « Trajan, Marciana et Timgad », dans L’Afrique, la Gaule, pp. 220-225, précise la chronologie de la colonie romaine. Le choix de ce site, en l’occurrence, ne s’est pas fait ex nihilo ; il fut déterminé à la fois pour sa valeur stratégique, car la ville commande les voies d’accès aux grandes vallées de l’Aurès, et pour des raisons d’ordre économique 205 GASCOU (J.), op. cit., 1972, p. 98 ; MORIZOT, 1991b, pp. 227-234. 206 CIL, VIII, 17842; Dupuis, 1994, 224. 207 CIL, VIII, 2354 ; ILS, 305 : un de ses premiers évergètes, qui commença se carrière dans la IIIème Légion Auguste, devint duplicaire dans l’aile I des Pannoniens, puis décurion. Il revient dans la légion IIIème Auguste comme centurion, alla en Pannonie dans la légion XXX Ulpia Victorieuse et, lorsque Trajan lui accorda sa démobilisation (ou honesta missio), il s’installa à Timgad. 208 GASCOU (J.), op. cit., 1972, p. 100-101 ; Idem, 1982, p. 172, 174-175. 209 A.E., 1930, 40.J. GASCOU a proposé Trajan en raison de la fréquence de la tribu Papiria qui celle de Trajan. 210 GASCOU (J.), 1982, 173-174. 211 BRIAND-PONSART (Cl.), op.cit, p. 63-64.

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Revenons quelque peu sur la cité de Vaga qui est l’une des trois cités promues par Septime Sévère par l’octroi du ius italicum. Vaga est une colonie Septimienne212 dès 197 ap J.-C. Colonie honoraire, elle reçut le titre de Colonia Septimia Vaga213. Trajan créa des colonies honoraires à Théveste214 et à Thamugadi (Timgad) pour les vétérans de la IIème légion Auguste, qui sont en majorité nés en Afrique romaine. En outre, la colonie de Lepcis Magna fut aussi une colonie honoraire. Ce qui fait que le Lepcitain vit donc le jour dans une colonie honoraire de droit romain ; les suffètes, institution pérégrine, avaient alors disparu et la cité était régie par des magistratures similaires à celles de Rome, c’est ce que nous verrons plus loin. Nous avons dressé un tableau des colonies de droit romain qui se présente ainsi : AeliaAug.Mercurialis Theniatrum Aelia Uluzzibera Amaedara Bisica Bulla Regia Gightis Giufi Hadrumetum Lares Mactar Muzuc Simithus Sufes Tipasa Thugga Uthina215

CIL, VIII, 2991 Epigrafia, 1933, p. 38. CIL, VIII, 12058. CIL, VIII, 22707. CIL, VIII, 25902. CIL, VIII, 22900. CIL, VIII, 26561. CIL, VIII, 11430. CIL, VIII, 1778. CIL, VIII, 14611. CIL, VIII, 12298. CIL, VIII, 12546. CIL, VIII, 23995. AE, 1935, n°60. CIL, VIII, 27439.

212

CIL, VIII, 14395 (209 ap. J.-C.): «col(onia) Septimia Vaga». Le mot deducta trouvé dans l’inscription est une sorte de répétition inutile car le mot colonia suffit largement. Et surtout si l’on accepte cette explication, il faut admettre que Vaga a été transformée en colonie seulement en 208-209, par déduction d’un noyau de colons. Nous pouvons aisément définir ce que l’on entend par colonie honoraire à l’examen de la colonie de Vaga. Quant au mot colonia, on peut dire qu’ il peut en effet avoir deux sens : c’est ou bien la cité qui possède le statut de colonie, ou bien le groupe de colons qu’on déduit en un lieu. CICÉRON, De Republica, II, 3 : «(…) in ostio Tiberino, quem in locum multis post annis rex Ancus coloniam deduxit ». 214 ILA., 3105 ; 3106. 215 Colonie romaine dès l’époque de César ou d’Auguste, Uthina devint une ville importante qu’habitaient de riches propriétaires fonciers, comme les Laberii (voir pour cette gens P. GAUCKLER, Le domaine des Laberii à Uthina, 1896, pp. 177-229. BRIAND-PONSART (Cl.), op. cit., p. 67. Mais on n’est pas sûr que la promotion ait été le fait d’Hadrien. On peut aussi lire J. PEYRAS, « La colonie d’Uthina et le milieu africain », dans Ben Hassen et Maurin (éd.), Oudhna (Uthina), colonie de vétérans de la XIIIème légion. Histoire, urbanisme, fouilles et mise en valeur des monuments (H. Ben Hassen, L. Maurin dir.), Ausonius, 13, Bordeaux, 2004, pp. 264-278 ; l’auteur examine la situation foncière de la colonie, ses rapports avec les pagi situés sur son territoire ainsi que la naissance des cités indigènes 213

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Utica Zama Regia216

CIL, VIII, 11813. AULU-GELLE, Noct. Att., XVI, 13, 4. CIL, VI, 1868.

Ce tableau nous montre, la sélection que font les Antonins sur l’attribution du droit romain à certaines cités d’Afrique du Nord. La majorité de ces cités ont, soit un passé prestigieux, soit ce sont des ports ou encore des cités se trouvant dans des vallées fertiles comme Thizika217, Thuburbo Maius218, Avitta Bibba219, Abthugni220, Althiburos221, Turris Thamalleni222, Thaenae223 et Ulusippira224, et en Maurétanie, Choba. Des découvertes récentes font ajouter la colonia Canopitana et le municipium Chlulitanum. Uthina bénéficie aussi d’un regard particulier grâce à la beauté de son cadre naturel, même si on remarque une faible réoccupation, notée par les fouilles archéologiques225. Nous avons comparé la superficie d’Uthina226 à celle d’autres cités à travers ce tableau : voisines et les rapports entretenus avec Uthina. L’auteur met aussi au point un certain nombre de notions tant juridiques que cadastrales. Il considère que les colonies Iuliae en Proconsulaire (dont Uthina, Sicca et Cirta) étaient dotées d’un statut particulier, fondé par César, puis étendu à d’autres communautés, aussi bien des oppida libera que des cités devenues municipes au IIème siècle : ce qui comptait, c’était l’organisation des terres, comprenant un privilège pour les Iulienses qui recevaient en toute propriété des terres publiques. 216 Ancienne cité de Juba 1er. 217 ILAf., 432. 218 ILTun., 699. Cette cité fut un vieux centre indigène dans une contrée d’une agriculture florissante. Elle devint le chef-lieu d’une région de grands domaines impériaux, car on y a trouvé un fragment d’une loi agraire (CIL, VIII, 23977) ; une inscription découverte dans les thermes d’été de Thuburbo mentionne un dispensator regionis Thuburb(o) Maius (ILAfr. 246) : il s’agit d’un subordonné du procurateur du tractus de Carthage chargé de l’administration des domaines de la région de Thuburbo. 219 CIL, VIII, 799. 220 CIL, VIII, 11206. 221 CIL, VIII, 27769. 222 Cette cité promue par Hadrien est aussi le chef-lieu des Nygbenii, qui avaient fini par accepter la sédentarisation. 223 CIL, VII, 1685. 224 AE, 1940, n°64. 225 En raison de cette faible réoccupation, les structures de la ville antique n’ont pas été perturbées. 226 La superficie indiquée est plus précise en ce concerne Carthage. Pour les autres, il est plus difficile de cerner les limites. En ce qui concerne Dougga : Khanoussi 1995, p. 8 ; pour Sbeitla : Duval 1982, p. 608. Nous n’avons voulu multiplier les exemples. Il s’agissait seulement de montrer quel était l’ordre de grandeur d’Uthina par rapport à d’autres villes d’Afrique connues. D’une façon générale, on connaît mal la densité relative des constructions dans les différents quartiers et encore moins celle de la population, si bien que le critère le moins risqué pour établir une comparaison reste la superficie globale de la ville. Une approche de ces délicats problèmes a été tentée par Lézine 1969.

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Ville

Superficie approximative en hectare (ha) 40

Althiburos (Henchir Medeina) Ammaedara (Haïdra) Hadrumetum (Sousse) Karthago (Carthage) Sufetula (Sbeitla) Thuburbo Maius (Henchir Kasbat) Thugga (Dougga) Thysdrus (El Jem) Uthina (Oudhna) Utica (Utique)

60 130 260 50 à 60 35 70 130 130 120

Ce tableau montre que le choix des cités pour les promotions juridiques pouvait aussi tenir compte de la superficie de la cité, dans le but d’un certain nombre d’aménagements monumentaux. Nous constatons, parlà même, qu’il s’agit d’une politique promotionnelle des cités dont le peuplement n’a absolument rien d’italien. C’est ici une sorte de consécration de la romanisation des indigènes. Cette colonisation de Trajan trouve son expression dans la création de la « colonia Ulpia Marciana Traiana Thamugadi »227. Il faut dire ici que ces colonies honoraires reçoivent automatiquement le ius italicium228. De nombreuses cités en bénéficièrent comme, entre autres, Sitif229, Thugga230, ou encore Uchi Maius231. Ce droit n’était accordé qu’à des colonies romaines, et conférait à celles-ci un prestige et des avantages considérables. Par ce privilège, le territoire de cité devint susceptible de propriété quiritaire et exempt de toute contribution. Sauf privilège exceptionnel dans les colonies, et à plus forte raison dans les municipes des provinces, le sol était provincial232, les habitants n’en avaient que la possessio et l’usufructus, non le dominium. Le manque à gagner qu’un tel bienfait représentait pour les finances impériales 227

CIL, VIII, 17842 ; 17843 Il faut noter que le ius italicum, ce bienfait, extrêmement convoité et très parcimonieusement concédé, consistait à assimiler juridiquement le sol d’une colonie à celui d’une cité italienne et à l’exempter ce faisant de toute imposition foncière 229 AE, 1951, 49 ; AE, 1967, 605 230 CIL,VIII, 26561 231 CIL, VIII, 26262. Sous le Proconsul Caesonius Lucillus (après 238 A.D.). C’est une dédicace en l’honneur de Sévère Alexandre. On doit considérer que Caesonius intervient en qualité de légat du Proconsul. M. KHANOUSSI et A. MASTINO, Uchi Maius, Sassari, 1997, 398 pages. 232 Ager provincialis, vectigalis, tributarius. 228

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suffit à expliquer l’extrême rareté de sa concession aux cités. Sous le règne de Septime seules Lepcis Magna (cité natale de l’empereur Septime Sévère) et Utique (un grand port)233, en Proconsulaire, bénéficièrent du ius italicum. Ce choix pour Lepcis Magna est très clair, mais pour Utique, l’octroi du ius italicum aurait été justifié par l’ancienneté, l’éclat et le renom de cette cité, qui passait pour avoir été la première création phénicienne en Afrique, et avait été, en des temps républicains reculés, la capitale de la province de l’Africa nova. Nous ne ferons pas une étude énumérative de toutes les cités qui ont été promues234 à ce statut ; nous en avons pris quelques-unes, et nous avons montré leurs spécificités et les critères d’attribution de ce statut. Ce qui est spécifique dans les colonies honoraires, c’est qu’elles ne sont pas promues à ce rang par complaisance, mais pour des objectifs bien précis comme nous l’explique Anne DAGUET-GAGEY, et surtout sous les Sévères et de son plus illustre représentant, Septime, « cette politique avait pour objectif de fidéliser les habitants ; favoriser une élite locale et de dynamiser économiquement cette contrée fertile de l’Empire qu’est la Proconsulaire ; tout ceci pour faire avancer la romanisation »235. Mais qu’en est-il de ce que nous avons qualifié de « colonie de promotion » ? Nous appelons ‘’colonie de promotion’’ les cités pérégrines qui ont bénéficié du statut de colonie sans passer par des statuts intermédiaires de municipes ou encore de municipes de droit latin236 ou de droit romain. Une des voies possibles pour établir les différences juridiques des cités consiste à aborder la question de ce droit à partir d’un exemple concret, celui d’un ancien emporium d’origine punique, Gightis237 et Mactar. Nous pouvons saisir le cas de Gightis à partir d’une inscription trouvée par R.

233 LE GLAY (M.) , Saturne africain. Monuments t.I, pp. 25-26. Depuis 1948, des fouilles importantes ont été entreprises sur ce site par M. P. CINTAS. Les premiers résultats ont été publiés : Deux campagnes de fouilles à Utique, Karthago, V, 1954, pp. 5-88 ; Nouvelles recherches à Utique, Karthago, V, 1954, pp. 89-154 ; G. Ch. PICARD, Note sur les mosaïques à la maison à la cascade à Utique, Karthago, V, pp. 162-167. 234 GASCOU (J.), La politique municipale…, pp. 57-208. 235 DAGUET-GAGEY (A.), op. cit., p.370. 236 Concernant le droit latin justement, on peut dire qu’il est du Ier au IIIème siècle l’instrument de promotion privilègié des élites africaines indigènes. Des études ont montré, là aussi, une évolution dans la conception que l’on se faisait de l’octroi de ce droit. On distingue désormais entre l’octroi du droit latin à une cité et l’octroi du statut de municipe de droit latin. 237 Bou Ghrara. Sur la côte du sud de l’actuelle Tunisie, en face de l’île de Djerba. Cette cité a fait l’objet de plusieurs études entre 1981 et 2003, qui ont tenté de définir la nature, les étapes de l’octroi du droit latin et du droit municipal à la cité, en l’occurrence les épithètes, qui aident souvent à résoudre la question. Voir sur cette question J. GASCOU, 2003, pp. 141-145.

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CAGNAT238, qui signalait que c’est l’empereur Antonin le Pieux qui en était le conditor municipii. Mais A. CHASTAGNOL proposa de faire d’Hadrien le conditor de cette cité en s’appuyant sur plusieurs arguments239. Concernant Mactar, qui n’avait reçu une approche satisfaisante240 , la cité porte le nom de colonia Aelia Aurelia à la fin du IIème siècle241. Cette proposition se heurtait au fait que Mactar était encore qualifiée de civitas en 169, incompatible avec le statut de municipe242. Avec l’inscription, nous sommes arrivés à la conclusion que c’est Hadrien qui lui accorda le droit latin, d’où la mention d’Aelia, mais elle ne devint pas municipe ; Marc Aurèle, lui attribua le statut colonial, d’où l’épithète Aurelia243. Dès avant l’ouverture du IIème siècle, celui des Antonins, on assiste à une vigoureuse reprise de la colonisation, confiée désormais à des contingents de vétérans. Le bref règne de Nerva (96-98) est marqué par deux réalisations de ce type, les colonies que nous avons qualifiées de militaires : Sitifis et Cuicul. Ce site fut choisi pour y déduire la colonia Nerviana Augusta Martialis veteranorum sitifensium244. Nous avons affaire ici à une colonie de déduction, c’est-à-dire que des vétérans installés dans des cités reçoivent le titre de colonie pour des besoins bien spécifiques comme ici la défense de la région des Hautes-Terres245. Les vétérans installés à cet endroit disposaient en réalité d’un vaste territoire céréalier qui assurait richesse et prospérité à la nouvelle cité. Nous notons que le règne de Trajan marque la fin des déductions coloniales d’origine militaire comme ce fut le cas sous les Flaviens et aussi sous Nerva. Ici la déduction était le fait de vétérans ; un Titus Flavius Breucus est qualifié de veteranus acceptarius246. Trajan est qualifié de 238

Présentée par R. CAGNAT, CRAI, 1902, 37-40. Voir A. CHASTAGNOL, 1993-95, pp. 89-94. 240 Sur Mactar, G.-CHARLES-PICARD, 1986, pp. 451-467 ; A. BESCHAOUCH, 1995, p. 203; A. CHASTAGNOL, 1990, pp. 351-365. 241 La règle voulant que les épithètes successives d’une cité rappellent les noms des empereurs bienfaiteurs, on a pensé ici tout naturellement à Hadrien puis à Marc Aurèle ou Commode : devenue municipe sous Hadrien, la cité aurait été promue colonie par l’un des deux autres empereurs. Cette proposition se heurtait au fait que Mactar était encore qualifiée de civitas en 169, incompatible avec le statut de municipe 242 CIL, VIII, 11799 ; ILAfr., 200 : [civi]tas M[ac]taritanor[um]. Pour J. GASCOU, 1980, p. 147, le terme de civitas ne peut être utilisé à une date aussi haute sans signification juridique précise, ce que conteste PICARD, 1986, p. 466. 243 La première inscription de datation certaine où est mentionné le statut de colonie appartient au règne de Septime Sévère (CIL, VIII, 11801), on peut donc fixer la promotion de Mactar au plus tard à 192. 244 AE, 1951, 49. 245 C’est la région de collines qui bordent au nord les grandes plaines céréalières atteignent une altitude de 1100 mètres. 246 BAC, 1915-1916, p. 30. 239

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conditor de la cité de Thamugadi247 en 100 de notre ère. Les deux épithètes associent le souvenir du conditor et celui de sa sœur Marciana248. Les colons sont des vétérans de la Tertia Augusta ; l’opération de déduction s’est faite sous les ordres du commandant de légion, Lucius Munatius Gallus. Une autre cité, selon J. GASCOU est une déduction de vétérans ; c’est la cité de Thélepte. En effet, Thélepte est une cité romaine au contact des tribus nomades, les Musunii Regii dont les terres furent alors délimitées pour, d’une part, un accroissement des terres publiques aux dépens des nomades, et, d’autre part, par la volonté de délimiter les terrains de parcours pour les protéger de l’emprise des colons. La majorité des colonies attirait les Romains de la métropole, car ils y trouvaient des terres et du fait qu’ils assuraient aussi la défense du limes ils pouvaient facilement briguer les magistratures municipales ; chose qui leur était pratiquement impossible à Rome, où les hautes fonctions étaient déjà et depuis fort longtemps occupées par les familles influentes, les familles patriciennes. Sitifis est un exemple de ces cités devenues colonies, dites « de déduction ». En effet, le développement de cette colonie dut être appréciable et provoquer la venue d’un certain nombre de migrants décelables par leurs tribus : on rencontre en effet à Sitifis, colonie inscrite dans la tribu Papiria, des représentants de l’Arnensis249. Il n’y faut point voir les descendants de colons, mais des Salditains (plutôt que des Carthaginois) venus s’établir à Sitifis. Dans le même ordre de classement on retrouve en outre la cité de Cuicul qui fut aussi une colonie de déduction250 installée dans une région montagneuse à l’Ouest de la Numidie et donc qui nécessitait une surveillance à cause des tribus indigènes qui faisaient des incursions dans l’Empire et empêchaient ainsi son unité. Il s’agissait d’y installer une petite redoute entre les Hautes-Plaines et la mer. On y a aussi trouvé de nombreuses inscriptions de vétérans251 mentionnant un grand nombre de Iulii252. Cette politique de déduction de colonie ne s’arrête pas avec Hadrien, elle va même connaître un véritable essor sous les Sévères. En effet, on assiste sous cette dynastie, à la réutilisation de la formule de déduction de nouveaux colons. On en a la preuve dans le vieil établissement d’Uchi Maius. Comme à Vaga une trentaine d’années plus tôt, c’est par une 247

CIL, VIII, 17842 et 17843. DUPUIS (X.), «Trajan, Marciana et Timgad », dans L’Afrique, la Gaule, pp. 220-225, précise la chronologie de la colonie romaine. 249 CIL, VIII, 20378 ; 8452. 250 GASCOU (J.), La Politique Municipale., pp.108-111. 251 BCTH, 1950, p.160. 252 CIL, VIII, 8309. 248

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dédicace d’un arc que cet épisode est connu253. Cette inscription mêle à la déduction le nom de Caesonius Lucillus qui fut Proconsul d’Afrique vers 238-240254. Ce genre de cité avait une sorte de considération aux yeux de l’empereur, qui pouvait à son gré décider d’élever le statut juridique d’une cité, comme ce fut le cas de la cité d’Hadrumète255. Malgré cette inscription rien ne permet d’affirmer qu’Hadrumentum aurait été municipe avant de devenir colonie. Trajan a directement élevé Hadrumentum au rang de ville pérégrine à celui de colonie256. L’activité de Trajan dans le domaine municipal est considérable, mais elle reste limitée à des secteurs bien précis et semble être inspirée par des objectifs bien déterminés, notamment militaires et donc défensifs B2. Les critères d’attribution de ces statuts B2.a. La défense des limites de l’Empire. Avec Trajan nous assistons certes à la promotion de plusieurs cités, mais cela était nécessaire pour l’unité de l’empire. Avec les Antonins c’est surtout dans des villes de vétérans, surtout dans les régions vitales de l’Empire, que va se manifester l’influence et la municipalisation. Jacques GASCOU mit en relief dans son ouvrage sur la Politique Municipale, la tendance de Trajan à implanter massivement des colonies257 et la vie municipale précisément dans les zones faiblement romanisées ou récemment conquises. En Proconsulaire et en Numidie, les deux provinces qui nous intéressent ici, nous avons entre autres, Lepcis Magna qui acquiert le statut de colonie, tout comme Thélepte, Théveste, Sitifis ; Thamugadi devint une colonie militaire, fondée par les vétérans de la troisième légion Augusta258. Hadrumetum quant à elle devint en ce temps-là colonie appelée Colonia Ulpia Traiana Augusta Frugifera Hadrumetina259. Lambèse fut aussi l’une des nombreuses cités qui bénéficièrent du statut de municipes puis de colonies pour leur emplacement dans la défense de l’Empire et c’est elle qui 253

CIL, VIII, 26262 THOMASSON, II, p.121-122 255 CIL, VIII, 3020; 3062; 18084 : “ colonia concordia Ulpia Traiana Augusta Frugifera Hadrumetina” 256 GASCOU (J.), « La politique municipale de Rome en Afrique du Nord. I. De la mort d’Auguste au début du IIIe siècle », dans A.N.R.W., II, 10, 2, p.166-179 257 Ibidem, pp. 67-115 ; 209-213 258 CIL, VIII, 17842 ; 17843. 259 CIL, VI, 1687. 254

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servait de base à la Legio Tertia Augusta260. Au sud de la dorsale tunisienne, outre Ammaedara, peuplée de vétérans, on trouve Cillium. Plus loin et toujours dans le souci de préserver le limes de l’Empire, nous trouvons aux confins du Nord-Est de l’Aurès, la colonie de Madauros, dont les buts stratégiques sont évidents : elle est à proximité des Musulames, dont le territoire s’étend au sud, et des Numidae261 au Nord-Ouest donc elle surveille une région dont le peuplement est surtout constitué de tribus ou de clans indigènes. En Numidie, et surtout dans l’Ouest, les Antonins ont construit des défenses contre les tribus des Bibans. C’est à Nerva qu’on doit la déduction de nouvelles colonies à cet endroit comme Cuicul, Mopth, et même Sitifis. Le choix de l’emplacement de ces colonies est intéressant. En effet, la Colonia Nerviana Augusta Martialis Veteranorum Sitifensium262 est au milieu d’une plaine céréalière263, tandis que Cuicul joue le rôle de point de surveillance car située plus au Nord de la Kabylie, tout en restant un centre d’échange entre la zone côtière et les hautes plaines de l’intérieur264. Il faudra aussi noter qu’il y a un facteur économique certain : la défense des terres fertiles, surtout celles du littoral et du Haut Tell ; elles constituaient des territoires civils administrés par des autorités civiles265. Commode ne se contente pas, quant à lui, de gérer les problèmes de l’insécurité dans les Maurétanies, il prend des initiatives qui renouent avec la politique de ses prédécesseurs lointains. Une inscription trouvée sur la route Auzia-Medea qui joue le rôle de limes est bordée de tours nouvelles alors que les anciennes sont restaurées266. A Albulae, l’empereur a ordonné des travaux analogues267 ; ce souci traduit la volonté de rétablir un système de défense autour de la Maurétanie Césarienne. Mais d’autres secteurs du limes connaissent un regain d’activités, fortifications le long de la route TacapaeLepcis Magna en Tripolitaine, avancées au sud de la Numidie avec la construction de Burgus speculatorius au sud de Calceus Herculis, entretien de la voie Calceus Herculis à Thusbunae, ces derniers travaux achèvent d’intégrer l’Aurès au monde romain grâce au report de la frontière au sud de ce massif. Une autre raison pousserait les empereurs à promouvoir des cités : 260

AE., 1920, 12. Cette cité fut municipe au IIème siècle, et ce n’est que sous Sévère Alexandre qu’elle devient colonie. 261 ILAlg., 1240, 1244, 1300 : Tribu de la cité de Thubursicu Numidarum. 262 CIL, VIII, 8473 ; 10338 ; 10362. 263 DESPOIS (J.), L’Afrique du Nord, Paris, 1958, IIème édition, p. 371. 264 AE, 1950, 136. 265 Proconsuls pour le secteur Tunisien ; les triumvirs pour le secteur du Constantinois. (cf. André BERTHIER, La Numidie, Rome et le Maghreb, p.138-139. 266 CIL, VIII, 20816. 267 CIL, VIII, 22629.

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la fourniture de recrues à l’armée romaine le tableau ci-dessous nous le démontre :

Nombre de soldats recrutés Cité

Carthage (Karthago) Calama (Guelma) Maxula (Radès) Sicca Veneria (Le Kef) Uthina (Oudhna) Utique (Utica) Vaga (Béja)

Statut

Date d’octroi

Colonie sar-Aug. Municipe

Unité Legio III Augusta Autres unités Iinconnue s. s. 3 7 2

jan

Colonie

OctaveAuguste

Colonie

Auguste

OctaveAuguste Municipe Octavien colonie Hadrien Septime Colonie Sévère Colonie

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1

4

3

1

1

3

1 2

2

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1

4

3

6

18

3

2

1

En plus, de cela, les empereurs avaient le souci de faciliter la communication avec les peuples des montagnes, encore très hostiles à cette présence qui tenait, insidieusement, à s’octroyer leurs terres. B2.b. Faciliter la communication montagnardes et le rôle des patrons.

avec

les

populations

L’érection des cités que pratiquent les Antonins n’obéissait pas seulement à des objectifs militaires et donc défensifs, cette politique de déduction pouvait aussi concourir à faciliter les contacts avec les populations des montagnes qui étaient encore hésitantes à la romanisation. En effet, au nord de l’Aurès, et avec les mêmes buts, sont construites les routes qui relient Thamugadi268 à Mascula269, ainsi que Theveste à Thelepte270. Cette dernière cité, importante surtout par son rôle de nœud routier, dut recevoir de Trajan une déduction de vétérans qui lui valut son 268

LESCHI (L.), L’Algérie antique, p.105-106. CIL, VIII, 10186; 10210. 270 CIL,VIII, 10037; ILAlg., 3958. 269

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titre de colonie271, sans doute pour assurer la continuité de son occupation. Les empereurs pouvaient tenir compte de l’importance des patrons dans l’attribution des statuts juridiques aux cités qui l’intéressait. En effet, les patrons des cités ont une influence dans la promotion des cités. Ils ont joué un rôle déterminant dans la promotion de leur cité. La cité de Thuburbo Maius par exemple, située en Afrique Proconsulaire, est qualifiée de colonia Iulia Aurelia Commoda Thuburbo Maius272.D’abord cité pérégrine, elle devient municipium Aelium Hadrianum, sans doute en 128 lors du voyage de l’empereur en Afrique, grâce à l’influence de son patron, Marcus Vettius Latro, alors procurateur de Maurétanie Césarienne, et originaire de cette cité. Sous le règne de Commode, une nouvelle fois grâce à son patron, Caius Vettius Sabinianus Iulius Hospes, la cité est promue au rang de colonie et prend son nom définitif. L’épithète Iulia serait une façon d’évoquer Auguste. En outre, « le patron était le protecteur de la cité et un personnage influent »273 : ses états de carrière lui permettaient d’entretenir d’efficaces relations avec l’administration provinciale et même les empereurs, et donc d’activer auprès des autorités locales administratives et représentants de Rome, le changement de statut de la cité qu’ils protégeaient. Dans son ouvrage sur le l’évergétisme, Paul VEYNE considère le patronat municipal comme « une prétendue institution qui doit être rapprochée des titres honorifiques que les cités grecques décernent à leurs bienfaiteurs », et il ajoute que « le patronat n’est pas une fonction obligeant à des activités définies, c’est un titre, celui de patronus qui est décerné à des bienfaiteurs pour les remercier »274. B2.c. Le prestige d’anciennes cités illustres. Certaines cités avaient un rayonnement dans l’Antiquité, et avaient attiré la sympathie des empereurs du Haut-Empire, qui y voyaient le moyen 271

TOUTAIN (J.), Les cités romaines de la Tunisie, Paris, 1895, p. 316-317. CIL, VIII, 848 273 DECRET (F.), FANTAR (M.), L’Afrique du nord dans l’Antiquité. Des origines au Vème siècle, pp. 197-198. Voir aussi HARMAND (L.), Le patronat sur les collectivités publiques, des origines au Bas-Empire, Paris, 1957 ; SEGUI MARCO (J.J.), « Un aspecto particular en las relaciones hispano-africanas durante en Alto imperio : les patrocinios públicos », L’Afrca romana, 11, 1994 (1996), pp. 1547-1564, étudie les Africains qui ont exercé un patronage dans la péninsule ibérique et les Hispani qui ont fait de même en Afrique. 274 VEYNE (P.), Le pain et le cirque, p. 349 note 319. Il est important dans les rapports entre les empereurs et les cités, cadre de cette étude, d’envisager une analyse systématique du phénomène du patronat municipal (cf Harmand, Patronat ; Saller, Personal patronage) durant le Principat de Trajan jusqu’à la tétrarchie. Ceci afin de comprendre les raisons pour lesquelles certaines cités ont choisi exceptionnellement un empereur ou un membre de la famille impériale comme Patron 272

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d’y constituer des laboratoires de la romanité, et qui leur accordait plus facilement le statut de colonie ou de municipe. En effet, à ce sujet P. VEYNE disait qu’une « antiquité illustre (anciennes capitales) »275, un état de romanisation avancé, et même une importance économique particulière valaient à la cité de bénéficier d’une promotion au rang de colonie honoraire. C’est ainsi qu’Hadrien accorda le statut de colonie à Utique276 qui était un grand port et qui passait pour la première cité phénicienne d’Afrique et capitale de l’Africa nova, Bulla Regia277, Zama Regia278 et à Thaenae279. Toutefois la colonie restait redevable de l’impôt foncier pour le sol provincial. L’importance d’Hadrumète, vieille cité phénicienne figurant parmi les villes libres cités par la loi de l’an 111, appelée oppidum liberum par PLINE LE JEUNE, est grande en tant que port principal du Sahel. Sa prospérité et son enrichissement par le commerce de l’huile, ont dû jouer en faveur de son élévation au rang de colonie280. Nous devons signaler qu’aucune cité n’était obligée ou contrainte de devenir colonie ou municipe ; au contraire, ces promotions exigeaient des démarches, des interventions de patrons comme nous venons de le voir ; des ambassades auprès des empereurs dont des inscriptions font état. Les empereurs y répondaient favorablement s’ils estimaient les collectivités aptes à adopter le complexe système municipal romain ; si la cité était assez riche pour se doter du décor urbain requis avec des monuments imposant comme des temples et autres édifices rappelant quelque peu Rome281. Il fallait aussi que la cité possédât une élite dirigeante déjà romanisée apte à faire face aux dépenses, et à pouvoir gérer les magistratures municipales. Ces promotions entraînaient de facto la création d’une sorte d’élitisme (nous éviterons ici le terme de ‘’bourgeoisie’’, inapproprié et anachronique), non plus fondée sur le fait ethnique, mais sur le cens et la fortune282.

275

Idem, p.198. CIL, VIII, 1181 :’’Colonia Iulia Aelia Hadriana Augusta Utika’’ 277 CIL, VIII, 25522 : ‘’ colonia Ael(ia) Hadriana Augusta Bulla Regia..” 278 CIL, VI, 1686 : ‘’colonia Aelia Hadriana Augusta Zama Regia’’. 279 CIL, VI, 1685 : ‘’Colonia Aelia Augusta Mercurialis Thaenitana’’. 280 CIL, VI, 1687 281 JOUFFROY (H.), op.cit., p 254. 282 Voir supra chapitre III. 276

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B3. Les avantages et les limites juridiques de ces promotions. B3.a. Les avantages de ces promotions juridiques. a1. Une évolution politique des communautés environnantes. Les déductions de cités entraînaient une évolution institutionnelle de la communauté qui les entourait, du vicus283 à la respublica284, puis au municipe, voire ici la colonie comme ce fut le cas de la colonie de Diana Veteranorum. En effet, les communautés qui vivaient aux alentours des cités promues recevaient disons par extension les bienfaits de la cité promue, par l’éclat de ces monuments et le développement des activités commerciales. Ainsi certains pagi285, celui d’Uchitan(orum) maioru(m), honoraient Faustine, épouse de Marc-Aurèle par l’érection d’une statue, voyaient certains de leurs membres accéder à des fonctions dans la cité promue pour cause de loyauté et bons rapports avec les vétérans. En outre, il y a ce citoyen d’un pagus de Carthage, près de Thibaris286, nommé Lucius Cornelius Maximus qui habite ce pagus, où il a exercé les fonctions de magister, mais était citoyen de Carthage, inscrit dans la tribu Arnensis. Il put parcourir une carrière municipale, en étant élu au décurionat, et termina sa carrière en qualité de prafectus iure dicundo, pour s’être montré généreux envers le pagus qu’il est nommé patronus du pagus, et fit bénéficier la respublica d’une promotion certaine de ces habitants. Il faut signaler que le terme de res publica est appliqué aussi bien à un municipe287 qu’à une colonie. L’expression est d’usage lorsque la cité offre un ouvrage ou fait une dédicace en l’honneur d’une divinité, d’un empereur ou d’un individu que l’on veut honorer ; elle peut préciser son statut juridique, res publica colonia Cuiculitanorum, par exemple ou ne pas le mentionner : res publica Cuiculitanorum, pour reprendre le cas de la même cité de Numidie, Cuicul ; ou encore Carthage288.

283

Quartier ou bourg. Toute communauté pourvue d’un statut juridique impliquant un minimum d’autonomie (existence d’un ordo decurionum, orde décurional, ressources financières) est qualifiée de res publica. 285 CIL, VIII, 26252. 286 CIL, VIII, 26185 : « pagus Thibarit(anus) patrono ob munificent(iam)… ». 287 CIL,VIII, 4596 : Diana Veteranorum, Numidie. 288 CIL,VIII, 1220. 284

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a2. Une urbanisation croissante des cités. Cette promotion va entraîner une urbanisation exceptionnelle des cités africaines qui se verront construire de nombreux monuments publics, indices d’un enrichissement considérable des cités africaines289. En effet, Lepcis Magna en bénéficiant du statut de colonie entraînait de facto la promotion de ses habitants dans l’administration municipale et de surcroît romaine. En effet, bénéficier du droit latin signifiait, pour ceux des habitants de la cité qui géraient une magistrature locale, la possibilité d’acquérir, à la fin de leur charge, le statut très convoité de citoyen romain, privilège recherché, mais à cette époque très parcimonieusement accordé. Il faut quand même signaler et le traiter plus loin que ce statut implique des droits et des devoirs. Même s’il apparaît que la politique globale des Antonins fut la défense du limes, il faudrait néanmoins se préoccuper quelque peu de celle d’Hadrien qui ressemble à la politique pratiquée par Trajan, malgré quelques nuances. Il importe néanmoins de ne pas négliger l’autre aspect d’une des politiques d’un des Antonins, en l’occurrence Hadrien, qui semble rechercher non plus la défense des frontières de l’Empire mais une sorte d’expansion et de consolidation des acquis, en s’intéressant aux statuts municipaux de nombreuses cités. En effet, les documents relatifs à l’action d’Hadrien dans le domaine municipal sont importants et éclairant. En portant un examen minutieux à l’Histoire d’Auguste qui parle de la Vita Hadriani, dans cette source littéraire, l’auteur parle des bienfaits attribués aux provinces africaines, nous osons mettre à son actif de nombreux monuments construits au cours de son voyage : «multum beneficiorum provinciis Africanis adtribuit » 290. Notre empereur y a aussi accordé le droit latin (ius latium)291 notamment à de nombreuses cités, cette dernière indication étant corroborée par les dires d’AULU-GELLE à propos d’Utique292.

289

LEPELLEY, (Cl.), Ubique respublica, p.123. HIST. AUG. (Vita Hadr.), 13, 4. Cf. BENABOU (M.), La résistance africaine à la romanisation, Librairie François Maspero, Paris, 1975, p.131-132. 291 HIST.AUG., (Vita Hadr.), 21, 7: « (…). Latium multis civitatibus dedit». 292 AULU-GELLE, Nuits Attiques, XXI, 13. 290

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B3.b. Les limites juridiques de ces promotions. La citoyenneté romaine pleine, ce qu’on nomme optimo iure293, consistait en un certain nombre de droits et d’obligations ; tout d’abord, l’heureux bénéficiaire du droit de cité, pouvait porter les tria nomina, caractéristiques du citoyen romain avec ses implications294. Ce ‘’pseudo citoyen romain’’ pouvait ensuite être éligible, et pour peu que sa fortune fût suffisante, espérer enfin accéder un jour aux ordres supérieurs de la société romaine, l’ordre équestre et l’ordre sénatorial : l’uterque ordo ou splendidissimus ordo. Toutefois, et c’est là que nous qualifions la politique des Antonins de sournoise et intéressée, car seule une minorité de privilégiés, notables locaux, riches propriétaires fonciers pour la plupart, se trouvaient ainsi à bénéficier des droits du citoyen romain et qui sont aussi autant d’obligations, ce qui n’était pas toujours du goût des citoyens romains eux-mêmes. Il y a des droits pour tous les actes de la vie, chose peut-être que ne vivaient pas les anciens pérégrins. Pour briguer des charges il faut montrer une certaine capacité à la dépense, ce que l’on appelle la summa honoraria ; la possibilité d’organiser des jeux et de pouvoir financer de nombreux travaux. PLINE LE JEUNE lui-même n’est-il pas ironique lorsqu’il affirme dans son panégyrique : « Latium civias romana patuisset idem induisit (iisdem omnes quibsu ante pignoribus, sed honestiores perferentur »295. 293

NICOLET (Cl.), Le métier de citoyen dans la République romaine, 2ème éd., Gallimard, 1976, 538 p. Les avantages octroyés par la citoyenneté sont nombreux et garantissaient non seulement un statut juridique à l’individu, mais lui donnait aussi la possibilité de participer physiquement et moralement à un ensemble de droits et de devoirs : -des droits publics (iura publica) qui entraînent des devoirs et charges tels que le ius censendi (inscription sur les registres du cens) ; le ius honorum (pour les magistratures) ; le ius militiae (pour le service militaire) ; le ius provocationis (droit d’appel du peuple contre une sentence d’un magistrat ; le ius sacrorum (participer aux cultes publics et privés de la famille) ; le ius suffragii (droit de vote au comice) ; le ius Tributi (obligation pour chaque pater familias de payer le tribut, un impôt proportionnel de guerre supprimé en 169 av. J.-C.) ; le ius vectigalium (droit d’occuper l’ager publicus et obligation d’acquiter pour cela une redevance). Il y avait aussi des droits privés (iura privata) : ius conubii : droit de fonder une famille romaine ; le ius commercii : droit de faire tout acte juridique propre au droit des citoyens romains (ius civile), principalement, droit à la propriété quiritaire, droit d’acheter, de vendre, de tester, d’hériter. 294 La citoyenneté permettait le commercium, le conubium, le cursus honorum, et même des actions en justice. Par ailleurs, il était inscrit dans la tribu de son promoteur tribu. 295 PLINE LE JEUNE, Panég., 39, 1 et 2 : « que désormais vous assumiez les honneurs ! Entrez donc dans la cité romaine (…) Tous jouiront désormais des mêmes affections qu’auparavant ; mais ils auront été grandis par l’exercice des honneurs ». Ce n’est pas, on le voit, à d’irréels municipia civium romanorum que vont les propos et l’objurgation de PLINE LE JEUNE, docile à la politique de Trajan ; c’est aux cités pérégrines dont les riches familles

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Malgré ce que nous appelons le libéralisme des Antonins, surtout sous Trajan, qui se manifestait d’abord par l’abandon de la restriction si modo filius in potestate patris fuisset, la gratuité devint ainsi la règle par exemple en matière d’héritage au premier degré de cognatio. Puis elle devint celle de la successibilité au secundus gradus, mais entre cives veteres seulement. Parmi ceux-ci sont exemptés du vicesima, le frère pour l’héritage de sa sœur et réciproquement, le grand-père et la grand-mère pour l’héritage de leurs petits-enfants, et inversement296. Nous avons rapidement compris que cette promotion était sélective des droits à accorder ou pas aux anciens pérégrins. C’était peut-être pour atténuer le regret que le riche héritier vetus civis pouvait concevoir, dans cette circonstance, d’être Romain. Mais ce n’était guère pour encourager un pérégrin à le devenir. Trajan va modifier certaines dispositions de cette loi en excluant du domaine et des exemptions, les gradus remoti, la catégorie des vagues parents que les héritages inespérés surprennent et dont le peuple romain peut taxer sans ménagement les chances imprévues. Notre souverain en a gardé une bonne partie qui poussa certainement les pérégrins aisés à se demander ce qu’ils gagneraient à devenir cives romani. En effet, quel intérêt pouvaient avoir, à cet égard, les possédants d’une riche cité pérégrine, à solliciter pour leur patrie l’octroi du statut latin, susceptible de faire d’eux des contribuables de choix du même coup qu’ils devenaient romains ? Et dans une cité déjà régie par le droit latin, dans un municipium provincial, les notables les plus dignes d’y briguer les hautes charges (d’ailleurs au prix de ruineuse libéralités) et d’y gérer une res publica. Mais que deviennent les statuts juridiques à partir de 212 ap. J.-C. ? C. NOUVELLE APPROCHE DE L’APPLICATION DE LA CONSTITUTIO ANTONINIANA DANS LES PROVINCES AFRICAINES. C1. Contenu, mobiles et impact en Afrique romaine.

Il n’y a que dans les Maurétanies que nous trouvons l’application de l’édit de

Caracalla. A cet effet A. PIGANIOL dit ceci : « l’édit de Caracalla ne concerne que les Maurétanies. C’est à ces provinces que s’appliquent les précisions : elles fournissent à l’Etat d’excellents serviteurs dans l’armée et

se retiennent de demander qu’on leur accorde le ius Latii .C’est aussi aux municipia où les riches Latins ne seront plus détournés d’assumer honneurs, magistratures et munera par les spectre de l’exacteur des impôts successoraux. 296 SAUMAGNE (Ch.), Le droit latin et les cités romaines sous l’Empire, p. 46.

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les bureaux ; leurs forêts renferment des animaux célestes »297. A Volubilis, au moment même où les Banasitains faisaient graver le texte du bienfait impérial, était érigé l’arc de triomphe, sur lequel le texte de dédicace rappelait des expressions significatives de l’édit de Caracalla : novam supra omnes retro principes indulgentiam, une faveur toute nouvelle par rapport à ce qu’avaient décidé les empereurs du passé. L’évolution des cités ainsi que de leur statut juridique constituent un élément essentiel de l’histoire des cités dans l’empire romain jusqu’au IIIème siècle. On a souvent décrit ce processus d’intégration qui amenait progressivement une cité pérégrine au statut de commune romaine, par l’octroi du rang de municipe : municipe de droit latin mineur ou, à partir d’Hadrien, de droit latin majeur, municipe de citoyens romains, dont l’existence, récemment contestée, semble cependant établie. Nous n’allons pas faire du neuf sur l’étude des communautés ayant accédé ou non aux divers statuts juridiques ; ces statuts ont déjà été vus à travers de nombreux ouvrages298, même si nous allons y revenir pour comprendre les mobiles de ces promotions et lever des équivoques. Ce qui attire ici notre attention est l’Edit de Caracalla qui va harmoniser les droits de citoyenneté romaine dans les provinces de l’Empire. En effet, la Constitution Antoninienne de Caracalla vida les promotions juridiques (colonie, municipes, pagi, vici, etc.) d’un de leurs principaux avantages et mobiles : la généralisation de la citoyenneté romaine valait désormais pour les citoyens de toutes les cités, quel que fût leur statut299. Pourtant comment expliquer que les empereurs continuent d’en faire usage ; d’en accorder à des cités, sur leur demande ? Il est vrai que ce fut à la demande des cités elles-mêmes, probablement sur un plan honorifique. Mais en réalité, les cités étaient-elles favorisées globalement, où le fait d’être municipe ou colonie avait une certaine importance ? En Afrique, nous pouvons connaître une série de communes qui furent promues, probablement à titre honorifique, du règne de Sévère Alexandre à celui de Gallien (222-268)300. 297

PIGANIOL (A.), 1946, p. 528. Voir chapitre I sur les statuts juridiques des cités africaines, et les mobiles de cette politique de promotion des cités africaines. Cf. BRIAND-PONSART (Cl.), « Le statut des communautés en Afrique Proconsulaire aux Ier et au IIe siècles », Colloque de la SOPHAU/PALLAS 68, 2005, pp. 93-116. 299 Sur le nivellement juridique et la perte des caractères spécifiques à chaque cité par suite de l’édit de Caracalla, voir les travaux et remarques W. SESTON et M. EUZENNAT, La citoyenneté romaine au temps de Marc Aurèle et de Commode d’après la « Tabula Banasitana », dans C.R.A.I., 1961, p. 320. 300 IBBA (A.), Promozioni municipali in Africa dopo 212 D.C., Sassari, Italie, 2004. On voit notamment que l’édit n’avait qu’en partie changée les orientations politiques des habitants des 298

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On peut se demander quel intérêt avaient alors ces cités à obtenir des promotions désormais vidées de leur principal intérêt. La solution est à notre sens donnée par la Table de Banasa301. Elle parle d’un notable maure et sa famille qui vont recevoir de Marc Aurèle la civitas romana saluo iure gentis, le droit du peuple étant sauf. De même la promotion des individus à la civitas romana à la suite de la Constitutio Antoniniana302 ne modifiait pas le droit public des collectivités, qu’elles fussent des populi ou des civitates303. L’idée que la promotion au rang de commune romaine signifiait la fin d’une sujétion, l’assimilation au vainqueur, demeurait vivante même quand eurent disparus les avantages personnels ou fiscaux liés au nouveau statut. L’Edit de Caracalla a fortement renforcé l’unité morale de l’Empire. Le rapport de participation personnelle à l’Empire résultant de l’application à tous les « citoyens romains » de l’autorité impériale, à laquelle veille l’administration provinciale déléguée par le pouvoir central ; et un rapport médiatisé par les cités, dans lequel c’est en tant que citoyen de leur cité que les individus participent variablement des droits et des devoirs établis ou reconnus par Rome. Sans doute cette distinction est-elle plus théorique que réelle, dans une société politique antérieure de quinze siècles à la formulation du credo individualiste libéral. De fait, indépendamment de l’exercice de leurs prérogatives traditionnelles, qui définissent la cadre ordinaire de l’existence collective locale, les cités sont également utilisées comme des relais chargés d’imposer à leurs membres les directives impériales, et de plus en plus rendues collectivement responsables du comportement de chacun. C2. Portée et limites de la citoyenneté romaine en Afrique.

Quelles sont la portée et les limites de la diffusion de la citoyenneté romaine en Afrique romaine ? Nous pouvons dire à ce sujet que si l’Edit de Caracalla a généralisé la civitas romana au profit des habitants libres de l’Empire, il n’a pas créé, pour l’avenir, les conditions d’une totale uniformisation des statuts. En effet, cités, car en réalité l’acquisition de la citoyenneté était-elle le seul objectif des habitants des cités ou une partie des avantages qu’une cité pouvait avoir en étant assimilée à Rome ? Pour notre part, la citoyenneté était importante sur le plan de ses avantages (comercium, conubium, etc.), mais en général les cités continuaient de tirer avantages de leurs statuts d’où les demandes qui sont faites même après la Constitutio Antoniniana de 212. Ceci dit, cette loi d’octroi général de la citoyenneté avait des limites. 301 IAM, II, 94. 302 DE VISSCHER (F.), « La constitution antonine et la dynastie africaine des Sévères », Rev. Intern. des Droits de l’Antiquité, VIII, 1961, p. 229-242. 303 SESTON (W.), EUZENNAT (M.), « Tabula Banasitana », dans CRAI, 1971, p. 468-490.

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deux catégories visées par l’Edit ne recevaient pas alors la civitas romana : les Latins Juniens et les déditices304 ; ces derniers continuent d’être alimentées jusqu’à leur suppression par Justinien. Mais qu’en est-ils de ceux qu’on a appelé les « colons adscrits » ? En effet, moins qu’auparavant encore la citoyenneté romaine ne correspond à un contenu uniforme : elle est affectée par l’existence de différences de droit et de fait qui n’ont cessé de se développer. En outre, la fiscalité a créé des conditions favorables à l’apparition d’un nouveau statut désigné par le terme de colonus pris dans une nouvelle acception (« colons adscrits »). Ils apparaissent à la fin du IIIème siècle mais ne sont attestés que par le code Théodosien305. Il désigne la condition de tenanciers qui sont certes juridiquement libres, mais attachés au sol avec transmission héréditaire du statut ; en cas de tentative de fuite, le propriétaire foncier peut les enchaîner et les traiter « comme des esclaves » ; ceci implique que ces colons n’ont pas reçu ce statut. Le colon est toutefois protégé, dans la mesure où il ne peut être chassé de la terre, y compris en cas de vente de celle-ci. Un tel système a sans doute facilité la rentrée des impôts dus par les propriétaires et les tenanciers (notamment l’impôt personnel dû par ces derniers et perçu par l’intermédiaire des propriétaires) ; institué au profit de l’Etat, il constitue aussi pour les propriétaires une garantie de stabilité de la main-d’œuvre et de versement sûr de la redevance. Mais il représente aussi une entrave à la liberté de circulation et un risque permanent pour le contrevenant de perdre sinon la liberté personnelle du moins le plein usage de celle-ci. La décision de Caracalla d’étendre la citoyenneté romaine à l’ensemble des sujets qui ne la possédaient pas n’a pas vraiment surpris. Cette décision a été préparée pendant longtemps par une pratique pluriséculaire et saluée par les élites. La généralisation du droit de cité romain sanctionnait une évolution irréversible et prenait la dimension d’une 304

LE BOHEC (Y.), L’Afrique romaine, Paris, Picard, 2005, p. 146. Les déditices sont une catégorie de citoyens mal définis par les inscriptions qui n’ont pas reçu la civitas romana. M. BENABOU, en fait état dans son ouvrage ‘’La résistance africaine à la romanisation’’ ( rééd. 2005). Les empereurs romains en 146 laissèrent aux indigènes qui s’étaient livrés, les dediticii en l’occurrence, la possibilité de cultiver leurs terres (S. GSELL, Histoire …, VIII, pp. 46-50, explique le mécanisme de cette opération.), dont on leur confirma la possession précaire, il faut le dire, puisque soumise au stipendium, par des assignations fictives, faites dans le cadre d’une première centuriation du territoire conquis (R. CHEVALIER, « Essai de chronologie des centuriations romains de Tunisie », MEFR, 1958, pp. 65-66). Le dossier épigraphique fourni par la Table de Banasa a aidé les juristes à comprendre et à analyser l’expression salvo iure gentis, qui indique que les droits locaux doivent être préservés. 305 Code Théodosien, V, 17, 1. C’est un recueil des constitutions émises depuis 312 par les empereurs légitimes et sa fonction est de clarifier une situation juridique souvent confuse.

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intégration complète des provinces de l’Empire. Octroyé plus qu’accordé, le bienfait exprimait l’ambition de l’empereur de rassembler autour de sa personne des territoires éloignés et plus diversifiés que jamais. L’universalisation de la citoyenneté a créé de sérieux problèmes de fonctionnement à l’organisation judiciaire romaine. Il y eut un afflux de plaintes portées devant la justice impériale. Dans le domaine de la justice criminelle, tout provincial poursuivi pour un délit passible de la peine de mort pouvait demander (c’est la provocatio306) à être jugé à Rome. Avant même l’édit de Caracalla, les empereurs avaient commencé à se décharger sur les gouverneurs de la demande déjà exorbitante adressée à leur propre tribunal : ils avaient délégué le droit de condamner à mort un citoyen aux gouverneurs commandants militaires, puis, au début du IIIème siècle, d’office aux gouverneurs sénateurs et, au cas par cas, pour les gouverneurs équestres. A plus forte raison, en 212, l’impossibilité dut apparaître au gouvernement central de continuer à centraliser tout à Rome, la juridiction capitale sur les citoyens. Il semble que tous les gouverneurs, équestres aussi bien que sénatoriaux, aient alors exercé le droit de vie et de mort, comme le confirme un fragment des Opinions d’Ulpien307. De ce fait, les citoyens ne purent plus user du droit d’être jugés par les empereurs, mais seulement faire appel à son tribunal. Encore fallut-il, dès Alexandre Sévère, interdire aux gouverneurs, en particulier les gouverneurs équestres, d’exercer des pressions sur les condamnés pour les empêcher par tous les moyens de faire appel devant l’empereur308. Il y a encore des entorses à la « citoyenneté universelle », terme que nous réfutons compte tenu du texte de cet édit qui nous paraît limitatif et ciblé à la population libre de l’Empire. En effet, l’appartenance à la cité universelle pouvait s’actualiser, se charger de contenus concrets : lorsqu’un individu obtenait de l’empereur une faveur personnelle, indépendante des beneficia accordés à sa cité ; ou bien lorsqu’il faisait appel devant l’empereur d’une décision judiciaire provinciale. Avec l’extension du droit de cité, cette prérogative du citoyen romain de faire appel devant l’empereur s’est restreinte aux membres des groupes privilégiés, aux « honestiores », tandis que l’horizon juridique des « humiliores »309 s’arrêtait aux limites de 306

C’est le droit d’appel. Dig., I, 18, 6, 8. Pour P. GARNSEY, JRS, 58, 1968, p.51 sq., les juristes sévériens auraient seulement redéfini (par désignation du prince) le fondement d’un pouvoir que les gouverneurs auraient détenu en fait dès la fin de la République : voir les objections de V. Marotta, Multa de iure sanxit. Aspetti della politica del diritto di Antonino Pio, Milan, Giuffré, 1988, p. 243 sq. 308 PAUL dans Digeste, XXXXIX, 1, 25. 309 Pour une meilleure connaissance de ce groupe, on a pu consulter l’ouvrage de F. JACQUES, « Humbles et notables. La place des humiliores dans les collèges de jeunes et leur 307

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la province et de son gouverneur310. L’appartenance à la double cité prenait donc sens surtout par rapport à la hiérarchie des conditions sociales. Antonin Caracalla, dans sa constitution de l’an 212, donna, en principe, la qualité de citoyens à tous les habitants de l’Empire afin de leur étendre l’impôt de 5% existant sur la succession des citoyens (vicesima hereditatis)311. En somme, la disposition de Caracalla étendit à tout l’empire la qualité de citoyen accordée par la loi Iulia aux Italiens, par la loi Roscia aux Cisalpins, et dont depuis les concessions individuelles et collectives avaient toujours été plus nombreuses. Mais elle ne créa pas une unité complète de législation : d’abord la distinction des citoyens, des Latins et des pérégrins a subsisté chez les affranchis jusqu’à Justinien ; ensuite les ingénus euxmêmes purent toujours devenir pérégrins par l’effet des condamnations ; enfin, même chez les ingénus non condamnés, les diplômes militaires continuent à supposer la qualité de pérégrins, soit chez les soldats, soit chez leurs femmes, après Caracalla. Il faut donc que, d’une manière quelconque, le champ d’application du texte ait été restreint : un fragment tout récemment découvert de la constitution nous apprend au moins qu’elle excluait les déditices312. Sous Justinien au contraire, la constitution est entendue plus largement comme s’étendant à tous les habitants de l’empire et, les affranchis pérégrins ayant été supprimés par lui, il ne reste d’autres pérégrins que les condamnés. Il reste à savoir quel fut l’impact de la crise dite du IIIe siècle sur l’édit de Caracalla.

rôle dans la révolte africaine de 238 », Ant.Afr., 15, 1980, pp. 217-230. 310 GARNSEY (P.), Social Status and Legal privilege in the Roman Empire, Oxford, Clarendon Press, 1970, pp. 79-85 et 272-280, montre que les décurions eux-mêmes, considérés par les juristes comme « honestiores », ne jouissaient pas dans les faits de leurs garanties et privilèges. 311 ULPIEN, Dig., 1, 5, De statu hom., 17. DION, 77, 9. Vita Severi, 1. 312 Le texte mutilé du Papyrus de Giessen 40, ne lève pas toutes les difficultés, par exemple on ne voit pas comment cette clause exclurait, parmi les ingénus, les habitants de l’Egypte, où la naturalisation ne pouvait anciennement être accordée qu’aux membres des villes constituées sur le type romano-hellénique et non pas aux Egyptiens ordinaires (Pline le Jeune, Ep. ad Traj., -, complété par CIL, III, suppl., 6627, p. 1212). En outre, les habitants ordinaires ne sont pas citoyens après Caracalla, ni, parmi les affranchis, les Latins Juniens qui subsistent après l’empereur comme avant et qui ne peuvent guère être comptés in dediticiorum numero. Mommsen, quant à lui, a supposé que cette mesure n’a visé que les habitants actuels de l’empire, ce qui exclut les affranchis pérégrins et Latins postérieurs et leurs descendants, les condamnés ainsi que toutes les autres populations installées ou implantées volontairement ou de force dans l’empire depuis Caracalla.

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C3. Une incidence possible de la « crise » du IIIE siècle : la situation en Afrique romaine. A ELIUS ARISTIDE313, et TERTULLIEN lui-même composant le début du De pallio (« l’univers de cet Empire est une campagne bien cultivée où tout l’aconit de la haine a été déraciné, l’épine et la ronce de l’amitié perfide arrachées314 ») ne soupçonnaient pas la fragilité de l’apogée de l’Empire. Bien que déjà marqué par des purges dont souffrit l’aristocratie africaine, ce sombre siècle s’ouvrait en effet dans la lumière de la plus généreuse des mesures juridiques et sociales prises depuis César, l’égalité proclamée pour tous les hommes libres de l’Empire. La société africaine est concernée par l’édit de 212, ut supra dixit, au même titre que les autres provinces, et la traduction en est la fréquence du nom Aurelius pris par les nouveaux citoyens (c’était le nom officiel de Caracalla)315. Mais cette disposition est liée à l’histoire de l’Afrique pour deux raisons. La première est que le texte incomplet du Papyrus Giessen 40 a été éclairé à notre avis par une inscription fameuse, la Table de Banasa, retrouvée au Maroc : c’est le dossier de la promotion au rang quiritaire d’une famille de notables maures sous le règne de Marc Aurèle. Ce texte complet316 nous apprend que la civitas romana leur est donnée sans atteinte à leur salvo iure gentis (droit traditionnel). On comprend ainsi l’attrait de la romanisation, qui comportait des avantages nombreux sans aucune renonciation ; il était ainsi possible à un citoyen de choisir le droit qui lui était le plus favorable, alors que les citoyens de vieille souche étaient soumis au seul droit romain. Mais cette partie de l’Empire romain est encore plus concernée par l’édit de 212, car certains savants ont senti l’origine africaine de la disposition. F. DE VISSCHER a naguère montré de manière fort explicite317, qu’il était tout à fait concevable qu’un juriste africain ait préparé ce texte. Par sa prospérité, par le développement du régime municipal et par 313 Il reflète l’idée profondément répandue. Les empereurs ne considèrent pas l’Empire comme un ensemble qui doit être en progression constante, matérielle et morale. Il est du devoir de chaque empereur de faire parvenir chaque habitant du monde romain à ce point de perfection qu’était, aux yeux de tous, le statut de citoyen romain. Il était tout aussi logique que le nombre de ces citoyens augmentât continuellement. 314 TERTULLIEN, De pallio, 2. 315 ZOSSO (F.), ZINGG (Ch.), Les empereurs romains (27 av J.-C.-476 ap. J.-C.), p. 72. A la mort de Marc Aurèle ses sujets lui collent les sobriquets de Tarantus, et celui de Caracalla qui vient du manteau celtique à capuchon, nommé ‘’Caracalla’’, et qu’il aimait beaucoup porter. 316 IAM, II, 94. 317 DE VISSCHER (F.), « La constitution antonine et la dynastie africaine des Sévères », Rev. Intern. des Droits de l’Antiquité, VIII, 1961, pp. 229-242.

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l’effondrement des cloisons entre les ethnies, l’Afrique offrait un modèle au législateur, qui sans doute avait constaté lui-même que le maintien d’une distinction entre citoyens et non-citoyens ne pouvait être que source de complications et de vexations. Dans son étude des classes sociales de l’Empire, J. GAGE observe que cette révolution n’en fut pas une, tant elle allait de soi, et qu’elle fut à peine remarquée318. Il faut entendre que dans plusieurs provinces, et spécialement en Afrique, la romanisation dans les faits de la société, genres de vie, habitudes quotidiennes, références culturelles latines et romaines, était suffisamment avancée pour recevoir une consécration globale. Nous pouvons donc conclure qu’en Afrique c’est une société intégrée, mais respectueuse de ses traditions, qui aborde les temps difficiles du IIIème siècle et que l’édit de Caracalla n’a aucunement bouleversé la vie sociale dans ces provinces. Malgré ces insuffisances, les anciens pérégrins en tiraient quelques avantages, mais aussi les inconvénients que subissent les citoyens romains nantis. Ces avantages poussaient, par le prestige que leur accordaient les beneficia des empereurs, ces notables à des reconnaissances expressives et remarquables, notamment lors des jeux à organiser, des constructions, etc. Tout ceci dans l’assurance d’une certaine citoyenneté qui permettrait, sans hésitation, aux habitants d’exprimer leur romanité.

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GAGE (J.), Les classes sociales dans l’Empire romain, Payot, Paris, 1964, p. 274.

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CONCLUSION DU CHAPITRE Cette romanisation juridique – octroi du statut colonial ou municipal, droit latin, mineur ou majeur – s’exerçant à l’égard des cités anciennes d’origine indigène marqua donc un tournant dans l’attitude des pouvoirs à l’égard de l’Afrique, même si elle fut limitée à des cas précis. Désormais, la volonté d’implantation de nouveaux colons, le contrôle de l’espace n’étaient plus le motif principal des promotions. Ce qui comptait désormais, c’était le désir des communautés, des gages de romanisation suffisants et la richesse financière qu’elles offraient, garantissant la construction et le fonctionnement des structures caractéristiques d’une cité. Ainsi la question du statut des communautés que nous avons traité se trouve toujours au cœur de la question de la romanisation, et reste d’actualité dans les futurs travaux universitaires : des milliers de colons se sont installés à la fin du Ier siècle av. J.-C. et au début du Ier de notre ère, à côté de communautés indigènes de statut pérégrin. Ce qui apparaît remarquable dans cette partie de l’Afrique, pourtant la plus anciennement urbanisée, c’est la lenteur, le retard de cette municipalisation juridique, par rapport aux autres provinces occidentales, Espagne et Gaule surtout. Schématiquement, deux courants principaux se sont dégagés quant à la signification qu’il faut accorder à ce rythme. Selon H.-G. PFLAUM, l’enquête aboutit « à ce que nous considérions la colonisation romaine sous son véritable aspect qui est celui de l’exploitation, exploitation qui s’est servie de deux procédés : d’une part, l’on a évité de déranger les nouveaux sujets, en laissant aux cités et aux tribus indigènes leurs façons de vivre et surtout leurs institutions quasi municipales, de l’autre cette tolérance permettait aux Romains installés comme colons à quelques point stratégiques de se prévaloir des privilèges de leur citoyenneté romaine »319, point de vue partagé en partie par M. BENABOU. On distingue alors plusieurs niveaux de responsabilités possibles : les autorités romaines, qui ont voulu préserver les différences et les rapports de subordination ; la résistance des colons d’origine romaine qui firent pression sur les autorités pour garder leur privilège face à la romanisation des élites africaines320, qui revendiquaient de leur côté une participation à la vie publique, correspondant à leur intégration culturelle321. 319

PFLAUM (H-G.), La romanisation de l’ancien territoire de la Carthage punique, AntAfr., 1970, pp. 75-117. 320 Voir infra. 321 MAURIN (L.) et l’immunitas du pagus de Dougga ou les vétérans des pagi Fortunalis et Mercurialis. Il est, au demeurant, fort difficile d’apprécier ce degré, puisque les sources privilégient précisément la romanisation.

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Face à cela, une autre tendance insiste, au contraire, sur l’intégration par la municipalisation, d’une grande partie des territoires. Si l’on revient sur l’exemple des pagi, ceux de l’arrière-pays de Carthage, du moins quelquesuns, après une fusion avec les civitates pérégrines qui leur étaient associées, devinrent des municipes au temps de Septime Sévère ou de successeurs pour ne plus former qu’une seule entité juridique. Au contraire, semble-t-il, dans la vallée de l’oued Miliane, les citoyens romains tiennent à se définir comme tels au début du IIIème siècle, et n’ont pas fusionné avec les castella ou civitates près desquels ils étaient installés. Quant aux pagi situés à proximité de Cirta, ils ressortissent à une autre réalité historique et leur population aurait acquis la citoyenneté très tôt, avant la fin de la République. Hadrien changea de politique, promouvant d’anciennes cités ; il fut suivi par Marc Aurèle et son fils Commode. Septime Sévère réorganisa entièrement le territoire de Carthage, octroya le ius italicum à Utique, l’ancienne capitale et à Lepcis Magna322, sa ville natale et ses successeurs poursuivirent le mouvement. En 212, un édit de Caracalla accorda la citoyenneté à titre individuel à tous les hommes libres de l’Empire, mais ce ne fut en rien un coup d’arrêt pour les promotions des cités ; qui se poursuivirent au IIIème siècle, tandis que la confédération cirtéenne était à son tour démantelée. Ainsi faut-il sans doute insister sur la variété, la diversité des solutions proposées ou requises et penser que la romanisation des communautés procéda, certes, d’un mouvement continu sur le long terme, mais connut de multiples nuances. Ce chapitre trouve toute son utilité dans notre étude, car elle correspond à un raisonnement et à un argumentaire cohérent et précis sur les statuts juridiques en Afrique romaine. Ainsi la question des communautés se trouve au cœur de la question de la romanisation323. En effet, on laissait aux cités leurs façons de vivre et nombreuses de par leurs institutions d’un côté, de l’autre cette tolérance permettait aux Romains installés comme colons à quelques points stratégiques de se prévaloir des privilèges de leur citoyenneté romaine324. On 322

DIGESTE, L., XV, 11 : « In Africa Carthago, Utica, Leptis Magna, a divis Severo et Antonino juris Italici factae sunt. ». 323 Cette notion apparaît plus complexe que celle de conquête ou encore de colonisation, combinant ou alternant des entreprises diverses, et visant, non à transformer à tout prix un territoire, mais à permettre à Rome et à ceux qui se placent dans son orbite d’en tirer le meilleur parti possible. 324 PFLAUM (H.-G.), La romanisation de l’ancien territoire de la Carthage punique, AntAfr., 1970, pp. 110-111 (1978, pp. 335-336). Des milliers de colons se sont installés depuis le Ier siècle apr. J.-C., à côté des communautés indigènes de statut pérégrin. Ce qui est remarquable dans cette partie de l’Empire, c’est le retard de cette municipalisation juridique, par rapport aux autres provinces occidentales, Espagne et Gaule surtout. Nous avons pu dégager des

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peut distinguer plusieurs niveaux de responsables possibles : les autorités romaines, qui ont voulu préserver les différences et les rapports de subordination ; la résistance des colons d’origine romaine qui firent pression sur les autorités pour garder leurs privilèges face à la « romanisation » des élites africaines, qui revendiquaient de leur côté une participation à la vie publique, correspondant à leur intégration culturelle, comme nous le verrons plus loin. L’édit de Caracalla de 212 accorda la citoyenneté à titre individuelle à tous les hommes libres de l’Empire, mais ce ne fut en rien un coup d’arrêt pour les promotions des cités, qui se poursuivent au IIIème siècle, tandis que la confédération cirtéenne était à son tour démantelée. Ainsi fautil sans doute insister sur la variété, la diversité des solutions proposées ou requises et penser que la romanisation des communautés procéda, certes, d’un mouvement continu sur le long terme, mais connut de multiples nuances. Les empereurs, dans leurs actions de promotions des cités n’ont pas agi sur la quantité, mais sur la qualité et l’efficacité de leurs décisions. On notera que ces promotions ont deux traits particuliers ; d’une part, veiller au respect de l’intégrité des cités, à la préservation de leurs privilèges, tout en promouvant le plus possible les riches familles à la direction des affaires. D’autre part les empereurs romains s’assurent des avantages économiques qu’ils peuvent tirer des cités par un contrôle des finances, à travers l’envoi de fonctionnaires spécialisés : les curateurs. En définitive, tout le monde y gagne ; les cités se développent et se mettent même en concurrence les unes des autres ; l’administration qui s’assure le respect des cités et de leurs habitants dans le cadre de l’approvisionnement annonaire et fiscale de Rome. Pour montrer l’intérêt des statuts juridiques, il est important de montrer que leurs causalités venaient de l’octroi de la civitas romana d’abord aux élites, puis aux soldats, enfin aux paysans qui avaient fait fortune par le travail de la terre et le commerce de ses produits, favorisés par les lois agraire : Hadrienne et Mancienne.

conclusions qui peuvent faire l’objet de critiques. Notre étude aboutit à ce que nous considérions la colonisation romaine sous son véritable aspect, celui de l’exploitation des cités sans déranger les nouveaux sujets de l’empire

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Chapitre II : Les promotions individuelles en Afrique romaine de Trajan à Dioclétien. Voir les promotions collectives, nous conduit tout logiquement à traiter de celles individuelles. La plus importante d’entre elles est sans aucun doute la civitas romana. Les Africains romains, cherchaient par tout moyen l’accès à cette condition civile, qui ouvrait à de nombreux avantages, tant politiques que civils et même économiques. Alors par quels moyens, obtenaient-ils ce précieux brevet ? Les voies furent multiples, mais les empereurs, avant l’édit de 212, l’octroyèrent avec parcimonie. La raison en était la baisse des impôts constitués en gros par le tributum. On a pu constater, à travers les sources que les voies d’accès à la civitas romana furent multiples et pas toujours conformes aux règles du droit romain. En outre, la civitas romana, verra non seulement, la formation d’élites encore plus romanisées et plus riches, mais aussi la montée d’autres personnes non issues des grandes familles.

A. LES VOIES D’ACCES A LA CIVITAS ROMANA : LES MERITA, LA PROBATIO ET L’IMPACT DES COLLOQUIA.

Les empereurs romains, moins que les Romains eux-mêmes325, ont toujours cherché à intégrer dans la citoyenneté romaine les élites locales, puis le plus d’hommes libres possible. Cette citoyenneté possède un caractère personnel défini par le droit. Chaque citoyen possède des privilèges conservés là où il se trouve, même en dehors de la communauté où il a été recensé. A l’instar des autres provinces, et surtout pour nous en Afrique romaine, la citoyenneté comporte des droits civils tels que le mariage romain, le droit d’accomplir les actes juridiques conformes aux droits 325

La civitas romana ne s’imposa pas partout au même rythme, d’autant que les Romains n’encouragèrent pas particulièrement les indigènes à adopter leur modèle civique et ne les intégrèrent que progressivement dans la citoyenneté, et à leur demande. Ainsi, on peut parler d’une lenteur de la municipalisation de l’Afrique par rapport aux autres provinces occidentales comme l’Espagne et la Gaule. (Cf. Cl. BRIAND-PONSART, 2005, p. 93). En outre, coexistèrent longtemps, si l’on établit une hiérarchie par rapport au degré de citoyenneté, des colonies de droit romain, des municipes, des cités de droit latin, des cités de droit latin non encore promues municipes, des cités pérégrines certaines d’origine punique, d’autres d’origine libyque influencées par les institutions puniques, des pagi et des vici, et enfin, des territoires occupés par des tribus (gentes). Dans les provinces maurétaniennes, après les colonies augustéennes et les promotions de Claude, le mouvement connut un ralentissement, et le maillage des cités apparut toujours plus lâche qu’en Proconsulaire.

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romains, comme le droit de succession ab intestat ou non, etc. En créant de nombreuses cités qui devaient servir de relais à l’administration impériale, les empereurs devaient en même temps favoriser les aristocraties municipales puisqu’ils s’appuyaient sur celles-ci en leur conférant un pouvoir local : la différenciation sociale par l’octroi de la citoyenneté romaine fut alors un agent actif de cette politique de romanisation. La conséquence fut l’affaiblissement du clivage entre autochtones et descendants d’immigrés romains et la naissance d’une véritable société romano-africaine, sans pour autant que des problèmes d’insertion persistent, entraînant des conflits, et la nécessité d’une certaine diplomatie dans les rapports avec les tribus hostiles, surtout dans les Maurétanies. Mais qu’en est-il du droit de cité romain dans les provinces qui nous intéressent ? Etait-il attribué par les empereurs, et quelles en étaient les causes ? Les merita326 et la probatio327 pouvaient-elles constituer des voies d’accès à la civitas romana ? Quel fut le rôle joué par les colloquia328 dans l’accès à la civitas romana ? Qu’en est-il de l’édit de Caracalla et de ses répercussions ? En effet, la question se pose aussi bien pour l’Afrique que pour les autres provinces (sénatoriales ou impériales). Au Ier siècle de notre ère, à l’instar des autres provinces, l’accès à la citoyenneté avait été un des objectifs des populations extra romaines des cités d’Afrique329. Ces dernières passaient par des requêtes, et que les rescrits impériaux330 auraient eu pour fonction de clarifier la loi à la demande des particuliers331, comme le montre 326

Cette notion est directement liée à la conception de l’officium et du beneficium (qui peut désigner un mouvement de générosité, et peut s’adresser non seulement à un homme mais aussi à un groupe d’individus et tout particulièrement au peuple). En effet, de celui qui répand à profusion les beneficia, comme ici l’empereur, nous verrons qu’il a gagné le droit à un service analogue comme le montrerons les bénéficiaires de la bonté des empereurs. Merita, qui vient de meritum, marque le résultat d’un officium et d’un beneficium. 327 Désigne l’enrôlement d’un Africain dans l’armée romaine, avec pour but d’obtenir la civitas romana, ainsi que les avantages de ce statut. A la fin de leur charge, l’auxiliaire recevait la civitas romana pour bons et loyaux services. 328 Cf.infra. chapitre II Troisième partie. 329 Il est vrai que les cités selon leurs statuts avaient compris que faire montre d’un excès de romanité pouvait les faire entrer entrer dans les bonnes grâces des princes via leurs représentants. Les habitants des cités ont exploité tous les moyens pour acquérir ce précieux brevet qu’est la citoyenneté romaine. 330 C’est ce que nous avons appelé les rescrits de doléances. En effet, les habitants utilisaient les requêtes faites aux princes pour solliciter la civitas romana, en prenant soin d’étaler leur adhésion, leur bonne foi (fides) et leur loyauté au prince du moment. 331 De nombreux auteurs tels que W. TURPIN (cf. « Imperial subscriptions and the administration of justice », JRS, 81, 1991, pp. 101-118) ont radicalement remis en question cette doctrine selon laquelle, jusqu’à Dioclétien, les rescrits impériaux auraient pu servir pour clarifier la loi à la demande des particuliers. En effet, un grand nombre de pétitions faites par

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la Tabula Banasitana, pour accéder à ce droit, ou plus exactement à ces droits, car on parlerait beaucoup plus des droits de cités. Des Antonins aux Sévères la citoyenneté n’est plus un brevet prestigieux réservé à quelques élus, mais une voie possible pour tous à condition d’y mettre tout son savoir, sa fides et son obsequium envers le prince, et donc de la mériter. En effet, dans les provinces africaines, et, par extension dans toutes les provinces occidentales, la pacification augustéenne a créé des conditions favorables à l’émergence d’élites locales romanisées ainsi qu’à l’accroissement du nombre de citoyens romains jouissant de fait d’un statut privilégié sur le plan fiscal et judiciaire. Du point de vue juridique, les textes ne laissent pas de doute sur le caractère indivisible du droit de cité romain332 qui avait donc la même efficacité partout. Il n’est pas possible de proposer un inventaire par province des rythmes d’expansion de la citoyenneté et de leurs répercussions sociales, les sources, aussi bien littéraires qu’épigraphiques, étant insuffisantes. Mais nous pouvons, en revanche, à ce propos, proposer une voie d’étude qui consisterait à l’utilisation des cognomina dits africains333 et l’onomastique des habitants334, des particuliers via les sénateurs ou les bureaux a libellis, ne soulevaient même pas des points de droit en rapport avec un procès, mais étaient de pures et simples demandes d’honneurs, d’emplois, d’avantages financiers, bref de faveurs. Un autre cas fréquent est celui où un justiciable demande non pas qu’on lui fasse bénéficier d’une exception ou du moins de l’interprétation la plus favorable possible : ce qui est une autre forme de beneficium comme le pensent J.-M. CARRIE et A. ROUSSELLE, dans L’Empire romain en mutation, des Sévères à Constantin, Seuil, Paris, 1999, p. 674). 332 DONDIN-PAYRE (M.), « Recherches sur un aspect de la romanisation de l’Afrique du Nord : l’expansion de la citoyenneté romaine jusqu’à Hadrien », Ant.Afr., 17, 1981, pp. 93132. On peut aussi lire l’article du même auteur : « Citoyenneté romaine, citoyenneté locale et onomastique : le cas de Thugga » AC, 71, 2002, pp. 229-239. 333 Y. LE BOHEC en parle dans la Revue d’Etudes Anciennes, 68, 2005, pp. 217-239 : il a repris les travaux Th. MOMMSEN de 1913, et de R. CAGNAT de 1914, et l’a enrichi avec des inscriptions récentes. L’auteur fait un constat à partir de leurs travaux. En ce qui concerne, tout d’abord, les « noms particulièrement fréquents en Afrique », comme Saturninus, Faustus ou Felix, Extricatus, Honoratus, il convient d’abord de rappeler une étude de J.-J HATT (1964). L’auteur en est arrivé à la conclusion que les cognomina peuvent nous aider, à travers leur étude, de comprendre l’évolution des rythmes d’accès à la civitas romana des Africains, qui devaient très souvent ajouter à leur nom déjà romanisé, celui de leur promoteur : l’empereur surtout, et non celui du gouverneur ou d’un légat. 334 Idem; CHAKER (S.), Onomastique berbère ancienne, BCTH 19, 1983, pp. 483-496 ; FREZOULS (E.), Les survivances indigènes dans l’onomastique africaine, L’Africa romana 7, 1, pp. 161-166 ; GREGORI (G. L.), Forme onomastiche indigene e puniche ad Apisa Maius, Siagu, Themetra e Thimiliga, L’Africa romana 7, 1, pp. 167-176 ; DE SIMONE (R.), Riflessioni sull’onomastica punica, Sicilia epigraphica, édit. M. I. Gulletta, Pise, 1999, pp. 205-219 ; LASSERE (J.-M), Onomastica africana, XVI, Les paysans du fundus Tuletianensis, Histoires des Hautes steppes, Tunis, 2001, pp. 35-45 ; Y. LE BOHEC, Onomastique et société à Volubilis, L’Africa romana 5,1989, pp. 339-356.

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et ainsi voir la progression de ces changements de noms qui caractérisaient l’octroi de la citoyenneté romaine. Une autre voie restait l’armée qui permettait à la fin du service de se voir octroyer la citoyenneté romaine ; ce que nous appelons la probatio. Ainsi des Musulames s’enrôlent dans les cohortes depuis l’époque flavienne335, et en ressortent avec la dignité de citoyens romains. Furent-ils les seuls à en user ? En effet, de nombreux peuples d’Afrique Proconsulaire, mais surtout de Numidie et des Maurétanies s’engagent dans l’armée pour bénéficier à la fin du précieux brevet. A cet effet, nous avons le cas des Zegrenses, qui constituent encore pour les historiens contemporains comme la référence dans l’octroi de la civitas romana par les merita et la probatio à un chef de famille africain. Dans les cités l’ordo a permis à certains citoyens de bénéficier d’avantages ou de promotions en exaltant leurs mérites. A Volubilis, par exemple, un certain nombre de documents mentionnent la délibération de l’ordo336 : [Ca]eciliae [V]alerianae, [L(ucii) ?] Caec(ilii) Saturn(ini) f(iliae), ordo Volub(ilitanorum) ob merita suor(um) statuam decrevit. Remissa impensa, L(ucius) Caecilius Rogatus frater sorori piissimae d(e) s(ua) p(ecunia) p(osuit).337 Les hommages publics338 à un ou plusieurs personnages jouaient dans l’attribution de la civitas romana, car les requêtes mentionnent les merita de l’individu. En effet, les hommages pouvaient jouer un rôle dans l’accès à la civitas romana d’un Africain, car en y mentionnant ses mérites, l’administration provinciale, et par extension jusqu’à Rome, pouvait se rendre compte de la valeur de l’individu et lui octroyer le précieux sésame, 335

CIL, VIII, 20978. IAM, II, 370b. 337 A Volubilis, subsistent des témoignages sur quarante-neuf personnes qui furent distinguées par l’ordo municipal : on dénombre trente-six hommes et treize femmes. Ces témoignages se répartissent entre douze familles ou groupes familiaux, tandis que les dédicants, au nombre de cinquante-cinq, se répartissent entre quinze familles ou groupes familiaux. Un groupe de famille l’emporte largement celui des Caecilii (40%) ; suivent les Valerii avec dix bases (20%) ; puis les Fabii et les Antonii (cinq bases : 20%) ; les Pompei et les Ocratii (deux bases : 8%) ; enfin Annii, Aemilii, Gabinii, Gellii, Claudii et Marci (une base chacun) font 12%. (cf. M. CHRISTOL, Regards sur l’Afrique romaine, pp. 140-141). 338 Ces célébrations des personnages importants dans la vie des cités, ont donné lieu à une documentation importante. Le décret municipal de Sala constitue en ce domaine une pièce de premier choix (IAM, II, 307). On peut voir combien dans certain cas, l’inscription du cursus du personnage honoré, énumération des responsabilités publiques, commandements militaires, charges administratives, pouvaient aussi avoir un contenu valorisant. Nous avons plusieurs exemples de ces hommages : 336

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ou encore lui permettre de briguer une charge plus importante ; mais ces hommages ne concernent en majorité que les membres des familles importantes et dirigeantes, telles que les Caecilii, les Volusii, les Fabii, les Antonii, les Pompeii, les Ocratii, les Annii, les Aemilii, les Gabinii, les Gellii, les Claudii et les Marcii339. Le constat le plus important est que les hommages ont créé une sorte d’émulation à la romanité chez les indigènes et chez les réticents à la romanisation ; et l’on a assisté à une vague d’autoreprésentation des élites340. Pour que les hommages faits aux Africains arrivent aux oreilles des princes, il faut mettre en valeur les qualités de la personne qui vise des hautes fonctions ; on retrouve dans les inscriptions des adjectifs valorisants tels que integritas, honestas abstinentia, aequitas. Une longue énumération des qualités du personnage vise le legatus (IRT, 543341) ; il s’agit notamment de l’innocentia, de la moderatio, de la mansuetudino. La concession de la citoyenneté romaine a été révélée par une onomastique impériale342, à certains des Gaetuli recensés par J. GASCOU343. De nombreux exemples nous sont donnés par les inscriptions. En effet, nous avons les Iulii344, Sittii345, Claudii346, Flavii347, Ulpii348, Aelii349, Sulpicii350 et 339

CHRISTOL (M.), Regards sur l’Afrique romaine, 2005, pp. 133-156. Il a travaillé sur les inscriptions suivantes : CIL, II, 1294, 1342 ; IAM, II, 307 ; IAM, II, 408 sous l’empereur Claude le Gothique entre 268 et 270 ; IAM, II, 411, 419 sous Probus, entre 262 et 282 ; IAM, II, 370b, 375b ; IAM, II, 417, 426, 430, 433, 448, 456, 457, 459, 473, 474, 481, 484, 495, 504, 505, 507 ; IRT, 519, 522, 543, 544, 575, 576, 562-563, 610. 340 Le premier article a été public à l’occasion d’un compte rendu du recueil des IAM : M. CHRISTOL, « Les hommages publics de Volubilis : épigraphie et vie municipale », dans L’Africa romana. Atti del III convegno di studio, Sassari, 13-15 dicembre 1985, a cura di Attilio, Mastino, Sassari, 1986, pp. 83-96. Nous avons aussi d’autres articles : M. CHRISTOL, « Hommages publics à Lepcis Magna à l’époque de Dioclétien : choix de vocabulaire et qualité du destinataire », RHD, 61, 1983, pp. 331-343. 341 Cette inscription concerne le légat L(ucius) Volusius Bassus Cerealis se voit décerner trois qualités éminentes, l’innocentia, l’aequitas, la moderatio. De ce vocabulaire l’épigraphie lepcitaine est suffisamment friande, au Bas-Empire, pour que, par son importance, le nombre des occurrences soit significatif. Il y a d’autres qualités dont les plus importantes restent les merita (IAM, 426). 342 CIL, VIII, 23074. Pour comprendre la relation entre dénomination et romanisation cf. M. DONDIN-PAYRE, « Dénomination et romanisation en Afrique. Une onomastique africaine ? », dans CABOURET (B.), Questions d’histoire. L’Afrique romaine de 69 à 439. Romanisation et christianisation. Editions Du Temps, Paris, 2005, pp. 274-297. L’auteur parle du nom comme valeur sociale, culturelle, familiale, qui dépasse son utilité immédiate de désignation d’un individu. 343 Le cognomen Gaetulus, Gaetulicus en Afrique romaine, MEFR, 82, 1970, pp. 723-736. 344 CIL, VIII, 4557; 6229; 8421; 9930; 11253; 20145. Les Iulii sont les descendants de Faustus Thinoba, bénéficièrent rapidement de la citoyenneté et c’est sans doute pour cela qu’ils rendirent hommage à Auguste. 345 ILA, 1705. 346 ILA, 2709.

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même les Gabinii351 et Marcii352 un certain Ulpius Chinitius353 nous est connu par les inscriptions attestant de l’accès à la civitas romana per indulgentia imperatoris. D’autres encore comme les Caecilii, semblent avoir veillé à assurer leur prééminence locale à Volubilis354. Dans une cité de droit latin355, les magistrats non citoyens acquièrent la citoyenneté à leur sortie de charge. Dans une cité qui devient municipe ou colonie, ceux qui ne sont pas citoyens le deviennent en bloc. Ces évolutions 347

CIL, VIII, 8502; 9107. Les Flavii de Cillium. Etudes architecturale, épigraphique, historique et littéraire du mausolée de Kasserine CIL, VIII 211-216), CEFR 169, Rome, 1993 : le monument, accompagné de plusieurs textes épigraphiques d’une grande importance (dont deux poèmes) atteste l’ascension sociale d’une famille, sans doute issue d’un vétéran, mais faisant aussi partie de la gens Musuniorum. Nous avons donc là un exemple remarquable de romanisation culturelle et juridique. 348 ILA, 3692. 349 CIL, VIII, 11456. 350 Pour cette famille, nous avons pu lire l’article de BEN ABDALLAH (Z.), et KHANOUSSI (M.), « La saga des Sulpicii », L’Africa romana, 12, 1998, pp. 1055-1066 ; ils y ont étudié trois stèles funéraires de Sidi Mohammed Lazrag, relatives à cette famille, qui permettent d’en dresser le stemma (la généalogie) et l’histoire. 351 Le cas des Gabinii de Thugga est intéressant car ils contrôlèrent la vie économique et politique de la ville pendant plus d’un siècle. D’autres familles importante ont joué un rôle dans la vie des cités : les Aemilii (IRT, 379), les Volusii (M. TORELLI, 1973, pp. 391-399). On connaît 16 épitaphes de cette famille (MAD, n°434-439) dont les membres apparaissent sur presque une trentaine d’inscriptions publiques. Sur l’évolution sociale et la promotion juridique de certains membres de cette gens au IIe siècle : H.-G. PFLAUM, 1968, 162 ; Fr. JACQUES, 1984, pp. 541-542 ; A. CHASTAGNOL, 1997, pp. 56-57 et A. BESCHAOUCH, 1997, p. 66 qui utilisent tous deux les exemples des Gabinii et des Marcii pour prouver l’existence d’un droit latin subordonné. 352 JACQUES (F.), Le privilège de liberté, cit., p. 541. 353 IRT, 859. 354 IAM, II, 424 et 425 : on parle ici de deux jeunes hommes qui viennent de prendre la toge virile. 355 Des études ont montré depuis une quinzaine d’années une évolution dans la conception que l’on se faisait de ce droit. On distingue désormais entre l’octroi du droit latin à une cité (sans qu’elle ne devienne municipe) et l’octroi du statut de municipe de droit latin à la cité. Le droit latin se subdivise lui-même en deux catégories, le Latium minus et le Latium maius. Ainsi selon les cas, les notables provinciaux acquéraient la citoyenneté automatiquement soit par l’exercice d’une magistrature, soit par l’accès au décurionat. Cela permettait d’intégrer progressivement par le haut les élites locales, excellent moyen pour Rome de s’assurer de la coopération des élites municipales et d’en faire les meilleures alliées dans le processus de romanisation. La question du droit latin mineur, majeur et du droit municipal s’est posée en particulier, à propos de la cité de Gightis. Cet ancien emporium d’origine punique, doté des deux formes de droit latin au IIe siècle, a fait l’objet de plusieurs publications entre 1981 et 2003, qui ont tenté de définir la nature, les étapes de l’octroi de ce droit à la cité (Cf. GASCOU (J.), Le conditor municipii de Gightis, Tabarka., 2003, pp. 141-145 ; BESCHAOUCH (A.), « Mactaris, cité de droit latin sous Trajan », BCTH, 23, 1990-1992, pp. 203-204 ; A. CHASTAGNOL propose même, pour la première fois la notion de « droit latin subordonné, dans Iura, 38, 1990, pp. 1-24).

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juridiques se reflètent dans l’onomastique. En effet, en Afrique Proconsulaire, Apisa Minus, cité pérégrine près de Aradi, est administrée par deux sufètes pérégrins, nommés Macer et Baliato, alors que des villes proches sont devenues municipes356. De nombreuses inscriptions font mention d’un changement de nom. Les Africains qui obtiennent la citoyenneté, individuellement ou en groupe, transforment leur onomastique pour manifester leur promotion. C’est le cas de Titus Flavius Secundus357, ou encore de Lucius Julius Titsenus Kappianus358 ; c’est aussi le cas de Publius Licinius Secundianus Vinusianus359, de Calpurnius Faustinus Sidiathonus360, de Quintus Pacuvus Saturus361. On a encore un autre exemple avec Q. Aradius Rufinus Optatus Aurelianus, devenu citoyen par un bienfait de l’empereur Marc Aurèle362 Le droit de cité363 était plus sollicité qu’attribué. En effet, la Table de Banasa364 trouvée au Maroc, et contenant des dossiers datés des règnes conjoints de Marc Aurèle et Verus (168-169), et de Marc Aurèle et Commode (177), atteste en effet, que l’intéressé, Julianus, chef de la tribu des Zegrenses, avait effectué la première démarche par l’intermédiaire du gouverneur provincial, il avait alors obtenu la citoyenneté pour lui et une épouse appelée Ziddina. Les attendus impériaux de 168-169 insistent sur la nécessité des merita, de leurs justificatifs, et sur la volonté de ne pas ouvrir la porte à d’autres demandes insuffisamment fondées. La Table de Banasa nous a permis de comprendre l’importance des merita dans l’accès à la civitas romana. Il fallut une autre requête pour qu’une nouvelle épouse Faggura et ses enfants fussent à leur tour citoyens romains. On note, en outre, que Julianus prit le gentilice de l’empereur et devint alors M. Aurelius Julianus. Même dans l’esprit rien ne semble avoir changé depuis Auguste. En effet, TACITE 356

AE, 1982, n°931. CIL, 211 et 212. 358 ILT, 1538, A. 359 Dougga, CIL, 26991. 360 CIL, 26813 ; 27369. 361 Dougga, n°34. 362 JARRET ( M.G.), « An Album of the Equestrans from North Africa in the Emperor’s Service », Epigraphische Studien, 9, 1972, pp. 146-232. 363 ALFÖLDY (G.), 1996, parle de la relation entre le droit de cité et la nomenclature dans l’empire romain, Latomus 25, pp. 37-57. 364 AE, 1948, 109. Voir aussi EUZENNAT (M.) et SESTON (W.), « La citoyenneté romaine au temps de Marc Aurèle et de Commode d’après la Tabula Banasitana », CRAI, 1961, pp. 317-324 (Scripta Varia, EFR, Rome, 1980, pp. 77-84) ; Idem, « Un dossier de la chancellerie impériale : la Tabula Banasitana », CRAI, 1971, pp. 468-490 (Scripta Varia, EFR, Rome, 1980, pp. 85-107) ; SHERWIN-WHITE (A.N.), « The Tabula of Banasitana and the Constitutio Antoniniana », JRS, 63, 1975, pp. 86-98. 357

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en porte témoignage quand il parle de virtuti pretium à propos du droit de cité attribué à Iulius Florus et à Iulius Sacrovir, les révoltés de 21 apr. J.-C. : « Tous deux étaient nobles et, grâce à leurs bonnes actions, leurs ancêtres avaient autrefois reçu la citoyenneté romaine, ce qui était rare et ne récompensait que les hommes de qualité (les mérites)»365, ou « …tous deux de grande famille, dont les ancêtres avaient rendu des services et, pour cette raison, avaient jadis reçu le droit de cité romaine, au temps où cela était rare et une récompense donnée seulement au mérite »366. En effet, on retrouve ici l’expression « bonnes actions » (fides) ou mérites qui conditionnent l’accès à la civitas romana. Il en fut de même pour l’exemple des Zegrenses ut supri dixi. La Table de Banasa est venue révéler que les Zegrenses vivaient, dotés de leurs propres coutumes, dans un cadre social très différent du monde des cités. La réponse des empereurs à une demande d’accès à la civitas romana, qui est en réalité une réponse au gouverneur de la province et doit reprendre les termes de la lettre d’appui de celui-ci367, fait preuve pour cette raison d’une grande précision descriptive368 qui a permis aux commentateurs d’en déduire de précieux renseignements. Mais d’une façon très claire, la cité romaine ne leur est pas facilement accessible369. Des conditions drastiques sont posées pour qu’ils puissent en bénéficier. Mais ils sont placés sous l’autorité de Rome et leur point d’ancrage administratif paraît bien être la cité de Banasa, en son chef-lieu : …quamquam civitas Romana non nisi maximis meritis provocata in[dul]gentia principali gentilibus istis dari solita sit.370 Les bonnes actions, les merita, sont assimilables au dévouement 365

TACITE, Annales, Edition Gallimard, 1990, III, 40, 1, p.130. Ibidem, XL, 1. 367 Comme le montre l’analyse du vocabulaire employé dans la seconde lettre impériale : M. CHRISTOL, Rome et les tribus indigènes en Maurétanie Tingitane, dans L’Africa romana, 5, 1988, pp. 305-337 = Regards, pp. 11-23 368 IAM, II, 94 : tamen cum eum adfirmes et de primoribus esse popularium suorum, et nostris rebus prompto obsequio fidissimum, nec multas familias arbitraremur aput Zegrenses paria poss[e] de officiis suis praedicare… Sur ce passage M. EUZENNAT, 1974, pp. 184-187. 369 Des conditions sont posées pour qu’ils puissent en bénéficier. Mais ils sont placés sous l’autorité de Rome et leur point d’ancrage administratif paraît bien être la cité de Banasa. Mais un point supplémentaire est à préciser : quel sens donner à maxima merita ? Faut-il penser à une appréciation de l’attitude du chef de tribu par les administrateurs locaux ? Ne pourrait-on envisager que les empereurs se réfèrent au contexte plus général de leur époque, et que derrière les maxima merita se cache le service militaire de Rome ? Pour répondre à cette question nous nous référons à M. CHRISTOL dans son travail intitulé Une correspondance impériale : « testimonium et suffragatio » dans la Table de Banasa. Article paru dans la Revue historique de droit français et étranger, 66, 1988, pp. 31-42. 370 IAM, II, 94. 366

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(obsequium) manifesté à la guerre par des indigènes appartenant aux primores de leur tribu ou peuple. Les familles dirigeantes alliées ou clientes avaient une émulation entre les notables indigènes pour mériter la même récompense, considérée comme une favor371 de l’empereur. Les intérêts militaires de Rome s’en trouvaient confortés. Nos provinces et plus particulièrement celles de notre étude permettent des observations comparables. Le « droit latin »372 devint l’instrument privilégié des élites indigènes. En ce qui concerne justement le droit latin mineur, nous trouvons l’exemple de la Table de Banasa en Maurétanie Tingitane, très explicite. Une tribu, celle des Zegrenses373 ; Marc Aurèle et Lucius Verus leur accordèrent la citoyenneté à titre individuel à un chef et à sa famille comme l’attestent ces textes : Exemplum epistulae Imperatorum nostrorum An[toni]ni et Veri Augustorum ad Coiiedium Maximum / li{i}bellum Iuliani Zegrensis litteris tuis iunctum legimus et / quamquam civitas Romana non nisi maximis meritis pro/vocata in[dul]gentia principali gentilibus istis dari solita sit / tamen cum eum adfirmes et de primoribus esse popularium / suorum et nostris rebus prom(p)to obsequio fidissimum nec / multas familias arbitraremur apud Zegrenses paria pos/s[e] de officis suis praedicare quamquam plurimos cupiamus ho/nore a nobis in istam domum conlato ad aemulationem Iuli/ani excitari non cunctamur et ipsi Ziddinae uxori item / liberis Iuliano Maximo Maximino Diogeniano civitatem / Romanam salvo iure gentis dare / Exemplum epistulae Imperatorum Antonini et Commodi Augg(ustorum) / ad Vallium Maximianum / legimus libellum principis gentium Zegrensium animadverti/musq(ue) quali favore Epidi Quadrati praecessoris tui iuvetur pro/inde et illius testimonio et ipsius meritis et exemplis quae / allegat permoti uxori filiisq(ue) eius civitatem Romanam sal/vo iure gentis dedimus 371

Le terme apparaît dans la lettre de promotion de Q(uintus) Domitius Marsianus (H.-G.) PFLAUM, 1971 = 1981, pp. 12-29). Plus généralement J. HELLEGOUARC’H, 1963, pp. 177-179. SALLER, 1982, p. 110, met en valeur, à bon droit, plus que la qualité de la recommandation elle-même, celle de son auteur. On comprend bien alors que Vallius Maximianus se soit appuyé sur le témoignage de son prédécesseur, qui était aussi celui d’un fonctionnaire ayant gravi par rapport à lui des échelons supérieurs. En revanche, cet auteur ne commente que très superficiellement la Table de Banasa (SALLER, 1982, p. 169). On comprend aussi pourquoi Pline Le Jeune indique, à propos de sa demande, les témoignages de Iulius Ferox et de Fuscus Salinator (voir aussi ci-dessus n°29, à propos du décret de Sala). 372 GASCOU (J.), Le conditor municipii de Gightis, Tabarka, 2003a, pp. 141-145. Id., Les statuts des villes africaines : quelques apports dus à des recherches récentes, Itinéraires, pp. 231-246. 373 EUZENNAT (M.), « Les Zegrenses », dans Mélanges d’histoire ancienne offerts à William SESTON, Paris, 1974, p. 175-186.

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quod [ut] in commentarios nostros referri / possit explora quae cui{i}usq(ue) aeta{ti}s sit et scribe nobis / descriptum et recognitum ex commmentario civitate Romana / donatorum divi Aug(usti) et Ti(beri) Caesaris Aug(usti) et C(ai) Caesaris et divi Claudi / et Neronis et Galbae et divorum Aug(ustorum) Vespasiani et Titi et Caesaris / Domitiani et divorum Aug(ustorum) Ner[v]ae et Trai{i}ani Parthici et Trai{i}ani / Hadriani et Hadriani Antonini Pii et Veri Germanici Medici / Parthici maximi et Imp(eratoris) Caesaris M(arci) Aureli Antonini Aug(usti) Germa/nici Sarmatici et Imp(eratoris) Caesaris L(uci) Aureli Commodi Aug(usti) Germanici Sar/matici quem protulit Asclepiodotus lib(ertus) id quod i(nfra) s(criptum) est / Imp(eratore) Caesare L(ucio) Aurelio Commodo Aug(usto) et M(arco) Plautio Quintilio co(n)s(ulibus) / pr(idie) Non(as) Iul(ias) Romae / Faggura uxor Iuliani principis gentis Zegrensium ann(orum) XXII / Iuliana ann(orum) VIII Maxima ann(orum) IIII Iulianus ann(orum) III Diogenia/nus ann(orum) II liberi Iuliani s(upra) s(cripti) / rog(atu) Aureli Iuliani principis Zegrensium per libellum suffra/gante Vallio Maximiano per epistulam his civitatem Romanam de/dimus salvo iure gentis sine diminutione tributorum et vect[i]gali/um populi et fisci / actum eodem die ibi isdem co(n)s(ulibus) / Asclepiodotus lib(ertus) recognovi / signaverunt / M(arcus) Gav[i]us M(arci) f(ilius) Pob(lilia) Squilla Ga[l]licanus / [M(anius)] Acilius [M(ani)] f(ilius) Gal(eria) Glabrio / T(itus) Sextius T(iti) f(ilius) Vo[t(uria)] Lateranus / C(aius) Septimius C(ai) f(ilius) Qui(rina) Severus / P(ublius) Iulius C(ai) f(ilius) Ser(gia) Scapula Tertul[l]us / T(itus) Varius T(iti) f(ilius) Cla(udia) Clemens / M(arcus) Bassaeus M(arci) f(ilius) Stel(latina) Rufus / P(ublius) Taruttienus P(ubli) f(ilius) Pob(lilia) Paternus / [[[Sex(tus) Tigidius 1 f(ilius) 3 Perennis]]] / Q(uintus) Cervidius Q(uinti) f(ilius) Arn(ensi) Scaevola / Q(uintus) Larcius Q(uinti) f(ilius) Qui(rina) Euripianus / T(itus) Fl(avius) T(iti) f(ilius) Pal(atina) Piso Traduit ici comme suit : Texte A : « Copie de la lettre de nos empereurs Antonin et Verus Augustes à Coiiedus Maximus374 . Nous avons lu la requête du Zegrensis Julianus qui était jointe à ta lettre, et bien qu’il ne soit pas d’usage de donner la citoyenneté romaine à de tels fils de tribus si ce n’est quand l’éclat des services rendus attire la faveur impériale, considérant cependant que, selon ton témoignage, cet homme est un des notables de son peuple et qu’il a donné les preuves de sa 374 Sur ce gouverneur, qui n’est connu que par la Table de Banasa, H.-G. PFLAUM, 1982, p. 146 ; B.E. THOMASSON, 1984, col. 421 (42, n°17) ; on peut aussi B.E. THOMASSON, 1996, pp. 231-232, n°16, et LENOIR, 1983-1984, pp. 247-252 sur IAM, II, 420, 421 et 778.

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parfaite fidélité par un dévouement résolu, considérant d’autre part que nous pouvons penser qu’il n’y a guère chez les Zegrenses de ‘’clans’’ (familia) capables de se prévaloir de services comparables aux siens, encore qu’il soit dans nos désirs que beaucoup soient incités à suivre l’exemple de Julianus par l’honneur que nous accordons à ce foyer, nous n’hésitons pas à donner la citoyenneté romaine, à lui-même et aussi à Ziddina son épouse, ainsi qu’à leurs enfants Julianus, Maximus, Maximinus, Diogenianus, sans qu’ils aient à abandonner le droit de leur tribu. » Extrait de la lettre de nos empereurs Antonin et Verus Augustes à Vallius Maximianus375 : «Exemplum epistulae imperatorum Antonini et Commodi Aug(ustorum) / ad Vallium Maximianum. / Legimus libellum principis gentium Zegrensium animaduerti/musq(ue) quail favour Epidi Quadrati praecessoris tui iuvetur; pro/inde et illius testimonio et ipsius meritis et exemplis quae allegat permoti, uxori filiisq(ue) eius civitatem Romanam, sal/uo iure gentis, dedimus. Quo [i]d ou Quod [ut] in commentarios nostros referri / possit, explora quae cuiusq(ue) aetis sit, et scribe nobis. »376 Texte B : « Extrait transcrit et collationné du registre des collations (de l’octroi) de la citoyenneté romaine d’Auguste divinisé, de Tibère César, de Caius César, de Claude divinisé, de Néron, de Galba, des Augustes Vespasien, Titus divinisé, de César Domitien, des Augustes divinisés Nerva, Trajan vainqueur des Parthes et Trajan Hadrien et Hadrien Antonin Le Pieux et de Verus vainqueur des Germains, des Mèdes, grand vainqueur des Parthes, et de l’empereur César Marc Aurèle Antonin Auguste, vainqueur 375 Sur ce personnage, H.-G. PFLAUM, 1960, pp. 585-590, n°221. On peut désormais dater exactement sa carrière : B.E. THOMASSON, 1996 ; ce dernier nous fournit une liste de vingt noms connus. Sur les gouverneurs et légats ayant servi en Afrique : M. CHRISTOL, « Gouverneurs de Numidie sous les Sévères : Q. Cornelius Valens et Sex. Varius Marcellus », L’Africa romana, 4, 1986 et 1987, pp. 497-507. le premier l’a été en 210-211 et le second en 216. M. LE GLAY, 1991, Ant.Afr., 27, 1991, pp. 83-92 : il fait observer que depuis sa création, la province de Numidie fut gouvernée par un sénateur de rang prétorien. Pour les Maurétanies, on peut lire J.E.H. SPAUL, dans « Governors of Tingitana », Ant. Afr., 30, 1994, pp. 235-260 ; il fournit un catalogue de 40 gouverneurs, sur lequel il se fonde pour expliquer les carrières de chacun avant et après leur gouvernement de cette province : ses conclusions sont à considérer avec un esprit critique. 376 IAM, II, 94 : Nous avons lu la requête du prince de la tribu des Zegrenses, et nous avons remarqué par quelle marque de la faveur d’Epidius Quadratus, ton prédécesseur, il est soutenu ; c’est pourquoi, en raison de son témoignage et par les mérites et les exemples qu’il allègue, nous donnons la citoyenneté romaine à Ziddina son épouse, ainsi qu’à leurs enfants, le droit de la tribu étant conservé. Afin que cette décision puisse être consignée dans nos registres, renseigne-toi sur l’âge de chacun (des bénéficiaires) et fais-le nous savoir.

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des Germains, des Sarmates, que l’affranchi Asclepiodotus a présenté. Voici cet extrait : Sous le consulat de l’empereur L. Aurelius Commode Auguste et de M. Plautius Quintillus, la veille des Nones de juillet à Rome. A Faggura, épouse de Julianus, le chef de la tribu des Zegrenses, âgée de 22 ans, à Juliana, âgée de 8 ans, à Maxima, âgée de 4 ans, à Julianus, âgé de 3 ans, à Diogenianus, âgé de 2 ans , enfants du sus-nommé Julianus. Sur la demande d’Aurelius Julianus, chef des tribus Zegrenses, transmise par requête, sur la recommandation de Vallius Maximianus transmise par une lettre, nous leur donnons la citoyenneté romaine, étant sauvegardé le droit de leur tribu, sans que soient diminués leurs tributs et taxes dus au peuple romain et au fisc impérial. Fait le jour même, au même lieu, sous les mêmes consuls. (Moi) Asclépiodotus, affranchi, j’ai fait le collationnement. Ont signé : M. Gavius Squilla Gallicanus, fils de Marcus, de la tribu Poblilia ; M. Acilius Glabrio, fils de Manius, de la tribu Galeria, T. Sextiius Lateranus, fils de Titus, de la tribu Voturia ; C. Septimius Severus, fils de Caius, de la tribu Quirina, P. Iulius Scapula Tertullus, fils de Caius, de la tribu Sergia ; T. Varius Clemens, fils de Titus, de la tribu Claudia ; M. Bassaeus Rufus, fils de Marcus, de la tribu Stellatina ; P. Taruttienus Paternus, fils de Publius, de la tribu Poblilia ; (…Tigidius…Perennis) ; Q. Cervidius Scaevola, fils de Quintus, de la tribu Arnensis ; Q. Larcius Euripianus, fils de Quintus, de la tribu Quirina ; T. Flavius Pison, fils de Titus, de la tribu Palatina. »377. Il est possible à la lecture de ce texte de se rendre compte que l’octroi de ce droit était soumis à des conditions, ici des contributions fiscales. Les Zegrenses avaient obtenu le droit de citoyenneté en rassemblant ces critères de sélection. On comprend ici que les notables provinciaux acquéraient la citoyenneté automatiquement soit par l’exercice d’une magistrature soit par l’accès au décurionat, mais surtout par la favor impériale. Cela permettait d’intégrer progressivement par le haut les élites locales, excellent moyen pour Rome de s’assurer de la coopération des élites municipales et d’en faire leurs meilleures alliées dans le processus de romanisation378. 377

IAM, II, 94. AE 1977, 871 = AE 1995, 1801 En fait les auteurs actuels quand ils parlent de « romanisation », pensent souvent et surtout à la vie municipale qui leur paraît résumer tous les autres aspects du problème. D’abord, les indigènes ayant fait preuve de romanité ; ensuite ceux qui ont soutenu la politique impériale. Enfin, ceux ayant obtenu la civitas romana en récompense de leur attitude générale. 378

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Une question vient à l’esprit : l’édit de Banasa n’était-il limité qu’à cette communauté ou à toute la province ? Cet édit pourrait-il faire jurisprudence, si on adopte la terminologie des juristes ? En tout état de cause, une indication émerge de la concordance de trois éléments, à savoir : l’edictum, l’epistula et la mention des « mérites » de bons serviteurs de l’état, civils et militaires. Nous avons aussi le fait que le hasard d’une attestation exactement contemporaine379 pour cette mesure fiscale, attestation non textuelle cette fois, mais allusive, la dédicace de Caracalla d’un arc par la respublica du municipe voisin de Volubilis, ob … novam supra omnes retro principes indulgentiam. Ces éléments garantissent que d’autres communautés sont concernées : on a donc affaire à un édit adressé à une province, seule instance opérante au-dessus des villes entendues comme chefs-lieux administratifs, quel que soit leur statut juridique. Peut-on penser à un élargissement de ce beneficium à toutes les provinces africaines ? Il paraît improbable qu’il s’agisse d’une mesure générale touchant l’ensemble de l’empire : les sources littéraires, DION CASSIUS, HERODIEN, AURELIUS VICTOR, PLINE LE JEUNE ou L’ANCIEN, l’Histoire Auguste, certes partiales, n’en gardent pas la trace380, mais il ne serait pas impossible que d’autres provinces africaines, sinon les provinces africaines en général381 en aient bénéficié. Au moment des colloquia, certains membres de gens obtenaient la civitas romana. La question reste encore en débat, mais nous pouvons dire qu’il s’agissait probablement de s’attacher l’allégeance de certaines tribus, sans passer par un conflit armée. En effet, pour éviter peut-être tout conflit, le pouvoir romain, soit l’empereur lui-même, soit un de ses représentants, accordent la civitas aux dirigeants ou à des membres éminents de ces tribus.

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La dédicace de l’arc de Volubilis (IAM, 2, 390-391), postérieure au 10 décembre 206, si l’on tient compte du délai de construction du monument, nous reporte pour la mesure impériale qui est à l’origine de la décision de l’ordo, à une date qui correspond parfaitement à la fourchette d’une année, 10 décembre 215 – 9 décembre 216, où se situe l’édit de Banasa. Elle éviterait même de dater l’édit plutôt au début de cette fourchette et cette précision chronologique conviendrait on ne peut mieux à mon hypothèse d’un census en 213-214. 380 Contrairement à ce qui se passe pour les remises d’Hadrien et de Marc Aurèle. Il s’agit des passages suivants : Dion Cassius, 78, 7-13 ; Hérodien, 4, 7-11 ; Vita Antonini Caracalli, 9. 381 D’après l’IRT, 400, il serait tentant d’invoquer pour la Proconsulaire le témoignage de IRT, 429 (Lepcis Magna), une dédicace de la ville de Caracalla [pro cont]inua indulgentia. Mais une dédicace à Géta de 209-210 (IRT, 441) fait également mention de l’indulgentia impériale : s’agit-il alors simplement de rappeler le traitement de faveur dont jouit, depuis le début de la dynastie, la ville natale de l’empereur Septime Sévère ? L’indulgentia célébrée en 212 (IRT, 393 et 423) est généralement interprétée comme l’octroi du ius italicum. On pourrait penser également à l’adoption par certaines communautés d’Afrique du surnom Antoniniana.

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Le chef des Zegrenses382Iulianus, ne fut pas le seul à l’obtenir, sous Marc Aurèle. Ainsi, en 140, un certain Aelius Tuccuda avait reçu la citoyenneté romaine383. En 226, le princeps baquate porte le gentilice d’Aurelius ; et sous Probus, c’est Iulius qui est attribué à Nuffuzi384, Matif et à Mirzi385. Nous avions parlé dans l’introduction de ce chapitre des droits de citoyenneté romaine. Gaius nous en donne quelques indications lorsqu’il parle du beneficium speciale. Il y a aussi un autre beneficium imperatoris appelée probatio qui concerne les auxilia et les vétérans, et qui constitue une voie d’accès à la citoyenneté accordée par les empereurs. En effet, on pouvait aussi accéder à la citoyenneté par le service militaire, par ce qu’on nomme la probatio. En effet, les Africains enrôlés dans les légions obtenaient à la fin de leur charge la citoyenneté romaine. Nous avons une épitaphe d’un certain Titus Flavius Masauca386, vétéran mort centenaire. C’est un citoyen romain récent comme l’attestent ses nomina issus de ceux de l’empereur. Son surnom Masauca rappelle son origine ethnique, la tribu des Mazices. Le jeune indigène s’était engagé dans la troisième légion Auguste puisqu’il porte le titre de veteranus réservé aux seuls anciens légionnaires et avait alors reçu la citoyenneté romaine. L’étude des nomina et des noms des tribus387 peut nous fournir de nombreux cas du même genre, pour cela une étude faite par Y. Le BOHEC sur « L’onomastique de l’Afrique romaine »388. Les diplômes militaires389 nous permettent de comprendre les paliers conduisant à la civitas romana. Le cas des Gabinii et des Marcii de Thugga montre qu’un premier palier était nécessaire, l’intégration dans la tribu390 Quirina, avant que les descendants 382

M. EUZENNAT et W. SESTON, 1971 : la Tabula Banasitana réunit trois documents différents se rapportant à l’attribution de la civitas romana à un Zegrensis, Iulianus, à son époue et à leurs enfants. 383 Le texte est daté de 140, c’est le début du règne d’Antonin le Pieux. Tuccuda a donc reçu la citoyenneté romaine soit sous Antonin le Pieux, soit sous Hadrien. 384 IAM, lat., 360 : …conloquio / habito cum Iul(io) Nuffuzi, filio Iul(ii) Matif, / regis g(entis) Baq(uatium) foederata pacis. 385 IAM, lat., 353/361 ; G. DI VITA-EVRARD, 1987, p. 196 : …cum Iul(io) Mirzi, / fratre eiusdem Nuffusis, p(rincipis) g(entis) / Baquatium… 386 AE, 1967, 605. 387 FORNI (G.), Le tribù romane, I, Tribules, A-B, Rome, 1996 (range en ordre alphabétique tous les tribules de la période républicaine – p. 3 à p. 90 -, puis de la page 91 à la page 290 ceux de la période impériale dont les noms commencent par les lettres A et B). 388 LE BOHEC, (Y.), “L’onomastique de l’Afrique romaine sous le Haut-Empire et les cognomina dits « africains »”, dans REA, 68, pp. 217-239. 389 Un diplôme militaire est la copie conforme gravée sur bronze et certifiée devant témoins d’un texte de loi octroyant des avantages comme la civitas romana, à des soldats libérés ou sur le point de l’être, et qui ont bien servi ; voir la Liste dans P. ROMANELLI, Province, 1959, pp. 357-359. 390 DONDIN-PAYRE (M.), « Citoyenneté romaine, citoyenneté locale et onomastique : le cas

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n’obtiennent la prestigieuse citoyenneté de Carthage (qui impliquait d’abord la civitas romana) et leur inscription dans la tribu Arnensis après y avoir exercé une ou plusieurs magistratures391. Qu’en est-il de la probation que nous considérons comme une voie vers la civitas romana ? La probatio demeure une autre forme de promotion individuelle faite par les empereurs pour des pérégrins à la citoyenneté romaine par le bais du service militaire. Trajan l’a utilisé pour accélerer le recrutement392. Le recrutement précoce des Africains peut en tout cas être interprété comme un signe de romanisation. En effet, pour devenir légionnaire, il fallait posséder avant tout la civitas romana, afin de maintenir la fiction d’une armée de citoyens-soldats. Mais on remarque bien que cet argument fut passé outre par les princes, car les recrutements auraient été d’une lenteur et d’une inefficacité mettant en danger le limes de l’Empire. Alors bien souvent, la citoyenneté romaine était accordée lors de l’engagement par le conseil de révision, la probatio notamment. Il fallait aussi un minimum de connaissances linguistiques en latin pour pouvoir suivre une formation et comprendre clairement les ordres complexes que transmettait l’Etat-major. Chr. HUGONIOT a nommé cette étape « brevet de latinité »393, qui était exigé lors du recrutement. La citoyenneté était accordée lors de l’engagement par le conseil de révision : la probatio. Voila pourquoi la probation devenait un véritable critère d’octroi de la civitas romana. Ce recrutement devenait de plus en plus local. L’appel au IIIème siècle à un recrutement plus local par le biais des ex castris ou des cités de Numidie n’est pas le signe d’un appauvrissement humain : fils de soldats, les ex castris394 étaient des Romains dans l’âme ; ils faisaient d’excellentes recrues. de Thugga », AC, 71, 2002, pp. 229-239. L’ascension sociale des Gabinii et des Marcii de Thugga a conduit à supposer l’existence d’un droit latin subordonné. Plusieurs cités furent créditées de ce droit, notamment Abbir Maius et, ici, Thugga (CIL, VIII, 15212 ; A. BESCHAOUCH, « Dougga, une cité de droit latin sous Marc Aurèle : civitas Aurelia Thugga », art.cit.). A. CHASTAGNOL, se fondant sur l’étude de ces deux familles, proposa de voir l’existence de ce droit entre la métropole, Carthage, et la civitas de Thugga, le définissant comme « un lien particulier entre ces deux communautés de statut inégal, une entente officielle qui permettait au plus haut niveau une symbiose des élites ». BRIANDPONSART (Cl.), « Le statut des communautés en Afrique Proconsulaire aux Ier et IIe siècle », REA, Actes du colloques de la SOPHAU, Poitiers, 1-3 avril 2005, 68, Pallas et Presses Universitaires du Mirail, 2005, pp. 93-116. 391 JACQUES (F.), Le privilège de liberté, CEFR, 76, Rome, 1984, p. 541. 392 CIL, VIII, sup., 20978. 393 HUGONIOT (Ch.),Rome en Afrique, p.80. 394 LE BOHEC (Y.), Histoire de l’Afrique romaine (146 avant J.-C. – 439 après J.-C.), éd. A. et J. Picard, Paris, 2005, p.106. Au début du IIIe siècle, ils virent leur pourcentage s’accroître sans jamais dépasser les 50 %. La légion passa donc du recrutement étranger au recrutement régional puis au recrutement local ; il n’y eut jamais de loi impériale ni de révolution en ce domaine, et l’évolution se fit avec lenteur.

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Ce type de recrutement des auxiliaires africains395 est bien connu grâce aux diplômes militaires et aux inscriptions funéraires. Au départ, les unités auxiliaires avaient été conçues comme un instrument de contrôle et de romanisation des peuples étrangers. Les soldats après vingt-cinq ans de service, recevaient la citoyenneté romaine396 avec les membres de leur famille et obtenaient souvent en plus le droit de se marier selon le droit romain avec leur concubine. Le recrutement en lui-même, comportait deux phases essentielles : la probatio, ut supra dixi, et l’inscription du nom de la recrue sur les registres de l’unité397. La probatio mettait en fait terme à un examen des qualifications et n’avait lieu que si toutes les conditions étaient remplies. Les renseignements les plus détaillés sur cette première étape nous sont donnés par VEGECE : « l’âge idéal de recrutement, nous dit-il, est le début de la puberté car la recrue fait alors preuve d’une grande faculté d’apprendre, et la vigueur et la souplesse exigées d’un soldat s’acquièrent plus facilement par un jeune homme que par homme mûr »398. Il serait intéressant de voir si cette condition se retrouve dans le recrutement des troupes auxiliaires rencontrées en Césarienne : Age de recrutement

Références épigraphiques

15 ans 16 ans 17 ans 18 ans 19 ans 20 ans 21 ans 22 ans 23 ans 25 ans 31 ans 33 ans 40 ans

N°43 ; 212. N°79 ; 115. N°113. N°78 ; 6 ; 60 ; 178. N°30 ; 32. N°5 ; 63 ; 114 ; 198 ; 213. N°195 N°19 ; 20 ; 44. N°26. N°161. N°211. N°27 ; 150. N°172.

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LE BOHEC (Y.), Les unités auxiliaires de l’armée romaine en Afrique Proconsulaire et Numidie sous le Haut-Empire, Paris, 1989. J.-M. LASSERE, « Le recrutement romain et les Musulames », dans Cl. LEPELLEY (éd.), Actes du IVème colloque international sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord (Strasbourg, 5-9 avril, 1988), Paris, 1991, 299-311. 396 IDEM, op. cit., p.81. 397 Des études détaillées en ont été effectuées par GILLIAM (J. F.), art. cit., pp. 207-216, DAVIES (R.W.), Joining the Roman Army, Bonner Jahrbücher 169, 1969, pp. 208-232, et WATSON (G.R.), The Roman soldier, London, 1969, pp. 31-53. 398 VEGECE, Epit. rei militare, I, 4.

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Mais au regard de ce tableau, on peut faire une remarque intéressante sur la grille des âges. En effet, l’administration romaine recrutait les jeunes et valeureux gens des cités ; ce qui était préjudiciable pour le développement des cités, qui avaient besoin de ces bras pour les nombreux travaux de constructions et d’aménagements en projet. Pour cela les empereurs utilisèrent l’armée comme nous le verrons plus loin. Ce tableau ne répond apparemment pas à l’idéal de VEGECE, puisque seulement quatre soldats sur 28 furent recrutés à l’âge de 15-16 ans. On compte par ailleurs, trois auxiliaires recrutés à l’âge mûr (31 et 33 ans), et même très mûr (40 ans)399. Une fois la probatio passée, la recrue recevait une avance sur sa solde et était incorporée dans une unité, même si sa situation matérielle n’évoluait pas400. Outre l’augmentation de la solde, certaines mesures ont été prises par Septime Sévère pour rendre la situation matérielle des auxiliaires moins précaire ; désormais la nourriture cessait d’être déduite de la solde, un nouvel impôt, l’annone militaire, assurant gratuitement l’entretien de l’armée401. La solde n’était pas la seule façon de récompenser ceux de ses sujets qui voulaient servir dans son armée. En effet, s’ils étaient exclus des donativa distribués aux troupes par les empereurs à l’accession de ces derniers au pouvoir, ou à d’autres occasions exceptionnelles, les auxiliaires pouvaient recevoir, en revanche, les dona militaria ou décorations militaires après l’octroi préalable et exceptionnel de la civitas402. La récompense la plus importante pour les soldats auxiliaires était 399 Ce type de recrutement tardif est l’indice de troubles graves qu’on ne peut, ici, malheureusement, situer dans le temps puisque l’inscription en question (n°27) n’est pas datable avec précision. 400 La situation matérielle du soldat auxiliaire n’était, en fait, guère brillante. Elle n’a point été améliorée par l’augmentation de solde décidée par Domitien car le soldat continuait à payer sa nourriture (retenue in victum), son matériel et son habillement (retenue in vestimentum) et, la dévaluation aidant, le prix de la vie aurait, selon les économistes, doublé du premier au deuxième siècle400. L’inflation aurait été si importante que même les augmentations de Septime Sévère et Caracalla arrivaient à peine à l’éponger, sans entraîner pour autant une augmentation proportionnelle du pouvoir d’achat réel. 400 VAN BERCHEM (D.), L’Annone militaire dans l’Empire romain au troisième siècle, Mém. Soc. Nat. Antiq. France, 1937, pp. 117-202. MARICHAL (R.), La solde de l’armée…, p. 417. PETIT (P.), op. cit., p. 359. 400 WATSON (G.R.), The Roman soldier, pp. 114-116. 401

VAN BERCHEM (D.), L’Annone militaire dans l’Empire romain au troisième siècle, Mém. Soc. Nat. Antiq. France, 1937, pp. 117-202. MARICHAL (R.), La solde de l’armée…, p. 417. PETIT (P.), op. cit.,p. 359. 402 WATSON (G.R.), The Roman soldier, pp. 114-116.

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l’octroi de la citoyenneté romaine à la fin du service, de l’honesta missio. Ces types de récompenses accordées par les empereurs donnaient peut-être à l’armée un certain aspect attractif. Des diplômes furent décernés par les empereurs aux soldats africains parmi d’autres, à la fin de leur service, mais aussi la civitas romana. En effet, une tablette de bronze affichée à Rome contient le texte de la loi qui accorde aux soldats d’un corps déterminé la citoyenneté romaine et autres avantages juridiques. Ce diplôme trouvé en Césarienne à Caesarea et daté du 24 novembre 107 se présente de la façon suivante : «Imp(erator) Caesar, divi Nervae f(ilius), Nerva, Tra[i]an(us), / Aug(ustus), Germanicus, Dacius, pontif(ex) maximus, / tribunic(ia) potest(ate) (prima decimal), imp(erator) (sextum), co(n)s(ul) (quitum), p(ater)) p(atriae); / equitibus et [p]leditibus qui militaverunt / in alis tribus et cohortibus decem quae ad / pellantur […] / (Prima) Flavia Musula/miorum et (Secunda) Breu[co]rum et (Secunda) Galoorum / et (Quarta) Sugambrorum et sunt in Maureta/nia Caesar(i)ensi sub T(ito) Caesarnio Macedo/ne, quinis et nicenis pluribusue stipend/diis emer[iti]s dimissis honesta missione, item classicis quorum nomina sub/scripta sunt, ipsis liberis posteris/que eorum [c]ivitatem dedit et conub[i]/um cum u[x]oribus quas tunc habuissent / cum est civ[it]as [ii]s data aut, si qu[i] / caelibes [esse]nt, cum iis quas postea / duxisse[nt, dum] taxat singuli singulat. »403. Signalons qu’avant d’obtenir ces privilèges, le soldat auxiliaire menait une vie qui n’offrait guère d’agréments. Outre sa situation financière qui, on l’a vu, n’était pas très brillante, il n’avait pas le droit au conubium, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir une compagne sans pouvoir régulariser la situation 403

CIL, VIII, sup., 20978 : « L’empereur César, fils du divin Nerva, Nerva Trajan Auguste, le Germanique, le Dacique, Grand pontife, investi de la 11ème puissance tribunicienne, salué trois fois imperator, consul pour la cinquième fois, Père de la patrie, a donné le droit de cité aux cavaliers et fantassins qui ont servi dans les trois ailes et dix cohortes qui portent les noms suivants : -[…] la première cohorte Flavienne des Musulames. -la seconde cohorte des Bretons. -la seconde cohorte des Breuques. -la seconde cohorte des Gaulois. -la quatrième cohorte des Sycambres. Ces soldats qui sont en Maurétanie Césarienne sous le commandement de Titus Caesernius Macedo, ont accompli 25 ans de service ou plus et ont obtenu leur congé honorable ; il a aussi donné le droit de cité aux matelots dont les noms suivent, à leurs enfants et descendants. Il leur a accordé le droit au mariage légitime avec les femmes qu’ils pouvaient avoir au moment de l’octroi du droit de cité ou, s’ils étaient célibataires, avec celles qu’ils pourraient épouser par la suite, pourvu que chacun n’en ait qu’une. »

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de ses enfants avant son congé404. Ces descendants et son épouse ne pouvaient hériter ; Hadrien améliora cette situation, en 119 de notre ère, en accordant aux enfants illégitimes le droit d’hériter des possessions de leur père, possessions qui se limitaient sans doute aux deposita405. Au début de son règne, Antonin le Pieux effectua un changement important en affectant l’octroi de la civitas à plusieurs habitants des cités. En comparant les diplômes de Cherchel406 et de Brigetio407, respectivement de 107 et de 150 a p. J.-C., on s’aperçoit que les formules utilisées ne sont pas les mêmes : si, en 107, on disait ipsis liberis posterisque eorum civitatem dedit conubium cum uxoribus…, en 150 on ne disait plus que civitatem romanam qui eorum non haberent dedit et conubium cum uxoribus. La première remarque qu’on peut faire au sujet de cette nouvelle formulation, c’est qu’en 150, de nombreux soldats auxiliaires avaient la civitas romana avant leur congé et même avant leur engagement408. Cette hérédité de fait dans le recrutement prendra toute sa signification sous le règne de Probus, l’empereur qui distribua des terres aux soldats avec l’obligation de faire entrer leurs fils dans l’armée : depuis l’édit de Caracalla, il n’ y avait même plus l’attrait pour la civitas romana409. A partir de 197 ap. J.-C. donc, il était désormais admis qu’un soldat nouât des liens matrimoniaux et installât sa femme et ses enfants au pied même des murs du camp. L’assouplissement des conditions de vie du soldat peut s’appréhender dans les inscriptions funéraires : au fur et à mesure de la stabilisation de l’armée, le nombre des stèles élevées par la famille dut dépasser celui des stèles dédiées par les camarades soldats. Il ne faut pas voir seulement ici une volonté de Rome ou des empereurs de donner la civitas romana par la militarisation des Africains ; le but du pouvoir impérial était d’éloigner les plus réticents à la romanisation, de leurs cités d’origine. En effet, le système des auxilia présentait de grands avantages, surtout pour l’extension de la romanisation des tribus belliqueuses, situées dans les Maurétanies (en Césarienne de nombreux 404 DE MARTINO (F.), Storia della costituzione romana, IV, 2, Naples, 1962-1965, pp. 838844. ALFÖLDY (G.), op. cit., p. 56. Petit (P.), op. cit., p. 201. 405 Berliner Griechische Urkunden I, documenti 108. 406 ILS, 2003, n°9. 407 CIL, XVI, 99. 408 Une des raisons de ce changement politique a vraisemblablement été de faciliter le recrutement, devenu local, des auxilia et de l’armée, d’une façon générale, par l’incorporation des ex-castris, ces enfants nés à proximité des camps. En effet, doté de la civitas romana grâce au diplôme de son père, le fils de l’auxiliaire n’avait plus aucune raison de s’engager dans l’armée. 409 Vita Probi, 17. CAGNAT (R.), L’armée…, p. 416, fait remarquer cette mesure à Sévère Alexandre et cite Vita Alex., 58.

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diplômes furent délivrés à des cavaliers maures enrôlés pour leur adresse et leur habileté). Ce système permettait au départ de contrôler, voire d’éloigner les meilleurs éléments des tribus indigènes, souvent les plus rétifs à la présence romaine, et de les romaniser. Même si l’on note ici les raisons insidieuses de ces recrutements ; il demeure que les bénéficiaires en étaient heureux. Les moyens d’accès à la civitas romana permirent d’harmoniser les comportements des cités vis-à-vis du pouvoir impérial, et permettre leur adhésion effective aux politiques des empereurs. Ainsi donc l’empereur par un beneficium speciale pouvait accorder la civitas romana à une famille à la demande de celle-ci. Gaius nous parle à ce sujet de deux modes d’accès, dont le second (alia causa) est celui qu’offre le Ius Latii, le premier étant procuré par le beneficium speciale que consent l’empereur. En effet, l’empereur pouvait user de cette prérogative pour promouvoir directement un notable et sa famille à la citoyenneté romaine. Voici les propos de GAIUS à ce sujet : « si peregrinus sibi liberisque suis civitatem romanam petierit, non aliter filli in potestate fient quam si imperator eos in potestem redgerit ; qoud ita demum is fiat, si, causa cogni ta aestimaverit hoc filiis expdire : diligentius autem exactiusque causam cognoscit de impuberibus absentibusque ; et haec edicto divi Hadriani signficantur »410. Après avoir fait état des passerelles à la civitas romana, il est important de montrer les rythmes d’expansion de la citoyenneté. Avec l’abondante documentation épigraphique, il est presque impossible de faire cet inventaire. Toutefois, nous avons pu dresser quelques repères pour y arriver.

B. RYTHMES D’EXPANSION DE LA CIVITAS ROMANA ET EXISTENCE D’UNE CITOYENNETE LOCALE.

Sur les rythmes d’expansion de l’accès à la citoyenneté romaine à travers les cités, nous pouvons apporter quelques éléments, qui pourront bien sûr faire l’objet de nombreuses critiques, mais qui nous éclairent sur l’accès à la citoyenneté par un beneficium imperatoris. Jusqu’à présent, le tableau institutionnel est assez simple et cohérent. Etre issu d’une cité de droit romain (ou même de droit latin) était le canal par lequel, en dehors de toute 410 GAIUS, Inst. I : «Si le pérégrin venait à demander pour soi et pour ses enfants la civitas romana, ses fils ne pourraient venir sous sa patria potestas ; ce que l’empereur ne se résout à faire que si, après avoir procédé à l’examen du cas, il a estimé qu’il y va de l’intérêt des fils ; il instruit le cas avec d’autant plus de diligence et de précision qu’il s’agit d’impubères ou d’absents ; ces décisions sont établies par un édit de feu Hadrien ».

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intervention souveraine, se transmettait normalement la qualité de civis romanus. Empêchée de se répandre à partir des unités locales, la citoyenneté était fixée et clôturée par l’institution de cette filiation civique. Telle est semble-t-il, au départ, la fonction de l’origo. Elle suppose une distinction nette entre résidence et appartenance au lieu par filiation. Cette distinction devait être organisée juridiquement. On a affaire à une organisation à deux degrés, où la patrie locale est le tremplin de la commune patrie ; où l’appartenance à un municipe, à une colonie, voire à une communauté de citoyens romains officiellement reconnue dans une cité pérégrine, est la voie normale d’accès à la civitas Romana, laquelle culmine sur cet ensemble. Mais nous devons aussi porter notre regard sur les entités civiques, et considérer comment cette structure d’ensemble se projette sur chacune d’elles en particulier. En effet, toute cité possède à son tour ses propres citoyens, mais aussi, outre les étrangers de passage, ses résidents qui proviennent d’autres communautés : ils y commercent, y possèdent des biens, résident dans la ville ou sur son territoire. A ces diverses catégories correspondent des statuts spécifiques et à un degré plus ou moins élevé d’intégration dans la cité. De plus, la cité locale accorde parfois à ces étrangers, notamment à ceux déjà inscrits parmi ses incolae411, sa propre citoyenneté. Sur ce, comment préserver le monopole de la naturalisation romaine, qui avait d’abord été un pouvoir exclusif du populus romanus luimême, éventuellement délégué à ses magistrats, puis une marque de souveraineté impériale, si les cités qui dans l’Empire avaient reçu l’honneur de la civitas romana étaient libres à leur tour d’inscrire tous les étrangers qu’elles voulaient sur la liste de leurs citoyens, en procédant à une adlectio ? C’est ce que nous allons tenter de vous démontrer. B1. L’incorporation à la civitas romana à travers le cursus honorum municipalis ? En principe, les municipes et les colonies ne devaient pas pouvoir s’agréger des pérégrins parmi leurs citoyens, sans un bénéfice impérial équivalant à un octroi de citoyenneté romaine. Elles ne devaient pas pouvoir s’agréger, indépendamment d’une décision du pouvoir central, plus précisément de l’empereur, des étrangers que cette promotion locale eût risqué de faire accéder à la condition de citoyens romains, c’est-à-dire des étrangers qui ne fussent pas déjà, par ailleurs, des cives Romani, voire des cives Latinii412. Il nous faut donc examiner l’hypothèse suivante : 411 A Thamugadi, par exemple, leur nombre oscillait entre 200 et 900, pour un total d’environ 4000 habitants, sans compter les esclaves. 412 L’existence d’une citoyenneté latine a été très discutée par de nombreux auteurs modernes

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l’incorporation dans une cité de droit romain, ou même de droit latin, puisqu’une magistrature d’abord, le décurionat ensuite, y faisaient accéder de plein droit à la citoyenneté romaine, ne pouvait bénéficier qu’à un individu possédant déjà le statut romain ou latin, à moins d’une intervention spéciale du pouvoir central. Un tel régime ne peut avoir existé, bien sûr, qu’avant l’édit de Caracalla, à une époque où les cités pérégrines coexistaient encore en grand nombre avec les municipes et les colonies : c’est alors seulement qu’il dut être nécessaire de contrôler l’accès à la citoyenneté romaine par le bas, c’est-à-dire par le canal des cités romaines et latines, nombreuses surtout dans la partie occidentale de l’Empire413. L’hypothèse demande à être étayée. Mais si l’on veut formuler précisément les enjeux du problème, il nous faut prendre acte, d’emblée, que la rejeter reviendrait à admettre que la civitas romana n’était pas un privilège octroyé par l’instance souveraine de Rome, mais une condition que les communautés qui l’avaient reçue étaient laissées entièrement libres de prodiguer à leur tour ; et que les organes des communes locales, dès lors, avaient le même pouvoir, en matière de naturalisation, que le populus Romanus ou l’Empereur. Notons en premier lieu que le problème ne se pose pas lorsque l’adlectio est le fait d’une cité pérégrine : le système du double degré de citoyenneté est alors bien évidemment hors jeu414. Qu’il suffise d’évoquer ici la lex Pompeia Bithyniae data, par laquelle Pompée avait autorisé les cités de Bithynie à inscrire parmi leurs citoyens les ressortissants d’autres cités, extérieures à la province415 ; ou bien encore la lettre de Septime Sévère et Caracalla aux habitants de Tyras en Mésie, qui confirmait leur ancien droit d’ajouter des étrangers au nombre de leurs citoyens, tout en soumettant à une autorisation du gouverneur le droit d’étendre leurs immunités fiscales à ces nouveaux inscrits416. En revanche, l’adlectio d’un pérégrin dans un municipe tels que M HUMBERT, dans « Le droit latin impérial : cités latines ou citoyenneté latine ? », dans Ktema n°6, 1981, pp. 207-226, avec une mise au point historiographique et, sur le plan onomastique, M. CHRISTOL, « Le droit latin en Narbonnaise. », Ecole antique de Nîmes, Bulletin, 1989, pp. 87-100 ; J. GONZALEZ, « El ius Latii y a la lex Irnitana », Athenaeum, 65, 1987, pp. 317-322. 413 Sur la répartition des municipes et colonies dans l’Empire, et leur concentration dans les provinces romanisées d’Occident, F. JACQUES, dans Rome et l’intégration de l’Empire, p. 230. 414 En revanche, avant le processus de municipalisation, la question se pose de savoir si un Romain peut perdre sa citoyenneté en devenant citoyen d’une autre cité, sans une autorisation de l’Etat romain : voir le débat entre Mommsen et DE RUGGIERO, dans Santo Mazzarino, La Patria, pp. 42-47. 415 PLINE, ep. 10, 114, 1 : adscribere sibi quos vellent cives. 416 CIL, III, 781; FIRA I, n° 86: adsumere in numerum civium. J. L. FERRARY, “La lex Antonia de Termessibus” Athenaeum 73, 1985, pp. 419-457.

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romain ou latin n’allait certainement pas de soi. Nous n’avons pratiquement pas d’exemple, car la quasi-totalité des adlecti attestés en Occident sont déjà citoyens romains d’origine. Le seul exemple que nous ayons est celui de L. Aemilius Rectus, inscrit citoyen dans plusieurs cités, dont Carthago Nova, où il prend la tribu Quirina417. Un autre exemple nous est donné ; celui de Q. Pomponius Saturninus issu d’un municipe ou d’une colonie inconnue pour nous. On peut citer d’assez nombreux exemples épigraphiques en Afrique418. Un texte de FRONTIN rappelle que certaines colonies avaient reçu, soit au moment de leur fondation, soit même par une concession impériale postérieure, le privilège de conférer leurs magistratures à des incolae nés d’un autre territoire, alienigenae419 : privilège particulier, donc, et qui suppose celui de faire accéder à la citoyenneté420. Un beneficium imperatoris était donc indispensable dans la mesure où les résidents ainsi promus étant pérégrins, l’accès à ces honneurs les faisait changer de status civitatis. Dans les cités dont les citoyens, les magistrats ou les décurions relevaient de la citoyenneté romaine commune, l’adlectio d’un pérégrin ne résultait assurément pas d’une décision purement locale421. Cette procédure est explicitement attestée par les inscriptions d’époque impériale. En effet, dans nos provinces, le transfert de certains notables romains de la cité de Thugga dans la colonie latine de Carthage, rattachée à l’Arnensis, s’accompagna probablement d’une intervention impériale comme le confirme Frontin422. Changer d’appartenance locale et de tribu semble avoir requis, pendant les deux premiers siècles de l’Empire, une médiation du pouvoir central, ce qui constituait une aubaine pour les habitants des cités 417

CIL,II, 3423-3424. MOMMSEN (Th.), Röm. Staatsrecht III, p. 787 et 803, pensait que, par suite du caractère exclusif se l’origo, le droit d’adlectio était restreint aux individus dépourvus d’une patrie locale, et pour lesquels Rome tenait lieu de patrie supplétive. 418 CIL, VIII, 20 682 = ILS 6875 : Imp(eratori). Caesari….Antonino Aug(usto) Pio ….Q. Pomponius Saturninus T. Pomponius Suavis, ob beneficium quo in civium numerum Saldensium decreto ordinis adsciti sunt. 419 FRONTIN, De contr. agr., p. 52. LACHMANNU. Laffi comprend ce terme comme appartenant à une autre communauté que celle de leur résidence (Adtributio e contributio, op. cit., p. 199). Cette acceptation n’est cependant qu’un corollaire du sens premier, « né d’un autre peuple » : cf. ISID., Or. X, 15 : alienigena, quod alienae regionis sit, et non eius, ubi est. Item alienigena, qui ex alia gente genitus est, et non ex ea, ubi est. Frontin envisage donc tous les incolae, aussi bien autochtones non citoyens que résidents nés en dehors de la cité : etiam si essent alienigenae. 420 Il s’agit bien de magistratures, lesquelles font accéder à la citoyenneté dans les colonies latines, et la supposent dans les colonies romaines. 421 Cette incorporation faisait en même temps accéder au statut de la communis patria. Une telle initiative était d’autant moins abandonnée aux cités que les citoyens romains eux-mêmes avaient besoin d’un beneficium impérial pour changer d’attache locale et s’intégrer à une nouvelle entité avec transfert de tribu. 422 JACQUES (F.), Le privilège de liberté, p. 659.

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d’Afrique romaine, dans leur quête à la civitas romana. Mais qu’en est-il de la citoyenneté au niveau local ? Existerait-il une citoyenneté locale attribuée par les municipes ? B2. L’existence d’une citoyenneté locale en Afrique romaine. Considéré dans son ensemble, et avec l’esprit de cohérence qui convient à l’analyse des institutions juridiques, le dossier de l’adlectio dans les communautés de droit romain ou latin, en Afrique romaine, semble déboucher sur une conclusion assez claire : les municipes et les colonies n’offrent pas de voie d’accès « décentralisée » à la citoyenneté romaine. C’est en bloc et une fois pour toutes qu’elles sont intégrées dans la civitas Romana. Après cette promotion accordée par les empereurs, il ne leur revient pas de dispenser à leur tour un privilège dont elles ne sont pas une source autonome. Il est par ailleurs significatif que les juristes ne citent pas l’adlectio parmi les voies d’acquisition de la citoyenneté municipale. Ulpien ne reconnaissait, pour rendre un individu municeps423, que la naissance, l’affranchissement et l’adoption424. En outre, il est impossible d’imaginer pour notre entendement bien sûr, que les municipes aient disposé du libre pouvoir d’adlectio après la guerre sociale, mais qu’en est-il sous le Haut-Empire ? Sous cette période il est encore plus difficile d’admettre, a fortiori, qu’une simple immigration prolongée ait pu valoir comme source de la citoyenneté municipale425. Il n’y a dès lors plus qu’une manière de comprendre la catégorie des municipes qui, selon Aelius Gallus, proviennent d’un aliud genus hominum. Le texte ne se réfère pas à l’adlectio, mais aux naturalisations collectives vues dans leurs effets individuels. Il vise les octrois de citoyenneté en bloc, tout en considérant les effets de cette promotion du point de vue de chaque citoyen en particulier : qui munus functus est. C’est ce qu’AULU-GELLE, dans un contexte où les municipes sont créés comme entités et sont distingués des colonies, également fondées collectivement, appelle précisément « veniunt extrinsecus in civitatem »426. 423

HUMBERT (M.), Municipium et civitas sine suffragio, p. 6. THOMAS (Y.), « Origine » et « Commune patrie ». Etude de droit public romain (89 av. J.-C. – 212 av. J.-C.), pp. 98-99 425 HUMBERT (M.), op. cit., p.7. 426 AULU-GELLE, op. cit., XVI,13, 8 : « Entrer dans la citoyenneté depuis l’extérieur ». AELIUS GALLUS se place du point de vue de chaque citoyen en particulier. Sa pensée est extrêmement claire : après la naissance et l’affranchissement, la promotion d’une cité d’un statut à l’autre (ex alio genere) est bien, pour chacun des membres de cette cité, la cause de son état de municeps. L’on devient municeps soit selon la voie ordinaire, par la naissance et l’affranchissement, soit selon la voie extraordinaire, lorsque Rome élève une communauté 424

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Avec l’incorporation de communautés latines et italiques, l’accès à la citoyenneté romaine ne fut plus normalement régulé, à l’intérieur de chaque cité, que par la naissance et l’affranchissement. Les municipes perpétuaient leur corps civique selon les deux modes juridiques traditionnels du droit civil romain. Un pérégrin ne devenait pas Romain par adlection, mais par une concession viritane ou par la promotion de sa cité au statut de municipe ou de colonie. De ce système mis en place après la guerre sociale, il nous reste quelques vestiges institutionnels, à partir desquels on peut tenter de le reconstruire. L’adlection per beneficium principis en est un. La définition canonique du municeps, telle que nous la lisons dans des termes à peu près équivalents chez AELIUS GALLUS et ULPIEN, en est une autre. Cette définition ne peut pas avoir changé qu’après l’édit de Caracalla, en 212. Une constitution de Dioclétien mentionne pour la première fois l’adlectio parmi les sources de la citoyenneté locale, à côté des autres modes ut supra dixi : cives quidem origo manumissio adlectio adoptio (faciunt). Certains commentateurs ont pensé que cette présence de l’adlectio parmi les sources remontait à Hadrien, dont un édit est effectivement mentionné aussitôt après le passage qui précède : incolae vero, sicut et divus Hadranus edicto suo manifestissime declaravit, domicilium facit427. Le sens de l’ensemble est pourtant obvie : « c’est l’origine, l’affranchissement, l’adlection, l’adoption, qui font les citoyens d’une cité ; quant aux incolae, comme le divin Hadrien l’a très clairement déclaré dans son édit, c’est le domicile qui les fait »428. L’édit d’Hadrien n’envisageait que les incolae : nous connaissons d’autres interventions d’Hadrien sur ce même sujet429. Dioclétien est seul à s’intéresser ici aux cives, et c’est à lui qu’il faut attribuer l’adjonction de l’adlectio aux sources traditionnelles de la citoyenneté locale430. Avant 212, une telle ouverture était impossible ou étroitement contrôlée. Après cette date il n’y a plus d’obstacle à l’admettre. En outre, l’édit de 212 se limitait aux citoyens libres de l’empire, mais qu’en était-il des non libres qui aspiraient à un tel prestige ? C’est à ce niveau qu’intervient probablement Dioclétien. Cette interrogation trouve sa solution dans ce que nous avons qualifié comme une des conséquences probables de l’édit de Caracalla comme incidence possible de la « crise du IIIe siècle » en Afrique romaine.

pérégrine ou latine au rang de cité de droit romain. 427 Code Justinien, 10, 40, 2. 428 Ibidem. 429 Dig., 50, 1. 430 THOMAS (Y.), op. cit., pp. 100-102.

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C. L’« ADLECTIO » ET LA FORMATION DES ELITES EN AFRIQUE DU NORD.

Les élites regroupent les personnes qui, par leur valeur propre, occupent le premier rang . Pour les spécialistes de l’histoire contemporaine, il s’agit de ceux qui, dans un secteur donné, exercent un pouvoir réel ou reconnu tel par la majorité du corps social. Peut-on appliquer ces termes à l’Afrique romaine ? Les empereurs ont-ils favorisé l’émergence d’une élite africaine ? Si oui dans quelles conditions se fit la sélection et pour quels objectifs ? Dans un colloque sur Les élites et leurs facettes (2003)431, F. PREVOT fait une distinction importante. En effet, il ne suffit pas d’appartenir à une élite, mais il faut manifester cette appartenance, par le cumul des magistratures ou des titres, par des actes d’évergétisme, voire par le rappel de générations d’honneur ou d’évergésies. Dans chaque cité, les notables municipaux, membres de l’ordo decurionum, constituent l’élite locale ; cet ordre devint pratiquement héréditaire ou dynastique, comme le confirme l’article de T. KOTULA sur les fils de décurions432 ; il faudra ajouter à cette catégorie, les sénateurs et chevaliers africains. Le fils de sénateur ; dès son plus jeune âge, est reconnu comme membre de l’ordo ; on garde le titre de clarissimus puer ou iuvenis jusqu’à la prise de la toge virile433. Un certain Lucius Ouinius Cerericus Proculus Modianus Afrikanus fait une inscription à la mémoire de son petit-fils clarissime434. Nous avons 431

PREVOT (F.), VOISIN (J.-L.), L’Afrique romaine (69-439), Atlande, 2006, p.180. Lire aussi HUGONIOT (Ch.), « Decuriones splendidissimae coloniae Karthaginis : les décurions de Carthage au IIIe siècle », dans QUET (M. H.), La « crise » de l’Empire romain de Marc Aurèle à Constantin, Paris, PUPS, 2006, pp. 385-497. 432 KOTULA (T.), « Les fils de décurions : pépinières des élites municipales », dans KOTULA (T.) et LADORMIRSKI (A.), Les élites provinciales sous le Haut-Empire romain (Antiquitas, 22), Wroclaw, 1997, pp. 35-43. L’auteur s’appuie sur des sources africaines du IVème siècle, et une inscription de Sala, du IIème siècle, évoquant un décurion de cinq ans : ces documents révèlent une politique dynastique à l’échelle municipal par la pratique de l’adlectio des enfants de l’ordo municipal. Les jeunes praetextati étaient inscrits au bas de l’album sénatorial, avant que l’hérédité du décurionat ne devienne de plein droit, au BasEmpire, définissant ainsi une élite officielle, l’un des phénomènes sociaux les plus typiques de l’époque tardive. 433 A Rome, un bébé âgé de quarante-cinq jours est ainsi qualifié clarissime. Le fils ou petitfils de sénateur qui porte la toge virile et le laticlavius, homme nouveau admis dans l’ordre sans avoir géré de magistrature, portent le titre de clarissimus iuvenis. Un exemple est frappant : Lucius Ragonius Tuscenius Quitianus est explicite : c(larissimus) i(uvenis) ob honorem togae virilis (CIL, V, 2089), « jeune homme clarissime par la prise de la toge virile ». 434 Rome, CIL, VI, 1479, ad memoriam L(ucii) Ouini(i) Afrikani, c(larissimae) m(emoriae) p(ueri).

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aussi pu identifier des clarissima, des épouses et filles de sénateurs, mais sans entrer dans le détail, nous pouvons dire qu’elles avaient leur importance vu les dédicaces trouvées dans les inscriptions. En effet, un groupe de statues élevées à Cuicul (Numidie) en 176-177 en l’honneur de la famille du légat propréteur d’Auguste, Aulus Iulius Pompilius Piso Laeuillus435. La richesse joue un rôle important dans l’affirmation de son élitisme. Mai il ne suffit pas d’être riche et décurion pour faire partie de l’élite. Il faut aussi montrer que le rang qu’on occupe est dû à l’indulgentia436 impériale.Trois ordres d’importance nous permettrons de cerner la question des élites. Aussi, nous verrons, d’abord les élites municipales, ensuite, l’ascension d’Africains dans l’ordre équestre, et enfin nous montrerons que la promotion des Africains dans l’ordre sénatorial a été tardive. C1. Les élites municipales. Nous avions dit plus haut que les signes les plus visibles de l’appartenance à l’élite restent, d’une part l’évergétisme et, d’autre part, le fait de marquer sa reconnaissance à la bienveillance des empereurs. En effet, le comportement évergétique reste, comme le dit F. JACQUES, « l’apanage d’une élite parmi les notables : il ne concerne qu’un petit nombre de personnes à chaque génération et un petit nombre d’actes »437. Les documents épigraphiques, d’une grande abondance en Afrique, ont permis d’analyser la composition de ces élites civiques qui sont hétérogènes 435

AE, 1911, n°103 et AE, 1916, n° 30-31. Le titre a même évolué, et on pouvait lire sur les épitaphes l’expression consularis femina pour l’épouse d’un consul ou d’un ancien consul : Thuburbo Minus, Proconsulaire, ILAfr, 414 : Aeliae Celsinillae, / consulari feminae, / patronae perpetuae, / matri Celsiniani, con/sularis viri, curatoris / sui, universus ordo splen/didissimae col(oniae) (Octavanorum) / Thub/urbitanorum. « A Aelia Celsinilla, femme consulaire, patronne perpétuelle, mère de Celsinianus, consulaire, curateur de la cité, l’ordre de la colonie très splendide de Thuburbo issue de vétérans de la huitième légion ». Si le titre de consularis femina est abandonné dans le courant du IIIème siècle, ceux de clarissima femina et de clarissima puella continuent d’être portés aux IIIe et IVe siècle. 436 La formule ex indulgentia indique un « privilège spécial accordé par l’empereur (voir BABELON Les monnaies de Septime Sévère, de Caracalla et de Géta relatives à l’Afrique (Rivista italiana di numismatica, 1903, fasc. II, p. 13 du tirage à part), ou à ses représentants ; l’indulgentia des princes célébrée dès le IIe siècle, mais surtout depuis les Sévères (voir Hülsen, Römische Mittheilungen, 1901, pp. 95-96. Voir aussi CIL, VIII, 51 : Annio Rufino, qui Thysdrum ex indulgentia principis curat ; L. POINSSOT, Les inscriptions de Thugga, n°103 : ex indulgentia [domini nostri ?] sanctissimi i[mperatoris ?] ; CIL, VIII, 4205 et 18495 : ex cujus (divi Antonini) indulgentia aqua vico Augustum Verecundensium perducta est. 437 Volontariat et compétition dans les carrières municipales durant le Haut-Empire, Ktèma, 6, 1981, pp. 261-270. Id., Ampliatio et mora : évergètes récalcitrants d’Afrique romaine, AntAfr., 9, pp. 159-180.

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puisqu’elles comprennent, surtout dans les cités les plus riches, des sénateurs et des chevaliers aux côtés de simples notables : ces derniers sont issus de milieux modestes enrichis par la prospérité générale, comme le cas du fameux moissonneur de Mactar438, ou bien de familles anciennement puissantes ; tous ont bénéficié de l’octroi de la citoyenneté romaine qui permit de belles promotions. Les curateurs que nous voyons plus loin dans notre étude, se recrutent, à partir du IIIème siècle dans ces élites439. Ainsi à Thugga, F. JACQUES a recensé 105 notables440, tels ceux qui n’apparaissent que comme curateurs d’un monument, mais seulement 46 évergètes441, soit une dizaine de personnes au plus à chaque génération, comme par exemple les Gabinii, les Laedii et les Pompei sous Hadrien, qui offrent respectivement le temple de la Concorde, Frugifer, Liber Pater et Neptune. On peut également placer parmi les signes d’appartenance à l’élite toutes les manifestations de rayonnement hors du cadre municipal d’origine, comme le fait de gérer des honneurs dans plusieurs cités, d’être élu prêtre provincial du culte impérial ou encore d’exercer un ou plusieurs patronages. Un exemple extrême est offert par P. Iulius Liberalis442 de Timgad qui est à la fois flamine perpétuel dans sa patrie et à Thysdrus, sacerdotalis de la province d’Afrique, patron de Verecunda en Numidie, et en outre honoré à Cuicul, même si ces cas sont rares. Dans l’ensemble, l’élite municipale est assez réduite. Parmi elle, quelques individus sont intégrés dans l’ordre tels que les Gabinii. Alors comment se caractérise l’ascension des Africains dans l’ordre équestre ? C1.a. L’ascension des Africains dans l’ordre équestre. L’ordre équestre représente le second ordre de l’Etat après l’ordre sénatorial. Pour obtenir son brevet de chevalier et être inscrit par l’empereur sur l’album équestre, il faut être un citoyen honorable et posséder un cens d’au moins 400 000 sesterces. La question qu’on se pose est celle de savoir 438

CIL, VIII, 11824. Les habitants des cités vont prospérer grâce à l’agriculture. Après 212 l’idéal civique n’était pas mort et la pleine citoyenneté de tous les habitants de l’Empire depuis 212 n’avait pas suffi à le satisfaire. Les cités continuèrent à réclamer une promotion municipale (entre 212 et 268, dix d’entre elles obtinrent le statut de colonie et seize autres celui de municipe cf. GASCOU 1982, pp. 310-312). 439 CHASTAGNOL (A.), L’album municipal de Timgad, Bonn, 1978 ; CIL, VIII, 17896. 440 Humbles et notables : la place des humiliores dans les collèges de jeunes et leur rôle dans la révolte africaine de 238, AntAfr., 15, 2, pp. 217-230. 441 Ibidem. 442 GASCOU (J.), « P. Iulius Liberalis sacerdotalis provinciae Africae et la date du statut municipal de Thysdrus », AntAfr., 14, 1979, pp. 189-196.

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si les empereurs ont promu des Africains dans cet ordre, et quelles en étaient les raisons ? Les chevaliers bénéficient d’un certain nombre de privilèges : le port de l’anneau d’or et de la tunique à bande pourpre étroite (augusticlave) ainsi que les places réservées au théâtre. La dignité équestre est personnelle, mais elle rejaillit sur l’ensemble de la famille et un fils de chevalier a toute chance de le devenir lui-même. Second ordre de l’Etat ; les chevaliers sont issus des élites municipales, inscrits sur l’album par l’empereur, ils se divisaient en deux catégories. La première était formée des notables qui ne faisaient pas de carrière au service de l’empereur après leur promotion. Pour eux, l’inscription dans l’album signifiait le terme de l’ascension sociale, la reconnaissance de leur dignité dans la hiérarchie sociale importée par Rome, comme le montrent les érections de statues et les hommages épigraphiques en leur honneur443. Un certain nombre d’entre eux avaient été inscrits au préalable dans les décuries de juge (adlecti in quinque decurias)444, réservées aux citoyens fortunés qui jouissaient d’une fortune d’au moins 200 000 sesterces445. La seconde catégorie est constituée par ceux qui entreprirent effectivement une carrière équestre comme officiers et/ou procurateurs. Nous en avons un exemple avec T. Flavius Macer, d’Ammaedara446. Il fut pro(curatori) Aug(usti) praediorum saltu(u)m [Hip]ponensis et Thevestini, et même proc(uratori) Aug(usti) provinciae Siciliae447. Ce notable d’Ammaedara, utilisé par l’autorité impériale dans des activités qui se déroulaient à proximité de sa cité448, passa définitivement dans 443

LEFEBVRE (S.), Donner, recevoir: les chevaliers dans les hommages publics, L’ordre équestre: histoire d’une aristocratie, Rome, CEFR, 257, 1999, pp. 513-578. 444 La décision impériale de coopter un provincial dans les cinq décuries du jury pouvait survenir à tout moment de la carrière municipale et se transforma, très vite, en un simple titre honorifique qui permettait aux notables de veiller sur leurs propres intérêts locaux à partir d’une position de grand prestige, sans pour autant devoir se déplacer à Rome. 445 BRIAND-PONSART (Cl.), HUGONIOT (Ch.), op.cit., pp. 439-440. IRT, 312; PFLAUM, 1968. 446 CHRISTOL (M.), “ Du notable à l’administrateur impérial, la carrière de T. Flavius Macer : aspects de la vie institutionnelle de la province d’Afrique au début du IIe siècle après J.-C. », dans Splendidissima civitas, Etudes d’Histoire romaine en hommage à François Jacques, Paris, 1996, pp. 27-37. L’auteur y étudie la carrière de ce personnage entré dans l’ordre équestre sous Trajan, connue par deux inscriptions d’Annaba (Hippo Regius) et de Guelma (Calama). 447 CIL, VIII, 535 (ILS, 1435) = ILAlg., I, 285 : …procurateur de l’empereur pour les domaines des ensembles fonciers d’Hippone et de Théveste, procurateur pour la province de Sicile… 448 On sait que sous Trajan eurent lieu de multiples opérations de délimitations de terres, impliquant la tribu des Musulames : M. BENABOU, 2005, pp. 432-433, pp. 437-438 ; LASSERE (J.-M.), « Le recrutement romain et les Musulames », L’armée et les affaires

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l’administration impériale lorsqu’il reçut la mission de procéder à des achats de blé. Notre personnage entra dans la carrière administrative à la fin du règne de Trajan, puisqu’il fut curator frumenti comparandi in annona Urbis factus a divo Nerva Traian (Augusto), et de situer la mutation en Sicile sous Hadrien449. On constate néanmoins que leur nombre resta négligeable jusqu’aux Flaviens la part de l’Italie restant alors très largement prépondérante, et le mouvement commença avec cette dynastie, se poursuivit de Trajan à Antonin Le Pieux. Ce nombre atteignit son apogée avec les Sévères, époque pendant laquelle ils représentaient environ la moitié des effectifs des provinces occidentales450 On recense au moins 296 chevaliers originaires d’Afrique, dont 254 ont été étudiés par DUNCAN-JONES en 1967451. On constate que les rares chevaliers africains attestés au Ier siècle sont tous originaires de colonies ou municipes romains et probablement en majorité descendants de colons italiens, mais pas en totalité puisque parmi eux figurent Q. Caecilius Ibzatha de Volubilis452. D’autres chevaliers d’origine africaine ont occupé des postes de responsabilité, comme procurateur notamment, à l’instar de T. Flavius Macer ; il s’agit, parmi tant d’autres, de : M. Claudius Restitutus453, Ti(berius) Claudius Proculus Cornelianus454, D(ecimus) Clodius Galba455 militaires, pp. 299-311. BENZINA BEN ABDALLAH (Z.), « Du côté d’Ammaedara (Haïdra) : Musulamii et Musunii Regiani », AntAfr., 28, 1992, pp. 139-145. L’auteur affirme que ces chefs, praefecti ou princeps, recevaient des autorités romaines des insignes proches de ceux que l’on accordait aux magistrats romains : attestés dès la fin de la République pour les rois africains et au Bas-Empire pour les praefecti et les principes gentium de l’empire. 449 H.-G. PFLAUM pense que la création du poste procuratorien d’Hippone et de Théveste remonte au principat de Trajan, estime que T(itus) Flavius Macer a dû sa nomination à Hadrien (PFLAUM (H.-G.), 1960, p. 230.) 450 DEVIVJER (H.), Equestrian officers from North Africa, L’Africa romana, 1991, pp. 127131. L’auteur estimait que la progression des chevaliers africains fut lente. Ce point de vue, à joindre avec celui de M. G. JARRET, modéré sur le nombre de chevaliers sous Hadrien ; paraît raisonnable. 451 The Economy of the Roman Empire, Cambridge, 1974. 452 IAM, II, 553. 453 CIL, VIII, 7039 ; ILS, 1437 ; ILAlg., II, 665 : proc(urator) dioeceseos (regionis Hadrumetinae) et Thevestinae . 454 AE, 1956, n°123; Article initialement publié dans L’Africa romana. Atti del VII convegno di studio, Sassari, 15-17 dicembre 1989, a cura di Attilio Mastino, Sassari, 1990, II, pp. 893904, article repris par M. CHRISTOL, dans Regards sur l’Afrique romaine, Paris, Editions Errance, 2005, pp. 111-115 : proc(urator) regionis Thevestinae. Notre personnage est en plus procuratori IIII publicorum Africae vers 170 de notre ère. La base de Ti(berius). Claudius Proculus Cornelianus apportait le cursus d’un serviteur du prince, membre de l’ordre équestre. 455 IRT, 395 et 424 : proc(urator) reg(ionis) Thevestinae et Hipponensis ; proc(urator) Thevestinae et Hipponensis. Le cursus de Decimus Clodius Galba, sous Septime Sévère, rappelle bien, non seulement que la configuration double de cette circonscription demeurait en mémoire, mais encore qu’elle constituait une caractéristique essentielle de sa structure.

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(sous Septime Sévère), et L(ucius) Iulius Victor Modianus456. Les chevaliers africains deviennent plus nombreux au IIème siècle, surtout à partir d’Hadrien. Le mouvement se continue sous les Sévères mais sans accélération particulière : certains Africains accèdent aux postes importants sous cette dynastie, mais ils avaient commencé leur carrière plus tôt. A l’origine de leur promotion, la gestion des affaires municipales, marquée par des évergésies ostentatoires, est la principale voie d’accès à l’ordre équestre : soit pour celui qui a exercé les responsabilités, soit pour ses enfants. Certes, cela ne suffit pas : il faut aussi avoir des appuis, mais c’est un préalable très fréquent. Une inscription de Madaure fait allusion à une enquête menée avec l’inscription de M. Cornelius Fronto Gabinianus sur l’album équestre457. Pour être sûr que la promotion est bien la récompense d’une brillante carrière municipale, il faut disposer de plusieurs inscriptions concernant le même homme et dont les plus anciennes ne mentionnent que des magistratures ou des sacerdoces locaux. On voit alors que les bénéficiaires se sont distingués par leur évergétisme. C’est le cas par exemple pour L. Manlius Modestus Quietanus, flamine perpétuel et duumvir honoraire de Curubis en Proconsulaire, qui a offert un théâtre à sa patrie avant d’être gratifié du cheval public458. Le cas de T. Flavius Macer d’Ammaedara est différent car on ne lui connaît pas d’évergésie mais il a su se rendre indispensable : duumvir et flamine perpétuel, il est devenu préfet de la tribu (gens) des Musulames, établie près d’Ammaedara, puis chargé par Trajan des achats de blé pour le ravitaillement de la Ville, certainement dans le nord-ouest de la Numidie, où il est honoré par deux inscriptions à Hippo Regius et Calama. Il devient même le premier procurateur équestre459 des domaines impériaux des régions d’Hippone et de Théveste avant de devenir procurateur d’Auguste en Sicile460. A Sufes, P. Magnius Amandus, flamine perpétuel, s’est distingué en augmentant la somme honoraire du duumvirat quinquennal pour que, avec les intérêts du capital, on fasse des distributions aux décurions à l’anniversaire de la naissance d’Hercule, génie de la patrie : ce n’est pas lui qui accède à l’ordre équestre mais son fils Q. Magnius Maximus Flavianus461. A Thubursicu Numidarum, G. Artorius Tertullus, fils d’un vétéran, est déjà chevalier à 14 ans, alors que l’âge légal est de 17 456

ILAlg., II, 668 : proc(urator) Auggg(ustorum) nnn(ostrorum) per Numidian v(ice) a(gens) proc(uratoris) tractus Thevestini. 457 ILAlg., 1, 2145. 458 ILS 9407. 459 ROMAN (Y.), Empereurs et sénateurs. Une histoire politique de l’Empire romain, Fayard, 2001. 460 CIL, VIII, 5351 = ILAlg., I, 285. 461 CIL, VIII, 11430.

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ans462. L’empereur lui-même pouvait inscrire certains notables dans les décuries de juges. En effet, certains notables sont d’abord inscrits par l’empereur dans les deux dernières décuries de juges, avant d’être éventuellement agrégés à l’ordre équestre. Ce fut la cas de Plautien463 Les cinq décuries de juges (tous âgés de plus de 30 ans) constituent les jurys permanents chargés de juger les affaires criminelles à Rome : les membres des trois premières sont chevaliers, ceux des deux dernières sont recrutés parmi les personnes honorables disposant d’un cens minimum de 200 000 sesterces. Ainsi, à Thugga, […]us Gabinianus Octavius Festus Sufetianus est d’abord inscrit dans les cinq décuries464 avant d’être fait chevalier par Commode465. Une autre voie d’accès au second ordre de l’Etat est représentée par l’armée, mais cette voie est moins utilisée en Afrique que dans d’autres régions de l’Empire. On peut cependant citer en Afrique P. Aelius Primianus d’Auzia, ancien décurion d’une aile de cavalerie, qui s’éleva dans la hiérarchie militaire jusqu’au primipilat avant de devenir chevalier466. D’autres promus sont d’anciens centurions, tel Q. Iulius Aquila de Sicca467. La majorité des chevaliers connus sont originaires de Proconsulaire et de Numidie. M. G. JARRETT en a recensé 162 à l’époque des Antonins, et les Africains représentent 1/8e des procurateurs, pour la plupart originaires de Proconsulaire et de Cirtéenne468. D’une manière générale, il est plus difficile de devenir chevalier quand on est issu d’une petite cité, surtout s’il s’agit d’une cité à l’origine pérégrine. Dans ce cas, l’idéal est de réussir à gérer un honneur à Carthage. C’est le cas par exemple de quelques notables de Thugga avant la fusion de la civitas et du pagus ; en Numidie, c’est Cirta qui joue le rôle pour les petites cités des environs : être issu d’une colonie est certainement un atout : ainsi on connaît au moins 15 chevaliers originaires de Cuicul, une cité pourtant très moyenne. 462

ILAlg., I, 1336. CHRISTOL (M.), « L’épigraphie de Thugga et la carrière de Plautien », dans Khanoussi et Maurin, éd., Dougga (Thugga). Etude épigraphiques, pp. 127-140. 464 CIL, VIII, 26624. 465 CIL, VIII, 26598. 466 CIL, VIII, 9002; M. G. JARRETT, “Non legionary Troops in Roman Britain. Part One, The units”, Britannia, 25, 1994, pp. 35-77. 467 CIL, VIII, 15872. Khanoussi (M.), « Une nouvelle famille équestre de Sicca Veneria (El Kef) en Afrique Proconsulaire », L’Africa romana, 13, 1998, pp. 2357-2366. 468 JARRETT (M.G.), « An Album of the Equestrians from North Africa in the Emperor’s Service », Epigraphische Studien, 9, 1972, pp. 146-232. LEFEBVRE (S.), “Donner, recevoir: les chevaliers dans les hommages publics d’Afrique”, dans L’ordre équestre. Histoire d’une aristocratie (IIe s.av. J.-C. – IIIe ap. J.-C.), éd. Demougin (S.), Devijver (H.) et RaepsaetCharlier (M.-Th.), CEFR 257, Rome-Paris, 1999, pp. 513-578; les chevaliers sont surtout présents par leur rôle dans la vie municipale. 463

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Nous avons jugé utile de faire un tableau, montrant les chevaliers sous certains empereurs et dans quelques provinces. Nous avons choisi de ne mettre que les Africains ayant rempli des fonctions en Afrique où à Rome sur ordre d’un empereur, et originaires d’Afrique romaine, pour ne pas sortir de notre champ géographique d’étude469 :

469

Tableaux créés à partir de la PME (Prosopographia Militiarum Equestrium quae fuerunt ab Augusto ad Gallienum), IV, Supplement I, 1987. Numbers 57, 93, 103, 109, 154; PME, V, Supplementum II, 1993.

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Promu

Fonction

Année ou règne Références d’empereur

C.Septimius Aper

Consul et sénateur

153 et170

C.Sestius Panthera

Procurateur

Hadrien

ILAlg. I, 3991

L.Flavius Honoratus Lucilianus L.Volusius Bassus Cerealis

Sénateur de Cuicul

Vers 223

PME, IV

Sénateur

IIIème siècle

IRT, 543

M.Antonius Navillus

Procurateur de Volubilis

Dioclétien

IAM, II, 417

Q.Anicius Faustus

Consul

198

Epigrafia e ordine senatorio II, Tituli 5, Rome 1982, pp. 685781 PME, IV

Q.Aradius Consul à Bulla Regia Rufinus Optatus Aelianus Q.Aurelius Consulex Pactumeius Africa primus Fronto Q.Lollius Urbicus

Préfecture de Rome

Vers 228 Antonin le Pieux

150 de notre ère

T.Claudius Proculus Cornelianus

166-167 Procurateur de Théveste Procurator quattuor publicorum Africae T.Flavius Macer Procurateur à Hippone Trajan et Théveste Vettius Latro

Gouverneur Césarienne

de

la 128

114

PME, IV

ILS, 1001

CIL 8, 6705 ; ILAlg., II, 3563 CIL 8, 14454

PME, IV PME, IV

Nous avons pris soin d’ajouter la liste des chevaliers originaires d’Afrique Proconsulaire, et elle se présente comme suit :

Empereur cité

et Fonction

Nom du promu

Références

Flam divi Aug., Cons.Maur. sac(erdos) Caes. Cer(erum), equo publico et in quinq. Dec(urias) adl(ectus), praef. Fabri. Flam.perp., praef. Numidie Fabri., scribia q.

Filius adoptivus ? M. Vettius Latro

PME II, V 76

Ti(tus)Claudius Hispanus

PME I, C 145

Sous Hadrien Acholla

(diplôme militaire)

praef.alae. Maur. Ting

M.Sempronius Liberalis

PME II, S 22

Sous Antonin le Pieux Simitthus Sous Septime Sévère Domo Circina (insula Africae) Sous Gordien III Sufetula

(diplôme militaire)

Maurétanie Tingitane

L. Pompeius Seni[or] PME II, P 70

Eq(uiti) R(omano) Maurétanie a censibus Tingitane

Tib(erius) Antistius PME I, A 127 Marcianus

Sous Trajan Thuburbo Maius

Madaure

Eq(ues) R(omanus)

Province

Trib. n(umeri) M.Valgius (Numidie) Aemilianus

PME II, V 45

En Maurétanie Césarienne, la liste est moins longue : Sous Philippe l’Arabe (250) Auzia

Exdec(urione) al(ae) Maurétanie Thrac(um) ; eq(ues) Césarienne R(omanus) dec(urio) IIIcol(oniarum) Auz(iensis) et Rusg(uniensis et Equiz(etensis).

P.Aelius Primianus

PME I, A 53

Auzia (260)

EquesRomanus ; Maurétanie militiaepetitor – Césarienne dec(urio) duarum

Q.Gargilius Martialis, vet(eranus),

PME I, G 4

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col(oniarum) Auziensis Et Rusguniensis, patr(onus) prov(inciae)

fl(amen) p(er)p(etuus), col(oniae) pat(ronus), curator et dispunctor rei p(ublicae)

En Maurétanie Tingitane, nous n’avons trouvé que deux exemples : Sous Antonin Decurio le Pieux municipi(i) Volubilis sui ;equo publico exornatus a divo Pio

Numidie

M. Pompeius Antonianus Manlianus et L.Pompeius Manlianus, filii

PME II, P 70

En Numidie, nous avons quelques exemples sous Septime Sévère, mais la liste est moins exhaustive au début des Antonins : Sous Antonin le Pieux Cirta / Cuicul

Praef.Iuventutis Cirt(ensis), fl. pp. quattuor coloniarum Cirt. et Cuicul(is) Sous Marc Aurèle / Equo public(o) Commode exor(natus); proc. C Thamugadi (Karthago) (175-183) Sous Praef coh VI Septime Sévère Batna Lambèse Praef equitum; primo duumviro municipii Lambaesis Lambèse ?

Maurétanie Césarienne

PME I, I 51

Maurétanie C.Annius Césarienne; Flavianus Carthage

PME I,A 120

Maurétanie Césarienne; Numidie Numidie

Q.Aelius Rufinus Polianus Sextus Vertblasius Victor Furius Rusticus

PME I,A 56 PME II,V 73 PME I,F 98

Ti.Cl(audius). Subatianus Proculus M.Plotius Faustus

PME I,C 187 PME II,P

Numidie

Cuicul

Leg Augg pr pr prov Numidie splend

Sous Caracalla Thamugadi

Eq(ues R(omanus) – Maurétanie fl(amen)pp Tingitane

116

C.Iulius Crescens

47

sacerd(os) urbis Sous Heliogabal Cuicul (220)

Proc. C (Numidia)

Numidie

Thamugadi

Fl(amen) perpetu[u] Numidie coloniae Thamug(adae)

L.Titinius Clodianus P.Aelius Silvanus

PME II,T 24 PME II,A 62

A partir de toutes ces indications, l’histogramme de la somme se présente comme suit:

5 4,5 4 3,5

Consul Eques Romanus Gouverneur Légat pro Préfet Procurateur Sénateur

3 2,5 2 1,5 1 0,5 0

Afrique Procos

Numidie

117

Consul Eques Romanus Gouverneur Légat pro Préfet Procurateur Sénateur

Afrique Procons. 4 1 0 0 1 4 3

Maur. Césarienne 0 1 1 0 0 0 0

Numidie 0 0 0 1 5 0 1

Maur.Tingitane 0 1 0 0 0 1 0

D’après les tableaux et le graphique, nous pouvons conclure que les promotions d’Africains à de hautes fonctions ne furent pas importantes. La plupart des fonctions sont des fonctions de surveillance dans les Maurétanies. L’Afrique Proconsulaire concentre le plus de fonctionnaires. Cela est probablement dû au niveau de romanisation de la province et la présence d’une élite très romanisée, alors que dans les autres provinces, il y a encore des populations qui refusent la romanité. Il y a un nombre élevé de chevaliers en Numidie, à cause de la présence de la troisième légion Auguste.Après cette caractérisation de l’ordre équestre, comment se manifeste la promotion des Africains dans l’ordre sénatorial ? C1.b. La promotion tardive des Africains dans l’ordre sénatorial. Les sénateurs constituent le premier ordre de l’Etat. Sous le HautEmpire l’ordre sénatorial comprend 600 sénateurs, leurs épouses et leurs descendants jusqu’à la troisième génération. Ses membres, qui doivent œuvrer au service de l’Empire, bénéficient de privilèges et de signes distinctifs, dont le port de la tunique laticlave, et le titre de clarissime. Nous ne reviendrons pas ici sur les critères d’entrée dans l’ordo, nous rappellerons tout de même que pour être inscrit dans l’album sénatorial deux moyens existent : la poursuite du cursus honorum, d’une part, qui commence par l’élection à la questure et, d’autre part, l’adlectio impériale, avec rang d’ancien questeur (adlectio inter quastorios), d’ancien tribun de la plèbe (adlectio inter tribunicios) ou d’ancien préteur (adlectio inter praetorios) ; c’est ce critère qui nous intéresse car il permet de jauger l’implication des prince dans la promotion des Africains. En outre, les empereurs pouvaient recruter leurs futures élites au sein des élites ou familles dirigeantes des cités. 118

C1.b1. L’ordre sénatorial : un rôle important dans la sélection des élites impériales.

Les empereurs pouvaient-ils recruter les futures élites en Afrique romaine pour servir dans l’administration centrale ? Les sénateurs constituent le premier ordre de l’Etat. Les personnes de cet ordre sont inscrites sur l’album par les empereurs. Sous le Haut-Empire l’ordre sénatorial comprend 600 sénateurs, leurs épouses et leurs descendants jusqu’à la troisième génération. Ses membres, qui doivent œuvrer au service de l’Empire, bénéficient de privilèges et de signes distinctifs, dont le port du laticlave. Les cités d’Afrique Proconsulaire et de Numidie, et dans une moindre mesure, des Maurétanies, ont joué un rôle important dans la sélection des élites impériales. Les empereurs y ont promus de nombreux Africains. En effet, le plus anciennement recensé comme originaire d’Afrique fut L(ucius) Iulius Crassus de Mustis, promu à l’époque de Tibère. G.-C Picard parle de « plusieurs milliers »470 d’equites africains dès l’époque d’Hadrien. On note avec beaucoup d’impression un changement d’échelle dans la contribution des cités africaines à la perpétuation des élites impériales. Pratiquement du IIème au IIIème siècle après J.-C., et même peu avant le règne de Trajan, on peut noter qu’il y a 85 gentilices différents chez les sénateurs de Proconsulaire pour environ 150 personnes identifiées. En Numidie, par exemple, un peu plus de 36 familles ont donné 64 magistrats romains. C’est sous Antonins le Pieux que les Africains atteignirent nombreux le consulat (13 sur 28). F. JACQUES471 a calculé que 15 % des sénateurs connus entre 161 et 180 étaient d’origine africaine et cette proportion se maintint sous Septime Sévère. Il apparaît donc que les élites des cités de la Proconsulaire se sont hissées au sommet de la hiérarchie romaine entre Hadrien et l’époque des Sévères, sans toutefois la contrôler, ni à imposer leur domination. Cette promotion des provinciaux se prolongeait sur le plan politique par le désir d’intégration de notables issus d’une terre prospère et urbanisée. On note un nombre important de familles promues par les empereurs comme les Asinii d‘Acholla, vieux comptoirs carthaginois et oppidum de statut mal connu. Althiburos, par exemple, municipe d’Hadrien engendre les Valerii472 et Avedda, patrie des Musinii473, était municipe sévérien. 470 PICARD (G.-C.), La civilisation de l’Afrique romaine, Paris, Etudes augustiniennes, rééd, 1990, p.125. 471 JACQUES (F.), Le Privilège de liberté, Rome, CEFR-76, 1984, p.98. 472 Idem. 473 Ibidem.

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En Numidie, la domination de Cirta et de la confédération cirtéenne est écrasante. Elle est symbolisée par le rhéteur Fronton, consul en 143 et précepteur de Marc Aurèle et de L(ucius) Verus474. Son influence, obtenue par les privilèges que lui accordèrent les empereurs pré-cités, favorisa assurément certains de ses compatriotes dans la course aux honneurs. Les Maurétanies, quant à elles, ne peuvent pas rivaliser avec la Proconsulaire et la Numidie, ne serait-ce qu’en raison du nombre inférieur de leurs communautés municipalisées. Notre documentation à ce sujet est relativement limitée et seules 4 cités (Sétif, Caesarea, Cartennae, Volubilis) offrent les raisons d’un vivier de sénateurs. M. LE GLAY475 mentionne environ 15 personnages appartenant à 8 gentes différentes, et qui sont pour la plupart issues des familles de chevaliers. Nous devons faire remarquer que les naturalisations furent utilisées dans le cadre de droits latins mineur et majeur, ce qui était limitatif pour les autres habitants des cités qui ne pouvaient jouir des mêmes droits ; l’Edit de Caracalla mettra un terme à cette situation, même si pour le cursus municipalis, on ne retiendra que les membres des familles influentes. La citoyenneté, acte gracieux, dépendant de l’autorité, peut rationnellement être accordée dans une mesure plus ou moins large, par exemple comprendre tout ou partie des droits civils sans les droits politiques, ainsi que cela s’est produit en Italie où les population ont été gratifiées de la civitas sine suffragio476. Normalement elle est complète. Alors elle fait acquérir à la fois les droits civils et les droits politiques : éligibilité, électorat, droit de servir dans les légions, etc. Le naturalisé est inscrit dans une tribu et 474

Ibidem. LE GLAY (M.), L’Empire romain. 31 av. J.-C. – 235 apr. J.-C., Paris, PUF, 1987, p. 45. Ces promotions illustrent bien les rapports privilégiés des empereurs avec les grandes familles africaines. Depuis la pacification d’Auguste, il y a des conditions favorables à l’émergence d’élites locales romanisées ainsi qu’un accroissement du nombre de citoyens romains jouissant de fait d’un statut privilégié sur le plan fiscal et judiciaire. Du point de vue juridique les textes ne laissent pas de doute sur le caractère indivisible du droit de cité romain qui avait donc la même efficacité partout. Il nous reste cependant impossible de dresser un inventaire exhaustif des rythmes d’expansion de la citoyenneté et de leurs répercussions sociales. Toutefois nous pouvons nous rendre compte des pratiques en Afrique romaine précisément, des gradations et de la diversification des procédures, qui insèrent la naturalisation romaine dans le processus d’étapes conduisant à l’intégration progressive des habitants des cités pérégrines ou simplement municipes. 476 Sur les conditions des diverses classes de cives sine suffragio, Th. MOMMSEN, Droit public, 6, 2, pp. 182-205. Il peut aussi y avoir concession partielle de certains droits civils sans d’autres, du commercium sans le conubium, suppose Ulpien, 19, 4 ; du conubium sans le commercium, suppose Ulpien, 5, 4, et font les diplômes militaires pour les pérégrines épousées par les soldats citoyens après leur congé (cf. Th. MOMMSEN, CIL, III, suppl., p. 2012). Mais, en pareil cas, les gratifiés restent pérégrins et les Romains ne parlent pas de naturalisation partielle. 475

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porte les trianomina, en mettant à la place ordinaire l’indication de sa tribu, en empruntant d’habitude le nom et le prénom du principal promoteur de sa naturalisation, un peu comme fait l’affranchi pour le patron, et en gardant son ancien nom comme surnom477. Il en fut ainsi jusqu’à l’Empire, et ce par les empereurs, dont les naturalisations abondantes sont attestées par les nombreux Claudii, Flavii, Aelii, Aurelii des inscriptions provinciales, et qui devinrent de plus en plus généreux de la qualité de citoyen, non seulement parce qu’elle avait moins de prix. En outre, il était aussi avantageux administrativement de la donner. Ils la donnaient, parce qu’elle n’avait pas grand prix, aux soldats des troupes auxiliaires qui ne l’avaient pas, au moment de leur congé478. Ils la donnaient surtout, à notre avis, en vertu d’une nécessité administrative, dans un autre cas, non pas à la sortie du service, mais à l’entrée au service, aux soldats enrôlés pour les légions. La qualité de citoyen était requise chez les légionnaires. Cette exigence eût dû empêcher d’enrôler les provinciaux, mais, ce fut surtout à des fins militaires. La naturalisation était donnée là dans un intérêt militaire. Une mesure plus générale encore paraît avoir été inspirée par un intérêt fiscal, tel sera le but de l’Edit d’Antonin Caracalla en 212, comme le pense W. WILLIAMS479. Le nombre de sénateurs d’origine africaine augmenta très nettement dans les années 130-150480. Subsiste pourtant l’ambiguïté de leur origine : ces clarissimes furent-ils issus de colons d’origine italienne ou de la promotion de familles de l’élite indigène ? A Cirta ou à Carthage, bon nombre d’Africains intégrés dans le sénat romain descendaient d’immigrés italiens, mais ce n’est pas vrai de tous, loin de là. Dans quelques rares cas, les textes apportent une réponse : les Memmii481 de Gightis sont des 477 CAGNAT (R.), Cours d’épigraphie, pp. 77-80 ; P. Corbier, L’épigraphie latine, Paris, SEDES, 1999, 191 pages., MOMMSEN (Th.), Droit public, 6, 2, pp. 29-30. 478 La concession était faite aux soldats dont les noms suivaient par une constitution qui était affichée à Rome sur des tables de bronze et dont chaque soldat faisait copier en la forme ordinaire sur un petit carnet de bronze (diptype) la partie le concernant. Mais naturellement elle était distincte du congé qui pouvait être concédé sans qu’elle y fût comprise, même quand il était donné après de bons services (honesta missio) et qui alors avait lieu sans table de bronze, sine aere, comme disent des papyrus. 479 WILLIAMS (W.), « Caracalla and the authorship of Imperial Edicts », Latomus, 38, 1979, pp. 67-89. 480 Pour cette catégorie, voir surtout M.CORBIER, 1982, pp. 685-754 et M. LE GLAY, 1982, pp. 755-781. Ch. BADEL, « Les sénateurs africains », L’Afrique romaine de 69 à 439. Romanisation et christianisation, Edition Du temps, p. 308, parle de 13% à la fin du IIIe siècle, comme si le degré de romanisation du pays ne permettait pas de franchir ce seuil. 481 Ils avaient conservé, aux côté des immigrants italiens, la possessio d’immenses propriétés, et, installés dans une communauté romaine, avaient progressivement abandonné les anciennes coutumes au point d’atteindre le rang sénatorial. (IBBA (A.), TRAINA (G.), L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitaine (69-439 ap. J.-C.), Rosny-sous-Bois, Bréal, pp. 115116.

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Africains, puisque leur aïeul, L. Memmius Messius Pacatus, flamine perpétuel de Trajan, est dit appartenir au peuple des Cinithi482. En Proconsulaire, les Aradii483 émergent de l’élite locale, il en est ainsi pour les Marcii de Bulla Regia484. On peut aussi citer P. Septimius Aper, consul en 153, et de C. Septimius Severus, consul suffect en 160 et proconsul d’Afrique en 174 ; il figure en quatrième position parmi les membres du conseil impérial sur la table de Banasa485. L’ascension sociale n’était pas bloquée pour les Africains indigènes, nous savons que la majorité des promus étaient très souvent les descendants d’Italiens, tels les Arrii , Antonini et les Antistii486, mais il n’est pas évident qu’elle ait été rapide et massive. Le seul sénateur cirtéen qui semble d’origine africaine, M. Coculnius Quintillianus, accomplit le cursus municipal de Cirta avant d’être promu par Septime Sévère vers 195487, même si ce ne fut plus le cas à partir des réformes de Gallien488. Sur les inscriptions, on repère les sénateurs par 482

CIL, VIII, 22729. Voir « A propos des Aradii : le stemma d’une famille sénatoriale », ZPE (Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik), 28, 1978, pp. 143(150. Une analyse fine des inscriptions nous a permis de montrer que les Aradii ne sont pas originaires de Bulla Regia, comme le supposent des historiens contemporains, mais qu’ils viennent de la cité d’Aradi, en Proconsulaire, dont ils ont pris le nom pour manifester leur promotion individuelle dans une zone longtemps restée stipendiaire, avant de partir pour l’ouest, plus fertile (cf. J.-M. LASSERE, « Gentilices romains d’origine africaine », Onomastica africana XVII, in, Identités et cultures dans l’Algérie antique, Actes du colloque international de Rouen, Rouen, 2005). 484 CORBIER (M.), op.cit., pp. 687-689.Le cas des Marcii est à rapprocher de celui des Gabinii montre qu’un premier palier était nécessaire, l’intégration dans la tribu Quirina, avant que les descendants n’obtiennent la prestigieuse citoyenneté de Carthage (qui impliquait d’abord la citoyenneté romaine) et leur inscription dans la tribu Arnensis après y avoir exercé une ou plusieurs magistratures. L’ascension de ces deux familles de Thugga a conduit à supposer l’existence d’un droit latin subordonné. Pour cela voir l’article de CHASTAGNOL (A.), « La civitas de Thugga, d’Auguste à Marc Aurèle », dans Khanoussi et Maurin (éd.), Dougga. Etudes épigraphiques, pp. 56-57. BESCHAOUCH (A.), « Dougga, une cité de droit latin sous Marc Aurèle : civitas Aurelia Thugga », dans Khanoussi et Maurin, (éd.), Dougga. Etudes épigraphiques, pp. 66-67. 485 IAM, 2, 94. 486 LE GLAY (M.), Salerne et l’Afrique, BCTH, n.s., 18 B, 1982, p. 760 : « (…) venus de terre d’Afrique, soit. Mais ‘Africains » dans le sens d’autochtones, de Berbères, certainement pas. » ; voir ibid., p. 763 (Arrii), 765 (Fronton), pp. 766-767 (Pactumei), p. 769 (Antistii). Ils sont originaires de Thibilis (Announa). Il n’est pas invraisemblable que beaucoup d’entre eux aient possédé une résidence secondaire à Carthage, peut-être à cause de la présence d’une « cour » provinciale dans la ville. 487 ILAlg., II, 626. 488 L’ordre sénatorial fut affecté par les réformes de Gallien. On a vu que l’empereur retira aux sénateurs, pour le confier aux chevaliers, le commandement des légions et des provinces impériales où elles stationnaient. La carrière sénatoriale subit le contrecoup de cette mesure et se réduisit à la direction des grands services administratifs à Rome, à quelques provinces dépourvues de troupes et aux proconsulats d’Asie ou d’Afrique. 483

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leur titre de clarissime et par la carrière suivie mais, comme pour les chevaliers, il n’est pas certes toujours facile de savoir s’il s’agit d’Africains et, dans ce cas, s’ils sont issus de familles indigènes romanisées ou d’Italiens immigrés. On a pu toutefois déterminer qu’à Lepcis Magna les Septimii étaient de cette cité, alors que les Fulvii sont arrivés au Ier siècle. Une autre famille de Volubilis a eu une ascension dans la société romano-africaine de cette époque ; il s’agit des Caecilii Caeciliani489. En outre, Z. Benzina Ben Abdallah a pu établir que les Flavii et les Ranii sont deux familles d’origine africaine490. Une autre famille clarissime, celle de la gens Pullaiena d’Uchi Maius, sans doute originaire de Carthage, est membre de l’ordre sénatorial depuis au moins 129 ap. J.-C., et « adlectée » au patriciat fin IIe-début IIIe siècle ; elle est aussi bien connue dans d’autres localités, jusqu’en Maurétanie Césarienne491. Les premiers sénateurs africains connus sont deux frères Pactumei, 492 Fronton et Clemens, originaires de Cirta, adlectés par Vespasien inter praetorios en 73-74. Mais nous voyons que cette période n’est pas très florissante pour les Africains des provinces de notre étude. Mais c’est à partir des Antonins, de Trajan que les l’Afrique romaine va fournir, bien que modestement, des sénateurs, un peu avant Hadrien ; puis le mouvement va s’amplifier : selon les propos de Françoise PREVOT « les Africains représentent 7 % des sénateurs sous Hadrien, 11,4 % sous Antonin et 15 % sous Septime Sévère. Le IIIème siècle voit ensuite un léger tassement du phénomène (13 % à la fin du IIIème siècle) »493. L’ordre équestre constitue le vivier naturel du recrutement sénatorial. Ainsi, certains Africains, après avoir commencé une carrière procuratorienne, sont « adlectés » dans l’ordre sénatorial et accèdent aux fonctions sénatoriales, poursuivant alors ce que les épigraphistes appellent 489

LE BOHEC (Y.), “Onomastique et société à Volubilis”, montre que le nombre important de grands notables (en particulier les chevaliers) indique la prospérité de la ville. Voir aussi LEFEBVRE (S.), « Hommages publics et histoire sociale : les Caecilii Caeciliani et la vie municipale de volubilis (Maurétanie Tingitane) » MCV, 28, 1992, pp. 19-36. 490 BEN ABDALLAH (Z.), “D’Ammaedara à Carthage. Du nouveau sur les Flavii et les Ranii, familles clarissimes d’origine africaine », MEFRA, 105, 2, 1993, pp. 961-973. L’auteur y établit l’origine des deux familles à partir de deux inscriptions et les liens étroits entre les deux cités où les inscriptions ont été trouvées. 491 BONELLO LAI (M.), “La gens Pullaiena”, dans Khanoussi (M.) et Mastino (A.), éd., Uchi Maius, 1, pp. 245-281 : cette importante gens d’Uchi est sans doute issue d’un Italien venu à Carthage sous Auguste, puis des membres de la famille s’installent dans toute la région où ils acquièrent des terres. Ce cas est exemplaire du mouvement migratoire depuis Carthage. Le nom est aussi attesté à Rome, ce qui indique que les Pullaieni ont fondé une « gens de retour » par des mariages en Italie. 492 CHAMPLIN (E.), Fronto and the Antonine Rome, Cambridge, Londres, 1980. 493 PREVOT (F.), op. cit., p. 185.

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un cursus mixte. Ainsi, Tiberius Claudius Subatianus Proculus494 de Cuicul, après avoir accompli ses trois milices et géré la fonction sexagénaire de sous-préfet de la flotte de Misène, entre au Sénat et entame une carrière sénatoriale qui le mène jusqu’au gouvernement de la province de Numidie entre 208 et 210 puis au consulat suffect495. Comme Proculus est le frère cadet du préfet d’Egypte Tiberius Subatianus Aquila, H.-G. PFLAUM suppose que l’empereur, en l’« adlectant » au Sénat, a voulu éviter que les deux frères ne monopolisent les grandes fonctions équestres. Les grandes familles africaines tirèrent parti, dans un certain sens, de la situation et s’investirent davantage en Afrique. Certaines familles des sénateurs africains, comme les Pompei de Carthage, se recentrèrent sur la vie de leur cité sans faire de carrières sénatoriales effectives, ce que rendait possible en droit le double domicile des sénateurs496. C1.b2. Les nominations impériales. Parmi toutes les familles clarissimes d’Afrique497, rares sont celles où toutes les branches de la gens accèdent de façon concomittante à l’ordre sénatorial. Les Aradii498 de Bulla Regia en Proconsulaire, et d’autres tels les Caecilii Creperiani ou quelques autres, font exception. Les Claudii de Cuicul (Numidie) représentent mieux le cas-type : Tiberius Claudius Subutianus Proculus est consul suffect en 210, après avoir été adlecté in amplissimum ordinem499 par Septime Sévère. Il a suivi une carrière classique, questeur urbain, tribun de la plèbe candidat, préteur urbain candidat, curateur des cités d’Athènes et de Patras, et pour couronner le tout, légat de la sixième légion Ferrata fidelis constans, gouverneur de la province de Numidie en 208-210 dont il était originaire500. Quelle que soit la manière d’obtenir ces promotions, les Africains les obtiennent quand même, soit par des alliances matrimoniales, soit par le 494

PFLAUM (H.-G.), « Titulature et rang social sous le Haut-Empire », dans Recherches sur les structures sociales dans l’Antiquité classique (Caen, 1969), Paris, 1970, pp. 159-185. 495 ILS 9488 = H.-G. PFLAUM, Les procurateurs équestres sous le Haut-Empire romain, Paris, 1950, p. 242. 496 Illuminati, 1972 ; A. CHASTAGNOL, 1992, pp. 164-167. 497 Sur cette question nous pouvons lire CORBIER (M.), « Les familles clarissimes d’Afrique Proconsulaire (Ier – IIIème siècle) », dans Epigrafia e ordine senatorio, Tituli 5, 1982, pp. 485574. On peut aussi l’intéressant article de Z. BEN ABDALLAH, « D’Ammaedara à Carthage. Du nouveau sur les Flavii et les Ranii, familles clarissimes d’origine africaine », MEFRA, 105, 2, 1993, pp. 961-973 ; il établit l’origine des deux familles à partir de deux inscriptions et les liens étroits entre les deux cités où les inscriptions ont été trouvées. 498 CIL, VIII, 14688-89. 499 Ibid. 500 AE, 1991, 107.

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commerce et la propriété foncière, et même par leur talent comme c’est le cas de C. Vettius Sabinianus Granianus qui devient questeur d’Achaïe501. L’interrogation qui nous vient à l’esprit est de se demander en quoi les adlections constituent une passerelle vers la citoyenneté ? Un certain Iulius Hospes502 de Thuburbo Maius en Proconsulaire a pu gravir les échelons sous Antonin le Pieux. En effet, c’est par ses aptitudes militaires que ce membre de la gens des Vettii, se fit remarquer par Apar Antonin le Pieux qui l’admet in amplissum ordinem503, alors qu’il n’a pas fini ses tres militiae. Il effectue son cursus sénatorial jusqu’à la préture. De nombreux documents montrent que les Africains ont été envoyés et employés dans d’autres provinces ; ce qui prouve que les promotions individuelles ont été nombreuses. Dans la province de Pont-Bithynie, nous avons des exemples et une fréquence d’Africains importante. Le tableau cidessous montre cette fréquence des promotions d’Africains dans cette province :

501

AE, 1947, n°97 : fin Ier – début du IIe siècle. IL Afr, 281. 503 ILAfr., 281 : il est questeur, tribun de la plèbe, car c’est un homo nouus et, enfin, préteur. 502

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ANTONINS

Dynastie

Nom

Origine géographique

Origine sociale

Fonctions lieux d’exercice

P. Pactumeius Clemens

Numidie (Cirta)

Sénat

Leg. Aug. Pro praetore Ciliciae

Q.Caecilius Marcellus Dentilianus

Afrique Proconsulaire (Carthage)

Sénat

Leg. XII Fulminatae (Cappadoce)

C.Septimius Severus

Lepcis Magna

Sénat

Leg. Aug. Pr. Pr.LyciaPamphyliae

C.Arrius Antoninus

Numidie (Cirta)

Sénat

Leg. Aug. Pr. Pr.Prov. Cappadociae

Claudius Silius Q.Plautius Haterianus

Lepcis Magna

Sénat

Leg. Aug. Pro praetore Ciliciae

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et

SEVERES

Dynastie

Nom

Origine géographique

Origine sociale

Fonctionset lieux d’exercice

C.Iulius Flaccus Aelianus

Afrique Proconsulaire

Sénat

Leg. Aug. Pr. Pr.Prov. Cappadociae

Q. Aradius Rufinus Optatus Aelianus

Bulla Regia

Sénat

Leg. Aug. Pr. Pr.Prov. Galatiae

Ces tableaux nous permettent de comprendre les critères géographiques de recrutement des fonctionnaires. Nous signalons qu’après les Sévères, ces critères vont évoluer, et nous verrons des Africains romains occuper des postes importants dans leur province d’origine. En effet, entre Auguste et Dioclétien, environ milles trois cents fonctionnaires sénatoriaux se sont succédé dans l’administration des provinces romaines de Pont-Bithynie, Galatie, Cappadoce, Lycie-Pamphylie et Cilicie. Nous n’avons pas la prétention de faire une étude des fonctionnaires sénatoriaux de tout l’Empire romain504, mais des fonctionnaires sénatoriaux issus des provinces romaines d’Afrique. On note que sous les Julio-Claudiens et les Flaviens, les Africains sont absents des fastes des provinces et plus précisément des provinces d’Asie Mineure. Cette partie nous intéresse car nous y avons trouvé des exemples d’Africains ayant occupé de hautes fonctions dans l’administration impériale. En effet, sur les huit sénateurs d’origine africaine, six viennent de la Proconsulaire, deux de la Numidie, aux alentours du territoire occupé par la IIIème légion Auguste. Ce territoire constituera la province de Numidie à part entière505. Deux des personnages que nous avons pris descendent d’émigrés italiens, et étaient originaires de très anciens foyers de romanisation : Q. Caecilius Marcellus Dentilianus était de Carthage, C. Septimius Severus et [---]isus ( ?) Claudius Silius Q. Plautius Haterianus de Lepcis Magna, Q. Aradius Rufinus Optatus Aelianus506 et P. ( ?) Aradius Paternus de Bulla Regia, Q. Servaeus Fuscus 504

REMY (B.), Les fastes sénatoriaux des provinces d’Asie Mineure (31 avant J.-C.- 284 après J.-C.), Paris, 1987, p. 257-260. 505 PFLAUM (H. G.), Libyca, 5, 1957, p. 61-75. 506 AE, 1971, 490 : B. REMY a commenté une inscription concernant ce personnage de Bulla Regia et a proposé une reconstitution de la famille. Il est coopté au sein du collège religieux des sodales Augustales Claudiales en 219 ; sa carrière se situe durant le premier tiers du IIIe siècle. Il est aussi considéré comme le premier sénateur connu de la branche des Quinti Aradii, originaire de Bulla Regia.

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Cornelianus de Gigthis, P. Pactumeius Clemens et C. Arrius Antoninus de Cirta. Ces promotions étaient évidemment ciblées sur les familles clarissimes507 d’Afrique du Nord. L’administration impériale a même pris soin de ne choisir que ceux qui étaient issus des familles de descendants d’émigrés. Cette période marque un changement dans la politique des empereurs, mais il faut attendre les Antonins et les Sévères pour voir ces promotions prendre une ampleur remarquable, et surtout dans cette partie de l’empire que les inscriptions épigraphiques nous permettent de saisir avec clarté. En effet, les Africains sont absents des fastes des provinces d’Asie Mineure sous les Julio-Claudiens et les Flaviens, alors que les Espagnols sont représentés. Ils apparaissent seulement sous les Antonins et sont moins fréquents après les Sévères. Le premier attesté, P. Pactumeius Clemens est descendant d’un émigré italien, comme l’a précisé J. M. LASSERE508 ; il a gouverné la Cilicie, nommé par Hadrien, et encore au début du règne d’Antonin le Pieux. Quant à P. Aradius Paternus, il avait en charge la province de Cappadoce en 231. Au total, cinq clarissimes ont servi en Anatolie sous les Antonins509,et trois sous les Sévères, et peut-être cinq, s’il faut bien ranger C. Uilius Flaccus Aelianus510, en charge sous Septime Sévère, et surtout Q. Ranius Terentius Honoratianus Festus511, en poste sous Sévère Alexandre, au nombre des sénateurs africains. Leur place dans cette administration anatolienne, tout comme dans les autres administrations de l’Empire est fort modeste, mais elle montre que les promotions de provinciaux existaient, bien que la majorité de ces promotions ne concernent que les fils d’émigrés italiens. Leur présence permettait toutefois un rayonnement des cités dont ils étaient originaires et une profonde sympathie pour les princes. En effet, nous nous sommes penchés sur les origines géographiques de ces personnages, et nous remarquons, à la lumière des inscriptions, que huit d’entre eux sont originaires de la proconsulaire, deux de la Numidie. Tous ces personnages, tout au moins quelques-uns descendaient d’Italiens émigrés et de vieux foyers de romanisation comme notamment : Q. Caecilius Marcellus Dentilianus de Carthage512, C. Septimius Severus et [---]isius ( ?) Claudius 507

CORBIER (M.), Les familles clarissimes d’Afrique proconsulaire (Ier – IIIème siècle), Atti del colloquio Internationale AIEGL su Epigrafia e ordine senatorio (Roma 14-20 maggio 1981), Tituli, V, 1982, p. 685-754 ; M. LE GLAY, Sénateurs de Numidie et des Maurétanies, Rome II, p. 755-781. 508 Ubique populus, Paris 1977, p. 185. 509 Cf. Tableau. 510 LASSERE (J.-M.), op.cit., p. 186. 511 Ibidem. 512 PFLAUM (H. G.), Les fastes de la province de Narbonnaise, Paris, 1978, p. 62.

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Silius Q. Plautius Haterianus de Lepcis Magna513, Q. Aradius Rufinus Optatus Aelianus et P. ( ?) Aradius Paternus d’Aradi514, Q. Servaeus Fuscus Cornelianus de Gigthis515, P. Pactumeius Clemens et C. Arrius Antoninus de Cirta516. Concernant leur origine sociale, sur lesquelles nous ne reviendrons pas, objet de nombreuses études, nous constatons que certains d’entre eux étaient soient des fils de sénateurs, comme P. Pactumeius Clemens, qui fut consul en 138, jurisconsulte renommé sous le règne d’Hadrien, et patron de la IIII coloniae517, fils de Q. Aurelius Pactumeius Clemens et petit-neveu de Q. Aurelius Pactumeius518. Ce dernier fut d’ailleurs le premier sénateur originaire de Numidie à parvenir au consulat en 80 de notre ère et est célébré par ses compatriotes comme le consul ex Africa primus519.Il fait partie de ces grands juristes africains, qui, à la même époque, à l’instar de Lucius Salvius Iulianus d’Hadrumète ou Sextus Caecilius Africanus de Thuburbo Minus, ont apporté leur contribution au développement du droit romain. Cependant l’enfant le plus illustre de Cirta reste l’avocat Marcus Cornelius Fronto, dont on a conservé une partie de la correspondance. Désigné par Hadrien, vers 135-136, pour être le précepteur de Marc Aurèle et de Lucius Verus, il joua un réel rôle politique à la cour d’Antonin. Certains auteurs affirmant à tort ou à raison qu’il favorisa ses compatriotes d’Afrique alors qu’il est difficile d’en avoir les preuves directes520. Né peu avant le début du IIème siècle, Fronton exerça son influence entre le règne d’Hadrien et celui de Marc Aurèle. Il mourut probablement vers 168-169. Sa position lui permit d’aider ses compatriotes. Tel fut le cas de son ami, le Cirtéen Marcus Postumius Festus, reconnu par ses pairs pour son éloquence521 et dont les arrières petits-fils Titus Flavius Postumius Varus522, préfet de l’Urbs en 271, et Titus Flavius Postumius Titanius523, préfet de la Ville sous la deuxième tétrarchie, en 305-306, revendiquent encore l’ascendance et les mérites, puisqu’ils se disent ses disciples (sectatores). 513

CORBIER (M.), Rome II, p.723, n°2; REMY (B.), Carrières, notice n°254. Id., p. 689-691. 515 Ibid., p. 718. 516 LE GLAY (M.), Rome II, p. 767; sur C. Arrius Antoninus, ibid., p. 763. Près de la moitié des sénateurs de Numidie actuellement recensés venaient de Cirta. 517 ILAlg. II, 645, 646, 647. Outre M. LE GLAY, 1982, pp. 766-767. 518 CIL, VIII, 7057 ; ILAlg. II, I, 642. 519 ILAlg. II, 643 et 644. 520 Pour sa biographie, Fronton, Correspondance, trad. P. FLEURY, 2003, Introduction, pp. 11-16; sur l’importance de la cour impériale, voir E. CHAMPLIN, 1980, pp. 29-93. 521 FRONTON, Ad am., 2, 11 ; Aulus Gellius, Nuits attiques, 19, 13. 522 CIL, VI, 1416-1417 = ILS, 2929 et 2940. 523 ILS, 2941. 514

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Un autre des amis de Fronton, de Cirta également, C. Arrius Antoninus524 descendant de colons italiens, sous le règne de Marc Aurèle et de Commode, fut reconnu pour ses compétences financières et juridiques. Premier praetor tutelaris, premier iuridicus de Transpandane en Italie525, il acheva sa carrière en tant que proconsul d’Asie en 188-189. Son prestige le fit rechercher par ses compatriotes pour être le patron de Cirta526. Même si nous raisonnons sur des cas très limités, nous devons remarquer le très fort pourcentage de nouveaux sénateurs parmi les Africains qui ont été choisis pour servir en Anatolie. Dans le domaine des promotions militaires nous retrouvons l’impulsion donnée par Fronton dans la promotion de ses compatriotes. En effet, parmi les militaires il nous faut évoquer les figures de Q. Lollius Urbicus527, originaire de Tiddis, consul, proconsul d’Afrique et préfet de l’Urbs sous Antonin le Pieux (150-160). Lors de sa légation de Bretagne entre 139 et 142, il fit bâtir le mur dit d’Antonin dans la Clyde528. Homo nouus incontestablement, il n’en accomplit pas moins un remarquable cursus dans lequel se conjuguent ses excellentes aptitudes militaires, la probable protection de Fronton et la faveur d’Antonin. P. Iulius Geminius Marcianus mérite aussi une mention529. Originaire de Cirta, ami de Fronton530, il fut commandant de légions et de vexillations à la fin du règne d’Antonin et au début de celui de Marc Aurèle. Il fut aussi gouverneurs des provinces d’Arabie et de Macédoine, avant d’atteindre le proconsulat d’Asie sous Commode. Enfin, on évoquera la personnalité de Q. Antistius Adventus Postumius Aquilinus, originaire de Thibilis, dont l ‘avancement fut particulièrement rapide sous Marc Aurèle. L’empereur lui confia des responsabilités militaires : commandements de légions, lors de l’expédition parthique entre 161 et 164, la défense de l’Italie du Nord en 168-169 contre les menaces germaniques (168-170), des gouvernements de provinces stratégiques telles que la Germanie Inférieure et la Bretagne. Il fut honoré du patriciat et son fils L. Antistius Burrus, épousa Vibia Aurelia Sabina, fille cadette de Marc Aurèle vers 178531, devenant ainsi le beau-frère de 524

Fronton, op. cit., 2, 6 ; 2, 8. CORBIER (M.), « Les circonscriptions judiciaires de l’Italie de Marc Aurèle à Aurélien », MEFRA, 85, 1973, pp. 612-621. 526 ILAlg., II, 614. 527 FRONTON, op. cit., 2, 7, 12. 528 BIRLEY (A. R.), The Fasti of Roman Britain, Oxford, 1981, p. 112-115, sur la carrière du personnage et son action en Bretagne. 529 LE GLAY, op. cit., 766. 530 Ad M. Aur., 3, 4, Marcianus noster. 531 Idem. 525

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Commode. Mais nous devons toutefois nuancer car on remarque que les promotions obéissaient à une politique d’apaisement des cités africaines qui étaient plus ou moins encore hostiles à une romanisation étendue. En effet, cette sur-représentation des novi par rapport à leur place au Sénat est une constance de la politique des empereurs à l’égard de ces territoires turbulents, toujours délicats à administrer. Devant aux empereurs Antonins et Sévères leurs carrières, ces nouveaux promus étaient évidemment les fidèles exécutants de leurs politiques. Cependant, les élites pouvaient jouer une fonction sociale : celle de protéger et à assurer les intérêts de groupes sociaux inférieurs, voire de cités entières, dans un système de patronage532. C2. Les gouverneurs africains et l’édit de Gallien. Nous trouvons le plus souvent les gouverneurs dans les provinces impériales. Pour nous ce sont la Numidie et les Maurétanies, et à partir de Dioclétien de la Byzacène.Dans la seconde partie du règne de marc Aurèle, la liste des gouverneurs de Maurétanie Tingitane, par exemple, est assez fournie et assez bien ordonnée, surtout depuis que la Table de Banasa a éclairé un certain nombre de détails533. Nous ne reviendrons pas sur ces travaux qui ont largement apporté des réponses sur la connaissance des gouverneurs, nous ne voulons identifier que les gouverneurs d’origine africaine et ayant servi dans une province d’Afrique du Nord. Les provinces de l’Empire sous Dioclétien furent dirigées par des gouverneurs de rang équestre (praesides) portant le titre de perfectissime534, 532

HARMAND (L.), Le patronat sur les collectivités publiques, des origines au Bas-Empire, Paris, 1957 ; SEGUI MARCO (J.J.), « Un aspecto particular en las relaciones hispanoafricanas durante en Alto imperio : les patrocinios públicos », L’Africa romana, 11, 1994, pp. 1547-1564 ; il étudie les Africains qui ont exercé un patronage dans la péninsule ibérique et les Hispani qui ont fait de même en Afrique. 533 Listes de B.E. THOMASSON, Die Statthalter der römischen Provinzen Nord-afrikas von Augustus bis Diocletianus, II, Lund, 1960, pp. 291-312 ; dans H.-G. PFLAUM, Les Cariières…, Paris, 1961, pp. 1098-1099 ; A. MAGIONCALDA, « I procuratori-governatori delle due Mauritaniae : un profilo (titolatura e carriere) », dans M. Christol, Ead., Studi sui procuratori delle due Mauritaniae, Sassari, 1989, pp. 9-154. On entend par cette formule le processus qui donna pendant la crise du IIIe siècle un pouvoir accru dans l’administration de l’Empire à un petit groupe de chevaliers romains, que ceux-ci fussent issus des élites municipales ou, le plus souvent, d’extraction plus modeste. Beaucoup d’entre eux, officiers sortis du rang, obtinrent le titre de chevalier à la faveur des défaites militaires et des usurpations du IIIe siècle. 534 Les chevaliers sous le principat reçurent des titres honorifiques qui distinguaient les simples viri egregii, chevaliers qui se contentaient le plus souvent de rester dans leur cité d’origine, des viri perfectissimi et des viri eminentissimi, qui entraient effectivement dans l’administration impériale et parvenaient à de hautes responsabilités. Le dernier titre était réservé aux préfets du prétoire et disparut lorsque ceux-ci obtinrent le clarissimat. Sur

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ou par des correcteurs (correctores) qui étaient soit des chevaliers soit des sénateurs. Ces derniers furent quasiment exclus dans la seconde moitié du IIIe siècle du gouvernement de l’Empire en dehors de quelques provinces : les plus prestigieuses restaient l’Asie et la l’Afrique Proconsulaire. Cette dernière, exceptée toutes les provinces africaines furent dirigées par des chevaliers. Ce quasi monopole correspond à l’aboutissement des réformes entreprises par Gallien (253-268)535, qui retira le commandement des légions et des provinces impériales aux sénateurs536, et à une « révolution administrative » qu’il est convenu d’appeler le « triomphe de l’ordre équestre ». Ils formèrent une élite administrative de parvenus que méprisaient les sénateurs, ainsi d’ailleurs que la majorité des chevaliers issus des élites municipales537. La réforme de l’ordre sénatorial par Constantin mis fin à cette politique. Les postes importants de l’administration équestre furent progressivement confiés à des sénateurs, bien que quelques provinces seulement restèrent aux mains des chevaliers. Constantin entendait abolir une bicéphalie administrative qu’il jugeait responsable des désordres antérieurs. Il souhaitait réconcilier les familles de l’ordre sénatorial, qui l’évolution de ces titres, voir A. CHASTAGNOL, Le Sénat romain à l’époque impériale. Recherches sur la composition de l’assemblée et le statut de ses membres, Paris, 1992, pp.238-240. 535 Sur cet empereur, L. HOMO, 1913 ; M. CHRISTOL, 1975 ; D. KIENART, (1990) 1996, pp. 218-221 ; Y. ROMAN, Empereurs et sénateurs. Une histoire politique de l’empire romain, Fayard, 2001, pp.414-415. La mesure n’est pas une manifestation d’hostilité vis-à-vis de l’ordre sénatorial, celui dans lequel précisément Gallien était né (en ce sens, G. ALFÖLDY, 1991, p. 50). Il s’agissait, après le traumatisme provoqué par la capture de Valérien par les Perses qui eut un retentissement exceptionnel dans le monde antique tout entier et qui sembla marquer le début de la fin de la Ville – il sembla que l’Empire romain vacillait sur ses fondements (Formule imaginée de l’Histoire Auguste, Vies des deux Galliens, IV, 9. Voir également V, 2 et 3) -, il s’agissait d’opérer dans l’urgence, un redressement qui était encore possible. 536 Cet édit dit de « Gallien » daterait de 261-262, et dont l’existence serait très discutée par les historiens anglo-saxons. Sur l’œuvre de cet empereur en Numidie : M. LE GLAY, « L’administration centrale de la province de Numidie de Septime Sévère à Gallien », dans L’armée romaine d’Afrique et la IIIe légion Auguste, Actes de la table ronde septembre 1989 à Lourmarin, Ant.Afr., 27, 1991, pp. 83-92. L’auteur fait observer que depuis sa création, la province fut gouvernée par un sénateur de rang prétorien, assisté, en tant que légat, par l’étatmajor de la IIIe légion Auguste et en tant que gouverneur par un officium composé surtout de militaires. Est très mal connue la période entre le départ et le retour de la Tertia Augusta. Après la réforme de Gallien, en 262, la province est gouvernée par un chevalier qui a le titre de praeses. Il n’y a plus trace de l’officium civil. 537 LEPELLEY (Cl.), Du triomphe à la disparition. Le destin de l’ordre équestre de Dioclétien à Théodose, L’ordre équestre. Histoire d’une aristocratie (IIe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.). Actes du colloque international de Bruxelles (5-7 octobre 1995), CEFR, 257, Rome, 1999, pp. 629-646.

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avaient conservé intacts leur puissance économique et sociale538, et une élite restreinte de chevaliers qui détenaient la réalité du pouvoir539. L’empereur augmenta dans ce but les effectifs de l’ordre sénatorial, qui passa à 2000 membres et s’ouvrit à l’élite des chevaliers et des notables municipaux. Le Sénat de Constantinople, composé au départ de 600 membres, compta lui aussi 2000 sénateurs à partir de 359, recrutés en Orient, même s’il ne pouvait s’enorgueillir d’une noblesse comparable à l’influence aristocratie sénatoriale italienne540. Cette ouverture sociale en direction des élites municipales et des chevaliers, issus en majorité de leurs rangs, compensait la diminution du prestige de l’ordre équestre. Le retour en grâce de l’ordre sénatorial eut des répercussions administratives en Afrique. De même que le vicaire d’Afrique devint un sénateur, les deux praesides perfectissimes de Numides et de Byzacène541 furent remplacés par des gouverneurs de rang sénatorial portant le titre de consulaire542. Le retour de sénateurs à la tête de l’Afrique s’explique en grande partie par la séparation de l’autorité civile et de l’autorité militaire. L’Edit de Gallien avait, on vient de le voir exclu les sénateurs du commandement des légions et du gouvernement des provinces impériales où stationnaient les unités. La mesure a été interprétée parfois comme le résultat du manque d’expérience des sénateurs dans le domaine militaire, mais l’instabilité politique lors de la « crise » du IIIe siècle et l’implication des chevaliers, notamment les préfets du prétoire, dans les usurpations, incitèrent Dioclétien à muter les gouverneurs, praesides543 ou correcteurs, en gouverneurs purement civils. Lorsque les troupes stationnaient dans les provinces, il en confia la direction à des officiers supérieurs placés sous la tutelle des préfets du prétoire, les ducs provinciaux (duces). Constantin acheva la réforme en retirant toute compétence militaire aux préfets du prétoire et en nommant deux chefs d’états-majors à la tête des armées, le maître de la cavalerie 538

JACQUES (Fr.), L’ordine senatorio attraverso la crisi del III secolo, Società romana e impero tardoantico, I, A. Giardina (dir.), 1986, Rome, pp. 81-225. 539 LEPELLEY (Cl.), Du triomphe à la disparition. cit., p. 632. 540 CHASTAGNOL (A.), 1992, cit., pp. 236-237 et pp. 248-249. 541 CHASTAGNOL (A.), « Les gouverneurs de Byzacène et de Tripolitaine », Ant.Afr. 1, 1967, pp. 119-134. 542 Le titre était déconnecté le plus souvent de l’exercice du consulat ordinaire, car ce dernier était devenu sous Constantin le couronnement d’une carrière sénatoriale tandis que le consulat suffect cessa d’être obligatoire dans la carrière des sénateurs romains. 543 CHRISTOL (M.), MAGIONCALDA (A.), Studi sui procuratori delle due Mauretaniae, Sassari, 1989. Dans ce recueil d’articles, les auteurs utilisent la méthode prosopographique pour retracer les carrières et compléter, à leur époque, les études de B. E. THOMASSON sur les praesides. Ils insistent sur quatre procurateurs particuliers : D. Veturius Macrinus, P. Aelius Crispinus, Epidius Quadratus et C. Vallius Maximianus.

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(magister equitum) et le maître de l’infanterie (magister peditum), ce qui revint à instaurer une chaîne de commandement autonome distincte du pouvoir civil. C3. Les élites et les constructions urbaines en Afrique du Nord : le cas de Thamugadi au IIe siècle ap. J.-C. Nous ne reviendrons pas ici sur l’histoire de la promotion de cette cité au rang de colonie544, même si nous serons amenés à évoquer quelques aspects de cette promotion. En outre, notre choix n’est pas ex nihilo, il correspond à l’état de nos sources et aux études qui ont été consacrées à cette cité.Fondée en 100 par Trajan, fréquemment citée comme modèle d’urbanisation romain, Thamugadi se prêtait assez bien à notre démonstration de l’œuvre des empereurs, en permettant les promotions citoyennes des habitants des cités, et de les voir à leur tour manifester leur fides et leur obsequium545. A la fin du IIe siècle et, plus encore, sous les Sévères, la ville se développe considérablement. Parmi les documents, quelques points concernant les débuts de cette croissance, les premières phases d’édification de la colonie, ont retenu notre attention. Il convient, en particulier, de préciser les divers modes de financement des constructions publiques, les facteurs moteurs et les hommes qui ont présidé au démarrage de la vie municipale. Nous ne reviendrons pas ici sur la fondation de la colonie et des interventions des légats546. Nous allons voir l’impact et le rôle des élites dans cette cité dans les constructions, et ainsi pouvoir justifier des conséquences des promotions individuelles accordées ou faites par les princes dans les cités qui avaient déjà acquis un niveau de développement avancé sur les critères de romanisation. La question est de savoir si les élites africaines sont d’anciennes familles de vétérans romains, ou ce sont les familles africaines promues à la 544 Sur cette cité voir J. GASCOU, Politique, Paris, 1972 ; Id., ANRW, 1982, pp. 161-162 ; Cl. LEPELLEY, Cités, II, 1981, pp. 64-68 ; X. DUPUIS, Trajan, Marciana et Timgad, 1994, p. 224. 545 L’obsequium apparaît comme le comportement de celui qui cède aux volontés d’un autre sans tenter de s’y opposer (cf. Cic., Leg., I, 60 : corporis obsequium : « soumission (de l’âme) au corps » ; Hor., Sat., II, 7, 104 : obsequium ventris : « complaisance pour l’estomac » (trad. Villeneuve). 546 CIL, VIII, 2355 = ILS 6841, Timgad, porte ouest : Imp(erator) Caesar divi / Nervae f(ilius) Nerva Traianu[s / Aug(ustus)] … co[l(oniam) / Mar]c[i]anam Tr[ai]anam Th[a/muga]di per leg(ionem) III Au[g(ustam) / fec(it) L(ucio) M]unatio Gallo leg(ato) / Aug(usti) pro[pr(aetore)] ; CIL, VIII, 17843. Voir J. GASCOU, Politique, 1972, pp. 97-100; Y. LE BOHEC, Légion, 1989, pp. 373-375.

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citoyenneté romaine par des empereurs ? La composition de la population initiale reste incertaine. Malgré une étude récente qui tend à faire encore de Timgad une colonie de vétérans, tel n’a vraisemblablement pas été le cas547. Les citoyens sont inscrits dans la tribu Papiria, celle de Trajan. A peine une vingtaine de vétérans ont été recensés au total sur un siècle et demi, ce qui est peu548. Parmi eux, quatre sont ou peuvent être contemporains de la fondation. Le premier est M. Annius Martialis, fils de Marcus, inscrit dans la tribu Quirina549, vétéran de la IIIe légion Auguste et de l’Ala Pannoniorum550. Le second, Iulius Cocceius Saturninus serait un Africain ayant servi dans les auxilliaires551 ; peut-être aussi Iulius Gemellus552, et Iunus Fuscus553. Ces personnages ont sûrement bénéficié de l’attribution des lots. Cette attribution se faisait extra sortem (par tirage au sort) et on est en droit de supposer que du point de vue social, une deductio coloniale induisait une hiérarchie sociale largement atténuée par rapport aux relations qui régissent les sociétés municipales anciennement constituées. Cependant, la superficie attribuée dépendait du grade du bénéficiaire : le fantassin avait droit à une unité, l’officier à un lot et demi ou deux lots. Il faut restituer un tel processus à Timgad554. Si l’on admet l’octroi de deux tiers de centurie, ce qui correspond à une exploitation de 35 hectares environ, cela constitue une réelle assise terrienne. Nous ignorons le nombre des membres composant ce dernier555. Il est exclu qu’un cens de cent mille sesterces, analogue à celui 547

LE BOHEC (Y.), Timgad, 1984, pp. 110-111. LASSERE (J.-M.), Ubique populus, 1977, p. 262, en a recensé quatorze. 549 La tribu Quirina se trouve très fréquemment en Afrique, c’est notamment celle de Cirta et d’Ammaedara. 550 CIL, VIII, 2354 = ILS 305 : Victoriae / Parthicae / Aug(ustae) sac(rum) ; / ex testamento / M(arci) Anni(i) M(arci) f(ili) Quir(ina tribu) / Martialis, mi(litis) [[legionis III]] Aug(ustae), dupli(carii) / alae Pann(oniorum), dec(urionis) al(ae) / eiusdem, (centurionis) [[leg(ionum) III Aug(ustae) / et XXX Ulpiae Victric(is), / missi honesta / missione ab Imp(eratore) / Traiano Optimo / Aug(usto) Germ(anico) Dac(ico) Parth(ico) / sing(ulas statuas) (sestertium) VIII (milibus), (vicesima) p(opuli) r(omani) min(us) ; Annii M(arci) lib(erti), Protus, / Hilarus, Eros, / adiectis a se (sestertium) III (milibus) / ponend(as) curaver(unt) ; d(ecreto) d(ecurionum). 551 BCTH, 1932, p. 182. 552 Ibid., p. 181. 553 Ibid., 1910, p. 124. 554 Voir les plans de Timgad, notamment dans BOESWILLWALD (E.), BALLU (A.) et CAGNAT (R.), Timgad, 1905, p. 337. On a pu penser (FENTRESS (E.), Numidia, 1979, p. 126) que la trace de cette inégalité originelle se retrouverait dans la taille des maisons. Les mieux nantis parmi les colons auraient ainsi disposé d’une maison de vingt mètres de côté. Contra, LE BOHEC (Y.), Timgad, 1984, pp. 107-109. 555 L’album municipal de Timgad, datant du règne de Julien, et étudié par A. CHASTAGNOL, Album, 1978, ne peut être utilisé qu’avec prudence. L’ordre de grandeur a cependant dû rester à peu près identique. 548

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qui était requis pour appartenir à l’ordo de Côme556, ait été exigé à Timgad et F. JACQUES a estimé qu’il devait être compris entre 30000 et 100000 sesterces pour la plupart des cités africaines557. Comment se caractérisent les générosités de ces élites ? C’est l’interrogation à laquelle nous allons répondre, afin de prouver que les promotions individuelles faites par les princes, ont permis la formation d’élites qui, à leur tour, ont favorisé l’embellissement de leurs cités. En parallèle avec les ouvrages financés par la res publica ou l’empereur, quelques familles se distinguent et manifestent leur intérêt envers la cité. Dès le règne de Trajan, M. Annius Martialis, centurion de la IIIe légion Auguste et de la XXXa Ulpia Victrix, a offert ex testamento deux statues jumelles situées sur le côté ouest du forum. L’une est dédiée à la victoire Parthique de Trajan, l’autre est mal conservée558. Autre notable des débuts de la colonie de Thamugadi, C. Publicius Celer avait promis à l’occasion de son de diumvirat une statue, probablement dédiée à la Concorde de l’ordo, pour un montant de 4000 sesterces559. Les élites ont participé au développement des villes. Ayant été promus et favorisé par les lois agraires et l’octroi de la citoyenneté romaine ; ils ont montré leur adhésion et leur « more Romano » en édifiant bien sûr des édifices dans leurs cités. Ils sont nombreux à avoir joué un rôle moteur dans l’embellissement des villes, comme ce légat Fonteius Frontinianus. En effet, ce dernier, joua un rôle moteur dans la construction publique en Numidie, comme en témoignent de nombreuses épitaphes rappelant ses interventions560. Deux d’entre elles, l’une à Timgad, l’autre à Cuicul, montrent le souci qu’avaient ces légats de faire exécuter les promesses des évergètes. A Timgad, Fonteius oblige L. Cestius Successus, à exécuter la promesse de ce dernier. Natalis avait promis une statue dédiée à la Victoire Auguste pour un montant de 3080 HS. L’ouvrage est finalement achevé pour un montant 6080 HS561. A la même époque, des Publicii, peut-être 556

PLINE LE JEUNE, Epistulae, I, 19. JACQUES (F.), Le privilège de liberté, 1984, p. 532. 558 BCTH, 1989, p. CLVIII ; AE, 1899 ; ILS 5351. 559 CIL, VIII, 2341 : [Concordiae ? / o]rdinis sacr(um). C(aius) Publicius C(aii) f(ilius) / Pap(iria tribu) Celr, / IIuir q(uinquennalis) desig(natus), / inlata rei pu/blicae summa / leg(itima) IIuir(atus), promis/sis (sestertium) IIII (milibus), ex (sestertium) IIII (milibus) / D n(ummum) posuit idem/q(ue) dedicavit, dec(reto) d(ecurionum). F. Jacques, Ampliatio, 1975, p. 175 ; G. ZIMMER, Locus, 1989, p. 84, n°51. 560 Liste établie par B. E. THOMASSON, Fasti, 1996, p. 153, n°33. 561 CIL, VIII, 2343 (=ILS 5476) : Victoriae / Aug(ustae) sacr(um) / L(ucius) Cestius Suc/cessus fil(ius) et heres L(uci) Cesti / Galli, fideiussoris Fl(avi) Natalis pollicitatoris huius / statuae ius/sus ex decret(o) / Fontei Fron/tiniani leg(ati) Aug(usti) … A Cuicul, il agit de même (CIL, 20144 + AE, 1964, 225). 557

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descendants de Publicius Celer, offrent un temple dédié au Génie de la colonie562. Preuve d’une grande générosité des deux frères et de l’existence d’une ‘’grande bourgeoisie’’ (même si cette expression semble anachronique, il caractérise assez bien cette classe sociale) de Timgad au IIe siècle ou matérialisation d’un retard ? L’accentuation de la hiérarchie sociale prend un certain temps. Il faut un délai entre la fondation et le moment où se détachent de grands notables. Dans ce processus de concentration de la fortune entre les mains de quelques familles, chevaliers et sénateurs apparaissent vers les années 150, sous le règne d’Antonin. Flavia Procilla563, flaminique, parente de T. Flavius Monimus564, chevalier, épouse un M. Caelius Saturninus, inscrit dans la tribu Horata, duumvir quinquennal, qui offre deux statues de 5000 sesterces chacune565 et s’intègre parfaitement à l’élite de la cité. Dans le même temps, la cité continue son programme de construction, tout en procédant à quelques aménagements par rapport aux prévisions. C’est ainsi que M. Lucceius Torquatus en fonction entre 167 et 170 procède lui aussi à la dédicace de nombreux travaux, dont une place et des aménagements aux thermes. Il consacre aussi, près du théâtre, un temple qui semble bien avoir été construit pecunia publica et, ouvrage plus important, le théâtre566. Ainsi dit, qu’en est-il pendant l’époque sévérienne ? L’avènement de Septime Sévère donna une impulsion nouvelle à la cité, provoquant d’importantes modifications dans la ville. Parmi les témoignages conservés, il convient seulement d’en rappeler quelques-uns, significatifs pour notre propos. Le capitole érigé à l’extérieur des limites primitives rompt avec l’ordonnance originelle des axes de la ville, à une date qui reste controversée567. Quelle que soit la date exacte de sa construction, son caractère tardif montre qu’il n’était nullement ressenti comme nécessaire par la communauté civique au début du IIe siècle. Sa construction peut être liée non seulement à l’essor économique, mais aussi aux fonctions 562

TOURENC (S.), Temple, 1968, p. 207 (=AE, 1968, 647) : Genio Coloniae Aug(usto) sacrum / …ob honr(em) fl(amoni) perp(etui) M(arci) Publici(i) C(aii) f(ilii) Pap(iria tribu) Candidi / C(aius) f(ilius) P(apiria tribu) Veranus, frater eius, super HS X (milia nummum) legit(imam) promissis / amplius HS XX (milibus nummum), ampliata pec(unia) ex HS LXIIII (milibus) D (nummum) aedem a solo cum statua fec(it). 563 LESCHI (L.), BCTH, 1941-1942, p. 99 (=AE, 1941, 45). 564 CIL, VIII, 2403. 565 CIL, VIII, 2362 et 17864. 566 CIL, VIII, 17827. 567 Vers 160 pour les uns, fin IIe siècle pour d’autres, c’est-à-dire à la même époque que l’arc de Trajan selon P.-A. FEVRIER, Brescia, 1975, p. 132 ; N. KALLALA, Capitoles d’Afrique, 1992, pp. 186-196, met ces constructions davantage en relation avec le développement de la ville et son urbanisation qu’avec l’histoire municipale.

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qu’acquiert inévitablement Timgad, à une époque qui voit la création de la province de Numidie. Peut être aussi à une volonté d’imiter la capitale, Carthage568. Un deuxième point soulignera le rôle des élites dans l’édification de quelques bâtiments. Les cadres primitifs ne correspondant plus à la réalité, on entreprit de construire sur les marges de la ville. L’exemple le plus significatif est celui des Sertii. La belle maison que se font construire M. Plotius Faustus dit Sertius et Cornelia Valentina Tucciana dite Sertia, son épouse. Elle a été pourvue originellement d’un puits, obstrué par la suite. S’y accolent seize boutiques. Sertius fit aussi bâtir, à ses frais, un marché, à propos duquel J. LASSUS a évoqué une fructueuse opération immobilière, et la ville va s’agrandir en direction de l’Aqua Septimiana569. D’autres personnages importants comme P. Iulius Liberalis et ses petits-enfants570 nous introduisent dans la haute société de Timgad, dont on a rappelé l’émergence au cours du IIe siècle. Au sein de cette aristocratie571, nous ne signalerons que deux sénateurs, C. Iulius Iunianus Martialinus et M. Iunius Quintianus Flavius Rogatianus, contemporains de Liberalis autant qu’on puisse juger572. Le premier devient légat de la IIIe légion Auguste entre 227 et 230573. Le second a financé la construction de la bibliothèque par une donation de 400000 sesterces574. Grâce aux promotions imperatoris, les élites se forment, qu’elles soient municipales, sénatoriales, équestres ou économiques, et permettent 568

LASSUS (J.), Adaptation à l’Afrique de l’urbanisme romain, 1963, pp. 245-259, insiste sur les particularités topographiques de Timgad et pense que l’érection du capitole en dehors de la ville témoignerait de l’extension rapide de la ville. 569 LASSUS (J.), Opération, 1996, pp. 1221-1231. De cette époque date aussi le marché central, DE RUYT (C.), Macellum, 1983, pp. 193-203. Sur le flamine et son épouse voir aussi Pavis D’Escurac (H.), Flaminat, 1980, pp. 187-194. L’architecture du marché de Sertius a été étudiée par De La (M.A.) et MARQUEZ-MORENO (C.), El mercado, 1990. 102. Ambitum fontis cancelleis aereis conclusum itemque porticus viridiari picturis ornatas ianuis et pronais ad easdem porticus apertis item opus plateae a thermis usque ad introitum perfectum respublica Thamugadensium d(ecreto) d(ecurionum). Voir LESCHI (L.), Aqua Septimiana Felix, 1947 et LE GLAY (M.), Syncrétisme, 1990, pp. 72-78. 570 CIL, VIII, 4252 et 17830. 571 LE GLAY (M.), Les Sénateurs, 1982. 572 Ibidem. 573 CIL, VIII, 2392 (=ILS 1178) ; GSELL (S.) et GRAILLOT (H.), MEFR, 1893, p. 470 (=ILS 6022) ; LE GLAY (M.), Sénateurs, 1982, p. 773. THOMASSON (B.E.), Fasti, 1996, p. 182, n°60 ; LE BOHEC (Y.), AntAfr., 1989, p. 195. Martialinus est honoré comme patron et municeps de Timgad. 574 ILS 9362 : Ex liberalitate M(arci) Iuli Quintiani Flavi Ro/gatiani, c(larissimae) m(emoriae) u(iro), quam testamento suo reipublicae / coloniae Thamugadensium patriae suae le/gavit, opus bibliothecae ex HS CCCC mil(ibus) num(um), / curante republica, perfectum est.

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aux cités dans lesquelles elles résident des embellissements significatifs. Mais il nous faut dissocier la richesse d’une partie étroite de la population de celle de la cité et l’existence de propriétaires terriens fortunés . Rien ne prouve qu’ils ont fait bénéficié la cité de leur générosité. L’exercice des magistratures est étroitement lié à l’agriculture et à la propriété foncière575 et, en trois ou quatre générations, des élites se sont démarquées nettement du reste de la population. Toutefois, les effets de ces promotions se firent sentir dans les cités. CONCLUSION DU CHAPITRE. Ainsi la question du statut des communautés se trouve au cœur de la question de la romanisation : des milliers de colons romains se sont installées à la fin du Ier siècle av. J.-C. et au début du Ier apr. J.-C., à côté de communautés indigènes de statut pérégrin. Ce qui apparaît remarquable dans cette partie de l’Afrique, pourtant la plus anciennement urbanisée, c’est la lenteur, le regard de cette municipalisation juridique, par rapport aux autres provinces occidentales, Espagne et Gaule surtout. A ce sujet, les historiens se divisent. Pour les uns comme H.-G. PFLAUM, l’enquête conclut « à ce que nous considérons la colonisation romaine sous son véritable aspect qui est celui de l’exploitation, exploitation qui s’est servie de deux procédés ; d’une part, l’on a évité de déranger les nouveaux sujets, en laissant aux cités et aux tribus indigènes leurs façons de vivre et surtout leurs institutions quasi municipales, de l’autre cette tolérance permettait aux Romains installés comme colons à quelques point stratégiques de se prévaloir des privilèges de leur citoyenneté romaine »576. Ce point de vue est partagé, en partie, par un autre contemporain, Marcel BENABOU577. On distingue alors plusieurs niveaux de responsables possibles : les autorités romaines, qui ont voulu préserver les différences et les rapports de subordination ; la résistance des colons d’origine romaine qui firent pression sur les autorités pour garder leur privilèges face à la « romanisation » des élites africaines578 qui 575

LASSUS (J.), op.cit., 1966, p. 1230 : « Il est facile de montrer, par certaines dispositions de sa maison de ville, que Sertius avait de grandes propriétés, et que la base de sa fortune était due à l’agriculture ». 576 PFLAUM (H.-G.), La romanisation de l’ancien territoire de la Carthage punique, AntAfr., 1970, pp. 110-111 (1978, pp. 335-336). 577 BENABOU (M.), Les survivances préromaines en Afrique romaine, L’Afrique romaine, Ottawa, pp. 13-27. 578 DONDIN-PAYRE (M.), « Recherches sur un aspect de la romanisation de l’Afrique du Nord : l’expansion de la citoyenneté romaine jusqu’à Hadrien », Ant.Afr., 17, 1981, pp. 93132.

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revendiquaient de leur côté une participation à la vie publique, correspondant à leur niveau d’intégration culturelle. Pour notre part, nous pensons qu’une intégration serait mieux accomplie que par la municipalisation, d’une grande partie du territoire. L’exemple pour les pagi, après une fusion avec les civitates pérégrines qui leur étaient associées, devinrent des municipes au temps de Septime Sévère, pour ne plus former qu’une entité juridique. Hadrien quant à lui, changea de politique promotionnelle. Il préférait la promotion d’anciennes cités ; il fut suivi par Marc-Aurèle et son fils Commode. Septime Sévère réorganisa entièrement le territoire de Carthage, octroya le ius italicum à Utique, l’ancienne capitale, et à Lepcis Magna, sa ville natale et ses successeurs poursuivirent le mouvement. En 212, un édit de Caracalla accorda la citoyenneté à titre individuel à tous les hommes libres de l’Empire, mais ce ne fut en rien un coup d’arrêt pour les promotions des cités, qui se poursuivirent au IIIème siècle, tandis que la confédération cirtéenne était à son tour démantelée. Ainsi faut-il sans doute insister sur la variété, la diversité des solutions proposées ou requises et penser que la romanisation des communautés procéda, certes, d’un mouvement continu sur le long terme, mais connut de multiples nuances, qui marquent une présence et une action ciblées dans l’administration des cités des provinces africaines qui font l’objet de notre étude.

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CONCLUSION DE LA PARTIE Au terme de cette partie, nous sommes arrivé aux conclusions suivantes : -d’abord que les empereurs ont promu directement les cités aux statuts juridiques de municipes et de colonies ; que ces promotions obéissaient à des impératifs d’ordre défensifs, mais aussi de récompense par rapport au niveau de romanisation des populations d’une part, mais surtout des familles dirigeantes qui pourraient servir de relais, ou de renouvellement de l’administration impériale. -puis, que les promotions pouvaient être le fruit de la reconnaissance du prestige d’anciennes cités qui ont pris part aux côtés de Romains lors des guerres puniques, ou encore des guerres contre Jugurtha ou Massinissa. -ensuite, les promotions qui concernaient des cités entières, succèdent à celles individuelles qui virent des familles comme celle de la gens de Zegrenses d’accéder à la civitas romana, leur permettant de jouir des privilèges liés à cette situation civile. Ici l’accès à ce précieux statut pouvait se faire par la reconnaissance des merita, par la probatio et, très curieusement, par l’exercice de magistratures municipales ou encore par les colloquia. Ces derniers points constituent pour nous encore des pistes à exlpoiter et à explorer, tant les sources sont rares sur ce sujet ; -enfin, les promotions aussi bien collectives qu’individuelles ont entraîné la formation d’élites intellectuelles, politiques et même commerciales.

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DEUXIEME PARTIE DES RECONNAISSANCES INEGALEMENT RECIPROQUES. Nous avons vu dans la partie précédente que les empereurs ont promu les Africains à plusieurs reprises, à travers des magistratures, des bienfaits divers comme les remises d’impôts, l’octroi de la citoyenneté, etc. Mais qu’en est-il du côté africain ? Comment ces derniers ont-ils montré leur adhésion et leur dévotion envers les princes ? La fréquence des reconnaissances africaines supplante-elle les promotions des princes ? Y a-til une inégalité dans les marques de reconnaissance des deux parties ? Les reconnaissances des habitants en hommage à un bienfait étaient libres, et accentuaient leur adhésion à la politique impériale et aux objectifs de la romanisation. Les empereurs eux aussi tenaient à remercier les cités des expressions de leur fides. A cet effet, ils faisaient construire des édifices utilitaires ou profanes. Certains effectuaient même des voyages dans les provinces pour marquer leur liberalitas579, leur indulgentia580, leur beneficia et même leur benevolentia. 579 La liberalitas comme d’autres termes tels indulgentia, fides, définissent l’attitude de l’homme politique qui se comporte à l’égard de ceux qu’il sollicite comme quelqu’un qui a conscience de la supériorité de son rang, bref comme un patronus. Dans son sens premier, elle exprime l’attitude qui convient à un homme libre (cf. Cic., Ac., II, 1 : « Omnis liberalis et digna homine nobili…doctrina. ») ; mais de là il a très rapidement pris le sens de « générosité ». il désigne lui aussi le fait de conférer des beneficia (cf. Cic., Off., I, 48). Il exprime aussi une forme de charité et de justice (cf. Cic., Off., I, 43 : « Nihil est enim liberale quod non idem iustum. ». La liberalitas désigne aussi des actes purement politiques qui, quoique empreints de générosité, ne sont pas de pur désintéressement, mais destinés à procurer la gratia. On peut citer comme exemple de cette liberalitas celle de César à l’égard des Pompéiens (Cic., Marcel., 16 ; 19). 580 Ce terme apparaît dans les inscriptions et sur les monnaies à l’effigie des empereurs à partir d’Hadrien, toujours dans les sens de ‘’remise d’impôt accordée par l’empereur. Sur les différents beneficia dus à l’indulgentia impériale sur l’ensemble de l’Empire : COTTON 1984. Un dupondius de Caracalla frappé en 203, porte au revers la légende INDULGENTIA AUGG. IN CARTH. ; cette expression laisse penser qu’il s’agissait de la remise de la taxe que devaient payer les Carthaginois afin de financier les frais engagés pour la construction de l’aqueduc du mont Zaghouan à Carthage : BABELON 1903 ; MATTINGLY 1950, CXLIX. Mais cette expression peut aussi signifier n’importe quel bienfait de l’empereur. Différentes monnaies évoquent les bienfaits accordés par le prince à la région de Carhage et ses voisines. Plusieurs, frappées en 203-204, de l’effigie de Septime Sévère, puis à celle de Caracalla, portent ainsi le revers Indulgentia Augusti. Cette expression apparaît aussi sur les revers des monnaies romaines à partir d’Nadrien, toujours dans le sens de remise d’impôts accordée par l’empereur.

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Cette partie s’articule autour de quelques axes : l’image des empereurs dans les cités, les reconnaissances collectives et individuelles des habitants, d’une part, et celles des empereurs d’autre part.

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Chapitre I : Les reconnaissances des habitants des cités. A. L’IMAGE DU POUVOIR IMPERIAL ET SA LOCALISATION DANS LES CITES D’AFRIQUE ROMAINE DU IER AU IIIEME SIECLE AP. J.-C.. Qu’il soit confiné dans une cité ou dans un empire, tout pouvoir politique diffusait une image qui n’était pas seulement mentale et qui trouvait une place dans l’organisation spatiale de la ville antique581. Il nous faut voir dans quelle mesure les cités africaines du Haut-Empire romain avaient été aménagées en un espace voué à l’exaltation du pouvoir impérial. En effet, on mesure mieux aujourd’hui le poids de la représentation du pouvoir impérial dans les transformations matérielles de Rome et de Pompéi par exemple ; même si la documentation est moins abondante pour les autres cités, cette lecture idéologique de l’urbanisme romain a été étendue au reste de l’Italie, à la Narbonnaise et à la péninsule Ibérique582. Il reste désormais à savoir si ce fut le cas pour nos provinces africaines. Notre étude se propose, avant de voir comment se caractérisent la fides et l’obsequium des habitants des cités, de reprendre la question de l’image du pouvoir impérial, mais en se limitant à une approche régionale qui soit susceptible de confirmer ou de nuancer les modèles théoriques préalablement définis. Le choix de l’Afrique du Nord s’imposait, puisque les cités de cette partie de l’Empire commencent à recevoir toute l’attention qu’elles méritaient583. Une telle recherche permettra de préciser le rythme et les formes d’intégration de l’image de dynasties à l’origine non africaines dans un territoire que Rome avait conquis au terme de longues guerres. Les rapports entre l’espace urbain et les empereurs ont connus une évolution tout au long de la présence 581

La question des rapports entre l’organisation politique et l’espace urbain constituait une partie intégrante de la philosophie grecque et était traitée par Platon et Aristote (cf. J.-P. VERNANT, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, 3ème éd., 1985, pp. 238-260). 582 GROS (P.),TORELLI (M.), Storia dell’urbanistica. Il mondo romano, Bari, 1988 et P. GROS, L’architecture romaine, t. I, Les monuments publics, Paris, 1996. On pourra aussi lire avec profit S. R. F. PRICE, Rituals and power. The Roman imperial cult in Asia Minor, Cambridge, 1984, pp. 133-206. 583 Il n’existe à l’heure actuelle aucune synthèse sur ce sujet, mais on pourra toujours consulter les deux études suivantes : W. KUHOFF, « Il riflesso dell’autorappresentazione degli imperatori romani nelle province dell’Africa », L’Africa romana, VII, Sassari, 1990, pp. 943-960 et E. SMADJA, « Statue, image et culte de l’empereur en Afrique romaine », Discours religieux dans l’Antiquité, actes du colloque de Besançon, 27-28 / 1 / 1995, éd. Par M. –M. Mactoux et E. Geny, Paris, 1996, pp. 279-294.

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romaine en Afrique, mais il a fallu se résoudre, pour des raisons pratiques, à adopter des délimitations cohérentes du point de vue chronologique et territorial : en l’occurrence de Trajan à la Tétrarchie, et dans les provinces de l’Afrique Proconsulaire, de la Numidie et les Maurétanies584. Le contexte topographique est à prendre avec prudence. En effet, le contexte dans lequel fut retrouvée ou mise au jour la documentation épigraphique et iconographique constitue bien entendu une indication précieuse sur la localisation des images du pouvoir. Mais il faut toujours observer à ce sujet la plus grande prudence et se garder d’établir un lien systématique entre le lieu de découverte et l’emplacement initial originel des statues et dédicaces impériales585. Quant il est connu, le lieu de provenance des dédicaces et des statues impériales souligne la diversité de l’implantation du pouvoir dans la ville : basilique, curie, capitole, temple du culte impérial, aire et portique du forum, autel monumental, arc honorifique, marché, temple dédié à différentes divinités, théâtre, amphithéâtre et thermes586. Pour utile qu’elle soit, cette liste n’a de sens que si on la replace dans une perspective diachronique et si on évalue en même temps la valeur respective de chacun de ces édifices. Il y a en effet des édifices publics qui servent peu souvent à la représentation du pouvoir impérial ou qui remplissent cette fonction pendant un laps de temps déterminé587. Il faut donc commencer par étudier les transformations urbanistiques du Ier siècle et la place du pouvoir au sein de ce processus ; on pourra ensuite étudier dans cette perspective le IIème siècle jusqu’à la fin de la dynastie antonine, enfin souligner à cet égard à la fois les éléments de continuité et les jalons d’une inévitable évolution.

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Le seul obstacle sérieux à une enquête sur la localisation de l’image du pouvoir impérial au sein de l’espace urbain des cités d’Afrique du Nord est la masse de documentation à traiter, et surtout sur une aussi longue période. En outre, sous les Sévères l’étude est particulièrement intéressante car on y trouve la multiplication des témoignages de l’adhésion des cités à cette dynastie. 585 Les transformations de l’espace public furent en effet telles à la fin de l’Antiquité que des bases de statues ont pu être déplacées de leur lieu d’origine de façon à servir de remploi pour des monuments situés dans d’autres lieux de l’espace urbain. 586 Un premier recensement à propos du culte impérial proprement dit dans P. PENSABENE, « Gli spazi del culto imperiale nell’Africa romana », L’Africa romana, X, Sassari, 1994, pp. 153-168. 587 Un des acquis des recherches de cette dernière décennie est d’avoir souligné que l’image de la ville antonine se distinguait sur bien des points de celle de la ville julio-claudienne et flavienne et que les espaces publics de la ville romaine du IIème siècle ap. J.-C. ont pu connaître des changements fonctionnels par rapports au siècle précédent. Voir aussi les remarques de P. GROS, « Comprendre la ville romaine ? Perspectives et problèmes d’une approche structurelle », La ciutat en el mon Roma – La ciudad en el mundo romano, Actes du colloque de Tarragone, 5-11/9/1993, Tarragone, 1994, pp. 51-52.

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Le nombre de dédicaces et de statues impériales datées du Ier siècle ap. J.-C. reste comparativement peu important dans le cadre de nos provinces588. Seules furent alors touchées de façon significative par la diffusion des modèles romains les colonies romaines et les cités pérégrines importantes. L’état de nos connaissances épigraphiques et archéologiques restreint encore davantage le champ d’application, puisqu’on ne connaît guère pour cette période que les centres monumentaux de Carthage, Thugga et Lepcis Magna avec une certaine précision. En dépit des faiblesses de la documentation, il apparaît clairement que le forum constituait l’espace public où le pouvoir impérial était le plus fréquemment représenté à ses débuts. Des statues impériales pouvaient se dresser sur la place même ou sur ses côtés, mais aussi dans différents édifices qui bordaient le centre civique589. Le temple du culte impérial comptait à cet égard au nombre des manifestations les plus caractéristiques de la présence du nouveau pouvoir romain dans l’image des villes où il avait été construit dès le Ier siècle. Des édifices pouvaient même abriter la figure de l’empereur. Elevée à Carthage sur la colline de Byrsa, la basilique apparaît comme la localisation la plus probable d’un cycle statuaire dont il reste les portraits de Julie et de l’un de ses fils aînés et qui plaçait symboliquement la justice sous la tutelle de l’autorité impériale590. Le choix précoce du théâtre de Lepcis Magna comme lieu de mise en scène du pouvoir témoigne d’une transposition du modèle romain dans une cité de la province d’Afrique. Les travaux de Pierre GROS ont en effet bien mis en évidence la remarquable diffusion du théâtre en Italie dès le début du Haut-Empire et éclairé en même temps les relations complexes qui s’étaient établies entre le pouvoir impérial et un tel édifice de spectacle591. Tout 588 Pour donner un ordre d’idée, on peut préciser que sur les quelques quatre cents inscriptions impériales recensées à l’heure actuelle pour la période qui va Ier av. J.-C. au IIème siècle ap. J.C., seules quatre-vingts datent des dynasties julio-claudienne et flavienne. 589 Il n’est pas toujours possible de localiser avec certitude le lieu précis où étaient dressées originellement les statues mises à jour lors de fouilles du forum. 590 GROS (P.), « Le premier urbanisme de la Colonia Iulia Carthago. Mythes et réalités d’une fondation césaro-augustéenne », L’Afrique dans l’occident romain, Actes du colloque de Rome, 3-5/12/1987, CEFR 134, Rome, 1990, pp. 560-562. Le Forum ne constituait pas le seul lieu de représentation du pouvoir impérial au Ier siècle. Notre documentation nous permet d’enregistrer toute une série d’autres types de monuments publics, mais avec une moins grande fréquence : le théâtre de Lepcis Magna, construit sous les julio-claudiens montre qu’en Afrique, au Ier siècle, l’image du pouvoir impérial ne diffère guère du reste de l’Empire 591 GROS (P.), « La fonction symbolique des édifices théâtraux dans le paysage urbain de la Rome augustéenne », L’Urbs. Espace urbain et histoire (Ier siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.), actes du colloque de Rome, 8-12/5/1985, CEFR 98, Rome, 1987, pp. 319-343 ; « Théâtre et culte impérial en Gaule Narbonnaise et dans la Péninsule Ibérique », Stadtbild und Ideologie. Die Monuemtalisierung hispanischer Städte zwischen Republik und Kaiserzeit, actes du colloque de Madrid, 19-23/10/1987, éd. par P. Zanker, Munich, 1990, pp. 381-390 ; « Les théâtres en Italie au Ier siècle de notre ère : situation et fonctions dans l’urbanisme

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symbolique qu’elle fut, la préfiguration dans l’Enéide de la Carthage romaine englobait le théâtre parmi les monuments constitutifs de la fondation coloniale augustéenne592, mais seule Lepcis Magna a pu à ce jour illustrer la contribution de ce type de monuments à la diffusion de l’image du pouvoir en Afrique dès le Ier siècle. Si l’image du pouvoir impérial pouvait connaître pour le Ier siècle la même localisation qu’en Italie et dans les autres provinces occidentales, un tel phénomène était en même temps limité à quelques cités dont on connaît les liens privilégiés avec Rome. A ce sujet nous avons Carthage. En effet, colonie déduite par Trajan, elle devait apparaître comme un modèle de romanitas qui servirait à diffuser dans la province les images et l’idéologie du nouveau régime593. Les statues et dédicaces impériales datées du Ier siècle qui furent retrouvées à Cirta, Hippo Regius, Sicca Veneria, Bulla Regia, Thysdrus, Gigthis et Sabratha594, provenaient de grands centres urbains, dont certains avaient été choisis comme sièges de conventus595. Parmi les cités de moindre importance d’où provenaient des dédicaces et statues impériales, seule Ziane peut être mentionnée avec l’imposant groupe statutaire dans l’espace du forum. Sous Antonin le Pieux le phénomène statutaire s’amplifie pour culminer pendant le règne conjoint de Marc-Aurèle et Lucius Verus. La plupart des cités firent élever des statues et des monuments qui étaient liés d’une manière ou d’une autre aux Antonins, mais l’examen de leur lieu de provenance montre que la province d’Afrique ne suivit pas l’évolution qui a pu être mise en évidence pour l’Italie. La place du forum dans l’image du pouvoir impérial tout au long du IIème siècle est particulièrement caractéristique : alors que les fora d’Italie cessèrent d’être aménagés à la gloire des julio-claudien. Au contraire, les cités d’Afrique continuèrent de faire de leur centre civique un des lieux privilégiés, et actualisés, de la représentation du pouvoir impérial. impérial », L’Italie d’Auguste à Dioclétien, actes du colloque de Rome, 25-28/3/1992, CEFR 198, Rome, 1994, pp. 285-307. 592 VIRGILE, L’Enéide, I, pp. 427-429. 593 Sur l’importance revêtue par la fondation de la colonie de Carthage dans l’idéologie augustéenne et sur la portée d’une entreprise qui symbolise la domination de Rome sur l’ancien territoire punique, cf. Virgile, En., I, 418-508 ; sur ce passage, cf. en dernier lieu J.-L. POMATHIOS, Le pouvoir politique et sa représentation dans l’Enéide de Virgile, Collection Latomus 199, Bruxelles, 1987, pp. 85-88. 594 Aux statues déjà mentionnées qui provenaient d’Hippo Regius, de Gigthis et de Sabratha, il faut ajouter une dédicace à Livie divinisée à Cirta, une tête de Germanicus à Sicca Veneria, une tête de Vespasien Bulla Regia. 595 Sur cette question, cf. C. LEPELLEY, « Les sièges des conventus judiciaires de l’Afrique Proconsulaire », BCTHS, 23, 1994, pp. 145-157.

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L’image de la dynastie antonine pouvait être présente en différents endroits du forum. Il y avait tout d’abord des groupes statuaires qui se dressaient sur l’aire de la place ou sur ses côtés. Le forum de Cuicul constitue l’exemple le mieux connu avec l’imposante série de statues le long des portiques qui associaient entre les autres statues de la Concorde de MarcAurèle et Lucius Verus, de Marc Aurèle avant son avènement, d’Antonin divinisé et d’Hadrien ; on ajoutera les deux statues colossales de Marc Aurèle et Lucius Verus de Thubursicum Numidarum, se faisant face les longs côtés du Forum nouum596, et l’abondante documentation épigraphique provenant des centres civiques de Thugga, d’Uchi Maius et de Sufetula597. Parmi les édifices du forum, le temple du culte impérial apparaissait, d’abord pour des raisons cultuelles, comme un des principaux lieux de représentation du pouvoir et est attesté en particulier à Sabratha598. La basilique pouvait continuer de symboliser les liens naturels entre la justice et le pouvoir. Les sources enregistrent en effet l’existence de quatre groupes statuaires impériaux localisés dans un tel bâtiment et associant différents membres de la dynastie antonine : Hadrien et Sabine à Sigus599 ; Lucius Verus et Lucilla à Carthage, Marc Aurèle et Lucius Verus à Cuicul600. Le Forum était loin de constituer au IIème siècle le seul lieu de mise en scène du pouvoir impérial et fut concurrencé par d’autres espaces publics. A cet effet, on a l’arc honorifique. Il prit sous les Antonins une place remarquable : pour cinq exemplaires au Ier siècle, la documentation enregistre quinze dédicaces aux Antonins placées sur la poutre ou architrave d’un arc honorifique601. Ces édifices pouvaient aussi être une marque de 596

ILAlg., I, 1229. Voir aussi G. SASSY, « Note sur une statue impériale de Thubursicum Numidarum (Khamissa) », Libyca, 1, 1953, pp. 109-113. 597 Le forum de Thugga fut en particulier embelli par un portique dont la frise était consacrée pro salute d’Antonin le Pieux et de ses enfants (CIL, VIII, 26524 = ILAfr., 521). Il faut ajouter que sur le forum de Thugga ou dans ses environs immédiats ont été trouvées de nombreuses dédicaces aux Antonins dont on ne sait plus où elles avaient été précisément élevées à l’origine (ILAfr., 556, ILAfr., 560, CIL, VIII, 26520-26523, CIL, VIII, 26526, AE, 1912, 47). Sur les dédicaces impériales provenant du forum d’Uchi Maius, cf. P. RUGGERI, « La casa imperiale », Uchi Maius 1. Scavi e ricerche epigraphiche in Tunisia, éd. par M. Khanoussi et A. Mastino, Sassari, 1997, pp. 133-171. Sur Sufetula voir MEFRA, 101, 1, 1989, pp. 411-416. 598 Ce temple est consacré à Marc Aurèle et Lucius Verus (IRT, 21). On connaît d’autres temples du culte impérial dans la civitas Uzaensis (AE 1938, 43 = ILTun., 148), à Madaure (ILAlg., I, 2082) et à Uchi Maius. 599 CIL, VIII, 5696 et 5697. 600 CIL, VIII, 8318 ; 8319 ; ILS, 5533. 601 Sur les quinze dédicaces impériales, le terme arcus est mentionné à onze reprises : AE, 1967, 536 ; CIL, VIII, 98 ; CIL, VIII, 587 ; 801 ; 25955 ; 1320 et 14851 ; AE , 1968, 609 ; CIL, VIII, 16441 ; CIL, VIII, 6047 ; AE, 1948, 2 ; CIL, VIII, 24 et 10999. Il faut ajouter quatre dédicaces impériales qui ne mentionnent pas le terme arcus, mais dont on sait qu’elles étaient placées sur la poutre d’un arc honorifique : CIL, VIII, 228 et 11319 ; CIL, VIII, 621 et

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romanité : il est à cet égard significatif qu’Hadrien soit qualifié de « fondateur du municipe » sur les arcs d’Avitta Bibba et d’Althiburos ; quant à l’arc de Trajan à Lepcis Magna, son édification est d’ordinaire mise en relation avec la promotion de cette cité en colonie romaine sous le règne de cet empereur602. Autre bâtiment qui a le même rôle : la capitole ; il constitue un type de monument sur lequel figuraient d’ordinaire le nom et la titulature de l’empereur603. On connaît en effet à ce jour de nombreuses dédicaces gravées sur l’architrave du temple qui étaient consacrées aux divinités de la triade pro salute des empereurs : Trajan à Thubursicum Numidarum et à Thagura604, Hadrien dans la civitas Zuccharitana605, Antonin le Pieux à Bisica606 ; Marc Aurèle et Lucius Verus à Thuburbo Maius et Thugga607. Dans le même ordre d’idées, il faut rappeler que le tympan du fronton du capitole de Thugga était orné d’un relief représentant l’apothéose impériale. Des inscriptions du IIème siècle associaient une manifestation de loyalisme à l’égard du pouvoir impérial à un acte de piété envers un dieu ou une déesse autre que les divinités de la triade capitoline ; le nom de l’empereur y était alors précédé de la formule pro salute. Liées d’ordinaire à des lieux de culte qui se trouvaient à différents endroits de la cité, aussi bien sur le forum que dans d’autres quartiers, et qui pouvaient servir pour le culte impérial608, ces dédicaces étaient consacrées pour une grande part à d’anciennes divinités puniques et numides dont le nom avait été latinisé. Parmi celles dont les liens avec le pouvoir impérial étaient le plus souvent attestés, il faut citer en particulier Liber Pater, Saturne, Pluton, Frugifer, Mercure et les Cereres609. Considéré sur ces dédicaces à la fois comme une 11798 ; CIL, VIII, 799 et 12266 ; CIL, VIII, 1825 et 27775. 602 CIL, VIII, 10. Il faut ajouter que l’arc d’Hadrien à Zama Maior fut dédié précisément à l’empereur qui accorda à cette cité le statut de colonie romaine (CIL, VIII, 16441). Dans ces conditions, l’arc apparaissait aussi comme un modèle architectural de romanité qui soulignait en même temps la responsabilité suprême de l’autorité impériale en matière de promotions municipales et coloniales. On entrevoit mieux ainsi les liens qui existaient entre la place du pouvoir impérial dans les cités de la province d’Afrique et le phénomène plus général de la municipalisation. 603 Sur la capitole en Afrique, voir I. M. BARTON, « Capitoline Temples in Italy and the Provinces (especially Africa) » ANRW, II, 12, 1, Berlin, 1982, pp. 259-342 et plus récemment N. KALLALA, « Capitoles d’Afrique et statuts municipaux », CT, 45, fasc. 159-160, 1992, pp. 185-196. 604 AE 1906, 4, 5. AE 1909, 238-9 = ILAlg., I, 1230-1232 ; CIL, VIII, 28064 = ILAlg., I, 1026. 605 CIL, VIII, 921 et 11198. 606 AE 1978, 839 ; AE 1993, 1715. 607 ILTun., 699 et CIL, VIII, 1471 et 15513. 608 Comme l’a supposé P. PENSABENE, loc. cit. supra n°6, p. 165. 609 Sur les dédicaces à Liber Pater pour la salut d’un empereur antonin, cf. IRT, 355, 362 et 369 ; CIL, VIII, 14546 ; ILAfr., 247 ; AE, 1933, 233 (sur les liens entre Saturne et le culte impérial, cf. M. LE GLAY, Saturne africain, histoire, BEFAR 205, Paris, 1966, pp. 248-253).

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divinité en puissance auquel un culte pouvait être rendu de son vivant et comme un être humain pour le salut duquel l’assistance d’un dieu indigène était demandée, l’empereur apparaît comme une figure intermédiaire à plusieurs égards : entre le divin et l’humain, mais aussi entre la religion romaine et le panthéon local. En ce qui concerne le théâtre, qui connut en Afrique une forte diffusion pendant le IIème siècle ; il est considéré comme un autre vecteur privilégié de l’imagerie impériale610. Le théâtre de Lepcis Magna constitue un formidable exemple représentatif : on y a trouvé une série de sept portraits impériaux représentant Hadrien, Antonin, Marc Aurèle, Lucius Verus, Faustine la Jeune à deux reprises et Lucilla611 ; il faut ajouter trois dédicaces à Antonin le Pieux et une pour Commode612. Du théâtre de Thugga, par exemple, provenaient une tête de Lucius Verus et une dédicace pour le salut de Marc-Aurèle, Lucius Verus et de la domus divina, placée sur le portique qui ceinturait la partie supérieure de la cavea613. Pour être complet, il faut désormais s’intéresser aux images des familles impériales localisées dans d’autres édifices de loisirs tels que l’amphithéâtre et les thermes. On sait que de tels édifices furent en vogue et se multiplièrent au cours du IIème siècle. La formule dédicatoire des thermes de Lepcis Magna transformations urbanistiques de la cité lorsqu’elle souligne que « l’empereur Hadrien assura l’éternité de l’eau »614. Une inscription des thermes d’Antonin de Carthage qualifie pour sa part l’empereur de optimus maximusque princeps pour sa participation financière et rappelle ses beneficia615 ; provenant du même édifice, des têtes d’Antonin le Pieux, de Faustine l’Ancienne et de Faustine la Jeune étaient là pour rappeler la reconnaissance de la cité à l’égard de la dynastie616. On peut citer également différentes dédicaces impériales de la période de Trajan

On connaît également quatre dédicaces à Pluton pour le salut d’un empereur antonin : ILAfr., 495 ; AE 1909, 126 ; AE 1982, 932 ; AE 1968, 595. 610 Sur l’importance du théâtre dans l’urbanisme des cités d’Afrique du Nord au IIème siècle, voir la thèse de Chr. HUGONIOT, Les spectacles de l’Afrique romaine. Une culture officielle municipale sous l’Empire romain, Lille, 1998, pp. 47-53. 611 EVERS (C.), Les portraits d’Hadrien. Typologie et ateliers, Bruxelles, 1994, p. 285. 612 IRT, 373, 376, 377 et 382. 613 CIL, VIII, 1498 et 26528 = ILTun., 1405. 614 IRT, 358 qui précise par la suite qu’un notable local, Q. Servilius Candidus, amena l’eau à ses frais. Il faut ajouter que des thermes d’Hadrien de Lepcis Magna provient une statue d’Antinoüs (M. FLORIANI SQUARCIAPINO, Leptis Magna, Bâle, 1966, p. 93. 615 CIL, VIII, 12513 = ILS, 345 ; dans les thermes d’Antonin a été également mise au jour une dédicace sur frise architravée pour le salut de Marc Aurèle, de Lucius Verus et de leur domus, datée de 162 (AE 1949, 27). 616 LEZINE (A.), Les thermes d’Antonin à Carthage, Tunis, 1969, pp. 35-55.

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retrouvées dans les thermes des cités suivantes : Sabratha617, Thysdrus618, Uthina dans les thermes de Laberii ainsi que dans les grands thermes qualifiés aussi de thermes de Trajan619. Cuicul dans les thermes dits de Commode également en raison d’une dédicace à cet empereur provenant de cet édifice620. L’image du pouvoir impérial était également présente dans des amphithéâtres provenant d’Avitta Bibba et d’Uthina621. On voit donc qu’au IIème siècle, les thermes et l’amphithéâtre constituent comme dans le reste de l’Empire romain un autre lieu prisé de représentation du pouvoir impérial ; dans le même temps, il faut remarquer qu’en Afrique, l’importance prise à cet égard par de tels édifices de loisirs ne s’était pas accompagnée pour autant d’une absence des images de la dynastie antonine sur les fora622. Analysée dans ses dimensions chronologique et topographique, la diffusion de l’image du pouvoir impérial dans l’espace urbain n’était pas un phénomène isolé et suivait une évolution plus générale dont il faut chercher à saisir la logique. Il est remarquable que la multiplication significative des dédicaces et statues impériales au IIème siècle coïncide avec une amplification du phénomène plus général d’intégration de la province d’Afrique dans l’Empire romain623. Dans ce processus l’empereur apparaissait aux communautés africaines comme la figure qui représentait le mieux la mainmise de Rome : d’un point de vue juridique, il était la seule autorité habilitée à donner la civitas romana à titre individuel et à promouvoir les communautés par l’octroi du statut de municipe et de colonie ; en matière religieuse, il leur apparaissait comme intermédiaire entre les dieux et les hommes qui se fondait dans le panthéon local et dont le culte était pris en charge par des prêtres locaux, les flamines (municipaux)624, et 617

IRT, 18. ILAfr., 42. 619 BEN ABDALLAH (Z.), BEN HASSEN (H.), MAURIN (L.), « L’histoire d’Uthina par les textes », Oudhna (Uthina), La redécouverte d’une ville antique de Tunisie, éd. Par H. Ben Hassen et L. Maurin, Bordeaux, Paris et Tunis, 1998, n° 5-7, pp. 47-50. 620 AE, 1935, 45. 621 On connaît pour Avitta Bibba l’existence d’une dédicace à Antonin le Pieux et au jeune Marc Aurèle au-dessus d’une porte de l’amphithéâtre (CIL, VIII, 800 et 12267 + CIL, VIII, 1177 = AE 1942-1943. 622 HURLET (F.), « L’image du pouvoir impérial et sa localisation dans le ville : la singularité de la province d’Afrique aux deux premiers siècles de notre ère », in Images et représentations du pouvoir et de l’ordre social dans l’Antiquité, Actes du colloques, Angers, 28-29 mai 1999, Paris, De Boccard, 2001, pp.277-289. 623 Sur les progrès de la « romanisation » de l’Afrique du Nord au IIème siècle, voir C. LEPELLEY, L’Afrique, dans Rome et l’intégration dans l’Empire (44 av. J.-C. – 260 ap. J.C.), II : Approches régionales du Haut-Empire romain, Paris, 1998, pp. 86-98. 624 BRIAND-PONSART (Cl.), HUGONIOT (Ch.), L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitaine (146 av. J.-C. -533 ap. J.-C., pp. 133-147. 618

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les autres prêtrises civiques (pontifes et augures, les sévirs augustaux), et même des undecemprimi625. Ils étaient les acteurs du culte impérial. En Numidie, même, l’engouement pour la famille impériale se manifesta amplement. Cirta éleva des statues en l’honneur de tous les membres de la famille impériale, y compris au père de l’empereur, P. Septimius Geta, et à sa première épouse, Paccia Marciana626. Les notables de Timgad, de Lambèse, de Cuicul, de Diana Veteranorum, de Verecunda, firent assaut de générosité pour orner leur cité d’images impériales627. Dans ces conditions, on comprend sans peine que les élites locales placèrent les images du nouveau pouvoir au cœur urbain des traits à la fois monumentaux et romains. La focalisation sur Carthage et Lepcis Magna ne doit pas faire oublier que la majorité des autres cités prirent une telle décision plus tardivement, souvent sous les Antonins ; elles manifestèrent leur loyalisme à l’égard de cette dynastie aussi bien dans des fora jusqu’alors peu monumentalisés que dans d’autres édifices qui étaient alors construits. Ces manifestations de l’image du pouvoir impérial se poursuivent dans l’Antiquité Tardive jusqu’à Valentinien et Théodose, comme le prouvent de multiples bases. A Uchi Maius, une étude de P. RUGGERI sur la maison impériale des Antonins à Théodose montre cette remarquable continuité628 : Claude II entre 268 et 270, Aurélien en 270, Constance Chlore, Galère, Sévère et Maximin en 305-306, et même Constantin après 312. Sur le forum de Timgad, les statues des empereurs de la fin du IIème et IVème vinrent cohabiter avec celles de leurs prédécesseurs Aurélien, Magnia Urbica, l’épouse de Carin (283-285), Galère, Constance Chlore ou Constance II629. Il est vrai que cette étude est partielle, mais l’objectif était de nous permettre de comprendre les manifestations de reconnaissance que les cités ont envers les empereurs ainsi que les causes de ces marques de loyauté. Ces marques de la fides et de l’obsequium seront d’une part, sua pecunia, c’est-àdire personnelles ; et publica pecunia, collectives. B. LES HOMMAGES INDIVIDUELS PECUNIA SUA.

Les empereurs ont promu de nombreuses personnes, de nombreuses familles qui constituaient le plus souvent les élites des cités, on parle d’élites municipales. Ces élites étaient le plus souvent les familles influentes des 625

Idem, p. 138. ILAlg., II, 546-565. 627 CIL, VIII, 4583, Diana Veteranorum – Zana. 628 RUGGERI (P.), La casa imperiale, Uchi Maius, 1997, pp. 133-171. 629 ZIMMER (G.), Locus datus decreto decurionum. Zur Statuen Aufstellung zweier Forumsanlagen in römischen Afrika, Bayerischen Akademie der Wissenchaften (ABAW), 102, Munich N. F. 102, 1989, pp. 70-84. 626

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cités ayant aidé les Romains lors des guerres puniques, et à qui les Romains ou précisément l’administration romaine avait accordé de nombreux privilèges : civitas romana, occupation des plus hautes charges municipales, des titres fonciers dans des régions par expropriations le plus souvent. Il y a aussi un autre aspect dont les historiens font mention laconiquement, c’est l’usage dans les inscriptions des expressions telles que pecunia sua, ampliata sua, ou encore de pecunia publica et même pro salute. Ces expressions sont les réponses à d’autres locutions qui appartiennent aux œuvres impériales comme ex auctoritate, ex indulgentia, ex permissu, probatio et même per legionem et beneficium. Toutes ces expressions caractérisent des situations de bienfaits, des évergésies. Tout ceci dans le but précis de caractériser les réactions citoyennes des provinciaux sur le plan individuel, c’est-à-dire des hommages publics individuels, et ceux collectifs qui sont le plus souvent des réponses favorables à des rescrits ou à des constructions utilitaires.

B1. Réponses à une fonction municipale. Il s’agit ici de caractériser les réactions des habitants par rapport à une promotion déterminée. Cette attitude nous est connue par l’usage par les lapicides des expressions telles que pecunia sua. Nous avons pris soin de dire que le plus souvent ces ouvrages ou dons d’un habitant à sa cité ou encore ces hommages à un prince sont motivés par une summa legitima, c’est-à-dire à une promotion sociale ou une charge politique.Nous signalons que de nombreux travaux630 ont été faits sur les hommages ; nous n’en 630

« A propos des Aradii : le stemma d’une famille sénatoriale », ZPE (Zeitschrift fürPapyrologie und Epigraphik), 28, 1978, pp. 143-150. M. CHRISTOL, « Hommages publics à Lepcis Magna à l’époque de Dioclétien : choix de vocabulaire et qualité du destinataire », RHD, 61, 1983, pp. 331-342 ; id., « Les hommages publics à Volubilis : épigraphie et vie municipale », dans L’Africa romana. Atti del III convegno di studio, Sassari, 13-15 dicembre 1985, a cura di Attilio Mastino, Sassari, 1986, pp. 83-96 : il s’agit essentiellement de bases de statues érigées sur le forum ou sur ses abords, peut-être aussi dans les rues. Elles témoignent d’octroi d’honneurs publics que l’ont peut classer en deux catégories, d’après la qualité des destinataires qui sont mentionnés en tête : ceux qui se rapportent aux grands personnages de l’Etat, le prince et sa famille. On a aussi des indications sur les hommages dans les travaux d’autres contemporains : S. LEFEBVRE, « Hommages publics et histoire sociale : les Caecilii Caeciliani et la vie municipale de Volubilis (Maurétanie Tingitane) », MCV, 28, 1992, pp. 19-36 ; « L. Pompeius [Manlianus] de Volubilis », dans L’Africa romana. Lo spazio marittimo nel Mediterraneo occidentale : geografia storica ed economica, cura di M. Khanoussi, P. Ruggeri e C. Vismara, Rome 2002, pp. 1729-1742. M. Chr. HAMDOUNE est revenue sur IAM, II, 430: “Une Gauloise à Volubilis”, dans Ubique amici. Mélanges offerts à J.-M. Lassère, Montpellier, 2001, pp. 225237.

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faisons qu’une sélection des plus expressives et des plus utiles pour notre démonstration. Nous allons y ajouter des références épigraphiques qui viendront confirmer ou infirmer ce qui a été fait jusqu’ici concernant les hommages publics ou privés. De nombreux témoignages épigraphiques sont faits pecunia sua et pro salute imperatoris. En effet, sous les Antonins, les habitants les plus fortunés ont participé à de nombreuses restaurations d’édifices ; ce furent le plus souvent des édifices cultuels tels que temples, sanctuaire, chapelles, capitole et précisément pro salute imperatoris. Les particuliers intervenant peu à l’époque dans ce genre de travaux, la plupart des villes semblent avoir été capables d’en assumer elles-mêmes les frais, contribuant plutôt à la construction de portiques, comme ce fut le cas à Mustis en 116, dans la Proconsulaire, en l’honneur de l’empereur Trajan. Cette contribution fut faite par un certain M. Valerius Fuscus, duovir et ob honorem flam(onii) perp(etui)631. Leur contribution s’est aussi manifestée pour les constructions de portes, par exemple pour l’arcus de Thibilis, ou A propos des inscriptions antiques du Maroc, Latomus, 44, 1985, p. 143-155 ; « A propos des Anicii : le IIème siècle », MEFRA, 98, 1986, p. 141-164. « Un fidèle de Caracalla : Q. Marcius Dioga », CCG, 2, 1991, p. 165-188. « Les troubles en Maurétanie Césarienne sous le gouvernement de T. Licinius Hiéroclès », dans L’Afrique, la Gaule, la Religion à l’époque romaine. Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay, Bruxelles, 1994 (Coll. Latomus, 226), p. 254-266. « Du notable local à l’administrateur impérial, la carrière de T. Flavius Macer : aspects de la vie institutionnelle de la province d’Afrique au début du IIème siècle apr. J.-C. », dans Splendidissima civitas. Etudes d’histoire romaine en hommage à François Jacques, Paris, 1996, p. 27-37. « L’épigraphie de Thugga et la carrière de Plautien », dans Dougga (Thugga), Etudes épigraphiques, Bordeaux, 1997, p. 127-140. J. CARCOPINO, « Quelques passages controversés du règlement d’Henchir-Mettich », dans Mémorial Henri Basset. Nouvelles études nord (africaines et orientales publiées par l’Institut des Hautes-Etudes Marocaines, Paris, 1928, p. 129-136. Corbier (M.), « Les familles clarissimes d’Afrique proconsulaire », dans Epigrafia e Ordine senatorio, II (Tituli, 5), Rome, 1982, p. 685-754. S. DARDAINE, « La formule épigraphique impensam remissit et l’évergétisme en Bétique », MCV (Mélanges de laCasa de Velazquez, 16, 1980, p. 39-55. FREZOULS (E.), « Les Ocratii de Volubilis d’après deux inscriptions inédites », dans Mélanges A. Piganiol, Paris, 1966, III, p. 233-248. J. HELLEGOUARC’H, Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques, Paris, 1963. Fr. JACQUES, « Propriétés impériales et cités en Numidie méridionale », CCG, 3, Paris, 1992, p. 123-139. M LE GLAY, « L’administration centrale de la province de Numidie de Septime Sévère à Gallien », AntAfr, 27, 1991, p. 83-92. P. Le Roux, Les diplômes militaires et l’évolution de l’armée romaine de Claude à Septime Sévère : auxilia, numeri et nationes », dans Eck (Werner) et Wolff (Hartmut) (éd.), Heer und Integrationspolitik. Die römischen Militärdiplome als historische Quelle, Cologne, 1986, pp. 347-374. A. M’charek, « Zama Regia, cité de Proconsulaire », dans Actes du 6ème colloque d’Afrique du Nord (CTHS, Pau, 1993), 1995, pp. 381-393. 631 AE, 1968, n°599 : « …ob honorem flam(onii) perp(etui) taxatis HS X (milibus) porticum mediam adiecta a se amplius pecunia fecit idemq(ue) pinxit item in templo Cererum et in templo Ditis porticus et sacrarium sua pec(unia)… ».

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encore pour des embellissements : ainsi, à Thugga, sous Antonin, Q. Gabinius Felix Faustinianus et ses fils ornent les portiques du forum, columnis et contignatione et lacurnaribus632. A Sabratha, un certain C. Flavius Pudens, flamine perpétuel, fait élever douze fontaines décorées de crustae et de statues de marbres633. En général, alors que les affranchis avaient joué un rôle important dans les constructions de Proconsulaire au Ier siècle, leurs apparitions sont très rares sous les Antonins : la seule mention de constructions financées par un affranchi se trouve à Hippone, où sous Hadrien, l’affranchi Callistus, un tabularius, construit une aedicula de marbre ornée de colonnes qu’il dédie au Numen de l’empereur634. Ce qui est sûr pour nous c’est que la très grande majorité des constructions offertes par les particuliers le furent à l’occasion de l’accès à une fonction municipale, le plus souvent ob honorem flamoni perpetui, ou ob honorem duoviratus. Les summae legitimae ou honorariae étaient versées obligatoirement par les magistrats ou prêtres lors de leur entrée en charge. Leur montant était fixé selon un tarif en vigueur dans chaque cité, que ce soit par une loi municipale, comme nous le confirme A. BESCHAOUCH, qui insiste sur le fait que dans les inscriptions taxare a pour sujet le donateur lui-même635. La pratique des summae honorariae et des munificences, bien établie sous les Antonins, ut supra dixi, s’est perpétuée sous les Sévères, sans que l’on puisse noter de différences sensibles dans le procédé. On remarque cependant que les sommes consacrées à des constructions, qui seules nous intéressent ici, sont fréquemment accompagnées d’autres largesses, pour des statues, des jeux et des sportulae. La majorité des dons ont été faits à l’occasion d’une nomination au flaminat perpétuel ou aux magistratures municipales. Parmi les donateurs nous trouvons même des chevaliers, à l’exemple de ce chevalier de Cirta 632

ILAfr., 521 : « [Pro sal]ute Imp(eratoris) T(iti) Aeli Hadriani Antonin[i Augusti pii liberor]umq(ue) eius Q. Gabinius…cum Dato et Processa filis suis porticus fori [co]umnis et contignatione et lacurnaribus… ». P. Salama, « Une nouvelle inscription d’Aïoun-Sbiba, concernant l’insurrection maurétanienne dite " de 253 " : Marcus Aurelius Victor, gouverneur de Maurétanie Césarienne », CCG (Cahiers du Centre Gustav- Glotz), 12, 2001, pp. 253-267. « L’huile du prince : évergétisme impérial et l’administration annonaire au IIème siècle apr. J.C. », dans Histoire, Espaces et Marges de l’Antiquité, I (Hommages à Monique CLAVELLEVEQUE), Besançon, 2003, pp. 209-226. A. BESCHAOUCH, « Aspects du droit latin en Afrique romaine », BSAF (Bulletin de la société nationale des antiquaires de France), 1994, pp. 251-254. E. BIRLEY, « Promotions and transfers in the Roman Army : Senatorial and Equestrian Officers », Carnuntum-Jahrbruch, 1957, pp. 3-12. 633 BARTOCCINI(R.), Il tempio Antoniniano di Sabratha», Libyca Antiqua, I, 1964, pp21-42. 634 ILAlg. I, 3991 635 BESCHAOUCH (A.), « Mustitana I », Karthago, XIV, 1967-1968, pp. 154-162.

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nommé M. Seius Maximus636, ou encore L. Cornelius Fronton Probianus637 à Rusicade en hommage à Sévère Alexandre, qui remplirent d’importantes fonctions dans la confédération cirtéenne. Toujours en Numidie un certain M. Caecilius Natalis638 a élevé à Cirta une statue en hommage à l’ « Indulgentiae domini nostri », en parlant de Caracalla, qui lui a attribué l’édilité. Signe de romanisation et de prospérité, les hommages en l’honneur de la famille impériale augmentèrent sous Antonin le Pieux et ses fils, les futurs empereurs Marc-Aurèle et Lucius Verus, son épouse, l’impératrice Faustine l’Ancienne. Cette tendance se confirma sous Marc-Aurèle639 et, à l’initiative des cités, comme nous le verrons plus loin, ou de notables ; ce qui nous intéresse. Les statues monumentales des princes investissent l’espace public, comme ce fut le cas à Thugga. En effet, un certain C. Terentius Iulianus, nous en fait mention dans cette inscription : « A Verus divinisé frère de l’empereur César Marc Aurèle Antonin Auguste, vainqueur des Arméniens et des Mèdes vainqueur suprême des Parthes, vainqueur des Germains, grand pontife, en sa 27ème puissance tribunicienne, acclamé six fois Imperator, trois fois consul, père de la patrie consul, proconsul, les deux statues colossales que Nanneia Instania Fida, pour l’honneur du flaminicat, avait promis d’élever pour 30 000 sesterces, Caius Terentius Iulianus, représentant l’héritier, en a fait la dédicace. »640 L’empereur vivant fut honoré selon des formes diverses, qui insistaient sur la part divine contenue dans sa personne. Le génie (genius) apparaît comme le double divin de chaque individu, un dieu tutélaire particulier à une personne. Les Romains en attribuaient aussi à chaque lieu et à chaque 636

ILAlg. II, 569 : « …equo publico exornatus ob honorem IIIviratus statuam cum tetrastylo et ludis scaenicis… ». 637 ILAlg. II, 10 : « ob honorem flam(onii)… ». 638 ILAlg. II, 674-678 : « …ob honorem aedilitatis et IIIviratus et q(uin)q(uennalitatis) rei p(ublicae)… ». 639 HURLET (F.), Pouvoir des images, image du pouvoir impérial. La province d’Afrique aux deux premiers siècles de notre ère, MEFRA, 112, 2000, pp. 317-325. 640 CIL, VIII, 26529, à Thugga. P. SALAMA, « Nouveaux témoignages de l’œuvre des Sévères dans la Maurétanie Césarienne », Libyca, 1, 1953, p. 231-261. P. SALAMA, « Nouveaux témoignages de l’œuvre des Sévères dans la Maurétanie Césarienne », Libyca, 3, 1955, p. 329-363. W. SESTON, édition et commentaire de la Table de Banasa dans Les lois des Romains, Naples, 1977, p. 457-459. R. THOUVENOT, « Une remise d’impôts en 216 apr. J.-C. », CRAI, 1946, p. 548-558. W. WILLIAMS, « Caracalla and the authorship of Imperial Edicts », Latomus, 38, 1979, pp. 67-89. J. ZEILLER, “Inscriptions Latines d’Afrique”, BCTH, 1903, p. 175-190. BADEL (Chr.), Les sénateurs africains, L’Afrique romaine de 69 à 439, éd. B. Cabouret, Paris, p. 307-324.Latomus, 49; L’Africa romana, 5; DUPUIS (X), Constructions publiques, MEFRA, 104.

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collectivité : le peuple romain, la ville de Rome même eurent leur genius. A la fin la République déjà, il servit à honorer les imperatores et, sous le principat d’Auguste, s’instaura le culte du génie de l’empereur. Une inscription de Lepcis Magna mentionne un hommage au numen de l’empereur641. Le numen, volonté, puissance, force créatrice de l’empereur, fut élevé lui aussi à un rang quasi divin. Les invocations aux dieux pour la santé, le salut de l’empereur (salus) devinrent fréquentes avec Hadrien, augmentèrent avec Antonin et Marc Aurèle642, et connurent un franc succès à la période sévérienne. Lorsque l’empereur était en campagne, on faisait une dédicace pour son retour (heureux, pro reditu) et des chapelles furent dédiées à Fortuna Redux, comme le prouve cette base de statue dont la datation a été fixée entre 201 et 211 : « Consacré à Fortuna Redux Auguste pour le salut et le retour très heureux de l’empereur César L. Septime Sévère Pieux Pertinax Auguste, vainqueur des Arabes, des Adiabéniens, grand vainqueur des Parthes, prince très courageux et très heureux et de l’empereur César M. Aurelius Antoninus Pius Felix Auguste et de [L. Septimius Geta, très noble César], fils très pieux de notre Auguste et de Iulia Augusta, mère d’Auguste, [du César] et des camps et de toute la maison divine ; C. Sittius Flavianus, fils de Quintus, inscrit dans la tribu Quirina, édile, triumvir, préfet des colonies, pour l’honneur du triumvirat a donné et a dédié (la statue). Il a versé les sommes honoraires de vingt mille sesterces des deux honneurs en leur temps et immédiatement à la res publica, et, pour la dédicace d’un numen si important, il a donné des jeux scéniques au peuple. Par décret des décurions, il l’a fait ériger à ses frais. »643 La signification de ces hommages obéissait à un désir sincère des particuliers, surtout des notables, de célébrer l’empereur symbolisant la sécurité et la prospérité. Les empereurs furent souvent associés à une divinité majeure, soit du panthéon romain, Jupiter, Trajan le premier, Mars, Minerve, soit à une grande divinité locale, Saturne notamment, ou à des entités, Victoire, Fortune, celles-ci se multipliant au cours du premier tiers du IIIème siècle. Au sein de la triade capitoline, le lien de Jupiter avec les empereurs se renforça au cours du temps : il fut le conservator, comme celui de la famille impériale. La plupart des dédicaces à Junon datent de l’époque sévérienne, 641

IRT, 324a. HURLET (F.), Relecture de fragments épigraphiques du Musée de Sousse. Une nouvelle dédicace à Antonin le Pieux, L’Africa Romana, 14, 2004, pp. 1685-1692. 643 ILAlg. II, 1, 473, à Cirta. 642

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renvoyant à Julia Domna. Le couple impérial répondait au couple divin, ainsi à Verecunda, deux autels jumeaux sont érigés l’un à Iuno Concordia, l’autre à Jupiter conservator de l’empereur en 212644. Même si les dédicaces sont faites pour les dieux ; elles le sont pro salute imperatoris, comme ce fut le cas à Lambèse. Ici Minerve fut honorée par les milieux liés à l’empereur, fonctionnaires impériaux, notables des cités et même des militaires. A Theveste, par exemple, un tabularius, affranchi du nom de Theseus offrit à la déesse un autel hexagonal pour le salut de Marc Aurèle et de Lucius Verus645. On respectait l’ordre hiérarchique, l’empereur étant toujours subordonné aux dieux. De même que l’empereur fut associé à des entités et des dieux « romains », il le devint des dieux vénérés en Afrique romaine ; il fut le garant de leur culte et le bénéficiaire. A la même époque, l’importance de Caelestis dans le culte impérial s’accrut lorsque Iulia Domna, seconde épouse de Septime Sévère, mère des Césars, fut associée à la déesse. On trouve des variantes : dans un bâtiment de Carthage, le numen impérial est associé à Caelestis, déesse protectrice de la cité, dans une dédicace pour le salut et l’éternité de l’imperium de Caracalla et de l’impératrice Iulia Domna, avec mention de la domus divina646. Quelquefois les bienfaiteurs appartiennent aux échelons les plus élevés de la hiérarchie sociale. En effet, des personnages tels que Marcius Tertullus et les Memmii à Bulla Regia, le constructeur des thermes d’Ureu, celui de la bibliothèque de Timgad, qui sont clarissimes, le consulaire M. Cocceius Anicius Faustus Flavianus au Castellum Tidditanorum, et Caelius Severus, patricus et consulaire, qui fut curateur et patron de Pupput647.

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CIL, VIII, 4196-7. ILAlg. I, 3009. 646 AE, 1998, n°1538 647 A Pupput Caelius Severus agit en patron généreux : sa curatelle ne l’obligeait à aucune munificence. Voir aussi F. JACQUES, Les curateurs des cités dans l’occident romain de Trajan à Gallien, Paris. P. SALAMA, « Nouveaux témoignages de l’œuvre des Sévères dans la Maurétanie Césarienne », Libyca, 1, 1953, p. 231-261. W. SESTON, édition et commentaire de la Table de Banasa dans Les lois des Romains, Naples, 1977, p. 457-459. R. THOUVENOT, « Une remise d’impôts en 216 apr. J.-C. », CRAI, 1946, p. 548-558. W. Williams, « Caracalla and the authorship of Imperial Edicts », Latomus, 38, 1979, pp. 67-89. J. ZEILLER, “Inscriptions Latines d’Afrique”, BCTH, 1903, p. 175-190. BADEL (Chr.), Les sénateurs africains, L’Afrique romaine de 69 à 439, éd. B. Cabouret, Paris, p. 307324.Latomus, 49 ; L’Africa romana, 5; DUPUIS (x), constructions publiques, MEFRA, 104. 645

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B2. Réponses à une probatio. L’obtention d’un honneur ou d’une prêtrise ut supra dixi, suppose une dépense tarifiée et d’autres frais spontanés qui varient d’une cité à une autre et selon la fonction. Par conformisme, par souci de prouver leur dignité, les notables s’acquittent de ces diverses sommes ; l’ensemble de cette pratique définit ce que les historiens contemporains appellent l’ « évergétisme ». Ce phénomène implique que le donateur accomplisse de lui-même son évergésie, et qu’il perçoive sa cité comme une entité spécifique qu’il faut embellir pour elle-même. Les inscriptions nous permettent de connaître les différents aspects des évergésies. Ceux qui sont élus à une dignité municipale, décurionat, magistratures et sacerdoces, doivent verser à cette occasion une somme d’argent au trésor de la cité, c’est la summa honoraria. A cet effet, un certain «Caius Iulius Placidus, ob honor(em) flam(onii) / perp(etui) cum (sestertium) X (milia) in opus munificentiae promisisset et ob honor(em) (duum)vir(atus) (sestertium) II (milia), ad[iecta a se] / [ampl]ius pecunia, templum cum statuis (tribus) »648, pour le salut de l’empereur Hadrien, qui porte le titre de père de la patrie à partir de 128 comme nous le déduisons de l’inscription. Il y avait en plus notre donateur qui « a fait fabriquer un vase et une patère en argent d’un poids de six livres »649 pour le temple de Pluton. La somme honoraire pour le duumvirat est très inférieure à celle du flaminat, deux mille sesterces ; la somme totale est promise (promittere), il s’agit bien d’une libéralité. Cet exemple prouve que la summa honoraria, versée au trésor municipal, est en fait utilisée à une construction ou restauration de monument, in opus dit l’inscription. La pratique des summae honorariae et des munificences, bien établie sous les Antonins, s’est perpétuée sous les Sévères, sans que l’on puisse noter de différences sensibles dans la pratique. On remarquera cependant que les sommes consacrées sont le plus souvent accompagnées d’autres largesses, pour des statues, des jeux des sportulae. Mais les dons les plus importants ont été faits sous forme de legs. En effet, nous avons de nombreux exemples, mais nous n’en prenons que quelques-uns, comme celui d’un million de sesterces pour les 16 statues de l’exèdre sévérienne de Lepcis Magna650, 600 000 sesterces au Capitole de Lambèse, que firent 648

Musti, Proconsulaire, Karthago, XIV, 1965, p. 171 : « …C(aius) Iulius PLacidus, fils de M(arcus) ; en remerciement de l’honneur du duumvirat il avait promis deux milles sesterces…a fait orner le temple (d’Esculape) en le dotant de trois statues ». 649 Idem, « …urceum et lancem ex arg(enti) p(ondo) (sex) fecit idemq(ue) ded(icauit). » 650 Le montant exceptionnel de ce don, qui dépasse largement le prix des monuments les plus

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construire, suivant sa volonté, les héritiers du préfet de la XIVème légion Gemina, C. Cornelius Egrilianus. Après la reprise des constructions, on retrouve encore, sous Dioclétien, un don très important ; 350 000 sesterces ou plus encore651, au temple d’Apollon de Calama, et l’habitude des summae legitimae n’était pas complètement perdue : l’arc Ad Maiores, promis par Clodius Victor et Pomponius Macianus en 267, en l’honneur du duovirat, fut élevé par leurs héritiers652. La présence de chevaliers parmi les bienfaiteurs vient confirmer la probatio, ut supra dixi, et qui permettait une promotion sociale à d’anciens soldats ou légionnaires. En effet, on peut mentionner des personnages tels que C. Memmius Felix Armenianus et L. Scantius Iulianus à Cirta, Tullus Maximus à Cuicul, Plotius Faustus et C. Statulenius Vitalis Aquilinus à Timgad, Petronius Felix Fuscus à Thuburbo Maius, Sulpicius Felix à Thala et le procurateur T. Iulius Sabinus Victorianus, constructeur de l’aedes Concordiae de Madaure653. Les constructeurs furent aussi quelquefois de citoyens modestes, dépourvus de titres, ou encore des militaires : un primipile à Mustis, un beneficiarius à Satafis654. C’est à Caracalla également qu’est dédié, à Cirta, un autre arcus triumphalis, avec une statue de bronze de la Virtus656 de l’empereur, offert en l’honneur de son quiquennalat par M. Caecilius Natalis. Et les inscriptions rappellent que cet important magistrat de la Confédération des colonies657 avait déjà offert, pour son édilité et pour le triumvirat, une statue de Securitas Saeculi et une autre de l’Indulgentia impériale, avec un tétrastyle. Il faut faire remarquer que les trois colonies associées, Rusicade, Chullu et Milev, sont devenues indépendantes de Cirta, avec le statut

importants, peut s’expliquer par le travail d’artistes orientaux ou l’emploi de marbres coûteux. Voir G. Ch. PICARD, à propos des travaux de R. DUNCAN-JONES, BCTH, 1961-1962, p. 81. 651 ILAlg., I, 250. 652 CIL, VIII, 2480, 2481. 653 Inscriptions du IIIème siècle mentionnant des constructions financées par des chevaliers : CIL, VIII, 937, 11216 (Seressi) ; 23291 (Timgad, marché de Sertius) ; ILAlg., II, 10 (Rusicade) ; 560 et 569 (Cirta) ; ILAfr., 271 (Thuburbo Maius) ; BCTH, 1911, p. 110 (Cuicul) ; ILAlg., I, 2035 (Madaure). Sur Iulius Sabinus Victorianus, voir H.-G. PFLAUM, Les carrières procuratoriennes équestres, n° 245/245a. 654 Dans les deux cas pour des constructions religieuses : AE, 1968, n° 603 (Mustis) ; CIL, VIII, 20251 (Satafis). 655 Ibidem. 656 ILAlg., II, 674-678 : « …Virtutis domini nostri Antonini Aug(usti) quem ob honorem quinquennalitatis pollicitus est eodem anno sua pecunia extruxit. » 657 ILAlg., II, 674-678 : « …coloniarum Millevitanae et Ruscadensis et Chullitanae… ».

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juridique de respublica658. Enfin, on peut noter que dans la province impériale de Numidie, le seul arc élevé en dehors de cette période se trouve chez les Nigrenses Maiores : promis par deux duumviri après le tremblement de terre de 267, il fut construit par leurs héritiers, et dédié à Dioclétien et Maximien en 286 ou 287.Il est inutile pour nous de faire une étude entière sur les particuliers ayant fait des dédicaces à des empereurs, mais de montrer que les empereurs ont promu les habitants et que ces derniers, via quelques exemples issus des provinces qui font l’objet de notre espace analytique, leur ont bien prouvé leur reconnaissance.Enfin on peut penser que les promotions individuelles effectuées par les empereurs ont rehaussé le prestige des habitants même les plus modestes.

D. LES HOMMAGES COLLECTIFS PECUNIA PUBLICA. Il est fréquent de rencontrer de nombreuses inscriptions qui attestent de la vitalité des cités africaines, dans l’expression de leur reconnaissance quant aux beneficia imperatoris. En effet, à l’instar des particuliers dont on a vu l’activité édilitaire le plus souvent à l’usage pour des constructions pas seulement à caractère religieux, mais aussi civiles et surtout utilitaires pour le compte du salute imperatoris, les cités ont joué un rôle primordial dans leur développement. L’épigraphie nous permet de comprendre et d’attester de cette vitalité, par la mention d’expression du type pecunia publica via l’ordo decurionum bien sûr. Ce sont des hommages que nous avons qualifié de collectif en réponse à deux types de bienfaits, d’une part aux promotions juridiques traitées en première partie, et d’autre part à des constructions utilitaires telles que les thermes ou des aqueducs.

C1. Réponses aux promotions juridiques. Nous situons notre travail dans une dyarchie chronologique ; d’une part des Antonins aux Sévères et, d’autre part, des Sévères à la fin du IIIème siècle.Ce qui est certain c’est que les cités ont largement contribué, au IIème siècle, à l’édification de leurs monuments, sans toujours le rappeler par une inscription. Elles ont certainement assumé en grande partie la construction des remparts et des portes, les adductions d’eau, l’établissement des fora et les travaux de voiries ; de plus, outre les édifices où des inscriptions portant la mention pecunia publica ou une formule équivalente du type ampliata 658

BERTRANDY (F.), « La confédération cirtéenne : des Flaviens à Gallien et la Numidie cirtéenne dans l’Antiquité tardive (69-439) », dans L’Afrique romaine de 69-439. Romanisation et christianisation, Editions du Temps, Nantes, 2005, p. 114.

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pecunia, il est permis d’attribuer également aux finances publiques les travaux dont les dédicaces comportent seulement le nom de l’empereur et/ ou celui du gouverneur ou du légat ; ces derniers agissant bien sûr Pro Salute imperatoris. A côté des grands travaux d’intérêt public, plusieurs villes consacrèrent des arcs aux empereurs, souvent en reconnaissance de privilèges, ou d’une promotion à un statut supérieur : ainsi Althiburos, Avitta Bibba, Mactar, Diana, Lambèse, Verecunda et surtout Lepcis Magna, qui éleva l’arc de Trajan, peut-être celui d’Antonin, et compléta la financement de l’arc de Marc Aurèle. D’autres villes, comme Cuicul et Timgad, élevèrent elles-mêmes leurs thermes. Parmi les temples, c’est de préférence le Capitole qui fut construit aux frais des cités. Thugga, qui avait de nombreux édifices publics depuis le Ier siècle, s’accrut surtout de monuments édifiés par les particuliers, mais la civitas prit cependant à sa charge la restauration du temple de Saturne. A Lepcis Magna les nouvelles constructions sont dues à peu près également aux finances publiques et aux fortunes privées. Dans les villes en plein essor au IIème siècle, on constate à Timgad une prédominance des constructions faites pecunia publica, avec notamment le théâtre ; à Cuicul, un partage à peu près égal ; à Mustis, en revanche, les constructions à la charge des particuliers l’emportent largement. Des inscriptions font mention de collèges ou de corporations, qui ont apparemment peu d’importance dans les constructions au IIème siècle, bien que deux mentions en fassent état : celle des cultores Domus Augustae de Volubilis, et celle des foulons de Mactar659. Mais il est probable que les thermes du thiase marin d’Acholla appartenaient à un collège660. A côté des temples du culte impérial, on relève des statues élevées en l’honneur des empereurs et de leur famille. Autre manifestation de loyalisme, des statues, placées dans des tétrastyles, de petits édifices à colonnes, sans doute semblables à des baldaquins, et surtout des arcs triomphaux ont été dédiés aux empereurs, au cours du IIIème s. dans plusieurs villes avec parfois plusieurs arcs dans la même ville. On ne connaît qu’un seul arc, sévérien, en Maurétanie : l’arc à trois baies de Volubilis, dédié à Caracalla par les habitants de la ville en remerciement d’un privilège, probablement une exemption d’impôts661. En Numidie, tous les arcs à 3 baies consacrés à Septime Sévère; à Timgad, la porte Ouest, l’arc de Trajan, pourrait bien être sévérienne, et avoir porté une 659

PICARD (G.), Civitas Mactaritana, p. 61. PICARD (G. Ch.), « Les thermes du thiase marin à Acholla », Ant. Afr., II, 1968, pp. 95151, estime que l’établissement appartenait à un collège dionysiaque. 661 DOMERGUE (C.), « L’arc de triomphe de Caracalla à Volubilis », BCTH, 1963-1964, pp. 201-229. 660

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dédicace, de 203, émanant de la respublica coloniae Thamugadensis662, et il existait un arcus Pantheus auquel un flamine ajouta une statue de Mars sous Caracalla ; Tigisis éleva un arc à Septime Sévère, Caracalla et Géta, dont la dédicace fut faite par le légat Q. Anicius Faustus663, et Cuicul un arcus triumphalis à Caracalla, sur la « forum novum ». la res publica Dianensium consacra un arc à trois baies à Macrin et Diaduménien664 (217-218). En Proconsulaire, et plus qu’ailleurs, c’est-à-dire dans les autres provinces qui font l’objet de notre préoccupation géographique, des arcs furent élevés en l’honneur des Sévères par les municipalités : à Ammaedara665 dès 195, à Sufetula666, à Vaga667, à Uzappa668, à Thugga. Parmi ces arcs, un fut adressé à Septime Sévère pour commémorer la fondation du municipium, un autre à Alexandre Sévère, conservator libertatis, sans doute en remerciement de privilèges octroyés par l’empereur. Nous avons aussi, en 230, un arc dans la cité d’Uchi Maius, devenue la colonia Alexandriana Augusta Uchi Maius669. Les empereurs, par leurs représentants dans les provinces ont promu de nombreux Africains, et qui par leur prestige, et la confiance que les princes avaient pour leur personne ont permis la promotion juridique et civique des cités. En effet, les empereurs ont accordé des aides civiques comme le prouve cette inscription, trouvée à Vaga en Proconsulaire vers 208 ; c’est une dédicace à Septime Sévère, à ses fils, Caracalla et Géta, et à l’impératrice Julia Domna : « La colonie fondée grâce au proconsul Titus Flavius Decimus, clarissime, a fait faire un arc de triomphe et l’a dédié à la puissance impériale divine de ceux-ci670 »671.

662 DOISY (H.), « Inscriptions latines de Timgad » MEFR, LXV, 1953, p. 125, a reconstitué à partir de CIL, VIII, 2368 et 17872, une dédicace aux Sévères, avec martelage des noms de Geta et Plautilla, et nouvelle gravure, qui peut être datée de 203 (cf. AE, 1954, n° 153). Cette inscription peut être contemporaine de la construction de l’arc, ou dater seulement d’une nouvelle consécration. 663 La fin de l’inscription ne permet pas de connaître les détails du financement, certainement privé. 664 CIL, VIII, 4598 : « …respu[blica] Dianensium ex dec(reto) dec(urionum) ». 665 CIL, VIII, 306. 666 CIL, VIII, 11327 : « …Suffetntulentium hanc edificaverunt… » 667 CIL, VIII, 14395 : « …colonia deducta arcum fecit et numini Aug(usto) eorum dicavit ». 668 CIL, VIII, 11929. 669 CIL, VIII, 26262 : « Ex indulgentia domini nostri Imperatoris Caesaris M(arci) Aureli Severi Alexandri […]colonia Alexandriana Aug(usta) Uchi Maius eius nomine et auspiciis deducta… » 670 L’empereur et sa famille. 671 CIL, VIII, 14395.

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C2. Reconnaissance des constructions utilitaires. Les empereurs ont favorisé des constructions diverses, accordé des aides publiques et aidé les cités dans plusieurs réalisations. Il est inutile d’en dresser un chapelet, mais nous prendrons quelques exemples qui nous permettrons de juger de l’ampleur de la présence et des actions des empereurs dans les cités africaines, et ainsi voir que ces derniers intervenaient dans des domaines bien souvent négligés par l’historiographie contemporaine. Les empereurs se sont intéressés à l’aménagement du territoire et aux travaux publics. En effet, Septime Sévère, par exemple, s’est manifesté dans la cité d’Uzinaza, en Maurétaine Césarienne en 203 où 204, comme l’atteste cette inscription : « L’empereur César Lucius Septimius Severus (suit la titulature) et l’empereur César Marcus Aurelius Antoninus, Pieux, Auguste, revêtus de la puissance tribunicienne pour la septième fois, consuls pour la deuxième fois, et Publius Septimius Géta, fils de Lucius Septimius, frère de Marcus Aurelius Antoninus le Pieux, de nouveaux peuples ayant été transférés d’Africa, ont fondé la ville d’Uzinaza par l’entremise de Publius Aurelius Peregrinus, procurateur ducénaire. »672.

C3. La question des ressources des cités. D’où provenaient les sommes d’argent qui servaient au financement des expressions de la fides et de l’obsequium des habitants des cités africaines ? C’est la question des ressources des cités673. Une cité pouvait posséder des biens-fonds et les louer, entretenir les thermes avec les entrées. Elle perçevait des taxes sur les marchés, des amendes, des péages. Au moment de sa fondation, Timgad, par exemple, avait reçu un règlement (lex), assez voisin sans doute de ce que l’on connaît pour les cités de Bétique. Les magistrats (édiles et duumvirs) devaient verser une somme honoraire lors de leur entrée en fonction. Les décurions ont vraisemblablement été dispensés de l’obligation de verser cette somme au début du IIe siècle, toutefois elle était la bienvenue674. Mais à quoi la cité affecte-t-elle ses ressources ? Il existe des priorités dans les aménagements urbains. Se défendre ou se protéger est la première et, si la présence de la IIIe légion Auguste rassure, elle n’empêche pas de prévoir une muraille. L’octroi de celle-ci, qui apparaît 672

AE, 1992, 1925. Voir M. CORBIER, Cité, 1991, pp. 664-648. 674 PLINE LE JEUNE, Ep. X, 112, 1. Cl. BRIAND-PONSART, Summa, 1999, pp. 224-227. 673

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comme un privilège dans un certain nombre de cas, se présentait ici avant tout comme une simple mesure de précaution dans une région encore peu romanisée. Il semblerait que la construction ait demandé du temps et il y a doute sur le fait qu’elle ait été entièrement achevée. Décidée lors de l’installation par l’empereur, elle se serait révélée inutile et coûteuse par la suite. Suivent les constructions politiques, civiques, qui forment ce que les auteurs identifient comme les éléments constitutifs de la cité, le forum avec son ensemble de statues, les temples civiques, et celles que l’on peut qualifier d’équipement, voirie, assainissement. Qui supporte ces dépenses ? Normalement, la cité. Mais, à côté de ses dépenses officielles, la pratique évergétique entraîne les notables, désireux d’embellir leur cité, à supporter une grande partie des frais. Magistrats et évergètes tiennent naturellement à ce que leurs générosités ou celles de la res publica soient bien visibles aux yeux de leurs contemporains et des générations futures. Ils la commémorent dans la pierre, bien en vue et, si possible, dans l’espace civique. Cela explique que les premières dédicaces apparaissent sur le forum. Construit, organisé assez précocement, il constituait le lieu naturel où faire figurer les donations. Or nous constatons que, pendant au moins deux générations, les entreprises restent modestes et semblent souvent liées à l’initiative des légats. Les Thamugadenses ne participent guère à l’embellissement de leur cité en raison, probablement, de leurs faibles capacités financières. La res publica prend en charge les constructions et l’ornementation de la cité, comme l’attestent les inscriptions, en particulier les dédicaces de statues. Elles mettent en évidence des rythmes, des temps forts, correspondant peutêtre à l’énergie plus ou moins grande de ces personnages et, dans le cas présent, le hasard des découvertes paraît assez limité puisque la plupart des bases ont été retrouvées675. Les légats de la légion reçoivent de nombreux hommages en tant que patrons de la colonie et ils procèdent à la dédicace de nombreux monuments. Le premier mentionné, à Thamugadi par exemple, A. Larcius Priscus, consul suffect en 110, s’est occupé par ailleurs d’une route près de Rusicade676 ; le deuxième, Sex. Iulius Maior, a, lui aussi, dirigé des travaux (ponts et routes) financés par la res publica de Cirta en 125/126677. Caesernius Statianus, légat en 140-141678, patron en mêle temps des quatre colonies de la Confédération cirtéenne, mentionné dans trois fragments, ne semble pas avoir joué un rôle particulier dans la cité. Les inscriptions se multiplient dans 675

Voir ZIMMER (G.), Locus, 1989. THOMASSON (B.E.), 1996, Fasti, p. 141, n°18. 677 Id., Ibid., p. 144, n°22. 678 DOISY (H.), MEFR, 1953, p. 65 (= AE, 1954, 150). THOMASSON (B.E.), Fasti, 1996, p. 147, n°27. 676

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les années 140, tout d’abord avec C. Prastina Messalinus, légat entre 143 et 146, consul ordinaire en 147, qui fait la dédicace du dallage du forum679 et des travaux d’adduction680. L. Novius Crispinus fait celle de la porte Nord, édifiée à frais public en 149681. En 151-152, M. Valerius Etruscus dédie le dallage de la place près du futur temple du génie de la colonie682.

E. LA FIDES ET L’OBSEQUIUM DES HABITANTS DES CITES.

Selon les propos de TACITE, l’obsequium serait « l’obéissance honteuse »683. Nous ne pouvons manquer de remarquer qu’il y avait pour TACITE deux formes d’obsequium. L’une acceptable, l’obsequium deforme (laid et défiguré, hideux)684 et une seconde qui était normale en quelque sorte. C’est cet obsequium-là que pratiquèrent tout à la fois TACITE et son beau-père Agricola, serviteurs malgré eux d’un mauvais Prince, Domitien. Il ne s’agissait pas moins là d’une forme d’acceptation de l’Empire. Nous ne ferons pas une étude sémantique ou lexicologique sur ce terme, mais nous montrerons son importance dans les relations entre les Princes et les habitants des cités africaines. En effet, qu’est-ce que l’obsequium, sinon le fait de « suivre quelqu’un en tout », de se conformer à ses désirs685 ? De plus, J. HELLEGOUARC’H, analysant les acceptions du mot sous la République686, fait une remarque qui en dit long sur la mentalité de l’aristocratie romaine se 679

GSELL (S.), BCTH, 1902, p. 313 (=AE, 1902, 146): Imp(eratori) Caes(ari) T(ito) Aelio Hadriano Antonio …plateam stratam … p(ecunia) p(ublica). 680 Universum opus perductionis aquae inchoatum et consummatum, d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica). Autres preuves de son activité : CIL, VIII, 10230 = ILS 2479 ; Lambèse, il consacre une piscine à Esculape et à Hygie (AE, 1915, 26) ; Le Bohec (Y.), AntAfr., 1989, p. 201, n°10. Pour les adductions d’eau, LE GLAY (M.) et TOURRENC (S.), AntAfr., 1985, p. 111 ( = AE, 1985, 875a). 681 CIL, VIII, 17852 : [Imp(eratori) Caes(ari) divi Hadriani fil(io) divi Traiani Parthici nepoti divi Nervae pro[nepoti] T(ito) Aelio Hadriano Antonio] Aug(usto) Pio, p(atri) p(atriae) imp(eratori) II, ponti(ici) max(imo) trib(unicia) pot(estate) XXII co(n)s(uli) IIII [L(ucius) Novius Crsipinus leg(atus) Aug(usti) pr(o) pr(aetore) co(n)s(ul)] design(atus) patronus col(oniae) dedicavit d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica). 682 BCTH, 1898, p. CLVIII (= AE, 1899, 3 ; ILS 5351 ; LE BOHEC (Y.), AntAfr., 1989, p. 194. 683 TACITE, Annales, IV, 20, 3. Sur ce terme, nous avons tiré profit des remarques d’O. Devilliers, 1992. 684 TACITE, op. cit. IV, 20, 1-3, trad. P. Wuilleumier (CUF). 685 Cicéron, Des termes extrêmes des Biens et des Maux, I, 17. Sur l’origine du mot, Cicéron, Lettres familières, I, 9, 21. 686 HELLEGOUARC’H (J.), Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République, Paris,1972, p. 217, que nous avons suivi ici.

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résignant à une telle démarche. Car si l’obsequium était synonyme d’acceptations, il n’en signifiait pas moins le fait de fermer les yeux sur les fautes de ses amis. De ce fait, il s’agissait d’une indulgence coupable, d’une forme blâmable de la facilitas. Les empereurs tenaient en effet compte de cette attitude des sujets de l’Empire. C’était ce qu’Yves ROMAN a appelé « la gloire de l’obéissance (obsequii gloria) »687. Les empereurs romains dans leur magnanimité récompensaient ceux des Africains que s’étaient montrés attachés à l’image des Princes, comme en témoigne cette inscription : Texte : « … Désireux de récompenser la déférence et la loyauté que vous me témoignez, je vous fais remise de toutes vos dettes envers le fisc, soit en blé, soit argent, même de celles qui sont en litige dans des procès en cours, à l’exception de celles qui font l’objet d’un jugement sans qu’il ait été fait appel de ce dernier. Je déclare en outre que ma faveur s’étend aussi aux causes pour lesquelles il sera prouvé qu’on a interjeté appel, même si celuici n’a pas encore été reçu. Je suis sûr que vous répondrez à ma générosité par une preuve de déférence, en mettant à ma disposition les services de villages et de provinces qui mériteront bien de l’Etat grâce non seulement à des hommes de valeur de tout rang assumant à la perfection leurs obligations militaires et civiles, mais aussi grâce à vos forêts qui produisent d’elles-mêmes des quantités d’animaux célestes. En vous accordant cette faveur, je compte bien pour ce qui est du reste que vous vous acquitterez tous de vos versements annuels, aussi bien en blé qu’en argent, avec zèle d’autant plus vif que vous réfléchirez à ceci : je vous ai spontanément offert, sans attendre que vous en formuliez la requête, ni même que vous en conceviez l’espoir, un remède sans précédent à vos difficultés et vous ai prouvé avec magnificence ma générosité. » « Publié par les soins de L. Antonius Sosibianus et A. Pompeius Cassianus, duumvirs. »688 . Cette inscription qui date de 216 ap. J.-C. montre bien l’indulgentia des empereurs. On retrouve ici l’indulgentia du prince qui fait écho à la fides et à l’obsequium des habitants de Banasa. En outre, les habitants justifiaient leur attitude de déférence en reconnaissant officiellement le caractère divin 687

ROMAN (Y.), Empereurs et sénateurs, Fayard, 2001, p. 335. Sous la forme même de cet obsequium, la concession était immense et valait acceptation de ce que nous appelons le pouvoir impérial. 688 IAM, 2 ; Banasa, AE, 1948, 109.

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du pouvoir impérial. Tacite nous renseigne à ce propos par le texte suivant : « […] Il ne nous appartient pas d’apprécier qui tu places au-dessus des autres et pour quelles raisons tu l’élèves ; tu as reçu des dieux la souveraine décision en toutes choses il nous a été laissé la gloire de l’obéissance. De plus, nous voyons ce qui frappe nos yeux, à qui tu dispenses richesses et honneurs, lesquels possèdent le plus de pouvoir pour servir ou pour nuire, avantages dont nul ne saurait nier … »689. Dans le cadre de ce qu’on peut appeler l’évergétisme impérial, nous avons trouvé le document de l’édit de Banasa particulièrement explicite de la récompense de l’obsequium et de la fides des habitants des cités africaines de la Maurétanie Tingitane, dont l’édit est destiné. Les commentaires qui se sont succédé depuis plus de quarante ans en ont éclairci bien des aspects et en ont obscurci d’autres à notre avis. Nous n’allons pas entrer en profondeur, mais tout simplement y voir une marque des indulgentiae imperatoris accordés aux Africains. Nous allons avant de commencer cette étude reproduire ici le texte de l’édit ainsi que sa traduction : [---di]u[i] Nervae adnepos, / Marcus Aurelius Antoninus Pius Aug(ustus) Part(hicus) Max(imus) / Brit(annicus) Max(imus) Germ(anicus), trib(uniciae) potestatis / XVIIII Imp(erator) III, co(n)s(ul) IIII, p(ater) p(atriae), proco(n)s(ul) dicit./ Obsequium et fidem vestram remunerans omnia quaecumque sunt debita fis/calia frumentaria sive pecunaria, pendentium quoque causaram, concedo / vobis, exceptis de quibus pronuntiatum est provocatione non secuta ; et hoc / amplius eas quoq(ue) causas at beneficium meum profiteor ipse pertinere in qui/bus appellationem interpositam probatum fuerit etiamsi non sit admissa, / certum habens quod indulgentiam meam obsequio sitis remuneraturi, cum / vicor(um) et provinciarum bene de rep(ublica) merentium non tantum viris forbitus / in omni ordine spectatissimis castrensium adque civilium officiorum ve/rum etiam siluis quoque ipsis caelestium fertilibus animalium meritum / aput me conlocaveritis : hoc beneficio meo praesumo omnes de cetero an/nuas pensitationes svie in frumento seu in pecunia eo promptius datu/ros quo me reputabitis non expectasse quin ultro offerem neque petenti/bus vobis neque sperantibus nova remedia et magnificam indulgentiam. / Curantibus L(ucio) Ant(onio) Sosibiano et Aulo Pompeio Cassiano / du(u)mviris.

689

TACITE, Ann., VI, 8, 4.

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Traduction personnelle : « …Désirant récompenser vos services dévoués et loyaux, je vous ai fais remise de toutes vos dettes envers le fisc, soit en blé soit en argent, même celles qui sont en litige dans des procès en cours, à l’exception de celles qui ont fait l’objet d’un jugement sans qu’il ait été fait appel de ce dernier ; et je déclare en outre que ma faveur s’étend aussi aux causes pour lesquelles il sera prouvé qu’on a interjeté appel, même si cet appel n’a pas encore été reçu. Je suis sûr que vous répondrez à ma générosité par une preuve de déférence (ou promptitude à me servir), en mettant à ma disposition les services des villages et des provinces, à qui l’Etat doit tant non seulement pour ces hommes énergétiques parvenus au premier rang dans toutes les catégories de fonctions militaires et civiles, mais aussi par vos bois (ou forêts) qui produisent eux-mêmes abondance d’« animaux célestes ». En vous accordant cette faveur, j’entends que tous, à l’avenir, vous vous acquitterez de vos versements annuels, aussi bien en blé qu’en argent, avec zèle d’autant plus vif que vous réfléchirez à ceci : je vous ai spontanément offert, sans attendre que vous en formuliez la requête, ni même que vous en conceviez l’espoir, un remède sans précédent à vos difficultés et vous ai prouvé avec magnificence ma générosité. Publié par les soins de L. Antonnius Sosibianus et A. Pompeius Cassianus, duumvirs. »690 Date : 216 ap. J.-C. Avant de passer à l’étude de ce texte, on peut dire qu’on retrouve ici l’indulgentia du prince qui fait écho à la fides et l’obsequium des habitants de Banasa. Il serait étonnant que Caracalla ait envoyé cette lettre sans demande de la part des habitants, puisqu’il leur fait remise de leurs dettes tout en précisant qu’une telle situation ne doit plus se reproduire, comme Titus après l’appel des habitants de Munigua.Le texte de l’édit répond parfaitement à la définition dun édit, afin de comprendre si cette mesure appliquée dans une cité émane effectivement du prince. Nous pouvons le savoir par sa nature, d’abord : -Sa praescriptio, sous la forme d’une phrase ayant pour le sujet le premier magistrat de l’empire, l’empereur de Caracalla, assorti de ses titres (à la date de 216), et pour le verbe le dicit attendu, est bien complète selon 690

Traduction personnelle. 691 Traduction personnelle.

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les normes, puisque les interlocuteurs concernés ne sont jamais explicités à ce niveau. Et si la partie supérieure de la plaque, perdue, portait un titre, une introduction, du type Edictum Imp. Caes. M. Aureli Antonini etc…, comme nous en connaissons des exemples692. -Sa narratio ou exposé des circonstances motivantes, en l’occurrence le désir du prince de récompenser de loyaux sujets, est réduite, vu sa simplicité, aux quelques mots initiaux. En guise de transition entre les deux parties de la dispositio, l’obsequium des intéressés auxquels les premiers mots faisaient allusion, est développé de manière ample dans la subordonnée cum…conlocaueritis, répétition non inutile, destinée à flatter les bonnes dispositions des sujets avant l’énoncé de l’élément le moins agréable de l’impérial message. -La dispositio enfin, a deux facettes qui sont une grâce, la remise de dettes, et une injonction, payer ponctuellement ses impôts à l’avenir, s’organise autour des trois verbes à la première personne : concedo, confiteor, praesumo. Les destinataires de l’édit de Banasa ne doivent donc pas être considérés comme absents. L’édit est affiché par les soins de deux magistrats supérieurs en charge à Banasa, les duumviri693, c’est dire qu’il concerne officiellement la colonie et tous ceux qui administrativement dépendent d’elle. Une indication émerge ensuite de la concordance de trois éléments, à savoir : a) la forme adoptée, l’edictum, à valeur normative plus générale que l’epistula, mieux appropriée au cas d’une ville ; b) le contenu, avec la mention des mérites de bons serviteurs de l’état, civils et militaires ; c) le hasard d’une attestation exactement contemporaine694 pour cette mesure fiscale, attestation non textuelle cette fois, mais allusive, la dédicace à Caracalla d’un arc par la respublica du municipe voisin de Volubilis, ob … novam supra omnes retro principes indulgentiam. Ces trois éléments garantissent que d’autres communautés sont concernées : on a donc affaire à 692

Edictum … : Benner, VIII, XIV (tabula Clesiana), XVI ; en IX, XX, XXII, cet intitulé remplace la praescriptio. 693 Les deux dernières lignes, en retrait : curantibus L. Ant(onio) Sosibiano et Aulo Pompeio Cassiano du(u)mviris. 694 La dédicace de l’arc de Volubilis (IAM, 2, 390-391), postérieure (de moins de quatre mois) au 10 décembre 216 (trib.pot. XX), si l’on tient compte du délai de construction du monument, nous reporte pour la mesure impériale qui est à l’origine de la décision de l’ordo, à un date qui correspond parfaitement avec la fourchette d’une année, 10 décembre 215 – 9 décembre 216, où se situe l’édit de Banasa. On doit à Claude Domergue d’avoir mis en relation la nova indulgentia que célèbre la dédicace de l’arc et la remise des dettes attestée à Banasa.

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un édit adressé à une province, seule instance opérante au-dessus des villes entendues comme chefs-lieux administratifs, quel que soit leur statut juridique. Peut-on penser à un champ d’application plus vaste ? Il paraît improbable qu’il s’agisse d’une mesure générale touchant l’ensemble de l’empire : les sources littéraires, DION CASSIUS, HERODIEN, l’Histoire Auguste, certes partiales, hostiles à Caracalla, n’en gardent pas la trace695, mais il ne serait pas impossible que d’autres provinces africaines en général696, aient reçu une faveur identique. Les destinataires de l’édit conservé, bien loin de devoir être reconnus dans les seuls habitants de vici et des provinciae auxquels on pourrait penser en un ultime recours qui aurait l’inconvénient de substituer à une difficulté apparente, l’absence de destinataires nommément désignés, une difficulté réelle, une ignorance intentionnelle pour le moins désinvolte des villes, ces destinataires sont donc les provinciales de Maurétanie Tingitane et Césarienne touchées au lieu de rattachement administratif ; vici et provinciae. Ces unités de topographie administrative mentionnée comme dépendant des récipiendaires de l’édit, n’entrent en ligne de compte que dans l’évocation des merita697 signalés dont ces provinciales et font bénéficier la respublica romaine698 à partir des ressources de leur territoire699. 695 Contrairement à ce qui se passe pour les remises d’Hadrien et de Marc Aurèle. Il s’agit des passages suivants : Dion Cassius, 78, 7-13 ; Hérodien, 4, 7-11 ; SHA, Vita Antonini Caracalli, 9. 696 WILLIAMS (W.), art. cit,.n°2, p. 77, exclurait l’Afrique Proconsulaire, la mention des fauves ou autres espèces exotiques ne lui semblant pas convenir au degré de développement agricole atteint ; mais les ports de Proconsulaire ont dû continuer pendant tout l’empire à recevoir et à acheminer les bêtes capturées dans les lointaines régions de l’intérieur. Il serait tentant d’invoquer pour la Proconsulaire le témoignage de IRT, 429 (Lepcis Magna), une dédicace de la ville à Caracalla [pro cont]inua indulgentia. Mais une dédicace à Géta de 209210 (IRT, 441) fait état également de l’indulgentia impériale : s’agit-il alors simplement de rappeler le traitement de faveur dont jouit, depuis le début de la dynastie, la ville natale de Septime Sévère ? L’indulgentia célébrée en 202 (IRT, 393 et 423) est généralement interprétée comme l’octroi du ius Italicum. On pourrait pendant également à l’adoption par certaines communautés d’Afrique du surnom Antoniniana. Signalons encore que l’arcus triumphalis offert par la respublica Cuiculitanorum à Caracalla et à ses parents remonte à l’année 216 (trib.pot. XVIIII), mais la dédicace ne fait état d’aucune motivation particulière : CIL, VIII, 8321. 697 Cf. chap. 1 de la première partie concernant L’octroi de la citoyenneté. 698 Il s’agit bien évidemment non de la respublica de Banasa, mais de l’état romain, dont les intérêts se confondent avec ceux du prince. 699 CIL, VIII, 9049, Auzia. On a remarqué l’absence d’attestation de vicus en Maurétanie Tingitane : ce serait, selon moi, un indice de plus que l’édit, rédigé par la chancellerie impériale, ne reprend pas les termes de la requête que d’aucuns ont supposé à l’origine de la mesure.

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Du point de vue de l’histoire fiscale de l’Empire, l’indulgentia de Caracalla s’éclaire si on la confronte à des mesures semblables. L’amnistie fiscale promulguée pour la Tingitane par l’édit de Banasa rentre en effet dans une catégorie bien connue : des « bienfaits » impériaux, l’allègement en matière d’impôts est le plus naturel et le plus apprécié700. Les exemples connus peuvent se ranger en deux séries : Des dispenses ou des délais de paiement sont accordés à telle ou telle cité ou région qui a fait connaître une situation économique désastreuse, le plus souvent provoquée par une catastrophe naturelle. Inscriptions et papyri, dans la partie orientale de l’empire en particulier, gardent la trace de ces mesures, directement sollicitées, et il se pourrait qu’un passage difficile de l’Histoire Auguste se rapporte à une décision prise en faveur des propriétaires fonciers italiens débiteurs de l’état pour la caisse des alimenta701. Des remises de toutes les dettes fiscales, les reliqua, intéressent des collectivités plus vastes, une province, voire l’empire tout entier. En fait, visant surtout à mieux garantir l’avenir, l’assainissement d’une situation fiscale chaque année plus négative consiste à l’abandon d’arriérés virtuellement perdus, comme l’a si bien souligné M. CORBIER702, qui cite les deux amnisties fiscales accordées à l’Egypte en 202 et en 216703, et les deux mesures générales connues. A l’échelle de l’empire en effet, des sources variées, concordantes704, célèbrent la remise de dettes décidée par Hadrien dès son retour à Rome, dans le courant de l’année 118, qui sera suivie par une mesure semblable de la part de Marc Aurèle, en 178. La formulation de cette dernière indulgentia, telle qu’elle nous est transmise par les historiens, garantit qu’il n’y eut pas de mesure générale intermédiaire et surtout fournit un précieux renseignement sur l’existence d’un système quindécennal705. Le rapport d’une remise de dettes avec un census de date récente me semble déterminant. François JACQUES, qui s’était interrogé sur le 700

CORBIER (M.), art.cit., n°2, p. 214. Quelques exemples d’exemptions : ibid., p. 215 n° 14 ; H. KLOFT, Liberalitas Principis, 1970, p. 118. Pour le passage de la Vita Pertinaci, 9, 3, voir E. LO CASCIO, Gli alimenta e la « politica economica » di Pertinace, « Riv. Fil. Istr. Cl », 108, 1980, pp. 264-288. 702 Art.cit. n°2, p. 213. 703 Ibid., p. 215. 704 Pour Hadrien : DION CASSIUS, 69, 8 ; Vita Hadriani, 7, 6 ; CIL, VI, 967 = ILS, 309 ; les reliefs connues comme Anaglypha Traiani, la thèse de W. SESTON, dans MEFR, 44, 1925, pp. 154-183. 705 Voir déjà en ce sens F. JACQUES, Les cens en Gaule au IIe siècle et dans la première moitié du IIIe siècle, « Ktéma », 2, 1977, p. 324 ; P. BRUNT, The revenues of Rome, « JRS », 71, 1981, p. 165. 701

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problème dans son étude des census des Trois Gaules706, penchait pour un lien, je serai plus affirmatif. Il tombe sous le sens que les décisions prises par Hadrien en 118, par Marc Aurèle en 178, répondent, nous le savons de manière indubitable pour Hadrien707, à des objectifs de politique intérieure bien précis ; mais la décision a pu, dans les deux cas, être suggérée par l’étude de la situation globale des finances de l’état, élaborée en tenant compte des résultats d’un census récent. De toute manière, dans l’hypothèse le moins favorable, l’application de l’amnistie fiscale, avec tous les cas d’espèces, est rendue aisée, pour ne pas dire possible, par la remise à jour à peine terminée des registres fiscaux qui est partie intégrante des opérations d’un census, qu’il soit italien ou provincial. En 118, le deuxième census provincial de Trajan est terminé depuis peu708. Mais qu’en est-il pour les Maurétanies, où les census avait lieu, sinon contemporainement709 ? Si mon hypothèse est juste, la remise fiscale décidée par Caracalla à la fin 215/216, supposerait, compte tenu des délais de transmission et de l’étude des dossiers, un cens provincial vers 214. Or, il se trouve que nous connaissons un gouvernement de Maurétanie Césarienne, qui y fut procurator Auggg. a censibus, comme en font foi plusieurs inscriptions710. A l’intérieur de la fourchette chronologique que la prudence générale assigne à son gouvernement, 198-221, Pierre SALAMA a résolument proposé les toutes premières années en s’appuyant sur la titulature (198) d’un militaire711. Le pouvoir impérial est mis devant un état de fait : ces arriérés ne sont pas récupérables. Mais un pouvoir qui se respecte ne peut, sans perdre la face, reconnaître purement et simplement le fait accompli, ni paraître légiférer dans l’arbitraire ou par favoritisme. En outre, il doit donc légitimer une décision en recourant à l’idéologie, en l’occurrence à cette conception paternaliste de la relation prince / sujet inhérente à la dynamique du pouvoir impérial, l’échange sans cesse renouvelé entre dévouement et service 706

Art.cit n°31, p. 325. SESTON (W.), art cit. n°30, pp. 170-172. 708 Il est encore en cours dans la partie orientale de l’empire en 115-116. je le placerais dans les Gaules-Germaines légèrement plus tard qu’on ne le fait. 709 Les deux provinces créées simultanément ont encore été simultanément « ordinatae » (et l’on incluerait volontiers un census dans cette réorganisation civile : cf. M. CHRISTOL, dans ce volume, pp. 313) par Sex. Sentius Caecilianus en 74-75. 710 Sur ce procurateur, voir H.-G. PFLAUM, Les Carrières…, Paris, 1960, n°262a, pp. 703705 ; B. E. THOMASSON, Laterculi Praesidium, I, Göteborg, 1984, n°29, col. 413. 711 Nouveaux témoignages de l’œuvre des Sévères dans la Maurétanie Césarienne, I, « Libyca », I, 1953, pp. 235-236. Le texte, incomplet, de l’inscription routière de Grimidi (CIL, VIII, 20845), au nom de ce gouverneur sous une titulature des Sévères, est rapproché d’un texte de Boghar (CIL, VIII, 20847, sans nom du gouverneur, où Septime Sévère est doté d’une tribunica potestas V)I. 707

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(obsequium, merita) d’une part, générosité attentive de l’autre (benevolentia, indulgentia)712. En conclusion, l’édit de Banasa me semble l’exemple d’une mesure connue, la remise fiscale, en rapport vraisemblablement avec un census terminé depuis peu, édictée sous une forme régulière, faisant appel à un mécanisme idéologique attendu. Grâce à la soumission de la cité, en 40 sous Claude, la cité de Volubilis est élevée au rang de cité romaine sous l’empereur en 44. Deux siècles plus tard, 212, cette fidélité est à nouveau récompensée par l’empereur Caracalla. En effet, il va procéder à des remises d’impôts qui vont satisfaire les habitants de la cité de Volubilis. D’une part, il baisse les impôts payés par tous, sauf par des faveurs qui garantissent la prospérité des grandes familles esclaves. D’autre part, il accorde aux hommes libres de la ville le droit de cité, c’est-à-dire la possibilité d’exercer leurs droits civiques : seuls les 10 % d’esclaves en sont privés. Les Sévères vont construire, au IIIème siècle, la basilique judiciaire à arcades. C’est le vestige le plus imposant de Volubilis : elle s’étend sur 1000 mètres carrés. Elle servait à la fois de hall de réunion, de tribunal et de bourse de commerce. Elle possédait aussi dans l’axe central un temple dédié à Jupiter713. Le temple de Caelestis, à Thugga, en Proconsulaire, construit sous le règne de Sévère Alexandre (222-235) à une extrémité de la petite cité de Thugga714 présente la particularité d’être entouré d’une enceinte semicirculaire. Cette configuration originale fait peut-être référence au croissant lunaire, l’un des attributs de la déesse Caelestis, l’ancienne Tanit de la religion punique. Un inscription trouvée à Musti en Proconsulaire fait mention d’un temple d’Esculape en l’honneur de l’Imperator César Trajan Hadrien, fait par un notable de Musti au nominus de Caius Iulius Marcus715, comme en remerciement du flaminat perpétuel, et ensuite du duumvirat, va faire orner le tempe par trois statues en marbre. Des édifices publics à caractère sacré ont été construits ou restaurés au IIIème siècle sur 65 sites selon R. REBUFFAT716. Sur 93 inscriptions datées, un peu moins sous les Antonins, 68, provenant de 44 villes, appartiennent à l’époque sévérienne, 8 au règne de Gordien III ou à celui de Philippe, 4 à 712

Cette relation d’échange a été bien étudiée par J. GUEY, dans « REA », 49, p. 252, et par M. CORBIER, art.cit., pp. 221-225. 713 « Trésors de l’Afrique romaine », GEO, N° 312 Février 2005, p.63. 714 “Le temple de Caelestis” , GEO, p.77. 715 Karthago, XIV, 1965, p. 171. 716 REBUFFAT (R.), « Bu Djem », Lybica Antiqua, VII-VIII, 1969-1970, p.135.

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celui de Gallien, 13 sont postérieures à 280. La Proconsulaire a conservé la trace d’un nombre important de constructions sévériennes, qui forment une série en continuité étroite avec celles du IIème siècle. Comme sous les Antonins, la ville qui a fourni les témoignages les plus nombreux est Thugga, suivi de Mustis. Viennent ensuite Lepcis, Madaure, Thubursicum Numidarum, Muzuc, Thala, Vazi Sarra, et une trentaine de villes, où un sanctuaire seulement est signalé. Notons que Lepcis Magna, si prospère sous les Sévères, ne dédaignait apparemment pas d’anciens temples, puisque ses seuls nouveaux sanctuaires furent le temple imposant du forum novum, certainement consacré à la gens septimia717, et le serapeum, construit entre le forum vetus et le théâtre, à la fin de IIème siècle au début du IIIème siècle. De nombreux édifices sont des dédicaces de plusieurs Capitoles sévériens. Les unes émanaient de notables : à Saia Maior, en 196, un duovir quiquennalis II construisit une aedes Capitoli, avec ses portiques, un arc et douze statues718. Cependant, les sanctuaires en l’honneur des Sévères ne semblent pas être très nombreux. En effet, à côté de ceux de Lepcis Magna719, et du temple de Bulla Regia, on ne connaît que le temple élevé au Génie de Caracalla à Thugga, en exécution du testament de Gabinia Hermonia, et surtout quelques temples dédiés à Fortuna Augusta ou plus souvent à Victoria, qui peuvent être rattachés aux édifices du culte impérial, comme aussi sans doute l’aedes Concordia de Madaure. Ainsi, le temple de la Victoire Parthique de Thugga, le temple de Fortuna Redux dédié en 196 à Henchir Sidi Naoui, à aedes aux Victoires de Caracalla construit par la civitas Thacensium. De nombreuses inscriptions portent les mentions pro salute imperatoris…qui pourraient renvoyer à des temples du culte impérial720. De plus, l’inscription du Capitole du vicus Maracitanus721 montre que la famille impériale pouvait être honorée en même temps que les dieux capitolins. A Tigisis on éleva un arc de Septime Sévère, Caracalla et Géta, dont la dédicace fut faite par le légat Q(uintus) Anicius Faustus722, et Cuicul un arcus triumphalis à Caracalla, sur le forum novum. C’est à Caracalla également qu’est dédié, à Cirta, un autre arcus triumphalis, avec une statue de bronze de la virtus de l’empereur, offert en l’honneur de son quiquennalat par M(arcus) Caecilius Natalis. Et les inscriptions rappellent que cet 717 719 720 721 722

IRT, 397. 718 Ibidem. Idem.. CIL,VIII, 11218, inscription trouvée à Kairouan AE, 1949, n°107-108 Idem.

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important magistrat de la confédération des quatre colonies avait déjà offert, pour son édilité et pour le triumvirat, une statue de Securitas Saeculi et une autre de l’Indulgentia impériale, avec un tétrastyle. A Cirta encore, un chevalier, M. Seius Maximus, éleva aussi à Caracalla, en l’honneur du triumvirat, une statue cum tetrastylo. Sous Elagabal ou probablement Sévère Alexandre, un chevalier de Rusicade723, décurion des quatre colonies et flamine de Caracalla divus, offrit une statue de Victoria Augusta, elle aussi cum tetrastylo724. La res publica Dianensium consacra un arc à trois baies à Macrin et Diaduménien. La porte à deux baies et l’arc de triomphe à Thibilis, ainsi que la porte Nord de Tiddis peuvent être datés approximativement de l’époque sévérienne ? Le seul arc élevé en Numidie en dehors de cette période se trouve chez les Nigrenses Maiores : promis par deux duumvirii après le tremblement de terre de 267, il fut construit par leurs héritiers, et dédié à Dioclétien et Maximien en 286 ou 287725. En Proconsulaire : 8 arcs furent élevés en l’honneur des Sévères par les municipalités : à Ammaedara dès 195, à Sufetula726, à Assuras727, à Vaga728, à Uzappa729, à Thugga ; l’un à Septime Sévère pour commémorer la fondation du municipium, un autre à Alexandre Sévère, conservator libertatis730, sans doute en remerciement de privilèges octroyés par l’empereur. Enfin, en 230 à Uchi Maius, devenue la colonia Alexandriana Augusta Uchi Maius ex indulgentia731 du César En outre, à Seressi, l’arc que le chevalier C. Memmius Felix Armenianus732 avait fait élever par testament, et qui fut orné d’un quadrige par le municipe, peut dater de l’époque sévérienne. Toujours pour montrer leur fides733 et leur obsequium, des constructions émanèrent de quelques riches citoyens, notamment l’arc quadrifons de Théveste, pour lequel C. Cornelius Egrilianus légua 250 000 sesterces, et l’arc du forum novum de Thubursicum Numidarum, qui coûta 77 723

ILALg. II, 10. ILAlg.I, 3040 ; : L’offrande de statua cum tetrastylo ou cum aedicula tatrastylo est attesté à Théveste. 725 CIL, VIII, 2480, 2481. 726 CIL, VIII, 11327. 727 ILS, 437. 728 CIL, VIII, 14395. 729 CIL, VIII, 11929. 730 CIL, VIII, 26551. 731 CIL, VIII, 26262. 732 CIL, VIII, 11216. 733 BOYANCE (P.), Les Romains, peuple de la fides, Bulletin de l’association G. Budé, Lettres de l’humanité, 23, 1964, pp. 419-435. 724

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000 sesterces, versés en complément d’une summa legitima. L’arc de Cillium734 fut offert à l’occasion de la promotion de la ville au rang de colonie, sous les Sévères probablement. A Vallis, deux dédicaces, très fragmentaires, en l’honneur de Caracalla, rappellent qu’un vétéran offrit un monument735. A ces monuments qui montrent la reconnaissance des habitants viennent s’ajouter deux arcs dédiés à Gordien III, l’un à Uchi Maius736, l’autre à Mustis737, par un particulier promis par un flamen et exécuté après sa mort par son gendre. Sous les tétrarques, à Thugga on éleva un arc, mais l’arc construit à Mididi en 294 est la porte monumentale du portique du forum, plutôt qu’un monument triomphal. En Maurétanie Tingitane, on a trouvé un arc en l’honneur d’Antonin le Pieux dans la cité de Volubilis738, daté de 216 ou 217. Concernant les thermes, il faut dire que tous les thermes ne sont pas des initiatives des empereurs, mais le plus souvent de particuliers qui les font en l’honneur d’un empereur précis, souvent en signe de reconnaissance d’un beneficium. En effet, à Siga741, une inscription datée de 211 ou 217, fait mention de thermae Antoninianae en l’honneur de Caracalla ou Elagabal. En Numidie, les thermes sont construits par de riches consulaires, et par des particulier ou même par la ville pecunia publica; il en est de même en Proconsulaire. Après ces manifestations de la fides et de l’obsequium des cités, quelle fut la réaction des empereurs envers ces dernières ? Nous verrons que les princes ont réagi favorablement à ces marques de loyauté de nombreuses cités. A cet effet, ils vont les embellir de nombreux ouvrages, qui auront, soit un caractère religieux, soit un caractère défensif, et même utilitaire.

734 735 736 737 738 739 740 741

CIL, VIII, 210 ; ILS, 5570. ILAfr., 486. CIL, VIII, 26264. CIL, VIII, 1577. ILAfr., 608. ILAfr., 608 ILAfr., 608. AE, 1934, n°80.

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Chapitre II. Les marques de reconnaissance des empereurs. Les habitants des cités ont bénéficié des largesses impériales ; ce que nous avons qualifié de beneficia et indulgentiae imperatoris. Ce fut des bienfaits, non pas quantitatifs, mais qualitatifs qui ont permis de nombreux changement dans le mode de vie des habitants des civitates. Pour récompenser leur foi et leur déférence à la politique des princes, les empereurs vont faire construire de nombreux monuments à caractère utilitaire et même défensif, allant même jusqu’au religieux.

A. LES

CONSTRUCTIONS CARACTERE RELIGIEUX.

UTILITAIRES

ET

A

On peut noter que les empereurs sévériens et leurs successeurs immédiats, notamment Maximin, Gordien III, Philippe, se sont préoccupés activement de la mise en place des routes742, notamment dans la sud de la Proconsulaire, comme l’attestent les milliaires743 de la voie de Tacapa à Capsa, par exemple, au nom de Maximin et de son fils : pontes vetustae dilabsos et iter longa incurie praeruptum restituerent. En Maurétanie Césarienne aussi, les mobiles sont d’ordre militaire : conforter le limes ; donc la défense des frontières méridionales, mais ils ne sont intervenus qu’exceptionnellement dans les constructions urbaines. L’intérêt porté par les Sévères à Lepcis Magna et qui s’est manifesté notamment à la grande basilique du forum novum, commencé par Septime Sévère et achevée par Caracalla, tient à leurs relations avec ce cités, et ne semble s’être étendu aux 742 Les Romains semblent avoir été les premiers à imposer la conception d’un réseau routier : Carthage et les royaumes numides n’avaient conçu ni pris en charge la réalisation des routes ni l’entretien régulier de chemins. La construction de ce réseau est étroitement liée aux progrès de la conquête romaine bien que, dans le cas de l’Afrique du nord, on ne puisse parler de « conquête » dans les sens d’une opération militaire rapidement menée. Les remous du IIIe siècle obligent à un repli stratégique des bases du limes, mais sans que le réseau routier soit pour autant abandonné. Le réseau routier et son importance dans la politique administrative des empereurs en Afrique a été examinée par P. Salama qui reste l’initiateur de son étude comme celles des bornes milliaires d’Afrique du Nord : Les voies romaines de l’Afrique du Nord, Paris, 1951 ; Bornes milliaires d’Afrique Proconsulaire. Un panorama historique du Bas-Empire romain, CEFR 101, Rome, 1987, à partir de quinze bornes milliaires d’Aurélien à Valentinien, observe un appauvrissement des titulatures et de la situation générale de l’Afrique, mais en tire également parti pour l’histoire économique, administrative et militaire, par la confrontation de cette épigraphie avec les textes juridiques et les trésors monétaires. 743 CIL, VIII, 21920.

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autres cités, même les plus voisines, Sabratha par exemple.Les interventions des empereurs apparaissent limitées dans le temps et dans l’espace en Afrique du Nord. Le peu qu’il y a, notamment les ordres des empereurs eurent pour objet, comme du temps des Antonins mais moins de témoignages cependant, des travaux utilitaires, et principalement les adductions d’eau, à Lambèse par exemple, exécutés par la main d’œuvre militaire. Il y a aussi des assignations sous les Césars Lucius Septimius Severus, Marcus Aurelius et Publius Septimius Geta744. Ces assignations avaient été faites ex auctoritate imperatoris. L’intérêt porté par les empereurs aux constructions de Lambèse, par exemple, qui s’était déjà manifesté sous les Antonins, se maintient jusqu’à la fin du siècle, puisque les noms de Dioclétien et Maximien sont encore attachés à une restauration de l’aquaeductus Titulensis. Le temple de Caelestis745, à Thugga construit sous le règne de Sévère Alexandre entre 222 et 235 à une extrémité de la cité, présente la particularité d’être entouré d’une enceinte semi-circulaire. Cette configuration originale fait peut-être référence au croissant lunaire, l’un des attributs de la déesse Caelestis, l’ancienne Tanit de la religion punique. Sur soixante-six sites, plus de cent inscriptions et de nombreux vestiges attestent la construction de temples, et aussi la restauration ou transformation d’édifices bâtis au Ier siècle. De nombreuses cités consacrèrent un ou plus plusieurs temples sous Trajan et Hadrien, plus de quarante-cinq sous Antonin et ses successeurs, dix probablement sous Commode. La Proconsulaire a fourni une série considérable de dédicaces et de nombreux vestiges de temples, répartis sur quelque cinquante sites, avec une concentration particulière au Nord-Est. On ne peut, dans l’état actuel de nos connaissances, n’attribuer aucun temple à Utique au IIème siècle. Et Carthage n’a conservé pour cette période que la mention, fragmentaire, d’embellissements apportés dans un temple, en 114, au titre des summae honorariae, pour le temple de Caelestis sous Antonin le Pieux, et pour le sanctuaire d’Esculape, auxquels il faut ajouter le temple de Byrsa746.

744

LESCHI (L.), Etudes épigraphiques…, p. 77. « Le temple de Caelestis », GEO, p. 77 746 DENEAUVE (J.), « Hypothèses sur le centre monumental de la Carthage romaine… », CRAI, 1980, pp. 318-331. 745

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B. DES CONSTRUCTIONS UTILITAIRES ET A CARACTERE DEFENSIF.

B1. L’état des sources. De nombreuses inscriptions font état de preuves scripturales de type imperator… per legionem, ou per cohortem… restituit : aux horrea, surtout sous Antonin, aux amphithéâtres de Lambèse. On remarquera que ce sont le plus souvent des constructions utilitaires et même profanes, et les preuves sont rares de temples construits ou même embellis par les soins des empereurs. On a beaucoup insisté, et à juste titre, sur les avantages que retirèrent les provinces d’Afrique du règne des Sévères, et notamment de Septime Sévère et des autres empereurs allant de ce dernier jusqu’à la tétrarchie, marqué aussi par la création officielle de la province de Numidie. Si toutes les villes ne jouirent pas d’une prospérité semblable à celle de Lepcis Magna, le nombre des dédicaces en l’honneur de la nouvelle dynastie montre bien cependant que l’Afrique dans son ensemble est prospère, les villes riches et, semble-t-il, satisfaites : on connaît notamment l’essor de Volubilis, où la dédicace de l’arc de Caracalla commémore un beneficia de l’empereur, sans doute une remise d’impôts. En outre, le IIIème siècle présente en Afrique un aspect particulier, dû au développement et à l’organisation précoce du christianisme dans ces régions ; illustré notamment, au milieu du siècle, par Cyprien de Carthage. La nouvelle religion n’avait pas à cette époque d’édifices cultuels officiels et n’est donc pas encore un facteur d’urbanisme, mais son implantation a peutêtre déjà eu une influence sur l’abandon progressif de certains temples païens747. Alors comment dans ce contexte, se caractérisent les rapports et les marques de reconnaissance des empereurs envers les cités ? Le nombre impressionnant de monuments que l’on rencontre en Afrique du nord fait ressortir un constat très simple : les caractéristiques de tels monuments exigeait des dépenses très lourdes que ne pouvaient sûrement pas supporter les villes et les patrons. En effet, l’état n’était pas absent de ces travaux, c’est ex indulgentia imperatoris que l’eau a été amenée au vicus de Verecunda. Il s’agit en effet de l’aide notable apportée par Antonin aux cités africaines et notamment au

747

SAUMAGNE (Ch.), Saint Cyprien, évêque de Carthage, « pape d’Afrique », CNRS, Paris, 1975, pp. 168-171

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vicus de Verecunda748. Elle rappelle celle qu’il a accordée aux villes d’Italie notamment à Scolacium749. A Tiddis750, c’est également par une évergésie impériale que fut construit un château sous la responsabilité d’un curateur de cité. Il fit appel à une sorte de corvée publique pour préparer la construction de cet ouvrage qui marquera un peu plus l’indulgentia de l’empereur pour cette cité, qui verra ses thermes desservis751. Elle fut accomplie ex indulgentia dd. nn., même si l’inscription ne fait mention d’aucune autorité locale comme l’a affirmé François Jacques752, qui en a conclu qu’il s’agissait probablement d’une indulgentia imperatoris ou d’une autorité centrale. A Lambèse par exemple c’est l’empereur Sévère Alexandre qui s’est intéressé aux aqueducs de la cité. Parmi les sources captées, l’aqua lu(…)nsem et l’aqua Mellariensis. Les eaux de ces deux captages furent appelées les aqua Alexandrianae. Dans la même ville, ce sont les empereurs Dioclétien et Maximien qui se sont occupés de la restauration de l’aquaeductus titulensis753 qui était tombé en ruines. A l’initiative impériale s’ajoute celle des gouverneurs. A Cuicul754, c’est Valerius Concordius qui instaura les fontaines vétustes de la cité tandis qu’à Satafis755 ? C’est Flavius Felix Gentilis qui, à ses frais, a pris soin de restaurer l’aqueduc alimentant les thermes de la cité756. En 251/ 252, M Cocceius Anicius Faustus Flavianus, consulaire, curateur de la confédération cirtéenne, va diriger les travaux d’adduction d’eau à Tiddis757. La restauration fut accomplie ex indulgentia provindentiaq(ue) dd nn Imp. L’arc de Cirta, par exemple, a été fait sur l’indulgentia domini par Marcus Caeclilius Natalis759 ; il l’ fait en l’honneur du Prince. Un certain Fonteius Frontinianus attesté par l’épigraphie, légat d’Auguste pro praetore semble avoir mené une politique de travaux que les cités ne pouvaient financer. Ils sont mis sous le compte des empereurs Antonin le Pieux, Marc-Aurèle et Lucius Verus, qui avaient éventuellement 748 749 750 751 752 753 754 755 756 757 758 759

CIL, VIII, 4205 ; ILS, 5752. JOUFFROY (H.), La construction, op. cit., 1989, p. 233 note 27. AE,1946, n°61, ILAlg., II, 3596 JOUFFROY (H.), La construction, cit., 1989, p. 233 note 127 op. cit., p. 680 note 70 CIL, VIII, 2572 AE, 1946, n°61; IAlg., II, 3596 CIL, VIII, 20266 = 8391 L‘Africa Romana, Vol. II, p. 1592 ILAlg., II, 3596 ILAlg., II, 3596 CIL, VIII, 7095 = ILS, 2933 = ILAlg., II, 675

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donné des instructions générales. A Verecunda, Antonin fut remercié postmortem pour l’adduction d’eau exécutée ex indulgentia sua760. Des travaux effectués per legionem III Aug. Dédiés en 160 lui sont attribués761. Il pouvait s’agir de la dédicace de l’adduction d’eau évoquée sur la base de la statue élevée au Divus Pius après. De même, à Diana, Marc-Aurèle et Lucius Verus sont présentés comme les auteurs de travaux accomplis par la légion et achevés en 162762. Mais il faut envisager cette politique comme une aide aux communes, plutôt qu’une atteinte à leur autonomie, même si elle impliquait à long terme la dépendance des cités au pouvoir central. B2. Les édifices utilitaires « per legionem » et « per cohortem ». On a beaucoup insisté, et à juste titre, sur les avantages que retirèrent les provinces d’Afrique du règne des Sévères, et notamment de Septime Sévère, marqué aussi par la création officielle de la province de Numidie. Si toutes les villes ne jouirent pas d’une prospérité semblable à celle de Lepcis Magna, le nombre des dédicaces en l’honneur de la nouvelle dynastie montre bien cependant que l’Afrique dans son ensemble est prospère, les villes riches et, semble-t-il, satisfaites : on connaît notamment l’essor de Volubilis, où la dédicace de l’arc de Caracalla commémore un beneficium de l’empereur, sans doute une remise d’impôts. En outre, le IIIème siècle présente en Afrique un aspect particulier, dû au développement et à l’organisation précoce du christianisme dans ces régions ; illustré notamment, au milieu du siècle, par Cyprien de Carthage. La nouvelle religion n’avait pas à cette époque d’édifices cultuels officiels et n’est donc pas encore un facteur d’urbanisme, mais son implantation a peutêtre déjà eu une influence sur l’abandon progressif de certains temples païens763. Alors comment dans ce conteste, se caractérisent les rapports et les marques de reconnaissance des empereurs et des cités ? Le nombre impressionnant de monuments que l’on rencontre en Afrique du nord fait ressortir un constat très simple : les caractéristiques de tels monuments exigeait des dépenses très lourdes que ne pouvaient sûrement pas supporter les villes et les patrons. En effet, l’état n’était pas absent de ces travaux, c’est ex indulgentia 760

CIL, VIII, 4205 CIL, VIII, 4203; 4204 762 CIL, VIII, 4590, et mieux encore dans BAC, 1932, 3, p. 432 763 SAUMAGNE (Ch.), Saint Cyprien, évêque de Carthage, « pape d’Afrique », CNRS, Paris, 1975, pp. 168-171 761

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imperatori que l’eau a été amenée au vicus de Verecunda. Il s’agit en effet de l’aide notable apportée par Antonin aux cités africaines et notamment au vicus de Verecunda764. Elle rappelle celle qu’il a accordée aux villes d’Italie notamment à Scolacium765. A Tiddis766, c’est également par une évergésie impériale que fut construit un forum sous la responsabilité d’un curateur de cité. Il fit appel à une sorte de corvée publique pour préparer la construction de cet ouvrage qui marquera un peu plus l’indulgentia de l’empereur pour cette cité, qui verra ses thermes desservis767. Elle fut accomplie ex indulgentia dd. nn., même si l’inscription ne fait mention d’aucune autorité locale comme l’a affirmé François JACQUES768, qui en a conclu qu’il s’agissait probablement d’une indulgentia imperatoris ou d’une autorité centrale. A Lambèse par exemple c’est l’empereur Sévère Alexandre qui s’est intéressé aux aqueducs de la cité. Parmi les sources captées, l’aqua lu(…)nsem et l’aqua Mellariensis. Les eaux de ces deux captages furent appelées les aqua Alexandrianae. Dans la même ville, ce sont les empereurs Dioclétien et Maximien qui se sont occupés de la restauration de l’aquaeductus titulensis769 qui était tombé en ruines. A l’initiative impériale s’ajoute celle des gouverneurs. A Cuicul770, c’est Valerius Concordius qui instaura les fontaines vétustes de la cité tandis qu’à Satafis771. C’est Flavius Felix Gentilis qui, à ses frais, a pris soin de restaurer l’aqueduc alimentant les thermes de la cité772. En 251/ 252, M Cocceius Anicius Faustus Flavianus, consulaire, curateur de la confédération cirtéenne, va diriger les travaux d’adduction d’eau à Tiddis773. La restauration fut accomplie ex indulgentia provindentiaq(ue) dd nn Imp.775 L’arco di Cirta, par exemple, a été fait indulgentia domini par M Caeclilius Natalis778 ; il l’a fait en l’honneur du Prince. Un certain Fonteius 764

CIL, VIII, 4205 ; ILS, 5752. JOUFFROY, La construction…, p. 233 note 27. 766 AE, 1946, n°61, ILAlg., II, 3596. 767 JOUFFROY, op. cit., p. 233 note 127. 768 op. cit., p. 680 note 70. 769 CIL, VIII, 2572. 770 AE, 1946, n°61; IAlg., II, 3596. 771 CIL, VIII, 20266 = 8391. 772 L‘Africa Romana, Vol. II, p. 1592. 773 ILAlg., II, 3596. 774 ILAlg., II, 3596 775 Ibidem. 776 ILAlg., II, 3596. 777 Ibidem. 778 CIL, VIII, 7095 = ILS, 2933 = ILAlg., II, 675 765

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Frontinianus attesté par l’épigraphie, légat d’Auguste pro praetore semble avoir mené une politique de travaux que les cités ne pouvaient financer. Ils sont mis sous le compte des empereurs Antonin le Pieux, Marc Aurèle et Lucius Verus, qui avaient éventuellement donné des instructions générales. A Verecunda, Antonin fut remercié post-mortem pour l’adduction d’eau exécutée ex indulgentia sua779. Des travaux effectués per legionem III Aug(usta) dédiés en 160 lui sont attribués780. Il pouvait s’agir de la dédicace de l’adduction d’eau évoquée sur la base de la statue élevée au Divus Pius après. Nous avons vu que l’Afrique romaine a beaucoup donné à l’Empire, et en particulier à l’armée romaine ; mais celle-ci, à son tour, a su se montrer généreuse. On a certes vu que la IIIème Légion Auguste n’avait occupé qu’une place restreinte en politique : la faible masse d’hommes qu’elle représentait n’a guère pu s’exprimer, et encore avec retenue, qu’en 68 et en 238 ; pour le reste, en ce domaine, elle devait se borner à assurer le régime de sa fidélité en célébrant le culte impérial. L’essentiel doit être cherché ailleurs, dans les activités économiques, dans l’aspect démographique, dans la contribution culturelle et religieuse apportée par les soldats au développement de la région781. Il est vrai qu’une armée est conçue pour la guerre et non pour les activités productrices de richesses. Cependant la Tertia Augusta fut une exception car en Afrique, où elle était installée, elle a joué un rôle économique et même social important782, en raison des moyens considérables mis à la disposition et des missions qui lui étaient imparties : elle devait protéger les champs de blé indispensables à Rome, défendre les terres travaillées aussi bien par des citoyens romains783 que celles qui ont fait l’objet des dispositions de la lex Manciana ou de la lex Hadriana de rudibus agris que l’on verra plus loin dans ce travail. Dans le premier cas, cette fin a pour objectif de contrôler les nomades et surtout les semi-nomades. La 779

CIL, VIII, 4205 CIL, VIII, 4203; 4204 781 Une partie de la question avait été traitée par R. MAC MULLEN dans Soldier and civilian in the later Roman Empire, 1967, 217 pages. Le rôle de l’armée fut important dans la vie économique de la région et impose de nuancer fortement le jugement exprimer par H. G. PFLAUM, dans J.-P. BRISSON, Problèmes de la guerre à Rome, 1969, p. 97, et qui évoquait « un véritable divorce entre l’armée et la population civile ». 782 Sur l économie de l’Afrique antique : A. BOURGAREL-MUSSO, Recherches économiques sur l’Afrique romaine, R. Afr., LXXV, 1934. M. ROSTVTZEFF, Social and economic History, 1957, 2ème édition. Y. LE BOHEC, Timgad, la Numidie et l’armée romaine, B.C.T.H., 1984, pp. 105-120. 783 PFLAUM (H.G.), dans J.-P. Brisson, op. cit., p. 95. 780

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présence et l’action, dans divers domaines, de l’armée sur ordre des empereurs ont abouti à la création d’une zone de grande richesse784. Outre la pax apportée aux peuples africains, une pax qui leur était beaucoup plus profitable785 ut supra dixi, l’armée a participé aux travaux d’intérêt public, a joué un rôle administratif ; ce qui a entraîné des conséquences bénéfiques pour les cités, par la solde que les soldats percevaient. Toutes ces activités ont été réalisées ex auctoritate imperatoris. De nombreuses inscriptions font état d’un certain nombre de preuves scripturales de type imperator… per legionem, ou per cohortem… restituit : aux horrea, surtout sous Antonin, aux amphithéâtres de Lambèse. On remarquera que ce sont le plus souvent des constructions utilitaires et même profanes. B2.a. Les travaux d’intérêt public. Les soldats ont prêté la main à des travaux d’intérêt général, où ils fournissent le plus souvent la main-d’œuvre. Il faut dire nettement que ces tâches ne comportent dans leur principe aucun but économique786 : la participation des légionnaires à ces entreprises se justifie d’abord et surtout par les nécessités de la préparation à la guerre, par l’exercice, qui présente une importance bien plus grande qu’on ne l’a jamais écrit ; en effet, il vise à rendre le soldat romain supérieur à l’ennemi, individuellement, par le sport et le maniement des armes, et collectivement, par les manœuvres ; or, porter des pierres fortifie le corps. De plus, quand on construit des routes ou quand on place des bornes de délimitation, on facilite les mouvements de troupes et la surveillance d’adversaires éventuels, et cette activité offrait un intérêt stratégique évident. A plus forte raison, la construction de forteresses entre-telle dans cette catégorie de tâches. 784

MAC MULLEN (R.), op. cit., pp. 77-98. Dans son ouvrage, il nous montre que l’armée, même au Bas-Empire, crée une zone de richesse. P. SALWAY, The Frontier People of the Romain Britain, 1965, 286 pages, fait une comparaison par rapport à une zone militaire qui avait été créée en Bretagne. 785 LE BOHEC (Y.), La Troisième Légion Auguste, p. 531-532. Il montre que l’Afrique et la Numidie ont joui pendant trois siècles de la paix romaine. Il est inutile pour nous d’insister sur ce point. 786 FENTRESS (E.), dans Numidia and the Roman Empire, 1979, pp. 166-167, constate que les travaux effectués par les soldats ont rarement une finalité économique. Ainsi, quand en Egypte des militaires curent des canaux (Suétone, Aug., XVIII, 2), le but est de leur donner la force physique et morale ; en effet, cela rappelle l’œuvre de Marius qui a fait creuser par ses hommes les célèbres fossae marianae, entre Arles et Fos-sur-Mer, pour les préparer à affronter les Cimbres et les Teutons (Pline le Jeune, H.N., III, 34, et Plutarque, Marius, XV, 4 ; v . XIII, 1).

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Toutefois, ces travaux comportaient des implications d’ordre purement économique, s’inscrivant d’ailleurs au passif comme à l’actif. Les routes facilitaient le négoce, le cantonnement délimitait les terrains de parcours des semi-nomades ou facilitait la sédentarisation de ces derniers, la construction de villes créait des centres de productions artisanales et d’échanges commerciaux. Mais l’érection de certains bâtiments, arcs de triomphe ou monuments de l’otium (loisir), présente un caractère ambigu du point de vue économique, en constituant une concurrence pour les travailleurs civils, ou au contraire en libérant ceux-ci pour d’autres tâches. Quoi qu’il en soit, on voit que ce genre d’intervention peut avoir des motifs autres que de service : les militaires travaillaient pour concrétiser l’évergétisme impérial787 ; alors, ils peuvent fournir soit la main-d’œuvre soit des conseillers techniques soit les deux, comme ce fut le cas pour l’aqueduc de Béjaïa788. Partant de ces données nous avons classé ces travaux en deux catégories. On distinguera d’abord, parmi les constructions militaires, celles qui remplissent les conditions de défense du limes (forteresse, tours, défenses linéaires, terrains d’exercice), puis celles auxquelles est imparti un rôle économique, à savoir les routes. Nous ne reviendrons pas sur cette question qui a déjà fait l’objet de nombreuses études789. Ce que nous avons compris, c’est que les soldats étaient des constructeurs. Ils pouvaient, ensuite, être affectés à des travaux de cadastrage ou de terrassement, comme l’édification de camps fortifiés ut supra dixi, mais aussi la réfection de monuments publics dans les cités proches ou issues des agglomérations militaires (canabae ou vici). Ces derniers ouvrages étaient conçus par l’évergétisme impérial, dont certains (les monuments) ne relevaient que cette générosité, tels que les « arcs de triomphe »790, et les places publiques, les rues, les aqueducs. D’autres ouvrages enfin, ont des implications plus évidemment économiques tels que la construction des villes, de marchés, l’exploitation des mines et des carrières, la construction de temples et sanctuaires (domaine religieux). Lambèse, quartier général de la Tertia 787

CARRIE (J.-M.), dans Armées et fiscalité, 1977, p. 373. MAC MULLEN (R.), op. cit., p. 214. 789 Une abondante bibliographie concerne cet aspect de la question en Afrique romaine. Nous retiendrons entre autres : Cl. BRIAND-PONSART, et Ch. HUGONIOT, L’Afrique romaine de l’atlantique à la Tripolitaine…, pp. 87-90, Notes sur les cadastrations et les centuriatons, surtout à Ammaedara ; J. TOUTAIN, Les cités romaines de la Tunisie, 1895, pp. 133-143, Notes sur quelques voies romaines de l’Afrique proconsulaire, MEFR, XV, 1895, pp. 201229 ; P. SALAMA, Les bornes milliaires de Djemila, R. Af., XCV, 1951, pp. 213-272 ; Ch. HUGONIOT, Rome en Afrique, pp. 83-85. 790 FROTHINGAM (A. L.), De la véritable signification des monuments romains qu’on appelle « arc de triomphe », R. A., 1905, II, pp. 216-230 ; P. ROMANELLI, L’arco di Traiano a Timgad, In Africa e a Roma, 1981, pp. 549-553. 788

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Augusta, et Timgad ont particulièrement bénéficié de ces libéralités. Les monuments de distractions et d’exercice des soldats furent ensuite utilisés par la population de ces cités791. B2.b. Les travaux d’intérêt public. L’armée a aussi servi de relais pour l’administration locale, en l’occurrence les empereurs, dans certaines situations dans les cités. En effet, elle contribue à la fois à la pax romana et à la mise en valeur les provinces. D’une part le légat de légion remplit les fonctions de gouverneur de province, de fait jusqu’à Septime Sévère, de droit ensuite, de plus, il est souvent requis par les cités pour les patronner. D’autre part, de nombreux officiers équestres, portant le titre de praefectus gentis, ou, plus rarement, de praefectus nationis, sont mis à la tête de tribus indigènes qu’ils surveillent et encadrent. Enfin, on connaît un chevalier auquel a été confié la responsabilité du census pour quarante cités ; comme ce personnage a servi en Afrique en tant que tribun de la légion, en tant que préfet de l’ala Numidica, et sans doute aussi toujours dans la même province avec rang de préfet des ouvriers, chef de cabinet d’un gouverneur, on ne sait pas à quel moment il a occupé cette fonction. B2.c. Les bienfaits de la proximité des camps. Quand l’armée maintient la paix, organise des expéditions en territoire inconnu ou construit des routes, elle accomplit des tâches militaires. Cette œuvre put comporter des implications économiques, mais celles-ci ne sont qu’indirectes : il ne s’agit que de conséquences. Il y a plus : les soldats interviennent parfois directement dans les activités de production et de consommation. c1. Les revenus des militaires. Dans nos recherches nous n’avons trouvé aucun document sur lés émoluments de soldats, mais nous n’avons pas voulu éviter un sujet pourtant rebattu792. A. Von DOMASZEWSKI793 considérait que les auxiliaires 791

C’est le cas de l’amphithéâtre de Lambèse, dont probablement à la transformation de l’agglomération militaire en municipe et à l’ouverture de l’édifice à un plus grand nombre de civils. 792 DURRY (M.), Cohortes prétoriennes, 1968, 2ème édition, p. 267 ; S. MROZEK, Prix et rémunérations dans l’Occident romain, 1975, pp. 83-84 ; M. CORBIER, dans Armées et fiscalité, 1977, pp. 210-211, et dans Les Dévaluations à Rome, 1978, p. 285 ; E. GABBA,

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percevaient un tiers de la solde des légionnaires, et que ceux-ci avaient été augmentés à quatre reprises, vers 193 et sous Caracalla. La première partie de sa démonstration a été confirmée notamment par R. MARICHAL et G. R. WATSON794, mais cela a été peu oublié, car, à la suite surtout des travaux d’A. PASSERINI795, l’accord s’est fait pour nier qu’il y ait eu une hausse sous Commode. Mais nous avons trouvé quelques indications sur les deniers perçus par les légionnaires. En effet, sous Septime Sévère, vers 193, augmente le solde des légionnaires qui de 225 deniers dans des proportions inconnues796comme nous le confirme l’Histoire Auguste en ces termes : « (…) il attribua à ses soldats la solde la plus élevée qu’ait jamais donné un prince »797. Caracalla a fait, sans doute en 212, une hausse de 50% de ce montant selon les propos d’Hérodien798. Enfin, ces émoluments, très moyens on le constate, ont été diminués par les dépréciations monétaires du IIIème siècle, mais compensés par la mise en place de « l’annone militaire », et des gratifications spéciales que les empereurs versaient lors de leur avènement ou d’une victoire importante : les donativa, qui étaient des générosités exceptionnelles799. On sait par le marbre de Thorigny qu’un tribun sexmenstris recevait 6250 deniers entre 223 et 238800. Pour les officiers on ne possède guère de données : un préfet de cohorte se trouvait sans doute au niveau d’un centurion, et un préfet de camp à celui d’un primipile ; les autres officiers équestres devaient certainement toucher moins qu’un procurateur (60 000 sesterces soit 15 000 deniers minimum). Même si nous n’avons pas de chiffres assez exacts, nous pouvons, à la lumière des sources littéraires, arriver à des chiffres bien qu’approximatifs, mais tout de même révélateurs Aspetti economici e monetari del soldo militare dal II s. a. C. al II s. d. C., dans Les dévaluations à Rome, 1978, pp. 217-225. 793 DURRY (M.), op.cit., 1968, p. 267. 794 MARICHAL (R.), La solde des armées romaines, Mél. I. Levy, 1955, pp. 399-421, et G. R. WATSON, The pay of the Roman Army, The auxiliary forces, Historia, VIII, 1959, pp. 372378 ; S. DARIS, Epigraphica, XVII, 1955, pp. 39-46 ; J.-M. CARRIE, Les finances militaires et le fait monétaire dans l’Empire romain tardif, Les dévaluations à Rome, 1978, pp. 227-248. 795 PASSERINI (A.), Gli aumenti del soldo militare da Commodo a Massimino, Athenaeum, XXIV, 1946, pp. 145-159. 796 DEVELIN (R.), The army pay rises under Severus and Caracalla and the question of annona militaris, Latomus, XXX, 1971, pp. 227-248. 797 S. H. A., Severus, XII, 2 : « (…) Militibus tantum stipendiorum quantun nemo principum dedit. ». 798 HÉRODIEN, IV, IV, 7. 799 HÉRODIEN, VI, VIII, 8 : IJȐ IJı ıȚIJȘȡȑȚĮ ȑʌİįȚʌȜĮıȓĮıİ. A. Passerini, Athenaeum, XXIV, 1946, pp. 157 et 159. R. P. DUNCAN-JONES, Pay and Numbers in Diocletian’s Army, Chiron, VIII, 1978, pp. 541-560. 800 PFLAUM (H.-G.), Le marbre de Thorigny, 1948, p. 26 ; CIL, XIII, 3162.

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de la situation. Le Pseudo-Hygin, I et III, avec quatre-vingts hommes par centuries, nous avons relativement une fourchette d’environ 1380 hommes (notes ?). Modestus, quant à lui, ajoute 726 cavaliers à 6 105 fantassins, et VEGECE, II, 2 et 6, additionne 726 cavaliers également mais à 7 000 fantassins. L’Histoire Auguste nous donne quelques éléments en parlant de la disponibilité de l’armée en blé à la mort de Septime Sévère801. On peut alors proposer un tableau des salaires, en admettant une moyenne de 5 000 hommes par légions802 : Fantassin auxiliaire

Fantassin de légion

Tribun sexmenstris

Vers 193

100

300

2500

Tribun équestre etpréfet de camp 35000

193 à 212 De 212 à Dioclétien

150

450

3750

52000

225

675

6250

81250

Avec ce tableau, et si l’on tient compte des officiers, de certains soldats privilégiés tels que les cavaliers d’ailes ou de légion, sesquiplicarii et duplicarii, par exemple, on peut calculer approximativement ce que les salaires versés à l’armée d’Afrique ont coûté à l’Empire803. Le montant s’est donc élevé, en deniers par an, à environ 3 000 000 deniers pour le IIème siècle, à 4 000 000 sous Septime Sévère et à 6 000 000 au IIIème siècle804.

801 SHA, Sept. Sev., VIII, 5, et XXIII, 2 ; D. VAN BERCHEM, Les distributions de blé et d’argent à la plèbe romaine sous l’Empire, Genève, 1939, rééd. 1975, p. 106-108, avec les considérations prudentes de M. CORBIER, « Trésor et greniers dans la Rome Impériale », Le système palatial en Orient, en Grèce et à Rome, Strasbourg, 1987, pp. 411-422. 802 La Ière cohorte était constituée par cinq centuries à effectifs doubles, les suivantes par six centuries chacune ; compte tenu de cela, on obtient malgré tout des chiffres variables. TACITE, Ann., I, XXXII, 3, et XIV, LVIII, 3-4, parle de soixante hommes par centurie, soit 3 740 au total, ce qui constitue un minimum. 803 BIRLEY (A. R.), B.R.L., LVIII, 1975-1976, p. 268, estime que l’armée coûtait à l’Empire environ 50 000 000 de deniers par sous Tibère déjà, et 110 000 000 vers 193. On note bien que la défense représentait certainement la plus grosse part des dépenses de l’Etat. Un pourcentage croissant des soldes a été payé en nature à partir du début du IIIème siècle : ce qui facilitait certainement les règlements en raison des progrès de la crise économique et financière. 804 LE BOHEC (Y.), op. cit., p. 535.

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A ces rentrées régulières, il faut ajouter des revenus exceptionnels805, viaticum donné par la famille au moment de l’entrée au service, donativa806, clavarum ou indemnité pour les clous des chaussures pendant les longues marches807, le butin808, les biens ou encore un héritage éventuel et une praemia militiae : ces primes versées au moment du départ à la retraite se montaient selon M. CORBIER à 3000 deniers sous Auguste, et donc durent atteindre 8 250 deniers en 212809. Ces mouvements de liquidité, si l’on peut s’exprimer ainsi, présentent un intérêt majeur en favorisant un certain nombre de situations. En effet, ils favorisent l’expansion de la région où les troupes sont stationnées, d’autant plus que les militaires, comptant au nombre des rares salariés, privilégient l’élément monétaire dans une économie qui, il est vrai, n’est pas une économie de marché ni de troc. Le processus est bien connu : les salaires entraînent des dépenses qui, par extension, qui provoquent à leur tour l’essor de la production qui doit répondre à la demande. Toutefois cet apport est limité. D’abord le pouvoir impérial qui n’a pas de politique économique, est un mauvais patron810.

805 DARIS (S.), Epigraphica, XVII, 1955, pp. 162-163 ; J.-M. CARRIE, op. cit. ; A. GUARINO, L’oggetto del « castrense peculium », B.I.D.R., VIII, 1941, pp. 41-73. 806 FIEBEGER (O.), Donativum, R.E., V, 2, 1905, col. 1542 et suiv.; G.R. Watson, op. cit., pp. 109-113 (les donativa sont beaucoup distribués aux prétoriens qu’aux légionnaires). 807 TACITE, H, L, 6. 808 TACITE, H, III, XIX, 6, XXVI, 5, et XXXI, 2 ; FLORUS, II, XXX, 25. Le butin va aux officiers quand le combat a été évité (par exemple quand une ville se rend avant qu’on n’ait mis le siège), aux soldats dans le cas contraire (quand le rempart a été pris d’assaut). 809 CORBIER (M.), dans Armées et fiscalité, 1977, p. 211 ; dans A.N.R.W., II, 1, 1974, p. 359. 810 Les augmentations, trop rares, ne suivent pas en général la courbe des prix, ce qui amenuise considérablement le pouvoir d’achat des militaires, et l’Etat provoque sans le prévoir une déflation, ce qui est encore plus nuisible. Malgré cette situation qu est un peu à l’origine de l’effondrement financier du IIIème siècle, les soldats ont favorisé un certain nombre d’activités commerciales, et par extension ont contribué à enrichir les producteurs africains.

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c2. Les légionnaires comme consommateurs. Les moyens financiers que détiennent les soldats font d’eux de gros consommateurs : le camp devient marché811. Les besoins entrent dans quatre rubriques; TACITE nous parle de l’achat aux centurions d’exemptions de corvées812. D’abord, l’alimentation militaire présente plus de variété qu’on ne l’ait cru pendant longtemps813 ; certes le blé et les céréales occupaient une grande place, mais il y avait aussi du vin et des légumes. Ensuite, il leur fallait des uniformes, des vêtements814, puis des armes, enfin du bétail, des animaux de trait, de bât, des montures815. Les marchandises sont déposées dans les camps où se trouvent des entrepôts, des celliers816 : avoir des vivres pour un an représente un idéal en ce domaine. Quatre sources différentes fournissent ces biens. En temps de guerre, on réquisitionne chez l’ennemi817. En temps de paix, on effectue des achats auprès des civils, individuellement ou collectivement. Les soldats jouissent d’avantages qui facilitent l’accroissement de la consommation : ils bénéficient de certaines immunités et d’exemptions de taxes818, en outre des tarifs comme celui que décrit un texte trouvé à Zaraï819 et Lambèse820, qui fixent des conditions avantageuses, pour tous les usagers d’ailleurs, en ce qui concerne les impôts indirects : un camp devait faire naître une sorte de zone plus ou moins franche, analogue à celle que connut autrefois Tanger, et où l’économie, à défaut de la morale, trouvait son compte. De plus, l’Etat se charge en partie de garnir les 811

DUCREY (P.), L’armée, facteur de profit, Armées et fiscalité, 1977, pp. 421-432, en particulier la page 421. 812 TACITE, H., I, XLVI, 3-6. 813 DAVIES (R.W.), The Roman military Diet, Britannia, II, 1971, pp. 122-142. 814 MAC MULLEN (R.), Inscriptions on armor and the supply of arms in the Roman Empire, A. J. A, 1960, pp. 23-40 (aux Ier et IIème siècles, les soldats achètent individuellement leur équipement; au IIIème siècle, l’Etat le fournit et le déduit de la solde); du même auteur, Soldier and civilian, 1967, pp. 179-180. 815 DAVIES (R.W.), The supply of animals to the Roman Army and the remount system, Latomus, XXVIII, 1969, pp. 429-459. 816 A.E., 1904, 71, citée par Y. LE BOHEC, La Troisième légion Auguste, p. 536. 817 A.N.R.W., II, 1, 1974, p. 316. 818 Là-dessus un texte de TACITE est particulièrement intéressant : TACITE, Ann., XIII, LI, 1, qui dit clairement que les immunités ne jouent pas quand les soldats font des affaires ; S. DARIS, Epigraphica, XVII, 1955, pp. 162-163. 819 C.I.L.,VIII, 4508 = 18643 ; A.E. 1966, 547;J.-M. LASSERE, Ubique populus,1977, p. 350. 820 A.E., 1914, 234. Ce texte est complété par une inscription (C.I.L., VIII, 18 352). En effet, dans le tarif de Zaraï on trouve 1, 21 : lex portus m[a]xim[i]. R. CAGNAT, dans les Inscriptions inédites… de L. Rénier, 1887, n° 100.

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greniers : il existait un embryon d’économat militaire, qui était administré, en général, par le procurateur équestre821, mais aussi par les signiferi. Nous ajoutons que jusqu’à Septime Sévère, et surtout Caracalla, des retenues sur salaires permettaient de financer ces dépenses ; par la suite, le ravitaillement devient gratuit en tout ou en partie822, et il est fourni au titre de « l’annone militaire »823. Enfin, mais là elle concurrence le secteur civil, l’armée assure elle-même certaines productions.

c3. Les légionnaires comme producteurs. De fait, son rôle économique, que n’avait même pas songé les empereurs dans leurs politiques de romanisation, présente des aspects moins heureux : elle n’achète pas tout ce dont elle a besoin, et agit à la fois comme une entreprise industrielle et comme exploitation agricole. Certes, il ne s’agit pas là de sa fonction normale, et elle ne vend, réservant à l’usage interne ce qu’elle crée ; mais cette production représente au moins un manque à gagner pour les paysans et les citadins de la région. Elle se livrait donc à l’artisanat dans sa fabrica, comme en témoignent les briques estampillées ut supra dixi, et on sait qu’elle forgeait elle-même une partie des armes dont elle avait besoin. De plus, l’armée possédait des terres824, et s’adonnait à l’élevage825. Une inscription d’El-Mahder, qui porte une dédicace honorant Jupiter et les Nymphes, a été gravée à la demande d’un détachement venu faucher le foin, vexillarii legionis III Augustae morantes ad fenum secandum826 ; on s’occupait donc du bétail. Toutes ces 821

P. LE ROUX, Armées et fiscalité, 1977, p. 353 ; M. CORBIER, Les dévaluations à Rome, 1978, p. 285. 822 CORBIER (M.), op. cit., pp. 294-295. 823 Celle-ci, plutôt qu’un impôt nouveau, est la partie dorénavant réservée aux soldats de l’ancienne annone. Sur cette question de l’annone militaire, VEGECE, II, 7 dit à ce propos que les duplares ont double ration ; ils peuvent revendre les surplus et faire des affaires ; SHA, Sev. Al., XV, 5, et Gord., XXIX, 2 ; J. GUEY, Inscription du IIème siècle relative à l’annone militaire, M.E.F.R., LV, 1938, pp. 56-77. D. VAN BERCHEM, L’annone militaire dans l’Empire Romain au IIIème siècle, B.S.A.F., 1937, pp. 137-202, et Armées et fiscalité, 1977, p. 332, croyait en l’existence d’un impôt nouveau créé par Septime Sévère, et a été suivi par J. GAGE, Classes sociales, 1971, 2ème édit., p. 267. En revanche deux auteurs pensent qu’il ne s’agit là que de la part de l’annone normale qui est affectée aux besoins de l’armée : M. CORBIER, dans Armées et fiscalité, 1977, p. 337, et J.-M. CARRIE, dans Les dévaluations, 1978, pp. 237-238. 824 TACITE, Ann., XIII, LIV, 2 : agros…militum usui sepositos. 825 La présence de soldats favorise le développement des céréales et de l’oléiculture ; cela a été montré pour El-Kantara où se trouvait le numerus Palmyrenorum : H. I. MARROU, La collection Gaston de Vulpillières à El-Kantara, M.E.F.R., L, 1933, pp. 44-45 et 66-68 ; Pour la Numidie : J. BARADEZ, Fossatum, 1949, pp. 163-212. 826 I.L.S., 2484. Ce texte montre une permanence de ces opérations qui n’ont pas un caractère

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activités des soldats développaient les cités situées à proximité. En outre, les légionnaires ressemblaient à des hommes d’affaires, comme nous allons le voir. Les salaires importants qu’ils touchent leur laissaient des disponibilités avec lesquelles ils font des affaires, proposent des prêts ; mais on sait aussi que dans ce cas ils ne jouissaient d’aucune immunité. B3. Les ouvrages de défense du limes Outre les restaurations effectuées probablement au IIIème siècle à l’enceinte de Cherchel, 11 mentions épigraphiques, toutes en Maurétanies, témoignent de travaux de défense réalisés au cours de la première moitié du siècle. Une inscription de 201 rappelle la reconstruction d’une tour en ruine par les Rusuzitani sur ordre du procurateur P. Aelius Peregrinus, dont le nom apparaîtra encore plus loin827. Toutes les autres forment un groupe homogène, qui ne concerne d’ailleurs pas des colonies ou municipes, mais des pagi et castella des agglomérations rurales, bénéficiant d’un statut juridique particulier, situés dans la région qui s’étend au Sud et au Sud-Ouest de Sétif et qui se dotèrent de fortifications en deux étapes, d’une part, sous Sévère Alexandre et, d’autre part, sous Gordien III. Ces empereurs y ont fait usage de leur infatigabili indulgentia828. D’abord sous Alexandre Sévère, en 227, les Castellani Perdicenses construisent des murs sous la direction du procurateur en Maurétanie Tingitane, un certain Licinius Hierocles. D’autres textes épigraphiques ont été trouvés à Kherbet Aïn Soltane (Castellum Citofacenses), Aïn el Hadjar et Melloul (Castellum Thib…), sur les murs du Castellum Dianense (Guellal)829, élevés par les coloni en 234, et des muri paganicenses de Sertei830, que l’empereur fit construire per populos suos831. Un peu plus tard sous Gordien III, on agrandit les enceintes du Castellum Thib…, du Castellum Vanarzanense (Ksar832 Thir) et de Lemellef833, et on éleva les murs du Castellum Cellensis834 (Kherbet Zerga). Ainsi des exceptionnel : le document gravé sous Septime Sévère a été martelé à l’assassinat de Géta, puis en 238, et regravé en 253. 827 BCTH, 1919, pp. 170-177 828 CIL, VIII, 8991, AE, 1966, 1918, CIL, VIII, 8701, ILS, 6887, CIL, VIII, 8828 ; CIL, VIII, 20486, 20487, 20602, 8777 ; ILS, 6888 ; AE, 1903, n°94 829 CIL, VIII, 8701 ; ILS, 6887 830 CIL, VIII, 8828 831 CIL, VIII, 16367=ILS, 6783 832 Une forteresse. 833 GASCOU (J.), « La politique municipale de Rome en Afrique du Nord, II », ANRW, II, 10, 2, p. 254 834 ILS, 6888

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bourgades financières sont pourvues d’enceintes, sur ordre de l’empereur, et sans doute avec son aide financière, d’après le nominatif, et le rappel de l’indulgentia impériale. Ce qui est curieux c’est qu’il ne s’agit pas de travaux hâtifs, dans un climat d’insécurité, face à un danger immédiat. La préoccupation défensive existe, mais incluse dans la politique d’organisation d’une région en plein essor : les dédicaces de monuments à Sertei et à Lemellef quelques années plus tard, sous Philipe, montrent bien qu’on peut parler d’une période de crise. En revanche, et c’est bien dommage pour la science historique, on ne possède aucun témoignage épigraphique de travaux de défense exécutés au moment des troubles de 253-260, ou dans les décennies suivantes. Ce silence pourrait, lui, surtout s’il est constaté aussi à propos des autres types de constructions, être le signe de difficultés, à moins que l’armée n’ait suffi à assurer la protection des villes. Les empereurs n’interviennent pas directement dans les constructions des villes, mais d’importants travaux furent exécutés par la IIIème légion Augusta , comme l’attestent l’inscription de l’aqueduc de l’Aurès à Aïn835 Cherchar836 et celle des aqueducs de Lambèse sous Sévère Alexandre. Mais les adductions de Lamasba, l’Aqua Claudina, datées d’Elagabal, réglementent l’irrigation des terres. La cité de Tigisis éleva un arc à Septime Sévère, Caracalla et Géta, dont la dédicace fut faite par le légat Q. Anicius Faustus, et Cuicul un arcus triuphalis à Caracalla, sur le forum novum. C’est à Caracalla également qu’est dédié, à Cirta un autre arcus triumphalis, avec statue de bronze de la Virtus de l’empereur, offert en l’honneur de son quiquennalat par M. Caecilius Natalis837. Et les inscriptions rappellent que cet important magistrat de la Confédération des quatre colonies avait déjà offert, pour son édilité et pour le triumvirat, une statue de Securitas Saeculi838 et une autre de l’Indulgentia impériale, avec un tétrastyle. A Cirta encore, un chevalier, M. Seius Maximus, éleva aussi à Caracalla, en l’honneur du triumvirat, une statue cum tetrastylo. Sous Elagabal ou probablement Sévère Alexandre, un chevalier de Rusicade839, décurion des quatre colonies et flamine de Caracalla divus, offrit une statue de Victoria Augusta, elle aussi cum tetrastylo840. La res publica Dianensium consacra un arc à trois baies à 835

Ce terme signifie « source ». LESCHI (L.), Etudes d’épigraphie et d’archéologie et d’histoire africaines, pp. 267-270. 837 ILAlg. II, 674-678 838 Idem 839 ILALg. II, 10 840 ILAlg.I, 3040 ; L’offrande de statua cum tetrastylo ou cum aedicula tatrastylo est attesté à Théveste 836

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Macrin et Diaduménien. La porte à deux baies et l’arc de triomphe à Thibilis, ainsi que la porte Nord de Tiddis peuvent être datés approximativement de l’époque sévérienne ? Le seul arc élevé en Numidie en dehors de cette période se trouve chez les Nigrenses Maiores : promis par deux duumvirii après le tremblement de terre de 267, il fut construit par leurs héritiers, et dédié à Dioclétien et Maximien en 286 ou 287841. En Proconsulaire : 8 arcs furent élevés en l’honneur des Sévères par les municipalités : à Ammaedara dès 195, à Sufetula842, à Assuras843, à Vaga844, à Uzappa845, à Thugga ; l’un à Septime Sévère pour commémorer la fondation du municipium, un autre à Alexandre Sévère, conservator libertatis846, sans doute en remerciement de privilèges octroyés par l’empereur. Enfin, en 230 à Uchi Maius, devenue la colonia Alexandriana Augusta Uchi Maius ex indulgentia847 du César En outre, à Seressi, l’arc que le chevalier C. Memmius Felix Armenianus848 avait fait élever par testament, et qui fut orné d’un quadrige par le municipe, peut dater de l’époque sévérienne. Toujours pour montrer leur fides et leur obsequium, des constructions émanèrent de quelques riches citoyens, notamment l’arc de quadrifons de Théveste, pour lequel C. Cornelius Egrilianus légua 250 000 sesterces, et l’arc du forum novum de Thubursicum Numidarum, qui coûta 77 000 sesterces, versés en complément d’une summa legitima. L’arc de Cillium849 fut offert à l’occasion de la promotion de la ville au rang de colonie, sous les Sévères probablement. A Vallis, deux dédicaces, très fragmentaires, en l’honneur de Caracalla, rappellent qu’un vétéran, offrit un monument850. A ces monuments qui montrent la reconnaissance des habitants viennent s’ajouter deux arcs dédiés à Gordien III, l’un à Uchi Maius851, l’autre à Mustis852, par un particulier promis par un flamen et exécuté après sa mort par son gendre.En Maurétanie Tingitane, on a trouvé un arc en l’honneur d’Antonin

841 842 843 844 845 846 847 848 849 850 851 852

CIL, VIII, 2480, 2481 CIL, VIII, 11327 ILS, 437 CIL, VIII, 14395 CIL, VIII, 11929 CIL, VIII, 26551 CIL, VIII, 26262 CIL, VIII, 11216 CIL, VIII, 210 ; ILS, 5570 ILAfr., 486 CIL, VIII, 26264 CIL, VIII, 1577

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le Pieux dans la cité de Volubilis853, daté de 216 ou 217. Concernant les thermes, il faut dire que tous les thermes ne sont pas des initiatives des empereurs, mais le plus souvent de particuliers qui les font en l’honneur d’un empereur précis, souvent en signe de reconnaissance d’un beneficium. En effet, à Siga856, une inscription datée de 211 ou 217, fait mention de thermae Antoninianae en l’honneur de Caracalla ou Elagabal. En Numidie, les thermes sont construits par de riches consulaires, et par des particuliers ou même par la ville pecunia publica; il en est de même en Proconsulaire. On peut noter que les empereurs sévériens et leurs successeurs immédiats, notamment Maximin le Thrace, Gordien III et Philippe L’Arabe, se sont préoccupés activement de la mise en place des routes, notamment dans la sud de la Proconsulaire, comme l’attestent les milliaires857 de la voie de Tacapa à Capsa, par exemple, au nom de Maximin et de son fils : pontes vetustae dilabsos et iter longa incurie praeruptum restituerent. En Maurétanie Césarienne aussi, les mobiles sont d’ordre militaire : conforter le limes ; donc la défense des frontières méridionales, mais ils ne sont intervenus qu’exceptionnellement dans les constructions urbaines. L’intérêt porté par les Sévères à Lepcis Magna et qui s’est manifesté notamment à la grande basilique du forum novum, commencé par Septime Sévère et achevée par Caracalla, tient à leurs relations avec ces cités, et ne semblent s’être étendus aux autres cités, même les plus voisines, Sabratha par exemple. Les interventions des empereurs apparaissent limitées dans le temps et dans l’espace en Afrique du Nord. Le peu qu’il y a, notamment les ordres des empereurs eurent pour objet, comme du temps des Antonins, des travaux utilitaires, et principalement les adductions d’eau, à Lambèse par exemple, exécutés par la main d’œuvre militaire. Il y a aussi des assignations sous les Césars Lucius Septimius Severus, Marcus Aurelius et Publius Septimius Geta858. Cette ville avait été faite ex auctoritate des empereurs. L’intérêt porté par les empereurs aux constructions de Lambèse, par exemple, qui s’était déjà manifesté sous les Antonins, se maintient jusqu’à la fin du siècle, puisque les noms de Dioclétien et Maximien sont encore attachés à une restauration de l’aquaeductus Titulensis. Sous les tétrarques, à Thugga on éleva un arc, mais l’arc construit à Mididi en 294 est la porte monumentale du portique du forum, plutôt qu’un monument triomphal. 853 854 855 856 857 858

ILAfr., 608 ILAfr., 608 ILAfr., 608. AE, 1934, n°80. CIL, VIII, 21920. LESCHI (L.), Etudes épigraphiques…, p. 77.

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C. POLITIQUE D’URBANISATION ET D’AMENAGEMENT

DES EMPEREURS : RECOMPENSE DE LA FIDES ET DE L’OBSEQUIUM DES HABITANTS

Le siècle des Antonins, qui s’ouvrit avec la fondation de Cuicul et de Timgad, et vit de nombreuses villes recevoir le statut de municipe ou de colonie, ut supra dixi, fut pour nos provinces, grâce la prospérité économique, que nous verrons dans la dernière partie de notre thèse, et à l’existence d’un réseau routier qui devait faciliter l’acheminement des matériaux comme les déplacements des artisans859, une époque de grand développement urbanistique. Même si dans les Maurétanies, où les cités subissent les incursions des peuplades belliqueuses comme celles des Baquates860 ; des allusions à ces violations du limes romanus sont attestées par quelques fragments de l’Histoire Auguste861, l’urbanisation est restée moins dense qu’en Proconsulaire et en Numidie, et le plus souvent s’est caractérisée par la construction d’enceintes. Malgré les difficultés locales, le fait dominant reste le développement de la bourgeoisie municipale favorisée par une agriculture autrefois vivrière, et devenant commerciale et industrielle. On note la montée des propriétaires terriens et des commerçants. Dans toute cette activité, il nous faut, non pas faire une étude des constructions faites en Afrique mais de celles faites spécialement par des empereurs et en étudier sont les motifs d’une part, et la réaction des habitants face à ces beneficia imperatoris,d’autre part. Il est normal de commencer par le développement urbanistique favorisé par les princes ainsi que leurs mobiles, avant de traiter des marques de reconnaissance des cités poussées par leur fides ainsi que leur obsequium. Il ne s’agit pas ici de faire un inventaire quantitatif de ce qui a été fait par les empereurs dans les cités d’Afrique romaine, mais de voir leur présence et une action qualitative dans l’aménagement des cités. En effet, les empereurs ont favorisé un certain nombre d’ouvrages qui nécessitaient des moyens financiers énormes et que n’avaient pas forcément les habitants des cités, même les plus riches. De nombreux travaux de contemporains ont fait l’inventaire quantitatif de la présence romaine en Afrique ; mais nous nous sommes appuyés sur une présence qualitative qui prenait en compte 859

GASCOU (J.), op. cit., pp. 41-44. Cf Les tribus d’Afrique. 861 HIST. AUG., Vita Hadriani, V, 2 : Mauri lacessebant ; V, 8 : Marcio Turbone, Iudaeis compressis, ad deprimendum tumultum Mauretania destinato. Voir aussi E. FREZOULS, « Les Baquates et la province romaine de Tingitane », Bulletin d’Archéologie marocaine, II, 1957, pp. 65-116. 860

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l’évolution pré-romaine et romaine des habitants des cités, ainsi que les changements entraînés par la présence romaine. Pour nous la qualité des ouvrages effectués correspond à un ciblage prioritaire et. Alors nous parlerons de la construction d’édifices publics, religieux et à caractères utilitaires. C1. Les grands travaux édilitaires. C1.a. La construction de routes.

Comme au Ier siècle, mais en nombre légèrement supérieur, des

constructions ou des réfections de voies et de ponts ont été ordonnées par les empereurs. En effet, sur la route de Carthage à Hippone, Trajan fit reconstruire à ses frais le pont bâti par Vespasien. Sur l’ordre d’Hadrien, la respublica Cirtensium se chargea ex auctoritate imperatoris Caesaris Traiani de la construction des ponts le long de la via nova qui conduisait à Rusicade, tandis que la voie elle-même était à la charge des possessores territori Cirtensium862, sans doute les propriétaires riverains de la voie en question. Antonin le Pieux accorda, vers 138/160, ex indulgentia sua aux Milevitani de percevoir un péage863 sur la voie Milev-Chullu, pour compenser les dépenses occasionnées par sa construction864. Il confia au légat M. Valerius Etruscus865, qui paraît avoir déployé une grande activité édilitaire, la réfection de la voie qui traversait les Alpes Numidicae. Ce même légat autorisa, ex auctoritate, en 152, le vétéran Nonius Datus, un librator866, géomètre et sans doute spécialiste des problèmes d’adduction d’eau, comme nous le verrons plus loin. Les lois agraires ou politiques agraires des empereurs vont favoriser l’urbanisation des provinces et surtout, par extension, des cités. En effet, les riches propriétaires vont embellir leurs cités. Les plus riches, même d’origine indigène, n’ont pas de plus pressant désir que d’obtenir la civitas 862

CIL, VIII, 10296 : Ex auctoritate imp(eratoris) Caesaris Traiani Hadriani Aug(usti) via nova a Cirta Rusocadem strata per possessores territori Cirtensium. 863 CIL, VIII, 19327 : Ex auctoritate imp(eratroris) Caes(aris) T(iti) Aeli Hadriani Antonini Aug(usti) pii p(ecunia) p(ublica) via a Milevitani munita ex indulgentia eius de vectigali rotari II 864 PARVIS D’ESCURAC-DOISY (H.), loc. cit., p. 65. 865 AE, 1954, n° 151 : …M. Valerius Etruscus leg(ati) Augusti pro [pr(ae)tore patronus coloni]ae curiam renovatam et exornatam de[dicavit d(ecreto) d(ecurionum) p(onendum) p(osuit). 866 Un niveleur.

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romana qui implique des droits comme le commercium, le conubium, etc ; mais aussi des obligations politiques telles que l’organisation des jeux et l’embellissement des cités, et surtout le cursus municipalis et honorum. L’urbanisation elle-même est d’abord déterminée par l’existence de bonnes routes : la construction des édifices urbains, avec leurs éléments décoratifs, impliquait l’existence d’un réseau routier dont l’existence est confirmée par de nombreuses bornes milliaires, qui permirent de transporter le marbre de Chemtou à Thysdrus, à Ammaedara, à Thubursicu Numidarum ou encore à Thamugadi867. Mais il n’y avait pas que la construction des routes pour caractériser l’urbanisation des cités africaines, il y avait aussi les édifices honorifiques, le plus souvent instruments de la propagande impériale.

C1.b. Les monuments de la propagande impériale. L’arc de triomphe était à l’origine une porte monumentale dressée en bois pour accueillir un général victorieux, puis élevée en pierre pour commémorer ses victoires. Il se composait de deux piédroits reliés par une voûte qui formait une arche. On a un exemple de ces arcs à Volubilis, appelé aussi arc de Caracalla. Il avait été dédié à Caracalla et à sa mère Julia Domna en 216/217 par la communauté des Volubitains, en remerciement d’une remise d’impôts868. Voici le texte gravé sur cet arc : « Imperatori Caesari Marco Aurelio Antonino pio felici Augusto Parthico Maximo Britanico Maximo Germanico Maximo pontifici maximo tribunitia potestate XX Imperatori IIII consuli IIII patri patriae proconsuli et iuliae augustae piae felici matri augusti et gastrorum et senatus et patriae respublica Volubitanorum ob singularem eius erga universos et novam supra omnes retro principes indulgentiam arcum cum seiugibus et ornamentis omnibus oncohante et dedicante marco aurellio sebasteno procuratore augusti devotissimo numini eius a solo faciendum curavit ». Le procurateur Marcus Aurellius Sebastenus dédie ce monument à l’empereur Caracalla et à sa mère Julia Domna au nom des Volubitains, en 867 GASCOU (J.), La création de communes romaines en Afrique Proconsulaire de Trajan à Septime Sévère, p.38. 868 IAM, II, 84 : «En l’honneur de l’Empereur César, M. Aurelius Antoninus (Caracalla), pieux, heureux, auguste, très grand vainqueur des Parthes, des Bretons, des Germains, grand pontife, dans sa vingtième puissance tribunicienne, général vainqueur pour la quatre fois, consul pour la quatrième fois, père de la Patrie, proconsul, et de Julia Augusta, pieuse, heureuse, mère de l’empereur, des camps, du Sénat et de la Patrie, la République de Volubilis, en remerciement de l’extraordinaire bienveillance qu’il a témoignée à tous les autres ornements, la poste de la première pierre et la dédicace étant l’œuvre du procurateur M. Aurelius Sebastenus, dévoué à sa divinité impériale ».

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remerciement d’une indulgentia. Plutôt qu’une référence au droit de cité accordé en 212, il faut voir dans la faveur accordée aux habitants une allusion à une remise d’arriérés d’impôts en 215 / 216, comme l’atteste une inscription trouvée à Banasa. C1.c. Les aqueducs des cités. Le développement urbain et la romanisation progressive du mode de vie ont imposé la construction d’aqueducs vers la fin du Ier siècle après J.-C. Les constructions nécessitaient des moyens financiers conséquents que n’avaient pas forcément les cités, alors c’était les empereurs par l’intermédiaire de leurs gouverneurs, et même l’armée per indulgentiam imperatoris bien sûr, que les travaux pouvaient être réalisés. L’alimentation en eau des cités est assurée par des aqueducs, des citernes ou des puits. L’exemple le mieux connu est celui de Volubilis, qui possède un système complexe d’adduction d’eau, aqueduc, faisceau de canalisations, châteaux d’eau permettant la redistribution vers les monuments où l’eau est indispensable : fontaines, thermes publics et privés, latrines, et les divers quartiers de la ville869. Les eaux usées sont nombreuses à Lixus870, Sala possède des fontaines, un nymphée ; Zilil871 et Tanger sont alimentées par des aqueducs. On sait en revanche peu de choses sur l’alimentation en eau des sites du Gharb, Thamusida et Banasa, où aucun aqueduc n’a été repéré. L’Etat n’était pas absent de ces travaux, c’est ex indulgentia imp(eratoris) que l’eau a été amenée au vicus de Verecunda. Il s’agit en effet de l’aide notable apportée par Antonin aux cités africaines et notamment au vicus de Verecunda872. Elle rappelle celle qu’il a accordée aux villes d’Italie notamment à Scolacium873. Le tableau ci-dessous nous permet d’avoir une vue panoramique des travaux dans les cités et leurs donateurs :

869

ETIENNE (R.), « Maisons et hydraulique dans les quartiers Nord-Est à Volubilis », PSAM, 10, 1950, p. 25-211. 870 KHATIB-BOUJIBAR (N.), « Le problème de l’alimentation en eau à Lixus », Lixus, 1992, p. 305-323. 871 AKERRAZ (A.), « Fouilles de Dchar Jedid », 1977-1980, BAM, XIV, 1981-1982, pp. 196225. 872 CIL, VIII, 4205 ; ILS, 5752. Ex indulgentia imperatoris. 873 JOUFFROY, La construction…, p. 233.

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Travaux Hydrauliques

Donateur

Fonctions

Particularités

Date

Restauration d’un aqueduc

Milites alae ou coh[ortis] ?

239 ap. J.-C. Gheriael Gharbia

IRT, 806 ; AE,1973, 573 ; X.Loriot, « BSNAF », 1971, pp. 342-346.

Réfection del’aqueduc de la III légion

Praef. Cl. Honoratus et Leg.V p.p.p.n. Aurelius Maximianus

Dioclétien Lambèse et Maximien

CILVIII, 2572.

Restauration del’aqua Titulensis

Dioclétien et Maximien

290-293 Travaux confiés à un ap. J.-C. curator etun centurion

Travaux de l’aqueduc et du nymphée

M.Aurelius Alexander

Travaux 226 ap. J.-C. effectués par la IIIème Légion

Eau amenée au vicus

Antonin le Pieux

Ex indulgentia imp.

Construction d’un Septizonium

M. Aurelius Leg.Aug. Pro Cominius Praetore Cassianus C. V.

160-164 ap. J.-C.

246-248 ap. J.-C.

Provenance

Lambèse

Références

CILVIII, 2660 ILS, 5787

CILVIII, 2658. M.Janon, ibid.,p. 225. Verecunda

CILVIII, 4205; ILS, 5752. CILVIII, 2657; AE,1973, 645; ILS, 5626.

Ce tableau nous permet de comprendre l’importance des aqueducs pour les empereurs et le souci pour ces derniers d’améliorer l’hygiène de vie de leurs administrés.C’était des ouvrages très complexes, et qui nécessitaient un savoir-faire que ne possédaient pas forcément les habitants des cités ; les habitants ne possédaient pas non plus les moyens financiers et logistiques. Ce sont les empereurs par leurs représentants qui faisaient accomplir ces ouvrages. Nous avons ici un exemple de ce type d’ouvrage trouvé à

202

Volubilis ; nous pouvons en apprécier la complexité874 :

874

AKERRAZ (A.), LENOIR (E.), « Volubilis et son territoire au Ier siècle de notre ère », dans L’Afrique dans l’Occident romain, pp. 213-229.

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La construction d’ouvrages utilitaires fait partie des qualités de l’empereur et dont l’une des vertus cardinales reste l’indulgentia. Cette qualité implique le plus souvent pour le prince de faire preuve de bienveillance, marque d’une sorte d’évergétisme impérial. Alors comment se caractérise cet évergétisme ? Un vétéran du nom de Nonius Datus fut envoyé par le légat M. Valerius Etruscus, pour résoudre dans la cité de Saldae les difficultés présentées par la construction de l’aqueduc dont le légat avait fait les plans et dirigé le début des travaux en 137875. Une inscription de Verecunda rappelle qu’Antonin avait fait amener l’eau au vicus. Aucune entreprise de ce genre n’est attribuée à Marc-Aurèle. En outre, Antonin le Pieux fit reconstruire le quartier de Carthage qui avait été détruit par un incendie sous son prédécesseur876. Dans l’évergétisme et sa célébration nous n’allons pas nous intéresser aux œuvres de notables remerciant ici et là l’empereur en construisant un monument ou en offrant un grand banquet. Nous allons étudier les marques de reconnaissance des empereurs dans les cités. En effet, nous savons mieux aujourd’hui que l’administration impériale n’était pas l’ennemie de la cité. A l’opposé d’une attitude oppressive et autoritaire, l’imperium s’efforçait, en accord avec les élites provinciales, de la faire vivre, de garantir son fonctionnement en lui manifestant sa bienveillance. L’offrande continuelle de statues impériales, le culte municipal de l’empereur, l’évergétisme des princes envers certaines communautés, l’octroi de privilèges juridiques et fiscaux rappelait que la cohésion de l’Empire reposait sur le dialogue suivi de Rome et de ses provinces. La bonne volonté de la cité envers l’imperium comportait l’abdication anticipée de responsabilités en cas de difficultés. Ni liberté surveillée, ni dépendance conditionnelle, l’autonomie communale supposait une vigilance permanente ; elle était sans cesse à réconquérir. La défendre était d’autant plus aisé que la prospérité et le dynamisme étaient au rendez-vous. Une conjoncture défavorable, liée à une mauvaise gestion financière ou à la négligence des élites, risquait de renforcer le sentiment d’une dépendance à l’égard de l’Etat. Les communautés, sauf bénéfice du droit italique, devaient payer annuellement l’impôt direct. En cas de manquement, il n’était pas toujours adroit de tabler sur l’indulgentia (la bienveillance) du prince, comme le

875

ILS, 5794. HIST. AUG., Vita Pii, IX, 2 : Carthaginiense forum arsit ; AURELIUS VICTOR, De Caesaribus, XVI, 12 : multae urbes conditae, deductae, repositae ornataeque, atque in primis Poenorum Carthago quam ignis foede consumpseat.

876

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montre cette inscription Tiddis877 en Numidie : « Grâce à la Bienveillance et à la Prévoyance divine de nos Seigneurs les Empereurs [« (Trébonien) Galle »] et [« Volusien »] Augustes, Marcus Cocceius Anicius Faustus Flavianus,consulaire et Quindecemvir, curateur et patron des colonies cirtéennes, a pourvu à la collecte de l’eau pour le bienêtre du peuple des ruines qui dominaient les environs, et après que la montagne dégagée eut été aplanie »878. Les noms des empereurs ont été gravés à la place de ceux de Trajan Dèce et d’Hostilien, qui avaient été martelés ; l’opération fut réalisée vraisemblablement en deux fois selon une étude inédite de X. LORIOT ; ces données nous permettent de placer ces grands travaux entre les années 251 et 253. La Bienveillance (indulgentia) et la Prévoyance (providentia) font partie des vertus cardinales de l’empereur879. Marcus Cocceius Anicius Faustus Flavianus, connu par deux inscriptions de Cirta880, était le frère de Sextus Cocceius Anicius Faustus Paulinus, qui fut proconsul d’Afrique entre 265 et 268881. Nous ne ferons pas une étude complète de cette inscription, mais tout ce que nous pouvons dire est que malgré une certaine ambiguïté, elle commémore non pas une construction nouvelle, mais seulement la remise en état des installations pour l’approvisionnement en eau de la cité dans laquelle les magistrats, n’interviennent ni par leur décision, ni par le financement : la main-d’œuvre pour le déblaiement est fournie par les habitants, sous la forme d’un munus, les travaux sont payés par la caisse impériale et la direction de l’ensemble a été assumée par Flavianus. Les empereurs ont joint l’utile à l’agréable par la construction d’aqueducs et de points d’eau. En effet, l’eau fut un des signes les plus tangibles de la romanisation, à tel point que l’armée aida parfois à l’amener dans les cités. Cette aide de l’armée est caractérisée par la présence de l’expression per legionem dans les sources épigraphiques. Traditionnellement, en Afrique, la majeure partie de l’eau est stockée dans les citernes et les puits. Amener l’eau courante jusqu’à la ville fut l’une des gageures que relevèrent les autorités municipales, voire impériales, comme les donateurs. Pour cela les princes utilisèrent l’armée comme en témoigne cette inscription : 877

ILAlg., II, 3596 La fin de la traduction est empruntée à F. JACQUES, Les curateurs des cités dans l’Occident romain de Trajan à Gallien, Paris, p.209, n°12. 879 MARTIN (J.-P.), Providentia deorum, Rome, 1982. 880 ILAlg., II, 486 et 625. 881 THOMASSON (B.E.), Fasti Africani, Stockholm, 1996, pp. 92-93, n°128. 878

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« A l’empereur César Marc Aurèle Commode Félix Auguste. Marcus Valerius Maximianus légat d’Auguste propréteur, homme clarissime, très grand consul, a pris soin de commencer et de faire achever les travaux de l’Aqua Paludensis en la canalisant et en faisant construire des bassins de décantation ; et il en a fait la dédicace ».882 Voyant aussi que l’eau des sources avait une valeur sacrée pour les Africains, à tel point que même les Romains en usaient, les empereurs aidèrent les habitants de Timgad à en aménager près du temple, comme en témoigne cette inscription : « A l’empereur César Marcus Aurelius Severus Antoninus Pius Auguste, vainqueur des Parthes, des Bretons, des Germains, grand pontife, en sa seizième puissance tribunicienne, acclamé imperator trois fois, consul quatre fois, père de la patrie, et Iulia Domna Pia Felix, Mère de l’Auguste et des camps et du Sénat et de la patrie. La res publica de Thamugadi a offert et a fait construire l’entourage d’une source (formée) d’une balustrade de bronze, les portiques d’un jardin planté d’arbres, (et les a) ornés de peintures, des portes, un pronaos donnant sur ces portiques et une place dallée qui va jusqu’à l’entrée des thermes. » -« Pour le salut des Augustes » -« Pour le salut des Augustes ! L’Aqua Septimiana Felix » Ces installations sont bien ex auctoritate imperatoris, c’est-à-dire sur ordre et impulsion des empereurs.L’Etat n’était pas absent de ces travaux, c’est ex indulgentia imp(eratoris) que l’eau a été amenée au vicus de Verecunda. Il s’agit en effet de l’aide notable apportée par Antonin aux cités africaines et notamment au vicus de Verecunda. Elle rappelle celle qu’il a accordée aux villes d’Italie notamment à Scolacium883. Il y a d’autres infrastructures favorisées par les empereurs pour le bien-être des cités africaines ; il s’agit entre autres, d’édifices civils tels que thermes, amphithéâtres, etc.

882 883

AE, 1934, 40. JOUFFROY, La construction…, p. 233.

206

C2. Les édifices civils et des loisirs. C2.a. La construction de thermes.

Des vestiges de thermes ont été reconnus dans 22 villes, et plusieurs d’entre eux sont des constructions importantes et soignées, ornées de mosaïques. Leur répartition, en Proconsulaire, diffère sensiblement de celles des édifices recensés jusqu’à présent : presque tous les thermes retrouvées appartiennent à des villes situées sur la côte, ou à proximité, celles de l’intérieur n’en sont encore que rarement pourvues. Les plus anciens semblent être les deux établissements d’Acholla, thermes de Trajan884 ; et les thermes d’Hadrien de Lepcis Magna, dédiés dès 126-127885. Les thermes publics de Tingitane, par exemple, ont fait l’objet d’études poussées : les thermes du fleuve de Thamusida ont ouvert la voie et l’ouvrage récent d’Y. THEBERT fait le point sur la documentation archéologique et bibliographique sur chaque établissement886. L’originalité des thermes de Tingitane tient au fait qu’ils demeurent de dimensions modestes par rapport aux établissements d’autres provinces, et que les schémas à développement symétrique des salles chaudes sont inexistants. Il y a un terme qui prouve que ces constructions ont été faites ou ordonnées par les princes ; c’est l’expression ex permissu. En effet, et même si les exemples ne sont pas nombreux, les empereurs se préoccupaient de l’hygiène de leurs sujets quel que soit l’endroit où ils se trouvaient. Ce fut le cas à Carthage, où l’empereur Antonin fit construire ou embellir des thermes887. Nous comprenons que les princes ciblaient le plus souvent les ouvrages qu’ils voulaient voir sortir de terres dans un but précis : faire avancer la « roman way of life », en un mot la romanisation.

884

PICARD (G.), CRAI, 1947, pp. 557-562. Id., Ant. Afr., II, 1968, pp. 95-151. 886 THEBERT (Y.), Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Rome, Bibl. EFA et EFR 115, 2003. 887 ILTun., 890 : ex permissu …imp(eratori) Caes(aris) T(iti) Aeli Hadria[ni Antonini Aug]u(usti) …et M(arci) Aelii [Aureli Veri Caes]s(ari) …[…aquam magno u]sui futuram thermis ... 885

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C2.b. Les édifices de loisirs : vecteurs de la romanisation b1. Les amphithéâtres, cirques et théâtres. Les amphithéâtres sûrement datés du IIème siècle sont beaucoup moins nombreux que les théâtres et les cirques. Des aménagements furent apportés au petit amphithéâtre flavien de Thysdrus et à celui de Carthage. La question importante ici est celle de savoir quel fut le rôle des empereurs ? Ont-ils été les constructeurs ou pas des ces édifices ? Quelles furent les restaurations qu’ils en ont apportées ? Ces édifices ont-ils été des vecteurs de la romanisation en Afrique ? On connaît par leurs vestiges seulement les amphithéâtres de Sabratha, de Gemellae, et celui d’Utique888, construit, ou seulement réaménagé, sous Hadrien. L’amphithéâtre de Lambèse, construit en 169, per legionem IIIa Augusta, fut restauré dès 176-180, sur l’ordre de Marc-Aurèle et de Commode889. L’expression per legionem atteste bien d’une construction ordonnée par les princes car la légion était sous les ordres de l’empereur supplée dans cette charge par le légat. Ce fut le cas pour la restauration de l’amphithéâtre de Lambèse, restauré per legionem890 par les imperatores M(arcus) Aurelius Antoninus et L(ucius) Aurelius Commodus Aug(usti). Une interrogation vient à l’esprit : peut-on dire que les spectacles furent un facteur de romanisation en Afrique du Nord ? La popularité des spectacles romains en Afrique apparaît une évidence quand on y considère le nombre de monuments consacrés à l’otium891 (otia au pluriel), c’est-à-dire aux divertissements collectifs892. Plus d’une centaine de théâtres, 888

LEZINE (A.), Utique, p.66. AE, 1955, n°134 : …per leg(ionem) III Aug(usta) [M(arcus) Lucceio Torquato Bassiano Leg(atusà Aug(usti) pr(o) pr(aetore) co(n)s(ule) desig(nato). 890 AE, 1955, n°135 : …fortissimi partem amphitheatri a solo et podium universum vetustate corrupta restituerunt per leg(ionem) III Aug(usta). 891 Cette notion a fait l’objet d’études dans plusieurs traités d’auteurs anciens comme Salluste qui la considère comme « l’inaction de précieux loisirs » ; « …desidia bonum otium conterere » (De coniur., IV, p. 58) ; ou encore de Cicéron qui la considère comme le repos, par opposition à negotium qui est une activité quelconque (Cic., Pro ligario, 35, p. 82.). Il signifiait aussi la paresse ou l’oisiveté et la consommation de loisirs inutiles à l’épanouissement intellectuel. Des auteurs modernes tels que C. NICOLET et A. MICHEL considèrent l’otium comme l’oisiveté en ces termes : « …il n’est rien de plus totalitaire que cette cité, qui exige du citoyen de plein droit une oisiveté (otium) à peu près totale, afin qu’il se consacre à la vie publique. » (Cicéron. Ecrivains de toujours, p. 11). 892 SALLES (C.), L’Antiquité romaine, des origines à la chute de l’Empire, Paris, Larousse, 1993, 280 pages. Elle les oppose aux loisirs individuels ou privés : l’équitation, le jardinage, la chasse. Salluste disait à propos de l’otium comme loisir individuel et non corrupteur de 889

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d’amphithéâtres et de cirques furent construits dans une soixantaine de cités du début du principat à la fin du IIIe siècle. En comptant les simples pistes de course et les édifices temporaires en bois893, l’Afrique romaine était très bien desservie sur le plan culturel, même s’il faut prendre en compte le décalage entre les Maurétanies et les provinces orientales. Ces édifices furent presque tous construits dans les collectivités qui possédaient le statut de cité, quelle qu’en soit la nature. Leur construction est associée à la municipalisation de l’Afrique, que Marcel BENABOU qualifiait de « romanisation libérale »894, c’est-à-dire la promotion des cités pérégrines au rang de municipe latin ou de colonie honoraire. L’impression d’une « succes story » culturelle est renforcée par l’abondance de la documentation épigraphique, iconographique et littéraire895. 150 inscriptions environ, datées du milieu du Ier siècle au début du Ve siècle, font référence à des spectacles variés de type romain : ludi scaenici, ludi circenses, munera gladiatorum, venationes ; ainsi qu’à des professionnels du spectacle. 200 mosaïques de sol, posées du IIe siècle au Ve siècle, commémorent dans un cadre privé ou public la générosité des évergètes africains et des empereurs. TERTULLIEN, comme CYPRIEN confirment la vitalité et la continuité des spectacles en Afrique. Dans quelle mesure toutefois les spectacles furent-ils un agent actif de la romanisation ? N’est-il pas totalement illusoire à vouloir chercher dans les spectacles africains les traces d’une introuvable « acculturation » ? Il est dès lors légitime de se demander comment le processus de municipalisation en Afrique donna naissance à une véritable « industrie des loisirs » avant d’aborder la question de leur place culturelle dans la romanisation de l’esprit que l’enfant « parvenu à l’adolescence Jugurtha, ne se laissa corrompre ni par le luxe ni par l’oisiveté, mais il pratiquait l’équitation, le lancer de javelot, luttait à la course. En outre, il passait la plupart de son temps à la chasse » ; « Quid ubi primum adoleuit, pollens viribus, (…) non se luxu neque inertiae corrumpendum dedit, sed (…), equitare, iaculari, crsu eum aequalibus certare ; (…) ad hoc, pleraque tempora in venando agere » (Bell. Iugurth., VI, p. 135). 893 De simples pistes pouvaient être aménagées pour l’organisation de courses, comme à Auzia (CIL, VIII, 9065) ou Thugga (Khanoussi, Maurin, 2000, n°39, pp. 114-117). Il ne faut pas exagérer l’importance de ces dispositifs, car les édifices de spectacle étaient un des marqueurs de l’identité municipale, ce qui explique leur emplacement fréquent à la frontière des espaces urbains et ruraux dans une cité. Sur ce point, P. GROS, 1994. 894 La Résistance…, 1976, p. 425. Voir aussi la nouvelle édition de 2005, La découverte. pp. 424-427. Pour l’auteur cette forme de romanisation n’a commencé que tardivement, et n’a touché que des centres où les citadins étaient déjà convenablement assimilés. Partout ailleurs, il semble que l’on ait volontairement retardé le processus de transformation des statuts administratifs. La romanisation administrative apparaît aussi tout au long des deux premiers siècles de l’Empire. 895 HUGONIOT (Ch.), Les spectacles de l’Afrique romaine, Lille, Thèse de doctorat, 1998.

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l’Afrique. Tout le monde ne pouvait assister aux spectacles, ne serait-ce qu’en raison de la distance à parcourir pour des paysans isolés. La question se pose d’une éventuelle fracture culturelle entre les populations urbaines privilégiées et bien intégrées dans la vie municipale et une frange plus ou moins marginale du monde rural, organisée ou non dans un cadre tribal, qui n’avait pas accès au confort urbain896. On peut se demander d’autre part en quoi des spectacles réduits à des prouesses sportives et à des mimes faisaient office de facteur de romanisation. Une des conditions du succès des spectacles est la généralisation en Afrique de la civilisation municipale. Les spectacles existaient probablement auparavant et on peut supposer la présence d’une culture, à la fois sportive et théâtrale, à Carthage. La création sous Septime Sévère d’un concours pythique à Carthage, doublé d’un concours en l’honneur d’Asklepios, apparaît dans cette optique comme la formalisation d’un héritage agonistique ancien qui rend compte également sous le principat de la popularité des pugilistes africains897. Cela dit, c’est bien la municipalisation de l’Afrique qui multiplia les représentations de spectacles romains. Municipes et colonies devaient en effet adopter un calendrier de type romain qui impliquait la célébration de jeux en l’honneur des dieux (ludi publici). Ce point ressort clairement des règlements municipaux qui furent retrouvés en Bétique et il est nécessaire de faire un détour par cette documentation avant de vérifier si elle concernait aussi l’Afrique.

b2. Les règlements municipaux. Les règlements municipaux nous permettent de saisir l’importance des édifices de spectacles en Afrique. Ces règlements font partie d’un dossier composé de lois. Font partie de ce dossier la loi d’Urso, une colonie de vétérans fondée par Jules César, ainsi que la lex Irnitana, du nom du municipe fondé par l’empereur Domitien : Irni. Il est établi que ce dernier texte appartenait à une loi municipale commune promulguée sous les Flaviens - mais qui reste d’actualité pour la période qui nous concerne – dont la loi de Malaca (lex Malacitana) et la loi de Salpensa (lex Salpensanis) avaient déjà partiellement livré la teneur898. Le contenu de cette « constitution » a été rapproché d’une charte municipale danubienne dont un 896

Pour cette étude nous nous limiterons au règne de Gallien, même s’il est fait allusion parfois à la documentation ultérieure comme preuve à rebours. 897 Sur les Pythia Karthaginis, cadre imaginaire du songe de Perpétue avant son exécution, cf. L. ROBERT, Une vision de Perpétue martyre à Carthage, CRAI, pp. 228-276. 898 GONZALEZ (J.), The lex Irnitana : a New Flavian Municipal Law, JRS, 76, 1986, pp. 127-143.

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passage rédigé sous les Sévères a été retrouvé dans une cité du Norique. Il s’agit du municipe de Lauriacum, l’actuelle ville de Lorsch en Autriche (lex Lauriacensis). Géza ALFÖDY a restitué ce passage à partir de la rubrique 25 de la lex Irnitana. Il estime donc que la lex Lauriacensis était très proche de la loi municipale flavienne et que celle-ci fut probablement employée à la fin du 1er siècle dans toutes les nouvelles fondations de municipes latins899. Les conclusions de François JACQUES sur les municipes latins d’Afrique, qui comprenaient le même nombre de curies que celles prévues dans la lex Irnitana, semblent confirmer ce point de vue900. Une nouvelle loi municipale retrouvée en Espagne et en cours de publication apportera, espérons-le, des lumières inédites sur le dossier des lois municipales. Les statues des colonies romaines et des municipes latins prévoyaient la création annuelle de fêtes romaines. Une des clauses de la loi d’Urso stipulait que les décurions de la cité devaient, au début de l’année, fixer le nombre précis de jours de fêtes (dies festi) et la nature des cérémonies religieuses (sacra) qui devaient être célébrées901. Nous ne ferons pas ici un panorama des jeux et des fêtes (déjà l’objet de nombreux travaux), mais leur impact sur le processus de romanisation. Pour cela nous allons revenir sur les jours de « fêtes impériale » qui étaient célébrées dans les cités africaines. En effet, les jours de fêtes impériales étaient décidés par la chancellerie romaine. Ces fêtes en l’honneur de la domus Augusta étaient imposées par des circulaires d’informations que les bureaux des gouverneurs provinciaux communiquaient à tous les citoyens romains des provinces. Une telle procédure avait été employée à la mort de Germanicus sous le règne de Tibère : les honneurs funèbres rendus au neveu et fils adoptifs de l’empereur sont connus par une copie italienne du sénatus-consulte voté à cette occasion, la tabula Hebana, et par une nouvelle copie de la décision sénatoriale retrouvée en Bétique, la tabula Siarensis902. La procédure des circulaires d’informations était vraisemblablement en vigueur en ce qui concerne le calendrier municipal d’organiser des fêtes et des concours (dôrea)903, par exemple lors de l’instauration d’un concours

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ALFÖLDY (G.), Noricum, App. XII, Londres, 1974 (traduit de l’anglais), p. 273. JACQUES (Fr.), Quelques problèmes d’histoire municipale à la lumière de la lex Irnitana, L’Afrique dans l’Occident romain (CEFR, 134), Rome, pp. 367-380. 901 RS, I, n°25, p. 401, ch. 64. 902 Sur ce texte, voir RS, I, n°37 (Tabula Siarensis). Ce fut un deuil public et qui fut l’occasion dans tout l’Empire d’une manifestation de fidélité à la famille de Tibère, témoignage d’unanimité que le Sénat encouragea en ordonnant aux gouverneurs de diffuser le texte auprès des principales cités de leur province et aux légats de l’afficher dans les camps militaires. 903 La dôrea consistait pour un souverain grec à accorder ou non l’oecuménicité à un concours lors de sa fondation par une cité. 900

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isélastique à Pergame904. Les empereurs romains reprirent cette tradition régalienne : lors de la fondation d’un concours pythique à Carthage, Septime Sévère accorda cette autorisation administrative à la cité par l’intermédiaire probable du proconsul d’Afrique905. Il ne fait guère de doute qu’une procédure analogue était employée pour informer les cités des changements de règne ou de dynastie et leur enjoindre la célébration du dies natalis ou des nouveaux empereurs et des membres de leur famille. La question qu’on se pose est celle de savoir si ce qui se passait en Bétique était transposable en Afrique ? Il est probable, du moins à partir du IIe siècle, que l’accélération du processus de municipalisation alla de pair avec la généralisation en Afrique des fêtes religieuses romaines. Du fait de leur banalité, elles apparaissent peu dans la documentation littéraire ou épigraphique. Le rhéteur chrétien Tertullien évoque dans l’Apologétique les lits de tables disposés à Carthage pour les banquets publics des Liberalia ou son refus en tant que chrétien de participer aux Saturnales. Une inscription de Vallis fait allusion aux cadeaux que les édiles avaient également l’habitude de distribuer lors des Liberalia de la cité906. Une autre inscription de Cirta mentionne un jour de Jeux Floraux (Floralia) qu’un magistrat municipal prit à sa charge, indice que la cité en assumait habituellement le financement907. Toutes ces fêtes furent célébrées dans des cités qui étaient des colonies romaines (Carthage, Cirta) ou obtinrent du pouvoir impérial une promotion municipale (Vallis)908. Il y a deux indices épigraphiques qui indiquent que les dispositions du règlement irnitain – et peut-être de la lex Ursonensis – étaient valables dans les municipes et les colonies de l’Afrique romaine. Le premier indice concerne les colonies. On y trouve des magistrats qualifiés de munerarii909. 904 CIL, VIII, 7086. Sur ce point, HURLET (F.), Les modalités de la diffusion et de la réception de l’image et de l’idéologie impériale en Occident sous le Haut-Empire, dans La diffusion de L’idéologie impériale en Occident sous le Haut-Empire, Actes du colloque de Bastia, 128e Congrès des sociétés historiques et scientifiques, avril 2003, Ausonius, Bordeaux ; ID., Le proconsul d’Afrique d’Auguste à Dioclétien, Pallas, 68, pp. 145-167. 905 TERTULLIEN, Scorpiace, 6, 2 : Adhuc Carthagienm singulae civitates gratulando inquietant donatam Pythico agone post stadii senectutem ; « Toutes les cités troublent encore de leurs applaudissements Carthage, gratifiée naguère des jeux pythiques, dans la vieillesse du stade ». ROBERT (L.), op.cit., pp. 233-234, estimait qu’une ambassade de décurions carthaginois fut envoyée à l’empereur pour obtenir l’autorisation. 906 CIL, VIII, 14 783. 907 ILAlg., II, 1, 501. 908 Sur le statut de la cité, J. GASCOU, La politique municipale…, pp. 200-201 et 208. La ville devint municipe, puis colonie à une date indéterminée. 909 Une seule inscription pose problème (CIL, VIII, 1270), car on ne sait pas si le municipe de Thisidio devint colonie. Cf. LEPELLEY (Cl.), Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire. II. Notices d’histoire municipale, Paris, 1981.

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Ils étaient distingués en offrant à leur entrée en charge ou dans le cours de leur magistrature un munus, c’est-à-dire un spectacle d’amphithéâtre, que celui-ci ait consisté en un combat de gladiateurs (munus gladiatorum) ou uniquement en une chasse fictive dans l’arène (venatio)910. Le second indice épigraphique d’une application des lois municipales hispaniques en Afrique concerne à la fois les municipes et les colonies. C’est le vocabulaire employé par les évergètes africains. Sur les quelques 80 actes d’évergétisme recnsés de Trajan à Dioclétien qui mentionnent des jeux (ludi scaenici, circenses), une cinquantaine commémorent clairement la dédicace de monuments financés par des évergètes (soit un pourcentage de 65,5%)911. Le retour régulier de ces fêtes coûtait cher et la question se pose de leur financement. Les évergètes offraient des spectacles exceptionnels par définition ponctuels. L’argent des jeux venait des ressources publiques des cités. TERTULLIEN nous en donne la preuve dans un des passages du De Idololatria ; il y évoque les lourdes responsabilités des magistrats, et nous apprend que ceux-ci organisaient des spectacles avec l’argent public ou à leurs frais912. Les cités africaines, du moins les plus dynamiques et les plus riches, avaient apparemment les moyens d’ouvrir une ligne budgétaire pour les spectacles, quelle que soit l’origine du financement. D’où venait l’argent ? Il est tentant de penser que les sommes honoraires versées par les magistrats à leur entrée en charge et explicitement mentionnées sur les inscriptions alimentaient la caisse des jeux913. Les 910 Par exemple M. Valerius Flavianus Sabinianus, duumvir coloniae Thevestis munerarius (ILAlg. I, 3071). Une inscription de Forum Popili en Italie associe explicitement l’organisation d’un munus au titre de munéraires, CIL, IX, 575 : Ita candidatus fiat honoratus tuus et ita gratum edat munus tuus munerarius ; « Que ton candidat devienne ton magistrat et qu’il te donne un munus agréable, devenant ton munéraire (trad. G. Ville). » 911 Sur les 280 actes d’évergétisme ob honorem recensés par F. JACQUES, principalement du IIe siècle jusqu’à Gallien, les jeux organisés explicitement pour la dédicace d’un monument – lui-même offert dans le cadre d’un honneur municipal, que ce soit une magistrature ou une prêtrise – ne représentaient que 15% des dons. Ce faible pourcentage de jeux ne s’explique-til pas par les réticences des évergètes devant le coût des jeux et par le fait que le financement de ceux-ci était assuré normalement par le budget municipal ? Pour la liste complète des actes d’évergétisme africains, WESCH-KLEIN, Liberalitas in rem publicam. Private Aufwendungen zugunsten von Gemeinden im römischen Afrika bis 284 n. Chr. (Antiquitas, Rh. 1, Bd. 40), Bonn ; JACQUES (Fr.), 1981, pp. 265-267; Id., 1984, pp. 722-732. 912 TERTULLIEN, De idololatria, 17, 2-3 : … non spectacula edat de suo aut de publico aut edndis praesit… ; « qu’il ne donne pas de spectacles à ses frais ou aux frais de la cité, qu’il ne préside pas à leur célébration… (trad. de Genoude). 913 Ces sommes d’argent prirent en Afrique le relais des jeux obligatoires imposés à Urso et dans les cités italiennes au Ier siècle aux nouveaux magistrats. DUNCAN-JONES, (R.P.), Costs and Outlays and summae honorariae from Roman Africa, PBSR, 30, pp. 68-69, évoquait avec prudence cette hypothèse. L’auteur se fondait sur le montant des summae honorariae dans de petites cités africaines, identique aux 2000 sesterces obligatoires des

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magistrats élus chaque année se répartissaient les différents jeux. Les sommes honoraires dans les petites cités n’étaient pas élevées, les cités devaient aussi affecter au budget des jeux d’autres ressources, notamment une partie des impôts municipaux. Sous Septime Sévère TERTULLIEN fait allusion à l’affermage des revenus des temples, en passant par Carthage914. Il est probable, malgré l’insuffisance de la documentation sur les commanditaires des jeux, que les notables municipaux les plus riches et les plus entreprenants s’investirent très tôt dans le business des spectacles. L’élite municipale contrôlait en sous-marin l’organisation des jeux. Leur financement fonctionnait comme un circuit économique fermé. La fin du IIe siècle et la première moitié du IIIe siècle apparaissent comme l’apogée de ce système de loisirs. Faut-il pour autant parler d’une romanisation culturelle ? Les historiens de l’Afrique romaine semblent avoir ressenti comme une gêne à employer ce terme et aucun d’entre eux n’a clairement posé le problème dans le cas des spectacles. Il est vrai que cette notion de romanisation culturelle peut être liée à celle d’acculturation915, connoté idéologiquement et impropre à rendre compte des mécanismes d’intégration souvent très subtils qui étaient à l’œuvre en Afrique. On retrouve derrière ces idées, malgré les limites qu’avaient notés Paul-Albert FEVRIER et Philippe LEVEAU916, la vieille thèse de Christian Courtois sur les deux Afrique, l’Afrique des villes et des campagnes et l’Afrique des massifs montagneux restés imperméables à la civilisation romaine, Marcel BENABOU avait adopté cette théorie et parlait de « Romains partiels ». Il est aisé d’objecter à cette vision plus ou moins optimiste d’une romanité triomphante un argument de nature qualitative. En quoi une bonne desserte culturelle contribuait-elle à la romanisation des esprits ? Ces loisirs étaient de simples divertissements. La présence de mécanismes culturels assurant le retour régulier de spectacles n’était en rien un brevet de romanité. duumvirs à Urso, mais le financement des jeux obligatoires dans cette colonie est on l’a vu complexe et les jeux africains aux IIe siècle et IIIe siècle, devaient de toute façon coûter plus cher compte-tenu de l’inflation des prix. Il est intéressant de noter qu’à Ammaedara un notable anonyme consacra les 10 000 sesterces d’une summae legitima à des jeux (ILPB, 34). Dans la même cité, des travaux au théâtre donnèrent lieu sous Dioclétien à une cérémonie de dédicace le jour des jeux offerts par les magistrats en exercice (ILT, 461 : die ludorum suorum). 914 TERTULLIEN, Ad nationes, I, 10, 22-24 ; Apolog., 13, 5-6; sur ces deux textes, LEPELLEY (Cl.), 1990, pp. 412-415. 915 Sur les différents modèles et les impasses du concept de romanisation, on se reportera à la mise au point récente d’INGLEBERT (H.), Histoire de la civilisation romaine, Paris, 2005, pp. 421-449. 916 LEVEAU (P.), L’opposition de la montagne et de la plaine dans l’historiographie du Nord antique, Annales de géographie, 1977, pp. 201-205 ; FEVRIER (P.-A.), 1967, p. 64.

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Pour les Africains, apprécier les prouesses des chasseurs de l’arène et des cochers des cirques n’impliquait pas en particulier une connaissance du latin, langue officielle. Lors du procès intenté contre lui pour magie, le célèbre rhéteur de Madaure APULEE se moqua de son beau-fils, originaire d’Oea, parce que celui-ci ne parlait que le punique et ne fréquentait que l’école des gladiateurs de sa cité917. L’anecdote est révélatrice de la déconnection entre spectacles, romanisation linguistique et réussite sociale. Dans cette optique, l’emprise des spectacles apparaît comme un vernis culturel superficiel dont l’impact sur les populations était quasi nul. Ce qui montre bien le fait que dans les municipes et les cités de droit latin dotées d’édifices de spectacles, la majorité de la population restait de condition pérégrine. Seules les familles de l’élite locale obtenaient la citoyenneté romaine par l’exercice des honneurs municipaux (civitas ob honorem). Or, les familles aptes financièrement à gérer les magistratures et les prêtrises n’étaient pas en nombre exponentiel. Très rapidement, le cercle des citoyens romains cessait d’augmenter dans une cité de droit latin et finissait par coïncider avec l’élite locale. Mactar illustre assez bien la lenteur de la latinisation et de la romanisation culturelle. Mactar obtint de Trajan le droit latin sans acquérir semble-t-il le statut de municipe et ne devint colonie honoraire que sous Commode918. Le petit paysan à l’image du célèbre « Moissonneur de Mactar », exprimant dans des vers latins les différentes étapes de sa réussite sociale, apparaît bien tardivement. Il est frappant que la cité n’ait possédé qu’un amphithéâtre, construit dans le courant du IIe siècle probablement après la concession du droit latin à la cité919, et n’ait pas jugé bon de faire construire un théâtre920. Dans les municipes de droit latin, seule en effet l’école et, parmi les spectacles, le théâtre, pouvaient à la rigueur 917 APULEE, Apolog., 98, 8 ; sur ce passage, J. DESANGES, 2004, p. 62. Plurens avait, il est vrai, appris le grec de sa mère, femme cultivée. A Oea, cette langue était apparemment comprise du petit peuple comme des grandes familles. 918 La concession du droit latin se traduisit par la constitution d’une élite en apparence romanisée – du moins normalement -, mais les épitaphes étaient en grande partie rédigées en néo-punique et l’onomastique montre que les habitants demeuraient en majorité des pérégrins. La célèbre inscription du « Moissonneur de Mactar », qui s’inscrit dans la tradition romaine de l’elogium aristocratique, est datée traditionnellement des années 270 (Picard, 1970, p. 148). G.-Ch. PICARD, 1957, Civitas Mactaritana, Karthago, 8 ; BESCHAOUCH (A.), Mactaris, civitas de droit latin sous Trajan?, BCTH, n.s., 25, 1990-1992, pp. 203-204. 919 GOLVIN (J. C.), L’amphithéâtre romain. Essai sur la théorisation de sa forme et de ses fonctions, Paris, 1988, n° 119, p. 134. 920 On peut considérer que l’édifice était polyvalent, mais cet argument a ses limites compte tenu des contraintes techniques propres à chaque spectacle, la plus évidente étant l’impossibilité pour tous les spectateurs dans un amphithéâtre de regarder en face les acteurs. La polyvalence fonctionnait mieux dans le cas de théâtres équipés pour des chasses aux fauves, comme le théâtre de Césarée de Maurétanie.

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accélérer la romanisation linguistique et culturelle, mais là encore, les spécialistes du théâtre romain ont accepté comme un dogme le fait que les comédies et les tragédies composées sous la République par les dramaturges romains comme PLAUTE ou TERENCE furent détrônées sous le principat par les mimes et les pantomimes. De fait, les comédies et les tragédies étaient jouées dans un cadre privé ou dans les théâtres africains pour une minorité d’amateurs cultivés921. La création dramatique n’avait pas entièrement disparu : une mosaïque d’Hadrumète dans la Maison aux Masques représente un auteur de tragédies et de comédies flanqué d’un comédien, qui semble correspondre à un auteur local. Une boîte à ses pieds (Capsa) contient douze rouleaux (volumina), sans doute ses pièces de théâtre922. Le théâtre faisait partie de ce qu’on appelle le loisir aristocratique (otium cum dignitate), et l’affirmation d’homme cultivé. Pour reprendre une idée d’H.-I. MARROU, l’homme cultivé était un homme « inspiré par les Muses » qui avait vocation à servir sa cité grâce à sa maîtrise de l’art oratoire et à son érudition923. Beaucoup de décurions africains semblent avoir été très sensibles à ce modèle de réussite sociale et avoir cherché à se l’approprier. Apulée, fils de duumvir et décurion de Madaure, ne fut pas le seul à revendiquer dans un de ses discours le statut de mousikos anèr924 : le commanditaire du mausolée de Cillium, sur lequel fut gravé un long poème diversifié mettant en scène la richesse et la culture du défunt, est un exemple du large succès de cet idéal925 Mais tout le monde ne pouvait pas aller à Hadrumète. Dans les petites cités où les décurions étaient eux-mêmes des paysans enrichis, la culture de base de l’élite locale n’était pas aussi raffinée et celle du peuple ne l’était guère plus. Mais l’épigraphie atteste la diffusion de la culture du théâtre dans des espaces souvent reculés et on aurait tort de la considérer négativement au prétexte qu’il s’agissait d’une culture appauvrie. De même que les fautes de latin sur les épitaphes prouvent que cette langue était une langue usuelle926. 921

APULEE, Flor., 5, énumère les comédies, les mimes, les funambules et les conférences organisées dans le théâtre inconnu où il prononce son discours. 922 Bayet, 1955. 923 MARROU (H.-I.), Etude sur les scènes de la vie intellectuelle figurant sur les monuments funéraires romains, Grenoble, 1938 ; LEPELLEY (Cl.), 1999, pour comprendre la large diffusion de cet idéal de réussite socio-culturelle en Afrique. 924 APULEE, Flor., 20, 1. 925 LASSERE (J.-M.), La culture latine des citoyens romains d’Afrique d’après les poèmes du mausolée des Flavii à Cillium, L’Afrique dans l’Occident romain (CEFR, 134), Rome, pp. 4961. 926 On pensera aux succès des conférences d’Apulée à Carthage ou Oea, vécues comme des évènements artistiques de première importance par les spectateurs (Florid., 5 ; 18 ; Apol., 73, 1-2).

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La culture était considérée par les élites comme un signe de prestige social, mais aussi un instrument de pédagogie à destination des foules. Il est même frappant de constater sur de nombreuses épitaphes tardives, par exemple les inscriptions funéraires chrétiennes de Mactar, l’affirmation de la culture comme un signe de distinction sociale face à la mort927. C’est le signe qu’avec le temps beaucoup d’habitants s’approprièrent cet idéal aristocratique, alors pourtant qu’ils n’appartenaient apparemment pas à l’élite locale. Le rôle des spectacles et plus particulièrement du théâtre dans ce processus de « romanisation par le haut » fut sans doute important, car il servait d’interface culturelle entre des élites municipales attachées à la culture romaine en tant que signe de réussite sociale, et une population urbaine ou rurale qui n’était pas reléguée dans une sorte de « ghetto culturel »928, mais mieux intégrée en général à la vie municipale. C2.c. Les bibliothèques. La lecture faisait partie de ce que les Romains qualifiaient de loisirs nobles (otium cum dignitate, comme le disait CICERON), d’où sa place dans le classement que nous faisons des loisirs. Lire était un loisir, un peu comme de nos jours, mais aussi l’une des meilleures manières de se cultiver, de comprendre la complexité de son espace et de mieux s’intégrer dans la société sélective qu’était la société romaine de cette période. Les empereurs eurent l’idée de ces structures de la connaissance que sont les bibliothèques, et ils en firent construire dans les cités. En effet, les empereurs avaient le souci d’une romanisation complète qui se ferait directement dans les cités. Le moyen le moins brutal et le plus démocratique fut, pour les classes aisées des cités bien sûr, la construction de bibliothèques pour l’acquisition des connaissances. L’essentiel de nos connaissances sur les bibliothèques antiques provient de quelques notices des auteurs de l’Antiquité et de quelques inscriptions recueillies sur les sites mêmes929. Les recherches archéologiques sont venues également à notre secours pour nous fournir des renseignements 927

AE, 1946, 116 ; AE, 1948, 107 ; AE, 1950, 49. On peut se référer, pour les inscriptions, à PREVOT (Fr.), Les inscriptions chrétiennes de Mactar (CEFR, 34), Rome, 1984. 928 HUGONIOT (Ch.), L’Afrique romaine, Pallas, REA, 2005, p. 260. 929 FESTUS, De verborum significatione, p. 31 (éd. Lindsay, coll. Teubner, 1913), en donne la définition : "Bibliothecae et apud Graecos et apud nos tam librorum magnus per se numerus, quam locus ipse, in quo libri conlocati sunt, appelatur". Notons que dans les textes latins, il y a deux orthographes transcrivant le mot "bibliothèque" : bybliotheca (avec y) et bibliotheca (avec i). Pour la terminologie employée dans le monde des bibliothèques dans l’Antiquité, voir J.P. SMALL, Wax Tabjets of the Mind. Cognitive studies of memory and literacy in classical Antiquity, Londres et New York, Routledge, 1997, pp. 42-47.

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sur l’architecture et sur le mode de fonctionnement de ces établissements culturels930. Cependant, nous pouvons affirmer qu’autant les découvertes archéologiques intervenues dans le monde romain ont mis au jour les grands témoins de l’architecture publique, autant elles ont livré peu d’édifices proprement culturels, hormis les théâtres, ayant servi essentiellement à l’acquisition et à la diffusion de la culture. Ce constat dans sa remarquable Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Henri-Irenée MARROU, sans négliger le rôle important des bibliothèques, ne lui a pas réservé un développement important. Car dans l’état actuel de nos connaissances, le nombre et la répartition des bibliothèques publiques, connues jusqu’alors dans l’Empire romain, se caractérisent par une très faible densité. Avouonsle dès le début : notre intention est de livrer les premiers résultats d’une exploration, au cours de laquelle nous avons essayé de dépister ces hauts lieux de culture où se cristallisait la mémoire, afin de comprendre le rôle que jouaient les bibliothèques dans la vie culturelle et intellectuelle des cités africaines. Nous nous efforcerons donc de dresser un tableau d’ensemble de ces établissements culturels, implantés en Afrique romaine, à partir des exemples de bibliothèques connues à travers les témoignages littéraires ou révélées par les fouilles archéologiques. Tenant compte de l’état très fragmentaire et lacunaire de notre documentation, il ne nous est pas possible de respecter systématiquement le cadre géographique de l’enquête. Afin que celle-ci soit fructueuse, nous nous autorisons à sortir du cadre africain et à puiser dans des sources non africaines tout ce qui est susceptible d’enrichir notre connaissance en la matière. L’état des sources nous permet de distinguer trois types de bibliothèques publiques en Afrique : les archives, les bibliothèques des églises et les bibliothèques publiques.

c1. Les bibliothèques publiques en tant que «dépôt de mémoires». Une des premières fonctions des bibliothèques romaines était la conservation des documents officiels, publics ou privés931, c’est-à-dire les archives qui touchaient directement à la vie de la cité ou de la province. La mise en archives des documents, sous le regard de la cité et de ses dirigeants, pouvait établir une confiance certaine entre les membres de la 930

CALLMER (C.), "Antike Bibliotheken", dans Orom, 3, 1944, pp. 145-193. Sur les archives dans l’Antiquité, cf. A. WILHELM, Beiträge zu griechischen Inschriftenkunde, Vienne, 1909 ; F. BURKHALTER, "Archives locales et archives centrales en Egypte romaine", dans Chiron, 20, 1990, pp. 191-216 ; La mémoire perdue : à la recherche des archives oubliées, publiques et privées de la Rome antique, Travaux collectifs de l’URA 994 du CNRS, Paris, 1994 (Publication de la Sorbonne).

931

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communauté932. Car confier un acte privé aux registres de la cité, c’est lui assurer une validité durable et une sécurité plus grande933. Les bibliothèques qui permirent de disposer de copies officielles d’actes publics dans les métropoles des provinces apparurent pour la première fois en 53 ap. J.-C.934. Le contrôle et la conservation des documents écrits comptaient parmi les préoccupations constantes de l’administration romaine, centrale et provinciale. Nous ne nous intéressons qu’aux cités africaines, et sur ce on peut dire que chaque cité disposait, en principe, de tabularia, dans lesquels se trouvaient des rapports de sténographes, relatifs à l’administration de la cité et aux grands évènements qu’elle a connus935. On trouvait des tabularia de l’administration fiscale, comme les questeurs ou les procurateurs des finances, ainsi que ceux de l’administration provinciale civile. Les archives administratives devaient contenir, entre autres, des commentarii, c’est-à-dire les comptes rendus journaliers des décisions, sans doute aussi les correspondances officielles échangées avec la chancellerie impériale936, des archives municipales937, ainsi que des actes juridiques de droit privé. Dans le cas où ils se trouveraient impliquées dans une affaire complexe, les citoyens pouvaient également utiliser ces archives.

932 GEORGOUDI (S.), "Manières d’archivage et archives de la cité", dans M. DETIENNE, Les savoirs de l’écriture en Grèce ancienne, Cahiers de philologie, vol. 14, Série Apparat critique, Presses Universitaires de Lille, 1988, pp. 221-247 ; dans la même publication, cf. l’article de F. RUZE, "Aux débuts de l’écriture politique : le pouvoir de l’écrit dans la cité", pp. 82-94. 933 DION CHRYS., Or., 31, 50 : "on prend la cité à témoin !" 934 BURKHALTER (F.), op.cit., p. 209. 935 Par exemple, lors de la conférence de Carthage tenue en 411, réunissant catholiques et donatistes, il était question d’étayer par des documents officiels l’accusation de tradition lancée contre les premiers. Cf. Actes Conf. Carth., III, 156, pp. 1106-1108. 936 En témoigne le fait que sur les 2500 textes et ordonnances qui composent le Code Théodosien, une bonne partie a été compilée à Carthage lors du passage de la commission spéciale chargée par Théodose II de réunir les matériaux nécessaires pour l’élaboration de l’opus qui allait porter son nom. Une telle opération montre l’ampleur des archives africaines et atteste d’une bonne organisation de ce service qui était présent presque dans chaque administration provinciale ainsi que dans les curies municipales. 937 En témoignent les Gesta de la conférence de 411 qui ont été déposés dans les publica monumenta, c’est-à-dire les archives municipales, comme le montre la constitution d’Honorius (C. Th., 16, 5, 55), datée du 30 août 414.

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c1. Répartition géographique des bibliothèques municipales en Afrique romaine : état de la question. c1a. Les bibliothèques de Carthage. Accusé d’avoir observé des pratiques de sorcellerie et d’avoir soulevé un tumulte en énumérant les noms des magiciens, APULEE répliqua, en plaidant sa cause devant le proconsul d’Afrique, qu’il avait connu ces noms dans des bibliothecae publicae938, dans lesquelles on pouvait s’informer apud clarissimos scriptores. Le rhéteur voulut ici se défendre devant l’élite de l’auditoire et laisser apparaître ses accusations rudes et barbari, n’ayant jamais fréquenté une bibliothèque939. Sur son emplacement, on peut se référer à l’étude J. DENEAUVE940, qui parle d’un grand bâtiment, de forme rectangulaire, dont les traces ont été révélées par les fouilles, et qui fut construit dans le côté ouest du forum d’Antonin. Quelques indices semblent indiquer que cet édifice a survécu jusqu’à l’époque byzantine941. Le dernier témoignage sur les bibliothèques publiques de Carthage est celui rapporté par l’Anthologia Salmasiana, un ensemble d’épigrammes de trois poètes africains ayant vécu sous les Vandales942. L’épigramme qui nous intéresse, intitulé Asclepiadei ad librum suum943, est composée par le poète LUXORIUS944. Ce dernier y affirme pouvoir bientôt quitter son modicus angulus et parvenir aux demeures des nobiles, pomposique fori scrinia publica. Les scrinia étaient des librairies qu’on trouvait sur le forum de Carthage945. Dans ce cas, il pourrait s’agir de bibliothèques privées de l’élite 938

APUL., Apol., 91, 1-2. Dans ses Florides (18, 3), Apulée s’attarde de longuement sur la bibliotheca Karthaginis. 940 "Le centre monumental de Carthage. Un ensemble cultuel sur la colline de Byrsa", dans Histoire et Archéologie de l’Afrique du Nord, Actes du colloque International réuni dans le cadre du 113e Congrès National des Sociétés savantes, Strasbourg, 5-9 avril 1988, T. I : Carthage et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1990, pp. 143-155. 941 Ibid., p. 154. Cf. aussi K. VÖSSING, "Die öffentliche Bibliotheken in Africa", dans L’Africa Romana, 11, 1992, pp. 169-183. 942 VÖSSING (K.), op.cit., pp 149-155. 943 Anth. Lat., 284 (éd. D.R. SHACKELTON BAILEY, Leipzig, Teubner, 1982, p. 237) : "Parvus nobilium cum liber ad domos / pomposique fori scrinia publica". 944 ROSENBLUM (S.M.), Luxorius. A Latin Poet among the Vandals, New York-Londres, 1961. 945 Sur le commerce de livres dans l’Antiquité gréco-latine, cf. L.D. REYNOLDS, N.G. WILSON, D’Homère à Erasme. La transmission des classiques grecs et latins, Paris, 1984. Ces librairies étaient aussi des lieux de discussions de haut niveau. Ainsi, par exemple, AuluGelle, N.A., 18, 4, 11, rapporte qu’il avait assisté à Rome, dans une librairie du quartier Cordonniers, à une discussion passionnée sur les Histoires de Salluste. Y. LE BOHEC, 2005, p. 167, affirme que les bibliothèques n’étaient très nombreuses ; celle de Timgad dont je fais 939

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carthaginoise, tout comme de bibliothèques publiques. Il est important de voir ce qui se passe dans d’autres cités. Nous allons voir le cas à Timgad.

c1b. La bibliothèque de Timgad. A Timgad, les fouilles ont mis au jour les ruines d’un bâtiment sur la destination duquel on a beaucoup hésité au début. Ce bâtiment a été désigné successivement comme une demeure d’une divinité patronne de la cité946, puis comme une schola, lieu de rassemblement et de discussion947. Grâce à une inscription en trois fragments, le bâtiment a été définitivement identifié avec la bibliothèque municipale de la Colonia Marciana Traiana Thamugadi948 : Ex liberalitate M(arci) Iuli Quintiani Flavi(i) Rogatiani, c(larissimae) m(emoriae) v(iri), quam testamento suo reipublicae coloniae Thamugadensium patriae legavit opus bibliothecae ex (sestercium) (centum quattuor) mil(ibus) num(mum) republica perfectum est. Les ruines de cette bibliothèque constituent un bel exemple de monument romain conservé, destiné à cette vocation. La bibliothèque a été bâtie sur l’emplacement d’un édifice antérieur situé près du forum non loin du marché. C’est le sénateur Iulius Quintianus Flavius Rogatianus949, riche citoyen de la ville, qui consacra 400 000 sesterces pour la construction de cette bibliothèque. La cité prit en charge la responsabilité de l’élaboration de cet opus, daté du IIIe siècle950. En signe de reconnaissance, le res publica Thamugandensium fit ériger au donateur une statue honorifique951. Il s’agit donc d’une bibliotheca publica. La présence d’un tel bâtiment dans l’aire des monuments publics témoigne de l’importance de la culture et de l’éducation dans la cité de mention ci-dessus, n’a été identifée ne daterait que du IVème siècle. M. LE GLAY dit même que celle de Bulla Regia n’a pas existé (cf. dans Coll. Latomus, 44, 1960, pp. 485-491). 946 CAGNAT (R.), Timgad une cité africaine sous l’Empire romain, Paris, 1982, pp. 303-304. 947 PALLU (A.), Les ruines de Timgad, II, Paris, 1903, pp. 22-25. 948 AE, 1908, 2 = ILS, 9362 : "Par suite de largesses de Marcus Julius Quintianus Flavius Rogatianus, homme de très illustre mémoire, lequel, par testament, a légué à la République de la colonie des Thamugandiens, (sa) patrie, une somme de 400 000 sesterces, (pour) la construction d’une bibliothèque (laquelle a été menée à bien) par les oisns de la République (des Thamugadiens)". 949 LEGLAY (M.), "Sénateurs de Numidie et des Maurétanies", dans Atti del coll. intern. AIEGL sul Epigrafia e ordine senatorio, Rome, 14-20 mai 1981 (1982), vol. II, pp. 755-781. 950 CAGNAT (R.), "Les bibliothèques municipales dans l’Empire romain", dans CRAI, 38, 1, 1909, pp. 1-26, situe la construction du bâtiment vers la fin du IIIe siècle. 951 Selon M. LEGLAY, "La vie intellectuelle d’une cité africaine des confins de l’Aurès", dans Mélanges L. Hermann, Bruxelles, 1960, pp. 485-491. Voir aussi R. CAGNAT, "Les bibliothèques…", op.cit., p. 13. CIL, VIII, 2600 et 2670.

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Timgad. En effet, dans cette cité, l’implantation d’un monument à vocation culturel au sein de l’aire englobant les temples, les thermes952 et autres monuments publics donne une idée claire de la place qu’occupait la culture dans le paysage urbain de la ville. Timgad s’est transformée, peu à peu, d’un camp militaire en une cité prospère où l’élite locale pratiquait un évergétisme unique en son genre, à savoir l’évergétisme culturel et intellectuel. Il y a eut certainement d’autres bibliothèques en Afrique romaine, mais les sources actuelles ne nous permettent pas d’aller plus loin. Les exemples cités plus haut nous permettent d’avoir une idée de ces édifices. Il est important de se pencher sur le fonctionnement des bibliothèques dans nos provinces d’études. C3. Les conditions de construction et de restauration des bâtiments dans les cités.

Les questions qu’il est important de se poser sont celles de savoir qui a construit les villes romaines ? Ou plutôt qui a financé les travaux ? Obnubilés par l’exemple de Timgad, de nombreux auteurs ont attribué au pouvoir impérial la décision de construire les bâtiments. Ils ajoutaient le plus souvent que l’empereur utilisait les soldats (per legionem) parce qu’ils lui fournissaient une main-d’œuvre bon marché. En réalité, l’empereur n’avait pas les moyens de ces dépenses, il se préoccupait surtout de ses devoirs régaliens. Quant aux soldats ils avaient un métier, celui de faire la guerre quand il y en avait ou de la préparer; il nous suffit de relire le discours d’Hadrien à Lambèse (à chercher) pour s’en convaincre. Dans ces conditions, il convient de recourir aux inscriptions qui parlent de monuments. Les travaux étaient payés par les notables dans le cadre de l’évergétisme, cette générosité des grands à l’égard des petits qu’ils voulaient ainsi honorer. Les riches, au demeurant pouvaient même profiter des circonstances. A cet effet, un certain M. Plotius Faustus, de Timgad, a acheté une partie du rempart, jugé inutile, et il a construit des maisons de rapport à son emplacement953. L’étude des monuments nous permet de voir à quel niveau de modernisation dirons-nous, étaient arrivés les habitants des cités d’Afrique romaine. Nous pourrons conclure s’ils avaient atteint le niveau de la ville au sens moderne du terme, ou s’ils étaient restés au stade d’agglomérations 952

Les thermes étaient généralement dotés d’une petite bibliothèque où les baigneurs pouvaient se distraire ou même tenir des discussions de haut niveau. Sur cette question, cf. V. M. STROCKA, "Römische Bibliotheken", dans Gymnasium, 88, 1981, pp. 298-329. 953 LASSUS (J.), dans Mélanges A. Piganiol, 1966, p. 1221-1232.

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secondaires. Il est vrai que nous n’avons pas la preuve d’un Forum au sens romain, lieu public, en Afrique romaine. Au sens romain il est placé au centre de la ville, souvent à l’endroit où le decumanus maximus. Le forum était le lieu de la vie civique. Nous avons dans les cités africaines une certaine ressemblance dans l’emplacement des lieux publics. Ici ils étaient ouverts, comme à Timgad, ou fermés par un mur comme à Sbeitla954, éventuellement flanqués d’un portique ; ce qui n’était pas le cas à Rome, où le forum est une place ouverte à tous. En conclusion, on note un déséquilibre entre ce qu’ont fait les empereurs, et l’implication personnelle des riches des cités. L’urbanisme romain, en Afrique, n’a pu se développer que dans le cadre d’une urbanisation libyco-punique. Cette urbanisation n’est pas à créditer seulement aux empereurs et à l’armée ; le gros de l’œuvre a été fait par les notables. A cet effet, nous devons nuancer les propos de TERTULLIEN, qui en affirmant « Ubique populus… », donne l’impression d’un ouvrage à la seule initiative des empereurs, ce qui est faux, à l’observation des sites et de l’étude épigraphique que nous avons menée. Le plus souvent, les constructions ou restaurations de monuments publics dans les cités africaines au IIIème siècle furent exécutés, aux témoignages des inscriptions, aux frais de la caisse municipale (pecunia publica) ; les opérations financées par des évergètes constituent une minorité, non négligeable. Nous ne reviendrons pas sur la législation impériale concernant ces constructions ; étude largement faite par Claude LEPELLEY955. Une inscription parlant de la réfection du Capitole en Tingitane nous rappelle ceci : « Au temps d’Aurélien, selon TACITE, l’empereur « offrit aux habitants d’Ostie sur ses fonds personnels cent colonnes de marbre de Numidie (…). Il affecta les biens qu’il possédait en Maurétanie à l’entretien du Capitole »956. Quelle fut la fréquence des constructions lors de la crise du IIIème siècle ? En effet, la période incluse entre l’avènement de Dioclétien et la mort de Théodose est marquée par une sorte de renaissance urbaine après la crise d’un demi-siècle qui suit la disparition d’Alexandre Sévère en 235. L’époque des Sévères avait vu l’apogée des villes romano-africaines. On assista alors à une romanisation juridique accélérée et adoptée par les 954

LE BOHEC (Y.), Histoire de l’Afrique romaine, p.113. L’étude des monuments trouvés sur un site permet de voir à quel degré de « modernisation » étaient arrivés les habitants de ces cités, s’ils avaient atteint le niveau de la ville ou s’ils étaient restés au stade de l’agglomération secondaire. 955 LEPELLEY (Cl.), Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, p. 67. 956 TACITE, 1, 5, p. 1049 : « Columnas centum Numidicas…capitoli deputavit ».

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empereurs, par l’octroi massif, puis généralisée, de la citoyenneté romaine aux individus, et par la promotion de multiples cités aux rangs de municipe et de colonie honoraire, comme nous l’avons vu dans la première partie de notre travail. Parallèlement, le cadre de vie était romanisé par la construction de très nombreux et très riches monuments et l’extension des villes selon les critères de l’urbanisation romaine. C’est alors que les cités de Timgad, Djemila et surtout Lepcis Magna virent la construction de quartiers nouveaux et d’édifices publics bâtis à un bien plus vaste échelle qu’à l’époque antonine957. HERODIEN958 nous donne un excellent témoignage des constructions en Afrique lorsqu’il parle de la crise. En effet, la description que donne HERODIEN des villes ruinées par les exactions fiscales et les confiscations ordonnées par l’empereur Maximin vaut, à coup sûr pour l’Afrique. La révolte de 238, où des propriétaires fonciers africains tuèrent le procurateur chargé d’extorquer les impôts et proclamèrent empereur le vieux Gordien, est caractéristique du refus de l’économie de crise par les notables des cités africaines. Pendant cette période il n’y eut pas de constructions ni de restaurations. C’est sous Gallien (260-268), et de nouveau sous Probus et Carus, et à la veille de l’avènement de Dioclétien, que reprennent les activités d’embellissement des cités. Sous Dioclétien, on note environ une soixantaine de chantiers, dont trente-deux avant la Tétrarchie (en 293), et vingt-neuf (ou trente) après959. En effet, cette activité correspondait à une préoccupation de l’empereur. Les gouverneurs de province furent, bien entendu, les agents de cette politique. L’un deux, le proconsul T. Claudius Aurelius Aristobulus, s’est signalé par une activité remarquable : il gouverna pendant quatre ans, de l’été 290 à l’été 294. Ce n’est que postérieurement à son départ que la province d’Afrique Proconsulaire fut morcelée et divisée en créant les provinces de Byzacène et de Tripolitaine. Ce proconsul avait reçu, ex auctoritate imperatoris, le mandat de mener à bien la restauration générale des villes ou cités961 de Proconsulaire ; ce qui pourrait expliquer la durée de son proconsulat. La construction d’autres édifices mis à part les statues et les temples : 957

COURTOIS (C.), Timgad antique Thamugadi, Alger, 1951, p. 19 ; 69-72 ; 77-81 ; FEVRIER (P. A.), Djemila, Alger, 1968, p. 17-19. 958 HERODIEN, Histoire romaine, VII, 9. Il insiste tout particulièrement sur les confiscations des biens des cités et des temples, terres et trésors. « Les villes étaient dépouillées et comme prise d’assaut sans qu’il n’y eut de guerre ni d’ennemi ». 959 LEPELLEY (Cl.), op. cit., p. 85. 960 Idem. 961 CALAMA (A.), (CIL, VIII, 17486), sous le règne de Carus ; à Mactar (CIL, VIII, 11782).

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les marchés, basiliques et curies. Mais est-ce les empereurs qui en ont eu l’initiative ou pas ? Il y a des marchés, des basiliques et des curies ; il y a aussi des arcs honorifiques ; des thermes, des amphithéâtres, des cirques, et bien d’autres constructions qui caractérisent les relations entre les empereurs et les cités. Nous pouvons croire que les princes voulaient recréer les mêmes monuments de Rome dans les cités pour montrer le changement de statut que vivaient certaines cités promues. En effet, les Antonins sont intervenus plus fréquemment que leurs prédécesseurs dans les constructions africaines. Mais leur participation personnelle n’est attestée qu’au pont rebâti par Trajan, pecunia sua, sur la route de Carthage à Hippone962. Ils ont le plus souvent ordonné de grands travaux. La formule la plus employée dans l’inscription des « thermes d’Antonins » à Carthage, datée de 145 apr. J-C.963, où à l’aqueduc de Verecunda964, peut indiquer une aide de l’Etat à une cité donnée, sous la forme d’une remise d’impôts par exemple. La nature de l’aide accordée est précisée sur les milliaires conservés de la voie de Milev - Chullu, où les Milevitani rappellent avoir reçu le droit de percevoir un péage, si tel est bien le sens de ex indulgentia eius de vectigali rotari965. Ailleurs les mentions ex auctoritate imperatoris ou imperator…fierit iussit montrent que les empereurs, généralement par l’intermédiaire des gouverneurs, légats et procurateurs, commandèrent des travaux dont les frais devaient être supportés par les villes ou par une catégorie de leurs habitants ; ainsi les ponts de la via nova de Cirta de Rusicade, à la charges de la respublica Cirtensium, tandis que la voie elle-même est celle des propriétaires riverains966. Les procurateurs de Maurétanie Césarienne et de Tingitane, tels que Petronius Celer, Porcius Vetustinus et Varius Clemens, semblent avoir porté leur attention sur les constructions militaires ou sur les défenses des villes, mais plusieurs d’entre eux s’occupèrent quand même de l’aqueduc de Saldae, demandant au légat de la légion sa collaboration par l’envoi de spécialistes ; en 158, Q(uintus) Aeronius Montanus consacra le temple construit par les cultores Domus Augustae de Volubilis967. A côté des procurateurs, d’autres commandants militaires s’intéressèrent aussi aux 962

CIL, VIII, 10117 : ... [pon]em novum a fundamentis [o]pera militum suorum et pecunia sua [p]rovinciae Africae fecit. 963 CIL, VIII, 12513 964 CIL, VIII, 18495: « Divo Antonino Aug(usto) ex cuius indulgentia aqua vico Augustorum Verecundens(ium)... ». 965 CIL, X, 103 966 Ant. Afr., I, 1967, p. 65 967 AE, 1948, n°115

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constructions des cités, le plus souvent sous les ordres des empereurs probablement, car tout était fait pour l’image de l’empereur et pour sa gloire évidemment ; tel le préfet Sulpicius Felix, honoré en 144 par les décurions de Sala, qui avait fait renforcer les remparts de la ville, obéissant ainsi à la politique de solidification du limes de l’empire pratiquée par les Antonins et les Sévères. Les villes de la Maurétanie Césarienne souffrirent plus nettement des épisodes militaires du IIIème siècle ainsi que celles de la Numidie ou de la Proconsulaire. L’entreprise de relèvement des cités, qui se déroule à la fin du IIIème siècle et au début du IVème siècle, et revêt dans ces deux provinces un caractère de restauration municipale, se prolonge donc dans la province voisine. Les témoignages sont peut-être moins nombreux, mais ils apparaissent de façon plus significative : reconstruction du cadre urbain, et peut-être aussi restauration des forces productives, à l’image de ce qui se déroulait au même moment dans les Gaules, au témoignage des Panégyriques latins. Néanmoins cette politique ne fut pas aussi généralisée qu’on aurait tendance à le penser. En effet, Sétif put souffrir à maintes reprises, la ville elle-même fut épargnée. L’inscription découverte lors des fouilles du site de Rapidum par J.-P. LAPORTE et l’inscription du CIL, VIII, 20836, nous livre ce contenu : [Felicissimis et b]eatissimis temporinus suis, [Imp(erator) Caes(ar) C(aius) Val(erius)]Diocletianus invictus, pius, fel(ix), Aug(ustus) et [Imp(erator) Caesar M(arcus) Aur(elius) Val(erius) M]aximianus invictus, pius, fel(ix) [Aug(ustus et Flavius Val(erius) Constant]ius et Galer(ius) Val(erius) Maximianus nobilissimi Caess (ares) municipium Rapidenss ante plurima tempora rebellium incursione captum ac dirutum at pristinum statum a fundamentis restituerunt, curante [Ul]pio Apollonio, v(iro)p(erfectissimo) p(raeside) p(rovinciae) M(auretaniae) C(aesariensis numini maiestatiq(ue) eor(um) d(evoto]. « Durant leur époque fortunée et bienheureuse, l’Empereur César Caius Valerius Diocletianus, invincible, pieux, heureux, Auguste, et l’Empereur César Marcus Aurelius Valerius Maximianus, invincible, pieux, heureux, Auguste, et Flavius Valerius Constantius, et Galerius Valerius Maximianus, les très nobles Césars, ont restauré de fond en comble, dans son ancien état, le municipe de Rapidum, qui avait été, plusieurs règnes auparavant, pris et ravagé par une invasion de rebelles, par les soins d’Ulpius Apollonius, de rang perfecitissime, gouverneur de la province de Maurétanie

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Césarienne, dévoué à leur puissance divine et à leur majesté »968.

968

LAPORTE (J.-P.), in Rapidum. Le camp et la cohorte des Sardes en Maurétanie Césarienne, Sassari, 1989, p. 58 et p. 239, et aussi dans l’inscription du CIL, VIII, 20836 :

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CONCLUSION GENERALE Au terme de cette recherche, nous sommes arrivés à des conclusions qui pourront enrichir les travaux qui ont été faits sur l’étude de l’Afrique du Nord du temps des Romains, et plus précisément de Trajan à la Tétrarchie. Nos conclusions sont les suivantes : -d’abord, nous avons pu comprendre que les empereurs ont procédé à des promotions collectives à travers l’octroi des statuts juridiques de municipes et de colonies et une gestion intelligente des pagi et des vici. Aussi, ajouterais-je même que certains se sont plus intéressés que d’autres aux provinces africaines. -puis, notre étude a permis de montrer l’étendue du concept de citoyenneté, et surtout les rythmes d’expansion de la citoyenneté en Afrique romaine, ainsi que les critères d’attribution de ce statut qui conférait non seulement des droits nécessaires à la vie en société, mais aussi des droits juridiques et politiques et une réelle possibilité d’évolution sociale. Les empereurs ont promu les Africains à tous les niveaux de l’Empire. -ensuite, les empereurs ont promulgué des lois agraires qui ont permis aux habitants des cités, non plus seulement les élites et les grandes familles, mais aussi de simples paysans, de cultiver des terres qui leur étaient inaccessibles jusque-là ; il s’en est suivi des cas exemplaires de promotions sociales comme celui générique, mais toujours aussi important, du "Moissonneur de Mactar", ou encore celui du "Fundus Aufidianus". Il faut cependant faire remaquer que les lois agraires ne concernaient que les propriétés impériales. Les habitants, de leur côté, ont démontré leur attachement, leur fides et leur obsequium, à travers des hommages de tous genres : arcs honorifiques, culte impérial, temples, etc. les Augustes quant à eux ont favorisé l’urbanisation des cités par des constructions, des restaurations et des aménagements utiles aux cités. -enfin, il ne faut pas hésiter de le dire, la romanisation ne fut pas une réussite facile et absolue ; nous pouvons même dire qu’elle a été une réussite incomplète, puisqu’elle a été mise à mal par de nombreux troubles et insurrections qui ont très souvent fait douter de la capacité de l’armée romaine à protéger les frontières. Nous tenons à faire remarquer qu’il y a certes un déséquilibre dans les marques de reconnaissances des deux parties, mais les reconnaissances des princes furent qualitatives (utilitaires et nécessaires) et non quantitative, et ce, pour le bien de la cohésion de l’Empire. 229

Tout ceci nous permet toutefois de nuancer les propos de TERTULLIEN qui a pu vivre pendant quelques temps l’évolution des cités, et l’image du pouvoir impérial dans les cités africaines. Notre étude critique, qui n’est pas une cinquième partie de notre travail, mais une approche nuancée des propos de TERTULLIEN et des limites de la présence et de l’action des empereurs dans les provinces africaines commence par une phrase qui, semble-t-il démontre les changements qui se sont effectués dans les cités grâce à la beneficia, à l’indulgentia et à la provindentia des empereurs, et à l’adhésion des sujets africains : « La romanité est pour toute chose le salut »969. Par ces propos TERTULLIEN se félicite de voir les Carthaginois si prospères, grâce à la paix qui règne et aux bonnes récoltes, du fait de l’empire et du ciel, comme il le dit : «Pacis haec et annonae otia ; ab impero et a caelo bene est »970. Il met en parallèle la romanitas, source de prospérité. Il est important de souligner à ce niveau que notre auteur dresse un tableau mélioratif de la présence romaine en Afrique, et semble ignorer l’histoire de cette partie de la méditerranée avant l’arrivé des Romains et la chute de carthage. Il va renchérir dans De Anima en disant : «Certe quidem ipse orbis in promptu est cultior de die et instructor pristino omnia iam pervi, omnia nota, omnia negotiosa, solitudines famosas retro fundi amoenissimi oblitteraverunt, silvass arva domuerunt, feras pecora fugaverunt, harenae seruntur, saxa panduntur, paludes eliquantur, tantae urbes quantae non casae quondam, iam nec insulae horrent nec scopuli terrent ; ubique domus, ubique populus, ubique respublica, ubique vita ! »971. Il semble par rapport à ce qu’il dit que les cités étaient moins construites et moins embellies ; que les domaines agricoles n’ont été mis en valeur que par la romanisation. Ce qui est vraisemblablement en-deça de la réalité car nous savons que l’Afrique romaine et surtout la Proconsulaire, avec Carthage pour capitale était une puissance commerciale et maritime, une véritable rivale de l’Empire romain, avec qui elle avait même signé des traités dans le contrôle commun de la méditerranée972. De nombreuses cités 969

TERTULLIEN, De Pallio, I, 1 ; CCL, 2, p733 Idem. 971 Idem, De Anima, 30, 3 ( CCl, 2, p. 827) : «Nous constatons, avec certitude que le monde est jour en jour mieux cultivé et mieux pourvu de tout qu’autrefois, tout est accessible, tout est connu, tout est travaillé ; des domaines ruraux très agréables ont fait reculer des déserts célèbres, les sillons ont domptés les forêts, les troupeaux ont mis en fuite les bêtes sauvages, les étendues de sable sont ensemencées, on ouvre les rochers, on assèche les marécages, il existe plus de villes qu’il n’y a jadis de maisons, ni les îles, ni les récifs n’inspirent plus d’effroi. Partout des habitations, partout des peuples, partout des cités, partout la vie ». 972 GSELL (S.), Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, 8 vol., Paris, 1913-1918. 970

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portent même des épithètes témoignant de cette puissance de la période préromaine, comme Hippo Regius, Bulla Regia. C’était, nous le savons, des cités prospères, et qui étaient même admirées des Romains à leur arrivée. Il est certain que les empereurs y ont augmenté la prospérité, par la construction d’autres édifices, et de nombreux monuments de types romains qui ont agrandi la clarté. Sur le plan agricole, TERTULLIEN décrit l’expansion de l’agriculture. En effet, l’essor urbain sans précédent que l’on constate en Afrique dans la seconde moitié du IIème siècle et au début du IIIème suppose un développement conjoint des campagnes d’exploitation desquelles provenait l’essentiel des revenus. On peut rappeler ici la volonté impériale de défrichement et de mise en valeur des terres, dont témoignent les lois Manciana et Hadriana de rudibus agris973. Ce que TERTULLIEN semble ignorer c’est qu’il y avait déjà une mise en valeur des terres avant l’arrivée des Romains. Mais cette mise en valeur s’est faite, sous l’occupation romaine, qu’au profit de colons et des riches familles des cités, aux familles édilitaires qui bénéficient du soutien des princes et administrateurs envoyés par Rome. Il est probable que notre auteur ne veuille pas frustrer le pouvoir central, à cette période, les tétrarques, puisque la Lex Manciana y est encore très appliquée. TERTULLIEN continue en disant : « sed vanum iam antiquitas quando curricula nostra coram. Quantum reformavit orbis saeculum istud ! Quantum urbium aut duxit aut auxit aut reddidit imperii triplex virtus! Deo tot Augustis in unum favente, quot barbari exclusi ! Re vera ; orbis cultissimum huius imperii rus est, eradicato omnis aconito hostilitatis, et cacto et rudo subdolae familiaritatis convulso »974. Dans l’évergétisme et sa célébration nous ne nous sommes pas intéressé aux œuvres de notables remerciant ici et là l’empereur en construisant un monument ou en offrant un grand banquet. Nous avons étudié les marques de reconnaissance des empereurs dans les cités. En effet, nous savons mieux aujourd’hui que l’administration impériale n’était par principe l’ennemie de la cité. A l’opposé d’une attitude oppressive et autoritaire, l’imperium s’efforçait, en accord avec les élites provinciales, de la faire vivre, de garantir son fonctionnement en lui manifestant sa bienveillance. L’offrande continuelle de statues impériales, le culte municipal de l’empereur, l’évergétisme des princes envers certaines 973

CIL, VIII, 25902 et 25943 TERTULLIEN, De Pallio, II, 7 (CCL, II, p. 737-738) : «…que de villes la Triple puissance de l’Empire a promues, a accrues, a restaurées ! Dieu favorisant ensemble tant d’Augustes, que de fortunes ont été enregistrées, que de peuples ont été purifiées (libérés d’une, d’une sujétion ?), que d’ordres ont reçu d’éclat, que de barbares ont été expulsés ». 974

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communautés, l’octroi de privilèges juridiques et fiscaux rappelaient que la cohésion de l’Empire reposait sur le dialogue suivi de Rome et de ses provinces. La bonne volonté de la cité envers l’imperium comportait l’abdication anticipée de responsabilités en cas de difficultés toujours possible. Ni liberté surveillée, ni dépendance conditionnelle, l’autonomie communale supposait une vigilance permanente ; elle était sans cesse à reconquérir. La défendre était d’autant plus aisé que la prospérité et le dynamisme étaient au rendez-vous. Une conjoncture défavorable, liée à une mauvaise gestion financière ou à la négligence des élites, risquait de renforcer le sentiment d’une dépendance à l’égard de l’Etat. Les communautés, sauf bénéfice du droit italique, devaient payer annuellement l’impôt direct. En cas de manquement, il n’était pas toujours adroit de tabler sur l’indulgentia (la bienveillance) du prince. Lorsque nous parlons de l’Afrique romaine au sens large du terme, il faut comprendre que c’est le Maghreb actuel. Notre étude consistait à montrer ou plus encore à caractériser la présence et l’action des empereurs dans les cités des provinces que sont : la Proconsulaire, la Numidie et les Maurétanies (Césarienne et Tingitane). Cette présence s’est faite dans ce qui constitue le centre de la vie civique : la cité. Il nous fallut démontrer où, quand, comment et pourquoi certains empereurs à commencer par Trajan y ont effectué des travaux d’ordre défensif surtout ; pourquoi Septime s’est tant préoccupé de son lieu de naissance ? Il nous est aussi apparu opportun de voir à travers les documents épigraphiques que la présence et les actions des empereurs furent limitées, même si les inscriptions montrent des dédicaces en l’honneur de tel ou tel empereur. Le constat que nous avons dégagé est celui d’une partie de l’empire ayant servi de grenier à blé et de puits fiscal afin de financer des ouvrages de défense ailleurs qu’en Afrique. Ce qui entraîna plusieurs révoltes, qui ont même conduit à la chute de certains empereurs comme Maximin, Gallien, et même Dèce. Il nous a fallu expliquer aussi pourquoi tant de dédicaces en l’honneur des princes, si nous constatons que leur présence en Afrique, hormis quelques-uns d’entre eux qui ont effectué des voyages comma Hadrien, est limitée. En effet, le nombre élevé de monuments en leur honneur pourrait nous faire croire que toutes les réalisations faites dans ces provinces sont à leurs initiatives. Les expressions telles que ex auctoritate, ex permissu, ex indulgentia, per legionem eorum, ex liberalitate, en nombre limité nous font comprendre précisément les actions des princes dans les cités. Mais dironsnous par là-même qu’ils n’ont rien fait, certainement pas. Un paradoxe est cependant à relever. En effet, la plupart des historiens ont démontré les insuffisances de la présence et même de l’action des princes dans les cités concernant les ouvrages de construction, qui sont même souvent confiés aux 232

soldats de la IIIème légion Auguste. Nonobstant ce constat qui ne reflète pas véritablement l’œuvre des princes, il ne faut s’arrêter à un constat quantitatif mais plutôt à un constat qualitatif qui a permis de nombreuses avancées significatives dans la condition des cités, et dont l’empire aurait pu marquer les habitants. Les marques des beneficia des princes sont nombreux : promotions des cités et des habitants, constructions de routes et d’ouvrages d’adduction d’eau, les remises d’impôts, la citoyenneté pour tous les sujets de l’empire par l’édit de Caracalla, qui a permis aux sujets de l’empire de jouir de nombreux droits. Malgré cette situation qualitative qui aurait pu permettre une amélioration considérable des conditions de vie des Africains, il n’en fut pas ainsi. Les sujets africains de l’empire financèrent eux-mêmes les signes de leur romanisation. Ce qui est contradictoire, comme si les habitants des cités voulurent eux-mêmes accéder à la romanité pour laquelle, vraisemblablement, ils éprouvaient une certaine attirance culturelle. Les témoignages épigraphiques nous le montrent. Marcel BENABOU a caractérisé la résistance à la romanisation dans son ouvrage pour montrer le refus des cités de se conformer aux mœurs romaines ; mais nous, nous parlons d’adoption de la romanité car ce sont les cités elles-mêmes qui en font le vœu à travers de nombreux expressions et témoignages de leur fides et de leur obsequium. Les révoltes qui embrasent parfois les cités et non les provinces entières sont le fait de tribus belliqueuses certainement, mais non des cités romaines, souvent municipes ou colonies honoraires ou de déduction. Les expressions comme pecunia sua, pecunia publica, Pro salute abondent dans les inscriptions, et expriment une réalité que les habitants ont manifestée envers le pouvoir central. Le nombre important de mentions de notables ou de patrons ayant offert des jeux, fait construire des monuments, souvent en l’honneur du prince en remerciement à une promotion sociale. Nous avons montré qu’il y a un vrai déséquilibre dans les inscriptions entre les actions des princes et celles des habitants eux-mêmes. La cité formait le cadre de vie de l’Homme dit civilisé, et non du barbare, et la promotion juridique des cités (municipes, colonies) d’une communauté pérégrine au statut romain resta pendant trois siècles l’expression privilégiée de la romanisation. Qu’elle ait existé avant les Romains, qu’elle se soit affirmée grâce à leur présence, ou qu’elle ait été imposée dans les territoires marginaux, la cité symbolisa l’adhésion des populations indigènes à un système de valeurs que le pouvoir proposait plus qu’il ne l’imposait, une fois assuré le contrôle des territoires. La citoyenneté ne se conçoit pas sans l’Urbs et sans l’architecture qui s’y prête, avec des espaces civiques aux rôles précis. Nous avons démontré que jusqu’au IIIème siècle les cités se 233

municipalisent passant d’un statut à un autre, avec tous les avantages et les limites qu’ils comportent. Les buts de telles promotions en Afrique ont été ciblés et surtout pour la definitio et la defensio de l’empire, ce qui était tout à fait légitime pour les empereurs. L’Edit de Caracalla donna la citoyenneté à tous les habitants libres de l’Empire en 212, même si les cités continuèrent à demander leur promotion après cette date, preuve d’un certain prestige du statut municipal. Les cités puniques, des villes de la Proconsulaire, de la Numidie et des Maurétanies, telles Cirta ou Volubilis, avaient vécu dans un cadre civique bien avant Rome, ce qui nous permet d’apporter des nuances aux propos de TERTULLIEN qui, dans ses dires, fait l’apologie de l’action de la présence romaine en Afrique, en oubliant que les cités connurent jadis un cadre municipal différent de celui de Rome.

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ANNEXES I. LES CARTES A. L’AFRIQUE ROMAINE.

D’après « Trésors de l’Afrique romaine. Maroc, Algérie, Tunisie, Libye », GEO, n°312, Février 2005, p.49. 235

B. LA CITE DE VOLUBILIS EN 271 AP. J-C. D’après « Trésors de l’Afrique romaine. Maroc, Algérie, Tunisie, Libye », GEO, n°312, Février 2005, p.50.

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C. L’AFRIQUE ROMAINE AU IIIe SIECLE.

D’après E. ALBERTINI, L’Afrique romaine, 1950, (Alger).

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D. LOCALISATION CESARIENNE.

DES

TRIBUS

EN

MAURETANIE

D’après J. DESANGES, Catalogue des tribus africaines.

238

II. LISTE DES ABREVIATIONS ET DES PERIODIQUES CONSULTES. AA : Antiquités Africaines. AAT, I = Atlas Archéologique de la Tunisie AE : année épigraphique. ANRW : Temporini (H.) éd., Aufstieg und Niedergang der römischen Welt. AntAfr.: Antiquités Africaines. BAM : Bulletin d’Archéologie Marocaine. BEFAR : Bibliothèques des écoles françaises d’Athènes et de Rome. BCTH : Bulletin du Comité des Travaux historiques et scientifiques. BHAC : Bonner Historia-Augusta- Colloquium. CCG: Cahiers du Centre Glotz, Paris. CEFR : Collection de l’Ecole Française de Rome. CIL : Corpus Inscriptionum Latinarum, Berlin, 1863. CJ : The Classical Journal. CRAI : Compte Rendu de l’Académie des Inscriptions. CT : Cahiers de Tunisie. CTh : Code Théodosien. DHA : Dialogues d’Histoire Ancienne. EFR : Ecole Française de Rome. Epigraphica : Periodico internazionale di epigrafica. Hesperia : the journal of American school of Classical Studies at Athens. Historia : revue d’histoire ancienne. IAM : Inscirptions Antiques du Maroc. ILAfr. : Inscriptions Latines d’Afrique. ILS: Dessau (H.) éd., Inscriptiones latinae selectae, Berlin, 1872.. ILTun. : Inscriptions Latines de Tunisie. Itinéraire d’Antonin, éd. O. Cuntz, Itineraria romana, I, Itineraria Antonini Augusti et Burdigalense, Leipzig, 1929. JRS : The Journal of Roman Studies, Londres. Karth. : Karthago. Ktèma : Civilisation de l’Orient, de la Grèce et de la Rome antique. Latomus : revue d’études latines. LibAnt : Libya Antiqua. MEFRA : Mélanges de l’Ecole Française de Rome. Antiquité. NAC : Numismatica e Antichità classiche NEL : Nouvelles éditions latines PSAM : Publications du Service des Antiquités du Maroc. 239

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CLUNY, Paris, ‘’Les Belles Lettres’’, 1993, 639 p.

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271

TABLE DES MATIERES INTRODUCTION GENERALE

9

PREMIERE PARTIE LES PROMOTIONS COLLECTIVES ET INDIVIDUELLES DES CITES D’AFRIQUE PROCONSULAIRES, DE LA NUMIDIE ET DES MAURETANIES

29

CHAPITRE I LES STATUTS JURIDIQUES ET LA CONSTITUTIO ANTONINIANA EN AFRIQUE ROMAINE ; UNE NOUVELLE APPROCHE DES BENEFICIA IMPERATORIS SOUS CONDITIONS 31 CHAPITRE II LES PROMOTIONS INDIVIDULLES EN AFRIQUE ROMAINE DE TRAJAN A DIOCLETIEN

81

DEUXIEME PARTIE DES RECONNAISSANCES INEGALEMENT RECIPROQUES

143

CHAPITRE I LES RECONNAISSANCES DES HABITANTS DES CITES

145

CHAPITRE II LES MARQUES DE RECONNAISSANCE DES EMPEREURS

179

CONCLUSION GENERALE

229

ANNEXES

235

LISTE DES ABREVIATIONS ET DES PERIODIQUES CONSULTES

239

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

241

273

L'HARMATTAN, ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino L'HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L'HARMATTAN BURKINA FASO Avenue Mohamar Kadhafi (Ouaga 2000) – à 200 m du pont échangeur 12 BP 226 OUAGADOUGOU (00226) 50 37 54 36 [email protected] ESPACE L'HARMATTAN KINSHASA Faculté des Sciences sociales, politiques et administratives BP243, KIN XI Université de Kinshasa

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