Les dents de l'Homme, de la Préhistoire à l'ère moderne
 9782296555204, 2296555209

Table of contents :
Préface
Avant-propos
Les différentes théories de l’évolution
De Toumaï aux australopithèques : description de la face, de la mandibule et des dents
Les premiers Hommes
La face, la mandibule et les dents : évolutions
Conclusion
Remerciements
Bibliographie
Table des matières

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Les dents de l’Homme De la Préhistoire à l’ère moderne

Médecine à travers les siècles Collection dirigée par le Docteur Xavier Riaud L’objectif de cette collection est de constituer « une histoire grand public » de la médecine ainsi que de ses acteurs plus ou moins connus, de l’Antiquité à nos jours. Si elle se veut un hommage à ceux qui ont contribué au progrès de l’humanité, elle ne néglige pas pour autant les zones d’ombre ou les dérives de la science médicale. C’est en ce sens que – conformément à ce que devrait être l’enseignement de l’histoire –, elle ambitionne une « vision globale » et non partielle ou partiale comme cela est trop souvent le cas. Dernières parutions Patrick POGNANT, La répression sexuelle par les psychiatres. 1850-1930. Corps coupables, 2011. Patrick POGNANT, Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing. 1886-1924. Une œuvre majeure dans l’histoire de la sexualité, 2011. André FABRE, Haschisch, chanvre et cannabis : l’éternel retour, 2011. Xavier RIAUD, Dentistes héroïques de la Seconde Guerre mondiale, 2011. Marie FRANCHISET, Le chirurgien-dentiste dans le cinéma et la littérature du XXe siècle, 2011. André FABRE, De grands médecins méconnus…, 2010. Xavier RIAUD, Odontologie médico-légale : entre histoire et archéologie, 2010. Dominique LE NEN, Léonard de Vinci, un anatomiste visionnaire, 2010. Xavier RIAUD, Histoires de la médecine dentaire, 2010. Xavier RIAUD, Pionniers de la chirurgie maxillo-faciale (1914-1918), 2010.

Florie Duranteau

Les dents de l’Homme De la Préhistoire à l’ère moderne

Préface du Docteur Xavier Riaud

© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-55520-4 EAN : 9782296555204

« L’Homme apparut soudain comme n’ayant pas toujours eu la même allure, le même corps, le même visage, n’ayant pas toujours été conscient ; il devint manifeste qu’il s’inscrivait dans une évolution qui le conduirait dans l’avenir vers une autre allure encore. » Yves Coppens, extrait de la préface du livre de Pascal Picq, Les origines de L’Homme, Tallandier (éd.), Paris, 1999, pp. 4-5.

Préface Après quinze années de recherches, d’écriture et de publications, je ne me lasse pas de permettre à d’autres d’écrire et de publier. A mes yeux, il n’est pas de chercheur digne de ce nom sans publications certes, mais aussi sans transmission du savoir. Les deux me semblent indissociables. Je m’étonne encore de rencontrer des chercheurs qui semblent si peu concernés par leurs étudiants et l’enseignement qu’ils dispensent, au point de n’éprouver aucune fierté, voire une forme d’aigreur, lorsque l’un d’entre eux sort du lot et brille par son travail, ses efforts, et son abnégation, comme s’il n’y avait de réussite envisageable, d’intelligence perceptible que chez eux ou par eux. De mon côté, je suis au contraire heureux lorsque je peux permettre à quelqu’un de vivre une aventure littéraire, de lui faire ressentir la beauté d’une concrétisation livresque. Je suis véritablement fier de transmettre cela à qui me fait confiance. Dans le cas présent, il faut rendre hommage à cet opus de Florie Duranteau qui s’est passionnée pour l’étude des dents des différents hommes préhistoriques, dont elle a fait sa thèse de docteur en chirurgie dentaire1. Elle a ainsi, à force de patience et de ténacité, dressé un catalogue anatomique descriptif extrêmement précis des caractéristiques odontologiques et osseuses de la face de chacune des espèces considérées.

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Duranteau Florie, Evolution morphologique des dents des anthropoïdes à l’homme, Thèse Doct. Chir. Dent., Nantes, 2007.

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Agrémenté de quelques informations utiles et pratiques qui démontrent combien la découverte d’une dent, préhistorique ou non, peut se révéler déterminante dans une étude historique, médico-légale ou archéologique, ce manuscrit est un vrai glossaire technique où l’analyse contextuelle trouve sa place par l’observation des morphologies architecturales des visages de nos ancêtres. Je suis convaincu qu’il ne manquera pas de séduire les plus érudits, spécialistes de la question, car de nombreux repères s’offrent ici, à eux. De Toumaï, le premier homme reconnu, à celui, plus contemporain, la jeune femme s’est attachée à être la plus complète possible dans ses diverses approches. Au final, le rendu de cet ouvrage est véritablement enrichissant et il convient pour moi de saluer, et de féliciter le Dr Duranteau qui rejoint ainsi les auteurs de la Collection Médecine à travers les siècles que je dirige aux Editions L’Harmattan. Elle y trouve ainsi une place tout à fait méritée. Docteur Xavier Riaud Docteur en chirurgie dentaire Docteur en épistémologie, histoire des sciences et des techniques Lauréat de l’Académie nationale de chirurgie dentaire Membre associé national de l’Académie nationale de chirurgie dentaire

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Avant-propos L’évolution décrit les modifications des êtres vivants au cours du temps. Elle explique la diversification de la vie, de ses premières formes jusqu'à l’ensemble des êtres vivants actuels, par une chaîne de modifications foisonnantes. Les dents jouent un rôle important pour sa bonne compréhension, car : • Elles se conservent bien dans les sols fossiles. • Elles marquent l'appartenance du fossile à la famille à laquelle il appartient. Elles témoignent donc du buissonnement des lignées. • Elles conservent la trace du mode alimentaire et renseignent sur les conditions écologiques. (54) Dans un premier temps, quelles ont été les différentes théories de l’évolution établies jusqu’à aujourd’hui, celles en général, mais aussi celles concernant l’évolution de l’homme en particulier ? Dans une seconde partie, un portrait plus ou moins détaillé de nos lointains ancêtres, de Toumaï à Homo sapiens, sera réalisé, certains taxons décrits dans cet ouvrage n’étant pas admis par l’ensemble de la communauté scientifique. J’ai jugé toutefois essentiel de les faire apparaître ici, de par leurs spécificités anatomiques. Dans la troisième partie, j’ai souhaité effectuer la synthèse des grands traits de l’évolution de la face, de l’articulation temporo-mandibulaire et des dents en me basant sur les descriptions précédentes. Enfin, quels ont été les moteurs qui ont généré ces fameux changements ?

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Si l’homme a suivi une certaine série de mutations au cours du temps pour l’amener jusqu’à l’ère moderne, ses organes dentaires ont changé également, de la même manière. En tant que chirurgien-dentiste, il m’a semblé intéressant d’en faire la preuve tout d’abord et d’en apporter, dans ce travail, le détail.

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Les différentes théories de l’évolution Les théories de l’évolution sont apparues au XIXème siècle pour décrire les processus par lesquels les espèces se modifient dans leurs structures et dans leurs comportements au fil des générations, et donnent ainsi naissance à de nouvelles espèces. Lamarck et Darwin ont été les premiers à parler d’évolution s’opposant en cela aux fixistes, aussi appelés créationnistes. Si le phénomène d’évolution est établi, la théorie qui en détaille les mécanismes n’est pas encore complète. La génétique, la biologie et la géologie ne cessent d’apporter de nouveaux éléments venant étoffer celle-ci. Le Fixisme (XIXème siècle) est la théorie selon laquelle il n’y a ni transformation, ni dérive des espèces. Les fixistes pensent que les espèces ont été créées par Dieu et qu’elles n’évoluent pas. La théorie du fixisme présente plusieurs variantes : - Le Fixisme pur selon Carl von Linné (1707-1778) : les espèces sont créées par Dieu et ne changent pas au cours des temps. - Le Fixisme avec extinction : suite à la découverte de nombreuses espèces fossiles, il a fallu admettre qu’un certain nombre d’espèces n’existait plus ; la notion d’extinction fut donc admise par les fixistes. Mais comment expliquer qu’il existe toujours un nombre aussi important d’espèces ? - Le Fixisme avec extinction et remplacement selon Georges Louis Leclerc de Buffon (1707-1788) ou Georges Cuvier (1769-1832) : les espèces sont toujours créées par Dieu. Il existe des extinctions (aurochs, mammouths, dinosaures, tigres à dents de sabre par exemple), mais les espèces sont remplacées par d’autres.

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Le Fixisme avec extinction et remplacement avec progrès selon Louis Agassiz (1807-1873) : Dieu refait les espèces en les améliorant. Cette théorie, aujourd’hui développée par quelques églises des Etats-Unis sous le nom du Dessin intelligent, se heurte à celle des évolutionnistes. (54) La découverte de nombreuses espèces fossiles ayant disparu remet en question les théories fixistes. Ces dernières, croyant au catastrophisme, attribuent la disparition de certaines espèces à des catastrophes bibliques, tel le déluge. La découverte d’espèces aquatiques disparues discrédite cette théorie. Il a donc fallu admettre que ce n’était pas l’intervention de Dieu sur Terre qui permettait la création ou la disparition des espèces. Jean Baptiste Lamarck (1744-1829) introduit alors une nouvelle théorie. Les espèces n’ont pu être créées pour s’adapter idéalement à leur milieu, puisque celui-ci est en constante évolution. Pour survivre, les individus doivent donc s’adapter à ce milieu changeant, c'est-à-dire évoluer. Si les conditions climatiques ou géologiques changent durablement, alors les individus se transforment de manière non contrôlée. Un organe peut donc se modifier pour répondre à un besoin. De fait, plus il est utilisé, plus il se développe. Ces transformations se transmettent d’une génération à l’autre et sont graduelles (31). Lamarck résume sa théorie du transformisme (XIXème siècle) par deux lois : - Capacité à développer un organe selon son utilisation. - Transmission des acquis à notre descendance (hérédité des caractères acquis). Pour lui, les espèces n’ont pas disparu. Elles se sont tellement transformées qu’elles n’en sont plus reconnaissables. Charles Darwin (1809-1882) n’est que partiellement d’accord avec Lamarck. Il croit en la théorie de l’évolution, mais ne pense pas que les individus évoluent pour s’adapter à leur milieu. Selon lui, la Terre a été colonisée par les plantes,

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puis par des organismes unicellulaires qui, de mutations en mutations, ont évolué vers des organismes plus complexes aboutissant à l’espèce animale, dont les hommes font partie selon lui. Pour Darwin, l’évolution des espèces résulte d’un processus continu. Tous les individus sont différents les uns des autres, certains étant mieux adaptés pour survivre et se reproduire dans leur environnement. Ces caractéristiques avantageuses sont transmises aux générations suivantes et, avec le temps, deviennent dominantes. - Les modifications sont en général lentes et progressives, et demandent plusieurs milliers, voire plusieurs millions d’années. - L’évolution est basée sur le phénomène de sélection naturelle. - La sélection naturelle intervient sur deux plans : • Sélection de survie. • Sélection sexuelle : un individu doit être apte à trouver un partenaire sexuel pour transmettre ses gènes. Selon Darwin toujours, toutes les espèces vivantes tirent leur origine d’une seule forme de vie, la différenciation s’étant faite par le phénomène de spéciation (18). Darwin a apporté la première théorie cohérente de l’évolution. Celle-ci a été confirmée par la découverte des gènes et de l’ADN, mais est restée incomplète. D’après Ernst Haeckel (1834-1919), chaque être vivant récapitule au cours de son développement, l’histoire évolutive de son groupe. Le développement individuel de chacun reproduit les étapes de l’évolution de l’Humanité. Les embryons lors de leur développement passent par les différentes phases transitoires de l’évolution de leurs ancêtres. Par exemple, la présence chez l'embryon humain de particularités ressemblant, à ses débuts, à celles des poissons, puis à celles des reptiles, et finalement à celles de l'homme, est perceptible (54). Les avancées de la science dans les années suivant son énoncé ont vite invalidé cette théorie.

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Le Néodarwinisme, ou théorie synthétique de l’évolution (XXème siècle), s’appuie sur différentes sciences, comme la biologie, la géologie, les statistiques, etc. Elle est le fruit de la rencontre de la théorie de Darwin avec celle de John Gregor Mendel (1822-1884) qui a découvert les lois de la génétique. Ernst Mayr (1904-2005) et Georges Gaylord Simpson (1902-1984) pensent que l’évolution se fait de manière graduelle. Elle est le fruit d’une modification progressive et continue des êtres vivants au cours des générations. Pour eux, comme pour Darwin, la sélection naturelle est le principal moteur de l’évolution, car elle privilégie les espèces les mieux adaptées à leur milieu. Mais, ils ajoutent à leur théorie le fait que l’évolution parte d’un fondement génétique. L’évolution serait le fruit de mutations génétiques aléatoires soumises à la sélection naturelle. Ces mutations ne sont transmises à la descendance, via le matériel héréditaire, que si elles sont favorables. Les changements évolutifs sont liés à des mutations qui interviennent de deux façons : - soit une lignée descendante remplace la lignée ancestrale dans un phénomène de continuité : c’est l’anagenèse. - soit la lignée ancestrale se scinde en deux lignées descendantes : c’est la cladogenèse. (54) Dans sa théorie des équilibres ponctués, Stephen Jay Gould (1941-2002) apporte une nuance supplémentaire à la théorie synthétique de l’évolution. Selon lui, l’évolution ne se fait pas de manière continue et graduelle, mais se fait à travers des périodes ponctuelles d’intense activité évolutive suivies de longues périodes de stagnation. Si les transitions entre espèces ont été rapides, il parle alors de révolutions génétiques. Il explique les espèces intermédiaires manquantes comme étant des stades très brefs à l’échelle des temps géologiques. Il y a donc très peu de chances pour qu’elles soient retrouvées. Dans cette théorie, l’évolution se fait aussi via la sélection naturelle. Si l’environnement et l’habitat sont stables, alors les espèces ne changent pas. L’évolution des espèces se fait à la

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suite de contraintes extérieures, comme les contraintes climatiques ou encore les maladies… Ce sont des contraintes externes, et non internes, qui semblent être le moteur de l’évolution des espèces (23). Tout en suivant la logique darwinienne, cette théorie insiste sur le hasard et l’imprévisibilité de la diversité des espèces. Ce sont, par exemple, des catastrophes planétaires qui ont libéré des niches écologiques dans lesquelles des espèces se sont installées, puis ont développé leurs spécificités. Sans ces catastrophes, les dinosaures seraient peut-être encore sur Terre. Les mammifères, quant à eux, ne seraient que des espèces insignifiantes et nous n’existerions sûrement pas. Evolution selon Darwin Evolution selon Gould

Formulée en 1982 par Yves Coppens (15), l’East side story tente d’expliquer la découverte des premiers hominidés dans l’Est africain. La formation de la Rift Valley a non seulement partagé la population des grands singes hominoïdes en deux, mais a aussi eu des conséquences sur le climat et la végétation. - A l’est du rift, la sécheresse s’est installée entraînant une modification des conditions de vie. La forêt s’est transformée en savane. La population, habituée à une nourriture abondante et à un environnement boisé, s’est trouvée dans un milieu où il a

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fallu parcourir parfois plusieurs kilomètres pour trouver de quoi manger. Dans ce nouvel environnement, auraient été sélectionnés les individus les plus aptes à se redresser, puis les bipèdes. Le développement de la bipédie a entraîné le développement du cerveau et de la denture. Les modifications du milieu ont favorisé un passage vers une alimentation omnivore et le développement du cerveau a favorisé, quant à lui, l’apprentissage de l’utilisation des outils, et de la parole. - A l’ouest du rift, il n’y a pas eu de changements climatiques, donc aucun besoin d’évoluer. Les espèces sont restées quadrupèdes, scientifiquement des singes hominoïdes (15). Cette théorie a cependant été mise à mal par la découverte de Toumaï et d’Orrorin, deux de nos plus lointains ancêtres découverts à l’ouest du rift. Yves Coppens a lui-même admis que sa théorie n’avait plus lieu d’être. Certes, une écrasante majorité de nos ancêtres a été découverte à l’est du rift, mais ces deux individus ont semé le trouble. Selon Anne Dambricourt-Malassé (17), il existe une mutation interne programmée de l’espèce. En travaillant sur la sphère basi-cranio-faciale, elle a découvert le rôle central du sphénoïde, un os du crâne. Cet os est plat chez tous les embryons de mammifères. Chez l’homme également, mais il tourne sur lui-même au terme de la période embryonnaire, sept semaines après la fécondation chez l’Homme. Cela peut s’expliquer par l’action de contraintes locales dues à l’enroulement du tube neural sus-jacent, le futur cerveau. Ce mouvement de rotation du sphénoïde s’observe chez les premiers primates, il y a environ cinquante cinq millions d’années. Il est alors de faible amplitude. Ce processus embryonnaire est mémorisé dans l’ADN. Il est transmis par la mémoire génétique du développement. Par ailleurs, selon la loi dite de Dollo, l’évolution est irréversible. Dans ce cas particulier, l’évolution ne peut se traduire que par une augmentation de la rotation du couple « tube neural –

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sphénoïde ». Dans ce cas de figure, elle est nécessairement celle de l’information génétique correspondant à l’amplitude de cette rotation. L’os ne peut donc en aucun cas demeurer plat, ce qui donnerait alors des monstres « avortés ». Puisque l’évolution existe irréversiblement, cette information génétique évolue encore. Il arrive nécessairement un seuil où le phénomène de rotation correspond à un tel gain de verticalité, qui se distribue de la face au sacrum, que celle-ci est visible après la naissance et impose, au corps de l’enfant, une locomotion au sol, autour d’un axe du corps « verticalisé ». Ainsi, sont apparus les premiers hominidés ou bipèdes permanents. Les autres axiomes impliquent une locomotion post-natale et il était acquis encore récemment qu’elle était due au développement fœtal du cerveau. Selon Anne DambricourtMalassé, il faut chercher une cause plus précoce encore, un processus qui participe au développement des organes, du squelette et de la complexité croissante du cerveau. Pour cette dernière, elle serait embryonnaire. Le milieu n’est donc pas à l’origine de cette dynamique interne propre aux tissus embryonnaires, ni à la répétition de cette évolution. Il est important bien sûr, mais n’est pas à l’origine de la complexité croissante du système nerveux central, ni de nos capacités de réflexion consciente (17). Selon cet auteur, l’origine du déclenchement de cette évolution interne serait due au hasard. Confronté à cet événement aléatoire, les systèmes ont des mécanismes de réparation, acquis par « apprentissage », dénommés autopoïèse. Les premiers scientifiques étudiant la bipédie humaine ont tout d’abord pensé que le changement de milieu aurait été à l’origine de cette évolution. Les Australopithèques seraient passés de la forêt à la savane et se seraient redressés pour avoir un meilleur angle de vision, pour anticiper d’éventuelles agressions ou pour trouver plus facilement leurs proies. En se

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relevant, ils pouvaient également impressionner leurs adversaires (21). La bipédie libérant les mains, nos ancêtres pouvaient plus facilement transporter des outils ou des armes. Cette hypothèse selon laquelle l'individu évolue, et devient bipède, sous la contrainte d'un environnement particulier n'est plus acceptée. De plus, les exemples d'animaux utilisant des outils sans être pour autant bipèdes sont nombreux. Une simple observation de la faune actuelle nous montre que l'Homme n'est pas le seul à utiliser la bipédie comme moyen de locomotion. Les grands singes comme les chimpanzés, les bonobos ou les gorilles, marchent régulièrement sur leurs deux jambes. La bipédie n'est donc pas une évolution, mais plutôt un trait commun à tous les hominidés. Cette faculté n'est pas utilisée par tous avec la même fréquence, mais elle est commune. Les premières traces de bipédie semblent remonter à Orrorin (6 millions d'années) qui a laissé un squelette explicite sur ses aptitudes à la marche, caractérisé par un fémur très long couronné par une tête épaisse. Avec les Australopithèques anamensis, c'est la première lignée de vrais bipèdes qui annoncent l'arrivée de l’Homo ergaster, puis de l'homme moderne. Une autre lignée regroupe les Australopithèques afarensis et africanus. Si elle conserve des aptitudes au grimper et à la suspension, elle possède également des traits morphologiques pour la bipédie. Cela indique un mode de locomotion mixte et varié suivant la situation. La bipédie existe depuis plus de 6 millions d'années. Elle est employée aussi bien par nos ancêtres que par de grands singes contemporains. Chez les hominidés, cette aptitude s'est amplifiée au fur et à mesure du temps pour devenir chez les hommes modernes, l’unique moyen de locomotion. Cela n'est donc pas un trait de différenciation.

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Contrairement à la pensée générale, plusieurs scientifiques ne voient pas la bipédie comme une acquisition récente des hominidés. Ils pensent au contraire que la bipédie était le principal mode de locomotion de notre ancêtre. Yvette Deloison, chercheur au CNRS, s'est spécialisée dans l'analyse de la mécanique des membres inférieurs des hominidés. S'appuyant sur les études de l'anatomie de nos ancêtres, mais aussi sur celles des grands singes, elle tire les conclusions suivantes : - la main humaine n'a jamais pu être une patte. Elle est en effet beaucoup plus primitive que celle des grands singes. - le pied humain est lui, au contraire, très spécialisé pour une marche bipède. Ces éléments, en tenant compte de la loi de Dollo (irréversibilité de l'évolution), ont amené Yvette Deloison à proposer un ancêtre doté d'une attitude bipède redressée. Il existe donc de nombreuses théories de l’évolution, mais les connaissances actuelles ne permettent pas d’affirmer si ces théories sont exactes. Elles sont justifiées, jusqu'à preuve du contraire. L’étude espèce par espèce qui suivra pourra démontrer qu’il reste sûrement de nombreuses espèces à découvrir avant de pouvoir finaliser notre arbre généalogique.

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Archéologie, odontologie médico-légale et ADN pulpaire : quelques cas historiques par Xavier Riaud Aujourd’hui, l’ADN de la pulpe d’une dent, à l’abri de toute pathologie dentaire, constitue un moyen d’investigation remarquable en odontologie médico-légale, mais aussi en archéologie. En effet, de nombreuses recherches historiques emploient ce procédé scientifique afin de préciser différents éléments comme l’origine d’un corps, son identification, les causes de sa mort et son éventuelle filiation, voire même son positionnement dans la longue chaîne de l’évolution humaine. Voici quelques exemples historiques où l’analyse de l’ADN pulpaire a donné des résultats extraordinaires. Origine En Andorre, à Segudet, des restes humains provenant d’une tombe préhistorique découverte ont été découverts dans la paroisse d’Ordino, à une altitude de 1324 m. Ce corps appartient à la période du néolithique ancien (période épicardiale située entre 4300 et 4050 av. J.-C.). Ces restes ont été déposés pour étude au laboratoire de Paléoanthropologie de la Unitat d'Antropologia, Dept. Biologia Animal, Vegetal i Ecologia, Universitat Autònoma de Barcelona et ont été identifiés sous le sigle S-2001. Le squelette appartiendrait à un individu adulte, de sexe féminin, dont l’âge du décès a été évalué entre 30 et 35 ans. Après étude de l’ADN mitochondrial d’une canine supérieure droite (13), il a été déterminé que l’individu appartenait à l’haplogroupe européen K, caractérisé par un âge compris entre 12 900 et 18 300 ans. Ainsi, cet haplogroupe est présent dans les populations néolithiques du Pays Basque et est majoritairement rencontré dans les

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populations autochtones d’Andorre (Díaz N., Solórzano E., Montiel, R., García, C., Yañez C., Malgosa, A., 2004). Ötzi est le nom donné à un corps congelé et déshydraté, retrouvé dans les Alpes de l’Ötztal, à la frontière entre l’Italie et l’Autriche, découvert le 19 septembre 1991. Agé d’environ 46 ans, il aurait vécu entre 3 350 et 3 100 av. J.-C. L’étude de son ADN dentaire a permis de déterminer qu’il appartenait à la subdivision K1 de l’haplogroupe européen K, très fréquemment rencontré au sud des Alpes et dans la région de l’Ötztal (Aquaron, 2005 & 2008). Identification médico-légale Le 15 avril 1912, à 2h20, le Titanic coule après avoir heurté un iceberg. 1 496 passagers meurent sur les 2 208 à bord. Quelques corps sont repêchés. Parmi eux, un enfant inconnu est découvert le 21 avril et est inhumé au cimetière de Fairview Lawn de Halifax, au Canada. A la fin de l’été 1998, sur l’injonction de familles qui souhaitent identifier des corps susceptibles d’avoir un lien de parenté avec eux, le corps de cet enfant est exhumé. C’est une famille suédoise qui a démarché pour cet enfant, les Pålsson. Ils pensaient que le petit pouvait être Gösta Leonard Pålsson, âgé de 2 ans et trois mois, et demi au moment de la catastrophe. A l’exhumation, 3 dents (55, 73, 84) seulement de l’enfant ont pu être retrouvées. Après analyse et comparaison des ADN mitochondriaux de la famille et des restes, il a été établi qu’il n’y avait aucun lien de filiation. Après étude, il a été reconnu que ces 3 dents étaient des dents temporaires. Une analyse anatomique dentaire appropriée a démontré que ces dents étaient celles d’un bébé dont l’âge se situait dans une fourchette de 9 à 15 mois, pas davantage. Par la suite, une étude microscopique et histologique a retrouvé de la dentine dans la dent lactéale n° 84, mais pas dans les deux autres. Au laboratoire des ADN anciens de l’université Brigham Young de l’Utah, dans le Colorado, de l’ADN mitochondrial a été isolé à partir de cette dentine. Cet ADN mitochondrial

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provenant de nos mères, des généalogistes sont parvenus à retrouver des descendants des lignées maternelles de tous les enfants de moins de 3 ans décédés dans le naufrage et à en obtenir des échantillons d’ADN. Deux garçons correspondaient au profil génétique prédéterminé : l’un avait 19 mois et le second, 13 mois. Comparés à leurs ancêtres maternels, les résultats ont été les mêmes pour les deux « suspects ». Mais, c’est le second qui correspondait aux critères d’âge estimés (9 à 15 mois). Il s’appelait Eino Viljam Panula. Ses restes ont été de nouveau inhumés. Il avait 13 mois (Titley, Pynn, Chernecky, Mayhall, Kulkarni & Ruffman, 2004). Copernic (1473-1543), célèbre astronome, a démontré notamment que l'ensemble des planètes tourne comme le fait la Terre autour du Soleil, l'axe de la terre oscillant comme ferait une toupie. Il a été enterré dans l'imposante cathédrale de Frombork, aux bords de la Vistule, mais personne ne savait exactement où. En 2005, les recherches archéologiques effectuées sur de nouvelles bases explorent cette fois, l'autel Sainte-Croix, un des seize autels adossés aux piliers de la cathédrale. Sous le pavement de marbre, les restes de 13 corps ont été retrouvés, dont le crâne et les dents d'un homme septuagénaire. Une équipe de spécialistes venus de l'Institut médico-légal de Cracovie et de l'université suédoise d’Uppsala ont pu identifier les derniers restes comme étant ceux de Copernic. L'enquête avait été menée selon les procédés les plus modernes de la police judiciaire. Les tests génétiques notamment ont été pratiqués sur le matériel dentaire, mais la preuve qu'il s'agissait bien de l'ADN de Copernic faisait défaut. Le matériel précieux, en l’occurrence un cheveu, a finalement été trouvé en Suède, dans un livre daté de 1518, intitulé Calendarium Romanum Magnum de Johannes Stoeffler, un manuel que Copernic avait utilisé pendant sa vie et qui avait été emporté par les Suédois au cours des guerres polonosuédoises du XVIIème siècle.

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La comparaison de l’ADN dentaire et de celui du cheveu a abouti à l’identification certaine des restes du célèbre astronome. Le 22 mai 2010, le corps de Nicolas Copernic a enfin pu être enterré solennellement à la cathédrale de Frombork, 467 ans après sa mort (Fabre, 2010). Empoisonnement Le cas de Diane de Poitiers (v. 1499/1500-1566), maîtresse d’Henri II, fils de François Ier et roi de France, est bien évidemment incontournable. La duchesse d’Etampes (v. 1508-ap. 1575), maîtresse en titre de François Ier, devenue rivale de Diane de Poitiers, « a fait versifier par un poète à sa dévotion un portrait caricatural de son ennemie. Dans celui-ci, rien n’avait été omis : ni les rides, ni les cheveux teints, ni les fausses dents, (Bordonove, 2007)… » La duchesse d’Etampes affublait sa rivale du triste sobriquet : « vieille édentée », en rapport avec ses fausses dents. Effectivement, elle a chargé un poète satirique, Jean Voûté, de railler Diane, alors âgée de 38 ans. Auteur d’une publication calomnieuse, dans ses hendécasyllabes, imprimées à Paris, en 1537, il lui reproche ses dents artificielles (Desgardins, 1909). Ambroise Paré décrit d’ailleurs un appareil prothétique similaire à celui de Diane de Poitiers, dans son livre Dix livres de chirurgie, avec le Magasin des instrumens nécessaires à icelle paru chez Jean Le Royer, en 1564, à Paris (Charlier, Georges, Huynh-Charlier, Carlier & Poupon, 2009). En 2008, au pied de l’église d’Anet, les restes de Diane de Poitiers ont été exhumés. Ainsi, une mandibule édentée intacte, un hémi-maxillaire gauche et une dent ont été recueillis. Les ossements ont été superposés avec le dernier portrait peint de la favorite d’Henri II par Clouet en 1562, conservé au musée de Chantilly. Le résultat est conforme aux traits du visage (Charlier, Huynh-Charlier & Carlier, 2009). La dent, quant à elle, a fait l’objet de prélèvements ADN qui ont révélé un taux d’or considérablement plus important que la norme. L’or

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potable sous forme de solution buvable aurait été utilisé comme élixir de longue vie et de beauté par Diane. Cet or l’aurait lentement intoxiqué et tué (Hofstein, 2009). De plus, pour information, « la mandibule présentait des logettes alvéolaires pour les dents n° 31, 32 et 42 qui étaient absentes. Toutes les autres dents sont tombées en ante mortem depuis assez de temps pour que l’os ait parfaitement cicatrisé et que les branches horizontales soient amincies au point de donner un aspect sénile à la mandibule. L’hémi-maxillaire gauche portait encore la dent n° 24 qui affichait une usure occlusale marquée et une parodontopathie prononcée (Charlier, Georges, Huynh-Charlier, Carlier & Poupon, 2009). » Bactériémie suite à une épidémie En décembre 1812, la Grande Armée fait retraite sur Vilnius. En automne 2001, une fosse commune contenant des ossements de soldats français par centaine y est exhumée. Les recherches sont confiées au CNRS. Cette équipe a commencé par les fouilles du site, l’étude anthropologique et l’analyse des uniformes. Les prélèvements de terre, de tissus et de dents ont été remis à l’Unité des Rickettsies et pathogènes émergents du CNRS. Les scientifiques considérés sont parvenus à séparer les poux des prélèvements par une technique de leur invention. 5 catégories de poux ont pu être ainsi repérés. Dans 3 d’entre elles, la bactérie Bartonella quintana, vecteur de la maladie du typhus, a été isolée. A suivi l’étude des dents de 35 soldats à partir de la pulpe dentaire. Cette pulpe présente sous forme de poudre, après étude ADN, a permis de déterminer l’existence de bactéries ayant contaminé leur hôte : Bartonella quintana dans 7 corps et Rickettsia prowazekii dans 3 autres. Autrement dit, après examens, 30% des soldats enterrés à Vilnius souffraient des maladies causées par les poux et en seraient morts. Ces insectes, vecteurs de la maladie du typhus, ont donc joué un rôle prépondérant dans la retraite de Russie (Raoult, 2001-2010). Cette pathologie a été la première cause de mortalité durant cette campagne. Elle a été responsable de 80 % des morts par

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maladies. D’après Oleg Sokolov, 300 000 hommes seraient morts lors de la campagne de Russie. Cinq hommes sont morts suite à une maladie pour un au cours des combats (Riaud, 2010). La fouille du cimetière protestant de Saint-Maurice du XVIIème siècle en 2005, menée sous la direction de l’INRAP et en collaboration avec le laboratoire départemental d’Archéologie du Val-de-Marne, a mis en évidence plus de 165 inhumations ainsi que les vestiges du premier temple. Les premières analyses paléopathologiques montrent les symptômes d’un rachitisme vitamino-résistant sur une grande partie de la population inhumée ainsi que la présence de la peste chez trois individus. L’identification du bacille pesteux a été faite sur deux individus de sexe masculin et féminin provenant de la nécropole. Le troisième a été reconnu sur une inhumation momifiée, retrouvé en 1986, dans un sarcophage en plomb. L’inhumé concerne un noble anglais, Thomas Craven, protestant et membre de l’église réformée parisienne, mort en 1636, à l’âge de 18 ans. Les analyses biomoléculaires ont été réalisées par le laboratoire des Rickettsies de la faculté de Médecine de Marseille. Les prélèvements dentaires ont concerné sept sépultures, incluant la momie du noble anglais Thomas Craven et six sépultures prises au hasard. Deux gènes, dont la séquence est spécifique de la bactérie responsable de la peste, Yersinia pestis, ont été amplifiés par la technique PCR en présence de témoins négatifs. Au total, 3 individus ont reçu un diagnostic de certitude de peste, et un autre, un diagnostic probable. La momie de Thomas Craven a été ainsi le premier individu pestiféré identifié (Hadjouis, Vu, Aboudharam, Drancourt & Andrieux, 2006). Filiation Fils du prince héritier Frédéric III et de son épouse Victoria, princesse royale du Royaume-Uni, Guillaume II (1859-1941) revendique malgré tout son ascendance prussienne et conteste la

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suprématie maritime du Royaume-Uni. Il devient empereur en 1888. Son règne est marqué par un militarisme exacerbé. Il renvoie le chancelier Bismarck en 1890 et ne renouvelle pas le pacte germano-russe d’assistance mutuelle. Sa politique étrangère agressive le met en confrontation directe avec le Royaume-Uni et l’isole sur un plan diplomatique. Il n’a pas provoqué la Première Guerre mondiale à lui seul, mais n’a rien fait pour l’empêcher. Pendant la guerre, il est commandant en chef des armées, mais bientôt, il perd toute autorité, ce qui le discrédite. Chassé du pouvoir, son abdication est prononcée le 9 novembre 1918. Il s’exile au Pays-Bas. Il meurt à Doorn, dans sa propriété, pendant l’occupation allemande des Pays-Bas et est enterré dans cette ville (http://fr.wikipedia.org, 2010). Aujourd’hui, le château de Doorn est ouvert aux visites. Lorsque le guide arrive à la chambre où l’empereur est décédé, il prend dans la table de nuit, un petit écrin contenant une dent. En la montrant au public, il explique que c’est grâce à celle-ci que l’existence d’une fille illégitime de Guillaume II a pu être écartée (Lamendin, 2002). En effet, une artiste peintre, dont les toiles étaient exposées dans une galerie d’art, arguait de sa soidisant ascendance impériale. En 1996, un prélèvement ADN est effectué sur les restes de la dame en question. Il est comparé à celui du monarque allemand, obtenu à partir de la dent présentée par le guide. La conclusion est sans équivoque. Il n’y aucun lien de filiation. La supercherie est terminée (Lamendin, 2002 ; Riaud, 2007). Chronobiologie En août 2008, Richard Green de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutive de Leipzig a réussi le premier séquençage de la totalité de l’ADN mitochondrial d’une dent d’un Homo neanderthalensis, vieux de 38 000 ans. Les résultats confirment que le dernier ancêtre commun des hommes de Neandertal et des Homo sapiens aurait vécu, il y a 660 000 ans (à 140 000 ans près). Svante Pääbo, également de l’Institut Max Planck, a, quant à lui, commencé en 1997, son

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œuvre de déchiffrage avec la première analyse de l’ADN mitochondrial de Néandertalien. L’équipe internationale de chercheurs dirigée par Svante Pääbo a déchiffré une séquence d'environ un million de nucléotides de l’homme de Neandertal, grâce une nouvelle technique appelée le pyrosequencing, qui permet d’analyser les séquences d’ADN sans les amplifier. L’équipe d’Edward Rubin, qui a travaillé avec le même matériel en partenariat avec Pääbo, a utilisé une autre méthode et a identifié 65 000 paires de bases. Les deux analyses parviennent à des conclusions très proches relatives à la chronobiologie. Pour l’équipe de Pääbo, les Homo sapiens et les Homo neanderthalensis ont divergé, il y a environ 500 000 ans, tandis que l’équipe de Rubin conclut que les deux espèces auraient partagé un ancêtre commun, il y a environ 700 000 ans, et qu’elles se seraient par la suite séparées, il y a environ 370 000 ans. La différence entre les deux génomes serait inférieure à 0,5%. Rubin et ses collègues n’ont pas trouvé de traces d’un croisement entre l’homme moderne et l’homme de Neandertal (Defrance, 2008). Les résultats, publiés par l’équipe de Pääbo en 2010, portant sur l'analyse de 4 milliards de paires de bases d'ADN nucléaire issus d'ossements fossiles de trois Néandertaliens, montrent que ceux-ci partagent plus de caractéristiques génétiques avec les Homo sapiens modernes eurasiatiques qu'avec ceux d'Afrique sub-saharienne. Actuellement, les chercheurs envisagent l'hypothèse selon laquelle les Néandertaliens auraient contribué au génome des populations d'humains modernes non africaines (Green, 2010). Conclusion Aujourd’hui, l’emploi de l’ADN en tant que moyen utilisé dans une recherche scientifique consécutive à une enquête historique ou archéologique est devenu un procédé incontournable. A l’exception de l’estimation de l’âge où les résultats ne semblent pas probants et où de nombreuses questions restent posées, ses champs d’investigations sont quasi illimités, pourvu que l’ADN soit intact et exploitable au vu des

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vestiges anciens retrouvés sur les sites. Pourtant, s’il est remarquable, ce procédé n’en demeure pas moins un recours extrêmement onéreux. Références bibliographiques : Aquaron Michèle, « Ötzi, témoin et messager de notre passé », in www.hominides.com, 2005. Aquaron Michèle, « Dernières nouvelles d’Ötzi, l’homme des glaces », in www.hominides.com, 2008. Bordonove Georges, Henri II, Pygmalion (éd.), Paris, 2007. Charlier Ph., Georges P., Huynh-Charlier I., Carlier R. & Poupon J., « Royales dentures. Paléodontologie et pathographie », in Actes de la Société française d’histoire de l’art dentaire, Paris, 2009, pp. 43-46. Charlier Ph., Huynh-Charlier I. & Carlier R., « Apport de la radiologie en paléopathologie en particulier dans les maladies infectieuses », in Comité de lecture de la Société française d’histoire de la médecine, 13/06/2009, Paris. Defrance Christophe, « Séquençage complet de l’ADN mitochondrial d’un homme de Neandertal », in Les Homininés, hominines.portail-svt.com, 2008. Desgardins E., « Rivalité d’Anne de Pisseleu et de Diane de Poitiers », in Conférence des sociétés savantes, littéraires et artistiques de Seine-et-Oise. Compte-rendu et communications de la 4ème réunion tenue à Etampes, les 13 et 14 juin 1909, Librairie Flizot, Etampes, 1909, pp. 100-109. Díaz N., Solórzano E., Montiel, R., García, C., Yañez C. & Malgosa, A., « Détermination génétique de l’individu néolithique de Segudet (Ordino), les restes humains les plus anciens d’Andorre. », in Antropo, 2004 ; 7 : 39-44. Fabre André, De grands médecins méconnus, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2010. Green Richard et al., « A draft sequence of the Neandertal genome », in Science, 2010 ; 328 (5979): 710-722.

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Hadjouis D., Vu L. D., Aboudharam G., Drancourt M. & Andrieux P., « Présence de la peste (Yersinia pestis) dans le cimetière protestant de Saint-Maurice au XVIIème siècle (Valde-Marne, France). Archéologie et microbiologie », in Paleobios, 2006 ; 14. Hofstein Cyril, « C’est l’or qui a tué Diane de Poitiers », in www.lefigaro.fr, 24/04/2009, p. 1. http://fr.wikipedia.org, Guillaume II d’Allemagne, 2010, pp. 13. Lamendin Henri, Anecdodontes, Aventis (éd.), Paris, 2002. Raoult Didier, « Les soldats de Napoléon battus par les poux : la biologie réécrit l’histoire », in http://www.futurasciences.com, 2001-2010, pp. 1-6. Riaud Xavier, Les dentistes détectives de l’histoire, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2007. Riaud Xavier, « La médecine napoléonienne au combat », in The International Napoleonic Society, Montréal, 2010, http://www.napoleonicsociety.com, pp. 1-4. Titley K., Pynn B., Chernecky R., Mayhall J., Kulkarni V. & Ruffman A., « Le naufrage du Titanic : Le rôle de la dentisterie dans l’identification d’un enfant inconnu », in L’Information Dentaire, 10/11/2004 ; 86 (39) : 2643-2646.

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Archéologie, odontologie médico-légale et structure minérale de l’organe dentaire : quelques cas historiques par Xavier Riaud Si l’ADN est une source d’informations essentielles dans l’étude archéologique et la compréhension de l’histoire, d’autres éléments de l’organe dentaire appartenant à sa structure minérale, et en particulier les isotopes, apportent des renseignements considérables. Quels sont-ils ? Température corporelle Le California Institute of Technology, plus communément appelé Caltech, est parvenu, à partir d’isotopes en provenance de dents de dinosaures, à déterminer leur température corporelle aussi précisément que si elle avait été recueillie avec un thermomètre rectal. Ainsi, le brachiosaure aurait eu une température de 38,2 ºC et le camarasaure, de 35,7 ºC (Lewino, 2011, p. 30). Origine géographique Le H.L. Hunley est un sous-marin confédéré coulé en 1864, au cours du blocus de Charleston, pendant la Guerre de Sécession. Le premier à avoir détruit un navire adverse lors de son unique sortie. Il était piloté par 8 servants tous morts pendant le naufrage. Ce vaisseau a été renfloué en 2000. Après l’étude des vestiges, est venue l’investigation médico-légale et, plus spécifiquement, l’identification de ses hommes d’équipage. L’analyse isotopique des dents a eu pour objectif de définir la provenance de chacun de ces marins (Hénaff-Madec, 2009).

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Comme le précise Rozenn Hénaff-Madec (2009, pp. 55-58), « la dent se forme selon une chronologie connue. L’émail en formation fixe des éléments comme le carbone, l’oxygène, l’azote et le strontium sous formes isotopiques différentes. Ce sont l’eau et les aliments qui apportent ces constituants. Ainsi, selon l’origine géographique et le régime alimentaire, les isotopes sont présents à des concentrations différentes. Ce sont les travaux de Hall (1967) sur la concentration en 13C (isotope lourd, mais stable du carbone 12C) dans le maïs, puis ceux de Smith et Epstein (1971) sur les différents types de photosynthèse C3 et C4, et enfin, ceux majeurs, de De Niro & Epstein (1978-1981) qui ont démontré que les rapports isotopiques du carbone 13C/12C et de l’azote 15N/14N sont intimement liés au régime alimentaire. Ces études ont marqué le début de l’utilisation des isotopes stables en archéologie et en paléoanthropologie. » Le même auteur (2009, pp. 55-58) ajoute : « Le collagène ne constitue pas le seul support des analyses isotopiques. La fraction minérale des os et des dents (carbonate et phosphate) est aussi le siège d’analyses. En effet, cette fraction minérale reflète l’alimentation dans sa totalité, au contraire du collagène qui ne signe que la présence des protéines. La fraction minérale contient également des isotopes d’oxygène 18O et de strontium 87Sr, éléments liés au contexte géographique. La phase minérale forme 70% de l’os et de la dentine, et 97% de l’émail qui est essentiellement constitué d’hydroxyapatite carbonatée (bioapatite). La composante organique est composée à 90% de collagène en majorité de type I. La dentine est elle-même constituée de collagène de type I. » Rozenn Hénaff-Madec (2009, pp. 55-58) précise que : « Lors de la croissance ou du renouvellement des cellules osseuses, il y a une action du couple ostéoblastes/ostéoclastes, qui est soumise à de nombreux facteurs hormonaux et locaux. Mais, alors que l'os est en perpétuel renouvellement, la dentine et l'émail une fois mâtures ne subissent plus aucune

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modification de leur composition chimique. Le collagène dentaire contient donc des signaux contemporains du moment de sa formation. Il semble que le collagène osseux puisse refléter les dix dernières années de la vie de l'individu. De plus, les signaux isotopiques sont variables d'un échantillon osseux à un autre, car soumis aux variations de son renouvellement. » En conclusion de son étude, la jeune femme (2009, pp. 5558) affirme que : « Dans le cas des échantillons prélevés au niveau des molaires des hommes du Hunley, il est apparu que, pour quatre d'entre eux, les résultats des analyses ont montré un régime à base de blé, de seigle et d'orge, et cela, dès la petite enfance. Ces hommes seraient donc nés en Europe. Parmi ces quatre personnes, deux d’entre eux ont vécu aux Etats-Unis relativement longtemps, car les analyses isotopiques réalisées au niveau de leurs fémurs ont montré des résultats très proches de ceux qui sont nés et qui vivaient alors en Amérique du Nord. Dans les quatre autres cas, les marins ont grandi en ayant une alimentation à base de maïs et d’autres plantes du même groupe. Ce type de régime étant celui de base des Américains de cette époque, ils seraient donc nés dans le nouveau monde. » En 2011, une fosse a été exhumée dans le Dorset où étaient enterrés de nombreux corps de Vikings (54 corps et 51 crânes). Ils avaient été tués par les Britanniques locaux. Après examen, les incisives centrales de ces hommes ont été limées. Les chercheurs supposent que ces mutilations tribales avaient pour but d’effrayer leurs ennemis. Toujours est-il qu’après examens isotopiques de ces fameuses dents, leur origine a été confirmée. Il a même été constaté que l’un de ces cadavres provenait du nord du cercle arctique. Déterminisme de l’âge Il existe plusieurs formules pour déterminer l’âge d’un corps à partir des dents. Il y a celle de Gustafson (1947) qui utilise six critères de modifications physiologiques des dents observés en fonction du vieillissement, mais qui impose de procéder à des

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inclusions et à la réalisation de lames minces, par sections polies, ce qui n’est pas à la portée de tous. Il y a aussi celle de Lamendin (1988) qui propose, dans un premier temps, une formule de Gustafson simplifiée qui ne repose que sur trois critères et que le Français juge très vite peu fiable. Puis, ce dernier définit une méthode ne s’appuyant que sur deux critères et prenant en compte les rapports entre la hauteur de translucidité, et la hauteur de parodontose (hors pathologie évidente) avec la hauteur de la racine. C’est la formule de Lamendin (1990). En 1989, Drusini s’intéresse à la translucidité de la dentine radiculaire sur dents entières (Lamendin, 2006, pp. 130-131 & Riaud, 2008, p. 76). Hélène Martin (1996) a, quant à elle, cherché une méthode de détermination de l’âge à partir du cément dentaire. Il y a enfin le nuancier radiculaire de Guy Collet (1999). Ce dernier a étudié la couleur des racines des dents à différents âges et sur différents échantillons de populations. A partir des résultats, il a créé un nuancier qui fait référence aujourd’hui (Lamendin, 2006, pp. 130-131 & Riaud, 2008, p. 76). A la fin de l’année 1976 et au début de 1977, à des fins de réhabilitation de la momie de Ramsès II (1314-1213 av. J.-C.), pharaon égyptien, celle-ci a séjourné huit mois au musée de l’Homme à Paris. Là, elle a subi tous les examens médicolégaux possibles. Les dents n’ont évidemment pas été oubliées. La détermination de l'âge par la méthode de Lamendin a donné un âge de décès à 80 ans, plus ou moins cinq ans (Monier, 2006, pp. 151-157). En novembre et en décembre 1995, lors de la translation du corps de sainte Roseline (v. 1270-1329), des examens médicolégaux ont été réalisés. C’est le Dr Franck Domart, chirurgiendentiste, qui s’est occupé de la partie odontologique. Il a renoncé rapidement à utiliser la formule de Lamendin, car il lui aurait fallu extraire des dents. Il a décidé d’utiliser, pour

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déterminer l’âge de la relique, la méthode de Drusini. Avec celle-ci, il a estimé l’âge de sainte Roseline au moment de sa mort, à 41,5 ans avec une marge d’erreur de plus ou moins 10 ans. Puis, il a employé la méthode de Gustafson simplifiée. Avec cette dernière, Franck Domart a situé l’âge du corps dans une fourchette comprise entre 50 et 60 ans, avec une marge d’erreur de plus ou moins 10 % (Grévin, Boyer et al., 2006). Régime alimentaire L’Australopithecus afarensis (4 100 000 ans à 3 000 000 années) présente une mandibule en forme de V rétréci vers l’avant. Les dents ont des particularités communes aux dents actuelles. Malgré tout, elles en diffèrent par certains caractères de spécialisation. L’exemple le plus connu, popularisé sous le nom de Lucy, vient de l’Afar, au nord de l’Ethiopie. Ses molaires et ses prémolaires sont de grande taille. Les incisives sont développées et les canines, saillantes. Le palais est peu profond. Les mandibules sont extrêmement robustes. Les mâchoires sont projetées vers l’avant (Heim & Granat, 2001, pp. 10-37 ; Picq, 1999). L’usure des dents raconte ce que mangeait l’Australopithecus afarensis. La robustesse des os des mandibules et des dents suggère que son alimentation comportait une part importante de nourritures végétales coriaces. L’étude des traces d’usure apporte plus de précisions sur la nature de ce régime alimentaire. La consommation de feuilles a laissé des traces de polissage sur les incisives. Les nourritures provenant du sous-sol et contenant des éléments abrasifs, comme des grains de poussière ou de roche, ont provoqué la formation de petits cratères dans l’émail des molaires. À étudier ses dents, on sait donc que les Australopithèques de l’Afar consommaient abondamment les parties souterraines des plantes (racines, bulbes, tubercules, rhizomes, oignons), comme d’autres aliments coriaces tels que les légumes et les fruits des arbustes des savanes. Toutes ces nourritures sont plus dures que celles qui sont trouvées dans les

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milieux forestiers humides, ce qui explique la face robuste de Lucy et des siens. L’Homo neanderthalensis, quant à lui, évolue entre 100 000 ans et 30 000 ans, en Europe et au Moyen Orient. La face des Néandertaliens ramenée vers l’avant forme le « museau néandertalien ». Celui-ci se présente sous la forme d’un plan oblique et régulier, qui s’étend du bord du nez à l’arcade zygomatique. Les pommettes ont complètement disparu. L’avancée des arcades dentaires est telle que, vu de profil, un espace, dénommé espace rétromolaire, sépare la dernière molaire de la branche montante de la mandibule. Ce sont sans équivoque possible des carnivores (Picq, 1999). Profession Une étude macroscopique et une étude en microscopie électronique à balayage de deux prémolaires inférieures humaines chez un individu du Néolithique moyen ont permis de mettre en évidence une usure particulière, non physiologique, due à l'utilisation de ses dents comme outil. A l'aide des exemples préhistoriques déjà connus et des exemples ethnoarchéologiques, une hypothèse a pu être avancée quant à l'activité artisanale de cet individu. Il était « crocheur » (Gilbert, 1999, pp. 31-59). En mars 2008, la momie d'une femme d'époque copte, conservée dans les collections du musée des Beaux-Arts de Grenoble, a subi une étude tomodensitométrique dans la clinique universitaire de radiologie de l’hôpital A. Michallon (Janot, 2010, pp. 89-97). Selon Francis, Janot (2010, pp. 89-97), « (…) Les surfaces coronaires du groupe incisif supérieur (11, 12, 21, 22) de cette femme sont porteuses d'une rainure, de direction mésio-distale, qui est une perte de substance parfaitement indépendante de toute mastication. Elle débute de l’incisive latérale supérieure gauche (22) pour se terminer au point de contact distal de l’incisive latérale supérieure droite. En vue palatine, les surfaces de contact d’aspect polymorphe sont

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très marquées selon la dent. La dentine, qui est mise largement à nu, porte un schéma de mastication consécutif à des frottements répétitifs sur une substance dure introduite transversalement dans la bouche. De fait, l’objet inséré n’a épargné qu’un modeste pan d’émail vestibulaire et palatin de la couronne de l’incisive supérieure gauche. De plus, des stries parallèles, de direction horizontale, les unes au-dessus des autres, sont identifiées sur la face vestibulaire de la canine gauche. Manifestement, elles sont dues aux insertions répétées du même objet. Les indices d'anatomie dentaire relevés restituent un mouvement d’interposition d’un objet entre les dents qui commence du côté gauche de la denture (à partir de la 22). La face vestibulaire de la canine (23) fait alors fonction de guide. Ainsi, il est possible d’affirmer que cette femme était à prédominance gauchère. » Le même auteur (2010, pp. 89-97) affirme que : « Effectué des milliers de fois, le mouvement fonctionnel est donc sans aucun doute en relation directe avec la profession exercée par la défunte. Il est donc possible de proposer une reconstitution de la gestuelle accomplie. Ainsi, les usures polymorphes identifiées sur le groupe incisif supérieur sont provoquées par un mouvement fonctionnel mandibulaire d’avant en arrière qui fait pendant au mouvement manuel oscillatoire de la main gauche qui travaille également à un mouvement de tirage de dedans en dehors pour obtenir une dilacération des fibres de la racine. La face vestibulaire de la 23 fait alors office de calage, tandis que la couronne de la 22 sert de guide de positionnement. De plus, l’usure maximale des surfaces occlusales du groupe incisif droit (11,12) est consécutive à l’activité musculaire massétérine due aux multiples forces exercées lors de la dilacération des fibres. Cette activité des faisceaux musculaires a modelé la face externe de la branche montante droite de la mandibule et entraîné une contrainte maximale sur la zone osseuse de l’insertion inférieure du muscle au niveau de l’angle mandibulaire. L'exostose (ou enthèse) observée sur l’angle goniaque droit en est la conséquence directe. Elle est la réponse osseuse à cette

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contrainte répétée tout au long de l’activité professionnelle de la défunte de Grenoble. Naturellement, l’ensemble du mouvement réalisé induit une salivation abondante. » Francis Janot (2010, pp. 89-97) est convaincu que : « Il s’agit maintenant de retrouver l’objet qui a laissé une telle abrasion. Plusieurs hypothèses sont envisageables : une activité musicale, un travail de vannerie et de cordes, un travail de tissage, de cuir ainsi que les troubles de bruxomanie. Malheureusement, aucune des marques induites sur la denture par ces différentes activités ne correspond à celles relevées sur la défunte de Grenoble. Pourtant, cette marque odonto-légale possède un parallèle dans la statuaire africaine. En effet, le mouvement d’interposition d’une racine est reconnu sur des statuettes en bois de chefs et de devins des ethnies kôngo/vili et kôngo/yombé de la république démocratique du Congo. Par un mouvement de dilacération des fibres de la racine munkwisa, le jus extrait a des vertus hallucinogènes qui exacerbent les pouvoirs de clairvoyance et de vision. Les études pharmacologiques montrent que l'écorce de cet arbuste contient un puissant alcaloïde : l'ibogaïne qui stimule le système nerveux central. Selon la dose ingérée, il entraîne des hallucinations, des tremblements, voire des convulsions. Une activité de voyance ? Les indices anatomiques mis en lumière invitent à entrer plus avant dans le bien maigre dossier concernant les membres du personnel religieux occupés plus spécialement aux questions oraculaires, orales et écrites, à partir du Nouvel Empire en Égypte. (…) Dès lors, l'Égyptienne ancienne du muséum de Grenoble pourrait être porteuse, sur son organe dentaire, d’une marque révélatrice d'une activité de clairvoyance. » En conclusion, il me semble bon de rappeler que la dent est un organe imputrescible et, à ce titre, constitue un outil médicolégal extraordinaire, une source d’informations qui, si elle est bien exploitée, peut se révéler quasiment intarissable.

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Références bibliographiques : Gilbert J-M., « Archéologie et odontologie : la dent-outil, troisième main de l'Homme. Le « crocheur » de la nécropole de Benon », in Groupe vendéen d’études préhistoriques, 1990, n° 23, pp. 31-59. Grévin Gilles, Boyer Raymond et al., Une sainte provençale du XIVème siècle, Roseline de Villeneuve, De Boccard (éd.), Collection De l’archéologie à l’histoire, Paris, 2006. Heim Jean-Louis & Granat Jean, « Les dents humaines : origine, morphologie, évolution », in La Paléo-odontologie, analyses et méthodes d’étude, œuvre collective, Artcom (éd.), Paris, 2001. Hénaff-Madec Rozenn, Enquête médico-légale sur le naufrage du H. L. Hunley, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2009. Kennedy Maev, « Incisor raiding : Viking marauders had pattern filled into their teeth », in The Guardian, 04/07/2011. Lamendin Henri, Petites histoires de l’art dentaire d’hier et d’aujourd’hui, L’Harmattan (éd.), Collection Ethique médicale, Paris, 2006. Lewino Frédéric, « Le Point de la semaine – Sciences », in Le Point, 2024, 30/06/2011, p. 30. Monier Thibault, « Retour sur l’étude paléopathologique de la momie de Ramsès II au muséum d’Histoire naturelle (Paris) : 1976-1977 », in Actes du 1er Colloque Internationale de Pathographie 2005, De Boccard (éd.), Paris, 2006, pp. 151-157. Picq Pascal, Les origines de l’Homme ; l’odyssée de l’espèce, Tallandier (éd.), Paris, 1999. Riaud Xavier, Quand la dent mène l’enquête…, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2008. Riaud Xavier & Janot Francis, Odontologie médico-légale : entre histoire et archéologie, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2010 (passage tiré du chapitre écrit par le Pr. Francis Janot intitulé « La marque révélatrice d'une profession portée par l'organe dentaire de la momie de Grenoble », pp. 89-97).

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De Toumaï aux australopithèques : description de la face, de la mandibule et des dents Les différents processus évolutifs ont entraîné, dans la lignée hominoïde, la régression de caractères morphologiques simiens. La lignée humaine, quant à elle, se caractérise, par : • La position érigée ; • Le développement de la boite crânienne au détriment de la face ; • Un prognathisme moins marqué ; • L’absence de crêtes et de bourrelets ; • Un trou occipital en position antérieure ; • Un maxillaire inférieur en forme de U ; • Des canines moins proéminentes. Les hominidés constituent la transition entre les deux lignées, simienne et humaine, certaines espèces ayant des caractéristiques morphologiques plutôt humaines, d’autres des caractéristiques plutôt simiennes. L’Homo sapiens, dernier représentant de cette lignée, est le seul à être considéré comme un homme moderne. Toumaï (Sahelanthropus tchadensis) 7 millions d’années. Pour le moment, seul, le crâne et la mâchoire inférieure sont connus. Aucun autre reste du squelette n'a été récolté. En fonction des éléments connus de la tête osseuse, on peut envisager une taille proche de celle du chimpanzé : 0,7 à 1 mètre, voire 1,70 mètre debout.

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L’absence de restes osseux des membres ne permet pas de dire si Toumaï était bipède, mais la position avancée et plus centrale du trou occipital laisse supposer une prédisposition possible à la bipédie (9). La capacité cérébrale faible, environ 350 cc, est comparable à celle des chimpanzés actuels. La crête sagittale médiane est petite et postérieure. Le crâne est caractérisé par une face haute, peu prognathe dans sa partie inférieure (sub-nasale), avec un bourrelet supra orbitaire dense, large et continu. La partie supérieure de la face est large, comparée à la partie inférieure qui est courte et étroite mésio-distalement. Le maxillaire présente une fosse canine marquée (12). La cavité glénoïde est prononcée. L’arcade dentaire est petite, étroite et en forme de U avec des dents jugales (molaires, prémolaires) plus petites que celles des Australopithèques (10). Le corpus mandibulaire est robuste et de faible hauteur. Le foramen mentonnier est large et s’ouvre entre la deuxième prémolaire, et la première molaire, dans la moitié inférieure du corpus (12). Les incisives sont de petite taille. L’incisive centrale maxillaire notamment montre un sillon marginal distinct ainsi que de nombreux tubercules sur la face linguale. Les canines ont des couronnes sensiblement de la même hauteur que celles des autres dents, à l’inverse des grands singes chez qui elles sont beaucoup plus hautes. Chez ces derniers, la canine maxillaire avec sa couronne très haute entre en occlusion avec la première prémolaire mandibulaire qui présente alors une facette d’usure : la facette aiguisoire qui n’existe pas chez les humains (10). Toumaï a des canines maxillaires de petite taille, coniques et usées à la pointe. La canine maxillaire a un diamètre mésiodistal supérieur au diamètre vestibulo-lingual. La canine mandibulaire de Toumaï présente une usure située uniquement au dessus du tubercule distal, ce qui implique un complexe canine-prémolaire non tranchant, c’est-à-dire sans facette aiguisoire sur la prémolaire. Elle a aussi un large tubercule

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distal. Il n’y a pas de diastème entre la canine et la première prémolaire mandibulaire. Les prémolaires maxillaires et mandibulaires ont deux racines distinctes et trois canaux pulpaires. La première prémolaire a une racine mésiovestibulaire et une racine distale. La seconde prémolaire a une racine mésiale et une autre distale. Dans les deux cas, c’est la racine distale qui présente deux canaux. Les molaires ont des cuspides arrondies et de faible hauteur, avec des faces linguales bombées. La troisième molaire maxillaire est plutôt triangulaire, tandis que la troisième molaire mandibulaire est rectangulaire et arrondie distalement. Elles sont de taille modérée, proche de la taille des molaires de l’homme moderne, la deuxième molaire étant la plus grande. Les molaires maxillaires ont trois racines, deux vestibulaires et une palatine, cette dernière étant large et allongée mésiodistalement. Les molaires mandibulaires ont deux racines, une mésiale et une distale, la racine mésiale ayant deux canaux, la distale seulement un (11). L’épaisseur maximale de l’émail est moyenne. Elle est comprise entre celle des grands singes (1,6 mm) et celle de l’homme (2,5 mm) (12). Orrorin tungenensis 6 millions d’années. De Orrorin, n’ont été retrouvés que six dents, un fémur, des phalanges et deux fragments de mâchoire. L’étude de ces indices permet de dire qu’Orrorin était bipède, son fémur étant plus long que celui de Lucy, mais qu’il utilisait aussi la suspension dans les arbres, sa phalange étant longue et incurvée. Orrorin présente des caractères d’hominidés aussi bien que des caractères simiens (13). La branche horizontale de la mandibule est haute et étroite. L’incisive maxillaire présente une facette d’usure inclinée lingualement. Elle est robuste, massive avec un diamètre mésiodistal large. La face labiale est verticale et légèrement convexe dans le sens mésio-distal. La ligne cervicale est ovale. La face

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palatine est planaire et fortement inclinée de l’apex au bord cervical. Elle ne présente pas de sillons linguaux. La canine maxillaire est de taille modeste, nettement inférieure à celle des grands singes. Elle est triangulaire en vue labiale. Elle présente un renflement cervical qui n’est cependant pas un vrai cingulum. Le sillon mésial vertical est peu profond et étroit. L’apex est pointu. Il n’y a pas de crête linguale. La canine mandibulaire présente un tubercule distal. Il n’y a pas de diastème à la mâchoire inférieure. La prémolaire mandibulaire présente une ligne occlusale ovoïde, étroite mésio-distalement, avec deux racines excentrées. Il manque de l’émail sur les faces antérieure et linguale. La fovéa distale est large. La cuspide vestibulaire est plus saillante que la cuspide linguale. Deux crêtes partent du sommet pointu de la cuspide vestibulaire, côtés lingual et distal. La troisième molaire présente une fovéa disto-palatine. La surface linguale est verticale et dépourvue de cingulum. Les cuspides linguales sont pointues malgré une surface occlusale modérément plissée. La cuspide vestibulaire est plus saillante que les cuspides linguales. La ligne occlusale est presque triangulaire. L’usure avancée rend les détails de la couronne imprécis. Les racines sont longues. La taille des molaires est identique à celle de l’homme moderne. L’épaisseur de l’émail est de 3,1 mm (42). Ardipithecus ramidus Vivant il y a 5,5 à 4,5 millions d’années, Ardipithecus fait partie d’une lignée d’hominidés située entre les Paninés et les Homininés. Il était de plus petite taille que l’Australopithèque. Les aspects physiques de cet individu montrent un nombre important de caractères primitifs provenant probablement du dernier ancêtre commun à l’homme et au chimpanzé, mais il présente aussi des caractères propres aux hominidés. Les pièces osseuses crâniennes retrouvées (dents, fragment de mandibule, os de la base de crâne) indiquent clairement une

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position antérieure du foramen occipital. Le crâne se trouvait donc au-dessus de la colonne vertébrale, et non en avant de celle-ci, indiquant que, s’il ne pratiquait pas la bipédie telle qu’elle est comprise aujourd’hui, il avait en tous cas les atouts pour y arriver. La cavité articulaire de l’articulation temporomandibulaire est plate et ne présente quasiment pas d’éminence articulaire. La dentition présente des caractéristiques plutôt simiennes et il semblerait que cet hominidé ait eu des habitudes alimentaires différentes de celles des autres hominidés. Les dents antérieures sont relativement larges et présentent un faible rapport « bloc incisivo-canin/bloc prémolo-molaire ». Ce qui est typique des autres hominidés est absent ici chez l’Ardipithecus. Les incisives sont plus larges que celles des Australopithèques, mais moins larges que celles des chimpanzés, ce qui peut être considéré comme une étape de transition. Les canines, elles, ressemblent à celles des hominidés. Elles sont de taille réduite, arrondies et peu projetées en avant, mais légèrement moins incisiformes que celles de l’Australopithèque afarensis. La canine maxillaire est large dans le sens vestibulo-palatin, contrastant en cela avec les grands singes africains dont les canines sont larges dans le sens mésio-distal. Les facettes d’usure diffèrent aussi significativement de celles des grands singes. La morphologie des prémolaires montre des ressemblances avec celle des ancêtres des grands singes. La première prémolaire maxillaire a des caractères primitifs. En effet, sa cuspide vestibulaire est haute et allongée mésio-distalement. Les deux prémolaires maxillaires ont, sur la face occlusale, une crête transverse antérieure très proéminente. Sur la première prémolaire, cette crête définit une portion triangulaire comme chez les singes.

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La couronne de la première prémolaire mandibulaire est fortement asymétrique avec la cuspide vestibulaire large. La face linguale de cette cuspide est large et très pentue, et présente une crête transverse orientée disto-lingualement. La base de la couronne présente une forte protubérance mésio-vestibulaire. La prémolaire est de petite taille, comparée à la taille de la seconde prémolaire et à celle de la première molaire. La seconde prémolaire mandibulaire a une crête transverse proéminente et la partie disto-linguale de sa face occlusale est peu développée. Les molaires sont de forme simienne avec un rapport « diamètre mésio-distal/diamètre vestibulo-lingual » supérieur à 1. Chez les hominidés, ce rapport est proche de 1. Par ailleurs, les molaires mandibulaires sont plus larges que celles d’un singe de même taille, ce qui semble rapprocher l’Ardipithecus ramidus de la condition humaine (52). L’émail est de faible épaisseur. En fait, elle est extrêmement faible selon les standards des hominidés et serait identique à celle des grands singes : 1,6 mm (13). Les Australopithèques Les Australopithèques constituent la première expansion connue de notre lignée. Ils ont vécu, il y a 4.2 à 2.5 millions d’années. Ils étaient bipèdes, mais continuaient à utiliser la suspension dans les arbres. Leurs mâchoires étaient développées et leurs dents robustes. Australopithecus anamensis 4,2 à 3,9 millions d’années. C’est le plus ancien Australopithèque connu. Aussi appelé Australopithèque du lac, l’Australopithecus anamensis présente à la fois des caractères morphologiques primitifs et plus avancés. Il était indubitablement bipède. En effet, la portion distale du tibia est épaisse dans les régions soumises à de fortes pressions lors de la locomotion bipède et l’orientation de la tête fémorale

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indique clairement l’utilisation de la marche bipède. Sa bipédie est plus évoluée que celle d’Australopithèques plus récents (14). L’espèce a conservé un squelette facial simien, mais présente aussi un squelette du crâne en postérieur plutôt développé et plus ou moins typique des hominoïdes. Le palais est peu profond et étroit. Le corps de la mandibule est robuste surtout dans sa partie antérieure. La mandibule, longue et étroite, montre un prognathisme important. Le grand axe de la symphyse est très incliné vers l’arrière, ce qui fait que la surface mentonnière s’étend jusqu’à la première molaire et ne s’incline que légèrement au niveau des alvéoles incisives. Le foramen mentonnier est centré entre les 2 prémolaires (2). L’appareil dentaire est nettement simien avec des canines plutôt grandes, des arcades dentaires parallèles, non paraboliques et resserrées, des prémolaires et des molaires asymétriques. Les incisives sont aussi développées que les canines et ont des racines robustes. La canine mandibulaire est large et asymétrique. Sa racine est robuste et placée dans un axe mésiovestibulaire à disto-lingual. Il y a un diastème entre la canine et la première prémolaire mandibulaire. La première prémolaire mandibulaire est très asymétrique. Sa racine montre une section triangulaire avec une racine distale large et une racine mésio-vestibulaire aplatie dans le sens vestibulo-lingual. La surface occlusale a la forme d’un triangle aux angles arrondis. La cuspide principale est vestibulaire et centrée sur la face. Les facettes d’usures ne sont pas clairement marquées, mais la cuspide principale et la crête marginale distale présentent des usures. Il n’y a pas de cuspides linguales nettes. La face linguale est plutôt plate et l’émail y est fin comparé à l’émail de la face vestibulaire. La face vestibulaire est très pentue, ce qui s’explique par la position centrée de la cuspide. La face distale est ovale et plate, et présente un point de contact avec la deuxième prémolaire. On ne voit pas de point de contact avec la canine.

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La face occlusale de la deuxième prémolaire mandibulaire forme un parallélogramme dont l’angle disto-lingual est aigu et l’angle mésio-lingual, obtus. La couronne est usée et des points de dentine sont visibles sur les deux cuspides principales, ainsi que vestibulairement sur la crête marginale distale. La face interproximale mésiale est ovale et concave. La face interproximale distale est plate et à la forme d’un parallélogramme arrondi avec l’angle supérieur lingual et celui inférieur vestibulaire aigus. La face vestibulaire est convexe verticalement et mésio-distalement, la convexité étant particulièrement définie au niveau de la ligne cervicale. Comme sur la première prémolaire, des sillons mésiaux et distaux séparent les crêtes marginales de la cuspide vestibulaire principale. La face linguale est convexe. Les molaires ont un grand diamètre vestibulo-lingual conduisant à un plus petit rapport « longueur/largeur », caractère qui est observé chez l’Ardipithecus ramidus et l’A. afarensis. La première molaire maxillaire a une forme trapézoïdale. Elle présente trois cuspides équivalentes plus une plus petite disto-linguale. Les deux cuspides vestibulaires sont mésiales par rapport aux deux cuspides linguales. Le sillon central est interrompu par une crête allant de la cuspide mésio-linguale à la cuspide disto-vestibulaire (pont d’émail). Le sillon vestibulaire, peu profond, rejoint un bassin entre les deux cuspides mésiales et le sillon lingual plus apparent, quant à lui, rejoint la fovéa postérieure. Des sillons accessoires descendent des pointes cuspidiennes. La face vestibulaire est plate, mais les cuspides vestibulaires sont très convexes. La deuxième molaire maxillaire présente probablement une face occlusale trapézoïdale et a un angle disto-vestibulaire réduit. Elle est arrondie et polie sans présenter de dentine apparente. La cuspide mésio-vestibulaire est la plus haute et les cuspides mésio et disto-linguales, usées, sont de même hauteur. La cuspide mésio-vestibulaire est aussi plus pointue que les cuspides linguales, mais les restes de la cuspide mésio-linguale

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font penser qu’elle aussi était pointue. Un profond sillon vestibulaire et une petite fovéa mésiale semblent se rejoindre dans le sillon central. Elle a trois racines. La racine mésiovestibulaire est aplatie mésio-distalement et striée distalement. Elle s’incurve lingualement à l’apex. La racine linguale est aplatie vestibulo-lingualement et présente un sillon sur la face linguale. Les faces vestibulaire et linguale présentent des sillons, le sillon vestibulaire étant profond et rejoignant presque le col cervical. La face occlusale de la troisième molaire est ovoïde. Elle présente cinq cuspides, la principale étant la mésio-linguale. Le sillon central est rejoint par un sillon lingual profond et forme une cuvette en forme de L. Celle-ci est rejointe par des sillons accessoires provenant du sommet des cuspides principales. Les faces vestibulaire et linguale sont légèrement convexes. La face vestibulaire est inclinée lingualement vers la face occlusale et la face linguale est fortement inclinée vestibulairement vers la face occlusale, ce qui rapproche les sommets des cuspides. Le sillon lingual est profond et a la forme d’une fissure en V. Une dépression superficielle remplace un sillon sur la face vestibulaire. La face distale est convexe et présente un sillon séparant la cuspide disto-vestibulaire de la cinquième cuspide distale. La première molaire mandibulaire a un contour carré. La face interproximale mésiale a la forme d’un ovale allongé légèrement concave. Les cuspides sont de taille équivalente, mise à part la cinquième cuspide distale qui est plus petite. Les cuspides linguales sont plus pointues que les cuspides vestibulaires. La face occlusale présente une longue fovéa antérieure dont l’extrémité linguale s’enroule autour de la cuspide mésio-linguale. Cette fovéa est en continuité avec le sillon central qui est lui-même rejoint par de profonds sillons vestibulaires et linguaux. Des sillons accessoires vont des pointes cuspidiennes au sillon central. La face vestibulaire est fortement inclinée lingualement vers la face occlusale. La face linguale est relativement verticale et légèrement convexe.

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La deuxième molaire mandibulaire a une face occlusale en forme de carré arrondi. Les cuspides présentent un schéma en Y5, le sillon central étant rejoint par un sillon lingual moins marqué. La couronne présente un renflement basal sur toutes ses faces. La face linguale est légèrement convexe et divisée par un sillon peu profond. La face vestibulaire est convexe. Les deux racines s’angulent distalement, la racine distale s’angulant aussi vestibulairement (33). L’émail est épais (2,4 mm) (19). Le plan d’usure est incliné, ce qui constitue un signe archaïque. Australopithecus afarensis Le plus célèbre représentant de cette espèce est bien évidemment Lucy qui vivait il y a 4,1 à 3,0 millions d’années dans un milieu arboré et humide. Bien qu’il ait été bipède, les phalanges recourbées, ainsi que la morphologie de la clavicule font penser que le bras n’était pas totalement dégagé de sa fonction locomotrice (29). L’Australopithèque afarensis a un front étroit et incliné avec un bourrelet saillant au-dessus des orbites. L’extrémité latérale du bourrelet supra-orbitaire est épaisse dans le sens vertical et le toit du bourrelet forme une pente régulière avec le front qui est lui-même épais. Les mâles disposent d’une crête sagittale médiane. Il présente un prognathisme alvéolaire marqué dû à la forme de la calvaria et au processus zygomatique qui débute en regard de la deuxième prémolaire et de la première molaire. Le prognathisme sub-nasal est aussi important, la partie nasoalvéolaire se projetant en avant des canines. L’arcade zygomatique est arrondie et est peu projetée en avant. Elle n’est pas très robuste. Le palais est peu profond et long (29). Le maxillaire présente une fosse canine. Le clivus naso-alvéolaire est convexe (2). La mandibule est robuste, la branche horizontale, large et haute, et la branche montante, développée. En vue latérale, elle présente une proéminence située sous la première molaire. Le foramen mentonnier est au milieu du corpus, sous la deuxième prémolaire et à 25 mm de la crête

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alvéolaire. Il s’ouvre en haut et en avant. La partie médiane du corpus présente un torus important situé au milieu du corpus sur la face linguale. La symphyse mandibulaire est plate et inclinée vers l’arrière. Cette inclinaison est variable chez l’A. afarensis et évolue de quasiment verticale à modérément inclinée vers l’arrière. La morphologie de la symphyse est aussi variable, d’étroite et pointue, à bulbeuse et arrondie. La partie en arrière de la canine est biconcave. La fossette génio-glosse est bien définie et de forme circulaire. L’articulation temporomandibulaire présente des reliefs peu marqués. Le tubercule articulaire est à peine suggéré et sa concavité est très faible. Le tubercule zygomatique antérieur et le processus entoglénoïdien sont développés. La fosse mandibulaire forme un sillon étroit et peu concave. Le processus post-glénoïdien est grand et très saillant. Sur le plan occlusal, la ligne prémolo-molaire est droite, les dents formant un léger angle avec le procès alvéolaire. Le jugum de la première prémolaire marque la transition entre la symphyse et le corpus (53). Les dents antérieures sont larges,- parmi les plus larges connues chez les hominidés d’ailleurs -, spatulées et ressemblent à celles des chimpanzés, bien que plus étroites vestibulo-lingualement. La principale différence réside dans le fait que l’incisive centrale est plus grande que la latérale. L’incisive centrale mandibulaire présente un léger chanfrein lingual prés du bord occlusal, le relief lingual étant très peu marqué. Les canines gardent le caractère primitif différenciant leur taille selon le sexe, les mâles se distinguant par des canines plus grandes plus longues et plus fuselées. Elles sont cependant de taille réduite par rapport aux critères simiens. Les canines maxillaires ont deux facettes d’usure et le jugum canin est proéminent. La canine mandibulaire a un plan d’usure occlusal tournant abruptement au milieu de la couronne pour s’incliner vers l’arrière à 45 degrés. Ce plan d’occlusion se forme par contact

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avec le bord incisif mésial de la canine maxillaire. Les arcades dentaires sont parallèles en arrière des canines. Un diastème incisives latérales-canines maxillaires et un diastème caninesprémolaires mandibulaires existent (34). La première prémolaire mandibulaire a la cuspide vestibulaire plus gonflée et nettement séparée de la cuspide palatine par une fissure. La fovéa antérieure située à l’angle mésio-lingual est mal définie et est circonscrite par une fine crête marginale. La face linguale est plate chez certains individus, mais le plus souvent, elle est bombée, ce qui explique la proéminence de la cuspide linguale. La face vestibulaire n’est que légèrement inclinée. La face distale présente une surface de contact qui aplatit le profil de cette face. Elle possède deux racines distinctes, une vestibulaire et une disto-linguale. Ces racines présentent un schéma dit « molarisé ». Chaque racine n’a qu’un canal pulpaire. La deuxième prémolaire est très asymétrique et a deux racines, une mésiale et une distale (50). Les molaires sont de taille ascendante, la troisième molaire est de forme triangulaire. La première molaire mandibulaire est carrée et présente une usure distale marquée par des points de dentine apparente. La deuxième molaire mandibulaire est très asymétrique. Les racines des molaires sont en dents de scie. Les cuspides des molaires mandibulaires ne sont pas très gonflées. Toutes les molaires mandibulaires ont deux racines, une distale et une mésiale. Les racines sont de longueur équivalente. La racine distale est inclinée vestibulairement et présente un ou deux canaux radiculaires (49). L’émail est épais (2,4 mm) (19).

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Reconstitution d’un crâne d’Australopithèque afarensis (vue de ¾ face) (56).

Reconstitution d’une mandibule d’Australopithèque afarensis (vue de dessus) (56).

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Reconstitution d’un palais d’Australopithèque afarensis (vue de dessous) (56).

Kenyanthropus Platyops 3,5 à 3,0 millions d’années. Vivant dans une savane plus ou moins ouverte, il était contemporain2 de l’Australopithèque, mais appartenait à une lignée différente. Seul, un crâne partiel a été retrouvé, composé de deux parties : la voûte crânienne à laquelle il manque la plupart de la base crânienne et le squelette facial auquel il manque les prémolaires, les couronnes des dents antérieures et la racine de l’incisive droite. La voûte crânienne a été déformée par des phénomènes géologiques. Le squelette facial est mieux préservé, mais montre quand même une déformation de la zone nasale, un déplacement antérieur de la canine droite et une expansion des procès alvéolaires et zygomatiques. Son front est étroit et incliné. Il ne présente pas de bourrelet supra-orbitaire saillant. Sa face est plate et plane. L’orifice nasal est petit et étroit. La région malaire est vaste avec une crête zygomatique basse et incurvée. Le méat auditif externe est étroit. Le clivus nasoalvéolaire est plat. Le maxillaire ne présente pas de fosse canine. Le prognathisme sub-nasal est modéré avec un clivus 2

Contemporain de l’Australopithèque, il n’en est pas un. Toutefois, contemporain de celui-ci, il me semblait important de ne pas l’omettre et de le citer dans cette rubrique. Ce choix est bien sûr discutable, mais ma volonté a été avant tout d’être exhaustif.

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très vertical. La fosse mandibulaire est peu profonde et l’éminence articulaire est cylindrique avec un profil sagittal légèrement convexe. Les incisives sont développées avec des racines droites et de même taille. Les alvéoles incisives sont alignées coronairement, en avant de la ligne bicanine. Les canines sont peu développées et la petite taille de la racine de la canine se traduit par l’absence de fosse canine. Les prémolaires ont 3 racines bien distinctes, une linguale et deux vestibulaires. Les deuxièmes molaires ont une couronne particulièrement petite et étroite dans le sens vestibulo-lingual. Ses dents sont plus petites que celles de l’Australopithèque, ce qui implique une alimentation, et donc une niche écologique différente, de celle de ce dernier. L’épaisseur de l’émail est comparable à celle des dents de l’Australopithecus anamensis et de l’Australopithecus afarensis (2,4mm) (32). Australopithecus africanus Il vivait il y a 3,5 à 2,5 millions d’années en Afrique du Sud, dans un milieu arboré et humide. Son front est étroit et incliné, et présente un bourrelet supra-orbitaire en quasi-continuité avec le temporal. Ce bourrelet a deux parties distinctes : une partie supra-orbitaire et une partie sourcilière. La partie sourcilière est plus épaisse que la partie supra-orbitaire (16). La partie moyenne de la face est concave de haut en bas, mais plate transversalement. Le processus zygomatique du maxillaire, le zygomatique et la partie antérieure du masséter ont avancé créant ainsi la proéminence zygomatique. La racine du processus zygomatique du maxillaire se situe en regard de la deuxième prémolaire (37). Les piliers antérieurs du maxillaire sont proéminents et de section triangulaire. Les bords latéraux des piliers forment une marche séparant l’ouverture nasale de la région infra-orbitaire. Ils délimitent un sillon maxillaire qui est en continuité avec le foramen infra-orbital en haut et la fosse canine en bas. Cette dernière est peu marquée. L’ouverture nasale est élargie et présente une épine nasale antérieure peu

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développée, et arrondie (38). L’A. africanus présente un faible prognathisme alvéolaire, mais un fort prognathisme sub-nasal. Le clivus naso-alvéolaire est plat et la partie naso-alvéolaire ne se projette pas en avant des canines (36). Son palais est profond et reculé sous la face, et ne se trouve plus en avant de celle-ci. Les arcades dentaires sont en forme de U. L’arc est peu marqué antérieurement et les arcades sont légèrement divergentes postérieurement (38). La mandibule est robuste avec une symphyse haute, renforcée et peu inclinée vers l’arrière. La branche horizontale est large et haute. La branche montante est, quant à elle, haute. La fosse mandibulaire de l’articulation temporomandibulaire est peu marquée et forme une gouttière qui est plus large, et plus concave que chez l’A. afarensis. Le tubercule articulaire est modérément saillant. Le processus entoglénoïdien n’est pas très développé et est situé en arrière du tubercule articulaire. Le processus post-glénoïdien est bien développé (34). Les incisives sont réduites et resserrées, l’incisive latérale étant plus petite que la centrale. Les canines sont réduites, mais restent plus saillantes chez les mâles et elles ont des racines robustes, et longues surtout au maxillaire. Elles n’ont pas d’arêtes coupantes et l’usure se fait surtout à la pointe. Au maxillaire, le jugum canin est marqué. Il y a parfois un petit diastème entre la canine et la prémolaire mandibulaires (40). Les dents rétro-canines sont plus larges, avec des cuspides plus bombées et un émail plus épais que chez l’A. afarensis. Les prémolaires sont symétriques et toujours bicuspides, les deux cuspides vestibulaire et linguale étant à peu près similaires en taille. La deuxième prémolaire est plus large que la première. Les premières prémolaires mandibulaires ont une seule racine, mais elle présente un fort sillon sur la face mésiale. Ce sont probablement deux racines qui ont fusionnées (48). Les secondes molaires mandibulaires ont deux racines. Les molaires sont larges, de taille croissante de la première à la troisième et

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leurs cuspides sont modérément gonflées (50). L’émail est très épais (2.9 mm) (51). Ce schéma de grandes dents semble avoir été influencé par le régime alimentaire et le cycle masticatoire de l’Australopithecus africanus qui semble avoir été similaire à celui des groupes modernes de chasseurs-cueilleurs. Le régime alimentaire de l’A. africanus variait avec les saisons, mais restait principalement frugivore avec des graines et des objets durs à mastiquer (42).

Reconstitution d’un crâne d’Australopithèque africanus (vue de face) (56).

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Australopithecus africanus du Sterkfontein (vue de face) (56).

Australopithecus bahrelghazali Aussi dénommé Abel, il vivait il y a 3,5 à 3,0 millions d’années à l’ouest du Rift, dans un milieu arboré et humide. Il n’a été retrouvé de lui que la partie antérieure de la mandibule et sept dents. L’arcade dentaire est parabolique. Le foramen mentonnier est en position basse. La mandibule est robuste, mais raccourcie en avant. La symphyse presque verticale le différencie des autres australopithèques. La surface mentonnière est plutôt plate et la surface alvéolaire linguale, courte et verticale. Ces caractéristiques indiquent que sa face est moins prognathe que chez les autres australopithèques. L’incisive a une couronne haute et de longues racines. Elle est de forme quasi humaine. La canine présente une forte crête linguale, mais dispose d’une couronne très asymétrique et incisiforme. Elle est à peine plus longue que les autres dents. Il y a un diastème réduit entre la canine et la prémolaire inférieure. Celui-ci ne permet pas le passage de la canine supérieure. Les prémolaires ont trois racines et sont très

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« molarisées ». La première prémolaire possède deux cuspides. Sa cuspide linguale est développée. La seconde prémolaire est quadrangulaire et ressemble presque à une molaire (11). Les molaires sont développées avec un émail épais.

Australopithecus gahri Aussi appelé Australopithèque « surprise », il vivait il y a 2,5 millions d’années en Ethiopie. Il a été surnommé ainsi, car ses dents antérieures ressemblent à celles de l’A. afarensis, mais ses dents postérieures sont plus robustes. De plus, il semble qu’il utilisait des outils pour dépecer ses proies. Son front est étroit et fuyant. La partie inférieure de la face est prognathe. La partie prémaxillaire est séparée du seuil nasal par une cloison arrondie et est transversalement, et sagittalement convexe. Son palais est peu profond et étroit. Les arcades dentaires forment un U et divergent légèrement en postérieur. Le maxillaire présente une fosse canine et le jugum canin et très marqué. La mandibule est robuste, la symphyse, haute, renforcée et inclinée vers l’arrière. La branche horizontale est large, haute et robuste. Les incisives sont grandes et inclinées vers l’avant. Les canines sont développées et asymétriques. Les racines des canines supérieures sont latérales par rapport aux orifices nasaux. Il y a un petit diastème entre la canine et la prémolaire inférieure. Les prémolaires sont peu « molarisées ». Elles ne sont pas « molarisées » chez l’A. afarensis. La première prémolaire est de forme ovalaire. Au maxillaire, elle est plus évoluée que celle de l’A. afarensis et de l’A. africanus. Elle présente un cadran occlusal mésio-vestibulaire réduit et une faible crête transversale. Le rétrécissement vestibulo-lingual des prémolaires et des molaires souvent constaté chez les premiers individus du genre Homo est absent (5). Les molaires sont très grandes, larges et robustes. Leur émail est épais (2,4 mm) (19). Les incisives développées ont sûrement servi à découper des morceaux de nourriture de grande taille, probablement des fruits et des tubercules. Les molaires larges à reliefs bas, arrondis et à

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émail épais font penser que la nourriture absorbée était coriace. Des restes de petits mammifères ont été parfois trouvés sur les sites. Peut-être étaient-ils végétariens avec une petite tendance omnivore ? Le dimorphisme sexuel marqué par des canines plus développées chez le mâle est un caractère qui s’atténue chez l’Australopithecus africanus et l’Australopithecus gahri. En se référant à la connaissance actuelle des singes, il est possible que cette atténuation soit liée à la formation de communautés incluant plusieurs mâles, des femelles adultes et leurs petits. Les mâles apparentés étaient probablement tolérants entre eux, mais agressifs envers les autres communautés (36).

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Les premiers Hommes Des changements climatiques entre 3,0 et 2,5 millions d’années ont fortement modifié le milieu. Une calotte polaire arctique s’est formée entraînant un assèchement du milieu en Afrique. Les arbres se sont raréfiés et ont été remplacés par des graminées. La forêt s’est donc transformée en savane à graminées. Les Australopithèques ont disparu. Les Paranthropes, ou Australopithecus robustus, et les premiers Hommes, ou Homininés de deuxième grade, sont apparus. Le genre Homo et le genre Paranthropus ont des tendances évolutives et adaptatives différentes, et divergentes. Chez le genre Homo, les dents diminuent de taille. Chez le genre Paranthrope, elles augmentent, quant à elles, de taille. Le cerveau augmente de volume. La main évolue, les phalanges se raccourcissent et sont plus robustes, et le pouce devient opposable. C’est à cette période qu’apparaît l’usage de la pierre taillée (42). Paranthropus aethiopicus 2,7 à 2,3 millions d’années. Son front est étroit et présente un large bourrelet sus-orbitaire. La crête sagittale médiane est très proéminente sur le sommet du crâne, pour ce qui concerne les mâles. La musculature nucale semble avoir été très puissante, ainsi que l’appareil masticatoire. La partie moyenne de la face est plus large que sa partie supérieure. L’arcade zygomatique est très évasée. Le processus zygomatique du maxillaire est très antérieur et a une taille, et une orientation entraînant un faciès plat, et évasé (1). Le clivus naso-alvéolaire est légèrement incliné et concave. Il y a une marche distincte entre la racine antérieure du processus zygomatique et le

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contour antérieur de la région sub-nasale (34). Le prognathisme alvéolaire est fort, ainsi que le prognathisme sub-nasal. La partie naso-alvéolaire se projette fortement en avant des canines. Le palais est peu profond, large et l’os est épais. Il est parcouru transversalement par un petit sillon et se resserre en postérieur. Les arcades dentaires sont en U et divergent. La mandibule est longue et robuste. La symphyse est haute, longue et inclinée vers l’arrière. La branche montante, quant à elle, est haute. L’articulation temporo-mandibulaire est de grande taille et peu profonde. Le tubercule articulaire est peu saillant. La fosse mandibulaire est étroite et peu concave. Le processus entoglénoïdien est très développé et très saillant. Le processus post-glénoïdien est situé en position médiane, ce qui est lié à l’expansion latérale de la racine postérieure de l’arche zygomatique. Par ailleurs, il est nettement détaché de l’os tympanique (34). Les incisives et les canines sont réduites, mais ont des racines larges. Au maxillaire, le jugum canin est présent, mais réduit. Il n’y a pas de diastème entre la canine et la première prémolaire (25). Les prémolaires sont larges, « molarisées » et présentent une augmentation de la longueur vestibulo-linguale. La surface occlusale de la première prémolaire est ovalaire. Les racines de la seconde prémolaire sont volumineuses (49). Les molaires sont larges, robustes et avec de grosses racines. Leurs cuspides sont très bombées (50). L’émail est épais (2,5 mm) (19). Les prémolaires et les molaires larges indiquent qu’il mastiquait une nourriture coriace.

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« Black Skull », crâne de Paranthropus Aethiopicus (vue de ¾ face) (56).

Homo habilis L’homme de l’Olduvai a vécu il y a 2,4 à 1,6 millions d’années dans une savane arborée et humide. Son squelette crânien est marqué par la présence d’une aire de Broca, qui est, chez l’homme moderne, l’aire du langage articulé. Sa main présente un pouce opposable (27). Son front est incliné et étroit, avec un bourrelet sus-orbitaire faiblement marqué. Sa face est plutôt gracile et modérément prognathe. Son prognathisme alvéolaire est réduit, tandis que le prognathisme sub-nasal est faible. Les parties moyenne et supérieure de la face sont de largeur équivalente (16). Le clivus naso-alvéolaire est plat et court. L’épine nasale antérieure est petite. Il n’y a pas de pilier antérieur de la face. Le maxillaire présente une fosse canine peu marquée. L’os zygomatique est de petite taille. Le processus zygomatique est bas sur le maxillaire. Sa racine est postérieure. Au niveau de la première molaire, il est orienté verticalement lorsque le crâne est placé dans le plan de Francfort (27). Le palais est étroit et profond, bien que réduit vers l’avant. La région incisive est individualisée par rapport à l’ouverture nasale et est légèrement proéminente par rapport à la région canine (16). La mandibule est parabolique avec une symphyse haute et peu inclinée, un

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corpus robuste et des branches montantes hautes. Le col du condyle est gracile et petit. L’articulation temporo-mandibulaire est relativement peu profonde. Le tubercule articulaire est assez saillant. La fosse mandibulaire forme une gouttière assez profonde et large. Le processus entoglénoïdien est très saillant et son apex est placé vers l’arrière. Le processus post-glénoïdien est volumineux et arrondi. Il est légèrement latéral (34). Les incisives sont développées alors que les canines sont réduites. La canine mandibulaire présente un sillon distal sur la face linguale. Le jugum canin au maxillaire est peu marqué. Les prémolaires ont deux cuspides et ne sont pas très « molarisées ». De plus, la première prémolaire et la seconde sont très ressemblantes. Toutes deux possèdent deux racines (49). Les molaires sont grandes, même si la troisième molaire est plus petite que les autres, surtout dans la dimension mésiodistale de la face linguale. Elles sont plus longues que larges et ont perdu leur caractère « mégadonte ». Les cuspides sont peu bombées (50). L’émail est épais (2,3 mm) (51).

Homo habilis de Koobi Fora (vue de ¾ face) (56).

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Homo habilis des gorges de l’Olduvai (vue de face) (56).

Homo rudolfensis Il a vécu il y a 2,4 à 1,7 millions d’années dans une savane arborée et ouverte. Sa capacité crânienne est plus développée que celle de l’Homo habilis. Son front est fuyant et n’a pas de bourrelet susorbitaire. Les mâles ne présentent pas de crête sagittale médiane. Sa face est plane, plutôt large et inclinée vers l’avant. La partie moyenne de sa face est la plus importante et la plus large. Son prognathisme alvéolaire est très faible et son prognathisme sub-nasal est modéré. L’os zygomatique est de plus grande taille que chez Homo habilis. Le processus zygomatique du maxillaire a une orientation postérieure quand le crâne est placé dans le plan de Francfort. L’ouverture nasale est étroite. La région incisive n’est pas individualisée par rapport à l’ouverture nasale. Le clivus naso-alvéolaire est plat. Il n’y a pas de pilier antérieur de la face. Le palais est profond, large et les arcades dentaires sont divergentes (43). La mandibule est robuste. La symphyse est haute, inclinée vers l’arrière et renforcée, point d’émergence de l’éminence mentonnière. Le corpus est haut, large et robuste. La branche montante est élevée. Le tubercule de l’articulation temporomandibulaire est plan et sa pente postérieure est continue. La fosse mandibulaire est profonde (34). Les incisives sont développées et les canines sont réduites.

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Le jugum canin au maxillaire est peu marqué. Les deuxièmes prémolaires sont « molarisées » (49). Les molaires sont grandes et de taille croissante, de la première à la troisième. Les cuspides sont bombées (50). L’émail est très épais (2.9 mm) (51). Il a été classé dans le genre Homo, en raison de la taille de son cerveau, le reste de ses caractéristiques étant plus proches de celles du genre Paranthrope. Paranthropus boisei 2,4 à 1,2 millions d’années. Il possède une crête sagittale proéminente, ainsi qu’un large bourrelet supra-orbitaire (1). Son front est réduit à un trigone incliné vers l’arrière. Le bourrelet supra-orbitaire est peu saillant, mais bien délimité (34). La face est en forme de coupelle et de faible hauteur. La partie moyenne est plus large que celle supérieure. Le prognathisme alvéolaire est réduit, mais le prognathisme sub-nasal est important. La zone zygomatico-maxillaire est antérieure (48). Il n’y a pas de marche entre la racine antérieure du processus zygomatique et le contour de la partie antérieure de la région sub-nasale. Il n’y a pas de pilier antérieur de la face. Le clivus naso-alvéolaire est concave et la partie naso-alvéolaire n’est pas projetée en avant des canines (34). Les arcades dentaires sont en forme de U et divergent en arrière. Le palais est de profondeur moyenne (1). La mandibule est robuste, avec une symphyse haute, large, verticale et renforcée de bourrelets osseux. La branche montante est très haute. La branche horizontale est haute, large et robuste. Le processus entoglénoïde de l’articulation temporomandibulaire se projette en bas et en arrière. La fosse articulaire est profonde, avec une éminence articulaire proéminente. Le processus post-glénoïde est latéral et presque fusionné avec l’os tympanique (34). Les incisives et les canines sont de taille réduites et forment une barre rectiligne. La couronne de la canine maxillaire est légèrement asymétrique. La face vestibulaire est convexe. La face palatine présente un cingulum proéminent et bas, ainsi que deux sillons, un mésial et un distal, le sillon distal étant plus développé et s’ouvrant sur une large

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fosse. La racine est rectiligne, longue et compressée mésiodistalement. Le jugum canin est peu proéminent (44). Les prémolaires sont larges et « molarisées » avec une expansion de la longueur vestibulo-linguale (49). Les molaires sont larges,jusqu’à quatre fois la largeur de celle des hommes modernes -, et de taille croissante, de la première à la troisième (55). Les cuspides sont bombées. Les racines sont robustes. La première molaire supérieure est de forme quadratique. Ses cuspides mésio- et disto-vestibulaires sont bien développées. Elle possède une cinquième cuspide distale de très petite taille. La troisième molaire maxillaire a une face occlusale de forme trapézoïdale. La cuspide mésio-palatine est très développée. La première molaire mandibulaire est asymétrique avec une partie disto-linguale développée (50). L’émail est très épais (3,1 mm) (51).

Paranthropus boisei des gorges de l’Olduvai (vue de profil) (56).

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Paranthropus boisei du site de Koobi Fora (vue de face) (56).

Paranthropus boisei du site de Koobi Fora (vue du palais) (56).

Paranthropus robustus 2,2 à 1 million(s) d’années. Il a eu probablement une bipédie plus marquée que celle des Australopithèques. La morphologie de ses mains est comparable à celle de l’homme moderne. Le Paranthropus robustus a manipulé et fabriqué des objets. Son crâne montre une crête sagittale proéminente. Le bourrelet supra-orbitaire est large et surmonté d’un sillon peu marqué. La partie moyenne de la face est plus large que sa partie supérieure.

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Le prognathisme alvéolaire est réduit, mais le prognathisme sub-nasal est fort. Le clivus naso-alvéolaire est concave. La partie naso-alvéolaire n’est pas projetée en avant des canines. Le palais est profond. Les piliers antérieurs de la face sont robustes. L’articulation temporo-mandibulaire est large et profonde. Le tubercule articulaire est très convexe, cylindrique et très saillant. La fosse mandibulaire, ou fosse articulaire de l’articulation temporo-mandibulaire, est profonde. Elle ressemble à une large gouttière dont la concavité antéropostérieure est large et bien marquée. Le processus entoglénoïdien est peu saillant et son apex est nettement placé postérieurement. Le processus post-glénoïdien est relativement petit. La symphyse mandibulaire est verticale (34). Les incisives sont de petite taille. Les canines sont de taille réduite comparée à celle des dents postérieures. Le jugum canin n’est pas très proéminent. Les prémolaires sont « molarisées » et ont une dimension vestibulo-linguale importante. Les prémolaires mandibulaires présentent deux racines, une mésiale et une distale, ou une seule racine marquée par un fort sillon (49). Les molaires sont volumineuses et leurs cuspides sont bombées. Les molaires mandibulaires ont deux racines, une mésiale et une distale. La racine mésiale est la plus importante sur la première molaire. Par contre, c’est la racine distale qui est plus importante sur la seconde et la troisième molaire. Cette dernière présente parfois trois racines (50). L’émail est épais (3,3 mm) (51). Les Paranthropes étaient bipèdes. Ils sont les derniers hominidés à avoir vécu aux côtés des hommes. Les hominidés étaient « mégadontes ». Ils avaient un régime omnivore, composé de nourriture coriace, mais nutritive, à base de fruits, de jeunes pousses et de petit gibier. Ils utilisaient aussi des bâtons pour collecter des racines. L’Homo habilis, quant à lui, était un chasseur et un charognard, mais il était aussi un omnivore. Il était bipède, mais restait lié aux arbres.

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La deuxième radiation des hominidés, H. habilis et H. rudolfensis, s’est produite vers 1.6 millions d’années, sûrement à cause d’un froid très intense (42). Homo ergaster 2 à 1 million(s) d’années. Son arrivée annonce le déclin des autres hominidés. Les Paranthropes, malgré tout, sont parvenus à survivre quelques temps. L’Homo ergaster est sorti d’Afrique et a gagné les franges méridionales de l’Eurasie. Il a transformé son environnement. Il ne s’est pas contenté d’en utiliser simplement les ressources. De grande taille, endurant, c’est un vrai chasseur, ce qui l’amène à suivre ses proies lors de mouvements migratoires. Il est non seulement bipède, mais il court aussi. Sa main a son pouce opposable. Son front est incliné et étroit. Le bourrelet supra-orbitaire est saillant et divisé en deux arches. La face est robuste et présente un prognathisme dans sa partie moyenne. L’ouverture nasale est large et les os du nez sont larges. Le palais est profond. Le maxillaire présente une fosse canine. Les arcades dentaires sont paraboliques et divergentes. La mandibule est renforcée de bourrelets osseux. La symphyse est haute et peu inclinée. Le corpus est haut et étroit. La branche montante est de hauteur modérée. Les incisives et les canines sont incisiformes et forment un arc régulier. Les prémolaires sont symétriques. Les molaires sont de taille moyenne, la troisième étant plus petite que la seconde (42). L’émail est épais (2,6 mm) (19).

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Crâne d’Homo ergaster (vue de face) (56).

Homo erectus Au sens large, le taxon Homo erectus représente tous les hommes fossiles situés entre 1.8 et 0.3 millions d’années. Au sens strict, il représente les formes asiatiques appelées aussi pithécanthropes ou hommes de Java, et sinanthropes ou hommes de Pékin. Il est caractérisé par un squelette hyper ossifié et massif, une diminution des muscles masticateurs et des pommettes massives, et plates. Son squelette moteur est identique à celui de l’homme actuel, mais il est hyper ossifié. L’Homo erectus a pratiqué la marche bipède, ainsi que la course. Au niveau de la main, le pouce était opposable aux autres doigts. Son front est fuyant et présente un bourrelet supra-orbitaire continu, et souvent épais. La face est robuste et présente un prognathisme de la partie moyenne. Par ailleurs, la partie supérieure de la face est plus large que chez les autres hominidés. La face a diminué en hauteur. L’ouverture nasale est relativement large et présente une épine nasale antérieure. Un véritable nez se forme. Le clivus naso-alvéolaire est convexe et la partie naso-alvéolaire ne

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se projette que très peu en avant des canines. Le palais est plus profond que celui de l’Homo habilis. La largeur du palais varie selon les régions. Les premières formes africaines ont un palais plus profond que large et les formes asiatiques, un palais plus large. Les arcades dentaires sont réduites, paraboliques et divergentes. Le maxillaire présente une fosse canine (47). La mandibule est robuste et présente des bourrelets osseux. La symphyse mandibulaire est haute et peu inclinée vers l’arrière. Le corpus est haut, mais peu large. La branche montante est de hauteur modérée. Le tubercule de l’articulation temporo-mandibulaire est bien dessiné, mais peu saillant. La fosse mandibulaire est large, mais peu concave. Le processus entoglénoïdien est très saillant avec un apex placé en arrière. Le processus postglénoïdien est large, mais peu saillant (34). Les variations au sein de l’espèce rendent en fait la description des dents difficiles. Les incisives, en forme de pelle, et les canines, incisiformes, forment un arc régulier. Par ailleurs, les incisives sont de petite taille. Les prémolaires et les molaires sont de plus petite taille que chez les prédécesseurs de l’Homo erectus, ce qui entraîne une diminution de la taille des mâchoires. Les prémolaires sont symétriques et elles disposent d’une ou de plusieurs racines. Les molaires sont de taille moyenne, la troisième molaire étant plus petite que la seconde. Les cuspides ne sont pas très bombées. Elles peuvent être étroites et longues, larges et longues, étroites, avec ou sans cuspides accessoires. L’Homo erectus a des dents qui présentent une surface occlusale plus petite et moins de racines que les premiers individus du genre Homo, mais ses couronnes sont plus larges et ses racines, plus complexes, surtout au niveau prémolaire, que chez les hommes modernes (4). L’émail est épais (2,4 mm) (19).

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Homo erectus (vue de ¾ face) (56).

Homo erectus (vue du palais) (56).

Homo heidelbergensis Il a vécu en Europe, il y a 0,8 à 0,3 million d’années. L’individu le plus caractéristique de l’espèce a été trouvé à Mauer, près d’Heidelberg en Allemagne. Son front est fuyant et présente un bourrelet supra-orbitaire important et divisé en deux arches. La face est gracile avec un prognathisme de la partie moyenne. Les pommettes sont

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orientées vers l’avant. Le palais est profond et les arcades dentaires sont paraboliques, et divergentes en postérieur. La fosse canine n’est pas très marquée. La mandibule est longue, robuste et renforcée de bourrelets osseux. La symphyse est inclinée vers l’arrière et présente deux tori sur sa face interne. Le corpus est robuste et la branche montante est basse, et large (46). Les incisives et les canines sont développées et verticales. Les canines sont incisiformes et le bloc incisivo-canin forme un arc régulier. L’incisive latérale maxillaire présente une face labiale légèrement convexe du bord cervical au bord incisif. La face palatine montre trois sillons longitudinaux nets. Le sillon distal, peu profond, marque la limite entre la crête marginale distale qui est marquée et une crête centro-distale bien développée. La crête marginale distale débute à l’angle occlusodistal et s’étend en cervical pour former une proéminence basale palatine. Le sillon central qui est plus profond sépare la crête centro-distale d’une crête centro-mésiale qui est moins proéminente. Ce sillon se termine au niveau de la proéminence basale et forme un début de fovéa palatine. Les deux crêtes centrales se terminent à proximité du bord incisif. Enfin, le sillon mésial sépare la crête centro-mésiale de la crête marginale mésiale qui est bien développée. Une échancrure rompt la continuité entre la crête marginale mésiale et la proéminence basale. Entre les crêtes marginales, la face palatine est concave, ce qui donne à cette dent une forme de pelle. L’incisive centrale mandibulaire présente, sur sa face linguale, des crêtes marginales mésiale et distale modérément développées qui se fondent avec la proéminence basale qui est basse. La face linguale est concave dans le sens mésio-distal. Le bord incisif n’est pas en forme de pelle. La face vestibulaire est légèrement convexe dans le sens vertical. Elle est fortement inclinée lingualement. La racine est fortement comprimée dans le sens mésio-distal et les faces mésiale, et distale présentent un sillon longitudinal large, et peu profond. Ces sillons distinguent la partie vestibulaire de la partie linguale de la racine.

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L’incisive latérale mandibulaire a, sur sa face linguale, des crêtes marginales mésiale et distale légèrement développées. Celles-ci se prolongent jusqu'à la proéminence basale qui est bien marquée. La partie située entre la proéminence basale et le bord incisif est légèrement concave mesio-distalement, donnant à cette dent une légère forme de pelle. La face vestibulaire est convexe verticalement et inclinée lingualement. La racine est comprimée mesio-distalement et montre de larges sillons longitudinaux mésial et distal qui différencient clairement la partie vestibulaire de la partie linguale de la racine. La canine maxillaire a une face occlusale aux contours ovoïdes. En vue palatine, la couronne est asymétrique tant dans l’angle de pente des crêtes marginales mésiale et distale que dans leur longueur, la crête distale étant plus longue et plus pentue, la crête mésiale, quant à elle, étant plus développée. La partie supérieure de la face palatine présente plusieurs sillons et des plis d’émail en direction occluso-cervicale. Les crêtes marginales se terminent cervicalement au niveau de la proéminence basale palatine qui est gonflée. Un sillon central sépare les crêtes centro-mésiale et centro-distale, qui sont larges et peu marquées, et qui dépassent à peine de la face palatine aplatie. Sa racine est aplatie mesio-distalement et montre deux larges sillons longitudinaux, un mésial et un distal. Ces sillons délimitent les parties vestibulaire et linguale de la racine, la partie vestibulaire étant la plus importante. La canine mandibulaire est de forme ovale. Sur la face linguale, les crêtes marginales sont bien développées, surtout la distale. Celle-ci est interrompue par un sillon qui rejoint le sillon longitudinal distal. Les deux sillons longitudinaux délimitent une large crête arrondie et médiane. Les trois crêtes linguales se rejoignent cervicalement pour former la proéminence basale. La face linguale est légèrement en forme de pelle. La face vestibulaire est fortement inclinée lingualement. La racine est comprimée dans le sens mésiodistal. La face mésiale seulement présente un sillon longitudinal qui délimite les parties vestibulaire et linguale de la racine.

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Le contour de la face occlusale de la première prémolaire maxillaire est un ovale comprimé mesio-distalement. La partie vestibulaire est plus large que la partie palatine. La cuspide vestibulaire est nettement plus importante que la cuspide palatine. Le sillon longitudinal médian coupe les crêtes marginales mésiale et distale, et s’étend légèrement le long de la face mésiale. Les crêtes marginales sont bien développées. Au niveau de la cuspide vestibulaire, elles sont délimitées par des sillons qui rejoignent le sillon médian, au niveau de la fovéa antérieure. En vue linguale, le sommet de la cuspide palatine est placé mésialement, avec le bord distal de cette cuspide plus long et moins incliné que le bord mésial. Le sommet de la cuspide vestibulaire lui est central. La face vestibulaire présente une proéminence basale développée, ce qui donne une inclinaison palatine à la face. La face palatine est plus verticale et a une proéminence basale moins développée. Le système radiculaire est unique, jusqu'à 5 millimètres en dessous de la ligne cervicale, puis les parties vestibulaire et palatine se séparent. Les deux racines restent liées par un pont de dentine. La seconde prémolaire maxillaire présente une face occlusale en forme de rectangle arrondi. La cuspide vestibulaire est plus volumineuse que la cuspide palatine. Le sillon médian est légèrement convexe et a un trajet sinueux. En vue linguale, le sommet de la cuspide palatine est clairement placé mésialement et le sommet de la cuspide palatine est plus central, mais, tout de même, reste mésial. La proéminence basale vestibulaire est moins marquée que sur la première prémolaire, mais celle-ci garde tout de même un aspect bulbeux. La face palatine présente aussi une proéminence basale développée. Les deux racines sont indépendantes et clairement séparées. La première prémolaire mandibulaire présente une forte projection de la partie disto-linguale de la couronne, alors que la proéminence basale de la face vestibulaire est plus développée mésialement. L’axe bucco-lingual est donc oblique par rapport à l’axe mésio-distal, ce qui fait que la dent est clairement

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asymétrique. Le sommet des cuspides vestibulaire et linguale est légèrement mésial, le sommet de la cuspide vestibulaire étant distal par rapport au sommet de la cuspide linguale. La cuspide vestibulaire, bien bombée, est clairement différenciée de la cuspide linguale. La crête centrale de la cuspide vestibulaire n’est pas interrompue par le sillon longitudinal médian. Elle se dirige disto-lingualement et se termine dans la fovéa postérieure qui est plus profonde que la fovéa antérieure. La crête marginale distale est large et contribue à former une cuspide accessoire disto-linguale marquée malgré tout. La proéminence basale de la face vestibulaire forme une marche. La face vestibulaire présente un sillon mésial large et profond, et un sillon distal peu marqué, et court. La proéminence et les sillons forment un cingulum. La seconde prémolaire mandibulaire a la forme d’un rectangle allongé vestibulo-lingualement. Le sommet de la cuspide vestibulaire est mésial par rapport au milieu de la face occlusale. Le sommet de la cuspide linguale, quant à lui, est mésial par rapport à la cuspide vestibulaire. La crête marginale distale est bien développée et forme une cuspide accessoire distale. La face vestibulaire présente une proéminence basale apparente. Les sillons mésial et distal sont moins visibles que sur la première prémolaire. Ils forment cependant avec la proéminence un cingulum. La partie supérieure de la face vestibulaire est fortement inclinée lingualement. Elle possède deux racines, une mésio-vestibulaire et une disto-linguale. La racine mésio-vestibulaire possède deux canaux pulpaires indépendants. Les molaires sont plus petites que chez ses prédécesseurs, la seconde molaire étant plus grande que la première et la troisième. La première molaire maxillaire a une topographie occlusale compliquée. Elle a la forme d’un carré arrondi. Les cuspides vestibulaires sont mésiales par rapport aux cuspides palatines. La cuspide principale est la cuspide mésio-palatine, puis viennent les cuspides distales, vestibulaire et linguale, la plus petite étant la cuspide mésio-vestibulaire. Un tubercule de

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Carabelli est présent sur la partie mésio-palatine de la cuspide mésio-palatine. Le pont d’émail est bien développé. Les faces palatines des cuspides vestibulaires sont légèrement convexes verticalement. Les faces mésiale et linguale de la cuspide mésio-palatine, et les faces palatine, et distale de la cuspide disto-palatine sont très bombées. La seconde molaire maxillaire a la forme d’un rectangle arrondi légèrement allongé en vestibulo-palatin. Les cuspides vestibulaires sont mésiales par rapport aux cuspides palatines. L’ordre décroissant d’importance des cuspides est : cuspide mésio-palatine, cuspide mésio-vestibulaire, cuspide distovestibulaire, cuspide disto-palatine. La surface occlusale est compliquée par la présence de nombreuses fissures secondaires et des plis d’émail. Le pont d’émail est interrompu par deux sillons qui définissent une petite fosse centrale. Les faces vestibulaire et palatine sont ridées de plis d’émail, surtout la face palatine de la cuspide mésio-palatine. Sur la partie mésiopalatine de cette cuspide, se trouve un tubercule de Carabelli. Les faces mésiale et palatine de la cuspide mésio-palatine, et les faces palatine, et distale de la cuspide disto-palatine sont assez bombées. Une proéminence basale développée est apparente sur la face vestibulaire de cette dent. La première molaire mandibulaire a la forme d’un rectangle arrondi légèrement allongé mésio-distalement. Les cuspides sont placées selon en schéma en Y, la cuspide principale étant la cuspide mésio-vestibulaire. La seconde molaire mandibulaire a la forme d’un rectangle arrondi légèrement allongé mésiodistalement. Les cinq cuspides principales suivent un schéma en Y. La cuspide mésio-vestibulaire est la plus importante. La seconde molaire mandibulaire est de taille supérieure à la première molaire. La troisième molaire mandibulaire est plus petite. La face vestibulaire est bombée. L’émail est épais. (7)

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Homo heidelbergensis de Kabwe (vue de profil) (56).

Mandibule d’Homo heidelbergensis de Mauer (vue de face) (56).

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Mandibule d’Homo heidelbergensis de Mauer (vue de dessus) (56).

Les migrations ont été rendues possibles grâce à un affranchissement de la dépendance aux arbres. Les caractéristiques de la lignée humaine se sont affirmées. La taille corporelle a augmenté et le volume cérébral également. La face et l’appareil masticateur ont diminué ainsi que le dimorphisme sexuel. L’évolution s’est inscrite dans le cadre d’une adaptation qui a reposé principalement sur la capacité à transformer les ressources de l’environnement. Le genre Homo s’est étendu dans des régions septentrionales et s’y est installé. Il y a environ 700 000 ans, le genre Homo est apparu en Europe. La classification s’est révélée incertaine et on a parlé de prénéanderthaliens. Il y a eu émergence, puis affirmation des caractères néanderthaliens. Le volume cérébral a augmenté, la face s’est projetée plus vers l’avant. Les arcades dentaires se sont avancées, ce qui a entraîné l’apparition d’un espace rétro molaire. Par ailleurs, la symphyse s’est verticalisée, sans qu’il y ait pour autant de véritable menton. Il n’y a pas eu de pommettes saillantes, ni de fosse canine (41).

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Le maxillaire s’est développé, ce qui a entraîné un aspect lissé de la face et le développement des sinus qui a lui-même entraîné une diminution des muscles masticateurs, et de la taille des dents. Homo neanderthalensis 350 000 à 35 000 ans. Il a un squelette robuste et sa bipédie est comparable à celle de l’homme moderne. Son front est incliné avec un bourrelet supra-orbitaire divisé en deux arches arrondies. La face est projetée vers l’avant dans les parties moyenne et supérieure. Les pommettes et la fosse canine sont effacées. L’arcade zygomatique est plate. Sa racine se situe très en arrière au niveau de la troisième molaire, alors que chez les pré-néanderthaliens, elle se situe en regard de la seconde prémolaire ou de la première molaire (26). La symphyse mandibulaire est verticale et présente parfois une esquisse de menton qui est alors fuyant. Le corpus mandibulaire est peu robuste et la branche montante est basse, et inclinée. Il y a un espace rétro molaire. La fosse articulaire est large, mais peu profonde (24). Les incisives et les canines sont développées et verticales. Les incisives sont larges, en forme de pelle. La face vestibulaire est très convexe. Le tubercule basal de la face linguale est proéminent. Les molaires sont de taille réduite et ont une grande cavité pulpaire (= taurodontisme). La seconde prémolaire mandibulaire présente une surface occlusale complexe et une face linguale asymétrique. La cuspide linguale est haute et bien développée. D’ailleurs, il y a plusieurs cuspides linguales, une crête transversale continue et des fissures en plus grand nombre que chez l’homme moderne. La cuspide linguale principale est plutôt mésiale (6). La première molaire maxillaire présente un tubercule de Carabelli sur sa face palatine. Les molaires mandibulaires sont caractéristiques. Elles présentent une fovéa antérieure large et profonde, bordée mésialement par une crête marginale basse et distalement par un pont d’émail. Contrairement aux molaires de

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l’homme moderne, les molaires mandibulaires présentent toutes un pont d’émail. La première molaire mandibulaire a cinq cuspides. La seconde molaire mandibulaire présente un schéma occlusal en Y5. Les 5 cuspides se repartissent autour de deux sillons occlusaux principaux qui se rejoignent en formant un Y. La troisième molaire mandibulaire est de forme rectangulaire. Son grand axe est l’axe mésio-distal. Le diamètre vestibulo-lingual se rétrécit en distal. La face occlusale présente cinq cuspides principales et une cuspide accessoire. Trois des cuspides principales sont vestibulaires, deux sont linguales et la cuspide accessoire est située sur la crête marginale distale. La présence de cette cuspide accessoire entraîne une diminution de taille et de forme de la cuspide principale disto-vestibulaire. La molaire a deux racines, la racine mésiale étant plus large et plate (3). L’émail est fin (1,6 mm) (19).

Homo neanderthalensis de Le Moustier (vue de ¾ face) (56).

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Homo neanderthalensis de La Ferrassie (vue de ¾ face) (56).

Homo sapiens L’homme moderne n’appartient qu’à une seule espèce : l’Homo sapiens. Il apparaît au début du Pléistocène récent, soit environ 120 000 ans. Deux grandes théories s’affrontent concernant son origine : - les polycentristes qui pensent que l’Humanité actuelle a eu plusieurs berceau. Des mutations seraient survenues chez les individus, à partir de l’Homo erectus, qui se sont, par la suite, regroupés grâce au nomadisme. - les monocentristes qui pensent que l’origine de l’homme moderne est africaine. Aucune de ces deux théories n’a jusqu’ici été confirmée (54). Ses pommettes s’orientent et surplombent les fosses canines qui sont très échancrées. Les os du nez se redressent. La mandibule est plus gracile, mais est renforcée. Un vrai menton apparaît. Les dents antérieures se développent, alors que les deuxième et troisième molaires diminuent de taille (16). En Asie continentale, l’homme moderne apparaît, il y a environ 70 000 ans. Il est sensiblement plus archaïque, mais

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présente aussi des caractères retrouvés dans des formes plus récentes. Ses incisives sont en forme de pelle. Sa face est aplatie dans sa partie moyenne et supérieure. Les mâchoires sont plus courtes et les dents sont plus petites, notamment les dernières molaires. En Asie du sud est et en Australie, l’arrivée de l’Homo sapiens n’est pas connue. La baisse du niveau de la mer a rendu certains territoires accessibles, alors qu’ils étaient jusqu’ici inoccupés par les hominidés. Cependant, malgré cette variation, l’Homo sapiens a dû utiliser des embarcations pour atteindre l’Australie. En effet, un bras de mer persistait autour de l’Australie. En Europe, l’homme moderne est très représenté. Il n’y a pas de preuve d’hybridation avec l’Homo neanderthalensis. Ces deux espèces ont sûrement cohabité, mais ne se sont pas mélangées. En Afrique, une continuité évolutive est objectivable depuis l’Homo sapiens jusqu'à l’homme anatomiquement moderne. Plusieurs populations ont migré jusqu’au Proche-Orient, ont de fait rencontré d’autres Homo sapiens et se sont mélangées avec ceux-ci. Ces populations ont ensuite migré vers l’ouest en Europe centrale, puis occidentale. Elles ont succédé aux Néanderthaliens après plusieurs millénaires de cohabitation (42). Peu importe le lieu de découverte des fossiles, certains caractères sont communs à tous les Homo sapiens. Le front est redressé et présente un faible bourrelet supraorbitaire divisé en deux arcs. La face est gracile. L’Homo sapiens est peu ou pas prognathe. Ses pommettes sont saillantes. Le palais est court, profond et arqué. La fosse canine est marquée. La mandibule est courte, large et gracile. La symphyse mandibulaire est verticale et renforcée par un menton. La branche montante est gracile et peu élevée (16). Les dents ont les mêmes caractéristiques que celles que nous connaissons aujourd’hui.

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Les incisives et les canines forment un arc harmonieux. L’incisive centrale maxillaire est presque aussi large que haute. Sa face vestibulaire est rectiligne. L’angle distal est plus arrondi que le mésial. Cette face présente deux sillons peu marqués. La face linguale est triangulaire. Elle présente deux fortes crêtes marginales mésiale et distale séparée par le cingulum. Au niveau du bord libre, les crêtes sont peu marquées. L’incisive latérale maxillaire est plus petite que la centrale. Elle présente les mêmes caractéristiques (sillons, crêtes) que la centrale, mais ces reliefs sont un peu plus visibles. L’incisive centrale mandibulaire est plus allongée. La face vestibulaire s’inscrit dans un trapèze dont la grande base est supérieure. La face linguale est plus étroite que la face vestibulaire. Elle présente des crêtes marginales mésiale et distale qui se fondent au niveau cervical en un cingulum. Le relief est assez effacé. L’incisive latérale mandibulaire est semblable à la centrale, mais est légèrement plus grande. La canine maxillaire est en forme de pointe. Le bord libre forme un V très ouvert dont la pointe est déportée vers le côté mésial. La face vestibulaire, convexe, porte deux sillons bien marqués. La face linguale est plus étroite que la vestibulaire. Elle présente, comme sur les incisives, deux crêtes marginales et un cingulum qui sont bien apparents. La canine mandibulaire est plus élancée et moins globuleuse. Le bord libre est aussi en forme de V. Sa pointe est déportée mésialement. Le relief de la face linguale est presque totalement effacé. Les prémolaires sont symétriques. La première prémolaire maxillaire est trapézoïdale. Elle présente deux cuspides très saillantes, la cuspide vestibulaire étant la plus forte. Les deux cuspides sont séparées par un profond sillon rectiligne qui présente à chaque extrémité une fossette. Les crêtes marginales mésiale et distale rejoignent les deux cuspides. La première prémolaire a deux racines qui fusionnent parfois.

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La seconde prémolaire maxillaire est presque identique à la première. Elle a la même forme, mais est légèrement moins forte. Les deux cuspides ont la même valeur. Le sillon central sépare donc la face occlusale en deux parties identiques. En bouche, la cuspide linguale descend un peu plus bas que la cuspide vestibulaire. Elle n’a qu’une racine présentant un sillon profond sur ses faces proximales. La première prémolaire mandibulaire a une face vestibulaire proche de celle de la canine, mais en plus petite et moins pointue. La cuspide linguale est très peu distincte, ce qui fait que la face linguale est nettement plus courte que la face vestibulaire. La face occlusale est très oblique. Un petit sillon occlusal sépare les deux cuspides. Il n’est pas rectiligne, mais prend une direction mésio-distale. Il est placé lingualement et est peu marqué. Il se termine par des fossettes linguale et mésiale. Les cuspides sont reliées par des crêtes marginales mésiale et distale. Cette prémolaire n’a qu’une racine. La seconde prémolaire mandibulaire est la plus forte de toute. Sa forme cubique la rapproche des molaires. La face occlusale est légèrement oblique. Elle est formée de deux ou trois cuspides. La cuspide principale est la cuspide vestibulaire. Elle est plus forte et plus saillante. Le sillon qui sépare les cuspides présente une concavité vestibulaire et se termine par des fossettes qui sont plus près du bord vestibulaire. Si la prémolaire présente trois cuspides, la cuspide linguale est divisée en deux petites cuspides par un sillon vestibulo-lingual qui prend naissance dans le sillon mésio-distal et se perd sur la face linguale. La plus petite cuspide est la disto-linguale. La face est bordée par deux crêtes marginales mésiale et distale. Cette dent n’a qu’une racine. Les molaires diminuent de taille : la première est la plus grande et la troisième a tendance à disparaître. La première molaire maxillaire est la plus grosse des molaires maxillaires. Sa face vestibulaire est trapézoïdale et présente un sillon provenant de la face occlusale. La face palatine affiche aussi un sillon. Dans la partie mésiale, se trouve

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parfois un tubercule de Carabelli. La face occlusale s’inscrit dans un parallélogramme. Elle présente quatre cuspides, deux vestibulaires et deux palatines. La cuspide la plus forte est la cuspide mésio-palatine, la plus petite étant la disto-palatine. Les cuspides mésio-palatine et disto-vestibulaire sont dans le prolongement l’une de l’autre et sont reliées. Elles forment le pont d’émail. Sur cette face, se trouvent trois sillons : le sillon vestibulo-central qui sépare les deux cuspides vestibulaires, le sillon intercuspidien mésio-central qui sépare les deux cuspides mésiales et le sillon disto-palatin qui sépare la cuspide distopalatine du pont d’émail. Deux crêtes marginales mésial et distale délimitent la face occlusale. La molaire a trois racines, deux vestibulaires et une palatine. La seconde molaire est plus petite que la première. Elle présente quatre cuspides. La partie distale de la dent est plus réduite, la cuspide disto-palatine étant très petite. Elle ne présente jamais de tubercule de Carabelli. Elle a aussi trois racines, mais qui sont plus resserrées que celles de la première molaire. La troisième molaire maxillaire peut présenter plusieurs formes, de la molaire bien dessinée à une dent simple. Quand elle est bien constituée, la couronne ne présente que trois cuspides, deux vestibulaires et une linguale. Les racines sont fusionnées, leur présence étant délimitée par des sillons. C’est la plus petite des trois molaires. La première molaire mandibulaire est cubique. Sa face vestibulaire présente deux sillons. La face occlusale est trapézoïdale. Elle présente cinq cuspides, trois vestibulaires et deux linguales. La plus grosse cuspide est la cuspide mésiolinguale, la plus petite étant la cuspide disto-vestibulaire. Le sillon mésio-distal sépare les cuspides vestibulaires des cuspides distales. Il se termine par des fossettes et n’est pas rectiligne, mais est formé de deux portions convexes. Les sillons intercuspidiens séparent les cuspides. Des crêtes marginales bordent la face occlusale. La première molaire mandibulaire a deux racines.

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La seconde molaire mandibulaire est moins volumineuse que la première et n’a que quatre cuspides, deux vestibulaires et deux linguales. Elle a deux racines qui ont tendance à fusionner. La troisième molaire mandibulaire est de forme moins inconstante que son homologue maxillaire. Couramment, elle présente cinq cuspides, mais ce nombre peut varier. La cinquième cuspide se place sur le bord distal et remplace alors la crête marginale. Ses racines fusionnées forment souvent un cône (39). L’émail est épais (2,5 mm) (19).

Homo sapiens du Mont Carmel (vue de profil) (56).

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Homo sapiens de Cro-Magnon (vue de face) (56).

Pour finir… Le tableau de synthèse ci-dessous reprend brièvement les principales caractéristiques dentaires et maxillaires des différentes espèces d’hommes préhistoriques. Il a été élaboré à partir des informations détaillées précédemment.

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Haute Etroite

Orrorin

Australopithécus Peu robuste Etroite Bahrelghazali

Kenyanthropus Platyops Australopithécus Robuste Large Africanus Haute

Ardipithécus Ramidus Australopithécus Robuste Longue anamensis Etroite Australopithécus Robuste Large afarensis Haute

Robuste De faible hauteur

Toumaï

Mandibule

Petites Robustes Usure à la pointe Petit diastème Développées Asymétriques Diastème

Petites

Epais Larges Relief occlusal peu marqué Developpées Relief un peu marqué

Symétriques Une ou deux racines Asymétriques Trois racines

Epais

Petites

Epais

Relief occlusal peu Epais marqué Cuspides pointues Epais Asymétriques Relief occlusal peu marqué

En forme de U

en forme de U paralléles en arrière des canines

En forme de U Etroites

En forme de U Etroites

Epaisseur moyenne

Trois racines

Asymétriques Deux racines

Asymétriques

Arcades

Email

Cuspides pointues Relief occlusal peu marqué Même taille que homo sapiens Larges Faible épaisseur

Cuspides peu bombées Taille modérée

Molaires

Tableau récapitulatif des caractères morphologiques. F. Duranteau

Haute

Petites

Développées

Larges Spatulées

Usure en facette Diastèmes

Taille réduite Arrondies Larges Asymétriques

Larges Larges

Taille moyenne Pas de diastème

Robuste

Asymétriques

De même longueur Deux racines que les autres dents Pas de diastème Usure par la pointe

Petite taille

Prémolaires

Canines

Incisives

91 Homo Erectus

Homo Ergaster

Paranthropus Robustus

Homo Habilis

Robuste Haute Etroite Robuste Bourrelets de renforts Haute

Relief occlusal marqué Deux racines (mandibule) Symétriques

Petites Symétriques Une ou deux racines

Incisiformes

Larges Relief marqué

Deux racines Relief occlusal peu marqué Relief occlusal marqué

Réduites

Réduites Asymétriques

Réduites

Réduites

Paraboliques Divergentes Paraboliques Divergentes

Epais

Epais Moyenne Cuspides peu bombées

En forme de U Divergentes

Taille moyenne

Epais Grandes Cuspides bombées

Epais Larges Robustes Cuspides bombées

Divergentes

Paraboliques

En forme de U Légérement divergentes en posterieur En forme de U Divergentes

Epais

Epais Grandes Cuspides peu bombées Cuspides bombées Epais

Tableau récapitulatif des caractères morphologiques. F. Duranteau

Petites En forme de pelle

Petites

Développées Robuste Branche montante Haute Développées Robuste Homo Large Rudolfensis Haute Paranthropus Bois Robuste Réduites Large Haute

Réduites

Réduites

Robuste Longue

Paranthropus Aethiopicus

Arcades

Email

Epais Larges Robustes Cuspides bombées

Grandes Larges Robustes

Peu symétriques

Développées Asymétriques Petit diastème

Grandes Inclinées vers l'avant

Robuste Large Haute

Australpithécus Gahri

Larges Cuspides marquées

Molaires

Prémolaires

Canines

Incisives

Mandibule

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Homo Heidelbergensis

Robuste Bourrelets de renforts Branche montante basse et large Robuste Homo Néanderthalensis Esquisse de menton Branche montante basse Gracile Homo Vrai menton Sapiens

Mandibule

En forme de pointe Symétriques une ou deux racines

Tableau récapitulatif des caractères morphologiques. F. Duranteau

Développées

Epais

Paraboliques Divergentes

Relief occlusal complexe

Développées

Développées En forme de pelle

Paraboliques Divergentes

Epais

Relief occlusal marqué Pont d'émail Tubercule de Carabelli Pont d'émail Tubercule de Carabelli Relief occlusal marqué Pont d'émail Tubercule de Carabelli Relief occlusal marqué

Relief occlusal marqué Deux racines

Développées Incisiformes

Développées

Arcades

Email

Molaires

Prémolaires

Canines

Incisives

La face, la mandibule et les dents : évolutions Le bourrelet supra-orbitaire est très marqué jusqu'à l’Australopithèque gahri. Après, il a tendance à devenir plus mince et à se scinder en deux arches : les arcades sourcilières. Cependant, les Paranthropes gardent un bourrelet saillant, ce qui peut être dû à leur caractère robuste. Le maxillaire recule diminuant ainsi le prognathisme de la partie moyenne de la face. Par ailleurs, les sinus maxillaires se développent entraînant une pneumatisation de la face. L’étage inférieur de la face recule entraînant une verticalisation du profil. L’augmentation de volume des sinus, ou pneumatisation, permet d’augmenter la taille des os sans en augmenter le poids. La structure du crâne devient donc plus légère. Les pommettes sont de moins en moins saillantes entraînant un lissage de la partie moyenne de la face. Les os du nez se redressent à partir de l’Homo neanderthalensis. L’ouverture nasale s’élargit et l’épine nasale antérieure se développe. Tous ces changements sont probablement liés au développement de l’encéphale et à l’augmentation de taille de la boite crânienne. Celle-ci s’accompagne d’un déplacement et d’une modification de la forme du foramen magnum qui entraîne un redressement, et donc une verticalisation de la face. Le développement de la boite crânienne et la position de plus en plus antérieure du foramen magnum ont stimulé l’apparition de muscles permettant de maintenir la tête en position verticale. Ce sont les muscles nucaux qui ne sont pas présents chez les grands singes. Un articulé antérieur en bout à bout permet de couper les aliments. Ce mouvement met en action les muscles masséters et ptérygoïdiens internes. Au cours de ce mouvement, les muscles temporaux restent inactifs. Le

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passage à la supraclusion a entraîné une diminution du mouvement d’incision avec les incisives et donc, une diminution de la taille des muscles masséters et ptérygoïdiens internes, ainsi qu’une augmentation de taille des muscles temporaux. Le muscle masséter s’insert sur la racine du zygomatique. Le recul de celle-ci a entraîné un recul de l’insertion supérieure du masséter. La taille de la mandibule et la présence de renforts osseux indiquent que les hominidés avaient une musculature très puissante. Cette musculature a régressé rendant la mandibule plus gracile. La musculature, la robustesse de la mandibule et la taille des dents permettent de penser que les hominidés avaient également une alimentation coriace. Le passage à une plus tendre, grâce notamment à la cuisson, a favorisé une diminution de la puissance masticatoire, et donc une régression des muscles. Les arcades dentaires se sont profondément modifiées. Les plus récents hominidés avaient des arcades dentaires étroites et parallèles avec des canines de grande taille, et des diastèmes pour laisser la place aux canines de l’arcade opposée. Les arcades dentaires se sont évasées. Elles se sont arrondies. Les canines se sont réduites pour devenir de la même taille que les autres dents et les diastèmes se sont fermés. L’élargissement des arcades dentaires est sûrement dû au rétrécissement de la zone nasale et à l’adoption de la position debout qui a entraîné un recul de la tête sur la colonne vertébrale. Le recul des arcades, la modification de la forme du foramen magnum et une position plus antérieure de celui-ci ont conduit à une diminution de la place disponible, ce qui explique que les arcades se soient élargies pour créer de la place. La symphyse s’est verticalisée et les renforts osseux se sont transformés en un véritable menton. Seul, l’Homo sapiens, ou homme moderne, a présenté une éminence mentonnière, dite vraie. Il est apparu que la saillie mentonnière a existé dès lors que l'occlusion dentaire s’est croisée au niveau incisivo-canin, les dents supérieures recouvrant légèrement les inférieures.

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La mandibule est devenue moins large et plus gracile. Ceci s’est accompagné d’une diminution de la taille des dents jugales, les prémolaires et les molaires. Cela peut s’expliquer par des modifications de l’alimentation. En effet, une mandibule robuste et des dents larges sont nécessaires à une alimentation coriace. L’utilisation des instruments, puis le feu ont permis de rendre la nourriture moins coriace, ce qui a peutêtre entraîné une diminution de la taille des dents, et donc une réduction de la largeur de la mandibule. L’articulation temporo-mandibulaire, ou ATM, s’est modifiée sûrement à cause de la position érigée. La fosse glénoïde était tout d’abord plutôt plate, sans éminence articulaire. Cet état n’a donné à la mandibule que la possibilité d’évoluer dans le sens vertical. La cavité articulaire s’est donc creusée et l’éminence glénoïde s’est développée. Présentant d’abord un relief peu marqué, l’articulation temporomandibulaire s’est transformée pour présenter un profil de plus en plus sigmoïde (41). Jolly (1970) a pensé que les hominidés avaient pour habitude de manger des graines, ce qui a conduit au développement de l’éminence articulaire grâce à laquelle les molaires ne s’affrontent pas par un simple mouvement ascendant/descendant, mais aussi par un mouvement de rotation. Selon Jolly, c’est une adaptation pour briser des petits objets durs de forme plus ou moins sphérique et d’en venir à bout par une série de mouvements de broiement, et de roulement (28). D’après Grine et Kay (1988), l’alimentation des Australopithèques incorporait des nourritures protégées par des moyens physiques, comme les noix par exemple ou des légumes, ou des fruits enfermés dans des cosses résistantes (22). Pour Picq (1990), la modification du régime alimentaire n’est pas la seule responsable des modifications morphologiques de l’articulation. La dimension du condyle semble être directement liée à l’utilisation des dents post-

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canines et donc, à une mastication unilatérale plutôt qu’à des mouvements d’incision. Chez l’homme et les mammifères en général, la mastication s’opère d’un seul coté, ce qui explique la présence d’un condyle plus développé et d’une mandibule relativement courte. Il a par ailleurs démontré qu’une mandibule prognathe s’accompagne de réactions importantes au niveau de l’articulation, qui sont malgré tout bien réparties entre elles. Inversement, une mâchoire orthognathe subit des contraintes moins importantes, mais moins bien réparties. Par ailleurs, une augmentation de la largeur de l’arcade associée à une augmentation de la largeur bicondylienne neutralise ces contraintes liées au recul de la mandibule (41). L’acquisition d’une arcade en U, et non en V, facilite peut-être une adaptation afin de limiter les contraintes articulaires liées au recul de la mandibule. Enfin, les mammifères carnivores, et notamment les primates, présentent un condyle situé au dessus du plan d’occlusion. Cette position améliore le bras de levier des muscles masséters et ptérygoïdiens internes, et favorise une meilleure distribution des forces occlusales le long de l’arcade. Cependant, une position du condyle haute par rapport au plan d’occlusion limite l’ouverture verticale des mâchoires. Chez les primates, ce comportement d’ouverture verticale s’observe lors du bâillement ou lors de l’exposition des canines, phénomène observé lors de la compétition entre 2 mâles ou face à un prédateur. La socialisation des hominidés a entraîné une réduction de la taille des canines et la présentation de celles-ci n’est plus devenue aussi importante pour la survie des individus (41). Ceci peut expliquer qu’il est alors devenu plus avantageux de développer les forces musculaires que de conserver une grande ouverture verticale. Le système masticateur s’est donc développé en se tournant vers une optimisation de son efficacité. De leur côté, les rapports intermaxillaires sont passés par trois grandes phases :

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• Le type archaïque présente un articulé dentaire antérieur en bout à bout. L’articulé dentaire postérieur se fait entre cuspides antagonistes, pointe à pointe, des deux cotés. • Le type transitionnel présente un articulé dentaire antérieur en bout à bout, ou parfois en légère supraclusion, les incisives supérieures recouvrant moins du tiers des incisives inférieures. Cet articulé donne un effet en lames de ciseaux. L’articulé dentaire postérieur se fait de trois manières différentes : - entre cuspides antagonistes des deux côtés ; - entre cuspides antagonistes d’un côté et entre une cuspide, et la fosse antagoniste de l’autre côté ; - entre une cuspide et la fosse, ou la crête, antagoniste. • Le type moderne présente un articulé antérieur en supraclusion incisive, les incisives supérieures recouvrant les incisives inférieures, avec une participation des canines. La supraclusion peut aller jusqu’au recouvrement total des incisives inférieures. L’articulé postérieur se fait principalement entre la cuspide et la fosse, ou la crête antagoniste, mais peut aussi se faire entre cuspides antagonistes des deux côtés, ou entre cuspides antagonistes d’un côté, et entre une cuspide et la fosse antagoniste de l’autre côté. Les usures des dents diminuent. Au Paléolithique, les aliments étaient desséchés, crus, durs et avec des impuretés, ce qui nécessitait une trituration prolongée, et énergique, et entraînait une attrition importante des dents. A partir du Néolithique, l’homme passe de prédateur à producteur, se sédentarise, affine sa nourriture qui devient de plus en plus facile à mâcher. La trituration des aliments devient moins importante et l’usure des dents diminue forcément. La formule dentaire n’a pas évolué. Elle est restée à 32 dents, avec, sur chaque arcade, quatre incisives, deux canines, quatre prémolaires et six molaires (3, 6, 19, 35, 40, 50, 39). Les incisives augmentent de taille par rapport au bloc prémolo-molaire. Chez l’Homo erectus et chez l'Homme de

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Neandertal, l'occlusion est en bout à bout. Les dents antérieures écrasent, usent, mais ne coupent pas. L'usure est en plateau et très tôt, les incisives et les canines ont un bord libre aplati, large, et non coupant. Chez l’Homo sapiens, les incisives restent très longtemps coupantes et les canines, pointues. L'usure se fait en biseau. L'usure des dents antérieures est donc différente. Les canines d’abord coniques deviennent plus incisiformes. Leur taille se réduit entraînant une disparition du diastème canine/prémolaire qui existait pour laisser la place à la canine lors de l’occlusion. Sur la face linguale, ou palatine, un cingulum apparaît. Les facettes aiguisoires disparaissent et l’usure débute au sommet de la dent. Les prémolaires se symétrisent avec l’apparition de cuspides linguales, ou palatines. Deux tendances apparaissent au niveau de l’évolution des prémolaires mandibulaires: Chez les Paranthropes, la partie disto-linguale se développe. Les racines se modifient pour soutenir cette partie. La position des deux racines se modifie. D’une mésio-vestibulaire et une distale, on passe à une mésiale et une distale. Chez le genre Homo, la symétrie est plus marquée. Les cuspides vestibulaire et linguale, ou palatine, sont presque en face l’une de l’autre, et les faces vestibulaire et buccale sont moins inclinée. Les racines fusionnent pour donner une seule racine développée dans le sens vestibulo-lingual. Les molaires deviennent plus petites. Le relief occlusal fait apparaître des cuspides distinctes. Il s’étoffe de sillons et de fissures accessoires. Au début, les molaires étaient de taille croissante, de la première à la troisième. Progressivement, la première molaire devient la molaire principale. La morphologie des racines n’a pas changée. Les modifications de tailles et de formes des dents suggèrent évidemment des changements dans l’alimentation. Les espèces ayant des dents antérieures relativement petites par rapport à la taille du corps devaient avoir une alimentation ne nécessitant pas de préparation préalable de la nourriture, comme des baies, des feuilles ou des graines. A l’opposé, les

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espèces ayant des dents antérieures relativement grandes par rapport à la taille du corps devaient avoir une alimentation riche en fruits de grande taille et plus coriaces. De plus, Lucas (1986) a démontré que le rapport de la surface occlusale de la première molaire sur la surface occlusale de la troisième molaire donnait aussi des indications sur l’alimentation. Selon lui, plus ce rapport est élevé, plus l’espèce concernée a une alimentation riche en fruits, en feuilles et en fleurs. Par ailleurs, les dents aux surfaces concaves avec des crêtes bien marquées peuvent broyer des aliments comme des feuilles ou l’exosquelette d’insectes. Par contre, des dents plus arrondies avec des cuspides plus aplaties conviennent mieux à une alimentation frugivore (35). Les Australopithèques avaient des dents relativement plates, avec des crêtes émoussées. Ils avaient une alimentation composée essentiellement de pousses, de fleurs et de bourgeons. Par contre, ils n’étaient pas capables de broyer les feuilles ou les graines. Sur un plan dentaire, ils n’étaient pas équipés pour manger de la viande, car leurs dents ne présentaient pas de surfaces symétriquement concaves, ni les crêtes coupantes nécessaires pour broyer ces aliments. Par contre, leurs dents plates et émoussées étaient particulièrement adaptées pour les aliments durs et cassants. L’Australopithecus gahri, retrouvé avec des outils, devait se servir de ceux-ci afin de couper la viande en petits morceaux. Il devait aussi l’attendrir, soit avec des outils, soit en la laissant vieillir. Il ne mangeait certainement que les parties très tendres des animaux, car ses dents, plutôt plates, ne lui permettaient pas de lacérer la viande. A partir de Paranthropus robustus, le relief des molaires se complique. Les prémolaires voient aussi leurs cuspides se développer et leur relief occlusal s’étoffe de sillons, et de crêtes. Les hominidés deviennent alors capables de manger de la viande, le bombé des cuspides permettant de l’écraser. Le développement des cuspides linguales permet de maintenir les

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aliments en place et les crêtes, et les sillons permettent de dilacérer les morceaux. L’alimentation se diversifie alors. L’évolution de la structure dentaire apparaît dans la microstructure de l'émail. Deux types de lignes de croissance, tels les anneaux de croissance des arbres, sont perceptibles. Depuis la dentine, l'émail a une activité sécrétrice qui, selon un rythme circadien, provoque des striations transversales à la dent. Chaque jour, la striation transversale s'accentue d'autant plus. Elle forme, tous les 9 jours environ, chez l'homme actuel et chez les primates, des stries de Retzius. Autrement dit, une strie de Retzius se forme toutes les neuf striations transversales. Ce développement dentaire peut être estimé à partir de la vitesse de formation de l'émail ou de son taux d'extension. C'est le nombre et l'inclinaison des stries de Retzius dans l'émail, ou le nombre et l'espace sur la surface d'émail. Rozzi a montré que l'Homo sapiens du Paléolithique supérieur-Mésolithique a partagé un processus de développement dentaire identique à celui des hommes modernes, mais avec des périodes de croissance plus courtes. De façon surprenante, les Néanderthaliens ont la période de croissance dentaire la plus courte, plus rapide encore que celle de leur ancêtre immédiat, l’Homo heidelbergensis. En effet, dans l'évolution des hominidés depuis le Plio-Pleistocène, des Australopithèques à l’Homo sapiens, le développement dentaire est devenu de plus en plus long et la taille du cerveau n’a cessé d’augmenter. Les Néanderthaliens, qui avaient la plus grande capacité crânienne de tous les hominidés, sont ainsi caractérisés par une période courte de développement dentaire. Sa couronne dentaire se formait ainsi 15 % plus vite que les hommes modernes (45). Dans leur étude, Dean et Reid (1984) ont démontré que : - il a existé une différence dans l’espacement et la distribution des périkymaties (aboutissement des stries de Retzius à la surface de la dent) entre l’homme moderne et les

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grands singes du Plio-Pleistocène, mais aussi entre les Australopithèques et les Paranthropes. - le temps de formation des dents antérieures des Australopithèques était plus court que celui des hommes modernes, la sécrétion d’émail étant plus rapide chez les Australopithèques. - le nombre de stries de Retzius était moins important chez les Paranthropes que chez les Australopithèques, ce qui signifie que les couronnes des dents antérieures des Paranthropes se formaient plus vite, les cellules sécrétant plus d’émail chaque jour. Lacruz et coll. (2006) ont tirés les mêmes conclusions dans leur étude sur les molaires. Ainsi, chez l’homme moderne, les stries de Retzius se forment tous les 9 jours. Chez les Australopithèques et les Paranthropes, elles se formaient tous les 6 ou 7 jours. Le système endodontique s’est modifié par un rétrécissement des cavités pulpaires. Les Australopithèques étaient taurodontes. La chambre pulpaire était très volumineuse et les canaux pulpaires étaient assez larges, mais cette caractéristique s’est atténuée avec le temps. Ceci s’explique par l’augmentation de l’épaisseur de l’émail, mais aussi par l’apparition de septum interradiculaires plus prononcés. Le nombre de racines et de canaux est resté le même pour les incisives (une racine, un canal), pour les canines (une racine, un canal) et pour les molaires (trois racines, trois canaux au maxillaire et deux racines, trois canaux à la mandibule). Par contre, il a changé pour les prémolaires. Elles présentaient deux, voire trois racines, et deux, voire trois canaux chez notamment l’Australopithecus bahrelghazali, qui ont fusionné (11). La première prémolaire maxillaire seulement présente encore deux racines et deux canaux. Les vestiges de ces racines sont maintenus par la présence des deux canaux, ou d’un canal en 8, sur la majorité des prémolaires monoradiculées.

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La présence des deux canaux témoignerait de la fusion des deux racines. Les prémolaires ne présentant qu’un seul canal allongé, ou canal en 8, constituent une étape supplémentaire de l’évolution des prémolaires, ce canal résultant apparemment de la fusion de deux canaux. La plupart des prémolaires présente une trace de ces racines fusionnées par la présence d’un sillon longitudinal séparant les parties vestibulaire et linguale de leur racine (39). La forme des racines est restée la même, mais celles-ci ont diminuée de taille. Ceci peut être dû à une diminution de la taille des maxillaires et de la taille des dents, accompagnant une modification de l’alimentation. Une alimentation tendre ne nécessite pas un ancrage osseux aussi important qu’une alimentation coriace.

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Conclusion par les Drs Florie Duranteau & Xavier Riaud De nombreuses modifications morphologiques et structurelles sont bien évidemment survenues depuis Toumaï. Les structures osseuses faciales se sont allégées, les os sont devenus plus graciles, la face s’est pneumatisée et la capacité crânienne s’est développée. La mandibule a développé des caractéristiques permettant une plus grande efficacité et spécificité. Elle s’est élargie et a pris une forme plus en U légèrement divergente en postérieur. Le col du condyle, quant à lui, s’est agrandi. Les dents se sont modifiées permettant une alimentation plus variée. Les incisives se sont développées notamment et sont devenues plus tranchantes. Les molaires ont diminué de taille, mais ont acquis un relief, une face triturante plus élaborée. La diminution de taille des molaires a débuté par la troisième molaire. Les Australopithèques et les Paranthropes avaient des molaires avec des tailles croissantes, de la première à la troisième molaire, à partir de l’Homo Habilis. La troisième molaire, ou dent de sagesse, a alors commencé à diminuer de taille et est devenue plus petite que la seconde molaire. L’Homo Heidelbergensis marque une étape de transition avec une seconde molaire de taille supérieure à la première et à la troisième. Enfin, chez l’Homo Sapiens, c’est la première molaire qui est la plus importante. Peut-être au long terme, l’évolution se fera-t-elle vers une disparition de la dent de sagesse, puis plus tard, vers une disparition de la seconde molaire. Nul ne peut le prédire. Jusqu'à aujourd’hui, la troisième molaire a subi la réduction de taille la plus importante au cours de l’évolution. Il est notable en outre que l’agénésie de cette dent est de plus en plus fréquente. Il est certain que toutes les espèces n’ont sûrement pas encore été découvertes, ce qui rend très difficile l’élaboration

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d’un arbre généalogique fiable ainsi que celle d’un schéma évolutif. Il n’est par conséquent pas évident de prévoir comment l’homme poursuivra son évolution, mais notre espèce, avec ses 122 000 ans d’existence, n’est encore qu’une enfant balbutiante à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Il y a donc fort à parier que son évolution est loin d’être achevée, ce qui implique bien évidement, et obligatoirement, d’autres modifications anatomiques.

Arbre phylogénétique de l’homme (8).

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Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier le Dr Xavier Riaud qui a donné vie à ce livre. Il a cru en ma thèse et m’a convaincu de la nécessité de la publier. Bien sûr, ce travail modeste n’a pas de prétention, si ce n’est celle de faire un glossaire le plus exhaustif possible des dents de nos ancêtres, mais, grâce au travail du Dr Riaud, c’est un ouvrage de référence sur la question que je prends aujourd’hui entre mes mains. J’en mesure toute la valeur et je ne peux que saluer ce dernier pour l’ampleur de ses recherches, et pour sa mise en pages. Il l’avait dit. Il l’a fait. Qu’il en soit remercié ! Je veux aussi faire part de toute ma gratitude au Dr Didier Descouens du Laboratoire d’anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse de Toulouse, pour m’avoir permis de publier sa photo du crâne de Toumaï sur la couverture de cet opus. Je tiens à remercier également les membres de mon jury de thèse pour leur présence à mes côtés lors de sa rédaction et lors de sa soutenance. Je tiens à remercier le Smithsonian Institute pour les magnifiques illustrations qu’il m’a permis d’utiliser. Je tiens enfin à remercier ma famille et mes amis, tous ceux en fait qui contribuent à faire de ma vie, ce qu’elle est aujourd’hui. A mes proches, je tiens à leur signifier tout l’amour que je leur porte.

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Table des matières Préface ........................................................................................ 7 Avant-propos .............................................................................. 9 Les différentes théories de l’évolution ..................................... 11 Archéologie, odontologie médico-légale et ADN pulpaire : quelques cas historiques ........................................................... 21 Archéologie, odontologie médico-légale et structure minérale de l’organe dentaire : quelques cas historiques ........................ 31 De Toumaï aux australopithèques : description de la face, de la mandibule et des dents.............................................................. 41 Les premiers Hommes .............................................................. 61 La face, la mandibule et les dents : évolutions ......................... 93 Conclusion .............................................................................. 103 Remerciements ....................................................................... 105 Bibliographie .......................................................................... 107

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SANTÉ Dernières parutions L'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT Enjeu d'une rénovation des politiques de développement Thomas Bréger Préface de German Velasquez Le médicament est devenu un objet de marché dans une économie mondialisée. Le manque d'accès aux traitements s'analyse comme le résultat d'une exclusion des pays en développement du marché pharmaceutique, causée tant par leur situation socio-économique que par la structure du marché et les règles de l'OMC relative à la propriété intellectuelle. Un renouveau du droit au développement "humain" définit l'accès aux médicaments comme un composant du droit fondamental à la santé. ISBN : 978-2-296-55460-3 • juin 2011 • 752 pages Prix éditeur : 49 € DIRE LES MAUX Anthropologie de la parole dans les médecines du monde Sous la direction de Rémi Bordes Ethique et pratique médicale Entre l'étude des rites et la pragmatique du discours, l'analyse des textes et celle des contextes, cet ouvrage montre les multiples motifs selon lesquels diverses cultures médicales font participer la parole au soin. S'éloignant de l'approche psychologique souvent proposée pour envisager la dimension thérapeutique du langage, il convoque non seulement l'ethnographie, mais aussi la psychanalyse, l'histoire et la philosophie. ISBN : 978-2-296-55324-8 • juin 2011 • 298 pages Prix éditeur : 29 € LES MOTS DE LA SANTÉ (t. 3) Mots de la santé et psychoses Travaux du Crtt, sous la direction de Danièle Beltran-Vidal et François Maniez Technologie de l'action sociale "Vache folle", "grippe aviaire", "grippe porcine" : ces mots connaissent dans toutes les sociétés un retentissement sans précédent. Ils évoquent à la fois des pathologies gravissimes et le risque d'une pandémie. Ces mots ont le pouvoir de créer des psychoses à l'échelle mondiale. Les contributions ici présentées étudient articles de presse et ouvrages de différents pays consacrés aux crises sanitaires, de nos jours ou dans le passé. ISBN : 978-2-296-55214-2 • juin 2011 • 264 pages Prix éditeur : 24 €

LA QUALITÉ À L'HÔPITAL Un regard sociologique Gilles Herreros, Bruno Milly Conception et dynamique des organisations Cet ouvrage analyse les conditions de pérennisation et de valorisation de la démarche-qualité en milieu hospitalier. Des points d'accords se manifestent : l'objectif d'une amélioration du soin, l'idée que cette amélioration passe par une mise en tension entre l'élaboration de procédures et leur application d'une part, une meilleure coopération interprofessionnelle d'autre part. La démarche de certification est décisive dans les dynamiques de la qualité, mais elle provoque parfois des effets contre-dynamiques. ISBN : 978-2-296-55083-4 • juin 2011 • 152 pages Prix éditeur : 14,5 € LA SANTÉ DES LIMOUSINS ET DES PÉRIGOURDINS AU XIXe SIÈCLE Malades, maladies, soignants Pierre Pageot Acteurs de la Science Jusqu'à l'aube du XXe siècle, les Limousins et les Périgourdins firent davantage appel à l'automédication, aux guérisseurs et à la religion qu'à la médecine. La médicalisation progressa ensuite grâce à l'assistance médicale gratuite et à l'efficience plus grande de la médecine post-pastorienne. Le sachet d'herbes magiques côtoya toutefois longtemps encore le remède prescrit par un médecin et délivré par le pharmacien ! ISBN : 978-2-296-55150-3 • juin 2011 • 238 pages Prix éditeur : 24 € SPINOZA ET LA MÉDECINE Ethique et thérapeutique Bernard Vandewalle Hippocrate et Platon, études de philosophie de la médecine La médecine est chez Spinoza un véritable modèle pour la pensée : son éthique constitue une thérapeutique du Corps et de l'Esprit, et le matérialisme médical joue un rôle décisif dans la constitution de sa philosophie de la nature. On comprend mieux alors comment la médecine permet de définir l'activité philosophique en tant que processus thérapeutique et comment le spinozisme est une invitation à prendre soin de sa vie afin d'accéder à la béatitude ou à la grande santé de l'âme. ISBN : 978-2-296-54963-0 • juin 2011 • 186 pages Prix éditeur : 17,5 €  retrouvez toutes nos parutions sur http://www.editions-harmattan.fr

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