L'ensemble funéraire du site de Caseta, Jalisco, Mexique: Une approche archéo-anthropologique 9781841715629, 9781407326054

The site of Caseta in the Sayula Basin (Jalisco, Mexico) was discovered in 1992 and immediately became the focus for a r

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L'ensemble funéraire du site de Caseta, Jalisco, Mexique: Une approche archéo-anthropologique
 9781841715629, 9781407326054

Table of contents :
Front Cover
Title Page
Copyright
REMERCIEMENTS
TABLE DE MATIERES
INDEX DES FIGURES
INDEX DES GRAPHIQUES
INDEX DES PHOTOS
INDEX DES TABLEAUX
INTRODUCTION
Chapitre I LES CONTEXTES DE L’ETUDE
Chapitre II LE SITE DE CASETA
Chapitre III LES SEPULTURES ANCIENNES
Chapitre IV LES SEPULTURES RECENTES
Chapitre V LE MOBILIER FUNERAIRE
Chapitre VI LES PRATIQUES FUNERAIRES RECENTES
Chapitre VII DONNÉES PALÉO-ANTHROPOLOGIQUES
Chapitre VIII COMPARAISONS
Chapitre IX SYNTHESE
CONCLUSION
FIGURES
PHOTOS
BIBLIOGRAPHIE
Annexe I
Annexe II
Annexe III

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BAR  S1197  2003   ACOSTA NIEVA   L’ENSEMBLE FUNÉRAIRE DU SITE DE CASETA, JALISCO, MEXIQUE

Paris Monographs in American Archaeology 13 Series Editor: Eric Taladoire

L’ensemble funéraire du site de Caseta, Jalisco, Mexique Une approche archéo-anthropologique

Rosario Acosta Nieva

BAR International Series 1197 B A R

2003

Published in 2016 by BAR Publishing, Oxford BAR International Series 1197 Paris Monographs in American Archaeology 13 L’ensemble funéraire du site de Caseta, Jalisco, Mexique © R Acosta Nieva and the Publisher 2003 The author's moral rights under the 1988 UK Copyright, Designs and Patents Act are hereby expressly asserted. All rights reserved. No part of this work may be copied, reproduced, stored, sold, distributed, scanned, saved in any form of digital format or transmitted in any form digitally, without the written permission of the Publisher.

ISBN 9781841715629 paperback ISBN 9781407326054 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781841715629 A catalogue record for this book is available from the British Library BAR Publishing is the trading name of British Archaeological Reports (Oxford) Ltd. British Archaeological Reports was first incorporated in 1974 to publish the BAR Series, International and British. In 1992 Hadrian Books Ltd became part of the BAR group. This volume was originally published by Archaeopress in conjunction with British Archaeological Reports (Oxford) Ltd / Hadrian Books Ltd, the Series principal publisher, in 2003. This present volume is published by BAR Publishing, 2016.

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REMERCIEMENTS Ce travail n’aurait pas été possible sans le concours des nombreuses personnes auxquelles je voudrais exprimer ma reconnaissance pour ce que j’ai appris de chacune d’entre elles. Cette recherche s’est déroulée dans le cadre du programme ‘Archéologie du bassin de Sayula’ dont les trois coresponsables: Ricardo Avila, directeur du Departamento de Estudios del Hombre de l’Université de Guadalajara, JeanPierre Emphoux, Chargé de Recherches à l’ORSTOM (actuellement IRD) et Otto Schöndube, archéologue de l’INAH m’ont accordé leur confiance et leur appui. Ensuite, les autres membres du projet avec lesquels j’ai eu la chance de travailler: Francisco Valdez, chercheur de l’ORSTOM, ainsi que Susana Ramírez, Catherine Liot, Javier Reveles, chercheurs de l’université de Guadalajara, qui m’ont soutenu au quotidien pendant les six années de ma participation au projet Sayula. A ces trois chercheurs, je voudrais en particulier témoigner ma profonde gratitude pour le soin apporté à mon matériel, lors des nombreux déménagements rendus nécessaires par les changements de locaux. Durant les fouilles et le travail sur le terrain, chacun connaît l’importance de l’intendance et de l’aide apportée par les ouvriers avec lesquels nous travaillons: toujours disponibles, gentils, accueillants et curieux, ils sont la colonne vertébrale de tout projet. Le nôtre ne fait pas exception. Que tous reçoivent ici, malgré l’éloignement, mes sincères remerciements. Le nettoyage et l’élaboration de l’inventaire de l’important volume du matériel osseux a necessité la collaboration de Gabriela Curiel, Ma. del Refugio Nuño et Gloria Hernández sans lesquelles cette tâche m’aurait paru démesurément longue. Pendant l’analyse du matériel, l’aide de Gabriela Uruñuela, directeur du département d’Anthropologie de l’Universidad de las Americas-Puebla, a été très précieuse. Je tiens particulièrement à la remercier ici, ainsi que Patricia Plunkett, car, par leur rigueur scientifique et leur discipline, elles ont été deux guides exceptionnelles dont je m’efforce sans cesse de suivre l’exemple. Je souhaiterais également souligner l’importance morale de la confiance que Gabriela m’a témoignée en me communiquant sa thèse inédite. Je voudrais également remercier Henri Duday, professeur à l’université de Bordeaux, pour avoir partagé de façon si généreuse ses connaissances sur l’anthropologie funéraire. Lors des débuts de cette recherche, son appui, ainsi que celui de Bernard Vandermeersch et de Christine Couture ont été un encouragement essentiel pour se lancer dans cette entreprise. La rédaction de cette thèse, s’est effectuée loin du terrain, loin du Mexique. Le courrier et le courrier électronique m’ont souvent permis de maintenir des liens distendus. De façon continue, nombreux sont ceux qui ont sans relâche répondu à mes demandes. Susana Ramirez, pour la céramique, Javier Reveles pour le lithique, Luis Gomez et Carmen Melgarejo, pour le matériel en coquillage m’ont ainsi permis d’enrichir ma recherche et de compléter mes informations. Mais une thèse repose aussi sur des informations plus ténues, qui n’en sont pas moins essentielles. Je tiens à remercier pour leur contribution à l’éclaircissement de certains points, Phil Weigand, Fabrice Allouche, Eric Crubézy, Catherine Liot et Grégory Pereira. Que ceux que j’oublie ici veuillent bien me pardonner. On a beau prévoir, sans cesse surgissent de nouvelles questions, des oublis, des lacunes. Il faut toujours revenir au matériel d’étude. Malgré la distance, nous avons pu effectuer deux missions à Guadalajara grâce à l’aide de l’UMR8096 « Archéologie des Amériques » qui les a financées en partie. Chaque fois, l’accueil de Jocelyne Gacel et de Ricardo Avila nous a permis de travailler dans les meilleures conditions. Leur gentillesse, leur disponibilité ont rendu ces brefs séjours agréables et productifs, et nous avons toujours pu compter sur leur appui. Qu’ils trouvent ici un témoignage de notre gratitude. La bonne ambiance dans notre lieu de travail a largement contribué au bon déroulement de l’analyse osseuse. Cela, je le dois à l’ensemble du personnel du Departamento de Estudios del Hombre de la Universidad de Guadalajara, notamment à Guillermina Rivera et Cristina Ramírez, pour leur aide bibliographique, à Altagracia Martínez, Ma. del Refugio Plascencia pour leur ample disponibilité, ainsi qu’à Rosa Yañez et Luis Gómez pour l’amitié qu ils m’ont toujours témoignée. Les photos 1 à 8 proviennent du projet Sayula, toutes les autres ont été prise par Eric Taladoire; Jean Claude Vaysse s’est aimablement chargé des tirages; les dessins des récipients en céramique, je les dois au talent de Laura Iñíguez, dessinatrice, ainsi qu’à Marisol Montejano, Jorge Herrejón, Sean Smith, étudiants en archéologie de l’Universidad i

Autónoma de Guadalajara. Tous se sont aimablement pliés à mes horaires abusifs afin d’achever ces illustrations en un minimum de temps. En dépit d’un emploi de temps chargé, Dominique Michelet a accepté de diriger cette thèse, et je tiens ici à le remercier pour son soutien matériel et moral tout au long de ma recherche, pour ses phrases rassurantes, ainsi que pour ses commentaires et suggestions qui ont contribué à combler mes lacunes. Ma gratitude va aussi à Grégory Pereira qui a aimablement accepté de lire le manuscrit final et m’a fait part de ses remarques et de ses suggestions. Il me revient également le plaisir de témoigner ma reconnaissance aux membres du jury, et bien sûr à Dominique Michelet, pour avoir accepté d’examiner ce travail. Je ne saurais passer sous silence l’amitié de ceux qui ont suivi le même parcours que moi, et qui soutiennent leur thèse presqu’en même temps: Philippe, Sofia, Susana, toujours présents, dans les bons et mauvais moments. Cette thèse n’aurait jamais vu le jour sans la complète disponibilité et la patience infinie de Toñito qui a su garder la tête froide face au drame quotidien de vivre avec moi.

ii

TABLE DE MATIERES page Index des figures .........................................................................................................................................vi Index des graphiques ...................................................................................................................................viii Index des photos .........................................................................................................................................ix Index des tableaux ......................................................................................................................................ix INTRODUCTION ....................................................................................................................................1 I.

LES CONTEXTES DE L’ETUDE ...........................................................................................................3 A. La question funéraire........................................................................................................................3 1. Le dépôt funéraire et son contexte ....................................................................................................3 2. Perspectives d’étude des ensembles funéraires.................................................................................3 3. Les vestiges sépulcraux et les différents approches archéologiques .................................................4 a. L’archéologie descriptive...........................................................................................................4 b. La sépulture comme marqueur culturel......................................................................................4 c. L’archéologie anthropologique ..................................................................................................5 d. La paléoanthropologie funéraire................................................................................................5 e. L’anthropologie de terrain .........................................................................................................5 B. La question archéologique ................................................................................................................6 1. Le bassin de Savula et le milieu naturel............................................................................................6 a. La Playa .....................................................................................................................................6 b. Les plaines alluviales.................................................................................................................7 c. Le piémont .................................................................................................................................7 d. La montagne ..............................................................................................................................7 2. L’Ethnohistoire de la région .............................................................................................................8 3. Historique des travaux archéologiques antérieurs.............................................................................9 4. Le projet Bassin de Sayula................................................................................................................9 5. La prospection ..................................................................................................................................10 a. L’espace ... ................................................................................................................................10 b. La fonction.................................................................................................................................11 6. La chronologie..................................................................................................................................11 a. Phases anciennes........................................................................................................................11 b. Phase Sayula..............................................................................................................................13 c. Phase Amacueca ........................................................................................................................14 7. Le matériel funéraire.........................................................................................................................15 8. Schéma d’occupation........................................................................................................................16

II.

LE SITE DE CASETA ..............................................................................................................................17 A. Cadre des recherches ........................................................................................................................17 1. Identification du site .........................................................................................................................17 2. Les recherches préliminaires.............................................................................................................17 B. Les fouilles..........................................................................................................................................18 1. Les saisons........................................................................................................................................18 2. Les vestiges non funéraires ...............................................................................................................19 a. Les trous de poteaux ..................................................................................................................19 b. Les fondations en pierre ............................................................................................................20 c. Les fosses non funéraires ...........................................................................................................21 3. Le matériel céramique ......................................................................................................................22 a. Les complexes anciens...............................................................................................................22 b. Le complexe Sayula...................................................................................................................23 c. Le complexe Amacueca .............................................................................................................23 C. Bilan des connaissances.....................................................................................................................25

III.

LES SEPULTURES ANCIENNES...........................................................................................................26 A. La problématique des tombes à puits dans l’Occident du Mexique..............................................26 1. Le placement chronologique.............................................................................................................26 2. La distribution spatiale .....................................................................................................................27 iii

3. Les differences morphologiques et le contexte socio-cultural ..........................................................27 4. La population inhumée et les gestes funéraires.................................................................................28 B. La méthodologie.................................................................................................................................28 1. Le terrain ..........................................................................................................................................29 2. Le traitement en laboratoire..............................................................................................................29 C. Tombe A .............................................................................................................................................29 1. Le contenu ........................................................................................................................................30 2. L’état du matériel..............................................................................................................................30 3. Quantification des restes osseux .......................................................................................................31 4. L’âge des individus...........................................................................................................................33 5. Discussion.........................................................................................................................................33 D. Tombe B .............................................................................................................................................35 1 .Le contenu ........................................................................................................................................35 a. L’individu 1 ...............................................................................................................................35 b. L’individu 2 ...............................................................................................................................36 c. L’individu 3 ...............................................................................................................................37 d. L’individu 4 ...............................................................................................................................38 c. L’individu 5 ...............................................................................................................................38 f. L’amas nord-est..........................................................................................................................38 2. L’état général du matériel .................................................................................................................39 3. Quantification des restes osseux .......................................................................................................40 4. L’âge et le sexe des individus ...........................................................................................................42 5. Organisation de la sépulture .............................................................................................................42 E. Tombe C. ............................................................................................................................................45 1. Le contenu ........................................................................................................................................45 a. L’individu 1 ...............................................................................................................................45 b. L’individu 2 ...............................................................................................................................46 c. Les autres vestiges .....................................................................................................................47 2. L’état général du matériel .................................................................................................................47 3. Quantification des restes osseux .......................................................................................................48 4. L’âge et le sexe des individus... ........................................................................................................49 5. Organisation spatiale de la sépulture ................................................................................................49 F. Autres structures funéraires anciennes............................................................................................50 1. La morphologie et le contenu ...........................................................................................................50 2. Placement chronologique et signification .........................................................................................51 G. Le mobilier funéraire ancien ............................................................................................................52 1. Le matériel céramique ......................................................................................................................52 2. Le matériel en pierre taillée ..............................................................................................................53 a. Les pointes .................................................................................................................................54 b. Les lames ...................................................................................................................................54 c. autres objets ...............................................................................................................................54 3. Le matériel en pierre polie: les attaches d’atlatl................................................................................56 4. La parure...........................................................................................................................................56 a. Les perles...................................................................................................................................57 b. Les pendentifs............................................................................................................................58 H. Discussion...........................................................................................................................................59 1. Les caractéristiques générales: morphologie et contenu ...................................................................59 2. Placement spatio-temporel et interprétation......................................................................................61 IV.

LES SEPULTURES RECENTES.............................................................................................................62 A. La problématique des sépultures du Post-classique dans l'Occident du Mexique.......................62 1. Etat des recherches et problèmes méthodologiques..........................................................................62 2. Problèmes chronologiques et évolution régionale ............................................................................63 B. Méthodologie......................................................................................................................................64 1. Le terrain ..........................................................................................................................................64 2. Le laboratoire....................................................................................................................................64 C. Etat de conservation du matériel .....................................................................................................67 D. Description .........................................................................................................................................68 1. Organisation générale du site et des secteurs funéraires ...................................................................68 2. Le cimetière Nord .............................................................................................................................68 iv

a. Les cas spéciaux.........................................................................................................................68 3. Le cimetière Sud ...............................................................................................................................69 a. Les cas spéciaux.........................................................................................................................70 4. Les sépultures isolées........................................................................................................................73 V.

LE MOBILIER FUNERAIRE..................................................................................................................82 A. Les offrandes......................................................................................................................................82 1. Le matériel céramique ......................................................................................................................82 a. Les vases....................................................................................................................................82 b. Les fusaïoles ..............................................................................................................................86 c. Autres objets ..............................................................................................................................87 d. La céramique funéraire et la céramique domestique..................................................................88 c. La chronologie ...........................................................................................................................89 f. Les cimetières et la céramique....................................................................................................89 2. Le matériel lithique...........................................................................................................................90 a. Les pointes .................................................................................................................................91 b. Les lames ...................................................................................................................................91 c. autres objets ...............................................................................................................................92 d. Les cimetières et le matériel lithique .........................................................................................94 3. Le matériel faunique et le textile.......................................................................................................95 B. Les parures.........................................................................................................................................96 1. La coquille ........................................................................................................................................96 a. Les perles...................................................................................................................................96 b. Les pendentifs............................................................................................................................97 c. Les épingles ...............................................................................................................................98 d. Les bracelets ..............................................................................................................................98 e. Les pectoraux.............................................................................................................................98 f. Les fragments .............................................................................................................................99 2. Le métal ............................................................................................................................................100 a. Les anneaux ...............................................................................................................................100 b. Les grelots .................................................................................................................................100 c. Pendentif....................................................................................................................................101 3. Les autres matériels ..........................................................................................................................101 C. Commentaires ....................................................................................................................................101

VI.

LES PRATIQUES FUNERAIRES RECENTES.....................................................................................103 A. Cimetière Nord ..................................................................................................................................103 1. Les structures ....................................................................................................................................103 2. Comptabilisation des effectifs et modes de dépôts ...........................................................................104 3. Disposition des restes primaires........................................................................................................104 a. Position latérale .........................................................................................................................105 b. Position dorsale.. .......................................................................................................................106 c. Position assise............................................................................................................................107 d. Les aménagements particuliers ..................................................................................................109 4. Disposition des restes secondaires ....................................................................................................110 5. Disposition du mobilier ....................................................................................................................111 6. Le sexe et l’âge .................................................................................................................................113 7. Bilan de connaissances sur le cimetière Nord...................................................................................117 B. Cimetière Sud.....................................................................................................................................118 1. Les structures ....................................................................................................................................118 2. Comptabilisation des effectifs et modes de dépots ...........................................................................121 3. Disposition de restes primaires .........................................................................................................122 a. Position latérale .........................................................................................................................123 b. Position dorsale .........................................................................................................................124 c. Position assise............................................................................................................................125 d. Les aménagements particuliers ..................................................................................................127 4. Disposition de restes secondaires .....................................................................................................128 5. Disposition du mobilier ....................................................................................................................132 6. Le sexe et l’âge .................................................................................................................................133 7. Commentaire.....................................................................................................................................139 v

C. Discussion...........................................................................................................................................140 VII.

DONNEES PALEO-ANTHROPOLOGIQUES ......................................................................................145 A. Les caractères discrets ......................................................................................................................145 1. Méthodologie....................................................................................................................................146 2. Résultats............................................................................................................................................146 B. Les pratiques ostéo-culturelles .........................................................................................................152 1. Deformation crânienne .....................................................................................................................152 a. La déformation crânienne à Caseta ............................................................................................152 b. Implications socio-culturelles ....................................................................................................155 2. Mutilation dentaire............................................................................................................................156 a. Le maxillaire ..............................................................................................................................157 b. La mandibule. ............................................................................................................................157 c. Les canines.................................................................................................................................158 d. Les modèles répérés...................................................................................................................158 e. Mutilation, âge et sexe ...............................................................................................................159 f. Comparaisons .............................................................................................................................160 C. L’état sanitaire...................................................................................................................................161 1. Les indicateurs de stress ...................................................................................................................161 a. L’hypoplasie ..............................................................................................................................161 b. Les lignes de Harris ...................................................................................................................162 c. La déficience en fer....................................................................................................................162 2. Les pathologies ... ............................................................................................................................163 a. Le traumatisme...........................................................................................................................163 b. L’infection .................................................................................................................................163 c. L’arthrose...................................................................................................................................165 D. Bilan....................................................................................................................................................167

VII.

COMPARAISONS.......................................................................................................................................169 A. Les tombes à puits .............................................................................................................................169 1. Le Bassin de Sayula..........................................................................................................................169 a. El Casco.....................................................................................................................................169 b. Cerro del Agua Escondida.........................................................................................................169 c. commentaires .............................................................................................................................171 2. La région...........................................................................................................................................172 a. La vallée d’Atemajac: Tabachines et Lomas del Vergel............................................................172 b. Le haut plateau de Jalisco: Huitzilapa .......................................................................................174 c. Le canyon de Bolaños: El Piñón ................................................................................................176 3. Discussion.........................................................................................................................................177 B. Les sépultures récentes......................................................................................................................179 1. Le Bassin de Sayula..........................................................................................................................179 a. San Juan.....................................................................................................................................179 2. La région...........................................................................................................................................182 a. La région proche ........................................................................................................................183 b. La région lointaine.....................................................................................................................185 3. Discussion.........................................................................................................................................188

IX.

SYNTHESE ................................................................................................................................................190 A. Le système funéraire de la phase Usmajac ......................................................................................190 B. Les défunts de la phase Amacueca, appartenaient-ils à la même population? .............................192 C. Continuité culturelle et fonction du site ..........................................................................................196

X.

CONCLUSION ..........................................................................................................................................199 FIGURES....................................................................................................................................................203 PHOTOS.....................................................................................................................................................298 BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................................................................311

vi

ANNEXES I Critères retenus pour l’identification du sexe et de l’âge des squelettes, phase Amacueca ......................319 II Les caractères discrets et leurs diverses appellations ...............................................................................322 III Fiches descriptives par sépulture ............................................................................................................323

vii

INDEX DES FIGURES figure 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. 49. 50. 51. 52. 53. 54. 55. 56.

De la population d’origine à la population archéologique............................………………….......... Localisation de la zone d’étude.....................................................................................……………. Les quatre unités géomorphologiques du bassin de Sayula, coupe schématique...........…………… Carte des sites archéologiques et localités modernes du bassin de Sayula........................................ Principe de résistivité...............................................................................................................……. Disposition Wenner.................................................................................................................……. Plan de localisation des vestiges.................................................................................................…… Fosses non funéraires (phases anciennes) plan et coupe..................................................................... Variations dans la morphologie des tombes à puits.......................................................................... Plans et coupes des tombes A, B et C de Caseta...........................................................................…. Plan de la tombe B de Caseta....................................................................................................……. Plan de la tombe C de Caseta....................................................................................................……. Localisation des fosses anciennes................................................................................................….. Matériel céramique de la phase Usmajac.......................................................................................…. Matéril lithique, phase Usmajac.................................................................................................…… Les perles de la phase Usmajac..................................................................................................…… Les pendentifs et anneaux de propulseur de la phase Usmajac.......................................................... Plan du cimetière Nord, site de Caseta.........................................................................................….. Sépulture 71...........................................................................................................................……… Sépulture 73...........................................................................................................................……… Sépulture 76...........................................................................................................................……… Sépultures 77 et 78..................................................................................................................…….. Sépulture 79...........................................................................................................................……… Sépulture 80...........................................................................................................................……… Sépulture 81...........................................................................................................................……… Sépulture 83...........................................................................................................................……… Sépulture 87...........................................................................................................................……… Sépulture 88...........................................................................................................................……… Sépulture 89...........................................................................................................................……… Sépulture 90...........................................................................................................................……… Sépulture 91...........................................................................................................................……… Sépulture 93...........................................................................................................................……… Sépulture 95...........................................................................................................................……… Sépulture 96...........................................................................................................................………. Sépulture 97...........................................................................................................................………. Plan du cimetière Sud, site de Caseta..........................................................................................….. Sépulture 3.............................................................................................................................……… Sépulture 4.............................................................................................................................……… Sépulture 5.............................................................................................................................……… Sépulture 6.............................................................................................................................……… Sépulture 7.............................................................................................................................……… Sépulture 8.............................................................................................................................……… Sépulture 9............................................................................................................................... Sépulture 10............................................................................................................................. Sépulture 11............................................................................................................................. Sépulture 12............................................................................................................................. Sépulture 14............................................................................................................................. Sépulture 13............................................................................................................................. Sépulture 15............................................................................................................................. Sépulture 16............................................................................................................................. Sépulture 17............................................................................................................................. Sépulture 19............................................................................................................................. Sépulture 18............................................................................................................................. Sépulture 20............................................................................................................................. Sépulture 21............................................................................................................................. Sépulture 22............................................................................................................................. viii

page 203 204 205 206 207 207 208 209 210 211 212-213 214 215 216 217 218 219 220 221 221 221 222 222 222 223 223 224 224 225 225 226 226 226 227 227 228 229 229 230 230 231 231 232 232 233 233 234 235 235 236 237 237 238 239 239 240

57. 58. 59. 60. 61. 62. 63. 64. 65. 66. 67. 68. 69. 70. 71. 72. 73. 74. 75. 76. 77. 78. 79. 80. 81. 82. 83. 84. 85. 86. 87. 88. 89. 90. 91. 92. 93. 94. 95. 96. 97. 98. 99. 100. 101. 102. 103. 104. 105. 106. 107. 108. 109. 110. 111. 112. 113. 114. 115. 116.

Sépulture 23............................................................................................................................. Sépultures 24 et 25.................................................................................................................... Sépulture 26............................................................................................................................. Sépulture 27............................................................................................................................. Sépulture 28............................................................................................................................. Sépulture 30............................................................................................................................. Sépulture 29............................................................................................................................. Sépulture 31............................................................................................................................. Sépulture 32............................................................................................................................. Sépultures 33-34....................................................................................................................... Sépulture 35............................................................................................................................. Sépulture 38............................................................................................................................. Sépulture 37............................................................................................................................. Sépulture 39............................................................................................................................. Sépulture 41............................................................................................................................. Sépulture 45............................................................................................................................. Sépulture 46............................................................................................................................. Sépultures 49 et 50.................................................................................................................... Sépulture 51............................................................................................................................. Sépulture 53............................................................................................................................. Sépulture 54............................................................................................................................. Sépulture 55............................................................................................................................. Sépulture 56............................................................................................................................. Sépultures 57 et 60.................................................................................................................... Sépulture 58............................................................................................................................. Sépulture 59............................................................................................................................. Sépulture 61............................................................................................................................. Sépulture 62............................................................................................................................. Sépulture 63............................................................................................................................. Sépulture 64............................................................................................................................. Sépulture 65............................................................................................................................. Sépulture 67............................................................................................................................. Sépulture 68............................................................................................................................. Sépultures 69 et 70.................................................................................................................... Localisation des sépultures isolées................................................................................................ Sépulture 1............................................................................................................................... Sépulture 2............................................................................................................................... Sépulture 40............................................................................................................................. Sépulture 66............................................................................................................................. Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 1, monochrome............................................ Offrande céramique de phase Amacueca: Type 1, monochrome à engobe rouge ..................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Types 2, 4 et 5.......................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 6, dichrome.................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome.................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome................................................ Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome………………………………. Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome....................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome...................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome....................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome...................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome....................................................... Offrandes céramiques de phase Amacueca: Type 7, polychrome...................................................... Les fusaïoles du contexte funéraire Amacueca.................................................................................. Les fusaïoles du contexte funéraire Amacueca.................................................................................. Autres objets funéraires en céramique, phase Amacueca................................................................... Les pointes en obsidienne, phase Amacueca.................................................................................... Lame en obsidienne (a), et couteau en silex (b), phase Amacueca..................................................... Parures, phase Amacueca, contexte funéraire.................................................................................... Parures, phase Amacueca, contexte funéraire.................................................................................... Représentations des paquets funéraires dans les codex...................................................................... ix

240 240 241 242 242 242 243 244 244 245 245 245 246 246 246 247 247 248 248 249 249 250 250 251 251 252 252 253 253 254 254 255 255 256 257 258 258 259 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280

117. 118. 119. 120. 121. 122. 123. 124. 125. 126. 127. 128. 129. 130. 131. 132.

Divers types de déformation crânienne........................................................................................... Types de mutilation dentaire....................................................................................................... Modèles de mutilation dentaire présents dans la série Amacueca..................................................... Localisation des sites de phases anciennes...................................................................................... Plan et profil de la tombe à puits du site de El Casco....................................................................... Plan et profil de la tombe à puits du site Cerro del Agua Escondida................................................. Carte de localisation des sites à l’échelle régionale........................................................................... Plan et profil des tombes à puits représentatives de la vallée d’Atemajac......................................... Plan et profil de la tombe de Huitzilapa......................................................................................... Les tombes à puits de Cerro del Piñón.......................................................................................... Localisation des sites de la phase Amacueca................................................................................... Les sépultures du site de San Juan................................................................................................ Les sépultures de la phase Tolimán.............................................................................................. Les sépultures de Tizapán el Alto, Jalisco...................................................................................... Les sépultures de Milpillas, Michoacán......................................................................................... Corrélation des phases de l’Occident du Mexique............................................................................

281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296

Auteurs des illustrations Susana Ramírez: figure 14, 96, 98, 107, 108, 109, 110, 111. Javier Reveles: figure 15, 17b. et d., 112, 113. Marisol Montejano: 102, 103, Jorge Herrejón: 97, 99, 100b., Sean Smith: 100a., 104, 105, A l’exception des figures 1, 3, 12, 16e., 116, 117, 120, 122 à 131, extraites des diverses publications signalées en légende, le reste des illustrations a été réalisé par Rosario Acosta.

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INDEX DES GRAPHIQUES 1. Comparaison graphique du nombre de pièces des mains et des pieds, présentés par segments. Tombe A.... 2. a. Taux de conservation maximal global, tombe B.......................................................................... b. Taux de conservation maximal, adultes et immatures, tombe B...................................................... 3. Différentes variétés d’obsidienne utilisées dans la manufacture du matériel funéraire de phase Usmajac....... 4. Répartition proportionnelle des objets en obsidienne d’après les gisements d’origine dans les tombes à puits....................................................................................................................................... 5. Répartition générale des récipients funéraires de la phase Amacueca par type et groupe céramique d’appartenance.............……………………………………………………………………………………. 6. Différentes variétés d’obsidienne présentes dans le matériel funéraire de la phase Amacueca...................... 7. Répartition proportionnelle de l’obsidienne d’après les gisements d’origine......................................... 8. Les différentes catégories d’objets lithiques et leur représentation proportionnelle................................... 9. La matière première utilisée dans la confection des parures de la phase Amacueca................................... 10. Les formes de fosses funéraires du cimetière Nord du site de Caseta..................................................... 11. Position des corps en dépôts primaires du cimetière Nord................................................................. 12. Orientation des corps du cimetière Nord......................................................................................... 13. Nombre d’individus par catégorie d’âge, cimetière Nord................................................................... 14. Les formes de fosses funéraires du cimetière Sud.............................................................................. 15. Cimetière sud, comptabilisation du nombre minimum d’individus par sépulture................................... 16. Position des corps en dépôts primaires, cimetière Sud...................................................................... 17. Orientation des corps, cimetière Sud............................................................................................. 18. Pièces osseuses en dépôts secondaires, cimetière Sud....................................................................... 19. Effectifs par catégories d’âge, cimetière Sud.................................................................................... 20. Comparation de composition et modes de dépôts entre cimetières....................................................... 21. Comparaison du sexe des individus présents dans les cimetières Nord et Sud, site de Caseta....................................................................................................................…………………….. 22. Comparaison des catégories d’âge des individus présents dans les cimetières Nord et Sud, site de Caseta..................................................................................................................................... 23. Représentativité proportionnelle comparée des types de position présents dans les cimetières Nord et Sud du site de Caseta....................................................................................................................... 24. Pièces osseuses présentes dans les dépôts secondaires des cimetières Nord et Sud.................................. 25. Le mobilier funéraire présent dans les cimetières Nord et Sud............................................................. 26. Représentations des affections en pourcentage d’effectifs atteints.......................................................... 27. Représentation proportionnelle des pratiques ostéo-culturelles (déformation crânienne et mutilation dentaire) dans les cimetières Nord et Sud....................................................................................... 28. Représentation proportionnelle des affections repérées sur les effectifs des cimetières Nord et Sud.........................................................................................................................................

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32 41 42 53 54 82 90 91 94 96 103 104 105 115 118 121 122 123 129 135 140 141 141 142 143 143 168 193 195

INDEX DES PHOTOS photo 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20.

Vue générale du bassin de Sayula.............................................................................................. La playa pendant la saison des pluies......................................................................................... La montagne.......................................................................................................................... Vue générale du site de Caseta.................................................................................................. La structure G, vue vers l’ouest ................................................................................................ Anneaux de cuivre (Ind. 3.1)..................................................................................................... Grelots de cuivre (Ind.93.1)...................................................................................................... Grelots amalgamés.(Ind.32.1)................................................................................................... Pendentif en tumbaga.(Ind.61.2)................................................................................................ Développement asymétrique des pariétaux (individu 22.1).............................................................. Maxillaire: incisive centrale, mutilation type A2: incisives latérales, mutilation type A1. (individu 21.1).................................................................................................................................... Maxillaire: incisives centrales, mutilation type A2: incisive latérale, mutilation type A1. (individu 88.1).................................................................................................................................... Maxillaire: incisives mutilées, type F4 (individu 60.1).................................................................. Quatre incisives mandibulaires avec mutilation type A1 (individu 63.1)........................................... Individu 50.1, fémur: cas localisé de périostite............................................................................. Individu 51.1, clavicule gauche, cas localisé de périostite............................................................... Caries de degré 2 dans les surfaces mésiales, individu 37.1............................................................. Caries de degré 2 dans les surfaces mésiales, individu 28.1............................................................. Individu 18.2, vertèbres lombaires (LI-IV) atteintes d’arthrose........................................................ Individu 16.4, vertèbres cervicales atteintes d’arthrose...................................................................

Les photos 1 à 8 proviennent du projet Sayula, toutes les autres ont été prises par Eric Taladoire.

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page 297 297 298 298 299 299 300 300 301 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311

INDEX DES TABLEAUX tableau 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7a. 7b. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. 49. 50. 51.

La flore et la faune du bassin de Sayula en relation avec les unités géomorphologiques........................ Dates 14C, échantillons phases Usmajac et Verdía........................................................................ Chronologie du Bassin de Sayula, Jalisco (d’après Acosta et al. 1998)............................................. Nombre de sépultures fouillées dans le bassin de Sayula................................................................ Caractéristiques des structures non funéraires de Caseta.................................................................. Caractéristiques des puits dans le site de Caseta........................................................................... Complexe Amacueca, contexte non funéraire, caractéristiques générales............................................ Complexe Amacueca, contexte funéraire, caractéristiques générales.................................................. Données quantitatives concernant les os des pieds et des mains trouvés dans le remplissage de la Tombe A du site de Caseta...................................................................................................... Données quantitatives concernant les pièces dentaires trouvées dans le remplissage de la Tombe A de Caseta.................................................................................................................................. Décompte des pièces immatures trouvées lors du tamisage de la tombe A du site de Caseta.................. Inventaire et placement des pièces osseuses immatures................................................................... Données quantitatives concernant la série osseuse de la Tombe B.................................................... Données générales sur les individus en position anatomique de la tombe B....................................... Données quantitatives concernant la série osseuse de la Tombe C.................................................... Morphologie et dimensions des structures funéraires correspondant à la phase Usmajac........................ Caractéristiques générales du mobilier funéraire des phases anciennes................................................ Caractéristiques générales des pointes de projectile, trouvées en contexte funéraire, phase Usmajac......... Caractéristiques générales des lames trouvées en contexte funéraire, phase Usmajac............................. Caractéristiques générales des racloirs et disque trouvés en contexte funéraire, phase Usmajac................ Caractéristiques générales des éclats, trouvés en contexte funéraire, phase Usmajac.............................. Caractéristiques générales des déchets de taille, trouvés en contexte funéraire, phase Usmajac................ Rapport entre type de pièce et couleur du matériel, échantillon en obsidienne, phase Usmajac............... Les caractéristiques générales des éléments de parure des phases anciennes......................................... Dimensions des trois tombes à puits trouvées sur le site de Caseta.................................................. Synthèse des données funéraires de l’Occident du Mexique (Jalisco, Nayarit, Colima) pour le Postclassique......................................................................................................................... Causes de la dégradation du matériel osseux................................................................................ Caractéristiques générales des ensembles funéraires de la phase Amacueca.......................................... Cimetière Nord, données générales............................................................................................. Cimetière Sud, données générales.............................................................................................. Sépultures isolées, données générales......................................................................................... Répartition des groupes et types céramiques des offrandes funéraires de la phase Amacueca................... Caractéristiques générales des fusaïoles associées aux restes osseux de la phase Amacueca dans le site de Caseta.................................................................................................................................. Forme et décoration des fusaïoles de contexte funéraire................................................................... Caractéristiques générales des pointes de projectile en contexte funéraire, phase Amacueca.................... Caractéristiques générales des lames en contexte funéraire, phase Amacueca....................................... Caractéristiques générales des éclats en contexte funéraire, phase Amacueca........................................ Caractéristiques générales des déchets de taille en contexte funéraire, phase Amacueca.......................... Rapport entre le type de pièce et la couleur du matériel, échantillon en obsidienne, phase Amacueca...... La proportion des pièces en pierre taillée des cimetières Nord et Sud................................................ Variétés d’obsidienne utilisées dans les deux cimetières................................................................. Caractéristiques générales des perles en coquille, mobilier funéraire, phase Amacueca.......................... Caractéristiques générales des pendentifs en coquille, mobilier funéraire, phase Amacueca..................... Caractéristiques générales des autres objets en coquillage, mobilier funéraire, phase Amacueca.............. Caractéristiques générales des objets en métal, phase Amacueca....................................................... Caractéristiques générales des objets en matériels divers, mobilier funéraire, phase Amacueca................ Comptabilisation des effectifs et modes de dépôts, cimetière nord, Caseta.......................................... Rapport entre mode de dépôt des squelettes et composition des sépultures, cimetière nord, Caseta......... a. Données croisées de position et d’orientation des dépôts primaires du cimetière Nord......................... b. Caractéristiques principales des dépôts primaires, cimetière Nord. Cimetière Nord, pièces osseuses présentes dans les dépôts secondaires.............................................. Disposition du mobilier funéraire par rapport aux corps des défunts; cimetière Nord............................ Comptabilisation du sexe des effectifs du cimetière Nord................................................................ xiii

page 7 12 14 15 20 21 23 24 32 33 33 39 41 42 48 51 52 54 54 55 55 55 56 57 60 62 66 68 76 77-80 81 83 87 87 91 92 93 93 94 95 95 96 97 99 100 101 104 104 105 109 111 112 113

52. 53. 54. 55. 56. 57. 58. 59. 60. 61. 62. 63. 64. 65. 66. 67. 68. 69. 70. 71. 72. 73. 74. 75. 76. 77. 78. 79. 80. 81. 82. 83. 84. 85. 86. 87. 88. 89. 90. 91. 92. 93.

Rapport entre le sexe des individus et la composition des sépultures du cimetière Nord....................... Rapport entre le sexe et le mode de dépôt des individus du cimetière Nord........................................ Rapport entre sexe et mobilier pour les individus du cimetière Nord................................................ Rapport entre sexe et position des individus du cimetière Nord....................................................... Rapport entre l’âge et le sexe des individus du cimetière Nord, Caseta............................................. Rapport entre l’âge des individus et la composition des sépultures du cimetière Nord......................... Rapport entre l’âge et le type de dépôt des squelettes du cimetière Nord........................................... Rapport entre l’âge des individus et la présence de mobilier associé, cimetière Nord........................... Rapport entre âge et position, cimetière Nord............................................................................... Comptabilisation des effectifs et modes de dépôts, cimetière Sud..................................................... Rapport entre mode de dépôt et composition des sépultures, cimetière Sud....................................... Rapport entre position et orientation des dépôts primaires du cimetière Sud...................................... Caractéristiques principales des dépôts primaires, cimetière Sud...................................................... Comptabilisation des dépôts secondaires, cimetière Sud................................................................ Sépultures contenant des individus secondaires: rapport entre âge, sexe et mode de dépôt..................... Pièces osseuses en dépôts secondaires, cimetière Sud.................................................................... La disposition des offrandes, cimetière Sud.................................................................................. Comptabilisation du sexe des individus au cimetière Sud.............................................................. Rapport entre le sexe des individus et la composition des sépultures du cimetière Sud........................ Rapport entre le sexe et le mode du dépôt des individus du cimetière Sud......................................... Rapport entre sexe et position des individus du cimetière Nord, Caseta............................................ Rapport entre sexe et mobilier pour les individus du cimetière Sud.................................................. Rapport entre âge et sexe des individus du cimetière Sud, Caseta.................................................... Rapport entre l’âge des individus et la composition, individuelle ou multiple, des sépultures du cimetière Sud......................................................................................................................... Rapport entre l’âge et le type de dépôt des squelettes du cimetière Sud............................................. Rapport entre âge et position des individus du cimetière Sud.......................................................... Rapport entre l’âge des individus et la présence d’offrandes et/ou parures associées aux individus du cimetière Sud......................................................................................................................... Comptabilisation des caractères discrets du crâne par individu, phase Amacueca................................. Comptabilisation des caractères discrets du crâne par côté, phase Amacueca....................................... La déformation crânienne des individus de la phase Amacueca......................................................... Les mutilations dentaires par type, phase Amacueca...................................................................... Fréquence des types de mutilation dentaire par pièce..................................................................... Caractéristiques principales des 36 individus présentant des mutilations dentaires, phase Amacueca ...... Individus atteints de périostite, Phase Amacueca.......................................................................... Individus présentant des caries et liste des pièces dentaires affectées, phase Amacueca.......................... Perte ante-mortem de pièces dentaires par individu, phase Amacueca................................................ Individus atteints d’arthrose, et pièces affectées............................................................................. Résumé des données sur les tombes à puits du bassin de Sayula..................................................... Tableau comparatif des datations des différents types de tombes à puits............................................. Caractéristiques générales des sépultures, sites de San Juan et de Caseta........................................... Caractéristiques principales des sites dans la région proche de Caseta............................................... Caractéristiques principales des sites de la région lointaine.............................................................

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113 114 114 114 115 116 116 117 117 121 122 123 127 128 129 130 132 133 133 134 134 134 136 136 137 137 138 147 147 154 156 159 160 164 165 166 166 171 179 181 183 185

INTRODUCTION

La détermination des processus de peuplement du bassin de Sayula ainsi que l’identification des relations entre l’homme et le milieu constituaient les objectifs principaux du Projet Archéologique Cuenca de Sayula (Emphoux et al. 1994). La présente étude, qui s’inscrit dans le cadre de ce même projet, a bénéficié de l’aide logistique et académique des diverses institutions impliquées: l’Institut National d’Anthropologie (INAH), le Laboratoire d’Anthropologie de l’Université de Guadalajara1 et l’ORSTOM 2.

autour de Teuchitlán. Cet aspect prend toute son importance avec, d’une part, les fouilles récentes des tombes à puits de Huitzilapa et, d’autre part, les modifications du placement chronologique de la tradition des guachimontones. En effet, les fouilles récentes menées à Teuchitlán semblent indiquer que l’apogée de ce site serait antérieure d’un ou deux siècles à ce l’on supposait auparavant (Weigand, communication personnelle). Cela pourrait entraîner une révision générale de la séquence jusqu’ici envisagée.

Les vestiges archéologiques enregistrés lors de la prospection du bassin de Sayula ainsi que les fouilles effectuées dans les sites de San Juan (Valdez 1994), Caseta (Acosta et al . 1996), Cerritos Colorados (Guffroy et Gómez 1996, Guffroy 1998), La Mota et La Motita (Liot 1998), Cerro del Agua Escondida (Valdez 1998) ont donné lieu à diverses études.

Longtemps seulement connu pour ses pratiques funéraires spécifiques, l’Occident du Mexique a acquis une dimension plus remarquable par la mise au jour de vestiges architecturaux, reflets de sociétés complexes. D’un autre côté, la chronologie complexe actuellement en construction à partir des fouilles contribue à modifier sensiblement la notion même d’évolution des ensembles culturels mésoaméricains. Dans ce contexte, les travaux du Projet Sayula prennent toute leur valeur, en permettant de mieux synthétiser des données encore éparses.

En raison de son abondance et son importance pour déterminer la chronologie, le matériel céramique a fait l’objet de plusieurs analyses par divers chercheurs (Noyola 1994, Ramirez 1996, Gómez y de la Torre 1996).

Dans une autre perspective, et malgré les progrès continus de la recherche sur cette région longtemps délaissée, on déplore encore un déficit considérable de connaissances dans le domaine funéraire. Le nombre de tombes à puits correctement fouillées reste très faible, malgré l’importance de ce trait culturel. Par ailleurs, on ne dispose pas d’un nombre suffisant de séries osseuses significatives, et les études anthropologiques demeurent encore embryonnaires. Ces lacunes ressortent d’autant plus que pour des régions voisines, le Michoacán par exemple (Pereira 1999), ou le Nayarit (Gill 1976), on dispose désormais d’informations fiables, basées sur un nombre significatif d’individus.

Le matériel ostéologique, de son côté, a été étudié de diverses manières: on s’est ainsi intéressé aux séries issues des différents sites (Acosta 1994, 1996b, 1997, Acosta y Uruñuela 1994, Uruñuela 1994a, 1994b, 1994c, 1995, 1997); à des aspects spécifiques du matériel (Acosta y Uruñuela 1997, Uruñuela 1998); ou à l’ensemble du matériel de façon synthétique (Acosta 1996a). L’exploitation du sel dans le bassin de Sayula a été par ailleurs le sujet d’une recherche menée par Catherine Liot (1993, 1995, 1998, 2000 et Valdez et Liot 1994). Enfin, l’étude des métaux a été réalisée par Dorothy Hosler (1998).

Le site de Caseta a été découvert lors des travaux de prospection réalisés pendant la campagne de terrain de 1992. Les activités agricoles répétées avaient endommagé les restes archéologiques, mettant au jour des vestiges importants. L’équipe du projet a alors décidé de mettre en place un programme de sauvetage du site. La fouille s’est déroulée en 1993 et 1994 et, devant l’importance des découvertes, elle a pris un caractère intensif. Une reconnaissance systématique de la colline n’a permis d’identifier des concentrations irrégulières de matériel céramique que sur son flanc nord, le reste du terrain était, du moins en surface, libre de vestiges. L’utilisation de la résistivité a confirmé cette localisation spécifique, et fourni quelques indices supplémentaires. La fouille en décapage a enfin révélé l’absence d’occupations hors des limites préalablement définies. On peut donc considérer que la fouille a couvert la quasi totalité du site, sans préjuger de l’existence d’autres vestiges plus à l’écart.

Tous ces travaux, ainsi que le nôtre, visent à l’obtention d’un maximum d’informations sur les divers aspects de l’histoire préhispanique du bassin de Sayula. En dépit de leur dispersion thématique, ils s’intègrent dans une perspective globale de compréhension des processus d’évolution culturelle de la région. L’un des objectifs primordiaux du projet Sayula était de contribuer à combler un manque de connaissances dans une région importante pour la compréhension de l’évolution de l’Occident du Mexique. En effet, par sa position sur le trajet naturel qui relie la côte Pacifique du Colima et les hautes terres du centre du Jalisco, le bassin constitue un jalon fondamental pour relier les travaux en cours dans l’Etat de Colima avec ceux qui se développent 1 2

Parmi les données recueillies, le matériel funéraire représente un élément fondamental, puisqu’il est

Actuellement ‘Departamento de Estudios del Hombre’ Désormais IRD, Institut de Recherche pour le Développement.

1

Introduction ______________________________________________________________________________________________ c) L’articulation des ensembles funéraires avec les autres types de vestiges. d) Enfin, la compréhension de la fonction du site, durant ces différentes occupations.

constitué de trois tombes à puits et trois fosses de la phase Usmajac (300/400 av. J.C.-0), ainsi que de deux cimetières de la phase Amacueca (1100-1500 apr. J.C.). En revanche, malgré l’identification d’autres vestiges d’occupation en surface et en fouille, soit deux structures, le site ne présente pas les caractéristiques d’une zone d’habitat comparable à ce qui a été identifié ailleurs dans le bassin. Le but de cette étude est donc en priorité l’analyse de cet ensemble funéraire, représenté par un nombre minimum de 179 individus, et l’interprétation de son contexte.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons divisé notre travail en quatre ‘parties’. Nous présenterons d’abord le cadre des recherches, ainsi que les caractéristiques de la région, en général, et du site, en particulier. L’ensemble de cette information se trouve dans les chapitres I et II. Nous consacrerons ensuite les chapitres III, IV et V à décrire les différents groupes sépulcraux présents à Caseta, ainsi que le mobilier associé. L’analyse culturelle et biologique de ce matériel s’avère alors indispensable. Les chapitres VI et VII lui sont dédiés. Finalement, l’étude comparative et la synthèse, contenues dans les chapitres VIII et IX, rassemblent les connaissances acquises au cours de cette étude.

Les restes funéraires rassemblent une quantité importante d’information biologique mais aussi culturelle, qui peut nous renseigner sur l’organisation de la société ainsi que sur son idéologie. Cette double nature des vestiges nécessite, pour leur correcte analyse, la participation de deux disciplines: l’archéologie et l’anthropologie biologique (Duday 1997, Acosta 1996b, Pereira 1999). On examinera d’abord les caractéristiques biologiques du matériel pour ensuite les mettre en rapport avec les données archéologiques. Notre recherche vise donc à identifier l’information socioculturelle qui se cache dans les ensembles funéraires, et à restituer, dans la mesure du possible, les caractéristiques biologiques de la population vivante.

En dépit de ce que nombre d’aspects ont pu être traités de façon détaillée, il était nécessaire de laisser de côté certains points, moins pertinents pour l’étude, qui auraient dépassé le cadre d’une thèse. Il sera, par exemple, utile de procéder ultérieurement à une analyse poussée de la dentition ainsi qu’aux études de cas concernant les anomalies sanitaires rares, afin d’obtenir une image plus précise de la population. Ces aspects, non pris en compte ici, reflètent l’étendue des possibilités de recherche qui découlent des ensembles funéraires, et sur la série de Caseta en particulier. Mais on signalera aussi que des perspectives plus vastes de synthèse sur les pratiques funéraires dans le bassin de Sayula avec, notamment, la prise en compte de données complémentaires obtenues sur le site de San Juan demeurent ouvertes. L’ensemble des données disponibles sur la région de Sayula ouvre à terme des possibilités nouvelles de compréhension des pratiques funéraires et enfin des sociétés qui vécurent et se développèrent dans tout l’Occident du Mexique.

Les aspects biologiques et archéologiques seront ensuite réunis afin de mieux comprendre l’ensemble funéraire de Caseta et de contribuer, même modestement, à la connaissance de la population inhumante et, par conséquent de la société qui a vécu dans le bassin de Sayula, à certaines périodes de l’époque préhispanique. Cet objectif général repose sur des étapes préalables spécifiques telles que: a) La description et la comptabilisation du matériel funéraire du site de Caseta et sa classification chronologique. b) La caractérisation du système funéraire propre à chaque occupation.

2

Chapitre I

LES CONTEXTES DE L’ETUDE

son organisation et ses croyances, aspects difficilement observables à travers d’autres restes (Ferdière 2000: 5). Le chercheur est alors en mesure d’enregistrer des faits à partir desquels une reconstitution des gestes devient possible. Mais il ne faudrait pas oublier que ces vestiges ne sont que des restes matériels des pratiques funéraires, qui, par conséquent, ne reproduisent qu’une partie infime de la réalité. L’analyse appropriée de ces faits et de ces gestes aboutit à l’identification des pratiques funéraires, mais les rites, association d’une pratique et d’une croyance, ne sont pas accessibles en l’absence de textes. Si l’inhumation s’accompagnait d’une formule ou d’un discours qui lui conférait le statut de rite, les traces de ce dernier sont inexistantes (Crubézy 2000: 14). La motivation à l’origine de ces gestes reste donc inconnue, à moins de compter sur des sources écrites, ce qui est plutôt rare en Mésoamérique.

Les ensembles funéraires rendent compte des populations du passé de façon directe, à travers les os humains en tant que restes biologiques des membres de chaque communauté, et, de façon indirecte, par le mobilier funéraire qui les entoure. Ainsi, afin d’établir le cadre théorique de notre étude, il nous faut discuter les perspectives d’étude du domaine funéraire, pour situer ensuite notre recherche dans la problématique archéologique de la région où elle s’est déroulée.

A. La question funéraire Bien que la mort soit un fait biologique subi par tout être vivant, dans le cas des humains ce sont les survivants qui doivent y faire face. Les gestes accomplis avant et après l’inhumation du défunt vont bien au-delà de la simple question utilitaire qui, en l’occurrence, se limite à mettre le cadavre à l’écart pour une question d’hygiène.

En dépit de ce handicap, l’importance des restes funéraires pour l’étude des sociétés anciennes demeure essentielle. La compréhension de la motivation des gestes représente une différence majeure, par comparaison avec l’étude des vestiges domestiques produits par des activités dont la justification était principalement matérielle (Crubézy 2000: 8). Comme on l’a signalé ci-dessus, la motivation utilitaire de l’inhumation se restreint à une question d’hygiène.

La série d’activités qui se déroulent autour du mort constitue la réponse culturelle de la population au décès d’un de ses membres. Ces rites funéraires garantissent le passage de l’individu dans l’au-delà, rassurent les survivants proches, et maintiennent ou rétablissent la cohésion sociale perturbée par la mort de l’un d’entre eux. Ainsi l’accomplissement de gestes précis fournit un modèle intemporel pour affronter la situation déstabilisatrice produite par la disparition d’un individu (Thomas 1986). Les croyances spirituelles de la société se reflètent donc dans les comportements des vivants envers leurs morts. Par ailleurs les liens entre structure, contenu et croyances religieuses constituent une base d’interprétation culturelle pour les sociétés du passé.

L’ensemble des sépultures d’un site constitue l’échantillon à partir duquel l’archéologue cherche à comprendre le monde des vivants qui leur était contemporain. Les dépôts funéraires, quel que soit leur nombre, représentent la seule donnée archéologique en relation avec l’aspect biologique de la population. En l’absence de sources écrites, les restes humains ainsi que les autres vestiges qui les entourent sont les seuls témoins des croyances liées à la mort, et constituent donc la seule voie d’accès à la compréhension de l’idéologie funéraire (Duday et Sellier 1990, Leclerc 1990).

1. Le dépôt funéraire et son contexte Archéologiquement, les dépôts funéraires sont des restes exceptionnels puisqu’ils ont été enterrés de façon volontaire, ce qui n’est pas le cas de la plupart de vestiges trouvés lors de fouilles; par conséquent, leur préservation est généralement meilleure (Crubézy 2000: 8). De plus, la structure et le mobilier de ces dépôts constituent parfois un échantillon représentatif de l’univers des vivants qui, en raison de leur richesse, sont particulièrement impressionnants. L’étude correcte de ces restes fournit des données pour la compréhension de la place qu’occupaient les défunts dans la société, et donc sur le groupe lui-même. En effet, la manière dont la population inhumante traite ses morts, ainsi que les pratiques qu’elle associe à leurs funérailles, apporte des informations sur

2. Perspectives d’étude des ensembles funéraires L’étude des ensembles funéraires illustre trois domaines des sociétés du passé qui sont étroitement complémentaires les uns des autres: le monde des morts, celui des vivants et l’évolution des populations (Masset et Sellier 1990). Pour le monde des morts, la fouille fournira l’information sur la façon dont les cadavres ont été inhumés, ainsi que sur l’organisation et le fonctionnement des ensembles sépulcraux. Pour ce qui est du monde des vivants, l’analyse détaillée des sépultures nous renseigne sur la biologie et la culture matérielle de la population. L’aspect biologique concerne exclusivement les restes 3

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ la sépulture (structure, défunt et mobilier) constitue le point de départ de l’étude funéraire.

osseux; ce matériel rend compte de la morphologie, des pathologies, et parfois de certaines coutumes ou pratiques médicales. Quant à la culture matérielle, elle est largement illustrée par le mobilier funéraire ainsi que par la structure qui contient les vestiges. Finalement, la compréhension de l’évolution des populations repose sur l’analyse de l’ensemble des données osseuses qui documente les changements morphologiques et génétiques.

a. L’archéologie descriptive L’approche de l’archéologie descriptive (Gallay 1986) se limite justement à la description des vestiges et ne franchit pas le domaine de l’interprétation, considérant que le phénomène funéraire est si complexe que son explication, à partir des simples restes matériels, sera toujours inexacte. Cette position est la seule à adopter, face à des vestiges incomplets, mal conservés ou hétérogènes. Mais elle s’avère limitée lorsque l’échantillon est représentatif et cohérent. Dans ce cas, la description est seulement la suite logique de la fouille des sépultures, c’est-à-dire, un pas nécessaire dans leur étude, qui devrait déboucher sur une interprétation. Cependant, le travail sur les vestiges funéraires s’arrête souvent à ce niveau, et ce genre de matériel est perçu comme un simple ‘complément’ de l’ensemble des données obtenues par la fouille. On ignore alors son potentiel comme pourvoyeur d’information sociale et il se trouve donc sous-utilisé. Une fois la description effectuée, les restes osseux deviennent un matériel encombrant qui, dans le meilleur des cas, est déposé, dépourvu de l’information concernant son contexte archéologique, chez l’anthropologue physique qui s’attache aux questions biologiques. Ainsi, archéologues et anthropologues mènent des études parallèles, qui dissocient complètement les deux types d’informations que les sépultures sont susceptibles de fournir.

Bien que l’archéologie cherche à comprendre les populations du passé, l’étude des sépultures ne représente qu’une portion de la population vivante. Cette réflexion nous conduit au modèle proposé par Masset et Sellier (1990) d’après lequel on distinguerait quatre niveaux de population: la population vivante, la population décédée, la population inhumée et la population archéologique. Cette dernière seulement est représentée par les données funéraires. La population archéologique dérive de la population inhumée, qui constitue un corpus plus ample. En effet, l’étendue de la population archéologique dépend de l’ampleur de la fouille qui, dans certains cas, ne déterre pas la totalité de l’ensemble sépulcral. Par ailleurs, les phénomènes taphonomiques tels que la vitesse de décomposition du cadavre et la conservation différentielle, ainsi que les conditions externes comme l’érosion du terrain et le pillage, déterminent le nombre de cadavres trouvés par le chercheur. D’autre part, la population inhumée correspond, dans la plupart des cas, à un sous-ensemble de la population décédée, puisque tous les individus du groupe ne sont pas forcement inhumés dans le même endroit. Cela est particulièrement vrai dans le cas mésoaméricain pour lequel on enregistre, dans certaines régions, une diversité des emplacements sépulcraux. Si la pratique d’inhumation sous le sol d’habitation est courante chez les Mayas ou dans le centre du Mexique, il existe également des zones de concentration spécifiques ou cimetières. Par ailleurs, la population décédée ne correspond pas étroitement avec la population vivante, si l’on prend en considération les paramètres proposés par Sellier (1987). On doit tenir compte du décès de membres de la communauté à l’extérieur de celle-ci, par exemple, les voyageurs ou les guerriers et, inversement, de la présence d’éléments étrangers au groupe comme les captifs ou les sacrifiés.

b. La sépulture comme marqueur culturel La façon d’aborder les vestiges détermine leur interprétation. Cela est particulièrement vrai lorsque les restes funéraires sont perçus comme la caractéristique qui permet de reconnaître une ethnie. Cette identification s’appuie sur des caractéristiques matérielles isolées de leur contexte culturel et social, mais considérées comme suffisantes pour distinguer une culture donnée (Gallay 1986). Comme le signale à juste titre Pereira (1999: 4), la culture des tombes à puits, dont la problématique sera discutée dans le chapitre III, est l’exemple mésoaméricain caractéristique de ce type d’approche. On partait du principe que la zone d’occurence de ce type de structure funéraire constituait une région culturelle. Mais cette interprétation avait pour fondement exclusif les structures funéraires isolées de leur contenu et de leur contexte archéologique général, tel que les vestiges architecturaux associés. Une fois que les recherches ont mis au jour la diversité du contenu et l’importance du contexte archéologique des tombes à puits, ce principe a été mis en doute.

3. Les vestiges sépulcraux et les différentes approches archéologiques. Auparavant, chez les archéologues, l’attention apportée au mobilier funéraire surpassait largement l’intérêt suscité par le mort lui-même. Les anciens rapports de fouilles s’attardaient longuement sur les offrandes céramiques, ainsi que sur les bijoux portés par le défunt, tandis que la description du corps tenait en quelques lignes dont le contenu était parfois incomplet. Cette omission ne fournit qu’une image partielle de la société étudiée et s’avère avoir été particulièrement de mise dans la région qui nous occupe (Acosta 1996b: 146). Or la description précise de

c. L’archéologie anthropologique Avec le développement de la « New Archaeology » nordaméricaine, on note vers les années 1970 une tendance à 4

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ entre ces quatre domaines est le but recherché par l’étude des restes sépulcraux. Même si, dans la plupart des cas, cette identification reste partielle, elle conditionne l’interprétation des ensembles funéraires.

considérer l’ensemble funéraire comme un sujet digne d’étude, porteur d’information sur la société qui l’a produit. Le nouveau défi consiste à comprendre les rapports entre toutes les composantes d’une sépulture, dont la variabilité peut être corrélée avec l’organisation sociale du groupe (Binford 1971, Tainter 1977). L’étude holistique des pratiques funéraires peut ainsi permettre, à travers l’utilisation de modèles, d’identifier divers aspects d’une société: ses subdivisions internes (Saxe 1971), les changements qui affectent une structure sociale (Binford 1971), ainsi que l’importance de l’investissement de la communauté vis-à-vis du défunt. Ce dernier permet, soit de discerner les principes d’une hiérarchisation sociale, soit d’identifier des structures socio-économiques (Tainter 1977).

e. L’anthropologie de terrain En rapport étroit avec la paléoanthropologie funéraire, les anthropologues prenaient conscience des apports importants qu’une étude ostéologique confère à la compréhension des ensembles funéraires. C’est en 1982 que les archéologues spécialisés dans la fouille de sépultures et les anthropologues intéressés par la mise en évidence de l’organisation du fonctionnement des ensembles funéraires commencent à partager leur expérience, ce qui aboutit à la constitution de la discipline appelée anthropologie de terrain (Crubézy 2000: 12).

Toutefois, l’identification de ces aspects ne sera pas toujours possible, compte tenu des limites inhérentes à la nature des vestiges (mauvaise conservation, représentativité de l’échantillon, pillage). D’autre part, l’interprétation des pratiques funéraires est indissociable de la connaissance de leur contexte social qui constitue la trame qui leur confère une cohérence. Enfin, et par voie de conséquence, aucun modèle interprétatif unique ne saurait s’appliquer de façon systématique à la diversité des contextes spécifiques des sociétés étudiées et de leurs pratiques funéraires. En dépit de ces réserves, l’approche de l’archéologie anthropologique a profondément changé la vision de l’archéologue sur les ensembles funéraires et mis en lumière ses potentialités.

Les divers travaux de H. Duday (1978, 1981, 1987, Duday et Sellier 1990, Duday et al. 1990) mettent en évidence que le chercheur qui fouille des sépultures nécessite une solide connaissance de l’ostéologie humaine, qui lui permet l’identification précise des fragments d’os, même minuscules, afin de repérer leur position exacte et leurs rapports avec tous les éléments de la tombe. Il est évident que la récupération de ce genre de données est impossible une fois la fouille achevée. A partir de ces éléments, l’exploitation en laboratoire s’en trouve avantagée et apporte alors une contribution irremplaçable à l’interprétation des pratiques funéraires. L’étude des ensembles funéraires cherche à comprendre les activités accomplies par la population inhumante autour de ses morts, pour ainsi les distinguer des phénomènes taphonomiques provoqués par l’ingérence des facteurs naturels dans la sépulture ainsi que par les conditions de décomposition des cadavres. L’anthropologie de terrain correspond donc « à une approche dynamique des sépultures où prime la reconstitution conjointe des gestes funéraires et des distorsions que les facteurs taphonomiques ont pu déterminer par rapport à l’agencement initial de la tombe; confrontée aux autres données archéologiques, elle permet, dans un second temps, de discuter l’ensemble de pratiques et, dans la mesure du possible, leur signification en tant que reflet de l’idéologie et de la structure socioéconomique du groupe » (Duday et Sellier 1990: 12).

d. La paléoanthropologie funéraire Presque en même temps que se développait la « New Archaeology », les chercheurs français travaillaient sur la compréhension des mécanismes de formation des dépôts archéologiques sur les sites d’habitat. Cette approche a été, par la suite, appliquée aux ensembles funéraires sous le nom de paléoethnologie funéraire (Leroi-Gourhan et al. 1962), fournissant par ailleurs les outils méthodologiques nécessaires au perfectionnement de l’exploitation des restes funéraires en contexte archéologique. Au fur et à mesure que les travaux sur le matériel funéraire développaient cette ligne de recherche, les restes humains prenaient de plus en plus d’importance. Ainsi est née la paléoanthropologe funéraire; le concept de population est l’axe autour duquel s’articule sa problématique: « à partir des vestiges d’un échantillon inhumé, elle s’efforce de retrouver l’ensemble vivant dont il est l’image affaiblie » (Masset et Sellier 1990: 5).

Bien que la fouille des ensembles funéraires du site de Caseta s’inscrive dans le cadre de l’anthropologie de terrain, nous n’avons pas souhaité adhérer étroitement à une approche spécifique. Il nous semble en effet préférable de conserver une perspective plus ouverte, afin de tirer profit, lors de l’étude du matériel funéraire du site, de toutes les possibilités discutées ci-dessus. L’hétérogénéité du matériel, issu d’un sauvetage, tout comme la nécessité de se conformer aux objectifs du projet, nous ont conduit à prendre cette position plus pragmatique.

Comme l’a exprimé Sellier (1987), l’idéologie funéraire pourrait être considérée comme la partie immergée d’un iceberg, dont l’extrémité visible est constituée par les données archéologiques et anthropologiques (figure 1). Ces dernières dépendent de leur état de conservation et de la rigueur de la fouille. Entre les deux extrémités, se trouve le plan du réel qui illustre le passé et constitue le produit de l'interaction entre la biologie, l’écologie, la culture et la démographie. La compréhension des rapports

La conception schématique de cette recherche reflète en fait l’influence des diverses courants de pensée. Ainsi,

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Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ que la limite ouest, la Sierra de Tapalpa, plus abrupte, approche les 2800 m.

l’archéologie descriptive prend une part importante dans le chapitre III (les sépultures anciennes) et constitue la presque totalité des chapitres IV et V (description du contenu des sépultures récentes). Les principes de l’anthropologie de terrain ont largement contribué à la reconstitution des gestes funéraires dans les tombes à puits, ainsi qu’à la compréhension de l’organisation spatiale de ces structures (chapitre III). La discussion sur les pratiques funéraires récentes, au chapitre VI, a aussi bénéficié de ce cadre de pensée pour comprendre les modalités d’inhumation et leurs rapports avec le mobilier associé. Le chapitre VII discute les restes osseux sous l’angle de la paléoanthropologie funéraire, ce qui permet de concevoir l’échantillon inhumé comme un ensemble autrefois vivant.

La faible humidité de la région et la température moyenne, qui oscille entre 18 et 21°C, suscitent l’existence d’un climat semi-aride, dans lequel alternent deux saisons principales au cours de l’année. Les précipitations, qui varient entre 570 et 850 mm par an, sont ce qui contribue à la formation de la lagune de Sayula. Faute d’une autre alimentation, l’eau n’y est présente que pendant une partie de l’année: la saison des pluies, qui, de juin àmnovembre, donne naissance à un lac temporaire. Le reste de l’année, de novembre à mai, correspond à la saison sèche pendant laquelle l’eau du lac s’évapore. Cette perte d’eau provoque la cristallisation des sels au contact de l’air en les faisant apparaître à la surface du lac. A cette époque de l’année, soufflent des vents dominants de direction sud/sud-est et des tourbillons.

Une fois discutés les concepts théoriques qui constituent la base du présent travail, nous allons présenter maintenant la problématique régionale, dans laquelle s’inscrit le site de Caseta.

Quatre unités géomorphologiques peuvent être distinguées dans le bassin de Sayula; elles vont de pair avec des variations de types de sol et de végétation liées à l’altitude. Liot (1998) a fourni de ces unités une description détaillée dont nous ne présentons ci-dessous qu’une synthèse, avec les informations nécessaires à notre étude (figure 3).

B. La question archéologique Les nombreux bassins lacustres de l’Occident du Mexique sont généralement considérés comme des entités naturelles, autour desquelles s’intègrent les régions culturelles profitant ainsi d’un espace privilégié et de ses nombreuses ressources (Boehm de Lameiras 1988). Ils sont alors perçus comme des lieux déterminants pour le développement d’une région. Tel est le cas du Bassin de Sayula qui, en raison de sa position géographique, constitue un pôle d’interaction des régions environnantes, dont l’étude pourrait apporter des explications pertinentes pour certains aspects de l’évolution de l’Occident du Mexique.

a. La Playa. Le terme géomorphologique de « playa » désigne, dans le cas de notre région, la plaine de niveau de base du bassin endoréique de Sayula1. Elle reçoit donc des sédiments et de l’eau et constitue le fond désertique ou semi-aride du bassin avec une altitude comprise entre 1335 et 1350 m. En raison d’un surcroît d’eau pendant la saison des pluies, le niveau aquifère s’élève et le sol saturé forme un lac temporaire où l’on peut trouver des larves de crustacés et des petits poissons (photo 2). Par contre, en saison sèche, apparaissent en surface des croûtes de sel, conséquence de leur accumulation par les remontées de l’aquifère et de l’évaporation de l’eau. Les sols, formés par des limons et argiles, appartiennent à la catégorie des solontchaks en raison de leur forte teneur en sel et de leur caractère alcalin.

1. Le bassin de Sayula et le milieu naturel Situé dans la province physiographique de l’Axe Néovolcanique, le Bassin de Sayula se localise entre 19°50’ et 20°11’ de latitude nord et 103°20’ et 103°40’ de longitude ouest (figure 2). Avec 35 km de longueur et 20 km de largeur, cette région, qui occupe une aire d’environ 700 km2, est la partie basse du Bassin de Zacoalco-Sayula, formée par un système de quatre lacs: Atotonilco, Zacoalco, San Marcos et Sayula (Aliphat 1988). Ce dernier se trouve délimité par deux chaînes montagneuses appartenant à la Sierra Madre Occidentale qui l’entourent presque complètement donnant naissance au bassin endoréïque de Sayula (photo 1), qui est actuellement divisé entre les municipalités de Amacueca, Atoyac, Sayula, Techaluta y Teocuitatlán de Corona. Les limites nord, est et sud sont définies par la Sierra del Tigre qui atteint 2200 m d’altitude, en pente douce, tandis

Les niveaux de playa sont quasiment dépourvus de végétation du fait de la forte concentration saline. Aux bords du lac, on trouve des épineux et des cactacées tout au long de l’année. De plus, pendant la saison des pluies, des plantes aquatiques et des graminées halophytes apparaissent sur les bords sud-est du lac. Cette végétation attire certaines variétés de gibier d’eau et des oiseaux migrateurs.

1 Le terme playa est défini comme « une plaine de niveau de base d’un bassin versant désertique » (Cooke et al. 1993: 202)

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Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ En général, les plaines alluviales constituent une zone favorable pour l’agriculture, en raison de la présence de sols de type chernozem et phaeozem caractérisés par des terres noires très organiques qui, dans certains secteurs, atteignent 1 m d’épaisseur. Mais les différences géologiques, géomorphologiques et hydrologiques, ainsi que les variations climatiques à l’intérieur du bassin, mettent en évidence le fait que les sols du secteur est sont plus argileux et plus riches A que ceux du secteur ouest, plus sableux et moins profonds. A l’extrême sud-est du bassin se localisent des collines d’origine volcanique présentant un sol très induré, mais riche en minéraux, appelé « tepetate », qui, par ses caractéristiques physiques, n’est pas apte aux travaux agricoles.

b. Les plaines alluviales Entre 1350 et 1500 m d’altitude se trouve la zone de bas de pente des montagnes qui, dans la partie est du bassin, présentent une extension plus importante puisque la Sierra del Tigre s’élève plus doucement que la Sierra de Tapalpa. Unité geomorphologique

Playa (saison des pluies)

Plaines alluviales

Piémont

Montagne

Flore

-romerito (Suaeda torreyana) -graminées halophytes (Distichlis spicata et Sporobolus pyramidatus) -joncs (Typha sp et Seirpus sp)

-huizache (Acacia sp) -mezquite (Prosopis laevigata) -nopal (Opuntia sp) -pitaya (Stenecereus queretaroensis)

-guamuchil (Phitecebollium dulce) -guayabo (Psidium guajaba) -prunier (Spondias et Pronus sp) -mezquite (Prosopis glandulosa) -huizache (Acacia albicans) -tepehuaje (Acacia acapulcansis) -nopal (Opuntia sp.) -pitaya (Stenecereus queretaroensis) -pochote (Ceiba pentandra) -pin (Pinus oocarpa, pseudostrobus, michoacana, montezumae) -chêne (Quercus candicanis)

Faune

-poules d’eaux (famille rallidae) -pélicans (famille Pelecanidae) -cygnes (famille Anatidae) -oies (famille Anatidae) -canards (famille Anatidae) -hérons (famille Ardeidae) -ibis (famille Threskiornithidae) -cigones (famille Ciconidae) -tatous (Tolypeutes tricinctus et Dasypus novemcinctus) -blaireaux (Taxidea taxus) -sarigues (Didelphis azarae et Marmosa murina) -lapins (Sylvilagus floridanus) -lièvres (Lepus callotis)

Cette unité est caractérisée par une faune de petit gibier tel que le lièvre, l’opossum ou le tatou. La végétation naturelle est constituée de divers types d’arbustes propres au maquis subtropical, mesurant en moyenne 3 m de hauteur. Le maïs, la canne à sucre, le sésame, le pois, le sorgho, la luzerne sont, à l’heure actuelle, les cultures les plus courantes dans cette sous-région. c. Le piémont Constitué par les flancs de montagne, entre 1500 et 1800 m d’altitude, le piémont est caractérisé par des sols fertiles de type phaeozem. Riches en minéraux, ces terres sont propices à la mise en culture puisque elles sont irriguées par de nombreux cours d’eau saisonniers et des sources. Néanmoins, du fait des pentes importantes et de leur faible épaisseur, les sols subissent une forte érosion qui provoque, par endroits, l’affleurement du substrat basaltique. Dans ce secteur, l’on trouve des affleurements d’argile et des minéraux ferreux, ainsi que des gisements de cuivre et d’étain. La flore, composée par diverses espèces d’arbres fruitiers et d’arbustes épineux, est très similaire à celle décrite pour la zone des plaines alluviales. D’autre part, la faune, également très variée, est encore constituée de petit gibier, en plus de certains oiseaux tels que des cailles ou des dindes.

-la même que dans les plaines alluviales -cailles (Lophortix californica) -dindes (Meleagris gallopavo)

d. La montagne Situé entre 1800 et 2800, le secteur de montagne est constitué par la Sierra del Tigre et la Sierra de Tapalpa (photo 3). Les sols, peu développés, se caractérisent par leur richesse en roches et minéraux, où se développe une végétation typique de forêt haute, principalement formée par des pins et des chênes. Celle-ci est peuplée par une faune de petits mammifères similaires à ceux du secteur de piémont, mais aussi par du gibier de plus grande taille tel que le pécari.

-lapin (Sylvilagus floridanus) -pecari (Pecari tajacu) -cerf (Odocoileus virginianus) -coyote (Canis latrans)

Dans l’ensemble, donc, et en dépit de limitations liées à son climat plutôt aride, ou à la présence de sols peu fertiles dans toute la partie centrale du bassin, la région de Sayula présente globalement des conditions plutôt favorables à une implantation humaine. De plus, la

Tableau 1. La flore et la faune du bassin de Sayula en relation avec les unités géomorphologiques (D’après Liot 1998: 33-39).

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Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ manifestaient pour la région de Sayula à cause de sa production de sel soit attesté (Valdez et Liot 1994: 285), il est impossible d’affirmer qu’ils avaient le contrôle de la région. Les rapports de la région avec l’Etat tarasque ne sont pas clairs, puisque divers auteurs considèrent l’existence indiscutable de conflits entre les deux entités, mais rejettent l’idée d’une domination tarasque (Pérez Verdía 1910: 14). D’autres calculent que vers 1480 les Tarasques ont annexé à leur territoire celui de Colima qui, à l’époque, comprenait: Motines, Zapotlán, Amula, Sayula et Autlán (Brand 1966: 637). La Relación de Michoacán (Alcalá 1988: 212) mentionne à Tangaxoán II (Schöndube 1994b: 286), un cazonci3 tarasque dont le père, Zuangua, et le grand père, Tzitzipandácuare auraient conquis Tamazula, Zapotlán et les peuples de Avalos. Cela confirme la date d’annexion proposée par Brand.A l’époque de la conquête espagnole, la ville de Tenochtitlán fut choisie par Cortés comme la capitale de la Nouvelle Espagne; de cette ville, en 1524, sont les deux cousins de Hernán Cortés, désignés par lui comme encomenderos4 la région du bassin de Sayula. Ces deux frères, Hernando de Saavedra et Alonso de Avalos ou Dávalos accompagnaient Francisco de Cortés de San Buenaventura dans son expédition (Muriá 1988: 271). Mais quelques mois plus tard, le frère cadet, Hernando de Saavedra, qui à l’époque administrait les mines de la région de Tamazula, fut rappelé par Cortés pour faire partie de l’expédition qui partait pour le Honduras, tandis qu’Alonso de Avalos restait sur place. A la mort de Saavedra, le roi hérita de sa part, mais Avalos fut chargé de l’administration de l’encomienda d’une façon définitive (Munguía 1996). C’est ainsi que le territoire situé au sud et à l’ouest du lac de Chapala devient ‘La Provincia de Avalos’ (Fernández 1994: 37, Munguía 1996: 227).

diversité de ses ressources, et en particulier le sel, en font une zone potentiellement riche, et attractive. Les sources ethnohistoriques confirment bien cette situation.

2. L’ethnohistoire de la région La connaissance archéologique de toute région s’enrichit considérablement avec l’apport des données ethnohistoriques que nous allons réviser ci dessous. Parmi les rares sources faisant allusion au début de l’étape coloniale dans le bassin de Sayula se trouvent la Suma de Visitas (Paso y Troncoso 1902) et les Viajes de Fray Alonso Ponce al Occidente de México (Ponce 1968). Les connaissances sur l’ethnohistoire de la région sont limitées en raison de la perte des Relations Géographiques qui s’y rapportaient (Brand 1966: 635). Les textes relatifs au lac de Chapala, aux hautes terres du Michoacán et du sud de Jalisco fournissent, de façon indirecte, quelques informations complémentaires sur le bassin, surtout en ce qui concerne l’exploitation du sel (Liot 1998: 54). Plus récemment, d’autres auteurs se sont penchés sur la question, soit par un travail de terrain (Kelly nd, Schöndube 1994b), soit en travaillant sur des thèmes indirectement liés à notre région (Sauer 1976 et Brand 1952, 1966, 1993) afin de tenter d’enrichir le corpus de connaissances. La situation du bassin de Sayula à l’arrivée des Espagnols est largement controversée. Il y a, d’un côté, les auteurs comme Diguet (1903) qui affirment l’existence d’une région nommée Chimalhuacán, qui occupait les actuels Etats de Jalisco et Nayarit, ainsi que une partie d’Aguascalientes, du Sinaloa et du Zacatecas. Cette région aurait été constituée par des tactuanazgos2, de petits Etats constituant des royaumes. Ceux-ci pouvaient être autonomes, ou tributaires d’autres Etats plus importants, toujours à l’intérieur de l’ensemble du Chimalhuacán qui constituait alors une confédération puissante au niveau macrorégional, puisque les différentes entités pouvaient s’allier pour défendre leur territoire (Diguet 1903: 66).

La compréhension globale de cette province est compliquée puisque les archives et les sources écrites se trouvent dispersées. Avalos appartenait politiquement à la Nouvelle Espagne, tandis que l’aspect religieux fut placé sous la juridiction de Morelia, avant de passer sous la tutelle de Guadalajara (Schöndube 1994a: 327). Au début, la Provincia de Avalos comprenait les villages de Atoyac, Cocula, Sayula, Techaluta, Teocuitatlán et Zacoalco, mais, entre 1524 et 1560, la démarcation subit divers changements, pour lui annexer ou lui enlever des territoires (Munguía 1996: 233, Schöndube 1994a: 326). A l’époque de son apogée, la province comptait 11 chefslieux, puisque s’ajoutent à ceux déjà mentionnés: Ajijic, Amacueca, Chapala, Jocotepec et Tepec, chacun entouré d’un nombre variable de villages-sujets qui arrivaient à un total de 21 (Paso y Troncoso 1902, Schöndube 1994a).

D’autre part, on trouve des spécialistes (Brand 1966: 635, Schöndube 1994: 111, Valdez et Liot 1994: 285) qui considérent Chimalhuacán comme un mythe populaire, puisque son existence est exclusivement mentionnée par Fray Antonio Tello qui n’arrive qu’en 1620 en Nueva Galicia (Brand 1966: 651). D’après Brand (1966: 635), la région s’organisait en chefferies constituées par plusieurs villages. En tout cas, le Bassin de Sayula en faisait partie avec les tactuanazgos de Autlán, Tzaulán (l’actuelle Sayula), et Zapotlán, situés dans la partie sud de l’ensemble supposé du Chimalhuacán.

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Titre donné aux dirigeants tarasques. L’encomienda était un système d’exploitation conçu par les Espagnols afin de se procurer de la main d’oeuvre gratuite en utilisant la force de travail des Indiens. Ceux-ci, ainsi que d’énormes étendues de terres, étaient confiés (encomendados) à un Espagnol qui recevait leur tribut sous forme d’activité agricole. En échange, l’encomendero, responsable de l’éducation chrétienne de ses encomendados, payait ceux qui leur enseignaient la religion. 4

D’après Brand (1993), vers 1460, le Bassin de Sayula était constitué par 11 señorios, dont le plus important fut celui de Sayula. Bien que l’intérêt que les Tarasques 2

Titre donné en nahuatl aux dirigeants d’un Etat.

8

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ région. La localisation des sites de phase Amacueca sur le piémont, ainsi qu’une réduction dans la population, l’amène à proposer la thèse de conflits entre Colima et les Tarasques.

D’une façon plus spécifique, le bassin de Sayula était composé par trois chefs-lieux: Amacueca, avec ses quatre cantons, Atemajac, Jalpa, Jonacatlán, et Tapalpa; Atoyac, qui possédait Cuyacapán et Cuautla; Sayula avec Attaco, Usmajac et Chiquilixtlán, et enfin Tepec, qui, apparemment, ne possédait aucune communauté sujette (Paso y Troncoso 1902).

La région a ensuite connu une longue période d’oubli, jusqu’aux années 1960, quand le muséum de Floride a financé les travaux de Frederick W. Sleight (1965) qui a effectué un sondage dans le site de Cerritos Colorados. Il a reconnu les vestiges d’un village, et classé le matériel récupéré comme correspondant au Postclassique.

En 1552 est promulguée la Provincia de Avalos, dont le chef-lieu officiel est la ville de Sayula. A partir de 1680, la province commence à se diviser. A la même époque, se produit une baisse dramatique de la population qui passe de 45000 habitants en 1548 à 7100 en 1620 (Liot 1998: 56). Ce n’est qu’en 1780 que la population retrouve le même niveau qu’en 1548 (Fernández 1994: 33).

Peu après, l’Université de Guadalajara et le musée de Los Angeles County, réalisèrent une reconnaissance et une récolte de matériel de surface qui aboutit à une description générale des objets obtenus (Arévalo 1969).

A partir de 1680 arrivent dans la province des commerçants et des fonctionnaires provenant de Guadalajara qui finit, en 1786, par l’annexer à son Intendance. C’est ainsi que la région de Sayula devient une partie des territoires administrés par Guadalajara au détriment de son caractère politique semi-autonome (Fernández 1994: 3).

Dans un contexte totalement différent, des outils en pierre et en os, ainsi que des pointes Lerma et à cannelure trouvées en surface ont attiré l’attention de chercheurs en quête de liens entre ces outils et les restes de faune pléistocène trouvés dans le bassin Zacoalco-Sayula (Aveleyra 1964, Solórzano 1975, Aliphat 1988). Bien qu’il existe un rapport spatial entre eux, leur association précise reste non prouvée (Pastrana 1989: 195).

Malgré leurs déficiences, les rares données ethnohistoriques suggèrent l’existence, dans la région, de ressources naturelles variées. Cela pourrait expliquer l’attraction que le bassin a pu exercer d’abord sur les Tarasques, puis, après la Conquête, sur les colonisateurs espagnols. Il s’avère désormais nécessaire d’expliquer les démarches de la prospection, ainsi que ses résultats, afin de localiser plus précisément notre site d’étude dans la région du bassin de Sayula et de comprendre son placement chronologique.

L’Université de Calgary entama en 1983 le « Proyecto Piloto de la Cuenca Zacoalco-Sayula » dirigé par Richard Forbis. L’objectif était la caractérisation géologique et morphologique du bassin; cette recherche a fait appel à des spécialistes de plusieurs disciplines de la terre ainsi qu’à des archéologues. Ces derniers ont prospecté la partie nord de la région à la recherche des sites anciens déjà cités dans la littérature, afin d’identifier les localités susceptibles de fournir des informations sur le peuplement ancien de la zone (Aliphat 1988: 156). Enfin, en 1990, les institutions avec lesquelles nous avons travaillé et fouillé ont lancé le projet Sayula, duquel est issu ce travail et auquel nous réservons donc la section suivante.

3. Historique des travaux archéologiques antérieurs Les premiers travaux archéologiques réalisés dans le bassin de Sayula furent entrepris par Isabel Kelly (n.d.) qui, dans les années 1940, effectue une prospection systématique de la région, afin de localiser les sites préhispaniques et d’élaborer une séquence chronologique préliminaire (Kelly 1948). Sa profonde connaissance de la région, ainsi que l’étude méthodique du matériel récupéré pendant la prospection lui a permis de reconnaître le bassin comme l’une des quatorze provinces céramiques du nord-ouest du Mexique. Se fondant sur des comparaisons avec le matériel récupéré par elle-même dans les zones voisines de Tuxcacuexco et Autlán (Kelly 1945, 1949), Kelly (1948) a proposé une séquence relative constituée par trois complexes céramiques: Verdía (0-600 apr. J. C. ), Sayula (600-1100 apr. J. C. ) et Amacueca (1100-1520 apr. J. C.). Elle n’identifie qu’un seul site Verdía dans le bassin et trouve peu de ressemblances entre la céramique de celui-ci et le matériel Tuxcacuexco auquel elle attribue une ancienneté plus importante que Verdía. Par contre, pour la phase Sayula, elle note un net accroissement de la population, qui correspondrait à l’apogée de l’extraction du sel dans la

4. Le projet Sayula Visant à combler le manque de connaissances archéologiques dans la région des lacs de ZacoalcoSayula, dans l’Etat du Jalisco, le Projet Archéologique Cuenca de Sayula, débuta en Octobre 1990 avec la participation de trois institutions: l’ORSTOM, l’Université de Guadalajara (U de G) et l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) de Mexico. Une caractéristique importante dans le choix du bassin de Sayula comme aire d’étude fut sa situation géographique, puisque il forme un corridor sur le piémont est de la Sierra Madre Occidentale. La région de Sayula est donc la route la plus facile entre la côte Pacifique et les régions intérieures du Jalisco. Son extrémité sud communique avec le bassin du lac de Zapotlán, donnant accès aux terres basses du Colima et à la côte Pacifique; à sa limite nord, se trouvent deux accès naturels aux régions de 9

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ Zacoalco et d’Atemajac, et vers l’est, on parvient aisément aux hautes terres de Michoacán. Par sa position géographique, le bassin de Sayula a sans doute joué un rôle stratégique dès l’époque préhispanique, en facilitant l’interaction entre les régions environnantes.

5. La prospection Comme il a été noté ci-dessus, l’intérêt principal du Projet Sayula porte sur l’identification de signes d’activité sociale ancienne et de leur association au milieu naturel de la région. Ceci constitue en même temps la stratégie générale d’investigation du projet, dont la technique de base a été la prospection systématique du bassin. Celle-ci a permis d’enregistrer un total de 171 sites (figure 4). A partir de cette prospection, il a été possible de formuler des hypothèses sur l’utilisation de l’espace et la fonction des sites, c’est-à-dire les diverses modalités d’installation de l’homme dans son milieu. L’analyse de ces deux traits en rapport avec la chronologie, aboutit à l’identification des schèmes d’établissement.

Le projet initial affichait donc deux objectifs principaux: la compréhension du processus de développement socioculturel des populations présentes dans le bassin de Sayula, et l’identification des relations entre l’homme et son contexte écologique. Pour résoudre ces questions, il etait nécessaire de reconstituer l’histoire culturelle de la région depuis son premier peuplement, tout au long de son histoire préhispanique, jusqu’à l’arrivée des Espagnols, mais aussi d’identifier les ressources naturelles pour étudier ensuite les stratégies de leur exploitation (Emphoux et al 1994). La démarche choisie relève donc de la perspective de l’écologie culturelle qui repose sur le principe que l’analyse de la relation hommemilieu permet de comprendre le développement socioculturel d’une région. Pour atteindre ces objectifs, il a fallu d’abord développer d’autres axes de recherche. Premièrement, l’élaboration d’une séquence d’occupation de la région. Ensuite, l’analyse des vestiges archéologiques tels que les structures monumentales, l’habitat, les aires funéraires, etc. Puis, l’étude des modes d’adaptation au milieu naturel et de l’exploitation des ressources. Enfin, la caractérisation des relations avec les régions voisines du bassin de Sayula.

a. L’espace La localisation des ressources dans l’espace est un facteur déterminant pour l’établissement humain. Dans le bassin de Sayula, la répartition des ressources en paliers d’altitude nous a amené à diviser le paysage en trois secteurs altitudinaux (Valdez et al. 1996a, Liot 1998). Caractérisé par des traits géomorphologiques propres, chacun de ces secteurs constitue un micro-écosystème qui comporte des ressources distinctes et complémentaires des autres. Les traits physiques de ces unités correspondent aux zones géomorphologiques décrites auparavant. Nous allons présenter ci-dessous les caractéristiques générales des vestiges archéologiques qui s’y trouvent.

La totalité du bassin, 700 km2, a été analysée dans une optique régionale, en la considérant comme un univers d’étude non arbitraire, géographiquement bien délimité et culturellement bien défini. Cette supposition s’appuie sur le travail mené par Isabel Kelly (1948), qui avait identifié le bassin de Sayula comme l’une des quatorze provinces céramiques du Mexique nord-occidental. La prospection systématique de la région a été la démarche de base pour la localisation des vestiges et la récolte du matériel. Puis des fouilles sur les sites de San Juan (Acosta 1994, Noyola 1994, Valdez 1994) Caseta (Acosta et al. 1996), Cerritos Colorados (Guffroy 1996, Guffroy et Gómez 1996), La Mota y La Motita (Liot 2000) ont contribué à compléter le corpus des données.

• La Zone I. Comprise entre 2800 et 1800 m d’altitude, la zone I correspond à l’unité géomorphologique de montagne. Le repérage de petits sites, où une agriculture marginale a été probablement pratiquée, suggère que cette zone a été destinée plutôt à des activités de chasse, de cueillette et à l’obtention de matières premières telles que le bois et la roche. En revanche, dans des aires stratégiques telles que les accès naturels au bassin ou près de gisements de ressources naturelles comme les roches dures (basalte), l’on trouve quelques sites d’habitation. • La Zone II. Cette zone correspond au piémont, puisque elle se localise entre 1800 et 1500 m d’altitude. Caractérisée par un habitat dispersé, elle est constituée fondamentalement de hameaux dispersés, en dépit de l’existence de quelques centres plus denses, disposant d’architecture monumentale.

En raison de la destruction du site de San Juan lors de la construction d’un lotissement, il a fallu entreprendre une fouille de sauvetage; il en a été de même pour le site de Caseta, dont l’aire est travaillée par des machines agricoles dans le cadre de la culture de maïs. Ces deux interventions ont constitué une importante parenthèse lors de la prospection de la région. Le cas du site de Cerritos Colorados est différent, puisque il s’agit d’une opération programmée, menée en parallèle avec la prospection.

• La Zone III. Située entre 1500 et 1335 m d’altitude, cette zone comprend deux unités géomorphologiques: la playa et les plaines alluviales. Aux bords de la playa se trouvent exclusivement des aires d’extraction du sel. Par contre, sur les plaines alluviales, se situent des hameaux, des villages, ainsi que des ensembles domestiques. Il y a néanmoins plusieurs centres avec une architecture de type monumental. Les 171 sites inventoriés dans les différents secteurs ont été classés en accord avec les activités qui s’y déroulaient, ce qui nous amène à parler des fonctions. 10

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ coïncide avec la période Classique et enfin Amacueca, la phase la plus récente liée au Postclassique.

b. La fonction Il est possible de proposer une typologie fonctionnelle des sites du bassin de Sayula à partir de leurs caractéristiques générales de surface telles que leur extension ainsi que la densité et la nature des matériaux culturels (Schöndube et al. 2001).

Dans une optique différente de périodification et à l’échelle de l’ensemble de l’Occident, Otto Schöndube (1982) propose une division de l’évolution culturelle en deux grandes périodes, elles-mêmes subdivisées en deux:

• Sites d’habitation. Ce type d’établissement est le plus commun dans le bassin puisque ils représentent 84% du total enregistré. Une subdivision a été proposée à partir de la densité et de l’extension du matériel. On trouve d’abord, les unités résidentielles simples (37 cas) composées d’un ou deux ensembles domestiques (households); ensuite les hameaux (94 cas) qui comprennent de trois à cinq ensembles; enfin, les villages qui rassemblent plus de six ensembles (12 cas).

Etape I

: Ia (2400-1500 avant J. C.) Ib (500 avant J. C.-600 de notre ère)

Etape II

: IIa (600-900/1100 de notre ère) IIb (900/1100-Conquête Espagnole)

La comparaison avec le matériel provenant du travail de Kelly permet d’attribuer la phase Verdía à la fin de la période Ib, avec des dates de 0 a 600 de notre ère. Les phases Sayula (600-1100 de notre ère) et Amacueca (1100-1520) correspondraient respectivement aux périodes IIa et IIb (Valdez 1996: 22, 23).

• Aires d’activité. Les sites d’activité (19 cas) sont essentiellement des monticules recouverts de céramique, appelés tepalcateras; ils sont considérés comme des ateliers spécialisés dans l’extraction du sel. D’autre part, il existe aussi des ateliers de travail de métaux, de taille de matériel lithique, ainsi que de taille de coquillage marin.

Les résultats obtenus par le projet Sayula pendant sept années ont permis de confirmer les estimations proposées par Schöndube pour la séquence du bassin de Sayula et d’affiner la chronologie céramique de Kelly. A cet effet, ont été pris en compte non seulement les complexes céramiques, mais aussi l’information issue de la prospection de la région, ainsi que les données provenant des fouilles ponctuelles. Les dates 14C, vingt sept analyses, proviennent, elles, des fouilles de cinq sites: San Juan, Caseta, Cerritos Colorados, Cerro del Agua Escondida et la Motita. Les changements d’organisation sociale du bassin peuvent être déduits des évidences inscrites dans les données archéologiques. Ainsi, les phases qui forment la séquence chronologique du bassin ont aussi une dimension socioculturelle.

• Centres civiques ou cérémoniels. Il s’agit de sites présentant une planification de l’espace et de l’architecture monumentale composée par des monticules, places et plates-formes, capables de contenir un grand nombre de personnes (9 cas). Etant donné que la majeure partie des établissements correspond aux unités résidentielles ou à des ensembles domestiques, on considère que le mode de vie en habitat dispersé prédomine dans le bassin. La plupart des sites se trouvent entre 1400 et 1600 m de hauteur dans les plaines alluviales. Des vestiges d’activités signalent l’utilisation de la playa comme zone d’approvisionnement en ressources telles que les plantes aquatiques, le gibier d’eau et les poissons.

Les complexes Usmajac et Verdía qui, pour la discussion, sont regroupés sous le titre de phases anciennes, méritent une mention spéciale.

A partir de l’analyse du matériel céramique récolté lors de la prospection, en relation avec les observations sur le terrain, il a été possible d’établir une séquence culturelle de la région.

a. Phases anciennes La phase Usmajac correspond à l’époque des tombes à puits dans le bassin de Sayula. Vu que le matériel céramique présente des caractéristiques très proches de celui des phases Tuxcacuexco, du sud-ouest du Jalisco, et Ortices du Colima, il est donc possible qu’elle soient contemporaines. Cela ferait d’Usmajac la phase la plus ancienne de la région, antérieure à Verdía. Toutefois, il convient de signaler ici qu’aucune des tombes à puits fouillées du site de Caseta n’a pu être datée par radiocarbone. Les trois dates 14C de Caseta proviennent de fosses non funéraires (tableau 2).

6. La chronologie Comme on l’a dit ci-dessus, on considère le bassin de Sayula comme un système socioculturel, dont le processus de formation peut être retracé à partir de la succession de phases chronologiques. Une première séquence avait été proposée par Isabel Kelly (Kelly n.d.), qui a étudié le matériel céramique en repérant les changements stylistiques et morphologiques à travers l’histoire préhispanique de la région afin d’identifier les caractéristiques propres à chaque période de temps. Cet auteur a nommé Verdía la phase la plus ancienne qui correspond au Préclassique final, Sayula, celle qui

La répartition des sites dans le bassin est un trait qui différencie les deux phases. Les sites Usmajac se trouvent dans la moitié sud, sur les plaines alluviales vers 1500 m d’altitude. Il s’agit d’un nombre important de petits sites d’habitation de type hameaux. Les sites Verdía identifiés sont moins nombreux, puisque les niveaux d’occupation se trouvent souvent sous 50 cm de sédiments 11

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ Usmajac Usmajac Verdía Verdía PCS 2-96 PCS 129-03 PCS 5-91 PCS 2-95 BETA 93877** BETA 110909** GX 18467* BETA 84452** 2060+/-70 1690+/-60 1915+/-105 1700+/-60 -25,0% -25,0% -25,0% -25,0% 2054+/-81 1690+/-60 --1700+/-60 1994, 1956, 1953 1588, 1584, 1567 1864, 1845, 1838 1589, 1582, 1568 211ac 129dc 260dc 86, 105, 112dc 361, 382dc Caseta Caseta Cerritos Cerritos fosse 2 fosse 7 remblai S2 puits 3 126 cm 55-72 cm 88-96 cm 330-345cm charbon charbon charbon charbon (1) *Geochron Laboratories. **Beta Analytic Inc. Programa CALIB. rev. 3.03.3c (3-21-94) Quaternary Isotope Lab. (Stuiver y Reimer 1993). PCS-5-91 et PCS-2-95 d’après Valdez 1996: 26, le reste communication personnelle du même auteur. échantillon no. de laboratoire date AP correction C13 calibration C13(1) calibration AP date av JC, après JC provenance contexte profondeur matériel

Usmajac PCS 1-96 BETA 93876** 1990+/-60 -25,0% 1998+/-72 1946, 1927,1904 171ac 177dc Caseta fosse 9 123 cm charbon

Tableau 2. Dates 14C, échantillons des phases Usmajac et Verdía. Ces deux complexes céramiques présentent cependant beaucoup de similitudes, à commencer par le type de pâte: fine, bien cuite et compacte. Ensuite, les finitions de surface: engobe rouge ou rouge brique, polissage avec des décors géométriques de triangles hachurés, cercles, lignes parallèles, groupes de triangles alternés. Quant aux décors, la seule différence est la multiplicité des dessins pendant la phase Usmajac, tandis que la quantité diminue pendant la phase Verdía, les gravures disparaissant notamment. En ce qui concerne les formes, elles demeurent les mêmes tout au long des deux phases. Mais, dans la céramique funéraire, on rencontre une nouvelle forme, un type de florero, qui ne se trouve pas dans la céramique utilitaire d’aucune des deux phases.

d’occupations postérieures. Mais globalement les sites se trouvent dispersés tout le long du bassin, sur les terrasses autour du lac, et dans certaines aires de playa; il s’agit de groupes de résidences de moins de 5 unités domestiques (Schöndube et al. 2001). Le modèle d’organisation funéraire constitue une autre caractéristique qui distingue la phase Usmajac, avec des tombes à puits remplies par plusieurs corps, de celle de Verdía où les corps allongés se trouvent dans des fosses rectangulaires. Les vestiges funéraires du bassin de Sayula pendant la phase Usmajac suggèrent que la région ne constituait pas encore une entité différenciée dans cette période, puisque les tombes à puits des localités voisines tels que El Casco et Cerro del Agua Escondida, présentent les mêmes caractéristiques: architecture, modes d’inhumation, offrandes et ornements. Ces traits définissent aussi la tradition des tombes à puits du centre et du sud du Jalisco. Par conséquent, il est possible de proposer que, pendant la phase Usmajac, le bassin de Sayula a été occupé par une population peu nombreuse qui partageait quelques traits culturels. Pour la phase Verdía, il est impossible, à partir de deux sépultures, de tenter une explication du domaine mortuaire.

Les dates 14C montrent un chevauchement entre les deux phases. Les quatre échantillons de la phase Usmajac la situent entre 171 avant J. C. et 260 après J. C. tandis que les deux échantillons Verdía placent cette phase entre 86 et 382 après J C. Il apparaît donc, d’après les caractéristiques céramiques, et les dates 14C, que les phases Usmajac et Verdía auraient été très proches l’une de l’autre, mais la répartition des sites et les modalités funéraires suggèrent, elles, des différences.

Etant donné que l’échantillon céramique des deux phases est assez réduit, il est probable qu’il ne reflète pas véritablement la variété des pâtes, des formes, et des décors utilisés. Les types céramiques de la phase Usmajac correspondent à deux groupes: monochrome et polychrome. Les formes céramiques repérées sont: le plat, le bol hémisphérique ouvert, et la jarre (Valdez 1998: 229). L’échantillon céramique Verdía est composé d’écuelles à pâte fine et surface polie, décorée de lignes peintes en rouge, mais aussi par des pots et des plats à pâte fine ou grossière, dont la surface peut être polie ou lissée. Malgré la faiblesse des échantillons, une évolution à l’intérieur de la phase a été perçue: Verdía 2a correspond aux niveaux inférieurs des sondages, caractérisés par du matériel grossier, tandis que en Verdía 2b, la céramique, issue des niveaux supérieurs, est plus fine, et le pourcentage de pièces décorées augmente (Guffroy 1996: 38-41).

Quatre possibilités d’explication à cette problématique concernant les phases anciennes du bassin sont envisageables:1. La première hypothèse est que chaque complexe, Usmajac et Verdía, constitue vraiment une phase. Si nous suivons Kidder (1946) qui définit une phase comme « un complexe culturel qui possède des traits suffisamment caractéristiques pour le distinguer en vue de classifications archéologiques préliminaires, de manifestations plus anciennes et plus récentes du développement culturel dont il fait partie, et d’autres complexes contemporains. »5, nous aurions deux 5

« A cultural complex possessing traits sufficiently characteristic to distinguish it for purposes of preliminary archaeological classification, from earlier and later manifestations of the cultural development of which it formed a part, and from other contemporaneous complexes ».

12

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ définir la nature de cette différence, ni même ses implications au niveau de l’organisation sociale. Suivant Valdez, si l’idée de Verdía comme phase de transition ne peut pas être écartée, elle ne peut pas non plus être confirmée.

éventuels complexes culturels qui se distinguent l’un de l’autre, et par rapport à la phase suivante, par des traits tels que l’utilisation de l’espace et le modèle d’organisation funéraire. Mais tous deux partagent des caractéristiques aussi importantes que la céramique, malgré des variations dans les formes et les décors; de plus, les dates 14C les situent, de manière partielle, dans le même laps de temps. Ces éléments empêchent d’envisager Usmajac et Verdía comme des phases véritablement séparées. La difficulté réelle provient en fait de la rareté des données puisque seulement 20 sites Verdía ont été répertoriés dans le bassin, et à peine deux sépultures individuelles ont été fouillées. Mais on peut se demander si l’accroissement des connaissances sur le complexe Verdía permettrait de modifier qualitativement sa définition par rapport au complexe Usmajac.

4. Il est également possible d’envisager Verdía comme une sous-phase, plutôt que comme une simple phase de transition, en insistant alors sur les caractères homogènes des deux complexes (céramique, datations radiocarbones), par contraste avec la phase suivante Sayula, beaucoup mieux définie et mieux connue, qui présente par ailleurs des traits caractéristiques différents de ceux des complexes Usmajac et Verdía. Même si on ne peut faire état d’une rupture entre Verdía et Sayula, ce qui a permis d’envisager Verdía comme phase de transition, les différences entre les deux seraient quantitativement et qualitativement supérieures à ce qui différencie Verdía d’Usmajac. Dans ces conditions, ces deux complexes, que l’état des connaissances ne permet pas de séparer réellement, pourraient provisoirement être distingués en deux sous-phases, sous réserve de modifications ultérieures, liées à un développement des recherches.

2. La deuxième possibilité serait de considérer Verdía comme faciès régional : « le terme faciès est pris dans le sens d’un aspect particulier à l’intérieur d’un complexe » (Rodriguez Loubet 1985: 145). Etant donné que les deux complexes se situent dans le même laps de temps, tout en partageant des caractéristiques céramiques, Verdía serait alors une adaptation régionale de la phase Usmajac à l’intérieur du bassin de Sayula, dont les différences de modalités funéraires seraient la manifestation principale. Mais l’emplacement des sites Verdía par rapport à ceux d’Usmajac ne semble pas correspondre à un schéma d’adaptation régionale, puisque dans des secteurs tels que la moitié sud du bassin, les deux complexes sont bien présents. Le nombre limité de sites Verdía réduit les possibilités d’explication du phénomène. Quand une plus grande quantité de sites sera enregistrée, le schéma sera peutêtre plus clair et l’hypothèse de l’existence de faciès pourra alors être adoptée ou écartée; avec les données disponibles aujourd’hui, cette hypothèse semble difficile à valider.

Les troisième et quatrième hypothèses semblent donc, pour le moment, les seules qui puissent être véritablement retenues, car les plus conformes aux données actuellement en notre possession. Ne prenant en compte que les vestiges céramiques, à l’exclusion des autres données, on a envisagé de désigner le matériel Verdía et Usmajac comme deux complexes, à l’intérieur d’une même phase Verdía (Schöndube et al. 2001). Cette proposition, encore préliminaire, nous ramènerait aux hypothèses 3 et 4 énoncées ci-dessus. Toutefois, si l’on tient compte de l’ensemble des vestiges, la subdivision en complexes céramiques ne couvre pas la totalité de la réalité archéologique. Dans ces conditions, nous préférons provisoirement, en accord avec les conclusions disponibles en 1999, nous en tenir prudemment à la distinction de deux phases. Il serait, en effet, plus facile, en cas de besoin, de réunir les données, que de les subdiviser.

3. La définition de Verdía comme phase de transition entre Usmajac et Sayula, représenterait une troisième hypothèse, puisque Verdía, sans être elle-même bien définie, partage des points communs tant avec la phase antérieure Usmajac, qu’avec la phase Sayula qui lui succède. Verdía comporte déjà des caractéristiques propres comme les modes d’inhumation individuelle en fosse, qui marqueraient l’abandon des tombes à puits à inhumations multiples. De plus, le schéma d’établissement se diversifie, puisque les sites Usmajac ne se trouvent que dans la moitié sud du bassin, tandis que les sites Verdía se localisent dans toute la région. Quant à la céramique, l’acquisition de nouvelles caractéristiques, tout en gardant les traits fondamentaux de la céramique Usmajac, suggère aussi un changement graduel. D'ailleurs, les dates 14C montrent que Verdía est bien en partie plus tardif qu’Usmajac. Même si nous sommes d’accord avec Valdez (1998: 224) qui affirme que Verdía est en réalité la dernière partie de la phase ancienne Usmajac, il n’est pas encore possible de

Dans la suite de ce chapitre, et du travail, nous utiliserons par conséquent les termes de phase Usmajac et de phase Verdía pour désigner et distinguer ces deux occupations. b. Phase Sayula (500/600-1100 après J. C.). Cette phase est marquée par un accroissement de la population, l’apparition de groupes de travailleurs spécialisés, et une centralisation visible du pouvoir. Cela transparaît dans des changement dans l’utilisation de l’espace, les modes d’enterrement et les styles céramiques, ainsi que dans la construction de sites civicocérémoniels (Acosta et al. 1998). L’accroissement de la population est évident d’après l’augmentation du nombre, de la taille, et de la variété des établissements. Les sites d’habitation sont pour la plupart des hameaux situés dans la partie sud-est, sur les premiers 13

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ date

périodes mésoaméricaines

1532

Période

1521

coloniale

1400 1300 1200 1100

périodes proposées pour l’Occident (1) Période coloniale IIb

phases céramiques du bassin (2) Période coloniale

PostClassique

Etape II Sayula

400 300 200 ap J. C. av J. C. 200 300 400 500

Les données funéraires de cette phase suggèrent une identité commune dans la région puisque l’ensemble des individus inhumés se trouvaient en position assise ou dorsale, les jambes semi-fléchies. On note cependant de nombreuses variations dans la position de la tête et des bras. Les disparités dans la richesse des offrandes et des objets associés témoignent, quant à elles, de divisions hiérarchiques à l’intérieur de la société.

Amacueca

1000 900 800 700 600 500

grande quantité de particules d’origine volcanique utilisée pour la fabrication d’écuelles et de molcajetes avec une base en piédestal, décorés de motifs géométriques peints en rouge ou orange sur un fond crème.

phases socioculturelles du bassin (3) Période coloniale Amacueca récent

Classique

IIa Ib

Amacueca ancien Sayula récent

L’utilisation de ressources des différentes altitudes met en évidence l’interaction intra-régionale, tandis que l’emploi de matériel allochtone tel que l’obsidienne et le coquillage indique des contacts avec d’autres régions.

Sayula ancien

c. Phase Amacueca (1100-1521 après J. C.). La phase Amacueca est caractérisée par une augmentation du nombre de sites ainsi que de leur taille, et par l’apparition d’un groupe uniforme de traits qui caractérisent le Postclassique dans tout l’Occident. Les sites, en général du type village, peuvent contenir de 30 à 50 unités domestiques. Ils se trouvent dans tous les niveaux d’altitude, mais principalement sur le piémont ou secteur II. Certains de ces sites se localisent aux périphéries des localités modernes d’Atoyac, Amacueca, Cuyacapán, Sayula, Techaluta et Usmajac. Cette répartition reflète la présence d’une population importante et probablement variée, en accroissement démographique régulier.

Verdía

Etape I PréClassique

Verdía

non identifié

Usmajac

Ia

(1) d’après Schöndube 1982; (2) d’après Isabel Kelly n.d.; (3) issues des travaux du projet Sayula. Tableau 3. Chronologie du bassin de Sayula, Jalisco (d’après Acosta et al 1998).

La céramique Amacueca suggère aussi une subdivision en sous-phases ancienne (1100-1300) et récente (13001520). Le début de la phase est caractérisé par l’utilisation de décoration de type Autlán polychrome. Tandis que, vers la fin, une standardisation des formes et décorations fait du matériel Amacueca une céramique typiquement postclassique qui ressemble plus particulièrement à celle de Chapala, du sud du Jalisco et du Colima (Susana Ramírez, communication personnelle).

contreforts de la Sierra del Tigre et dispersés au niveau des bas de pente. Les sites d’extraction de sel, tepalcateras, se localisent tout le long de la playa. Mais il existe aussi des sites civico-cérémoniels tels que Cerritos Colorados, dominant l’entrée nord, et Santa Inés, contrôlant l’accès à travers les montagnes du sud. Ce type de sites, situés près des zones d’extraction du sel, comporte de nombreux monticules et des plates-formes qui témoignent de l’existence de groupes de pouvoir capables de gérer la force de travail de la population vers des fins communes. Pour cette phase, le bassin présente une hiérarchie de sites liée au contrôle des activités d’obtention du sel.

Quant aux modes d’inhumation, leur uniformisation est aussi perceptible pendant la phase Amacueca: tous les corps en position assise, les jambes et les bras hyperfléchis formant un fardeau, sont placés dans des fosses arrondies. Cela contraste grandement avec la variabilité de position de certains segments anatomiques des défunts de la phase Sayula.

Le renforcement de l’identité régionale se reflète dans l’apparition de nouvelles formes céramiques et de décors propres au bassin qui évoluent à l’intérieur de ce dernier, donnant lieu à une subdivision en Sayula ancien (1a et 1b) et récent (2a et 2b) (Guffroy 1996). Le groupe céramique ancien est caractérisé par des écuelles avec des lèvres crénelées et une décoration incisée. D’autre part, le groupe récent se distingue par une pâte contenant une

Le changement politique a été probablement le trait le plus important de la phase Amacueca, puisque il a provoqué le remplacement des traditions caractéristiques des phases Sayula et Verdía, propres au bassin, par un groupe de traits communs à la période Postclassique en Mesoamérique.

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Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ excellent état de conservation. En effet, dans ce site a été fouillé un total de 111 sépultures, où sont représentées trois des quatre phases d’occupation du bassin: Verdía, Sayula et Amacueca (Acosta 1994, Uruñuela 1997). L’échantillon Verdía se réduit à deux sépultures, tandis que celui de la phase Sayula s’élève à 31 sépultures qui constituent un ensemble funéraire clairement délimité. Quant au matériel Amacueca, qui avec 78 sépultures est le plus abondant, il se trouve réparti dans trois ensembles: deux cimetières, une zone d’habitation et des cas isolés.

7. Le matériel funéraire Le matériel funéraire fouillé par les membres du projet Sayula est issu principalement de quatre sites: San Juan, Caseta, Cerritos Colorados et Cerro del Agua Escondida, qui représentent, en diverses proportions, toutes les phases d’occupation du bassin. Cet échantillon comporte un total de 217 sépultures, dont plusieurs contenaient plus d’un individu, ce qui implique un nombre de squelettes beaucoup plus important. La série osseuse du bassin de Sayula est d’autant plus appréciable que le nombre d’ensembles sépulcraux fouillées dans l’Occident du Mexique est assez restreint. Dans le Jalisco, les séries osseuses importantes sont au nombre de cinq et correspondent aux sites de Barra de Navidad (Long 1966), de Huejuquilla El Alto (Civera y Márquez 1985), de Las Piedras (Pompa y Padilla 1977, cité par Uruñuela 1997), de Tuxcacuexco (Gavan 1949) et de San Juan (Uruñuela 1997). Pour le Nayarit, le nombre se réduit à deux, la série d’Amapa (Gill 1976) et celle de Chalpa et de Tecualilla (Gill 1969). Finalement, dans l’état de Colima, seul le site de Capacha (Pompa y Padilla 1980) compte une série osseuse significative.

sites San Juan El Casco Caseta Cerritos Colorados Cerro (1) total

nombre de sépultures par phase Usmajac Verdía Sayula Amacueca 0 2 31 78 1 0 0 0 6* 0 0 92 0 0 4 0 3 10

0 2

0 35

0 170

total 111 1 98 4 3 217

* ce chiffre inclut trois tombes à puits et trois fosses. (1) Cerro del Agua Escondida

Nous allons ci-dessous mentionner brièvement les caractéristiques principales de chaque site du bassin, ainsi que l’étendue des ensembles funéraires fouillés. Les données concernant directement les séries osseuses seront discutées dans le chapitre de synthèse, lors de la comparaison locale.

Tableau 4. Nombre de sépultures fouillées dans le bassin de Sayula. Comme nous l’avons signalé dans l’introduction, le matériel funéraire du site de Caseta correspond aux phases Usmajac et Amacueca. Trois tombes à puits et trois fosses représentent la première occupation. Sur ces six sépultures, seules deux tombes demeuraient intactes, la troisième avait été pillée, et les fosses étaient vides au moment de la fouille; quelques débris d’os humains prouvaient néanmoins leur fonction. Le matériel de la phase Amacueca est, quant à lui, partagé en trois ensembles: le cimetière Nord, le cimetière Sud et les sépultures isolées.

Le site nommé El Casco (CS-28) se localise dans la partie sud du bassin de Sayula, sur une colline de pente douce, à environ 1 km du site de Caseta. Comme l’indiquent les tessons trouvés en surface, il s’agit d’un petit site, probablement d’habitation, de l’époque Usmajac qui, dans son secteur central, comportait une tombe à puits pillée. Cependant, les restes des petits os négligés par les pilleurs nous ont permis d’estimer la présence d’au moins quatre individus (Acosta 1996b).

Il est évident que, pour ce qui est du matériel funéraire, la phase la mieux représentée du bassin est celle d’Amacueca. En effet, on compte pour elle un total de 170 sépultures, ce qui implique un nombre minimum d’individus bien plus important. Vient ensuite la phase Sayula avec 35 sépultures, puis Usmajac avec dix et, enfin, la phase Verdía avec à peine deux sépultures.

Sur la rive nord du lac temporaire se trouve le site de Cerritos Colorados (CS-11). Trois grands ensembles architecturaux constituent la totalité du site qui s’étend sur une surface d’environ 100 ha (Guffroy et Gómez 1996). Seuls les secteurs nord et nord-ouest ont été fouillés; ils ont fourni à peine quatre sépultures correspondant à la phase Sayula, dont l’excellent état de conservation a permis une étude détaillée des squelettes.

Etant donnée la taille de l’échantillon de Caseta, ainsi que les phases représentées sur ce site, seule la série osseuse du site de San Juan lui est comparable. La comparaison du matériel osseux de la phase Usmajac s’avère impossible, puisque la plupart des tombes à puits trouvées dans le bassin furent pillées. La discussion sur leur morphologie pourrait cependant, fournir des résultats intéressants. Ces observations, ainsi que l’ensemble de données funéraires issues du bassin de Sayula, susceptibles d’être comparées avec celles du site de Caseta, seront reprises dans le chapitre VIII.

Le site de Cerro del Agua Escondida (CS-129) s’étend sur une superficie d’environ un kilomètre carré sur le piémont du côté ouest du bassin de Sayula. Il est composé d’un secteur résidentiel et d’un espace sacré où se trouve une tombe à puits (Valdez 1998). Cette structure contenait un nombre minimum de 21 individus, calculé à partir des pièces dentaires, puisque la conservation des restes osseux était très déficiente. Situé sur les marges est de la lagune de Sayula, le site de San Juan se trouve sous le village actuel de Atoyac. Ses restes funéraires fouillés constituent, sans doute, la série la plus importante du bassin, de par son volume et son 15

Les contextes de l’étude _______________________________________________________________________________________________ sites tels que Cerritos Colorados ou probablement la Picota. Ces localités combinaient des aires d’extraction de sel et des zones résidentielles majeures. Les sites moins importants situés le long de la playa, ont pour fonction unique l’extraction du sel, car les aires d’habitation sont inexistantes. De plus, leur utilisation se limitait sans doute à la saison sèche puisque, pendant la saison des pluies, l’eau les aurait recouverts.

8. Le schéma d’occupation Au cours de la prospection, les membres du projet Sayula ont répertorié 171 sites dont la plupart sont situés dans les zones II et III, lesquelles correspondent aux plaines alluviales et aux basses pentes du piémont, entre 1400 et 1600 m d’altitude. Vers la fin du Postclassique, la répartition évolue et l’occupation préférentielle se situe entre 1400 et 1450 m d’altitude, sur les terrasses basses de niveau III.

Il semble évident que les activités d’agriculture et d’extraction de sel ne sont ni exclusives, ni antagonistes: les agriculteurs de la saison des pluies auraient pu se transformer en exploitants du sel pendant la saison sèche. Ainsi, le bassin de Sayula aurait pu fonctionner comme un système saisonnier consacré à la production agricole et à l’extraction communautaire du sel (Valdez et al. 1996b).

Le schéma d’établissement des sites est déterminé par deux facteurs: l’accès aux terres cultivables et le contrôle des ressources. Les sites d’habitat sont en étroit rapport avec l’existence des terres cultivables du secteur sud-est, où les premiers flancs de montagne sont, de plus, irrigués par plusieurs sources temporaires. Cela favorise la pratique d’une agriculture intensive et une concentration des hameaux. Par contre, la moitié nord du bassin avec ses sols riches en sel compte un nombre très restreint de sites d’habitat, puisque l’agriculture y est plus difficile à pratiquer. Dans ce secteur, on trouve, cependant, la majeure partie des sites d’extraction de sel, datés à partir de la phase Verdía. Parmi eux, Cerritos Colorados est l’un des sites importants de la région quant au contrôle de l’extraction et de la distribution de ce minéral, mais aussi en raison de sa position stratégique à l’entrée nord du bassin.

Le schéma spatial d’occupation du bassin semble bien déterminé par le climat et la géographie qui marquent des contrastes forts à l’intérieur de la région. La moitié nord, marquée par l’opposition entre l’horizontalité de la playa et la pente prononcée de la Sierra de Tapalpa, est un secteur aride, tandis que la moitié sud, de pente plus douce, est plus humide. Cette opposition définit le schéma d’occupation et les activités de subsistance: l’extraction du sel pratiquée dans le secteur nord et l’agriculture vers le sud, tandis que les sites d’habitation, plus nombreux vers le sud, se trouvent principalement sur les basses pentes des deux chaînes montagneuses (Valdez et al. 1996a).

Vu que l’agriculture pratiquée était de temporal6 on pourrait s’attendre à ce que les groupes du sud du bassin aient disposé d’un avantage de production par rapport à ceux du nord. Pourtant, l’analyse des vestiges archéologiques suggère que les groupes dominants résident à l’extrémité nord du bassin. L’explication de cette situation peut se trouver dans la capacité de stockage des terres arides du nord qui peuvent abriter et conserver des graines et d’autres produits plus longtemps que les terres humides. Ainsi, le stockage des excédents alimentaires fut probablement un facteur déterminant pour la formation de groupes de pouvoir établis dans des

6

Le site de Caseta, sujet de cette recherche, se situe dans l’unité géomorphologique des plaines alluviales du secteur sud-est du bassin de Sayula, emplacement qui correspond à la Zone III de la prospection. L’occupation la plus importante correspond chronologiquement à la phase Amacueca; le site contient, cependant, d’importants vestiges des phases anciennes, notamment trois tombes à puits (Acosta 1997, 2000). Toutes ces caractéristiques seront décrites plus en détail et discutées lors du prochain chapitre.

agriculture adaptée au rythme saisonnier

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Chapitre II

LE SITE DE CASETA

Bien que la seule tombe à puits connue ait été pillée, d’autres structures similaires encore vierges pouvaient se trouver aux alentours, comme le suggéraient les expériences préalables de recherche archéologique dans la région (Noguera 1939, Corona Núñez 1954, Oliveros 1973, Kelly 1978, Schöndube et Galvan 1978, Galván 1991, Olay 1993, Mountjoy 1994). Cette présomption a constitué un argument supplémentaire pour le choix du site comme zone de fouilles: en effet, le nombre de structures de ce type correctement explorées reste encore très restreint et, par conséquent, l’étape des tombes à puits représente un épisode encore mal connu de l’Occident du Mexique. La fouille du site de Caseta pouvait ainsi contribuer à l’augmentation des connaissances sur cette tradition.

A. Cadre de recherches 1. Identification du site Le site de Caseta a été prospecté lors de la saison 1992, destinée à couvrir le secteur sud-est du bassin. L’équipe s’est rendue sur place, après avoir été informée de l’existence d’une tombe à puits, découverte il y a une vingtaine d’années et pillée par la suite. Le site se trouve à 1360 m d’altitude, sur les plaines alluviales de la Zone III, et a pour coordonnées: 19°52’37’’ de latitude et 103°31’03’’ de longitude. Sur les contreforts de la Sierra del Tigre, au point de confluence avec la Sierra de Tapalpa, se trouve une colline d’environ 40 m de hauteur, dont le flanc nord présente des vestiges archéologiques (photo 4). Malgré les plants de maïs qui poussaient à l’époque, étaient visibles en surface des tessons de la phase Amacueca, ce qui, avec la tombe à puits signalée, impliquait au moins l’existence de deux phases d’occupation. Le site a reçu le nom de « Caseta » du nom du petit poste de péage qui se trouvait juste en face de la colline; mais dans le répertoire des sites du bassin, il a été enregistré comme CS-32 (Cuenca de Sayula, site numéro 32).

Enfin, les travaux agricoles pratiqués sur la colline risquaient de faire disparaître tout vestige archéologique, puisque la faible épaisseur de la couche de terre surmontant le tuf volcanique n’avait pas pu empêcher son apparition en surface et le mélange de matériel, ainsi que la destruction de certaines structures. Par ailleurs, le fort pendage de la colline et la déforestation avaient déclenché un phénomène d’érosion aigu pendant la saison des pluies. Pour toutes ces raisons, il a donc été décidé d’entreprendre une fouille de sauvetage afin de récupérer le maximum de données archéologiques du site avant sa complète disparition et en même temps de documenter les phases anciennes du bassin.

Au pied de la colline, du côté est, serpentait, il y a longtemps, un chemin utilisé par les conducteurs de bétail pour traverser les montagnes en direction de la ville de Guzmán, lieu de marché. En 1970, le chemin fut coupé pour faire place à l’autoroute Guadalajara-Colima. Le paysage a été encore altéré dans les années 1990 par la construction d’un échangeur d’accès à l’autoroute, dont les travaux furent interrompus temporairement, mais qui devaient reprendre à la fin de l’année 1992.

2. Les recherches préliminaires

La prospection détaillée du site a révélé que seul le flanc nord ainsi que le sommet de la colline ont été occupés à l’époque préhispanique. Les vestiges des occupations du site s’étalaient sur une surface d’environ un hectare. Du matériel des phases Usmajac, Sayula et Amacueca apparaissait mélangé en surface.

Etant donné la nature et la qualité du sol, ainsi que les conditions générales du site, l’application d’une méthode de prospection par résistivité offrait de fortes possibilités de repérer, depuis la surface, la présence de structures dans le sous-sol. Si d’autres tombes existaient à Caseta, le résistivimètre pourrait les localiser. L’une d’entre elles étant déjà connue, il a été décidé de commencer par la nettoyer. Cette démarche avait pour but la récupération éventuelle de vestiges ayant échappé au pillage, mais également l’obtention de données sur ses dimensions et son volume, utilisables pour l’étude d’autres structures à découvrir. Cette première structure sera désormais désignée comme tombe A.

L’objectif principal du projet étant d’abord la prospection systématique du bassin, il fallait choisir les sites propices à des interventions plus poussées, en fonction des objectifs généraux de la recherche. Outre l’urgence du sauvetage, la situation géographique du site a constitué la raison immédiate de son choix, car sa localisation dans une zone de passage s’avérait stratégique pour l’étude des communications avec les populations plus méridionales. De plus, l’apparente absence d’occupation pendant la phase Sayula soulevait une problématique collatérale, puisque le contrôle de cette zone aurait dû être important pendant l’apogée de production saline.

La première démarche entreprise fut le tamisage de la terre contenue dans la tombe pillée, afin de récupérer le matériel de petite taille, normalement négligé par les pilleurs. L’opération s’est avérée fructueuse, puisque cinquante objets tel que des éclats d’obsidienne, des 17

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ donc plus importants. Cette disposition, connue sous le nom de méthode Wenner, est la plus utilisée lors de prospections archéologiques.

perles en pierre, du matériel en coquillage, os et céramique furent récupérés, ainsi que des ossements humains. La structure et son contenu seront présentés en détail dans le chapitre III, consacré aux sépultures anciennes. Il suffit pour l’instant de dire que, d’après la morphologie modeste de la tombe A, on pouvait s’attendre à rencontrer d’autres structures similaires.

Pour placer avec précision les électrodes sur le terrain, nous avons tracé dix-huit lignes d’une longueur de 105 à 135 m, orientées d’est en ouest, perpendiculairement à la pente de la colline. Une séparation de 3 mètres entre les quatre électrodes a permis d’atteindre une profondeur théorique de 4,5 mètres. Les mesures ont été prises durant les mois de juillet-août, pendant la saison des pluies, ce qui permet d’obtenir un maximum de contraste entre le sol et d’autres éléments.

Une fois le site prospecté en surface, et avérée l’existence de deux phases principales d’occupation, en l’absence de vestiges visibles, il a fallu aborder le problème de la définition des zones à fouiller. La façon la plus rapide pour repérer des structures creuses enfouies était la prospection électrique, qui a été effectuée sur le flanc nord de la colline. C’est là, en effet, que se trouvaient la tombe A et les concentrations de matériel de surface.

Une fois les mesures prises sur le terrain, nous avons élaboré des graphiques pour mieux apprécier la taille des anomalies et leur emplacement. Les pointes et les creux sur les graphiques représentent des variations importantes dans le courant électrique envoyé. Ces variations sont l’expression d’anomalies souterraines qui peuvent refléter la géologie du terrain: différents types de sol, gros blocs rocheux, ou le résultat des activités humaines, telles que des pierres, des constructions et même des espaces vides, comme dans le cas de certaines tombes à puits.

La résistivité électrique d’un conducteur est la résistance plus ou moins grande qu’il oppose au passage du courant. Cette propriété de la matière, quantifiable, intéresse la prospection archéologique, puisque les sols présentent aussi une résistance (R) qui varie de façon inversement proportionnelle au degré d’humidité de la terre. Il est ainsi possible de détecter les anomalies souterraines quel que soit leur caractère: naturel ou anthropogénique. Pour ce faire, on a besoin d’un résistivimètre composé d’un générateur pour alimenter le sol d’un courant électrique continu qui le traversera (I). La quantité de courant reçue par rapport au courant émis, dont la valeur est connue (I), sera enregistrée, en volts, par un voltmètre (V) (figure 5).

Des puits de sondage ont été établis à l’emplacement des anomalies les plus importantes pour identifier leur nature. Cela a permis la détection de nombreuses fosses funéraires ainsi que de la tombe B, qui seront décrites plus loin.

R= V/I R: c’est la résistance en ohms par centimètre (?/cm). V: constitue la différence de potentiel exprimée en volts. I: désigne l’intensité du courant électrique exprimée en ampères. A et B: électrodes.

B. Les fouilles 1. Les saisons La première saison de fouilles du site de Caseta a couvert les mois de janvier à octobre 1993 au cours desquels environ 600 m2 de terrain sur le flanc nord de la colline ont été dégagés.

Dans un sol homogène, la différence de potentiel (V) aura une valeur constante, mais si ce courant rencontre des anomalies, la valeur se modifie. Il faut signaler que la différence de potentiel (V) varie selon le type de sol et son degré d’humidité; le même terrain peut donner des valeurs différentes pour (V), en fonction de la saison au cours de laquelle se réalisent les mesures.

Comme on l’a précisé ci-dessus, les premiers sondages furent implantés là où les lectures de résistivité indiquaient des anomalies. Les fouilles ont commencé par l’enlèvement des 15 premiers centimètres sous la surface du sol, en récupérant le matériel culturel présent pour, ensuite, procéder à un décapage horizontal afin de reconnaître la nature de l’anomalie enregistrée par le résistivimètre. Dans certains cas, ces anomalies se révélèrent propres au terrain. Mais un certain nombre d’entre elles constituaient des traces d’activités humaines. Pour ces dernières, il a été parfois nécessaire d’élargir la zone fouillée afin d’obtenir une vision complète de l’élément.

Afin d’éviter l’altération des résultats par polarisation, c’est-à-dire par saturation de l’électrode B, on a été amené à utiliser un générateur de courant alternatif de préférence à celui de courant continu. Une autre adaptation employée par le projet a consisté à utiliser quatre électrodes au lieu de deux, puisqu’avec une seule paire, on risque d’obtenir une valeur plus élevée. Avec cette disposition des éléments, la résistivité du sol est mesurée sous forme d’une hémisphère (figure 6), dont la profondeur des décharges électriques est équivalente à une moitié de la longueur de séparation des électrodes. Par conséquent, plus la distance entre les électrodes est grande, plus la profondeur au sol est importante. Les possibilités de détecter une structure dans le sous-sol sont

C’est par cette méthode que l’on a découvert deux tombes à puits intactes (tombes B et C) ainsi qu’un ensemble funéraire, situé dans la partie centrale du flanc de la colline (cimetière Sud). Au bas de la pente, on a trouvé des restes de murs ou de fondations en pierre, des traces 18

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ pu être datée par la méthode 14C, qui a donné une date comprise entre 1040 et 1290 apr. J.C. Par contre, pour la structure semi-elliptique, on ne dispose pas de date certaine.

de poteaux sur le tepetate délimitant une structure semielliptique, des dépotoirs et des fosses cylindriques. Ces différents vestiges sont associés aux inhumations qui appartiennent elles-mêmes à la phase Amacueca. Malheureusement les travaux de sauvetage n’ont pas pu être achevés, en raison du brusque commencement de la saison des pluies qui a obligé les membres du projet à reporter à l’année 1994 la suite de cette recherche.

Les vestiges non funéraires feront à présent l’objet d’une présentation, puisque les chapitres postérieurs sont consacrés strictement à l’étude des cimetières et des tombes à puits.

La deuxième saison a donc eu lieu pendant les mois d’avril à juin de 1994. Les travaux ont été consacrés principalement à vérifier la nature de la structure semielliptique détectée lors de la saison antérieure ainsi que d’autres anomalies repérées par le résistivimètre. Cela a permis d’identifier une deuxième zone d’enterrements (cimetière Nord), localisée au nord de la première, et placée dans la partie basse de la colline, ainsi que les fondations d’une structure sur le sommet de la colline (structure sommitale). La zone fouillée s’élève donc au total à 1200 m2 environ.

a. Les trous de poteaux. Les trous de poteaux se trouvent surtout dans la partie est et au centre de la zone fouillée. Il s’agit de trous circulaires d’environ 6 à 30 cm de diamètre, dont la profondeur au dessus de la ponce volcanique va de 3 à 31 cm. Ces variations ont sûrement un rapport avec leur fonction: certains peuvent s’interpréter comme des poteaux qui soutenaient une charpente, d’autres comme des poteaux de soutènement de murs intérieurs. Dans la plupart des cas, ces poteaux ne reflètent pas de plans identifiables, mises à part quelques ébauches de figures géométriques qui peuvent correspondre à des structures ou à des pièces. La forme la plus fréquemment trouvée est le demi-cercle.

2. Les vestiges non funéraires Avant de décrire en détail chacun des vestiges trouvés lors de la fouille, il est nécessaire d’offrir un aperçu général de leur répartition à l’intérieur de la zone fouillée pour avoir ainsi une vision globale des découvertes (figure 7).

Il faut envisager que l’on ne dispose que d’une partie des trous ayant existé lors de l’utilisation des structures, car il n’est pas sûr que tous les poteaux furent enfoncés jusqu’à la ponce volcanique. D’autre part, on peut supposer que tous les trous de poteaux ne sont pas contemporains, ce qui nous amène à imaginer l’existence de superpositions de plusieurs constructions, ou de modifications des mêmes structures au cours de leur utilisation. Il est aussi possible que certains poteaux n’aient pas fait partie de structures architecturales proprement dites, sinon du mobilier intérieur, pour suspendre des objets, par exemple.

Près de la cime de la colline se trouve la structure G, de plan rectangulaire, divisée intérieurement en plusieurs pièces de dimensions variables. Orientée d’est en ouest, elle mesure environ 26 m de long pour 10 m de large, avec des murs bas, formés de deux assises de pierres. Des murs intérieurs délimitent les cinq pièces (photo 5). Les perturbations provoquées par les travaux agricoles rendaient délicate l’identification de son appartenance chronologique qui a été finalement élucidée par datation au radiocarbone. L’analyse de l’échantillon récupéré la situe entre 1150 et 1278 apr. J.C., dates qui correspondent à la phase Amacueca.

En prenant en compte ces observations, nous n’avons retenu que les trous qui appartiendraient à de probables structures: la A, semi-elliptique, la B, rectangulaire, la C, semi- circulaire et la I circulaire. Les structures A et C, auraient pu constituer, à l’origine, des formes complètes: ellipse et cercle, respectivement, mais seuls se sont conservés les trous qui dessinent à peine la moitié de leur plan au sol. Pour la structure B, il manque le mur nord; il est donc possible qu’elle ait été plus longue, et qu’elle ait occupé, par conséquent, une superficie plus importante. Etant donné la rareté des éléments disponibles pour reconstituer la morphologie des structures B, C, et I, il n’a pas été possible de reconnaître leur fonction; on doit se limiter à signaler qu’elles semblent être des abris dont l’utilisation domestique reste une possibilité.

Le terrain présente ensuite une pente d’inclinaison marquée où les sondages attestent l’absence de vestiges architecturaux. A 24 m au nord de la structure du sommet, au milieu à mi-pente de la colline, se trouve le cimetière Sud qui couvre une aire de 136 m2 environ. A six mètres plus au nord, sur une terrasse plate, se localise la structure semi-elliptique, A, qui inclut la plupart des trous de poteaux. Ouverte vers le nord, elle mesure environ 30 mètres d’est en ouest, pour une largeur indéfinie. Entre cette structure et le cimetière Sud, on a localisé les tombes à puits A, B, et C séparées l’une de l’autre par douze mètres. Enfin, sur la partie la plus basse de la colline se trouve le cimetière Nord qui occupe une aire de 82 m2.

La structure A s’avère être la plus importante, étant donné sa taille et sa technique de construction. Avec une longueur de 30 m d’est en ouest, cette semi-ellipse est délimitée, sur son flanc sud, par un canal d’environ 10 à 15 cm de largeur reliant des poteaux de 15 cm de diamètre en moyenne, placés à des intervalles réguliers d’un mètre de distance. A l’intérieur, deux alignements de

D’après le matériel céramique, les cimetières Nord et Sud correspondent à la phase Amacueca comme la structure du sommet. Mais seule la sépulture 57 du cimetière Sud a 19

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ D de la phase Amacueca ancienne, en référence à la structure G (voir ci-dessous).

trous de poteaux implantés selon la méthode décrite ci dessus s’étendent d’est en ouest, sur 21 m (ligne sud), et 23 m (ligne nord) respectivement. Elles sont séparées par un intervalle d’environ 2 m.

désig nation A

Le canal extérieur aurait pu avoir pour fonction de dévier l’eau en cas de pluies. Il aurait pu également servir de fondation d’une construction en matériaux périssables de poteaux et de branches. Cette construction aurait pu contenir intérieurement d’autres abris ou des subdivisions, seulement identifiables par les lignes des trous de poteaux. Les trous de diamètre plus important peuvent correspondre aux poteaux de charpente, plus solides par conséquent que les divisions internes. Il est difficile de pousser plus loin l’analyse, en l’absence de données plus précises. On doit donc se limiter à une description succincte: la structure A, fermée à l’arrière et sur les côtés, restait peut-être ouverte au nord. Sa morphologie, tout comme ses dimensions et l’existence de subdivisions intérieures, empêchent de l’identifier comme une véritable habitation. En revanche, l’existence possible de structures ou d’aménagements intérieurs suggère une fonction d’abri temporaire ou de protection. Cette enceinte constitue peut-être un élément défensif, étant donné sa localisation à mi-pente, sur la partie plate du flanc de la colline entre le niveau inondable et la pente plus importante vers le sommet. Elle pourrait aussi être interprétée comme un aménagement temporaire lié aux pratiques funéraires.

B C D E F G I M

forme

dimensions 30 x 10 m

superficie repérée 162 m2

superficie estimée 294 m2

semielliptique rectangu laire demicirculaire mur N-S mur E-O mur E-O quadrangu laire elliptique rectangu laire

6.80 x 6.20 m

42.16 m2

42.16 m2

6.20 m (diamètre) 8.85 m x 0.70 m 3.70 x 0.80 m 3.20 x 0.80 m 26 x 10 m

15.10 m2

30.19 m2

? ? ? 260 m2

? ? ? 260 m2

3.80 x 2.70 m 5.50 x 3 m

8.05 m2 16.5 m2

8.05 m2 16.5 m2

Tableau 5. Caractéristiques des structures non funéraires de Caseta. Quinze mètres au sud-ouest du mur D, se trouve un autre ensemble de pierres, l’élément E. Il mesure 3.70 m sur 80 cm et couvre les sépulture 9 et 14 du cimetière Sud, ce dont on peut déduire qu’il s’agit d’une construction tardive, plus récente que le cimetière Sud.

Il reste difficile de dater correctement ces structures en raison du mélange du matériel céramique, qui correspond autant à l’époque des tombes à puits qu’à la phase Amacueca.

Le dernier fragment de mur, F, mesure 3.20 m sur 80 cm et se trouve à l’extrémité sud-est de l’aire travaillée. Même si l’on est dans l’impossibilité de le placer chronologiquement, car il n’y a pas de vestiges associés, il pourrait faire partie de la même structure que l’élément E. En effet, ces deux murs, distants de 3 m présentent la même technique de construction.

b. Les fondations en pierre La fouille extensive du site de Caseta a révélé l’existence de trois alignements de pierres (D, E, F), et d’une structure quadrangulaire à plusieurs pièces (G). Etant donné leur disposition linéaire, les trois premiers constituent peut-être des murs, dont les fondations reposent dans tous les cas directement sur le tepetate. Les pierres, d’une longueur moyenne de 30 cm, semblent n’avoir entre elles aucun type de mortier.

Ces trois éléments font partie de structures majeures, dont les dimensions et la morphologie générale restent inconnues. Cependant, étant donné leur tracé linéaire, il est possible d’avancer qu’il s’agit de structures rectangulaires dont les fondations sont en pierre; les structures elles-mêmes auraient été construites en matériaux périssables. Etant donnée la faible profondeur de leur implantation, ces structures ont subi des destructions lors des travaux agricoles et du fait de l’érosion, d’autant plus importantes qu’elles se trouvent dans le secteur à plus forte pente.

L’élément D, le plus long, mesure 8 m sur 85 cm, et se trouve à l’extrémité nord-est de l’aire fouillée. Cette ligne de pierres recouvre une partie de la structure A ainsi qu’une fosse contenant de la céramique de la phase Sayula. Il est donc certain qu’il a été construit après l’occupation de la structure A et le creusement de la fosse. Par conséquent, il doit être au maximum contemporain de la phase Sayula, voire plus récent. Nous sommes certains, par ailleurs, que la structure A (semielliptique) est plus ancienne que l’élément D ce qui pourrait suggérer une datation de la phase Sayula ou du tout début de la phase Amacueca. Cette proposition ne repose cependant que sur la superposition des deux structures, et sur une datation hypothétique de l’élément

La structure G est la seule dont le plan est complet. Localisée sur la cime de la colline, elle mesure 26 m de long pour 10 m de large. Elle forme un rectangle orienté est-ouest qui occupe une aire de 260 m2, divisée en cinq chambres de dimensions qui varient entre 15 et 76 m2. Deux chambres centrales rectangulaires, orientées du nord-ouest au sud-est, sont délimitées à l’est par une troisième pièce rectangulaire orientée nord-sud. Cette dernière ouvre apparemment vers l’est. A l’extrémité ouest, deux espaces carrés complètent ainsi cette structure. Les fondations, constituées de deux rangées de 20

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ correspond pas obligatoirement à la date de construction des fosses.

pierres régulièrement taillés jointes avec de l’argile, varient entre 35 et 50 cm d’épaisseur. La taille et la qualité des fondations suggèrent un édifice important et solide fait de murs en pierre ou en briques d’adobe ou d’une combinaison des deux.

Etant donné leur morphologie, ces fosses auraient pu fonctionner comme structures de stockage, mais la présence plutôt rare de vestiges végétaux visibles à l’oeil nu ne nous permet pas d’établir cette utilisation. Leur fonctionnement comme dépotoirs est une deuxième hypothèse, mais il faudrait alors considérer la possibilité d’une longue utilisation, puisque leur contenu est composé de vestiges des phases Sayula et Amacueca. D’autre part, le fait que le matériel soit rare permet de mettre en doute cette possibilité. Une troisième hypothèse est que certaines de ces fosses soient des vestiges de tentatives de construction d’éventuelles tombes à puits (Schöndube et al. 1994): leur diamètre est en effet similaire à celui de l’entrée de ces tombes. Les constructeurs de ce type de structures funéraires auraient ainsi pu évaluer la résistance du terrain afin de minimiser les risques d’accident, puisque dans certains endroits le sol n’était pas adéquat. Par conséquent, les ébauches de structures auraient été abandonnées au profit d’un soussol plus approprié. On peut donc supposer que ces fosses furent creusés pendant la phase Usmajac comme des tests pour l’éventuelle construction de tombes à puits. La présence de rares tessons de la phase Verdía trouverait ainsi sa justification. Ne remplissant pas les conditions requises, elles auraient été condamnées, puis pendant les phases Sayula et Amacueca, partiellement réutilisées comme dépotoirs. Cela expliquerait la rareté du matériel culturel et sa localisation au sommet des fosses, ainsi que leur utilisation pendant la phase Amacueca.

A environ 10 cm de profondeur sous le niveau supérieur des fondations se trouve un sol artificiel constitué de la pulvérisation de ponce volcanique mélangée à de l’argile. Ce sol mesure 3 cm d’épaisseur en moyenne et repose sur une couche de terre compactée. Dans certains secteurs, le sol présente des évidences d’exposition à de hautes températures, ainsi que des lentilles de charbon qui pourraient provenir de foyers domestiques. La structure G a pu être datée par 14C: les résultats indiquent qu’elle aurait été occupée entre 1150 et 1278 après J.C. Etant donné que la structure G et les murs D, E et F présentent des techniques de constructions similaires, et se différencient surtout des autres vestiges architecturaux, il est possible que les quatre éléments en question soient contemporains. La céramique associée appartient, dans la plupart des cas, à la phase Amacueca (1100-1521). Les formes, telles que pots et jarres (cántaros)de taille moyenne, bols (cajetes ) hémisphériques et molcajetes ordinaires sans décoration, ainsi que deux pilons de mortier ou de molcajete, semblent indiquer des activités domestiques. Cependant, il n’y a pas de vestiges permettant de déterminer de façon définitive la fonction de la structure, car les travaux agricoles ainsi qu’une importante quantité de terriers ont remué la terre entre la surface et la ponce volcanique. D’autre part, la localisation de la structure G sur le sommet de la colline, qui se trouve elle-même dans une zone de passage, suggère une fonction de contrôle, puisque de sa position on domine l’ensemble du bassin. Toutefois, cette fonction de contrôle reste hypothétique, et la localisation de la structure pourrait répondre à des impératifs plus simples d’adaptation aux possibilités de la topographie. c. Les fosses non funéraires Parmi les anomalies signalées par le résistivimètre se trouvent neuf fosses de forme cylindrique ou conique (figure 8) creusés dans le tuf volcanique. Pour les quatre premières, leur diamètre varie entre 0,92 et 1 m et leur profondeur entre 0,40 et 1,52 m. Leur contenu est constitué principalement de terre compactée avec des restes de charbon, mélangée à du matériel culturel tel que de la céramique des phases Sayula et Amacueca, mais aussi de la phase Verdía. Il s’y trouve aussi des éclats de débitage d’obsidienne ainsi que des restes de petits mammifères et d’oiseaux. Il est intéressant de constater que ces vestiges culturels se rencontrent surtout dans la partie supérieure des fosses, pour devenir inexistants près du fond. Les dates 14C ont signalé une occupation entre 1290 et 1440 apr. J.C, ce qui correspond donc à la phase Amacueca. Ce comblement ne

forme

diamètre

cylindrique (F1) cylindrique (F2) cylindrique (F3) cylindrique (F4) conique (F5) conique (F6) conique (F7)

0.82 m

profon deur 0.60 m

1m

1.29 m

1m

1.52 m

0.60 m

0.44 m

1.70 m

1.17 m

terre compactée, morceaux de tepe tate, tessons Verdía et Amacueca terre meuble, phases anciennes et Amacueca terre compactée, tessons phases anciennes et Amacueca terre compactée, phases anciennes et Amacueca pierres moyennes*, terre

1.72 m

0.65 m

pierres moyennes*, terre

2.20 m

0.40 m

2.80 m

0.39 m

1.77 m

0.60 m

pierres moyennes* et grandes**, cendres, tessons phases anciennes et Amacueca, charbon, obsidienne pierres moyennes*, et grandes**, te ssons phases anciennes et Amacueca pierres moyennes*, tessons phases anciennes et Amacueca

conique (F8) conique (F9)

matériel

* pierres taille moyenne: 10-15 cm long; ** pierres taille grande: 30-40 cm long; (F1) les numéros entre parenthèses renvoient au plan du site (figure 7). Tableau 6. Caractéristiques des fosses non funéraires dans le site de Caseta.

21

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ serait similaire à celle des coeurs de mezcal. Cette hypothèse, séduisante, reste bien entendu, discutable. Rappelons toutefois que le thème du maguey et de la boisson qui en provient est fréquemment associé à l’art des tombes à puits. D’autre part, des ustensiles destinés à l’exploitation de cette agave ont été découverts en abondance à Teuchitlán ou Huitzilapa, attestant de la pratique (Butterwick 1998: 103): ce sont des lames d’obsidienne circulaires utilisées pour gratter le coeur de l’agave (ocaxtle). Ces indices permettent de conforter l’hypothèse présentée ci-dessus, et d’avancer une explication de la fonction de ces fosses, en association avec les tombes à puits. Cela étayerait le placement chronologique proposé. Il est difficile pour le moment de pousser plus loin cette recherche. Il demeure qu’une fonction de four constitue l’interprétation la plus vraisemblable.

On a trouvé par ailleurs des fosses coniques, dont le contenu diffère. Il s’agit de cinq structures de dimensions plus importantes, entre 1.72 et 1.80 m de diamètre avec une profondeur moyenne de 40 cm, dont le fond comporte trois pierres de 30 à 35 cm, accommodées en triangle. L’intérieur était rempli de pierres, de 10 à 15 cm de long, mélangées à des cendres et à de la terre. Il y avait aussi, mais en faible quantité, des débris de charbon, des éclats d’obsidienne, et des tessons correspondant aux phases représentées sur le site. Ces tessons se trouvaient dans les 10 premiers centimètres de profondeur, probablement amenés depuis les couches superficielles par la charrue et/ou les rongeurs. Les datations 14C obtenues à partir d’échantillons relevés dans ces structures les situent dans le premier siècle avant J. C. De même que pour les fosses cylindriques, ces datations ne correspondent peut-être pas avec le moment de leur construction. Un autre indice pourrait toutefois conforter ce placement chronologique. Il semble que ce type de fosses soit un trait repéré dans d’autres sites de tombes à puits. Tel est le cas du site Cerro del Agua Escondida dans la partie est du bassin de Sayula, ainsi que dans plusieurs sites du Nayarit (Schöndube et al. 1996: 26). La proximité de ce type de fosses avec des tombes à puits suggère une relation avec les rites funéraires de cette tradition, il faut pourtant signaler que dans le site de Caseta, les fosses, à l’exception de la 9, se trouvent à environ 10 m des tombes à puits.

3. Le matériel céramique Dans le site de Caseta, on retrouve, représentés de façon inégale, les quatre complexes céramiques correspondant aux phases d’occupation repérées dans la région de Sayula: Usmajac/Verdía, Sayula et Amacueca. A l’exception des pièces complètes faisant partie des offrandes associées aux sépultures, le reste du matériel céramique était très fragmenté et mélangé. Nous présentons ici une brève synthèse des données céramiques du bassin de Sayula, afin de faciliter la reconnaissance ultérieure du matériel céramique funéraire, ainsi que son placement chronologique; ce matériel fera l’objet d’une description détaillée et d’une analyse spécifique dans le chapitre V.

Etant donnés leur morphologie et leur contenu, une fonction de four est envisageable pour ces structures. Quelle en serait donc l’utilité? On peut mentionner ici l’existence d’une description des telles structures utilisées pour cuire le mezcal: « Dans un puits de taille variable usuellement grossièrement circulaire, de trois à dix pieds de diamètre et d’un à quatre pieds de profondeur on allumait un feu de branchages ou de bois, et on y jetait des pierres de la taille d’un galet. Quand le feu mourait, on disposait les pierres chaudes de façon plus ou moins régulière, et les coeurs de mescal y étaient entassés formant une sorte de dôme dont l’épaisseur dépendait de la profondeur et du diamètre du puits. Sur le mescal, on plaçait généralement une épaisse couche d’herbe fraîche ou de foin humidifié (zacate), et l’ensemble du monticule était soigneusement scellé d’une couche de terre. »1 (Bruman 1947: 15). Cette permettrait d’expliquer la grande quantité de pierres de taille moyenne retrouvées à l’intérieur des puits coniques. Les trois pierres au fond soutiendraient un récipient dont la technique de chauffe

a. Les complexes anciens. Le complexe céramique associé aux tombes à puits a reçu, pour le bassin de Sayula, le nom de Usmajac (Valdez et al. 1996b). C’est le plus ancien jusqu’à présent, et il correspond chronologiquement à la phase Tuxcacuexco-Ortices de la partie sud de Jalisco et des hautes terres du Colima. L’échantillon récupéré à Caseta provient des tombes B et C, du remplissage de la tombe A, ainsi que d’un puits sous la structure du sommet G. Le matériel est constitué principalement d’écuelles hémisphériques, écuelles à silhouette composite, pots de taille petite et moyenne. Ces derniers, avec une hauteur qui varie entre 10 et 20 cm, une silhouette globulaire et composée et un col recto-divergent, rappellent les formes tardives de la phase Capacha. La décoration peut être peinte ou incisée. Les dessins peints sont des treillis composés de lignes droites ou en zigzag. Quant aux décorations incisées, elles forment aussi des treillis à partir de fines lignes droites ou de spirales. La céramique funéraire semble être la même que celle d’utilisation

1 « In a pit of variable size -usually roughly circular, from three to ten feet across and from one to four feet deep- a fire was made of brush or wood, and stones the size of cobbles were thrown in. When the fire had died down, the hot stones were straightened out somewhat, and mescal heads were pile on top into a dome-like heap whose thickness depended on the depth and diameter of the pit. Over the mescal was usually placed a compact layer of fresh grass or moistened hay (zacate), and the whole mound was tighly sealed with a layer of earth. »

22

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ quotidienne (Susana Ramírez, communication personnelle), mais étant donné la faible représentation de cette dernière, l’observation reste à valider.

non funéraire

Quant au complexe Verdía, tel qu’il a été identifié par Isabel Kelly (nd), il est pratiquement absent du site Caseta.

forme

diamètre* hauteur* surface intérieure surface exté rieure engobe

b. Le complexe Sayula Le céramique du complexe Sayula est présente à Caseta en quantité réduite et correspond au matériel de la sousphase Ib d’après la classification de Guffroy (1996). Les formes les plus caractéristiques sont les molcajetes à supports solides ou base annulaire et des écuelles avec des lèvres crénelées de type cuenco salinero. La pâte, qui présente des inclusions en cinérites altérées, est de couleur crème. La décoration peinte est rouge sur crème, mais il existe aussi de la peinture polychrome.

supports, éléments additionnels

De plus, sur le site de Caseta, Ramírez (1996) a identifié un groupe céramique correspondant probablement à celui dénomé par Kelly (1949) Rojo sobre Bayo, similaire aux types Coralillo Rojo sobre Bayo et Terrero Rojo sobre Bayo, tous les deux de la phase Coralillo de la région de Tuxcacuesco. D’après ses caractéristiques, il s’agit d’une céramique à fonction domestique, qui pourrait être une expression tardive de la phase, puisqu’elle se trouve généralement mélangée à du matériel tardif du complexe Sayula. De plus, ce groupe céramique présente une répartition spécifique car, malgré sa présence dans la zone sud, il n’a pas été repéré dans la partie nord du bassin.

déco ration

pots globulaire bouteille

écuelles

hémisphériques fond plat

parois droites, fond plat

asymé trique

14-26 20-40 raclée lissée polie lissée

6-26 5-8 polie lissée polie

18-40 6.4-14 polie

20-30 (1) 6-15 lissée

hémisphé riques tripodes fond concave 6-16 6-8 polie, lissée

lissée

polie

polie

rouge

rouge orange

rouge orange

beige

rouge/oran ge solide: conique carré angulaire cylindrique creux: tête zoomorphe anthropo morphe plastique: impression de spatule ou de roseau, moulure de bord ou médiane, bande appliquée, application s en grains de café peinture: bande rouge

absents

absents

absents

bande appliquée incisée, boudin torsadé

absents

bande appliquée

anse solide cylindri que

bande rouge peinte

* dimensions en centimètres; (1) étant donnée l’irrégularité de la forme, il s’agit de la longueur

c. Le complexe Amacueca La céramique Amacueca est la mieux connue du bassin de Sayula. On a opéré une subdivision en Amacueca ancien et tardif. Ces deux moments chronologiques partagent des caractéristiques telles que les décors d’impression de spatule, ou les boudins appliqués, torsadés ou incisés. L’impression de roseau est présente aussi dans les deux sous-phases, mais avec des différences techniques, puisque, pendant la sous-phase ancienne, cette impression se pratique sur l’argile fraîche, tandis que pendant la sous-phase récente l’impression s’effectue sur la pâte semi-sèche et l’on fait tourner le vase (Susana Ramírez, communication personnelle).

Tableau 7a. Complexe Amacueca, funéraire, caractéristiques générales.

contexte

non

On trouve aussi une quantité importante d’écuelles hémisphériques à fond plat avec des dimensions qui varient entre 6 et 26 cm de diamètre et 0.3 et 1 cm d’épaisseur, et dont la surface est modérément polie. L’on remarque, en quantité aussi importante, des pots de forme globulaire ou des bouteilles, dont la taille, de moyenne à grande, présente des diamètres compris entre 14 et 26 cm et des hauteurs entre 20 et 40 cm. Une caractéristique de ces formes est l’irrégularité de la couleur de surface, due à des défauts de cuisson qui se manifestent par des taches noires.

Les différences les plus importantes entre la céramique Amacueca ancienne et récente portent sur les décors et les traitements de surface. La décoration ancienne la plus répandue est la peinture polychrome de style Autlán polícromo, tandis qu’en Amacueca récent on enregistre de minces lignes droites et ondulées, des bandes horizontales et des gouttes de peinture blanche, orange ou rouge. D’autre part, pendant l’étape récente, les attributs tels que le bec verseur et l’anse de type canasta apparaissent.

Aussi présentes, mais en quantité moins importante, on a enregistré: des écuelles tripodes à supports pleins de forme conique ou conique à ressaut latéral; des écuelles hémisphériques à fond plat très soigneusement polies; des écuelles de parois droites et fond plat avec une bande rouge, et aussi des écuelles de forme asymétrique. Les 23

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ décors polychromes et incisés sont présents en quantité très limitée dans le matériel non funéraire du complexe Amacueca.

type Tuxpan blanco sobre rojo (Schöndube 1994b: 403). Enfin, d’autres miniatures ont une bande incisée avec des dessins très fins. Les miniatures furent probablement faites directement pour l’utilisation funéraire, car on ne les a pas trouvées dans d’autres contextes.

contexte funéraire

pots globulaires à fond plat

molcajetes tripodes

diamètre * hauteur* surface intérieure surface exté rieure supports, éléments additionnels

3.5-5.7

12-21

écuelles hémisphériques tripodes 11-18

5-11 lissée

7-11 polie

6-11 polie

polie

polie (partie sup.)

polie ou lissée

Finalement, parmi les offrandes funéraires, on trouve des molcajetes tripodes dont le diamètre varie entre 12 et 21 cm et la hauteur entre 7 et 11 cm. Les supports, toujours pleins, sont, pour la plupart, coniques et, en moindre quantité, cylindriques. Il y a des molcajetes non décorés, ainsi que des décorés avec de la peinture monochrome, de type Amacueca Rojo, ou polychrome, similaire au type Autlán Polychrome (Kelly 1945). Ces formes sont entièrement polies à l’intérieur; à l’extérieur, le polissage se limite à la moitié supérieure du corps, la moitié inférieure est simplement lissée, sans engobe ni peinture.

déco ration

absents

moulure appliquée, peinture, incisions

solides: conique, atlante, en forme de merlon, hémisphérique, cylindrique, angulaire, crénelé, creux: grelot peinture impression de spatule, monochrome ou de roseau, boutons polychrome appliqués solides: conique, cylindrique

Des différences entre les molcajetes funéraires et nonfunéraires ont été enregistrées. Les pièces issues de ces deux contextes présentent des incisions linéaires croisées, mais celles des pièces funéraires sont plus fines et se trouvent enfermées par un ou deux cercles incisés se limitant au fond des pièces qui ne montrent pas des traces d’utilisation. Par contre, les incisions des molcajetes domestiques sont plus épaisses et commencent dès l’intérieur de la panse. Ces pièces montrent de claires traces d’utilisation. De plus, certains dessins n’ont pas été enregistrés dans les molcajetes utilitaires, tandis que la décoration polychrome est exclusive des molcajetes funéraires. Cela dit, ces variations peuvent refléter aussi une différence chronologique puisque les incisions fines ont été enregistrées pour la phase Sayula en contexte funéraire. Il est possible pourtant que cette caractéristique ait une application réservée au contexte funéraire.

* dimensions en centimètres; (1) étant donnée l’irrégularité de la forme, il s’agit de la longueur Tableau 7b. Complexe Amacueca, contexte funéraire, caractéristiques générales. Le matériel funéraire correspond, majoritairement, à Amacueca ancien. La forme la plus usuelle est l’écuelle tripode hémisphérique. Les diamètres varient entre 11 et 18 cm, et les hauteurs entre 6 et 11 cm; la surface est polie à l’intérieur et à l’extérieur, ou polie à l’intérieur et lissée à l’extérieur. Les supports sont pleins et de formes variées: coniques, crénelés, et hémisphériques; ou, creux de type grelot. Les plus communes sont les cylindriques tandis que les plus rares sont les anthropomorphes de type atlante. Les décorations les plus utilisées sont l’impression de spatule, l’impression de roseau ou les boutons appliqués. Parfois les pièces présentent des décorations hybrides, telles que des groupes de quatre boutons appliqués en même temps que des dessins imprimés.

Comme il a été mentionné ci-dessus, le matériel céramique du site de Caseta représente de façon inégale les trois complexes repérés: Usmajac, Sayula et Amacueca. En effet, les échantillons Usmajac et Sayula sont loin de fournir une large vision du groupe qui habitait Caseta. Il a été cependant possible de cerner certaines caractéristiques spécifiques à la céramique de ce site. Ces particularités deviennent significatives, comme on l’a vu, lors de leur placement dans le contexte de la tradition matérielle du bassin de Sayula. L’échantillon Amacueca est beaucoup plus important que celui des autres phases. Cet ensemble est composé, en majorité, des offrandes funéraires, ce qui implique que les pièces sont en général complètes. Tant l’abondance que la bonne conservation du matériel ont permis d’enregistrer les caractéristiques principales de la céramique du site pour, ensuite, les comparer avec les échantillons Amacueca d’autres sites à l’intérieur du bassin. On trouve ainsi des différences quantitatives: les écuelles de forme asymétrique sont plus nombreuses à Caseta qu’à San Juan; en revanche, la décoration par impression de roseau est moins courante à Caseta. Mais on constate aussi des variations qualitatives: ces mêmes impressions de roseau sont plus épaisses dans les décors à Caseta. Les écuelles de parois droites et fond plat avec

Viennent ensuite, par ordre décroissant d’importance, les pots miniatures qui ont une hauteur de 5 cm et un diamètre de 3.5 cm, en moyenne, tandis que pour les petits pots, les diamètres varient entre 4 et 5.7 cm, et la hauteur entre 7 et 11 cm. Les formes, globulaires composées, sont de type gourde ou bouteille à fond plat ou légèrement concave. Certaines d’entre elles présentent, dans la partie médiane du corps, une moulure appliquée et incisée à des intervalles réguliers. Parfois ces pots portent des anses sur la panse, des applications en forme de nez à la base de la panse. La superficie peut être polie ou lissée, en général sans marques d’usage. Certains récipients présentent une décoration peinte de type Amacueca polychrome, d’autres affichent des dessins en peinture blanche sur le fond engobé rouge, similaire au 24

Le site de Caseta _______________________________________________________________________________________________ tombes se trouvaient à mi-pente, tandis que les fosses funéraires et non-funéraires, se trouvaient soit au nord est, soit au nord-ouest, plus loin du sommet de la colline. Les structures à poteaux A, B et C correspondraient probablement à l’occupation Sayula, puisqu’elles ont été construites avant l’apparition des vestiges Amacueca. Si tel est le cas, le site de Caseta pendant la phase Sayula n’avait pas une fonction funéraire. Finalement, l’occupation la plus importante se produit pendant la phase Amacueca. En effet, celle-ci se manifeste par les deux cimetières, une structure quadrangulaire (‘G’) et la réutilisation des puits creusés pendant la phase Usmajac.

une bande rouge, présentes dans les deux sites, ont le fond rugueux à San Juan, tandis qu’à Caseta, le fond est lisse. D’autre part il existe des caractéristiques exclusives de Caseta telle que la présence des bords angulaires et la décoration de spatule. Par ailleurs, des études comparatives avec d’autres matériels céramiques de la région montrent que la céramique de la phase Amacueca de Caseta présente des similitudes avec celles du sud de Jalisco: Zapotlán, Tuxpan et Tamazula pendant les phases Terla et Laurel (Schöndube 1994b), mais également avec la région d’Autlán pour les phases Autlán, Milpa et celle de Tuxcacuesco, pendant la phase Tolimán.

Les deux phases principales d’occupation sont donc essentiellement identifiées par des restes funéraires: Usmajac avec trois tombes à puits et trois fosses, et Amacueca avec deux cimetières et quatre sépultures isolées. Etant donné l’étendue de la zone sépulcrale qui, comme nous l’avons signalé ci-dessus, couvre plus de 20% de la surface totale fouillée, une utilisation principalement funéraire de la colline semble évidente (Acosta et al. 1998: 103). Ainsi, à deux reprises le site a été choisi comme lieu d’inhumation et le laps de temps qui s’écoule entre les deux occupations est considérable (environ 800 années). Malgré la rupture correspondant à la phase Sayula, cela suggère une identification du caractère funéraire et probablement sacré de la colline.

Les implications de ces observations seront reprises lors de l’analyse du mobilier funéraire qui fait l’objet du chapitre V.

C. Bilan des connaissances sur le site Plusieurs techniques archéologiques ont été utilisées pendant les travaux d’exploration du site de Caseta. L’information fournie par la reconnaissance, suivie de la récolte de surface, révéla l’importance potentielle du site au sein du bassin de Sayula et sa constante dégradation à cause de l’érosion et des activités agricoles. La prospection ultérieure par résistivité électrique, et les fouilles extensives effectuées ont livré un corpus de données d’intérêt considérable pour la zone. En effet, l’ample surface fouillée, environ 1200 m2, a permis l’enregistrement de plusieurs structures, les unes sans doute funéraires, les autres de fonction plus incertaine.

Cependant, la profusion des restes funéraires ne correspond pas avec le rôle de surveillance suggéré par l’emplacement du site. Seules quelques traces de structures en pierre ou en matériel périssable, ainsi que des puits de stockage et des fours, constituent l’ensemble restreint de vestiges non funéraires. De plus, la fonction de ces éléments, qui n’est pas complètement identifiée, pourrait, au moins partiellement, être liée à des rituels funéraires. Mais cela ne vaut pas pour l’ensemble des vestiges domestiques. On pourrait certes envisager que les destructions subies aient entraîné la disparition d’autres vestiges, plus en rapport avec sa situation et son éventuelle fonction de contrôle. Mais il faudrait dans ce cas supposer d’énormes perturbations, qui ne sont guère vraisemblables.Une fonction funéraire principale du site semble donc logique.

Bien que la quantité de travail déployée par les membres du Projet Sayula sur le site de Caseta soit importante, des questions demeurent non résolues. La plus évidente concerne la fonction du site à l’échelle du bassin, puisque sa localisation, au point de confluence de la Sierra del Tigre et de la Sierra de Tapalpa, faisait de Caseta un site de passage obligé vers la côte, stratégique dans les communications avec les populations du sud. Par ailleurs, son implantation sur une colline dans les plaines alluviales (1450 m au dessus du niveau de la mer), lui conférait une position privilégiée; la vue d’ensemble sur le bassin pourrait faire de Caseta un site de surveillance ou de contrôle du passage.

L’apparente absence d’occupation pendant la phase Sayula constitue alors une question collatérale. Cette absence s’explique d’autant plus difficilement, que le contrôle du bassin de Sayula était fondamental pendant l’apogée de sa production saline.

Si l’on prend en compte la disposition des vestiges archéologiques en relation avec leur appartenance chronologique, nous savons que pendant la phase Usmajac, outre les trois tombes à puits, la colline contenait trois fosses sépulcrales simples, ainsi que probablement des puits cylindriques et coniques. Les

Etant donné le manque de stratigraphie résultant de la nature de terrain et des travaux agricoles, les seuls vestiges dont la chronologie s’avère fiable sont les sépultures. C’est à partir de ces données que nous allons tenter de résoudre les questions exposées ci-dessus.

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Chapitre III

LES SEPULTURES ANCIENNES

obsession détournant l’attention d’autres types d’évidence culturelle, ainsi que de la question principale, c’est-à-dire la population de l’époque et son contexte social (Weigand 1993: 76). Nous discuterons ci-dessous des difficultés les plus courantes auxquelles nous devons faire face lors de l’étude de tombes à puits.

La phase Usmajac dans le site de Caseta est représentée par six structures funéraires, soit trois tombes à puits (A, B et C) et trois fosses simples (85, 86 et 98). Nous allons successivement exposer leurs caractéristiques générales, quantifier le matériel osseux ainsi que le mobilier et tenter une analyse de l’organisation spatiale à l’intérieur de chaque sépulture. Cette démarche s’avère nécessaire pour comprendre leur position à l’intérieur de la tradition des tombes à puits, dont les caractéristiques seront présentées ci-dessous.

1. Le placement chronologique Bien que la plupart des chercheurs s’accordent pour situer chronologiquement la tradition des tombes à puits entre 300/200 av. J. C. et 500/600 apr. J. C., les limites de ce laps de temps ont fait l’objet d’une discussion détaillée de la part de Servain-Riviale (1993: 108-113) qui arrive à d’intéressantes conclusions. Cet auteur considère d’abord que la démarcation inférieure ne serait pas sûre, étant donnée la confusion sur les datations 14C des phases anciennes (Ortices pour le Colima, et El Arenal pour le Jalisco) sur lesquelles repose le calcul. En fonction des corrélations, la limite inférieure pourrait, en effet, être placée plus tôt (350 av. J. C.). Toutefois, il importe de souligner que cela correspond à l’état actuel des connaissances, et pourrait donc être modifié. Les récentes modifications du placement chronologique de l’occupation majeure de Teuchitlán peuvent par exemple entraîner une révision d’ensemble de la séquence. En effet, les récentes fouilles de Teuchitlán et les premières datations obtenues indiquent que son apogée commencerait au début de notre ère, c’est-à-dire un ou deux siècles avant ce que l’on supposait (Weigand, communication personnelle).

A. La problématique des tombes à puits dans l’Occident du Mexique L’expression tombe à puits désigne une structure funéraire, constituée d’un puits vertical aboutissant à une ou plusieurs chambres souterraines, caractéristique de l’Occident du Mexique et plus précisément des Etats de Jalisco, du Nayarit et du Colima. Les termes d’étape, d’horizon, de culture et de tradition ont été employés pour désigner cette manifestation funéraire, ainsi que la société qui la produisit. « Etape » et « horizon » ne correspondent pas à ce que l’on sait actuellement de la complexité et de la chronologie du phénomène. Le terme de « culture » utilisé par d’autres auteurs (Servain-Riviale 1993) met surtout l’accent sur l’aspect funéraire, en développant l’étude de la structure, du matériel associé, et des pratiques liées. Ce faisant, on tend à minimiser l’importance du contexte architectural et social, au sein duquel s’insère ce trait culturel. Le terme de « tradition » semble donc plus approprié pour manifester la continuité de ce trait (Weigand et Beekman 1998: 41) sans pour autant négliger les autres manifestations. En effet, la permanence de ce type de structure funéraire s’inscrit dans une évolution socioculturelle complexe depuis la période formative jusqu’au Classique.

On ne dispose encore que de données insuffisantes pour les périodes les plus anciennes. En rapport avec l’origine du phénomène, il faut aussi considérer les tombes du site d’El Opeño. Leur morphologie les distingue certes des structures typiques de tombes à puits puisque l’emplacement du puits est occupé par un escalier. Mais outre cette différence morphologique, « le hiatus chronologique qui sépare les tombes à escalier d’El Opeño (datées de 1500 avant notre ère), dont la découverte reste un cas isolé, et les tombes à puits (situées entre 200 avant notre ère et 500 de notre ère) rend la filiation entre ces deux catégories hypothétique. » (Servain-Riviale 1993: 70).

L’ensemble des connaissances sur cette tradition reste encore très fragmentaire, en raison du pillage presque systématique du contenu des structures, pillage suscité par la beauté des pièces qui s’y trouvent. De ce fait, le matériel culturel, dépourvu de son contexte archéologique, et les structures vides sont les deux principales sources d’information sur lesquelles compte l’archéologue. Par ailleurs, les restes osseux négligés par les pilleurs sont souvent détruits, et les rares vestiges qui demeurent en place sont tellement fragmentés que le matériel est inutilisable. Cette situation pose d’innombrables problèmes pour la compréhension de la tradition, au point que la découverte d’une structure vierge est devenue, pour les archéologues, une véritable

A l’inverse de ce qui vient d’être dit, Servain-Riviale (1993: 111) considère la limite récente de la tradition comme plus fiable puisque la présence des tumbas de caja (tombe en ciste ou en coffre) dans le cimetière de El Grillo daté d’entre 600 et 900 apr. J. C. (Schöndube et 26

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ Galván 1978), illustre explicitement la séparation entre les deux pratiques funéraires. Vers 600 apr. J. C. l’Occident du Mexique entre d’ailleurs dans un processus de ‘mésoaméricanisation’ (Schöndube 1976) qui implique l’adoption de traits exogènes comme de nouvelles formes d’architecture monumentale et l’interruption des coutumes funéraires telles que les tombes à puits, jusqu’alors très populaires. (cf ci-desssous)

3. Les différences morphologiques et le contexte socioculturel Malgré des caractéristiques communes qui témoignent de l’appartenance à une même tradition culturelle, on note des variations significatives dans la morphologie des tombes à puits (figure 9). Il existe d’abord les tombes à escalier dont l’accès est constitué par un ensemble de plusieurs marches; leur profondeur n’est pas aussi importante que celle d’autres tombes à puits. Les tombes d’El Opeño, Michoacán, en sont l’exemple classique. Une seconde catégorie regroupe les tombes en bouteille: ici le puits vertical perce le centre de la voûte d’une unique chambre de plan quadrangulaire ou circulaire, comme dans la tombe no. 1 du site d’El Llano, Nayarit (Corona Núñez 1954: figure 1). La troisième catégorie inclut les tombes en botte, qui comptent une ou plusieurs chambres latérales, de plan elliptique ou quadrangulaire, situées au même niveau: tel est le cas de la structure funéraire de Huitzilapa, Jalisco (López et Ramos 1998b: figure 6). Les chambres peuvent aussi se trouver décalées le long du puits comme pour la tombe 1 d’El Arenal, Jalisco (Long 1966: figure 6). Cette catégorie présente, de plus, certaines variations internes: les puits peuvent être de section circulaire ou quadrangulaire, tandis qu’une deuxième chambre (chambre secondaire, d’après Servain-Riviale 1993: 157) peut être annexée à celle qui communique vers l’extérieur directement par le puits (chambre primaire). La tombe no. 1 du site d’El Frijolar, Nayarit (Corona Núñez 1955: figure 1) illustre cette dernière variante.

2. La distribution spatiale Dès la fin des années soixante, les recherches avaient localisé un nombre important de sites contenant des tombes à puits. Le rassemblement des données fiables à l’époque a abouti à l’élaboration du concept d’arc des tombes à puits, qui traduit la concentration de ce type de manifestation funéraire dans une zone en forme d’arc (figure 123), comprenant l’Etat du Colima, la partie sudcentrale du Jalisco et du Nayarit (Meighan y Nicholson 1970: 22). Mais cette façon de voir est fortement influencée par le nombre inégal d’études archéologiques menées dans la région. En effet, l’aire de distribution connue risque de refléter principalement les zones les mieux étudiées de l’Occident, tout comme négativement les lacunes régionales de la recherche. D’ailleurs comme le signale Servain-Riviale (1993: 70) « en dépit des apparences, la notion d’arc n’est pas synonyme d’une distribution continue des vestiges funéraires caractéristiques de la culture des tombes à puits ». L’absence de vestiges dans le Bassin de Sayula, pourtant situé au coeur de l’arc, a été signalée par Kelly (1948), mais elle l’attribue, avec raison, au manque de fouilles dans la zone. Le présent travail constitue une réponse positive à cette lacune.

En plus des différences morphologiques, d’autres auteurs distinguent une certaine hiérarchisation d’après le degré de complexité des tombes. Ainsi, pour la zone de Teuchitlán (Etat du Jalisco), Weigand (1998: 39) parle de tombes monumentales, lorsque la structure présente plusieurs chambres avec un puits de plus de quatre mètres de profondeur; et de tombes sub-monumentales lorsque la structure compte une seule chambre et un puits de moins de quatre mètres. Ces dernières auraient souvent une forme de botte. Kelly (1980) avait déjà repéré un phénomène analogue dans le bassin d’Armería (Etat du Colima) où elle avait trouvé des variantes simplifiées de tombes à puits.

Quant aux limites de l’arc, l’évidente exclusion de la partie occidentale du Colima et du Jalisco trouve son explication dans la méconnaissance archéologique de la zone. Pourtant, dans les années 1980, diverses recherches se sont déroulées dans la région: dans la vallée de Banderas notamment, située sur la côte ouest de Jalisco et du Nayarit, des tombes à puits ont été explorées (Mountjoy 1998). D’autre part, la découverte de plusieurs tombes à puits le long du Rio Bolaños au nord du Jalisco (López Cruz 1998), et dans le site de El Teul dans l’Etat de Zacatecas (Corona Núñez 1972) ont permis de repousser la limite nord de l’arc.

Mais à quoi correspondent ces variantes? Avant d’avancer une autre explication, il faut mentionner brièvement l’aspect pratique de la construction d’une tombe à puits. En effet, le creusement de ces tombes requiert un terrain particulier, suffisamment solide pour éviter l’effondrement de la structure, tel que le tepetate 1, le tuf, le calcaire, ou la roche volcanique. Par ailleurs, plusieurs auteurs (Furst 1966, Long 1966) ont signalé la présence des tombes à puits sur des éminences naturelles. Cela pourrait correspondre au choix d’un lieu sacré ou, plus prosaïquement, aux besoins techniques de la construction; ainsi la nature géologique du terrain et la

Il apparaît donc clairement, à l’heure actuelle, que l’arc de distribution est quelque peu déformé, en raison de la présence des tombes à puits en dehors des limites proposées à l’origine. Par ailleurs, au sein même de l’arc, la densité de l’échantillon s’est fortement accrue. Dans ces conditions, la notion jadis novatrice d’arc des tombes à puits a, du fait des recherches récentes, perdu de sa pertinence.

1 Couche dure et imperméable, d’épaisseur variable, qui peut-être formée de divers matériaux. Dans l’Occident, le composant principal serait un tuf volcanique (Bell 1971: 720)

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Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ réemploi des tombes ou l’organisation lignagère de la société (Servain-Riviale 1993: 135). Dans ce dernier cas, une telle coexistence traduirait l’introduction d’un mobilier funéraire conforme aux origines de chaque individu. Un homme et son épouse seraient accompagnés d’un matériel propre, correspondant à leurs origines respectives. Toutefois, cette hypothèse repose sur une notion d’exogamie qui n’est pas confirmée par ailleurs. De telles hypothèses ne sont cependant pas sans rapport avec les modalités de recrutement des individus inhumés et avec les gestes funéraires.

topographie auraient pu déterminer ou, du moins, influencer la forme de la structure. Par ailleurs, Weigand (1989: 42, 1998: 41) avance une théorie, qui, dans la région de Teuchitlán, expliquerait les différences morphologiques des tombes à puits en termes chronologiques et spatiaux. Cet auteur a établi une typologie de sites qui compte cinq catégories: la dernière correspond aux sites les plus simples, tandis que la première comprend les sites les plus complexes qui contrôlent le réseau d’exploitation des ressources rares et leur distribution. Lors des phases anciennes, seules les dernières catégories (cinq à trois, et peut être deux) seraient représentées. Mais, entre 200 et 700 apr. J. C., la société entame un processus de hiérarchisation qui se manifeste par la présence d’une architecture plus monumentale des centres communautaires, et par la multiplication des sites de catégorie un. Parallèlement, les tombes à puits deviennent plus simples que pendant le Formatif récent: les grandes tombes sont anciennes, les plus tardives sont plus simples. Ce double phénomène suggère un changement culturel, dans lequel l’architecture monumentale remplace les tombes à puits en tant que symbole de pouvoir et de prestige socio-politique. En même temps, sur le plan spatial, plus on s’éloigne des centres de première catégorie, plus les sites et les tombes se simplifient. A un phénomène de hiérarchisation plus marquée de la structure de l’habitat s’ajoute une hiérarchisation des types de tombes: la complexité architecturale et la richesse du mobilier décroissent en fonction de la catégorie des sites.

L’hypothèse du réemploi, qui implique l’introduction successive de restes humains, a été évoquée pour les tombes qui présentent des remaniements dans leur contenu (Long 1966, Kelly 1978). Dans ce cas, la présence d’un amas osseux semble témoigner d’un nettoyage préalable à l’inhumation de nouveaux corps. En revanche, lorsque les restes n’ont pas été perturbés, il est plus difficile de retenir l’idée de la réutilisation des structures. L’explication serait, alors, que chaque sujet était entouré, au moment de son inhumation, du mobilier funéraire propre à sa tradition d’origine (Furst 1966). Ceci est plus compliqué à démontrer puisqu’il est alors nécessaire de connaître le sexe de chacun des individus inhumés, la nature des liens qui les unissent, et la part du mobilier qui leur est consacrée. Les deux hypothèses ne sont pas forcement exclusives et peuvent être considérées comme les branches d’une même alternative (ServainRiviale 1993: 142). Encore faut-il compter avec les ossements et le mobilier funéraire (ce qui n’est pas toujours le cas, et pourrait être considéré d’ailleurs comme l’exception) et pouvoir analyser de façon détaillée leurs relations spatiales

Dans cette conception, les tombes à puits sont un élément diagnostique du degré de dépendance d’une communauté par rapport au centre, ou du niveau de complexité sociopolitique de la zone. Cela pourrait aussi justifier les différences typologiques entre les structures monumentales de Teuchitlán et les tombes submonumentales du Bassin de Sayula, sur lesquelles nous reviendrons plus loin.

Il est évident que la recherche sur les tombes à puits n’a pas réussi jusqu’à présent à répondre à l’ensemble des interrogations d’ordre spatial, temporel et même social que l’on peut formuler. En étudiant, de façon convenable, les sépultures intactes ou pillées, on contribue donc progressivement à combler les lacunes. C’est dans cette perspective que nous allons discuter de la découverte des sépultures funéraires anciennes dans le site de Caseta.

4. La population inhumée et les gestes funéraires La complexité de certaines des tombes à puits suggère, comme nous l’avons signalé ci-dessus, une solide gestion des ressources ainsi qu’une organisation précise de la main d’oeuvre. Dans ces conditions, la construction de ce genre de sépulture serait plutôt un événement exceptionnel dans l’histoire d’une localité. De ce fait, on peut déduire que ces structures n’étaient pas destinées à l’ensemble de la population, mais que, comme il a été proposé par certains auteurs (Weigand 1985), elles seraient réservées aux membres les plus éminents des lignages ou aux lignages les plus importants.

B. La méthodologie Etant donné que la fouille du site Caseta faisait partie d’une action de sauvetage, il a fallu respecter le programme préétabli, et adapter la méthodologie de travail aux contraintes de temps, tout en gardant la rigueur nécessaire pour l’obtention d’un maximum d’informations. Ces fouilles devaient permettre de parvenir à la compréhension de l’organisation interne de chaque sépulture, ainsi que des relations spatiales et chronologiques entre elles, pour enfin replacer les données funéraires dans le contexte archéologique de Caseta et obtenir ainsi une vision globale du site.

D’autre part, le fait de trouver différents styles céramiques à l’intérieur d’une même chambre funéraire a donné lieu à deux propositions d’interprétation: le

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Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ d’enregistrement sur le plan, le type d’os et la latéralité; s’il s’agit d’un os, on spécifie la pièce qu’il représente.

1. Le terrain La méthodologie de fouille des tombes à puits, établie pour la tombe A, a ensuite été appliquée aux tombes B et C, sans modifications majeures.

Les os qui, par concordance de position, sont considérés comme appartenant à des individus spécifiques, ont été isolés, afin de faciliter l’analyse du reste du matériel. Après avoir ainsi établi les liaisons du premier ordre, nous avons tenté d’identifier les liaisons de deuxième ordre: collage de fragments jointifs, liaisons par contiguïté articulaire, appartenance au même ensemble pathologique, identité du stade de maturation, liaison par symétrie (Duday 1981:21, Duday et al. 1990:46). Cette question sera traitée en détail pour chacune des tombes.

La surface intérieure de chaque tombe a été divisée en carrés de 50 cm de côté, selon une grille qui suit l’axe de la plus grande longueur de la chambre, afin d’éviter, le plus possible, les angles morts. Les unités de fouille et d’enregistrement sont identifiées par une lettre et un chiffre. L’axe des abscisses, orienté nord-sud, est désigné par des chiffres, tandis que l’axe des ordonnées, d’est en ouest est désigné par des lettres.

L’analyse des pratiques funéraires (comptabilisation des effectifs et modes de dépôts, disposition des restes, disposition du mobilier) fera l’objet d’une présentation pour chaque tombe. Compte tenu du petit nombre des tombes, du pillage de deux d’entre elles et de l’état très fragmenté des restes osseux, il nous a été impossible d’envisager une étude paléo-anthropologique. Les rares informations enregistrées dans ce domaine, telles que l’identification du sexe et de l’âge, seront inclus dans la description de chaque tombe.

Les chambres ont été totalement dégagées, afin d’apercevoir la disposition générale des vestiges, même s’il s’agissait de structures pillées. L’enregistrement a été complété par une couverture photographique aussi complète que possible, malgré l’exiguïté des structures et la courbure des bases de la voûte. Afin de compenser l’absence de photographies précises dans certains carrés, un relevé schématique, dessiné, a été également effectué. Les restes osseux, de même que les offrandes et la parure, ont été numérotés à l’intérieur de chaque carré et démontés par décapages successifs, selon la densité du matériel, toujours accompagnés de relevés. Lorsque, dans certains cas, il était possible d’identifier l’individu à qui appartenaient les os ou les éléments de parure, ces données ont aussi été enregistrées.

C. Tombe A L’existence de la Tombe A nous avait été signalée par des agriculteurs de la zone. Cette structure a été découverte de façon fortuite dans les années 1970, lors de travaux agricoles. D’après les témoignages, le puits d’accès qui mène à la seule chambre était scellé par une grande dalle. L’information fiable sur la Tombe A est très partielle, puisque, lors de l’intervention archéologique, ne restaient que la structure elle-même, quelques tessons et fragments d’objets, et des petits os négligés par les pilleurs.

Le tamisage systématique des sédiments par carré, a rendu possible la récupération de quelques esquilles d’os, d’éclats d’obsidienne et de fragments de perles en coquille et en os. Le matériel osseux était couvert d’un sédiment collant de couleur gris foncé à l’état humide, qui après sa dessiccation devient gris clair. Sous sa forme humide, le sédiment, difficile à nettoyer, formait des boules qui empêchaient d’apercevoir la forme précise des os, et par conséquent de les identifier. Pour éviter que les os ne s’abîment davantage, on les a laissés sécher un moment avant de procéder à l’enlèvement. Tout le matériel des tombes a été emballé dans des sacs en plastique accompagnés d’étiquettes portant les informations générales, en plus d’un numéro correspondant au carré et au niveau dans lequel il a été récolté. Les os longs cassés ont été recouverts de papier aluminium afin de conserver les relations entre leurs fragments et de faciliter le travail de reconstitution.

La Tombe A (figure 10), orientée selon un axe nord-est, sud-ouest, se compose d’un puits cylindrique de 2,40 m de profondeur et de 80 cm de diamètre, qui aboutit dans la partie est de la chambre funéraire. L’accès est marqué par une marche de 26 cm de haut, composée d’une banquette taillée dans le tepetate et recouverte de terre compactée, qui a pour fonction d’assurer la stabilité de deux pierres et deux dalles. La pierre principale mesure 60 cm de long pour 50 cm de large, et 50 cm d’épaisseur; elle constitue la partie centrale de la marche. Accommodées autour, se trouvaient une petite pierre de 17 cm de long pour 10 cm de large, ainsi que les deux dalles de 10 cm de longueur chacune. Ces trois derniers éléments semblaient jouer le rôle de cales. La chambre de plan ovale, de 2,40 m de long pour 1,97 m de large, comporte une voûte arrondie d’une hauteur maximale de 1,06 m. Sa forme n’est pas tout à fait hémisphérique: en coupe, elle est plus carrée dans l’axe du puits, c’est-à-dire dans le sens nord-est sud-ouest, tandis que l’axe nord-ouest sud-est est plutôt arrondi.

2. Le traitement en laboratoire Tout le matériel fut nettoyé à l’eau, à l’aide d’une brosse à dents humide; une fois secs, les fragments ont été marqués à l’encre de Chine. Ce travail préliminaire a rendu possible l’élaboration d’un enregistrement de tous les restes présents dans un même niveau à l’intérieur de chaque carré. L’information comprend les coordonnées

Le sol plat de la chambre se trouvait au moment de l’intervention, couvert par une couche de terre de 35 cm 29

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ - 13 éclats d’obsidienne sans retouche; - 59 petits tessons non décorés;

d’épaisseur environ. La trace de cette couche sur les parois de la chambre suggère que la terre a séjourné longtemps à cet endroit. Cela coïncide avec la version des témoins qui soutiennent que tous les vestiges étaient ensevelis de telle façon qu’on croyait la chambre vide.

Pour ce qui est des objets qui accompagnaient les individus, on peut d’abord noter la faible quantité de tessons (59) qui pourraient représenter des échantillons des offrandes céramiques citées par les divers informateurs, et dont le nombre est imprécis. Mais il pourrait également s’agir de simples tessons provenant du remblai.

Le puits ainsi que la chambre funéraire présente les traces des outils utilisés pour creuser la structure. Il s’agit d’instruments à pointe aiguisée, de 2 à 4 cm de diamètre environ. D’après les traces laissées, cet ustensile frappait le tuf en biais, afin de permettre l’enlèvement de blocs de volume important.

D’autre part, les caractéristiques des perles et pendentifs en pierre verte semblent indiquer qu’il ne s’agit pas de pièces isolées, mais des éléments d’un même ensemble. Tant la couleur comme le matériel choisi pour leur élaboration suggère que les perles circulaires, tubulaires, et les pendentifs formaient un collier complexe. De la même manière, les onze perles tubulaires en coquille feraient partie d’un autre bijou. Cet échantillon donne un aperçu de la qualité des parures présentes dans cette sépulture.

On a remarqué sur les parois du puits et de la chambre des cavités de forme semi-sphérique de 8 cm de diamètre environ. Dans le cas des puits, leur présence peut s’expliquer comme les vestiges d’un aménagement destiné à poser les pieds et les mains et ainsi faciliter le déplacement. Mais leur fonction dans la chambre nous reste inconnue.

Parmi les objets en obsidienne, on compte un nucleus et plusieurs éclats sans retouche. Le fait de les trouver ensemble suggère qu’ils ont été débités sur place. Ils constitueraient alors des vestiges d’un rite funéraire dont la signification nous reste inconnue, car leur manufacture implique des gestes précis à l’intérieur de la tombe. Dans ce cas, il serait possible de les interpréter plutôt en termes d’offrandes. Il pourrait aussi, s’agir d’un matériel représentatif des activités d’un des individus inhumés

1. Le contenu La terre trouvée à l’intérieur de la chambre a été tamisée, afin de récupérer le matériel négligé par les pilleurs. Celui-ci est constitué par des os humains, des objets de parure en pierre, en coquille et en céramique, et quelques tessons. Pour ce qui est du matériel osseux, il est composé principalement par des os des extrémités, surtout des pieds et des mains, tant d’adultes que d’immatures, ainsi que des pièces dentaires appartenant à ces mêmes catégories d’âge. On a dégagé aussi lors de la fouille, quelques os longs et des fragments de crâne, tous d’immatures. Cela suggère que les pilleurs n’ont récupéré que les pièces de volume important. Etant donnée l’obscurité qui règne à l’intérieur de la chambre funéraire, uniquement éclairée par l’ouverture du puits, il est fort probable que la faible visibilité à l’intérieur les a empêchés de repérer les pièces osseuses les plus petites, ainsi que certains objets de faible volume dont on peut dresser la liste suivante: - Sept perles globulaires en pierre polie de couleur vert clair; - Trois perles tubulaires en pierre polie de couleur vert clair; - Deux pendentifs en forme d’écureuil en pierre polie de couleur vert clair; - Deux pendentifs circulaires en pierre polie de couleur vert clair; Tous ces éléments sont manufacturés dans le même type de matériel. - Onze fragments de coquille tubulaire qui semblent avoir été coupés et perforés pour constituer des pendentifs; - Une perle tubulaire en céramique; - Une pointe de projectile en obsidienne grise; - Un fragment de nucleus en obsidienne grise; - Un racloir circulaire en obsidienne; - Quatre éclats d’obsidienne retouchés;

2. L’état du matériel En général, le matériel recueilli à l’intérieur de la chambre funéraires se trouve en bon état de conservation. Les éléments de parure sont très peu fragmentés, ainsi que les ossements humains qui, dans la plupart de cas, ont conservé leur solidité naturelle. Il faut signaler aussi que les os des tarses, qui constituent le plus gros de l’échantillon, se conservent le mieux, étant donné leur structure massive. Quant aux métatarsiens, ils présentent des traces d’actions mécaniques, puisque la plupart sont cassés au niveau des diaphyses. Ces cassures résultent probablement d’une pression qui provoque la rupture de la partie la moins solide de la pièce. Ces os auraient peut-être été ensevelis au moment du pillage, ce qui aurait empêché leur repérage par les pilleurs qui les ont piétinés. Les os tarsiens se trouvent dans le même cas, mais leur morphologie leur aurait permis de résister à la pression exercée. Les os longs d’immatures présentent des cassures fraîches au niveau des diaphyses, ce qui a permis leur reconstruction. Cela suggère qu’ils ont subi la même pression que les métatarsiens d’adulte, provoquant leur cassure au niveau des diaphyses. La cause de cette pression peut être la même: le piétinement involontaire, puisque la petite taille de ces os longs immatures ne 30

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ Les liaisons de premier ordre sont les connexions anatomiques que l’on peut repérer pendant la fouille. Celles-ci ayant disparu pour le matériel osseux de la Tombe A, seules les liaisons de deuxième ordre (Duday et Masset 1987) pouvaient aider à l’identification des pièces d’un même individu. L’application la plus courante de ce type de liaisons est la compréhension de l’organisation interne des sépultures collectives, ainsi que de leur dynamique de constitution (Duday et al. 1990: 46). Dans le cas de la tombe A, le collage des fragments osseux jointifs, la recherche des pièces articulairement contiguës, le regroupement d’os qui présentent un stade de maturation identique, l’appartenance au même ensemble pathologique et l’appariement d’os symétriques, ont été envisagés systématiquement pour réduire la marge d’erreur dans la comptabilisation des restes partiels.

favorise pas leur visibilité; dans la terre qui ensevelit la tombe, seules les grosses pièces seraient restées repérables. Les vertèbres surtout celles du rachis cervical, sont parfois encore plus petites que certaines pièces du tarse. Etant donnée leur taille, il aurait été logique d’en trouver, ne serait-ce que des fragments. La seule explication à leur absence de la tombe est qu’elles se trouvaient encore en position anatomique, ce qui aurait facilité leur repérage lors du pillage, et leur prélèvement par les intrus. Les pièces dentaires sont aussi bien conservées, surtout la couronne, qui se rencontre intacte dans la plupart des exemplaires. Dans certains cas, les racines sont incomplètes ou carrément inexistantes. La résistance de la couronne, constituée d’un matériel dense et fort, la dentine, et protégée par l’émail, est bien connue; à l’inverse, les racines ont une consistance moins solide une fois hors de leur cavité naturelle, puisqu’elles manquent d’émail.

La première liaison à tester a été le collage des fragment jointifs, pratique qui a permis la reconstruction de deux os longs. Ensuite ont été rassemblés les os qui présentaient un stade de maturation identique. Cette démarche a révélé l’existence de deux sujets immatures.

Malgré la présence de nombreux restes de rongeurs à l’intérieur de la tombe, le matériel ne révèle pas de traces de leur action. Il doit s’agir d’animaux qui se sont introduits dans la tombe après son ouverture; leurs différents stades de décomposition qui vont du cadavre frais jusqu’au squelette sec confirment leur caractère récent. L’information sur la dalle qui scellait l’entrée de la tombe serait donc fiable, car si elle n’avait pas été en place, les os auraient été attaqués par les rongeurs.

Quant à la recherche d’autres types de liaisons, le taux de réussite est faible. La vérification des concordances articulaires s’est avérée difficile lorsqu’il s’agit des pièces des mains et des pieds. D’autre part, les restes osseux de la tombe A ne présentaient pas de pathologies apparentes. En conséquence, la recherche d’une éventuelle liaison par appartenance à un même ensemble pathologique n’avait pas de raison d’être appliquée. Enfin, l’appariement d’os symétriques a confirmé le nombre minimum d’individus calculés par type d’os. Les résultats du décompte sont résumés dans le graphique 1, qui représente les chiffres pour les os du pied et de la main, et le tableau 9 qui décompte les pièces dentaires des adultes. La comptabilisation précise de pièces immatures sera présentée lors de la discussion de l’âge des sujets inhumés.

3. Quantification des restes osseux La quantification des restes osseux a pour but de déterminer le nombre minimum d’individus inhumés; si la sépulture ne comporte pas de perturbation, ce matériel représente le point de départ de l’analyse paléodémographique (Duday 1981). Il est évident que, dans le cas de la tombe A, cette condition n’est pas respectée puisque la sépulture a été pillée et ne contient que le matériel oublié par les pilleurs. Quel est alors l’intérêt de la quantification de ces rares restes? Il est évident qu’à partir de quelques tarsiens, on ne vise pas la déduction d’une éventuelle spécialisation globale ou zonale de la tombe. En revanche, on peut parvenir à une évaluation approximative de la quantité d’individus que cette structure abritait, tout en gardant à l’esprit que ce décompte ne saurait être considéré comme exact.

Dans le graphique 1, on enregistre une sur-représentation des os de pieds (tarse, métatarse et phalanges de pied) par rapport à ceux de la main (carpe, métacarpe et phalanges de main), quand on aurait espéré trouver l’inverse, puisque ces derniers sont plus petits et donc, plus susceptibles d’avoir été négligés en raison de leur taille. Ce phénomène, on le verra, se produit aussi pour la tombe B où les taux de conservation maximale du tarse et du métatarse sont supérieurs à ceux du carpe et du métacarpe. Ce fait suggère que, avant le pillage de la tombe, s’est produit à l’intérieur un processus de conservation différentielle au détriment des os des mains, par suite de leur fragilité.

Comme on l’a mentionné ci-dessus, les restes osseux sont constitués, d’une part, par des extrémités supérieures et inférieures: tarse, métatarse, carpe et métacarpe ainsi que les phalanges des pieds et mains. D’autre part, et en quantité moins importante, par des pièces dentaires et des os longs. Ces vestiges témoignent de l’existence d’immatures et surtout d’adultes, catégories d’âge qu’il faut comptabiliser. Pour y parvenir, il a été nécessaire d’appliquer le concept des liaisons de deuxième ordre.

L’absence d’os immatures des mains est aussi évidente, fait qui peut être imputable, une fois de plus, à la conservation différentielle ou à une représentation partielle des squelettes immatures. Cette dernière possibilité sera traitée d’une façon plus approfondie lors de la discussion finale sur la tombe A. 31

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________

ph. pied

adultes

ph. main

45 40 35 30 25 20 15 10 5 0

m tacarpe

1 2 0 0 0 1 3 3 2 0 3 1 0 3 2 -

immatures

m tatarse

NMI

tarse

adultes D G 1 2 2 1 2 3 3 2 1 1 3 1 2 3 13 7 2 1 1 D G 6 3 3 1 1 2 4 3 1 2 1 1 1 1 3 1 5 4 4 2 5 5 1 3 3 2 32 2 2 1 1

carpe

Caseta Tombe A Type d’os immatures la main D G scaphoïde lunatum pisiforme triquetum trapèze trapézoïde capitatum hamatum métacarpien I métacarpien II métacarpien III métacarpien IV métacarpien V phalange proximale I phalanges proximales II-V phalanges moyennes II-V phalanges distales I ph. dist. II-V le pied D G talus 1 calcaneus 1 1 cuboïde naviculaire cunéiforme médial cunéiforme intermédiaire cunéiforme latéral métatarsien I 1 métatarsien II 1 métatarsien III métatarsien IV 1 métatarsien V 1 phalange proximale I 1 1 phalanges proximales II-V 1 phalanges moyennes II-V phalanges distales I ph. dist. II-V -

Graphique 1. Comparaison graphique du nombre de pièces des mains et des pieds, présentés par segments et par catégorie d’âge. Tombe A, Caseta.

7 4 2 4 2 1 1 4 6 4 6 4 4 2 -

Les pièces dentaires adultes trouvées lors du tamisage du contenu de la Tombe A ont été inventoriées. Le tableau 9 résume les résultats et montre que le nombre minimum d’individus détectés à travers les pièces dentaires est de trois. Ce chiffre semble bien différent du nombre minimum d’individus adultes comptabilisés à partir des os de pieds et des mains, dont le total est de six. Mais il faut signaler qu’on ne compte, pour la Tombe A, que sur les pièces dentaires qui se sont détachées des maxillaires et des mandibules. Etant donné la bonne conservation des os des pieds et des mains ainsi que des pièces dentaires, on peut supposer que les dents se trouvaient encore fortement attachés à l’os au moment de l’enlèvement des restes osseux. Cela peut expliquer la quantité réduite des effectifs et la variation dans le NMI par rapport aux autres segments anatomiques.

*sur la base de 8 individus; D-droite, G-gauche Tableau 8. Données quantitatives concernant les os des pieds et des mains trouvés dans le remplissage de la Tombe A du site de Caseta.

En ce qui concerne les pièces dentaires immatures, dont le nombre est de 15, elles seront révisées plus en détail lors de la discussion sur l’âge des individus inhumés, car compte tenu de leur morphologie, on a pu identifier le type de dent et parfois leur appartenance à la mandibule ou au maxillaire. A partir des pièces dentaires, on a reconnu deux sujets immatures, soit un de plus que ce qu’indiquait la comptabilisation des os de la main et du pied.

Comme le montre le tableau 8, le nombre minimum d’individus calculé à partir des os de la main varie entre 1 et 3. Pour les os des pieds, la variation est plus importante car le nombre minimum d’individus va de 1 à 7; ici, la pièce sur-représentée est le talus. Les métatarsiens sont plus nombreux que les tarsiens, mais, parmi ces derniers, on constate une sous-représentation des pièces de petite taille telles que le cunéiforme intérieur et le latéral. Ce fait va à l’encontre de l’hypothèse d’une conservation différentielle qui privilégie les pièces grandes et résistantes au détriment des pièces petites et fragiles. Nous avons donc comptabilisé un total de sept individus, six adultes et un immature.

Outre les pièces comptabilisées, la tombe A contenait des os longs appartenant à un sujet immature: quatre fragments d’occipital, mandibule, humérus, radius, tibia, et fibule. L’ensemble des pièces immatures sera traité lors de la discussion de l’âge des individus.

32

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________

Incisive cent. lat. 1 2 Incisive cent. lat. 3 2 Incisive cent. lat. 1 0 Incisive cent. lat. 1 2

Caseta, Tombe A, Pièces dentaires Maxillaire, côté droit Canine Prémolaire Molaire 1° 2° 1° 2° 1 1 1 1 2 Maxillaire, côté gauche Canine Prémolaire Molaire 1° 2° 1° 2° 1 1 1 3 1 Mandibule, côté droit Canine Prémolaire Molaire 1° 2° 1° 2° 1 2 0 2 2 Mandibule, côté gauche Canine Prémolaire Molaire 1° 2° 1° 2° 2 1 3 3 3

Pièce crâne région basilaire, écaille, 2 masses latérales, (occipital) mandibule

3° 0

dents de lait incisives (5)?

3° 1

canine mandibulaire, canine maxillaire 3° 2

1° molaire supérieure gauche, 1° molaire inférieure gauche, 1° molaire inférieure droite, 1° molaire inférieure gauche 2° molaire inférieure droite, 2° molaire inférieure gauche post-cranium humérus gauche radius droit, tibia droit, fibule droite, talus gauche, calcaneus droit, calcaneus gauche métatarsien I droit, métatarsien II droit, métatarsien IV droit, métatarsien V droit, phalange proximale I droite, phalange proximale I gauche, phalange proximale II-V

3° 1

Tableau 9. Données quantitatives concernant les pièces dentaires trouvées dans le remplissage de la Tombe A de Caseta. Au total, on compte donc sept individus adultes, représentés principalement par des pièces des mains et des pieds, et deux sujets immatures représentés par des fragments crâniens, des os longs, quelques os du carpe et du métacarpe, ainsi que des pièces dentaires.

Age calculée nouveau né 11 ans + 30 moins plus de 18 mois au moins 3 ans +/- 10 ans +/- 15 ans

12 à 15 ans au moins 12 ans ?

*estimation d’âge par comparaison avec des squelettes immatures dont l’âge est connu. Tableau 10. Décompte des pièces immatures trouvées lors du tamisage de la tombe A du site de Caseta.

4. L’âge des individus En raison de la rareté des vestiges en général et, étant donné que les segments d’adultes représentés ne permettent pas d’avoir une idée précise de l’âge des sujets, nous nous limiterons à signaler la présence de sept adultes.

5. Discussion Bien que les restes osseux et les objets récupérés lors du tamisage de la tombe A soient rares, ils fournissent une certaine quantité d’informations sur le mode d’inhumation. Il est évident que des données aussi précises que la position des corps, la disposition des offrandes et des parures par rapport à ceux-ci, sont impossibles à reconstituer et resteront inconnues. Mais à partir de l’observation de la structure au moment de son nettoyage et de l’analyse en laboratoire du matériel récupéré, il est possible de déduire certaines caractéristiques de cette sépulture.

En revanche pour les immatures, il est possible de calculer l’âge approximatif au moment du décès. Le tableau 10 présente un inventaire détaillé des pièces immatures, ainsi que l’estimation de l’âge en rapport avec la morphologie de la pièce. Nous avons ainsi confirmé l’existence d’un individu immature dont l’âge est d’entre 10 et 12 ans, représenté par une mandibule, quelques dents de lait et des pièces des membres supérieurs et inférieurs. On notera la présence d’un deuxième immature repéré à partir de quatre parties de l’occipital qui ne sont pas encore soudées entre elles.

La structure de la tombe A comporte, comme la plupart des tombes à puits, deux secteurs bien différenciés: l’accès, constitué par le puits, et l’espace de contenance, représenté par la chambre funéraire. D’après les témoignages recueillis, il semble que l’accès à la tombe était condamné par une dalle de taille importante qui couvrait la bouche du puits. Cette affirmation a de fortes probabilités d’être exacte puisque l’intérieur de la chambre présentait une couche d’à peine 35 cm de sédiments qui aurait été plus épaisse si la dalle de condamnation n’avait pas été en place au moins jusqu’au moment du pillage. De plus, l’absence d’activités des rongeurs étaye cette hypothèse. Ensuite, et toujours

Nous avons donc, à l’intérieur de la tombe A, les restes de sept individus adultes sur lesquels on ne peut pas fournir plus de précisions, mais aussi la présence de deux immatures, l’un nouveau né, et l’autre âgé d’entre 10 et 12 ans.

33

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ Quelles seraient les possibilités d’explication de la disparité entre le nombre d’adultes (sept) et d’immatures (deux) dans la tombe A?

d’après les témoignages, il semble que le puits était libre de sédiments ou de pierres. Probablement pour faciliter l’accès, une marche a été taillée et renforcée par la mise en place d’une grosse pierre. La question qui se pose est de savoir pourquoi se donner tant de travail pour accèder à la tombe? Ce souci d’aménagement suggère un passage répété des individus inhumés portés par les inhumateurs qui cherchaient à faciliter leur parcours. Cela nous conduit à l’idée du passage répété des individus inhumés.

a) La conservation différentielle: les os immatures, à cause de leur petite taille, seraient plus susceptibles de disparaître que ceux des adultes. Cela semble peu probable, car les rares restes immatures présents dans la tombe A sont aussi bien conservés que ceux des adultes. b) La spécialisation globale «dont la conséquence est d’exclure (ou de minimiser) telle ou telle catégorie d’individus en fonction de critères d’âge et/ou de sexe particuliers» (Duday 1981: 21). Dans le cas de la Tombe A, le critère d’âge pourrait déterminer la sousreprésentation des immatures décidée par la population inhumante. Cette explication nous semble la plus vraisemblable.

En ce qui concerne la chambre funéraire, on a souligné l’existence d’une couche de terre, dont la trace est visible sur les parois: il faudrait déterminer si cette couche est le produit d’une action volontaire de la population inhumante, le fruit d’un remplissage naturel limité ou est liée au pillage. Etant donné les circonstances, il faut envisager la possibilité la plus viable, c’est-à-dire que, à l’origine, les corps aient été inhumés dans un espace vide, ce qui permettait leur remaniement. Cet espace aurait été comblé au fur et à mesure que les sédiments s’écoulaient par le puits, dont la condamnation n’aurait pas complètement interdit l’infiltration d’eau boueuse qui aurait laissé sa marque sur les parois.

Outre une possible sous-représentation des sujets immatures, il faut aussi envisager pour eux l’éventualité d’un traitement funéraire différent de celui des adultes. Etant donné que les os adultes de faible dimension ont été négligés lors du pillage, et que les os d’immatures présentent un volume encore moins considérable, il aurait été logique de trouver une quantité et une variété plus importante de ce type de restes. Cela nous amène à considérer la possibilité d’un mode d’inhumation partielle réservé aux immatures.

Les restes osseux, pour leur part, confirment que la structure abritait plusieurs individus, dont un nombre plus important d’adultes que d’immatures. Mais le processus de formation du dépôt reste inconnu. On ignore aussi le laps de temps pendant lequel la sépulture fut utilisée d’une façon active. Toutefois, la surface utilisable de la tombe ne s’élève qu’à 3 m2 environ dans un espace ovale, ce qui ne permet pas la disposition convenable de six corps adultes en même temps. Deux explications sont alors envisageables:

Quant aux perles et pendentifs, comme on l’a discuté auparavant, ils semblent faire partie de pièces de parure majeures. Il est donc possible que les défunts les portaient au moment de l’inhumation. Cela suggère que la tombe contenait au moins quelques inhumations primaires. Bien que les inhumations secondaires s’accompagnent souvent d’offrandes céramiques, il est rare de les trouver associées à des parures très élaborées comme ce serait le cas ici.

a) Tous les corps ont été inhumés en même temps, auquel cas il s’agirait d’une sépulture multiple, qui aurait été donc été utilisée une seule fois. Mais compte tenu du volume disponible, l’ensemble funéraire aurait alors dû être composé de dépôts primaires et secondaires, sauf si on avait entassé les corps, ce qui est peu vraisemblable compte tenu de l’élaboration de la structure. Ainsi les dépôts secondaires pourraient avoir été disposés en amas, ce qui réduirait la surface nécessaire à leur disposition.

Au terme de cette discussion, il devient possible de dresser un bilan des connaissances obtenues à partir de l’étude de la Tombe A. Certains aspects du fonctionnement de la sépulture ont été déduits de façon sûre: la structure contenait plusieurs individus adultes, mais aussi des immatures. Si nos certitudes ne vont pas plus loin, il a été possible d’en tirer de probables implications: une utilisation prolongée de la tombe, ainsi qu’une sous-représentation volontaire des immatures. Enfin, on peut avancer d’autres hypothèses avec un degré moindre de fiabilité: la tombe aurait été relativement riche en offrandes, si l’on en croit les récits et les rares vestiges qui subsistent. Mais cela reste impossible à argumenter ou à démontrer. Ces données seront reprises lors de la discussion sur les sépultures anciennes, afin de les comparer avec l’information issue des autres sépultures de Caseta et dans la région.

b) Les inhumations auraient été échelonnées dans le temps, ce qui impliquerait une utilisation de la tombe qui aurait pu couvrir plusieurs générations, avec le remaniement progressif des restes. Il s’agirait alors d’une sépulture collective, composée à l’origine, de dépôts primaires qui auraient été redisposés ou simplement repoussés vers le fond de la chambre, au fur et à mesure que le nombre de défunts augmentait. On ne dispose pas des données nécessaires pour déterminer laquelle des deux possibilités est la plus vraisemblable. Le seul argument en faveur de l’hypothèse b est la présence de la marche d’entrée qui suggère un aménagement de la tombe pour une utilisation répétée.

Les cas des tombes à puits pillées se présente, malheureusement, plus souvent que les cas de tombes vierges; l’archéologue est donc confronté à des vestiges partiels et remaniés. Mais en enregistrant la majeure quantité possible de détails qui semblent a priori sans importance, on vient d’établir qu’il est possible d’obtenir 34

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ selon une grille qui suit l’axe de la longueur maximale de la chambre, afin d’éviter, le plus possible, les angles morts. Les unités de fouille et d’enregistrement sont identifiées par une lettre et un chiffre. L’axe des abscisses, orienté d’ouest en est, correspond aux carrés ‘A’ à ‘E’. L’axe des ordonnées porte les chiffres 1 à 5, du sud vers le nord. Les restes osseux, de même que les offrandes et la parure, ont été numérotés à l’intérieur de chaque carré et démontés par décapages successifs, selon la densité du matériel, toujours accompagnés de relevés.

un minimum d’informations permettant déjà d’acquérir une vision hypothétique d’ensemble de la sépulture.

D. La tombe B A sept mètres à l’est de la tombe A, se trouve la tombe B, qui abritait 16 corps dans une chambre de plan circulaire de 2,50 m de long pour 2,25 m de large, reliée à l’extérieur par un puits de 2,63 m de profondeur. Dans cette structure d’axe sud-ouest nord-est, seuls les quatre premiers corps, orientés perpendiculairement à l’entrée de la tombe, ont été identifiés sur place. Le reste formait un amas osseux dans la partie nord-est de la chambre. Cette sépulture ne contenait aucune offrande céramique complète (figure 11). Le puits d’accès commence à 50 cm de profondeur sous le sol actuel, à la base de la couche de terre qui couvre le tuf volcanique dans lequel est creusée la cavité cylindrique de 90 cm de diamètre et 2,63 m de profondeur. La partie supérieure du puits était remplie de terre meuble et de quelques pierres arrivées par infiltration. Les restes osseux d’un individu de la phase Amacueca se trouvaient à 50 cm de profondeur, placés sur une petite dalle, d’environ 80 cm de diamètre. On reviendra sur cette sépulture dans le chapitre suivant. La dalle reposait sur six autres pierres, mesurant entre 67 et 110 centimètres de long et 33 et 48 cm de large, disposées verticalement dans l’axe du puits.

1. Le contenu La tombe B contenait plusieurs individus, répartis en trois groupes bien définis. Le premier, constitué par un seul corps allongé et orienté à l’ouest, est placé près de l’entrée de la chambre. Puis, trois individus encore allongés, séparés du premier par un espace de 30 cm maximum, présentaient une disposition légèrement différente du précédent, car ils sont orientés au nordouest. Enfin, le troisième groupe, constitué d’un amas osseux contenant les 12 individus restants, se trouvait dans la partie nord-est de la chambre. a. L’individu 1 Le corps du premier individu se trouvait couché sur le dos, en position allongée, la tête vers l’ouest. Il occupait les carrés B2, C2, D2, E2. Malgré la perturbation des membres supérieurs, il est possible de proposer que ses mains reposaient sur le bassin, car le fragment distal du radius et les cinq métacarpiens gauches, ainsi que le capitatum et le trapézoïde droits étaient placés à côté du sacrum.

La petite dalle qui pouvait servir de bouchon à la structure, ainsi que les six blocs sous-représentation des immatures décidée par la population inhumante. Cette explication nous semble la plus vraisemblable. Les restes osseux de la tombe B étaient donc couverts d’une couche de terre fine d’environ 30 cm d’épaisseur qui s’est peut-être infiltrée à travers les dalles qui fermaient le puits. Pour cette raison, au moment de l’ouverture de la structure, seul était visible le sommet de l’amas osseux du fond, ce qui empêchait d’estimer la quantité des restes osseux que contenait la sépulture.

L’analyse des fragments du bassin, de la morphologie générale du crâne et de la mandibule, suggère que l’individu numéro 1 était de sexe masculin; vu l’état de l’os coxal, il est impossible de déterminer le sexe avec plus de certitude. En général, les individus de la tombe B ne comportaient pas d’offrandes associées; par contre, divers éléments de parure se trouvaient parmi les pièces osseuses:

Le puits, qui se situe à l’extrême sud-ouest de la structure, est relié à la chambre par une marche de 60 cm de haut environ, sur laquelle on trouve trois pierres. La plus volumineuse, mesurant 1,20 m de longueur pour 85 cm de largeur et 27 cm d’épaisseur, était renforcée par deux dalles de 1 m de longueur, 18 cm de largeur, et 10 cm d’épaisseur. La hauteur de la marche plus l’épaisseur de la pierre forment un gradin de 97 cm. Ce dispositif rappelle la situation enregistrée dans la tombe A.

-Trente six pendentifs en coquille d’escargot. Il s’agit de 36 escargots dont l’apex a été tronqué mais qui ne présentent pas d’autre type de travail. Les pièces mesurent en moyenne 0,6 cm de long pour 0,3 de large. Elles se trouvaient du côté droit du corps de l’individu 1, près de l’entrée de la tombe. Mais leur disposition originale a été bouleversée: il est donc impossible de déterminer le type de parure auquel ils appartenaient.

La chambre a un plan au sol oval, dont l’axe principal, orienté sud-ouest/nord-est, mesure 2.50 m de longueur, tandis que la largeur maximale est de 2,25 m. La voûte, de forme arrondie, a une hauteur maximale de 1,05 m.

-Un éclat d’obsidienne. Cet objet de couleur noire translucide, nichait dans la voûte palatine du premier sujet. Il ne semble pas avoir été travaillé; il ne s’agit peutêtre donc pas d’un élément de parure, mais sa fonction reste inconnue. Dimensions: 2,8 cm de longueur par 1,9 cm de largeur.

Comme on l’a vu dans le paragraphe sur la méthodologie, le sol de la tombe a été divisé en carrés de 50 cm de côté, 35

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ -Deux anneaux de propulseurs. En relation avec les restes osseux du bras, on trouva une pièce de forme en demilune en pierre verte polie aux extrémités perforées. Une seconde était placée à l’entrée de la chambre; il s’agit apparemment d’un propulseur2, dont les seuls restes étaient ces anneaux. On n’a malheureusement pas la certitude de leur emplacement original, car ils font partie des éléments remués.

décharnement du cadavre, entraînant par son effondrement une mobilité importante de certains segments anatomiques tels que le crâne et la cheville gauche qui sont sortis du volume originel du cadavre. b. L’individu 2. Ce corps qui occupait les carrés B3, B4, C3, C4, D3 et E3, était séparé du premier individu par un espace vide de 30 cm. Son état de conservation n’est pas aussi bon que celui de l’individu 1. Le crâne était très fragmenté, mais en place, et la mandibule avait perdu ses branches. Les avant-bras étaient cassés au niveau des épiphyses distales, le bassin était aussi très fragmenté et, enfin, les tibias et les fibulas étaient brisés au niveau de la diaphyse. Les pieds étaient la partie la mieux conservée de ce squelette.

-Un pendentif tubulaire. Parmi les restes perturbés du thorax, on a trouvé un objet en coquille tubulaire de 10,4 cm de longueur qui présentait deux perforations transversales dans une de ses extrémités. -294 fragments de pendentifs. Répandus à la hauteur du bassin, se trouvaient 120 pendentifs en ardoise de forme rectangulaire avec une perforation latérale. Leur taille varie entre 1,5 et 3,0 cm de long pour 0,4 cm de large. Les 174 fragments restants ont été récupérés lors du tamisage à l’eau. Etant donnés leur forme et leur emplacement, il est possible que ces éléments aient formé une ceinture.

Ce sujet présente une orientation légèrement différente du précédent, car son crâne se trouvait à l’ouest-nord-ouest, ce qui entraîne l’éloignement des têtes et le rapprochement des pieds entre les individus 1 et 2. Mais l’orientation n’était pas la seule dissemblance, car même si le corps était allongé, la position était aussi différente: l’individu numéro 2 se trouvait couché sur le ventre. Les bras et les avant-bras furent placés le long du corps et les mains à la hauteur du bassin, et peut-être en dessous, car la tête du fémur droit cachait certaines phalanges.

-Quatre perles en os. Mélangées avec les pendentifs mentionnés ci-dessus il y avait quatre perles tubulaires en os polies, naturellement perforées et de couleur brune qui mesurent en moyenne 2,3 cm. -Sept perles en coquille. Lors du tamisage de la terre où reposait l’individu 1, on a trouvé sept perles cylindriques aplaties en coquille. Avec 0,5 cm de diamètre pour 0,2 cm d’épaisseur, ces éléments ont une forme annulaire.

La tête, le tronc et les membres supérieurs sont facilement discernables des restes osseux de l’individu 3, mais au niveau des membres inférieurs la situation se complique. Le fémur gauche est facilement repérable puisque la relation entre sa tête et les fragments d’os coxal est claire. Par contre, le tibia du même côté pose des problèmes, car il se localise sous deux autres os longs: un fémur gauche, et un autre tibia gauche; ce mélange peut occasionner des confusions. La localisation du fémur droit fut aussi compliquée vu qu’il était entouré de plusieurs os longs. Le tibia et la fibula, cassés, étaient placés à côté de ceux de l’individu numéro 3, mais, en suivant les connexions anatomiques avec le fémur, on est arrivé à différencier entre les deux chevilles. Les os du tarse droit et gauche gardaient leurs connexions, raison pour laquelle il fut facile de les reconnaître. Mais pour le reste des os des pieds, il a été impossible de prouver leur appartenance à l’individu no. 2, puisque autant les métatarsiens que les phalanges étaient mélangés avec ceux du sujet 3.

Trois pierres étaient associées à l’individu numéro 1. La première, brute, logée du côté gauche de la tête, avait une forme triangulaire sans traces de retouche. En dessous, se trouvaient quatre tessons et un os métatarsien. Il semble possible que cette pierre ait été remuée de même que les éléments trouvés en dessous. La deuxième, à la hauteur du bassin, pourrait être une meule apode de forme rectangulaire qui présentait des traces d’utilisation. Cette pierre a été aussi bougée. Il est par conséquent impossible de préciser si les os du bassin étaient placés en dessus, ce qui est très probable car il n’y avait que très peu d’os dessous. Enfin, la troisième se trouve à côté de la cheville droite de l’individu; il s’agit encore d’une meule utilisée, mais de forme carrée, à laquelle manque un quart du volume originel. Celle-ci était en contact direct avec le sol de la chambre, sans aucun vestige osseux au dessous; à son extrémité nord-est est situé un groupe d’os des pieds correspondant à deux individus dont le numéro 1.

L’analyse détaillée de l’os coxal semble indiquer que les restes osseux de l’individu 2 correspondent à un sujet féminin, mais étant donnée la mauvaise conservation de cette partie, cette identification n’est pas définitive. L’examen de la morphologie générale des os semble cependant corroborer cette observation.

Comme il a été noté ci-dessus, les os de l’individu 1 sont accumulés de part et d’autre des pierres associées. Ce rangement peut témoigner de l’existence d’une structure périssable telle qu’une planche en bois, posée elle même sur les trois pierres. Celle ci se serait décomposée après le

Plusieurs objets sont associés à l’individu 2, mais quelques-uns semblent être hors de leur position originelle.

2 “Ce genre d’objet est caractéristique du propulseur mésoaméricain, connu sous le terme nahuatl d’atlatl. Il se caractérise par des attaches latérales, fixées de part et d’autre du manche au moyen d’une ligature et dont la fonction est d’améliorer la préhension. Ces attaches déterminent des anneaux dans lesquels on introduit l’index et le majeur” (Pereira 1997: 230).

-Un éclat d’obsidienne. Placé dans la voûte palatine, cet élément, réalisé en matériel gris, présente une forme plutôt triangulaire: 2,2 cm de longueur pour 1,6 de largeur maximale. 36

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ l’atlas et l’axis. Les membres supérieurs sont représentés par l’humérus gauche, deux fragments d’ulna gauche et le radius cassés au niveau de leurs épiphyses distales. Mélangés avec les esquilles du bassin, se trouvaient plusieurs os de main; ils font peut-être partie de l’individu 3, mais vu que la relation anatomique est perdue, on ne les a pas comptabilisés comme lui appartenant. A la place du bassin, il y avait quelques fragments, mais le plus important fut une partie d’acetabulum droit où se trouvait encore emboîté le fémur en connexion avec le genou droit.

-Un pendentif en pierre verte. Placé aussi à l’intérieur du palais osseux, cet élément a été travaillé pour arrondir les angles et lui donner une forme à peu près ovale: 3,2 cm de diamètre maximal pour 2,1 de diamètre minimal; l’une des extrémités est perforée. -Une perle en ardoise. L’objet se situe en dessus de l’os malaire droit, et présente une forme triangulaire mesurant 3 cm de long et 1,4 cm de largeur maximale. -Quatre perles en pierre verte. Ces éléments présentent des caractéristiques similaires quant à la taille, la forme et au matériel de manufacture. Il s’agit de perles discoïdes en pierre verte de 1 cm de diamètre, à perforation centrale. La première se situait du côté gauche de la mandibule de l’individu 2, la deuxième, sur la tête du fémur gauche, la troisième, du côté médial de l’épiphyse distale du même fémur, et la quatrième, du côté médial de l’épiphyse proximale du tibia gauche.

Les membres inférieurs sont les segments du squelette les mieux représentés de cet individu, car il ne manque que le fémur gauche, les patella, le cuboïde droit, un métatarsien droit et quelques phalanges. La position originale de l’individu 3 semblait être couché sur le dos, mais étant donné sa situation, il est impossible de donner plus de précisions; nous reviendrons ci-dessous sur les raisons qui nous ont amené à proposer cette disposition.

-Douze perles en coquille. Trouvées par tamisage, ces perles présentent les mêmes caractéristiques que celles de l’individu précédent.

En l’absence de l’os coxal, on n’a pas pu préciser son sexe. Il a cependant été possible de faire quelques observations à partir de la morphologie générale des os. La robustesse des os longs et la taille des os des pieds sont plus importantes que celles de l’individu 2, classé comme féminin. Quant à l’âge, on peut proposer qu’il s’agit d’un adulte, puisque tous les points d’ossification des pièces présentes sont complètement soudés.

Une fois que l’individu 2 fut libéré des os longs placés au dessus de ses chevilles, une cassure au niveau des diaphyses des tibias et des fibules devint évidente. Les fragments distaux présentaient une orientation est-ouest tandis que le reste du corps était orienté plutôt nordouest/sud-est. Ceci peut indiquer que le corps a été repoussé vers le nord, tandis que les chevilles restaient coincées par le poids des os longs placés dessus. Cette action leur a imposé de fortes contraintes, provoquant la fragmentation. Une autre possibilité serait que lors d’un réaménagement les chevilles aint été accidentellement piétinées.

Comme il a été mentionné ci-dessus, l’individu numéro 3 a été difficile à isoler, sauf pour le thorax et le crâne. Il n’est donc possible de lui attribuer avec certitude des éléments de parure que pour la partie supérieure du corps. Même si pour le bassin et les membres inférieurs, d’autres éléments lui semblent associés, on ne peut établir une relation sûre avec lui; ils pourraient aussi correspondre soit à l’individu 3, soit aux individus qui forment l’amas.

D’après cette interprétation, il semble probable que l’individu 2 occupait initialement une position plus centrale dans la chambre funéraire et qu’il a été repoussé pour faire place à l’individu 1. Ce processus a eu lieu, peut-être, quelques semaines après la mort. Les articulations persistantes telles que le genou, et celles des membres supérieurs, ont résisté au déplacement et étaient encore en place au moment de la fouille. En même temps, les articulations labiles comme la main et l’articulation coxo-fémorale avaient déjà laché et les os se sont éparpillés, comme conséquence du repoussage du cadavre.

-Deux tessons monochromes. Bien que les tessons ne soient pas considérés comme éléments de parure, il est important de les comptabiliser ici, car les pièces céramiques sont absentes de l’ensemble de la tombe, ce qui veut dire qu’ils n’appartiennent pas à un vase cassé sur place. Il pourrait donc s’agir d’objets placés pour accompagner le mort ou d’une contamination par ruissellement. Les tessons sont placés entre la clavicule droite de l’individu 2 et la voûte crânienne de l’individu 3. Il n’est donc pas possible de préciser leur appartenance.

c. L’individu 3. Les restes de l’individu 3 n’étaient pas facilement discernables, puisqu’ils furent fortement mélangés avec les os de l’individu 4, et avec ceux qui font partie de l’amas situé du côté nord-est de la chambre. Malgré cet entremêlement, il est possible de situer le corps dans les carrés B4, C4, D3, D4, et E3. Mis à part le fait que la voûte crânienne et la face sont écrasées, les rares parties osseuses reconnues comme appartenant à l’individu 3 se trouvent en bon état de conservation. La mandibule est presque complète, ainsi que le thorax. Par contre, il ne subsistent que trois vertèbres cervicales, notamment

-Deux éclats d’obsidienne. Cet individu est encore accompagné de deux éclats d’obsidienne noire placés dans le palatal, de forme triangulaire et de même taille que les éléments associés aux individus 1 et 2. -23 fragments de perles en os. Elles sont du même type que les perles qui accompagnent l’individu 1, enregistrées comme élément numéro 5. Elles étaient placées en dessous et au-dessus de l’humérus gauche et de la mandibule, ce qui permettrait de supposer l’existence d’un collier. Mais on peut s’interroger sur cette hypothèse 37

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ symphyse mandibulaire de l’individu 4, a une forme triangulaire de 3.2 cm de long pour 2 cm de largeur maximale, ce qui le rend le plus volumineux de la tombe.

puisque les perles sont disposés dans l’axe du corps. Cela rend impossible leur disposition en collier. Elles ne présentent pas, de plus, de perforation transversale permettant de les attacher à un même fil. Une autre possibilité est que les perles, cousues sur des textiles, faisaient partie des vêtements de l’individu.

-Neuf fragments de perles en os. Il est possible que ces éléments aient été déplacés de l’individu 3 vers le 4, mais il serait étonnant qu’ils aient gardé la même position verticale que dans le cas précédent. En revanche, on les a trouvées à côté des os et non pas en dessous, ce qui pourrait démontrer leur appartenance à l’individu 3.

-Une perle en coquille. Trouvée de la même façon que celles des individus 1 et 2, cette perle est identique aux précédentes.

Etant donné que les connexions anatomiques connues comme ‘liaisons de premier ordre’ de l’individu 4 étaient fort rares, il a fallu chercher les liaisons de deuxième ordre (par identité du stade de maturation, par collage des fragments jointifs, par contiguité articulaire) qui nous permettent de faire quelques observations. La répartition des os de l’individu 4 s’est faite en sens sud-nord mais aussi dans le sens ouest-est. On a pu aussi constater un déplacement des os vers le nord, mais vu que l’espace de la chambre se réduisait, on n’avait pas la possibilité de garder l’individu en position allongée. Malgré ces mouvements, les os des pieds sont restés à la place espérée, c’est-à-dire, reposant contre la paroi est de la chambre.

Il est difficile de croire que l’individu 3 fut inhumé dans la position qu’il présentait au moment de la fouille. Les pieds se trouvaient au milieu du carré E4 en position dorsale, tandis que les os longs du membre inférieur avaient une orientation sud-est nord-ouest, qui place l’épiphyse distale du fémur dans le carré D4. De plus, le fémur et l’humérus gauches ont subi une rotation médiale alors que le crâne reposait sur son côté latéral gauche. Les pieds sont restés dans leur position originelle en raison de la pression exercée par les os longs placés en dessus alors que le reste du corps a été tourné sur son côté gauche. La position de l’individu 3 semble indiquer qu’il a subi un remaniement, c’est-à-dire qu’il a été déplacé vers le nord de la chambre quand sa position originelle était couché sur le dos. Or, ce déplacement s’est produit lorsque les connexions labiles avaient déjà laché, puisque les os de la main sont absents; les connexions labiles du pied sont encore en place car ceux-ci n’ont pas été déplacés. Par contre, les articulations persistantes étaient encore en position, ce qui suggère que le déplacement a eu lieu peu de temps après l’inhumation.

e. L’individu 5 Cet individu se trouve à la limite entre les carrés C5 et D5; il est représenté par un groupe des sept vertèbres en connexion anatomique. Il s’agit des cinq lombaires et des douzième et onzième thoraciques, dont les processus épineux et transversaux sont cassés du fait de la pression exercée par le poids des os placés au dessus. De la cinquième à la deuxième lombaire, les pièces reposaient sur le sol de la tombe, tandis que la première lombaire et les douzième et onzième thoraciques étaient appuyées sur la paroi verticale. Tout autour on a rencontré des pièces susceptibles d’avoir été en connexion avec les vertèbres: un os coxal gauche, deux fragments d’os coxal droit, un fragment d’omoplate gauche et plusieurs fragments de côtes. D’autre part, ces os présentent une robustesse exceptionnelle, ce qui les distingue du reste. Il est impossible d’élaborer un inventaire des pièces, d’après leur apparence, mais l’existence de l’individu 5 est pourtant certaine à partir de la reconnaissance d’un segment important de rachis vertébral en place. La position de ce sujet, assis le dos au mur, n’était cependant pas sa position originale. On peut supposer que comme les quatre premiers individus il était auparavant en position allongée. Pour faire place à de nouvelles inhumations, son corps aurait été déplacé alors qu’il se trouvait en cours de décomposition.

d. L’individu 4. Pour cet individu, seul le crâne est en connexion; le reste du corps, notamment le thorax et les membres supérieurs, manque, alors que le bassin et les membres inférieurs sont fragmentés et mélangés avec les restes osseux de l’amas. La tête est donc placée entre les carrés B4 et C4; la calotte repose sur son côté gauche tandis que la mandibule repose sur sa base. En s’appuyant sur ces rares données, il est impossible de déduire la position générale du personnage. Mais les deux fémurs de subadulte du carré D4 pourraient lui appartenir. Dans ce cas, on peut envisager une position allongée. Vu que la dentition de l’individu 4, à laquelle manquait les dents de sagesse, est presque complète, il est considéré comme subadulte, c’est-à-dire que son âge se situe entre 15 et 21 ans (Ubelaker 1978: 112-113); la mauvaise conservation de la calotte crânienne n’a pas permis de vérifier son âge à partir de critères tels que les sutures. Même si l’individu numéro 4 n’est représenté que par la calotte et la mandibule, il existe des objets associés à ce segment anatomique.

f. L’amas nord-est

-Deux éclats d’obsidienne. Encore associé à la voûte palatine, le premier fragment d’obsidienne a une forme à peu près rectangulaire, mesurant 2.3 cm de long pour 1.2 de large. Le deuxième éclat, placé en dessous de la

L’amas nord-est s’étalait sur la totalité du carré D4, le bord est du C4, le coin sud-est de C5 et une partie des carrés D5, E3, E4 et E5. Ceci représente une aire d’environ 1 m2, sur une épaisseur approximative de 20 38

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ Pour l’amas nord-est, les liaisons par appartenance au même stade de maturation ont révélé que les os immatures, correspondant aux individus 6, 7 et 8, sont circonscrits à un secteur de l’amas limité aux carrés E3, E4, D4, et D5. Il n’existe pas d’évidences de déplacement de pièces, mais l’inventaire montre que les sujets immatures sont représentés surtout par des pièces des membres inférieurs. Pour l’expliquer, il faut envisager deux possibilités: soit une conservation différentielle, soit un mode d’inhumation exclusif des immatures. Dans le cas des immatures de l’amas nord-est, la conservation différentielle se manifeste de deux façons. D’abord par une conservation différentielle d’un sujet par rapport aux autres, puisque l’individu 6 est le mieux représenté des trois; c’est aussi le plus âgé, ce qui pourrait témoigner d’une meilleure conservation de cette catégorie de sujets. Puis, une conservation différentielle d’un segment anatomique par rapport à un autre; cela expliquerait pourquoi les pièces des membres supérieurs ne sont pas préservées.

cm. La densité des vestiges la plus importante se trouvait contre la paroi nord, comprenant les carrés C5, D5 et E5, tandis que dans les autres carrés, l’épaisseur diminuait. Cet amas contenait 600 pièces et fragments qui représentaient un nombre minimal d’individus de douze: neuf adultes et trois enfants. Les pièces montraient un degré de fragmentation plus important que celui des quatre premiers individus. La plupart des os sont brisés, et le fait de trouver des épiphyses et diaphyses isolées suggère l’idée que la fragmentation des os a eu lieu avant leur déplacement définitif. Des os des membres inférieurs formant des faisceaux alignés nord-ouest sud-est se trouvaient dans le carré E3, l’angle nord-est du carré D3, et la moitié sud du carré E4, position qui marque la limite sud de l’amas. A la différence des os des pieds dont l’état de conservation est bon, les os longs sont, dans la plupart des cas, brisés au niveau des épiphyses.

Il est pourtant difficile de justifier le fait que l’individu 8 soit représenté seulement par trois os. Une telle destruction de pièces ne semble pas pouvoir s’expliquer uniquement par une conservation différentielle. L’autre possibilité est l’existence d’une modalité d’inhumation spécifique pour les immatures, qui diffèrerait de celle des adultes. Il semble probable que les immatures en déconnexion ont subi un choix de la part de la population inhumante privilégiant les membres inférieurs. Par conséquent, ils seraient parvenus dans la tombe comme des dépôts secondaires partiels qui, de plus, ont été placés en paquets séparés, dans des endroits spécifiques. Cela expliquerait pourquoi les os immatures se présentaient en groupe et n’occupaient qu’une surface de quelques centimètres carrés. Un phénomène comparable a et enregistré au Michoacán, sur le site de Potrero de Guadalupe dans un contexte du Classique récent (Pereira 1999: 176).

Dans les carrés C5, D5, et E5, se trouve un groupe d’os du thorax et du bassin, ainsi qu’une calotte et les diaphyses brisées des os longs. La grande robustesse de ces pièces contraste avec le reste du matériel. A l’intérieur de l’amas nord-est, on a trouvé plusieurs objets de parure, qui ne semblent pas en connexion avec une pièce osseuse en particulier, ni ne gardent aucune association entre eux. - Trois perles en pierre verte. Ces objets présentent les mêmes caractéristiques que les quatre perles déjà décrites pour l’individu 2. - Sept fragment de perles en os. Elles sont similaires aux perles qui accompagnent les individus 1, 3 et 4. - 106 fragments de perles en coquille, encore identiques aux perles trouvées dans la terre autour des trois premiers individus. Caseta, Tombe B, les immatures Pièces présentes Individu 6 Individu 7 mandibule E3/E4 D4 scapula -D4 ulna droite E4 -ulna gauche -C4/C5 humérus droit E3 -coxal gauche E3 -fémur droit -D5 fémur gauche E3 -tibia droit E4 D4 fibula droite -D4 fibula gauche E4 -patella droite E3 D4 talus droit E3/E4 D4 talus gauche --calcaneus droit E3 D4

Les liaisons par contiguïté suggèrent que les pièces dans l’amas nord-est n’ont pas subi un fort déplacement. De la même façon, les liaisons par symétrie accusent un faible déplacement, mais ce même type de liaisons a montré aussi que sur 76 os longs, seulement 20 ont pu être appariés. Cela illustre bien le problème de conservation de ce type d’os.

Individu 8 ------E4 ---E4 --E3 --

2. L’état général du matériel Les restes osseux contenus dans la tombe B sont, en général, mal conservés. Ils n’ont pas gardé leur solidité naturelle et se présentent souvent sous la forme d’une espèce de pâte humide, résultant probablement de leur dépôt sur un sol acide qui a fait disparaître les phosphates (Van Vliet-Lanoë et Cliquet 1989). Il est possible que le matériel ait seulement subi une perte partielle de phosphates, puisqu’il a fallu le laisser sécher avant de

Tableau 11. Inventaire et placement des pièces osseuses appartenant à des sujets immatures, repérées à partir des liaisons par appartenance au même stade de maturation.

39

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ procéder à la fouille et, dans certains cas, ce geste fut suffisant pour qu’il revienne à l’état solide.

3. Quantification des restes osseux D’après le décompte des restes osseux, le nombre minimal d’individus inhumés dans la tombe B était de 15, chiffre basé sur le tibia, représenté par 13 pièces droites adultes et 2 pièces droites immatures. Un étude plus minutieuse de pièces immatures a révélé la présence d’un troisième individu immature dont on fera la description plus loin. Cela nous amène à un nombre minimal de 16 individus, chiffre à partir duquel nous avons calculé le taux de conservation maximale (TCM).

Les crânes présentent des traces d’actions mécaniques: calvariums et mandibules fragmentés et, dans certains cas, absence de la face et du frontal. Quant aux éléments du tronc, ils sont en général mal représentés: les côtes et le sternum sont brisés, les omoplates et les clavicules fragmentées et, pour quatre des individus, le rachis vertébral est absent. Le bassin est l’une des parties les plus incomplètes de l’ensemble, car même si la pièce est restée en position anatomique, il est difficile de la reconnaître, tellement elle est abîmée.

D’après le tableau 12, il est évident que le membre inférieur est la région anatomique la mieux représentée, tandis que le tronc est le plus déficitaire. La variation des taux de conservation maximale pour le membre inférieur est aussi importante que pour le membre supérieur, où se trouvent les chiffres les plus bas qui appartiennent aux os du carpe et des phalanges. Les os du squelette céphalique présentent une grande disparité, vu que la mandibule est beaucoup plus représentée que le calvarium.

Parmi les parties les mieux conservées, on trouve les os du carpe et du tarse qui pour la plupart sont intacts. Les métacarpiens et métatarsiens, par contre, ont souvent les épiphyses brisées, ce qui rend impossible leur identification certaine, puisqu’il reste seulement la diaphyse. Bien que les os longs soient les mieux représentés, certains sont fissurés et même cassés, encore au niveau des épiphyses. Il est aussi possible que les épiphyses soient en place, mais très érodées. En ce qui concerne les fissures, d’après Van Vliet-Lanoë et Cliquet (1989), il est probable qu’il s’agissait d’os frais qui ont souffert une déshydratation brutale en plein air. Ce fait suggère le transport de certaines pièces osseuses à l’intérieur de la chambre après leur dessiccation.

Le graphique 2a met en évidence une sur-représentation du tibia et de la fibula, dont les écarts, par rapport au reste du squelette, sont très marqués. On retrouve aussi une différence très marquée entre le calvarium et la mandibule, puisque celle-ci est représentée par un TCM de 61,1% tandis que le calvarium atteint à peine 31,2 %. Plus déficitaires encore que le calvarium sont l’atlas et l’axis qui, dans les sépultures primaires, donnent les meilleurs résultats pour les décomptes.

D’une manière générale, la conservation du matériel osseux est différenciée selon le secteur de la tombe où il a été déposé: près de l’entrée, les os sont en meilleur état que dans le fond de la chambre.

Etant donné que la conservation différentielle ne peut pas expliquer ces divergences, il est donc probable que l’action humaine a joué un rôle important en rajoutant des os comme le tibia et la fibula et en enlevant d’autres comme le calvarium. Mais ces deux actions correspondent à des processus différents, car il est possible que l’addition de pièces (dépôts secondaires) ait été faite à l’état sec, puisqu’il n’existe pas de surreprésentation du talus, élément qui s’articule avec le tibia et la fibula. Au contraire, il est concevable que le prélèvement du calvarium se soit produit avant le décharnement total du cou, puisque cette action a emporté aussi la première cervicale qui constitue une connexion persistante.

Bien que dans le site de Caseta, en général, la présence d’animaux fouisseurs et de rongeurs soit bien connue, il est aussi vrai que les traces de terriers et les marques du passage de taupes se trouvent à faible profondeur. Dans la tombe C du même site, dont la profondeur maximale est de 1.20 m, il est possible de retracer les chemins empruntés par les taupes. Par contre, dans la tombe B, on ne compte pas d’évidences de creusement de terriers, ni d’os de ce type d’animaux. Pourtant, des traces de grignotages sont visibles sur les diaphyses de certains os longs de l’amas nord-est et non pas sur d’autres parties de la pièce osseuse. Il est probable que les rongeurs ne sont pas descendus jusqu’à la tombe, du fait de la dureté du matériel dans lequel la structure a été creusée et que le bouchage du puits avec des dalles ait suffi à empêcher leur entrée. On n’a donc pas de traces de perturbations de dépôts à cause des animaux. Il reste alors la possibilité que ces marques de l’activité des rongeurs sur les os soient des évidences d’un séjour à l’air libre, ou dans un autre contexte moins profond, accessible aux rongeurs. Les os ont dû passer par cette étape avant d’être déposés dans la sépulture. En conséquence, ces attaques ne seraient pas contemporaines de l’utilisation de la tombe, puisqu’elles se seraient produites antérieurement.

Il nous a semblé pertinent de souligner les différences des taux de conservation entre adultes et immatures. Le graphique 2b, complémentaire du précédent, met en évidence la rareté des pièces osseuses des individus immatures: aucune d’entre elles ne présente un taux de conservation maximale de 100%. Les taux les plus élevés correspondent, de même que pour les adultes, aux os longs des membres inférieurs et à la mandibule. On observe aussi des différences: la patella, le talus et le calcaneus atteignent presque 70 %, alors que chez les adultes, ce taux est inférieur à 60 %. Les trois autres pièces présentes sont le coxal, le sternum et l’humérus

40

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ CASETA, TOMBE B, RESTES HUMAINS IMMAT ADULT NMI calvarium 0 5 5 mandibule 2 9 11 atlas 0 3 3 axis 0 4 4 C3-7 0 18 thoracique 0 12 lombaire 0 14 humérus 1 0 10 10 11 ulna 1 1 7 9 10 radius 0 0 7 11 11 scaphoïde 0 0 2 1 2 lunatum 0 0 0 2 2 pisiforme 0 0 0 0 triquetrum 0 0 1 0 1 trapèze 0 0 1 2 2 trapézoïde 0 0 1 3 3 capitatum 0 0 3 0 3 hamatum 0 0 1 3 3 mtcpien I 0 0 5 3 5 métacarpien II 0 0 1 4 4 métacarpien III 0 0 0 2 2 métacarpien IV 0 0 2 3 3 métacarpien V 0 0 2 2 2 phalange prox I 0 0 1 1 1 ph prox II-V 0 27 ph. med. II-V 1 13 ph. distal I 0 0 1 1 1 ph. distale II-V 0 8 scapula 1 0 7 8 9 clavicule 0 0 5 4 5 coxal 0 1 3 5 6 sternum 0 6 6 côtes sacrum 0 6 6 coccyx 0 0 fémur 1 2 8 7 9 fibula 1 2 10 9 12 tibia 2 0 13 6 15 patella 2 0 3 7 9 talus 2 1 5 7 9 calcaneus 2 0 6 8 10 cuboïde 0 0 6 5 6 naviculaire 0 0 5 6 6 cun.med 0 0 2 3 3 cun. intérm 0 0 3 0 3 cun. latéral 0 0 3 1 3 métatarsien I 0 0 7 8 8 métatarsien II 0 0 6 3 6 métatarsien III 0 0 5 2 5 métatarsien IV 0 0 2 3 3 métatarsien V 0 0 5 6 6 phalange prox. I 0 0 5 2 5 ph. prox. II-V 0 18.7 ph. mediale II-V 0 8 phalange distal I 0 0 3 1 3 ph. distale II-V 0 3 TYPE D’OS

TCM 31.2 68.7 18.7 25

68.7 62.5 68.7 12.5 12.5 6.2 12.5 18.7 18.7 18.7 31.2 25 12.5 18.7 12.5 6.2

Graphique 2a. Taux de conservation maximal global, tombe B (n=16). avec 33.3 %. On note enfin l’absence des autres pièces anatomiques, notamment l’atlas et l’axis, qui normalement se conservent mieux que les autres cervicales, ainsi que l’ulna et le radius qui chez les adultes atteignent un taux de conservation élevé (69.2 % et 84.6 %).

6.2 56.2 31.2 37.5 37.5

L’absence des phalanges, des os du carpe et des métacarpiens peut s’expliquer par la conservation différentielle des petits os de sujets immatures par rapport à ceux des adultes. Mais il est peu probable que la disparité pour les calvariums, l’axis et certains os longs des membres supérieurs résulte d’une conservation différentielle parmi les restes immatures. Les enfants trouvés dans la tombe B constituent à peine 18.60 % des individus inhumés, ce qui rend l’échantillon peu représentatif de la population inhumante. Il est possible que les os immatures aient été introduits dans la structure funéraire après leur décharnement et qu’il s’agisse donc d’un dépôt secondaire.

37.5 56.2 75 93.7 56.2 56.2 62.2 37.5 37.5 18.7 18.7 18.7 50 37.5 31.2 18.7 37.5 31.2

18.7

* sur la base de 16 individus; NMI: nombre minimum d’individus; TCM en %; D: pièce droite; G: pièce gauche; cun: cunéiforme; C3-7: vertèbres cervicales.

Tableau 12. Données quantitatives concernant la série osseuse de la Tombe B. 41

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ ainsi que pour les talus, deux droits et un gauche. Il est donc possible d’ajouter au dénombrement de départ, un troisième enfant, dont l’état de maturation des vestiges permet de le classer comme d’âge périnatal. L’os coxal est la région du squelette la plus fiable pour la détermination du sexe (Masset 1987), car certaines caractéristiques morphologiques sont liées au rôle reproductif de la femme. On a donc analysé la morphologie générale des pièces coxales présentes dans la tombe B, à partir des critères exposés par Bass (1987: 200): longueur relative du pubis, aspect de la branche ischio-pubienne et de la surface auriculaire du segment sacro-iliaque, ampleur de la grande échancrure sciatique. Il faut signaler qu’en raison de la fragmentation des os coxaux, il a été impossible de vérifier tous les aspects mentionnés ci-dessus. Dans tous les cas, on a examiné, dans la mesure du possible, les traits morphologiques additionnels proposés par Bass (1987: 202): robustesse et marques musculaires, taille et forme du trou ischiopubien, forme du bassin, et taille de la fosse acetabulaire. Comme on ne compte que six pièces coxales partiellement conservées, dont cinq appartenant aux adultes, il n’était possible de déterminer le sexe que de ces cinq individus sur les 13 adultes présents dans la tombe. On peut proposer la présence de trois sujets masculins et deux féminins. Nous avons décidé de pousser plus loin l’analyse de ces cinq sujets, car ils correspondent aux restes des individus encore en position, susceptibles de nous fournir des informations sur le mode de recrutement de la sépulture. Nous avons cherché plus de précisions sur leur âge: on a utilisé ici la méthode de Todd qui se focalise sur la simphyse pubienne (Bass 1987: 193-195; White et Folkens 1991: 316-317). Les résultats sont présentés dans le tableau 13. On reviendra sur ces cinq individus lors de la discussion de l’organisation de la sépulture.

Graphique 2b. Taux de conservation maximal, adultes (n=13) et immatures (n=3).

4. L’âge et le sexe des individus La tombe B contenait, comme on l’a mentionné ci dessus, au moins 16 individus, qu’on a décidé de séparer en deux catégories d’âge: adultes et immatures. Pour les adultes, la limite inférieure se situe entre 16 et 18 ans, quand les points d’ossification secondaire sont en cours de soudure ou déjà soudés. En fonction de cette classification, on a comptabilisé 13 sujets adultes, représentés par des tibias droits, ensuite se trouvent 11 radius gauches, suivis de 10 fémurs droits et la même quantité de pièces gauches, puis 10 fibulas droites.

individu 1 2 3 4 5

sexe masculin féminin masculin féminin masculin

Tombe B âge position 25-35 allongée, decubitus dorsal 20-25 allongée, decubitus ventral 25-35 allongée 16-20 allongée 35-39 assise

Tableau 13. Données générales sur les cinq individus en position anatomique de la tombe B.

Les individus immatures constituent la seconde catégorie. Leur nombre minimum au moment du tri général avait été établi à deux, mais une analyse plus approfondie a révélé la présence d’un troisième. D’après les étapes de croissance dentaire proposées par Ubelaker (1978: 112,113), les âges des enfants, représentés par deux mandibules complètes, sont: 9 ans + 24 mois, et 18 mois + 6 mois. Les fémurs, deux gauches et un droit, présentent des tailles différentes; on retrouve la même situation pour les trois fragments de fibula, deux gauches et une droite,

5. L’organisation de la sépulture La tombe B est un dispositif creusé qui comporte au moins deux secteurs différenciés: le puits qui constitue l’accès, et la chambre qui a pour fonction de contenir les restes osseux et leurs éléments associés. On distingue aussi une structure de condamnation, formée par plusieurs dalles agencées dans le puits, ce qui a permis la 42

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ c) Enfin, le troisième point est en relation avec le précédent, puisque la meilleure conservation des os déjà cités entraîne la possibilité d’une identification différentielle: il est plus facile de reconnaître les os complets que les fragments qui ne présentent pas de caractères morphologiques suffisants pour permettre leur identification certaine.

décomposition des cadavres dans un espace vide. Elles ont été postérieurement couvertes par du sédiment qui s’est déversé sous l’action de la gravité et de l’écoulement d’eau. La présence des regroupements d’os longs dans les carrés E3 et E4 implique cependant que ces pièces demeuraient aisément accessibles pour tout remaniement. D’autre part, dans l’amas nord-est, la superposition directe d’os sans sédiment interposé suggère une accumulation antérieure à l’introduction de ce dernier. De plus, si les 30 cm de sédiments qui couvraient le sol de la chambre avaient été en place au moment de la décomposition de l’individu 1, celui-ci ne se serait pas effondré de cette manière. C’est pourquoi on peut justifier l’existence d’un espace vide sous le corps, même si la présence d’une planche reste hypothétique.

La représentation relative des squelettes dans la tombe relève de deux types de problèmes: celui du prélèvement des pièces osseuses chez les individus 1 à 4, ainsi que la détermination du caractère primaire ou secondaire de l’amas nord-est. Pour les quatre premiers individus de la tombe B, on note une sous-représentation des os du tronc, notamment des côtes, et des vertèbres qui sont fortement déficitaires. La conservation différentielle ne paraît pas être la bonne explication puisqu’il existe quelques vertèbres dans la tombe, dont l’état de conservation est similaire à celui des os longs. L’enlèvement de ces pièces par la population inhumante semble la seule possibilité. Il reste à savoir où sont déposées les côtes et les vertèbres ainsi obtenues. Mais la motivation d’un tel geste restera, pourtant, toujours inconnue.

Le décompte des pièces anatomiques a donné comme résultat un nombre minimum de 16 individus, dont trois immatures. Etant donné la faible représentation de ces derniers, de la même manière que pour la tombe A, cet échantillon semble biaisé. La cause pourrait se trouver, encore, dans la conservation différentielle. La comparaison entre les restes des deux catégories d’âge révèle pourtant que les immatures sont parfois en meilleur état que les adultes. En revanche, la spécialisation globale de la tombe pourrait expliquer cette disparité. Les immatures, tout comme pour la tombe A, feraient l’objet d’un traitement funéraire distinct de celui des adultes.

Pour l’amas nord-est, une sur-représentation des os longs par rapport au reste du squelette est évidente, mais pas homogène, puisque le tibia est, de loin, la pièce la plus fréquemment trouvée. Par contre, les os de la main ainsi que les vertèbres sont déficitaires. Ce contraste quantitatif entre les os plus volumineux du squelette et les plus petits suggère le caractère secondaire de l’amas. Si l’apparent désordre des pièces de l’amas n’implique pas forcément son caractère secondaire, par contre la sur-représentation de certaines pièces et la sous-représentation d’autres peuvent en être l’indice.

Bien que les critères d’âge semblent influencer le choix des individus à inhumer, il nous est, en revanche, impossible de préciser si les critères sexuels ont une implication déterminante sur le recrutement. La quantification des os dans la tombe B a mis en lumière certaines caractéristiques du dépôt. D’abord, le nombre de mandibules présentes (11), supérieur à celui des calvariums (5), nous amène à penser que ces derniers ont fait l’objet d’un prélèvement postérieur à la dislocation de l’articulation temporo-maxillaire. En revanche, la faible quantité d’atlas (3), laisse entendre que l’articulation atlanto-occipitale était encore en place. Cela coïncide avec la chronologie de dislocation des articulations (Duday et al. 1990: 31), puisque l’articulation atlantooccipitale est persistante, et par conséquent, lache après l’articulation temporo-maxillaire.

La disposition des quatre premiers individus a attiré particulièrement notre attention puisque, comme l’indique le tableau 13, nous avons les restes de deux hommes adultes (sujets 1 et 3) couchés sur le dos à côté de deux femmes (sujets 2 et 4, plus jeunes que les hommes) l’un couchée sur le ventre (sujet 2), l’autre allongée. Cet arrangement si spécifique nous fait penser à la possibilité d’inhumations simultanées de conjoints, c’est-à-dire que les individus 1 et 2 auraient fait partie d’un seul dépôt, plus récent que celui des individus 3 et 4. Le cinquième individu aurait été déplacé quand ses articulations comportaient encore du tissu mou: cela expliquerait qu’il soit resté en connexion. Son accompagnatrice féminine se trouvait peut-être dans l’amas. L’existence de couples de conjoints reste, bien entendu, du domaine de la spéculation. Nous examinerons ci-dessous le processus de formation du dépôt funéraire de la tombe B pour lequel on peut envisager trois hypothèses qui font abstraction des liens familiaux énoncés ci-dessus.

Les différences de représentation ne s’expriment pas seulement au niveau des segments anatomiques, mais aussi à l’intérieur de certains régions corporelles. Tel est le cas du tarse pour lequel le calcanéus et le talus sont plus nombreux, tandis que parmi les os du métatarse, le premier métatarsien est le mieux représenté. Ces variations peuvent résulter de plusieurs causes: a) En raison de leur volume plus important par rapport au reste des os du pied, le talus, le calcaneus et le premier métatarsien furent privilégiés au moment du ramassage de pièces décharnées.

1) Les restes osseux de l’amas sont arrivés dans la tombe à l’état sec. Dans ce cas, le décharnement des corps s’est produit à l’extérieur de la tombe, puis les restes ont été récupérés en privilégiant les os longs, pour être

b) La deuxième hypothèse est la conservation différentielle qui permet aux os plus solides d’être mieux représentés lors des décomptes. 43

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ malheureusement, à l’heure actuelle, on n’est pas en mesure de fournir une réponse.

déposés dans la chambre funéraire. Cela suggère la possibilité d’une utilisation courte de la tombe, c’est-àdire que les quatre individus et les os de l’amas furent déposés en même temps et la structure fut condamnée immédiatement après. Ce schéma n’est pas en accord avec la répartition spatiale des quatre premiers individus dans la tombe, car comme cela a été discuté auparavant, les corps semblent avoir été progressivement repoussés vers la partie nord de la chambre funéraire.

3) La troisième branche de l’alternative est une combinaison des deux précédentes: une partie du matériel osseux trouvé dans la tombe s’est décomposé sur place, tandis qu’une autre partie a été apportée de l’extérieur déjà décharnée. Cela implique encore une longue utilisation de la structure avec plusieurs interventions. Les sépultures primaires dont on suppose qu’elles se sont décomposées à l’intérieur de la tombe, seraient celles des individus 1 à 5 pour lesquels on a des segments anatomiques encore articulés. Ces corps ont subi des déplacements vers le nord et se répartissent selon le schéma chronologique d’arrivée dans la tombe proposé dans le cas précédent. Les pièces apportées de l’extérieur composeraient l’amas nord-est, où l’on reconnaît plusieurs individus, à savoir: 3 sépultures secondaires et partielles d’immatures, et un maximum de 7 adultes, représentés par des os long, notamment des tibias. Une partie des os longs furent rangés en faisceaux reposant sur les chevilles des sujets 1 et 2 correspondant aux carrés E3 et E4, tandis que les os d’enfants se trouvaient entre E4 et D4, rangés dans le sens est-ouest. Cela suggérerait la division de la tombe en zones présentant des fonctions différentes. Bien qu’il soit possible de reconnaître le geste, la motivation nous reste inconnue puisqu’on ne sait sur quelles bases conceptuelles l’espace funéraire a été ainsi aménagé.

2) Les corps se sont décomposés les uns après les autres à l’intérieur de la tombe. Cela implique une utilisation longue de la structure, dont les différents individus et l’amas constitueraient des dépôts échelonnés dans le temps. Le corollaire signifie la réouverture périodique de la tombe. Dans ce cas, les individus auraient été des inhumations primaires qui auraient subi un réaménagement vers le nord de la chambre lors de leur décomposition. Cette réorganisation avait comme but de préparer la tombe pour l’arrivée d’autres corps, repoussés au fur et à mesure que la sépulture manquait d’espace. D’après ce schéma, l’individu 1 serait le dépôt le plus récent, en raison de sa proximité de l’entrée et vu que l’espace destiné à ses restes osseux est plus important que pour les autres. Les sujets 2, 3 et 4 représenteraient des inhumations antérieures à l’individu 1, lesquelles occupaient sa place autrefois, et qu’on aurait commencé à repousser. Les liaisons de deuxième ordre qui relient les carrés de l’ouest avec ceux de l’est, constituent la preuve de ce déplacement des corps partiellement articulés, ainsi que de pièces osseuses vers la partie nord de la tombe. Cela expliquerait leur orientation différente par rapport à celle de l’individu 1, et le fait d’avoir trouvé l’individu 2 couché sur le ventre, le 3 tourné (les pieds en position dorsale, la hanche, le tronc et le crâne sur le côté gauche), et le 4 partiellement intégré à l’amas. Les restes de l’amas représenteraient les dépôts plus anciens, qui, du fait de leur perte de connexions labiles et persistantes, ont pu être rangés pour former l’amas.

On pourrait d’emblée écarter la première hypothèse au profit de l’une des deux autres. Mais, étant donnée l’information disponible, il est difficile de déterminer laquelle est la plus appropriée pour expliquer la dynamique de formation des dépôts de la tombe B. Au terme de cette discussion nous disposons d’éléments certains qui illustrent de façon plus précise la dynamique intérieure de la tombe: -la formation du dépôt s’est produite dans un espace vide; -le dépôt sédimentaire présent au moment de la fouille résultait d’un apport postérieur; -les inhumations n’ont pas été simultanées, mais échelonnées dans le temps; -les individus 2, 3 et 4 ont été repoussés successivement pour faire place au cadavre suivant; -l’amas nord-est est constitué par des dépôts primaires (individu 5) et secondaires (faisceaux d’os longs) - une grande partie des os longs de l’amas a fait l’objet d’un rangement postérieur à leur dislocation.

Cette dernière hypothèse n’explique cependant pas la surreprésentation des os longs par rapport au reste du squelette, à moins d’envisager un prélèvement de pièces osseuses privilégiant les petits os. Comme il a été noté, « les pièces récupérées peuvent avoir eu valeur de ‘reliques’... » (Duday et al. 1990: 44); dans un tel cas, l’absence des petits os est compréhensible, puisqu’ils sont plus faciles à emporter. D’autre part « ils peuvent aussi avoir été réenfouis à distance, de sorte que le même individu se trouve être à la fois l’objet d’une sépulture primaire devenue incomplète et d’une sépulture secondaire partielle » (Duday et al. 1990: 44). Mais quel est le cas des os de l’amas? Font-ils partie d’une sépulture primaire rendue incomplète par le prélèvement de certaines pièces? Ou s’agit-il d’une sépulture secondaire partielle, constituée à partir de sépultures primaires qui se trouvent dans un autre lieu hors de la tombe? La question pourrait être résolue par la découverte, soit des pièces prélevées, soit des sépultures primaires;

Bien que l’absence d’offrandes nous prive d’informations plus précises sur les rites funéraires, leur déficit constitue aussi un trait culturel qui apporte des renseignements sur les particularités de la tombe qui peuvent se retrouver au niveau régional. On discutera ultérieurement des comparaisons avec les autres tombes fouillées dans la région.

44

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ Les restes osseux de la tombe C étaient accompagnés de vases en céramique, ce qui marque une importante différence avec la tombe B, d’où ce type d’offrandes est absent. Il est par ailleurs possible d’associer certaines pièces à l’individu auquel elles furent destinées.

E. Tombe C La tombe C, à huit mètres au nord des tombes A et B, présente une morphologie singulière en raison de l’ouverture de la chambre funéraire et de la présence d’un faux puits (figure 10). Malgré ces particularités, la structure ainsi que son contenu affichent des caractéristiques qui la placent dans la tradition des tombes à puits.

Les restes osseux, ainsi que les éléments qui les entourent seront décrits en détail, afin de donner un aperçu général de l’aspect de la tombe et de son contenu lors de la fouille.

L’accès est constitué par un faux puits de forme cylindrique d’une profondeur de 80 cm pour 80 cm de diamètre. De même que pour les tombes A et B, le puits aboutit à une marche taillée dans la ponce volcanique, coiffée par une pierre qui mesure 1,50 m de longueur pour 92 cm de largeur et 50 cm d’épaisseur. L’ajout de cette pierre donne à la marche une hauteur de 1.30 m.

a. L’individu 1 Comme il a été mentionné ci-dessus, pendant la fouille on a considéré l’individu 1 comme constitué par les fragments osseux appartenant au groupe situé dans la moitié nord de la tombe, occupant les carrés E2, D2, D3 et D4.

La chambre, de plan oval, orientée nord-ouest sud-est, mesure 2,10 m de long pour 1,85 m de largeur. Cette dernière correspond à l’axe de l’entrée. La voûte est inexistante: il s’agit plutôt d’un orifice à parois concaves relié au faux puits, donnant l’impression générale d’une demi-sphère dépourvue de sa partie supérieure. Etant donnée sa morphologie ouverte, la tombe fut complètement remplie par une couche d’environ 90 cm de terre meuble, qui ne comportait pas la moindre trace de blocs de tepetate ni de pierres.

A partir de l’entrée de la tombe, sur la paroi gauche de la chambre, on enregistre un groupe de pierres et des os longs étalés du nord-ouest au sud-est. Au pied de la marche d’accès, dans le carré D4, se trouvent deux pierres (n° 2 et 3) mesurant en moyenne 15 cm de long, ainsi que des fragment d’os long et d’os de pieds. Ensuite, une dalle (n° 4) de 50 cm de long pour 20 cm de large et 8 cm d’épaisseur, couvre partiellement les restes d’un tibia gauche ainsi que deux vertèbres lombaires. Puis, dans le carré D3, on trouve encore un groupe d’os longs et un pot renversé dont on ignore à quel individu il était associé. Enfin, près de la paroi sud-est, dans le carré E2, un troisième groupe est constitué par des os longs ainsi qu’un sacrum, et quelques os de pieds.

Les 60 premiers cm de terre qui remplissaient la tombe furent retirés et passés au tamis: à cette profondeur, des vestiges matériels commençaient à apparaître. Il a donc fallu créer des unités de fouille de 0,25 m2 pour faciliter leur enregistrement. Une grille similaire à celle de la tombe B a été tracée: l’axe des abscisses orienté d’ouest en est désigne les carrés de A à E, tandis que l’axe des ordonnées porte les numéros 1 à 5, du sud vers le nord. Les restes trouvés dans chaque carré ont été numérotés et reportés avec ce même numéro sur le dessin correspondant.

La quantité de pierres liées à ce sujet, ainsi que le fait de trouver deux vertèbres en connexion anatomique sous l’une d’entre elles, suggère que la voûte de la chambre aurait pu s’effondrer sur le corps. Sa chute aurait emprisonné les pieds et les chevilles, mais aurait aussi perturbé le reste du corps; ce bouleversement aurait ensuite été amplifié par les rongeurs. Dans ces conditions, il est difficile de reconnaître le caractère primaire ou secondaire du dépôt. Si l’on prend en compte la deuxième possibilité, il faut d’abord admettre que l’aspect incomplet du squelette ne suffit pas à prouver son caractère secondaire, car: « Cette constatation peut effectivement être un indice de sépulture secondaire, à condition toutefois que l’on puisse écarter toute destruction de nature taphonomique (conservation différentielle), et qu’ils n’aient pas été laissés sur le terrain par des fouilleurs négligents... » (Duday et al. 1990: 43).

1. Le contenu Une fois enlevée la couche de terre qui ensevelissait le contenu de la tombe C, il a été possible d’identifier au moins deux individus. Le plus évident, en raison de la présence de certaines connexions anatomiques, était le corps placé au fond de la chambre, l’individu 2, aux pieds duquel se trouve une grosse dalle (n° 10). Par contre, les autres restes humains étaient dispersés dans toute la chambre. Nous avons alors décidé de considérer que seuls les fragments osseux regroupés dans la moitié nord de la chambre seraient désignés comme individu 1. Les pièces localisées entre les deux ensembles principaux seraient désignés comme « autres restes », puisqu’il pouvait s’agir de fragments attribuables à n’importe lequel des deux individus. Lors de l’inventaire ils ont été restitués à leur sujet d’origine.

Bien que nous soyons en mesure de témoigner de la rigueur de la fouille, nous ne pouvons pas trancher de façon catégorique sur l’inexistence d’une conservation différentielle. D’autre part: « un apparent ‘désordre’ dans la disposition des restes humains (sous-entendu par rapport à l’ordre originel qui constitue le squelette en connexion) ne correspond pas non plus nécessairement à un dépôt secondaire: encore faut-il éliminer l’hypothèse 45

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ de remaniements articulaires. » (ibid).

postérieurs

aux

disjonctions

mesure 16 cm. La surface, de couleur rouge marron, fut engobée et polie. Cette offrande se trouvait à 15 cm du fémur gauche de l’individu 2 et présentait plus de la moitié du bord cassé.

Pour l’individu 1, les liaisons par appartenance au même stade de maturation se sont révélées utiles pour rassembler les pièces correspondant à chaque sujet. Ensuite, on a eu recours aux liaisons par symétrie et par contiguïté articulaire, pour repérer les déplacements des pièces. Cette analyse indique une importante perturbation qui affecte les restes au-dessus du genou: les rares pièces restantes après le passage des rongeurs, montrent un déplacement du nord-ouest vers le sud-est.

-Une pierre sphéroïdale. D’environ 10 cm de diamètre, cette pierre semble travaillée. Elle se trouvait aussi du côté gauche de l’individu 2, à la hauteur des pieds. Il pourrait s’agir d’un broyeur. Pour ce qui touche à la décomposition du cadavre, on note que le processus épineux des vertèbres en connexion se trouve enfoncé dans le sol. Ceci peut être attribué à l’hydratation et au ramollissement consécutif de la terre sous l’action des liquides produits par la décomposition. La ponce volcanique aurait augmenté de volume avec l’hydratation, remplissant le vide autour des vertèbres, et les stabilisant. Mais la position des vertèbres ne prouve pas que le reste du corps ait évolué dans un espace colmaté, même si cette possibilité est vraisemblable. Les traces qui le prouveraient comme la position en équilibre des côtes et des os coxaux ou les rotules sur les genoux (Duday et al .1990: 35) ont disparu sous l’action de rongeurs.

b. L’individu 2 Cet individu a été l’objet d’un dépôt primaire. Le corps, orienté vers l’est, se trouvait au fond de la tombe en position allongée et couché sur le dos, occupant les carrés D1, D2, C1, C2, B1, B2 et A2. Les pièces en connexion anatomique, visibles de haut en bas, sont: le crâne, incomplet: deux temporaux et l’occipital qui était en contact avec le sol. Les rachis cervical et thoracique ne se trouvaient pas en place et l’on détecte plus bas, toujours en connexion anatomique, les quatre dernières vertèbres lombaires avec le processus épineux pris dans le sol. Ceci, ainsi que le crâne, indiquent que l’individu se trouvait couché sur le dos. Les quatre dernières vertèbres thoraciques gisaient étalées du côté droit de l’individu, accompagnées de quelques fragments de côtes. Pour ces dernières, le gril gauche est largement mieux représenté que le droit dont ne subsistent que quelques fragments en place.

Bien qu’on connaisse la position générale de l’individu 2, il existe, à cause des rongeurs, des espaces vides au niveau du rachis cervical, du thorax, du bassin, des pieds, et des membres supérieurs. Les traces de cette activité sont évidentes au niveau du thorax: le creusement d’un terrier en sens nord-sud, dans le sol de la tombe, a produit le déplacement vers la droite des cinq dernières vertèbres thoraciques, ainsi que du gril costal droit. En plus du déplacement, ces vertèbres ont souffert une rotation. Elles reposent sur le corps vertébral au lieu du processus épineux. D’autre part, ce déplacement a dû se produire quand les parties fibreuses entre les vertèbres les maintenaient encore liées, puisque, malgré la perturbation, elles ont gardé leurs connexions anatomiques.

Les membres supérieurs manquent: on ignore donc leur position ainsi que celle des mains. Le bassin est représenté par un fragment de l’os iliaque droit tandis que les os des jambes sont fragmentés mais restent, curieusement, en place. Hormis quelques métatarsiens et quelques phalanges, localisés dans le prolongement du tibia gauche, les pieds de l’individu 2 étaient absents.

Le même phénomène s’est produit au niveau du bassin, où se trouve à nouveau, un terrier en direction nord-sud qui a probablement cassé et déplacé les os non seulement du bassin, mais aussi de l’avant-bras droit: leurs fragments se trouvent du côté droit du corps. Ces observations seront reprises lors de la discussion de l’organisation spatiale de la sépulture, pour les mettre en rapport avec les autres restes et comprendre ainsi la position originale des restes trouvés à l’intérieur de cette tombe.

Le tibia et la fibula gauches sont placés sur une petite dalle (n° 11) carrée d’environ 10 cm de côté, tandis que la partie distale du tibia droit se trouvait en dessous d’une grosse pierre (n° 10). Celle-ci mesure 65 cm de long pour 38 cm de large et 22 cm d’épaisseur et, en dessous, se trouve une dalle de 19 cm de long et 14 cm de large. Sur l’extrémité nord de cette pierre, il y en a trois autres (n° 6, 7 et 9), de forme triangulaire et d’une longueur de 15 cm en moyenne. Elles servent de soutien à deux os pariétaux symétriques qui appartenaient probablement à l’individu 1, dont on a parlé plus haut.

A partir des liaisons de deuxième ordre ont été repérés les fragments osseux appartenant à l’individu 2, ainsi que leurs déplacements. Le membre supérieur gauche, qui se trouvait originalement dans les carrés D1 et C1, a été déplacé vers le secteur sud-ouest de la chambre correspondant aux carrés A1 et A2, à environ un mètre de sa position initiale. Pour le membre supérieur droit, le mouvement est moins important puisque l’on a trouvé dans le carré D2, correspondant à sa position anatomique, des fragments, qui ont pu être recollés à ceux du carré D3.

Les offrandes associées de façon sûre à l’individu 2 sont plutôt rares: -Une jarre en céramique (figure 14b). Il s’agit d’une jarre à col serré3, de 18 cm de hauteur; le diamètre de l’ouverture est de 9 cm tandis que le diamètre maximum 3

Forme qui en espagnol est désignée comme cantaro, c’est-à-dire une jarre dont le diamètre de l’ouverture est plus réduit que celui du corps.

46

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ (1949: 115-120) avec décoration corporelle par pastillage.

c. Les autres vestiges Une seule des offrandes céramiques semble en rapport sûr avec l’un des sujets contenus dans la tombe C. Les deux vases restants seront donc inventoriés parmi les autres restes, puisque leur relation avec un individu spécifique semble, pour l’instant, difficile à prouver.

2. L’état général du matériel Il n’existe pas de différences notables dans l’état de conservation de l’ensemble osseux de la tombe C. Les pièces osseuses trouvées à l’intérieur ont gardé, en général, une solidité, qui contraste fortement avec la fragmentation de certains os longs ainsi qu’avec l’absence des pièces peu volumineuses telles que les os de la main et du pied, le sternum et la scapula.

-Un pot en céramique (figure 14c) se trouvait du côté droit du groupe d’os localisés dans le carré D2. Il s’agit d’un pot de forme globulaire de 12 cm de diamètre à l’ouverture et 18 cm de diamètre maximum pour 17 cm de hauteur, dont la surface engobée de couleur marron clair a été postérieurement lissée. L’état de conservation est excellent, et il ne présentait pas de traces d’utilisation.

En effet, les rares pièces osseuses complètes ainsi que les fragments présentent une constitution épaisse et lourde ainsi qu’une coloration gris très clair et uniforme. Cette apparence serait produite par une importante minéralisation de l’os par fixation post-mortem de substances chimiques présentes dans le sol telles que le calcium, le fluor, le soufre et divers métaux lourds: le manganèse, le fer, le cuivre, etc (Masset 1990: 39).

-Une écuelle tripode en céramique à supports coniques solides (figure 14a). Localisé au pied de la marche d’entrée de la tombe C, entre les carrés B3 et C3, ce récipient ne peut pas être associé à un individu spécifique car il se trouve à mi-distance entre les deux. Il s’agit d’une écuelle tripode de 17 cm de diamètre et 15 cm de hauteur. La surface lissée est de couleur orange foncé.

D’autre part, nous avons observé que, à la différence des restes osseux des autres tombes, qui se décollaient du sol sans aucune difficulté, ceux de la tombe C avaient fortement adhéré à la ponce volcanique. La terre fine qui a servi à combler la tombe n’a pas suffi à empêcher les infiltrations d’eau de pluie. Il est probable que la combinaison de terre et de pluie a formé un mortier qui a lié l’os au sol.

-Deux pendentifs en obsidienne. Situés dans l’angle sudouest du carré B3, ces objets manufacturés en obsidienne polie de couleur grise, étaient couverts par la dalle 8. Il s’agit de représentations anthropomorphes particulièrement fines de personnages debout, les jambes écartées, les bras le long du corps, avec une perforation de suspension au niveau de la tête. Ils mesurent 2 cm de hauteur, et 1,5 cm de large.

Il semble évident que les pièces ont souffert les conséquences d’actions mécaniques, à commencer par les os longs avec leurs épiphyses brisées ou carrément absentes. Les zones cassées présentent, dans la plupart des cas, une érosion des parties corticales ainsi que spongieuses.

-Sept perles en pierre verte. Les sept éléments présentaient une même morphologie discoïde, polie dans une pierre vert clair, d’un centimètre de diamètre, à perforation centrale, et 8 mm d’épaisseur. Ces perles sont similaires à celles trouvées dans la tombe B. Trois de ces objets ont été découverts sous la dalle 8, deux autres entre les carrés D2 et E2, et les deux restants ont été récupérés lors du tamisage de la terre des carrés D1 et C3.

En raison de l’absence de voûte, la chambre funéraire a été remplie par de la terre meuble. Ceci a favorisé l’entrée des innombrables rongeurs dont l’activité a profondément perturbé la disposition originelle de la tombe. Sur le site, on a pu repérer la présence de rats, taupes (Condylura cristata), musaraignes (Blarina brevicauda), souris, opossums (Marmosa murina), dont on trouve de nombreuses traces de passages: du petit trou isolé, jusqu’aux véritables galeries qui parcourent le sol de la chambre dans toutes les directions. En plus de la dispersion des pièces, les rongeurs ont laissé des traces en forme de larges rainures, la plupart parallèles et peu profondes qui correspondent à des grignotages et des griffures sur plusieurs vestiges, principalement sur les os longs et les os du crâne. Il est possible que leur action se soit étendue à d’autres pièces moins résistantes telles que le sternum, le scapula ou les iliaques. Dans ce cas les dommages seraient encore plus importants; cela expliquerait peut-être pourquoi ne subsistent que des fragments infimes de ce type de pièce.

-Un pendentif en pierre verte. Il s’agit d’un écureuil poli dans le même matériel que les perles mentionnées cidessus. Il mesure 4,02 cm de long, et présente une perforation sur la queue pour la suspension. Lors du tamisage de la terre du remplissage de la tombe, des pièces de taille moins importante ont été découvertes: -19 éclats d’obsidienne grise et noire, entre 0,8 et 1,5 cm. -524 tessons, la plupart d’entre eux à surface polie de couleur rouge foncé ou marron. Ils correspondent à des formes telles que des écuelles hémisphériques avec ou sans supports coniques solides ainsi que des pots globulaires. Seuls 85 d’entre eux sont décorés, principalement avec des lignes verticales, parallèles, ou courbes, incisées (figure 14d) ou peintes -19 fragments de figurines. Il s’agit de figurines pleines de type Tuxcacuexco-Ortices, décrites par Isabel Kelly

Les os du carpe et les phalanges des pieds et des mains manquent. Leur faible poids et leur volume permettent 47

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ leur transport par les rongeurs qui auraient pu les sortir de la tombe. Les traces des rongeurs sur les os longs méritent une mention spéciale. Plusieurs pièces ont perdu leurs épiphyses à cause d’un grignotage en biseau; ces marques se trouvent aussi le long de la diaphyse. L’une des caractéristiques des rongeurs est la poussée continuelle des incisives. Afin d’équilibrer cette croissance par l’usage, ils sont obligés de ronger des matériaux durs, comme le bois, ou des os. Mais pourquoi ces rongeurs se sont donnés la peine d’aller chercher sous terre du matériel à ronger? Si leur but était simplement de contrebalancer la pousse de leurs dents, ils auraient pu trouver du matériel plus accessible soit à la surface, soit à une profondeur moins importante, dans la couche humique du terrain. Une autre possible explication réside dans le besoin de substances nutritives comme les sels minéraux (Hénaff 1987: 309), de sang ou de graisses, tous éléments présents dans l’os frais (Flannery 1986).

type d’os

adulte

NMI

type d’os

calvarium* mandibule atlas axis C3-7 thoracique lombaire

2 0 0 0 0 7 3

2 0 0 0 0 -

scapula clavicule coxal** sternum côtes sacrum coccyx

1

2 2 1 0 0 0 0 0 0 1 1 1 0 1 0 0 1 1

0

0

fémur fibula tibia patella talus calcaneus cuboïde naviculaire cun. méd. cun. inter. cun. lat. mtt. I mtt. II mtt. III mtt. IV mtt. V ph. prox. I ph. prox II-V ph. med. II-V ph. distale I

humérus ulna radius scaphoïde lunatum pisiforme triquetrum trapèze trapézoïde capitatum hamatum mtc I mtc II mtc III mtc IV mtc V ph. prox I ph. prox II-V ph. med. II-V ph.. dist. I ph. dist. II-V

3. Quantification des restes osseux Pendant la fouille, on a attribué les os dispersés dans la moitié nord (carrés C4, D4, D3, E2) à l’individu 1, tout en sachant qu’ils pouvaient représenter plus d’un sujet. En ce qui concerne l’individu 2, situé au fond (carrés B1, B2, C1, C2, D1, D2, et E2), on a réuni seulement les os qui se trouvaient soit en position, soit en connexion anatomique. Les pièces et fragments osseux localisés dans les carrés B3, A1, A2 et dans l’angle nord-est du carré C2, ont été étiquetés comme « autres restes » puisqu’on ignorait leur appartenance.

D 1 2 1 0 0 0 0 1 0 1 1 0 0 1 0 0 1

G 2 1 1 0 0 0 0 0 0 0 1 1 0 1 0 0 0

1

0 0

1 0

ph. dist. IIV

adulte D G 0 1 1 0 2 0 1 17 1 0 D G 2 2 1 2 2 2 0 0 1 0 1 0 1 0 1 1 0 1 1 0 0 0 2 1 1 0 0 1 1 0 0 0 1 1 3

NMI

1

-

3

1 2

0 1 2 1 1 0 2 2 2 0 1 1 1 1 1 1 0 2 0 1 1 0 1 -

-

NMI: nombre minimum d’individus; D: pièce droite; G: pièce gauche; C3-7: vertèbres cervicales; cun: cunéiforme; mtc:métacarpien. *le calvarium, pour l’individu 1, est représenté par l’os pariétal droit et gauche, et par ces mêmes pièces et l’occipital pour l’individu 2. **l’os coxal pour l’individu 1 compte à peine un fragment de l’os illiaque droit, un isquion droit a été découvert ailleurs, on ne peut donc pas parler véritablement de deux individus.

L’inventaire des pièces osseuses révèle qu’à l’intérieur de la tombe C furent inhumés seulement deux individus. Le tableau 14 montre que les os longs des membres inférieurs sont les mieux représentés de tout le squelette, puisque des douze pièces qui les constituent (2 fémurs, 2 tibias, 2 fibulas par individu) manque seulement un tibia droit. Ensuite, on trouve les os long des membres supérieurs, dont les effectifs s’élèvent à huit pièces sur les douze qui représenteraient la totalité. Puis, les segments tarsaux, les métatarsaux et les phalanges de pieds. D’autre part, on note un fort déficit des os du carpe, et du métacarpe, pour lesquels nous avons comptabilisé respectivement quatre et trois pièces. La clavicule, la scapula, le sternum et le sacrum ne sont représentés que par un fragment chacun. Quelle est la raison d’une représentation si disparate des segments anatomiques?

Tableau 14. Données quantitatives concernant la série osseuse de la Tombe C.

l’enlévement de certains os? Cela semble peu probable puisqu’on ne distingue pas d’arrangements des pièces qui témoigneraient d’un remaniement postérieur de la sépulture, et qu’on ne note pas non plus la fragmentation en allumette, caractéristique du piétinement, preuve du passage de la population inhumante une fois le décharnement du corps effectué. Par contre, les pièces les plus volumineuses telles que les os longs des membres inférieures sont encore en place ou pour le moins présentes. Les os des pieds sont aussi bien représentés, mais cette sur-représentation aurait un rapport avec le fait que les extrémités, au moins dans le cas de l’individu 2, se trouvent protégées par une dalle.

Malgré leur texture solide, les os présents à l’intérieur de la tombe C se rencontrent généralement fragmentés. On note une fragmentation différentielle normale, puisque les os les plus fragiles tels que la scapula, la clavicule, le coxal, et le sternum sont les plus faiblement représentés. Par ailleurs, l’inventaire reflète une absence importante des pièces du rachis cervical, et des membres supérieurs. Est-ce une absence imputable à l’action humaine tel que

La seule explication à cette considérable disparité pourrait résider dans l’importante activité des rongeurs à 48

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ L’absence de voûte dans la chambre funéraire ainsi que ses dimensions réduites, constituent des caractéristiques qui la différencient des autres structures fouillées à Caseta et aussi dans le site voisin d’El Casco. Une première hypothèse serait que l’absence de voûte soit délibérée. Si la tombe a ainsi été conçue, plusieurs questions se posent. D’abord, la taille réduite de la structure avait-elle pour but de simplifier le travail de creusement? Mais, si tel était le cas, pourquoi s’être donné la peine de construire un ‘faux puits’, si l’accès à la chambre se faisait directement de l’extérieur? En fait, cette structure a probablement été conçue comme une tombe à puits traditionnelle, mais un effondrement de la voûte aurait modifié sa morphologie.

laquelle on a fait référence plus haut, et qui se manifeste de façons différentes par rapport aux pièces osseuses. Les os long des jambes gardent des traces de grignotage, mais ils sont restés en place probablement en raison de leur volume et de leur poids important qui empêchaient leur déplacement par des rongeurs. En revanche, les pièces les moins volumineuses telles que les carpiens, métacarpiens et les vertèbres cervicales ont été soustraites, et les plus fragiles telles que la scapula, la clavicule, le sternum et le coxal, détruites.

4. L’âge et le sexe des individus

A partir de cette hypothèse, une deuxième option pour expliquer l’extrême perturbation de la tombe se dessine: la voûte aurait pu s’effondrer sur les offrandes et les corps. Pour provoquer une telle fragmentation et dispersion des os, les pièces devaient se trouver à l’état sec. En effet, la présence de chair n’aurait pas empêché les cassures, mais les connexions anatomiques se seraient maintenues. L’effondrement se serait donc produit bien après l’inhumation. On comprend mal, dans ces conditions, pourquoi les récipients céramiques seraient demeurés intacts ou presque. Cette hypothèse d’effondrement tardif semble donc à exclure.

Malgré l’absence quasi systématique des épiphyses, il a été possible de trouver quelques os qui les comportaient encore. C’est à partir de leur observation détaillée que nous avons pu faire un calcul approximatif de l’âge des individus présents dans la tombe C. L’individu 1 présentait les points d’ossification secondaires soudés dans des pièces comme le fémur; il s’agit donc d’un adulte. Le squelette numéro 2 semble correspondre à un sujet subadulte d’entre 15 et 23 ans, âge estimé à partir du degré général de soudure des points d’ossification secondaire et, plus particulièrement, de l’ulna et du radius, les seuls os longs qui gardaient encore leurs épiphyses.

Le fait que l’individu 2 ait gardé certaines connexions anatomiques peut s’expliquer par la morphologie de la moitié sud de la chambre où une partie de la voûte est restée intacte. Par contre, l’individu 1 n’a pas compté sur la protection de la voûte, qui se serait écroulée sur lui, provocant une grande perturbation. Mais ceci n’expliquerait pas le déplacement de pièces telles que le crâne et le sacrum. Il résulterait de l’action des rongeurs qui ont profité de l’absence des structures de condamnation pour construire leurs terriers à l’intérieur de la chambre funéraire. Cette possibilité serait d’autant plus grande qu’il faut envisager que la tombe ouverte ait été intentionnellement remblayée, par la population inhumante.

L’os coxal est le plus fiable pour la détermination du sexe puisqu’il porte en lui la plupart des critères observables (Bass 1987, Bruzek 1991, Masset 1987, Ubelaker 1978), mais l’absence du bassin chez l’individu 1 et le fort degré de fragmentation chez le deuxième ont interdit une détermination sexuelle certaine. Tout ce que nous pouvons évoquer provient de l’observation détaillée de la morphologie des os: les attaches musculaires, la robustesse générale des pièces, ainsi que la constitution particulière de la tête du fémur et de l’humérus, ont permis d’envisager l’existence d’individus des deux sexes. Le sujet numéro 1 correspondrait à un squelette masculin tandis que le second représenterait un squelette féminin.

Une troisième option serait que la voûte se soit effondrée avant l’inhumation des individus, permettant à la population inhumante de réaménager la chambre avant son utilisation. Ceci implique le nettoyage de la chambre. Si tel était le cas, les seuls responsables de la perturbation intérieure seraient les rongeurs.

Etant donné le caractère partiel des vestiges et leur importante fragmentation, précisons que les estimations concernant l’âge autant que le sexe sont provisoires.

Quelle que soit la morphologie originale de la tombe, il semble évident, comme on l’a mentionné plus haut, que celle-ci fut remplie de façon intentionnelle avec de la terre meuble et libre de pierres, sauf pour les pierres plus volumineuses déjà mentionnées. Cette constatation nous amène à la question de la décomposition des vestiges, qui aurait eu lieu dans un espace colmaté si le remplissage s’est effectué juste après l’inhumation des cadavres. Par contre, si le remplissage a été différé, la décomposition se serait effectuée dans un espace vide. Alors, la possibilité d’un effondrement de la voûte après le décharnement des corps devient plausible. Un nettoyage de la chambre par

5. Organisation spatiale de la sépulture La tombe C est en général plus petite que les tombes A et B. Bien que ses dimensions soient moins importantes, elle aurait pu contenir sans problème plus de deux corps. De la même manière que les tombes à puits plus traditionnelles, la tombe C comporte deux secteurs différenciés, l’accès, représenté par le ‘faux puits’, et la chambre funéraire, qui contient les sépultures.

49

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ la population inhumante afin d’ôter les morceaux de tepetate aurait bouleversé la disposition initiale des vestiges. Finalement, le colmatage de la structure avec de la terre en guise de condamnation, serait devenu nécessaire. Si tel est le cas, la présence des pierres (numéros 2 à 9) serait toute à fait fortuite et leur fonction ne serait pas la même que pour les pierres présentes à l’intérieur de la tombe B qui servaient comme supports pour le corps de l’individu 1. Dans la tombe C, seules les dalles 10 et 11 pourraient fonctionner comme supports, puisque leur morphologie et leur emplacement s’y adaptent.

chambre funéraire de 33 cm de profondeur. Au fond, se trouvaient deux individus, représentés par quelques fragments d’os: un pariétal, le radius droit et le cubitus gauche d’un adulte d’âge indéterminé, ainsi que 12 pièces dentaires correspondant à un individu immature d’environ huit ans. Seul le radius présente des traces de l’action des rongeurs.

D’après les données ostéologiques, le mode de fonctionnement de la structure correspondrait à une utilisation courte dans le temps, c’est-à-dire à un dépôt des cadavres en une seule fois et sans réouverture de la tombe.

Sépulture 86

Il n’y avait pas de vestiges d’offrande, mais un unique objet, probablement un morceau de pendentif en coquille, constituait la seule parure présente.

Orientée nord-sud, la sépulture 86 présente un plan rectangulaire, de 93 cm de long pour 69 cm de large; sa profondeur est de 33 cm. A l’extrémité sud se trouve une marche similaire à celle de la sépulture 86, qui mesure 28 cm de long et 27 cm de profondeur.

Le dénombrement des pièces anatomiques indique que la tombe fut occupée par deux individus et leur analyse suggère qu’il s’agit d’un homme adulte et d’une femme sub-adulte. En l’absence du moindre vestige de l’existence d’enfants à l’intérieur de la tombe, l’idée de spécialisation de la tombe C s’impose. En effet, on remarque que, de la même manière que pour la tombe B, on y trouve un homme adulte accompagné d’une femme adulte ou sub-adulte. Dans les deux cas, cette dernière semble toujours plus jeune que l’individu masculin, et aurait pu être sa femme. Cette spécialisation des tombes à puits privilégierait les individus adultes et sub-adultes au détriment des immatures qui sont minoritaires.

La structure contenait deux fragments de vertèbres thoraciques ainsi qu’un fragment de tibia droit. Par contre, les mains sont mieux représentées par des os du carpe, du métacarpe et des phalanges proximales et médiales, tous bien conservés, mais sans connexion anatomique. L’ensemble des restes correspondait à un seul individu adulte d’âge et sexe inconnus. Il n’avait pas d’indices d’offrandes ou de parures associées. Sépulture 98 On n’a pas la certitude du caractère funéraire de la structure 98. Sa morphologie est similaire à celle des fosses 85 et 86, mais ses dimensions sont plus importantes: 1,20 m de long d’est en ouest pour 1 mètre de large et 48 cm de profondeur. La moitié nord de la fosse est occupée par une marche de 44 cm de large et 16 cm de profondeur. Sa fonction originale était probablement sépulcrale, mais elle a été réutilisée ultérieurement comme dépotoir. En effet, pendant la phase Amacueca, cette fosse fut remplie de terre et de gros cailloux. Ce remblai contenait peu de matériel culturel correspondant aux trois phases d’occupation du site. Ceci suggère qu’elle a été vidée et remblayée une deuxième fois, avec des restes mélangés parmi lesquels figurent des déchets plus récents que ceux de la date de construction de la fosse.

F. Autres structures funéraires anciennes A environ 3 m du cimetière Nord et 15 m du cimetière Sud, se trouvent trois fosses, qui correspondent probablement à l’étape ancienne. En effet, leur proximité des tombes à puits, leur morphologie et leurs dimensions, en plus de leur situation à l’écart des deux cimetières, suggèrent une appartenance autre que la phase Amacueca. Leurs liens avec la phase Usmajac et les tombes à puits demeurent cependant hypothétiques, et nous en discuterons plus loin. Mais il nous semblait préférable, pour des raisons de logique, d’en traiter ici. Les sépultures 85 et 86 se trouvent sur une petite terrasse naturelle localisée à mi-pente, à environ un mètre de distance l’une de l’autre, tandis que la sépulture 98 se localise à 11,20 m à l’est de précédentes (figure 13).

1. La morphologie et le contenu Pour les fosses 85 et 86, on note la même morphologie générale, c’est-à-dire une mini-chambre pourvue d’une petite banquette. Il y a pourtant des différences significatives entre les deux. D’abord, la profondeur de la marche qui n’atteint que 9 cm dans la 85 contre 27 cm dans la 86. Ensuite l’orientation, est-ouest pour la 85, et nord-sud pour la 86; et enfin, les dimensions qui sont plus importantes pour cette dernière.

Sépulture 85 Cette structure présente un plan rectangulaire de 75 cm de long pour 55 cm de large, avec une orientation est-ouest. A l’extrémité ouest de cette fosse creusée dans le tepetate se trouve une espèce de marche ou banquette, de 25 cm de large et 9 cm de profondeur, qui aboutit à une petite 50

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ La dernière explication serait le simple pillage et, par la suite, leur abandon, puisqu’en raison de leur morphologie différente de celle des structures Amacueca, elles n’auraient pas été reprises comme fosses funéraires.

Malgré le manque d’indices de sa fonction sépulcrale originale, la structure 98 a été classée en tant que structure funéraire en raison de sa forme, qui l’assimile aux structuresfunéraires de type « bouteille » décrite par Disselhoff (1932: 531). structure 85 86 98

forme fosse rectangulaire avec marche fosse rectangulaire avec marche fosse rectangulaire avec marche

longueur 80 cm

largeur 61 cm

prof. 39 cm

93 cm

69 cm

33 cm

1,20 m

1,0 m

48 cm

Le geste n’est pas clair, et encore moins ses motivations, mais, à partir de cette information, il semble probable que l’ancien caractère funéraire de la colline, correspondant à l’époque des tombes à puits, fut connu pendant la phase Amacueca.

2. Placement chronologique et signification La description de ces fosses-sépultures probablement anciennes, confirme ce qui a été signalé au début de cette section: leur morphologie, ainsi que leurs dimensions, les différencie des aménagements funéraires de la phase Amacueca, dont les caractéristiques seront discutées dans le chapitre VI. Il faut, de même, souligner le fait que les fosses profondes, amples et pourvues d’une marche semblent plutôt liées à la tradition des tombes à puits. Morphologiquement elles ressemblent aux tombes en forme de botte. Dans certains cas, les deux types de sépultures présentent des dalles comme structures de condamnation (Servain 1993: 183).

Tableau 15. Morphologie et dimensions des structures funéraires correspondant à la phase Usmajac. Pour l’analyse, on ne compte malheureusement qu’avec les données structurales puisque le contenu culturel et osseux est très pauvre. Cela apparaît surprenant, car la profondeur des fosses aurait dû préserver les restes de l’action de la charrue. Il est possible que l’extrême fragmentation ainsi que l’absence de la plupart du matériel osseux n’ait pas de rapport avec le passage de la charrue qui n’atteint qu’environ 25 cm de profondeur à partir de la surface. La rareté du matériel pourrait être la conséquence de la réutilisation des structures anciennes pendant la phase Amacueca. Dans le cas de la structure 98, sa réutilisation comme dépotoir semble assez claire, mais en ce qui concerne les structures 85 et 86, aucun indice d’une activité postérieure n’a été repéré. Effectivement, mis à part les restes osseux brisés issus de la première utilisation, leur contenu suggère qu’elle ont été simplement vidées.

D’après Weigand (1985: 66) des milliers de fosses, qu’il date de la phase El Arenal, ont été découvertes dans l’Occident. Il les associe à l’étape des tombes à puits en raison de leur proximité spatiale au sein d’un même cimetière, ainsi que d’une certaine ressemblance morphologique et du contenu. Cet auteur note que les fosses sont fréquemment regroupées et creusées dans de petites plates-formes ou sur des terrasses, ce qui est le cas des structures 85 et 86 dans le site de Caseta. Quant aux rapports spatiaux, ces deux fosses se trouvent à 17,5 m au nord-est des tombes à puits; à l’échelle du site, cette distance peut être considérée comme mineure.

Mais quelle est la signification de ce geste de « nettoyage »? Une première hypothèse serait que les ossements récupérés dans ces fosses auraient fait l’objet, durant la phase Usmajac, de dépôts secondaires dans les tombes à puits. Cela pourrait expliquer la représentation importante d’os longs, dans la tombe B, par exemple.

D’autre part, Servain (1993: 182) mentionne que, dans le Colima, certaines fosses de ce type contiennent du matériel de la phase Comala. Ce type de structure n’a pas encore été répertorié dans le Nayarit, mais leur absence actuelle n’implique pas leur inexistence (Furst 1966: 235).

Dans une autre perspective, il faut envisager d’autres explications: les populations Amacueca cherchaient-elles à « purifier » leur nouveau cimetière de présences autres que leurs propres ancêtres? Dans ce cas, comment ont-ils repéré l’emplacement de ces structures? Ces fosses auraient été probablement couvertes par des dalles, de la même façon que les puits des tombes, ce qui les auraient rendues plus facilement repérables en surface. Mais s’ils connaissaient les emplacements des fosses, il est aussi probable qu’ils connaissaient celui des tombes à puits. Alors, pourquoi ont-ils respecté ces dernières, tandis que les simples fosses ont été vidées?

Par ailleurs, Pereira (1999: 83-87) documente des fosses de morphologie semblable au Michoacán, datées de la période Classique. Sans entrer dans le détail de son argumentation, on peut d’abord souligner la similitude de l’organisation spatiale entre les fosses de Caseta et, par exemple, les fosses 36 ou 39 de Potrero de Guadalupe. Selon Pereira, il apparait « clairement que ces sépultures sont pourvues d’un espace intérieur vide dans lequel s’est effondré un ensemble de dalles placées initialement plus haut ». Il émet donc l’hypothèse que ces dalles fermaient une fosse dont l’ouverture était plus étroite que le fond (Pereira 1999: 84-85). Dans ces conditions, la présence de tels systèmes de condamnation aurait pu être visible en surface.

Une autre possibilité est qu’ils aient trouvé par hasard ces trois fosses et qu’elles aient été vidées pour permettre une utilisation postérieure. Mais pourquoi cette réutilisation ne s’est-elle jamais produite?

51

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ facteurs. D’abord, l’occupation principale du site correspond à la phase Amacueca, tandis que les phases Verdía et Sayula sont presque inexistantes et la phase Usmajac n’est représentée que par six structures funéraires. Puis, trois de ces dernières ont été pillées: le volume général du matériel qui en est issu en est d’autant réduit. Enfin, il semblerait que la céramique n’était pas une offrande très prisée par la population inhumante, si l’on considère son absence totale dans la tombe B, qui était pourtant intacte.

La présence de ce type de fosse en même temps que les tombes à puits va à l’encontre de l’hypothèse qui propose que ces dernières ne sont pas forcément un indice du statut élevé des défunts qui s’y trouvent (ibid). Il semblerait en effet qu’il existe bel et bien une hiérarchisation des modes de sépulture, et que, d’autre part, les fosses, comme le propose Weigand (1985: 66), soient destinées à la population de statut inférieur et n’aient pas été réutilisées.

La tombe C est la seule structure ancienne qui a livré du matériel céramique complet: trois vases, et 524 tessons. Les tessons n’étaient pas en contact direct avec le sol de la tombe; ils ont été récupérés dans la terre de remplissage de la chambre funéraire. Cela implique qu’ils ne faisaient pas partie de la sépulture en tant qu’offrandes, puisqu’ils n’y ont pas été placés à l’intention des défunts. Par conséquent, leur présence ne répond pas à la volonté de la population inhumante, sinon à un geste qui visait la fermeture de la structure en même temps que la protection de son contenu. Ce matériel serait donc susceptible de dater la sépulture ou, du moins, l’époque de sa condamnation, d’où l’importance de sa prise en compte.

G. Le mobilier funéraire ancien Le mobilier trouvé dans les sépultures anciennes provient principalement des trois tombes à puits, et d’une seule fosse funéraire ancienne. Comme le montre le tableau 16, le corpus funéraire ancien compte 620 objets manufacturés en cinq matières différentes: céramique, pierre taillée, os, pierre polie et coquillages. matière première céramique pierre taillée os pierre polie coquillage

type de pièce vases/ offrandes outils/ offrandes parure parure

nombre d’objets 3

provenance

70

tombe A, B, C, sépulture 86

43 329

tombe B tombe A, B, C

parure total

175 620

tombe A, B

tombe C

Le matériel céramique, en général, semble correspondre aux trois types diagnostiques potentiels identifiés pour la phase Usmajac (Valdez 1998). La définition des types n’a pas encore été établie de façon définitive. Les formes prédominantes, communes aux trois types sont: le plat, le bol hémisphérique et ouvert et la jarre. Ces dernières formes ont souvent un profil composite (figure 14). • Le type 1 (Usmajac rojo) correspond à des pièces monochromes de couleur beige ou rouge dont la surface a été soigneusement polie. La pâte est fine de moins de 0,4 cm d’épaisseur, et tellement compacte que les éléments non plastiques et le dégraissant sont à peine perceptibles. Celui-ci est composé de matériel sablonneux, moulu pour le rendre encore plus fin.

Tableau 16. Caractéristiques générales du mobilier funéraire des phases anciennes. La matière première la plus utilisée est la pierre polie, suivie des coquillages: ils représentent respectivement 53,06 % et 28,22 %. Cela semble normal puisque ces matériaux sont les constituants principaux des parures trouvées, qui, étant donné leur dispersion, ont été comptabilisées par élément et non pas par ensemble.

A ce type appartient le cántaro de la tombe C, un pot à col serré, dont le diamètre de l’ouverture est plus réduit que celui du corps. Effectivement, le diamètre maximum du pot mesure 16 cm, tandis que le diamètre de l’ouverture est de 9 cm. Ce récipient de 18 cm de hauteur, a des parois d’une épaisseur de 0,3 cm. La surface, de couleur rouge marron, fut engobée et ensuite polie, mais ne présente aucun type de décoration.

Quant aux offrandes proprement dites, les vases céramiques sont extrêmement rares, et le matériel le plus utilisé, là encore, est la pierre taillée, notamment l’obsidienne. Celle-ci représente 11,29 % du corpus. Il faut tout de même signaler que nous avons affaire à un échantillon biaisé du fait des pillages et destructions constatés dans trois des structures funéraires. Comme ces trois structures représentent la moitié de l’effectif, nous pouvons supposer que le bilan serait plus équilibré s’il s’agissait de sépultures intactes.

Correspondent également au type 1, 135 minuscules tessons, dont la plupart sont de couleur rouge et rouge foncé. • Le type 2 (Usmajac bayo a caoba o gris) est façonné dans la même pâte fine que le type 1, mais les pièces sont couvertes d’un engobe qui va du beige clair au gris foncé. Leur surface est le plus souvent polie mais il existe des exemples lissés. A ce type céramique appartiennent les deux autres pièces de la tombe C: un cántaro et une écuelle tripode. Le premier est un pot de forme globulaire dont le bon état de conservation permet d’affirmer qu’il ne présentait pas de traces d’utilisation. La pièce mesure

1. Le matériel céramique Le matériel céramique ancien présent dans le site de Caseta est assez rare, ce qui s’explique par plusieurs

52

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ gris/vert translucide, gris moyen translucide et gris fumé (graphique 3).

12 cm de diamètre à l’ouverture, et 18 cm de diamètre maximum pour 17 cm de hauteur. Les parois mesurent 0,3 cm d’épaisseur et la surface a été lissée sur un engobe de couleur marron clair. D’autre part, l’écuelle tripode comporte des supports coniques pleins d’environ 4 cm de hauteur. Ce récipient mesure 17 cm de diamètre pour 15 cm de hauteur totale. La surface de couleur orange foncé, a été lissée. La plupart des tessons récupérés dans la tombe C appartiennent à ce type. Avec 304 cas, le type 2 est le mieux représenté de l’échantillon céramique ancien. • Le type 3 (Usmajac inciso), le moins commun, est aussi monochrome, de couleur brun foncé ou même noir, conséquence d’une cuisson réductrice. En raison de la pâte utilisée, les parois sont épaisses, pouvant aller jusqu’à 1,5 cm. Il s’agit d’une pâte à grains grossiers avec d’abondantes inclusions de tailles diverses. Les pièces présentent une zone de décoration incisée. Ce type céramique n’est pas représenté, à Caseta, par des pièces complètes mais par à peine 85 tessons. • Les figurines. Parmi le matériel céramique récupéré dans la terre de remplissage de la tombe C, nous avons enregistré huit fragments de figurines anthropomorphes pleines de type Tuxcacuesco-Ortices défini par Isabel Kelly (1949: 117-119). Les fragments de la tombe C, façonnés dans une pâte sableuse, ne présentent pas d’engobe et la couleur de surface va du beige au brunrouge. Ils représentent des parties du corps telles que les épaules ou le tronc décorées par des éléments circulaires appliqués.

Graphique 3. Différentes variétés d’obsidienne utilisées dans la manufacture du matériel funéraire de phase Usmajac.

Il s’est révélé que le matériel gris translucide, le plus commun de l’échantillon, est originaire du gisement de Las Navajas à la Primavera, Jalisco. Le matériel noir translucide et gris moyen translucide proviennent du gisement de San Juan de los Arcos, aussi localisé au Jalisco. D’autre part, l’obsidienne de couleurs gris/vert, vert et vert sale correspond au gisement de La Joya, localisé sur la rive orientale du lac de Magdalena. Enfin, les couleurs vert laiteux, et gris/vert transparent ont leur origine dans le gisement de Teuchitlán, près de la ville du même nom. Ces deux derniers gisements se trouvent dans les bassins lacustres de Jalisco et, d’après Weigand (1993: 203), tous deux fournissent une obsidienne de bonne qualité, idéale pour la manufacture de lames prismatiques. Celle de Teuchitlán est désignée comme ‘T’, celle de la Joya comme ‘J’. Finalement, le matériel de couleur gris fumé est originaire du gisement de Zinapécuaro-Ucareo, dans la partie centrale de l’axe néovolcanique, à la limite nord de l’Etat de Michoacán, entre les villages de Zinapécuaro et Ucareo (Cárdenas 1992: 45).

A partir du matériel disponible, nous n’avons donc qu’une vision très partielle de la céramique funéraire des phases anciennes. Cependant, à travers ces rares pièces et tessons, le caractère ancien des structures a été confirmé. Il nous faut étudier les autres types de matériel pour avoir une information globale sur le mobilier qui entourait les défunts.

2. Le matériel en pierre taillée Avec 70 pièces complètes, les offrandes en matériel lithique constituent le mobilier funéraire le plus abondant de la phase Usmajac. Nous avons décidé d’inventorier aussi les éclats et les déchets, puisque leur disposition à l’intérieur de la structure pourrait témoigner d’un geste volontaire de la population inhumante. Le matériel généralement utilisé est l’obsidienne, puisque sur les 70 pièces, seules deux sont en basalte gris. Reveles (1999) a repéré 14 variétés différentes d’obsidienne déterminées en fonction de la couleur, la texture et la transparence. Les analyses d’activation neutronique réalisées sur le matériel ont confirmé l’existence de ces variétés et permis d’identifier leur provenance. Parmi le matériel funéraire de la phase Usmajac neuf variétés sur quatorze ont été enregistrées à Caseta: gris translucide, gris/vert, vert, vert sale, vert laiteux, noir translucide,

D’après le graphique 4, 67% du matériel lithique (obsidienne) de la phase Usmajac provient du gisement de Las Navajas, et 19% de La Joya. Ainsi, 86% des objets en obsidienne ont été façonnés avec du matériel issu de la région centrale du Jalisco, à environ 115 km du site de Caseta. Par contre, avec 13% de pièces, 9% de San Juan de Los Arcos et 4% de Teuchitlán, la région des bassins lacustres du Jalisco est nettement moins représentée.

53

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ b. Les lames

provenance de l'obsidienne La Joya

9%

1%

Avec huit pièces, les lames en obsidienne représentent à peine 11.6% de l’échantillon lithique des phases anciennes. Associées aux tombes A et B (3 et 2 lames respectivement) et à la sépulture 86 (3 lames), ces pièces présentent des caractéristiques diverses. D’abord, dans le type d’outil, puisque trois d’entre elles ne sont pas prismatiques, ensuite par la variété de l’obsidienne, et enfin par leurs dimensions.

19%

Teuchitlan 4%

Las Navajas (Jal.) San J. Arcos Ucareo

Deux des lames non prismatiques sont issues de la tombe A, la dernière de la B. Les trois sont de couleur gris translucide et présentent des traces d’utilisation, mais leurs dimensions sont très variables: la plus volumineuse, complète, atteint 9,1 cm de long pour 3,2 de large, tandis que le fragment d’une autre mesure 3 cm de long pour 3 cm de large (figure 15).

67%

Graphique 4. Répartition proportionnelle des objets en obsidienne d’après les gisements d’origine, dans les tombes à puits. Cette disparité nous semble logique, puisque cette dernière région est un peu plus éloignée du site de Caseta, environ 143 km. Cependant des contacts avec des endroits plus éloignés sont certains, comme le confirme la présence du matériel originaire du gisement de Zinapécuaro-Ucareo qui se trouve à 190 km du bassin de Sayula.

lames (8 pièces)

a. Les pointes de projectile Parmi le matériel lithique de contexte funéraire ancien, les pointes de projectile sont rares, puisque leur nombre n’atteint que trois. Ces pièces se trouvaient dans la tombe A qui a subi un important pillage. Nous ne sommes donc pas en mesure de fournir plus de détails sur leur emplacement et leur association aux défunts.

provena nce

type

couleur

quantité

dimensions

traces utilisation

sep 86 sep 86 tombe A tombe A tombe B tombe B

prismatique prismatique prismatique

vert gris/vert vert

2 1 1

1.7 x 1.2* 1.5 x 1.1 1.9 x 1.7

x x x

non prismatique prismatique

gris transl. gris transl. gris transl.

2

9.1 x 3.2*

x

1

4.5 x 1.2

x

1

3x3

x

non prismatique

* en moyenne Tableau 18. Caractéristiques générales des lames en obsidienne trouvées en contexte funéraire, phase Usmajac.

Les trois pointes sont bifaciales de forme triangulaire à bords convexes, pédoncule en ‘v’ et encoches latérales près de la base; les retouches irrégulières ont été réalisées par pression (figure 15). Les deux pointes en obsidienne gris translucide mesurent entre 4.4 et 4.9 cm de long et 1.2 et 1.6 cm de large. Celle en obsidienne gris/vert est plus grande: 6.9 pour 1.3 cm. Les deux premières présentent des traces d’utilisation, ce qui suggère une fonction utilitaire préalable à leur fonction funéraire.

En ce qui concerne les cinq lames prismatiques, celles associées à la sépulture 86 sont de couleur gris/ vert et vert et leur taille est petite: elles mesurent en moyenne 1,6 cm de long par 1,1 de large. Les pièces associées aux tombes A et B, taillées dans de l’obsidienne verte et gris translucide, sont plus volumineuses avec une longueur moyenne de 3,2 cm pour 1,4 cm de large.

pointe de projectile (3 pièces) prove couleur quantité dimension technique traces nance s utilisation tombe gris 1 4.4 x 1.6 bifaciale x A transl. tombe gris 1 4.9 x 1.2 bifaciale x A transl. tombe gris/vert 1 6.2 x 1.3 bifaciale -A

c. Autres objets Dans cette rubrique, nous avons regroupé des outils comme des racloirs, un objet de fonction inconnue en forme de disque, ainsi que les éclats et les déchets de taille, tous façonnés en obsidienne et de taille unifaciale. Quatre des cinq racloirs sont manufacturés en obsidienne de couleurs diverses (tableau 19), et le cinquième en basalte gris. Ces outils dont on trouve plusieurs exemples dans les tombes A et B sont absents de la C. Ils ont été élaborés à partir d’éclats convexes de dimensions moyennes. Les formes les plus communes sont les semicirculaires et les circulaires dont les bords sont retouchés par pression (Schöndube et al. 2001: 305).

Tableau 17. Caractéristiques générales des pointes de projectile en obsidienne, trouvées en contexte funéraire, phase Usmajac.

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Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ racloirs et disque (6 pièces) provetype couleur dimentechnique nance d’objet sions tombe disque noir diamètre: unifaciale A transl; 4.4 tombe racloir 1 vert 8.4 x 3.8 unifaciale A tombe racloir 2 gris 5.6 x 1.3 unifaciale A transl. tombe racloir 3 vert 4 x 2.1 unifaciale B laiteux tombe racloir 4 vert 4 x 3.5 unifaciale B (4) sale tombe racloir gris 7.9 x 6.6 unifaciale B 5*

Il faut par ailleurs signaler leur présence dans la bouche de trois des individus de la tombe B. Ce geste symbolique, dont la signification nous échappe, témoigne de l’importance conférée à l’obsidienne, à sa couleur, et probablement aussi à ce type d’objet. L’éclat associé à l’individu 1 est de couleur noir translucide et mesure 2,8 cm de long pour 1,9 cm de large. La pièce associé à l’individu 2 est de couleur gris translucide, de forme triangulaire, de 2,2 cm de long pour 1,6 de large. L’individu 3 comptait deux éclats d’obsidienne noire de forme triangulaire. L’individu 4 avait aussi deux éclats d’obsidienne gris translucide, l’un rectangulaire qui mesurait 2,3 cm de long pour 1,2 cm de large et l’autre triangulaire de 3,2 cm de long pour 2 cm de large. Même s’il n’est pas possible d’affirmer une relation entre les éclats et les individus des tombes A et C, l’association notée pour la tombe B, pourrait expliquer la présence de tels éclats dans les autres sépultures. En effet, il est possible d’établir certaines régularités entre le nombre d’éclats d’obsidienne et le nombre de sujets présents dans chaque tombe:

traces utilisation -x x x -x

*basalte Tableau 19. Caractéristiques générales des racloirs et disque en obsidienne, trouvés en contexte funéraire, phase Usmajac.

tombe provenance sép. 86 sép. 86 tombe A tombe A tombe A tombe A tombe A tombe B tombe B tombe B tombe B tombe B tombe C tombe C

éclats (35 pièces) couleur nombre pièces gris vert 1 gris transl. 5 gris transl. 6 vert 2 vert sale 1 vert laiteux 1 noir transl. 1 gris/vert 1 transl. obs. gris transl. 4 obs. gris transl. 6 obs. vert sale 1 obs. gris moyen 3 transl. obs. gris transl. 2 basalte gris 1 matériel obs. obs. obs. obs. obs. obs. obs. obs.

A B C

dimen trace utisions lisation 2.6 x 2 x 2.4 x 2.1 x 2.8 x 1.7* x 2.3 x 1.8* -2 x 1.5 -2.1 x 1.5 x 1.6 x 1.6 -2.3 x 1.8 x 2.7 x 1.5* 2.7 x 1.5* 2.5 x 0.9 2.6 x 0.9*

-x

2.1 x 1.6* 3.6 x 2.9

x x

nombre d’éclats 11 15 2

nombre de sujets 9 16 2

adultes 7 13 2

immature s 2 3 0

Compte tenu de la proximité des valeurs, on pourrait envisager l’existence d’un rituel commun. De plus, l’absence de traces d’utilisation implique qu’il ne saurait s’agir d’outils susceptibles d’avoir appartenu à un défunt et enterrés avec lui, comme nous en avions émis l’hypothèse, à propos du contenu de la tombe A. déchets de taille (18 pièces)

x

* en moyenne; obs: obsidienne Tableau 20. Caractéristiques générales des éclats, trouvés en contexte funéraire, phase Usmajac.

provenance

couleur

nombre de pièces

dimensions

traces utilisation

tombe A tombe A tombe B tombe B tombe B tombe B tombe B

gris translucide vert sale gris translucide noir translucide gris translucide gris translucide gris fumé

1 1 2 1 1 11 1

2.6 x 1.5 2 x 1.4 1.6 x 1.1 1.5 x 1.2 1.2 x 1.1* 1.5 x 1.5* 2.7 x 2.3

x -x -x -x

* en moyenne

Le seul disque présent mesure 4,4 cm de diamètre. Cet objet, taillé dans une obsidienne noire translucide, ne présentait pas de traces d’utilisation.

Tableau 21. Caractéristiques générales des déchets de taille en obsidienne, trouvés en contexte funéraire, phase Usmajac.

L’éclat est l’objet lithique le plus répandu dans les structures funéraires anciennes puisqu’on le trouve dans les trois tombes à puits, mais aussi dans la sépulture 86. Etant donné leur nombre important, les éclats ont été aussi comptabilisés, même s’il ne s’agit pas d’outils ou d’armes proprement dites. Sur 35 pièces, cinq seulement présentaient des traces d’utilisation. Le gris translucide est la variété la plus souvent utilisée, mais on trouve aussi les variétés gris/vert, vert, vert sale, vert laiteux, et noir translucide.

Les 18 déchets de taille enregistrés proviennent des tombes A et B; leur répartition est donc restreinte. Leurs dimensions disparates, ainsi que leurs formes irrégulières, confirment l’idée d’une technique élémentaire de taille (Schöndube et al. 1994: 78). Selon Reveles (communication personnel), à la différence des éclats, liés au débitage, les déchets proviendraient du façonnage des 55

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ tombes à puits, il convenait de ne pas les passer sous silence.

pièces. La plupart de ces déchets proviennent d’une obsidienne gris translucide (15 pièces), les variétés vert sale, noir translucide et gris fumé comptant une seule pièce chacune. Cinq seulement présentent des traces d’utilisation.

3. Le matériel en pierre polie: les attaches d’atlatl.

Dans le contexte funéraire ancien, trois types d’outils seulement sont représentés: les pointes de projectile, les lames, et les racloirs. Si l’on comptabilise les éclats et les déchets qui présentent parfois de traces d’utilisation, on arrive à cinq catégories. Les éclats sont de loin les objets les mieux représentés avec 50% du total. Les déchets correspondent à 25% du matériel, puis les lames et les racloirs à respectivement 11.43% et 8.57%. Enfin les pointes de projectile dont le faible nombre correspond à 4.2%.

Atlatl est le terme nahuatl qui désigne le propulseur mésoaméricain. « Il se caractérise par des attaches latérales, fixées de part et d’autre du manche au moyen d’une ligature et dont la fonction est d’améliorer la préhension. Ces attaches déterminent des anneaux (agarraderas en espagnol, finger loops en anglais) dans lesquels on introduit l’index et le majeur. » (Pereira 1999: 137). Le manche étant généralement en bois, la ligature en tendon de gros mammifère ou en fibres végétales, le seul vestige conservé jusqu’à nos jours est l’anneau, fabriqué en os, en coquille, ou en pierre.

On ne peut pas considérer l’échantillon lithique des phases anciennes comme représentatif, étant donné que sur six structures, quatre ont été pillées. Cela pourrait expliquer le pourcentage réduit des pointes et l’absence de couteaux, broyeurs, manos de metate, pierres à aplanir, et excentriques. L’autre caractéristique importante de l’échantillon est l’uniformité du matériel, constitué presque exclusivement d’objets en obsidienne, et exceptionnellement de basalte. couleur

noire gris opaque gris fumée gris moyen gris transl. gris/vert microbulles gris/vert veinée gris/vert laiteux gris vert vert vert sale vert laiteux rouge opaque marron gris (basalte) total

pointe

lame

racloir

éclat

déchet taille

total

1

1

1

1

3 23

3 -1 3 45 --

1 1 1

1 1 2 2 1

1 6

1 35

1 2

1

3

4

1 3

8

15

1

18

Bien que ces pièces puissent être classées parmi les outils, nous les avons distinguées de la pierre taillée en raison de leur caractère particulier. Les deux attaches trouvées dans la tombe B étaient certainement associées à l’individu 1 puisqu’elles se trouvaient en relation avec les restes du bras. Il s’agit de deux pièces identiques façonnées dans une pierre très dense de type métamorphique, probablement de la serpentine, de couleur vert laiteux. Les pièces en forme de ‘U’ mesurent 3,5 cm de long pour 2,7 cm de large. Une perforation transversale de 3 mm de diamètre dans chacune des extrémités permet l’introduction d’une fine ficelle qui les rattachait au manche (figure 17). D’après Seler (1991: 213), dans les modèles d’atlatl les plus élémentaires ou les plus courants, les anneaux sont remplacés par un simple bâton disposé transversalement, ou par une coquille percée. L’extrême finesse des anneaux trouvés dans la tombe B suggère qu’il s’agit d’objets tout à fait exceptionnels et non utilitaires, plutôt de l’ordre d’une création spéciale pour un contexte funéraire.

-1 3 6 4 2 --2 70

Il serait peut-être nécessaire ici de conclure sur les objets de parure, nombreux, mais qui forment un nombre d’ensembles finalement assez restreint (une dizaine?)

Tableau 22. Rapport entre types de pièces et couleurs du matériel, obsidienne, phase Usmajac. Dans ce tableau, apparaissent les variétés d’obsidienne non représentées sur le site.

4. La parure La parure qui accompagnait les défunts des phases anciennes est exclusivement issue des trois tombes à puits; l’ensemble représente 546 pièces dont la plupart sont complètes. Les perles et les pendentifs sont de loin les mieux représentés: 362 perles (66,3% du total) ont été enregistrées tandis que le nombre de pendentifs est de 184 (33,69% du total). La morphologie des perles est très variée, de la forme simple, tubulaire ou rectangulaire, jusqu’aux représentations zoomorphes de grande précision.

Il convient ici, pour mémoire, de rappeler les deux fragments de metate, associés à l’individu 1 de la tombe B. Brisés tous deux, ils ne sauraient être considérés comme faisant partie du mobilier funéraire. Il s’agirait plutôt d’une réutilisation secondaire, ces fragments ayant peut-être servi à supporter une structure en matériaux périssables sur laquelle reposait le corps. Toutefois, la présence de metates ayant été enregistrée dans d’autres 56

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ D’autre part, le basalte utilisé dans la manufacture d’éléments de parure est un matériel de couleur gris moyen ou foncé, à grain compact qui permet un travail fin. Par contre, l’obsidienne est un matériel rarement utilisé dans la confection de parures et seule la variété noire translucide est présente dans le mobilier funéraire de la phase Usmajac.

Le matériel utilisé dans la manufacture des parures est très varié. On peut d’abord le diviser en objets en pierre polie et en matières animales. Parmi les premiers, qui représentent 60,25% de l’échantillon total, se trouvent les roches andésitiques à grain fin du type basalte, les roches volcaniques telles que l’obsidienne, les roches schisteuses comme l’ardoise et, enfin, les roches métamorphiques de type jade, serpentine, jadéite ou néphrite.

Quant aux restes fauniques, (39,75% de l’échantillon total), les coquillages sont, sans doute, les mieux représentés. En effet, parmi les éléments de parure, on trouve des coquilles marines de la famille des Spondailidae, et des espèces comme le princeps et calcifer. Enfin, les objets en os sont exclusivement des perles tubulaires qui ont été probablement façonnées à partir d’os d’oiseaux.

Etant donnée l’absence de méthodes fiables d’identification visuelle permettant de faire la différence entre les quatre derniers types de matériel mentionnés, il était préférable de les signaler comme ‘roches métamorphiques’ suivi de la couleur. Nous pouvons cependant fournir plus de précisions sur leur apparence. La première variété de roche métamorphique trouvée en contexte funéraire ancien correspond à un matériel de couleur vert « petit pois » uniforme. La surface est vitreuse à grain moyen. La deuxième variété présente une couleur vert clair laiteux, à grain très fin et surface perlée. type de pièce

quantité

perles cylindriques perles tubulaires perles globulaires triangulaires

3

dimension (cm) 1.5 x 0.8*

43

2.3 x 0.5*

21

1 x 1.5*

5

0.5 x 1.1 x 0.3 1.6 x 0.5 x 0.4

perles rectangulaires perles annulaires pendentifs écureuil pendentif discoïdal pendentifs circulaires pendentif oval

295

pendentif triangulaire pendentif rectan-gulaire pendentif tubulaire pendentifs escargots pendentif anthropomophe attaches de atlatl total

1

126 3

3.5 x 0.9

1

6.7 x 0.3

2

2.6* x 0.5

1

3.2* x 2.1* x 0.5 3 x 1.4 x 0.6 6.02 x 0.9 x 0.5 10.4 x0.9*

11 1 36 2

2.2 x 1.6

2

3.5 x 2.7

matériel pierre vert foncé os pierre vert foncé coquille ardoise gris moyen coquille pierre vert clair blanc basalte gris moyen basalte gris foncé ardoise gris moyen coquille coquille escargots de mer obsidienne noire pierre vert laiteux

a. Les perles Un total de 319 perles a été enregistré dans les trois tombes à puits; la plupart d’entre elles proviennent de la tombe B, la seule non pillée qui comptait 302 pièces (figure 16).

provenance tombe A tombe B tombe A, B, C sép. 85

• Perles tubulaires. D’après Pereira (1999: 141) les perles tubulaires ont une forme cylindrique, dont la longueur excède au moins deux fois le diamètre. C’est selon ce critère que nous avons classé dans cette catégorie les 43 perles en os trouvées dans la tombe B. Elles mesurent en moyenne 2,3 cm de longueur pour 0,5 de diamètre et présentent des extrémités ébréchées du fait de leur faible épaisseur. La surface polie est de couleur beige et, d’après leur morphologie, elles semblent avoir été façonnées à partir d’os longs d’un oiseau de taille moyenne tel que la poule d’eau (type rallidae), espèce commune dans le bassin de Sayula en saison des pluies. Quant à l’os utilisé dans la manufacture des perles, nous supposons qu’il s’agit plutôt du radius, puisque seule cette pièce osseuse présente un diamètre correspondant aux dimensions des perles, ainsi que la morphologie cylindrique régulière (sans marques d’attaches musculaires) caractéristique de ce type de perles.

tombe B tombe B tombe A et C sép. 85 tombe A tombe B tombe B tombe A tombe B tombe B tombe C tombe B

Ces pièces accompagnaient les individus 1, 3 et 4 de la tombe B; leur position verticale suggère leur attachement aux vêtements des défunts. • Perles cylindriques. Cet type de perle est le plus rare de l’échantillon; elles ne sont présentes qu’en petite quantité dans la tombe A. On ne peut évidemment pas estimer leur nombre originel, car la structure a été pillée, mais leur absence des tombes B et C, non pillées, semble significative. Il s’agit de trois perles en pierre vert foncé à grain très fin dont la surface a une apparence vitreuse en raison d’un polissage soigneux. D’après les caractéristiques du matériel, il pourrait s’agir d’une roche de type jadéite. Elles mesurent en moyenne 1,5 cm de long pour 0,8 cm de diamètre. Les parois d’une épaisseur d’environ 0,15 cm témoignent d’une parfaite maîtrise de la technique de manufacture.

546

* diamètre Tableau 23. Les caractéristiques générales des éléments de parure des phases anciennes.

57

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ l’image des jupes masculines représentées dans certains codex: « Ce type de pièce d’habillement était réservé aux déités, aux dirigeants ou aux prêtres. Sur des représentations de nobles mayas de l’époque classique, on peut remarquer des jupes constituées de tubes de jade formant un dessin en losange; dans les basses terres mayas à la période postclassique ancienne, on voit des prêtres avec de longues jupes droites et décorées. Des jupes similaires sont représentées dans le codex Borgia du Postclassique Récent... »4 ( Anawalt 1996: 9).

Il est certain que ces trois perles faisaient partie d’une pièce majeure. Mais étant donné que le contexte de provenance a été bouleversé, et qu’on ne dispose ni de la totalité de l’échantillon, ni des informations sur leur emplacement, il est impossible de déduire à quel type de parure elles appartenaient. • Perles globulaires. Les pièces correspondant à cette catégorie sont au nombre de 21. Curieusement, elles se trouvaient équitablement réparties entre les trois tombes, mais dans des conditions différentes. Les sept perles de la tombe A, récupérées par tamisage de la terre qui restait du pillage, auraient pu avoir été négligées par les pilleurs en raison de leur taille. On ne dispose donc pas de l’information nécessaire pour préciser leur fonction. Quatre des perles de la tombe B étaient associées à l’individu 2, la première localisée près de la mandibule, les autres trois autres entre les jambes. Les trois restantes étaient réparties parmi les pièces osseuses de l’amas nordest. Par contre, la situation des perles de la tombe C est tout à fait différente puisqu’elles se trouvaient directement sur le sol de la tombe, enfouies dans les petites fentes produites par l’outil avec lequel on a creusé la structure. Elles ne semblent pas associées à un individu en particulier, mais étant donné le remaniement des restes osseux, il résulte difficile de l’affirmer.

•Perles annulaires. Ces 126 pièces de couleur crème mesurent environ 0,5 cm de diamètre pour 1 ou 2 mm d’épaisseur. Leur forme annulaire a été probablement obtenue par découpages successifs d’une petite coquille marine tubulaire. Etant donné leur emplacement, sous les corps des individus 1, 2 et 3 de la tombe B, elles pouvaient avoir été cousues aux vêtements, ou avoir été dispersées sur le sol de la tombe pour former un espèce de lit sous les corps. •Perles triangulaires. Il s’agit de cinq perles qui mesurent en moyenne 0,5 cm de haut pour 1,1 cm de base et 0,3 cm d’épaisseur. Ces pièces de couleur blanche se trouvaient dans la sépulture 85, au fond de la fosse. Il est, par conséquent, impossible de fournir plus de précisions sur leur rapport spatial avec le défunt.

L’ensemble des 21 perles présente la même morphologie et, en général, les mêmes dimensions. Elles ont été faites dans le même matériel, une pierre de couleur vert foncé, probablement de la jadéite. Il s’agit de perles plutôt discoïdes de 1 cm de hauteur pour 1.5 cm de diamètre à perforation centrale de 3 mm en moyenne.

b. Les pendentifs Les pendentifs trouvés en contexte funéraire Usmajac présentent des morphologies assez diverses, depuis les simples formes géométriques jusqu’aux petites figurines zoomorphes élaborées avec soin et suffisamment détaillées pour reconnaître l’animal représenté.

Il semblerait que ces éléments soient communs aux tombes du bassin de Sayula puisque dans la tombe à puits du site voisin d’El Casco, ont été récupérées deux perles avec les mêmes caractéristiques (Schöndube et al. 1994)

• Les pendentifs circulaires. Ces deux objets, trouvés dans la tombe A, ont été façonnés dans du basalte de couleur gris moyen à grain très compact, ce qui, après un polissage soigneux, produit une surface d’une extrême finesse. De forme discoïde à perforation biconique centrale, ces pendentifs mesurent en moyenne 2,6 cm de diamètre pour 0,5 cm d’épaisseur centrale, qui s’amincit vers le bord par polissage. Le diamètre des perforations atteint à peine 3 mm.

• Perles rectangulaires. Ce type de perle, associé à un seul individu, constituait probablement un seul élément de parure. Ces 295 pièces en ardoise de couleur gris moyen, dont 120 sont des pièces complètes et 174, des fragments, accompagnaient l’individu 1 de la tombe B. Une de ces perles se trouvait à proximité de l’individu 2, mais il est probable qu’il s’agit d’un déplacement fortuit. Les pièces, de forme rectangulaire, présentent une perforation latérale d’à peine 1,5 mm ce diamètre. Leur taille est de 1,6 cm de long et 0,5 cm de large pour 0,4 d’épaisseur en moyenne. La forme exacte est donc celle d’un parallélépipède dont les angles distaux ont été arrondis par polissage tandis que les proximaux sont droits, probablement pour faciliter leur montage. L’ardoise est une pierre schisteuse, qui, du fait de son caractère friable, se prête aisément au façonnage de formes complexes telles que ces perles rectangulaires.

• Un pendentif discoïde a été trouvé au fond de la fosse 85. Etant donnée la rareté des restes osseux qu’elle contenait, on n’est pas en mesure de fournir davantage d’information sur la situation de la pièce par rapport au corps du défunt. Il s’agit d’un disque façonné dans une coquille bivalve de taille importante puisque la pièce mesure 6,7 cm de diamètre pour 0,3 cm d’épaisseur. Une perforation biconique de 0,3 cm de diamètre est visible au centre. La surface de la pièce est couverte de concrétions 4

Les pièces étaient disposées en plusieurs rangées autour du bassin. Lors de la fouille, trois alignements ont été repérés sur l’os coxal. Il est donc probable qu’il s’agit d’une ceinture ou du décor d’une jupe, dont les pièces sont reliées par des fils très fins, autour des hanches, à

« Este tipo de prenda se reservaba a las deidades, gobernantes y sacerdotes. Hay representaciones de nobles del periodo Clásico entre los mayas donde pueden verse faldillas de canutillo de jade engarzadas en un diseño de rombos; en las tierras bajas mayas del periodo Posclásico temprano vemos sacerdotes con faldas largas, rectas y decoradas. Hay faldas parecidas en las pinturas del Codice Borgia del Postclásico Tardío... »

58

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ schématiquement dessinées: on reconnaît la forme, mais les détails sont absents. Taillés dans de l’obsidienne noire translucide, ces pendentifs plats représentent un corps debout, la tête et les membres à peine marqués par des ondulations dans les contours. Ces figurations mesurent en moyenne 2,2 cm de long pour 1,6 cm de large. La tête a été percée au milieu, et l’orifice fait moins de 2 mm.

sauf dans quelques secteurs érodés où l’on distingue la couleur blanche qui ne correspond pas à la couleur originale de surface. • Pendentif ovale. Cette pièce était logée dans l’os palatal de l’individu 2 de la tombe B. Façonnée dans du basalte gris foncé de la même qualité que le pendentif antérieur, cet objet, mal poli, a un aspect grossier. L’ovale mesure 3,2 cm de diamètre maximal pour 2,1 cm de diamètre minimal et 0,5 cm d’épaisseur. Une perforation circulaire biconique se trouve dans l’une des extrémités.

• Les pendentifs en forme d’écureuil. Façonnés en pierre vert clair, ces trois pendentifs représentent des écureuils dans diverses attitudes: allongé sur le ventre, assis, à quatre pattes. Ils mesurent en moyenne 3,5 cm de long (queue incluse) pour 0,9 cm de large. En dépit de leur petite taille, il est surprenant de constater la finesse du travail: à la différence des anthropomorphes schématisés, on distingue très bien le dessin des oreilles, des pattes et de la queue. Les perforations circulaires et biconiques transversales, d’environ 2 mm de diamètre, sont situées dans la queue de l’écureuil ou au point d’union entre la tête et le corps.

• Pendentif triangulaire. Un seul spécimen de ce type a été trouvé dans la tombe B, directement associé à l’individu 2. Il s’agit d’une perle de forme triangulaire taillée dans de l’ardoise et polie. Elle mesure 3 cm de long pour 1,4 cm de large et à peine 0,6 cm d’épaisseur. Une perforation biconique de 2 mm de diamètre se trouve à la base du triangle. Sa position suggère une pièce unique, attachée par un lien périssable au cou du défunt. • Les pendentifs rectangulaires. Onze fragments de ce type de pièce ont été récupérés par tamisage de la terre qui couvrait le sol de la tombe A. Ils mesurent en moyenne 6,02 cm de long pour 0,9 cm de large et 0,5 d’épaisseur. Façonnés à partir d’une coquille bivalve, ces objets à profil recourbé, présentent deux perforations coniques dans leur partie médiane et parfois à l’extrémité. Leur surface actuelle présente une couleur brun foncé, occasionnée par le temps passé dans la terre, mais pour les surfaces épargnées, la couleur originale était crème. Les bords du coquillage étaient de couleur violette (Gómez C., communication personnelle 1999). L’un des pendentifs récupérés présente deux perforations cylindriques de 0,15 cm de diamètre ainsi que des incisions sur la face externe de deux extrémités.

Deux d’entre eux se trouvaient dans la terre qui remplissait partiellement la tombe A; leur petite taille les rendait difficilement repérables dans l’obscurité de la chambre. Le troisième se trouvait directement sur le sol de la tombe C, probablement associé à l’individu 1. Ce genre d’objets est donc caractéristique des tombes du site.

H. Discussion Bien que les données sur les tombes à puits en général, et sur celles du site de Caseta en particulier, soient très disparates, nous allons les synthétiser ici et commenter les informations dont on dispose. Il est d’abord nécessaire de partir des tombes elles-mêmes, afin de repérer leurs caractéristiques communes ainsi que leurs dissemblances. Cela constituera la base d’une discussion sur la place qu’occupent ces structures dans la chronologie des tombes à puits, ainsi que sur leur interprétation.

Etant donné l’absence de contexte archéologique, nous supposons que ces pendentifs faisaient partie d’un collier appartenant à l’un des défunts inhumés dans la tombe, mais on n’est pas en mesure de fournir davantage de précisions. • Pendentif tubulaire. Il s’agit d’une pièce complète associée à l’individu 1 de la tombe B. Façonnée à partir d’une coquille tubulaire de couleur crème, cette pièce mesure 10,4 cm de long pour 0,9 cm de diamètre et présente deux perforations transversales à l’une de ses extrémités. Etant donné qu’elle se trouvait parmi les restes du thorax, sa fonction de pendentif, attaché au cou, semble vraisemblable.

1. Les caractéristiques générales: morphologie et contenu

• Les pendentifs en escargot. Il s’agit de 36 escargots du genre Olivella et probablement de l’espèce alba dont l’apex a été tronqué, mais qui ne présentent pas d’autre marque de travail. Les pièces mesurent en moyenne 0,6 cm de long pour 0,3 de large. Ils se trouvaient dans la tombe B, associés à l’individu 1, mais leur disposition originale a été bouleversée. Il est donc impossible de déterminer le type de parure auquel ils appartenaient.

Du point de vue morphologique, les fosses 85 et 86 correspondent plutôt au type ‘b’ de Weigand (1989: figure 9), structures composées d’une chambre de dimensions réduites dont l’accès est formé par une petite banquette. La fosse 98 est, de son côté, morphologiquement plus proche des tombes désignées par Disselhoff (1932: 531) comme type ‘bouteille’. L’absence ou la rareté de contenu osseux et de mobilier funéraire, ainsi que de structures de condamnation limite toute tentative d’interprétation de ces spécimens.

• Les pendentifs anthropomorphes. L’échantillon de pierre polie compte deux pièces de ce type, trouvées dans la tombe C. Il s’agit de deux figures humaines,

Les trois tombes à puits proprement dites du site sont disposées sur le flanc nord de la colline sur laquelle se trouve le site. Cela correspond avec les observations de 59

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ de leur morphologie épaisse, les grands os des pieds tels que le talus et le calcaneus sont, en général, les mieux conservés. D’autre part, l’action des rongeurs à l’intérieur des trois structures se manifeste de diverses manières: soit par le bouleversement de leur contenu (tombe C), soit par les traces de grignotage laissées sur certaines pièces osseuses (tombes A et B). Dans les deux cas, eau ou rongeurs, le matériel osseux est le plus atteint en raison de sa constitution organique, qui le rend plus sensible à l’action mécanique et chimique. Par contre, l’état de conservation du mobilier funéraire est toujours meilleur.

Long (1966) et Furst (1966) qui ont signalé l’implantation préférentielle des tombes à puits sur des éminences naturelles. Les tombes A et B sont plus proches du sommet et partagent l’espace du cimetière Sud de la phase Amacueca. La tombe C se trouve plus bas et clairement à l’écart de deux cimetières.

tombe A B C

chambre lonlargeur gueur 2,40 1,97 2,50 2,25 2,10 1,85

hauteur 1,06 1,08 1,20*

puits profon diamè hauteur deur** tre marche 2,40 0,80 0,26 2,63 0,90 0,30 0,80 0,80 0,40

En ce qui concerne le contenu des tombes A et B, nous avons repéré certains points communs qu’il convient de discuter. D’abord le nombre minimum d’individus, qui oscille entre neuf (tombe A) et 16 (tombe B), suggère une réutilisation des structures. Etant données leurs dimensions restreintes, les chambres funéraires ne pouvaient pas contenir autant de corps au même temps. Un apport de restes décharnés est certes envisageable, mais en raison de la disposition des restes de la tombe B, la possibilité des plusieurs dépôts funéraires échelonnés dans le temps semble vraisemblable. Le constat de la réutilisation périodique des tombes confirme l’hypothèse de Weigand (1985) sur le caractère exceptionnel de ces structures dont la construction formerait un événement extraordinaire dans l’histoire d’un village.

** profondeur prise à partir de la surface. * cette mesure est hypothétique et calculée à partir de la reconstruction de la possible voûte. Tableau 24. Dimensions des trois tombes à puits trouvées sur le site de Caseta. Avec de menues différences de dimensions, les tombes A et B sont similaires: puits cylindrique de 2.50 m de profondeur en moyenne, qui aboutit à une chambre de plan ovale de 2.45 m de diamètre maximal, et voûte arrondie de 1.05 m de hauteur. Ces structures correspondent aux tombes en forme de botte, dont le puits cylindrique se situe en périphérie de la chambre. Ce type de tombe a été identifié par Long (1966: table 1) comme le type Ia2 de sa classification, et par Disselhoff (1932) comme le modèle C de sa typologie. Par contre, la structure C n’est pas, selon une stricte définition, une véritable tombe à puits puisque ce dernier est absent. Il s’agirait alors d’une version, de dimensions plus importantes, des fosses du type b proposées par Weigand (1989: fig. 7), ou d’une forme intermédiaire entre ces fosses et les véritables tombes à puits. Rappelons aussi que nous avons émis ci-dessus l’hypothèse d’un effondrement partiel lors de son creusement, ce qui pourrait rendre compte de sa morphologie particulière.

Bien que la tombe C ait contenu les restes de deux individus, rien ne permet d’assurer une réutilisation de la structure, dont les dimensions semblent conçues pour abriter un nombre réduit de corps. Il est donc possible que ce type de construction n’ait pas été prévu pour être réutilisé, à moins que l’effondrement accidentel de la voûte ne l’ait rendue inadéquate pour ce genre d’utilisation. Sur un autre plan, la position des corps est habituellement allongée. Même quand la disposition des restes témoigne d’autres modalités, comme dans le cas de l’individu 5 de la tombe B, nous avons constaté qu’il ne s’agissait pas de la position originelle puisque le corps avait été déplacé pour faire place aux nouveaux dépôts. La position allongée semble être la règle dans les tombes à puits fouillées jusqu’à présent.

Quant aux structures de condamnation, le seul cas pour lequel on est certain de leur existence est la tombe B, fermée par une petite dalle placée au somet de l’ouverture du puits; des grandes pierres travaillées, disposées verticalement, bloquaient l’entrée de la chambre. Il est probable que la tombe A (pillée) bénéficiait d’un aménagement similaire, puisque le besoin de protéger les restes funéraires semble évident et que les restes trouvés à l’intérieur gardaient un état solide. Bien qu’un dispositif de ce genre fasse défaut pour la tombe C, il semble que la terre qui remplissait la structure servait à sceller son contenu.

Un autre point commun entre les tombes A et B est la présence de sujets immatures, absents de la tombe C. Par ailleurs la rareté des offrandes céramiques dans les tombes de Caseta contraste fortement avec la richesse d’autres ensembles tels que ceux de Huitzilapa (LópezMestas et al. 1998), et de la vallée d’Atemajac (Galván 1991). Les défunts de la tombe B étaient mieux parés que ceux de la tombe C. Malheureusement, le pillage subi par la tombe A nous a privé des données nécessaires à cette comparaison. Nous pouvons tout de même signaler la présence de perles, de pendentifs et de pointes d’obsidienne dans la terre qui remplissait la chambre funéraire.

Quelles que soient les modalités de fermeture, le contenu des trois tombes a été atteint par l’infiltration d’eau et par les rongeurs. En effet, l’eau de pluie qui s’écoule le long des dalles qui scellent le puits, a stagné sur le sol de la chambre.Les restes humains ont été périodiquement humidifiés, ce qui a pu affaiblir leur structure. En raison 60

Les sépultures anciennes _______________________________________________________________________________________________ L’autre possible explication, qui n’exclut pas la précédente, aux modestes caractéristiques des tombes de Caseta serait leur apparition tardive dans la tradition des tombes à puits. Les quatre échantillons 14C de la phase Usmajac, dont aucun, on l’a dit, ne provient du contexte des tombes à puits, suggèrent que le site de Caseta a été occupé vers la fin du Préclassique Récent, entre 171 av. J. C. et 260 apr. J. C. On ne peut donc pas entièrement retenir ici l’argument chronologique avancé par Weigand (1989: 42, 1998: 41) d’une simplification tardive, puisque l’occupation de Caseta serait contemporaine de celle de Teuchitlán. Dans ces conditions, ce serait plutôt la position marginale qui expliquerait leur simplicité. Rappelons toutefois ici que les récentes fouilles menées à Teuchitlán font état d’une datation plus ancienne de un ou deux siècles pour l’apogée de ce site, ce qui pourrait contribuer à revaloriser l’hypothèse d’un décalage chronologique (Weigand communication personnelle 2001).

Il devient évident que, des trois tombes du site de Caseta, ce sont A et B qui partagent le plus grand nombre de caractéristiques: morphologie, réutilisation de la structure, présence de sujets immatures, richesse relative des parures. La tombe C semble une version modeste des deux autres: morphologie réduite et incomplète, absence de réutilisation de la structure, absence de sujets immatures. Paradoxalement c’est cette dernière qui compte le plus grand nombre d’offrandes, par rapport au nombre d’individus inhumés. Toutefois, on ne saurait négliger l’importance de la valeur relative des objets funéraires: des offrandes céramiques, simples et de production locale, ont probablement moins de signification que des objets de parure fabriqués à partir de matériaux exogènes. 2. Placement spatio-temporel et interprétation Comme on l’a signalé au début de ce chapitre, la notion d’arc des tombes à puits est désormais dépassée: les données récentes ont modifié sa forme, et mis en cause sa validité.Toutefois, le bassin de Sayula se trouve dans la partie centrale de la zone de répartition de ce type de structures, et le site de Caseta à l’extrémité sud-est du bassin. Les tombes à puits de ce site se rattachent donc pleinement à cette tradition, du moins pour ce qui est de leur localisation. Mais elles correspondent, en fait, à ce que Weigand (1998) appelle les tombes submonumentales, composées par une seule chambre et un puits de moins de quatre mètres. Les tombes de Caseta sont en effet modestes par rapport à celles de Teuchitlán, classées comme monumentales, dont la structure présente plusieurs chambres avec un puits de plus de quatre mètres de profondeur.

Quant à leur interprétation socioculturelle, plusieurs questions restent à résoudre. Si, comme il a été proposé, les tombes à puits étaient réservées aux membres les plus éminents des lignages ou à ceux des lignages les plus importants (Weigand 1989), quelle était alors la fonction des structures plus modestes telles que la tombe C ou les fosses? Il est ici nécessaire de rappeler que la tombe C, non pillée il est vrai, s’est révélée plus riche d’offrandes céramiques que les tombes A et B. Cela pourrait contredire, en partie du moins, l’hypothèse d’un statut social plus élevé pour les individus de ces dernières, sauf si l’on tient compte de la valeur plus importante des objets de parure. Dans une autre perspective, quelle catégorie d’individus était inhumée dans les fosses 85, 86 et 98? Enfin, si seule une partie de la population était inhumée dans les tombes à puits, où se trouve le reste de la population? Il est donc possible d’envisager que, pendant la phase Usmajac, la fonction du site de Caseta était celle de cimetière de couches plutôt privilégiées de la population. Le village contemporain, avec les sépultures de gens moins riches, doit se trouver dans un autre secteur du bassin ou dans une région voisine.

Il semble donc que la théorie de Weigand (1989: 42, 1998: 41) qui attribue la morphologie plus simple de certaines structures à leur éloignement du centre de Teuchitlán et à un placement chronologique plus tardif, soit applicable au bassin de Sayula. En effet, les tombes monumentales qui se trouvent dans la région de Teuchitlán sont absentes du bassin où les structures correspondent plutôt à la catégorie sub-monumentale. Par ailleurs, leur maigre mobilier semble en accord avec leurs dimensions plus restreintes.

L’étude comparative des tombes de Caseta avec celles d’autres sites, (cf ci-dessous chapitre VIII), devrait apporter quelques explications à ces multiples interrogations.

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Chapitre IV

LES SEPULTURES RECENTES

et al. 1996), la région de Tamazula, Tuxpan et Zapotlán (Schöndube 1994b), la région d’Autlán-Tuxcacuesco (Kelly 1945, 1949), la rive sud du lac de Chapala avec le site de Tizapán (Meighan et Foote 1968).

Les sépultures récentes du site de Caseta correspondent à la phase Amacueca (1100-1521 après J. C.). Cette série compte au total 92 sépultures qui, à l’exception de quatre, se trouvent regroupées dans deux secteurs du site: le cimetière Nord et le cimetière Sud. Les deux secteurs funéraires occupent un espace de 218 m2, ce qui représente environ 20% de la surface totale fouillée. Avant de présenter la description détaillée de chacun de ces cimetières, ainsi que des sépultures isolées, il est nécessaire d’aborder la problématique des sépultures du Postclassique dans l’Occident du Mexique ainsi que les questions méthodologiques de la fouille. Cela afin de resituer les vestiges funéraires de la phase Amacueca dans leur contexte chronologique et spatial.

Pour ce qui est du Nayarit, la couverture n’est pas actuellement aussi complète que celle du Jalisco. Le nombre de sites du Postclassique comportant du matériel funéraire se réduit à cinq. On note d’ailleurs que la plupart d’entre eux se trouvent dans la région côtière septentrionale: Amapa (Gill 1976), Chalpa et Tecualilla (Gill 1969) à la frontière avec le Sinaloa, dans la région de Marismas Nacionales. L’autre région concernée est celle d’Ixtlán, dans le sud de l’Etat, près de la frontière avec le Jalisco, avec les sites de Santa Catarina et de Villita. Il existe donc une polarisation plus marquée des connaissances funéraires du Postclassique dans le Nayarit; les régions centrale, orientale et la côte pacifique méridionale n’ont pas encore fourni de sépultures de cette époque.

A. La problématique des sépultures du Postclassique dans l’Occident du Mexique 1. Etat des recherches et problèmes méthodologiques

Etat

Les vestiges archéologiques de l’époque postclassique sont en général mieux connus que ceux du Classique et du Préclassique. En effet, de par leur position chronologique relativement récente, ils se trouvent souvent mieux conservés que les restes plus anciens, même si leur localisation, plus près de la surface, les expose aux perturbations. Par ailleurs, le fait de ne pas être recouverts par des occupations préhispaniques postérieures est un facteur favorable, même si on doit parfois tenir compte des occupations coloniales. Cette accessibilité favorise la découverte de matériel archéologique de cette époque, ce qui accroît le volume général des données.

Na ya rit

Ja lis co

Bien que le matériel funéraire du Postclassique bénéficie de cette situation, et que la quantité de données soit donc globalement plus importante que pour les périodes plus anciennes, il subsiste néanmoins plusieurs questions non résolues. Tout d’abord, la distribution inégale des recherches dans la région entraîne une concentration d’études sur certains secteurs, comme la partie centrale du Jalisco, tandis que d’autres, tel que le Colima, restent de nos jours pratiquement inconnus. Cette situation a des répercussions directes sur le corpus des données funéraires disponibles pour le Postclassique dans l’Occident. Les recherches archéologiques menées dans le Jalisco ont fourni un ensemble d’informations qui couvre une partie importante de l’Etat: la côte, avec le site de Barra de Navidad (Long 1966), le bassin de Sayula, avec San Juan (Uruñuela 1997) et Caseta (Acosta

site Amapa

phase/date position Cerritos assis fléchi 900-1150 Chalpa Acaponeta fléchi: assis, 900-1100 dorsal; urne Tecualilla Acaponeta allongé, urne 900-1100 Sta. Catarina Early Ixtlán 1300 allongé Villita Early Ixtlán 1300 allongé B. de Navidad fléchi Navidad 1150-1500 Cd. Guzmán Terla 1100-1521 crânes isolés Caseta Amacueca fléchi: assis, 1100-1500 dorsal Las Piedras (?) 800-1100 allongé Moisés Terla 1200-1520 assis fléchi Sáenz San Juan Amacueca fléchi: assis, 1100-1500 dorsal assis fléchi, Tizapan Cojumatlán 900-1100 Tizapán 1100-1300 Terla Terla 1100-1521 ? allongé, Coralillo région fléchi, urne 800-1100 Autláncrânes isolés Tolimán Tuxcacuesco 1100-1400

sép. 10? 69 49 2 3 6 26 92 4 4 78 9 43 2 7 5

Tableau 25. Synthèse des données funéraires de l’Occident du Mexique (Jalisco, Nayarit, Colima) pour le Postclassique.

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Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ que peu de liens avec les grandes civilisations de l’aire mésoaméricaine, olmèque et de Teotihuacan. Pour cette raison, l’Occident a longtemps été considéré comme zone marginale de la Mésoamérique et sa définition reposait plutôt sur des critères négatifs. L’attention des chercheurs s’est donc plus fréquemment focalisée sur les traits culturels anciens que sur les périodes récentes. En effet, vers 600 après J. C. commencent à se manifester dans les vestiges archéologiques de la région, des traits caractéristiques du centre du Mexique qui rendent l’Occident culturellement plus proche de la Mésoamérique, donc théoriquement mieux compréhensible. D’abord dans la vallée d’Atemajac, où des changements importants se manifestent dans l’architecture monumentale qui évoque désormais celle du centre du Mexique, et par l’introduction d’une céramique différente. C’est la transition entre les phases Tabachines (450-650 apr. J. C.) et El Grillo (650-950 ap. J. C.) (Schöndube et Galván 1978). Dans la région d’Etzatlán les constructions circulaires, caractéristiques de la tradition Teuchitlán, se simplifient, indice d’une décadence. Ce signe évident de changement est visible à partir de 700 après J. C. Et se poursuit jusqu’en 900/1000, ce qui correspond à la phase Teuchitlán II (Weigand 1993).

L’absence de données funéraires pour le Colima au Postclassique apparaît d’autant plus surprenante que les sites de tombes à puits y sont nombreux. Cette disparité trouve, pour l’essentiel, son explication dans la rareté des fouilles programmées dans cet Etat, la majorité des interventions archéologiques s’effectuant dans le cadre de sauvetages. Mais l’hétérogénéité régionale des données funéraires n’est pas le seul problème auquel se trouve confronté le chercheur. En effet, si l’on décompte le nombre précis de sépultures présentes dans chaque série, on constate une grande variabilité. La dernière colonne du tableau 25 fournit, d’après les publications diverses, l’estimation de leur nombre dans chaque site. Il est évident que, en termes de représentativité statistique, on ne peut pas accorder la même importance à un ensemble de sept sépultures qu’à celui de 78. Par ailleurs, le placement chronologique de chaque série ne repose pas forcément sur des datations absolues et, dans certains cas, la rareté des offrandes céramiques, point d’ancrage d’une chronologie relative, rend leur appartenance chronologique incertaine. Nous avons dressé la liste des variables liées à l’état de la recherche dans la région, mais il faut aussi souligner l’existence de variables en rapport avec les techniques d’obtention des données et de leur présentation. On constate effectivement que la simple description de vestiges funéraires varie largement d’un auteur à l’autre. Cela est inévitable en l’absence de règles précises en la matière, mais parfois, l’information reste malheureusement incomplète. Dans certaines publications, la description des sépultures est négligée et des données aussi importants que la position et l’orientation des squelettes font défaut.

Au Colima, l’introduction de caractéristiques TulaMazapa dans la céramique pendant la phase Armería (850/900-1150 après J. C.) prouve l’établissement de liens entre la région et la tradition mésoaméricaine. Néanmoins, l’abondance de ces traits céramiques ne devient évidente que durant la phase Chanal (11501350/1400 après J. C.). Enfin, en ce qui concerne le Nayarit, la culture Aztatlán présente des apports bien identifiés de la culture MixtecaPuebla, et des sites tels qu’Ixtlán et Amapa développent une architecture nettement mésoaméricaine.

La suite logique de la description du matériel funéraire serait l’analyse ostéologique, censée fournir au moins une estimation du nombre minimum d’individus composant la série osseuse, leur âge et leur sexe. L’absence répétée de cette information interdit de disposer d’un aperçu global des pratiques funéraires et, par conséquent, ne permet pas une interprétation intégrale des vestiges. Il en résulte qu’une étude d’ensemble demeure difficile, notamment du fait des limites de l’approche comparative. Ce désintérêt relatif pour le domaine funéraire au Postclassique s’explique en partie par l’intérêt porté en priorité dans l’évolution générale de l’Occident, pour ce qui se rapporte aux périodes plus anciennes.

Ce processus, désigné originalement comme mésoaméricanisation (Schöndube 1982) a été remis en question ultérieurement (Tolstoy 1978, Michelet 1995), à la lumière de nouvelles recherches. En fait, le mécanisme aurait opéré dans les deux sens, puisque plusieurs caractéristiques propres du centre du Mexique pendant l’Epiclassique et le Postclassique trouvent leur origine dans l’Occident. Il est alors plus justifié de concevoir le phénomène comme une intégration mutuelle des deux groupes régionaux à l’intérieur de l’ensemble mésoaméricain. Mésoaméricanisation ou pas, il est certain que les coutumes funéraires expérimentent un changement notable à partir de 600 après J. C. puisque les tombes à puits deviennent progressivement plus simples, pour être graduellement abandonnées au profit des fosses. Dans le cas de la vallée d’Atemajac, les tombes dites de caja prennent leur place. Par ailleurs, le mobilier associé évolue aussi; les figurines creuses et les maquettes disparaissent, tandis que le nombre de vases céramiques, dont le style change, diminue.

2. Problèmes chronologiques et évolution régionale Du fait de l’originalité de l’Occident au cours des périodes anciennes, leur étude a été privilégiée au détriment de celle des périodes plus récentes, considérées comme plus faciles à comprendre. En effet, les vestiges archéologiques des sites anciens de la région ne montrent 63

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ L’abandon des structures funéraires telles que les tombes à puits entraîne un changement dans l’agencement des défunts: la position allongée, généralisée avant 800, se ramasse progressivement, pour acquérir, au Postclassique Récent, la forme d’un paquet funéraire. Entre 800 et 1100, la position allongée est encore courante dans des sites comme Tecualilla et Las Piedras. Dans des régions comme Autlán-Tuxcacuesco, se présentent simultanément les deux positions, allongée et fléchie. Après 1100, on constate une forte tendance à la position fléchie, surtout dans le Jalisco (sites de Caseta, San Juan, Barra de Navidad, Tizapán).

le Jalisco, où l’influence tarasque devrait être plus importante que dans des régions marginales comme le Sinaloa. Dans ce contexte, on peut donc poser les questions suivantes: l’évolution des pratiques funéraires de l’Occident du Mexique au Postclassique traduit-elle véritablement l’introduction d’influences extérieures dues à la mésoaméricanisation? Existe-t-il plutôt une continuité avec les traditions régionales antérieures? ou y a t-il une symbiose de deux phénomènes?

Vers 1200 après J. C. se développe dans le Michoacán la civilisation tarasque qui va progressivement s’étendre: sa présence se manifeste sous diverses formes jusque dans la zone de Jalisco et Colima qui font partie de la ‘zone de ségrégation ethnique’ proposée par Pollard (1994: 210, mapa 7). Leur inclusion, en frontière de l’influence tarasque, accentuerait l’intégration de l’Occident dans l’ensemble mésoaméricain. Ce processus avait commencé auparavant dans le centre nord de Michoacán, puisque « ...les sites datés entre 900-1200, ne présentent pas de traces de changement brutal dans leur organisation; ils poursuivent et amplifient un modèle mésoaméricain déjà établi depuis au moins le début du VIIème siècle. »1 (Michelet 1995: 167).

B. Méthodologie 1. Le terrain La prospection électrique, déjà décrite dans le chapitre II, avait détecté à Caseta la présence de plusieurs anomalies en sous-sol, dont beaucoup correspondaient à des fosses funéraires de taille importante, parfois entourées d’autres de dimensions plus modestes. Lors de la fouille, les sépultures, contenant et contenu, ont été libérées des sédiments. Cela a permis d’effectuer un enregistrement assez précis sur place: pour chaque sépulture, on dispose d’un relevé au 1:10, ainsi que d’une couverture photographique. Les sépultures contenant parfois plusieurs corps, entremêlés ou disposés sur plusieurs couches, l’élaboration de nombreux dessins et la prise de diverses photographies a été nécessaire afin d’identifier les diverses superpositions des segments anatomiques.

Parmi les manifestations funéraires que l’on associe à la civilisation tarasque, on enregistre la présence d’inhumations en urne et de crémations. Elles sont bien documentées au Michoacán pour des périodes antérieures, principalement dans le bassin de Zacapu. D’abord, pour la phase Loma Alta (100 avant J.C.- 550 après J. C.), dans le site du même nom (Arnauld et al. 1993), ensuite pour la phase Jarácuaro (550-600 après J. C.) dans le site de Potrero de Guadalupe (Pereira 1999) et enfin pour le Classique final dans le site El Tejocotal (Puaux 1989). Cependant, on doit souligner des fortes différences internes, selon les périodes, qu’il ne nous appartient pas de discuter ici. Nous nous limiterons à faire remarquer que l’inhumation en urne, qui semble donc une tradition funéraire bien ancrée au Michoacán, n’a touché que partiellement, au Postclassique, les Etats de Jalisco (région d’Autlán-Tuxcacuesco) et de Nayarit (sites de Chalpa et de Tecualilla). Cette pratique se rencontre aussi à plusieurs reprises dans le Sinaloa (sites de Chametla, Culiacán, Guasave et Venadillo). En fait, Chalpa et Tecualilla se trouvent à la frontière entre les deux Etats, ce qui pourrait traduire leur appartenance à une même tradition. Quoi qu’il en soit, ce mode d’inhumation apparaît sporadiquement et tardivement dans ces trois Etats, probablement en relation avec une influence du Michoacán, dans le cadre de l’expansion tarasque. On peut se demander pourquoi cette pratique funéraire demeure peu représentée dans des zones comme

La terre qui entourait chaque sépulture a été tamisée à sec, quand les conditions des sédiments le permettaient, ou à l’eau, quand il s’agissait d’un sédiment humide ou argileux. Lorsque les corps présentaient une disposition anormale: position inattendue, déplacement de pièces, ou absence de segments anatomiques, chaque pièce a été numérotée et reportée sur un dessin à une échelle plus importante, 1:5, afin de permettre le relevé des détails nécessaires à une meilleure compréhension. Cette méthode permet de repérer ensuite en laboratoire les pièces osseuses de chaque individu et ouvre la possibilité d’une étude plus fine, pour apprécier les modes de dépôt: inhumations successives ou simultanées.

2. Le laboratoire Une fois le matériel déposé au laboratoire, nous avons procédé à son nettoyage à sec afin de minimiser les risques d’endommager la structure des os. Ensuite, l’inventaire des pièces osseuses a été dressé. Il indique l’état de chacune: complet (C); cassé (R), pour les os auxquels manquait moins de la moitié de leur volume; ou

1 « ...en el centro-norte de Michoacán los sitios que se fechan de los años 900-1200, no evidencian un cambio brusco en su organización, sino que continúan y amplifican un patrón mesoamericano ya establecido desde por lo menos el inicio del siglo VIII. » (Michelet 1995: 167)

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Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ crânienne, en plus de la taille, nous avons enregistré les marques musculaires, la taille des processus mastoïdes, et l’extension de la partie postérieure du processus zygomatique. La forme générale de la mandibule a été aussi évaluée (El-Najjar et McWilliams 1978: 84-85, Ferembach et al. 1979, Bass 1987: 81-82).

fragmenté (F) quand il restait moins de 50% du volume de la pièce. Cet inventaire a permis de déterminer le nombre minimum d’individus (NMI) qui composent la série Amacueca de Caseta. Chaque sépulture est désignée par un numéro qui correspond à l’ordre de découverte. Il se produisait parfois des découvertes simultanées, pouvant entraîner des erreurs séquentielles dans la numérotation: c’est le cas des numéros 36, 47 et 48 qui n’ont été attribués à aucune sépulture. Il nous est arrivé aussi de comptabiliser deux sépultures séparément, pour nous apercevoir plus tard qu’une partie du matériel avait été entraîné plus loin par la charrue et qu’il s’agissait, en fait, d’un seul enterrement; tel est le cas des sépultures 33 et 34. Ces erreurs, inévitables sur le terrain, ont donc été corrigées grâce à l’étude en laboratoire. Le nombre total de sépultures est affiché à la fin du tableau et prend en compte les erreurs de numérotation mentionnées ci dessus.

Les caractéristiques consignées dans la rubrique de morphologie générale sont la robustesse des pièces y et les dimensions des épiphyses proximales des humérus et des fémurs (Uruñuela 1997: 25). Evidemment, ces différents rubriques n’ont pas la même importance lors de l’identification du sexe: les traits du bassin ont été privilégiés par rapport aux autres. Ainsi, un squelette dont la morphologie du squelette post-crânien est plutôt masculine, tandis que les caractéristiques du bassin le désignent comme féminin, est finalement placé dans cette catégorie. Quant à l’âge, divers segments squelettiques ont été observés afin de vérifier les données par diverses méthodes. Nous avons donc analysé la dentition pour déterminer le stade de croissance d’après la méthode de Ubelaker (1978). On a ensuite pris en compte le degré de maturation des os et la soudure des points d’ossification secondaire (Bass 1987). Ces deux critères font déjà la différence entre les adultes et les immatures et permettent d’estimer l’âge de ces derniers.

Le NMI est d’abord comptabilisé par sépulture; celles-ci sont classées comme individuelles ou multiples. Dans ce dernier cas, le nombre de corps trouvés est affiché entre parenthèses. Le NMI total, constitué par l’addition des NMI de chaque sépulture, se trouve à la fin du tableau. A l’intérieur des sépultures, dans le cas des inhumations multiples, chaque individu est désigné par le numéro de la sépulture suivi d’un point et du numéro de l’individu par ordre d’apparition.

Pour calculer l’âge des squelettes adultes qui comportaient encore la symphyse pubienne, nous avons utilisé la méthode de Bass (1987: 193-195). Ensuite, nous avons appliqué la méthode de Brothwell (1972: 69) qui évalue l’âge à partir de l’usure dentaire. Cela a pallié, pour certains cas, l’absence de symphyse pubienne et, pour d’autres, a servi à ajuster l’information obtenue par l’analyse de ce segment anatomique.

L’identification du sexe des individus, mérite à présent, une discussion plus approfondie. D’après plusieurs auteurs (Genovés 1962, Krogman 1978, Ubelaker 1978, Masset 1987 et Bruzek 1991), le bassin est le segment anatomique idéal pour l’identification du sexe chez les adultes. La méthode conçue par Bruzek (1991) semble la plus précise, mais nécessite des os coxaux complets. La mauvaise conservation du matériel osseux n’a pas permis l’application généralisée de cette méthode. Nous l’avons néanmoins utilisée sur les coxaux bien conservés, comme un moyen de vérification des résultats obtenus par d’autres méthodes: la morphologie du bassin, du crâne et de la mandibule ainsi que la morphologie du squelette post-crânien en général.

Le mode de dépôt est divisé en primaire et secondaire, à partir de l’observation détaillée des restes osseux, qui permet de bien vérifier la présence ou l’absence des connexions labiles. L’état des articulations labiles est décisif pour la détermination du mode de dépôt (Duday et al. 1990). La désagrégation rapide de segments tels que la partie cervicale qui implique la troisième et la septième vertèbre, le carpe, le métacarpe, le métatarse, les phalanges des pieds et des mains, révèle si la décomposition a eu lieu sur place ou ailleurs. En contrepartie, les articulation persistantes qui se conservent plus longtemps après la mort, sont moins significatives lors de la détermination du mode de dépôt. Des articulations telles que l’atlanto-occipitale, celle du genou et de la cheville, et celles qui assemblent des pièces comme les os du bassin et les vertèbres lombaires résistent aux déplacements dont les corps peuvent faire l’objet. Evidemment, lorsque la mauvaise conservation des restes osseux ou l’intervention de facteurs externes (rongeurs, machines agricole, pillage, etc) provoquent la disparition des articulations labiles, seuls les rapports entre la totalité des vestiges peuvent être pris en compte.

Les traits pelviens pris en compte sont: l’ouverture de l’arc sciatique, la présence de la concavité sous-pubienne et de l’arc ventral, ainsi que la morphologie générale (robusticité, marques musculaires, et taille de l’acetabulum) (Krogman 1978: 129, Ubelaker 1978: 4244, Bass 1987: 200-206). Pour reinforcer la fiabilité de nos identifications, nous avons souhaité ne pas utiliser uniquement les informations issues de l’os coxal. Nous avons, par conséquent, pris en compte l’ensemble des méthodes disponibles afin de confronter leurs résultats et de les valider. Nous avons donc observé les caractéristiques morphologiques crâniennes. Pour la face: proéminence des arcades sourcilières, forme du bord des orbites, taille du palais osseux et des pièces dentaires. Pour la voûte 65

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ La détermination des dépôts secondaires, supportée par des démonstrations négatives, demande une observation encore plus aiguë, car l’argument du ‘désordre’ des restes osseux ne suffit pas à assurer du caractère du dépôt. Cette observation permet de décider si l’apparent ‘désordre’ résulte d’une inhumation « en deux ou plusieurs temps pour laquelle le dépôt des restes humains dans la sépulture définitive est précédé par une phase de décharnement (actif ou passif) qui se déroule nécessairement en un autre lieu » (Duday et al. 1990: 43) ou d’un remaniement postérieur des vestiges. Par exemple, le déplacement des ossements à l’intérieur d’un même espace sépulcral (tombe à puits ou fosse, dans le cas de Caseta) est considéré comme une réduction de corps, puisque la même structure a abrité la décomposition. Dans ce cas, on ne peut pas considérer les restes comme un dépôt secondaire en dépit du désordre. Le même type de désordre peut être provoqué par l’apport de quelques pièces osseuses prises dans un dépôt primaire localisé ailleurs, ou de la totalité du corps décharné et désarticulé activement avant de le déposer dans sa sépulture.

comme « dorsal », « latéral droit » ou « latéral gauche » par des raisons d’espace.

La réduction de corps et l’apport d’ossements sont difficiles à distinguer lors de la fouille, puisque l’apparence de tels dépôts est assez semblable. Cependant, certains auteurs (Duday et al. 1990, Pereira 1999) ont discerné des indices permettant de les différencier. D’abord, la représentation très partielle du squelette indique un apport extérieur. Ensuite, l’arrangement des pièces osseuses à l’intérieur de la sépulture fournit des réponses. Les petits os, dans le cas d’une réduction, ont tendance à rester dans l’espace du dépôt primaire; en revanche, les os les plus massifs sont généralement déplacés.

En ce qui concerne les vestiges culturels associés aux sépultures, ils ont été classés en trois catégories différentes: offrandes, parures et objets associés. Sont considérés, dans ce travail, comme offrandes les artefacts déposés de façon intentionnelle par la population inhumante. Les parures sont tous les objets, bijoux ou applications vestimentaires, destinés à embellir la tenue de l’individu. On désigne enfin comme objets associés tous ceux dont la fonction n’est pas clairement définie. Tel est le cas, par exemple, des pointes de flèche qui ont pu être déposées comme offrandes, ou causer la mort de l’individu.

En ce qui concerne le décharnement actif, les traces laissées par les instruments utilisés pour enlever la chair ou des indices de chauffage, dans le cas d’une crémation, peuvent prouver ce type de pratique.

Le rapport sujet-objet est simple à établir lorsqu’il s’agit d’une sépulture individuelle. Dans le cas des sépultures multiples, le lien est parfois difficile, voire impossible, à reconnaître, soit parce que l’offrande est commune a tous les défunts, soit parce que son emplacement est ambigu. Dans les sépultures de la phase Amacueca, nous sommes confrontés à des sépultures individuelles pour lesquelles l’association entre défunt et mobilier est nette, et à des sépultures multiples pour lesquelles cette association n’est pas évidente. Cela est particulièrement vrai dans le cimetière Sud, où les sépultures multiples sont nombreuses, et où le nombre d’individus impliqués atteint jusqu’à neuf squelettes. Pour ces sépultures, une étude minutieuse de leur emplacement nous a parfois permis d’établir des rapports entre le mobilier et le défunt auquel il était destiné.

Dans la plupart des cas, les membres supérieurs avaient disparu sous l’action de la charrue, mais quand ils se trouvaient encore en connexion anatomique, ils étaient croisés sur la poitrine. Pour les corps en décubitus dorsal ou latéral, l’orientation est déterminée par la direction du squelette axial. En ce qui concerne les corps assis, l’orientation est considérée comme la direction vers laquelle le thorax est tourné. L’orientation en degrés a été prise sur le terrain, mais elle est exprimée ici par rapport aux points cardinaux qui fournissent un aperçu des tendances générales, sans prendre en compte les variations mineures qui peuvent confondre. Pour les tableaux, nous avons opté pour une présentation simplifiée des directions: N pour nord; O, pour ouest; SE pour sud-est, etc. Dans le cas où l’orientation n’est pas certaine, la lettre est suivi d’un point d’interrogation; quand l’état des vestiges ne permet pas de la discerner, elle est simplement marquée par un signe d’interrogation.

Malgré le soin apporté aux observations, quelques cas ont été classés comme secondaires avec un signe d’interrogation, par manque de certitude sur ce mode de dépôt. Pour les restes osseux dont la quantité infime ne permettait pas de juger du mode de dépôt, nous avons marqué, tout simplement, un signe d’interrogation. Tous les squelettes de Caseta, à l’exception de la sépulture 66.1, présentaient des positions fléchies très fermées qui correspondraient à ce que Pereira (1999: 45), appelle flexion, les membres inférieurs repliées selon un angle inférieur à 30°, et hyperflexion , selon un angle totalement fermé. Afin d’éviter des répétitions inutiles, nous avons décidé d’omettre le mot ‘fléchi’ pour la description des positions dans les tableaux. Il existe en revanche des variations quant à la position des corps qui peuvent se trouver assis, en décubitus dorsal ou en décubitus latéral droit ou gauche. Ces deux dernières variations sont reportées sur le tableau tout simplement

Finalement, les fosses funéraires du site de Caseta présentent une grande variété de formes: elles peuvent être circulaires, ovales, rectangulaires, ou amorphes; cependant, même pour les formes rectangulaires, les angles sont toujours arrondies. Dans les cas où la forme originale de la fosse a été en partie effacée par l’action de la charrue, elle a été reportée comme ‘indéterminée’.

66

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________

C. Etat de conservation du matériel

causes naturelles animaux variations hydriques sépultures sépultures 18, 54, 65, 80, 84, 91 67, 81, 85, 86, 90, 93

La quantité d’information recueillie sur le terrain dépend, en grande partie, de l’état de conservation du matériel archéologique, qui conditionne aussi son étude en laboratoire et a des conséquences directes sur l’interprétation. Ces importantes implications nous amènent à analyser plus en détail les causes, naturelles ou anthropiques, de la dégradation du matériel funéraire Amacueca. Les causes naturelles correspondent aux altérations physico-chimiques provoquées par le type de sédiment qui recouvre le dépôt (Van Vliet-Lanoë et Cliquet 1989): le degré d’humidité, la température, et leurs variations saisonnières, ainsi que les caractéristiques géochimiques ont une incidence directe sur l’état de conservation de l’os. Mais l’intervention des animaux fouisseurs et rongeurs est aussi considérée comme une cause naturelle qui provoque une altération mécanique du matériel: déplacement et/ou fragmentation. D’autre part, les causes anthropiques produisent aussi des altérations mécaniques: aménagements ultérieurs de la sépulture, ainsi que l’intervention de la charrue ou, plus récemment, de la machine agricole.

9

causes anthropiques recoupement remaniement activités de fosses des restes agricoles sépultures sépultures sépultures 11, 81, 78 14, 16, 18, 7, 13, 17, 33, 34, 26, 58 37, 41, 43-44, 51, 56, 74, 75, 84, 97 3 5 14

Tableau 26. Causes de la dégradation du matériel osseux. D’autre part, l’action anthropique ancienne se manifeste dans le remaniement des vestiges à l’intérieur de cinq sépultures. Dans quatre d’entre elles, on remarque une fragmentation des os en « allumette »; ce type de fragmentation est « ...mis en évidence lors de leur écrasement à sec. » (Van Vliet-Lanoë 1985: 13). Cela pourrait être une conséquence des piétinements provoqués par le remaniement des os après l’inhumation. Le fait que les quatre cas proviennent de sépultures multiples dont la fosse était assez vaste pour y pénétrer, semble étayer cette idée. Il existe une deuxième modalité de l’action anthropique: la perturbation accidentelle. Le recoupement d’une fosse par l’emplacement d’un dépôt postérieur concerne en effet plusieurs exemples.

Le mobilier funéraire est visiblement mieux conservé, puisque la pierre, le métal, les coquillages et la céramique résistent mieux que les os aux contraintes mécaniques et environnementales. Il est possible que des objets en matériau périssable, tel que le bois et le tissu, se soient trouvés aussi sur place, et de rares traces suggèrent leur présence.

Quant aux altérations naturelles nous en avons repéré deux types: les activités des rongeurs et les causes physico-chimiques. Les rongeurs semblent préférer le cimetière Sud peut-être en raison de son emplacement au sommet de la colline où l’érosion est plus importante à cause de la forte pente. Ceci affaiblit la couche humique et facilite l’accès des rongeurs qui profitent aussi de l’absence des structures de condamnation dans les fosses.

Le fait d’avoir placé les offrandes au fond des fosses leur a aussi épargné l’œuvre de la charrue, même si certaines sont pourtant légèrement détériorées. Des égratignures sont visibles sur les bords mais, dans les rares cas où les récipients sont cassés, les tessons sont restés en place. En général, les objets funéraires ne présentent pas de traces de l’action des animaux qui, visiblement, préfèrent les os.

En ce qui concerne les altérations physico-chimiques de l’os, le seul type repéré se manifeste par des fissures profondes et par la dessiccation de la superficie de l’os. D’après Van Vliet-Lanöe et Cliquet (1989: 39) ces traces apparaissent lorsque l’os se trouve dans un milieu à régime hydrique contrasté. Cela semble être le cas des sépultures 80, 84 et 91 du cimetière Nord. Par son emplacement en bas de la pente, ce cimetière se trouve dans un terrain qui, pendant la saison des pluies, n’arrive pas à évacuer l’eau, en raison des caractéristiques d’imperméabilité de la ponce volcanique. Par contre, pendant la saison sèche, la température monte et l’eau s’évapore, ce qui provoque de grandes variations hydriques qui laissent des traces sur l’os. On pourrait s’étonner que ce processus n’ait affecté que ces trois sépultures, cela pourait s’expliquer soit par des phénomènes de conservation différentielle d’un corps à l’autre.

En ce qui concerne le matériel osseux, les dégâts les plus importants proviennent de l’action anthropique moderne. En effet, la charrue a endommagé les sépultures qui se trouvaient, en général, à faible profondeur. Les parties les plus abimées sont principalement le crâne et les genoux puisque la position assise fléchie, généralisée dans le site, expose davantage ces deux segments. Ce même phénomène a provoqué dans plusieurs cas le déplacement des vestiges, ainsi que des altérations dans la morphologie de 15 fosses. L’état de conservation des restes osseux varie d’un cimetière à l’autre; ceux du cimetière Nord étaient en général plus endommagés que ceux du Sud. On aurait pu penser que l’emplacement du cimetière Sud, à mi-pente de la colline, le rendait plus sensible à l’érosion. Néanmoins, au cours du sauvetage, on s’est aperçu que la machine agricole moderne labourait la partie basse de la colline, ce qui a dégradé davantage les sépultures de ce secteur.

67

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ anciennes 85 et 86 se trouvent à peine à 3 m au sud. Ce secteur funéraire constitue la limite nord du site, puisque la fouille s’est prolongée de 5 m vers le nord sans trouver aucun vestige archéologique, à l’exception de quelques tessons qui se raréfiaient.

D. Description 1. Organisation générale du site et des secteurs funéraires

Les fosses sont pratiquement alignées sur une longueur de 24 m, mais l’occupation de l’espace est irrégulière: deux regroupements sont séparés par un espace vide. Ainsi, la partie ouest comprenait les sépultures 71 à 89, et la partie est les sépultures 90 à 97. Malgré cette séparation, nous avons considéré l’ensemble des 25 sépultures comme appartenant au même cimetière en raison des nombreux vestiges osseux dispersés entre les deux. Ces débris pourraient attester l’existence d’autres structures funéraires, détruites par le passage répété des machines agricoles. Leur morphologie similaire ainsi que leur contenu constituent d’autres raisons pour les étudier comme une même série. Par ailleurs, le décapage horizontal des limites est et ouest du cimetière n’a révélé aucun autre vestige funéraire.

Nous allons présenter d’abord la répartition des vestiges funéraires ainsi que leurs caractéristiques générales, afin les mettre en rapport avec les autres restes archéologiques du site de Caseta (figures 18 et 36). Les éléments funéraires de la phase Amacueca sont les plus nombreux: ils consistent en deux aires funéraires majeures, les cimetières Nord et Sud, et quatre sépultures isolées. Les deux cimetières réunis représentent presque 20% de la surface totale fouillée. Ils sont séparés par un espace large d’environ 18 m, occupé principalement par la structure semi-elliptique, trois tombes à puits, des murs en pierre, des puits et un grand nombre de petits trous de poteaux. secteur cimetière Nord cimetière Sud isolées total

surface occupée 82 m2 136 m2 -218 m2

nombre de sépultures 25 63 4 92

Comme on l’a déjà mentionné, les sépultures 85 et 86, qui correspondent à la phase Usmajac, ne font pas partie de ce cimetière. Les informations correspondant aux sépultures du cimetière Nord se trouvent dans le tableau 28; elles sont illustrées par les figures 19 à 35. En raison de leur état avancé de destruction, plusieurs sépultures (72, 74, 75, 77, 82, 84, 92, 94) ne seront pas illustrées: on ne saurait, en effet, rien tirer de leur représentation graphique.

NMI 30 116 6 152

Tableau 27. Caractéristiques générales des ensembles funéraires de la phase Usmajac.

a. Les cas spéciaux Cette distinction spatiale, renforcée par l’importante densité des vestiges dans chaque zone, nous autorise à supposer une différenciation possible dans un autre domaine: chronologique, fonctionnelle ou symbolique. Pour éviter tout risque d’erreur ou de confusion, on a jugé préférable de maintenir, tout au long de l’étude, la séparation entre les deux cimetières, de façon à pouvoir faire apparaître clairement toute différence éventuelle. Si l’étude ne permettait pas de mettre au jour des caractéristiques autres que spatiales entre les deux aires funéraires, il serait toujours possible de réunir les deux ensembles dans la synthèse des pratiques funéraires. Inversement, une étude globale immédiate risquait de gommer leurs caractéristiques distinctives qui se profilent déjà (tableau 27).

Malgré l’uniformité globale des sépultures du cimetière Nord, trois cas méritent une description plus approfondie, puisque leur classification a posé des problèmes tant pour leur mode de dépôt, que pour la position et l’orientation des restes. En effet, de par leur conservation déficiente, ces trois sépultures ne sont pas en mesure de livrer les données nécessaires à leur analyse. La discussion qui suit vise à éclaircir leur situation complexe ainsi qu’à expliquer leur disposition anormale au moment de la fouille. • La sépulture 76 (figure 21). Le premier vestige de la sépulture 76 est apparu à 20 cm de la surface. La fosse, de forme indéterminée, avait une profondeur d’à peine 18 cm. Par conséquent, l’action de la charrue avait arraché les pièces du tronc et du crâne. Les fémurs reposaient sur leur face postérieure: les épiphyses proximales vers le nord-est et les distales vers le sud-ouest; celui de droite se trouvait en connexion avec un fragment d’os coxal droit, le seul préservé, trop petit pour permetre d’en déduir sa position originelle. Des fragments du tibia et du fibula droits, posés sur leur face antérieure, étaient placés sous les fémurs. Il y avait également quelques os du pied droit sur leur face dorsale. Les connexions entre les fémurs et les tibias ne sont pas évidentes puisque ces derniers présentent les épiphyses proximales fragmentées et les patella sont absents.

2. Le cimetière Nord Le cimetière Nord compte 25 sépultures pour une aire d’environ 82 m2 (figure 18). Il occupe la partie basse de la colline qui correspond au secteur nord-est du site. La structure semi-elliptique, déjà décrite dans le chapitre IIB, se trouve à environ 8 m au sud. Deux grands puits de forme conique se localisent aux extrémités sud-est et nord-est du cimetière. D’autre part, les sépultures 68

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ contre le torse. Cela implique que les membres inférieurs se trouvaient en hyperflexion.

Les rares restes encore en place suggèrent que le sujet était en position fléchie. Il est plus difficile de détérminer s’il se rencontrait assis, ou en decubitus dorsal. Le degré de destruction de cette sépulture pourrait s’expliquer par sa faible profondeur qui l’a exposée de façon presque directe au passage de la charrue. Cela aurait entraîné la disparition de la partie supérieure du corps et celle d’éventuelles offrandes et parures, et oblitéré les bords de la fosse qui contenait le défunt. Compte tenu de l’absence du crâne et du thorax, une position assise semble plus probable. Dans l’autre cas, ce seraient les os des membres inférieurs qui auraient disparu.

Il n’existe pas d’offrandes mais, du côté ouest de la fosse, se trouvait une dallette similaire à celle de la sépulture sépulture 77, déjà mentionnée. Elle mesure 9 cm de long pour 7 cm de large. La sépulture 77 étant plus profonde que la 78, il aurait été logique que la première fût la mieux conservée, mais ce n’est pas le cas à cause de l’action des rongeurs. Par contre, la sépulture 78 ne présente pas des traces d’attaques d’animaux, mais elle est incomplète. Il semble possible que la charrue ait arraché les parties du corps qui se trouvaient plus en surface du fait de sa position dorsale fléchie: chevilles, pieds, côtes et probablement tête. Mais pourquoi manquent des segments tels que le bassin qui se trouve pourtant à une profondeur plus importante que les fémurs? Vu la disposition respective des deux sépultures, une explication serait la perturbation partielle de la 78 au moment de la mise en place de la fosse pour la 77. Ce geste aurait enlevé une partie importante du corps de la sépulture 78: os coxal droit, sacrum et un fragment d’os coxal gauche. Il aurait entraîné aussi la destruction du fémur droit et le basculement d’une des deux dalles qui faisaient partie du mobilier funéraire.

• La sépulture 77 (figure 22). Les restes de la sépulture 77 étaient dispersés au fond d’une fosse presque carrée qui mesurait 58 cm de long sur 53 cm de large et 35 cm de profondeur. Les fragments du thorax, du bassin et des extrémités supérieures formaient un amas au centre. Les fragments d’os longs des membres inférieurs sont placés dans le coin nord-est de la fosse. Dans le secteur nordouest, se trouvent quelques fragments de pieds. Ces trois amas qui regroupent des fragment osseux de segments anatomiques contigus suggèrent que, au moins à l’origine, les restes étaient en connexion anatomique. Le mode de dépôt est donc probablement primaire. Un pot en céramique se trouvait dans le coin nord-ouest, et au pied de la paroi il y avait une dalle rectangulaire de 13 cm de long pour 8 cm de large. Outre l’action de la charrue, les rongeurs ont contribué à l’importante fragmentation du matériel osseux comme l’indiquent les traces de dents repérées.

Cela suppose que la sépulture 78 serait plus ancienne que la 77, malgré la profondeur plus importante de cette dernière. La question qui se pose donc est de savoir où ont été déplacés les os coxaux et les autres restes de la sépulture 78? On n’a pas retrouvé ces fragment dans le remplissage, ni aux alentours des sépultures. Par ailleurs, pourquoi une sépulture plus profonde, en l’occurrence la 77, est-elle plus perturbée par les rongeurs qu’une autre à moindre profondeur? Il est vrai que la différence de profondeur entre les deux est d’à peine 5 cm, mais pourquoi les rongeurs ont ils préféré s’attaquer à la sépulture 77 plutôt qu’à la 78?

• La sépulture 78 (figure 22) se trouvait à l’est de la précédente mais, à la différence de celle-ci, les traces de la fosse qui la contenait ne sont pas manifestes. Il s’agit d’un corps incomplet dont la position en décubitus dorsal est attestée par trois vertèbres lombaires (L3, L2 et L1) et trois thoraciques (T12 à T10), qui reposaient sur leurs processus épineux et transversaux, enfoncés dans la terre. D’autre part, les rares fragments de côtes présents se trouvaient en position anatomique, c’est-à-dire de part et d’autre de ces vertèbres.

3. Le cimetière Sud Le cimetière Sud (figure 36), dont l’extension est d’environ 136 m2, se localise à mi-pente de la colline. La structure A se trouve à 8 m au nord et, la structure G à environ 22 m au sud; toutes les deux ont été décrites dans le chapitre II.

Bien qu’on ait déterminé la position de l’individu de la sépulture 78 comme dorsale, il reste à connaître la disposition des membres ainsi que de la tête. Des fragments de pariétaux et de mandibule se situaient du côté droit du corps, mélangés à des côtes. On ne dispose donc pas d’indices valables de la position du crâne. Il est cependant probable qu’il reposait sur l’occipital, ce qui implique une orientation générale du corps vers l’est.

Les 63 sépultures se trouvent circonscrites dans une aire de forme rectangulaire qui mesure 21 m de long pour 6.5 m de large, orientée d’est en ouest (figure 36). La partie est présente la plus forte concentration de sépultures puisque les fosses se recoupent. La limite ouest de ce cimetière est marquée par la présence des traces de trous de poteaux et principalement par la tombe à puits A. Bien que la tombe B marque la limite nord du cimetière, elle en fait presque partie, puisque la sépulture 34 se trouvait placée dans son puits. Une concentration de pierres sur le bord nord-est du cimetière recouvrait partiellement la sépulture 14. On suppose donc qu’elle correspond à une

En ce qui concerne les membres supérieurs, représentés par des fragments de deux humérus, deux radius et un cubitus gauche, leur dispersion du côté gauche des vertèbres empêche de déduire leur position originale. Les extrémités inférieures sont représentés par quelques fragments du fémur droit, le tibia et la fibula du même côté. La tête du fémur se trouvait encore dans la cavité acétabulaire, et l’os reposait sur sa face ventrale, ramené 69

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ envisager deux possibilités pour expliquer la dynamique de constitution de la sépulture:

occupation plus récente que la sépulture. Le bord ouest est aussi marqué par six trous de poteaux d’environ 10 cm de diamètre. Enfin la limite sud a été définie au moyen d’un décapage qui a révélé la totale absence de vestiges funéraires entre ce cimetière et la structure rectangulaire. Les informations correspondant aux sépultures du cimetière Sud se trouvent dans le tableau 29; elles sont illustrées par les figures 37 à 90. En raison de leur état avancé de destruction, plusieurs sépultures (42, 43, 44, 52) ne seront pas illustrées: on ne saurait, en effet, rien tirer de leur représentation graphique.

- Que tous les restes aient été inhumés en même temps: l’individu principal, fraîchement décédé, accompagné de trois squelettes décharnés. Pour chacun d’entre eux, on compte à peine le crâne, les os longs, et de rares pièces des pieds et des mains. Sur quels critères ont été sélectionnées ces pièces? Il est intéressant de constater que, au moins pour les individus trois et quatre, on aurait choisi de garder, en même temps que les os longs et les crânes, de petites pièces telles que les métatarsiens (individu 3) ou les phalanges proximales des pieds (individu 2).

Il faut rappeler ici certaines anomalies dans la numérotation des sépultures. Les numéros 33 et 34 correspondent en fait à une seule sépulture, tandis que les numéros 36, 47 et 48 ont été éliminés en laboratoire.

- Qu’il s’agisse d’une structure à longue utilisation chronologique, c’est-à-dire qu’une fois le premier corps décharné, et réduit de volume, on en a déposé un deuxième dans la fosse et ainsi de suite. Mais, étant donné le caractère partiel des restes, il semble probable que certaines parties des squelettes ont été prélevées. La présence systématique de pièces telles que le crâne, et les os longs, au détriment du bassin ou du thorax, relève alors de l’intentionnalité du geste.

a. Les cas spéciaux Nous allons présenter ci-dessous une description plus détaillée de certaines sépultures qui, en raison de la présence de plusieurs individus et des divers remaniements post-mortem, méritent une analyse plus approfondie. Cette discussion a pour but la reconstitution, dans la mesure du possible, des processus survenus après le creusement de la fosse jusqu’au moment de la fouille. Nous aspirons ainsi à différentier les gestes funéraires des phénomènes taphonomiques, et à les organiser chronologiquement. Cela apportera des éléments pour la compréhension globale des pratiques funéraires du cimetière Sud.

La deuxième proposition semble la plus plausible, en raison de la présence d’os des pieds qui font partie des articulations labiles (Duday et al. 1990: 31) et qui suggèrent un dépôt primaire. Pour cette raison, les individus 6.2, 6.3 et 6.4 ont été reportés comme probablement primaires. D’autre part, la taille réduite de ces pièces les rend difficilement repérables lors des prélèvements intentionnels et, de plus, elle ne libèrent pas un espace considérable. Mais, où se trouvent les pièces prélevées? ont-elles subi une inhumation ultérieure? ou ont-elles simplement été jetées hors de la fosse?

• La sépulture 6 (figure 40) comptait quatre individus sans offrandes ni parures. La fosse, de plan circulaire, se trouvait à peine à 8 cm de la surface et mesurait 68 cm de diamètre et 26 cm de profondeur. Certains os qui sortaient du volume de la fosse ont été plus endommagés que ceux qui se trouvaient à l’intérieur.

• La sépulture 12 (figure 46). La situation de la sépulture 12 est similaire à celle de la 6, à savoir, une accumulation de quatre squelettes dans une structure aux dimensions réduites. En effet, la fosse rectangulaire mesure 65 cm de long pour 55 cm de large, avec une profondeur d’à peine 9 cm. Les individus 1 et 2, dont le mode de dépôt est primaire, se trouvent entremêlés au milieu de la fosse et dépassent largement le volume du contenant. Le numéro 1 reposait sur le dos, orienté vers l’oest, tandis que le numéro 2, en position assise fléchie, était orienté vers le nord-ouest. Les restes partiels des individus 3 (crâne, humérus, cubitus, coxal, patella) et 4 (tibia) étaient dispersés dans la fosse. Aux pieds de l’individu 1 se trouvait une tête de figurine et autour du squelette 2, une bouteille miniature, deux molcajetes et une fusaïole.

Le squelette numéro 1 se trouvait en position assise fléchie, orienté vers le sud-ouest. Le crâne reposait sur le bassin et les vertèbres et les côtes étaient éparpillés de part et d’autre du bassin. Autour du premier squelette étaient déposés des restes fragmentés de trois individus, comptabilisés lors de l’inventaire. Les liaisons de deuxième ordre nous ont renseigné sur la disposition des os des différents individus à l’intérieur de la fosse. On s’est alors aperçu que les os longs des squelettes 2 et 3 furent rassemblés en deux faisceaux respectivement, et rangés à la verticale, près du bord. Par contre, dans le secteur nord-ouest de la fosse, se trouvaient les crânes des individus 2, 3, et 4, dont les pièces osseuses restantes se trouvaient dispersées à l’intérieur de la fosse.

Dans le cas de la sépulture 12, à la différence de la 6, il n’y a pas de rangement précis des pièces osseuses des squelettes partiellement représentés, mais la question reste toujours le processus de formation de la sépulture.

La structure, dont la profondeur atteint à peine 26 cm, ne peut pas contenir quatre corps avec leurs parties molles. Elle n’a pas été conçue pour contenir plusieurs individus fraîchement décédés. Etant donné que la fosse comptait les restes d’au moins quatre corps, on peut donc

Même si l’on a comptabilisé quatre individus à l’intérieur de la fosse, il est évident qu’avec une capacité d’environ 0,3219 m3, celle-ci ne pouvait pas contenir quatre corps avec leurs parties molles. Les possibilités d’explication sont les mêmes que pour la sépulture 6: que tous les 70

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ présentes: os longs des membres supérieurs et inférieurs, et quelques os du pied gauche. Si tel est bien le cas, l’ordre d’introduction dans la tombe pourrait être le suivant: l’individu 3, suivi du numéro 2, pour parvenir au dépôt simultané des individus 1 et 4. Le numéro 1, inhumation primaire, serait alors accompagné par les membres supérieures et les inférieures décharnés de l’individu numéro 4, qui constituerait ainsi un dépôt secondaire. Les restes du 4 auraient été placés les derniers car ils reposent sur l’individu 1, tous deux étant les plus proches de la surface. Il serait nécessaire de disposer de plus d’indices pour étayer cette hypothèse.

restes aient été inhumés en même temps ou qu’il s’agisse d’une structure à utilisation successive. On pourrait émettre des doutes sur la nature du dépôt des individus 3 et 4. Dans le cas du second, l’intentionnalité du geste ne peut être prouvée à partir d’un seul os. En ce qui concerne l’individu 3, la connexion humérus-ulna pourrait traduire un probable dépôt primaire suivi d’une réduction pour faire place aux individus 2 et 1. Dans ce cas, la deuxième possibilité, l’utilisation successive de la fosse semblerait la plus correcte. Comme d’habitude dans ce genre de situation, il reste encore des points non résolus. D’abord, quel est l’ordre d’introduction dans la fosse des individus 1 et 2? quelle est la fonction du seul os de l’individu 4? s’agissait-il d’une sorte d’offrande? les individus 3 et 4 étaient-ils apparentés aux deux premiers? si c’est le cas, quel était le lien de parenté? Où se trouve le reste des pièces osseuses qui composaient leur squelette? Malheureusement, on ne peut que constater le geste, la motivation nous reste, encore une fois, inconnue.

La sépulture 18 était-elle une sorte de caveau de famille? Si les personnages présents n’ont pas de liens de parenté entre eux, sur quels critères furent-ils recrutés? • Sépulture 33-34 (figure 66). Nous avons décidé d’inclure cette sépulture parmi les cas spéciaux, non pas en raison de l’importance ou de la complexité des restes, mais parce qu’elle se trouvait dans le puits de la tombe B (cf chapitre IIID). Les restes de cette inhumation ont été fortement bouleversés: deux concentrations étaient visibles, séparées par presqu’un mètre de distance. Pour cette raison on avait donné à chacune un numéro séparé. La vérification des liaisons de deuxième ordre a permis de constater qu’il s’agissait d’un seul squelette et on les a donc regroupées. La voûte crânienne et des fragments de fémur et de l’ulna droit se trouvaient à l’intérieur du puits de la tombe B, placés sur deux dalles localisées à une profondeur de 71 cm. D’autres fragments, de fémur, des côtes et des vertébres, se trouvaient à environ un mètre au sud-ouest.

• La sépulture 18 (figure 53). Le contour de la fosse n’est pas évident, mais une concentration d’au moins deux squelettes apparaît clairement. Les individus 1 et 2, jeunes adultes, dont la position était assise fléchie, se trouvaient orientés à l’oest et à l’est, respectivement. Ils étaient donc placés en vis à vis avec les jambes entremêlées. Le crâne du numéro 1 a été emporté par le labour, et ses fragments dispersés autour et dans la sépulture. Par contre, le crâne de l’individu 2 était encore complet, mais hors de sa position anatomique, puisqu’il reposait entre les jambes des deux individus.

La disposition particulière de cette sépulture soulève, du fait de sa relation spatiale avec le puits de la tombe B, la question de l’existence d’un lien plus profond. Bien sûr, on peut envisager plusieurs explications. Tout d’abord, il pourrait s’agir d’un phénomène purement accidentel: le creusement d’une fosse au voisinage immédiat du puits aurait facilité l’infiltration de sédiments dans la tombe B, entraînant la formation d’une cavité où certains os auraient peu à peu coulé. Cela expliquerait en partie la dissociation entre les deux concentrations. Une deuxième explication repose sur la découverte accidentelle du puits par la population inhumante, lors du creusement de la fosse. Dans ce cas, les fossoyeurs auraient profité du puits en pensant avoir trouvé une fosse toute faite. Mais alors, pourquoi laisser deux concentrations, au lieu de regrouper tous les os dans le puits? La dernière hypothèse serait que l’emplacement du puits ait été marqué par un repère en surface, et qu’ils aient décidé de le réutiliser. L’existence de ce type de repère est connue, le phénomène est donc envisageable. Mais cela implique alors que la population inhumante de la phase Amacueca ait su la signification de tels repères, et ait donc volontairement choisi de s’inscrire dans une continuité de tradition funéraire. La dispersion des os s’expliquerait alors par l’action des labours. Cette hypothèse peut paraître audacieuse. Il n’en reste pas moins que la proximité du cimetière Sud et des tombes anciennes, d’une part et, d’autre part, le caractère

Derrière le squelette 1, se trouvait un petit amas osseux qui représentait un seul individu, désigné comme le numéro 3; c’est un jeune adulte dont les pièces se trouvaient en déconnexion anatomique. Enfin, deux faisceaux d’os longs des membres supérieurs et inférieurs recouvraient partiellement l’individu 2. Ils appartenaient à un seul individu, jeune adulte, désigné comme numéro 4. L’offrande était constituée par trois écuelles, deux du côté droit du squelette 2, et la troisième à l’ouest du squelette 3. Une pointe en obsidienne se trouvait au fond de la fosse, du côté de l’individu 1. Bien que le type de dépôt et la position des individus 1 et 2 soit claire, ce n’est pas le cas des numéros 3 et 4, que nous tenterons de comprendre. D’abord, le pourcentage important d’os qui représentent l’individu 3, ainsi que la présence de pièces qui font partie des articulations labiles (quelques os de pied et une partie du rachis cervical) suggèrent qu’à l’origine, cette inhumation aurait été un dépôt primaire. Cela implique que l’individu 3 aurait été inhumé avant le 1 et le 2; une fois décharné, ses os auraient été réaménagés pour faire de la place pour d’autres corps. Quant au quatrième individu, il est probable qu’il s’agisse d’un dépôt secondaire, étant donné le type des pièces 71

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ numéro 1. Aux restes du premier individu manquaient des segments importants comme le thorax, mais il comptait quelques pièces de petite taille comme les os des mains et des pieds. De part et d’autre de ce squelette se trouvaient les os du deuxième individu dont les restes présentaient tous les segments anatomiques y compris ceux des mains et de pieds. Cela suggère un dépôt primaire, malgré l’apparente désordre des vestiges.

principalement funéraire des vestiges de Caseta renforcent l’idée d’un lien plus délibéré que circonstanciel. Nous reviendrons plus loin sur cette association, mais en l’état actuel des connaissances, la dernière hypothèse nous semble plus cohérente que les deux premières. • Sépulture 37 (figure 69). Les restes osseux de la sépulture 37 sont placés dans la moitié est d’une fosse de forme ovale orientée d’est en ouest. A l’intérieur se trouvait un crâne, orienté vers l’ouest, qui reposait sur la mandibule et l’occipital en connexion. Plus loin, vers l’ouest, se trouvaient des fragments d’os longs disposés horizontalement. Parmi eux, les restes de deux écuelles faisaient figure d’offrande. La fosse était partiellement définie, puisque le contour de la moitié ouest était imprécis.

Quant à l’offrande, on n’est pas certain de son appartenance à un individu spécifique en raison de son placement. Il s’agit d’une écuelle tripode qui se trouvait à côté de la jambe droite de l’individu 1, entourée par les restes du squelette 2. En outre, une fusaïole se trouvait au fond de la fosse. A l’est de ces deux corps adultes, un petit amas osseux contenait les restes partiels d’un individu immature représenté par des fragments de crâne, quelques vertèbres, des fragments de côtes, l’os coxal, quelques os des membres supérieurs et inférieurs. En revanche, les os des pieds et des mains étaient absents. Ce manque pourrait s’expliquer par une conservation différentielle, mais l’absence de toute connexion anatomique laisse supposer plutôt un dépôt secondaire.

L’inventaire du matériel osseux a révélé la présence de deux individus. Le premier est représenté par le crâne, l’humérus, les fémurs et le tibia droit et gauche, tandis que le deuxième compte à peine deux fragments de fémurs, droit et gauche respectivement. Ces deux dernières pièces n’ont pas été comptabilisées, puisqu’il s’agit en fait de fragments d’os provenant de la sépulture 41, située quelques centimètres plus loin, probablement déplacés par la charrue. En effet, l’un des deux fragments du fémur recollait avec d’autres trouvés dans la sépulture 41, et le deuxième fragment de la sépulture 37 a été apparié avec le précédent par symétrie. Ils ont, par conséquent, été restitués tous deux à leur sépulture d’origine.

La situation de cette sépulture est pour le moins bizarre, surtout en ce qui concerne l’individu 1. Effectivement, l’absence complète du thorax nous fait douter du caractère primaire du dépôt, tandis que la position des jambes le suggèrerait. On sait que la colonne cervicale, ainsi que la jonction spaculo-thoracique et les articulations costo-sternales sont des articulations labiles, c’est-à-dire qu’elles cèdent rapidement. Au contraire, les articulation des hanches, des genoux, des chevilles et du tarse qui constituent des articulations persistantes, étaient toujours en place (Duday et al. 1990: 31). Ce sont précisément les articulations labiles qui manquent chez l’individu 1 (partie supérieure du thorax) et les articulations persistantes qui demeurent en place (bassin, hanches, et genoux). Cela ouvre la possibilité que l’individu 1 était en realité un dépôt secondaire, dont le déplacement aurait eu lieu quand il n’avait pas encore perdu complètement ses tissus mous, mais il est aussi probable que l’on soit confronté à un problème de conservation différentielle. D’abord d’un os par rapport à un autre: dans ce cas, des os longs par rapport aux vertèbres. Ensuite, de conservation différentielle d’un individu à l’autre, puisque le pourcentage de pièces osseuses conservées est plus important pour l’individu 2 que pour le 1. De plus, les restes du squelette 2 comptent plusieurs vertèbres, pièces qui font complètement défaut chez le 1. Dans ces conditions, l’hypothèse d’un dépôt primaire, peut-être suivi d’une réduction, semble la plus probable.

Mais la situation des restes de la sépulture 37 reste à discuter. Etant donné qu’on ne compte qu’une moitié de la structure, il est impossible d’avoir des certitudes sur la totalité de son contenu. Si la position des restes suggère un dépôt secondaire, on se trouve dans l’incapacité d’affirmer qu’il s’agit d’un seul individu; il existe une possibilité que la tête n’appartienne pas au même corps que les os longs. On aurait dans ce cas deux individus au lieu d’un. D’autre part, l’existence d’un dépôt primaire localisé dans l’autre moitié de la fosse est à envisager; les offrandes auraient pu lui appartenir. De plus, les fragments manquants des deux écuelles n’ont pas été retrouvés. Ceci est exceptionnel puisque la majeure partie des offrandes, étant donnée leur profondeur, a été retrouvée intacte, ou avec leurs fragments assez proches les uns des autres pour permettre sans problème leur reconstitution. Les offrandes de la sépulture 37 furentelles brisées lors des labours? ou auraient elles plutôt été cassées avant leur disposition dans la sépulture? • Sépulture 45 (figure 72). De même que la précédente, la fosse de la sépulture 45 se trouvait partiellement définie, puisque seul son contour sud était clairement marqué. Sa forme complète nous reste donc inconnue. Trois individus y étaient représentés: deux adultes, en dépôt primaire et un immature, en dépôt probablement secondaire. Des deux premiers, un seul présentait une position certaine: assise fléchie, orienté vers l’est; il a été désigné comme

Quant au processus de formation de la sépulture, l’individu numéro 2 a été probablement le premier inhumé, mais en qualité de dépôt primaire. L’individu 1 aurait été introduit après, une fois que le 2 avait perdu ses parties molles, comme en témoignent ses os en déconnexion. Pour placer le numéro 1 on a écarté, sans 72

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ ménagement ni arrangement apparent, les os du squelette 2 vers les parties est et ouest de la fosse.

chronologiques ou culturelles, pour lesquels elles se trouvaient à distance des deux ensembles funéraires.

Pour ce qui est de l’individu 3, on est dans l’impossibilité d’évaluer le moment de son entrée dans la sépulture et la nature de sa présence. Quelle était la relation de cet immature avec les adultes? Accompagnait-il l’un des deux? ou bien, correspond-il à une inhumation postérieure ou antérieure?

Nous ne reprendrons donc pas ces quatre sépultures isolées lors de la discussion des pratiques funéraires récentes (chapitre VI), puisque leur nombre réduit ne justifierait pas une comparaison suffisamment pertinente. En revanche, nous en tiendrons évidemment compte dans l’examen des données paléo-anthopologiques et dans le chapitre de synthèse.

• Sépulture 69 (figure 90). Orientée d’est en ouest, la fosse ovale de la sépulture 69 qui mesure 65 cm de long pour 58 cm de large, était accolée à celle de la sépulture 70. Un os coxal droit encore en connexion avec un fémur droit et le sacrum se trouvaient au milieu de la fosse, tandis que les os longs restants formaient un faisceau perpendiculaire. Vers le bord sud de la fosse se trouvait un amas osseux contenant plusieurs vertèbres, des fragments de côtes, l’omoplate et la clavicule droites ainsi que quelques os de pieds. Offrandes et objets de parure étaient absents.

• Sépulture 1 (figure 92). Située à 18.43 m au sud-ouest du cimetière Sud, cette sépulture comptait deux dépôts primaires d’enfants, de 3 ans et 18 mois respectivement, placés dans une fosse ovale. Cette structure funéraire semble avoir profité d’une fente naturelle du terrain pour aménager un espace de 50 cm de long, 36 cm de large et 44 cm de profondeur. A première vue, l’individu 1, d’environ 3 ans, forme un tas compact d’os sur lequel repose le crâne. Malgré un apparent manque de connexion, il semblerait qu’il s’agisse bien d’une inhumation primaire. Sous le crâne se trouvaient quelques côtes, placées sur des fragments de bassin. Cela indiquerait un affaissement vertical du thorax qui a entraîné avec lui le crâne.

Etant donné que la profondeur initiale de la fosse est d’environ 38 cm et que les restes osseux ne dépassaient pas le volume du contenant, il est presque certain qu’ils n’ont pas été touchés par la machine agricole. D’autre part, ni les pièces osseuses, ni la fosse ne comportent de traces de l’attaque des rongeurs. On peut donc considérer que les os gardent la position dans laquelle ils ont été inhumés.

Bien que la colonne vertébrale fasse défaut, cette disposition suggère qu’à l’origine le corps se trouvait en position assise et orienté vers le nord. Les membres inférieurs, qui se trouvaient en hyperflexion devant le crâne, ont basculé contre lui lors du relâchement de l’articulation du genou. Les humérus se trouvaient de part et d’autre de l’amas. Il faut signaler l’absence de vestiges des pieds et des mains.

Le fait de ne trouver qu’une portion du corps en connexion anatomique nous fait douter du caractère primaire du dépôt. Comme il a été signalé auparavant, l’articulations coxo-fémorale, qui se trouvait au milieu de la fosse, compte parmi les articulations persistantes, tandis que les os composant les articulations labiles se trouvaient à côté en petit tas. Cette situation est similaire à celle de l’individu 1 de la sépulture 45, c’est-à-dire qu’il y aurait une forte probabilité qu’il s’agisse d’un dépôt secondaire. Celui-ci aurait été déplacé avant l’affaissement des articulations persistantes, mais après le relâchement des articulations labiles (colonne cervicale, jonction spaculo-thoracique, articulations costosternales). Les pièces des articulations labiles se trouvaient en déconnexion et regroupées, probablement pour faciliter leur transport du lieu de décharnement du corps à la sépulture définitive.

Quant à l’individu 2, sa position originelle était vraisemblablement assise, puisque nous avons constaté l’affaissement vertical du thorax qui formait un tas avec l’os coxal en-dessous et le crâne au-dessus. Orienté vers l’ouest, le corps de cet enfant d’à peine 18 mois, avait les jambes fléchies et les chevilles croisées. Ainsi, les os des jambes, fémurs et fibulas, sont tombés en face du tas osseux formé par le thorax, et sur les métatarsiens, seuls vestiges des pieds. Les bras ne firent pas l’objet d’un arrangement spécial puisque les humérus, seules pièces des membres supérieurs présentes, gisaient de part et d’autre du même tas. Il faut signaler l’absence des mains. Ni offrande ni objet associé n’était présent dans la sépulture. Les restes se trouvaient relativement bien conservés: leur taille réduite a permis leur entassement au fond de la fosse, les préservant ainsi du passage de la charrue. Malgré tout, de petites pièces osseuses telles que les os des pieds et des mains étaient absentes, et seuls les cinq métatarsiens du pied gauche de l’individu 2 se trouvaient encore en place. Cette absence pourrait s’expliquer par une préservation différentielle des pièces osseuses. Si tel n’est pas le cas, la possibilité que ces restes constituent des dépôts secondaires devrait être envisagée.

4. Les sépultures isolées Bien qu’elles se trouvent du côté sud du site, les sépultures 1, 2, 40 et 66 ne peuvent pas être considérées comme faisant partie d’un cimetière en raison de leur éloignement des deux ensembles d’inhumations qui forment cette série (figure 91). Etant donné que leur seul emplacement par rapport aux secteurs funéraires les rend exceptionnelles, nous avons décidé de les présenter toutes les quatre. Cette révision détaillée de leurs caractéristiques pourrait mettre en évidence les raisons, 73

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ thoraciques. Le crâne s’est posé sur sa base tout en gardant sa connexion avec la mandibule. Il est tombé sur les os longs des membres supérieurs qui, à l’exception de l’humérus gauche qui se trouvait en connexion, semblaient être accommodés en faisceaux devant le corps du défunt.

• Sépulture 2 (figure 93). A 26 m au sud-ouest du cimetière Sud se trouvait la sépulture 2, dont les restes osseux ont été placés dans une fente naturelle de la ponce volcanique. A la différence de la fosse précédente, celleci n’a pas été même pas aménagée, comme le suggèrent ses contours et son fond irréguliers. Il s’agit d’une fissure allongée, d’environ 40 cm de profondeur, 1,20 m de long, dont la largeur s’amplifie au milieu où elle atteint 40 cm. C’est dans cette petite cavité que deux individus ont été inhumés, sans offrande ni objet associé.

La bonne conservation des restes osseux pourrait être attribuée à la profondeur de la fosse (41 cm) , qui, par rapport à l’épaisseur des vestiges (27 cm) s’avère suffisante pour le préserver de l’érosion ainsi que du passage de la machine agricole.

Le dépôt primaire, un adolescent, était le seul corps évident; il se trouvait en position dorsale, les jambes repliées sur le tronc. L’orientation au nord-est n’est pas pertinente puisque tout semble indiquer que l’inhumation a suivi les aléas du terrain.

• Sépulture 66 (figure 95). En plus de sa situation à 11m à l’est du cimetière Sud, cette sépulture est exceptionnelle par sa disposition. En effet, il s’agit d’une inhumation individuelle qui contenait les restes osseux d’un enfant d’entre 10 et 12 ans, placé dans une fosse rectangulaire de 1,24 m de long pour 31 cm de large et 24 cm de profondeur. Le corps se trouvait en position dorsale allongée, la tête à l’ouest.

Le crâne ainsi que les pieds et les mains manquent, et seuls quelques fragments du frontal, du palais osseux, et du temporal et de l’os zigomatique gauches restaient encore en place. Malgré l’absence des os des mains, on a pu reconnaître leur position. En effet, les bras croisés sur le thorax semblent indiquer que les mains furent placées de part et d’autre du cou. Ainsi la main gauche était placée sur le côté droit et la main droite sur le gauche; l’avant bras droit se trouvait sur le gauche. Le fait de ne pas trouver de restes des pieds ou des mains qui constituent les articulations labiles nous fait douter du caractère primaire du dépôt.

D’après les rares fragments des membres supérieurs, il semblerait que le bras droit était allongé suivant l’axe du corps. Le crâne, posé sur l’occipital, était très fragmenté du côté frontal et pariétal droit. Cette fragmentation pourrait être mise sur le compte du volume de la pièce qui la place plus près de la superficie et par conséquent l’expose davantage à l’action de la charrue. Cette circonstance pourrait aussi expliquer l’absence du bassin, qui dans la position dorsale allongé, se trouve plus proche de la surface.

Le deuxième individu était représenté par une mandibule, les humérus, les radius, les fémurs et quelques fragments de fibula et de l’ulna gauche, placés en croix sur le thorax du premier. Il s’agit donc d’un dépôt secondaire et partiel, probablement d’une femme, jeune adulte.

Le membre supérieur gauche, représenté par un fragment proximal d’humérus en connexion, était placé sur le thorax, et sur les côtes en désordre. Bien que l’humérus droit se trouve le long du corps, l’ulna du même côté était placée sur le thorax. Il est donc probable que les avantbras étaient croisés sur la poitrine.

Les restes osseux de cette sépulture sont mieux conservés que la moyenne du site. Un autre détail à signaler est le fait que la terre qui remplissait la fosse ne contenait aucun vestige archéologique. Elle donnait l’impression d’avoir été nettoyée avant de la placer sur les corps.

Une fois encore nous avons constaté l’absence des os des pieds et des mains, ainsi que d’offrande et d’objet associé.

• Sépulture 40 (figure 94). Localisée à 3 m à l’ouest du cimetière Sud, la sépulture 40 était constituée d’un squelette à l’intérieur d’une fosse ovale d’à peine 40 cm de diamètre majeur, 30 cm de diamètre mineur et 41 cm de profondeur. Aucune offrande ni objet n’accompagnait les restes osseux.

A travers les descriptions présentées ci-dessus, certaines caractéristiques des sépultures isolées, partagées avec l’ensemble des sépultures récentes, sont devenues évidentes. Tel est le cas d’abord de la forme des fosses qui, à l’exception de celle de la sépulture 66, correspondent à celles trouvées dans les cimetières Nord et Sud. Mais il existe aussi des similitudes dans la disposition des corps: l’individu 2.1 avec les bras croisés sur la poitrine; la position assise des individus 1.1, 1.2 et 40.1; l’orientation vers l’ouest de 1.1 et 40.1; et enfin, la présence partielle du dépôt secondaire 2.2 mêlé à celui de 2.1. Malheureusement l’appartenance chronologique de ces quatre inhumations ne peut pas être confirmée par le matériel culturel associé, faute d’offrande et même de parure.

Le corps d’un enfant entre 6 et 7 ans, en dépôt primaire, était orienté vers le sud-ouest, et se trouvait en position assise avec les jambes fléchies. Ces dernières sont tombées du côté gauche du corps, une fois les tissus mous disparus. Malgré l’absence des os des pieds, résultant de la conservation différentielle, il semblerait, d’après la position des jambes, que ceux-ci étaient posés sur le sol de la fosse. Le thorax, presque complet, a basculé vers l’avant, et se trouvait séparé de la colonne à partir de la septième vertèbre thoracique. Ce mouvement a entraîné le crâne vers l’avant, sans pour autant se séparer du rachis cervical qui est resté en connexion, ainsi que les sept premières

Il semble pourtant que les sépultures 1, 2 et 40 correspondent chronologiquement avec celles des cimetières Nord et Sud. Demeure alors le problème de 74

Les séputures récentes _______________________________________________________________________________________________ inhumation particulière? Une dernière hypothèse pourrait correspondre à son caractère étranger à la communauté.

leur mise à l’écart de ces deux zones funéraires. La seule réponse envisageable serait que leur âge les désignait à une telle localisation. En effet, quatre des cinq défunts qui composent cet échantillon étaient des immatures qui ont fait l’objet de dépôts primaires. L’exception est l’individu 2.2, jeune adulte en dépôt secondaire. Etant donnée la faible quantité de squelettes immatures présents dans les deux cimetières, le fait de retouver dans leur périphérie quatre individus appartenant à cette classe d’âge résulte pour le moins étonnant, mais compense, partiellement, le manque relatif de cette classe d’âge. Par ailleurs, ils ont été inhumés suivant le même modèle funéraire que dans les cimetières. Cela suggère qu’une partie au moins des immatures qui manquent dans les deux zones funéraires se trouvent en réalité dans la périphérie et que nous avons, dans ces trois sépultures, des squelettes représentant la même population que celle des cimetières. Toutefois, l’existence de trois sépultures seulement ne suffit pas à combler le déficit d’immatures constaté dans le site.

Comme on l’a signalé, l’absence d’objet associé au défunt ne désignerait pas un personnage important dans la société. Le statut différent précédemment évoqué serait alors plutôt celui d’un défavorisé. Mais cet argument ne suffit pas à justifier l’existence d’une seule sépulture avec de telles caractéristiques: un statut social inférieur ne saurait s’appliquer à un sujet unique dans une communauté. Une autre possibilité serait qu’il s’agisse d’un être spécial du point de vue médical, en raison d’une malformation ou d’une maladie qui le rendrait visiblement différent du reste de la population. Cela justifierait de le distinguer même dans la mort. Nous verrons dans le chapitre VI si les données paléoanthropologiques supportent cette hypothèse. Nous ne pouvons pour l’instant que la signaler. Une autre interprétation ne saurait cependant être écartée. En effet, ce même type de sépulture existe sur le site de San Juan de Atoyac, dans le Bassin de Sayula. Dans la zone funéraire nommée Area 1 (Acosta 1994, 1996a), qui, chronologiquement correspond aussi à la phase Amacueca, se trouvaient 31 sépultures présentant les mêmes caractéristiques que la 66. A San Juan, ces sépultures furent interprétées comme des inhumations transitionnelles entre la fin de la phase Amacueca et le début de l’époque coloniale (Acosta y Uruñuela 1997: 188; Uruñuela 1997: 75). Plus tardives sur ce dernier site que les sépultures de l’Area 3, de la même phase Amacueca, qui ressemblent à celles des cimetières de Caseta, elles sont à San Juan, plus fortement représentées. Par comparaison, on peut proposer une datation tardive pour la sépulture 66 de Caseta, même en l’absence de mobilier associé. D’autre part, le caractère ici isolé de cette sépulture, qui contraste avec la forte représentativité de l’Area 1 du site de San Juan pourrait suggèrer une intrusion depuis une autre communauté, ou plus simplement une inhumation tardive.

La position allongée du 66.1 et la forme rectangulaire aux angles droits de la fosse suggèrent que cette sépulture ne correspond peut-être pas à la même tranche chonologique que les autres. Par ailleurs, le rapport entre l’âge, le type de dépôt et la disposition du corps sont des caractéristiques qui distinguent cette sépulture du reste des sépultures récentes. En effet, le sujet avait entre 10 et 12 ans; or dans les cimetières les restes de cet âge se trouvent, le plus souvent, comme dépôts secondaires, dans des sépultures multiples. Seule une sépulture du cimetière Nord présente ces particularités: la 71 contenait un enfant du même âge que 66.1, qui a fait l’objet d’un dépôt primaire dans une sépulture individuelle. Mais il logeait dans une fosse ovale en position assise. Les autres exemples qui pourraient être similaires à celui du 66.1 sont les 74.1, 44.1 et 29.5. Le premier se trouvait aussi dans le cimetière Nord; il s’agit d’un enfant d’environ 8 ans, seul corps dans une fosse circulaire, mais dont le type de dépôt reste inconnu à cause du désordre dans lequel se trouvaient les restes au moment de la fouille. Les 44.1 et 29.5, tous les deux du cimetière Sud, sont des individus d’âge similaire aux précédents. Le premier se trouvait dans une sépulture individuelle, mais le mode de dépôt n’a pas été identifié. Le deuxième, qui a fait l’objet d’un dépôt primaire, se trouvait accompagné d’au moins quatre autres individus. D’après les observations exposées ci-dessus, il est évident que la situation du 66.1 est exceptionnelle et, pourtant, cet enfant ne semble pas un personnage spécial ou haut placé, puique il ne possède ni offrande ni parure. Pourquoi est-il inhumé séparément des autres, à la périphérie du cimetière Sud? S’agit-il d’un enterrement chronologiquement distinct? Sa situation à l’écart des autres suggère-t-elle un statut différent de celui des défunts inhumés dans les cimetières? Etait-il atteint d’une maladie ou d’une autre affection susceptible de le différencier des autres et, par conséquent, de mériter une 75

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Chapitre V

LE MOBILIER FUNERAIRE

Dans le domaine funéraire, le mobilier a toujours été largement plus étudié que le matériel osseux en raison de sa meilleure conservation. Même si notre étude vise plutôt un objectif inverse, nous souhaitons aborder ce thème en premier, d’abord pour les mêmes raisons de bonne conservation, mais également pour pouvoir ensuite nous consacrer pleinement à l’étude des pratiques funéraires et du matériel osseux.

A. Les offrandes 1. Le matériel céramique Etant donné la diversité du matériel céramique, nous avons classé les objets d’après leur fonction, en récipients, fusaïoles et autres objets.

Parmi le mobilier funéraire de la phase Amacueca, on distingue deux catégories fonctionnelles: les offrandes et les parures. Les premières, qui ont pour fonction d’accompagner le défunt dans l’au-delà, sont composées par des récipients, des armes et/ou des outils de travail. Les vases procurent une information précieuse sur les types céramiques; les armes et les outils peuvent fournir des indices sur le métier ou les activités exercées par le défunt de son vivant. Les offrandes sont, en général, placées sur le sol de la fosse. Cette position les a le plus souvent préservées de l’action des machines agricoles. Les parures, telles que colliers, bracelets, bagues, boucles d’oreille, et labrets, sont destinées à embellir le défunt. Par ailleurs, les perles, les clochettes, les plumes, les plaques en métal, et les coquillages sont parfois utilisés pour orner les vêtements. Du fait de leur plus grande fragilité, de leur association avec des matériaux périssables (fils, tissus...) et de leur proximité du corps, elles sont souvent moins bien conservées.

a. Les vases. Les offrandes les plus abondantes dans les sépultures récentes sont les vases en céramique, dont le nombre s’élève à 69 spécimens. Sur les 152 individus que comptait la série osseuse de la phase Amacueca, 46 seulement étaient accompagnés de récipients. Si l’on comptabilise par sépultures, sur un total de 92, 38 comportaient ce genre d’objet. Cela signifie que moins de la moitié des sépultures ainsi que moins d’un tiers des individus compte un récipient céramique.

Dans tous les cas, ces deux types d’objets, offrandes et parures, fournissent une information précieuse sur la culture matérielle du groupe étudié. Mais il faut tout de même distinguer, parmi les objets qui accompagnent le défunt, ceux qui sont d’utilisation quotidienne de ceux réservés à une utilisation exclusivement funéraire. Leur étude permet de disposer d’un aperçu plus précis des pratiques funéraires. Nous aborderons cette question cidessous, après avoir décrit et identifié les caractéristiques techniques de chacune des catégories d’objets. Afin d’organiser l’étude, nous avons établi une première division fonctionnelle des objets. Comme on l’a mentionné, on distingue d’abord les offrandes des parures. Pour les premières, nous aborderons l’étude en croisant l’approche par type de matériel avec leur possible fonction: les vases, les outils, les armes, etc. Pour les parures, nous distinguerons les bijoux des ornements.

Graphique 5. Répartition générale des récipients funéraires de la phase Amacueca par type et groupe céramique d’appartenance.

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Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ Le groupe I, Monochromes

Le matériel céramique trouve aisément sa place dans la typologie de la céramique de la phase Amacueca établie par Susana Ramírez (1996). Cette étude divise la céramique récente en neuf types et quatre groupes caractérisés par des attributs communs tels que la pâte, les formes, les techniques de décoration et les traitements de surface. Ces groupes apparaissent dans un laps de temps donné (en l’occurrence la phase Amacueca) et sont le reflet de l’organisation des populations qui les ont façonnés (Ramírez 1996: 112).

Ce groupe réunit les types 1, 2, 3 et 4, dont les vases comptent parmi les séries céramiques les mieux représentées puisque avec 40 récipients, elles correspondent à 57.97% de l’échantillon total. Comme son nom l’indique, la céramique est monochrome de couleur beige, rouge, et ‘enfumé’ (ahumado in Ramírez 1996: 112). Le traitement de surface va du simple lissage au polissage régulier. On note dans ce groupe l’importance des décors plastiques.

Dans son étude, Ramírez (1996) identifie trois catégories de pâtes désignées comme A, B et C qui recoupent pratiquement tous les types. Par conséquent, et afin d’identifier des groupes céramiques cohérents, elle tient plutôt compte d’attributs comme la forme, la finition de surface ou le décor. L’identification des formes débouche parfois sur des identifications fonctionnelles, comme dans le cas des molcajetes (type 1 et 7) et des tapaderas (type 1). La provenance essentiellement funéraire de nombreuses formes, voire de types complets (type 4 et 7), constitue dans la typologie un biais inévitable. D’autre part, l’absence provisoire d’analyse de pâte en lames minces ne lui permet pas de déterminer de véritables classes (wares). Les neuf types identifiés se répartissent donc en quatre groupes selon les critères utilisés. Il convient de signaler ici que le groupe IV (type 8 et 9) est uniquement défini sur la base des céramiques utilitaires destinées à l’exploitation des salines (Liot 2000). Aucun exemplaire de ce groupe n’ayant été trouvé en contexte funéraire, il ne sera pas nécessaire d’y revenir ci-dessous. Nous renvoyons le lecteur sur ce point aux travaux de Liot (2000) et de Ramírez (1996).

Type 1

I Type 2 Type 3 Type 4

II Type 5 Type 6

III Type 7

IV Type 8 Type 9

• Le type 1 du groupe Monochrome est le plus complexe et le mieux représenté (figures 96 et 97). Avec 26 exemplaires, soit 21 dans le cimetière Sud et 5 dans le Nord, il constitue, sans surprise, l’échantillon le plus abondant. Toutefois les formes enregistrées parmi les offrandes se limitent à quatre sur les onze identifiées: on doit noter d’emblée l’absence de bases, de tapaderas, de bouteilles de type cantimploras, ou d’écuelles simples. Certaines formes ne sont représentées que par des récipients isolés: les jarres à col et bords courbesdivergents (individu 70.1), les molcajetes tripodes (deux exemplaires associés à l’individu 30.1), les petites bouteilles à fond plat (individu 26.4), et les petites jarres à bords divergents (individu 68.2). -La jarre à col et bords courbes-divergents se caractérise par un bord direct, droit ou peu divergent dont la lèvre est arrondie. De couleur noire, par enfumage, elle présente une surface lissée. On note l’absence de décor. Selon Ramírez, ce type de jarre mesure 8 à 15 cm de hauteur pour un diamètre de 9 à 12 cm. -Les molcajetes tripodes à supports pleins sont des récipients de forme hémisphérique1, à parois divergentes d’une épaisseur moyenne de 8 mm. Leur diamètre varie de 12 à 18 cm et les bords sont droits. Les lignes incisées droites, brisées, ondulantes ou pointillées, n’apparaissent que sur le fond du récipient inscrites dans un cercle incisé. Il n’y a aucun signe d’usage. Certains molcajetes comportent un bourrelet mésial et un exemplaire porte des impressions de spatule. L’intérieur est toujours poli, l’extérieur peut être poli ou simplement lissé. Selon Ramírez (communication personnelle), cette forme des molcajetes est exclusivement funéraire.

Cimetière Sud Cimetière Nord individus: 5.1, 12.2, individus: 82.1, 93.1, 16.2, 18.2, 18.2, 18.2, 95.1, 96.1, 96.1, 22.1, 26.4, 26.5, 28.1, 30.1, 30.1, 37.1, 37.1, 42.1, 57.1, 62.1, 67.1, 68.1, 68.2, 70.1 individus: 20.1, 24.1 non représenté non représenté en contexte funéraire individus: 10.1, 11.1, individus: 83.1, 89.1, 11.1, 12.2, 16.3, 26.6, 96.1 27.1, 35.1, 42.1, 54.2, 56.1 non représenté individu: 77.1 individu: 16.3 non représenté individus: 10.1, 11.1, 12.2, 14.2, 16.1, 16.2, 16.2, 16.4, 26.5, 29.1, non représenté 32.3, 45.1, 45.1, 52.1, 54.1, 54.2, 56.1, 57.1, 58.1, 60.1, 61.1, 62.1, 68.1, 70.1 non représenté en contexte funéraire non représenté en contexte funéraire

-La petite bouteille à fond plat: cette forme, d’une hauteur de 12.5 cm et d’un diamètre maximal de 8 cm, se caractérise par des bords droits légèrement divergents, un col haut et un bord éversé. Elle comporte des anses au sommet de la panse et des applications de boutons. De couleur noircie, l’extérieur est poli et l’intérieur lissé. -Les petites jarres à bords divergents: la forme est définie sur des pièces de taille diverses, grandes, moyennes, et petites; à cette forme se rattache l’exemplaire qui 1 Bien qu’il soit plus approprié de parler de récipients « en calotte de sphère », nous avons conservé dans le texte le terme hémisphérique, utilisé par Ramírez, afin de ne pas entrer en contradiction avec sa classification.

Tableau 31. Répartition des groupes et types céramiques des offrandes funéraires de la phase Amacueca. 83

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ moyenne, avec des diamètres qui vont de 10 à 16 cm (24.1: 12 cm) ou grande de 17 à 22 cm. La décoration est surtout plastique (incision, impression, appliqué), mais seul le récipient 24.1 comporte des applications de bouton. La finition de surface va du simple polissage au lustrage très soigneux qui donne un toucher cireux.

accompagne l’individu 68.2. Ses dimensions, 10 cm de diamètre pour 10 cm de hauteur, correspondent aux définitions de Ramírez (1996: 95). De fond plat, ses parois sont sphériques avec un bourrelet médian appliqué et incisé. Le col est droit et les bords éversés avec, pour notre exemplaire, une lèvre arrondie. L’épaisseur des parois varie de 6 à 12 mm. De couleur beige, l’extérieur est poli et l’intérieur lissé. Le type appartient de façon générale au contexte domestique, sauf peut-être dans sa modalité de petite taille.

Le type 2, représenté ici par deux récipients uniquement, se rencontre également en contexte domestique sous ces deux formes (figure 98a). Sans pouvoir affirmer un placement chronologique déterminé, Ramírez propose son rattachement à la phase Amacueca Récent, en fonction de l’aspect moteado2 et de la finition de surface.

Tous les autres récipients (21 pièces) correspondent à des écuelles hémisphériques tripodes à parois verticales ou divergentes d’une épaisseur moyenne de 7.5 mm. De formes diverses (cylindriques, angulaires, et coniques), les supports sont en général pleins. Le bord peut être droit, divergent ou convergent, et la lèvre aplatie ou arrondie. Leur taille est moyenne, avec des diamètres qui vont de 10 à 16cm, ou grande de 17 à 22 cm. Bien que Ramírez indique une assez grande diversité de couleur pour ce type, le rouge pouvant aller jusqu’au noir par enfumage domine largement pour les récipients funéraires de Caseta. Deux seulement présentent une couleur beige: la jarre miniature de l’individu 68.2 et l’écuelle tripode de l’individu 82.1. La finition de surface va du lissage au polissage. La décoration est surtout plastique: incision, impression, appliqué. Pour les récipients funéraires on enregistre principalement des impressions de spatule, des applications de boutons, et dans un cas (individu 93.1) des impressions de roseau.

• Le type 4 du groupe monochrome est représenté, dans notre matériel, par 14 récipients, soit 11 dans le cimetière Sud et 3 dans le Nord (tableau 31). Il se compose uniquement de vases miniatures parmi lesquels on identifie six formes (figure 98c à 98g). Des écuelles hémisphériques à fond plat ou arrondi (individu 26.6); des bouteilles de silhouette composite à fond plat qui comportent deux anses et un bouton appliqué (individu 11.1); des jarres à col et bords divergents qui peuvent comporter ou non deux anses et des applications de boutons (individus 42.1, 56.1, 10.1, 83.1, 89.1); des jarres à col haut (individu 16.3); des bouteilles à col haut et bords divergents (11.1, 27.1, 35.1, 54.2, 96.1) et des bouteilles de type cantimplora avec anses. Elles peuvent ou non comporter des supports pleins de forme conique, et un bouton appliqué au dessus de la base (individu 12.2).

On l’a vu ci-dessus, ce type est le plus représenté dans la classification céramique. La diversité des couleurs, des modes décoratifs et des finitions de surface ainsi que le nombre de formes démontre que le type 1 obéit à une répartition qui dépasse le seul contexte funéraire. Il s’agit, de toute évidence, d’un type plutôt domestique. Dans le contexte funéraire du site de Caseta, seul un nombre restreint de formes est représenté avec une préférence pour les écuelles tripodes.

La couleur est beige, parfois noircie par enfumage. La décoration est principalement plastique (incision, impression, appliqué), pour huit des récipients funéraires, avec la présence d’anse et de boutons. Des décors incisés (lignes ou motifs) ont été enregistrés sur la jarre de l’individu 16.3 et sur la bouteille de l’individu 96.1. Des impressions de roseau ont été identifiés sur l’écuelle de l’individu 26.6. La finition de surface se caractérise surtout par un polissage externe et un lissage interne, qui peut donner une apparence rugueuse. La taille de ces récipients oscille entre 6 et 12 cm de hauteur, le cas extrême étant l’écuelle de l’individu 26.6 qui n’atteint que 2 cm.

Le type 1 couvre toute la phase Amacueca; il n’est donc pas possible de mettre en évidence des distinctions chronologiques. • Le type 2 du groupe monochrome n’est représenté que par deux récipients (individus 20.1 et 24.1). Ce type comprend, selon Ramírez (1996: 113, tabla 1), deux formes, des écuelles hémisphériques simples ou tripodes, de couleur moteado: il s’agit de rouge, beige ou orange avec des veines noires. Il n’a pas été possible de déterminer s’il s’agit ou non d’un engobe, ni la technique utilisée pour obtenir cet effet.

Même si les récipients miniatures peuvent exister dans d’autres types céramiques (V, VII), le type 4 se compose exclusivement de ce genre de vases, dont toutes les formes sont représentées dans les sépultures récentes du site. La coïncidence de nos pièces avec la définition fournie par Ramírez (1996: 100) permet de conclure que ce type est presque exclusivement funéraire. Il n’est toutefois pas possible de déterminer leur placement chronologique à l’intérieur de la phase Amacueca.

Les deux récipients appartiennent à la forme écuelle tripode (figure 98a): il s’agit de pièces hémisphériques de parois verticales ou divergentes d’une épaisseur moyenne de 7.5 mm. Elles comptent trois pieds pleins ou creux de formes diverses: géométriques, anthropomorphes ou zoomorphes. Le bord peut être droit, divergent ou convergent, et la lèvre aplatie ou arrondie. Leur taille est

2

84

Il s’agit de rouge, beige ou orange avec des veines noires.

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ morphologie du récipient ne correspond pas à la forme décrite par Ramirez. Dans ces conditions, l’attribution de ce récipient au type reste sujette à caution, et seule l’obtention d’un échantillonnage plus représentatif pourrait permettre de confirmer ou d’infirmer son rattachement. Il serait également possible d’envisager l’existence de formes appartenant au type, mais à usage exclusivement funéraire. Rappelons ici la présence, parmi les offrandes, d’un nombre élevé d’écuelles tripodes, en particulier en ce qui concerne le type 1, qui est pourtant principalement domestique.

Le groupe II. Dichromes Ce groupe n’est représenté que par les types 5 et 6. Il se caractérise par la présence de peinture beige sur rouge (type 6) ou blanc sur rouge (type 5). La diversité des formes est moins importante que pour les types monochromes avec seulement une ou deux par type. On note parfois la présence de décors plastiques et les finissions de surface sont très variées. • Le type 5 du groupe Dichromes (figure 98b). Un seul vase de ce type a été enregistré dans le contexte funéraire du site (individu 77.1). Il s’agit d’une jarre de couleur rouge, à fond plat, col droit, bords divergents et lèvres arrondies. L’intérieur du col est renforcé dans la partie qui l’unit avec le corps, mais l’épaisseur est de 6 mm. La décoration consiste en une bande blanche peinte près du bord, et un ensemble de lignes et de volutes sur la panse et le col. La surface extérieure a été polie, tandis que l’intérieur a été à peine régularisé. Ce récipient mesure environ 18 cm de hauteur et 10 cm de diamètre.

Dans l’état des connaissances sur la céramique de la phase Amacueca, le type 6 ne peut être classé dans aucune des subdivisions chronologiques de la phase.

Le groupe III. Polychromes Ce groupe correspond au seul type 7 de contexte principalement funéraire, représenté par un nombre important de récipients.

Le type 5 a été classé par Ramírez comme d’utilisation exclusivement funéraire puisqu’aucun tesson et encore moins de pièce complète n’a été repéré dans le matériel domestique. Ce type est similaire au Tuxpan Blancosobre-rojo de la phase Terla dans la zone de Tamazula, Tuxpan et Zapotlán, que plusieurs chercheurs (Kelly 1945: 200, Lister 1955: 27) considèrent comme un type récent, et lié à l’expansion tarasque vers le Jalisco. Ainsi nous pouvons estimer que, chronologiquement, le type 5 pourrait correspondre à l’aspect récent de la phase Amacueca. Toutefois Ramírez semble considérer qu’il se rattacherait plutôt à la phase Amacueca ancienne, sans donner plus de précisions. En l’absence d’arguments, il nous semble plus pertinent de suivre les propositions de Kelly et de Lister.

• Le type 7 du groupe Polychrome est, après le groupe I des Monochromes, l’un des mieux représentés dans le matériel funéraire de Caseta avec 25 pièces, qui proviennent toutes du cimetière Sud. Le type 7 comprend cinq formes, toutes enregistrées parmi le matériel funéraire. -La jarre composite est constituée de deux récipients sphériques unis, ce qui donne à la silhouette sa forme complexe à fond plat (figure 108d). Le col, plutôt droit, est renforcé à son angle d’inflexion et le bord est divergent. La lèvre est généralement arrondie. Le diamètre varie de 6 à 9 cm et la hauteur de 10 à 12. La couleur de surface est beige et/ou rouge avec des décorations peintes en lignes horizontales délimitant des frises à l’intérieur desquelles sont représentés des motifs peints. Les couleurs utilisées sont le blanc, le rouge, l’orange, le jaune et parfois le noir. Les motifs présents dans les frises peuvent être des lignes, des cercles concentriques, des mains, des ‘X’, parmi les plus courants. L’extérieur est très soigneusement poli, et l’intérieur simplement lissé. Cette forme n’a été rencontrée qu’en contexte funéraire.

• Le type 6 du groupe Dichromes est représenté par une seule pièce dans le contexte funéraire (individu 16.3) du site. D’après l’identification du type par Ramírez, la forme est surtout celle de vases asymétriques avec anse (proche de celle de vases sabot, mais ouverte). Récipients de grande taille, la longueur enregistrée oscille entre 20 et 30 cm, tandis que la hauteur va de 6 à 15 cm. Leur forme est irrégulière avec un fond concave et des parois convergentes dont l’épaisseur varie de 8 à 13 mm. La lèvre peut être arrondie ou plate tandis que l’anse est toujours pleine, de section circulaire et d’un diamètre de 3 cm en moyenne. La couleur est beige. La finition de surface peut être lissé à l’extérieur, tandis qu’à l’intérieur le polissage peut atteindre différents degrés de finesse. La décoration peut être plastique, (en bouton) ou peinte (bande rouge sur le bord). D’après la forme des récipients, ce type serait essentiellement domestique.

-La jarre à col haut est aussi un récipient miniature de panse sphérique et fond arrondi (individus 16.1, 12.2). La finition de surface est polie à l’extérieur et lissée à l’intérieur. La couleur de surface est beige mais très érodée: seules des traces de peinture polychrome en bande horizontale ont permis l’inclusion de ce récipient dans le type. Cette forme se retrouve surtout en contexte funéraire. Les autres formes correspondent à des bouteilles miniatures type cantimplora (individu 10.1) à des molcajetes tripodes (individus 11.1, 14.2, 54.1, 54.2, 58.1, 61.1, 68.1, 70.1) et à des écuelles tripodes

Toutefois l’écuelle tripode associée à l’individu 16.3 correspond par sa décoration aux critères d’identification du type (figure 99). En effet, le décor dichrome rouge sur beige constitue l’attribut caractéristique, même si la 85

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ proposition est étayée par les datations 14C qui oscillent entre 1100 et 1300 de notre ère (Acosta 1996).

(individus 12.2, 16.2 16.4, 26.5, 29.1, 32.3, 45.1 52.1, 56.1, 57.1, 60.1). -La bouteille miniature de type cantimplora avec anses est pourvue d’un bouton appliqué au dessus de la base. La couleur est beige, avec un décor polychrome en bandes sur le col et le haut de la panse. La finition de surface va du poli très soigné à l’extérieur au rugueux à l’intérieur. La taille de ce récipient est de 8 cm et son diamètre d’environ 6 cm. La forme n’est identifiée qu’en contexte funéraire.

b. Les fusaïoles Lors des fouilles, 19 fusaïoles ont été trouvées en contexte funéraire (figures 109 et 110), dont une seule dans le cimetière Nord; elles accompagnaient un total de 14 individus, dont 7 femmes, 3 hommes et 4 indéterminés. Sur les 152 individus qui composent la série osseuse de la phase Amacueca, seuls 9 % avaient ce genre d’outils associé. Dans certains cas, le nombre de fusaïoles par individu était de deux (individus 20.1, 26.4, 31.1) et parfois de trois (individu 28.1).

-Les molcajetes tripodes sont des récipients de forme hémisphérique, à parois divergentes d’une épaisseur moyenne de 8 mm et bords droits (figure 100d, 103, 104, 105, 106, 107d, 108c). De taille généralement petite, leur diamètre varie de 12 à 18 cm. Les lignes incisées droites, brisées, ondulantes ou pointillées, n’apparaissent que sur le fond du récipient inscrites dans un cercle incisé. Il y a aucun signe d’usage. Certains molcajetes comportent un bourrelet mésial. Les supports sont généralement pleins, coniques mais il peuvent avoir également la forme d’almenas (individu 54.2) ou être creux à grelot (individu 70.1). L’intérieur est toujours poli, l’extérieur peut être poli ou simplement lissé. La couleur est principalement beige pour les pièces de Caseta, même si Ramírez signale qu’elle peut également être rouge ou noircie par enfumage. Le décor polychrome se présente en bandes horizontales sur le bord de la panse et se compose de lignes et de motifs. Cette forme est exclusivement funéraire.

Leur taille varie entre 1 et 2 cm de haut, pour 1 à 3 cm de diamètre. Sept formes ont été repérées, qui, d’une manière générale, correspondent à la classification établie par Ramírez (1996) pour la totalité des fusaïoles récupérées sur le site. Avec six cas, la forme biconique est la plus commune, suivie de la forme cylindrique. Ensuite se trouve la forme sphérique avec trois cas, puis la bicylindrique avec deux cas. Les trois formes restantes comptent un seul exemplaire: forme de vase, pyramidale, lenticulaire. Les fusaïoles associées aux individus 21.1 et 53.1 méritent une mention spéciale étant donnée leur morphologie. La première, en forme de vase, représente une bouteille à col divergent, faite en pâte beige claire, dont la surface a été lissée. Elle ne comporte aucune décoration. La fusaïole qui accompagne l’individu 53.1 est de forme pyramidale, aussi de couleur beige claire à surface lissée. D’après Ramírez cette morphologie a été repérée dans la zone de Tula et dans des sites mexicas.

-Les écuelles hémisphériques tripodes à parois verticales ou divergentes ont des parois d’une épaisseur moyenne de 7.5 mm (figure 100a, b, c; 101, 102, 107a, b, c; 108a, b). De formes diverses, cylindriques, angulaires, et coniques, les supports sont en général pleins. Toutefois, on enregistre la présence de supports en almena3 (individu 24.1, figure 107a), de supports à grelot (individu 45.1) et d’autres anthropomorphes (individus 45.1, 57.1 et 32.3) ou mammiformes (individus 16.2). Le bord peut être droit, divergent ou convergent, et la lèvre aplatie ou arrondie. Leur taille est moyenne, avec des diamètres qui vont de 10 à 16 cm, ou grande de 17 à 22 cm. Les couleurs dominantes sont le beige, le rouge, ou le noir par enfumage, avec un décor polychrome de bandes horizontales, le plus souvent localisé sur le bord ou le haut de la panse. La finition de surface va du lissage au polissage surtout à l’intérieur des récipients pour cette dernière technique.

En général, la couleur de surface peut être enfumée ou beige. La première est la plus courante, avec 11 cas. Les deux couleurs ont une variante claire et une foncée. Quant à la finition de surface, la plupart des fusaïoles qui forment l’échantillon funéraire sont polies, et seules trois d’entre elles ont une surface lissée. La plupart sont décorées, à l’exception de quatre. Les motifs couvrent presque la totalité de la surface de l’outil, sauf pour les exemplaires 12.2, 20.1, et 45.1 dont la base et le sommet ne présentent pas de décoration. Bien que la décoration soit en général incisée, les motifs ainsi que la technique varient beaucoup. Les incisions peuvent être très fines ou larges et profondes. Dans le premier cas, leur finesse implique l’utilisation d’un poinçon aiguisé du type épine ou arête de poisson. Les incisions larges semblent produites par un outil émoussé comme un bâton. Les deux modalités peuvent contenir dans les sillons des restes de pigment blanc qui se trouve parfois aussi sur la surface. Ces pièces semblent avoir été immergées dans de la peinture; la surface aurait ensuite été frottée, pour ne garder ainsi la couleur blanche que dans les incisions afin de rehausser les motifs.

Bien que cette forme soit fortement représentée en contexte funéraire, Ramírez signale également sa présence en contexte domestique. Comme on l’a vu, à l’exception de la dernière forme, le type 7 se trouve principalement en contexte funéraire. Sur le plan chronologique, Ramírez le rapproche du type Autlán Polychrome défini par Kelly (1945) et propose un placement en phase Amacueca ancienne. Cette 3 ce type de support rappelle la forme des merlons (almenas en espagnol) de Teotihuacan, de là son nom.

86

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________

no.

forme

12.2 * 16.2 *

cylindrique (fig. 110i) cylindrique (fig. 109c)

20.1 20.1

21.1 26.3

fusaïoles ø* couleur

haut . 1.1

surface

décoration

1.3

enfumée

polie

incision fine

1.2

1.5

enfumée

polie

1.2

1.5

enfumée

polie

incision fine, pigment blanc --

biconique (fig. 110e) cylindrique (fig. 110g)

1.3

1.4

enfumée

polie

vase (fig. 109h) biconique (fig. 110 e) sphérique (fig. 110c) bicylindriqu e (fig. 110b) sphérique (fig. 109b) sphérique (fig. 109g)

1.9

1.4

beige

lisée

incision fine, pigment blanc --

1.2

1.3

beige

lissée

incision large

1.4

1.5

enfumée

polie

incision fine

1.6

1.4

beige 1

polie

incision fine

1.1

1.8

enfumée

polie

--

1.6

1.5

enfumée

polie

lenticulaire (fig. 110a) biconique (fig. 110e) cylindrique (fig. 110f)

1.1

1.7

enfumée

polie

1.2

1.2

beige

polie

incision fine, pigment blanc impression de roseau --

1.5

1.4

enfumée

polie

42.1 *

cylindrique (fig. 110h)

1.1

1.3

enfumée

polie

45.1 *

cylindrique (fig. 109e)

1.3

1.4

enfumée

polie

53.1

pyramidale (fig. 109d) biconique (fig. 109f)

1.6

0.5

beige

lisée

2

3

beige1

polie

68.1

cylindrique (fig. 109a)

1.5

1.4

beige

polie

81.1 * 19

biconique (fig. 110d) total

1.7

2.1

beige

polie

26.4 * 26.4 * 28.1 * 28.1 * 28.1 * 31.1 31.1

64.1

1

* diamètre, **individu associé

angulaires. D’autres comportent des incisions sur l’arête, ce qui leur donne en plan la forme d’une fleur. Enfin, dans le cas de la fusaïole cylindrique, deux cannelures horizontales délimitent un motif en frise de lignes ondulées: forme et motif se retrouvent plus fréquemment parmi les dessins angulaires. En effet, plusieurs fusaïoles cylindriques présentent sur leur panse des motifs de chevrons en frise, encadrés par deux cannelures, supérieure et inférieure.

décoration non forme décorée biconique 31.1 forme de vase 21.1 pyramidale 53.1 sphérique 28.1 lenticulaire cylindrique bi-cylindrique 20.1

Fusaïoles incisée 26.3, 81.1

26.4 28.1 12.2, 16.2, 42.1 26.4

incision pigmentée 68.1, 31.1,64.1

28.1 42.1, 20.1

Les chiffres dans les cellules correspondent aux individus accompagnés de ce genre d’objet. Tableau 33. Forme et décoration des fusaïoles de contexte funéraire.

incision fine, pigment blanc incision large pigment blanc incision fine, pigment blanc --

Parmi les motifs angulaires, on enregistre également l’utilisation de pointillé et de quadrillage. Enfin, quelques fusaïoles présentent sur leur sommet un motif en croix formé de trois ou quatre lignes incisées. Ce motif rappelle celui des croix dessinées par les cercles concentriques. Dans quelques cas ces motifs peuvent être combinés: points et lignes, impression de roseau et cercles concentriques. De façon générale, on constate le caractère mutuellement exclusif des motifs courbes et angulaires. On note, par ailleurs, une certaine correspondance entre motifs et types d’incision: les fusaïoles à incision fine présentent des motifs angulaires, tandis que pour celles à incision large les motifs sont plutôt arrondis.

incisée, pigment blanc incision large, pigment blanc incision large

c. Autres objets 1

Foncé

Outre les vases et les fusaïoles, nous avons enregistré d’autres types d’offrandes en céramique. Etant donné leur diversité, tant morphologique que fonctionnelle, elles ont été classées comme ‘autres objets’.

Tableau 32. Caractéristiques générales des fusaïoles associées aux restes osseux de la phase Amacueca dans le site de Caseta.

• Tessons façonnés. Accompagnant l’individu 68.2 se trouvaient cinq tessons circulaires empilés. Les deux derniers étaient fragmentés par la pression exercée par les autres. Ces objets qui mesuraient en moyenne 30 cm de diamètre et 1.5 cm d’épaisseur étaient probablement façonnés à partir des grandes jarres dont le fond concave a été détaché. Les bords des tessons ont été sommairement travaillés afin de parfaire leur forme circulaire et d’effacer les aspérités les plus grossières. La surface extérieure polie présentait un engobe beige foncé et des traces d’enfumage qui suggèrent leur utilisation

Les motifs sont dans la totalité des cas géométriques. Il peut s’agir de motifs en impression de roseau mais, plus fréquemment, d’incisions courbes ou angulaires. Parmi les motifs arrondis, on enregistre des lignes ondulées ou incurvées, des arcs de cercle concentriques alternés, en particulier sur les fusaïoles biconiques. Dans ce dernier cas, chaque face porte une croix avec un cercle central, un motif que l’on retrouve également parmi les 87

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ attachée à une pièce majeure. L’objet mesure 2.3 cm de large pour 4.5 cm de long et 0.8 cm d’épaisseur. De couleur beige, la surface a été polie après avoir été couverte d’engobe.

antérieure. La surface intérieure était régularisée avec une espèce de brosse qui a laissé des groupes de lignes régulières entrecroisées. Par leurs caractéristiques générales, ces cinq tessons monochromes et non décorés, pourraient être assimilés aux jarres à bords divergents du type 1, même si aucune des pièces répertoriées n’atteint de telles dimensions.

Ces deux têtes de figurines pourraient en fait, correspondre à ce que Ramírez (1996: 108) appelle des ‘fausses anses’, c’est-à-dire des appliqués de forme conique ou des plaquettes rectangulaires qui s’adossent aux bords ou aux panses des récipients. Elles sont parfois peintes en blanc pour souligner les traits, mais curieusement les anses ne le sont pas.

• Sifflets. Parmi les offrandes de l’individu 12.2 se trouvait un sifflet représentant un chien couché, le museau légèrement levé et avec de longues oreilles pointues (figure 111c). Les pattes avant sont suggérées par des applications. La pièce, qui mesure 7 cm de long pour 6 cm de large, était modelée dans une pâte de couleur beige d’environ 4 mm d’épaisseur, à surface rugueuse. Des traces de peinture blanche et jaune subsistent à la surface, mais elles semblent avoir été appliquées après la cuisson. L’embouchure se trouve à l’extrémité de la queue d’où un conduit d’air plat mène à la cavité de résonance composée par le corps tandis que la sortie d’air se situe au point d’union entre la queue et le corps. Seules les oreilles et la tête sont pleines.

• Perles. Deux perles se trouvaient respectivement sous les corps des individus 16.1 et 21.1. De forme tubulaire d’environ 2 cm de long et 2 mm de diamètre, ces perles étaient manufacturées dans une pâte très fine d’environ 1 mm d’épaisseur. Couvertes d’un engobe marron, ces petites pièces ont été finement polies. Ces objets auraient pu faire partie des ornements vestimentaires du défunt, ou bien être des composants de bijoux majeurs comme des bracelets, des boucles d’oreille, des colliers, etc. Elles ont été cependant classées comme offrandes en raison de leur isolement, puisque si ces perles faisaient partie d’une parure, on aurait espéré trouver d’autres pièces similaires en taille et en morphologie. D’autre part, leur emplacement, dans les deux cas sous l’os coxal, suggère qu’elle ont été placées volontairement et non par hasard.

Le sifflet-ocarina modelé qui accompagnait l’individu 32.3 représente un être très particulier qu’on pourrait qualifier d’anthropo-zoomorphe (figure 111a). Le torse puissant et les pattes avant pleines et épaisses correspondent à un chien ou à un félin. La pièce n’a pas été conçue pour comporter d’arrière-train, et le corps se termine en une pointe qui ressemble à une queue, dont l’extrémité est brisée. La tête semble humaine, parée de boucles d’oreille et coiffée d’un haut panache composé d’une bande triangulaire et de deux boutons appliqués. Le visage regarde vers le haut. L’embouchure est localisée à l’extrémité du panache, le conduit d’air, très plat, mène à la bouche de l’animal qui sert de sortie. Le corps creux joue le rôle de cavité de résonance avec le dos percé d’un trou circulaire de 4 mm de diamètre. Le sifflet a été façonné dans une pâte d’environ 3 mm d’épaisseur de couleur beige foncé. La superficie rugueuse semble avoir été couverte d’une peinture blanche appliquée après la cuisson. La pièce mesure 9 cm de haut pour 7 cm de long et 5.4 de large.

d. La céramique funéraire et la céramique domestique La typologie correspondant à la phase Amacueca a été établie principalement à partir du matériel provenant de deux sites à forte présence funéraire: San Juan et Caseta. Elle est donc inévitablement influencée par une représentation sépulcrale importante. On peut par conséquent envisager que certains des types définis soient à usage exclusivement funéraire et, inversement, que des types domestiques n’aient pas été complètement identifiés, du fait de leur absence dans les sépultures. Dans ces conditions, et pour le site de Caseta, on doit d’abord souligner l’absence complète de groupes comme le IV à usage domestique. Inversement le groupe III, qui correspond uniquement au type 7, semble avoir une fonction exclusivement funéraire. Enfin, les groupes I et II ont été définis sur du matériel aussi bien funéraire que domestique.

• Têtes de figurines. Seulement deux têtes de figurines ont été enregistrées comme offrandes dans les sépultures de la phase Amacueca. Elles accompagnaient les individus 12.1 et 28.1. Dans le premier cas, il s’agit d’une tête humaine, représentée par un fragment de plaquette de forme rectangulaire aux angles arrondis. Ce fragment mesure 2.5 cm de large, 3 cm de long et 1 cm d’épaisseur. Les yeux et la bouche sont incisés tandis que le nez est constituée d’une boule d’argile appliquée. La surface a été polie sur un engobe beige foncé (figure 111b).

A l’intérieur de ces deux derniers groupes, il est possible de différencier les types. Dans le groupe I, les types 4 et 2 semblent d’usage funéraire. Le type 3 est totalement absent des offrandes. Quant au type 1, s’il est représenté dans les sépultures, son identification dépasse le seul contexte funéraire.

L’offrande de l’individu 28.1 présente à peu près les mêmes caractéristiques que la précédente. Il s’agit encore d’une tête anthropomorphe avec les yeux et la bouche incisés et le nez appliqué. Elle a été façonnée dans une plaquette rectangulaire qui ne présente aucune cassure sauf du côté postérieur de la base où des restes d’argile subsistent. Il semblerait qu’elle était originalement

Pour ce qui est du groupe II, le type 5 semble presque exclusivement funéraire, alors que le type 6 est principalement défini sur du matériel domestique. Toutes les formes identifiées ne sont pas représentées en contexte funéraire. Ainsi dans le type 1, seules cinq formes sont reconnues, avec une préférence pour les 88

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ Pendant la phase Amacueca récente, la céramique témoigne d’innovations dans les formes et les finitions de surface; elle intégre aussi des attributs typiquement tarasques: anses dites de panier ou en étrier, et becs tubulaires. L’influence tarasque est naturellement mélangée à des attributs propres au bassin de Sayula. Parmi les traits diagnostiques de cette sous-phase, on constate l’apparition de:

écuelles tripodes. Or cette forme est également la plus populaire dans d’autres types comme le 7. On peut donc considérer que la forme de l’écuelle tripode, même si elle n’est pas exclusivement réservée au domaine funéraire, est, en tout cas, caractéristique de ce contexte. De la même manière, on peut supposer que les miniatures sont spécifiques du domaine funéraire. Même si elles peuvent exister dans d’autres types céramiques (5 et 6), le type 4 se compose exclusivement de miniatures, dont toutes les formes sont représentées dans les sépultures récentes du site. La coïncidence de nos pièces avec la définition du type est parfaite. De plus, toutes les formes miniatures identifiées dans les autres types sont représentées dans notre corpus. A partir de ce constat, on peut affirmer que la notion même de récipient miniature se rattache au contexte funéraire. D’après Ichon (1969), les Totonaques pensent que les morts rapetissent et n’ont besoin, dans l’au-delà, que de très petits récipients.

- la bouteille type cantimplora du type 1; - les supports anthropomorphes du type 7; - le lustrage soigneux pouvant aller jusqu’à une apparence cireuse4 du type 2; - l’impression de roseau fine des types 1 et 4; - l’aspect moteado du type 2. Il faut aussi signaler l’existence de formes et d’attributs qui perdurent tout le long de la phase Amacueca: les jarres et les écuelles en calotte de sphère des types 1 et 6, ainsi que des décorations telles que l’impression de spatule, la bande appliquée, et le rebord avec ou sans incisions (Ramírez 1996: 123).

On constate donc que l’ensemble céramique funéraire de Caseta est, en général, différent de la céramique à utilisation domestique. En effet, dans le contexte funéraire on trouve de vases plus sophistiqués sans traces d’utilisation. Bien que ces récipients aient pu contenir des aliments au moment de l’inhumation du défunt, ils ont été, à l’évidence, fabriqués souvent exclusivement pour être déposés dans des sépultures.

Après avoir identifié les types céramiques propres à chaque cimetière, et les traits diagnostiques de chaque sous-phase, la confrontation des deux types de données permet maintenant d’établir une différenciation entre les deux cimetières.

f. Les cimetières et la céramique

e. La chronologie

Pour ce qui est de la céramique, la différence la plus évidente entre les cimetières Nord et Sud est la représentation inégale de cette catégorie de matériel d’un endroit à l’autre. Effectivement, si l’on tient compte que, dans le Nord, sur un total de 30 individus, six seulement étaient accompagnés de vases, tandis que, dans le Sud, la proportion est de 39 sur 116, on constate une divergence peu négligeable. En termes de pourcentage, cela représente 20% dans le Nord et 33.62% dans le Sud. Il existe donc entre les deux secteurs une distinction quantitative que l’on retrouve sur le plan qualitatif.

Après l’analyse de la céramique et l’obtention des dates 14 C, une division temporelle a été entrevue à intérieur de la phase: on oppose ainsi Amacueca ancien de 1100 à 1300 apr. J.C. et Amacueca récent de 1300 à 1532 apr. J.C. L’aspect ancien est antérieur à la présence tarasque dans le bassin de Sayula. Il se caractérise par la popularité croissante de certains attributs présents dans la phase Sayula: l’impression de spatule, les écuelles à parois droites avec une bande rouge peinte sur le bord. Pendant la phase Amacueca ancienne le matériel se rattache donc plutôt à la tradition céramique du Sud du Jalisco, sans pour autant exclure des influences de zones proches comme le Colima, la Vallée d’Atemajac et le bassin de Chapala. Parmi les formes, attributs ou types caractéristiques de cette sous-phase se trouvent: -les écuelles tripodes des types 1 et 2 du groupe Monochromes, -le type 7 du groupe Polychromes, -les molcajetes qui en général constituent une forme plus populaire pendant la première partie de la phase Amacueca. -les types 8 et 9 du groupe IV, réservés aux sites liés à l’exploitation ou au contrôle des salines ont été aussi enregistrés pendant la sous-phase ancienne; -la décoration en impression de roseau présente des cercles grossiers similaires à ceux de la phase Sayula récente, et très différents des impressions fines d’Amacueca récent.

Comme on a pu le constater, il existe des différences de répartition des types céramiques entre les deux cimetières. Si l’on fait abstraction des groupes et types qui ne sont pas représentés en contexte funéraire ( type 3, 8 et 9), on remarque un net contraste entre les cimetières Sud et Nord. Alors que le cimetière Sud comporte des récipients correspondant à tous les autres types, à l’exception du type 5, le cimetière Nord ne comporte que du matériel appartenant aux types 1 et 4. Le type 5 n’y est représenté que par un seul récipient. Il est important de souligner ici que les types les plus sophistiqués (5, 6 et 7) connaissent leur popularité maximum dans le cimetière Sud, deux d’entre eux n’étant pas représentés du tout dans le Nord. Pour le type 7, spécifique du contexte funéraire, il atteint à lui seul le niveau de 36% des récipients présents, ce qui lui confère 4

89

‘pulido fundente’ en espagnol (Ramirez 1996: 125)

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ la plupart des cas, leur emplacement par rapport au défunt témoigne d’un geste volontaire et non pas du pur hasard. Si l’on prend donc en compte les éclats et les déchets, l’ensemble représente 141 pièces, concentrées dans 30 sépultures, ce qui correspond à 32.6% du total.

le statut de type diagnostique. Son absence totale du cimetière Nord en est d’autant plus remarquable, surtout si l’on tient compte de son placement chronologique probable en phase Amacueca ancienne. Dans ces conditions, on peut déjà envisager que la différence de répartition des types entre les deux cimetières pourrait s’interpréter en termes chronologiques.

A part deux pièces en basalte et une en silex, le reste de la collection a été fabriqué en obsidienne. Comme nous l’avons signalé dans le chapitre III, 14 variétés d’obsidienne ont été repérées à Caseta (Reveles 1999). Celles-ci ont été déterminées en fonction de la couleur, de la texture et de la transparence et confirmées par des analyses d’activation neutronique. A la différence du matériel lithique ancien où seules neuf variétés étaient représentés, pendant la phase Amacueca, les 14 variétés sont utilisées. Bien entendu, les proportions entre elles sont inégales (graphique 6)

Cette remarque préliminaire est étayée par l’analyse de la répartition des autres types, ainsi que par celle des formes et des attributs. Le type 4, nettement caractéristique du contexte funéraire, domine largement dans le cimetière Sud, tandis que le seul exemplaire du type 6 se trouve dans ce même secteur. En revanche, le type 1 domestique et plus commun qui couvre toute la phase, occupe dans le cimetière Nord la place principale (cinq récipients sur neuf).

L’obsidienne de couleur gris/vert, vert et vert sale correspond au gisement de La Joya5, tandis que les couleurs vert laiteux, gris/vert à microbulles et gris/vert veinée ont leur origine dans le gisement de Teuchitlán. L’obsidienne gris translucide est issue du gisement de Las Navajas, tandis que celle de couleur gris moyen et noir est originaire de San Juan de los Arcos. Enfin, le matériel de couleur gris fumé est originaire du gisement de Zinapécuaro-Ucareo.

On a vu ci-dessus que Ramírez (1996) considère les molcajetes et les écuelles tripodes comme plus représentatifs de la phase Amacueca ancienne. On note, par ailleurs, l’absence totale de molcajetes et le très faible pourcentage d’écuelles tripodes dans le cimetière Nord. S’il est donc clair que les traits diagnostiques de la phase Amacueca ancienne se trouvent principalement représentés dans le cimetière Sud, alors qu’ils sont presque absents du cimetière Nord, on ne saurait faire abstraction de l’existence des traits attribuables à la phase Amacueca Récente. Quatre d’entre eux sont identifiables dans le cimetière Sud: la présence des bouteilles de type cantimplora, et de supports anthropomorphes sur les molcajetes; le lustrage et l’aspect moteado en finition de surface. On doit cependant souligner ici que, si ces traits sont bien représentés, ils le sont toujours en faible quantité: on ne compte ainsi, par exemple, que deux récipients de couleur moteado (type 2), et deux molcajetes à supports anthropomorphes. Enfin, pour ce qui est du décor en impression de roseau, on ne compte que deux exemplaires: l’un, grossier, provient du cimetière Sud, l’autre, fin, du cimetière Nord. Ramírez considère que cette différence correspond à sa subdivision chronologique. Dans ces conditions, il ressort que le cimetière Sud serait principalement attribuable à la phase Amacueca ancienne, même si son occupation aurait pu se poursuivre en phase Amacueca récente. Inversement, la pauvreté globale des offrandes du cimetière Nord, associée à l’absence du matériel caractéristique de la phase Amacueca ancienne, et à la présence faible de traits de la phase Amacueca récente confirme un placement chronologique tardif, en tout cas postérieur à l’occupation du cimetière Sud.

Graphique 6. Différentes variétés d’obsidienne présentes dans le matériel funéraire de la phase Amacueca.

2. Le matériel lithique Avec 78 pièces complètes et un fragment de racloir, les objets en matériel lithique sont, après la céramique, le mobilier le plus abondant. Nous avons décidé d’inventorier aussi les éclats et les déchets puisque, dans

5 La localisation des gisements a été mentionné dans le chapitre III. F. Le mobilier funéraire ancien.

90

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ le bord droit. Les pièces de ce type mesurent en moyenne 3,3 cm de long pour 2,2 cm de large.

Provenance de l'obsidienne La Joya

Las Navajas (Jal.)

• Pointe de forme triangulaire à bords convexes, et encoches latérales près de la base rectiligne (figure 112b). La retouche est semi-couvrante de forme parallèle sur les deux faces. Les dimensions de ces pointes sont en moyenne de 4,5 cm de long par 1,7 cm de large.

4% 4% 4%

Teuchitl‡n

25%

51%

San J. Arcos

• Pointe triangulaire à bords convexes et encoches latérales (figure 112c). La base, qui fait plus d’un tiers de la longueur totale de la pièce, présente deux pédoncules arrondis déterminés par une grande encoche médiane à retouche semicirculaire. La retouche irrégulière est semicouvrante sur une face, tandis que l’autre est totalement couverte. Les pièces de ce type mesurent 4,5 cm de long pour 1,7 cm de large, en moyenne.

Ucareo gisement inconnu

12%

Graphique 7. Répartition proportionnelle de l’obsidienne d’après les gisements d’origine.

• Pointe triangulaire à bords rectilignes et encoches latérales près de la base (figure 112d). Cette dernière présente une troisième encoche, mais plus élargie que les précédentes. Les retouches, à peu près parallèles, se limitent aux marges, y comprises celles de la base. Dans certains cas, les retouches des bords distaux et de la base sont irrégulières, tandis que celles des bords mésiaux sont parallèles. Ce type de pointe mesure en moyenne 3,7 cm pour 1,8 cm de large.

La plupart du matériel lithique en contexte funéraire Amacueca provient de la région des bassins lacustres de Jalisco, qui se trouve à environ 143 km à vol d’oiseau du site de Caseta. Ces variétés correspondent aux gisements de la Joya (51%) et de Teuchitlán (12%) qui ensemble représentent 63% du total (graphique 7). La région centrale du Jalisco, à environ 115 km de notre site, est aussi bien représentée avec les gisements de Las Navajas (25%) et de San Juan de los Arcos (4 %). Mais il est également probable que certains outils proviennent de gisements plus éloignés, puisque 4% de l’obsidienne funéraire est originaire du gisement de ZinapécuaroUcareo, à près de 190 km du bassin de Sayula. Les 4% restants, de couleur gris fumé sombre, correspondent à un gisement encore inconnu, mais similaire au matériel de la mine de la Guanumeña (Darras 1999: 67). Si le gisement de la Joya représente donc la principale source d’approvisionnement la diversité du matériel suggère une diversification du ravitaillement, ce qui implique l’existence d’un important réseau.

provenance 8.1 16 16.1 18.1 22.1 22.1 25.1 29.2 32.1 51.1 54.2 54.2 57.1 57.1 58.1 93.1 95.1 96.1 97.1

a. Les pointes de projectile Vingt-cinq pointes de projectile en obsidienne ont été trouvées, qui proviennent de 15 sépultures différentes. Dans certains cas (sépultures: 16, 22, 29, 54, 57, 58 ) il existait plus d’une pointe par sépulture. La taille des pièces varie entre 4,3 et 3,8 cm de long et 1,1 et 2,2 cm de large. La technique de manufacture est bifaciale, à l’exception de la pointe qui accompagne l’individu 97.1, travaillée unifacialement. Aucune des pièces ne présentait de traces d’utilisation (Reveles 1999) ce qui implique que leur fonction fut exclusivement funéraire et non pas utilitaire. Il existe quatre formes de pointes:

pointes de projectile (25 pièces) couleur no. de dimensions pièces gris/vert, 1 2.9 x 1.1 gris/vert1 1 4.3 x 1.5 vert 2 4.6 x 1.3* gris/vert 1 1 2.8 x 1.3 vert 1 1.4 x 1.2 gris/vert 1 3.6 x 1.3 gris/vert1 1 4.5 x 1.5 vert 2 3.9 x 1.5 gris translucide 1 3.3 x 2.2 vert 1 4.2 x 1.6 vert 2 3 x 1.6* vert sale 2 2.9 x 1.3* vert 2 3 x 1.3* gris/vert 1 3.5 x 1.3 vert 2 4.1 x 1.7* gris/vert1 1 2.9 x 1.1 rouge opaque 1 2.3 x 1.3 vert 1 2 x 1.5 vert 1 1.6 x 1.2

technique bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale bifaciale unifaciale

* en moyenne; 1 microbulles; aucune ne présente des traces d’utilisation

Tableau 34. Caractéristiques générales des pointes de projectile en obsidienne, contexte funéraire, phase Amacueca.

• Pointe triangulaire à bords convexes et pédoncule convergent à base rectiligne (figure 112a). Les ailerons sont perpendiculaires par rapport à l’axe de la pièce. La retouche est couvrante et irrégulière sur les deux faces avec des retouches marginales fines présentes de façon discontinue sur le bord gauche et, en moindre nombre, sur

b. Les lames Les lames sont les objets lithiques le plus souvent enregistrés comme offrandes dans les sépultures de la 91

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ phase Amacueca (figure 113a). Les 52 pièces trouvées se concentrent dans à peine 14 sépultures ce qui implique que plusieurs d’entre elles en comptait plus d’une comme les sépultures 65, 17 et 57, avec respectivement 8, 10 et 14 pièces. La presque totalité des lames sont prismatiques; sur 49 pièces, 20 sont en obsidienne verte, 10 en vert sale, 8 en gris/vert, 5 en gris/vert veiné, 4 en gris/vert à microbulles et 2 en gris translucide (tableau 35). Les lames en obsidienne verte mesurent entre 1,6 et 9,3 cm de long et 0,6 et 1,9 cm de large. Les pièces les plus grandes se trouvaient dans la sépulture 57. Leur longueur maximale est égale à 16,7 cm6. Les huit lames sont complètes et présentent des traces d’utilisation. Par contre, les deux lames prismatiques qui accompagnent l’individu 65.1 sont les plus petites de l’échantillon. Elles mesurent en moyenne 1,6 cm de long pour 0,8 cm de large et présentent aussi des traces d’utilisation.

sép.

type

9.1

prismatique

16.4

prismatique

16.4

prismatique

17.1

17.1 17.1 26.4 26.4

non2 prismatique non prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique

26.4 27.1 32.3

prismatique prismatique prismatique

34.1 57.1 57.1 65.1 65.1 68.2 93.1 95.1 96.1 96.1 96.1 97.1

prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique prismatique

17.1

Quant aux dix lames de couleur vert sale, toutes avec des traces d’utilisation, elles étaient associées aux individus 17.1 et 57.1, le premier avec quatre, et le deuxième avec six pièces. Il s’agit, pour la plupart, de fragments proximaux et distaux dont les plus grands étaient associés à l’individu 57.1. Ils mesurent en moyenne 4,4 pour 1,8 cm, tandis que les fragments associés au 17.1 mesuraient en moyenne 2,7 pour 0,9 cm. Les lames de couleur gris/vert étaient associées aux individus 65.1, 95.1 et 96.1. Les six pièces du 65.1 présentent les dimensions les plus réduites de ce lot avec 3 cm de long pour 1.4 de large. Les cinq pièces couleur gris/vert veiné correspondent au même nombre d’individus: 9.1, 16.4, 26.4, 32.3 et 97.1. Leurs dimensions varient entre 1,9 et 11,9 cm de long et entre 1,5 et 1,8 cm de large. La pièce qui accompagne l’individu 16.4 est, de loin, la plus grande puisqu’elle atteint 11,9 cm de long, tandis qu’avec à peine 1,7 cm, la lame de l’individu 97.1 est la plus petite du lot. Cette dernière est la seule à ne pas présenter de traces d’utilisation.

lames (52 pièces) couleur no. de dimen-sion pièces gris/vert 1 1.9 x 1.7 veiné gris/vert 1 11.2 x 1.8 veiné gris 2 3.7 x 1.4* translucide gris 1 5 x 2.1

utilisation x x x x

vert

2

4 x 1.4*

x

vert sale vert gris/vert1 gris/vert veiné gris/vert1 vert gris/vert veiné vert vert vert sale vert gris/vert vert gris/vert1 gris/vert gris/vert vert gris/vert 1 gris/vert veiné

4 3 1 1

2.7 x 0.9* 2.5 x 0.6* 4 x 1.7 3.5 x 1.6

x x x x

1 1 1

7.3 x 2 6.1 x 1.9 3.9 x 1.7

x x x

1 8 6 2 6 2 1 1 1 2 1 1

4.4 x 1.7 9.3 x 1.7* 4.4 x 1.8* 1.6 x 0.8* 3 x 1.4* 2.7 x 0.8* 2.6 x 0.7 3.2 x 1.5 6.1 x 1.7 2.7 x 0.9* 1.2 x 0.9 1.7 x 1.5

x x x x x -x x --x --

* en moyenne, 1 microbulles 2 en basalte Tableau 35. Caractéristiques générales des lames en obsidienne, phase Amacueca, contexte funéraire.

La couleur gris/vert à microbulles est représentée par quatre lames qui correspondent aux individus 26.4 (deux cas), 93.1 et 96.1; toutes portent des traces d’utilisation. Les deux premières présentent des dimensions plus importantes: 4 cm de long pour 1,7 cm de large en moyenne, tandis que les deux dernières mesurent à peine 1,9 pour 0,8 cm en moyenne.

c. Autres objets Un seul couteau se trouvait parmi les outils trouvés en contexte funéraire, associé à l’individu 57.1. Il s’agit d’un instrument incomplet, taillé dans du silex blanc laiteux, qui mesure 6.5 cm de long pour 4.1 cm de large et 4 mm d’épaisseur. La forme du couteau est triangulaire, débitée à partir d’un support laminaire avec retouche bifaciale réalisée par pression. Il ne comporte pas de traces d’utilisation (figure 113b).

Les deux fragments de lames taillées en obsidienne gris translucide accompagnent l’individu 16.4; l’une correspond à la portion distale et l’autre à la mésiale. Toutes les deux présentent des traces d’utilisation et mesurent en moyenne 3,7 cm de long pour 1,4 cm de large.

Autant le type d’outil que le matériel utilisé font de ce couteau une pièce exceptionnelle dans le contexte funéraire du site. De plus, l’absence de traces d’utilisation, suggère qu’il s’agit d’un objet manufacturé pour servir d’offrande et non pas être utilisé de façon quotidienne.

6 cette mesure n’apparaît pas dans le tableau 35, car les dimensions exprimées sont les moyennes resultant de huit cas.

92

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ Associé à l’individu 82.1 se trouvait un fragment de racloir taillé en obsidienne de couleur gris translucide. Cet outil de forme rectangulaire qui mesure 6.5 cm de long pour 4.1 cm de large, a été façonné à partir d’un éclat avec retouche unifaciale et ne présente pas de traces d’utilisation. Cette pièce est exceptionnelle puisque les outils à retouche unifaciale sont rares, et parce qu’il s’agit du seul racloir représenté en contexte funéraire Amacueca.

sép. 6.1 17.1 17.1 26.1 27.1 27.1 29.2 29.2 32.4 51.1 51.1 51.1 55.1 55.1 57.1 57.1 65.1 65.1 65.1 65.1 68.2 68.2 68.2 68.2 68.2 88.1 92.1 96.1 97.1

Même s’il ne s’agit pas d’outils proprement dits, les éclats ont été aussi comptabilisés pour deux raisons: leur nombre relativement important (47 pièces, tableau 36), ainsi que la présence de traces d’utilisation sur la plupart d’entre eux. L’étude de ce matériel fera l’objet d’un travail séparé (Reveles, en préparation). Toutefois, il nous paraît important de prendre ici en considération la provenance de ce matériel d’après les indications disponibles. A l’exception du rouge opaque, toutes les variétés enregistrées par Reveles (1999), se trouvent représentées dans les éclats associés au matériel funéraire. Le gris translucide est de loin la couleur la plus souvent trouvée (17 pièces), ensuite le vert (7 pièces), et le gris fumé (6 pièces). Pour les variétés restantes, le nombre de pièces se limite à une ou deux. Le gisement de Las Navajas constitue donc la principale source d’approvisionnement. Les déchets de débitage (tableau 37) ont été comptabilisés puisque, même s’il s’agit de fragments de petite taille, le fait de les trouver dans des sépultures implique un geste volontaire de la part de la population inhumante. Il faut signaler la quantité réduite de fragments enregistrés ainsi que le nombre restreint d’individus associés. En effet, les 15 pièces trouvées se concentrent sur huit individus (6.1, 50.1, 55.1, 59.1, 68.2, 88.1, 96.1). Dans ce dernier cas, les deux déchets de taille se trouvaient dans le fond de la fosse, séparés des restes osseux pour une couche de terre d’environ 7 cm.

éclats (47 pièces) couleur no. de pièces gris translucide 2 gris fumé 6 vert 1 gris translucide 1 vert 2 gris translucide 2 gris translucide 1 noir translucide 1 gris/vert laiteux 1 vert sale 1 noir translucide 1 gris translucide 1 gris translucide 2 marron 1 vert 1 vert sale 1 gris/vert microbulles 1 gris/vert 1 gris opaque 1 vert laiteux 1 gris translucide 4 vert 2 gris translucide 1 gris moyen 2 gris translucide 1 vert 1 gris translucide 2 gris/vert microbulles 1 gris moyen 1

dimensions 2.7 x 1.8* 2.5 x 1.8* 2.3 x 1.9* 2.7 x 1.7 2.6 x 1.6* 2.3 x 1.8* 2.6 x 2 2.4 x 1.9 3.4 x 1.8 2.4 x 1.2 2.3 x 1.8 2.4 x 1.8* 1.8 x 0.9 1.7 x 1.2 3.3 x 1.5* 2.8 x 2.2* 1.3 x 1.1 2 x 1.5 2.2 x 2.2 1.7 x 1.6 1.7 x 1.3* 2.6 x 1.3* 2.1 x 1.5 2.2 x 1.6* 2.1 x 1.5 1.5 x 0.8 1.9 x 1.3* 2x2 2.4 x 1.5

utilisation x x x x x x x x x -x ---x x x x x x -----x ----

* en moyenne Tableau 36. Caractéristiques générales des éclats d’obsidienne en contexte funéraire, phase Amacueca.

A l’exception du déchet en basalte gris qui accompagnait l’individu 17.1, le reste est en obsidienne, pour la plupart en couleur gris translucide (11 cas); les couleurs marron, vert sale et vert sont représentées par une seule pièce respectivement.

provenance 6.1 6.1 17.1 17.1 50.1 55.1 59.1 68.2 88.1 96.1 96.1

La plupart des déchets présentent des traces d’utilisation. Cela suggère, soit qu’ils proviennent d’autres outils, soit qu’ils ont été auparavant utilisés tels quels. Dans les deux cas, on pourrait en déduire que l’obsidienne était une matière difficile à obtenir puisque même les fragments les plus petits étaient utilisés. Cette idée serait toutefois en contradiction avec l’absence de traces d’utilisation pour la plupart des outils en contexte funéraire, ou leur conférerait une valeur d’autant plus importante.

déchets de débitage (15 pièces) couleur no. de dimensions pièces gris translucide 3 2.3 x 1.8* gris translucide 1 2.2 x 1.4 gris** 1 2.4 x 1.5 gris translucide 3 2.3 x 2* gris translucide 1 2.1 x 1.7 marron 1 2.7 x 2.5 gris translucide 1 1.5 x1.3 gris translucide 1 1 x 1.2 gris translucide 1 2.8 x 0.9 vert sale 1 1.7 x 1.3 vert 1 1.3 x 1.1

utilisation x x x x x --x ---

* en moyenne **basalte Tableau 37. Caractéristiques générales des déchets de taille d’obsidienne en contexte funéraire, phase Amacueca.

93

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ principalement par des pointes de projectile (25 pièces) et un couteau.

Les catégories d’objet lithiques représentés dans le contexte funéraire Amacueca sont relativement limités. Les lames et les éclats sont les objets les mieux représentés avec, respectivement, 36 et 34% su total. Ensuite, les pointes de projectile correspondent à 18% du matériel, puis les déchets 10%. Enfin, les racloirs et les couteaux ne représentent qu’1% chacun (graphique 8).

Le tableau 38 nous renseigne sur les rapports entre les divers types de pièces et la variété d’obsidienne utilisée pour leur manufacture. Les variétés vert laiteux, gris/vert laiteux, gris moyen, gris fumée, gris opaque et noir sont représentées exclusivement par quelques éclats (1 à 6 pièces). La variété marron, par un éclat et un déchet de taille, tandis que la variété rouge opaque l’est par une pointe de projectile, et la variété gris veinée par cinq lames. Les neuf variétés mentionnées sont les moins représentées de l’échantillon. Par contre, les variétés gris translucide, gris/vert à microbulles, gris/vert, vert et vert sale sont mieux représentés en nombre de pièces mais aussi par leurs formes. En effet, à l’exception du racloir, toutes les formes répertoriées en contexte funéraire les utilisèrent.

Etant donné leur caractère d’offrande funéraire, on aurait pu s’attendre à ce que les objets lithiques soient plus élaborés, ou du moins, à trouver une proportion plus importante de couteaux, de racloirs et de pointes. Il faut signaler par ailleurs l’absence de broyeurs, manos de metate, polissoirs, excentriques ou figurines. On peut enfin remarquer la présence des éclats et déchets de taille: nous les avons comptabilisés d’une part en raison de leur possible fonction d’offrandes; mais il faut également tenir compte de la présence d’objets similaires dans les tombes à puits A et B, aux phases anciennes: cela pourrait correspondre à un geste funéraire intentionnel qui perdurerait tout au long de la séquence d’occupation du site. Pour pouvoir le démontrer, il faudrait disposer d’un échantillon plus vaste, surtout pour la phase Sayula. L’uniformité du matériel apparaît aussi étonnante car il est constitué presqu’exclusivement d’objets en roche volcanique (obsidienne) et, exceptionnellement, de silex et de basalte; les autres roches andésitiques (andésite ou dacite) font défaut. Pourtant ce matériel, ainsi que les formes antérieurement mentionnées, se trouve représenté parmi les vestiges des sites domestiques du bassin de Sayula ( Reveles 1999).

couleur noire gris opaque gris fumée gris moyen gris translucide gris/vert microbulles gris/vert veiné gris/vert laiteux gris vert vert vert sale vert laiteux rouge opaque marron total

pointe

lame

éclat

déchet taille

1

2

2 1 6 3 20

4

4

2

10

1

5 1

11

racloir

total

1

2 1 6 3 35

5

3 14 2

8* 23 10

1 7 2 1

1 1

1 47

1 14*

1 25

52

1

12 45 15 1 1 2 139

Tableau 38. Rapport entre le type de pièce et la couleur du matériel, échantillon en obsidienne, phase Amacueca. d. Les cimetières et le matériel lithique Graphique 8. Les différentes catégories d’objets lithiques et leur représentation proportionnelle.

Sur un total de 141 pièces lithiques (éclats et déchets inclus), 21 sont issues du cimetière Nord (14.30 %) et 120 du Sud (85.70 %). Par contre, les types de pièces sont les mêmes dans les deux secteurs à l’exception du racloir du cimetière Nord, tandis que le seul couteau de l’échantillon provient du cimetière Sud.

Mis à part les éclats et les déchets de taille qui ne peuvent pas être considérés comme de vrais outils, notre échantillon est composé de lames, de racloir, de pointes et de couteau. Une grande partie de notre échantillon est représenté par des pièces unifaciales correspondant aux deux premières catégories. La rareté des lames non prismatiques (2 pièces) et des racloirs (1 pièce) est compensée par l’importante quantité de lames prismatiques, avec un total de 53 pièces. Avec 26 pièces, les objets bifaciaux sont moins nombreux et représentée

Quant aux proportions entre les types de pièces (tableau 39), le pourcentage des pointes et des lames est le même dans les deux secteurs; les éclats sont minoritaires au Nord puisqu’ils représentent à peine 10.6 % du total, tandis qu’en proportion les déchets sont plus nombreux (21.4%). En ce qui concerne les variétés d’obsidienne utilisées dans la manufacture des objets, toutes sauf la rouge 94

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ Compte tenu de la différence chronologique suggérée par le matériel céramique, cette disproportion pourrait aussi correspondre à des réseaux d’échanges distincts; celui datant de l’occupation du cimetière Nord étant moins efficace puisqu’il ne permettait l’accès qu’à huit variétés, tandis que celui correspondant au cimetière Sud aurait été plus important. Cela pourrait étayer l’idée de deux populations présentes sur le site à deux moments chronologiques différents.

opaque se trouvent dans le cimetière Sud, tandis que dans le Nord seules huit sont représentées sur un total de 14 variétés reconnues.

pointes lames racloir couteau éclats déchets total

cimetière Nord 4 16% 7 15.5% 1 100% 0

cimetière Sud

total

21 84% 45 84.4% 0

25

1 100% 42 89.3% 11 78.5% 120 85.7%

1

5 10.6% 3 21.4% 21 14.2%

52 1

3. Le matériel faunique et le textile

47

Mis à part les coquillages, le matériel faunique en contexte funéraire est relativement rare dans le site de Caseta. Nous allons traiter ici des restes fauniques non transformés en perles ou bracelets, ni sous aucune autre forme, pas même comme élément de parure. Les objets dont on traitera sont, par conséquent, à considérer comme des offrandes.

14 141

Tableau 39. Proportion des pièces en pierre taillée des cimetières Nord et Sud.

•Une spatule en os se trouvait associée à l’individu 5.1. D’environ 15,3 cm de long, 2,2 cm de large et 0,3 cm d’épaisseur, cet objet a été façonné dans une diaphyse d’os long de mammifère; d’après sa taille et sa forme, il pourrait s’agir d’un cerf. L’outil présente une extrêmité arrondie et l’autre en pointe aiguisée. La surface extérieure de la spatule a été soigneusement polie.

Nous avons donc deux échantillons lithiques dont les différences les plus marquées sont le nombre de pièces et celui des variétés d’obsidienne utilisées. Etant donné que le nombre de pièces par individu est similaire dans les deux secteurs, la disproportion dans la taille des échantillons est donc attribuable à la différence entre le nombre d’individus présents en chaque cimetière (30 dans le Nord et 116 dans le Sud). D’autre part, la différence des variétés d’obsidienne utilisées implique peut-être que la population représentée dans le cimetière Nord avait un accès plus limité aux divers gissements que celle du cimetière Sud qui utilisait 14 variétés. On pourrait donc en déduire que le réseau d’acquisition de la population correspondant au cimetière Nord serait plus restreint que celui de la population du cimetière Sud, mais plus ouvert vers l’est et le pays tarasque, comme le suggère l’obsidienne rouge-marron de La Guanumeña. couleur gris opaque gris fumée gris moyen gris translucide gris vert microbulles gris vert veiné gris vert laiteux gris vert vert vert sale vert laiteux rouge opaque marron noir total

cimetière Nord

1 4 4 1 2 5 1

cimetière Sud 1 6 2 31 6 4 1 10 40 14 1

1

19

2 2 120

•Cinquante-sept coquillages, probablement de l’espèce Olivella, couvraient le fond de la sépulture 52. Cet ensemble formait une espèce de lit sur lequel a été placé le corps d’un immature. De couleur gris foncé, les pièces mesuraient en moyenne 0,7 cm de long pour 0,3 cm de large et ne présentaient ni perforation, ni dispositif permettant de reconnaître un travail ou une fonction quelconque. • Fragments de textile. Sous le bassin de l’individu 17.1 se trouvaient deux fragments de tissu en coton. La conservation de ce type de matériel est exceptionnelle dans la région, surtout s’agissant d’un morceau de dimensions importantes. En effet, une bande de 5 cm de long par 3 cm de large se trouvait à l’intérieur d’une autre qui, elle, mesure 45 cm de long et 2,5 cm de large. Les deux tissus sont différents par leur texture et leur tissage.

total 1 6 3 35 10 5 1 12 45 15 1 1 2 2 139

Le grand fragment présente deux tonalités différentes: beige et gris, alternées tout le long du tissu en bandes d’environ 5 cm de large. Cet effet résulte d’un mélange de fils de deux couleurs plutôt que d’une teinture postérieure à la confection du tissu. La densité du tissu à armature simple est de 30 fils de chaîne et 50 de trame par centimètre carré. Le résultat est un tissu régulier et serré dont une des extrémités présente une armature plus compliquée de 26 fils de chaîne par 42 fils de trame par centimètre carré qui rend le tissu plus épais et plus rugueux. Le deuxième fragment de tissu de couleur beige clair, composé par des fils à fibres alignées et non tordues, a une apparence plus fine que le précédent, presque

Tableau 40. Variétés d’obsidienne utilisées dans les deux cimetières. 95

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ 1991: 46). D’autre part, les pendentifs sont des éléments ornementaux isolés, soit suspendus par un fil, soit cousus.

transparente. La densité est de 42 fils de chaîne et 34 de trame par centimètre carré.

a. Les perles Avec 416 pièces, les perles sont les éléments de parure les plus communs durant la phase Amacueca. Bien que la totalité de l’échantillon soit en coquille, la morphologie est très variable (tableau 41):

B. Les parures Un total de 536 éléments de parure était associé aux sépultures de la phase Amacueca. Ils composaient des ornements complexes constitués par la combinaison de plusieurs éléments. Etant donné la disparition des attaches originelles et la difficulté d’établir des associations fiables, il nous a semblé préférable de les comptabiliser par élément, sauf dans les cas où des ensembles logiques pouvaient être identifiables.

• Perles circulaires. 241 pièces de ce type ont été trouvées en contexte funéraire Amacueca. Fabriquées à partir d’un pélécipode, elles accompagnaient six individus (29.3, 49.1, 51.1, 61.2, 68.2, et 83.1) et présentent, à peu près, les mêmes dimensions, c’est-à-dire 0.5 cm (ou moins) de diamètre, 0,3 cm d’épaisseur et 0,2 cm pour le diamètre de la perforation biconique axiale. La couleur varie du crème au marron en passant par le rouge. Le nombre de pièces trouvées par individu varie entre 2 et 164. Etant donné leur position par rapport au défunt (sur la poitrine ou sur la phase ventrale des vertèbres cervicales) elles pourraient faire partie de colliers.

Sur un total de 152 individus présents dans l’échantillon funéraire de la phase Amacueca 28 à peine portaient des parures: trois dans le cimetière Nord, 25 dans le Sud, et aucun parmi les sépultures isolées. Il s’agit principalement de boucles d’oreille, de colliers, de bracelets, de pendentifs et de grelots, tous de tailles et de morphologies différentes.

Graphique 9. La matière première utilisée dans la confection des parures de la phase Amacueca. Comme le montre le graphique 9, les parures sont confectionnées dans quatre matériaux principaux: l’os, la pierre, le métal et la coquille. L’os est le plus rare puisqu’il ne concerne qu’une seule pièce, tandis que la coquille est la plus répandue, avec 90 % des objets fabriqués.

morphologie circulaire circulaire

quantité

circulaire circulaire

3 17

circulaire

164

circulaire

22

tubulaire tubulaire

1 10

tubulaire tubulaire tubulaire

6 2 2

en palette

16

escargot escargot total

37 28 416

33 2

perles en coquille dimensions en couleur centimètres 0.4 x 0.1 x 0.1 marron 0.48 x 0.2 x 0.2 brun ou marron 0.8 x 0.3 x 0.2 crème 0.4 x 0.2 x 0.1 crème et marron 0.5 x 0.3 x 0.1 crème à marron 0.36 x 0.2 x 0.2 crème à rouge 3 x 0.9 x 0.5 brun 3.3 x 0.5 brun ou marron 0.37 x 1.3 x 0.2 beige 0.5 x 1.1 x 0.2 marron 1.5 x 0.36 rouge à orange 1.2 x 1 x 0.3* crème à marron 1 x 0.5 crème 0.8 x 0.4 crème

provenance sép. 29.3 sép. 49.1 sép. 51.1 sép. 61.2 sép.68.2 sép. 83.1 sép. 32.3 sép. 46.1 sép. 61.2 sép. 68.2 sép. 83.1 sép. 68.2 sép. 52.1 sép. 61.2

*moyenne 1. La coquille

Tableau 41. Caractéristiques générales des perles en coquille, mobilier funéraire récent.

Les éléments de parure en coquille sont les plus nombreux (470) et les plus variés tant par leur morphologie, que par les espèces utilisées. Les perles et les pendentifs constituent les deux catégories de formes le plus souvent enregistrées. Nous considérons comme perle une pièce qui remplit au moins deux conditions: présenter une perforation qui les traverse complètement; et se rencontrer en groupe (bracelets, colliers, etc.) généralement disposés selon un ordre défini (Suárez

•Perles tubulaires. Les individus 32.3, 61.2, 68.2 et 83.1, ainsi que celui de la sépulture 46 sont accompagnés de ce type de pièces dont les dimensions sont très variables. Les spécimens de taille importante, qui mesurent en moyenne 3.1 cm de long, 0.7 cm de diamètre et 0.5 d’épaisseur, présentent une couleur brune ou marron. La perle de l’individu 32.2 est faite à partir d’une coquille de Serpulorbis oryzata (Melgarejo 1999). Par contre, les 10 96

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ perles tubulaires de la sépulture 46 ont été fabriquées à partir de la columelle de grandes coquilles bivalves, polies et perforées en longueur pour leur conférer leur forme actuelle (Suarez 1991: 47).

Les pendentifs du contexte funéraire Amacueca peuvent être répartis en quatre formes (tableau 42).

Les petites pièces mesurent 1,2 cm de long pour 0,4 cm de diamètre et 0,2 d’épaisseur. Le type de coquille, dont la couleur est beige ou marron, n’a pas été identifié.

morphologie plaquettes carrées plaquette carrée plaquettes carrées plaquettes carrées plaquettes carrées plaquettes carrées plaquette carrée plaquette carrée plaquette carrée

•Perles en palette. Le corps de ces perles est de forme triangulaire aux angles arrondis. Au sommet du triangle se trouve une extension qui porte la perforation circulaire biconique transversale, dans le même plan que le corps (figure 114b). Seize de ces pièces accompagnaient l’individu 68.2; elles mesurent en moyenne 1,2 cm de long pour 1 cm de large et 0,3 cm d’épaisseur. La couleur est très variable puisqu’elle va du crème au marron. Etant donné que ces pièces se trouvaient entre les vertèbres cervicales et le crâne qui avait basculé vers l’avant, elles auraient pu faire partie d’un collier. •Perles-escargots. Un total de 65 perles de ce type a été trouvé en contexte funéraire Amacueca. Malgré leur nombre, elles se trouvaient concentrées dans deux sépultures. Les 37 perles de couleur crème qui accompagnaient l’individu 52.1 correspondent à des escargots à parois très fines, où une perforation transversale et irrégulière constitue la seule retouche visant à les rendre utilisables en tant que perles. Elles mesurent en moyenne 1 cm de long pour 0,5 cm de diamètre maximal (figure 114a). D’après leurs caractéristiques, il pourrait s’agir d’escargots du genre Marginella (Melgarejo 1999). De couleur crème, les 28 pièces de la sépulture 61.2 mesurent en moyenne 0,8 cm de long par 0,4 cm de diamètre. Ces escargots correspondent probablement au genre Olivella. L’ensemble de l’effectif a été tronqué au niveau de l’apex qui, dans tous les cas, est absent. C’est là le seul signe de modification anthropique. En réalité le fait de ne pas présenter de perforations nous fait douter de leur fonction de perles.

quan -tité 2 1 3

pendentifs en coquille dimensions en couleur centimètres 2.3 x 2.2 x crème/ 0.2* brun 1.9 x 1.7 x 0.2 crème/ brun 2 x 2 x 0.2 marron

3

2.4 x 2.5 x 0.2

3

provenance sép. 7.1 sép 12.1 sép. 26.3

2.2 x 2.1 x 0.2

rouge/ orange rouge

sép. 26.4

2

2.4 x 2.4 x 0.2

marron

sép. 29.3

1

2.4 x 2.3 x 0.2

sép 30.1

1

2 x 1.5 x 0.2

rouge/ orange rouge

3

2.5 x 1.7 x 0.2

ovale tubulaire incurvée tubulaire incurvée plaquette rectangulaire plaquette rectangulaire parallélépipède zoomorphe

68 6

2.3 x 1.8 x 0.2 5.6 x 0.9*

10

3.1 x 0.5

2

4.3 x 0.8 x 0.1

1

1.2 x 0.9 x 0.2

1

1.6 x 0.7 x 0.5

6

1.8 x 1.2 x 0.1

total

39

rouge/ orange-gris brun marron crème/ brun marron clair/ noirci crème brun rouge/ orange crème marron/ crème

sép. 29.1

sép. 68.2 sép. 68.2 sép. 32.3 sép. 13.1 sép. 46.1 sép. 3334 sép. 83.1 sép. 69.1 sép. 21.1

Tableau 42. Caractéristiques générales des pendentifs en coquille, mobilier funéraire récent.

Etant donné l’emplacement des unes et des autres sous les restes osseux, elles auraient pu former un lit pour recevoir le corps du défunt. Mais, si c’était le cas, pourquoi avoir perforé celles qui accompagnaient l’individu 52.1? Il serait peut-être plus vraisemblable de penser qu’elles faisaient partie d’une couverture ou d’un tapis brodé de perles chargé d’isoler le défunt du sol, tandis que celles de l’individu 61.2 formaient effectivement un lit.

• Pendentifs carrés. Avec 16 exemplaires, ce type de pendentif est le plus répandu de l’échantillon. Il s’agit de plaquettes carrées avec une ample perforation centrale de même forme, probablement élaborées à partir de Spondylus sp (Melgarejo 1999, Schöndube y Valdez 2001). Les dimensions de l’ensemble des pièces sont assez uniformes: 2,2 cm de long pour 2 cm de large et 0,2 cm d’épaisseur, en moyenne (figure 114d). La couleur varie du crème au marron en passant par l’orange et même le rouge. Dans certains cas, la couleur crème résulte d’une perte de la surface originale du coquillage qui était normalement orange clair.

b. Les pendentifs Un total de 39 pendentifs a été trouvé en contexte funéraire Amacueca. Il s’agit généralement de plaquettes, c’est-à-dire d’objets façonnés sur un support plat à l’exception de trois, dont le support est incurvé. Malgré leur nombre restreint, les pendentifs se trouvent associés à 11 individus, et forment des lots qui peuvent atteindre six pièces.

Ces pendentifs faisaient probablement partie de bijoux plus complexes, composés d’un anneau de cuivre duquel pendait la plaquette carrée. Ce type d’ornement accompagnait les individus 26.4 et 29.1 et, d’après leur

97

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ extrémités distales (1,1 cm). La couleur varie de marron à crème dans la même pièce. D’après leurs caractéristiques, elles ont été façonnés à partir des épines primaires de Spondylus sp. (ibid).

position par rapport au défunt, il s’agirait de boucles d’oreille. •Pendentifs carrés à protubérances. La morphologie de base de ces pendentifs est la même que celle des plaquettes carrées: ils ont des dimensions similaires et la même perforation carrée au milieu. La différence se trouve dans les protubérances rondes placées dans les angles extérieurs (figure 114c). Ces éléments ont aussi été élaborés à partir du Spondylus sp (ibid) dont la couleur varie du rouge/orange au gris brunâtre. Etant donné qu’ils ne présentent d’autre perforation que centrale, ces pendentifs auraient été portés de la même manière que les plaquettes carrées, c’est-à-dire pendus à des anneaux en cuivre.

•Pendentif parallélépipédique. Un seul spécimen est présent dans l’échantillon funéraire; il accompagne l’individu 69.1. Il mesure 1,7 cm de long pour 0,7 de large et 0,5 d’épaisseur (figure 114g). Le pendentif de couleur crème se portait vraisemblablement horizontalement, puisque les deux extrémités présentent une perforation circulaire conique, rejointe par des perforations similaires situées sur la face ventrale. Celleci présente deux sillons qui traversent verticalement la pièce. On distingue, sur la face dorsale, deux encoches triangulaires qui correspondent à la morphologie naturelle de la coquille dont l’espèce n’a pas été identifiée.

•Pendentifs ovales. La morphologie de ce type de pièce rappelle celle de certains boutons actuels. Constitué par une plaquette ovale, généralement de couleur marron, chaque pendentif présente quatre perforations circulaires biconiques disposées en carré au milieu. Elles mesurent en moyenne 2,3 cm de diamètre majeur, 1,8 cm de diamètre mineur et à peine 0,2 cm d’épaisseur (figure 114e). Seul l’individu 32.3 est accompagné de ce type de pièce; elles se trouvaient éparpillées sous le fémur gauche du défunt, et plusieurs d’entre elles étaient empilées. D’après leur morphologie, ces objets auraient été façonnés à partir d’un gastéropode. D’autre part, leur localisation, sous la cuisse du défunt, ne semble pas correspondre à celle d’un bijou corporel. Ces objets pourraient donc être des ornements de vêtements et avoir été cousus sur du tissu, en formant des dessins.

•Pendentifs zoomorphes. Ces six objets représentent des oiseaux, façonnés dans une coquille non identifiée à structure laminaire de couleur marron qui forme des plaquettes minces de 0,1 cm d’épaisseur. La tête est représentée de profil, tandis que le corps, vu de face, présente les ailes déployées. Ils mesurent à peine 1,8 cm de long pour 1,2 cm de large. La partie centrale du corps ainsi que la tête porte une perforation conique miniature, celle de la tête symbolisant l’oeil (figure 114h). Ces petites pièces se trouvaient sur la cheville droite de l’individu 21.1. Il pourrait donc s’agir d’ornements cousus aux vêtements ou plus vraisemblablement d’un ornement de cheville. c. Les épingles

•Pendentifs tubulaires. Ce type d’objets, qui par leur taille ont été classés comme pendentifs, accompagnait les individus 13.1 et 46.1. Dans le premier cas, il s’agit de six objets tubulaires qui mesurent en moyenne 5,6 cm de long pour 0,9 cm de diamètre extérieur et 0,5 cm de diamètre intérieur. Cela donne des parois d’environ 0,2 cm d’épaisseur (figure 115b). Malgré l’érosion de la surface, dans les secteurs non atteints, on peut distinguer des tonalités crème et brunâtre dans la même pièce.

Les deux épingles enregistrées ont été façonnées à partir de coquilles non identifiées (figure 115e). Celle qui se trouvait associé à l’individu 51.1 est une épingle à fût cylindrique et pointe arrondie d’environ 0,2 cm de diamètre, dont la tête sphérique mesure 0,3 cm de diamètre maximal. La longueur totale de la pièce est de 1,5 cm et la couleur de la surface non érodée est orange clair. L’épingle de couleur grise de l’individu 54.2 mesure 3,2 cm de long, 0,2 cm de large pour 0,2 cm d’épaisseur. La tête quadrangulaire mesure 0,9 cm de long (dans l’axe de la pièce) pour 0,8 cm de large; une perforation circulaire biconique se trouve dans la partie supérieure. En-dessous, mais toujours dans la tête, on note deux lignes horizontales incisées. Elle se trouvait à côté de la cheville gauche de l’individu. Etant donnée la fragilité de la pièce et de sa perforation, elle était probablement cousue aux vêtements du défunt comme ornement plutôt que destinée à assembler deux pans de tissu.

Les dix pièces qui accompagnaient l’individu 46.1 présentent la même morphologie que les précédentes, mais leurs dimensions sont plus réduites. En effet, ces pendentifs mesurent en moyenne 3,1 cm de long pour 0,5 cm de diamètre extérieur, 0,3 cm de diamètre intérieur et environ 0,2 cm d’épaisseur des parois. La couleur varie du rouge/marron, au marron noirci. Ce type de pendentifs a été façonné à partir du Serpulorbis oryzata (Melgarejo 1999). Etant donnée l’absence d’autre type de perforation, il est donc certain que ces pendentifs se portaient de façon horizontale. •Pendentifs rectangulaires. Les trois pièces de ce type se trouvaient associées à la sépulture 33-34. Elles mesurent en moyenne 4,3 cm de long pour 0,8 cm de large et 0,1 cm d’épaisseur (figure 114f). Des perforations circulaires biconiques d’environ 0,2 cm de diamètre, s’apprécient aux extrémités proximales, plus étroites (0,8 cm) que les

d. Les bracelets Un lot de cinq bracelets se trouvait derrière le corps de l’individu 52.1 (immature). Les pièces, qui présentent à peu près la même taille, ont été façonnées à partir du contour d’une coquille bivalve. A l’intérieur on peut 98

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ encore distinguer la charnière. La couleur de surface est gris clair. Les bracelets mesurent en moyenne 5,9 cm de diamètre extérieur, et 4,7 cm de diamètre intérieur (figure 115c). Ces détails suggèrent l’utilisation de valves de Glycymeris gigantea (Melgarejo 1999, Schöndube y Valdez 2001). La taille des bracelets (adaptés plutôt à un bras d’adulte) ainsi que le fait que l’individu ne les portait pas, suggèrent que, malgré leur indéniable caractère de parure, ces bracelets, dans ce cas précis, remplissaient la fonction d’offrandes.

morphologie fragment fragment fragment fragment perforé fragment perforé frag. semicirculaire pectoral

e. Les pectoraux Le pectoral est un élément décoratif qui présente une ou plusieurs perforations excentriques. Un pectoral est la pièce la plus importante d’un bijou, qui occupe la place centrale de la parure parfois composée d’autre perles et pendentifs (Suárez 1991: 80). A partir de cette définition, nous avons décidé de classer les quatre fragments qui accompagnent les individus 14.1, 14.2, 32.3 et 58.1 dans cette catégorie. De morphologie capricieuse, façonnés sur une plaquette mince d’environ 0,2 cm d’épaisseur, ces objets comportent diverses perforations (figure 115d). Les plus nombreuses sont les circulaires biconiques d’environ 0,2 cm de diamètre, mais on note aussi des perforations beaucoup plus amples à formes géométriques (14.2, 32.3) ou indéfinies (14.1 et 58). Etant donnée la taille des fragments, il est évident qu’ils ont été façonnés dans de grandes coquilles probablement bivalves, puisque la forme est assez plate, morphologie qui ne pourrait pas s’obtenir à partir d’un gastérodode.

autres objets en coquille quantité dimensions en couleur centimètres 1 1.4 x 1 x 0.3 crème 1 6.3 x 0.5 x 0.5 crème** 1 6 x 0.7 x 0.5 marron 1 2.5 x 1.1 x 0.28 crème

provenance 53b 74.1 sép. 21.1 sép 16.3

1

5.8 x 3.4 x 0.2

marron

sép. ?

1

6.4 x 0.4

brun foncé

sép. 57.1

1

3.5 x 2.8 x 0.2

sép. 58.1

pectoral

1

3.2 x 2.1 x 0.1

pectoral pectoral épingle

1 1 1

sép 14.2 sép. 32.3 sép. 51.1

épingle bracelet total

2 5 24

4.1 x 3 x 0.2 5.8 x 3.4 x 0.2 1.54 x 0.23 x 0.32 3.2 x 0.1 x 0.8 6 x 4.5 x 0.3

nacré iridiscente blanc/ marron marron marron rouge gris/brun* beige*

sép. 54.2 sép. 52.1

sép 14.1

*moyenne ** surface érodée Tableau 43. Caractéristiques générales des autres objets en coquillage, mobilier funéraire, phase Amacueca. •Fragment semi-circulaire. Dans la cage thoracique de l’individu 57.1 se trouvait un fragment semi-circulaire obtenu à partir du bord d’une coquille bivalve dont la couleur va du gris foncé au crème et qui pourrait correspondre à un Glycymeris gigantea (Melgarejo 1999). Les zones grises résultent probablement du contact avec la terre. Le diamètre extérieur est de 6,4 cm, l’intérieur est de 5,6 cm: l’épaisseur est donc de 0,8 cm. Une extrémité du demi-cercle finit en pointe aiguisée tandis que l’autre est arrondie, toutes les deux étant travaillées. La morphologie du fragment semble correspondre à un pectoral, mais il pourrait aussi s’agir d’un bracelet cassé et retravaillé. L’absence de perforation ne permet pas de penser à un pendentif. Etant donné que sa position originale par rapport au défunt est inconnue, il aurait pu être placé dans la sépulture en tant qu’offrande plutôt que comme élément de parure.

f. Les fragments • Fragments divers. Cette catégorie regroupe trois fragments de morphologies variées dont la caractéristique commune, en plus du matériel malacologique, est l’absence de perforations ou d’appendices qui puissent fournir un indice sur leur fonction. On les a seulement comptabilisés. • Fragments perforés. Dans cette catégorie se trouvent deux fragments de morphologies différentes. Dans la sépulture 16 se trouvait un fragment allongé d’une coquille bivalve d’environ 2,5 cm de long pour 1 cm de large et 0,2 cm d’épaisseur. Etant donné que l’objet présente des traces de perforations aux extrémités, il pourrait s’agir d’un pendentif.

Comme on l’a signalé ci-dessus, la coquille est le matériel le plus utilisé dans la manufacture des parures dans les sépultures de la phase Amacueca. Même si leur comptabilisation a été effectuée pièce par pièce et que celles-ci sont parfois minuscules, le volume d’objets est plus important que celui de n’importe quel autre matériel.

Enfin, le fragment qui se trouvait au fond de la sépulture 91 ne peut pas être associé à un individu spécifique (la sépulture en abrite deux). Il s’agit d’un objet de 3,4 cm de long, 2,6 cm de large et 0,6 cm d’épaisseur, avec une perforation biconique d’environ 0,3 cm de diamètre. Etant donnée la taille du fragment, ainsi que la présence d’une perforation, il ne pourrait s’agir que d’un pendentif dont la forme originale nous est inconnue.

Bien que la fonction générale de ce genre d’éléments soit ornementale, il faut noter la variété des catégories présentes: bracelets, perles formant des colliers, pendentifs, pectoraux, ornements de cheville, épingles et boutons. D’autre part, la richesse morphologique à l’intérieur de chaque catégorie est importante. Les pendentifs sont rectangulaires, carrés, tubulaires, circulaires, ovales, et même zoomorphes. La taille des 99

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ temporaux, peuvent s’interpréter comme des boucles ou des ornements d’oreille.

objets est aussi très variable, depuis les perles d’à peine quelques millimètres jusqu’aux pendentifs de plus de 5 cm de long. L’ensemble du matériel malacologique funéraire de Caseta est similaire à celui du site de San Juan, dont le nombre est plus réduit. A l’échelle de l’Occident du Mexique, du matériel semblable a été enregistré dans certains sites. Des pendentifs rectangulaires, et tubulaires (Conus sp.) furent découverts dans le site de Tizapán el Alto, Jalisco (Meighan y Foote 1968). Des bracelets de Glycymeris se trouvaient à Tuxcacuexco (Kelly 1949), ainsi que des boucles d’oreille composée par un anneau de cuivre et un pendentif en coquille: elles seraient caractéristiques des élites tarasques (Pollard 1994).

morphologie anneau anneau anneau** anneau** anneau grelots grelots pendentif total

objets en métal quantité dimension( cm) 8 1.4 1 1.8 6 2 4 1.5 1 1.7 24 1 x 0.7 2 1.7 x 1.2 1 7.6 x 6 47

métal

provenance

cuivre cuivre cuivre cuivre cuivre cuivre cuivre or?

3.1 5.1 26.4 29.1 68.2 32.3 93.1 61.1

*moyenne **pendentif: anneau en cuivre, carrés en coquille

Un nombre important d’espèces marines différentes a aussi été utilisé dans la manufacture de ces objets. La plus commune est le Spondylus sp., mais on a identifié également Serpulorbis oryzate, Glycymeris sp., Marginela curta, ainsi que divers gastéropodes et pélécipodes. Le matériel étant en cours d’analyse, il n’est pas encore possible de préciser exactement le lieu d’obtention des espèces (Schöndube et Valdez 2001: 337). Mais on doit souligner ici que la simple présence de tels objets d’origine marine implique l’intégration de Caseta dans des réseaux d’échanges qui s’étendent jusqu’aux côtes de l’Océan Pacifique.

Tableau 44. Caractéristiques générales des objets en métal de la phase Amacueca.

b. Les grelots Seuls les individus 32.3 et 93.1 étaient accompagnés de grelots en cuivre (photo 7); le premier en portait 24, et le deuxième deux. L’ensemble des grelots de l’individu 32.1 est soudé et partiellement déformé par l’expansion des sels avec l’oxydation métallique (Schöndube et Valdez 2001: 330). Malgré cette altération, leur forme globulaire reste évidente (photo 8). Ils mesurent en moyenne 1 cm de long pour 0,7 cm de diamètre maximal. D’après Rivet et Arsandaux (1946: 4) les dégradations profondes des matériaux cuprifères peuvent résulter de l’état de sécheresse du milieu, du climat marin ou des émanations de chlorure d’ammonium issues de la décomposition d’un cadavre. Les conditions climatiques humides du bassin de Sayula, ainsi que son éloignement de la côte permettent d’écarter les deux premiers facteurs, même si le caractère saumâtre de la lagune pourrait s’apparenter à un milieu maritime. La cause la plus vraisemblable de cette déformation serait alors, la dernière. En effet, les grelots se trouvaient directement associés à la jambe gauche de l’individu. Il pourrait s’agir d’un ornement de cheville (ajorca ).

2. Le métal Les objets en métal trouvés en contexte funéraire sont peu nombreux: on en compte 47, concentrés dans à peine sept sépultures. Le nombre de formes est limité à trois: les anneaux, les grelots, et un pendentif (tableau 44). Tous ces éléments de parure présentent des altérations plus ou moins importantes, qui, d’une façon générale, se manifestent par la présence de couches de vert-de-gris à la surface des objets, particularité distinctive des pièces essentiellement cuprifères ou riches en cuivre (Rivet et Arsandaux 1946). Le cuivre est donc le matériel le plus utilisé, même s’il existe la possibilité d’alliages avec de l’argent ou de l’or, sans que l’on puisse préciser les teneurs respectives. Dans tous les cas, les altérations sont irréversibles et atteignent la structure des pièces.

Par contre, les dimensions des deux grelots de l’individu 93.1 sont plus importantes puisqu’ils mesurent en moyenne 1,7 cm de long pour 1,2 cm de diamètre maximum. Leur morphologie piriforme, s’achève par une attache ou anse annulaire parallèle à la fente.

a. Les anneaux Avec 20 pièces, les anneaux se classent en seconde position parmi les objets en métal. Ils se trouvent concentrés sur cinq individus: chacun en porte entre 1 et 6. Ils mesurent en moyenne 1,8 cm de diamètre et 0,8 cm d’épaisseur (photo 6).

D’après Hosler (1998: 321), entre 1200 et 1300 après J. C. les alliages de cuivre et d’argent produits par les artisans de l’Occident ont permis l’élaboration de grelots plus complexes qu’auparavant. Etant donné que l’occupation postclassique du site de Caseta se situe entre 1100 et 1500 après J. C., et que les grelots trouvés dans le site présentent une morphologie complexe, ils correspondraient donc à la catégorie décrite par Hosler.

Dans deux sépultures (individus 26.4 et 29.1), ces anneaux servaient d’attache à des pendentifs carrés en coquille. L’ensemble formait donc des ornements qui, d’après leur localisation, proche de la mandibule et des

100

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ Caseta, l’absence d’indices très significatifs ne permet pas de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. Rappelons toutefois qu’un échantillon, certes réduit, de l’obsidienne provient de gisements localisés au Michoacán. Par ailleurs, dans le matériel céramique, le type 5, représenté par un seul récipient, est interprété comme symptomatique d’une influence tarasque tardive. Ces arguments ne suffisent pas à eux seuls à prouver une intrusion, mais leur association constitue un premier indice. Il est en tout cas fortement probable que les objets métalliques de Caseta ont été élaborés dans d’autres localités et, ensuite, introduits dans le bassin de Sayula, via les Tarasques ou non.

c. Pendentif Cette pièce est exceptionnelle tant par sa morphologie que par le type de métal utilisé dans sa manufacture. Il s’agit d’une lame très fine de métal doré martelée en forme de ‘L’ qui mesure 7,6 cm de long pour 6 cm de large avec une perforation sommitale (photo 9). Sa coloration bronzée suggère que l’objet a été façonné en tumbaga, alliage d’or argentifère et de cuivre (Rivet et Arsandaux 1946: 67). Ce pendentif accompagnait l’individu 61.1, et se trouvait à proximité du sternum. D’après Hosler (1998: 321) entre 1200 et 1300 après J. C., les métallurgistes de l’Occident commencent à pratiquer des alliages de cuivre et d’argent qui produisent des couleurs dorées ou argentées. Etant données les caractéristiques de ce pendentif, il pourrait donc correspondre à cette époque.

3. Les autres matériels En plus de la coquille et du métal, mentionné ci-dessus, du mobilier funéraire a été façonné, en nombre beaucoup plus restreint, dans de l’os et de la pierre. La seule forme enregistrée est la perle. Une seule perle tubulaire en os poli se trouvait associée à l’individu 5.1. Par sa morphologie tubulaire à parois très fines (environ 0,5 mm d’épaisseur) avec un diamètre extérieur de 0,5 cm, cette perle tubulaire aurait été faite à partir d’un os long d’un oiseau de petite taille.

Les techniques d’élaboration des objets trouvés dans le site de Caseta sont le martelage à froid et la cire perdue. Le martelage à froid permet d’augmenter le degré de dureté du cuivre qui peut alors atteindre celui du bronze (Rivet et Arsandaux 1946: 156). D’autre part, les grelots ont été obtenus selon la technique de la cire perdue, décrite par Sahagun (cité par Rivet et Arsandaux 1946: 127). Un prototype exact de la pièce était d’abord élaboré dans un mélange d’argile et de charbon séché et durci au soleil. Ensuite, l’objet était enduit d’une couche de cire et enveloppé d’un moule constitué d’argile et de charbon grossièrement pilé. Un petit cylindre de cire traversait le moule de part en part. En chauffant l’ensemble, la cire fondait et s’écoulait par le canal; l’espace laissé libre par la cire était rempli de métal fondu. Une fois refroidie, la coquille était brisée laissant apparaître l’objet prêt pour le polissage.

morphologie perle tubulaire perles perles total

Le matériel métallique du site de Caseta n’ayant pas fait l’objet d’une étude chimique visant à mieux le placer chronologiquement, nous ne sommes pas en mesure de fournir d’informations précises sur ce point. Mais nous pouvons nous référer au matériel du site de San Juan, à environ 18 km au nord de Caseta. L’échantillon métallique des deux sites correspond à la phase Amacueca. Par ailleurs, la morphologie des pièces et le métal utilisé sont similaires. Nous pouvons donc, avec prudence, nous appuyer sur l’étude effectuée par Hosler (1998). Sur la base de 41 pièces analysées, pour un corpus de plus de 200 pièces, elle obtient une datation postérieure à 1350 après J. C. Sans pouvoir l’affirmer catégoriquement, il est donc vraisemblable que la même datation est valable pour le matériel de Caseta.

objets dans d’autres matériels quantité dimensions matériel (cm) 1 1.1 x 0.5 os 20 2 23

0.4 x 0.4* 0.6 x 0.4

pierre pierre

provenance 5.1 61.1 32.3

*moyenne Tableau 45. Caractéristiques générales des objets en matériels divers, mobilier funéraire, phase Amacueca. Des perles de couleur gris foncé métallique ont été fabriquées à partir de pyrite. Elles présentent, en général, les mêmes caractéristiques morphologiques. Il s’agit de perles globulaires aplaties, mesurant entre 0,4 et 0,6 cm de diamètre en moyenne pour 0,4 cm de hauteur.La perforation est inférieure à 0,1 cm de diamètre. La seule différence entre elles se situe au niveau de la taille. Les deux pièces associées à l’individu 32.3 présentent un diamètre plus important que celles de l’individu 61.1.

Même si des mines de cuivre ont été repérées dans le bassin de Sayula (Schöndube et Valdez 2001: 330), tous les objets étudiés ont été fabriqués à partir de métaux originaires du Jalisco (Ayutla ou Autlán) et du Michoacán (Inguarán et Bastán) (Hosler 1998: 321). Cela est interprété par Hosler (1998: 325) comme un indice qui confirmerait l’hypothèse avancée par Valdez et Liot (1994) d’une intrusion tarasque. Pour ce qui est de

Ce type de perles est relativement commun dans le bassin de Sayula, puisque elles se trouvent à la surface de plusieurs sites et directement associées à certaines sépultures du site de San Juan (phases Sayula et Amacueca), et du site de Cerritos Colorados (phase Sayula).

101

Le mobilier funéraire _______________________________________________________________________________________________ fortement avec le cimetière Nord où le nombre s’élève à peine à 11. Parmi les sépultures isolées, aucune n’était accompagnée de mobilier. Si l’on tient compte d’éventuelles différences chronologiques entre les deux cimetières, comme le suggère l’étude de la céramique, (mais aussi des objets en métal), cette différenciation pourrait avoir des implications pour l’interprétation ultérieure du statut des populations impliquées.

C. Commentaires La comptabilisation du mobilier funéraire montre que les offrandes sont les objets le plus souvent trouvés dans les sépultures, puisque elles accompagnent 68 individus. Cette catégorie est constituée, dans le cas de Caseta, par des récipients et des fusaïoles en céramique, des pointes, des lames et des couteaux en pierre.

Finalement la diversité des matériaux utilisés dans la manufacture du mobilier est révélatrice de liens commerciaux avec d’autres régions. Les rapports les plus évidents seraient avec la côte Pacifique qui fournissait le bassin de Sayula en coquillage. Ensuite, la région centrale (gisement de Las Navajas) et les bassins lacustres du Jalisco (La Joya et Teuchitlán), ainsi que le Michoacán (Zinapécuaro-Ucareo) approvisionnaient la région en obsidienne, pour la fabrication d’outils et armes diverses. Enfin, les régions d’Ayutla et d’Autlán dans le Jalisco ainsi que Inguarán et Bastán dans le Michoacán produisaient le métal des objets qui parvenaient dans le bassin de Sayula en tant que produits finis. On doit, pour terminer, rappeler que la céramique présente aussi une influence de la zone voisine d’Autlán. Tous ces éléments, sans exagérer leur importance, confirment que le bassin, loin d’être un isolat, se situe bien, comme l’avait proposé le projet originel, au carrefour de plusieurs influences ou routes d’échanges.

D’autre part, si les parures sont moins nombreuses, leur variété est importante: colliers, bracelets, boutons, épingles, etc. Mais leur présence par individu est plus restreinte car elles n’étaient associées qu’à 31 corps. Le nombre d’individus qui comptent simultanément offrandes et parures est encore plus réduit puisque il se limite à 20. D’après ces chiffres, il apparaît que, malgré la diversité des matières premières utilisées et leur variété morphologique, la quantité de mobilier funéraire par individu est restreinte: elle atteint 43 % des effectifs. Par ailleurs, l’inégalité du nombre d’objets mobiliers est visible, si l’on considère que certaines inhumations comptent à peine une fusaïole (individu 31.1), tandis que d’autres présentent jusqu’à 22 pièces (individu 17.1). Il est également significatif de noter que la répartition du mobilier est aussi très inégale selon le secteur funéraire. Le cimetière Sud compte 68 individus accompagnés de pièces d’offrande ou de parure, chiffre qui contraste

102

Chapitre VI

LES PRATIQUES FUNERAIRES RECENTES amorphes; plusieurs d’entre elles doivent sans doute leur morphologie actuelle à l’action de la charrue qui a endommagé leurs contours. Enfin, pour sept sépultures, la forme de la fosse n’a pas pu être définie en raison de l’uniformité du sédiment autour des vestiges. Ces fosses ont été classées comme « indéterminées » (graphique 10). Il faut encore préciser que quelques structures étaient incomplètes, soit en raison de l’action de la charrue, soit par suite de recoupement ultérieur, mais, dans la plupart des cas, la forme originale a pu être reconnue.

Les divers éléments de la description des sépultures seront successivement discutés pour chacun des cimetières. D’abord, les données enregistrées lors de la fouille: forme des fosses, position et orientation des corps, et disposition du mobilier. Puis, les informations obtenues par l’analyse ostéologique, qui ont un rapport direct avec les pratiques funéraires: comptabilisation des effectifs, modes de dépôts, identification de sexe et d’âge, ainsi que la disposition du mobilier. Ces informations seront ensuite mises en corrélation, d’abord à l’intérieur de chaque cimetière, puis pour l’ensemble. La question fondamentale à résoudre concerne l’homogénéité de l’ensemble funéraire récent de Caseta, ou, au contraire, l’existence de deux secteurs distincts. Même si toutes les sépultures étudiées appartiennent à la phase Amacueca, certains indices apportés par le mobilier introduisent déjà l’idée d’une différenciation chronologique, qui reste toutefois hypothétique. Nous espérons que l’étude individuelle de chaque secteur apportera un complément d’informations suffisant pour trancher.

indéter ind ter minéee min

ovale

rectan gulaire

La logique aurait voulu que l’analyse suive l’ordre de découverte des sépultures: l’étude du cimetière Sud aurait donc dû figurer en premier. Toutefois, nous avons choisi d’entamer ce chapitre par l’analyse du cimetière Nord pour une raison assez simple. Moins complexe que le cimetière Sud, le cimetière Nord a posé beaucoup moins de problèmes lors de la fouille: en choisissant de commencer par son étude, nous avons voulu donner au lecteur une perspective qui aille du simple au compliqué, et faciliter ainsi la lecture et la compréhension de ce chapitre.

amorphes circulaire

Graphique 10. Les formes des fosses funéraires du cimetière Nord du site de Caseta.

En général, les fosses présentent une taille suffisante pour contenir au moins un individu. Les exceptions sont les sépultures 72 et 74 dont les mensurations, inférieures à la moyenne, rendent impossible le dépôt d’un corps non décharné à l’intérieur. Ces deux structures sembleraient avoir été conçues spécialement pour contenir des dépôts secondaires. A l’inverse, des fosses de dimensions importantes comme les sépultures 75, 88, 89 et 95 permettaient aisément le placement d’un deuxième corps. Mise à part la 75, dont la forme allongée irrégulière pourrait résulter du passage de la charrue, les trois autres présentaient des formes bien définies. Les squelettes qui s’y trouvaient étaient ramassés dans un coin de la fosse. Etant donnés leur taille et leur agencement intérieur, il pourrait s’agir de structures conçues pour une utilisation de longue durée où l’introduction des restes serait échelonnée dans le temps.

A. Cimetière Nord 1. Les structures Les fosses constituent le seul type de structures funéraires présentes dans les cimetières de la phase Amacueca. Elles sont facilement perceptibles, puisque, creusées dans la ponce volcanique, elles ont été remplies de terre, ce qui détermine des limites visibles qui simplifient la reconstitution de leur morphologie. On a identifié 25 fosses dans le cimetière Nord.

Aucune des sépultures du cimetière Nord ne présentait de dalles fermant l’entrée de la fosse, ni de structure de condamnation. Leur remplissage par de la terre constituait peut-être une forme de condamnation. Les restes étaient ensevelis au moment de leur découverte, mais, attendu que cet argument n’est pas suffisant pour démontrer la décomposition d’un corps en espace colmaté (Duday et

Leurs morphologies sont pourtant très variables. Il est possible de distinguer trois formes principales: ovale, rectangulaire et circulaire. L’ovale et la rectangulaire avec des angles arrondis sont les plus communes, avec cinq et six cas respectivement, tandis que seuls deux cas de fosses circulaires ont été repérés. Il y avait aussi cinq fosses aux contours irréguliers, classées comme 103

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ ou secondaire, montrent que, sur les 20 sépultures individuelles, 14 ont fait l’objet d’un dépôt primaire; pour les autres six cas, il n’a pas été possible de déterminer le mode de dépôt. Cela donne à penser qu’aucune sépulture individuelle n’aurait fait l’objet d’un dépôt secondaire. Les cinq sépultures multiples du cimetière Nord étaient composées par deux individus. Sur un total de 10 individus en sépultures multiple, quatre ont fait l’objet d’un dépôt primaire et six d’un secondaire. On peut donc avancer qu’il existe un rapport entre la composition des sépultures et le mode de dépôts de leurs restes.

al. 1990: 36), il nous faudra étudier plus en détail la position de certains segments anatomiques dans la section suivante.

2. Comptabilisation des effectifs et modes de dépôts Pour le cimetière Nord, on comptabilise un total 25 sépultures (figure 18), dont 20 individuelles et cinq multiples. Les sépultures multiples étaient composées par deux individus seulement. D’un total de 30 squelettes, 18 sont des dépôts primaires, six secondaires et six indéterminés. Les sépultures individuelles étaient donc les plus répandues dans le cimetière Nord, tandis que le taux d’inhumations multiples s’élève à peine à 20 %.

3. Disposition des restes primaires

Par ailleurs, les dépôts primaires, qui représentent 60 % du total, sont les plus communs. Il faut aussi signaler que le taux de sépultures dont on ne connaît pas le mode de dépôt est important puisqu’il s’élève aussi à 20 %. Cela donne un aperçu de l’état du matériel osseux du cimetière Nord, où mauvaise conservation et bouleversements empêchent d’obtenir l’information de base. sép. indisépultures viduelles multiples 20 5 80% 20% total 25 sépultures

Sur un total de 18 dépôts primaires, nous avons pu reconnaître la position de 15 squelettes; les trois restants sont classés comme ‘indéterminés’. Bien que la position fléchie soit généralisée, il existe trois variantes, dont la plus fréquente est la position dorsale, avec sept cas, suivi de la position assise (cinq cas) et, enfin, de trois cas en position latérale gauche (graphique 11). Huit individus présentaient les avant-bras croisés sur la poitrine et les mains posées sur les épaules. Pour les sept cas restants, les bras n’étaient pas en position anatomique.

dépôts dépôts dépôts primaires secondaires inconnus 18 6 6 60 % 20 % 20 % total 30 individus

Tableau 46. Comptabilisation des effectifs et modes de dépôts, cimetière Nord, Caseta.

dépôts primaires % composition % dépôt % total dépôts secondaires % composition % dépôt % total dépôts indéterminés % composition % dépôt % total composition totale

individus en sépulture individuelle 14 77.77 % 70 % 46.66 % 0

6 100 % 30 % 20 % 20 100% 66.66%

individus en sépulture multiple 4 22.22 % 40.00 % 13.33 % 6 100 % 60 % 20 % 0

dépôts total 18 100% 60% 6 100% 20 % 6 100%

10

20 % 30

100% 33.32%

100%

Graphique 11. Position des corps en dépôts primaires du cimetière Nord.

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement

Par ailleurs, la variabilité dans l’orientation des corps était importante. L’orientation vers l’est est la plus répandue, puisqu’elle concerne cinq individus. Les 13 cas restants se répartissent de manière régulière entre six autres possibilités (graphique 12). Il ne faut cependant pas oublier que les orientations sont, le plus souvent, approximatives.

Tableau 47. Rapport entre mode de dépôt des squelettes et la composition des sépultures, cimetière Nord, Caseta. Les rapports entre la composition des sépultures, individuelle ou multiple, et les modes de dépôts, primaire 104

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ a. Position latérale Les squelettes en position latérale gauche, 79.1, 83.1, et 88.1, présentaient le crâne incliné vers l’avant. Les membres inférieurs, fléchis et ramenés contre le thorax, amenaient les genoux en face du visage, le touchant presque. Toutefois, certaines caractéristiques de ces restes méritent d’être reprises et discutées plus en détail. D’abord les effets de contrainte1 qui se manifestent de diverses façons dans les trois sépultures. Dans le cas de la sépulture 79, on constate que malgré la séparation des genoux, les chevilles ont gardé leur position jointe. Ce rapprochement des chevilles suggère leur ligotage, geste qui, comme nous le verrons plus loin, semble une caractéristique courante des inhumations du cimetière Nord. D’autre part, on note chez les individus 83.1 et 88.1, une hyperflexion des membres inférieurs. En effet, dans les deux cas, les os des pieds se trouvaient à moins de 10 cm du bassin. Pourtant, le corps humain a du mal à maintenir cette position, même de son vivant puisque les masses musculaires, tant des membres inférieures que des fesses, rendent difficile un tel rapprochement. De plus, le ventre, volumineux ou pas, rend difficile le relèvement des genoux jusqu’au nez, comme on le note pour ces mêmes squelettes. On pourrait attribuer cette position forcée à la pression périphérique du sédiment sur le corps. Cette pression « peut induire une fermeture progressive des angles intersegmentaires, le degré de flexion des articulations augmentant progressivement avec la fonte des masses musculaires. » (Duday et al. 1990: 39).

Graphique 12. Orientation des corps du cimetière Nord. L’information concernant la position et l’orientation des squelettes d’une série osseuse n’a de sens que si les données se croisent pour repérer les tendances générales de l’échantillon, quant à cet aspect du traitement funéraire. Dans le cas du cimetière Nord, ce croisement n’a pas montré une tendance spécifique, mais, au contraire, a plutôt révélé une grande variabilité, plus facilement appréciable dans le tableau 48. position orientation nord nord-est est sud-est sud sud-ouest ouest nord-ouest total

assise

dorsale

latérale

total

-1 --1 1 2 -5

2 1 3 ----1 7

--2 --1 --3

2 2 5 -1 2 2 1 15*

Toutefois d’autres possibles effets de contrainte nous amènent à reconsidérer les deux cas. Pour l’individu 83.1, cela se manifeste au niveau des premières vertèbres thoraciques, tandis que pour le 88.1 la troisième et quatrième lombaires en sont affectés. Dans les deux cas, ces vertèbres se trouvaient projetées vers l’avant, à l’intérieur du volume originel du cadavre, à la différence de l’ensemble de la colonne qui présentait une courbe normale. Cette anomalie évoquerait la présence d’un lien serré qui exerçait une pression précise à ce niveau: il pourrait s’agir d’une corde qui entourait les corps pour maintenir la position fléchie. La pression exercée par la corde aurait déplacé les vertèbres, une fois disparu le tissu mou qui les entourait. Ainsi, une pression destinée à maintenir les membres inférieures laisse une trace sur la colonne et non sur les os longs des membres inférieurs sur lesquels cette contrainte est difficile à repérer. Cependant, selon d’autres chercheurs (Duday et al. 1990: 32), la dislocation des vertèbres thoraciques et lombaires et leur déplacement vers l’avant, est un phénomène taphonomique normal dans les dépôts en position latérale. L’existence d’un lien demeure donc hypothétique.

* seuls sont pris en compte les dépôts primaires dont la position des squelettes est claire Tableau 48a. Données croisées des positions et des orientations des dépôts primaires du cimetière Nord. Une fois établies les tendances générales dans la position et l’orientation des dépôts primaires, il convient d’analyser les détails et les particularités de chaque type de position.

1

« L’effet de contrainte s’applique plus spécifiquement au squelette et désigne des indices de compression exercée sur le corps par le contenant (fosse très étroite, enveloppe en matériaux périssables, ligatures, etc.). » (Duday et al. 1990: 39).

105

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ consécutif des connexions anatomiques. Or ce n’est pas le cas, les vertèbres cervicales étant bien en place. Par contre, la situation du squelette 93.1 est légèrement différente. La dimension extrêmement réduite de la fosse a probablement provoqué une contrainte sur le crâne, entraînant sa perturbation. Lors de la décomposition des tissus mous des membres inférieurs, les os se sont tassés, libérant ainsi l’espace nécessaire pour permettre au crâne de basculer vers l’avant: il repose donc sur les os longs des membres inférieures, détaché de la colonne cervicale. Ces deux squelettes présentaient la même caractéristique, produite par des conditions différentes. Il ne suffit donc pas d’enregistrer les détails similaires: il est nécessaire de les analyser pour savoir s’ils sont produits par les mêmes causes.

De plus, l’effondrement du coxal gauche de l’individu 83.1 suggère l’existence d’un espace vide. Malgré les doutes qui subsistent sur l’existence d’un lien, les effets de contrainte repérés dans ces trois squelettes 79.1, 83.1 et 88.1, pourraient correspondre à une enveloppe périssable qui couvrait le corps, et servait, de plus, à maintenir leur position hyperfléchie. En tout cas, deux des trois squelettes en position latérale 79.1 et 88.1, sembleraient avoir été ligotés. b. Position dorsale Les squelettes en position dorsale, (individus 78.1, 80.1, 81.1, 89.1, 90.1, 91.1 et 93.1), avaient la colonne vertébrale complètement allongée sur le sol, et les membres inférieurs repliés sur le thorax en position fléchie.

D’autre part, on ne compte que deux squelettes en position dorsale, 89.1 et 90.1, dont la décomposition semble s’être produite en espace colmaté. Plusieurs faits confirment cette possibilité. Pour le premier; les patella se trouvaient en place, la mise à plat du thorax n’était pas totale; le bassin, les mains et les pieds avaient gardé leur position anatomique. Ces derniers se trouvaient suspendus au dessus du bassin, et les mains placées sur les épaules. Même si la fosse de l’individu 89.1 avait été remplie de terre, un point additionnel de discussion est la possibilité d’une enveloppe. En plus d’isoler le corps de la terre, cela pourrait expliquer le fait que le squelette ait gardé sa position fléchie. Mais la position des os des pieds introduit un doute sur l’existence de ce linceul. Les pieds auraient pu lâcher avant la disparition de l’enveloppe, tombant dans l’espace vide, temporairement créé entre l’enveloppe et le corps. Or ce n’est pas le cas car ils sont restés en connexion. L’explication serait donc plutôt une décomposition en espace colmaté qui maintenait les os des pieds en place. Par ailleurs, l’existence est plus vraisemblable d’un type de ligotage qui aurait maintenu ensemble les genoux et les chevilles. Sans cet aménagement, les membres inférieurs auraient eu tendance à se séparer et les os à tomber de part et d’autre du corps, une fois le tissu mou disparu.

Bien que les restes des sépultures 78 et 91 soient rares et qu’ils aient été altérés, respectivement par la construction d’une nouvelle sépulture et par la charrue, on pourrait supposer que la position originale des corps était dorsale fléchie. La colonne vertébrale à l’horizontale sur le sol, ainsi que les os des membres inférieurs qui la couvraient, suggèrent une telle position. Dans trois cas, 80.1, 81.1 et 89.1, les membres supérieures se trouvaient croisés sur la poitrine, tandis que les membres inférieurs hyperfléchis et placés sur le thorax sont nettement visibles pour les individus 81.1, 89.1 et 90.1. Dans les deux derniers cas, l’hyperflexion pourrait s’expliquer par la pression périphérique du sédiment sur le corps, phénomène mentionné ci-dessus. Le cas de l’individu 81.1 sera discuté ci dessous. Il existe pour les corps en position dorsale plusieurs indices de décomposition en espace vide. Pour les squelettes 80.1, 81.1, et 93.1, la mise à plat du bassin le suggère. De plus, les deux premiers exemples montrent les os des mains dispersés autour des épaules, ce qui implique l’absence du sédiment les maintenant en connexion anatomique. Quant aux deux autres, l’extrême remaniement du squelette 90.1 n’a pas permis d’enregistrer la position des mains et, pour le 93.1, ces segments anatomiques ne se sont pas conservés.

Quant au squelette 90.1, un effet de contrainte est visible au niveau du bassin. Celui-ci a gardé sa position anatomique témoignant, soit d’une substitution immédiate de la chair décomposée par de la terre, soit d’un effet de paroi qui résulterait d’une enveloppe serrée autour du corps.

Comment, alors, les membres inférieurs de l’individu 81.1 ont-ils gardé leur position hyperfléchie si, décomposé dans un espace vide, le corps n’avait pas subi la pression périphérique du sédiment?. Etant donné que les genoux sont ramassés, ainsi que les chevilles, on peut supposer qu’un ligotage des membres inférieurs serait l’explication la plus plausible.

Il est intéressant de constater que, sur sept corps en position dorsale, cinq manquent de crâne. Pour ce qui est des individus 81.1, 89.1 et 90.1, un prélèvement volontaire du crâne est envisageable. Cela se serait produit lorsque l’articulation temporo-mandibulaire avait lâché, puisque dans les trois cas, la mandibule est présente. Dans le cas des individus 78.1 et 91.1, l’absence de crâne pourrait être imputée aux perturbations agricoles modernes. Pour le 78.1 le remaniement aurait pu aussi avoir été produit par la mise en place de la sépulture 77 qui recoupe la précédente.

La verticalisation du crâne des squelettes 80.1 et 93.1 a attiré notre attention. Pour le 80.1, cette position semble résulter de son placement sur un banc de terre. S’il s’agissait d’un morceau de bois ou d’un autre matériau périssable, sa disparition aurait entraîné l’effondrement du crâne et des cervicales vers l’arrière avec le désordre

106

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ à part les deux dernières lombaires, le reste de la colonne ne s’est pas conservé.

c. Position assise. Comme le signale Pereira (1999: 96), la taphonomie des sépultures en position assise n’est pas aussi bien connue que celle des autres positions en raison de sa rareté en Europe, où s’est développée l’étude de la taphonomie. Afin de contribuer à une meilleure compréhension du phénomène, nous allons discuter en détail les cinq exemples de cette position, présents dans le cimetière Nord.

Les côtes inférieures, empilées derrière le bassin, se trouvaient coincées entre celui-ci et la courbure de la paroi. Les côtes supérieures, tombées en même temps que le crâne, se trouvaient sur le bassin mis à plat. Les genoux ont vraisemblablement lâché ensuite, puisque les membres inférieurs se sont affaissés vers l’arrière, du côté droit du corps; mais les articulations tibia-talus ont gardé leur connexion. Enfin les epiphyses distales des tibias et des fibulas sont restés très proches. Ces indices suggèrent un possible ligotage des chevilles, dont le lien aurait résisté à la décomposition des parties molles. Dans sa chute, le fémur gauche s’est cassé au niveau de la diaphyse, probablement sous l’effet de la pression persistante aux épiphyses, le crâne jouant le rôle de point d’appui.

• Individu 71.1 (figure 19). Ce squelette d’enfant avait les membres inférieurs fléchis, les pieds joints, les genoux écartés, et les avant-bras croisés sur la poitrine. Les os longs étaient tombés sur le côté gauche du corps; les épiphyses proximales des tibias et des fibulas reposaient sur le gril costal gauche. Les côtes droites et gauches étaient complètement affaissées de part et d’autre du sacrum, mais sans sortir du volume original du cadavre. Les vertèbres et les coxaux sont absents, mais le crâne et la mandibule, qui se trouvaient sur le sacrum, se sont effondrés verticalement, en tombant sur leurs bases sans basculer. Tout semble indiquer que les articulations du thorax furent les premières à lâcher, provoquant son effondrement et entraînant le crâne dans leur chute. Ensuite, les genoux, aux articulations plus résistantes (Duday et al. 1990: 31), ont lâché en tombant sur le thorax.

Le membre supérieur gauche, probablement repoussé par la chute du crâne, s’est effondré en même temps que les autres éléments de la ceinture scapulaire. Lors de la fouille, il se trouvait en position allongée et en connexion anatomique, avec un axe d’orientation différent de celui du corps. Les mains se sont disloquées autour du bassin puisque l’avant-bras gauche se trouvait à côté. L’effondrement du crâne vers l’avant et des membres inférieurs vers l’arrière témoigne d’un espace vide entre le tronc et les membres inférieures. Mais la mise à plat du bassin, ainsi que l’écartement du bras gauche de l’axe du corps sont la manifestation d’un espace vide autour du corps, ce qui pourrait s’expliquer par l’existence d’une enveloppe semi-rigide.

Il semble donc probable que la décomposition du cadavre se soit produite dans un espace colmaté. En effet, les pièces osseuses qui, en raison de la position assise, se trouvaient en déséquilibre, auraient dû tomber hors du volume originel du cadavre puisque il y avait un espace d’environ 15 cm entre celui-ci et les parois de la fosse. Or ce n’est pas le cas: tout semble donc indiquer que la fosse a été remplie de terre après l’inhumation du corps. Mais le basculement des chevilles vers la gauche implique l’existence d’un espace vide entre le thorax et les membres inférieures. Il est probable que cet espace n’a pas été immédiatement comblé par la terre lors de la décomposition du tissu mou. Ces déplacements se sont donc produits dans le volume du cadavre. Cela évoque la présence d’une enveloppe corporelle qui a empêché la terre de se substituer à la chair disparue, mais dont on ignore la nature, faute de vestiges. Il est possible, toutefois de penser qu’il pouvait s’agir d’un linceul ou d’une natte (petate en espagnol), qui avait pour fonction de garder la position assise hyperfléchie du corps. Cette enveloppe aurait provoqué un affaissement vertical du crâne et du thorax, les empêchant de tomber hors du volume originel du cadavre.

• Individu 76.1 (figure 21). Bien que la moitié supérieure de l’individu 76.1 eût été arrachée par la machine agricole, les pièces osseuses des membres inférieurs nous renseignent sur sa position originale. La présence de l’os coxal droit, seul vestige du bassin, auquel se trouvait attaché le fémur, suggère que les membres inférieures sont tombées vers l’avant. Cet effondrement se serait produit lors du relâchement de l’articulation coxofémorale. Quelques os du pied droit, encore en connexion anatomique, étaient placés près du coxal. Cette disposition des restes laisse entendre que les membres inférieurs fléchis étaient originalement dressés à la verticale, les pieds posés à plat sur le sol. Ce type d’aménagement des membres inférieures est caractéristique de la position assise dans notre site. • Individu 87.1 (figure 27). Le squelette correspondant à la sépulture 87 était complètement effondré sur le sol de la fosse, il s’agit d’un enfant entre 3 et 6 ans. Le seul élément encore en place était le bassin qui montre une mise à plat des coxaux et des dislocations coxofémorales. Les membres inférieurs, à l’origine en position fléchie, seraient tombés vers l’avant provoquant la désarticulation des genoux, des chevilles et des pieds. Ceux-ci ont été probablement poussés par l’affaissement du tronc et du crâne dans la même direction.

• Individu 73.1 (figure 20). Initialement, le corps était placé en position assise, les membres supérieurs fléchies et les pieds joints reposant sur le sol de la fosse. Le premier segment anatomique à s’effondrer a probablement été le crâne, qui a basculé vers l’avant et vers la gauche lors du relâchement des articulations vertébrales. Son détachement aurait pu se produire au niveau du rachis cervical. On ignore, cependant, entre quelles vertèbres s’est opérée la séparation puisque, mises 107

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ d’ailleurs coupés par la charrue se trouvaient en position inclinée et non pas verticale. Malgré cette coupure il est possible d’apprécier la position assise du corps: le tronc originellement à la verticale, le bassin et les pieds, à plat sur le sol, proches les uns des autres.

Même si les vertèbres lombaires ne sont pas conservées, la présence des huit premières thoraciques à l’avant du bassin, témoigne d’une rupture de la partie basse du rachis au niveau des dernières thoraciques. Les côtes droites et gauches se trouvaient sur les os longs des membres inférieurs. Le crâne, entraîné par la chute du tronc, aurait probablement roulé vers la partie nord-est de la fosse. Il se trouvait, effectivement, adossé à cette paroi, reposant sur le frontal.

Etant donné que la partie haute du corps se trouvait en position verticale lors du passage de la charrue et, que les os du tronc ne s’étaient effondrés, la fosse aurait constitué un espace colmaté. De plus, pour maintenir cette verticalité du corps sans l’appui de la paroi, il fallait que la fosse ait été remplie de terre immédiatement après l’inhumation du corps, ou du moins avant que le processus de décomposition fût avancé. Ainsi, au fur et à mesure que la chair disparaissait, l’espace vide aurait été comblé par de la terre. Malheureusement la perturbation des restes osseux ne nous permet pas de l’affirmer. Le seul indice certain d’une contrainte est le rapprochement des pieds. Cela pourrait indiquer la présence d’une attache au niveau des chevilles.

Même si l’on ne peut exclure, vue la disposition des vestiges, une inhumation en procubitus, cela constituerait le seul cas représenté à Caseta pendant la phase Amacueca. A l’inverse, la position assise est relativement fréquente sur le site. Tout semble indiquer que la décomposition de l’individu, à l’origine en position assise, a eu lieu dans un espace vide, puisque le renversement du tronc vers l’avant, entraînant les membres inférieures dans sa chute, n’aurait pu se produire que dans un espace vide.

Les caractéristiques des corps en position assise varient selon l’espace, vide, vide partiel (enveloppe) ou colmaté, dans lequel s’est produite leur décomposition. En effet, « lorsque le sujet est disposé en position assise, la majorité des pièces osseuses libérées par la décomposition se trouve en situation instable » (Pereira 1999: 97). C’est ainsi que pour les corps inhumés dans un espace vide la mise à plat est presque totale: c’est le cas des individus 76.1 et 87.1. Leur situation contraste avec celle des individus 71.1, 95.1, et 96.1 dont la décomposition a eu lieu dans un espace colmaté: les os longs des membres inférieurs fléchis ont gardé leur position verticale et les chevilles en connexion.

• Individu 95.1 (figure 33). L’information sur cette sépulture est incomplète puisque, atteinte par la charrue, la partie supérieure du corps, a été écartée, comme le prouvent les quelques vertèbres thoraciques et cervicales qui se trouvaient hors des limites de la fosse. D’autre part, la mandibule, le crâne et les os du thorax furent dispersés dans le remblai de la fosse, dans la partie arrière du corps. Le bassin, premier segment anatomique en position, se trouvait sur le sol de la fosse, à 25 cm de la paroi. Les membres inférieures fléchis se dressaient à la verticale, les pieds joints sur le sol et les genoux écartés. La position originale était donc assise fléchie. Cela a exposé davantage le crâne et la ceinture scapulaire, ainsi que les genoux, à l’action de la machine agricole.

Dans le cas des individus 95.1 et 96.1, l’enfoncement des os longs des membres inférieures vers le thorax a probablement une corrélation avec la désintégration des masses viscérales dont le vide produit est remplacé par ces os. Mais cet affaissement des os longs a dû se produire après le relâchement de l’articulation du genou. Or ce mouvement n’a pas modifié la connexion du tarse proximal avec le reste du pied. Pereira (1999: 96) qui a rencontré le même cas suppose que l’articulation de la cheville était déjà détruite lorsque les membres inférieures sont tombées et que la dissolution de l’articulation du genou est plus lente que la tibiotarsienne. Nos observations sur les squelettes 95.1 et 96.1 semblent confirmer cette idée.

Le maintien vertical des os longs des membres inférieurs, ainsi que la présence des os du thorax dans les couches supérieures du remblai, prouvent que la décomposition a eu lieu dans un espace colmaté. Ce colmatage a permis au corps de garder les connexions anatomiques et la position verticale des membres inférieurs et du thorax. Cet équilibre aurait été bouleversé par le passage de la charrue qui a déplacé une partie du corps. • Individu 96.1 (figure 34). Le cas de cette sépulture est similaire au précédent, puisqu’il s’agit de restes partiels, à cause de l’intervention de la machine agricole qui a atteint le corps, placé au milieu de la fosse. Le crâne était absent, tandis que les éléments du tronc se trouvaient dispersés dans le remblai du côté nord de la fosse. Le bassin, localisé sur le fond de la fosse, ne présentait pas la mise à plat caractéristique de la décomposition en espace vide. Les membres inférieurs, encore en connexion avec ce dernier, étaient fléchis au niveau des genoux qui,

Quant aux articulations de l’épaule, si les pièces osseuses étaient encore en connexion, cela résulte de l’appui fourni par la terre qui remplissait la fosse. Le crâne se trouve parfois dans l’espace délimité par le thorax ou le bassin. Cela provient de l’espace vide créé par la position écartée des genoux ainsi que par la disparition des viscères.

108

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ *no.

71 73 76 77 78 79 80 81 83 87 88 89 90 93 95 96 total

position

orientation

assise 1 assise 1 assise ? déc. dorsal déc. lat. gauche 1 déc. dorsal 1 déc. dorsal 1 déc. lat. gauche assise déc. lat. gauche 1 déc. dorsal 1 dorsal dorsal assise 1 assise

O SO SO ? E

vide

espace colmaté

x

absence crâne

x x

x x

N

x

N

x

x

x

E

x

x x x

x x

x

x

x x 5

? x 7

x x

x

6

5

branches. L’existence de branches semble plus adaptée, puisque les arbustes qui en produisent se trouvent sur le site, tandis que les gros arbres dont on peut extraire des planches se trouvent assez loin, dans le secteur montagneux qui entoure le bassin. Quelle que soit la nature de ces structures de condamnation, en tout cas, on doit envisager qu’elles ne suffisaient pas à créer un espace totalement vide; il est plus probable que l’on doive parler d’espace partiellement vide. Un autre aménagement identifié dans le cimetière Nord serait la présence d’enveloppes périssables qui entoureraient le corps des défunts. Cette possibilité se fonde sur l’observation de plusieurs pièces dont la position anormale résulterait de contraintes, comme on l’a vu pour les individus 71, 79, 83, 88, 90, 95 et 96. Les sept inhumations enveloppées correspondent aux trois positions caractéristiques du cimetière Nord: latérale, dorsale et assise. Mais quel était le matériau utilisé dans la confection de ces enveloppes? Puisqu’il s’agit, évidemment, de matériel périssable, les possibilités sont vastes. Mis à part le bois, trop rigide pour épouser la forme du corps humain, des textiles, des nattes, des peaux, ou même de grosses feuilles auraient pu servir.

x

E E NO O S

ligotage

x

x

SO

NE E

enveloppe

x 5

La végétation propre à la région est constituée, on l’a vu, d’espèces dépourvues de grandes feuilles. Dans ces conditions, la possibilité d’une enveloppe constituée de ce type de matériau peut être écartée d’emblée. Par contre, la possibilité d’une enveloppe en peau de bête est retenue, puisque les montagnes de la région étaient à l’époque, et même actuellement, peuplés de cerfs et de coyotes pouvant fournir le matériau nécessaire à la confection d’une telle enveloppe.

*seuls sont pris en compte les dépôts primaires dont la position des squelettes est connue; 1bras croisés sur la poitrine Tableau 48b. Caractéristiques principales des dépôts primaires, cimetière Nord.

Une autre option serait une enveloppe en textile ou en nattes, matières moins difficiles à obtenir que les peaux qui demandent, outre des chasseurs habiles, un travail postérieur d’écorchement et de préparation.

d. Les aménagements particuliers La possibilité d’une décomposition en espace vide a été évoquée pour les sépultures 73, 76, 77?, 78, 80, 81, 87 et 93. Cela nous amène à envisager l’existence de structures de condamnation, puisque, pour des raisons d’hygiène, on ne laisse pas un corps se décomposer en plein air, du moins si l’on habite dans les environs; la puanteur serait alors insupportable. De plus, de telles structures protégeraient les corps de l’action très destructrice des charognards. Aucune trace de leur activité n’a d’ailleurs été enregistrée. La condamnation des fosses permettrait une décomposition en espace vide, qui aurait été colmaté par de la terre, une fois disparues les dalles ou le bois désintégré. Cependant aucun indice positif de structures de condamnation, du moins en matériel durable, n’a été trouvé lors de la fouille ni de la reconnaissance. Les dispositifs adéquats de fermeture d’une fosse du type de celles du site de Caseta seraient des dalles qui, par ailleurs, serviraient à retrouver l’emplacement des sépultures à réutiliser. L’absence de ces dalles pourrait résulter de l’érosion qui les aurait entraînées, ou plus vraisemblablement de leur enlèvement délibéré lors de l’utilisation du terrain comme parcelle agricole. Si les structures de condamnation étaient constituées de matériel périssable, ce ne pouvait être que le bois, planches ou

Une fois révisés les matériaux propres à la confection des enveloppes à partir des ressources naturelles de la région, il faut confronter ces observations avec les anomalies2 détectées sur les restes osseux, qui peuvent fournir une idée plus précise de leur nature. La préservation de la position assise pour les sépultures 71.1, 95.1 nous renseigne sur la nature résistante de l’enveloppe qui a permis de maintenir la verticalité du tronc et du crâne. Par ailleurs, les effets de paroi observés seraient produits par une enveloppe ferme, manufacturée dans du matériel peu flexible, capable de maintenir un groupe de pièces osseuses. Cela permet d’éliminer la possibilité d’un textile fin, mais laisse ouverte la possibilité des peaux ainsi que des nattes. D’après l’analyse de la position des ossements comme de la nature de l’enveloppe, il semblerait que ces sépultures faisaient l’objet de ce qui, en Mésoamérique, s’appelle 2

« La notion d’anomalie taphonomique désigne, en anthropologie de terrain, l’ensemble des dispositions osseuses qui présentent une distorsion par rapport au schéma de dislocation articulaire habituel.. » (Pereira 1999: 97).

109

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ bulto mortuorio traduit comme « paquet funéraire » (Pereira 1999: 98). Cette manière de disposer le corps était fréquemment utilisée au Postclassique puisqu’elle a été décrite par Sahagún (1969: 294) et mentionnée par plusieurs archéologues: « en los códices están representados los bultos mortuorios, una de las maneras más frecuente de disponer del cuerpo. Eran hechos colocando al individuo en posición sedente o flexionada, lo envolvían en mantas y papel y lo amarraban con cuerdas dejándole la cabeza y los pies fuera del bulto »3 (Cabrero 1995: 21).

contrainte. Bien qu’il suffise d’attacher les chevilles pour les maintenir ensemble, cela n’explique pas la position des genoux. Pour les garder unis et reposant sur le tronc, la contrainte ne devrait pas seulement maintenir les genoux, mais aussi les retenir attachés au thorax. Cela suggère un double ligotage: tout le long des tibias et des fibules, puis un lien autour du corps au niveau des genoux. Parmi les individus en position assise deux exemples attirent l’attention (73.1 et 95.1). Dans les deux cas, on peut constater un fort rapprochement des éphypises distales des tibias, qui ont résisté à l’effondrement des genoux, vers la gauche pour le 95.1, et vers la droite, pour le 73.1. De la même façon, pour les autres exemples, le ligotage des chevilles aurait empêché leur désarticulation provoquée par la chute des genoux.Cependant l’explication définitive de ces anomalies comme conséquence du ligotage dépend de l’analyse d’une quantité plus importante de cas, qui pourraient se présenter dans le cimetière Sud. Une fois repérés des exemples analogues dans la totalité de la série osseuse de la phase Amacueca, nous pourrons, peut-être, confirmer cette interprétation.

Les codex auxquels la citation fait référence sont le Borgia (Pl. 26) et le Nuttall (Pl. 20) dans lesquels les paquets funéraires recouvrent les corps en laissant la tête en dehors. Mais ce dernier codex (Pl. 1), ainsi que le Laud (Pl. 31), illustrent une autre modalité dans laquelle la totalité du corps était recouverte et aucune forme anatomique ne pouvait être appréciée. Une troisième façon d’envelopper le corps est répertoriée dans les codex Florentino (Appendice, Chapitre 1, Livre 3), Maggliabecchiano (Pl 67) et Azcatitlán (Pl. XX). On peut y apprécier, à travers l’enveloppe la position assise du défunt soutenue par des cordes qui entouraient le cou, les chevilles et les genoux.

D’autre part, si l’existence d’une enveloppe est avérée, le processus taphonomique serait alors le même que pour les sépultures dont la décomposition s’effectue dans un espace vide. Si les tissus mous se décomposent avant la disparition de l’enveloppe, la préservation de ce dernier produirait un espace vide réduit et temporaire. Cela aurait permis le déplacement interne des os et expliquerait le fait que, dans certains cas, le crâne et une partie du tronc présentent des affaissements plus importants que lors d’une décomposition en espace colmaté, mais moins dramatiques que dans un espace vide. Tel est le cas des sépultures 71.1, 79.1, 83.1 et 88.1.

Quant aux découvertes archéologiques similaires, on peut mentionner l’inhumation entouré de textile épais, trouvée dans la grotte de La Candelaria (Romano 1974: 17). Sur le site de Potrero de Guadalupe au Michoacán, ce type d’inhumation fut aussi évoqué par Pereira qui précise: « Celles-ci [les observations] indiquent plutôt la présence d’une enveloppe relativement solide et rigide» (1999: 99) qui correspondrait à des nattes, dont certains résidus étaient encore présents dans les sépultures (Arnauld et al. 1993: 127). Ces données semblent écarter la possibilité d’une enveloppe en peaux de bêtes et privilégier celle des textiles raides ou des nattes.

Après l’analyse des restes primaires du cimetière Nord, il devient évident que les variables qui déterminent leur disposition vont au-delà de l’orientation et de la position des corps. De plus, les conditions de décomposition, en espace vide ou colmaté et, au moins pour cette série, qui témoignent de la présence d’une enveloppe ou de liens attachant les membres, sont autant de variables qui doivent être prises en compte pour l’étude.

Mise à part la présence des enveloppes, l’autre effet de contrainte se manifeste chez les individus dont les pieds sont fortement rapprochés. Ceci évoque le ligotage des chevilles. L’individu 79.1, en position latérale, présentait cette caractéristique: les chevilles très proches l’une de l’autre, malgré une séparation d’environ 15 cm entre les genoux. Le genou gauche se trouve en face du crâne, tandis que le droit repose sur la partie droite de la face. Dans cette position, seul un lien qui attache les chevilles aurait permis de les maintenir ensemble.

4. Disposition des restes secondaires

Quant aux inhumations en position dorsale, la possibilité de ligotage se présente sous autre forme. Les individus 81.1 et 89.1 avaient les jambes fléchies et ramenées vers le thorax, mais, dans les deux cas, les genoux et les chevilles se trouvaient fortement rapprochés. Pour maintenir cette position, une certaine force musculaire est nécessaire; donc, pour un cadavre, il aurait fallu une

Les critères d’identification des dépôts secondaires ont été discutés dans le chapitre IV, ils ne seront donc pas repris ici. Cependant, il est nécessaire d’ajouter que le désordre des sépultures perturbées par l’action de la machine agricole brouille les pistes d’identification de certains dépôts. Nous avons écarté, autant que faire se peut, ces cas douteux, puisque pour huit inhumations la mauvaise conservation a rendu impossible la détermination du mode de dépôt. Six cas ont donc été comptabilisés; ils représentent 20% des effectifs du cimetière Nord. Nous allons donc discuter la disposition

3 « Dans les codices, sont représentés les paquets funéraires, l’une des manières les plus fréquentes de disposer des corps. On plaçait le corps en position assise ou fléchie, puis on l’enveloppait de tissus ou de papier, et on attachait le tout avec des cordes, en laissant émerger la tête et les pieds. »

110

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ absence, on peut supposer que le décharnement des corps a eu lieu de façon naturelle, en laissant le temps et les éléments agir sur les tissus mous.

de ces dépôts et leur composition afin de discerner leurs caractéristiques communes. Les sépultures 89, 91, 92, 94 et 96, comptent, outre l’individu principal, un second personnage représenté par à peine quelques os. On ne peut, bien entendu, assurer l’intentionnalité du geste, la possibilité d’une inclusion accidentelle dans chaque sépulture restant envisageable. Toutefois, il est nécessaire d’examiner également l’hypothèse d’un dépôt secondaire intentionnel.

Les individus 91.2, 92.2 et 94.2 furent repérés lors de l’élaboration de l’inventaire. Les restes de l’individu 89.2 se trouvaient mélangés aux os du thorax de l’individu principal: ils auraient été placés sur sa poitrine après son dépôt dans la fosse. Les restes de l’individu 96.2 se trouvaient au fond de la fosse, sous ceux de l’individu principal. Ils auraient pu être placés là délibérèment avant l’inhumation du 96.1, ou oubliés par mégarde, étant donnée leur petite taille, lors du déplacement de 96.2. Dans ce dernier cas, cet individu ne ferait pas partie de cette sépulture en sens strict du terme, puisqu’il aurait été inhumé et déplacé avant l’apparition de 96.1. Il pourrait s’agir d’une réduction ou d’une inclusion accidentelle.

Il s’agit, dans tous les cas, d’inhumations qui contiennent deux individus: un dépôt primaire et les restes partiels d’un deuxième, à l’exception de la 92 pour laquelle les deux sont partiels. Les dépôts primaires correspondent, dans la plupart des cas, à des individus adultes, tandis que les restes partiels correspondent à des sujets immatures, entre 18 mois et six ans. 89.2 crâne mandibule v. cervicales v. thoraciques v. lombaires omoplate sacrum côtes clavicule humérus radius ulna carpe métacarpe coxal fémur tibia fibule patella tarse métatarse phalanges

• présence;

91.2 •

92.1

92.2

94.2

96.2

Sans pouvoir trancher définitivement, et en écartant l’individu 96.2, plusieurs indices pointent dans le sens d’un dépôt secondaire pour les individus 89.2, 91.2, 92.1, 92.2 et 94.2: la présence majoritaire d’immatures, la surreprésentation des os longs, leur regroupement dans un même secteur et surtout la disposition des restes de l’individu 89.2.

• • • • •

Sur six cas, cinq se trouvaient à l’extrémité est du cimetière. En effet, les sépultures 91, 92, 94 et 96 étaient proches les unes des autres, ce qui suggère un rassemblement volontaire.

La question de la provenance des os choisis est loin d’être résolue. D’abord, les dépôts primaires ne manquent pas du type d’os qui composent les dépôts secondaires. Cela présente l’avantage d’écarter la possibilité que les dépôts secondaires soient composés par des os qui appartenaient à des dépôts primaires du même cimetière. Mais, dans ces conditions, d’où proviennent ces ossements: s’agit-il de dépôts antérieurs remaniés? De sépultures d’autres provenances? Ou de décharnement naturel dans un autre contexte. On ne peut provisoirement pas trancher.

• •

• • •



Les dépôts secondaires du cimetière Nord soulèvent par ailleurs de nombreuses questions: sont-ils vraiment localisés dans un secteur spécifique ou s’agit-il d’un pur hasard? Y a-t-il un choix de pièces représentées en rapport avec la catégorie d’âge? Ces questions, pour l’instant sans réponse, seront reprises après la présentation des dépôts secondaires du cimetière Sud, puisqu’une vision globale du phénomène apportera probablement plus d’information.



immatures

Tableau 49. Cimetière Nord, pièces osseuses présentes dans les dépôts secondaires. Les types d’os les mieux représentés dans les dépôts partiels sont les os longs, en particulier des membres supérieurs (tableau 49). Il est intéressant de constater que, malgré le volume important du crâne et de l’os coxal, ils sont à peine représentés par un fragment chacun. Il est évident que le choix de pièces dans ces cas privilégie les os longs. Il ne s’agit pas d’une coïncidence si, sur un total de six sujets, cinq sont représentés au moins par un os long, parfois par plusieurs.

5. Disposition du mobilier Par sa meilleure conservation, le mobilier présent dans les sépultures est, dans la plupart des cas, le matériel le mieux connu et le mieux étudié de l’ensemble funéraire. Souvent, malheureusement, l’importance qui lui est conférée masque le véritable but de son étude: la meilleure connaissance des pratiques funéraires. Il ne faut pas oublier que, si les objets se trouvent dans la sépulture,

Les traces de décharnement actif sur ces pièces pourraient fournir une évidence supplémentaire pour affirmer le caractère secondaire des dépôts. Etant donnée leur 111

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ ils y ont été déposés pour accompagner le défunt dans son voyage vers l’au-delà. Le mobilier et les restes osseux doivent être étudiés comme deux aspects complémentaires de l’ensemble funéraire.

Parmi les restes partiels et mélangés des deux individus qui constituaient la sépulture 92, un polissoir a été enregistré. Il a été impossible de déterminer la position originelle de l’objet.

La dernière section du chapitre antérieur a été consacrée à l’étude stylistique du mobilier funéraire. Nous souhaitons, à présent, discuter du rapport entre ce dernier et le défunt. En effet, les offrandes et les objets de parure, dont on connaît déjà la morphologie et la chronologie, ont été placés dans la sépulture à l’attention du défunt, autour duquel s’articule le mobilier. La disposition des objets par rapport au corps est donc la base de l’étude des gestes funéraires.

Dans la sépulture 93 se trouvaient deux offrandes: une écuelle en céramique et un couteau en obsidienne, directement placées sur le sol de la fosse. L’écuelle était localisée près de la jambe droite, et le couteau sous les phalanges du pied. De plus, deux grelots en cuivre étaient étroitement associés aux restes du pied droit. Le dépôt primaire en position assise de la sépulture 95, était accompagné par une jatte placée du côté droit du bassin. La pièce céramique était fragmentée, mais reposait encore sur ses trois supports. Pour la sépulture 93 la possibilité d’une décomposition en espace vide a été évoquée, tandis que pour la 95 ce fut plutôt en espace colmaté. La position des parures et d’offrandes n’apporte pas plus de renseignements, sans pour autant contredire ces possibilités de décomposition.

Pour le cimetière Nord, le mobilier était assez rare, tant en ce qui concerne le nombre d’objets par individu, que le pourcentage de sépultures qui en possédaient. Seuls neuf individus étaient accompagnés d’objets, soit huit avec des offrandes associées et trois porteurs de parures. L’un de ces derniers n’était pas accompagné d’offrande. Etant donné le faible nombre de cas répertoriés, nous les décrirons individuellement.

Du côté droit de l’individu en position assise fléchie, et au niveau du bassin, la sépulture 96 présentait une écuelle qui contenait un pot miniature. La possibilité d’un paquet funéraire placé en espace vide de la fosse a été envisagée ci-dessus. Si tel fut le cas, et étant donnée leur position, les offrandes se trouvaient hors du paquet.

La sépulture 74 est la première de la série Nord qui comptait un objet de parure, en l’occurrence un fragment d’ornement en coquille. Malheureusement, le profond désordre des restes n’a pas permis d’enregistrer sa position originelle. La sépulture 77 se trouvant dans la même situation, il a été impossible de resituer la bouteille miniature découverte au fond de la fosse parmi les restes osseux. En revanche, une fusaïole se trouvait sur le sol de la sépulture 81, sous le coxal gauche du cadavre en position dorsale fléchie. L’emplacement de l’objet nous amène à supposer que la fusaïole avait été déposée dans la fosse avant le dépôt du défunt. La fusaïole aurait pu se trouver en contact avec le défunt et, lors de la décomposition des tissus mous, avoir glissé jusqu’au fond, entraînée par son propre poids.

no.

position

offrande

74.1 77.1

? ?

81.1

dorsale

-pot miniature fusaïole

83.1

latérale

89.1

dorsale

92.19 2.2 93.1

? dorsale

95.1

assise

96.1

assise

pot miniature bouteille miniature polissoir

localisation -? sous coxal gauche sous bras gauche à gauche du tronc ?

parure pendentif --

localisation ? --

--

--

perle --

aux pieds --

--

--

sonnailles --

pied droit --

--

--

L’individu 83.1 était, lui, accompagné d’une bouteille miniature placée sous son bras gauche et d’une perle tubulaire en coquille qui se trouvait parmi les os des pieds. Ce cadavre a été probablement enveloppé et les objets se trouvaient donc à l’intérieur du paquet funéraire. D’autre part, il est curieux de constater la présence d’une seule perle tubulaire, puisque normalement, plusieurs étaient nécessaires pour constituer un bijou. Etant donnée sa localisation, cette perle pouvait faire partie d’un ornement de cheville, genre de parure déjà repéré dans la sépulture 81 du site de San Juan (Acosta 1996a: 106).

Tableau 50. Disposition du mobilier funéraire par rapport aux corps des défunts; cimetière Nord.

La sépulture 89 comportait un pot miniature placé sur le sol de la fosse, près du flanc gauche du tronc. Le cadavre présentait les caractéristiques d’une décomposition en espace colmaté, hypothèse renforcée par le fait que le pot soit resté en position verticale. Par ailleurs, sa base reposait sur le sol de la fosse, ce qui implique que le corps et l’offrande auraient été déposés en même temps, puis recouverts de terre. Le sédiment aurait ainsi empêché tout mouvement du corps ou de l’offrande.

Les données sur le mobilier funéraire du cimetière Nord sont résumées dans le tableau 50 à partir duquel il est possible de repérer quelques caractéristiques communes. D’abord, les objets sont associés à des dépôts primaires. Par ailleurs, les offrandes céramiques sont plus nombreuses que les parures. Il faut souligner, à l’exception de l’individu 93.1 (un couteau), l’absence 112

écuelle, couteau écuelle écuelle, pot miniature

à droite des pieds à d.roite du bassin à d.roit du bassin

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ d’outils, d’armes et de vestiges animaux. Enfin, les récipients, placés principalement du côté droit du squelette, étaient constitués essentiellement d’écuelles tripodes et de vases miniatures. Il semble que les vases céramiques étaient placés de façon préférentielle près du tronc, tandis que les parures, situées autour des pieds, seraient logiquement dans deux cas sur trois des ornements de cheville.

masculins 5 16.66%

féminins 12 39.99%

Cimetière Nord ? immatures 8 5 26.66% 16.66%

total 30 100%

Tableau 51. Comptabilisation du sexe des effectifs du cimetière Nord.

6. Le sexe et l’âge

masculin % sexe % composition % total féminin % sexe % composition % total ? % sexe % composition % total

Nous nous intéresserons à présent aux données concernant le sexe et l’âge des individus du cimetière Nord. Etant donné qu’il est impossible d’estimer l’âge des adultes de façon précise, puisque « ...quel que soit le procédé utilisé, l’erreur est au moins une fois sur deux supérieure à dix ans » (Masset 1987: 118), nous allons présenter les résultats par groupes d’âge en utilisant les catégories de Hooton (1947: 742). Cela vise à minimiser l’imprécision de l’information présentée par âges spécifiques. Ces catégories sont les suivantes: enfance (0 à 3 ans, 4 à 6 ans, 7 à 12 ans), adolescence (13-17 ans), sub-adultes (18-20 ans), jeunes adultes (21-35 ans), adultes moyens (36-55 ans), adultes âgés (56-75 ans) et séniles (76 ans et plus). Puisque, dans notre série, les individus les plus âgés correspondent à la catégorie des adultes moyens, on n’a pas tenu compte des deux dernières tranches d’âge. En revanche, la catégorie « adulte » a été augmentée: elle comporte les squelettes d’adultes dont l’âge spécifique n’a pas été identifié, soit par la rareté des vestiges, soit par leur extrême fragmentation.

composition total

squelette en sép. ind. 4 80% 20% 13.33% 9 75% 45% 30% 7 53.84% 35% 23.33% 20

squelette en sép. multiple 1 20% 10% 3.33% 3 25% 30% 9.99% 6 46.15% 60% 20% 10

100% 66.66%

100% 33.32%

sexe total 5 100% 16.66% 12 100% 39.99% 13 100% 43.33% 30 100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. Tableau 52. Rapport entre le sexe des individus et la composition des sépultures du cimetière Nord. L’important pourcentage d’individus féminins (39.99%) par rapport aux masculins (16.66%) ne semble pas normal, même avec une mortalité féminine élevée, du fait des décès lors de l’accouchement. Une possibilité d’explication de cette disparité réside dans le nombre de cas indéterminés, qui pourraient compter suffisamment de squelettes masculins pour équilibrer les rapports entre les deux sexes.

Les effectifs du cimetière Nord représentent à peine 20% de la série Amacueca. La discussion des résultats reste donc partielle et sera reprise après la présentation des données du cimetière Sud, pour avoir une vision d’ensemble. Afin de rendre les informations plus accessibles, et pour éviter de longs commentaires qui pourraient être une source de confusion, nous présenterons ci-dessous les données sous forme de tableaux. Cela nous permettra, d’une part, de fournir au lecteur des données chiffrées plus fiables et, d’autre part, de mieux synthétiser les résultats que nous tirons de leur étude.

Il s’avère maintenant nécessaire de discuter le rapport entre le sexe et le type de dépôt, le type de sépulture, la position ainsi qu’avec le mobilier. Le croisement de ces données devrait, en principe, fournir des indications plus précises sur les pratiques sépulcrales du cimetière Nord. Si l’on considère les données du tableau 52, nous constatons que les sépultures individuelles sont évidemment le plus souvent occupées par des femmes, dans des proportions comparables à la répartition par sexe dans le cimetière. Le sexe des individus contenus dans les sépultures multiples n’a pas toujours pu être identifié. Mais on peut souligner, dans ce dernier cas également, la faiblesse de l’échantillon de sexe masculin.

Nous tenons à préciser ici que, dans tous les tableaux qui suivent, ainsi que pour ceux qui accompagnent l’étude du cimetière Sud, les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, tandis que les deux dernières doivent se lire par colonne verticale. Sur les 30 individus du cimetière Nord, cinq ont été reconnus comme masculins, et 12 comme féminins. Le sexe est inconnu pour les 13 restants, dont cinq immatures, et huit très fragmentés. Ces derniers correspondent au même nombre de cas pour lesquels le type de dépôt n’a pas été déterminé.

113

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ dépôts dépôts dépôts sexe primaires secondaire indéterminé total s s 5 0 2 3 masculin 100% 40% 60% % sexe 25% % dépôt 17.64% 16.66% 6.66% 10% % total 12 1 1 10 féminin 100% 8.33% 8.33% 83.33% % sexe 12.5% 20% % dépôt 58.82% 40% 3.33% 3.33% 33.33% % total 13 5 4 4 ? 100% 38.46% 30.76% 30.76% % sexe 62.5% 80% % dépôt 23.52% 43.33% 16.66% 13.33% 13.33% % total 30 8 5 17 dépôt 100% 100% 100% total 100% 26.66% 16.66% 56.66% Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. Tableau 53. Rapport entre le sexe et le mode de dépôt des individus du cimetière Nord. absence masculin % sexe % mobilier % total féminin % sexe % mobilier % total indétermin é % sexe % mobilier % total mobilier total

3 60% 14.28% 10% 8 66.66% 38.09% 26.66% 10 76.92% 47.61% 33.33%

offrande parure s s 0 1 20% 16.66% 3.33% 0 3 25% 50% 10% 1 2 15.38% 7.69% 33.33% 100% 6.66% 3.33%

les deux 1 20% 50% 3.33% 1 8.33% 50% 3.33% 0

sexe total 5 100% 16.66% 12 100% 40% 13 100%

6

1

2

100% 70%

100% 20%

100% 3.33%

100% 6.66%

Le tableau 54 montre d’abord que la majeure partie des squelettes, tous sexes confondus est dépourvue de mobilier. Par ailleurs, la forte proportion de sujets dont le sexe est indéterminé (76.92 %) limite toute tentative d’analyse du rapport entre le sexe des individus du cimetière Nord et le mobilier qui les accompagne. On aurait toutefois pu s’attendre, en fonction de la forte proportion de femmes, à ce que ces dernières soient plus fréquemment accompagnées d’offrandes. Or c’est l’inverse qui se produit: les hommes sont proportionnellement un peu plus nombreux dans ce cas.

masculin % position % sexe % total féminin % position % sexe % total ?* % position % sexe % total position totale

position latérale 0

position dorsale 2 40% 28.57 6.66%

position assise 1 20% 20% 3.33%

position ? 2 40% 13.33% 6.66%

3 25% 100% 10%

4 33.33% 57.14 13.33

2 16.66 40% 6.66%

3 25% 20% 10%

12 100%

0

1 7.69% 14.28% 3.33%

2 15.38% 40% 6.66%

10 76.92% 66.66 33.33%

13 100% 43.32%

7

5

15

30

3

sexe total 5 100% 16.65%

40%

100% 100% 100% 100% 100% 50 16.65% 23.32% 10% Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. *cette catégorie comprend les immatures.

43.32%

21

évaluation des rapports entre ces deux critères. Mais il faut tout de même signaler qu’aucun squelette reconnu comme masculin n’a fait l’objet d’un dépôt secondaire, même si cela pourrait s’expliquer par leur faible représentation.

30

Tableau 55. Rapport entre sexe et position des individus du cimetière Nord.

100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

Le tableau 55 met en évidence que la position la plus souvent représentée chez les hommes comme chez les femmes était dorsale, puis, par ordre d’importance, la position assise. Par contre, la position latérale semble exclusive des femmes. Nous nous contenterons ici de signaler cette corrélation, puisque le nombre réduit de squelettes pour lesquels le sexe et la position sont connus (12 cas qui équivalent à 40% du total) ne permet pas pousser plus loin l’analyse.

Tableau 54. Rapport entre sexe et mobilier pour les individus du cimetière Nord. D’une façon générale les femmes en sépulture individuelle sont les mieux représentées tandis que les hommes en sépulture multiple sont le plus faiblement enregistrés.

Malgré l’effectif réduit du cimetière Nord, il est possible, d’après les données présentées ci-dessus, d’avoir un aperçu des pratiques funéraires par rapport au sexe du sujet inhumé. D’abord, la disproportion entre les sexes attire l’attention, puisque la quantité plus importante de femmes que d’hommes ne correspond pas à une

Le tableau 53 montre que la plupart des individus, hommes et femmes confondus, ont fait l’objet naturellement de dépôts primaires. La rareté des squelettes dont on connaît simultanément le sexe et le mode de dépôt, à peine 14 cas, rend impossible une 114

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ que les adolescents et adultes moyens masculins ne figurent même pas parmi les individus inhumés.

population normale. Il existe, cependant, plusieurs caractéristiques partagées entre les deux sexes: hommes et femmes furent inhumés, pour la plupart, en sépultures individuelles et ont fait, le plus souvent, l’objet de dépôts primaires. Bien que la plupart des hommes et des femmes se trouvent en position dorsale, la position latérale pourrait avoir été exclusive des femmes. La présence de mobilier associé est globalement faible puisque la majeure partie des squelettes, tous sexe confondus, en sont dépourvus.

(0-12 ans) % sexe % âge % total adolescence

masculin 0

féminin 0

0

2 20% 40% 6.66% 5

1 33.33% 8.33% 3.33% 6 60% 50% 19.99% 2 100% 16.66% 6.66% 3 30% 25% 9.99% 12

5 50% 38.46% 16.66% 13

33.33% 30

100% 16.66%

100% 40%

100% 43.33%

100%

cimetière Nord 10

jeunes adultes

10

10 9 8 7

adultes moyens

6 5 4 3 2 1

adultes

3 2

2

2

1 0

sexe total

0 jeune adulte adulte moyen adulte

sub-adulte

adolescent

7 ˆ 12

4ˆ6

0ˆ3

foetale

0

3 30% 60% 9.99% 0

? 5 100% 38.46% 16.66% 2 66.66% 15.38% 6.66% 1 10% 7.69% 3.33% 0

âge total 5 100% 16.66% 3 100% 9.99% 10 100% 33.33% 2 100% 6.66% 10 100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

Tableau 56. Rapport entre l’âge et le sexe des individus du cimetière Nord.

classe d’ âge

Graphique 13. Nombre d’individus par catégorie d’âge, cimetière Nord. De son côté, l’analyse spatiale des sépultures n’a pas révélé d’aménagements particuliers liés à l’âge ou au sexe des défunts

En ce qui concerne l’âge, on a identifié 22 adultes sur un total de 30 individus, ce qui correspond à 73 % de l’échantillon. La plus forte concentration (10 cas) se trouve dans la classe d’âge des jeunes adultes, c’est à dire décédés entre 21 et 35 ans (graphique 13).

Le tableau 57 montre le rapport entre l’âge des individus et la composition, individuelle ou multiple, de la sépulture. On y note que les adultes sont inhumés dans sépultures individuelle. Les jeunes adultes en sépulture individuelle constituent le groupe le mieux représenté du cimetière, tandis qu’aucun adulte moyen en sépulture multiple n’a été répertoiré.

A l’exception des sub-adultes (18 à 20 ans) et des foetus, toutes les catégories d’âge sont représentées. Le nombre d’enfants s’élève à cinq (16.66% du total) ce qui ne correspond pas aux taux normaux de mortalité de ce type de population, avec une mortalité infantile et juvénile toujours élevée. Les sujets décédés entre 0 et 6 ans représentent à peine 10% des effectifs, dont un seul entre 0 et 3 ans. Les deux restants étaient âgés d’entre six et huit ans.

On note d’autre part que parmi les immatures (cinq enfants et trois adolescents) le tendance est partagée puisque la moitié d’entre eux se trouvait dans sed sépulture multiples et l’autre moitié en sépultures individuelles. Il faut toutefois signaler l’absence d’enfants en bas âge (0-3 ans) dans des sépultures individuelles, de même que les enfants entre 7 et 12 ans sont exclus des sépultures multiples. Malheureusement, l’échantillon d’immatures correspondant au cimetière Nord est trop restreint pour fournir des réponses valables aux différences d’inhumation entre les catégories d’âge.

Etant donnée la rareté des restes d’immatures, on a préféré les regrouper dans la catégorie 0-12 ans, pour établir le rapport entre l’âge et le sexe des squelettes présents dans le cimetière Nord (tableau 56). Si l’on prend en compte le nombre élevé de sujets féminins par rapport aux masculins et la rareté des individus entre 0 et 12 ans, il se confirme que le cimetière Nord n’est pas représentatif de la population inhumante. On note de plus que les femmes entre 21 et 35 ans (jeunes adultes) forment le groupe le mieux représenté du cimetière, tandis 115

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

0-3 ans % composition % âge % total 4-6 % composition % âge % total 7-12 % composition % âge % total adolescence % composition % âge % total jeune adulte % composition % âge % total adulte moyen % composition % âge % total adulte % composition % âge % total composition totales

squelette en sép. indiv. 0

1 50.00% 5% 3.33% 2 100% 10% 6.66% 1 33.33% 5% 3.33% 7 70% 35% 23.33% 2 100% 10% 6.66% 7 70% 35% 23.33 20 100% 66.66%

squelette en sép. multiple 1 100% 10% 3.33% 1 50.00% 10% 3.33% 0

2 66.66% 20% 6.66% 3 30% 30% 10% 0

groupes d’âge total 1 100%

le manque de mobilier associé à la classe des adultes moyens. Dans ce dernier cas, la seule hypothèse valable repose sur la pauvreté globale du mobilier du cimetière Nord: l’absence de mobilier, et plus spécifiquement de parures, semble refléter une pauvreté généralisée. Le tableau 60 présente le rapport entre l’âge et la position des individus du cimetière Nord. On peut d’abord remarquer que les immatures, numériquement faibles, se trouvaient surtout en position assise. Mais cette tendance pourrait être contrebalancée par les individus dont la position n’a pas été identifiée et qui correspondent à chacune des trois catégories d’âge de 0 à 12 ans. Notons aussi qu’aucune position n’est exclusive d’une catégorie d’âge et que le groupe le mieux représenté dans le cimetière est celui des femmes en position dorsale.

3.33% 2 100% 6.66% 2 100% 6.66% 3 100%

Au terme de cette analyse des données, il est déjà possible d’avancer quelques conclusions préalables. Le nombre réduit de cas pour lesquels la détermination de sexe et d’âge est assurée, empêche de systématiser les caractéristiques des gestes funéraires appliqués aux défunts du cimetière Nord. Il a cependant été possible de repérer certaines tendances.

10% 10 100% 33.33% 2 100% 6.66% 10 100%

3 30% 30% 10% 10

33.33% 30

100% 33.33%

100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

Tableau 57. Rapport entre l’âge des individus et la composition des sépultures du cimitière Nord Bien que la proportion des dépots secondaires chez les immatures, deux sur huit, soit plus importante que chez les adultes, trois sur 22, il nous semble risqué d’en tirer des conclusions définitives sur échantillon si réduit. Il faut tout de même signaler la tendance plus importante, chez les immatures, à faire l’objet d’inhumations secondaires. Le fait qu’aucun adulte moyen ou jeune adulte n’a été repéré comme dépôt secondaire attire aussi l’attention. Comme on l’a déjà signalé, sur un total de 30 individus qui constituent l’échantillon, neuf seulement étaient accompagnés de mobilier. Ces neuf cas correspondent à quatre classes d’âge: 7-12 ans, adolescents, jeunes adulte et adultes moyens. Etant donné que les jeunes adultes sont les mieux représentés, il n’est pas étonnant de constater que la majeure partie du mobilier leur appartient. Par contre, les adultes moyens, et les enfants entre 0 et 6 ans, soit les classes d’âge les plus faiblement représentées, ne présentaient ni offrandes ni parures. Pour ce qui est des enfants, leur faible représentation pourrait expliquer cette absence; mais il serait également possible d’envisager dans leur cas le caractère non héréditaire du statut ou de la richesse. Cette explication ne cadre pas cependant avec

Tableau 58. Rapport entre l’âge et le type de dépôt des squelettes du cimetière Nord, Caseta. 116

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ absence

0-6 % mobilier % âge % total 7-12 % mobilier % âge % total adolescent % mobilier % âge % total jeune ad. % mobilier % âge % total ad. moyen % mobilier % âge % total adulte % mobilier % âge % total mobilier total

3 100% 14.28% 10% 1 50% 4.76% 3.33% 1 33.33% 4.76% 3.33% 5 50% 23.80% 16.66% 1 50% 4.76% 3.33% 10 100% 47.61% 33.33% 21 100% 69.98%

présence offrande s 0

0

1 33.33% 16.66% 3.33% 4 40% 66.66% 13.33% 1 50% 16.66% 3.33% 0

présence parures

présence des deux

âge total

0

0

3 100%

1 50% 100% 3.33%

0

0

0

0

1 33.33% 50% 3.33% 1 10% 50% 3.33% 0

0

(0-3 ans) % position % âge % total (4-6 ans) % position % âge % total (7-12 ans) % position % âge % total adolescence % position % âge % total jeunes ad. % position % âge % total ad. moyens % position % âge % total adultes % position % âge % total

10% 2 100% 6.66% 3 100% 10% 10 100% 33.3% 2 100% 6.66% 10 100%

6

1

2

33.3% 30

100% 20%

100% 3.33%

100% 6.66%

100% position total

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

pos. latérale 0

pos. dorsale 0

pos. assise 0

0

0

0

0

1 33.33% 20% 3.33% 2 20% 40% 6.66% 1 50% 20% 3.33% 1 10% 20% 3.33% 5

1 33.33% 14.28% 3.33% 6 60% 85.71% 19.99% 0

1 50% 20% 3.33% 1 50% 20% 3.33% 0

0

2 20% 40% 6.66% 1 50% 20% 3.33% 0

7

5

100% 100% 100% 16.65% 23.32% 16.65%

pos. indéterminée 1 100% 7.69% 3.33% 1 50% 7.69% 3.33% 1 50% 7.69% 3.33% 1 33.33% 7.69% 3.33% 0

0

9 90% 69.23% 30% 13 100% 43.33%

âge total 1 100% 3.33% 2 100% 6.66% 2 100% 6.66% 3 100% 9.99% 10 100% 33.3% 2 100% 6.66% 10 100% 33.3% 30 100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

Tableau 59. Rapport entre l’âge des individus et la présence de mobilier associé, cimetière Nord.

Tableau 60. Rapport entre âge et position, cimetière Nord.

D’abord, les effectifs du cimetière ne semblent pas représentatifs d’une population naturelle, étant donné le déséquilibre entre sexes et âges. Des proportions similaires entre les sexes, et un taux de mortalité infantile élevé sont censés caractériser une population naturelle. Tout écart statistiquement significatif de cette tendance ‘normale’ d’âge et de sexe signale un recrutement différentiel d’une catégorie spécifique (Brown 1981). L’important pourcentage d’individus féminins (39.99%) par rapport aux masculins (16.66%), ainsi que de squelettes adultes (73 %) par rapport aux enfants (17 %), indique un recrutement différentiel qui privilégie les femmes et délaisse les enfants. Même une proportion très élevée d’hommes parmi les indéterminés suffirait à peine à corriger ce déséquilibre. Il est peu probable que ce soit le cas. Ce recrutement différentiel pourrait correspondre donc à un acte délibéré mais, dans ce cas, où se trouvent les hommes et les enfants? Le cimetière Sud pourrait être leur lieu d’inhumation, mais comme on le verra plus loin, il faut aussi éliminer cette hypothèse. La faible représentativité masculine serait donc plutôt due à d’autres causes: décès hors du territoire, dans le cas de guerriers ou de commerçants; déficit d’hommes parmi la population inhumante. Aucun indice n’est actuellement disponible pour valider ces hypothèses.

On notera par ailleurs qu’aucun squelette masculin n’a fait l’objet d’une inhumation secondaire. Cela suggère que, malgré leur faible représentation, ils ne sont pas soumis à un traitement différent de celui des femmes. Enfin, proportionnellement, ce sont les immatures (enfants et adolescents) qui se trouvent le plus souvent en sépultures multiples, comme dépôts secondaires. Tout cela évoque l’existence de traitements funéraires légèrement différents en rapport avec le sexe et l’âge des défunts, mais également peut-être une situation particulière de la population inhumante.

7. Bilan de connaissances sur le cimetière Nord Les données discutées au cours de cette section nous permettent d’esquisser une caractérisation des pratiques funéraires propres au cimetière Nord. Elles seront, plus tard, comparées avec les pratiques funéraires du reste de la série osseuse, correspondant aux sépultures du cimetière Sud, puis aux autres sépultures récentes. 117

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ conséquent, ces observations, qui n’ont en aucun cas un caractère définitif, devront être reprises dans la perspective d’une comparaison ultérieure.

Le cimetière Nord est une aire dispersée et, par conséquent, mal délimitée, qui témoigne d’une activité funéraire modérée. Les fosses, d’une taille propre à contenir un seul corps, présentent des formes ovales, rectangulaires et circulaires. Ces cavités, creusées dans la ponce volcanique, constituent le seul type de structure funéraire présent dans ce secteur. Bien que la forme rectangulaire soit la plus courante, il existe aussi des fosses amorphes, probable résultat du passage des machines agricoles.

B. Cimetière Sud 1. Les structures

Le nombre minimum d’individus présents dans le cimetière Nord est de 30, ce qui correspond à 19.73% de l’échantillon total des restes récents. Les sépultures individuelles en dépôt primaire étaient les plus répandues, tandis que les multiples, plus rares, ne comptaient que deux individus.

Le seul type de structures funéraires présent dans le cimetière Sud est constitué de fosses creusées dans la ponce volcanique, dont les formes sont les mêmes que pour le cimetière Nord: ovale, rectangulaire et circulaire. La forme ovale représentée par 18 cas est la plus commune, puis la rectangulaire avec 10 cas, et enfin, la forme circulaire avec 6 cas. D’autre part, il y a 9 fosses amorphes de contours irréguliers, et 19 cas dont la forme n’a pas été reconnue. Ces dernières ont été regroupées comme ‘indéterminées’ (graphique 14).

Les traits communs des dépôts primaires sont les membres inférieurs fléchis et les avant-bras croisés sur la poitrine, mais on a identifié trois types de position: assise, latérale (sur le côté gauche ou droit du corps) et dorsale. Cette dernière est la plus fréquemment enregistrée. D’une façon générale, l’orientation ne semble pas avoir de lien direct avec la position. Pour maintenir le fort degré de flexion des membres inférieures et des membres supérieures, des aménagement particuliers tels que l’enveloppement du corps ou le ligotage des membres inférieur et/ou supérieurs ont été nécessaires.

Avec de légères différences de proportions, donc, nous retrouvons une distribution similaire à ce qui a été décrit pour le cimetière Nord. Nous discuterons ci-dessous chacune des formes, ainsi que les raisons possibles de l’absence de contours précis. Pour les fosses dont la forme n’a pas été repérée (sépultures 3, 4, 17, 18, 19, 20, 35, et 50), on peut supposer que leurs contours ont été érodés par les machines agricoles. La profondeur réduite de ces inhumations, 37 cm en moyenne, expliquerait cette destruction. De plus, la forte fragmentation du matériel renforce cette hypothèse. Le cas des sépultures 7, 8, 24, 45, 59 et 68 serait similaire, sauf que, leur profondeur étant plus importante, seules manquent ou sont endommagées les pièces osseuses placées près de la superficie.

Les dépôts secondaires représentent à peine 20% des effectifs du cimetière Nord, dont la moitié correspond à des restes d’immatures et l’autre à des adultes. Dans tous les cas, il s’agit d’inhumations partielles qui comptent à peine quelques os, surtout des os longs. Dans le cimetière Nord, le mobilier était assez rare. Seuls neuf individus étaient accompagnés d’objets, les offrandes céramiques étant plus nombreuses que les parures; elles se trouvaient pour la plupart, à la droite du corps et associées à des dépôts primaires. La disproportion entre les sexes est évidente: une quantité plus importante de femmes que d’hommes ne correspond pas à une population normale. Malgré l’existence de plusieurs caractéristiques communes aux deux sexes (inhumation des hommes et des femmes adultes en sépultures individuelles et dépôts primaires, enveloppes...), on a cependant pu remarquer quelques différences: par exemple, la position latérale semble exclusive des femmes. Enfin, la représentativité des immatures est anormalement faible. Pour terminer, on doit insister sur la pauvreté globale du mobilier funéraire. On a mentionné ci-dessus les hypothèses que l’on pouvait en tirer sur le statut et la richesse de la population inhumante. Il convient ici, pour mémoire, de rappeler que la nature même de ce mobilier suggère plutôt un placement chronologique tardif, à l’intérieur de la phase Amacueca (cf chapitre V).

ovale

ind.

rectangul aires

amorphes circulaire

Graphique 14. Les formes de fosses funéraires du cimetière Sud.

Les tendances discernées ci-dessus se trouvent toutefois limitées par le nombre réduit de cas pour lesquels la détermination de sexe et d’âge est valable. Par 118

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ Pour les sépultures 13, 33-34, 43, 44 et 49, dont les fosses n’ont pas non plus été repérées mais qui sont composées d’une quantité limitée et très fragmentée de matériel, nous avions envisagé une autre explication. En effet, ces sépultures pourraient correspondre à des débris osseux qui, entraînés par la charrue, auraient échoué hors de leurs structures funéraires d’origine, dans les fentes naturelles de la ponce volcanique. Pour valider cette hypothèse, on a testé les liaisons de deuxième ordre avec les ossements des sépultures voisines, afin de tenter de reconnaître les restes d’un même individu et de comprendre la dynamique de leur déplacement. Cette recherche s’étant avérée vaine, l’origine de ces débris reste inexpliquée; il pourrait donc s’agir de véritables sépultures entièrement détruites. Cela expliquerait du même coup la disparition des fosses. Il pourrait également s’agir, de la part de la population inhumante, d’une mise à profit délibérée de cavités naturelles et de découvertes accidentelles, comme nous l’avons vu au chapitre IV (les cas spéciaux).

longueur largueur profondeur volume

fosse 29a 1.17 m 0.83 m 0.63 m 0.61 m3

fosse 55 1.00 m 0.80 m 1.17 m 0.93 m3

En plus de leurs dimensions, ces deux fosses ont une forme plus régulière, aux angles plus droits que l’ensemble des structures de même forme. Il serait donc possible que ces deux cas constituent une catégorie à part dans le groupe des fosses rectangulaires. Lors de la fouille, la fosse de la sépulture 29 avait été considérée comme amorphe en raison de la présence d’une extension ovale dans sa partie nord-est. Ce n’est qu’à la fin de la fouille que l’existence sur le fond d’un léger ressaut entre ces deux éléments a permis d’envisager qu’il s’agissait de deux fosses distinctes. La fosse rectangulaire ayant été creusée après l’ovale, nous avons décidé de les diviser en 29b (forme ovale) et 29a (forme rectangulaire).

Les fosses ovales présentaient des dimensions similaires: entre 50 et 85 cm de long pour 36 à 64 cm de large et entre 40 et 80 cm de profondeur4. Les exceptions sont les sépultures 14, 25 et 70 dont la taille dépassait la moyenne. Dans ces trois cas, il s’agit de fosses trop grandes par rapport aux restes qu’elles contenaient, et qui occupaient à peine la moitié du volume de la structure. Pourquoi sont-elles si grandes?, On note tout d'abord que, malgré leur grande taille, une seule, la sépulture 14, contenait plusieurs squelettes; les deux autres, 25 et 70, n’abritaient qu’un seul individu. Par ailleurs, la fosse de la sépulture 14 était subdivisée en structures plus petites et plus profondes, localisées aux extrémités est et ouest. Le côté est était occupé par deux fosses qui se recoupaient, mais leur aménagement ne permet pas d’établir une chronologie d’élaboration. Par contre, il semblerait que la grande fosse ait été creusée d’abord, et les trois autres aménagées par la suite. Cet agencement impliquerait une longue durée d’utilisation de la fosse, mais aussi un souci d’individualisation à l’intérieur de la structure funéraire. Même si la présence des sousstructures reste inexpliquée, il est peu probable que ces fosses furent conçues pour des inhumations multiples, c’est-à-dire simultanées. La possibilité la plus plausible serait la construction de structures assez grandes pour être occupées par de futurs défunts; cela expliquerait la taille disproportionnée par rapport au contenu.

Les six fosses circulaires du cimetière Nord présentaient des diamètres similaires dont la moyenne est de 65 cm. En revanche, leur profondeur est très inégale puisqu’elle varie de 34 à 90 cm. Ces deux dimensions, diamètre et profondeur, ne sont pas proportionnelles: il existe des structures dont le diamètre est moindre que la profondeur (sépulture 46), tandis que d’autres présentent un diamètre important et une faible profondeur (sépulture 6). Par ses dimensions importantes, la sépulture 9 constitue une exception: la fosse mesure 80 cm de diamètre pour 1,06 m profondeur. Cette grande structure, qui abritait pourtant un seul individu, semble avoir été conçue pour recevoir plusieurs corps, même si un seul y a été inhumé. Il pourrait aussi s’agir d’une fosse ancienne réutilisée. Deux autres cas attirent notre attention: il s’agit des sépultures 6 et 67 qui, malgré leurs dimensions moyennes, contenaient quatre et trois individus respectivement. Le nombre de corps occasionne l’extension du contenu osseux hors du volume des fosses. Pourquoi a-t-on inhumé plusieurs individus dans des structures si peu adaptées? La raison ne peut pas en être le manque d’espace, puisque, comme le montre la figure 19, le cimetière Sud comptait encore la place suffisante pour creuser de nombreuses fosses supplémentaires, surtout dans son secteur ouest où se trouvent celles qui nous intéressent. Une autre hypothèse serait une élévation soudaine de la mortalité, qui n’aurait pas laissé le temps d’aménager de nouvelles fosses et qui aurait contraint les survivants à inhumer de nombreux défunts dans un espace réduit. On peut aussi envisager un geste délibéré visant à grouper certains sujets.

Les 10 fosses rectangulaires ont des angles arrondis. L’orientation préférentielle est est-ouest. Deux d’entre elles présentent cependant des caractéristiques qui les différencient des autres. En effet, les fosses des sépultures 29a et 55 possèdent des dimensions supérieures à la moyenne et, si l’on considère leur volume, il atteint le double, voire le triple de la normale:

4

moyenne 0.80 m 0.65 m 0.60 m 0.35 m3

Quant aux fosses amorphes, dont le nombre s’élève à 10, nous avons constaté que, pour certaines, leur apparence irrégulière pourrait bien être la conséquence d’une érosion par la charrue. En effet, la faible profondeur des sépultures 21, 38, 51, 56 et 62 semble le confirmer, tandis que, pour les six cas restants, un recoupement entre plusieurs fosses en serait la cause.

Pour une liste détaillée des dimensions regarder l’annexe III.

119

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ mémoire qu’elles sépultures.

Le cas le plus évident est celui des sépultures 16, et 32, dont les fosses se superposent ce qui leur donne cet aspect complexe, dont seule l’étude minutieuse en laboratoire permet de reconstituer l’organisation. D’abord, la sépulture 16 semble avoir profité d’une fente naturelle du sol d’environ 2.30 m d’est en ouest pour 1.10 m du nord au sud pour l’inhumation de six individus. Le côté nordest de la fente semblerait ensuite avoir été aménagé en un ébauche de fosse rectangulaire de faible profondeur, dans laquelle l’absence de restes osseux est évidente. D’autre part, la sépulture 32 qui coupe l’angle nord-ouest de la fosse 16, serait composée de deux fosses rectangulaires orientés est-ouest et partiellement superposées. Etant donnée que la fosse nord a une profondeur plus importante (68 cm) et que ses vestiges semblaient remaniés, il est vraisemblable qu’elle est la plus ancienne. A l’inverse, les vestiges de la fosse au sud étaient plus proches de la surface (56 cm), en position anatomique et sans traces d’altération.

représentent

peut-être

plusieurs

La fosse de la sépulture 60 semble avoir été ovale à l’origine comme le montre son bord ouest. C’est d’ailleurs ce secteur dont la profondeur est plus importante (93 cm) qui contient la totalité des restes de l’individu 60.1. Par contre, la sépulture 57, plus anguleuse, semble être une ébauche de fosse rectangulaire de profondeur moins importante (68 cm) et dépourvue de vestiges dans sa moitié nord. D’après ces caractéristiques, il serait envisageable que la fosse ovale ait été recoupée par la rectangulaire, dont le creusement aurait été arrêté dès la découverte des restes humains appartenant à une autre inhumation. Cela expliquerait sa forme irrégulière, l’absence du matériel funéraire dans son secteur nord, et la différence de profondeur entre ses composants oval et carré. En plus des cinq fosses amorphes mentionnées ci dessus (16-32, 26, 57-60), plusieurs autres structures funéraires dans le cimetière Nord semblaient se recouper: 22-23, 2425, 51-59, 55-58, 69-70. Cela implique un total de 15 structures qui, à l’exception des 22-23, 24-25, se trouvent dans le même secteur: à l’est du cimetière, groupées dans un périmètre d’environ 24 m2. L’existence d’un nombre si important de fosses recoupées (presque un quart de la totalité des fosses du cimetière Sud: 24.19%), dans une aire réduite (17.64% de la superficie totale du cimetière Nord), indiquerait que ce secteur a été très recherché comme zone d’inhumation. Les raisons de cette préférence demeurent inconnues, puisqu’aucun indice ne la justifie.

La séquence de construction de ces structures, fosses 16 et 32, pourrait se diviser en quatre événements différents. D’abord, l’inhumation de plusieurs corps dans une fente naturelle du terrain (sépulture 16). Ensuite, le creusement avorté d’une fosse rectangulaire qui aurait été déplacée d’un mètre vers l’ouest pour donner naissance à la fosse nord de la sépulture 32. Enfin, le creusement de la fosse sud de la même sépulture qui aurait perturbé le contenu de la précédente. La fosse de la sépulture 26 semble aussi constituée de plusieurs structures recoupées. En effet, la partie nord, plutôt arrondie, aurait été à l’origine une fosse circulaire. Le bord sud semble représenter une fosse rectangulaire étant donnée la présence d’angles plus carrés. Ce secteur, qui était par ailleurs le moins profond (25-34 cm), était vide. Le secteur ouest présente aussi des bords rectangulaires. Enfin, le coté est semble avoir été à peine aménagé puisque son contour n’est pas bien défini. Ce secteur abrite une inhumation relativement isolée qui donne l’impression d’avoir été déposée négligemment. Nous pouvons donc constater une superposition des structures funéraires, mais étant donné la nature des vestiges on ne peut pas déterminer leur séquence de construction. Cependant, il serait possible que la fosse sud ait été creusée la dernière. Lorsque les constructeurs ont rencontré les vestiges des autres sépultures, ils se seraient tout de suite arrêté, et l’inhumation n’aurait pas eu lieu. Cela expliquerait le manque de vestiges dans ce secteur.

La seconde implication de ces recoupements récurrents serait que les fosses n’étaient pas toujours repérables de la surface, ce qui aurait permis d’éviter leur superposition ou leur recoupement. Cela implique l’absence eventuelle de repères visibles et de structures de condamnation pérennes en forme de dalles, mais n’exclut pas la présence de structures de condamnation périssables telles que des planches. Si tel est le cas, le recoupement involontaire impliquerait que le laps de temps écoulé entre la mise en place des différents sépultures a été suffisamment long pour permettre au bois de pourrir. Cela suggérerait une longue occupation du cimetière. Une troisième implication de ces recoupements réside dans le caractère relativement intensif de l’occupation de l’espace. Sans que l’on puisse encore l’interpréter, on peut souligner une volonté d’utiliser le cimetière Sud au maximum de ses possibilités. Ce phénomène contraste d’abord avec l’occupation assez lâche du cimetière Nord. Par ailleurs, pourquoi ne pas justement avoir utilisé ce dernier? Emerge alors l’idée que, lors de l’utilisation intensive du cimetière Sud, l’espace disponible du cimetière Nord, soit ne convenait pas, soit n’était pas encore utilisé. La répartition même des fosses du cimetière Sud vient donc conforter l’idée, déjà émise, d’un décalage chronologique.

Il est donc possible que les sépultures 16, 32 et 26 se soient constitués par des recoupements de fosses: ce ne seraient pas par conséquent des inhumations simultanées, ni même multiples. Elles seraient plutôt la conséquence d’un accident d’inhumation dû à un mauvais marquage des fosses qui ne permettait pas de les repérer de la surface. Nous les avons considérées pourtant comme une seule structure, puisqu’on ne peut pas préciser avec exactitude les limites des divers composants. Nous continuerons à les désigner ainsi, tout en gardant en

On a enfin voulu tester le rapport entre la taille des fosses et le nombre minimum d’individus. Les fosses les plus 120

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ Cimetière Sud – NMI par sépulture

grandes (sépultures 14, 25, 26, 29, 32 et 70) étaient, pour la plupart, occupées par plusieurs corps. Pourtant, malgré la multiplicité des corps, il restait encore des espaces vides à l’intérieur de ces structures. Dans d’autres cas (sépultures 25 et 70), ces grandes fosses contiennent à peine un individu placé dans un coin précis. Il pourrait donc s’agir de structures funéraires conçues pour une utilisation de longue durée.

1

9 8

1

7

NMI

6

A l’inverse, les fosses les plus petites, sépultures 27, 39, et 42, contenaient dans les trois cas un seul individu. Leur taille ne permet pas d’envisager qu’elles aient pu contenir plus d’un seul corps, elles auraient été donc conçues pour des inhumations individuelles.

2 1

5 4

4 7

3 4

2

43

1

Cela implique une planification précise des inhumations, individuelles ou collectives, dès le départ, mais il faudrait savoir sur quel critère on a recruté les individus inhumés de façon collective en opposition avec ceux inhumés individuellement. Cette discussion soulève des problèmes de différentiation des gestes funéraires qui ne peuvent pas trouver de réponse dans cette section. Les discussions dans les sections suivantes pourront éventuellement apporter plus d’information sur ce point.

0

20

40

60

nombre de cas

Graphique 15. Cimetière Sud, comptabilisation du nombre minimum d’individus par sépulture. sép. indisép. mulviduelle tiple 44 19 69.84 % 30.15 % total 63 sépultures

En tout état de cause, l’hypothèse de l’existence de grandes fosses préparées délibérément pour abriter plusieurs corps confirmerait le caractère intensif de l’utilisation de l’espace, et de la spécificité du cimetière Sud.

dépôt dépôt dépôt primaire secondaire inconnu 87 25 4 75% 21.55% 3.44% total 116 individus

Tableau 61. Comptabilisation des effectifs et modes de dépôts, cimetière Sud.

2. Comptabilisation des effectifs et modes de dépôts

Pour ce qui touche aux rapports entre le mode de dépôt des squelettes et la composition des sépultures (tableau 62), nous savons que les sépultures multiples étaient principalement constituées par des dépôts primaires. Les dépôts secondaires se trouvaient principalement dans des sépultures multiples et leur présence dans des sépultures individuelles était rare.

Le cimetière Sud compte un total de 63 sépultures dont 43 individuelles et 20 multiples. Le nombre minimum d’individus dans les sépultures multiples varie entre deux et neuf. Les sépultures triples sont les plus courantes puisqu’on compte sept cas; ensuite, les doubles et les quadruples avec quatre cas respectivement, puis deux cas avec six individus et enfin les sépultures composées par cinq, sept et neuf squelettes, représentés par un cas chacune (graphique 15).

Pour ce qui est du rapport entre nombre d’individus par sépulture et mode de dépôt, sur un total de 19 sépultures multiples, six (6, 14, 16, 18, 26, 29) sont composées exclusivement de dépôts primaires. Il existe par ailleurs 10 cas de sépultures multiples où se retrouvaient mélangés dépôts primaires et secondaires en proportions variables. Dans trois cas enfin de sépultures doubles, l’un des individus constitue un dépôt secondaire (23, 35, 62).

Le cimetière Sud compte donc un nombre minimal de 116 individus, dont 87 en dépôt primaire (75%), 25 en dépôt secondaire (21.55%), et 4 indéterminés (3.44%). La bonne conservation du matériel pourrait être en rapport avec la profondeur importante des fosses qui éloigne les restes de la superficie, les protégeant ainsi de l’action des machines agricoles et de l’érosion.

La question se pose alors de savoir si les sépultures composées exclusivement de dépôts primaires ont fait l’objet d’une inhumation simultanée, ou il s’agit de dépôts échelonnés dans le temps. Une autre possibilité, mentionnée lors de la discussion sur le recoupement des structures et valable dans certains cas au moins, est qu’il pourrait s’agir de plusieurs sépultures individuelles qui, pour des raisons d’espace, ont été juxtaposées donnant ainsi l’impression d’inhumations multiples.

Comme nous l’avons effectué pour le cimetière Nord, nous allons ci-dessous procéder à l’étude croisée des différents critères, afin de tenter de mettre en lumière les pratiques funéraires qui ont présidé à la formation du cimetière Sud.

121

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

primaire % dépôt % composition % total secondaire % dépôt % composition % total ? % dépôt % composition % total composition total

individus en sépulture individuelle 38 43.67% 86.36% 32.75 2 8% 4.54% 1.76% 4 100% 9.09% 3.44% 44

individus en sépulture multiple 49 56.32% 68.05% 42.24 23 92% 31.94 19.82 0

72

3.44% 116

100% 37.93%

100% 62.06%

100%

certains corps n’étaient que partiellement représentés, la présence des os des mains et des pieds semble confirmer leur caractère primaire. Dans tous les cas, les restes sont placés au fond de la fosse. On peut alors suggérer qu’il s’agit de premiers corps placés dans les fosses, qui ont été réorganisés lors des inhumations ultérieures. Cette observation paraît corroborer l’idée émise lors de la discussion sur les structures: les fosses funéraires auraient été conçues pour une utilisation de longue durée au cours de laquelle le dépôt des restes s’échelonnait dans le temps.

dépôts total 87 100% 75.00% 25 100% 21.55% 4 100%

Enfin, pour les trois cas restants, les individus 4, 5 et 6 de la sépulture 29, l’explication serait différente. Les trois corps se trouvaient dans une sépulture multiple et au fond de la fosse, mais les squelettes n’étaient que partiellement représentés, et aucun os des mains ou des pieds ne s’y trouvait. Il n’est donc pas impossible que ces trois inhumations constituent des dépôts secondaires, ce qui expliquerait l’impossibilité d’identifier leur position.

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

En ce qui concerne les trois différentes positions identifiées (assise, dorsale et latérale), comme dans le cimetière Nord, nous avons remarqué qu’elles avaient comme trait commun la flexion autant des membres inférieures que des supérieures. La plus souvent rencontrée est, de loin, la position assise, dont les 53 cas concernent 61 % des individus en dépôt primaire. La position dorsale a été observée dans 12 cas, ce qui représente 14 %. Enfin, les 6 cas en position latérale équivalent à peine à 7 % de la totalité des corps en dépôt primaire.

Tableau 62. Rapport entre mode de dépôt et composition des sépultures, cimetière Sud.

Les quatre squelettes dont on ignore le type de dépôt, se trouvent dans les sépultures 33-34, 39, 43, 44: leur nature individuelle n’est même pas vraiment prouvée puisqu’il s’agit de matériel très endommagé, que la charrue aurait pu entraîner hors de leurs fosses respectives Dans le cimetière Sud, le plus grand nombre d’individus, dépôt primaires et secondaires confondus, se trouvaient donc dans des sépultures multiples mais les sépultures individuelles sont, elles, pour la plupart formées de dépôts primaires.

La deuxième variable à discuter, après la position des corps, est leur orientation. Dans le cimetière Sud, cet aspect des pratiques funéraires présente une grande variabilité: huit types d’orientation ont été repérés. Ils correspondent aux quatre points cardinaux ainsi qu’aux directions intermédiaires. Le graphique 17 met en évidence le fait que pour 20 dépôts primaires, l’orientation a été impossible à identifier. Seize de ces cas correspondent aux corps dont la position n’a pas été identifiée non plus. Les quatre autres (6.2, 6.3, 6.4 et 41.1) sont des corps dont la position est incertaine.

3. Disposition des restes primaires Sur un total de 87 dépôts primaires, nous avons pu reconnaître la position de 71 individus. Le nombre de squelettes dont la position n’a pas été déterminée est de 16 5. Les restes des individus 51.1 et 56.1, très proches de la surface, étaient naturellement plus exposés aux passages répétés des machines agricoles. Ces deux sépultures ont été presque complètement détruites: lors de la fouille, ne restaient en place que quelques os, dont certains en connexion anatomique. Elles ont donc été classées parmi les dépôts primaires avec un point d’interrogation, tandis que leur position reste indéterminée. Nous avons ensuite 11 cas: 6.3, 6.4, 16.4, 16.5, 16.6 18.3, 18.4, 26.5, 26.6 26.7 et 45.2, dont les restes se trouvaient dans des sépultures multiples. La possibilité qu’il s’agisse de dépôts secondaires a été écartée puisque, même si

Graphique 16. Position des corps en dépôts primaires, cimetière Sud.

5

Il s’agit des individus: 6.3, 6.4, 16.4, 16.5, 16.6 18.3, 18.4, 26.5, 26.6, 26.7, 29.4, 29.5, 29.6, 45.2, 51.1 et 56.1.

122

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ Ces différences dans la représentativité de ces deux aspects, soulèvent la question suivante: sur quel critère choisit-on la position du défunt? Des critères d’âge? de sexe? Pour répondre à cette question, il faudra attendre les discussions sur ces points, ci-dessous, qui pourraient fournir quelques éléments de réponse.

Les orientations vers l’ouest et l’est sont les plus courantes puisqu’elles concernent 15 et 19 individus respectivement. Les points cardinaux restants, nord et sud, ne comptent pas plus de 4 et 8 cas chacun. Cela pourrait indiquer une bipolarisation des tendances vers l’est et l’ouest, avec une préférence pour l’est, de même que dans le cimetière Nord. De plus, comme les corps ont été orientés de façon approximative, il est possible que les angles nord-ouest et sud-ouest désignent en fait l’ouest. De la même manière, le nord-est et le sud-est désigneraient en réalité l’est. Si tel était le cas, le nombre d’individus concernés par ces deux orientations se verrait nettement augmenté.

N NE E SE S SO O NO total

individus en position assise

individus en position dorsale

individus en position latérale

total

4 5,88 %

0

0

4 5,88 %

2 2,9 % 12 18 17,6% 26,4% 4 5,88% 4 5,88 % 5 7,3% 13 25 19,1% 36,75 % 7 10,2% 51 75 %

1 1,4 % 5 7,3% 0

6 8,8%

2 2,9 % 1 1.4 % 1 1.4 %

4 5,88%

2 2,9 % 12 17,6 %

1 1,4 % 2 2,9 % 0

4 5,8 % 3 19 27 4,41% 27,9% 39,6% 4 5,8% 2 8 2,9 % 11,76 % 0 6 8,8 % 1 1 15 30 1.4 % 1.4 % 22, % 44,1% 0 6 8,82 %

9 13.2% 69* 100 %

* seuls sont pris en compte les dépôts primaires dont la position est claire. Tableau 63. Rapport entre position et orientation des dépôts primaires du cimetière Sud. Avant d’analyser d’autres aspects des pratiques funéraires du cimetière Sud, nous allons examiner chacune des trois positions présentes. Cela permettra de discerner leurs caractéristiques communes ainsi que les détails qui les différencient.

Graphique 17. Orientation des corps, cimetière Sud (nombre total de cas: 87 dépôt primaires). Sans vouloir forcer les données, le rapport entre orientation et position (tableau 63) montre que, malgré l’apparente variabilité de l’échantillon, la combinaison de la position assise avec l’orientation vers l’ouest domine légèrement (13 cas: 19,11%). Presque à égalité se trouve la même position, cette fois combinée avec une orientation vers l’est (12 cas: 17,64 %). La différence est minime. Pour la même position, la faible représentativité des orientations au nord et au sud ne font que confirmer leur présence marginale.

a. Position latérale Dans le cimetière Sud, on compte six corps en position latérale: 3.1, 21.1, 26.2, 50.1, 61.1, 67.1. Deux d’entre eux, 3.1 et 67.1, reposaient sur le côté droit et les quatre autres sur le côté gauche. En général, les squelettes présentaient les membres inférieurs fléchis et rapprochés du thorax, de telle sorte que le visage touchait presque les genoux. Les avant-bras se trouvaient croisés sur la poitrine et les mains posées sur les épaules, de part et d’autre du cou. La disposition des sépultures 3.1 et 67.1 a été interprétée à partir des fragments d’os longs des membres inférieures et des membres supérieures ainsi que de quelques côtes. Ces pièces ont gardé leur position anatomique malgré les remaniements provoqués par la machine agricole.

Les individus en position dorsale étaient plutôt orientés vers l’est et les directions intermédiaires (6 cas: 8,82 %), tandis que l’ouest et ses directions intermédiaires étaient moins sollicités (4 cas: 5,8 %). Le nord ne compte aucun cas, et le sud à peine deux. Pour la position latérale, d’ailleurs la plus rare, on note une dispersion à l’intérieur de laquelle une seule tendance se détache nettement: les individus en position latérale n’étaient pas orientés vers le nord. Les trois autres directions sont représentées de façon à peu près égale.

Quant aux individus 26.2 et 61.1, la mauvaise conservation de certaines segments anatomiques, tels que

123

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ Dans le cas de l’individu 64.1, pour lequel la position exacte des membres inférieures et des membres supérieures n’est pas très claire, la raison en serait une mauvaise conservation des restes osseux. En effet, les épiphyses des os longs se sont désintégrées ainsi que les processus transversaux et épineux des vertèbres. Cela pourrait avoir un rapport avec le jeune âge du sujet (subadulte), dont les os, encore immatures, seraient plus friables. Mais il faut aussi signaler que l’absence du crâne suggère un prélèvement volontaire de ce segment anatomique qui aurait contribué à troubler davantage le contenu de la sépulture.

la colonne vertébrale et le bassin, ne permet pas un aperçu précis de leurs positions. Pour l’individu 21.1, l’effet de contrainte exercé sur la colonne cervicale et le crâne par la paroi sud de la fosse produit une flexion anormale du cou qui entraîne le crâne vers l’avant, jusqu’aux genoux. Cela impliquerait une introduction forcée du corps dans une fosse étroite, nécessitant une inclinaison accentuée de la partie haute du corps pour pouvoir faire entrer la partie inférieure. Une fois les tissus mous de la colonne disparus, les connexions entre la septième cervicale et la première thoracique lâchent produisant la séparation de ces deux parties.

Les corps inhumés en position dorsale présentent, en général, les membres inférieures hyperfléchis et ramenés vers le thorax, tandis que les avant-bras sont croisés sur la poitrine. Mais on a noté des particularités dans la disposition de certains squelettes qui pourraient nous fournir une information plus précise sur le traitement du cadavre.

On note ensuite chez le même individu que les os des pieds ont gardé leurs connexions anatomiques: aucun ne semble avoir migré hors de l’espace délimité par les tissus mous. Cela suggère un remplacement immédiat de la chair par de la terre, qui empêcherait les os en position instable de basculer vers les espaces vides récemment créés. Ce processus se produirait lors de la décomposition du cadavre dans un espace colmaté. La décomposition dans ce contexte contribuerait à expliquer le fait de trouver les membres inférieures en hyperflexion, position pour le moins forcée. La pression périphérique de la terre pousserait les chevilles en resserrant davantage l’angle de flexion, rapprochant les talons des fesses.

Pour cinq sépultures (12.1, 25.1, 31.1, 37.1, 45.1) nous avons constaté que, malgré l’horizontalité du thorax, le crâne se trouvait à la verticale. Cette disposition du crâne comporte aussi une verticalisation du rachis cervical qui, dans tous les cas, se trouvait encore en place, mais visiblement séparé des vertèbres thoraciques. Cette séparation aurait été provoquée par la disparition des tissus mous qui maintenaient unis les deux segments, malgré la traction sur le cou qu’implique cette position. De plus, on a noté pour l’individu 45.1 que le crâne, reposant sur le frontal, était placé sur le thorax. La pièce, en raison de son poids, aurait basculé vers l’avant entraînant avec elle les vertèbres cervicales, mais elle aurait été stoppée dans sa rotation par les genoux. Quel était le dispositif utilisé pour obtenir cette verticalisation? Il y a trois possibilités:

L’individu 50.1, enfin, malgré l’absence de certaines pièces osseuses, présente quelques anomalies qui attirent notre attention. On note premièrement que les membres inférieures se trouvaient en hyperflexion, puisque les fémurs étaient si rapprochés des tibias et des fibulas que l’ensemble donnait l’impression avoir été aménagé en faisceaux. Or, ce n’était pas le cas puisque le fémur gauche a gardé sa connexion anatomique avec l’os coxal. Ce détail pourrait impliquer une ligature des membres inférieures qui leur permettrait de garder cette position extrême ou bien l’existence d’une enveloppe. Cette dernière possibilité expliquerait le caractère ramassé du dépôt qui semble aussi avoir été contracté verticalement. Effectivement, la colonne vertébrale présente une courbure prononcée, position trop forcée pour être maintenue sans l’aide de dispositifs particuliers

- Qu’il s’agisse d’une banquette de terre aménagé pour placer le crâne et maintenir ainsi sa position verticale par rapport au thorax. - Qu’il s’agisse d’appui en matériel périssable comme des morceaux de bois ou des coussins en textile ou en cuir. Mais, pour que cette possibilité soit viable, il fallait que la décomposition se déroulât dans un espace colmaté, le matériau de l’appui étant remplacé par de la terre, ce qui assurait le maintien du crâne à la verticale.

b. Position dorsale On dénombre 12 cas de squelettes en position dorsale dans le cimetière Sud. Pour quatre d’entre eux (16.3, 19.1, 20.1, 64.1), la disposition a été déduite à partir des quelques restes encore en connexion. Les sépultures 19, 20, qui apparemment contenaient un seul individu, ont été partiellement détruites par la charrue. La détermination de la position des corps repose donc sur la disposition des os longs des membres inférieurs, parfois des os de la cheville et, dans certains cas, du thorax.

- Qu’il s’agisse d’une enveloppe mortuaire serrée qui maintient la tête à la verticale. Malheureusement aucune de ces possibilités n’a laissé de traces repérables lors de la fouille. Les deux dernières hypothèse soulèvent, pour leur part, le problème de la décomposition des corps en espace vide ou colmaté. Ce point ayant été évoqué ci-dessus, il serait souhaitable de le traiter ici pour établir le rapport avec les six individus au crâne vertical. Dans quatre cas, il a été possible de repérer quelques indices sur la décomposition. L’individu 12.1 semble avoir évolué dans un espace vide comme en témoigne la mise à plat de l’os coxal. De plus, l’effondrement vertical du thorax de l’individu 12.2, dont

D’autre part, l’individu 16.3 se trouvait probablement en position dorsale, mais il aurait été poussé pour faire de la place au suivant. Il s’agit donc d’une réduction.

124

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ restée en place. Cela implique enfin soit l’existence de repéres visibles en surface, soit une connaissance de la localisation de certaines sépultures.

la position était assise, renforce cette idée. Le crâne de l’individu 45.1 a roulé vers l’avant et il n’a été arrêté que par les genoux. Si l’espace intérieur de la fosse avait été totalement colmaté, en l’absence d’enveloppe, cela ne se serait pas produit. Pour l’individu 53.1, la mise à plat du coxal suggère un espace vide. L’existence d’un vide partiel, produit par la présence d’une enveloppe, devient alors envisageable.

c. Position assise La position assise est, avec 53 cas, la plus fréquemment rencontrée dans le cimetière Sud. Il s’agit en général de corps dont le thorax était placé, à l’origine, verticalement, les membres inférieures en hyperflexion ramenés vers le thorax, les pieds à plat sur le sol, les avant-bras croisés sur la poitrine, et les mains de part de d’autre du cou. Cependant, pour 19 corps6 cette position a pu à peine être distinguée à cause du désordre des restes.

A l’inverse, les fosses 25 et 31 semblent avoir été remplies de terre, de sorte que les os coxaux ont gardé leur position en équilibre instable. De plus, les vertèbres du 25.1 ont gardé aussi leur position anatomique sans basculer de côté, malgré le fait d’être posées sur le processus épineux. Cet équilibre s’obtient lorsque la terre entoure ces pièces. L’individu 10.1 semble s’être décomposé dans un espace colmaté puisque les os des pieds ont gardé leurs connexions anatomiques malgré le fait qu’ils se trouvaient sur les fesses. La disparition de ces dernières dans un espace vide aurait entraîné la dispersion de ces os. Or, ce n’est pas le cas, ce qui voudrait dire que l’espace occupé par les muscles fessiers aurait été remplacé immédiatement par la terre qui remplissait la fosse.

La sépulture 46 a aussi subi un remaniement, mais cela ne saurait s’expliquer par le passage des machines agricoles puisque aucun indice ne le suggère. La profondeur du dépôt, environ 50 cm, le plaçait à l’abri de son action. Par ailleurs, la possibilité d’une réorganisation des vestiges pour réutiliser la fosse semblerait inadéquate, puisque il s’agit d’une sépulture individuelle sans trace d’un deuxième dépôt. Le seul détail qui pourrait fournir une réponse est le fait d’avoir trouvé les restes osseux d’un gros rat à l’intérieur de la fosse. Il est donc possible que le désordre ait été provoqué par ce rongeur. Il faut signaler cependant que les os ne présentent pas de traces de grignotages et que les tunnels d’accès de l’animal dans la fosse n’ont pas été repérés.

Le maintien du crâne en position verticale est le point commun entre les six individus, en dépit de l’apparente contradiction entre la situation des trois derniers et celle des trois précedents. Il est donc possible, pour les trois derniers individus, d’envisager l’existence d’une enveloppe plus fragile qui se serait décomposée rapidement, rendant possible le remplissage de l’espace vide par des infiltrations de terre. La troisième hypothèse semble donc la plus correcte.

Bien que cette position semble assez uniforme, nous avons repéré certains détails qui témoignent de variations dans les gestes funéraires. Tout d'abord, le nombre élevé de corps pour lesquels on a pu constater une totale mise à plat de la cage thoracique. En effet, dans 23 cas7, les vertèbres ainsi que les côtes, le sternum et les clavicules étaient placées sur le sol, soit sur le bassin, soit derrière, tandis que les omoplates se trouvaient le plus souvent de part et d’autre du bassin. Sur l’amas d’os composé par les pièces du thorax se trouvait souvent le crâne, entraîné par cet effondrement. Ainsi, le crâne, qui normalement aurait dû occuper la position la plus élevée dans un corps assis, se trouvait plus bas que les genoux, bloqué entre les membres inférieures fléchis. Pour les individus 54.2, 55.1, et 70.1, la mise à plat du thorax a entraîné une rotation du crâne vers l’avant, de sorte que lors de la fouille il se trouvait sur la face.

Comme on l’a signalé auparavant, les avant-bras se trouvaient fréquemment croisés sur la poitrine, les mains de part et d’autre du cou. Une autre variante de la position dorsale est la disposition des membres supérieures par rapport aux membres inférieures: les membres supérieures sous les genoux (10.1 et 31.1) ou sur les genoux (25.1). Les individus 25.1 et 31.1 avaient les genoux et les chevilles resserrés, tandis que, pour le 10.1, les genoux se trouvaient écartés et seules les chevilles étaient proches. Cette disposition des membres inférieures chez un défunt couché sur le dos est impossible à maintenir sans l’aide d’un dispositif. Il est alors probable que les membres inférieures ont été attachés ensemble au niveau des genoux et des chevilles pour les lier ensuite au tronc. La possibilité du ligotage du corps, laissant la tête libre, serait compatible avec notre proposition de l’existence d’un appui-tête présentée ci dessus.

Il existe cependant d’autres cas dans lesquels le thorax ne s’effondre pas, mais culbute vers l’avant ou vers l’arrière. Dans la première situation (individus 17.1, 28.1, 62.1, 68.1), la colonne vertébrale se plie complètement provoquant une rupture au niveau de la cinquième ou sixième thoracique: les lombaires et les sept dernières thoraciques basculent vers l’arrière jusqu’au sol, tandis que les cinq ou six premières thoraciques et les cervicales

L’absence du crâne chez les individus 10.1, 11.1, 64.1 et 53.1 suggère un prélèvement intentionnel. Etant donnée la bonne conservation de ces quatre squelettes, ce manque ne peut s’expliquer par la conservation différentielle. De plus, le fait que trois corps 10.1, 11.1, 64.1, comportaient encore la mandibule renforcerait la possibilité d’un prélèvement intentionnel. Les crânes auraient été retirés une fois la chair disparue, se détachant de la mandibule,

6 Il s’agit des individus: 4.1, 5.1, 6.1, 6.2, 7.1, 13.1, 15.1, 18.2, 27.1, 30.1, 32.5, 35.1, 38.1, 41.1, 42.1, 46.1, 52.1, 59.1, 68.2. 7 Il s’agit des individus: 8.1, 9.1, 12.2, 14.1, 14.2, 14.3, 16.2, 18.1, 22.1, 24.1, 26.1, 26.3, 26.4, 29.1, 54.1, 54.2, 55.1, 57.1, 58.1, 60.1, 63.1, 65.1, 67.2.

125

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ ce point, et qu’on compte à peine deux exemples, la présence d’une telle enveloppe reste hypothétique.

tombent vers l’avant. Cela provoque une disposition des vertèbres sur deux couches superposées dans le même alignement. La chute en avant du thorax entraîne le crâne, dont la rotation est limitée par les membres inférieures fléchis. Le crâne repose alors sur le bassin.

Nous avons donc repéré deux possibilités de décomposition, déjà évoqués pour certains cas du cimetière Nord:

La deuxième situation (individus 14.2, 14.3, 26.3, 29.1, 67.2, 68.1, 70.1) est plus facilement compréhensible lors de la fouille. La colonne vertébrale tombe vers l’arrière sans se disloquer, et les vertèbres s’appuient sur les processus épineux. L’équilibre instable dans lequel se trouvent les vertèbres provoque leur renversement vers la droite ou vers l’arrière.

- La décomposition en espace vide, représentée par une fosse dépourvue de sédiment dans laquelle les os ont la place de tomber en longueur. Les individus dont le thorax a chuté vers l’avant ou vers l’arrière en seraient de bons exemples. - La décomposition dans un espace vide partiel qui se produit à l’intérieur d’un paquet funéraire placé dans une fosse remplie de terre. Les squelettes dont le thorax est mis à plat constitueraient les exemples significatifs.

Dans certains cas (individus 29.2, 32.1), la colonne est retenue dans sa chute par les parois de la fosse. Pour l’individu 29.2, le choc a dissocié le crâne des vertèbres cervicales, provoquant son déplacement vers l’avant. Ainsi, lors de la fouille, on l’a trouvé posé sur sa face et placé sur le bassin, tandis que la colonne vertébrale reposait partiellement sur la paroi est de la fosse. Le crâne a conservé l’atlas, ce qui implique que ce processus a eu lieu lorsque la chair n’avait pas complètement disparu. Le processus chez l’individu 32.1, plus proche de la paroi de la fosse, varie un peu. Le thorax se trouvant à environ 20 cm de la limite est de la fosse, l’espace manquait à la colonne pour lui permettre de tomber allongé sur le sol. Ainsi, la partie haute du thorax a percuté la paroi, ce qui a provoqué une rupture du rachis entre la deuxième et la troisième thoraciques. Le crâne, le rachis cervical, et les deux premières thoraciques sont tombés vers l’avant, et se sont logés, finalement, sur le thorax incliné.

Il est intéressant de constater que, malgré la chute du thorax, en général les membres inférieures des squelettes assis gardent leur position pour le moins forcée, puisque même de son vivant le corps a du mal à la maintenir. L’existence d’un dispositif permettant aux défunts de conserver les membres inférieures en hyperflexion devient alors probable. Quelle serait sa nature? Nous avons remarqué que 12 individus8 ont gardé les chevilles jointes et parfois aussi les genoux. Cela évoque le ligotage des chevilles, détail déjà discuté pour six sépultures du cimetière Nord. Pour la position assise, il existe aussi deux variantes dans la disposition des avant-bras: sur la poitrine ou sur les genoux. Dans les deux cas, les membres auraient tendance à ouvrir leurs angles de flexion. Or ce n’est pas le cas, ce qui implique la présence d’une force externe au corps qui les maintient en place: l’attachement des membres au moyen d’une corde ou la présence d’une enveloppe qui maintenait l’ensemble en place.

La mise à plat du thorax, et sa chute vers l’arrière ou vers l’avant, suggèrent une décomposition en espace vide. Dans une fosse remplie de terre, les pièces osseuses du défunt se trouvent pratiquement bloquées par la matière qui les entoure. Seule l’absence de sédiment permettrait de tels déplacements sur un segment anatomique si volumineux que le thorax. Cependant, pour la mise à plat du thorax, il suffit que le volume original du cadavre soit vide. La présence d’une enveloppe, assez rigide pour empêcher le corps de culbuter en avant ou en arrière, favorise ainsi un affaissement vertical des restes osseux une fois les chairs disparues. Il est de plus nécessaire que le paquet funéraire soit fixé pour l’empêcher lui-même de tomber. L’addition de terre autour du paquet funéraire produirait cette fixation. La situation des individus 22.1 et 67.2 illustre bien cette possibilité puisque, malgré la mise à plat du thorax, les squelettes ont gardé une certaine cohésion; les pièces osseuses ne se sont pas éparpillées dans toute la fosse. Par ailleurs, la position en biais de l’offrande qui accompagne le 22.1 suggère son placement à l’intérieur du paquet funéraire.

Si l’on envisage la possibilité d’une corde, où serait-elle nouée? Un lien fortement serré autour du thorax aurait empêché les avant-bras disposés sur la poitrine d’ouvrir leurs angles de flexion. Pour les membres supérieures sur les genoux, une amarre passant derrière le cou attachant les deux poignets, permettrait aux membres de reposer sur les genoux, tout en gardant leur croisement. L’enveloppe constituerait l’option la plus vraisemblable, puisque ce dispositif permettrait de garder en place à la fois les membres inférieures et les membres supérieures et maintiendrait la position générale de l’individu. Mais cette enveloppe devrait subir de fortes contraintes extérieures afin de lui permettre de maintenir une position si forcée pour les membres inférieures et les membres supérieures. Comme nous l’avons signalé pour le cimetière Nord, les possibilités d’aménagements d’un paquet funéraire sont nombreuses (figure 116). Mais l’option qui s’adapte le mieux au résultat de nos observations serait celle du paquet funéraire enregistré dans les codex Azcatitlán (Pl. XX), Maggliabecchiano (Pl 67) et Florentino (Appendice, Chapitre 1, Livre 3). Ces

Ce processus serait viable seulement si le matériel qui compose cette enveloppe est plus résistant que les tissus mous du corps humain, puisque l’enveloppe doit être encore en place lorsque la chair du thorax disparaît ou que les ligaments lâchent. Serait ce le cas des petates? Etant donné que nous n’avons pas fait d’expériences sur

8 il s’agit des individus: 14.2, 14.3, 16.1, 22.1, 23.1, 26.3, 28.1, 29.1, 55.1, 67.2, 68.1, 70.1.

126

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ pratique courante. Ces individus, une fois ligotés, seraient déposés dans des fosses condamnées par un dispositif qui nous reste inconnu, mais susceptible d’être retiré afin de réutiliser plusieurs fois la sépulture. Pour un nombre réduit de cas, les conditions seraient cependant différentes: certains individus en position dorsale semblent s’être décomposés en espace colmaté.

figures présentent un paquet dans lequel on peut distinguer les formes du défunt assis. Cette position est maintenue par des cordes qui entouraient le dos, les chevilles et les genoux. Etant donné qu’on ne dispose pas de la certitude de son existence, nous ne sommes pas en mesure de trancher définitivement en faveur de cette interprétation. Le dernier détail observé chez quelques individus en position assise est l’absence de crâne (individus 8.1, 16.1, 54.1 et 63.1). Cela apparaît d’autant plus curieux que, dans les quatre cas, le reste du squelette se trouvait en bon état et les mandibules en place. La conservation différentielle ne serait donc pas à l’origine de cette absence. La présence des mandibules suggère un prélèvement intentionnel des crânes qui a eu lieu après la disparition de l’articulation temporo-mandibulaire. En effet, cette absence répétée des crânes évoque leur extraction intentionnelle. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet, puisque les squelettes en position assise ne sont pas les seuls à manquer de tête.

no. 6.1 8.1 9.1 10.1 11.1 12.1 12.2 14.1 14.2 14.3 16.1 16.2 17.1 18.1 21.1 23.1 24.1 25.1 26.1 26.3 26.4 28.1 29a 31.1 32.1 32.3 37.1 45.1 46.1 50.1 53.1 54.1 54.2 55.1 57.1 58.1 59.1 62.1 63.1 64.1 65.1 67.2 68.1 70.1

d. Les aménagement particuliers. Le tableau 64 présente les détails susceptibles de fournir des informations supplémentaires sur le traitement funéraire. La disposition verticale du crâne est une caractéristique exclusive des individus en position dorsale. Par contre, les deux modalités de position des avant-bras, croisés sur la poitrine ou sur les genoux, se trouvent indistinctement dans les trois types de position. Le ligotage des membres inférieures est une possibilité pour toutes les positions. Quant à la question de la décomposition en espace vide ou en espace colmaté, nous avons constaté une répartition différentielle, puisque seuls quelques corps en position dorsale présentent des indices de décomposition en espace colmaté. La possibilité d’une décomposition en espace vide à l’intérieur d’une enveloppe semi-rigide (espace vide partiel) est commune aux trois types de position et, par conséquent, beaucoup plus fréquente que la précédente. Cette constatation nous amène à la question de la condamnation des sépultures. Pour les squelettes qui semblent s’être décomposés en espace colmaté, le sédiment introduit lors de leur inhumation constituerait une sorte de fermeture de l’espace sépulcral. De la même manière, pour les paquets funéraires, la terre qui les entourait aurait eu pour fonction la protection de l’espace sépulcral qui, sans elle, se trouverait exposé de façon directe aux éléments (soleil et pluie), aux animaux, et encore aux pilleurs de l’époque préhispanique. Cependant, nous n’avons pas réussi à identifier le moindre indice sur leur morphologie et le matériel utilisé dans les fermetures. Cela n’implique pas leur inexistence. En somme, dans le cimetière Sud, l’utilisation de liens pour maintenir les membres en position semblerait une

posi tion assise assise assise dorsale dorsale dorsale assise assise assise assise assise assise assise assise lat. assise assise dorsale assise assise assise assise assise dorsale assise assise dorsale dorsale assise lat. dorsale assise assise assise assise assise assise assise assise dorsale assise assise assise assise

crâne vertical

membres sup./ inf./ inf. sup

ø crâne

ligotage

espace vide col** maté

*seuls sont pris en compte les dépôts primaires dont la position des squelettes est connue. **par espace vide, nous entendons espace vide partiel, à l’intérieur d’une enveloppe semirigide. Tableau 64. Caractéristiques principales des dépôts primaires, cimetière Sud.

127

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ Les restes du 50.2 se situaient au nord-est de l’espace funéraire occupé par la sépulture 50, dont la fosse n’était pas apparente. Il s’agit d’un regroupement d’os sans ordre apparent qui, séparés de 12 cm du dépôt primaire, seraient situés à côté de l’emplacement originel de son crâne qui était absent.

4. Disposition des restes secondaires Un dépôt secondaire ne désigne pas seulement un groupe d’os sans apparente relation anatomique, mais aussi le passage du corps par au moins deux étapes différentes depuis le décès jusqu’à l’endroit d’inhumation définitif. Ces étapes comprendraient d’abord, « une phase de decharnement (actif ou passif) qui se déroule nécessairement en un autre lieu » (Duday 1990 et al. 43) et, ensuite, le dépôt des restes osseux dans sa sépulture finale. La détermination d’un tel type de dépôt devient alors plus difficile à prouver que pour les dépôts primaires, puisque les informations relatives à la première étape sont absentes. Les observations à effectuer sur un possible dépôt secondaire doivent donc être plus minutieuses. Une représentation très partielle du squelette implique son arrivée de l’extérieur. Comme on l’a déjà signalé à propos du cimetière Nord, on ne peut, bien entendu, assurer l’intentionnalité du geste, la possibilité d’une inclusion accidentelle dans chaque sépulture restant envisageable. Toutefois, il est nécessaire d’examiner également l’hypothèse d’un dépôt secondaire intentionnel. D’autre part, l’organisation des pièces osseuses dans la sépulture fournit déjà une certaine information: quand il s’agit d’une simple réduction du corps, les petits os restent le plus souvent dans l’espace originalement occupé par le dépôt primaire; en revanche, les os les plus massifs sont généralement déplacés. Inversement, l’introduction d’un corps décharné dans un autre contexte se traduit fréquemment par l’absence de ces petits os.

La sépulture 61 compte quatre individus dont un dépôt primaire et trois secondaires. Le primaire, en position latérale orienté vers l’est (individu 61.1), avait en face de lui, à la hauteur du crâne, un groupe d’os longs orientés est-ouest. Ces os correspondaient aux individus 61.3 et 61.4. Les restes du 61.2 se trouvaient plus ou moins dispersés aux pieds du premier. L’un au moins de ces trois dépôts secondaires, le 61.2, se trouvait clairement différencié des autres. Le tableau 66 montre que les trois sépultures dont il a été question ci-dessus (45, 50 et 61) comptaient chacune au moins un dépôt secondaire d’enfant, d’âge variable. Pour le dépôt 45.3, il s’agit d’un individu d’environ 18 mois. Celui du dépôt 50.3 comptait déjà 12 ans, et entre 6 et 8 ans pour le dépôt 61.3. On ne dispose malheureusement pas de la totalité de l’information sur l’âge et le sexe des individus correspondant à ces trois sépultures. Cela nous a empêché de bien comprendre les rapports entre dépôts primaires et secondaires présents simultanément dans ces trois cas. Nous allons maintenant faire appel aux données concernant l’âge et le sexe des individus impliqués dans des sépultures qui comptent un ou plusieurs dépôts partiels, pour essayer de discerner les rapports entre les deux types de dépôts (tableau 66).

Appliquant ces critères, nous avons comptabilisé 24 dépôts partiels dans le cimetière Sud, dont 23 se trouvaient dans des sépultures multiples. dépôt en sép. en sép. secondaire multiple ind. no. % no. % no. % 24 20.6 23 95.8 1 4.1

enfants no. 11

% 45.8

adultes no. % 13 54.1

Tableau 65. Comptabilisation des dépôts secondaires, cimetière Sud. Les 23 dépôts en sépultures multiples sont représentés par au moins une pièce osseuse et au plus 11, qui se trouvaient mélangées aux dépôts primaires. Les seules exceptions à cette disposition étaient les individus 45.3, 50.2, 61.2 et 61.3 dont les restes étaient clairement séparés des dépôts primaires, mais se trouvaient à l’intérieur de la même sépulture. Dans ces cas, on peut parler de dépôts secondaires.

Sur un total de 13 dépôts, neuf correspondaient à des sujets immatures qui accompagnaient des dépôts primaires d’adultes: -sépultures 23, et 35 , constituées par un dépôt primaire d’adulte et un d’enfant; -sépulture 12, où l’on trouve deux dépôts primaires d’adultes et deux dépôts partiels respectivement d’adolescent et d’adulte; -sépultures 45 et 67 dans lesquelles se trouvent deux dépôts primaires d’adultes et un seul dépôt partiel d’enfant; -sépultures 50 et 58 constitués d’un dépôt primaire d’adulte et deux dépôts partiels: un enfant et un adulte; -sépulture 61 pour laquelle un dépôt primaire d’adulte était accompagné de trois dépôts partiels: un enfant, un adolescent, et un adulte, -enfin, la sépulture 32 qui compte trois individus primaires et adultes mélangés à six partiels, dont deux immatures. Cette association relativement fréquente de dépôts partiels d’immatures avec des adultes pourrait être interprétée en terme de structure familiale, ce qui confirmerait leur caractère de dépôt secondaire. Le tableau 66 met en évidence qu’aucun rapport entre les enfants en dépôt secondaire et les adultes issus d’une même sépulture n’est constant. Il a été cependant possible de repérer certaines régularités. D’abord, la plupart des squelettes matures se situent dans la catégorie des jeunes

Le 45.3 se situait dans la partie est de la fosse, aux pieds de l’individu principal (45.1) et séparé de celui-ci par 10 cm. Constitué des restes du crâne, du thorax, du bassin et d’os longs d’un immature, ce dépôt formait un petit amas composé par des fragments.

128

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ On pourrait par ailleurs se pencher sur la question des pièces osseuses représentées parmi les dépôts secondaires. Leur analyse pourrait, en effet se révéler utile pour une meilleure compréhension de cet aspect du traitement funéraire dans le cimetière Sud.

adultes (13 cas). Ensuite, l’âge de la plupart des individus immatures en dépôt secondaire (5 cas sur 9) est d’environ 8 ans. Enfin, de trois sépultures doubles, deux étaient constitués par un enfant de 8 ans et une femme adulte. Pourquoi cette sur-représentation d’enfants de cet âge comme dépôts secondaires? Nous ne sommes pas en mesure de répondre à cette question. Mais on peut du moins proposer que aussi bien la répartition par classes d’âge, que la répétition de telles associations et le caractère systématiquement secondaire des dépôts d’immatures inclinent à penser en termes de structure familiale et ou des pratiques funéraires propres aux enfants.

18 mois

3-7 ans

12.1 12.2 12.3 12.4 15.1 15.2 15.3 23.1 23.2 32.1 32.2 32.3 32.4 32.5 32.6 32.7 ? 32.8 32.9 35.1 35.2 45.1 45.2 45.3 ? 49.1 50.1 50.2 50.3 54.1 54.2 54.3 58.1 58.2 58.3 61.1 61.2 61.3 61.4 62.1 62.2 67.1 67.2 67.3 M-mas- F-femiculin nin

6-8 ans

8 ans

12 ans

ado

sub jeune -ad. ad.

ad. moyen

M F ? ? F ? ? F ? M F M M M ? M ? F ? F M

M ? ? F F M ? ? ? M ? ? ? M ? M M ? sexe inconnu

? dépôt primaire

dépôt secondaire

Tableau 66. Sépultures contenant des individus secondaires: rapport entre âge, sexe et mode de dépôt. Le tableau 67 présente une version résumée de l’inventaire effectué sur chacun des individus en dépôt secondaire, afin d’avoir un aperçu général de la représentation des pièces osseuses. Le nombre total de pièces représentées par type d’os, ainsi que les chiffres différenciant les immatures des adultes (graphique 18) permettrait de distinguer d’ éventuelles disproportions.

Graphique 18. Pièces osseuses en dépôt secondaire, cimetière Sud (le nombre correspond aux pièces comptabilisées).

129

ad.

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ différentielle des restes, soit par un choix en raison de leur taille.

En ce qui concerne la représentativité globale, il est d’abord évident qu’aucune pièce osseuse n’a été enregistrée sur la totalité des 24 individus en dépôt partiels: la mieux représentée est la mandibule, avec 9 cas, puis le crâne et le fémur avec huit cas chacun. La structure de ces trois pièces permet qu’elles soient les mieux conservées.

crâne mandib v. cerv. v. thor. v. lomb. omoplate sacrum côtes clavicule humérus radius ulna carpe mtcp. coxal fémur tibia fibula patella tarse mtts phal.

crâne mandib v. cerv. v. thor. v. lomb. omoplate sacrum côtes clavicule humérus radius ulna carpe mtcp. coxal fémur tibia fibula patella tarse mtts phal.

• présence;

12 .3 •

12 .4

15 .2

15 .3

23 .2

32 .2

• •

• • •

32 .4 • •

32 .6

32 .7

32 .8

32 .9





Quant aux pièces du thorax, l’omoplate s’avère la mieux représentée, ce qui est surprenant considérant sa fragilité. La sous-représentation des vertèbres lombaires par rapport aux cervicales et aux thoraciques semble également anormale. Etant donnée leur structure plus massive, qui permet une meilleure conservation, elles auraient dû être plus nombreuses.

35 .2 •

D’autre part, on constate que les os longs du membre supérieur sont plus abondants que ceux du membre inférieur, à l’exception du fémur. La faible présence du tibia et du fibula par rapport au radius et à l’ulna ne semble pas répondre aux critères ordinaires de conservation. En effet, la massivité du tibia le rend plus résistant que le radius et l’ulna.

• • •



Il semble normal que le carpe soit totalement absent et le métacarpe mal représenté puisqu’il s’agit de petits os difficiles à récupérer lors du déménagement des corps de leur lieu de décharnement à l’endroit de leur inhumation définitive.

• • •



• •

• •



Le fait que les vertèbres thoraciques, puis l’omoplate soient les pièces les mieux représentées du thorax, que les lombaires montrent un déficit par rapport aux autres vertèbres, que les os de bras soient mieux représentés que ceux de la cheville, impliquerait un choix volontaire de la part de la population inhumante. Ce choix semble privilégier le haut du corps, les bras et le fémur au détriment du reste du squelette, ce qui est peut-être lié à la position assise du dépôt originel. On ne peut pas cependant se prononcer sur la signification de ce geste funéraire.



• •

• •

• •

45 .3 • • •

49 .1

50 .2 •

50 .3



54 .3 • • • •

• 58 .2 • • •



58 .3

61 .2

61 .3

• •

• •





61 .4

62 .2 •

67 .3



En ce qui concerne les adultes, la pièce la mieux représentée est le fémur, qui compte huit cas. Cela contraste avec les autres os longs des jambes, puisque la fibula et le tibia comptent deux cas respectivement. Par contre, les os longs des bras sont plus régulièrement représentés: l’humérus et le radius se trouvent dans quatre cas, tout comme l’ulna. La présence des patellas dans deux dépôts secondaires résulte intéressante. Etant donné sa position dans l’articulation du genou, la patella a tendance à chuter après la disparition du tissu mou. Sa petite taille et sa dissociation d’avec les os longs en font donc un élément qui, à l’égal des os des mains et des pieds, peut être négligée lors du ramassage de restes osseux après le décharnement. Sa présence, même faible, impliquerait donc un choix particulier. D’autre part, la mandibule est mieux représentée que les os du crâne, tandis que pour le thorax, ce sont l’omoplate et les vertèbres thoraciques.

• • • • •





• •

• • • • •

• •



• • • • •

• •



• • •

• • •

• • • •

• •

• •

• • •

• • •

immatures

Tableau 67. Pièces osseuses en dépôts secondaires, cimetière Sud.

Les mains figurent faiblement dans les dépôts secondaires et seulement à travers le métacarpe puisque le carpe et les phalanges sont absents. La situation des pieds, mieux représentés, est différente. Mais c’est surtout la présence répétée des phalanges qui semble la plus étonnante. En raison de leurs faibles dimensions, les phalanges des pieds et des mains tendent à être sous-représentées.

Par contre, le fait que les os des pieds (tarse et métatarse) soient mieux représentés que les os des mains (carpe et métacarpe) pourrait s’expliquer, soit par une conservation

130

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ - Les corps ont été décharnés de façon active par la population inhumante.

Pour les dépôts secondaires d’adultes dans le cimetière Sud, cette sur-représentation des phalanges par rapports aux autres os des pieds et des mains, ainsi que la quantité de fémurs, nettement supérieure au reste des pièces du squelette, confirme un choix volontaire. Même en admetant l’hypothèse d’une réduction, cela ne contredit pas l’intentionnalité du choix.

Le dernier cas de figure est plus facilement détectable, puisque les outils utilisés pour enlever les masses musculaires doivent être pointus et tranchants, et, par conséquent, laisser des traces sur l’os. Les dépôts secondaires du cimetière Sud manquant de toute évidence de ce type de traces, il semble que leur décharnement a eu lieu d’une façon passive. C’est-à-dire qu’on a laissé le temps et les éléments agir sur les corps, jusqu’à ce que leur dislocation naturelle se produise et les pièces osseuses choisies puissent être retirées. Ce décharnement aurait pu se produire à l’air libre ou à l’intérieur des fosses. La première possibilité implique certains aménagements afin de protéger les corps de l’action des animaux tels que les oiseaux charognards ou les rongeurs, qui pourraient s’emparer d’une partie des restes. Si le décharnement s’est produit à l’intérieur des fosses, les os qui forment les dépôts secondaires pourraient avoir appartenu à des dépôts primaires du même cimetière.

Les diverses pièces osseuses dans les dépôts d’enfants sont représentées de façon très inégale comme le montrent d’ailleurs les variations dans le graphique 18. Parmi les segments anatomiques le plus souvent trouvés figurent le crâne, la mandibule, les cervicales, l’humérus et l’ulna avec trois exemples chacun. Les côtes et les vertèbres thoraciques sont enfin les éléments du thorax les mieux représentés. D’autre part, les os des bras figurent en plus grande quantité que ceux des jambes. Cela paraît anormal, puisque ces derniers sont plus volumineux et plus résistants que les os des bras. Par contre, le fait de trouver une plus grande quantité d’os des pieds que d’os des mains semble normale car les premiers sont plus grands et plus résistants que les derniers.

Lors de la discussion de la disposition des restes primaires, nous avons signalé l’absence de crânes pour certains squelettes: 8.1, 10.1, 11.1, 16.1, 53.1, 54.1, 63.1, 64.1. Cela a été attribué à un prélèvement intentionnel des pièces osseuses puisque le squelette post-crânien est bien conservé. Or, il se trouve que le crâne est l’une des pièces les mieux représentées dans les dépôts secondaires. Leur origine pourrait donc se trouver dans les huit dépôt primaires antérieurement mentionnés. Cependant, parmi les dépôts secondaires on compte seulement quatre crânes d’adultes. Cela suppose qu’il existe un sur-effectif de quatre crânes adultes déposés dans un autre site, puisque, ni dans le cimetière Nord, ni dans aucun autre secteur du site, nous n’avons repéré ces pièces osseuses. Les crânes d’immatures présents dans les dépôts secondaires doivent aussi provenir d’un autre site ou d’un autre emplacement, puisque, ni dans le cimetière Nord, ni dans le Sud, les dépôts primaires d’enfants ne manquent de crâne.

Comme on peut le constater dans le graphique 18, les inégalités entre les représentations des pièces osseuses adultes et immatures sont importantes. La plus flagrante est celle du fémur; pièce sur-représentée chez les adultes et sous-représentée chez les immatures. Il existe aussi des disproportions évidentes en ce qui concerne les os des jambes.Les adultes en comptent plusieurs pièces, tandis que les enfants, à peine une par catégorie. D’autre part, l’écart entre le nombre d’omoplates d’adulte et d’enfant est important. Pour cette pièce, les adultes sont mieux représentés, et la situation est la même pour la mandibule. Pour les autres pièces osseuses, même s’il existe une différence, la disproportion est mineure et pas assez importante pour la signaler. Cette représentativité différentielle entre dépôts secondaires d’immatures et d’adultes implique aussi un choix différentiel des pièces osseuses de la part de la population inhumante. La sélection des pièces varie selon la catégorie d’âge du défunt. Pour les adultes, on privilégie le fémur, tandis que pour les enfants, ce sont les os du crâne et dans les deux cas, on néglige complètement les os du carpe.

La situation semble la même pour le fémur, pièce osseuse sur-représentée dans les dépôts secondaires, où nous en avons comptabilisé huit. Cependant seulement quatre dépôt primaires (31.1, 46.1, 59.1, 61.1) manquent de cette pièce. Il y aurait donc quatre fémurs venus d’ailleurs, c’est-à-dire d’autres sites. Par ailleurs, l’hypothèse du prélèvement intentionnel pour ce genre de pièce est difficile à démontrer, étant donné que les squelettes ne semblent pas particulièrement bouleversés. D’autre part, on ne conçoit pas par quel mécanisme un seul fémur a pu disparaître, tandis que le reste du squelette se trouve bien conservé. Néamoins, c’est bien ce que l’on constate puisque dans quatre dépôts primaires le fémur manque. Il faut donc bien admettre un prélèvement volontaire.

Etant donnée la représentation partielle des squelettes ainsi que l’absence systématique des petits os, les dépôts traités ci-dessus sont vraiment secondaires et non pas issus d’une réduction du corps ou d’une inclusion accidentelle. Nous retrouvons ici les mêmes arguments qui nous avaient permis de conclure au caractère secondaire des dépôts partiels du cimetière Nord. La question de la représentativité des pièces osseuses nous amène ainsi au problème de la constitution de ces mêmes dépôts. A ce propos, deux options sont envisageables:

Une autre question soulevée par la discussion sur les dépôts secondaires est la chronologie de l’introduction dans la fosse des deux types de dépôts. Furent-ils inhumés simultanément? Un laps de temps s’est-il écoulé entre l’introduction des dépôts primaires et celle des secondaires? L’inverse s’est-il produit, c’est-à-dire,

- Les corps sont restés quelque temps dans un endroit autre que la fosse afin d’achever leur décharnement.

131

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ d’abord les restes secondaire et, quelque temps après, les vestiges primaires? La présence d’une multiplicité d’individus primaires et secondaires à l’intérieur d’une même sépulture complique encore la situation.

individus et non pas des offrandes. Bien qu’aucun cas de ce type n’existe à Caseta, un exemple de perforation d’une côte par un proyectile a été enregistré pour l’individu 18.1 du site de San Juan, phase Sayula (Uruñuela 1997: 219)

A partir de la discussion ci-dessus, nous sommes en mesure de résumer la situation. Les dépôts secondaires sont en général tellement mélangés aux primaires que presque toujours leur reconnaissance n’a été effective que lors du décompte des pièces anatomiques. Cette étroite association pourrait donc suggèrer une inhumation simultanée. Les trois seuls cas où des dépôts différés sont d’emblée envisageables sont les sépultures 45, 50, et 61, pour lesquelles au moins un dépôt secondaire se trouvait clairement différencié quoique dans le même espace funéraire. Il est toutefois impossible d’établir une chronologie de leur introduction dans l’espace funéraire. On note, par ailleurs, que les dépôts secondaires correspondaient principalement à des sujets immatures qui accompagnaient des dépôts primaires d’adultes. En tout état de cause, un choix volontaire des pièces osseuses est évident et il varie selon l’âge de l’individu.

La plupart des fusaïoles se trouvaient sur le sol de la fosse, sous le corps du défunt. Elles se trouvent parfois à droite, aux pieds ou derrière le corps de l’individu, mais toujours au fond de la fosse. On a l’impression que leur placement dans la fosse a été le premier geste funéraire avant l’introduction du cadavre et de tout autre mobilier.

à droite

à gauche aux pieds

5. Disposition du mobilier

vases 1 5.1, 16.2, 16.3, 18.2, 20.1, 22.1, 29.2, 45.1, 54.1, 67.1, 68.1, 68.2, 70.1 12.2, 16.3, 16.4, 54.2, 57.1, 60.1, 68.2 10.1, 11.1, 12.1, 14.2, 16.1, 24.1, 28.1, 30.1, 37.1, 42.1, 55.1, 58.1, 62.2

sous le corps

Dans le cimetière Sud, le mobilier associé aux sépultures est plus abondant que dans le Nord. Sur 116 individus, 56 étaient accompagnés de mobilier, ce qui correspond à 48% des effectifs9. Il s’agit, dans tous les cas, de dépôts primaires.

derrière le corps aux côtes

La relation entre défunt et mobilier a été facilement établie, en raison de leur claire disposition, même si la position des offrandes et des parures peut varier par rapport au corps. La sépulture 32 est l’exception. Le mobilier se trouve bien à l’intérieur de l’espace sépulcral, mais l’enchevêtrement des restes osseux empêche l’identification de l’appartenance des objets. Nous ne saurions déterminer si le mobilier a été destiné à un seul individu ou s’il s’agit d’une offrande collective.

1

armes 2 22.1

fusaïoles 20.1, 53.1, 68.1

faune

55.1, 58.1 42.1

17.1, 18.1, 32.1, 68.2 26.4, 35.1,

16.2, 21.1, 26.1, 45.1, 64.1 26.4, 28.1, 31.1

52.1, 55.1

8.1, 25.1, 29.2

tessons, figurines et sifflets, 2pointes et couteaux en obsidienne et silex Tableau 68. La disposition des offrandes, cimetière Sud. Enfin, les offrandes de restes fauniques, représentés par 57 coquilles d’escargots (individu 52.1) et une canine de mammifère (individu 55.1) se trouvent sous le corps des sujets respectifs.

Les offrandes présentes dans les sépultures du cimetière Sud sont principalement des vases en céramique, complets, cassés et même des tessons, mais on trouve aussi des objets tels que des têtes de figurines, des fusaïoles et des sifflets. L’emplacement des objets est variable, mais, dans la plupart des cas, ils se trouvent aux pieds de l’individu ou sur son côté droit (13 cas respectivement) ou gauche (7 cas).

Il semble évident qu’il existe un rapport entre l’emplacement des objets et leur fonction: les vases à gauche ou aux pieds des individus, les armes, les fusaïoles et les restes fauniques sous le corps. En ce qui concerne les parures, leur disposition est plus simple à comprendre puisque, en général, elle correspond à la fonction de l’objet. Ainsi les pendentifs et certaines perles se trouvent sur le thorax, ou autour des cervicales, puisqu’ils formaient des colliers. Les pendentifs composés d’un anneau en cuivre et d’une perle en coquille se trouvent autour du crâne ou de l’épaule conformément à leur fonction probable de boucles d’oreille. Les seules exceptions sont les pièces associées aux individus 16.1, 17.1, 21.1 et 52.1. Les trois premières sont des perles placées sous le corps de l’individu. On a l’impression que ces perles ont remplacé les fusaïoles,

Les offrandes d’outils ou d’armes, tels que les pointes et les couteaux en obsidienne et en silex, se trouvent principalement sous le corps du défunt ou parmi les côtes. Ces dernières correspondent exclusivement aux pointes de flèche. Cette localisation introduit évidemment un doute sur leur fonction. En effet, ces pointes peuvent représenter les projectiles qui ont causé la mort des 9 Pour une liste précise de la disposition du mobilier dans chaque sépulture voir l’annexe IV.

132

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ tester les rapports entre le sexe des individus et la composition des sépultures dans lesquelles ils ont été inhumés.

puisque leur emplacement est le même, et leur taille et leur morphologie similaires à ces dernières. Quant à la sépulture 52, cinq bracelets se trouvaient disposés derrière le corps du défunt et 37 perles en coquille devant. Ces objets ne sont pas en rapport logique avec le corps puisque il s’agit de parures propres à un individu de taille adulte, tandis que le défunt est un enfant entre 4 et 6 ans.

Le tableau 70 montre d’abord que les squelettes en sépulture multiple sont plus nombreux que ceux en sépulture individuelle. Les restes masculins se trouvent équitablement repartis entre les sépultures individuelles, 52.83% de cas, et les multiples, 47.16%. La situation des squelettes féminins est tout à fait différente puisque leur répartition est pour le moins inégale. Effectivement, 31.57% des restes reconnus comme féminins furent inhumés de façon individuelle, tandis que 68.42% faisaient partie des sépultures multiples. Le rapport entre le sexe des individus et la composition des sépultures du cimetière Sud indique déjà une différentiation sexuelle des pratiques funéraires: les femmes seraient le plus souvent inhumées dans des sépultures multiples, tandis que les hommes se trouveraient indistinctement dans les deux (individuelles et multiples). Même si on disposait parmi les individus de sexe non identifié d’un nombre élevé d’individus féminins, les tendances générales présentées ci-dessus ne seraient pas profondément modifiées.Il faut alors chercher à savoir si cette dissemblance dans la composition des sépultures a un rapport avec le mode de dépôt.

6. Le sexe et l’âge Des 116 individus fouillés dans le cimetière Sud, 53 étaient masculins et 19 féminins; le nombre de nonidentifiés s’élève à 30 outre les 14 immatures. L’important pourcentage des individus dont le sexe n’a pas été identifié doit d’abord être souligné. Cela s’explique par la présence des multiples dépôts secondaires, représentés par à peine quelques os. Comme on l’a déjà dit, les pièces osseuses les plus courantes dans les dépôts secondaires sont les os longs, qui ne permettent pas l’identification du sexe. De plus, un bon nombre de sépultures a subi des bouleversements importants qui ont fortement fragmenté les restes osseux, les rendant inutilisables pour l’identification du sexe. Le grand écart entre le pourcentage d’hommes (45.68%) et de femmes (16.37%) ne semble pas représenter une population naturelle. Bien entendu, parmi le nombre élevé d’individus non identifiés, la part des femmes pourrait être plus élévé que celle des hommes, ce qui compenserait le déficit de population féminine. Cependant, la disproportion entre les deux sexes est si importante que même une sur-représentation féminine parmi les individus non identifiés ne suffirait pas à rééquilibrer les pourcentages. Cette situation, inverse de celle constatée dans le cimetière Nord, pourrait, bien entendu, constituer une réponse au déficit d’hommes dans ce dernier. Encore faudrait-il, alors démontrer la contemporanéité des deux ensembles.

masculin 53 45.68%

Cimetière Sud féminin ? immature 19 30 14 16.37% 25.86% 12.06%

masculin % sexe % composition % total féminin % sexe % composition % total non identifiés* % sexe % composition % total

squelette en sépulture individuelle 28 52.83% 63.63% 24.13% 6 31.57% 13.63% 5.17% 10 22.72% 22.72 8.62% 44

squelette en sépulture multiple 25 47.16% 34.72% 21.55% 13 68.42% 18.05% 11.20% 34 77.27% 47.22% 29.31% 72

sexe total 53 100% 45.68% 19 100% 16.37% 44 100% 37.93% 116

composition total

total 116 100%

100% 100% 37.93% 62.06% 100% Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. * y compris les immatures.

Tableau 69. Comptabilisation du sexe des individus au cimetière Sud.

Tableau 70. Rapport entre le sexe des individus et la composition des sépultures du cimetière Sud.

Il s’avère maintenant nécessaire de revenir sur les diverses données obtenues au cours de l’analyse du cimetière Sud (mode de dépôt, composition des sépultures) pour les mettre en relation avec le sexe des individus et tenter ainsi d’en inférer davantage d’information sur les pratiques funéraires.

Les données du tableau 71 montrent que les dépôts primaires sont sur-représentés puisqu’ils concernent 75% des effectifs, tandis que les dépôts secondaires atteignent à peine 21,55%. On note aussi que les deux sexes obéissent à des modes de dépôt assez similaires. Ainsi, 88,67% de squelettes masculins font l’objet d’un dépôt primaire, tandis que les secondaires identifiés

L’une des premières caractéristiques discutées à propos des sépultures récentes du cimetière Sud concerne leur composition individuelle ou multiple. Il est intéressant de 133

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ des tendances similaires entre les deux sexes: la position assise est la mieux représentée, puis la position dorsale et enfin la latérale. Le pourcentage élevé d’individus de sexe indéterminé en position indéterminée s’explique par le caractère secondaire de beaucoup de ces dépôts. Il est donc possible de souligner ici la similitude des positions pour les deux sexes, ce qui renforce l’idée d’un traitement homogène, comme nous l’avons noté pour les modes de dépôts.

représentent à peine 7,54%. La tendance chez les femmes est similaire, avec 89,74% en dépôts primaires, et 10,52%, en secondaires. Il ne semble donc pas exister dans les modes de dépôts de différenciation sexuelle, comparable à ce qui a été noté pour la composition. Soulignons ici que les proportions d’hommes et de femmes choisis comme dépôts secondaires sont à peu près les mêmes.

masculin % sexe % dépôt % total féminin % sexe % dépôt % total ? % sexe % dépôt % total

dépôts primaires 47 88.67% 54.02% 40.51% 17 89.47% 19.54% 14.65% 23 52.27% 26.43% 19.82% 87

dépôts secondaires 4 7.54% 16% 3.44% 2 10.52% 8% 1.72% 19 43.18% 76% 16.37% 25

dépôts indéterminés 2 3.77% 50% 1.72% 0

2 4.54% 50% 1.72% 4

La présence ou l’absence de mobilier doit également être mise en rapport avec le sexe des individus pour mieux comprendre les pratiques funéraires. D’après le tableau 73, la moitié des individus du cimetière Sud manquaient de mobilier (50.86%). La présence d’offrandes a été enregistrée pour 31.03% des défunts. Par contre, les parures sont en général rares, puisque seulement 5.17% des effectifs en portaient. La proportion d’individus accompagnés de ces deux catégories de mobilier est réduite à 12.93%.

sexe total 53 100% 19 100% 44 100%

absence 116

dépôt total

100% 100% 100% 75% 21.55% 3.44% 100% Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

Tableau 71. Rapport entre le sexe et le mode du dépôt des individus du cimetière Sud.

masculin % position % sexe % total féminin % position % sexe % total indét.* % position % sexe % total position total

position latérale 5 9.43% 83.33% 4.31% 1 5.26% 16.66 0.86% 0

6

position position dorsale assise 6 29 11.32% 54.71% 42.85% 56.86% 5.17% 25% 4 10 21.05 52.63% 28.57% 19.60% 3.44% 8.62% 4 12 9.09% 27.27% 28.57% 23.52% 3.44% 10.34% 14 51

position sexe indét. total 13 53 24.52% 100% 28.88% 11.20% 45.68% 4 19 21.05% 100% 8.88% 3.44% 16.37% 28 44 63.63% 100% 62.22% 24.13% 37.91% 45 116

100% 100% 100% 100% 5.17% 12.06% 43.96% 38.79% 100% Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. *cette catégorie comprend les immatures.

Tableau 72. Rapport entre sexe et position des individus du cimetière Nord, Caseta.

masculin % sexe % mobilier % total féminin % sexe % mobilier % total indét. % sexe % mobilier % total mobilier totales

22 41.50% 37.28% 18.96% 6 31.57% 10.16% 5.17% 31 70.45% 52.54% 26.72% 59

présence présence offrande parures 17 4 32.07% 7.54% 47.22% 66.66% 14.65% 3.44% 10 1 52.63% 5.26% 27.77% 16.66% 8.62% 0.86% 9 1 20.45% 2.27% 25% 16.66% 7.75% 0.86 36 6

présence des deux 10 18.86% 66.66% 8.62% 2 10.52% 13.33% 1.72% 3 6.81% 20% 2.58% 15

37.91% 116

100% 50.86%

100% 31.03%

100% 12.93%

100%

100% 5.17%

sexe total 53 100% 45.67% 19 100% 16.37% 44 100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. Tableau 73. Rapport entre sexe et mobilier pour les individus du cimetière Sud. Quant au rapport entre individus masculins et féminins, on voit que les squelettes féminins, comme dans le cimetière Nord, comptent proportionnellement plus d’offrandes que les masculins. Effectivement 52.63% de femmes en sont accompagnés, tandis que chez les hommes ce pourcentage n’est que de 32.07%. Bien que les parures soient en général rares dans le cimetière Sud, les hommes étaient les mieux lotis avec 7.54%, tandis que chez les femmes une à peine en portait. La disproportion est encore plus marquée pour les squelettes qui comptaient les deux: c’est le cas de 18.86% d’hommes, et de 10.52% de femmes. On enregistre donc un traitement différentiel entre hommes et femmes, pour ce qui touche au mobilier funéraire. Proportionnellement, les femmes sont plutôt

En ce qui concerne les rapports entre le sexe des individus et les positions, le tableau 73 met en évidence

134

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

L’identification des âges des individus du cimetière Sud (Annexe II) permet d’entrevoir la prépondérance d’individus adultes. Il est tout de même nécessaire de procéder à une comptabilisation plus fine, à partir des cas enregistrés pour chacune des catégories d’âge. Ainsi, d’après le graphique 19, les restes foetaux sont absents, et l’âge de la totalité des restes immatures a été identifié. Les jeunes adultes (21-35 ans) forment la catégorie d’âge la mieux représentée de l’ensemble avec 57 cas, soit 49.13% du total. Ce fort pourcentage contraste avec la faible représentation des autres catégories. Loin derrière se trouve le groupe des adultes, squelettes pour lesquels un âge précis n’a pas pu être identifié; ils s’élèvent à 24 cas, soit 20.68%. Ensuite vient le groupe des adultes moyens (36-55 ans) avec 11 cas, ce qui équivaut à 9.48%. Enfin, le groupe des sub-adultes (18-20 ans) avec cinq cas qui représentent à peine 4.3% du total. Pour ce qui est des immatures, le chiffre total serait de 19, ce qui correspond à 16.37% du total. Pas plus que dans le cimetière Nord, le faible nombre d’immatures ne semble correspondre à une population normale dans laquelle cette catégorie d’âge devrait être plus abondante. En effet, selon les données établies par la démographie historique sur les populations pré-jeneriennes (Ledermann 1969), le quotient de mortalité correspondant oscille entre 400 et 500 pour mille, au cours des cinq premiers années de vie, soit presque la moitié de la population. Les effectifs

50 40 30

24

20

adulte

36 à 55

5

21 à 35

4

18 à 20

2

11 6

13 à 17

0

0

7

7 à 12

10

4à6

En revanche, certains gestes funéraires dénotent une différenciation sexuelle, comme le montre le rapport entre le sexe des individus et la composition des sépultures du cimetière Sud. Les hommes se trouvaient indistinctement dans les deux types de sépultures: individuelles et multiples, tandis que les femmes seraient le plus souvent inhumées dans des sépultures multiples. Le mobilier associé constitue un deuxième point de différenciation. Bien que, proportionnellement, la quantité de défunts masculins sans mobilier soit plus importante que chez les féminins, les hommes sont mieux parés que les femmes. En revanche, les femmes comptent, en proportion, une quantité supérieure d’offrandes.

57

60

0à3

La mise en rapport des données relatives au sexe des individus avec d’autres éléments descriptifs fournit une vision plus précise des pratiques funéraires appliquées dans le cimetière Sud. Elles révèlent d’abord une grande disproportion entre le nombre d’hommes et de femmes, ce qui ne semble pas correspondre à une population naturelle. Nous avons discerné, ensuite, quelques caractéristiques communes aux deux sexes. D’abord, le mode de dépôt primaire, qui est le plus courant pour les deux sexes, même si les dépôts primaires et masculins sont les mieux représentés de la série. Ensuite, la position des corps qui présente la même tendance chez les hommes que chez les femmes, c’est-à-dire qu’ils se trouvaient le plus souvent assis. La représentativité des autres positions est également comparable pour les deux sexes.

comptabilisés à Caseta sont donc très inférieurs à ce à quoi l’on pourrait s’attendre. La première catégorie d’immatures, des nouveau-nés jusqu’à trois ans de vie, compte à peine deux cas (1,72%). La catégorie des sujets entre 4 et 6 ans compte quatre individus (3,44%). Celle des enfants entre 7-12 ans, qui est la mieux représentée, comprend sept squelettes (6,03%). La catégorie correspondant aux adolescents (13 à 17 ans) compte six cas (5,17%). C’est la deuxième en importance en ce qui concerne les immatures.

foetale

accompagnées de récipients céramiques que de bijoux, qui sont principalement destinés aux hommes, même si, en chiffres absolus, le nombre d’hommes accompagnés d’offrandes est plus important.

classe classed'â d’âge Graphique 19. Effectifs par catégories d’âge, cimetière Sud.

Les enfants de moins de six ans ne partageaient donc probablement pas totalement l’espace funéraire des adultes: ils seraient enterrés ailleurs. Le même phénomène avait déjà été remarqué pour le cimetière Nord. La question serait alors de savoir où se trouvent leurs restes et quel type d’inhumation leur était réservé. Sur quels critères ont été recrutés les rares individus immatures présents? S’agit-il d’un choix sexuel? Ou des enfants d’une couche sociale spécifique? Etaient-ils parents des adultes placés à proximité? ou au contraire étaient-ils des inconnus qui remplissaient la seule fonction d’accompagnateurs au même titre que les offrandes? Nous essayerons de répondre à ces questions à partir du croisement entre les diverses données funéraires. Il faut d’abord rappeler que leur sexe nous reste inconnu. Par conséquent, dans leur cas, le croisement du sexe et de l’âge est inexploitable. En revanche, nous comptons sur l’information sur la composition, individuelle ou multiple, des sépultures où se trouvaient ces immatures. La corrélation entre l’âge et le sexe des individus montre une tendance certaine de sur-représentation des individus

135

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

La répartition des immatures suggère que dans le cimetière Sud ils seraient inhumés de façon préférentielle en compagnie d’autres corps. Les enfants en bas âge ne seraient pas inhumés individuellement, tandis que les adolescents se trouvaient indistinctement dans les deux types de sépulture. Etant donnée la faiblesse de l’échantillon, nous ne pouvons ici que signaler les tendances montrées par nos observations, sans pour autant affirmer leur caractère absolu. Mais ce constat rejoint celui formulé pour le cimetière Nord.

masculins dans toutes les catégories d’âge, adultes et subadultes. Cela est la conséquence logique du taux élevé d’hommes dans la série (43.10%) et du grand nombre de restes dont le sexe demeure inconnu (40.51%). masculin

féminin

3 60% 6% 2.58% 33 57.89% 66% 28.44% 8 72.72% 16% 6.89% 6 25% 12% 5.17% 50

0

15 26.31% 78.94% 12.93% 2 18.18% 10.52% 1.72% 2 8.33% 10.52% 1.72% 19

? 19 100% 40.42% 16.37% 2 40% 4.25% 1.72% 9 15.78% 19.14% 7.75% 1 9.09% 2.12% 0.86% 16 66.66% 34.04% 13.79% 47

100% 43.10%

100% 16.37%

100% 40.51%

immatures % total sub-adulte % âge % sexe % total jeunes adultes % âge % sexe % total adultes moyens % âge % sexe % total adultes % âge % sexe % total sexe total

âge total 19 100% 16.37% 5 100% 4.31% 57 100%

0-3 ans % composition % âge % total 4-6 % composition % âge % total 7-12 % composition % âge % total adolescence % composition % âge % total sub-adulte % composition % âge % total jeune adulte % composition % âge % total adulte moyen % composition % âge % total adulte % composition % âge % total composition total

49.12% 11 100% 9.48% 24 100% 20.68% 116 100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. Tableau 74. Rapport entre âge et sexe des individus du cimetière Sud.

Le tableau 75 établit la corrélation entre l’âge des individus et la composition, individuelle ou multiple, des sépultures. La plupart des restes, tous âges confondus, se trouvaient dans des sépultures multiples. Pour les jeunes adultes et les adultes moyens, les proportions sont similaires. Par contre, pour les immatures, la disproportion est évidente: sur un total de 19 individus immatures représentés dans le cimetière Sud, 14 (76.68%) faisaient partie de sépultures multiples, les cinq cas restants (26.31) faisant l’objet d’une sépulture individuelle. Il résulte tout de même intéressant de vérifier les tendances pour chacune des catégories d’âge immatures. Ainsi il apparaît que les individus entre 0 et 3 ans sont exclus des sépultures individuelles. Les quatre squelettes âgés d’entre 4 et 6 ans étaient inégalement répartis puisque trois faisaient partie des sépultures multiples et un seul fut inhumé individuellement. L’on constate la même tendance chez les enfants entre 7 et 12 ans puisque sur un total de sept, six se trouvaient en sépulture multiple. Par contre, les squelettes d’adolescents se trouvaient répartis équitablement entre les deux types de sépulture: trois inhumés individuellement et trois en sépulture multiple.

squelette en sépulture individuelle 0

groupes d’âge total

1 25% 2.27% 0.86% 1 14.28% 2.27% 0.86% 3 50% 6.8% 2.58% 2 40% 4.5% 1.72% 25 43.85% 56.81% 21.55 5 45.45% 11.36% 4.31% 7 29.16% 15.90% 6.03% 44

squelette en sépulture multiple 2 100% 2.77 1.72% 3 75% 4.16% 2.58% 6 85.71% 8.33% 5.17% 3 50% 4.16% 2.58% 3 60% 4.16% 2.58% 32 56.14% 44.44% 27.58% 6 54.54% 8.33% 5.17% 17 70.83% 23.61% 14.65% 72

100% 37.93%

100% 62.06%

100% 100%

2 100% 1.72% 4 100% 3.44% 7 100% 6.03% 6 100% 5.16% 5 100% 4.30% 57 100% 49.13% 11 100% 9.48% 24 100% 20.68% 116

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. Tableau 75. Rapport entre l’âge des individus et la composition, individuelle ou multiple, des sépultures du cimetière Sud.

En ce qui concerne la corrélation entre l’âge des individus et le type de dépôt, le tableau 76 montre que la proportion d’adultes (sub-adulte, jeune adulte, adulte moyen, et adulte) en dépôt primaire est plus importante qu’en dépôt

136

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

secondaire. En revanche, chez les immatures, le dépôt secondaire est le plus commun (10 cas sur 19), à l’exception des sujets entre 4 et 6 ans qui sont principalement primaires.

0-3 ans % dépôt % âge % total 4-6 ans % dépôt % âge % total 7-12 ans % dépôt % âge % total adolescence % dépôt % âge % total sub-adulte % dépôt % âge % total jeune adulte % dépôt % âge % total adulte moyen % dépôt % âge % total adulte % dépôt % âge % total dépôt total

dépôt primaire 1 50% 1.14% 0.86% 3 75% 3.44% 2.58% 1 14.28% 1.14% 0.86% 2 33.33% 2.29% 1.72% 4 80% 4.59% 3.44% 50 87.71% 57.47% 43.10% 10 90.90% 11.49% 8.62% 16 66.66% 18.39% 13.79% 87 100% 75%

dépôt dépôt secondaire indéterminé 1 0 50% 4% 0.86% 1 0 25% 4% 0.86% 5 1 71.42% 14.28% 20% 25% 4.31% 0.86% 3 1 50% 16.66% 12% 25% 2.58% 0.86% 1 0 20% 4% 0.86% 5 2 8.77% 3.50% 20% 50% 4.31% 1.72% 1 0 9.09% 4% 0.86% 8 0 33.33% 32% 6.89% 25 4 100% 21.55%

100% 3.44%

de plus, la relative homogénéité du traitement funéraire, déjà enregistrée pour la répartition par sexe, mais également renforce l’idée d’un traitement spécifique réservé aux immatures.

âge total 2 100%

(0-3 ans) % position % âge (4-6 ans) % position % âge % total (7-12 ans) % position % âge % total adolescence % position % âge % total sub-adulte % position % âge % total jeunes ad. % position % âge % total ad. moyens % position % âge % total adultes % position % âge % total

1.72% 4 100% 3.44% 7 100% 6.03% 6 100% 5.17% 5 100% 4.31% 57 100% 49.13% 11 100% 9.48% 24 100% 20.68 116

position total

100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

position latérale

position dorsale

position assise

0

0

0

0

0

0

0

1 25% 1.96% 0.86% 0

0

6

1 16.66% 7.14% 0.86 % 1 20% 7.14% 0.86 % 6 10.52% 42.85% 5.17% 3 27.27% 21.42% 2.58% 3 12.5% 21.42% 2.58% 14

1 16.66% 1.96% 0.86 % 2 40% 3.92% 1.72% 32 56.14% 62.74% 27.58 4 36.36% 7.80% 3.44% 11 45.83% 21.56 9.48% 51

position indéterm inée 2 100% 1.72% 3 75% 6.66% 2.58% 7 100% 15.55% 6.03% 4 66.66% 8.88% 3.44% 1 20% 2.22% 0.86 % 14 24.56% 31.11% 12.06% 4 36.36% 8.88% 3.44% 10 41.66% 22.22% 8.62% 45

100% 5.17%

100% 12.06%

100% 43.93%

100% 38.79%

1 20% 16.66% 0.86 % 5 8.77% 83.33% 4.31% 0

0

âge total 2 100% 1.72% 4 100% 3.44% 7 100% 6.03% 6 100% 5.16% 5 100% 4.31% 57 100% 49.1% 11 100% 9.48% 24 100% 20.6% 116 100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement.

Tableau 76. Rapport entre l’âge et le type de dépôt des squelettes du cimetière Sud.

Tableau 77. Rapport entre âge et position des individus du cimetière Sud.

Cette tendance vient renforcer l’idée précédente d’un traitement spécifique des immatures, en fonction d’une relation avec les catégories d’adultes.

Le rapport entre l’âge des individus et la présence d’offrandes et de parures associés aux individus du cimetière Sud est résumé dans le tableau 78. Il montre que la moitié des effectifs, tous âges confondus, manquaient de mobilier associé (50.77%). Les objets les plus souvent enregistrés sont les offrandes (23.27%), tandis que les individus qui portaient des parures et ceux qui comptaient les deux types d’objets présentent la même proportion (12.93% chacun).

Le tableau 77 présente, lui, le rapport entre l’âge et la position des individus du cimetière Sud. La tendance majoritaire qui en ressort est l’association de presque toutes les classes d’âge avec la position assise. Un second constat porte sur l’absence de position définie dans le cas des immatures, ce qui s’explique aisément par le caractère principalement secondaire des dépôts. On remarque enfin, pour toutes les classes d’adultes, que la position dorsale constitue la seconde en importance. Cela traduit, une fois

On remarquera la rareté des offrandes et parures associées aux immatures puisqu’elles font défaut dans les catégories de 0 à 3 ans et de 7 à 12 ans. Inversement, les adultes, 137

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

toutes catégories confondues (de sub-adultes à adultes en général), soit 97 individus sont, en proportion dominante (55 cas), accompagnés de mobilier funéraire, ce qui représente 56,7 %. absence 0-3

4-6 % mobilier % âge % total 7-12 % mobilier % âge % total adolescence % mobilier % âge % total sub-adulte % mobilier % âge % total jeune adulte % mobilier % âge % total ad. moyen % mobilier % âge % total adulte % mobilier % âge % total mobilier total

2 100% 3.38% 1.72% 3 75% 5.08% 2.58% 7 100% 11.86% 6.03% 5 83.33% 8.47% 4.31% 1 20% 1.69% 0.86% 22 38.59% 37.28% 18.96% 6 54.54% 10.16 5.17% 13 54.16% 22.03% 11.20% 59 100% 50.77%

proportion de jeunes adultes accompagnés de mobilier correspond à 61.38% des effectifs. Ils constituent donc la catégorie la plus riche, même s’il faut tenir compte de ce qu’ils sont le plus nombreux. Il existe donc un rapport avéré entre âge et mobilier: les enfants n’étaient pas accompagnés de mobilier à l’inverse des adultes. L’absence de mobilier associé aux immatures suggère que le statut et la richesse ne sont pas héréditaires. On ne peut pas cependant, totalement écarter l’idée que cette absence résulte de leur traitement spécifique. Par ailleurs, les différences marquées dans la nature des offrandes entre jeunes adultes et adultes, les seuls à être accompagnés de parures, semblent confirmer que le statut social s’acquiert avec l’âge. Ce double constat n’implique cependant pas l’absence d’une hiérarchisation sociale, comme pourrait en témoigner le cas particulier de l’enfant de la sépulture 52.

offrandes 0

parures 0

présence des deux 0

âge total 2 100%

0

0

0

0

1 25% 6.66% 0.86% 0

1 16.6% 3.70% 0.86% 1 20% 3.70% 0.86% 20 35 % 74.% 17.2% 5 45.4% 18.5% 4.31% 0

0

0

0

6 10.5% 40% 5.17% 0

3 60% 20% 2.58% 9 15.78% 60% 7.75% 0

27

9 37.5% 60% 7.75% 15

2 8.33% 13.33% 1.72% 15

20.67% 116

100% 23.2%

100% 12.9%

100% 12.93%

100%

1.72% 4 100% 3.44% 7 100%

D’après l’analyse des corrélations entre l’âge et les diverses caractéristiques des sépultures, nous constatons que la plupart des restes, tous âges confondus, se trouvait dans des sépultures multiples. La proportion entre adultes et immatures est cependant différente, puisque ce sont ces derniers qui se trouvent le plus souvent dans des sépultures multiples. Ces mêmes immatures sont, pour la plupart, des dépôts secondaires, tandis que chez les adultes la tendance est inversée: ils font l’objet de dépôts primaires principalement. Parmi les dépôts primaires, tous âges confondus, la position assise était prédominante. Le pourcentage de squelettes accompagnés de mobilier est réduit, mais ce manque est plus marquant lorsqu’il s’agit des immatures. Inversement, les adultes, toutes catégories confondues, sont majoritairement accompagnés d’offrandes.

6.03% 6 100% 5.17% 5 100% 4.31% 57 100% 49.1% 11 100% 9.48% 24 100%

Les deux premières lignes de chaque cellule se lisent horizontalement, les deux dernières verticalement. Tableau 78. Rapport entre l’âge des individus et la présence d’offrandes et/ou parures associées aux individus du cimetière Sud.

On peut enfin résumer ainsi la situation des individus immatures dans le cimetière Sud: inhumés de façon préférentielle en sépultures multiples, leurs restes font l’objet le plus souvent de dépôts secondaires. En aucun cas, ces restes osseux ne présentaient de récipients associés et très rarement d’autres types d’offrandes et de parures, sauf, on l’a vu, l’individu 52.1. Cela suppose la faible importance accordée aux immatures par la population inhumante du cimetière Sud. En revanche, il a été possible d’établir la relative homogénéité de traitement de la majeure partie des individus. Hommes et femmes sont globalement répartis dans des fosses de même nature, dans des sépultures individuelles ou multiples, et leurs positions sont tout à fait comparables. Malgré cette uniformité apparente, on doit souligner certaines différences. Tout d’abord, la population masculine domine nettement. Deuxièmement, même à traitement équivalent, les femmes sont plus souvent en sépulture multiple. Enfin, le mobilier qui leur est associé est principalement composé d’offrandes, les objets de parure étant plutôt réservés aux hommes. Ces différences tendent à marquer une différenciation sexuelle peu accentuée, mais nette tout de même.

Il faut insister ici sur le cas de la sépulture 52 qui est à tous points de vue exceptionnelle: elle contient un individu entre 4 et 6 ans comme dépôt primaire, en sépulture individuelle. Si les 12 autres immatures n’avaient aucun mobilier associé, lui était accompagné de cinq bracelets, et de 37 perles en coquille. Cela pourrait lui conférer une importance tout-à-fait particulière. La présence de mobilier apparaît à partir de l’adolescence et le nombre des sujets augmente avec l’âge. La

138

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

Dans l’ensemble, et malgré un nombre important d’individus dépourvus de mobilier, le cimetière Sud témoigne, sinon de richesse, du moins d’une certaine aisance. Il existe deux types d’offrandes: les vases et les outils. Les premières correspondent aux récipients en céramique, complets, cassés et même des tessons, mais on trouve aussi des objets tels que des têtes de figurines, des fusaïoles et des sifflets. L’emplacement de ce genre d’objets est variable, mais, dans la plupart des cas, ils se trouvent aux pieds de l’individu ou sur son côté droit ou gauche. Les fusaïoles faisaient souvent partie des offrandes, disposées sur le sol de la fosse, sous le corps du défunt Les armes telles que les pointes et les couteaux en obsidienne et en silex, se trouvent principalement sous le corps du défunt ou parmi les côtes. Les parures assez nombreuses (pendentifs ou perles formant des colliers, bracelets, boucles d’oreille), se trouvaient souvent associées à la partie du corps qu’elles ornaient.

7. Commentaire

L’ensemble des informations sur lesquelles nous comptons nous autorise à ébaucher maintenant un modèle des pratiques funéraires propres au cimetière Sud. Il sera ensuite confronté avec le reste du matériel funéraire de Caseta correspondant à l’époque récente. Le cimetière Sud couvre une aire bien définie avec une concentration dense de sépultures qui témoigne d’une intense activité funéraire. Les formes des fosses sont les mêmes que pour le cimetière Nord: rectangulaire, circulaire et ovale; cette dernière forme étant la plus commune. Les fosses, en général de grande taille, semblent avoir été prévues pour contenir plusieurs corps. Du fait de la haute densité d’occupation, plusieurs fosses se sont recoupées. Ces divers éléments traduisent d’une part, on l’a vu, une durée d’occupation assez longue, et une utilisation intensive de l’espace. On a souligné cidessus le caractère surprenant de ce phénomène: disposant d’un espace suffisant, correspondant au cimetière Nord, pourquoi la population inhumante a t-elle surexploité le cimetière Sud, au point de faire se recouper les fosses. Cela pourrait s’expliquer selon des critères de préférence. On a également envisagé plus haut, en fonction de la répartition différentielle des sexes entre les deux cimetières, une spécialisation par secteur. Toutefois, l’homogénéité interne des traitements pour chaque secteur, la richesse relative du cimetière Sud, par contraste avec le Nord, et les indices d’une position chronologique différente viennent contredire ces hypothèses.

La grande disproportion entre hommes et des femmes suggère que la série osseuse du cimetière Sud ne correspond pas à une population normale. De plus, certains gestes funéraires dénotent, on l’a vu, une différenciation sexuelle des traitements. Les hommes se trouvaient indistinctement dans les deux types de sépultures (individuelles et multiples), tandis que les femmes auraient été, le plus souvent, inhumées dans des sépultures multiples. Une autre différence est évidente dans le mobilier associé: les femmes sont moins parées que les hommes. En revanche, les squelettes féminins comptent, en proportion, une quantité plus importante d’offrandes.

Le nombre minimum d’individus présents dans le cimetière Sud est de 116, ce qui correspond à 76.31% du matériel funéraire récent présent dans le site. La plupart des squelettes faisaient partie de sépultures multiples, mais le mode de dépôt primaire était le plus utilisé. Le nombre d’individus dans les sépultures multiples varie entre deux et neuf, les sépultures triples étant les plus courants.

Nous avons discerné, cependant, des caractéristiques partagées par les deux sexes: hommes et femmes furent le plus souvent inhumés en position assise; le mode de dépôt primaire est le plus courant pour les deux sexes. Cette présentation nous permet ainsi de disposer d’une vision globale du cimetière Sud, qui contraste avec celle du cimetière Nord. Malgré des points communs, forme des fosses, mode de dépôt, présence vraisemblable d’enveloppes ou de linceuls, on enregistre des contrastes assez marqués. Le cimetière Sud, très intensivement exploité, se caractèrise par une population sélectionnée selon des critères d’âge et de sexe, dans des proportions inverses de celle du cimetière Nord. La richesse relative du mobilier indique l’existence d’une population inhumante peut-être plus aisée, en tous cas plus prône à déposer des objets précieux dans les sépultures. D’après la relation établie entre le mobilier et l’âge des défunts, on a proposé l’hypothèse d’une société au sein de laquelle la richesse serait acquise avec l’âge, plutôt que d’une société de statut héréditaire. Enfin, malgré l’existence d’une proportion élevée d’individus masculins, l’association assez fréquente de ces derniers avec des individus féminins, voire des dépôts secondaires d’immatures, dans des sépultures multiples nous a permis d’envisager l’hypothèse de structures familiales. Pour terminer, il convient de souligner ici que, si proportionnellement la proportion des catégories d’immatures semble, dans le cimetière Nord, légèrement supérieure à celle du cimetière

Trois positions différentes ont été identifiées: dorsale, latérale et assise, cette dernière étant la plus souvent enregistrée. Les squelettes présentaient, en général, les jambes et les bras fléchis; pour maintenir les membres en position, l’utilisation de liens semblerait une pratique courante. Une fois ligotés, ces individus seraient déposés dans des fosses condamnées par un dispositif qui nous reste inconnu, mais susceptible d’être retiré afin de réutiliser plusieurs fois la sépulture. Les dépôts secondaires représentaient 21.55% du total, dont la grande majorité dans des sépultures multiples, mélangés aux dépôts primaires. Dans tous les cas, il s’agit de restes partiels, la mandibule étant la pièce la plus souvent présente. Il existe, cependant, une différenciation entre les types d’os présents chez les adultes et chez les immatures. Ce choix différentiel des pièces osseuses impliquerait que les dépôts secondaires recevaient un traitement funéraire particulier selon l’âge.

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Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

Sud, en chiffres absolus, ils sont plus nombreux dans ce dernier. Il ressort de ce tableau l’image d’une société plus stable, plus riche et plus équilibrée au Sud que celle qui correspond au cimetière Nord.

secteurs. Le cimetière Sud aurait été occupé pendant un laps de temps plus long que le Nord, ou avoir été utilisé d’une façon plus intensive, du fait peut-être d’une mortalité plus importante dans un laps de temps réduit.

D. Discussion Au terme de cette présentation distincte de chaque cimetière, au cours de laquelle nous avons toutefois souligné des points communs et les différences, il convient de procéder à une synthèse. En effet, dans les pages précédentes, nous avons été amené à soulever diverses questions sur les relations entre les deux secteurs funéraires. Comme on l’avait dit en préalable à l’analyse des données, il nous semblait plus pertinent, compte tenu de leur dissociation spatiale, de distinguer les deux ensembles. Les résultats issus de l’analyse devraient désormais permettre d’apporter une réponse, et de déterminer la pertinence de cette distinction. Outre leur emplacement, la première différence observée entre les cimetières Nord et Sud concerne le schèma de répartition des sépultures. Alors que le premier occupe une aire funéraire éparse et assez mal circonscrite, le cimetière Sud forme une zone bien définie avec une présence compacte des sépultures. Les mêmes formes de fosses sont représentées dans les deux secteurs, mais dans des proportions différentes. Celles du Nord sont, pour la plupart, rectangulaires, de taille à peine suffisante pour contenir un seul individu et implantées assez loin les unes des autres. Par contre, celles du Sud sont majoritairement ovales, plus grandes et plusieurs d’entre elles se recoupent. En raison de ces aménagements, le fait que le cimetière Sud comporte une majorité de sépultures multiples n’est pas surprenant.

Graphique 20. Comparaison des compositions (colonnes 1 à 4) et modes de dépôts (colonnes 5 à 10) entre les cimetières Nord et Sud du site de Caseta.

D’autre part, la différence de taille des fosses des deux cimetières suggère une disparité importante entre les pratiques funéraires des deux secteurs. Dans le Sud, les structures funéraires amples furent conçues pour une longue utilisation, dont les nombreux dépôts sont échelonnés dans le temps. Cela implique que la plupart de fosses ont été réouvertes au moins une fois. A l’inverse, la taille réduite des fosses du cimetière Nord suggère une utilisation plus courte, qui se limite à un seul événement, même quand il s’agit des sépultures multiples. En effet, ce type de sépultures, qui, par ailleurs, contiennent en général deux individus, semblent aussi correspondre à un seul geste funéraire. Dans ces conditions, l’hypothèse d’une longue durée d’utilisation du cimetière Sud semble plus appropriée, et plus conforme à l’idée d’une conception planifiée.

Pour ce qui ressort du nombre minimum d’individus, le cimetière Sud représente 79.45% de la série des restes récents, tandis que le cimetière Nord correspond à peine à 20.54%. Ce dernier secteur compte un pourcentage plus élevé de sépultures individuelles (graphique 20), tandis que les sépultures multiples sont donc logiquement plus communes dans le Sud. Il existe aussi des divergences entre les deux secteurs dans la composition des sépultures. Dans le cimetière Nord, les sépultures multiples ne comptent que deux individus, tandis que, dans le Sud, le nombre de squelettes dans une même fosse varie de deux à neuf. La proportion de dépôts primaires du cimetière Nord est pourtant inférieure à celle du Sud, tandis que le pourcentage de dépôts secondaires dans les deux secteurs est assez similaire.

Les structures de condamnation de fosses sont absentes dans les deux secteurs. Il est possible que de telles fermetures aient été constituées en matériau périssable, ce qui expliquerait leur apparente absence. D’autre part, le remplissage de la fosse par de la terre pourrait constituer en soi une sorte de fermeture. Mais on a vu que ce remplissage n’est pas systématique car, dans quelques cas, les restes humains présentent des signes de décomposition en espace vide. Pour la plupart des autres, l’espace vide de décomposition se restreindrait au volume délimité par une enveloppe semi-rigide.

Les différences énoncées ci-dessus impliquent un traitement inégal du matériel funéraire entre les deux secteurs funéraires. Si l’on considère que le cimetière Sud contient plus de sépultures multiples que le Nord, ainsi qu’un nombre plus élevé de dépôts secondaires, il devient évident que le remaniement des restes a été plus important dans le secteur Sud. Cette caractéristique pourrait s’attribuer à une utilisation différentielle des deux

Il existe, dans la représentativité par sexe, une forte différence entre les deux cimetières (graphique 21). Dans aucun des deux cas, les proportions entre les sexes ne correspondent à une population normale, puisque les 140

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

les sub-adultes et les jeunes adultes, les autres catégories d’âge présentent des proportions similaires.

écarts sont importants entre hommes et femmes. On note que les tendances sont inversées puisque les femmes, majoritaires dans le cimetière Nord, sont minoritaires dans le Sud et vice versa. D’autre part, les immatures, rares dans les deux cimetières, sont proportionnellement plus nombreux dans le Nord.

Nous avons donc, dans les deux cimetières, deux populations différentes qui ne semblent pas normales, ni par les proportions des sexes, ni par le taux d’immatures. Etant donnée la rareté globale des immatures, il semble possible que l’une des caractéristiques des pratiques funéraires de la phase Amacueca fût précisément d’inhumer les enfants à l’écart des adultes. Si tel fut le cas, les sépultures des immatures pourraient se trouver dans un secteur non fouillé du site de Caseta ou même dans un autre site. On doit toutefois rappeler, à propos des immatures, leur association fréquente, comme dépôts secondaires, à des sépultures multiples, ce qui nous a conduit à émettre l’hypothèse de sépultures familiales, en particulier pour le cimetière Sud.

Graphique 21. Comparaison du sexe des individus présents dans les cimetières Nord et Sud, site de Caseta.

On a émis, à propos de cette répartition différentielle par sexe entre les deux secteurs funéraires, l’hypothèse d’une complémentarité des secteurs. On pourrait ainsi envisager que les femmes aient été plutôt destinées au cimetière Nord. La présence de 19 femmes dans le cimetière Sud, dont plusieurs associées à des individus masculins, et la faible quantité (12) d’individus féminins dans le cimetière Nord invalident cette hypothèse. L’inverse serait d’ailleurs vrai pour les hommes, quantitativement trop nombreux dans le cimetière Sud. Il est nécessaire, donc, d’expliquer cette disparité par d’autres raisons, en particulier par le décalage chronologique détecté entre les deux ensembles. Graphique 22. Comparaison des catégories d’âge des individus présents dans les cimetières Nord et Sud.

Les proportions des catégories d’âge présentes dans chaque cimetière sont résumées dans le graphique 22. Comme on l’a signalé ci-dessus, la faible représentation des immatures dans les deux cimetières apparaît d’abord clairement. Le nombre de sujets décédés pendant les trois premières années de vie est, dans les deux cimetières, très inférieur à ce que l’on attendrait pour une population préjenerienne. Les proportions comptabilisées dans le site de Caseta pour les deux cimetières semblent ridicules à côté de ce à quoi l’on s’attendrait. On note toutefois que le cimetière Nord abritait en proportion plus d’enfants que le Sud. Par ailleurs, les sub-adultes se trouvent exclusivement dans le cimetière Sud.

Bien que les mêmes positions soient identifiables dans les deux cimetières, on constate toutefois, des tendances différentes dans chaque secteur. En effet, dans le cimetière Sud, la position assise, plus courante, représente près de la moitié des effectifs, tandis que dans le cimetière Nord, c’est la position dorsale. Dans le cimetière Nord la position latérale était exclusivement appliquée aux femmes, mais l’échantillon est faible. Pour le reste, la relation entre les variables sexe et âge montre une grande cohérence.

Bien que la catégorie des jeunes adultes soit la mieux représentée dans les deux séries, les proportions sont différentes, puisque pour le cimetière Sud les jeunes adultes constituent presque la moitié des effectifs, tandis que, dans le Nord, ils correspondent à un tiers. Mis à part

En ce qui concerne les rapports entre position et âge des individus, nous constatons que les rares immatures entre 0 et 12 ans présents dans les deux cimetières se trouvaient exclusivement en position assise, quand il ne s’agit pas de dépôts secondaires. Dans le cimetière Nord le groupe le 141

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

mieux représenté est celui des jeunes adultes en position dorsale, tandis que dans le Sud, c’est celui des jeunes adultes mais en position assise.

Les proportions des dépôts secondaires sont similaires dans les deux cimetières: 20% dans chaque cas. Par ailleurs, dans les deux cas, les dépôts secondaires correspondent à des inhumations partielles, dont le nombre de pièces osseuses présentes est très restreint. Elles sont presque systématiquement mélangées aux dépôts primaires. Un point de divergence est pourtant marqué par le fait que, dans le cimetière Sud, plusieurs dépôts secondaires peuvent se trouver dans une seule sépulture en même temps que des primaires (sépultures 12, 15, 39, 50, 58, 61). Par contre, dans le cimetière Nord, une seule sépulture contient deux dépôts secondaires (sépulture 92), mais les dépôts primaires sont absents.

Malgré l’homogénéité globale des positions dans les deux cimetières, on note certaines divergences dans l’aménagement particulier des corps. En effet, il semblerait que l’inhumation en espace vide soit plus répandue dans le cimetière Sud que dans le Nord. Cela pourrait d’ailleurs conforter l’idée d’un désir de réutiliser les fosses, pour d’autres inhumations, comme on l’a proposé ci-dessus, à propos de la taille des fosses. Par contre, des indices probants de l’existence d’une enveloppe ont été repérés seulement dans l’arrangement des corps du cimetière Nord. Le ligotage des membres supérieurs et inférieurs a été détecté dans les deux cimetières, ainsi que l’absence de crâne chez certains individus, toutes positions confondues. Enfin, une variante de la position dorsale a été enregistrée dans le cimetière Sud: les crânes de quelques individus dans cette position se maintenaient verticalement. Ce trait implique l’utilisation d’un dispositif externe pour conserver cette position.

Plus de la moitié des dépôts secondaires des deux cimetières correspondent à des squelettes immatures. On a cependant repéré une variante dans les catégories d’âge représentées. Dans le cimetière Nord se trouvent seulement des enfants très jeunes: de 0 à 3 et de 4 à 6 ans. En revanche, dans le cimetière Sud, toutes les catégories d’immatures sont représentées. On constate une différence parmi les pièces osseuses représentées dans les dépôts secondaires de chaque cimetière. Le graphique 24 montre d’abord que la diversité des pièces représentées dans le cimetière Sud (21) est plus importante que dans le Nord (12). Cette différence porte aussi sur le nombre de pièces choisies pour effectuer une inhumation secondaire: dans le cimetière Nord, leur nombre se réduisait à deux par individu en moyenne, tandis que, dans le Sud, il s’élevait à quatre par individu en moyenne. Il faut aussi signaler que certains dépôts secondaires dans le cimetière Nord n’étaient représentés que par une seule pièce, tandis que, pour le Sud, le nombre de pièces peut atteindre 14. Cette différence dans le nombre de pièces présentes se reflète aussi dans le type d’os choisi: le crâne, la mandibule et le fémur sont les os les plus souvent rencontrés dans les dépôts secondaires du cimetière Sud; dans le Nord, ce sont l’ulna et le radius. Aucun os des dépôts secondaires ne présente de traces de décharnement actif. Nous suggérons donc que l’ensemble a subi un décharnement passif qui permettait de choisir les pièces après la dislocation naturelle du corps. Cela aurait pu se produire à ciel ouvert ou à l’intérieur de fosses, mais nous manquons d’éléments pour trancher entre les deux possibilités. On doit toutefois tenir compte de ce que la fouille a couvert une très grande surface. L’existence de fosses destinées aux immatures reste donc très aléatoire, sauf si elles se trouvaient à une distance importante des cimetières et de la colline. On peut aussi imaginer des fosses de faible profondeur, aujourd’hui détruites par les labours, comme cela a été constaté dans des cimetières médiévaux (Pereira, communication personnelle). D’autre part, en vérifiant les pièces représentées dans les dépôts secondaires et celles qui font défaut dans les primaires, il apparaît que les os des dépôts secondaires ne sont pas issus des inhumations primaires du même site. Cela est valable pour les deux cimetières.

Graphique 23. Proportions comparées des types de positions présents dans les cimetières Nord et Sud.

L’analyse des positions des défunts dans chacun des cimetières révèle donc certaines différences: - prédominance d’une position spécifique dans chaque cimetière (assise dans le Sud, dorsale dans le Nord) -Au Nord, position latérale exclusive des femmes, et présence plus courante des corps enveloppés; -Au Sud, pratique plus courante de l’inhumation en espace vide et position dorsale particulière. En dépit d’une unité d’ensemble, on note donc des différences mineures dans les pratiques funéraires qui sont, pour le moment, difficiles à interpréter. Nous reviendrons ultérieurement sur ces points. 142

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________

un poids supplémentaire. C’est d’autant plus important à retenir qu’on peut en tirer une implication: l’existence potentielle d’une troisième zone funéraire, entièrement disparue de nos jours.

Dans ces conditions, l’hypothèse d’un décharnement des immatures et de certains individus à ciel ouvert acquiert un poids supplémentaire. C’est d’autant plus important à retenir qu’on peut en tirer une implication: l’existence potentielle d’une troisième zone funéraire, entièrement disparue de nos jours.

En tout état de cause, nous avons donc pu établir une différenciation entre les deux cimetières dans le traitement des dépôts secondaires. En effet, l’âge des individus immatures représentés et le type d’os choisis varient d’un cimetière à l’autre.

Graphique 25. Le mobilier funéraire présent dans les cimetières Nord et Sud.

Comme le montre le graphique 25, il existe des différences significatives dans le mobilier funéraire entre les deux cimetières. D’abord, le mobilier funéraire est quantitativement plus important et plus diversifié dans le cimetière Sud. Corrélativement, la proportion de squelettes sans mobilier est plus importante dans le cimetière Nord que dans le Sud. On a enfin constaté, dans les deux cimetières, que les individus entre 0 et 12 ans sont rarement accompagnés de mobilier. Cette différentiation entre immatures et adultes constitue alors une caractéristique générale des inhumations de la phase Amacueca. Ensuite, la quantité de défunts accompagnés exclusivement d’offrandes est sensiblement plus importante dans le Sud. On note la même tendance en ce qui concerne les parures, mais, pour ces objets, la différence est moindre. Enfin, c’est encore dans le cimetière Sud que se trouve la proportion la plus importante de défunts accompagnés d’offrandes et de parures. Il est donc évident, on l’a vu ci-dessus, que les défunts du cimetière Sud était mieux fournis en mobilier funéraire que ceux du Nord. Nous avons entamé au chapitre précédent une discussion relative à cette différence: que signifie-t-elle? On aurait certes pu l’attribuer à diverses raisons: diversification du recrutement des deux secteurs, en fonction du sexe, ou de l’appartenance à deux couches sociales distinctes;

Graphique 24. Pièces osseuses présentes dans les dépôts secondaires des cimetières Nord et Sud.

Aucun os des dépôts secondaires ne présente de traces de décharnement actif. Nous suggérons donc que l’ensemble a subi un décharnement passif qui permettait de choisir les pièces après la dislocation naturelle du corps. Cela aurait pu se produire à ciel ouvert ou à l’intérieur de fosses, mais nous manquons d’éléments pour trancher entre les deux possibilités. On doit toutefois tenir compte de ce que la fouille a couvert une très grande surface. L’existence de fosses destinées aux immatures reste donc très aléatoire, sauf si elles se trouvaient à une distance importante des cimetières et de la colline. On peut aussi imaginer des fosses de faible profondeur, aujourd’hui détruites par les labours, comme cela a été constaté dans des cimetières médiévaux (Pereira, communication personnelle). D’autre part, en vérifiant les pièces représentées dans les dépôts secondaires et celles qui font défaut dans les primaires, il apparaît que les os des dépôts secondaires ne sont pas issus des inhumations primaires du même site. Cela est valable pour les deux cimetières. Dans ces conditions, l’hypothèse d’un décharnement des immatures et de certains individus à ciel ouvert acquiert 143

Les pratiques funéraires récentes _______________________________________________________________________________________________ au cimetière Nord, même si une certaine contemporanéité des deux ensembles est envisageable.

variabilité de l’échantillon ou changement dans les coutumes funéraires, attribuable à une différence chronologique entre les deux secteurs.

A l’issue de cette analyse, il reste encore de nombreux problèmes à résoudre. Nous avons établi la distinction chronologique d’occupation des deux ensembles funéraires, et justifié ainsi notre démarche de recherche, qui les avait d’emblée distingués. Quelles sont maintenant les implications de cette différenciation? Nous avons pu parallélement souligner certaines constantes dans les pratiques funéraires, malgré le décalage chonologique et spatial. Traduisent-elles une véritable continuité entre les deux secteurs? Correspondent-elles à une simple différence de statut à l’intérieur d’une même population? ou à deux populations différentes (avec des caractéristiques socioculturelles propres) qui auraient choisi la colline de Caseta comme secteur sépulcral commun? Par ailleurs, subsiste aussi la question des immatures dont le nombre, dans les deux cimetières, est très réduit par rapport à une population pré-jenerinne normale. D’après ce constat, plusieurs questions s’imposent: où étaient inhumés les immatures qui font défaut dans le cimetière à Caseta? Nous avons vu ci-dessus que cette question pouvait suggérer l’existence d’un troisième secteur funéraire. Cela renforcerait l’idée d’une fonction majoritairement funéraire du site, surtout par comparaison avec la faible densité de vestiges d’autre nature. On doit aussi se demander sur quels critères on a choisi les enfants inhumés à Caseta? Sont-ils parents des adultes présents? S’agit-il d’enfants appartenant à des couches sociales privilégiées? Ces questions nous ramènent naturellement à la nécessité de comprendre la nature des populations inhumantes, c’est-à-dire, la ou les sociétés responsables des sépultures de Caseta.

L’homogénéité relative des deux ensembles étudiés, datés par ailleurs de la même phase, ne sufit pas à masquer les différences, même mineures, mentionnées ci-dessus. Il serait redondant d’en dresser une nouvelle fois la liste. Il nous semble préférable ici de reprendre les conclusions du chapitre V. En effet, l’étude du mobilier funéraire avait permis de montrer que le matériel céramique provenant des fosses des deux cimetières couvrait les deux subdivisions, ancienne et récente, de la phase Amacueca. De plus, si l’on trouve du matériel Amacueca récent dans le cimetière Sud, le matériel provenant de ce dernier se rattache majoritairement à l’aspect ancien de la phase. Cela est d’ailleurs compatible avec une occupation de longue durée de ce secteur. Inversement, le matériel plus pauvre du cimetière Nord entre presque intégralement dans les types et attributs de la phase Amacueca Récente. Les rares indices chronologiques tirés du reste du matériel funéraire, métal en particulier, allaient dans le même sens: un placement plus tardif dans la phase, pour le cimetière Nord. Cette hypothèse restait à confirmer par l’étude des pratiques funéraires. Ces dernières confirment d’une part l’existence de différences entre les deux ensembles. D’autre part, le cimetière Sud présente globalement une plus grande richesse de pratiques. Enfin, l’utilisation intensive de l’espace sur une longue durée du cimetière Sud constitue un dernier argument qui renforce l’idée d’une primauté par rapport au cimetière Nord. Dans ces conditions, on peut désormais affirmer, avec un degré acceptable de fiabilité, que le cimetière Sud a été occupé antérieurement

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Chapitre VII

DONNÉES PALÉO-ANTHROPOLOGIQUES

familiaux (père, fille, cousin, etc). b) Les concentrations définies à partir de regroupements de caractères discrets, dont des études ont montré qu’un déterminisme familial existait, pourraient être considérées comme familiales. c) Ces concentrations représentent les regroupements familiaux mis en évidence: d’autres existaient peut-être, mais elles n’ont pu être détectées.

Bien que ce chapitre porte sur l’analyse anthropologique du matériel osseux, il n’abordera pas la totalité des questions qu’une étude spécialisée couvrirait. En effet, les données biologiques ont ici pour but de répondre aux problèmes archéologiques posés par le matériel funéraire. Les résultats constituent donc à peine une fraction de l’information, visant à vérifier si certaines caractéristiques biologiques correspondent aux inégalités funéraires observées. Cette information servira plus loin à mieux comprendre les rites funéraires ainsi que la signification des secteurs d’inhumation et, finalement, la fonction du site de Caseta.

Le but de l’analyse des caractères discrets dans la série Amacueca est donc l’identification de groupes à partir de la comparaison de ces caractères, tout en prenant en compte les données archéologiques funéraires, telles que la division des effectifs en deux cimetières à caractéristiques différentes. Il faut aussi signaler que, étant donnée la fragmentation du matériel osseux, qui limite fortement l’analyse métrique de la série, les caractères discrets constituent une voie alternative vers la compréhension morphoscopique de la série.

A. Les caractères discrets Les caractères discrets sont des variations anatomiques spécifiques, non pathologiques, observables sur le squelette, qui ne semblent pas modifier la capacité de survie de l’individu. De ce fait, ils ne sont pas influencés par la sélection naturelle ou culturelle (Vargas 1973: 4; Sempowsky et Spence 1994: 325). En raison de leur taille réduite, les caractères discrets correspondent à des variations très bien localisées dans le squelette; ils peuvent être testés de façon productive même sur du matériel très fragmenté (Crubézy et al.1990) et inadapté à des analyses métriques (Sempowsky et Spence 1994: 325).

Bien que les caractères discrets se trouvent dans le crâne et le post-crâne, ce travail se focalisera sur ceux du crâne. Ce choix répond à diverses nécessités. D’une part, le matériel osseux post-crânien se trouve très fragmenté du fait des bouleversements subis par certaines sépultures; le nombre de cas observables pour certains caractères est donc très faible. Toutefois, l’annexe V contient les tableaux faisant état de l’ensemble des variations anatomiques enregistrées. D’autre part, le nombre de travaux effectués sur les caractères discrets du crâne humain est plus important que ceux concernant le squelette post-crânien. Par conséquent, la littérature comparative et de consultation est plus ample. Cela nous a permis de confronter de façon plus précise les noms et les définitions données par les différents auteurs, afin d’éviter toute confusion due aux changements de langue.

La signification précise des caractères discrets est encore discutée mais, à l’échelle de l’histoire du peuplement, ils permettent de discerner des différences pertinentes entre groupes et populations (Crubézy et al. 1999: 37). Diverses études ont démontré que la comparaison est plus efficace entre groupes proches qu’éloignés (Brothwell 1965: 12, El-Najjar et MacWilliams 1978: 119, Crubézy et Sellier 1990a: 36). Ainsi, l’étude des caractères discrets de la série Amacueca du site de Caseta doit s’effectuer dans la perspective de comparaison intrapopulation, en partant du principe qu’il s’agit d’un ensemble anthropologiquement et archéologiquement cohérent.

Etant donné qu’environ deux cents variantes anatomiques ont été repérées pour le crâne (Crubézy et al. 1999), et qu’il n’existe pas un dénombrement standard qui pourrait servir pour n’importe quelle population de façon systématique, nous avons choisi d’utiliser les 30 caractéristiques crâniennes proposées par Berry et Berry (1967). Cette liste avait, à l’origine, la prétention de faire apparaître les différences génétiques entre populations; nous savons maintenant qu’il n’en est rien. Cependant ces 30 caractères discrets sont les plus utilisés dans l’étude des populations précolombiennes mexicaines, et leur application à notre série pouvait la rendre comparable à d’autres échantillons. Ce souci de comparabilité a à voir avec les nombreuses difficultés rencontrées lors de la recherche de la dénomination de ces caractères. Ce problème a été déjà signalé par d’autres auteurs « ...pour chaque caractère, plusieurs dizaines de noms et de définitions ont parfois été proposées. Ceci est

La variation des caractères discrets dans la population Amacueca permettrait de repérer des ensembles d’individus possédant en commun un ou plusieurs de ces caractères pour, ensuite, les resituer dans leur contexte funéraire afin de discerner des sous-groupes archéologiquement pertinents. Lors de l’interprétation des sous-groupes, Crubézy (Crubézy et al. 1999: 48) recommande de prendre en compte certains éléments: a) Le sous-groupe représente des sujets génétiquement liés entre lesquels il est impossible de préciser les liens 145

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ avons jugé préférable d’effectuer un codage par côté, afin de conserver la disponibilité des données.

excessivement gênant lorsqu’un même nom désigne, suivant les auteurs, des caractères différents. Cela devient catastrophique lorsque les chercheurs ne s’en aperçoivent pas et procèdent à des comparaisons tirées de données de la littérature » (Crubézy et al. 1999: 37). Afin d’éviter de tomber dans le piège mentionné ci-dessus, et donc toute confusion, nous avons décidé d’établir un tableau de correspondances entre les désignations des 30 caractères. Cet exercice s’est révélé essentiel pour ce travail, mais d’autant plus ardu qu’il a dû faire intervenir le français, langue de rédaction de ce travail, l’espagnol et l’anglais dans le cadre d’une recherche américaniste, et le latin comme langue de dénomination anatomique internationale1. On ne peut évidemment pas mentionner de façon systématique les diverses dénominations: nous avons donc décidé de le renvoyer en annexe V pour consultation et de n’utiliser dans le texte que les noms en français suivie de l’appellation en latin d’après Crubézy (ibid.).

2. Résultats Comme nous l’avons discuté dans le chapitre VI, il existe une grande disparité dans les effectifs présents dans chaque cimetière, qui affecte de façon directe la comptabilisation des caractères discrets ainsi que leur analyse. Dans le cimetière Nord, les caractères discrets ont pu être testés sur un seul crâne masculin et quatre féminins, tandis que, dans le Sud, la comptabilisation a été possible sur neuf crânes féminins et 31 masculins. Dans ces conditions, la comparaison des résultats entre les deux secteurs funéraires n’est pas significative, du moins pour les squelettes masculins. Nous allons cependant présenter ici les chiffres et essayer de trouver des regroupement topographiques significatifs au moins pour le cimetière Sud. L’existence de correspondances spatiales entre les individus partageant un même caractère dans un cimetière « tend à indiquer que le marqueur choisi exprime des liens entre des sujets ou des groupes de sujets proches, tendant à démontrer que l’inhumation n’a pas été aléatoire. » (Crubézy et al. 1999: 53). Cette recherche a été effectuée de façon graphique. Pour chaque caractère, dont le nombre de présences est significatif, une carte de répartition a été dressée. Cette carte montre la localisation des individus partageant le même caractère, ainsi que ceux qui ne le présentent pas.

1. Méthodologie Bien que des études remarquables aient été effectuées sur le sujet (Vargas 1973, Sempowsky et Spence 1994, Crubézy et al. 1999), elles se révèlent trop approfondies par rapport à notre problématique et au cadre de notre recherche, puisqu’elles constituent, à elles seules, le sujet d’une thèse. Dans l’optique d’une recherche comme la nôtre, l’étude des caractères discrets ne constitue pas un objectif prioritaire immédiat, même si leur identification et leur prise en compte restent susceptibles d’apporter une information pertinente pour des séries représentatives comme celles de Caseta. Nous avons donc choisi d’adapter la méthodologie aux objectifs du présent travail, soit la corrélation des données archéologiques et biologiques afin de mieux connaître la population du site. Pour ce faire, nous essayerons de repérer des sousgroupes de squelettes qui partagent un ou plusieurs caractères discrets afin de tester leur pertinence archéologique et de comprendre les implications sur le mode de recrutement.

Le tableau 79 présente la liste des caractères discrets observés sur les individus des deux cimetières Amacueca subdivisés par sexe. La fréquence est exprimée par une fraction: le numérateur correspond au nombre d’individus pour lesquels le caractère est présent; le dénominateur représente le nombre total d’observations possibles. Pour illustrer la méthode, prenons le cas du foramen de Huschke (foramen tympinicum) dont la fréquence totale est de 2/16. Cette fraction indique que sur 16 individus pour lesquels la partie osseuse est intacte, seulement deux le portent. Ce caractère de manifestation bilatérale est comptabilisé par individu, sans considérer si le foramen a été observé des deux côtés (individu 37.1) ou d’un seul comme pour l’individu 6.2, dont le foramen n’a été observé qu’à gauche, la partie droite étant très fragmentée. Ensuite, le pourcentage qui correspond à la fraction est présenté plutôt pour systématiser les chiffres puisque le nombre de cas étant réduit, cet indice n’est pas utilisable lors des interprétations.

Les caractères discrets de la série Amacueca furent enregistrés d’après les critères méthodologiques proposés par Salas et Pijoan en 1980 et qui, depuis lors, font référence pour les travaux mexicains sur ce sujet. Chacun des 30 caractères a été donc répertorié en termes de présence/ et, pour certains d’entre eux, une quantification a été nécessaire (e.g. l’os suturaire lambdoïde et les os suturaires coronaux). Ensuite, nous avons procédé au calcul de leur fréquence dans chaque cimetière en fonction du sexe, d’abord par individu et ensuite par côté. Même si la valeur accordée à la symétrie ou à l’asymétrie d’un caractère discret est sujette à controverse, nous 1 Conformément à la dénomination anatomique internationale des noms en latin ont été proposés. La plupart de ces listes sont incomplètes et parfois les noms proposés sont différents d’un auteur à l’autre (Crubézy et al. 1999: 38).

146

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ caractère*

cimetiè re N S N S

suture métopique facette condylienne double foramen de N Huschke S trou oval N incomplet S tubercule N précondylien S torus N palatin S troisième ligN ne occipitale S torus du conN duit auditif S torus N maxillaire S os préN interpariétal S os au N bregme S os suturaire N lambdoïde S os suturaire N coronal S os N au ptérion S os à l’inci N sure pariét. S os N à l’astérion S orifice pala-tin N post. accessoire S foramen N pariétal S trou mastoïN dien double S foramen N mastoïdien S absent canal N condylaire S foramen zyN gomaticofacial double ou S multiple trou N sus-orbitaire S trou N frontal S foramen inN fraorbitaire S accessoire hypostotics orifices et sillons

féminin fréque % nce 0/1 0 0/3 0 0/2 0 0/0 0

masculin fréque % nce 0/0 0 0/11 0 0/0 0 0/5 0

total fréque nce 0/1 0/14 0/2 0/5

% 0 0 0 0

le canal hypoglosse bi- ou multiple (canal hypoglossi bipartite ou multiple) et le foramen épineux incomplet (foramen spinosum incompletum). Dans tous les squelettes de la série Amacueca, le secteur du crâne qui les contient est absent ou fragmenté, rendant ainsi impossible leur observation.

0/3 1/6 0/0 0/0 1/1 0/1 0/1 0/1 1/2 2/2 0/3 0/5 2/3 1/1 0/2 0/3 0/1 0/1 1/2 3/3 0/1 0/2 0/0 0/0 0/0 0/0 0/0 0/1 1/2

0 16.6% 0 0 100% 0 0 0 50% 100% 0 0 66.6% 100% 0 0 0 0 50% 100% 0 0 0 0 0 0 0 0 50%

0/0 1/10 0/0 0/1 0/0 1/1 1/1 6/10 0/0 9/9 0/0 1/12 1/1 12/14 0/0 2/15 0/0 0/9 0/0 9/13 0/0 1/11 0/0 0/2 0/0 0/3 0/0 1/1 0/0

0 10% 0 0 0 100% 100% 60% 0 100% 0 8.3% 100% 85.7% 0 13.3% 0 0 0 69.2% 0 9% 0 0 0 0 0 100% 0

0/3 2/16 0/0 0/1 1/1 1/2 1/2 6/11 1/2 11/11 0/3 1/17 3/4 13/15 0/2 2/18 0/1 0/10 1/2 12/16 0/1 1/13 0/0 0/2 0/0 0/3 0/0 1/2 1/2

0 12.5% 0 0 100% 50% 50% 54.5% 50% 100% 0 5.8% 75% 86.6% 0 11.1% 0 0 50% 75% 0 7.6% 0 0 0 0 0 50% 50%

1/1 0/2 2/4 1/2 0/1 0/2 0/2

100% 0 50% 50% 0 0 0%

4/8 0/0 5/10 0/0 4/9 0/0 1/8

50% 0 50% 0 44.4% 0 12.5%

5/9 0/2 7/14 1/2 5/9 0/2 1/10

55.5% 0 50% 50% 55.5% 0 10%

2/2 2/2 1/3

100% 100% 33.3%

0/0 1/2 0/0

0 50% 0

2/2 3/4 1/3

100% 75% 33.3%

trou mastoïdien double

N

1/2

50%

4/11

36.3%

5/13

38.4%

0/0 1/2 0/0 1/2 0/0 0/1

0 50% 0 50% 0 0

0/1 0/3 1/1 1/8 1/1 1/4

0 0 100% 12.5% 100% 25%

0/1 1/5 1/1 2/10 1/1 1/5

0 20% 100% 20% 100% 20%

foramen mastoïdien absent

N S

hyperostotics

carac-tère* foramen de Huschke

cimet ière N S

troisième ligne

N

occipital

S

torus du conduit auditif

N S N

torus maxillaire

S

os suturaire

N

lambdoïde

S

os sutuaire coronal

N S

os à l’astérion

N S

orifice palat-in

N

post. accessoire foramen pariétal

S N S

S

N canal condylaire foramen zygomatico-fa cial double ou multiple trou sus-orbitaire

suturaires, fontanellaires, etc

* pour l’appellation en latin se référer au texte ou à l’annexe V.

Tableau 79. Comptabilisation des caractères discrets du crâne par individu, phase Amacueca.

S N S N S N

Les résultats des calculs par côté sont présentés dans le tableau 80, qui exprime le nombre de fois où un caractère a été enregistré à droite et à gauche. Bien évidemment, les caractères à manifestation unique tels que l’os au bregma (os bregmae) ont été exclus de cette comptabilisation, ainsi que les caractères bilatéraux dont la fréquence est nulle dans notre série (e.g. l’os au ptérion). Il faut signaler que trois caractères sont complètement exclus de notre étude, il s’agit de l’articulation fronto-temporale (sutura fonto-temporalis),

trou frontal

S

foramen infra-

N

orbitaire S accessoire hypostotics orifices et sillons

côté droit côté gauche pré% ** pré% sence sence aucune présence f 3 1 33.3% 5 1 20% m 9 0 0 9 2 22.2% f 2 1 50% 2 1 50% m 0 0 0 0 0 0 f 2 2 100% 2 2 100% m 9 9 100% 9 9 100% aucune présence f 3 0 0 4 0 0 m 11 0 0 12 1 8.3% f 1 0 0 3 2 66.6% m 1 1 100% 1 1 100% f 1 1 100% 1 1 100% m 11 8 72.7% 14 11 78.5% f 2 1 50% 2 1 50% m 0 0 0 0 0 0 f 2 2 100% 3 3 100% m 12 8 66.6% 11 7 63.6% aucune présence f 2 0 0 2 0 0 m 12 1 8.3% 12 1 8.3% aucune présence f 1 0 0 0 0 0 m 1 0 0 1 1 100% f 1 0 0 1 1 100% m 0 0 0 0 0 0 f 1 1 100% 1 1 100% m 6 3 50% 4 1 25% aucune présence f 4 1 25% 4 2 50% m 9 1 11.1% 10 5 50% f 2 1 50% 1 0 0 m 0 0 0 0 0 0 f 1 0 0 0 0 0 m 7 4 57.1% 5 3 60% aucune présence f 1 0 0 0 0 0 m 7 1 14.2% 6 1 16.6% f 2 2 100% 1 1 100% m 0 0 0 0 0 0 f 2 2 100% 1 1 100% m 1 1 100% 1 0 0 f 1 0 0 3 1 33.3% m 0 0 0 0 0 0 f 2 1 50% 2 1 50% m 9 4 44.4% 6 1 16.6% aucune présence f 3 1 33.3% 1 0 0 m 7 3 42.8% 3 7 42.8% f 0 0 0 0 0 0 m 1 1 100% 1 1 100% f 1 0 0 1 1 100% m 7 1 14.2% 6 0 0 f 0 0 0 0 0 0 m 1 1 100% 1 1 100% f 1 0 0 0 0 0 m 3 0 0 3 1 33.3% hyperostotics suturaires, fontanellaires, etc

sexe

**

* pour l’appellation en latin se référer à l’annexe V; ** nombre de cas observés. Tableau 80. Comptabilisation des caractères discrets du crâne par côté, phase Amacueca.

147

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ sexe ne semble pas clair (ibid.: 80). Le foramen de Hushcke est un caractère bilatéral rare dans la série Amacueca, puisque sur un total de 16 cas observés dans le cimetière Sud, trois squelettes seulement le portent. Il s’agit d’une femme (individu 37.1), d’un homme (individu 24.1), et d’un individu de sexe inconnu (6.2), pour lesquels le codage par côté fut inutile en raison de l’absence de certains fragments osseux. Ces trois squelettes n’ont pas de corrélation spatiale. D’autre part, le faible nombre de cas observables dans le cimetière Nord rend impossible toute interprétation de son absence.

La connaissance de la signification des caractères observés est un atout dans l’interprétation de la correspondance entre les groupes partageant le ou les mêmes caractères discrets et les ensembles archéologiquement pertinents. C’est pourquoi, avant d’analyser les groupes de sépultures qui partagent le même caractère, nous allons discuter leur étiologie. D’après Crubézy (Crubézy et al. 1999: 38) il est impossible d’assimiler la présence / absence des caractères discrets du crâne à un même modèle sousjacent. Il a donc divisé l’ensemble en quatre groupes: les caractères hypostotics; les hyperostotics; les os suturaires, fontanellaires et surnuméraires; et les orifices et sillons vasculaires ou nerveux.

• Facette condylienne double (Facies articularis condylaris bipartita). On considère sa présence quand la surface articulaire du condyle occipital est divisée en deux facettes distinctes (Salas et Pijoan 1980: 300). Il semblerait que ce caractère ait un faible déterminisme génétique (Corrucini 1974) ainsi qu’une très faible hérédité (Crubézy et al. 1999: 81). Dans le cimetière Nord, la facette condylienne double est absente, mais cela résulte du faible nombre de cas observables. Par contre, dans le cimetière Sud, les cas observables sont plus nombreux, mais le caractère demeure absent.

Les caractères hypostotics correspondent, chez l’adulte, à une ossification ou à une synostose incomplète de sutures habituellement totalement synostosées à cet âge, (ibid.: 67). Quatorze caractères discrets correspondent à cette définition, mais nous n’allons évoquer ici que ceux repérés dans l’échantillon Amacueca. • Suture métopique présente (Sutura frontalis). L’oblitération de la sutura frontalis dans les populations contemporaines occidentales a lieu à environ deux ans. Les cas pour lesquels la suture est visible à moins de 50% n’ont pas été comptabilisés, puisque ils correspondent à une modification osseuse secondaire produite après la synostose de la sutura frontalis (ibid.). Par contre, ce caractère est considéré comme présent lorsqu’au moins 50% de la suture est conservée à l’âge adulte (Salas y Pijoan 1980: 297). Ceci résulte d’une conjonction des facteurs génétiques, bioculturels et pathologiques. Sur un total de 15 observations possibles dans la série Amacueca, aucun frontal ne présentait la suture métopique. La présence de ce caractère est liée, selon certains auteurs, à une carence en fer pendant l’enfance (Crubézy et al. 1999: 67); son absence de la population Amacueca suggère donc un approvisionnement correct de ce nutriment. Ce caractère semble aussi associé à certains types de déformations artificielles du crâne (ibid.), ce qui n’est pas le cas dans la série Amacueca puisque parmi les crânes observés, huit sont déformés et ne portent pas la moindre trace de la suture métopique (individus 6.4, 12.2, 18.2, 18.4, 35.1, 45.1, 45.2, 68.2).

Sont considérés comme hyperostotics, les caractères produits par un excès d’ossification d’éléments normalement peu ossifiés, ainsi que ceux habituellement formés par du cartilage, du ligament ou de la dure-mère (Crubézy et al. 1999: 88). • Torus palatin (Torus palatinus). C’est une élévation osseuse localisée dans la suture médiane du palais osseux. Son étiologie a été attribuée à plusieurs facteurs: pathologie du palais, causes mécaniques, facteurs génétiques (Salas y Pijoan 1980). De nombreux cas familiaux ont été publiés; le déterminisme environnemental a été aussi évoqué, mais il doit s’agir d’un caractère polyfactoriel pour lequel l’interaction des différents facteurs varie beaucoup dans les diverses populations (Crubézy et al. 1999: 89). Dans la série osseuse Amacueca, le torus palatin est un caractère exclusivement masculin. Un seul cas a été répertorié dans le cimetière Nord (individu 93.1); dans le cimetière Sud, sur dix cas observés, six le présentent (individus 17.1, 25.1, 29.1, 46.1, 50.1, 62.1). Cela va à l’encontre de la prédominance féminine signalée pour ce caractère (ibid.). D’autre part, sa répartition spatiale révèle une concentration de cas dans le secteur est du cimetière Sud, ce qui pourrait être significatif d’un regroupement familial.

• Trou oval incomplet (Foramen ovale incompletum). Ce caractère à manifestation bilatérale, peut être interprété comme un défaut d’ossification et se comptabilise quand il existe une communication entre le trou oval (foramen ovale) et le trou petit rond (foramen spinosum) et/ou le trou déchiré antérieur (foramen lacerum) (Crubézy et al. 1999: 77). Le trou oval incomplet se trouve dans le sphénoïde, secteur crânien qui fait fortement défaut dans la série Amacueca. Dans ces conditions, les cas observables sont exceptionnels; par conséquent, son absence n’est pas représentative.

• Torus maxillaire (2). Il s’agit d’une saillie osseuse localisée dans la partie linguale des bords alvéolaires correspondant aux molaires, dont la présence se comptabilise de façon bilatérale (Salas y Pijoan 1980: 301). La présence de torus maxillaire est commune dans la série Amacueca. Dans le cimetière Nord, deux femmes (individus 80.1 et 89.1) et un homme (individu 93.1) le

• Foramen de Huschke (Foramen tympanicum). L’existence d’un ou plusieurs orifices dans le segment de la face superficielle du tympanal se comptabilise comme présence de ce caractère, dont le rapport à l’âge ou au

2 Le nom en latin. n’a pas été trouvé, mais ce caractère correspond en anglais au maxillary torus présent (Berry et Berry 1967) et, en espagnol au torus maxilar (Salas y Pijoan 1980)

148

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ ils sont repérés grâce à une suture surnuméraire puisqu’ils se trouvent entre deux os et, comme leur nom l’indique, dans les sutures, à l’emplacement des fontanelles. Quant à leur étiologie, plusieurs théories ont été avancées: on les considère comme des éléments permettant au crâne d’adapter sa croissance; on les associe, pour certaines populations, à des périodes où le niveau de vie était moins élevé. En tout cas l’ensemble de ce type de caractères ne peut pas être attribué aux mêmes causes puisque leur hérédité est très différente (Crubézy et al. 1999: 104).

portent, tandis que, dans le Sud, ce sont une femme (individu 23.1) et 12 hommes (individus 9.1, 18.2, 21.1, 25.1, 26.1, 30.1, 46.1, 50.1, 54.2, 62.1, 68.2, 70.1). A l’exception de deux cas (une absence à droite et une autre à gauche), ce caractère a une tendance symétrique. La répartition spatiale de ce caractère dans le cimetière Sud est assez régulière et aucune concentration n’a été repérée. • Tubercule précondylien (Tuberculum praecondylare). Ce caractère correspond à un tubercule osseux, plus ou moins bien marqué, situé sur la face inférieure du corps de l’occipital juste en avant du bord antérieur du trou occipital (Crubézy et al. 1999: 95). Etant donné que la plupart des études sur des populations mésoaméricaines enregistrent la présence du tubercule médian unique (Salas y Pijoan 1980: 301), nous avons choisi de suivre la même démarche. Ainsi, nous avons repéré un cas féminin dans le cimetière Nord (individu 73.1) et un masculin dans le Sud (individu 54.2). Il faut tout de même signaler que la faible présence du tubercule précondylien provient de la rareté des cas observables, puisque dans l’ensemble de la série Amacueca trois crânes seulement présentent intacte la face inférieure du corps de l’occipital. L’étiologie de ce caractère n’est pas définitivement établie.

• Os suturaire coronal (Ossa suturae coronalis). Ce caractère correspond à la présence d’un ou de plusieurs os le long de la suture coronale, à l’exception du bregma et du ptérion. Ces os furent comptabilisés de manière bilatérale quelles que soient leurs dimensions (Salas y Pijoan 1980: 297). Le nombre de ces os étant très variable, nous les avons quantifiés par individu et par côté (Uruñuela 1997: 120). Ce caractère est rare dans la série Amacueca, puisque sur 13 cas observés, deux seulement ont été repérés dans le cimetière Sud: il s’agit de deux squelettes masculins (individus 6.4, 67.1). Pour l’individu 67.1, on comptabilise trois os d’environ 2 cm de long situés du côté droit de la suture coronale, tandis que le côté gauche ne présente aucune trace de ce caractère. Quant à l’individu 6.4, seule la suture du côté gauche était observable et un seul os s’y trouvait. Même si les deux individus étaient spatialement proches, il est impossible de parler de regroupement à partir de deux cas.

• Torus du conduit auditif (3). Ce caractère bilatéral correspond à une protubérance osseuse située dans la paroi postérieure du conduit auditif externe. Bien que la taille du torus puisse varier, nous l’avons codé comme présent lorsqu’il s’agit d’une éminence bien définie (ibid: 299). Ce caractère semble lié à des disfonctions neurovasculaires avec une tendance héréditaire (El-Najjar et McWilliams 1978: 138). Dans la série Amacueca, malgré les 20 observations possibles, ce caractère a été codé comme présent pour un seul squelette masculin du cimetière Sud (individu 14.3).

• Os suturaire lambdoïde (Ossa suturae lambdoïdeae). Il s’agit d’un ou plusieurs os placés dans la suture lambdoïde à l’exception de l’astérion. La comptabilisation de ce caractère s’effectue bilatéralement. Bien que l’étiologie de ce caractère ne soit pas définitivement établie, elle semble liée à des facteurs tels que des retards de croissance produits par un stress bio-mécanique, mais aussi à des facteurs acquis, comme le stress alimentaire (Crubézy et al. 1999: 106). Les os suturaires lambdoïdes sont fréquents dans la série Amacueca, puisqu’au total 13 cas ont été enregistrés. Dans le cimetière Nord, aucune observation n’a été possible sur les squelettes masculins, mais le caractère se trouve sur l’un des deux crânes féminines observés (individu 80.1), où un os fut enregistré de chaque côté. Dans le cimetière Sud, ce caractère se trouve dans les trois cas observés chez les femmes (individus 16.5, 26.2, 45.1), et dans neuf cas sur 13 chez les hommes (individus 18.2, 21.1, 29.1, 32.3, 33-34, 43.1, 45.2, 50.1, 62.1). La répartition spatiale de ce caractère montre que les individus qui le portent se trouvent plutôt du côté est du cimetière, mais cela pourrait simplement refléter une meilleure conservation du matériel osseux dans ce secteur.

• Troisième ligne occipitale. Les lignes courbes occipitales supérieure et inférieure sont des protubérances bien définies; parfois une troisième ligne encore plus haute que la supérieure part de la protubérance occipitale externe en formant un arc qui se comptabilise bilatéralement. Ce caractère est plus facilement appréciable au touché qu’à l’oeil (Salas et Pijoan 1980). La troisième ligne occipitale est le caractère qui compte le plus d’incidence dans la série Amacueca. Dans le cimetière Sud, les 11 cas observables le présentaient: deux squelettes correspondent aux femmes (individus 16.5, 28.1) et neuf aux hommes (individus 14.3, 18.2, 18.4, 22.1, 29.1, 33-34, 50.1, 54.2, 62.1). Aucune concentration spatiale n’a été repérée lors de l’analyse de répartition. Dans le Nord, une seule femme le porte (individu 73.1); cette faible présence peut être attribuée à la rareté des cas observables. Pour l’ensemble des crânes, la présence est bilatérale.

En général la manifestation des os suturaires lambdoïdes est bilatérale (sauf pour l’individu 26.2 dont seul le côté droit est concerné) et asymétrique puisque le nombre d’os présents varie d’un côté à l’autre du même crâne, sauf pour le 21.1 (1x1), 32.3 (4x4), et 45.2 (2x2). Le nombre

Les os suturaires, fontanellaires et surnuméraires ne se rencontrent pas habituellement, mais, quand c’est le cas, 3

L’appellation en latin. n’a pas été trouvée.

149

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ absent de la série Amacueca, probablement du fait du faible nombre d’observations.

maximum d’os enregistré par côté est de six. Cette quantification se révèle d’autant plus nécessaire que, pour certains auteurs, la déformation artificielle du crâne augmente le nombre d’os suturaires par sujet (El Najjar et Dawson 1977). Cela semble effectivement être le cas dans notre série, car, sur l’ensemble de 13 crânes présentant des os suturaires lambdoïdes, neuf ont subi une déformation intentionnelle.

La présence ou l’absence des orifices et sillons vasculaires et/ou nerveux représente des variations de nombre, de position ou de situation d’afférences ou d’efférences vasculo-nerveuses (ibid.: 117). • Foramen infra-orbitaire accessoire (Foramen infraorbitale accessorium). Ce caractère correspond à la présence sur le maxillaire d’au moins deux orifices infraorbitaux (ibid.). Nous l’avons considéré comme présent lorsque le foramen peut être traversé au moins par une aiguille (Salas et Pijoan 1980: 302). D’après Crubézy (1999: 119) un seul cas familial a été signalé, tandis que d’autres études démontrent une hérédité nulle. Dans la série Amacueca, les deux cas repérés correspondent à des squelettes masculins; un dans le cimetière Nord (individu 93.1) et l’autre dans le Sud (individu 18.2). Pour le premier individu, le foramen est présent des deux côtés, tandis que pour le deuxième seul le côté gauche est concerné.

• Os préinterpariétal (Os preinterparietale). Avant de décrire ce caractère, il faut signaler que sa définition varie d’un auteur à l’autre puisque son origine même est l’objet de discussions. D’autre part, les divers noms proposés peuvent entraîner des confusions: os au lambda, os épactal, quadratum, triangulaire, os des Incas. Le caractère pris en compte ici, correspond à la présence d’un os dans l’union de la suture sagittale et lambdoïde et nous l’avons considéré comme présent lors qu’il touche les deux pariétaux et l’occipital (Salas y Pijoan 1980: 297). L’os préinterpariétal est un caractère rare dans la série Amacueca. Absent du cimetière Nord, il ne concerne que deux crânes masculins dans le Sud (individus 33-34, 50.1), spatialement éloignés.

• Trou zygomatico-facial double ou multiple (Foramen zygomaticofaciale double ou multiple). Ce caractère correspond à la présence, sur la partie exocrânienne de l’os zygomatique, d’un ou plusieurs foramina zygomatico-faciaux accessoires (ibid.: 120). Nous l’avons considéré comme présent lorsque le foramen peut être traversé au moins par une aiguille. On ne dispose pas d’information sur sa signification. Dans la série Amacueca, ce caractère est relativement commun si l’on tient compte de ce que dans le cimetière Sud il est présent chez une femme (individu 23.1) sur deux cas observables, tandis qu’il est présent chez cinq hommes sur 11 (individus 18.4, 46.1, 54.2, 62.1, 67.1). L’analyse spatiale révèle que ces cinq individus se trouvaient à la limite sud du cimetière Sud, mais cela est à prendre avec précaution, étant donnée la quantité limitée des cas observables. Chez les hommes du cimetière Nord, il n’a pas pu être observé, mais il a été repéré dans un squelette féminin (individu 80.1) sur trois observables. La symétrie du trou n’a pas pu être testée d’une façon convenable, puisque quatre crânes présentaient la section zygomatique fragmentée; dans deux cas la présence est unilatérale et dans un seul bilatérale.

• Os au ptérion (Os pterii). Il s’agit d’un os fontanerallaire au ptérion qui peut être sphéno-pariétal, sphéno-frontal, sphéno-pariéto-temporal, sphéno-pariétofrontal, ou sphéno-pariéto-fronto-temporal (Crubézy et al. 1999: 109). Il doit être enregistré bilatéralement quelles que soient ses dimensions. L’étiologie de ce caractère n’est pas clairement établie, mais il semblerait qu’il ne soit pas héréditaire (ibid.). L’os au ptérion est absent de la série Amacueca, mais il faut préciser que seulement deux observations furent possibles sur l’ensemble des effectifs, puisque dans la plupart des cas le ptérion se trouve fragmenté ou couvert de concrétions calcaires. • Os à l’astérion (Os asterii). L’union de la suture temporo-pariétal avec la suture lambdoïde est connue comme l’astérion. Un os de taille variable peut se présenter dans cette union, séparant les deux sutures; sa présence se comptabilise bilatéralement (Salas y Pijoan 1980: 297). Il semblerait que ce caractère soit plus fréquent chez les hommes que chez les femmes (Crubézy et al.1999: 113). Cela ne saurait être confirmé par les données de notre série puisqu’il n’a pas pu être observé dans le cimetière Nord, tandis que dans le Sud il a été enregistré une seule fois. Il s’agit d’un squelette masculin (individu 54.2), dont seul le côté gauche le portait. La rareté de l’os à l’astérion peut avoir une relation directe avec le faible nombre d’observations possibles.

• Foramen pariétal présent (Foramen parietal présent). Ce foramen de taille variable se trouve près du bord supérieur du pariétal et parfois sur le même bord (sutura sagital), à environ 4 cm à l’avant du lambda. Nous l’avons considéré comme présent quand le foramen traverse l’os pariétal. Cette caractéristique est parfois appréciable à l’oeil nu, parfois une vérification avec une aiguille s’impose (Salas et Pijoan 1980: 297). Sa quantification est bilatérale. Ce caractère était absent du cimetière Nord, tandis que, dans le Sud, il est assez commun. En général, il est présent dans la moitié des cas observés tant chez les femmes (individus 26.2, 35.1, 45.1) que chez les hommes (individus 22.1, 43.1, 45.2, 50.1, 54.2, 68.2). Le foramen pariétal a une tendance asymétrique qui concerne cinq cas sur neuf, pour lesquels

• Os au bregma (Os bregmae). Il s’agit d’un os sutural qui se trouve à la réunion de la suture sagittale et de la coronale (Salas et Pijoan 1980: 297). Ce caractère est absent du cimetière Nord, et, ce qui résulte significatif, malgré les nombreux cas observables, il est aussi absent du cimetière Sud. • Os à l’incisure pariétale (Os incisurae parietalis). Ce caractère correspond à un os surnuméraire localisé à l’incisure pariétale (Crubézy et al. 1999: 112). Il est 150

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ • Trou sus-orbitaire (Foramen supraorbitaire). Il s’agit d’un trou ou d’une incisure sus- orbitaire localisée dans le tiers interne de la marge supérieure de l’orbite. Ce trou permet le passage du nerf frontal orbitaire. Ce trou présente des formes variées: une ample incisure peu profonde, une incisure étroite et profonde, et un trou fermé. Ce trou apparaît lors de l’ossification d’un ligament sous-orbital qui traverse le bord orbital (ibid. 304). Le trou sus-orbitaire est un caractère rare dans la série osseuse Amacueca qui se trouve exclusivement dans le cimetière Sud: seul un squelette féminin le porte (individu 23.1), ainsi que quatre masculins (individus 14.1, 18.4, 45.2, 67.1). Deux crânes présentaient le caractère de façon symétrique, tandis que pour les trois restants l’observation bilatérale a été impossible. L’analyse des squelettes qui portent ce caractère montre qu’ils n’ont pas de rapports spatiaux.

la présence sur le côté gauche a une incidence plus importante. La répartition spatiale du formen pariétal correspond à une certaine concentration d’individus dans la partie centrale du cimetière Sud, mais, étant donné le faible nombre de cas observés, il est impossible d’évaluer l’ensemble d’une façon correcte. • Trou mastoïdien double (Foramen mastoideum accessorium). Bien que le trou mastoïdien se localise dans la suture occipito-mastoïdienne, le caractère qui nous occupe correspond à sa position dans la région mastoïdienne du temporal. Une fois encore, nous avons vérifié à l’aide d’une aiguille que le trou perfore vraiment le temporal (ibid.: 299). Si l’on considère le nombre total d’observations possibles, on peut remarquer que ce caractère est relativement fréquent dans la série Amacueca. Dans le cimetière Nord, un seul cas a été repéré chez les femmes (individu 79.1), tandis que, dans le Sud, aucune ne le porte. Par contre, il a été comptabilisé chez cinq squelettes masculins (individus 16.4, 18.4, 24.1, 33-34, 54.2 ), sans rapport spatial entre eux, puisque ils se trouvent disséminés tout le long du cimetière. Pour le seul cas de manifestation asymétrique de ce caractère, le côté gauche est concerné; dans deux cas, le caractère se présente des deux côtés du crâne et, pour les trois restants, la vérification n’a pas été possible.

• Trou frontal (Foramen frontale). C’est un trou bien défini localisé en position latérale par rapport au trou susorbitaire; il permet le passage du nerf frontal interne et sa comptabilisation est bilatérale (ibid.). Ce caractère a pu être testé sur 11 squelettes; un seul individu masculin le portait dans le cimetière Nord (individu 93.1). Dans le cimetière Sud, il a été enregistré chez un homme (individu 45.2) ainsi que chez une femme (individu 26.2) qui ne sont pas en relation spatiale. La symétrie du trou frontal n’a pas pu être testée.

• Trou mastoïdien absent (Foramen mastoideum accessorium absent). Parfois le trou mastoïdien est absent, autant de la région mastoïdienne du temporal que de l’occipital. Dans ce cas, on enregistre leur absence de façon bilatérale (ibid.). Ce caractère est rare dans la série Amacueca. En effet, pour le cimetière Nord, aucune absence du trou mastoïdien n’a été enregistrée, tandis que, dans le Sud, il est absent dans un seul crâne; il s’agit d’un homme (individu 62.1) pour lequel le caractère se manifeste à droite comme à gauche.

• Canal condylaire présent (Canalis condylaris présent). On considère le canal condylaire comme présent lorsqu’il transperce vraiment la fossa condylaris dorsalis. Afin de vérifier cette condition, nous avons introduit dans le canal un fil de fer (ibid. 299). D’après diverses études, l’hérédité de ce caractère est quasiment nulle, mais il est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes (Crubézy et al. 1999: 127). En effet, les cas observés dans la série Amacueca correspondent, pour la plupart, à des femmes: deux dans le cimetière Nord (individus 73.1, 80.1) et deux dans le Sud (individus 26.2, 28.1), tandis qu’un seul homme le porte: il s’agit de l’individu 54.2 du cimetière Sud. Dans deux cas les caractères ont une manifestation symétrique; pour le reste, il est impossible de le tester. D’autre part, les squelettes concernés ne sont pas en rapport spatial.

• Orifice palatin postérieur accessoire (foramen palatinum minus accessorium). L’orifice palatin postérieur se trouve des deux côtés du bord postérieur du palatal osseux, tout de suite après le canal palatin postérieur principal; il permet le passage des nerfs palatins mineurs. La présence d’un deuxième orifice est considéré comme accessoire (ibid.: 300). Ce caractère bilatéral a été vérifié par l’introduction d’une aiguille. Si l’on remarque que, pour ce caractère, le nombre total d’observations possibles était de 11, et que six cas furent repérés, on peut conclure que l’orifice palatin postérieur accessoire est relativement fréquent dans la série Amacueca. Dans le cimetière Nord, seul un squelette féminin le portait (individu 89.1), de même que pour le Sud (individu 23.1), tandis que pour les hommes, ce caractère est absent dans le Nord, mais présent dans quatre squelettes (individus 21.1, 46.1, 67.1, 70.1) dans le Sud. La symétrie de ce caractère n’a pas pu être testée en raison du mauvais état du matériel, mais il est présent des deux côtés dans le seul crâne pour lequel une observation bilatérale était possible. La répartition spatiale de ce caractère montre que les hommes qui le portent se trouvaient à la limite sud du cimetière Sud, tandis que la femme se localisait dans le secteur central.

Nous avons aussi analysé la présence de l’ensemble des caractères discrets sur les individus issus des 26 sépultures multiples présentes dans les deux cimetières et les inhumations isolées. Cet exercice n’a pas donné de résultat probants. Cela peut être dû à l’extrême fragmentation du matériel qui limitait le nombre d’observations. Comme on l’a signalé dans le chapitre IV, l’état de conservation des restes osseux issus des inhumations collectives est mauvais. Cela en raison des pratiques funéraires qui consistaient à entasser dans une même fosse étroite, et probablement de façon successive, plusieurs individus. Par conséquent, les squelettes au fond de la fosse étaient fortement fragmentés par la pression des autres corps, mais aussi de la terre qui couvrait l’ensemble.

151

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ aussi marquer l’appartenance de l’individu à un groupe ethnique spécifique ou même à un secteur géographique défini, puisque d’après Bartolomé de Las Casas (1967: 20), parmi les Incas, le type de déformation déterminait la province d’origine du sujet. Ainsi la déformation intentionnelle, de la même manière que la mutilation dentaire et le tatouage, sont des pratiques sociales de conséquences irréversibles qui ont une incidence directe sur le corps humain, pratiques faites pour témoigner du lien serré qui unit l’individu à sa société (Clastres 1974).

Cependant, il a été possible de repérer deux squelettes au sein d’une même sépulture qui partageaient certains caractères. Il s’agit de deux jeunes adultes, un homme (individu 45.2) et une femme (individu 45.1) issus d’une sépulture triple dont le troisième individu était un dépôt secondaire d’un enfant d’environ 18 mois. Ces deux sujets partageaient deux caractères: la présence d’os suturae lambdoïde et la présence du foramen pariétal. Quant au premier caractère, il s’agissait, dans les deux cas, d’une manifestation bilatérale mais asymétrique pour le crâne féminin et symétrique pour le masculin. En effet, du côté droit, les deux individus présentaient deux osselets, tandis que du côté gauche, il y a une nette différenciation: l’individu 45.1 en présente six, et le 45.2 deux. L’os pariétal a aussi une manifestation asymétrique dans les deux cas: dans les deux crânes, le caractère du côté droit est absent. On ne peut pas en conclure une parenté quelconque entre les deux sujets, mais il est tout de même intéressant de constater qu’ils partagent deux caractères.

D’autre part, les gestes visant à déformer le crâne doivent se pratiquer dès le plus jeune âge et, d’après les chroniqueurs, plutôt sur les nouveau-nés (Las Casas 1967: 20, de la Vega 1982: 333). Cela implique que l’enfant porte en lui-même une marque indélébile du statut hérité de ses parents et du milieu socio-économique auquel il appartient dès sa naissance. La coutume de déformer le crâne était largement répandue parmi les populations mésoaméricaines: le bassin de Sayula n’y fait pas l’exception, puisque l’on compte plusieurs exemples (Uruñuela 1997: 154, Ramírez y Acosta 1997: 254), tant pour la phase Sayula que pour la phase Amacueca. D’une manière générale, la pratique consistait en une compression de la tête des nouveaux-nés profitant de sa plasticité (Romano 1974: 198). La déformation s’obtenait selon deux méthodes différentes: l’application de bandeaux ou de plans de compression rigides. La première méthode produit la déformation annulaire qui laisse des traces en forme de sillons et dépressions concentriques. La deuxième produit la déformation tabulaire, qui laisse des traces d’aplatissement localisés en différents points de la voûte (figure 117). Les plans de compression consistent en planchettes amovibles ou en un seul support rigide, maintenus sur le crâne par des ligatures.

Quant aux sépultures isolées, deux d’entre elles sont des inhumations multiples (sépultures 1 et 2), mais elles n’ont pas été prises en compte puisque toutes deux contenaient des enfants et des adolescents; le seul adulte a fait l’objet d’un dépôt secondaire. Etant donné que les trois enfants sont inutilisables dans la recherche de caractères discrets et que dans l’inhumation secondaire le crâne était absent, les restes osseux ne remplissaient les conditions requises pour l’analyse. Comme il est apparu évident tout au long de la discussion des résultats, la rareté des crânes du cimetière Nord sur lesquels des caractères discrets sont observables rend impossible une comparaison significative avec ceux du Sud. Nous avons toutefois décidé de présenter l’information sur les caractères discrets par souci d’exhaustivité et comme base éventuelle d’autres recherches futures, puisque nous sommes consciente de la difficulté d’interpréter la distribution de chaque caractère au sein d’une série fragmentée telle que celle de la phase Amacueca. Les rares sous-groupes repérés sont loin d’être significatifs puisqu’ils représentent, pour chaque caractère, moins d’un tiers des effectifs de la série.

En ce qui concerne la déformation tabulaire (figure 117), la seule modalité présente en Mésoamérique (Romano 1974: 202), deux types principaux ont été repérés par Imbelloni (1925a, 1925b). • La déformation tabulaire oblique: l’écaille occipitale est affectée par l’action d’un plan de compression tangentiel à la protubérance occipitale externe, tandis que le frontal manifeste une compression antérieure. Les compressions localisées étaient obtenues par deux planchettes liées au crâne par des ligatures. L’application des deux compressions produit l’expansion oblique de la voûte crânienne (Pereira 1999: 152).

B. Les pratiques ostéo-culturelles 1. Déformation crânienne

• La déformation tabulaire droite affecte la portion supérieure de l’occipital et la partie postérieure des pariétaux. De ce type de déformation, plusieurs variantes ont été reportées: -la variante pseudo-annulaire, conséquence du maintien du nouveau-né en position dorsale sur un support plat, par exemple le fond du berceau, au moyen de bandes. Elle s’exprime par un aplatissement postérieur et par une ou plusieurs dépressions semi-circonférentielles; -la forme antéro-postérieure, déterminée par un aplatissement du frontal et du lambda;

La déformation crânienne intentionnelle est, avant tout, une pratique visant à altérer l’apparence physique, qui va au-delà du simple maquillage ou de la coiffure. Dans les sociétés andines précolombiennes, cette pratique était un privilège accordé à des familles nobles (Las Casas 1967: 179), tandis que dans la zone maya, la déformation crânienne distingue les membres des familles haut placées (Romero 1986). Dans ces deux cas, donc la déformation était une manifestation de statut social. Mais elle peut 152

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ convexité. Par conséquent, la région supra-orbitaire apparaît comme anormalement saillante par rapport au frontal, en dépit du fait qu’elle n’a pas été touchée. En effet, le degré de proéminence de la glabelle et du nasion est normale.

-la forme plano-lambdoïde, définie par la convexité normale du frontal qui contraste avec un aplatissement postérieur marqué; -la forme plano-frontale qui présente un aplatissement très marqué du frontal tandis que l’occipital est peu affecté; -la forme parallélépipédique présente un aplatissement au sommet de la voûte. -les formes bilobées et trilobées sont la conséquence de l’utilisation d’une ou deux sangles qui produisent une dépression sagittale (ibid.).

Quant aux pariétaux, leur morphologie générale est fortement altérée. On note, en plan médian4, une forte dépression au niveau de l’écaille occipitale qui, par ailleurs, affecte les pariétaux, provoquant un méplat qui va de l’obélion à l’écaille occipitale (figure 40). Une autre conséquence de cette pression est visible au niveau des bosses pariétales qui montrent une expansion latérale importante, et parfois une forte convexité qui leur confère parfois un aspect bilobé (appréciable sur six crânes). Dans certains cas (individu 22.1) le développement des lobes pariétaux est inégal; le crâne offre alors un aspect asymétrique (photo 10).

Bien que la classification d’Imbelloni présente l’inconvénient d’exclure les déformations moins accentuées et les cas intermédiaires (Gervais 1989, Pereira 1999), elle est généralement utilisée en Mesoamérique. En effet, les rapports sur les déformations crâniennes mésoaméricaines font appel de façon régulière aux deux types principaux d’Imbelloni. D’après Romano (1974: 202) les variétés bilobulaires et trilobulaires ainsi que la forme plano-lambloïde et la pseudo-annulaire sont les plus communes au Mexique. Nous allons donc tenir compte de cette classification, tout en fournissant le plus grand nombre de détails visant à une meilleure description des déformations présentes dans notre série osseuse, afin de la rendre comparable avec les autres séries mésoaméricaines.

L’occipital présente aussi de grosses modifications. En plan médian, la verticalisation de l’écaille devient évidente. Malheureusement, plusieurs crânes de la série sont fragmentés au niveau de l’opisthocranion, mais dans quelques cas nous avons observé que tant l’inion comme l’opisthocranion se trouvent sur la même ligne verticale. Ceci implique une convexité anormale, évidente à l’oeil nu. Sur deux crânes, on remarque des aplatissements ronds situés entre l’opisthocranion et l’inion. Ces traces pourraient être l’empreinte de l’appareil compresseur.

a. Les déformations crâniennes à Caseta

Ces modifications localisées ont pour conséquence l’altération de la morphologie de la voûte crânienne. Bien que la hauteur générale du crâne n’ait pu être calculée en raison de l’absence des temporaux5, l’examen visuel des crânes déformés révèle d’emblée un élargissement bilatéral visible en norma facialis et occipitalis. Cette caractéristique, appréciable à l’œil nu dans l’ensemble des pièces impliquées, a été confirmé par l’indice frontopariétal transversal6 calculé sur deux cas (individus 6.4 et 18.4). En effet, les indices obtenus (62.5 et 61.1) placent les crânes parmi les sténométopes (front étroit)7. Mais ces valeurs illustrent surtout la disproportion entre une largeur frontale minimum qui, en l’occurrence, est normale et une largeur maximale élevée. Par contre, une diminution antéro-postérieure très importante a été observée dans les 18 pièces déformées. Cela fut corroboré par l’indice crânien horizontal8 calculé sur deux cas (individus 6.4 et 18.4). Les valeurs obtenues

Etant donné l’état fragmentaire de la plupart des crânes présents dans la série, il a été impossible de les mesurer. Nous avons donc effectué un examen visuel détaillé de chacun des fragments afin de repérer les anomalies morphologiques indiquant une possible déformation. Sur un total de 152 individus qui composent la série osseuse de la phase Amacueca, 44 avaient le crâne suffisamment bien conservé pour permettre leur observation. Parmi ces derniers, nous avons repéré au moins 23 cas de déformation crânienne qui représentent 15,13 % du total, mais 52,3% des cas observables. Il faut signaler que, pour certains sujets, la déformation est à peine une possibilité, mais l’état fragmentaire des pièces ne permet pas de l’affirmer. Il est donc probable que le nombre d’individus témoignant de ce type de pratique soit encore plus important. • La déformation tabulaire droite de forme antéropostérieure. Pour un total de 23 crânes déformés, 18 présentent des caractéristiques communes qui les rapprochent de la déformation tabulaire droite de forme antéro-postérieure ou fronto-occipitale (tableau 81) repérée par Imbellonni (1925a, 1925b). Ce type de déformation, visible à différents dégrés selon la pièce analysée, est déterminé par un aplatissement du frontal et de l’occipital. Elle suppose une pression occipitale parallèle à l’axe basion-bregma.

4

Le plan médian coupe le crâne verticalement en deux parties symétriques. 5 La hauteur du crâne se mesure soit du basion au bregma, soit de la ligne bi-porions au bregma. Si, dans deux cas, le point bregma était présent, en revanche les autres points de mesure faisaient défaut. 6 L’indice fronto-pariétal transversal, ou indice frontal est égal à 100 (largeur frontale minimum/largeur maximum du crâne) 7 Front étroit (sténométope) en dessous de 66.0; front moyen (métriométope) de 66.0 à 68.9; front large (eurymétope) à partir de 69.0. 8 L’indice crânien horizontal, ou indice céphalique, a pour formule 100 (largueur maximum/longueur maximum du crâne)

Le frontal présente l’aplatissement vertical de l’ensemble de l’écaille, qui confère à cette région une faible 153

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ (91.6 et 92.3) placent les deux sujets parmi les ultrabrachycrânes9.

secteur

Bien que la plupart des crânes analysés aient été fragmentés au niveau de la base, nous avons repéré certaines caractéristiques générales permettant d’émettre une hypothèse sur le mécanisme utilisé dans ce type de déformation. Etant donnée la forme du frontal, aplati verticalement, l’utilisation d’une plaque en bois est une possibilité. La morphologie de l’écaille occipitale, aussi verticalisée, suggère une méthode similaire. Etant donnée la localisation des plans de compression, l’explication proposée par Imbelloni (1925b: 188) semble appropriée. Ce auteur suggère que la déformation tabulaire droite est produite par l’utilisation de la cuna, berceau à fond rigide, qui maintient le bébé en décubitus dorsal sur un plan horizontal. Le concours de ces deux plans de compression affecte par pression directe le frontal et l’occipital, et indirectement les pariétaux, dont l’expansion latérale de bosses est le trait le plus évident.

cimetière Sud

Dans le bassin de Sayula, la déformation tabulaire droite a été enregistrée également sur le site de San Juan, pendant les phases Sayula et Amacueca. La localisation des plans de compression ne semble pas correspondre avec la forme antéro-postérieure, caractéristique de Caseta. En effet, les points de pression affectent l’occipital et les pariétaux, mais on ne dispose pas de plus de précisions puisque seuls les trois types de déformation ont été considérés, « sans prétendre identifier les variations, formes ou dégrés à l’intérieur de chacun » (Uruñuela 1997: 210).

sép. isolées cimetière Nord

individu 6.4 12.2 16.5 18.2 18.4 21.1 22.1 23.1 24.1 26.1 26.2 28.1 29.2 32.5 33-34

âge jeune ad. jeune ad. jeune ad. jeune ad. jeune ad. jeune ad. jeune ad. jeune ad. ad. moyen jeune ad. jeune ad. jeune ad. adulte adulte jeune ad.

sex e m f f m m m m f m? f f f? m? m? m?

35.1 45.1 45.2 50.1 62.1 66.1 80.1 83.1

adulte jeune ad. jeune ad. jeune ad. jeune ad. 10-12 jeune ad. adolescent

f? f m? m m ? f ?

type de déformation t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure fronto-obélique fronto-obélique t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure fronto-obélique t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure élargissement latérale pariétaux t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure t. d. antéro-postérieure élargissement latérale pariétaux

t. d.: déformation tabulaire droite Tableau 81. La déformation crânienne des individus de la phase Amacueca.

Dans la localité de Ciudad Guzmán, située à 50 km au sud-est du bassin, le même type de déformation a été répertorié dans un groupe de 26 crânes isolés, datés du Postclassique. Huit d’entre eux présentaient une déformation tabulaire droite de forme antéro-postérieure, dont les pariétaux témoignent d’un sur-développement latéral, parfois symétrique (Ramírez et Acosta 1997). Par ailleurs, dans la ville voisine de Tamazula, Schöndube (1994b: 206) mentionne la présence d’une sépulture d’enfant avec une déformation tabulaire droite dont les points de compression se trouvaient contre le frontal et l’occipital. D’après ces données, il semble donc que la déformation caractéristique de Caseta était assez courante dans la région, mais seules les recherches futures pourront confirmer ou infirmer cette observation.

• Autres déformations Sur quatre crânes (18.2, 18.4, 24.1, 83.1), on note des caractéristiques différentes de celles décrites ci-dessus. La localisation de l’aplatissement postérieur se trouve au niveau de l’obélion et provoque une saillie antérieure du vertex. La convexité de l’occipital semble normale, à l’exception d’une petite portion de la région du lambda dont la courbure a été affectée par l’aplatissement obélique. Par contre, l’expansion latérale des pariétaux, ainsi que l’aplatissement frontal présente les mêmes caractéristiques que la déformation tabulaire droite déjà décrite. Ce type de déformation est similaire à la déformation tabulaire fronto-obélique décrite par Pereira (1999: 153157) dans le site pré-tarasque de Potrero de Guadalupe, dans le nord du Michoacán. Cet auteur constate une certaine similitude avec la déformation tabulaire droite, catégorie plano-frontale d’Imbelloni (1925a) qui présente un aplatissement très marqué du frontal tandis que l’occipital est peu affecté. Mais Pereira note aussi que la déformation typique de Potrero de Guadalupe ne peut pas être causée par l’utilisation d’un plan horizontal rigide (cuna). Etant donné le nombre restreint de pièces affectées par la déformation fronto-obélique à Caseta et leur conservation partielle, il nous est impossible de

9 Les valeurs de l’indice crânien horizontal distinguent la forme du crâne allongée (dolichocrâne) de 70.0 à 74.9; moyenne (mésocrâne) de 75.0 à 79.9; arrondie (brachicrâne) de 80.0 à 84.9; hyperbrachycrâne de 85.0 à 89.9; ultrabrachycrâne à partir de 90.0

154

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ b. Implications socioculturelles

déterminer la méthode appliquée aux crânes. Nous sommes pourtant d’accord avec Pereira sur le fait que la dépression de l’obélion n’est pas la conséquence de l’utilisation d’une cuna. Il propose à la place l’utilisation d’un système de courroies sagittales et transversales.

Dans la distribution de la déformation crânienne, nous avons repéré un certain rapport avec le sexe des individus, puisque 52% des cas enregistrés correspondent à des squelettes masculins, 39% à des féminins et 9% aux immatures dont le sexe est inconnu. Cette inégalité dans la distribution ne peut pas être mise sur le compte de la disproportion entre le nombre minimum d’individus des deux sexes. Bien que le nombre d’hommes comptabilisés dans la série Amacueca soit supérieur à celui des femmes (38% contre 21%) l’écart entre les deux n’est pas suffisamment important pour justifier un nombre si élevé de crânes déformés chez les hommes. Il est donc probable que cette pratique ait été préférentiellement destinée aux hommes. Mais on pourrait se demander alors sur quel critère ont été choisies les femmes dont le crâne a été déformé. Cela nous amène à analyser les signes extérieurs de richesse qui, dans le cas des sépultures, se manifestent dans la qualité et la quantité du mobilier associé. Pourtant les individus présentant le crâne déformé ne semblent pas plus riches que la moyenne et plusieurs d’entre eux ne comptent même pas d’offrandes ou de parures associées.

La déformation tabulaire fronto-obélique semble assez fréquente au Michoacán pendant le Classique puisqu’elle a été décrite dans les sites de Loma Alta (Arnaud et al. 1993, Carot 2001) et Potrero de Guadalupe (Pereira 1999), mais aussi à El Palacio (Lumholtz 1987) dont l’occupation correspond au Postclassique. Les trois cas rencontrés à Caseta témoigneraient ainsi d’une influence du Michoacán qui aurait trouvé son expression dans le bassin de Sayula pendant la phase Amacueca. Finalement, dans deux cas (crânes 33-34 et 83.1) un élargissement latéral des pariétaux est évident, mais l’absence d’autres os crâniens rend impossible leur rattachement à une des déformations crâniennes définies ici. Il est également impossible de déterminer si elles peuvent constituer un troisième type de déformation antemortem, ou simplement une déformation post-mortem, conséquence de la pression des sédiments. Nous nous contenterons donc de les comptabiliser puisque la déformation est certaine.

Un autre détail qui a attiré notre attention est la rareté d’immatures dont le crâne a été déformé. En l’occurrence, un seul individu d’entre 10 et 12 ans est concerné, le 66.1 qui se trouve parmi les sépultures isolées. Il serait pourtant naturel de trouver un plus grand nombre d’immatures déformés, puisque cette pratique doit se mettre en place pendant la première enfance pour profiter de la malléabilité des os de la voûte crânienne. Il est probable que la proportion élevée des dépôts secondaires parmi les immatures empêche d’avoir un aperçu correct de la question. En effet, les crânes étaient systématiquement absents des inhumations infantiles en dépôt secondaire. Parmi eux pourrait se trouver le nombre espéré de déformations.

Plusieurs auteurs (Gervais 1989, Crubézy 1999, Tiesler 1998) mentionnent la présence de modifications morphologiques comme conséquence de la déformation. La plus évidente est, sans doute, l’asymétrie des bosses pariétales (plagiocéphalie) qui se présente dans deux crânes à Caseta (individus 18.4, 22.1). Dans ces deux cas, le côté gauche est plus fortement développé. Cette particularité a été signalée parmi les crânes de la zone maya (Gervais 1989, Tiesler 1998), dans la série de Potrero de Guadalupe au Michoacán (Pereira 1999) et pour les crânes isolés de Ciudad Guzmán au Jalisco (Ramírez et Acosta 1997). Cette caractéristique peut aussi correspondre à un phénomène physiologique puisque une certaine asymétrie est normalement visible entre les deux hémisphères de l’encéphale. Mais celle-ci n’est jamais aussi marquée que sur les crânes déformés, en particulier dans le cas des déformations tabulaires droites (Tiesler 1998: 46).

En ce qui concerne le rapport entre type de déformation et sexe, une différence est évidente puisque la variante fronto-obélique est exclusive des crânes masculins (individus 18.2, 18.4 et 24.1). D’autre part, ces trois corps ont été inhumés dans le cimetière Sud, et deux d’entre eux (18.2 et 18.4) dans la même sépulture. Rappelons que cette pratique a été ci-dessus comparée aux exemples identifiés au Michoacán. Cette question nous amène à mentionner les différentes manifestations spatiales de la déformation. En effet, le tableau 81 montre la proportion du nombre de crânes déformés présents dans chaque secteur funéraire. Le cimetière Sud compte 20 cas, sur 38 observables, le Nord deux cas sur cinq et, finalement, un seul crâne se trouve parmi les sépultures isolées. Etant donné le faible nombre de cas observables dans le cimetière Nord, la comparaison de cette pratique entre les deux cimetières n’apparaît pas pertinente.

L’analyse des crânes déformés de Caseta a révélé la présence d’os suturaire lambdoïde: sept cas sur déformation tabulaire droite antéro-postérieure et deux cas sur déformation fronto-obélique. Ce trait semble être une conséquence de la déformation (Gervais 1989, Crubézy 1999, Tiesler 1998), surtout de type tabulaire droit. D’autres anomalies ont été mises en rapport avec la déformation crânienne: une convexité moins importante que la normale du bord supérieur de l’écaille temporale; l’hypervascularisarion de zones de l’exocrâne soumises à compression (Gervais 1989, Tiesler 1998); la persistance de la suture métopique (Crubèzy 1999). Aucun de ces traits n’a été repéré dans les crânes déformés de Caseta, mais il faut rappeler que leur état fragmentaire empêche une analyse visuelle globale. 155

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ 2. Mutilation dentaire

sujet

La mutilation dentaire, largement répandue parmi les populations mésoaméricaines depuis le Préclassique jusqu’à la Conquête, était pratiquée à des fins esthétiques, liées à la pensée religieuse. Toutefois, on ne peut exclure des intentions thérapeutiques, dans le cas des incrustations (Romero 1974: 243). La présence de dents mutilées dans une population donnée nous renseigne par ailleurs, sur ses connaissances en anatomie dentaire ainsi que sur l’utilisation possible d’anesthésiques sans lesquels cette pratique se révèle très douloureuse. Le limage et l’incrustation sont les deux techniques utilisées; seule la première était présente dans l’échantillon dentaire du site de Caseta. Afin d’enregistrer et de décrire les mutilations dentaires de façon convenable, nous avons utilisé la classification établie par Romero (1958: 23-25, 1986: fig. 1). Cet auteur a repertorié 54 formes de mutilation divisées en sept types désignés par des lettres de A à G. Ces types ont été définis en fonction de la localisation, de la modification et de la technique employée. Ainsi, les trois premiers sont définis par la mutilation du contour de la dent; les types D et E correspondent aux altérations dans la face antérieure; tandis que les types F et G comportent à la fois des modifications dans le contour et dans la face antérieure de la dent. Chaque type est subdivisé en formes désignées par un numéro. Cette classification a l’avantage d’être utilisée de façon systématique par les archéologues travaillant en Mésoamérique, ce qui permet les comparaisons avec le matériel de n’importe quelle région mesoaméricaine. Sur un total de 152 individus correspondant à la phase Amacueca, 36 présentaient des dents mutilés, dont trois dans le cimetière Nord, et 33 dans le Sud (tableau 82). Nous pouvons constater que le grand nombre de pièces absentes, notamment dans la mandibule, rend difficile la compréhension globale des modes de mutilation. Il est cependant évident que les dents maxillaires sont les plus affectées par les mutilations et, par conséquent, présentent la plus grande variété. Ainsi, nous constatons que 34 maxillaires présentent des pièces dentaires mutilées, contre seulement 12 mandibules. Le nombre de sujets dont les pièces mandibulaires et maxillaires sont simultanément concernées est de 10.

3.1 6.2 6.4 9.1 11.1 12.2 16.1 16.2 18.1 21.1 26.1 26.4 27.1 28.1 32.1 32.3 37.1 38.1 45.1 46.1 49.1 53.1 54.1 54.3 57.1 60.1

sex e m? ? m m? f? f f f ? m m f? m? f? m m? f? m f m? m? m? f m? m? m

61.1

m?

62.1 63.1 67.2 68.2

m ? m? m

69.1 70.1 81.1 88.1 95.1 36

f m f f f total

mandibule IMD IMG

âge

ILD

j. ad. adulte j. ad. ad. m. ad. m. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. j. ad. ado. j. ad. j. ad. j. ad. subad. subad. j. ad. j. ad. j. ad. subad. j. ad. j. ad. j. ad. ad. m. ad. m.

F4 / / -A1 --/ / A1 / / A1 / A2 / -/ -F4 -/ F4 --?

B1 -/ -/ --/ / A1 / / / / A2 A1 -/ -/ A1 / F4 --B2

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ILG

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ILG

/ -/ -/ --/ / A1 / / / / / A1 -/ -F4 A1 A2 F4 --B2

F4 / / -A1 --/ / A1 / / / / / / -/ -/ -/ F4 --?

A1 / / A2 / A1 / / / F4* / / / / / / A1 / / F4 -/ A1 A1 A1 F4

A2 A1 A1 A2 / / A2 A2 A1 / A2 A2 / A2 A2 / A2 A2 / / A2 A2 A2 A2 / F4

A2 / A1 A2 / / A2 A2 A1 A2 A2 / / A2 A2 A2 / A2 A1 / A2 A2 A2 A2 A2 F4

/ / / / / A1 / / / F4 A2 / / / A2 / / / / F4 -/ A1 A1 / F4

/

/

/

/

A2

/

/

-/ -/

-/ -/

-/ -/

-/ -/

A1 A1 A1 /

/ A2 / A1

A2 / A2 A1

A1 / A1 A2

-/ --/ 6

F4 / --/ 8

F4 / --/ 8

-/ --/ 3

/ / A1 / / 14

A1 A2 A2 / A2 25

A1 / A2 A2 / 25

/ / A1 A1 / 13

I= incisive, L= latéral, M= médial, D= droit, G= gauche; -- non mutilé, / pièce absente, Tableau 82. Les mutilations dentaires par type, phase Amacueca.

Quant aux mutilations présentes dans l’échantillon funéraire Amacueca, nous en avons enregistré cinq types: A1, A2, B1, B2 et F4 (figure 118). Le plus commun est le A2 avec 45 cas, tandis que le plus rare est le B1 avec seulement un cas.

• Type A1. Il s’agit d’une encoche triangulaire réalisée dans le bord occlusal de la dent. Romero (1958: 35) précise que ce type de mutilation apparaît le plus souvent dans les incisives supérieures et en moindre mesure chez les inférieures et les canines. Nos observations sur le matériel de Caseta semblent le confirmer puisqu’on compte 37 incisives avec cette mutilation.

Les dents affectés par ce genre de pratique sont en général les incisives, mais nous avons enregistré quatre cas de canines modifiées. Nous y reviendrons ci-dessous. Pour l’instant, il est d’abord nécessaire de décrire les types de mutilation trouvés dans notre échantillon (figure 41):

• Type A2. Ce type présente deux encoches triangulaires sur la superficie occlusale des incisives centrales supérieures et non pas des canines (ibid.). Cette mutilation est la mieux représentée dans notre série osseuse, avec 45 exemples. Elle correspond, en effet, à des incisives centrales, mais aussi latérales.

156

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ 68.2, 45.1, 69.1), mais l’absence répétée des latérales empêche toute analyse de combinaison. L’exception est l’individu 68.2 dont l’incisive latérale gauche est mutilée, dans le type A2.

• Type B1. Il s’agit d’une encoche oblique qui modifie le bord occlusal et mésial de la dent. Cette mutilation peut être considérée comme la conséquence accidentelle du travail sur les dents collatérales (Romero 1958: 41). Le seul cas de ce type présent dans notre échantillon correspond à une incisive centrale inférieure, dont l’angle formé par le bord occlusal et distal a été limé. Bien que la localisation de la mutilation soit différente de celle décrite par Romero, son caractère accidentel est probable puisque la dent latérale contiguë présente une mutilation du type F4.

Dans les deux cas pour lesquels les incisives centrales sont absentes, on remarque une asymétrie quant aux types de mutilation. En effet, pour l’individu 12.2 l’incisive latérale droite correspond au type B1, tandis que la gauche est du type A1. En ce qui concerne l’individu 46.1 le côté droit est du type F3, tandis que le gauche est du type F4. Mais ceci pourrait s’expliquer par la similitude morphologique entre les types A1 et B1 et les types F3 et F4. Dans le premier cas, il suffit que l’une des saillies de la dent soit plus usée que l’autre pour basculer du type A1 au B1. De la même manière, il suffit que les angles de la dent soient plus aiguisés pour passer du type F3 au F4. Il est donc fort probable que la symétrie entre les incisives soit la règle sans exception, du moins pour le maxillaire.

• Type B2. Cette mutilation, probablement accidentelle, est similaire au type antérieur, sauf que la forme est concave et se trouve, généralement, dans l’angle mésial des pièces latérales aux dents mutilées (ibid.). Les deux exemples dont nous disposons sont deux incisives centrales inférieures qui proviennent de la même mandibule, mais dont l’angle affecté est, dans les deux cas, le distal. Malheureusement les incisives latérales sont très érodées et nous sommes dans l’impossibilité de confirmer le caractère accidentel de la mutilation.

Le seul cas pour lequel les quatre incisives présentent le même type de mutilation est celui de l’individu 60.1, dont le type pratiqué est F4 (photo 13).

• Type F4. Dans ce type de mutilation qui apparaît dans les incisives supérieures et inférieures ainsi que dans les canines, la dent présente dans chaque angle une encoche concave. L’une d’entre elles étant plus profonde, peut se trouver indistinctement du coté mésial ou distal. La superficie occlusale est arrondie (Romero 1958: 47). Nous avons enregistré 17 pièces avec ce type de mutilation, qui en effet est pratiquée principalement sur les incisives, mais aussi sur une canine inférieure droite.

b. La mandibule Le nombre des dents de la mandibule affectés par une mutilation dentaire est plus réduit que dans le maxillaire; cependant les pièces les plus sollicitées sont toujours les incisives centrales avec huit cas de chaque côté, ensuite les latérales droites avec six cas et, enfin, les latérales gauches avec trois cas. D’autre part, les types repérés dans la mandibule sont les cinq mêmes: A1, A2, B1, B2, et F4. Les deux premiers et le dernier sont communs au maxillaire et à la mandibule, tandis que B1 et B2 sont exclusifs de cette dernière.

a. Le maxillaire Etant donné que les pièces maxillaires sont les plus affectées par cette pratique, nous allons les analyser en priorité. Le tableau 82 met en évidence que les dents les plus concernées sont les incisives centrales supérieures, avec 25 pièces affectées de chaque côté, puis les latérales avec 14 du côté droit et 13 du côté gauche. L’absence de plusieurs d’entre elles empêche de fournir une comptabilisation absolue, mais la tendance est claire.

Bien que l’absence de dents mandibulaires, plus marquée que pour les maxillaires, puisse influencer notre perception du phénomène, il n’en est pas moins vrai qu’une quantité importante des pièces n’est pas concernée par cette pratique. En effet, 11 sujets présentent les incisives de la mandibule intactes, tandis que celles du maxillaire sont mutilées (individu 9.1, 12.2, 16.1, 37.1, 45.1, 54.3, 57.1, 62.1, 67.2, 81.1, 88.1).

Pour les incisives centrales, le type A2 était le plus répandu, tandis que pour les latérales le plus commun est le type A1 (photo 11 et 12). Il est donc évident que la combinaison des types A2 et A1 est la plus souvent rencontrée dans la dentition maxillaire puisqu’elle concerne neuf cas (individus 37.1, 54.1, 54.3, 57.1, 62.1, 67.2, 68.2, 81.1, 88.1). Ensuite, la combinaison du type A2 pour les incisives centrales avec un autre type pour les latérales concerne six individus. Dans trois cas, les latérales présentent aussi le type A2 (individu 9.1, 26.1, 32.1), et les trois autres respectivement les types B1 (individu 3.1), F4 (individu 21.1) et B6 (individu 63.1). L’individu 49.1 est une exception puisque ses incisives centrales sont un exemple du type A2, mais les latérales n’ont pas été touchées.

La rareté des incisives rend difficile l’appréciation des patrons, mais nous avons enregistré deux cas pour lesquels les quatre incisives présentent le même type de mutilation: l’individu 21.1 (type A1, figure 14) et le 54.1 (type F4). Ensuite, il existe deux cas avec les deux incisives centrales avec le même type de mutilation (individus 32.3-A1, 60.1- B2); puis, encore deux cas pour lesquels les deux latérales sont identiques (individus 3.1, 11.1). Deux autres cas sont composés par des incisives centrales avec le même type de mutilation, tandis que les latérales sont intactes (individus 49.1-A1 et 69.1-F4). L’individu 3.1 mérite une mention spéciale puisqu’il s’agit du seul cas de mandibule où des types de mutilation différents ont été appliqués aux incisives centrales (B1) et latérales (F4).

Le type A1 a été aussi enregistré six fois pour les incisives centrales du maxillaire (individu 6.2, 6.4, 18.1, 157

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ modèles repérés dans la mandibule était justement la répétition du même type de mutilation. Il semblerait que cette règle fonctionne aussi pour les canines.

c. Les canines Quatre cas méritent une mention à part: il s’agit des individus 54.1, 60.1, 61.1 et 65.1 dont les canines sont aussi mutilées. Dans le cas des individus 54.1 et 60.1 seules étaient conservées les canines inférieures droites qui présentent respectivement des mutilations du type F4 et B2. En ce qui concerne l’individu 61.1, il s’agit de la canine supérieure droite, dont la mutilation est du type C1. Il faut signaler que ce type de mutilation ne s’applique pas aux incisives de notre échantillon. La canine mutilée de l’individu 65.1 correspond au maxillaire gauche; le type de mutilation est le C6 qui ne se retrouve pas parmi les incisives enregistrées. Ces deux derniers cas suggèrent un rapport direct entre le type de pièce dentaire et le type de mutilation employée. En ce qui concerne les individus 54.1 et 60.1, seules les pièces sont différentes, puisque le type de mutilation se retrouve dans les incisives. Etant donné le caractère exceptionnel de la mutilation, il faut alors avoir une vision de l’ensemble de la dentition. D’abord, l’individu 54.1 est le seul qui présente les huit incisives mutilées selon la formule suivante: CD ILD IMD IMG ILG CG maxillaire A1 A2 A2 A1 mandibule F4 F4 F4 F4 F4

Ensuite l’individu 60.1: CD ILD maxillaire F4 mandibule B2 ?

IMD IMG F4 F4 B2 B2

ILG F4 ?

CG

Puis l’individu 61.1: CD ILD maxillaire C1 / mandibule /

IMD IMG A2 / / /

ILG / /

CG

d. Les modèles repérés L’aspect général de la dentition mutilée est particulièrement significatif pour comprendre les modèles utilisés par la population. Dans les cas pour lesquels les incisives de la mandibule sont intactes, les dents du maxillaire présentaient exclusivement deux types de mutilation: A1 et A2, combinés de façon variée. Il existe divers modèles (figure 119): • Les incisives supérieures centrales mutilées selon le type A2 et latérales, A1. Ce modèle est présent sur au moins 10 défunts (3.1, 37.1, 54.1, 54.3, 57.1, 62.1, 63.1, 67.2, 81.1, 88.1). Dans cinq cas (12.2, 53.1, 61.1, 70.1, 95.1) le nombre des dents absentes rend impossible la confirmation, mais les pièces présentes semblent le suggérer. Nous avons repéré neuf cas pour lesquels tant les pièces de la mandibule que celles du maxillaire sont mutilées. Une fois encore l’absence de certaines pièces n’a pas permis d’avoir un aperçu global des combinaisons de mutilations au sein d’une même dentition. Il a été cependant possible d’observer certaines tendances: • Toutes les incisives ont le même type de mutilation. Bien que certaines pièces soient absentes de la dentition des individus 32.1 et 46.1, on peut déduire d’après les présentes que les huit incisives auraient subi le même type de mutilation. Dans le premier cas, il s’agit du type A2, tandis que pour le deuxième, c’est le F4. • Les incisives supérieures présentent deux types de mutilation: une pour les deux centrales, une autre différente pour les deux latérales, tandis que pour les inférieures un seul type de mutilation existe. Celui-ci est différent des deux précédents. Nous avons ainsi les individus 21.1 (photo 11) et 54.1 pour lesquels les types sont les suivants:

Enfin, l’individu 65.1 dont la canine supérieure gauche présente une mutilation du type C6, tandis que l’ensemble des incisives est absent. Dans les deux premiers cas, nous notons une symétrie entre le type de mutilations des canines et des incisives inférieures. En ce qui concerne le troisième cas, les deux pièces, l’incisive centrale et la canine droite, présentent des mutilations différentes: A2 et C1 respectivement.

maxillaire mandibule

Bien que les données présentés ci-dessus ne soient pas suffisantes pour fournir des certitudes sur les modèles de mutilation dentaire impliquant des canines, il faut tout de même signaler que les canines inférieures des individus 54.1 et 60.1 présentent le même type de mutilation que les incisives. Cela s’accorde avec le fait que l’un des

IL D F4 A1

individu 21.1 IM IM IL D G G / A2 F4 A1 A1 A1

IL D A1 F4

individus 54.1 IM IM IL D G G A2 A2 A1 F4 F4 F4

Bien qu’isolés, il faut aussi mentionner deux cas qui illustrent d’autres modalités. D’abord l’individu 49.1 pour lequel les incisives centrales du maxillaire présentent une mutilation du type A2, et celles de la mandibule le type A1. Les quatre latérales sont intactes.

158

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________

type A1

A2

B1

B2

F4

no. de cas 37

45

1

3

17

0 C 0 0 C 0 0 C 0 0 C 1 C 1

9 IL 3 1 IL 1 0 IL 0 0 IL 0 3 IL 2 droite

5 IM 3 19 IM 1 0 IM 1 0 IM 1 1 IM 2

fréquence 5 7 IM IL 3 2 19 3 IM IL 1 0 0 0 IM IL 0 0 0 0 IM IL 1 0 1 3 IM IL 3 2 gauche

0 C 0 0 C 0 0 C 0 0 C 0

masculin. Toutefois, la proportion d’effectifs mutilés à l’intérieur de chaque sexe montre que cette pratique est finalement légèrement plus courante chez les femmes (13 femmes sur 31, contre 20 hommes sur 58).

maxillaire / 26 mandibule /11 maxillaire / 42

En ce qui concerne les modèles de mutilation dentaire, nous avons observé certaines constantes chez les femmes. D’abord, la plupart d’entre elles présentent, sur leurs incisives supérieures centrales, le type de mutilation A2 (10 cas sur 13). Ensuite, sur 11 individus dont les incisives inférieures sont intactes, six sont des femmes tandis qu’un seul cas correspond à un squelette masculin et les quatre restants à des individus probablement masculins.

mandibule / 3 maxillaire / 0 mandibule / 1 maxillaire / 0 mandibule / 3 maxillaire / 8

C

Il est nécessaire d’introduire ici un commentaire concernant les différences entre les deux cimetières quant aux mutilations dentaires. D’abord, le nombre d’individus concernés par cette pratique est nettement plus important dans le cimetière Sud que dans le Nord, puisque dans le premier il correspond à 28% des effectifs, tandis que dans le Nord il représente à peine 10% de la population. Le sexe des individus mutilés constitue un autre point de divergence: dans le cimetière Sud, l’échantillon est composé principalement de squelettes masculins, tandis que les trois cas du cimetière Nord correspondent à des squelettes féminins. Enfin, les modèles de mutilation, nombreux dans le Sud, se réduisent à un seul dans le Nord: A1-A2-A2-A1 pour les incisives supérieures tandis que les inférieures sont intactes. Le fait que le nombre d’individus mutilés ne soit pas comparable constitue déjà un indice de différenciation entre les deux cimetières.

mandibule /10 total 104

Tableau 83. Fréquence des types de mutilation dentaire par pièce. Ensuite l’individu 60.1, dont les quatre incisives du maxillaire ont une mutilation F4, tandis les deux centrales de la mandibule correspondent au type B2. Les deux latérales de la mandibule sont très érodées, ce qui empêche de déterminer l’existence d’une mutilation. Enfin, l’individu 3.1 présente quatre types de mutilations différentes: A2 pour les incisives centrales supérieures, B1 pour les latérales supérieures; B1 pour les centrales inférieures, F4 pour les latérales inférieures. Il s’agit d’un modèle tout à fait exceptionnel dans l’échantillon Amacueca.

Quant à l’âge des individus à dents mutilées, la plupart d’entre eux (27 cas) correspond à la catégorie des j.s adultes; quatre cas correspondent aux adultes moyens; trois aux sub-adultes; un à un adolescent; et le dernier à un adulte sans âge spécifique (tableau 84). Cela s'accorde avec la tendance générale de la population Amacueca du site, dont la majeure partie est décédée entre 21 et 35 ans. D’après Romero (1958: 166) cela pourrait indiquer que cette pratique avait lieu une fois que le sujet arrivait à l’âge adulte ou même après. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer les quatre cas où les sujets n’ont pas encore atteint cet âge. En effet, l’individu 53.1 qui avait environ 15 ans au moment du décès, ainsi que les 60.1, 61.1 et 68.2 qui se situaient entre 16 et 21 ans ne correspondent pas à la définition biologique d’adulte, même si du point de vue social c’était certainement le cas. Cependant, pour les trois derniers cas, la dentition avait fini de se développer, et on pourrait les considérer comme adultes du point de vue dentaire.

Si l’on considère les types de mutilation par rapport aux fréquences enregistrées pour chaque pièce dentaire, certaines tendances deviennent apparentes. Comme nous l’avons signalé ci-dessus (tableau 83), les dents maxillaires sont les plus concernées par ce type de pratique. Le type A2, le plus fréquent de notre échantillon, se trouve surtout appliqué à des incisives médianes, rarement dans les latérales et encore moins sur les inférieures. Il est évident que ce type de mutilation était le plus prisé puisqu’elle occupait la position la plus visible. En revanche, le type A1 se trouve le plus souvent dans les pièces latérales, puis dans les médianes et les inférieures. Le type F4 se trouve équitablement réparti dans les huit incisives, mais on compte aussi un exemple sur une canine. En ce qui concerne les types B1 et B2, leur présence est plutôt occasionnelle, puisque seulement quatre pièces, y compris une canine, en sont porteuses, mais elles correspondent toutes à la mandibule. Nous distinguons là une autre tendance.

L’absence d’enfants avec mutilations dentaires est évidente: aucun squelette de moins de 15 ans ne présente de traces de cette pratique culturelle. Toujours d’après Romero (ibid.), la mutilation exercée sur des sujets immatures entraînait la formation d’abcès. Cette pratique culturelle a dû se plier à des contraintes ostéologiques et sanitaires. L’absence de mutilation dentaire chez les sujets immatures, et la qualité du travail chez les adultes, suggère que la population du site maîtrisait très bien cette

e. Mutilation, âge et sexe Sur un total de 36 individus présentant des dents mutilées, nous avons enregistré 20 squelettes masculins et 13 féminins. Ces chiffres paraissent reflèter la situation générale de l’échantillon funéraire de la phase Amacueca, pour lequel la majeure partie des individus est de sexe 159

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ mentionné (‘A1-A2-A2-A1’). Par ailleurs, l’ensemble des incisives inférieures avec des mutilations du type A1 est aussi répertorié.

technique. Cela implique qu’elle bénéficiait de l’expérience acquise antérieurement par des populations proches avec lesquelles elle aurait été en contact.

M 20 56 %

sexe F 13 36 % 36

?

ado

3 8%

1 3%

subad 3 8%

âge ad. 1 3% 36

j.ad 27 75 %

admoyen 4 11%

D’autre part, la région de Michoacán au Postclassique (époque tarasque), compte plusieurs exemples de ce modèle de mutilation. Sur le site de Tzintzuntzan, un défunt a été répertorié (Cabrero 1995: 51), ainsi que pour ceux de San Antonio Carupo (Faugère-Kalfon 1996: 78) et El Palacio (Lumholtz 1987: 426). Pour le site d’Apatzingán (Arriaga 1993: 295), en plus de l’individu avec le patron mentionné, un deuxième comporte les deux incisives centrales supérieures mutilées selon le modèle A2, tandis que les latérales sont intactes. Uruñuela (1997: 207) considère cette configuration comme une variation du patron antérieur. Sur le site de Caseta, cette variété a été aussi enregistrée pour l’individu 49.1. De plus, dans le même site, des cas de mutilation B2 ont été répertoriés. Bien que rare, ce dernier type est aussi présent à Caseta chez l’individu 60.1. A Milpillas (Puaux 1989) neuf individus présentent la disposition ‘A1-A2-A2-A1’, tandis qu’un seul est mutilé selon le type B2.

mobilier pré- absensence ce 28 8 78% 22% 36

Tableau 84. Caractéristiques principales des 36 individus présentant des mutilations dentaires, phase Amacueca. Il est donc probable que cette pratique était réservée à une certaine catégorie de la population, qui, comme nous l’avons déjà discuté, exclut les enfants pour des raisons sanitaires, mais qui s’applique aux deux sexes avec une préférence pour les hommes. Sur 36 défunts avec mutilation dentaire, 28 avaient du mobilier funéraire associé, soit des offrandes de vases en céramique ou d’outils en pierre taillée, soit des bijoux ou des ornements de vêtements. Un second critère de sélection serait donc la richesse matérielle de l’individu.

Etant donnée la rareté des effectifs mutilés, nous ne pouvons pas prétendre retrouver systématiquement le modèle appliqué dans l’ensemble de la dentition. A Zinapécuaro, Michoacán, les types A1, A2, B1 ont été identifiés (Romero 1958: 95), mais on ignore tout autre détail sur la découverte. De la même façon Lumholtz reporte la présence des types A1 et A2 à Zacapu en signalant leur association à des grelots en cuivre. Cela semble indiquer leur appartenance chronologique à la période tarasque (ibid).

e. Comparaisons Le type de mutilation A1 a été enregistré sur un crâne dont le site d’origine est probablement Jacona, au Michoacán, mais qu’il résulte difficile de situer chronologiquement (Romero 1958: 95).

Visiblement, Apatzingán et Milpillas sont donc les sites du Michoacán qui présentent, à notre connaissance, le plus grand nombre de mutilations comparables avec celles du site de Caseta: on y retrouve non seulement les types A1, A2, B2, mais également la disposition A1-A2A2-A1.

Les types A1 et A2 ont été repérés à la période Classique au Michoacán. Dans le site Loma de Jarácuaro (Arnauld et al. 1993: 78), le type A1 a été répertorié dans l’ensemble des incisives inférieures d’un individu qui avait, par ailleurs, les incisives centrales (type B4) ainsi que les latérales et les canines supérieures limées (type A4). D’autre part, le type A2 a été enregistré dans le matériel Classique de Tingambato (Lagunas 1987). Toujours pour l’époque Classique, le site de Potrero de Guadalupe (Pereira 1999) compte, parmi d’autres exemples, un individu avec mutilation de type A1 sur les incisives et sur les canines supérieures, tandis que le type A2 est présent dans une incisive centrale supérieure droite. En époque pré-tarasque, sur le site de Cerro Escuintla, Lister (1949: 87) mentionne la présence d’au moins un squelette avec mutilation du type A2.

Finalement, les types A1, B2, et F4 ont été identifiés, parmi d’autres (B3, C6, C7), dans les sépultures fouillées du site de Guasave au Sinaloa (Ekholm 1942). Celles-ci ont été datées d’entre 1000 et 1100 après J. C. On a vu ci-dessus que, à Caseta, la présence de mutilations semble associée à une certaine richesse du mobilier funéraire, ce qui suggère un lien entre le statut économique et cette pratique culturelle. Si l’on considère, par ailleurs, que tant les types de mutilations que les modèles suivis seraient déjà présents au Michoacán dès l’époque Classique, on peut envisager que les populations du bassin de Sayula aient hérité du savoir-faire des habitants de Michoacán. L’absence de ce type de mutilation sur un échantillon de 51 individus en phase Sayula dans le site de San Juan (Uruñuela 1997: 204-207) tend à confirmer que cette pratique n’existait pas à l’époque Classique dans le bassin.

Comme nous l’avons signalé ci-dessus, le modèle dentaire le plus répandu dans le site de Caseta concerne les dents du maxillaire et correspond aux incisives centrales mutilées selon le type A2, et les latérales selon le type A1. Le même modèle a été repéré sur le site de San Juan de Atoyac du bassin de Sayula. En effet, parmi les restes de la phase Amacueca, quatre individus avec les dents mutilées ont été enregistrés (Uruñuela 1997: 205). Deux cas dans cette série confirment le modèle 160

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ Les indicateurs de stress sont, pour leur part, des concepts développés par les anthropologues pour l’étude des populations du passé et « correspondent généralement à des variations morphologiques en rapport avec des troubles de la croissance. Ainsi, une carence en nourriture ou en vitamines ou une maladie infectieuse au cours de la croissance peuvent entraîner un ralentissement de celleci. Si le sujet survit à cet épisode, les os en cours de croissance et les dents en cours de minéralisation peuvent en garder la trace sous la forme d’une ligne visible à la radio (ligne de Harris) sur les os longs ou une diminution d’épaisseur de l’émail sur les dents (hypoplasie) » (Crubézy 2000: 49).

C. L’état sanitaire de la population de la phase Amacueca L’étude de l’état sanitaire des groupes humains archéologiques se bâtit à partir de l’analyse des lésions osseuses et dentaires, ainsi que des maladies comme l’arthrose, les caries, et les indicateurs de stress (Crubézy et al. 2000: 46-48). Ces affections constituent une manifestation des conditions de vie et de santé du groupe étudié. Cependant de nombreux symptômes des maladies mentionnées ci-dessus, ainsi que d’autres maux nous restent inconnus en raison de leur action exclusive sur du tissu mou. La variole, qui décima la population mésoaméricaine au moment du contact espagnol, en est un bon exemple. Dans d’autres cas, l’agent infectieux et le sujet n’ont pas coexisté le laps de temps nécessaire pour que le premier atteigne l’os (Ortner 1992: 5).

Afin d’évaluer l’état sanitaire de la population de la phase Amacueca du site de Caseta, nous allons rechercher les différentes catégories de pathologies mentionnées cidessus, ainsi que les indicateurs de stress sur notre série osseuse.

Il est donc évident que l’analyse de l’état sanitaire d’une population du passé bute sur de nombreuses restrictions qui, d’après Uruñuela (1997: 214), peuvent se synthétiser en trois points principaux: les conditions de préservation, la validité représentative et la nature des affections. En effet, en raison de sa fragilité, l’état de conservation du matériel osseux détermine la détection d’une possible pathologie ou d’une anomalie. Quant à la validité représentative de la série étudiée, il faut garder à l’esprit, tout au long de l’analyse, qu’on ne dispose pas de l’ensemble de la population. Par conséquent, l’interprétation des signes de maladie ou de stress devrait, au moins, tenir compte du rapport de proportionnalité entre la population inhumée et la population inhumante, même si l’on est dans l’impossibilité de le déterminer. D’autre part, la fouille partielle d’un secteur funéraire ainsi que la conservation différentielle affectent de manière directe les effectifs. La nature des affections, comme nous avons déjà signalé, correspond à leur capacité de laisser des traces sur l’os sec. Comme le signale Uruñuela (1997: 215): « Même si Ortner (1992: 5) a calculé qu’environ 15 % des squelettes d’une série archéologique nord-américaine typique présentent des évidences de maladies significatives, leur absence dans les 85% restants ne nous fournit pas un aperçu de leur bonne santé, mais de l’incapacité des affections d’atteindre le tissu osseux ».10

1. Les indicateurs de stress L’appauvrissement de l’entourage naturel ou artificiel d’une population, nommé aussi stress, est la partie centrale de l’étude de santé et du bien-être des populations humaines anciennes et actuelles. D’après le modèle de Goodman (1991, cité par Larsen 1997), le milieu naturel fournit tant les ressources nécessaires à la survie que les facteurs de stress qui peuvent affecter l’état sanitaire de la population. Les systèmes culturels, de leur côté, sont une sorte de protection puisqu’ils procurent les comportements nécessaires à l’extraction des nutriments du milieu naturel. Mais tous les facteurs du stress ne peuvent être complètement contrés et quelques-uns infiltrent les systèmes culturels. D’autres facteurs de stress peuvent d’ailleurs être provoqués par le contexte socio-culturel lui-même. Dans ces cas, la réponse de l’individu au stress est observable au niveau de l’os et des dents. Etant donné que les désordres physiologiques renvoient directement aux contraintes environnementales et aux systèmes culturels, ce modèle considère la santé comme une variable du processus adaptatif (Larsen 1997: 6). En anthropologie, les indicateurs de stress sur les os et les dents peuvent être mesurés empiriquement et l’utilisation de plusieurs d’entre eux amène à une compréhension globale du processus stress-adaptation dans le passé. Parmi les plus utilisés se trouvent les lignes de Harris, la déficience en fer et l’hypoplasie (Larsen 1997: 29-46), dont tant la présence que l’absence au sein de la population étudiée est significative pour l’évaluation de son état sanitaire.

L’ensemble des maladies qui affectent un groupe humain est l’expression du stress et de l’effort fourni par les individus dans le processus d’adaptation au milieu naturel. Par conséquent, la présence ou l’absence des diverses pathologies dans une population n’est pas un pur produit du hasard, mais d’une conjonction de facteurs qui comprennent les attitudes adoptées par la société face au milieu naturel ainsi que la résistance individuelle aux agressions environnementales.

a. L’hypoplasie La conservation des pièces dentaires est, en général, meilleure que celle des os, car leur constitution principalement minérale les rend plus résistantes aux destructions physico-chimiques. Par ailleurs, les dents sont sujettes à l’influence des divers facteurs du milieu

10

« Aunque Ortner (1992: 5) ha calculado que alrededor de un 15% de los esqueletos de una muestra arqueológica norteamericana típica suelen presentar evidencia de enfermedades significativas, la falta de ella en el 85% restante no nos da una medida de su salud sino de la incapacidad de los padecimientos de incidir en el tejido esquelético »

161

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ différence des pourcentages n’est pas très marquée, il faut tout de même la signaler et noter que la proportion d’individus atteints est plus importante dans le cimetière Sud.

naturel et, par conséquent, exposées à des influences physiques différentes à celles du reste du squelette (White et Folkens 1991: 352). C’est pourquoi les pièces dentaires sont une source d’information importante dans l’évaluation des conditions de vie et de santé d’un groupe (Uruñuela 1997: 154).

b. Les lignes de Harris

Le matériel dentaire a été pris en compte pour la détermination de l’âge des individus (chapitre VI). Nous allons à présent analyser le type et la fréquence des pathologies comme indicateurs de l’état sanitaire de la population.

La présence des lignes de Harris sur les os longs ou sur des sections irrégulières du squelette telles que le scapula, ou l’ilium, est la preuve la plus fiable qu’un individu a subi une influence négative de son milieu naturel. Ces lignes opaques, perceptibles sur une radiographie, sont associées à des déficiences alimentaires ou à des maladies qui retardent le développement normal de l’os (Larsen 1997: 40). Leur appréciation demande une radiographie de chaque os long, sans préjuger des résultats. Cela implique un nombre de prises important, et donc, des frais élevés. Devant l’impossibilité de procéder à une telle démarche, nous avons plutôt porté l’attention sur d’autres indicateurs de stress comme la déficience en fer.

L’hypoplasie est une anomalie dans le développement de l’émail dentaire, qui se manifeste au niveau macroscopique, seulement dans des cas aigus, par des dépressions transversales en forme de bande sur la couronne de la dent (Brothwell 1972: 152). Ces dépressions de profondeur variable, sont produites par un manque de sels de calcium à une période donnée pendant la croissance des dents et produisent un amincissement de l’émail. L’hypoplasie est le résultat de trois causes potentielles: anomalies héréditaires, traumas et stress métabolique. Etant donné que les deux premières causes sont rares dans les populations humaines, la grande majorité des cas d’hypoplasie détectés dans les populations archéologiques est en rapport avec le stress physiologique (Larsen 1997: 45). Ainsi, les périodes de manque de calcium coïncident avec des problèmes de santé de l’individu tels que des maladies infectieuses, de fortes fièvres, et un manque de vitamines, particulièrement la vitamine D (Marquez 1982: 115). En fait, n’importe quel facteur entraînant des perturbations du métabolisme aurait pour résultat des changements perceptibles dans la structure de l’émail (Larsen 1997: 44).

c. La déficience en fer (anémie) Le fer est une substance chimique qui participe à une multitude de fonctions dans l’organisme humain, comme le transport de l’oxygène aux tissus du corps, autant les mous que les osseux. Le manque de fer peut être provoqué par une alimentation déficiente en produits comme la viande, ou par une consommation exclusive d’aliments qui le contiennent, mais qui comportent aussi des substances inhibitrices de l’absorption du fer par l’organisme tels que les noix, les céréales et les légumes (Baynes and Brothwell 1990, cité par Larsen 1997: 29). Il existe pourtant des facteurs non liés à la diète tels que le faible poids à la naissance qui peut prédisposer l’individu à une déficience de fer. La perte de sang, les hémorragies et les diarrhées chroniques sont autant de facteurs de risque. Même si la diète quotidienne contient une quantité suffisante de fer, les infections parasitaires peuvent entraîner une sévère déficience. Les vers se logent dans des organes comme le foie et l’intestin s’accrochant aux parois pour pomper le sang de l’individu, dont les pertes de sang sont d’autant plus importantes que le nombre de parasites augmente (Larsen 1997: 30).

Le nombre de pièces affectées par l’hypoplasie correspond au nombre de dents formées lorsque cette anomalie se manifeste. D’autre part, le degré de la dépression est une conséquence de la durée du facteur qui la provoque (infection, manque de vitamines, etc.) (Brothwell 1972: 152). Cette anomalie, évaluée à partir de trois degrés observables: faible, moyen et considérable, ne se manifeste pas de manière uniforme dans l’ensemble de la dentition. Pour la série de Caseta, le dénombrement des pièces affectées ainsi que l’évaluation du degré de la maladie aurait été inutile ici. En effet, malgré son grand intérêt sur le plan anthropologique, une telle étude sortirait du cadre de nos objectifs. Toutefois l’ensemble des données est présenté dans l’annexe VI. Nous avons donc préféré comptabiliser le nombre d’individus atteints par cette affection afin d’avoir une idée générale de l’étendue de la maladie dans la population et de présenter ainsi une synthèse sur son état sanitaire.

Les changements squelettiques d’un individu qui a subi une anémie chronique se manifestent surtout au niveau de la voûte crânienne qui montre une hypervascularisation du tissu osseux surtout sur le pariétal. Ce phénomène peut aussi se présenter sur le plafond de l’orbite (Ortner et Pustchard 1985: 258). L’analyse de chaque crâne, complet ou fragmenté, présent dans notre série a révélé l’absence de ce type de lésion. Pourquoi alors, avoir pris tant de temps à en discuter? Précisément parce que son absence a des implications importantes dans l’évaluation de l’état de santé de la population. Bien qu’une déficience en fer aurait pu être subie par la population, cette affection ne semble avoir été suffisamment aiguë pour laisser des traces sur les squelettes. On peut donc en déduire que la diète était adéquate puisque l’apport de

Sur le 30 individus qui constituent le cimetière Nord, à peine quatre cas d’hypoplasie ont été repérés. Ils correspondent à 13.3% de la population inhumée dans le secteur. Dans le cimetière Sud le nombre de cas s’élève à 21, soit 19% des individus présents. Même si la 162

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ quatre squelettes en comportent, ce qui représente à peine 2.6% de la population inhumée. Deux cas se trouvent dans le cimetière Nord (individus 79.1 et 93.1) et deux dans le Sud (50.1 et 65.1). Divers os sont impliqués dans ces fractures: le fémur gauche (50.1), un fragment de côte (65.1), les tibia et fibula droits (79.1), le deuxième métacarpal droit (93.1).

viande était suffisant ou qu’elle a été remplacée par la bonne combinaison de nutriments. Comme il a été signalé ci-dessus, le maïs contient du fer, mais aussi des substances qui empêchent son absorption par le corps humain. Mais sa consommation simultanée avec des fruits et du poisson élimine ce problème (Larsen 1997: 29). Or le maïs était la base de la diète mésoaméricaine et des produits comme les fruits et le poisson abondaient dans le bassin de Sayula, qui, la moitié de l’année, se convertit en lac où l’on peut trouver une faune comestible importante (Valdez et al. 1996). Par ailleurs, la côte Pacifique n’est pas loin (120 km environ), ce qui augmente les possibilités d’avoir du poisson pendant la saison sèche. Sans pouvoir affirmer l’utilisation de toutes ces ressources, rien ne semble indiquer une diète pauvre.

La dislocation est la séparation des constituants d’une articulation et la rupture de la capsule articulaire qui maintient rapprochées les surfaces articulaires tout en permettant un certain nombre de déplacements. Une dislocation non soignée produit une surface articulaire secondaire et parfois la mort du tissu osseux par manque d’affluence de sang (ibid.: 88). Aucune lésion de ce type n’a été enregistrée dans la série Amacueca.

L’absence de signes de déficiences en fer nous renseigne aussi sur l’absence d’autres affections telles que les diarrhées chroniques et les infections parasitaires si communes dans les tropiques. Quant aux hémorragies et au faible poids à la naissance qui peuvent provoquer une déficience de fer, il semblerait qu’ils ne se sont pas produits dans la population ou que la résistance de l’individu a été inférieure au laps de temps nécessaire à sa manifestation sur l’os.

La localisation ainsi que la fréquence des lésions traumatiques sont fortement influencées par le mode de vie: les chasseurs présentent des cas traumatiques différents de ceux des agriculteurs (Ortner y Putschar 1985: 55). Bien que le nombre de pièces fragmentées dans la série Amacueca empêche d’évaluer l’ensemble réel de fractures, leur nombre réduit refléterait un mode de vie pacifique comme celui des sociétés d’agriculteurs qui en présentent un faible taux (Larsen 1997: 117). Il faut tout de même signaler que la situation n’est pas similaire pour l’ensemble des groupes humains présents dans le bassin de Sayula pendant la phase Amacueca. En effet, comme le montre l’étude de Uruñuela (1997: 217224), les trois secteurs funéraires de cette phase dans le site de San Juan de Atoyac présentent des pourcentages différents d’individus affectés par des fractures. Dans tous les cas, la proportion d’individus affectés est plus importante que dans le site de Caseta. Cela pourrait indiquer que le faible nombre de cas de traumatisme dans notre série est une conséquence de l’état du matériel. Par comparaison, le secteur 3 de San Juan attire spécialement l’attention; pour ce dernier, le pourcentage d’individus affectés par une fracture s’élève à 13.33%; c’est là une différence substantielle avec les 2.6% de Caseta et on est tenté d’imaginer des modes de vie différents dans le bassin.

2. Les pathologies Comme nous l’avons signalé au début de cette section, en plus des indicateurs de stress, les pathologies sont des concepts nécessaires dans l’évaluation de l’état sanitaire d’une population. D’après Ortner (1992: 5) les pathologies qui laissent des traces sur l’os correspondent à trois catégories: traumatisme, infection et arthrose. Le traumatisme et l’arthrose sont relativement faciles à identifier. En revanche, les infections détectables sur l’os sont, pour la plupart, le résultat d’une maladie chronique. a. Le traumatisme Toute lésion locale provoquée par un agent extérieur qui atteint les tissus est considérée comme un traumatisme, dont plusieurs variétés affectent le squelette: fracture, déformation post-traumatique, et dislocation.

b. L’infection Toute population humaine se trouve exposée à des virus et bactéries, agents infectieux qui provoquent de nombreuses maladies dont la progression dépend de l’efficacité de sa transmission entre individus et de la réponse du corps (Larsen 1997: 64). Mais les maladies infectieuses qui entraînent la mort laissent rarement des évidences sur le squelette de l’individu (Ortner y Putschar 1985: 105). Toutefois, certaines infections chroniques affectent le tissu osseux suivant un modèle précis. En règle générale, la fréquence des maladies enregistrée au sein d’une population constitue une base d’information pour évaluer son état sanitaire. Elle est définie par le nombre de cas manifestés pendant un laps de temps donné. Mais ce concept est rarement applicable en archéologie: il nous faut en réalité faire référence à la

La déformation est la conséquence d’un traumatisme de faible degré, mais qui se produit sur une longue durée. Etant donné qu’il s’agit, dans la plupart des cas, d’un geste intentionnel, nous n’en ferons pas état ici. En fait, les déformations intentionnelles repérées dans la série Amacueca ont été discutées en tant que pratiques ostéoculturelles dans la section précédente. Dans l’étude de notre série, nous avons utilisé la définition de fracture proposée par Ortner et Putschar (ibid.) qui la considèrent comme un événement traumatique qui a pour résultat la discontinuité, partielle ou complète, d’un os. Le nombre d’individus présentant des fractures dans la série Amacueca est réduit car seuls 163

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ sexe masculin, deux féminins et le seul enfant se trouvait dans le cimetière Nord (photos 15, 16,).

proportion d’individus de notre série affectés par des maladies chroniques d’origine infectieuse. Etant donné que le nombre de possibilités est important, nous avons centré nos observations sur la périoste, les caries et les maladies périodontales, dont l’enregistrement est utile dans l’évaluation de l’état de santé des groupes humains et qui figurent parmi les affections les plus fréquemment étudiées.

cimetière Sud

cimetière Nord

individu 10.1

âge j. adulte

sexe f

50.1

j. adulte

m

51.1

adulte

m

74.1

8 ans

?

78.1

j. adulte

f

93.1

j. adulte

m

Il faut signaler qu’à l’exception de l’individu 74.1, les cas de périostose multiple sont absents de la série Amacueca. La présence de périostose dans deux pièces osseuses (humérus et cubitus gauches) peut correspondre à un traumatisme distinct dans chaque os (simultané ou non), ou à un même agent pathogène ou à une combinaison des deux (Uruñuela 1997: 225).

pièce touchée fémur gauche (tête) fémur gauche (tiers proximal) clavicule gauche (extrémité distale) humérus gauche cubitus gauche (extrémité prox.) fibule droite (fragment) fémur gauche (ligne âpre)

Tableau 85. Individus atteints de périostite, Phase Amacueca.

• Les caries. La carie dentaire est une « lésion infectieuse et transmissible dans laquelle la destruction progressive de la structure de la dent s’amorce par l’activité microbienne à la surface de la dent »11 (Ortner y Putschar 1985: 438). L’émail est donc le premier élément de la dent à souffrir de cette activité, puis la dentine, et enfin, la pulpe. La formation de cavités dans les diverses faces dentaires constitue la principale manifestation. Chaque face dentaire présente des potentialités cariogéniques différentes qui, sous l’action bactérienne et la diète, produisent différentes réponses (Ortner y Putschar 1985: 438). De la même manière, la profondeur de la carie est classée en trois degrés. Pour le premier, seul l’émail est touché; la carie de deuxième degré affecte aussi l’ivoire; tandis que celle de troisième degré atteint la pulpe. Nous avons enregistré les cas présents dans la série Amacueca selon ces concepts. Le tableau 86 montre une évidente uniformité du degré des caries, ainsi que des surfaces touchées pour l’ensemble de la population de la phase Amacueca. La présence presqu’exclusive de caries de degré 2 dans les surfaces mésiales, et occasionnellement dans les distales, suggère qu’une pratique culturelle provoque cette réponse uniforme (photos 17 et 18). En effet, l’utilisation d’un fil qu’on fait passer à plusieurs reprises entre les dents pour les nettoyer produit, selon les professionnels, le même résultat (F. Allouche, communication personnelle). Ce geste répété expliquerait la localisation, mésiale et distale des caries qui se trouvent à la limite entre la couronne et la racine. Par ailleurs leur morphologie allongée horizontalement (linguale-vestibulaire), témoignerait aussi du passage d’un fil.

• Périostite. Les lésions squelettiques d’origine infectieuse se manifestent de diverses manières: les unes affectent le périoste, d’autres l’os cortical, et les plus sévères attaquent la cavité médullaire. La périostite représente une réponse inflammatoire à une infection bactérienne, mais étant donné que cette inflammation se produit également lors d’un traumatisme, il est parfois impossible de déterminer lequel des deux l’a provoquée (Larsen 1997: 83). Nous allons donc étudier ici les lésions caractérisées par la présence de plaques osseuses avec des rebords saillants ou des protubérances à la surface de l’os. Quand la lésion est la conséquence d’une infection, elle peut correspondre à un phénomène local comme une blessure infectée ou trouver son origine dans un foyer éloigné de l’endroit où se manifeste la périoste (Uruñuela 1997: 224).

Aucun cas de caries n’a été enregistré pour le cimetière Nord, tandis que dans le Sud 10 individus en sont affectés. Ceci implique qu’un nombre restreint de la population de la phase Amacueca présente cette maladie. Les caries surviennent après une période d’acidité de la plaque bactérienne, liée à une haute consommation de carbo-hydrates. Etant donné le faible taux de caries dans la population il semble donc que la diète ne comportait pas une quantité démesurée de carbohydrates.

Les lésions peuvent être très localisées, souvent limitées à certains éléments squelettiques en ce qui concerne la série Amacueca (tableau 85). La périostite peut pourtant atteindre plusieurs pièces, si l’infection est répandue. Le plus souvent, les infections qui produisent la périostite ne provoquent pas la mort du sujet en raison des limites précises de sa manifestation (ibid.). Par contre, l’ostéomyelite qui atteint la cavité médullaire, peut conduire à la mort si la maladie se répand dans les organes à travers la circulation sanguine. Ce type de maladie est absent de notre série.

La différence de représentation entre les deux cimetières est probablement liée à l’état de conservation des ossements. Les restes du cimetière Nord sont, pour la plupart, très fragmentés et parfois dispersés par la

Les cas de périostite dans la série Amacueca concernent à peine 3.1% des effectifs; ce chiffre correspond à six individus répartis de façon équilibrée entre les cimetières Nord et Sud. Trois des six individus concernés étaient de

11 « ... infectious and transmissible disease in which progressive destruction of tooth structure is initiated by microbial activity on the tooth surface. »

164

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ par l’accumulation de tartre dans les dents, qui provoque l’inflammation de la gencive (Larsen 1997: 78). Même s’il ne constitue pas une infection, le tartre s’évalue selon une échelle de 1 (faible), à 3 (important). Nous avons constaté sa présence, à divers degrés sur 53 individus, tous localisés dans le cimetière Sud (pour la liste détaillée, consulter annexe VI).

machine agricole; il est donc probable que les caries étaient également présentes dans ce secteur funéraire, mais qu’elles n’ont pas pu être comptabilisées.

individu (sexe) 11.1 (f)

14.2 (m)

28.1 (f)

26.1 (m)

30.1 (m) 32.1 (m) 33-34 (m)

37.1 (f) 41.1 (m) 55.1 (m)

pièce affectée 1M droite inf 1M gauche inf 2M droite inf 2M gauche inf 1M droite inf 1M gauche inf 2M droite inf 2M gauche inf 3M droite inf 3M gauche inf IM gauche sup 1PM droite sup 2M gauche sup 3M droite sup 3M droite inf 1M droiet sup 1M gauche sup 2M droite sup 2M gauche sup 1PM droite inf 2PM droite inf 1M droite inf 2PM droite inf 2PM?? InM sup droite InM inf gauche InM inf gauche C sup droite 1M sup gauche 1M sup der 3M gauche sup

surface touchée distale mésiale mésiale occlusale mésiale mésiale distale mésiale mésiale mésiale mésiale mésiale distale mésiale mésiale vestibulaire mésiale mésiale mésiale mésiale mésiale mésiale mésiale mésiale? distale distale distale distale distale distale distale

degré de la carie 2 2 2 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 1 2 1 2

En plus de la présence de tartre, les maladies périodontales se détectent archéologiquement par la perte de l’os alvéolaire qui présente donc une distance anormale par rapport à l’union couronne-racine de la dent. Cette perte est progressive et peut provoquer la perte de la dent. Bien qu’il existe une échelle d’évaluation de la perte de l’os alvéolaire (Brothwell 1972: 151) nous avons simplement comptabilisé le nombre d’individus atteints de cette affection sans assigner une valeur à chaque pièce. La raison de cette démarche est la forte fragmentation de certaines mandibules et maxillaires qui empêche d’avoir une vision globale du problème. Nous avons comptabilisé 53 cas d’individus affectés par la présence de tartre à divers degrés (pour la liste détaillée, consulter annexe VI). Par ailleurs, le nombre de sujets atteints oposse fortement un cimetière à l’autre. A l’absence de cas dans le cimetière Nord, les 53 cas du Sud constituent une valeur très élévée. Cette différence est-elle la conséquence de la mauvaise conservation des restes du cimetière Nord? ou suggère-t-elle que les conditions de vie des individus varient selon le secteur funéraire? Il serait alors possible de distinguer deux modes de vie distincts pour les populations du site. Il est encore trop tôt pour aborder la question, mais nous reviendrons sur cette discussion dans le chapitre de synthèse. Il est parfois évident que la perte d’une ou plusieurs pièces dentaires s’est produite lorsque l’individu était encore en vie; dans ces cas, il est difficile de distinguer entre une perte provoquée par une maladie périodontale ou par d’autres causes comme les caries (Uruñuela 1997: 188). C’est le cas des individus 22.1, 23.1, 30.1, 89.1, 95.1 à qui manquent certaines pièces dentaires. Comme le montre le tableau 87, dans la mandibule, les pertes antemortem sont plus importantes que dans le maxillaire et, dans la plupart des cas, les molaires sont les pièces absentes. Cette affection a atteint trois femmes et deux hommes, tous de plus de 25 ans. Même si l’on peut reconnaître certains points communs parmi les individus présentant la perte ante-mortem de pièces dentaires, le nombre réduit de cas ne permet pas de distinguer s’il s’agit d’une perte par maladie ou d’une extraction volontaire exercée sur des individus à partir d’un âge précis.

Tableau 86. Individus présentant des caries et liste des pièces dentaires affectées, phase Amacueca.

D’après Larsen (1997: 72) les comparaisons entre plusieurs populations archéologiques révèlent que les caries se trouvent plus souvent chez les femmes que chez les hommes. Dans la série Amacueca, la situation est différente, puisque sur dix individus atteints de caries, trois sont féminins et les sept restants masculins. Cette disparité est probablement une conséquence du nombre important de squelettes masculins présents dans le cimetière Sud. •Maladies périodontales. Les maladies périodontales impliquent une réponse inflammatoire à des facteurs d’irritation. Bien que leur étiologie soit encore mal comprise, l’apparition et la progression de ce genre d’affections sont liées à la présence de bactéries produite

c. L’arthrose L’arthrose est un désordre dégénératif des tissus articulaires qui varie selon l’âge, le sexe et la corpulence de l’individu, ainsi que selon la sévérité du climat dans 165

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ selon les cimetières. Il faut signaler que, en raison du bouleversement des sépultures, dans plusieurs cas une seule surface articulaire était présente et donc évaluable.

lequel ce dernier évolue. Le stress mécanique et l’activité physique sont des facteurs qui contribuent à l’apparition de cette maladie qui est aussi influencée par la nutrition et l’hérédité. L’arthrose atteint la surface articulaire ainsi que les bords; les changements squelettiques ainsi provoqués incluent des excroissances ostéophytiques sur les bords de l’os, ainsi que l’érosion des surfaces impliquées dans l’articulation. Dans les cas pour lesquels le cartilage articulaire a disparu, on note l’apparition de pores ou le polissage des surfaces en raison de leur frottement, conséquent à leur contact direct (Larsen 1997: 163). individu 22.1

âge

sexe

pièce absente

j. adulte

m

23.1

j. adulte

f

1M inf droite et gauche 2M inf droite et gauche 3M inf droite et gauche InM sup droite et gauche InL sup droite et gauche C sup gauche 1pM sup d. et g. 2pM sup d. et g. 1M sup droite 3M sup droite InM inf droite InL inf droite 1M inf droite 2M inf droite 2M inf droite 3M inf droite 1InM sup gauche 2InM sup gauche 2pM sup gauche 1M sup gauche 2M sup gauche InM inf droite et gauche InL inf gauche C inf gauche 1pM inf droite et gauche 2pM inf droite et gauche 1M inf droite et gauche 2M inf droite et gauche 3M inf droite et gauche

cimetière Sud

30.1 89.1

cimetière Nord

95.1

adulte moyen j. adulte

adulte moyen

m f

f

Dans la série Amacueca (tableau 88), nous avons enregistré un total de 14 individus atteints d’arthrose. Cela représente 9.2 % de l’ensemble de la série: la plupart provient du cimetière Sud (11 cas). Il faut noter, d’abord, que seuls les adultes sont concernés; cette affection n’est pas caractéristique des immatures (Uruñuela 1997: 231), étant donné que les changements dégénératifs évoluent en relation avec l’âge de l’individu (Jaén et Serrano 1974). ind. 13.1 14.1 14.3

âge j. adulte adulte moyen adulte

cime- 15.1 j. adulte tière 16.1 j. adulte Sud 16.4** ad. moyen 18.1 j. adulte 18.2* j. adulte 18.4 j. adulte 59.1 j. adulte 69.1 j. adulte cime 75.1 adulte tière 88.1 ad. moyen Nord 89.1 j. adulte

sexe ? ? m f f m ? m m m f m f f

pièce atteinte vertèbre dorsale ph. proximale pied droit côte ph. proximale pied droit phalange médiale pied droit vertèbre dorsale vertèbre lombaire vertèbre cervicale (2) radius droit vertèbres lombaires (4) vertèbre lombaire côte vertèbres lombaires (2) vertèbre lombaire vertèbre lombaire vertèbres lombaires (3)

*photo 19; **photo 20 Tableau 88. Individus atteints d’arthrose, et pièces affectées. Il est évident que les vertèbres sont les pièces les plus souvent affectées (10 cas) avec une fréquence plus importante sur la région lombaire (6 cas, photo 19). C’est l’indice que cette région a souffert d’un stress mécanique considérable, résultat qui coïncide avec la situation générale des populations mésoaméricaines (Marquez 1982: 141). Par contre, la faible manifestation de cette maladie dans les vertèbres dorsales (deux cas) a un lien avec le faible degré de mouvement dans cette région du dos (Larsen 1997: 176). Les vertèbres cervicales de notre série sont rarement atteintes, un seul cas a été enregistré, il s’agit de l’individu 16.4 (photo 20). Pourtant, diverses études montrent que, en général, ce segment présente le nombre le plus important de dérangements dus à l’arthrose (ibid.: 175). Cette apparente contradiction s’explique sans doute par le nombre élevé de crânes et de cervicales arrachés par la machine agricole; le seul cas présent ne serait pas significatif, puisque plusieurs autres ont pu nous échapper.

InM-incisive médiale, InL-incisive latérale, C-canine, 1pM-première prémolaire, 2pM-deuxième prémolaire, 1M-première molaire, 2M deuxième molaire, 3M troisième molaire. Tableau 87. Perte ante-mortem de pièces dentaires par individu, phase Amacueca.

Les ostéophytes varient d’aspérités à peine perceptibles à de véritables protubérances; les cas présentant des ostéophytes dans la série Amacueca ont été évalués d’après une échelle de 0 à 4 (Ubelaker 1978: 60). Nous allons seulement présenter ci-dessous la liste des individus atteints ainsi que la pièce impliquée, divisée

En général, dans les populations préhispaniques, les squelettes masculins sont plus fréquemment atteints par l’arthrose que les féminins, en raison de la stratégie de subsistance du groupe (ibid.: 176). Les cas d’arthrose 166

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ pariétales (plagiocéphalie) et la présence d’os suturaire lambdoïde.

enregistrés au sein de la série Amacueca semblent refléter cette situation: six squelettes masculins et cinq féminins présentent des évidences de cette affection. Pour les trois restants, le sexe est inconnu. Mais il est évident qu’on ne peut pas fonder une étude approfondie sur un si faible nombre de cas. D’autre part, comme la population masculine est globalement plus importante, cette répartition n’est pas significative. Nous ne pouvons donc que signaler les tendances.

Il semble qu’à Caseta la pratique de la déformation crânienne soit préférentiellement destinée aux hommes, qui, avec 52% des cas enregistrés, surpassent les 39% de femmes. On doit cependant nuancer ce constat puisque la population masculine est majoritaire. En revanche, il n’y a pas de rapport entre la richesse des individus (détectée à travers le mobilier) et la déformation: les individus au crâne déformé ne semblent pas plus riches que la moyenne, et plusieurs ne comptent pas d’offrandes ou de parures associées. On note aussi que le nombre de crânes déformés présents dans chaque secteur funéraire est inégal: le cimetière Sud en compte la plus grande proportion.

A l’issue de cette étude de l’état sanitaire de la population Amacueca représentée à Caseta, nous sommes en mesure de souligner l’existence d’un certain nombre de points communs entre les deux cimetières, ainsi que des caractéristiques qui les distinguent. On note d’abord que l’absence d’indices de déficience en fer a été constatée dans les deux cimetières. Ensuite, des affections telles que le traumatisme, la périostite et l’arthrose ont, par contre, une incidence moins importante sur les effectifs du cimetière Sud que sur ceux du Nord. Bien que la différence soit restreinte, elle pourrait indiquer une différence dans le mode de vie de deux groupes. Finalement les affections dentaires ont une incidence majeure sur les sujets du cimetière Sud. Cette différence indique, soit une diète propre à chaque groupe, soit des habitudes hygiéniques différentes ou les deux.

La proportion des sujets avec des dents mutilées est de 24 % sur l’ensemble de la série. Si l’on compare ce chiffre avec la proportion de sujets dont le crâne a été déformé (15 %), on peut considérer que la mutilation dentaire fut largement représentée dans la série Amacueca. La pratique de la mutilation dentaire touche non seulement les incisives, mais aussi les canines. Pour les premières, cinq types ont été enregistrés: A1, A2, B1, B2 et F4, dont les combinaisons, tant dans le maxillaire comme dans la mandibule, produisent au moins quatre modèles spécifiques. Les mutilations des canines sont rares, et comportent quatre types: B2, C1, C6, F4.

Même si cette étude renforce l’idée d’une différenciation sociale entre les deux secteurs, sur les seules observations mentionnées nous ne sommes pas en mesure d’interpréter la nature de la différence détectée. Il faudra pour cela réunir l’ensemble des caractéristiques observées et les comparer avec les autres données archéologiques, c’est-àdire les pratiques funéraires et la nature du mobilier présents dans chaque secteur. Cette discussion fera partie de la synthèse finale. Nous allons ici simplement synthétiser toutes les données paléoanthropologiques dont nous disposons pour dresser un bilan de cet aspect de notre série.

Par rapport au sexe, nous savons que la mutilation dentaire est légèrement plus courante chez les femmes (13 femmes sur 31, contre 20 hommes sur 58). Par ailleurs, les femmes présentent certaines schémas de mutilation qui les différencient des hommes: les incisives supérieures centrales de la plupart des femmes sont mutilées selon le type A2 et leurs incisives inférieures sont, en général, intactes. A l’inverse de la déformation crânienne, il importe de souligner que parmi les individus mutilés, une proportion élévée est accompagnée de mobilier funéraire. Le nombre d’individus concernés par cette pratique est nettement plus important dans le cimetière Sud (28% des effectifs) que dans le Nord (10%). C’est là un autre indice de différenciation entre les deux cimetières. De plus, les modèles de mutilation, nombreux dans le Sud, se réduisent à un seul dans le Nord. Comment interpréter cette opposition?

D. Bilan En raison de la fragmentation du matériel, l’évaluation des caractères discrets du crâne a apporté peu d’informations sur la série de la phase Amacueca. Par contre, l’analyse des pratiques ostéo-culturelles a fourni une ample information sur les déformations corporelles volontaires qui laissent des traces sur le squelette.

L’évaluation des affections présentes sur la série osseuse de Caseta pendant la phase Amacueca révèle, en général, un faible taux d’incidence sur l’ensemble des effectifs. Mais, comme l’on a mentionné au début de cette section, il faut tenir compte des conditions de préservation du matériel qui, parfois, empêchent sa correcte évaluation. De plus, pour certains sujets, la maladie a provoqué la mort dans un court laps de temps; dans ces cas, les traces sur l’os sont absentes. Il est donc certain qu’on ne dispose pas de l’ensemble des données nécessaires à une évaluation précise.

La déformation crânienne de type tabulaire droit a été repérée sur au moins 15.13% des effectifs inhumés. Etant donnés les problèmes liés au mauvais état des crânes, il est certain que le nombre de pièces déformées fut à l’origine plus important. La variante la plus souvent rencontrée est l’antéro-postérieure, tandis que la variante fronto-obélique est plus rare. Nous avons aussi signalé la présence de modifications morphologiques comme conséquence de la déformation: l’asymétrie des bosses 167

Données paléo-anthropologiques ______________________________________________________________________________________________ taux reste faible. Par contre, le nombre de cas d’arthrose, principalement dorsale, est un peu plus important. Finalement, parmi les indicateurs de stress, seule l’hypoplasie a une incidence relativement importante sur la population inhumée, tandis que les lignes de Harris n’ont pas été étudiées et les traces de déficiences en fer font défaut. Le taux d’hypoplasie suggère qu’environ 16 % des sujets inhumés ont souffert une forme quelconque de stress physiologique, c’est-à-dire un manque de vitamines ou des minéraux nécessaires au bon développement de l’organisme. Globalement, donc, on peut avancer quelques conclusions préliminaires. Tout d’abord, et comme dans d’autres domaines, il existe une homogénéité d’ensemble entre les populations des deux secteurs, qui marque une certaine continuité. Dans le même ordre d’idée, l’étude ci-dessus montre que l’on a affaire plutôt à des groupes d’agriculteurs sédentaires. Enfin, la diète pour les deux populations semble relativement équilibrée. Mais, inversement, les différences dans l’état sanitaire des effectifs des deux cimetières suggèrent des variations sensibles dans leurs modes de vie. Par ailleurs, les pratiques telles que la mutilation dentaire et la déformation crânienne signalent aussi une différence, mais qui serait cette fois de nature socioculturelle. Comment interpréter l’ensemble de ces indices? Au terme du chapitre précédent, nous avions pu établir l’existence d’un décalage chronologique entre les deux secteurs funéraires. D’autre part, les pratiques de mutilation dentaires et de déformation crânienne ont pu être mises en relation avec en particulier le Michoacán voisin, surtout pour les occupants du cimetière Sud. On l’a vu, pour la phase Sayula, la pratique de la mutilation dentaire n’a pas été enregistrée sur le site de San Juan. Enfin, dans l’ensemble, le cimetière Sud présente une plus grande diversité de modalités de ces pratiques. Tous ces éléments, associés à la possibilité d’une diète peutêtre un peu plus riche, suggèrent une différence de statut entre les deux populations. Comment l’interpréter en termes de structure sociale, ou de mode de vie? Nous reviendrons sur ces aspects lors de la synthèse finale, qui nous permettra de réunir les différents indices pour tenter d’identifier les populations inhumantes, et la fonction du site.

Graphique 26. Représentations des affections en pourcentage d’effectifs atteints. En ce qui concerne la dentition, la présence de tartre sur les dents est l’affection la plus répandue. Cependant, le taux de perte dentaire qui en résulterait est faible (graphique 26). La proportion des sujets atteints de caries est étonnamment réduite. Ce serait la conséquence d’une diète pauvre en carbohydrates et d’une soigneuse hygiène dentaire. En effet, la présence de tartre et les caries sont considérées comme mutuellement exclusives puisque tous deux correspondent au ph de la plaque bactérienne: une diète riche en protéines (ph alcalin) entraîne des formations minérales sur la surface dentaire ce qui provoque le développement du tartre; inversement, une diète riche en carbo-hydrates (ph acide) occasionne une perte d’émail et l’apparition des caries (Marquez 1982: 119). D’autres pathologies, comme les fractures, la périostite et l’arthrose, présentent des taux inférieurs à 10%, ce qui suggère plutôt un mode de vie sédentaire. Bien que les deux premières affections puissent avoir comme origine un traumatisme, même en les considérant ensemble, le

168

Chapitre VIII

COMPARAISONS

diverses menues concentrations, qui suggèrent la présence de différentes structures éventuelles (ibid: 10).

Au cours des chapitres précédents, nous avons successivement décrit puis analysé les sépultures et pratiques funéraires anciennes (tombes à puits) et récentes (cimetières Nord et Sud), ainsi que les sépultures isolées, du site de Caseta. Il a parfois été nécessaire, pour comprendre certains points, de procéder à des comparaisons de détail. Mais une étude comparative d’ensemble reste à faire, pour intégrer nos données dans l’évolution générale de l’Occident. Les données funéraires de Caseta seront donc, dans ce chapitre, comparées avec celles d’autres ensembles contemporains, afin de déterminer les similitudes et les différences dans les pratiques funéraires et ostéoculturelles, ainsi que dans les caractéristiques biologiques.

La seule tombe identifiée dans le site correspond au type ‘Ia1’ de Long (1967: table 1). La structure était orientée selon un axe nord-ouest sud-est. Le puits cylindrique d’environ 90 cm de diamètre et 3.01 m de profondeur, aboutit dans la partie nord-ouest d’une chambre. Cet espace de plan circulaire à voûte arrondie mesure 2.90 m de diamètre pour 1.50 m de hauteur (figure 121). Malgré le pillage, il a été possible de récupérer quelques restes osseux des pieds et des mains qui, par leur petite taille, avaient été négligés lors du pillage. Ces pièces correspondent à un nombre minimum de quatre individus adultes. Aucun enfant n’a été enregistré. Parmi les restes se trouvaient 70 minuscules tessons, dont seuls 23 ont été reconnus de façon certaine comme caractéristiques du complexe Usmajac.

Les tombes à puits de la phase Usmajac, ainsi que les sépultures récentes de la phase Amacueca, seront d’abord confrontées aux données funéraires issues des sites du même bassin de Sayula (figure 120). Cette approche permettra de replacer le site de Caseta dans son contexte local, pour ensuite aborder les comparaisons au niveau régional.

Entre les sites de Caseta et d’El Casco, plusieurs similitudes sont évidentes. D’abord, leur localisation au sud du bassin de Sayula et leur emplacement sur un terrain élevé sur les flancs de la sierra. Cette situation en hauteur, ainsi que leur disposition sur les pentes nord de collines permet, dans les deux cas, une vue d’ensemble du bassin. Outre l’occupation de phase Usmajac, sur les deux sites, on constate une occupation postérieure: la présence des sépultures de la phase Amacueca à Caseta, des concentrations de matériel Sayula à El Casco.

A. Les tombes à puits 1. Le Bassin de Sayula

En ce qui concerne la morphologie, la tombe d’El Casco est similaire à celles de Caseta; elles correspondent aux structures en forme de botte. Même si la tombe d’El Casco présente des dimensions un peu plus importantes que celles de Caseta, on peut considérer que leur taille est similaire. Aucun puits ne dépasse les trois mètres de profondeur et les chambres n’ont pas plus de 2.90 m de long. Elles tombent dans la catégorie de structures submonumentales: composées par une seule chambre et un puits de moins de quatre mètres (Weigand et Beekman 1998).

L’information sur les tombes à puits du bassin de Sayula demeure fragmentaire, puisque elle est issue, pour l’essentiel, de sépultures pillés: quatre sur un total de sept. Ces structures se trouvent concentrées sur les sites d’El Casco, Cerro del Agua Escondida et, bien entendu, Caseta (figure 2). Pour les sépultures pillées, l’équipe du projet a fouillé et enregistré les rares restes matériels et osseux encore sur place. De ce fait, nous avons au moins obtenu les données nécessaires à une analyse précise des structures qui constituent, tout de même, des élément importants de l’information funéraire. A partir de ces vestiges, nous avons essayé de reconstituer, dans la mesure du possible, les pratiques funéraires propres aux phases anciennes.

La présence de plusieurs sujets inhumés dans les chambres constitue un autre point de ressemblance entre El Casco et Caseta. En effet, avec quatre sujets comptabilisés, la tombe de El Casco se situe, quant au nombre minimum d’individus, entre la tombe A (9 sujets) et la C (2 sujets) de Caseta.

a. El Casco (CS 28) Le site d’El Casco, localisé à 1 km au sud-ouest du site de Caseta, a été prospecté par l’équipe du projet Sayula (Schöndube et al. 1994). Il se situe sur la pente nord d’une colline d’environ 17 m de hauteur, sur les flancs de la Sierra d’El Tigre. Le matériel céramique des phases Usmajac et Sayula apparaît en surface sous la forme de

b. Cerro del Agua Escondida (CS 129) Situé dans le secteur ouest du bassin, le site de Cerro del Agua Escondida a été repéré en 1996 (Schöndube et al. 1996) et fouillé entre 1996 et 1997 par l’équipe du projet Sayula Il se trouve à environ 15 km du village 169

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ être déterminé: l’un d’entre eux avait entre 17 et 25 ans, quatre étaient âgés d’entre 25 et 35 ans et un seul avait environ 45 ans. Parmi les restes d’immatures on note la présence de deux enfants de six ans (+12 mois) et d’un de neuf ans (+ 24 mois). D’après l’analyse de concentration des restes osseux, les corps étaient allongés suivant l’axe de la chambre, les têtes vers le puits.

d’Amacueca, au pied du versant de la Sierra de Tapalpa. Le site, qui couvre environ 1 km2, a été aménagé par la construction de plusieurs terrasses artificielles dont les restes en surface montrent la présence de matériel culturel Usmajac, Sayula et Amacueca. Les restes céramiques de la phase Usmajac sont concentrés dans quatre secteurs bien définis; trois d’entre eux correspondaient à des tombes à puits. Les trois tombes, orientées sur un axe est-ouest, présentent les mêmes caractéristiques architecturales. Un puits rectangulaire de 87 cm de large et 1.20 de profondeur en moyenne, aboutit à une marche de 40 cm de hauteur en moyenne qui mène à une chambre funéraire de plan presque rectangulaire. Les dimensions des chambres varient entre 2 et 3 m de long pour 1.8 à 2.5 m de large; les voûtes, de coupe rectangulaire, ont une hauteur maximum de 1.3 m (figure 122).

Le mobilier original est impossible à dénombrer en raison du pillage. Cinq offrandes en céramique se trouvaient encore en place autour des crânes: une jarre et trois écuelles, l’une d’entre elles couverte par une écuelle renversée. D’autres objets ont été enregistrés: des racloirs en obsidienne et plusieurs éléments de parure tels que des bracelets et des pectoraux en coquillage marin, ainsi que des pendentifs en pierre blanche friable, et des perles en pierre verte. Leur association à des segments spécifiques du squelette est difficile à établir, mais leur position correspondait avec les os longs des bras et le thorax.

La particularité la plus saillante de ces structures est la présence sur les parois de la chambre et du puits, de blocs de pierre finement taillés, maintenues en place par un mortier mêlé de fragments de céramique. La voûte est constituée d’un système de dalles superposées sans mortier. Cette caractéristique répond à une nécessité d’adaptation de la structure au type de sol local, constitué d’un tuf volcanique d’une solidité insuffisante pour supporter la construction d’une telle structure.

La richesse du matériel associé aux défunts de la tombe 3 est donc difficile à évaluer. La qualité relativement modeste des offrandes encore présentes et le caractère plutôt domestique des vestiges suggère l’existence d’un groupe d’une certaine importance sociale, mais qui n’exerçait cependant pas une domination sur le bassin (Schöndube et Valdez 2001: 91). Le site de Cerro del Agua Escondida présente plusieurs similitudes avec celui de Caseta. Tous deux sont situés en hauteur, sur les contreforts de chacune des chaînes montagneuses qui délimitent le bassin. Ils ont été occupés pendant les phases Sayula et Amacueca, ainsi que pendant les phases anciennes, seulement attestées par des vestiges Usmajac. La phase Verdía n’est pratiquement représentée sur aucun des deux sites.

Les tombes 1 et 2 ont été entièrement pillées il y a quelques années, tandis que la numéro 3, ne l’a été que partiellement. Cette structure se trouvait dans un secteur qui comprenait trois complexes: une aire domestique, une zone d’activité communale et un espace sacré. Ce dernier était placé au milieu d’une cour (patio), marquée par l’ouverture du puits. Le secteur nord de la chambre a été fortement endommagé par un affaissement de la voûte qui a servi postérieurement d’entrée aux pilleurs. Le puits se trouvait intact au moment de la fouille; il a été donc possible d’apprécier une structure de condamnation constituée par cinq dalles superposées, sur la bouche du puits.

Les dimensions des tombes de Cerro del Agua Escondida se rapprochent de celles de Caseta, même si la méthode de construction diffère. En effet, le contraste le plus évident entre les structures des deux sites est l’appareil de construction. Pour les tombes de Caseta, il a suffi de creuser, tandis qu’à Cerro del Agua Escondida, en plus du creusement, l’édification de murs de pierres a été nécessaire. Ceci confère aux structures une morphologie très particulière, moins arrondie et plus proche du type ‘IIb4’ de Long (1967: table 1). Il s’agit donc de tombes à puits, mais adaptées à un contexte géologique distinct.

Les restes osseux présents à l’intérieur de la tombe 3 n’étaient plus in situ et se trouvaient, par ailleurs, très fragmentés. Etant donné le mauvais état des restes osseux, le nombre minimum d’individus fut déterminé à partir des pièces dentaires. L’analyse a révélé la présence d’un nombre minimum de 21 individus, dont huit enfants et 13 adultes (Schöndube et Valdez 2001). Il est évident qu’un ensemble de 21 corps frais n’aurait pu faire l’objet d’une inhumation simultanée, puisque la chambre funéraire n’a pas les dimensions nécessaires pour l’abriter. Il est donc vraisemblable qu’il s’agisse de dépôts échelonnés dans le temps. La structure funéraire aurait alors été utilisée sur un certain laps de temps. D’autre part, la présence de dépôts secondaires est une possibilité à envisager, mais l’insuffisance du matériel ne permet pas de le confirmer.

Quant aux restes humains, la tombe 3 abritait plusieurs individus, de la même manière que les tombes A, B et C de Caseta, mais l’orientation des défunts à l’intérieur des chambres est différente. Dans la tombe 3, les corps suivaient l’axe principal de la structure, la tête vers le puits. Par contre, à Caseta les corps sont plutôt orientés perpendiculairement au puits. Les deux sites témoigneraient d’une longue utilisation des tombes qui s’étend au moins sur deux générations. Une autre similitude est la présence de sujets immatures et adultes de deux sexes.

Parmi les adultes, seulement six ont été sexuellement identifiés: deux correspondaient probablement au sexe féminin et quatre au masculin. L’âge de six adultes a pu

Finalement, il semblerait que la qualité des offrandes soit généralement similaire dans les deux sites, même si la 170

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ chambre. On constate par ailleurs que la présence de fosses datées de la phase Usmajac est une particularité du site de Caseta.

quantité est plus importante à Cerro del Agua Escondida. Les caractéristiques des parures sont similaires. Dans les deux sites, le mobilier est en général modeste.

Quant aux structures de condamnation, les tombes B de Caseta et 3 de Cerro del Agua Escondida étaient fermées par des dalles placées dans le puits. Dans le cas des tombes A de Caseta et 1 d’El Casco, la présence originale de dalles sur l’ouverture du puits nous a été signalée. Il est donc possible que ce mode de fermeture qui servirait aussi comme marqueur en surface de la localisation de la tombe ait été généralisé à l’ensemble du bassin.

c. Commentaires site

numéro de A structure forme du cylinpuits drique largeur 0.80 m profondeur 2.40 m forme de la ovale chambre longueur 2.40 m largueur 1.97 m hauteur 1.06 m marche oui orientation NE-SO chambre NMI 9 orientation ? individus

Caseta

B

C

C. Agua Escondida

El Casco

3

1

cylindrique 0.90 m 2.63 m ovale

cylin- quadrang cylindrique ulaire drique 0.80 m 0.87 m 0.90 m 0.80 m 1.20 m 3.01 m ovale rectanarrongulaire die 2.50 m 2.10 2.5 m 2.90 2.25 m 1.85 1.8 m 2.94 1.05 m 0.90 1.03 m 1.50 oui oui oui oui SO-NE NO-SE E-O NO-SE 16 NO

2 E

21 E-O

Le nombre minimum d’individus contenus dans chaque structure varie: de 2 (tombe C de Caseta) à 21 (tombe 3 de Cerro del Agua Escondida). La multiplicité des corps suggère que les tombes à puits du bassin de Sayula étaient réutilisées afin de pouvoir inhumer successivement plusieurs individus et de rentabiliser ainsi la construction. Par ailleurs, la présence de dépôts secondaires n’a pu être démontrée dans aucun cas. Le principe veut qu’un dépôt secondaire soit celui qui s’est décomposé, ou a entamé sa décomposition, dans un endroit autre que le lieu où les os se trouvent lors de la fouille. Les faisceaux d’os long de la tombe B de Caseta seraient, eux, plutôt des réductions de cadavres.

4 ?

Quant à l’âge et au sexe des défunts, nous constatons dans tous les cas la présence d’hommes et de femmes, tandis que l’inhumation d’enfants a été enregistrée de façon certaine dans les tombes B de Caseta et 3 de Cerro del Agua Escondida. Mais il semble que la présence d’enfants ne soit pas une règle puisqu’ils sont absents de la tombe C de Caseta, et de la tombe 1 d’El Casco.

Tableau 89. Résumé des données sur les tombes à puits du bassin de Sayula. Malgré son inclusion dans la zone de concentration des tombes à puits, le bassin de Sayula compte donc, dans l’état actuel des connaissances, un échantillon assez limité de ce type de sépulture. De plus, jusqu’à présent, les sites de tombes à puits dans le bassin se trouvent dans la moitié sud de la lagune, sur les versants inférieurs des chaînes montagneuses. Ce placement en hauteur correspond avec les observations de Long (1967) et Furst (1967) qui ont signalé la présence préférentielle des tombes à puits sur des éminences naturelles. Leur localisation pourrait répondre aux besoins des structures qui requièrent un terrain suffisamment solide pour supporter le creusement d’un puits et d’une chambre. L’exception est le site de Cerro del Agua Escondida, dont le sol n’est pas approprié, mais qui a été tout de même utilisé, avec l’adaptation de la structure au terrain: la présence des pierres formant les murs.

Pour ce qui est des offrandes et des parures, la rareté des données in situ (sauf pour les tombes B et C de Caseta), empêche une évaluation précise. Cependant, d’après les vestiges présents, il est possible suggérer que, autant par leur nombre que par leur qualité, les objets associés aux tombes à puits du bassin de Sayula, ne constituent pas un échantillon exceptionnel. Cela coïncide bien avec la morphologie modeste des structures qui, comme on l’a déjà signalé, appartiennent à la catégorie des tombes submonumentales composées par une seule chambre et un puits de moins de quatre mètres (Weigand et Beekman 1998). Il semblerait donc que le bassin de Sayula ne comporte pas de structures monumentales comme celles de la zone de Teuchitlán, qui se distinguent par le nombre de leurs chambres et par un puits de plus de quatre mètres de profondeur.

En ce qui concerne la morphologie, les structures trouvées dans les sites de Caseta et d’El Casco correspondent au type ‘Ia2’ de la classification de Long (1967: table 1). Celles de Cerro del Agua Escondida sont inclassables et semblent correspondre à une version locale. La variabilité dans l’axe d’orientation des structures pourrait répondre à la nature du terrain occupé. Les puits se trouvent parfois dans le même axe que la chambre comme dans la tombe numéro 3 de Cerro de Agua Escondida, la numéro 1 de El Casco, et la B de Caseta, tandis que pour les structures A et C de ce dernier site, le puits se trouve dans le sens de la largueur de la

Il est évident que les tombes intactes, dont l’état de conservation du contenu permet une étude précise, sont rares dans le bassin. Seules les structures B et C de Caseta se trouvent dans ce cas, puisque celle de Cerro del Agua Escondida était partiellement pillée et les restes matériels très endommagés. Avec ce faible échantillon, il n’est même pas possible d’esquisser un modèle funéraire valable pour tout le bassin. Nous nous sommes donc contenté de signaler les points de similitude ou de divergence entre les structures connues jusqu’à présent.

171

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ cylindrique qui mène directement à la chambre, tandis que la variante ‘IIIa1’, présente un grand degré ou marche entre la chambre et le puits. Des quatre tombes restantes, une est de type en bouteille (variante ‘VIa1’ de la même classification), une autre a une chambre double (type ‘Ia3’ de la même classification); les deux dernières étaient trop abîmées pour que l’on puisse percevoir leur morphologie (figure 124).

L’occupation postérieure des sites de tombes à puits est enfin une constante dans le bassin de Sayula, puisque les trois sites fouillés présentent des vestiges des phases Sayula et Amacueca.

2. La région

Les puits, généralement cylindriques, mesurent entre 1,30 et 1,90 m de profondeur et, entre 65 cm et 1,10 m de diamètre. Les marches, d’une hauteur de 20 à 50 cm, peuvent être verticales ou en talus. Les chambres, de forme concave et de plan oval, présentent des dimensions variables: la hauteur va de 0,45 à 1,45 m, la longueur varie de 1,75 à 4 m, et la largeur entre 0,95 et 2,20 m.

A l’échelle régionale, il serait possible d’envisager une étude des tombes à puits dans le contexte des connaissances sur cette tradition funéraire. En effet, le nombre de tombes à puits identifiées pour l’Occident du Mexique est assez important. Toutefois, il importe tout d’abord, de rappeler ici qu’avant 1993, aucune tombe à puits intacte n’avait fait l’objet d’une fouille scientifique complète. D’autre part, dans sa thèse, Servain (1993) avait effectué une recherche exhaustive sur le sujet, et il ne nous appartient pas ici de reprendre ce travail. Nous nous limiterons donc sur ce point à rappeler d’emblée que les tombes à puits du bassin de Sayula, tant par leur localisation que par leur datation ou leur morphologie, appartiennent clairement à cette tradition.

D’après leurs dimensions, les structures ont été classées en tombes et micro-tombes. Dans le premier cas, la chambre pouvait contenir aisément un adulte, tandis que la taille réduite des micro-tombes ne pouvait recevoir que des restes d’enfants (Galván 1991: 110). Huit microtombes ont été enregistrées. Malgré cela, le nombre minimum d’enfants est d’à peine deux, puisque la plupart d’entre elles était vides.

Si l’on tient compte des conclusions de Servain, il nous semble préférable d’orienter notre approche comparative régionale en fonction des travaux récents. Cette démarche nous semble plus conforme à nos propres travaux: sans négliger l’aspect morphologique des structures, les données disponibles sur les tombes à puits de Huitzilapa, d’Atemajac et du Cañon de Bolaños sont comparables aux nôtres. Intactes au moment de la découverte et correctement fouillées, elles ont autorisé une étude de leur organisation interne, du matériel culturel associé et des vestiges osseux. De plus, leur répartition géographique est réprésentative de la diversité des structures. La tombe de Huitzilapa se situe au cœur de la zone de Teuchitlán, tandis que, comme pour le bassin de Sayula, les tombes de la vallée d’Atemajac et du canyon de Bolaños sont localisées dans des secteurs secondaires ou périphériques. On dispose ainsi d’un échantillon, à la fois fiable et caractéristique de la diversité du phénomène (figure 123).

Deux types de structures de condamnation ont été repérés: des dalles entre la chambre et le puits, et le remplissage du puits par de la terre. La terre logée dans le puits fut, de toute évidence, tamisée et mélangée à du sable; elle formait des couches horizontales bien définies et régulières, preuve d’un remplissage volontaire. Les dalles empêchaient ensuite la terre du puits d’envahir la chambre. Cependant, la totalité des chambres était couverte par de la terre, du sable et de l’argile, dont les couches sont irrégulières. D’après Galván (1991: 111) la ponce volcanique de la vallée d’Atemajac, extrêmement perméable, aurait laissé s’infiltrer l’eau de pluie mélangée à de la terre. A l’évaporation de l’eau, une couche de terre se formait et ce processus s’est répété jusqu’au remplissage des chambres. Certaines structures avaient un revêtement d’argile, qui n’a pas empêché pour autant, l’infiltration d’eau. Le fond de quelques chambres était couvert d’une couche d’environ 2 cm d’épaisseur d’obsidienne broyée.

La vallée d’Atemajac comprend l’agglomération urbaine de Guadalajara et ses alentours: Zapotlán, Tonalá et Tlaquepaque. Des sauvetages réalisés dans les sites de Tabachines et Lomas del Vergel (figure 124), soumis à des travaux d’urbanisation, ont permis de repérer 23 tombes à puits (Galván 1991). Les dates 14C effectués sur 13 d’entre elles révèlent une occupation d’entre 3 avant J. C. et 457 après J. C.

Devant l’imprécision des identifications d’âge et de sexe proposées, et en l’absence d’analyse anthropologique, nous nous limiterons à signaler le nombre minimum d’individus. Sur un total de 23 structures, 13 contenaient entre un et cinq individus en position allongée, la tête vers le puits. Seules deux comportaient des sujets immatures. La tombe numéro 7 présente deux chambres dont la plus petite abritait les restes d’un sujet immature, tandis que la 14, classée comme micro-tombe, contenait une mandibule d’enfant.

Les structures ont été creusées dans la ponce volcanique avec des orientations variables. Elles correspondent, pour la plupart, au type en botte; 10 se rattachent à la variante ‘Ia1’ de la classification de Long (1967: table 1) et 9 à la variante ‘IIIa1’ de la même classification (figure 9). La première désigne des tombes constituées d’un puits

L’absence de matériel osseux dans dix chambres funéraires est probablement due à l’humidité permanente du terrain, puisque l’analyse du ph du sol n’a pas révélé d’acidité particulière (Galván 1991: appendice). L’humidité aurait fortement affecté les restes osseux d’enfants qui, de par leur taille et leur manque de solidité,

a. La vallée d’Atemajac: Tabachines et Lomas del Vergel

172

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ creuses ainsi que les vases anthropomorphes se trouvaient plutôt autour de la tête du défunt; et les vases de forme simple, autour des hanches.

seraient plus friables. La présence d’offrandes, ainsi que leur agencement, confirme toutefois l’existence antérieure de corps humains à l’intérieur des chambres. L’auteur considère que toutes les inhumations multiples furent simultanées puisqu’une réutilisation aurait fortement endommagé la structure des tombes, creusés dans une ponce friable (ibid: 114). L’agencement des restes osseux suggère cependant la réutilisation de certaines tombes. En effet, dans plusieurs cas, les corps situés au centre des chambres se trouvaient en décubitus dorsal, tandis que les corps latéraux, encore articulés, étaient couchés sur le côté droit ou gauche et reposaient partiellement sur les parois. Cela signifierait qu’ils ont été repoussés latéralement, avant leur décharnement total, afin de libérer de l’espace pour d’autres corps. Dans ces cas, l’inhumation des corps se serait déroulée en deux temps avec la réouverture consécutive de la tombe dans un laps de temps assez court.

• Commentaires En dépit du terrain peu adapté à la construction de tombes à puits, la vallée d’Atemajac comporte un nombre inédit de ce genre de structures, largement supérieur à celui du bassin de Sayula, où la ponce volcanique est cependant plus solide. Malgré cela, les caractéristiques morphologiques des tombes sont similaires. En effet, une bonne partie des tombes d’Atemajac, comme les tombes A et B de Caseta, correspond au type ‘IIIa1’ ou ‘IIIa2’ de la classification de Long. Ces types désignent des structures à puits cylindrique et chambre ovale dont l’axe principal peut être perpendiculaire au puits, ou se trouver dans son prolongement. Une marche creusée dans le sol à la base du puits complète l’ensemble. Une différence entre les tombes des deux sites est la hauteur de la marche. Celles d’Atemajac mesurent jusqu’à 60 cm, tandis que celles de Caseta n’atteignent que 15 cm environ; mais elles sont rehaussées par des pierres qui augmentent leur hauteur d’au moins 20 cm. D’autre part, le plan au sol des chambres d’Atemajac est plus allongé que celles de Caseta qui ont une apparence presque circulaire. Les tombes de type en bouteille, à double chambre, ainsi que les microtombes, sont absentes de Caseta. Inversement, ce dernier site compte des fosses.

D’autre part, l’existence de paquets funéraires signalée à plusieurs reprises par Galván (ibid: 117) expliquerait pourquoi les restes déplacés se trouvaient en position anatomique: l’enveloppe aurait permis aux corps de garder leur forme. La quantité de mobilier associé est très variable: les structures 8, 6 et 5 comptaient respectivement 41, 30 et 22 objets, tandis que les tombes 4 et 12 ne comptaient qu’un tesson et un vase respectivement. Parmi les offrandes, l’auteur distingue deux catégories: les outils de travail et les objets de prestige. Dans la première catégorie, on trouve: - des récipients en céramique locale des groupes Colorines, Tabachines et Arroyo Seco, ainsi que de la céramique allochtone; - des meules et molettes en basalte; - des racloirs,des éclats et des pointes en obsidienne grise, noire, ou rouge; -une sphère en basalte probablement utilisée comme broyeur.

Les modalités de condamnation des structures sont plus nombreuses à Atemajac qu’à Caseta. Les puits des tombes d’Atemajac sont remplis de terre et les dalles localisées entre la chambre et le puits devaient empêcher la terre d’envahir la chambre. Par contre, à Caseta, les puits sont occupés par des pierres placées verticalement, ce qui n’empêchait pas la terre, entraînée par l’eau de pluie, de s’introduire dans la chambre. Par ailleurs, le revêtement d’argile de certaines tombes d’Atemajac pourrait s’apparenter à une forme de condamnation qui empêcherait les infiltrations d’eau et de matières comme de la terre et du sable. La couche d’obsidienne broyée posée sur le sol avait peut être une fonction également isolante.

Les objets de prestige correspondent à: -des figurines pleines, des instruments musicaux, des sceaux à motifs géométriques et zoomorphes, des boucles d’oreille, et des perles cylindriques, le tout en céramique; -des statuettes anthropomorphes en terre cuite de style Ameca; -des pendentifs et des pectoraux en obsidienne grise; -un encensoir zoomorphe et un joug en basalte à décoration incisée; -une hache à gorge, des perles circulaires et tubulaires, des pendentifs zoomorphes, en pierre verte; -des anneaux de propulseur en pierre blanche; -des conques et des perles tubulaires en coquille.

Bien que la position du corps soit la même, il faut noter qu’il existe une différence dans l’emplacement des individus à l’intérieur des tombes. Ceux d’Atemajac sont orientés la tête vers le puits, quelle que soit la position de celui-ci. Le même phénomène a été enregistré dans le bassin de Sayula, à Cerro del Agua Escondida. Par contre, à Caseta, les corps sont placés selon un axe perpendiculaire à celui du puits. Par ailleurs, l’enveloppement des corps par un linceul, qui semble probable à Atemajac, n’a pas été repéré à Caseta.

Finalement, on note la présence de dalles et de pierres non travaillées dont la fonction est inconnue.

D’autre part, les différences dans le nombre minimum d’individus sont évidentes: à Atemajac, il y a, au plus, cinq corps par chambre, tandis qu’à Caseta ce nombre s’élève à 17, placés dans des espaces de dimensions comparables. Malgré le faible nombre d’individus, il

L’analyse de la distribution des offrandes a révélé que les éclats et racloirs en obsidienne se trouvaient souvent associés à la bouche; les figurines solides, les statuettes 173

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ individus à la manière de lits ou d’appui-têtes. Enfin, et plus significatif encore, l’introduction de petits racloirs ou éclats d’obsidienne dans la bouche de certains sujets. Ce dernier trait représente un geste funéraire spécifique qui ne peut résulter d’une simple coïncidence, et qui constitue donc l’exemple d’une tradition funéraire partagée. Ce constat permettrait de renforcer l’idée de l’homogéneité de la tradition des tombes à puits par delà le seul aspect morphologique.

semblerait que certaines des tombes d’Atemajac aient été réutilisées; ce serait là un trait culturel partagé avec celles de Caseta. La représentation des sujets immatures constitue encore un point de divergence entre les deux sites. A Caseta, on les trouve dans deux structures sur trois, tandis qu’à Atemajac seules deux structures sur 23 en contenaient. Cette absence pourrait être mise sur le compte d’une conservation différentielle qui privilégie les os d’adultes au détriment de ceux des enfants. Selon Galván, l’existence des ‘microtombes’ pourrait pallier ce déficit. Si, comme il l’affirme (Galván 1991: 111), les microtombes étaient exclusivement consacrées aux enfants, nous serions confrontés à une différence fondamentale dans les pratiques funéraires. Il faudrait penser que les sujets immatures, malgré leur jeune âge, avaient dans la société d’Atemajac, une position importante qui, non seulement les placerait dans des structures prestigieuses à côté des adultes, comme à Caseta, mais également leur attribuerait des tombes sur mesure. De telles structures sont inconnues à Caseta.

b. Le haut plateau de Jalisco: Huitzilapa Près du volcan de Tequila, sur le haut plateau de Jalisco, se trouve le site de Huitzilapa (López Mestas et al. 1998, López Mestas et Ramos 1996, 1998a 1998b), formé par une série de complexes architecturaux, dont la place ouest est la plus importante. Composée de quatre structures orientées cardinalement autour d’un petit autel central, ce complexe présente un accès restreint. D’après López Mestas (ibid: 168), ce secteur appartenait probablement à un groupe familial lié aux activités de contrôle sociopolitique dans la communauté, dont l’importance religieuse est attestée par la présence d’une tombe à puits monumentale associée à la structure sud du complexe (figure 125).

Sur un autre plan, le mobilier trouvé dans les tombes de Caseta semble bien modeste en comparaison avec le matériel d’Atemajac. En effet, tant la quantité que la variété des objets funéraires présents à Atemajac, où l’on en a comptabilisé jusqu’à 36 (entre lots de parures et vases) par tombe, surpasse largement celles de Caseta. Pour les parures, il faut noter que, tandis qu’à Caseta ornements et bijoux en coquille sont les plus communs, à Atemajac cette matière est rare. Il s’agit probablement d’une denrée de luxe plus difficile à obtenir en raison de la distance qui sépare la vallée d’Atemajac de la côte Pacifique. L’accès à ce genre d’objet serait plus facile à partir du bassin de Sayula qui constitue, d’ailleurs, un passage naturel vers la côte. Le nombre variable d’ornements en coquille dans chaque site traduirait donc un accès différentiel à ce bien. A l’inverse, la présence de céramique allochtone à Atemajac sous-entend des liens avec des zones extérieures à l’Occident du Mexique. D’autres objets exogènes comme le joug incisé témoignent aussi de liens avec des régions extérieures à l’Occident.

Le puits cylindrique de 7.6 m de profondeur qui s’ouvrait sous la partie centrale de la structure sud, était rempli de sable fin spécialement apporté d’une autre région pour l’événement funéraire. Il aboutit à deux chambres de plan rectangulaire, orientées selon un axe nord-sud dont l’accès est marqué par des marches. Bien que la chambre nord soit légèrement plus grande que la sud, les deux mesuraient en moyenne 3.15 m de long, pour 3 m de large. Les voûtes de 1.60 m de hauteur moyenne ont une forme concave. A l’exception des trois marches d’accès à la chambre sud, faites en pierres, l’ensemble est creusé dans de la ponce volcanique compacte. D’après ses caractéristiques morphologiques, la tombe de Huitzilapa serait plus proche du type ‘IIIa5’ de Long (1967: table 1). Chaque chambre funéraire contenait trois individus en position allongée, la tête vers le puits. L’étude anthropologique effectuée sur les restes osseux indique la distribution suivante:

La corrélation entre mobilier funéraire et date d’occupation des structures révèle que les tombes 3, 4, 14 et 19 d’Atemajac, qui présentent un mobilier très modeste, similaire à celui des tombes de Caseta, sont, en même temps, les plus récentes et contemporaines les unes des autres. Le 14C leur confère des dates postérieures à 400 après J. C. Cela constitue, par comparaison, un possible indice sur le placement chronologique des tombes de Caseta.

chambre nord: -individu N1, masculin de plus de 45 ans -individu N2, masculin, entre 30 et 40 ans -individu N3, féminin de plus de 50 ans

Bien que les structures des deux sites soient morphologiquement similaires, nous avons donc constaté que leur contenu est dissemblable. Il existe cependant au moins trois caractéristiques funéraires communes aux deux sites. D’abord, l’existence d’anneaux de propulseur associés à un défunt spécifique. Ensuite, la présence de pierres ou dalles alignées sous les corps de certains

chambre sud: -individu S1, masculin, entre 35 et 50 ans -individu S2, féminin, entre 20 et 40 ans -individu S3 féminin, entre 16 et 19 ans

L’ensemble du mobilier est constitué de 90 vases en céramique, 10 conques en coquille décorées dans le style pseudo-cloisonné, 66000 perles en coquille, 12 artefacts en jade, et d’innombrables objets en obsidienne et quartz. Il faut signaler aussi la présence de trois metates sur lesquels a été posé l’individu S2. 174

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ N1 et N3. Ce dernier individu, de sexe féminin, est le seul pour lequel l’anomalie est absente; sa présence dans la tombe s’expliquerait donc par un lien matrimonial. Il faut aussi signaler que N1 et N3 sont les seuls à avoir le crâne déformé (tabulaire droit). Tout cela indique que la tombe, datée de 65 après J. C., a été utilisée comme une crypte familiale pour un groupe haut placé dans la communauté. Toutefois, cette reconstitution des liens de parenté demeure hypothétique, et on pourrait envisager d’autres possibilités. Nous reviendrons sur ce thème dans notre commentaire.

D’après López Mestas (López Mestas, Ramos, Pickering 1998: 168), la tombe a été probablement dédiée au personnage N1 qui semble le plus important car il portait des vêtements recouverts de perles en coquille, de nombreuses parures (labret, boucles d’oreille, bracelets); un propulseur en jade, et 10 conques l’entouraient. Il est le seul inhumé qui n’ait pas fait l’objet de manipulations après la mort, puisque tous ses membres étaient en connexion anatomique au moment de la fouille. Ce n’est pas en revanche le cas des cinq autres sujets dont certaines pièces contiguës étaient disjointes, notamment les côtes. Ces restes avaient donc entamé leur processus de décomposition lorsque l’individu 1 fut introduit dans la tombe: ils auraient alors fait l’objet de manipulations, provoquant la rupture de quelques articulations (Pickering et Cabrero 1998: 80). Cela implique que leur décès a eu lieu avant la mort de l’individu N1. Par ailleurs, il a été envisagé que leur introduction dans la tombe aurait suivi le décès de l’individu N1: le processus de décomposition aurait commencé à l’extérieur de la tombe. Les restes de nattes qui leur étaient associées suggèrent l’enveloppement des cinq corps, qui pouvaient constituer des paquets funéraires. Ces paquets auraient maintenu l’ensemble des squelettes en connexion, lors de leur descente dans les chambres (López Mestas, Ramos, Pickering 1998: 169).

Ce traitement funéraire implique, en plus de la construction de la structure et de l’élaboration des offrandes et parures, la préparation des corps qui accompagnent l’individu principal. Le rituel suppose non seulement la disposition des corps et des offrandes à l’intérieur des chambres, mais aussi la mise en place de deux structures de condamnation: les dalles à l’entrée de chaque chambre et le remplissage du puits par du sable allochtone • Commentaire La première différence à remarquer entre les sites de Caseta et de Huitzilapa est leur emplacement: le premier sur une colline et le deuxième dans une vallée. Ensuite, la localisation de la tombe de Huitzilapa sous une structure monumentale d’accès restreint, à l’intérieur du site le plus important de la vallée, contraste avec la localisation des tombes de Caseta. En effet, le site de Caseta manque de structures monumentales et il est loin d’être le plus important du bassin de Sayula à l’époque, mais il abrite cinq structures funéraires (trois tombes à puits et deux fosses) des phases anciennes. Par contre, à Huitzilapa, la seule tombe présente, se trouve hors d’un cimetière.

L’hypothèse d’une introduction simultanée des six individus dans la tombe ne semble pas logique. En effet, il faudrait envisager, pour cela deux possibilités: -Soit les individus N2 à S3 sont morts successivement, auquel cas, ils se seraient trouvés à différents degrés de décomposition lors de leur placement dans la tombe. Ils devraient donc présenter des degrés différents de désarticulation, ce qui n’est pas le cas. -Soit, leur mort serait survenue simultanément, ce qui pourrait s’expliquer par un sacrifice, antérieur de plusieurs semaines au décès de N1, comme l’indique la rupture de quelques articulations. Ce n’est pas très vraisembable car cela implique qu’on a mis à mort cinq individus pour accompagner un personnage encore vivant.

La somptueuse structure de Huitzilapa est techniquement supérieure à celles de Caseta; cependant, dans les deux cas, et comme à Atemajac, des structures de condamnation ont été soigneusement mises en place. En effet, à Caseta, le puits de la tombe B a été rempli par des grosses pierres et colmaté par de la terre; par ailleurs, les restes de la tombe C ont été couverts par de la terre meuble. A Huitzilapa, le remplissage du puits par du sable importé, et les dalles qui fermaient les entrées aux chambres avaient le même but.

Il serait donc plus plausible d’envisager une introduction successive des divers individus dans les chambres, s’achevant par celle de N1. Les corps (N2 à N6) et le mobilier funéraire auraient alors fait l’objet de remaniements, entraînant la rupture de certaines connexions anatomiques, avant la fermeture définitive de la tombe.

Bien que le mobilier à Huitzilapa soit abondant et très élaboré, certains types d’objets se retrouvent aussi à Caseta. Les perles en coquille qui entourent le corps de l’individu principal à Huitzilapa étaient aussi présentes à Caseta, en moindre quantité, chez les individus 1 et 2 de la tombe B. La présence des anneaux d’atlatl, associés au personnage principal à Huitzilapa et à l’individu 1 de la tombe B à Caseta, est aussi une constante dans le mobilier, partagée avec l’un des individus d’Atemajac.

L’existence d’un lien de parenté entre les individus inhumés dans la tombe a été corroborée à partir d’une anomalie congénitale connue comme le Syndrome de Klippel-Feil (type II) qui consiste en la fusion de diverses vertèbres (López Mestas et al. 1998: 170). Cette anomalie se présente entre parents de premier degré. La corrélation entre l’âge et le sexe des sujets atteints a permis de tenter une reconstruction des liens de parenté. Ainsi les individus N2 et S1 seraient des frères de N1, tandis que S2 et S3 seraient les filles de S1 et N3 ou de

Une autre caractéristique du mobilier commune aux tombes B et C de Caseta, à celles d’Atemajac et à celle de Huitzilapa est la constitution d’une espèce de lit de metates ou pierres sur lesquels reposait un seul individu 175

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ inhumante. A l’inverse, l’absence d’enfants à Huitzilapa et l’âge relativement avancé des individus laisse supposer un recrutement biaisé, fondé sur le statut acquis.

de l’ensemble: l’individu 1 de la tombe B, celui de C, ainsi que l’individu S2 de Huitzilapa. Ce type de dispositif ouvre la possibilité de l’existence d’une structure périssable, posée elle même sur les pierres, et qui se serait décomposée après le décharnement du cadavre. Il pourrait s’agir d’une structure rigide telle qu’une planche en bois, ou semi-rigide comme des nattes attachées autour du corps. Cette dernière option coïncide avec la proposition de Pickering et Cabrero (1998: 80) qui suggèrent que les corps furent introduits dans la tombe de Huitzilapa sur des lits du même type que ceux représentés dans les petites figurines solides.

- A Huitzilapa, le personnage principal est clairement désigné par ses parures, tandis qu’à Caseta, il n’existe pas une aussi grande différence entre les ornements qui accompagnaient les différents personnages. On note donc, une différence de statut importante à l’intérieur même de la tombe de Huitzilapa: les personnages de la chambre sud sont moins parés que ceux de la nord, dont l’individu 1 semble être le principal. A Caseta, ce genre de phénomène n’est pas constatable. Ce contraste pourrait traduire l’existence à Caseta, d’une société moins hiérarchisée que celle de Huitzilapa, surtout si l’on tient compte du point précédent: les différences de recrutement.

Quant aux pratiques funéraires, nous avons repéré de rares similitudes entre les tombes des deux sites: la présence de plusieurs corps, et la coexistence d’hommes et de femmes dans la même chambre. Les différences semblent donc plus nombreuses:

Les différences structurales entre les tombes des deux sites semblent donc confirmées par des pratiques funéraires distinctes. De plus, ces différences suggèrent entre Huitzilapa, d’une part, et Caseta et Atemajac, de l’autre, l’existence de statuts sociaux contrastés.

- La tombe B de Caseta a été réutilisée au moins deux fois, tandis que celle de Huitzilapa, d’après Lopéz-Mestas (et al. 1998: 170) semble représenter un seul événement funéraire, d’une durée limitée, à la suite duquel la structure a été définitivement scellée. D’autre part, des liens de parenté entre les individus de Huitzilapa ont été établis, tandis qu’à Caseta la mauvaise conservation des os n’a pas permis une observation aussi poussée.

c. Le cañon de Bolaños: Cerro del Piñón Dans le nord du Jalisco, au centre du cañon de Bolaños, se trouve le site de Cerro del Piñón (López Cruz 1998) qui, comme son nom l’indique, se dresse sur une colline. Cette élévation, aménagée en terrasses, présente une occupation résidentielle autour d’un centre cérémoniel, ainsi que quatre tombes à puits, dont trois intactes. Les quatre structures sont similaires par leur morphologie et leurs dimensions, mais l’affaissement des voûtes des tombes 3 et 4 ne permet pas de l’affirmer catégoriquement. D’après López Cruz (ibid: 190), l’effondrement s’est produit lors de la construction postérieure d’habitations localisées au-dessus des tombes; la cavité produite a été ensuite remplie par un remblai. Bien que le contenu des chambres n’ait pas été pillé, le poids des décombres et le remblai ont fragmenté le matériel présent.

Il est possible d’émettre des doutes sur le caractère unique de l’événement funéraire à Huitzilapa. Plusieurs arguments s’opposent à cette interprétation. D’abord, l’existence de légers remaniements se traduisant par la rupture d’articulations labiles à l’intérieur des paquets funéraires (Pickering et Cabrero 1998: 80). Ensuite, comme on l’a vu ci-dessus, la mise à mort de cinq parents proches de N1 bien avant que celui-ci ne décède, paraît peu vraisemblable. Ainsi, la notion même de tombe familiale contenant des parents et des enfants adultes suppose que cette structure a été utilisée sur deux générations, soit une durée d’au moins 25 ans. La conjonction de ces trois arguments suggère que la tombe de Huitzilapa n’a pas fait l’objet d’un événement unique. Bien entendu, on ne peut nier l’existence de liens de parenté entre ces individus, mais le schéma proposé par López Mestas (et al. 1998) repose sur le principe d’un événement unique. Si l’on envisage d’autres types de liens de parenté, l’hypothèse d’une durée plus longue d’utilisation de la structure devient envisageable.

Les structures sont composées d’un puits latéral de forme cylindrique d’environ un mètre de profondeur qui aboutit à une marche d’un mètre de hauteur menant à une chambre de plan oval irrégulier (figure 126). D’après leurs caractéristiques morphologiques, les tombes de Cerro del Piñón correspondraient au type ‘IIIa3’ de Long (1967: table 1).

- L’absence d’enfants dans la structure de Huitzilapa contraste avec la présence de cinq enfants dans l’ensemble des tombes à puits de Caseta. Par ailleurs, l’âge des adultes de la tombe B au moment du décès indique une population jeune puisque le plus vieux, l’individu 5, avait entre 35 et 39 ans, tandis qu’à Huitzilapa trois personnages, NI, N3, S1, avaient plus de 45 ans.

L’ensemble du matériel osseux était très détérioré, mais il a été possible de discerner des corps en position allongée et fléchie dans trois tombes. Le nombre minimum d’individus comptabilisé est particulièrement important: une des tombes abritait 87 individus en dépôts primaires et secondaires, représentant tous les âges et les deux sexes (Pickering et Cabrero 1998: 75).

Ceci montre, entre les deux ensembles, des différences de recrutement que l’on peut tenter d’interpréter. A Caseta, la présence d’inmatures, même peu nombreux, permet de rapprocher la population inhumée de la population

Les amas osseux localisés au fond des chambres témoignent de l’importante réutilisation des structures. 176

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ La profondeur du puits est cependant plus réduite qu’à Caseta puisque les tombes A et B atteignent 2,40 et 2,60 m respectivement, tandis que ceux de Cerro del Piñón mesurent à peine un mètre. Elles correspondent donc, de la même manière que celles de Caseta, à la catégorie des sub-monumentales. A Cerro del Piñón on ignore tout de l’existence d’éventuelles structures de condamnation.

Cette hypothèse aurait été confirmée par les datations de C obtenues dans les tombes 3 et 4. En effet, les échantillons provenant des couches supérieures de chaque tombe ont donné des dates plus récentes (220 après J. C. pour la tombe 3 et 350 après J. C. pour la tombe 4), que ceux provenant des couches inférieures (135 après J. C. et 210 après J. C., respectivement) (ibid). En l’absence de précisions sur la calibration de ces dates, et compte tenu de leurs faibles écartements, il peut sembler audacieux d’en déduire une telle hypothèse. La tombe 2 a été datée de 440 après J. C.

14

Quant aux pratiques funéraires, la présence d’urnes en forme de jarres à fond pointu, remplies d’os brulés semble vraiment une modalité locale puisqu’il n’existe rien de semblable à Caseta. On a vu ci-dessus que cette pratique pourrait peut être mise en relation avec certaines données du site de Loma Alta au Michoacán (Carot 2001). Rappelons ici que, dans son travail, Carot évoque des liens entre son site d’étude et le sud du Zacatecas. Si cette hypothèse se vérifiait, Cerro del Piñon se trouverait ainsi au confluent de deux traditions funéraires, ce qui pourrait justifier certaines de ses particularités. Par contre, Caseta et Cerro del Piñon partagent d’autres caractéristiques qui rendent comparable le traitement des défunts. D’abord, la position allongée des corps qui, par ailleurs, portent des parures. Ensuite, la réutilisation assez intensive des structures, corroborée par l’existence d’amas osseux. Cette caractéristique les rapproche plutôt de la Tombe B de Caseta puisque la C n’a pas été réutilisée, et le nombre minimum d’individus enregistrés dans la structure A ne permet pas de l’affirmer. Inversement, cette situation se différencie d’avec la tombe de Huitzilapa.

La présence de grandes jarres, utilisées comme urnes funéraires, est signalée dans les trois tombes. Plusieurs d’entre elles ont un fond plat et un col court, mais la plupart sont de base conique avec un col étroit et long. Remplies d’os partiellement brûlés et bouchées avec un tesson arrondi, les jarres étaient disposées contre les murs pour garder une position verticale. La décoration géométrique (lignes croisées et losanges) est peinte en couleur brun ou noir sur engobe crème. Il n’y a pas plus de précision quant à leur nombre. Ces détails évoquent certaines des données obtenues par Carot (2001) sur le site de Loma Alta, même si, en l’absence d’étude plus poussée, il serait aventureux d’en tirer des conclusions. Plusieurs statuettes de style Lagunillas se trouvaient parmi les offrandes; elles représentaient des personnages masculins et féminins. D’autres objets tels que des pointes et couteaux en obsidienne et silex, des haches zoomorphes en pierre figuraient parmi les offrandes. Les parures étaient constituées de pectoraux en ardoise, de bracelets en coquille et de perles en divers matériaux: coquille, corail noir, céramique et os.

En ce qui concerne le mobilier funéraire, on note que les offrandes des tombes à Cerro del Piñón sont plus nombreuses et de meilleure qualité que celles de Caseta. Les statuettes anthropomorphes en terre cuite sont absentes de l’ensemble des tombes de Caseta, même s’il existe la possibilité que des objets similaires se trouvaient parmi le mobilier de la tombe A. D’autre part, les parures sont similaires dans les deux sites tant par leur morphologie (bracelets, pectoraux, perles, etc.) que par le choix des matériaux (coquille, obsidienne, ardoise, etc.), à l’exception du corail noir qui ne figure pas dans les restes enregistrés à Caseta.

Des fragments de tissu en coton ainsi que des nattes ont été enregistrés en association avec l’individu principal de la tombe 2. • Commentaires D’après les quelques informations disponibles pour le site de Cerro del Piñón, nous avons repéré plusieurs caractéristiques qui méritent être mises en rapport avec le site de Caseta. Le premier point à signaler est l’emplacement similaire des sites, tous les deux sur des collines. Par contre, l’occupation résidentielle autour d’un centre cérémoniel, caractéristique de Cerro del Piñón, et comparable à la situation à Huitzilapa, ne coïncide pas avec le caractère éminemment funéraire de Caseta. Les tombes à puits de Cerro del Piñón se trouvent donc dans un contexte cérémoniel. Ces structures ne constituent d’ailleurs qu’une des formes d’inhumation dans la région de Bolaños, puisqu’elles sont contemporaines de sépultures en fosses, toutes les deux présentes entre 200 et 400 après J. C. (López Cruz 1998: 192). La présence de fosses est aussi une caractéristique du système funéraire à Caseta à cette phase ancienne.

3. Discussion L’information obtenue à travers l’analyse des données provenant des sites mentionnés ci-dessus peut sembler disparate et assez pauvre: un échantillon restreint de tombes à puits, fouillées et publiées de façon hétérogène, pour un territoire vaste et varié. Nous allons discuter ces résultats afin de tenter d’en tirer une vision cohérente, dans leur contexte régional. La première constatation que l’on peut faire est qu’à de multiples égards, les tombes à puits de Caseta et du bassin de Sayula correspondent à la définition de ce genre de vestiges. Caseta et le bassin de Sayula sont localisés dans la région où ce type de sépultures est bien connu. D’autre part, et nous l’avons souligné à de nombreuses

Bien qu’on ne dispose pas d’une description précise des structures de Cerro del Piñón, au moins la taille, sinon la morphologie générale, semble proche de celles de Caseta. 177

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ On ne saurait toutefois douter de leur appartenance à la tradition. Bien plus, la construction même de tombes à puits qui nécessitent des aménagements particuliers, comme à Cerro del Agua Escondida, ou comme la tombe C, protégée et remaniée, traduisent de la part de la population inhumante une volonté de respecter les normes. Le mobilier, même dans sa pauvreté relative évoque un respect des gestes: on a enregistré en fait plusieurs points de convergence, de la présence d’atlatls, à celle d’éclats d’obsidienne dans la bouche des défunts, sans insister sur les positions, ou la présence d’éventuels lits funéraires.

reprises, aussi bien la morphologie que l’emplacement des tombes à flanc de colline, sur une élevation est tout à fait conforme aux constatations faites ailleurs. Les données comparatives étudiées ci-dessus ont montré la multiplicité des points de ressemblance. En revanche, à Caseta, et plus généralement dans le bassin, on n’enregistre pas d’association entre architecture monumentale et tombes. Par ailleurs, et contrairement à la tombe de Huitzilapa, les tombes du bassin sont plus simples, et entrent dans la catégorie des tombes sub-monumentales. Elles présentent aussi des caractéristiques particulières. La tombe C de Caseta ne répond pas tout à fait à la définition de tombe à puits, et nous avons été amenée à la considérer comme une forme intermédiaire entre la tombe à puits submonumentale et les fosses. En ce qui concerne les trois tombes de Cerro del Agua Escondida, leurs caractéristiques morphologiques semblent indiquer qu’elles constituent, en fait, une adaptation au terrain. Ainsi dans des sols friables, comme ceux de la vallée d’Atemajac et de Cerro del Agua Escondida, les structures gardent des dimensions modestes. Dans le dernier cas, l’extrême faiblesse de la ponce a contraint les constructeurs à ajouter des dalles pour faire tenir les parois et la voûte. Cela a cependant modifié l’apparence de la structure et, en tant qu’adaptation locale, les tombes de Cerro del Agua Escondida ne correspondent exactement à aucun type connu. A l’inverse, à Huitzilapa, où la solidité du tuf volcanique le permet, la profondeur et les dimensions de la structure sont importantes. On note, par ailleurs, que les plus grandes tombes, monumentales, se trouvent principalement autour de la vallée de Teuchitlán. Cela n’a été possible qu’à partir de l’existence d’un sol compact approprié. Les tombes des autres sites étudiés, et du reste de l’Occident, correspondent à la catégorie sub-monumentale.

Une structure qui demande un investissement de ce genre de la part de la population inhumante devait être rentabilisée. Dans les cas d’Atemajac, du bassin de Sayula et de Bolaños, leur réutilisation périodique serait la réponse. Il pourrait sembler contradictoire de constater que celle de Huitzilapa, la plus fastueuse, ne semble avoir été réutilisée, même si, on l’a vu, les inhumations se sont échelonnées dans le temps. Etait-il plus facile pour la population de ce dernier site d’en édifier d’autres? Les conditions du terrain le permettaient. On peut raisonnablement supposer que l’abondance de main d’œuvre dans la zone centrale ne posait pas le problème de l’investissement dans les mêmes termes que pour les zones périphériques. Il faut aussi tenir compte des structures sociales: au sein d’une société plus hiérarchisée, comme l’architecture monumentale le démontre, les impératifs de prestige prennent le pas sur le temps investi. Il reste que, réutilisation ou non, l’existence des tombes à puits est liée à l’idée de sépultures multiples, donc de fonction communautaire, familiale ou lignagère. A Huitzilapa, on l’a vu, cette idée se manifeste sous la forme d’un caveau familial. Pour ce qui touche aux autres sites, diverses variantes dans les coutumes funéraires ont été repérées:

Les dimensions et les caractéristiques générales des tombes analysées corroborent l’observation de Weigand (1989: 42) qui signale que, plus les communautés qui partagent la tradition Teuchitlán s’éloignent du centre, plus les tombes sont simples: la complexité architecturale, la somptuosité du contenu ainsi que la catégorie hiérarchique décroissent. Ainsi la tombe de Huitzilapa, située dans la région de Teuchitlán, près du centre, est une structure monumentale dont le contenu est fastueux. Tous les autres cas étudiés entrent à divers degrés dans la catégorie sub-monumentale. Celles de la région de Bolaños, localisée à environ 111 km de Teuchitlán, sont bien sub-monumentales, mais leur contenu est assez riche. On a vu ci-dessus que cela pourrait s’expliquer également par d’autres circonstances. Les tombes de la vallée d’Atemajac, éloignées d’à peine 75 km, correspondent à la même définition, mais le mobilier funéraire est relativement luxueux et abondant, dans la plupart des cas. Au contraire, celles du bassin de Sayula, la région la plus éloignée, (située à environ 133 km du centre), sont sub-monumentales et leur contenu est franchement pauvre.

-La présence des immatures en est une. Présents dans la région de Bolaños et le bassin de Sayula, leur présence à Atemajac n’a pas été complètement établie. A Huitzilapa, leur absence est incontestable. -Une autre différence, liée à la précédente, est la présence de microtombes, exclusive de la vallée d’Atemajac. -Quant au mode de recrutement des sépultures, dans le cas de Huitzilapa seulement, les liens de parenté ont été nettement établis et le personnage principal clairement identifié. L’hypothèse de liens familiaux pourrait être valable pour les autres régions, mais devant l’absence de preuves, il est délicat de l’affirmer. Inversement, les données suggèrent une longue utilisation des structures, avec des réaménagements successifs. -La présence de paquets funéraires a pu être suggérée pour les tombes de la vallée d’Atemajac et dans celle de Huitzilapa; pour les autres, même si un pareil dispositif semble approprié, le manque d’indices archéologiques empêche sa confirmation.

178

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ compte des hypothèses de Weigand, qu’avancer une hypothèse: les tombes du bassin de Sayula, en raison de leur simplicité et de leur caractère sub-monumental, pourraient, comme d’ailleurs celles d’Atemajac et de Cerro del Piñon, être plutôt tardives dans la tradition, en tous cas postérieures à celle de Huitzilapa. Un autre argument pourrait étayer cette proposition: le caractère atypique des tombes de Cerro del Agua Escondida, qui suggèrerait plus une adaptation postérieure à l’apogée, qu’un prototype ancien, surtout dans le contexte périphérique du bassin de Sayula.

-La présence de dalles, de metates, ou de pierres non travaillées sous les corps, comme éventuel support de lits funéraires, a été enregistrée à Huizilapa, Atemajac et Sayula, mais pas à Bolaños. Rappelons ici que ce site a peut-être connu d’autres influences dans ses pratiques funéraires. Il serait loisible d’allonger la liste de ces différences qui permettent d’individualiser des sites ou des groupes de sites, au sein d’une même tradition. Mais compte tenu des éléments communs, et des nombreux facteurs de convergence, il semble que nous soyons bien confrontés à une même tradition funéraire dont les différentes variantes constituent des adaptations tant aux conditions naturelles qu’au contexte social dans lesquels elles s’insèrent. Nous reviendrons sur ce dernier point lors de notre synthèse.

Enfin, la présence à Caseta, de fosses associées aux tombes à puits semble plutôt être un trait tardif. Dans le bassin, d’autres fosses seraient datées de la phase Verdía, légèrement plus tardive qu’Usmajac. Cela constituerait un autre indice de placement chronologique tardif pour les tombes à puits de Caseta et du bassin de Sayula.

Il reste un dernier point à aborder ici, qui touche le placement chronologique de la phase Usmajac. Comme on l’a signalé dans le chapitre III, la tradition des tombes à puits est estimée chronologiquement entre 300/200 av. J. C. et 500/600 apr. J. C. Les structures de la vallée d’Atemajac, de Cerro del Piñón, et de Huitzilapa dont les dates vont du début de notre ère jusqu’à 457 après J. C. constituent donc, un échantillon représentatif des cinq cents derniers années du phénomène.

dates type*

Ca seta

El Casco

Agua Escon -dida ?

Usm a jac IIIa2

Usma jac Ia1

IIIa1

3

1

3

Atemajac 3 av JC457 ap JC Ia1, IIIa2, VIa1, Ia3 23

Cerro del Piñón 135440 ap JC IIIa3

Huitzilapa

3

1

B. Sépultures récentes Nous suivrons pour l’étude comparative des sépultures récentes la même démarche que pour les tombes à puits, c’est-à-dire d’abord à l’échelle locale, puis régionale. Toutefois, compte tenu du phénomène déjà signalé de mésoaméricanisation de l’Occident, nous serons amenée à élargir le champ de nos comparaisons, et à dépasser le cadre strict de l’Occident.

65 ap JC IIIa5

1. Le Bassin de Sayula Dans l’Occident du Mexique, l’intérêt pour les pratiques funéraires s’est surtout focalisé sur les tombes à puits. Ce fait, associé au faible nombre de découvertes portant sur des périodes ou des pratiques différentes, limite fortement les possibilités de comparaison pour les sépultures récentes. En effet, à l’exception du site de San Juan, dans le bassin de Sayula, le nombre de sépultures correspondant à la phase Amacueca avoisine zéro, ce qui rend presque impossible une étude comparative à l’échelle locale (figure 127). Toutefois, l’importance des données disponibles sur le site de San Juan compense en grande partie cette lacune, et justifie que l’on fasse de ce site une présentation sérieuse.

structures

* d’après Long 1967: tableau 1. ? pas de dates absolues. Tableau 90. Tableau comparatif des datations des différents types de tombes à puits. Comme nous l’avons vu au chapitre I, bien des doutes subsistent sur le placement chronologique exact de la phase Usmajac. En l’absence de dates 14C pour les tombes elles-mêmes, les quatre dates disponibles la placent entre 171 et 260 de notre ère. On a déjà discuté ce point, et ses implications sur un éventuel chevauchement avec la phase Verdía. La typologie et l’étude comparative du matériel céramique fournissent des indices sur son ancienneté. On a vu que ce matériel présentait des similitudes avec celui des phases Ortices du Colima, et Tuxcacuesco du Jalisco. L’association de ce matériel avec le contexte des tombes à puits renforce ce placement, mais ne suffit pas à fournir de dates plus précises, compte tenu de l’ampleur chronologique de la tradition. Dans ces conditions, on ne peut, en tenant

a. San Juan La localité d’Atoyac se situe sur la rive orientale du bassin de Sayula, entre le niveau de playa et les premiers contreforts de la Sierra del Tigre. Le site de San Juan se trouve dans la partie sud-ouest du village. Il a été découvert par les membres du projet Sayula, pendant la prospection de 1990. Menacé par des travaux d’aménagement urbain, son sauvetage fut décidé, et mené à bien en 1991. 179

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ Un nombre minimum de 155 individus a été fouillé: ils représentent trois phases d’occupation: Verdía, Sayula et Amacueca. Cette série a fait l’objet d’une étude anthropologique de la part de Gabriela Uruñuela (1997). Nous allons ci-dessous discuter les caractéristiques générales du matériel funéraire Amacueca de San Juan pour établir ensuite des comparaisons avec celui de Caseta. Compte tenu de ce que l’ensemble des données sur ce site ne provient que de la thèse de cet auteur, nous renvoyons le lecteur à ce travail et, sauf exception, nous éviterons de multiplier les renvois.

fosses soit individuelles, soit multiples. Des dépôts secondaires accompagnaient un dépôt primaire. Les squelettes masculins sont largement représentés (71.11%), tandis que les femmes (11.11%) et les enfants (8.88%) sont rares. La plupart des adultes enregistrés étaient âgés d’entre 21 et 35 ans. Le mobilier funéraire était abondant puisqu’il accompagnait 24 squelettes. Les récipients céramiques, placés aux pieds ou à coté des corps, correspondaient au matériel de la phase Amacueca, mais certains présentaient des caractéristiques tarasques. Plusieurs éléments de parures également. De nombreux objets ont été enregistrés: grelots, aiguilles, pinces et crochets, en cuivre, ainsi que des labrets en obsidienne et des pendentifs en coquille, tous associés à des squelettes masculins. Les 15 pointes de projectile, associées exclusivement aux hommes, ne semblaient pas constituer des offrandes, puisque elles se trouvaient parmi les restes osseux.

L’échantillon Amacueca du site de San Juan est constituée d’un total de 104 individus répartis dans trois secteurs: aires 1, 3 et 4 et deux sépultures isolées (figure 128). L’aire 2, qui correspond à un cimetière de phase Sayula (Acosta 1994, Uruñuela 1997), ne sera pas décrite ici. L’aire 1, située à l’ouest de la zone fouillée, comptait 36 individus qui occupaient un secteur de 270 m2. Les corps, allongés en décubitus dorsal, étaient placés dans des fosses rectangulaires. Il y a, cependant, quelques sujets fléchis. Les inhumations individuelles correspondaient à des dépôts primaires, tandis que les multiples étaient composés de primaires et de secondaires. L’orientation des fosses vers l’ouest semble reservée aux adultes tandis que les immatures ne présentent pas une orientation préférentielle.

L’aire 3 est donc un secteur funéraire marqué par une certaine influence tarasque, où l’on trouve principalement des jeunes adultes de sexe masculin et, occasionnellement, des femmes et des adolescents. Les enfants, en tant que dépôts primaires étaient exclus puisque les rares cas correspondent à des dépôts secondaires. Ce modèle suggère un mode de recrutement basé sur l’âge et le sexe qui privilégiait les hommes jeunes qui portaient la totalité des parures et la plupart des offrandes.

Les squelettes féminins sont mieux représentés (44.44%) que les masculins (19.44%) et que les immatures (30.54%). La plupart des adultes enregistrés étaient âgés d’entre 21 et 35 ans, tandis que les immatures avaient le plus souvent entre 7 et 12 ans. Les restes d’immatures se trouvaient pour la plupart dans les inhumations collectives, soit comme dépôts primaires, soit comme secondaires. L’aire 1 présente donc un nombre plus important de restes féminins, mais la distribution des groupes d’âge est équilibrée.

L’aire 4 correspond à une zone de 880 m2 de surface qui comptait 21 individus associés, dont 17 dépôts primaires en sépulture individuelle, et quatre dépôts secondaires en sépulture multiple. Les squelettes, en position fléchie assise ou en décubitus latéral, occupaient des fosses irrégulières. La proportion d’individus de sexe masculins (33.33%) est assez similaire à celle des féminins (28.57%), et à celle des immatures (38.09%). Les adolescents, enfants et nouveau-nés du groupe des immatures faisaient l’objet de dépôt primaires, inhumés individuellement. L’aire 4, la seule où des nouveau-nés ont été enregistrés, présente donc une proportion équilibrée d’hommes, femmes et enfants, représentative d’une population normale. La plupart des adultes comptabilisés avaient entre 36 et 55 ans.

Les offrandes, constituées principalement de vases miniatures, sont rares puisqu’elles accompagnaient seulement neuf individus, pour la plupart féminins. Nous savons donc que les restes de l’aire 1 correspondent principalement à des femmes auxquelles étaient destinées de rares et pauvres offrandes. La disposition des récipients par rapport au corps des défunts est variable. Le nombre de parures est aussi restreint: un labret (bezote) pour un squelette masculin, des anneaux de cuivre pour deux enfants, une aiguille en cuivre et un collier en cuivre pour deux femmes respectivement.

Neuf sujets étaient accompagnés de mobilier funéraire. Les offrandes, écuelles tripodes et vases miniature, étaient placées aux pieds des défunts. Des pointes en obsidienne se trouvaient associées aux corps. Des grelots, des pinces et des aiguilles en cuivre, ainsi que des bracelets et colliers en coquille, et des bezotes en obsidienne constituaient l’ensemble de parures. Les bezotes sont associés aux individus masculins, les bracelets et les colliers en coquille aux enfants et les nouveau-nés ne comptent pas de matériel culturel associé.

Les caractéristiques générales des sépultures de l’aire 1 suggèrent une évolution des coutumes funéraires préhispaniques vers les pratiques catholiques du début de l’époque coloniale. Uruñuela signale que l’orientation vers l’ouest constitue une caractéristique chrétienne de l’Amérique coloniale (Thomas 1991: 100)

Finalement, les inhumations isolées se trouvent à l’est de l’aire 1. Il s’agit de deux sépultures en dépôt primaire, inhumées individuellement. Les corps, en position assise et orientés vers l’est, correspondaient à deux jeunes

L’aire 3, située au nord-ouest de la zone fouillée, comptait 45 individus qui occupaient une surface d’environ 220 m2. Les corps assis étaient placés dans des 180

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ seul secteur qui semble représentatif d’une population normale est l’aire 4, qui, comme on l’a signalé, se distingue par son caractère résidentiel.

femmes, entre 21 et 35 ans. Les deux étaient accompagnées d’offrandes en céramique et l’une d’entre elles portait cinq boucles d’oreille en coquille et cuivre. Les pratiques funéraires révélées par la fouille sont plus proches de celles des aires 3 et 4.

site secteur

Aire 1

San Juan Aire 3

Aire 4

Caseta Cimetièr Cimetièr eN eS 82 m2 136 m2

270 m2

220 m2

880 m2

allongée 36 70.3% 29.6% 77.7%

fléchie 45 64.5% 35.4% 71.1%

fléchie 21 94.73 5.26% 76.69%

fléchie 30 80% 20% 60%

fléchie 116 69.85% 30.15% 75%

16.6%

28.8%

23.81%

20%

21.55%

19.4% 44.4% 30.5% 25%

71.11% 11.11% 8.88% 53.33%

33.33% 28.57% 38.09% 42.85%

16.66% 39.99% 16.66% 30%

45.61% 16.31% 12.06% 50%

D’après Uruñuela (1997: 67), les vestiges funéraires de la phase Amacueca à San Juan, témoignent de l’existence de deux populations. La première est constituée par les individus des aires 3, 4 et les sépultures isolées. L’aire 3 constitue un cimetière, tandis que l’aire 4 était une zone d’habitation, où on inhumait éventuellement des défunts. D’autre part, l’aire 3, espace réservé aux jeunes adultes masculins et à quelques jeunes femmes, n’est pas représentative d’une population normale. En effet, elle semble destinée à accueillir des individus de diverses unités familiales qui ont probablement la même position dans la société. Le mobilier associé en témoignerait. Par contre, l’aire 4 semble représentative d’une population normale car, en plus des adultes des deux sexes, les enfants y étaient admis. L’aire 1, qui témoignerait de la transition vers l’époque coloniale, est vouée exclusivement aux inhumations. Les pratiques funéraires enregistrées sont différentes de celles des aires 3 et 4, tant par la position des corps que par la rareté et la pauvreté des offrandes.

*Les trois pourcentages n’atteignent pas parfois 100% compte tenu de l’impossibilité d’identification du sexe. **Les deux pourcentages n’atteignent pas parfois 100% compte tenu de l’impossibilité d’identification du mode de dépôt.

• Les ensembles funéraires de San Juan et de Caseta

Tableau 91. Caractéristiques générales des sépultures, sites de San Juan et de Caseta.

surface occupée position NMI sép. ind. sép. mult. dép. prim.** dép. sec.**. masc* féminins* immat* mobilier

Composée de 104 individus, la série funéraire Amacueca du site de San Juan est d’abord quantitativement comparable avec celle de Caseta, qui compte au moins 152 sujets. Nous allons maintenant discuter les différents volets de l’analyse funéraire tels que les pratiques funéraires, le mobilier et les données paléoanthropologiques, afin de discerner les points communs ainsi que les divergences entre les deux sites.

Le mobilier funéraire dans les deux sites présente aussi des caractéristiques communes: le choix des matières premières (coquille, céramique, métal), la forme des parures (bracelets, pinces, grelots et boucles d’oreille) et la localisation par rapport au défunt (près des pieds ou à côté du corps).

Si la situation des deux sites est différente, l’utilisation de l’espace est similaire dans les deux cas, puisqu’ils présentent plusieurs secteurs funéraires de tailles différentes. L’aire 4 à San Juan serait l’exception, puisqu’elle est la seule à connaître une utilisation résidentielle, en plus de sa fonction funéraire; c’est probablement pourquoi le nombre d’individus est si faible par rapport à la surface occupée. Les coutumes funéraires sont également similaires: l’utilisation de fosses est la règle; la proportion entre sépultures individuelles et multiples est semblable, les premières étant toujours plus nombreuses; les dépôts primaires sont plus abondants que les secondaires; et la position fléchie est la plus utilisée. L’exception correspond à l’aire 1 où la plupart des corps étaient allongés, même si quelques-uns étaient fléchis. Cela correspondrait, comme Uruñuela l’a signalé, à une différence chronologique.

A Caseta, l’influence tarasque n’apparaît cependant pas de façon aussi nette qu’à San Juan. Pour ce dernier site, les objets de style tarasque se trouvent aussi bien dans les dépotoirs de la zone d’habitation, qu’en contexte funéraire. Par ailleurs, la céramique de style tarasque présente des caractéristiques technologiques différentes de celle de production locale. Cela suggère que ces objets n’étaient pas des imitations, mais bien des importations du Michoacán (Noyola 1994: 73). Les objets en cuivre, dont au moins 50% sont travaillés à la manière tarasque, pourraient aussi être importés du Michoacán. Pendant le Post-classique, la métallurgie se développe dans tout l’Occident; par conséquent, les objets en métal ne sont pas exclusifs du peuple tarasque (Valdez et Liot 1994: 302). La présence tarasque à San Juan pourrait s’expliquer par leur intérêt pour le sel, puisque, comme le mentionnent les Relaciones geográficas (Acuña 1987: 394, et 1988: 193), la localité d’Atoyac jouait un rôle important dans sa distribution.

Les femmes sont plus nombreuses dans le cimetière Nord de Caseta et l’aire 1 de San Juan, tandis que, dans l’aire 3 et le cimetière Sud, ce sont les hommes. La présence des immatures est anormalement faible dans l’aire 3 de San Juan et dans les deux secteurs funéraires de Caseta. Le

L’étude d’Uruñuela consacre deux remarquables sections aux caractéristiques morphométriques et aux caractères discrets de la population Amacueca à San Juan. Nous ne sommes pas en mesure d’établir des comparaisons à ce

181

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ avoir une représentation équilibrée d’hommes, de femmes et d’enfants, qui pourrait correspondre à la population inhumante. Cela l’éloigne significativement des caractéristiques des cimetières de Caseta.

sujet puisque le mauvais état de conservation du matériel osseux de Caseta rend, on l’a vu, l’exercice impraticable. Quant aux pratiques ostéoculturelles, la différence entre les deux sites est évidente. La déformation crânienne à San Juan touche à peine 7.69 % des individus inhumés, tandis que à Caseta ce pourcentage est de 15.13 %. Par contre, à San Juan ont été repérées deux types de déformation: tabulaire droite et oblique; à Caseta, seul le type tabulaire droit était présent. Comme il a été mentionné dans le chapitre VII, la déformation tabulaire droite des deux sites ne semble pas correspondre à une même variante puisque les points de pression se localisent dans des secteurs différents du crâne. Cette différence, si faible soit-elle, résulte de l’utilisation d’un appareil distinct, et suggère donc des variations dans la pratique culturelle.

L’aire 3 de San Juan est, probablement, le secteur funéraire le plus proche des cimetières de Caseta. Malgré le nombre dissemblable d’individus présents, les proportions entre sépultures individuelles et multiples sont similaires; la présence de dépôts primaires est plus importante que celle de secondaires. Le nombre de sujets accompagnés de mobilier funéraire est similaire dans l’aire 3 et le cimetière Sud, tandis que dans le Nord ce nombre est faible. Par ailleurs, on note dans les trois secteurs un déséquilibre entre squelettes masculins et féminins: dans le cimetière Nord les femmes sont majoritaires, tandis que dans le Sud et l’aire 3 de San Juan, ce sont les hommes. Dans les trois secteurs, les squelettes d’immatures étaient largement minoritaires.

En ce qui concerne l’état sanitaire des séries osseuses de San Juan et de Caseta, nous constatons plusieurs similitudes, mais aussi certaines différences. D’abord, les maladies infectieuses dans les deux sites présentent des taux similaires. Les caries touchent 7.68 % des effectifs de Caseta et 6.5 % des pièces dentaires évaluées à San Juan. La périostite a été repérée respectivement dans 3.1% et 5.7% des effectifs à Caseta et à San Juan. Par ailleurs, un indicateur de stress, tel que l’hypoplasie est rare à San Juan (Uruñuela 1997: 194), tandis qu’à Caseta, elle atteint 16.44% des effectifs. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un pourcentage élevé, sa présence à Caseta contraste avec la situation à San Juan.

Ces caractéristiques suggèrent donc un mode de recrutement basé sur l’âge et le sexe du défunt qui privilègie, bien entendu, les adultes au détriment des enfants, et l’un ou l’autre sexe, selon le secteur d’inhumation.

2. La région Les données relatives aux sépultures post-classiques sont, dans l’Occident du Mexique, extrêmement disparates. D’une part, le nombre relativement restreint de fouilles programmées, par comparaison avec des interventions ponctuelles, proches de sauvetages, entraîne une forte hétérogénéité dans la nature même des séries disponibles. Ainsi, alors qu’on dispose pour Milpillas (Puaux 1989) d’un ensemble important, avec 67 individus, pour Barra de Navidad (Long 1966), on n’en compte que six. Ces disparités rendent déjà difficile une véritable étude comparative par site. Il est donc préférable d’envisager une approche par ensembles régionaux, sans négliger toutefois d’insister sur les séries les plus importantes. Dans cette perspective, il importe également de tenir compte d’autres disparités, géographiques ou chronologiques. En effet, pour ce qui est des datations, les quelques séries disponibles appartiennent bien au Postclassique, mais couvrent aussi bien le Postclassique ancien que récent. Elles ne correspondent donc pas étroitement avec la chronologie de notre région d’étude. Le problème se complique du fait de la dispersion des sites sur un très vaste territoire. Nous disposons par exemple de deux séries ostéologiques importantes, celle d’Amapa, au Nayarit (Meighan 1976), et celle de Marismas Nacionales au Sinaloa (1973); mais l’ampleur de la distance qui les sépare du bassin de Sayula pose un problème pour la pertinence de la comparaison.

Le taux d’individus présentant des traumatismes à Caseta s’élève à peine à 2.6 %, tandis que à San Juan il est de 7.69 %, dont la plupart des cas dans l’aire 3. Pour l’aire 4, dont la série osseuse est plus proche de celle de Caseta, le nombre de sujets avec des traumatismes osseux est le même: 2. Finalement, les maladies périodontales présentent des taux dissemblables: à Caseta, elles touchent 27.63% des effectifs, tandis qu’à San Juan, le taux s’élève à 49.71%. Ces variations pourraient dériver de régimes alimentaires différentes, ainsi que d’une hygiène buccale déficiente dans le cas de San Juan. • Commentaires Etant données les caractéristiques générales des sépultures de la phase Amacueca dans les deux sites, l’aire 1 de San Juan apparaît atypique. Elle a le taux le plus important de dépôts primaires et, par conséquent, le plus bas de secondaires (tableau 91) ainsi que la plus faible proportion d’individus accompagnés de mobilier. L’aire 1 partage donc un nombre réduit de caractéristiques avec les deux secteurs funéraires de Caseta. D’autre part, l’aire 4, dont l’utilisation résidentielle la distingue des cimetières de Caseta, présente un taux particulièrement faible de sépultures multiples, mais aussi de dépôts secondaires. Par ailleurs, ce secteur est le seul à

Compte tenu de ces observations, il apparaît pertinent d’envisager l’étude comparative en fonction de la proximité relative par rapport au site de Caseta (figure 123). Nous allons donc diviser la zone d’étude entre 182

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ d’explication à cette disparité dans la comptabilisation des effectifs, nous allons essayer de recouper les données fiables.

régions proche et lointaine. La première correspond à un cercle d’environ 100 km de rayon dont le centre est Caseta. Dans ce premier cercle se trouvent les ensembles de Tuxcacuesco (Kelly 1949) et Tamazula (Schöndube 1994), dans le sud du Jalisco, ainsi que Tizapán (Meighan et Foote 1968) et Cojumatlán (Lister 1949) au nord-est, sur la rive sud du lac de Chapala. La région lointaine inclut les ensembles distants de moins de 200 km de Caseta. Parmi eux, un intérêt particulier sera porté à la région de Zacapu. Etant donné l’existence de matériel tarasque dans le bassin de Sayula, il nous a semblé logique de comparer notre site avec le Michoacán. De plus, la couverture archéologique obtenue par le projet Michoacán (Michelet 1992) du CEMCA, et le nombre de sépultures plus ou moins contemporaines de Caseta permettent une étude comparative plus poussée et plus pertinente.

D’après Kelly (1949: 192), les sépultures, issues de divers sites, La Mezcalera, Campo Santo, Paso Real et Potrero del Casco, se trouvaient, pour la plupart, sous des monticules artificiels. Pour celles de la phase Tolimán, les positions allongée et fléchie sont mentionnées, mais aucune autre précision n’est fournie. Les illustrations montrent deux corps fléchis en décubitus latéral droit, les membres supérieurs et inférieurs en hyperflexion ramenés vers le thorax et le crâne vers l’avant (figure 129a). Cette position, par ailleurs très similaire à celle de certaines inhumations de Caseta, évoque un paquet funéraire, mais le manque de précisions dans la description nous permet à peine de le signaler. Il est mentionné, cependant, que les trois corps fléchis correspondent à des squelettes d’adultes, tandis que sur les cinq allongés, quatre étaient des enfants de moins de six ans. Ces deux positions se trouvent de façon exceptionelle à Caseta puisque seule la sépulture 66 contient un corps en position allongée. Il s’agit, curieusement, d’un enfant d’entre 10 et 12 ans qui se trouve, par ailleurs, hors des concentrations funéraires. De plus, les restes de deux enfants de la phase Tolimán se trouvaient associés à des pierres non travaillées. Cette pratique funéraire est caractéristique de la phase antérieure, Coralillo (800-1100 apr. J. C.).

a. La région proche • La zone de Tamazula-Tuxpan-Zapotlán. Située à 20 km au sud de Caseta, la région de TamazulaTuxpan-Zapotlán a fait l’objet, dans les années 70, d’une étude archéologique approfondie (Schöndube 1994) au cours de laquelle six sépultures ont été fouillées. Elles sont issues des sites de Terla et Moisés Saenz. Les comparaisons établies par Schöndube lui permettent d’affirmer que ces inhumations sont contemporaines de la phase Chila (1350-1500 apr. J. C.) d’Apatzingán.

L’orientation des corps est mentionnée sans faire le rapport avec les positions: quatre corps se trouvaient orientés vers l’est, deux vers l’oest et un vers le sudouest, le nord et le sud respectivement. Dans ces conditions, les comparaisons avec Caseta sont impraticables.

Les restes osseux du site de Terla étaient mal conservés, mais Schöndube suggère la possibilité d’inhumations de crânes isolés, pratique absente de Caseta. Les restes du site Moisés Saenz se trouvaient dans des fosses ovales, mais remplies avec une terre allochtone. Les corps, en position assise fléchie, étaient orientés vers le nord. Ils correspondaient à cinq adultes et un enfant. Ce dernier, placé individuellement dans une fosse, n’était accompagné par aucun type de mobilier, tandis que les adultes comptaient au moins deux vases chacun.

Jalisco: Tamazula TuxpanZapotlán Jalisco

Bien que le site de Caseta et la région de Tamazula aient en commun l’existence de fosses et la position assise des défunts, le faible nombre d’individus à Tamazula, empêche toute comparaison plus poussée quant au recrutement. Nous pouvons, cependant, signaler que les inhumations individuelles d’immatures, repérées à Tamazula, sont plutôt rares à Caseta.

site Terla

phase Chila

Moisés Saénz Tuxcacuesco

Chila

Jalisco

Michoacán

Tolimán Cojumatlán

Tizapán el Alto

Tizapán

Cojumatlán

Cojumatlán

date 1350-1500 apr. JC 1350-1500 apr. JC 1100-1400 apr. JC 900-1100 apr. JC 1000-1250 apr. JC 900-1100 apr. JC

NMI 2 4 12 30 9 17

Tableau 92. Caractéristiques principales des sites dans la région proche de Caseta.

• La zone de Tuxcacuesco La zone de Tuxcacuesco, localisée à 44 km au sud-ouest de Caseta, a été étudiée par Kelly (1949). Elle mentionne la présence de 38 sépultures, dont 12 correspondent à la phase Tolimán (1100-1400 apr. J. C.), mais dans l’appendice II (consacré au matériel osseux de Tuxcacuesco) du même ouvrage, le nombre minimum d’individus se réduit à 20, dont sept de la phase Tolimán. Etant donné que dans le texte on ne trouve pas

Le mobilier funéraire, constitué d’un vase par individu, se trouvait auprès du crâne mais aussi près des hanches ou des pieds. A Caseta, seuls les deux derniers emplacements sont courants. Les types céramiques repérés sont: Tolimán red-on-brown, Atillos red ware, et Autlán polychrome. Rappelons que le type 7 de Caseta,

183

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ Quant au mobilier funéraire, on trouve, en plus des fusaïoles déjà mentionnées, des outils en os tels que des spatules et des poinçons, ainsi que des aiguilles, des grelots et des hameçons en cuivre, et des pointes et des haches en basalte. Les objets en pierre sont les plus rares, alors que les offrandes les plus communes sont les vases qui se trouvent, en général, aux pieds des corps. Les ornements sont d’une extrême rareté: seuls trois objets en coquille ont été repérés.

trouvé en contexte funéraire, est similaire au type Autlán polychrome et lui semble contemporain. Le mauvais état de conservation du matériel n’a pas permis à Kelly d’enregistrer la présence d’éventuelles pratiques ostéoculturelles telles que la mutilation dentaire ou la déformation crânienne. • Le site de Tizapán el Alto

Tant par la qualité que par la quantité d’objets associés aux sépultures, le mobilier funéraire des deux sites est similaire. Il faut tout de même signaler quelques différences. D’abord les outils en os sont moins fréquents à Caseta qu’à Tizapán: un seul a été enregistré. Il s’agit justement d’une spatule, associée à la sépulture 5. Ensuite, les poinçons en cuivre sont absents de Caseta. Les parures en coquillage, rares à Tizapán, sont nombreuses à Caseta puisque leur nombre s’élève à 470 éléments. Finalement, les objets en pierre, à peine trois à Tizapán, constituent un ensemble de 141 pièces à Caseta. Par ailleurs, à Tizapán seules des pointes et des haches ont été enregistrées alors qu’à Caseta nous avons trouvé des pointes, des lames, des racloirs et des couteaux.

Le site de Tizapán, localisé à la frontière entre le Michoacán et le Jalisco, au bord du lac de Chapala, se trouve à 59 km au nord-est de Caseta (figure 130). Les fouilles effectuées sur une élévation artificielle de terrain (Meighan et Foote 1968) ont révélé la présence, sur le flanc nord-ouest, d’un cimetière composé de 52 sépultures, dont 30 correspondent à la phase Cojumatlán (900-1100 apr. J.C.) et neuf à Tizapán (1000-1250 apr. J.C.). Bien qu’ils appartiennent à des phases chronologiques différentes, la série constitue une seule unité puisque les pratiques funéraires sont homogènes. Les structures ainsi que la disposition des restes sont très similaires à celles de Caseta. En effet, il s’agit de fosses étroites creusées directement dans le sol, sans aucun aménagement de pierre. A l’intérieur, les corps sont placés individuellement en position assise fléchie, les genoux ramenés vers le thorax. D’autres positions sont, comme à Caseta, plutôt rares. Seuls quatre corps se trouvaient en décubitus dorsal et trois en latéral: deux sur le côté gauche et un sur le droit. Une différence évidente entre les deux sites est le nombre d’individus par fosse: tandis qu’à Caseta la proportion d’inhumations multiples s’élève à 28 %, à Tizapán il n’y en a aucune.

A Tizapán a été évoquée la possible décapitation de cinq individus à qui manquaient crâne, mandibule et cervicales, tandis que le reste du squelette se trouvait en connexion anatomique, sans traces d’autre type de perturbation. Le parfait état de conservation du squelette post-crânien exclut la possibilité d’une conservation différentielle. A Caseta, les individus 10.1, 11.1, 53.1 et 64.1 manquaient aussi de crâne, mais les mandibules se trouvaient en place lors de la fouille. Cela suggère un prélèvement intentionnel des crânes une fois la chair disparue, et non pas une décapitation. Les cinq individus de Tizapán semblent avoir fait l’objet d’un traitement particulier. Ils correspondent tous à des squelettes masculins. Trois d’entre eux se trouvaient dans la même fosse, superposés et en connexion anatomique, ce qui évoque l’inhumation simultanée. Un seul d’entre eux était accompagné de mobilier funéraire: une pointe en silex. Il faut rappeler que les objets dans ce matériau sont rares à Tizapán. Nous sommes donc d’accord avec Pereira (1999: 206) qui conclut que l’hypothèse de décapitation semble plausible, mais qu’il serait nécessaire d’examiner les restes pour chercher la présence des traces de décapitation sur les os restés sur place.

Les critères de recrutement dans la zone sépulcrale de Tizapán privilégiaient les hommes, plus nombreux. La répartition entre les sexes semble plus proche de celle du cimetière Sud de Caseta, puisque le nombre de squelettes masculins est plus important que celui des féminins: 22 contre 7 (8 indéterminés). Un autre critère de recrutement semble reposer sur l’âge des défunts, car l’absence d’enfants de moins de six ans a été enregistrée. Comme l’indique Pereira (1999: 206), après l’analyse des données funéraires de Tizapán, il semblerait qu’il existe une spécialisation dans le recrutement de l’ensemble funéraire fouillé dans le site. Il est pourtant impossible de déterminer si cette spécialisation est globale ou si elle atteint juste la zone étudiée puisque le cimetière n’a pas été fouillé dans sa totalité.

Nous avons donc discerné plusieurs similitudes entre les sites de Tizapán et de Caseta. Les zones sépulcrales se trouvent sur le flanc d’une colline où d’étroites fosses contenaient des corps en position assise hyperfléchie, accompagnés de mobilier funéraire similaire. Ce matériel est toutefois moins abondant à Tizapan qu’à Caseta. De plus, certaines pratiques, comme la décapitation, seraient présentes à Tizapan, ce qui n’est pas le cas pour notre site.

D’autre part, l’orientation semble un critère de différentiation sexuelle, en effet, 19 hommes sur 22 sont placés face à l’est, tandis que six femmes sur sept font face à l’ouest. La présence des fusaïoles semble associée aux restes féminins alors qu’à Caseta cette tendance n’a pas été établie. Bien que la plupart des dépôts soit primaires, il y a cependant quatre sépultures accompagnées par des restes partiels et déconnectés, qui correspondent probablement à des restes déplacés lors du recreusement des fosses. 184

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ commune. Aucun type de mobilier n’était associé aux sépultures. Un seul individu se trouvait en position allongée, en décubitus dorsal; son crâne était recouvert par du pigment rouge.Dans la zone de Tuxcacuesco, et à Caseta, la présence de corps allongés a aussi été enregistrée, mais pour celui de Barra de Navidad, la volonté de le distinguer du reste est attestée par l’application du pigment. Ce genre de rituel est absent de Caseta.

• Le site de Cojumatlán Sur la rive sud du lac de Chapala, dans l’Etat du Michoacán, se trouve le site de Cojumatlán. Situé à 78 km au nord-est de Caseta, et à 28 km à l’est de Tizapán, Cojumatlán est aussi implanté sur une colline de forme elliptique, qui, lors de la saison des pluies, devient un îlot. Les restes funéraires se trouvaient pourtant dans un contexte différent de ceux de Caseta. En effet, les fouilles archéologiques menées dans les années 1940 (Lister 1949) ont révélé l’existence d’une importante zone d’habitation: 17 sépultures étaient placées sous le sol de maisons ou à proximité. D’autre part, elles sont légèrement plus anciennes que celles de Caseta, puisque le site de Cojumatlán, daté la phase Cojumatlán (9001100 apr. J.C.) est contemporain de Tizapán. Malgré ces différences, les deux séries partagent des caractéristiques fondamentales telles que le placement des défunts en position assise fléchie à l’intérieur de fosses étroites. La plupart d’entre eux constituent des dépôts primaires. Les corps étaient orientés presque systématiquement vers l’ouest et les inhumations sont individuelles. Cela est donc une différence avec les coutumes funéraires de Caseta où 28% des sépultures sont multiples et les corps sont orientés aussi bien vers l’est que vers l’ouest. Les fosses de Cojumatlán étaient remplies de cendres, tandis qu’à Caseta elles contenaient la même terre que le reste du terrain.

Jalisco Michoacán

site Barra de Navidad Apatzingán

phase Navidad Tepetate Chila

Michoacán zone de Zacapu

Cuchilla Mocha El Palacio

Palacio

Potrero Guadalupe Milpillas

Palacio

Palacio

Milpillas

date 1150-1500 apr. JC 1100-1350 apr. JC 1350-1500 apr. JC 900-1200 apr. JC 900-1200 apr. JC 900-1200 apr. JC 1200-1450 apr. JC

NMI 6 15 sépultures 14 sépultures 2 1 2 67

Tableau 93. Caractéristiques principales des sites de la région lointaine.

La présence de mobilier funéraire est proportionnellement plus importante qu’à Caseta puisque douze sépultures sur 17 étaient accompagnés d’offrandes en céramique et de parures en coquille, en pierre et en cuivre, tandis qu’à Caseta la proportion est d’à peine 57 sur 152.

L’analyse anthropologique a révélé la présence de quatre adultes de sexe féminin et de deux enfants, ce qui suggère un recrutement spécialisé excluant les hommes adultes qui seraient inhumés ailleurs et probablement mieux parés. A Caseta, le recrutement spécialisé concernerait plutôt les immatures, minoritaires dans les deux cimetières, tandis que la proportion des sexes dépend du secteur funéraire.

Des pratiques ostéo-culturelles ont été enregistrées à Cojumatlán: un crâne d’adulte avait subi une déformation intentionnelle, tandis que trois individus avaient une mutilation dentaire du type A2. Le type de déformation n’a pas été précisé, mais nous savons qu’à Caseta, cette pratique était courante, ainsi que celle de mutiler les dents: le type A2 est justement le mieux représenté.

Quant aux pratiques ostéoculturelles, des cas de déformation crânienne et de dents mutilées ont été enregistrés. Le type de mutilation n’est pas précisé tandis que la déformation crânienne est tabulaire oblique, type absent de Caseta.

b. La région lointaine

• Apatzingán

• Barra de Navidad

La région d’Apatzingán se trouve à environ 160 km au sud-est du site de Caseta. Les recherches archéologiques effectuées dans les années 1940 (Kelly 1947) ont permis de découvrir 47 sépultures1 situées sous des monticules artificiels, ce qui rappelle le cas précédent. La région compte trois phases d’occupation: Delicias-Apatzingán (800-1100 apr. J.C.), Tepetate (1100-1350 apr. J.C.) et Chila (1350-1500 apr. J.C.). Nous allons donc analyser les données correspondant aux deux dernières phases, contemporaines de la phase Amacueca.

Situé à 137 km au sud-ouest de Caseta, le site de Barra de Navidad se localise à la limite entre les Etats du Jalisco et du Colima. La recherche archéologique menée par Long (1966) a révélé l’existence de six sépultures placées sous des monticules artificiels, correspondant à la phase Navidad (1150-1500 apr. J.C.). Cette disposition rappelle le cas des sépultures de Cojumatlan, et de l’aire 4 de San Juan, mais marque une différence avec le contexte sépulcral de Caseta, où les sépultures se trouvent regroupées en cimetières. Tous les corps faisaient l’objet d’un dépôt primaire et individuel, pour lesquels la position fléchie était la plus

1 A aucun moment le nombre minimum d’individus n’est fourni car l’état de conservation ne permettait pas de discerner un corps de l’autre.

185

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ L’échantillon funéraire de la phase Tepetate compte 15 sépultures en fosses rectangulaires, dont les limites étaient marquées par des dalles ou des murs en pierres. Ces contenants ont été plusieurs fois réutilisés puisqu’un seul dépôt primaire se trouvait accompagné de plusieurs secondaires. Les corps, en décubitus dorsal allongé, étaient orientés vers le nord. Trois squelettes correspondaient à des enfants, deux à des adolescents et 10 à des adultes, dont le sexe n’a pas été précisé.

rouge et Llano polychrome, des fragments de figurines pleines, des outils en pierre, des pipes, et des marteaux en pierre. Quant aux parures, seules celles en cuivre sont mentionnées (Kelly 1947: 182). Ce mobilier se trouvait souvent au nord, nord-est et nord-ouest du corps. A partir des données disparates concernant la phase Chila, une comparaison avec la phase Amacueca de Caseta demeure délicate. Il existe certes à Apatzingán des coutumes inconnues à Caseta: les cercles de cendres, la décoration à l’ocre, également enregistrée à Barra de Navidad, la présence de figures pleines et de pipes. Nous pouvons cependant, souligner certaines caractéristiques communes aux deux sites: l’existence de cimetières, l’utilisation des fosses simples, ainsi que la position assise et fléchie. Il est particulièrement significatif, à ce sujet, de souligner le remplacement des cistes de la phase Tepetate par des fosses regroupées en cimetière, à la phase Chila.

Les offrandes étaient nombreuses puisque elles s’accumulaient au fur et à mesure que les inhumations s’effectuaient: plus une fosse contenait de corps, plus grande était la quantité d’offrandes. Les vases étaient les objets les plus communs, mais il y avait aussi des parures en pyrite, coquille et turquoise, ainsi que des figurines pleines en céramique et des outils en obsidienne. L’échantillon funéraire de la phase Tepetate a peu de caractéristiques communes avec Caseta. D’abord, les structures, placées sous les habitations, sont plus élaborées puisque il s’agit de cistes et non pas de simples fosses comme à Caseta. Ensuite, la position allongée qui se trouve une seule fois à Caseta, est la règle à Apatzingán (figure 129b). La proportion entre adultes et immatures semble correspondre à une population normale, tandis qu’à Caseta les immatures sont rares. Finalement, les offrandes des deux sites présentent, en général, les mêmes caractéristiques, à la différence près qu’à Caseta la turquoise est absente ainsi que les figurines pleines.

• Zone de Zacapu Située à 181 km à l’est de Caseta, dans le Michoacán, la zone de Zacapu a bénéficié de nombreuses recherches archéologiques, soit ponctuelles (Caso 1930), soit sous forme de projets de longue durée comme celui du CEMCA (Michelet 1992). Ces travaux ont livré d’importantes séries osseuses qui couvrent toutes les phases d’occupation de la région. Pour la période que nous intéresse, l’essentiel des données provient du site de Milpillas. Lors de son étude, Puaux (1989) avait souligné les limites d’une étude comparative, en l’absence de sites contemporains suffisamment proches pour être pertinents. Proportionnellement, l’échantillon dont disposait Puaux pour le Michoacán et les régions limitrophes n’a pas augmenté sensiblement, et nous consacrerons donc l’essentiel de notre propre approche à ce site. Toutefois, la phase Milpillas (1200-1450 apr. J.C.) ne correspond que partiellement à la durée d’occupation de la phase Amacueca. Il importe donc de prendre aussi en compte les données relatives à la phase antérieure, Palacio (9001200 apr. J.C.), pour laquelle on ne dispose que de cinq sépultures connues. Même si leur faible nombre n’autorise pas de comparaisons poussées, leur analyse permettra peut-être de mettre en lumière une évolution des pratiques funéraires.

D’après Kelly (1947: 175), les sépultures de la phase Chila proviennent de monticules artificiels utilisés comme cimetières. Cette phase marque un changement drastique dans les coutumes funéraires du site. Les cistes de la phase Tepetate disparaissent presque complètement dans la phase Chila pour laisser la place à des fosses simples ou à des délimitations circulaires de cendres. D’après Cabrero (1995: 55) cet élément serait une évidence de l’utilisation de foyers comme partie du rituel funéraire. D’autre part, pendant la phase Chila, les corps sont orientés vers le nord, l’ouest et le nord-ouest et la position fléchie est privilégiée, soit en décubitus latéral, soit assise. Le nombre minimum d’individus n’a pas été déterminé2, mais Kelly (1947: 163) l’estime à plus de 50. Ce nombre dépasse largement la série de Barra de Navidad et s’approche de celle de Milpillas dont les 67 individus en font la plus importante pour le Postclassique récent. Un autre élément funéraire nouveau est l’ocre rouge saupoudré sur quelques restes humains. A une échelle différente, cela évoque l’individu mentionné cidessus pour le site de Barra de Navidad, d’ailleurs assez proche.

Les travaux archéologiques réalisés dans le site de Milpillas ont mis au jour un important ensemble funéraire du Postclassique récent (Puaux 1989). Les restes de 67 individus, inhumés en fosse ou en urne, se trouvaient principalement au pied de la façade principale d’un soubassement pyramidal, conformément à ce qui est relaté dans les textes ethnohistoriques, mais aussi en contexte résidentiel. Malgré la différence dans l’emplacement des sépultures, Milpillas et Caseta partagent un ensemble important de traits funéraires.

Parmi les offrandes les plus communes, on trouve des molcajetes polychromes, des écuelles du type Llano 2 L’auteur évoque vaguement le nombre minimum d’individus en signalant: « Both burials 41 and 44 consisted of a concentrated welter of bones and pottery which was almost impossible to disentangle. Close to 25 individuals must have been involved in each burial.... » (Kelly 1947: 163)

De la même manière qu’à Caseta, les sépultures de Milpillas sont réparties par secteurs, proches toutefois les uns des autres: un au pied de l’escalier et deux de chaque 186

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ cimetière Sud où les hommes sont aussi plus nombreux que les femmes.

côté de celui-ci. D’après Puaux (1989: 163) le creusement successif des fosses a entraîné le recoupement de plusieurs d’entre elles, avec la consécutive altération de leur contenu. Le remaniement peut être partiel ou total et les amas osseux associés à des restes anatomiquement connectés ne correspondraient donc pas à des dépôts secondaires, mais plutôt à des réductions. Ces nombreux recoupements sont aussi courants dans le cimetière Sud de Caseta. Lors de la discussion sur les structures (chapitre VI), nous avions suggéré que les fosses n’étaient pas visibles de la surface. Cela coïncide avec l’avis de Pereira (1999: 198) qui signale l’absence probable à Milpillas d’un système de marquage précis. Dans ce cas cette explication suffit, du fait de la présence même de la structure publique, point de repère majeur pour la localisation des secteurs funéraires. Dans ces conditions, les recoupements de fosses relèvent plutôt d’une utilisation intensive intentionnelle, ce que nous avions également noté pour le cimetière Sud de Caseta.

L’inhumation en urne constitue une différence majeure entre les coutumes funéraires des deux sites: elle concerne sept individus à Milpillas, tandis qu’à Caseta elle est inconnue. Cette modalité d’inhumation, qui est par ailleurs caractéristique du Postclassique récent (Pereira 1999: 197), a été enregistrée dans d’autres sites tarasques tels que El Palacio (Caso 1930), Yácata Tata Julio (Puaux 1989) et Loma Alta (Carot 2001). La présence de mobilier funéraire à Milpillas est attestée dans 24 des 35 sépultures (figure 131). Les offrandes sont constituées d’écuelles à anse transversale, bols, écuelles simples, jarres miniatures, écuelles tripodes en céramique; des pointes de projectile et des éclats en obsidienne, ainsi que des restes de canidés, carbonisés ou non, et de rares bois de cervidés ont également été identifiés. Les parures les plus communes sont les anneaux et les grelots en cuivre. Bien qu’à Caseta les écuelles à anse transversale soient absentes, des écuelles miniatures et des écuelles simples ou tripodes accompagnent plusieurs individus. Les pointes de projectile sont assez fréquentes. La présence exceptionnelle de restes de canidés et de bois de cervidés, semble plus importante à Milpillas, mais elle existe également à Caseta.

Certaines structures funéraires et la position des corps sont similaires dans les deux sites. La fosse, ovale ou circulaire, creusée directement sur le sol sans adjonction de pierres, a été la structure funéraire la plus utilisée. L’étroitesse du contenant ne permettait que la position fléchie, dont l’orientation était très variable et ne s’alignait pas avec les points cardinaux. La position assise était la plus commune, suivie par celle en décubitus latéral droit ou gauche. Les corps en décubitus dorsal et procubitus restent extrêmement rares.

La pratique des mutilations dentaires, à Milpillas, semble plutôt réservée aux femmes puisque sur un total de 10 cas, sept correspondent à des individus féminins. Les types les plus souvent enregistrés sont A1 et A2, sur les incisives. Ces deux types sont aussi les plus communément trouvés à Caseta, où cette pratique concerne autant d’hommes que de femmes. Il faut cependant signaler que, en proportion, le nombre d’individus avec des dents mutilées est plus important à Caseta, où cette pratique concerne 23% des effectifs, qu’à Milpillas où elle touche 15% des effectifs.

D’après Pereira (1999: 197), les indices taphonomiques relevés à partir de l’analyse de photos, indiquent que la décomposition a eu lieu dans un espace colmaté. Mais il faut, tout de même, envisager la possible existence d’une enveloppe en textile ou dans un autre matériau qui se dégrade avant le cadavre. On a en également enregistré à Caseta l’existence probable d’enveloppes corporelles ou de linceuls qui correspondent à un vide partiel. La plupart des corps semblent avoir subi une décomposition à l’intérieur de cet espace. On peut donc considérer que la situation à Caseta se rapproche de celle de Milpillas.

A Milpillas au total 13 individus sur 67 (19% des défunts) présentent une déformation crânienne, dont cinq enfants, six femmes et deux hommes. Cette pratique ostéo-culturelle a été aussi enregistrée à Caseta, mais la proportion y est plus forte puisque si elle concerne 15,13 % des effectifs totaux, elle représente 52,3 % de cas observables. Une autre différence est la représentation par sexe: alors qu’à Milpillas la plupart des crânes déformés correspondent à des femmes, à Caseta ce sont des hommes.

A Milpillas, le nombre de sépultures multiples est équivalent à celui des sépultures individuelles (Puaux 1989: 196). Les sépultures multiples se trouvaient dans des fosses complexes dont le nombre de cavités varie de deux à quatre; chaque cavité contenait, en général, un dépôt primaire et parfois aussi un secondaire. Les sépultures multiples de Milpillas correspondent aux sépultures 26 et 32 de Caseta: comme nous l’avons signalé dans le chapitre V, il pourrait s’agir de fosses recoupées, et non pas d’inhumations simultanées, ni même multiples.

Comme on a pu le constater, malgré d’importantes différences, le matériel funéraire des sites de Milpillas et de Caseta présente de fortes similitudes, tant par la position des corps que par l’utilisation de fosses individuelles et multiples et l’utilisation des paquets funéraires. On ne saurait, certes, minimiser la signification symbolique de l’emplacement des secteurs funéraires de Milpillas, au pied de la structure publique, ni l’existence des enterrements en urnes. Mais, curieusement, il a été possible de mettre en évidence un nombre appréciable de points communs, parfois très

D’après Puaux (1989: 146), les squelettes immatures sont sous-représentés et la plupart des adultes avaient entre 20 et 30 ans lors du décès. Le cimetière de Las Milpillas a livré un nombre plus important d’hommes que de femmes. La situation des immatures est identique à celle de l’ensemble funéraire de Caseta, tandis que la surreprésentation de squelettes masculins rappelle celle du 187

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ A El Palacio, l’un des sites les plus importants de la zone de Zacapu, Puaux (1989: 10) signale l’existence d’un dépôt secondaire repéré par un sondage. Les os longs qui formaient un faisceau et le crâne constituaient l’ensemble des vestiges puisqu’aucun mobilier ne les accompagnait. Il s’agissait de deux adultes, dont l’un correspondait à une jeune femme.

spécifiques, comme les schémas de mutilation dentaire. Cette ressemblance est d’autant plus notable qu’elle contraste, par exemple, avec des différences majeures, entre Caseta et d’autres sites plus proches comme ceux des zones de Tamazula et Tuxcacuesco. Dans le site de Potrero de Guadalupe fouillé en 1993 par l’équipe du projet Michoacán (phase III), un important ensemble funéraire a été découvert. Celui -ci comportait 41 sépultures, la plupart du Classique récent. Deux seulement correspondent au Postclassique ancien (phase Palacio): les sépultures 11 et 12. Elle sont constituées d’un coffre carré, sans toit, d’environ 1 m2. Les côtés est, ouest et sud, étaient délimités par des dalles d’une hauteur de 24 à 45 cm; le côté nord était donc ouvert. La sépulture 11 comportait un sol couvert d’un dallage (Pereira 1999).

Sur le site de Yácata de la Cuchilla Mocha, deux sépultures ont été trouvées près de la pyramide principale (Puaux 1989). La première, dans une urne, contenait les reste d’un enfant d’environ 6 ans, ainsi que deux vases. La deuxième contenait les restes d’une femme et d’un adulte dont le sexe n’a pas été identifié. Il s’agit probablement de dépôts secondaires accompagnés d’un vase miniature, placé près du crâne féminin. Ces rares données sur le matériel funéraire du Posclassique ancien suggèrent que les dépôts secondaires étaient communs à l’époque. Aucune sépulture de ce type n’a été trouvée à Caseta où tous les dépôts secondaires accompagnent un dépôt primaire.

Le contenu de la sépulture12 a été perturbé et seuls quelques débris osseux d’un enfant en bas âge (1 ou 2 ans) ont été récupérés. Le défunt de la sépulture 11, qui occupait la moitié ouest du coffre, se trouvait en position assise fléchie, orienté vers le nord. Il s’agit d’un jeune adulte masculin dont la dislocation des os suggère une décomposition en espace vide.

3. Discussion

Le mobilier funéraire est abondant dans les deux sépultures. Dans la sépulture 11, l’offrande consiste en plusieurs écuelles et bols. Il y avait, par ailleurs, quatre pointes orientées vers le nord et placées du côté gauche de l’individu, sur le dallage du sol. Une cinquième pointe était logée dans la cage thoracique. Un ensemble d’objets se trouvait du côté droit du corps: 16 oliva tronquées et perforées, une lame prismatique en obsidienne, une pierre noire sphérique et des perles en coquille. Au niveau du coude droit, quatre boules de calcite perforées; à l’arrière du rachis lombaire, un disque de grès orné de pyrite et perforé. Les parures étaient placées autour de la tête et du thorax: 672 perles en kaolinite blanche, 37 plaquettes et rondelles de nacre, 20 perles en coquille, une perle tonneau en pyrite, un fragment de plaquette en turquoise.

Pour les sites proches de Caseta, envisagés lors de l’étude comparative, l’information funéraire est très hétérogène, du fait de la variabilité dans le nombre d’individus qui forment chaque série, mais aussi en raison des lacunes importantes de la couverture archéologique. Par ailleurs, la façon d’enregistrer les données et de les décrire est loin d’être uniforme et encore moins complète. Tout cela nous empêche de disposer d’un aperçu correct des particularités culturelles au niveau local et régional. Nous allons, cependant, tenter d’identifier les caractéristiques principales des pratiques funéraires du Postclassique récent dans la région autour du bassin de Sayula. En ce qui concerne l’implantation des sites, nous avons constaté qu’ils se trouvent souvent en hauteur, soit sur une colline comme Caseta ou El Casco, soit associés à des monticules artificiels comme à Tizapán. Par ailleurs, les concentrations de sépultures clairement délimitées, en cimetières, commencent à apparaître dès le Classique (San Juan, phase Sayula; Potrero de Guadalupe, phases Jarácuaro et Lupe) et atteignent leur apogée pendant le Postclassique (cf. les sites de Caseta et de San Juan dans le bassin de Sayula, et celui de Milpillas à Zacapu). Elles se trouvent sous des structures publiques comme dans la zone de Tuxcacuesco, de Barra de Navidad et dans le site de Milpillas, ou forment de véritables cimetières comme à Caseta, San Juan, et Tizapán. Dans la région d’Apatzingán, de la phase Tepetate à la phase Chila, il semblerait que l’on enregistre une évolution marquée dans ce même sens.

Dans la sépulture 12 une partie du mobilier était toujours en place: une écuelle et un bol superposés, ainsi que deux grands fragments de jarre. Les restes de parure comportaient une plaquette perforée en turquoise, une perle cylindrique en pierre verte, une autre en kaolinite blanche, sept en coquille, et une oliva tronquée et perforée. Il existe entre les sépultures de Potrero de Guadalupe et celles de Caseta, de très nombreuses divergences dues probablement au décalage chronologique. Les structures de Potrero de Guadalupe sont beaucoup plus sophistiquées et spacieuses que celles de Caseta. Le mobilier funéraire est plus abondant, plus varié et plus riche. Mais il nous a semblé pertinent de nous y référer, en raison de la position assise qui évoque celle des défunts de Caseta. La seule différence vient de ce que ces derniers avaient, dans la plupart des cas, les membres en hyperflexion.

Pour ce qui est des structures, on note un rétrécissement de l’espace sépulcral individuel qui passe de l’utilisation des cistes (comme à Apatzingán ou Loma de Guadalupe) à celle de fosses étroites où seuls les corps fléchis en position assise peuvent prendre place. Cette coutume se 188

Comparaisons _______________________________________________________________________________________________ repérée. Mais, parmi les types de mutilation, on a pu noter des schémas répétitifs entre Caseta et Milpillas (A1, A2).

généralise et il est important de signaler ici que, chronologiquement, cette évolution semble se produire d’abord au Michoacán, à Tizapán et Cojumatlán et, peutêtre, un peu plus tardivement à Milpillas. Dans le bassin de Sayula (site de San Juan, phase Sayula) et probablement dans la région de Zacapu (site de Potrero de Guadalupe, phase Lupe récente) l’antécédent de la position assise hyperfléchie, serait la dorsale semi-fléchie. Sur le site d’Apatzingán, la position allongée précédait la position fléchie. A Tuxcacuesco, les deux positions, allongée et semi-fléchie, présentes simultanément, constituent les antécédents de la position assise hyperfléchie. Cela suggère, à nouveau, et logiquement, en relation avec l’existence des fosses, une origine du Michoacán pour ce type de position. D’autre part, la coutume de mettre des pierres sur les corps ou dans les fosses, caractéristique du Postclassique ancien, se poursuit au Posclassique récent dans les régions de Tamazula et Autlán-Tuxcacuesco.

Bien que la décapitation ne soit pas courante dans l’ensemble de la région, la possibilité d’une telle pratique a été évoquée à propos des vestiges funéraires de Tizapán. Il faut aussi signaler la présence de crânes isolés dans la région de Tamazula et des indices de prélèvement des crânes à Caseta, mais qui ne relèvent pas du même rituel. Enfin, rappelons qu’on a relevé pour les sites de Barra de Navidad et Apatzingán, l’existence d’un rituel funéraire impliquant l’utilisation d’un pigment rouge. A partir d’un échantillon comparatif aussi hétérogène et disparate, qui correspond géographiquement à un territoire très vaste, et chronologiquement à la plus grande partie du Postclassique, il est délicat, voire audacieux, d’envisager d’autre interprétation que celle qui définirait de grandes tendances. Il a tout d’abord été possible de mettre en évidence quelques traits partagés par la majeure partie des sites de référence: existence de secteurs funéraires bien identifiés, voire de cimetières; présence de fosses irrégulières, de petite taille, où le corps repose en position hyperfléchie. Ces aspects montrent une certaine homogénéité, au sein de laquelle les variations locales permettent de faire quelques distinctions. Les sites localisés au sud-ouest du bassin, par exemple, présentent quelques particularités communes, comme l’usage funéraire d’ocre. Inversement, les sites du Michoacán semblent se distinguer par une plus grande ancienneté de la pratique de l’enterrement en fosses, en parallèle avec celle des urnes. Au sein de cet ensemble, les sites du bassin de Sayula présentent également leurs spécificités, comme le recrutement funéraire, ou les dépôts secondaires. On ne serait donc pas véritablement confronté à un modèle unique, mais à des adaptations locales ou régionales de ce modèle.

Diverses évidences signalent l’existence de recrutements funéraires spécialisés. En effet, pour les sites de San Juan et de Caseta, on a noté à de multiples reprises une spécialisation zonale du recrutement funéraire. Cela est clair dans chaque cimetière, puisque seule une partie de la population est représentée. De la même manière, à Tizapán et Barra de Navidad, le recrutement montre aussi certaines particularités, mais on est dans l’impossibilité de déterminer précisément leur nature globale ou zonale. Pendant le Postclassique ancien, le mobilier funéraire partage globalement les mêmes caractéristiques, dans le choix tant des pièces que de la matière première; la seule différence résulte de l’abondance ou de la rareté des objets. Il faut tout de même signaler que seuls deux sites, en dehors de la zone tarasque, comptent des objets en cuivre parmi leur mobilier funéraire: Caseta et San Juan, tous deux dans le bassin de Sayula qui se situe à environ 180 km de cette zone. On a également pu enregistrer quelques similitudes mineures entre Caseta et Milpillas.

Toutefois, d’après les pratiques funéraires et la nature du mobilier, le site de Caseta présenterait plus de ressemblances avec les sites du Michoacán, et particulièrement Milpillas, malgré leur éloignement d’environ 180 km. Outre l’existence de secteurs funéraires spécialisés, de fosses, de pratiques ostéoculturelles semblables, nous avons pu souligner d’autres convergences, comme la présence d’objets en cuivre et de vestiges de faune. Il faut également rappeler la présence de récipients du type 7, peut-être d’origine tarasque, parmi les offrandes.

Les pratiques ostéoculturelles sont assez courantes pendant le Postclassique récent, et la déformation crânienne semble plus répandue que la mutilation dentaire. En effet, cette pratique a été enregistrée pour les sites de Caseta, de San Juan, et de Milpillas, ainsi que dans la région de Tamazula, et de Barra de Navidad. Mais, dans ce dernier cas, la déformation enregistrée diffère de celles pratiquées à Caseta. La pratique de la mutilation dentaire se retrouve dans les mêmes sites à l’exception de la région de Tamazula où elle n’a pas été

189

Chapitre IX

SYNTHESE

Nous avons vu, dans l’introduction et dans la présentation du projet, que les objectifs d’ensemble visaient à une interprétation de l’interaction entre hommes et milieux naturels du bassin de Sayula, afin de comprendre la dynamique qui a conduit cette évolution. Dans ce contexte, la fouille de Caseta est née d’un objectif « secondaire »: un sauvetage, face à l’existence d’une tombe à puits pillée. La présence de cet élément se révélait particulièrement importante, puisque il permettait d’envisager une mise en contexte plus appprofondie du bassin dans l’évolution générale de l’Occident. Les travaux effectués ont amené la découverte de plusieurs ensembles funéraires et des deux autres tombes de phase Usmajac, entraînant du même coup un changement de perspective: il devenait essentiel, d’une part, d’exploiter aussi intensivement que possible les données funéraires en raison de leur caractère exceptionnel, mais également de tenter, par une étude globale, de comprendre la fonction de ces cimetières, et le rôle de Caseta, dans le bassin.

Comme cela a été discuté dans le chapitre III, la notion d’arc des tombes à puits a perdu de sa pertinence du fait des nouvelles découvertes extérieures à ses limites et qui l’ont en quelque sorte déformé. Quoi qu’il en soit, le Bassin de Sayula se trouve au cœur de la zone de répartition de ce type de structures, mais à une certaine distance de la zone d’apogée (Teuchitlán), et le site de Caseta est lui-même à l’extrémité sud-est du bassin. Comme on l’a signalé dans le chapitre III, la tradition des tombes à puits est placée chronologiquement entre 300/200 av. J.C. et 500/600 apr. J.C. Une explication possible des modestes caractéristiques des tombes de Caseta serait leur apparition tardive dans cette chronologie. Mais, d’après les dates 14C, l’occupation Usmajac à laquelle sont associées les tombes de Caseta se situe tout de même entre 171 avant J. C. et 260 après J. C., soit à la fin de la période formative. L’hypothèse de Weigand selon laquelle les tombes à puits deviennent plus simples à partir du Classique ne cadre donc pas bien avec le placement chronologique de l’occupation Usmajac du site. Peut-on alors supposer que leur simplicité s’expliquerait plutôt par leur position spatiale et culturelle marginale?

A. Le système funéraire de la phase Usmajac

Les tombes A et B de Caseta correspondent, sans aucun doute, au type Ia2 de la classification de Long (1967: table 1), ou à ce qu’on appelle communément tombe en botte, dont le puits cylindrique se situe à la périphérie de la chambre (figure 9). En revanche, la tombe C n’est, par définition, pas une véritable tombe à puits puisque ce dernier est absent. Morphologiquement, elle se situe entre les tombes A et B et les fosses 85, 86 et 98. De nombreux exemples de ces dernières ont été découverts dans la région de Teuchitlán (Weigand 1985: 66) et dans le Colima (Servain 1993: 182). Elles ont été associées à l’étape des tombes à puits en raison de leur proximité spatiale au sein d’un même cimetière, ainsi que par une certaine ressemblance morphologique et de contenu. La présence de ce type de fosse en même temps que les tombes à puits suggère une hiérarchisation des structures. Les fosses simples seraient alors destinées à la population de statut mineur. Dans ce cas, la tombe C, abriterait des défunts de ‘statut moyen’. Cette possibilité semble étayée par le mobilier associé. Cette hypothèse tendrait à prouver à Caseta l’existence d’une certaine hiérarchisation sociale ou du moins de différences de richesse à l’intérieur de la population.

Lors de la reconnaissance, puis de la fouille, aucun autre type de vestiges attribuable à la phase Usmajac, ou plus généralement aux phases anciennes n’a été identifié à Caseta, si l’on excepte ces tombes à puits, les trois fosses, et un peu de matériel céramique. L’étude de ces périodes se réduit donc à l’analyse de vestiges funéraires. Les vestiges de la phase Usmajac sont loin d’être suffisants pour caractériser de façon précise le système funéraire. Cependant, les structures intactes qui se trouvent dans le bassin de Sayula et les régions voisines, soit les trois tombes de Caseta et les quatre d’El Casco et Cerro del Agua Escondida, s’avèrent très importantes, compte tenu du faible nombre de tombes à puits fouillées. L’existence de sept structures contemporaines, de ce type, dans la même région soulève la question du statut du bassin de Sayula par rapport à la zone de Teuchitlán, généralement considérée comme le centre politique principal. En réalité, la simplicité des éléments trouvés contraste avec l’élaboration des tombes de Teuchitlán. Mais la complexité de construction des tombes de Cerro de Agua Escondida, témoigne d’une volonté de s’insérer dans la grande tradition. Se pose donc la question des relations qu’entretenaient les populations du bassin de Sayula avec le cœur de la zone de Teuchitlán, ou avec d’autres zones où se trouvent des tombes à puits. Rappelons à ce sujet que pour ne pas reprendre le travail de Servain (1993), nous ne tiendrons compte ici que des tombes fouillées.

Par leur morphologie et leurs dimensions modestes, les tombes de Caseta entrent dans la catégorie de submonumentales, selon la classification de Weigand (1998: 42). Par contre, les structures de la tradition Teuchitlán sont considérées comme monumentales, en raison de leurs 190

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ inhumante, devaient être « rentabilisées ». L’étude comparative a montré que la situation pouvait être en partie différente à Huitzilapa où la réutilisation de la structure n’est pas évidente; mais cela pourrait s’expliquer par d’autres impératifs, de prestige ou de statut. Ce constat semble être en tout cas valide pour les tombes A et B de Caseta où le nombre minimum d’individus qui oscille entre neuf (tombe A) et seize (tombe B) suggère une réutilisation des structures. La succession de nombreux dépôts funéraires à travers le temps confirme l’hypothèse de Weigand (1985) sur le caractère exceptionnel de ces structures dont la construction serait un événement extraordinaire dans l’histoire d’un village. Au contraire, la tombe C ne semble pas avoir été prévue pour être réutilisée. En effet, son contenu ne laisse pas supposer une réutilisation de la chambre dont les dimensions semblent plutôt conçues pour abriter un nombre réduit de corps. On peut aussi supposer que l’effondrement de la voûte a réduit ses possibilités de réutilisation.

nombreuses chambres et de leurs puits de plus de quatre mètres de profondeur. Ce type de tombes est a priori totalement absent du bassin de Sayula, où le maigre mobilier découvert semble en accord avec les dimensions réduites des structures. Les caractéristiques générales des tombes analysées confirment ainsi l’hypothèse de Weigand (1989: 42) qui signale que, plus les communautés qui partagent la tradition Teuchitlán sont éloignées du centre communautaire, et plus les tombes tendent à se simplifier: la complexité architecturale et la somptuosité du contenu décroissent. On pourrait certes, envisager que le bassin de Sayula se rattache plutôt à un autre secteur de la tradition. Mais cette intérpretation est devenue plus évidente, lorsque l’on a procédé à des comparaisons régionales (chapitre VIII). En effet, la tombe de Huitzilapa, située dans la région de Teuchitlán, près du centre, est une structure monumentale dont le contenu est fastueux. Par contraste, celles du bassin de Sayula, région plus éloignée et située à environ 133 km du centre, sont sub-monumentales et leur contenu résulte franchement pauvre. Il est à souligner ici, toutefois, que l’étude du matériel céramique de la tradition Teuchitlán (Beekman et Weigand 2000) n’a pas permis de mettre en évidence de relations pertinentes avec le matériel de Caseta, à l’exception, discutée, d’un type correspondant plutôt à la phase Verdía. Parallèlement, les tombes de la région de Bolaños, localisée à environ 111 km au nord de Teuchitlán, sont également sub-monumentales, même si leur contenu est plus riche. Finalement, les tombes de la vallée d’Atemajac, éloignées d’à peine 75 km du centre, sont toujours sub-monumentales, mais le mobilier funéraire est luxueux et abondant, dans la plupart des cas.

Par contraste avec Huitzilapa, les tombes à puits du bassin de Sayula semblent donc correspondre à une population relativement marginale, et moins structurée, même si a été évoquée l’idée d’une différenciation sociale interne. L’absence d’architecture monumentale telle que des structures publiques ou des guachimontones confirmerait ce caractère périphérique. On peut ainsi supposer une organisation villageoise assez simple, d’ailleurs non représentée à Caseta, mais en revanche identifiée sur d’autres sites voisins (cf ci-dessous). Les trois tombes de Caseta présentent des structures de condamnation supposées protéger le contenu des intempéries. Il n’en est rien, puisque, quelle qu’ait été la modalité de fermeture, leur contenu a été atteint par l’eau et par les rongeurs. Cela, ajouté aux variations de température, a fortement détérioré le matériel organique: les os humains, et les parures en coquille et en os animal. Le mauvais état du matériel rend difficile l’enregistrement, l’analyse et, par conséquent, l’interprétation.

Jusqu’à présent, dans le bassin de Sayula, les sites des tombes à puits se trouvent dans la moitié sud, sur les versants inférieurs des chaînes montagneuses. Il est intéressant de soulever ici la question de la localisation de l’occupation Usmajac. Tout d’abord, on peut se poser la question de l’absence de tombes à puits dans la partie nord du bassin. S’agit-il d’une absence effective ou d’une lacune des connaissances? On a déjà signalé ci-dessus que les sites avec du matériel Usmajac sont majoritairement localisés dans la partie sud du bassin: cela pourrait suffire à expliquer l’implantation des tombes à puits dans cette même zone. Les trois tombes du site de Caseta sont placées sur le flanc nord de la colline sur laquelle se trouve le site. Cela coïncide bien avec les observations de Long (1976) et Furst (1967) qui ont signalé la présence préférentielle de tombes à puits sur des éminences naturelles. Leur localisation pourrait répondre aux besoins des structures qui requièrent un terrain suffisamment solide pour supporter le creusement d’un puits et d’une chambre. L’exception est le site de Cerro del Agua Escondida, dont le sol n’est pas approprié, mais qui a été tout de même utilisé, avec l’adaptation consécutive de la structure au terrain: la présence de pierres formant les murs.

L’organisation spatiale des tombes B et C est assez similaire. Les corps en décubitus dorsal allongé de plusieurs individus sont placés directement sur le sol de la chambre, sauf un seul qui reposait sur des dalles ou metates. Les objets associés à chaque individu entourent les corps, mais les récipients céramiques sont rares ou inexistants (tombe B). Cela contraste bien sûr avec les nombreux vases des tombes d’Atemajac, Huitzilapa et El Piñón, placés contre les parois des chambres. La présence de dalles, de metates, ou de pierres non travaillées sous les corps des défunts est aussi caractéristique de Huizilapa, et de la vallée d’Atemajac, mais pas de la région de Bolaños. Bien que, parmi les adultes, les hommes et les femmes soient équitablement représentés, on ne peut pas en dire autant des immatures, dont la présence dans les tombes A et B est moindre que celles des adultes, tandis qu’ils sont absents de la tombe C. Cette inégalité dans la

Les nombreux individus inhumés dans une même tombe suggèrent que ces structures, qui constituent un investissement notable de la part de la population 191

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ sera aussi discutée plus loin, quand on tentera d’élucider la fonction du site de Caseta.

représentation des groupes d’âge se manifeste aussi dans d’autres régions: à Atemajac la présence d’enfant n’a pas été convenablement établie malgré l’hypothèse des microfosses qui leur seraient destinées; seule leur présence dans la région de Bolaños est incontestable. A Huitzilapa les enfants sont absents, ce qui pourrait s’expliquer, on l’a discuté ci-dessus, par un recrutement biaisé, fondé sur le statut acquis. Il apparaît évident que des trois tombes du site de Caseta, ce sont A et B qui partagent le plus grand nombre de caractéristiques: morphologie, réutilisation de la structure, présence de sujets immatures. La tombe C semble donc une version modeste des deux autres.

B. Les défunts de la phase Amacueca appartenaient-ils à une même population? A l’inverse du cas des tombes à puits, nous disposons à présent d’un important volume d’information sur l’ensemble funéraire de la phase Amacueca du site de Caseta. Les données issues directement du terrain nous ont d’abord permis de reconstituer, dans la mesure du possible, les pratiques funéraires. Ensuite, l’analyse du mobilier associé aux sépultures a rendu possible leur rattachement à une tradition céramique et par conséquent, les vestiges funéraires ont été mis en rapport avec une phase chronologique, et une occupation. Puis, les pratiques ostéo-culturelles telles que la mutilation dentaire et la déformation crânienne qui témoignent de l’appartenance sociale de l’individu ou de l’identité culturelle du groupe, ont été de grande utilité pour la caractérisation des ensembles. Finalement, l’évaluation de l’état sanitaire donne un aperçu général du mode de vie de la population inhumante. Tout cela fournit les outils nécessaires à l’interprétation du rôle tenu par chacun des cimetières à l’intérieur du site.

Il ne fait toutefois aucun doute que nous sommes en présence de tombes à puits et que par conséquent, le site de Caseta s’intègre bien à la définition de la tradition. Il est donc possible ici, de proposer une réponse aux questions rappelées au début de cette synthèse, du moins aux deux premières. L’existence de tombes à puits simples dans le bassin de Sayula confirme que, comme à Atemajac et à Bolaños, on se trouve dans la zone périphérique de la tradition qui aurait eu Teuchitlán pour centre. Mais, par contraste avec ces deux dernières régions, le mobilier de Caseta est encore plus pauvre. D’autre part, on note dans le bassin la volonté de s’insérer dans la tradition des tombes à puits, malgré la pauvreté relative et les contraintes du terrain. Les tombes de Cerro del Agua Escondida et peut-être la tombe C de Caseta en fournissent la preuve.

Comme on en a longuement discuté dans le chapitre VI, l’utilisation de l’espace sépulcral et les pratiques funéraires montrent des différences importantes entre les cimetières Nord et Sud. Sans reprendre cette discussion, nous nous limiterons ici à en rappeler les aspects les plus significatifs: un nombre inégal d’effectifs ainsi que de sépultures multiples, une utilisation plus intensive du cimetière Sud, des variations mineures dans la disposition des restes primaires, la richesse inégale du mobilier funéraire mais aussi sa nature distincte, et une différence certaine dans le mode de recrutement. Il a été, au travers des analyses, surtout du matériel (voir chapitre V), possible de démontrer que ces différences relèvent peutêtre d’un décalage chronologique, même mineur: le cimetière Nord aurait été occupé plus tardivement que le Sud, même s’il existe un léger chevauchement entre les deux. Que pouvons-nous inférer de cette situation sur le plan social et sur l’organisation des populations inhumantes? Afin d’apporter une réponse à cette question, nous allons examiner les éléments dont nous disposons.

Nous avons pu, au fil de l’étude, identifier quelques caractéristiques qui confirment l’intégration des tombes du bassin de Sayula dans cette tradition. Tout d’abord, la présence d’atlatl a été enregistrée à Caseta, comme à Atemajac et Huitzilapa. D’autre part, la disposition de certains corps sur des dalles ou des fragments de metates a été signalée pour les trois mêmes sites. Enfin, l’éclat d’obsidienne placé dans la bouche du défunt, a été obseervé aussi bien à Atemajac qu’à Caseta. Il s’agit là d’un traît significatif, puisque ce action pourrait traduire un rituel commun dépassant la seule identification morphologique des tombes à puits. Pour ce qui est de la troisième question, celle des rapports qu’entretenaient les populations de Caseta avec celles de Teuchitlán, on y reviendra plus loin, lors de la discussion sur la fonction du site de Caseta au niveau régional. Mais on peut d’ores et déjà inférer des données précédentes que, malgré son insertion délibérée dans la tradition de tombes à puits, la société qui occupe le bassin de Sayula vers la fin de la période formative reste assez simple, plutôt de stade villageois, et marginale. Il reste que, en l’absence de vestiges d’habitations associées, la fonction de Caseta n’est pas bien comprise.

a. L’organisation des espaces sépulcraux et les pratiques funéraires La première évidence est la division de l’espace sépulcral en deux ensembles distincts, qui n’ont pas connu la même intensité d’utilisation. On l’a vu dans le chapitre VI, chaque secteur présente des caractéristiques particulières quant à l’organisation de l’espace interne: les fosses du cimetière Nord sont disposées selon un plan épars, tandis que celles du Sud, très proches les unes des autres, suivent un aménagement compact qui entraîne parfois leur recoupement. Si l’on considère que les dépôts

L’occupation postérieure des sites de tombes à puits est une constante dans le Bassin de Sayula, puisque les trois sites fouillés, Caseta, El Casco y Cerro del Agua Escondida, comportent des vestiges des phases Sayula et Amacueca. Dans quelle mesure cela implique t-il une continuité culturelle entre la population de la phase Usmajac et celle de la phase Amacueca? Cette question

192

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ plusieurs aspects de la pratique funéraire: l’organisation de l’espace, le recrutement des effectifs, le traitement du cadavre et le mobilier. Il semble donc que dans les deux secteurs se pratiquait le même rituel funéraire, mais avec des variations substantielles. On peut donc supposer une continuité d’occupation par la même population, mais dans ce cas, que traduisent ces variations? Y a-t-il eu une évolution? Un changement social? Ou s’agit-il, plus simplement, d’un phénomène de moindre ampleur comme une spécialisation des zones sépulcrales?

secondaires et les sépultures multiples sont plus nombreux dans le cimetière Sud que dans le Nord, nous sommes en mesure d’en inférer que le remaniement des restes a été plus important dans le secteur Sud. Cette caractéristique est imputable à l’utilisation différentielle des deux cimetières: le Sud aurait été occupé sur un laps de temps plus long que le Nord, ou il a été utilisé d’une façon plus intensive. La disparité des effectifs représentés dans chaque secteur qui veut que 79% du total d’individus de la phase Amacueca se trouvent dans le cimetière Sud renforce cette idée d’utilisation plus intensive ou plus prolongée. Les deux explications ne sont d’ailleurs pas exclusives.

b. Les pratiques ostéo-culturelles et l’état sanitaire de la population

Rappelons par ailleurs qu’aucun des deux cimetières ne représente une population normale; le recrutement différentiel des individus, qui privilégie les femmes dans le Nord et les hommes dans le Sud, suggère donc une spécialisation zonale, dont on ne peut pour le moment tirer aucune conclusion significative.

Les pratiques ostéo-culturelles telles que la mutilation dentaire et la déformation crânienne peuvent constituer une référence pour l’identité ethnique de l’individu (Imbelloni 1925), ou pour son statut dans la société (Romano 1987, Tiesler 1994), ou encore pour déterminer l’époque pendant laquelle il a vécu (Romero 1958). A ce titre, ce genre d’évidence s’avère nécessaire pour reconnaître d’éventuelles différences et/ou similitudes entre les effectifs des deux cimetières.

On constate aussi des différences dans le traitement du cadavre. Malgré l’omniprésence de la position fléchie, les corps ne sont pas disposés de la même manière: assis dans le cimetière Sud, ils sont plutôt placés sur le dos dans le cimetière Nord. Même si ces pratiques ne sont pas vérifiables sur l’ensemble des effectifs, étant donnée la mauvaise conservation de certains squelettes, le fait de les identifier sous-entend des variations importantes dans les gestes funéraires qui entourent les défunts des cimetières Sud et Nord.

cimetière Nord

cimetière Sud

30%

Il existe par ailleurs une disproportion significative du mobilier funéraire entre les deux cimetières. La proportion de squelettes accompagnés de mobilier est plus importante dans le cimetière Sud que dans le Nord, ce qui pourrait se justifier par le nombre plus élévé de sépultures. Mais, de plus, la quantité d’objets par défunt est généralement plus importante dans le Sud.

25% 20% 15% 10% 5%

Par ailleurs, comme nous l’avons établi dans le chapitre V, l’appartenance chronologique des offrandes céramiques indique que l’occupation du cimetière Sud correspond principalement à la phase Amacueca ancienne. Ainsi, le type 7, les molcajetes et les écuelles tripodes, et la décoration grossière en impression de roseau, diagnostiques d’Amacueca ancien, ne se retrouvent que dans ce secteur funéraire. Comme l’indique la présence rare de bouteilles de type 1 et de récipients d’aspect moteado du type 2, diagnostiques de la phase Amacueca récente, son occupation aurait pu se poursuivre un peu plus tardivement. Inversement, à la pauvreté globale des offrandes du cimetière Nord, s’ajoute l’absence de matériel caractéristique de la phase Amacueca ancienne: type 7, et molcajetes. Enfin, la présence de traits diagnostiques de la phase Amacueca récente comme l’impression fine de roseau et la forme de cantimplora du type 1 confirment un placement chronologique tardif, en tout cas postérieur à l’occupation du cimetière Sud.

0% déf. crânienne

mut. dentaire

Graphique 27. Représentation proportionnelle des pratiques ostéo-culturelles (déformation crânienne et mutilation dentaire) dans les cimetières Nord et Sud. Comme le montre le graphique 27, la déformation crânienne est proportionnellement mieux représentée dans le cimetière Sud où elle touche 18 % des effectifs, tandis que, dans le Nord, ce pourcentage s’élève à peine à 7%. Mais nous avons vu dans le chapitre 7 qu’étant donnés les problèmes de conservation, on ne pouvait en déduire une différence culturelle significative entre les deux secteurs funéraires. Bien que le type le plus répandu soit la déformation tabulaire droite de forme antéro-postérieure, la déformation tabulaire fronto-obélique est malgré tout présente dans le cimetière Sud. Ce type de déformation a été enregistré dans le site pré-tarasque de Potrero de

L’ensemble de ces traits atteste que les différences qui distinguent les deux cimetières de Caseta touchent 193

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ l’état tarasque... »1 (Uruñuela 1997: 296). Rappelons également ici que les cimetières de San Juan pourraient plutôt correspondre à une occupation tardive, de la phase Amacueca récente, qui se serait même poursuivie durant les débuts de la période coloniale. Le contrôle de la population locale par un pouvoir extérieur, en l’occurrence tarasque, pourrait être un facteur d’explication de l’appauvrissement ou de la marginalisation de la société de Caseta.

Guadalupe, dans le nord du Michoacán (Pereira 1999: 153-157) et probablement dans le site de San Juan pour la phase Sayula (Uruñuela 1997: 208). Sa présence, certes réduite à trois exemplaires dans le cimetière Sud, indique peut-être que celui-ci aurait conservé des pratiques du Classique récent. La faiblesse de l‘échantillon du cimetière Nord ne permet pas d’établir l’existence ou l’absence de cette pratique dans ce secteur. D’autre part, la mutilation dentaire est bien représentée dans le cimetière Sud où 30% des effectifs sont concernés. Cela contraste fortement avec les 10% du cimetière Nord. Une autre différence se trouve dans le schéma appliqué à l’ensemble de la dentition. En effet, dans le cimetière Nord, les pièces dentaires mandibulaires n’ont pas été modifiées, tandis que les incisives maxillaires sont mutilées selon une formule précise qui se répète dans tous les cas: le type A1 pour les latérales, tandis que le type A2 est réservé aux pièces médiales. Seuls les squelettes féminins sont concernés par cette pratique. Par contre, dans le cimetière Sud, autant les femmes que les hommes ont des dents mutilées. Les incisives maxillaires et mandibulaires sont touchées et, dans certains cas, les canines aussi; par conséquent la variabilité dans les schémas est plus importante. On a pu constater, lors de l’étude comparative, que ce schéma de mutilations existe aussi sur d’autres sites, en particulier au Michoacán. Globalement, on peut donc enregistrer une plus grande richesse et une plus grande variété de ces pratiques dans le cimetière Sud.

Le cimetière Sud correspondrait ainsi à la phase Amacueca ancienne pendant laquelle la société du bassin de Sayula gardait le contrôle de la région, même si des liens existaient avec le Michoacán voisin. Le cimetière Nord, occupé pendant la phase Amacueca récente, traduirait, par sa pauvreté et sa plus grande simplicité, l’importance de la présence tarasque dans le bassin. Mais, les occupants du lieu auraient, malgré la perte du contrôle régional, conservé une partie de leurs traditions funéraires. La révision de l’état sanitaire des effectifs dans les deux cimetières peut s’avérer ici utile dans la discussion. En effet, l’incidence de certaines affections peut nous renseigner sur des activités spécifiques, des coutumes, ou des comportements susceptibles de différencier ou d’associer les deux séries osseuses. Les affections dentaires ont une incidence majeure sur les sujets du cimetière Sud. D’abord, l’hypoplasie, anomalie dans la structure de l’émail dentaire, qui résulte d’un stress physiologique produit par un manque de nutriments (Larsen 1997: 45), atteint 13% des effectifs du cimetière Nord et 30 % de ceux du Sud. Ensuite les caries, infection microbienne qui détruit la structure de la pièce dentaire (Ortner y Putschar 1985: 438), ont été repérées exclusivement dans le cimetière Sud, où 9% de la population en est atteinte. Cependant la morphologie uniforme des caries ainsi que la répétition sur les mêmes surfaces, témoignerait d’un geste de nettoyage, une pratique culturelle plutôt qu’une véritable affection. Puis, le tartre, dépôt anormal de minéraux sur l’émail dentaire produit par une diète riche en protéines, est présent dans la dentition de 46% des effectifs du cimetière Sud, tandis que dans le Nord aucun individu n’en est atteint. Finalement la perte dentaire, provoquée par une maladie périodontale ou par un excès de tartre, concerne 3% des sujets du cimetière Sud et 7% du Nord. Il faut signaler que les taux de pertes dentaires ne sont pas en accord total avec ceux du tartre qui les provoquent. Cela suggère que le tartre n’atteignait pas, dans la plupart des cas, le niveau critique susceptible de provoquer la perte de la pièce attaquée.

Les variations dans les pratiques ostéo-culturelles entre les cimetières Nord et Sud sont donc, à la fois quantitatives et qualitatives. Cette différence peut s’expliquer d’abord en termes chronologiques, et peutêtre en termes d’organisation sociale. Chronologiquement, on note une simplification et une diminution des pratiques dans le cimetière Nord, par comparaison avec le cimetière Sud. Quelle est la signification de ce phénomène? Compte tenu des implications chronologiques du mobilier funéraire qui indiquent que l’occupation du cimetière Nord fut plus tardive que celle du Sud, et que les objets dans ce dernier sont plus riches, plus abondants et plus variés, il serait possible d’envisager une évolution chrono-sociale, dans le sens d’un appauvrissement de la population. En fonction du nombre restreint des effectifs du cimetière Nord, il est normal d’enregistrer, une moindre variabilité du mobilier. Mais ceci ne saurait masquer la pauvreté globale en qualité comme en quantité, comme on l’a vu plus haut. Pour tenter d’interpréter ce phénomène, il devient nécessaire de faire intervenir les données provenant d’autres parties du bassin de Sayula et l’étude comparative. Comme on l’a déjà signalé dans le chapitre VIII, sur le site de San Juan, la présence tarasque pendant la phase Amacueca est attestée: « ...en effet, les sujets des Aires 3 et 4 correspondent à des Tarasques à Atoyac: sont considérés comme tels les individus qui faisaient partie de

Ces différences dans les affections dentaires pourraient au moins indiquer que les individus de chaque cimetière suivaient des diètes différentes comme le montre le fort contraste entre le taux notable de tartre dans le cimetière Sud et son absence au Nord. Il semblerait bien, en 1 « ...en efecto, los sujetos de las Areas 3 y 4 corresponden a tarascos en Atoyac, considerando como tales a individuos que formaban parte del Estado tarasco... »

194

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ par un agent extérieur qui atteint le tissu osseux, est faible dans le cimetière Sud, tandis que, dans le Nord, il est plus élevé. Même si dans les deux cas, la proportion d’individus atteints de traumatisme est loin d’être importante, la différence entre les deux résulte tout de même significative car la fréquence des lésions traumatiques est fortement influencée par le mode de vie (Ortner y Putschar 1985: 55). Ensuite, la présence de périostite, qui représente une réponse inflammatoire à une infection bactérienne ou à un traumatisme (Larsen 1997: 83), est très faible parmi les effectifs du cimetière Sud, tandis que, dans le Nord, 10% de la population est concernée. Finalement l’arthrose, désordre dégénératif des tissus articulaires renforcé par le stress mécanique et l’activité physique, est proportionnellement mieux représentée dans le cimetière Nord que dans le Sud.

fonction de la présence de tartre, que la diète des défunts du cimetière Sud ait été globalement plus riche en protéines. Cela reste hypothétique en l’absence d’autres indices concordants, et puisque le fort taux d’hypoplasie pourrait contredire cette hypothèse. Mais on l’a vu (chapitre VII), ce taux pourrait également s’expliquer par des raisons extérieures à la diète, telles que de fortes fièvres, ou des infections (Marquez 1982: 115). Toutefois, le stress physiologique subi par le groupe du cimetière Nord semblerait moins important que celui du Sud. Cela semble contredire l’hypothèse d’un appauvrissement de la population inhumante du cimetière Nord, nous en sommes consciente, mais il reste à examiner le rôle des autres affections pour disposer d’un aperçu global de l’etat sanitaire. Il est évident, par ailleurs, que les deux groupes exerçaient des pratiques d’hygiène dentaire différentes, comme l’indiquent les caries trouvées dans le cimetière Sud, produites par un nettoyage dentaire « musclé », et absentes dans le Nord. Enfin, même si l’on ne peut pas se prononcer sur l’étiologie de la perte dentaire constatée dans les deux cimetières, il est tout de même évident qu’il existe une différence significative entre les taux des deux secteurs.

cimetière Nord

Les divergences entre les taux des affections mentionnées, à l’exception du tartre, ne sont pas spectaculaires, mais confirment l’inégalité des deux séries osseuses. La tendance marquée des effectifs du cimetière Nord vers une représentation plus importante d’affections liées au stress mécanique, aux lésions corporelles ou à l’activité physique indiquerait des différences dans les modes de vie des individus de chaque cimetière. On pourrait également supposer que le mode de vie des occupants du cimetière Nord était légèrement plus difficile. Pour résumer les résultats obtenus et les interprétations avancées, nous avons pu établir que:

cimetière Sud

-dans les deux cimetières se pratiquait le même rituel funéraire, mais avec des variations substantielles qui correspondent au moins en partie à une différence chronologique, repérée à travers le mobilier associé;

50% 45% 40% 35%

-le cimetière Nord est relativement plus pauvre que le Sud

30% 25% 20%

-les critères de recrutement différent dans chaque secteur avec une prédominance d’hommes au Sud et de femmes au Nord;

15% 10%

-la disproportion quantitative et qualitative entre les pratiques ostéo-culturelles des deux secteurs funéraires indique peut-être une différence d’organisation sociale; -l’évaluation de l’état sanitaire des effectifs de chaque cimetière suggère des variations dans leurs modes de vie.

perte dentaire

tartre

caries

hypoplasie

arthrose

periostite

traumatisme

5% 0%

Ces points de divergence entre les deux cimetières établis, nous allons analyser les possibles explications de ce phénomène.

affections

Graphique 28. Représentation proportionnelle des affections repérées sur les effectifs des cimetières Nord et Sud.

La première possibilité serait l’existence de deux populations distinctes inhumées séparément mais sur le même site. Cette option semble peu probable puisque le rituel funéraire se pratique de la même façon, malgré des variations mineures. De plus, le léger chevauchement chronologique entre l’occupation des deux cimetières rend cette hypothèse encore moins plausible.

Des affections telles que le traumatisme, la périostite et l’arthrose ont, par contre, une incidence moins importante sur les effectifs du cimetière Sud que sur ceux du Nord. D’abord le taux de traumatisme, lésion locale provoquée

La deuxième possibilité envisageable serait qu’il s’agisse de la même population, mais répartie dans deux cimetières et pour lesquels les critères de recrutement sont différents, mais complémentaires, au moins dans la 195

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ résidentielle. Il semble donc évident que la possibilité d’une utilisation de Caseta comme site d’habitat pendant la phase Usmajac puisse être écartée. Cela n’exclut cependant pas la possibilité d’occupations temporaires. Si cette enceinte (structure A) constituait un élément défensif, comme nous l’avons proposé dans la chapitre III, quel serait son lien avec les tombes? et quel serait son rôle par rapport à l’utilisation funéraire du site? Etant données la faible quantité et l’extrême perturbation du matériel culturel associé, ces questions restent sans réponse de notre part. Sa position à mi-pente ne semble pas en tout cas, être en accord avec un rôle défensif. Mais la structure A pourrait aussi être interprétée comme un aménagement temporaire lié aux pratiques funéraires. Cette dernière possibilité semble plus vraisemblable, surtout en fonction de sa proximité des tombes à puits. Il faudrait alors envisager que la population inhumante, installée sur d’autres établissements, ait édifié des abris en matériaux périssables, pour procéder périodiquement aux rituels funéraires, dont on sait d’ailleurs qu’ils impliquaient une réutilisation régulière. De plus, cela rejoindrait les interprétations avancées pour les fosses coniques non funéraires de la même phase, dont on a vu qu’elles pourraient être considérées comme un reflet de certains rituels. Mais dans ce cas, où résidait la population inhumante? La seule possibilité envisageable est qu’ils soient issus des communautés localisées sur les flancs inférieurs de la rive sud-occidentale et sudorientale du lac, où se concentrent la plupart des sites de cette phase (Schöndube 2001: 57). Parmi elles, les sites Loma Roja (CS 69), Loma Redonda (CS 85), Pemex (CS 84) et El Casco (CS 28) ont été identifiés par l’équipe du projet Sayula comme correspondant à la phase Usmajac.

répartition par sexe. La pratique du même rituel funéraire sur le même site confirme que c’est bien la même population; mais on ne peut limiter la distinction entre les deux cimetières au seul recrutement, puisqu’elle se manifeste aussi dans le mobilier, les pratiques ostéoculturelles, l’état sanitaire, et surtout chronologiquement. Dans ces conditions, l’explication la plus vraisemblable est qu’il s’agisse de la même population, mais organisée socialement de manière différente, en fonction de la chronologie. L’argument chronologique fourni par les offrandes céramiques a été confirmé au fil de l’étude par d’autres arguments: utilisation intensive du cimetière Sud, pratiques ostéo-culturelles. Par ailleurs, les divergences des pratiques funéraires constituent la manifestation d’une organisation sociale propre à chaque cimetière. D’autre part, la simplification des coutumes funéraires, l’appauvrissement du mobilier, et la diminution des pratiques ostéo-culturelles, constatés dans le cimetière Nord, montrent une tendance vers une simplification de la société. Cette évolution pourrait s’expliquer par la présence tarasque dans le bassin de Sayula, clairement attestée dans le site de San Juan. On l’a vu ci dessus, cela pourrait impliquer, pour la population locale, la perte du contrôle du bassin. Le constat d’un mode de vie différent impliquant une activité physique plus importante et, par conséquent plus exposée aux lésions corporelles produites par l’accroissement du stress mécanique, confirme le changement de statut de la population inhumée dans le cimetière Nord. Un point, cependant, ne semble pas correspondre avec l’hypothèse développée ci-dessus. Les variations dans la diète, identifiées à travers l’étude dentaire, ne permettent pas de trancher en faveur d’un appauvrissement ou d’un enrichissement alimentaire. Toutefois, cette évolution ne contredit pas l’hypothèse par elle-même.

Finalement, si la structure A ne correspond pas à la phase Usmajac, mais plutôt à l’une des phases suivantes, l’utilisation de Caseta à l’époque serait purement funéraire. Bien qu’extrêmement rare, le matériel Verdía est tout de même présent, mais exclusivement sous la forme de tessons, trouvés surtout dans des dépotoirs. On ne compte pas pour cette époque de restes funéraires, et encore moins de structures architecturales. Il semble donc que le site était connu et visité par la population du bassin, comme le confirment les rares vestiges de cette phase, mais il n’était pas occupé ni même utilisé comme secteur funéraire. Cela pourrait s’expliquer par l’éloignement des sites qui, pendant la phase Verdía se trouvaient plutôt sur les plages nord et est du bassin, tandis que Caseta se trouve à l’extrémité sud-est, complètement à l’opposé des établissements Verdía.

C. Continuité culturelle et fonction du site Si les vestiges archéologiques signalent une présence humaine à Caseta à partir de la période Préclassique jusqu’au Postclassique, la forme de cette occupation est moins claire: il pourrait s’agir d’une présence continuelle, ou intermittente dans le temps. Par ailleurs, la nature, résidentielle, défensive, ou purement funéraire du site, est loin d’être élucidée. Nous allons successivement envisager les différentes possibilités, phase par phase, en fonction des données disponibles.

La situation de Caseta pendant la phase Sayula semble être la même, puisque le matériel culturel est rare et limité à quelques vestiges de céramique. Pendant cette phase, les sites couvrent la moitié sud des plages et des premiers contreforts du bassin. Malgré cette proximité, Caseta n’a pas été utilisé. Les raisons de cet abandon peuvent se trouver dans la localisation des établissements qui, à l’époque, se situaient principalement sur les plages où la plupart d’entre eux étaient voués à l’exploitation du sel. Par ailleurs, les sites d’habitat se trouvaient sur les plaines

Les seuls vestiges identifiés pour les phases anciennes sont les tombes A, B et C et les fosses 85, 86 et 98 qui correspondent à l’occupation Usmajac. En dehors de ces structures, le matériel céramique est extrêmement rare. Bien que la structure A (semi-elliptique) ait pu être utilisée pendant l’occupation Usmajac ou Amacueca comme le suggère le matériel associé, ses caractéristiques structurales ne coïncident pas avec une utilisation 196

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ alluviales, entre 1380 et 1550 mètres au dessus du niveau de la mer. Ce décalage en altitude ne favorise pas la continuité d’une occupation de Caseta.

envisager que la population gravitait dans l’orbite de la zone d’influence pré-tarasque. En même temps que s’étendait le cimetière Sud, fonctionnait la structure du sommet qui, en termes spatiaux, se trouve à plus faible distance du cimetière Sud que du Nord. Mais quelle était sa fonction? Nous l’ignorons et le matériel associé ne permet pas de l’identifier. Si, comme il a été suggéré (Schöndube et al. 1996: 91), cette structure avait une fonction de contrôle, son rapport avec le cimetière Sud ne serait pas clair du tout. Si, par contre, elle était associée aux rituels funéraires, cela expliquerait sa contemporanéité et sa proximité spatiale avec le cimetière Sud. Mais en l’absence d’autres éléments, on ne peut trancher entre les deux interprétations.

Durant cette phase le modèle funéraire reste mal défini. Les inhumations de l’aire 2 de San Juan, qui correspondent chronologiquement à la phase Sayula (Acosta 1994, Uruñuela 1997), sont disposés dans un secteur exclusivement funéraire avec une forte concentration d’inhumations. Par contre, sur le site de Cerritos Colorados (Guffroy et Gómez 1996), les quatre inhumations fouillées se trouvaient sous des structures résidentielles. Rappelons enfin que sur les sites de Cojumatlán (Lister 1949), d’Apatzingán durant la phase Tepetate (Kelly 1949) et peut-être de Barra de Navidad, l’association des inhumations et de structures résidentielles a été notée. Il faut signaler que San Juan et Cerritos Colorados étaient probablement liés à l’extraction du sel (Liot 2000). Pour résoudre cette question, on pourrait ultérieurement envisager des fouilles, afin d’obtenir l’information pertinente. Il était seulement nécessaire ici de signaler l’explication possible de l’abandon de Caseta pendant la phase Sayula, même si elle n’est pas encore vérifiable. Comme on l’a mentionné ci-dessus, on ne peut totalement exclure que la structure A soit datée de cette phase, même si cela est peu probable. On doit donc considérer que, malgré la présence de rares tessons, la phase Sayula marque une rupture dans l’occupation du site.

L’argument qui confirme le placement chronologique plus tardif du cimetière Nord vient de ce que les offrandes en céramique indiquent une appartenance marquée à la phase Amacueca récente (1350-1500 après J.C.). Pourtant, on ne sait pas si la mise en place du cimetière Nord a suivi l’abandon total du Sud, ou encore, si l’occupation des deux cimetières s’est chevauchée dans le temps, ce qui est l’hypothèse la plus probable. En tous cas, l’étendue du cimetière Nord, ses effectifs, ainsi que l’espacement entre les fosses, suggèrent que ce secteur n’a pas été utilisé de façon intensive, ni longuement. D’autre part, la population qui s’y trouve ne semble pas avoir le même statut social que les défunts du cimetière Sud. En effet, le mobilier reste limité et peu élégant, les coutumes funéraires moins sophistiquées, et les pratiques ostéoculturelles moins présentes. Cela peut refléter, comme nous l’avons signalé ci-dessus, la perte du contrôle du bassin par la population locale. Cette idée est étayée par la situation générale dans le bassin de Sayula.

Cette dernière atteint son apogée pendant la phase Amacueca; plusieurs secteurs en effet correspondent à cette phase, parmi les plus importants, la structure du sommet et les deux cimetières. La structure A pourrait s’y ajouter. Mais, à l’interieur de cette phase il faut distinguer deux occupations différentes, correspondant aux subdivisions chronologiques et à la distinction entre cimetière Sud et Nord. D’après les datations 14C obtenues pour la structure G et sur une sépulture du cimetière Sud, celles-ci sont à peu près contemporaines2: Leur occupation couvre la période de 1040 à 1290 après J.C. Cela les place chronologiquement dans la phase Amacueca ancienne. D’après son étendue, le recoupement des fosses et l’évident remaniement des restes osseux, le cimetière Sud fut utilisé de façon intensive et/ou pendant un assez long laps de temps. Les effectifs ont été choisis suivant des critères de sexe et d’âge, puisque les enfants sont rares ainsi que les femmes. Il abritait par ailleurs, une population assez aisée dans l’échelle sociale du bassin, comme en témoigne le mobilier abondant qui accompagnait les défunts. De plus, un nombre assez élevé de traits comme les pratiques ostéo-culturelles, ou la présence de matériel exogène (les récipients polychromes de type 7) confirment cette aisance, ou, du moins, l’existence d’une élite locale. Cette dernière entretenait peut-être des liens avec certains sites du Michoacán et, sur la base des études comparatives, on a même pu

Etant donné que la création de l’état tarasque date en gros de 1350 apr. J.C. (Pollard 1994: 221), nous proposons que le cimetière Nord, qui présente déjà un peu de mobilier tarasque3, commence à se former après cette date, soit en phase Amacueca récente. En effet, à la fin du XVème siècle, il est possible que les gisements de sel du bassin de Sayula aient exercé une certaine attraction sur ce jeune état. Rappelons ici que le maintien de l’élite tarasque passe par l’acquisition de ressources étrangères à son territoire et disponibles parmi les peuples tributaires. Une partie du succès de leur expansion est liée à l’obtention de ces produits et à la soumission des territoires producteurs (Schöndube et al. 2001: 75). A la fin de la phase Amacueca, le nombre de sites avec structures monumentales est faible, permettant de suggérer que le contrôle de la production et de la distribution du sel n’appartenait plus à la population locale (Schöndube et al. 2001). Le site de San Juan pourrait être un centre important de distribution du sel pendant la phase Amacueca Récent4. La présence d’un 3

Des grelots en cuivre accompagnaient l’individu 93.1 Il faut signaler qu’Atoyac (le village où se trouve le site de San Juan) était considéré comme une importante zone de production de sel pendant le XVIème siècle (Ciudad Real 1993: 151)

2

4

Rappellons les dates mentionnées dans le chapitre III: pour la structure G entre 1150 et 1278 après JC, pour la sépulture 57 du cimetière Sud entre 1040 et 1290 après JC.

197

Synthèse _______________________________________________________________________________________________ important groupe tarasque5 sur ce site, implique une nouvelle répartition des centres d’activité dans le bassin, plaçant les habitants de la zone de Caseta dans une position plus marginale. Cela pourrait correspondre à l’appauvrissement constaté des pratiques funéraires, reflet du changement de situation de la population inhumante.

trouve le site a connu une fonction presque exclusivement funéraire. Cette destination exclusive aurait pu se conserver dans la mémoire de la population préhispanique du bassin de Sayula, faisant de la colline une sorte d’endroit sacré, privilégié pour l’inhumation. En effet, le site a été utilisé comme cimetière entre 171 avant J. C. et 260 après J. C., occupation qui correspond à la phase Usmajac. Environ 800 ans plus tard, pendant la phase Amacueca, le site retrouve ce rôle de secteur funéraire. Mais, de plus, pendant cette phase tardive, deux occupations chronologiquement distinctes ont lieu: le cimetière Sud et la structure du sommet pendant la phase Amacueca Ancienne (1100- 1350 apr. J.C.), et le cimetière Nord et les foses non funéraires, pendant la phase Amacueca Récente (1350-1532 apr.J.C.). Cette succession dans le temps confirme que la colline était identifiée comme secteur funéraire.

Les effectifs du cimetière Nord ont été, encore une fois, choisis sur des critères d’âge et de sexe: les immatures sont toujours rares, mais les hommes, plus nombreux dans le cimetière Sud, deviennent, dans le Nord, minoritaires. D’après ce constat, il est évident que la population inhumante a exercé un recrutement différentiel d’une catégorie particulière d’âge, mais aussi de sexe dans chaque cimetière. Où se trouvent alors, les défunts non choisis pour être inhumés à Caseta? Il est possible que les hommes qui manquent dans le cimetière Nord, les femmes absentes du cimetière Sud, ainsi que les enfants qui font défaut dans les deux secteurs soient inhumés dans les véritables sites d’habitation voisins. Tel était le cas de l’aire 4 du site de San Juan, dans laquelle les défunts étaient inhumés sous les maisons et où le nombre d’enfants est plus important que dans les zones exclusivement funéraires.

On note par ailleurs que la colline n’a été effectivement occupée que lorsque les sites d’habitation se trouvaient à proximité, comme pendant les phases Usmajac et Amacueca. Par contre, la phase Verdía qui marque un abandon du secteur sud du Bassin, n’est pas représentée par une occupation funéraire de Caseta, pas plus que la phase Sayula. L’absence d’activités durant ces phases s’explique assez bien par le déplacement des centres d’activité majeurs vers d’autres zones du bassin. On pourrait bien sûr s’étonner cependant du manque d’intérêt porté à un site dont la localisation et la topographie offraient des avantages. Quoi qu’il en soit, on est bien obligé de se conformer aux données archéologiques, et de constater ainsi le caractère presque exclusivement funéraire du site, au cours de ses deux occupations principales. S’agit-il d’un phénomène accidentel? C’est peu vraisemblable. La topographie du site et sa géologie lui conféraient-elles des avantages particuliers pour l’élaboration de sépultures? Cela vaut pour les tombes à puits, mais non pour les fosses qui ne nécessitent pas un terrain adapté. Reste effectivement l’idée que la colline, pour des raisons qui nous échappent, aurait eu un caractère sacré ou rituel: on peut envisager que le souvenir se soit conservé, ou, plus probablement, que des vestiges ou signes témoignant de l’existence de tombes à puits aient désigné l’endroit aux populations Amacueca. Le choix d’implanter leur propre cimetière à proximité immédiate des tombes à puits aurait alors traduit une volonté de continuité, un respect des morts, ou même une crainte religieuse. C’est peut-être le même phénomène qui justifierait l’absence d’installations permanentes, tant durant la phase Amacueca, que pendant les phases précédentes.

Pour ce qui est des immatures, nous avons vu qu’ils font le plus souvent l’objet de dépôts secondaires. Cela nous a amené à émettre ci-dessus l’hypothèse d’un troisième secteur funéraire, aujourd’hui disparu, où les restes d’immatures connaîtraient leur phase de décharnement, avant d’être déposés dans les fosses. Cette hypothèse renforcerait l’importance des pratiques funéraires. Quoi qu’il en soit, nous pouvons donc affirmer, en l’absence de structures résidentielles confirmées, que la fonction principale de Caseta, pendant la phase Amacueca, était funéraire. Le site serait alors utilisé par une communauté voisine ou par plusieurs d’entre elles. Dans la première hypothèse, quelle serait cette communauté? Si la dernière possibilité est correcte, quels étaient donc ces sites? Appartenaient-ils à un seul secteur du bassin ou à l’ensemble de la région avec des règles strictes de recrutement? Le choix peut alors se porter sur le secteur d’El Casco (sites CS 27, CS 70, CS 71) voisin de Caseta. Bien que ces sites aient été prospectés pendant le déroulement du projet Sayula (Schöndube et al. 1994) et correspondent à une occupation Usmajac et Amacueca, ils n’ont pas été fouillés ce qui rend impossible, pour l’instant, la vérification de notre hypothèse. L’abondance des vestiges fondamentalement funéraires de Caseta, la rareté et le caractère tout à fait particulier des autres vestiges, et l’absence de structures d’habitat bien identifiées suggèrent que la colline sur laquelle se

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Comme on l’avait déjà mentionné dans le chapitre VIII, la présence à San Juan d’objets métaliques et l’utilisation de bezotes, prérogatives accordés à l’élite tarasque (Uruñuela 1997: 292), justifient cette affirmation.

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CONCLUSION

du matériel, il s’imposait de tenter de comprendre la nature des différences entre les deux séries des cimetières Nord et Sud, afin d’approcher l’interprétation en termes de sociétés.

L’analyse de l’ensemble funéraire de Caseta montre, une fois de plus, que « la complexité des pratiques funéraires ne peut être abordée de manière satisfaisante qu’au prix d’une approche interdisciplinaire au sein de laquelle l’archéologie et la paléoanthropologie sont étroitement associées. » (Pereira 1999: 209). Afin d’évaluer la pertinence des apports de la présente étude, il est nécessaire de revenir sur l’objectif principal annoncé dans l’introduction, soit la compréhension de l’ensemble funéraire correspondant au site de Caseta et, au-delà, son apport à la connaissance de la population inhumante et par conséquent de la société du bassin de Sayula. Le matériel archéologique de départ est une série funéraire représentant diverses occupations du site: des démarches préalables s’imposaient. La description et la comptabilisation du matériel funéraire du site de Caseta et sa classification chronologique constituaient le pas initial de notre démarche, puis la caractérisation du système funéraire propre à chaque occupation, pour parvenir enfin à la compréhension de la fonction du site.

Nous avions envisagé d’entreprendre une étude anthropométrique, censée révéler les différences morphologiques entre les deux populations; par ailleurs, l’enregistrement des caractères discrets du post-crâne aurait pu mettre en évidence de possibles regroupements familiaux au sein des cimetières. Malheureusement, l’état des ossements n’a pas permis la prise de mesures, ni la reconnaissance des caractères discrets. Nous avons tout de même tenté de les répertorier pour le crâne, mais, étant donnée la rareté des pièces, les résultats ne sont guère probants. Ces lacunes ont toutefois été en partie comblées par les résultats obtenus par l’étude des pratiques funéraires (chapitre VI) et des données paléoanthropologiques (chapitre VII) qui ont confirmé et renforcé les différences déjà identifiées dans la description. Au-delà de la localisation des sépultures et des différences dans le mobilier, l’analyse des pratiques funéraires a révélé des variations significatives: la taille des fosses, certains gestes funéraires, le traitement du cadavre. Par ailleurs, l’état sanitaire suggérait l’existence de modes de vie différents, et les modifications corporelles artificielles indiquaient des divergences culturelles importantes entre les défunts des deux cimetières. La caractérisation d’un système funéraire propre à chaque occupation du site, au cours de la phase Amacueca, étaye ainsi l’hypothèse d’une évolution chronologique au cours du Postclassique. A la discussion sur la fonction du site, vient donc se superposer la question de l’identité de la population inhumante. Il s’agit bien fondamentalement de la même population, comme on a pu le mettre en évidence au travers de multiples continuités. De plus, on a même pu envisager un chevauchement chronologique entre les deux cimetières. Mais, en fonction des divergences établies, s’agit-il du même groupe social ou de deux groupes distincts? Pourquoi y a t-il eu changement au sein de la population inhumante? Pourquoi, enfin, le site de Caseta conserve-til, au cours de son occupation, une fonction similaire? Bien plus, peut-on relier la présence des deux cimetières de phase Amacueca avec la présence, de loin antérieure, des tombes à puits?

La classification chronologique préalable du matériel a été établie dès la fouille, à partir des caractéristiques générales des restes, en particulier de la nature des contenants. La description des sépultures anciennes se trouve donc logiquement dans le chapitre III. Nous avons mis ici l’accent sur les structures funéraires, puisque le moment chronologique qu’elles représentent est caractérisé par la présence des tombes à puits et qu’elles constituent les vestiges les mieux conservés de cette phase. Par ailleurs, les restes osseux et le mobilier de chacune d’elles ont été décrits et comptabilisés, pour procéder ensuite à l’analyse de l’organisation spatiale. Cela a permis de replacer les six sépultures anciennes dans leur contexte spatio-temporel au sein de la tradition des tombes à puits. Ensuite, le chapitre IV a été consacré aux caractéristiques générales des sépultures de la phase Amacueca. La comptabilisation des effectifs signalait déjà un recrutement spécialisé puisque aucun des deux secteurs funéraires ne représentait une population normale. En effet, chaque cimetière suit un modèle différent de recrutement avec une représentation différentielle des sexes selon le secteur et un manque général d’immatures. La description, l’étude et la comptabilisation du mobilier funéraire, auxquelles est dédié le chapitre V, accentuent le contraste significatif entre le Sud, plus riche et plus ancien, et le Nord, moins riche et plus récent. Compte tenu de ces résultats, il est apparu clairement que les différences entre les deux séries n’étaient pas exclusivement spatiales. Au terme de cette première phase de l’étude, donc, trois ensembles différents ont pu être distingués, même si dans le cas des deux derniers, le décalage chronologique demeure faible. Une fois achevée cette première étape de description et de comptabilisation

L’information obtenue à travers l’analyse précédente a été replacée dans son contexte régional et chronologique. Les comparaisons du chapitre VIII ont montré que les sépultures anciennes de Caseta correspondent aux tombes à puits sub-monumentales propres aux zones périphériques de la tradition Teuchitlán. Il a ainsi été possible d’en inférer que leur simplicité et leur pauvreté relative pourraient plutôt s’expliquer par leur position spatiale et /ou culturelle périphérique. Par ailleurs, nous 199

Conclusion _______________________________________________________________________________________________ malgré tout été possible de constater que les cimetières de Caseta s’inscrivent complètement dans la tradition funéraire de la région pendant le Postclassique. Tant pour des sites proches, que pour des sites plus lointains, et en dépit de variations locales, on a pu établir des rapprochements significatifs, à la fois dans les pratiques funéraires et dans des domaines plus spécifiques, comme les pratiques ostéo-culturelles. Il est toutefois fondamental de souligner l’importance des parallèles établis avec les sites du Michoacán voisin, où plusieurs similitudes ont pu être proposées, avec, souvent, une plus grande antiquité pour ces dernières.Tel serait le cas de la position latérale fléchie, d’un type de déformation crânienne ou de schémas de mutilation dentaire. De là à en déduire une influence du Michoacán, il y a un pas que l’on ne saurait franchir en l’état actuel des connaissances. Peut-être les recherches conduites actuellement sur l’extrême nord-est du bassin, dans la région qui ouvre vers le Michoacán permettront-elles d’apporter quelques éléments de réponse. Les premières datations obtenues pour des sites de cette zone, soit la transition entre le Classique et le début du Postclassique, augurent en tous cas bien des possibilités.

avons tenté de justifier la présence des fosses simples comme une modalité plus modeste d’inhumation pendant la même époque. Cela pourrait indiquer que, sans atteindre le degré de sophistication de stratification sociale de la zone de Teuchitlán, la population présente dans le bassin de Sayula dès la phase Usmajac avait, dans un contexte villageois, atteint un certain degré de hiérarchisation interne. Il semble que, en général, le bassin de Sayula cherchait à s’intégrer dans la tradition des tombes à puits, malgré sa pauvreté relative, son éloignement et les contraintes du terrain. On pourrait se demander pourquoi la population du bassin de Sayula s’est mise à construire des tombes à puits. En l’absence de manifestations antérieures d’occupation, on peut envisager l’arrivée dans la région des populations de phase Usmajac, qui auraient amené dans leurs bagages leurs pratiques funéraires déjà organisées. Mais, dans ce dernier cas, quelle serait leur origine? Le peuplement du bassin en phase Usmajac se concentre principalement vers le sud. Il serait logique d’envisager une même origine pour les populations colonisant le bassin. Cela pourrait expliquer l’absence de matériel comparable pour la phase Usmajac, dans la typologie céramique proposée par Beekman et Weigand (2000), pour Teuchitlan. Mais, d’un côté, il a été possible, par l’étude comparative, de rattacher les tombes à puits du bassin de Sayula plutôt à la zone de Teuchtitlan, qu’à d’autres foyers. D’autre part, la faiblesse des comparaisons céramiques ne suffit pas à rejeter l’hypothèse d’une origine septentrionale, puisque le matériel des phases anciennes de Teuchitlán est luimême très mal connu. Enfin, si le bassin avait été colonisé par des populations disposant déjà, dans leur bagage culturel, des connaissances suffisantes, la simplicité, et le caractère peu élaboré de plusieurs tombes (Tombe C de Caseta, tombes de Cerro del Agua Escondida) s’expliqueraient mal. Une autre hypothèse repose sur la chronologie locale. La phase Usmajac, dont le placement chronologique reste discuté (voir chapitre II), pourrait d’une part remonter à une période plus ancienne, ce qui permettrait de mieux la distinguer de la phase Verdía. Mais aucun élément ne permet pour le moment d’étayer cette hypothèse. Il serait d’autre part possible d’envisager l’existence d’antécédents locaux antérieurs à la phase Usmajac, dont cependant les travaux du projet Sayula n’avaient pu identifier aucune trace. Les récentes recherches menées dans le bassin ont cependant permis d’identifier les vestiges d’une occupation archaïque, sous la forme de restes lithiques (Liot, communication personnelle, 2001). Cela suggère la possibilité d’un développement local, qui aurait ensuite cherché à s’intégrer à une tradition voisine, en adoptant en particulier ses pratiques funéraires. En l’état actuel des connaissances, aucun argument décisif ne permet toutefois de privilégier l’une de ces interprétations qui ne sont d’ailleurs pas exclusives, ni contradictoires.

Il a finalement été possible d’effectuer une synthèse de l’ensemble des résultats obtenus et des propositions avancées au fil de l’étude. Elle repose sur les prémisses méthodologiques qui consistent à intégrer les données biologiques, anthropologiques et archéologiques pour dégager une perspective globale de la population représentée dans les divers ensembles funéraires. Il a ainsi été possible d’affirmer que les cimetières Nord et Sud de la phase Amacueca ne correspondent pas aux mêmes types de structures sociales, même si à la base, il s’agit de la même population. Certaines continuités, voire un conservatisme marqué dans le cas du cimetière Nord, confirmeraient en effet que la population inhumante est fondamentalement la même. Mais il se serait produit, en phase Amacueca récente, un changement important. Suite à une présence tarasque plus forte, qui peut aller jusqu’au contrôle direct du bassin, se serait produite une modification dans la répartition des foyers d’activité. Le mode de vie plus simple de la population qui correspond au cimetière Nord refléterait ainsi une forme d’appauvrissement ou de marginalisation, à l’échelle locale du moins. On l’a vu, la situation serait différente pour le site de San Juan, par exemple, où la présence tarasque importante est symptomatique de son statut de communauté sujette mais alliée (Uruñuela 1997: 294). Il ressort bien, en tous cas, de notre étude qu’au Postclassique Récent, le bassin de Sayula connaît une intégration accrue dans la sphère d’influence tarasque, ce qui se traduit par une redistribution des populations, et peut-être par une diminution du rôle de la zone de Caseta. Par ailleurs, l’identification des systèmes funéraires propres à chaque occupation et à chaque secteur de Caseta permet de revisiter les autres données archéologiques exposées dans les chapitres II et III. Ces systèmes constituent la trame dans laquelle s’inscrivent les ensembles sépulcraux. Cette démarche nous a permis

En ce qui concerne les comparaisons avec des séries osseuses contemporaines de la phase Amacueca, nous nous sommes heurtée à l’hétérogénéité des données. Il a 200

Conclusion _______________________________________________________________________________________________ et du pillage, il nous semble nécessaire de souligner que l’on a pu tout de même obtenir une quantité importante d’informations. Même si celles-ci se sont avérées, dans certains cas, fragmentaires, le fait de pouvoir les accommoder comme des parties d’un puzzle nous a aidée à l’interprétation de la série. Il en résulte un tableau d’ensemble susceptible d’apporter, nous l’espérons du moins, une contribution utilisable pour de futures recherches.

de percevoir la fonction exclusivement funéraire du site. En dépit d’une longue interruption dans l’occupation du site, lors des phases Verdía et Sayula, l’absence d’autres vestiges attribuables à des activités quotidiennes, tout comme celle d’habitats, confèrent à Caseta un rôle spécifiquement funéraire. Parmi les rares données enregistrées qui n’ont pas une fonction funéraire directe, nous avons pu proposer une fonction rituelle associée pour les fosses tronconiques anciennes. Et les rares vestiges architecturaux, peu conformes aux normes d’un habitat connu, et pour lesquels une datation précise est impossible à l’exception de la structure G, auraient pu abriter les populations inhumantes, lors des enterrements. Cette situation, comme la présence quasi exclusive de vestiges funéraires, nous a permis d’envisager un caractère presque sacré de la colline de Caseta qui se serait maintenu malgré l’absence d’inhumations pendant la phase Sayula. La sépulture 33-34, partiellement intégrée au puits de la tombe B suggère, à tout le moins, une continuité spatiale. Que cette continuité relève d’une circonstance fortuite, la découverte accidentelle d’une tombe à puits, par les populations de la phase Amacueca, d’une volonté délibérée, ou de la valeur rituelle du lieu, rien ne permet de l’établir.

Nous sommes cependant consciente que notre étude est loin d’élucider l’ensemble des questions sur l’aspect funéraire du bassin de Sayula, mais elle a au moins participé à leur discussion. Elle a par ailleurs poursuivi sur la voie tracée par d’autres recherches de même nature en enrichissant le corpus d’information. Nous espérons, à l’avenir, approfondir certains aspects de notre série. Pour cela, il serait nécessaire d’effectuer des analyses d’ADN, d’éléments traces et d’isotopes susceptibles d’éclairer certaines questions telles que la nature de l’alimentation, les possibles mouvements de migration, et les liens de parenté. Il sera également souhaitable d’approfondir l’étude de gestes funéraires désormais identifiés, mais qui méritent que l’on s’y attache, pour comprendre leur importance et leur signification.

Nous considérons donc que les objectifs que nous nous étions fixés au départ ont été remplis. Ce travail apporte d’abord des données nouvelles sur l’évolution du bassin de Sayula, et synthétise l’ensemble des informations sur l’un des principaux sites fouillés. Il s’ajoute ainsi aux études déjà disponibles sur San Juan (Uruñuela 1997) et sur l’exploitation du sel (Liot 2000). Il constitue une contribution aux connaissances sur l’histoire préhispanique du bassin de Sayula. Dans une perspective plus large, étant donné le nombre encore restreint de tombes à puits correctement fouillées dans l’Occident, le fait d’avoir au moins deux de ces structures bien documentées à Caseta, en plus de la récupération d’un maximum d’information sur les autres sépultures pillées, constitue déjà une base de données non négligeable. Bien que la recherche sur les sépultures anciennes ait primordialement visé à obtenir une meilleure compréhension du phénomène des tombes à puits dans le bassin de Sayula, cette information pourra, par ailleurs, être utilisée par d’autres chercheurs comme matériel comparatif.

La principale difficulté à laquelle nous étions confrontée au cours de notre analyse était la faible quantité d’ensembles funéraires susceptibles, par leur taille, de permettre des comparaisons avec la nôtre. Il est souhaitable que de nouvelles recherches se mettent en place, afin de résoudre les questions suscitées par notre étude et de continuer ainsi dans l’avancement de la recherche dans la région. Des fouilles archéologiques dans des sites de la phase Amacueca voisins de Caseta pourraient dégager les habitations de la population qui inhumait ses défunts dans le site. On pourrait ainsi confronter l’information funéraire avec celle de la vie quotidienne pour avoir un aperçu global du groupe. En ce qui concerne les phases anciennes, la fouille de sites de l’époque contribuerait à une meilleure caractérisation de la société, qui est actuellement surtout connue par ses manifestations funéraires. La découverte d’autres sépultures datant des différentes occupations du bassin nous permettrait aussi d’avoir une meilleure connaissance des pratiques funéraires et ostéo-culturelles correspondantes, mais aussi de mieux comprendre l’évolution de ces pratiques à l’échelle régionale. Dans cette dernière perspective, la poursuite des recherches dans la partie nord-orientale du bassin de Sayula ouvre de nouvelles possibilités, qui, nous l’espérons, permettront de mieux comprendre certains aspects de son évolution.

De la même manière, l’ensemble funéraire Amacueca constitue, par l’importance de ses effectifs, une série de taille significative capable de fournir des données comparatives nécessaires aux éventuelles découvertes dans le bassin de Sayula comme dans l’Occident. Malgré la mauvaise conservation de certains restes et en dépit de leur fragmentation à cause des travaux agricoles

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Figure 1. De la population archéologique à la population d’origine (d’après Sellier 1987).

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Figure 3. Coupe schématique du bassin de Sayula montrant la distribution des unités géomorphologiques (d’après Liot 2000 : 12)

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Figure 4. Carte des sites archéologiques et localités modernes du bassin de Sayula (d’après Schöndube et Valdez 2001 : 52).

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F1 à F9, fosses non funéraires Figure 7. Plan de localisation des vestiges du site de Caseta 208

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Figure 9. Variations dans la morphologie des tombes à puits (d’après Long 1967) 210

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Figure 10. Plans et coupes des tombes A, B, et C de Caseta

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Figure 12. Plan de la tombe C de Caseta

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Figure 18. Plan du cimetière Nord, site de Caseta.

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Figure 36. Plan du cimetière Sud, site de Caseta.

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Figure 40. Sépulture 6.

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Figure 41. Sépulture 7.

Figure 42. Sépulture 8.

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Figure 43. Sépulture 9.

Figure 44. Sépulture 10.

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Figure 45. Sépulture 11.

Figure 46. Sépulture 12. 233

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Figure 47. Sépulture 14.

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Figure 48. Sépulture 13

. Figure 49. Sépulture 15.

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Figure 123. Carte de localisation des sites à l’échelle régionale.

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Figure 128. Les sépultures du site de San Juan.

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Photo 1. Vue générale du bassin de Sayula

Photo 2. La playa pendant la saison des pluies

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Photo 3. La montagne

Photo 4. Vue générale du site de Caseta 298

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Photo 5. La structure G, vue vers l’ouest

Photo 6. Anneaux de cuivre (Ind. 3.1) 299

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Photo 7. Grelots de cuivre (Ind. 93.1)

Photo 8. Grelots amalgamés (Ind. 32.1) 300

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Photo 9. Pendentif en tumbaga (Ind.61.2)

Photo 10. Développement asymétrique des pariétaux (individu 22.1) 301

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Photo 11. Maxillaire: incisive centrale, mutilation type A2: incisives latérales, mutilation type A1. (individu 21.1) 302

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Photo 12. Maxillaire: incisives centrales, mutilation type A2: incisive latérale, mutilation type A1. (individu 88.1) 303

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Photo 13. Maxillaire: incisives mutilées, type F4 (individu 60.1) 304

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Photo 14. Quatre incisives mandibulaires avec mutilation type A1 (individu 63.1) 305

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Photo 15. Individu 50.1, fémur: cas localisé de périostite 306

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Photo 16. Individu 51.1, clavicule gauche, cas localisé de périostite

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Photo 17. Caries de degré 2 dans les surfaces mésiales, individu 37.1

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Photo 18. Caries de degré 2 dans les surfaces mésiales, individu 28.1

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Photo 19. Individu 18.2, vertèbres lombaires (LI-IV) atteintes d’arthrose

Photo 20. Individu 16.4, vertèbres cervicales atteintes d’arthrose

310

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