L'Apocalypse - (chap. 1 à 11) [Tome 1]

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Père Marie-Dominique PHILIPPE O.P.

LApocalypse Première partie : ch. 1 à 11

Retraite prêchée au Foyer de Charité de « La Part-Dieu »

juillet 1974

Nous ne savons pas si ce document a été relu par l'auteur, probablement pas. Il n'a pas non plus été édité pour un large public. Nous ne savons pas si une transcription imparfaite a pu en être la raison. Il faut donc prendre ce texte avec les éventuels limites qu'il pourrait avoir.

L’APOCALYPSE

(1ère partie,

chapitresl à 11)

Table des matières Conférence

1ère

2ème

3ème

4ème

5ème

6ème •

7ème

Pages

Pour comprendre l'Apocalypse il faut d’abord regarder l'Evangile de S. Jean ou le Mystère de l'Eglise nous est révélé : au ch. X par la Parabole du Bon Pasteur; au ch. XV " '* de la Vigne

1 à 14

Les trois nourritures des brebis du Christ : - la Volonté du Père, - la Parole de Dieu, - 1 ' Eucharistie ; leur ordre selon la Sagesse divine en Marie» dans l’Eglise catholique comparée aux autres églises. Les attaques du démon.

15 à 27

Notre foi repose sur la Parole de Dieu. Comment l’interpréter. Relativité des méthodes exégétiques. Confusion entre foi et engagement politique.

28 à 41

L'Apocalypse doit éveiller dans notre coeur une grande soif du retour glorieux du Christ. Les deux grandes visions du Mystère de la Très Sainte Trinité : - celle du Prologue de l'Ev. de S. Jean, - celle du Prologue de l'Apocalypse. Les deux grands aspects du Mystère de la Grâce’ 1) la Grâce fait de nous des fils de Dieu; 2) la Grâce fait de nous des prêtres.

42 à 57

La vision de Jésus dans la Gloire, révélée dans l'Apocalypse, nous donne la significa­ tion du sacerdoce du Christ, selon l'ordre de Melchisédec, c'est-à-dire sacerdoce éternel, au-delà de l’humain. C’est Jésus qui corrige l'Eglise. Les sept Eglises c'est l'Eglise d'aujourd'hui et chacun d'entre nous (1,6 à 2,11)

58 à 68

La correction des sept Eglises et sa signification (2,S à 3,22)

69 à 81

La distinction entre l'être.et la vie, si importante du point de vue philosophique, se trouve aussi dans l’Ecriture. La correction des sept Eglises : - les Dons du Saint-Esprit, - les Béatitudes évangéliques.

82 à 95

Conférence

Sème

9àme

lOème

llème

12ème

13ème

14ème

15ème

Les caricatures démoniaques des Béatitudes évangélique dans les sept Eglises. Ch. 4 : Pénétration dans l'économie divine. Sens de l’Eglise» Vision de la Très Sainte Trinité, des 24 vieillards et des 4 vivants.

Pages

96 à 105

Au sein de la Très Sainte Trinité il y a "l'Agneau comme égorgé". Désormais le Père ne nous regarde qu'à travers la blessure du Coeur de Jésus. Tout est repris et recréé à partir du Mystère de la Croix (4,11 à 6,0)

106 à 118

Notre espérance chrétienne se fonde sur la Victoire du Christ symbolisée par le 1er sceau. Les sceaux symbolisent les. permissions et les volontés divines.

119 à 129

Le 6ème sceau. La Victoire du Christ c'est Sa Grâce qui reprend l'Image de Dieu qui est en nous et qui a été détériorée par le péché originel. La vraie liberté de l'homme est dans sa finalité, qui échappe à la psychanalyse.

130 à 143

Les deux versants de l'Apocalypse : - ce qui apparaît extérieurement : l'action du démon; - ce qui est intérieurement : L'ordre de Dieu; le Mystère de la Grâce. Les deux manières d'interpréter Vatican II, la fausse et la bonne.

144 à 158

Les trompettes symbolisent l'exécution des décisions divines. La finalité n’est pas dans l’exécution mais dans 1’Amour.

159 à 171

Jésus est le Prêtre, pa-r le Mystère de l'incarnation. Saint Jean dans l'Ev-angile nous montre Jésus comme l'Agneau, l'Epoux, le Fils Bien-Aimé. Mais c'est dans l'Apoca­ lypse que Jésus àpparaît; tout de suite dans sa Gloire de Prêtre.

172 à 181

Consécration à la Très Sainte Vierge

181 à 182

Il faut lire l'Apocalypse indéfiniment et se familiariser avec elle comme avec l’Evangile. La science est-elle ordonnée à l'homme ou bien l'homme est-il ordonné à la science ?

183 à 197

L’

APOCALYPSE 1ère partie

Retraite prêchée par le R.P. M.-D. PHILIPPE o.p. à "La PART-DIEU" en juillet 1974 *

*

*

1er jour

1ère conférence

Nous allons prendre comme grand sujet de la retraite le mystère de l'Apocalypse. Je dis bien le mystère de l'Apocalypse, parce que ce ne sont pas des histoires que nous allons raconter; nous allons essayer de gratter la terre pour entrer plus profondément dans l'ordre de la sagesse de Dieu sur le mystère de l'Eglise. Vous savez bien que c'est très grave l'Apocalypse, grave dans le sens que c'est vraiment une révélation qui nous est faite, une extase. C'est sans doute pour cela que les exégètes, devant l'Apocalypse, ne savent plus très bien quoi dire, parce que c'est une extase. Dans une extase, à moins d'y être, on ne sait pas très bien ce qui se passe. Je ne demande pas au Saint-Esprit de vous mettre tous en extase pendant la retraite, parce que je ne sais pas ce qu'on ferait ! Remarquez que ce serait très bien : on vous laisserait tous en extase tant de temps, puis les cinq jours passeraient et au bout de cinq jours on vous réveillerait en disant : "Il y a cinq jours que vous êtes en extase, vous n' avez plus qu'à partir maintenant...". Ce serait le meilleur moyen d'entrer dans l'Apocalypse. Mais, de fait, et nous allons le voir, cela nous est donné d'une façon très spéciale, très particulière, la grande extase de l'Apocalypse, puisqu'il nous est dit : "Bienheureux celui qui lit ce livre". Et il nous est dit aussi qu'il ne faut rien ajouter, rien retrancher. C'est très impératif.

Il n'y a pas un livre de l'Ecriture qui soit aussi impératif que l'Apocalypse, à tel point que certains exégètes disent : Oh, ça c'est encore de l'Ancien Testament, c'est le style de l'A.T., ça ne fait pas partie du Nouveau Testament", et c'est vrai d'une certaine manière. C'est un style qui a déjà commencé dans l'Ancien Testament, si je le prends du point de vue du style. Mais le Saint-Esprit était avant le Nouveau Testament, n'est-cepas, le Saint-Esprit était déjà avant le point de départ de toutes choses. Mais tout a été repris dans le Christ. Et l'Apocalypse est bien une vision du Christ, comme nous le verrons, une vision du Christ merveilleuse. Pas celle de l'Evangile de Saint Jean. C'est autre chose, et en même temps c'est la même chose, parce que c'est le même Christ, c'est bien évident, et on ne peut pas les séparer.

2

C'est le même Christ et en mène temps c'est l'Eglise, c'est la grande vision sur l'Eglise, sur l'Eglise dans son mystère trinitaire. C'est très bon de voir cela, parce que je crois que c'est ce que 1'Esprit-Saint nous demande de voir aujourd'hui : l'Eglise dans sa vision, dans la vision trinitaire : l'Eglise du Père, l'Eglise du Fils, l'Eglise de 1 ' Esprit-Saint, l'Eglise de Marie. Ce n'est pas la même chose, vous voyez; chaque fois qu'on dit cela, il faudrait que, dans le fond de notre coeur, nous comprenions que nous sommes nous aussi du Père, du Fils, de 1 'Esprit-Saint et de Marie. Nous sommes liés essentiellement au Père, au Fils, à 1'Esprit et à Marie, selon des modalités différentes, selon des manières diffé­ rentes, grand mystère de notre grâce. Nous aurons l'occasion d'y re­ venir, parce que, au fond, nous revenons toujours au mystère de la Grâce et tout, en définitive, nous révèle ce grand mystère de la gratuité de l'amour et donc de la grâce qui nous fait entrer dans le mystère de la Très Sainte Trinité, qui nous fait entrer dans le mystère du Fils, qui nous fait entrer dans le mystère de l'Esprit.

Le mystère de l'Apocalypse, c'est le mystère de l'Eglise mili­ tante. Alors si vous le voulez, avant d'y entrer - parce qu'on ne peut pas y entrer tout de suite - nous allons voir un peu quelques aspects différents, mais qui sont toujours les mêmes. Il faut bien voir les grandes révélations sur le mystère de l'Eglise, telles qu'elles nous sont données dans l'Evangile de Saint Jean. Et dans l'Evangile de Saint Jean, elles résument tout ce qui a été donné auparavant dans le grand enseignement de Saint Paul. Il n'y a pas d'opposition, il y a continuité. N’oublions jamais cela il n'y a pas d'opposition dans l'Ecriture. Pour nous, peut-être, il y en a parce que nous ne sommes pas assez intelligents... alors nous voyons des oppositions. Il y a des points de vue différents et 1'Esprit-Saint nous donne exprès des points de vue différents.

:

Il est évident que Saul de Tarse et Jean n'ont pas tout à fait le même tempérament. Dans les apôtres ça arrive ! Dieu ne nous mêle pas tous avec le même tempérament et plus nous prenons de l'âge, plus notre tempérament se singularise et prend des nuances particu­ lières, parce que les teintes de l'automne montrent davantage la variété des feuilles que lorsqu'on est au printemps. Quand on a vingt ans, on se ressemble tous. Quand on a 60 et 70 ans, on se res­ semble beaucoup moins... Alors on voit beaucoup plus la variété, elle se voit beaucoup mieux, avec beaucoup plus de finesse. En même temps, tout cela est l'oeuvre de 1'Esprit-Saint. Saul de Tarse a été transformé par l'Esprit. Et il parle au nom de 1'Esprit-Saint, sous la mouvance de 1'Esprit-Saint, et c'est le même Esprit-Saint. Ce que Saint Augustin affirme avec beaucoup de force : "La Bible, l'Ecriture a un seul auteur principal : 1'Esprit-Saint". Je le rappelle parce que c'est très important de le rappeler aujourd'hui, où l'on est beaucoup plus sensibilisé à la diversité. C'est très bien, la diversité, c'est bon. Mais il ne faut pas confondre. Il ne faut pas confondre l'Ancien Testament et le Nouveau. L'Ancien Testament, nous aurons l'occasion de le dire, ne nous donne aucun principe; il est de l'ordre de la disposition. Il prépare. Et s'il est de l'ordre de la disposition, c'est toujours un peu matériel et on risque, à ce moment-là, de ne plus bien saisir ce oue nous devons vivre, parce que nous vivons de la Nouvelle Alliance.

3 Mous vivons du Christ. Notre définition ce n'est pas la Loi. Nous ne sommes pas en référence à la Loi, immédiatement. Nous sommes en référence à Jésus. Par Jésus tout est assumé. Pas un iota de la Loi ne disparaît. Mais c'est directement au Christ que nous sommes en référence. Alors il est bon de se rappeler le mystère de l'Eglise. Et je crois que c'est important, au début de la retraite, parce que nous vivons dans une Eglise qui est en lutte, qui peut-être connaît les dernières luttes, les luttes suprêmes, je n'en sais rien... vous non plus. Mais nous pouvons nous poser la question et nous devons même nous poser la question parce que nous vivons sûrement des luttes qui vont très loin.

□r Dieu nous demande d'être lucides. Nous n'avons pas le droit de dire "ça ne nous regarde pas... Moi, dans l'Eglise, je n'ai qu'à obéir...". Oui, mais vous devez obéir d'une façon intelligente. Vous devez obéir au Saint-Esprit et le Saint-Esprit ne veut pas que vous obéissiez comme des imbéciles. Vous n'en avez pas le droit : obéir comme des imbéciles, ce n'est pas 1'obéissance. L'obéissance nous ennoblit dans l'amour et elle exige de nous d'être vraiment des enfants de Dieu. Là est la difficulté. S'il s'agissait tout simplement de faire une petite opération pour que l'on devienne tous gaga, alors on n'aurait plus qu'à obéir. Le troupeau d'oies, vous savez, obéit en suivant quelqu'un qui est devant, ou bien les moutons de Panurge, en suivant par derrière! Ce n'est pas cela que le Saint-Esprit nous demande. Il ne nous fait pas une petite opération pour nous rendre tous imbéciles et que nous n'ayons plus qu'à obéir bêtement. C'est très, très difficile l'obéissance. C'est peut-être la chose la plus difficile. L'obéissance est très difficile parce qu'elle exige que notre prudence soit éveillée, que nous soyons lucides, que nous comprenions bien les choses et que nous dépassions tout le temps notre propre jugement pour rejoindre la volonté du Père sur nous, à travers parfois des choses difficiles, pas toujours commodes... Si Dieu chaque matin nous donnait le petit itinéraire de la journée, si en vous réveillant il y avait sur votre lit le petit itinéraire de la journée, alors vous n'auriez plus qu'à obéir en disant : "je vais faire la volonté de Dieu". Ceux qui sont comme cela tombent facilement dans l'illuminisme. Dieu me dit qu'il faut faire cela, je le fais. A onze heures je dois prendre mon petit café du SaintEsprit... je suis sûr que le Saint-Esprit me demande cela...

Ce n'est pas si commode, parce que Dieu parle d'une manière extraordinairement divine, et donc à travers les hommes, les événements à travers sa Parole, l'enseignement de l'Eglise, Il parle à travers tout cela. De temps en temps il y a des brisures où la Parole de Dieu nous est donnée d’une façon plus immédiate, mais même à ce moment-là il faut faire attention. Il est important de se rappeler cet enseigne­ ment que Saint Jean nous donne sur l'Eglise parce que ça nous aidera à comprendre l'Apocalypse, qui va nous montrer constamment l’oeuvre du démon. Et pour comprendre de façon lucide les attaques du démon, il faut comprendre l’oeuvre du Saint-Esprit, parce que le démon lui est toujours opposé. Donc ce qu'il sait n'est pas intelligible en soi. Il faut toujours dépasser le démon pour le vaincre. Il faut être victorieux dans l'amour, de la victoire du Christ, pour ne pas s'inquiéter du démon. Si vous vous mettez en face du démon, vous êtes perdu d'avance. Dire que la réponse au marxisme c'est l'anti-marxisme, est une erreur. Etre anti-marxiste n'est pas chrétien. Il faut être chrétien et lutter contre le marxisme. Ce n'est pas la même chose. Parce que si vous vous définissez "anti", en apposition directe, vous êtes sûr d'avance d'être battu.

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Il faut dépasser d'une tête, dépasser du coeur et de l'intelligence. Nous sommes du Christ et étant du Christ nous avons une lumière qui dépasse tout, qui nous permet de combattre le saint combat parce que nous sommesvictorieux dans le Christ. Dans le Christ, nous sommes fils de Lumière. A ce moment-là, nous voyons toutes les oppositions, mais notre vie n'est pas premièrement "anti"; notre vie est première­ ment une vie d'amour. "Bienheureux les pacifiques..."

Il ne pourrait pas y avoir la béatitude des pacifiques si l’on était u; "anti". Il faut qu'il y ait quelque chose en nous. Alors, de temps en temps dans la lutte, (c'est très vrai à certains moments au plan psychologique, quand on est dans la pleine bagarre, on a l’impression d'être entièrement mobilisé pour être en opposition) il faut du recul, il faut la retraite.

La retraite vous permet d'être au-delà des "anti", de vous mettre justement dans la lumière même du Christ et, par le fait même, de regarder avec un regard plus vrai. Quand on est dans l'agitation, dans la bagarre, que voulez-vous, on se défend ! Il faut bien se dé­ fendre. Et Dieu, de temps en temps, nous demande de nous défendre, et de temps en temps II nous demande de remettre l'épée dans le fourreau. Maintenant II vous demande de remettre l'épée dans le fourreau, pour que pendant ces quelques jours vous ayez justement cette paix du coeur qui vous permette d'aller plus loin. C’est pour cette raison que pour bien regarder l'Apocalypse, il faut toujours regarder l'Evangile de Saint Jean. Parce que l'Eùangile de Saint Jean est ultime, il donne la vraie lumière sur l’Apocalypse. Toute la Parole de Dieu se termine par les écrits johanniques. Le vieux Saint Jean, à l'âge de 83 ans... (vous voyez on est encore bon quand on a 83 ans, même si la société, une société de consommation consi­ dère qu'on est trop vieux, qu’on n'est plus bon pour l'efficacité, pour l'organisation...), à 83 ans le Seigneur peut nous utiliser d'une façon étonnante, puisque nous nous mettons à l'école de quelqu'un qui a 83 ansl En lisant l'Apocalypse, évidemment, nous nous mettons à l'école du Saint-Esprit, avant tout, mais quand même il s'est servi de ce vieux bonhomme, de ce vieux saint, de cet homme extraordinaire qui avait vécu si profondément du Christ et qui, à ce moment-là, connaît les persécutions. C'est curieux la vie de Saint Jean. Il est resté sans doute le dernier de toute la génération du Christ, de tous les témoins immédiats du Christ. Il est resté le dernier. Vous savez... quand on voit dans une grande famille celui qui reste le dernier. Ils sont tous morts, frères et soeurs, parents, grands-parents... ils sont tous morts. On reste le dernier. C'est très beau de voir cela ; le vieux chêne qui demeure, et toutle reste est tombé. Alors on vient auprès de lui pour savoir. Le vieux Jean voit cette Eglise qui va commencer une nouvelle génération. La génération de ceux qui sont les successeurs des Apôtres. Ce ne sont plus les Apôtres qui sont à la tête de l'Eglise, mais leurs successeurs. Ce ne sont plus ceux qui ont vécu intimement avec Jésus. C'est le temps des premières persécutions violentes. On commence et Jean est obligé de se réfugier à l'île de Patmos. Le vieux saint Jean, 83 ans, à Patmos. Il pensait qu'il n'avait plusqu'à se taire, et Dieu lui demande de parler. Il doit parler. Il doit parler comme un vieillard, dire des secrets, des choses profondes, des choses qu'il n'avait jamais vues avec autant de netteté. Dieu l'a secoué.

5 Alors on comprend très bien, d'après l'Apocalypse, qu'il y ait une grande tendresse dans le coeur de Jean. Une très grande tendresse. Quand on est un tempérament fort, il faut être très secoué pour deve­ nir tendre, pour devenir doux, de la douceur de l'Agneau... Je crois que Jean est devenu doux de la douceur de l'Agneau, avec l'Apocalypse. Douceur et tendresse de l'Agneau pour l’Eglise. Pour cette Eglise qui lutte. Alors on comprend la première Epître de Saint Jean, et l'on comprend comment il a été obligé, par l'EspritSaint, de communiquer les derniers secrets de son coeur : l'Evangile. Auparavant, Jean avait rencontré Luc. Lisez le Prologue de Saint Luc, qui est si beau. Il faut souvent le lire, car il nous montre bien l'intention de Saint Luc. Saint Luc veut compléter ce qui avait été déjà donné. Il y avait déjà Marc et Matthieu, les Epîtres de Saint Paul, il y avait déjà un enseignement très riche. Saint Luc comprend, sous la conduite de 1'Esprit-Saint, qu'il doit compléter tout ce qui a été donné. Luc est très intelligent. Saint Paul aussi. Mais chez Saint Paul il y a une action très, très forte. Luc, c'est un intellectuel, je ne dis pas à l'état pur, ça n'existe jamais un intellectuel à l'état pur, mais c'est l'intellectuel et l'artiste. Il veut compléter tout ce qui a été dit, en recherchant depuis l'origine. C'est une parole qu'il ne faut pas oublier dans le Prologue de Saint Luc : "depuis l'origine", et c'est bien ce qu'il fait. Il nous donne des sources que personnes d'autre ne donne. Je rappelle cela parce qu'.au jourd ' hui le début de Saint Luc est très attaqué par les nouvelles méthodes dites exégétiques. On dit : "le début de Saint Luc ne correspond pas du tout à ses sources. Saint Luc tout simplement raconte ce que l’Eglise de son temps pense, au moment où il écrit, vers 50-55...".

Si Saint Luc n'avait fait que cela : un inventaire de la pensée de son temps, il ne dirait pas qu'il a été chercher depuis l'origine. Au contraire, il a eu le souci de rectifier le retour à la source. L’Esprit-Saint le fait tout le temps revenir à la source. Même pour Saint Luc c'était déjà nécessaire, parce que c’est plus facile de descendre le fleuve que de remonter à la source. Tout le monde descend le fleuve, même les cadavres... c'est plus facile, on n'a qu'à se laisser aller. On fait comme tout le monde. Tout le monde part en vacances, on part en vacances... Tout le monde se laisse prendre par cette espèce de propagande extraordinaire... on descend le fleuve. Quand on voit le nombre de gens qui roulent sur les routes, on a vraiment l'impression d'un fleuve qui descend. Ils ne savent plus très bien où ils vont... ils se laissent conduire tout simplement... Saint Luc veut remonter à la source. Alors, la source cachée, c'est Marie et Marie, elle, est confiée à Jean. Et Marie ne dit rien sans que Jean ne soit là. Et donc l'Evangile de Saint Luc a comme source très profonde Saint Jean. Ce n'est pas la seule source, sûrement pas. Mais il a beaucoup puisé en Jean. Il a beaucoup puisé en Marie. Des quantités de choses que seule Marie connaît; mystère de la Visitation... Vous croyez qu'il y avait beaucoup de gens qui connaissaient le mystère de la Visitation ? l'Annonciation ? Vous croyez que Saint Luc a inventé cela et que la génération chrétienne a inventé cela comme un mythe ? Non, les premiers chrétiens étaient des hommes sans aucun mythe, parce que la foi nous met en dehors du mythe. Les premiers chrétiens étaient des hommes de foi.

6

On a l'impression que certains exégètes n'ont jamais rencontré des hommes de foi, des hommes qui croient tout simplement. Des hommes pour qui la foi est un absolu. La foi, c'est l'absolu. Ils croient en la Parole. Ils croient dans le Christ. Et puis le reste... En face de la foi dans le Christ, le mythe n'est rien. C'est peutêtre très beau du point de vue poétique... mais c'est un château de cartes, ça ne tien't pas. La foi c'est tout à fait différent. C’est une connaissance substantielle. C'est la communication des secrets de Dieu. C’est quelque chose de substantiel. Est-ce que vous mettez en parallèle les paroles de quelqu'un qui vous aime et ce que raconte le concierge ? Evidemment pas. Vous laissez le concierge continuer de bavarder. Puisque vous ne voulez pas le convertir, il ne se convertira pas. Il écoute tous les bruits, alors que voulez-vous... il continue d’écouter tous les bruits. Il est sur le sable mouvant. Le concierge intellectuel, c'est le pire de tous. C'est celui qui écoute toutes les opinions et qui oublie de revenir à la source. Il y en a beaucoup aujourd'hui I Des quantités, parce qu'il y a beaucoup d'informations. On croit qu'on doit tout prendre et l’on oublie ce que c’est que la foi. Luc avait la foi. Jean avait la foi. Marie avait la foi. Ce sont des êtres de foi. C'est pour cela qu'ils sont peut-être un peu abrupts. Et ils sont merveilleux quand on est tout proche d’eux. Dans l'Evangile de Saint Luc il y a des quantités de choses qui viennent de Saint Jean. Je crois que Jean a été très heureux de rencontrer Luc, qui fait partie des grandes rencontres de sa vie. Jean est quelqu'un qui a rencontré des personnes très bien dans sa vie ! Il a rencontré Luc. Luc était quelqu'un de très, très bien ! Il en a rencontré d'autres, mais Luc avait l’avantage pour lui d'être celui qui pouvait dire. Jean n'avait pas du tout envie d'écrire. Ce n’est pas un artiste, Saint Jean, ce n'est pas un intellectuel. Jean, c'est quelqu'un qui aime. Ca ne veut pas dire que les intellec­ tuels ne peuvent pas aimer... mais ce qui domine chez Jean, c’est l'amour. C'est le contact direct avec le Christ, c'est l'intimité avec le Christ. C’est cela qui domine chez lui. Alors il était très heureux-de rencontrer Luc, qui pourrait dire des quantités de choses et les dirait beaucoup mieux que lui. Dans l'Ancien Testament il y a ce passage très beau entre Moïse et Aaron, lorsque ce pauvre Moïse, très secoué par Dieu, est envoyé auprès du Pharaon... Il n'a pas du tout envie d’y aller, c’est trop dur... alors il dit qu'il bégaie, parce qu'il ne peut pas transmettre ce que Dieu dit. Alors Dieu lui donne Aaron, qui sera le porte-parole. Dans l'Ecriture il est très important de voir les instruments jumelés. Dieu aime à jumeler des instruments : Saint François et Sainte Claire sont des instruments jumelés, merveilleusement jumelés. Moïse et Aaron. C'est étonnant de voir que Moïse sera un Dieu pour Aaron. Dieu aime cela parce que ça humilie les deux, ça maintient l'humilité des deux. Ca empêche de dire : "c'est mon oeuvre". Non, ce n'est pas votre oeuvre, c'est l'oeuvre des deux. Et parce que c'est l'oeuvre des deux, c'est nécessairement l'oeuvre de quelqu'un qui est au-dessus. C'est-à-dire l'oeuvre du troisième, qui est caché, et qui est le Saint-Esprit. Tandis que lorsque nous sommes seuls, nous croyons que c'est notre oeuvre. Dieu aime jumeler les instruments. C'est très beau. Il a jumelé Aaron et Moïse, ou plus exactement il a jumelé Aaron à Moïse.

7 Et je crois qu'il a jumelé Luc et Jean de cette manière. Luc a été pour Jean un Aaron, un porte-parole. Alors Jean s'est con­ sidéré comme libre à partir de ce moment-là. Si vous avez quelqu'un qui parle en votre nom, vous dites : très bien, je n'ai plus qu'à garder le silence. C’est merveilleux. Pas du tout. Le Saint-Esprit l'a rattrapé. Chaque fois que le Saint-Esprit nous met un tout petit peu au repos, Il nous rattrape après. Il a mis Jean un tout petit peu dans le silence et c'était sa mission : garder le silence auprès de Marie. Devenir, comme Marie, silence de Dieu. Et Jean a quelque chose de ce silence de Dieu. C'était nécessaire pour qu'il puisse nous transmettre, après l'Apocalypse, l'Evangile, selon une manière toute merveilleuse. C'est très beau de voir que toute l'Ecriture se termine par ces trois grandes oeuvres johanniques qui, encore une fois, ne s'opposent pas au reste, mais achèvent tout, complètent tout le reste.

Tout s'achève dans les oeuvres johanniques et l'on comprend pourquoi : parce que Jean est le disciple bien-aimé. Evidemment, Jean ne pouvait dire qu'il était le disciple bien-aimé que lorsque tous les autres étaient morts. C'est pour cela qu'il est resté le dernier. Parce qu'il y avait certaines révélations qu'il ne pouvait pasfaire du vivant des autres. Comment voulez-vous que du vivant de Pierre il dise "je suis le disciple bien-aimé"! Non, il ne pouvait pas le dire. Il fallait que Pierre soit mort. Il fallait que tous les autres aient disparu pour que Jean puisse dire qu'il était le disciple bien-aimé. Ca inquiète les exégètes aujourd'hui. Le disciple bienaimé ce n'est pas Jean, c'est autre chose... Mais pourquoi ? 5i Jean a connu une intimité merveilleuse avec le Christ, s'il a connu les secrets de Jésus, il peut se dire le disciple bien-aimé, en toute humilité. Il y a le Magnificat de Marie. Il y a le Magnificat de Jean. Et le Magnificat de Jean c'est "je suis le disciple bienaimé". Mais alors onnh le droit de le dire que lorsque tous les autres sont morts. C'est le disciple bien-aimé, celui qui a connu une inti­ mité merveilleuse avec Jésus. C'est celui qui a été présent à la Croix. Il n'y a pas beaucoup de témoins de la Croix qui ont parlé. Marie-Madeleine, elle, était témoin. Mais elle n'a fait que réveiller les apôtres, elle n'a pas écrit son évangile. Ce n'est pas le rôle d'une femme. Il n'y avait pas encore de femme théologien à cette époque-là! Dans 1'Ancien Testament il y a des femmes prophétesses merveilleuses, mais dans le Nouveau Testament, les femmes prophétesses gardent le silence. Marie de Magdala aurait peut-être eu envie d'écrire, de dire certaines choses. Non, Dieu lui a demandé de se cacher, de terminer sa vie dans le silence. Elle a réveillé les apôtres. Elle devait garder le silence. Jean était présent à la Croix. Le seul qui ait vécu ce mystère de la Croix et qui nous le dise. Le seul parmi les apôtres, parmi les écrivains sacrés. C’est grand. Je crois que c'est cela le disciple bien-aimé : celui qui est fidèle à la Croix. On n'est disciple bien-aimé qu'après avoir vécu la Croix. En la vivant. C'est à la Croix que se fait le discernement des vrais disciples. C'est à la Croix que Marie - cette plénitude d'amour, cette gratuité est donnée à Jean. Marie est la bonne terre. C'est pour cela que c'est très impor­ tant pour nous, si nous vivons quelque chose d'ultime, ce que je crois, sans pouvoir l'affirmer. Nous vivons sûrement quelque chose d'ultime.

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Ou c’est la fin d'une génération, la liquidation de toute une géné­ ration, qui a été, ne l'oublions pas, une grande culture, une culture chrétienne qui ne l'est plus maintenant. Notre culture d'aujourd'hui, dans laquelle nous baignons, n'est plus chrétienne. Absolument plus. Or, Saint Jean dit que l'antéchrist sort de chez nous. Il sort d'une culture chrétienne. Il ne peut pas en être autrement. Et donc c'est bien ce que Saint Jean annonce, en disant de l'antéchrist qu'il était déjà la présent, mais il l'annonce comme devant venir et sortant d'une culture chrétienne. Comme le fruit corrompu. C'est toujours la même chose chez ceux qui auraient dû être fidèles au Christ, qui avaient reçu la grâce... Quand on abandonne la grâce, quand on la renie, on tombe plus bas. Ecoutez les missionnaires qui reviennent en Europe, en France, écoutez-les .' Ils sont affolés de l'indif­ férence de notre monde d'aujourd'hui devant les mystères de Dieu, de la matérialisation, de l'opacité de notre monde. Les païens, ceux qui n'ont pas reçu la Révélation, ont encore une aspiration religieu­ se. Ce qui est terrible dans notre culture, aujourd'hui, est cette matérialisation de toutes choses, très opaque, très lourde par rapport au mystère de la foi, par rapport à l'enfant de Dieu qui est en nous et qui demande à aller jusqu'à Dieu. Tout en quelque sorte s'arrête. Nous vivons quelque chose d'ultime : ou c'est l'ultime dernier, ou c'est l'ultime dans le sens très très fort, c'est un très grand chan­ gement, une très grande mutation commune. Mais je me demande si ce n'est pas l'ultime dernier, parce qu'il y a des tas de signes qui sont là et qui nous montrent bien que nous vivons quelque chose de très important.

De toutes façons, ce que nous vivons est très important et pas commode. C'est pour cela que nous avons tellement besoin de cette lumière dernière d'amour, sinon nous risquons de tomber dans le dé­ sespoir. La très grande tentation d'aujourd'hui c'est de tomber dans le désespoir, qui conduit à la perte de foi.

Ordinairement c'est comme cela que le démon agit : il nous met dans le désespoir. Désespoir parce que tout rate, on ne peut plus rien faire, on est comme ligoté, on est comme prisonnier. Le Saint-Père est prisonnier, l'Eglise est prisonnière. On est vraiment là sur place comme de pauvres êtres qui sentent qu'ils pourraient faire quelque chose pour ceux qui sont autour d'eux et qui appellent... et on ne peut rien faire. Les leviers de commande des communications sont tenus par certains, et si on ne montre pas le chiffre de la bête sur la main et le front, on vous exclut ! Ah! si vous avez le chiffre de la bête sur le front, vous aurez toutes les possibilités, toutes les communications, vous pourrez tout faire. Mais si vous restez fidèle, si vous gardez au plus intime de votre coeur un désir de fidélité, on vous accueillera et on vous arrêtera par derrière. Ce ne sera jamais celui qui vous accueillera qui refusera. Ce sera un autre. Toujours deux, ou trois, ou quatre. L'anonymat. On ne saura jamais. On vous arrêtera. Vous serez comme paralysé. C'est extraordinaire de voir cette espèce de paralysie. C'est dur d'être paralysé et de rester vivant.

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De rester vivant dans ce qu'il y a de plus profond en nous et de sentir qu'on ne peut plus rien faire. Alors le désespoir vient très, vite quand on voit autour de soi une très grande efficacité et que soi-même on ne peut rien. Si l'on était seul et que tout le monde était paralysé, on ne connaîtrait pas le désespoir. On dirait : ça va,on est tous à la même sauce ! Mais quand on voit des personnes passer devant d'autres qui ont des possibilités merveilleuses et qui sèment le mensonge, qui sèment des vérités partielles... c’est mélangé... Il y a de bonnes choses, mais c'est mélangé. On a toujours l'impression que cela se fait en vue de quelque chose qui n'est pas le Christ. C'est téléguide. Alors on est paralysé devant ce monde. C'est dur. La grande tentation d'aujourd'hui est bien le désespoir, qui conduit à la perte de foi, parce que la foi ne peut se maintenir que dans l'espérance.

Une foi vivante se maintient toujours dans l'espérance. Et dans l'amour. On sent très bien cette attaque très perfide du démon sur l'espérance. C'est peut-être à l'égard de l'espérance qu'elles sont le plus perfides. Il faudra le voir, car c'est impor­ tant de détecter, dans la lumière de l'Apocalypse, les grandes atta­ ques du démon à l'égard de l'espérance. Amener le monde au déses­ poir s je crois que c'est ce qu'il est en train de faire. Le désespoir prend des formes multiples : l'angoisse, la paralysie, le repli sur soi-même. 5e replier sur soi-même est une forme de dé­ sespoir, parce qu'on n'a plus d'ailes... Le démon coupe les ailes, toujours, il nous remet tout le temps par terre. Il nous met dans l'impossibilité de discerner. Alors il est bon de regarder l'Evangile de Saint Jean d'abord, puisque nous regardons l'Eglise. Je vois deux grands enseignements de Saint Jean. Je les prendrai les deux, si vous voulez bien. L'ultime enseignement de 5. Jean sur l'Eglise, enveloppé de la promesse de 1'Esprit-Saint, • au chapitre XV. C'est la grande allégorie de la vigne. Une vision de l'Eglise merveilleuse, qui assume tout ce qui a été dit auparavant. Je crois que tout ce qui a été dit avant est présent dans cette allégorie de la vigne. C'est même très étonnant. C'est là où l'on voit l'oeuvre de 1'Esprit-Saint. Jean a pensé très fort au mystère de l'Eglise. Mais je ne crois pas qu'il ait voulu faire une synthèse. Saint Jean n'a pas du tout envie de faire des synthèses. C'est 1'Esprit-Saint qu'il veut nous donner dans ce chapitre XV. Reméditez-le, car il est si important pour entrer dans le mystère de l'Eglise. "Moi, je suis la vigne, la véritable, et mon Père est le vigneron".

On voit l'Eglise tout de suite reliée au mystère du Père, par le Christ qui est Lui, le cep, qui est la vigne. Et nous sommes les sarments. L'Eglise, ce sont les sarments et le tronc. Et ce qu'il y a de tout à fait propre dans cet enseignement est de voir que l'Eglise doit glorifier le Père. Et elle glorifie le Père par sa fécondité. On montre que l'Eglise est faite pour la fécondité. Elle doit produire beaucoup de fruits. Et toute la taille du Père est pour qu'elle produise beaucoup de fruits. L'Eglise c'est un grand vivant, et donc, comme un grand vivant, elle doit être féconde. Je crois que c'est là que nous est montré de la manière la plus forte que les dernières attaques du démon seront sur la fécon­ dité. Toute espèce de fécondité. Ca me frappe beaucoup.

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Si vous regardez attentivement ce qui se passe aujourd'hui, vous le voyez bien. Attaques de la fécondité au niveau biologique, c'est très clair, très visible, mais il y en a bien d'autres, plus subtiles. La fécondité spirituelle. Dès que quelqu'un a une certaine fécondité spirituelle, au niveau de la paternité, de la maternité spirituelles, immédiatement, vous pouvez en être sûr, il va être mis à l'écart. Le mystère de la fécondité spirituelle c’est de former des prêtres, des contemplatifs. Et n'est-ce pas là l'attaque du démon la plus forte ? n'est-ce pas là que nous voyons le venin du démon le plus caractéristique ? qui fait qu'il ne doit plus y avoir de fécondité. Le diocèse, qui représente en face de Dieu une unité profonde avec l'Evêque, accepte l'infécondité. Il y a des évêques qui accep­ tent de ne plus avoir de séminaire. Il y en a beaucoup. Ils ont donc accepté l'infécondité. Ils se disent : "on va se mettre à plusieurs”. Non, ce n'est pas comme cela que ça se fait. Imaginez plusieurs familles qui diraient "on va se mettre à plusieurs”, on aura plus d'enfants ainsi, on va les élever à plusieurs... mais comment va-t-on les élever... il n'y aura plus personne. A ce moment-là le tiers viendra, celui qui n'est pas le père. Et ce n’est plus le père qui formera. Ce sera quelqu'un d’autre. C'est là la grande attaque du démon. Voyez comme il est habile. Il a fait qu'on ne regarde plus que le peuple, en oubliant la famille. En regardant attentivement 1'Ecriture, nous voyons que toujours le peuple et la famille sont intimement liés. On ne peut pas les séparer. Le peuple de Dieu, c'est la famille de Dieu. C'est un peuple tout à fait particulier, du reste. Pour un peuple normal, on ne peut pas dire cela; on ne peut pas dire que nous sommes le peuple de tel ou tel pays, et donc que nous sommes une famille. Non, non. C'est Hitler qui avait voulu faire cela. "Vous allez enfanter des enfants pour Hitler et pour l'Allemagne...". On n'enfante pas des enfants pour l'Allemagne ou pour tel ou tel pays. On enfante des enfants pour une famille et puis ces enfants deviendront des citoyens. Voyez comme curieux la marque du démon : vouloir confondre et faire l'inverse de l'autre côté.

L’Eglise c'est la Famille. C'est la vigne de Dieu. Nous sommes tous une grande famille et dans cette famille il y a des pères. Il y a la paternité du Christ, puisque le Père lui a remis tout pouvoir et que Jésus a dit à ses apôtres :

"Ce que le Père m'a dit de faire, je vous demande de le faire. Comme II m'a envoyé, Je vous envoie". Alors le démon est furieux devant la fécondité. C'est pourquoi j'aime tellement ce chapitre XV, qui nous éclaire sur la finalité de l'Eglise. La finalisé de l'Eglise, c'est la fécondité. C'est la vie plénière pour glorifier le Père. Fécondité, premièrement d'ordre surnaturel, c'est bien évident, c'est la première fécondité. Mais également l'autre fécondité. Pourquoi l'Eglise a-t-elle tou­ jours dit que les familles nombreuses étaient bénies de Dieu ? Vous savez bien toutes les caricatures qu'on en a faites de cette chose-là. Il faut bien comprendre. C'est béni de Dieu parce que justement c'est cette fécondité qui est offerte à Dieu. Toute la politique économique de notre monde aujourd'hui va contre les familles nombreuses. C'est sûr, on vit un monde très difficile, pas commode du tout. Ce qui existe au niveau biologique est signe de quelque chose de beaucoup plus profond : l'infécondité. □n a des diocèses inféconds. C'est terrible.

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La stérilité est le signe que la vie n'est plus là. C'est très mys­ térieux. Il faut essayer de comprendre parce qu'on n'a pas le droit de tomber dans la tactique du démon. Il faut saisir ce qui se passe. Il faut regarder attentivement, faire un petit examen de conscience, merveilleux, dans la lumière du Christ, afin de voir comment le démon s'attaque à toute fécondité : spirituelle avant tout, et biologique. La grande vision de Saint Jean au chapitre XV c'est que l'Eglise glorifie le Père par sa fécondité. Si vous êtes attentifs, vous voyez que cette fécondité c’est la charité fraternelle. La charité frater­ nelle est ce qu'il y a de dernier, la fleur des fleurs. Ce n’est pas dernier en ce sens qu'il ne faut pas s'arrêter à la charité fra­ ternelle, on ne s’arrête pas à la fécondité pour la fécondité. La fécondité remonte vers le Père pour le glorifier. De même, la charité fraternelle remonte vers le Christ, vers le Père, pour le glorifier. Mais c’est elle qui nous montre la fécondité de l'Eglise. La charité fraternelle n'est plénière que lorsque Marie est source d'amour, maternité spirituelle. Il ne faut pas l'oublier. La charité fraternelle s'est réalisée pleinement à la Croix, lorsque Marie nous a été donnée comme Mère.

Pourquoi rejette-t-on Marie aujourd'hui ? De la fécondité mater­ nelle de Marie, on ne veut plus en entendre parler. On ne veut plus regarder cette fécondité divine, maternité virginale, maternité spi­ rituelle mystique à la Croix:. Et la charité fraternelle qui glorifie le Père, c'est en premier lieu la maternité divine de Marie à l'égard de Jean et à l’égard de toute l'Eglise, de chacun d'entre nous. Si nous laissons Marie êtrenotre Mère, si nous permettons à sa mater­ nité divine de s'emparer complètement de notre coeur, nous glorifions le Père. Il faut que la maternité divine de Marie prenne possession de tout nous-même pour glorifier le Père et ce que Marie réalise, 1'Esprit-Saint veut le réaliser en chacun d'entre nous. Il veut que nous soyons mère de ceux qui sont proches de nous et que nous les partions, que nous soyons responsables d'eux en face de Dieu.

Dieu nous demande d'avoir vis-à-vis de tous ceux qui nous sont proches le regard de Marie sur Jean. C'est la charité fraternelle qui nous donne cette responsabilité. Dans le Coeur du Christ, nous sommes responsables de toute l'humanité d'aujourd’hui. Chacun d'entre nous. Pas humainement, bien sûr. C'est très faux de dire qu'humaine­ ment nous sommes responsables de toutes les injustices du monde. C'est très faux. Vous n'y pouvez pas grand chose. Ce n'est pas vrai à ce niveau-là. On le dit pour diluer la responsabilité immédiate. Vous êtes responsable de votre prochain immédiat. Cela c'est très vrai. Mais dans le Christ, ce qui est tout à fait différent, dans le Christ qui est l'Agneau qui porte l'iniquité du monde; dans le Christ nous sommes responsables de toute l'humanité d'aujourd'hui. Par notre grâce, nous sommes liés à Jésus. Par notre sacerdoce royal et mystique, nous sommes responsables de toute l'humanité. Comme Caïn était responsable d'Abel. Nous sommes responsables de nos frères et nous devons les porter à Jésus, en comprenant cette respon­ sabilité, donc cette fécondité.

Pas de fécondité sans responsabilité. Et pas de vraie responsa­ bilité sans fécondité, car la responsabilité doit être là pour nous faire comprendre la plénitude d'amour. Ce sont nos frères que nous portons.

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Par cette fécondité, cette responsabilité, nous glorifions Dieu. C’est très important d'avoir cette vision de l'Eglise, vision ultime, telle que Saint Jean nous la donne.

Si nous lisions ce passage du chapitre S de Saint Jean, nous verrions d'une façon très nette les grandes comparaisons qui nous ont été données sur l'Eglise, dans Saint Paul. L’Eglise c’est le Corps du Christ. L’Eglise, ce sont les pauvres. L’Eglise, c'est le Temple. Trois grandes comparaisons, qui sont d'ailleurs très, très fortes. C’est la grande pédagogie de Dieu qui nous fait comprendre le mystère de l'Eglise de cette façon, parce que ce sont les trois grandes expériences de l'unité que nous avons. Vous avez trois expé­ riences de l'unité : L’unité du point de vue du vivant. Quand on est .pleinement vivant, on a l'expérience de l'unité : un sportif, celui qui fait le concours du Tour de France, a le sens de ce que représente la vitalité profonde qui est en lui. Même s'il ne fait que pédaler, tout son coeur est dans ses pédales ! Dès qu'on est malade, on a le sens de la multiplicité. Ainsi nous avons une expérience très très profonde de l'unité vitale. L'Eglise, c'est le Corps du Christ. Unité vitale. C’est la vie du Christ qui est dans le Corps. Unité substantielle. Parce qu'entre le corps et l'âme il y a une unité substantielle. Nous avons l'autre exnérience : dans l'ordre de l'amitié. Dans l'amitié, on a très fort l'expérience de l’unité. C'est avoir le même vouloir que l'ami. On est tout à fait en harmonie avec quel­ qu'un qu'on aime et on sent tout de suite les petites choses qui ne sont pas en harmonie, et on en souffre. Unité profonde qu'on a avec celui qu'on a choisi, aimé et qu'on aime. Unité qui se fait et se refait tout le temps dans l'amour mutuel d'amitié et qui exige d'avoir le même vouloir. Entre le Christ et nous, il y a un choix réciproque. L'Eglise choisit actuellement le Christ comme Epoux. Elle n'est plus l'Eglise si elle ne Le choisit pas comme Epoux. Elle devient périphérique. L’Eglise c'est celle qui choisit actuel­ lement le Christ comme époux. Comme Eglise, c'est le Corps du Christ qui actuellement vit cette unité vitale, autrement elle est malade. C’est un membre malade. Il y aura gangrène, peut-être faudra-t-il le couper. Cela arrive évidemment qu’on doive couper, et que l'on coupe. Il y a des membres paralysés qui alourdissent et qu'on ne peut pas toujours couper, parce qu’on espère les sauver... Aujourd'hui on a des remèdes extraordinaires qui permettent d'espérer jusqu'au bout. Et quelquefois on continue à soigner quelqu'un dont on ne sait pas très bien s'il vit ou s'il est déjà mort... Tout cela nous aide à comprendre le mystère de l'Eglise. Tout doit nous éclairer et peut-être est-ce ainsi que le Saint-Esprit agit aujourd'hui. Avant, on coupait tout simplement. C’était très vite fait. Comme sur le champ de bataille ! Aujourd'hui, quand on n'est pas sur le champ de bataille, on attend, on attend, et l'on voit des gens qui durent, qui durent... C'est du reste tragique de voir des gens mourir lentement, lentement. L'Eglise, Corps du Christ. Dansla lutte, il peut y avoir ces moments, où il y a comme une espèce dp longue agonie du Corps du Christ. L'Eglise c'est l'Epouse. Elle choisit l'Epoux. Elle n'est l'Epouse que dans la mesure où elle Le choisit.

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Sentir comme le Christ. Avoir le même vouloir que le Christ. L'Eglise est une oeuvre architecturale de 1'Esprit-Saint. Elle est pavée. C'est le Temple du Saint-Esprit, dont la pierre angulaire est le Christ. Et nous sommes taillés en connaturalité avec cette pierre angulaire.

Voyez ces trois grandes expériences que vous avez de l'unité : - eu niveau du vivant, - au niveau de l'amour d'amitié, - au niveau de l'oeuvre artistique. Une oeuvre artistique implique une certaine unité, mais une unité tout à fait différentei Ce sont les trois grands exemples. Vous n'en n'avez pas d'autres, ce qui est merveilleux I Cherchez, cherchez... vous n'avez pas d'autres expériences de l'unité. Le Saint-Esprit a pris les trois grandes expériences de l'unité que nous avions. Et puis II nous les a données, pour que nous comprenions que l'unité de l'Eglise est beaucoup plus que l'expérience que nous avons de l'âme et du corps. Ce n'est pas seulement cela. Ce n’est pas seulement l'unité d'amitié, c'est beaucoup plus. Ce n'est pas seulement l'unité d'une oeuvre d'art, c'est beaucoup plus. Nous voyons là ces trois analogies, ces trois comparaisons qui nous obligent à atteindre le Mystère de l'Unité du Christ et de l'Eglise. Mystère qui dépasse tout ce que nous pouvons expérimenter. Tout cela est présent dans ce chapitre XV, si vous êtes attentifs vous voyez l'unité du corps î le cep et les sarments.

L'unité d'amour est expérimentée par le point de vue du Chris qui demeure en nous et en Qui nous demeurons. Le sarment doit demeurer sur le cep. Il doit.en être le plus proche possible et tout le temps y revenir pour lui demeurer proche.

Il faut tout le temps que l'Eglise choisisse Jésus comme l'Epoux pour Lui être le plus intimement unie. Puis il y a la taille du Père, la taille des sarments. La taille de la pierre, ça se fait une fois de temps en temps... on la refait lorsque les pierres sont usées. Ainsi on peut donner une nouvelle jeunesse à de vieux bâtiments. Mais la taille du sarment, la taille de la vigne... on sait bien ce que c'est, surtout quand on est dans un pays de vignoble, on voit comment les gens taillent la vigne avec amour et c'est une taille multiple qui doit se faire. Ca c'est vraiment l'oeuvre artistique et une vigne c'est une oeuvre artistique. L'Eglise, c'est l'oeuvre artistique du Père et de 1'Esprit-Saint. Ici est ajoutée la charité fraternelle, pour glorifier le Père. Ainsi, tout est présent et tout est dépassé. Voilà la première grande vision, l'ultime vision de l'Eglise. Je crois qu'il faut voir cela très nettement si l'on veut comprendre l'Apocalypse et saisir que toutes les attaques du démon sont contre la fécondité. En définitive, je crois qu'il y a une rage du démon contre la fécondité. Pourquoi ? Parce que la fécondité c’est l'amour plénier. Et le démon n'accepte pas l'amour, il le refuse. Alors on comprend très bien qu'il refuse la fécondité.

que je ne fais L'autre passage, dont il faut se souvenir, e que signaler pour le reprendre tout à l'heure, c'est ce très beau passage que nous connaissons bien, le chapitre X de Saint Jean, où Jésus nous est montré comme LE BON PASTEUR.

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Le Bon Pasteur, celui qui conduit le troupeau. Il faut toujours voir ces deux grandes visions sur l'Eglise, en parallèle, parce qu’elles se complètent :

- la révélation du chapitre XV, c’est la structure de l’Eglise, L’Eglise implique ce lien très très fort avec le Père, avec le tronc, Jésus, avec l’Esprit-Saint qui circule. La sève c’est l’Esprit-Saint qui circule, qui fait ce va-et-vient constant entre notre coeur et le coeur du Christ, entre les membres de l'Eglise, liée au Christ dans cette unité parfaite, pour cette fécondité.

- Et puis, au chapitre X, cette autre parabole qui nous montre la conduite du Bon Pasteur. C’est très important de la comprendre, cette conduite.

L’Eglise est conduite par le Bon Pasteur. C’est Jésus qui conduit son Eglise, avec l'Esprit-Saint, en se servant des hommes. Ce n’est pas commode de se servir des hommes, en étant le Bon Pasteur. Parce que les hommes ne sont pas toujours de bons pasteurs. Songez à ce que dit Ezéchiel, à propos des mauvais pasteurs, qui oublient que le troupeau ne leur appartient pas. Mais le troupeau appartient au Christ, le troupeau est de Dieu. Il est pour Dieu. Les mauvais pasteurs sont ceux qui, tout simplement, s'enrichissent de leur troupeau. Ils ramènent tout à eux. C'est leur égoïsme forcené, tyrannique, qui ramène tout à eux. On pourrait parler de la tyrannie de ceux qui ont reçu le pouvoir de Dieu, pouvoir qui ne leur appar­ tient pas, qui est un pouvoir ministériel. A la place d’être les serviteurs de l'amour, d’être entièrement là pour les brebis, ilsramènent tout à eux. Ils exercent un pouvoir tyrannique qui supprime 1 * amour. C'est aussi la manière dont le démon agit, dans sa double façon de faire : il agit contre la fécondité, et il fait que ceux qui devraient être les ministres oublient qu’ils sont les ministres du Christ, des serviteurs à l’égard de Son troupeau. Ils ramènent tout à eux. Nous reverrons cela tout à l’heure, pour essayer de comprendre comment le Mystère de l'Eglise doit être vu dans cette grande inten­ tion du Christ, Bon Pasteur. Méditez et contemplez ce chapitre XV de Saint Jean nous donnant une vision extraordinairement belle et limpide de l'Eglise, enveloppée de l’Esprit-Saint. Puisque c’est à travers la promesse de l'Esprit-Saint que Jésus nous donne cette vision sur l’unité et la fécondité de l'Eglise.

(fin de la 1ère conférence) 1er jour

1 er .jour

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2 ème conférence

Avant d'entrer dans la grande révélation de l'Apocalypse sur le mys­ tère de l'Eglise militante, je vous disais qu'il fallait vous rappeler cet enseignement ultime de Saint Jean gurle mystère de l'Eglise. Tout l'Evangile de Saint Jean parle du mystère de l'Ëgliso, mais spécialement ces deux grands passages, ce dernier enseignement du Christ selon l'Evangile de Saint Jean, cette vision de la Vigne,du mystère de la fécondité de l’Eglise, parce que, en définitive, c'est bien cela la révélation profonde que nous donnent Saint Jean et l'Eglise enveloppée par 1'Esprit-Saint. C'est la prophétie, c'est la promesse du Christ, c'est le Christ prophète de 1'Esprit-Saint, Celui qui annonce Celui qui doit venir.

Il est important pour nous de comprendre que ce dernier enseignement de l'Eglise est dans cette grande prophétie sur le mystère de 1'Esprit-Saint, pour bien saisir que l'Eglise vit du Christ, que l'Eglise est au Père et que l'Eglise est sous la mouvance de l'Esprit; que c'est 1 Esprit qui lui donne cette fécondité et que c'est cette fécondité qui glorifie le Père.

Par le fait même, nous comprenons très bien l'attaque du démon, car Jésus rappelle qu'il y a une haine du démon à l'égard de l'Eglise. Ce n’est pas n'importe quelle lutte, c'est une lutte à mort. Le démon veut détruire l'Eglise. C'est bien simple. Car la haine qu'il a à l'égard du Christ, il l'a à l'égard de l'Eglise, et quand on hait quelqu'un, on veut le détruire. La philosophie contemporaine le montre très bien. La néantisation n’a pas d'autre sens que, justement, la destruction qui se fait par le point de vue de la haine. On en a une toute petite expérience. Il ne faut pas trop insis­ ter là dessus, parce que ce n'est pas drôle de regarder l'expérience de la haine que nous avons. Mais il faut être lucide vis-à-vis de soi-mâme. On sent très bien que la haine passionnelle, acceptée, conduirait à détruire, parce qu'on ne peut pas supporter que celui qui est vraiment L'ennemi, celui qui veut nous attaquer et nous détruire, demeure là. On voudrait répondre en b'anéantissant. L’ennemi de l'Eglise, c'est le dragon, c'ast le serpent. Et cet ennemi veut détruire l'Eglise, détruire sa fécondité.

Nous avons cet autre enseignement de Notre Seigneur, qu'il est aussi très important pour nous de bien comprendre, dans le chapitre X où Jésus se révèle comme le.Bon Pasteur. L'Eglise est le troupeau du Christ. Nous sommes les brebis du Christ. Nous appartenons à Jésus. Le Bon Pasteur connaît ses brebis et les brebis le connaissent. Et là, c'est la connaissance au sens biblique, c'est-à-dire l'amour. Il y a uns connaissance réciproque, un amour réciproque entre le Christ et les brebis. Le Bon Pasteur est aussi la porte par où les brebis passent. Elles sont libres, quand elles passent par cette porte, et le Bon Pasteur les conduit dans les gras pâturages. Tous ses désirs sont de nous conduire dans les gras pâturages.

Vous voyez la différence de style, la différence de symbolisme par rapport à la Vigne, par rapport à la taille que le Père fait des sarments. Il faut qu'ils soient de plus en plus proches du tronc, pour qu'ils puissent porter du fruit. Le Père veut que nous soyons de plus en plus relatifs à Jésus. Tout le regard du Père sur nous tend à nous rendra de plus en plus relatifs au Christ et de plus en plus enracinés dans le Christ, insérés dans le Christ. Et le Bon Pasteur nous conduit aux gras pâturages.

Alors, il faut toujours se- demander quels sont ces gras pâturages où la Bon Pasteur nous conduit. Pour saisir le mystère de l'Eglise, il faut entrer dans ces gras pâturages qui sont les moyens. La finalité', c’est de glorifier le Père par la fécondité. Comment arriver à cette fécondité plé­ nière ? Comment pouvoir être pleinement ceux qui glorifient Le Père ?

16 Nous voyons la conduite, la pédagogie du Christ sur nous. Si nous regardons l'Evangile de Saint Jean et l'Evangile de Saint Luc, nous voyons bien quels sont ces gras pâturages.

La parole de Dieu est une nourriture. Il faut nous nourrir de la parole de Dieu. L'Eucharistie est vraiment une nourriture. “Ma chair est une vraie nourriture et mon .sang est un brai breuvage." Et Désus dit qu'il est le Pain de Vie.

La volonté du Père est aussi une nourriture. "Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé et d'accomplir Son oeuvre." Voyez le Christ : Lui, comme tête, il se nourrit de la parole de Dieu. La parole de Dieu vient de lui, mais il s'en nourrit. Comme homme, Désus s'est servi de la parole de Dieu. Et Désus, surtout, a accompli la volonté du Père. Sa nourriture, c'est de faire la volonté du Père. Et Désus se donne comme Pain.

La nourriture propre des brebis, c'est l'Eucharistie. La nourriture commune des brebis avec la tête, c'est d'accomplir la volonté du Père et de se nourrir de la parole de Dieu, C'est important, parce que cela nous fait saisir tout de suite ce qui caractérise la nourriture des brebis. Quand on s'éloigne de l'Eucharistie, cela prouve qu'on n'accepte plus d'être brebis. Et on n'entre pas dans la perspective propre de la brebis. La brebis du Christ, c'est celle qui reçoit la nourriture propre que le Christ donne, et la nourriture propre que le Christ donne, c'est justement Sa chair en nour­ riture. On n'est brebis du Christ que dans la mesure où on se nourrit de L'Eucharistie. Cela n'empêche absolument pas de se servir de là parole de Dieu et d'accomplir la volonté du Père.

Lù, il y a un problème très important, il faut le regarder attenti­ vement pour bien saisir ce qu'est le mystère de l'Eglise. Parce que nous ne comprendrons parfaitement les tactiques du démon que dans la mesure où nous saisirons que le Père veut et a préparé pour nous un enclos dans lequel il y a les gras pâturages. Et l'Eglise, c'est le lieu où sont les gras pâtura­ ges. S’il n’y a plus ces gras pâturages, ce n'est plus l’Eglise. Et ces gras pâturages, c^'est la parole de Dieu, l'Eucharistie et la volonté du Père. Alors, il y a deux points de vue qu'il faut regarder ici, je vais simplement les rappeler, mais c’est important, parce que c'est un excellant examen de conscience au début de la retraite : se demander si nous sommes des brebis qui sont bien menées par le Christ. Le mercenaire risque tou­ jours d'intervenir. Le mercenaire est justement celui qui prend la place du Christ, et qui n'est plus le Christ. Nous sommes vraiment brebis du Christ dans la mesure où nous vivons de la parole de Dieu, de l'Eucharistie et de la volonté du Père. Il est bon de faire cet examen de conscience, qui n'est pas habituel, parce que nous ne sommes pas tellement brebis du Christ et que nous oublions de nous regarder dans la lumière du Christ et selon les intentions du Christ. Dr, nous savons que le Christ n'a pas d'autre inten­ tion que de nous conduire aux gras pâturages. Est-ce que nous nourrissons pleinement de la parole de Dieu ? C'est la première interrogation que nous devons faire au Seigneur. Les brebis du Christ doivent se nourrir de l'Eucharistie. Est-ce que notre nourriture tout-à-fait propre, tout-ù-fait caractéristique, celle qui est la plus voulue par le Christ, est l'Eucharistie ? Et l’Eucharistie porte-t-eile tous ses fruits en nous ? La parole de Dieu porte-t-elle tous ses fruits en nous ? f!'avons-nous qu'un seul désir, celui d'accomplir la volonté du Père ?

Il y a un ordre dans ces trois nourritures,comme toujours. Toutes Iss choses de Dieu impliquent un ordre. Et toute la tactique du démon est

17 ds désordonnée. Cela nous est montré au début de la Genèse. Nous voyons très bien qu'au début de la Genèse, le démon intervient pour enlever l’ordre de la Sagesse. Le démon ne crée rien, mais le démon des-ordonne tout. Je ne dis pas "désorganise", parce qu'il peut y avoir une organisation dans le désordre. Il y a des choses très bien organisées qui impliquent un désordre. Parce que l'ordre implique un ordre finalisé. L'organisation est du côté de l'effica­ cité. Il est très important de bien distinguer les deux notions,parce que, aujourd'hui, on les confond tout le temps : on croit, parce que c'est bien organisé, que c'est ordonné. Pas du tout. Il y a des choses très bien orga­ nisées, par exemple des voyages, où il n'y a plus aucune finalité. De temps en temps, on a l'impression que certains diocèses veulent s'organiser et ne sont plus du tout ordonnés. La fécondité n'est plus présente et on ne voit plus que l'organisation. L'organisation, c'est la caricature démoniaque de l'ordre de la Sagesse de Dieu, quand il n'y a plus que cela. Parce que l'Ordre de la Sagesse de Dieu implique toujours la finalité. Alors, qu'il y ait une organisation en vue de l'ordre de la Sagesse de Dieu, très bien. L'efficacité est très bonne, quand elle est finalisée par l'amour, et quand on met l'amour au delà de l'efficacité. La fécondité est de l'ordre de l'amour; elle n'est pas de l'ordre de l'efficacité. Et donc on peut très bien organiser les choses et tuer la finalité. C'est là où nous sommes dupes, si nous ne sommes pas très attentifs. C'est là où le démon nous séduit : il nous séduit par l'organisation. L'organisation ne regarde plus les personnes, elle ne regarde que les fonctions, tandis que, au contraire, l'ordre de la sagesse de Dieu regarde la finalité des per­ sonnes et la sanctification des personnes.

Il est très important de saisir ces petits aspects par où le démon, lui, agit directement. Il est intelligent. Il a horreur de la finalité, il veut la supprimer complètement. Il a horreur de la fécondité, il veut la supprimer complètement. Il veut mettre à la place une organisation parfaite : l'efficacité. Le symbolisme de 1a Tour de Sabel nous montre bion une orga­ nisation parfaite, très efficace, puisqu'on arrive à faire une tour qui atteint le ciel, et donc on n'a plus besoin, de Dieu. C'est l'organisation la plus parfaite : on n'a plus besoin de l'ordre de la sagesse de Dieu, parce que l'ordre de la sagesse de Dieu est quelque chose de tout-à-fait périmé, et on est dans une organisation de l'efficacité.

Il faut être très attentif à cela, bien voir -si, dans notre vie, ces trois nourritures sont bien ordonnées selon l'ordre de la sagesse de Dieu et si nous ne nous laissons pas prendre quelquefois par la séduction du démon, très subtile, qui apparaît de multiples manières, pour quitter cet ordre de sagesse et alors tomber dans l'organisation. * Je crois que l'ordre que nous mettons dans les trois nourritures correspond aux diverses visions théologiques de l’Eglise, aux diverses ecclésiologies, comme on dirait aujourd'hui. Ce serait très intéressant, si on voulait creuser cela, parce que là, nous verrions à la fois l'ordre de la sagesse et comment le démon essaie de désordonner. On ne va pas faire cette étude Là; je vous la signale simplement, parce qu'il est bon de ré­ fléchir dans la lumière de Dieu. C’est pour notre propre examen de cons­ cience. Je crois que nous pouvons dire que nous sommes attentifs à 1'Ecri­ ture, si nous sommes attentifs à la tradition, si nous sommes attentifs à ce que l’Eglise elle-même nous fait comprendre, dans son grand enseignement traditionnel qui provient toujours de 1'Ecriture et qui creuse L'Ecriture. Si nous regardons Marie; c'est Marie qui est Le prototype, le modèle de l’Eglise. C'est en Elle que tout se voit d'une manière admirable, j'allais dire en grosses lettres. C'est en Elle que tout le mystère de L'Eglise apparaît dans toute sa limpidité, dans toute sa pureté. Alors qu'en nous, il y a un mélange : avec l’Eglise, il y a un peu de la Synagogue et encore beaucoup plus du païen.

18 Oui, il y a de la Synagogue en nous, il ne faut pas l'oublier. Saint Augustin disait déjà : "Des quantités de chrétiens vivent de 1’Ancien Tes­ tament." Ce ne sais pas ce qu'il dirait aujourd'hui ! Il y a beaucoup de chrétiens qui n’ont pas compris le mystère du Christ et qui vivent de l'Ancion Testament. Saint Augustin insiste même pour sa Règle, en disant : "La Règle religieuse ne doit pas être une nouvelle Loi qui fait que, à la "place de suivre le Christ, on applique la Loi." Saint Augustin a très bien saisi le très grand danger et la difficulté qu'on a toujours. Donc en nous, il y a quelque chbse de l'Eglise, puisque nous appartenons au Christ, et il y a quelque chose de la Synagogue. Quelquefois, on fait le parallèle entre la Synagogue et l'Eglise. On dit : "Après tout, la Synagogue, c'est telle­ ment beau; 1'Ancien Testament, c’est tellement magnifique..." C'est vrai, il est beaucoup plus psychologique, beaucoup plus sociologique. Alors, on se laisse séduire : la petite Eglise du Christ, elle, diminue et la Synago­ gue augmente. Il y a en nous aussi le païen, et non seulement le païen, mais le vieil homme. Et i! y a le monde {puisque le monde au sens johanniqus peut prendre les deux modalités), le monde en tant qu'il est soue la mouvance du démon, avec les convoitises, les trois convoitises. Il y a tout cela en nous. En Marie, il y a l'Eglise à l'état pur. Il n’y a rien de la Synagogue. Extraordinaire : Marie n'ost pas de la Synagogue. Ello est tout de suite, pleinement du mystèro du Christ. On fait uno équivoque terrible, quand on dit : "Marie est de la race d'Israël." Nais justement, le mystère do l'imma­ culée Conception la met au delà de tout atavisme. C'est Dieu qui reprend tout. Marie est donnée à l'humanité. Elle .est donnée à tous. Elle est au delà. Matériellement,-elle est do la race de David, bien sûr, et Dieu a voulu qu'elle vive sous le régime de 1*Ancienne Loi, extérieurement. Elle était cachée. Mais intérieurement, elle vit pleinement do l'Esprit-Saint. Elle n'a été influencée que par l'Esprit-Saint. C'ast le mystère do l'imma­ culée Conception. Elle est entièrement reprise par Dieu. C'est pour cela qu'Elle est l'Eglise à l'état pur. Il n'y a quo l'Eglise du Christ en Elle, il n'y a que l'influence du Saint-Esprit. Il n'y a rien du "vieil homme". Et c'est en Maria que nous devons tout le temps regarder la mystère de l'Eglise, si nous voulons le comprendre pleinement. C'est Ello qui nous le fait saisir. La limpidité absolue du mystère du Christ, du mystère du Père et du mystère .de l'Esprit-Saint se reflète en Elle.

Mous pouvons dire que Mario n'a eu qu'un seul désir : accomplir la volonté du Père. C'est la première chose qui nous est révélée, selon la Tradition : le mystère de la Présentation de Marie au Temple. Et c'est important, ca mystère qui est caché dans la Tradition, ca mystère qui est comme un secret que l'Eglise a découvert. C'est comme le mystère de l'imma­ culée Conception. C'est un mystère très caché; celui-là nous est révélé par l'Eglise, mais on n'aurait pas pu le découvrir en regardant uniquement l'Ecriture. C'est ï’Esprit-Saint qui nous conduit à la vérité toute entière. Et la vérité toute entière, c'est que Marie est le reflet merveilleux de 1'Amour de Dieu et qu'Elle est immaculée. Il faut saisir ce premier mystère de la Présentation de Marie au Temple, que l'Eglise aime beaucoup, qui est le mystèro de la Famille. Toutes los familles religieuses comprennent cela, du moins le comprenaient. Aujourd'hui, pas toujours. Le mystère do la Présentation de Marie, c'est la signification profonde do l'esprit des autres, au delà du juridisme. Et je crois que c'cst cela que le Foyer de Charité doit vivre i l'esprit des autres, au delà do l'aspect juridique, parce que le juridisme est une arme à deux tranchants. C'est très mystérieux, on retrouve la source. Et l'esprit des autres, c'est l'accomplissement do la volonté du Père. C'est vivre dans un abandon plénier pour être totalement disponible à la volonté du Père, et vouloir à tout prix vivre de la volonté du Père.

19 C'est la première chose que Mario nous enseigne et c'est sans doute son testament. Vous voyez los doux choses qui sont cachées dans la Tradition. Marie est contemporaine de la Tradition de L'Eglise, Elle est la Tradition de l'Eglise. C'est pourquoi lo point de départ et le terme de sa vie sont cachés dans la Tradition; parce qu'il faut que le point de départ et le terme nous soient donnés, mais cachés dans la Tradition. Or, le point de départ de la vie de Maria donné dans la Tradition, c'est la Présentation de Marie, et il Faut bien voir la Oormition du Marie comme le terme.

Lorsqu’on a révélé pour nous lo dogme de l'Assomption, on n'a rien dit sur les derniers moments de la vie de la Très Sainte Vierge sur la terre. C'est resté caché dans la Tradition. Cette distinction qu’a Faite le SaintEsprit est, d’ailleurs, très étonnante; les théologiens n’auraient pas eu assez de Finesse pour la Faire, mais lo Saint-Esprit l'a Faite, parce qu’il donne toujours des leçons de Finesse aux théologiens. L'amour va plus loin que notre intelligenco. Comme il n'y a pas assez d'amour an nous, nous retombons dans los méthodes, nous retombons dans les crevasses, nous retom­ bons dans ce qui nous est connaturel. Or, le Saint-Esprit, dans le mystère de l'Assomption, nous Fait bien comprendre que Marie est gloriFiée dans son corps. Comment Marie a-t-Elle terminé sa vie ? Est-Ella morto physiquement ? N'est-Elle pas morte physiquement ? Cela reste caché. Simplement, la Tradi­ tion, dans le coeur des saints, nous montre que Marie a terminé cette vie dans le grand silence de l'amour. Je crois que lo dernier acta de la vie de la Très Sainte Vierge sur la terre a été de se remettre antre les mains du Père. Alors, Est-Elle morte physiquement ou non ? Cela n'a pas d'importanco. L'amour est au delà do la mort. L'amour demande uniquement qu'on s'oFFre à Dieu. Mort mystique. Marie a terminé sa vie dans cette mort mys­ tique, dans cette offrande totale de toute sa vio à Dieu. Mort mystique, mort d'amour et dans les mains du Père. Et donc désir d'accomplir pleinement et totalement la volonté du Père.

A la Croix, Marie est restée debout, parce qu'Elle n'a voulu qu'une seule chose : accomplir la volonté du Père. Si Marie c'avait pas eu cet unique désir d'accomplir la volonté du Père, Elle n'aurait pas pu rester debout; Elle aurait croulé sous le poids de la souffrance ou Elle aurait été révoltée. Si Marie s'était mise à raisonner, Ella sorait partie révoltée en disant : "C'est invraisemblable que le peuple d'Israël se conduise de cotte manière, que les grands prêtres se conduisent de cette manière." Marie n'a eu qu'un seul désir : accomplir pleinement, la volonté sainte du Père sur Son Fils et sur elle. Et ce qu'Elle a vécu à la Croix, Elle l'a vécu jusqu'à la fin de son itinéraire terrestre. Marie a continué de vivre tout le temps le mystère de la Compassion, jusqu'à la fin et toujours plus. On peut dira, à partir du ''stabat Mater" qui nous est révélé dans Saint Jean, quo le dernier moment de la vie de la Très Sainte Vierge est encore un "stabat Mater"; Elle demeure debout en accomplissant la volonté du Père.

Voyez, l’accomplissement de la volonté du Père, c'est le point de départ et le terme de toute notre vie. Ce désir que nous avons d'accomplir la volonté du Père, c'ost ce qui nous purifie le plus. N'avoir que ce désir là. Cela exige de nous, du reste, un très grand abandon, parce que ce n'est pas si facile de voir la volonté du Père. Mais Dieu regarde avant tout nos intentions. Il no regarda pas les résultats. Les hommes ne regardent que les résultats d'efficacité, tandis que Dieu ne regarde que les intentions de notre coeur.

Uno fois que nous avons compris cela, cala nous apaise beaucoup, parce que nous sommes quand même de pauvres hommes qui regardons toujours un peu les résultats. Et nous voudrions bien ou'il y ait quoique chose...

20 ne pas mourir sons "anfants", -sons un certain résultat tangible,*. Et Dieu veut que nous Lui offrions tout, La pauvreté du serviteur qui accepte de ne pas voir le résultat et qui continue. Dieu ne regarde que las intentions de notre coeur. C'est merveilleux. C'est Sainte Catherine qui dit cela, une sainte ! Ce n'est pas moi qui le dis. Dieu ne regarda que les désirs de notre coeur. Les désirs, ce sont les grandes intentions. Ce ne sont pas les velléités, bien sûr; los velléités, c'est taut-à-fait différent, imaginaire. Mais les intentions profondas, los désirs profonds de notre coeur, c'est la seule chose que Dieu regarda. Alors, les vrais désirs se traduisent bien dans des résultats, c'est bien évident. Mais co que Dieu regarde en premier lieu, c'est l'intensité do notre amour.

C'ost la grande éducation que le Saint-Esprit nous donne. C'est ce que la petits Thérèse avait compris magnifiquement. Et c'est tellement utile pour nous. Parce que si nous sommas dans une situation de prisonniers, comme jo lo disais tout-à-l'heure, si constamment nous ne pouvions pas, nous serions désespérés. La seule manière de ne pas tomber dans le désespoir, c'est justement de comprendra quo le regard de Dieu n'est pas le môme que lo regard des hommes, que les hommes regardent l’efficacité, tandis que Dieu regarde les intentions de notre coeur.

Aux yeux de Dieu,tout a une très grande importance, si c'est fait avec beaucoup d'amour. Aux yeux des hommes, il y a des grandes décisions et des petites décisions, des prospectives immédiates et des prospectives loin­ taines. Il y a de grandes décisions qui ont beaucoup d'effet et de petites décisions qui n'ont pas beaucoup d'effet. C'est vrai au niveau de l'effica­ cité. En tant que serviteur de Dieu, on doit y faire attention. On ne doit pas tout faire de la mère façon. Il y a des choses pour lesquelles Dieu nous demande d'être très attentifs. C'est très important. Là, c'est la servi­ teur, c'est le fonctionnaire. Dieu veut qu'on soit bon fonctionnaire, s'il nous donne une tâche à remplir. Mais au point de vue de la conduite de 1'Esprit-Saint sur nous, il n'y a pas de grandes décisions et de petites décisions. Tout doit être fait par amour. Et quelquefois, nous pouvons mettre une intensité d'amour merveil­ leuse dans une petite décision, et pour Dieu, cela peut avoir une valeur extraordinaire, parce que nous y avons mis un très grand amour. Saint Thomas dit cela admirablement; il avait compris cas choses là comme un saint* Il dit, à propos de l'obéissance : "Ce qu'on demande à un serviteur, c'est d'accomplir une tâche." C'est donc l'efficacité. On demande à une cuisinière que le repas soit fait. Si la cuisinière disait : "Ah, j'ai eu une très bonne intention, j'ai réfléchi toute la matinée sur ce que je devais vous donner, et c'est merveilleux, j’ai très bien pensé ..." Non ! Le serviteur doit être efficace. Alors, pour le serviteur, il y a des choses importantes et des choses moins importantes. Dn dira au serviteur : "Vous ferez particulièrement attention à cela; si vous pouvez faire ceci, vous le ferez aussi, mais je veux avant tout que ce soit cela.1' Saint Thomas dit ; "Aux enfants, on demande qu'ils soient bien élevés." Au Moyen Age, on demande que les enfants soient bien élevés, c'est-à-dire qu'ils acquièrent des vertus, une certaine noblesse de l'âme, de la magnani­ mité, qu'ils soient justes.

Et que demande-t-on aux tout petits ? Qu'ils ne quittent pas le regard de leur mère. C'est admirable. Ils peuvent s'amuser, jouer, faire tout ce qu’ils veulent, c'est très bien. Et quand la mère est avec ses enfants, elle ne demande qu'une seule chose : "Ne va pas trop loin, mon petit, parce que je ne pourrais plus te voir et à ce moment là, je ne pour­ rais plus te surveiller." Ce qu'on demande à l'enfant, ce n’est pas du tout de faire telle ou telle chose, mais de ne pas quitter le regard de la mère.

21 Pour un enfant, il n’y a pas de distinction entre le jeu et la devoir et le travail. Ce sont là les distinctions des grandes personnes : elles travail­ lent et elles jouent. Mais l'enfant doit rester dans la lumière de la mère, dans la perspective de la mère. C'est admirable, parce que cela nous fait comprendre ce que le Père attend de nous. Comme tout petits enfants de Dieu, nous devons rester sous le regard du Père. Et rester sous le regard du Père, c'est avoir toujours cette bonne volonté, ce désir d’accomplir entièrement Sa volonté. En premier lieu, nous sommes des enfants, nous restons des enfants. Nous sommes aussi des serviteurs. L'obéissance de l'enfant ne supprime pas celle du serviteur, mais l'obéissance du serviteur revêt une modalité particulière. Nous ne prenons plus les choses au tragique. Nous sommes des serviteurs engagés. Mais il ne faut pas que l'enfant soit un enfant gâté. c'est celui qui dit : "Moi, j'ai compris l'esprit d'enfance. n!a aucune importance : que je joue ou que je travaille." On l'infantilisme, qui est la caricature de l'esprit d'enfance. grande attention.

L'enfant gâté, Ce que je fais tombe dans Il faut y faire

Au niveau surnaturel, nous sommes des enfants de Dieu et nous sommes des se'viteurs. Et nous distinguons les deux. Quand nous prions, nous sommes de tout petits enfants, nous voulons le rester et nous voulons que la prière illumine tout, transforme tout... Nous sommes des serviteurs : Dieu nous donne une fonction, une tâche à remplir. Et nous savons que, pour remplir cette tâche avec beaucoup d'amour, cela implique des compétences et qu'on connaisse son métier. On ne doit pas faire de grosses imprudences. Si l'es­ prit d'anfance tombait dans l'infantilisme, à ce moment là, on serait irres­ ponsable, sous prétexte qu'il faut être des enfants. Ca n'est pas commode d'être vraiment sous la conduite de l'EspritSaint. C'ast respecter le tout petit enfant de Diau qui est en nous, avec un désir do ne faire que la volonté du Père. C'est rester sous Son regard, mais savoir que l'esprit d'obéissance du tout petit doit se réaliser constamment dans le service que Dieu nous demande. Vous êtes des serviteurs. Pendant la retraite, vous avez l'avantage que le serviteur peut un tout petit peu se reposer, et Dieu vous demande, avant tout, d'être des enfants, parce que, d'habitude, c'est le serviteur qui ne se repose pas et qui tue l'enfant. C'ast letrès grand danger du monde d'aujourd'hui. Le serviteur a tellenent de travail, il est tellement pris, il est tellement responsable, il a tellement d'agitation que l’enfant risque de gémir et de ne plus avoir son biberon ! A ce moment là, cela ne va plus du tout, il dépérit et il meurt. C'est vrai, on est tellement pris !...

Alors, pendant la retraite, 1'Esprit-Saint veut nous donner un tout petit peu la possibilité de rester sous le regard du Père et uniquement sous la regard du Père, pour que, lorsque nous reprendrons notre travail, nous puissions le faire dans l'esprit du tout petit enfant de Dieu, avec un souci d'accomplir notre tâche le mieux possible. Il est certain qu'un chrétien, dans le service que Diau lui demande, doit mettre le plus de compétence pos­ sible, mais en même temps, intérieurement, il doit être un tout petit enfant du Père.

Je crois qu'il faut dire, à la suite de Maria, que l'accomplissement de la volonté du Père est vraiment primordial : c'est ce qui enveloppe toute notre vie. Dès que nous nous mettons en dehors de la volonté du Père, nous no pouvons plus prier, nous ne pouvons plus travailler chrétiennement. L'afficacité continue, mais la fécondité s'arrête, parco qu'on est en dehors de la source.

22 Ensuite» je crois que vient immédiatement la Parole de Dieu» qui nous nourrit et qui nous permet de mieux discerner la volonté du Père et de l'accomplir davantage. Et après la Parole de Dieu, vient 1'Eucharistie

Voyez l'ordre : je le donne suivant l'Eglise Catholique. Parce que» si vous regardiez l'église protestante, vous n'auricz pas tout-à-fait le même ordre et, jo crois, si on regardait même l'église orthodoxe, il y aurait un petit changement. Il est intéressant de voir ainsi les trois grandes formes du mystère de l'Eglise. Il y an a une qui ost dans la vérité toute entière et les autres qui l'attendent, mais qui ne sont pas dans la vérité toute entière. Il faut tout de même avoir le courage d'affirmer les choses telles que 1'Esprit-Saint veut que nous Iss affirmions.

Il est sûr que le mystère de l'obéissance est plus fort dans l'église catholique que dans l'église orthodoxe et que dans l'église protestante. C'est plus rude de faire partie de l'Eglise Catholique, parce que c’est le commandement mémo qui est donné à Pierre et qui nous est donné. Cela exige de nous une obéissance qui va plus loin. Quand on sst en contact avec las protestants, on le voit bien. Et è certains moments, cc n'est pas commode du tout. "Quand tu étais jeune, tu te ceignais toi-même ... "Mais lorsque tu auras vieilli,... un autre te ceindra et te portera "où tu ne voudras pas..." Et nous le sentons dans les moments de crise comme maintenant.

Pourquoi y on a-t-il tellement oui veulent quitter l'église catholi­ que et qui lorgnent du côté do l'église orthodoxe, en disant ; "Au moins, elle a gardé le mystère..." De braves croyants, dos chrétiens sont tentés par l'eglise orthodoxe, parce qu’il leur semble qu'elle a une liturgie plie parfaite, et ils quittent l'Eglise Catholique. Attention I C'est très grand, la beauté do la liturgie. Ce n'est quand même pas la nourriture. La nourri­ ture, c’est d'accomplir la volonté du Père. C'est accepter quelquefois un dépouillement liturgique, pour être plus attentif à autre chose. Quand la lutte est forte, c'est ce qui est demandé. C'ost très mystérieux. Quand les luttes sont fortes, il nous est demandé de mettre toute notre attention sur quelque chose do primordial, de fondamental. Oui, les moments de grandes luttes sont toujours des moments de très grands purification ot font que les choses secondaires, qui étaiont très importantes à certains moments, tombent, pour nous rendre plus attantifs aux choses essentielles. Et les choses essentielles, ce sont les gras pâturages, c'est-à-dire la volonté du Père, à travers tout. Cela, l'Eglise Catholique nous l'a toujours rappelé. C'est très impor­ tant. Dans le monde d'aujourd'hui, il faut le comprendre avec une très grande acuité. Voir l’ordre des valeurs, tel que Dieu le veut. La liturgie, c'est un ornement magnifique. C'ost la robe sans couture. Nais à un certain moment, la robe sans couture est arrachée. Quand on était dans les catacombes il y avait une liturgie des catacombes. La liturgie dos catacombes, ce n'ost pas la liturgie da l'Ancien Test-ment, si extraordinaire ot si belle. C'est une liturgie des catacombes, c'est-à-dire ce que Pie XII avait demandé et permis aux prisonniers qui étaient dans les camps de concentration : de garder de la Messe uniquement lr Consécration. Pie XII ... Ne disons pas que c'est Qoon XXIII ou Paul UI !... Pic XII savait très bien ce qu’était la Messe : la Consécration. Les prêtres qui étaient dans les camps, n'avaient que trois minutes : ils pouvaient consacrer.

Cela n'est pas pour encourager les Messes de dix minutes ! Vous le comprenez bien. Il y a un temps pour la prière. Il ne faut pas toujours aller

23 au plus rapide. Ca n'est pas pour encourager le dénuement complot, mais il faut comprendre que l'Eglise, quand elle entre dans des luttas très grandes, ne garde que le nécessaire. C'est comme en exode, on n'emporte que le néces­ saire. Mais il faut savoir ce qui est le nécessaire, car, à ce moment là, si on se trompe, c'ost terrible. Si vous prenez une chose accidentelle et oubliez le nécessaire, vous Ôtas sûr de périr. C'est évident. Et Dieu nous demande c'ast dit dans l'Apocalypse -, aux moments las plus rudes, d'avoir l'ssprit de finesse, l'esprit de discernement.

C'est pourquoi il est si important do se rappeler que nous sommes enveloppés dans la volonté du Père et que co qui nous permet de savoir où aller, c'ast l'accomplissement do la volonté du Père qui se fait par le Christ et, pour nous, par la voie des Vicaires du Christ; et à travers tous ceux qui sont unis au Vicaire du Christ, parce que c'est dans la mesure où ils sont unis au Vicaire du Christ qu’ils nous 'donnent la volonté du Père, au sens très fort. Ensuite, il y a la Parole. Voyez comme, chez les protestants, la Parole a pris une valeur extraordinaire et primordiale. Il est très important de comprendre ca qu'est la Parole do Dieu. Mais il ne faut pas que le mystère de la Parole supprima le mystère de 1'Eucharistie. Quelqu'un me disait, l'autre jour : "Ce qui est un petit peu affolant, c'est que la liturgie do la Parole prend une place énorme, et la liturgie de L'Eucharistie, trois minutas.11 C'est vrai. C'ost un déséquilibre; ce n'est sûrement pas selon la volonté du Père et co n'sst sûrement pas selon la vo­ lonté du Souverain Pontife, C'est uno volonté particulière et c'ost une certaine influence du protestantisme qui fait qu'on oublie ce qu'est l'Eucharistie.

La liturgie de la Parole, ce n’ost pas étonnant, nous parla davantage. Peut-âtra a-t-on oublié un peu, à certains moments, le mystère do la Parole et il est très bon de le rappeler. La Parole de Diou est très impartante. Le mystère de la Parole de Dieu, c'est aussi la prédication at la prédication est très importante. Mais comprenons que tout le mystère do la Parole est ordonné à 1'Eucharistie ! Voyoz, le démon désordonné pour organiser, dans Le sens uniquement d'une efficacité. Alors, en regardant l'efficacité, on dira : "Ah, le peuple chrétien est mieux !" (Ce n'est, d'ailleurs, pas toujours vrai.) Mais il ne comprend plus du tout 1'Eucharistie. Voyoz l'efficacité, l'organisation à la place de l’ordro do la Sagesse de Dieu. Dn ne regarde que cela. Mois là n’est pas la question. Est-ce que vous Êtes ministres du Christ ou non ? Est-ce que vous Ôtes envoyés du Père ou non ?

I.'Eglise, ce n'ost pas notre Eglise, c'ost l'Eglise du Pèra, c'est l’Eglise do l'Agneau, c'est l'Eglise de l'Esprit, Alors, l'Eglise du Père, l'Eglise de l'Agneau, l’Eglise de l'Esprit doit vivre selon le rythme môme dos Trois Personnes Divines. Voyez comme ces trois nourritures sont le reflet de la Très Sainte Trinité. C'est Dieu qui se mot tout proche de nous par ces trois nourritures : - La Volonté du Père. Le Père est au point de départ et au terme, toujours.

- Le mystère do la Parole. Lo premier Peraclet. La Verbe devenu chair, - Et l'Esprit qui est lié à l'Eucharistie et inséparable de l'Eucha­ ristie. Ce mystère du Sang, du Don absolu d'Amour. L'Esprit est donné à la Croix. L'Eucharistie, c'est la Croix et c'ost l'Esprit qui nous ost donné à travers le Christ,

24 Vous voyez comment l'Eglise doit être L'Eglise de le Volonté du Père, l'Eglise de lo Parole, l’Eglise du 1'Eucharistie.

Il no feue surtout pas mettre d’oppositions. Comme il n’y □ pas d’op­ position en Dieu, il fout respecter cet ordre merveilleux selon lequel la Parole conduit à l’amour et s’achève dans 1‘Eucharistie. Cela nous aide beaucoup à prendre conscience de ce quo c’est qu’être brebis du Christ, et à savoir si, dons notre vie, les trois nourritures sont bien ordonnées selon la Sagesse de Dieu. Considérons les luttes du démon ; clics sont à l’égard de la volonté du Père, de la Parole do Dieu, de 1'Eucharistie. Vous avez bien suivi dans l’Ecriture : quand on a chassé les damons d’une maison, ils reviennent sept fois plus forts. Je crois quo nous assistons à cette attaque sept fois plus forte, actuellement. L'Eglise a chassé la démon de sa maison, ou moment do la Réforme. Cela a été très rude. Cela ne veut pas dire que tous les protestants sont possédés du démon, parce qu'ils n'y peuvent rien d'être nés dans le protes­ tantisme.

Je me souviens d'une très brave famille protestante, dos Alsaciens venus à Fribourg. C'étaient de gros brasseurs, protestants d'Alsace, il y avait eu une alliance avec Lyon, et la grand’mèra était très huguenote. La première fois quo je l'ai vuo - je venais d'arriver à Fribourg, je ne connaissais pas très bion le climat -, cette brave personne, très sainte, merveilleuse, intelligente, fine, au bout do quelque temps, me dit : "Mon Pèro, n'essayez pas da me convertir !" Je lui réponds : "Vous allez "vite ..." - "Je suis huguenote." Elle affirmait cola avec força. Comme toujours, le génération suivante était moins conscients d'être huguenote, et le fils, que je connaissais bien, un beau jour, dans un salon, après un repas, me dit : "Non Pèro, vous me prenez pour un hérétique ?" Heureuse­ ment que lu Saint-Esprit est toujours là pour nous aider à ces moments là! Ce n'était pas commode de répondre, surtout que jo n'y avais jamais pensé. Je lui dis : "Je n'avais j-mais pensé à cela. Je n'ai pas pensé que vous étiez un hérétique. Je sais que vous aimez le Christ et que vous cherchez à L'aimer. Vous Otes né dans l'église protestante ot vous aimez qu'on vous parle du Christ. Au fond, vous n'avez jamais rejoté l'Eglise Catholique. Vous aimez les catholiques. Vous savez que je suis prêtre et que je suis dominicain, c'ost visible. Et vous m'invitez. Cela prouve que vous no mettez pas d'opposition..." Les distinctions des théologiens, à ce moment là, sont extrêmement intéressantes : clics perlent de l'hérésie matérielle et formelle. On peut être né dans une famille protestante et donc être protestant, parcs qu'on a été élevé ainsi, mais on n'a pss rejeté. C'ost le cas d’une quantité de protestants.

C'est ce que me disait Schulz. D'ailleurs, c'est beau de voir comment est né chez lui ce désir do l'oecuménisme. Il était d'une famille de pasteur à Genève. Comme il n’avait pas beaucoup de santé, on l'avait envoyé dans le Valais, dans une famille catholique. Or, il aimait beaucoup cette famille et, dans son coeur de gosse, il disait : "Tous aiment le Christ. Pourquoi sont-ils divisés ?" Et c'cst à partir de là qu’est née son idée : "On no peut pas rester dans la division : tous aiment 1g Christ ..." Parce qu'il oimait cos deux familles : sa familla selon la chair et lo sang, son père pasteur, ot l'autre famille qui l'avait reçu ot qui l'avait enveloppé d'une chaleur plus forte et plus aimante, il ne pouvait pas les diviser dans son coeur d'onfont : toutes les doux lui pr.rloiart du Christ, aimaient le Christ et lui n'aimait que le Christ, il ne pouvait pas Los séparer.

25 Je perle ici de ce que représente, eu point de déport, la rupture eu'il y n eu et qui a brisé le chrétienté occidentale. Cola n été une grande brisure. Quand an 3 chassé le démon d'une maison, il revient sept fois plus fort. Jo crois que nous assistons à cala. Mous assistons à une attaque nou­ velle, très profonde, souterraine. La démon revient sept fois plus fort. Vous retrouvez exactement las mSmes attaques à l'égard de l'autorité du Souverain Pontife. Alors, sept fois plus fort, c'est à l'égard de toute autorité : le meurtre du Père, c'cst connu; à l'égard do l'obéissance : si on rejette 1'autorité, on rejette l'obéissance. L'obéissance ast complètement rejetée aujourd'hui, et 1'obéissance religieuse à fortiori. La psychologie est là pour apporter de l'eau au moulin. Pourtant, toute autorité vient do Diau. Si vous m'aimez, vous gar­ derez mes commandements." Et l'obéissance ne peut âtra gardée que dans l’amour. Regardez les attaquas à l'égard de 1'Eucharistie ! Ce sont les mômes. On veut protestantisme 1'Eglise à l'égard do 1'Eucharistie ot dire : "Oui, il y a une Présancc Réelle, mais non la Transsubstantiation. Puisque nas frères séparés ne l'accaptant pas, n'en parlons plus E" Sous le couvert do la charité, on vaut supprimât la vérité. Qn no vaut pas aller jusqu'au bout du réalisme do la Présence. Alors; on dit : "Présence Réallo, c'est suffi­ sant." Non, l'Eglisa a dit que ca n'était pas suffisant. La Présence Réelle implique le mystère do la Transsubstantiation, On n'a pas le droit de dimi­ nuer la vérité do Diau. Et quand 1'Esprit-Saint veut ^u'on ailla jusqu'au bout, Il a raison.

En diminuant la mystère de 1'Eucharistie, on diminue lo mystère du Sacerdoce, On ne vaut plus regarder la Sacerdoce comme un Sacrement du Christ On nu veut plus regarder la Sacerdoce cam-a ayant cette autorité divine sur la Corps du Christ. Le prJtra consacra ou nom du Christ ot la toute-puissance do Dieu sst engagée. On voudrait que cc soit la communauté chrétienne.

Certes, il ru faut pas faire de séparation entre la prâtre ut la communauté chr tienne. Le prôtro est au service de la communauté chrétienne, comme la Christ était entouré de Ses Apôtres ut de la foule. Mais il faut maintenir ce que représente cc mystère du Sacerdoce. C'est un mystère. Le Christ’ aurait très bien pu fuira autrement. La manne ne passait pas par les lévites; alla descend it directement de Dieu; elle était pour la communauté et lo peuple d'Israël. On voudrait que L'Eucharistie soit comme la manne : qu'elle nous soit donnée directement et gratuitement par Dieu, sans qu'il y ait 1'intervention d'un paître. Or, Diau vaut qu'il y ait l'in­ tervention d'un prâtre an vue d'une plus grande miséricorde, parce que, chaque fois que Dieu augmenta Sas instruments, c'est pour une surabondance do miséricorde. Evidemment, c'est plus extraordinaire. Dans l'ordro de la Sagesse do Dieu, c'est infiniment plus grand d'avoir réalisé le mystère do L'Eucharistie en se servant des hommes.

On voit là les contradictions du démon. Le démon ast toujours dans la contradiction, parce qu'il ne sait plus ca qu'est l'amour. On exalte l'hommo aujourd'hui. Si on exalte l'homme, on devrait considérer que la chose la plus étonnante est que Diau ait institué 1'Eucharistie at la Sacerdoce, et 1'Eucharistie par le Sacerdoce, C'est la plus grande exaltation de l'homme : se servir do l'homme pour faire une oouvro divino, La Consécration. On la supprime. Et on veut exalter l'homme indépendamment du Christ. L'exal­ tation de l'homme pour l'homme. Voyez la contradiction : si on Otait vraiment pour L'exaltation de L'homme, on devrait considérer que le moyen n'a pas d'importance. Or, on préfère les méthodes à lr. finalité. On veut que l'homme

26 s’exalte lui-mdmu par lui-mûmc et on m'accepte pas 1 'axait-.tion de l'homme par le Christ. 3c crois que c’est le plus grande chose que la Christ ait donnée à l'humanité : 1'Eucharistie et la Sacerdoce, Regardez le Cure d'Ars, le sens qu'il avait du Sacerdoce ! C'est cela que nous devrions avoir, quand nous santons ces attaques. Non pas du tout pour une exaltation de nous-mflmes : notre Stro doit reconnaître qu'il est un pécheur cernée les autres. Le prôtre doit comprendre qua, si le Christ lui a donné ca pouvoir merveilleux, extra­ ordinaire, c’est pour Scs brobis. On voit bien l'attaque à l'égard do Marie, la bonne terre qui garde la Parole de Dieu. Marie, c'est la Tradition. Si on rejette Maris, on rejette la Tradition. Si on accepte Marie, on accepte la Tradition. Aujourd'hui, on voudrait la Parole de Diou sans la tradition. C'était déjà vrai au moment du protestantisme. On écarte Maria, on écarte la Tradition. Et on prend la Parole do Dieu comme si allé était donnée directement. Voyez le retour à l’Ancion Testament ! Maria, c'est lo renouveau, la reprise do tout, et c'est la Tradition. Aujourd'hui, tous voudraient Scrc prophètes, tous voudraient recevoir la Parole de Dieu : des communautés do petits prophètes !

Au moment de la Réforme, mfime si on supprimait Mario et la Tradition, il y avait néanmoins un très grand sons du la Parole de Dieu. Qu'est-il arrivé ? On a isolé la Parole de Dieu de l'Eucharistie-, isolé la Parole do Dieu de l'autorité, isolé le Parole do Diou de Mario et de la Tradition. A co moment là, la Parole de Diou est livrée aux hommes et les hommes veulent en prendre possession. C'est là que nous touchons, je crois, 1'attaque la plus perfide qui soit faite aujourd'hui, sans supprimer les autres : les hommes voulant posséder la Parole de Diou avec leurs méthodes, historiques, philologiques, etc... lis veulent traiter la Perde do Dieu comme on traite n'importe quelle autre parole. Ils s'en font les propriétaires et, ce faisant, la Parole dG Dieu no peut plus fitre Parole do Dieu. La grande tentation du peuple d'Israël, ou moment do In venue du Christ, était d'ître propriétaire de la Loi. Et la grande tentation actuelle au niveau do l'Eglise chrétienne, do l'Eglise Catholique aussi bien que de l'église protestante, c'est que toutes les philosophies contemporaines dont se servent les nouveaux tntologians sont issues du protestantisme et qu'ils veulent s'en servir pour faire une nouvelle théologie. Au coeur do tout cola, il y a le rejet complet du mystère do Marie, du mystère de la Tradition, et on veut posséder la Parole de Diou, pour qu'olla soit efficace. La Parolo de Dieu est efficace, die est vivante, mais d'une efficacité qui est uno fécon­ dité d'amour. Et on veut qu'elle soit efficace en l'adaptant pleinement au monda d'aujourd'hui. 3'ai entendu quoiqu'un dire : "L'Evangile est fait pour un milieu dç paysans et de ruraux. Aujourd'hui, nous sommes on face d'un milieu d'ouvriers; alors il s'agit de changer complètement le langage de l'Evangile, pour le rendre accessible aux ouvriers." Vous voyez la prise do possession de la Parolo de Dieu... L'Evangile n'est pas donné à des ruraux, il n'est pas donné à des paysans, il n'est pas donné à des ouvriers, il est donné à l'homme, au coeur do l'homme. Il y a des paysans qui peuvent Stro aussi "encroûtés" qua dos ouvriers et l'inverse, et il y a dos intellectuels qui peuvent âtro doublement encroûtés : pires que des ouvriers, pirss que des paysans. C'ost évident. On peut toujours s'envelopper des plumes du paon et oublier qu'on est un homme créé par Dieu, qui a besoin de la Parole de Diou.

C'est pourquoi il est si important da rc-vonir à la signification profonde de la Parole de Dieu, parce que le fendamant est ébranlé. Ce sont vraiment las tre-birman te apocalyptiques que nous vivons actuellement, Los fondements sont ébranlés - et le Saint-Père l'a dit -, parco qu'une fois qu’on touche à la P'rolu de Dic-u pour en prendre possession, on nu peut pas aller plus loin.

27 Vous voyez ce que 1c- démon peut encore f"irc. Los trois nourritures sont contaminées; on les a empoisonnées, pour qu’allas ne nourrissent plus.

On nu vaut plus do l'autorité, de l’obéissance î “M'obéissez plus, soyez libres, soyez vous-mfimes, soyez adultes !..." On no vout plus la mystère de 1'Eucharistie : "Oh, simplement symbo­ lique, un beau symbolisme... Magnifique, le repas. Extraordinaire, la Cène. On est ensemble. Commo on est bien ensemble 1 ...'' Tout cela serait très bien, s'il y avait la substance, s'il y avait la réalité profonde. Mais quand il n'y a plus que les réactions épidermiques, ce n'est plus la foi. Ce n'est plus le mystère. Et puis, en dernier lieu, on attaque la Parole. Alors, on touche le fondement.

Il faut que nous soyons très lucides, que nous reprenions le sens de la Parole de Diau, le sens de 1'Eucharistie, le sens de la volonté du Père. D'une certaine manière, c'est magnifiauc de voir cela, parce que cela prouva qu'il y a des grâces extraordinaires dans le monda d'aujourd'hui. Car si Dieu permet que cola aille si loin et s'il nous an donne la lumière, c'est parcs qu'il veut justement nous donner une grâce de renouvellement complat dans la foi, l'espérance et l'amour. Ce n'est pas facile, c'est rude, mais c'est moonifiquo.

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(Fin de la deuxième conférence) premier jour

28 1er jour

3ème conférence

Je vous parlais ce matin, dans ce regard que nous devons avoir sur le Mystère de l'Eglise, du Bon Pasteur qui conduit son troupeau, ses brebis dans les gras pâturages. Et de cette attaque très perfide, très subtile du.démon à l’égard de la Parole de Dieu. C'est d’autant plus impressionnant que lorsque nous regardons le début de la Genè­ se , nous voyons que la première tentation, décrite d'une façon assez symbolique, est à l'égard d'une Parole de Dieu.

Le début de la Genèse est quelque chose de difficile à lire, c'est très archaïque, très beau. Ce ne sont pas des mythes. Faisans attention. On nous dit, aujourd'hui, que ce sont des mythes 1 Il-faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas de mythes. Ou bien, alors, il s * agit de mythes comme on 1’emploie dans un certain langage très particulier. Même cela, on n'a pas le droit de le dire, car la Commission biblique a dit que les premiers chapitres de la Genèse impliquaient quelque chose d'historique. C'est bien évident, puisque ils regardent 1 * homme et la femme. Nous sommes des personnages his­ toriques . Donc, ça nous regarde, et ça regarde le début de notre origine. Sans nous dire le comment, cela nous montre 1a finalité. Le propre de 1s foi c'est justement de nous demander de ne pas savoir le comment, mais de regarder la finalité. C'est pour cette raison qu'elle est toujours une épreuve. Nous voudrions cons­ tamment savoir le comment. Surtout dans une culture scientifique comme la nôtre. Et la foi réclame le dépassement du comment. Pour ne voir que la finalité. La science des tout petits... Les tout petits s ' occupent de la finalité, comme les très sages.. Le comment est pour ceux qui veulent posséder. C’est l'esprit de possession. Quand on veut uniquement user et user parfaitement des choses, alors c'est le pourquoi qu'on se pose, c'est la finalité.

Quand vous regardez le début de la Genèse, vous voyez la première tentation. C'est très curieux de constater qu'elle est justement à l'égard d'une Parole de Dieu. Le démon veut arracher du coeur d ' Eve le secret que Dieu a mis sur cette petite communauté : il y a un amour de Dieu s'exprimant par un commandement négatif. Vous savez que l'obéissance estparticulièrement dure quand il s'agit de commandement négatif, Quand on voqe dit "ne parlez pas**, c'est un commandement négatif, évidemment. En réalité, c'est du positif. Ne parlez pas pour aimer plus. Mais vous ne comprendriez pas si l'on vous disait pendant la retraite : "aimez beaucoup, aimez beau­ coup I". Si vous aimiez avec une très grande intensité, vous ne parleriez plus, c'est sûr 1 vous n’auriez plus du tout envie de parler. Quand on aime avec une très grande intensité, le silence suffit. Le silence exprime beaucoup mieux. Mais comme nous ne sommes pas parfaits, nous avons besoin du négatif en disant : vous ne par­ lerez pas. Quand Dieu dit : "vous ne mangerez pas de l'arbre de vie" c'est parce qu'il veut en réalité éprouver le coeur d'Adam et d'Eve, nos premiers parents, pour qu'ils aillent plus loin. Il faut toujours essayer de traduire les préceptes négatifs dans un appel positif. C'est très très impartant. Quand on ne regarda que le négatif, on se casse le nez et ça ne va pas.

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Eve a très bien compris , du reste, car quand le démon dit : "Dieu vous a interdit de prendre des fruits des arbres du jardin", elle répond : "pa** du tout, Dieu nous l'a permis, mais de tel arbre, Il nous l’a interdif'i Alors le démon reprend la Parole de Dieu en en donnant une "herméneutique". Herméneutique est un mot grec qui veut dire interprétation. Tout simplement. Le démon interprète la Parole de Dieu. Et c’est très important de regarder son inter­ prétation . Il essaie de détourner Eve de 11 habitude d’obéissance, et de lui faire comprendre que la Parole de Dieu ne veut pas du tout dire ce qu'elle a compris dans sa foi. Le démon, autrement dit, veut interpréter la Parole de Dieu en renversant l’intention divine. Le démon agit au niveau des inten­ tions. ... Vous n'avez pas compris du tout, ce n'est pas du tout cela que Dieu voulait dire... Au fond, en réalité, Dieu a très peur que, du jour où vous aurez pris du fruit de cet arbre, vous deveniez comme des dieux, connaissant le bien et le mal... Et donc le démon renverse 1'interprétation qu * Eve avait comprise spontanément dans sa foi, pour donner une interprétation tout autre.

Alors je me pose la question... Je ne vous dis pas que c'est cela. Interrogez le Saint-Esprit. Je me pose la question de savoir si, ce qui se passe aujourd'hui, n'est pas très semblable à la pre­ mière tentation. Le démon essaie de s'infiltrer dans 1'intelligence de certains théologiens et de certains exégètes en leur disant : donnons,une nouvelle interprétation de l'Ecriture. Jusqu'ici, on n'a rien compris du tout. On a été beaucoup trop naïf. Et le démon veut donner une nouvelle interprétation par les nouvelles méthodes. C’est très astucieux, vous savez. Le démon n'intervient pas directe­ ment . Mais il intervient par des méthodes d'ordre exégétique, qui reposent elles-mêmes sur certaines philosophies, et ces philosophies, si on les regarde de près, sont des philosophies idéalistes qui n'ont plus le réalisme de la foi. Alors ça renverse tout. Et alors, à partir de ce moment-là, il y a comme une espèce d'opposition qui se fait. C'est très significatif. Ce serait très intéressant de regarder cela de près. Ce n'est pas le but de la retraite, je ne fais que le signaler. Parce que je crois que c'est très important de voir que les grandes attaques qui ont lieu aujourd'hui, dans 1'Eglise, sont à l'égard de la Parole de Dieu, par le moyen de certaines méthgdes, de certaines interprétations de la Parole de Dieu.

Et tout y passe, parce que non seulement c'est la Parole de Dieu qui doit être revue dans une méthode exégétique, mais ce sont tous les dogmes. On demande - cela existe dans certaines universités catholiques - que toutes les chaires de dogme soient doublées de chaires d'herméneutique. Je vais vous donner un petit exemple, vous allez tout de suite comprendre. C'est facile à saisir ces chases-là, et c'est subtil, quand on veut en regarder le sens pro­ fond . Ça dépend de toute une philosophie idéaliste, qui reste idéa­ liste. Quand on ne comprend plus les conclusions, il faut regarder le point de départ.

Vous allez tout de suite saisir : certaines oeuvres d'art prenez les oeuvres d'art égyptiennes - le sphinx, ont une signifi­ cation en fonction d’une certaine culture religieuse et d’une cer­ taine culture humaine.

30 Il est bien évident que quand vous regardez le sphinx vous ne com­ prenez pas tout à fait la même chose que les Egyptiens de ce temps-là quand ils le regardaient... Le sphinx, pour eux, avait toute une si­ gnification religieuse. Alors que pour vous il n’en a plus, vous le regardez comme une oeuvre d'art. Et donc il revêt une expression toute différente. C'est là où joue l'herméneutique en disant : "une oeuvre d'art ne peut se comprendre qu'en fonction de son con­ texte". C'est vrai. C'est très vrai. Une oeuvre d'art ne peut se comprendre qu'en 'fonction de son contexte, du moins certaines oeu­ vres d'art. Parce que je crois que même dans la signification des oeuvres d'art, il y a quelque chose qui dépasse le contexte, qui touche l'homme, qui atteint l'homme de tous les temps. C'est ce qu1 on appelle j ustement le grand art classique. L'art classique est celui qui dépasse le contexte d'un milieu et qui atteint l'homme. Mais il est évident que les oeuvres d'art moyennes - il en est beaucoup - sont dépendantes de leur contexte historique. Et donc de la culture de l'artiste et du milieu dans lequel il les a réali­ sées. Elles s'inscrivent à telle époque. Si l'on est un tout petit peu sensible à l'art, on reconnaîtra tout de suite un tableau : ah oui, c'est de telle époque ! Je la connais bien .' Et on pourra même arriver à distinguer assez facilement l'art de tel pays et de tel autre pays.

Je me souviens de cette exposition très intéressante qui avait eu lieu à Paris, où était démontré le parallélisme de 1'art chinois et de l'art grec. Ils’agissait des mêmes époques. Il est évident que nous sommes plus habitués à l'art grec, où l'on arrive encore à distinguer. Dans 1'art chinois on est un peu plus perdu. On a plus de peine à discerner. C'est intéressant de voir 1e parallélisme de ces deux cultures. On reconnaît 11 art par les expressions tout à fait différentes de culture, parce que l'art exprime une culture. Si l’on considère que la parole est une oeuvre d'art (et elle l'est, c'est vrai. C’est une oeuvre d'art que la paro­ le. Ce n'est pas seulement une oeuvre d'art parce qu'elle est faite premièrement pour communiquer ce que nous pensons. Mais c'est quand même une oeuvre d'art. Surtout pour le poète qui s'en sert comme d'une matière pour exprimer un tas de choses. Il peut y avoir toute une conception philosophique considérant la parole uniquement comme une oeuvre d'art.) à ce moment-là on s'arrête à la parole, à l'éthymologie de la parole, beaucoup plus qu'à son usage. Et l'on regarde la parole pour elle-même. Alors on va faire une herméneutique de la parole, comme pour les oeuvres d'art. Et, à partir de là, on va 1'appliquer à la Parole de Dieu. Mais est-ce que la Parole de Dieu est une oeuvre d'art 7 ou est-elle autre chose ? La Parole de Dieu nous communique premièrement une révélation :

"Le ciel et la terre changeront, Ma Parole ne changera pas." Le ciel et la terre changent. La Parole de Dieu ne change pas. Il y a en elle quelque chose qui nous met en union avec une vérité dépassant les lieux et le temps, qui nous met en communion avec une vérité éternelle : le Mystère même de Dieu.

N ' est-ce pas cela le propre de la Parole de Dieu ? La Parole de Dieu a bien quelque chose de semblable à toutes les autres paroles. En ce sens que Dieu n'a pas inventé un nouveau lan­ gage qui serait une parole divine. Non. Il aurait pu très bien inventer un nouveau langage. Dieu s'est servi de l'hébreu, du grec, du latin, et Dieu se sert de toutes les langues, ça ne le gêne pas beaucoup ! Il les connaît toutes, n'est-ce pas 1

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Si l'art est petite fille de Dieu, comme dit Dante» la parole est aussi petite fille du Verbe, et toutes les paroles, toutes les langues proviennent de Dieu, en définitive, mais en passant par l'homme, puis­ que c'est 1 ' homme qui les a inventées. C'est merveilleux de voir que Dieu se sert de notre langage humain, qu'il s'agisse de l'hébreu, du grec ou du latin, Dieu s'en sert pour communiquer quelque chose de nouveau. Dieu ne change pas la grammaire ! Il se sert du latin, mais II ne donne pas de code, disant "il faut vous servir du latin de telle manière...". Il n'a pas changé la signification normale des mots. Mais Dieu, en se servant du prophète, en se servant de l'homme inspiré, va communiquer à travers la parole humaine une signification nouvelle. Il y a une nouvelle intention. Les mots ne sont pas changés, mais Dieu veut nous communiquer quelque chose de plus. Dieu veut nous faire entrer dans quelque chose de plus profond. Il veut nous faire entrer dans la Révélation de Son Mystère. Et c’est cela le propre de la Parole de Dieu, Quand Dieu dit qu 1 II est Père, il veut exprimer quelque chose donnant au mot "Père" une signification toute nouvelle. Il ne s'agit pas de la paternité selon Ja chair et le sang. Il s'agit de quelque chose de nouveau. Quand Dieu dit qu'I1 est Lumière, Il veut donner au mot "Lumière" une signification toute autre. La lumière prend une nouvelle signification parce qu'elle exprime le Mystère de Dieu. Ceci, le croyant le comprend tout simplement. Il sait que Dieu nous éduque en nous parlant. Et que Dieu nous con­ duit à son Mystère et nous révèle son Mystère en nous parlant et en prenant le langage de tout le monde.

Alors il est bien évident que Dieu se sert d'Isaïe autrement que de Jean. Il est évident que, dans 1'Ecriture, le Livre des Nombres ce n'est pas tout à fait le Cantique des Cantiques ! Et vous ne lisez pas de la même manière ces deux textes sacrés J A moins que vous, ne soyez complètement abruti, et alors vous ne comprenez rien du tout. Vous prenez le Livre des Nombres, puis vous lisez le Cantique des Cantiques et vous dites î pour moi, c'est la même chose. Tout cela c'est la Parole divine! Soyez un peu intelligent pour Dieu, car II désire que vous soyez un peu intelligent pour Lui. C'est vrai qu'il y a des faits différents, des auteurs différents, et que Dieu a com­ muniqué sa Parole à travers une succession d'années et de cultures, ce qui est très extraordinaire. Il y a la grande période hellénisti­ que où l'on voit qu'à travers les prophète sémites perce une influ­ ence grecque. C'est normal. On voit, au début de la‘ Genèse, que Dieu s’est servi de traditions tout à fait primitives, très simples. Dieu a décanté ces traditions tout à fait primitives pour leur donner une signification beaucoup plus profonde, allant beaucoup plus loin. C'est merveilleux de voir comment Dieu se sert de toute cette diver­ sité du peuple d'Israël. Abraham n'est quand même pas Isaïe... Abraham n'est pas Jean-Baptiste... Et pourtant ils sont liés. Dieu se sert de toute cette diversité avec une intention qui est toujours la infime : révéler Son Mystère et Sa Vérité. Ce qui est intéressant, pour le croyant, ce qui importe pour lui, c'est de retrouver, en premier lieu, cette intention divine. C'est cela qui intéresse le croyant et c'est cela que les théologiens du Moyen Age ont recherché — je pense à Saint Thomas — ainsi que tous les Pères de l'Eglise, quand il se posent cette question, très classique au Moyen Age, très belle î "L’Ecriture a-t-elle un sens unique, ou en a-t-elle plusieurs ?" Parce qu'ils voyaient bien qu'il y avait des zones différentes dans lesquelles on pouvait pénétrer.

32 La Parole de Dieu a des richesses beaucoup plus grandes que la parole humaine. Vous voyez cela déjà pour une parole poétique : elle a une signification extraordinaire, surtout quand elle est employée par un grand poète. Elle se laisse plus ou moins pénétrer parce que c’est un langage symbolique, et que le langage symbolique, par définition, n'a jamais qu’une seule signification. Il en a toujours plusieurs.

Or Dieu, constamment, prend un lengage symbolique, pour ne pas donner les perles aux pourceaux. Les pourceaux ce sont ceux qui ne regardent qu’un seul sens : le sens matériel, sans comprendre. Alors, pour bien cacher les perles, Dieu emploie justement un langage symbolique, multiple, caché, qui fait qu'on pénètre de plus en plus dans Sa Parole. Au Moyen Age - je prends ce que dit Saint Thomas - les théolo­ giens comprenaient très bien que Dieu parlait non seulement en se servant de la parole humaine, mais aussi en se servant des hommes et des réalités. Et c'est pour cela qu’ils disent toujours qu’il y a comme une double signification ou comme une double zone de signifi­ cation, un premier sens littéral ou historique, et un sens spirituel.

Le sens littéral ou historique, c’est ce que la parole exprime, ce que la parole dit, et elle dit, à l'égard de certaines réalités, que ces réalités elles-mêmes sont porteuses d’une nouvelle significa­ tion : c'est le sens spirituel de 1'Ecriture qui repose sur le sens premier, parce que Dieu parle non seulement en se servant de la lan­ gue humaine, mais également des événements. Et c'est pour cela qu'on disait que le peuple d'Israël était préfiguratif du Mystère de l’Eglise. Et donc tout ce qui est dit du peuple d'Israël peut expri­ mer le sens de l'Eglise. Et cela c'est le sens spirituel. L'Eglise exprime elle-même le Mystère de le Gloire. C'est en­ core le sens spirituel. Pour Saint Thomas, le sens historique ou littéral, c'est ce que 1'auteur principal veut nous transmettre, son intention profonde, en se servant de ses multiples instruments. Et l'auteur principal de l'Ecriture, c'est 11 Esprit-Saint. Les auteurs seconds ce sont les instruments de Dieu. Ce sont les ins­ truments de 1'Esprit-Saint. C'est Isaïe, Ezéchiel, Jean, Marc, Matthieu, Luc... C'est très important de se rappeler que le chrétien doit, dans sa foi, comprendre que, par la Parole révélée, il est en liaison profonde avec l'auteur principal. Quand vous lisez Isaïe, ce n ’ est pas premièrement pour être en contact avec Isaïe, c'est premièrement pour être en contact avec 1'Esprit-Saint..Et, à travers Isaïe, entrer dans le Mystère de Dieu. Cela nous le faisons spontanément. Quand vous lisez les Psaumes, ce n'est pas premièrement pour essayer de comprendre la louange du psalmiste, David ou un autre, mais c’est premièrement pour être éduqué par 1'Esprit-Saint qui, par les Psaumes vous donne une 3me de louange. Quand vous lisez le Magnificat, c'est pour être avec Marie et en Marie sous l'influence de l'EspritSaint, pour chanter le Magnificat comme 1'Esprit-Saint désire que vous le chantiez. Essayez d'entrer, par le mystère de la foi, en communion profonde avec l'intention de l'auteur principal. Je sais très bien que ce n'est pas commode parce qu’on peut imaginer. Et c'est là où le Saint-Esprit nous purifiera. Et c'est là où la Tradition de l'Eglise nous aidera à nous purifier.

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L’exégèse contemporaine... quel est son souci principal ? C'est quand même intéressant de se le demander. Je sais très bien qu'il est multiple et divers. Parce qu'il n'y a pas qu'une seule méthode exégétique. Quand on se trouve avec des exégètes , on sait qu'il y a de multiples méthodes exégétiques. Et quand on fait un tra­ vail avec tel exégète et que c'est tel autre qui le corrige, et qui n’est pas de la même école, on a une très mauvaise note, C'est nor­ mal. Cela existe dans tous les domaines. La méthode exégétique n'est pas du tout unique. Elle est multiple. Ecoutez le Père Feuillet, écoutez le Père Braun, écoutez d'autres exégètes contemporains, vous verrez que ce n'est pas tout à fait la même chose, c'est même très différent.

Alors il faut essayer de comprendre et de relativiser ce que représentent les résultats de l'exégèse, qui sont toujours des résul­ tats concernant l'opinion. Rien de plus.

La foi atteint, à travers la Parole de Dieu, l'absolu. On ne construit pas son opinion. Les exégètes sont de bons serviteurs. Ce sont d'excellents serviteurs, comme les théologiens, du reste. Ils font la cuisine. Ils sont au sous-sol. C'est très très bon. Surtout s'ils n'empoisonnent pas, C’est avant tout ce qu'on leur de­ mande parce quand ils empoisonnent, on reçoit le mets, on le prend et puis on est empoisonné ! Et ça ne va plus du tout. Ils doivent être de bons serviteurs. Il faut faire attention. Ils sont de bons serviteurs dans la mesure où ils sont en conformité avec la volonté du Père; dans la mesure où ils sont en conformité avec le Mystère de la Parole de Dieu gardée dans le coeur des saints. Le Père Féuillet n'hésite pas à dire qu'un bon exégète doit tenir compte de la manière dont la Parole de Dieu a été gardée à travers tous les saints. Et il ajoute : même de la petite Thérèse de 1'Enfant-Jésus. Un bon exégète devrait tenir compte de cela puisqu'il interprète la Parole de Dieu gardée à travers la Tradition. Et les saints font la Tradition. Et les saints vivent de la Parole de Dieu. Les saints sont la bonne terre. Les saints ont compris la Parole de Dieu plus profon­ dément que ne le comprennent des serviteurs. C'est très important de se rappeler cela. Nous appartenons à une famille et dans cette famille il y a des saints. Et ce n'est pas pour rien que l’Eglise les a sanctifiés. Si l'Eglise a dit qu'ils étaient saints, c'est pour qu'on puisse se mettre à leur école. C'est pour qu'on puisse justement s'aider d'eux, saisir qu’ils ont mieux compris la Parole de Dieu que beaucoup d'autres. C'est pour cela qu'il vaut toujours mieux lire les écrits des saints plutôt qu'autre chose.

Quand les saints sont très intelligents, qu'ils sont théologi­ ens , c'est merveilleux. Ils nous aident beaucoup parce qu'ils ont la force étonnante de la Parole de Dieu. Quand vous lisez le commen­ taire de Saint Thomas sur Saint Jean, je vous affirme que c'est quelque chose de très grand. (Il y a un inconvénient, c'est qu'il n'est pas traduit. Il reste en latin, c'est ennuyeux pour ceux qui ne le connaissent pas. On a traduit la Somme, mais pas le Commen­ taire sur Saint Jean). Et c'est pourtant là où l'on découvre le vrai théologien. C'est là qu 'on découvre celui qui n'avait pas d'autre but que de regarder la Parole de Dieu et d'en vivre. D'en vivre an profondeur. Le théologien est celui qui vit la Parole de Dieu, avec le souci d'être toujours en conformité avec la Tradi­ tion de l'Eglise : la grande Tradition. Car dans la Tradition il peut y avoir de petits courants différents. C'est normal.

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Ça n’a pas d'importance. Ce qu'il faut c’est justement essayer de pénétrer toujours plus avant, pour entrer toujours davantage dans l'intention de 1'Esprit-Saint. Le vrai théologien est toujours prêt à dire "si ce que j'ai dit est contraire à la Tradition, je m'en remets immédiatement à ce que représente 1'enseignement de l'Eglise". Il faut toujours être prêt à cela. Toutes les interprétations que nous donnons, il faut les brûler pour qu'elles soient conformes à 1’Esprit-Saint. Les brûler en ce sens qu'on ne doit pas les garder en disant "c'est cela la vérité, il n'y a que cette vérité parce que je vous affirme que c’est moi qui l'ai inventée.. . ", A ce r.ioment-là, on se met à la place des instruments de Dieu, on se met à la place du Saint-Père. On se met à la place de ceux qui sont les gardiens de la vérité et de la Parole de Dieu. Ce ne sont pas les théologiens qui ont fonction de garder la Parole de Dieu. Ce sont les saints. Ce sont eux qui sont la bonne terre. Il n'est dit nulle part "ce seront les docteurs de l'Eglise qui garderont la Parole de Dieu". Les théologiens, aujourd’hui c’est un orgueil théologique parce que justement ils veulent possé­ der la Parole de Dieu - voudraient être jugés par leurs pàl^s. Ils oublient que c’est l'Eglise qui est gardienne de la Parole de Dieu, et non pas eux. On leur demande d'être intelligents pour Dieu. On leur demande d'être des serviteurs. De travailler, de travailler le plus possible. De connaître. Ils doivent faire cela. Ils doivent piocher, enlever les cailloux, les mauvaises herbes. Ils doivent travailler très profondément et toujours avec un désir de se confor­ mer à ce que représente l'enseignement de l'Eglise. Et l'Eglise leur demande de faire de petites découvertes. C'est magnifique ! C'est merveilleux de faire de petites découvertes dans 1'Ecri­ ture. Mais ces petites découvertes doivent toujours être conformes à 1'enseignement actuel de l'Eglise. Et si l'Eglise ne les confirme pas, on peut dire "oui... je crois que c'est cela, j'espère que c'est cela. Je crois que ça va dans ce sens-là. Je ne peux pas vous en dire plus. Demandez au Saint-Esprit ‘de vous éclairer.. Je crois que l'oeuvre du serviteur est très importante. L ' exégète, le théologien est le serviteur de la Parole de Dieu. Il met toute son intelligence au service de la Parole de Dieu, en se servant de diverses méthodes. Comme je vous le disais : il y a de multiples méthodes dans l'exégèse. Je ne peux pas vous les rappeler toutes... Et puis toujours ça s'invente. Il y a trente ans, il y avait moins de méthodes que maintenant. Mais ça s'ajoute tout le temps. Dans dix ans, il y en aura encore de nouvelles. Il ne faut pas s'inquiéter, c'est normal cela. Cela fait partie d'une certaine relativité. Notre foi ne repose pâte là-dessus. Notre foi repose sur la Parole de Dieu. Elle ne repose pas sur les conclusions des exégètes. Elle repose sur la Parole de Dieu gardée dans l'Eglise par la Tradition des saints. Les méthodes exégétiques contemporaines sont oresque toutes orientées à regarder le contexte historique dans lequel telle parole est apparue. Ca c'est très net et intéressant. Mais ce n'est pas 1 ’intention de la cause principale. L’intention de la cause princi­ pale n'est pas de se conformer à la mentalité des gens dans laquelle se trouve le prophète. Le rôle de 1'Esprit-Saint n'est pas de s'adapter aux hommes. Le rôle de 1'Esprit-Saint est de faire gran­ dir les hommes jusqu'à Dieu. L'Esprit-Saint est infiniment suave, merveilleusement. Fortiter de 1’Esprit-Saint et suaviter de 1'EspritSaint . Il a une suavité merveilleuse . De temps en temps II est fort, Il est souvent très suave, donc II ne brisera pas inutilement.

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Mais 1'Esprit-Saint veut toujours que nous allions au-delà de ce que nous pensons selon nos convenances et notre culture humaines. Regardez ce qu’il dit à Abraham, c’est très significatif : "Sors de tout ce qui t'est connaturel". Voilà ce qu'il demande. La foi demande d'aller toujours au-delà de notre culture. La foi n'est jamais identique à notre culture. Jamais. Autrement ce n’est plus la foi. Abraham appartenait à une grande culture. La culture de cette époque était la plus grande culture. Sors de tout cela et va vers une terre promise. L'Esprit-Saint veut qu’Abraham, cet homme de 75 ans, qui avait quand même bien mérité d'avoir un pru de repos, se mette en route. Dieu fait de lui un nomade. Alors qu.’il appartenait à une culture profonde, Dieu veut qu'il se dépouille. ..."Sors de tout ce qui t'est connaturel". Donc il faut sortir de tout ce qui nous est connaturel pour aller vers la terre promise. C'est cela le propre de la foi. Aujour­ d’hui, je crois que la tentation la plus grande qui existe au niveau de la foi est de confondre foi et politique. (C’est la même chose par rapport à l'exégèse, les deux choses tiennent, c'est assez nor­ mal. La conception qu'on a de la Parole de Dieu dépend de la concep­ tion de notre foi. Puisque la foi et la Parole de Dieu sont relatives 11 une à 1 * autre. Et donc la conception qu'on se fait de la foi, et la conception qu'on se fait de la Parole de Dieu se tiennent). Telle est je crois la plus grande confusion aujourd'hui, qui se fait relativement à la foi : c'est de vouloir identifier la foi et la politique. On veut que tout croyant s'engage politiquement. Que tout prêtre, que tout religieux s'engage politiquement et fasse dans1 le monde une profession de foi pour tel ou tel candidat.

Voilà ce qu'on voudrait, n'est-ce-pas ? Si vous êtes attentifs, vous voyez bien que ce n'est pas précisément ce que Notre Seigneur nous dit : "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu".

Jésus n'a pas joué un râle politique. Je crois que c ' est pour cette raison qu'on l'a rejeté. Il aurait eu des hommes avec Lui s'il avait joué un rôle politique. Il aurait eu des partisans. Dàs qu'on est partisan, on a une troupe derrière soi. Jésus n'a pas voulu jouer un râle politique. Il a voulu être l'Envoyé de Dieu pour rappeler la mission divine de l'Amour. Pour faire comprendre aux hommes qu'ils étaient faits pour "être enfants de Dieu". "Mon Royaume n'est pas de ce monde".

Un rabbin que je connais bien, très intelligent, disait que pour lui c'était la parole la plus incompréhensible de toute 1'Ecriture. Il disait : "Pour nous, en tant qu'Israélites, c'est incompréhensi­ ble. Le Royaume de Dieu n'est pas de ce monde... Parce que pour nous le royaume de Dieu EST ce monde. La glaire de Dieu, c'est la gloire d'Israël. Et donc son royaume doit être de ce monde." Puis il a ajouté, en se tournant vers moi : "L'Eglise catholique commence à comprendre Et nous voyons très bien qu’aujourd'hui la théologie - et ça a commencé par 1'Allemagne depuis déjà un cer­ tain nombre d'années, et la France, du point de vue théologique, est à la remorque de l'Allemagne - nous voyons que la théologie devient une théologie politique. ..."L’Eglise catholique commence à compren­ dre1' ! Donc nous pourrons peut-être nous retrouver là. Et nous pour­ rons ensemble faire oeuvre politique, si nous avons les mêmes options. Or il semble bien que l'Eglise catholique tende vers ces options poli­ tiques qui sont à peu près les mêmes que les nôtres...

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A ce moment-là nous pourrons nous retrouver ensemble. Nous aurons la même option politique... Comme c'est significatif. Le rabbin disait cela sans méchanceté, au contraire, avec une très grande bonté. Je le recevais t moi, d'une autre manière. J ' essayais de lui faire comprendre que ce n'était pas 11 option de l'Eglise catholique, mais celle de certains théologiens qui identifiaient la foi et la prudence. Dès lors t la foi devient uniquement un enga­ gement temporel, un engagement politique. Alors que t profondément, la foi» selon toute la Tradition de l'Eglise, est premièrement une adhésion au Christ, qui est le Fils de Dieu. Le Christ n’est pas premièrement un homme politique. Jésus est avant tout l’Envoyé du Père pour nous, le Sauveur. Et notre foi nous permet d'adhérer à Lui. Que notre foi éclaire notre prudence politique, c’est bien évident ! mais pas directement. La foi est premièrement un lien avec le Christ. Vous comprenez très bien que si vous identifiez la foi et la prudence politique, si la foi devient uniquement un enga­ gement temporel, la Parole de Dieu, alors oui, c'est très simple, doit être comprise de manière diverse selon chaque époque. A telle époque le prophète demandait tel engagement politique, à une autre époque la Parole de Dieu nous engagera d’une autre manière...

Je vous donne, à titre d'exemple, pour que vous compreniez ce qui se passe aujourd'hui, la petite interprétation qui m’a été faite directement par un théologien. (Quand nous regardons l'Apocalypse, nous pouvons avoir un double regard, et je vous indique lequel nous prenons, pour que nous soyons tout à fait dans la loyauté). Il s * agissait de montrer comment l'Eglise devenait démocrate : ce que je n'aime pas du tout, du reste, comme expression c’est faux.' L'Eglise est au-delà de tous les régimes. L'Eglise est de Dieu, elle est du Christ. Elle passe à travers les hommes, elle n'est pas démocratique. Voyez c'est toujours la même chose. "... l'Eglise doit être démocratique, parce que le pouvoir vient d'en bas A la fin de la conférence, quelqu'un a levé la main demandant une petite explication : "Mais comment expliquez-vous ce passage si important dans Saint Jean où Jésus, face à Pilate, lui dit : 'Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s'il ne t'était venu d'en haut'. L’interpellé a simplement répondu : - oh cela, c'est une question d’herméneutique I - Qu’est-ce que vous voulez dire ? - Mais oui, du temps de Pilate, le pouvoir venait d’en haut, puisque c'était César. Donc il était d’en haut. Aujourd’hui, Jésus aurait dit ; ’Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s'il ne t'était venu de la base’?

Vous avez la transformation. C'est très gros, n'est-ce-pas I Je ne dis pas que l'herméneutique soit toujours cela. Mais cela a été dit par un théologien qui a fait beaucoup parler de lui, et qui a un certain impact sur tout un groupe d'étudiants. Voilà la manière d * interpréter une parole dite à telle époque, en fonction de César. Et voilà la parole telle qu'on devrait l'interpréter aujourd'hui, en fonction de notre culture. On interprète la Parole de Dieu en fonction d'une culture 1 Alors que le propre de la Parole de Dieu et le propre de la foi, c'est de nous faire dépasser la culture, de nous faire dépasser ce que représente notre conditionnement humain.

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Voyez comme c'est grave... parce que, petit à petit, on perd la foi. Cela c'est la grande tactique du démon : nous conduire au désespoir. Et faire que la Parole de Dieu ne soit plus une nourri­ ture , qu'elle devienne une parole qui ne nourrisse plus, comme le pain. Il y a des pains qui ne nourrissent plus, aujourd’hui... tandis qu'il y a encore du bon pain. On trouve encore du bon pain dans le Valais. On a du pain entier. L'autre jour, en Auvergne, il y avait du bon pain de paysan, c'était merveilleux ! On peut très bien se nourrir uniquement de ce pain-là, avec un peu de lait, mais on n'en trouve plus de ce pain... C1 est très singificatif ce qu’on voit : le pain n'est plus le pain. Il ne nourrit plus. Il a très belle apparence, c'est tout. Ce n'est plus le pain. Tout est falsifié. Et quand on falsifie la nourriture, on sait très bien à quoi ça aboutit ! On s’anémie et puis on est bon pour le cancer au bout d’un certain temps, c'est fatal. Tout cela provient de ce qu'il n'y a plus cette nourriture normale pour se fortifier.

Le démon est astucieux. Il est malin. Il roule tout le monde. I1 plus malin que les théologiens. Si les théologiens veulent unique­ ment faire quelque chose d'intelligent, ils sont battus d'avance. S'ils ont la foi, s * ils la mettent au-dessus de tout, ils ont une arme divine et le démon ne peut rien contre eux. La foi donne le sens de la Parole de Dieu. Parce qu'on sait que Dieu nous donne cette Parole pour orienter, éduquer, enseigner notre intelligence et nous permettre d’aller vers Lui. Regardez toujours l'intention de l'auteur principal. C'est très bien ces études exégétiques si on a le temps de les faire. Quelquefois ça peut être une distraction : regarder attentivement tout le contexte historique, comme un bon historien. La Parole de Dieu implique un contexte humain. Ce que Catherine de Sienne appelle "l'écorce". Elle dit : "si vous êtes intelligent, lorsque vous êtes en face d'une noix, vous ne regardez pas l'écorce, surtout si la noix est encore verte. Mordez à pleines dents dedans, vous verrez ce que ça fait ! On casse la noix pour avoir la moelle". Elle dit cela av.ec son langage à elle, mais elle saisit très bien que c'est la moelle qu'on veut: L'intention profonde de l'auteur principal. Qu'est-ce que Dieu veut me dire quand II me parle ? La Parole de Dieu n’est pas n'importe quelle parole. C'est une Parole divine. Et si Dieu me la donne, c'est pour que je la reçoive avec amour, pour que je la reçoive avec foi et que ma foi s’en nourrisse. Il faut me nourrir de la moelle. Si on ne se nourrit que de l’écorce, on n'atteint pas la Parole de Dieu, on la ramène à toutes les autres paroles. On ne regarde que 11 aspect extérieur. Je crois que c'est cela le caractère le plus subtil de la lutte du démon aujourd'hui : s’il n’y a plus la Parole de Dieu, profonde, notre foi s'anémie, et nous ne pouvons plus prêcher l'Evangile. Puisque chacun a sa conception de la Parole de Dieu, il n'y a plus cette unité ptofonde qui unit les chrétiens dans la Parole de Dieu.

Il est bon de regarder 1 * Apocalypse dans cette lumière. Et non pas d'une façon purement historique. L'Apocalypse dépasse absolument ce caractère historique. L'Apocalypse doit être vue comme une Parole divine, qui nous est donnée dans l’extase de Jean, comme une Parole qui a une intention très particulière, pour illu­ miner notre intelligence, fortifier notre espérance, et nous per­ mettre d'aimer plus.

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C’est-à-dire d’être plus unis au Mystère de l'Agneau. Il faut lire la Parole de Dieu, et donc l'Apocalypse, dans ce sens-là. C’est ainsi que nous la lirons. Je ne veux pas faire une exégèse scientifique de l’Apocalypse. Il y en a des quantités. J’ai lu le Père Allô, ne vous inquiétez pas! Mais quand on lit l'exégèse scientifique du Père Allô, par exemple, on voit que c ' est une bonne exégèse ; il rassemble des quantités d'opinions, c’est tout. Ca ne nourrit pas. C* est très intéressant du point de vue information, si on a le temps de le lire c’est parfait. Mais 1'Apocalypse n'a pas été donnée pour que les exégètes en fassent ces interprétations. Pourquoi Dieu donne-t-il cette extase de Jean ? Posez-vous la question. Quelle est 11 intention profonde de Dieu ? Donne-t-il l’Apocalypse pour qu’elle soit reçue en premier lieu par les exé­ gètes ? pour qu'elle soit la pâture des exégètes et leur permette des quantités de thèses 7 Ce n’est pas pour cela que 1'Apocalypse est donnée. Qu'il y ait cela : très bien. Je ne m'y oppose pas. Il faut bien que les étudiants aient des sujets de thèse, sinon il ne pourrait plus y avoir de docteurs ! ni de licenciés ' Il faut bien ce travail de laboratoire. Mais laissons le laboratoire.

L'Apocalypse nous est donnée pour que nous, les croyants, nous vivions, pour que nous progressions. L'Apocalypse est au-delà d’un regard historique, bien qu'elle soit historique aussi. Mais elle est transhistorique. Elle est historique comme toute Parole de'Dieu. Saint Thomas identifie le sens littéral et le sens histo­ rique. C'est très extraordinaire. Et il a raison parce que la Parole de Dieu a toujours un sens historique et jamais purement symbolique. Ce sens historique, c'est le propre du symbole divin qui regarde quelque chose de très concret. La Parole de Dieu conduit eu Mystère du Verbe devenu chair. Et le Verbe devenu chair, c'est le Mystère du Christ, historique. Et tout ce que Jésus a fait est historique. Il est bien évident que la Parole de Dieu, et surtout l'apocalypse, a un sens qui dépasse le sens historique. Jean n'a pas fait un livre d'histoire. Il n’a pas voulu raconter une période de l'Eglise. L'Apocalypse est vraie pour toute la durée de l'Eglise. Elle était vraie au moment où Jean 1'écrivait. Elle était vraie au moment des Pères de l'Eglise. Elle était vraie au moment où vivait S. Thomas. Elle était vraie au ITème siècle. Elle est vraie aujourd'hui. J’allais dire î elle est de plus en plus vraie. Je crois qu'on a le droit de dire qu'elle est encore beaucoup plus vraie pour nous maintenant que pour le Moyen Age. Et pourtant le Moyen Age la considérait comme vraie. Cela est propre à la Parole de Dieu. Mais un historien ne peut pas le faire. Il peut raconter des choses très intéressantes sur une période donnée. Il peut raconter avec beaucoup d'art, et d'une certaine manière, telle histoire du 12ème siècle peut éclairer ca qui se passe maintenant. Ce qui s'est passé du temps de S.Irénée peut très bien nous éclairer sur ce qui se passe actuellement. On peut dire qu’il y a eu une gnose et que nous avons une nouvelle gnose. Très très bien tout cela : C'est vrai,. partiellement. Ce n’est pas entièrement vrai. Parce que l'histoire du Moyen Age n'est pas notre histoire. L'histoire qui s'est passée du temps de 5.1 rénée n'est pas ce qui se passe maintenant. Donc ce n'est que partiellement vrai. Il y a quelque chose dans notre monde d'aujourd'hui, à notre époque, qui est unique. Quelque chose que nous devons vivre et que nous devons essayer de comprendre.

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L'Apocalypse reste vrais pour toute l'histoire de l'Eglise. C'est cela qui est extraordinaire. C'est pour cela qu'il ne faut pas annexer l'Apocalypse au temps de Néron. On dit que c'est pour les grandes persécutions du temps de Néron que Jean a écrit cela. Oui, c'est vrai. Mais c'est encore beaucoup plus vrai pour nous main­ tenant i L'Apocalypse n'est pas passée. L'Eglise ne nous a pas dit : "Maintenant nous sommes à un temps post-apocalyptique". Non, au con­ traire, le Saint-Père a dit : "Nous vivons les tremblements apoca­ lyptiques". Ce qui prouve que le Saint-Père trouve que nous vivons quelque chose qui est assez mouvementé et assez secoué et que la lutte est suffisamment grande pour nous demander si ce ne sont pas les dernières luttes. Ce qui est possible. Donc il faut bien saisir ce regard sur 1 * Apocalypse. Ce n'est pas commode. Seul le croyant peut 1'avoir. Quelqu'un qui n'a pas la foi et qui lit l'Apocalypse trouve cela merveilleux du point de vue symbolique. C'est d'une richesse symbolique extraordi­ naire. Pour le croyant c ' est quelquefois un peu encombrant. Il y a tellement de symbolismes qu'on voudrait tout comprendre. Non. Ne cherchez surtout pas à tout comprendre dans l'Apocalypse. Relisez-la indéfiniment. Si vous avez quelques petites lumières, c ' est merveilleux. C'est ce qu'on essaiera de faire pendant la retraite : avoir quelques petites lumières, en suppliant le Saint-Esprit de nous les donner. Mais il ne faut surtout pas tout comprendre : "Maintenant j'ai compris l'Apocalypse". Non. Nous sommes toujours à gratter la 'terre pour que jaillisse la source. Voyez ce que la Très Sainte Vierge demandait à Bernadette : "grattez la terre pour que la source j aillisse ''. Eh bien, c'est cela que nous faisons î Nous grattons la terre pour essayer d'entrer dans la grande intention de Dieu et de saisir ce qui nous est donné.

C'est pourquoi nous ne pouvons pas non plus expliquer l'Apocalypse en regardant les apocalypses de 1'Ancien Testament. Cela aussi c'est une petite manie exégétique. C'est très normal du point de vue méthode scientifique : vouloir comprendre le Nouveau Testament en fonction de l'Ancien. Mais ça va très loin. Je me sou­ viens d'un professeur illustre (que je ne nomme pas par charité) qui disait au cours d'une conférence î "Vous ne comprenez rien à l'An­ cien Testament si vous ne connaissez pas l'hébreu. Vous ne comprenez rien au Nouveau Testament si vous ne connaissez pas l'Ancien". 11 restait que la plupart des étudiants qui se t rouvaient là n' avaient rien compris du tout...

Pour l'Ancien Testament, il faut connaître l'hébreu, c'est évident. Et avec l'hébreu, toute 11 histoire. Et toute l'archéologie. Il faut connaître tout cela ; Et si vous ne connaissez pas l'A.T. vous ne pouvez rien comprendre au Nouveau. Pauvres de nous ! Pourquoi 1'Eglise nous dit-elle de regarder un tout petit peu 1'Ecri­ ture et de lire 1'Evangile ? Heureusement que dans le fond de la classe il y avait un dénommé Père Dreyfus, converti en captivité, qui s'était fait dominicain, et qui lisait l'hébreu couramment. Il a levé la main : "C'est très bien ce que vous dites. Mais comment se fait-il que quantités de gens qui savent 1'hébreu ne croient pas dans le Christ ? Vous ne pouvez pas répandre en disant 'il faut ex­ pliquer le Nouveau Testament par 11 Ancien ... 1.(La question était très bien posée. Toute la conférence était démolie.)

dO - Ah, évidemment, notre foi repose dans le Christ, elle vient direc­ tement du Christ”. Le Père Dreyfus a continué : "Par le fait infinie, 1'Ancien Testament s'explique par le Nouveau. Puisque c'est le Christ qui nous donne la pleine lumière, c'est le Christ qui est le terme,”

C'est vrai» la lumière du monde c'est le Christ, Et pour nous 1'Ancien Testament n'a de signification que par rapport au Nouveau. C'est dans la lumière de l'Evangile, et de l'Evangile de Saint Jean, que nous devons comprendre 1'Ancien Testament, et pas autrement. Autrement nous faisans oeuvre historique. Mais pas oeuvre de croyant. C'est bien évident que 1'Ancien Testament peut nous apporter beaucoup. Mais aucun principe. Tout est repris dans le Mystère du Christ, tout est repris dans le Mystère de 1 * Immaculée Conception. Tout est repris radicalement. C'est dans la lumière du Christ que nous devons tout comprendre.

Vous savez ce qui s'était passé à Paris, il y a quelques années, et qui pourrait se reproduire maintenant, du reste. Mais maintenant ça se dirait moins. Ils'agissait de quelqu'un qui était très très pris par tout le point de vue de l'exégèse contemporaine, qui était l'aumônier des étudiants et qui leur avait dit : "Le Christ que 1'Eglise nous présente maintenant, est-ce que c'est vraiment le Christ ? Le Christ des Evangiles, pour bien le comprendre: il faut regarder tout l'Ancien Testament. Alors mettez entre paren­ thèses votre foi dans le Christ, puis nous allons recommencer ensem­ ble une étude sérieuse, exégétique, de tout le peuple d'Israël. Et puis nous verrons si nous pouvons accepter le Christ tel qu'Il nous est présenté dans le Nouveau Testament". Ce qui s'est passé, c'est qu'au bout d'un certain temps, il a dit : "Non, je rejette ce Christ-là..'.' et puis il a rejeté même l'Ancien Testament, il n'y croyait plus. Il a adhéré au marxisme et beaucoup d'étudiants l'ont suivi.

On n'a jamais le droit de mettre entre parenthèses notre foi chrétienne. On h'en n'a jamais le droit. Notre foi chrétienne c'est le Christ qui est notre Lumière. Elle est au-delà de tous les écrits. Le Christ est une personne vivante. Et notre foi se définit en fonc­ tion du Christ. Notre foi c'est le Christ. Alors le Christ nous a donné les Evangiles. Et ces Evangiles sont gardés à travers le Christ, à travers toute la doctrine et tout ce qui est impliqué dedans. Mais c'est le Christ qui est notre Lumière. Et à travers Lui et par Lui, tout l'Ancien Testament prend sa signification.

La lumière de l'Apocalypse c'est justement le Mystère du Christ, qui est la grande Lumière. Et toutes les apocalypses de l'Ancien Testament conduisent à 1'Apocalypse, mais elles ne nous la font pas com­ prendre. C'est l'Apocalypse qui nous fait comprendre toutes les apo­ calypses de l'Ancien Testament. Dans l'Ancien Testament il peut y avoir des phrases très éclairantes : dans Ezéchiel, dans Daniel. Mais c'est beaucoup moins lumineux que ce qui nous est donné dans 1'Apocalypse, où nous saisissons la présence de Jésus. Et c'est la présence du Christ qui donne toute sa Lumière à 1'Apocalypse. Ce ne sont pas les apocalypses de l'Ancien Testament.

41 Du point de vue du sytle, c’est intéressant de retrouver les mêmes formules, c'est très curieux. Après tout, c’est du même auteur : le Saint-Esprit. Et le Saint-Esprit signe à sa manière, toujours la même. Et l'on voit très bien les choses qui sont du Saint-Esprit et celles qui ne sont pas de Lui. Le Saint-Esprit a signé ! Alors on comprend. Il y a un style que le Saint-Esprit nous a donné, le style apocalyptique. Mais ne nous arrêtons pas au style, comprenons l’intention profonde du Saint-Esprit qui se sert de ce style apocalyptique pour éclairer notre foi, fortifier notre espé­ rance et nous permettre d'entrer pleinement dans son intention. C’est comme cala que nous devons comprendre ce point de départ de l'Apocalypse :

"Révélation de Jésus-Christ que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves ce qui doit arriver bien vite. Et qu'il a signifiée par l'envoi de son ange, à son esclave Jean - esclave dans le sens de disciple, dans le sens de celui qui est en dépendance lequel a attesté la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ, en tout ce qu'il a vu." "Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de cette prophétie et gardent ce qui s'y trouve écrit car le temps est proche I" Nous allons recevoir une révélation, Le Prologue est très impartant, car il nous fait comprendre qu'il s’agit d'une révélation Si c'ast une révélation, c'est Dieu qui nous ouvre un mystère, qui nous est donné gratuitement. Donc, au-delà de tout ce que nous pouvons comprendre par nos propres efforts humains, nous devons pénétrer dans ce mystère.

* * * (fin de la 3ème conférence) 1er jour

2.

• *-* celle qui commande le point de vue de toutes les autres, de toute l'éco­ nomie divine, il faut la retrouver au terme. Qu'y a-t-il au terne de l'Apoca­ lypse, chapitre 21 ?

" Et je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s'en étaient allés et la mer n'est plus. Et je vis la ville, la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel d’auprès de Dieu?.

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Elle descendait du ciel d'auprès de Dieu: la naissance de l’Eglise à la croix. C'est la grande vision de Saint Augustin dans la perspective de Saint Jean. L'Eglise est née à la croix. Elle est née de la "blessure du coeur de Jésus. Canne la première femme est née de la côte de l'homme. Dans la vision de 1*Ecri­ ture il y a un lien entre les deux et nous le retrouvons ici. Ce n'est plus le calvaire, c'est la consommation dernière de tout. L'Eglise éternellement est celle qui nait de la victoire du Christ, La victoire du cheval blanc. '' Et je vis la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel,d*auprès de Dieu, prête corne une épousée parée pour son mari. Et j'enten­ dis , venant du trône, une voix forte qui disait: voici le séjour de Dieu avec les homes. Il séjournera avec eux et eux seront son peuple. Et Dieu lui-même sera avec eux. Et il essuiera toutes larmes de leurs yeux, et la mort ne sera plus: ni deuil, ni cri, ni douleur no seront plus car les premières choses s’en sont allées.'' ( 21, 1-4 )

Les premières choses ce sont les souffrances et nous sonnes, chassés du Paradis terrestre, dans cette vallée de lames. La mort du Christ n'a pas supprimé ces douleurs et ces luttes. Elle les a accentuées. Depuis la mort du Christ il y a plus de souffrances dans le monde qu’avant. Cela donne de la peine de comprendre cela, nais nous devons le dire si nous sommes vraiment chrétiens, et nous devons le regarder, puisque la mort du Christ a été source d'autres mort: La mort du Christ a été source de la blessure du coeur de Marie., L'agonie du Christ a été source de toutes les autres agonies. Il y avait des souffrances avant, mis à partir de la mort du Christ, il y a eu corne un paroxysme de luttes. Puisque nous vivons au niveau de Sa croix. Le démon n'a pus désarmé; puisqu'on lui laisse encore un temps. Et Jésus laisse encore un temps. H aurait pu faire que la fin du monde se réalisât à la Croix. Et l'humanité aurait pu monter avec le Christ au ciel. Non... Il y a un temps après la croix du Christ. En temps de miséricorde. C'est un temps de miséricorde pour les amis, pour les élus, au sens de l’Ecriture. C'est un temps de miséricorde pour que le mystère de 1a croix soit pleinement partagé par les hommes. Pour que nous soyons liés au mystère de la croix et au mystère de la Compassion de Marie. Et pour que toute l'Eglise n'ait pus d'autre sens que d'être celle qui est associée intimement au mystère de la Croix.

Si à la Croix et à la Résurrection du Christ toute l'humanité était entrée dans le ciel, elle n'aurait pas été associée à la Croix, sauf Marie. Et Jésus aurait très bien pu faire que Marie n'y soit pas associée. Il aurait pu. être seul et mourir au milieu de gens qui ne comprenaient rien du tout. H a voulu qu'il y ait Marie, Jean et les Saintes Femmes. Et, à travers Marie, Jean et les Saintes Femmes, toute l’Eglise, tous les saints, et tous ceux qui sont' de la race de la femme. Cela c'est la surabondance de l'amour. Parce que la croix du Christ suffi" à tout. Si la croix du Christ était uniquement un geste de justice, Marie n'aurai pas compati. Mais parce qu'elle est un mystère d'amour, il y a surabondance. Il faut toujours bien comprendre cela: il n'y a pas de surabondance de justice, ( j'allais dire.heureusement), il n'y a qu'une surabondance d-amour. Et c'est parce que le mystère de la croix est un mystère d'amour qu'il y a cette surabon­ dance sur Marie, sur Jean, sur les Saintes Fermes, sur toute l'Eglise. Jésus l'a voulu. Le Père a voulu que le mystère de la croix soit participé en Marie, par Marie et donc par l'Eglise et dons l'Eglise. Il a voulu que nous ne soyons pas seulement des enfants rachetés, mais des omis, des épouses. Et l'ami et l'épouse font la même oeuvre. Donc l'Eglise doit faire la même oeuvre que le Christ, donc sauver le monde prr la croix. Il n'y a pas d'autre moyen.

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Des quantités de gens d1Eglise, des quantités de centres du Christ sont distraits et essaient de sauver le monde autrement, d'être plus intelligents que le Christ. A ce moment là, ils ne sont plus chrétiens, même si, extérieure­ ment ils le paraissent encore. Force qu’ils cherchent un autre moyen que celui que la Sagesse de Dieu a déterminé. C’est très exigeant d’être chrétien. On comprend très bien que plus le mystère de la croix s’implante dans 1’Eglise, plus nombreux sont ceux qui disent î oh non, c’est suffisant, je vais m’arrêter. Elie a eu cette tentation. A un moment donné il a dit que c’était trop fort: ” Tout le Fronde me persécute, on n’en veut à mort. On va me tuer. Alors, Dieu Tout Puissant, Seigneur, viens me chercher.*’ C'est normal qu’un apôtre, qu’un chrétien ait cette tentation. En disant; c’est suffisant... Venez me chercher à la fin de la retraite... Je suis prêtl Si à'la fin de la retraite tout le monde partait au ciel, ça donnerait un énorme rayonnement à Poissy, n'est ce pas?

Faire Pio faisait des choses com-.e cela. Quand on allait le voir, et qu'on était dans une situation impossible, que se passait-il? Padre Pio vous expédiait au ciel. Je vous affirme que c'était comme cela. Quelqu'un m'a raconté l'histoire que voici: il se trouvait dans une situation difficile, impossible. Il n'avait pas tellement envie de voir Padre Pio. Il attendait pendant que quelqu’un se confessait. Ca durait assez longtemps. Tout à coup il entend des gémissements; il se dit: ” il a la contrition parfaite..." Et la contrition parfaite était tellement forte que, clac... le pénitent tombe. Personne n'a. bougé. Le Padre Pio l'avait expédié au ciel! Cu arrivait de temps en temps . Si on a le pouvoir d'expédier au ciel après cinq jours de préparation, ça vaut mieux que le purgatoire... Mous sonnes tous dans des situations impos­ sibles, du point de vue chrétien. Et l’on comprend que de temps en temps l’on on ait assez et qu'on dise: " Seigneur, viens me chercher", ’iais, la réponse de Dieu, vous la connaissez bien: le pain apporté par les corbeaux. Et Eliese net à prendre ce pain et il peut continuer an route. C'est l'histoire de 1'Eglise.C'est notre histoire. Et c'est ce que Dieu nous demande: accepter de continuer la route jusqu'au bout, même si quelquefois on a l'impression que c'est impossible, que c’est sans issue, qu'on ne voit plus rien du tout. Cn ce trouve dans la. situation limite que les philosophes d'aujourd’hui voient avec beaucoup d’acuité: Le conditionnement devient tellement pesant qu'on ne voit plus la finalité. C'est la situation IL'iite, On est comme aveu­ glé. On ne voit plus rien du tout. Mors il faut comprendre que c’est normal. Jésus a connu cette situation limite à la croix et l'a dépassée. C'est sa victoire. L'EglJsc est associée aux mêmes mystères que le Christ. L'Eglise, c'est le lieu de la plus grande lutte. Quand vous Ôtes en lutte, dites-vous bien que vous êtes d'Eglise, que c'est la lutte de la croix qui continue dans l'Eglise. Et plus on est uni au Christ, plus la lutte de la Croix est forte. Bien sûr elle prend des modalités différentes suivant qu'on est chargé de garder la doctrine, qu'on est apôtre ou théologien, ou mère de lie, et ainsi de suite... Voyez les attaques du démon par rapport à la famille, aujourd'hui... la volonté de détruire... Co:ï,;e c’est difficile de maintenir une famille chré­ tienne aujourd'hui! Corme c'est difficile de naintenir une doctrine saine, qui ne soit pas fermée: on est quelquefois tenté de revenir en arrière. Non. On ne peut jamais revenir en, arrière. Ce ne serait pas vrai. Il faut toujours continuer sa route. Tout le temps. Dieu no boude jamais. Même quand las hommes

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se sont troupes. Dieu ne boude jamais. C'est très net: dans l'Ancien Testament nous le voyons constamment. Et Dieu se sert même des bêtises des hcrm.es pour donner une miséricorde plus grande . On doit toujours avancer, toujours aller plus loin. Alors c'est important de voir coi.iment, au chapitre 21, tout s'achève dans la victoire du Christ. Nous devons dire que ce premier sceau c’est la victoire du Christ. Notre espérance chrétienne se fonde sur ce premier sceau. Les volontés de Dieu ce sont des volontés d'amour , nais, de temps en temps elles prennent des modalités que nous ne comprenons pas très bien. La volonté d'amour du Père sur Jésus à la Croix, c’est incompréhensible pour le coeur maternel de Marie. C'est incompréhensible pour son intelligence, c'est un scandale, une folie. Voilà ce que dit Saint Faul, en parlant de la croix. Et la croix aurait été pour Marie, scandale, folie, si marie n'avait pus été entièrement sous la mouvance de l’Esprit-Saint. La Croix aurait été pour elle un scandale, c'est à dire quelque chose ou'elle ni pouvait pas accepter. Un scandale, ça vous arrête, c'est un mur qu'on ne peut pas dépasser. Une folie ... à 3? ans, avec toutes les capacités qu’a Jésus, toutes ses possibilités... Trois ans seulement de vie apostolique... Quand un jeune prêtre meurt au bout de trois ans, on dit:"ah! c'est dormage.. Il avait de telles possibilités...” Et quand il s'agit de Jésus !

Quand on regarde de près, quand on essaie de coj^ircndre un tout petit peu l'économie divine, la manière dont le Père a trai-ré son fils, avec un amour extraordinaire, comme c'est difficile ? comprendre pour nous, quand on regarde les apparences. De la manière dont il traite son Fils, il traite l'Eglise, si elle veut être pleinement du Christ,

L'Eglise ce n'est pas du tout l'armée qui passe sous l’Arc de Triomphe le 14 juillet. Cette vision de l'Eglise est tout à fait fausse.L'Eglise est en pleine lutte. Elle vit le mystère de la Croix. Et plus l'Eglise est vivante, plus le mystère de la Croix s'étend. Et plus les chrétiens ont peur, plus les chrétiens s'en écartent. Mais lç Croix s'étend pour que la victoire du Christ s'étende dons la même me sure../Ainsi nous comprenons que la première décision de Dieu c'est le grand mystère de la victoire du Christ. Marie a compris cette volonté du Père à; la Croix. Au-delà de lu folie ot du scandale, Marie a compris que la volonté du Père était Sagesse d'Amour, était Lumière d'Amour. Il y avait un amour unique du Père pour son Fils en lui demandant de sauver 1'huaanité» Et en lui der.'iandant de proclamer, aux yeux de tous, que l'amour qu'il avait pour lui était tout. L'amour est plus fort que la mort. Il n'y a que Dieu qui puisse faire comprendre cela. L'amour est plus fort que la mort. Et pour exprimer d'une façon visible que l'amour est plus fort que la mort, il fallait que Jésus lui-même acceptât la mort. Jésus a absorbé la mort; il l'a transformée par l'amour, il lui a donné une nouvelle signification grâce à l'amour. C'est le grand mystère de la victoire du Christ. Le grand mystère de la Croix, symbo­ lisé par le premier sceau. Si nous sommes vraiment un tout petit peu lucides vis à vis de la conduite de Dieu sur nous, il faut tout le tenps t-pvenir au. mystère de la Croix. C'est très dur et pas commode. C’est évident que le mystère de la Croix n'est jamais drôle. Pour notre sensibilité et pour notre intelligence c'est toujours un scandale, une folie. Et à ce moment-là il faut faire cet acte de foi, cet acte d'amour de Marie, Deuxième Sceau. " Et 1'orsque 1'agneau ouvrit le deuxième sceau, j'entendis le deuxième vivant qui disait: viens".

Il faut répéter chaque fois à Jean de venir..

On a envie de s'écarter.

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Ce n'est pas commode... Il ne faut pas ôtre trop près... " Viens.,." C’est Jésus qui nous invite à nous approcher de lui. C’est la taille du Père pour nous rapprocher du tronc,

" Sortit un autre

cheval rouvre feu..."

Celui-là a quelque chose de très spécial, il est rouge feu. Et je vous le disais hier, si nous soucies attentifs à cette couleur rouge feu, nous la retrouvons au chapitre 12: le grand signe dans le ciel, lo dragon rouge feu. Rouge feu, c'est la couleur de la colère. Blanc, c'est la couleur sacerdotale. C'est la couleur de l'amour de celui qui se donne totalement et qui sauve. La couleur victorieuse. C'est pour cela que c’est la synthèse de toutes les cou­ leurs. C'est l'au-delà dos couleurs, c*est la plénitude, c'est la lumière. Le blanc symbolise la lumière. Tondis eu'ici, rouge feu, c'est la colère . Et "c'est pourtant le cheval. C'est curieux. Ne disons pas que c'est le dragon, faisons attention. Il a la couleur du dragon. Fiais ce n'est pas lo dragon, c'est le cheval. C'est tout à fait autre chose. Essayons de comprendre ce symbolisme:

" Un autre cheval rouge feu, et à celui qui le montait, il lui fut donné d’Ster la paix de la terre et de faire qu'on s'égorgeât les uns les autres. Il lui fut donné un grand glaive ( 6, 4 ) Alors? Est-co que ce sont des permissions de Dieu ou des volontés de Dieu? Vous savez bien qu'il faut toujours discerner les deux. Si ncus sommes dans le mystère des symbolismes des sceaux, ncus sor.es on face des volontés de Dieu, Hais est-ce que la grande volonté première de Dieu, symbolisée par le cheval, permet les autres permissions de Dieu? Il y a là un grand point d'interrogation, très important pour l'interprétation. Essayons de comprendre un peu: Je crois qu'il faut considérer là les trois chevaux ensemble: le cheval rouge feu, le noir et le verdâtre. Le cheval noir, nous l'avons vu hier, montait une balance: c'est la fouine. Le cheval rouge feu, c'est la guerre. Tuer par l'épéo, c'est la guerre. Et puis le cheval verdâtre - ce n1 est pas drôle le verdâtre... c'est quelque chose d'assez affolant, un cheval verdâtre - Il n'y a pas d'autre couleur verdâtre dans l'Apocalypse. Le noir c'est évidemment l'antithèse du blanc. On le comprend très bien. Blanc c'ost la surabondance puisque c'est la qualité de l'amour. Tandis que le noir, c'cst la famine. Et verditre, c'cst la peste. C'est la corruption de l'intérieur, le cancer. Le cancer, c'est la peste moderne. La peste, maintenant, elle o.~t devenue le cancer. Cola s’est intériorisé, tout simplement. Tout s'intériorise, de plus on plus dans l'immanence. Les choses qui ■étaient extérieures auparavant, deviennent de plus en plus intérieures. C'est la tactique du démon. Il se cache. Dans la peste on voyait encore quelque chose, nais maintenant c'est la corruption de l'intérieur. C'est la désagrégation totale qui, du dedans, lutte contre le vivant, et fait que petit à petit le vivant meurt, disparait. C'est "aur cela que c'est verdâtre. C'est la corruption intérieure.

" Et celui qui le montait s'appelait la peste", l'Adès. C'est 1s symbolisme de la peste. Nous sortes dons un langage symbolique, la, guerre, au point de départ, est symbolisée par l'épée. C’est propre de mourir par l'épée.

Je me trouvais à Bethléem pour prôcher, peu après la guerre des six jours. J'étais à 1'Hôpital, dit français, de Bethléem, tenu par les Filles de

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la Charité et la Supérieure était une Fille de la Charité de l'ancien temps. Quelqu'un de bien! Fille de général, elle avait quelque chose d'extraordinaire ­ ment net, précis. Nous avions des ru.-.is coæuns et on m'avait dit, - allez lui dire bonjour. Alors je lui dis: Et la êuerre, comment ça s'est passé?- Ca n'a pas été très drôle, â l'hôpital d'enfants, nous avons eu sept bombes... Quand Israël est arrivé, quand l'armée est venue, j'ai bien vu qu'on voulait prendre aa voix. On a'a dit : - alors, ma Hère, alors, vous êtes contente... c:est paisible... qu'est-ce que vous dites ? * Je n'ai qu'une seule chose à dire: A l'hôpital d'enfants, nous avons eu sept bombes, qui venaient d'Israël," Puis elle m'a dit: - A ce moment-là ma voix n'est pas passée sur lesondes. C'est bien évident, ça s’est arrêté. Au reste, il faut bien le dire, ça n'aurait pas été très drôle si les Arabes avaient été victorieux parce que les fanatiques disaient : le samedi Israël à la mer et le dimanche les chrétiens au poteau... Donc on était pris entre les deux , il faut bien le voir". Elle a ajouté: " Je reste liée à. la. Palestine parce quo nous avens été reçues ici et que tout s'est fait là. Et je considère que nvus sonnes envahis. Je ne considère pas du tout que nous sommes un pays conquis. Et je voulais faire sentir que nous étions envahis. Vous voyez les difficultés du point de vue politique..." Et elle a jouté ce petit détail charmant, quand on le regarde avec un peu de recul: " Came cet hôpital est en plein milieu r:usulr.an à Bethléem, les musulmans, qui sont très mis de l'hôpital , étaient venus dire à la Mère Supé­ rieure : - Md Mère, ne vous inquiétez pas. Ils ont dit: les chrétiens au poteau, mais nous serons là. Parce que nous sommes vos amis, nous savons très bien tout ce que vous avez fait pour nous. Alors, ma Mère, comptez sur notre parole. Nous tuerons toutes vos soeurs, mais ncus le ferons proprement." C'était visible: par l'épée.

Tuer proprement par l'épée, le combat chevaleresque, ça peut encore aller... Aujourd'hui, l'épée, on voit bien ce que ça veut dire. La guerre, on voit bien ce que ça veut dire. Voyez, tout s'est intériorisé. La lutte devient de plus en plus une lutte au niveau de l'esprit aujourd'hui. C'est comme cela qu'il faut comprendre la guerre subversive. C'est une lutte d'esprit. Ce n'est plus l'épée.Peut-être qu'à un moment donné il y aura encore l'épée, c'est pos­ sible. Mais, de fait, ce que nous vivons actuellement, c'est la lutte d'esprit. Mais c'est toujours la guerre.

Voyons le symbolisme de la fat.ine.La famine joue un très grand rôle dons tout l'Ancien Testament. La Domine en Chanaan. Je pense à la grande famine qui a exigé de Jacob d'abandonner le Benjamin pour qu'il aille chercher le froment en Egypte. La famine c'u-st l'infécondité. L'homme travaille et il n'y a pas de fruit, L'home dans son travail désire, l'efficacité. Le travail demande l'effi­ cacité. La fnaine c'cct aussi la stérilité qui a toujours été considérée comme une malédiction. La famine, la stérilité, ça va ensemble tout cela. C'est très mystérieux de voir cela. Est-ce que ce sont des volontés de Die ou des perr.iissions de. Dieu? Est-ce que le symbolisme de ces trois: cheval rouge, cheval noir, cheval verdâtre, est-ce que ce sent des volontés de Dieu ou des permissions de Dieu?

Vous voyez bien la différence: les permissions de Dieu c'est lorsque Dieu permet au démon d'agir.Et les volontés de Dieu, c'est lorsqu'il y a une volonté expresse de Dieu. Les deux choses peuvent aller ensemble et c'est ce qui, je crois, existe ici. Dieu peut permettre au démon d'agir. Il laisse au prince de ce monde des possibilités d'agir. Cette permission de Dieu est, du côté de Die

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une volonté, math c'est une perMission en ce sens que ce n'ost pas Dieu qui directement fait le nul. C'est le dénon qui fait le cal. Donc, c'est la volonté de Dieu qui implique une permission à l'égard du démon.

Je crois que c'est ainsi que nous devons essayer de comprendre co qui nous est donné ici. Mous savons que le Christ, à la croix, aurait pu nous rétablir tous au paradis terrestre. Il aurait pu nous remettre dans l'Eden. La croix est assez puissante pour nous remettre on état de justice première. C'est peut-être cette volonté d'amour du Christ pour nous exprimée dans l'agonie par les paroles " Ecarte ce calice..." Ce n'est pus le calice par rapport à Lui... C'est le calice par rapport à nous... " riais non ta volonté",.. La volonté du Père c'est que nous ne retournons pas au Paradis terrestre à partir de la mort du Christ, mais que nous soyons engagés, à la suite du Christ, dans le grand combat» Et que nous soyons engagés totalement, si nous voulons être vraiment chrétiens.

De sorte que nous disons, au plan théologique, une chose que nous avons beaucoup de peine aujourd'hui à comprendre: l'Apocalypse est là pour nous le rappeler; nous disons que nous sommes tous nés dans le péché originel, et nous devons le dire; nous n'avons pas le droit de le taire. Quand on ne le dit plus, il y a quelque chose qui manque et on ne comprend plus le reste. Nous sommes tous nés dans le péché originel, Ca fait partie de la Tradition de 1'Eglise et ça a été défini par le Concile de Trente. Nous sommes tous nés dans le péché originel. La grâce du Christ nous sauve, mais elle n'ôte pas les conséquences du péché, et laisse les infiltrations du démon en nous. Si nous sommes nés dans le péché, nous sommes donc nés dans un état d'appartenance au démon. C'est cela le mystère du péché originel. Mystère difficile à accepter, pas commode à bien saisir. Le " pourquoi divin" de cette réalité, nous ne pouvons la comprendre qu'à partir du mystère de la Croix et je dirai même dans le lumière du mystère de 11 Immaculée Conception. Au fond, c'est Marie qui nous donne la réponse à ce " pourquoi sommes-nous dans le péché originel ?" Parce eue Dieu veut que, ce ' soit nar Marie cue nous netrouvio.ns_ un coeur immaculé. Nous comprendrons tout cela dans le ciel. Ici, sur terre, nous commençons un tout petit peu à le saisir. Et je crois que c'est pour cela que le Mystère de l'immaculée Conception nous a été révélé; comme l'annonce de très, très grandes luttes, pour que nous comprenions mieux. C'est le " signe dans le ciel", 1' Immaculée Conception,

Pin de la 1 Cène conférence 4ème jour.

1J0 11ène conférence 4ème jour

La victoire du Christ aurait pu nous réintroduire au Paradis terrestre. Et donc la victoire du Christ aurait pu, non seulement sauver notre âne, mai? prendre toute notre humanité, toute notre sensibilité, et nous remettre dans le ciel. Or Dieu veut que nous soyons sauvés par le Christ, dans le Christ, que la faute soit effacée, mais que les conséquences du péché demeurent.

Et vous savez que certains illuminés du 12° siècle disaient que les conséquences du péché originel, chez ceux qui avaient atteint un certain niveau spirituel, tombaient. Alors ils devenaient impeccables. Et l’Eglise les a condamnés. L'Eglise a dit que jusqu’au bout nous étions dans la lutte, même si nous avions de très grandes grâces. Il n'y a que Harie qui soit immaculée. Il n’y a que Marie qui n’ait pas péché, riais pour nous, jusqu'au bout, les conséquences du péché demeureront. Et ce sont justement les trois concupiscences dont parle la 1ère Epitre de St, Jean: la concupiscence des yeux, la concupiscence de la vie, la concupiscence de la chair. Et ces trois concupiscences sont présentes en nous, de sorte qu’il y a en nous, toujours, un terrain volcanique. Et de temps en temps les culasses se rallument. Kême si nous avons lutté beaucoup sur certains points, orgueil, vanité, concupiscence de la chair, ça peut se réveil­ ler. Personne d'entre nous ne peut dire: Ah, je suis tranquille dans ce domaine là... je suis arrivé à un haut plateau... Pas du tout... Si vous dites cela, c'est un manque de réalisme complet. Ca prouve que vous n'avez pas compris. Mais vous pouvez dire: je lutte, et grâce au Christ, je suis victorieux, et je sais que je lutterai jusqu'au bout. À moins que vous ne mourriez, alors on peut arriver à vivre sans vivre; à ce moment là il n'y a plus de vie, donc plus de concupiscence, liais si l'on continue de vivre, il y a nécessairement une lutte. C’est ce qui est exprimé ici. Ce sont les trois concupiscences que Dieu permet. Et Dieu veut qu'elles demeurent. C’est sa permission et sa volonté.

A cause des trois concupiscences, nécessairement dans l'humanité, il y aura toujours.la guerre. Jusqu'au bout. C'est impossible autrement.Le ciel ne sera pas sur la terre. Il y aura toujours la guerre. On doit tout faire pour que la guerre n’existe pas, c'est évident, mais on sait que la guerre aura lieu. On sait qu'il y aura toujours la famine.Pas seulement la famine au niveau des céréales et de l'huile, mais la famine au sens beaucoup plus profond: la famine spirituelle, la famine intellectuelle, la famine de ceux qui ne peuvent plus être éduqués chrétiennement. Quand vous pensez à tous les pays qui sont sous l’emprise d’idéologies entièrement athées, vous ne croyez pas qu'il y a la famine? Il y a une famine terrible, parce qu'il n'y a plus d'enseignement chrétien. Il y a famine parce que la Parole de Dieu n'est plus communiquée. Il y a famine parce que 1 'Eucharistie n'est plus donnée... Il y a une famine terrible et elle demeure

Vous voyez là encore comme c'est intériorisé. On lutte contre les famines ( par exemple dans certains pays d'Afrique) on fait ce qu'on peut. Et la faoine continue. Parce que la famine, on peut l'exploiter. Il y a des gens qui l'exploitent. Fatalement. Il y a des complicités avec le démon. On exploite la famine au niveau matériel comme au niveau spirituel. Ensuite il vient le cheval verdâtre, symbolisant cet aspect terrible de la décomposition, de la destruction intérieure. J'allais presque dire de l'angoisse. Parce que l'angoisse c'est coince l'intériorisation du cancer.

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Psychiquement, l'angoisse, c'est le cancer. C'est quelque chose qui nous saisit, qui nous prend, et qu’on ne sait plus par où prendre, car il y a des adhérences partout. L'angoisse est différente de la peur. On a peur du gros chien, nais quand il s'agit de l'angoisse, il n'y a plus d’objet, il n'y a plus rien du tout. C'est quelque chose qui nous saisit. Le cheval verdâtre représente celui qui est angoissé. Vous voyez comme Dieu permet qu'il y ait ce terrain, ce sable mouvant. Nous sommes dedans et pour chacun d'entre nous, il y a la victoire du Christ. Le premier sceau est présent* Ensuite le second sceau est présent» Personne d'entre nous n’ose dî-rp qu'il est totalement en paix. Il y a toujours de petites guerres intestines. Chacun d'entre nous a des ennemis qui de temps en temps désirent nous prendre au tournant. Pour nous et pour ceux qui sont proches de nous, il y a les fam-inen. Même si nous sommes dans les gras pâturages pendant la retraite, on sait très bien que la famine reviendra après. Et elle peut revenir au galop. C'est peutêtre la dernière retraite que nous faisons. Et puis il y aura cette contamination qui est toujours sous-jacente. Personne d’entre nous ne peut dire qu'il est complètement à l’abri de l'angoisse, ou de n'importe quelle destruction psychique ça tombe d'un seul coup, corme cela. liais tout est enveloppé par le premier cheval. On peut se demander : pourquoi n'a-t-on pas mis le premier cheval en dehors des autres? Cela c'est le langage de Dieu. " Que celui qui comprenne, comprenne". Dieu nous donne sa victoire par mode symbolique dans la lutte que nous menons. Si nous soiimes tout à fait loyaux , nous sommes bien obligés de dire que la victoire du Christ est toujours souterraine. Et donc, à certains moments, cette victoire du Christ peut très bien ne plus apparaître comme victoire. Et ce que nous verrions avant tout , alors, c'est le cheval verdâtre, ou le cheval noir ou le cheval rouge feu. Dieu, dans sa Révélation, nous montre bien que, pour nous tout cela est présent.

Evidemment, dans un regard de foi, nous savons très bien que la victoire du Christ dépasse tout et que c'est elle qui est l'alpha et l'omega. Que c'est elle qui prendra tout et que c'est elle qui doit tout prendre. Mais, de fait, le terrain est miné. Le prince de ce monde maintient sur chacun d’entre nous un certain empire. Nous ne le voulons pas, mais nous le savons; les conséquences du péché sont là. Elles peuvent devenir des complicités. Elles ne sont pas des complicités tant que nous ne le voulons pas. Tant que nous restons fixés sur le mystère de la victoire du Christ, nous sommes victorieux avec lui. Et Jésus nous humilie et nous permet d'être plus pauvres en maintenant en nous ces trois conséquences du péché. Et à certains moments, elles peuvent être fortes. Les tentations ne sont pas les fautes. Ces trois chevaux sont là présents pour nous faire comprendre que les tentations ne sont pas les fautes. Ce n’est pas parce qu'on est tenté qu'on pèche. Demandons au Saint-Esprit de nous donner un très grand discernement là-dessus. Il y a des moments où l’on ne voit plus très très clair, psychiquement. Mais il n'y a pas de danger si notre volonté est donnée pleinement à Jésus. Il y aura peut-être des moments de faiblesse, mais si notre volonté est donnée pleinement à Jésus, on sait qu'il nous tient et qu'il nous prend. Evidemment, ça peut faire des remous et sentir ces remous, ce n’est pas drôle!- Mais ils sont pour nous la manière d’être plus unis à la lutte du Christ. Jésus a porté l'iniquité du monde. Et par les trois concupiscences qui sont en nous et par leurs séquelles, nous portons l'iniquité du monde. Nous comprenons mieux ce que représentent nos frères qui ne connaissent pas la victoire du Christ. S'il n'y avait pas de premier sceau, si la victoire du Christ n'était pas présente, nous serions livrés à la guerre... à Ip, famine.,. Heureusement que la victoire du Christ donne une très grandefeiiséricorde.

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L’Apocalypse donne une très grande lumière miséricordieuse sur la lutte que nous vivons. Si nous nous tenons debout, si nous sommes avec Marie debout au pied de la croix, c’est à cause de la victoire du Christ.Ce n’est pas grâce à nous, c'est à cause de la victoire du Christ. Si la victoire du Christ n’était pas présente, nous serions corne les autres et peut-être pires.C’est la victoire du Christ qui seule permet de dépasser, d’assumer ces trois concupiscences.

Ce mystère des quatre premiers sceaux, des décisions divines, nous met dans une perspective d’éternité par rapport au temps. C’e--t le regard éternel de Dieu sur le temps. Chacun d’entre nous, nous vivons de ces décisions de Dieu. Personne d'entre nous, s'il a la foi, ne peut dire que les conséquences du péché originel ne le concernent pas. C’est la tactique du démon aujourd'hui de nous faire croire que nous n’avons pas à regarder les conséquences du péché originel. Alors que si nous sommes croyants, nous savons que le péché originel est présent et que ses conséquences demeurent. Et donc, la guerre est intestine, elle est au-dedans de nous-mêmes. Il y a en nous du bonnet du mauvais grain. Et chez notre voisin, de même. Et nous voyons encore plus le mauvais grain que le bon, puisque le bon grain est souvent très caché... le cheval blanc... Très caché. Nous ne sommes pas victorieux visiblement sur la terre. Dans la foi et l’espérance, nous savons qu’il y a cette victoire du Christ et nous misons totalement sur cette victoire du Christ. A certains moments, nous avons beaucoup de peine à y adhérer pleinement. Nous y adhérons volontairement et nous continuons de marcher. A d’au­ tres moments où le St. Esprit nous permet de toucher cela dans une expérience intérieure, liais il y a des moments où il faut avancer vraiment dans la foi, la nudité de la foi, l’obscurité de la foi. Mais nous savons qu’il y a cette victoire La victoire du Christ est au-delà de la psychologie. Tandis qu’au contraire, les trois autres conséquences du péché, elles, sont visibles.Le psychologue n’en saisit qu’une partie.Le croyant va beaucoup plus loin que lui, parce qu’il sait d’où ça vient, alors que le psychologue ne le sait pas.Le psychologue saisit des petits bouts. Et il veut, à travers les petits bouts, donner un ordre et justi­ fier le tout. On sait, par avance, qu’il ne le peut pas.

Nous devons réfléchir à ce problème terrible et très important pour nous parce qu’il regarde directement ce qui nous est montré ici. La victoire du Christ, c’est sa grâce qui reprend l’image de Dieu qui est en nous, à cause des conséquen­ ces du péché. Et les conséquences du péché originel, d’une certaine manière, (C'est très délicat à préciser au plan théologique) s'intensifient avec le temps. Il y a comme un progrès du côté de l’extension des conséquences du péché originel.

Si vous regardez attentivement les onze premiers chapitres de la Genèse, vous voyez que, d’abord, il y a une faute personnelle, puis il y a des fautes collectives. Il y a des complicités collectives. Et donc, d’une certaine manière, les conséquences du péché originel s’intensifient du côté de l’extension. Pas du côté de l’intensité au sens rigoureux. Mais du côté de l’extension. Alors il faut bien saisir que notre psychologie humaine, puisque nous sommes nés dans le péché, est à la fois la psychologie de celui qui possède la nature humaine, image de Dieu, et de celui qui est né dans un état de péché. Donc, au niveau psychologique, je ne peux pas faire le discernement entre ce qui est image de Dieu et ce qui est conséquence du péché. Et c'est cela le drame de la psychologie . Je ne peux pas faire ce discernement. Pendant 15 ans j’ai dialogué avec des psychanalystes. Ce sont eux qui me l’avaient demandé. Ca m’intéressait beaucoup au plan philosophique. Du reste ça se passait au plan philosophique. Je crois que la psychanalyse ne peut se comprendre vraiment que quand on est en face de gens qui la pratiquent. C’est un art, plus qu’une science. La psychanalyse est de l'ordre artistique, c’est pour cela qu’il y a une telle différence d'un psychanalyste à l’autre. C’est comme entre deux violonistes:

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Il y a un monde entre celui qui parvient à Jouer du violon d'une manière géniale, extraordinaire... il devient violon... Toute sa personne est dans le violon, alors c’est magnifique. Il est entièrement pris dedans... Ou , au contraire, il y a celui qui tape dessus...

On voit très bien que, dès qu’il s’agit de l’art, l’aspect subjectif de la personne humaine devient très très important; c’est la différence entre l’ar* et la science. Dans l’art, il y a l’aspect subjectif , et aussi l’inspiration. L’art dépend toujours d’une certaine inspiration. Et dans la psychanalyse, il y a une certaine inspiration. Si le médecin sent son malade, il le devine, il le comprend. Au plan scientifique, au plan des méthodes, on ne peut saisir qu’un aspeci du problème. La psychanalyse ne saisit jamais totalement l’homme en tant qu’il est L’image de Dieu. Elle ne saisit pas l’homme dans sa finalité. Elle saisit le conditionnement de l’homme. Et le conditionnement de l’homme est celui de l’homme pécheur, de l’homme né dans le péché originel, avec toutes ses conséquences.

Dès lors, libérer l'hotmie, qu’est-ce que ça veut dire? Libérer l’homme, ce n’et t pas permettre à l’home de redécouvrir sa finalité, c’est tout simple­ ment supprimer les limites du conditionnement. Et, à ce moment-là, on ne libère pas l’homme au sens rigoureux, on enlève certains obstacles... Ca c’est vrai; on peut enlever certains obstacles. Mais est-ce que vous n’en remettez pas d’autres? Pour vraiment libérer l’hoci/e, ne faut-il pas? lui donner le sens de sa finalité? Nous ne sommes libres que par notre finalité, qu’en la découvrant. Nous ne sommes pas libres autrement. C’est ce que disait d’une façon très belle et très intel­ ligente, un philosophe de l’antiquité, Plotin: Faisons toujours attention aux dépendances qui viennent d’en haut et aux dépendances qui viennent d’en-bas," Les dépendances qui viennent d’en bas nous lient. Les dépendances qui viennent d’en haut nous libèrent. Je crois que ce discernement, on ne peut pas le faire au plan psychologique, mais uniquement au niveau philosophique. Au niveau philosophique nous pouvons comprendre qu’être finalisé, est une dépendance qui nous libère.Quelqu’un qui est parfaitement déterminé dans sa vie et qui fait ce qu’il veut, celui-1-h est très fort.Celui au contraire qui est parfaitement limité et déterminé par le temps, c’est à dire qui est uniquement dépendant et prisonnier de son conditionnement, celui-là est aliéné. Donc les dépendances qui viennent d’en bas, de notre conditionnement, nous limitent et nous aliènent.Les ‘épendances qui viennent d’en haut, nous libèrent.

Or, je crois que si on est attentif à ces quatre premiers sceaux, c’est bien cela qui nous est montré. Il faut discerner notre finalité. Notre finalité, c’est la victoire du Christ. Elle nous est donnée dans le Christ en tant que croyant.Nous n’avons pas d’autre finalité qué celle de Jésus. C’est pour cela que nous sommes revêtus du Christ. La finalité du Christ à la croix, c’est justement d’accomplir la volonté du Père. Et nous sommes conditionnés par les conséquences.du péché. Conditionnement humain des trois concupiscences: conditionnement de notre état de pécheur qui fait toutes ces liniites qui sont en nous. Jésus nous libère en nous maintenant dans notre conditionnement humain. Il ne nous donne pas un état de gloire. Il nous libère, et il nous permet de comprendre que nous devons essayer de nous libérer de plus en plus des concupiscences qui sont en nous. Mais tant que nous sommes sur la terre, nous ne pourrons jamais dire que nous en som­ mes totalement libérés, parce qu’elles sont congénitales à notre être. Nous sommes nés dans les conséquences du péché qui sont donc naturelles au sens congénital, mais pas naturelles au sens de la finalité.

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Ce discernement est très très important et ne peut pas se faire au niveau psychologique» La psychologie ne peut donc jamais être une règle de vie. La psychologie nous donne des éléments que vous devrez reprendre dans votre prudence chrétienne. Toujours. Le jour où vous vous laissez conduire par la psychologie, nous ne savez plus où vous allez. Parce que vous restez dans votre conditionnement. Et très souvent, le conditionnement le plus visible, c’est le conditionnement du pécheur.

Entrons dans le 5° sceau, " Et lorsque l'agneau ouvrit le 5ème sceau, je vis, sous l’autel, les 9r de ceux qui avaient été égorgés à cause de la Parole de Dieu, et du témoignage qu’ils avaient rendu". (6,9) Donc le 5ème sceau nous donne un regard sur l'état du chrétien en tant qu'il est martyr, en tant qu’il est témoin. Nous sommes tous des martyrs, tous des té.-.oins, si nous sommes fidèles, dans le sens que nous voulons suivre le Christ, que nous voulons l’aimer et que nous savons que sa victoire est sur nous.Donc, en tant que chrétiens, nous sommes martyrs. Alors, il y a une petite tentation que va souligner le 5ème sceau. Parce que le 5ème sceau, ce n'est pas le dernier. Ce n’est pas le 7ème, c'est le 5ème. C'est très curieux, le 5ème sceau, car c’est le moment où on voudrait que ça s'arrête. Il décrit un moment où l’on est fidèle et où l'on voudrait dire: c’est suffisant. Elie criait d'une voix forte: ( on entend cela srâce au 5ène sceau) " Jusques à quand, maître sint et véridique, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang en le redemandant à ceux qui habitent sur la terre..." (6,10) C'est l'expression de l'Apocalypse : ’* qui habitent sur la terre..." et il faut bien la comprendre. En tant que chrétiens,,nous ne sonnes plus des habitants de 2 terre. Vous n’êtes plus du monde. Les habitants de la terre, ce sont ceux qui mettent leur finalité sur la terre. C’est le langage de l'Apocalypse. Parce qu'au tresent, on ne comprend plus rien du tout. Et cela, on le découvre progressive­ ment. Quand or. lit progressivement l'Apocalypse, on voit bien que à ceux qui habitent la terre " signifie: ceux qui dressent leur demeure sur la terre. Pour nous, notre demeure est dans le ciel. Et nous sommes liés au mystère du Christ. Donc la victoire du Christ est à‘nous. Et pour cela nous sommes reliés au ciel. Tandis que les "habitants de la terre", nous dirions aujourd'hui que ce son les matérialistes.Les habitants de la terre, ce sont ceux qui mettent toute leur finalité dans ce qu'ils voient, ce qu'ils constatent. C'est le positivisme très absolu, le matérialisme très absolu qui considère qu'il n'y a de finalité que sur la terre. C'est ça les " habitants de la terre".

Entendez ce cri des témoins du Christ qui ne sont pas encore arrivés au terme. Ils s'arrêtent. La grande tentation est de s'arrêter . La grande tentation est de se replier sur soi-même en disant: " ça va jusque maintenant, mais je vous en supplie, n'allez pas plus loin". " Ils crièrent d'une voix forte disant jusques à quand, maître saint et véridique, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang en le redemandant à ceux qui habitent sur la terre? " Comme si Abel demandait de venger son sang sur Caïn. C'est le cri d'Abel , qui est déjà témoin, et qui trouve que c'est suffisant.

" Et il leur fut donné à chacun une robe blanche. Et il leur fut dit de se tenir en repos ( repos contemplatif et non repos matériel) encore un peu de temps". Quand on est pris par cette tentation, il faut recevoir la robe

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blanche, comprendre le pouvoir sacerdotal que le Christ nous donne, qui est de porter ceux qui nous attaquent, de porter nos ennemis. Nous devons être vic­ torieux de nos ennemis, par l’intérieur, par le point de vue de la robe blanche et de ce repos contemplatif, " Il leur fut donné à chacun une robe blanche et il leur fut dit de se tenir en repos encore un peu de temps jusqu’à ce que fussent au complet et leurs compagnons d’esclavage et leurs frères qui vont être tués tout comme eux ”, (6,10,11)

C’est leur donner beaucoup de courage que de leur faire comprendre qu'il faut patienter de la patience de Dieu, Dieu leur demande de demeurer fermes. Je crois que c'est très important ce 5ème sceau. C'est un moment où. Dieu fait comprendrequ'on est fidèle, qu'on a bien accompli tout ce qu'il voulait qu'on fasse; on est martyr, sanglant ou non sanglant, peu importe, nais on est martyr. Et à ce moment-là, il y a une petite tentation de dire: " Seigneur, je vous en prie, exercez votre jugement maintenant". De temps en temps, on a comme ça des démangeaisons ! On a tenu bon, mais est-ce qu'on va tenir encore? On voit très bien que tous les autres augmentent et que l’impiété s'installe déplus en plus. Alors qu'ils partent, qu'ils glissent... Alors, à ce moment-là vient la réponse: la robe blanche et le repos. Il faut tenir et aller plus loin. Et Jésus veut que nous allions plus loin. Ce n'est pas nous qui mesurons les luttes que Jésus veut que nous supportions. A certains moments, elle peuvent nous paraître suffi­ santes, on en a par-dessus la tête, pour ne pas dire autre chose. On a l’impres­ sion qu'on va crouler comme les autres, et l'on supplie le Seigneur d'agir. Alors il nous demande d'être patient, d'une patience divine. Il faut se préparer au 6ème sceau avec la robe blanche et le repos, parce qu'cn ne peut passer au travers que s'il y a la robe blanche et le repos, c'est à dire cette conviction de ce sacerdoce royal qu'on a reçu, avec le Christ, qui nous fait faire oeuvre commune avec Jésus et qu'on a ce repos intérieur de l’âmet c'est à dire cette soif de contemplation. Je crois que le 6ème sceau, on ne peut le passer que dans ces conditions. Le 6ème sceau nous fait saisir ce qu'on appelle ordinairement "l’aspect apocalyptique" parce que c'est l'aspect ultime de la terre. Le ?ème sceau est justement celui qui, d'une certaine manière n'est plus de la terre.

" Et l'orsque l'agneau ouvrit le 7ème sceau, il y eut un silence d'en­ viron une demi-heure" (0,1) Ca, c'est l'entrée dans le ciel. Ce n’est plus de la terre. Le 7ème sceau, c'est le chapitre 21s Nouveau ciel, nouvelle terre. Et le 7ème sceau rejoint le premier: c'est la victoire éclatante.C'est pourquoi il y a un grand silence ! C'est pour cela que le 6ème sceau décrit les luttes dernières, ultimes. Et c'est pour cela qu’il y a un tout petit moment de repos avant. Dieu est très miséricordieux. Il donne ordinairement des petits moments de repos avant la dernière lutte.

C'est vrai pour chacun d'entre nous, c'est vrai pour toute l’histoire de l'Eglise. C'est cela qui est extraordinaire. Ces sceaux sont vrais pour toute l'histoire de l'Eglise. Toute l'histoire de l'Eglise est déterminée par eux. Parce que chaque chrétien est déterminé par ces sceaux. Alors, pour nous, il y a le 6ème sceau. Et pour l'Eglise d'aujourd'hui il y a le 6ème sceau. On se dAMande si l’Eglise d'aujourd'hui n'est pas au 6ème sceau. Je me pose la question. Il faut se la poser. Et donc pour chacun d'entre nous aussi.

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’ Il y eut une grande secousse ( une secousse apocalyptique). Et le soleil devint noir* comme un sac de crin. Et la lune entière devint cocue du sang" (6,12) Les choses apocalyptiques sont toujours unies aux choses cosmiques... Toujours... Nous sommes dans l'univers, et alors, il y a le soleil et la lune qui jouent un rôle important dans notre vie. Et qui symbolisent quelque chose de très important.

" Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre. Comme un figuier jette ses fruits encore verts quand il est secoué par un grand vent." Cette tornade, on la voit! le figuier qui porte encore des fruits verts jette ses fruits par terre parce qu’il est trop secoué. On donne cette image pour faire comprendre corr-ent les étoiles du ciel tombent sur la terre. Pauvre petite terre... Il suffirait qu'une petite étoile tombe sur la terre pour que ça n'aille pas très très bien... Quand une comète s’approche de la terre - et une comète ce n’est pas grand chose - on commence à avoir peur et l'on dit: pourvu que ça n'approche pas trop! Si ça s'approchait, on serait tous grillés. Ce serait vite fait...» " et le ciel se retira comme un livre qu'on roule. Et toutes montagnes, îles, furent Ôtées de leur place”.

Les secousses vont loin. L'ordre visible de la terre, la figure de notr< monde, est quand même assez bouleversé.

" Et les rois de la terre, et les grands, et les capitaines, et les riches, les puissants et tout esclave et homme libre, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes. Ils disaient aux montagnes et aux rochers: tombez sur nous. Cachez-nous de la face de celui qui est assis sur le trône, et de la colère de 1'Agneau; car il est venu le grand jour de leur colère, et qui peut tenir? " ( 6,12,17 ) Ce n’est pas très drôle , le 6ème sceau. On voit très bien la colère de Dieu. C’est encore la même chose! Dieu laisse au démon un très grand pouvoir. Ce n'est pas Dieu qui détruit son oeuvre: Dieu ne détruit rien. Qui est-ce qui veut détruire notre planète? C'est le dénon. Le démon est enragé. ( Cela nous pouvons le dire en fonction de toute 1'Ecriture). Je ne veux pas vous faire ici un grand cours sur le péché, de Lucifer, quoiqu'il soit très important quand on regarde l'Apocalypse. Car l'Apocalypse ne peut se comprendre que lorsqu'on regarde le dragon, le serpent antique qui est Lucifer ou Satan. Le dénon joue un rôle qui fait partie des décisions de Dieu. Dieu, dans ses décisions sur notre petite pla­ nète et sur nous, sur 1'Eglise, ne fait pas abstraction du démon. Nous n’avons pas le droit de mettre entre parenthèses le démon. Si nous le mettons entre paren­ thèses, nous faisons une abstraction qui est fausse, et qui nous empêche de voir les choses comme elles sont. Et c'est pour cela que, dans le 6ème sceau, nous voyons les permissions de Dieu à l'égard des interventions personnelles du démon.

Les sceaux du cheval rouge, du cheval noir et du cheval verdâtre mon­ traient les conséquences du péché qui sont en nous. C’est bien l'oeuvre du démon mais ce n'est pas seulement l’oeuvre du démon. C'est la nôtre aussi, à cause de notre état de pécheur. Le démon agit sur nous de cette manière souterraine par les conséquences du péahé. Car le démon est un psychanalyste de premier ordre. Il connait toutes les conséquences du péché, tout le psychisme, tout l'imaginaire qui est en nous: c'est le prince de 1* imaginaire, le démon. C'est extraordinaire: il connait cela parfaitement, merveilleusement. Nous avons de petites connaissance tandis que lui connait cela parfaitement. Nous lui avons appartenu au point de départ. Il connait notre psychisme, il le connait très bien. Mais il ne connait pas les secrets des coeurs, car ce n'est pas le psychisme, le secret des coeurs.

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Le secret des coeurs; c’est notre volonté , notre volonté ordonnée à Dieu. C'est l'amour. L'amour lui échappe. Quand notre coeur aime, il échappe au démon. Et il ne pénètre pas dans notre intelligence. Mais le psychisme, l'imaginaire, tout cela, le démon le connait parfaitement. Et il sait très bien se servir des ficelles. C'est 1'attaque souterraine du démon. C'est ce qui est montré dans le début de la Genèse à propos du péché de Caïn. Le démon est tapis, il n'est pas extérieur. Il est tapis au dedans, caché. Le démon agit d'une façon souter­ raine, par notre imagination: de temps en temps il nous passe des trucs invrai­ semblables, comme les tentations de jalousie qui sont toujours un peu souter­ raines et d'ordre psychologique. Les tentations de jalousie conduisent au meurtre, conduisent donc à la guerre: toutes les guerres sont faites par jalousie, par rivalité. S'il n'y avait pas de jalousie, il n'y aurait pas de guerres. Elles sont l'oeuvré du démon qui agit sur l'imaginaire pour nous mettre en opposition, nous faire croire que... et ainsi de suite... On vit sur ce terrain mouvant, et ensuite, le dénon agit directement. Par les conséquences du péché, l'action du démon se fait toujours par l'intermediaire de l'imaginaire, tandis qu'il y a une action directe du démon où Dieu lui laisse un certain pouvoir.

Cr le démon, Lucifer, a refusé d'obéir. Les anges ont été créés dans la foi. Et il y a eu une épreuve. Et il y a eu cette épreuve pour Lucifer comme pour les autres anges. Lucifer a refusé d'obéir quand Dieu lui a fait comprendre que son chef d'oeuvre était l'homme et la femme. Et que les petits derniers, dans la famille de Dieu, étaient capables d'aimer plus. Et que Dieu pourrait faire de la petite dernière, la femme, son chef d'oeuvre.

Lucifer n'a pas accepté que Dieu qui est lumière, puisse réaliser un univers matériel et qu'en se servant de la matière il puisse réaliser son chef d'oeuvre. Ce n'est pas digne du Dieu lumière! Le démon n'a pas accepté que le chef d'oeuvre de Dieu soit un chef d'oeuvre d'amour. Il aurait voulu que le chef d’oeuvre de Dieu soit un chef d'oeuvre de lumière.Cela il l'aurait bien accepté. Mais que le chef d'oeuvre de Dieu soit un chef d'oeuvre d'amour, c'est incompré­ hensible ! Si Dieu n'était que lumière, il n'aurait pas créé la matière.C'est l'amour de Dieu qui fait comprendre comment II crée la matière. Parce que la matière est toute entière ordonnée à la communication de l'amour. La matière, c'est le plus petit, le plus faible.C'est justement ce qui nous met dans un état de dépendance très radicale. La matière est le soubassement dernier, le fondement dernier de toute notre vie biologique. Elle est ordonnée à autre chose. A quoi? A l'épanouissement de l'amour. Notre vie biologique permet la fécondité. Il n'y a pas de fécondité dans les anges. C'est pour cela que le démon est telle­ ment farouche contre la fécondité. Il ne la comprend pas; dans son domaine angé­ lique; Dieu a voulu que toute cette vie biologique qui est quand même quelque chose d'invraisemblable... la simplicité de Dieu fait des choses si complexes... C'est si complexe, la vie biologique. Plus on avance plus on en voit la complexité. Et en même temps, tout est ordonné vers quelque chose de simple. Toute la vie biologique est ordonnée a l'amour. Elle permet que Dieu communique à des êtres, qui sont des créatures, d'être sources de vie. C'est cela la fécondité: être source de vie. Et il fallait le mystère de la matière pour pouvoir réaliser la fécondité. Il n'y a pas de fécondité dans les purs esprits. C'est le point de vue biologique qui permet la fécondité , qui permet la source de la vie, la commua nication de la vie.

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Je crois que là se situe l'a révolte de Lucifer. Il s'est révolté contre un Dieu qui crée un monde matériel pour aller plus loin dans la communication de sa vie. Pour aller plus loin dans la communication, de l'amour. Grâce à la matière, Dieu a pu aller plus loin dans la communication de son amour. Et c’est cela que Lucifer n'a pas accepté. C'est donc une faute d'orgueil, un refus d'obéissance, Lucifer est persuadé d'être dans la vérité. Et il veut montrer qu'il est nana la vérité. Et pour le prouver, il faut montrer que la création d'un monde matériel est absurde, qu'elle n'a pas de sens, que c'est le hasard, que ça ne signifie rien du tout, qu'il n'y a plus de finalité. Le conditionnement est tel que la finalité est impossible. Parce que, quand la chose est très complexe, le conditionnement devient quelque chose de tellement fort que la finalité risque de disparaitre. Et le démon est celui qui désire par tous les moyens détruire notre planète. Il faut le savoir. Cela fait partie de ce qui nous est révélé. Pas immédiatement, mais c'est implicité. Le théologien doit essayer de comprendre cela. Dieu ne mettra plus fin à notre univers. Il y a l'arc-en-ciel. Dieu ne veut pas détruire ce qu'il a fait. Et Dieu ne peut pas détruire ce qu'il a fait. C'est impossible II peut changer ce qu'il a fait, d’un changement très, très radical Et le changement très radical, c'est le nouveau ciel et la nouvelle terre. Mais le nouveau ciel et la nouvelle terre n'impliquent pas l'anéantissement du premier. C'est une transformation, une transformation totale, une transformation merveilleuse Avec une certaine discontinuité qui existe entre les deux.

Et le démon, Lucifer, lui veut détruire notre petite planète. Il veut détruire la vie. Il veut détruire la fécondité par tous les moyens. Fécondité au niveau biologique. Fous coœençons à le voir, hais nous verrons des choses encore plus étonnantes.Si l'on regarde l'Apocalypse, on verra des choses encore plus étonnantes qui sont peut-être très proches... Ca va très vite maintenant. Tout va très vite.L'évolution scientifique a une rapidité extraordinaire. Les savants disent ( ils me l'ont dit il y a trois ans ) que pendant les six dernières années, le capital des conclusions scientifiques avait doublé. Les six dernières années... Avant, il fallait 160 ans, et avant, il fallait 600 ans... 800 ans... Alors, vous voyez la rapidité des évènements. Autrement dit, les découvertes scientifiques vont toujours plus vite, et leur application va toujours plus vite. Ca va tellement vite qu'on ne peut même plus penser comment les utiliser. Alors c'est l'usage pour l'usage. C'est l'application pour l'application. Et de l'homme, on ne parle plus. C'est la chose terrible. L'hostie, on le laisse de coté, on ne regarde que le développement de la science, corne si c'était une finalité!. Cela c'est démoniaque. C'est l'emprise du démon sur l'intelligence humaine: faire que l'homme oublie sa finalité. Et faire toujours aller de plus en plus vite dans le développement scientifique; et coume c'est une pendule qui est bien remontée, c'est très diffi­ cile de l'arrêter. C'est une chose qui va très vite une fois que l'ho'me est pris dedans. Alors je crois que c'est cela qui nous est montré au 6ème sceau: l'emprise du démon sur notre univers, la permission de Dieu. Dieu a permis cela, parce que, de fait, Dieu veut que nous utilisions pour notre sainteté la rage du démon. Ce n'est pas commode. On aimerait mieux ne pas entendre la rage du démon, liais Dieu veut que nous utilisions pour notre sainteté les colères du démon. Cela fait partie de notre prédestination. Jésus a lutté contre le démon dans un dialogue serré. Et, à la Croix, Jésus a lutté contre le démon qui, après une attaque directe, a fait une attaque indirecte en se servant des grand prêtres, en se servant de Judas, en se servant de Pilate.Le démon est présent à la Croix. Et le démon est présent au sépulchre. Il croit être victorieux. Il est arrivé à détruire le corps du Christ. Et le corps du Christ, c'est le chef d'oeuvre de notre univers. Notre univers n'a jamais fait quelque chose d'aussi grand que le corps du Christ. C’est notre univers qui l'a fait: c'est la Femme. C'est Marie qui a été sourcede vie, de vie biologique, pour son Dieu. Et le corps du Christ c'est le chef d'oeuvre

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biologique de notre univers. C’est le chef d'oeuvre divin qui n'a jamais été aussi beau, aussi grand. Là on atteint un sommet qu'on ne dépassera jamais: la splendeur, la beauté, la perception de ce que représente le corps du Christ, formé par Marie, sous l'action de 1'Esprit Saint.

Le démon a pu - Dieu lui en a laissé le pouvoir - s'attaquer au corps du Christ, et vouloir le détruire. Il a tout fait pour tuer Jésus. Puisque le peuple d'Israël, conduit par les grands prêtres, a crié: " crucifiez-lel". Et Pilate, qui représentait le pouvoir temporel, le pouvoir politique, aurait pu tout arrêter. Il a laissé faire. Il a abandonné Jésus. Jésus a été crucifié. Tout cela c'est l'action du démon. C'est le démon qui se sert des hommes et qui agit sur le corps du Christ, qui veut détruire le chef d'oeuvre de notre univers. Le démon a tout fait pour tuer Jésus avant que la mort n'ait atteint le Christ puisque la mort i» pouvait rien sur Jésus. Aucune blessure ne pouvait tuer Jésus puisqu'il est Dieu. Jésus a offert librement son âme. Il s'est offert au Père, Et le démon veut encore avoir un droit sur le cadavre du Christ, ce cadavre qui est remis à la terre, à l'anonymat de la terre. Comme le démon croit toujours qu'il a un droit sur la terre, et que le cadavre du Christ est remis à la terre, il croit avoir un droit sur ce cadavre... Il n'a aucun droit puisque c'est le cadavre d'un Dieu. C'est le Verbe devenu chair qui assume ce cadavre. Et le démon le poursuit jusqu'au bout. C'est pour cela qu'il y a même ces soldats qui sont là pour le garder.

Cela va très loin! Or ce qui est fait à l'égard de Jésus, le démon le fait à l'égard de l'Eglise, et à l'égard de l'humanité. Le démon veut détruire notre humanité parce qu'il l'a en haine. Il ne peut pas supporter que Dieu ait réalisé son chef d'oeuvre dans l'humanité. Alors il désire, par tous les moyens, avec son intelligence à lui, la détruire, en se servant de l'homme. Il s'oppose toujours à la conduite de Dieu. Dieu a sauvé l'homme par l'homme dans le mystère du Christ, Dieu a sauvé l'homme par son Fils. Et son Fils s'est fait homme pour que l'humanité soit sauvée par Jésus, le Verbe devenu chair. Et le démon veut détruire l'homme en se servant de l'homme. Dans l'Apocalypse, c'est assez net. Je crois qu'il faut bien saisir ici, au 6ème sceau, l'action directe du démon qui essaie d'effrayer l'homme pour lui montrer que c'est fini, qu'on ne peut plus avoir d'espérance. Il va plonger l'hu­ manité dans le désespoir, en montrant qu'il est le prince de ce monde et qu'il peut faire ce qu'il veut,

" Le soleil devint noir comme un sac de crin”. C'est très difficile de savoir, symboliquement, ce que Il ne faut pas matérialiser: c'e^t symbolique tout cela. liais d'un Donc, il y a un fondement dans la réalité. Ce n'est pas du tout un manière de Jung, du pur symbole. Mais cela a un fondement dans la

cela veut dire. symbolisme divin. symbolisme à la réalité.

" Le soleil devint noir corme un sac de crin1'. A ce moment là, le soleil disparait.Le soleil, symboliquement, exprime la présence de Jésus. La Femme est revêtue du soleil. Dieu dit: '' que la lumière soit, et la lumière fut...” Et il nous a donné un astre qui exprime la lumière, si vous regardez le début de la Genèse. Il faut comprendre l'Ecriture par l'Ecriture. Le soleil, c'est à la fois la source de la vie et le Christ; si on n'avait plus de soleil, il n'y aurait plus de vie.

Les anciens disaient " L’homme engendre l'homme avec le soleil”.

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Parce que, si le soleil n'était nas là, il ne pourrait pas y avoir de vi C’est vrai. Si le soleil disparaissait pendant toute une année, vous verriez que ça ne serait pas très drôle. C'est l'action du démon pour essayer de supprimer le soleil, pour supprimer la vie, qui nous est montrée: " il devient noir comme un sac de crin'’. Et, plus profondément, le soleil c'est le Christ, Donc, il faut suppri­ mer la présence de Jésus, A sa manière. On pourrait même dire ici - parce que l'eucharistie est une présence au milieu de nous - que le démon essaie de supprimer cette présence. Ne plus permettre de présence. Car le soleil symbolise une présence de chaleur et d’amour.

Quand on a froid, on se met en plein soleil, et l’on se réchauffe et l’on se détend, et ça fait du bien. Alors le démon veut supprimer cela: " il devient noir comme un sac de crin. Et la lune entière devint comme du sang”. La lune, c’est à dire la beauté de la lune, sa splendeur. Elle reflète le soleil. La lune symbolise aussi Marie: ” Belle corne la lune!” C’est cette chose très curieuse, la lune. Elle agit aussi beaucoup sur notre ufiivers et sur le rythme profond de la vie. Nous sommes dans notre vie biologique reliés au soleil et à la lune. Il y a des influences des deux: chez certains l'unfluence de la lune est plus forte et chez d'autres, c’est l'influence du soleil. Vous voyez bien, le chien qui crie à la lune... Vous avez déjà vu cela ! Le petit chien fait comprendre ce qu'est notre vie biologique. St le petit chien, quand il crie à la lune, il nous fait comprendre quelque chose. ” Alors la lune entière devint coi.ime du sang”.

Il n'y a plus aucune beauté, mais seulement le climat du sang, le climat de la brutalité et de la violence. La lune donne habituellement un climat de paix. Ici, c’est l’inverse, c’est l'antithèse: c'est très net. Le démon ne peut pas admirer notre univers tel que Dieu l'a créé.Le démon c'est l'antithèse. Il est "anti". Il ne crée rien. Il est en opposition à l'égard du soleil et de la lune puisque ces astres jouent ce rôle très important. On peut dire cela aussi par rapport à Marie. Comme le soleil qui est la présence de Jésus, la lune est la présence de Karie. Le démon veut supprimer ces deux présences. C'est ce que je vous disais au début de la retraite. Vous le retrouvez ici, au 6ème sceau.

" Et les étoiles tombaient sur la terre comme un figuier jette ses fruits encore verts, quand il est secoué par un grand vent.” C'est la destruction de toute la fécondité. Quand les fruits sont verts, les dents des petits fils en sont agacés. Ca veut dire qu'il y a une famine, mais une famine très différente de la famine habituelle: c'est la destruction par la grêle tombant sur la vigne qui commence a fleurir, ÿar un orage qui passe rapidement et qui, en dix minutes, détruit tout le travail de l'année. Ce n'est pas drôle du tout. Je ne dis pas que c'est forcément l'oeuvre du démon. Ce qui est silr, cfest que Dieu peut laisser au démon un pouvoir comme celui-là.

Il y a quelque chose d'qnalogue ici, mais de beaucoup plus général, symbolisé par les étoiles du ciel.

Henri Poincaré qui n'est pas un Père de 1'Eglise, a dit entre autres choses intéressantes ( il n’est pas le seul à l'avoir dite, mais il l'a dite d'une façon très étonnantes ) : ” l’ordre des étoiles dans le ciel est ce qui a donné à l'homme le sens du nécessaire en premier lieu”. En étudiant la physique à travers tous les temps, on voit que Dieu nous dit quelque chose de semblable. Il y a là quelque chose de très vrai.

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Pourquoi Dieu a-t-il mis au-dessus de nous cette voûte céleste ? C'est ce que disait le guide du Palais des Papes à Avignon, avec son accent merveilleux: il y avait toutes espèces de gens qui étaient là. Il y a au moins 20 ans de cela; en premier lieu il nous rassemblait dans la cour intérieure. Puis il regardait sérieusement chacun d'entre nous comme s'il allait dire une vérité extrêmement profonde; " avant de commencer, regardez bien, regardez bien cette voûte extraordinaire, la plus belle du monde ! Elle a été faite par un architecte qui n'a pas été à l'école..." Les gens se regardaient, puis il leur montrait la voûte céleste... C'est merveilleux cela... C'est bien ce que dit Poincaré: Dieu a donné à l'homme cette chose extraor­ dinaire que les gens simples, les primitifs comprennent: le ciel... les étoiles... l'ordre des étoiles, qui nous donnent le sens du nécessaire.Les choses dans la nature sont ordonnées. L'ordre est nécessaire... Le sens de l'ordre nous est donné par le. point de vue de la voûte céleste. Les premiers philosophes étaient des gens qui regardaient le ciel. Aujourd'hui, on ne regarde plus que l'homme et on ne voit plus l'ordre, surtout au plan psychologique où l'on ne voit plus que le désordre. Tandis que si l'on regarde un peu plus le ciel, on comprend: il y a quand même un ordre qui demeure• Alors vient cette chose très étonnante: " les étoiles du ciel tombent sur la terre”. La terre, c'est le monde sublunaire du désordre, de la corruption et de la relativité. Voilà ce qui nous est montré. Le démon est arrivé à faire que les étoiles du ciel tombent sur la terre. L'homme n'a plus aucun sens de l'absolu et du nécessaire, il est dans la relativité pure. Et donc dans la relativité pure on peut faire tout ce qu'on veut. Il n'y a plus d'ordre, il n'y a plus d'amour, il n'y a plus que la relativité.

Il y a trois oeuvres du démon: cacher la source de la vie, le soleil. Cacher la source de la beauté, la lune. Cacher la source de l'ordre et du nécessaire, en faisant tomber les étoiles ; ce sont ses trois grandes attaques exprimées sym­ boliquement et caractérisées par le 6ème sceau. Le démon est parvenu à faire que notre univers, qui nous a été donné par Dieu, ne nous parle plus de Dieu. L'univers appartient à Dieu: les galaxies, les étoiles appartiennent à Dieu. C'est un ordre virginal que celui des étoiles: parce qu'on n'y a pas encore touché, riais dans la lutte ça ccmr.-.ence à le devenir un peu moins. Prenons la lune: l'homme commence à y mettre ses pieds... Avant, c'était quelque chose qui était resté dans un ordre magnifique... On est heureux de temps en temps de trouver un paysage où l’homme n'est pas passé, une terre absolument pure, limpide, sans rien du tout... C'est pour cela que les étoiles, c'e-st si reposant! ... Elles nous donnent une espèce de nostalgie...

Le démon agit sur notre univers pour qu'il ne nous parle plus de Dieu. Penses aux grandes prophéties de Nietsache: elles sont très éloquentes là-dessus. Nietzsche dit: '' l'homme, quand il est en face de la nature et dans la nature, il parle de la mer, de la montagne en disant: c'est divin... Et la nature lui parle de Dieu. Il faut enlever ce revêtement divin pour habituer l'homme à ne plus voir que l'oeuvre de l'homme. Et l'homme habitant dans la ville ne voit plus que l'oeuvre de l'homme et donc il ne voit plus que la relativité. Ce qu'on a construit il y a JO ans est déjà vieux. Aujourd'hui, pour combien de temps construit-on les immeubles? Comme tout est relatif... Avant on construisait pour que ça dure: les pyramïdesTT. Et plus on avance plus on voit cette relativité- s'emparer de tout.C'est vrai: toute l'économie est d'une relativité absolue. Et c'est terrible d'être vieux aujourd'hui parce qu'on est en dehors de l'économie. L'économie flambe: elle ne tient plus compte de ceux qui sont à la retraite. Oui; elle en tient un tout petit peu compte, mais bientôt elle n'en tiendra plus compte. Elle dira, " non, vous n'êtes plus productifs, vous n'avez plus aucun intérêt..." C'est très nettement cette relativité qui s'empare de tout. Le démon se sert même de ce aonde qui nous a été donné par Dieu qui nous permet de le glorifier, pour y mettre sa patte, sa griffe. Il est l'anti-univers.

142 11 Et le ciel se retire comme un livre qu'on roule'.

Le ciel qui est l’oeuvre de Dieu. La tour de Babel... C'est le 6ème scea ... Une tour qui atteint le ciel... et le démon est. arrivé à faire cela. Et donc, on comprend: " et le ciel se retira corase un livre qu'on roule..." On ne regarde plus que ce qui vient de l'homme, c'est la seule chose intéressante.

" Et toutes montagnes, îles, furent 8tées de leur place." La place des montagnes, dans la nature, vient de Dieu. Mais on veut leur donner une autre place, les situer autrement. On veut changer.C'est vrai qu'on voit cela: quand on pense à certains paysages de Jérusalem transformés par les bulldozers ... quand on voit le lac de Tibériade et ce que les hommes peuvent en faire... très, très rapidement...

" Et les rois de la terre, et les grands, et les capitaines et les riches,' et les puissants et tout esclave, et tout homme libre... se cachèrent dana les cavernes". Voilà ce que le démon arrive à faire. La relativité pure conduit nécessairement à l'angoisse. Il n'y a plus aucun lieu où. l'on puisse s'abriter. Avant, il y avait encore des lieux sûrs; maintenant tout est pris par cette rela­ tivité absolue, par cet espèce de tournoiement invraisemblable, représenté par le figuier... On le voit très bien. Il ne s'agit pas seulement de telle ou telle caste, de tel ou tel rang d'humanité, " Les rois de la terre, les grands, les capitaines, les riches, les puissants, les esclaves, l'homme libre,se cachèrent dans les cavernes..."

Tous les hommes se retrouvent là dans l'oecuménisme de l'angoisse. Le démon fait exprès des oppositions de castes. Il entretient les oppositions pour détruire, tout en montrant que tous les hordes sont au même niveau. Il les met tous dans l’angoisse et il maintient cette angoisse terrible qui est le fruit de son action, car l'angoisse annihile l’horme et l’empêche de s'adresser à Dieu.

Quelqu'un qui est angoissé est complètement annihilé.

’’ Ils se cachèrent dans les cavernes de la terre et dans les rochers des montagnes..." Ils ont peur, ils se cachent et ils s'adressent aux montagnes et aux rochers.... Alors vous voyez, la prière est inversée: on ne pris plus Dieu, on prie le cosmos. C'est curieux comme l'homme a besoin de prier. Et quand il ne prie plus Dieu, il se met à prier les montagnes et les rochers, et les abris qui demeurent encore: " Tombez sur nous".... ils veulent hâter la fin... " Tombez sur nous, cacheznous de la face de celui qui est assis sur le trône et de la colère de 1'Agneau." Ce n'est pas un reraord, c'est une peur, une panique. " Car il e-'t venu le grand jour de leur colère, et qui peut tenir? "

(6,U,17 )

On montre que le démon peut à la fois changer complètement l'ambiance et le milieu environnant. Il peut changer complètement la lune, le soleil, les étoiles. Mais il y a quelque chose dans le coeur de l'homme que le démon ne peut jamais atteindre, quelque chose qui demeure sacré.Il y a quelque chose dans l'intelligence de l'homme qui est toujours relié à Dieu. Et c'est pour cela que, au moment de la peur, de la crainte, quand le démon voudrait que l'homme oublie Dieu, quand l'homme a peur, il se ressouvient qu'il y a un Tout-Puissant. Il a peur, mais il retrouve quand même son sens religieux " car il est venu le jour, le grand jour de leur colère et qui peut tenir? ”

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Il nous est montré comment l'orgueil de l'homme, l'orgueil collectif de l'homme, symbolisé par la tour de Babel, en un rien de temps, dégringole , en rai­ son même de l'angoisse. Parce que celui qui est angoissé ne peut pas monter sur la tour de Babel. Quand on est angoissé, on ne monte même pas une marche; c'est impos­ sible. Ca nous prend et ça nous saisit de telle manière qu'on ne peut plus rien faire du tout. Tout ce qu'on a pu faire, on ne peut même plus l'utiliser. Alors, à ce moment-là, il y a un retour vers quelque chose de beaucoup plus fondamental, le retour vers ce sens religieux, ce sens profond d'un lien avec Dieu. Mais il y a une frousse intense: qui peut tenir? Voyez l'opposition avec le "Stabat Mater", Marie debout au pied de la Croix. Celui qui est à plat ventre ne peut plus tenir, dans une telle frousse.

Je me souviens de cette histoire: c'était pendant la guerre, pendant les grands bombardements du camp d'Avors. J'était là et j'avais à coté de moi un pauvre type. Il m'aimait beaucoup et je lui demandais ce qu'on demande fatalement pendant la guerre lorsqu'on est tous sous le même uniforme " quest-ce que tu faisais avant? " Il m'avait dit: " j'étais en prison". C'était mon copain. Il était juste à coté de moi. C'est merveilleux la façon d'agir de la Providence. Il m'avait raconté cette histoire ( c'était un gars du nord ) : " j'étais en prison parce qu'un beau jour, je me suis fait crocheteur. Il n'y avait rien. J'avais faim. Alors je suis allé dans une boulangerie, j'ai pris un pain," Et donc il avait été en prison. Il m'a dit: " quand j'ai été jugé, j'ai dit au juge: Eh bien, monsieur le Juge, vous auriez été dans ma condition, vous auriez fait comme moi I" Quand il y a eu ce bombardement, il y avait des tranchées a l'air libre et ce pauvre type était corjme une carpe. Il s'était mis entre mes pattes parce qu'il savait que j'étais curé, donc j'étais un paratonnerre. Il faisait des.sauts de carpe et moi je pensais toujours au 6ème sceau! Il se disait: si je suis à coté de lui, il n'y a plus de danger puisqu'il est curé, c'est un paratonnerre !

Fin de la 11ème conférences.

4ème

144 jour

12ème conférence

Il faut bien saisir ce que je vous avais dit au point de départ que, d'une certaine manière, tout ce qui est dit dans 11 Apocalypse était vrai pour Jean dans sa vision sur l'Eglise. C'était vrai au Moyen Age. C'est vrai pour nous maintenant. Et c'est toujours plus vrai. Nous ne pouvons pas savoir s'il n'y aura pas, après, une période de détente. Après chaque période de crise, après chaque tension plus profonde, il y a des périodes de détente. Et après, peut-être, encore une autre période de plus grande crise. C'est là où Dieu nous demande d'avoir une très grande confiance, et ne pas vivre la crise que nous vivons en la relativisant. Ce serait mal la vivre que de dire : "oh, il y en aura encore une autre après plus terrible". Nous n'en savons rien. C'est le démon qui nous fait dire cela, Nous devons vivre la crise que nous vivons actuellement dans la lumière de l'Apocalypse, c’est-à-dire de la Révélation qui nous est donnée. Et c’est peut-être la dernière crise.

Personne d'entre nous n1 oserait dire que ca n'est pas la der­ nière. C'est très possible que ce ne soit pas la dernière. C'est très passible qu'il puisse y avoir une miséricorde de Dieu pour quelque chose de nouveau, après, et que maintenant Dieu nous éprouve pour qu'il y ait ensuite un nouveau départ dans l'Eglise : le renouveau, la nouvelle Pentecôte. Ce sont des termes qui sont très très diffi­ ciles à bien préciser dans l'ordre du temps. Il y a sûrement un renouveau, parce que chaque fois qu 'on doit vivre quelque chose de plus dur, il y a une grâce de Dieu. C’est très beau de vivre un moment de très grande lutte parce qu'alors on est très béni de Dieu. Ce n'est pas drôle pour notre psychologie humaine, ni pour 1'épanouissement des oeuvres qu’on peut faire, mais c'est magnifique intérieurement. L'Apocalypse ne nous donne absolument aucun esprit de désespoir; au contraire, elle nous donne un très grand espoir divin. Je crois que 1 ' Apocalypse- brûle tous les messianismes temporels. Les messianismes temporels rebondissent tout le temps. On a quand même toujours envie que ça réussisse bien, et que ça aille bien et que Jésus rétablisse le royaume d’Israël. On a toujours envie de cela. C'est normal, ça ne peut pas être autrement. L'Apocalypse nous montre quelque chose de beaucoup plus intérieur, de beaucoup plus profond, et nous met dans- le regard de Dieu. Dans le regard de Dieu, l'Eglise est liée au sang du Christ. Vivez le âème sceau dans la lumière de la grande lutte de la Croix. Quand vous relisez cela : "Lorsque l’Agneau ouvrit le 6ème sceau, il y eut une grande secousse". Regardez Matthieu et Marc. "Et le soleil devint noir comme un sac de crin,..", le soleil, le Christ, le cadavre... "Et la lune entière devint comme du sang", c'est Marie dans son Mystère de Compassion.

"Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre comme un figuier jette ses fruits encore verts quand il est secoué par un grand vent". C'est vrai, la mort du Christ a été quelque chose de bouleversant.

145 Les fruits verts... Jésus a 33 ans » il est en pleine force. La déroute des apôtres qui sont en quelque sorte les étoiles. Il n'y en a qu'un présent à la Croix* résultat de trois années de noviciat avec Jésus ! Un seul présent à la Croix ! C'est cela, je crois, le Sème sceau. C'est que la réussite temporelle, matérielle t extérieurement, est un échec. Extérieurement, le Sème sceau apparaît comme un échec.

Mais aux yeux de Dieu, c'est une grande victoire, sous 1'appa­ rence d'un échec. Il ne s'agit pas d'un messianisme temporel. Vraiment, c * est une secousse... Or* c'est dans la lumière de la Croix que nous devons le lire, puisque la Croix est Sagesse, et comprendre les décisions de ces sept sceaux * tous inscrits dans le Coeur de l'Agneau, donné comme égorgé. C'est donc le Christ à la Croix. Et c'est à la lumière du Christ crucifié que nous devons comprendre le Mystère de l'Eglisa dans ses luttes* Plus l'Eglise est proche du Christ crucifié - et toute la taille du Père est faite pour que nous soyons plus proches du Christ crucifié - plus Elle vit le Mystère de la Croix. Elle l'a toujours vécu. Mais il est bien évident que dans la première Eglise, l'Eglise des Actes des Apôtres, il y a un mystère d'éclosion étonnant. C'est pour cela qu'on a de temps en temps la nos­ talgie de vivre de mystère des Actes des Apôtres J ... Non, on ne re­ viendra pas à la primitive Eglise. Non, nous sommes au 20ème siècle. On peut avoir la nostalgie de l'aurore, mais on est peut-être au cré­ puscule. L'aurore, c'est magnifique... extraordinaire 1 Les crépus­ cules sont souvent plus tragiques. C'est le réalisme de l'Apocalypse, réalisme vraiment extraordinaire. C'est pour cela que je l'aime beau­ coup. Je ne peux pas nier que j'aime beaucoup l'Apocalypse. Parce que ça me donne de la force. Ca me fait comprendre que les petits combats, au fond, sont peu de choses... Mais le grand combat, c'est celui du Christ crucifié. Et 1 ' Eglise est dans la lumière du Christ crucifié*.

"Et le ciel se retira comme un livre qu'on roule"... Vous croyez que pour Marie le ciel ne s'est pas retiré comme un livre qu'on roule? Vous croyez que la mort du Christ n'a pas été dans le Coeur de Marie, si Marie est le chef-d'oeuvre de la création, une secousse terrible ?

"Et toutes montagnes et îles furent Ôtées de leur place,- et les rois de la terre, et les grands, et les capitaines, et les riches et les puissants et tout esclave et homme libre se cachèrent dans les cavernes". Il n'y avait que Marie qui restait dans sa foi, dans son espérance. Pierre s'est caché dans les cavernes. Ca n'a pas été très drôle pour lui. Il n'était pas encore confirmé par le Christ. C'est venu après. Mais avant, il a renié. Et Judas, il s'est caché dans les cavernes, et dans les roches des montagnes, et ils disent aux montagnes "tombez sur nous". Vous croyez que le grand-prêtre était fier ? Il devait se demander un tout petit peu ce qui allait arriver, quand on lui dit ce qui s'était passé. "Tombez sur nous et cachez-nous de la face de celui qui est assis sur le trône, et de la colère de l'Agneau, car il est venu le jour, le grand jour de leur colère, et qui peut tenir?". Cela a été vrai pour l'Eglise de Jean, lors de la première persécu­ tion. Cela a été vrai dans les grands temps de l'Eglise, lors des invasions barbares. Cela est vrai, je crois, pour le tournant d'aujourd'hui.

146 Je crois que ceux qui sont dans l'Eglise du silence se consi­ dèrent vraiment comme vivant le 6ème sceau* On ne sait pas si demain nous ne serons pas 1 ' Eglise du silence. En 24 heures ça peut se faire. On peut s'endormir et se réveiller en étant l'Eglise du silence. C'est d'une rapidité folle. Alors il ne s'agit pas d'avoir peur, mais il s'agit de saisir, dans sa réalité profonde, ce que nous vi­ vons actuellement, afin d'avoir une force divine. Encore une fois, je ne veux pas dire que nécessairement dans 20 ou 30 ans c'est fini. Je n'en sais rien. Si j'avais des révélations particulières, je n'au­ rais pas le droit de vous les dire et si j'avais des dates ce ne serait pas juste ! Les dates ne sont jamais révélées, puisque, de fait, "le Fils de l'Homme ne le sait pas".

Pour nous montrer qu'il n'y a pas de dates, il y a des signes, simplement. Alors comprenons qu'il y a un moment de lutte où Dieu laisse au démon un très grand pouvoir. Il lui a laissé un très grand pouvoir au moment de la Croix du Christ, Ca va jusque là : que la vie d'un Dieu soit mise sur la Croix, que Jésus, venant au milieu de nous, termine sa vie sur la Croix. "Maudit celui qui est attaché au bois"* Ca se termine de cette manière-là. Et l'Eglise, qui est l'Epouse, ne peut pas terminer sa vie autrement, Mais elle sait que la victoire est donnée. Elle sait que le royaume de Dieu n'est pas de ce monde. Il ne peut pas être de ce monde. Il est pour l'au-delà. Alors il s'agit de ne pas lire 1'Apocalypse au plan psychologique, mais de la recevoir dans la foi, dans 1'espérance chrétienne. Après en avoir donné un versant, on va en donner l'autre versant.

"Après cela je vis quatre anges debout, aux quatre coins de la terre"... (7,1). C'est magnifique , ça nous fait tout de suite comprendre que, malgré la terrible secousse, 11 univers n'est pas du tout livré au démon. Le démon sait que ses jours sont comptés. Et, par conséquent, il voit qu'on arrive au terme et il est de pTus en plus enragé, comme un chien méchant qui a une très grande chaîne. Quand la chaîne est très longue, ça va encore. Vous marchez dessus, et'vous la diminuez. Vous voyez sa rage ; il voit que ses jours sont comptés et que la chaîne diminue. Il est intelligent. Il voit les signes beaucoup.mieux que nous. Il voit beaucoup mieux que nous que ses jours sont comptés et que son pouvoir sur les hommes n'est pas éternel, mais mesuré. Alors, plus on approche du terme, plus le démon est furieux. Les fureurs du démon nous font comprendre que nous approchons du terme. Mais le démon n'a aucun pouvoir absolu. Il se dit "le princt de ce monde", Il est persuadé qu'il arrivera à la victoire. Mais, en même temps il a une sacrée trouille parce qu1 il sait que ses jours sont comptés. Alors il est suffisamment intelligent pour savoir que son pouvoir est très extérieur. "Après cela je vis debout, aux quatre coins de la terre, quatre anges". Au milieu de cette terre secouée et sur laquelle les étoiles dégringolent, on ne voit plus très bien les quatre coins. Qu'est-ce qui en reste ? Oui, dans le regard de Dieu, extérieure­ ment, tout a l'air d'être vraiment sens dessus-dessous. Malraux dit une chose très belle, qui fait comprendre ce passage-là; ce n'est pas un Père de l'Eglise non plus, mais il dit de temps en temps des choses intelligentes. Et dès lors qu'il dit un? chose intelli­ gente, elle est notre bien, comme dit Saint Augustin : "Tout ce qui est vrai est notre bien".

147 Donc Malraux dit cette chose très belle qu'il a expérimentée, quand il était pilote, après les bombardements :"tout était bouleversé, puis on remontait dans 1'air, et on voyait ce vol de ces grands oi­ seaux migrateurs qui est toujours le même !" La nature, aux mains de Dieu. L'instinct de ers oiseaux migrateurs et le bombardement qu'on vient de faire... Et les oiseaux migrateurs continuent!

"Après cela j e vis debout aux quatre coins de la terre quatre anges qui retenaient les quatre vents de la terre pour montrer que la terre appartient à Dieu". La terre n'appartient pas aux hommes. Les hommes en ont l'usage, mais très vite ils font de l'usage leur propriété. Ce petit instinct de propriétaire que nous avons en nous, Et le démon, lui, se dit la prince. I1 croit que ça lui appartient. Pas du tout. La terre, le soleil, la lune, les étoiles appartiennent à Dieu. Le démon peut nous f aire croire que tout dégringole, que tout tombe et que tout finira... Pas du tout, tout est dans les mains de Dieu. C'est cela la confiance.

"Alors, debout aux quatre coins de la terre, quatre anges qui retenaient les quatre vents de la terre pour qu'il ne soufflât pas de vent ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre. Et je vis un autre ange monter du soleil levant avec le sceau du Dieu Vivant et il c ria d'une voix forteaux quatre anges auxquels il a été donné de nuire à la terre et à la mer : ne nuisez pas à la terre ni à la mer, ni aux arbres jusqu'à ce que nous ayons marqué d'un sceau sur le front les esclaves de notre Dieu, les enfants de notre Dieu. Et j ' entendis le nombre de ceux qui étaient marqués" (7,1-3).

Au moment même où tout semble complètement livré au démon, où il s emble qu'il n'y ait plus d'ordre, il y a un ordre intérieur. C'est à ce moment-là que Dieu engrange. C'est au moment où la lutte est la plus grande que Dieu dans sa Sagesse nous marque le plus profondément. C'est bien cela qui nous est montré. Dieu tient la terre entre ses mains et le démon n'a de pouvoir que dans la mesure où Dieu le lui.laisse. Heureusement, jamais plus. S'il pouvait aller plus loin, il irait encore plus loin. Un esprit comme celui du démon arriverait à faire des tas de choses. C'est un esprit puissant, mais tout est dans les mains de Dieu. C'est ce que le "nombre" signifie.

Le nombre joue un très grand rôle dans l'Apocalypse. Tout ce qui est nombré est le fruit de la Sagesse. La Sagesse dénombre, elle marque : "jusqu'à ce que nous ayons marqué d'un sceau sur leur front les esclaves de notre Dieu". Les "esclaves" de notre Dieu, c'est le sens littéral, mais cela signifie les disciples de notre Dieu, les fils, les enfants de notre Dieu. "J'entendis le nombre de ceux qui avaient été marqués..." et vient la fameuse épître que vous connaissez bien : "144 mille ainsi marqués de toutes les t ribus des fils d'Israël. De la tribu de Juda, 12 milliers étaient marqués..." toutes les t ribus y passent. C'est le symbolisme de l'ordre. Les douze tribus, elles, ont disparu, puisque l'Eglise les rempla­ cent . Mais symboliquement, les douze tribus montrent bien comment Dieu ordonne son Eglise et que tout a été ordonné aux yeux de Dieu. Ce n'est pas un ordre extérieur, c'est un ordre intérieur. Les élus sont nombres par Dieu. L'Ancien Testament est le symbo­ lisme de ce nombre.

140 "Après cela je vis une foule nombreuse, que nul ne pouvait compter, de toutes nations» de toutes tribus, et peuples et langues, debout devant le trône et devant 1'Agneau, vêtus de robes blanches avec des palmes dans leurs mains (ce sont donc des martyrs). Et ils criaient d’une voix forte : le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône et à 1* Agneau. Et tous les anges se tenaient autour du trône et des vieillards et des vivants. Et ils tombèrent devant le trSne, sur leur face, et se prosternèrent devant Dieu, en disant : Amen, la louange, la glaire, la sagesse, 1'action de grâce, l’honneur et là puissance et la force soient à notre Dieu pour les éternités d’éternités. Amen". (7, 9-12) C’est la grande adoration et la grande louange. L’Apocalypse a deux versants : le versant de la grâce de Dieu et le versant de ce qui apparaît. L'action du démon est périphérique, bien qu'elle puisse nous paraître quelquefois très très profonde, mais aux yeux de Dieu, elle est périphérique. C’est un château de cartes ! Le démon ne peut pas agir autrement. L’action de Dieu, au contraire, est une action intérieure qui nous marque pour 1'éternité. C * est le mystère de la grâce. "Et l'un des vieillards prit la parole'et me dit : ceux-là qui sont vêtus de blanc (vous voyez, ils sont gentils les vie-illards, par rapport à Jean, ils lui donnent de petites explications, de petites herméneutiques, au milieu de l'extase; on voit très bien ces dialogues célestes; dans le ciel, il y aura encore un tout petit peu de théologie, et on verra quand même de petites explications théologiques se faire.’)... ceux-là qui sont vêtus de robes blanches, qui sont-ils ? et d'où sont—ils venus ?". "Je leur dis : mon Seigneur toi tu le sais".

Quand on est dans l'extase, on est humble. Et quand on lit 1’Apocalypse,■on sait bien qu'on ne sait pas grand chose.Alors on est très heureux qu'un vieillard puisse nous donner quelques pe­ tites explications.

"Et il me dit : ce sont ceux qui viennent de la grande tribu­ lation". La grande tribulation est un terme très classique. L'abomination de 11 abomination, dans le temple, sous 11 autel, c'est ce que dit Daniel. L’abomination de l'abomination, c'est la grande tribulation qui est au coeur de l'Eglise, selon la prophétie de Daniel. Ce ne sont pas les abominations du dehors, mais elles sont à 11 intérieur de 1'Eglise. L1Apocalypse est pour 11 Eglise, en tant qu'elle est responsable de toute l'humanité en face de Dieu. Je me souviens des paroles d 'un évêque (je ne dis pas lequel); c'était pendant le Concile, à Rome. Il m'avait reconnu et on avait bavardé jusque vers 2 heures du matin. Cet évêque était très très secoué. Il m'a dit : j'ai lu plus d'une fois, dans Daniel, 1'abomi­ nation de l'abomination, je ne comprenais pas. Maintenant, je com­ mence à comprendre !". Ce n1 était pas une critique qu'il faisait par rapport au Concile, mais il voyait toutes les manoeuvres, il voyait les positiàns multiples et entendait les experts. "Abomination de 1'abomination, dans le temple, sous l'autel 1" Il commençait à comprendre. Au coeur de 1'Eglise, il peut y avoir des infiltrations qui vont très loin.

149 C'est vrai que Vatican II a été un très grand tournant dans 1’Eglise. On le verra progressivement. Le Saint-Esprit est plus in­ telligent que les experts et que les Pères du Concile. Il est plus intelligent qu'eux tous. Il parvient, à travers tout, à nous faire entendre la voix de Dieu. Il est évident que la Saint-Esprit n'a pas parlé de la meme manière au Concile de Trente qu'à Vatican II.

Il y a plusieurs langages du Saint-Esprit. Il n'y en a pas qu'un seul. On oublie qu'il y en a sept : les sept Esprits de Dieu. Il ne parle pas tout le temps comme au Concile de Trente, où II a parlé avec une netteté extraordinaire. Certains théologiens disent : le Concile de Trente c'est Saint Thomas qui a été repris par le Saint-Esprit ! C’est extraordinaire, mais ce n'est pas vrai. Saint Thomas était tout simplement dans la ligne droite et le Concile de Trente confirme sa doctrine, très très grande, et très vraie. Ce n'est pas le Saint-Esprit qui s'est mis à 1'école de Saint Thomas. Si le Saint-Esprit devient thomiste, Il n'est plus le Saint-Esprit. Il ne faut jamais l'oublier.

Eh bien, c'est la même chose. J’ai entendu dire par des experts : Vatican II s'est arrêté là ou le travail des théologiens s'est arrêté. Comme si le Saint-Esprit avait besoin des théologiens J C'est très faux de dire cela. Le Saint-Esprit s'est arrêté là où II voulait que ça s'arrête, tout simplement, sans attendre Vatican III. Ne croyez pas que le Saint-Esprit soit relatif à Vatican III. Nous ne devons pas dire que Vatican II est en fonction de Vatican III. Ca, c'est de l'imaginaire.

A Vatican II, le Saint-Esprit était devant des tensions très grandes, on le sait bien... et II a parlé avec la douceur, la misé­ ricorde avec lesquelles il peut parler pour qu'on l'entende encore.

Les parents ne parlent pas de la même manière aux enfants qui ont 20 ans et â ceux qui en ont 10. Surtout aujourd'hui. Demandez un peu aux pères la manière dont ils peuvent parler à leur grandes filles de 20 ans et comme c'est commode de leur donner des conseils, malgré tout 1'amour qu'ils ont pour elles I Je crois qu'il y a beaucoup de cela dans Vatican II. Le Saint-Esprit nous parle un certain langage différent de celui du Concile de Trente, qui laisse une marge beaucoup plus grande aux interprétations, Parce que c'est beaucoup moins net, il laisse une marge beaucoup plus grande aux interprétations. Et c'est ce qu'on a vu immédiatement après le Concile, les interprétations des experts qui ont voulu continuer Vatican II en vue de Vatican III. Et nous avons vu la revue Concilium réservée aux experts, traduite en douze langues. Et c'est à propos de Concilium que le Synode des évêques latins a déclaré î "Concilium sera interdit dans nos grands séminaires". Et à partir de là, le Saint-Père a dit que les fumées de l'enfer avaient pénétré dans 1'Eglise.

Concilium, c'est la revue des experts. Elle montre bien ce que disent les experts, les théologiens, mais 1'interprétations des théologiens, à l'égard de Vatican II, n'est pas Vatican II. Attention. Î1 y a d'autres interprétations. Vatican II peut s'inter­ préter de deux manières différentes.

150 Vatican II peut s'interpréter de cette manière : Eh bien, maintenant, il s'agit de s'adapter totalement au monde. Cette inter­ prétation nous conduit à tomber dans la relativité la plus absolue. Et Vatican II peut se traduire de cette manière : nous allons vivre quelque chose de très rude. L’Eglise' ne condamne plus parce qu’elle se met sur la Croix. Le Christ, à un moment donné de sa vie, n’a plus rien condamné. Il a accepté d1 être le grain de blé qui tombe en terre et qui meurt. Quand le Christ avait des initiatives durant sa vie apostolique, Il condamnait et II a condamné avec force. Il a condamné dans le Temple. Lisez dans Saint Jean les grands cha­ pitres 7,8 et 9, les grandes attaques : quand Notre Seigneur dit â son peuple : votre père, c'est le démon. On ne peut pas aller plus loin. Il dit cela avec force. Ils sont mûs par le démon. Il ne sont plus dans la vraie tradition. Ils ne sont pas de vrais fils d'Abra­ ham. Et s'ils avaient été de vrais fils d * Abraham, ils auraient reconnu qu'il était le Christ. "Votre père, c'est le démon”.

Mais à un moment donné, Jésus a arrêté de condamner. C'est le m ornent de la dernière semaine. Et le moment de la dernière se­ maine commence avec le repas à Béthanie. Dans ce repas, il y a le geste d’amour de Marie et la revendication de Judas. La revendi­ cation de Judas est terrible pour le coeur de Jésus, puisque Judas n'accepte pas le geste de gratuité d'amour de Marie : verser ce parfum d'un grand prix aux pieds de Jésus. Judas tout de suite évalue la valeur économique de ce parfum. On aurait pu le vendre 300 deniers et le donner aux pauvres ! Il considère que Marie a mal agi en pré­ férant Jésus aux pauvres, en faisant ce geste de pure gratuité. Et Saint Jean le souligne dans son interprétation de théologien. Ce n'est pas du tout que Judas aimait les pauvres, il était un vo­ leur. Et Jésus prend la défense de Marie : "laisse-la". C'est très rare de voir Jésus prendre la défense d'une manière aussi nette. "Des pauvres, vous en aurez toujours, mais moi. La dernière semaine, c'est le mystère du Christ qui n’a plus les initiatives. I1 laisse Marie avoir cette initiative. Et il y a ce scandale de Judas qui appose dialectiquement les pauvres à Jésus. Dans les grandes luttes , à 1'intérieur du peuple d1Israel, on avait opposé Jésus à Moïse. On avait opposé Jésus â Abraham. On avait opposé Jésus à Jacob. On a fait toutes ces oppositions-là. Mais la plus fondamentale, c'est d'opposer les pauvres à Jésus, comme si ce qu'on donnait à Jésus on le retirait aux pauvres. Ceci montre, d'une façon symbolique, la grande opposition qui com­ mandera la dernière semaine : opposer les pauvres à 1'Eglise. A 1 * Eglise dans le grand sens du mot, l'Eglise en tant qu'elle est l'Epouse du Christ. L’Eglise en tant qu'elle est la Vierge qui suit 1 ' Agneau partout où il va. Pas l’Eglise dans ce qu’il peut y avoir d'égoïsme dans certains hommes d'Eglise. C'est bien évident. Mais l'Eglise du Christ, le Mystère de 1'Eucharistie, le Mystère de la Parole de Dieu, les gras pâturages.

Alors on oppose les pauvres à Jésus. On n' accepte pas ce geste de gratuité. De même, si vous regardez Vatican II, il y a des inter­ prétations multiples. Il y a des théologiens qui disent : "Vatican II c'est le jgrand concile. L’Eglise commence à naître avec Vatican II." Comme si jusque là l'Eglise n'avait rien compris du tout !

151 ... On doit inventer - je dis bien inventer - à partir de Vatican II une nouvelle vision du prêtre (parce qu'on n'avait rien compris avant) , une nouvelle vision du prêtre toute différente... J’ai lu ces articles dans Concilium. Une crise des vocations ? pas du tout. C’est tout simplement parce qu'on reste fixé sur une image du prêtre datant du Concile de Trente. Et il faut maintenant quelque chose de tout à fait nouveau, il faut tout simplement comprendre que 1’Eglise c’est le s acerdoce du Christ. Pas besoin de prêtre... ce sera les fidèles. On prendre n'importe qui... on prendre sur le tas, sur la base ! Dans tous les domaines, c’est comme si Vatican II était une révolution culturelle à l’intérieur de l'Eglise, comme s'il n’y avait rien eu auparavant I Alors que Vatican II ne fait que confirmer tout ce qu'il y avait avant. Il reprend tout. Il est toujours en ré­ férence à ce que l'Eglise avait déjà dit. Mais on dit : c'est en référence... oh, c'est pour les autres... En réalité, regardez bien, Vatican II est tout entier orienté vers Vatican III. Et à Vatican III on pourra parler librement. On pourra dire tout ce qu'on veut ! Ces choses-là ont été écrites même par des gens très compétents. Alors il faut comprendre que cette interprétation fausse de Vatican II n'est sûrement pas celle du Saint-Esprit.

Pas plus que celle d'ailleurs qui consiste à dire : Vatican II c'est trop flou, c'est trop dangereux... Ca n'existe pas. Alors revenons au Concile de Trente. Ün n'a pas le droit de dire cela. Aucun théologien n'est juge de l'Eglise. Et le jour où le théologien est juge de 1'Eglise, il n'est plus théologien. Il parle en son propre nom et il ne parle pas au nom de l'Eglise. Les conciles sont partis de la conduite du Saint-Esprit à l'égard de l'Eglise. Que Vatican II soit difficile à interpréter, c'est vrai. Il faut le comprendre. Vatican II nous demande de retourner aux sources. Et c'est cela la chose la plus grande : retourner aux sou rces. Parce que, sans doute, 1'Esprit-Saint doit nous faire com­ prendre qu'il faut nous fortifier, et que les luttes vont être très grandes. Car si Vatican II guvre la dernière semaine, la grande semaine, c'est que les luttes vont être grandes pour l'Eglise et pour l'humanité. Mais en même temps, il y a cette chose merveil­ leuse : la grâce de Dieu nous est donnée en plénitude. Et c'est vrai que la grâce de Dieu nous est donnée en plénitude. Alors nous com­ prenons ce qui nous est montré ici ! le versant, d'une part, de toutes les choses bouleversées, où l'on ne reconnaît plus rien. Mais regardons bien : nous voyons que Dieu nombre ceux qu'il aime.

Parce que c'est au moment de 1'épreuve qu’on nombre les élus. "Et l’un des vieillards prit la parole et me dit ; ceux-là qui sont vêtus de robes blanches, qui sont-ils ? et d'où sont-ils venus ? Et je lui dis : mon Seigneur, toi tu le sais. Et il me dit : ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau". (7,13-15) C'est bien revenir à la source, cela. Revenir à la source c'est regarder le Mystère de la Croix, le Mystère de l’Agneau.

152 Voilà pourquoi "ils sont devant le trône de Dieu. Et lui rendent un culte jour et nuit dans son sanctuaire. Et celui qui est assis sur le trône dressera sa tente au-dessus d’eux et ils n'auront plus faim; ils n'auront plus soif; et le soleil ne les frappera pas, ni aucune cheleur brûlante. Car l'Agneau qui est au milieu d'eux les fera paître et les guidera vers les sources d'eau de la vie. Et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux". (7,16-17)

Vous voyez comment le dernier sceau annonce la gloire, c’est-àdire l'entrée dans le royaume de Dieu, en montrant la venue glorieuse du Christ, dans sa proximité, et c'est cela qui donne l'espérance. Si on ne le regarde que de l'extérieur, on ne voit que l'aspect du cataclysme. On n*y reconnaît plus rien. C'est vrai qu’il y a des cas où on ne reconnaît plus rien. On voit cela dans les communautés re­ ligieuses de temps en temps. Ca avait été bien ordonné pendant des siècles et des siècles, puis tout d'un coup, tout s'est écroulé, avec une rapidité effrayante. On se dit, mais qu'est-ce qui s'est passé ? Ils sont tous devenus fous... on ne voit plus, on ne recon­ naît plus... on ne parle plus le même langage. C'est ce que me disait l'autre jour un religieux : "on est heu­ reux de rencontrer des religieux, on a la même foi. On croit que le Christ est Dieu, tandis que parfois on se demande si vraiment, pour eux, le Christ est encore Dieu. Ils reviennent à des conceptions où tout est tellement relativisé...'*. Quand on vit dans des milieux de théologiens, je vous affirme qu'on voit cela constamment, ce n'est pas une fois, c'est tout le temps l Ilf^put beaucoup prier pour les étudiants. C’est bouleversant pour eux, et pas commode... On a besoin d'être éduqué. On a besoin de recevoir la Tradition, on a besoin de recevoir la vérité plénière. Je sais très bien que la grâce de Dieu passe à travers tout. Mais quand même, Dieu se sert des hommes. Dieu aime se servir des hommes, et la Tradition passe par eux. Il-faut bien voir ce boulever­ sement et ne pas faire la politique de l'autruche, en disant : tout cela est exagéré.-., non. Ce n'est pas exagéré parce que vraiment on le voit, surtout du côté de l'enseignement et de la liturgie. Sur la liturgie, il y aurait beaucoup de choses à dire... C'est pour cela qu 'on aime les messes des catacombes , les messes silencieuses, où l'on peut prier, où l'on retrouve le Mystère de la Croix, dans son sens profond. On en a besoin. Les fidèles doivent se retrouver dans le silence auprès du Christ. Mais en même temps que ce bouleversement, n'oublions pas de voir l'autre point de vue, sous le signe du 6ème sceau : le regard de Dieu à travers tout ce tumulte. Si Dieu nous met dans la grande tourmente, "l'abomination de l'abomination, dans le temple, sous l'autel", c'est parce qu’il nous aime follement. Nous sommes ses privilégiés. Il nous aime beaucoup et nous demande ce qu'il a demandé à son Fils bien-aimé : d'être fidèles à travers tout. Il nous demande d'avoir cette foi de témoin, à travers tout; et d'être marqués profondément, au plus intime de notre âme, de sa grâce et de ne jamais douter de sa grâce.

De temps en temps on est seul, et ce n'est pas très drôle. Les exodes, les déroutes, on l'a vu à la dernière guerre, ce n'était pas très drôle. Et souvent on est seul, très seul.

153 Et à ce moment—là Dieu nous donne sa grâce et cuis, très vite, il permettra qu’on retrouve d'autres solitaires et il n'y a rien de tel que les amitiés de solitaires,

C'est extraordinaire les amitiés de solitaires. C'est comme ces amitiés de ces vieux soldats, de ces poilus de la guerre de 14, qui ont passé dans les tranchées. Ils racontent cela jusqu'à leur dernier âge, indéfiniment... Ils racontent toujours ce qui s'est passé, tellement ça a été fort, tellement ils ont compris à ce mo­ ment—là ce que c'était que de rencontrer quelqu'un qui parlait le même langage, qui a vait la même foi qu'eux. Les catacombes spi­ rituelles permettent des rencontres très fortes.

Je crois que c'est cela le "nombre" des élus. Encore une fois, ça ne veut pas dire que tout le monde soit condamné. Pas du tout. Dieu permet de très grands tourments pour faire une très grande misé­ ricorde. Il y a des quantités de gens qui n'y peuvent rien. Quand je parle de ces théologiens, je ne les juge pas. Je ne vois que leur opinion et je dis : non, je ne suis pas d'accord. Mais je crois que Dieu a une très grande miséricorde, car la bêtise humaine est telle­ ment grande 1 Dieu permet la bêtise pour être plus miséricordieux. On ne peut être que miséricordieux vis-à-vis de gens qui ne compren­ nent rien. Ils sont comme ça. Ils ne comprennent rien. Alors c'est la miséricorde de Dieu qui intervient.

Au moment de la très grande tourmente, on voit cette miséri­ corde de Dieu qui nombre les élus. Voilà pourquoi ils sont devant le trône de Dieu. Au milieu du combat ils sont devant le trône de Dieu. Ils lui rendent un culte jour et nuit dans son sanctuaire. Quand on est seul, on peut toujours adorer, même en prison. Et on adorant, on n'est plus seul. "Ils rendent un culte jour et nuit dans son sanctuaire. Et celui qui est assis sur le trône dressera sa tente au-dessus d'eux". C'est la miséricorde merveil­ leuse de Dieu. Il voit ces pauvres petits en pleine lutte et II leur donne de tenir bon et d'être fidèles à travers tout. Parce que ce qui nous manque, c'est la fidélité. Ca ne veut pas dire que nous disions tous exactement la même chose, qu'on ait exactement les mêmes perspectives ... mais non. Ce qui nous manque c'est d'être fi­ dèles à travers tout et de vouloir suivre 1'Agneau partout où il va et d'être dociles au Saint-Esprit et de comprendre ce que le SaintEsprit veut nous donner. On aura des interprétations différentes. Ca ne peut pas être autrement. Mais on se retrouve dans la finalité, c'est-à-dire dans 1'adoration et la contemplation.

"Et celui qui est assis sur le trône dressera sa tente au-dessus d'eux. Ils n ' auront plus faim. Ils n’auront plus soif." Quand on a bu très faim et très soif, c’est merveilleux d'être rassasiés i "Et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur brûlante, car l'Agneau qui est au milieu du t rône les fera paître et les guidera..." Voyez le renouveau à l’intérieur de tout cela, c'est le 6ème sceau. Il y a un renouveau merveilleux ; c'est la pré­ sence de 1'Agneau, au milieu d'eux, qui les fera paître. C’est la tendresse du Père, le 6ème sceau, mais c'est très caché.

154

Encore une fois, si l’on regarde-de l'extérieur, ce n'est pas très drôle, mais si l'on regarde de l'intérieur, on voit cette tendresse magnifique car "1'Agneau qui est au milieu d'eux les fera paître et les guidera vers les sources d'eau de la vie"* C’est lui-même qui les guide. Comme il n'y a plus beaucoup de guides, alors c'est 1'Agneau qui nous guide I Quand ceux qui devraient parler ne parlent plus, c'est 1’Agneau lui-même qui intervient. C'est magnifique : c'est Jésus qui descend, qui est là, qui éclaire, qui prévient, et qui conduit aux sources de l'eau de la vie.

"Et Dieu essuiera toutes larmes de leurs yeux". C’est la ten­ dresse merveilleuse de Dieu pour celui qui a bien combattu. *

*

"Et lorsque 1'Agneau ouvrit le 7ème sceau, il y eut dans le ciel un silence d'environ une demi-heure". Je devrais vous laisser une demi-heure dans le silence. Le 7ème sceau, c'est le silence de la vision béatifique. C'eat l'entrée dans la gloire. C’est le triomphe du Christ. Chapitre 8

:

Le 6**me sceau introduit dans le 7ème. On le voit bien. Il y g entre eux continuité sous-jacente. Mais de l'autre côté, il y a la bourrasque. Toujours les deux aspects. Il faut relire souvent le 6ème sceau et essayer de comprendre les deux aspects qui nous sont montrés. Parce que si on ne voit qu'un seul aspect, ou bien c'est le désespoir, ou bien c'est l'optimisme béat 1 Il ne faut surtout pas confondre les deux aspects du 6ème sceau. C'est la lutte et, extérieurement, le démon a l'air d'être victorieux, mais profondément, c'est la victoire du Christ, comme à la Croix, Il faut le lire dans la lumière de la Croix. Il y eut dans le ciel un silence d'environ une demi-heure". Vous voyez le ciel qui est dans l'éternité. Un silence d'une demiheure par rapport à l'eternité, voyez ce que ça fait ! "Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu et il leur fit donner sept trompettes".

Là nous entrons dans quelque chose de tout à fait différent. En réalité, c'est très mal ponctué. Ün devrait mettre "une demiheure" et puis "un grand silence" et puis aller à la ligne J Mous entrons dans quelque chose de tout à fait autre. Nous entrons ici dans le symbolisme des trompettes. Il ne faut surtout pas les mettre à la suite des sept sceaux. Sept sceaux, sept trompettes, sept coupes, à la suite, non, ce n'est pas ainsi. Ces symboles sont à des niveaux d'intelligibilité différents. Les sceaux ce sont les définitions et les volontés, de Dieu qui gouvernent l'Eglise. Et c'est pour cela que seul l'Agneau peut enlever les sceaux. C’est directement Dieu, c'est Son Mystère, c'est Son Secret. Et le Secret de Dieu nous est révélé pour que nous comprenions comment Dieu a pensé dans sa Sagesse, qui a sept formes, la manière de nous sanctifier.

155

Dieu nous sanctifie par la victoire du Christ, point de départ et terme. Il nous sanctifie en nous demandant de lutter contre les concupiscences du péché. Il nous sanctifie en nous demandant la pa­ tience d'accepter le temps de Dieu. Il nous sanctifie en laissant le démon tout bouleverser et avoir comme une espèce de victoire extérieure. Il nous demande, à ce moment-là, de nous intérioriser. Plus le démon est puissant, plus Dieu nous demande de nous intério­ riser. Et c'est cela que montre le Sème sceau. C'est d'une très grande intériorité, comprenons bien. Il ne s'agit pas d'abandonner son poste. Non j restons à nos postes le plus longtemps possible ; là où l'on est, même si ça fait du vacarme, même si les vitres sau­ tent, on doit rester à son poste. On reste là où Dieu nous a mis et l'on vit par l'intériorité; On sait que ce n'est pas commode du tout parce qu'on sent très bien qu'il y a des bourrasques qui veulent nous jeter par terre. Le 6ème sceau implique une très grande intériorité qui ne supprime absolument pas 1'engagement que nous avons, en tant que serviteurs de Dieu, ni la tâche que Dieu réclame de nous.

Les trompettes Nous entrons dans le symbolisme des trompettes. C'est tout à fait différent de ce que nous avons vu jusqu'à maintenant.

"Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu et il leur fit donner sept trompettes". Voyez qu'ici ce sont les anges qui ont les trompettes ; ça ne sort pas du trône. Les anges ce sont quand meme des envoyés de Dieu, des instruments de Dieu. "Et un autre ange vint et se plaça près de l'autel avec un encensoir d'or". Nous avions vu que toutes les décisions, tous les sceaux se comprenaient dans le mystère victimal et sacerdotal du Christ, et j'allais presque dire : plus victimal que sacerdotal.

Victimal et sacerdotal se tiennent, mais c'est plus victimal, c’est 1'Agneau égorgé. Donc 1 ’ Agneau égorgé c'est vraiment 1'aspect victimal du Christ. Et toutes les décisions se prennent à l'intérieur même de l'aspect victimal du Christ. Alors que les trompettes vont exprimer, d ans leur .symbolisme , l'exécution. Si l'on regarde attentivement on voit bien le lien entre la trompette et 1'exécution. Tandis que les sceaux, ce sont les décisions. En eux sont cachés les secrets. On ne peut pas dire que les trompettes expriment des secrets. C'est juste l'inverse. Les trompettes, au contraire, c'est le point de vue de l'exécution. Elles commandent 1'exécution et dans 1'exécution Dieu a des instru­ ments. Et donc il y a les anges. Les anges et les sept trompettes font penser à 1'Apocalypse I Mais il faut bien voir que l'exécution implique des instruments. Toute cette exécution de Dieu est, elle aussi, enveloppée d'une liturgie. Elle est liturgique parce qu'elle est sacerdotale. Toute liturgie est sacerdotale.

156 "Et un autre ange vint et se plaça près de l’autel avec un encensoir d’or". Cet ange qui fait le thuriféraire ! "Il lui fut donné beaucoup de parfums pour les offrir, avec les pri­ ères de tous les saints, sur l'autel d’or.qui est devant le trône". (0,3-4). Voyez le petit préambule aux exécutions : ce sont les pri­ ères des saints. Toute exécution des desseins de Dieu passe à travers les prières des saints. C'est très beau de voir cela... Ca montre le râle de la prière. Il y a des moments où 1 * on sait très bien qu'il n'y a plus qu’une seule chose à faire, c'est de prier. Alors ne disons pas î il n’y a plus que cela à faire ! Disons : c’est la chose principale. Dans l'ordre de 11 exécution, les prières comptent plus que tout le reste, c’est montré ici : cet ange "vint et se plaça près de l'autel avec un encensoir d'or”. Un encensoir d'or, parce qu'il est lié au sacerdoce royal. L’encensoir d,'or montre l'aspect de l'amour. Toutes lesprières ne sont vraiment des prières que lorsqu'elles expriment l'amour. Toutes nos prières de demande ne sont vraiment des prières que lorsqu'elles expriment 1'amour. C'est en raison de l’intensité de 1'amour qu'elles contiennent que nos prières sont efficaces. Si nos prières ont une très grande intensité d'amour, elles sont toujours efficaces. Tout le temps. On le voit bien ici. Mais elles ne sont pas efficaces à notre manière. C'est cela qui nous trouble toujours. Saint Thomas n'hésite pas, en tant que théologien, à dire que toute prière de demande est toujours efficace. Mais attention, elle n'est pas efficace selon notre manière de demander. C'est pour cela que la vraie prière de demande doit toujours se faire dans une atti­ tude d'abandon. Tel est le bon plaisir de Dieu. Alors, à ce moment-là la prière de demande a une force extraordinaire. Je demande à Dieu cela. Il ne semble que je dois le demander... Mais je le prie dans l'attitude d'abandon. Tel est le bon plaisir de Dieu.

Tandis que celui qui dit : Seigneur, je vous en supplie, n'est pas abandonné. Quelquefois les très grands saints peuvent dire je... je... au Seigneur. Mais nous nous devons faire un petit peu attention. Nous ne sommes pas de très grands saints... Alors ne disons pas au Seigneur : Seigneur, je vous en supplie, faites ceci ou cela, ou bien je ne croirais plus rien du tout! Non, cela c'est forcer la main, ce n'est plus une prière.

La prière, c'est la demande du pauvre, du tout petit, de celui qui sait qu'il n’a aucun droit. C'est la demande du mendiant. Il y a des mendiants qui savent mendier et il y en a qui mendient très mal. Il y a des mendiants qui réclament. Il y a des mendiants qui vous font comprendre que si vous ne donnez pas, ils vous joueront un sale tour. On les retrouvera au coin du bois. Alors, à ce moment-là, vous avez compris, vous n'avez pas du tout envie de faire 1'aumâne, parce que c'est un faux mendiant. C'est peut-être un escroc. Ce temps en temps, nous prions comme de faux mendiants. Le vrai mendiant sait qu'il doit recevoir gratuitement. Mais il s ait qu'en tant que pauvre. qu'en tant que mendiant, il a un droit sacré auprès du Christ.

157 C'est de cette manière-là que nous est présentée la prière des saints. "Il lui fut donné beaucoup de parfums pour les offrir, avec les prières de tous les saints, sur l'autel d'or qui-est devant le trône". Le parfum est le symbolisme de la prière d’ action de grâce. Et la prière de demande doit toujours être enveloppée de parfum, et donc de prière d'action de grâce, toujours.

On doit toujours remercier Dieu parce que le parfum, c'est le parfum de Marie. Marie remercie Jésus de tout ce qu'il a fait. Et l'action de grâce est très très liée à la contemplation. Je crois qu’on ne peut vraiment remercier que d’une manière contemplative.

La prière de demande doit être liée à l’action de grâce» C'est-à-dire qu'elle doit être liée à cette attitude de remerciement et d ' abandon, dans une confiance totale envers le Christ.

"Et la fumée des parfums montait de la main de l'ange avec les prières des saints devant Dieu". Voyez l'efficacité de la prière. Elle atteint Dieu. Quand on écrit au Saint-Père, on n’est pas toujours sûr que la lettre va arriver... parce que ce ne sont pas uniquement des anges qui sont les intermédiaires. S'il n'y avait que des anges comme intermédiaires, ça arriverait tout le temps ! Alors on a l'avan­ tage dans la prière : on sait que ce sont les anges qui sont les mé­ diateurs . C'est merveilleux, ils sont totalement à notre service. Les anges aiment tellement quand on prie. Plus on demande, plus ils ont de demandes à porter, plus ils sont heureux. C'est extraordinaire. Ils sont tellement heureux qu’il y ait cette grande montée de prières vers Dieu. Ne comprenons pas quantitativement . Les demandes quantitatives, c'est un peu assommant... Ilfaut des demandes quali- . tatives. Il faut les vraies demandes. Il faut les cris de l'enfant dans le désert. Ca ne s'exprime pas tellement, mais ça se dit avec une force intense. "Et l'ange prit l'encensoir et le remplit du feu de l'autel, et le jeta sur la terre. Il y eut des tonnerres, des voix, des éclairs et une secousse. Et les sept anges qui avaient les sept trompettes se préparèrent à en sonner". (8,5-6) Voyez cette liturgie des anges qui offrent les prières avec le parfum, cette liturgie angélique de l'Apocalypse, au service des hommes. "Et l'ange prit l'encensoir et le remplit du feu de l'autel". Le feu de l'autel, c'est la grande prière du Christ, c'est sa prière sacerdotale. Le Christ prie pour tout l'univers. Et notre prière n'a son efficacité que lorsqu'elle est liée à celle de Jésus. A ce moment-là, elle prend sa signification plénière. On peut dire aussi que le feu de l'autel, c'est la prière de Marie. Parce qu'on peut dire que 1'autel c'est aussi le symbolisme de Marie. Marie est d'une certaine manière l'autel. Elle l'est d'une façon très très spéciale. Il y aurait beaucoup de symbolismes à expliquer là, mais Marie est un peu 1'autel, C'est sûr qu'elle est liée à la prière du Christ ; donc le feu de l'autel c'est la prière du Christ et le Mystère de la Compassion de Marie. C'est peut-être plus immédiatement la Compassion de Marie.

158 ..."Et le jeta sur la terre". Pour montrer le lien, vous voyez : la grande montée et la grande descente. C 'est 1'échelle de Jacob. Les anges sont là pour prendre, ils sont là pour monter, pour donner. Nous demandons à Dieu et Dieu nous donne 11 amour. Parce que le feu de l'autel, c'est l'amour. C'est l'amour qui est dans le Coeur de Marie. Chaque demande nous donne un tout petit peu de l'amour du Coeur de Marie.

Voilà la réponse de Dieu. Voilà comment la prière de demande est toujours exaucée. Parce que si nous demandons vraiment, nous de­ mandons 1'amour. La seule chose à demander, c'est 11 amour. C'est de grandir dans 1 ' amour, c ' est d ' aller plu«s loin dans 1 ' amour. "Alors l'ange prit l'encensoir, le remplit du feu de l'autel et le jeta sur la terre". A ce moment-là, on reçoit cet amour qui est dans le Coeur de Marie. Parfois nous avons demandé telle chose : la réussite d'un exa­ men, 1'efficacité, nous avons demandé que ça aille bien... Il faut le demander, Ca fait partie de nos préoccupations et de nos diffi­ cultés , mais on le demande en disant i "Seigneur, si tel est ton bon plaisir...". Il faut le demander, .Mais de temps en temps ça ne réussit pas exactement comme on voudrai.b. C'est que Dieu fait quel­ que chose de plus grand : il nous donne du, feu de l'autel.

"Il y eut des tonnerres, des voix et des éclairs...", 11 Esprit-Saint, "et une secousse .

c'est

C'est à l'intérieur de cette grande vision de la prière, de cette liturgie des anges qui unissent les hommes à Dieu et qui unissent le Coeur de Jésus aux hommes f que va se réaliser 1'exécution symbolisée par les sept trompettes, dont nous verrons demain le déroulement.

(fin de la 12ème conférence)

159 5ème .jour

1Jème conférence

Les volontés du Père sont les volontés du Christ, et donc elles sont liées à l’aspect victimal du Christ. Tandis qu’au contraire, avec les tromêttes, nous sommes dans l’ordre de l'exécution. ( En termes philosophiques on pourrait dire que les décisions représentent la finalité et que les trom­ pettes représentent l’efficience).

Il y a là très nettement deux choses différentes qu’il ne faut séparer. Une exécution qui est en dehors de la finalité, c’est de l'agitation. Le démon agit en dehors de la finalité. Il y a des gens qui sont agités: le mouvement pour le mouvement. Le mouvement pour le mouvement c’est l'agitation : pas de finalité C'est le tourbillon du démon. Le démon est le prince des tourbillons. Dieu n’est jamais dans le tourbillon: Il est dans l'amour. Quand il y a un tourbil­ lon trop grand, une agitation trop grande, on se laisse prendre. Et c'est le démon qui met cette agitation pour que nous perdions le sens de la finalité.

Ici la finalité nous est montrée pleinement par les décisions. Les décisions de Dieu commencent par le victoire de l’amour et s'achèvent dans la victoire de l'amour. Tout commence par l'amour et s'achève dans l’amour. Toutes les oeuvres de Dieu sont finalisées. Quand on voit quelque chose qui est par­ faitement dans l'amour et qui s'achève dans l'amour, on y reconnaît la signa­ ture du Saint-Esprit. A l'intérieur de cette finalité il y a l'efficience. Dieu ne supprime pas notre conditionnement humain. L'amour nous relie au terme, mais Dieu veut que nous oeuvrions. Il ne faut pas dire: " Ah Dieu ne regarde pas les oeuvres, alors je me tourne les pouces, je ne fais rien..." Pas du tout. Dieu veut que nous oeuvrions et il demande à chacun d'entre nous une oeuvre particulière. Balayer,c'est une oeuvre. Ce peut être fait avec un très grand amour. Faire la cuisine , c'est une oeuvre; bâtir des maisons, c;est une oeuvre; enseigner, c'est une oeuvre. Et donc Dieu peut demander des choses extrêmement différentes. Le tout est que ce soit enveloppé d'amour. Eduquer les enfants, c’est une oeuvre. S'occuper d'eux comme une mère de famille, travailler pour gagner le pain, c’est une oeuvre. Tout cela demande à être complètement enveloppé dans l'amour. Dieu ne supprime pas notre conditionnement humain. Cela c'est le mystère des trom­ pettes. Nous allons essayer d'entrer dedans.

Les sceaux ce sont les décisions amoureuses de Dieu, et les trompet­ tes, c'est l'exécution à l'intérieur des décisions. Et c'est pour cela qu'il ne faut surtout pas les mettre à la suite. C'est à l'intérieur de toutes ces décisions que nous voyons les trompettes. C'est pour que l'amour passe à tra­ vers le conditionnement de notre vie. Et l'amour doit arriver à transformer1 progressivement tout le conditionnement de notre vie.

C’est surtout dans le travail que nous voyons le conditionnement de notre vie: quand on travaille, on est lié au temps et au lieu-. C’est en tra­ vaillant qu'on comprend le mieux,ce qu’est le temps. On travaille tant d’heu­ res: ça se mesure. Mais vous n'allez pas dire : " j’ai aimé tant d'heures...” Vous dites cela pour l'oraison: on fait une demi-heure d’oraison. Mais quand on aime, on est dans l'éternité, parce qu'on est au-delà du conditionnement. Déjà au point de vue humain, aimer vous met au-delà du temps, et aimer divine­ ment vous met dans l'éternité. Tandis que quand vous travaillez, vous êtes dans

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votre conditionnement, vous êtes dans le temps. Vous êtes justement dans le mystère des trompettes. Le mystère des trompettes doit éclairer tout le travail, tout le conditionnement humain. Tandis que le mystère des décisions de Dieu éclair* notre coeur, et ses profondeurs. Il faut que notre coeur soit entièrement possédé par le cheval blanc, c'est à dire par la victoire de l'amour. A ce moment-là, nous sommes en conformité avec le Christ. On m’a demandé de montrer les grands symbolismes qui sont engagés dans l'Apocalypse . ( Je ne vais pas vous faire un résumé: ça pa se résume pas-, l'Apocalypse!) Vous avez donc les sceaux qui sont le mystère trompettes, que nous allons voir, qui sont l'exécution. le symbolisme des signes avec la femme et le dragon, la Vous avez là les sept signes successifs. Le Terne signe, sept anges aux sept plaies. C'est le chapitre 15»

des décisions; les Ensuite, vous avez bête de la mer, etc... c’est justement les

Les signes, ce ne sont ni les décisions, ni les exécutions: c'est le contenu, intérieur, des deux ensemble, de l'exécution dans les décisions. Les décisions sont commandées par la finalité. Et leur contenu, c'est l'amour. Mais nous n'atteignons pas et ne pouvons pas atteindre notre fin en dehors d'un certain devenir, d'un certain travail. ( Toujours, même dans l'amour, il y a un certain travail. Il ne peut pas en être autrement, et le travail doit être fait dans l'amour.)

Alors, comme nous atteignons notre fin par le devenir, nous l'attei­ gnons donc en respectant le conditionnement dans lequel nous sommes, avec tout le réalisme que ça représente. Le conditionnement nous limite et nous acceptons cette limite en vue de la dépasser toujours. Il est bon de réfléchir sur la signification de cette efficience à l'intérieur de la finalité. C'est cela le mystère des signes. C'est très calé tout cela. Le Saint-Esprit est très intelligent; c'est très très fort. Si vous le lisez de façon matérielle, vous n'y comprenez rien. Ce n'est pas de l'exégèse, c'est une analyse profonde, c'est, si vous voulez, une exé— •gèse théologique de ce que représentent les différents signes.

Mous voyons très nettement une signification profonde de la lutte: ce n'est pas la finalité. Faisons attention, la finalité, c'est l'amour. Et la lutte a une signification dominante. Quelle est-elle? C'est la femme et le dragon. C'est extraordinaire: toute la lutte est entre la femme et le dragon. C'est cela qui nous fait saisir le coeur de la lutte à l'intérieur de l'Eglise et à l'intérieur du monde. La femme et le dragon, c'est à dire Marie et Lucifer, qui sont les deux extrêmes dans la famille de Dieu. On comprend très bien que les deux extrêmes dans la famille de Dieu, soient toujours en lutte. Alors nous avons cette grande vision que nous connaissons bien; en général le chapitre 12 est bien connu. Du chapitre 12 au chapitre 15 inclus, vous avez tout le grand mystère des signes donnant la signification de la lutte. Il y a une signification dcm-iriante, puis il y a une signification secondaire. C'est " le- signe dans le ciel "...

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Le signe dans le ciel, c'est vraiment une signification qui vient de Dieu. Nous ne pourrions pas la découvrir autrement. C'est pour cela que je dis " le signe dans le ciel n. Le signe dans le ciel, c'est la femme et le dragon.

Il faut bien comprendre que cette signification ne peut pas être saisie en regardant les choses de l'extérieur. Il faut un regard contemplatiÆ, puisque c'est un signe céleste, pour comprendre que toute la grande lutte dans l'Eglise, est cette rivalité terrible du dragon à l'égard de la femme. Aux trois niveaux de la femme; si nous prenons bien le symbolisme de la femme, il y a les trois niveaux: Marie, 1'Eglise et la créature. La créature dernière, parce que la femme est la créature dernière. Elle est la benjamine, dans le langage de l'Ecriture. La femme, c'est donc la créature ultime. Dieu s'est reposé après avoir réalisé la femme. Il ne s'est pas reposé après avoir réalisé l'homme. Ce qui montre bien que l'homme n'est pas le dernier. La femme est quelque chose d'ultime. C'est le langage que Dieu prend dans la Genèse. On comprend la tension entre Lucifer et la benjamine. Lucifer, le premier parmi les archanges, premier dans l'ordre de l'intelligence. Celui qui aurait dû avoir, selon le plan de Dieu, cette espèce de régence sur tout notre univers physique, et donc sur ce que représentent les petites dernières créatures. Le benjamin et la benjamine étaient confiés à Lucifer, riais il y a eu la révolte, et Michel a pris sa place. Et c'est Michel qui a cette régence sur notre univers. C'est Michel qui doit intervenir constamment. Quand il y a des choses importantes, il faut appeler Saint-Michel. Quand il y a des grands conflits, il faut l'appeler: il fait du très beau travail, du travail vigoureux. C'est vrai que le combat dans le ciel se fait entre Michel et Lucifer. L'Apocalypse nous le montre et nous fait bien comprendre comment, à l'intérieur de l'ordre.des archanges, il y a Saint-Michel , qui veut être entièrement dans la docilité de Dieu, et Lucifer, au contraire, qui n'accepte pas d'être l'intendant de Dieu;, auprès du monde physique ni auprès de ces petites créatures que représentent la femme et l'homme, Vous avez ensuite le symbolisme des coupes. Il est très lié au point de vue du jugement. Le jugement vient ensuite, mais le symbolisme des coupes représente les résultats, les fruits. C'est la moisson. On engrange. Le juge­ ment n'est plus d'ordre symbolique. C'est lié aux coupes. Dieu fait un discer­ nement. Mais il faut quand même bien discerner le point de vue du symbolisme des coupes et le point de vue du jugement. Le jugement n'est plus d'ordre symboli­ que, c'est Dieu qui fait le discernement.

Comment son image qui est se nous montre la montre l'amour de

Dieu dans très Dieu

fait-il ce discernement? Dieu sépare l'oeuvre du démon dee l'homme. C'est cela le discernement de Dieu. L'Apocalyp­ grande miséricorde de Dieu envers l'homme. Elle nous pour l'homme, à travers tout.

Il faut se rappeler ce que représente la première faute: l'homme ne pèche jamais seul. La femme a été séduite. Et l'homme a été séduit par la femme et donc, indirectement, parle démon. Donc, parce que l'homme ne pèche jamais seul, il n'est pas totalement responsable. Voyez dans une famille, par exemple, quand les fils aînés commencent à prendre un peu d'indépendance, ils sont mûs par un esprit de révolte et ils voient les petits derniers qui sont encore dans les jupons de la mère et qui suivent bien docilement... Que fait le fils aîné? il donne de mauvais conseils au petit dernier; il ditî"quand même, regarde, vois un peu ce qui se passe, suis-moi." Et on voit le fils aîné entraîner le petit dernier. Quand on s'en* aperçoit, on sépare les petits derniers de l'influence des aînés et on ne les gronde pas trop parce qu'on sait qu'ils ont été influencés. Us ne sont

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paa très coupables. Celui qu’on gronde le plus, c’est le fils aîné : " toi en qui j'avais mis ma confiance, toi qui étais plus intelligent, toi qui devrais comprendre, voilà ce que tu as fait,. C'est exactement ce qui se passe, profondément. Dans la grande faim*il» de Dieu, c’est Lucifer le grand coupable, puisque lui, dans son intelligence, était capable de comprendre. Evidemment il y avait le mystère de la foi, qui mettait une certaine obscurité: il ne pouvait pas pénétrer jusqu’au bout. Lucifer était capable de comprendre et c’est pour cela qu’il est le plus puni et qu’ il demeure, lui, dans son orgueil. Tandis que l’homme, tandis que la femme, ont été séduits. Et donc leur péché n'est jamais un péché d'orgusil absolu. L’orgueil absolu existe quand on est seul. Etre sous l'influence d'un autre, ce n'est plus totalement l'orgueil* Nous ne- sommes pas assez intelligents ... 11 existe de temps en temps, mais il est très rare le vrai péché d'orgueil.C'est le seul péché qui soit irrémissible. C’est le péché contre 1'Esprit-Saint. C'est le péché contre l'amour. C'est le péché qui refuse l'amour. Lucifer refuse la miséricorde. C'est pour cela que lorsqu'on dit: " Dieu est ellement bon qu'il devrait pardonner à Lucifer", ce n’est pas la question, car c'est Lucifer qui refuse la miséricorde de Dieu-. Lucifer est persuadé, dans son intelligence, que Dieu s'est trompé. Quand on est orgueilleux, on est persuadé que c'est l'autre qui nous donne les bons con­ seils, qui se trompe. Et l'on reste fixé dans sa décision, dans son jugement. Lucifer a péché seul, et chaque ange a péché seul. ( Parce que les anges sont toujours des substances spirituelles et donc ils ont une décision qui leur est tout à fait personnelle).

Les anges - surtout Lucifer - ayant péché chacun suivant son propre’ jugement, n'acceptent pas la miséricorde, parce qu'ils ne s'avouent pas coupa­ bles. Si l'on ne s'avoue pas coupable, comment faire miséricorde? Dieu ne peut pas intervenir, c'est impossible. On reste enfermé dans sapropre décision^ dans, son propre jugement. L'homme et la femme ont toujours péché sous l'influence du démon,et c'est pour cela qu'ilc peuvent être pardonnables et qu'ils peuvent reconnaître qu'ils se sont trompés» Chez eux, l'orgueil n'est pas absolu. Ils se sont laissés influencer; ils se sont laissés prendre; ils se sont laissés séduire. Toute tentation se fait par mode de séduction. C'est ce qui nous est montré d'une façon très éclatante, à la fin de l'Apocalypse, Et si on ne le regarde pas, on ne comprend plus et on a l'im­ pression que la colère de Dieu sévit sur l'homme - sur les habitants de la terre, pas sur l'homme - sur les habitants de la terre, et que Dieu veut faire comprendre à l'homme qu’il n'est pas un habitant de la terre, et qu'il est fait pour le ciel, qu'il est fait pour vivre de Dieu. St donc le discernement de Dieu, le jugement de Dieu que nous avons à la fin de l'Apocalypse, c'est très nette­ ment Dieu qui veut faire comprendre à l'homme l'influence du démon sur lui: alors l'oeuvre du démon, c'est la Babylone.

L'oeuvre du démon, c'est cette Babylone que représente la tour de Babel. C'est net. Il y a un parallélisme entre les deux. C'est la femme adul­ tère qui est aussi représentée par le point de vue de la Babylone . C'œt à dire celle qui est vraiment la séductrice de tous les hommes. Dieu veut faire le discernement - juger veut dire discerner, empêcher la confusion-. Le démon maintient la confusion en faisant croire que c'est son oeuvre qui est tout, et qu'en elle l’image de Dieu disparaît, La tactique du démon consiste à suppri­ mer l'aspect substantiel des choses. H nous fait croire que tout est relatif, et que tout peut changer radicalement parce qu'il agit toujours sur les choses extérieures, sur les apparences. La tactique du démon, c'est de faire croire

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que 11 de Dieu en nous, est complètement absorbée par son oeuvre. Et que son oeuvre est la seule chose qui compte. Le jugement de Dieu nous rappelle que Dieu seul est créateur, que Dieu seul agit sur l’être et que le démon ne peut jamais supprimer l’image de Dieu qui est en nous. Le démon peut ajouter des quanti tés de choses, réaliser des oeuvres extraordinaires, nous faire perdre la tête dans un tourbillon, nous faire perdre le point de vue de la volonté et nous mettre entièrement à sa remorque, mais le discernement de Dieu rappelle que l'homme est créé à l’image de Dieu» Une fois ce discernement établi, on voit l’oeuvre de Dieu. Et l’oeuvre de Dieu, c’est justement la Jérusalem céleste.

Entre les deux, il y a quelques petits combats apocalyptiques. Us sont intéressants à voir irais ne font plus partie des grands symbolismes. Us montrent simplement quelque chose d'ultime, de dernier, aussi les appellet-on les combats apocalyptiques à l’intérieur de l'Apocalypse. Dans l’Apoca­ lypse, tout est combat apocalyptique, mais on ne nous montre que deux combats particuliers qui sont comme la reprise des signes, en dernier lieu. Au fond, il faut surtout dire comment tout s’achève dans la victoire de Dieu, dans la Jérusalem céleste» Vous voyez qu'il y a une unité très profonde dans la discontinuité» A première vue, l'Apocalypse est très discontinue. C'est presque en dents de scie... Mais c’est tout simplement pour nous faire entrer de plus en plus dans ce que représente l’oeuvre de Dieu, l’oeuvre du Fils. C’est la réalisation de la Jérusalem céleste» Et l'anti-ceuvre de Jésus, c'est l'oeuvre de Lucifer qui se sert de l'homme. Le démon ne peut oeuvrer qu'en se servant de l’homme. Alors, en se. servant de l'homme, la bête de laterre et la bête de la mer, il veut réaliser la Babylone. Et Dieu n'accepte pas cette fausse alliance. Parce qu’il a voulu, réaliser une alliance plénière avec l’homme, et Dieu est jaloux de Son alliance plénière. Alors il veut arracher l’homme de cette fausse alliance avec le démon. Si l’homme ne comprend pas quand Dieu parle avec douceur, ( Dieu parle avec douceur par la foi), Il lui parlera avec force. Et la toute-puissance de Dieu sera engagée dans, ce discernement pour que l’homme comprenne que le démon n'a aucune puissance par lui-même et que seul Dieu, est le Tout-Puissant. C’est pour cela qu'il y a des fracas à la fin. Parce que c’est la Toute-Puis­ sance de Dieu qui agit. Mais la Toute-Puissance de Dieu agit toujours en vuœ de l’amour, et jamais uniquement au niveau de la justice. Il y a une lecture de l'Apocalypse qui serait très fausse: ce serait de voir uniquement le point de vue de la justice. Dieu n'agit jamais au nom de la justice. Il agit toujours au nom de l'amour. Mais il agit au nom de l'amour en se servant de la ToutePuissance. Et c’est quand il agit en se servant de la Toute-Biissanoo que c'est un peu effrayant.

- Les hommes n’ayant pas entendu le langage du Père, il faut leur faire entendre le langage du créateur.

CDe même que les premiers livres de la Genèse nous font comprendre la distinction entre le Créateur et le Père; le Créateur, c’est celui qui \a la majesté de la Toute-Puissance de Dieu et de qui tout dépend dans l’être, tandis que le Père c’est celui qui communique la vie. Et le démon veut faire croire que c’est lui qui communique la viee. C'est sa grande as tues. Alors Dieux agit , d’abord avec douceur en laissant la liberté aux hommes. Quand les hymnes ne s’entendent plus et ne le comprennent plus, Dieu agit comme Créateur» Et c’est sa Toute-Puissance qui se met au service de son amour. Et c’est le dernier chapitre de l’Apocalypse qui nous montre cela.

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C'est très important de "bien le saisir parce que cela nous fait comprendre le Mystère de l'Eucharistie. L'Eucharistie est le signe divin du grand combat. L'Eucharistie est le viatique» Donc elle doit nous faire comprendre à la fois la conduite infiniment douce de Dieu, et sa conduite infi­ niment violente, sa conduite toute puissante. Dieu agit comme Père avec une inf-îTi-ffe douceur. Et Dieu agit comme Créateur avec unaï autorité souveraine. Pour ceux qui n'écoutent pasla douceur du Père, il y aura l'autorité souvezaine du Créateur. Et tout cela en vue de l'amour, car Dieu n'abandonne pas son oeuvre» Ce serait faiblesse de sa part de laisser le démon réaliser sa Habylone. Alors Dieu nous laisse la liberté jusqu'au bout, espérant que nous comprendrons. H veut jusqu'au bout nous conduire de l'intérieur, librement, par amour. Et comme les hommes se laissent séduire par le démon, par la puissance de la bête de la terre-, par l'oeuvre du démon qui est la Babylone, Dieu est obligé d'inter— ven-îr comme Créateur. Et, intervenant comme Créateur, il intervient avec sa toute-puissance. C'est frappant. Il ne détruit pas son oeuvre, mais il détruit l'oeuvre du démon. Il ne peut pas détruire son oeuvre. Il y a une alliance: l'arc-en-ciel. Ce n'est pas Dieu qui mettra une fin au monde. C'est le démon qui voudrait nous détruire.

Vous voyez, c'est complexe et en même temps c'est simple. Parce que cela nous fait toujours saisir les deux aspects de la toute-puissance de Dieu: le Père et le Créateur. Le Père infiniment aimant, qui nous enveloppe de sa tendresse et de sa miséricorde, et qui veut que nous comprenions ce langage. Et le Père demeure toujours le Créateur. Vous voyez comment l'Eucharistie - qui joue un tel rôle dans l'évangi­ le de St. Jean - est l'essence de l'économie divine. Tout l'Evangile de St. Jean est eucharistique. Farce que ce sont des repas. Et toute la ponctuation de l'Evangile de St. Jean est eucharistique.

Tandis qu'on ne le voit pas directement dans l'Apocalypse. Et pourtant toute l'économie divine est eucharistique. Elle est liturgique, elle est sacer­ dotale, Donc elle est eucharistique. L'Eucharistie, c'est le pain du Père donné aux pauvres ( Ch. 6- de St. Jean). Le Père nous donne sa nourriture, Sa propre nourriture, le fruit de son labeur contemplatif. H nous donne son Fils en nourriture. C'est la douceur suprême du Père. On ne peut pas avoir une douceur plus grande que de donner à l'autre le fruit même de son amour. C'est la douceur du Père. Il nous montre Sa douceur infinie en nous donnant l'Eucharistie. L'Eucharistie implique aussi l'intervention de la toute-puissance de Dieu par le mystère de la transubstan— tdation.

Aujourd'hui, on ne voudrait plus voir que la douceur sans voir la tTaneubetantiation. C'est très significatif. Toutes les erreurs qu'on fait parrapport au ïystère de l'Eucharistie proviennent de ce qu'on ne comprend pas la conduite de Dieir, J'ai entendu ces choses là de mes propres oreilles, et dans des commissions théologiques. Je n'y vais pas beaucoup, mais de temps en temps on est bien obligé d'y aller... et de s'armer de patience! Et j'ai entendu ce que disait une commission de théologiens très aimables, très très: gentils, pleins de miséricorde et de bonté, mais dont le grand souci est d’arrl— ver à fa-ire une nouvelle théologie sans parler de la création. C'est très net. Ce n'était pas dit aussi naïvement , c'était plus voilé. Mais, au fond, c'est bien cela. A la fin, j'ai mis les pieds dans le plat pour leur demander si j'a­ vais bien compris. On peut toujours demander... On peut toujours avoir l'airpeu intelligent et demander; « est-ce que j'ai bien compris? Je voudrais être sûr que c'est bien cela...'*

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C*était très net que, pour eux, il s'agissait de faire une nouvelle théologie uniquement dans le Mystère de la Rédemption. Uniquement. Le Mystère de la création, c’est de la métaphysique. C'est une erreur monstrueuse que d'introduire la métaphysique dans la théologie! Si nous ne parlons plus de la création, nous n'avons plus besoin de la métaphysique. Et donc nous n'avons plus1 besoin que de la psychologie de l'amour!. On y croit... C'est faux. On n'a plus besoin que du symbole... alors on tient compte uniquement du point de vue de la. rédemption; la nouvelle créature et c'est tout» La création, on la met entr® parenthèses.

C'est intéressant de voir comment le Saint-Père ne cesse de rappeler — il l'a rappelé pendant des années - que la métaphysique était absolument néces­ saire. H le dit à sa manière, comme toujours, avec beaucoup de douceur, pour que ceux qui comprennent, comprennent...

Faites attention: une théologie sans métaphysique ne peut pas aboutir. On voudrait faire une théologie hégélienne, uniquement dans le devenir... alors on supprime la création. La théologie hégélienne ne regarde plus que la trana fn-rmat-înn; c'est une théologie du devenir, uniquement. Dans le Mystère de l'Eucharistie c'est la même chose. On accepte la présence réelle. C'est la douceur du Père qui donne son pain. On accepte le mystère du repas, mais il y a deux choses qu'on veut mettre entre parenthèses: le mystère de la transubstantiation et le mystère du sacrifice. Voilà les deux choses qu'on veut mettre entre parenthèses. C'est net, on fait une nouvelle théologie de l'Eucharistie en voyant uniquement la présence et Le point de vue du repas.

C'est, je crois, séparer ce que Dieu a uni. Diviser ce que Dieu a uni. Et ce qui est uni profondément est inséparable. Dans le Mystère de l’Eucharis­ tie, il y a intervention de la toute-puissance de Dieu, comme Créateur. Lemystère de la transubstantiation est l'action de Dieu, comme Créateur, au servicede l'amour.Vous voyez comment l'Eucharistie nous permet de lire l'Apocalypse. L'Eucharistie nous fait comprendre l'économie divine: le mystère du Père et du? Créateur, et le lien merveilleux entre les deux. Dans le mystère de la transùbstantiation il y a une action de Dieu Créateur: seul Dieu peut réaliser la transubstantiation. Cela veut dire que Dieu agit directement sur l'être. Et parce que Dieu agit directement sur l'être, nous, nous agissons sur les formes extérieures. Nous ne pouvons transformer une chose qu'en modifiant les choses extérieures.C'est notre art. Nous n'agissons pas sur la substance des choses: nous agissons sur les formes extérieures. Personne d'entre nous n'agit sur la substance des choses. On croit qu'on peut empêcher une personne de se manifes— ter parce qu'on peut arrêter les manifestations d'un être* Nous ne pouvons pas supprimer la personne humaine, mais nous pouvons arrêter ses manifestations. Nous pouvons faire que quelqu'un ne puisse plus exercerla parole, ne puisse plus donner aucun signe d'intelligence. C'est une petite opération assez sin>ple, vite faite, et qui fait qu'on devient gaga! H y a eu pendant un certain temps à Fribourg un chirurgien remarquable d'intelligence. Quand on lui amenait un vieux grand-père insup­ portable, il disait qu'il était malade et il ajoutait: ne vous inquiétez pas* on arrangB-ra la chose. Alors, il faisait une petite intervention et le grandpère revenait comme un enfant de quatre ans. On avait- empêché la manjfestatinn de son intelligence. On peut faire qu'un être humain ne soit plus que quelque chose qui bouge, de purement mobiDe. Dans ce cas, on ne toucha: pas à la personne substantiellement, mais on touche à son conditionnement dans ce qu'il, a de très profond. Car la science, plus elle avance, plus elle va loin-.

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Et elle touche les conditionnements tout à fait primitifs et fondamentaux. C'est pourquoi elle peut faire, des dégâts énormes, .comme arrêter la manifesta­ tion de la vie, empêcher la fécondité. Elle peut faire tout cela, mais elle ne touche pas à la substance de la personne humaine. Elle ne touche pasà dans ce qu'elle a de substantiel et dans ce qu'elle a de personnel. Mais elle tanche à l'âme dans ses manifestatiens et dans son exercice..

Dieu seul touche directement la substance, c'est à dire l'être dans ce qu'il a de plus profond. Et c'est ce que l'Eglise maintient dans le Jfystère de la Œbansubstantiation en disant que la toute-puissance de Dieu intervient dans le mystère de la Consécration. Dans le rîystère de l'Eucharistie, la toutepuissance de Dieu est au service de Son Amour1. Alors vous voyez que si vous supprimez la création, vous supprimez la trarisùbstantiation. Et vous ne voulez plus regarder qu'une action miséricor­ dieuse qui n'est plus la miséricorde du Père, c'est à dire du Créateur, mais qui est tout simplement l'action de Dieu selon ce que nous concevons être la philanthropie - On fait un Dieu philanthrope. On ne fait plus le Dieu Créateur. Et l'on dit: Dieu est infiniment bon, ne vous inquiétez pas, c'est merveilleux... Ca donne un Dieu qui n'est plus vraiment un Dieu: il suit les évènements et les confirme. C'est l'inverse de ce qui es"t Dieu. Parce que c'est Dieu qui dé­ termine tout et nous, nous devons essayer de le saisir.

La même chose se produit pour le sacrifice. Le sacrifice, c'est l'of­ frande de la vie et l'offrande de la mort. Et donc il touche quelque chose de substantiel. On ne peut plus saisir le mystère de la mort si on ne regarde pas justement jusqu'où, va cette division. Alors, si on supprime le mystère de la transubstantiation, on supprime le mystère du sacrifice car les deux choses se tiennent. Et l'on ne voit plus que l'aspect du repas, l'aspect de l'entente fraternelle. Vous voyez tout ce qu'on peut dire dans ce domaine-là. Et nous oublions ce que l'Apocalypse nous montre avec une si grande netteté — c'est peut-être le livre qui nous le montre le mieux — comment Dieu agit d'abord "suaviter” et, quand les hommes ne comprennent pas le "suaviter", l'action suave de Dieu, alors II est obligé d'agir "fortiter,,;.

Et c'est encore par amour qu'il agit ainsi - ce n'est pas par justice, c'est par amour- car -l'homme ne comprenant pas ce langage de bonté, ce langage de suavité où Dieu lui est tout proche dans l'immanence, Dieu agit avec sa toutepuissance de Créateur pour séparer ce qui vient du démon de ce qui vient de Dieu*.

Ehtrons maintenant dans le symbolisme des trompettes. N'oubliez pas ce que je vous ai dit hier soir ( parce que si on oublie cela , on ne comprend plus rien du tout...) que ce symbolisme des trompettes commence en premier lieu par la vision de ces parfums et de ces prières offer­ tes par l'ange. Elles sont offertes à Dieu dans sa majesté souveraine par le grand mystère de la 1et de la prière, et puis elles retombent sur les hommes.

" L'ange prit l'encensoir et le remplit du feu de l'autel et le jeta sur la terre... Et il y eut dès tonnerres, des voix et des éclairs. Et une secousse. Et les sept anges qui avaient les sept trompettes, se préparèrent à en sonner.1* ( 8,5-6 ) Donc c'est à l'intérieur de ce mystère de la prière qu'il faut comprendre l'exécution.

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Je crois que , pratiquement, cela veut dire que, pour être conforme à la volonté de Dieu, aucun travail humain: ne doit se faire en dehors de la prière. Le travail doit toujours être aidé de la prière; ce que nos grandsparents concevaient très bien. Avant tout exercice, dans une famille chrétienne, on faisait une prière. Dans nos écoles chrétiennes, on faisait une prière. Aujourd’hui, évidemment, ça commence à se laïciser et on n'en fait plus. Au début où j'étais à l'Université - il y a le Christ dans toutes les ailes puisque l’Université se trouve dans un canton catholique - tous les professeurs faisaient au moins un signe de Croix et une courte prière. Les professeurs de théologie le faisaient. Aujourd'hui, ils ne le font plus. Parce qu'il faut être professeur de théologie avant d’être chrétien» Il faut être professeur pour que la fonction l'emporte sur la finalité. C’est très significatif. On veut déchristianiser le milieu. Il n'y a plus de milieu chrétien. On n’accepte plus de milieu chrétien. On veut qu’il n'y ait plus que des individus. On dit: oui, très bien, la prière c'est quelque chose de tout à fait souterrain et personnel, liais surtout qu'elle ne se fasse pas dans un milieu. Il y a encore des familles chrétiennes, mais dès qu’on sort de la famille, il n'y a plus beaucoup de milieux chrétiens. Et quand on veut sauvegarder un milieu chrétien, on rencon­ tre toutes les attaques possibles et imaginables. Parce qu’on n'accepte pas qu’il y ait un milieu chrétien. C’est la désincarnation. Et c’est contraire à la grande vision de l’Apocalypse où l'on voit bien que l’exercice des trompettes se fait à l'intérieur de ce mystère de prière.

Nous devons réagir dans la mesure du possible. Je dis'*dans la mesure du possible” parce qu'on ne peut pas toujours réagir. On doit au moins sentir que ce n’est pas exact. Tant qu'on sent que ce n'est pas juste et qu'on fait ce qu'on peut, Dieu est avec nous. Mais le jour où on dit: " oh oui, c'est' normal... C’est tout à fait normal,,,". C'est normal si l'on est en face d'ins­ titutions laïques dès le point de départ . On est dedans et l'on essaie d'être chrétien au milieu de tout cela: on fait ce qu’on peut, on essaie de sanctifier son petit coin, biais quand ces institutions, au point de départ^ étaient chrétiennes, à ce moment-là cela devient quelque chose qui n'est plus normal. ” Et le premier sonna de la trempette, et il y eut de la grêle.”

C'est le premier fruit de la trompette: ça commence tout de suite. Vous voyez, c'est la très grosse différence d'avec les sceaux. Le premier moment du sceau, c'est le point de vue de l'amour, la victoire de l’amour. Dans le travail, dans l'exécution, la première chose qu'on voit, c’est la grêle. H faut essayer de comprendre ce langage. ” Et il y eut de la grêle et du feu mêlé de sang, qui furent jetés sur la terre. Et le tiers de la terre fut consumé- et le tiers des arbres fut consu­ mé et toute herbe verte fut consumée.” ( 8,7 ) C'est le langage apocalyptique difficile à comprendre. Vous voyez comme c'est difficile: c'est beaucoup moins clair que les sceaux.

" Et le deuxième ange sonna de la trompette, et quelque chose comme une grande montagne brûlée par le feu fut jetée dans la mer. Et le tiers de la mer devient du sang et le tiers des créatures qui étaient dans la mer et qui. avaient vie, mourut, et le tiers des bateaux fut détruit.” ( 0,8-9 ) Si vous prenez le tiers, le tiers, le tiers, il ne reste plus grand, chose si vous les additionnez. Dans le langage symbolique, cela ne s'additionne pas. Parce que c'est d'ordre qualitatif. Si vous commencez à additionner,, ça ne

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va plus du tout. Ce langage veut nous faire comprendre que tout est mesuré par Dieu. L’action du dénon est mesurée par Dieu. Le démon n'est pas du tout le prince qui fait ce qu’il veut. Sas du tout, " Et le troisième ange sonna de la trompette, et il tomba du ciel une grande étoile. Qui brûlait comme une torche, et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Et le nom de l'étoile se lit Absinthe . ( C’est symbolique, n'est-ce pas? ) Et le tiers des eaux tourna en absinthe. Et beaucoup d’hommes moururent de ces eaux parce qu’elles étaient devenues amères.’’ ( e, 1Q-1T )

Si vous Ôtes attentifs, vous voyez que cela représente tout le milieu ambiant. Le milieu ambiant, c’est ce qui permetà la vie de se développer. Selon ces trompettes, on sent que, progressivement, la vie ne peut plus se développer. C’est très significatif. H ne s’agit pas d'une action directe sur la vie, mais d’une action indirecte sur le milieu ambiant.

" Et le quatrième ange sonna de la trompette, et le tiers du soleil fut frappé, et le tiers de la lune et le tiers des étoiles pour qu’ils s'obscur»* cissent d’un tiers. Et le jour ne brilla plus d’un tiers, et la nuit pareillement" ( 8,12 ) Si nous sommes attentifs à ces quatre moments, qu'il ne faut pas du tout mettre en parallèle avec les sceaux, nous voyons comment il y a une action progressive, mesurée, toujours mesurée: le tiers, sur ce que représente notre petite planète, sur la vie des hommes.

(d'f) " Et"je vis et j'entendis un aigle volant au zénith, dire d'une voix forte: malheur! malheur! à ceux qui habitent sur la terre, à cause des autres voix des trompettes des trois anges qui vont en sonner." Il y a donc une progression. Et cet aigle volant au zénith, c’est sans doute le Christ. C'est Jésus qui intervient pour nous avertir que nous devons être plus lucides. C’est une intervention nette: un aigle volant au. zénith, donc atteignant le sommet. Cet aigle, c'est vraiment le Christ.

" Malheur! Malheur à ceux qui habitent sur la terre!" C’est comme les grandes malédictions que nous voyons dans l’Evangile. Elles sont pour ceux qui ne cherchent le bonheur que sur la terre, qui sont entièrement liés à la terre. Ces malédictions sont annoncées par les autres voix qui vont venir; la 5ème, la 6ème, la 7ème. Et le 5ème ange sonna de la trompette, et je vis une étoile qui du ciel était tombée sur la terre. Et il lui fut donné la clé du puits de 1'Abîme. Et elle ouvrit le puits de l'Abîme. Et il monta du puits une fumée corme une fumée de grande fournaise. Et le soleil et l’air furent enténébrés* par la fumée du puits. Et de la fumée sortirent des sauterelles sur la terre, et il leur fut donné un pouvoir comme le pouvoir qu'ont les scorpions de la terre." ( 9, t-5 )

Bout cela n'est pas très drôle. Mais tout est sous le gouvernement de Dieu puisque ce sont les anges qui donnent des permissions, des permisflianfl extraordinaires. N'oubliez pas que nous sommes dans l'ordre de l'exécution, dans l'ordre du devenir.

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" Et il leur fut dit de ne pas nuire à l'herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre. Mais seulement aux hommes qui n'ont pas le sceau de Dieu sur leur front. St il leur fut donné non de les tuer, mais de les torturer pendant cinq mois. Et leur torture est comme la torture du scorpions quand il pique l'homme. Et, en ces jours-là, les hommes chercheront la mort et ne la trouveront pas. Et ils désireront mourir et la mort fuira loin d'eux." ( 9, 4-6 ) 11 Et voici à quoi ressemblaient les æuterelles: elles étaient sembla­ bles à des chevaux prêts pour la guerre. Sur leur tête il y avait comme des couronnes semblables à de l'or et leurs faces étaient comme des faces d'hommes." ( % 1 )

Vous voyez comme cela s'oppose aux quatre vivants. Il y a une espace d'antithèse. C'est très net. Les sauterelles représentent une espèce de puissan­ ce extraordinaire et de vitalité prodigieuse. 11 Elles étaient semblables à des chevaux prêts pour la guerre. Sur leur tête comme des couronnes semblables à de l'or et leurs faces étaient comme des faces d'hommes. Elles avaient des cheveux comme des cheveux de femrnp et leurs dents étaient comme celles des lions,”

Elites le parallélisme avec les quatre vivants.., ” Elles avaient des thorax comme des cuirasses de fer. Et le bruit de leurs ailes était comme un bruit de chars, à nombreux chevaux courant à la guerre. Et elles ont des queues semblables à des scorpions et des dards. Et Ban h leur queue est leur pouvoir de nuire aux hommes pendant cinq mois. Elles ont pour roi l'ange de 1*Abîme. Son nom en hébreu est Abaddon et en grec il a nom Apollyon1'.

" Le premier malheur s'en est allé, voici qu'il vient encore deux malheurs après cela,” ( 9, 8-12 ) C'est très mystérieux. Nous n'allons pas lire tous les malheurs, bien que le 6ème soit très important. C'est toujours le 6ème qui est décisif. Et le 6ème exprime quelque chose de très très spécial. Réfléchissons sur ce que représente le symbolisme de ces trompettes. On a fait des quantités de suppositions. On les a mises un peu en parallèle avec Moïse qui s'est servi des dix plaies d'Egypte pour corriger le PharaonJe crois que c'est vrai, partiellement, parce qu'on voit des choses semblables: les dix plaies d'Egypte, c'est quand même quelque chose! Ici cependant, on ne peut pas dire que c'est la même chose-. Les dix plaies d'Egypte viennent direc­ tement du pouvoir que Dieu donne à Mois» . Ici, est-ce que nous sommes en face du pouvoir que Dieu donne aux anges, ou est-ce que nous sommes en face de pezciissions que Dieu donne pour l'action du démon? Toute la question de l'in­ terprétation est là. C'est toujours la question de la volonté des permissions de Dieu. C'est pour cela que si nous prenons uniquement l’exemple de Moïse, nous ne comprenons pas et nous disons ” Dieu est bien méchant". Moïse faisait cela pour corriger le Pharaon, Dieu peut très bien faire cela pour nous corriger. Mais Dieu peut aussi se servir de cette colère du démon sur les hommes, lui laisser cette permission, pour que les hommes comprennent qui est Dieai, et sachent distinguer l'action de Dieu de celle du démon.

Il peut y avoir un lien entre les deux. Je crois qu'on pourrait peut-être dire que Dieu a vraiment agi sur nous conme il a agi avec Moïse,

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H y a des corrections de Lieu directes, et Dieu peut se servir de tout lemilieu ambiant pour nous rappeler l'essentiel. Quand ça réussit trop bien, immédiatement on se gonfle par la vanité et par l’orgueil: tout ce que je fais, je le réussis! Et on oublie que nous le faisons avec Dieu. Alors Dieu commence à nous éprouver pour nous faire comprendre que la réussite n'est pas une fina­ lité, et qu'il faut la chercher autre part. Et donc il peut y avoir une action directe de Dieu. Dieu peut aussi permettre au démon d'agir sur nous par une action beaucoup plus terrible, pour que nous comprenions. On voit cela très nettement dans la vie des saints. On voit à la fois certaines épreuves qui peuvent venir directement de Dieu, parce qu'il épreuve ceux qu'il aime;.. Le Père châtie ceux qu'il aime. Et Dieu permet une action directe du démon. C'est quelque chose d'analogue aux décisions, mais ici , il s'agit de l'exécution. Parce que nous sommes dans l'ordre de l'exécution, nous n'avons plus un moment de paix. Dans les décisions, il y a la victoire du Christ, et donc la béatitude- des Pacifiques. La victoire du Christ nous donne cette béatitude des Pacifiques que nous vivons au plus intime de nous-mêmes. Mais nous ne la vivons pas dans sa réalisation concrète. Il n'y a pas de retour au Paradis Terrestre. Et même quand il y a des petites oasis de calme et de paix, comme à la Part-Dieu, ce n'est cependant pas l'Eden.

A l'intérieur il y a nécessairement des infiltrations du démon» Ca ne peut pas être autrement. Il ne peut pas y avoir une communauté qui vive toujours de la béatitude des Pacifiques, A l'intérieur de la communauté, il y a néces­ sairement des infiltrations du démon, dans l'ordre visible, dans l'ordre de ce que représente le devenir. Il n'y a pas de communauté contemplative. H n'y a pas de communauté qui réalise une oasis. Au plus intime de notre coeur, nous vivons le mystère de la contemplation; nous vivons ce mystère de la béatitude des Pacifiques. Mais notre travail est toujours dans la lutte.

C'est, je crois, le premier enseignement qui nous est donné. L'ordre des trempettes commence tout de suite par la grêle. La "grêle n'est pas précisé­ ment pacifique, surtout quand il y a de petits bourgeons! Elle commence à tout supprimer. C'est nettement une lutte. Il n'y a pas de travail dans la paix. Le travail est toujours dans la-lutte. Il ne s’agit pas de la lutte des classes .. Distinguons bien, c'est autre chose. La lutte des classes est une méthode qui veut s'emparer de cette lutte en vue d'une finalité uniquement huma-îneT Dieu fait que le travail soit toujours dans la lutte î lutte à l'extérieur ou lutte avec nous-mêmes. Nous devons toujours lutter. Le travail implique la lutte. Cela nous est montré par toutes les trompettes qui, dès le point de départ, nous mettent dans la lutte. Ce premier enseignement est très important. Il nous empêche d'être paresseux et aussi de murmurem II faut comprendre notre condition de chrétien. Par notre condition chrétienne, nous sommes dans la lutte avec le Christ; noua devons suivre le Christ et donc accepter la lutte. Alors, dans la lutte même, pouvons-nous discerner ce qui vient de Dieu et ce qui vient du démon? Pouvons-nous discerner les permissions de Dieu et les volontés de Dieu?

Vous sortez: il vous tombe une tuile sur la tête... vous sortez; une guêpe vous pique... Parce que les guêpes peuvent venir très proches des hommes et des habitations des hommes... Cette petite guêpe, suivant son instinct, estelle venue par la sagesse de Dieu? Exprime-t-elle pour vous l'amour de Dieuf

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qui vous rappelle que vous devez.‘vous-réveiller parce que vous avez été piqué? ... Normalement, c’est difficile de continuer à darrair— Est-ce que cette guêpe exprime la volonté de Dieu ou bien est-elle venuepar le démon? Et alorselle exprime la rage du démon sur vous,. Je me souviens de cette petite histoire: c'était dans une abbaye bénédictine, à la fin d'une retraite... il y a toujours des catastrophes... La brave abbesse descendait un petit escalier qui était vieux parce que l'abbaye était ancienne; elle glisse et elle tombe ( c'est elle qui m'a raconté cela)... Elle se blesse et se fait beaucoup de mal... Parce qu'elle était d'uffi certain poids, comme une bonne abbesse!... Alors, elle se dit: c'est le démon. Elle fait le rapprochement: " je réinviterai ce prédicateur, parce que c'est le démon. Il est furieux”. C'est une interprétation. Mais on peut dire aussi: vous avez manqué de prudence. Dieu vous demande d’être prudent. Vous avez descendu l'escalier sans remarquer quelques marches un peu glissantes... Est-ce que c'est nécessairement l'intervention du démon? Vous voyez comme c'est difficile. C'est très, très difficile. Pouvons-nous faire le discernement? Nous sommes dans l'ordre des trompettes. Nous sommes dans l'ordre de l'exécution, dans l’ordre du travail. Il y a des gens qui font tout de suite l'interprétation. Elle avait peut-être raison de dire que c'était le démon... C'était peut-être bien lui. Et pour elle, si elle a eu cette impression que c'était le démon, c'était peutêtre vraiment le démcn. Mais si, à partir de là, vous dites que chaque fois que vous glissez dans l'escalier c'est le démon, cela devient très dangereux. Si chaque fois que vous êtes piqué par une guêpe vous dites: c'est le démon qui me pique, cela devient aussi très dangereux. Ne jamais voir le démon, ce n'est pas vrai... Le voir toujours n'est pas vrai non plus.

Nous pouvons dire très nettement que nous sommes dans un milieu ambiant sur lequel, de fait, Dieu agit, et aussi le démon. C'est peut-être ce qui est le plus pénible pour nous dans l'ordre des trompettes car on aime voir clair et on aimerait fai re nettement le discernement* On aimerait dire: à droite les amis de Dieu, à gauche les ennemis... Je prépare toujours mon épée du côté de la gauche. Et à droite, j'ouvre mon coeur. Quelque­ fois, c'est l'inverse: à gauche toujours les amis de Dieu, à droite toujours ses ennemis*

On ne peut pas faire cela. Il y a la parabole du bon grain et du. mauvais grain: il ne faut pas l'oublier. H y a des gens qui voudraient toujours avoir un champ dans lequel il n'y ait pas la moindre mauvaise herbe et que tout soit de Dieu:. C'est vouloir rétablir le paradis sur terre, l'Eden, et vouloir à tout prix qu'il n'y ait que les purs. Il y a toujours la tentation de réunir les purs, tous ceux qui sont de Dieu, En agissant ainsi, on devient partisan* Ce n'est pas le discernement de Dieu. Dieu nous laisse dans la lutte*

Cela nous introduit dans le symbolisme des trompettes que nous allons voir tout à l'heure, et nous en montre la grande complexité. Dans cette complexité du symbolisme des trompettes, nous ne devons pas essayer de préciser avec rigueur ce qui peut venir de Dieu. Dieu se sert de la grêle, j’eni suis sûr. De temps en temps. Et le démon peut s'en servir également*

(Fin de la TJème conférence)

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5ème jour 14ème conférence

L'Apocalypse est complexe; elle nous prend dans notre conditionnement humain. Elle nous prend dans nos luttes. C’est vraiment le livre qui éolaire nos luttes et qui nous fait comprendre qu'elles sont permises et voulues par Diew. Et que nous ne pouvons atteindre vraiment la Jérusalem céleste qu’à travers ces luttes. Jésus, de fait, a été Celui qui a lutté le plus. H a lutté dans un amour plénier. Toutes les luttes du Christ sont les luttes de Celui qui est l’envoyé du Père, de Celui qui est le médiateur, donc de Celui qui est le prêtre. C'est toute la vie de Jésus. Dans son être profond, Jésus est le médiateur. Et c’est pour cela que le ftystère de l'Apocalypse nous montre tout de suite Jésus dans sa Gloire comme Prêtre. Quand vous regardez l’Evangile de St. Jean, vous risquez de ne pas le voir avec suffisamment de netteté, parce que St. Jean nous parle de l’Agneau* de l'Epoux, du Plis. Il ne parle pas explicitement du sacerdoce; et alors, à ce moment là, nous risquons de ne plus comprendre le sacerdoce. H faut comprendre que profondément, dans la perspective même de l'Evangile de St. Jean, le mystère de l'Agneau, le mystère de l'Epoux et le mystère du Fils constituent le Prêtre. C'est une pédagogie merveilleuse de Diew pour nous faire comprendre le mystère même du Sacerdoce du Christ.

Le Verbe en tant que Verbe et en tant que Fils, n. 'est pas prêtre. H est prêtre par le mystère de l'incarnation. C’est en assumant la nature humaine que Jésus est prêtre. Le sacerdoce est dans sa nature humaine. Dieu est au-dessus du sacerdoce. C'est la créature, unie à Dieu, qui est médiatrice. C'est l'Huma— nité Sainte du Christ, unie à Dieu de cette manière unique, qui fait que noussommes en face d'un Prêtre unique. Il ne peut pas y avoir deux prêtres sembla—blés à Jésus. H y a un seul Prêtre. Jésus est le Grand-Prêtre. Il est prêtre dans son âme humaine sanctifiée par la grâce, et unie personnellement au Verbe. Le mystère du Sacerdoce du Christ , c'est la plénitude de son Amour pour le Père et pour les hommes. C'est un Sacerdoce d'Amour, ce n'est plus un sacerdoce de fonction. Et c’est pour cela que c'est vital. Le sacerdoce lévitique était fonctionnel. Nous avons toujours la tentation de revenir à 1'Ancien Testament.

le Réforme a été la grande tentation de revenir à l’Ancien Testament. Et comme nous revivons la même tentation aujourd'hui, nous voulons revenir à l’Ancien Testament, Cette tentation est très forte parce que l'Ancien Testament est très proche de nous au plan psychologique. Le Nouveau Testament se situe tout de suite au niveau de la foi, de l’espérance et de l’amour. C’est pour cela qu'il nous parle moins. Dans le monde d’aujourd’hui, nous sommes très sensibilisés à ' l'aspect psychologique et à l’aspect sociologique • C'est ce qui domine aujourd* hui tandis que la métaphysique, elle, ne domine plus du tout. la culture d’au­ jourd'hui est une culture psychologique et sociologique, modifiée par le point de vue de la science et de la technique. H faut bien comprendre cette tentation très nette à l'égard du sa­ cerdoce» on revient à un sacerdoce fonctionnel. On essaie de comprendre la fonction du prêtre et on ne comprend plus le mystère du Sacerdoce du Christ. I® Mystère du Sacerdoce du Christ est au-delà de la fonction. C'est le ïïls bien— aimé qui, ayant assumé la nature humaine, est Prêtre. Et c'est dans sa vie d'amour que Jésus est Prêtre. Son sacerdoce réside donc dans son âme. Et c'est son corps qui permet au Sacerdoce du Christ de s'exprimer et de se réaliser1 dans l’holocauste de la croix*

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L'aspect vitimal du Christ se réalise dans son âme en premier lieu* C'èst évident. Parce que la victime ne pourrait pas exister si elle n’était pas vivante. Elle se manifeste à travers son état victimel qui est l'Agneau* Le Mystère de l'Agneau exprime bien le Christ qui, Hans sa miséricorde, porte l’iniquité du monde. L'Agneau est le bouc émissaire. Et Jésus accepted'être l'Agneau innocent et le bouc émissaire. Les deux sont intimement liés dans le mystère victimal du Christ. Mais c'est parce qu’il est l'Agneau immolé que la viotime est tout à fait pure; et l'Amour prend possession complète de cette vic­ time. C'est une victime entièrement brûlée par le feu de l'Amour. Et donc, elle peut porter toute l'iniquité du monde dans cet Amour. C'est parce que le Sacer­ doce du Christ est un Sacerdoce d'Amour, qu'il peut s'achever en Marie, en la Femme. Marie est le complément du Sacerdoce du Christ. C'est Elle qui nous fait comprendre le mystère du sacerdoce royal et mystique des fidèles. C'est la Fenne. C'est pour cela que, du point de vue théologique, le sacerdoce ministériel de la femme est inconcevable*

Ce sont des questions qu’on essaie de reprendre aujourd'hui avec des théories multiples et diverses*

C’est bien le rôle de dans le mystère lui-même et, en

oublier et mal concevoir le r81e de Marie. Si nous concevons Marie, nous comprenons comment le Sacerdoce du Christ s'achève de la Femme. Jésus, dans son Sacerdoce de Fils bienaimé, s'offre s'offrant lui-même, offre toute l'humanité.

Mais l'humanité doit être offerte avec Jésus dans un consentement libre. Et c'est pour cela qu'il y a Marie, Elle exprime ce consentement libre et comment l'état victimal du Christ s'achève en Elle. Le sacerdoce mystique des fidèles est du côté de la victime, de l'offrande, de celle qui est offerte, et qui permet l'achèvement du Sacerdoce du Christ. Màrie ne serait rien sans le Christ. Elle pourrait être sanctifiée par la grâce, mais elle ne serait pas celle qui joue ce rôle tout à fait spécial d'être la Mère de l'Eglise, parce que sa maternité divine à l'égard de l'Eglise est liée à son rôle de médiatrice dans l'ordre du sacerdoce royal. Le sacerdoce achève l'état victimal du Christ* C'est pour aela que je vous disais tout à l'heure que l'aspect victimel va plus loin que ce que représente l'acte du prêtre. L'acte du prêtre s'achève dans cettœ offrande victimale du Christ au Père, pour le glorifier. Mais c'est Marie qui doit offrir au Père les dernières gouttes d'eau et de sang de la blessure du coeur de Jésus quand II est déjà mort, et donc quand II n'est plus présent comme prêtre. Nous comprenons alors cette offrande de Marie qui, en offrant Jésus, s'offre elle-même. Elle ne peut pas offrir Jésus sans s'offrir. C'est son coeur blessé par le glaive qu'elle offre au Père. Et elle l'offre au Père en même temps que les dernières gouttes d'eau et de sang. Et donc Marie, dans son mystère de sacerdoce mystique, achève le Sacerdoce du Christ: ce Sacerdoce mystique existe grâce à cette plénitude de l'état victimal. C'est de cette manière que nous devons essayer de saisir le Sacrifice de la Messe qui reprend le sacrifice du Christ. Le prêtre, en tant qu'il est revêtu'du Sacerdoce du Christ par le sacrement de 1'.Ordre, est revêtu du pouvoirsacramentel du Christ et il agit en Son Nom en premier lieu. Il n'agit pasr premièrement au nom de la communauté. Il agit en premier lieu au nom du Christ. H fait l'oeuvre sacerdotale du Christ. De même que le Mystère de la Croix im­ plique l'offrande du Christ et l'offrande de Marie, la Messe va impliquer nécessairement que le prêtre, agissant au nom du Christ, offre en même temps toute l'Eglise. Et l'offrande de toute l'Eglise, c'est justement ce que Marie a vécu en premier. Aussi ne pouvons-nous pas comprendre le mystère de la Messe sans comprendre le mystère de la Compassion de Marie. C'est impossible.

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Si nous ne comprenons pas en premier lieu ce qui s'est réalisé à la Croix, nous ne pouvons pas saisir ce qui se réalise à la Messe, parce que la Messe nous donne sacramentellement ce qui s'est réalisé à la Croix* Or, à la Croix, Dieu a voulu unir intimement le sacrifice du Christ et l'offrande de Marie toute relative à celle de Jésus et qui l'aohève. Le Mystère de la Messe, c'est le Sacrement de l'Eucharistie, c'est, à dire de ce qui a été .réalisé à la Cène d'une manière première. Et la Cène est toute réalisée à la Croix. Ne séparons jamais la Cène de la Croix, Ce serait séparer quelque chose que Dieu a uni inu­ tilement dans l'Amour.

Vbus voyez comment le mystère de l'état victimal du Christ montre, d'une marri ère très éloquente, que le Sacerdoce du Christ est un Sacerdoce d'Amour. Le sacerdoce lévitique, le sacerdoce fonctionnel, le prépare. C'est un sacerdoce au niveau religieux: on pouvait offrir le sang des taureaux et des boucs. Le prêtre pouvait offrir des victimes qui n'étaient pas lui-même, car ce n'était pas un sacerdoce d'amour. C'était un sacerdoce symbolique qui prépa­ rait le sacerdoce d'amour. Le sacerdoce d'amour implique que le prêtre et la victime soient un. C'est le propre du Sacerdoce du Christ. L'amour ne peut pas s'arrêter au symbole; il implique la réalité. Et le réalisme de l'amour fait que, nécessairement, le prêtre doive s'offrir lui-même. C'est ce que 1'Eglise latine a très bien compris dans le point de vue du célibat du prêtre. On peut dire que le sacerdoce, comme tel,n'implique pas le célibat. Mais le Sacerdoce du Christ implique dans sa plénitude le célibat. Ce n'est pas uniquement une question de discipline. C'est une question beaucoup plus profonde. Il s'agit du réalisme de l'amoür, Il peut se faire dans un régime où l'amour n'est pas pleinement vécu, que le sacerdoce du Christ se communiqué sans impliquer cette condition. Mais il l'impliquera toujours pour certains qui. comprendront, qui voudront aller jusqu'au bout.C'est une exigence profonde du Sacerdoce d'impliquer que le prêtre s'offre lui-même. Quand le prêtre agit am nom du Christ, pour être dans la vérité, il doit comprendre que le Christ lui demande de s'offrir lui-même, et d'être uni à Son Sacrifice. Sacramentellement, il agit au nom du Christ, c'est sûr, et donc c'est le Christ qu'il offre. Mais puisqu'on réalité, Marie était intimement unie au sacrifice du Christ, il faut cette complémentarité. Il faut cet achèvement. Et si le prêtre doit offrir 1'Eglise, il doit s'offrir en premier lieu. Et donc, pour que le prêtre puisse vivre dans cet état d'offrande, le sacerdoce va impli­ quer le point de vue du célibat. Le célibat du prêtre n'est pas autre chose que cette attitude d'offrande.

Quand, pour nous éclairer, nous regardons l'Ancien Testament, nous voyons comment Abraham a dû lui-même faire le sacrifice de sa paternité pour faire le geste du prêtre, pour immoler son fils. H y a eu l'offrande de sa pa­ ternité. Et Dieu demande cela. Et le célibat c'est bien l'offrande de la pater—■ nité, c'est l'offrande de la fécondité humaine pour une fécondité divine. Et doncc'est un état fl'offrande, un état d'holocauste. Que ce soit un sacrifice, c'est normal. C'est la coupe... C'est la taille.. C'est l'exigence du Père pour que le Sacerdoce du Christ puisse se réaliser pleinement. Pour qu'il puisse y avoir justement le fil visible de ce Sacerdoce d* Amour qui prend tout.

Comprenons bien que tout le gouvernement de Dieu passe par Jésus. Nous l'avons vu pour les signes. Donc il passe par le Sacerdoce du Christ. Disons que toutes les décisions d'amour passent par le coeur de la victime, par le Coeur de Jésus en tant que victime. L'Amour est toujours le point de vue ultime.

Or, le sacerdoce du Christ s'achève dans l*état victimel du Christ. Et donc, c’est dans cet état victimal du Christ que nous comprenons que les décisions, qui sont des décisions d'amour, doivent toucher ce qu'il y a de dernier. Tandis qu'au contraire, quand il s'agit de l'exécution, nous ne sommes jamais en face de quelque chose d'ultime. C'est de l'ordre de l'efficience qui nous met en face du conditionnement et donc d'une chose qui est toujours limitée. Le point de vue de l'exécution n'est jamais ultime. L'exécution est dans la lumière litur­ gique du geste sacerdotal»

Pour bien saisir le point de vue de l'Agneauo. et le point de vue du. Sacerdoce, il faut considérer aussi bien le symbolisme des sceaux que le symbo­ lisme des trompettes, qui tous deux font partie du mystère du Sacerdoce du Christ. Et dans le mystère des trompettes, nous sommes associés immédiatement à ce mystère du Sacerdoce du Christ. J'allais dire nous en constituons comme la matière.

Jésus nous demande de nous offrir avec Lui pour que son Sacerdoce puisse se réaliser toujours pleinement. Je crois que c'est la signification profonde de ce symbolisme des trompettes. En fait, Dieu nous demande de lutter avec Jésus pour faire la même oeuvre que lui. Et dans cette lutte, nous ne pouvons pas toujours discerner avec netteté la volonté ( je parle du condition­ nement) et les permissions de Dieu. H y a tout un discernement à faire et qui est très important parce qu'il nous aide beaucoup à nous pacifier. La Béatitude des coeurs purs se vit au niveau des intentions. Elle n'est jamais au niveau des exécutions. Elle est toujours au niveau des inten­ tions.

La conformité de notre volonté à la volonté du Père est au niveau des intentions, et non pas au niveau des moyens. Parce que la réalisation du con­ ditionnement est au niveau des moyens. Ce que nous.devons chercher à travers tout, c'est de faire pleinement la volonté du Père. C'est ce que nous devons chercher puisque c'est notre nourri­ ture.

Et c'est le désir dernier du Bon Pasteur: chercher à travers tout la volonté du Père. Mais nous ne pourrons jamais la connaître d'une façon absolue, en face de tel ou tel choix particulier: par exemple, faire une retraite à la Part Dieu et dire:" c'est la volonté du Père!" Nous pouvons, dans la prière comprendre que c'est cela qui traduira le mieux la volonté du Père sur nous. Mais nous ne pouvons pas le savoir d'une façon absolue. C'est comme celui qui dit en balayant:"je sais que c'est la volonté dm Père que je balaie..." On lui dira: "faites attention, vous risquez de tomber dans l'illuminisme". Parce que lorsque nous choisissons un moyen, nous ne pouvons jamais savoir d'une façon absolue sa o'est bien cela qu'il faut faire, car nous sommes dans la lutte. C'est là qu'il faut toujours être extr&aement rectifié dans son coeur et vivre la Béatitude des coeurs purs, par le désir que nous avons de nous conformer pleinement à la volonté du Père.

Dans certaines circonstances, Dieu peut nous donner une lumière sur tel ou tel moyen. Et nous comprenons à ce moment-là que si nous ne prenons pas cette lumière, nous risquons profondément de nous mettre en opposition avec la volonté de Dieu. Mais nous devons toujours, quand il s'agit de lumières charis—

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matiques, de lumières qui nous viennent par la Providence de Dieu, nous devons toujours remettre ces lumières dans la Béatitude des coeurs purs en disant que nous voulons par là être entièrement conformes à la volonté du Père. Autrement, nous risquons de confondre l'ordre des intentions et l'ordre des moyens. Je sais très bien que, dans le propre du mystère de la charité, 11-intention illumine immédiatement les moyens . C'est le propre de l'amour* C'est déjà vrai dans l’amour humain où l'amour transforme tous les détails et leur donne une signification. Mais même dang l'amour humain, on doit toujours distinguer ce qui est l'intention profonde de notre coeur et la manière de traduire notre amour* La manière de tra-dnir^ notre amour est toujours relative, tandis que l'intention de notre coeur est absolue.

Dans l'ordre surnaturel, il y a quelque chose de semblable! l'intention de notre coeur est un absolu et la manière de traduire notre amour à l'égard de Dieu est toujours relative. Nous pouvons comprendre que c'est cela que nous devons faire, mais ce n'est jamais absolu. 'Tous devons tout de suite l'offrir à Dieu pour revenir dans l’absolu de la contemplation, dans l'absolu de 1' intention Vous voyez que le point de vue des trompettes est au niveau de notre conditionnement, au niveau de la lutte , et doit nous faire comprendre que dans ce cas-là nous ne pouvons pas dire : " je n'agirai que lorsque je serai absolu^ment sûr que c'est la volonté de Dieu... " Dieu nous demande de prendre les lumières nécessaires. Nous devons demander conseil à ceux qui peuvent nous les donner, à ceux que la Providence a mis auprès de nous pour nous aider. Mais nous n'aurons jamais une lumière absolue dans le choix d'un moyen si nous disons: " c'est sûrement la volonté de Dieu de faire cela..." la volonté de Dieu, se traduira toujours dans l'ordre de la Béatitude des Coeurs purs, par l'inten­ tion que nous avons de conformer notre volonté à celle de Dieu. C'est merveilleux parce que cela nous oblige à faire totalement confiance et à nous maintenir dans la pauvreté. Autrement, nous deviendrions têtus. J'ai choisi ce moyen... Je sais que c'est ce que Dieu veut, et j'en mourrai s'il le faut.

Attention: on meurt pour témoigner de sa foi, mais pas pour témoigner que nous sommes sûrs que tel moyen est.de Dieu. C’est très, très important. Autrement, on n'est pas un martyr. C'est la même chose pour le Tère de Foucalud. L'Eglise n'a pas tranché. Elle tranchera peut-être... L'Eglise peut le faire, mais pas un théologien: un théologien ne peut pas trancher. C'est très mysté­ rieux et cela va très loin ces choses-là. Si nous regardons attentivement l'Apocalypse, c'est le mystère des trompettes* H y a toujours un très grand danger qui nous guette, surtout dans les moments de crise comme les nôtres, où il y a pénurie de l'autorité* Nous sommes tentés d'aller nous éclairer à telle ou telle lumière qui sont des lumières charismatiques que Dieu nous donne. Attention: on ne doit jamais s'arrêter à une lumière charismatique, la. lumière charismatique est toujours relative; si grande, si lumineuse soitelle, elle est toujours relative à la Béatitude des coeurs purs. Les béatitudesévangéliques ne sont pas au niveau des charismes; elles sont au niveau des dons du Saint-Esprit. Là seulement, nous touchons l'absolu. Les charismes sont toujours quelque chose de relatif. Sans les mépriser , nous devons en user dans la mesure où ils nous font vivre des béatitudes évangéliques. Si les charismes deviennent pour nous un arrêt parce qu'ils sont trop séduisants, à ce moment-là; ce ne sont plus des charismes. Il est toujours très, très difficile de discerner si les charismes sont du Saint-Esprit ou du démon, parce qu'ils ne sont pas du surnaturel absolu. Les théologiens disent que c'est du surnaturel où le sensible intervient. Tandis que les dons du

177 Saint-Esprit proviennent de la grâce de Dieu et sont.à l'intérieur de la grâce de Dieu. Ils se traduisent à l'extérieur dans nos gestes, dans notre prière, mais ils sont intérieurs. Au contraire, dans les charismes, c*est toujours la point de vue sensible qui intervient en premier lieu, pour nous faire vivre du Saint-Esprit. Alors vous voyez, il y a là tout un discernement qu’il est très important de faire, surtout dans les moments que nous vivons maintenant, lorsque l'autorité est très mince et que le troupeau de Jésus ne sait où il faut aller. Quand il y a des silences de l'autorité, ne l’accusons pas de se taire... nous ne savons pas... elle est peut-être obligée de se taire. Personne ne le sait. A certains moments, Dieu demande le silence. Alors ce n'est pas très drôle poux ceux qui doivent prendre des engagements, des décisions... H y a des grands silences de l'autorité, des silences où l'on peut dire: Cela me semble un peu condamnable... surtout quand il y a des abus visibles.. A ce moment-là, on doit se rappeler les exigences de Dieu. On doit se souvenir de ce qui est permis et de ce qui n’est pas permis. Mais il est bien évident que dans les moments de crise, où il y a des grands silences de l’autorité, nous avons une propension normale et naturelle à aller vers les charismes.

Il en a toujours été ainsi. Dans tous les moments de crise, il y a des phénomènes charismatiques qui deviennent très,très forts. Ils proviennent, ou bien du Saint-Esprit, ou bien tout simplement de cette tension qui se produit dans la communauté chrétienne . Le démon peut se servir de ces états de tension pour donner un peu de sécurité ( fausse sécurité qui vient du démon). H faut donc tout le temps , avoir des discernements à l'égard des charismes. On n’a jamais le droit de dire d'un charisme: " ah, c’est sûrement de Dieu, c'est quelque chose que les hommes ne peuvent pas faire. " Nais il y a le démon... Les démon peuvent faire des choses extraordinaires. Ils peuvent faire descendre le feu du ciel sur la terre. Et on doit donc tout le temps se demander si c’est bien de Dieu, si c'est de 1'Esprit-Saint, ou du démon. Le charisme est de l'Esprit-Saint lorsqu'il porte à une plusgrande. charité, à un plus grand amour d'adoration, de respect et de repentir à l'égard de Dieu; lorsqu'il nous rend plus dociles à l’Esprit Saint et au mystère de Marie, à l'Eucharistie. L'Esprit Saint ne peut pas diviser l'Eglise puisqu'il est l’unité dans l'Eglise* Et donc, si les charismes divisent, ils ne sont pas sous l'action? de l'Esprit-Saint. Ou bien c'est nous qui les utilisons mal. A ce moment-là, la prudence consiste à nous en écarter un tout petit peu. Etant donné que nous avons une sensibilité, nous sommes toujours plus émus par les charismes que par­ la grâce intérieure. C'est toujours très impressionnant pour notre sensibilité, de voir les charismes. Nous sommes un peu pris par cela et nous risquons quel­ quefois de faire passer Les choses secondaires avant les principales. Là, encore c'est une tactique du démon qui désordonné en faisant passer le secondaire avant le principal. Alors que l'oeuvre de l'Esprit-Saint est d'ordre divin, qui nous rappelle toujours l'essentiel.La taille du Père nous ramène toujours au Fils; elle veut tout le temps nous ramener au Fils. Quand les charismes nous disper­ sent et noua empêchent d'être unis au Christ, c'est une preuve que le démon se sert de ces évènements sensibles pour nous faire perdre du temps. C'est très net: les charismes nous font perdre du temps, on ne peut pas le nier. Us nous font nous attarder aux choses plun faciles, plus proches de nous, alors qu'au con­ traire, dans un temps de lutte, on devrait s'alléger, ne gardant que l'essentieH.

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H y a des moments où une seule chose importe : garder la foi, garder l'espérance, garder l'amour. Garder une foi plénière, une espérance de pauvre et aimer comme le Saint-Esprit veut que nous aimions. Alors on s'allège. Ceux qui ont vécu l'exode, à la dernière guerre, le savent bien. A ce moment-là, on n'em­ portait que les choses essentielles. On ne disait pas : - je veux rester chez moi parce que je veux tout garder... Celui qui raisonnait ainsi, évidemment, 11 était pris. Il préférait ses meubles à sa vie. Il aimait mieux certaines choses extérieures que le salut de ses enfants.

Au moment de l'exode - l'Eglise vit un très grand exode, tin très grand moment de purification, - il y a nécessairement un choix à faire. Le Saint-Esprit ne nous demande pas de tout garder. Il nous demande de nous purifier. Chacun d'entre nous doit choisir dans la lumière du Saint- Esprit en tenant compte du milieu où il est. Nous savons très bien que la chose essentielle qu'il faut garder, c'est la vérité. Mais la vérité se manifeste de multiples manières. Donc, chacun d'entre nous doit choisir les choses essentielles et ce sont, pour tous: la foi, l'espérance et l'amour. Et il s'agit de garder une foi plénière et non de commencer à dire : il y a des mini-dogmes et des dogmes principaux... On n'a pas le droit de faire cela. Au Concile, certains Père, certains experts ont voulu qu'on dise qu’£L y ait des mini-dogmes, des dogmes que l'on peut relativiser.Evidemment, il s'agis­ sait de l'immaculée Conception, de l'infaillibilité du Saint-Père et de l'Assomp­ tion. C'étaient les trois plus récents. Alors, ceux-là on peut les relativiser parce qu'ils sont beaucoup moins importants... Non, La vérité, c'est la vérité. Et quand le Saint-Esprit nous éclaire et donne la vérité à l'Eglise, l'Eglise doit la recevoir. Donc la vérité implique une plénitude, puisque l'Esprit Saint nous conduit à la vérité toute entière. Là, noua n'avons pas le choix. Mais nous devons comprendre ce qui est essentiel dans la Ibadition de l'Eglise et ce n'est pas toujours commode. Il y a des choses secondaires, c'est évident. L'Eglise du Moyen Age n'était pas la même qu'actuellement. Si l'on avait gardé tous les meubles du Moyen-Age, imaginez ce que cela donnerait: une cave, un grenier , effrayants... et alors, à ce moment-là, on s'occuperait uniquement de transpor­ ter les meubles du grenier et les bouteilles de la cave. Et l'on perdrait son temps. H y a des collectionneurs ... Et il y a même un esprit collectionneur qui peut s'emparer de notre vie chrétienne. Il y a dee collectionneurs extra­ ordinaires. . J'ai rencontré dans ma vie un couple collectionneur de clésl La fille et le garçon faisaient collection de clés. Ils se sont mariés, heureux sement tardivement, ne pouvant plus avoir d ' enfants... Ils en avaient trop puisqu'ils avaient les clés... Des valises énormes pleines de clés... Us n'ont rien fait d'autre... C'était très touchant d'ailleurs, d'une certaine manière. Quand ils ont eu leur retraite, ils ont acheté une maison pour mettre leurs clés. Et l'on visite cette maison; je l'ai visitée. Je peux vous donner l'adresse exacte. Us ont dit cela spontanément, avec une simplicité merveilleuse. C'est tout un progranme de vie!!!

transposez cela au plan spirituel et voyez ce que cela peut être. H y a des gens qui sont ainsi: ils ne peuvent rien abandonner. Alors ils se marient et ils ont des valises de clés. Et au lieu de regarder simplement ce qu'ils doivent faire, ils s'associent, puis ils construisent un nrusée de clés» Je ne crois pas que le Saint-Esprit nous demanda cela.Le Saint-Esprit ne construit pas de musées. H laisse les hommes les construire. Le SaintEsprit nous demande actuellement d'être en plein champ de bataille, avec Jésus. Et en acceptant d'être seul s’il faut être seul. Mais en gardant l'essentiel avec une très grande lumière, une très grande lucidité. Ce n'est jamais cOTnnode* Les sept trompettes nous font comprendre que ce n'est pas commode de garder l'essentiel.

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Ce mystère des sept trompettes nous fait comprendre que nous ne pouvons pas toujours faire le discernement absolu entre les volontés de Dieu et les permissions de Dieu* Je reprends rapidement le textej ” H y eut de la grêle..” La grêle» ce n'est pas la pluie. la pluie est une bénédiction de Dieu, mais la grêle n'est jamais une bénédiction divine. Dans l'Ecriture, la grêle et la pluie ont une signification très précise. La pluie, dans les pays de désert, dans les pays chauds, c'est une bénédiction de Dieu. Tandis que la grêle, non* La grêle détruit.

Donc la première trompette, c’est la grêle.Je dirais qu'il y a tout le temps de- la grêle.Elle est première, donc elle existe tout le temps, d'une cer­ taine manière. Ce n'est pas très dangereux... Ca ne tue pas toujours; normalement $a ne tue pas. C'est un peu désagréable! Si on veut aller vite, cela ralentit un tout petit peu. Dieu éduque par ce moyen-là. C'est l'éducation de Dieu qui se fait directement par les anges: les bons ou les mauvais. Donc, Dieu nous éduque en permettant que dans toutes les oeuvres divines que nous faisons, il y ait toujours de la grêle, quelque chose qui arrête un peu. Cela ne va jamais absolument bien comme si c'était le Paradis terrestre. Non. Il n'y avait pas de grêle dans le Paradis terrestre» Il y a quelque chose de très intéressant à voir. Vous savez bien ce que Saint-Augustin a dit et qu*aujourd'hui nous n'acceptons plus du tout, que nous ne comprenons plus. Saint-Augustin est quand même un " grand"Père dans l'Eglise» Et les grands-pères, il faut les écouter. Saint-Augustin dit qu'à par­ tir du premier péché, et à cause du péché, ses conséquences se sont étendues sur les animaux et sur la nature. Avant le péché il y avait une harmonie parfaite. C'est du reste ce que l'Ecriture indique constamment: dans la Paxousie, le lion et l'agneau pourront pattre ensemble. Ce sera la paix universelle réalisée sous le symbolisme de l'agneau* et du lion. Pour Saint-Augustin, les luttes entre l'agneau et le lion sont la conséquence du péché. I>îais aujourd'hui, on ne dit plus cela de la même manière, on n'ose plus l'affirmer. Je crois qu'.il faut peut-être se servir de ce que Saint-Augustin a dit et, à partir de lui, revenir à l'Apocalypse, Tout ce que les théologiens disent doit nous éclairer star l'Apocalypse, Mais la dernière lumière, c'est la Parole de Dieu*. Ce n'est pas la conclusion du théologien. La conclusion de Saint-Augus­ tin, on peut la discuter. Je crois qu'il ne faut pas la dire exactement comme il l'a dite. Mais il faut revenir à l'Ecriture, Ce qui me semble beaucoup plus intéressant à voir, c'est que l'Apocalypse nous montre que, depuis le péché, Dieu se sert des éléments. La grêle est un phénomène scientifique qui peut s'expliquer; évidemment son intensité dépend de Dieu- Tout dépend de Dieu- Dieu, se sert des éléments pour intensifier la lutte. C'est vrai, A cause du péché, à cause de la révolte- Mais cette action de Dieu n'est pas la conséquence immé­ diate de la révolte, comme s'il s'agissait d'une conséquence immédiate de cause à effet; cette action passe par le point de vue de la volonté de Dieu qui gouverne l'univers. Parce que l'homae est pécheur, on ne peut plus lui faire totalement confiance et il a besoin d'être purifié. Et c'est pour cela que l'univers n'est plus un lieu d'harmonie parfaite pour l'homme pécheur.Dieu se sert des éléments pour que l'homme comprenne que Dieu est présent. Autrement dit, depuis le péché, nous avons toujours besoin d'une correction venant de la toute-puissance de Dieu.

Quand ce n'est que la grêle, cela va encore! Cela prouve qu'on n'est pas très méchant, que le péché originel n'est pas encore trop fort en nous. Mais ce n'est que la première correction! Nous avons tous besoin de cela. Dieu se sert donc de l'univers pour corriger l'homme. Et je crois que c'est la première correction qui nous est montrée ici: '' Du feu mêlé de sang, qui furent jetés sur la terre. "

100 Donc, il n’y a plus sur la terre cette harmonie première. Il y a une intervention qui la brise. Vous ne pouvez plus découvrir une harmonie parfaite dans l’univers. Ce n'est pas la conséquence immédiate de la première faute: c’est l'intervention de la volonté de Dieu. Parce que Dieu est Maître de l'univers. Notre univers dépend de Lui. C’est facile à comprendre le symbolis­ me de la grêle... Il suffit de 1 * avoir reçue sur la tête pour s ' apercevoir de ce que c’est, et de constater tous les dégâts qu'elle produit. D’ailleurs, c'est dit: ” le tiers de la terre fut consumé, le tiers des arbres fut consumé, et toute herbe fut consumée."( 8, 7 )

Dieu a communiqué la vie qui devrait normalement avoir une fécondité merveilleuse, fiais, à cause du conditionnement dans lequel nous sommes, la vie n’a plus cette harmonie parfaite. Il y a de la grêle et du feu mêlé de sang . Le feu, c’est l’élément de la chaleur, c'est l'élément qui permet la vie. Et, selon l’Ecriture, le sang est toujours lié à l'âme. C'est du symbolisme, nous le savons bien. L’âme est dans le sang, et le sang c’est l'âme. Alors, le feu mêlé de sang signifie qu'il y a une intervention par rapport aux vivants. Ce sont les deux luttes, à l'égard de la vie et à l'égard tout simplement de l’univers physique qu'on veut nous faire comprendre. L’harmonie première n'existe plus. Et nous le ressentons à travers toutes nos activités. Nous sommes en lutte. Nous sommes dans la vallée de larmes. C’est ce que disent les Pères de 1'Eglise. Ne recherchons pas le bonheur sur la terre. Nous ne le retrouverons jamais puisque nous ne pouvons pas retourner dans le Paradis terrestre. L'ange avec l'épée flamboyante nous empêche d'y re­ tourner.

Je crois que c'est ce qui nous est montré: nous ne pouvons pas retour­ ner dans le Paradis terrestre. La lutte existe à la fois du c8té physique et du cêté de la vie. La vie s'en trouvera limitée, alors qu'elle vient de Dieu; et c’est la question qu’on se pose de temps en temps : comment se fait-il que tout vienne de Dieu? Et les Anciens, les stoïciens, les Néo-platoniciens, se posaient cette question-là. Saint-Augustin se l'est posée. Tout vient de Dieu et il y a des choses monstrueuses dans la nature. Alors tout de même! Dieu est bon. Si on ne voyait que des choses bonnes dans la nature, on se dirait: cela vient de Dieu, sans se poser de question, liais on se pose la question et on se dit: Ah, voyez... Dieu crée le mal. Il ne faut pas dire cela. Nous sommes ici dans l'ordre de l'exécution. Nous sosies en face de la première trompette. Comprenons que le mal s’est introduit dans le monde par la faute de l’esprit. Le mal vient d'abord de l'esprit. La première chose, c'est le dénon: Lucifer. C'est un mal purement spirituel. Puis le mal spirituel a contaminé l'homme et l'a mis hors du Paradis. Et Dieu veut que l'univers, qui était le paradis de l'homme, aide l'homme à re­ découvrir qu’il est un pécheur, qu'il est celui qui a refusé l'amour. Ces interventions de Dieu sont donc les conséquences du péché, H peut y avoir des grêles qui viennent des bons anges. Des grêles dans tous les sens, des grêles spirituelles et des grêles qui viennent du démon. Deuxième trompette: nous retrouvons la même chose, ( les quatre se tiennent très fort),C’est pour nous montrer la force des interventions de Dieu; et combien la lutte est dense.

" Une grande montagne brûlée par le feu fut jetée dans la mer". (8,8)

L'harmonie profonde, l'équilibre profond de la terre et de la mer peu­ vent être complètement bouleversés. Sans faire de nouveau déluge, Dieu peut inter­ venir de cette manière pour nous faire comprendre que l'homme dépend de lui. Parce qu’en définitive, c'est toujours pour nous faire comprendre la dépendance de l’homme à l'égard de Dieu.

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" Et le tiers de la taer devint du sang, et le tiers des créatures qui étaient dans la mer et qui avaient vie, mourut1*. C’est toute la contamination du milieu. Aujourd’hui, la pollution du milieu nous fait très bien comprendre toutes ces choses-là. Pollution du milieu extérieur, pollution de la mer. Alors, de qui cela vient-il? Dieu permet ces choses qui viennent des hommes, peut-être mus par le démon. La seconde trompette nous montre jusqu'où peut aller ce désordre dans l'univers. Dieu permet un très grand désordre qui peut aller jusqu’à faire que les mers qui, normalement étaient des réservoirs de vie, n’en soient plus.

Dieu, qui a communiqué la vie en plénitude, permet qu'il y ait ces limites,' que le milieu ambiant ne permette plus la communication de la vie.

” Et le troisième ange sonna de la trompette. Et il to-iba du ciel une grande étoile qui brûlait comme une torche, et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources d'eau.’’ ( 8, 10 ) Ici, c’est encore la même chose: la limitation de la vie.

" Et le nom de l'étoile était Absinthe". Alors là, il faudrait regarder le symbolisme de l'absinthe. C'est un grand symbolisme, très important. Il désigne la corruption de la vie. C'est la pollution. Vous voyez, cela part toujours du dedans. Cela a commencé sur la terre, puis dans la mer, puis cela touche les étoiles et le soleil. C’est toute la corruption du milieu ambiant.

Dieu Créateur permet que nous soyons éduqués par ces corruptions du milieu ambiant qui proviennent, soit de lui, soit du démon. Et nous n'avons pas toujours la possibilité de faire un discernement net. Quelquefois nous ne pouvons pas le faire, mais nous devons nous poser la question. La seule chose dont nous sommes sûrs est que cette lutte est très forte,

»

*

*

Consécration à la Très Sainte Vierge. Il est très important de voir la consécration à la Sainte Vierge dans la lumière des trompettes, parce que cela nous fait comprendre que la lutte dans laquelle nous sommes engagés exige de nous une armure de plus en plus in­ térieure, et cette armure de plus en plus intérieure, c’est cette consécration de notre être.

Cette consécration de notre être va nous permettre, au-delà de toutes ces luttes, de rester dans cette lumière intérieure que Marie nous donne. Tout doit s'intérioriser. Jésus nous donne la lumière. Marie nous donne la lumière, L’Esprit Saint nous donne la lumière. Et si Dieu aime que nous passions par Marie, c’est toujours pour la même raison: Dieu multiplie ses instruments pour faire surabonder sa miséricorde. Et c'est pour exiger de nous un acte de foi, un acte d’espérance, un acte d'amour dans une plus grande pauvreté et une plus grande petitesse. C’est pour cela que Dieu fait surabonder ses instruments et qu’il nous donne Marie comme Mère pour être la Reine du Ciel et de la Terre.

182 Elle nous aide à travers toutes ces luttes, tous ces mystères de trompette, à certains moments où l'on ne voit plus clair parce que tout est bouleversé. L'homme est tellement un homme d’habitude... Or.les trompettes bouleversent tout. On a vu cela par la petite expérience des bombardements pendant la guerre: un paysage qu'on connaissait très bien était méconnaissable après le bombardement. On cherchait en vain de petits signes, car là où il y avait des trous, surgissaient des montagnes, et inversement.

Et au fond, c'est vraiment cette espèce de bombardement que nous montrent les quatre premières trompettes. Rien n'est stable. On aimerait pou­ voir reprendre les mêmes sentiers: rien n'ost stable, tout est bouleversé. Mai « la stabilité doit être prise du côté de l'intérieur. C'est Marie qui nous donne la stabilité.

Pans le temps, la vie monastique faisait voeu de stabilité. Actuelle­ ment, nous comprenons que la seule stabilité, c'est Marie. Et c'est ce que nous demandons à la Très Sainte Vierge: de nous donner la fidélité à travers tout. La stabilité du témoin. Il faut être debout. Témoin fidèle. Et c’est Marie qui nous permet, au milieu de toutes les luttes, au milieu de toutes ces avalanches, de toutes ces grêles, de tous ces bouleversements, de garder une ligne directri­ ce très souple, mais très nette. Il no faut pas que nous soyons des indécis, dans le monde d'aujourd'hui. Il faut que nous soyons très décidés, mais pas entêtés. Il ne faut pas confondre décision et entêtement. La décision, c'est avoir un but et une recherche constante de vérité.Alors là, on est décidé. L’entêtement, c'est la limite. C'est la confusion entre la détermination et la limite. Et lorsqu'on confond la détermination ot la limite, on s'enferre de plus en plus dans son étroitesse. Lorsqu'on est décidé, plus on s'approche de la fin, plus notre coeur s'ouvre. C'est juste l'inverse. C'est très très important de faire ce petit discernement parce que certaines philosophies , depuis plusieurs années, ont confondu détermination et limitation. Et alors, dans cette confusion, on ne s’en tire plus! On a les deux camps: les intégristes et les progressistes.

Il ne faut pas regarder ces deux camps: il faut être du Christ, Cn est du Christ et on recherche la vérité* si l'on est fidèle à l'Eglise et si l'on comprend qu'il ne faut surtout pas confondre détermination et limitation. C'est, je crois, ce que font les ingégristes. ( Je ne dis pas l'intégrisme, il y a l'intégrisme de la foi), mais je parle de certaines positions intégristes qui confondent la détermination et la limitation. Et si je.regarde les positions du progressisme, c'est encore confondre détermination et limitation.

Pour être plus déterminé, il faut briser les limites. liais plus libre, il ne faut pas briser les déterminations.

pour être

Plus on est déterminé, plus on est libre , et plus on dépasse toutes les limitations, liais il ne faut surtout pas supprimer les déterminations. Parce que la détermination, c'est justement la grande intention de notre vie,qui va vers la finalité. Alors, si vous confondez détermination et limitation, il n'y a plus qu'un seul moyen de s'en sortir: être révolutionnaire pour garder la liberté. Si on veut au contraire vraiment répondre à la manière du Christ dans le Coeur de Marie, nous voyons que Marie est la grande détermination de l'Esprit— Saint. Il n'y a personne de plus déterminé que Marie. Personne de plus ouvert qu'Elle. Parce que c'est l'Amour qui prend possession de tout, Marie doit être pour nous cette détermination, cette grande ouverture vers l'Amour du Père.

( Fin de la 14ème conférence )

c, . oeme jour

183

15ème conférence

On vous a donné le texte de la Consécration à la Très Sainte Vierge, que nous lirons ce soir. Presque tous l’ont déjà faite, et je crois que, durant les chapelets, je vous ai suffisamment montré la signification de cette consécration; il faut tout le temps la reprendre, c'est évident. Il ne faut pas du tout la faire comme une chose habituelle. L'Esprit-Saint n'aime pas les répétitions. Donc ce n'est pas une répétition que nous ferons ce soir. Ce sera tout simplement une demande à 1*Esprit-Saint de nous donner davantage le Christ, de faire que la grâce du Baptême soit vécue en plénitude. Puisque, avec le Baptême, la grâce de 1'Esprit-Saint nous est donnée avec la grâce du Christ et que c'est cette grâce du Baptême qui doit nous faire vivre pleinement. Nous sommes nés à la Croix, de l’Esprit et de l'eau, comme le dit' Notre Seigneur à Nicodème. L'on peut donc dire que nous sommes vraiment nés du Coeur blessé du Christ, et aussi de Marie, puisqu'elle est notre Mère. Ce soir, dans cette consécration, nous reconnaissons d'une manière explicite et très forte le lien dans 1'Esprit-Saint avec Jésus et Marie. Et nous leur remettons tout. Nous le faisons dans la grâce de cette retraite sur l'Apocalypse c'est-à-dire à travers le mystère de ces luttes. Je vous ai dit que 1'Apocalypse doit nous donner une très grande espérance. J'espère que vous l'avez compris. L'Apocalypse nous donne un optimisme divin, pas un optimisme humain. Du reste, il n'y a pas d'optimisme humain parce qu'on se casse très vite la tête. Cet optimisme divin fait que, progressivement, plus nous avançons, plus la victoire du Christ prend possession de nous. Et au fond, c'est cela la grande découverte qu'on doit faire de plus en plus dans sa vie : plus 1'Eglise approche du terme, plus le démon est déchaîné, c'est évident ; mais ce n'est pas mauvais de 1'entendre grogner. Si on 11 entend, ça prouve qu'on est hors de sa gueule. J'ai très peur des gens qui disent que le démon n'existe pas. S'ils ne 11 entendent plus grogner, c'est parce qu'ils se trouvent dans sa gueule et qu'ils ne s'en aperçoivent pas 1 Tandis que lorsqu'on est dehors, on l'entend grogner, on le sent, il est là, Et plus on se rapproche du terme, moins le démon" cessera de rugir. Le démon peut modifier la figure de notre monde. Et il la mo­ difie de temps en temps, car j'ai l'impression que certains paysages sont assez abîmés dans notre monde d'aujourd'hui. C’est là une ma­ nière de reconnaître la griffe du démon. Il y en a d'autres. Quand on voit certaines propagandes, certaines revues... c'est affiché. Le démon s'infiltre et se manifeste partout aujourd'hui. Plus les hommes disent qu'il n’existe pas, plus il rigole et plus il manifeste qu * il est là, présent. On ne peut pas nier combien il est présent à travers une quantité de choses aujourd'hui. Plus on y est attentif, plus on sait que la victoire du Christ est proche. Et plus 1'Eglise est proche de son terme, plus Elle est pleine d'amour et de miséricorde. Evidemment, c'est peut-être le petit reste, le petit reste de l'Ancien Testament.

18d Je me souviens, pendant que j’étais aux études, il y avait un étudiant qui ■faisait des dissertations sur le petit reste. On ne cessait d * en parler. C'est très beau, le petit reste, mais à la ■fin, il s’amenuise, le petit reste d’Israël, et je crois que pour 1'Eglise, il y a quelque chose d'un peu semblable. On a l'impression que des chrétiens, croyants de générations en génération, perdent la foi, parce que leur foi n'est plus vraie. Elle s'identifie à une espèce de tradition religieuse, aux traditions de culture. Une foi identifiée à une tradition culturelle humaine, n'est pas une foi vraie. J'ai l'impression qu'actuellement le Seigneur demande à chacun une foi bien plus personnelle et beaucoup plus forte. C'est normal. Une foi beaucoup plus authentique, beaucoup plus pure; une foi qui exige l'acceptation du combat, et d'être prêt au martyre, s'il le faut. Il est possible que le Seigneur nous le demande J Et s'il nous le demande, Il nous donnera la grâce d'aller jusqu'au bout, d'être fort jusqu'au bout.

Continuez de lire 1'Apocalypse. Je crois que c'est excellent. Vous ne comprendrez pas tout : il faut la lire 10D fois, 200, 300. Je ne dis pas de la lire tous les jours, non, mais indéfiniment. Il faut se familiariser avec 1'Apocalypse, comme on se familiarise avec l'Evangile. Et c'est dans la mesure où Elle nous devient fami­ lière que, tout d'un coup, les choses a,'.éclairent. Lisez donc l'Apo­ calypse Elle-même plutat que le Père t+aïlu L. Son ouvrage sur 11 Apo­

calypse est une chose merveilleuse, mais elle est d'ordre exégétique. L'exégèse cherche le comment. Nous, nous avons essayé de chercher le pourquoi, la finalité. C'est cela qu'on doit chercher dans l'Ecriture. Nous devons comprendre la nourriture qui nous est donnée, sans mé­ priser le comment. Quand on a le temps de s'en occuper, faisons-le. On pourrait, à propos d'une quantité de choses, voir les parallélis­ mes avec Ezéchiel, avec Daniel. Relisez Daniel, vous verrez combien il est riche et proche, au fond, de ce qui nous est donné dans 11 Apocalypse. Et dans Ezéchiel, c'est pareil et l'on pourrait faire quantité de parallélismes. Je n'en ai pas fait trop parce que j'ai toujours l'impression que l'Apocalypse a une lumière intérieure et profonde plus forte que toutes ces comparaisons. Une fois qu'on a saisi l'essentiel, dans 1'Apocalypse, ces comparaisons permettent ensuite d'en voir toute 1 ' extension, Mais si on les voit avant, on risque de s'encombrer et de loucher un tout petit peu 1

I1 faut saisir cet aspect très profond qui nous est donné : le Mystère de 1'Agneau et le Mystère de 1'Epoux. Comme dans l'Evan­ gile de Saint Jean, c'est 1'Agneau et 1'Epoux qui éclairent tout. L'Agneau est la Miséricorde; l'Epoux est l'Amour jaloux. Continuons de voir le symbolisme des trompettes parce que nous avons envie d'entrer plus profondément dans le mystère des luttes qui nous est donné. Essayons de terminer ensemble, même si l'on ne peut pas voir tous les détails, tous les grands aspects des gouvernements de Dieu, de Ses exécutions. Les anges interviennent dans les exécutions. Ce sont des intermédiaires, bons ou mauvais. Ce sont les bons que nous voyons. Les mauvais sont invisibles mais □n va les démasquer soudain en en voyant les signes.

185 C'est très curieux qu'ils ne nous soient pas montrés ici, parce que dans 11 exécution, dans les moyens, on ne s'y retrouve pas très bien. Je ne reviens pas sur les 4 premières trompettes qui nous ont fait voir suffisamment comment 1'homme t dans l'univers, est en lutte ; et comment la démon peut se servir des éléments pour diminuer l'épa­ nouissement profond de notre vie. Le démon peut arriver à des choses affalantes, comme par exemple, aujourd'hui, l'industrie pharmaceu­ tique . Il y a quelques années, quand de Gaulle était encore vivant (de Gaulle avait de temps en temps des idées un peu drôles et intel­ ligentes) , il avait eu cette idée curieuse de réunir, en un petit séminaire, ceux qu'il considérait comme les types les plus représen­ tatifs de la France dans le domaine de l'entreprise, des tests, des calculs des probabilités, des ordinateurs, dans le domaine bio­ logique , pharmaceutique, etc, Je ne faisais pas partie de ce sémi­ naire - parce que les philosophes et les théologiens en étaient exclus - mais je connaissais deux personnes qui y avaient participé et qui m'en avaient parlé l'un? et l'autre. C'était intéressant. Il y a eu du reste un petit compte-rendu qui a paru, mais il ne relatait pas les choses essentielles. Le but de cette réunion était de tâter le pouls, pour savoir ce que l'homme sera en 1985. Il y eut, entre autres, un dialogue assez particulier entre celui qui représentait les chefs d'entreprise et le biologiste. Je ne cite pas leurs noms, ce n'est pas la peine. Le professeur de biolo­ gie disait : on pourra bientôt faire de 1'homme ce qu'on veut. Il le disait avec une très grande force, une haute conviction. Là-dessus, le chef d 'entreprise, habitué à savoir ce qu'est 11 homme et que ce n'est pas si commode d'en faire ce qu'on veut, déclara : mais, M. le Professeur, le de Gaulle de 1985 voit la France telle­ ment basse du point de vue prestige qu'il faut à tout prix la rele­ ver. Alors écoutez. Je vous demande un petit contrat : produisez pour la France 5 Mozart, puisque vous faites de l'homme ce que vous voulez...

Que répondra le professeur de biologie de 1985 ? Là-dessus, le professeur de.biologie s'est tu pendant quelques minutes et il a eu cette réponse admirable : "Si' je répondais oui-, vous me prendriez pour un naïf, mais je ne peux pas vous répandre non.” 11 avait la conviction absolue qu'en 1985 , étant donné le progrès de la science et de la technique, on arriverait à faire de l'homme ce qu'on voudrait. Produisez un génie, vous arriverez à faire un génie. Et il était arrivé à cette conclusion : on voit bien certains dangers qui sont très nets ; il. y en a d'autres que l'on voit moins. Le danger le plus net, c'est la bombe atomique, que tout le monde connaît bien. On sait très bien ce que cela représen­ terait si toutes les énergies nucléaires éclataient en un instant. Cela ferait un beau feu d’artifice I" Ensuite ils ont considéré qu'il y a quelque chose qui va beaucoup plus loin, mais dont en ne parle pas : c'est le progrès de 1'industrie pharmaceutique. Et ce progrès s'il continue - et il n'y a pas de raison qu'il s'arrête - représentera un danger encore beaucoup plus grand. Et comme 1'industrie pharmaceutique marche très bien, il ne faut surtout pas en parler. De sorte que dans leur cahier, quand ils ont édité leur rapport, ils n'en ont pas parlé, par complicité.

196 Il est bien évident qu’à travers cela il n'y a pas que 1'homme. Pour celui qui a la foi, il y a autre chose, de caché. Alors, qu'estce que représentent les interventions ? Les interventions, ce sont les actions de 1'homme qui, avec sa technique, avec sa science, au lieu de travailler pour lui risquent de se retourner contre lui. Un de mes amis qui assistait à ce fameux colloque sur la pollution de 11 air - oui s'est tenu en Suède l'année dernière me disait qu'il y avait quinze maoïstes présents. Et ces maoïstes ont tout de suite posé la question : la science est-elle pour l’homme ou 1'homme est-il pour la science ? Toute la question est là. Personne n'a répondu, par complicité. Le Professeur Marois, qui s'occupe de l'institut de la Vie, m'a raconté un petit événement qui l'avait beaucoup frappé catte année^ci. Il avait réuni les 24 savants qu'il juge, et qui se jugent entre eux, comme représentant assez bien la science actuelle, puis­ que parmi eux il y a 7 Prix Nobel; et cette année ils se réunissaient à Rome. C'était 1'Académie scientifique de Rome qui les recevait, Cette Académie est sous le patronage de Galilée.

Le Professeur Marois, ayant le profond désir qu'un jour l'institut de la Vie soit présenté au Saint-Père, se disait : quand même, il faut que 1'Eglise s'intéresse à tout cela, qu'Elle puisse voir cela. Il avait déployé toute son énergie pour obtenir une audience du 5aint-Père. Et il l’a obtenue,malgré certaines dif­ ficultés . (Il avait eu des réponses assez curieuses, dont celle-ci émanant du Secrétariat d'Etat : si vous dites au Saint-Père qu'il doit recevoir 7 prix Nobel, il n'en dormira pas de la nuit... et nous sommes là pour veiller sur sa santé 2) Finalement, cette au­ dience a été accordée. Le Professeur Marois ne connaissait pas du tout les convictions religieuses de ces 24 savants qu ' il voyait uniquement du point de vue scientifique. Il m'avait demandé de beaucoup prier pour cela. Il m’avait dit : il faut à tout prix que cela se fasse et le mieux possible". "Donc, nous arrivons a Rome. (C'est lui qui m'explique tout cela). Nous rendons hommage à Galilée... puis après ces éloges je prends mon courage à deux mains pour dire : puisque nous sommes à Rome, j'ai jugé bon, et je crois que cela vous intéressera, d'avoir une audience du Saint-Père." Les figures s'allongent. Il voit que le Président de 1'Académie Scientifique Italienne prend tout de suite son petit calepin : ah 1 c'est désolant, juste ce jour-là, à cette heure-là, j'ai une conférence. Je regrette, mais je ne pourrai pas y être.''

Marois m'a dit : j'ai vu 1e coup où chacun allait sortir son calepin et dire î désolant, j'ai un rendez-vous. Heureusement qu'il n'y a pas eu de successeur, mais Marais a vu que, parmi ces 24 savants, aucun n'avait la foi ! C'est symptomatique : aucun n'avait la foi. Ils ont tout simplement fait des réflexions du genre : si vous le voulez... aller voir une momie dans un musée, ce peut être intéressant... mais 1'Eglise est tellement en perte de vitesse. L'Eglise, que signifie-t-elle ? Dans 150 ans existera-t-elle encore ? Le Vatican c'est un musée. C'est la science qui marche. Le progrès est du côté de la science et c'est de ce côté—là que nous devons aller.

187

Le Professeur Mardis continue -. "Alors il y en a un qui m'a dit : Je vais poser des questions au Saint-Père. Je lui demanderai s'il sait ce qu'est la spectrologie. Parce que c'est quand même une science très impartante et il devrait le savoir..."'. Matois était assez catastrophé... Toujours est-il que le jour de l'audience la femme du Président de 1'Académie Italienne lui a fait demander si elle pouvait venir. (Il y a dû y avoir une petite scène de ménage la soir, un petit dialogue. Son mari n'est pas venu, mais elle est venue). Parmi ces savants, il y en avait un à moitié paralysé, à la suite d'une attaque. Son intelligence était intacte, mais son pauvre corps ne suivait plus entièrement. Ils s1 étaient installés dans une salle spéciale, les 24 ensemble, juste avant l'heure. Le savant infirme se trouvait du c3té par où devait arriver le Saint-Père. Juste à l'heure, le Saint-Père est arrive. Alors tous, comme un seul homme, se sont levés.

Auparavant il y avait eu une petite séance assez particulière car l'épouse de l'un de ces savants n'était pas dans une tenue tout à fait correcte, selon le goût de Marais, pour une audience de ce genre. Il l'avait dit à son mari qui avait déclaré :"je n'ai aucun pouvoir là-dessus. Marois est donc allé dire à 1'épouse t vous pour­ riez peut-être mettre un autre costume; celui que vous aviez l'autre jour vous allait très bien. Elle est partie se changer. Quand elle est revenue, dans une tenue très correcte, le mari a regardé Marois et lui a dit : vous avez fait un miracle ! C'est la première fois de sa vie où elle a obéi. Marais reprit : si j'ai fait un miracle, vous croyez donc en Dieu. - Non, je crois en vous. Mais du reste,n'en parlons pas."

Quand le Saint-Père est arrivé, ils se sont levés, sauf celui qui était in firme et qui faisait tout ce qu'il pouvait pour se lever. Le Saint-Père en le voyant 1'a pris par l'épaule et lui a dit ï "ne vous levez pas, cher ami".

Par ce geste,.ils ont tous vu que le Saint-Père n'était pas une momie. Ils ont compris, à ce moment-là, qu'il y avait une pré­ sence , un amour pour les hommes. Et Marois dit : "Le climat a tota­ lement changé. Le Saint-Père a parlé un quart-d'heure, faisant un petit discours écrit de sa main, que j'ai lu (puisqu'il a paru), un petit discours merveilleux. Tout était dedans : le respect de l'Eglise pour la science et en même temps le souci de l'Eglise de rappeler aux savants que la science est pour 1'homme et qu'elle doit être ordonnée à l'homme, à son service. La science n'a pas d'autre finalité. Le Saint-Père rappelait que le Maître de la vie et de la mort est Dieu et que l'homme n'en sera jamais le maître. Et qu'il est important que l'Eglise rappelle cela aux savants parce que la science croit facilement acquérir tout pouvoir." Ils ont tous écouté. Ensuite chacun fut présenté au Saint-Père par le Professeur Marois qui m'a dit ;"c'est très curieux, le Pape s'est arrêté le plus longtemps auprès du plus dur, du plus réticent. Il lui a dit : quelle est votre spécialité ? - Physique nucléaire. - Pourquoi faites-vous cela ? Qu1 est-ce qui vous intéresse le plus ? Cela a duré assez longtemps et le savant répondait au Saint-Père. Après Marois lui a demandé : qu'en dites-vous ? - Ce qui m'ennuie le plus, a-t-il répondu, c'est que je suis pleinement d'accord avec tout ce qu'il m'a dit !"

xaa Mais il y a eu ceci de très touchant, de très étonnant. Tous, après cette audience, étaient dans la joie. Ils avaient eu tous peur... et ils étaient dans la joie. Et tous spontanément disaient : "Au fond, il faut qu’il y ait une religion’.' Ils ajoutaient même : "Il faut qu'il y ait un pape qui concrétise cela. Nous en avons besoin". Matois disait : "C’était très curieux, ils étaient comme des enfants. Ils avaient eu peur d'un spectre. Mais quand ils virent la bonté du Saint-Père, sa présence respectueuse et proche d'eux, quand ils le virent les aimer et s'intéresser à chacun d’entre eux, ils ont été conquis." Cette anecdote, très belle, montre comment le monde scientifi­ que et technique d'aujourd'hui se sépare de la religion et de la foi et combien nous devons être attentifs à ce fait. Ils'agit du monde dans lequel nous sommes et nous devons être attentifs â ces hommes de science. Nous devons les aimer, en tant qu’hommes, en comprenant que la science risque toujours de devenir une idole et combien, au fond, ces hommes sont malheureux, profondément. Car la science ne console pas le coeur de l'homme. La science ne peut pas combler son coeur car elle n'est jamais une finalité. Et il manque toujours quelque chose à une vie qui n’est pas finalisée. C'est là qu’il faut exercer la vraie miséricorde, dans son très grand sens : aimer 1 * homme pour essayer de lui redonner le sens de l'amour.

On ne peut pas discuter avec les savants, ce n'est pas la peine, ils sont plus savants que nous, Donc il ne sert à rien de discuter de la science avec eux. Mais on doit les considérer comme des hommes qui ont oublié 1'essentiel de 1'homme, qui est 1'Amour. Et c'est cela qu'on doit leur apporter, avec beaucoup d'humilité et une charité qui s'efface. On ne doit pas leur donner une leçon. Mais il faut, avec noblesse, leur apporter un témoignage chrétien. Il faut savoir que la foi nous donne une noblesse divine, noblesse dépassant toutes les connaissances humaines, Il faut que ce témoignage de noblesse divine, fait avec beaucoup de douceur et d1 humilité, garde ce carac­ tère très sobre. Ils en ont besoin.’ Il est très important aujourd'hui que nous considérions cette conquête foudroyante de La science, dans tous les domaines, et ses applications techniques qui modifient quantités de choses et même la figure de notre monde. Mais elles ne modifient rien dans le coeur de 1 'homme. Et quand Dieu parle, c'est au coeur de l'homme qu'il parle. C1 est pour cela qu'il n'y a rien à changer à 1'Ecriture, puisqu'elle parle au coeur de l'homme. Si 1'Ecriture était dépen­ dante d'une science ou d'une culture, elle devrait changer avec elles. Mais lorsque Dieu dit à Abraham : "Sors de tout ce qui t'est connaturel", Il lui fait comprendre que la foi est au-delà de toute culture scientifique, de toute culture humaine. La foi regarde le coeur de 1'homme et Dieu parle au coeur de 1'homme.

169 C’est justement ce point de vue que nous devons avoir de plus en plus : la foi est quelque chose d'éternel. C'est le coeur de l'homme qu'elle atteint et le coeur de l'homme est fait pour l'éter­ nité puisqu'il est fait pour l'Amour.

Toutes ces trompettes montrent le pouvoir progressif que Dieu laisse au démon, que Dieu laisse à tous ceux qui agissent sans savoir ce qu’ils font. Tout ce pouvoir doit nous rappeler de plus en plus ce qui, en nous, nous lie à Dieu. C'est notre coeur qui est relié à Dieu, et notre intelligence, dans ce qu * elle a de plus profond. Ce n'est pas notre raison, ni la science. La science ne peut pas nous relier directement à Dieu. Mais l'intelligence, oui, dans ce qu'elle a de plus profond. Et ce qui est peut-être le plus impresionnant dans ce mystère des trompettes c'est de voir que Dieu permet tout cela pour affiner le coeur de l'homme. Dieu permet les grandes luttes - car ce sont de grandes luttes que celles qui nous sont montrées dans les trompettes - ainsi que les grandes luttas actuelles qui vont très loin, et qui iront sans doute plus loin encore, car il n'y a pas de raison qu'elles s'arrê­ tent . Du moins on n'en a pas 1'impression. Quand le progrès de la science est lié au point de vue économique, au point de vue politi­ que, il ne semble pas possible d'y mettre un frein.

Si Dieu permet ces grandes luttes, c'est pour qu'il y ait plus d'amour. C'est uniquement dans ce but-là. L'Evangile de Saint Jean le montre de façon admirable. Si Dieu permet la lutte, c'est pour que Jésus soit plus présent. Si Dieu permet la lutte, c'est pour que nous soyons plus pauvres, plus dépouillés, pour que nous allégions des choses secondaires. Quand on est riche, on s'embourgeoise, on se gonfle et on oublie l'essentiel. Au contraire, la lutte nous appauvrit si elle est vraiment bien vécue. La lutte ne peut pas nous conduire au désespoir. C'est cela qu'il faut bien voir. Si elle est vécue comme Dieu désire que nous la vivions, la lutte nous permet de nous appauvrir pour aller vers 1 ’ essentiel. Après les 4 premières trompettes, voici les 3 autres

:

"Et je vis, et j'entendis un aigle volant au zénith dire d'une voix forte : malheur, malheur,malheur à ceux qui habitent la terre, à cause des autres voix de la trompette dont les trois anges vont sonner" (9,13). Voyez l'avertissement du Christ. C'est toujours très important de comprendre cela, puisque c'est voulu, permis par Dieu, pour nous purifier. "Et le cinquième ange sonna de la trompette. Et je vis une étoile qui du ciel était tombée sur la terre, et il lui fut donné la clé du puits de l'abîme" (9,1). C'est bien évident qu'il ne faut pas prendre cela selon le réalisme de 1'étoile. Pauvre petits planète, si une étoile tombe dessus, il n'en restera plus grand chose 1 C'est un langage symbolique, mais avec un fondement réel et c'est cela qui est le plus difficile. Ou bien 1'on prend les choses matériellement et l'on fausse tout ; ou bien on les prend d'une façon symbolique sans rien de réel comme fondement. Il faut prendre un symbolisme divin qui ait un fondement réel.

"... et elle ouvrit le puits de 1'abîme". C'est mystérieux cette étoile. Une étoile, c’est quelque chose de la lumière duciel qui tombe sur la terre. C'est une espèce de métaphysique - une vision de la négation de l'abîme - la clé du puits de l'abîme.

190 I1 semble qu'une étoile devrait justement représenter le point de vue de la lumière, le point de vue de ce qui vient de Dieu. Une étoile ne peut pas dégringoler sur la terre comme ça. Le démon n1 a pas de pou­ voir sur les étoiles. Il ne peut pas jouer à cache-cache avec elles» c’est absolument impassible. Heureusement du reste, il nous en aurait déjà envoyé plusieurs sur la tête 1 Mais il n’a aucun pouvoir sur elles. Cela veut dire, symboliquement, que le démon peut intervenir de telle manière qu'il transforme, en le modifiant, le conditionne­ ment de notre vie intellectuelle, et qu'il arrive à faire que 1 'intel­ ligence qui, normalement est tournée vers le point de vue positif, se tourne vers 1'aspect négatif. Cette espèce d'inversion de l'in­ telligence a toujours existé et le fait que la négation soit pre­ mière est démoniaque. C'est es que nous voyons dans la philosophie contemporaine. Cela a toujours existé un peu, mais jamais aussi fortement que main­ tenant. C'est 1'étoile qui nous dégringole sur la tête : "... il lui fut donné la clé du puits de l'abîme". Il y a d'autres interpréta­ tions. On trouverait sûrement dans l'ordre pratique des choses très semblables.

Je crois que c1 est le démon qui fait des inversions. L * opposition radicale à l'aspect de la finalité, c'est le premier mal­ heur. Ca va beaucoup plus loin que la transformation extérieure du milieu. On le sent bien. Un malheur, on l'annonce. Si c'est un mal­ heur, c’est 1'inverse des béatitudes évangéliques . C'est quelque chose qui va rendre l'homme incapable'd'atteindre le bonheur. C'est cela le malheur. Comment pouvons-nous empêcher 1'homme d’at­ teindre le bonheur ? En le détournant complètement de sa fin. En le mettant dans un état où il soit incapable d'atteindre sa fin, dans une situation limite du côté de l'intelligence. C'est ce qui est symbolisé par ces paroles : "... il lui fut donné la clé du puits de l'abîme. Et il rouvrit le puits de 1'abîme". En philosophie grecque, on parle toujours de 1'abîme. C'est le premier, c’est ce qui attire l'abîme, c'est le néant. C'est quelque chose d'abyssal qui attire et qui fait qu'on est séduit.

"Et il monta du puits une fumée comme une fumée de grande fournaise". C'est quelque chose qui fait qu'à partir de là on ne voit plus rien du tout. Si vous mettez la négation en premier lieu, vous êtes dans l'incapacité de rejoindre Dieu par votre intelligence. Et vous êtes même dans 1'impossibilité de rejoindre 1 ' homme. "... Le soleil et 1'air furent enténébrés par la fumée du puits" (9,2). Donc, on est dans les ténèbres qui symboliquement représent le péché. Le péché s'oppose à 1'amour. On s'oppose à 11 amour quand justernent on se détourne de la finalité.

"Et de la fumée sortirent des sauterelles ", ça c ' est encore plus extraordinaire, parce qu'il y a une espèce de fécondité, un simulacre de fécondité qui va sortir de cet abîme, de cette fumée. Il s'agit de l'efficacité de la technique qui peut nous donner un simulacre de ce que représente la fécondité. On peut croire qu'on va arriver, par la technique, à ne plus avoir besoin de la vie. Et à ce moment—là la technique devient quelque chose de monstrueux.

191

Voilà une chose que je crois très importante aujourd'hui je le dis constamment à mes étudiants - au plan philosophique, mais aussi pour toute espèce de vision. Considérer la différence entre une technique, au service de 11 homme ou, au contraire, qui ne sert plus 1'homme, La technique au service de 1'homme permet une véritable coopération avec la nature. L'art coopère avec la nature. A ce momentlà, on ennoblit la nature et la technique est au service de 1 'homme. Elle lui permet d'aller plus vite. Ainsi, il est avantageux, quand on doit se rendre d'un endroit à 11 autre et qu'on ne peut pas piloter soi—même, de prendre l'avion. Cela fait quand même gagner du temps. Et par le fait même, cela vous permet de faire pas mal de choses supplémentaires. La technique est au service de la nature.

Mais lorsque la technique n'est plus au service de la nature, au lieu de coopérer avec elle, elle tyranise et, au bout d'un certain temps, elle détruit. Il est très difficile de faire 1b discernement. Il faut au moins se poser la question de voir comment la technique doit normalement coopérer avec la nature. Car il peut y avoir une technique (donc un art, puisque la technique est un art poussé à l’extrême pour une efficacité) qui, au lieu de coopérer, désagrège et fait qu'on n'en est plus maître. Je prends un exemple très simple pour que nous comprenions. Il est important de comprendre concrètement ce qui nous est montré ici. C'est une chose que nous voyons tout le temps et au sujet de laquelle nous devons nous poser la question, si nous sommes intel­ ligents, afin de ne pas nous laisser mener par le bout du nez. Autre chose est cultiver, autre chose est exploiter. Quand on cultive un champ, une vigne, ce champ ou cette vigne, grâce à la culture, acquiert une valeur plus grande. C'est un capital que le père commu­ nique à ses fils, le grand-père à ses petits-fils... ils ont une vigne magnifique qu'il a fallu cultiver pendant des années. Quand on exploite, les dents des petits-fils en sont agacées. L'exploitation, au lieu d'ennoblir le champ, le détruit. Après, on ne peut plus rien en faire : on l'a exploité. Il n'est pas toujours commode de bien discerner les deux. La technique aujourd'hui (qui est poussée comme elle ne l'a encore jamais été) représente quelque chose de très spécial qui pose des problèmes au philosophe et au chrétien, si du moins ils cherchent à comprendre. Tant que la technique coopère au bien de l'homme, la science est ordonnée à 1 * homme. C'est ce que le Saint-Père rap­ pelait aux savants : la science doit être pour 1'homme. Le jour où la technique ne coopère plus avec la nature, mais 1'exploite et la détruit, elle n'est plus ordonnée à l'homme. C'est la technique qui est ordonnée à la technique. La science de consommation, c'est cela. Au fond, à la place d'être ordonnée au bien de 1 * homme, la science est ordonnée au profit. Le profit entraîne une exploitation toujours plus grande et au bout d'un certain temps, tout est exploité. Or, si vous faites attention, vous voyez bien que tout cela provient d'une vision inversée par rapport à la finalité, où la né­ gation est première. C'est très curieux comme tout se tient et ça ne peut pas être autrement. Il y a certaines choses qui ne peuvent se faire qu'avec une certaine philosophie. Parce que 1'homme a toujours une philosophie. Et si la négation est première, vous laissez la technique se développer indéfiniment. Vous trouvez cela tout à fait normal, puisqu'il n'y a pas de finalité. C'est le mou­ vement qui a sa propre finalité en lui-même.

192 Regardez attentivement ce qui est montré ici : "Il monta du puits une fumée, comme une fumée de grande fournaise et le soleil et l'air furent enténébrés par la fumée du puits et de la fumée sortirent des sauterelles sur la terre. Et il leur fut donné un pouvoir comme le pouvoir qu’ont les scorpions de la terre" (9,3). Tout cela est sorti de la fumée de l'abîme. Donc tout est sorti de cette espèce de primat de la négation. Et nous voyons alors ces sauterelles * Ce ne sont pas des sauterelles vivantes ; j ' allais dire des sauterelles magiques, qui expliquent la technique merveil­ leuse de 1'homme qui arrive à faire quelque chose d'extraordinaire.

"... et il leur fut dit de ne pas nuire à 1'herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui n'ont pas le sceau de Dieu sur leur front" (9,4). Les hommes qui ont le sceau de Dieu sur leur front, ceux qui ont le sens de l'amour de Dieu, ceux qui sont protégés par Dieu et qui 1'aiment, ceux-là n'ont rien à craindre. Le démon n'a aucun pouvoir sur eux, tandis qu'il en a sur les habitants de la terre qui ont complètement oublié le point de vue de la finalité, le point de vue de l'amour. "Et il leur fut donné, non de les tuer, mais de les torturer pendant cinq mois" (9,5). L'homme devient un rouage. Il ne faut pas le tuer, parce qu'on sait bien que la technique et la science dépen­ dent de lui. Donc il faut le laisser en vie pour que la science pro­ gresse . On ne le tue pas, on le torture en ce sens qu'il n'a plus la possibilité d'aimer.

"... et leur torture est comme la torture du scorpion quand il pique 1'homme. En ces jours-là, les hommes chercheront la mort et ne la trouveront pas. Ils désireront mourir et la mort fuira loin d'eux" (9,6). C'est un monde purement artificiel, dans lequel on se trouve pris, saisi. "Et voici à quoi ressemblaient les sauterelles : elles étaient semblables à des chevaux prêts pour la guerre". On est toujours dans la lutta ; il y a une rivalité constante dans la technique. La tech­ nique appelle la technique et appelle toujours une technique plus parfaite. Il y a une rivalité constante, un mouvement dialectique constant, sans arrêt possible. "Sur leur tête il y avait comme des couronnes semblables à de l'or". Semblables à de l'or, mais ce n'est pas de l'or. La technique veut la puissance et elle est alliée à la puissance. C'est impossible autrement. La science, quand elle n'est plus fina­ lisée pour 1'homme, se finalise par la puissance. Elle est ordonnée à la puissance.

"Et leurs faces étaient comme des faces d'hommes". C1 est un monde uniquement d'apparence. "Et elles avaient des cheveux comme des cheveux de femme". Les cheveux, dans l'Ecriture, sont une chose étonnante, extraordinaire. Il faudrait en voir tout le symbolisme. Il y a les cheveux qui essuient les pieds de Jésus. Les pieds de Jésus sont peut-être faits pour cela, parce que c'est le geste par excellence de Marie de Magdala, la femme pécheresse.

193 Les cheveux, c'est aussi la parure. C'est aussi 11 élément de séduction. L'élément par où la femme attire 1'homme, comme il est dit dans le Cantique des Cantiques. "Je te suis... un cheveu unique­ ment ... et je te tiens et tu me tiens de cette manière-là". "Elles avaient des cheveux comme des cheveux de femme". Elles séduisent et attirent. On est séduit, mais on ne sait pas pourquoi et on ne plus quitter ce qui nous a séduit. Ce n’est pas 1'amour, mais c'est comme 1'amour. C'est la séduction de la technique qui peut enivrer de cette manière-là. On est attiré par elle, on ne peut plus rien faire d'autre. On est pris dans un engrenage. "Et leurs dents étaient comme des dents de lions" (9,8}. Leurs dents, par où ils mordent, c'est aussi la puissance. Ils prennent tout. "Et elles avaient des thorax comme des cuirasses de fer".C'est la puissance. "Et le bruit de leurs ailes était comme un bruit de chars". C'est curieux de voir comment tout est repris d'une façon purement extérieure. Par la similitude, par 1'apparence, on peut arriver à réaliser quelque chose de monstrueux. Et l'on ne voit même plus que c'est monstrueux, parce qu'on est dedans. Alors on est séduit et on ne voit même plus ce qu'il y a d'invraisemblable î 1'homme qui devient esclave. On n e voit plus que la splendeur de ce qui provient de l'homme, qui sort de cette fumée. "Et le bruit de leurs ailes était comme un bruit de chars"'. Les ailes sont faites pour la contemplation. Ici ce n'est pas préci­ sément la même'chose '. ...un bruit de chars à plusieurs chevaux, qui courent au combat". Toute cette puissance est ordonnée à la guerre. Quand il y a rivalité, il ne peut pas en être autrement. C1 est difficile d1 arracher la technique - et la technique très poussée - à la puissance destructive de la guerre. "Et elles ont des queues semblables à des scorpions, et des dards, et dans leurs queues est le pouvoir de nuire aux hommes pendant cinq mois" ,(9,10). Dans leurs queues, c'est-à-dire par derri' ère. Leur visage est un visage d'homme. C'est 1'oeuvre de 1'homme, donc elle est bonne î Tout ce qui vient de l'homme ne peut pas être mauvais. C'est au service de 1'homme. Mais elles attaquent par derrière.

"Et elles ont à leur tête comme Roi l'Ange de l'Abîme". C'est assez foudroyant, cette cinquième trompette, tous ces malheurs pour nous, pour notre monde d'aujourd'hui. Et c'est bien ce que nous voyons, si nous sommes un peu lucides. Et nous voyons bien que tout est mené par la Roi de l'Abîme, qui n'est pas du tout un homme. Voyez l'opposition avec 1'Aigle qui monte au zénith, et qui est le Christ. Le Roi de 1'Abîma, on sait très bien qui c'est... "Son nom en hébreu est Abaddon, et en grec il a nom Apollyon"(9,ll) . Il se fait dieu, intangible, ayant tout pouvoir, toute puissance. □n comprend beaucoup mieux quand on regarde ce que représente la Bête de la Terre. Mais ceci nous est donné en premier lieu pour nous faire comprendre comment nous devons lutter au miJLieu de ces sauterelles, sortant de la fumée du puits.

194 Et malgré tout, nous avons cette conviction que tout cela ne peut pas nous toucher dans notre foi, parce que nous sommes marqués profondément sur notre front du sceau de Dieu. Tout cela ne peut pas nous nuire, si nous sommes fidèles. Nous pouvons nous poser des ques­ tions pour savoir comment coopérer à tout cela, et nous sommes bien obligés de le faire parfois, puisque nous vivons dans ce monde. Mais c'est un autre problème. Chacun d'entre nous use de la techni­ que et donc personne ne peut dire : ah, moi, je garde les mains absolument pures, non, car tout se tient. Mais il y a cette garantie merveilleuse du sceau de Dieu sur notre front. Et donc tout ce tourbillon, ces choses monstrueuses décrites par la cinquième trompette, ne nous atteignent pas en pro­ fondeur. Ce qui ne veut pas dire que nous ne les portons pas et que nous n'en souffrons pas, au contraire ; mais elles ne nous touchent pas. Notre foi ne peut pas être touchée par toutes ces transforma­ tions de la technique. Il ne faut pas modifier la Parole de Dieu, changer le langage de 1'Evangile en en donnant des symbolismes qui seraient semblables à ceux de la technique d'aujourd’hui, représentée par ces sauterelles. Ce serait nous livrer au Roi de l'Abîme qui voudrait falsifier la Parole de Dieu pour qu'on ne la reconnaisse plus.

Ce n'est pas pour rien que, dans 1'Evangile, toutes les compa­ raisons sont faites à partir du point de vue biologique, au sens le plus fort : le grain de blé qui tombe en terre et qui meurt; la femme qui enfante; le berger avec ses brebis ; la vigne et son fruit. Que des choses très simples, où l'art coopère avec 1'homme, avec la nature vivante. Chez certains théologiens aujourd'hui existe une grande tenta­ tion (on l'entend de temps en temps) : ils voudraient récrire un nouvel Evangile dans la lumière même de ce qui nous est montré ici, la cinquième trompette, c'est-à-dire dans ce que représentent les fruits d'une technique dont nous ne savons plus si oui ou non elle est finalisée par l’homme. Est-ce qu'elle n'est pas plutôt quelque chose qui emporte 1'homme vers sa destruction 7 Personne d'entre nous ne pourrait le dire. Et quand j’interroge les plus grands sa­ vants, et quand je dois les rencontrer, je leur pose cette question. Ils me regardent et disent : nous ne pouvons pas répandre.

La technique détruit-elle ou ne détruit-elle pas ? Est-ce qu'elle permet à 1'homme d'être plus ferme, ou, au contraire, est-ce qu * elle le détruit ? On ne sait pas. On se trouve à un moment où on ne sait plus et c'est vraiment la cinquième trompette. De temps en temps apparaît un visage d’homme : c'est-à-dire que de temps en temps la technique apporte des choses merveilleuses. Oui, mais il y a, en même temps, le péché, un péché terrible qu'on ne regarde pas. Aussi d'autres malheurs sont-ils annoncés. "Le premier malheur s'en est allé. Voici qu'il vient encore deux malheurs après cela" (comme si la 5ème trompette ne suffisait pas î) . "Et le sixième ange sonna de la trompette. Et j’entendis une voix venant des quatre cornes de l'autel d'or qui est devant Dieu et qui disait au sixième ange, vous voyez qu'on retourne à l'autel d'or, à l'aspect liturgique et sacerdotal, heureusement.

195 ^Elle disait au sixième ange qui avait la trompette : délie les quatre anges qui sont liés sur le grand fleuve de 1'Euphrate. Et les quatre anges qui se tenaient prêts pour l'heure et le jour, le mois et l'année, furent déliés afin de tuer le tiers des hommes. Et le nombre de cavaliers en campagne était de deux myriades de my­ riades. J'entendis leur nombre. Et voici comment, dans ma vision, je vis les chevaux et ceux qui les montaient . Ils ont des cuirasses de feu et d’hyacinthe et de soufre. Et les têtes des chevaux sont comme des tâtes de lions. Et de leur bouche il sort du feu et de la fumée et du soufre1* (9,14—18). Si vous voulez voir tout l'aspect du symbole et son organisation, allez voir à Angers la très belle chose où tous ces symbolismes sont donnés successivement.

"Par suite de ces trois plaies furent tués le tiers des hommes par le feu et la fumée et le soufre qui sort de leur bouche. Car le pouvoir des chevaux est dans leur bouche et dans leur queue” (9,19), c'est une petite remarque théalogique de Saint Jean, en ex­ tase. "Car leurs queues sont semblables à des serpents. Ils ont des têtes et c'est par elles qu'elles nuisent. Et les autres hommes qui n'avaient pas été tués avec ces plaies ne se repentirent même pas des oeuvres de leurs mains1' (9,20). C'est le châtiment de Dieu qui se sert du démon pour permettre tout cela. Ce n'est pas une oeuvre directe de Dieu, ce n'est pas Lui qui a inventé tout cela. Mais Dieu permet que tout cela se fasse, sous la mouvance et avec la complicité du démon. Ce châtiment montre une puissance extraordinaire qui pro­ vient des hommes, pas en tant qu 'hommes, mais en tant qu'habitants de la terre, c'est-à-dire la Bête de la terre et la Bête de la mer.

"Quant au reste des hommes, - ceux qui n 'avaient pas été tués par ces fléaux, - ils ne se repentirent pas de ce qu'ils avaient fait : ils continuèrent à adorer les démons et les idoles d'or, d'argent, d’airain, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher." (9,20) Voilà la grande faute de l'humanité. C'est l'idolâtrie : adorer ce que l'homme fait. Et c'est cela qui la rend complètement incapable de comprendre les punitions de Dieu. Je crois que 1'idolâtrie est ce qui abrutit le plus 1'homme. Qu'est-ce qui purif ie le coeur de 1 ' homme ? C'est 11 adoration « Par 1'adoration, on remonte à la source.

"Ils ne se repentirent pas de leurs meurtres, ni de leurs sor­ tilèges, ni de leurs fornications, ni de leurs vols". (9,21) C'est l’endurcissement d'une humanité matérialisée, entièrement prise par la gloire de ses propres oeuvres. Cet endurcissement est si fort que la 5ème et la 6ème trompettes ne lui fait plus rien du tout. Aussi Dieu est-il obligé d’aller toujours plus loin. Dans sa miséricorde, Il n'y va pas d'un seul coup, mais progressivement. C'est le Père qui taille sa vigne. Il veut leur faire comprendre qu'il les aime et qu'ils ont un coeur pour aimer. Il veut les re­ mettre dans leur finalité, qu'ils ont perdue par l’idolâtrie.

Dans les 5ème et 6ème trompettes nous voyons très nettement que Dieu lui-même se sert de tout ce que le démon a réalisé avec les hommes pour nous purifier de cette espèce de fausse alliance.

196 "Et je vis un autre ange vigoureux..." (10,1). Il faut termi­ ner ici car il faut terminer par -quelque chose de positif 1 A propos du 6ème sceau* nous avons vu les deux versants. Ici nous les avons vus également et c * est ce qu'il est très important de sai­ sir dans la 6ème trompette. "Et je vis un autre ange vigoureux, qui descendait du ciel enveloppé d'une nuée, avec 1'arc—en—ciel sur la tête. Son visage était comme le soleil." Jésus est toujours 1'Envoyé et c'est bien le mystère du Christ qui nous est donné ici.

"... enveloppé d'une nuée", c’est 11 Esprit-Saint, c'est l'Amour "... avec 1'arc-en-ciel sur la tête" : il n'y a que Lui qui soit le Prince de la Paix. "Son visage était comme le soleil et ses jambes comme des co­ lonnes de feu. Et il avait dans sa main un petit livre ouvert"(10,2) C'est le Christ qui intervient Lui-même pour donner une nouvelle for­ ce à ceux qui veulent recevoir son message. Ce n'est pas le Jugement dernier, ce n'est pas la fin : nous sommes à la 6ème trompette. C'est une intervention merveilleuse par le don du petit livre, 1'Evangile.

"Et il posa son pied droit sur la mer et le gauche sur la terre. Et il cria d'une voix forte, comme un lion qui rugit", c'est le Lion de Judas, ici. "Lorsqu 1 il cria, les sept tonnerres firent parler leur voix" : c ' est 1'Esprit-Saint qui est donné avec force, dans une secousse profonde. "Et lorsque les sept tonnerres eurent parlé, j'étais sur le point d'écrire et j'entendis une voix venant du ciel qui disait ; Scelle ce qu'ont dit les sept tonnerres et ne l'écris pas". (10,4) C'est bien dommage I C’en est resté là comme un grand secret, comme quelque chose qui reste caché. "Alors l'ange que j'avais vu debout sur la mer et sur la terre leva la main droite vers le ciol, et il jura par Celui qui vit aux siècles des siècles, qui a créé le ciel et son contenu, la terre et son contenu, la mer et son contenu, qu'il n'y aurait plus de délai, mais qu'au jour où se ferait entendre le septième ange, lorsqu'il viendrait à sonner de la trompette, s'accomplirait le mystère de Dieu, comme II en a fait l'annonce à ses serviteurs les prophètes” (10,5-7). C'est Jésus qui vient annoncer, que tout est extrême, que tout est très proche.

"Et la voix que j'avais entendue du ciel oarlait avec moi de nouveau et disait : Va,prends le livre ouvert dans la main de l'ange qui se tient debout sur la mer at la terre. Et je m'en allai vers l’ange lui disant de me donner le petit livre. Il me dit : prends et dévore—le." (Cela est très très beau pour comprendre ce qu’est la nouvelle méthode exégétique 1) "Et il remplira ton ventre d'amer­ tume et dans ta bouche il sera doux comme du miel" (10,8-9). "Et je pris le petit livre de la main de l'ange, je le dévorai et dans ma bouche, comme du miel il était doux. Lorsque je l'eus mangé, mon ventre fut rempli d'amertume. Et on me dit : il te faut de nouveau prophétiser sur des peuples et des nations, et des races et des rois en grand nombre". (10,10-11)

197 C'est très beau. Cela montre le secours direct de Dieu. C'est Dieu qui redonne le sens de la Parole de Dieu. C'est tout le symbolisme du "petit livre". Il y en a sûrement plusieurs. On peut dire que le petit livre c'est 11 Apocalypse, pourquoi pas ? Puisque Jean doit prophétiser, on lui en donne l'ordre. Et le petit livre — une retraite sur 1'Apocalypse ~ est à la bouche doux comme du miel, mais pour les entrailles, c’est amer. C'est bien la sixième trom­ pette. C’est merveilleusement doux — comme du miel - la Parole de Dieu, même s'il s'agit de l'Apocalypse ! Parce qu'on sent toute la douceur de Dieu sur nous, on sent qu'il nous arme au milieu de ce combat. On sent que Dieu est là. Et pourtant c'est amer, parce que nous sommes avec nos frères et nous sentons combien c'est rude, combien c'est terrible. Alors le petit livre peut bien être l'Apo­ calypse. Ou peut-être bien aussi 1'Evangile de Jean. Ou peut-être aussi ce que Dieu donne au cours des âges, pour nous préparer davantage à sa venue.

Le petit livre peut être ce que Saint Grignion de Montfort nous donne : "Le secret de Marie", qui y est impliqué. Je ne dis pas que c'est sa première signification, mais tout cela y est im­ pliqué. Le petit livre c’est tout ce qui vient de Dieu et qui nous prépare à entendre la septième trompette, c'est-à-dire à rester de­ bout à travers la 5ème et la 6ème, en comprenant que tout est Amour de Dieu, même si c'est un peu rude. Et le petit livre on nous dit de le manger et c ' est important cela. Nous avons mangé 1'Apocalypse pendant ces quelques jours. Manger, c'est-à-dire s'en nourrir. On ne comprend pas tout, on 11 accepte. On comprend suffisamment pour que ce soit doux au palais. Et puis c'est amer : c'est rude parce que ça nous oblige à aller beaucoup plus loin que tout ce que nous avons pensé jusqu'à maintenant. Toutes les petites luttes que nous soutenons, tout cela peut être remis à Jésus, au Cavalier Blanc. Je ne veux pas insister davantage. Le chapitre 11, les deux témoins nous feraient arriver vers quelque chose de beaucoup plus mystérieux. Mais lisez-les et vous y découvrirez le mystère que l'Eglise doit vivre. "La septième ange sonna de la trompette, et dans le ciel reten tirent des voix fortes qui disaient : la royauté du monde a passé au Seigneur et à Son Christ, Il régnera pour les éternités d'éterni­ tés. Et les 24 vieillards,qui devant Dieu sont assis sur leurs trânes, tombèrent sur leur face et se prosternèrent devant Dieu en disant : "Nous te rendons grâce, Seigneur,Dieu tout-puissant , - Celui qui est et qui était - de ce que, investi de ta grande puissance, tu as pris la royauté" (15, 15-17).

La 7ème trompette annonce le règne plénier de Dieu, qui se termine dans le ciel. La 6ème trompette, c'est la grande épreuve, pour laquelle est donné le petit livre. Il nous est donné cette exigence de manger la Parole de Dieu, autrement ça ne va plus. Donc la grande épreuve est toujours la 6ème trompette, comme c'était le 6ème sceau. La 7ème, c'est 1’entrée dans la gloire, c'est 1 * achè­ vement, l'aboutissement de tout le reste. Puis viennent les signes donnant l'intelligence dernière de ce que nous avons vu. C'est à travers les signes que nous comprenons mieux la signification de toutes ces grandes luttes décrites è travers le symbolisme des trompettes. (Fin de la 15ème conférence et fin de la retraite sur l'Apocalypse)