Itinéraire d'un combat ! Décryptage des dossiers brûlants au Niger 2343105642, 9782343105642

L'auteur nous invite à lire les événements de l'histoire du Niger à travers une compilation de textes et de té

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Itinéraire d'un combat ! Décryptage des dossiers brûlants au Niger
 2343105642, 9782343105642

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ITINÉRAIRE D’UN COMBAT Décryptage des dossiers brûlants au Niger

Dans cet ouvrage, l’auteur met en évidence des questions d’actualité sur le Niger. Il nous invite à lire les événements passionnants de l’histoire de son pays à travers une compilation de textes et de témoignages vivants sur les relations tendues entre celui-ci et la France, la vente controversée d’uranium du Niger à l’Irak, les enjeux majeurs de l’accès à l’énergie, le problème récurrent de l’insécurité quasi généralisée... Tous les grands combats qu’il a menés sont relatés sans détour. L’auteur a voulu exprimer la nature de ses perceptions à travers ses luttes quotidiennes, partageant ses sensations et sentiments à propos de thèmes variés dont les conséquences sont imprévisibles, offrant ici un ouvrage porteur d’espoir et de fierté, pour le Niger en particulier et pour l’Afrique en général.

Moustapha Kadi Oumani est né le 26 juin 1961 à Illéla, au Niger. De formation aéronautique, il est passionné par la défense des droits humains et la promotion de la démocratie. Il est actuellement président de l’ONG Collectif pour la défense du droit à l’énergie (CODDAE), de l’association RDM-Tanafili, du Réseau des associations des consommateurs du Niger (RASCONI) et de la Plateforme nigérienne des organisations de la société civile pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (POLBFT). Grand officier de l’Ordre national du Niger, il est à la fois Grand Témoin au sein du Conseil national du dialogue politique (CNDP) et directeur de cabinet du médiateur de la République du Niger. Il a publié précédemment Un tabou brisé, l’esclavage en Afrique (Cas du Niger), L’Harmattan, 2005.

Photo de couverture : © Rabiou Malam Issa.

ISBN : 978-2-343-10564-2 45 e

Préface d’Albert Michel WRIGHT

Itinéraire d’un combat !

Moustapha KADI OUMANI

Itinéraire d’un combat ! Décryptage des dossiers brûlants au Niger

Préface d’Albert Michel Wright

Du même auteur Un Tabou brisé. L’esclavage en Afrique. Cas du Niger, L’Harmattan, Paris, France, 2005.

© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-10564-2 EAN : 9782343105642

Dédicaces

L

orsque j’ai entrepris des recherches dans mes archives personnelles, j’ai trouvé dans les traces de mon combat des textes d’une grande importance traitant des thèmes d’actualité. Cela m’a fait penser à écrire cet ouvrage que je dédierai à ma regrettée mère, Hadjia Chaouidi Attawel, décédée le 25 décembre 2003, et à mon regretté père, Elhadji Kadi Oumani, rappelé à Dieu, le 3 septembre 2013, pour avoir assuré leurs devoirs d’éducation, et les soins qu’ils m’ont prodigués avec tant d’amour. Aurais-je à chacun destiner une multitude d’écrits, je ne pourrais jamais pour autant, envers eux, m’acquitter de ma dette. Merci à mes épouses, Hadjia Rakia Salao, inspectrice d’éducation des jeunes enfants, et Hadjia Hadiza Oumarou, inspectrice principale des contributions diverses, pour avoir pris patience devant le cercle d’occupations où tourne une partie de mon existence, et qui les privait parfois de l’affection que je leur dois. Je leur exprime toute ma gratitude. A mes enfants : Aboubacar, Aissata, Rabi, Wachar, Attou, Abdoul Rafiou, Abdoul Kadre, Chaouidi, et à mes cousines Hassia et Hadiza, enfants de feu mon oncle Ousmane Oumani Attou. Leur tenue pleine de respect et de modestie m’a toujours encouragé à envisager l’avenir avec sérénité. A tous mes proches que mes multiples activités semblent avoir relégués au second plan, sachez que vous n’avez jamais quitté mon cœur. Je vous dédie cet ouvrage, car je sais aussi pouvoir compter sur votre compréhension. 7

Témoignage

J

’ai lu « Itinéraire d’un combat ! », de son auteur, Moustapha Kadi Oumani, nous exposer une série de dossiers et des textes portant sur des conférences et des communications, présentés aussi bien en Afrique, en Europe, qu’en Amérique du Nord et du Sud. A l’image d’un Martin Luther King Jr, militant non-violent pour les droits civiques des noirs aux États-Unis, Moustapha Kadi Oumani se présente comme un apôtre nigérien de la non-violence, un portevoix de ceux qui n’en ont pas pour dire ce qu’ils pensent, sentent et veulent à propos des maux dont ils souffrent et du bonheur auquel ils aspirent. Grâce à une documentation d’une précision en tous points remarquables, que de choses nous apprenons. Dans la simplicité, Moustapha Kadi Oumani à la fois humble et aguerri, ne se contente pas de relater des faits, il suggère aussi des solutions salutaires. Comme moi, lisez « Itinéraire d’un combat ! » et vous en ferez sûrement un livre de chevet.

Ada Boureima Inspecteur de l’Enseignement de base à la retraite Auteur nigérien, membre de la Société des Gens de lettres du Niger

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Remerciements de l’auteur

L

’écriture d’un livre est toujours le résultat d’une réflexion personnelle et d’un travail collégial. Je tiens à exprimer ma plus profonde reconnaissance à mon compagnon de lutte, M. Nouhou Mahamadou Arzika, Président du Mouvement pour la Promotion de la Citoyenneté Responsable (MPCR), pour avoir signé la présentation de l’auteur et au Professeur Albert Michel WRIGHT, ancien Ministre d’Etat, chargé de la réconciliation nationale et porte-parole du Gouvernement de la première transition du Niger, qui a bien voulu préfacer cet ouvrage. Je sais d’avance compter sur leurs conseils et leur accompagnement dont je garderai longtemps le souvenir ému...

Je manquerais à mes obligations si je ne louais les efforts du Dr Abdoulaye HASSANE DIALLO, politologue et écrivain, M. Issa MOSSI, journaliste et écrivain, M. Abdoulaye Moussa Massalaki dit Massalatchi, journaliste indépendant, M. Ada Boureima, inspecteur de l’enseignement de base à la retraite, M. Jacques LYANT, Dan Massanin Maradi1 de son altesse Ali ZAKI, Sultan de Maradi, mais aussi M. Alpha Issa, chef de service à l'Institut National de Documentation, de Recherche et d'Animation Pédagogique (INDRAP). En effet, leurs critiques et leurs remarques éclairées ont largement contribué à améliorer ce livre en vue de sa publication. Leur incitation me fait honneur. . Le savant du Sultanat de Maradi (expression utilisée en langue Haoussa)

1

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« Itinéraire d’un combat ! »

Des mots suffisamment forts me manquent pour témoigner ma reconnaissance à mes camarades de lutte et aux membres de mon organisation, le Collectif pour la Défense du Droit à l’Énergie (CODDAE), qui sont toujours à mon écoute, décidés à mettre à contribution leurs compétences et leur énergie pour l’atteinte de nos objectifs. Parmi ces dévoués, je citerai Rabiou Malam Issa, Mme Mamane Sani, née Aichatou, Ahmed Mahmoud, Abdoulaye Djibo, Sidi Fodi Hamidou, Sidi Mahamane Maïga, Tanko Mamane, Nouri Mahaman, Mahaman Laouan Gaya, Boukar Kanta, Amani Mounkaila, Yacouba Mamane, Ibrahim Mamoudou, Rajikou Nomao, Alio Adamou, Rafiou Habibou Oumani, Aboubacar Maâzou Oumani, Ousseini Baba, Député Abdou Magawata, Elhadji Abou Oukah, Kader Cheffou, Illa Aboubacar, Oumarou Cheffou Maï Agadez, Elhadji Souley Abdoulaye, Député Mme Souley Oumarou, née Rabi Hassane Maifada, Ibrahim Paraiso, Lami Cheffou, Abdou Oumani, Baoua Dan Baki, Mme Attikou Hadiza, Mme Kadidja Zika Tondo, Mme Beidari née Déla Adamou, Ibrahim Mahamadou dit Dan Ader, Dan Néto Abdou, Issoufou Mamane, Zada Hassane Bagué, Illo Bizo, Issoufou Maïdabo, Mme Boubacar Ali née Hadjia Bébé, Haboubacar Oumarou, Maâzou Maïdouka, Abdoul Aziz Wonkoye, Zabeirou Dangladima, Elhadj Moussa Haya, Boubacar Sahabi, Abdoul Azizi Kadi Oumani, Souleymane Wakili, la liste est loin d’être exhaustive. Je voudrai être digne de leur confiance. Que ce modeste travail, soit l’expression des vœux qu’ils n’ont cessé de formuler à mon égard. Leur dynamisme, leur rigueur et leurs qualités humaines et professionnelles ont suscité en moi une grande admiration et un profond respect. Merci donc pour votre soutien sans faille, votre confiance et votre disponibilité. A tous les membres de la grande famille Mohamed Agabba à Illéla, Dogaraoua et Agadez, à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, m’ont aidé à publier cet ouvrage, qu’ils trouvent ici les marques de ma profonde reconnaissance. 12

Préface

V

oici un livre remarquablement illustré qui vient à point nommé, car il apparaît comme une réflexion de fond, en ce tournant décisif de notre histoire. Quand j’ai reçu l’appel de M. Moustapha Kadi Oumani m’annonçant qu’il envisage de publier un ouvrage intitulé : « Itinéraire d’un combat ! », et qu’il souhaite que j’en rédige la préface, c’est sans hésitation que je lui ai donné mon consentement, connaissant bien les qualités particulières de ce combattant dont j’admire le courage et la sincérité dans la défense de la dignité humaine et des causes nationales. Dans ce livre qui retrace les temps forts des activités de sa vie publique, M. Moustapha Kadi Oumani publie chronologiquement une série de textes très sensibles et des interventions qui témoignent de son parcours militant et du contenu de ses attentes. Le présent ouvrage, il faut le dire et le redire, apporte la preuve de sa profonde connaissance de son pays, le Niger, découlant de nombreuses et passionnantes missions de terrain. Acteur très engagé de la société civile, il s’attache à plaider l’utilité du rôle de celle-ci dans la prise en mains de la défense de valeurs fondamentales de la vie nationale que nous avons le devoir et la responsabilité de sauvegarder et de magnifier en vue de l’instauration et du maintien d’une bonne harmonie sociale. Au nombre de ces valeurs figurent prioritairement les droits humains, notamment le droit à l’énergie, dont l’observance des règles est une exigence pour la survie de la vitalité démocratique. C’est pourquoi, il est juste de 13

« Itinéraire d’un combat ! »

louer la noble initiative de ce combattant qui a consacré la moitié de sa vie à lutter contre l’injustice et la précarité de certaines couches sociales défavorisées qu’il continue de côtoyer, et dont il a fait le pari de s’efforcer d’adoucir les conditions d’existence ! Dans ce livre, l’auteur apporte manifestement quelques réponses aux préoccupations des lecteurs, notamment ceux qui, comme luimême, seraient prêts à partager cette volonté affichée de ne pas se contenter de l’inacceptable. Il est passionnant de vivre à ses côtés, dans un tourbillon d’activités, dont certaines comportant des dangers, jalonnent la vie de tout homme de foi, une vie qui, souvent, n’est guidée que par le souci ardent de voir s’opérer autour de soi un changement qualitatif réel des conditions de vie de ses concitoyens, ce qui constitue la marque indéniable d’une grande générosité. Dans un contexte national où les marques d’un passé rétrograde restent encore tenaces, cette nouvelle publication de M. Kadi, qui n’a jamais hésité par ailleurs à se dresser, avec un courage qui frise la témérité, contre des situations qui heurtent sa sensibilité d’homme juste, est tout à fait digne d’éloges et doit être saluée ! Passionné d’histoire, il n’a pas interprété celle-ci, mais a tenté de s’en faire le témoin pour rappeler ses luttes pour l’émancipation de son pays, le Niger. Il ouvre de grands débats à partir de ses notes et conclusions de recherches pour la préservation et la défense de l’identité nationale. Il pose ici la question fondamentale des perspectives réelles pour le Niger et ses enfants. Il ne s’agit pas là de vœux pieux, mais d’une incontestable exigence et d’une confrontation au réel. A l’évidence, l’énergie, l’eau, la santé, la nourriture, la culture ne doivent pas être soumises à la logique des profits, défi qu’il relève au travers de regards croisés, pour susciter des émotions, bousculer les habitudes et transcender les incompréhensions. Il ne s’empêche pas d’établir une ascendance entre les expressions : « lieu de vie, et vivre ensemble ». Comment ne pas y reconnaitre notre responsabilité individuelle et collective face aux aspirations d’un peuple meurtri, et du devoir d’apporter 14

Préface

des réponses à ses légitimes revendications ? Dans cet ouvrage, M. Moustapha Kadi Oumani met en exergue plusieurs problématiques qui secouent les pays africains au lendemain de leur indépendance. De surcroît, cette nouvelle œuvre offre un panorama saisissant de la société nigérienne : plusieurs thématiques y sont abordées avec une grande maîtrise, tandis que des pistes sont proposées avec des mots pleins de passion et de ferveur, expression de son souhait impétueux de voir enfin la société globale évoluer vers un mieuxêtre. L’auteur s’attache, en particulier, comme d’autres avant lui, à nous rappeler que c’est à partir d’une meilleure connaissance de notre passé que nous pourrons tirer les enseignements permettant de façonner pour demain ladite société que nous aimerions voir plus empreinte de justice, de bonheur et de paix. L’ouvrage qui retrace son périple d’homme engagé se veut un enseignement, mais aussi une invite à l’enrôlement de successeurs courageux, qui vont continuer son combat. On y découvre les défis dont il avait très tôt pris conscience de l’ampleur des difficultés qu’ils recelaient, mais qu’il a pourtant choisi de relever, quoi qu’il pût lui en coûter ! Cet ouvrage se lit facilement, se voulant un appel à la résistance de tout acteur de la société ! Une résistance qui devra évidemment aller de pair avec une volonté farouche de rester à l’abri des tentations de la corruption, tout comme de la compromission avec ceux de nos compatriotes qui ont leur part de responsabilité dans la perpétuation de l’oppression et le maintien de la dégradation des conditions de vie des populations laborieuses. L’auteur énumère sans concession des critiques qui démontrent que nous ne sommes pas condamnés à une austérité sans fin et qu’un futur plus clément est possible. Cela est d’autant plus vrai que nous vivons dans un pays aux potentialités énormes sur lesquelles ses fils peuvent s’appuyer pour transformer leur société en profondeur, en vue de la faire évoluer vers son plein épanouissement, il suffit, en empruntant cette voie de transformation de l’environnement social, de ne pas ignorer notre passé, de façon à 15

« Itinéraire d’un combat ! »

ne pas reproduire les mêmes erreurs. L’ouvrage ne manque pas de mettre en relief certains traits caractéristiques de l’auteur à travers les propos qu’il tient, qui témoignent à la fois de sa détermination et de son attachement au travail bien fait, renforcé par un sens aigu de responsabilité, autant de qualités méritoires d’un vrai combattant, dont le parcours ne manque pas d’originalité. C’est pourquoi l’intérêt et la portée de ce livre dépassent les frontières nationales. Il s’agit d’un témoignage fort, un véritable cri de cœur en faveur des populations délaissées, qui ont soif de mieux-être, un dévoilement de réalités hypocritement dissimulées dans les pans cachés de l’histoire de nos sociétés que nous n’avons plus le droit d’occulter. Fondamentalement, un regard exclusivement africain sur certaines situations, relate mieux les réalités du terrain que de vaines observations faites par des auteurs venus d’ailleurs qui font un travail sur commande et qui écrivent n’importe quoi pour accomplir des missions sournoises. Un état de fait que nous ne pouvons plus ignorer dans notre pays. Un cri pour rompre le silence de victimes délaissées, dont il convient d’accepter de connaître les tourments pour en mieux rechercher les solutions, de façon à imposer en leur faveur les choix d’un meilleur devenir. Souhaitons donc à ce livre une large diffusion, chez ceux qui ont vécu les évènements que dévoile l’auteur comme ceux qui les ont connus par la suite.

Albert Michel WRIGHT Ingénieur Héliotechnicien, ancien Directeur Général de l’Office de l’Énergie Solaire du Niger (ONERSOL), ancien Ministre d’Etat, Chargé de la Réconciliation Nationale et Porte-parole du Gouvernement de la première transition du Niger

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Présentation De L’auteur

C

’est pour moi un grand plaisir de rédiger la présentation du camarade Moustapha Kadi Oumani, un de mes compagnons de lutte. Lorsqu’il m’a trouvé à mon domicile, au quartier Saga, pour solliciter cette contribution, cela m’a émerveillé, car honoré de sa confiance. Avant tout je ne puis manquer de souligner les liens étroits de travail que nous entretenons depuis plusieurs années. Dans ce cadre, je comprends toute l’importance que revêt pour moi cette modeste contribution. L’enjeu est de taille, compte tenu des questions qui sont mises en exergue. On a coutume de dire : « Celui qui veut construire un violon doit avoir de bons outils ». Même dans les situations les plus stressantes, l’auteur s’exprime toujours avec prudence et sérieux, car s’interdisant les sentiers de la spéculation. Pendant notre entretien, je lui ai demandé les raisons qui sous-tendent la réalisation de cet ouvrage. Il m’a répondu simplement : « parce que j’ai envie d’accompagner les lecteurs dans leur soif de mieux comprendre les raisons fondamentales qui freinent souvent la stabilité politique et le décollage économique du Niger ».

Une réponse qui résume parfaitement la personnalité de l’auteur : un patriote d’un courage hors du commun. Moustapha Kadi Oumani est l’auteur du livre : Un tabou brisé : l’esclavage en Afrique, éditions L’Harmattan, 2005, ouvrage dans lequel il dénonce les pratiques esclavagistes dans son pays où les survivances de la servitude affectent 17

« Itinéraire d’un combat ! »

encore une grande partie de la population qui en souffre, sous de nombreux déguisements. Fils de Chef Traditionnel et de l’ancien Député de la circonscription électorale d’Illéla, par amour pour la patrie il s’est assigné comme mission de contribuer à la rupture du cordon ombilical entre maîtres et esclaves. Un défi difficile à relever face à la fragilité de nos Etats ; les maîtres étant tacitement tolérés du fait de leur statut et de leur rang social. Parallèlement, Moustapha Kadi Oumani travaille dans le secteur de l’aviation civile depuis 1981, occupant pendant longtemps la fonction de Conseiller aux Affaires Sociales du Directeur Général de l’ANAC (Agence Nationale de l’Aviation Civile). Analyste et Consultant du Réseau Ouest Africain pour l’Édification de la Paix (WANEP), il trouve sa constance dans la défense de l’intérêt général qu’il prône depuis de longues années. Sa lutte implacable contre la vie chère, son engagement citoyen sur l’uranium, les questions énergétiques et la promotion de la culture de la paix, restent ses mérites éclatants. Orienté vers les droits humains un peu par hasard, il s’est perfectionné en droit humanitaire à l’Université d’Abomey Calavi, au Bénin. Trois activités le passionnent : la défense de l’image de son pays, la lutte contre l’esclavage et le droit à l’énergie. Sans surprise il devient en quelques années un des illustres animateurs du combat pour le mieux-être au Niger. Cet ouvrage intitulé : « Itinéraire d’un combat ! », contient des articles qu’il a rédigés et des communications présentées dans plusieurs pays dans le cadre de sa lutte engagée contre les inégalités. L’auteur décrypte les dossiers brûlants dans un pays où le simple fait d’être un acteur de la société civile est assimilé à une violation des normes sociales. Sage et tolérant, il a un parcours singulier. Dans cet ouvrage, l’homme met ses lecteurs à l’aise avec son côté affable et sa touche fraternelle, très particulière. Pour atteindre ses objectifs, il sillonne les continents pour animer des conférences ou prendre part à des débats centré sur la vie affective. Après avoir flirté avec le syndicalisme en 1983, il est élu secrétaire général adjoint du Syndicat Unique de 18

Présentation de l’auteur

l’Aviation Civile et de la Météorologie (SUMAC) en 1994. Ensuite, Moustapha Kadi Oumani a cherché à monter les échelons. Il devint membre fondateur de la Confédération Nigérienne du Travail (CNT) en 1996. Toujours détendu, il ne s’empêche pas de s’exprimer sur les sujets qui fâchent. Dans sa vision d’un monde universaliste, il contribue avec modestie à la promotion de la justice sociale. Élevé dans une famille royale, « mais pas militante », père de huit enfants, dont trois ont fait leur entrée à l’université, il est le premier nigérien à avoir libéré publiquement les esclaves de sa famille, le 25 décembre 2003 dans la salle de conférence de la ville de Tahoua. Il commence sa vie associative en créant en 1998 l’Association « SOS Kandadji », puis en 2000, l’Association de Lutte contre l’Esclavage « Réagir Dans le Monde, RDM-Tanafili2 », qui signifie en Tamasheq : Homme libre et épanoui. Il crée en 2005 le Collectif pour la Défense du Droit à l’Énergie (CODDAE) et le 29 octobre 2011 le Réseau des Associations des Consommateurs du Niger (RASCONI-Tsadar Rayua3). Il est promoteur culturel à travers l’organisation, tous les deux ans, à Illéla, sa ville natale, du Festival de la Concorde et de la Cohésion Sociale (FECCOS), créé en 2009 dans le but de promouvoir la culture nigérienne et africaine. Une occasion offerte aux éleveurs transhumants peuls de se retrouver avec les autres communautés rurales pour vivre dans l’allégresse et la joie, leur culture menacée de disparition. Dans le cadre de l’unité d’action, il a été, pendant deux mandats successifs, coordonnateur du Collectif des Organisations de Défense des Droits de l’Homme et de la Démocratie (CODDHD) qu’il quitte en 2012. Quand le Niger a été violemment frappé par des attaques terroristes de Boko Haram4, occasionnant des pertes en vies humaines et des déplacements massifs des populations dans la région de Diffa en 2015, il a été l’un des premiers acteurs à demander le Tanafili vient du mot Tamacheq Taneflit qui signifie liberté. Vie chère en langue Haoussa 4 . École occidentale interdite en langue Haoussa 2 3

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« Itinéraire d’un combat ! »

soutien des populations aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS), un appel qui a devancé celui du gouvernement. Aujourd’hui, désigné Grand témoin dans le cadre du Conseil National du Dialogue Politique (CNDP), il focalise ses interventions sur les droits humains. Militant pacifiste, il vit sa passion à fond, mais toujours la tête sur les épaules. Entre autres objectifs affichés par les structures qu’il préside, il y a la satisfaction des besoins essentiels, l’amélioration des conditions de vie des populations, la participation populaire et civique. Concrètement, son travail s’accomplit par la sensibilisation, le lobbying et le contrôle citoyen de l’action publique. Une qualité qui exige un don de soi. La tolérance et l’acceptation de la différence représentent le ciment de sa réussite. Moustapha Kadi Oumani est fier de soulever des questions sensibles pour faire connaître la vérité sur des affaires hautement secrètes. L’un de ses atouts est de savoir entretenir de bonnes relations avec son milieu, toutes choses qui lui permettent, dans le cadre de ses investigations, d’accéder à des informations confidentielles ou scandaleuses. À tous égards, il pose la question de l’accès des populations aux services de base que sont l’eau potable et l’électricité parmi ses priorités absolues. Comment comprendre, 58 ans après son indépendance, qu’un pays producteur de pétrole et de gaz, quatrième producteur mondial d’uranium, disposant d’importantes quantités de charbon minéral et d’un potentiel hydroélectrique à Kandadji et sur la Mékrou, peine à garantir un accès durable à l’électricité à ses habitants ? Il y a certes un contraste évident entre les énormes ressources naturelles que possède le Niger et la crise énergétique chronique qu’il connaît. Avec un savoir-faire d’exception, il rebondit en 2004 avec le combat citoyen. Sans doute, ce savoir-faire très concluant et ce vouloir-faire expliquent sa présence auprès de ses camarades de lutte pour mener le combat porté par la Coalition Équité Qualité contre la vie chère au Niger avec le succès que l’on sait. Comme son livre « Itinéraire d’un combat ! » le retrace, Moustapha Kadi Oumani mène une lutte 20

Présentation de l’auteur

multiforme pour le mieux-être des couches vulnérables. Son passage de 2002 à 2004 au BIT (Bureau International du Travail) au sein du PAMODEC-Niger pour diriger un projet de lutte contre le travail forcé, une de ses vocations, a-t-il naturellement suscité cette autre vocation. Il est arrêté le 15 mars 2005 avec ses camarades sur ordre du Président de la République, Tandja Mamadou pour avoir, a-t-on prétendu, comploté contre la sécurité de l’Etat, ce qui prouve que le chemin vers la liberté est encore long et sinueux au Niger. Depuis, Moustapha Kadi Oumani poursuit méthodiquement son combat de défenseur des droits de l’homme, en organisant des conférences, ateliers, foras, en animant des débats d’idées et en alertant la communauté nationale et internationale sur les injustices criardes de ce monde. Le 17 décembre 2006, il fut élu Vice-Président mondial au titre de l’Afrique subsaharienne à Montréal (Canada) à l’occasion de l’Assemblée Générale de l’Association internationale droit à l’énergie SOS Futur. Il est nommé la même année membre du comité de gestion de la crise alimentaire par le Premier Ministre, Hama Amadou. Le 4 septembre 2008, il entra à la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CNDH/LF) comme Commissaire National aux droits humains. Suite au putsch militaire (la quatrième intervention de l’armée), il fut nommé, par décret présidentiel, membre du Parlement de transition (Conseil Consultatif National), le 6 avril 2010. Le 17 février 2011, il accéda à la haute fonction de membre du Conseil National de Régulation (CNR), pour un mandat de quatre ans non renouvelable. Le 8 juillet 2013, il fut nommé membre du comité de suivi des conclusions et recommandations des états-généraux de la justice par le Premier Ministre, Brigi Rafini. En octobre 2013, le Ministre des Finances, Gilles Baillet, le désigna avec deux Directeurs Généraux des douanes, membre de la Cellule de Veille Stratégique (CVS). Cette structure est chargée d’assurer le suivi-évaluation dans le cadre de la mise en œuvre des mesures visant la réforme de l’administration des douanes 21

« Itinéraire d’un combat ! »

et l’amélioration des recettes douanières. Le parcours de M. Kadi traduit sa détermination de demeurer fidèle à la société civile où il s’est fait une place de choix. Il refuse d’avoir un directeur de conscience, entreprend et réalise ce qu’il peut en harmonie avec ses principes. Décoré huit fois par la République du Niger, il est récipiendaire de quatre médailles d’honneur du travail : Bronze, Argent, Or, Grand’Or et quatre médailles dans l’Ordre National du Niger : Chevalier, Officier, Commandeur et Grand Officier. Plusieurs ministres, gouverneurs, préfets, maires, syndicats et chefs traditionnels lui ont décerné des témoignages de satisfaction pour services rendus à la nation. Très convaincant auprès des masses laborieuses pour sa disponibilité constante, cet homme de terrain va régulièrement à la rencontre des populations des villes comme des campagnes, pour partager leurs difficultés quotidiennes et chercher à leur proposer des solutions. Pour autant, l’ascension de cet activiste est scrutée à la loupe et agite les acteurs sociaux, particulièrement les chefs des partis politiques. A la suite du décès de son père, l'Honorable Kadi Oumani, le 3 septembre 2013, Moustapha Kadi Oumani a été obligé, étant fils aîné, et au nom de sa famille, d’être candidat à la Chefferie Traditionnelle d’Illéla. Bien que parmi les favoris, il est battu à la surprise générale, victime d’une féroce adversité à travers un complot conspiré par des responsables de l’Etat du Niger qui voyaient en sa personne un dénonciateur de leurs travers. Et ce, à cause de ses relations internationales et de son indépendance d’esprit. Cette élection truquée, basée sur la corruption, la menace et le chantage, a suscité plusieurs incertitudes dans le pays. Malgré ce coup dur, il n’a pas d’amertume et n’a rien contre le Chef de canton, Elhadji Yacouba Habibou Oumani. Elhadji Moustapha Kadi Oumani a accueilli cet échec avec philosophie pour plusieurs raisons : avant tout, il s’est dit très fier et heureux d’avoir pris part à des élections face à toute une machine étatique, et d’avoir obtenu un score honorable. Sa fierté réside dans le fait qu’il a su privilégier le bien-être des populations du 22

Présentation de l’auteur

Canton d’Illéla et de la grande famille du Sarkin Ader, Oumani Attou. Si des représailles planent encore sur sa tête, le courage et la volonté de l’homme demeurent intacts. Moustapha Kadi Oumani est persuadé que le développement du Niger passe d’abord par la prise de conscience des citoyens pour que s’installe définitivement une justice sociale à même de construire de nouvelles échéances pour notre pays. Il est connu principalement pour son combat pour la réalisation du barrage de Kandadji. Depuis le 28 juillet 2016, il est Directeur de Cabinet du Médiateur de la République, Me Ali Sirfi Maïga pour conduire des missions de paix. Pour l’auteur, l’homme ne peut s’épanouir et se développer sans liberté, la liberté ne peut exister sans la démocratie et la démocratie ne peut prospérer sans stabilité politique. A ce titre, il est attaché à la démocratie et lutte avec vivacité pour sa consolidation. Dans ses écrits, Moustapha Kadi Oumani force le respect et l’admiration, et permet de continuer à croire à la justesse et à l’utilité de notre combat commun. Il est un acteur véritablement engagé, doté d’une arme redoutable : la sagesse, cette sagesse qu’il utilise opportunément à la défense des faibles. S’il y a une chose qui nous rend fier de ce camarade de lutte, c’est d’être resté fidèle à ses principes, sans jamais dévier d’un pouce, et cela, malgré toutes les tentatives de récupération et de déstabilisation, internes ou externes. Bien qu’il soit difficile de mesurer le poids de cette contribution, je sais qu’elle est énorme, car les textes qu’il publie sauront gagner la confiance des lecteurs partout dans le monde. Nous lui savons gré de la délicatesse qu’il a eue en acceptant de sortir ce livre qui nous permet désormais de contempler les nombreuses activités qu’il a menées. Sachant que cet ouvrage sera entre les mains d’un grand nombre de personnes, je vais me permettre de partager mes souhaits pour le Niger que nous aimons tous. Comme dit un adage : « Mieux vaut prévenir que guérir ». Cet adage s’adapte parfaitement à l’ouvrage. S’il me fallait résumer en quelques mots le sens de ce livre, j’emprunterai la citation du célèbre écrivain Antoine de Saint23

« Itinéraire d’un combat ! »

Exupéry : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ». Enfin, je reste persuadé que cet ouvrage aura un accueil favorable, chacun y trouvant, selon le cas, une réponse appropriée à ses interrogations.

Nouhou Mahamadou Arzika Économiste, Président du Mouvement pour la Promotion de la Citoyenneté Responsable (MPCR)

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Introduction

L

’histoire nous enseigne que toute société connaît des périodes de gloire et de déchéance, marquées jadis par des évènements heureux ou malheureux qui heurtent sa sensibilité et sa stabilité. Comment savoir où l’on va quand on ne sait pas d’où l’on vient ? Autrement dit, quand le modèle ne porte pas d’espoir et de mieuxêtre, quand le mythe du progrès paraît désuet aux plus optimistes, quand les faits viennent contredire les déclarations d’intention, nos repères disparaissent. Il faut donc donner un sens à toute action citoyenne. Ainsi, ce qui est vrai pour chaque individu vaut également pour tout un pays. L’ouvrage intitulé : « Itinéraire d’un combat ! », dont je livre au public le volume représente la compilation de mes textes et souvenirs portant sur des thèmes délicats les uns autant que les autres. Un dicton nous enseigne que les hommes passent et les monuments tombent en ruine. Ce qui reste, ce qui survit, c’est la pensée humaine consignée dans un livre. Un livre, est l’une des choses qui dure dans le monde et qui s’enracine dans la mémoire collective. De ce fait, plusieurs siècles après leur disparition, les œuvres de Platon, d’Héraclite, de Pythagore que l’antiquité nous a transmises sont encore avec nous pour nous éclairer sur la politique, l’éducation, l’économie, les mathématiques et sur bien d’autres sujets. Ce livre est une œuvre à l’usage de toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à la démocratie, à la défense de la souveraineté nationale, à l’énergie et à sa maîtrise dans notre pays. Ce décryptage des dossiers 25

« Itinéraire d’un combat ! »

brûlants s’attelle à mettre en exergue les valeurs fondatrices que chaque être humain porte en lui, notamment l’idéal émancipateur basé sur l’accès à la connaissance. « Itinéraire d’un combat ! » revêt un double caractère : d’abord, il s’inscrit dans la logique de mon combat pour la défense et la protection des droits humains, ensuite il vise à nous faire scruter de nouveaux horizons pouvant nous orienter vers un avenir meilleur. Si je ne prenais pas le pari de livrer et partager les précieuses informations que je détiens, j’aurais eu le sentiment d’avoir été égoïste. Lorsque j’ai pris l’initiative de me consacrer à sa rédaction, je savais pertinemment que je prenais le risque de ne pas être compris par certains milieux diplomatiques, car je suis conscient que la remise en question qu’imposent certaines réflexions et l’incitation au changement d’attitude auxquelles elles invitent nos dirigeants, ne pouvaient qu’être de nature à heurter les consciences. A ce titre, il m’a paru difficile de m’abstenir de relater les faits tels que nous les avions vécus, car il s’agit de replacer la vérité dans son contexte pour défendre l’honneur et la dignité du Niger, mais aussi réhabiliter son image et celle de l’Afrique, ternie à maintes reprises par des dirigeants et/ou chefs d’entreprises occidentaux. C’est un défi que j’ai voulu relever sur des questions qui préoccupent quotidiennement nos sociétés, même si pour certaines personnes, il s’agit d’une utopie. Comme le disait un homme que j’admire, M. Théodore Monod : « Une utopie, c’est tout de même quelque chose que nous n’avons pas encore essayé ». Dans ce contexte, j’ai décidé de briser la glace en me consacrant à sa publication. Cet ouvrage a pour ambition de remettre au goût du jour des débats sur l’uranium, l’insécurité et la culture traditionnelle. J’expose au public mes enquêtes sur l’accusation insensée et aberrante portée contre le Niger par le Gouvernement du Président des États-Unis d’Amérique, Georges Bush, sur une prétendue vente de l’uranium à l’Irak ; sur des questions d’actualité, à savoir : pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de Diori Hamani, sur les élections générales en 2016 au Niger, sur l’accès à l’énergie... Ce travail d’analyse est étayé par des résultats 26

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de recherches approfondies et des illustrations. Aujourd’hui, notre pays est confronté à des défis aussi nombreux que complexes dont les conséquences pèsent lourdement sur la sécurité, la stabilité politique et le développement durable. Cet ouvrage démontre que chacun porte en lui le pouvoir d’apporter sa modeste contribution dans la marche du siècle à un moment où le Niger a besoin de tous ses fils et filles pour œuvrer à la construction d’une nation paisible et prospère. Si j’ai tenu à ramener des sujets controversés qui créent un choc émotionnel sur la place publique, c’est parce que je les livre tels qu’ils étaient et sur toutes leurs facettes, afin de mieux cerner la problématique des questions traitées à une époque donnée, car on ne peut pas se guérir d’une maladie si l’on nie son existence. Comme on le sait, faute de se situer dans le passé et de se projeter dans l’avenir, une société sombre dans l’immobilisme et l’effondrement. Aussi, m’a-t-il paru évident d’orienter notre regard sur les grands dossiers qui ont préoccupé la vie politique, économique, sociale et culturelle de notre pays. Même si la vérité est difficile à admettre, elle est bien et représente la vertu. A ce titre, je me suis engagé à publier cet ouvrage afin d’apporter ma modeste contribution à la lutte pour la justice sociale. Cet engagement est le gage du renforcement de notre capacité à sortir le Niger du paradoxe de ses richesses minières et de la pauvreté de sa population. L’ouvrage offre des pistes de réflexion sur quoi demain sera fait en vue d’assurer un avenir meilleur à nos populations, en particulier à nos femmes et nos jeunes, véritables acteurs du développement. C’est à ce prix que nous pourrons sauver l’honneur et la dignité de chaque Nigérien, réinventer notre développement et défendre ce dont nous avons le plus cher. A l’évidence, l’inaction a toujours eu raison des bonnes volontés. Il nous faut donc choisir le futur que nous voulons, pas celui qu’on nous impose, pour construire un lendemain meilleur ; car notre pays porte en lui de merveilleux atouts, solidement mis en valeur par nos prédécesseurs. C’est pourquoi, nous ne sommes pas condamnés à souffrir pendant qu’on nous vole nos richesses et notre intelligence, 27

« Itinéraire d’un combat ! »

nous laissant béats avec nos problèmes. A cet égard, le Niger doit prendre son destin en main. Il a tout pour réussir : des ressources naturelles en abondance, une population jeune, ainsi que des femmes dynamiques et porteuses d’espoir. Dans son livre : « De la démocratie en Amérique », Alexis de Tocqueville écrivait : « Quand le passé n’éclaire pas l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. » Comme pour tout combat citoyen, il nous faut faire une rétrospective et faire preuve d’une détermination sans faille car les difficultés ne manqueront pas. Aussi, les obstacles de tous genres ne nous empêcheront pas de transcender les barrières auxquelles notre pays est confronté depuis plus de 50 ans. Dans la logique impérialiste, tout Chef d’Etat qui ambitionne de sortir son pays de la pauvreté sera systématiquement écarté du pouvoir, soit par un coup d’Etat militaire, soit par une insurrection populaire ou rebelle. Je laisse au lecteur le soin de découvrir, ou de redécouvrir, que les premiers dirigeants de notre pays, quoi qu’on dise, ont livré une véritable bataille contre le colonialisme français. Nous avons connu des méthodes d’un autre temps, mais que je ne prendrai pas la peine de qualifier. Certes, aucun pays du tiers monde n’est épargné des abus et des scandales de l’ancienne métropole. L’objectif de ce livre est de changer la vision des Nigériens sur leurs rapports avec les grandes puissances, surtout ceux qui ne sont pas avertis afin qu’ils soient capables d’agir et d’affronter courageusement la réalité. Au regard de tous les maux qui minent l’Afrique, j’ai accordé dans cet ouvrage une place importante à mes interventions et aux résultats de mes investigations à une période donnée. De ce fait, notre nation peut tirer avec beaucoup d’intérêts un enseignement sur son histoire récente pour renforcer la résilience de ses populations pauvres. Fort heureusement, avec la prise de conscience devenue irréversible sur les questions minières et sécuritaires, il existe des raisons d’espérer. Nous devons donc nous investir dans la recherche des solutions satisfaisantes plutôt que de jeter en pâture notre patrimoine commun. Toutefois, ce n’est pas avec des rancœurs qu’on peut lutter contre les injustices des hommes forts. Une prise de 28

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conscience générale et un engagement volontaire sont nécessaires. De même, les personnes concernées, qui se trouvaient autrefois confrontées à de multiples difficultés pour réagir, trouveront dans cet ouvrage des réponses adéquates à leurs préoccupations, des signes du temps que « ni manteaux de corail, ni robes noires ne peuvent cacher ». Outre l’intérêt que cet ouvrage suscitera chez les lecteurs, il constitue de surcroît un outil solide de prévention et de maintien de la paix sociale si nécessaire au développement d’un pays à bout de souffle. Je souhaite que les lecteurs poursuivent le noble combat de recherche de la vérité que nous menons, car « Le mensonge passe, mais la vérité est éternelle ». Si chacun reste indifférent, il n’y aurait aucun espoir que des miracles s’accomplissent en Afrique. En d’autres termes ; « Itinéraire d’un combat ! » constitue une contribution à la recherche de la vérité, même si mes activités n’ont pas été toutes à la hauteur des contingences. Je souhaite de tout cœur qu’un tel engagement puisse se poursuivre encore longtemps. J’en garderai un souvenir fort, car je sais que le chemin à parcourir est long et que l’avenir pourrait donner un nouvel élan à cette noble entreprise. Je ne peux m’empêcher de penser à cette sagesse de Marting Lutter King, « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons trépasser tous ensemble comme des stupides ». L’idée-force qui sous-tend la rédaction de cet ouvrage, c’est véritablement le combat citoyen contre les ingérences de l’extérieur ou celles des mains invisibles. Mais au-delà, l’essence de cet ouvrage repose sur le rôle central du non-respect de notre souveraineté nationale et la défense de nos ressources énergétiques. Comme nous rappelle, Sembene Ousmane : « Ce ne sont pas ceux qui sont pris par force, enchaînés et vendus comme esclaves qui sont les vrais esclaves, ce sont ceux qui acceptent moralement et physiquement de l’être ». Voilà le sens de mon action. A cet effet, je formule le vœu que cet ouvrage stimule la réflexion et suscite le débat. Moustapha Kadi Oumani 29

Première partIE

les dossiers brûlants

31

Photo ADO Issoufou ONEP

LES RAISONS D’UNE PLAINTE CONTRE L’ADMINISTRATION GEORGE BUSH5

Mine d’uranium à Arlit

D

e manière indiscutable, le Niger n’a pas vendu de l’uranium à l’Irak. Cependant, des agents italiens ont confectionné, pour le            

        d’uranium du Niger par l’Irak. Le Gouvernement britannique de Tony    

       

     l’uranium dans un pays africain. Ce dossier inventé de toute pièce a fourni la caution morale à l’intervention américaine en Irak. Chose

5

(Article publié dans le N°001 du mensuel Energie pour Tous en date du 10 février 2007)

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« Itinéraire d’un Combat ! »

inédite, l’information s’est révélée inexacte et sans fondement. En décembre 2002, le Département d’Etat des États-Unis reprenait cette accusation dans un rapport titré Illustrative Examples of Omissions From the Iraqi Declaration to the United Nations Security Council 6. Les États-Unis et le Royaume-Uni soutiennent fermement que l’Irak de Saddam Hussein détenait clandestinement d’importants stocks        

         

    pays du moyen orient. L’ancien Ambassadeur américain au Gabon, Joseph Wilson, révéla dans le New York Times que les arguments concernant l’achat d’uranium par l’Irak au Niger étaient infondés. La résolution 1441 du Conseil de Sécurité des Nations Unies a demandé à Saddam Hussein de « coopérer activement, immédiatement et inconditionnellement » avec les inspecteurs de l’ONU et de l’AIEA, de novembre 2002 à mars 2003, sur le désarmement de l’Irak. Durant cette nébuleuse guerre, l’Inspecteur de l’ONU, Hans Blix révèle qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massives en Irak. « Ivres de pouvoir », M. Bush et son entourage trompent viscéralement les citoyens américains et l’opinion publique mondiale. Leurs mensonges constituent, selon le Professeur Paul Krugman, « le pire scandale de                

». Le 4 août 2003, la commission onusienne mise en place dans le cadre de l’enquête sur le dispositif nucléaire en Irak, avait aussi disculpé le Niger, estimant qu’aucune preuve n’avait été fournie pour soutenir une telle accusation. Dès lors, il est formellement établi que la plainte du Niger contre le Gouvernement de Georges Bush est       !"    #!"    nigériens croyaient que l’Assemblée Nationale allait demander au Gouvernement de chercher à redorer le blason de notre pays, meurtri, sali et vilipendé par l’administration Bush. En tout cas, plusieurs      ! $                 6

Exemples illustratifs d’omissions de la déclaration irakienne au Conseil de sécurité des Nations Unies.

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Les raisons d’une plainte contre l’Administration George Bush

que le Président Tandja Mahamadou instruise son Gouvernement de faire un effort dans ce sens. Même l’opposition qui, de nature, cherche la moindre faille pour crier au scandale, s’est enfermée dans un mutisme inexplicable et incompréhensible. Cela arrange bien sûr le Gouvernement nigérien parce que, le cas échéant, cela pourrait l’affaiblir. Vraisemblablement, le Département d’État américain, comme à ses habitudes vis-à-vis des pays pauvres, peut imposer un chantage en bloquant les aides prévues. Donc, il n’y a aucune chance sur le plan politique d’entreprendre quelque chose à ce moment où la majorité et l’opposition courtisent les USA, surtout à un moment où Bush serait prêt à toute action punitive. Pour contenter les Nigériens, l’ancien Secrétaire d’État américain, Hermann Cohen, est envoyé en     %        "  &   %  et lui présenter ses regrets au nom de son pays. Le 26 juillet 2003, au sortir d’une audience avec le Président Tandja, il déclarait avoir rassuré ce dernier sur la suite réservée par l’administration Bush au 

      '*       Américains, cette page était tournée. Selon M. Cohen, « La page est désormais tournée ; les Américains ont accepté que l’information sur la vente de l’uranium nigérien à l’Irak était fondée sur de faux documents ». Il ajouta : « J’ai dit au Président Tandja de ne pas se faire de soucis pour cette histoire de vente d’uranium à l’Irak dans le cadre de son programme nucléaire. C’est une situation regrettable et nous en sommes vraiment navrés ».

Mais par rapport à l’indemnisation du Niger qu’a-t-il promis concrètement à notre pays ? Silence ! Le peuple ne doit rien savoir. « C’est tout simplement inimaginable », raconte un ancien Ministre nigérien, membre du Gouvernement au moment des faits. En pareille circonstance, le peuple nigérien est assez mûr pour prendre en charge

  ! /

         

! 8 9     années de longue attente, la société civile nigérienne a pris le dossier en mains. Elle a décidé de ne plus continuer à observer ce peu  :        

    35

« Itinéraire d’un Combat ! »

attitude comparable à une démission collective. L’image du Niger est foulée aux pieds par les politiciens, à l’exception des Députés nationaux, Sanoussi Tambari Jackou et Boukary Sani Mallam Chaibou dit Zilly et l’Ambassadeur Issoufou Bachar, qui avaient ouvertement soutenu la plainte de la société civile. Tout le monde s’en moque, serait-on tenté de dire ! De l’autre côté, plus de 400 milliards de dollars sont désespérément dépensés dans la guerre en Irak, avec à l’appui, le nom du Niger utilisé pour convaincre la communauté internationale de la justesse d’un tel engagement. Pendant ce temps, au Niger, les populations s’enfoncent, pataugent et se débattent dans l’extrême pauvreté, observant de loin une guerre incompréhensible qui coûte huit milliards de dollars par mois, soit 4.160 milliards de FCFA, l’équivalent de quatre années de leur budget national. Les États-Unis envahissent facilement l’Irak. Une guerre qui entraîne la prise en charge de 22.000 soldats blessés et invalides, le remplacement de nombreux équipements militaires détruits ; soit 2.000 milliards de dollars dépensés. Un tel montant astronomique, selon le prix Nobel d’économie, Joseph Stieglitz, représente près de quatre fois le coût de la guerre du Vietnam. Pendant ce temps, les Nigériens, accusés de vendre leur uranium à l’Irak qui veut se doter de l’arme atomique, dit-on, ne pensent qu’à leur survie. Leurs lots quotidiens sont : le chômage, la pauvreté, la maladie, la famine, la destruction de l’environnement et l’incertitude du lendemain. Et pourtant, déjà le 20 juillet 2003, l’hebdomadaire Jeune Afrique publiait les résultats d’une enquête concluant sur ce grossier mensonge d’Etat. Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? Le 24 septembre 2002, le Premier Ministre Britannique Tony Blair défendait, devant son parlement, la décision de son Gouvernement de s’engager aux côtés des Américains     

 * !$      un dossier de cinquante pages sur les armes de destruction massive détenues par ce pays. Ses sources : « des images-satellite, des

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Les raisons d’une plainte contre l’Administration George Bush

des communications interceptées par les services secrets ». Parmi les informations que contient ce dossier, il est question « d’une tentative d’achat d’uranium dans un pays africain ». Devant les Députés, Tony     >   @QNous savons que Hussein a voulu acheter des quantités importantes d’uranium en Afrique, mais nous ne savons pas s’il a réussi ». L’information est reprise le même jour par The Independant. Ce quotidien britannique parle d’une « quantité non chiffrée » et d’un « pays africain », tout en précisant que « seuls l’Afrique du Sud, la Namibie et le Niger produisent de l’uranium. Parmi ces pays, le Niger a vendu légalement 2,8 kg d’uranium au régime de Saddam Hussein entre 1981 et 1982 ». Au moment des faits, les informations diffusées dans la presse restaient parcellaires. Des détails suivront, trois mois plus tard. Le 19 décembre 2002, un « document factuel » du Département d’Etat annonce pour la première fois que le pays en question est le Niger et que l’oubli de déclarer cette tentative d’achat est l’un des nombreux mensonges de l’Irak à propos des armes de destruction massive. Les autorités britanniques ne nient pas le fait d’être derrière cette information, mais font remarquer qu’elles n’ont jamais prononcé le nom du Niger. Elles laissent par ailleurs entendre qu’un autre pays africain est impliqué dans cette affaire. On parle alors de cinq tonnes d’oxyde d’uranium, le yellowcake7 qui, une fois enrichi, sert à fabriquer des armes atomiques. Deux jours plus tard, l’ancien Ministre Nigérien des Mines et de l’Énergie, Rabiou Hassan [   Q   \  !QS’ils ont des preuves, qu’ils les diffusent », lance-t-il à l’adresse des Américains. Il explique alors que l’uranium naturel est extrait du sous-sol nigérien par deux entreprises, la Société des Mines de l’Air (Somair) et la Compagnie Minière d’Akouta (Cominak), basées à Arlit, à 1200 km au Nord de Niamey, la capitale. Elles sont détenues la première à 57% et la seconde à 34% par la France, via la société Cogema-AREVA, avec la 7

Le yellowcake (issu de l’anglais qui veut dire « gâteau jaune ») est un concentré d’uranium sous la forme d’octaoxyde de tri-uranium U3O8

37

« Itinéraire d’un Combat ! »

                ^   Uranium Resources Developement (Ourd) et aussi l’Allemagne et l’Espagne. Le minerai n’est pas stocké sur place, mais vendu en totalité à la France (64%), au Japon (29%) et à l’Espagne (7%). Parallèlement à ces précisions, l’Irak dément également l’accusation et indique qu’il pourrait s’agir d’une demande de 1980 concernant de l’oxyde d’uranium brut. Cinq jours plus tard, lors d’une intervention radiotélévisée, le Premier Ministre du Niger, M. Hama Amadou complète : « Dans les années 1980, l’Irak, qui n’était pas alors au ban des Nations, a souhaité acheter de l’uranate (uranium non enrichi) au Niger, mais le Président Kountché, après concertation avec ses         '   \!*     que Bagdad n’a plus jamais pris contact à ce sujet avec les Gouvernements nigériens. Il explique à nouveau que le Niger ne peut pas vendre librement son uranium, puisque la production et la commercialisation sont contrôlées par les actionnaires des entreprises qui sont en même temps leurs propres clients. Mais les Ministres nigériens prêchent dans le désert. En effet, dans son discours sur l’État de l’Union, le 28 janvier 2003, Georges Bush reprend l’affaire en citant sa source : « le Gouvernement britannique » ; et parle de « quantités importantes », sans plus de précision pour défendre son plan de renversement du Gouvernement de Saddam Hussein. Dans des documents émis par Condoleeza Rice, Conseillère nationale pour la sécurité, à l’époque, et Donald Rumsfeld, Secrétaire à la Défense, l’argument sera repris sans mentionner les Britanniques. Les accusations sont également répétées devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, ce qui entraîne de la part du Niger un nouveau démenti, le 21 février 2003. Cette fois, c’est Ali Badio Gamatié, Ministre de l’Économie et des Finances à l’époque, qui intervient. Il soutient une fois encore, que le Niger ne peut rien vendre sans que les sociétés de production n’en soient informées. Il explique également que les entreprises commercialisent de l’uranate et non de 38

Les raisons d’une plainte contre l’Administration George Bush

l’uranium enrichi qu’on utilise pour l’industrie nucléaire. M. Yahaya Baaré, un autre ancien Ministre des Mines et de l’Énergie en poste en 2000, vient joindre sa voix à celle de son confrère et ajoute un détail : il s’agit d’un autre pays, « qui n’est pas l’Irak », mais qu’il se refuse de nommer. Ce pays, dit-il, a tenté sans succès d’acquérir de l’uranium nigérien sous le régime de la transition de Daouda Mallam Wanké, en 1999. En outre, deux Nigériens installés à l’étranger ont contacté le ministère en tant qu’intermédiaires pour un achat d’uranium par un tiers. Le Ministre Yahaya Baaré leur a alors répondu que « le Niger ne peut vendre qu’à un Etat, si celui-ci a signé les conventions de non-prolifération des armes nucléaires ». Les États-Unis restent sourds à ces mises au  '    *  

       ambitieux programme de construction d’armes nucléaires, neutralisé dans un premier temps par les Nations Unies. Ce gros mensonge a provoqué le pire : plus de 3.000 Américains et 50.000 Irakiens tués, un Président pendu comme un vulgaire voleur, un vendredi jour de :  !_   '  *  `$    l’Irak a essayé d’importer du Niger de l’uranium a été l’argument essentiel dans l’accusation portée par Washington, dans la mesure où        '      !{      le 7 mars 2003 lorsque Mohamed El-Baradei, Directeur de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), fait une révélation fracassante aux membres du Conseil de Sécurité : « Les documents qui forment la base du rapport sur les dernières transactions entre l’Irak et le Niger sur l’achat de l’uranium ne sont pas authentiques », indique-t-il. Nous en                  ! |  } diplomatique de dire que les documents sont faux et que les            !_     tubes d’aluminium trouvés par les inspecteurs en désarmement peu avant la date de leur départ en 1998 ne peuvent pas servir à construire la centrifugeuse indispensable pour enrichir l’uranium. Pour les experts, ils étaient destinés à fabriquer des missiles. Ensuite, on parle 39

« Itinéraire d’un Combat ! »

       !~   9   à Londres de son existence, personne, hormis un cercle Américanobritannique restreint, n’a encore vu ce fameux rapport. La rumeur est néanmoins à l’œuvre et dans les couloirs new-yorkais de l’ONU. On apprend ainsi que les services secrets américains ont remis aux inspecteurs de l’AIEA, en même temps que le texte, une série de lettres échangées entre l’Irak et le Niger. Après analyse, Mohamed El-Baradei proclame qu’il s’agit de faux dossiers. Le faussaire a-t-il agi dans la précipitation, s’interroge le monde entier. Les en-têtes, les signatures, les noms des responsables nigériens et leurs titres sont erronés. Une lettre datée d’octobre 2000, écrite sur un papier à entête datant de la période de la transition militaire au Niger, et revêtue de la signature de Allélé Elhadji Habibou, Ministre des Affaires Etrangères dans le Gouvernement de Ali Saibou. Or, celui-ci a quitté son poste en 1989. Une autre lettre, datée de juillet 2000, signée, semble-t-il, par le Président Mamadou Tandja, fait référence à la Constitution de 1965. Or, le Niger a connu quatre autres lois fondamentales et celle en vigueur date de 1999. Cette lettre parle d’un achat de 500 tonnes d’oxyde d’uranium. Le Vice-président américain Dick Cheney répète les accusations américaines sur la    * '                 !€  } '    la presse enquête. Dans son édition du 22 mars 2003, le Washington Post révèle que la CIA avait fait part à l’administration Bush de ses doutes concernant l’échange de courrier entre l’Irak et le Niger. La Maison-Blanche reconnaît avoir été prévenue début mars 2003, mais par les représentants des Nations Unies. Avec une innocence inattendue, l’ancien Secrétaire d’État Colin Powell avoue avoir été mis en garde contre les preuves présentes dans le dossier, mais reconnaît les avoir remises de bonne foi aux inspecteurs en désarmement. D’ailleurs, dans les jours qui ont précédé l’invasion de l’Irak, des responsables des services de renseignements sont allés 40

Les raisons d’une plainte contre l’Administration George Bush

jusqu’à lui demander ouvertement pourquoi il s’obstinait à répéter ces âneries. Savaient-ils qu’il agissait sur les ordres de Lewis Libby, Directeur de Cabinet du Vice-président Dick Cheney ? La guerre éclata. « Si l’on se fonde sur ces documents, on aura des problèmes pour retrouver les armes de destruction massive », commente fortuitement un membre de l’administration. Peu à peu, le mensonge s’étale dans la presse. En juin, il n’est plus possible pour la Maison-Blanche de continuer à    *         % !$    communiqués successifs, la CIA se désolidarise. Et encore, elle               &   en mentionnant qu’ils comportaient « des précisions impossibles à   \!$          @    que la CIA avait dépêché sur place à Niamey, dès février 2002, Joseph C. Wilson, un spécialiste de l’Afrique, ancien chargé d’affaires à Bagdad en 1990 et ex-ambassadeur des États-Unis au Gabon. Celuici a passé huit jours sur place à enquêter sur cette affaire d’uranium. Après avoir rencontré le Président Mamadou Tandja, certains membres du Gouvernement, des anciens Ministres, et même des intermédiaires prétendument associés à la transaction, le chargé de 

  "*8     ‚|         est un montage, qu’il dévoilera plus tard dans un article publié le 6 juillet 2002 par le New York Times. Il devient donc évident que, onze mois avant le discours sur l’état de l’Union, la CIA savait que l’affaire de l’uranium du Niger était fausse. L’a-t-elle signalé à la Maison-blanche ? Le contraire serait étonnant, étant donné que Dick Cheney lui-même a été informé. A moins qu’il préfère garder sur lui les informations qui gênent ses projets politiques. Après une courte bagarre d’accusations et de dénégations, par médias interposés, entre Maison-Blanche, CIA, Département d’Etat et la Conseillère nationale pour la sécurité, une ligne de conduite est adoptée. Le 8 juillet 2003,  /  ‚   #        nigérien n’aurait pas dû être mentionnée dans le discours présidentiel. 41

« Itinéraire d’un Combat ! »

$                jadis au pays du camarade Staline, Georges Tenet, le patron de la CIA, dit qu’il est responsable de cette erreur et démissionne par la suite. De l’autre côté de l’Atlantique, le Premier Ministre Tony Blair        !{ 

    d’enquête conclut pourtant qu’il n’a pas délibérément « induit en 

     \         

      contre l’Irak accusé de détenir des armes de destruction massive. Coup de chance, car, au même moment, les Américains écrivaient sournoisement dans leur presse que « c’était une erreur de mentionner l’achat d’uranium nigérien par Bagdad. Les informations                            sont fausses ». Ces accusations « n’étaient que des éléments d’une plus large somme de preuves »,

s’entête Tony Blair, relayé par son Ministre des Affaires Etrangères ƒ ~ „!"  €   '        preuves, distinctes de celles détenues Outre-atlantique. On se demande bien pourquoi, cette obstination au bout de trois mois de polémique, alors que l’ami américain doit avouer que les siennes sont forgées de toutes pièces… Nous sommes à la mi-juillet 2003. Les plaidoiries des uns et des autres ne désamorcent pas la crise, bien au contraire. L’attention de la presse et de l’opinion ne se laisse détourner, ni par le bruit qui court sur une autre éventuelle tentative d’achat d’uranium par l’Irak à la Somalie ou à la République Démocratique du Congo, ni         

        de Bagdad. Il faut dire que cette dernière était ensablée depuis 1991. L’opinion américaine se pose la question : le Président Bush a-t-il menti délibérément au Congrès et à ses administrés ? Même si la CIA est responsable du dysfonctionnement, comment se fait-il que ni la Vice-présidence, ni le Département d’Etat n’aient fait un geste pour corriger l’erreur ? D’autant plus, révèle le Washington Post, que Tenet avait déjà fait retirer, en octobre 2002, soit trois mois avant 42

Les raisons d’une plainte contre l’Administration George Bush

le discours sur l’État de l’Union, la fameuse référence à l’uranium nigérien d’une allocution de Georges Bush à Cincinnati. On le comprend : lui, au moins, il a lu le rapport de mission de son envoyé spécial Joe Wilson. Dans d’autres milieux, on se demande pourtant qui a pu réaliser des montages aussi grotesques. Un faussaire qui aurait réussi à les vendre aux services d’espionnage anglais, lesquels           †$   ! Tout porte à croire qu’il s’agit d’une opération d’intoxication de    ! {  }          qui assurent le marketing de la guerre, notamment à Washington, Q ^   ‡  "    \! "       9  tentative de tromperie. En février 2002, Londres avait présenté un

          > !*  

 réalité, d’extraits de la thèse d’un étudiant californien datant de 1991. Début mai, l’article de Seymour M. Hersh, journaliste d’investigation au New Yorker, jette un nouveau pavé dans la mare. Il relève que le Secrétaire Adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, a mis au point une cellule de conseillers, au sein même du bureau des projets spéciaux du Pentagone. Cette cellule est chargée de collecter des renseignements et de les analyser. Elle double la CIA et la DIA (Defense Intelligence Agency), accusées de s’en tenir beaucoup trop aux faits et de ne pas les interpréter, donc de gêner les néoconservateurs, partisans de la guerre. Elle s’appuyait en particulier, avant la guerre, sur le Congrès National Irakien (CNI), le groupe d’opposants exilés conduits par Ahmed Chalabi. Mais rien ne prouve que l’unité spéciale du Pentagone soit à l’origine des faux documents. L’affaire de l’uranium nigérien est englobée dans une analyse générale sur l’existence d’armes non conventionnelles sur le territoire irakien et n’a servi que d’argument

          ! _      cette brillante idée de faux en écriture ? La réponse sera donnée à l’occasion du procès Niger-USA, et nous comptons sur la présence des avocats du monde pour plaider la cause du Niger. « Il est possible 43

que la fabrication des faux documents soit l’œuvre d’un Gouvernement étranger ou d’un lobby indépendant », murmure-t-on dans les couloirs de la MaisonBlanche. Pourquoi pas la France, dont la duplicité est dénoncée sans l’ombre d’une preuve depuis le début de la guerre en Irak ? Le Financial Times du 14 juillet 2003 accuse la Direction Générale    ~  &   ˆ‰‡~&Š  }  ! Q ‹    

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  9           Niger est un pays francophone que nous connaissons bien. Jamais personne n’aurait commis la bourde de confondre un Ministre à un autre » rigole, sous couvert d’anonymat, un ancien agent secret. Le 16 juillet 2003, le quotidien italien La Republica déballe une tout autre histoire, qu’il tient d’une source au sein des renseignements militaires italiens (SISMI). Ceux-ci sont contactés par un diplomate africain, représenté par une ambassade à Rome. Il leur propose,      

  9   !& les fameuses lettres aux dates fantaisistes, prétendument échangées entre les Chefs d’Etat Irakien et Nigérien, le protocole d’accord sur la fourniture « de 500 tonnes d’uranium par an », signé par un Ministre des Affaires Etrangères Nigérien, Elhadji Allélé Habibou qui a pourtant quitté son poste depuis 11 ans et la copie d’un télex émanant de l’Ambassadeur du Niger à Rome, Adamou Chekou, daté Œ   Œ }   '%  8

  d’Irak, Wissam Al-Zahawie. Comment le diplomate véreux est-il en possession de ces faux documents ? Peut-être grâce au cambriolage de l’Ambassade du Niger à Rome, qui a eu lieu entre le 29 décembre ŽŒ   ŽŒ!_     Q   \ aux Britanniques et aux Américains ? Le Service de renseignements militaires italiens (SISMI), qui l’a remis entre octobre et novembre 2001 au Secret Intelligence Service (SIS), également connu sous la dénomination de MI6 (Military Intelligence, section six) ? Son rôle est de produire des renseignements sur les sujets concernant les intérêts vitaux du Royaume-Uni en matière de sécurité, défense, 44

Les raisons d’une plainte contre l’Administration George Bush

politique étrangère et politique économique. Obstiné, l’entourage de €    '         ‹ }  ! Face à tous ces arguments, devant toutes ces preuves irréfutables, Georges Bush n’a rien trouvé de mieux que de présenter des excuses verbales et hypocrites à un pays pauvre et meurtri comme le Niger. La réparation des dommages intérêts pour toutes causes de préjudices subis par notre cher pays, n’est toujours pas à l’ordre du jour. Serait-il encore trop tôt pour rendre justice à un peuple africain victime d’un gros mensonge qui a détruit son image de marque et sa crédibilité ? Certains propos absolument honteux et scandaleux versés dans les dossiers par des hautes personnalités américaines et      Q   % \ :      dernière énergie. C'est pour toutes ces raisons que cette malheureuse accusation portera pendant longtemps atteinte à l'honneur et à la considération de notre pays puisqu'elle a gravement ternit son image. C’est dire que le devoir de l’honneur est accru en raison de la gravité de la situation. En pareille circonstance, défendre l’honneur du pays est une obligation. Cependant, l’accusation constitue en elle-même un problème sérieux pour les citoyens irakiens qui en sont victimes. Pour se faire un point d’honneur il est si important d’arracher une           ! { }       coeur au gouvernement nigérien, à défendre sans délai l’honneur de   !_       ’   |~8    somme de 1.000 milliards de Francs CFA (environ deux milliards de  Š     

  & †€       que les hommes politiques et hommes d’Etat nigériens ont fermé la bouche à un moment où la dignité et l’honneur de leur pays étaient traînés dans la boue, gratuitement et sans raison, par les États-Unis d’Amérique, ceux-là mêmes qui tentent quotidiennement à donner  }   '         &   !!!

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Relance de la Privatisation de la Nigelec

Photo ADO Issoufou ONEP

et situation des sociétés privatisées8

Siège social de la Nigelec à Niamey au quartier Plateau

S

’il y a un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, c’est notamment la question de la privatisation de la société nigérienne d’électricité (Nigelec). En avril 2007, s’exprimant sur Radio France Internationale (RFI), le Ministre de l’Économie et des Finances, Lamine Zeine, a indiqué que « La Nigelec est une société qui est plus ou moins bien gérée et nous tendons . (Article publié dans le N°003 du mensuel Nigérien Energie pour Tous en date du 10 avril 2007)

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« Itinéraire d’un combat ! »

vers une ouverture permettant au privé de venir prendre sa part ... ». Et la Ministre de la Privatisation et de la Restructuration des entreprises, Mme Laouali Gazobi Rahamou, sans pour autant donner les détails sur les dispositions et stratégies mises en place pour enclencher cette privatisation, précise que « le Gouvernement avait revalorisé la Nigelec pour tenter de la vendre à un meilleur prix ». Les téléphones sonnent de toutes parts... J’ai été stupéfié d’apprendre cette nouvelle annonce. Pour une simple raison : l’énergie est devenue un facteur de croissance et se situe en amont de chaque décision politique. Après la privatisation de la Société Nationale des Eaux (SNE) et la Société Nigérienne des Télécommunications (SONITEL), voilà un autre bien qui est sur la voie de quitter le giron de l’État. Dans le viseur des autorités, la Nigelec ! Ce spectacle donné par des Ministres de premier plan, peut-il être qualifié de preuve supplémentaire d’impertinence ou d’humour ? Un pan de l’économie nigérienne cheminerait vers le secteur privé, au moment où la sauvegarde du patrimoine public est un enjeu majeur pour la construction nationale. J’ai tout de suite appelé le Directeur Général de l’énergie au ministère des Mines et de l’Énergie et le Secrétaire Général du syndicat national des travailleurs des mines du Niger (SYNRAMIN). Tous les deux ont démenti l’information. A la Nigelec, la surprise est aussi totale. « Je n’ai absolument pas d’information sur ce sujet et nous n’avons pas eu de note officielle, précise un fonctionnaire chargé de piloter le programme des privatisations au Niger. Le 9 mars 2007, à l’occasion d’une conférence de presse en présence du représentant de la Banque Mondiale au Niger, le Ministre des Finances et de l’Économie, M. Ali Mahamane Zène, a relancé la question des privatisations. Certains de ses propos lui ont sans doute échappé s’agissant de la Nigelec. Il venait de sortir des discussions sur la revue des projets exécutés par la Banque Mondiale au Niger. Le Ministre Lamine Zène, contrairement à ses habitudes « d'homme serein », a certainement voulu faire une opération de charme en direction de M. Foukori Ibrahim, 48

Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

alors Administrateur Délégué de la Nigelec. La Banque Mondiale, qui est à la recherche de meilleures opportunités pour passer ses idées, a vite saisi le manque de vigilance d’un Ministre des Finances et de l’Économie pour relancer la privatisation de la Nigérienne d’Électricité. Pourtant, pendant tout le temps, on savait déjà qu’en fin de l’année 2005, le Gouvernement nigérien avait abandonné son programme de privatisation concernant la Société nigérienne des produits pétroliers (Sonidep) et la Nigérienne d’Électricité (Nigelec). Les principaux objectifs de cette privatisation étaient axés sur l’amélioration de l’efficacité dans la production, le transport et la distribution de l’énergie, ainsi que sur la qualité du service fourni. Cette privatisation devait permettre à l’État de lever des financements indispensables pour la réalisation des investissements nécessaires au développement du secteur de l’électricité et de bénéficier de l’expertise professionnelle d’opérateurs de réputation internationale. Elle devrait ensuite permettre de fournir l’électricité à un prix compétitif aux industries et à la population nigérienne pour soutenir la croissance et améliorer la compétitivité globale de l’économie. Selon les experts, on aura comme avantages l’augmentation de l’investissement, l’apport de l’innovation et du savoir-faire, l’amélioration de la gestion et un meilleur rapport qualité/prix. En plus de la disparition progressive du monopole public, on ajoutera l’élimination des déficits financiers, une meilleure imputabilité des dirigeants, la réduction de l’interférence politique et de la corruption ainsi que la définition d’un bon cadre réglementaire. Aussi paradoxal que cela pourrait paraître, nous voyons autre chose au quotidien avec les sociétés déjà privatisées ! Nous avons du mal à supporter le principe qu’une société nationale, de surcroît d’électricité, soit vendue aux plus offrants. Pour la simple logique que le secteur de l’électricité est indispensable aux industries en tant que bien de consommation intermédiaire, et à la population en tant que bien de consommation finale. A l’évidence n’occulte-t-on pas que l’Etat du Niger cherche 49

« Itinéraire d’un combat ! »

peut-être à privatiser la Nigelec parce qu’il n’a pas les moyens de la gérer, et c’est également la raison pour laquelle les opérations de privatisation des entreprises publiques et parapubliques se sont multipliées ces dernières années ? En revanche, plus de dix ans après ces privatisations, aucune mesure concrète ne semble avoir été prise pour mettre concrètement l’État du Niger dans ses droits. En effet, au début de l’année 2006 et jusqu’en février de la même année, le programme de privatisation (PAT/P/RR) a été restructuré pour prendre en compte les préoccupations du secteur privé dans la gestion rationnelle des entreprises. La fin de ce processus est intervenue le 31 décembre 2006, soit 10 ans après une exécution marquée par quatre prorogations. A la lumière de ce qui précède, en instance, il reste la question de l’audit des entreprises qui sera effectué par une mission d’évaluation de la Banque Mondiale, mais concomitamment, on cherche à relancer le dossier des privatisations. Le processus engagé démontre l’absence de dialogue au Niger. Pour les populations du pays, ce choix est lourd de conséquences. A ce titre, dans le cadre de la protection du patrimoine public, une réflexion profonde sur les entreprises privatisées s’impose. Il importe de noter qu’en 1996, le Niger s’est engagé dans un vaste programme de privatisation visant à assurer le retrait progressif de l’Etat des secteurs marchands, au profit du secteur privé. A l’époque, douze entreprises ont été inscrites au projet qui est une composante essentielle du programme économique et financier conclu entre les Institutions de Brettons Woods et le Gouvernement. Pour la mise en œuvre de ce programme, un projet d’assistance à la privatisation et à la réforme réglementaire a été initié et conclu avec la Banque Mondiale. L’ordonnance N°96-062 du 22 octobre 1996 a fixé la liste des entreprises à privatiser, à savoir : – Abattoir Frigorifique de Niamey (AFN) ; – Office National des Aménagements Hydro-Agricoles (ONAHA) ; – Office du Lait du Niger (OLANI) ; 50

Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

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Office des Eaux du Sous-Sol du Niger (OFEDES) ; Société Nationale des Eaux (SNE) ; Société Nigérienne des Produits Pétroliers (SONIDEP) ; Société Nigérienne des Télécommunications (SONITEL) ; Société Nigérienne de Textile (SONITEXTIL) ; Société Nigérienne d’Électricité (NIGELEC) ; Société Exploitante et Propriétaire de l’Hôtel Gaweye (SPEGH) ; – Société le Riz du Niger (RINI) ; – Société Nigérienne de Cimenterie (SNC). Par ordonnance 98-20 du 15 juin 1998, l’ONAHA a été retirée de cette liste tandis que deux autres sociétés sont rajoutées : la Société Nationale des Transports Nigériens et la Société de Location du Matériel des Travaux Publics. Au cours des réunions du Comité interministériel chargé des privatisations, tenues les 30 avril et 17 juillet 2002, il a été décidé de réaménager cette liste en retirant l’Abattoir Frigorifique de Niamey. Pour les dossiers de la RINI et de la SNTN, il s’était agi d’une cession des actions de l’État. Ensuite, un cadre juridique des opérations de privatisation a été conçu et régi par les textes suivants : – l’ordonnance 96-062 du 22 octobre 1996 fixant la liste des entreprises à privatiser ; – l’ordonnance 96-75 du 11 décembre 1996 portant conditions générales de privatisation ; – l’ordonnance 97-011 du 17 mars 1997 modifiant l’ordonnance N°96-075 ; – la loi 98-020 du 15 juin 1998 modifiant l’ordonnance N°96062 ; – l’ordonnance 99-44 du 26 octobre 1999 portant création, organisation et fonctionnement d’une Autorité de Régulation Multisectorielle ; – le décret 96-464/PRN/MEF/P du 11 décembre 1996 51

« Itinéraire d’un combat ! »

portant modalités d’application de l’ordonnance 96-75 du 11 décembre 1996 ; – le décret 97-126/PRN/MRE/P du 17 mars 1997 portant modification du décret 96-464. La question de la cession totale a, quant à elle, concerné les entreprises suivantes : – la Société Nigérienne de Textile (SONITEXTIL) ; – l’Office du Lait du Niger (OLANI) ; – la Société Nigérienne de Cimenterie (SNC) ; – l’Usine des Phosphates de Tahoua. Concernant l’ouverture du capital, les entreprises retenues sont : – a Société Nigérienne des Télécommunications (SONITEL) ; – la Société de Location du Matériel des Travaux Publics (concernant cette société, à ce jour, il reste encore 30% des actions à céder) ; – l’Office des Eaux du Sous-Sol du Niger (OFEDES). S’agissant de l’OFEDES, l’opération n’a pas abouti et l’Office a été liquidé, faute de repreneur. En ce qui concerne l’option de la délégation de gestion, c’est la Société Nationale des Eaux (SNE) qui a été retenue. L’exécution du programme de privatisation s’est poursuivie selon l’entreprise et l’option retenue. Pour la Société Nigérienne d’Électricité (Nigelec), l’option de la privatisation a été choisie avec une concession unique des zones interconnectées de la zone Nord et de la zone thermique sur 25 ans. Cette concession débouchera sur : – l’ouverture du capital de la NIGELEC par la cession de 51% des parts à un professionnel, avec un nouveau contrat de concession ; – la production d’énergie qui sera concédée de manière non exclusive ; – le transport et la distribution de manière exclusive ; – le versement à l’Autorité de Régulation Multisectorielle d’une redevance basée sur le chiffre d’affaires. 52

Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

A l’issue de deux processus consécutifs de pré-qualification, un seul candidat est resté sur la liste. Cependant, aucun accord n’a été conclu concernant la Nigelec. Pour la mise en œuvre de cette privatisation, le processus de pré-qualification a été lancé le 18 avril 2002, et a abouti à la réception et à l’analyse des demandes provenant de Vivendi devenue Veolia et de la NEPA du Nigeria. Dans l’optique de susciter plus de candidatures, une deuxième opération a été lancée le 19 novembre 2002, avec des critères moins contraignants. Le consortium BNP Paribas a ensuite mené une opération de marketing en direction des repreneurs potentiels. Le résultat de cette deuxième opération est resté le même avec les deux candidats intéressés, à savoir Vivendi et NEPA. Les documents constitutifs du dossier d’appel d’offres élaborés par BNP Paribas ont fait l’objet d’examen par le comité de pilotage de la Nigelec tenu du 20 au 27 avril 2004 à Gaya, et par le Comité Interministériel (CIM), le 28 mai 2004. Selon les recommandations issues de ces réunions et des rencontres tenues à Washington du 6 au 8 avril 2004, un projet de dossier d’appel d’offres a été transmis à Veolia Environnement et à la NEPA le 30 juillet 2004. La réaction de Veolia Environnement a été reçue le 23 août 2004, notifiant que le groupe français n’est pas en mesure d’entrer dans un schéma de mise en concession qui est la forme de privatisation retenue par le Gouvernement Nigérien. En réaction aux lettres de relance du Ministère de la privatisation, la NEPA, à son tour, a proposé aux Autorités nigériennes d’organiser une rencontre à Niamey qui va regrouper les parties prenantes, afin de clarifier certains aspects du Dossier d’Appel d’Offre (DAO). Dans le cadre de ses réunions de prise de contact, la Ministre de la Privatisation et de la Restructuration des Entreprises a rencontré le 22 février 2005 l’Administrateur Délégué de la Nigelec, M. Foukori Ibrahim, afin de faire le point sur ce dossier et sur l’exécution du programme d’investissements. S’agissant de la Société Nigérienne des Produits Pétroliers (SONIDEP), l’option de privatisation a été acceptée avec 53

« Itinéraire d’un combat ! »

l’ouverture du capital. La stratégie porte sur la cession de : – 51% du capital aux plus offrants des professionnels du pétrole au niveau national et international ; – 10% aux privés non professionnels ; – 5% réservés au personnel et le maintien de 34% par l’Etat. La cession de 6,88% du capital de la société a été effective, mais les 51% réservés aux professionnels nationaux et internationaux n’ont pas été affectés, faute de manifestation d’intérêt. L’avis à manifestation d’intérêt a été lancé le 24 juillet 2003, mais seule l’association de certains membres du Groupement Nigérien des Distributeurs des Produits Pétroliers (GNDPP) a présenté une soumission pour l’acquisition de 4,44% du capital. Les groupes Total et Tamoil ont présenté des offres techniques et estimé qu’ils ne disposaient pas d’éléments leur permettant de soumettre des offres financières. Les résultats du premier tour ont été présentés à la réunion du CIM du 27 janvier 2004 qui a demandé de requérir l’avis de l’IDA (Banque mondiale) et de lancer un deuxième tour. Conformément aux conclusions de cette réunion, le deuxième tour a été lancé le 24 mars 2004. Une liste de 16 opérateurs pré-qualifiés dont 11 nationaux, a été enregistrée. Le dossier d’appel d’offres fut lancé le 20 octobre 2003 pour une remise des offres fixée au 21 janvier 2004. A la date limite de réception des offres fixée au 28 avril 2004, une seule offre d’achat de 2,44% du capital émanant du GNDPP a été reçue et analysée par la commission d’analyse qui a suggéré l’acceptation des propositions d’achat des 4,44% et 2,44% des premier et deuxième tour. Le 19 janvier 2005, la Ministre chargée de la Privatisation a rencontré les représentants du Groupement des Professionnels du Pétrole (GPP). La Ministre a également reçu l’Administrateur Délégué de la Sonidep, M. Amadou Dioffo, le jeudi 20 janvier 2005. Elle a poursuivi ses campagnes de sensibilisation des travailleurs des entreprises à privatiser, des citoyens et des opérateurs 54

Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

économiques, afin de les inciter à participer au capital des sociétés à privatiser. S’agissant de la Société Propriétaire et Exploitante de l’Hôtel Gaweye (SPEGH), c’est la formule de mise en concession qui a été retenue. Après le lancement du dossier d’appel d’offres et l’analyse des propositions reçues, un seul groupe s’est manifesté : ACCOR Afrique. Entre temps, une autre société, notamment la Société Malienne de Promotion Hôtelière (SMPH) s’est intéressée à l’Hôtel Gawèye, mais aucun accord n’est intervenu. Pour la Société le Riz du Niger (RINI), le processus de privatisation s’est trouvé ralenti du fait d’un contentieux qui est pendant devant les tribunaux. Toutefois, le dossier a été réactivé. Pour le cas de la Société Nationale des Transports Nigériens (SNTN), le processus s’est poursuivi. Pour chaque entreprise à privatiser, un comité chargé d’élaboration d’un plan social a été créé par arrêté conjoint du Ministre de la Privatisation, de la Restructuration des Entreprises et du Ministre de tutelle de l’entreprise concernée. Les objectifs visés à travers les plans sociaux sont entre autres la détermination de l’effectif cible, l’évaluation du coût des départs du sur-effectif et l’évaluation du montant des mesures d’accompagnement. Pour accompagner ce processus, un secteur régulé, composé de quatre secteurs (eau, énergie, transport et télécommunication), a été mis en place, dénommé Autorité de Régulation Multisectorielle (ARM), qui est devenu opérationnel en janvier 2004 avec à sa tête, la défunte, Présidente, Mme Sory Boubacar Zalika. Pour les autres secteurs, le suivi post-privatisation est assuré par le ministère de la Privatisation et de la Restructuration des Entreprises. Les entreprises à restructurer sont celles qui ont été retenues initialement dans le programme économique et financier 1996 -1999. Il s’agit de : – L’Office National de Radio et Télévision du Niger (ORTN) ayant pour mission la diffusion par voie hertzienne des programmes de radiodiffusion et de télévision sur toute l’étendue du territoire de la République du Niger. Son capital social était de 16.565.511.795 55

« Itinéraire d’un combat ! »

FCFA détenu à 100% par l’État. – L’Office National des Produits Pharmaceutiques et Chimiques du Niger (ONPPC). Sa mission est d’assurer l’approvisionnement du Niger en médicaments. Il avait un capital de 1.074.443.022 FCFA. Cette société a déjà été restructurée, mais a connu des difficultés. – L’Office National de la Poste et de l’Épargne (ONPE). Il a été restructuré. A ces trois entreprises viennent s’ajouter d’autres, à savoir : – L’Office National des Aménagements Hydro-Agricoles (ONAHA). La maîtrise de la réalisation et la gestion des aménagements hydroagricoles et la contribution à la sécurité alimentaire sont les missions assignées à l’office. Son capital est de 4.227 millions de FCFA détenu à 100% par l’État du Niger. – La Société Nigérienne de Charbon d’Anou Araren (SONICHAR). Sa mission est la production de l’énergie électrique à partir du charbon extrait du gisement de Tefereye. Son capital est de 19.730 millions FCFA, l’Etat du Niger détient 61,43%. – La Société Nigérienne de Transit (NITRA). Sa mission est d’assurer les opérations d’importations et d’exportations à l’intérieur du territoire national et au niveau des ports. Son capital est de 1.000 millions F CFA dont 5% détenus par l’État. – La Société Nationale des Transports Nigériens (SNTN). Elle a pour mission le transport des marchandises et des personnes, et l’objectif visé à travers la création de cette société était, d’une part de relier toutes les grandes agglomérations et, d’autre part, de réduire le désenclavement du Niger. Son capital est de 2.500.000.000 FCFA, avec 49,04% des parts revenant à l’Etat. Elle a été restructurée et maintenue sur la liste des entreprises à privatiser. 56

Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

Pour ces entreprises, le ministère de la Privatisation et de la Restructuration des Entreprises est demeuré ouvert, par rapport à un partenariat avec les ministères de tutelle technique. Malgré un retard de quelques mois dû à des causes tant internes qu’externes, le programme de privatisation des entreprises publiques a suivi son cours normal jusqu’à sa fin. Sur les douze entreprises retenues entre 1997 et 1999, seulement cinq ont répondu aux précessions, dont en 1997 : l’Office du Lait du Niger (OLANI), la Société Nigérienne de Cimenterie (SNC), la Société Nigérienne des Textiles (SONITEXTIL), la Société Nigérienne des Produits Pétroliers (SONIDEP) et l’Abattoir Frigorifique. Sur les cinq sociétés, deux sociétés ont été privatisées : SONITEXTIL et l’OLANI. La SONITEXTIL a été cédée en juillet 1997 à un groupe sino-nigérien. Les Chinois détiennent 80% des actions et les Nigériens 20%. L’OLANI a été vendu en mars 1998 à un privé nigérien. Concernant la SNC et l’Abattoir Frigorifique de Niamey, un consortium a été recruté le 22 octobre 1997 pour s’occuper de leur privatisation. Les appels d’offres ont été lancés en fin décembre 1997 pour les deux premières, et le 20 février 1998 pour la troisième entreprise. Selon le programme initial, les appels d’offres ont été lancés en fin décembre 1997 pour les deux premières et le 20 février 1998 pour la troisième entreprise. A propos de la SONIDEP, le programme a prévu la création, en juillet 1997, d’une société privée de gestion des installations de stockage. Après plusieurs reports, la signature d’un protocole a été obtenue. Ce protocole d’accord entre l’État nigérien et les sociétés pétrolières a finalement été signé le 19 décembre 1997. Le programme de privatisation, qui vise notamment le désengagement de l’État du secteur productif marchand, a provoqué, et il fallait s’y attendre, des remous dans plusieurs milieux de la société civile, dont des syndicats qui se sont interrogés sur le sort réservé aux travailleurs et aux consommateurs. Cette privatisation entraîne des licenciements et des déséquilibres sociaux. Pour le Gouvernement nigérien, qui agissait 57

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo Archives ONEP

malheureusement sous la pression des bailleurs de fonds, la privatisation est inévitable, eu égard à la situation économique et financière peu reluisante du pays. L’Etat est confronté depuis les années 1980 à des problèmes financiers. Et pour faire face à ses multiples difficultés, il s’est vu contraint de s’adresser à la Banque Mondiale et au Fonds monétaire international (FMI). Dans le cadre d’un programme d’ajustement structurel (PAS), ces institutions, lui ont proposé de réduire son train de vie, notamment en allégeant les dépenses publiques. Pour cela, 80% à 90% des entreprises étatiques publiques devraient être restructurées, ou privatisées. Une grande partie de ces entreprises fonctionnaient grâce aux subventions de l’État. Beaucoup d’entre elles étaient dans des situations difficiles et n’arrivaient plus à faire face à leurs obligations les plus élémentaires. N’ayant plus les moyens de sa politique, eu égard à la dégradation continue des finances publiques, le Gouvernement a décidé finalement de privatiser certaines sociétés. L’objectif principal était d’améliorer la qualité des services et accroître le niveau des

Le Président Diori Hamani est accueilli par le Général Yakubu Gowon à Lagos

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Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

investissements par le biais d’une plus grande participation du secteur privé. Les objectifs spécifiques sont, entre autres, la mobilisation d’un financement privé pour prendre la relève de l’Etat et assurer un service plus efficace ; la promotion du secteur privé par la réduction des coûts des facteurs, ce qui a comme effet la privatisation des grands services publics ; le transfert au secteur privé des activités de l’Etat dans les secteurs productifs et concurrentiels. Sur le plan financier, l’Etat n’aura plus à subventionner ces sociétés. De plus, il peut tirer profit d’une amélioration de la gestion de ces entreprises privatisées, notamment à travers les redevances qu’il doit percevoir. Malheureusement, il a été constaté que 70% à 80% de ces entreprises réalisaient des résultats négatifs et ne payaient plus d’impôts depuis plusieurs années. Au niveau économique, le résultat escompté est l’amélioration de la production pour permettre au produit intérieur brut (PIB) d’être plus important. Les entreprises créeront beaucoup plus de valeurs ajoutées. Pour les grandes entreprises, il est attendu une réduction de coût de production des biens, ce qui entraînera nécessairement une stagnation des prix. En revanche, dans certaines sociétés, et quoique tournant à peine à 70% de leur capacité, la privatisation a provoqué l’embauche de main-d’œuvre supplémentaire. Dès lors, pour le Gouvernement, la privatisation a beaucoup d’avantages, mais les syndicats et les travailleurs la considèrent comme un désastre. D’ailleurs, les représentants des travailleurs n’ont pas été associés dans la préparation des dossiers. Pour tenir compte des préoccupations des uns et des autres, notamment la préservation des acquis sociaux, il a été prévu la mise en place d’un plan social qui déterminera les conditions et les modalités de départ de certains personnels. Initialement, le plan devrait être élaboré par les représentants de l’Etat et ceux des syndicats. Cependant, les quelques réunions qui ont eu lieu entre les partenaires sociaux n’ont pas permis de faire avancer véritablement le processus. Ainsi, pendant longtemps, il a été observé une situation de blocage. En 59

« Itinéraire d’un combat ! »

définitive, le Gouvernement a dû élaborer un document-cadre qui a finalement servi de processus de reprise des discussions avec les syndicats. Une proposition de cadre général de plan social pour l’ensemble des entreprises à privatiser a été élaborée et adoptée. Ce cadre a surtout été conçu en tenant compte des départs intervenus à la SOMAIR, à la COMINAK et à la SNTN. Il prenait en compte les indemnités légales de licenciements qui sont composées des indemnités compensatrices de préavis, des indemnités compensatrices de congés payés, du reliquat de salaire de présence dû à l’employé et de la prime spéciale pour licenciement économique. Face à cette situation qu’on peut qualifier de ni paix ni guerre, une éventuelle privatisation de la Nigelec ne peut qu’avoir des conséquences catastrophiques dans le domaine de la fixation des coûts de l’énergie. Il faut rappeler que la Nigelec est approvisionnée en électricité dans une grande proportion par le Nigeria, à partir du barrage de Kandji. Cette fourniture a été négociée en 1971, entre le Gouvernement du Nigeria dirigé par le Général Yakubu Gowon et le Gouvernement du Niger dirigé par Diori Hamani. Un prix consensuel a été fixé lors de ces négociations qualifiées pratiquement de : « prix d’ami et frère », consenti par le Nigeria au Niger. Ce prix de cession était largement en deçà du coût de production. Il convient de souligner que ces négociations, ont été conduites par Alhaji Mohammed Dikko Yusuf à l’époque Directeur Général de la NEPA et l’ingénieur électricien, M. Boukary Kané, Directeur Général de la Nigelec. Un prix particulièrement bas a été obtenu à l’issue des négociations mais n’a malheureusement pas profité aux abonnés nigériens. Même si aujourd’hui, le coût du kWh a légèrement augmenté, il est concédé par le Nigeria à 18 F CFA le kWh à la Nigelec qui le revend à 79,25 F CFA aux consommateurs, c’est-à-dire quatre fois plus cher. Pendant que le Nigeria entend aider les populations nigériennes en leur offrant de l’électricité à un tarif préférentiel, notre Gouvernement transforme ce soutien au peuple du Niger en une subvention au 60

Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

profit exclusif de la Nigelec et de ses agents. Si le Niger privatise la Nigelec, le Nigeria serait en droit de réviser son tarif pour éviter de subventionner des repreneurs privés. Cette privatisation de la Nigelec créera donc une nouvelle situation qui ôtera tout ce qu’il y a d’essentiel à un accord historique de solidarité ayant permis à notre pays d’accéder à l’électricité à moindre coût. Si jamais la privatisation de la Nigelec intervenait, la nouvelle société achèterait l’électricité à son coût commercial au Nigeria, en relation avec la fluctuation des cours sans cesse en hausse du baril de pétrole. Ensuite, il n’est pas certain que le Nigeria accepte de fournir de l’électricité à une société appartenant à des intérêts commerciaux privés, parce que l’accord signé consistait à aider le Niger et son peuple. Les effets immédiats de cette privatisation pour les travailleurs, c’est la réduction de leur niveau de vie et de travail. Que la Nigelec soit rachetée par la NEPA ou toute autre multinationale, elle n’aura plus besoin d’une intervention des Etats du Niger et du Nigeria pour fixer ses prix ; ce sera une opération purement commerciale guidée par le profit et le coût de production comme dans tout système libéral. Dans une telle situation, le citoyen nigérien classé le plus pauvre de la planète n’a aucune chance d’accéder à l’électricité vendue au prix de revient. C’est pour toutes ces raisons qu’il est hasardeux et irresponsable de poursuivre le programme de la privatisation des entreprises au Niger. Les autorités nigériennes doivent garder à l’esprit le sens de l’intérêt général. Le fait que la Nigelec soit mal gérée par M. Foukori Ibrahim ne doit pas justifier la braderie d’un patrimoine national qui, à notre avis, doit continuer à conserver son statut de société d’Etat, en attendant la réalisation des grandes infrastructures hydroélectriques comme le barrage de Kandadji, la société d’exploitation du charbon de Salkadamna et d’une centrale nucléaire dans le désert du Ténéré. Mieux que l’opportunité de la privatisation des entreprises nationales, ce qui préoccupe les consommateurs et les travailleurs, comme d’ailleurs tous les Nigériens, c’est la manière patrimoniale et cavalière 61

« Itinéraire d’un combat ! »

dont nos sociétés sont gérées avec la déprédation en toile de fond du tissu économique. Et cela, comme si en dehors de quelques caciques du pouvoir (qui en général ne sont pas des professionnels du domaine), d’autres nigériens ne sont pas compétents pour diriger au mieux les sociétés d’Etat. A y regarder de près, en dehors des shows médiatiques auxquels ils se livrent quotidiennement, certains dirigeants des entreprises nationales, en réalité, n’apportent aucune facilité dans la résolution des problèmes structurels auxquels ils sont confrontés. Par exemple, pour une société d'électrique, l’on doit admettre que seul un spécialiste de l’électricité peut maîtriser les tenants et aboutissants. Il ne s’agit donc pas d’un simple problème de commercialisation d’un produit que n’importe qui, doté de quelques bribes de sciences économiques, peut maîtriser. Ceux qui veulent procéder à l’exercice diabolique de poursuite du programme des privatisations au Niger, doivent savoir qu’ils ne nous convainquent pas davantage. Ils doivent impérativement tenir compte des intérêts du Niger. Avec l’expérience des privatisations des premières sociétés, il ressort que toute privatisation n’est rien d’autre qu’une braderie, une liquidation et un gâchis énorme sans contrepartie. Pratiquement, c’est même une façon détournée d’escroquer des biens communs de l’Etat et de la Nation. A la limite, c’est un vol organisé par les dirigeants et leurs complices. Généralement, les biens bradés se retrouvent dans les mains de la clientèle politique. Tout compte fait, la politique de privatisation menée tambour battant par nos dirigeants et leurs maîtres, à savoir des institutions internationales, ne relève que d’une vaste supercherie tendant à spolier les pays pauvres comme le Niger de ses maigres ressources et autres patrimoines, de façon à le maintenir dans le giron de la générosité internationale. Pour se faire, il faudrait des réformes adaptées aux besoins des populations et surtout des réformes engagées sur les politiques publiques. A l’évidence, une transparence dans la gestion des entreprises publiques et une adéquation entre le personnel de celles-ci et les postes qu’ils 62

Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées

occupent, permettraient sans doute de réduire durablement la pauvreté que de poser un débat inopportun sur la privatisation. Cette forme d’escroquerie vise simplement à transférer les gains d’une infrastructure nationale, qui fait le bonheur et la fierté des Nigériens à des intérêts privés étrangers. La suite est bien comprise, les travailleurs seront mis en masse à la porte, parce que dit-on, « nous ne savons pas gérer », que les nouvelles sociétés privatisées le feraient mieux. Voilà une nouvelle qui ne devrait pas réjouir les usagers. L’impact immédiat sera la hausse vertigineuse des coûts des produits et services, puisque se traduiront inévitablement par des hausses très importantes pour les clients, particuliers comme entreprises, avec des conséquences non seulement sur la compétitivité des entreprises mais aussi sur l'emploi au Niger. Les raisons cachées visent à renforcer les capacités des sociétés privées pour qu’elles puissent assurer, sur le long terme, la continuité du service public. En réalité il s'agit d’un démantèlement d’entreprises nationales qui ont longtemps résisté à la privatisation. Dans notre environnement marqué par de graves et longues coupures d'électricité qui affectent une bonne partie du pays l’Etat doit développer d’abord l’accès aux paisibles citoyens. Il faut s'attendre à l'augmentation de façon démesurée des factures pour permettre aux repreneurs de développer une capacité d’autofinancement. Quand même le gouvernement aurait un œil de verre, il doit éviter de prendre de telles mesures, qui sonneraient comme un coup de tampon officiel venant entériner la morosité économique dont plus personne ne pourrait nier. Les temps sont difficiles, mais rien ne justifie cette décision du moment où les prétendus repreneurs n’arrivent jamais à améliorer les conditions de vie. Crions halte à ces privatisations avilissantes et dénonçons les pilleurs de l'Etat. Il est grand temps et de façon définitive que nos sociétés de souveraineté ne tombent plus sous la loi de l’argent.

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Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani9 ?

Le Président Diori Hamani recevant les honneurs des Forces Armées Nigériennes (FAN)

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ans la matinée du 15 avril 1974, le Lieutenant-colonel Seyni Kountché, en s’emparant du pouvoir par un putsch militaire déclarait avoir mis fin à « 15 ans de règne jalonné d’injustices, de corruption, d’égoïsme et d’indifférence à l’endroit du peuple », et annonçait la suspension de la Constitution, la dissolution de l’Assemblée Nationale, et la suppression de toutes les organisations politiques et para-politiques.

. article publié dans le N°004 du mensuel Nigérien Energie pour Tous en date du 10 mai 2007

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« Itinéraire d’un combat ! »

Le Président Diori en poste depuis l’indépendance en 1960 est mis aux arrêts. Le 17 avril, Seyni Kountché se nomme Chef de l’État et prend la tête du Conseil Militaire Suprême (CMS) comprenant un Cabinet de 12 officiers de l’armée. La mauvaise gestion de la sécheresse et la signature, le 22 mars 1974, d’une entente de défense mutuelle entre le Niger et la Libye auraient précipité l’action des militaires à 72 heures de la signature d’une convention minière entre le Niger et la France sur le prix de l’uranium. Dans le souci de comprendre la vérité des faits, nous avons mené une enquête sur la vente de l’uranium du Niger, principale ressource minière du pays dont le monopole est détenu par la France. On savait déjà que la France était en sérieux désaccord avec le régime de Diori Hamani sur les négociations uranifères. Face à sa détermination de tirer profit de son uranium, toutes les conditions étaient réunies pour les militaires de s’emparer du pouvoir d’Etat. Une semaine après le putsch, l’Ambassadeur français écrivait à son Ministre des Affaires Etrangères, Michel Jobert : « Nous devons certes regretter le Président Diori, en dépit des difficultés qu’il nous a parfois causées… » Les vraies motivations du coup d’Etat n’ont pas été dites par les auteurs et co-auteurs. Le 13 avril 2007, avec l’augmentation en continu du prix du pétrole, l’intérêt manifesté par les pays nantis pour l’énergie de substitution produite à partir des centrales nucléaires, et donc par le truchement de l’uranium, la question de la révision du prix de ce minerai extrait du sous-sol nigérien refait subitement surface. Poursuivant sa politique d’amélioration des ressources internes de l’Etat, le Gouvernement a attribué six permis de recherches minières, respectivement au groupe Français Areva INC et à Niger Ressources INC, une filiale à part entière du groupe Canadien Orezone INC. Après les Chinois, les Indiens, les Sud-Africains, c’est le tour du géant mondial Areva de bénéficier de nouveaux sites après ceux d’Arlit et d’Akokan. La compagnie Areva se trouve certainement soulagée, après s’être inquiétée de l’arrivée 66

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

des Chinois dans la zone Nord du Niger, une zone désertique très prometteuse en matière d’indices de pétrole, d’uranium, de gaz naturel, de charbon minéral et d’or. A la demande des divers partenaires de notre pays, 41 permis de recherches ont été accordés par le Ministère des Mines et de l’Énergie. Ce regain d’intérêt pour nos ressources minières donne ainsi raison à feu Diori Hamani, Président de la première République du Niger qui, de 1960, année de l’accession du pays à l’indépendance, à son renversement le 14 avril 1974, a lutté d’arrache-pied pour obtenir l’exploration et l’exploitation du soussol nigérien au mieux des intérêts de notre peuple. A cette époque marquante de l’histoire de notre pays, tout le monde savait qu’au regard de la fragilité de l’État du Niger, M. Diori Hamani prenait de grands risques vis-à-vis de la France, ex-puissance coloniale qui, de tradition, agit dans le secteur de l’uranium, considéré comme sa chasse gardée. Cependant, le Président Diori ne sous-estimait pas les conséquences pour la survie de son régime. Pour le Chef d’État Nigérien, confronté déjà aux effets néfastes d’une sécheresse inhabituelle et à la détérioration des termes de l’échange entre les pays nouvellement indépendants et leurs tuteurs européens, il fallait maintenir les exigences minimales face aux Français, parce qu’il y va même de la survie du peuple nigérien. En effet, le Président Diori est convaincu que la diversification des partenaires dans l’exploitation de l’uranium permettra au Niger de réaliser son décollage économique et social, compte tenu des contraintes de tout genre auxquelles est confronté le pays, dont la faiblesse des recettes internes. Pour ce faire, il multipliera les initiatives pour contourner principalement les obstacles dressés par les textes et les intérêts égoïstes de la France. En raison de sa fidélité sans faille aux Autorités de Paris, il croira possible de garder sa position inflexible face à la révision de l’accord sur les ressources minières, afin d’obtenir finalement ce qu’il pensait être dû à la République du Niger. Mais c’est sans connaître l’état d’esprit, les sautes d’humeur, les susceptibilités et les 67

« Itinéraire d’un combat ! »

capacités de nuisance réelles de ses interlocuteurs. Au moment où on s’y attendait le moins parce que la France était dans un processus électoral, le Président Diori sera renversé par le Lieutenant-Colonel Seyni Kountché, Chef d’État-major des forces armées. Celui-ci est intervenu pour remettre de l’ordre, à quelques heures de la réunion décisive qui devrait aboutir au rehaussement du prix de l’uranium nigérien et gabonais. A l’origine, un accord-butoir de défense en date du 24 avril 1961 liait trois des pays membres du Conseil de l’Entente et la France. Cet accord régissait les relations franco-nigériennes en matière d’uranium. Son annexe stipule que « La République du Niger, du Dahomey et de la Côte d’Ivoire facilitent au profit des forces armées françaises le stockage des matières et produits stratégiques. Lorsque les intérêts de la défense l’exigent, elles limitent ou interdisent leur exportation à destination d’autres pays ».

Ainsi, à l’époque de la loi-cadre, le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), qui devrait devenir plus tard Cogema et ensuite Areva, avait entrepris plusieurs campagnes de prospection. Ces recherches minières confirmaient dès 1959 l’existence de gisements exploitables à Azelik et à Madaouela dont la richesse en uranium métal était respectivement évaluée à 4.000 et 6.500 tonnes. Dans le cadre de cette prospection au Niger, le CEA et le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) découvraient le site d’Arlit avec des réserves sûres de 20.000 tonnes d’uranium métal. Dès confirmation de cette découverte, le Président Diori harcèle les autorités françaises. Il se plaint de la lenteur administrative française et multiplie les correspondances. Dans l’une d’elles datée du 25 janvier 1967 et adressée à M. Couve de Murville, Ministre des Affaires étrangères, il insiste pour « que ces ressources nouvelles soient exploitées sans tarder ». Dans sa réponse, le Ministre du Général de Gaulle lui donne l’assurance que « la construction des installations nécessaires à l’exploitation débutera dès la fin de l’année 1967 ». Une fois que cette mise en exploitation est garantie, le Président Diori passe au palier suivant. Il cherche maintenant à accroître les profits provenant de 68

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

l’uranium. Là, les choses se compliquent : il s’aperçoit bien vite que les Français ne sont guère prêts à lui faciliter la tâche. Le Président Diori sait que le CEA a perdu plusieurs milliards de francs français, suite à des erreurs de jugement, de tâtonnements et d’errements dans le choix qui a conduit la compagnie à n’avoir comme leitmotiv que la rentabilité de la filière nucléaire. De fait, le CEA se bat pour restreindre les retombées fiscales pour le Niger. Le CEA chercha à bénéficier de l’exonération de la taxe spécifique sur les carburants, à obtenir une baisse de 50% de l’impôt sur le bénéfice industriel et commercial et sur la taxe ad valorem. Les Français se croient même en droit d’intervenir en faveur de leurs prestataires de services afin d’obtenir l’exemption de la taxe sur le chiffre d’affaires de 13%. Ils s’acharnent à imposer leur point de vue, tout en admettant que la suppression de cette taxe priverait quand même le Niger de 500 millions de Francs des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA) de rentrées fiscales pour un budget national de l’ordre de cinq milliards de FCFA. Le Président Diori se montre d’autant plus scandalisé qu’il ne cache pas sa colère dans ce combat France-Niger. Il s’oppose à la prétention du CEA de se réserver 100.000 actions de la Somair (Société des Mines de l’Air) à titre gracieux. Il en discute avec M. Jacques Foccart, en qui il a encore confiance, et lui demande d’intercéder en faveur du Niger. Mais deux jours plus tard, c’est la déception totale. Dans une lettre en date du 15 novembre 1967, M. Foccart relève, d’entrée de jeu, que les « redevances minières, combinées à un régime fiscal avantageux, assureront au trésor nigérien des revenus non négligeables dès le démarrage de l’exploitation ». M. Foccart ajoute que le CEA a « demandé et obtenu le bénéfice de 100.000 actions d’apport représentant 500 millions de francs CFA pour compenser partiellement les dépenses engagées par lui au titre de la prospection minière au Niger ». Et M. Foccart de conclure brutalement : « Je suis convaincu que le Gouvernement du Niger a fait un bon choix et que toute modification des textes signés compromettrait dangereusement la constitution de 69

« Itinéraire d’un combat ! »

la société des mines de l’Aïr ». Une fin de non-recevoir lui a été violemment opposée sous le prétexte que c’est Areva qui est à la base de tout et non les Nigériens. Mais n’est-ce pas là le sport national français ? On constate ouvertement la mauvaise volonté des responsables français, d’autant plus que l’accord de défense du 24 avril 1961 reconnaît implicitement le caractère particulier et stratégique de l’uranium. S’agissant d’un produit sortant de l’ordinaire, il devrait être traité, raisonne le Chef d’Etat Nigérien, hors des normes strictement commerciales. Pour la France, un ravitaillement régulier et garanti devrait devancer toute autre considération. Le Président Diori, choqué, envoie de nouveau une note au Général de Gaulle pour mettre en relief cette caractéristique que certains s’obstinent à vouloir ignorer. « Cette affaire doit être examinée sur un plan plus général que celui de la simple rentabilité financière ». En conséquence, il demande au Général de Gaulle la négociation d’un protocole par lequel « le Niger garantirait à la France un approvisionnement prioritaire en uranium et la France garantirait au Niger une aide accrue dans le domaine du développement ». Il suggère la création d’un organisme commun nouveau. L’ambiance est à la fois joyeuse et décevante. Le Président Diori est convaincu de cet arrangement boiteux et prend son mal en patience. Un grand pas vient d’être fait selon ses maîtres à penser. La preuve sera faite sur le caractère particulier de l’uranium qui prime sur les considérations financières. Deux sociétés d’État, une Allemande, Urangesellschaft et une Italienne, l’ENI, expriment leur souhait de prendre des participations à la Somaïr. Pour pouvoir accéder au statut de partenaires de l’uranium, elles acceptent d’acheter, chacune, à leur valeur nominale, 52.388 actions et de consentir chacune un prêt d’un milliard de francs CFA à bas taux d’intérêt (remboursable en 15 ans avec un moratoire de cinq ans). Elles s’engagent de plus, individuellement, à acheter, à partir de 1974, et pendant dix ans, 125 tonnes d’uranium élément. Quand des sociétés de cette taille acceptent des conditions aussi 70

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léonines pour une rémunération de leur investissement, elles apportent la preuve incontestable que l’uranium est réellement un métal à contenu extra commercial. Elles illustrent ainsi de façon spectaculaire la thèse de Diori qui parle du caractère particulier de l’uranium. Mais le CEA ne paraît être impressionné, ni par ces faits et chiffres, ni même par l’attitude souple adoptée par le Général de Gaulle. Imperturbables, les Français poursuivent leur guérilla contre Diori. A Niamey, on a la désagréable impression que les responsables du CEA, au-delà de la notion de rentabilité, pensent que le Niger est déjà gâté par les avantages financiers concédés et devrait être reconnaissant à la France et au ciel de bien vouloir exploiter les richesses de son sous-sol. Dans un tel contexte, quoi d’étonnant qu’un malaise s’installe ? Les dirigeants du CEA se croient en territoire conquis et s’abstiennent de faire le moindre effort pour ménager l’amour-propre du vrai propriétaire des lieux. Ainsi, dans l’accord intervenu avec la société japonaise Ourd, on lit des phrases comme : « Attendu que le CEA dispose dans la région d’Arlit des droits… Attendu que le Niger désire être partie à cet accord ... » L’échec du référendum en France, le départ consécutif du Général de Gaulle et l’accession de M. Georges Pompidou à la présidence de la République offrent des perspectives nouvelles. Le Président Diori essaie donc une fois de plus de sortir des marécages des magouilles et des magouilleurs, pour s’extraire de l’orbite de l’aide et atteindre le niveau d’une coopération juste entre pays souverains. Dans une lettre datée du 20 octobre 1969, il réitère en conséquence son désir « d’une transformation profonde du caractère des rapports établis entre les deux pays ». Il veut que cesse « la coopération de type classique où le plus faible des partenaires reçoit avec gratitude ce que le plus fort lui donne généreusement ». Le Président Diori précise encore que « le concours accru de la France doit se révéler nettement substantiel pour assurer le décollage économique du Niger ». Dans sa réponse datée du 21 novembre 1969, le président Pompidou admet la nécessité de différencier « notre aide traditionnelle, 71

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commune à tous les pays francophones et la coopération particulière qui découle de nos accords sur la recherche et l’exploitation des mines d’uranium ». Reconnaissant « le caractère spécifique des relations franco-nigérienne pour le développement de la production d’uranium », il propose en conséquence que « les concours exceptionnels du Gouvernement français prévus par le protocole du 16 octobre 1968 pour la mise en valeur des gisements d’uranium » soient affectés au « fonds national d’investissements créé par le Niger ». Donc, Georges Pompidou, conscient de la nécessité de ménager l’amour-propre de son homologue, fait la distinction entre « l’aide », d’une part et les « concours », de l’autre. Il laisse prévoir, de plus, un accroissement substantiel de l’effort financier de l’Etat Français. Quelques mois plus tard, toujours soucieux de préserver l’autorité du Niger, le Président Diori essaie de gagner du terrain. Le 1er juin 1970, un accord avait associé la société japonaise Ourd au CEA et au Niger pour le développement du gisement d’Akokan. Le CEA s’était réservé 45,5% du capital et le Niger, sur son propre sol, n’avait pu acquérir que 32%. Le Président Diori chercha à rééquilibrer le poids des Etats Nigérien et Français au sein de la nouvelle société, mais en vain. En somme, cette coopération franco-nigérienne dans le domaine de l’uranium se développe dans un contexte de tension plus ou moins grandissante suivant les périodes et les interlocuteurs. Un Comité Technique Interministériel de l’Uranium (CTIU) avait été créé le 23 juillet 1968. Il se réunira 14 fois entre le 4 décembre 1968 et le 15 février 1974. Un protocole d’accord entre Niamey et Paris est signé le 19 novembre 1968, devant créer la Commission FrancoNigérienne de l’Uranium (CFNU) dont l’objectif est d’examiner « à leurs différents stades tous les projets de recherches et de développement des ressources en uranium du Niger et spécialement les concours extérieurs ». La commission se réunira une dizaine de fois entre février 1969 et octobre 1973. Certains responsables du CEA essayent de réduire le Niger à la défensive, et lui compliquent 72

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la riposte. En réponse à cette situation, le bulletin mensuel destiné aux journalistes « Perspectives Nigériennes » publie le tableau de l’évolution prévisible des recettes de l’uranium. Les chiffres, on ne peut plus modiques, ont été repris par la grande presse, ce qui a anéanti la propagande des Français à propos de leur prétendue générosité. Les autorités françaises ne pouvaient plus faire état du « pont d’or fait au Niger » ; de même, il devenait de plus en plus difficile de citer, sous forme de confidences, des sommes mirobolantes et de se plaindre de « l’ingratitude de Diori ». Face à l’attitude condescendante de certains dirigeants du CEA qui se voulaient aussi porte-parole de la France, des informations sont glanées dans la presse étrangère, mettant en relief l’anxiété des puissances industrielles. Dans cette inégale mais décisive guerre pour le destin du Niger, le Président Diori se confie longuement et de façon détaillée sur les problèmes de l’uranium à Jacques Baulin, son Conseiller de nationalité française. Il termine son exposé en disant : « Il est temps de s’atteler à l’étude du dossier de l’uranium, un dossier autrement important et même vital pour l’avenir du Niger ». A cet effet, un rapport succinct daté du 17 janvier 1972 est élaboré, dont l’original est remis au Président Diori. A cette époque, les prix du pétrole bougent déjà de façon notable. Le Financial Times de Londres titrait : « L’ère du pétrole bon marché est révolue ». Les puissances occidentales commencent à récolter les fruits amers de la convoitise des grandes compagnies pétrolières. Le prix de l’Arabian Light, brut de référence, est passé en 18 mois de 1,80 à 2,59 dollars le 1er janvier 1972. Au Niger, la sécheresse persiste et la famine s’étend à la quasi-totalité du pays. Les retombées financières de l’uranium s’avèrent décevantes. Au plan des relations franconigériennes, la tactique du lobby parisien semble prendre le pas sur l’optique du Président Pompidou. En tout cas, son Gouvernement manifeste des réticences. On hésite à Paris à placer le problème de l’uranium au plan des relations entre Etats, et les « concours » 73

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financiers espérés s’amenuisent d’autant. Le CEA pour sa part, en dépit des signes avant-coureurs que constitue l’arrêt de la baisse des prix du pétrole suivi de hausses graduelles, freine la production. A la réunion du 2 octobre 1971, son Directeur propose d’abandonner le projet de construction de la seconde tranche de l’usine de traitement destinée à porter la production annuelle de 700 à 1.500 tonnes. Le quotidien parisien Le Monde se fait l’écho de la déconvenue des autorités nigériennes : « Le Gouvernement nigérien, écrit-il, espère tirer de l’affaire quelque 20 millions de francs français par an. A Paris, on est donc plus soucieux de vendre que de produire. On pourrait craindre, dans ces conditions, que les Nigériens n’en viennent à accuser les Français de stériliser les richesses naturelles de leur pays ». Une mission est diligentée par Diori à Paris, il s’agit d’expliquer aux journalistes et hommes politiques que l’exploitation de l’uranium au Niger ne concourt pas à l’accroissement du bien-être matériel des populations et de les convaincre que toute cette affaire se joue, hélas, à l’étape préliminaire. C’est-à-dire, au moment de la signature de la convention d’exploration. Ainsi, le Gouvernement nigérien, désireux d’accélérer la prospection de son sous-sol, se trouve en position d’extrême faiblesse. Les responsables du CEA accusent les missionnaires de chercher à priver la France de l’uranium nigérien, alors que son objectif se limite à obtenir une rétribution équitable pour un métal à valeur très spécifique. Le Président Diori ne veut plus se faire « rouler, ni dribbler » par les dirigeants du CEA qui s’acharnent à vouloir rentabiliser les activités de leur organisme sur le dos du Niger. Lui se bat pour un peuple frappé de plein fouet par la sécheresse et la famine. Ces attaques, contre-attaques, parades et interventions prendront encore de l’ampleur et, contrairement aux espoirs de certains dirigeants du CEA, trouveront des oreilles attentives. Le Roi Fayçal d’Arabie Saoudite utilise la guerre israéloarabe du Kippour pour augmenter les prix du brut de référence. Circonstance particulièrement encourageante pour le Niger, quelques 74

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semaines après la hausse des prix du brut, le Gouvernement marocain se permet également de tripler le prix des phosphates. A son tour, il donne ainsi la preuve que d’une part, sur ce plan, le prix « du marché mondial » est un non-sens, et de l’autre, l’augmentation vertigineuse et brusque du prix du brut n’est nullement la conséquence d’une situation de monopole. Le Président Diori souhaite des réponses précises à des questions précises sur l’uranium. Il cherche à connaître la position exacte du Gouvernement Français, le nouveau rapport de force à l’échelle internationale, les perspectives et l’ampleur d’une éventuelle révision du prix du minerai, le coût, les modes de calculs possibles de ce prix. L’analyse politique de l’uranium s’avère aisée, tant ses données paraissent évidentes. Le renversement du rapport des forces entre pays industrialisés et pays producteurs se manifeste clairement avant la fin des combats entre Égyptiens et Israéliens. Le budget de la commission de l’énergie nucléaire américaine est augmenté de 44%, avoisinant le milliard de dollars. M. Charbonnel, Ministre du Président Pompidou, déclare à la tribune du Sénat français qu’« à l’état actuel des choses, c’est l’énergie nucléaire qui est le meilleur atout pour réduire la dépendance énergétique de la France ». Le groupe Péchiney-Ugine-Kuhlman annonce son intention « d’accroître rapidement la capacité de traitement de ses usines » pour la porter à 10.000 tonnes d’uranium avant 1978. Le Premier Ministre français, à l’époque M. Messmer, fait siennes les conclusions auxquelles est parvenu, huit mois auparavant, M. Jean Couture, Président de la commission consultative pour la production d’énergie nucléaire. Il y recommandait « la mise en service de 13.000 MW entre 1978 et 1982 », soit cinq fois plus que la totalité de la puissance installée en énergie nucléaire, et en service en 1973. M. Messmer va plus loin en décidant d’accélérer le rythme de lancement de la construction des centrales nucléaires et d’arriver aux 13.000 MW dès 1980. Donc, objectivement, l’uranium nigérien doit augmenter de prix pour la simple raison qu’à l’époque, le Niger comptait de 75

« Itinéraire d’un combat ! »

nombreux amis haut placés dans la société Electricité de France (EDF) comme dans deux Ministères techniques. Et ces amis font preuve de beaucoup plus de compréhension envers un pays pauvre ravagé par la sécheresse et la famine. Ils lui fournissent sans hésiter les éléments de calculs qui permettront, entre autres, d’arriver aux prix de revient comparatif de l’unité fuel et de l’unité atome. L’un des documents détaille le prix de revient du kWh nucléaire (0,75 cent américain, soit 1,875 francs CFA au taux de change du moment) et précise que la part d’uranium naturel consommé représente 3% de ce chiffre. Diori exprime son doute quant au sérieux des calculs de rentabilité du CEA en fournissant le prix de revient du minerai canadien avec une teneur trois fois plus faible, des difficultés d’exploitation énormes et des salaires très élevés. A Paris, d’autres amis du Niger fournissent d’autres paramètres de base qui permettent de remonter la filière et de préciser la valeur comparative des énergies d’origine nucléaire et pétrolière. A partir de là, la conclusion est tombée : sur la base de l’équivalence énergétique, une tonne de concentré d’uranium produit grosso modo autant d’énergie que 10.000 tonnes de pétrole, le prix actuel de la tonne de concentré d’uranium nigérien, soit 5.250.000 francs CFA rendu port européen, devrait être multiplié par 42 et atteindre donc 220.000.000 de francs CFA. Aussi, en partant du prix de revient du kWh fuel, on obtient pour les centrales nucléaires françaises, un coefficient multiplicateur de 13,60 et un prix plancher de 70.000.000 francs CFA comme prix de la tonne de concentré d’uranium. Dans ce contexte, le juste prix de la tonne de concentré d’uranium nigérien devait se situer quelque part entre 70 et 220 millions de francs CFA. Tout naturellement, le Président Diori cherche à établir des contacts avec des sociétés pétrolières ou minières américaines et scandinaves. A la même époque, les centrales nucléaires totalisent 2.500 MW, tandis que 2.500 MW sont en cours d’installation, sans compter les 13.000 MW dont la construction avait été lancée par le Premier Ministre français. Dans 76

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

cette perspective, il semble que les négociations entre les deux délégations, nigérienne et française, se dérouleront dans une atmosphère sereine et déboucheront rapidement sur un accord préservant les intérêts des deux parties. Mais il en sera autrement : les négociations seront d’autant plus dures que la mauvaise volonté des Français paraît évidente. Les dirigeants du CEA ne semblent pas conscients du changement du rapport de forces. Ils semblent, de plus, ignorer même les directives des plus hautes autorités de leur pays. Le Président Pompidou n’avait-il pas déclaré reconnaître en juin 1972 le droit des pays producteurs sur la propriété de leurs propres gisements ? M. Jean-François Deniau, Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, n’avait-il pas affirmé que « la France n’ait aucun intérêt à maintenir des pays en état de sous-développement économique » ? Sur leur lancée d’octobre 1972, les dirigeants du CEA continuent de considérer que « la coopération franco- nigérienne aboutit, pour l’uranium, à une aide colossale ». Alors que les prix du pétrole s’envolent, M. Beulaygue, Directeur Général de la Somair désigné par le CEA, est reçu par le Président Diori, le 30 Janvier 1974. Il annonce froidement à Diori que les prix de vente de l’uranium étant fixés trois années à l’avance et eu égard à la hausse du prix du soufre et du fuel, il faut s’attendre à une hausse du prix de revient de l’uranium, donc à une baisse de leur profit commercial. Cette position paraît on ne peut plus incongrue à M. Taranger, Directeur des productions au CEA, donc Chef hiérarchique de M. Beulaygue. Il se voit alors obligé d’écrire le 6 février à M. Noma Kaka, Ministre nigérien chargé des mines, sans faire la moindre concession dans l’immédiat. Il relève que M. Beulaygue « connaît très mal les mécanismes commerciaux ». Dès le 4 février, le Président en parle à M. Jean-François Deniau, venu à Niamey dans le cadre de la 10ème réunion de la CFNU. Le Président fait comprendre à son interlocuteur qu’il ne peut accepter le point de vue de M. Beulaygue. Le 12 février, il écrit au Président Pompidou. Il y relève d’abord que « la crise 77

« Itinéraire d’un combat ! »

mondiale de l’énergie a conduit la plupart des puissances à faire un inventaire précis de leurs ressources dans ce domaine et à réexaminer leur politique économique et industrielle et parfois même, leurs relations internationales ». Si le Niger suivait M. Beulaygue, ajoute-til, les espoirs qu’il a placés dans l’uranium « se trouveraient réduits à néant au moment même où d’autres pays fournisseurs de matières énergétiques voient s’accroître d’une manière spectaculaire leurs revenus financiers et, par suite, leurs espoirs d’un développement extrêmement rapide ». Le Président Pompidou, alors dans la phase finale de la maladie qui devait l’emporter, lui répond le 7 mars. Sa lettre est empreinte de son cadre naturel : une revalorisation de l’uranium lui paraît normale. Il se montre sensible à la volonté du Niger « de contribuer à la sécurité de notre approvisionnement en uranium » et propose une négociation tripartite franco-nigérogabonaise. Face à cette position gênante, le CEA fait semblant de donner son accord pour une meilleure rémunération de l’uranium nigérien, à la condition que l’État français soit le payeur. Cette optique nouvelle se manifeste dès le 15 février 1974, à la réunion du comité technique interministériel de l’uranium, par une déclaration de M. Taranger. « L’uranium nigérien étant pour la prochaine décennie indispensable à l’essor énergétique français », le Gouvernement français se trouve donc « contraint de faire un effort accru et important en ce qui concerne l’aide à apporter au Niger ». Quant aux taxes, elles doivent être réglées par le CEA. « Il ne devrait pas être revenu sur ce qui a été écrit », déclare M. Taranger. Quelle sera l’ampleur de l’apport français ? « L’aide totale et souhaitable devrait atteindre, ditil, quelques dizaines de milliards par an pour permettre au Niger de décoller économiquement ». Donc, selon M. Taranger, l’uranium nigérien étant indispensable à la France, il propose que le Gouvernement français prenne à sa charge, sous forme d’une contribution de plusieurs dizaines de milliards de Francs CFA par an, le financement des livraisons d’uranium nigérien. En clair, le 78

Photo Archives ONEP

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

Le Président Diori Hamani accueillant le Président Français Georges Pompidou le 22 janvier 1972 à Niamey

Gouvernement français et le CEA sont d’accord sur la nécessité d’augmenter dans des proportions considérables le prix de l’uranium nigérien, mais divergent sur celui d’entre eux qui doit régler la facture. La « conférence Franco-Nigéro-Gabonaise » s’ouvre le 23 mars 1974 à Niamey. D’entrée de jeu, les Chefs des délégations nigérienne et gabonaise « ont exposé à la délégation française que si le métal produit ne pouvait être considéré sous l’aspect commercial, elles n’entendent pas discuter pour le moment. Le chef de la délégation nigérienne, M. Boubou Hama précise encore que la production du seul Niger, soit 1.000 tonnes par an, équivaut à 10 millions de tonnes de pétrole se traduisant par une économie en « devise de l’ordre de 150 milliards de FCFA et un allègement de dépenses pouvant être estimé de 80 à 100 milliards de FCFA ». Face aux Africains, la délégation française conduite par M. Guéna, Ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat refuse d’envisager la prise en compte de ces deux paramètres fondamentaux de la problématique de l’uranium nigérien. La France refuse de « s’engager dans une évaluation de 79

« Itinéraire d’un combat ! »

l’uranium par comparaison au pétrole sur le plan énergétique », s’obstine à ignorer le facteur « devises étrangères » et se déclare tout juste prête « à réexaminer le prix actuel du métal et à étudier un accroissement de l’aide ». C’est une négation à la fois des dernières positions et du Président Pompidou et du CEA. En effet, ces déclarations sont faites dans l’objectif de créer une épreuve de force entre les deux délégations. Avant la suspension de séance, un mémorandum pour le lendemain est proposé par les Français. Le Président Diori comme un lion en cage, demande de porter l’affaire sur la place publique, d’officialiser la position française, de relever ainsi la contradiction criante entre les déclarations des officiels à Paris et les agissements de leurs représentants. Le moment semble d’autant plus propice au Président Diori qu’à New York, l’Assemblée Générale des Nations Unies débattra du problème des matières premières énergétiques et autres. Or, dans cette discussion, la délégation française apparaît comme le champion incontesté d’une juste rémunération des matières premières et même d’une stabilisation de leur prix. Une seconde séance de travail a lieu en début de soirée, mais la délégation française s’accroche à sa thèse : elle se refuse à donner une surprime à l’uranium nigérien, car affirme son porte-parole, le KWh nucléaire produit en France à partir de ce métal coûterait alors plus cher que son équivalent allemand, par exemple. Obnubilée par le concept de prix du marché mondial, la France veut aussi ignorer que, comme dans l’affaire du pétrole, les autres producteurs d’uranium aligneraient immédiatement leurs prix sur ceux du Chef de file. Durant cette séance ça coince de nouveau. M. Boubou Hama, Chef de la délégation nigérienne, rappelle que « la petite ville de Saint Laurent des Eaux reçoit 300.000.000 F par an pour avoir permis l’installation sur la Commune d’une centrale nucléaire ». Il ajoute que le CEA avait prévu, dans le calcul du prix de revient d’une de ses centrales, une redevance annuelle de 1,5 milliard de francs CFA aux 896 habitants de la Commune de Fessenheim. Comment croire que les Nigériens ne soient pas ulcérés en comparant 80

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

ces données avec le milliard de francs CFA que reçoit leur pays pour l’exploitation de leur patrimoine minier ? Dès la fin de la seconde séance, les Présidents Diori et Boubou se retrouvent. Le Président Diori ne comprend pas le double langage. Le lendemain, M. Guéna remet un mémorandum aux délégations du Niger et du Gabon. C’est ainsi que les deux parties se lancent à fond dans une course contre la montre. De l’avis de plusieurs observateurs le mémorandum français est basé sur des attendus très peu conformes à la vérité. Ainsi les prix de revient du KWh nucléaire et thermique sont qualifiés de théoriques, alors que celui du KWh thermique avait été communiqué par un très haut responsable de l’EDF. On y relève encore que, si des centrales nucléaires et thermiques fonctionnaient 1.850 heures au lieu de six à sept milles, les prix du KWh seraient égaux. Les auteurs du mémorandum affirment même que l’extraction de l’uranium de l’eau de mer coûterait quatre fois moins cher que le prix demandé par les Nigériens. Ce qui est inexact. « Ces considérations de caractère objectif et chiffré » une fois énumérées, le mémorandum relève les points suivants : « La tendance récente à l’amélioration du prix de l’uranium dans les transactions internationales permet d’escompter une revalorisation du prix de l’uranium africain ». La délégation française affirme la volonté de la France de faire bénéficier les producteurs nigériens et gabonais des meilleures conditions qu’il est possible d’obtenir sur le marché. Elle se déclare prête à étudier avec le Niger et le Gabon les moyens d’exercer une action commune tendant à la revalorisation des prix internationaux de l’uranium. L’augmentation prévue de la production du Niger exercera également des effets positifs sur les recettes. En somme, pour accroître leurs recettes, Nigériens et Gabonais auraient tout intérêt, selon le Ministre Guéna, à tabler sur une revalorisation de l’uranium au niveau du marché mondial et sur la prise en considération par Paris du caractère spécifique de l’uranium. M. Guéna, sans se rendre apparemment compte du caractère humiliant de son offre, propose une avance sur marchandises. En effet, selon 81

« Itinéraire d’un combat ! »

le mémorandum, « Le Gouvernement français est disposé à faire bénéficier dès 1974 le Niger et le Gabon, par anticipation, d’une partie des revenus attendus de la revalorisation de l’uranium ». Le Niger et le Gabon présentent un contre-mémorandum, pour eux; « en dehors des paramètres calculables, il en est d’autres plus importants qui ne relèvent pas du calcul, c’est-à-dire l’indépendance économique de la France, la garantie de pouvoir satisfaire à ses besoins énergétiques, une économie substantielle de devises à l’égard de l’étranger, le renforcement de la zone franc et enfin la solidarité des trois pays qui, dans une politique concertée, représentent 15% du marché mondial de l’uranium ». Les représentants africains demandent « à la délégation française si elle est disposée à ouvrir la négociation sur les bases de l’apport énergétique du Niger et du Gabon à l’économie française ». M. Guéna, furieux, répond qu’il n’a pas mandat pour de telles négociations. Les pourparlers sont alors « suspendus », et il rentre d’urgence à Paris où on parle d’ « ingratitude » et même de « trahison ». Le 27 mars, M. Georges Pompidou est évacué pour sa maladie. Malgré son état, il adresse une lettre relevant que le Gouvernement français se trouve « maintenant clairement et totalement informé de la position commune des Gouvernements Nigérien et Gabonais », à savoir qu’ils « sont intimement convaincus de ce que les problèmes de l’uranium, de par leur dimension planétaire, exigent d’être placés au plan commercial ». Six jours plus tard, le Président Diori se résout à une ultime démarche diplomatique. Il demande donc la reprise des négociations Franco-Nigéro-Gabonaises « à Niamey, au plus tôt » et sur les bases précitées. Dans une note datée du 2 avril 1974, il est rapporté à M. Diori de tenir compte de la loi du marché et de se rendre compte qu’il peut y avoir épreuve de force. Le Gouvernement français affirme que « l’économie de marché est désavantageuse » pour le Niger, « mais on n’y peut rien », s’il s’agit de multiplier par trois ou quatre le prix de l’uranium, « on pourrait discuter», «mais le Président du Niger demande beaucoup ». A partir de là, les 82

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

évènements se précipitent : Georges Pompidou meurt le 2 avril 1974. Il est inhumé le 4 avril dans la stricte intimité ; le surlendemain, une cérémonie solennelle à sa mémoire réunit à Notre-Dame de Paris une vingtaine de chefs d’Etat. Le Président Diori, présent aux obsèques, rentre précipitamment au Niger le 9 avril. Pour l’endormir, il est informé de l’arrivée d’une délégation française qui sera conduite par M. De Lipkowski ; qu’elle arrivera à Niamey le 18 avril 1974 au matin pour reprendre les négociations. Le Président Diori, appela aussitôt Adou Adam, Préfet d’Agadez au téléphone et lui envoie son avion de commandement, piloté par François Wright pour le transporter. L’avion quitte Niamey, le samedi 13 avril pour Agadez. Le Président Diori le reçoit le jour suivant, c’est-à-dire le dimanche 14 avril. Il était avec lui jusque dans les environs de 12h45. Il lui dit, « tu me fais tellement parler que je risque de rater les informations », et l’invite à sortir de son bureau parce, disait-il « J’ai peur des micros. Avec la tension qu’il y a entre moi et les français, ils peuvent me mettre des micros ». Ils sont sortis du salon présidentiel en direction de la grande terrasse où se font les réceptions du palais. Il lui dit, « Je t’ai fait venir à cause des négociations que nous allons reprendre avec les français sur l’uranium. On vient de m’annoncer que c’est l’un de mes amis français qui va conduire la délégation française et il va venir avec un chèque. Je t’ai appelé pour te dire que si les négociations n’aboutissent pas à un accord, dans l’intérêt du Niger, nous nationalisons la Somaïr ».

Adou Adam lui répond : « Nationaliser la Somaïr ? » Diori réplique : « C’est l’intérêt du Niger qui prime ... ». Il ajouta, « Je dis, si les négociations n’aboutissent pas, on pourra aller à ce point ». En se quittant le Président Diori lui dit, « Il faut voir le Commandant Sani Souna Sido pour te ramener demain lundi à Agadez ». Ils se sont séparés peu avant 13 h. A vingtdeux heures, le Commandant Sani Souna Sido, Chef d’Etat Major Adjoint, sur instruction du Lieutenant Colonel Seyni Kountché, arrive au palais présidentiel s’assurer que le dispositif mis en place pour renverser Diori, fonctionne normalement. A l’époque il était 83

« Itinéraire d’un combat ! »

le seul officier sur qui Diori faisait confiance. Sani Souna Sido était autorisé à rentrer au palais présidentiel à n’importe quelle heure. Il divertit Aissa Diori, la première dame. Vers deux heures du matin des bruits assourdissants des crépitements d’armes réveillent toute la famille. Des blindés entrent dans le palais. Le Président Diori Hamani prend son téléphone et constate que la ligne est coupée. A l’époque une ligne téléphonique spéciale reliait la chambre du président à l’ambassade de France, et un plan d’évacuation du Chef de l’Etat, baptisé « opération cheval noir », était prévu en cas d’urgence. Deux membres de la famille, Sani et Koireyga, sont touchés. Ils succombent sur le champ. Le fils du Président Diori, Moussa est ensuite blessé. Son frère Moumouni tente de le relever et crie : « Maman, Moussa est blessé » ! Aissa Diori sort précipitamment de sa chambre les mains vides. Avant d’apporter le moindre secours à son enfant elle reçoit cinq balles tirées par le sergent Niandou qui l’achève d’un coup de baïonnette. Aissa Diori se vide lentement de son sang et rendit l’âme. Au bas de l’escalier, se trouvait le corps d’un garde de corps, le sergent Badjé. Plus loin, le corps de Moussa Kao. Au cours de cette sanglante soirée, quatorze personnes sont mortes selon le communiqué officiel. L’acteur du coup d’État, Seyni Kountché, soutient la thèse selon laquelle la Première Dame avait été touchée par une balle perdue. Le lundi 15 avril 1974, les Nigériens se sont réveillés avec un coup d’Etat militaire. Le corps de la Présidente Aissa Diori fut transporté par la junte militaire à Doutchi, situé à 300 km de Niamey. A l’aérodrome, les membres de l’équipage refusèrent de retourner à Niamey sans leur civière. Le corps de Aissa qui devait être acheminé dans un véhicule 4x4 à Togone, le village de sa mère, Sadjo, fut déposé par terre. M. Adou Adam, n’a pu rejoindre son poste à Agadez que le jeudi après la fin des opérations militaires. Le Président Diori avait programmé de partir pour New York le 20, au lieu du 19 avril 1974 pour la conférence des Nations Unies. Ce putsch écarte le Président 84

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

Diori du pouvoir à moins de 72 heures de la reprise des négociations Franco-Nigéro-Gabonaise, elles-mêmes se situant à 48 heures de son départ pour l’ONU où il prendra part à un débat sur les ressources naturelles. Le Président Diori est donc opportunément chassé du pouvoir par Seyni Kountché, ancien officier de l’armée française, ayant servi en Indochine et en Algérie. De toute évidence, l’on savait déjà que certains milieux parisiens avaient opté pour la chirurgie, au cas où Diori devenait encombrant et gênant. Le Président Gabonais, lui, ne constituait pas d’obstacle, car on savait que la mine de son pays devrait être fermée. La France disposait à l’époque d’une base militaire à Niamey, où stationnaient 450 hommes, une force de frappe suffisante pour contrecarrer les plans de l’armée nigérienne, ainsi qu’un cadre juridique qui lui aurait permis d’intervenir, comme elle le fit en 1964 au Gabon. Mais, le contingent de l’armée française qui est censé protéger le régime de Diori était lui préoccupé par la fête de pâques et son patron se trouvait en villégiature au parc national du W, lorsque les unités de l’armée nigérienne qui étaient parties de Zinder et d’Agadez avaient investi les différents sites stratégiques de Niamey. L’unité de l’Armée française n’avait pas son Chef sur place et, compte tenu du flottement politique en France du fait de la mort de Pompidou, et de l’intérim assuré par le Président du Sénat, M. Alain Poher, il a été impossible de décider une intervention des soldats français, évoque-t-on officiellement. De plus, leur camp était déjà encerclé avant minuit par des éléments des Forces Armées Nigériennes (FAN) camouflés et en position de combat. Après les événements, on apprend que les discussions qui ont eu lieu la nuit du coup d’Etat à Paris, autour du Président par intérim M. Alain Poher et en présence de Yves Guena, Chef de la délégation française, chargé de négocier le prix de l’uranium avec les parties nigérienne et gabonaise, s’étaient terminées par une nonintervention des troupes françaises basées à Niamey. Dès lors, le sort du régime Diori est définitivement scellé et la cause entendue. 85

« Itinéraire d’un combat ! »

Le Conseil Militaire Suprême (CMS) qui a pris le pouvoir, avec pour Président le Lieutenant-colonel Seyni Kountché et pour Viceprésident le Commandant Sani Souna Siddo, a trouvé une manne de trois milliards de francs CFA dans les caisses de l’Etat, soit le tiers du budget national. Il relance immédiatement le dossier des négociations sur l’uranium, et obtient une amélioration moindre du prix, mais qui est finalement substantielle pour un pays meurtri par les séquelles de la sécheresse persistante et la famine. « Comment les Français, qui étaient partout à l’époque, dans toutes les administrations nigériennes, dans l’armée, dans les renseignements, ont-ils pu ne pas être au courant » ? Certes, personne n’ignore la mésentente qui s’est installée depuis des mois entre Paris et Niamey, à cause aussi de la guerre du Biafra, de la Libye et du Canada. Le premier point de friction fut, entre 1967 et 1970, le conflit du Biafra : alors que la France et avec elle des pays africains comme la Côte d’Ivoire soutenait activement la sécession du Nigeria, Diori Hamani prit position sans ambiguïté pour le Gouvernement fédéral du Nigeria, selon M. Issa Boubé, un de ses proches collaborateurs. Ensuite, à l’époque les relations avec le Canada fournirent un véritable terrain d’affrontement entre le Niger et la France. Deux enjeux étaient en cause : d’une part, l’ouverture à l’aide canadienne est perçue par certains milieux politiques français comme une trahison ; d’autre part, le refus de Diori de participer à la stratégie gaulliste de soutien aux indépendantistes du Québec. C’est ainsi que le Président Diori, déterminé à obtenir un prix bien plus élevé de l’uranium et à s’allier, pour ce faire, à Omar Bongo du Gabon est renversé le dimanche 15 avril 1974. Dans une de ses passes d’arme, le Colonel à la retraite Idrissa Harouna déclarait à la radio Ténéré FM de Niamey que, « Le CMS a pu obtenir par la suite une multiplication par cinq du prix de l’uranium ». Les visites fréquentes au Niger de Mme Anne Lauvergeon et la prise de conscience des citoyens nigériens, représentent maintenant les meilleures conditions pour la révision du cadre de coopération minière 86

Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ?

nigéro-française. Les conséquences de ce coup d’État honteux et scandaleux risquent de se faire sentir pendant longtemps au Niger car les relations entre civils et militaires ne sont pas évidentes… Cependant, ce coup d’État a ceci de fondamentalement différent de ce qu’on a l’habitude de voir chez nos voisins immédiats : il a été décidé au sommet de l’État-major, par tous les officiers des Forces Armées Nigériennes y compris l’homme de confiance du Président Diori ! C’était la meilleure stratégie pour renverser le régime et ne pas mettre en péril le projet des commanditaires construit sur la base d’une entente avec l’ancienne métropole, confortée par les multiples accords de défense ou de coopération technique, et les conseillers expatriés très présents dans les casernes. Il a mis à nu la trahison de certains officiers et a ouvert la porte à un renforcement de la dictature, qui en profitera pour imposer davantage son programme de gardien des intérêts français dans les mines d'uranium. Toutefois, ce n’est pas très étonnant, car l’objectif est de faire taire les consciences et de mettre le pays et ses populations sous coupe réglée sans rien résoudre sur le terrain. Dès lors, au Niger le caractère apolitique des militaires reste très théorique. Aussi, cette intervention s’inscrit vraisemblablement dans la continuité de la colonisation. A fortiori, en démocratie, une intervention militaire, ne résout aucun problème des citoyens, bien au contraire. D'ailleurs, depuis l’intrusion des militaires en politique la norme est plutôt devenue l’exception. Curieusement, les conséquences de cette intervention militaire sont dévastatrices pour la démocratie pire que le mal, avec la liquidation d’une centaine de sociétés d’Etat. Ces événements et mutations qui ont conduit à la chute du régime de Diori Hamani doivent être considérés comme des leçons de notre histoire économique et politique récente, pour qu’elle ne se répète plus en Afrique !

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Photo Rabiou Malam Issa

Electricité au Niger : Le Devoir De Conscience S’impose10 !

Manifestation contre les coupures d’électricité à Niamey

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’énergie électrique constitue un des fondements de la croissance économique. Depuis des années, les installations de la société nigérienne d’électricité (Nigelec) montrent un grave déficit dans la fourniture électrique. Dans un contexte de fortes demandes sociales en termes d’accès au service électrique, cette situation impacte négativement sur l’économie nationale. Pour qu’un pays se développe, il lui faut maîtriser ses moyens de production énergétiques. Face aux . (Article publié dans le N°005 du mensuel Nigérien Energie pour Tous en date du 22 juin 2007)

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« Itinéraire d’un combat ! »

coupures électriques, nous n’avons d’autres choix que faire pression sur l’équipe gouvernementale qui vient d’être mise en place. Longtemps attendue, la composition du troisième Gouvernement de la deuxième mandature du Niger est enfin rendue publique le samedi 9 juin 2007. Un Gouvernement jugé pléthorique de trentedeux membres appelé à gérer un pays où les habitants ont à peine un revenu d’un dollar par jour. Dès lors, les Nigériens ont l’attention retenue par les priorités que s’est fixé le Premier Ministre, Seyni Oumarou dans sa déclaration de politique générale à l’Assemblée Nationale, après avoir prêté serment sur le livre saint de sa confession. Les préoccupations des Nigériens sont bien définies par la nouvelle équipe et ont pour noms : école, insécurité dans le Nord et campagne agricole. Curieusement, la question énergétique ne fait pas partie de ses priorités alors même que la situation est devenue préoccupante. Qu’est-ce à dire ? S’il est patent de constater que l’électricité n’est offerte qu’à une infime partie de la population nigérienne (10%), il faut alors admettre que la situation doit progresser au plus vite pour répondre à l’attente de tous. Le nouveau Gouvernement doit se convaincre de l’impérieuse nécessité de garantir l’accès à l’électricité qui fait défaut dans plusieurs villes et villages de notre pays. A cet égard, notre déception reste grande face au manque d’empressement des sociétés productrices, et malgré les négociations laborieuses engagées et menées à terme entre le Gouvernement et la société civile sur la baisse du prix du kilowattheure. Il faut se convaincre que l’accès à l’électricité relève principalement de la volonté des différents responsables du secteur à prendre en considération les souhaits exprimés par les populations. Les responsables actuels paraissant comme les freins et contraintes à la résolution du problème, il nous faut donc des cadres disposés à prendre en compte les doléances de nos populations, et intrinsèquement aptes à leur donner satisfaction. C’est pourquoi le Gouvernement doit placer la question du remplacement des responsables de l’électricité parmi ses priorités. 90

Electricité au Niger : le devoir de conscience s’impose!

Le développement économique et social de notre pays ne peut se faire sans faciliter l’accès à l’énergie. Tout visiteur qui arrive à Niamey par un vol de nuit réalise très vite l’urgence d’une amélioration de la satisfaction des besoins. La capitale Niamey est une ville qui a énormément besoin d’éclairage public, comparativement à beaucoup d’agglomérations africaines. Le voyageur qui débarque la nuit à Niamey pourrait penser être dans une ville en état de siège ou sous couvre-feu. Pour tout dire, la nuit, Niamey offre l’image d’une cité en ruine. La plupart des habitants vivent dans la psychose, du fait d’une insécurité permanente la nuit, caractérisée par les agressions, les vols, les cambriolages ou autres accidents de la circulation. Ce qui irrite de nombreux Nigériens, ce sont les coupures d’électricité intempestives qui paralysent et perturbent leurs activités de jour comme de nuit, surtout en période de grandes chaleurs. Dans certains quartiers, les coupures sont quotidiennes et en cascades, provoquant divers dégâts sur les équipements électroménagers et autres matériels électriques. Ces coupures sont aussi préjudiciables aux activités industrielles et commerciales, puisque le manque d’électricité avarie les produits frais, les rend impropres à la consommation, et préjudiciables à la santé humaine. Cette situation lourde de conséquences doit interpeller le Gouvernement sur l’incapacité réelle de la direction de la Nigelec à gérer la production et la distribution de l’électricité. A la Nigelec, il n’y a plus d’investissements. En plus, la société n’a aucun égard pour sa clientèle, et il ne faut pas espérer non plus un dédommagement en cas de dégâts. De rares excuses semblent être la panacée pour calmer le courroux des abonnés pour les désagréments subis. Les populations ne comprennent pas non plus pourquoi elles paient des factures trop élevées. Ce sont là quelques aspects de la triste réalité que vivent les Nigériens. Tant d’inconvénients sont inconcevables dans une société évoluée. Par comparaison, en France, les coupures d’électricité sont extrêmement rares, c’est-à-dire exceptionnelles. Selon les résultats d’une enquête que nous avons réalisée dans la ville de Niamey, dans 91

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo ADO Issoufou ONEP

le domaine de l’accès à l’électricité, sur un échantillon de 2.000 abonnés vivant dans tous les quartiers et de tous les milieux et origines, il ressort que 85% des enquêtés considèrent qu’il se produit trop de coupures au Niger. Une deuxième enquête de terrain a mis en évidence l’utilisation massive du bois-énergie. Plus de 80% des personnes enquêtées disent avoir utilisé le bois comme moyen d’énergie. Aucune personne n’utilise l’énergie solaire. Moins de 60% des habitants de Niamey ont accès à l’énergie électrique. Pour bien comprendre la réalité de la situation, les autorités doivent se demander quelle est la différence entre le secteur électrique nigérien et celui des autres pays ? Dès lors, il est difficile de comparer notre situation à celle de la France, pays colonisateur. Cette situation permet toutefois de voir l’urgence de la situation en Afrique et au Niger en particulier. Par exemple, la France est dotée de 58 centrales nucléaires et les États-Unis de 103, alors que le Continent africain n’en possède que deux centrales nucléaires. La centrale de Koeberg située à 30 km au Nord de la ville du Cap en Afrique du Sud opérée par la société

Installation électrique de la Nigelec

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Electricité au Niger : le devoir de conscience s’impose!

Eskom et la centrale d’Anshas qui est une centrale nucléaire expérimentale située dans un centre de recherche à la périphérie du Caire dans le Delta du Nil en Egypte. Le Congo a été le premier pays africain à se doter d’un réacteur nucléaire : c’était en 1950, et le réacteur a été arrêté dans les années 1970. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud est le seul pays du Continent africain à être doté d’une centrale nucléaire en activité, dotée de deux réacteurs. Toutefois, la production de cette centrale est limitée et elle ne permet de couvrir que 6,6% des besoins en électricité du pays. De plus cette centrale est vieillissante : elle date déjà des années 1980. L’Afrique entame à peine sa route vers la création de son parc nucléaire. La France reste le pays le plus dépendant du nucléaire (78,5%). Ses besoins en uranium nigérien vont en crescendo pour faire fonctionner ses centrales. Avec la relance de ce minerai, dans moins de 10 ans, le Niger sera classé 1er producteur mondial, lorsque sa production atteindra plus de 10.500 tonnes au cas où la mine d’Imouraren serait mise en service. S’agissant de la vision globale de la situation, dans un ouvrage intitulé « La question énergétique au Sahel », l’auteur Jean-Paul Minvielle constate que : « la totalité de la consommation d’énergie des neuf pays sahéliens membres du Comité Inter-Etats de Lutte Contre la Sécheresse au Sahel (CILSS), à savoir : Burkina Faso, Cap-Vert, Gambie, Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad, ne représentent que 1% de celle de la seule agglomération Newyorkaise » ! Une disparité aussi criarde ! Mais, il n’y a rien de surprenant lorsqu’on se rend à l’évidence que les États-Unis consomment à eux seuls 25% de l’ensemble de l’électricité consommée dans le monde. La France, elle, en représente 3%, autant que l’ensemble de la consommation du Continent africain. Au Niger, que penser de la campagne d’électrification dans le monde rural confiée à la Nigelec et dont le maître d’œuvre est le programme spécial du Président de la République ? Les rares électrifications rurales sont retransmises avec fanfare sous forme de publi-reportages par quelques médias 93

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bien ciblés. Elles sont l’occasion d’organiser d’importantes cérémonies en présence des autorités nationales et régionales (Députés Nationaux, Maires, Gouverneurs, Chefs Traditionnels, Préfets). Ce show médiatique est toujours placé sous le parrainage de l’Administrateur Délégué de la Nigelec, M. Foukori Ibrahim, qui est le vrai maître de cérémonie, même en présence du Ministre de tutelle. Ces électrifications rurales, présentées comme une œuvre sociale du Président de la République et de l’Administrateur Délégué de la Nigelec en faveur des populations déshéritées sont dénoncées par les Nigériens comme étant un détournement de fonds publics pour servir des intérêts privés. C’est pour cela que ce programme d’électrification rurale semble nettement privilégier certaines localités au détriment des autres pour des raisons purement électoralistes. Tout compte fait, malgré tous les bruits et vacarmes faits tout autour de quelques réalisations à caractère propagandistes, l’électrification rurale reste actuellement embryonnaire et le taux d’accès des ménages à l’électricité est de l’ordre de 7% en 2005, mais croît à un rythme moyen de 0,34% par an (source : Système d’Informations Énergétiques au Niger). Par conséquent, le nouveau Gouvernement doit retenir que le taux d’accès à l’électricité du Niger est à peine quantifiable hors des villes où vivent plus de 75% des populations. En 2005, le taux d’accès à l’électricité dans les villes était de 41%, alors qu’il était de 0,28% dans les zones rurales. De même, la consommation annuelle d’énergie électrique par habitant est environ de 80 kWh alors qu’elle s’élève à plus de 1650 kWh en Afrique Australe. Toutefois, cette situation d’urgence en matière de couverture électrique ne concerne pas seulement le Niger. Il y a peu de temps, d’autres pays ont connu une situation bien pire. Mais grâce à la volonté politique et à la détermination de leurs gouvernants, cette situation a été nettement améliorée dans un temps record, si bien que le malaise et les désagréments vécus sont devenus pour les consommateurs de lointains souvenirs. Il appartient donc aux 94

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autorités de notre pays de s’inspirer consciencieusement de cet exemple pour changer les choses dans le bon sens, c’est à dire faciliter l’accès de tous à l’énergie. A titre illustratif, en 2001 la consommation d’électricité en Afrique était de 469 Térawatt-heure (sachant qu’un Twh représente un milliard de Kwh), contre 482 Twh en France et 3906 Twh aux États-Unis. En 2005, le Niger consommait 402 Gigawattheure (Gwh), soit 0,08% de la consommation totale de la France ou de l’Afrique, (le GWh est une unité d’énergie correspondant à mille millions (1.000.000.000) de watts heure ou un million de kilowattheures). Au 31 mars 2007, on comptait exactement dans la ville de Niamey 71.463 abonnés à la Nigelec. Pour procéder au payement de sa facture d’électricité, un abonné doit se déplacer dans l’une des cinq agences réparties dans la ville. La répartition par agence représente un peu plus de 14.000 abonnés pour satisfaire en moyenne 500 clients par jour. Au-delà de l’éloignement du lieu où l’abonné doit se rendre tous les mois, il est évident qu’il existe un autre problème de prestation de services, voir les longues files d’attentes des clients qui viennent régler leur facture devant les guichets de la Nigelec. Cependant, après les négociations Gouvernement/société civile, la Nigelec a décidé de prendre des dispositions pour augmenter le nombre de centres de règlement de factures. Cette proposition retenue à l’occasion de ces négociations mérite d’être concrétisée dans les meilleurs délais. L’audit de la gestion de la Nigelec doit suivre pour s’informer des éléments qui entrent dans le cadre de la fixation du prix du kilowattheure, le coût de production de l’électricité et des économies que réalise la Nigelec. De nombreux Nigériens envient la qualité des prestations de service offertes par Électricité de France (EDF) plus précisément celles qui concernent l’accès à l’électricité et au paiement des factures de consommation. Outre la multiplication des centres de payement, il est offert aux clients de se faire prélever automatiquement tous les deux mois, le montant de leurs factures sur leurs comptes bancaires 95

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sans avoir à n’effectuer aucune démarche. Il faut noter qu’à cet effet il a été proposé à la Nigelec de signer des contrats de partenariat avec les banques de la place pour permettre aux abonnés de payer leur facture d’électricité à partir de leurs comptes bancaires. Au Niger, il n’existe rien de tel et c’est pour cette raison que la société civile, par la voix du CODDAE, réclame l’ouverture des agences de payement à la Nigelec, en particulier pour mieux desservir les quartiers périphériques. Par exemple atténuer les souffrances des abonnés du quartier Aéroport dont les habitants dépendent de l’agence B3 située dans le quartier Nouveau Marché. Il est urgent d’éviter à certains habitants de parcourir plus de 10 kilomètres pour régler une facture d’électricité. Aussi, l’arrivée prochaine des producteurs indépendants sur le marché de l’électricité nécessite la création d’une entité indépendante pour gérer le transport et les flux d’énergie. Le Niger a déjà choisi l’accès des tiers au réseau comme modèle d’organisation du secteur. L’accès des tiers au réseau qui est un principe de régulation des réseaux consiste la garantie à un accès équitable et transparent au réseau pour les producteurs et les grands comptes dont les distributeurs et les consommateurs. Par ailleurs, la mauvaise prestation de service de la Nigelec entraîne une autre pratique désagréable, à savoir le nombre impressionnant des coupures pour retard de règlement de factures. Cette suspension de la fourniture d’électricité prend un caractère absurde au vu des données de la Nigelec. Au mois de mars 2007, pour 71.463 abonnés en basse tension, facturés, que comptait la capitale, on dénombrait 10 210 suspendus. Pourquoi tant de suspensions ? La Nigelec invoque les montants élevés des impayés. Au Collectif pour la Défense du Droit à l’Énergie (CODDAE), nous avons estimé que les délais de paiement sont courts au regard de la faiblesse des revenus des citoyens. Ces fréquentes interruptions d’énergie dans les ménages provoquent aussi l’exaspération des agents de la Nigelec eux-mêmes qui ont l’impression de perdre leur temps à couper le courant le matin pour 96

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le remettre dans l’après-midi pendant que certains des clients étaient justement en train de régler leur facture. Ces opérations agacent les clients qui dénoncent les frais de pénalité de 1.500 FCFA qu’ils doivent payer à la Nigelec avant d’obtenir la remise en service de la ligne électrique. En fin de compte, c’est un sentiment d’hostilité et de suspicion qui s’installe entre la population et la Nigelec, que certains surnomment « la Coupelec ». Il faut reconnaître que cet état de fait est inadmissible pour une société d’Etat qui détient 94,7% du capital. Le but premier d’une société publique n’est-il pas de mettre ses prestations à la portée de tous sans autre considération ? Au Niger avec la Nigelec, il en va autrement. Un client résidant en banlieue ou en périphérie de la ville doit prendre à sa charge les frais d’installation des fils électriques et poteaux jusqu’à son domicile. Mais trois ans après s’être acquitté de tout, ce matériel redevient automatiquement patrimoine de la Nigelec. En tous cas, aberration ou arnaque, l’appropriation des installations des particuliers au bout de trois ans apparaît pour beaucoup comme une spoliation flagrante et une injustice. En même temps, le prix de la mise en service de la ligne et le raccordement, en plein centre-ville, sont élevés et rédhibitoires pour de nombreuses familles économiquement faibles. L’une des conditions majeures à réaliser pour faciliter l’accès de tous à l’électricité au Niger semble être la baisse du prix du kilowattheure. C’est là une prérogative qui appartient au seul Gouvernement, si bien sûr il perçoit le bien-fondé de cette réduction. La sagesse du Premier Ministre, Seyni Oumarou doit nécessairement amener son Gouvernement à en faire une de ses priorités ou même la priorité de ses priorités, car il en va du mieux-être des Nigériens, ainsi que du développement économique et social de notre pays. C’est cela la principale revendication de la société civile dans le secteur de l’électricité. La Nigelec déclare ne pas avoir les moyens financiers du fait du coût élevé du programme de l’électrification rurale. Quoi qu’il en soit, le kilowattheure est actuellement vendu à 79 FCFA par la 97

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Nigelec, alors qu’en France, il est vendu à 0,1074 euro, soit 70 FCFA. Faut-il encore remettre ces chiffres dans leur contexte, puisque le pouvoir d’achat des Nigériens et des Français est très différent. D’après l’UNICEF, le revenu national brut par habitant au Niger en 2005 était de 240 dollars, alors qu’en France, il était de 34.810 dollars. C’est dire en d’autres termes que le revenu national brut du Français est 145 fois plus élevé que celui du Nigérien. On saisit mieux alors la réalité de la situation et l’urgence de celle-ci, car les prix sont indéniablement trop élevés pour le Nigérien pour que l’électricité devienne un bien commun et non plus un produit de luxe. En particulier, la mise en place de solutions de production hybrides et le développement progressif de mini-réseaux locaux pourrait s’avérer plus adaptée aux contraintes économiques et démographiques. Nous osons croire que le Gouvernement est sensible face aux urgences et aux carences. Il sera à l’écoute des besoins et attentes de la population nigérienne dans sa demande pressante en fourniture d’électricité. Nous dirons à ce propos que toute solution en ce domaine demande au préalable la réorganisation de la Nigelec afin de placer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. A partir de là, il revient au nouveau Gouvernement de s’y atteler. Par conséquent, la Nigelec ayant pratiquement atteint la franchise de production accordée dans le cadre de sa concession, il devient urgent de renforcer sa production par la mise en service de nouveaux ouvrages, la réhabilitation de certains ouvrages existants, l’achat d’énergie auprès de producteurs indépendants et éventuellement la location d’équipements pour faire face aux situations d’urgence. Il importe donc de poursuivre ce travail de sensibilisation sur les thématiques de l’accès à l’électricité et sur la mise en œuvre des projets ambitieux que le Niger ne peut réaliser sans l’assistance de la communauté internationale.

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Photo ADO Issoufou ONEP

Encore une fois l’uranium trouble le sommeil d’un Président au Niger11

Le Président Tandja Mamadou, le PM Seini Oumarou, le PAN Mahamane Ousmane et Mme Anne Lauvergean, Présidente du groupe Areva à l’inauguration de la mine d’uranium d’Imourarèn

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a sécheresse de 2007 a provoqué la famine au Niger. Les détournements des stocks d’aide alimentaire sont décriés par les populations. Pour faire face à cette insécurité alimentaire qui menace plusieurs millions de personnes, le Président Tandja Mamadou exige des Français la revalorisation du prix d’achat de l’uranium. Dès lors, les relations entre Areva et le Niger se détériorent et tournent à la .(Article publié dans le N°006 du mensuel Nigérien Energie pour Tous en date du 6 août 2007)

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crise lorsque le groupe français est accusé de soutenir la rébellion armée organisée par le Mouvement Nigérien pour la Justice (MNJ). Les mêmes causes produisant les mêmes effets dans les mêmes conditions de pression et de température, tout comme l’intransigeance du Président Diori Hamani face à la France sur le prix de l’uranium, un autre bras de fer surgit entre le groupe Areva et un Président qui exige la renégociation des tarifs de son minerai. L’histoire nous enseigne que le dossier des ressources minières et de l’uranium en particulier, a toujours été un sujet sensible et délicat au Niger. Les négociations se déroulent généralement dans une ambiance tendue et finissent sur plusieurs rebondissements. Lorsque les autorités nigériennes affirment solidement leur volonté d’obtenir une revalorisation des revenus de l’uranium, la réponse du groupe Areva a été de menacer les dirigeants du pays ou fermer les mines de Somaïr et Cominak. Chaque fois que le Niger tente de se faire respecter, la France défend ses intérêts et n’hésite pas à démontrer qu’elle reste et demeure le maître des lieux. On ne peut trouver mieux comme témoignage dégouttant d’un pays classé premier partenaire. Quand j’avais publié pour la première fois l’article « Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime du Président Diori Hamani » ? dans le numéro quatre du mensuel Energie Pour Tous, en date du 10 mai 2007, je n’ai reçu des autorités aucun témoignage d’encouragement, alors même qu’affluent les appels téléphoniques et messages écrits des citoyens qui saluent le travail abattu à cet effet pour faire jaillir la vérité. Ce travail visait à éclairer l’opinion nationale et internationale de la position stratégique de l’uranium nigérien pour le développement économique et social de notre pays. Contre toute attente, l’histoire nous a-t-elle donné raison en si peu de temps ? Des voix sans doute « téléguidées » commencent à s’élever pour décrier l’accord scandaleux sur l’uranium conclu entre le Niger et ses partenaires. De quoi est-il question ? Dix pays extracteurs d’uranium détiennent 94% de réserves mondiales. Les principaux gisements se trouvent 100

Encore une fois l’uranium trouble le sommeil d’un Président au Niger

en Australie, Afrique du Sud, Niger, Namibie, Gabon, Congo, Russie, Ouzbékistan, Kazakhstan, Canada et États-Unis. En 2001, la production mondiale d’uranium atteignait 45.103 tonnes, dont 34 % provenant du Canada, un des géants producteurs de ce minerai. Les réserves mondiales atteignent 2516 milliers de tonnes réparties comme suit : Australie (26 %), Kazakhstan (17%), Canada (12%), Afrique du Sud (9%), Brésil (6,4%), Namibie (5,7%), Russie (5,5%), États-Unis (4,1%), Ouzbékistan (3,6%), Mongolie (2,4%), Ukraine (1,7%), Niger (1,2%) et l’Algérie (1%). Depuis plusieurs mois, semblet-il les mines du Canada sont inondées. Ainsi, les regards se tournent vers le Niger, pays qui recèle d’importants indices d’uranium, dont les réserves exactes ne sont pas encore connues. Cela explique les multiples demandes de permis de prospection enregistrées par le Gouvernement nigérien. On estime que la production nigérienne d’uranium, qui est actuellement de 3.500 tonnes, sera bientôt multipliée par trois pour atteindre quelque 10.500 tonnes. Pour ne pas donner au Niger une image d’un grand pays minier au sous-sol riche de plusieurs minerais, mais dont la population est très pauvre et très endettée, ses dirigeants ont distribué à tour de bras des permis de recherche et de prospection de l’uranium et du pétrole, dans le Nord du pays. Ces autorisations ont été accordées facilement à tous les pays étrangers ayant introduit leur demande (Chine, Canada, Inde, Afrique du Sud, Australie, et bien sûr la France, premier partenaire), et qui se sont en même retrouvés dans le secteur de l’uranium. L’on a l’habitude de dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu. En effet, il est rapporté qu’une pénurie mondiale d’uranium se produira à partir de 2015, ensuite ce minerai sera exploité au maximum en 2025. La production chutera pour entraîner une diminution relative de la production d’électricité d’origine nucléaire considérée comme une énergie propre. Le combustible nucléaire prendra ainsi une importance croissante en raison de la loi de l’offre et de la demande, ce qui fera grimper en l’occurrence le prix de l’uranium. C’est 101

« Itinéraire d’un combat ! »

pourquoi la consommation mondiale d’uranium est actuellement de 67.000 tonnes par an, pour une production annuelle de 42.000 tonnes, soit un déficit de 25.000 tonnes. Ce déficit est comblé par le prélèvement sur les importants stocks civils et militaires constitués par les principaux pays consommateurs. Selon les pronostics, les réserves seront épuisées en 2015. C’est dire qu’à partir de 2015, il sera difficile de satisfaire toutes les demandes mondiales en uranium, si les recherches et prospections entreprises actuellement de par le monde ne débouchent pas rapidement sur la découverte de nouveaux gisements. Déjà, ces derniers temps où la pénurie n’est pas encore effective, du moins pour les grands pays qui ont encore des stocks, on a constaté une multiplication du prix de l’uranium par cinq en trois ans. Du fait de l’arrivée sur le marché de nouveaux prétendants à la construction des centrales nucléaires, on estime que cette tendance à la hausse s’accélère. Devant cette situation, plusieurs solutions ont été envisagées, dont la mise au point d’une technologie plus performante et moins dépendante en combustible nucléaire. Malheureusement, les études montrent que dans un proche avenir les nouvelles technologies nucléaires ne seront pas à point. Le Président français M. Nicolas Sarkozy, lors d’une conférence de presse à Libreville, après un entretien avec le Président gabonais, M. Omar Bango, a déclaré que « Le Niger est un pays important pour nous, puisque c’est l’un des principaux producteurs d’uranium militaire, d’où la présence d’Areva sur place ». A cette occasion, il a promis de se pencher sur le dossier Areva d’exploitation de l’uranium du Niger. En tant que quatrième producteur mondial d’uranium, le Niger ne peut donc qu’aiguiser l’appétit des pays en quête de l’uranium. Il faut rappeler que la société des Mines de l’Air (SOMAIR) fut créée en 1968 à la demande des français au moment du boom de l’uranium, considéré comme un produit stratégique, pas un produit marchand comme aujourd’hui. A l’époque, le Président Diori Hamani avait nommé M. Adou Adam, Sous-préfet de l’arrondissement d’Arlit, création. 102

Encore une fois l’uranium trouble le sommeil d’un Président au Niger

L’usine d’Arlit venait de démarrer fin 1968 début 1969. En février 1971, à l’inauguration de la sortie du premier kilogramme d’uranate, le Directeur Général de la SOMAIR, un français, avait refusé que le Sous-préfet de la localité mette le drapeau nigérien à côté du drapeau français sur le site de l’usine en construction sur le sol nigérien. Pour marquer l’autorité de l’Etat, Diori Hamani a donné 48 heures au Directeur Général de la SOMAIR pour quitter le Niger. Ensuite, dans le cadre des négociations sur l’uranium, le Président Diori disait aux français, « Je ne peux pas me contenter d’une petite aide budgétaire pour mon pays qui produit ce dont vous avez besoin » rapportait M. Adou Adam. Grâce à certains de ses amis, Diori Hamani savait tout l’intérêt que revêt l’uranium. Avec un kilogramme, on pouvait produire la même énergie qu’une tonne de pétrole. Il a souvent rétorqué aux français que « Le Niger apporte son aide au développement énergétique de la France, moi aussi mon pays a besoin de se développer ». Cette ligne de conduite n’a pas plu aux autorités françaises qui se conduisent toujours comme « maîtres des lieux ». Chaque fois que les autorités nigériennes essaient de rappeler la France à l’ordre, le groupe Areva fait monter la tension. En 1972, M. Adou Adam était arrivé à Niamey pour des raisons administratives. Lorsque Diori Hamani a su, il l’a appelé à la présidence pour lui dire « Prépare-toi, demain on va se rendre à Arlit. C’est là-bas que je vais passer mes vacances. Je ne vais pas aller en France. Compte tenu de la situation, je vais subir des pressions que je ne peux pas supporter ».

Diori Hamani a séjourné à Arlit pendant 10 jours. Il n’avait que son aide de camp, le Colonel Kimba Kollo et deux gardes de corps. Tous les soirs, il allait sur les dunes de sable où il jouait son golf. En 1974, la Cominak voyait le jour, à Akokan. Actuellement, sur le marché mondial, les cours de l’uranium sont au plus haut niveau : 122.000 Francs CFA le kilogramme, annonçait le Premier Ministre, M. Seini Oumarou, lors d’une rencontre à la Primature de la République du Niger avec une délégation de la société civile conduite par M. Nouhou 103

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo ADO Issoufou ONEP

Mahamadou Arzika, Président de la Coalition Équité Qualité contre la vie chère au Niger. Mais, dans le cadre des contrats à long terme, sur le marché international, le kilogramme d’uranium est vendu entre 80.000 et 85.000 F CFA. Pour le Président Tandja, désormais entre Areva et le Niger, le partage de l’uranium nigérien doit être « moitiémoitié », et le pays vendra sa part du produit à d’autres acquéreurs autres que la France. Cette décision est difficile à avaler par les français. A cette époque, Areva achète toute la part du Niger, au prix de 27.300 francs CFA le kilogramme, conformément aux termes d’un contrat qui expire à la fin de l’année. Le Président Tandja estime qu’une révision exceptionnelle de ce contrat s’impose. Cette dure épreuve est la même que le Niger a connue au lendemain du 12 janvier 1994, date de la dévaluation du FCFA. Pendant que tous les pays de la zone CFA exportateurs de divers minerais se frottaient les mains, le Niger ne tirait aucun profit de son uranium. C’est ainsi qu’à l’issue des entretiens séparés avec les principaux leaders politiques nigériens, Mahamadou Issoufou, Sanoussi Tambari Jackou, Cheffou

Fût d’uranium à Arlit

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Encore une fois l’uranium trouble le sommeil d’un Président au Niger

Amadou et Moumouni Adamou Djermakoye, le Président Tandja a opté pour une diversification des partenaires en matière de prospection et d’exploitation des ressources minières. Une option accueillie avec hypocrisie par le principal partenaire, en l’occurrence Areva. Aussi, faudrait-il rappeler que nombreux sont les Nigériens qui s’interrogent sur le montant des recettes que rapporte réellement la vente de l’uranium à notre pays. La production du Niger avoisine 3.500 tonnes par an. Mais que représentent réellement les dividendes alloués au Niger ? Le Premier Ministre Seini Oumarou, connu pour son calme et sa pondération tout en adoptant une attitude optimiste dira « Que rien ne sera comme avant ! ». Si l’on se réfère au terrible taux de mortalité dans les mines d’uranium de Kerr McGee dans les années 50-60, dont les conditions de travail étaient probablement meilleures qu’ici au Niger, cela signifie que les compagnies minières ont signé l’arrêt de mort de milliers de mineurs Nigériens dans les années à venir. L’entreprise Kerr-McGee, fondée en 1929 est un groupe énergétique originaire de l’Oklahoma (États-Unis) impliqué dans la prospection et la production de pétrole brut, de gaz naturel, de perchlorate et d’uranium. Au Niger, le changement de politiques minières doit passer d’abord par l’amélioration de la participation de l’Etat nigérien au capital des sociétés exploitantes. Curieusement, les partenaires étrangers détiennent les parts majoritaires, assurent la gestion et tirent les meilleurs profits. L’Etat du Niger détient seulement le tiers du consortium SOMAIR. La COGEMA, filiale du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), devenue AREVA détient la grosse part. Des parts moindres sont détenues par la société allemande Urangesellschaft (6,5%) et la société italienne AGIP (6,5%). La société française Areva NC est donc l’opérateur principal des sociétés Somaïr et Cominak qui exploitent une série de gisements d’uranium situés sur la bordure Ouest du massif de l’Aïr. Depuis sa création en 1971, la Somaïr a produit plus de 40.000 tonnes de minerai exploité à ciel ouvert avec une teneur d’environ deux 105

« Itinéraire d’un combat ! »

kilogrammes d’uranium par tonne. Quant à la Cominak, elle a produit près de 48.000 tonnes d’uranium depuis sa création en 1978. Du fait de la profondeur des mines (250 mètres), les gisements sont exploités en souterrain. Leur teneur moyenne est de 4.5 à cinq kilogrammes d’uranium par tonne de minerai. Aujourd’hui, la production totale d’uranium au Niger dépasse le chiffre symbolique de 100.000 tonnes. Compte tenu de l’importance de cette production, Mme Anne Lauvergean, Présidente du Directoire Areva a visité le Niger en novembre 2006. L’exploitation de l’uranium du Niger, combustible indispensable à la sécurité énergétique des Français au XXIème siècle, engendre plusieurs conséquences sur la vie des populations locales. Ces menaces doivent être appréhendées bien entendu, et réduites par l’adoption d’un « Code de conduite » et une « gouvernance de l’uranium » visant à concilier la sécurité humaine et le développement durable, c’est-à-dire une extraction minière tenant compte de la protection de l’environnement, de l’intérêt des populations et même de la sécurité internationale car l’uranium sert aussi à fabriquer des armes à destruction massive. Il faut nécessairement projeter une révision des conventions de partenariat entre le Niger et la France. Déjà en 1972, lors de la visite du Président de la République française, Georges Pompidou, le Niger a posé cette exigence. Mais compte tenu que le Niger demeure une zone où l’influence française règne pratiquement sans rivale, rien de nouveau à l’horizon. Tout de même, le Niger continue à entretenir avec la France un tissu de liens sentimentaux, culturels, économiques, monétaires et politiques. La rencontre entre les Présidents Pompidou et Diori, a porté sur la nécessité d’une révision des accords de coopération élaborés en 1961. A l’époque, le Chef de l’Etat français, tout en reconnaissant le devoir des nantis d’aider les sous-développés, n’éprouve apparemment nulle hâte à revoir des relations qui donnent satisfaction aux intérêts français. Les années passent et cette mesure sera prise par le Gouvernement, si tant il a pu avoir le courage. Le marché de l’uranium 106

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reste en ébullition et en pleine croissance, mais point de retombées significatives pour le Niger. Ce dossier est toujours préoccupant et peut prendre des tournures imprévisibles. Le Président Tandja en est conscient. Comme le disait le Général Seyni Kountché, dans l’environnement géopolitique où se trouve la République du Niger, son Chef d’Etat ne doit jamais dormir profondément, il doit avoir toujours un œil ouvert. Lorsque la rébellion armée du Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) surgit, plongeant le Nord dans l’insécurité du fait de ses attaques, nombre de nigériens ont estimé que ces évènements auront des conséquences importantes sur l’évolution de la politique minière, autant au niveau de la diversification des partenaires que des retombées économiques et financières. S’exprimant courant mai 2007, le numéro un du MNJ, M. Aghali Alambo, déclarait au reporter du journal Le Monde : « Nous ne voulons pas créer un Etat indépendant. Nous exigeons seulement un meilleur partage des richesses de l’uranium. Les Touaregs n’en profitent pas ». Le 25 juillet 2007, la crise dans le Nord prend une autre dimension avec l’expulsion du Directeur Général d’Areva, M. Dominique Pin, précédée de celle du chargé à la sécurité M. Gerard, accusés de complicité avec la rébellion armée. Ces mesures interviennent après un mois de suspension infligée par le Conseil Supérieur de la Communication (CSC) à Radio France Internationale (RFI), accusée de manquer d’objectivité dans le traitement de l’information, et de chercher à tout prix à favoriser la rébellion du MNJ. Un organe nigérien de presse écrite, Aïr Info, écope également d’une suspension, les journaux l’Événement, l’Opinion, Libération et le Démocrate reçoivent des mises en demeure. Pour certains analystes, il s’agit là d’une manœuvre dissuasive du Gouvernement nigérien pour impressionner la société Areva, afin de faire monter les « enchères » sur l’uranium, sachant que le contrat liant les deux parties arrive à terme le 31 décembre 2007. Pour le Niger, les négociations doivent aboutir entre autres à une revalorisation du prix. En attendant, le Gouvernement poursuit 107

« Itinéraire d’un combat ! »

la diversification par l’octroi de permis d’exploration à d’autres compagnies étrangères. Les aspects économiques et financiers du dossier uranium ne sont pas les seules préoccupations de l’époque. Déjà, en avril 2005, Areva dévoilait les conclusions d’un audit sur la surveillance environnementale et l’impact radiologique de l’exploitation des mines d’uranium d’Arlit sur les populations locales. Conduit par l’organisme français IRSN (Institut des Risques et de la Sûreté Nucléaire) en partenariat avec le ministère des Mines du Niger et le Centre National de Radioprotection Nigérien. Cet audit a débouché sur une meilleure prise en compte de la santé des mineurs et de la population locale installée autour des mines d’uranium. Areva a aussi décidé de mettre en place un observatoire épidémiologique au Niger. Mais le ministère de la santé nigérien traîne les pas dans la mise en œuvre de ce projet. En observant ce qui se passe, nous ne pouvons que penser à l’atmosphère dans le pays peu avant le congrès du PPN-RDA, en avril 1974, à celle qui prévalait pendant la première rébellion de 1991 et la cohabitation pendant la troisième République, dirigée par M. Mahamane Ousmane. C’est certainement en connaissance de cause et après avoir mesuré la portée et les conséquences d’une telle politique, que le Président Tandja Mamadou et son Premier Ministre ont opportunément opté pour la fermeté dans l’exploitation des ressources minières tant convoitées par l’extérieur. En cela, ils sont soutenus par la plus grande partie de la communauté nationale. Comme le disait le Général de Gaulle : « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Et pour l’intérêt stratégique, beaucoup de dirigeants de ce monde n’hésiteront pas un seul instant à user de tous les moyens pour parvenir à leur fin. L’on peut dire sans risque de se tromper que pour le Président Tandja et les patriotes nigériens, tous ces troubles que nous observons ne sont que la partie visible d’un vaste complot international contre le Niger pour des intérêts uranifères. Tout est destiné à faire du cas de notre pays un exemple pour décourager les autres pays faibles, riches en 108

Encore une fois l’uranium trouble le sommeil d’un Président au Niger

ressources naturelles stratégiques. Récemment, répondant à une invitation des autorités françaises, Mme Aichatou Mindaoudou, Ministre des Affaires étrangères, s’est rendue à Paris pour s’entretenir avec son homologue français, afin de tenter de renouer le dialogue entre Areva et le Niger. Il s’agit spécifiquement de régler le contentieux entre les autorités nigériennes et Areva sur l’expulsion de responsables de cette société. Le communiqué rendu public dit que l’entretien s’est bien déroulé, et que les relations entre le Niger et la France sont au beau fixe. L’entretien a permis de lever les équivoques sur le comportement de certains responsables de la sécurité d’Areva au Niger qui ne jouent pas franc jeu. Comme on le voit, cette déclaration n’apporte pas grand-chose dans la compréhension de tous les évènements. Le Secrétaire d’État français, Jean-Marie Bockel, est reçu le samedi 4 août 2007 par le Président Tandja. Pour calmer les Nigériens, il conclut un accord rétroactif sur le prélèvement du minerai et le prix de l’uranium entre Niamey et Paris. Désormais le prix de l’uranate passe de 27.300 à 40.000 F CFA, contre 85.000 F CFA sur le marché mondial, mais valable seulement pour l’année 2007 à compter du 1er janvier. Au regard du renchérissement du prix de l’uranium, le Niger a décidé de prélever 300 tonnes sur la part qui lui revient et qu’il compte vendre lui-même sur le marché. Cet accord est une bouffée d’oxygène, s’est empressé de dire un commentateur de la radio nationale. La Ministre Aichatou Mindaoudou, qui est aussi enseignante de droit international à l’université de Niamey, forte de son expérience en diplomatie, va tenter de brouiller les cartes, afin de ne pas mettre mal à l’aise ses interlocuteurs. Elle déclare que la signature de cet accord n’est pas en relation avec la crise entre Areva et l’État du Niger. Il s’agit d’une suite logique d’un long processus engagé, sur instructions du Président Tandja, entre le Niger et le groupe Areva, au regard de la flambée des prix de l’uranium. Mais pour bon nombre de citoyens, la France ne mérite pas cette gentillesse. L’insécurité qui sévit dans le Nord a des 109

« Itinéraire d’un combat ! »

ramifications avec les ambitions du Colonel Maoumar El Kadafi de Libye. Le Président Mamadou Tandja continue de faire preuve d’audace. Une partie de ses compatriotes manifestent pour le soutenir à faire la guerre, par contre d’autres l’exhortent à privilégier le dialogue avec le MNJ, seule voie pour une paix définitive. Mais en refusant, tiendra-t-il longtemps face à la nouvelle donne ? Plus d’un Nigérien a été surpris, lors de son traditionnel discours à la Nation du 3 août 2007, de l’entendre déclarer que « L'État assumera ses responsabilités et toutes ses responsabilités pour garantir la sécurité des Nigériens et des étrangers ». Cet objectif sera-t-il atteint ? Et à quel prix ? Son homme de confiance, M. Mohamed Ben Omar, Ministre porteparole du gouvernement, est là pour tempérer. Avec Idi Baraou, reporter de la radio BBC en langue Haoussa, il indique : « Le Gouvernement nigérien n’a jamais dit qu’il ne négociera pas avec le MNJ ». Donc, il existe l’espoir d’un retour au dialogue. La désignation d’un médiateur national, appuyé par la Libye, en la personne du Touareg Brigi Rafini, Député/Maire d’Iferouane, arrive comme pour conforter cet espoir. M. Brigi annonce la libération et l’arrivée à Niamey, via la Libye, de six des 40 prisonniers faits par le MNJ. Pour autant, la situation reste difficile et complexe en raison des attaques répétées et des poses de mines très meurtrières par le MNJ. Tout en faisant semblant d’être à l’écoute des groupes sociaux qui lui expriment leur confiance et lui demandent de réaliser rapidement les conditions de paix, sans imposer au peuple d’énormes sacrifices, le Président Tandja observe un attentisme qui pousse beaucoup de ses concitoyens à s’interroger sur ses intentions réelles. Cette situation de ni guerre, ni paix, ponctuée chaque semaine d’un communiqué de décès dans les rangs des forces loyalistes, signé soit par le plus sérieux des membres du gouvernement, le Ministre de l’Intérieur, M. Albadé Abouba, soit par le Ministre de la Défense, M. Djida Hamadou, n’est pas rassurante. Cependant, fait symbolique et marquant dans les échanges sur la crise, le Président Tandja Mamadou reçoit pour la 110

Encore une fois l’uranium trouble le sommeil d’un Président au Niger

première fois les représentants de la société civile pour recueillir leurs propositions. Que se sont-ils dits sur cette situation dramatique ? L'on sait que ce conflit s’inscrit dans un large contexte, et il a toute une histoire désespérée derrière lui. Il pose de graves risques de déstabilisation pour la région déjà fragilisée par les activités de bandes terroristes qui ont porté un coup sévère au tourisme dans les montagnes de l’Aïr et du Ténéré. La situation est gravissime. Les conséquences géopolitiques sont dramatiques non seulement pour le Niger qui est déstabilisée dans sa partie septentrionale, mais aussi pour les pays voisins qui abritent une importante communauté Touarègue. Dès lors, un État ne peut constituer une nation solide ni ne se développer quand une partie de son territoire est occupée par des bandits. Le Nord d’Agadez, est abandonné à son sort depuis de longues années et les habitants y sont isolés n'est pas une justification. Dans ce cadre nous payons notre refus de reconnaître la longue dégradation des conditions de vie et de travail de toutes les populations. Si dans un premier temps l’armée nigérienne a subi un coup sévère avec notamment des dizaines de soldats qui auraient été tués, le gouvernement est passé à l’offensive et dit avoir infligé de lourdes pertes à l’ennemi. Aujourd’hui, c’est en s’attaquant aux complicités partout où elles se trouvent même au sein de l’armée, qu’on mettra un terme à cette situation. Toutefois, la guerre ne résoudra rien ; au contraire, elle laissera des séquelles au sein d'une même famille. Il faut donc rapidement résoudre partout les problèmes socio-économiques. Cependant, l’ingérence étrangère rend la chose inexécutable. C'est pourquoi, sans une dose de lucidité, la guerre actuelle ne fera qu’exacerber les tensions dans le pays. L’orientation prise par Tandja en matière d’exploitation de nos ressources naturelles est légitime et salutaire. Mais une telle décision impose une extrême vigilance, la perspicacité et aussi la cohésion de tous les fils du pays. Aujourd’hui, nous sommes tristes d’affirmer que ce bras de fer a profondément touché les Nigériens, au regard des risques qu’une richesse minière stratégique fait courir aux fondements d’une nation. 111

Photo Rabiou Malam Issa

Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix12 ?

Le Président du MNJ, M. Aghali Alambo en compagnie de M. Akli Sidi Sidi et Issouf Ag Maha lors d’un entretien avec la société civile nigérienne au siège de l’ANDDH à Niamey

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a situation sécuritaire dans le Nord du Niger continue de se détériorer du fait des affrontements entre l’armée nigérienne et la rébellion touarègue. De plus en plus, civils et militaires font les frais de cette insécurité. Cette situation entraîne des déplacements internes et limite la capacité de l’Etat. Pour y faire face, le Président de la République proclame l’état de mise en . (Article publié dans le N°007 du mensuel Nigérien Energie pour Tous en date du 5 septembre 2007)

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« Itinéraire d’un combat ! »

Photo ADO Issoufou ONEP

garde dans la région d’Agadez pour une période de trois mois. Pendant ce temps, les Nigériens s’interrogent sur le retour définitif de la paix dans leur pays. Faut-il négocier avec la rébellion armée ? La question vaut son pesant d’or, divise et attise les antagonismes. Quoi qu’on dise, « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Les tentatives de médiation semblent se heurter à un mur invisible d’hostilité manifeste. Les combats fratricides s’intensifient. Les résultats concrets tardent à venir. A quand la paix, s’interrogent les Nigériens ? Comment poser les vrais jalons pour trouver les solutions adéquates ? Afin de contribuer à trouver les solutions adaptées, des analyses s’imposent à tous. Depuis le début de la nouvelle insurrection qualifiée par certains de « deuxième rébellion touarègue », des voix s’élèvent pour inviter à privilégier une approche concertée, en vue d’une paix négociée. Son avantage étant d’éviter au peuple des conséquences préjudiciables à la fraternité entre ses communautés, et partant, à l’unité nationale. Par contre, d’autres pensent que l’option militaire doit imposer la paix et que la guerre reste la solution à la crise. Dans la société civile nigérienne également,

Rissa Ag Boula, ancien rebelle, Ministre à l’époque de la rébellion du MNJ

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Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ?

les analystes de la vie socio-politique lisent deux positions tranchées : d’un côté, ceux qui soutiennent la solution militaire, donc les vat’en guerre, et de l’autre, ceux qui conseillent l’ouverture immédiate de négociations pour aboutir à une solution par le dialogue. Pour ces derniers, il est incontestable que tout conflit comme celui-là finira par des négociations. Autant alors s’y engager dès maintenant, afin d’épargner des vies humaines. Toutefois, le Gouvernement nigérien, pour se conformer à la position officielle du Président de la République Tandja Mamadou, refuse malgré tout de reconnaître l’existence d’un mouvement rebelle au Niger. Son porte-parole, le Ministre Mohamed Ben Omar, et les médias d’État continuent de clamer que « Ce sont des trafiquants de drogue, des bandits armés de grand chemin ». Comme pour signifier que le Gouvernement a très bien respecté les termes des accords de 1995 passés avec la première rébellion touarègue, M. Mohamed Anako, Haut-commissaire à la Restauration de la Paix, déclare à son tour que 3.014 ex-rebelles ont été intégrés dans les Forces de Défense et de Sécurité, et 3.500 autres sont retournés à la vie active avec chacun un chèque de 135.000 F CFA reçu du PNUD, pour leur réinsertion sociale. Depuis le déclenchement des hostilités par le MNJ, il ne s’est jamais passé une semaine sans qu’il n’y ait des attaques contre les symboles ou société de l’Etat (SONIDEP, SONICHAR), et les crépitements d’armes font malheureusement des pertes en vies humaines dans les rangs de nos Forces de Défense et de Sécurité. Les accrochages entre les éléments de nos forces régulières et les rebelles se multiplient, alors que des mines sautent de façon récurrente. La liste des morts est longue et avoisine 45 personnes dans les rangs des éléments loyalistes. Du côté des rebelles, aucun chiffre n’est avancé, hormis l’annonce de la mort de Boubacar Alambo, tombé sur le champ de bataille. Boubacar Alambo est abattu dans le dos par un soldat. Sa perte ne choque pas les éléments de son groupe, puisqu’il est mort, selon eux, en « grand guerrier touareg ». Après toutes ces 115

« Itinéraire d’un combat ! »

agressions, le mystère reste autour de l’attaque du bus de la Société Nigérienne des Transports Voyageurs (SNTV). Le Mouvement des Nigériens pour la Justice, responsable de toutes ces attaques armées, est dirigé par M. Aghali Alambo, un jeune touareg âgé de 43 ans. Après son obtention au brevet d’études, de guide touristique, il bascule en Chef de guerre avec sa première attaque enregistrée en février 2007 suite à l’assaut lancé contre une caserne à Iferouane. Rappelons que M. Aghali Alambo n’était pas à son premier exercice militaire puisqu’il a été le Chef d’État-major du Front de Libération de l’Air et de l’Azawak (FLAA) que dirigeait M. Rhissa Ag Boula. Il faut noter que la première attaque du MNJ de février 2007, a été dirigée par Boubacar Alambo, frère cadet de Aghali Alambo; cette attaque a fait trois morts et de nombreux blessés dans les rangs de l’armée nigérienne. Plusieurs armes et munitions ont été emportées. A la suite des accords de paix signés à Ouagadougou, le 24 avril 1995, sous la médiation du Burkina Faso, de l’Algérie et de la France, M. Aghali Alambo est revenu à la vie civile normale. Il avait d’abord accepté d’être nommé Adjoint au Sous-préfet d’Arlit, mais bien vite, s’ennuyant dans sa robe d’administrateur suppléant, coquille vide sans doute, il se retire et se lance dans les activités commerciales comme tant d’autres ex-rebelles. Aghali Alambo fonde sa propre agence de voyages, dénommée « Touareg Tours », avec comme principaux clients les touristes européens. Il compte de grands partenaires allemands parmi ses associés. Dans la région d’Agadez les touristes sont transportés par les avions charters qui les débarquent à l’aéroport International Mano-Dayak d’Agadez, pendant la saison touristique, de décembre à mars. Si Alambo et les premières personnalités de l’ex-rébellion ont pu bon an, mal an, s’insérer dans la vie socio-économique et politique du pays, ce n’est pas le cas pour certains ex-rebelles. Ceux-ci n’ont pas trouvé leur compte et se considèrent donc comme des laissés-pour-compte, des marginalisés. Ils considèrent que « les promesses qui leur ont 116

Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ?

été faites au moment des accords de Ouagadougou en 1995 n’ont pas toutes été tenues et demandent un réel partage des richesses générées par l’exploitation de l’uranium et les recherches pétrolières. Ils veulent une vraie décentralisation, afin que les retombées de la vente d’uranium servent en priorité à des projets de développement dans leur région ». C’est cette plainte persistante qui a poussé son petit frère à prendre la tête du MNJ. Aghali Alambo, installé dans ses activités commerciales, ne semble pas être l’instigateur de ce nouveau mouvement rebelle. Les services secrets nigériens sont persuadés du contraire. Il ne peut ne pas être en intelligence avec son jeune frère qui est à la tête du MNJ. Persécuté et filé par les services de renseignements et craignant pour la vie, Aghali Alambo rejoint le MNJ et en prend la direction. Cela confirme-t-il les soupçons du renseignement nigérien ? Où est-ce la conséquence des maladresses d’un système sécuritaire qui ne voyait en lui qu’un ex-chef rebelle, et son besoin atavique de nuire à la République ? Désormais, la loi alloue 15% des bénéfices des compagnies minières installées au Niger aux collectivités locales. Le mouvement rebelle voudrait que ce chiffre passe à 50%. Le MNJ est né sous ce terreau de mécontentements. Cette revendication sectaire est critiquée par la majorité des Nigériens qui pensent que les revenus des ressources naturelles appartiennent à tous les Nigériens sans discrimination. Sans crier gare, le 19 avril 2007, le MNJ attaque en pleine nuit un site de prospection d’uranium d’Areva près d’Imouraren, dans le Département d’Arlit, tuant un garde, et s’empare de six véhicules de marque Toyota 4X4 flambant neuf. Traumatisés par ces événements, trois agents expatriés dont deux Français et un Nigérien rendent le tablier. Un arrêt de travail de 25 jours est observé sur le site. Les véhicules enlevés ont une valeur de 80 millions de francs CFA. Un communiqué du MNJ déclare que cette attaque est « un avertissement ». La société Areva renforce son dispositif de sécurité, mais les autorités nigériennes persistent à minimiser ces signaux et ne parlent 117

Photo ADO Issoufou ONEP

« Itinéraire d’un combat ! »

Forces Armées Nigériennes (FAN)

que de bandits armés dans tous leurs communiqués de presse dont les contenus sont relayés par les manifestations de soutien au gouvernement organisées dans différentes localités du Niger. Le 26 juin 2007, le Gouvernement expulse le Colonel à la retraite, Giles De Namur, de nationalité française, qui est chargé de la sécurité de la compagnie Areva. Il est accusé d’être de connivence avec les bandits armés. Le Gouvernement du Niger reproche à Areva d’être en contact avec le MNJ. La réaction du géant mondial ne s’est pas fait attendre : le groupe dément, mais reconnaît avoir commis deux erreurs. En effet, en mai 2006, Areva a présenté à M. Oumarou Lamido Djati, Préfet d’Arlit, un contrat qu’elle venait de signer avec le Capitaine Mohamed Adjidar, ancien rebelle et commandant du peloton des Forces Nationales d’Intervention et de Sécurité (FNIS) de la RTA, sur le tronçon Arlit-Agadez, localité située à 20 km du site d’Imouraren. Une disposition de ce contrat stipule que compte tenu de la mission de sécurité que devra assurer ce peloton des FNIS à Areva, cette société doit prendre en charge les perdiems, la nourriture et le carburant, compte tenu de la situation financière de l’armée, 118

Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ?

pour mener à bien cette activité. Le siège d’Areva à Niamey saisit les FNIS d’Agadez pour leur demander si le Commandant basé à Arlit peut ouvrir un compte à cet effet. La réponse est non. Mais Adjidar affirme avoir tous les pouvoirs. Après quelques hésitations, la société Areva se penche du côté des FAN d’Arlit qui rétorquent que cette mission revient aux FNIS. Devant cette situation, Areva opte pour l’application du contrat. C’est la première maladresse d’Areva qui n’a pas tenu informé l’État-major des Armées à Niamey. Deuxième maladresse : Areva, malgré les observations du Préfet, effectue des virements bancaires dans le compte personnel du capitaine Ajidar. Le cumul du montant s’élève à 56.231.500 F CFA. Le 6 juillet 2007, un expert chinois, employé d’une entreprise spécialisée dans le nucléaire civil, est enlevé près de la localité d’Ingall, située à une centaine de kilomètres à l’Ouest d’Agadez. Pour Aghali Alambo, Président du MNJ, il s’agit là d’un ultimatum lancé à l’État nigérien, mais sans demande de rançon. L’équipe chinoise suspend ses activités de prospection et évacue son personnel hors de la zone de tension. Dix jours après avoir kidnappé M. Zhang Guohua et les trois gardes censés assurer sa protection, les rebelles remettent ceux-ci au Comité International de la Croix-Rouge (CICR). L’enlèvement de l’expert chinois est lié à la signature des contrats de recherche et d’exploitation d’uranium et de pétrole dans la région d’Agadez. Pour protéger les personnes et leurs biens, les Forces Armées Nigériennes prennent position au niveau du puits de Tizerzet situé à 300 kilomètres à vol d’oiseau au nord d’Agadez qui, selon toute vraisemblance, pourrait alimenter en eau les éléments du MNJ. En installant leur camp aux abords du puits de Tizerzet, les soldats nigériens auraient chassé à coups de crosse les éleveurs nomades qui y faisaient boire leurs animaux. Pour améliorer l’ordinaire, les soldats auraient égorgé chèvres et chameaux prélevés sur le troupeau des pasteurs. Installés à l’ombre d’un acacia, trois vieillards observaient la scène. Malheur leur en a pris. Pour éviter tout témoignage compromettant, les soldats les 119

« Itinéraire d’un combat ! »

ont lynchés à mort et les corps jetés dans une fosse commune. L’aîné de ces trois victimes, à moitié aveugle, avait 85 ans, son frère, 80 et le plus jeune, 65 ans, avec une jambe en bois. La nouvelle de leur mort s’est répandue comme une traînée de poudre dans l’Aïr et le Ténéré. Elle provoquera un grand émoi chez les Touaregs. Les bras valides de la région d’Agadez remontent sur les monts et environ un millier d’hommes y prennent position. Quelques jours après cet évènement macabre, on apprend que les trois victimes étaient complices des rebelles. Le 22 juin 2007, à l’aube, une centaine de rebelles attaquent le camp de Tizerzet. Les militaires loyalistes au nombre de 87 sont neutralisés. C’est la désolation : leur Commandant malade et fatigué à la suite d’une patrouille nocturne avait été surpris dans son sommeil. Les assaillants sont maîtres du lieu. Le Commandant, pour éviter le massacre ordonna à ses éléments de se rendre, après une heure seulement de combat. Cette attaque surprise de Tizerzet a fait une quinzaine de morts dans les rangs des soldats loyalistes, et une quarantaine de blessés dont treize dans un état grave. Tous les survivants sont faits prisonniers, et les malades ultérieurement remis au CICR. Pour les rebelles, l’attaque était une opération de représailles et de vengeance contre le lâche assassinat des trois vieillards au puits de Tizerzet. Après cette attaque qualifiée de défaite militaire, le capitaine Mohamed Adjidar est tout d’abord soupçonné, puis persécuté par les Chefs militaires, bien que bénéficiant de la confiance du Président Tandja. Il est convoqué à Agadez pour audition. Pris de panique face à la tournure des événements, il effectue un retrait d’argent le 3 juillet 2007 et le lendemain, prend la poudre d’escampette, emportant armes et bagages. A Niamey, l’Assemblée Nationale en session introduit le sujet de la crise en plénière et recommande instamment de faire appel à des médiateurs étrangers s’il le faut, afin d’entamer le dialogue avec le mouvement de M. Aghali Alambo, pour tenter de ramener la paix dans le Nord. Les partis politiques ne restent pas en marge ; ils 120

Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ?

adoptent une déclaration à la suite d’une réunion du Conseil National du Dialogue Politique (CNDP) pour demander au Gouvernement de négocier avec le MNJ. Le Premier Ministre et Président du Parti MNSD Nassara, Hama Amadou, signataire pourtant de la déclaration de tous les partis politiques membres du CNDP, après avoir recueilli les instructions du Président de la République Tandja Mamadou, annonce le refus du Gouvernement de négocier avec des bandits armés qui tuent leurs frères avec des mines qu’ils posent sur les rares passages du désert. Au même moment, 4.000 soldats auraient été envoyés dans le Nord avec pour objectif de mater coûte que coûte cette bande armée dudit MNJ. C’est dans ce contexte que M. Dominique Pin, Directeur Général d’Areva Niger, est expulsé par un arrêté du Ministre de l’Intérieur en date du 24 juillet 2007, pour avoir tenté de justifier les actions salutaires d’Areva au profit des populations de la région d’Agadez. Il disait, entre autres, « qu’au regard des actions d’AREVA au Niger et de celles de ses filiales, ce groupe a besoin de sécurité et de stabilité, comme tout opérateur industriel travaillant dans les perspectives à moyen et long termes ». Le 19 juillet 2007, le signal de la Radio France Internationale est suspendu par le Conseil Supérieur de la Communication (CSC) pour une période d’un mois. Officieusement, il est reproché à RFI d’avoir évoqué le ralliement du Colonel Kindo Zada au MNJ et de passer sous silence le retour de 60 éléments des jeunes Arabes. Entre temps, les actes de violence des éléments du MNJ se multipliaient, notamment avec les poses de mines qui ont fait de nombreuses victimes. Face à cette situation de crise croissante paralysant les activités économiques dans le Nord du pays, ainsi que le désarroi des populations, le Président de la République, Chef de l’Etat signe, le 24 août 2007, un décret portant mise en garde dans la région d’Agadez. Cette mesure a été différemment appréciée par les partisans de la manière forte et ceux de l’approche concertée pour parvenir à une paix durable. Tous se répandent sur les ondes des radios privées et 121

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internationales. Le Président du Parti Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP Zumunci), M. Issoufou Bachard, membre de l’opposition CFD, est arrêté le 27 août 2007 et gardé à vue à la police judiciaire. Les autorités lui reprochent d’avoir propagé de fausses nouvelles au cours d’un débat sur la radio privée Saraounia. Suite à l’intervention du Chef de l’opposition, M. Mahamadou Issoufou, auprès du Président Tandja Mamadou, M. Bachard a été libéré après deux jours d’arrestation. Mais à Agadez et Arlit, les arrestations se multiplient, selon la presse internationale. Face à ces événements malheureux qui se succèdent à un rythme soutenu et inquiétant, la plupart des Nigériens n’ont cessé de déplorer la persistance de tels actes. L’incompréhension est d’ailleurs grande chez bon nombre d’autant plus que le contexte démocratique offrait, théoriquement du moins, des cadres d’expression (partis politiques, associations de développement). On apprend, au sein de l’armée, des désertions parci, par-là, accompagnées d’enlèvements de véhicules tout-terrains et d’armes au profit du MNJ. Les officiers des Forces de Défense et de Sécurité qui ont rejoint le MNJ seraient au nombre de huit hauts gradés. On fait cas de trois éléments des Forces Nationales d’Intervention et de Sécurité (FNIS) qui ont déserté. Il s’agit du Capitaine Goureïchi, du Sergent-chef Talla du casernement d’Agadez et un soldat dont l’identité et le poste d’affectation ne sont pas encore connus. Leur désertion intervient au moment où on parle du départ vers une destination inconnue de l’opérateur économique Koudou Alambo, parent du Chef du Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), selon le journal l’Événement, N°185 du 13 Mars 2007. Le 18 juillet 2007, l’Agence Africaine de Presse (APA) annonçait qu’un officier supérieur des Forces Armées Nigériennes (FAN), le Commandant Kindo Zada, a rejoint les bases du MNJ, en compagnie de plusieurs militaires. Dans un communiqué publié sur un site Internet, le MNJ a confirmé le ralliement de cet officier des FAN, précisant que « le Cdt Kindo est arrivé avec des dizaines de militaires à bord d’une 122

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vingtaine de véhicules 4x4 ». Face à la situation, l’inquiétude des Nigériens va crescendo de jour en jour. Des ex-combattants avaient été démobilisés et cantonnés essentiellement dans la région d’Agadez, où certains attendent encore leur réinsertion socio-économique promise par les autorités et les partenaires qui accompagnent le Niger dans ce processus. Selon le MNJ, plusieurs de ces ex-rebelles ont déjà regagné ses rangs. Les atrocités du MNJ ne permettent pas à notre pays de prospecter librement et sereinement toutes les options qui s’offrent à lui pour valoriser ses ressources naturelles. Elles ne permettent pas non plus d’engager avec beaucoup de chance la bataille pour le développement économique et social, afin de sortir les populations déshéritées du cycle infernal de la précarité et de la misère. A l’occasion de la célébration du 47ème anniversaire de l’indépendance du Niger, le Président Tandja Mamadou durcit le ton. Il réaffirme que « L’Etat combattra sans faiblesse ceux qui ont décidé de prendre des armes dans ce pays où la démocratie est une réalité tangible et où les mécanismes pour des dialogues francs et ouverts ont donné la preuve de leur efficacité ».

Par ailleurs, il s’est félicité de l’acte hautement apprécié des jeunes arabes qui avaient volontairement déposé les armes, soulignant que ce geste constituait une étape importante qui nous amène à croire à un dénouement heureux et rapide de la situation, afin d’assurer l’exploitation sereine de nos ressources. Assurément, notre pays ne mérite pas le rang peu honorable de dernière Nation du monde en termes d’IDH selon le classement du PNUD de 1990 à 2017. Il est de notoriété publique, que le sous-sol nigérien regorge d’énormes richesses ; d’ailleurs le Président Houphouët Boigny de Côte d’Ivoire ne déclarait-il pas « Les Nigériens sont des pauvres gens qui dorment sur des montagnes de richesses ». Faute d’avoir eu le courage d’adopter une politique volontariste d’exploitation de nos ressources minières préservant largement nos intérêts nationaux, notre pays, malgré ses importantes potentialités minières, se trouve dans un état de 123

« Itinéraire d’un combat ! »

dénuement tel que la plus grande partie de la population n’arrive pas à satisfaire de manière régulière ses besoins les plus élémentaires, à savoir : se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner, s’éduquer... La politique de diversification de nos partenaires dans l’exploitation de nos ressources naturelles en toute transparence est la décision minimale qu’un Gouvernement responsable puisse prendre dans cette situation de dénuement où se trouve notre pays. Notre souhait est que le Niger ne se contente pas de vendre son minerai mais qu’il participe aux opérations d’exploitation de l’uranium et du pétrole. Une question continue à préoccuper les Nigériens : pourquoi l’extrême pauvreté ? Un paradoxe quand on sait les potentialités du Niger. Hier, des milliers de Chinois mouraient de faim. Aujourd’hui la Chine affiche une croissance économique de plus de 11%. Ainsi, le peuple chinois a prouvé à la face du monde que c’est quand un peuple se prend en charge qu’on le respecte. Autrement dit, il faut d’abord compter sur ses propres forces. Donc, au moment où les Chinois montrent aux populations du tiers-monde que le sous-développement n’est pas une fatalité, on constate qu’au Niger rien ne va. « Le pays va mal » comme le dit le chanteur ivoirien Tikendja Fakoly. Et pourtant en 2006, le Niger a modifié son Code pétrolier, révisé son Code minier et a décidé, en vertu des préoccupations exprimées par le Collectif pour la Défense du Droit à l’Énergie (CODDAE) et de bien d’autres structures de la société civile nigérienne, de diversifier ses partenaires, ses projets et programmes de manière à espérer que cette diversification puisse générer des ressources additionnelles susceptibles d’accroître ses capacités propres de financements et d’investissements. Notre pays vit dans un environnement géopolitique où sa sécurité comme son destin, sont liés à ceux de ses voisins immédiats. Ainsi, la crise dans le Nord a des répercussions sur le Mali voisin. Dans ce cadre, les Ministres Malien et Nigérien en charge à l’époque de la sécurité, M. Sadio Gassama et M. Albadé Abouba, s’étaient rencontrés le 22 124

Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ?

août 2007 à Gao, dans le Nord du Mali. A l’issue de leur réunion, les deux pays ont décidé de créer des patrouilles mixtes et d’instituer un droit de poursuites réciproques pour lutter contre l’insécurité transfrontalière. Par ailleurs, dans un récent message au dirigeant Libyen, Mouammar Kadhafi, le Président Tandja Mamadou, malgré son refus obstiné d’engager le dialogue avec les rebelles du MNJ, demande le soutien de Tripoli pour assurer la sécurité des Nigériens. Le Président Tandja Mamadou a loué le rôle du Colonel Kadhafi pour un retour à la stabilité au Niger, soulignant la « confiance » du Niger dans ce rôle, et son « attachement à ce qu’il dure ». « Le Niger refuse toute intervention (étrangère) dans ce dossier que j’ai mis entre les mains du frère dirigeant, Mouammar Kadhafi », a ajouté M. Tandja dans un message remis par Seyni Oumarou. Malheureusement, la visite de M. Seini Oumarou en Libye a coïncidé avec l’expulsion d’un diplomate libyen en poste au Consulat de Libye à Agadez, pour motif d’ingérence dans les affaires intérieures du Niger, ainsi que la décision du Colonel Kadhafi de poursuivre en justice, pour diffamation, trois hebdomadaires nigériens (L’Événement de Moussa Aksar, Le Canard Déchaîné de Abdoulaye Tiémogo et L’Action de Boussada Ben Ali). Ces journaux avaient évoqué un financement présumé libyen de la rébellion du MNJ. Le Chef d’Etat libyen, le Colonel Mouammar Kadhafi reproche également au journal L’Événement « la propagation de fausses nouvelles ». Le Directeur de Publication, Moussa Aksar est appelé à comparaître le 28 septembre 2007 à 08h30, et les deux responsables des autres journaux le 17 septembre 2007. Le Guide Libyen, récemment intronisé Amanokal (Chef) des Touaregs, poursuit notre confrère touareg pour avoir rapporté que son Gouvernement a adressé une note verbale à l’État du Niger, intimant à ce pays de ne plus accorder des permis de recherche pétrolière dans les plateaux du Manguéni ; que des ex-combattants de l’ex-rébellion ont été formés en Libye ; que la rébellion a éclaté au lendemain du Mouloud qu’il a dirigé à 125

« Itinéraire d’un combat ! »

Agadez, comme ce fut le cas l’an dernier à Kidal, au Mali voisin ; qu’une délégation de notables d’Agadez est partie chez lui pour lui demander de couper tout soutien au MNJ ; que la Libye manifeste un intérêt pour l’uranium nigérien, en vue d’alimenter ses futures centrales nucléaires. Il faut savoir que, le 21 juillet 2007, des milliers de personnes ont manifesté à Niamey, avec le soutien des autorités, pour protester contre les attaques des rebelles du MNJ et leurs « alliés étrangers », dont la Libye voisine, indexée comme Areva. Avant la Libye, le Chef du Gouvernement, M. Seini Oumarou, s’était rendu au Soudan où il s’était entretenu brièvement avec le Président Omar El-Béchir. Entre temps, la localité d’Iferouane, située au cœur de la zone des combats, se vide de ses habitants qui n’arrivent plus à s’approvisionner en vivres. Iférouane est une oasis et une Commune rurale dans la région d’Agadez et le Département d’Arlit. La ville est principalement peuplée de touaregs sédentarisés pratiquant l’élevage et l’agriculture. « Plus de 80% des habitants ont fui Iferouane pour se réfugier plus au Sud, en raison de l’insécurité et des pénuries alimentaires » déclare le Député-maire d’Iferouane, M. Brigi Rafini, installé désormais à Agadez. Avec ses 12.800 habitants, Iferouane, haut lieu de la culture touarègue, est située dans une des vallées du massif de l’Aïr, entre le Quartier Général du MNJ et le point de concentration des troupes des Forces Armées Nigériennes depuis l’attaque des rebelles sur une de ses casernes, le 8 février 2007. Dans cette zone, depuis plus d’un mois, le trafic routier est devenu impossible à cause de la présence de mines anti-personnel et antichars disséminées sur d’importantes superficies par les rebelles. La ville d’Iferouane manque de tout et à un moment, le prix du kilogramme de riz était à 4.000 FCFA. « Même les commerçants les plus téméraires ne prennent plus le risque de s’aventurer dans cette zone infestée de mines », commentait récemment un résident d’Agadez. Le danger est devenu encore plus grand, car les mines légèrement enfouies sous le sable du désert sont depuis charriées par les eaux des pluies exceptionnelles qui s’abattent sur le massif de 126

Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ?

l’Air. Même les évacuations sanitaires sont suspendues. Le Chef du MNJ, M. Aghaly Alambo, a accepté la mise en place d’un corridor humanitaire sur Iferouane, tout en exigeant que les vivres soient distribués par des agences internationales. Des escarmouches ont opposé un convoi de ravitaillement de l’armée aux rebelles en début septembre 2007. Selon l’armée, trois soldats ont été blessés au cours de cette attaque. Par contre le MNJ a affirmé que 17 soldats avaient alors été tués. Par ailleurs, trois camions de l’OPVN affrétés par le Gouvernement et transportant 60 tonnes de vivres sont arrivés à Iferouane. Ces vivres sont distribués gratuitement à la population comme un don du Président Tandja Mamadou. Les trois chauffeurs ont été décorés pour services rendus à la nation par le Gouverneur d’Agadez, M. Abba Mallam Boukar. Pendant ce temps, les ressortissants d’Iférouane résidents à Agadez ont manifesté leur solidarité en faveur de leurs parents en collectant 23 tonnes de vivres, de tentes, de couvertures et de moustiquaires. « Une fois les vivres sur place, nous ne savons plus comment faire revenir les populations qui ont fui la ville », a souligné un ressortissant d’Iferouane. Les inondations sont venues s’ajouter au calvaire de la population en faisant d’énormes ravages sur le bétail et les cultures, surtout les cultures maraîchères, principales sources de revenus de ces populations. Le lundi 27 août 2007, M. Mohamed Anako, figure de proue de l’ex-rébellion touarègue des années 90 au Niger, sur les ondes des radios, s’est inquiété d’éventuels « dérapages » de l’armée, et de la mesure de mise en garde instaurée dans le Nord, théâtre d’affrontements. « Les gens sont inquiets et on craint des dérapages », a affirmé M. Anako, Haut-commissaire à la Restauration de la Paix (HCRP). Le HCRP est chargé du suivi des accords de paix signés entre les rebelles Touareg et le Gouvernement pour mettre fin à la première révolte des Touareg de 1991 à 1995. Confronté à cette rébellion qui trouble son sommeil, le Président Tandja Mamadou a signé un décret qui renforce les pouvoirs des Forces de Défense et 127

« Itinéraire d’un combat ! »

de Sécurité à l’occasion de leurs opérations sur le terrain du conflit. Sans le dire explicitement, ce décret présidentiel donne le pouvoir à l’armée de procéder à des arrestations des citoyens sans aucun mandat, dénonce Ibrahim Manzo, Directeur de Publication du journal Info de l’Air. « Il n’y aura ni exactions, ni arbitraire et les Forces de Défense et de Sécurité accompliront leur devoir avec discernement », a assuré le Gouverneur d’Agadez, Abba Malam Boukar. A la surprise générale, le CSC décide de la suspension des débats radiotélévisés en direct sur tout thème ayant un lien avec l’insécurité dans le Nord. On apprend également sur les ondes de RFI qu’au moins trois personnes proches de l’exrébellion ont été interpellées à Agadez. L’armée leur reprocherait des liens présumés avec le MNJ. « Nous avons des gens qui ont été arrêtés », a indiqué M. Anako, sans avancer de chiffres et il a demandé aux autorités nigériennes « de vite aller au dialogue » avec le MNJ. « J’ai toujours dit qu’il faut aller vite au dialogue et le privilégier. Tant qu’on ne va pas dans ce sens, il faut s’attendre à tout ». Le Président de l’Union Africaine, M. Omar Konaré, lui emboîte le pas. Il demande au Gouvernement de négocier avec le MNJ pour faire la paix. S’agissant d’un éventuel rapprochement du MNJ et des ex-rebelles Touareg maliens, M. Anako a ajouté : « Il faut aller vite vers le règlement de la question, au Niger comme au Mali, dans tous les cas, c’est pareil ». Subitement, on apprend que quinze militaires maliens ont été enlevés à Tédjérète par des hommes armés qui ont ensuite pris la direction de la frontière avec le Niger. La semaine avant ces événements, les ex-rebelles maliens, en rupture de ban, avaient annoncé la naissance de l’Alliance Touarègue Niger Mali (ATNM). Une union entre les ex-rebelles Touareg du Mali et le MNJ ayant des revendications et des objectifs communs. Ainsi, la situation sécuritaire dans le Nord du Niger ne fait que s’empirer suite aux multiples attaques, confinant pratiquement les éléments de Forces de Défense et de Sécurité à la défensive. Pendant ce temps, les autorités nationales sont dépassées par les événements. Elles gardent l’espoir que la mission au Soudan et en Libye 128

Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ?

du Chef de Gouvernement, Seini Oumarou, ainsi que la médiation des sages d’Agadez qui sont revenus avec six prisonniers malades suite à l’intervention du Colonel libyen, seront une réussite dans la recherche de la paix. Cette situation de « ni guerre, ni paix », n’arrange que les ennemis de la Nation raconte M. Souley Abdoulaye, ancien Premier Ministre du Niger. Dans le même esprit, les défenseurs des droits de l’homme du Niger cherchent à rencontrer le MNJ dans les montagnes de l’Aïr en vue d’éventuelles négociations, mais surtout, pour s’enquérir des conditions de vie des 32 prisonniers aux mains du MNJ, dont six sont tombés malades. A cette occasion, ils doivent prendre connaissance du contenu de la plate-forme revendicative du MNJ. Après plusieurs tentatives, plus que jamais, les défenseurs des droits humains sont convaincus que la seule voie de règlement de ce conflit reste et demeure celle de la concertation et du dialogue. Cette option évitera aux différentes communautés composant la République du Niger, une et indivisible, d’éprouver de la rancune, et lui permettre de soigner durablement ses plaies.

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Photo ADO Issoufou ONEP

Un Nouvel Accord D’un Goût D’inachevé Sur L’uranium13

Mme Anne Lauvergeon et le Ministre Chargé des Mines M. Mohamed Abdoulahi, après la signature de l’accord

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lus de 40% de l’uranium acheté par le groupe Areva provient du sous-sol nigérien. Pour faire tourner les centrales nucléaires françaises qui produisent 80% de l’électricité, le Niger est incontournable... Cela confirme l’importance de l’annonce d’un nouvel accord pour les deux parties. La signature de cet accord est l’aboutissement des négociations entamées depuis 2007. Elles . (Article publié dans le journal Energie pour tous N° 011 du 1er février 2008)

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« Itinéraire d’un combat ! »

portent sur la revalorisation du prix d’achat de l’uranium produit par la Compagnie Minière d’Akouta (Cominak) et la Société des Mines de l’Aïr (Somaïr), deux filiales d’Areva installées à Arlit, une oasis artificielle construite selon le modèle colonial. A l’occasion, le Ministre des Mines et de l’Énergie, Mohamed Abdoulahi, et Mme Anne Lauvergeon ont affiché un sourire qui ressemblait à un gros ouf de soulagement. L’uranium du Niger est non seulement indispensable au programme électro-nucléaire de la France, mais aussi à sa production d’armement (…). Le vent du désert a certainement tourné en faveur de Niamey ! Il fallait s’y attendre car, pour les deux parties, il faut rapidement trouver un accord satisfaisant. Au cœur de la discorde, il y avait les exonérations fiscales dont bénéficiait AREVA au Niger. En 2006, une nouvelle loi a porté la redevance minière à 12%. Le groupe AREVA a fait la sourde oreille en invoquant la convention minière décennale de 2004, qui stagnait à 5,5%, du fait de sa réticence à payer mieux son partenaire de longue date. Ladite convention arrivait à échéance le 31 décembre 2013. Le Président Tandja a juré de faire plier Areva mais cherche d’abord à gagner le soutien de l’opinion nationale et internationale. Areva tente à son tour de convaincre, la bonne poursuite de ses activités en dépend. « Le site de la Cominak n’est plus rentable et il est en fin de cycle », martèlent les experts français à leurs interlocuteurs nigériens. Certains journalistes, en véritables paparazzi, se sont invités dans la danse. Des intoxications et infiltrations de l’adversaire s’enchaînent dans les deux capitales avec des manifestations de rue à Niamey et Arlit. À l’aide de quelques fuites dans les journaux, le groupe français fait croire à son partenaire nigérien qu’il envisageait de fermer le site de la Cominak et qu’il comptait se redéployer au Kazakhstan, premier pays fournisseur d’AREVA. Pour le Président de la République, Tandja Mamadou, « le temps presse », parce qu’il compte se retirer du pouvoir à la fin de son deuxième mandat, le 31 décembre 2009. Il insinue que ce qui l’intéresse, c’est de disposer de suffisamment 132

Un nouvel accord d’un goût d’inachevé sur l’uranium

de ressources financières pour les deux ans à venir, donc sur le court terme. Les moyen et long termes ne le préoccupent pas, « Le Niger est un pays riche, il faut nous donner du temps et nous aider à sortir de la pauvreté », disait-il dans sa plaidoirie. A ce titre, il est indéniable que son pays obtienne des retombées financières significatives grâce à ces négociations sur lesquelles il a beaucoup misé. Dirigées par l’ancien Ministre des Finances, Ali Badjo Gamatché, toutes les négociations se manœuvraient à Niamey. Le géant français du nucléaire refusait de payer des taxes plus élevées sur l’extraction de l’uranium d’Arlit. Au terme d’un interminable bras de fer, les milieux français proches du groupe Areva disent que les Nigériens ont fini par l’emporter. Le Président Tandja semble être très satisfait des résultats, car il disposera, selon ses vœux, de beaucoup d’argent pour finir son mandat dans l’abondance. Un mélange d’enthousiasme et de scepticisme régnait après la signature de l’accord à Niamey. Si le Président Tandja a franchi une étape importante, il n’a pas gagné la bataille car le rêve du groupe Areva est loin d‘être troublé. Désormais, même si les ressources au titre de l’initiative PTTE venaient à tarir, rien n’empêchera le Président Tandja de poursuivre son programme spécial. Dans un entretien au journal français le Monde (livraison N°19502 du samedi 6 octobre 2007), abordant le conflit au Nord et le dossier de l’uranium, le Président Tandja disait que « Le vrai combat à mener au Niger, c’est celui de la lutte contre la pauvreté, car pauvreté et démocratie ont du mal à marcher du même pied ». Le Président Tandja ajouta :

« Nous sommes le troisième exportateur mondial de minerai d’uranium, et la hausse actuelle des cours est une chance historique à saisir. Je veux que mon pays en tire très vite le maximum d’argent ».

Ces propos ont été tenus peu avant la tenue des négociations Niger-Areva, témoignant la ferme détermination du Chef de l’Etat à arracher un accord profitable à son pays. Pour faire plier ses interlocuteurs, Tandja indique que le Niger veut vendre directement 133

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo ADO Issoufou ONEP

sur le marché spot la part du minerai qui lui revient de droit. Les discussions qui venaient d’aboutir ont porté sur les nouveaux prix du minerai. La convention porte sur la période 2008-2009 et sur le projet Imouraren. Le groupe Areva a produit environ 3.500 tonnes en 2007 et affirme avoir obtenu l’agrément du Gouvernement de Niamey pour lancer le projet d’exploitation d’un nouveau gisement, qui constituera le plus grand projet industriel minier jamais envisagé au Niger. Cet accord met un terme à des mois de tensions entre le Gouvernement et le groupe nucléaire français, dont le point chaud avait été l’expulsion, le 26 juillet 2007, de Dominique Pin, Directeur Général d’Areva au Niger. « Par cet accord, nous construisons un partenariat nouveau qui est l’écho de notre partenariat historique », indiquait Anne Lauvergeon, avant d’ajouter que les prix de l’uranium se tiennent très bien sur le marché international. « Le Niger peut se réjouir, puisque c’est le signe de la bonne santé du nucléaire », a poursuivi Anne Lauvergeon. Elle confirme que son groupe n’a jamais eu le monopole de l’uranium au Niger, mais celui de la solidarité, puisque son groupe était là pendant 20 ans, au moment où les prix de l’uranium étaient extrêmement

Le Premier Ministre Hama Amadou félicitant la Présidente du Directoire Areva, Mme Anne Lauvergeon

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Un nouvel accord d’un goût d’inachevé sur l’uranium

bas. Mme Anne Lauvergeon s’est encore réjouie de l’amélioration des prix de l’uranium d’une part et, d’autre part, du retour de la concurrence. La Présidente du Directoire de Areva indique ensuite que l’accord sur les prix 2008-2009 est exceptionnel par rapport aux années précédentes. Dans le cadre des négociations sur les prix, un accord intervenait généralement à la fin de l’année, mais cette fois, il est signé dès le 13 janvier, alors qu’il l’a été en août pour l’année passée. En obtenant le renouvellement de ses contrats au Niger, le groupe nucléaire va payer ses approvisionnements, deux fois plus cher qu’il y a deux ans. On remarque que Areva confirme sa position d’opérateur minier au Niger pour les décennies à venir. L’accord confirme également la poursuite de l’exploitation de l’uranium au Niger par Areva. En outre, cet accord porte sur les conditions d’achat d’uranium produit par les mines de Cominak et Somair pour les deux années suivantes. Les prix devront augmenter d’environ 50%. La livre d’oxyde d’uranium, qui est déjà passée de 22 dollars à 32 dollars l’année précédente, va donc franchir la barre des 40 dollars, avant une nouvelle augmentation l’année suivante. En plus, Areva obtient l’agrément du Gouvernement pour lancer le projet d’exploitation du gisement d’Imouraren, lequel prévoit un investissement de plus d’un milliard d’euros. Ce site représentera le plus grand projet industriel minier au Niger et permettra une production de près de 5.000 tonnes d’uranium par an, plaçant le Niger au deuxième rang mondial. Imouraren sera, l’une des plus grandes mines d’Afrique et, sans aucun doute, la deuxième mine d’uranium après celle de Lapidam en Australie. La Direction d’Areva s’est engagée à poursuivre son aide au développement au Niger par des actions dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation, de l’accès à l’eau et à l’énergie auprès des populations locales. Désormais, Anne Lauvergeon, jure de ne pas s’ingérer dans les affaires politiques du Niger, « Areva entend rester un acteur industriel qui ne s’immisce pas dans les affaires politiques intérieures. Les faits regrettables qui se sont produits et les accusations infondées et injustes 135

« Itinéraire d’un combat ! » qui ont été portées à l’encontre du groupe ont détérioré un temps nos relations. Nous avons déploré cette situation (...) Areva dément tout soutien au MNJ dont nous avons été les premières victimes lors de l’attaque du site d’Imouraren en avril 2007 ».

Le Niger pourra ainsi vendre sa part représentant quelque 900 tonnes d’uranate sur le marché international aux prix qui vont être désormais libellés en dollars US et non plus en CFA. Cette vente va générer des retombées financières de près de 87 milliards FCFA en 2008 et 100 milliards FCFA en 2009. En termes de comparaison, en 2005, l’uranium a rapporté à notre pays sept milliards FCFA contre neuf milliards FCFA en 2006, et 35 milliards FCFA en 2007. Il faut retenir que les accords de Niamey ont abouti à des engagements précis en termes d’investissements jusqu’en 2011, date du démarrage de l’exploitation du gisement d’Imouraren. Le groupe Areva va recruter 97% d’employés à contrats nationaux et 3% d’expatriés. De nombreux effets induits sont attendus en termes d’activités et autres réalisations sociales. Contraints de voir la réalité en face et de lâcher du lest, les dirigeants du groupe Areva parlent ainsi d’un nouveau contrat « gagnant-gagnant », alors même qu’aucune des clauses de cet accord ne traite d’un partenariat qui permettrait à notre pays d’assurer son développement économique et social à moyen et long termes. Les observateurs nationaux avancent dans les médias que le néocolonialisme est bouté hors du Niger. Mais c’est sans connaitre les capacités de nuisances du groupe nucléaire Français. Depuis une quarantaine d’années, Areva exploite l’uranium du Niger, il a fallu seulement l’engagement de notre pays dans une politique de diversification des partenaires étrangers pour que le groupe français lui reconnaisse officiellement le droit d’œuvrer au bien-être de ses citoyens. Pour cause, ces deux dernières années, le Niger a délivré des permis à des compagnies canadiennes, britanniques et sudafricaines. Pourtant, le groupe AREVA, a bénéficié de quelque 600 millions d’euros d’exonérations fiscales selon le Camerounais Guy Gweth, consultant en intelligence économique et Fondateur de 136

Un nouvel accord d’un goût d’inachevé sur l’uranium

Knowdys Consulting Group. Le Niger souhaite obtenir d’avantage un engagement pluriannuel avec la France, pour réaliser les infrastructures si indispensables à son développement, comme des ouvrages hydroélectriques, ceux de dessertes et de désenclavement des routes transafricaines et la boucle ferroviaire. Or, au lieu de cela, la France limite ses interventions au seul secteur uranifère, ce qui l’intéresse réellement ; laissant à la Chine, à l’Inde et à des partenaires financiers (BID, BAD, EU, Banque Mondiale...), la construction des ponts et barrages essentiels à l’épanouissement de notre économie. Le groupe Areva qui s’est engagé dans un contrat d’exploitation d’uranium pour une durée d’au moins un demi-siècle, n’envisage même pas de construire un siège digne de ce nom à Niamey pour contribuer à la politique d’urbanisation et de modernisation de nos centres urbains. Il ne se fait guère de préoccupations. Les questions environnementales, si exigeantes, n’ont pas été abordées dans l’accord, malgré les conditions de transport du minerai vers le monde extérieur par camions via le Bénin. Chaque convoi est gardé jalousement par des soldats mais des accidents et des déversements sont courants. Ceci dit, avec cet accord, le Président Tandja rêve les yeux ouverts. Cet exemple est valable pour tous les dirigeants Africains. Comme l’indiquait M. Abdoulaye Niang, ancien Directeur de la Commission Economique pour l’Afrique au Bureau Afrique de l’Ouest à Niamey, l’on doit être à la recherche d’un autre modèle de développement plus pertinent. Ainsi, Gouvernement, secteur privé et société civile sont interpellés pour repenser le système actuel de gouvernance dans nos pays. La richesse de nos Etats doit être réinvestie dans la croissance pour retrouver la dignité de l’Afrique, ce, à travers une stratégie pour une gouvernance africaine. Nous sommes pauvres de par notre faute. Le constat est clair : Anne Lauvergeon ne s’est pas déplacée pour rien dans notre pays pour rencontrer le Président Tandja. Au même moment, le Président Nicolas Sarkozy foulait le sol saoudien à la recherche d’un repreneur d’uranium à un coût fort 137

« Itinéraire d’un combat ! »

intéressant ! L’espoir du Président Tandja de réduire la pauvreté va fondre comme neige au soleil avec la déclaration explosive de l’ancien Ministre du Tourisme, Rhissa Ag Boula, qui a fait le choix de la force comme mode de règlement du conflit armé dans le Nord. Dans cette optique, les ressources tirées de la vente de l’uranium seront orientées vers l’acquisition d’armes et de munitions en occident ! Des raisons d’y croire, tant que ses intérêts ne sont pas touchés, la France de Sarkozy continuera à montrer un désintéressement à l’égard du Niger.

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Photo Rabiou Malam Issa

Si le nomadisme m’était conté14 ?

Cérémonie traditionnelle de remise d’une vache de race Bororo au Nord Dakoro (Hapanayé)

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u Niger, l’élevage pastoral repose fondamentalement sur un système de production assez vulnérable. Il est pourtant considéré comme un des leviers capables de relancer l’économie nationale. Le mouvement de transhumance à l’intérieur du pays, est plus important que celui de la transhumance transfrontalière (56% de l’effectif total du cheptel est transhumant). Ce mouvement saisonnier s’exerce sur un parcours coutumier (Sud-Nord et Nord. (Article publié dans le N°008 du mensuel Nigérien Energie pour Tous en date du 1er février 2008)

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« Itinéraire d’un combat ! »

Sud) : saison des pluies et fin des récoltes céréalières. Il varie d’une année à l’autre en fonction de la disponibilité des ressources pastorales (eau et pâturages). En plus d’être un mode de vie, le pastoralisme est une activité de production, de consommation et de commercialisation de biens et services. Le nomadisme est un système d’élevage qui consiste à exploiter les maigres pâturages de la savane par des courts déplacements selon les saisons, hivernale ou sèche. Le séjour est soit sur les dunes, soit dans des bas-fonds. Pendant la saison hivernale, les nomades se dirigent vers le Nord du pays, zone essentiellement pastorale : avec des inter-dunes, ce qui ne les empêche pas en saison sèche de descendre avec les animaux plus au Sud dans la zone agricole, pour profiter des sous-produits agricoles. Ils élèvent d’importants troupeaux (bovins, caprins, ovins, camelins). Le peuple pasteur est constitué de Peuls, Touareg, Toubou et Arabes. La transhumance est un système d’élevage essentiellement pratiqué par des pasteurs Peuls dont le cheptel est constitué de bœufs, moutons et chèvres, habitués aux grands déplacements allant d’une zone à une autre et d’un pays à l’autre, à la recherche de pâturages. Les nomades se concentrent le long des cours d’eau (fleuve Niger, Goulbi, Magia, Lacs, Komadougou). Les éleveurs nomades Touareg et Toubous sont attachés à des zones bien délimitées (Nord et NordEst du Niger) qu’ils ne quittent qu’en cas de grandes sécheresses ou de rareté de pâturage. C’est pourquoi, avec le taux de croissance démographique, une grande partie de ces populations nomades, a tendance à se fixer. Compte tenu de la raréfaction du pâturage et de l’occupation des terres par les cultivateurs, les Peuls qui sont les plus grands pasteurs sont en train de se sédentariser massivement. Ils s’investissent dans l’agriculture et le commerce, tout en conservant leur tradition par l’élevage dit de case que les autres couches de la population pratiquaient il y a longtemps. Avec l’accroissement de la population, la remontée des terres des cultures vers le Nord et la disparition des zones des pâturages, les 140

Si le nomadisme m’était conté ?

2/3 du cheptel vivent en permanence en zone agricole. Toutefois, les populations nigériennes, celles qui sont considérées comme nomades ou agriculteurs, ont la propension de pratiquer deux activités (agriculture et élevage) dès que les conditions s’y prêtent, à savoir l’existence des points d’eau, des terres cultivables et des possibilités d’élevage. Le mot « nomade » s’applique généralement aux gens qui ne le sont plus. Les Touaregs, par exemple, sont sédentaires à 80%. Les 20% restants vivent sur un territoire bien identifié et se déplacent librement avec leurs troupeaux. Dans le cas précis, le nomadisme est synonyme de transhumance. La communauté des Bororos, elle, ne reconnaît pas la notion de territoire. En ce sens, elle peut être considérée comme étant « la seule véritable communauté nomade » du Niger. A cet effet, la compréhension des systèmes pastoraux nigériens a longtemps été remise en cause par le principe général selon lequel l’élevage, tel qu’il était pratiqué par les pasteurs, était régi davantage par des choix coutumiers que par des impératifs économiques. C’est pourquoi le pastoralisme a souvent été taxé d’archaïque et de non rentable, voire d’être comme une activité de subsistance. Le Niger est assurément un pays de pasteurs et d’agriculteurs, parce que ces deux activités sont les principales ressources des populations. Avant la grande sécheresse de 1968 et 1973, l’exportation du bétail sur pieds et la culture de l’arachide étaient les activités pourvoyeuses d’importantes devises pour le Niger. Aujourd’hui, si l’arachide a presque cessé de jouer ce rôle de locomotive économique, l’élevage continue à le faire. Tout compte fait, le rôle joué par l’agriculture et l’élevage est irremplaçable, car ces deux activités emploient plus de 90% de la main-d’œuvre nationale. Autrefois, le pastoralisme était une force dominante au Niger, mais les rôles sont maintenant inversés et les sociétés pastorales dans leur grande majorité sont appauvries, dominées et sous-développées. Aujourd’hui, les activités pastorales sont fondamentalement limitées du fait de l’indisponibilité des bras valides et des ressources naturelles de base (pâturages, eau 141

Photo Rabiou Malam Issa

« Itinéraire d’un combat ! »

Jeunes éleveurs Bororo au milieu de leur troupeau à Abalak

et minéraux). De grandes étendues où le pastoralisme se pratique depuis des millénaires, sont complètement dégradées. A l’heure actuelle, l’aridité générale et l’irrégularité de la pluviométrie figurent parmi les principaux obstacles à l’épanouissement de ce système de production. Les nomades doivent donc consacrer une grande partie de leurs efforts à la reconstitution de leurs troupeaux pour sauvegarder leur mode de vie. Les pasteurs Touareg et Peuls évoluent au sein d’un espace et vers une communauté commune des apports des uns et des autres, cela le plus naturellement du monde et sans artifice, car leurs particularités, leurs cultures et leurs arts sont des richesses qui finiront par s’interpénétrer, s’inter-féconder pour créer l’homme nigérien de demain. C’est ainsi que se sont formées toutes les sociétés civilisées du monde. Aucune communauté humaine dans son évolution n’échappera à cette règle naturelle : le respect de l’unité dans la diversité. Ces groupes de pasteurs nomadisent ensemble et peuvent avoir des terrains de parcours communs sur des terrains de parcours différents qui se recoupent à des points donnés. L’épanouissement de leur troupeau dépend de la capacité du point 142

Si le nomadisme m’était conté ?

d’eau à abreuver le bétail et de l’abondance du pâturage. Lorsque les capacités d’abreuvement du point d’eau sont insuffisantes, les nomades procèdent à une scission du groupe. Ces groupes se localisent autour des points d’eau permanents ou temporaires, tandis que les groupes semi-nomades se situent autour des puits. Vu le nombre important du bétail au Niger, il y a nécessité de créer plusieurs points d’eau pastoraux. Le gros bétail soumet les pasteurs à un travail intense, car les ovins broutent souvent la nuit, consacrant la période lumineuse au repos. Par ailleurs, ils nécessitent une surveillance permanente afin d’éloigner les prédateurs. Les unités bovines exigent aussi une compétence plus spécialisée que celle requise pour les ovins. L’utilisation de l’espace se fait en fonction des saisons. En saison humide, l’occupation de l’espace continue jusqu’à l’assèchement des points d’eau. Pendant cette période, les pasteurs délaissent les puits au profit des mares et des flaques. A la fin de la période post-hivernage, au mois de novembre, lorsque tous les points d’eau sont épuisés, les nomades vont s’approcher des mares permanentes ou semi-permanentes, des puits et forages. La position des unités de production se situe toujours derrière les unités domestiques afin d’éviter une dégradation et une surcharge des pâturages. Les pasteurs se côtoient sur les circuits de transhumances sans se mêler. Les pasteurs Touareg évoluent enserrés dans un étau. La remontée des cultures du Sud vers le Nord empiète sur la zone pastorale, les contraignant à se replier sur les terrains de parcours les plus arides, occasionnant une rupture de la complémentarité entre zone pastorale et zone agricole. L’occupation spatiale renvoie à une opposition entre les campements. En saison chaude, notamment en période de soudure, le contrôle social sur l’utilisation des niches écologiques restantes s’exerce avec vigilance. La rareté des ressources naturelles est porteuse d’un processus relativement égalitaire dans l’accès aux ressources. Cependant, ce processus est contrecarré par l’inégalité de tailles des troupeaux et par la situation 143

« Itinéraire d’un combat ! »

sociale des riches propriétaires. Quoi qu’il en soit, il est exclu qu’en saison chaude, s’instaure un ordre dans l’utilisation des pâturages. En saison sèche, tout déplacement est précédé d’une concertation entre les différents Chefs de groupements nomades. Chez les Peuls, le mode d’organisation et d’utilisation de l’espace diffère sensiblement de celui des Touaregs. En hivernage (juillet à septembre), les unités domestiques composées de vieillards, d’infirmes et accompagnées de quelques laitières sont situées autour des mares, tandis que les unités de production composées d’enfants, d’adolescents valides qui guident les troupeaux de bovins, se situent au-delà des unités domestiques. En hiver, de novembre à janvier, ils se retrouvent à la même position. Le gros bétail s’alimente sur les terrains colluviaux et sur l’ensemble du réseau hydrographique. Ce mode d’utilisation de l’espace tend à faire apparaître l’existence de deux types de nomadismes différents issus de conditions écologiques identiques. Ce souci, qu’on rencontre chez les Peuls, n’est sous-tendu que pour la préservation des pâturages. En effet, Peuls et Touareg ont le même rythme d’abreuvement, c’està-dire une fois tous les deux jours. En d’autres termes, le troupeau passe un jour au pâturage et le jour suivant, il descend pour s’abreuver. Cette descente se fait généralement sans consommation de plantes. Les Touareg, tout comme les Peuls, apprécient les pâturages qui n’ont jamais été piétinés. La stratégie de chaque groupe consiste à arriver le premier sur des pâturages pas encore broutés. Toutefois, chez les Touaregs, la mobilité des campements est déterminée par le rythme d’abreuvement et est partie intégrante des pâturages de séjour, ce qui renvoie au mode d’organisation de l’espace. Ce type d’organisation n’existe pas chez les Peuls, ceux-ci pratiquent systématiquement la stratégie dont l’objectif vise à utiliser les meilleurs pâturages. Au-delà du mode d’organisation de l’espace qui correspond à un système de production et à une structure politique différente, interviennent également les droits du premier arrivé, fondés dans ce cas sur le nombre de têtes de gros bétail et sur l’obstination des 144

Si le nomadisme m’était conté ?

bergers, qui est généralement favorable aux grands éleveurs. D’où l’expression suivante : « Là où il y a des Peuls, les Touareg passent derrière ». Si un nomade ou une fraction réussit à creuser un puits ou un puisard, l’exploitation du pâturage nécessite l’autorisation verbale du nomade ou de la fraction qui a occupé initialement cet espace. Cette autorisation n’est pas assortie d’une prestation quelconque. Cet exemple qui peut paraître désuet a une importance bien fondée au Niger. En effet, toute action qui refuserait de prendre en considération cette entente d’appropriation et de contrôle de l’espace entre nomades provoquerait, soit des antagonismes sociaux, soit des processus incontrôlables de surcharge pastorale. La diversité des troupeaux et la combinaison de différentes espèces au sein d’un même troupeau s’expliquent par le fait que les bovins, les chèvres, les chameaux et les moutons répondent à des besoins différents et n’ont pas les mêmes rythmes de production de lait et de viande. Cette diversification est avantageuse, car elle permet aux familles des nomades pasteurs de prolonger la période, de diminuer ses risques de perte totale, les différentes espèces ne présentant pas les mêmes risques de maladies. Après une sécheresse, il est plus facile de reconstituer un troupeau composé de petit bétail, dont la petite taille et la vitesse de reproduction sont un atout important face au capital que constituent les bovins ou les chameaux. Les Bororos constituent une population impressionnante qui semble avoir conservé une culture particulière en raison même de leur mode de vie qui les amène à s’enfermer sur eux-mêmes, un peu par instinct de conservation. Ils sont de langue et de culture Peul, mais se distinguent des Peuls par certaines pratiques, parce que, ceux-ci ont été longtemps islamisés avant eux. Les autres communautés voisines les accusent de conserver certains traits de pratiques païennes ancestrales. Même parmi les Bororos, on constate beaucoup de changements, parce que, suivant la communauté majoritaire au sein de laquelle ils vivent, ils finissent par adopter leurs modes 145

« Itinéraire d’un combat ! »

vestimentaires et leur mode de vie. C’est ainsi que dans des zones nomades Touaregs, les Bororos adoptent les mêmes accoutrements, les mêmes traditions. C’est dire qu’aucune population n’est rebelle à l’évolution de sa civilisation et n’hésite pas par principe à ne rien adopter de ses voisins. Les Bororos sont une ethnie parcourant le pays à vive allure. Ils se déplacent avec leurs familles de village en village ou, on pourrait plutôt dire, de brousse en brousse. Ils vivent parmi les « bœufs » dans leurs tentes de cuir. Ils parcourent le pays du Nord au Sud, car ce sont de grands marcheurs qui font des kilomètres en très peu de temps. Leurs visages et leurs corps sont sculptés et cela dès leur plus jeune âge. D’ailleurs, ils sont très élégants et portent des vêtements plus ou moins fluorescents. Les hommes, bien souvent munis d’un long bâton et d’un sabre, tout comme leurs habits spéciaux, s’occupent de leurs troupeaux dans la brousse. Ce sont de grands éleveurs. Les femmes sont de véritables rayons de soleil, elles sont vêtues de multiples couleurs, elles sont d’une grande beauté ; leur principale activité est la vente de lait caillé et de produits de la pharmacopée traditionnelle. De plus, les femmes Bororos, contrairement aux femmes des autres nomades, sont chargées de construire les cases. La saison sèche d’une durée de neuf mois est le temps de travail des hommes. En effet, il revient aux hommes de nourrir les animaux durant cette longue période. Ils s’occupent des troupeaux et de quelques travaux domestiques. Les femmes sont chargées de nourrir toute la famille durant la saison des pluies avec le produit de la vente de lait. Les coiffures des Bororos les distinguent des autres nomades. Les Peuls Bororos du Niger gardent une mèche nattée au sommet du crâne. Les Bororos, majoritairement animistes, ont longtemps résisté à l’islamisation. Mais leur nonadhésion à la religion est en train de disparaître, puisqu’ils sont nombreux, désormais, à envoyer leurs enfants à l’école coranique ou à effectuer le pèlerinage à La Mecque. Tous ces éléments les poussent à adopter la culture majoritaire du lieu où ils vivent. Dans la région 146

Si le nomadisme m’était conté ?

d’Agadez, le mode de vie des Bororos ressemble fort à celui des Touareg : ils portent les mêmes costumes, boivent le thé, achètent des chameaux et parlent le Tamashek. Peu à peu, ce phénomène va toucher les Bororos de l’ensemble du pays, qui vont lentement perdre leurs traditions et devenir de simples Peuls sédentaires. En brousse pourtant, certains résistent, tandis que d’autres, en ville, font de leur folklore un commerce fructueux. Le mode de vie des Bororos ne leur permet plus de vivre correctement. En plus de subir les sécheresses très rudes de ces derniers temps, ils rencontrent des problèmes lors de leurs déplacements. Les agriculteurs refusent que leurs grands troupeaux traversent leurs champs. Chaque année, cette situation engendre des conflits sanglants. Les Arabes Mohamid pratiquent pour l’essentiel l’élevage des camelins, principalement dans la zone Sud-Est de la région de Diffa. Ils sont conservateurs. Ils se méfient de tout le monde. Par exemple, un homme ne peut pas se promener autour des campements Arabes Mohamid. Quiconque se promène seul est suspect. Ils sont très méfiants, et de surcroît provocateurs. Les Arabes Mohamid obligent les populations à partager les pâturages et les points d’eau. Bien souvent, les Mohamid, relayés par les autres groupes Arabes, justifient leurs agissements vis-à-vis des autres éleveurs, Toubous notamment, par la fréquence des vols dans la région. En raison de l’importance de leur cheptel et de la réputation de « bons payeurs de taxes et d’impôts » que les autorités administratives leur reconnaissent, les Mohamid représentent une force économique réelle pour l’ensemble de la région. Les Mohamid sont considérés comme des étrangers (Soudanais et Tchadiens), c’est pourquoi les autorités leur ont demandé de se conformer aux us et coutumes de la région de Diffa. Certains Chefs coutumiers ne cachent pas leur indignation vis-à-vis de cette communauté qu’ils décrivent à travers une multitude d’attributs : pour eux, les Arabes Mohamid sont des gens à problèmes. Ils sont influents à cause de leur richesse (grands 147

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troupeaux de dromadaires). Les Mohamid, pasteurs nomades, sont venus du Tchad. Leur cohabitation est difficile avec toutes autres communautés. Ils ne respectent aucune règle en vigueur dans le monde pastoral. Très souvent, des conflits éclatent autour des puits en ciment qu’ils considèrent comme une propriété de l’État. Donc, ils peuvent les utiliser sans respect d’aucune règle. Les Arabes Mohamid sont des nomades qui se déplacent et qui vont souvent jusqu’au Nigeria. Quand on parle d’élevage et de transhumance, il y a toujours des problèmes qui sont liés au déplacement des personnes et de leurs animaux. Les Arabes Mohamid viennent trouver par exemple un puits en ciment, ils tiennent à abreuver leurs animaux. Et lorsqu’ils sont en présence des populations fixes, ils cherchent à montrer qu’ils sont aussi les détenteurs de ce puits, ce qui entraîne des conflits entre eux. A cet effet, les Mohamid ont développé une stratégie d’occupation spatiale tentaculaire qui consiste à s’emparer des rares poches de pâturages, comme dans la partie Sud du cheflieu du poste administratif de N’Gourti, dont ils interdisent l’accès aux troupeaux des autres éleveurs. Les Mohamid ont la même façon de vie que les Peuls Bororos. Leur vie est liée entièrement à leurs animaux. Leur problème avec les autres éleveurs, c’est le partage du pâturage. Leurs points d’eau sont des puits cimentés et ils n’arrivent pas à s’organiser pour abreuver à tour de rôle. Les Toubous se retrouvent dans la partie Est du Niger. C’est là qu’on les rencontre. Ils pratiquent l’élevage semi-nomade de bovins et de camelins, et vivent dans la partie Est du Tibesti, au Lac-Tchad. Ce sont des nomades noirs. C’est une population islamisée depuis le 9ème siècle, menant une vie dans des conditions difficiles, mais bien adaptées, dans un milieu désertique et ayant des relations anciennes avec les populations du Sud et du Fezzan libyen. Pendant longtemps, ils ont contrôlé les routes transsahariennes où se pratiquait le commerce caravanier. Une partie de la population s’occupe de la culture des jardins et de l’entretien des palmeraies, tandis que l’autre 148

Si le nomadisme m’était conté ?

partie parcourt les pâturages pour les chèvres, moutons, ânes et chameaux, et se livre au petit commerce caravanier. Ils vendent leur bétail dans le désert et au retour, ils apportent des dattes. Les dattes sont très importantes pour les Toubous, car avec quelques céréales cultivées ou sauvages, elles constituent la base de leur nourriture. Les Toubous vivent dans l’Est du Niger, notamment au Djado, Seguedine, Aney, Emitchouma, Achenouma, Argui, Djouray, N’gourty, Dirkou, Chimindour, Beza, Agueur, Bilma, Zoo-Baba et Fachi, où on les appelle souvent « Guezibida » du fait de leur sédentarisation ou de leur métissage avec les Kanouris. Ils vivent de l’élevage extensif de leurs troupeaux dans de vastes espaces qui sont impropres à l’exploitation agricole. Pour la grande majorité des Toubous, les troupeaux sont le seul moyen d’existence, mais certains pratiquent tout de même une petite exploitation de la terre dans les oasis les mieux dotées en ressources hydrographiques. Le terme Toubou désigne en fait les habitants du Tibesti, en langue Kanembu. Cette dénomination adoptée par la colonisation française est maintenant admise et passée dans l’usage courant. Eux-mêmes se nomment Teda au Nord, Daza au Sud. Ils parlent le Tedaga. Les Teda émigrent vers le Sud, parlent Tedaga métissé de Dazaga. Les Toubous sont répartis à l’origine en 36 clans, la communauté en compte 50 aujourd’hui. Le clan Toubou est un ensemble d’hommes et de femmes, libres et indépendants, dispersés dans l’espace et unis par le mariage. Les signes caractéristiques du clan sont : le nom, le surnom, le blason ou une marque, une légende qui en résume l’origine ou l’histoire. Ils pratiquent un islam traditionaliste, mêlé à la coutume Teda. La loi Teda ou Toubou est une loi coutumière qui n’a rien à voir avec la charia islamique. Les Teda pratiquent le culte des saints du « Borcodi ». Ainsi, tous ces groupes de nomades dont l’élevage extensif est le principal mode de vie dans un milieu relativement hostile, sont des peuples habitués à vivre en petites tribus isolées qui ont été toujours rebelles à la constitution de grands ensembles 149

« Itinéraire d’un combat ! »

parce que très jaloux de leur liberté d’action. Ils sont souvent perçus comme des peuples fondamentalement opposés au contrôle d’un Etat centralisateur qui a du mal à leur imposer l’ordre républicain, et à exiger d’eux les devoirs d’un citoyen moderne. Aujourd’hui, les conditions socio-économiques des pasteurs nomades sont particulièrement difficiles, et l’attitude des responsables politiques et administratifs, qui ne prennent pas suffisamment en compte leurs aspirations pour leur apporter des solutions les plus appropriées à leurs problèmes, ne fait que grandir l’incompréhension entre ce peuple laborieux et l’administration. Il est vrai que les problèmes économiques de toutes sortes qui assaillent la nation elle-même ne sont pas étrangers à cette situation. D’une manière générale, on constate que les rares efforts entrepris par l’administration pour améliorer les conditions de vie de cette frange de la population nigérienne, sont pour la plupart du temps, soit ponctuels, soit non appropriés, si bien que les observateurs pensent que les nomades sont généralement considérés comme un bétail électoral, à l’instar d’ailleurs des autres communautés nationales. Ainsi, compte tenu des aléas climatiques qui conditionnent leurs activités et de la grande vulnérabilité de la production animale dans un environnement difficile, le grand problème des pasteurs nomades est celui de leur survie à travers un mode de production aléatoire. Bien plus que les populations sédentaires, ils vivent avec la hantise de perdre, d’une saison à l’autre, la totalité de leur raison d’existence qu’est leur cheptel. L’élevage étant leur principale activité, il importe pour eux d’en tirer le maximum de ressources pour être à l’abri du dénuement total et de l’insécurité matérielle. L’Etat-nation responsable du bonheur et du mieux-être général de toutes les populations doit être en mesure de promouvoir des programmes et projets susceptibles d’assurer à tous la possibilité de vivre aisément et de prospérer quelles que soient les zones d’habitation et les activités auxquelles se livrent les citoyens. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement nigérien et l’Assemblée Nationale doivent réfléchir à des lois portant sur les meilleures conditions de vie et de travail des pasteurs. 150

Photo Rabiou Malam Issa

Société Civile Et Syndicalisme15 ?

Défilé de la Confédération Nigérienne du Travail (CNT), le 1er mai 2012 en présence du Secrétaire Général, Sako Mamadou

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a condition essentielle de l’existence des organisations de la société civile (OSC), est la garantie des libertés individuelles et collectives. Elles ont toutes comme caractéristiques communes l‘autonomie, l‘autorégulation ou l’autodiscipline, le volontariat et la solidarité, ainsi que différentes valeurs démocratiques fondamentales. A ce titre, les OSC jouent un rôle évident en assistant . (Article publié dans le N°012 du mensuel Nigérien Energie pour Tous en date du 9 Mai 2008)

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le Gouvernement et les autres acteurs à répondre aux besoins de la cité. Elles encouragent les acteurs sociaux à faire preuve de responsabilisation et de transparence. Dans ce cadre, les ONGs tiennent une place particulière dans le cercle de ces différentes formes d’organisation et sont souvent désignées dans la littérature comme « moteurs de la société civile ». Dans cette diversité plurielle, les syndicats sont des acteurs du dialogue social entre l’Etat, les employeurs et les salariés. Plus un syndicat est représentatif, plus il pèse face à la hiérarchie. D’où l’intérêt d’une vive collaboration : société civile et syndicats. L’événement est de taille. C’est pour la première fois dans l’histoire du Niger, qu’un syndicat ouvre le débat sur le rôle qu’une organisation syndicale peut jouer au sein de la société civile. Dans le cadre des activités statutaires du syndicat des travailleurs du commerce (Syntracom), le Secrétaire Général Elhadji Alio Mahamane Maîga, m’a demandé d’ouvrir un débat sur le rôle que peut jouer un syndicat au sein de la société civile. A ma connaissance, c’est la première fois qu’un syndicat au Niger décide de consacrer l’essentiel de ses travaux à une réflexion sur un thème si important. En effet, depuis plus de deux décennies la société civile a été de tous les combats pour la promotion et l’émergence d’une gouvernance démocratique et républicaine. Grâce à sa grande capacité de mobilisation sociale, elle a pu amorcer et développer dans l’exercice de ses fonctions, un savoir-faire en matière d’information, d’éducation, de communication et de plaidoyer pour l’enracinement de la démocratie, le respect des règles et des principes édictés par la Constitution, la protection et la défense des Droits Humains, l’équité dans la participation de la femme à la gouvernance politique et administrative, la lutte contre la corruption, la transparence dans les industries extractives, la promotion de la santé et de l’éducation, la lutte contre l’esclavage... Cette contribution est susceptible d’être enrichie par chacun, afin que l’ensemble des acteurs s’engagent dans un débat constructif sur la question. Par définition, le syndicat est une 152

Société civile et syndicalisme ?

organisation professionnelle ou catégorielle et privée, indépendante de l’Etat (mais reconnue par lui) et régie par un ensemble de lois et instruments internationaux. L’organisation peut être une structure composée de salariés ou une organisation patronale regroupant des entrepreneurs. Le syndicat a pour but d’assurer la défense des intérêts de ses membres. Lorsqu’on fait référence à des questions touchant l’ensemble des travailleurs réunis au sein des syndicats de salariés et les organisations patronales, on parle de partenariat social. A ce niveau, les revendications portent principalement sur les salaires et les conditions de travail (on parle dès lors de « progrès social »). Lorsqu’interviennent des restructurations au sein des entreprises, on évoque la question des licenciements, leur indemnisation ou le maintien des emplois. Hormis les acquis sociaux, certains syndicats, notamment ceux du secteur public, défendent leur vision des services publics. Il peut s’agir de veiller à leur qualité, comme par exemple la couverture du territoire en transports collectifs, l’accès de tous à l’électricité, la lutte contre la vie chère ou la défense des droits de l’homme et de la démocratie. Les syndicats peuvent également se mobiliser sur leur extension au sein de la société, illustrée par la réussite de campagnes de sensibilisation à des questions telles que la TVA, l’IUTS, le retour à la paix, la famine, la protection de l’environnement, la hausse des prix des hydrocarbures qui drainent des milliers de militants lors des marches et meetings. Le Forum Social Mondial offre un exemple récent du dynamisme de la société civile dans le monde. Les derniers auxquels nous avons participé se sont déroulés à Bamako, en 2005, à Nairobi, au Kenya, en janvier 2007 et à Montréal en 2016. Ce dernier forum a réuni quelque 60.000 responsables d’OSC pour examiner les modèles actuels de mondialisation de l’économie et proposer des solutions plus équitables et plus durables. La société civile n’est donc pas seulement une force majeure, elle est également très variée. Sa nature et ses composantes sont diverses et sa définition est le reflet des différences 153

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo Rabiou Malam Issa

de philosophie, d’histoire et de contextes nationaux. Le Syndicat, partie intégrante des forces vives d’une nation, est considéré comme un acteur déterminant de la société civile, bien que ne s’assignant pas les mêmes objectifs que les organisations non gouvernementales classiques communément appelées ONG. Cependant, leurs actions sont à la limite complémentaire et convergente, parce que tous visent en dernier ressort la prospérité et le mieux-être de la communauté. Selon la définition de l’ONU, « la société civile comprend l’ensemble des entités légales à caractère national, régional ou international autres que le Gouvernement et les organisations internationales ». A la base, le rôle dévolu aux syndicats était de faire remonter les revendications des salariés. Mais la dernière décennie a vu la montée en puissance de la société civile, en termes de volume, d’influence et de capacité, une expansion tractée par la dynamique de la mondialisation, le développement de la gouvernance démocratique et des télécommunications ainsi que l’intégration économique. Ainsi, au Niger, le nombre d’ONG serait passé de moins de cent en 1990 à 600 en 2007 et plus de 2.000 en 2017. Aussi, les OSC jouent-elles désormais un rôle de premier plan

Manifestation de la société civile à la place Toumo de Niamey

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Société civile et syndicalisme ?

dans l’aide au développement. Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), les OSC ont fourni aux pays en développement une aide de l’ordre de 11 ou 12 milliards de dollars par an à la fin des années 90. Elles sont également devenues des acteurs importants dans la prestation de services sociaux et la mise en œuvre d’autres programmes de développement, notamment dans les régions où l’action des pouvoirs publics est limitée, comme dans les situations post-conflits. L’influence des OSC dans la définition des politiques publiques internationales s’est également fait sentir au cours des deux dernières décennies. Ce dynamisme est illustré par la réussite des campagnes de sensibilisation sur un sujet comme l’annulation de la dette. La Banque Mondiale désigne par société civile le large éventail d’organisations non gouvernementales à but non lucratif, qui animent la vie publique et défendent les intérêts et les valeurs de leurs membres ou autres. Ces actions sont fondées sur des considérations d’ordre éthique, culturel, politique, scientifique et religieux. La définition opérationnelle choisie par le Secrétariat Exécutif du SMSI établit une seconde distinction entre les entités à but lucratif relevant du secteur privé, et les autres. Depuis la Conférence Nationale Souveraine de 1991 au Niger, la société civile est partie prenante dans le déroulement des différents processus électoraux, dans lesquels elle assure des responsabilités dans l’organisation et la supervision des élections. A ce titre, les OSC nigériennes ont développé de grandes capacités dans la vulgarisation du Code Électoral, la formation, l’accompagnement des agents électoraux et l’observation électorale. Elle continue à jouer un rôle important dans la gestion des contingences naturelles (dégradation de l’environnement, sécheresses, invasions acridiennes, insécurité alimentaire, inondations, épidémies, feux de brousse...), et dans la gestion des crises d’origine alimentaire, politique et institutionnelle. Elle participe aux côtés de l’Etat et ses partenaires au développent, 155

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aux opérations humanitaires. L’expérience de la démocratisation du système politique nous prouve que les syndicats et les autres organisations de la société civile telles que les associations de scolaires, de défense des droits de l’Homme, des femmes et des producteurs ruraux ont joué un rôle fondamental dans l’évolution socio-politique et économique de notre pays. Le Syndicat des travailleurs du commerce, de par l’importance économique, sociale et stratégique du secteur dans lequel opèrent ses militants, occupe incontestablement une place déterminante, étant l’une des clefs de voûte de notre développement économique et social. Que deviendrait l’économie nigérienne sans les apports irremplaçables des travailleurs de la Nitra, de la SDV, de Lonani, de la Cafer, de la Sonidep, de la Socogem, de Total, de Olibya, de la Chambre de Commerce, sans compter les grandes entreprises commerciales telles Meréda et Marina Market ? Ces unités assurent l’approvisionnement quotidien de notre pays en divers produits stratégiques et de première nécessité. Elles emploient des milliers de familles nigériennes. C’est dire que la place et le rôle du syndicat qui est une organisation de travailleurs au sein de la société civile sont prépondérants. Malheureusement, le mouvement syndical nigérien est actuellement confronté à de nombreuses épreuves dans la conduite de ses activités, du fait notamment de son morcellement et de sa désunion, pendant que sur le plan régional et international, la tendance est au regroupement et à l’unification. L’efficacité de ses actions est soutenue par l’apport massif de la société civile qui joue un rôle de complémentarité. Afin d’être fortes et mobilisatrices, les organisations syndicales, au lieu de s’entre-déchirer, devraient se regrouper et entreprendre des actions dynamiques d’information, de sensibilisation et de formation à l’intention des travailleurs. Ces organisations syndicales devraient aider à prendre conscience de la dégradation des conditions de travail et de vie des travailleurs, en faisant comprendre que seule la lutte menée dans la communion est payante, alors que toutes les 156

Société civile et syndicalisme ?

autres voies ne peuvent que renforcer le pouvoir de ceux qui les exploitent. Aujourd’hui, la société civile dont font partie les syndicats, conformément aux dispositions de l’Ordonnance 84-06 du 1er mars 1984 et son décret d’application N°84-49/PCMS/MI du 1er mars 1984 portant régime des associations, modifiée et complétée par la Loi 91-006 du 20 mai 1991, se voit reconnaître, d’une part des fonctions de contrôle de la « bonne gouvernance » et, d’autre part, des fonctions sociales, car l’Etat est de plus en plus confiné à ses fonctions régaliennes et de souveraineté. Cette spécialisation des rôles, qui accroît les domaines de responsabilité de la société civile et du mouvement syndical, impose une synchronisation parfaite de leurs actions pour que leurs interventions soient réellement efficaces. Pour y parvenir, il importe que les structures syndicales soient totalement indépendantes de l’Etat et du patronat. Les syndicats et la société civile ne doivent pas être considérés comme des éléments déstabilisateurs des régimes en place au motif qu’ils cherchent à assumer correctement leur rôle. Ils défendent des intérêts matériels et moraux de leurs membres dans le respect des lois républicaines et contribuent à la bonne gestion des affaires de la cité. L’Etat et notamment le patronat doivent reconnaître sans réserve les droits et devoirs des structures syndicales et des organisations de la société civile, à savoir : d’intervenir librement dans l’espace public pour proposer, défendre et discuter des projets les concernant, notamment ceux relatifs à la défense des droits des citoyens ; de s’exprimer en toute liberté, notamment sur des questions relatives à la cherté de la vie, au conflit et plus généralement sur la vie de la nation ; avoir le droit de choisir librement entre des projets politiques concurrents et corrélativement de choisir librement les gouvernants qui sont responsables devant leurs structures. Cela n’est évidemment possible que dans le cadre d’une démocratie véritable à l’avènement de laquelle doivent contribuer les organisations syndicales et de la société civile. La société civile jouit par définition d’une liberté 157

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d’expression, d’une flexibilité et de moyens d’intervention grâce auxquels elle peut s’acquitter des tâches que les gouvernants ne peuvent ou ne veulent pas assumer. Par principe, les organisations de la société civile mènent des actions d’éducation et de formation. A ce titre, le syndicat peut constituer un relais pour ses militants en les informant directement ou en les tenant informés par les médias et l’entremise du public. A cet égard, son rôle est de contribuer au respect des droits et libertés consacrés par les instruments juridiques nationaux et internationaux. En clarifiant le rôle des syndicats et de la société civile dans un processus de libéralisation et de mondialisation, on peut affirmer qu’ils doivent ensemble faire face aux problématiques auxquelles ils sont confrontés, échanger leurs réflexions et engager des actions de mobilisation citoyenne. Les syndicats doivent définir, à chaque étape de la lutte, leur rôle social qui est un rôle fondamental dans la maturation. C’est pourquoi le rôle traditionnel du syndicat doit être à nouveau précisé. Toutefois, l’analyse peut être diversement interprétée selon la sensibilité de chacun. L’Etat, partenaire principal des syndicats et de la société civile, a généralement une conception républicaine dans laquelle le citoyen tend à se fondre. Généralement, c’est l’articulation entre le système des relations du travail et le système économique qui pose problème. En période de crise économique qui érode profondément les systèmes socio-politiques en place, les mouvements sociaux minent inévitablement les mécanismes de la négociation collective. L’unité d’action entre les acteurs de la société civile et ceux du mouvement syndical est donc indispensable. Mais le plus souvent, des rapports ambigus entre les dirigeants politiques et les responsables des syndicats des travailleurs tendent à compliquer la situation. Seule une synergie et la transcendance des égoïsmes particularistes entre la société civile et les syndicats permettront d’aboutir à des résultats escomptés, en prenant en compte la spécificité de chaque secteur d’activités. De nos jours, avec la démocratisation triomphante des 158

Société civile et syndicalisme ?

secteurs d’activités, les syndicats semblent être quelque peu mal à l’aise. Ils demeurent néanmoins des références sûres pour obtenir des résultats substantiels dans la lutte que mènent les travailleurs pour l’instauration de systèmes socio-économiques plus équitables, et la répartition des richesses engendrées par la combinaison du capital et du travail. Ces deux facteurs déterminants de toute production doivent avoir une rémunération juste à la hauteur de leur importance respective. La société civile porte en elle beaucoup d’espoir pour l’amélioration des conditions de vie de la population, pour son émancipation, et pour la promotion de la démocratie. Elle intervient dans la vie économique, sociale et culturelle des individus, des entreprises et des associations dans la mesure où elle se déroule en dehors de l’Etat et sans visée politique. Elle recherche également la satisfaction des besoins ou des intérêts matériels, le bonheur privé ou l’épanouissement intellectuel. La société civile regroupe, par exemple, des groupes non gouvernementaux, des associations professionnelles et des organisations religieuses. En apportant son assistance financière dans l’éducation, la santé, l’agriculture, l’environnement, l’entretien des routes, la société civile accompagne les fonctions vitales de l’Etat. Son rôle est primordial dans la construction et dans le fonctionnement d’une société démocratique. La société civile peut s’organiser et plaider pour le bien-être social. Elle s’emploie à promouvoir la tenue d’élections libres, légitimes et transparentes par l’observation du processus électoral, le renforcement de l’administration des élections et le soutien aux partis politiques. Cependant, la société civile et les organisations syndicales manquent suffisamment de capacités pour remplir efficacement leurs missions de régulation de la vie publique et de la mobilisation citoyenne. Cette faiblesse concerne notamment plusieurs domaines : communication, plaidoyer, lobbying, analyse des politiques publiques… Ainsi, le rôle des acteurs de la société civile et la place des syndicats sont très déterminants pour nos populations. 159

Photo Rabiou Malam Issa

L’élevage Au Niger : Quelles Difficultés16 ?

Visite d’un puits pastoral à Poundou Maibougé dans la région de Maradi

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u Niger, l’élevage constitue l’une des principales activités des populations. Deuxième activité après l’agriculture, il représente 11% du PIB national et 35% du PIB agricole. Fruit d’un héritage ancestral, il procure le prestige social et joue un rôle central dans la lutte contre la pauvreté. Il offre à l’économie du pays des avantages comparatifs sur le marché sous régional. La vente des produits le place en seconde position après l’uranium. Sur le plan socio. Article paru dans le bulletin d’informations le Sharo magazine N°002 de février 2014

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« Itinéraire d’un combat ! »

Photos Rabiou Malam Issa

économique, l’élevage constitue à la fois un capital et une épargne pour les ménages. Dès lors, il apparaît impérieux de mettre en place des mesures idoines pour faire face à toutes menaces sur ce secteur. L’élevage est d’autant plus important qu’il représente un potentiel incontournable en matière de garantie pour la sécurité alimentaire. Les difficultés majeures de sa pratique résident dans la disponibilité et l’accès à l’eau et aux pâturages. Les changements climatiques sont les obstacles majeurs à son développement, et les causes de mortalité et de faible productivité du cheptel. Le secteur de l’élevage est celui où les mécanismes de solidarité sociale sont plus présents, et son rôle social apparaît comme déterminant dans la lutte contre la pauvreté notamment dans la sécurité alimentaire des populations, la capitalisation de petits revenus aisément mobilisables, et la possibilité pour les pauvres sans terre de se constituer un revenu. L’ordonnance 2010-029 du 20 mai 2010 relative au pastoralisme consacre la reconnaissance, par l’Etat et les collectivités territoriales, de la mobilité pastorale comme un droit fondamental des éleveurs. Elle vise à renforcer le Code rural dans son ambition de sécuriser le pastoralisme au Niger, et constitue une avancée juridique majeure dans la gestion des ressources animales. Cette ordonnance concrétise le principe de transfert des compétences proposant la Commune comme maître d’ouvrage dans la gestion des puits en zone pastorale, et institue un système de fermeture et de libération des champs de

Animaux de race présentés au salon de l’agriculture organisé du 3 au 8 mars 2015 à Niamey

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L’élevage au Niger : quelles difficultés ?

cultures pluviales en zone agricole, pour prendre en compte les nécessités d’une bonne intégration entre l’agriculture et l’élevage, sous la responsabilité des régions. Cette loi clarifie le statut domanial des ressources pastorales et l’institutionnalisation d’une réglementation appropriée. Malgré sa contribution significative à l’économie nationale et à la lutte contre la pauvreté, le secteur de l’élevage apparaît comme un secteur au sein duquel la pauvreté est largement répandue. Toutefois, il constitue une source importante de revenus pour une grande partie des ménages ruraux. Cependant, le secteur de l’élevage contribue efficacement à la lutte contre la pauvreté en tant que principale source de revenus, notamment dans les ménages ruraux où son apport est estimé à 15% du budget. Cette activité procure un emploi permanent à plus de 87% de la population nigérienne qui la pratique à temps plein, ou partiel. Grâce à sa très grande diversité biologique, la pratique de l’élevage participe à la couverture des besoins alimentaires des populations, à travers la fourniture de nutriments nécessaires au développement humain, notamment la viande et le lait. L’élevage joue également un rôle dans le développement de certains secteurs, notamment l’agriculture à travers la fumure organique et la promotion du développement industriel comme les laiteries, les fromageries ou les cuirs et peaux. Le Ministère de l’élevage a estimé le cheptel nigérien à 36 millions de têtes toutes espèces confondues, soit un capital bétail estimé à plus de 2.000 milliards de FCFA. La plus forte concentration du cheptel se situe dans quatre régions du pays, à savoir Zinder avec 26% de l’effectif, suivi de Tahoua avec 21%, Maradi avec 16% et Tillabéry avec 15%. Les régions de Diffa et Dosso concentrent respectivement 10% et 8% de l’effectif total du cheptel. Les régions de Niamey et Agadez sont les localités où la concentration du cheptel reste faible avec respectivement 1% et 3%. Le Niger est un pays à vocation pastorale. Les ressources naturelles offrent un potentiel important pour l’élevage, mais il existe une compétition 163

« Itinéraire d’un combat ! »

avec les secteurs de l’agriculture et de l’environnement. Dans cette compétition, le secteur est en position de faiblesse tant à l’échelon local qu’au niveau national. La politique nationale de l’élevage est peu affirmée et le manque d’organisation des éleveurs est évident. Beaucoup d’incertitudes pèsent sur l’avenir de l’élevage et il est temps de renouveler les diagnostics généralement utilisés pour prendre en compte les situations locales afin de mettre en place une politique de l’élevage novatrice et d’actualité, dans laquelle le développement pastoral a une place centrale. Cette activité est aussi pratiquée par une frange importante d’agriculteurs qui complètent leurs activités par la production animale. Il existe principalement trois types d’élevage au Niger : l’élevage sédentaire, l’élevage nomade et l’élevage transhumant. Selon une étude menée par le Programme des Nations Unies au Niger (PNUD), l’élevage sédentaire est le plus dominant. Il concerne 66% de l’effectif total du cheptel, suivi de l’élevage nomade qui représente 18% et l’élevage transhumant 16%. Ils sont plus d’un million de Nigériens à exercer à plein temps dans le secteur de l’élevage. Les activités d’embouche et de production laitière s’intensifient de plus en plus dans le Sud-Ouest du Niger ; environ 2/3 des bovins se trouvent dans la zone agro-pastorale, entraînant du coup l’intensification de la production laitière. Les aires de pâturages sont évaluées à environ 60 millions d’hectares en 1998. La pratique de l’élevage est propice dans une bonne partie du territoire, notamment dans la zone pastorale, à cause principalement des spécificités agro-écologiques. Selon les spécialistes, en temps normal, la production fourragère couvre les besoins théoriques de toutes les espèces animales. Cependant, ce secteur demeure confronté à des contraintes de diverses natures parmi lesquelles la dégradation et la raréfaction des ressources naturelles, la réduction des parcours pastoraux. La difficulté majeure de la pratique réside dans la disponibilité et l’accès à l’eau et aux pâturages. Son caractère essentiellement extensif, sa dépendance exclusive des facteurs 164

L’élevage au Niger : quelles difficultés ?

Photo Rabiou Malam Issa

climatiques, le problème foncier et le faible dynamisme des organisations des producteurs continuent d’être au centre de plusieurs conflits sanglants. Les obstacles que les conditions naturelles et humaines opposent à l’élevage et les avantages qu’elles lui offrent varient fortement d’une zone à une autre. L’élevage et l’agriculture constituent les deux mamelles de l’économie nationale. L’accroissement de la population rurale conjuguée aux besoins nouveaux de terres agricoles et au développement de la culture de contre-saison réduisent considérablement l’espace réservé aux deux secteurs. Dans ce cadre, les éleveurs migrent à une certaine période, à la recherche de l'eau et du fourrage. Cette mobilité des animaux à la recherche des pâturages et des points d’eau ne se fait pas sans difficultés. Des affrontements dramatiques entre éleveurs et agriculteurs éclatent régulièrement dans les régions. Ces affrontements inter-communautaires à l’arme blanche, d’une extrême violence, surviennent lorsque le troupeau dévaste un champ de céréales. Au cours des déplacements des éleveurs, interviennent régulièrement des dégâts dans les champs de culture, dus à la

Animaux d’exhaure dans la zone pastorale de la région de Maradi

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« Itinéraire d’un combat ! »

Photo Rabiou Malam Issa

divagation, au mauvais gardiennage des animaux, ainsi qu’à l'accès de plus en plus limité des éleveurs aux ressources du terroir. Ils se cristallisent autour des droits d’usages, de l’accès à la terre, ou encore du bornage des champs de culture. Des groupes de personnes peuvent être impliqués, c’est le cas notamment dans des conflits lorsque la pression sur le foncier devient trop forte. Ces genres de conflits sont récurrents dans les localités de Bangui, Aléla, Birni Gaouré, Guidanroumgi, Banibangou et Bankilaré, notamment pendant la fin des récoltes qui coïncide avec les mouvements des troupeaux vers les grandes aires de pâturage. La faible pluviométrie pose également d’importantes contraintes aux options agricoles et pastorales. Dans ce contexte de raréfaction des terres et des ressources naturelles, des individualités se développent au détriment des valeurs ancestrales de partage et de solidarité. Il s’instaure une rude compétition entre les acteurs du monde rural, principalement entre les éleveurs et les agriculteurs puisque chacun a tendance à privilégier les particularités au détriment des intérêts communs.

Photo de famille après une campagne de sensibilisation au Nord Bermo en présence des autorités locales

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L’élevage au Niger : quelles difficultés ?

Dans cette lutte d’intérêts, chacun perd ses repères et les contacts se soldent malheureusement par des bagarres rangées. Les conflits deviennent de plus en plus nombreux et graves, menaçant la cohésion sociale, de même que les objectifs de développement. Si les couloirs de passage ne sont pas respectés par certains agriculteurs et éleveurs, les autorités coutumières et administratives sont invitées à prendre des mesures adéquates. Aujourd’hui, beaucoup d’agriculteurs ne sollicitent pas le service des autorités compétentes dans le constat des dégâts champêtres causés par les éleveurs, mais préfèrent se rendre justice en attaquant les bergers qui en sont responsables. Les dégâts dans les champs et l’accès aux points d’eau sont autant de sources de litiges. Ces conflits attirent davantage l’attention parce qu’ils sont la conséquence de la mauvaise gestion de l’espace. Le constat est que le problème perdure sans s'atténuer. Les éleveurs nomades trouvent de plus en plus qu'il leur faut assez de domaines pour le pâturage. D'un autre côté, les agriculteurs, propriétaires des terres, devant la poussée démographique et le désir d'une vie matérielle meilleure, étendent les terres de cultures au détriment des pâturages et des couloirs de passage. L’évolution des maladies est fortement conditionnée par le rythme des saisons. Chaque année, les pluies et les inondations étendent largement le domaine de la trypanosomiase. C’est aussi pendant la saison des pluies que divers parasites apparaissent. Les conflits sont les plus nombreux parce qu’ils menacent les modes de vie des protagonistes qui appartiennent à des groupes ethniques différents. Le pastoralisme est également une activité à risque. En dehors des conflits qui opposent les éleveurs aux agriculteurs, ils sont confrontés à des actions de banditisme transfrontalier et à des attaques à main armée. Ce type de banditisme prospère dans la zone pastorale, là où les forces de défense et de sécurité sont moins visibles. Le secteur de l’élevage est malheureusement très dépendant des conditions climatiques. A titre illustratif, les sécheresses successives de 1970 à 167

« Itinéraire d’un combat ! »

1974, puis de 1983 à 1985, de 2004 à 2005, de 2009 à 2010, ont entraîné d’importantes mortalités du cheptel national et engendré de fortes perturbations, tant dans la composition que dans la structure des troupeaux. En 2014, il a été enregistré un important déficit fourrager, un manque à gagner qui représente plus de la moitié des besoins annuels de l’ensemble du cheptel national. Les contraintes sanitaires sont principalement caractérisées par le refus des éleveurs de vacciner leurs animaux, notamment pour des raisons liées au coût du vaccin. Les contraintes sont aussi marquées par une insuffisance accrue de la surveillance sanitaire liée à l’absence d’un circuit fiable d’approvisionnement en produits pharmaceutiques et zootechniques. Ainsi, si certaines épizooties comme la peste bovine ont pu être stabilisées, il n’en demeure pas moins que les contraintes sanitaires constituent des inquiétudes. Cela pourrait compromettre significativement le développement des ressources animales au Niger. Les maladies les plus courantes sont les maladies parasitaires et les maladies épizootiques. Les difficultés qui entravent la compétitivité des productions animales sont multiples et variées. Il s’agit de la prédominance des systèmes traditionnels de production qui ne permettent pas d’offrir des produits de qualité, de l’absence de vrais professionnels dans le secteur laissant la place à des interventions informelles qui compliquent davantage la situation. Les contraintes sanitaires compromettent également les possibilités d’exportation vers les marchés africains, européens, asiatiques et américains. Ce secteur reste une activité précaire dans laquelle les différents Gouvernements ont peu investi. Le secteur de l’élevage est aussi caractérisé par l’inexistence d’un schéma directeur de développement. Cette situation se caractérise par la baisse d’efficacité des structures d’encadrement et la forte baisse de financement de ce secteur. En dehors de quelques programmes de relance de la production animale, ayant consisté en l’octroi des animaux de reproduction à des éleveurs sinistrés suite aux aléas climatiques, les 168

L’élevage au Niger : quelles difficultés ?

actions de soutien à la production animale sont quasiment inexistantes ou très insuffisantes. L’altération de la fonction d’éleveurs est aussi un aspect qui nécessite une prise en compte sérieuse dans la valorisation de ce secteur. Il n’existe que très peu d’éleveurs qui peuvent se targuer d’être propriétaires du bétail dont ils ont la charge : la plupart ont perdu leurs animaux. A l’heure actuelle, ils ne sont que des bouviers exerçant pour le compte des tiers. Très mal payés et sans véritable protection, beaucoup sont sur la voie de raccrocher, s’ils ne l’ont pas déjà fait. Le pastoralisme n’est pas en voie de disparition, mais son ralentissement est réel dans notre pays. Son agonie risque d’affecter considérablement l’économie, si des mesures idoines ne sont pas prises. Face à cette situation, il est urgent d’envisager une refonte totale du secteur. Pour moderniser l’élevage, il faut suffisamment de vétérinaires, d’ingénieurs de la production animale, de zootechniciens, et d’ingénieurs agro-économistes. Le pastoralisme ne doit plus être cette activité exercée suivant sa forme traditionnelle. L’élevage est un secteur qui créé beaucoup d’emplois, s’il est structuré en plusieurs filières, notamment l’alimentation, l’abattage ou encore le transport d’animaux. En investissant davantage et en étant structuré, il pourra contribuer à la diversification de notre économie, embaucher de la main d’œuvre et réduire le chômage. Des méthodes modernes doivent impérativement y être associées. La fonction d’éleveur se doit également d’être revalorisée en allouant des crédits ou des subventions aux éleveurs victimes des aléas climatiques ou sécuritaires. Malgré les importants appuis apportés par les organisations pastorales et tous les efforts consentis par l’État, ce secteur multiforme continue de demeurer dans une précarité sans précédent. Cette situation a pour corollaire la persistance des conflits meurtriers qui conduit au désintéressement progressif des éleveurs de leur activité principale, jugée trop dangereuse et débouchant ainsi sur leur reconversion à d’autres activités. Très prometteur, ce secteur 169

« Itinéraire d’un combat ! »

doit faire l’objet d’un regain d’intérêt, de la part du Gouvernement, mais aussi de la part des acteurs et partenaires au développement. Pour résoudre les problèmes immédiats de l’élevage, notre pays doit consentir beaucoup d'efforts en valorisant sa place dans les stratégies, programmes et documents-cadre de développement, proportionnellement à sa contribution à l’économie nationale. La prise en compte des mesures alternatives serait plus que nécessaire afin d’assurer une viabilité, une visibilité et surtout une durabilité à cet important secteur. L’alimentation du bétail, particulièrement en saison sèche constitue une contrainte majeure à laquelle les éleveurs font face quotidiennement. L’Etat du Niger doit prendre des dispositions urgentes afin d’assurer aux animaux une alimentation conséquente, en vue d’améliorer la performance et leur productivité. A cet égard, l’élevage mérite d’avoir plus de ressources et une détermination redoublée. Aussi, des activités d’information et de sensibilisation s’imposent afin d’inculquer le bien-fondé du secteur, mais aussi la nécessité de la conservation du fourrage aux éleveurs.

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Photo Rabiou Malam Issa

L’actualité Culturelle Au Niger, Un Grand Événement : « Le Feccos17 »

Remise de prix au Festival Sharo par le Ministre de la Culture du Niger, Ousman Mamane

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a remarquable diversité culturelle nigérienne impressionne. Entre autres richesses, le Sharo, ce sport favori de la communauté peule. Il évolue indéniablement avec les changements de la société nigérienne et demeure une des rares nations qui s’attache à sa promotion. Cette identité est définie par le philosophe Ernest Renan18 en ces termes : « Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets . (Article paru dans le bulletin d’informations le Sharo magazine N°002 de février 2014) . Ernest Renan, « Qu’est-ce qu’une nation ? », 1882.

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« Itinéraire d’un combat ! »

à partager, dans l’avenir, un programme à réaliser ». Cette culture vivante continue à produire les meilleurs supports pour entretenir pendant longtemps sa vitalité. Le Festival de la concorde et de la cohésion sociale (FECCOS) a été créé pour permettre au public nigérien de découvrir notre patrimoine commun, capable d’unir plusieurs communautés rurales. Du 21 au 23 février 2014, s’est déroulée à Illéla, région de Tahoua, la deuxième édition du Festival de la Concorde et de la Cohésion Sociale (FECCOS) ou fête traditionnelle des éleveurs nomades, en association avec les agriculteurs. La cérémonie de lancement officiel est intervenue le 21 février 2014 à 10 heures, au stade municipal d’Illéla. Cette édition s’est déroulée pour la deuxième fois consécutive dans le Département d’Illéla. Le but est de célébrer un jeu prisé par les éleveurs transhumants d’ethnie Peule qui, régulièrement, séjournent dans les Départements d’Illéla et de Bagaroua, du mois de décembre à celui d’avril, période caractérisée par l’abondance du forage dans cette localité. Depuis l’avènement de la démocratie au Niger, les autorités nationales ont engagé notre pays sur la voie d’un développement participatif qui implique au premier rang les communautés à la base, dans le cadre d’une décentralisation de la gestion publique. Fort de cette conviction, le Collectif pour la Défense du Droit à l’Energie (CODDAE) a entrepris d’aider à réhabiliter cette fête traditionnelle que les peuls considèrent comme la pierre angulaire de leur culture et le jardin secret de leur identité culturelle. La mise en exergue des traits culturels spécifiques qui caractérisent le déroulement de cette fête constitue un moyen efficace de consolidation de la cohésion et de la solidarité nationale. Cette fête, appelée « Sharo », est une occasion de grandes retrouvailles de jeunes bergers transhumants, accompagnés de leurs familles et amis, pour manifester cette liesse populaire de grande envergure. Le FECCOS a été créé dans le but de promouvoir le Sharo, en le réhabilitant et en le valorisant. Il s’agit d’un festival qui fait la part belle à diverses manifestations culturelles et artistiques. 172

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le Sharo »

Il vise à mettre en avant le brassage culturel, voire à faire de notre pays l’un des centres d’intérêt de ce sport en Afrique. Dans cette localité, les éleveurs peuls empruntent un trajet bien défini allant de l’Azawak, au Nord, en suivant des couloirs de passage jusqu’au Sud, traversant les deux Départements du Nord au Sud, afin de mieux exploiter les résidus agricoles, grâce à la disponibilité des points d’eau. Ce déplacement massif des éleveurs et de leur bétail, dont l’origine remonte à la nuit des temps consiste à libérer, jusqu’à la fin des cultures, les zones agricoles du Sud pour exploiter les pâturages du Nord. Ces déplacements saisonniers permettent également aux éleveurs de faire bénéficier leurs animaux des sels minéraux en les faisant paître sur les terres salées de l’Azawak. Ce jeu traditionnel est pratiqué annuellement par les communautés Peules, en collaboration avec les sédentaires de la zone soudanosahélienne s’étalant d’Ouest en Est sur le Niger, le Nigeria, le Cameroun. Le Sharo est un rite traditionnel mettant en scène deux compétiteurs devant faire preuve de bravoure, de puissance physique et d’élégance. La première édition s’est déroulée du 12 au 14 mars 2009. C’était la première fois qu’une manifestation de ce genre était organisée au plan national. L’Etat du Niger y avait manifesté son adhésion, à travers la présence effective de trois membres du Gouvernement accompagnés du Gouverneur de la région, des responsables des Institutions de la République auxquels se sont ajoutées des personnalités de haut rang, dont l’actuel Président de la République, Issoufou Mahamadou qui, à l’époque, était Président du PNDS. C’était une marée humaine : les participants venaient de toutes les contrées du Niger, d’Afrique et d’Europe. Cela se comprend aisément quand on considère la place qu’occupent les activités de ces communautés dans l’économie nationale. Cette manifestation culturelle cadre parfaitement avec la volonté des autorités nigériennes à œuvrer pour l’amélioration des conditions de vie des populations laborieuses. Elle traduit l’engagement de l’Etat à soutenir les activités 173

« Itinéraire d’un combat ! »

susceptibles de promouvoir notre patrimoine culturel. Le FECCOS est une mise en relief de la richesse culturelle nigérienne, qui peut en même temps constituer un moyen de promotion du tourisme. Il est l’occasion rêvée des éleveurs transhumants de toutes les régions, un moment de retrouvailles, de fête dans l’allégresse et la joie avec en prime les frissons de cette rencontre sportive qu’est le Sharo en voie de disparition. On retrouve la communauté peule dans un échange fraternel avec d’autres communautés rurales. Dans cette optique, le FECCOS a pour objet de permettre aux jeunes d’affirmer leur virilité. Dans les sociétés traditionnelles africaines, les événements sont considérés comme étant l’affaire de tous, même s’ils affectent plus particulièrement tel individu ou telle famille. La pratique du Sharo apprend à décoloniser son corps et à sentir son propre rythme sur toutes les parties du corps. Elle s’efforce d’offrir aux compétiteurs la grande réconciliation de la tête au corps, de la pensée et de l’instinct, par la libération du geste et l’abandon au rythme. Elle accompagne tous les événements de la vie : naissances, baptêmes, mariages et circoncisions. En d’autres termes, elle constitue une démarche qui conduit l’homme au plus profond de lui-même, à la découverte de ses qualités latentes, à l’épanouissement de sa personnalité, à la fois sur le plan physique, intellectuel, social, thérapeutique et spirituel. Ainsi, il existe divers procédés qui consistent, pour un jeune Peul à extérioriser ce qu’il ressent à travers la communication et l’expression. La beauté de cet art vient de sa spécificité de l’émotion qui s’en dégage. Une esthétique du domaine de l’extraordinaire, du domaine du ressenti, de la sensation du choc qu’il provoque. Le Sharo est marqué par une sensualité et une sensibilité sur la signification profonde de l’art et l’importance du mythe de la cosmologie. Une technique, un savoir-faire d’une histoire transmise de génération en génération. Les enseignements sont donnés par des vieillards, grands initiateurs, les maîtres. Les enseignements passent par l’initiation, l’apprentissage, le perfectionnement, la répétition, la maîtrise « une 174

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « ole »Shar

dure école de la vie ». Comme on le sait, la culture intègre l’héritage physique, intellectuel, moral, spirituel et artistique d’un peuple. Au Niger, elle ne déroge pas à cette règle et pour qu’elle ne reste pas confinée dans des frontières étroites, elle doit avoir pour ambition d’apporter sa part à l’universel. Dans sa pratique et ses règles, le « Sharo » n’enfreint pas les Droits de l’Homme ; au contraire, il fait la promotion des droits culturels qui sont des droits humains. Ancrée dans des habitudes séculaires et voulue par une composante reconnue de notre peuple, cette parade sportive garde au sein de la communauté peule un attrait de premier plan qui ne se dément pas. Le Sharo a toujours joué, entre autres, un rôle pivot dans les valeurs humaines reconnues par la communauté peule qui le perçoit comme un moyen d’harmonisation des relations humaines en son sein, dans un pays, que l’on sait, par ailleurs attaché aux valeurs, us et coutumes traditionnels. C’est un symbole éducatif et pédagogique qui fixe les normes et module les attitudes, de même que les comportements des jeunes peuls. Bien que les valeurs humaines évoquées ci-dessus restent encore essentielles, dans la société nigérienne, quelques éléments de ces valeurs, symbolisés par le Sharo, sont en voie de disparition dans certaines régions. Même si la marche du temps imprime immanquablement sa marque d’évolution des traditions anciennes, on peut affirmer qu’une société qui n’a plus les repères distinctifs de sa culture de base est une société vouée à disparaître. L’initiative d’organiser le FECCOS a été vivement souhaitée par les communautés Peules du Niger, initiative soutenue par l’adhésion de nombreux dignitaires respectés de ce pays. Cela prouve que cette activité culturelle répond à l’attente des populations rurales comme urbaines et cela a été bien compris par nos autorités. La deuxième édition s’est déroulée dans de très bonnes conditions et à la satisfaction générale. Pour l’ensemble des participants, il s’agit sans doute de la meilleure façon de faire la promotion d’une culture aimée par tout un peuple, car elle est imprégnée de plusieurs 175

« Itinéraire d’un combat ! »

significations : religieuse, animiste, mystique, amoureuse et artistique. Contrairement à d’autres sports traditionnels, le Sharo n’est pas ce jeu aveugle et violent tel que perçu par les profanes ou étrangers à cette culture. C’est un jeu moins dangereux que le « Hawankafo de Zinder et de Maradi », ou le « Dambankarfé de Gaya », car le nombre de coups et la place où ceux-ci sont portés sont convenus à l’avance par les anciens qui constituent le jury. Le Sharo, une fois pratiqué suivant des règles consensuelles, devient un jeu moins risqué que les jeux modernes comme la boxe et le judo, ou la lutte traditionnelle pratiquée par les paysans sédentaires. Il existe à travers le monde d’ailleurs des sports modernes plus dangereux que le Sharo. C’est le cas de la tauromachie et même de l’alpinisme. Dans son contexte coutumier et culturel, le Sharo est accessoirement considéré comme un jeu des amoureux : il est une occasion d’organiser des concours de beauté et de déclamation de poésies (Kirari). Il constitue par ailleurs une pratique d’initiation qui consiste à aguerrir les jeunes, à les préparer à affronter avec courage une vie qui peut être remplie de vicissitudes, d’obstacles et d’imprévus auxquels ces jeunes seront inévitablement confrontés. Spectacle riche en couleurs, le Sharo s’impose comme le jeu coutumier par excellence de la communauté Peule vivant dans la région de Tahoua, et pratiquant l’élevage nomade et transhumant. Il est issu d’un rite traditionnel mettant en scène deux compétiteurs devant faire preuve de bravoure et de résistance physique en se montrant chacun capable de recevoir, à mi-hauteur de la cage thoracique, un coup de bâton sec, sans l’esquiver et sans extérioriser la moindre sensation de douleur, démontrant ainsi à l’assistance qui observe, son degré élevé de stoïcisme. Celui qui donne un coup de bâton à un adversaire de son choix a l’obligation morale d’accepter de subir à son tour la même épreuve, administrée par son challenger. La nouvelle réglementation d’Illéla atténue totalement la force du coup en protégeant celui qui reçoit la frappe avec une carapace. Par ce geste, le FECCOS met en avant les seuls aspects culturels, 176

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le Sharo »

artistiques et mythiques du Sharo, afin d’encourager les Nigériens à ne pas abandonner une telle culture aussi riche et originale. En ce sens, le Sharo crée des liens d’amitié et d’estime entre les pratiquants et, au-delà, entre leurs familles. Pendant le Sharo, certaines familles n’hésitent pas à offrir des présents en nature (vaches ou moutons) aux adversaires de leurs enfants. A cette occasion, des liens de mariages se nouent entre les familles des compétiteurs, conclus sur le tas et tout aussitôt célébrés. Le FECCOS a pour ambition de restaurer toute la plénitude des vertus secrètes de ce sport. Le FECCOS a pour objectif global de promouvoir et consolider la concorde et la cohésion sociales à travers la culture, afin de contribuer au développement économique et social de notre pays. En somme, il apporte sa contribution, non négligeable, au développement des liens d’amitié, de solidarité et de bien-être au Niger et en Afrique. Le FECCOS ambitionne par ailleurs de consolider et valoriser le Sharo pour rendre plus visible la diversité et la richesse culturelle ; recenser les trésors humains vivants en vue de leur consécration ; renforcer la concorde et la cohésion entre les jeunes Peuls dans le cadre du maintien de la quiétude sociale et de l’entente entre les populations nigériennes ; répertorier le patrimoine culturel et faire connaître les richesses artistiques. Le choix de la ville d’Illéla pour accueillir cette manifestation s’explique pour plusieurs raisons. Du point de vue hospitalité, la ville d’Illéla a des traditions et un passé glorieux en matière d’accueil des éleveurs nomades. Cette ville a toujours ouvert ses bras aux communautés peules et l’engouement réel des populations de l’Ader à accueillir les visiteurs découle de leur tendance naturelle à développer des liens d’amitié, de fraternité et de solidarité. Ce choix est par ailleurs motivé par la demande expresse des intéressés. De fait, les Peuls séjournent traditionnellement dans cette zone au moment où les troupeaux descendent vers le Sud, ils organisent clandestinement le Sharo, chaque jour de marché ou à l’occasion des célébrations de 177

« Itinéraire d’un combat ! »

baptêmes et mariages. Après les récoltes, les agriculteurs de cette zone laissent les tiges de mil et leurs feuilles dans les champs pour le besoin des éleveurs pasteurs, contrairement aux autres régions du Niger. Les habitants d’Illéla organisent le Sharo afin de sauvegarder la tradition tout en l’adaptant au contexte actuel. Aussi, le choix de la période n’est pas fortuit, puisque l’événement tant attendu se déroule pendant la troisième décade du mois de février, c’est-àdire pendant une période de ralentissement des activités rurales. De surcroît, par ce choix, on ouvre sur cette zone pour le moins isolée de la capitale Niamey, une fenêtre d’espoir de développement grâce à l’accroissement des échanges avec le reste du pays. Le Département d’Illéla qui accueille l’événement se trouve au centre de la région de Tahoua. Sa position géographique est située à 4° 26 minutes de longitude Est et à 14° 74 minutes de latitude Nord. Avec une population de 658.917 habitants et une superficie totale de 6.950 km², le département d’Illéla est composé de plus de 257 villages administratifs et de trois grandes communes (Illéla, Badaguichiri et Tajaé). Sa latitude située entre les isohyètes 300 mm et 400 mm en fait une zone marginale, positionnée à la périphérie de la zone agricole. Les activités économiques sont dominées par l’agriculture, l’élevage et le commerce. L’agriculture est pratiquée sur des sols dunaires et des glacis (sur les plateaux) dont le niveau de dégradation occasionne un faible rendement ne dépassant pas 50 kg à l’hectare dans certaines zones, d’où la forte pratique de l’élevage par les populations. L’habitude de cultures maraîchères est répandue du fait de l’abondance des ressources en eau (passage de la Magia, nappe phréatique pas assez profonde). Cette présence d’eau favorise assez significativement le passage des grands troupeaux. La population se répartit en trois grands groupes ethnolinguistiques : les Haoussas (langue dominante), les Touareg (premiers occupants) et les Peuls sédentarisés. En collaboration avec le Ministre chargé de l’Agriculture et de l’Élevage, le Gouverneur de la région de Tahoua, 178

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le Sharo »

le Préfet d’Illéla, des représentants des Chefferies Peules d’Illéla, Konni, Tahoua, Tchintabaraden et Bangui, le Comité d’organisation, met en œuvre son plan de travail pour préparer la manifestation qui dure trois jours. Ce Comité d’organisation tient largement compte de l’implication indispensable des principaux responsables concernés (les élus, les services techniques et culturels représentés à Illéla, les partis politiques, les Chefs coutumiers et religieux, les organisations paysannes, les organisations des jeunes et des femmes). Après avoir statué sur chaque point, au besoin, le comité rédige un rapport. Les participants sont informés, de bouche à oreille, par les représentants des communautés ou à l’aide de tout autre moyen de communication. Le nombre de participants est toujours estimé à plus de 10.000 personnes, compte tenu de l’engouement suscité par la première édition qui a réuni plus de 7.000. Parmi les participants, nombreux dorment au milieu de leurs animaux et regagnent chaque jour le lieu de la manifestation, après avoir fini d’abreuver le troupeau qu’ils laissent sous la surveillance des vieux et des enfants. Les autres compétiteurs sont nourris et hébergés gratuitement dans les locaux de la Maison de la Culture, dans les écoles et les dizaines d’habitations réservées à cet effet, au niveau des huit quartiers de la ville. Les touristes et autres personnalités peuvent effectuer leur réservation dans les hôtels de Tahoua, situés à 60 km ou de Konni situés à 90 km, étant donné que la manifestation démarre chaque jour à partir de 15 heures. Le FECCOS est un moment fort qui permet d’accueillir plusieurs jeunes filles, chacune dans son accoutrement, prête à séduire les jeunes compétiteurs et les visiteurs. Afin de les encourager, chaque nuit interviennent des soirées culturelles à la Maison de la Culture et dans les différentes places publiques. S’agissant des combats, il n’y a pas de tirage au sort, chaque compétiteur choisit librement son adversaire qu’il défie publiquement. Lorsque deux compétiteurs n’ont pas la même force, le combat est immédiatement annulé par le corps 179

« Itinéraire d’un combat ! »

arbitral qui est composé d’anciens joueurs et de techniciens désignés à cette occasion. Avant chaque combat, la qualité du bâton est passée au peigne fin. Un comité de sages formé de cinq membres (le Garso, le Tchiroma, le Samari, le Bagoudou et le Aya Kachiela Ballé) est chargé de proposer et de contrôler les bâtons. Ils conseillent les jeunes sur les différents comportements à observer. Les frappes par surprise (Nangarou) sont formellement interdites. Un lot de petits bâtons, parmi lesquels le choix est fait, est déposé devant la table de séance. Avant le démarrage des compétitions, un règlement intérieur est présenté, et un Jury de neuf membres proposés pour arbitrer les compétitions. Pendant les compétitions, les jeunes qui s’affrontent émanent de fractions rivales en termes de jeu, ou de clans différents, mais toujours ressortissants de communautés Peules, car la tradition interdit le Sharo entre des parents trop proches. Ces derniers acceptent librement de recevoir, à hauteur de la cage thoracique, un coup de bâton. Ils ne doivent ni esquiver, ni extérioriser la moindre sensation de douleur. En général, les compétiteurs sont à peu près de la même tranche d’âge ou de la même force physique. A Illéla, le nombre de coups est limité à deux par épreuve. Les bâtons sont validés par les neuf membres du Jury pour être utilisés une seule fois sur une personne. Et les combats sont approuvés par les Chefs des délégations avant d’être exécutés. Aucun compétiteur n’a le droit d’utiliser son propre bâton. Il doit se contenter d’en choisir un parmi les petits bâtons de Sharo sélectionnés par les membres du Jury et ayant obtenu l’approbation de tous. S’agissant du combat proprement dit, il comporte trois phases. La première phase se déroule hors du lieu du combat. Il s’agit de la phase préparatoire. Les jeunes apprennent par cœur, dans un langage clair, les Kiraris (louanges) lorsqu’ils sont seuls en brousse derrière leurs animaux. Ils répètent ces Kiraris plusieurs fois la 180

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le Sharo »

veille du combat, afin de mieux les mémoriser. Les Kiraris sont prononcés en langue Haoussa (langue des agriculteurs sédentaires qui accueillent la manifestation) et rarement en langue Fulfuldé (Peule), s’agissant d’Illéla. C’est cela qui représente la particularité de ce jeu, où rien ne se fait dans sa langue, si bien que les musiciens chantent en Haoussa. Pendant la phase préliminaire de préparation psychologique, les prétendants ingurgitent des breuvages mystiques. Il s’agit d’une potion magique pour être insensible aux coups de bâtons portés par l’adversaire. Ces breuvages sont préparés par des guérisseurs traditionnels ou d’anciens pratiquants du Sharo, chacun suivant ses procédés occultes. Avant de rentrer dans l’arène des jeux, les compétiteurs prennent tout leur temps pour se maquiller afin de se rendre beaux. La deuxième phase se déroule sur le lieu de la manifestation. Les compétiteurs font leur entrée dans l’arène avec leur propre bâton aux sons de la flûte qui rythme l’ambiance, munis de parures chatoyantes assorties aux tenues traditionnelles Haoussa pour célébrer le mythique Sharo. La foule d’observateurs survoltés se bouscule, le public n’a d’yeux que pour les bâtons et la beauté des compétiteurs. Sans attendre un quelconque coup d’envoi, les jeunes Peuls se ruent vers les camps opposés pour choisir leurs adversaires du moment ou « partenaires de jeux », comme ils disent. Le Sharo ne demande apparemment aucune initiation préalable visible. Celui qui a été désigné pour recevoir le coup se précipite, très heureux, en criant plusieurs fois avec force dans son groupe, et court vers les jeunes filles, pour revenir chargé d’un tas de morceaux de pagnes sur le bras que ses amis vont lui nouer autour du torse nu, à la limite de la poitrine, ne laissant dégager que les aisselles. L’objectif est de raffermir les muscles à l’endroit réservé pour recevoir les deux frappes afin d’en atténuer l’acuité (genre pare-chocs). Vêtus d’un accoutrement spécial, les combattants doivent de nouveau consommer une décoction à base de plantes, qui doit les rendre insensibles à la douleur pour 181

« Itinéraire d’un combat ! »

ne pas se laisser perturber. Au son envoûtant de la musique jouée par les griots membres de la communauté Haoussa de la région, les adversaires se défient par le langage des « Kiraris ». A travers les Kiraris, ils rendent compte des situations personnelles ou collectives, et interprètent des figures vivantes, défuntes, animales ou totémiques. Les dénominateurs communs et les caractères des Kiraris sont orientés et dédiés à l’occasion d’une importante cérémonie des Chefs Traditionnels, un rituel, à une tradition ou plus généralement à une divinité. A chaque moment ils sont récités pour raconter, communiquer ou plus simplement pour rendre la vie plaisante. Ils sont une composante majeure de la vie sociale et font partie de la vie quotidienne des jeunes. Au moment précis, chaque antagoniste a un ami à ses côtés, chargé de le soutenir par des poèmes contenant des messages agrémentés de défis intimidants, le tout exécuté avec une incomparable grandiloquence. Avant l’imminent combat, les compétiteurs se préoccupent beaucoup plus d’enduire leur corps de pommades médicinales et d’attacher des talismans tout autour de leur ceinture ou de leur bras. Ils regardent constamment leur visage dans leur petit miroir accroché à la main. De nouveau, la flûte des griots fredonne en l’honneur du favori, marquant ainsi le début du spectacle tant attendu. Extase et transe se saisissent de la foule ! Ces griots et faiseurs de connaissance, sont doués d’une mémoire extraordinaire. Ils sont les gardiens de la tradition et ses propagateurs. Ils sont des éléments essentiels du patrimoine culturel nigérien et sont l’expression vivante de la philosophie et la mémoire de l’évolution de la communauté. Ils témoignent d’une parfaite connaissance des compétiteurs et sont chargés de transmettre leurs messages aux adversaires. Ils révèlent une grande diversité d’une région à une autre ; une richesse inestimable sur le plan mystique et spirituel. Dans la localité d’Illéla, les griots constituent à la fois une histoire symbolique, une forme de méditation, un art de spectacle, un passe-temps distrayant, un art de vivre, et sont dotés d’une manière 182

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le Sharo »

exceptionnelle de s’exprimer. Ils sont aussi devenus des négociateurs, des médiateurs, des ambassadeurs lors des conflits. Egalement musiciens, poètes, généalogistes, historiens, grands voyageurs, ils jouent un rôle considérable dans la circulation des idées, ces orateurs sont le témoignage unificateur des hommes. Le compétiteur qui accepte d’encaisser les deux coups doit se pencher légèrement vers l’arrière, ceci sous le contrôle du corps arbitral attablé. Avant le déclenchement de la frappe, les deux adversaires se plient aux derniers rituels. Le compétiteur qui donne le coup simule à plusieurs reprises, l’action de frapper, comme pour démoraliser son adversaire. Le receveur des deux coups, le regard rivé sur son miroir qu’il tient d’une main ferme, déclame des proverbes, provoque et invective son frappeur, comme pour l’irriter et l’inviter à frapper plus fort, afin de lui signifier qu’il ne demandera pas sa clémence et ne cédera en aucune manière, devant n’importe quelle menace. Après plusieurs simulations de frappe pour intimider l’adversaire, le coup est enfin donné, souvent au moment où personne ne s’y attend. Fier, souriant et courageux, le jeune Peul qui a reçu le coup banalise la flamme de douleur qui le traverse, en lançant très loin en l’air avec la main droite, une branche fine d’environ un mètre de longueur, et en criant en direction de son adversaire qu’il ne le trouve pas assez robuste et fort : il exhibe ainsi le témoignage de sa vaillance et de son endurance pour signifier que le coup reçu n’a pas eu l’effet escompté sur son corps, que ce coup n’a que la mollesse d’une frappe « d’une chétive jeune fille ». Le receveur du coup entame alors une danse acrobatique en sifflant, laquelle danse sera ponctuée d’applaudissements des spectateurs qui vont se précipiter sur les deux compétiteurs pour les couvrir de cadeaux en guise d’encouragements, au son de la musique dédiée aux braves. Cette danse ludique et vivifiante est une manière de se sentir être soi-même, à l’écoute des autres et en harmonie avec le 183

Photos Rabiou Malam Issa

« Itinéraire d’un combat ! »

Le FECCOS en images...

rythme des percussions. Cette danse correspond à la diversité et la multiplicité des groupes. Chaque groupe s’appuie sur une gestuelle, une rythmique différente, pour exprimer des choses aussi essentielles que le sens de la vie. Un ensemble de danses originales qui convient à toutes les circonstances et rythme les grands événements de cette 184

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le Sharo »

taille. Ensuite, celui qui a reçu le coup de bâton avance, les yeux toujours rivés sur son petit miroir qu’il soulève d’une main vers le ciel ; il prononce des invectives pour dire que c’est lui le roi de l’arène, puis il rit. Pendant ce temps, les jeunes filles, qui ne veulent rien perdre du spectacle, chantent et distribuent des piécettes de monnaies et des morceaux de leurs pagnes qu’elles déchirent, en signe d’admiration et de soutien au héros du jour qui va s’en servir pour essuyer sa sueur. La troisième phase comporte la réplique immédiate du coup reçu, au même lieu, par le premier frappé, selon le règlement adopté à Illéla. On répète alors le même scénario pour rendre le coup reçu ou décider d’en épargner son adversaire, témoignage fort d’amitié et de fraternité à l’égard de ce dernier ; en retour, celui-ci deviendra son ami intime pour l’éternité. C’est en de telles circonstances, rehaussées par l’expression de tels élans de générosité, que de jeunes Peuls arrivent à se mettre en vedette, tant par leur bravoure que pour leur magnanimité. Fiers, l’air méprisant dans leurs tenues pittoresques en peau tannée, ornés de lanières et de rubans multicolores, les deux compétiteurs engagés rejoindront les groupes de leurs admirateurs et parents, pour ensuite revenir, parfois la main dans la main, au centre de l’aire des jeux. Le bâton brandi en l’air est, cette fois-ci, porté des deux mains, le torse à livrer aux coups étant recouvert d’un tee-shirt (offert habituellement par l’organisation du FECCOS). Ils sont bardés de gris-gris et ont la mine grave, le regard intense, la démarche assurée. Ensuite, un nouveau combat empreint de ténacité et de fermeté se déclenche. Les griots incitent et les femmes admirent le courage et la bravoure de chacun des compétiteurs. En pareille circonstance, les Peuls ne s’éloignent jamais de leurs compagnes. Les femmes Peules sont toujours présentes pour remonter le moral de leurs bien-aimés et leur témoigner la profondeur de leur amour, de leur identité et de 185

« Itinéraire d’un combat ! »

leur fidélité. Sur la scène, chaque compétiteur essaie de galvaniser les spectateurs dans un style qui lui est propre et avec un art consommé d’éloquence. A ce stade, deux types de cas peuvent se présenter : si le premier frappé renonce à rendre les coups, il le notifie publiquement à son adversaire qui devient désormais son frère et ami, et il ne s’autorise plus à le frapper. La foule entérine ce choix par des acclamations enthousiastes et le combat s’arrête là. Le combattant a, dès lors atteint son objectif qui est celui de sceller la cohésion et la concorde intracommunautaire. Dans le cas où, le receveur décide de rendre les deux coups immédiatement, on procède de la même façon que pour le premier combat. Après quoi, les deux compétiteurs proclament leur amitié et fraternité dans la durée devant l’assistance. La préoccupation majeure relevée au cours du Festival, est de trouver des voies et moyens pour accroître le taux d’alphabétisation et de scolarisation chez les éleveurs nomades Peuls. Le FECCOS permet ainsi aux différentes communautés de la région de se retrouver pour mieux se connaître, se comprendre, vivre en paix et tisser des liens fraternels à travers les différents loisirs qu’elles organisent démocratiquement, loisirs qui rythment leurs activités saisonnières. Les participants profitent aussi de ce rendez-vous pour célébrer des mariages, se faire établir des pièces d’Etat civil, et participer aux festivités officielles. La communauté Peule attribue au Sharo certaines vertus comme le respect des mœurs et le bannissement de l’agressivité juvénile. A l’occasion de cette deuxième édition, le fairplay est de règle. La noblesse de ce jeu ne peut que créer ou renforcer des liens d’amitié et d’estime entre les combattants, sinon entre leurs familles et au-delà, à travers tout le pays et toute l’Afrique. Il est un cadre privilégié de consolidation des liens de fraternité tout en dissuadant les compétiteurs de commettre des fautes qui viendraient ternir leur image de marque dans la communauté. A cette occasion, 186

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement o » : « le Shar

d’autres activités se déroulent parallèlement. Il s’agit de : La vaccination et le déparasitage des animaux L’élevage constitue l’activité d’une grande partie de la population nigérienne. Il s’agit d’un secteur porteur qui constitue une occupation rémunératrice, tant pour les éleveurs que pour les agriculteurs. C’est pour cela que le FECCOS se penche sur l’amélioration de la santé animale en vaccinant et déparasitant les animaux. La lutte contre le VIH/Sida L’un des objectifs spécifiques est de contribuer à la prévention de la pandémie du VIH/Sida pour réduire l’incidence de l’infection VIH sur les populations rurales, afin de réduire le risque, notamment pour les éleveurs, d’être infectés ou de le transmettre. Les éleveurs transhumants représentent un groupe très vulnérable compte tenu des risques présents dans certaines pratiques traditionnelles et des déplacements intenses. C’est pourquoi, une campagne de sensibilisation est menée, notamment auprès des jeunes. Cette campagne adapte des messages clés en collaboration avec les acteurs concernés. La campagne repose notamment sur la fidélité et l’utilisation du préservatif qui reste le socle de la prévention du VIH et des IST. La campagne sur les maladies d’origine hydrique Les maladies d’origine hydrique sont des maladies « de l’eau sale », c’est-à-dire celle qui a été contaminée par des déchets humains, animaux ou chimiques. Les maladies d’origine hydrique englobent la typhoïde, le choléra, la méningite... Les êtres humains et les animaux peuvent être les hôtes des bactéries, des virus et des protozoaires, qui causent ces maladies. Quand il n’y a pas d’installations sanitaires appropriées, ces maladies d’origine hydrique peuvent se répandre rapidement. En général, les éleveurs consomment la même eau que leurs animaux, qu’elle provienne des mares, des puits ou d’autres 187

« Itinéraire d’un combat ! »

sources. Généralement, les animaux, après s’être abreuvés, laissent des déchets liquides ou solides aux alentours, pouvant être charriés. Ils sont donc nombreux à courir les risques de contamination. Au regard du contexte, le FECCOS devient un lieu privilégié de conduite d’activités de sensibilisation et d’éducation sur cette thématique. La gestion non violente des conflits communautaires Dans la plupart des sociétés rurales, la recherche de la paix repose sur des principes. On cherche d’abord à prévenir les conflits par des efforts de régulation sociale ou par des actions habiles de proximité. En général, on convient de la nécessité de rétablir la paix chaque fois qu’un conflit éclate. Dans l’approche des mécanismes de prévention et de résolution des conflits, il faut distinguer les pratiques de la communauté. C’est pourquoi, un système de solidarité et d’alliances joue un rôle essentiel de régulation de la cohésion sociale. La « parenté à plaisanterie » (appelée aussi cousinage à plaisanterie) est un système de solidarité inter-ethnique très répandu au Niger. Les plaisanteries qu’échangent les compétiteurs de Sharo contribuent à détendre l’atmosphère, à rétablir la confiance, toutes choses indispensables au dialogue. Le fait que les agriculteurs accueillent les éleveurs chez eux en famille est une marque de solidarité et d’amitié. Ainsi, les compétitions sportives telles que le Sharo sont autant d’occasions ou de manifestations contribuant au rapprochement des communautés. Elles peuvent surtout contribuer à sceller des réconciliations, à prévenir et à construire une paix durable. La campagne sur la scolarisation de la jeune fille et le mariage précoce Tout comme l’excision, le mariage précoce reste un phénomène néfaste à éradiquer dans la société nigérienne. Nombreuses sont les jeunes filles qui se marient à l’âge de 10 à 12 ans, particulièrement au sein de la communauté Peule et Haoussa. Le mariage précoce constitue une entrave grave à l’épanouissement de la jeune fille, c’est188

L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le oShar »

à-dire une atteinte véritable aux droits des femmes et des enfants. Ce phénomène écarte d’emblée la jeune fille de la scolarisation. Si le phénomène est rare dans les villes, il sévit encore dans le milieu rural, où les traditions, aggravées par la méconnaissance des textes et des conséquences néfastes liées à cette pratique, font la loi. Malgré les multiples efforts du Gouvernement et de ses partenaires, certaines communautés rurales ont du mal à s’en défaire. C’est pourquoi, des séances de sensibilisation en langues de la localité sont focalisées sur des thèmes variés et diffusés à travers différents canaux d’échanges durant toute la durée de cette manifestation. Des excursions culturelles Pour faire en sorte que l’événement débouche dans l’avenir sur une manifestation à la fois culturelle et touristique, il est organisé à la demande des participants des excursions culturelles dont, spécialement, des visites guidées à la Mosquée de Yama, une des plus belles mosquées en terre de la région de Tahoua, réalisée par l'architecte Elhadj Mamoudou dit Falké et son apprenti, le maçon Elhadj Habou. A l'intérieur de cette Mosquée, des piliers extraordinaires supportent la coupole centrale. Les petites coupoles et l’étage montrent l'ingéniosité du constructeur dans sa conception technique et architecturale de l'édifice. Les façades principales sont animées par des jeux de reliefs et de petites ouvertures. Sur les quatre minarets, les deux en façade comportent des escaliers qui permettent d'accéder au toit. Cette importante Mosquée de Yama a obtenu le Prix Agha Khan en 1986. Une autre visite guidée est organisée dans le village de Kaoura Acha où la fête musulmane (Maouloud) est célébrée chaque année pour manifester l’amour envers le Prophète de l’Islam, recommandée par le Saint Coran dans les Sourates ; 4 : 31 ; 5 : 56 ; 7 : 157 ; 9 : 24 et par plus de 18 Hadiths, un devoir et une obligation à chaque musulman pour parfaire et achever sa foi. 189

« Itinéraire d’un combat ! »

A Dandadji, village natal du Président de la République, Mahamadou Issoufou, des excursions sont organisées pour découvrir les lieux où le Chef de l’Etat du Niger a passé son enfance. D’autres excursions sont programmées à la grotte historique de la colline de Kamadao, à la mare de Dan Doutchi et au niveau des autres édifices tels que le palais royal d’Illéla et à la résidence du Chef de Canton à Dangona.

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Photo ADO Issoufou ONEP

Conditions d’extraction de l’uranium au Niger19

Mine d’uranium à ciel ouvert à Arlit

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a Fondation Gabriel-Péri, nommée en souvenir de Gabriel Péri (1902-1941), a été créée à l’initiative du Parti Communiste Français (PCF). Depuis le 22 juillet 2004, elle est reconnue d’utilité publique. Initialement présidée par Robert Hue (2004-2012), et présidée depuis 2012 par Alain Obadia, la Fondation Gabriel-Péri, s’est engagée en début de l’année 2012 dans un travail de réflexion . (Article paru dans le Bulletin d’informations le Sharo Magazine N°002 de février 2014)

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« Itinéraire d’un combat ! »

sur les problématiques de sécurité, de paix et de développement dans la région Ouest Africaine, et plus particulièrement sahélienne. Elle travaille sur l’économie, l’histoire politique et sociale, en organisant notamment des colloques sur des thématiques variées et en publiant des actes. En effet, dans le Sahel, on trouve de l’or, du diamant, de la bauxite, du pétrole, du gaz, de l’uranium... Ces minerais sont au centre d’une concurrence entre puissances et pays pétroliers qui souhaitent garantir leur approvisionnement dans un contexte de tensions accrues sur les ressources souterraines en général, énergétiques en particulier. Face à cette préoccupation majeure une conférence internationale sur la géopolitique des ressources et conflits au Sahel a été organisée à Paris, le 26 février 2013 sur le thème : conditions d’extraction de l’uranium du Niger, son impact sur le développement et les conditions des travailleurs. Le Niger, connu pour son uranium exploité par l’entreprise française Areva, est le quatrième producteur mondial avec une production de 9 % du marché, derrière le Kazakhstan (36%), le Canada (17%) et l’Australie (11%). Pour autant, certains s’interrogent sur l’absence de pouvoirs institutionnels forts dans la zone qui pourrait permettre aux entreprises d’obtenir de meilleures conditions contractuelles face à des États de plus en plus vulnérables, ou peu enclins à réformer leurs Codes minier et pétrolier dans l’intérêt des populations. La tenue de cette initiative partagée de la Fondation Gabriel Péri de créer, à Paris en France, un cadre de réflexion et d’échanges sur la « géopolitique des ressources et conflits au Sahel » qui est arrivé à point nommé. C’est d’ailleurs l’occasion d’adresser les remerciements les plus sincères aux organisateurs pour l’accueil chaleureux qui nous a été réservé depuis notre arrivée dans ce beau pays. Et donc, nous félicitons la Fondation Gabriel Péri d’avoir non seulement accepté d’accueillir cette conférence internationale, mais aussi, d’en être le leader en France. Au moment où je m’adresse à vous, les armées africaines sont déployées au Mali, avec le puissant appui, 192

Conditions d’extraction de l’uranium au Niger

mais pas désintéressé, de la France pour le retour à la paix et à l’intégrité du territoire malien, et aussi pour la liberté et les droits de l’homme au Sahel. Situé dans la partie Est de l’Afrique Occidentale en zone Sahélo-saharienne, mon pays, le Niger, partage plus de 1.000 km de frontière avec le Mali, paie et continue à payer un lourd tribut en raison des conséquences socio-économiques de cette crise qui affecte depuis plusieurs années la sous-région. D’une superficie de 1.267.000 km2, le Niger est limité au Nord par l’Algérie et la Libye, au Sud par le Nigéria et le Bénin, à l’Est par le Tchad et à l’Ouest par le Burkina Faso et le Mali. Connu pour sa partie désertique (l’Aïr et le Ténéré), le Niger est une riche mosaïque de populations qui cohabitent harmonieusement : 19,5 millions d’habitants répartis en six grands groupes ethniques. Les 90% de la population sont concentrés sur moins d’un quart du territoire. Le Niger est un pays démocratique où 90% de la population est musulmane et coexiste avec une importante communauté chrétienne à Niamey, la capitale et dans les sept grandes villes. Le culte animiste est encore répandu. Les leviers économiques que sont pour l’essentiel l’exploitation minière au Nord, l’agriculture, l’élevage, le tourisme, l’artisanat, le commerce, ont été particulièrement affectés, privant ainsi certaines populations locales de leurs principales sources de revenus. Sur le plan social, la persistance de l’insécurité au Nord a perturbé l’accès aux services sociaux de base, mais a également compromis les investissements aux bénéfices de la population. Cette situation fait de cette zone un espace particulièrement exposé et vulnérable. La conférence permettra, j’en suis sûr, de tirer profit de l’expérience et de l’expertise des éminents participants présents dans cette salle, et de discuter des indispensables collaborations et coopérations entre les acteurs nationaux, régionaux et internationaux. En effet, les menaces qui pèsent sur le Sahel sont de différentes natures ; elles sont transfrontalières et transnationales et nécessitent des réponses et des synergies globales. Le caractère régional et 193

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo ADO Issoufou ONEP

mondial de ces menaces nous impose des actions concertées afin de comprendre les processus socio-politiques et socio-économiques qui s’y expriment. Les causes de la crise au Sahel en général, et dans le Nord du Mali en particulier, sont nombreuses, profondes et multiformes. Elles sont locales, nationales et transnationales. Elles s’enracinent dans un déficit de gouvernance globale. Plus spécifiquement et sans être exhaustives, elles relèvent notamment de la mal gouvernance dans les industries extractives. Ces causes sont aussi liées à la précarité des conditions de vie des populations : insécurité alimentaire, malnutrition, faible accès aux services de base, inexistence d’importants tissus économiques formels dans ces espaces étendus et peu peuplés, caractérisés par des spécificités sociologiques telles que le nomadisme. A cela s’ajoute la faible présence, voire l’absence de l’Etat, les moyens limités des collectivités territoriales, des Chefferies Traditionnelles, la faiblesse des relations transfrontalières, les longues frontières poreuses et la fragilité des Etats. Elles tiennent également aux enjeux géostratégiques liés à un territoire au sous-sol extrêmement riche qui attise les convoitises et

Exploitation d’uranium à Arlit

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Conditions d’extraction de l’uranium au Niger

dans lequel se mêlent intérêts concurrents et influences extérieures. Le sous-sol nigérien renferme aussi du charbon exploité actuellement par la Sonichar. Au titre des grands enjeux qui caractérisent la zone, de récentes découvertes de ressources naturelles dont le pétrole sur le plateau du Mangueni dans le Kawar, à Agadez et dans la zone d’Agadem, à Diffa. Plus récemment, la situation s’est aggravée du fait de la circulation illicite des armes, accentuée par une importante dissémination des armes de guerre, suite à l’effondrement du régime de la Jamahiriya Libyenne. Plusieurs dizaines de milliers d’armes sont en circulation dans cette zone, dont plus de la moitié est détenue par des groupes terroristes Djihadistes. Les armes sont utilisées pour commettre des actes criminels, déstabiliser des Etats souverains et violer les droits humains, notamment par les enlèvements d’occidentaux contre rançons évaluées à 300 millions d’euros. Les enjeux et défis sécuritaires, ainsi que les menaces sérieuses qui pèsent sur le Sahel sont bien réels. Par l’ampleur de ces menaces se développe dans ces pays une crise grave qui peut déboucher sur une remise en cause de leur intégrité territoriale. La plus grande partie des maigres moyens étant destinés pour financer la guerre et prendre en charge les services sociaux de base, peu de ressources sont disponibles pour impulser véritablement le développement économique. Or, dans cette zone, le Niger dispose de véritables réservoirs miniers et de multitudes ressources minérales. L’uranium, principale ressource stratégique de l’industrie minière du Niger, a été découvert à Azelik en 1957 par le Bureau français de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) au cours de ses explorations à la recherche de cuivre. Suite à cette découverte, la Commission de l’Énergie Atomique (CEA) a mené des recherches plus poussées, et a fait de nouvelles découvertes, notamment à Abokurum en 1959, à Madaouela en 1963, à Arlit en 1965, à Imouraren en 1966 et à Akouta en 1967. Le groupe AREVA a été très actif dans le développement du secteur et dans l’exploration des réserves 195

« Itinéraire d’un combat ! »

d’uranium depuis plus de 42 ans. Ce groupe opère par l’intermédiaire de ses deux filiales : la Compagnie Minière d’Akouta (COMINAK) qui exploite depuis 1974 la mine d’uranium d’Akouta et la Société des Mines de l’Air (SOMAIR) qui exploite depuis 1971 la mine d’uranium d’Arlit. L’année 2007 marque le début de l’intérêt de la Chine pour l’industrie minière au Niger, lorsque la CNNC (Compagnie Nucléaire Nationale Chinoise) est devenue l’actionnaire principal d’une co-entreprise nouvellement formée, la Société des Mines d’Azelik SA (Somina). La compagnie chinoise a indiqué que la mine d’uranium d’Azelik a produit son premier Yellowcake (uraninite), le 30 décembre 2010 : il s’agit de la première production internationale de la CNNC. Les réserves d’uranium du Niger sont situées dans le bassin de Tim Mersoi, une zone couvrant près de 114.000 kilomètres carrés dans le Nord-ouest. Il y a au moins 13 gisements d’uranium, tous situés dans des sédiments de grès. Les gisements de Tim Mersoi ont des teneurs en uranium intéressantes, généralement comprises entre 0,3% et 0,6%. Bien que leur teneur en uranium soit relativement faible, ces gisements demeurent rentables, car contenus dans le grès. Ils peuvent être traités par lixiviation in situ, une technique d’extraction à faible coût. Le Niger ayant produit 4.000 tonnes d’uranium en 2011, la World Nuclear Association estime que cela fait de ce pays le quatrième pays producteur mondial. En 2012, la production a atteint 5.000 tonnes, malgré l’insécurité au Sahel. Depuis 2009, des installations pour exploiter une réserve d’uranium située à Imouraren sont en cours de développement par le groupe AREVA. Retardé pour des raisons d’insécurité dans la région, ce projet démarrera probablement sa production dans les années à venir. Le gisement d’Imouraren s‘étend sur une superficie de 20 kilomètres carrés et contient environ 180.000 tonnes de ressources d’uranium mesurées et approchées. Avec cette quantité d’uranium, Imouraren sera la plus grande mine d’uranium à ciel ouvert en Afrique occidentale et la deuxième mine 196

Conditions d’extraction de l’uranium au Niger

d’uranium dans le monde. En 2009, AREVA a annoncé que la production de cette mine s’élèverait à 5.000 tonnes par an. Il faut Ajouter à cela la Compagnie Minière d’Akouta (COMINAK) où AREVA est le principal actionnaire avec 34% des parts, la SOPAMIN (Etat du Niger) 31%, la Overseas Uranium Resource Development Co. Ltd (OURD) du Japon 25%, la Empresa Nacional de Uranio S.A (ENUSA) Espagne 10%. La COMINAK explore les gisements d’uranium du Nord-ouest du Niger depuis 1974 et a débuté ses activités minières en 1978. L’exploitation minière d’Akouta est la plus grande mine d’uranium souterraine au monde. AREVA a estimé en 2009 que, compte tenu du taux de production de COMINAK et des projets d’expansion futurs, COMINAK devrait être en mesure de continuer l’exploitation minière à Akouta, au moins jusqu’en 2026. Les caractéristiques de la mine se présentent comme suit : – une mine souterraine à 250 m de profondeur ; – la teneur moyenne du minerai est de 3,35 ; – le procédé de traitement est dynamique ; – la capacité moyenne de production annuelle est de 1.500 tonnes ; – la production annuelle en 2011 est de 1.433 tonnes d’uranium (tU) ; – la production cumulée est supérieure à 62.900 tonnes d’uranium (tU) ; – l’effectif 2011 est supérieur à 1.150 salariés dont 98% de Nigériens. En outre, AREVA détient 63.4% de la SOMAIR créée en 1968, la SOPAMIN 36.60%. La première production est intervenue en 1971 avec les caractéristiques suivantes : – teneur moyenne du minerai (MCO) : profondeur de 50 à 70 m ; – la teneur moyenne du minerai : 2,8‰ ; – le procédé de traitement : lixiviation en tas par voie acide : minerai à faible teneur et dynamique : minerai à teneur > 1‰ ; – la capacité moyenne de production annuelle : 2.600 tonnes ; – la production annuelle en 2011 : 2.726 tonnes d’uranium (tU) ; – la production cumulée : > 52.700 tonnes d’uranium (tU) ; 197

« Itinéraire d’un combat ! »

– l’effectif en 2011 : > 1.200 salariés dont 98% de Nigériens. La société Imouraren SA créée en 2009 a les caractéristiques suivantes : – teneur moyenne du minerai (MCO) en cours : 110 à 170 m de profondeur ; – 3,8 milliards de tonnes de roche à extraire ; – la répartition de la minéralisation sur 20 km2 ; – l’étendue du gisement : 8 km x 2,5 km ; – la teneur moyenne du minerai : 0,8% ; – le procédé de traitement : lixiviation en tas par voie acide ; – la capacité moyenne de production annuelle : 5.000 tonnes pendant 35 ans ; – les réserves d’uranium : > 180.000 tonnes identifiées ; – l’effectif en 2011 : 299 salariés et plus de 158 salariés en soustraitance ; – les effectifs 2014 : 1.100 salariés, et plus de 1800 salariés en soustraitance ; – 4.000 emplois en phase de construction. La société des Mines d’Azelik SA (SOMINA) est détenue à 37.2 % par la China Nuclear International Uranium Corporation (filiale de la CNNC), la SOPAMIN 33%, la SINO-U ZXJOY Invest 24.8%, la Trendfield Holding 5.00%. La SOMINA a été créée en juin 2007 par l’État du Niger, avec les actionnaires mentionnés ci-dessus. En 2007, la société a obtenu un permis d’exploitation pour la mine d’uranium d’Azelik, située dans la région d’Agadez. La mine d’Azelik a réalisé sa première production de « Yellowcake » (uraninite), le 30 décembre 2010. World Nuclear News a relaté en janvier 2011 que les recherches devraient se poursuivre à Azelik pour atteindre la pleine capacité de production de la mine à hauteur de 700 tonnes d’uranium par an, et que la CNNC espère augmenter sa production à Azelik pour atteindre 2.500 t/an en 2015 et 5.000 t/an d’ici à 2020. Plusieurs autres sites sont en exploration par des opérateurs canadiens, australiens, 198

Conditions d’extraction de l’uranium au Niger

chinois, indiens, sud-africains et français. Depuis lors, des problèmes nouveaux sont apparus dans la région, à tous les stades :

Photo ADO Issoufou ONEP

– l’implantation de ces entreprises étrangères, souvent des multinationales pilotées de l’extérieur le cas du consortium COMINAK, SOMAIR, associant la France, le Niger, le Japon et l’Espagne, pose le problème de recrutement d’employés locaux qui constituent la grande masse des personnels de service dont il faut assurer la gestion, mais aussi de la pratique courante de passer des contrats de travaux ou de services avec des privés, pour les besoins de la mine ; – l’apparition et la croissance rapide de colonies de peuplement hétérogènes, constituant de nouvelles cités dans l’environnement immédiat des mines dont les activités vont se développer autour des demandes diverses de services ou du traitement des produits extraits ; – la prise en charge des minerais extraits, ainsi que de tous les résidus et déchets résultant des procédés industriels de leur traitement ;

Mine d’uranium à Arlit

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« Itinéraire d’un combat ! »

– l’implication incontournable de ces sociétés exploitantes dans la prise en charge des problèmes sociaux et environnementaux qui ont été générés en corrélation avec leur activité, dans un environnement autrefois vierge de toute occupation humaine. Toutes ces problématiques, dont les répercussions sur les hommes et l’environnement ont déjà atteint une certaine ampleur, se font jour, tant pour ces sociétés exploitantes que pour l’Etat. Le pays qui les a accueillies a l’obligation de se pencher, avec toute la diligence et le sérieux requis, vers la recherche de solutions consensuelles efficaces aux conflits sociaux naissants, avant qu’ils n’alimentent des actes de violence qui conduiraient le Niger (après le Mali) vers des lendemains douloureux. Aujourd’hui, plusieurs sources parlent d’une forte émission de radiation provenant des mines d’uranium. Ces faits font débat dans tout le pays. Des prélèvements des échantillons de sols ont révélé la présence d’uranium et d’autres matières radioactives. Ceux effectués à proximité de la Somaïr, une mine d’uranium exploitée par AREVA comportait des niveaux environ 100 fois supérieurs à ceux habituellement présents dans la région, supérieurs au seuil maximal international autorisé. Une étude a souligné que le taux de mortalité due à des infections respiratoires aiguës était de 16,19% à Arlit, presque deux fois la moyenne nationale qui est de 8,54%. Le rapport indique que, même si les problèmes respiratoires sont souvent plus fréquents dans les régions désertiques, ce taux de mortalité pourrait révéler une tendance exacerbée par une autre cause. Egalement, dans quatre des cinq échantillons d’eau prélevés dans la zone d’Arlit, l’étude a montré une concentration d’uranium supérieure à la limite préconisée par l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’eau potable. L’extraction de l’uranium est une industrie minière qui nécessite de grandes quantités d’eau pour transformer le minerai à l’état brut. La consommation des mines d’Arlit a réduit de deux tiers la nappe phréatique fossile de la région. En 2005, la 200

Conditions d’extraction de l’uranium au Niger

CRIIRAD a analysé les eaux du sous-sol et conclu à une radioactivité très supérieures aux normes internationales de potabilité, fixées par l’OMS. Dans la zone urbaine d’Arlit, certaines eaux de boisson concentrent une radioactivité 10 fois supérieure à la norme de 0,1millisievert/an. Certains des prélèvements d’eau contenaient du gaz radioactif dissous. Les données historiques indiquent une augmentation graduelle de la concentration d’uranium depuis la mise en activité de ces mines. En matière de radioprotection, il y a lieu d’assurer une surveillance dosimétrique du personnel exposé aux radiations émises par l’uranium, tout en contrôlant régulièrement les taux de pollution des lieux de travail et de l’environnement autour de la mine. La pollution a fait fuir jusqu’à la faune sauvage. L’air et les sols présentent une radioactivité très importante, notamment à cause de la dispersion des poussières radioactives, du gaz radon issu de la mine, et de l’entreposage de milliers de tonnes de déchets radioactifs à l’air libre. L’inhalation ou l’ingestion de ces derniers peut, entre autres, provoquer des cancers mortels. De fait, la vigilance des personnels mobilisés dans des organisations de la société civile nigérienne comme l’ONG CODDAE ou des ONG extérieures comme GREENPEACE, la CRIIRAD, SHERPA, Droit à l’Énergie SOS Futur, exerce avec de plus en plus d’efficacité, des pressions sur les sociétés en activité, réussissant à les contraindre d’exercer leurs activités de prospection et d’exploitation minière dans le respect de la réglementation en vigueur dans les espaces où elles évoluent. Les ouvriers de la mine d’Imouraren, avaient observé une grève de sept jours, pour protester contre les horaires inhumains exigés par leur employeur. Certains travaillant jusqu’à 12 h par jour et sept jours sur sept. Les situations réelles de terrain sont loin d’être satisfaisantes, si l’on en croit le vieil adage qui proclame « les textes ne valent que par la qualité des hommes qui les appliquent ». Énonçons ici, et de manière non exhaustive, certains manquements dénoncés au cours des conférences et séminaires organisés par l’ONG CODDAE à 201

« Itinéraire d’un combat ! »

Agadez, Tahoua, Tillabéry, Zinder et Niamey. Les anciens ouvriers ou habitants des environs des exploitations minières font de sérieux reproches aux sociétés minières : – La réalisation d’énormes profits financiers sans accepter en retour de réinvestir une partie des bénéfices engrangés dans les domaines de l’éducation, de la santé, des routes, de l’eau et de l’assainissement. – Le refus de reconnaître l’existence de zones envahies par la radioactivité habitées par une population peu avertie de ces dangers sur leur santé. – La mauvaise gestion environnementale par les Chinois dans les activités de la SOMINA, près d’Azelik qui, en captant des nappes d’eau fossiles pour les besoins de l’usine, a asséché des puits artésiens et des mares natronnées, entraînant ainsi le risque de désertification de la zone d’Ingal, proche de la frontière du Mali. – Le refus des sociétés minières de prendre en charge les frais en soins médicaux des anciens ouvriers atteints de radiation. – Le non-respect par la société chinoise SOMINA des règles élémentaires de sécurité lors de la manipulation des fûts d’uranate de soude sur les lieux de travail. – L’inobservance de règles strictes de gestion des matières radioactives dangereuses émanant de sites miniers d’uranium, notamment au moment de la première mise en exploitation (par AREVA, associée à SOPAMIN-Niger, aux côtés d’Espagnols et de Japonais). – Tout cela a créé de graves problèmes de pollution à Arlit et à AzelikIngall, provoqués par des déchets radioactifs mal conditionnés, voire, dans certains cas, des matériels contaminés remis dans des circuits de ventes, en violation flagrante des dispositions de préservation des habitants et de l’environnement. – La violation des dispositions légales de répartition des dividendes 202

Conditions d’extraction de l’uranium au Niger

produits par l’activité minière en un lieu, qui allouent 15% des montants tirés de la vente des produits aux habitants de la région en vue d’améliorer leurs conditions de vie. Aujourd’hui, malgré la présence des mines d’uranium au Niger dont on peut évaluer à 374.000 tonnes le volume exploitable, le pays manque cruellement de ressources à même de le propulser sur la voie d’un développement accéléré. L’envers de ce décor, à première vue attrayant et prometteur, s’observe au contact des populations trop pauvres de cette zone sahélienne d’où sont extraites ces richesses. Depuis plus de 40 ans, « il n’y a rien de nouveau sous le soleil » !... La vie s’écoule sans gains sociaux nettement perceptibles, en termes de construction de routes, d’écoles, de centres récréatifs, de centres de santé, d’accès à l’eau potable, de confort domestique, de création d’emplois pour les générations présentes et futures. D’où la naissance chez les populations Touarègues de sentiments de déception, voire de frustration, dans cette vaste région inondée de soleil et balayée par les vents de poussière. La RTA, (Route de l’uranium TahouaArlit), importante et symbolique « veine d’écoulement » de la richesse minière vers le port de Cotonou au Bénin, n’existe que de nom. Le désert et le sable, ayant repris ses droits, faisant d’Agadez, capitale minière, un îlot totalement enclavé ! Ainsi, force est de constater qu’après cinquante ans d’expérience vécue en présence des mines d’uranium, la déception des populations nigériennes, capables de catalyser les ferments d’une contestation sociale annonciatrice de périls pour la cité, apparaît clairement. On peut dire qu’il est urgent et même indispensable de repenser les conditions d’exploitation des ressources minières au Niger et dans le Sahel, en tant que seul moyen de génération des financements qui vont garantir l’avènement d’un développement et d’une sécurité durables. Face à toutes ces contingences d’origines naturelles et humaines, la raison impose que soient revus et/ou imposés : les clauses de signature de contrats miniers ; le devoir de préservation de l’environnement et la prise 203

« Itinéraire d’un combat ! »

en considération de la santé et du bien-être de la population ; le rehaussement des parts financières revenant à nos pays à 50% au plus de la valeur tirée de la vente des produits ; la création et le renforcement de l’accès des populations locales aux opportunités économiques ; l’insertion des rapatriés forcés de Libye, du Nigeria, de la Côte d’Ivoire et d’Algérie ; la présence dans les mines de cadres nationaux, patriotes notamment, conscients du fait qu’ils doivent se préparer à prendre très vite la relève de l’assistance externe dans un court terme. Au lieu de tirer des leçons des succès des modèles de développement qui ont été expérimentés ailleurs, nos pays s’enlisent dans les politiques inefficaces. A l’évidence, un facteur fondamental est à la base de cette situation : l’Afrique souffre de la faiblesse de son organisation sociale et politique. Tant et si bien que la conjugaison des conflits internes et des appétits insatiables que suscitent ses richesses minières ne sont pas pour la prémunir de crises plus ou moins graves. Il est donc tout à fait compréhensible et choquant que l’exploitation des mines d’uranium au Niger aille à l’encontre de l’article 8, paragraphe 2, alinéa b de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée Générale, le 2 octobre 2007 qui stipule : « Les États mettent en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources ». Or, lors de l’octroi des concessions minières au groupe Areva, les populations locales ne reçoivent aucune information, et sont mises à l’écart de tout arrangement, alors même que les zones concernées impactent plusieurs communes de la région. C’est pourquoi, seule une prise de contrôle total de l’exploitation minière et pétrolière par les nationaux permettra d’apporter une réponse suffisante et complètement satisfaisante au malaise qui frappe les pays africains. A cet égard, la sécurité dans le Sahel doit intégrer la gouvernance minière, de sorte que celle-ci devienne un facteur de développement économique et social de cette partie du monde meurtrie et matraquée abusivement à cause de ses richesses naturelles. 204

Contribution à la consolidation

Photo Rabiou Malam Issa

de la paix entre éleveurs et agriculteurs20

Moustapha Kadi intervenant à Tajaé en présence de Khalid Ekhiri, Président de la CNDH

E

n dépit des réalités quotidiennes et des alertes répétées d’une multitude d’acteurs au sein de l’administration, du secteur privé ou de la société civile, on constate avec regret l’amplification des conflits ruraux auxquels nos sociétés sont confrontées. Les besoins nouveaux des terres agricoles, les effets néfastes du changement climatique réduisant considérablement l’espace réservé à l’élevage, . Communication au Forum Régional sur la consolidation de la paix dans la Commune Rurale de Aléla, Département de Birni N’Konni, lundi 29 décembre 2014

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« Itinéraire d’un combat ! »

intensifient les affrontements entre éleveurs et agriculteurs. Les derniers affrontements enregistrés ont été d’une rare violence. Ils ont opposé des éleveurs Peuls nomades à la recherche de pâturages pour leurs troupeaux aux agriculteurs, dans la Commune rurale de Aléla (Département de Konni, une localité de la région de Tahoua), au centre du pays. Ces affrontements ont entraîné de nombreuses pertes en vies humaines, des destructions de biens, et l’abattage d’animaux… Si ces conflits communautaires ne sont pas définitivement résolus, ils pourraient entraver les fondements de notre société, notamment son hospitalité et sa fraternité. A l’invitation du président du Collectif des Associations Pastorales du Niger (CAPAN), Elhadji Bello Boubacar, j’ai participé, à Aléla, au Forum régional sur la consolidation de la paix entre éleveurs et agriculteurs, pour une mission d’apaisement. La rencontre a mis l’accent sur plusieurs sujets. Jadis connue pour son abondance en ressources naturelles et son hospitalité, la Commune de Aléla est devenue subitement un foyer de conflits meurtriers entre éleveurs et agriculteurs. J’ai répondu présent, persuadé que ma participation contribuera à impulser et dynamiser la concorde et la cohésion sociale entre les deux communautés (Haoussa et Peule), à l’exemple du travail pédagogique du Festival de Sharo ou FECCOS, que j’organise tous les deux ans à Illéla dans la région de Tahoua. Cette rencontre de grandes retrouvailles est le symbole d’un engagement collectif en vue de la paix, ainsi que mon refus sans ambiguïté de la violence dont souffrent hélas encore nos paisibles citoyens. Dans cet espace, l’accroissement de la population, conjugué aux nouveaux besoins de terres agricoles, réduisent considérablement les espaces réservés aux animaux. Ici, les terres, les pâturages, l’eau et le bois comptent parmi les ressources naturelles les plus importantes pour les habitants. La mobilité des animaux à la recherche de pâturages et de points d’eau ne se fait pas toujours sans difficultés. Les causes essentielles de cette situation sont liées à l’accès aux ressources naturelles, en particulier aux espaces affectés aux pâturages, à l’eau 206

Contribution à la consolidation de la paix entre éleveurs et agriculteurs

et aux comportements des hommes. Dans un tel contexte, les individualités se développent au détriment des valeurs ancestrales de partage et de solidarité. Le problème de l’abreuvement est de loin le problème majeur pour l’élevage au Niger. L’abreuvement des animaux est très aléatoire pendant une bonne partie de la saison sèche. Les disponibilités en eau de surface diminuent rapidement dès la fin de la saison des pluies, en dehors des cours d’eau permanents. Au mois de novembre, les troupeaux éloignés de ces derniers ne disposent plus que de mares boueuses qui, en année de pluviométrie moyenne, disparaissent rapidement. Les bergers ont alors tendance à donner entière liberté aux animaux, même si les récoltes ne sont pas entièrement terminées. Cette pratique provoque naturellement des dégâts aux cultures, et est source de conflits champêtres. Ainsi, il s’instaure et s’accentue une rivalité farouche entre les nomades et les sédentaires. Il n’est nul besoin d’insister sur les pressions que subissent les ressources naturelles dans cette zone, ni sur les défis majeurs auxquels les populations font face. Par exemple, dans cette Commune de Aléla, les conflits champêtres sont devenus de plus en plus nombreux et graves, menaçant la cohésion sociale et la vie économique de cette localité. En effet, l’expansion des terres de culture, le nombre croissant d’animaux et leur concentration sur les maigres ressources entraînent un conflit d’intérêts entre les différents utilisateurs et une surexploitation des ressources naturelles. Ainsi, les relations entre agriculteurs et éleveurs se détériorent et mènent à des conflits dramatiques, lesquels ont des coûts économiques et sociaux très élevés. J’ai donc voulu formellement attirer l’attention de toute la population sur la diversité et les défis qui doivent la préoccuper en pareille circonstance. Il y a tout d’abord la nécessité d’une bonne gestion des ressources naturelles, l’urgence de trouver une solution pour une gestion durable des terres et le renforcement des capacités des organisations paysannes. C’est pour toutes ces raisons que ledit Forum nous offre l’opportunité de réfléchir ensemble et de mettre 207

« Itinéraire d’un combat ! »

en commun nos expériences sur les pratiques de la culture de la paix que sont la prévention et le règlement pacifique des conflits, la tolérance et le respect de la différence. On peut affirmer que ces pratiques s’expriment dans le quotidien des communautés rurales de cette région du centre du Niger, appelées à vivre ensemble. Le Général Seyni Kountché, ancien Chef d’État du Niger, paix à son âme, avait coutume de dire : « Il n’y a pas de développement sans sécurité ». A cet égard, le règlement des conflits demande l’initiation des jeunes à la patience et à la persévérance pour atténuer graduellement les passions qui produisent méfiance réciproque et opposition violente entre éleveurs et agriculteurs. Il nous faut des modèles de prise de décision, quand la gravité n’atteint pas déjà le seuil de rupture. Il nous faut également un minimum de solutions capables de résister aux pressions de toutes sortes tout en préservant une certaine capacité à surmonter les obstacles. L’objectif est de s’appuyer sur les sources d’inspiration des acteurs et sur le potentiel des ressources culturelles, naturelles et humaines de nos communautés, afin d’identifier des pistes d’actions concrètes permettant de construire une paix durable dans cette localité en particulier, et au Niger en général. Il s’agit bien évidemment de construire et de consolider avec constance et détermination, l’unité, la solidarité, la tolérance et l’implication de tous dans le traitement adéquat des problématiques pastorales et foncières, dont l’éventail recouvre en grande partie les maux suivants : – la méconnaissance et la mauvaise application des textes par les acteurs, ce qui favorise le recours à la violence ; – les cas de conflits non ou insuffisamment réglés dont les germes de frustrations et de rancunes tenaces causent de nouveaux conflits ; – les dégâts dans les champs de culture dus à la réduction des parcours et à l’occupation des aires de pâturage, aux obstructions des couloirs de passage et à l’implantation des champs trop près des couloirs de passage, au stockage prolongé des récoltes dans 208

Contribution à la consolidation de la paix entre éleveurs et agriculteurs

les champs ; – le mauvais gardiennage des animaux et l’occupation des abords des points d’eau ; – les préjugés ancestraux qui considèrent les éleveurs comme des populations sans terre ; – la suspicion de l’autorité (administrative, judiciaire ou coutumière) d’être de connivence avec l’une ou l’autre partie ; – les insuffisances des interventions des services publics en matière d’aménagements agricoles et pastoraux ; – l’absence de concertation et l’inobservance de bonnes pratiques dans la résolution des conflits entre les communautés ; – l’inexistence de bornes pour délimiter les couloirs de passage ; – la non détention par les transhumants de documents de voyage (certificats national ou international de transhumance). Dans cette localité de Aléla, l’élevage pratiqué se caractérise par l’élevage transhumant et l’élevage sédentaire. Les éleveurs transhumants se déplacent le long des axes de transhumance pour passer l’hivernage au Nord. Pendant la saison sèche, ils reviennent au Sud et s’installent sur les terres agricoles qui s’enrichissent en fumier. L’espace pastoral dépend de la disponibilité d’eau à proximité ou, parfois, de la topographie. A ce titre, les attitudes et comportements dans la gestion du terroir doivent refléter et favoriser la convivialité et le partage fondés sur les principes de liberté. En tout état de cause, l’aspect le plus important de la culture de la paix est, à mon sens, la façon dont les personnes sont sensibilisées à intégrer la paix à leur propre manière d’être. Chacun adoptera ainsi les bons comportements dans sa relation avec autrui et acceptera la différence. Le Forum de Aléla marquera ainsi un tournant décisif devant conduire à un changement de comportement dans la gestion des espaces et la sécurisation de nos communautés et de leurs biens, à travers un processus de concertations entre différents acteurs de la chaîne. Il s’agit spécifiquement d’identifier les éléments de 209

« Itinéraire d’un combat ! »

divergences entre les communautés ; trouver une compréhension mutuelle des communautés autour des éléments de divergence ; définir et convenir des solutions aux problèmes connus dans la zone et amener les différentes communautés en présence à mettre en œuvre et à respecter les solutions consensuelles préconisées. Fortes de cette conviction, l’administration locale, la Chefferie Traditionnelle et la société civile seront les acteurs incontournables qui doivent contribuer à la prise en charge des besoins de changement de mentalité de nos communautés rurales. Dans ce cadre, les mesures qui nous paraissent nécessaires pour la prévention des conflits ruraux dans cette zone sont : 1. l’identification des espaces pastoraux et leur protection ; 2. la défense des droits humains en s’appuyant sur des actions

d’aménagement; 3. la mise en place de comités de vigilance ; 4. l’immatriculation des zones d’aménagement ou zones pastorales au nom de l’Etat ou de la collectivité ; 5. l’accompagnement des communautés dans l’élaboration et la formalisation de Charte locale d’accès aux ressources naturelles, dans le respect de l’équité et des spécificités écologiques et culturelles de la zone ; 6. l’initiation d’un processus de négociation pour la création, l’aménagement et le balisage des pistes à bétail pour qu’elles soient classées patrimoine de la collectivité ou de l’Etat selon le degré d’usage; 7. la sécurisation des aires abritant des infrastructures d’élevage et de promotion des activités pastorales (points d’eau pastoraux, marchés à bétail, parcs de vaccination, stations d’élevage) ; 8. la mise en place d’une législation et d’une réglementation adaptées au contexte de la zone ; 9. le renforcement de la concorde et de la cohésion entre les jeunes, dans le cadre du maintien de la quiétude sociale et de l’entente 210

Contribution à la consolidation de la paix entre éleveurs et agriculteurs

entre les populations ; 10. l’organisation régulière de campagnes de sensibilisation sur les méthodes traditionnelles ou modernes de prévention de conflits. Cependant, la restauration de la paix entre communautés rurales s’impose comme préalable à toute activité de développement, notamment dans les zones où les manifestations de conflits ont largement dépassé les simples querelles autour des conflits champêtres. La matérialisation de la limite entre les zones agricoles et pastorales doit être réalisée telle que prévue par l’ordonnance portant sur le pastoralisme au Niger, pour mieux sécuriser les cultures et le bétail. Il y a également la nécessité d’identifier, de délimiter les espaces pastoraux, et d’en exiger le respect par les agriculteurs que par les éleveurs des limites des cultures, pour prévenir les conflits. Une politique d’hydraulique pastorale doit être entreprise pour la construction de plusieurs points d’eau. Aussi, pour que les Chefs de villages soient neutres, impartiaux dans le traitement des différends entre agriculteurs et éleveurs, il faut éviter de surélever les coûts des dégâts champêtres pour fixer le montant de la réparation à la seule proportion du dommage causé. La nécessité de constituer des comités d’évaluation des dégâts de façon paritaire entre représentants des agriculteurs et ceux des éleveurs s’impose à juste titre. Ces comités doivent bénéficier de l’assistance des personnes compétentes maîtrisant les critères d’évaluation des dégâts.

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Deuxième partie

Communications

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Photo ADO Issoufou ONEP

A quand le Barrage de Kandadji21 ?

Site du barrage de Kandadji dans la région de Tillabéry

L

a dégradation continue des écosystèmes de la vallée du fleuve Niger et le faible débit en période d’étiage, ont amené le Gouvernement Nigérien à envisager la construction d’un barrage sur le site du village de Kandadji pour accroître ce débit, sécuriser l’alimentation en eau potable de la ville de Niamey et ses environs, irriguer les terres et produire de l’électricité. Le site est situé à

21 . Intervention à l’occasion du dîner de gala organisé par l’ONG GAPDAN HELP CRAFT-Niger au Palais des Congrès de Niamey, le 18 novembre 2006 sur la promotion du Barrage de Kandadji)

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« Itinéraire d’un combat ! »

187 km de Niamey et à 61 km de la frontière malienne. La zone d’influence couvre quatre Départements de la région de Tillabéry (Tillabéry, Téra, Kollo et Say), deux Départements de la région de Dosso (Boboye et Gaya) et la région de Niamey. La construction de ce barrage a été envisagée au milieu des années 1970 par le Président Diori Hamani, après la réalisation des premières études sur le projet. Sa construction est lancée en 2008 par l’entreprise russe Zaroubegevodstroï. Les travaux devraient être terminés en 2015, placés sous l’autorité du Haut-commissariat à l’aménagement de la vallée du Niger, une entité publique sous l’autorité du Premier Ministre. Le projet a été conçu en 2002. La longueur du barrage sera de 8,5 km et la capacité du réservoir de 1.569 km3. Les objectifs sont : assurer un débit d’étiage de 120 m3/s sur le fleuve Niger ; sécuriser l’alimentation en eau potable de l’agglomération de Niamey ; mettre en valeur, par l’irrigation, environ 45.000 ha ; produire de l’électricité avec une puissance de 125 MW pour une production annuelle de 629 GWh (soit un bond de 55% de la production nationale). Ce projet nécessite le déplacement de populations humaines et animales : 38.000 personnes seront déplacées, ainsi que des groupes d’hippopotames. Le coût total du projet est estimé à 670 millions de dollars en 2007. En 2011, d’autres sources l’estiment à 942 millions de dollars. Le coût du barrage serait seulement de 130 millions d’euros. Selon la Banque Mondiale, le programme aurait un coût de 785 millions de dollars. Le barrage est financé principalement par la Banque Africaine de Développement, la Banque Islamique de Développement et la Banque Mondiale. L’Agence Française de Développement contribue également au financement du projet. Des décennies passent et le secteur de l’électricité continue à traverser des périodes d’instabilité liées au déséquilibre entre l’offre et la demande d’énergie. Cette situation observée en permanence sur le réseau interconnecté qui alimente la plus grande partie des régions de l’Ouest, est exacerbée par la volatilité de l’hydrologie enregistrée 216

A quand le Barrage de Kandadji ?

depuis quelques années sur le fleuve Niger à Kainji, au Nigeria, mamelle nourricière de nos principales villes en électricité. Alors que les besoins vont croissant, les aléas climatiques réduisent la productivité de l’agriculture pluviale et, en particulier, la productivité céréalière. L’heure est, aujourd’hui, à l’urgence d’une sécurité énergétique, après nos déboires de plusieurs années de délestage. Dès lors, chercher à résorber le déficit énergétique et faire face à une demande d’électricité en forte croissance est devenu l’une des priorités de nos pays. Ce programme ambitieux de Kandadji est très attendu par les populations de la sous-région dont l’un des objectifs est de faire reculer la pauvreté en améliorant les conditions de vie. Pour atteindre ce principal objectif, le Gouvernement a placé la maîtrise de l’eau au centre de ses priorités de développement agricole et cela, pour de nombreuses raisons dont les deux principales sont les fortes potentialités existantes et les nombreuses contraintes de l’agriculture pluviale dans la zone sahélienne. L’enjeu pour le Niger est de disposer d’une énergie fiable, de bonne qualité et équitablement répartie sur l’ensemble du territoire, et accessible à la population et à l’ensemble de nos industries. Mais, il faut reconnaitre que le barrage de Kandadji n’est pas un simple projet. Outre la contribution à l’autosuffisance et à la sécurité alimentaire par le développement de l’agriculture irriguée, le barrage vise la production d’hydroélectricité, le développement de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture, la promotion de l’écotourisme. Le Programme comprend un barrage à buts multiples : une centrale hydroélectrique de 130 MW de puissance installée, une ligne de transmission de 132 KV entre la centrale et Niamey, un programme de développement local communautaire, un projet de développement de l’irrigation sur 45.000 ha, un programme de gestion environnementale et sociale (PGES) et une assistance technique. Le tout sera réalisé en deux phases : la construction du barrage, puis l’installation de la centrale hydroélectrique. Le barrage de Kandadji offrira un nombre 217

« Itinéraire d’un combat ! »

considérable d’opportunités aux communautés nationales, plus de nourriture, d’eau, d’électricité et réduira la pauvreté dans la région de Tillabéry. Beaucoup de contraintes ont retardé la réalisation effective de ce barrage. Le projet de construction sur le fleuve Niger a pourtant suscité beaucoup d’espoir au sein de la population. Il continue à provoquer l’euphorie au sein des habitants de la région de Tillabéry, une région qui vit de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Aujourd’hui, le barrage de Kandadji demeure l’ombre de lui-même. Les populations nigériennes se disent très déçues. Le Gouvernement évoque des raisons techniques qui auraient retardé la mise en œuvre du projet. Ces contraintes internes et externes constituent encore des sources de blocage à la matérialisation de cet important ouvrage qui représente sur le plan économique et social, l’espoir de tout un peuple. Les obstacles à la réalisation de cet important ouvrage doivent être transformés en opportunités, de manière à convaincre même les plus sceptiques tant au niveau national qu’international. Chacun doit mettre un peu de volonté et de bonne foi pour comprendre la nécessité pour le Niger de voir s’ériger ce barrage. C’est devant la longue attente que nous avions décidé de créer l’ONG CODDAE grâce à la détermination des uns et des autres pour nous battre et contribuer à faire aboutir le dossier. Le sigle CODDAE est un cri de cœur, c’est un SOS pour atteindre notre souveraineté énergétique à travers un lobbying et un plaidoyer permanent afin de faire du barrage de Kandadji un objectif de portée nationale. Le manque d’énergie électrique pénalise à bien des égards de nombreux secteurs de notre économie. L’industrie, l’agriculture ou encore le secteur tertiaire enregistrent encore des taux de croissance trop faibles pour une économie que nous voulons moderne et dynamique. Le barrage de Kandadji se fixe comme ambition de se conformer aux meilleures pratiques nationales et internationales en matière environnementale et sociale, d’aménagement hydraulique et de construction d’infrastructures. L’impact environnemental et 218

A quand le Barrage de Kandadji ?

social du barrage sera très bas au regard de la production d’électricité et des changements positifs qui seront générés. L’édifice doit réguler efficacement le niveau de l’eau du fleuve Niger affecté par des fluctuations saisonnières et le débit ascendant en stockant temporairement l’eau et en la relâchant plus tard. Sa capacité de production de l’électricité suffira pour alimenter largement les régions de l’Ouest du Niger tout en permettant au pays d’exporter ses surplus d’électricité à ses voisins, dont le Mali, le Burkina et le Bénin. Ce projet permettra à plusieurs consommateurs d’être auto-suffisants en électricité à moindres frais. La structure de gestion dit déjà être en étroite concertation avec les parties prenantes pour assurer une insertion satisfaisante du projet dans son milieu d’accueil. C’est ce qui justifie la joie que nous avons ressentie à l’occasion de la cérémonie de promotion de ce barrage au Palais des Congrès de Niamey. A cet effet, nous réaffirmons notre indéfectible engagement à soutenir, d’où qu’elles viennent, toutes les volontés politiques convergentes. Nous félicitons l’ONG SOS KANDADJI et ses partenaires qui a eu l’initiative de réunir les acteurs pour une rencontre profitable à tous les citoyens de l’Afrique de l’Ouest. Cette rencontre, marque surtout la volonté ferme et inébranlable des acteurs sociaux, de contribuer à doter notre pays d’infrastructures de production d’énergie capables de résorber dans la durée les déficits énergétiques dont souffrent au quotidien nos entreprises et nos ménages, nos villes et nos campagnes. L’acte concret que les initiateurs viennent de poser, en tant qu’acteurs de la société civile, ne peut que nous réconforter. C’est pourquoi nous souhaitons que ce genre de plaidoyer soit multidirectionnel, pour que chacun de nous puisse apporter sa pierre à la construction de l’édifice. Au nom de la Coalition Équité Qualité contre la Vie Chère au Niger et du CODDAE, qu’ils trouvent ici nos sincères remerciements. Notre organisation a participé le 20 octobre 2006 à Paris, à la tribune de l’UNESCO, à la Conférence Internationale sur l’accès à l’énergie 219

« Itinéraire d’un combat ! »

pour tous où nous avons rappelé les avantages de ce barrage pour les populations. A cette occasion, nous avons rappelé, dans le cadre de notre plaidoyer, devant un parterre de hautes personnalités à Genève (Suisse), dont Monsieur Jamal SAGHIR, Directeur du Département Eau et Energie de la Banque Mondiale, que les Nigériens soutiennent sans réserve la construction du barrage de Kandadji ; et que l’heure a sonné pour la Banque Mondiale d’ouvrir sa vanne et de promouvoir le projet auprès des différents bailleurs. Au regard de la place qu’occupe l’énergie dans la réduction du coût de la vie au Niger, cette initiative doit être encouragée par tous. La production hydroélectrique ouvrira ainsi des perspectives heureuses pour le Mali, le Burkina Faso et le Nigeria, pays limitrophes confrontés également à des problèmes de couverture de leurs besoins énergétiques. Dans cette optique, il y a urgence à encourager la mise en valeur des autres ressources renouvelables, car le potentiel dont le Niger regorge doit être utilisé de manière à éradiquer la pauvreté qui nous gangrène. Quand on sait qu’un Nigérien consomme en moyenne 15 KWh par an et qu’un Français 8.000 KWh, soit 533 fois plus, cela signifie qu’en France, une demi-journée de la consommation en électricité équivaut approximativement à celle d’une année au Niger. De ce point de vue, nos dirigeants doivent mieux mesurer l’importance de la réalisation de ce barrage pour notre pays et la sous-région. Les études détaillées validées avec notre implication dans le processus, puis adoptées, sont d’une qualité exceptionnelle. Celles-ci ont, enrichi, orienté et parfois redressé la faisabilité technique, économique et financière du Projet dans la perspective de sa finalisation. Présentement, les conditions dans lesquelles ce barrage pourrait être réalisé sont réunies : engagement politique, moyens financiers et l’appui des partenaires. Maintenant plus qu’un rêve, le barrage de Kandadji tend à devenir une réalité. Les Nigériens attendent la solidarité nationale et internationale pour électrifier leurs villes et campagnes car la pénurie d’énergie est partout criarde. 220

A quand le Barrage de Kandadji ?

A cet effet, comme nous l’avions déjà dit en 2004, chaque Nigérien doit garder à l’esprit qu’en payant seulement au Trésor National dans un compte spécial, une contribution symbolique de 1.000 F CFA, les amis du Niger comprendraient mieux l’intérêt d’apporter leur appui dans la construction du barrage. Malheureusement, notre initiative a rencontré des résistances au niveau de certains décideurs. De par leur faute, pour une question de manque de courage politique, cette proposition, parce qu’elle vient de la société civile, est rejetée. Cependant, l’avenir étant plus important, il nous revient avec les médias de relancer le débat. Dans tous les cas, le jour où nous parviendrons à réaliser le barrage, l’ensemble des Nigériens seront soulagés et leurs souffrances allégées. Au besoin, nous partagerons les fruits avec l’ensemble des pays voisins. Avec la réalisation de ce barrage, le Niger ne sera plus dernier de la planète et les contestations inutiles s’arrêteront. C’est pour toutes ces raisons que cette initiative nous paraît opportune et du reste nous proposons qu’elle soit reprise par le Conseil Economique, Social et Culturel (CESOC) présidé par Cheffou Amadou pour développer davantage une prise de conscience et sortir notre pays de la dépendance électrique avec le Nigeria, qui atteint déjà un taux de 80%. Grâce à cette activité de la société civile, les Nigériens peuvent se mobiliser autour d’actions concertées pour assurer leur autonomie énergétique. Sans doute qu’avec l’adhésion pleine et entière des Nigériens, nous pourrions nourrir de grandes ambitions pour la réalisation du Barrage de Kandadji, afin de permettre aux populations nigériennes de recevoir ses bénéfices à la fois domestiques et économiques.

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Photo Rabiou Malam Issa

Accès à l’énergie : cas du Niger22

Photo de famille après la visite du Premier Ministre, Mahamadou Danda au siège du CODDAE à Niamey

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’électricité constitue une composante essentielle à la compétitivité des entreprises et reste indispensable à la vie courante. L’accès à l’énergie et plus particulièrement, l’accès à l’électricité est une condition essentielle pour le développement économique et social d’un pays. Un bien de première nécessité dont l’accès est reconnu comme un droit constitutionnel au Niger. Malheureusement, dans ce pays, le taux d’accès à l’électricité est le plus faible du monde. Le . (Forum Social Mondial à Nairobi, Kenya du 20 au 24 janvier 2007)

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« Itinéraire d’un combat ! »

Niger connaît des déficits de production énergétique aux conséquences les plus dramatiques. L’utilisation massive du bois comme source d’énergie domestique est la cause d’une accélération de la déforestation et d’un déséquilibre climatique. A l’image de tous les pays africains, pour les populations nigériennes, l’accès à l’énergie constitue un réel facteur de progrès parce qu’il permet d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Aujourd’hui, bien que l’accès à l’électricité commence à se développer, il reste encore faible. Le taux d’électrification, qui n’a pu évoluer de 2000 à 2004 que de 5,3% à 6,8%, est actuellement de 9,3%. Les autorités se sont fixées comme objectif d’atteindre à l’horizon 2020 un taux d’électrification de 25%. Dès lors, le Niger se trouve dans la situation d’un coureur de fond à la recherche d’un second souffle. Dans ce cadre, il faut absolument trouver cet élan, car on ne peut réellement parler de lutte contre la pauvreté quand une frange importante de la population n’a pas accès aux avantages que donne l’usage permanent et à moindre coût de l’énergie. Au Niger, 90% des ménages n’ont pas accès aux sources d’énergie modernes et continuent d’utiliser du bois de chauffe prélevé dans un écosystème très fragile et menacé par l’avancée du désert qui détruit silencieusement tout sur son passage, avec une vitesse alarmante. L’électricité fournie est peu fiable et les interruptions régulières. Cet état de fait se justifie par la modestie des moyens financiers de l’État et des populations. Cette situation paraît aberrante quand on sait que le Niger est le quatrième producteur mondial d’uranium, ce minerai hautement stratégique qui fait la fierté des pays riches ayant la maîtrise de la technologie de production d’énergie atomique. Dans les zones rurales isolées, il est constaté que plusieurs millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité. Pourtant, même si aucun des Objectifs de Développement du Millénaire (OMD), cadre de référence universellement accepté en matière de développement, ne porte spécifiquement sur l’accès à l’énergie, il est admis que le non-accès à l’énergie constitue l’une des 224

Accès à l’énergie : cas du Niger

principales causes de la pauvreté dans le monde. Comme nous l’avons toujours dit, le débat des riches sur l’énergie ne nous intéresse pas. Notre pays est riche en charbon minéral de très bonne qualité et de ce point de vue, nous encourageons vivement son exploitation pour que la majorité de la population accède à l’électricité. Cependant, bien que les besoins du Niger en services énergétiques modernes soient énormes et difficiles à satisfaire à court et moyen termes, l’essentiel des infrastructures éducatives, sanitaires, hydrauliques et agricoles nécessitent d’être équipé en systèmes énergétiques modernes. Le programme prévisionnel d’équipements énergétiques concerne plus de 7.000 écoles, soit 84 %, environ, 2.000 centres sanitaires, soit 88%, 23.000 points d’eau modernes, soit 98% et enfin 170.000 hectares des terres agricoles exploitables, soit 59%. Devant cette situation, notre organisation, en collaboration avec SOS Futur Droit à l’Énergie France, a élaboré plusieurs projets d’électrification rurale, dont l’un des plus importants a été soumis à des partenaires, et porte sur l’électrification de quatre quartiers de la ville minière d’Arlit, une bourgade de 120.000 habitants. Toutefois, d’autres partenaires sont attendus. Grâce à ce projet, 48.173 personnes, soit environ 6.881 ménages, verront leur cadre de vie amélioré. Les autorités nigériennes ont donné les autorisations nécessaires et le processus suit son cours. La consommation nigérienne est l’une des plus faibles de la sous-région, voire de l’Afrique, comparée à celle du Togo, du Sénégal estimée à 112kwh et notamment à la moyenne de la zone CEDEAO qui est de 119 kWh. Toutefois, les consommateurs nigériens estiment que l’électricité est vendue trop cher. Ceci nous a amené à organiser une grande manifestation à Niamey, qui a réuni plus de 150.000 personnes le 15 mars 2005, pour demander au Gouvernement de réduire les coûts de l’électricité, pour le bien-être des plus pauvres. A l’issue de négociations très tendues, nous avons obtenu l’exonération de 19% de TVA sur la tranche de 0 à 150 watts. Ceci permet aux pauvres d’accéder à l’électricité et d’entreprendre 225

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo Rabiou Malam Issa

des activités génératrices de revenus. Aujourd’hui, il est clairement établi que la faiblesse du taux d’électrification au plan national résulte de l’absence d’une vision à moyen et long termes. L’accès à l’énergie, particulièrement à l’électricité, doit demeurer le souci constant du gouvernement, des partenaires et de la société civile. A l’évidence, on remarque que le taux effectif d’accès à l’électricité est de 9,3%, bien que certains parlent actuellement de 20%. En fait, ce taux de 20% représente le taux de couverture, c’est-à-dire le nombre de ménages qui peuvent se connecter au réseau. Or, compte tenu de l’extrême pauvreté du milieu rural, cela est difficilement envisageable. En principe, ce taux d’accès à l’électricité doit normalement interpeller les responsables de la compagnie NIGELEC. Pour notre part, nous disons que la NIGELEC doit changer de stratégies en milieu rural, puisqu’il est possible de connecter les ménages gratuitement, et après, leur demander de payer la fourniture. Si en milieu urbain, il faut payer plus de 50.000 F CFA, soit deux fois le salaire minimum, en milieu rural demander ce montant, c’est sacrifier les habitants du fait de leur faible revenu. Il est clairement établi que c’est le transport

Table de séance du Forum National sur le Droit à l’Énergie présidée par le Ministre de l’Énergie, Foumakoye Gado

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Accès à l’énergie : cas du Niger

de l’électricité qui constitue une barrière en milieu rural. Aussi, notre pays a enregistré l’une des plus faibles consommations d’énergie par tête d’habitant au monde, soit 0,14 tep, alors que la moyenne africaine était de 0,5 tonne équivalent pétrole (Tep). Au même moment, la consommation de la biomasse représentait 88% de la consommation finale, ce qui endommage gravement le maigre capital forestier et la faible régénération, accentuant encore plus notre inquiétude. S’agissant du taux d’accès à l’électricité, en zone urbaine, de 2000 à 2005, il est passé de 33% à 41% et de 0,03% à 0,28% en zone rurale où vit plus de 80% de la population. Le taux global est passé de 5,3% à 7%. En 2006, il est de 9,3% en 2007. Ceci correspond à une croissance annuelle d’environ 0,34%, représentant un raccordement de 9.000 abonnés par an. Avec cette tendance, le taux d’accès serait, en 2015 de 10%, et de 12% en 2020. Compte tenu de ces faibles taux d’électrification, le Niger n’a pas été en mesure d’exploiter pleinement son potentiel économique et d’entrer en compétition sur les marchés régionaux dans des conditions équitables. Pour la plupart, les ménages ruraux ont recours au pétrole lampant pour s’éclairer et satisfaire leurs besoins en énergie. Cette évolution tient notre pays très éloigné de l’objectif de 25% visé en 2020 dans le document de stratégie de réduction de la pauvreté. Cette situation a pour conséquence la limitation du niveau d’accès aux services sociaux (éducation, santé) et marchands (transformation, hydraulique, télécommunication et autres activités génératrices de revenus) dont la couverture par l’énergie facilite l’atteinte des OMD. Cet état résulte, en partie, de la non-intégration de l’énergie au cœur des préoccupations du développement durable dans les programmes du Gouvernement. Pour cela, il faut en moyenne 50.000 abonnés par an, correspondant à une augmentation moyenne annuelle du taux d’accès de 1,8% au lieu de 0,34% actuellement enregistré. Ces efforts doivent être multipliés par cinq. En termes clairs, notre secteur énergétique souffre d’une absence de planification. Par ailleurs, l’importation des 227

« Itinéraire d’un combat ! »

produits pétroliers a atteint un niveau jamais égalé de 36% des recettes d’exportation. Cette situation paradoxale du Niger est inadmissible pour un pays qui regorge de potentialités énergétiques importantes (sites d’aménagements hydroélectriques, gisements d’uranium, de charbon minéral, de pétrole et d’énergies renouvelables). La majeure partie des populations n’a pas accès aux services énergétiques de base. L’eau et l’électricité sont devenues un luxe que seuls quelques privilégiés des grandes villes peuvent s’offrir avec une constance somme toute relative. Il est donc nécessaire d’étudier l’adéquation entre croissance démographique et approvisionnement en énergie (électricité, gaz...) et en eau potable, entre autres. Ceci fait partie des indicateurs d’accessibilité du fait que les ressources sont inégalement réparties à l’intérieur du pays. A titre illustratif, la disparité entre les régions est emblématique. Avec le rythme de croissance démographique, si aucune investigation n’est faite, la population n’ayant pas accès à l’eau potable ni à l’électricité va presque doubler pour certaines régions. Le Gouvernement se doit ainsi de définir des stratégies plus égalitaires, notamment, concernant les infrastructures d’adduction en eau potable, en électricité et en gaz, dans le but de préserver la santé de la population, d’améliorer son niveau de vie en réduisant la pauvreté et bien sûr de lutter avec courage contre l’utilisation abusive du bois qui demeure la principale source d’énergie. Il revient également aux dirigeants de nos entreprises de mettre en œuvre des stratégies permettant d’accroitre l’accès des ménages, des services sociaux et des industries à une électricité en quantité suffisante, de bonne qualité et à moindre coût. On peut se demander enfin pourquoi nos ressources ne profitent qu’à une minorité de la population nigérienne. De cette analyse, il ressort des obstacles majeurs suivants : 1 - le manque d’engagement et de courage politique pour le développement des programmes d’électrification ;

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Accès à l’énergie : cas du Niger

2 - la faiblesse institutionnelle : les institutions spécialisées en énergie ne sont pas mises en place, même celles qui existent ne sont pas toujours opérationnelles. Cette situation a pour conséquences : l’absence de règles claires pour la responsabilisation, la conduite et le financement des projets d’électrification et l’absence d’un cadre contractuel de gestion et d’exploitation. 3 - La non performance des acteurs du sous-secteur (administration, collectivités locales, secteur associatif, entreprises électriques et institutions bancaires) Cela se caractérise par : le manque d’expérience dans le domaine de l’exploitation du système d’électrification ; la fragilité de l’assise financière des acteurs du sous-secteur, qui ne permet pas une implication en tant que coinvestisseur ; le manque d’expérience dans la détermination des solutions techniques simplifiées et à moindres coûts ; l’absence de mécanismes de financement adaptés : les banques, les systèmes financiers décentralisés manquent d’expérience en matière de financement de l’électrification rurale, ou n’offrent que de produits financiers non adaptés. 4 - La faible synergie entre les services d’électricité, d’eau, de télécommunication, de santé et d’éducation, lors des planifications de leurs investissements et dans leur exploitation. 5 - La dispersion de l’habitat en milieu rural dans un pays de 1.267.000 km2, soit deux fois et demie la superficie de la France, avec seulement une population de 19 millions d’habitants, sans ignorer le faible pouvoir d’achat des ménages. Cela constitue un frein au développement de l’électrification rurale, en raison des coûts de revient élevés qu’elle nécessite. 6 - La conception actuelle de l’électricité considérée exclusivement comme facteur de développement économique et social en milieu urbain, qui ôte toute chance au secteur rural de bénéficier des 229

« Itinéraire d’un combat ! »

subventions directes ou indirectes que l’État pourrait accorder dans le cadre de sa politique d’aménagement du territoire. 7- Les rares projets exécutés en zones rurales sont conçus sans la participation des populations bénéficiaires, ce qui explique, pour l’essentiel, leur échec. 8 -Sur le plan purement technique, la conception consistant à recourir systématiquement à des extensions de réseaux déjà existants a pour conséquences : – des coûts de branchement prohibitifs qui sont hors de portée des populations rurales, généralement pauvres ; – toute éventualité de branchement des petites localités situées loin du réseau principal ou difficilement accessibles est écartée. 9 - Le système de péréquation appliquée au niveau national constitue un frein à la promotion de l’accès à l’électricité rurale, car il a pour conséquence immédiate d’occasionner des pertes sur chaque kWh. 10 - Le monopole de la production, du transport et de la distribution est un obstacle pour l’électrification rurale. A cet effet, l’instauration de la règle de la concurrence est de nature à améliorer le rapport qualité-prix des produits. 11- Le mode de paiement mensuel n’est pas compatible avec la fréquence saisonnière des revenus des populations en milieu rural. En tout état de cause, on ne peut instaurer l’accès à l’énergie pour tous sans mener une réflexion approfondie sur la problématique des devoirs afférents à toutes les parties concernées. Et ces devoirs nous sont imposés. Toutefois, il faut relever que l’accès à l’électrification rurale a véritablement des bienfaits multiples et variés, profitables à tous : d’abord, il existe des énergies renouvelables : solaire, éolienne, biogaz qui sont disponibles en quantités considérables, accessibles 230

Accès à l’énergie : cas du Niger

moyennant des investissements relativement peu onéreux ; ensuite, l’accès à l’électrification rurale permet de développer un pays à travers l’implication des acteurs contribuant ainsi à l’émergence des opérateurs privés. Enfin, l’accès à l’électrification rurale contribue à assurer et à promouvoir la sécurité des personnes et des biens. A cet effet, son financement doit provenir de cinq sources : apport de l’Etat, institutions financières, partenaires au développement, usagers, opérateurs concessionnaires. Le recours aux énergies renouvelables est de plus en plus envisagé comme une piste sérieuse pour réduire la fracture énergétique. Une simple lampe solaire prolonge déjà la journée de travail ou d’études de longues heures utiles dans les pays des zones tropicale et équatoriales, où la nuit tombe tous les jours à 18 heures. L’électricité solaire est donc la solution pour alimenter nombre d’équipements indispensables comme des pompes à eau ou des réfrigérateurs, sans parler d’outillage électrique. C’est pour toutes ces raisons que nous avons accepté de faire connaître notre position sur l’accès à l’énergie pour tous, que nous saisissons cette occasion exceptionnelle, solennelle, pour plaider la cause des populations les plus démunies, celles-ci même qui constituent l’écrasante majorité du peuple. Et justement, à l’heure de la mondialisation, où notre monde tend à devenir un village planétaire, il nous paraît essentiel que le devoir de solidarité internationale puisse profiter à tous, afin que, quel que soit leur lieu de résidence, les habitants de toutes les contrées puissent accéder au bienfait du progrès dont l’accès à l’électrification rurale nous semble être l’élément déterminant. De même, pour une question d’équité et de justice sociale, il nous semble intolérable que sous prétexte de pauvreté, face aux engagements pris par les Etats à New York, nos populations continuent à vivre sans électricité. Ainsi, quand acceptera-t-on de réaliser que nos pays africains sont des Etats souverains ? En vérité, un Etat souverain ne doit pas se défausser de ses obligations sur les partenaires qui nous apportent leur soutien compréhensif en fonction de leurs propres 231

« Itinéraire d’un combat ! »

besoins et intérêts. A cet égard, comment ne pas mettre en parallèle l’attitude des responsables de certains Etats bananiers qui, un demisiècle après leur indépendance, continuent à imputer les maux dont souffre leur pays seulement au colonialisme, alors qu’ils sont également les fossoyeurs de leurs propres Etats. Cela est sans doute une des raisons fondamentales des investissements de complaisance et de bricolage. Dès lors, qu’est-ce qui empêche nos dirigeants depuis près d’une décennie de programmer l’autonomie de nos pays en desserte électrique ? Est-ce logique que des dirigeants nigériens perçoivent des commissions substantielles suite à la signature des contrats ou à la réalisation de travaux d’intérêt général ? Pour toutes ces raisons, les institutions et organismes régionaux sont invités à conjuguer leurs efforts pour doter les Nations africaines d’une Convention Internationale portant intégration du droit à l’énergie parmi les droits fondamentaux de l’homme.

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Photo Rabiou Malam Issa

Électrification de quatre quartiers d’Arlit23

Un quartier d’Arlit bénéficiaire du projet d’électrification de l’ONG CODDAE

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ée en 1969 de la découverte de riches gisements d’uranium exploités par la société des mines de l’Aïr (Somaïr) et la compagnie minière d’Akouta (Cominak), la Communauté Urbaine d’Arlit a entrepris l’électrification de ses quatre quartiers périphériques. Depuis 1968, 10 gisements ont été exploités à Arlit (Ariège, Artois, Arlette, Tamou, Taza, Tagriza, Tamgak, Akola, Akouta et Afasto). . (Lancement officiel des travaux, Arlit, 5 septembre 2008)

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Actuellement, trois mines d’uranium (Arlit, Taza et Akouta) sont exploitées par des filiales de la société française Areva NC (du groupe Areva), certaines sont exploitées à ciel ouvert et d’autres par travaux souterrains. L’entreprise française Areva exploite l’uranium nigérien depuis plus de 40 ans, mais la ville d’Arlit vit dans un environnement marqué par l’absence démesurée de l’électricité. Autrefois surnommée « Petit Paris », cette ville est construite avec l’avènement de la création des mines d’uranium pour héberger les mineurs. La ville d’Arlit est, depuis, confrontée à l’absence d’électricité dans plusieurs quartiers. Elle représente pourtant une part importante de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires françaises pour alimenter en électricité la France et le reste de l’Europe. Ce qui frappe, à première vue, en arrivant de nuit dans cette ville dont le minerai alimente les centrales nucléaires qui fournissent à la France 404,9 TWh, c’est l’obscurité. Les habitants d’Arlit passent leurs nuits dans le noir. Pourtant, un tiers de l’énergie d’origine nucléaire française est produite à partir de l’uranium nigérien, soit 1.786.666 plus que la production annuelle d’électricité au Niger. La population d’Arlit continue à souffrir de l’absence de l’électricité, alors que les filiales d’AREVA (SOMAIR et COMINAK) disposent de centrales électriques capables d’alimenter l’ensemble des habitations. Cette ville comprend deux types de populations : les habitants du camp de la cité d’Akokan où sont logés les ouvriers et les cadres de la société Cominak distant de six kilomètres de la cité Somaïr qui accueille ses agents dans un autre décor. A ces deux camps, sont juxtaposées des habitations qui forment la ville « induite ». La ville d’Arlit présente un double aspect : c’est autant une ville minière (elle est née grâce aux mines), qu’une bourgade rurale (du fait de ses installations). Le contraste est remarquable au niveau de ses quartiers. Que ce soit entre les habitations d’une cité à l’autre, ou entre les cités et la ville « induite ». Les miniers sont alimentés en électricité par leurs employeurs, et la ville « induite » par la Nigérienne d’Électricité (Nigelec). Les besoins 234

Électrification de quatre quartiers d’Arlit

sont couverts par la Société Nigérienne du Charbon d’Anou Araren (Sonichar) mise en service le 23 avril 1981. Elle alimente les villes d’Agadez, Tchirozérine et Arlit. Elle fournit 20 Mégawatts aux filiales d’AREVA et 0,5 Mégawatts à la ville « induite ». La Sonichar exploite du charbon dans une mine à ciel ouvert à partir de son site du plateau de Tefereyré situé à 75 km au Nord-Ouest d’Agadez, et produit de l’électricité à partir d’une centrale thermique. Dans cette zone, des problèmes de chutes de tensions en deçà des valeurs normales autorisées sont régulièrement enregistrés. Depuis la création de cette société, la centrale thermique de cette société a produit 20.900.051,7 MWH au 31 décembre 2002, l’équivalent d’environ 824,9 millions de litres de gas-oil, soit 98,8 milliards d’économie en devises pour le Niger. Les 10.000 habitants des cités minières bénéficient de l’électricité et les 130.000 habitants de la ville « induite » ignorent ses bienfaits. La nuit, ceux qui sont dépourvus se concentrent sous les rares ampoules qui percent l’obscurité, accompagnés de nuées de moustiques. Les petits commerçants éclairent leurs marchandises à la lampe à pétrole. Il est difficile de se faire à l’idée que le Niger est le quatrième pays producteur d’uranium, que son uranium alimente un tiers des réacteurs nucléaires en France, où 80% de l’électricité provient de l’énergie nucléaire. Dans la région d’Agadez, la Nigelec enregistre régulièrement des cas d’effondrement du réseau. Tout le monde sait que gérer c’est prévoir. Pour n’avoir pas su anticiper l’alimentation électrique des populations d’Arlit. Areva sait qu’elle marche sur des œufs. Bertrand Russell disait : « L’ennui en ce monde, c’est que certains sont sûrs d’eux et les gens sensés pleins de doutes ». C’est bien le déficit d’énergie qui constitue un des obstacles majeurs au désir légitime des populations d’Arlit de se défaire du piège de la pauvreté. Pour faire face à cette situation, le 5 septembre 2008 a eu lieu le lancement des travaux d’électrification de quatre quartiers d’Arlit. Placée sous les rythmes des chants des griots de la ville d’Arlit, cette cérémonie a débuté par le mot de bienvenue du Maire, l’allocution 235

« Itinéraire d’un combat ! »

du Préfet, la présentation du projet par le Président du Comité, le discours du Président de l’ONG CODDAE en sa qualité de maître d’ouvrage et le mot du Représentant de la Fondation Areva, partenaire financier. Initié par l’ONG CODDAE, le projet co-financé par la groupe Areva et la Mairie d’Arlit permet d’améliorer les conditions de vie des populations et de créer des emplois. Le Groupe Areva a décidé de financer le projet pour faire bénéficier les populations des retombées de l’exploitation de l’uranium nigérien. La disponibilité de l’électricité dans les quartiers périphériques favorisera la création des petits métiers. A cette circonstance, un accueil chaleureux a été réservé à la délégation de l’Association Internationale Droit à l’Énergie. En 2001, à l’occasion de la neuvième session de la Commission de Développement Durable des Nations Unies, les Gouvernements du monde ont conclu

Photo Rabiou Malam Issa

« pour atteindre l’objectif que s’est donné la communauté internationale de réduire de moitié d’ici 2015, la proportion des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour, il est indispensable d’assurer l’approvisionnement énergétique à un prix abordable ».

Cérémonie de lancement officiel du projet d’électrification de l’ONG CODDAE à Arlit

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Électrification de quatre quartiers d’Arlit

Cette déclaration a une double signification : premièrement, l’électricité doit paraître comme le moteur de la croissance économique et servir de déclic à la lutte contre la pauvreté ; deuxièmement, l’électricité doit être considérée comme le facteur déterminant du développement social, afin d’améliorer la qualité de la vie. Mais voilà le paradoxe : l’énergie ne fait pas partie des OMD. Pourtant, sans un accès universel à l’énergie et plus particulièrement à l’électricité, six des huit objectifs du millénaire ne seront pas atteints, pire, ne pourront même pas être mis en œuvre ou amorcés. C’est pourquoi, nous apportons notre modeste contribution aux populations de la ville d’Arlit, particulièrement aux personnes les plus économiquement faibles pour qu’elles puissent accéder à l’électricité à moindres frais, objet de la présente cérémonie. C’est donc pour moi l’occasion solennelle de remercier tous ceux qui nous ont fait confiance dans ce processus, et continuent à nous soutenir. J’ai nommé ici la Fondation Areva, les Autorités administratives, la Nigelec et la société civile d’Arlit. C’est le vendredi 1er juin 2007 que nous avions discuté pour la première fois à Niamey, avec les responsables de la société Areva venus de Paris, et en présence des représentants de la Mairie d’Arlit, sur la faisabilité et l’exécution de ce projet. Le vendredi, 5 septembre 2008, voilà un an déjà que nous nourrissons l’espoir de lancer cet important projet au bénéfice des populations d’Arlit, projet qui va dans la droite ligne des préoccupations de nos dirigeants. D’un coût global de 156 millions de francs CFA, la signature de sa Convention de financement est intervenue le 1er juillet 2008. Le groupe Areva a versé 85% du montant, l’ONG CODDAE 10% pour la réalisation d’une étude socio-économique et la Commune Urbaine 5%, au nom des populations bénéficiaires. Il est à retenir que c’est la première fois dans l’histoire récente de notre pays, qu’un exploitant minier assiste directement les populations dans le cadre de l’accès à l’énergie. C’est là une preuve supplémentaire que le groupe Areva s’inscrit maintenant dans le processus du développement durable de notre 237

« Itinéraire d’un combat ! »

pays. En un mot, le développement est en marche dans cette région d’Agadez, d’où l’appel que nous lançons à nos frères qui ont pris les armes de saisir la main tendue du Président de la République pour un retour définitif de la paix dans cette région. L’idée de ce projet est née de la conjonction de deux situations, la première est l’initiative du Comité d’électrification d’Arlit qui avait mené des réflexions en vue d’électrifier certains quartiers dépourvus et la deuxième est un projet d’éclairage de trois quartiers, qui avait été monté à travers une requête de financement introduite en 2006 auprès de la Caisse des Prêts aux Collectivités Territoriales (CPCT). Les difficultés de la CPCT n’ont pas permis la mise en œuvre du projet. Le Président du Conseil Municipal d’Arlit, M. Bachir Abdel Aziz, avait eu l’ingénieuse idée d’ouvrir la porte aux bonnes volontés. Chemin faisant, en 2006, lors de sa première visite de travail, le Président de l’Association Internationale Droit à l’Énergie, M. Michel Clerc, s’est engagé à soutenir notre pays dans sa politique énergétique, en contribuant notamment à rehausser le taux de couverture en électricité. Il l’avait officiellement déclaré au cours de son entretien avec le Ministre des Mines et de l’Énergie, M. Mohamed Abdoulahi. C’est la ville d’Arlit qui a été retenue, compte tenu de son éloignement et de l’absence des intervenants. Une mission d’un Cabinet d’études a été effectuée dans le cadre d’échanges avec les acteurs concernés, à savoir : le secteur Nigelec d’Arlit, les structures départementales d’Arlit, les Représentants de la Mairie et les Représentants de la société civile. Une deuxième mission est revenue à Arlit pour collecter des données socio-économiques et statuer sur les options technologiques pour la mise en œuvre du projet. D’un commun accord, les principaux acteurs ont retenu quatre quartiers prioritaires : Boukoki Nord, Boukoki Sud, Tchétchéni, et Bagdad. Les études de pré-faisabilité ayant déjà été effectuées par le secteur Nigelec d’Arlit, une mise à jour a été préconisée et réalisée par le Cabinet d’études recruté par l’ONG CODDAE. Le choix des quartiers a été fait après appréciation 238

Électrification de quatre quartiers d’Arlit

des critères consensuels qui sont : le poids démographique, la forte demande des consommateurs, la sécurité des personnes et les activités commerciales. Néanmoins, des inquiétudes ont été soulevées par la Société Areva, quant à l’extension des quartiers retenus vers les périmètres industriels des sociétés minières Cominak et Somair. Les Responsables de la Commune d’Arlit se sont engagés à stopper toute extension des quartiers au-delà des limites de sécurité fixées autour des usines. Plus de 25.000 familles sont concernées par ce projet qui s’est inscrit dans le cadre de la lutte contre la pauvreté au Niger et la réalisation des OMD. C’est dire que l’électrification de ces quartiers a pour but non seulement l’amélioration du cadre de vie à travers le petit commerce, l’éducation, la santé et l’artisanat, mais aussi et surtout le développement de certaines infrastructures connexes. Ce projet, pour son originalité, a été présenté, en mai 2007 à Genève au Secrétaire Général des Nations Unies, M. Ban Kimoon, qui a d’ailleurs été très impressionné par la démarche participative. Nous avions démontré qu’une fois que les populations auront accès à l’électricité, elles goûteront de ses bienfaits et prendront les dispositions idoines pour payer ce besoin essentiel. Toutefois, si demain les bénéficiaires ne paient pas leurs factures, l’opérateur national qui est la Nigelec coupera, parce que l’électricité a un coût. Il faut donc à tout prix qu’on puisse utiliser cette électricité dans les activités économiques pourvoyeuses de revenu plutôt que pour regarder la télévision ou allumer une ampoule pour l’éclairage. On ne peut pas se contenter d’amener de l’électricité dans une ville minière, juste pour le besoin de l’éclairage. Il faut que les populations qui en bénéficient tirent des profits pour améliorer leur bien-être. Cette électrification servira, audelà du besoin d’éclairage traditionnel, à créer des emplois, et cela sera certainement, un levier important pour le développement de la ville d’Arlit. A cet effet, nous lançons un vibrant appel aux acteurs, dans le cadre du volet électrification, pour qu’ils envisagent, après la réception des travaux, des opérations de branchements sociaux 239

« Itinéraire d’un combat ! »

revêtues d’un caractère purement social au profit des personnes les plus défavorisées. Il y a lieu de saluer le rôle combien important joué par Moussa Souley, Yves Dourfour, Mme Adama Hamani et M. Michel Clerc dans l’aboutissement de cette initiative. Il y a lieu enfin de féliciter M. Issoufou Oumarou, Préfet d’Arlit, ainsi que les populations venues nombreuses témoigner leur reconnaissance à l’ONG CODDAE et, pour la première fois, au groupe Areva, pour ce partenariat.

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Photo Rabiou Malam Issa

Hydroélectricité et développement durable24

Débat en présence de Richard Perreault, Président de l’Association internationale Droit à l’Énergie

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’Afrique présente paradoxalement les taux d’électrification les plus faibles des cinq continents. Pourtant, elle regorge d’immenses potentialités pour produire l’électricité nécessaire à son émergence économique. Une de ces richesses est son potentiel hydroélectrique qui représente environ 10% du potentiel mondial. L’Afrique de l’Ouest, qui abrite un quart des cours d’eau du continent, dispose d’un . (Communication présentée au siège de l’UNESCO à l’occasion du Symposium international « Resolving the water-energy nexus » le 27 novembre 2008, Paris, France)

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« Itinéraire d’un combat ! »

potentiel de 25.000 MW dont environ le quart se trouve en Guinée. L'hydroélectricité, seule énergie renouvelable et modulable, présente plusieurs atouts. L'analyse de son cycle de vie complet montre qu’elle émet très peu de gaz à effet de serre. Vu l’importance capitale qu’elle revêt, l’hydroélectricité est indispensable pour la satisfaction des besoins en électricité du Continent africain si la coopération transfrontalière est renforcée et si des barrages perspicaces prennent leur envol. Pour débattre de ce thème fondamental, l’UNESCO a organisé, à son siège à Paris, un symposium international sur le thème : « Resolving the water-energy nexus ». Ce symposium s’inscrit dans les « Objectifs du Millénaire pour le Développement ». Eau et énergie sont des ressources capitales pour l’amélioration ou le maintien des conditions de vie de l’humanité. Leur disponibilité doit être croissante dans les prochaines décennies pour répondre aux besoins créés par une démographie en augmentation permanente et un développement économique durable. Il est donc essentiel de rechercher des stratégies efficaces en matière d’organisation, de gestion et de gouvernance tenant compte des aspects socioculturels et des aspirations légitimes des pays émergents. En premier lieu, je voudrais, au nom de l’Association Internationale Droit à l’Énergie SOS Futur, féliciter les organisateurs du symposium international : « Resolving the water-energy nexus », pour leur initiative qui nous vaut cet évènement. Je les remercie chaleureusement de m’avoir invité à intervenir sur un thème d’une grande pertinence, « l’hydroélectricité et le développement durable ». Un thème d’actualité dont les objectifs sont en parfaite adéquation avec ceux de notre organisation qui lutte pour la cause des couches vulnérables. Je suis donc très honoré d’être associé à cette rencontre exceptionnelle, une « première » pour un nigérien, ressortissant d’un pays du Sud. Il s’agit d’un signe fort qui atteste de l’intérêt que les initiateurs de ce symposium portent à la question du droit à l’énergie. En préambule, il convient de rappeler que la 242

Hydroélectricité et développement durable

première centrale hydroélectrique a été installée dans le Wisconsin aux États-Unis, en septembre 1882, soit trois ans après l’invention de l’ampoule par Thomas Edison. L’hydroélectricité est ainsi devenue un important mode de production électrique dès les prémices de l’électricité. Par définition, l’énergie hydroélectrique est une énergie renouvelable obtenue en convertissant l’énergie hydraulique de différents flux d’eau, tels les fleuves, rivières, chutes d’eau ou courants marins. L’énergie cinétique du courant d’eau est transformée en énergie mécanique par une turbine, puis en énergie électrique par un alternateur. L’hydroélectricité est une technologie fiable, avancée et efficace. Elle occupe le premier rang des sources d’énergie renouvelable, puisqu’elle contribue à hauteur de 20% de la production d’électricité dans le monde, alors que l’éolienne ne représente que 0,6% et la production photovoltaïque 0,12%. Cette ressource est disponible à l’échelle mondiale et tient une place importante dans la fourniture en électricité dans environ 150 pays. L’hydroélectricité contribue également à la lutte contre l’effet de serre, à l’amélioration de la qualité de l’air, à l’ajustement de l’offre et de la demande, à la sécurité des réseaux électriques et, disonsle, à des coûts inférieurs à ceux de la plupart des autres énergies renouvelables et cela, singulièrement du fait de la maturité de la filière. Toutefois, elle n’est pas sans impact sur les milieux aquatiques. Le « développement durable » est défini comme étant une forme de développement qui répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Deux éléments interfèrent dans ce concept : tout d’abord, la notion de « besoins » et plus particulièrement les besoins essentiels des plus démunis auxquels il convient d’accorder la priorité, et une notion de contraintes, inhérentes aux techniques dont nous disposons actuellement, ainsi qu’à notre organisation sociale qui pèse sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. Aussi s’agit-il, en s’appuyant sur des valeurs telles 243

« Itinéraire d’un combat ! »

que la responsabilité, la participation, le partage, la confrontation des idées et l’innovation, d’appréhender la question en adoptant une double approche : une approche dans l’espace : chaque habitant de cette terre dispose du même droit aux ressources de la terre ; une approche dans le temps : nous avons le droit d’utiliser les ressources de la terre, mais le devoir d’en assurer la pérennité pour les générations à venir. Avec une capacité mondiale totale de 730 GW, l’hydroélectricité produit actuellement 2.650 TWh par an ; 101 GW supplémentaires sont en construction et plus de 338 GW, au stade de la planification. L’hydroélectricité contribue à la réduction d’environ 10% par an des émissions de gaz à effet de serre et permet d’économiser chaque jour l’équivalent de 4,4 millions de barils de mazout. Mais aujourd’hui, un potentiel considérable demeure inexploité. A l’échelle mondiale, seuls 33% du potentiel hydraulique économiquement réalisable, ont été développés. L’essentiel du potentiel restant se situe dans les pays en voie de développement, notamment en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Par exemple, 75% de la capacité hydraulique économiquement possible a été développée en Europe, alors que seulement 7% de ce potentiel a été exploité dans les pays africains. L’hydroélectricité est prise en compte dans le « baromètre des énergies renouvelables » uniquement dans le cadre de la petite hydraulique, à savoir les installations de puissance inférieure à 10 MW. Ainsi, ce que l’on appelle désormais la « grande hydraulique » n’est pas rangée dans le camp des « bonnes » sources d’électricité. Elle est entourée d’une certaine aura négative et les organisations écologiques lui vouent une réelle hostilité. Elle est cependant incontournable, parce qu’économiquement rentable, concurremment aux productions à base de combustibles fossiles ou nucléaires. En Europe, elle représente environ 70% de la production d’électricité d’origine renouvelable. Elle n’en demeure pas moins une forme de production énergétique ambiguë. C’est donc cette équivoque qu’il est nécessaire de lever. L’hydroélectricité a fait l’objet 244

Hydroélectricité et développement durable

d’un classement « officiel » en tant que ressource renouvelable, dans la Déclaration des Nations Unies de Pékin, en octobre 2004. Il s’agit sans conteste d’une disposition importante eu égard au contexte actuel de réglementation internationale en matière de protection de l’environnement. Le respect des exigences environnementales, notamment celles liées à la lutte contre le réchauffement de la planète, conditionne les politiques et les financements internationaux. Mais ce classement sous-entend également qu’il ne va pas de soi ! L’hydroélectricité est surtout une production qui est très peu consommatrice stricto sensu de ressources naturelles. Certes, elle utilise l’eau, elle la détourne ou elle la réserve à un moment donné, mais elle n’en consomme pas. On peut seulement l’accuser d’amplifier l’évaporation, ce qui peut effectivement susciter de réels problèmes en milieu tropical. Pour ne citer qu’un exemple, celui du barrage d’Assouan qui perd chaque année 10 milliards de mètres cubes d’eau par évaporation. Mais il ne s’agit aucunement d’une consommation « nette » de l’eau dans un raisonnement environnemental mondial, mais plutôt d’un court-circuit du cycle de l’eau. La production d’hydroélectricité nécessite l’immobilisation de patrimoine foncier. Mais, on peut raisonner en termes de choix d’affectation des sols et non en termes de consommation de ressources naturelles. Du point de vue de l’eau et dans une approche environnementale mondiale, il s’agit indubitablement d’une ressource renouvelable d’énergie, probablement la meilleure dont nous disposons et dont les techniques ont été éprouvées. L’hydroélectricité représente 100% de la production électrique de la Norvège et 80% de celle du Brésil. En France, l’hydraulique fournit, et de loin, la plus grande part de la production d’électricité renouvelable avec plus de 65,4 TWh, dont plus de 71,2 TWH de production d’électricité hydraulique. Si nous raisonnons en termes d’énergie primaire et non plus d’électricité, ce qui est le plus important eu égard aux émissions de gaz à effet de serre, les deux principales ressources qualifiées de renouvelables sont 245

« Itinéraire d’un combat ! »

l’hydraulique, qui représente 16,7% des énergies renouvelables, et les combustibles dits renouvelables, notamment l’utilisation des déchets et de la biomasse qui représentent 80% des énergies renouvelables. Mais cette dernière est polluante et fortement émettrice de dioxyde de carbone. On peut donc affirmer que l’hydraulique est, actuellement et de loin, la première source d’énergie primaire renouvelable et peu émettrice de gaz à effet de serre au niveau mondial. On doit aussi reconnaître à l’hydroélectricité des atouts, selon les principes actuels du « renouvelable » et du « durable » : – Les systèmes hydrauliques fonctionnent de façon totalement indépendante du pétrole et de son marché ; – Les installations ont une durée de vie plus longue que la plupart des autres types d’installations de production d’énergie et sont moins coûteuses. L’hydroélectricité peut aussi produire une énergie très économique pour des pays ayant des dispositions naturelles favorables, bien moins chère que le nucléaire ou le thermique. Au niveau mondial, les sites les plus appropriés à la production énergétique sont sans doute déjà équipés. On recense dès lors, plus de 45.000 grands barrages essaimés dans plus de 150 pays. Les reproches faits à l’hydroélectricité ne sont ni d’ordre énergétique, ni d’ordre économique. Ce sont les critiques qui ont surgi dès les années soixante à l’égard des grands barrages, tant au plan environnemental que social, qui font que cette énergie demeure « mal aimée ». En 1965, lors d’un symposium sur les lacs artificiels à la Société Géographique Royale de Londres, six contributions concernaient les impacts sur l’environnement, la santé et la situation socio-économique des lacs artificiels sous les Tropiques. Depuis, des synthèses se sont inspirées de ces travaux, en pointant les conséquences nuisibles, souvent inattendues ou sous-estimées, de ces équipements. Les trois pierres angulaires de l’argumentation négative sont les impacts sociaux, les impacts environnementaux et le processus de décision qui conduit à ces aménagements. L’évocation des grands barrages est devenue le 246

Hydroélectricité et développement durable

sujet explosif de ces vingt dernières années. Les chiffres abondent, plus ou moins différents, plus ou moins vérifiables, qui ne font qu’accréditer l’ampleur de la question environnementale. En 2005, les grands barrages fournissaient non seulement un cinquième de l’électricité mondiale, mais aussi un sixième de la nourriture et un marché annuel pour les équipementiers, estimé à 50 milliards de $. La construction des barrages a exigé le déplacement de 40 à 80 millions de personnes, selon les estimations. Leur édification a interrompu le cours de la moitié des fleuves du monde. Ainsi au Niger, 38.000 personnes quitteront les terres de leurs ancêtres qui vont héberger la construction du barrage de Kandadji, à l’Ouest du pays. Pour la réalisation de cet ouvrage, une « vision partagée » du développement du bassin du Niger entre Etats membres a été adoptée. Cette vision d’ensemble a été négociée et acceptée par les neuf Etats concernés, d’une part pour prévenir d’éventuels conflits, et d’autre part, pour que les ressources en eau soient équitablement partagées, l’objectif essentiel étant d’améliorer la vie quotidienne des 210 millions de riverains du fleuve Niger. C’est un idéal pour la mise en valeur du potentiel de ressources du bassin en vue de générer le plus grand nombre d’avantages pour ses Etats membres. Avec une longueur de 4.200 km, le fleuve Niger et ses affluents drainent une superficie théorique d’environ 2.100.000 km². Avec environ 1.500.000 km² de partie active répartie sur les pays membres de l’Autorité du Bassin du Niger, à savoir la Guinée (6%), la Côte d’Ivoire (1%), le Mali (26%), le Niger (23%), le Burkina Faso (4%), le Bénin (2%), le Cameroun (4%), le Tchad (1%) et le Nigeria (33%). Cependant, au cours du siècle passé, près de 1% des grands barrages s’est rompu, dont celui de Malpasset à Fréjus, le 2 décembre 1959, qui fit 423 victimes. Un barrage subit inexorablement tant le vieillissement du béton que celui de ses structures métalliques, éléments qui doivent être pris en compte dans tout projet de construction du patrimoine hydraulique. La Chine, pays soumis à de fortes pressions sismiques, 247

« Itinéraire d’un combat ! »

doit impérativement « préparer » tous ses ouvrages au surgissement d’un séisme. Le tremblement de terre qui s’est produit au Sichuan a provoqué des dégâts importants sans toutefois provoquer d’effondrements. De façon récurrente, des évaluations ex-post des barrages ont montré que la majorité des grands ouvrages n’a pas atteint la rentabilité annoncée, soit du fait de coûts très élevés, soit parce que les ouvrages n’ont pas généré les profits attendus. Nombreux sont les barrages qui ont été construits dans un climat d’opposition virulente des personnes concernées, ce qui a donné lieu à des conflits parfois violents, comme celui de Tignes pour n’en citer qu’un. Ce barrage du Chevril, également appelé barrage de Tignes, est un barrage hydroélectrique français, situé dans la haute vallée de l’Isère ou vallée de la Tarentaise, dans le Département de la Savoie. Il est installé sur le cours de l’Isère, en contrebas de la station de sport d’hiver de Tignes dont il constitue la seule route d’accès. Fierté française d’après-guerre, mais ayant entraîné en 1952 la douloureuse expulsion des habitants du village originel de Tignes, sa destruction puis son engloutissement. Le barrage de Tignes, a été conçu par l’ingénieur André Coyne. Il était le plus haut barrage voûte d’Europe (181 m de haut) au moment de sa construction (il reste aujourd’hui le plus haut de France). Son tablier est recouvert d’une fresque (qui a été la plus grande du monde) de Jean-Marie Pierret, de 18.000 m2, peinte à la fin des années 1980, représentant Hercule et qui s’efface progressivement. Envisagée dès 1930, au terme de l’intense spéculation boursière des années 1920 sur l’hydroélectricité, la construction du barrage commence en 1941 dans la cuvette du Chevril qui se prête particulièrement bien à la construction d’un « grand barrage ». Très vite, les 387 habitants menacés d’expulsion tentent d’empêcher le déroulement des travaux en raison d’un manque d’information sur leur avenir ou d’un manque de clarté quant au rachat de leur maison et de leurs terrains. Différentes actions sont menées afin d’empêcher, si ce n’est de ralentir la construction du barrage. Quelques incendies 248

Hydroélectricité et développement durable

de baraques provoquent l’arrivée de la Garde mobile puis, plus tard, la surveillance du chantier par les Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS). La Commune de Tignes assigne EDF en justice afin d’obtenir des réparations et notamment des dédommagements considérés comme acceptables. La voix des habitants arrive à se faire entendre dans la presse nationale (Paris Match, par exemple). Cependant les travaux se poursuivent. Après le déménagement du cimetière, l’expulsion manu-militari des réfractaires et le dynamitage de l’église et des maisons, le village du « vieux Tignes » est finalement englouti en 1952. Et, le 4 juillet 1953, le Président de la République Vincent Auriol peut inaugurer le barrage. Quelques années plus tard (en 1956), et grâce aux subventions de l’Etat, quelques Tignards donneront naissance à une station de sport d’hiver Tignes, six km au-dessus du barrage. Inévitablement, ces situations ont marqué les esprits et ont eu des conséquences à long terme sur l’opinion des populations nationales. Par ailleurs, certains Gouvernements ont été critiqués pour avoir annulé des projets de barrage. D’un point de vue environnemental, les barrages et grandes centrales hydroélectriques font l’objet de controverses pour des raisons de détournement de cours d’eau, d’inondation de terrains, d’impact paysager, de perturbation des migrations de poissons et perturbation des écosystèmes. Récemment, des centrales hydrauliques situées en zone tropicale ont été accusées d’émettre des gaz à effet de serre (méthane), qui seraient produits par la décomposition de la biomasse qui réside dans les lacs artificiels. Parmi les plus grands barrages de notre planète, citons : – le barrage Hoover aux Etats Unis ; – le barrage d’Assouan sur le Nil en Egypte ; – le barrage d’Inga sur le Congo en République Démocratique du Congo ; – la centrale Robert-Bourassa au Québec, Canada ; – le barrage des Trois Gorges en Chine ; 249

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– le barrage de la Grande Dixence en Suisse, plus précisément dans le Valais, dans le Val d’Hérens ; – le barrage Ataturk sur l’Euphrate en Turquie ; – le barrage Daniel-Johnson sur la Manicouagan au Québec, Canada ; – le barrage de Nouure au Tadjikistan, lequel est le plus élevé du monde (300 m de hauteur). Selon les estimations, il existe 800.000 barrages dans le monde, dont 45.000 sont considérés comme des grands barrages, avec une hauteur de plus de 15 mètres. Afin de mieux comprendre les mécanismes du développement durable sur les services électriques basés sur l’hydroélectricité, d’importantes recherches ont été effectuées par de nombreuses institutions internationales : la Banque Mondiale, le Fonds Européen de Développement, DFID, GTZ, Skate et Pratiqua Action, Westland International, l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Ces études ont identifié les meilleures pratiques à observer, à savoir : l’exercice d’une bonne gouvernance ; le choix de tarifs et de modèles de gestion appropriés aux populations desservies ; la participation de la communauté dans toutes les étapes d’exécution d’un projet ; le développement des compétences au niveau local et national dans l’appropriation de ce nouveau service. Dans différents pays en voie de développement, les exemples de projets réussis attestent de la pertinence du choix de l’hydroélectricité. Pourtant, lors des dernières décennies, on constate que peu a été fait pour favoriser le développement de l’hydroélectricité. Les organismes comme la Banque Mondiale et le PNUD, soutenus par de grands groupes industriels tels Shell, BP, Ky osera, Total, ont favorisé le développement d’autres options énergétiques, notamment les systèmes photovoltaïques. La petite hydroélectricité est facteur de développement des ressources locales, car elle représente une installation d’une puissance inférieure à 10 Mégawatts sur de petites et moyennes rivières. Il en existe environ 1.700 en France. Ces ouvrages n’ont pas d’impacts négatifs sur l’environnement, car ils 250

Hydroélectricité et développement durable

ne nécessitent pas de barrages contrairement aux grandes centrales hydrauliques qui exigent la construction de barrages pour maîtriser le débit de l’eau et la production d’énergie. Pour répondre à la demande rurale, les petits cours d’eau qui disposent d’une pente raisonnable et d’un débit de plusieurs litres par seconde peuvent être exploités par de petites centrales hydroélectriques. La plupart des pays en voie de développement disposent d’un abondant potentiel de développement de cette technologie qui pourrait alimenter de nombreux villages isolés. A la différence des installations hydrauliques anciennes, les moulins, une installation hydroélectrique exige : – des machines modernes, efficaces, rapides et puissantes ; – des instruments de contrôle et de commande modernes ; – une installation et une maintenance appropriées et soignées. La petite hydroélectricité est l’un des modes de production d’énergie renouvelable les plus adaptés aux conditions des zones rurales des pays en voie de développement, et qui garantit le mieux un développement durable des populations. Bien accompagné, un tel projet peut être entièrement géré par ses utilisateurs, ce qui permet de réduire les coûts de fonctionnement, et de favoriser le développement local à tous les niveaux. Comment évoquer les installations hydroélectriques sans faire référence à celles de la République Démocratique du Congo et du Nigeria, en Afrique, notamment les Inga I, II, III et le Grand Inga de la RDC ? Ces barrages sont situés sur le fleuve Congo, précisément dans la province du Bas-Congo à proximité de la ville de Matadi. Deux ouvrages distincts sont appelés Inga I et Inga II. Inga III et Grand Inga n’en sont actuellement qu’au stade de projets. Le Grand Inga est le plus grand barrage hydroélectrique au monde. Ce barrage massif fait partie d’une vision globale de la communauté économique internationale pour développer un réseau électrique à travers l’Afrique, qui stimulera le développement économique industriel du Continent. Estimé à 80 milliards de dollars américains, ce barrage suscite des inquiétudes dont les principales concernent les 251

« Itinéraire d’un combat ! »

entreprises étrangères et les bénéfices économiques de ce mégaprojet, détournant ainsi l’attention des besoins de développement de la majorité pauvre d’Afrique. Grand Inga pourrait produire jusqu’à 40.000 MW d’électricité, plus de deux fois la production d’énergie du barrage des Trois Gorges en Chine, et plus d’un tiers de l’électricité totale actuellement produite en Afrique. Le Grand Inga est une série de barrages qui sont proposés sur la partie inférieure du fleuve Congo en République démocratique du Congo (RDC). Il sera construit en sept phases, dont le barrage Inga trois BC est la première phase. Le projet est déjà présenté comme un moyen « d’éclairer l’Afrique » par les entreprises qui prévoient d’en bénéficier et les Gouvernements qui espèrent en recevoir l’électricité. Grand Inga est répertorié comme un projet prioritaire de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (CDAA), le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), le Southern African Power Pool (SAPP) et le Conseil Mondial de l’Énergie. Il existe des plans avancés pour construire Inga trois BC (4.800 MW) afin d’exporter le courant vers l’Afrique du Sud, et approvisionner des sociétés minières dans le Sud-est de la RDC. Un traité a été signé en mai 2013 par les Gouvernements Sud-Africains et de la RDC pour la coopération dans le développement d’Inga trois ainsi que pour faire de l’Afrique du Sud le principal acheteur de l’électricité qui sera générée. Le traité a été ratifié en 2014 par la RDC. Les barrages d’Inga sont situés à 150 km en amont de l’embouchure du fleuve Congo et à 225 km au Sud-ouest de Kinshasa, sur le fleuve Congo. Le Congo est le deuxième plus grand fleuve au monde en termes de flux (42,000m 3/s), après l’Amazone, et le deuxième plus long fleuve d’Afrique (4.700 km), après le Nil. Il se jette dans l’océan Atlantique équatorial créant le panache du fleuve Congo, une zone de haute productivité découlant du flux du fleuve riche en nutriments et qui est détecté jusqu’à 800 km au large. Le panache représente de 40 à 80% de la productivité totale en carbone et est l’un des plus grands 252

Hydroélectricité et développement durable

puits de carbone au monde. La rivière est unique de par ses grands rapides et ses chutes d’eau très proche de l’embouchure alors que la plupart des rivières présentent ces caractéristiques en amont. Le site du barrage se trouve sur la plus grande cascade du monde en termes de volume, les chutes d’Inga. Les chutes d’Inga sont une série de chutes et de rapides qui tombent en élévation par de petits rapides. Les principales chutes sont de quatre kilomètres de large, tombant d’environ 21,37 mètres, près d’un coude et formant des centaines de canaux, de ruisseaux et de nombreuses petites îles. Sur le site du Grand Inga, le fleuve Congo tombe de 96 mètres sur une distance de 14,5 km. Les chutes sont actuellement incorporées dans les installations hydroélectriques d’Inga un et Inga deux. Le volume du fleuve détourné pour Inga un et deux est d’environ 30% de la décharge moyenne. Il est supposé que si le projet Grand Inga est construit, il attirera deux tiers de l’eau de la rivière, sinon plus. Les barrages Inga un et Inga deux ont été construits dans le cadre d’une politique de développement du pays sous le régime de Feu le Président Mobutu Sese Seko. La maintenance de ces barrages ne pouvant être assurée, ils fonctionnent au ralenti. Ils sont exploités par la Société Nationale d’Électricité (SNEL). Au même titre que d’autres constructions pharaoniques créées pour servir une politique de prestige, ces barrages, ni assumés ni entretenus, sont souvent qualifiés d’« éléphants blancs ». Les barrages congolais exportent de l’électricité vers l’Angola, la République du Congo et le Zimbabwe. Des lignes relient également le complexe à la Zambie, au Botswana, à la Namibie et à l’Afrique du Sud. Une ligne haute tension relie le barrage à Lubumbashi et la province zambienne du Copperbelt. Il s’agit du projet appelé Inga Chaba. Une seconde ligne haute tension est envisagée vers le Nord en direction des pays du Golfe de Guinée. Une troisième enfin est prévue vers le Nord-ouest en direction du Tchad et du Soudan. Il paraît important de souligner que seulement 5% de la population congolaise a accès à l’électricité et que Kinshasa, 253

« Itinéraire d’un combat ! »

la capitale, est imparfaitement desservie. Pourtant la capacité de leur production est la suivante : – Inga I : entrée en service en 1972, 351 MW ; – Inga II : entrée en service en 1982, 1.424 MW ; – Inga III : en projet, 3.500 MW. Inga I et II fonctionnent à 20% de leur capacité, la plupart des turbines étant arrêtées, faute de pièces de rechange. La société Westcor a projeté la construction d’une centrale Inga III 3,5 GW. En théorie, avec une telle capacité, le complexe Inga I, II, III aura une puissance installée de plus de 5,2 GW, ce qui permettrait d’alimenter en électricité toute l’Afrique Australe. Des projections prévoient qu’à terme, la puissance produite sur ce site atteindrait 39 GW, avec le projet Grand Inga. A titre comparatif, le barrage des Trois Gorges en Chine, d’une puissance installée de 18,2 GW, produira 84,7 TWh en 2009. Les installations hydroélectriques de la République Fédérale du Nigeria, à savoir Kainji Hydro Station, dans l’Etat du Niger 760 MW, Jebba Hydro Station, Etat du Niger 578,4 MW, Shiroro Hydro, toujours dans l’Etat du Niger 600 MW, sont exploitées par la Société Nationale d’Électricité du Nigeria, la National Electric Power Authority, (NEPA), laquelle brille par son inefficacité. Du fait de la mauvaise image de la NEPA au sein de la population, celle-ci a été rebaptisée par le Gouvernement la Power Holding company of Nigeria Plc (PHCN). Mais ce changement n’a été que cosmétique, puisque les pannes d’électricité sont très fréquentes dans le pays et notamment dans la capitale, Abuja. Les coûts moyens de la petite hydroélectricité étaient de l’ordre de 3.500 $ à 15.000 $ par kW installé, soit globalement 1.200 $ à 5.000 $ par maison raccordée au réseau. Des chiffres prohibitifs, tant pour les bailleurs de fonds que pour les Gouvernements, qui ont évincé la NIGELEC des programmes d’électrification pendant près de quatre décennies. Cependant, plusieurs institutions œuvrant dans les pays en voie de développement avancent des chiffres beaucoup plus 254

Hydroélectricité et développement durable

raisonnables. Avec plus de 25 ans d’expérience dans le développement de la petite hydroélectricité sur tous les continents, l’ONG Pratical Action affirme qu’elle représente une solution très bon marché par rapport aux autres technologies d’électrification rurale. A puissance équivalente, le coût d’investissement d’une petite centrale hydroélectrique est certes plus élevé que celui de son concurrent direct, le générateur diesel. Cependant, cette technologie est de loin la plus importante parmi tous les modes de production d’électricité renouvelable. Par ailleurs, le transfert de technologies et de savoirfaire a permis peu à peu de développer des compétences au plan local. Certains pays ont ainsi développé des compétences suffisantes pour évaluer leurs ressources et concevoir leurs installations, fabriquer leurs équipements en utilisant, le cas échéant, des matériaux alternatifs, les installer à des coûts très concurrentiels et en confier la gestion aux bénéficiaires. Ainsi, en faisant appel à des technologies appropriées et en utilisant les compétences et les matériaux locaux, les frais d’investissement d’un projet de petite hydroélectricité peuvent être fortement diminués. Dans certains cas, des équipements construits localement peuvent revenir à la moitié, voire au tiers du prix de leurs équivalents importés. A partir des expériences menées au Pérou, au Sri Lanka, au Népal et dans de nombreux autres pays, Pratical Action estime que le coût d’une installation hydroélectrique se situe en réalité entre 1.500 $ et 3.000 $ par kW installé, ce qui revient en gros à un investissement de 500 $ à 1.000 $ par maison connectée. Ainsi, les coûts de fonctionnement d’une centrale hydroélectrique sont très faibles, puisque, à la différence d’un groupe thermique, elle ne nécessite pas d’approvisionnement en carburant. L’ONG Pratical Action a démontré qu’en ayant recours à des technologies appropriées, des modes de gestion adaptés et efficaces, le coût du kWh généré par une micro-centrale hydroélectrique peut représenter 50% du coût généré par une petite éolienne construite localement, 10% de celui d’une installation photovoltaïque domestique et 50% 255

« Itinéraire d’un combat ! »

à 25% de celui d’un groupe thermique diesel. Par conséquent, si les ressources hydrauliques sont disponibles et pour des raisons évidentes de coût, l’hydroélectricité doit être incontestablement privilégiée pour l’électrification rurale. Les autres modes d’approvisionnement en électricité peuvent éventuellement intervenir en complément. Aussi, les petites installations hydroélectriques ont peu d’impact sur l’environnement. Elles nécessitent généralement des structures simples et ne modifient que très légèrement l’écoulement du cours d’eau sur lequel elles sont construites. L’impact sur la faune et la flore est alors minime. La petite hydroélectricité est une énergie propre : elle n’émet ni chaleur, ni gaz à effet de serre. Elle utilise des ressources et des technologies locales aisément compréhensibles par la population, laquelle peut participer à la construction et au suivi des installations. Les expériences menées dans plusieurs pays prouvent que, lorsque le transfert de technologie a été correctement effectué, les populations gèrent facilement les systèmes, effectuent les petites réparations et remplacent les pièces usagées, ce qui permet de pérenniser les projets. La petite hydroélectricité est un excellent moyen pour favoriser le développement des utilisations productives d’électricité, car : – les ressources hydrauliques sont prévisibles et peuvent produire de l’électricité 24 heures sur 24. Elles peuvent ainsi être utilisées pour l’approvisionnement des services de base comme l’eau potable, les structures médicales, les communications... – ses coûts de production sont faibles. Elle peut alors permettre le développement de projets énergétivores : élevages de poulets, scieries, transformation de produits agricoles, réfrigération… Ainsi dimensionnées, les installations hydroélectriques génèrent un approvisionnement énergétique important et continu, qui peut entraîner, si le marché et les conditions tarifaires le permettent, le développement des utilisations productives de l’énergie, notamment 256

Hydroélectricité et développement durable

en cours de journée. La petite hydroélectricité se révèle être une option majeure pour lutter contre le manque d’énergie en milieu rural et pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement. C’est un mode de production électrique propre, basé sur les ressources locales, fiables, dont l’énergie peut être disponible 24 heures sur 24 sans interruption. Bien conduit, en faisant notamment appel aux moyens de construction locaux, un projet de petite hydroélectricité peut être vraiment rentable puisqu’il génère des coûts de fonctionnement limités. Il est apte à favoriser la création d’emplois, le développement d’utilisations productives d’énergie. La petite hydroélectricité peut être un moteur puissant de développement économique et social des communautés qui en bénéficient. Pour favoriser son développement dans les pays en voie de développement, il est nécessaire : – d’améliorer les compétences en matière d’évaluation, de conception, de fabrication et de fonctionnement de petites installations hydroélectriques ; – d’évaluer et de diffuser les meilleures pratiques de développement de l’hydroélectricité ; – de promouvoir le transfert de technologie et de savoir-faire vers les pays du Sud ; – de réaliser des projets pilotes exemplaires se basant sur les bonnes pratiques identifiées à travers le monde ; – d’adapter les politiques de régulation de l’électricité aux conditions particulières de la petite hydroélectricité, par exemple en fixant un prix minimum garanti en cas de revente au réseau ; – d’adapter les mécanismes financiers du secteur pour favoriser l’implication du secteur privé afin d’accélérer son essor ; – d’adapter les normes techniques aux conditions rurales ; – d’adapter les modes de gestion aux conditions locales ; – de promouvoir le développement des utilisations productives d’énergie. La production d’hydroélectricité, y compris fournie par des micro257

« Itinéraire d’un combat ! »

centrales, présente ainsi des impacts positifs qui fondent son développement, tant globalement, avec son action sur l’effet de serre, que localement, à savoir ses effets sur les pollutions atmosphériques et les besoins d’ajustement à la demande. Par contre, l’hydroélectricité a des impacts négatifs sur le fonctionnement des milieux aquatiques et d’autres usages des cours d’eau, au niveau de l’installation, mais aussi sur un linéaire plus ou moins long, par exemple, lorsqu’ils accueillent des poissons grands migrateurs. En pratique, ces impacts sont qualifiés de « locaux » par opposition à l’évitement de l’effet de serre. La petite hydroélectricité présente indubitablement un avantage appréciable pour la collectivité, par rapport à d’autres sources d’énergie. Toutefois, la production d’électricité peut avoir une incidence sur la santé humaine, les écosystèmes, les constructions, les cultures végétales ou les paysages, en fonction du mode de production. Plus précisément, ces dommages se traduisent par des répercussions sur la santé publique (mortalité, morbidité, accidents), que celles-ci aient lieu dans la sphère privée ou professionnelle. Elles peuvent avoir une incidence sur la dégradation des ressources minérales, les récoltes, les forêts, les écosystèmes, les matériaux ou les bâtiments, ainsi qu’au plan des nuisances sonores ou visuelles sans omettre la contribution au réchauffement climatique. De tels dommages, qui peuvent être avérés ou aléatoires, constituent des coûts externes, puisqu’ils ne sont pas pris en compte dans le prix de marché de l’énergie. Les principaux arguments mis en avant pour dénoncer l’hydroélectricité concernent ses impacts sociaux, tels que la transformation du territoire, le déplacement de populations, ainsi que ses répercussions sur l’environnement, comme la faune, la flore, la sédimentation et la qualité de l’eau. Cependant, l’adoption des mesures préconisées dans les Codes de bonne pratique peut minimiser ces impacts. D’autres questions non moins importantes sont à signaler : il s’agit notamment des activités économiques rendues possibles à côté des installations hydro-électriques, le tourisme et tout ce qui se greffe 258

Hydroélectricité et développement durable

autour, notamment l’irrigation, les activités agricoles multiformes et pastorales. L’hydroélectricité ou l’énergie électrique générée par la « houille blanche » est indubitablement la forme d’énergie renouvelable dont le mode de production est le plus accessible dans les pays techniquement et économiquement les moins avancés, pour peu que le potentiel de développement existe. Or, ce potentiel existe dans la plupart des pays en développement. L’hydroélectricité représente véritablement une opportunité d’électrification à moindre coût dans les zones rurales où vivent, dans des conditions précaires, des populations laborieuses mais démunies. L’électricité étant un facteur de progrès, tout projet visant à la produire dans des conditions appropriées sur les plans technique, économique et sur le plan social, ne peut qu’être encouragé et ceci, dans le contexte d’une option de développement durable qui vise à préserver l’environnement, ainsi que les ressources naturelles, tout en préconisant la bonne gouvernance et l’utilisation rationnelle des ressources financières, matérielles et humaines. Il n’en demeure pas moins que l’édification des grands barrages hydroélectriques a montré que ce qui recouvre le concept de « développement durable » peut être sujet à caution, voire conflictuel. Un projet peut être dit « durable » parce qu’il mise sur une amélioration des conditions de vie locale, une croissance économique nouvelle et des efforts dans les politiques sociales et environnementales ; il peut être également qualifié de « durable » quand il tient compte de la préservation d’espaces naturels, de la biodiversité et d’une consommation maîtrisée des ressources naturelles, mais aussi des populations et de leurs cultures. Mon sentiment personnel sur cette question qui me tient particulièrement à cœur, en tant que ressortissant du continent subsaharien et Président du Collectif pour la Défense du Droit à l’Énergie au Niger, est que dans un avenir proche, l’on puisse échanger et débattre de la faisabilité et du développement de l’énergie hydroélectrique, en particulier sur le Continent africain. 259

« Itinéraire d’un combat ! »

Je suis persuadé que le développement technologique ne peut réussir de façon durable que dans la mesure où, concomitamment, l’expertise locale sera développée. Il me paraît donc indispensable de se prémunir contre un phénomène désormais classique en Afrique, consistant à importer des technologies qui périclitent dès leur mise en place. Le développement d’une expertise locale me semble être souhaitable tant au plan transnational que régional. Je pense notamment aux cadres de la Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).

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Photo Rabiou Malam Issa

Attaque meurtrière d’une mission saoudienne à Diamballa25

Membres de la mission (Moustapha Kadi Oumani, Zakari Hamadou, Hassane M’bareick et Mme Aissata Aouado)

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ès la publication du communiqué du Gouvernement nigérien sur l’attaque meurtrière du convoi d’un Prince saoudien au Niger, en tant que Coordonnateur National du Collectif des Organisations de Défense des Droits de l’Homme et de la Promotion de la Démocratie (CODDHD), nous avons diligenté une enquête à Tillabéry et à Diamballa, le mardi 29 décembre 2009 .(Rapport d’enquête de l’attaque meurtrière à Diamballa dans la région de Tillabéry au Niger, 28 décembre 2009)

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« Itinéraire d’un combat ! »

pour tenter d’élucider les circonstances de l’agression. Cette enquête indépendante est menée par une équipe composée essentiellement de Défenseurs des Droits Humains. Elle s’est déroulée en partenariat avec l’Association Nigérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (ANDDH), la Ligue pour la Solidarité Arabo-africaine (LUSAA) et l’Association de Lutte contre l’Esclavage, Timidria. Avec beaucoup de sérieux, les enquêteurs n'ont ménagé ni leur peine ni leur temps. Les diplomates en poste au Niger et plusieurs acteurs se sont réjouis des conclusions auxquelles l’enquête est parvenue. Les conclusions ont permis de comprendre les circonstances dans lesquelles cette attaque s’est déroulée. Ce fut une première dans l'histoire de la société civile nigérienne d’expérimenter une telle initiative à la suite d’une violence ayant occasionné des pertes en vies humaines, pour apporter ainsi sa modeste contribution dans la recherche de la vérité. L’objectif de la mission visait à recueillir de plus amples informations sur le nombre de crime occasionné, découvrir et analyser les vrais enjeux sur la base de recherches de terrain. Au cours de l’investigation, la mission a rencontré les personnalités régionales, départementales et coutumières notamment : – M. Ider Adamou, Gouverneur de la Région de Tillabéry ; – M. Harouna Wata, Préfet du Département de Tillabéry ; – Le Capitaine Nassirou Mamane Abdou, Commandant du Groupement de la Gendarmerie Nationale de Tillabéry ; – M. Adamou Moumouni, Chef du village de Diamballa ; – Un groupe d’habitants du village de Diamballa. Pour remonter aux faits, le lundi 28 décembre 2009, un groupe de touristes saoudiens, a été attaqué par des bandits armés aux objectifs sinistres. L’attaque est intervenue sur l’axe principal menant de Tillabéry à la frontière de la République du Mali, à trois kilomètres de Diamballa, village nigérien situé à une trentaine de kilomètres de Tillabéry, Chef-lieu de la région de même nom, et à 146 km de Niamey. Cette agression s’est produite dans un paisible endroit en 262

attaque meurtrière d’une mission saoudienne à Diamballa

face des anciens bâtiments de la station de l’Office National des Aménagements Hydro-agricoles (ONAHA). L’attaque a été une véritable boucherie, car elle a fait quatre morts et deux blessés graves. Après avoir séquestré et dépouillé leurs victimes, les assaillants les ont blessés et tués par balles, puis se sont volatilisés dans la nature. C’était l’horreur en plein cœur de la région de Tillabéry. Ayant quitté l’hôtel Sofitel de Niamey deux heures auparavant, soit à 4 heures du matin, à bord de trois véhicules station-wagon de marque Toyota 4x4, dont deux immatriculés en Arabie Saoudite, et au Niger, sous le numéro 8F3954RN, le convoi des saoudiens se rendait en direction de la frontière malienne. Le groupe était au terme d’un séjour de quatre jours à Niamey. Composé de huit personnes, dont six ressortissants Saoudiens et deux Maliens, leur servant de guide et de chauffeur, le convoi partait pour la chasse à l’outarde. Vers six heures du matin, les passagers ont marqué un arrêt à environ trois kilomètres de Diamballa, pour accomplir leur devoir religieux, la prière de « Soubbhâ » sur deux nattes qu’ils étalent sur le côté Est de la route. C’est au cours de la prière qu’ils sont attaqués par trois individus armés, arrivés à bord d’un véhicule 4x4 Pick-up de marque Toyota, de couleur blanc-sale. Deux des assaillants les ont menacés de leurs armes, exigeant d’eux qu’ils s’écartent de la route avec leurs véhicules, sur environ 60 m. Les assaillants s’exprimaient en langue Arabe et Tamashek, dans un accent malien. Ils ont ensuite exigé que le Chef de la délégation se fasse connaître et, selon les membres de la mission saoudienne, le Prince ZAID Alsheikh a aussitôt obtempéré à cette sommation. Puis, ils leur ont bandé les yeux avec du scotch. Les assaillants ont ensuite ligoté les deux guides maliens, dont un douanier du nom de Haldé Ag Amaré, né vers 1980 à Ségou, matricule N°0112523, en service à Gao. Le douanier servait en même temps de chauffeur au Prince ZAID Alsheikh. Le second Malien du nom de Issa Abdoulaye Maïga, né vers 1986 à Kidal, est étudiant accompagnant le douanier. Les assaillants ont 263

« Itinéraire d’un combat ! »

par la suite invité leurs victimes à sortir tout ce qu’ils ont comme objets de valeur. Le Prince ZAID Alsheikh a remis une mallette contenant une importante somme d’argent à ses agresseurs. Un des assaillants a découvert une deuxième mallette dans la voiture du Prince ZAID Alsheikh, qu’il a cassée, mais celle-ci ne contenait que des produits pharmaceutiques. Au même moment, le plus jeune des Saoudiens, M. Abdallah Mohamed Almarri, s’est jeté sur un des assaillants et arrive à le maîtriser. Les deux autres assaillants ont alors simultanément et spontanément ouvert le feu sur les membres de la délégation saoudienne. Le bilan est très lourd :

Photos Rabiou Malam Issa

– trois Saoudiens sont morts sur le champ : M. Mohammed Hamad Almarri né le 11 juin 1945 à Alhafouf, M. Faraj Hamad, né le 20 janvier 1958 à Alhafouf, M. Mohammed Farej Almarri né le 05 février 1962 à Alhafouf.

Images sur le lieu de l’attaque du Prince Saoudien à Diambala, région de Tillabéry

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attaque meurtrière d’une mission saoudienne à Diamballa

– trois autres saoudiens sont grièvement blessés : le Prince ZAID Alsheikh, né le 18 novembre 1963 à Riyad, qui a une jambe brisée ; M. Hamad Saeed Almarri né le 31 juin 1957 à Alhafouf et M. Abdallah Mohamed Almarri, né en 1975 à Alhafouf. Les deux Maliens, quant à eux, sont sains et saufs et ne présentent aucune trace de violence. Leur crime commis, les assaillants armés de fusils d’assaut de type Kalachnikov, ont pris la fuite à bord de leur véhicule en direction du Nord, c’est-à-dire vers la frontière Nigéro-malienne, emportant avec eux la mallette d’argent. Des billets de Dinars saoudiens et de francs CFA, ont été retrouvés sur les lieux de la tuerie. Les agresseurs se sont également emparés de documents dits sensibles. Les blessés ont été immédiatement transportés au Centre de Santé Intégré de Diamballa, puis à l’Hôpital de district de Tillabéry, avant l’arrivée des autorités régionales. L’un des blessés Saoudiens, évacué à l’hôpital national de Niamey, succombe malheureusement à ses blessures, peu après son admission. Une fois alertées, les autorités régionales conduites par le Préfet se sont immédiatement rendues sur les lieux du drame pour constater les faits, et instruire d’évacuer les corps des trois victimes décédées d’abord sur Tillabéry, et ensuite sur Niamey. Plusieurs hypothèses sont envisagées ! Lors de notre passage sur les lieux du crime, des traces de sang et de pneus de véhicules étaient encore visibles. Les Maliens sortis indemnes ont été conduits à la Brigade de la Gendarmerie Nationale de Tillabéry, et placés en garde à vue pour les besoins de l’enquête. Les trois véhicules des victimes étaient également stationnés dans la cour de la brigade de Gendarmerie lors de notre visite dans ce service. La mission a pu échanger brièvement des mots en langue arabe avec le guide douanier placé en garde à vue à la Gendarmerie Nationale de Tillabéry, puis s’est rendue au Groupement de la Gendarmerie Nationale de Tillabéry, au moment où un Gendarme a invité le chauffeur et guide malien à faire l’inventaire des objets trouvés à bord des trois véhicules. Les deux suspects sont vraisemblablement mis en garde à vue. Selon 265

« Itinéraire d’un combat ! »

la version du Gouverneur de la région qui nous a réservé un accueil très chaleureux, l’arrivée de la mission des touristes saoudiens dans la région de Tillabéry, pour se rendre dans un pays voisin à titre privé, a été facilitée par l’ancien Ambassadeur Saoudien accrédité auprès de la République du Niger ; M. Alkaïda Hachim Touré. Involontairement ou politiquement incorrect, l’Ambassadeur M. Touré n’a pas informé officiellement les autorités nigériennes du passage de la mission saoudienne. Pour sa part, le Préfet de Tillabéry a déclaré que c’est le médecin-chef qui l’a informé que son équipe soignait des blessés à balles réelles. Le Préfet a ajouté qu’il s’agit d’un acte surprenant. Le Gouverneur et le Préfet de Tillabéry ont affirmé à la mission du Collectif des Organisations de Défense des Droits de l’Homme et de la Promotion de la Démocratie CODDHD, que les Saoudiens et leurs guides maliens ont quitté la ville de Niamey tôt le matin, sans pour autant informer les autorités nationales et les autorités régionales de Tillabéry de leur passage pour se rendre au Mali. En général, en pareil cas, les autorités sont habituellement informées et prennent des dispositions afin d’assurer la sécurité des personnalités, compte tenu de la situation sécuritaire qui sévit dans la zone et face à la persistance du terrorisme international dans la région. Selon les autorités contactées, si la délégation saoudienne ne voulait pas se faire escorter officiellement jusqu’à la frontière, l’Etat peut malgré ses modestes moyens leur assurer une escorte discrète pour parer à toute éventualité. Les autorités administratives de Tillabery affirment également que les passeports des victimes portent la mention « visa de transit », ce qui leur permet de se rendre à la frontière Nigéro-malienne située à 140 km de Tillabéry. Les autorités administratives de Tillabery n’ont précisé ni le signataire, ni le lieu de délivrance des visas. L’hypothèse avancée par les autorités régionales est l’existence de complicités dans cette attaque, que les assaillants ont dû suivre leurs victimes depuis Niamey, où ils ont recueilli des informations précises sur les horaires et l’itinéraire de leur 266

attaque meurtrière d’une mission saoudienne à Diamballa

déplacement. Les autorités régionales disent également ne pas comprendre pourquoi les guides de la mission saoudienne étaient uniquement des Maliens et pourquoi ils ne portent aucune trace de violence, alors même qu’ils affirment avoir été ligotés sauvagement. De plus, tout porte à croire que les assaillants connaissent bien l’identité de ces guides, puisque curieusement, le douanier, malgré son teint clair, semblable aux traits arabes, a été épargné par les balles des assaillants. Il reste à élucider rapidement les circonstances du drame qui ne manquent pas de surprendre tout esprit, pour le moins critique ! En outre, d’après les autorités de Tillabéry, le guide douanier a affirmé mener ce genre d’activités avec les Saoudiens depuis six ans. Au moment où se déroulait cette enquête, trois suspects ont été arrêtés au poste de contrôle frontalier du village de Yassane, et remis à la Gendarmerie nationale de Niamey, avec leur véhicule Pick-up. La Gendarmerie a aussitôt ouvert une enquête sur cette affaire. Il reste entendu qu’aucune autorité n’est arrivée à apporter de nouveaux éléments sur cette attaque qui reste encore un mystère. Le Chef de village de Diamballa déclare avoir reçu la première information sur la tuerie des Saoudiens de la part des guides maliens. Aussitôt informé, le Chef de village s’est rendu sur les lieux du crime où il a trouvé trois corps sans vie baignant dans le sang. Il a ensuite informé les autorités de la localité de Tillabéry, par téléphone. Il est resté sur place jusqu’à leur arrivée. Après analyse, notre mission a constaté que le convoi saoudien a été attaqué par un commando bien armé et très bien renseigné dans une zone où les Djihadistes sont bien implantés. L’attaque du convoi du Prince Saoudien, a eu lieu dans une zone très sensible où des rebelles Touaregs seraient actifs. Dans ce cadre, les autorités nigériennes émettent des permis spéciaux autorisant la chasse à l’outarde Houbara, vivant dans le Nord du Mali et du Niger. Cette espèce est menacée d’extinction à l’état sauvage et dont la chasse est en principe interdite, habite dans la steppe et les zones semi-désertiques. Sa viande est un plat très recherché en 267

« Itinéraire d’un combat ! »

Arabie Saoudite. Il n’est donc pas rare que des Princes Saoudiens viennent au Mali et au Niger pour la chasse à l’outarde au faucon. Le matériel de chasse, notamment des faucons spécialement dressés arrivent à bord d’un avion-cargo affrété spécialement. En Arabie Saoudite, la fauconnerie est une méthode de chasse traditionnelle des hommes du désert qu’on appelle le « sport des princes ». Les fauconniers sont considérés comme la principale menace pour l’outarde Houbara. Un loisir pour les Princes Saoudiens. Les autorisations de chasse sont souvent accordées au mépris des lois en vigueur au Niger et constituent de sources de fortune pour certaines autorités au détriment du Trésor Public. Pire, les règles édictées pour la sauvegarde de ces espèces rares sont foulées aux pieds à commencer par le Ministère de l’Environnement. Dans ce cadre, d’après les informations recueillies, les Saoudiens se rendaient au Mali dans la région de Ménaka où ils allaient rejoindre un autre groupe qui est déjà sur place. Après avoir commis leur forfait, les bandits armés ont détourné et pillé le convoi. D’ordinaire pour ce genre d’évasion, les Princes Saoudiens prennent avec eux d’importantes sommes d’argent. Dans ces conditions, ils étaient donc une cible de choix. C’est d’ailleurs assez inédit comme attaque. Les malfaiteurs étaient manifestement informés et leur mode opératoire est assez rare. Dès lors, il se pose la question de complicité des intermédiaires. Les Saoudiens ont-ils pris toutes les précautions nécessaires ? Ont-ils été trahis ? L’attaque aurait-elle pu se dérouler sans violences ? Pourquoi, l’un des hommes aurait tenté de se défendre sans arme ? Ce qui aurait probablement provoqué la fusillade. Au moment des faits, le Gouvernement nigérien parle de bandits armés non identifiés. Pour autant des suspects ont été arrêtés dont un ancien Ambassadeur. Tout porte à croire que ce genre de situation pourrait être évitée sur notre territoire. Cependant, la portée de notre travail a été limitée par le temps, les informations et les explications mises à notre disposition. Les informations proviennent de sources tierces clairement 268

attaque meurtrière d’une mission saoudienne à Diamballa

référencées. A ce titre, des vérifications minutieuses doivent être engagées dans les brefs délais pour mettre la lumière les zones d’ombres. Il n’est pas exclu qu’un juge d’instruction enquête dans le cadre d’une information judiciaire sur cette question. Les membres du convoi saoudien ont été clairement tués des suites d’une conspiration au cours de laquelle plusieurs coups de feu ont été tirés. Notre enquête écarte d’emblée l’hypothèse d’un suicide pour conclure à des crimes prémédités. Après avoir passé les faits au crible, les constats suivants ont été observés : – le Gouvernement nigérien a rendu public un communiqué le même jour, c’est-à-dire le lundi 28 décembre 2009, pour porter l’information à l’opinion nationale et internationale ; – les Nigériens ont été choqués par cette attaque ; – des réactions sont enregistrées en terre malienne, clamant l’innocence des trois suspects arrêtés et transférés à la Gendarmerie Nationale de Niamey, et cela juste au moment où l’enquête a débuté ; – des dispositions sécuritaires ont été prises par les autorités régionales et départementales de Tillabéry ; – les six ressortissants saoudiens et les deux guides maliens ont quitté Niamey à quatre heures du matin, c’est-à-dire peu avant l’aube, le lundi 28 décembre 2009, sans informer ni les autorités de Niamey, ni les autorités régionales de Tillabéry, dans un contexte sécuritaire préoccupant ; – les assaillants étaient informés avec précision des mouvements de leurs victimes. Au terme de cette enquête, pour essayer de bien comprendre les faits ; des réponses à des questions de fond restent sans réponse : qui a donc détaché et libéré les deux guides qui, pourtant, ont prétexté avoir été solidement ligotés pour leur permettre de se rendre dans 269

« Itinéraire d’un combat ! »

le village de Diamballa alerter les responsables du Centre de Santé Intégré et le Chef du village ? Pourquoi la mission saoudienne ne comprenait-elle pas au moins un ressortissant nigérien ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de communication officielle entre le Royaume saoudien et le Gouvernement nigérien, compte tenu du rang diplomatique de la personne qui dirige cette équipe ? Pourquoi les autorités régionales et préfectorales de Tillabéry n’ont- elles pas été informées de l’arrivée du groupe saoudien dans la zone ? Où est passé l’arsenal de chasse et les habituels faucons du Prince lui servant d’oiseaux de proie ? Confrontée à cette situation inattendue et complexe, intervenant entre plusieurs Etats, quel que soit le nombre d’années que prendra la justice, elle doit susciter une prise de conscience en encourageant les populations nigériennes de rester vigilantes pour contribuer à sécuriser notre pays et rendre effective la libre circulation des personnes et de leurs biens sur toute l’étendue du territoire.

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Photo ADO Issoufou ONEP

Rôle de l’énergie dans le développement d’un pays26

Raffinerie de pétrole à Zinder (SORAZ)

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our tous les habitants de la planète, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, l’énergie est la clé pour obtenir l’eau potable, indispensable pour le fonctionnement d’hôpitaux et d’écoles. Elle est l’élément primordial dans l’éclairage des logements et l’alimentation des moyens de transport. L’accessibilité à l’énergie sous-tend la fourniture régulière et sans interruption de services essentiels. Le déficit de l’offre en . (Communication présentée à l’ouverture du séminaire International sur le rôle de l’énergie dans le développement d’un pays à l’occasion du 5ème congrès de la CSTT Lomé Togo du 1er au 03 avril 2009)

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« Itinéraire d’un combat ! »

énergie électrique ne pourra qu’handicaper les activités économiques et compromettre les ambitions d’un pays. L’accès à l’électricité et plus généralement aux services et ressources énergétiques fiables, économiquement viables, socialement acceptables et respectueux de l’environnement impacte l’amélioration des conditions de vie des populations et le développement d’un tissu économique compétitif. L’énergie, et en particulier l’électricité, est une ressource capitale pour le développement économique et social. De la disponibilité de l’énergie dépend la satisfaction de tous les besoins humains fondamentaux. A l’occasion du 5ème congrès statutaire de la Confédération Syndicale des Travailleurs du Togo (CSTT), qui débattra sur le rôle de l’énergie dans un pays, j’adresse, au nom du Président de l’Association Droit à l’Énergie SOS Futur, le Camarade Pierre-Jean Coulon, qui, pour des raisons de surcharge d’agenda, ne pouvait effectuer le déplacement, mes salutations au Secrétaire Général Adrien Béléki AKOUETE, Administrateur de notre ONG. Ma présence à cette rencontre se situe dans le cadre du partenariat et de la solidarité agissante entre les organisations de la société civile du Nord et du Sud. Fondée en 2000, l’Association Internationale Droit à l’Énergie a son siège à Paris. Elle a le Statut Consultatif Spécial auprès du Conseil Economique et Social des Nations-Unies. Ses membres actifs sont des personnalités morales, notamment 500 associations provenant d’un peu plus de 70 pays répartis sur quatre Continents, et représentant près de 60 millions de membres adhérents. La scène énergétique mondiale connaît de profondes mutations et de nombreuses incertitudes se traduisant par des variations des prix des énergies fossiles avec des niveaux record pour le baril de pétrole. Point n’est besoin de rappeler ici le lien étroit qui existe entre le développement économique et le développement énergétique d’un pays. Mais l’importance de l’énergie comme stimulant du développement reste volontairement ignorée. La preuve, la place encore négligeable qui lui est accordée dans le cadre des Stratégies Nationales de Réduction de la Pauvreté ou dans 272

rôle de l’énergie dans le développement d’un pays

les rapports nationaux de suivi des OMD. Par exemple, une étude du PNUD a rapporté que moins de la moitié des Stratégies Nationales contient des objectifs et agendas explicites visant l’atteinte des priorités en matière d’énergie. Dans nos pays, très peu d’attention est accordée au rôle de l’énergie dans la réduction de la pauvreté. Du reste, aucun pays n’a significativement réduit la pauvreté sans augmenter massivement sa consommation d’énergie, ou sans passer à des sources efficientes d’énergie. L’accès à l’énergie est donc une composante essentielle du développement économique, social et politique. Il est à la base de tout développement. De la disponibilité de l’énergie dépend la satisfaction de tous les besoins humains fondamentaux : l’eau, l’alimentation, la santé, l’éducation. Pour tous les habitants de la planète, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, sans énergie il n’y aurait pas d’eau potable, pas d’hôpitaux, pas d’écoles, pas de logements, pas de moyens de transports... Ainsi donc, l’accès à l’énergie est une préoccupation centrale dans la problématique du développement. L’accès à l’énergie est une composante essentielle du développement économique, social et politique. Ainsi, l’accès à l’énergie est une préoccupation centrale dans la problématique du développement. Il est néanmoins nécessaire de garder à l’esprit le traditionnel problème de causalité entre deux variables corrélées : peut-on affirmer que l’accès à l’énergie permet le développement ? Ou au contraire le développement favorise-t-il la consommation d’énergie ? Ou bien peut-être existe-t-il une troisième variable induisant les deux effets ? La réponse se situe probablement à l’intersection de ces trois propositions. On peut en tout cas affirmer que le développement est concomitant à la consommation énergétique. Les plus touchés sont les citoyens des pays du Sud. Ils sont souvent privés d’une source fiable d’énergie et des services de base qui en découlent. Le développement à la fois soutenable, équitable et économiquement viable, de services énergétiques modernes et, en particulier, de systèmes électriques 273

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo Rabiou Malam Issa

n’est cependant pas chose facile dans nos pays. L’énergie doit à cet effet être pensée comme moteur du développement au même titre que les autres domaines essentiels, tels les ressources financières ou les ressources humaines. En ce sens, l’électricité peut être considérée comme le véhicule énergétique qui sied le mieux à la réalisation des OMD car, à travers l’éclairage et la force motrice qu’elle fournit, l’électricité permet de prolonger le temps des travaux scolaires, de faire fonctionner les médias, les machines et les supports didactiques. Dans le secteur de la santé, l’électricité rend divers services en matière de prévention ou d’éradication des différentes maladies, notamment par son action sur la disponibilité en eau potable, la conservation des aliments et des produits. Au Niger, notre credo social est d’associer les populations au processus d’électrification, et donc ensemble, d’envisager, les meilleures voies pour une utilisation optimum et efficace de l’électricité. C’est cette stratégie que nous appelons « anticiper l’arrivée de l’électricité ». L’ONG CODDAE que je dirige, en plus du combat qu’elle mène pour la réduction du prix du kilowattheure, considère que cette étape

Remise officielle de plates formes solaires aux populations de Toullou et Chagnassou

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rôle de l’énergie dans le développement d’un pays

est incontournable. Ainsi, cette action de sensibilisation et de conseil est d’autant plus nécessaire qu’elle attire l’attention des populations, qu’elles ne perdent pas de vue que l’électricité est un des rares produits à être payé une fois qu’il est consommé. L’énergie ne doit plus être considérée comme un simple produit de consommation, mais un vecteur du développement. Cependant, cette forme d’action multipliée dans chaque village portera ses fruits et apportera des résultats appréciables. La baisse drastique actuelle du prix du baril, bien qu’elle profite à des pays non producteurs de pétrole, doit nous interpeller. En effet, nous devons savoir que nous sommes bel et bien entrés dans une ère d’énergie chère et que le monde doit faire face à de multiples défis : assurer la sécurité énergétique ; garantir le droit à l’énergie pour tous ; préserver l’environnement ; trouver les financements nécessaires pour réaliser les investissements et les infrastructures énergétiques. En région Afrique, la sécurité énergétique passe par la diversification des partenaires et des sources d’énergie dans l’objectif d’avoir un mix énergétique optimal qui ne néglige aucune option. Un objectif de 10% dans le bilan énergétique africain en 2020 est peut-être prétentieux, mais ne dit-on pas souvent que la réussite est un fruit de l’audace ? L’Afrique n’a pas le droit de rester en marge de cette dynamique, sinon, nous aurons des comptes à rendre aux générations futures. La politique énergétique est une question très stratégique qui occupe l’esprit de nos dirigeants en ce moment et probablement pour longtemps encore. En ce sens que la visite du Président Français, Nicolas Sarkozy, sur la question de l’uranium au Niger peut être bien appréciée par ses compatriotes. Par ailleurs, son utilisation est inextricablement liée à l’environnement et pour cette raison, l’énergie doit rester au cœur du dialogue permanent entre les acteurs. L’épuisement des hydrocarbures va commencer à se faire sentir, entraînant entre les pays exportateurs et importateurs des tensions politiques. Cela pourrait d’ailleurs conduire à des guerres comme solution envisageable par ceux qui privilégient les voies de 275

« Itinéraire d’un combat ! »

l’affrontement, plutôt que celles de la coopération. Le marché et la domination des intérêts privés, loin de pouvoir prévenir ce risque d’affrontement, ne peuvent que le conforter. Ainsi, ces énergies nucléaire et hydroélectrique paraissent être la solution la plus robuste pour fournir de l’énergie aux populations rurales africaines. Cette situation a une origine lointaine et profonde. Elle ne résulte pas d’une quelconque conjoncture économique, d’un déficit technologique, d’une raréfaction des ressources naturelles ou d’un renchérissement des hydrocarbures, mais de l’échec d’un système qui fut étendu à la planète entière. Si la crise énergétique actuelle est perçue avec tant d’acuité, c’est qu’elle est la première manifestation d’une pénurie généralisée et définitive des ressources naturelles. Si les écoles rurales bénéficient de services énergétiques, les élèves pourront continuer à étudier la nuit, ce qui induira une augmentation du taux de réussite? Ces mêmes établissements pourront servir de cadre aux cours du soir dispensés aux adultes dans le domaine de l’éducation non formelle. Si les formations sanitaires bénéficient de services énergétiques, les conditions d’accueil et de travail du personnel seront améliorées, ainsi que la qualité des soins donnés aux patients et la conservation des produits ? Si les infrastructures hydrauliques sont alimentées par une source d’énergie, le temps consacré à la corvée d’eau sera réduit, les tâches des femmes allégées, elles pourront se consacrer aux activités génératrices des revenus, et les jeunes filles disposeront de plus de temps pour leur scolarité ? Si dans le domaine de l’agriculture, la disponibilité de services énergétiques est accessible et suffisante, elle pourra favoriser l’irrigation à grande échelle et garantir l’autosuffisance alimentaire ? Une faible pluviométrie dans la sous-région entraîne la baisse drastique du volume d’eau dans les barrages hydroélectriques d’Akossombo et de Kpong au Ghana, de Nangbéto au Togo et de Kandji au Nigeria. Elle est la cause de la chute de la production électrique en Afrique. L’énergie, dans ces circonstances, est alors devenue à la portée des 276

rôle de l’énergie dans le développement d’un pays

seuls gouvernants et autres richissimes qui l’utilisent à leur profit exclusif ? C’est pourquoi, nous invitons l’ensemble des congressistes à prendre toute résolution ou toute décision urgente exigée par la circonstance, pour aider les populations pauvres à faire face au coût de la vie, à la crise alimentaire insupportable, au renchérissement vertigineux des prix des produits de première nécessité et aux abus manifestes de certains commerçants véreux. Je ne vais pas abuser de votre temps et à juste titre, je voudrai terminer en invitant tous les Togolais épris de paix et de justice à œuvrer quotidiennement pour le renforcement de la fraternité entre tous les fils de l’Afrique dans le cadre de la cohésion et de l’intégration régionale. Nous devons rester fermes et déterminés dans la lutte citoyenne pour la consolidation des acquis démocratiques et républicains, ainsi que pour la protection des biens publics contre les prédateurs de tout acabit. En particulier, la mise en place de solutions de production hybrides et le développement progressif de mini-réseaux locaux pourrait s’avérer plus adaptée aux contraintes économiques et démographiques. Notre système électrique fonctionne sans une réserve de puissance suffisante. L’indisponibilité de tout ou partie d’une usine de production provoque un déséquilibre entre l’offre et la demande, et se traduit très souvent par une non fourniture de l’énergie électrique. Cette absence de réserve est préjudiciable au bon fonctionnement du système électrique. Avant de terminer mon intervention, suite au décès de la mère de notre ami Adrien Béléki AKOUETE, Secrétaire Général de la CSTT, j’invite les uns et les autres à prier, chacun avec ferveur, pour implorer Dieu Le ToutPuissant et Le Miséricordieux, pour que son âme repose en paix. Amen !

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Rôles des Associations dans un

Photo Rabiou Malam Issa

régime démocratique27

M. Ban Kimoon, Secrétaire Général de l’ONU échangeant avec Moustapha Kadi Oumani à l’occasion de la session du Conseil Economique et Social des Nations Unies à Genève

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e monde change et devient complexe. Prendre une décision ne se fait plus de la même manière que pendant les régimes dictatoriaux. Notre époque est marquée par un accroissement de la participation des citoyens à l’action publique par le biais des associations. Le monde associatif semble défricher de nouveaux espaces d’intervention des citoyens sur la scène publique. La société . (Communication présentée dans la salle de Conférence du SNAD, Niamey 11 juin 2009)

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« Itinéraire d’un combat ! »

civile peut être un acteur incontournable dans la prise de décision politique. Aujourd’hui, les associations prennent en compte des besoins insatisfaits par l’État et organisent des actions collectives pour y répondre. Ainsi, le champ de la gouvernance n’appartient plus aux seuls politiques, car les associations y jouent un rôle essentiel. Elles sont souvent vues comme un acteur social pouvant lutter efficacement contre l’exclusion, plus rarement comme un des éléments moteurs de la démocratie. Elles remplissent d’ailleurs plusieurs rôles étant donné la diversité des motivations qui animent les acteurs qui en sont à l’origine. Ce qui peut surprendre, c’est que les associations sont, au même titre que les partis, des acteurs politiques à part entière. Elles sont un élément de contre-pouvoir, puisqu’elles se constituent souvent pour pallier certaines faiblesses de l’action étatique. Elles peuvent protester contre telle ou telle décision administrative. Les associations sont définies comme étant des organisations non lucratives, portant un projet d’intérêt général, initié par des citoyens. Elles peuvent se constituer en réseaux ou appartenir à ceux-ci. Elles constituent des relais entre les citoyens et les institutions. Les associations sont également considérées comme un moyen de concilier la différence et l’appartenance. Pour le dire autrement, les associations sont un lieu démocratique qui instaure un espace public permettant le développement d’une communauté. Les associations sont aussi des acteurs contribuant à définir l’intérêt général et les institutions qui les portent. La société civile, par principe, est culturelle et a le statut d’un troisième acteur dans la gestion de la société aux côtés de l’Etat et du marché. Il est actuellement question de la qualité de la construction des décisions politiques pour une meilleure efficacité de l’action publique : cela demande un changement de modèle. La crise de la représentation politique signifie que le monde ne voit plus comment agir sur son propre devenir. Il faut réfléchir à cela et construire un nouveau mode de relation entre organisations de la société civile et partis politiques. 280

Rôles des Associations dans un régime démocratique

On distingue quatre grandes fonctions que remplissent les associations : – le partage d’un loisir entre les membres adhérents, notamment dans les associations sportives et culturelles ; – la défense des intérêts des membres (association de parents d’élèves...). Ces associations peuvent constituer des groupes de pression, des lobbies de plaidoyer ; – le rôle caritatif ou humanitaire : il s’agit de venir en aide aux autres, que ce soit à l’échelle nationale ou communautaire ; – l’expression, la diffusion et la promotion d’idées ou d’œuvres : il peut s’agir de principes démocratiques (associations des droits de l’homme…), d’idées politiques (les partis politiques sont des associations), de créations artistiques (théâtre, festival, salle de concert…). Egalement, l’association peut jouer un rôle à destination essentiellement de ses membres (syndicats) ou de l’ensemble de la société, comme les associations nationales que nous dirigeons. En conséquence, les associations peuvent cumuler plusieurs fonctions sociales. Une troupe de théâtre associative permet à ses membres de partager une passion commune et, lors de ses représentations, fait la promotion de l’art théâtral. On constate que le politique semble être réapproprié par les associations à travers leur proximité au champ social, l’écoute des besoins et les réponses apportées à la demande sociale. C’est sur des questions qui préoccupent les gens que se fonde le militantisme associatif : les citoyens sont demandeurs d’intervention sur leur quotidien, sur des enjeux concrets qui les concernent. De plus, on peut s’interroger sur le champ de la désobéissance civile, dans lequel agissent certaines associations : cas des luttes contre les OGM et les APE. Les associations portent alors dans l’espace public des thématiques qui ne sont pas encore prises en compte par les autorités politiques. Le monde associatif, par son appartenance à la sphère sociale, élabore des questionnements 281

« Itinéraire d’un combat ! »

nouveaux en direction de la sphère politique. Les associations participent à l’élaboration de l’agenda et à l’élargissement de l’action publique pour une meilleure efficacité. Les thèmes du partenariat et de l’action en réseau sont des dimensions importantes de l’action associative devant le risque d’isolement des associations. Mais les différences entre associations peuvent être un obstacle à l’action commune ; les intérêts étant souvent assez exacerbés pour se fondre dans l’intérêt commun. Le fonctionnement des associations repose sur une démocratie d’implication où les individus sont des membres de droit dans la prise des décisions et du fonctionnement collectif. Alors que le fonctionnement des partis est caractérisé par une frontière imperméable entre intérieur et extérieur, les associations ont des frontières beaucoup plus perméables. La perméabilité des associations constitue leur dynamique. La notion d’instrumentalisation est très présente dans les propos des acteurs associatifs. La crainte de la récupération de l’action associative par les partis politiques est également évoquée. Dans sa relation avec le politique, l’association est amenée à être méfiante. Cependant, les associations collaborent avec le politique, mais ne sont pas confondues avec les partis politiques. Les associations doivent se donner des limites. Elles sont un lieu de débats et d’échanges. Le rôle des associations est donc celui d’un groupe de pression contre les manquements des pouvoirs publics. L’association doit être modeste, car elle ne couvre pas la totalité de la réalité sociale. Mais dans les champs où elle est seul acteur, elle doit être plus présente. La parole associative doit être autonome pour se constituer comme un acteur collectif. Les associations ne font pas de politique, tant elles restent dans leur champ de compétence. Elles portent des projets englobants qui ne peuvent pas se résumer à favoriser des alternances politiques. Ce qui est nouveau, c’est que des associations, jusqu’alors limitées à des territoires et des actions, portent des projets de société. Il s’agit donc de se questionner sur le rôle des 282

Rôles des Associations dans un régime démocratique

associations dans le renouveau du processus démocratique dans sa globalité. L’action associative puise sa force dans sa proximité avec les populations. Sa principale richesse repose sur l’apport individuel de tous les membres. Il s’agit de liens forts tissés dans la confiance et la conviction. L’association tente, tout à la fois, de mettre en avant sa diversité, facteur révélant son poids social, mais aussi de proposer, à travers le label « d’utilité sociale », des éléments distinctifs lui permettant de ne pas être confondue avec le monde économique. On constate une redéfinition du processus démocratique en cours où la politique, l’élection et la décision politique sont des éléments capitaux. Les associations ont un rôle à jouer dans l’ensemble du processus démocratique, à savoir : l’éducation citoyenne ; l’information ; la construction de l’intérêt général ; la délibération collective et pédagogique ; l’articulation de la politique actuelle ; les droits de l’homme et la démocratie. Les Associations de la société civile doivent désormais tenter d’amener nos décideurs à identifier ce qui constitue une richesse, une opportunité et un atout pour nos pays. Sans paix, sans développement, aucune œuvre humaine n’est ni réalisable, ni durable. Il est donc indispensable que nous changions de regard vis-à-vis de la société. Notre victoire sera d’entraîner les politiques vers ce nouvel horizon de justice sociale.

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Photo ADO Issoufou ONEP

Etat des Droits de l’Homme au Niger en 200928

Ministre de la justice Marou Amadou, Samuel Degenere et Moustapha Kadi Oumani

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es droits humains ou droits de la personne constituent deux valeurs fondamentales : la première est celle de la dignité humaine et la deuxième celle de l’égalité. En dépit de leur formulation concise dans la Constitution nigérienne, des rapports de plus en plus nombreux signalent des violations massives des droits de . (Communication présentée à la réunion régionale du Réseau des Institutions Nationales des Droits de l’Homme des Etats Membres de la CEDEAO sur l’état des Droits de l’Homme au Niger, Banjul12-14 octobre 2009)

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« Itinéraire d’un combat ! »

l’homme et d’abus qui donnent à penser qu’il en est autrement et que certaines des institutions de l’Etat chargées de les prévenir sont complices d’un grand nombre d’entre elles. Or, les Droits Humains sont des droits inaliénables que possède chaque individu. Ils sont indivisibles, inviolables et applicables à tous, indépendamment de toute appartenance étatique. Leur but est la protection fondamentale de la personne humaine et de sa dignité, en temps de paix comme en temps de guerre. Ils sont garantis par divers traités internationaux et régionaux, mais aussi par des textes non-contraignants, établis sous l’égide des Nations Unies, qui servent à établir des standards internationaux applicables à tous. Le plus célèbre de ces textes est la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948. Au Niger, en quelques mois, il y a eu plus de violations des droits de l’homme à caractère politique qu’au cours des années antérieures. Des violations graves sont systématiques et constantes, et l’impunité est omniprésente. Le niveau global d’oppression et de contrôle de la société a augmenté, s’illustrant par les détentions arbitraires à une échelle massive. Dans la perspective de prévenir l’occultation des violations en cours au Niger, la CEDEAO déterminée à faire triompher le droit, la morale et la justice a initié une rencontre à Banjul (Gambie). Au regard de la situation qui prévaut, un débat a été organisé pour faire l’état de la situation dans l’espace CEDEAO. La rencontre vise à attirer l’attention du Gouvernement sur la gravité des violations des droits de l’homme en cours et sur son obligation de protéger la population contre ce fléau. Les résultats de la rencontre s’adressent également aux partenaires techniques et financiers en mettant à leur disposition des informations fiables sur les violations des droits de l’homme en cours. Dans cette perspective, j’aborderai les violations relevées au cours de ces dernières semaines en mettant un accent sur les cas emblématiques qui pourraient servir de point de départ pour une enquête plus approfondie en vue de clarifier les faits et les 286

Etat des Droits de l’Homme au Niger en 2009

responsabilités de chacun. Il importe de préciser qu’en tant qu’état partie aux différents instruments nationaux, régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme, l’État du Niger est tenu de mettre fin aux nombreux cas récurrents d’arrestations arbitraires suivies des fois d’actes inhumains ou dégradants et des modifications tout azimut des lois et règlements. C’est dire qu’une crise profonde secoue la République du Niger, depuis l’annonce du Président Mamadou Tandja de vouloir modifier la Constitution et continuer à gouverner en raison des grands chantiers qu’il a lancés, pour rester au pouvoir en dépit des dispositions constitutionnelles. Il s’agit bien d’une grave crise politique, une véritable crise des droits de l’homme, qui secoue l’Etat du Niger, une crise incertaine et potentiellement explosive. Cette entreprise politique anticonstitutionnelle et particulièrement difficile à mettre en œuvre fût baptisée « Opération Tazartché ». Dans son arrêt N°001/CC/ MC du 13 juin 2008, la Cour Constitutionnelle du Niger a déclaré non conforme à la Constitution l’utilisation des délibérations par les Députés Nationaux pour s’accorder des avantages financiers. Après avoir pris contact avec le Ministère des Finances, le Bureau de l’Assemblée Nationale et la Commission des Finances, ont convenu avec une certaine complaisance que l’inscription dans la Loi des finances serait suffisante pour corriger l’erreur. Après la notification de la Cour, la plénière de l’Assemblée Nationale a instruit son Président et les quatre groupes parlementaires de rédiger une proposition de Loi pour se conformer aux textes. Cette proposition devait être envoyée au Gouvernement pour avis avant qu’elle ne soit examinée et adoptée par le Parlement. Déjà décriée par la société civile, cette situation demeure une pratique illégale parce que les élus ne peuvent s’accorder des avantages que par la Loi. Des voix se sont immédiatement élevées pour mettre fin à cette pratique. Les conditions n’étaient pas remplies, lorsque le contrôleur financier a donné quitus aux questeurs de l’Assemblée 287

« Itinéraire d’un combat ! »

Nationale pour continuer dans l’erreur. Cependant, depuis un certain temps, du fait de l’apparition de certaines divergences politiques entre le Gouvernement et l’Assemblée Nationale, des velléités de faire rembourser les Représentants du peuple les trop perçus octroyés illégalement se font insistantes. Une opération mains propres est invoquée qui doit en même temps examiner une soixantaine de dossiers scellés par les Inspecteurs d’Etat dormant intentionnellement dans les tiroirs. Cette entreprise est engagée pour servir d’épée de Damoclès contre des hommes politiques qui montreraient leur indépendance d’esprit contre les tentacules du pouvoir exécutif. Après la dissolution subite de l’Assemblée Nationale, le Niger entre dans une nouvelle atmosphère politique dans laquelle s’enlise le régime en place. Dans cette optique, le pouvoir cherche à embarquer dans une affaire judiciaire 186 anciens députés pour avoir bénéficié illégalement des avantages alloués par l’Assemblée Nationale, parmi lesquels plusieurs morts. Derrière cette « régularisation » apparente, se tapit le nébuleux dessein d’empêcher plusieurs leaders à prendre part aux futures consultations électorales. Sur la base de ces dossiers judiciaires, les leaders politiques qui gênent, seront privés de leurs droits civiques et politiques, devenant ainsi les premières victimes d’une trouvaille d’utiliser la Justice nigérienne comme arme de règlement de compte politique. Bien que les Nigériens dans leur majorité soient d’accord pour lutter contre l’impunité à la hauteur du forfait commis, ils sont unanimes à déceler la mise en œuvre d’une Justice à double vitesse au service exclusif des tenants du pouvoir, ce qui biaise gravement l’égalité de tous les Nigériens devant la loi. C’est pour cette raison qu’il nous parait important, au nom de notre idéal, d’appeler les Autorités Nigériennes à rendre la Justice sans passion, sans volonté de nuire et avec pondération, parce que nous sommes convaincus qu’en respectant les règles d’équité et du droit impersonnel, la Justice Nigérienne parviendra à régler les problèmes de notre 288

Etat des Droits de l’Homme au Niger en 2009

société sans haine et sans susciter des désirs de vengeance en fonction des rapports de force politique. Dans ce sens, en aucune façon, la Justice, qui doit obéir à l’impartialité, ne doit être utilisée contre les politiciens pour soumettre ceux qui sont considérés comme des récalcitrants à la mise en œuvre d’un projet du Chef de l’Etat, car depuis un an déjà, la machine est mise subitement en marche. En analysant la gouvernance politique de notre pays, on relève beaucoup d’anomalies et d’abus de toutes sortes, toutes et tous aussi graves les unes, les uns que les autres. Comme le précisent nos différents textes, très peu d’hommes politiques et de cadres de ce pays échapperaient à la sanction de la Justice si elle examinait objectivement et sans parti pris les affaires qui lui sont soumises. Pendant longtemps, ceux qui sont sensés sévir se sont comportés comme des complices passifs alors qu’ils étaient de leur devoir d’agir à propos pour faire respecter l’orthodoxie. Les anciens Députés Nationaux qu’on veut manifestement sacrifier et, à juste titre au regard strictement de la Loi, ne nous semblent pas être les seuls coupables, car aux différents niveaux de l’administration, il y a divers niveaux de contrôles de gestion et de dépenses qui auraient dû conclure sur plusieurs irrégularités. Dans cette atmosphère de velléités de règlement des comptes pour des raisons essentiellement d’incompatibilité politique, il ne nous semble pas raisonnable de sanctionner avec autant de sévérité ceux qui hier, encore, étaient considérés comme les Représentants de notre peuple. Bien que nous n’ignorions pas que les sanctions pénales ne doivent pas être exclues suivant la gravité des forfaits, au vu du contexte qui prévaut en ce moment, nous demandons aux Nigériens avant tout, de privilégier les valeurs dissuasives et éducatives pour mettre fin à la crise politique qui va crescendo, et dont la cause réside essentiellement dans la prolongation anticonstitutionnelle du mandat du Chef de l’Etat qui arrive à terme. Nous lui demandons humblement d’intervenir à travers un message à la nation qui appellerait tous les 289

« Itinéraire d’un combat ! »

citoyens nigériens à retrouver la sérénité, le calme et la cohésion. A cet égard, l’état de la situation des Droits de l’Homme a fondamentalement changé. Avant les événements qui ont précédé le référendum controversé du 4 août 2009, offrant la possibilité au Président de la République de rester en fonction jusqu’en 2012, au lieu de se retirer le 22 décembre 2009, notre pays était cité comme étant un Etat de droit, un Etat qui, en la matière, n’envie en rien une autre nation dans la sous-région. Il était doté de tous les attributs d’un Etat moderne dont on peut se réclamer et de toutes les Institutions de la République que doit avoir un Etat démocratique et pluraliste au vrai sens du mot. Pendant cette période, les Nigériens se rappellent que la séparation des pouvoirs était pleinement respectée. Il existait un pouvoir exécutif fort, un pouvoir législatif démocratique et pluriel portant toutes les valeurs essentielles se basant sur les principes de l’Etat de droit et une autorité judiciaire indépendante. Qu’est-ce qui arrivent à nos Institutions. En ce moment, il règne une véritable confusion des pouvoirs, parce qu’il n’existe ni Assemblée Nationale, seule Institution à même de poursuivre le Président de la République pour haute trahison, ni Premier Ministre, Chef de Gouvernement, ni Cour Constitutionnelle issue de Conseillers démocratiquement désignés, ni Conseil Supérieur de la Communication, libre et indépendant reposant sur la confiance des citoyens. En réalité, le pouvoir tire sa légitimité et sa légalité des ordonnances présidentielles. Dans un tel pays où existe une confusion des pouvoirs, qui peut se sentir sécurisé du fait de l’existence d’une loi qui, d’un moment à un autre, peut subir une modification par la seule volonté du Président de la République, Chef de l’État, Chef du Gouvernement, n’obéissant à aucun contrepouvoir ? Les Défenseurs des Droits de l’Homme et de la Démocratie, en réalité, ne se sont jamais sentis en insécurité judiciaire comme aujourd’hui. Nous, nous posons d’ailleurs beaucoup d’interrogations pour savoir comment défendre au mieux 290

Etat des Droits de l’Homme au Niger en 2009

les droits les plus élémentaires des citoyens en nous basant sur la seule force de la loi, une loi qui ne peut plus évoquer la légitimité populaire ou la légalité. Au moment précis, dans notre pays, la représentation nationale n’existe plus au sens de la démocratie pluraliste, compte tenu du boycott qu’observent actuellement les partis de l’opposition. C’est dire que notre pays, le Niger, vit dans un système politique qui ressemble à des monarchies non constitutionnelles où tout vient du monarque, mais où paradoxalement pourtant on parle de l’existence d’une Constitution digne de ce nom. On peut d’ores et déjà dire que notre malaise est grand, nous qui avons été présentés jusqu’ici comme un modèle en matière de démocratie. Notre pays passe de modèle en matière de démocratie dans la sousrégion, et une sorte d’îlot de tranquillité en un pays aux règles confuses baignant dans un climat délétère. Aujourd’hui, vouloir agir comme avant, c’est adopter la politique de l’autruche qui n’envisage jamais le danger venir, même quand elle se rend compte qu’elle continue de prêcher dans le désert. Nous devrions nous rendre à l’évidence que les autorités de la VIIème République, qui croient avoir reçu carte blanche du peuple pour gérer le Niger à leur guise, n’accordent plus la même importance aux Droits Humains. Ainsi, après les dissensions nées d’un désir injustifié de changer le régime semi-présidentiel par le régime présidentiel qui pourrait, dit-on, mettre un terme à toutes nos souffrances, notre pays se trouve à l’heure actuelle dans l’incertitude. La crise vient de commencer. Des inquiétudes en matière de respect des Droits de l’Homme qui sont apparues sont les suivantes : 1°) L’utilisation inconsidérée de la justice comme moyen de pression contre les hommes politiques de la 5ème République, les Défenseurs des Droits de l’Homme et tous ceux qui n’adhèrent pas à la 6ème République. 291

« Itinéraire d’un combat ! »

A titre illustratif, 38 députés et cadres du Parlement dissous, soupçonnés de corruption, ont été placés en garde à vue après leur audition à l’école nationale de police, au Camp Bano de Niamey. Plus de 150 personnes doivent être entendues dans cette affaire qui porte sur 18 milliards de francs CFA. Les députés furent placés en garde à vue, alors que 70 des 113 que compte le Parlement avaient convoqué le vendredi 4 septembre 2009 « une session extraordinaire » de l’Assemblée Nationale dissoute, conformément à l’article 48 de la Constitution du 9 août 1999 qui fait obligation au Président de la République de mettre en place une Assemblée Nationale dans les 45 jours, et 90 jours au plus. Pour le Gouvernement, les interpellations des hommes politiques font suite à l’ouverture d’une enquête par le Parquet, consécutive à l’inspection des comptes du Parlement qui a révélé des irrégularités suivantes : faux marchés, fausses factures et faux frais de missions estimés à une dizaine de milliards de FCFA (environ 20 millions de dollars). Même le Chef de file de l’opposition M. Mahamadou Issoufou n’a pas été épargné dans cette affaire. L’opposition crie à la manipulation politique. 2°) La persistance des pratiques esclavagistes, comme en attestent le livre un « Tabou Brisé » que j’ai publié en 2005 aux éditions L’Harmattan et le verdict rendu par la Cour de justice de la CEDEAO dans l’affaire Hadiza Mani Korao contre l’Etat du Niger. La Cour de justice de la CEDEAO a condamné l’Etat du Niger à verser 10 millions de francs CFA (environ 20.000 Dollars) pour préjudices subis par Mme Hadiza Mani Koraou. La cour a reconnu que la jeune fille a été victime d’esclavage et a rendu l’Etat du Niger « responsable de l’inaction de ses services administratifs et judiciaires ». La plaignante, soutenue par les organisations de défense des Droits de l’Homme dont les associations de lutte contre l’esclavage Timidria et Réagir dans le Monde « RDM-Tanafili », est âgée de 24 ans. Elle 292

Etat des Droits de l’Homme au Niger en 2009

a été vendue à l’âge de 12 ans pour un montant de 240.000 FCFA soit 480 dollars, par un esclavagiste Touareg de la zone de Konni, au centre du pays. Le Niger compte actuellement des milliers d’esclaves sous les ordres de leurs maîtres. 3°) Malgré le processus de paix, des bandits armés continuent à sévir dans le Nord du pays, théâtre d’affrontements entre l’armée et une rébellion touarègue, avec malheureusement ses lots d’exactions, de restrictions de libertés, comme la mise en garde dans la région d’Agadez, de déplacements forcés des populations, d’insécurité alimentaire et de cherté de la vie. A Dabaga, une bourgade située à une trentaine de kilomètres de la ville d’Agadez, des civils, dont un commerçant de la place nommé Aboubacar Mahamane, ont été sommairement exécutés le mercredi 26 mars 2009 aux environs de 16 heures. Le domicile de M. Ahmad Emini, Maire de la Commune rurale de Dabaga et trois autres maisons appartenant à des particuliers ont été incendiés. Tous les objets s’y trouvant ont été pillés. L’axe qui mène à cette localité est actuellement occupé par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), ce qui rend impossibles les déplacements de la population. À Tamazalak, une autre partie de l’Aïr, ce sont huit tentes servant d’habitations qui ont été brûlées le vendredi 21 mars 2009. Un drame similaire est survenu à Tidène, où la famille d’un jardinier nommé Hamed-Rissa Imolane a confirmé la mort de ce dernier, ainsi que celle de deux autres personnes, dont un notable du village, le nommé Mohamed Almoctar dit Guinadan, qui aurait été exécuté par des militaires. Les exactions contre les populations civiles dans la région d’Agadez sont devenues monnaie courante depuis août 2007. La plupart des victimes sont retrouvées enterrées, quelques-unes torturées. Le Gouvernement a imposé un embargo aux journalistes et aux défenseurs des Droits de l’Homme qui souhaitent se rendre à Agadez pour enquêter. Le bilan définitif de cette rébellion n’est pas 293

« Itinéraire d’un combat ! »

encore connu, mais on avance déjà la mort de plus de 150 militaires, certains tués par des mines antichars. Les auteurs sont activement recherchés pour des atrocités commises sur les populations. Côté rebelles, plusieurs chiffres sont avancés, 200 à 300 morts selon diverses sources. Par ailleurs, le mardi 6 octobre 2009, deux des trois fronts ont déposé les armes, mais le doute continue à planer, car le 7 octobre 2009, entre 10 heures et 13 heures, dans le Département d’Arlit, au Nord, quatre agents du groupe Areva, dont trois Français et un Nigérien à bord d’un véhicule Toyota, ont été braqués par deux individus armés non identifiés. Ils les ont conduits à quelque 25 km du lieu du kidnapping avant de les faire descendre et s’emparer du véhicule. 4°) La limitation drastique des libertés d’expression et d’opinion et son cortège d’intimidations, d’arrestations des journalistes, des militants des Droits de l’Homme, dont le plus célèbre est le camarade Marou Amadou, victime de persécutions et de harcèlements judiciaires. Le Président du Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques (FUSAD) a été arrêté le 10 août 2009, puis de nouveau le 12 août 2009. Selon les autorités, il constitue une menace pour la sécurité de l’État. M. Marou Amadou a fustigé le résultat du référendum qui autorise le Président de la République à rester plus longtemps au pouvoir. Il était jugé le même jour pour « provocation à la discrimination raciale et incitation à la désobéissance adressée aux forces de sécurité ». Le tribunal l’a relaxé en raison d’un vice de forme, mais il n’a pas été libéré. Il a passé la nuit dans les locaux de la police judiciaire de Niamey, après une journée plus que mouvementée. C’est au moment où il attendait sa levée d’écrou à la prison civile de Niamey, le mardi 11 août 2009, que des éléments de la Garde Républicaine lui ont ordonné de monter à l’arrière d’un véhicule pick-up. Il a ensuite subi plusieurs allers et retours à la prison 294

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de haute sécurité de Koutoukalé, des va-et-vient liés à des consignes contradictoires données aux gardes qui l’encadraient. 5°) Les graves conflits inter-communautaires et leurs lots de souffrances, et de pertes en vies humaines et en matériels, dans le Nord de la région de Tillabery et au Sud de la région de Dosso. Le dimanche 23 août 2009, un camion de transport en commun de marque Saviem, immatriculé 8C9287RN, quittait le village de Baléyara pour Banibangou à l’Ouest. Il a été attaqué, à environ trois kilomètres du village de Dangara, par un groupe d’assaillants Peul. Selon les informations concordantes, ces assaillants ont tiré plusieurs coups de feu sur le véhicule, obligeant le chauffeur atteint à la hanche de s’arrêter. Ils ont dépouillé les passagers et leur ont soutiré de l’argent avant d’exécuter sept d’entre eux d’ethnie Zarma. Cette attaque s’est soldée par sept morts et trois blessés, dont une femme. Au total, depuis trois ans que durent ces conflits inter-communautaires dans le Nord Tillabery, de représailles en représailles, on enregistre plus de 300 morts. 6°) Organisation d’un référendum contesté le 4 août pour l’adoption de la VIème République. Grâce au référendum du 4 août qui s’est soldé, selon la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), par une large victoire du Oui (92,50%), le Chef de l’Etat continuera non seulement d’exercer son pouvoir au-delà du 22 décembre 2009, date à laquelle il était censé rendre son tablier, mais pourra aussi se présenter encore et encore aux futures élections présidentielles. La nouvelle Constitution approuvée via cette consultation permet par ailleurs de faire passer le Niger d’un régime semi-présidentiel contrôlé par l’Assemblée nationale à un régime présidentiel dans lequel Tandja concentrera tous les pouvoirs. 68,26% des électeurs se sont rendus aux urnes, soutient la CENI. Evidemment, ces chiffres sont contestés par l’opposition. « C’est ridicule, la participation n’a pas atteint 7% », estime Marou Amadou, 295

« Itinéraire d’un combat ! »

un responsable du Front de Défense de la Démocratie (FDD). Si le Président Tandja savoure sa victoire prévisible (il a remercié les électeurs avant la publication des résultats), celle-ci n’est pas pour autant de bon augure pour son pays qui, après dix ans de stabilité politique et de performances économiques enviables, court le risque de connaître des jours sombres. 7°) L’interdiction de manifestation à tous ceux qui contestent la VIème République, leur non-accès aux médias publics et l’exacerbation des violences policières. Le 4 août 2009, à l’occasion de la tenue du référendum, plusieurs arrestations ont été opérées par les forces de l’ordre. Des sources policières et de l’Opposition ont fait état d’affrontements dans plusieurs villes de l’Ouest entre opposants au scrutin et forces de l’ordre. Dans la région de Tahoua, la police a dispersé au gaz lacrymogène des manifestants qui tentaient d’empêcher l’accès à des bureaux de vote. Environ 150 manifestants ont été arrêtés, et il reste encore dix qui sont détenus au Boboye, trois à Dosso et un à Koutoukalé, en la personne de Allassane Karfé, arrêté suite à un débat télévisé. Egalement, le 22 septembre 2009, la police antiémeute a réprimé une manifestation non autorisée organisée par des ex-députés. 8°) Les capacités d’accueil de nos établissements pénitenciers sont largement dépassées d’où l’impérieuse nécessité de mettre fin à cette surpopulation. La surpopulation carcérale a pour conséquence la violation des principes réglementaires, et a pour corollaire la promiscuité permanente qui elle-même génère des maladies, des violences ou des déviances sexuelles. La Maison d’arrêt de Niamey compte actuellement 1361 détenus pour une capacité de 350 places. Une des caractéristiques de ce surpeuplement est le nombre des prévenus nettement supérieur à celui des condamnés dans la plupart des 296

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établissements carcéraux. Par exemple, sur les 1.361 détenus seuls 452 sont des condamnés. La séparation n’est pas toujours faite en fonction de l’âge (quartier des mineurs et quartier des majeurs), ou en fonction de la situation juridique du détenu (quartier des prévenus et quartier des condamnés) et de la dangerosité du délinquant. La lenteur dans les jugements et les longues détentions préventives en sont les causes. Il faut souligner que certains détenus sont très dangereux, agressifs et qu’ils devraient, par conséquent, être séparés des autres. Cette surpopulation de nos Maisons d’arrêt est aussi due à l’inadaptation de certains locaux dont l’architecture actuelle ne permet pas la séparation des détenus. Lorsque le Président de la République dit qu’il est prêt pour dialoguer, seulement après avoir atteint tous ses objectifs même les plus invraisemblables, et qu’il n’a rien à céder aux autres, après avoir suspendu la Constitution de la Vème République, l’Assemblée Nationale, la Cour Constitutionnelle, modifié unilatéralement pour la 31ème fois les articles du Code Électoral, mis en œuvre unilatéralement l’article 53 pour s’octroyer les pleins pouvoirs et finalement promulgué une nouvelle Constitution que ses partisans déclarent irréversible. En démocratie cela s’apparente à un marché de dupes. Dès lors, comment aborder l’avenir de notre démocratie dans cette situation ? L’obligation de protection des droits humains suppose l’urgente nécessité, pour le Gouvernement nigérien, d’assurer la sécurité des populations. Les perspectives pour notre cher pays, sont moroses voire complètement instables. Marcher ensemble dans la même direction, vers le même avenir doit être un objectif, l’unique objectif. Ce malheureux épisode doit nous servir de leçon pour que plus jamais un responsable politique ne puisse avoir toutes les clés en main dont l’objectif est de pouvoir nourrir de funestes desseins porteurs d’instabilités et d’inquiétudes dans notre cher pays.

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Photo ADO Issoufou ONEP

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Le Médiateur Abdoulsalami Aboubacar au Palais des congrès face à la classe politique nigérienne

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'ancien Président de la République Fédérale du Nigeria, Médiateur de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans la crise politique au Niger, le Général Abdulsalami Abubakar, multiplie les contacts avec les différents protagonistes et acteurs de la vie socio-politique. Pour sortir de l’impasse, il cherche des solutions tous azimuts. Après avoir constaté . (Contribution Citoyenne à la Médiation de la CEDEAO sous la conduite de l’ancien Président du Nigeria, le Général Aboul Salami Aboubacar, 8 novembre 2009)

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que les pressions diplomatiques n’ont rien changé, il rencontre à Abuja, une délégation du Mouvement Populaire pour la Refondation de la République (MPRR) et le courant opposé, la Coordination des Forces pour la Démocratie et la République (CFDR). Cette Médiation de la CEDEAO a aussi jugé nécessaire de se déplacer au Niger pour rencontrer d'autres acteurs, notamment les membres de la Cour Constitutionnelle dissoute présidée par Madame Salifou Fatimata Bazèye et la nouvelle équipe dirigée par M. Boubé Oumarou. Le Général Abdulsalami Abubakar devrait ensuite rencontrer l'ancien Président de la République, le Général Ali Saïbou, l'ancien Procureur de la République, Soli Abdourahamane et bien d'autres personnalités de la société civile. Depuis quelques mois, tout semble aller vers un tournant totalitaire au Niger. C’est du moins le sentiment qu’éprouve la majorité des Nigériens. Les ennuis de toutes sortes s’enchaînent ! Le pouvoir semble tirer sa légitimité et sa légalité d’une seule personne, qui est le Président de la République, Chef de l’Etat, et en plus Chef du Gouvernement. Disons plus simplement que la loi dans notre pays n’a plus qu’une seule source, à savoir une Ordonnance présidentielle. Le Président de la République peut nommer ou démettre, à sa discrétion, les détenteurs du pouvoir judiciaire, les membres du Gouvernement, les responsables de l’administration civile et militaire, le « Premier des Ministres » qui n’assure plus alors la fonction de Chef du Gouvernement. Le Président de la République accrédite le Corps diplomatique et dirige le pays à sa guise. Dans un tel pays où existe une certaine confusion des pouvoirs, qui peut certainement se sentir en sécurité ? C’est donc à juste titre que la Communauté Internationale a désigné un Médiateur africain afin de conduire des discussions avec la classe politique nigérienne pour un retour à l’ordre constitutionnel normal dans les meilleurs délais. Pour bien comprendre cette crise politique et sociale dans notre pays, il faut d’abord procéder à la genèse aussi exhaustive que possible des événements qui l’ont caractérisée, ce qui permettra de mettre en 300

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exergue les contours de la vie politique nationale, et de faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé en rapportant uniquement les faits. L’histoire n’a pas besoin de déguisement, ni qu’on plaide pour elle, mais une propagande insidieuse et prolongée contre les acteurs qui se sont sacrifiés pour la défense de la démocratie au Niger a créé une grande confusion, même dans les esprits des libres penseurs et des chercheurs impartiaux. Tout interlocuteur loyal et sincère saura clairement qui est de bonne foi et le rôle joué par chaque acteur pris individuellement et collectivement durant les deux mandats du Président de la République Tandja Mamadou, qui courent depuis le 22 décembre 1999 jusqu’au 22 décembre 2009. Le premier mandat du Président Tandja a connu à ses débuts de fortes contestations et frictions avec l’opposition politique. Cette opposition, dirigée par M. Mahamadou Issoufou, organisait des Journées d’Actions Démocratiques (JAD) et des Journées d’Initiations Démocratiques (JID) pour dénoncer la mal gouvernance. Grâce à la prise de conscience des uns et des autres et à l’expérience acquise par toute la classe politique en crise de croissance, celle-ci a vite fait de retrouver sa stabilité dans notre pays qui a connu plusieurs interruptions de mandat depuis les premières élections démocratiques. En recouvrant la bonne voie démocratique, le Niger a relevé le défi qui est de mener à son terme au moins deux mandats électoraux. Les Nigériens de toute tendance et de toute obédience avaient donc réussi l’expérience inédite et historique de parvenir à une première alternance pacifique par la seule voie des urnes, comme cela est de coutume dans les anciennes démocraties occidentales. Cet espoir, qui a fait du Niger un vrai laboratoire de démocratie, a convaincu les partis de l’Opposition comme ceux de la Majorité de modérer leurs mœurs politiques en se donnant comme ligne de conduite le fait que la Majorité au pouvoir gouverne et que l’Opposition conteste démocratiquement, en jouant son rôle de contre-pouvoir. Cette nouvelle conduite politique a été admirablement mise en pratique 301

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durant la première et la deuxième mandature du Président Tandja Mamadou, jusqu’en octobre 2008. Dans cette optique, le Président de la République avait comme leitmotiv : « le Niger n’a d’autre chose à vendre que la démocratie ». Les Dirigeants de l’Opposition nigérienne ont cheminé dans la même direction en refusant d’accepter toute idée d’un Gouvernement d’union nationale, rétorquant que les élus du peuple doivent assumer leurs responsabilités jusqu’au bout, car au terme normal de leurs mandats, ils seront seuls comptables devant le peuple. L’histoire doit les départager lors des prochaines élections générales de novembre et décembre 2009. Dans cette ambiance, le peuple nigérien, tout comme sa classe politique, pensait que le jeu politique a enfin atteint sa vitesse de croisière et le pays est arrivé à la stabilité politique. Dans une interview dans le journal hebdomadaire français « Le Monde », le Président Tandja affirmait clairement « qu’il était un militaire et qu’à la fin de son mandat, il va remercier le peuple nigérien et prendre une retraite politique bien méritée ». C’est alors que des rumeurs savamment distillées par des personnes proches du pouvoir font lâcher la fameuse formule « Tazartché30 », à Zinder. Certains responsables du régime, peut-être effrayés par la perspective de devoir quitter le pouvoir après une décennie, et se rappelant des cas similaires en Afrique (Algérie, Tchad et Burkina Faso) se laissent séduire. Ils acceptent la trituration de la Constitution par la suppression de l’article qui limite les mandats présidentiels à deux. Dans toutes les régions, d’autres dignitaires se sont vite accrochés à cette idée de prolongation de mandat et organisent des marches et meetings qui soutiennent qu’il s’agit d’un appel du peuple au Président Tandja. Toutes les manifestations s’appuient sur une nouvelle élite de la société civile attirée vraisemblablement par les perspectives d’une éventuelle richesse occasionnée par la hausse du prix de l’uranium et les découvertes de gisements de pétrole, d’or, de charbon et d’uranium. Les retombées de l’exploitation minière étaient . Continuité ou prolongation d’un mandat électif en langue haoussa. Il s’apparente à un coup d’État constitutionnel

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accompagnées par les importantes mannes financières du Programme des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), transformées en « Programme Spécial du Président de la République », un cadre soustrait de tout contrôle parlementaire. Ce programme offre surtout au régime les nerfs de la guerre pour la propagande « Tazartché » basée sur des réalisations en direction des populations (points d’eau, crédits féminins, salles de classe et cases de santé) pour traduire ses rêves en réalité. Cette propagande sur des réalisations tape-à-l’œil pour le monde rural, laissent croire que le pays connaîtra un développement radieux à court terme. De ce fait, les partisans de l’opération « Tazartché » ont imaginé que le départ de l’artisan principal mettra rapidement fin aux perspectives de transformation de ce pays en pays émergent. Or, tout le monde sait que le développement est une œuvre de longue haleine basée sur des investissements concrets et des réalisations productives, et non sur des micro-projets qui ne sont que des palliatifs dont les effets sont comme des feux de paille. L’enjeu était tellement de taille qu’il fallait d’abord procéder à la mise à l’écart de l’ancien Premier Ministre, M. Hama Amadou. Mais le vrai signal de l’avènement de l’opération « Tazartché » n’a été donné que lors de la visite officielle du Président Français Nicolas Sarkozy. Au cours de cette visite, le Président Tandja a tenu un langage pour le moins ambigu, déclarant à cette occasion : « En tant que soldat, je peux m’en aller sans remords, mais à la condition que le peuple ou l’Assemblée Nationale ne me demandent pas de proroger mon mandat de trois ans pour parachever mes grands chantiers »

Pour ceux qui veulent voir leurs privilèges se perpétuer, M. Aboubacar Dan Doubaï, apparaît alors comme l’homme politique providentiel, aux discours incisifs et dithyrambiques pour le « Tazartché », appuyé en cela par le Gouverneur de la région de Zinder, M. Yahaya Dan Daka. Le slogan « Tazartché » est vite devenu le mot d’ordre de ralliement pour tous ceux qui considèrent que le peuple n’a cure d’une démocratie pluraliste, celle-là même qui a procuré au Niger sa 303

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stabilité politique et son image de pays respectable. Le Président de la République garde silence, laissant le soin aux partisans du « Tazartché » d’accélérer son propre désir d’euthanasier la Constitution de la Vème République et le Code Électoral en vigueur. Et d’un forcing à l’autre, les partisans du « Tazartché » parviennent à doter le Niger d’une Constitution de la 6ème République déclarée irréversible mais que ne reconnaissent pas les partis politiques de l’opposition, les forces vives de la nation et les patriotes nigériens en général. L’adoption de cette nouvelle Constitution est intervenue malgré la lutte acharnée des démocrates sincères et de la Communauté Internationale dans sa totalité. A cet égard, il a fallu au Président Tandja d’adopter un nombre important de décisions anticonstitutionnelles, pour parvenir à ses fins. Parmi ces mesures on peut citer, la suspension de l’Assemblée Nationale dirigée par son principal allié, M. Mahamane Ousmane, l’application de l’article 53 de la Constitution qui a permis au Président de la République de se donner illégalement des pouvoirs exceptionnels, la dissolution de la Cour Constitutionnelle dont les membres sont inamovibles avant la fin de leur mandat, l’abrogation de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle annulant le décret présidentiel convoquant un référendum constitutionnel. Il y a aussi la remise en cause unilatérale des principales dispositions du Code Électoral, la nomination des magistrats acquis à sa cause, la nomination du Président de la CENI, l’organisation du référendum constitutionnel controversé du 4 août 2009, l’organisation des élections législatives du 20 octobre 2009 boycottées par l’opposition (entraînant la suspension du Niger de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest pour violation des textes communautaires sur la démocratie), et des élections municipales projetées dans un cadre non pluraliste. Ce sont autant d’actes décriés par la Communauté Internationale, notamment l’Union Africaine, l’Union Européenne (UE), l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), les pays amis comme 304

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les États-Unis d’Amérique, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Grande-Bretagne et le Canada. Dans cette logique, l’Union Européenne a décidé de recourir à l’article 96 des accords de Cotonou, qui traite du non-respect des critères démocratiques et de défense des Droits de l’Homme. C’est manifestement l’entêtement à vouloir persister dans l’illégalité qui a conduit la CEDEAO, au lendemain des législatives contestées, à désigner un Médiateur Africain, afin que la crise politique nigérienne trouve une solution avec le soutien de l’Union Africaine. C’est dire que la course contre le temps s’accélère. Le Médiateur M. Aboubacar Abdoul Salami, convoqua le mardi 11 novembre 2009 à Abuja, la première réunion des principaux acteurs, composée d’une délégation gouvernementale de 15 personnalités et d’une délégation de partis politiques regroupant trente membres, des acteurs de la société civile, des syndicats et de cinq personnes ressources. Un complot est vite orchestré par certains acteurs politiques pour exclure le représentant du CODDAE, pourtant en première ligne du combat non-partisan. Deux jours après, l’on se rend compte que seuls les proches des partis politiques sont cooptés. Dès lors, la désignation des membres de la société civile est faite sans aucune transparence. Cette première rencontre a pour objet d’instaurer un dialogue entre les protagonistes, afin d’engager des discussions pouvant aboutir à la résolution de la crise nigérienne dans un cadre consensuel. L’esprit de cette médiation est que cette crise politique nigérienne, qui préoccupe toute la Communauté Internationale du fait de sa persistance, ne soit pas contagieuse. L’on constate que c’est pour la première fois que la classe politique nigérienne et des représentants de la société civile membres des regroupements politiques se retrouvent dans un pays frère et ami pour échanger sur des problèmes vitaux de leur pays. Il s’agit de l’avenir de ce qu’ils ont de plus cher, c’est-à-dire le Niger et son peuple. Diplomatiquement, notre pays est isolé et s’enlise inexorablement dans une crise profonde dont les conséquences 305

« Itinéraire d’un combat ! »

risquent d’être graves pour l’unité nationale et l’avenir de tous ses enfants. Le fondement de la République que le peuple nigérien a voulu une et indivisible, sociale et démocratique est menacé à juste titre. Ce conflit politique déborde largement nos frontières, et devient une inquiétude pour le monde entier. Les proches du Président de la République qui se trouvent être au centre de gravité de tous les problèmes politiques auxquels notre pays est confronté mènent méthodiquement une propagande tout azimut pour vilipender les acteurs de la société civile qui ne partagent pas leur position, y compris la Communauté Internationale qui dénonce opportunément les pratiques anticonstitutionnelles et antidémocratiques pour s’accaparer de tous les pouvoirs de l’Etat. Il n’y a plus de place pour des rêves, car le Niger ne peut se passer de la Communauté Internationale et surtout d’une organisation de proximité comme la CEDEAO. Il est évident qu’un pays comme le nôtre totalement enclavé, situé dans un environnement extrêmement difficile, ne puisse vivre en autarcie dans un monde où même les plus nantis vivent grâce à la mondialisation. Sans anticiper sur les conclusions de cette Médiation qui n’a jamais abouti, nous souhaitons vivement que certains Nigériens aient les pieds sur terre, car il faut suffisamment de recul pour aider le Général Abdoul Salami Aboubacar dans ses efforts louables pour le retour de la paix au Niger. Nous étions convaincus, que compte tenu de sa riche expérience, le Général Abdoul Salami Aboubacar, ancien Président du Nigeria, pays frère et ami possède tous les atouts pour nous aider à atteindre notre but, pourvu que les protagonistes aient la sagesse de lui faciliter la tâche et de ne pas monter inutilement les enchères par simple baroud d’honneur. Il y a donc lieu de demander aux acteurs de suspendre tout acte de provocation ou d’intimidation. C’est-à-dire, d’observer une trêve pour poursuivre le dialogue dans un cadre apaisé et propice tout en appelant les autorités nigériennes à mettre un terme à la persécution et au harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs des Droits de l’Homme et à 306

Médiation de la CEDEAO au Niger

garantir leur intégrité physique et psychologique. Mais, pour que ce dialogue aboutisse, il faut d’abord que chacun fasse son mea culpa afin de sortir d’une impasse qui ne dit pas son nom et pour laquelle la nation tout entière retient son souffle. En arrivant à obtenir un accord avec la rébellion armée, les Nigériens ont certes prouvé que notre pays est un havre de paix et qu’ils ont la capacité de surmonter toutes contradictions internes afin de préserver la stabilité sociale. Qu’est-ce qui a amené le Niger dans cette situation ? L’on se souvient que le Président Tandja a prononcé un message mémorable avant la mise en marche du processus référendaire en prélude à la fin de son deuxième mandat. Il avait félicité tous les groupes socio-politiques de notre pays et mis en exergue leur bonne conduite pendant ses deux mandats. Si le Président de la République, au cours de son second mandat, a fini par bénéficier de la compréhension de tous (opposition, majorité, société civile) pour mener à terme ses deux mandats, c’est qu’il a accepté d’attendre en toute transparence jusqu’au 22 décembre 2009, comme le prévoit la Constitution de la Vème République, pour passer le témoin à son successeur élu. Il aurait été applaudi aujourd’hui de tous et affiché comme exemple de bon démocrate qui a grandi l’image de marque de son pays et de son peuple. Qu’est-ce qui a bien pu changer cette prédisposition ? On note que ni les forces vives, ni les partis politiques de l’opposition, n’ont changé leur bonne prédisposition à l’égard du Président Tandja pendant tout le temps qu’il respectait les règles de jeu démocratique. Même le Chef de file de l’opposition, M. Mahamadou Issoufou, déclarait à maintes reprises sa loyauté aux Institutions de la République et son soutien aux actions de développement menées par le Président de la République. Tout ceci illustre la maturité de notre classe politique. La Cour Constitutionnelle est illégalement dissoute : Sa Présidente, Mme Salifou Fatimata Bazeye, n’a-t-elle pas précisé que le peuple nigérien, c’est l’ensemble des populations nigériennes et qu’aucune 307

« Itinéraire d’un combat ! »

partie du peuple ne peut proclamer être tout le peuple ? Comme on le dit, nul n’a signé un contrat éternel avec le poste qu’il occupe. De ce point de vue, le peuple nigérien qui a goûté à la démocratie ne voudra plus jamais se soumettre à toute décision imposée par la force. Les Nigériens qui luttent pour la sauvegarde des acquis démocratiques sont unanimement disposés au dialogue, mais un dialogue qui ne leur imposera pas la reconnaissance du fait accompli et des mesures anticonstitutionnelles. Un proverbe bien connu dit : « l’erreur est humaine, mais persister dans l’erreur est diabolique ». C’est pourquoi, seule une solution issue d’un consensus national peut s’imposer dans un proche avenir à tous, sans risque de rejet, ni de contestations. Heureusement le 22 décembre 2009, la mandature de Tandja arrivera à terme et le peuple nigérien, à travers la prise de conscience de ses acteurs, peut se glorifier qu’il a vécu l’expérience du jeu démocratique avec alternance. Il est important, si nous sommes tous réellement des démocrates, que nous soyons tournés vers cet avenir en jetant les bases d’une organisation des élections générales dans un cadre pluraliste avec la remise en vigueur de la Constitution du 18 août 1999 qui a été remplacée illégalement. Si le consensus existe et la paix finalement retrouvée, l’on peut même envisager une nouvelle Constitution consensuelle pour remplacer celle qui est décriée par l’opposition. Éventuellement, un organe de transition pour revoir tous les textes fondamentaux pourra être mis en place à partir du 22 décembre 2009, après avoir tiré les leçons de notre expérience démocratique sous les deux mandats de Tandja. Nous souhaitons, que les acteurs soient animés de la même volonté et de la même détermination pour sortir notre pays de cette mauvaise posture qui n’est pas une malédiction. Si cette crise nigérienne était bien résolue démocratiquement, elle serait le point de départ de notre unité nationale retrouvée et solidement cimentée, grâce au consensus de tous ses fils. En conséquence, étant profondément attachées au dialogue, les parties en présence doivent accepter toutes 308

Médiation de la CEDEAO au Niger

propositions allant dans le sens du respect des textes adoptés par consensus. L’histoire retiendra sans aucun doute ceux qui ont œuvré, en toute loyauté, pour la défense de la démocratie au Niger en cette période charnière de son histoire politique.

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Photo Rabiou Malam Issa

Exécution de trois ressortissants Nigériens en Libye31

Pr Khalid Ikhiri, Président de l’ANDDH et Moustapha Kadi Oumani, Coordonnateur du CODDHD

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rois Nigériens ont été exécutés par balles, le 30 mai 2010 en Libye pour des actes criminels. Parmi leurs forfaits, l’assassinat d’un Nigérien vivant à Tripoli. Les suppliciés : Sani Maïdouka, ressortissant de la région de Maradi dans le centre-sud, Saïdou Mohamed et Harouna Dangoda, tous deux originaires de Tahoua, dans l’Ouest du Niger, trouvaient là la fin de leur périple à la . (Mission d’enquête en Grande Jamahiriya Arabe Libyenne du 15 au 17 juin 2010)

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« Itinéraire d’un combat ! »

recherche d’un eldorado en Libye. Les trois victimes n’ont jamais rencontré d’Avocat jusqu’à leur comparution devant le Tribunal, rendant impossible la préparation d’une défense appropriée. Les aveux extorqués sous la torture ou de mauvais traitements ont été utilisés comme preuve pour les condamner. Un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre au Niger, puisque les organisations de la société civile ont condamné la parodie de justice, et ont considéré que ce n’est pas acceptable que des Libyens prennent des Nigériens pour des animaux et les exécutent, sans pour autant en informer leurs autorités de leur pays. Au lendemain de ces réactions, un émissaire du dirigeant Libyen, Mouammar Kadhafi, le Professeur Rajab Mita Budabbus est arrivé à Niamey pour s’entretenir avec le Chef de l’État. L’objectif de sa mission est d’expliquer aux autorités de Niamey et à la société civile que les exécutions en question relèvent d’une décision définitive de la Justice libyenne et non d’un déni de justice ou d’un acte racial. Les organisations de défense des Droits de l’Homme se sont alors saisies du problème et ont demandé à l’émissaire Libyen d’informer ses supérieurs qu’ils doivent prendre toutes les dispositions pour rapatrier les corps des trois personnes, mais aussi indemniser leurs familles. Des milliers de Nigériens traversent le Sahara chaque année pour se rendre en exode saisonnier en Libye et pour certains, dans l’espoir de traverser la Méditerranée pour atteindre l’Europe. Le Gouvernement libyen a réagi fermement contre cette forme de migration en construisant des centres d’accueil à Sebha dans l’objectif de réduire considérablement le nombre de migrants toujours plus nombreux et déterminés à se rendre en Libye ou à rejoindre l’Italie. Dès lors, les étrangers sont devenus indésirables et la plupart ne parlent ni le Français encore moins l’Arabe. Dans les Tribunaux libyens, il n’existe pas toujours de services de traduction des langues africaines. Généralement, les personnes qui sont conduites devant les Tribunaux ne savent pas les charges auxquelles elles étaient 312

Exécution de trois ressortissants Nigériens en Libye

confrontées. Une fois condamnées, elles sont susceptibles d’être formellement exécutées parce qu’elles sont incapables de négocier avec la famille de la victime, conformément à la législation libyenne. Si la famille d’une victime d’un crime accepte de gracier l’assassin contre une somme d’argent, il est possible de commuer cette peine de mort en emprisonnement à vie. En 2009, neuf Nigériens ont été exécutés en Libye, et une quarantaine de personnes est en attente dans les couloirs de la mort. Face à la situation, une délégation des défenseurs des Droits de l’Homme a été reçue en audience, le lundi 7 juin 2010, par le Chef de l’Etat, Salou Djibo, Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD). Au cours de cette audience axée sur la situation préoccupante de nos compatriotes vivant en Libye, le Chef de l’État, qui suivait avec appréhension les nouvelles provenant de Tripoli a décidé de se rendre le premier en Libye et a souhaité que deux Représentants des organisations de défense des Droits de l’Homme l’accompagnent dans cette mission, pour plaider le sort des Nigériens écroués dans les prisons libyennes. L’objectif est de rencontrer les hautes autorités libyennes pour leur demander des explications sur l’exécution de trois ressortissants nigériens, et de s’enquérir de la situation exacte de nos compatriotes qui, selon des témoignages de bonne foi, seraient maltraités au quotidien, notamment ceux détenus dans les prisons libyennes pour différentes raisons. Le Chef de l’État s’est finalement rendu en Libye dans un petit Jet privé. De retour à Niamey, le 13 juin 2010, il diligente la mission de la société civile dirigée par des hauts fonctionnaires de l’Etat à destination de Tripoli, le mardi 15 juin 2010, avec comme Chef de délégation, le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires Religieuses, Docteur Cissé Ousmane. La délégation est composée du Ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique, Porte-parole du Gouvernement, M. Mahamane Dan Dah, du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des 313

« Itinéraire d’un combat ! »

Sceaux, M. Abdoulaye Djibo, du Conseiller Technique du Ministre de l’Intérieur, du Commissaire de Police Daddy Gao, du Directeur de la Police Judiciaire, M. Souley Boubé, du Directeur Moyen-Orient et Pays Arabes au Ministère des Affaires Etrangères, M. Souleymane Issiakou et de deux Défenseurs des Droits de l’Homme, le Professeur Khalid Ikhiri et de moi-même, Moustapha Kadi Oumani. Cette mission a séjourné en Libye du mardi 15 au jeudi 17 juin 2010. Peu après son décollage à partir du Groupement Aérien National à 15h30, la délégation a atterri à l’aéroport militaire de Tripoli vers 19h00. Elle est accueillie par une délégation d’officiels libyens civils et militaires, l’Ambassadeur du Niger en Libye, M. Gounemi Boukar Amadou, et des Représentants de la Communauté des Nigériens en Libye. La délégation a été reçue en audience par le Premier Ministre libyen en son Cabinet, le mercredi 16 juin à 10 heures. Lors de cet entretien, plusieurs points ont été abordés, dont le refoulement de 1.000 Nigériens gardés dans un centre d’accueil à Sebha et la mise à leur disposition de moyens financiers pour s’insérer dans la vie active au Niger ; la reprise de la coopération entre nos deux pays en matière d’enseignement supérieur et secondaire ; la sécurisation de nos frontières communes et les dispositions à prendre pour freiner « l’immigration clandestine » ainsi que le trafic de drogue dans la bande Sahélo-saharienne. Conformément au calendrier de travail proposé par le Premier Ministre libyen, les entretiens se sont immédiatement poursuivis par une rencontre technique au Ministère de la Justice libyenne. A l’issue de cette réunion, un Comité conjoint NigéroLibyen a été constitué afin d’examiner la situation des détenus Nigériens, au cas par cas. La première réunion du Comité conjoint a eu lieu le même jour dans l’après-midi à 16 heures, à la prison centrale de Tripoli, sous la Présidence du Directeur Général de la Prison, le Général Issouf. Après examen, une liste de 507 détenus présumés Nigériens a été remise au Directeur de la Police Judiciaire du Niger, afin de permettre à la délégation nigérienne de procéder à la 314

Exécution de trois ressortissants Nigériens en Libye

ventilation des identités suivant la gravité des fautes (délits ou crimes). L’inventaire étant écrit en Langue Arabe, le Premier Conseiller de l’Ambassade du Niger à Tripoli a été chargé d’effectuer avec l’aide de ses collaborateurs, la transcription de la liste en Français, pour permettre à la délégation de continuer le travail le lendemain matin, ce qui fut fait toute la nuit. Cette liste comptait 22 inculpations à mort, dont huit condamnations à mort pour lesquelles le jugement est devenu définitif, et 14 en instance de jugement. S’agissant de ces cas précis, sur la base d’une proposition exclusive du Ministre libyen de la Justice, un Comité paritaire est mis en place et composé de Représentants de l’Ambassade du Niger à Tripoli et des deux défenseurs des Droits de l’Homme pour rencontrer les familles et les ayants droit des victimes libyennes, afin de solliciter leur pardon et leur verser éventuellement des compensations, conformément à la législation libyenne. La Fondation Kadhafi s’est spontanément proposée de prendre en charge les implications financières. Aussi, toute autre organisation de défense des Droits de l’Homme peut l’accompagner dans le processus, afin de trouver une solution définitive, compte tenu des engagements pris par les hautes autorités libyennes. Le Ministre libyen de la Justice a également pris le ferme engagement d’instruire ses services pour contacter les parents des victimes et les ayants droit des 22 présumés condamnés à mort, afin de faciliter les rencontres avec les membres du Comité paritaire. Si les négociations aboutissent, les condamnations à mort seront commuées à la prison à perpétuité. C’est seulement à ce moment qu’ils pourront être transférés dans les Maisons d’Arrêt du Niger. Toutefois, lors de son déplacement à Tripoli, le Chef de l’Etat Salou Djibo a obtenu une suspension exceptionnelle des procédures d’exécution à l’encontre des Nigériens jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée. La liste dénombrait 362 condamnés pour diverses infractions dont : consommation d’alcool, consommation ou vente de drogue et entrée clandestine, ainsi que 145 détenus en attente de jugement. D’un 315

« Itinéraire d’un combat ! »

commun accord, les Libyens ont décidé de regrouper un total de 275 prisonniers de nationalité nigérienne qui seront remis à la délégation du Niger, dont 198 jugés et 77 en attente de jugement, afin qu’ils purgent leur peine dans les prisons nigériennes, conformément à la Convention judiciaire en matière pénale ratifiée par les deux pays. Les prisonniers concernés sont répartis dans sept villes libyennes. Le Comité conjoint a retenu que les prisonniers seront regroupés au niveau de trois centres d’accueil, à savoir Benghazi, Sebha et Tripoli. Les prisonniers de Misrata et Zawiya devraient arriver le jeudi à la Prison centrale de Tripoli. Compte tenu de l’urgence, le Directeur Général Adjoint de la Police Judiciaire libyenne a accepté le principe de transférer les prisonniers du centre de Benghazi à Tripoli. Il a ensuite demandé de désigner un Représentant du Consulat du Niger à Sebha pour se mettre en contact avec les autorités pénitentiaires, afin de pouvoir rencontrer les détenus Nigériens qui sont estimés à 141 prisonniers, au cas où le Comité conjoint ne pourrait pas se rendre à Sebha. Après l’établissement de la liste définitive, le transfèrement de 344 détenus de nationalité nigérienne a été obtenu. Il s’agit des Nigériens sur lesquels pèsent des infractions ne portant pas atteinte à la vie et à l’intégrité physique. Les autres prisonniers restants sont des détenus contre lesquels des intérêts civils libyens peuvent être recouvrés. Les résultats auxquels la mission est parvenue sont globalement satisfaisants, selon les ressortissants Nigériens vivant à Tripoli que la délégation a pu rencontrer à l’Ambassade du Niger. Avec l’arrivée, le mercredi 7 juillet 2010, d’une première vague de 111 prisonniers à Niamey, la preuve a été faite du respect de l’engagement pris par les autorités libyennes. Une deuxième et dernière vague de 233 personnes en provenance de Sebha est attendue à l’aéroport International Diori Hamani de Niamey. Ceci apportera du baume aux cœurs des Nigériens, après la vive émotion ressentie suite à l’exécution des trois Nigériens condamnés à mort en Libye. C’est là une preuve supplémentaire qu’il n’y a pas de différend 316

Exécution de trois ressortissants Nigériens en Libye

entre la Libye et le Niger qui ne puisse, par le dialogue, trouver une solution consensuelle, et c’est la page d’un épisode malheureux qui vient d’être tournée. Il appartient désormais à nos frères rapatriés des prisons libyennes, à ceux qui continuent de vivre en Libye et aux candidats à la migration vers l’Europe de tirer les leçons de ce triste événement pour bien se conduire dans les pays d’accueil avec dignité, loyauté et responsabilité. Parallèlement, la mission a entrepris des démarches en vue de l’identification des centres de détention au Niger pouvant accueillir les détenus Nigériens en Libye. Il s’agit des Nigériens sur lesquels pèsent des infractions ne portant pas atteinte à la vie et à l’intégrité physique. Dans la matinée du jeudi 17 juin, le Comité conjoint a rencontré 60 prisonniers Nigériens transférés à la prison centrale de Tripoli, décrite comme un abattoir humain. Il a échangé avec eux et procédé à la première phase d’identification dans les bureaux des responsables libyens réservés à cet effet. Grande joie dans cette prison qui aurait été insolite si elle ne révélait pas le soulagement de ces prisonniers autorisés à regagner leur pays pour y purger le reste de leurs peines. Il restera 212 prisonniers qui sont des détenus contre lesquels des intérêts civils libyens peuvent être recouvrés. La délégation du Niger n’a pas pu rencontrer les condamnés à mort. Dans cette prison le mode d’exécution est le peloton d’exécution. L’exécution a lieu en présence du Président de la juridiction qui a prononcé la peine, du Procureur de la République, d’un greffier, du Directeur de la prison, du Commissaire de police du lieu d’exécution, d’un médecin requis pour le constat de décès et d’un Ministre du culte si le condamné le demande. Le corps peut être remis à la famille si elle le réclame à condition de procéder à l’inhumation sans cérémonial, sous peine d’amende. En Libye, les crimes passibles de la peine de mort sont entre autres : les infractions de droit commun : les crimes contre l’humanité, l’assassinat, la drogue, le viol, les personnes qui emploient la torture dans la commission d’un crime, le vol lorsqu’il est accompagné d’un autre crime et la 317

« Itinéraire d’un combat ! »

castration qui provoque la mort; les infractions politiques, c’est-àdire les atteintes à l’ordre politique de l’Etat comme la trahison et l’espionnage en temps de guerre; les infractions militaires comme la désertion, la capitulation, la trahison et le complot, la destruction volontaire d’un avion ayant entraîné la mort, le refus de remplir une mission en temps de guerre et l’abandon de poste. Après une longue journée de travail, le Comité a quitté la prison centrale de Tripoli vers 17 heures en attendant l’arrivée de 80 détenus en provenance de Benghazi. Le lendemain, la délégation a rencontré à l’Ambassade du Niger d’autres représentants de la Communauté nigérienne en Libye, estimée à 35.000 personnes. A la fin des pourparlers, la partie libyenne a demandé la présence d’une équipe de journalistes Nigériens pour couvrir les avancées significatives des conclusions auxquelles les deux parties sont parvenues. Sans tarder, une délégation de journalistes du public et du privé a été dépêchée à partir de Niamey pour rejoindre la délégation à Tripoli. Dès son retour à Niamey, le Chef de l’Etat a rencontré la mission pour s’enquérir des résultats. Elle lui a fait un compte rendu fidèle des différents échanges. Il résulte de cette mission que d’importantes avancées ont été obtenues, cela permet de considérer que les échanges que nous avons eus dans le respect mutuel doivent être capitalisés afin que nos deux pays entretiennent, sur ce plan, des relations marquées par des sentiments de fraternité et de bonne compréhension. Les défenseurs des Droits Humains ont publié une déclaration conjointe au titre du CODDHD dont on peut retenir les prises de position suivantes : ils condamnent toute atteinte à la vie et plaident pour l’abolition de la peine de mort à travers le monde et particulièrement en Libye ; considèrent que la démarche de main tendue réciproque et de dialogue est la meilleure des solutions entre les deux pays voisins, car elle rentre dans le cadre des intérêts communs des peuples nigériens et libyens ; souhaitent dorénavant que nos deux Chefs d’Etats et nos deux Gouvernements multiplient les contacts, afin de dissiper toute 318

Exécution de trois ressortissants Nigériens en Libye

incompréhension et toute équivoque. Il y a lieu de noter qu’en Libye, des exécutions capitales sont régulièrement effectuées par décapitation ou par balle dans le front, sur la place publique, pour que la sanction soit un exemple. La peine de mort est pratiquée à grande échelle, en particulier contre les migrants étrangers. Au-delà du langage diplomatique, il en résulte que 25 condamnations à mort ont été prononcées dans les rangs des prisonniers Nigériens. Trois d’entre elles ont été exécutées, les autres suspendues. Les détenus Nigériens sont au nombre de 1014 dans les prisons libyennes. Nombreux parmi eux sont arrêtés pour des infractions telles que la consommation d’alcool ou de drogue, ou pour cause d’immigration clandestine. Quelques 1.000 clandestins supposés être Nigériens (car on ne peut pratiquer des procédures d’identification fiables), sont sur le point d’être rapatriés à Niamey. Ces données, qui sont officielles et fiables, concernent un très petit nombre de migrants en Libye. A vouloir faire une estimation forfaitaire sur une échelle beaucoup plus grande (parce que la Libye est un pays dans lequel les candidats à l’émigration convergent de toute l’Afrique), on dégage un tableau de bord effrayant. Ce tableau pourrait-il justifier le montant de cinq milliards d’Euros que revendique M. Kadhafi à l’Union Européenne ? Emprisonner et exécuter à tort des Africains du Sud du fait qu’ils décident de prendre le chemin de l’Europe est-il acceptable ? Face à cette situation, il y a lieu de situer la responsabilité de l’Europe et le rôle qu’elle doit jouer en pareille circonstance ? Acceptera-t-elle de partager la responsabilité morale et juridique d’un recours massif à la peine de mort, consistant à retirer la vie à une personne ayant été reconnue coupable, en l’absence d’un jugement équitable d’une faute qualifiée de « crime capital » ? Le maintien de la peine de mort en Libye, pays musulman et frère ne change rien au taux de criminalité et le nombre des candidats à l’immigration clandestine. La société est, certes, en face d’une menace, mais que l’on aurait pu traiter avec 319

« Itinéraire d’un combat ! »

d’autres moyens et non pas une exécution qui n’est qu’une autre forme de crime organisé. Lorsqu’un délinquant, même dangereux, est arrêté, l’exécution n’est que le meurtre prémédité. Autrement dit, une exécution capitale pour punir un crime est un assassinat étatique, préparé par une hiérarchie de fonctionnaires plus ou moins convaincus. Il n’a jamais été prouvé que la peine de mort soit plus dissuasive que d’autres formes de châtiments ; bien au contraire elle contribue à banaliser les comportements brutaux. Aider donc un criminel à se réadapter n’est pas un acte d’humanité pour une société mais un devoir. Contrairement à la peine de mort, l’emprisonnement permet, selon les conditions carcérales, l’amendement, la réinsertion ou la réadaptation du délinquant tout en évitant la récidive. Dès lors, la question de savoir si les délinquants risquent la peine de mort ou la prison à vie ne se pose pas ; le meilleur moyen d’agir préventivement contre un crime violent n’est pas l’imposition de peines plus sévères mais la garantie que tout crime sera puni. Tout en faisant confiance à la suite qui sera réservée aux procédures engagées à la satisfaction des deux parties, nous présentons nos vifs remerciements aux autorités libyennes et nigériennes d’avoir facilité le déroulement normal de cette mission porteuse d’espoirs pour les deux peuples et les droits humains.

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Photo Martine Pierret

Communication à la réunion du 8ème Conseil d’Administration de l’Association Droit à l’Énergie SOS Futur32

De droite vers la gauche: J. Louis-Charlot, Richard Perreaut, PJ. Coulon, G. Pereyron, Fermin PAZ

A

près le Canada, la France, l’Argentine, la Suisse, le Maroc et l’Espagne, c’est un autre pays d’Amérique latine qui reprend le relais. Cette dynamique consacre la réunion du huitième Conseil d’Administration de l'Association Mondiale Droit à l’Énergie SOS Futur. Elle est fondée en juillet 2000 à Paris et a pour but de promouvoir le droit d'accès à l'énergie comme un droit fondamental . (Réunion du 8ème Conseil d’Administration de l’Association Droit à l’Énergie SOS Futur, 20 juillet 2011 à Rio de Janeiro Brésil 20 juillet 2011 à Rio de Janeiro Brésil)

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de l'Homme. La rencontre de Rio de Janeiro, au Brésil, rassemble une centaine de délégués venant d’une quarantaine de pays en provenance des cinq Continents. L’Association SOS Futur est ouverte exclusivement à des organisations syndicales, des associations et ONG opérant dans le domaine du développement durable. Des Représentants des Institutions internationales, des opérateurs de l'énergie et des personnalités mondialement reconnues viennent apporter leur contribution aux débats concernant les questions énergétiques dans les différentes régions du monde où le besoin en électricité est plus que crucial. Depuis notre dernier Conseil d’Administration (CA) de juin 2007 à Genève, nous sommes persuadés, que notre organisation a poursuivi ses activités, comme elle l’a toujours fait ces dernières années, même s’il y a un essoufflement, que seul notre engagement dissipera rapidement. Cette année, nous sommes confrontés à trois crises simultanées, toutes interdépendantes les unes des autres. D’abord, une crise financière venue pour l’essentiel des USA, baptisée la crise des « subprimes » et qui a mis et continue de mettre à mal le système financier mondial. Bon nombre d’établissements bancaires, y compris les plus importants sont en faillite. Je ne suis pas un spécialiste de la finance, mais j’ai vu, comme tout le monde, les annonces de banqueroute en chaîne des institutions bancaires, notamment aux Etats Unis d’Amérique et dans les pays occidentaux. Le capital est touché directement. Or, quand le capital est touché, il y a des répercussions immédiates et ceux qui paient les pots cassés ne sont en général pas ceux qui ont déclenché la crise. Disons que ce sont plutôt les couches moyennes et les plus vulnérables qui doivent passer à la caisse. Il y a ensuite la crise énergétique, avec des prix du pétrole et du gaz qui ne cessent de grimper, 70 $ en janvier 2007, près de 150$ en 2011. C’est le marché, nous dit-on ; la demande est supérieure à l’offre et, automatiquement, les prix s’envolent, c’est la faute des pays émergents ou en développement, les BRIC notamment (Brésil, Russie, Inde, Chine). Les pays qui disposent de 322

Communication à la réunion du 8ème Conseil d’Administration de l’Association Droit à l’Énergie SOS Futur

fonds souverains achètent à tout vent pour faire ce que d’autres pays ont fait avant eux : se développer. Il faut dire que dans ces pays, le pétrole et les produits gaziers sont subventionnés par l’Etat Fédéral ou les Etats régionaux. En Inde, par exemple le montant de la subvention pétrole en 2007 est égal à la somme cumulée des budgets fédéraux de la santé et de l’éducation. Cela ne durera pas longtemps. D’ailleurs, en Chine où le montant de la subvention n’est pas connu, le Bureau Politique a décidé de relever les prix à la pompe de 17%. Comme quoi, si le développement apparaît comme une nécessité, la façon de le mettre en œuvre fait réfléchir même ceux qui disposent de moyens supérieurs à la moyenne. De la même façon, l’argument de l’offre et de la demande ne tient pas trop la route, la production de pétrole est en ce moment de 83 MB/J, dont 9,5 MB/J proviennent d’Arabie Saoudite. Ce pays a proposé d’augmenter immédiatement sa production de 500.000 B/J et d’aller progressivement vers 12 MB/J à l’horizon 2012, l’Irak a demandé à passer sa production à 2,5 MB/J… Malgré toutes ces potentialités, le marché n’enregistre pas le moindre frémissement à la baisse. Ces propositions de baisse des prix ont fait trembler les autres pays de l’OPEP qui n’entendent pas se priver d’une pareille manne financière. On avance aussi régulièrement l’argument de l’insuffisance de moyens de raffinage, les tensions géopolitiques, (les experts assurent qu’une frappe d’Israël ou des USA sur les installations nucléaires iraniennes ferait, entre autres conséquences, bondir instantanément le prix du baril à 250 $). Voilà des arguments qui, aux dires des spécialistes, sont tous recevables. Plus réaliste est la mise en avant de la spéculation, la différence entre les marchés réels et marchés papiers du pétrole. Les experts économiques s’accordent à reconnaître que le prix réel actuel du baril est de 80 $, et que le reste, soit 70 $, est le fait de la spéculation, donc des grandes entreprises du secteur concerné, mais aussi des institutions financières, et c’est là que l’on retrouve les établissements bancaires. Il reste que les conséquences sont catastrophiques pour les 323

« Itinéraire d’un combat ! »

couches de populations déjà défavorisées, mais également pour les classes moyennes, puisque l’ensemble des prix à la consommation a augmenté très fortement. II y a également les prix de l’industrie de production, de transformation, de distribution, les prix de l’énergie, du transport… Voyez les hausses de prix des carburants dans tous les pays. C’est dire que les conséquences de cette crise sont dramatiques. On en arrive à la troisième crise, la crise alimentaire. Bien évidemment, il y a une relation étroite entre celle-ci et les deux précédentes. On retrouve dans les causes de cette crise, deux éléments bien distincts, même s’ils ont des racines communes. On a d’abord l’impact de la crise énergétique qui touche aux prix à la production, que ce soit ceux des matières premières ou ceux des coûts de transformation. La crise touche aux prix du transport et enfin aux prix à la consommation, faisant doubler, voire tripler ou quadrupler les prix des denrées de base. D’autre part, il y a la fabrication des biocarburants à base de céréales alimentaires (soja, maïs, colza…). Là aussi, le phénomène de l’offre et de la demande joue à plein. Les fabricants de biocarburant proposent aux producteurs de céréales des prix d’enlèvement sans commune mesure avec ceux en vigueur sur le marché alimentaire, faisant ainsi exploser ce dernier, non seulement en augmentant directement les prix, mais aussi en réduisant l’offre disponible. Ainsi, la nourriture de base voit ses prix à la consommation s’envoler, multiplier par 10 pour certains, les rendant ainsi inaccessibles aux plus démunis, engendrant des famines et des émeutes au Niger, au Burkina Faso, en Algérie, au Maroc, en Egypte, au Cameroun et au Sénégal. A titre d’exemple, il faut 200 Kg de maïs pour remplir un réservoir de véhicule 4x4. On doit utiliser les céréales pour nourrir des gens. Je ne m’oppose absolument pas à la fabrication de biocarburants, même si celle-ci peut être réalisée à partir de bagasse de maïs ou de canne à sucre, ou bien de déchets forestiers. C’est dans la protection du climat que notre activité doit se déployer, dans l’état actuel de pénurie où les pauvres sont de plus en plus pauvres et de 324

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plus en plus nombreux, et où les riches eux, ne cessent de s’enrichir, non seulement au détriment des pauvres, mais également des classes moyennes. Il n’est pas dans mon intention de faire un exposé sur plusieurs sujets, je n’ai ni les moyens, ni le temps, mais c’est juste pour vous dire qu’il y a là beaucoup à jouer pour notre Association Internationale et pour les objectifs que nous poursuivons. Outre ces thématiques déjà abordées, nous avons, durant les douze mois passés, continué notre activité sur l’accès à l’énergie et plus particulièrement en Afrique. Au Niger par exemple, la consommation d’électricité augmente très vite en raison de la forte demande en zone urbaine comme en zone rurale, malgré les tarifs très élevés, comparativement aux revenus des consommateurs. La production, le transport et la distribution de l’électricité relèvent presque totalité du ressort d’une société d’économie mixte, la société nigérienne d’électricité (NIGELEC). Une société de charbon (SONICHAR) s’occupe de la région du Nord pour alimenter les zones minières. L’activité de la société d’approvisionnement et de distribution est caractérisée par un chiffre d’affaires en constante augmentation, alors même que la qualité du service rendu aux clients est en constante dégradation. De même, la société d’électricité ne fait aucun effort pour accroître sa production directe, se contentant uniquement de dépendre de l’électricité importée du Nigeria voisin. L’énergie électrique est distribuée à 100% par la société nigérienne d’électricité. Cette alimentation provient de trois sources, à savoir : la Power Holding Company of Nigeria (PHCN, ex NEPA) de l’ordre de 87% ; la Société Nigérienne de Charbon (Sonichar) de l’ordre de 4% ; la production propre de la Nigelec de l’ordre de 9%. La Power Holding Company of Nigeria alimente la Nigelec par quatre lignes d’interconnexion à savoir : la ligne 132 kw Birnin Kebbi-Niamey mise en service en 1976 avec une capacité de transit de 40 MW, portée à environ 80 MW en 2008, compte tenu de l’évolution observée au niveau de la demande, dont le pic a atteint 70 MW en 2008 ; la ligne 325

« Itinéraire d’un combat ! »

132 kv Katsina-Gazaoua d’une capacité de 30 MW qui alimente les régions de Zinder, Maradi et Tahoua, la pointe atteinte étant de 18 MW ; la ligne 33 kv Damasak-Diffa d’une capacité de quatre MW qui alimente la région de Diffa, la pointe atteinte est de 1,6 MW ; la ligne 33 kv Kamba-Gaya d’une capacité de quatre MW qui alimente les Départements de Gaya au Niger et Malanville au Bénin, la pointe atteinte étant de 1,8 MW. La Sonichar alimente les villes d’Agadez, Tchirozérine et les mines d’uranium d’Arlit. La production propre de la Nigelec permet d’alimenter les centres isolés, ainsi que les zones interconnectées en cas d’indisponibilité des lignes d’interconnexion (réserve froide). Depuis le 02 mai 2008, la Nigelec a enregistré 22 cas d’effondrement du réseau haute tension du Nigeria (System Collapse), dont certains ont duré 37 heures d’affilée. Des problèmes de chutes de tension en deçà des valeurs normales autorisées sont régulièrement enregistrés. Le Niger dispose énormément de charbon minéral, d’un potentiel hydroélectrique non encore exploité, dont l’essentiel se trouve sur le fleuve Niger et ses affluents avec trois cas favorables : le site de Kandadji avec une puissance estimée à 125 MW (le processus d’exploitation de mise en valeur) ; le site de Gambou avec une puissance estimée à 122,5 MW ; le site de Dyodyonga avec une puissance estimée à 26 MW. Le Niger a d’importantes réserves d’uranium estimées à 269.000 tonnes, dont 42.000 tonnes exploitables, et les recherches se poursuivent. A part les exploitations en cours effectuées par la Compagnie Minière d’Akouta (COMINAK) et la Société des Mines de l’Aïr (SOMAÏR), toutes deux filiales du groupe Français AREVA, d’autres travaux d’exploitation à court terme sont attendus : le site d’Imourarem exploité par les Français et le site d’Azelik exploité par les Chinois. Il nous faut trouver des moyens sur place de façon à développer une activité locale qui intéresse les populations locales et financée localement. Nous avions convaincu la Fondation AREVA de financer la quasi-totalité de l’électrification 326

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de quartiers périurbains de la ville d’Arlit, au Niger. Cette initiative concerne 10.000 familles, soit 80.000 personnes. Après un an de tergiversations, de querelles juridico-administratives, je peux vous annoncer une bonne nouvelle : j’ai signé la Convention d’électrification avec le Groupe Areva et la Mairie d’Arlit, le 15 juillet 2011, pour être précis. Tout le travail de terrain, les études aussi bien techniques que socio-économiques ont été le fait de l’ONG CODDAE. S’agissant du solaire en abondance dans notre pays, sa situation résulte d’un rayonnement important dont la moyenne est de six Wh/m2/j. La durée quotidienne moyenne de l’ensoleillement au Niger varie entre sept et 10 heures. Des possibilités de production éolienne existent dans toutes les régions du pays, particulièrement à Chagnassou et Iskita dans le Département de Bagaroua, car le Niger se situe dans la bande de vitesse de vent de 2,5 à 5 mètres par seconde. Cette bande est suffisante pour les applications de pompage, l’irrigation et l’adduction d’eau potable. Des indices convaincants permettent d’espérer la présence de pétrole dans le Nord et l’Est du pays dans les régions de Diffa et d’Agadez, dont l’exploitation et la poursuite de l’exploration ont été annoncées aux Nigériens suite au Conseil des Ministres tenu le Mardi 1er juin 2008. Cette annonce suscite un engouement et une parfaite adhésion de toute la population. Ces ressources peuvent jouer un rôle significatif à court et moyen termes dans le cadre de la stratégie de gestion des énergies domestiques. La biomasse occupera encore longtemps une fonction majeure dans l’approvisionnement des ménages en énergies domestiques au Niger. Aucune étude récente sur la végétation ne donne une situation exacte du couvert forestier, seules des informations encore fragmentaires autour de certains massifs et bassins d’approvisionnement sont disponibles. Il est donc important, dans le cadre des orientations stratégiques, de mettre l’accent sur l’évaluation du potentiel forestier dont une meilleure connaissance est nécessaire pour pouvoir améliorer de façon significative la gestion des ressources forestières. 327

« Itinéraire d’un combat ! »

Au Niger la consommation finale d’énergie par habitant est l’une des plus faibles du monde (0,14 tep par habitant), comparativement à la moyenne africaine (0,5 tep par habitant) et mondiale (1,2 tep par habitant). La faiblesse de cette valeur s’expliquerait essentiellement par des besoins énergétiques limités, compte tenu du bas niveau de vie de la population. En 2005, la consommation finale totale d’énergie au Niger s’élève à 1.799 ktep. Cette consommation se caractérise par une prédominance de la biomasse à hauteur de 88%. Les produits pétroliers et l’électricité représentent respectivement 10% et 2%. La consommation de charbon minéral carbonisé est encore marginale avec 0,01%. Le bois-énergie est le principal produit consommé avec environ 87% de la consommation finale totale. Les énergies conventionnelles (électricité, produits pétroliers, charbon minéral) représentent moins de 13%. Les ménages ont une part importante dans la répartition de la consommation finale par secteur avec 89%, ensuite viennent les secteurs de transport et d’industrie avec respectivement 8% et 2%. Les autres secteurs (services, agriculture et industrie) représentent moins de 1%. Le bois-énergie reste la principale source d’énergie consommée par les ménages nigériens avec 97%, contre moins de 1% pour les énergies de substitution (pétrole lampant, GPL (butane) et charbon minéral (carbonisé), 1% pour l’électricité et 1,6 % pour les résidus agricoles et déchets animaux. La consommation du secteur des transports, composée de la branche routière et aérienne, est dominée par cette première à hauteur de 91%. La consommation finale des produits pétroliers dans le secteur du transport est constituée essentiellement par l’essence à hauteur de 51%, le gas-oil à 40% et le carburéacteur. Malgré la forte proportion de la population dans le milieu rural, qui est de l’ordre de 83%, on constate que sa part dans la consommation finale d’électricité ne représente que 1%. Le taux d’accès à l’électricité des ménages a passé de 5,3% à 7% de 2000 à 2005, soit une croissance annuelle de 0,34% correspondant au raccordement de 9.000 328

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nouveaux abonnés en moyenne par an. Si cette tendance se poursuit au même rythme, ce taux d’accès atteindra 10% en 2015 et 12% en 2020. Ainsi, ce taux ne doit pas faire l’objet de confusion, puisqu’il ne s’agit pas du taux de couverture. Le taux d’accès à l’électricité des ménages est très différent en zone urbaine (41% en 2005) et en zone rurale (0,28% en 2005), malgré l’exécution du Programme Spécial du Président de la République et malgré les importants investissements réalisés dans le cadre du projet DREIN (Développement du Réseau Électrique Interconnecté au Niger). La Stratégie de Développement accéléré pour la Réduction de la Pauvreté (SDRP) prévoit de porter le taux d’accès à l’électricité des ménages de 5% en 2000 à 25% en 2015, ce qui correspond à un accroissement moyen de 50.000 abonnés par an (et à une augmentation moyenne du taux d’accès de 1,8% par an, au lieu de 0,34% en cours). Par conséquent, les efforts déployés doivent être multipliés par cinq, ce qui nécessite notamment la mise en place de l’Agence d’Électrification Rurale créée par la loi 2003-004. Ainsi à l’horizon 2020, le Niger compterait environ 2000 localités électrifiées sur un effectif de plus de 15.000 villages administratifs. Structurellement, le bois-énergie domine la consommation finale d’énergie au Niger (87% en 2005). La consommation des ménages nigériens est essentiellement constituée de cette ressource (97% en 2005). La demande en bois-énergie suit la croissance démographique, car, par hypothèse, la consommation spécifique (consommation par habitant) de bois-énergie est actuellement supposée constante. Par contre, la production de boisénergie est en décroissance continue. En conséquence, la couverture de la demande par la production est en forte décroissance (58% en 1990 et 14% en 2015). Ceci a été confirmé par le rapport final du Projet Energie Domestique, selon lequel seuls 13% du potentiel forestier en bois-énergie sont exploités durablement. L’écart entre la demande et la production est comblé par un prélèvement sur le capital existant. En 2001, cette production a enregistré un pic 329

« Itinéraire d’un combat ! »

atteignant la valeur de 1.109 tonnes et en 2002, elle a chuté de 640 tonnes. Ensuite, cette production a enregistré de 2002 à 2004 une croissance la portant à 800 tonnes. Par contre, elle devait décroître en 2005 à 250 tonnes. Jusqu’en 2004, la production du charbon minéral a été assurée par la SONICHAR. L’année 2005 était une année transitoire de transfert d’une activité de la production de la SONICHAR à la SNCC SA, mais cela n’a pas été effectif, compte tenu du retard observé, à cause du manque de financement. La consommation de GPL (butane) est passée de 931 tonnes en 2000 à 1.330 tonnes en 2005, soit une croissance de 43%. Les efforts déployés dans le cadre de la promotion du GPL (butane) sont dérisoires, comparativement à ceux de certains pays de la sous-région où ce type de consommation dépasse 10% de la consommation finale totale. Une consommation significative du gaz butane (GPL) pourrait contribuer à une diminution de la consommation du boisénergie, donc à la protection du couvert végétal. Pour inverser la tendance à la déforestation, il devient urgent de prendre les dispositions idoines consistant à gérer rationnellement les ressources forestières ; promouvoir les combustibles de substitution, comme l’utilisation à grande échelle du charbon minéral, du gaz et du soleil ; améliorer l’efficacité des équipements de cuisson ; changer la méthode de campagne d’information, d’éducation et de communication (IEC) dans ce domaine en impliquant les personnes concernées à travers les ONG. Pour atteindre les OMD d’ici 2015, 255.505 nouveaux foyers doivent être électrifiés. A raison de 350 $ par nouvel abonné, il faut déployer 53.477.196.500 F CFA pour desservir les 255.505 foyers requis, y compris les études, pour atteindre l’objectif de 100% de taux d’accès des ménages en 2015. Cela correspond à un coût annuel de 5,347 milliards de F CFA. Les populations vivant dans les localités de moins de 300 habitants pourraient bénéficier du solaire. Ces populations sont estimées à 1.500.000. En considérant qu’elles sont couvertes à 10% et que le 330

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ménage électrique en milieu rural compte 10 personnes, il faut diffuser 15.000 kits solaires dans les 10 ans à venir, soit une moyenne de 1.500 par an. En supposant que chaque village peut bénéficier de 50 kits solaires, on déduit l’électrification de 30 villages par le système photovoltaïque (PV). L’investissement requis est de 300.000 F CFA par kit de 50 Wc. Il faut alors au total 450.000.000 F CFA par an. Donc sur 10 ans, il faut déployer environ 4,5 milliards F CFA. Le coût global de l’investissement s’élève à 88,5 milliards de F CFA sur la période de 10 ans, soit une moyenne annuelle de 8,85 milliards pour les nouvelles électrifications. En résumé, il faut mobiliser sur les 10 ans à venir 148.256 196.500 F CFA pour apporter le service électrique à 60% de la population, soit 14.825.619.650 F CFA. Il y a là matière à réflexion. Le huitième Conseil d’Administration de Rio devra se pencher sur un mode opératoire qui pourrait passer par des modules de formation qui nous sont propres. Je suis persuadé qu’il y a là une idée à creuser et surtout, à mettre en pratique le plus rapidement possible. J’en parle d’autant plus librement que ce n’est pas moi qui vais m’en occuper. Même si j’ai oublié certaines choses, l’Afrique dans son ensemble représente bien une véritable priorité et il y a de nombreux autres sujets de préoccupation sur ce Continent qui doivent nous mobiliser dans les années à venir ; il s’agit principalement de la production d’électricité solaire. J’ai toujours en mémoire ce que nous avait dit Jamal Saghir, Directeur de l’Énergie et de l’Eau à la Banque Mondiale à l’occasion de notre rencontre à Genève en Suisse, « La Chine met en service chaque semaine en production d’énergie électrique l’équivalent de ce que l’Afrique fait en un an » ! Ça se passe de tout commentaire ! La Banque Mondiale a des projets, le Conseil Mondial de l’Énergie a des projets, on parle de l’aménagement sur le fleuve Congo du site de « Grand Inga » 39.000 MW (coût estimé : 50 milliards $), de la rénovation des barrages Inga un et deux et d’autres aménagements hydrauliques au Congo Démocratique pour une puissance disponible de 100.000 MW. Il 331

« Itinéraire d’un combat ! »

en va de même, peut-être à un degré moindre pour le Cameroun et la Guinée qui disposent d’un gros potentiel hydroélectrique qui leur permettrait, ainsi qu’à leurs voisins de disposer d’une énergie suffisante à la satisfaction des besoins de leurs populations. Mieux, pour la Guinée, une telle manne électrique lui permettrait d’utiliser directement son minerai de bauxite et de fabriquer lui-même son aluminium, plutôt que de l’exporter, à moins que ce ne soit justement pour cette raison que la Communauté Internationale ne fait rien pour ce pays ! Tous ces projets posent avec force la question des réseaux et des interconnexions. Cette réflexion doit nous amener à considérer le problème de l’énergie et de l’électricité sous l’angle de la sécurité d’approvisionnement et non plus sous celui de l’indépendance énergétique. On évoque aussi un tuyau de gaz de torchère et un autre de gaz naturel, qui alimenteraient les pays voisins du Nigeria, du Gabon et de la Côte d’Ivoire… Il y a une multitude de projets, certains plus avancés que d’autres, mais il y a là de quoi donner des idées à nos adhérents en Afrique. Nous n’avons pas d’ingérence à faire dans les affaires internes d’un pays, mais je pense qu’il serait également intéressant de structurer de façon pérenne toutes les Associations qui fonctionnent et se développent bien dans nos pays. Notre Association Internationale doit soutenir les projets d’électrification à partir des ressources hydrauliques, ce qui aurait pour effet, en cas de réalisation, de satisfaire une partie des besoins de nos populations, sans la moindre émission de gaz à effet de serre, tout en préservant les ressources fossiles. Cette activité à mon sens devrait être plus médiatisée. N’est-ce pas pour une meilleure lisibilité ? Je pose la question et c’est vous qui devrez lui apporter une réponse en tirant des enseignements, mais aussi des forces quand on a la chance de vivre de pareilles rencontres. Nous devons nous appuyer sur ces instants magiques pour nous élever et construire ensemble, afin d’être encore plus forts. Et depuis, nous sommes engagés sur d’autres chantiers. Nous venons de recevoir, pour l’exécution d’un 332

Communication à la réunion du 8ème Conseil d’Administration de l’Association Droit à l’Énergie SOS Futur

projet d’électrification solaire, une subvention du Fonds Monétaire International (FMI) d’un montant de 8.000 $. Certes, cela peut paraître une somme modeste, mais à mon avis, c’est une première, en ce qui concerne le FMI en Afrique qui, habituellement, « donne ou prête » aux Etats ou régions. Si j’ai omis un certain nombre de choses, vous voudriez bien m’en excuser.

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Photo Rabiou Malam Issa

Gouvernance des OSC et processus de mise en réseau au Niger33

Conférenciers au forum de Nouakchott

L

e Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile, et la Coordination du Programme National de Bonne Gouvernance (PNBG) ont organisé, avec l’appui du bureau du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), à Nouakchott en Mauritanie, un Forum 33 . (Communication présentée au Forum sur les mécanismes de participation de la Société Civile Mauritanienne aux politiques de développement sur le thème : « Gouvernance des OSC et le processus de sa mise en réseau au Niger », Nouakchott, mardi 6 septembre 2011)

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« Itinéraire d’un combat ! »

National sur les mécanismes de participation de la société civile aux politiques de développement sur le thème : « Gouvernance des OSC et le processus de mise en réseau ». De manière spécifique, le Forum a porté sur la mise sur pied d’un réseau des ONG mauritaniennes et l’élaboration d’un plan d’action stratégique pour ledit réseau. Cette dynamique est un espace pluraliste de délibération, regroupant plusieurs acteurs, des experts internationaux et responsables de l’administration. C’est un plaisir de me retrouver en Mauritanie à l’occasion du Forum sur les mécanismes de participation de la société civile Mauritanienne aux politiques de développement, afin de vous parler de mon expérience personnelle sur la gouvernance des OSC et le processus de sa mise en réseau. A cet égard, je voudrais exprimer toute ma gratitude au Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’action humanitaire, et aux relations avec la société civile, et au PNUD, pour la concrétisation de cette initiative salutaire, et saluer leur engagement sans faille dans la participation effective des acteurs de la société civile à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des programmes et politiques de développement dans ce pays frère. La gouvernance des OSC et leur processus de mise en réseau sont difficiles à traiter, bien que ce soit un thème d’actualité dans mon pays, le Niger. Dans ces conditions, vous comprendrez que la présente communication ne soit perçue que comme une modeste esquisse au débat et aux échanges. Ainsi, de vos observations et interrogations, de mes réponses, du moins je l’espère, jaillira plus de lumière. Ceci étant, entrons dans le vif du sujet, dont l’intitulé en indique tout l’intérêt pour votre pays, en pleine rénovation dans le cadre de son développement. Comme vous pouvez l’imaginer, les actions de la société civile sont aussi anciennes que la politique tout court. C’est pourquoi aucun Etat ne peut ignorer la société civile dans toute prise de décision et dans toutes les actions de développement. Par conséquent, les représentants de la société civile exercent de par leur influence sur le corps législatif, dans le vote des lois. Il n’en reste 336

Gouvernance des OSC et processus de mise en réseau au Niger

pas moins qu’ils aient aussi à faire avec l’administration, quant à la diligence de leurs exécutions et ce, de manière efficace. L’adhésion des hauts fonctionnaires n’étant pas toujours automatique, le rôle des acteurs de la société civile consiste à les convaincre de la mise en application des textes en vigueur. Aujourd’hui, dans nos pays respectifs, nous recevons tous une éducation qui, par-dessus tout, nous apprend dès le jeune âge que chaque être humain doit servir sa communauté. C’est dire que la réussite professionnelle ou une carrière professionnelle bien remplie ne peut être le seul objectif qui compte dans une société. Dans nos Etats africains, une bonne partie de la pauvreté et de l’injustice dont nos populations sont témoins chaque jour, découlent tout simplement de l’absence d’un travail décent. Partout, la situation n’est ni rose, ni morose. S’agissant de la mise en application des textes, beaucoup reste à faire dans le cadre de l’amélioration du niveau de vie de nos populations. Par conséquent, le chemin reste encore long à parcourir. Le combat contre la pauvreté et la lutte pour le respect des Droits de l’Homme doivent rester permanents. Ces deux combats ne seront jamais un acquis, car un dicton nous enseigne que « les acquis ne sont jamais acquis ». C’est donc à juste titre que nos concitoyens attendent des acteurs de la société civile qu’ils proposent quotidiennement des solutions ou des alternatives à leurs problèmes. A cet effet, les représentants des OSC que nous sommes, avons la lourde tâche d’être à tout moment à l’écoute, afin de contribuer au bonheur de tous. L’éducation que j’ai personnellement reçue m’empêche d’être insensible à l’injustice, à la pauvreté et au manque de solidarité humaine, au moment où l’on constate que le monde dans lequel nous vivons apparait comme une jungle ayant pour règle fondamentale « chacun pour soi ». C’est à travers les actions que mènent de façon désintéressée et démocratique les Organisations de la Société Civile (OSC) que j’ai perçu mon rôle social, en dehors 337

« Itinéraire d’un combat ! »

de la vie professionnelle au service de nos communautés. C’est donc naturellement que je me suis engagé dans le Mouvement Associatif pour servir mes frères et sœurs dans ce domaine d’intervention aussi vaste que préoccupant. L’article 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule que : « Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ». Egalement, l’article 1er de la Déclaration sur le droit au développement, adoptée le 4 décembre 1986 dispose que : « Le droit au développement est un droit inaliénable de l’homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, et de bénéficier de ce développement ». Le droit de l’homme au développement suppose la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui comprend, sous réserve des dispositions pertinentes des deux Pactes Internationaux Relatifs aux Droits de l’Homme, l’exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles. Pour y parvenir, j’ai opté, avec un groupe de personnes animées de bonne volonté, pour la création d’une association dénommée SOS Kandadji, qui s’est affiliée la même année au Collectif des Organisations de Défense des Droits de l’Homme et de la Démocratie (CODDHD), et à l’Association Internationale Droit à l’Énergie SOS Futur. Avec d’autres acteurs de la société civile nigérienne, nous avons fondé en 2004 la Coalition Équité Qualité contre la vie chère. En 2005, nous avons créé le Collectif pour la Défense du Droit à l’Énergie (CODDAE), affilié également à l’Association Internationale SOS Futur, au sein de laquelle j’assure la fonction de Vice-président International et la Présidence au titre de l’Afrique subsaharienne. Comme vous pouvez l’imaginer, 338

Gouvernance des OSC et processus de mise en réseau au Niger

les organisations que nous animons ont noué plusieurs liens de coopération, notamment avec les Communautés, les Institutions, les ONG aussi bien nationales qu’internationales. Depuis, nos réseaux proposent aux Gouvernements des alternatives en vue, notamment, d’affirmer leurs positions d’acteurs incontournables des politiques et projets de développement. Le processus de mise en réseau est aussi simple que la création d’une association. Dans notre pays, c’est l’ordonnance N°84-06 du 1er mars 1984 portant régime des associations au Niger, modifiée et complétée par la loi N°91-006 du 20 mai 1991, qui définit la procédure et le processus de création des associations. C’est dire que nos trois réseaux sont composés de personnes morales qui adhèrent librement à nos statuts et respectent les objectifs que nous nous sommes fixés. Peuvent être membres : les associations et ONG légalement reconnues et en règle vis-à-vis de l’administration ; les associations et ONG dont l’objectif est la défense des Droits de l’Homme et la promotion de la démocratie ; les associations et ONG apolitiques, non confessionnelles, à but non lucratif et qui s’engagent à payer leurs cotisations et droits d’adhésion. La demande d’adhésion est adressée au Bureau de Coordination, puis entérinée par l’Assemblée Générale. L’initiative des Représentants des OSC à œuvrer en réseau est en appui aux groupes cibles à travers l’élaboration participative de micro-projets, de renforcement de leurs capacités en vie associative, leadership féminin, démocratie et bonne gouvernance, contrôle citoyen de l’action publique, gestion des conflits et ressources naturelles et forums. L’engagement des OSC dans un réseau leur permet d’élaborer en commun des projets, de chercher des financements et de réaliser des actions de promotion de la citoyenneté. Ainsi, la synergie d’action entre les OSC leur permet d’acquérir plus de visibilité et une autonomie de gestion. C’est dans ce cadre que les OSC contribuent beaucoup à l’amélioration 339

« Itinéraire d’un combat ! »

des conditions de vie des populations à travers la mobilisation des ressources additionnelles auprès des partenaires techniques et financiers. C’est avec un tel dynamisme que nous avons gagné plus en crédibilité auprès des partenaires. Nos actions ont permis à notre pays de faire ainsi des progrès dans de multiples domaines (droits humains, démocratie, gouvernance, développement, contrôle de l’action publique, éducation, santé, humanitaire, migration, formation). Nous faisons preuve de beaucoup de motivation, de ténacité et de conviction en participant à de multitudes rencontres où l’on parle du destin de notre pays. L’idéal, c’est de respecter l’indépendance de chaque organisation membre du réseau. Ce faisant, j’ai constaté que nos réseaux ont été bien accueillis dans le Mouvement Associatif nigérien, africain et international, puisque vous-mêmes, acteurs de la société civile mauritanienne, vous me faites honneur en me recevant dans cette salle pour vous parler des expériences du Niger, car l’on a coutume de dire que les expériences enseignent mieux que les leçons. Toutefois, dans ma mission d’acteur de la société civile, c’est le domaine du Droit à l’Énergie qui prend beaucoup de mon temps, car il est très préoccupant pour les populations africaines dans leur ensemble. Alors, on peut dire que ma mission se résume à lutter contre l’injustice et à être partout la voix des sans voix, c’est-à-dire intervenir en toute liberté au nom des gens qui n’ont pas accès aux médias et auxquels personne ne prête attention. C’est un métier à risque, pour lequel, il faut montrer l’étendue de ses capacités. Dans ce cadre, nous avons été plusieurs fois interpellés par la police. Nous avons même été jetés et déportés dans plusieurs prisons. Sachez aussi que c’est dans l’épreuve qu’un représentant des OSC se trouvant face à la réalité du moment doit intensifier sa lutte. Sans courage et détermination, aucun acteur des OSC n’arrivera à s’inscrire parmi les acteurs de la société civile, dont l’avis compte et mérite d’être exposé dans le concert des nations. Grâce à notre constance, à nos convictions et 340

Gouvernance des OSC et processus de mise en réseau au Niger

à la régularité de nos interventions toujours adaptées aux solutions et aux problèmes que nous nous proposons de combattre, nous sommes arrivés à nous faire remarquer. D’une manière générale, on demeure acteur actif de la société civile grâce à la diversité des actions menées avec succès en faveur des populations de tous les milieux. Il est difficile de relever au Niger un secteur où nous ne sommes pas intervenus d’une manière ou d’une autre. La promptitude de nos réactions, grâce à des procédures simplifiées, généralement en collaboration directe avec les bénéficiaires de nos actions, fait que nos activités sont bien comprises et acceptées. Pour s’en convaincre, il suffit de suivre les reportages de nos projets réalisés, nos manifestations et cérémonies. En général, les populations nigériennes ne conçoivent pas de manifestations pacifiques allant dans le sens de l’intérêt général où nous ne sommes pas partie prenante. Ce don de soi est sanctionné par des témoignages officiels de satisfaction et décorations jusqu’au grade de Commandeur de l’Ordre National du Niger. Ainsi, malgré les moyens relativement modestes de l’association que je dirige, je m’intéresse presque à toute action de développement et de construction nationale, actions sollicitées par les populations afin de répondre à leurs attentes. Mes activités occupent une place privilégiée dans l’espace des OSC nigériennes. Le plus souvent, je suis là où d’autres personnes n’y voient pas encore la nécessité et objet d’intervention. L’omniprésence et la promptitude dans les prises de décisions et l’adaptation des actions au contexte, sont les voies à suivre pour être accepté comme digne représentant des mouvements associatifs. Je voulais partager ces « recettes » avec vous. Je conçois cela normal et naturel, car les actions de la société civile sont comme un sacerdoce, c’est-à-dire des actions à but non lucratif menées au profit de ceux qui ont besoin d’une assistance sans discrimination sur le plan social ou politique. Mes domaines d’interventions s’élargissent de jour en jour et c’est à juste titre que mes compatriotes nigériens me considèrent comme un des pionniers 341

« Itinéraire d’un combat ! »

en matière de défense du Droit à l’énergie et des Droits de l’Homme. J’ai été à l’avant-garde de ces deux mouvements associatifs et je le demeure pour le moment. J’ai développé une coopération régionale et internationale dont les retombées diverses sont accueillies favorablement par nos populations. Je me sens à l’aise d’être parmi vous, à ce Forum d’échanges sur les mécanismes d’implication de la Société Civile mauritanienne dans les politiques de développement, car sincèrement, je suis un des admirateurs du rôle des Organisations de la Société Civile (OSC) en vue de sa participation à la vie publique. Mieux, je crois, et avec ferveur, en sa participation à la vie publique pour son apport qualificatif. Aujourd’hui, ne pas vouloir associer les acteurs de la société civile dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des programmes et politiques de développement dans un pays comme le vôtre, c’est adopter la politique de l’autruche qui n’envisage jamais le danger et ne voit pas l’obstacle, même quand elle se rend compte qu’elle continue à prêcher dans le désert. Toutefois, nous devrions nous rendre à l’évidence, que les acteurs des OSC n’ont pas la place qui devrait être la leur dans nos sociétés, malgré des actions efficaces pour contrer les multiples violations des droits humains auxquels les citoyens sont confrontés. Le citoyen a le droit de prendre sa part de pouvoir dans la définition des politiques économiques, culturelles et sociales. C’est dire qu’un acteur de la société civile est un revendicateur actif et non attentiste d’une victoire. Il lutte contre la mal gouvernance, la corruption qui gangrènent nos sociétés et hypothèquent le développement de nos jeunes nations. Pour cela, il faut s’informer quotidiennement, s’approprier ses droits et assumer ses responsabilités à tous les niveaux. Le plaidoyer et le lobbying sont de puissants moyens dont les acteurs de la société civile disposent pour amener les gouvernants à changer de politique, à orienter les décisions dans le sens du respect, de la protection des Droits de l’Homme, mais surtout de la construction nationale. Pour plus d’efficacité, il faut œuvrer pour l’unité d’action, quant à la manière 342

Gouvernance des OSC et processus de mise en réseau au Niger

de parvenir à l’objectif final. J’espère que tous les représentants des OSC mauritaniennes saisiront cette opportunité pour lancer un débat critique portant sur la gouvernance des OSC. La bonne gouvernance est tout d’abord synonyme de « Bonne gestion des affaires publiques » et vise en priorité aux réformes de l’État. Pour les OSC, le recours à la gouvernance doit permettre aux acteurs locaux non étatiques de se repositionner dans la gestion des affaires publiques. Toute gouvernance des OSC doit être conforme à la loi, démocratique et juste, puisqu’elle a pour objectif final l’amélioration des conditions de vie des individus et des groupes les plus démunis. Pour ce faire, il est nécessaire que les organisations de base, proches de la population cible, les réseaux et les organisations faîtières, puissent disposer de ressources adéquates afin de pouvoir œuvrer sur le terrain, mais également avoir une place dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques nationales et des programmes des bailleurs présents dans le pays. Si nous arrivons à remettre en cause des lois scélérates et des politiques antisociales, c’est grâce au combat que nous menons en toute indépendance et en synergie. En effet, dans ce milieu, il ne faut jamais accepter un directeur de conscience. Toutes les actions doivent être menées démocratiquement, en toute transparence et en toute liberté, pour une meilleure prise en compte des préoccupations des populations dans la prise des décisions. L’instauration d’un cadre de dialogue et d’échanges entre acteurs est par conséquent plus que nécessaire. Conséquemment, l’éveil de conscience se dessine, les populations s’impliquent davantage dans la gestion des affaires et exigent des comptes aux élus. Aujourd’hui, au Niger, on assiste à une diversité de candidatures et un fort taux de participation des populations lors des élections du fait que les enjeux de la décentralisation sont mieux appréhendés et que la responsabilisation des citoyens est devenue une réalité. Le vandalisme est de plus en plus condamné par la grande majorité des citoyens. La synergie des interventions des OSC aboutit 343

« Itinéraire d’un combat ! »

à la création de plusieurs cadres de concertation sur les questions de développement afin d’assurer une parfaite implication de tous. Pour les structures fédérant de nombreuses organisations, la bonne gouvernance passe nécessairement par l’instauration d’une véritable justice sociale. Cette justice devant laquelle nous sommes tous égaux et qui protège et garantit les droits des peuples et des nations que j’ai servi toute ma vie du mieux que je sais et du mieux que je peux. Je pense qu’il est indispensable d’aider à créer une justice sociale réelle et efficace dans laquelle l’égalité n’est jamais limitée par des discriminations fondées sur le sexe, l’âge, la race, l’ethnie, la religion, la culture ou la condition. La justice est une valeur fondamentale de l’équilibre des relations humaines, et elle est par conséquent nécessaire pour parler de cohabitation, de respect, de liberté et de société. Il est évident que les OSC, caractérisées par leurs extrêmes diversités, doivent adopter les mêmes stratégies aux mêmes moments. Comme hier, j’entends poursuivre cette mission avec plus de conviction et d’engagement. Pour moi, être au service de mes concitoyens, surtout en faveur de la composante la plus nécessiteuse, est une obligation morale et un devoir civique des plus honorables. Qu’il me soit permis de souhaiter pleins succès au Forum, dont les fruits intéressent des milliers de personnes anonymes auxquelles nous apporterons un peu de plaisir et de bien-être. Cette occasion m’a permis de parler de mes expériences sur la gouvernance des OSC et le processus de leur mise en réseau. C’est un privilège, maintes fois, renouvelé au Niger, mon pays parce que l’expérience se partage et j’espère que c’était aussi le cas aujourd’hui avec vous. Toutefois, cela n’est pas surprenant, car chaque fois qu’on organise au Niger des activités marquantes, les organisateurs nous font confiance en nous invitant à partager nos modestes actions.

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Photo Rabiou Malam Issa

Assemblée Générale élective du CODDHD34

Photo de famille en présence des récipiendaires de l’AG du CODDHD au siège du SNAD

L

e Collectif des Organisations de Défense des Droits de l’Homme et de la Promotion de la Démocratie (CODDHD) a tenu sa troisième Assemblée Générale ordinaire à Niamey dans la salle de conférence du Syndicat National des Agents des Douanes (SNAD), le vendredi 30 décembre 2011. Ce réseau composé d’une trentaine d’organisations nationales est, à n’en point douter, un cadre privilégié . (Assemblée Générale élective du CODDHD, Salle de Conférence du SNAD, vendredi 30 décembre 2011)

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« Itinéraire d’un combat ! »

pour réaffirmer le respect de nos différences et la nécessité de fédérer les énergies en jetant les bases d’une action collective et efficace de promotion et de protection des Droits de l’Homme. Cette troisième Assemblée Générale ordinaire est un moyen de renouvellement de mandat, de présentation de bilan, d’échange autour des problèmes de la nation, des projets et d’objectifs communs. Mais, le plus important reste à faire car ce n’est qu’en mutualisant les talents que les choses pourront changer. Une fois encore, rien ne serait pire que de baisser les bras. En ma qualité de Coordonnateur National, c’est un agréable plaisir et un immense honneur de remercier très sincèrement les participants à la cérémonie d’ouverture de la troisième Assemblée Générale Ordinaire du Collectif des Organisations de Défense des Droits de l’Homme et de la Promotion de la Démocratie (CODDHD). Je salue la présence d’éminentes personnalités dont Monsieur Samaila Abdou Dan Gallou, Président de l’Observatoire National des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, Monsieur Abdourahamane Ousmane, Président de l’Observatoire National de la Communication, qui nous ont fait l’honneur et l’amitié d’être avec nous, afin d’y prononcer des allocutions à cet effet. Qu’il me soit permis de remercier très amicalement la présence du Directeur de Cabinet du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, porte-parole du Gouvernement, Monsieur Marou Amadou, pour la marque d’estime et de considération qu’il a porté à notre égard, Monsieur le Secrétaire Général adjoint de la région de Niamey, représentant Madame la Gouverneure toujours attentive à nos sollicitations et Me Sirfi Ali Maïga, Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Niger, imprégné de son devoir moral de venir prononcer une allocution à nos assises statutaires. Aussi, je salue la présence de M. Maïriga Ibrahim, Représentant local de l’Institut Danois des Droits de l’Homme (IDDH), partenaire de longue date du CODDHD sans lequel cette activité n’aurait probablement pas vu le jour. L’aide et le soutien 346

Assemblée Générale élective du CODDHD

qu’il nous apporte sont inestimables pour le bon fonctionnement de notre organisation. Merci à toutes les hautes personnalités qui ont pris part, parmi lesquels : – L’honorable Mme Salifou Fatimata Bazeye, Présidente du Conseil Constitutionnel ; – Son Excellence, M. Mahamadou Danda, Ancien Premier Ministre du Niger ; – Professeur Djibo Hamani, Historien, Chercheur à l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey, spécialiste de l’histoire précoloniale, Conseiller Spécial à la Présidence de la République ; – M. Maïriga Ibrahim, Représentant de Madame Monique Alexis, Coordonnatrice Régionale de l’Institut Danois des Droits de l’Homme, basé à Bamako, en République du Mali ; – Professeur Khalid IKHIRI, Enseignant Chercheur à l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey, Président de l’ANDDH et Président du Comité des sages du CODDHD. Un grand jour pour le CODDHD, un jour qui sera mis à profit pour rendre hommage à cinq hautes personnalités qui ont marqué positivement, et dans un contexte particulier, l’histoire récente du Niger dans le domaine des Droits de l’Homme et de la démocratie. Comme il est d’usage, je commencerai par l’un des objectifs assignés à cette rencontre qui consiste à faire le bilan de nos trois ans de mandat, trois ans de lutte, trois ans de progrès, trois ans de travail en commun. A cette occasion, je présenterai les faits marquants qui se sont produits dans l’action de nos activités. En effet, fort de sa parfaite connaissance du terrain, le CODDHD a connu une évolution sans précédent, devenant ainsi, l’un des regroupements de la société civile parmi les plus appréciés dans le domaine des Droits de l’Homme et de la démocratie. La vie de ce réseau mis en place il y a seulement 10 ans n’a pas été de tout repos pendant ces trois dernières années. Avec la préoccupation d’élargir ses capacités, nous avons sans cesse agrandi son champ d’action. Jour après jour, nous avons 347

« Itinéraire d’un combat ! »

constaté que les intérêts de ce Collectif étaient mieux défendus et mieux pris en charge. Grâce à la confiance croissante que les adhérents nous accordent, le CODDHD peut désormais répondre avec plus d’acuité aux attentes de nos concitoyens comme à celles de ses membres et ce, sur toute l’étendue du territoire national. La vie du CODDHD est faite de luttes quotidiennes contre les violations de la Constitution, l’impunité et l’injustice, contre la peine de mort et l’esclavage, l’instabilité politique et l’insécurité alimentaire, les abus de tous ordres et la discrimination. Il s’agit là de nos combats au quotidien qui se heurtent à des incompréhensions ou critiques de toutes sortes. Heureusement, à ce jour, aucune menace proférée à notre encontre n’a entravé notre détermination motivée par la conviction de la justesse de notre engagement et de notre appartenance à un groupe d’associations sérieuses et crédibles. Grâce à cette confiance toujours renouvelée, le CODDHD fait désormais partie des structures de la société civile nigérienne les plus représentatives, reconnues et respectées comme telles. Nos actions et nos prises de position le prouvent tous les jours. Nous avons fait nos preuves durant les moments difficiles où nous avons refusé catégoriquement de nous associer à un groupe de partis politiques tout en nous battant contre la dictature et l’injustice. On se souviendra que dans un contexte extrêmement conflictuel sur le plan politique, le CODDHD avait adopté sa ligne strictement « Droits de l’Homme » et a pu contribuer au rétablissement de la démocratie, et ce, sans parti pris. Notre vocation, c’est l’atteinte des objectifs nobles d’un réseau alerte et indépendant de défense des Droits de l’Homme et de la démocratie. Pleinement investi pour l’abolition de la peine de mort, le CODDHD continue à constater et à déplorer que ce combat suscite toujours une farouche opposition. Mais, force est de reconnaître que depuis le 16 mars 1976, la peine de mort n’a pas été appliquée au Niger, contrairement à certaines pratiques qui ont la vie dure comme la torture dans certains milieux de détention. La rencontre d’aujourd’hui 348

Assemblée Générale élective du CODDHD

permettra à plus de cent délégués et observateurs venus de toutes les contrées du Niger où le CODDHD est représenté de : analyser le passé ; envisager l’avenir afin qu’il soit possible de maintenir et de développer nos conditions de réussite ; se concerter sur les événements d’actualité ; se doter d’un nouveau Bureau National de Coordination. Je tiens à saluer les organisations adhérentes qui, avec dévouement et affection, nous ont assuré leur soutien indéfectible tout au long de ce mandat. Cela nous a permis d’entamer une profonde mutation pour le renforcement de l’image grand public du CODDHD. A ce jour, nous avons réalisé plusieurs ateliers et séminaires, des missions à l’intérieur du pays comme à l’extérieur, des missions d’investigations et d’observations des élections, de suivi de plaintes, des visites des prisons, des médiations et des conciliations, et ceci, malgré la faiblesse de nos moyens financiers. Dans le cadre du plaidoyer et du lobbying tous azimuts auprès des autorités nationales, nous avons obtenu, grâce au Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique de la Transition, l’arrêté de reconnaissance du CODDHD, 10 ans après sa création. Par notre mécanisme de dialogue permanent, d’importantes Institutions nationales et internationales cherchent à nous compter parmi leurs fidèles partenaires. Depuis, le CODDHD s’est doté d’un nouveau siège équipé et animé par un personnel dynamique. Nous venons d’élaborer un nouveau plan stratégique pour une durée de cinq ans qui sera soumis à l’Assemblée Générale pour examen et adoption. L’IDDH nous a confirmé son soutien pour plusieurs années, avec cette foisci, le financement des rapports annuels sur les droits de l’homme au Niger. Par ailleurs, nous achevons la mise en place d’un comité de rédaction qui d’ores et déjà, s’attelle à l’organisation et à l’élaboration du premier rapport annuel sur les Droits de l’Homme. Il vous souviendra, qu’à sa création en 2000, notre réseau ne comptait que sept membres, et qu’en 2009, nous étions douze membres affiliés. Aujourd’hui, 28 structures sont regroupées sous la bannière du 349

« Itinéraire d’un combat ! »

CODDHD, sans compter 13 demandes en attente d’examen. Cette Assemblée Générale va encore positionner davantage le CODDHD comme la structure de référence au plan des Droits de l’Homme et de la démocratie au Niger. En outre, l’implantation du CODDHD à l’intérieur du pays est l’un des chantiers qui nous tiennent réellement à cœur et, fort heureusement, il est déjà amorcé. La présence des participants venus de tous les coins du Niger en est la preuve. L’action du CODDHD est en marche avec le démarrage des activités des Coordinations régionales de Zinder, Diffa, Agadez, Dosso, Maradi, Tillabéry, Tahoua et des coordinations sous-régionales de Mirriah, Illéla et Takieta. C’est dire qu’aucune cause sociale digne de ce nom ne peut se passer d’une vraie représentation nationale à la hauteur de ses ambitions. C’est pourquoi, le CODDHD a fait de cette préoccupation son cheval de bataille. Cet état d’esprit a toujours caractérisé notre structure et a renforcé son leadership. Par ailleurs, le CODDHD fait face aux immenses défis démocratiques et sécuritaires auxquels notre pays est confronté en ce moment. A cet égard, dans de telles grandes rencontres où les questions sur les droits humains sont véritablement abordées, comment passer sous silence la situation préoccupante des personnes enlevées au Niger et qui se trouveraient dans les pays voisins ? Comment ne pas s’intéresser aux conséquences fâcheuses du phénomène de la migration subi par nos compatriotes lors des conflits libyens et ivoiriens ? Comment ignorer les violentes manifestations survenues à Zinder ? Comment peut-on tolérer les conflits récurrents dans les Nord Tillabéry, Nord Agadez et Nord-est Diffa ? Comment comprendre que les conditions de détention dans nos prisons n’aient pas changé depuis l’indépendance ? Enfin, comment fermer les yeux sur la fixation des prix des hydrocarbures produits et raffinés au Niger ? Malgré cette situation, le pays jouit d’un large soutien diplomatique de soi-disant solides démocraties de la planète et du renforcement de ses relations commerciales sur l’uranium. Comme toujours, notre combat en 350

Assemblée Générale élective du CODDHD

faveur des droits humains reste culturel, éducatif et identitaire. C’est un combat contre l’indifférence, contre l’impunité et contre la pauvreté. Cela n’a rien de difficile ou de spécial. Un militant actif doit être imperméable à toute forme de manipulation et de pression, quel que soit le prix à payer. J’ai déjà fait la prison et je ne crains plus la prison pour mon combat pour les droits humains. Si on accepte de subir des pressions ou d’être manipulé, on se ment à soi-même et cela n’est pas dans le caractère des Nigériens. Je ne cherche qu’à rendre service à ceux qui sont opprimés ou victimes de l’injustice et je vous assure que cela m’apporte beaucoup de satisfaction. Le plus difficile dans ce combat, c’est de rester aussi proche que possible de l’honnêteté intellectuelle. C’est d’éviter d’être induit en erreur, afin de ne pas induire les autres en erreur. Cette passion s’explique par les conditions dans lesquelles j’ai grandi et vécu. Et comme il y a un grand nombre de personnes unies pour cette même cause, la lutte pour la défense des droits humains n’est qu’à son début au Niger pour un changement radical et pacifique, sans exclusion ni exclusive. Dans ce contexte, la situation dans certains pays frères d’Afrique nous interpelle. Il s’agit des attaques meurtrières qui se multiplient au Nigeria voisin, l’impunité en Somalie, la fraude électorale en République Démocratique du Congo, l’enlèvement de cinq soldats Sénégalais en Casamance, pour ne citer que ces faits, sans oublier le cortège de répressions des opposants en Guinée Bissau, au Tchad et au Togo, d’assassinats et de violations des Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, au Soudan, au Zimbabwe et en Zambie. Ces situations sont très préoccupantes et exigent notre vigilance. Le printemps arabe de libération des peuples en Tunisie, en Libye, en Egypte, en Syrie et au Yémen, est sans équivoque le résultat de la politique dictatoriale de leurs dirigeants. Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur le sort réservé au Président Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire par les juges de la CPI. Quelle surprise le Président Abdoulaye Wade va-t-il réserver à son tour au peuple sénégalais en 2012 ? L’avenir 351

« Itinéraire d’un combat ! »

nous édifiera à un moment où la question du changement climatique, cause d’insécurité alimentaire et d’autres catastrophes naturelles, suscite une très grande inquiétude en Afrique. Comme vous le savez sans doute, je suis, comme vous, très attentif et attaché à tout ce qui peut se faire pour améliorer, défendre et construire notre quotidien dans ce pays que nous aimons tous. Il nous appartient maintenant de réfléchir à l’avenir du CODDHD pour que les perspectives soient à la hauteur de ses ambitions, toutes choses que nous appelions de nos vœux, un souffle nouveau. Cela est possible, compte tenu de la diversité et de la pluralité de nos membres. Le 24 novembre 2011, j’annonçais mon retrait du CODDHD pendant l’atelier de formation en élaboration des rapports annuels sur la situation des Droits de l’Homme au Niger pour prouver que je crois en la justice et je crois en chaque personne membre du CODDHD. Oui, je crois que travailler pour les droits humains, les libertés, l’épanouissement et la dignité de ces personnes vulnérables a marqué ma vie. Et d’une manière, je m’abandonne chaque jour à ce travail avec un engagement inconditionnel et la volonté la plus absolue de bien le faire, et comme toute œuvre humaine, arrêter un jour. En effet, j’ai décidé de me retirer du poste de Coordonnateur National du CODDHD pour favoriser l’alternance au sein des Organisations de Défense des Droits de l’Homme au Niger. Comme on le dit, les départs sont toujours difficiles, quelle que soit la personne qui vous quitte. Mais un dicton nous enseigne que tout commencement a une fin, c’est la loi de la nature. Je m’y étais engagé et je me retire aujourd’hui du Bureau National de Coordination pour me consacrer à une autre vie associative. Ma grande satisfaction est de respecter le principe de l’alternance dans notre pays. C’est un engagement que j’avais pris et je le respecte. La démocratie n’est qu’un vain mot lorsqu’elle ne s’affirme pas dans l’alternance. Quel crédit peut-on accorder à la volonté affirmée des acteurs alors qu’un des droits élémentaires de la personne humaine est bafoué en permanence ? Pour libérer notre 352

Assemblée Générale élective du CODDHD

pays de toute déviation et de la précarité, nous devons commencer par donner l’exemple aux structures démocratiques en œuvrant à garantir l’alternance. De même, les Autorités nationales doivent veiller pour que la liberté d’association, de manifestation et d’expression, soient parfaitement garanties dans notre pays. Aussi, les Autorités doivent d’abord éviter tout bâillonnement de la liberté de pensée lever les entraves à la liberté de communication, puis bannir l’intolérance, l’exclusion, enfin régulariser définitivement la situation des contractuels de l’enseignement et de la santé pour garantir une bonne stabilité et une bonne année scolaire dans notre pays. C’est pourquoi, la tranquillité publique est au cœur de nos préoccupations. L’histoire récente de notre pays nous enseigne que les Nigériens doivent pouvoir disposer d’eux-mêmes en choisissant leur avenir à leur convenance dans le respect des lois et règlements. Ils doivent pouvoir décider librement et démocratiquement de manière autonome du type de relations qu’ils veulent développer avec leurs dirigeants. Cependant, il faut reconnaître qu’une avancée historique vient de se produire au Niger : grâce à notre combat, le 3 août 2011, le Président Issoufou Mahamadou a reconnu officiellement l’existence formelle de l’esclavage. Il devient ainsi le premier Président du Niger à reconnaître l’existence de ce fléau. Cet événement capital pour les Droits de l’Homme permet d’espérer des progrès tangibles pour mettre un terme à cette abomination d’un autre âge qui mine notre société. C’est à juste titre que le 18 décembre dernier, le Président de la République déclarait : « Le Gouvernement s’emploie à créer les conditions de la liquidation de ces vestiges du passé ». C’est dire que la lutte contre l’esclavage devient désormais un enjeu important au rang des engagements du Gouvernement. Nous pouvons donc être fiers de ce que nous avons pu accomplir en quelques années dans le domaine des Droits de l’Homme et de la démocratie dans notre pays. Aussi, il nous faut saluer, avec un grand plaisir et beaucoup de reconnaissance, la précieuse collaboration de 353

« Itinéraire d’un combat ! »

Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, porte-parole du Gouvernement, Monsieur Marou Amadou, qui nous a accompagnés d’un bout à l’autre dans l’organisation de cette Assemblée Générale et qui a mis toute son énergie et son talent. Je peux témoigner des efforts personnels qu’il a consentis. C’est pourquoi, je saisis ce moment solennel pour remercier très sincèrement le Gouvernement de la VIIème République dans son ensemble, pour la bonne qualité de nos relations, pour son écoute, grâce auxquelles nous observons dans notre pays une paix appréciable à préserver par tous et pour longtemps. Cependant, rien ne serait pire que l’inaction et que de donner raison à ceux qui prêchent pour le désordre et le chaos dans notre pays. Pour terminer, j’adresse mes sincères remerciements à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la bonne organisation de cette Assemblée Générale. Je tiens, à rendre un hommage sincère et très mérité à la presse nigérienne et internationale, et à tous ceux qui ont effectué le déplacement pour participer à ces travaux. Mes hommages aux cinq hautes personnalités qui ont reçu les témoignages officiels de satisfaction pour service rendu à la nation nigérienne et africaine. Leur sens élevé de responsabilité a permis à notre pays d’envisager avec beaucoup de sérénité son avenir démocratique si cher à nos concitoyens. Pour paraphraser Francisco Bueno, « on ne peut rien réussir sans être mû par l’amour et par la foi en l’être humain, ainsi que dans le monde du droit et de la justice, c’est la foi qui déplace les montagnes ».

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Photo Rabiou Malam Issa

Forum National sur la lutte contre la vie chère au Niger35

Table de séance à l’ouverture du Forum placé sous le haut patronage du Premier Ministre, Brigi Rafini

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e Forum national sur la lutte contre la vie chère a ouvert ses travaux, le 21 juin 2012, au Palais des Congrès de Niamey. La tenue de ce Forum de trois jours intervient dans un contexte particulier marqué par la hausse des prix des denrées de base, exacerbée par la situation alimentaire difficile, née du déficit de plus de 700.000 tonnes enregistrées pendant la campagne agricole. . Communication présentée au Forum National sur la lutte contre la vie chère au Niger, Palais des Congrès, Niamey - 21, 22 juin 2012

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« Itinéraire d’un combat ! »

Les travaux de cette rencontre qui regroupe l'ensemble des acteurs concernés ont été placés sous la présidence du Premier Ministre Chef du Gouvernement, M. Brigi Rafini, en présence notamment du Ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur Privé, M. Saley Saidou, des Présidents des Institutions, des membres du Gouvernement, ainsi que des Représentants des structures socioprofessionnelles et des organisations de la société civile. Les trois cents participants plancheront sur le thème : « La vie chère au Niger : causes, conséquences et propositions de solutions ». Ce Forum se veut un espace de dialogue autour des principaux acteurs pour plancher sur la cherté de la vie afin d'identifier les solutions. Nous voici réunis dans la salle des commissions pour le premier Forum National sur la lutte contre la vie chère au Niger. En ma qualité de Président du Forum, je voudrais souhaiter une fraternelle et chaleureuse bienvenue aux éminentes personnalités qui nous ont fait l’honneur et le plaisir de rehausser de leur présence les travaux. Ce forum est un cadre approprié en vue d’approfondir les réflexions sur les questions qui nous opposent ou nous divisent, afin qu’au sortir de cette rencontre qui se veut déterminante pour notre pays, les grands axes stratégiques de la lutte contre la vie chère soient posés. Ce rendez-vous est une bonne occasion de débattre des questions tendant à rendre la vie chère, des questions pouvant améliorer le pouvoir d’achat des nigériens et proposer des solutions novatrices aux grands défis qui se posent. Il ne sera pas un tribunal populaire pour juger et jeter l’anathème sur les uns et les autres. Il ne sera pas non plus un cadre de calculs pour les opérateurs économiques. Il doit au contraire nous permettre de projeter ensemble et sereinement notre futur collectif. Cette dynamique traduit les véritables jalons d’une bonne gouvernance dans un contexte démocratique en construction, mais également l’affirmation d’un besoin de participation sociale dans les différentes sphères de développement économique, social et culturel. C’est pourquoi, nous devons être au356

Forum National sur la lutte contre la vie chère au Niger

dessus des querelles partisanes qui ont valu tant de souffrances de toutes sortes aux consommateurs. Je ne peux qu’exprimer ma totale satisfaction de voir le Gouvernement se réunir avec les partenaires sociaux sur une question aussi cruciale. Au regard du contexte et des conditions dans lesquelles j’ai accepté la Présidence de ce Forum, je ne peux qu’être fier de constater que, malgré les difficultés, j’ai fait le bon choix pour être avec vous, dans l’action et la recherche de solutions. Mais je mesure le sens et la portée de ma responsabilité, parce que je suis persuadé que nous pouvons trouver des réponses permettant de surmonter les problèmes. A cet effet, les travaux du Forum se concentreront sur les questions économiques et les opportunités offertes à notre pays, en termes d’investissements ou de diversification des secteurs productifs, dans un contexte marqué par la baisse du prix des matières premières. La question de la vie chère n’est pas nouvelle au Niger, même si aujourd’hui le phénomène prend de l’ampleur avec la flambée exceptionnelle des prix des denrées de première nécessité, couplée à une crise alimentaire due en grande partie à la sécheresse. Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Le renchérissement que subissent les produits alimentaires, est venu porter un coup sévère au pouvoir d’achat, notamment les produits de consommation courante devenus inaccessibles pour la majorité des populations. Cette flambée des prix ne se limite pas aux seuls produits alimentaires, l’inflation galopante touche tous les secteurs de l’économie. Même les transports, l’agriculture, les constructions et les travaux publics subissent des hausses tout aussi exceptionnelles, induites par les prix élevés du pétrole, de l’énergie et des frais de transport qui se répercutent directement sur le coût des intrants comme l’acier, les fers à béton, le ciment et les engrais. Au plan structurel, la crise alimentaire de 2011 a mis en évidence la forte dépendance de notre pays à l’égard des importations des produits alimentaires. Notre dépendance expose en permanence le pays aux chocs extérieurs 357

« Itinéraire d’un combat ! »

provenant du marché international. Cette situation est la résultante d’une politique agricole mal orientée, tournée vers les produits d’exportation au détriment de l’autosuffisance alimentaire. La plupart des produits consommés au Niger sont importés. C’est dire qu’au Niger, la vie chère provient des coûts de production exorbitants, des frais de transport, des tarifs de douanes, des faux frais, de la TVA, mais aussi de la mauvaise répartition des richesses. L’isolement géographique de notre pays pèse très certainement sur les frais de transport. C’est pourquoi, l’exercice favori de nos commerçants est de maximiser leurs profits et, de fait, presque chaque jour, les prix de consommation augmentent. Bon nombre de produits et de services affichent des niveaux de prix record. En outre, le manque de concurrence dans bon nombre d’activités, compte tenu de l’entente illicite, ne facilite pas la compétitivité. Or, c’est la concurrence qui régule les prix, le consommateur ne pouvait que choisir le produit en fonction de ses moyens et de ses besoins. La cherté de la vie se traduit aussi par une hausse des prix provoquée par plusieurs facteurs qui ne se traduisent pas de la même façon dans les huit régions du pays. Mais je reconnais que ce phénomène de vie chère n’est pas spécifique au Niger, il touche plusieurs pays d’Afrique. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les commerçants profitent de cette situation pour s’enrichir. J’admets volontiers qu’ils sont dans leur rôle. De l’autre côté, le marché noir se développe, ce qui provoque des fraudes fiscales importantes. Il est évident que la cherté de la vie entraîne divers problèmes. Les choix des politiques publiques ont des conséquences considérables au niveau des politiques sociales et économiques. Il apparaît ainsi que les instruments législatifs et réglementaires qui régissent le commerce, nécessitent d’être actualisés au regard de l’évolution mondiale et du contexte général de démocratisation qui nécessite une mise en cohérence avec les textes internationaux et les accords ratifiés par le Niger. Dans cette perspective, un processus de réforme du cadre juridique s’impose 358

Forum National sur la lutte contre la vie chère au Niger

avec l’adoption de la loi sur la protection du consommateur et la concurrence. A cet égard, il convient de soutenir et de poursuivre les efforts déjà engagés, bien que le processus de révision du cadre juridique dans le domaine de la télécommunication a pris en compte les propositions de réforme, qui à la pratique ont malheureusement échoué. Les causes de la cherté de la vie sont à la fois conjoncturelles et structurelles. L’augmentation continue des coûts des produits céréaliers, les mesures conservatoires prises dans certains pays voisins pour satisfaire leur consommation interne, et la situation climatique constituent des causes profondes de cette situation. Ces causes sont en même temps apparentes et cachées. Le changement climatique, la demande de consommation alimentaire de plus en plus forte et la spéculation constituent autant de causes apparentes. Les irrégularités des pluies dans le temps et dans l’espace font que les paysans peu équipés ne maîtrisent pas la production agricole. Les sécheresses, les inondations résultant du réchauffement climatique, affectent les grands pays producteurs de céréales, si bien que ces derniers diminuent leurs stocks d’exportation. Si on ne peut nier que les pauvres souffrent presque toujours de la vie chère et toute une série d’autres maux, tels le manque de soins de santé, l’absence d’éducation, ceux-ci ne peuvent être considérés comme étant constitutifs de leur pauvreté. Ce sont des causes ou des conséquences de la pauvreté. Pour éradiquer la pauvreté, il faut stopper les processus d’appauvrissement en changeant le système économique, en stoppant la logique d’accumulation et de déprédation, en respectant les droits humains et en protégeant l’environnement. En revanche, la demande de consommation alimentaire augmente à travers le monde, parce que d’abord, la charge alimentaire a augmenté compte tenu de l’évolution démographique rapide des pays du Sud. Ensuite, la demande de consommation s’accompagne d’une exigence en qualité et en diversification. Les causes cachées relèvent plus de la politique et de l’organisationnel. Elles reposent sur les capacités de l’Etat, des 359

« Itinéraire d’un combat ! »

groupements associatifs de défense des droits des consommateurs et des exploitants agricoles, à faire face aux risques. Parallèlement, il y a le manque d’anticipation. Pourtant, la lutte contre la vie chère que nous avons menée en 2005 et 2007 pouvait servir d’un signe avantcoureur pour ce pays. On constate que depuis des années, le Niger n’a pratiqué aucune politique adéquate orientée vers l’agriculture, ce qui a provoqué une chute continue du poids du secteur agricole par rapport au PIB. C’est-à-dire que ce secteur n’a pas su répondre aux besoins de la population en termes de production, mais aussi en termes d’emplois. Sur le plan climatique, ces dernières années les saisons pluvieuses ont été d’une irrégularité spatio-temporelle exceptionnelle, avec une installation tardive de la campagne agricole. La principale conséquence est la consommation par les populations de produits alimentaires importés, au détriment des produits locaux. Quand nous regardons les initiatives de ces dernières années au niveau international, force est de constater que la prétendue lutte contre la pauvreté, est totalement compatible avec les politiques néolibérales qui produisent en permanence de la pauvreté. La privatisation des services publics et la dérégulation du marché du travail, sont autant d’éléments qui fragilisent les citoyens. Aujourd’hui, une armée de volontaires et de professionnels, intervient dans la lutte contre la pauvreté, sans jamais parvenir à rendre les populations pauvres autonomes et dignes parce qu’elles n’ont pas de revenu suffisant. A la fin de chaque campagne agricole non abondante, les commerçants de céréales s’emparent des stocks disponibles auprès des producteurs à vil prix et les revendent plus tard deux fois plus cher. De ce fait, la crise confère des avantages aux commerçants spéculateurs. Au niveau des producteurs ruraux, la vie chère s’invite dans la majorité des ménages déjà frappés par la pauvreté. Sur le marché, les mesures gouvernementales n’ont pas eu d’impact significatif sur la structure des prix. Le riz et les autres produits se vendent toujours aux mêmes prix. Dans certaines surfaces et 360

Forum National sur la lutte contre la vie chère au Niger

boutiques, la tendance est même au renchérissement. A l’analyse, les mesures gouvernementales semblent arranger les commerçants spéculateurs et les importateurs qui se frottent les mains, au regard des avantages fiscaux accordés par le Gouvernement pour atténuer le coût de la vie. Ces causes sont à la base de la cherté actuelle de la vie. Les unes ont caché les autres, si bien que le politique n’a pas vu venir ou n’a pas pris une bonne mesure pour prévenir le mécontentement qui pointe à l’horizon. Le riz local devrait être plus accessible grâce à une meilleure organisation de sa commercialisation et à la réduction des prix pratiqués. La lutte contre la vie chère sera sans doute multidimensionnelle, mais le but doit être d’assurer aux populations nigériennes une prestation ou de leur offrir une opportunité d’acquérir des moyens de substance assez conséquents. Nous devons rappeler que nous avons prévu, pour chaque thème abordé dans le cadre de cet important Forum, un temps d’expression d’où la nécessité pour les intervenants de respecter les temps de parole. A cet égard, je mesure l’urgence d’une feuille de route traduisant un plan d’actions sur ce que nous devons faire immédiatement, avec qui, comment et quand, en donnant ainsi des gages au Gouvernement, à nos concitoyens ainsi que plus de légitimité à leur accompagnement. La conclusion d’une recherche que la Banque Mondiale a publiée en 2000 précise : « Les pauvres ne parlent pas du revenu ». Littéralement, c’était correct, mais en réalité les pauvres parlent bel et bien des prix et de la vie chère…Pour cette rencontre inédite, je me permets de dire que lutter contre la vie chère suppose la réduction significative, particulièrement, des coûts des services, de transport en général, et des coûts de services publics aggravés par la parafiscalité. Bref, si l’on n’a pas pour objectif d’éradiquer la vie chère, si l’on refuse de s’attaquer aux inégalités et si l’on se limite aux droits individuels civils et politiques sans regarder les droits économiques et sociaux, jamais on ne résoudra la cherté de la vie. A cet égard, je recommande au Forum d’examiner la possibilité de la création 361

« Itinéraire d’un combat ! »

d’un Observatoire National de surveillance des prix et la qualité des produits au Niger. Aussi, l’occasion est bonne pour mettre en place la Commission nationale de lutte contre la vie chère. Si je devais résumer ma pensée, je souhaite que les participants venus de tous les horizons et de toutes les régions puissent trouver une réponse adéquate aux préoccupations que j’ai énumérées. Je souhaite des échanges fructueux aux participants et adresse mes encouragements au Ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur Privé, M. Saley Saidou que j’admire pour sa souplesse et son esprit de grandeur. Que nos travaux soient bénéfiques à toute la communauté !

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Photo ADO Issoufou ONEP

Rentrée solennelle du Barreau du Niger en 201236

Le Bâtonnier, Me Ali Sirfi Maïga et le Premier Ministre du Niger Brigi Rafini

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n prélude à la rentrée solennelle du barreau du Niger, s’est tenu du 12 au 14 juillet 2012 au Palais des Congrès de Niamey, un colloque sur le thème : « société civile, sentinelle de la lutte contre la corruption : réalités, contraintes et perspectives », dont l'importance n'est plus à démontrer dans la vie de l'Ordre des avocats. Plusieurs 36 . (Communication présentée à la Rentrée solennelle du Barreau du Niger sur le thème : « Société Civile sentinelle de la lutte contre la corruption : réalités, contraintes et perspectives », jeudi 12 juillet 2012)

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« Itinéraire d’un combat ! »

manifestations ont meublé l’événement qui a été rehaussé par la présence de plusieurs invités de marque. Cette rencontre historique est une occasion pour les avocats de débattre de plusieurs thématiques, somme toute d'importance capitale dans l'exercice de leur métier. Fidèle à ses habitudes, le Barreau nigérien n’a ménagé aucun effort pour donner un caractère convivial à cette rentrée solennelle. Cette journée a été marquée par des échanges entre avocats du Niger et ceux venus de différents horizons sur les avancées de la profession d’avocat. Elle a été un merveilleux espace d’échanges autour de la justice, nourri aux belles valeurs humanistes qui fondent le respect de la dignité humaine. Depuis, la justice, notre justice, est singulièrement au cœur des tirs croisés des citoyens en général et des justiciables en particulier, qui y voient une justice inaccessible, une justice lente et une justice inopérante du fait de la corruption. Ce colloque est l'occasion pour l'ensemble des défenseurs de l’Etat de droit, de la démocratie, de la liberté et de la justice, d'exposer les problèmes de corruption. Cette situation appelle à l’impératif de se réapproprier le sens du bien commun. L’ouverture a été l’occasion pour le Bâtonnier, Me Ali Sirfi Maïga, de rappeler à ses pairs non seulement les missions qui sont les leurs dans un monde de plus en plus globalisant mais aussi de leur signifier les enjeux auxquels ils devront faire face dans l’exercice au quotidien du métier d’avocat. « L’avocat est un auxiliaire de justice dont la fonction consiste à donner des consultations, rédiger des actes et défendre devant les juridictions, les intérêts de ceux qui lui font confiance et lui ont confié leur cause. Sa mission comprend essentiellement l’assistance et/ou la représentation ». Les hommes en robes noires doivent à cet effet mettre tout en œuvre pour donner l’exemple et être exempts de toute critique afin de faire honneur à la robe noire. A cet effet, je voudrais exprimer toute ma gratitude au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Niger, ainsi qu’aux membres du Conseil de l’Ordre, pour la concrétisation de cette activité capitale pour les avocats, et saluer leur 364

Rentrée solennelle du Barreau du Niger en 2012

engagement sans faille dans la lutte contre la corruption au Niger. La corruption entrave le commerce interne et limite les possibilités d’expansion commerciale. En elle-même, elle est issue d’une défaillance d’un système. Les manifestations de la corruption que sont entre autres, le trafic d’influence, le favoritisme, les conflits d’intérêts, les collusions, les appels d’offres truqués ou les soumissions arrangées d’avance sont des signes d’un dysfonctionnement du mécanisme de la concurrence. Face à ce fléau qui gangrène l’économie nationale et qui a des répercussions néfastes sur les populations, la véritable lutte est l’introduction de la transparence et de la concurrence au sein de l’administration, éléments fondamentaux qui constituent d’importantes armes à utiliser. Ce combat devrait favoriser une bonne circulation de l’information sur les caractéristiques et le fonctionnement du marché. Par ailleurs, toute action de lutte contre la corruption devrait être de nature à soustraire les agents d’une administration ou les autorités publiques à toute influence extérieure dans l’exercice de leur fonction. La corruption est un phénomène d’une importance cruciale que l’on peut comparer à une épidémie car elle se propage rapidement dans le système politico-économique. Il faut nécessairement que nos élites s’en convainquent et que les autorités qui l’évoquent dans les discours engagent les mesures courageuses pour démontrer leur volonté d’avancer sur le chantier de la lutte contre la corruption. J’ai appris le respect dû aux avocats en raison de l’éminente place qui leur est dévolue dans tout système judiciaire préoccupé par le renforcement de l’Etat de droit et l’efficacité de la justice. Consacrant mon temps à la défense des droits des consommateurs, des Droits de l’Homme et à la lutte contre la corruption au sein des industries extractives, je ne peux qu’apprécier l’honneur que me font les organisateurs en m’invitant à cet important rendez-vous d’échanges, afin d’y apporter ma modeste contribution. Comme vous pouvez l’imaginer, les actions de la société civile nigérienne dans ce domaine ne sont pas très anciennes. Il y a peu de 365

« Itinéraire d’un combat ! »

temps, on comprenait mal toute l’ampleur des préjudices causés par la corruption dont on acceptait tacitement le caractère inévitable. C’est récemment que la société civile a commencé à mesurer l’impact néfaste de la corruption qui agit de manière négative sur la vie sociale, en privant les plus démunis de l’accès aux services de base, compromettant ainsi notre développement. Aujourd’hui, le combat contre la corruption et les infractions assimilées est une réalité évidente au Niger. Ce combat légitime se fait par le droit à travers la vulgarisation de l’arsenal juridique dont nous disposons. Il s’agit pour nous, en la matière, de diffuser le droit, mais aussi de faire le bilan de ses forces et faiblesses. C’est d’ailleurs pourquoi au Niger, la lutte contre la corruption ne peut escamoter la question de l’impunité. Dans la culture nigérienne, nous recevons tous une éducation qui nous apprend, dès notre plus jeune âge, que chaque être humain doit servir loyalement sa communauté. Malheureusement, la pauvreté et l’injustice dont souffrent au quotidien nos populations découlent souvent de la corruption. Dès lors, on s’accorde que la corruption cause un préjudice inacceptable au Niger et qu’il est urgent de l’éradiquer. C’est pour cette raison que la société civile s’engage résolument dans ce combat, se montrant toujours active dans la dénonciation des responsables corrompus au sein de l’appareil de l’Etat. A titre illustratif, on peut citer l’affaire Zeinab, l’affaire Dan Foulani, l’affaire MEBA, l’affaire Zakaye, l’affaire des agents des Douanes, l’affaire des surfacturations au Ministère des Finances et l’affaire des surfacturations à l’Assemblée Nationale, sans compter les centaines de dossiers inculpant des agents de l’Etat, des hommes d’affaires et des responsables d’entreprises, notamment la Sonidep, la Spen, l’Opvn et la Nigelec. Actuellement, aucun Gouvernement n’ignore le rôle irremplaçable que jouent la société civile et ses représentants dans la lutte contre la corruption. En effet, la société civile s’est engagée à peser de toute son influence sur le corps législatif et réglementaire, ainsi que sur le fonctionnement de 366

Rentrée solennelle du Barreau du Niger en 2012

l’administration, quant à son efficacité et sa diligence. C’est dire que ce combat est devenu permanent. Et pour cause, nos concitoyens attendent à tout moment que les acteurs de la société civile leur proposent des solutions ou des alternatives à leurs problèmes. La société civile nigérienne a donc la lourde tâche de rester à l’écoute afin de contribuer au bonheur de nos laborieuses populations. Elle joue un rôle important dans la surveillance de la justice, pierre angulaire de la lutte contre la corruption. L’une de nos tâches soustend la mise en œuvre de l’Initiative sur la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Cette initiative qui est en train de faire ses preuves au Niger, vise à accroître la clarté des paiements et des recettes provenant de l’uranium, du charbon, de l’or, du pétrole et du gaz. Nous constatons que la transparence dans la gestion des informations sur les recettes donne aux citoyens, aux institutions et organisations non gouvernementales, les moyens d’amener l’Etat à rendre des comptes. Dès lors, il devient plus difficile de mal gérer ou de détourner les fonds destinés à la construction nationale. La formation que nous avons reçue nous rend sensibles aux conséquences désastreuses de la corruption, au moment où l’on constate que le monde dans lequel nous vivons apparait comme une jungle ayant pour règle fondamentale de « devenir rapidement riche ». Comme vous le savez, dans le cadre de notre combat, nous nouons des liens de coopération, notamment avec les communautés, les Institutions, les ONG nationales et internationales, pour plus d’efficacité. En outre, nous proposons aux gouvernants, aux élus et à nos partenaires des alternatives en vue d’affirmer nos positions d’acteurs incontournables des politiques et projets de développement. Dans notre pays, la lutte contre la corruption demande qu’on adopte tous un changement d’attitude. Ce changement de comportement doit intervenir aussi bien sur le plan politique que sur les plans social et économique. Dès lors, il faut faire preuve de beaucoup de motivation, de ténacité et de conviction en participant, entre autres, aux multitudes 367

« Itinéraire d’un combat ! »

cadres de dialogues où l’on parle de gouvernance. Nos actions ont permis à notre pays de faire des progrès dans divers domaines. Toutefois, il existe un certain nombre de facteurs qui favorisent l’absence de transparence et la corruption. Ces facteurs sont entre autres : – un cadre législatif indécis ; – la politisation de l’administration et son incapacité à fournir efficacement des services sociaux de base ; – l’inaccessibilité à toutes les informations gouvernementales, malgré l’adoption d’une ordonnance sur l’accès à l’information ; – l’absence de prise de conscience sur l’importance de la question, telle l’éthique professionnelle ; – les faibles compétences et capacités des organisations de la société civile dans la lutte contre la corruption ; – la faiblesse des salaires de certains agents, particulièrement ceux de la police, de la douane, des eaux et forêts et des collectivités territoriales qui sont les victimes fragiles du système où la culture admet qu’il n’est pas besoin de bien les payer, étant donné qu’ils peuvent tirer un avantage dissimulé de leurs fonctions ; – l’acceptation de la corruption basée sur les normes traditionnelles, sociales et religieuses. Nos actions se réalisent en toute liberté au nom des gens qui n’ont pas accès aux médias et auxquels personne ne prête attention. Elles comportent assez de risques. Dans notre pays, les acteurs de la société civile ont été plusieurs fois interpellés par la Police ou la Gendarmerie. Nous avons même été jetés et déportés dans plusieurs prisons. Aujourd’hui, si nous arrivons à remettre en cause certaines lois scélérates et politiques antisociales, c’est grâce au combat que nous menons en toute indépendance et en synergie. Toutes les actions doivent être menées démocratiquement et en toute transparence pour une meilleure prise en compte des préoccupations des populations dans la prise des décisions. Je me rappelle encore le jour où, seul, 368

Rentrée solennelle du Barreau du Niger en 2012

je m’efforçais à empêcher Elhadji Moussa Dan Foulani, opérateur économique, accompagné de sbires armés de gourdins brandissant un revolver, pour porter atteinte à la vie de M. Nouhou Mahamadou Arzika, acteur de la société civile. C’est toujours dans l’épreuve qu’un acteur se fortifie et intensifie la lutte contre les réalités du moment, telle la corruption. D’une manière générale, on demeure acteur actif dans la lutte contre la corruption grâce à la diversité des actions menées avec succès en faveur des populations de tous les milieux. En outre, il faut reconnaître que la corruption se manifeste dans tous les domaines de la vie privée et publique. Aussi, est-il difficile de relever un secteur corrompu où nous ne soyons pas intervenus d’une manière ou d’une autre ? La promptitude de nos réactions grâce à des procédures simplifiées, généralement en collaboration directe avec les bénéficiaires de nos actions, fait que nos actions sont bien comprises et acceptées. Notre travail se limite chaque fois à la dénonciation à travers les médias et sur la place publique. Cependant, notre principale contrainte réside dans le fait que, lorsqu’un acteur de la société civile dénonce la corruption devant les tribunaux, il court le risque de se faire condamner également. Cette situation renvoie à la nécessité d’une révision de notre ordonnancement juridique. Un acteur de la société civile nigérienne est un revendicateur actif et non attentiste d’une victoire. Il lutte contre la mal gouvernance et l’injustice qui hypothèquent le développement de notre jeune nation. Pour y faire face, le Niger a adhéré à plusieurs initiatives internationales et régionales de lutte contre la corruption parmi lesquelles il convient de noter : – la Convention des Nations Unies Contre la Corruption ; – la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption ; – le Protocole de la CEDEAO sur la Lutte contre la Corruption ; – l’Initiative sur la Transparence des Industries Extractives (ITIE), sans compter l’arsenal juridique national. 369

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L’expression de la volonté politique de combattre la corruption s’est davantage affichée à travers diverses mesures dont la constitutionnalisation de l’indépendance du système judiciaire, le renforcement des Institutions publiques de contrôle et d’inspection, la mise en place d’un système de régulation des marchés publics, la création et l’opérationnalisation d’une ligne verte au Ministère de la Justice, les missions de contrôle et d’inspection, la création d’une Inspection Générale de la Gouvernance Administrative au Secrétariat Général du Gouvernement. Cette volonté politique de lutter contre ce fléau a vu sa consécration avec la création de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA), organe permanent de l’État, créé par décret N°2011-219/PRN/MJ du 26 juillet 2011, et placé auprès du Président de la République. La société civile doit disposer de moyens techniques, de ressources financières, de l’information et d’un espace politique protégé pour s’acquitter de sa mission de surveillance et de défense des droits. La bonne gouvernance est tout d’abord synonyme de « bonne gestion des affaires publiques » et vise en priorité les réformes de l’Etat. Pour ce faire, il est nécessaire que la société civile, proche de la population, dispose de ressources adéquates afin de pouvoir œuvrer sans difficulté, mais également avoir une place dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques nationales et des programmes des bailleurs de fonds présents dans le pays. L’instauration d’un cadre de dialogue et de concertation avec le Barreau est par conséquent plus que nécessaire, d’où l’éveil de conscience qui se dessine. La société civile nigérienne continuera à jouer un rôle irréfutable et central en vue de donner vie à ces engagements et contribuer à la consolidation des nouvelles institutions de promotion de la bonne gouvernance. A cet effet, pour éradiquer définitivement la corruption, il y a lieu de : – former la société civile pour qu’elle puisse exploiter efficacement les informations et promouvoir une gouvernance de qualité ; – intégrer dans les mécanismes de lutte la prévention, l’investigation, 370

Rentrée solennelle du Barreau du Niger en 2012

l’incrimination des actes de corruption, le recouvrement des biens et des produits de la corruption et une participation accrue du public ; – institutionnaliser et systématiser la transparence dans la prise de décisions et dans les dépenses publiques ; – multiplier les campagnes de persuasion contre la corruption ; – allouer des ressources financières et matérielles sans modalités politiques contraignantes aux acteurs pour recueillir des informations ; – sensibiliser les populations et mobiliser l’expertise nécessaire à l’analyse des informations, notamment en ce qui concerne le budget national et la passation des marchés publics ; – permettre à la société civile de pouvoir se structurer davantage et s’exprimer librement, sans que la loi ne limite ses capacités ; – réviser les programmes scolaires pour former les citoyens de demain à acquérir une intégralité morale et le respect du bien public ; – protéger les militants de la société civile qui participent aux activités de surveillance, y compris les médias, contre tout procès en diffamation, contre les menaces de violence et les arrestations. En définitive, il faut instaurer une culture de redevabilité (l’action de rendre compte, en d’autres termes, fournir des rapports en toute transparence) à tous les niveaux de responsabilité, améliorer la transparence dans la gestion des affaires publiques et surtout renforcer le rôle de l’Etat de droit en favorisant la participation des citoyens dans la gestion des affaires. En dépit du Code pénal, de divers instruments et de tous les efforts menés, la corruption est un fléau récurrent au Niger. Elle continue à être une véritable gangrène de l’appareil d’État, un obstacle à la stabilité démocratique, à l’Etat de droit, à la croissance économique et au développement social. A titre d’illustration, le Niger est 134ème sur 182 pays classés au titre de l’Indice de Perception sur la Corruption en 2011, élaboré 371

« Itinéraire d’un combat ! »

par Transparency International. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle contrarie les engagements de notre pays et altère les efforts du Gouvernement et de ses partenaires pour faire face aux défis et exigences du développement social et économique. L’expérience tirée des Conventions relatives à la lutte contre la Corruption montre clairement que la société civile nigérienne joue un rôle clé sur le terrain. Par exemple, la Convention des Nations Unies contre la corruption, qui a été ratifiée par plus de 80 pays, a le potentiel extraordinaire de créer un cadre, tant mondial que national, pour toute réforme. Nous savons d’expérience qu'une convention devra être dotée d’un mécanisme de suivi efficace si on veut la voir mise en œuvre. Comme hier, la société civile doit jouer sa partition et poursuivre cette noble mission avec plus de conviction et d’engagement pour être au service de nos frères et sœurs surtout en faveur de la composante la plus nécessiteuse. C’est là une obligation morale et un devoir civique des plus honorables, car nous apporterons un peu de plaisir aux citoyens nigériens dans leur quête quotidienne du mieux-être.

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Photo Martine Pierret

Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE)37

Présentation de Moustapha Kadi Oumani à Paris

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ublier les sommes versées aux Etats par les groupes miniers et pétroliers, c'est l’objectif de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Cette norme a été lancée en 2002 par Tony Blair, alors Premier Ministre Britannique. Le Niger a intégré le cercle très restreint des pays qui répondent aux critères 37 . Communication présentée à Paris à la Fondation Gabriel Péri sur le thème « Mise en œuvre du processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) au Niger » lors de la Conférence sur la géopolitique des ressources et conflits au Sahel, Paris, 26 février 2013

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« Itinéraire d’un combat ! »

de transparence dans le domaine des industries extractives. Il se positionne ainsi premier pays en Afrique de l’Ouest francophone à atteindre ce statut. Une conférence internationale sur la géopolitique des ressources et conflits au Sahel a été organisée à Paris le 26 février 2013 par la Fondation Gabriel Péri sur l’ITIE au Sahel, afin de contribuer à réduire la corruption, de prévenir les confits, d’éviter les guerres, d’assurer la bonne gouvernance. La Constitution de la VIIème République du Niger a prévu en ses articles 148 à 153, des dispositions pertinentes relatives à la gestion des ressources minérales au Niger. Notre Loi fondamentale nous impose la transparence dans la gestion des ressources naturelles, en prenant en compte le souci de la protection de l'environnement, du patrimoine culturel, de la préservation des intérêts des générations présentes et futures et du développement local. Notre pays regorge d’abondantes ressources minières et pétrolières. Il présente des perspectives très encourageantes en termes d’accroissement substantiel de la production et de fortes retombées de l’industrie minière et pétrolière. Malheureusement, le Niger, malgré ses ressources naturelles abondantes est un pays pauvre qui est encore confronté à des situations de famine répétitives. 65% de sa population vit avec moins de 625 F CFA, soit moins d’un Euro par jour. Ainsi, un enfant sur deux souffre de malnutrition. Cela suffit à mesurer l’ampleur de la pauvreté persistante, cinquante ans après l’accession du pays à l’indépendance en 1960, et en dépit de la mise en œuvre de nombreuses stratégies de retour sur la voie d’un développement contrôlé. Ces stratégies, toutes initiées et soutenues avec l’aide internationale, ont été pilotées par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), mais n’ont pas, en fin de compte, réussi à avoir un impact réel sur le cours des choses, malgré des appellations prometteuses : Programme Indicatif de Coopération (PIC), Programme Statistique Régional (PSR), Programme d’Ajustement Structurel (PAS), Objectifs du 374

Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE)

Millénaire pour le Développement (OMD), Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP), Documents de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) et demain, que sais-je encore… Et pourtant, le Niger ne manque pas de ressources susceptibles de le propulser sur la voie d’un développement plus rapide et durable. Notre pays recèle d’importantes réserves en eaux fossiles, souterraines et renouvelables, son sous-sol est riche en uranium, charbon, pétrole, phosphates, or, argent, fer, pour ne citer que ces matières premières dont l’existence autant que l’importance des gisements sont prouvées. S’agissant de la valeur stratégique, en termes financiers et/ou énergétiques, on peut citer les 374.000 tonnes d’uranium encore exploitables, alors que la cadence actuelle de traitement classe le Niger au quatrième rang de la production mondiale avec 8% détient plus 2.500 millions de barils de pétrole, dont celui du bloc d’Agadem est exploité à la cadence de 20.000 b/j par la CNPC, Société chinoise d’hydrocarbures, depuis novembre 2011. En effet, un constat a été fait : les pays riches en ressources naturelles sont ceux dans lesquels sévissent les conflits, les guerres et la corruption. Il a été estimé que la promotion de la transparence dans les industries minières et pétrolières pouvait être une solution. Au lieu d’être une chance, la richesse minière semble être plutôt une malédiction pour certains pays africains. A la lumière des avancées enregistrées au Niger et du chemin qui reste à parcourir, il a adhéré à l’ITIE. Les avantages visent la lutte contre la corruption, la promotion de la bonne gouvernance, la promotion de la transparence et de la responsabilité/redevabilité, l’amélioration du climat des affaires et l’attractivité des investissements étrangers. Les avantages pour les pays mettant en œuvre cette initiative, constituent un meilleur climat en termes d’investissements grâce à un signal clair aux investisseurs et aux institutions financières internationales indiquant que le Gouvernement s’engage à plus de transparence. Dans ce cadre, la société civile est censée contribuer à la conception, au suivi et à l’évaluation du processus ITIE et 375

« Itinéraire d’un combat ! »

exercer une diligence raisonnable en veillant au respect des normes mondiales et en engageant avec le public, une discussion sur le rôle des industries extractives dans le pays. L’ITIE contribue à renforcer la responsabilité et la bonne gouvernance, ainsi qu’à promouvoir une plus grande stabilité économique et politique. Cela peut, à son tour, contribuer à la prévention des conflits qui peuvent surgir des exploitations dans la mauvaise gestion des ressources pétrolières, minières et gazières. Les avantages pour les compagnies et investisseurs se situent dans l’atténuation des risques politiques liés à la réputation. L’instabilité politique causée par une gouvernance opaque est une menace indéniable pour les investissements. Dans les secteurs extractifs où les investissements ont une forte densité de capital et dépendent d’une stabilité à long terme pour générer des retours, la réduction de cette instabilité est bénéfique pour les affaires. La transparence des paiements peut aider un Gouvernement à démontrer la contribution que peuvent procurer les investissements placés dans les ressources du sous-sol. Les avantages pour la société civile proviennent de la quantité d’informations dans le domaine public concernant ces revenus que les Gouvernements gèrent au nom de la population, conférant par-là plus de responsabilité aux gouvernants. Les Principes de l’ITIE visent à : – partager la même conviction que l’exploitation prudente des richesses en ressources naturelles devant constituer un moteur important pour la croissance économique durable ; – affirmer que la gestion des richesses issues des ressources naturelles au profit des citoyens d’un pays relève de la compétence des Gouvernements souverains ; – reconnaître que les avantages de l’extraction des ressources se manifestent sous la forme de flux de recettes s’étalant sur un grand nombre d’années et qu’elles peuvent dépendre fortement des prix ; – reconnaître que la compréhension du public des recettes et 376

Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE)

des dépenses des Gouvernements dans la durée est susceptible de contribuer au débat public et de faciliter le choix d’options appropriées et réalistes favorisant le développement durable ; – souligner l’importance, pour les Gouvernements et les entreprises extractives, d’assurer la transparence ainsi que la nécessité de renforcer la gestion des finances publiques et de faire respecter l’obligation de rendre des comptes ; – reconnaître qu’il convient de situer les efforts pour parvenir à une plus grande transparence dans un contexte de respect des contrats et des lois ; – reconnaître que la transparence financière est un moyen susceptible de contribuer à l’amélioration du climat pour l’investissement direct, intérieur et étranger ; – croire au principe et à la pratique de la responsabilité du Gouvernement devant tous les citoyens en ce qui concerne la gestion des flux de recettes et des dépenses publiques ; – s’engager à encourager le respect de haut niveau de transparence et de responsabilité dans la vie publique, le fonctionnement de l’Etat et le monde des affaires ; – croire en la nécessité d’une approche cohérente et réalisable de la divulgation des paiements et des recettes, cette approche devant être simple à adopter et à appliquer ; – être d’avis que la divulgation des paiements dans un pays donné devrait impliquer toutes les entreprises extractives présentes dans ce pays ; – considérer que toutes les parties prenantes, les Gouvernements et leurs agences, les entreprises extractives, les sociétés de service, les organisations multilatérales, les organisations financières, les investisseurs et les organisations non gouvernementales, ont des contributions importantes et pertinentes à apporter. – En matière d’adhésion, les exigences pour les pays qui mettent en œuvre l’ITIE portent sur les points suivants : le Gouvernement doit 377

« Itinéraire d’un combat ! »

Photo Martine Pierret

faire une déclaration publique, sans équivoque, de son intention de mettre en œuvre l’ITIE ; le Gouvernement doit s’engager à travailler avec la société civile et les entreprises pour mettre en œuvre l’ITIE ; le Gouvernement doit nommer un haut responsable chargé de diriger la mise en œuvre de l’ITIE ; le Gouvernement doit mettre en place un groupe multipartite chargé de superviser la mise en œuvre de l’ITIE ; – en consultation avec les parties prenantes clés de l’ITIE, le groupe multipartite doit convenir et publier un plan de travail national chiffré contenant des objectifs mesurables et un échéancier de mise en œuvre, et comprenant une évaluation des contraintes de capacité ; – le Gouvernement doit s’assurer que la société civile participe pleinement, effectivement et de manière active et indépendante au processus ; – le Gouvernement doit impliquer les entreprises dans la mise en œuvre de l’ITIE ; – le Gouvernement doit supprimer tout obstacle à la mise en œuvre de l’ITIE ;

Table de séance à la Conférence

378

Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE)

– le groupe multipartite doit convenir d’une définition de la matérialité et des formulaires de déclaration ; – l’organisation nommée pour préparer le rapport de rapprochement des chiffres afférents à l’ITIE doit être perçue par le groupe multipartite comme étant crédible, digne de confiance et compétente sur le plan technique ; – le Gouvernement doit s’assurer que toutes les entreprises et les entités gouvernementales concernées effectuent une déclaration ; – le Gouvernement doit s’assurer que les déclarations des entreprises se fondent sur des comptes audités, conformément aux normes internationales. Par rapport aux exigences en matière de divulgation : – les entreprises divulguent de façon complète tous les paiements significatifs, conformément aux formulaires de déclaration convenus ; – le Gouvernement divulgue de façon complète tous les revenus significatifs, conformément aux formulaires de déclaration convenus ; – le groupe multipartite doit se déclarer satisfait du travail réalisé par l’organisation chargée de rapprocher les chiffres des entreprises et ceux du Gouvernement ; – le réconciliateur doit s’assurer que le rapport ITIE est complet, qu’il identifie tous les écarts, les explique si possible et formule, dans les cas où cela est nécessaire, des recommandations en matière d’actions à mener pour y remédier. Les exigences en matière de diffusion visent les objectifs suivants : – le Gouvernement et le groupe multipartite doivent s’assurer que le rapport de l’ITIE est complet et compréhensible et qu’il est rendu accessible au public d’une façon qui favorise les débats autour de ses conclusions. Les exigences en matière d’évaluation et de validation visent que : – les entreprises gazières, pétrolières et minières soutiennent la mise 379

« Itinéraire d’un combat ! »

en œuvre de l’ITIE ; – le Gouvernement et le groupe multipartite prennent des dispositions à partir des enseignements tirés, résoudre les écarts et s’assurer que la mise en œuvre de l’ITIE soit viable. Les pays mettant en œuvre l’ITIE doivent soumettre un rapport de validation conformément aux délais établis par le Conseil d’Administration ; – continuer de satisfaire aux exigences de conformité ; – les pays conformes ont l’obligation de continuer à respecter l’ensemble des exigences pour conserver leur statut de pays conforme. C’est dire que le processus de mise en œuvre de l’ITIE vise à maximiser les effets du secteur minier, pétrolier et gazier sur la croissance et le niveau de vie des populations. Le Niger en est devenu membre en 2005 à travers une déclaration d’adhésion. Au mois de juillet de la même année, le dispositif institutionnel a été mis en place. Le Conseil des Ministres, réuni le 11 mars 2005, a pris la décision de faire adhérer le Niger à l’ITIE. Cette décision a été rendue publique à la conférence de Lancaster House à Londres, le 17 mars 2005. L’adhésion a été suivie de l’atelier de lancement officiel de l’initiative les 6 et 7 septembre 2006 à Niamey, réunissant des représentants des institutions internationales, des compagnies et des organisations de la société civile. Un dispositif institutionnel de préparation et de suivi de la mise en œuvre a été mis en place sous l’autorité du Premier Ministre. Dans ce cadre, un Comité Interministériel présidé par le Premier Ministre a été créé. Un Comité National de Concertation (CNC) présidé par le Ministre des Mines et de l’Énergie a été mis en place, et un Secrétariat Permanent rattaché au Cabinet du Premier Ministre installé, et fonctionnel. Le Secrétariat International de l’ITIE a admis le Niger comme pays candidat à l’ITIE en septembre 2007, après qu’il a satisfait aux exigences suivantes : – la désignation d’un Coordonnateur de l’ITIE-Niger ; 380

Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE)

– l’engagement d’associer la Société Civile et les Entreprises Extractives à sa mise en œuvre ; – la mise en place d’un Comité chargé de superviser la mise en œuvre de l’initiative, composé des trois parties prenantes (Etat, Industries Extractives, Société Civile) ; – l’élaboration d’un plan d’actions. Au cours de la 14ème session du Conseil d’Administration de l’ITIE qui s’est tenu les 13 et 14 décembre 2010, le Niger a été déclaré proche de la conformité. La seule réserve contenue dans le rapport de validation concerne l’indicateur 13, intitulé : « Le Gouvernement a-t-il pris des mesures pour que ses déclarations soient basées sur des comptes audités (selon des normes internationales » ?) Le Niger a été déclaré pays conforme à l’ITIE le 1er mars 2011 après avoir satisfait aux exigences du Conseil d’Administration de l’entité. Du point de vue du Conseil, le Niger pourrait atteindre la conformité en définissant une stratégie adéquate pour la certification des flux ITIE et en publiant le deuxième rapport basé sur des comptes certifiés. Par rapport à l’exigence de l’audit des comptes de l’Etat, le Gouvernement a officiellement saisi la Cour des comptes, organe chargé de la vérification et du contrôle des finances publiques, afin d’examiner la problématique. La Cour des comptes a institué un contrôle sectoriel des établissements des services miniers et pétroliers en appliquant son manuel de procédures de vérification basé sur deux normes internationalement reconnues (la norme de contrôle de l’INTOSAI et la norme de l’IFAC). Au Niger, les rapports ITIE sont diffusés à travers plusieurs moyens de communication : – conférence de presse ; – affiche dans les services et les Mairies ; – panneaux sur les grandes artères des villes ; – organisation d’ateliers avec les acteurs de la société civile et les autorités locales et coutumières ; 381

Photos ADO Issoufou ONEP

« Itinéraire d’un combat ! »

Industries Extractives au Niger

382

Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE)

– diffusion sur le site web de l’ITIE. Les rapports de mise en œuvre de 2011 à 2014 ont été rédigés. L’ITIENiger dispose d’un site web et d’un système informatisé de gestion des données (sur les revenus). Le Comité National de Concertation (CNC) a retenu comme déclarants toutes les entreprises et tous les individus (artisans miniers) qui bénéficient d’un permis de recherche et/ou d’exploitation pétrolière, minière ou gazière, mais n’a pas jugé utile de fixer un montant significatif comme seuil de matérialité. Par contre, il a exigé que tout paiement ou encaissement soit déclaré. Depuis, il y a un fort engagement de toutes les parties prenantes au processus ITIE. S’agissant de l’Administration : – la Constitution de la VIIème République, promulguée le 25 Novembre 2010, a fait une large place à la bonne gouvernance dans les domaines miniers et pétroliers en ses articles de 147 à 153. A l’article 150, il est stipulé que les revenus versés à l’Etat, désagrégés société par société, seront intégralement publiés au Journal Officiel (JO). – L’élaboration d’une Charte de bonne gouvernance des ressources extractives est en cours. Les Actions de la Société Civile nigérienne sont entre autres : – la vulgarisation de l’ITIE et l’animation des débats publics ; – la dissémination des rapports à travers les supports radio, télévision, bulletins d’information, ateliers de renforcement des capacités sur l’ITIE ; – la structuration de la société civile sur le territoire national en coordination nationale, antennes régionales, bureaux locaux. L’appui des industries extractives dans le domaine social : santé ; éducation et infrastructures (eau potable, participation à la cure salée et maraîchage). Les insuffisances : – la faible portée de l’information du fait de l’analphabétisme d’une importante couche de la population. 383

« Itinéraire d’un combat ! »

Les défis et perspectives : – mettre en place des points focaux régionaux ; – faire inclure une disposition relative à l’ITIE dans le Code Minier et pétrolier et dans les Conventions minières et pétrolières ; – désigner un point focal ITIE dans toute entreprise minière, pétrolière ou gazière qui s’installe au Niger ; – définir des moyens de communication permettant de toucher une grande partie de la population, afin que celle-ci s’approprie l’ITIE. Aujourd’hui, dans l’Ouest du Niger, à Samira, dans le Département de Tillabéry, persiste depuis neuf ans une situation d’exploitation ravageuse de l’or, véritable escroquerie dénoncée par les responsables de la société civile qui ont tiré la sonnette d’alarme en révélant le gain tiré par le Niger qui est seulement de 8,579 milliards FCFA en cinq ans d’exploitation, de 2004 à 2009. En tenant compte du fait qu’à la signature du contrat d’exploitation, l’once d’or valait 350 USD, et que, sept ans plus tard, il s’était revalorisé à 1750 USD ; l’arnaque est évidente ! De fait, ce site de Samira dont le potentiel annuel de production atteint 3.000 kg, garantit en seulement une année un montant de ventes de 90,75 milliards F CFA ! C’est pourquoi, on peut se féliciter de l’avènement de l’ITIE au Niger autour des problèmes et enjeux de mise en valeur des richesses minières du pays. Mais pour jouer pleinement son rôle d’instrument d’évaluation de la juste valeur des produits de l’activité minière, celui de surveillant du respect des règles d’exploitation dans la transparence, et de la distribution équitable des ressources en conformité avec les textes en vigueur, l’ITIE doit pouvoir se doter des moyens pour mieux accomplir les tâches qui lui incombent. Selon les données du premier rapport qui a été publié sur les résultats d’exploitation des mines du Niger pendant les années 2007, 2008, 2009, on peut retenir les montants suivants : - en 2007 …70,537 milliards FCFA ; - en 2008 … 187,514 milliards FCFA (à cause d’un bonus de signature

384

Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE)

du permis pétrolier d’Agadem qui, seul, a rapporté 123,375 milliards FCFA) ; - en 2009 …67, 584 milliards FCFA. La Situation des permis miniers délivrés au Niger est la suivante : Périodes Permis

Année 2006 6

Année 2007 131

Année 2008 159

Année 2009 158

Année 2010 139

Ainsi, en trois ans, l’Etat du Niger n’a récolté que 325, 635 milliards FCFA de ses mines en activité ! Cela paraît dérisoire au regard du fait que pour financer son budget 2013, le Gouvernement devait disposer de plus de 1300 milliards FCFA ! La situation du Niger ressemble beaucoup à celle décrite par la Juge Eva Joly, dans son livre, La force qui nous manque, édité par POINTS, en 2009. Elle y dénonce l’exploitation du cuivre, dans la Zambie du Président Chiluba, en 2006 ; ce pays, alors deuxième producteur mondial de cuivre, avait totalisé 1.500 milliards FCFA de ventes de cuivre, et sur ce montant, son pays n’avait bénéficié que de 30 milliards, soit les 2% de la valeur du cuivre exporté ! La contribution des industries extractives à l’économie nationale entre 2006 et 2010 représente : Périodes

Année Année Année Année 2006 2007 2008 2009 Contribu5,5 82,230 38,126 56,154 tions aux Milliards Milliards Milliards Milliards recettes FCFA FCFA FCFA FCFA budgétaires

385

Année 2010 53,821 Milliards FCFA

« Itinéraire d’un combat ! »

Voici autant d’éléments qui prouvent l’importance de l’ITIE dans nos pays sahéliens qui n’ont pas les moyens de leurs politiques extractives, c’est-à-dire, l’expertise en cadres pleinement qualifiés. Telle est la nature de nos limites de gestion et c’est le cas dans toute l’Afrique. L’ITIE, ce mécanisme tripartite unique, vise à renforcer la gouvernance par la promotion de la transparence et des possibilités de contrôle dans le secteur extractif. En tant que telle, il s’agit d’une initiative qui, malgré sa méthodologie assez rigoureuse, est à encourager, car elle constitue un véritable tremplin pour aller plus loin dans la recherche de la stabilité politique et économique dans les pays du Sahel qui adhèrent à ses principes.

386

Photo ADO Issoufou ONEP

Accès à l’énergie au Niger38

Exploitation de l’uranium au Niger

L

e Forum économique international des Amériques a été créé dans le but de promouvoir une présence des Amériques dans les décisions entourant les grands enjeux économiques de l’heure. Il a pour mandat de permettre la conclusion d’ententes, de fournir des occasions d’affaires et d’offrir une information privilégiée qui permette de prendre les bonnes décisions. Les thèmes développés du

38 . (Communication présentée au 20ème Forum économique international des Amériques, Montréal, Hôtel Fairmont Queen Elisabeth 900, Bd René Levesque Ouest Montréal (Québec) H3B4A5 Canada, 10 juin 2014)

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« Itinéraire d’un combat ! »

9 au 12 juin 2014 s’articulent autour de la problématique centrale des fondements de la prochaine ère de croissance. Durant quatre jours, plus de 180 Conférenciers, reconnus sur la scène internationale, ont discuté et débattu des thèmes économiques lors de foras, tables rondes et séances plénières. Au programme, trois grands thèmes ont été abordés sous la coprésidence du Secrétaire Général de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, Angel Curría et de Gérard Mestrallet, Président-directeur Général, GDF Suez : « Économie, gouvernance et retraite » et « Énergie, ressources naturelles et développement durable », « Commerce international, santé et innovation ». Permettez-moi de saluer l’organisation du 20ème Forum des Amériques. J’adresse mes remerciements les plus sincères aux responsables de cet évènement pour l’accueil chaleureux qui nous a été réservé depuis notre arrivée dans cette belle ville de Montréal. L’occasion est remarquable, puisqu’il s’agit pour nous d’intervenir sur l’énergie. L’occasion est surtout saisissante, puisqu’il s’agit de parler de ses impacts dans mon pays, le Niger, et en Afrique subsaharienne. Au moment où je vous parle, plus de 90% de mes compatriotes vivent sans électricité, alors même que mon pays est le quatrième producteur mondial de l’uranium. Il importe du Nigeria voisin 87% de ses besoins en électricité. Le Niger dispose d’importantes ressources primaires énergétiques : uranium, charbon fossile, hydrocarbures, soleil, hydroélectricité, vent, sans compter la biomasse et les déchets. Un bref regard sur la situation énergétique du Niger révèle le niveau structurellement faible de la consommation dominée par la biomasse qui est prélevée sur les maigres ressources ligneuses. Cette situation de pauvreté énergétique se caractérise par des indicateurs les plus bas en Afrique et bien entendu au monde. Il s’agit : – d’un taux d’accès des ménages à l’électricité d’environ 10%, alors que la moyenne mondiale se situe à près de 60% ; – d’un taux d’accès à l’électricité en milieu rural de 1%, alors que 388

Accès à l’Énergie au Niger

la moyenne pour l’Afrique subsaharienne est d’environ 8% et la moyenne mondiale de 44% ; – d’une consommation d’électricité qui ne représente guère plus de 3% du bilan énergétique global marqué par une forte consommation d’énergie d’origine ligneuse ; – d’une consommation d’électricité par tête d’habitant de moins de 50 kWh. Le diagnostic donne à conclure que les caractéristiques du Niger sont : – l’immensité du territoire national ; – la dispersion de l’habitat avec de faibles concentrations démographiques dans l’ensemble du pays ; – la faible consommation en énergie électrique essentiellement due à la pauvreté. La situation du Niger est similaire à celle d’autres pays africains, car 70% de la population africaine n’a pas accès à une énergie moderne et propre. L’accès à l’énergie varie amplement sur le continent : il dépasse 95% dans certaines régions d’Afrique du Nord et atteint à peine 10% dans d’autres régions (rapport de l’AIE). C’est dire que l’Afrique qui compte 20% de la population mondiale ne représente que 3% de la consommation d’énergie primaire de la planète (à l’exclusion des énergies traditionnelles et des déchets). Sa consommation d’électricité par habitant correspond à un sixième de la moyenne générale mondiale. Le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’électricité est estimé à 1,5 milliard de personnes dont 600 millions vivent en Afrique, représentant 42% de cette population mondiale où 33% seulement disposent d’un accès à l’électricité, ce qui constitue le pourcentage le plus faible au monde. Environ 77% de la population africaine n’a pas du tout accès à l’électricité et 89% consomme de la biomasse traditionnelle pour cuire les aliments et se chauffer. Les 80% des personnes dépourvues totalement d’accès à 389

« Itinéraire d’un combat ! »

l’électricité vivent en milieu rural. Ainsi, pour atteindre l’objectif que s’est donné la communauté internationale de réduire de moitié, d’ici 2015, la proportion des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour, il est indispensable d’assurer l’approvisionnement énergétique à un prix abordable, c’est-à-dire de prendre en compte la dimension sociale de l’énergie. L’électricité doit donc paraître comme le moteur de la croissance économique et servir de déclic à la lutte contre la pauvreté. C’est dire que, sans un accès universel à l’énergie et plus particulièrement à l’électricité, six des huit objectifs du millénaire ne seront pas atteints, mais, pire, ne pourront même pas être mis en œuvre ou amorcés. Dans ce cadre, nous avons apporté notre modeste contribution aux populations de la ville minière d’Arlit où le groupe Areva exploite deux mines d’uranium depuis 40 ans. L’électrification de quatre quartiers a véritablement changé la vie des populations à travers le petit commerce, l’éducation, la santé et l’artisanat, mais mieux encore, elle a permis de développer certaines infrastructures connexes. En effet, l’électricité demeure une ressource incontournable malgré que la corrélation entre activités énergétiques et écologiques puisse constituer une menace, non seulement pour notre environnement et notre économie, mais aussi pour les risques liés à la santé humaine, aux problèmes d’approvisionnement en eau, à la disparition des moyens de subsistance et aux violations des droits humains. L’universitaire Sénégalais, Amadou Mahtar M’Bow, n’a-t-il pas dit : « Aucun peuple ne peut connaître de progrès véritable s’il ne possède une capacité endogène de création scientifique et technique ouvrant à un développement endogène enraciné dans sa culture » ? C’est pour dire que nous sommes cernés par de pressants besoins énergétiques qui ne peuvent être satisfaits sans disposer de la maîtrise de production qui exige la mise à contribution de cadres de haut niveau scientifique, technologique et d’importants moyens financiers. Comme dans la plupart des villes africaines, l’offre en électricité, devenue chaotique et aléatoire, constitue un handicap sérieux à la 390

Accès à l’Énergie au Niger

promotion de quelques activités économiques et compromet toute possibilité de progrès et de croissance. Cependant, le point de vue exprimé par l’économiste Jérémy Rifkin doit nous interpeller. Il déclarait que « les centrales thermiques au fuel et/ou au charbon, tout comme les centrales nucléaires, sont des produits du passé », qu’il qualifie « d’équipements de fin de course de l’ère du carbone ». C’est pourquoi, nous estimons qu’il faut urgemment passer à l’exploitation des énergies renouvelables, la solution qui préservera l’environnement et la qualité de vie des habitants. Notre ambition pour demain, c’est de permettre l’accès à l’énergie à tous, sans risque de pénurie, sans menace pour la santé humaine, en préservant les ressources naturelles non renouvelables et en protégeant l’environnement. Ce faisant, il y a lieu de s’engager ensemble dans l’ère de la troisième révolution industrielle. Le Continent africain peut ainsi atteindre l’électrification intégrale vers 2050 en mettant en œuvre des politiques et stratégies cohérentes capables d’exploiter l’énergie solaire en abondance. A ce titre, j’en appelle à la responsabilité de tous, car au regard des enjeux et de l’importance de cette rencontre de Montréal, au Québec, sortira quelque chose de bien pour toute l’humanité et particulièrement l’Afrique.

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Photo Rabiou Malam Issa

Quel type de loi sur le sachet plastique au Niger39 ?

Mr Tondy Younoussa, Président de la Commission des Affaires Economiques et du Plan de l’Assemblée Nationale du Niger recevant le mémorandum de la Société Civile sur les sachets plastiques.

F

ace à ce qui peut devenir un grave problème environnemental et de santé publique contribuant à une dégradation dangereuse des conditions de vie des populations tant urbaines que rurales, il est urgent que des mesures appropriées et durables soient prises dans les différents pays pour mettre fin à l’utilisation des sachets plastiques

39 . (Contribution citoyenne sur l’interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de l’utilisation et du stockage des sachets et des emballages en plastique souple à basse densité au Niger, 3 novembre 2014)

393

« Itinéraire d’un combat ! »

souples de type polyéthylène à basse densité. D’innombrables solutions existent dans la façon dont les pays abordent cette question, y compris les actions à mener. Les approches varient de mesures volontaires, à des campagnes d'éducation, de prélèvements sur les sacs plastiques par les détaillants à des interdictions pures et simples. A l’évidence, la terre ne nous appartient pas seuls. Il faut absolument la protéger en bon père de famille. Les sachets plastiques sont nocifs pour l’environnement. La plupart des plastiques sont obtenus à partir de pétrole, qui est la matière première permettant la production d'une molécule de base appelée l'éthylène, le propylène ou le styrène... Jetés dans la nature, les sachets plastiques prennent des centaines d’années à se dégrader. Ils représentent une menace pour la santé des humains, mais aussi pour les animaux. La question de l’interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de l’utilisation et du stockage des sachets et emballages en plastique souple de type polyéthylène à basse densité (PEBD) ne doit pas diviser les esprits au Niger. Les sacs plastiques sont un réel danger, surtout lorsqu’ils sont répandus dans la nature. A cet égard, cette situation est une préoccupation commune et même, un défi fédérateur au Niger. Au-delà d’une source considérable de pollution, les sachets plastiques représentent une nuisance visuelle dans les villes et les campagnes les plus reculées. Cette forme de pollution est dite « pollution blanche » en occident, et « pollution noire en Afrique ». Ces produits ont envahi le quotidien des Nigériens. En ce sens, notre pays n’échappe pas à la problématique posée par la question des déchets, surtout ceux provenant des emballages. Dès lors, notre pays est confronté à un grand défi. Il y a trois types de déchets plastiques : les thermodurcissables, les thermoplastiques et les élastomères. Les plus courants ont un impact direct sur l’environnement. Jetés dans la nature, ils imperméabilisent le sol, ne facilitent pas le ruissellement des eaux et l’infiltration dans le sol. Ils se retrouvent par centaines de millions dans la nature, et sont responsables de la destruction de la 394

Quel type de loi sur le sachet plastique au Niger ?

biodiversité. Pour cause : les cultures peuvent manquer d’eau et les rendements agricoles peuvent être compromis dans un pays confronté à une insécurité alimentaire récurrente. Les sachets plastiques ont tendance à s’envoler dans les milieux naturels : champs, fleuves, marigots et sur les arbres, où ils contribuent à la dégradation des paysages. Leur recyclage n’est pas rentable d’un point de vue écologique et économique. Selon l’organisme Éco-emballage, les sacs plastiques seraient trop légers pour être recyclés, et leur recyclage consommerait plus de ressources qu’il n’en restituerait. Les conséquences négatives de la croissance exponentielle des déchets plastiques sur notre environnement ont amené le Gouvernement nigérien à proposer l’interdiction de leur usage. Ce qui serait assez laborieux à l’heure où les usines de fabrication se sont bien implantées chez nos voisins. C’est pourquoi, relever un tel défi revient à impulser une nouvelle dynamique visant à conscientiser les consommateurs. Dans ce cadre, les populations ont un grand rôle à jouer. Par exemple, les ménagères peuvent adopter une consommation responsable en refusant les sacs plastiques de caisse, et en amenant systématiquement leurs calebasses ou leurs paniers avec elles au moment des courses aux marchés. Il est urgent, voire même capital que les ménagères adoptent des changements de comportement, une attitude nouvelle, consciente et responsable face à l’utilisation des sachets plastiques. Il peut s’agir de cette attitude simple de refus face aux vendeurs, du cadeau plastique d’emballage parce que c’est non seulement nuisible en plus la loi l’interdit. Chaque citoyen doit être un vecteur et un acteur de protection de l’environnement pour combattre quotidiennement l’utilisation et la vente des sachets plastiques non biodégradables. Certes les technologies évoluent et la mise sur le marché des sacs 100% biodégradables est un atout considérable. Toutefois, ces sacs pour la plupart sont fabriqués à base d’amidon de maïs qui coûtent jusqu’à 10 fois plus chers que les sacs à base de polyéthylène. Cela peut poser un problème de disponibilité des 395

« Itinéraire d’un combat ! »

denrées alimentaires dans un pays comme le nôtre. Toutefois, l’exemple de l’Irlande qui a adopté une taxe sur l’utilisation des sachets plastiques est une démonstration remarquable. En effet, depuis 2002, le consommateur irlandais peut acheter en caisse un sac jetable. L’argent est collecté et utilisé par le Ministère de l’Environnement pour la réalisation des projets de nettoyage des espaces publics. A l’époque, le Gouvernement annonçait que si les services de distribution remplaçaient les sacs plastiques par des sacs en papier, ceux-ci seraient également taxés. Des études ont révélé que la fabrication de ces sacs dégage plus de CO2 que celle des sacs en plastique. Très satisfaite de cette mesure, l’Irlande se propose de généraliser le principe du pollueur payeur en introduisant des taxes sur les reçus dans les grandes surfaces. Néanmoins, il se trouve que les sachets plastiques sont entrés dans les habitudes des consommateurs nigériens. Cet aspect doit être appréhendé et mieux maîtrisé par les composantes nationales et particulièrement, par les Députés Nationaux, dans la perspective de l’adoption du Projet de Loi portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de l’utilisation et du stockage des sachets et des emballages en plastique souple à basse densité. Actuellement, il est pratiquement impossible de bannir totalement le sac plastique au Niger. Les sachets plastiques présentent des avantages et des inconvénients à nos populations pauvres qui partagent 1.500 km de frontière avec le Nigeria, grand producteur. Ces sachets sont flexibles, solides, imperméables, imprimables, recyclables et réutilisables. Ils sont faciles d’accès et se prêtent à plusieurs usages. Il s’agit d’un produit que le consommateur se procure à faible coût. Le client d’une pharmacie, la ménagère qui fait ses courses au marché, l’acheteur qui se présente chez un étalagiste, tous utilisent des sachets plastiques, d’où la nécessité de la mise en œuvre d’un plan d’actions à l’effet de préparer les populations, suite à la décision du Gouvernement d’aller vers l’adoption d’une loi interdisant son 396

Quel type de loi sur le sachet plastique au Niger ?

utilisation. La gestion de cette question pourrait être très préoccupante lorsqu’elle n’est pas suivie de mesures d’accompagnement arrêtées avec les parties prenantes. Par exemple, les sachets en plastique d’eau ou de glace vendus à Niamey à 25 FCFA et 50 FCFA sont à la portée de la bourse du citoyen moyen. Ce commerce est exercé au Niger par une multitude d’entreprises familiales. Pareillement, il existe une gamme de produits très variés d’emballages plastiques qui inondent le marché nigérien, les hôpitaux et nos industries. Le plus connu par la ménagère ou les consommateurs de viande et d’autres aliments est le fameux « sachet noir » dans lequel est livré le moindre produit vendu. Sa nuisance est visible partout. Chaque jour, les rues et les dépotoirs d’ordures de nos villes reçoivent des dizaines de tonnes de matières plastiques. Dans ce contexte, avant l’adoption de la loi, le Gouvernement et ses partenaires doivent accompagner les industries locales à opter pour des solutions intermédiaires, c’est-à-dire la production ou la mise en consommation de sachets biodégradables. Aujourd’hui, riches ou pauvres, personne ne peut se passer des sachets plastiques, parce qu’il s’agit de l’emballage le moins cher pour les consommateurs. C’est d’ailleurs pourquoi il est mis à la disposition de tous les usagers dans les lieux de vente des produits. Le sachet plastique est disponible partout et intervient dans plusieurs rôles : emballage des pâtes alimentaires, farines, eau, sucre, savons et habillements. En somme, le commerce de nombreux produits liquides, solides, ou en poudre ne peut s’opérer sans l’utilisation du sachet plastique. C’est dire qu’il bénéficie d’une utilisation accrue dans les marchés, les supermarchés, boutiques et auprès des vendeurs ambulants. Force est de constater qu’il sert en même temps de couverture aux abris des familles les plus démunies et s’utilise pour renforcer les toits des maisons en banco. Les produits de consommation comme les sels, savons, dattes, fruits et légumes ne peuvent bien se vendre qu’avec les sachets plastiques. Les sachets qui seront concernés par l’interdiction sont bien évidemment les sachets 397

« Itinéraire d’un combat ! »

d’eau, les sachets de super marchés, les sachets d’emballages de pressing, les plastiques noirs utilisés dans l’agriculture et les sacspoubelles. Les plastiques écho-compatibles seront une solution alternative à forte valeur ajoutée. Ils se dégradent complètement entre six mois et cinq ans, après la durée de vie prédéterminée du produit. En outre en l’abandonnant dans la nature, la dégradation peut se faire en quelques mois, en fonction des conditions d’exposition. Dans le cadre de la mise en œuvre de celle nouvelle loi, plusieurs interrogations sont formulées par les organisations de la société civile : pourquoi des réflexions et des concertations avec les acteurs concernés n’ont-elles pas été engagées autour de sa substitution ? Quelles sont les mesures à prendre pour suppléer l’absence des sachets plastiques ? Comment interviendra la succession des sacs biodégradables ? Comment préparer la reconversion des opérateurs économiques fournisseurs des sachets plastiques ? Quelles sont les mesures d’accompagnement ? C’est pour toutes ces raisons que la Commission des Affaires Économiques et du Plan à l’Assemblée Nationale est invitée à demander au Gouvernement la mise en œuvre des propositions suivantes : recommander à chaque Commune de disposer de collecteurs et recycleurs des sachets plastiques ; encourager l’Etat, les collectivités, les ONG et Institutions internationales à contribuer substantiellement dans la collecte des déchets plastiques au Niger ; faire taxer les industries et importateurs des sachets plastiques des conséquences de leur produit ; soutenir financièrement tous ceux qui envisagent de collecter et recycler les déchets ; mettre en place une structure de contrôle composée des services des douanes, du commerce, de la concurrence, de la Direction Générale de la Protection de l’Environnement et des Représentants des Consommateurs ; créer une filière de collecte et recyclage des déchets plastiques dans toutes les régions ; intensifier les campagnes d’information et de sensibilisation des populations à l’usage du sachet biodégradable pour aller vers une reconversion totale. Il est 398

Quel type de loi sur le sachet plastique au Niger ?

grand temps que les honorables Députés Nationaux se lèvent et sifflent la fin de la partie pour adopter la loi sur l’utilisation de ces sachets plastiques. L’objectif est double : lutter contre la dégradation de l’environnement et protéger la santé des personnes et des animaux. Si les collectivités prenaient conscience de l’ampleur du danger, elles pouvaient assainir les villes en s’attelant à installer des dépôts poubelles dans chaque coin de rue. Ce sont des méthodes qui sont utilisées dans beaucoup de pays d’Amérique, en Chine, en Arabie Saoudite et en France. C’est aussi pourquoi les Parlementaires Nigériens doivent appréhender les enjeux, car s’ils sont bien informés, ils pourront défendre les intérêts des populations qu’ils représentent, et mieux, ils contrôleront l’action gouvernementale dans ce secteur particulier. Aussi, il y a lieu d’alerter la population sur les conséquences néfastes de ces produits et leur proposer des solutions de recyclage. Cela impliquerait de nouveaux investissements en termes d’équipements que l’Etat et ses partenaires pourront prendre en charge. Il n’en demeure pas moins que les mesures préconisées par l’Etat, même si elles sont louables, sont loin de permettre d’interdire l’utilisation et la vente des sachets plastiques sur toute l’étendue du territoire et d’atténuer leurs conséquences sociales et économiques. Pour des raisons environnementales et sanitaires liées aux questions économiques et sociales, cette question doit être une préoccupation nationale bien pensée. A cet effet, compte tenu du rôle clé que jouent les Parlementaires dans ce domaine, il est important que leurs actions soient appuyées par des concertations régulières, des missions conjointes, des études, des enquêtes et du lobbying, pour la reconversion totale des Nigériens qui exercent ce métier, afin de les inciter à introduire des sachets biodégradables, dans le but d’aboutir à un développement harmonieux de notre cher pays. Ainsi, la société civile nigérienne ne s’oppose pas en général au projet de loi du Ministre de l’Hydraulique et de l’Environnement, M. Issoufou Issaka, qu’elle salue vivement pour avoir pris cette initiative historique. Au 399

« Itinéraire d’un combat ! »

contraire, elle attire l’attention des autorités nationales que cette loi ne pourra pas bien fonctionner tant que le Gouvernement n’aura pas fait un choix responsable. Dans cette dynamique la loi dispose déjà que les éventuels contrevenants encourent des peines de prison de trois à six mois et une amende de 100.000 à cinq millions de FCFA ou l’une de ces deux peines. Cependant, malgré les importants moyens prévus pour conduire une campagne de mobilisation visant à convaincre les plus sceptiques quant à l’utilisation des sachets plastiques, il reste à savoir quand cette loi sera appliquée ? Face à la réalité, ne nous voilons pas la face. L’application de cette loi reste hypothétique, sinon inapplicable. Cette situation existe au Nord comme au Sud, l’organisation de la collecte des ordures ménagers fait la différence. L'exemple de l’Irlande est donc à suivre !

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Photo Martine Pierret

Énergies : on n’est pas tous égaux40 !

Visite des stands présidée par la Sénatrice-Maire de Saint Pierre de Corps en France

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a14ème édition de la Semaine de l’Énergie accueillie par la ville de Saint Pierre des Corps est placée sous le signe des sources d’énergies pour la Paix. Ces sources d’énergies moins productrices de carbone et intarissables permettent de penser à un monde de ressources mieux partagées dans la construction d’un modèle débarrassé de toute inégalité. Des avancées existent à cet effet pour . (Communication présentée en France à la semaine de l’énergie dans la salle des fêtes de la Mairie de Saint-Pierre-des-Corps, sur le thème : « Énergies : on n’est pas tous égaux ! », 4 novembre 2014)

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« Itinéraire d’un combat ! »

permettre d’utiliser des énergies qui rassemblent au lieu de diviser. C’est avec le souci d’apporter des connaissances, de l’expertise accessible au plus grand nombre, de favoriser des débats à bâtonrompu, que cette rencontre décontractée est organisée chaque année en France. Comme nous l’avons vu sur certaines affiches à l’entrée de la vieille ville, l’accès à l’énergie et, plus particulièrement, à l’électricité est une condition indispensable pour le développement économique et sanitaire d’un pays. Malheureusement, 600 millions d’Africains, soit un habitant sur trois, n’ont pas accès à l’électricité. C’est aussi le cas de 10 millions de petites entreprises de ce Continent, malgré ses énormes potentialités hydroélectrique, géothermique, en gaz naturel, en énergie solaire et éolienne. Les capacités totales de production en électricité de toute l’Afrique, n’excèdent pas 80.000 MW pour alimenter 860 millions d’habitants, soit l’équivalent de la production de l’Espagne pour couvrir les besoins de ses 45 millions d’habitants. Dans mon pays, le Niger la précarité énergétique se traduit par un taux d’accès des ménages à l’électricité de 10%, alors que la moyenne mondiale se situe à 60% ; un taux d’accès à l’électricité en milieu urbain de 40%, en milieu rural de 0,6%, alors que la moyenne de l’Afrique subsaharienne est d’environ 8% et la moyenne mondiale 44% ; une consommation de charbon minéral carbonisé et des énergies renouvelables de moins de 1% ; une consommation totale d’énergie s’élevant à 2,6 millions de tep contre 259,4 millions de tep en France ; une faible consommation d’énergie à 0,14 tep/ hbt, comparativement aux moyennes africaines et mondiales qui sont respectivement de 0,5 et 1,2 tep/hbt ; une prédominance à la biomasse (bois-énergie dévastant près de 150.000 ha chaque année) et culmine autour de 93%. Le secteur résidentiel-tertiaire domine avec 95,1%, largement devant les secteurs productifs qui représentent 4,9%, dont 4,13% pour le transport 0,75% pour le secteur industriemines et 0,02 % pour l’agriculture. Le réseau électrique nigérien est constitué de 800 km de lignes de transport et de 2.700 km de lignes 402

Énergies : on n’est pas tous égaux !

de distribution. Ces chiffres sont à rapprocher avec l’immensité du pays : 1.267.000 km2, soit deux fois et demi la France. Cependant, le réseau français est constitué de 105.000 km de lignes électriques à haute et très haute tension. En 2017, seuls 429 villages sur 15.308 sont électrifiés. L’accès à l’électricité est très discriminatoire selon les zones d’habitation, avec une moyenne de 30% pour les zones urbaines et seulement 0,1% pour les zones rurales qui abritent plus de 80% de la population. Cette situation met en évidence la violation de l’article 147 de la Constitution nigérienne qui stipule, en son alinéa premier : « L’Etat du Niger s’attelle à développer son potentiel énergétique en vue d’atteindre la souveraineté énergétique, l’accès à l’énergie et la mise en place d’un secteur industriel, minier, pétrolier et gazier dynamique et compétitif, orienté vers la satisfaction des besoins nationaux et des exigences du développement ». C’est l’un des premiers pays au monde qui a introduit dans sa Loi fondamentale une telle disposition, grâce au combat et à la détermination des acteurs de la société civile. A cet égard, la notion d’accès à l’énergie oblige le Niger à devenir davantage attentif à l’écart qui sépare la proclamation de ce droit et sa mise en œuvre effective, laquelle suppose des moyens de financement suffisants, une organisation administrative adaptée et un système productif apte à répondre à la demande des usagers. Comment comprendre que les habitants de la capitale du Niger, qui y résident pour certains depuis deux générations, continuent à vivre dans l’attente du courant électrique, malgré le paiement total des frais d’abonnement ? Dans la capitale, les deux millions de « Niaméyens »41 ne bénéficient pas des avantages que procure le tramway, ils n’ont jamais vu de tapis roulant dans les services publics, pas d’assainissement adéquat et l’éclairage public est presque inexistant. Le taux d’accès à l’électricité est de 55% et croît très lentement, il était de 35% en 1996. Au 31 décembre 2013, . Habitants de Niamey

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« Itinéraire d’un combat ! »

les points de livraison étaient au nombre de 250.980 sur une population de 19,7 millions d’habitants, ce qui représente une densité démographique de sept hab/km2. Cette population dont les 2/3 sont des jeunes croît de 3,3%. En 2011, Niamey comptait 92.348 abonnés, soit la moitié des abonnés du pays. Au Niger, posséder une simple ampoule de 20 w à un prix accessible est inaccessible pour de nombreux ménages. Il y a 17% de ménages urbains qui consomment 99% de l’électricité totale du pays et 83% de la population rurale se répartissent le 1% restant. Le domaine de l’électricité est marqué par une large faiblesse du taux d’accès en milieu rural, par rapport au milieu urbain (0,4% contre 47% selon le bilan énergétique 2008). L’accès des établissements sanitaires à un service énergétique moderne ne dépasse pas 22%, et seulement 3% en ce qui concerne les infrastructures scolaires. Le secteur agricole, qui constitue un secteur à haut potentiel de croissance économique et de développement social, ne bénéficie de services énergétiques modernes qu’à hauteur de 5%. L’utilisation des énergies renouvelables est quasi nulle (0,012% selon le bilan 2008). Une situation assez paradoxale pour un pays qui recèle d’immenses ressources énergétiques (solaire, hydroélectricité, charbon minéral, gaz, uranium et pétrole). Le paradoxe est d’autant plus manifeste que le pays capitalise une longue expérience dans les technologies alternatives de fourniture de services énergétiques. Les travaux entrepris par le CNES, dès les années 70, ont permis la production et la commercialisation de divers équipements solaires (chauffe-eau, cuisinières, systèmes de pompage, d’éclairage et de ventilation solaires photovoltaïques). Le Programme Spécial Energie (PSE) a développé plusieurs installations solaires photovoltaïques et réalisé des bio-digesteurs et des foyers améliorés. Des efforts de transformation du charbon minéral pour son utilisation comme combustible domestique en substitution au bois de feu, ont connu des progrès remarquables. La mise en œuvre du Programme National 404

Énergies : on n’est pas tous égaux !

Gaz butane (PNG) a également permis la vulgarisation de réchauds à gaz pour des bouteilles de trois à six kilogrammes. A la faiblesse générale des taux d’accès aux services énergétiques, s’ajoute le retard notoire en ce qui concerne les populations rurales. Chez les ménages ruraux, la faible part des énergies modernes fait persister la domination de la biomasse traditionnelle (plus de 97% de l’énergie finale consommée). La biomasse, les résidus agricoles et les déchets animaux sont encore sous utilisés. A cet égard, le faible accès aux services énergétiques constitue le véritable frein au développement économique et social. Pourtant, le caractère transversal de l’énergie sur l’ensemble du processus de développement peut améliorer, de façon sensible les conditions de vie des populations. Ceci d’autant plus que même dans les villages les plus reculés, l’accès à l’électricité n’est plus perçu comme un luxe mais une nécessité, ou un outil de développement communautaire. Cette situation montre clairement l’accès inégalitaire à l’énergie entre zones rurales et zones urbaines. La notion de service public de l’énergie, est dès lors, une vague chimère. Peut-on accepter qu’une partie d’un pays soit alimentée et qu’une autre vive dans le noir total, de surcroît dans un pays désertique où la température à l’ombre dépasse 42°C ? On saisit mieux la réalité de la situation quand on ajoute le prix de l’électricité incontestablement trop élevé et ne permettant pas de répondre aux besoins fondamentaux des Nigériens. C’est pour toutes ces raisons que la consommation du Niger reste la moitié de celles du Togo et du Mali, estimées à 128 kWh/hab/an. Elle est quatre fois inférieure à la moyenne énergétique africaine. La consommation totale du Niger représente 5% de la consommation de la ville de Paris. Cette situation ne permet pas au Niger d’atteindre l’objectif de réduction de la pauvreté. La France, septième consommateur d’énergie, consomme 2,5% à l’échelle mondiale pour moins de 1% de la population mondiale grâce à l’uranium nigérien exploité par le groupe français Areva. Nous sommes en devoir de dénoncer cette 405

« Itinéraire d’un combat ! »

situation de frustration et d’injustice vis-à-vis du peuple nigérien. Aujourd’hui, notre pays est dans une situation paradoxale, en ce sens qu’il a des ressources lui permettant de produire de l’électricité, mais ses moyens de production en réserve froide frappent l’œil. Le PIB par habitant en France est de 41.420 USD contre 412,52 USD au Niger. A titre illustratif, la centrale thermique Niamey II, équipée de deux turbines à gaz d’une capacité de 12 MW acquises en 1978 et 1980, fournit juste 15 MW, compte tenu de son état de vétusté avancée et des problèmes techniques. Cette centrale était équipée d’un petit groupe diesel acquis en 1976 et fournissait 0,6 MW. La deuxième centrale basée dans le quartier de Goudel est équipée d’un groupe diesel PC4 de 12 MW. Elle est mise en service en 1985 et fonctionne au fuel lourd. En 2012, cette centrale a été appuyée par une dizaine de petits groupes en location qui ne parviennent pas à satisfaire la demande des citoyens. L’accès à l’électricité reste l’un des problèmes majeurs. Les coupures électriques sont intempestives et parfois interminables, presque quotidiennes dans de nombreux villages. Ces coupures d’électricité mettent en lumière l’état de délabrement des équipements de la société nationale d’électricité. En l’absence d’une fourniture permanente d’accès à l’énergie, plusieurs secteurs de la vie économique et sociale ne peuvent fonctionner correctement. Si l’accès à l’énergie n’est pas mis au point, dans les années à venir, les effets peuvent être dévastateurs sur les populations. Déjà, les populations rurales sont affectées par cette question. Les femmes et les enfants consacrent de longues heures et maints efforts à la collecte des combustibles traditionnels et sont exposées aux fumées de combustion qui portent atteinte à leur santé. Pour mieux saisir la pertinence de ce thème « Énergies : on n’est pas tous égaux » ! Il suffit d’arriver par avion la nuit à Agadez pour découvrir une capitale minière plongée dans l’obscurité. C’est cette triste réalité que nous devons contribuer à changer, et c’est possible, au nom de la solidarité internationale, car un pays sans 406

Énergies : on n’est pas tous égaux !

énergie n’est pas un pays. Des quartiers entiers se retrouvent privés d’électricité durant des heures et presque quotidiennement pour certains d’entre eux. Aux coupures d’électricité s’ajoutent d’autres facteurs et d’autres perturbations comme les surtensions surtout à l’intérieur du pays. La situation est certes due aux périodes d’étiage que nous traversons. Pendant ces périodes sèches, chaudes et difficiles, les consommateurs sont victimes de délestages sans information préalable. Ce problème est vécu sur toute l’étendue du territoire national. Pour une ville comme Zinder, la desserte en électricité reste un enjeu majeur. Il est donc légitime de se soucier des défis énergétiques de cette ville pétrolière, défis qui constituent un obstacle à sa croissance. A cet effet, il n’est plus nécessaire de justifier l’importance de l’énergie électrique dans l’amélioration du bien-être des populations et sur le développement durable, surtout dans le milieu rural où résident 83% de la population nigérienne. Nos industries ont beaucoup souffert de l’insuffisance de l’électricité qui ne leur permet pas de se développer et qui empêchent aux investisseurs de venir massivement. Ailleurs, en l’absence du courant électrique, la vie s’arrête. Le bilan énergétique peut être un bon indice de bonne gouvernance de nos autorités. La prise en considération des questions énergétiques sera, donc, au centre des préoccupations comme toutes proportions gardées, la question alimentaire qui taraude l’esprit des autorités dans un pays, aux deux tiers désertiques, qui connait régulièrement des sécheresses et des famines. C’est la solution d’avenir pour assurer un progrès socioéconomique et donc le bonheur des populations africaines. S’agissant particulièrement de l’épineux problème d’absence de l’énergie et ses conséquences, c’est-à-dire l’atteinte à l’autonomie énergétique, il ne peut être concrétisé que si les entreprises retenues pour effectuer les travaux arrivent à respecter les délais prescrits. En réalité, l’autonomie énergétique concourt à la cohésion sociale, assure le droit à l’électricité pour tous, au développement équilibré du territoire, au 407

« Itinéraire d’un combat ! »

progrès technologique, ainsi qu’à la défense et à la sécurité publique. A cet égard, l’autonomie énergétique dont nous ne doutons plus la réalisation un jour avec des dirigeants patriotes, permettra de faire un choix éclairé des politiques les mieux adaptées au contexte national. D’ailleurs, nombreux sont les Nigériens qui pensent que cette situation révèle un manque de professionnalisme et de responsabilité dans un Etat qui se dit indépendant. Le Nigeria, avec ses installations énergétiques de Kandji, malgré ses besoins propres sans cesse croissants continue à montrer sa magnanimité en faisant preuve de générosité et de solidarité pour assurer à notre pays une grande partie de sa consommation d’énergie électrique. Il serait parfaitement inconvenant de la part des autorités nigériennes d’ignorer que ce pays ami et frère n’a aucune obligation statutaire de nous alimenter en électricité, alors qu’il doit prioritairement servir sa population qui avoisine les 200 millions d’habitants.

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Photo ADO Issoufou ONEP

Décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale42

Table de séance présidée par le Premier Ministre Brigi Rafini saluant l’intervention de Moustapha Kadi Oumani à Dosso

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a cinquième édition des journées des Communes du Niger s’est tenue à Dosso sous le thème : « La décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale ». Après Niamey en mars 2007, Tahoua en mai 2008, Zinder en février 2009, Maradi en avril 2013, c'est au tour de la capitale des Zarmakoyes d'abriter les travaux.

42 . (Communication présentée à Dosso à la 5ème édition des Journées des Communes du Niger sur le thème : « La décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale », les 5 et 6 février 2015, présidées par le Premier Ministre du Niger, M. Brigi Rafini)

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« Itinéraire d’un combat ! »

La cérémonie d'ouverture a été présidée par le Premier Ministre, Brigi Rafini, le jeudi 5 février 2015. Parcourant régulièrement le Niger, je connais sa beauté et sa diversité. Je perçois les angoisses et les détresses de ses populations. Je comprends les obstacles que les populations rencontrent dans la recherche des voies d’instauration d’une décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale. Ces obstacles se caractérisent par des écarts de richesse qui se creusent entre les riches et pauvres, tout comme la montée criarde d’inégalités entre les très pauvres et les nouveaux riches. Cette situation est annonciatrice de menaces contre la démocratie et la cohésion sociale par rapport à une population qui s’urbanisent à des proportions assez importantes. Cette situation a pour corollaire : des villes qui n’en finissent plus de s’étendre, et qui restent confrontées à des défis sanitaires, éducatifs, alimentaires et moraux ; une détérioration de l’écosystème et une perturbation de plus en plus perceptible des conditions climatiques ayant pour conséquences l’épuisement des ressources et la dégradation des terres. Mais, il ne suffit pas simplement d’analyser les facteurs pour soulever les problèmes du développement d’un pays et de ses entités territoriales décentralisées. L’émergence des collectivités territoriales est cruciale pour l’ancrage de la démocratie, le développement local et la lutte contre la pauvreté dans toutes ses dimensions. Au Niger, après quelques années de conceptualisation, d’élaboration du cadre légal et institutionnel et de négociations politiques, la décentralisation est devenue réalité. Les élections communales étaient l’aboutissement de la phase préparatoire et le démarrage de la mise en œuvre de cette réforme institutionnelle. Les collectivités aux niveaux des Communes, arrondissements et régions sont devenues les espaces légaux et appropriés pour le développement local. Le processus de dévolution des pouvoirs a abouti à un changement profond des relations entre l’Etat et les citoyens, et à un rapprochement entre les services publics et la population. Cela s’inscrit dans un cadre plus large de révisions 410

Décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale

institutionnelles entamées par le Gouvernement nigérien dans le cadre de la bonne gouvernance, et s’applique à tous les niveaux : administration, finances publiques, ministères sectoriels et système judiciaire. Un des aspects importants de ce processus est la déconcentration des services publics qui devrait aller de pair avec la décentralisation démocratique. Les défis que pose la décentralisation se situent au niveau du renforcement de la démocratie représentative et participative, du transfert des compétences et des ressources mais aussi de leur gestion par les collectivités locales et d’une plus grande participation de la population aux activités politiques, économiques et sociales. La démocratie et le développement local reposent en effet sur une participation active des populations à la gestion des affaires publiques. La décentralisation permet ainsi de créer un cadre institutionnel au niveau local, qui accroît l’impact des politiques nationales de lutte contre la pauvreté. La construction de la décentralisation s’appuie sur une très longue quête, celle d’un système politico-administratif mieux adapté à la culture locale de gestion des affaires publiques. La réforme de décentralisation est un projet de société dont les dimensions administratives et institutionnelles sont le support d’un vaste chantier politique. Cette réforme est soutenue par la volonté politique d’élargir la base démocratique du pouvoir d’Etat et de libérer la population du commandement et des décisions unilatérales de l’Administration post-coloniale qui, dans la plupart des cas, a reconduit les pratiques et les habitudes de l’administration coloniale. Cette ambition est très proche des défis et des espoirs soulevés lors de l’accession du pays à l’indépendance en 1960. La décentralisation est présentée comme la poursuite de l’émancipation du peuple, comme si la décolonisation n’avait été ni réellement ni suffisamment engagée. La décentralisation signifie pour les populations, aussi bien urbaines que rurales, redevenir maîtresses de leur destin et mettre ainsi fin à la discrimination que connaissent les ruraux qui sont encore administrés par des fonctionnaires nommés 411

« Itinéraire d’un combat ! »

par l’Etat. Même le pouvoir colonial, qui a introduit le processus de centralisation pour des raisons de contrôle des populations, ne tarde pas à s’en apercevoir de l’inefficacité de la méthode. Au début du XXème siècle, l’administration coloniale établissait une approche de décentralisation dans les colonies de l’Afrique Occidentale Française (AOF). C’est ainsi qu’en 1917 le Gouverneur Général de l’AOF, Vollenhoven, écrit : « au niveau de l’administration de base que constitue le cercle, la délégation du pouvoir de décision et le rapprochement de l’administration des administrés devraient être appliqués avec rigueur, car eux seuls permettent de réconcilier les intérêts de la puissance dominatrice avec ceux des populations ». Ainsi, le pouvoir colonial reconnaissait qu’en raison des contraintes géographiques et des particularismes culturels, la décentralisation est un modèle de gestion qui permet d’obtenir de meilleurs résultats. Le problème de notre pays est celui du développement influencé par la décentralisation. Dans ce contexte décentralisé, persistent des problèmes de tous ordres : crises économiques, politiques, sociales, sécuritaires, de l’eau et manque d’assainissement. Toutes ces crises servent de ferment à la montée des troubles sociaux du fait de leur répercussion inquiétante sur le bien-être des populations. Malheureusement, ces crises freinent le développement des entités territoriales décentralisées. Les enjeux citoyens n’ont plus de frontière et doivent être placés au centre des préoccupations de la décentralisation. Les problèmes de développement des Communes ne peuvent plus être occultés. Presque toutes les barrières sont brisées, et il y a une mobilité accrue des personnes. De fait, la décentralisation s’impose comme un fait irréversible au Niger. La question qui reste posée est celle de la redéfinition du rôle de la Commune : a-t-elle vocation à se substituer à un Etat en difficulté où vivent des populations majoritairement pauvres ? Cette question peut paraître simple, mais elle appelle plusieurs réponses complexes. Face à la pauvreté, je crois qu’il faut des hommes et des femmes 412

Décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale

engagés qui portent des valeurs et des convictions au service des plus démunis. Il nous faut donc des modèles adoptés de prise de décision, quand la gravité n’atteint pas déjà des seuils de rupture. Il nous faut un minimum de solutions capables de résister aux pressions multiformes, tout en préservant une certaine capacité propre à gérer les ressources de la collectivité. Aujourd’hui, on ne peut rien construire en ordre dispersé, la conjugaison des efforts est la meilleure voie. C’est dire que les Communes sont condamnées à s’ouvrir dans une démarche responsable, afin de contribuer à bâtir un ensemble plus solide, qui puisse réduire les inégalités et atteindre un développement humain et durable. Fort heureusement, les collectivités territoriales sont les principaux acteurs des politiques de cohésion sociale à travers l’aide sociale à l’enfance, la protection maternelle et infantile, la prise en charge du handicap, la perte d’autonomie, les dispositifs d’insertion sociale et économique. C’est pourquoi le rapprochement fait par l’Association des Municipalités du Niger (AMN) entre décentralisation et cohésion sociale semble particulièrement justifié. Cependant, la difficulté d’appréhension des problèmes et de recherche des solutions appropriées peut devenir accrue dans un contexte où le désengagement de l’Etat s’accentue. Il revient alors aux élus d’être imaginatifs pour trouver de nouveaux modes d’adaptation afin de suppléer l’Etat dans la conduite des activités municipales. Toute initiative de bonne volonté, pour s’impliquer dans la recherche de solutions aux nombreux défis auxquels les populations nigériennes sont confrontées, est à encourager par les élus locaux. A cet égard, la cohésion sociale est fondamentale entre les communes pour mieux prendre en charge des besoins de transformation de la société. Cette cohésion sociale suppose non seulement de réduire les inégalités et les conflits, mais aussi la vivification du tissu social. L’idée généralement admise que « l’humanité se trouve dépassée par la rapidité de l’évolution qu’elle a elle-même suscitée et qu’il n’y a plus de pilote dans l’avion », devient 413

« Itinéraire d’un combat ! »

ainsi une triste réalité. Ne nous trompons pas : la cohésion sociale est fondée sur les principes de sagesse, de tolérance, de démocratie et de droits de l’homme. Elle rejette la violence dans toutes ses formes et incline à prévenir les conflits en s’attaquant à leurs causes profondes, par exemple, en résorbant rapidement les problèmes par la voie du dialogue et la négociation. De la même manière, à l’intérieur de chacune des 266 Communes, la recherche de la conjugaison des efforts pour une approche globale des questions de développement, en synergie avec d’autres partenaires poursuivant les mêmes objectifs, est une démarche pertinente. Cette cohésion doit se faire dans un esprit de compréhension et de coopération, en vue de favoriser l’avènement rapide d’un développement humain durable. C’était la compréhension d’un africain, un des pères de l’indépendance, le Président charismatique du Ghana, Kwamé Nkrumah, qui, à l’époque, avait proclamé avec force la construction du nouvel Etat africain dont il était le leader : « Africa must unite », « l’Afrique doit s’unir ». Aujourd’hui, les Communes du Niger doivent être en mesure de s’engager dans des actions d’ensemble, de recherche de solutions aux difficultés locales, tout en restant ouvertes sur un monde en évolution vers une globalisation planétaire. Pour ce faire, elles se doivent de rester attentives à toutes les composantes de la nation afin de se doter de l’expertise nécessaire à l’accès et à l’exploitation des opportunités en faveur de l’amorce des changements souhaités par les populations. Parmi les grands défis à relever, les principaux concernent l’arrimage des Communes animées d’une même volonté à bâtir de nouvelles formes d’exercice de la citoyenneté, qui vont opérer les mutations structurelles devant mener vers la réalisation de meilleures conditions de vie. De toute évidence, il s’agit d’aller vers un développement et une cohésion sociale, thème central de ces journées. En pareille circonstance, il est important pour toutes les Communes d’œuvrer pour l’apaisement du climat social et cela passe par la concertation avec les autorités administratives, les communautés, 414

Décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale

la société civile et les partenaires. Mieux encore, la décentralisation doit approfondir cette démocratie localement, renforcer le lien de proximité et de confiance qui doit exister entre les citoyens et leurs représentants. Ce mouvement qui est à sa vitesse de croisière doit bien sûr se poursuivre et se perfectionner à l’aide des textes sur le non-cumul. Voici une attente forte des Nigériens qui veulent des élus se consacrant pleinement à leur mandat, a priori, pour que les Communes deviennent des entités qui savent travailler ensemble, c’est-à-dire des circonscriptions plus fortes. Construire une intercommunalité, c’est donc donner une chance à nos élus locaux de mutualiser leurs efforts, pour créer des projets et des espaces, en somme, c’est avoir une vision partagée. L’intercommunalité, c’est aussi ce lieu où l’intérêt général est mis en avant et où les élus dépassent les clivages locaux ou partisans. Les Communes du Niger sont donc appelées à se regrouper, à créer des intercommunalités, à mutualiser leurs moyens, pour que les élus communaux fassent preuve d’efficacité dans la mission des services publics. En se mettant ensemble, les élus peuvent retrouver des marges de manœuvre que les Communes avaient perdues individuellement. Nous constatons que pour développer les entités territoriales décentralisées, la décentralisation à elle seule ne suffit pas ; il faut recourir à une gestion saine dans une atmosphère détendue. La bonne gouvernance rime avec une amélioration dans les conditions de vie des populations si les autorités locales géraient bien les affaires locales. Chacun des Maires doit adopter de bons comportements dans ses relations avec ses collaborateurs. Il doit respecter ses engagements avec les partenaires et œuvrer pour le bien- être des populations. Fortes de cette conviction, les collectivités, la Chefferie Traditionnelle et la société civile sont les acteurs décisifs qui doivent contribuer à la prise en charge des besoins de changement de mentalité de nos communautés. Ces acteurs doivent mettre en commun leurs expériences en renforçant la cohésion sociale. Chaque Maire doit 415

« Itinéraire d’un combat ! »

prendre conscience de sa responsabilité et des défis auxquels il doit faire face. C’est pourquoi, j’invite les Conseils communaux et d’arrondissements à conduire, sur toute l’étendue de leur territoire, des campagnes d’information et de sensibilisation pour atténuer graduellement les passions divisant et opposant les citoyens. Nous devons faire preuve d’un comportement capable de résister aux pressions de toutes sortes, et de surmonter les adversités. Pour cela, nous devons aller plus loin en construisant, avec constance et détermination, l’unité, la solidarité et l’implication de tous dans le traitement adéquat des problématiques de la décentralisation, dont l’éventail recouvre en grande partie les maux qui minent notre société. Nous devons utiliser nos textes pour instaurer et renforcer un dialogue fraternel et pacifique, afin d’atteindre l’idéal commun, c’est-à-dire la décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale.

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Photo Rabiou Malam Issa

Les évènements historiques Liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

Meeting à la place de la Concertation à Niamey

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5 mars 2005-15 mars 2016, voilà 10 ans, jour pour jour, que s’est déroulée à Niamey la grande marche citoyenne contre la vie chère au Niger. Pour célébrer ce 10ème anniversaire, une conférence débat a été animée à l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey. Cette conférence est organisée dans le souci d’offrir aux étudiants nigériens 43 .(Communication présentée à l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey sur les évènements historiques du 15 mars 2005 dans le cadre de la célébration du 10ème anniversaire de la marche citoyenne, samedi 14 mars 2015 à partir de 16 heures)

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« Itinéraire d’un combat ! »

des éléments d’information sur cet évènement, pour qu’ils maîtrisent l’histoire récente de notre pays à travers des témoins d’un mouvement conduit par les organisations de la société civile. Moins d’un trimestre après les élections législatives et présidentielles, le Gouvernement du deuxième quinquennat de la Vème République du Niger a connu sa première grave crise sociale. Et pour cause, l’Assemblée Nationale avait voté, le 4 janvier 2005, la loi portant loi de finances rectificative pour l’année budgétaire 2005, et automatiquement promulguée par le Président de la République, Tandja Mamadou. Cette loi a été adoptée sans explication préalable, et de la manière la plus hâtive qui soit. En quête d’argent, l’Etat fait feu de tout bois. Un sentiment de révolte s’est installé au sein d’une population exaspérée ne pouvant faire face à de nouvelles restrictions. Le vote de cette loi sur l’augmentation de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), passant de 15 à 19% et touchant également des produits de première nécessité, a été le déclencheur du mouvement. Élargissant le champ d’application de la TVA à la farine, au lait, à l’eau, à l’électricité et au sucre provoqua la colère des Nigériens, et une mobilisation inégalée de la société civile. Explosion de la demande consécutive à de nouvelles habitudes de consommation, baisse de l’offre suite aux mauvaises récoltes dans les pays exportateurs, insuffisance de la production locale, anticipation des prix et spéculation sur les denrées alimentaires... Les coûts de la vie ont explosé dans le pays. Le coût de l’école a bondi, ainsi que les prestations sociales assurée par l’Etat. Dès le lendemain, des voix se sont levées pour dénoncer cette adoption. Après avoir interpellé les autorités sur les conséquences douloureuses de cette loi décriée par tous les Nigériens, le 15 janvier 2005, à l’appel du CROISADE, trois autres organisations de la société civile nigérienne : l’Association ADDC-Wadata, l’Association Droit à l’Énergie SOS Kandadji et l’Association ORCONI, se retrouvent et mettent en place un mouvement social. Au cœur d’un Etat enclavé, naquit une force d’équité, une arme pour les plus faibles et les assoiffés de justice 418

Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

sociale et d’égalité citoyenne, le baptême n’a eu d’autre choix que de lui donner l’illustre nom de : Coalition Équité Qualité contre la Vie Chère au Niger. Les fondateurs ont été immédiatement rejoints par des dizaines d’associations, les médias et les quatre centrales syndicales qui existaient à l’époque notamment l’USTN, la CNT, la CDTN et l’UGTN. Le 20 janvier 2005, la Coalition adresse une lettre ouverte au Président de la République, Tandja Mamadou, pour lui faire part de ses inquiétudes. Devant le refus de l’exécutif de répondre aux aspirations du peuple, la Coalition a sollicité une audience auprès du Président de l’Assemblée Nationale. Faute de réponse, la Coalition a décidé de la mise en œuvre d’un plan d’actions assorties de manifestations populaires pacifiques sur toute l’étendue du territoire national. Le mardi 15 mars 2005, à l’occasion de la journée mondiale des consommateurs, des dizaines de milliers de Nigériens ont manifesté à Niamey (plus de 150.000 personnes), à l’appel de la Coalition Équité/Qualité contre la vie chère au Niger, afin de contraindre le Gouvernement à l’abrogation pure et simple des mesures antisociales et impopulaires contenues dans la loi des finances rectificative 2005. A cet effet, un Mémorandum a été remis au Directeur Adjoint du Cabinet du Premier Ministre, Représentant le Premier Ministre. Cette manifestation est intervenue au moment où, effectivement, le Gouvernement ayant institué une TVA de 19% sur cinq produits de première nécessité s’est refusé à tout dialogue. De mémoire de Nigériens, aucune cause, même en 1990 lors de la revendication des couches sociales portant sur la tenue de la Conférence Nationale Souveraine, n’a vu autant de personnes déferler dans les rues des différentes villes du Niger. Cette marche historique a prodigieusement enfanté un mouvement citoyen nigérien. Dans la diversité et la différence, les Nigériens qu’on croyait malléables et corvéables à merci, viennent de prouver à la face du monde qu’il n’en est rien ; au contraire, ils sont capables, lorsque leurs intérêts sont bafoués, de faire preuve de détermination pour les 419

« Itinéraire d’un combat ! »

Photos Oumar Keita

Meeting du 22 mars 2005 à la place de la Concertation

Conférence de presse à la MJC

La ville de Niamey paralysée

Le grand marché de Niamey fermé

Ouverture des négociations à la Primature

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Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

faire respecter. A ce titre, les populations se sont courageusement mobilisées pour dire non aux mesures fiscales impopulaires introduites dans la loi des finances rectificative. C’est le signe qu’une conscience citoyenne est enfin née au Niger en particulier, et en Afrique en général. Et c’est tout à l’honneur et dans l’intérêt de la Coalition de l’entretenir et de la développer, afin qu’elle serve d’antidote à tous ceux qui rament à contre-courant des aspirations de notre peuple meurtri. L’émergence de ce mouvement citoyen a inquiété certains dirigeants africains, qui l’assimilent à une insurrection populaire. Le pouvoir s’est senti dépassé, n’ayant jamais pu réunir autant de manifestants de rue. Il a été certainement déboussolé, ce qui explique l’arrestation des organisateurs de cette marche, le 15 mars 2005. Des manifestants sont conduits au commissariat central, puis le Président de la Coalition est arrêté à 17 heures et gardé avec 46 autres personnes. La police leur reproche d’être responsables d’actes de vandalisme qui se sont produits dans les quartiers de Yantala, Rive Droite, Tallagué et au Nouveau Marché, loin de l’itinéraire et à plusieurs kilomètres de la marche. Cet acte malencontreux du Gouvernement va davantage galvaniser les Nigériens qui ont participé, pour la première fois de leur histoire à une manifestation sans précédent, saluée par le monde entier. Certains compagnons de la lutte de la première heure n’ont pu supporter le rythme effréné du mouvement social. Ils sont descendus du train avant le terminus. Le 17 mars à 20h30, les téléspectateurs de la télévision nationale ont suivi avec surprise les explications du Gouvernement sur les raisons ayant conduit à l’adoption de la loi des finances rectificative 2005. Ces explications sont d’autant plus vaines qu’elles sont intervenues à un moment où les Nigériens se sont déjà engagés à mener le combat. Le Premier Ministre de l’époque, Hama Amadou, avait exprimé la disponibilité totale de son Gouvernement à dialoguer avec la Coalition Équité/Qualité contre la vie chère, ce qui représente un premier signal fort après les déclarations 421

« Itinéraire d’un combat ! »

intempestives et incontrôlées du Ministre porte-parole du Gouvernement, M. Ben Omar. Face à la pression intérieure et extérieure, le samedi 19 mars 2005, le Président de la Coalition et 18 jeunes gens âgés de 14 à 20 ans sont libérés, après un procès expéditif. Devant la détermination des citoyens, la Coalition a relancé une deuxième grande mobilisation nationale le 22 mars à l’occasion de la journée mondiale de l’eau. A la suite de différentes interdictions des meetings suivis de marche dans plusieurs régions par des Gouverneurs zélés, sur instruction du Ministre de l’Intérieur, M. Modi Mounkaila, la Coalition a immédiatement recherché une pièce de rechange qui consiste à demander aux populations d’observer une journée « pays mort » sur toute l’étendue du territoire national. Cet appel a été largement suivi par les populations des villes comme des campagnes. A Niamey, comme dans les autres chefs-lieux de régions, les marchés et les commerces sont restés fermés, les administrations publiques et privées ainsi que les transports sont paralysés. Peu de véhicules circulaient dans les rues. Voilà l’image qu’offraient les principales villes du Niger en cette journée historique du mardi 22 mars 2005. C’était véritablement « un pays mort ». Ainsi, les Nigériens ont une seconde fois exprimé leur désaccord et leur rejet total d’une loi qu’ils considèrent désormais comme inopportune, injuste et inique. Mais le plus intéressant, c’est que la société civile nigérienne et les syndicats ont déjoué le piège de la confrontation violente dans lequel les autorités ont voulu les faire tomber en interdisant le meeting prévu le 22 mars 2005. Partout dans le pays les Gouvernants changent leurs fusils d’épaule, l’opulence fait place à l’austérité, et ce d’autant plus que leurs discours ne rencontrent que grogne sociale. Des arrestations arbitraires sont opérées sur instruction du Gouvernement dans plusieurs villes, aggravant ainsi la colère des Nigériens déterminés à jouir de leur droit constitutionnel. Ainsi, à Zinder sont intervenues 19 arrestations arbitraires, 46 à Maradi, 17 à Tahoua et 60 autres à Agadez. La Coalition n’a pourtant fait appel qu’à l’une des multiples 422

Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

possibilités que lui offrent la Loi fondamentale et les mécanismes démocratiques, pour exprimer ses opinions, à savoir « la ville morte ». A la lumière de ces deux manifestations citoyennes, le Gouvernement ne savait plus à quel saint se vouer, désemparé qu’il est face au désaveu sans équivoque du peuple, mais aussi de l’UEMOA, étant entendu que les critères de convergence de cette Institution ne justifient plus les mesures prises à travers cette loi des finances rectificative 2005. Comme l’ont d’ailleurs reconnu les anciens hauts fonctionnaires de cette Institution sous-régionale, le pouvoir s’est retrouvé seul et le problème est resté pendant. La faiblesse majeure de l’économie nigérienne réside dans l’absence d’une masse critique d’entreprises compétitives et créatrices de richesses et d’emplois. Cela passe par un environnement beaucoup plus favorable à l’investissement privé et une gouvernance publique plus efficiente, s’appuyant sur une stratégie de développement claire et une administration focalisée sur l’exécution des projets et des réformes structurelles adéquates. Le malaise est donc profond et il faut porter des lunettes en bois pour ne pas voir la réalité en face. Les pancartes exhibées par les manifestants le 15 mars exprimaient véritablement les préoccupations des populations qui ont pour nom : la faim, la soif, l’injustice, l’iniquité et les bas salaires. Malgré ces cris de détresse, le Gouvernement proférait des menaces à peine voilées, indexant les acteurs du mouvement de semer le trouble dans tout le pays. Izzeldin Abuelaish disait que : « Juger quelqu’un à partir de l’opinion des autres empêche d’avoir l’esprit ouvert ». Nonobstant les élucubrations du Ministre porte-parole du Gouvernement, la journée ville morte fut un succès total. Les populations étaient restées chez elles, toutes les activités économiques paralysées. Notre cheval de bataille reste la sensibilisation, quoiqu’il advienne, c’est à dire convaincre ceux qui ne sont pas encore convaincus de la noblesse de ce combat. Ce fut une grande satisfaction pour la Coalition, qui a ainsi donné la preuve de sa détermination à poursuivre la lutte jusqu’à l’abrogation totale de 423

« Itinéraire d’un combat ! »

la loi impopulaire. La Coalition avait estimé qu’aucune concession ne pouvait être faite par rapport à cette revendication, car le porteparole du Gouvernement, dans son ardeur, est allé jusqu’à dire que sans cette loi des finances, le Niger ne survivrait pas, et qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort. C’est dire que le bras de fer ne fait que commencer. Le Gouvernement est resté sourd aux différents appels de la population. Difficile qu’il en soit autrement, puisqu’il tente de jeter l’anathème sur les commerçants, notamment les importateurs qu’il a accusés d’être à la base du renchérissement des prix des denrées de première nécessité. Le Gouvernement avait décidé de ne pas reculer face à un tel mouvement populaire. Mais les avis étaient divergents dans son camp. D’une part, il y avait les partisans de la fermeté qui voyaient une main étrangère derrière ces manifestations, préconisant même l’usage systématique de la force publique pour mettre un terme à la contestation. D’un autre côté, il y a les modérés qui estimaient que les esprits peuvent être calmés et, à défaut, qu’il fallait abroger la loi, puisque le peuple exprime sa désapprobation. Cette loi a eu comme conséquence la hausse de la TVA et une montée en flèche des produits de consommation courante. Les mesures qui y sont contenues rendaient difficile la vie dans les foyers de milliers de citoyens. De mémoire de Nigérien, on n’avait jamais assisté à une telle succession de manifestations populaires : 15 mars, 22 mars, 25 mars, 29 mars, 31 mars et 9 avril 2005. La marche nationale suivie de meeting organisée le samedi 9 avril 2005, un week-end, à la surprise générale, a rassemblé plus de 50.000 manifestants. La coalition pouvait se targuer d’avoir gagné son pari, pour avoir mobilisé tant de monde. Jamais une loi de finances n’a soulevé autant de vagues dans la sous-région. Malgré les souffrances des travailleurs, le Gouvernement est resté sur sa position. Le lundi 21 mars 2005, le Président de l’Assemblée Nationale, Mahamane Ousmane a reçu en audience la Coalition et a dit reconnaître la justesse et la légitimité de la lutte engagée par celle424

Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

ci. Le jeudi 24 mars 2005, la Coalition annonce un nouveau programme de manifestation. Elle appelle musulmans et chrétiens à des prières individuelles et collectives, au jeûne, pour que Dieu le Tout-Puissant descende sa grâce et sa miséricorde sur le Niger et son peuple. Le vendredi 25 mars 2005, à 11h20, alors que la Coalition préparait une conférence de presse à son siège provisoire, la police débarque et arrête ses dirigeants. En emprisonnant les responsables de la Coalition pour avoir simplement plaidé la cause des concitoyens qui souffrent des effets pervers de la loi des finances rectificative, le Gouvernement a démontré la façon maladroite avec laquelle il gère le dossier en question. Les Nigériens dans leur grande majorité étaient restés perplexes et s’étaient interrogés sur le sérieux des autorités devant un dossier qui prenait chaque jour de l’ampleur. En réalité, le Gouvernement a cherché à trouver des boucs émissaires. Malgré les succès éclatants qu’enregistraient les manifestations de la Coalition, il a procédé de façon grotesque, le 29 mars 2005, à la demande d’inculpation des leaders de la Coalition : Moustapha Kadi Oumani, Marou Amadou, Nouhou Mahamadou Arzika, Kassoum Issa et Moussa Tchangari de la CDSCN. Après quatre jours d’incarcération à la Police Judiciaire, ils étaient inculpés par le juge d’instruction et mis sous mandat dépôt, puis déportés dans les différentes prisons de l’intérieur du pays : Tillabéry à 113 km de Niamey, Daikana à 100 km, Say à 50 km, Koutoukalé à 45 km et Filingué à 183 km. A la suite de cette décision arbitraire et inique du juge qui a été décriée par les organisations de la société civile nationale et internationale, les universitaires, le syndicat autonome des magistrats du Niger et les avocats ont animé une conférence de presse et annoncé qu’ils considéraient les dirigeants détenus comme des prisonniers politiques et des otages du Gouvernement. Ils sont poursuivis de trois chefs d’accusation : premièrement, pour avoir formé une entente dans le but de renverser le régime constitutionnel, exciter les citoyens en les amenant à comploter contre l’autorité de 425

« Itinéraire d’un combat ! »

Photos Oumar Keita

Les Forces spéciales venues transporter les responsables de la Coalition au Palais de justice de Niamey

Marche de protestation à Niamey

Prières collectives à Illéla en présence de Abdou Oumani, Directeur Général de l’agriculture

Meeting suivi de marche de protestation à Niamey

Signature des relevées des conclusions par Seyni Omarou

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Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

l’Etat avec la circonstance que cette entente est suivie d’actes commis ou commencés par préparation, c’est-à-dire l’exécution ; deuxièmement, pour avoir provoqué par des discours publics un attroupement non armé ; troisièmement, pour avoir participé à l’administration d’une association non déclarée, à savoir la Coalition Équité/Qualité contre la vie chère qui n’aurait pas, aux yeux de la poursuite, été déclarée conformément à la loi, bien qu’elle soit constituée d’associations légalement reconnues. Le Gouvernement a invité des esprits malins, membres du principal parti au pouvoir MNSD Nassara, à faire des déclarations mensongères radiotélévisées pour soutenir que des cocktails Molotov et des explosifs furent découverts dans des dépotoirs à Niamey. Le Premier Ministre, absent du pays lorsque la contestation a débuté, a chargé le Ministre d’État assurant son Intérim de rencontrer les responsables de la Coalition pour trouver un terrain d’entente en présence de la Commission Nationale du Dialogue Social, le 24 mars 2005 dans l’après-midi. Le Ministre de l’intérieur, Modi Mounkaila et le Ministre porte-parole du Gouvernement, Mohamed Ben Omar, n’ont trouvé normal que de se répandre dans les médias pour intimider et même défier avec un zèle déplacé, ceux qui tenteraient de suivre les appels de la coalition. Les citoyens nigériens et le reste du monde ont encore en mémoire le défi lancé par le Ministre porte-parole qui a affirmé : « Le Gouvernement ne reculera pas, c’est une question de vie ou de mort ». Cette regrettable position a révolté davantage les citoyens nigériens qui sont résolument engagés et déterminés à faire abroger la loi incriminée. De retour au pays, le Premier Ministre a adopté une nouvelle posture en convoquant une rencontre le 1er avril 2005 avec les Parlementaires, les Responsables des partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale, les Représentants de la société civile, les commerçants et les quatre centrales syndicales. Au cours de cette rencontre, le Premier Ministre avait reconnu que le Gouvernement a commis une erreur et même un péché, puisqu’il n’avait pas 427

« Itinéraire d’un combat ! »

suffisamment communiqué. Il a déclaré que le Gouvernement est au service du peuple, et que celui-ci est favorable au rejet de la loi, il est prêt à recevoir des propositions alternatives. Après avoir réaffirmé le caractère apolitique et social de son action, la Coalition a posé quatre préalables aux négociations pour la sortie de crise. Premièrement, la libération des cinq leaders de la société civile et de toutes les personnes arrêtées dans le cadre du mouvement ; deuxièmement, l’arrêt de la chasse aux sorcières engagée contre les responsables de la société civile ; troisièmement, le respect des libertés constitutionnelles, notamment la liberté d’association, de manifestation et d’expression ; quatrièmement, la réouverture de la radio Alternative fermée ; cinquièmement, l’arrêt des intimidations et menaces contre les journalistes des médias indépendants. Le Premier Ministre, Hama Amadou, avait proposé que les responsables de la coalition incarcérés introduisent une demande de liberté provisoire à laquelle le Gouvernement ne s’opposerait pas. Cette proposition fut rejetée par les intéressés, car demander la liberté provisoire revenait à reconnaître la légalité de la procédure arbitrairement engagée contre eux, un complot visant à décapiter le mouvement par des manœuvres politico-judiciaires. Le Gouvernement, comptant d’abord sur des chantages, puis sur la théorie de l’usure, ensuite sur la démagogie, s’est retrouvé en fin de compte dans une impasse totale. Cette situation a révélé la mal Gouvernance et l’instrumentalisation pure et simple de l’administration judiciaire par le Gouvernement qui viole ainsi le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice. Contre toute attente, le jeudi 7 avril, les trois leaders de la Coalition et les deux autres déportés ont bénéficié d’une main levée du mandat et ont été conduits à leurs domiciles respectifs dans des véhicules banalisés lourdement armés. Le vendredi 8 avril, le contact a été renoué avec le Comité des négociations, mais les discussions n’ont pas pu commencer du fait de la non-satisfaction par le Gouvernement des préalables de la 428

Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

Coalition. Le jeudi 14 avril, le Premier ministre a réuni toutes les couches socioprofessionnelles venues de toutes les contrées du pays dans la grande salle de 2.500 places du Palais des Congrès pour leur faire part de la situation grave que traverse le pays. A cette occasion, il a invité tous ceux qui ont des propositions concrètes à les présenter, dans le cadre de la recherche de solutions alternatives, en substitution aux mesures contestées, sans remettre en cause les engagements qu’ils ont souscrits avec les Institutions partenaires (UEMOA, Banque Mondiale, FMI, Union Européenne). La Coalition, ayant estimé que le cadre n’était pas approprié pour des discussions sereines, a refusé de faire connaître ses propositions alternatives et a recommandé que soient repris les travaux du Comité créé à cet effet. C’était un fiasco pour le Premier Ministre qui, à la fin de la rencontre s’est résolu à demander au Comité de réflexion de reprendre ses travaux dès le lendemain à 10 heures, si possible. Devant l’engagement solennel du Gouvernement à reculer et à accepter le principe de l’abrogation de la loi des finances rectificative 2005, à la seule condition de disposer des propositions concrètes alternatives, la Coalition a accepté de siéger au sein du Comité. Le vendredi 15 avril 2005, le Comité est convoqué en réunion au Cabinet du Premier Ministre, à l’effet de reprendre ses travaux. Au terme de quatre jours de discussions, parfois houleuses, le Comité a abouti à un relevé de conclusions signé par toutes les parties prenantes et à la satisfaction générale. Ainsi, malgré les atermoiements, les complots, les manœuvres, le scepticisme, les préjugés et les inquiétudes de toutes sortes, les responsables de la société civile ont su faire preuve de dépassement pour discuter, dialoguer et aboutir à un accord historique dont l’application a permis, à n’en point douter, la bonne gouvernance démocratique. Désormais, le peuple nigérien a démontré ses capacités en gagnant cette victoire sur les plans matériel et moral, sur le plan de la prise de conscience citoyenne, de la démocratie et de la crédibilité internationale. Par cette position 429

« Itinéraire d’un combat ! »

responsable, la coalition a réaffirmé à la face du monde sa volonté de dialoguer, car la sagesse recommande qu’on n’affronte pas un Gouvernement qui accepte de négocier, mais qu’on doit composer avec lui pour lui arracher une victoire historique. C’est pour cette raison que la Coalition a obtenu l’exonération totale de la TVA sur le lait, sur la farine de blé, le relèvement de la tranche d’eau non imposable à la TVA de 15 à 50 m3 de la tranche sociale d’électricité non imposable à la TVA de 50 à 150 Kwh. Parmi les produits concernés, seul le sucre est frappé de la TVA. Ceci a permis l’adoption d’une loi contre la vie chère et la publication de la liste des produits de première nécessité, conformément aux directives de l’UEMOA. La Coalition contre la vie chère, a mené une lutte sociale pionnière au Niger bien que souvent accusée par les autorités d’être financée par l’extérieur, ce qui en l’état des choses était totalement infondé. En si peu de temps, le consommateur Nigérien, a retrouvé sa force et ses droits, jusque-là négligés. A cette crise sociale, peuvent être attribués autant de facteurs exogènes qu’endogènes, traduisant une grande vulnérabilité du pays. L’histoire a fait que 2005 soit l’année de naissance du modèle de lutte pour les militants africains et du monde qui se disait que l’Afrique est à la marge de l’évolution, et pour ceux qui ne pensaient pas que des individus issus d’un milieu qui ne s’intéressent pas à la politique, peuvent se mettre debout, et protester contre le vol et la dilapidation des biens de leur pays ! ce fut une lourde contrariété pour les gens qui se disaient que les masses n’avaient pas la force de réclamer pacifiquement et démocratiquement leurs droits dans le Continent africain. Depuis lors, les nouvelles mesures de bonne gestion et de contrôle des biens publics prévues dans les clauses de l’accord ont permis à notre pays un accroissement des recettes, une rigueur dans la gestion, une amélioration de la qualité de la dépense publique, une réduction du train de vie de l’Etat, une augmentation des salaires, des bourses et allocations, des appuis supplémentaires au monde rural, une dotation conséquente 430

Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger43

des structures étatiques en moyens matériels et humains, en vue de l’accomplissement correct de leur mission de service public, et enfin, une lutte sans merci contre la corruption, la fraude et l’arbitraire. A présent, chaque Nigérien doit garder à l’esprit que plus personne ne pourra prendre dorénavant des décisions qui sont de nature à aller à l’encontre des intérêts du peuple sans en être inquiété. Comme tout combat démocratique, cette victoire de la coalition sera gravée en lettres d’or dans les annales de l’histoire de notre pays. Tel est le sens de notre engagement qui n’est dirigé contre personne, mais dont le but fondamental est de créer les conditions de lutter contre la vie chère au Niger, pour permettre aux citoyens de s’épanouir dans leur pays.

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Contribution de l’étudiant dans la lutte

Photo Rabiou Malam Issa

contre le terrorisme44

Table de séance à la conférence

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a sécurité au Niger nous rappelle sans cesse les débordements de l’actualité, le poids de nos responsabilités et la fragilité de nos aptitudes. Chacun de nous doit rester dans une phase d’anticipation et de prévention. Nous devons à tout prix barrer la route au terrorisme qui pourrait compromettre la dynamique de notre développement. Dans cette optique, la coordination des Structures de Vacances de la Région de Tahoua (COSVARTA) a organisé à l’Université Abdou

44 .(Communication présentée à l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey sur le thème : « Contribution de l’étudiant dans la lutte contre le terrorisme au Niger », samedi 9 mai 2015)

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« Itinéraire d’un combat ! »

Moumouni Diofo de Niamey une journée de réflexion sur le thème : « Contribution de l’étudiant dans la lutte contre le terrorisme », le samedi 9 mai 2015, à l’effet de promouvoir une prise de conscience généralisée face à la menace terroriste. Il est donc important que l’étudiant nigérien développe des réflexes sécuritaires et une prise de conscience des risques qu’il encourt dans un environnement extrêmement complexe en redoublant de vigilance et en renforçant son rôle de veille et d’analyse des signaux d’alerte. A cette occasion, je voudrais remercier les organisateurs de cette initiative. Je salue sincèrement le choix de ce thème qui dénote d’une prise de conscience et illustre bien la place de l’étudiant dans la société. J’adresse mes remerciements à M. Hassane Souleymana Samaila, SGA de la Coordination des Structures de Vacances de la Région de Tahoua (COSVARTA), qui a pensé à ma modeste personne. Le terrorisme a atteint à l’échelle mondiale des proportions qui ne doivent laisser personne insensible. Le contexte régional est tel que la chute du régime du Colonel Mouammar Kadhafi a occasionné la propagation de l’extrémisme de tout bord, créant des foyers de tension un peu partout, faisant de l’étudiant une cible potentielle. Enrobé du sceau de la malveillance et du fanatisme religieux, il frappe plusieurs régions du Niger et marque de manière durable les esprits, tant son action est apparue aveugle et barbare. C’est d’ailleurs dans ce genre de situations qu’intervient le rôle des étudiants, tous unis, regardant dans la même direction pour la défense de l’intérêt général, car le savoir est une arme contre le fanatisme, l’intolérance. Et les terroristes l’ont parfaitement bien compris, eux qui haïssent l’idée qu’on puisse s’émanciper, s’exprimer, penser par soi-même. C’est connu de tous, la violence pure a frappé plusieurs fois notre pays et, face à elle, nous devons nous élever comme un seul homme pour affirmer plus fort que les drames dont nous sommes victimes concernent l’humanité tout entière. Je vous invite, à la mémoire de chacune des victimes du terrorisme, à observer une minute de silence. Au moment où je 434

Contribution de l’étudiant dans la lutte contre le terrorisme

m’adresse à vous, notre pays continue à payer un lourd tribut en raison des conséquences socio-économiques de la guerre contre Boko Haram et les Djihadistes. Cet échange se tient dans une période très sensible, caractérisée par l’attente des élections générales dans un contexte d’intolérance, d’insécurité au Nord Tillabéry, Nord Agadez, et de guerre dans la région de Diffa. Je reconnais que l’étudiant est confronté à de nombreux défis liés à ses études, à sa santé, à l’emploi et à la perte des valeurs. Le thème d’aujourd’hui nous invite à faire la lumière sur des questions de fond, relatives à la jeunesse en général. Tout d’abord, la lutte contre le terrorisme est un véritable défi pour nos Etats et un phénomène difficile à appréhender juridiquement. Cette lutte relève de l’action du législateur à travers l’ordonnance N°2011-11 du 27 janvier 2011 modifiant la loi organique N°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger. La législation antiterroriste dont la naissance remonte à la révision de l’ordonnance N°2011-12, du 27 janvier 2011 modifiant et complétant la loi N°6127 du 15 juillet 1961 portant institution du Code pénal, définit l’acte terroriste comme : « Tout acte ou menace en violation des dispositions du titre VI (nouveau) du Code pénal susceptible de mettre en danger la vie, l’intégrité physique, les libertés d’une personne ou d’un groupe de personnes, qui occasionne ou peut occasionner des dommages aux biens privés ou publics, aux ressources naturelles, à l’environnement ou au patrimoine culturel et commis dans l’intention ». Le Code Pénal a fait des actes de terrorisme des infractions autonomes. Ceux-ci sont prévus et réprimés par l’Article 399.1.2. La paix est, quant à elle, définie comme l’absence de violence et de guerre, englobant tous les facteurs internes, sociaux et environnementaux qui contribuent à la libre et pleine jouissance de l’existence. En pareille circonstance, un des rôles de l’étudiant est de contribuer à la promotion de la paix et à l’éveil des consciences. L’étudiant n’est pas un simple citoyen, mais un acteur qui doit participer pleinement à la construction d’un climat apaisé, dans un 435

« Itinéraire d’un combat ! »

pays en paix ou en situation de guerre. Depuis quelques mois, le Niger se trouve confronté à un phénomène nouveau qu’il n’a ni inventé, ni engendré, mais qui malheureusement lui a fatalement été imposé par les prédicateurs de Boko Haram et autres Djihadistes. La guerre contre le terrorisme et les idéologies violentes ne peut être gagnée que si les dirigeants gouvernementaux, religieux et communautaires, optent pour le dialogue avec les jeunes, les étudiants notamment. Mon intervention insistera sur les risques auxquels fait face l’étudiant nigérien. Ces risques constituent la crise des valeurs que nous observons : violence, cupidité, cybercriminalité, meurtre, alcoolisme, vagabondage, viol, pédophilie, tabagisme, drogue, faux dévots, prostitution, débauche, pornographie, inceste, infanticides, corruption, mensonge, magouilles et dépigmentation de la peau, toutes choses qui ne sont pas de nature à faire progresser ce pays déjà fragile. L’épineux problème de l’enrôlement des jeunes dans les groupes terroristes vous concerne, car devenant inquiétant dans la région de Diffa. Je suis convaincu que le Niger ne pourrait résolument aller de l’avant sans régler les problèmes qui minent le milieu estudiantin qui est le moteur du changement. L’étudiant est d’ailleurs le fer de lance et la couche la mieux placée pour assurer la relève dans un pays. C’est pourquoi, il faut fournir à l’étudiant les compétences nécessaires lui permettant d’être un acteur principal de la paix et du développement durable ; c’est-à-dire créer les conditions d’une paix pérenne à tous les niveaux. En conséquence, il faut donner à l’étudiant les moyens pour qu’il puisse se construire une personnalité forte et équilibrée, capable de lui permettre de s’intégrer dans la société, tout en respectant notre diversité culturelle, ethnique et politique. Aujourd’hui, il faut tenter d’amener nos décideurs à croire que l’étudiant est une vraie richesse, une opportunité, un atout pour notre pays et pour les sociétés dans lesquelles il vit. L’étudiant doit à son tour prendre conscience de l’existence de phénomènes sociaux qui ralentissent son épanouissement personnel, pour prendre son 436

Contribution de l’étudiant dans la lutte contre le terrorisme

destin véritablement en main. Cependant, il faut admettre qu’à chaque fois que la paix est menacée, il y a un grand groupe d’étudiants qui est mis en marge de la société ou qui a perdu tout espoir en l’avenir. Plus que jamais, il est temps de créer un environnement favorable permettant à l’étudiant de prospérer, d’exercer ses droits, de retrouver l’espoir et le sentiment d’appartenance à une communauté nationale pour jouer pleinement son rôle d’acteur social responsable. Si on fournit à l’étudiant un environnement favorable, il peut canaliser son énergie et transformer son pays. Cet échange est arrivé donc à point nommé et permettra, j’en suis sûr, de tirer profit de l’expérience et de l’expertise des étudiants présents dans les locaux de « l’Ambassade de Tahoua ». Les menaces qui pèsent sur le Niger sont transfrontalières et transnationales, et elles nécessitent naturellement des réponses et des synergies d’actions. Le caractère régional et mondial des menaces terroristes nous impose des actions concertées afin de comprendre les processus socio-politiques et socioéconomiques qui s’y expriment de manière récurrente. Les causes de la menace terroriste sont nombreuses, profondes et multiformes. Elles s’enracinent dans un déficit de gouvernance intégrale. Plus spécifiquement, elles relèvent de la mal gouvernance. Ces causes sont aussi liées à la précarité des conditions de vie des populations victimes de l’insécurité alimentaire, de la malnutrition, du faible accès aux services de base, de l’inexistence de tissu économique formel. Ces conditions sont difficiles à résorber dans nos espaces étendus, caractérisés par des spécificités sociologiques telles que le nomadisme, l’exode et la migration. A cela ,s’ajoutent la faible présence, voire l’absence de l’Etat dans certaines régions, les moyens limités des collectivités territoriales, des Chefferies Traditionnelles, l’exploitation politique de l’Islam, l’injustice, la faiblesse des relations transfrontalières, l’arbitraire, les longues frontières poreuses et la fragilité de nos Etats dans l’espace Sahélo-Saharien. Ces causes persistent grâce aux enjeux géostratégiques liés à un territoire au 437

« Itinéraire d’un combat ! »

sous-sol très riche qui attise les convoitises, et dans lequel se mêlent intérêts concurrents et influences extérieures. Plus récemment, la situation s’est aggravée dans la région de Diffa, du fait de la circulation illicite des armes, accentuée par les attaques de Boko Haram et par une importante dissémination d’armes de guerre, suite à l’effondrement du régime de la Jamahiriya Arabe Libyenne. Ces enjeux et défis sécuritaires, ainsi que des menaces sérieuses, pèsent sur le Niger. Il s’y développe en effet une menace grave qui peut déboucher sur une déstabilisation de l’Etat, voire une remise en cause de l’intégrité territoriale du pays. Les faibles moyens disponibles étant concentrés à l’achat des armes et l’entretien des Forces Armées Nigériennes, très peu de ressources restent disponibles pour impulser le développement socio-économique. Les manifestations spontanées anti-charlie, d’une rare violence ayant éclaté les 16 et 17 janvier 2015 dans les localités d’Agadès, Zinder, Niamey, Gouré, Magaria, sont des vrais signaux d’alerte. Le bilan humain est lourd : on dénombre 10 morts (cinq à Zinder et cinq à Niamey) et 177 blessés et côté infrastructures et matériels, 55 églises, le Centre Culturel FrancoNigérien (CCFN) de Zinder, 40 débits de boisson, des habitations privées et hôtels saccagés, et 22 véhicules brûlés. Le bilan provisoire de la dernière attaque de l’île de Karamga fait état de 46 morts, neuf blessés et 32 disparus dans les rangs des Forces de Défense et de Sécurité et 28 habitants de l’île assassinés. Le penseur G.B. Shaw, dans son livre « The Genuine Islam », vol. 1, No. 81.936, déclarait « J’ai toujours porté en haute estime la religion de Mohammed à cause de sa merveilleuse vitalité. C’est la seule qui me paraît posséder cette capacité d’assimiler les phases changeantes de l’existence. Ce qui la rend attrayante à tous les âges. Je l’ai étudié cet homme merveilleux et, à mon avis, loin d’être un antéchrist, on devrait plutôt l’appeler le Sauveur de l’humanité. Si un homme tel que Mohammed était à même d’assumer le leadership absolu du monde moderne, il réussirait à en résoudre les problèmes et à lui assurer la paix et le bonheur qui 438

Contribution de l’étudiant dans la lutte contre le terrorisme

lui manquent tellement. J’émets une prophétie à propos de la foi de Mohammed : elle sera acceptable à l’Europe de demain tout comme elle commence à être acceptable à l’Europe d’aujourd’hui ». Face à cette situation, il nous faut agir dans la fermeté, la sérénité et l’unité, car la menace terroriste est mouvante. Il faut surtout s’y adapter et prendre en compte les évolutions des comportements des terroristes. Ces faits malheureux dont nous sommes victimes ont effectivement des répercussions sur l’étudiant. Ces faits ont déjà atteint une certaine ampleur et font apparaître l’obligation de se pencher vers la recherche de solutions consensuelles efficaces, avant qu’ils n’alimentent des actes de violence dans les universités, conduisant ainsi notre pays vers des lendemains difficiles. Pour lutter contre le terrorisme, il faut assurer à l’étudiant, qu’en fin de cycle, il peut trouver du travail, si non lui créer les conditions pour qu’il puisse s’en créer par ses propres initiatives, je veux parler de la création de sa propre entreprise; quelle meilleure voie de pouvoir prendre soin de soi-même. L’étudiant est majeur, c’est un adulte, et on ne peut limiter sa liberté individuelle sans conséquence. Il lui incombe en premier de réfléchir sur son avenir et sur les questions de la société. Toute modestie gardée, je pense que pour endiguer la menace terroriste au Niger, l’étudiant doit : contribuer à faire des universités un espace de respect et de tolérance; collaborer avec les acteurs de la société civile pour soutenir le moral des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ; développer des évaluations locales sur les menaces et les vulnérabilités liées au terrorisme dans la sous-région ; œuvrer pour mieux faire connaître la menace terroriste ; mener des lobbyings pour des actions plus cohérentes afin de protéger les communautés contre le terrorisme ; réfléchir de façon permanente sur les efforts de renforcement des capacités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; promouvoir les valeurs républicaines comme la tolérance, la laïcité, la solidarité et l’égalité. Les différentes actions redonneront à notre enseignement supérieur 439

« Itinéraire d’un combat ! »

ses lettres de noblesse, et permettront à l’étudiant nigérien de reprendre la place qui est la sienne dans la société. Je suggère que l’étudiant soit placé au cœur du développement afin qu’il soit intégré au processus global de la recherche de la paix.

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Photo Rabiou Malam Issa

Jeunesse, paix et développement durable45

Moustapha Kadi Oumani, prenant la parole à la Conférence

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venir du pays, les jeunes sont des individus âgés de 15 à 35 ans. Ils constituent plus de 65% de la population et apportent une contribution significative à la production de la richesse nationale. A cet égard, il est illusoire d’envisager la paix et le développement sans cette masse pressante et pensante que sont les jeunes. Toute entreprise menée sans la participation de cette catégorie sociale est .Communication sur le thème : « Jeunesse, paix et développement durable », Niamey, jeudi 25 juin 2015

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« Itinéraire d’un combat ! »

vouée à l’échec. Pour donner l’occasion aux jeunes de s’investir de manière responsable et consciente dans la promotion de la paix et du développement durable, l’ONG Génération Verte Niger (GVN) a initié, le jeudi 28 mai 2015 à la place « AB » de l’Université Abdou Moumouni Diofo (UAM), une Conférence débat portant sur le thème : « Bonne gouvernance, justice et paix au Niger, de 1990 à nos jours : Bilan et perspectives ». Le thème « Jeunesse, paix et développement durable » que le Comité d’organisation a bien voulu nous confier en tant qu’acteur de la société civile nous réjouit à plus d’un titre, car il aborde une question d’actualité immensément importante. C’est une belle occasion de rapprochement des jeunes, puisque la jeunesse est au cœur des préoccupations dans une période sensible, caractérisée par les préparatifs des élections générales. Le Niger détient un fort taux de jeunes désœuvrés, sans emploi, en proie à la manipulation et à l’extrémisme. Notre pays est dans une situation hypothétique, malgré sa réputation de pays relativement paisible et stable dans une région instable. C’est dire que le Niger est exposé à des menaces diverses. Certaines personnes se posent d’ailleurs la question de savoir combien de temps il tiendra encore. Mais, personne ne souhaite que son pays soit déstabilisé, même si certains analystes occidentaux croient que tous les vecteurs de déstabilisation sont déjà présents. Dieu merci, dans la réalité, la menace ne paraît pas imminente. Cependant, notre jeunesse désemparée est le terreau que des mouvements terroristes, contestataires et révolutionnaires cherchent par tous les moyens à enrôler dans des conflits de tous genres. Si l’Etat ne décide pas de leur trouver des solutions, la rue décidera de le faire et tous les efforts de développement risquent d’être compromis. Il faut reconnaître que notre population majoritairement jeune est surtout confrontée aux enjeux liés à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à l’éducation sexuelle et reproductive, mais aussi à la perte des repères. Ces risques constituent la crise des valeurs, toute chose qui n’est pas 442

Jeunesse, paix et développement durable

de nature à faire progresser nos Etats déjà fragiles. Présentement, aux frontières Nord et Sud-est, les conflits armés et les guerres continuent de semer la terreur dans la région de Diffa. En témoignent les attaques terroristes des Djihadistes et de la secte Boko Haram. La Libye, pays voisin, semble très loin de la stabilité politique et sociale, la nébuleuse Daesh s’étant même installée dans plusieurs de ses grandes villes. Un illustre homme Africain, le Président Ivoirien Houphouët Boigny, s’est un jour exprimé en ces mots qui s’écrivent en lettres d’or : « La paix ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement ». Cependant, l’on ne peut parler de paix et de stabilité sans faire allusion au rôle prépondérant de la jeunesse dans la conquête d’une paix durable. La paix ainsi définie ne peut être qu’un engagement solennel, nourri d’une volonté indéfectible pour le salut et la stabilité. Sa quête ne peut s’effectuer qu’avec un seul et unique outil : le dialogue assidu et responsable. La jeunesse, joyau fleurissant de tous les espoirs, a un rôle principal et primordial à jouer dans la recherche d’un développement durable. Les jeunes constituent un atout important pour le développement et la stabilité. Malheureusement, cette potentialité n’est pas évaluée à juste titre ; le chômage, le faible engagement du Gouvernement à faciliter l’engagement citoyen et la participation des jeunes aux initiatives de développement et de consolidation de la paix, sont de véritables freins à l’épanouissement et à l’intégration économique et sociale de la jeunesse. Les structures familiales ont changé et l’on assiste à une dislocation de plus en plus persistante du tissu familial. L’exode rural et le chômage massif altèrent profondément l’équilibre entre générations. Pourtant, notre éducation familiale, culturelle et nationale est une source du vivre ensemble, et renforce l’engagement des jeunes dans la promotion des principes universels et dans l’éducation à la paix et à la nonviolence. L’éducation et la formation sont des facteurs importants de succès sur le marché de l’emploi. Il est tout de même important de saisir certaines réalités qui demandent à notre jeunesse plus 443

« Itinéraire d’un combat ! »

d’effort pour accéder à l’emploi, favoriser le développement du pays et donc promouvoir les dialogues de paix. Trois paramètres nous interpellent : 20% parmi les pays les plus riches de l’humanité se partagent 82,7% du PNB alors que 80% de l’humanité se partagent les 17,3% restant ; 60% de l’humanité se partagent un PNB qui représente 5,6% du total ; 20% parmi les pays les plus pauvres se partagent seulement 1,4% du PNB. Non seulement cet écart est énorme, mais il s’est aggravé au cours des trente dernières années. Dans bien des domaines, le Niger n’a pas su tirer son épingle du jeu, laissant les initiatives aux occidentaux. La plupart des indicateurs nationaux reflètent des taux élevés de pauvreté, de mortalité maternelle et infantile, un taux de déperdition extraordinaire et un analphabétisme répandu. La démocratisation envisagée sous l’angle d’un « souffle de la liberté » a connu des fortunes diverses. L’Afrique subsaharienne compte aujourd’hui 10% de la population mondiale, contribue à 1% du PIB mondial, accueille 1% des investissements directs étrangers et relève pour moins de 1,5% du commerce international. Cette marginalisation semble principalement due à une stagnation sur le long terme de la productivité qui a conduit, dans le meilleur des cas, à une faible progression des revenus moyens et, dans l’autre, à une stagnation, voire à une régression, de ceux-ci. Or, « Le chômage des jeunes alimente la violence et la violence alimente le chômage des jeunes », soulignait M. Ahmedou Ould Abdallah, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest. Les nombreuses tentatives des clandestins de s’introduire en Libye pour passer en Europe illustrent la détérioration de la situation. L’adhésion à la paix implique par conséquent de contrecarrer ce qui sape nos valeurs, notamment la montée d’idéologies extrémistes, les discours haineux, la discrimination, les préjugés et les stéréotypes, l’intolérance, la violence, la pauvreté, la rareté et l’accès inégal aux emplois. Au Niger, malgré les accords de paix, le mécontentement et les attaques meurtrières persistent. Le 444

Jeunesse, paix et développement durable

Nigeria, qui partage 1.500 km de frontière avec notre pays, n’a toujours pas vaincu Boko Haram. C’est dans ce cadre que nos braves soldats combattent côte-à-côte avec les armées des pays voisins. Fort heureusement, nous sommes tous mûs par le souci d’instaurer un climat de paix et de dialogue gage d’un développement social et économique. C’est pourquoi on se pose légitimement la question de savoir quand l’économie nigérienne pourra-t-elle décoller suffisamment pour permettre à tous les jeunes de trouver du travail et de rêver d’un avenir meilleur ? La jeunesse, la paix et le développement sont donc étroitement liés, car la paix permet le développement et fournit des opportunités aux jeunes. De ce point de vue, la jeunesse doit s’accommoder à notre éducation qui est une source de vie collective. En d’autres termes, nos sociétés et nos modèles de développement témoignent de jour en jour de leur incapacité à assurer à chacun un développement harmonieux, équitable et solidaire, respectueux des ressources naturelles et au service d’un futur économiquement et socialement soutenable. La lutte contre l’intolérance religieuse se fait par l’éducation à la citoyenneté. C’est une éducation qui fait que les citoyens travaillent pour le bien commun, plutôt que pour le bien d’un groupe manipulateur et extrémiste. La jeunesse doit faire preuve de nationalisme comme les soldats nigériens qui combattent actuellement le terrorisme à la frontière du Nigeria et dans les autres coins du monde. Tous les jeunes devraient prendre l’exemple patriotique des soldats nigériens qui se sacrifient pour la nation, et nous les saluons vivement. Le Niger ne pourrait résolument aller de l’avant sans régler les problèmes de la jeunesse qui est le moteur du changement. Cette jeunesse est surtout le fer de lance et la couche la plus importante susceptible de faire des libertés et des droits fondamentaux une réalité. A cet égard, les jeunes doivent être comme des acteurs de changement aptes à promouvoir la justice et la paix. En conséquence, il faut donner à la jeunesse les moyens 445

« Itinéraire d’un combat ! »

adéquats pour qu’elle se construise une personnalité forte, équilibrée, riche de notre diversité culturelle et éthique, pour prouver aux décideurs que la jeunesse est une vraie richesse, un atout pour notre pays et pour les sociétés dans lesquelles elle vit. La jeunesse, doit elle-même prendre de bonnes décisions pour s’assurer un meilleur destin. Toutefois, la paix nécessite un engagement sans relâche et un dialogue interculturel que les jeunes se doivent de bien comprendre et maîtriser. Les décideurs politiques et les acteurs de la société civile doivent ainsi travailler la main dans la main pour garantir une participation active de la jeunesse dans les actions de développement. Notre vœu est qu’il y ait plus d’intérêt et de considération pour la jeunesse. Aussi, il est grand temps que la jeunesse comprenne son importance dans les activités politiques. Il nous faut une nouvelle représentation de la jeunesse dans les partis politiques. L’idée que la jeunesse est une victime qu’il faut protéger ou qu’elle est une menace dont il faut se protéger définitivement est révolue. Cette réalité doit être claire pour les autorités du pays et pour les parents qui doivent faire face aux tentations qui guettent la jeunesse, afin d’éviter à notre pays des événements malheureux à l’image de ceux connus les 16 et 17 janvier 2015. C’est dire que la promotion de la paix et de la nonviolence doit être comprise comme un concept aux variantes multiples et, dans ce sens, il faut encadrer la jeunesse dans le paradigme en lien avec la sécurité humaine. La jeunesse doit être initiée, d’une part au rejet de la violence armée, et d’autre part, à la promotion de la diversité et de la solidarité. L’adhésion de la jeunesse à la paix vise à contrecarrer tout ce qui sape nos valeurs, comme la montée d’idéologies extrémistes, les discours haineux, la discrimination, les préjugés et les stéréotypes, l’intolérance, la violence et l’accès inégal aux ressources. En outre, il nous revient de ne plus commettre les mêmes erreurs, il faut tirer les leçons du passé. Le processus démocratique dans lequel nous avançons a certes ses faiblesses, mais la question de la démocratie est un processus 446

Jeunesse, paix et développement durable

d’éducation qui doit placer les préoccupations des jeunes dans les priorités nationales. A ce titre, les jeunes doivent bénéficier de plus d’écoute pour ne pas être considérés comme des figurants, et ils doivent avoir une place entière dans le leadership de notre société et de ses organes de décision. En d’autres termes, la question de la jeunesse doit être une priorité pour tous. Les acquis démocratiques méritent d’être renforcés et sauvegardés pour les générations futures qui ont besoin de poursuivre l’œuvre de développement dans la sérénité. Dans ce cadre, qui choisit d’aller avec la jeunesse, choit de cheminer très loin et sûrement. Il vaut mieux bâtir avec la jeunesse que d’avancer sans la jeunesse. Et le vivre ensemble entre musulmans et chrétiens est une réalité tangible. Afin de promouvoir la paix et le développement durable, il nous faut soutenir le dialogue interreligieux, en impliquant les jeunes. Il n’y a pas de paix au sein d’une Nation sans l’implication de la jeunesse. La paix s’obtient plus efficacement et plus durablement par le dialogue que par la violence ou la dissuasion. Le dialogue est le chemin royal pour que survienne la paix et le moyen le plus efficace pour prévenir et résoudre les conflits sans recourir à la violence. Ce dialogue doit revêtir la forme d’hospitalité réciproque qui vise la connaissance et l’acceptation de l’autre dans la différence ; une solidarité agissante pour unir et relever les défis communs qui se posent à nous tous ; l’engagement commun au service de la paix. Ainsi, la vie n’a pas de sens si nous n’agissons pas vis-à-vis de la jeunesse ici et ailleurs, tel que nous voudrions que l’on agisse pour nous. Nous invitons à cet effet tous les acteurs de la vie sociale, politique et économique à persévérer dans l’effort de dialogue permanent, de compréhension et d’acceptation mutuelles. Ensemble, nous devons plus que jamais prêter attention à la jeunesse.

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Photo Rabiou Malam Issa

Tendances et dynamiques des élections passées et à venir (2011-2016)46

Moustapha Kadi Oumani présentant sa communication

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es élections démocratiques sont pour un peuple le fait de se choisir librement et sans aucune contrainte, ses dirigeants en vue de son bien-être socio-économique. En conséquence, le vote dans le calme reste un droit imprescriptible des citoyens. A ce titre, la fonction principale des élections est de permettre aux citoyens 46 .(Communication présentée à l’atelier Consultatif de contextualisation des indicateurs pour la mitigation de la violence électorale et de mise en œuvre du Système National d’Alerte Précoce sur le thème : « Tendances et dynamiques des élections passées et à venir (2011-2016) », Niamey, Grand Hôtel, mardi 11 août 2015)

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« Itinéraire d’un combat ! »

de choisir leurs gouvernants, qui doivent conduire leur destinée et leurs représentants, qui rédigeront et voteront la loi en leur nom. En dépit de l’importance des élections, les analystes estiment que leur qualité dépend des progrès réalisés dans d’autres domaines. C’est pourquoi, la réussite des élections apaisées est directement liée à l’indépendance du système judiciaire, à l’environnement médiatique et politique, ainsi qu’à la capacité de la société civile de participer à la vie publique. Ainsi, les élections justes et transparentes dans un pays constituent une soupape de sécurité. Dans ce cadre, un atelier consultatif de contextualisation des indicateurs pour la mitigation de la violence électorale et de mise en œuvre du Système National d’Alerte Précoce était au rendez-vous d’échanges, le mardi 11 août 2015, au Grand Hôtel de Niamey. C’est tout naturellement que les sujets liés aux stratégies électorales occupent le cœur des débats. En effet, depuis l’engagement de notre pays sur la voie de la démocratie, l’une des grandes préoccupations demeure la faiblesse du taux de participation aux différents scrutins. Cette faiblesse du taux de participation qui renvoie à la question de la légitimité de nos institutions constitue un défi majeur de notre jeune expérience démocratique. Dans ces conditions, vous comprendrez que la présente communication doit être perçue comme une modeste esquisse au débat et aux échanges de cette rencontre. De vos observations et interrogations, de nos réponses, du moins je l’espère, jaillira plus de lumière. Ceci étant, entrons dans le vif du sujet, dont l’intitulé nous indique tout l’intérêt dans un pays en pleine ébullition, qui se débat pour asseoir durablement la difficile paix sociale, tant souhaitée par tout Etat en période électorale. Il y a à travers le monde une grande diversité d’expériences politiques, mais chaque pays a sa propre histoire, ses traditions, ses spécificités dont s’imprègne son modèle politique. Le Niger ne fait pas exception à sa tradition. Son système démocratique est universellement reconnu comme viable dans la durée. Le système électoral Nigérien est uninominal à deux 450

Tendances et dynamiques des élections passées et à venir (2011-2016)

tours dans le cas de l’élection présidentielle. Un candidat est élu s’il emporte plus de 50% des voix. Dans le cas contraire les deux candidats ayant reçu le plus de voix sont en lice pour le second tour qui a lieu trois semaines plus tard. Le vainqueur du deuxième tour (qui aura nécessairement obtenu 50% des voix) devient Président de la République, Chef de l’Etat. Pour les législatives, le Niger a recours à un système électoral proportionnel. Deux cas de figure se présentent dans le cas de l’élection des députés. Si un seul siège est à pourvoir dans la circonscription, le candidat avec le plus de voix remporte le siège. Si plus d’un siège est en jeu, on a alors recours au système proportionnel selon la règle de la plus forte moyenne. Notre réflexion, axée sur le thème des tendances et dynamiques des élections passées et à venir (2011-2016), sera abordée conformément au plan préconisé par le WANEP Niger. A l’évidence, le consensus est l’indispensable voie pour garantir la pleine participation des citoyens aux échéances électorales en 2016. A juste titre, et à de rares exceptions près, les acteurs politiques nigériens ont toujours adhéré dans leur ensemble à l’idée d’élections compétitives et apaisées pour le choix des institutions et des dirigeants. Dès lors, sans préjuger des dysfonctionnements que la pratique révèle, les élections générales peuvent paraître comme le symbole de la sincérité et d’un plus grand respect de la libre expression du suffrage universel, si et seulement si les règles sont respectées par toutes les parties prenantes. En somme, les configurations actuelles de la Commission Nationale Indépendante Électorale (CENI), du Comité du Fichier Électoral Biométrique et du Conseil National du Dialogue Politique (CNDP) sont des gages pour la recherche permanente d’un consensus national. Ce consensus doit se renforcer avec l’implication des partis politiques et de la société civile à toutes les étapes du processus électoral. Ainsi, comme à l’accoutumée, une grande synergie doit exister entre l’administration d’une part, les acteurs politiques et la société civile d’autre part, afin de réussir 451

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des élections incontestables. C’est dire que l’enjeu est de taille pour le Niger qui doit nécessairement réussir des élections pacifiques, transparentes, libres, crédibles, apaisées et équitables. C’est d’ailleurs un défi pour la CENI, les Institutions de la République, notamment le Gouvernement et l’Assemblée Nationale, les partis politiques, la société civile, les médias, les Forces de Défense et de Sécurité. La préoccupation première sera celle d’éviter que ces moments censés incarner la vitalité démocratique ne se transforment en périodes d’explosion de violences, ou pire, de basculement dans des conflits politiques. Au regard des évènements politiques et sécuritaires, ces craintes sont légitimes, étant donné que l’atmosphère politique est déjà marquée par de fortes tensions. De façon générale, la scène politique nationale demeure toujours fragmentée, avec des partis contraints de recourir à des alliances pour gouverner. Il est traditionnellement admis au Niger qu’un parti politique à lui seul ne peut prétendre gagner les élections. En outre, compte tenu de la faible capacité financière du pays et au regard des engagements de ses partenaires, le Niger a toujours organisé des élections grâce à l’assistance technique et financière. Sans prétendre être exclusif, on pourrait ici définir l’interdépendance comme la dépendance réciproque ou mutuelle. Il s’agit en réalité de l’état de personnes ou de choses qui dépendent les unes des autres. L’interdépendance dont il est question ici est synonyme d’assistance mutuelle, de complémentarité, de corrélation, d’interaction et de mutualité. De ce point de vue, on distingue plusieurs formes d’interdépendance : – l’interdépendance structurelle qui est un événement économique touchant un pays affecté automatiquement par l’évolution économique d’autres pays ; – l’interdépendance des objectifs : c’est la réalisation des objectifs de politique économique d’un pays qui dépend de la réalisation des 452

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objectifs de politique économique d’autres pays ; – l’interdépendance des chocs exogènes : c’est l’interdépendance des économies, entraînant la transmission entre elles des chocs qui viennent les frapper. En période électorale, en parlant des mots-clés, on peut recourir aux expressions suivantes : consolider et promouvoir la démocratie, veiller à la crédibilité du scrutin, assistance électorale, transparence des élections, honnêteté et sincérité des consultations, stabilité et pérennité, tenue d’élections libres, consensus national, stricte impartialité, concertation permanente, inclusivité, respect des lois essentielles, éducation civique, surmonter les divergences, dialogue inclusif, mobilisation des électeurs et vigilance accrue. Dans le cadre de la régularité des scrutins, le bilan s’établit en termes de progrès sensibles, même si le recours à des pratiques frauduleuses ponctuelles et limitées demeure d’actualité. Contrairement aux procédés de 1996 « de bourrage des urnes » débouchant sur des résultats n’ayant aucun lien avec le véritable rapport des forces politiques, les ratés relevés ici ou là en 2011 n’ont pas eu, sauf de très rares exceptions, de véritables incidences sur la sincérité du vote. On peut donc dire que le principal enjeu est la capacité des partis politiques à répondre aux attentes fortes des populations et de la communauté internationale. Mentionnons qu’en 2011, le processus électoral a connu globalement les mêmes caractéristiques que celles relevées au cours des années précédentes. A titre illustratif, les opérations de vote se sont bien déroulées et ont été acceptées par tous, mais il faut néanmoins citer les quelques difficultés rencontrées le jour du vote, qui sont des leçons à tirer. Il y a lieu de veiller au respect des heures d’ouverture et de fermeture des bureaux, d’établir les listes additives en deux exemplaires pour deux scrutins, de mettre fin au système de témoignage à grande échelle, d’effectuer systématiquement les vérifications d’identification des électeurs, de parer à l’insuffisance du matériel électoral dans tous les 453

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bureaux et d’interdire les regroupements des militants des formations politiques à la devanture des bureaux. Certaines pratiques doivent être bannies afin de circonscrire les fraudes et l’achat des consciences. Au Niger, les élections se sont généralement inscrites dans un contexte apaisé n’excluant pas des joutes oratoires passionnées. En marge des dimensions citées plus haut, tout se passe comme si toute atmosphère de crise est porteuse inévitablement d’un climat de suspicion. De ce point de vue, en 2016, il y a de l’électricité dans l’air. Les procès des partis politiques en cours et les débats contradictoires sans porter des gants suscitent des raisons évidentes d’inquiétude sur le bon déroulement des futures élections. La situation n’est pas du tout bonne et peut constituer un véritable goulot d’étranglement pour le Niger, d’où la nécessité d’éviter toute intolérance. En clair, il est dans l’intérêt de tous d’arrêter de nourrir la haine et la vengeance, pour se mettre ensemble, en organisant des élections consensuelles, crédibles et transparentes. C’est avec réalisme et détermination que chaque acteur doit s’y mettre. Les futures élections s’annoncent comme un véritable défi pour la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN), au pouvoir, les partis non affilés, toujours critiques, mais aussi pour l’Alliance pour la République, la Démocratie et la République (ARDR), une coalition des partis de l’opposition résolument engagée à conquérir le pouvoir. D’ores et déjà, le dexième mandat du Président Issoufou Mahamadou s’annonce crucial pour un pouvoir qui a fait le choix du concassage des grands partis politiques à travers l’opération dénommée « Action Salif D », pour se tracer l’autoroute de la victoire. La majorité et l’opposition se sont ouvertement affrontées sur plusieurs points. Selon les pronostics, le parti présidentiel, tirerait son épingle du jeu dans au moins cinq régions. Mais, il faut éviter une mauvaise surprise, sachant que les instituts de sondage ont eu tendance à se tromper. C’est insensé, rétorque les partis de l’opposition. Cette polémique a également surgi à l’occasion de l’adoption du chronogramme. L’on s’attend 454

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donc à ce que le bras de fer entre l’opposition et la majorité soit très serré lors des prochaines consultations électorales. Toutefois, la marge de manœuvre est étroite face à une classe politique déterminée. C’est devenu comme un jeu de ping-pong. L’opposition rivalise d’ardeur avec la majorité, en marchant sur le fil du rasoir. Meeting contre meeting. Arguments contre arguments. Marches de soutien contre marches de rejet. L’heure devait, vraisemblablement, pousser les deux camps à transcender les divergences. Comment, dès lors, relever, ensemble, le défi de l’organisation des élections paisibles et aux résultats acceptés ? Modestement, cette question doit être l’épicentre des préoccupations, du reste, légitimes de ces deux camps. Là, l’impression qui se dégage est qu’on passe du temps à se concasser les méninges sur des épiphénomènes. Alors qu’en réalité, le problème, celui des élections dans les délais constitutionnels, demeure, lui, intact. C’est d’ailleurs la première fois que notre pays, jadis vitrine de la démocratie, s’engage dans une impasse électorale porteuse de graves préjudices. A cet égard, les bonnes paroles de nos dirigeants doivent être en phase avec leurs actes ! Un processus électoral apaisé est porteur d’un avenir meilleur, à savoir le devoir sacré de protéger la Nation. L’un des défis est celui de la sécurité des scrutins. Des violences ont émaillé la campagne électorale dans plusieurs localités. Il nous revient donc d’observer ensemble les dynamiques positives pour maintenir la stabilité du pays. Entre autres valeurs fondamentales qui nous interpellent pour le processus électoral, il y a : – la paix à travers le dialogue et le compromis ; – la cohésion sociale et la concorde nationale. D’autres valeurs essentielles sont également à mettre à profit, ce sont : – la défense et la promotion des droits humains de tous les électeurs ; 455

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– la consolidation de la démocratie par l’organisation d’élections libres, crédibles et transparentes ; – le respect de la loi fondamentale qui constitue le socle de la nation. La démocratie s’entend à travers la gestion participative de la chose publique, l’engagement et la responsabilité des acteurs. Toutefois, la crédibilité d’une élection ne peut pas être mesurée uniquement aux activités menées le jour du scrutin. Plusieurs activités pré-électorales précèdent celles du jour du scrutin dont l’inscription des électeurs, les campagnes politiques, la formation et le déploiement des Forces de Défense et de Sécurité, la dotation du matériel électoral et l’accréditation des représentants des partis et des observateurs. Si une de ces activités est compromise, elle pourrait miner la crédibilité d’une élection, d’où la nécessité pour tous les acteurs de respecter et de faire respecter les principales valeurs du processus électoral qui sont cardinales, notamment : – la transparence à travers la clarté et l’imputabilité des acteurs ; – la crédibilité ; – l’inclusion à travers la participation de toutes les composantes ; Peut-on décrire les périodes post-électorales sans accorder une forte place à la crise, au conflit ou à la violence avec leur premier corollaire qu’est la remise en cause des résultats ? La nature de la réponse négative ou affirmative importe peu. L’important ici est de savoir si les acteurs socio-politiques se donnent les moyens de prévenir des conflits pour contribuer à assurer la régularité du scrutin. Il semble qu’au regard des dernières consultations électorales de 2011, il y a matière conflictuelle à Bosso et N’Gourti. L’ambiance était électrique dans ces localités entre opposition et majorité qui se sont échangés copieusement les accusations. Si la majorité a défendu bec et ongles les choix gouvernementaux, l’opposition n’a pas faibli en critiquant vigoureusement la gestion du Gouvernement. Dans le 456

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reste du pays, les incidents ont été peu nombreux et les élections se sont déroulées sans encombre. D’un point de vue de l’organisation, les préparatifs des élections se sont bien déroulés, respectant les conditions juridiques d’établissement des commissions électorales, d’enregistrement des candidats et d’inscription des électeurs. Les jeunes doivent maintenant travailler sur le terrain, en renforçant l’unité d’action en leur sein. Rien de solide ne peut être obtenu sans la mobilisation et la détermination des femmes et des jeunes. La question qui taraude les esprits de bon nombre de citoyens nigériens et des observateurs nationaux et internationaux est celle de savoir dans quelles circonstances les différents scrutins seront organisés, raison pour laquelle il faut tout mettre en œuvre pour veiller à contrer: – l’intolérance du discours des responsables des partis politiques et des acteurs des organisations de la société civile ; – l’instrumentalisation et la partialité des acteurs politiques et de la société civile ; – les possibles manquements dans le maintien de l’ordre. C’est dire que des inquiétudes planent quant à l’organisation des futures élections. Ces élections sont un enjeu politique non seulement interne, mais aussi externe. C’est pourquoi, face au comportement actuel des acteurs politiques, les Nigériens sont en droit de s’attendre à des élections controversées. Déjà, le pouvoir et l’opposition sont loin de s’entendre sur les décisions des organes chargés de préparer ces élections. Comme le dit bien Vaclav Havel dans « Extrait de Méditation d’été » : « La violence engendre la violence. C’est pour cette raison que la plupart des révolutions se sont perverties en dictatures ». Et Gandhi d’affirmer : « La non-violence est la loi de notre espèce, tout comme la violence est la loi de l’animal ». Dans un pays comme le nôtre où le climat politique reste tendu, toute tentative de modification des règles du jeux n’est pas de nature à asseoir la stabilité sociale que procure le suffrage universel. L’opposition, 457

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qui considère que la Cour Constitutionnelle est un juge électoral partisan, rejette le chronogramme des élections, exige un audit du fichier électoral et pose les jalons de la contestation. C’est connu de tous, les crises de légitimité restent parmi les causes d’instabilité, d’insécurité et d’incidents majeurs. Un point non moins important, bien que banal pour certains, c’est la corruption décelée au sein de la CENI, dans les rangs des représentants des partis politiques, ce qui est de nature à saper la régularité des élections. Cet acte, jadis connu par le public, doit être sanctionné avec la dernière énergie pour instaurer la confiance entre les acteurs déjà en souffrance. De ce point de vue, la CENI ne doit pas hésiter à transmettre le dossier à la justice si la HALCIA ne s’en est pas encore saisie. Dans tous les cas, ce n’est un secret pour personne, tous les conflits électoraux naissent du délitement du consensus national dans un contexte fragilisé. S’il est en effet admis que le succès d’une élection dépend de l’établissement d’une liste électorale fiable, la question du chronogramme reste l’un des enjeux récurrents et sous-jacents de la base du problème en 2016, ce qui présage d’une crise politique sans précédent. Dans un tel contexte, ne perdons pas de vue les autres menaces extérieures des groupes terroristes et l’ingérence extérieure qui planent sur notre pays. Les solutions existent si l’on veut faire face à la situation. Le Niger a les moyens d’organiser des élections libres et transparentes. N’attendons donc pas qu’il soit trop tard. Le plus important est que, dans un même élan patriotique, les Nigériens s’unissent sans exclusion pour l’édification d’une démocratie apaisée et d’une économie prospère. C’est à ce prix et à ce prix seulement que nous donnerons à la démocratie pluraliste tout le sens dont nous rêvons. Le renforcement de la crédibilité et de l’acceptation des résultats électoraux sont les conditions essentielles d’une réduction de risques d’incidents violents, de conflits et, en amont, d’une consolidation de notre démocratie. Aujourd’hui, il y a tous les signaux qui nous alertent sur la nécessité absolue d’éviter que la 458

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violence devienne une caractéristique chronique des compétitions électorales au Niger. A ce stade, une médiation nationale des grands témoins, ou internationale, par exemple de la CEDEAO, peut y contribuer très positivement pour calmer les esprits. Il y a lieu également d’encourager les candidats aux présidentielles de signer un engagement à la participation électorale apaisée à travers des concerts, des tournées et les médias. Il faut surtout prendre conscience que les élections, ce ne sont pas les affaires seulement des politiciens, mais de tous les acteurs, qui doivent contribuer avec conviction, à la décrispation de la situation. Ceci m’amène à citer Bernard Kouchner, lorsqu’il affirmait par cette phrase devenue célèbre : « Lorsque les nazis vinrent chercher les communistes, je me suis tu : je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je me suis tu : je n’étais pas social-démocrate. Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs, je me suis tu : je n’étais pas juif. Lorsqu’ils ont cherché les catholiques, je me suis tu : je n’étais pas catholique. Lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester ».

C’est pourquoi, au-delà de la prise de conscience individuelle, c’est d’une prise de conscience collective que le Niger a besoin. Tous les acteurs, y compris la société civile au premier chef, doivent continuer à travailler pour garantir de bonnes élections dans notre pays. Sur ce plan, le Niger doit envisager un dispositif de prévention et d’atténuation des conflits et autres tensions préjudiciables au succès des futures élections. Dès lors, le combat doit être permanent. Les élections de 2011, bien qu’elles aient été bien organisées, ne sont pas un acquis, car après tout, le propre des acquis est d’être remis en cause. Les acquis ne sont jamais acquis, comme on dit. Dans le contexte qui est le nôtre, l’importance qu’il y a à prendre des dispositions pour l’organisation des consultations électorales crédibles n’est plus à démontrer. En vue d’améliorer les performances du processus, il faut prendre en compte toutes les irrégularités et les insuffisances relevées par le Conseil Constitutionnel de Transition en 2011. Les 459

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formations politiques et les candidats, dont le rôle est de concourir à l’expression des suffrages, se doivent, compte tenu des enjeux, de veiller au respect scrupuleux des dispositions de la Constitution et du Code électoral tout au long du processus électoral. Dans de nombreux cas, il subsiste un climat d’impunité pour les auteurs, d’où l’impérieuse nécessité de donner carte blanche à la justice nigérienne pour sévir. Les pouvoirs publics, chacun dans sa sphère de compétence, sont appelés à veiller à la sécurité du processus électoral, au respect des dispositions légales relatives à la neutralité de l’administration, de la Chefferie Traditionnelle et d’une manière générale, de tous ceux qui sont astreints à l’obligation de réserve. Ces irrégularités peuvent, si elles arrivaient, compromettre la sincérité, la transparence et la bonne organisation des élections. C’est à ces conditions et à elles seules que nous pourrions espérer mettre en place des institutions démocratiques et républicaines qui exerceront la plénitude des pouvoirs que la Constitution leur reconnaît. Autrement dit, c’est de la crédibilité des futures élections que dépendront la légitimité des gouvernants et la stabilité du pays. Dans un processus électoral comme le nôtre, la régularité des opérations de vote est la condition sine qua non de l’acceptation du verdict des urnes. Dans ce climat de tension, il n’y a pas d’élections libres et transparentes sans fichier électoral fiable. Si l’opposition, la majorité et les non affiliés sont à couteaux tirés, c’est simplement parce que la première revendique son droit d’exister, la seconde et la troisième composante semble lui renier carrément ce droit. En définitive, on peut retenir que les différents acteurs politiques doivent bannir tout orgueil et mettre les intérêts de la Nation loin devant les leurs, afin de discuter et s’entendre sur l’essentiel, pour éviter au Niger de faire un saut dans l’inconnu à l’occasion des prochaines élections. Cette invite est un appel de la raison et du cœur qui mène vers les normes universelles pour transformer les contraintes en opportunités.

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Photo Martine Pierret

COP 21 : « Le droit à l’énergie pour tous, un droit oublié47»

Délégation du Niger à la COP21 conduite par le Président de la République Mahamadou Issoufou

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a demande mondiale d’énergie aura doublé d’ici 2050 et ce, même dans l’hypothèse de la mise en œuvre de forts programmes d’économies d’énergies, si l’on ambitionne de hisser le niveau de vie des pays pauvres au niveau de vie des pays riches. En marge de la COP 21, un colloque international sur le droit à l’énergie a été 47 .Communication présentée au Colloque International sur le droit à l’énergie à la Maison de la Chimie Paris, France, sur le thème : COP 21 « Le Droit à l’Énergie pour tous, un Droit oublié », mercredi 21 octobre 2015, de 8h30 à 13h30

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organisé par l’Association Mondiale Droit à l’Énergie SOS Futur à la Maison de la Chimie à Paris en France, sur le thème : « Le droit à l’énergie pour tous, un droit oublié », le mercredi 21 octobre 2015. Cette rencontre est une modeste contribution de l’Association sur les enjeux de l’accès à l’énergie face aux changements climatiques. Dès lors, l’accès à l’énergie est considéré comme le maillon « oublié » à la COP 21, comme cela s’était déjà produit au moment de l’élaboration et de l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement. C’est dire qu’il subsiste une réelle inégalité d’accès aux ressources, en particulier à l’eau et à l’électricité entre les pays développés et ceux en voie de développement. Une véritable réflexion et une solidarité sans faille s’imposent, car seule l’action collective des pays en voie de développement et la coopération internationale permettront une juste acquisition de l’énergie. Il y a donc urgence que son accès soit possible, en quantité suffisante, que son coût en permette l’usage et que sa qualité s’inscrive dans le cadre d’un développement humain durable. Or, c’est bien le déficit d’énergie qui constitue un des obstacles majeurs au désir légitime des populations d’Afrique, voire du monde entier, de se défaire du piège de la pauvreté. En effet, sans un accès universel à l’énergie et plus particulièrement à l’électricité, les Objectifs pour le Développement Durable (ODD) ne seront pas atteints, pire ils ne pourront même pas connaître un début d’amorce, et encore moins avoir la chance d’être mis en œuvre. Alors, s’agit-il à nouveau d’une erreur ou des prémices d’un oubli ? Une chose est claire l’accès à l’énergie ne se résume pas à une simple question de quantité de la production mais aussi à la qualité du service offert. Ce constat est patent en Afrique après quinze années de course vers l’atteinte des OMD. Le déficit énergétique a bien souvent constitué un obstacle majeur à la réussite des efforts de développement. C’est pourquoi il est encore temps de tirer la sonnette d’alarme, afin qu’au moment où se poursuivent les discussions en vue de la conclusion d’un accord à la COP 21, que nous voulons « solide et ambitieux », 462

COP 21 : Le droit à l’Énergie pour tous un droit oublié

tous les acteurs concernés, ceux de la Société Civile autant que ceux de la Communauté internationale, y prêtent une attention soutenue. Nul besoin de rappeler que, du fait de la croissance démographique et corrélativement des besoins mondiaux, les limites de production de ressources de la planète ont été atteintes et dépassées depuis mars 2015, et qu’aux environs de 2050, la population mondiale risque d’atteindre le chiffre d’un milliard de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition. Quant aux engagements relatifs aux changements climatiques attendus des négociations sur le climat, ils ne répondront certainement pas à l’espoir de maintenir le réchauffement de la planète en dessous des 2°C, si l’on oublie à nouveau le droit à l’énergie. Au lieu de considérer l’énergie comme un produit de consommation locale acheté à l’extérieur, nous devons la traiter en termes de flux d’énergie, comme nous le faisons avec les substances nutritives et la question de l’eau. Comment réduire le gaspillage d’énergie ? Comment accroître l’efficacité énergétique ? Comment stocker l’énergie ? Comment limiter l’émission de gaz à effet de serre ? Voici autant de questions difficiles auxquelles la COP 21 devra trouver des réponses acceptables. En Afrique, une proportion considérable de la population, qui se chiffre à 600 millions de personnes, vit sans accès à des services énergétiques modernes, même les plus fondamentaux tels que l’éclairage, l’énergie thermique domestique et l’énergie mécanique permet d’accroître la productivité quand elle supplée le travail humain ou s’y substitue. Malgré les efforts de la Communauté internationale, 1,5 milliard de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité, près de 2,5 milliards de personnes ont recours à la biomasse traditionnelle comme principale source d’énergie domestique, avec des conséquences dramatiques sur le couvert végétal et sur le climat. Il est indéniable que le manque d’accès à des services énergétiques abordables et fiables constitue une entrave à la réalisation des Objectifs du Développement Durable (ODD). Les pays riches se doivent de donner à la COP 21 la chance 463

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de prendre en compte le droit à l’énergie. Au Niger, la répartition des abonnés sur le territoire montre la dichotomie criarde entre 17% d’urbains qui consomment 99% de l’électricité totale du pays et le reste de la population qui vit marginalisée ! Est-il vraiment acceptable que dans un pays, 83% de la population vivent dans le noir total ? Voici une situation qui illustre la dimension tout comme l’acuité des problèmes et l’urgence de leur trouver des réponses appropriées. L’équation n’est pas simple à résoudre pour les populations démunies, car les prix courants du kilowattheure sont incontestablement trop élevés pour que ce besoin énergétique fondamental soit assuré au même titre que l’eau. Nous sommes unanimes que tous les débats de la COP 21 sont centrés sur le réchauffement de la planète au moment où des quartiers entiers vivent toujours sans électricité. Des discours-fleuves sur l’urgence de résoudre les problèmes des pays riches vont se succéder pendant que le déficit énergétique dont souffre l’Afrique, et qui freine son industrialisation, restera en attente. Des déclarations d’intention sur le droit à l’énergie restent les seules retombées concrètes pour les pays pauvres. C’est sensiblement la même chose à chaque fois que les 195 pays du monde se retrouvent. En somme, si aucune réforme n’est apportée, la COP 21 ne changera pas fondamentalement la vie des gens en Afrique. Aussi est-il tout à fait raisonnable de penser que, si rien ne change au cours des prochaines décennies, le nombre de personnes n’ayant pas accès à des services énergétiques modernes va augmenter ? En termes d’investissements, aussi bien qu’en terme de couverture spatiale les efforts engagés actuellement pour la fourniture d’électricité sont insuffisants. La combustion du bois, celle de la bouse de vaches et des résidus de récoltes représentent un tiers de l’énergie utilisée dans les pays en développement comme le nôtre. Dans ces pays désertiques, il devient de plus en plus difficile de trouver du bois ou de la bouse d’animal pour satisfaire la demande en énergie domestique des ménages. Il est donc impératif 464

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de se tourner vers d’autres sources d’énergie. Certaines solutions déjà éprouvées sous d’autres cieux, telles que le biogaz, les microbarrages hydroélectriques et l’énergie éolienne, ont été essayées ou sont en train d’être mises en chantier, avec l’espoir de les voir s’amplifier rapidement. Malheureusement, les coûts actuels des solutions modernes comme les panneaux solaires photovoltaïques, bien qu’ils aient connu des baisses significatives au cours des dernières années, au point de concurrencer les sources classiques anciennes, restent cependant hors de portée des petites bourses. C’est dire que bon nombre de technologies actuellement disponibles comme solutions à la demande d’énergie nécessitent des investissements lourds qu’il faut payer cash. Beaucoup d’Africains qui pourraient bénéficier de ces formes alternatives d’énergie ne sont pas, par exemple, en mesure d’acquérir des panneaux solaires photovoltaïques, le coût peut facilement atteindre 500 à 250 Euro, besoins minimaux pour un ménage. Même avec des options moins coûteuses, comme les systèmes de microcentrales hydroélectriques, les coûts initiaux restent encore trop élevés pour des pays pauvres. Il est un fait que beaucoup de personnes redoutent les répercussions éventuelles d’un accès universel des habitants de la planète à l’électricité à cause du réchauffement induit. Toutefois, des estimations objectives montrent que l’accès universel à l’électricité d’ici à 2030 ne ferait qu’augmenter la demande mondiale en combustibles fossiles de 0,8%, tout en accroissant les émissions de CO2 de 0,7%. Cela prend en considération à la fois les faibles besoins en énergie des personnes actuellement hors réseau, ainsi que les possibilités d’approvisionner de nombreux consommateurs en électricité produite à partir de sources alternatives d’énergie. La majorité des pays pauvres sont des importateurs nets de combustibles fossiles. Paradoxalement, ils disposent de ressources abondantes d’énergies renouvelables inexploitées, solaires notamment. Dans de nombreux pays 465

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africains, le manque de compétences et de capitaux, tout comme de subventions ou de politiques incitatives, a entravé le développement de technologies énergétiques alternatives. Par exemple, l’énergie éolienne n’est pas chère, mais elle est intermittente et inaccessible. Les petites stations hydroélectriques peuvent produire de l’énergie pour satisfaire la demande, mais elles coûtent trop cher pour la plupart des communautés. Nous pensons que des aides financières et des mesures incitatives bien étudiées pourraient encourager leurs acquisitions par les particuliers, sans toujours attendre l’intervention de l’État. Les 195 pays attendus à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015 se trouvent déjà confrontés à des difficultés d’élaborer leur plan dont l’exécution doit se traduire par une réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), tout en tenant compte du droit des hommes à l’énergie. De plus, il est attendu que l’on parvienne à un accord international limitant le réchauffement climatique à deux degrés d’ici à l’an 2030. Si certains pays ont manqué à l’appel, ils sont plus de 140 à avoir dévoilé leurs engagements. L’Afrique ne fait pas exception à la règle : huit pays, dont le Nigeria, première économie du Continent, manquent encore à l’appel. Le Soudan du Sud, la Libye ou encore la Somalie, pays en guerre, figurent sur la liste des retardataires. Premier enseignement de la COP 21 : il n’existe pas de base de comparaison entre les engagements annoncés à cause de la diversité des situations prévalant dans les pays concernés. Si le Maroc s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 13% d’ici à 2030, les Comores ont de leur côté promis de les abaisser de 84%. Il faut garder à l’esprit que cet archipel n’est responsable que d’une part infime des émissions mondiales, avec moins de 0,00045% en 2010, contre 0,2% pour le Maroc pour la même période. La question du financement sera pourtant l’une des clés de l’accord tant attendu. La plupart des pays africains ont énoncé des engagements 466

COP 21 : Le droit à l’Énergie pour tous un droit oublié

bridés de « conditions » qui, dans bien des cas, laissent la tenue de leurs promesses tributaire de l’aide internationale. Le Sénégal s’est par exemple, dit prêt à ne pas construire une centrale à charbon à condition qu’il bénéficie d’aides internationales pour financer des projets plus propres. Les pays les plus polluants sont priés de mettre de l’argent sur la table. « Les coûts des projets africains ne sont pas démesurés, dans la mesure où ils comptent parmi les principaux affectés par le réchauffement climatique ». C’est dire que les obstacles à l’accès énergétique sont bien connus. Les barrières, quoique complexes, sont surmontables, et la coopération internationale peut contribuer à modifier les anciens réflexes. On ne saurait trop insister sur l’absence totale de barrière technique : nous savons comment faire pour construire des installations électriques, nous savons comment concevoir de bons fourneaux et nous savons comment nous y prendre pour répondre efficacement à la demande d’énergies non émettrices de CO2. Il reste maintenant à faire du droit d’accès à l’énergie une priorité sur le plan politique. Il est primordial de ne pas oublier que le fait d’apporter des services énergétiques fiables et sûrs aux populations qui en sont démunies ne se résume pas à la simple fourniture d’éclairage électrique ou de fourneaux améliorés. Il est tout aussi important de bien comprendre que les communautés locales doivent être étroitement impliquées dans la planification, le déploiement et la consommation en tant qu’utilisateurs finaux des services énergétiques. Les interventions d’accès énergétique doivent être guidées par une prise de conscience des situations et des besoins pressants des communautés. Or, la faible consommation d’énergie est à la fois un symptôme de pauvreté et un obstacle au mieux-être économique et social. L’insuffisance et le coût de l’énergie pénalisent nos industries et toutes les activités modernes, pour ne pas dire qu’elles compromettent carrément leurs chances de développement. Pour répondre aux besoins du monde en matière de développement durable, tout en se souciant du changement 467

« Itinéraire d’un combat ! »

climatique, la démarche adéquate serait de fixer un objectif quantitatif d’accès à l’énergie et d’étudier les possibilités permettant de lier plus étroitement le défi d’assurer la fourniture énergétique à la nécessité de trouver des voies nouvelles de production d’énergie propre pour l’avenir. En fin de compte, l’accès à l’énergie durable nécessitera un modèle qui génère des revenus locaux capables de compenser les coûts d’offres de services énergétiques modernes. Vu l’engouement actuel des populations africaines à accéder à l’électricité pour créer des emplois aux effets bénéfiques sur la vie de tous les jours, cette initiative de Paris nous permet d’affirmer que le message est bien passé et que l’énergie peut être considérée par la communauté internationale comme un droit fondamental de l’homme. Nous réaffirmons à cette occasion notre conviction et la pertinence de notre revendication libellée comme suit : « Le droit à l’énergie pour tous, un droit oublié ». Sans cette lumière indispensable à la poursuite d’activités nocturnes pour prolonger et compléter celles pratiquées le jour, les chances d’accès au développement durable resteront un rêve.

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Chef traditionnel : juge des conflits

Photo Rabiou Malam Issa

et acteur de paix48

Membres de la table de séance peu après la communication à la Maison de la presse

A

l’occasion de la neuvième édition du Forum Africain du Film Documentaire (FAFD) placé sous le thème : « Cinéma, guerre et culture de la paix dans le monde », une conférence débat sur le thème : « Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix », a été organisée à la Maison de la presse. Cette neuvième édition coïncide avec la célébration de la journée nationale de la 48 .(Communication présentée à l’atelier sous-régional de formation des formateurs et communicateurs sur la culture de la paix sur le thème : Chef Traditionnel juge des conflits et acteur de paix - Niamey, Maison de la Presse, mardi 15 décembre 2015)

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« Itinéraire d’un combat ! »

Concorde, le 24 avril. Ce choix symbolique et historique a été fait pour montrer la place du cinéma en matière de promotion de la paix et comme encre indélébile pour écrire la mémoire d’un peuple afin d’être en phase avec les enjeux du monde d’aujourd’hui, à savoir la lutte contre le terrorisme et la prévention des conflits. Le thème : « Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix » que l’organisation de l’atelier sous régional de formation des formateurs et communicateurs sur la culture de la paix a bien voulu me confier en tant qu’acteur de la société civile me réjouit à plus d’un titre, car il préoccupe sérieusement les populations nigériennes. Ainsi, la projection du film de Sani Magori, « Les Médiatrices », était une belle occasion de faire le rapprochement de la scène avec l’activité de la Chefferie traditionnelle, puisqu’elle est au cœur des tourments au Niger. Dans notre pays, la Chefferie traditionnelle jouit d’un statut constitutionnel et conserve une forte influence morale et spirituelle sur les administrés. Cette institutionnalisation a permis d’assainir ce pan de notre société en le réorganisant à travailler en complémentarité avec les élus et l’administration, afin de participer à l’instauration d’une société nigérienne plus organisée. L’autorité coutumière est de ce fait dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à la Constitution, à la loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. A ce titre, le successeur du Chef traditionnel est incontestablement issu de la famille traditionnellement héritière du pouvoir ancestral. Cet acquis a souffert pendant la colonisation française qui manipulait et transformait les Chefferies à sa guise. Mais, on peut être colonisé, forcé à changer de langage et de mode de vie, ce qu’on ne peut pas nous retirer et qui reste à jamais et ne partira pas, ce sont nos coutumes, le respect et l’autorité morale qu’incarnent les Chefs traditionnels. Au sens de la Loi 2015-01 du 13 janvier 2015 portant Statut de la Chefferie traditionnelle en République du Niger, on entend par 470

Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix

Chefferie traditionnelle, l’institution qui regroupe l’ensemble des Chefs traditionnels dépositaires de l’autorité coutumière. Le Chef traditionnel est une personne élue ou désignée pour diriger une communauté coutumière et traditionnelle. Avant la colonisation, chaque Chef traditionnel ou son représentant était le premier responsable politique, administratif et culturel de sa juridiction. Avec la colonisation, la Chefferie traditionnelle a, dans une certaine mesure, perdu ou partagé son rôle politique et administratif avec le Gouvernement, mais en conservant pratiquement son rôle culturel et coutumier, y compris la gestion des conflits champêtres et conjugaux. L’arrêté N°35 du 14 janvier 1936 portant réorganisation de l’administration indigène au Niger lui donne un contenu. Cet arrêté maintient la notion d’administration indigène et introduit, pour la première fois dans un texte officiel, les notions de Chef de village, Chef de canton, Chef de province, Chef de groupe et Chef de tribu. Il faut reconnaitre que depuis la Chefferie traditionnelle est devenue une institution incontournable de la vie politique en se positionnant dans les luttes partisanes de l’arène territoriale. Mais pour bien encadrer ses administrés, le Chef indigène doit être bien commandé lui-même… « Traitez-les avec honneur, marquez-leur de la considération ! Redressez-les quand ils font mine de s’écarter du droit chemin, mais récompensez-les avec éclats quand ils servent avec fidélité »,

nous enseigne la circulaire du 15 août 1917. Autrement dit, la Chefferie traditionnelle peut voir son influence politique et administrative diminuée et cela, à des degrés divers selon le contexte. La question qui se pose est : quels doivent être la place et le rôle de la Chefferie traditionnelle dans la promotion de la paix et la gestion des conflits ? Sur le plan politique, il faut reconnaître que la Chefferie traditionnelle du Niger ne peut plus avoir un rôle autonome. En tant que structure apolitique, elle est utilement prévue dans la Constitution 471

Issoufou ADO ONEP

« Itinéraire d’un combat ! »

depuis la IIIème République. L’histoire des Chefferies du Niger montre qu’à l’exception de celles du Mounio et de Dosso, toutes ont subi des remaniements plus ou moins profonds. A plusieurs reprises, les Chefs ont été destitués, remis en place, ou emprisonnés. Aussi, les limites territoriales des Chefferies ont subi de nombreux changements. Plusieurs Chefferies n’ont qu’une existence très récente, le Canton étant une donnée spécifique de notre administration. Aussi, même si ses membres tiennent à jouer un rôle important dans le domaine de la paix, devraient-ils recourir aux voies et moyens prévus par la Constitution. Certes, leur Statut dans la société les avantage. Ce Statut qui tire son essence d’une première loi adoptée depuis 1993 est souvent exploité par les hommes politiques au pouvoir. Aujourd’hui, le Chef traditionnel, gardien des traditions ancestrales, ne dispose que du pouvoir de conciliation des parties en cas de conflit foncier ou au sein de sa société. A cet égard, le Chef traditionnel se distingue du commun des hommes par ses relations avec la communauté. En tant que tel, il est garant de la régularité des relations familiales. Guide religieux, le Chef traditionnel est aussi le répondant de la pérennité des rites fixés par la tradition, mais aussi de tous les rites de passage qui président aux grands moments de la vie : Chef de Canton d’Illéla, sa Majesté Oumani Attou (1896- 1991) 472

Issoufou ADO ONEP

Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix

naissance, initiation, mariage et décès. Au-delà des relations entretenues avec les divinités et les ancêtres, le Chef traditionnel reste un important collaborateur de l’administration, d’où tous les efforts qu’il doit déployer pour surmonter certains obstacles qui se présentent à sa société. En matière économique, le Chef traditionnel est agent, acteur et partenaire de développement. A ce titre, il doit être pleinement associé à toutes les actions de développement touchant sa communauté. Et comme dans toute société, on ne saurait progresser qu’en renforçant les liens de communion et d’unité, d’où la nécessité du dialogue et de la paix que le Chef traditionnel doit prôner. Il va sans dire que nos Chefs sont tous mus par le souci d’instaurer un climat de paix et de dialogue au sein de la communauté. On voit ainsi que la Chefferie a fini par devenir un acteur important et une force courtisée. « Malgré les vicissitudes de son histoire, la Chefferie traditionnelle reste une réalité sociale et une institution vivante symbolisant la permanence de certaines valeurs en même temps qu’elle est dépositaire de l’autorité coutumière ». Le rôle du Chef traditionnel doit contribuer à : assurer la sécurité des personnes et des biens ; coordonner l’action des populations en les orientant vers le développement économique, social et culturel ; conférer aux plus méritants des titres de notabilité pour la Sultan de l’Aïr, sa Majesté Elhadji Ibrahim Oumarou (1938- 2012)

473

« Itinéraire d’un combat ! »

Photos Rabiou Malam Issa

Délégation des Chefs traditionnels Istanbulawas en visite à Istanbul en Turquie, 2013

Aboubacar Sanda, Sultan de Damagaram

Oumarou Ibrahim Oumarou, Sultan de l’Aïr

Djermakoye Maïdanda Sultan de Dosso

Ali Zaki, Sultan du Katchina

Balla Marafa, Sultan du Gobir

Kadi Oumani, Sarkin Ader 1931-2013

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Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix

consolidation de la paix ; promouvoir la paix et la concorde à travers la lutte contre les fléaux qui minent la société, à savoir le divorce, la médisance, la calomnie, le vol, la paresse, le népotisme et la discrimination. En somme, les rôles et responsabilités du Chef traditionnel et juge des conflits, acteur de paix, sont multiples eu égard aux relations qu’il entretient avec les religieux, l’administration et la population placée sous son autorité. Le Chef traditionnel n’est pas un juge ; c’est un conciliateur ou un réconciliateur. Sa mission n’est pas de juger. Si la conciliation échoue, les parties ou l’une des parties peut saisir le juge pour la même affaire. Cependant, dans une société à fort taux de jeunes désœuvrés avec toutes les violences qu’on présente à la télévision, le Chef traditionnel a une mission assez complexe, et qui pourrait à la limite même paraître paradoxale au moment où il doit assurer la pérennité de la tradition tout en relevant le défi de la modernité, concilier les intérêts divergents d’une population partagée entre le conservatisme et le modernisme. Il est donc immanquablement vital que les Chefs traditionnels participent pleinement au changement social. Le Chef traditionnel a également pour mission de veiller sur sa population tout en servant de courroie de transmission entre elle et l’administration centrale. Il assure la police rurale. Par conséquent, les Sultanats supprimés par les colons doivent être réhabilités au Niger. Dans le cadre du processus engagé par l’Etat, les petits fils du Sultan de l’Ader, Muhammed Aggaba, ont adressé une correspondance au Général de Corps d’Armée Djibo Salou, le 19 décembre 2010 pour solliciter la restauration du Sultanat de l’Ader à l’image du sort réservé aux Sultanats de Katchina, Gobir et Dosso. Pour rappel, le 18 septembre 2010, avant son départ pour les États-Unis pour prendre part à l’Assemblée Générale des Nations Unies, le Général, Djibo Salou a pris une Ordonnance portant changement de dénomination de trois provinces en Sultanats. Un événement majeur bien accueilli par les 475

« Itinéraire d’un combat ! »

Nigériens qui y voient le rétablissement de la vérité à travers des symboles auxquels notre peuple reste profondément attaché et que la colonisation avait voulu effacer de la mémoire collective, à l’exemple de ceux qui nient récemment encore que le Continent africain a une histoire. Cet acte hautement historique à plus d’un titre marquera pour l’éternité l’avènement des autorités de la transition aux commandes des affaires de notre cher pays, le Niger. Ce faisant, il s’agit d’une décision qui s’inscrit dans une tendance en cours dans de nombreux pays d’Afrique, où des dirigeants épris de paix et de justice tiennent à ce que les citoyens n’oublient point les faits marquants de leur histoire. L’on peut rappeler qu’en Ouganda, le Président Yoweri Museveni avait pris la sage décision de restaurer un ancien royaume détruit par les Colons anglais, il y a de cela plus d’un siècle pour répondre à un souhait exprimé par les membres dudit royaume. S’inscrivant dans la ligne des Chefs d’Etats à l’écoute de leurs peuples, le Général Salou Djibo fait désormais parti des restaurateurs des valeurs ancestrales auxquelles les populations de toutes nos contrées sont profondément attachées. Une belle leçon d’histoire donnée au Président Nicolas Sarkozy qui, contrairement à ses dignes prédécesseurs, outre la mainmise coloniale qui pèse sur nos Etats, est sorti publiquement pour montrer qu’il est hostile à toute forme de remise en question des intérêts de la France en Afrique. Le 26 juillet 2007, intervenant à l’Université de Dakar, Cheikh Anta Diop, il fait l’impasse sur l’histoire africaine, qui pourtant pourrait nourrir de nombreuses thèses. Nicolas Sarkozy reconnaissait sournoisement que la colonisation fut une faute, déclare que le « drame de l’Afrique » vient du fait que « L'homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. […] Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance ». La civilisation africaine a existé depuis la nuit des temps, comme l’a pu démontrer scientifiquement le Professeur Cheik Anta Diop. Les 476

Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix

recherches au niveau de l’évolution des peuples noirs ont montré que les difficultés de ces derniers ont commencé réellement à partir de la Traite négrière et de l’esclavage initiés par les occidentaux et les Arabes et qui se transformeront par la suite en colonisation. Un dicton n’enseigne-t-il pas qu’un peuple sans histoire est un peuple sans âme ? C’est pourquoi, aux yeux de nombreux nigériens, l’Ordonnance portant changement de dénomination des provinces en Sultanats pour mieux agir, montre que le Général Salou Djibo a réellement amorcé la réhabilitation des plus belles pages de notre histoire. Nous sommes convaincus que les historiens ont salué à juste titre cet acte symbolique, et nous pensons que tous les dirigeants de notre pays, grâce aux écrits de nos érudits de l’histoire nigérienne comme les Professeurs Djibo Hamani, André Salifou, Maïkoréma Zakary et Issoufou Yahaya, pourraient utilement apporter leur concours dans cette noble quête de vérité qui vise la restauration des Sultanats du Niger. En parlant des Sultanats du Niger, légitimement, l’on ne saurait passer sous silence le grand Sultanat de l’Ader créé par Muhammed Aggaba au XVIIème siècle lui-même descendant du premier Sultan de l’Aïr, Yunus, fils de Tagag Tahanna-zaneit, sœur de Ahinaç d’origine turque. Le Sultan Ottoman Yildirim, premier Bayezid a envoyé son fils Yunus de la famille de Aghaïni et de Ta’azarete dans la région d’Agadez pour accompagner une délégation de cinq tribus Touarègues Sandals, partie demander au Sultan Constantinople (Istanbul) une protection. Sur autorisation de son père, le Roi, Yunus partit au pays A’ aren çattafane, une ville du Fezzan (localité de Bilma) en compagnie de 400 guerriers pour régner sur l’Aïr. Il régna de 1405 à 1424. Il fut remplacé par Ag Assane et ses frères tous fils de Tagag Tahanna-zaneit. Le nom « Agadez » daterait de cette époque et dériverait de Tagadez, qui veut dire visite. Les premiers Sultans menaient une existence nomade à Assodé dans le centre de l’Aïr, puis à Tadeliza qu’ils abandonnèrent 477

« Itinéraire d’un combat ! »

pour s’établir à côté de la marre de Tin Chamane près d’Agadez. Les successeurs du jeune Sultan turc s’installèrent sur les territoires de l’actuel Nord-Niger et fondèrent le grand Sultanat d’Agadez. La région du Kawar, faisait partie du Sandjak du Fezzan dans l’empire Ottoman Turc en 1400. Ce sont les descendants de cette lignée qui sont désignés « Communauté des Istanboulewas », (autrement, les gens qui viennent d’Istanbul, capitale de l’Empire Ottoman Turc), qui règnent de nos jours à Agadez, Illéla et Doguéraoua. L’existence de citadelle et des forts Ottomans dans l’Aïr atteste de la proximité des relations historiques nigéro-turques. D’ailleurs, le dernier siège des Ottomans turcs était Bilma au Niger. A cet égard, il importe de rappeler brièvement les fondements du Sultan de l’Ader. Avant le XVIIème siècle, l’actuelle région de Tahoua, appelée à l’époque « région des Azna » ou « Aznan ramous », était sous la domination du Sultanat de Kébi (actuel Argungu du Nigéria), dirigée par Muhammad Kanta. Vers 1674, Muhammed Aggaba, conduisit une guerre victorieuse contre le Souverain de Kébi, Muhammed Kanta. La région des Azna ramous prit alors la dénomination de « Adel » qui signifie Adar, en Tamasheq (une zone ravinée géographiquement). En 1721, après la destitution de Muhammed Aggaba du trône du Sultanat de l’Aïr (Agadez) par son frère, pour éviter le soulèvement des partisans du royaume, les sages avaient recommandé aux deux frères de s’entendre sur l’héritage en suggérant à Muhammed Aggaba de retourner s’installer dans sa nouvelle conquête en compagnie de ses importantes tribus. Survint le partage des biens et attributs du Sultanat d’Agadez comprenant entre autres les griots, les Dogarey, les domestiques, les tambours et les groupes sociaux (Illissawans, Tawantakass et Tazgamawa)… A son retour dans le nouveau royaume de l’Ader, Muhammed Aggaba dit : « Le Prince conquérant » entreprit l’organisation administrative du nouveau Sultanat de l’Ader et régna tranquillement jusqu’à sa mort, en 1738. 478

Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix

Quatre secteurs (Gouvernorats de régions), avaient été mis en place par le Sultan Muhammed Aggaba, qui sont aujourd’hui constitués de neuf Cantons : Bouza, Keita, Déoulé, Tahoua, Illéla, Bambeye, Garhanga, Tamaské, Kalfou et une partie du Canton de Dogaraoua). Tout le territoire était placé sous le commandement du Sarkin Ader, Muhammed Aggaba (Sultan de l’Ader). Les quatre secteurs étaient structurés de la manière suivante : le secteur de Keita-Tamaské, dirigé par les Illissawan (actuels Cantons de Tamaské et de Keita). Le Chef de secteur porte le titre de Amattaza, nom que porte l’actuel Chef de Canton de Keita ; le secteur d’Alamtei, limité par les Départements de Keita, Tahoua et Bouza ; le secteur de Serkin Magori et de ses vassaux basés à Déoulé, ville des « Magorawa », située dans l’actuel Département de Bouza. Le Chef de canton de Déoulé porte toujours le titre de Sarkin Magori, et sa région s’étend jusqu’au Département de Madaoua ; le secteur centre qui s’étend de l’Ouest de Keita à l’actuel Département d’Illéla et allant jusqu’à la zone de Guidan Idder, (Canton de Dogaraoua situé dans le Département de Birni Konni). C’est ainsi que depuis la fin du XVIIème siècle, la lignée du Sultan Mohammed Almubareck, père du Sultan Muhammed Aggaba, s’est installée à la tête de l’Ader-Doutchi qui prit comme capitale, dans un premier temps, Birni Ader, non loin de Dareye (actuel Canton de Garhanga) et dans un second temps Azao (situé à 10 km environ d’Illéla), et enfin Illéla. Trois siècles durant, les membres de la famille du Sultan Aggaba se sont succédés à la tête du royaume de l’Ader. Lorsque la colonisation française étendit sa domination sur l’Ader, c’est toujours avec la dynastie des Sarkin Ader (descendants du Sultan Aggaba) qu’elle avait traité. Mais en 1900, le Sultanat de l’Ader fut injustement transformé en Canton d’Illéla (une nouvelle appellation des colons Français). Le Sarkin Ader d’Illéla occupe encore le territoire de deux Départements : Illéla et Bagaroua, demeurant l’unique exemple au 479

« Itinéraire d’un combat ! »

Niger où les frontières d’un canton sont confondues à celles de deux Départements distincts. Depuis cette mutation, le canton d’Illéla a été administré par les Sarkin Ader Attou, Boubé, Oumani, Kadi, Yacouba qui sont les arrières petits fils du Sultan Muhammed Aggaba. Dans le cadre de la réhabilitation du Sultanat de l’Ader, plusieurs évènements ont été enregistrés et dont je raconte la prodigieuse histoire : 1°) une tentative de restauration du Sultanat de l’Ader fut proposée sous le commandement du Capitaine Broun. A cette occasion, il avait été demandé au Sarkin Ader, Oumani Attou, de désigner ses frères à la tête des nouveaux Cantons qui seront créés dans le territoire qu’il dirige ; mais, en raison de son attachement à l’unité de son territoire, il rejeta vaillamment l’offre de l’administration coloniale. 2°) Au cours d’un important débat à la plénière de la première Assemblée Nationale de la Première République du Niger sur la création de la province de Tahoua, les 50 Députés Nationaux de l’époque avaient estimé que, pour une question de bon sens, si le Canton d’Illéla, berceau de l’histoire de l’Ader, n’est pas érigé en province, aucune autre ne pourrait être créée dans l’Ader. 3°) Dans le cadre des dénominations des Lycées nationaux, certaines personnes ont proposé de baptiser le lycée public de Tahoua : « Lycée Galabi ». L’honorable Galabi étant le Premier Chef de Canton nommé par l’Administration Coloniale de Tawa (Tahoua), après le départ du Prince Adou, qui dirigeait la ville de Tahoua au titre du Sultan de l’Ader, pour Azaou (deuxième capitale de l’Ader) après son emprisonnement pour se refus d’obtempérer aux instructions du Colon français. En bon connaisseur de l’histoire du Niger, le feu Général Seyni Kountché avait demandé à l’assistance : qui a créé le Sultanat de l’Ader ? La réponse fut sans équivoque : c’est Muhammed Aggaba. Dès lors, le Lycée de 480

Chef traditionnel : juge des conflits et acteur de paix

Tahoua prit définitivement le nom de Lycée National Aggaba. 4°) A l’amorce de la politique de la décentralisation administrative au Niger, une proposition de redécoupage administratif basée sur l’histoire a été faite par le Gouvernement. Pour la région de Tahoua, trois nouvelles régions ont été déterminées : la région de l’Ader, la région de la Maggia et la région de l’Azawak. Les débats autour de la question ont montré que Ader et Maggia ont toujours formé un tandem sous l’appellation : « Ader-Maggia ». Ader signifiant relief accidenté découpé par des torrents charriant d’importantes quantités d’eau appelés Maggia. Si l’appellation « région de l’Ader » était maintenue, il va falloir transférer la capitale de la région de la ville de Tahoua à la ville d’Illéla, afin de coïncider avec la référence historique. Compte tenu de cette réalité historique, ledit débat sur le redécoupage administratif a été abandonné pour s’accorder au maintien de la dénomination « région de Tahoua ». C’est pourquoi, l’appellation de la région de l’Ader fut abandonnée. 5°) Après la visite officielle qu’il avait effectuée au Niger, le Président Français Jacques CHIRAC avait écrit, le 30 octobre 2003, au Président de l’Association des Chefs Traditionnels de la région de Tahoua, une lettre où il a témoigné au Chef de Province des Haoussa de l’Ader « sa satisfaction pour l’accueil qui lui a été réservé et le témoignage d’amitié à l’égard de la France ». Le Président CHIRAC, se référant aux archives de l’administration française, a relevé que le Sarkin Ader, Elhadji Kadi Oumani était bien le Chef de province d’Illéla, selon la documentation de l’administration française. Il ressort de ces faits et événements que la transformation du Canton d’Illéla en Sultanat, comme l’ont été les trois anciennes provinces de Gobir, Katchina et Dosso, n’est qu’un acte juste, louable et équitable, correspondant à la revendication légitime des petits fils du Sultan de l’Ader, Muhammed Aggaba, et des membres de la grande famille du 481

« Itinéraire d’un combat ! »

Sultanat d’Illéla. L’ignorance générale vis-à-vis de cette histoire de l’Ader est bouleversante. Voilà, en quelques lignes, l’héritage que constituent l’histoire de l’Ader et son contour politique, social, culturel et géographique que chaque nigérien peut connaître et respecter, à l’instar de tous les faits marquants de l’histoire de la Chefferie traditionnelle du Niger. C’est dans ce cadre que s’inscrit la requête des héritiers du trône d’Illéla, au nom de la justice sociale qui place tous les Nigériens, où qu’ils se trouvent, sous la même loi, et jouissant de la même considération. C’est dire que, si on fournit à la Chefferie traditionnelle un environnement favorable, elle peut canaliser son énergie pour transformer les idées en actions et contribuer au développement des territoires. Toutefois, la paix nécessite un engagement sans relâche et un dialogue interculturel que les Chefs se doivent de bien comprendre, de bien maîtriser et de bien gérer. Dans le même ordre d’idée, notre vœu est que la Chefferie traditionnelle retrouve plus de considération, parce qu’elle le mérite ; et non pas ces parades ponctuelles à l’occasion d’événements politiques nationaux. Il est grand temps que la Chefferie traditionnelle du Niger recouvre son importance dans la vie des communautés très attachées à leur culture. La promotion de la paix et la non-violence doivent être comprises comme un concept aux variantes multiples et, dans ce sens, il faut encadrer les Chefs dans le paradigme en lien avec la sécurité humaine. L’adhésion des Chefs à la paix vise pratiquement à contrecarrer tout ce qui sape nos valeurs, notamment la montée d’idéologies extrémistes, les discours haineux, la discrimination, les préjugés et les stéréotypes, l’intolérance, la violence et l’accès inégal aux ressources. En outre, il revient aux Chefs traditionnels de ne plus commettre les mêmes erreurs, il faut qu’ils apprennent du passé. A ce titre, ils doivent bénéficier de plus d’écoute et ne plus être considérées comme des figurants, l’idéal serait de leur octroyer une 482

place de choix dans le leadership de notre société et de ses organes de décision. Dans ce cadre, si l’on choisit d’aller avec la Chefferie traditionnelle pour construire la paix, c’est sûr qu’on ira sûrement. Et le vivre ensemble sera une réalité tangible. Il vaut mieux bâtir avec eux, que sans eux. Pour toutes ces raisons, le dialogue des Chefs traditionnels est le chemin royal pour que surviennent la paix et la justice sociale, c’est aussi un moyen efficace pour prévenir et résoudre les conflits sans recours à la violence, suivant les formes suivantes : considérer le dialogue entre communautés avec le leadership des Chefs traditionnels comme hospitalité réciproque qui vise la connaissance et l’acceptation de l’autre dans la différence ; faire du dialogue avec les Chefs traditionnels la solidarité agissante pour unir et relever les défis communs qui se posent à notre société ; utiliser le dialogue des Chefs traditionnels pour l’engagement commun au service de la paix. La Chefferie traditionnelle, gardienne de nos valeurs historiques et culturelles, reste une réalité sociologique incontournable pour la mobilisation des masses rurales. Dès lors, il faut la placer dans une position favorable à l’accomplissement de ses tâches, et la préparer à assumer avec plus d’efficacité ses responsabilités dans la promotion de la paix. A ce sujet, j’invite tous les acteurs de la vie sociale, politique et économique à se conformer à la volonté exprimée par les différentes communautés de rechercher de façon permanente la vérité. Ensemble, nous devons prêter l’oreille à la Chefferie traditionnelle et aux maux qui minent son existence. C’est sur cet appel que je réitère ma gratitude à l’Ambassadeur du Niger auprès de l’UNESCO à Paris, M. Inoussa Ousseini, initiateur de la rencontre, qui m’a fait l’honneur et l’amitié de m’inviter pour exposer sur le thème : « Chef traditionnel : juge de conflits et acteur de paix ».

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Photo Rabiou Malam Issa

Quelle stratégie pour promouvoir une école espace de paix49 ?

Débat dirigé par Moustapha Kadi Oumani

A

u Niger, il y a nécessité de revaloriser l’école dans sa fonction. Pour cela, l’école doit s’inscrire dans un véritable projet d’éducation à la citoyenneté en s’appuyant sur le dialogue, la concertation, la participation, la coopération, et la non exclusion. A cet égard, une conférence-débat a été organisée à la Cathédrale

49 .(Communication présentée à la Cathédrale de Niamey sur le thème : « Quelle stratégie pour promouvoir une école espace de paix ? », dimanche 24 janvier 2016 à 08 heures)

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« Itinéraire d’un combat ! »

de Niamey sur le thème : « Quelle stratégie pour promouvoir une école espace de paix », le dimanche 24 janvier 2016. Cette rencontre vise à identifier des stratégies à mettre en œuvre en vue de faire de l’école nigérienne un point d’éveil, pour créer un véritable espace scolaire pacifié. Elle vise spécifiquement à identifier les défis et les axes stratégiques susceptibles de faire de l’école un espace de paix de manière durable. Ce débat à la culture de la paix est le couronnement du projet pour la consolidation de la paix au Niger (PCPN), financé par la Caritas Développement (CADEV-Niger), pour amener les enfants à se connaître d’abord, à s’apprécier et à comprendre avec sympathie les notions de justice, d’égalité, de liberté, de tolérance, de démocratie, et à leur donner envie d’œuvrer pour un monde plus humain, plus solidaire. Le présent échange nous invite à faire la lumière sur une question de fond, à savoir la promotion de la paix à l’école dans un contexte particulier comme le nôtre. En effet, depuis quelques années, le Niger se trouve confronté à la violence à l’école, un phénomène nouveau que ni les parents, ni les enseignants n’ont ni inventé, ni engendré, mais qui, malheureusement, transforme dangereusement l’espace scolaire. Dans ce cadre, j’ai expressément choisi d’insister sur cette violence inouïe à l’école, pour relever les différentes crises de valeur qu’elle engendre et qui ont pour noms : drogue, prostitution, mensonge, magouille, dépigmentation de la peau, insubordination, incendie, rébellion, cupidité, alcoolisme, pornographie, inceste, infanticide, corruption, cybercriminalité, vagabondage, viol, pédophilie, tabagisme. Toutes ces débauches et ce banditisme minent la jeunesse nigérienne, et ne contribuent pas au développement d’un pays déjà fragile, avec un enseignement au rabais depuis la mise en œuvre du Programme d’Ajustement Structurel dans les années 90. A cet égard, la paix ne peut s’installer définitivement à l’école que si les acteurs sociaux optent pour un dialogue véritable au service de l’école. Aujourd’hui, l’école nigérienne a cessé de jouer son rôle de 486

Quelle stratégie pour promouvoir une école espace de paix ?

catalyseur de la mobilité sociale face à des conditions économiques, sociales et technologiques complexes. La culture du mérite semble avoir disparu de l’école, nous conduisant à une véritable crise morale. En tant qu’institution moule de la société, l’école ne saurait se mettre à l’écart d’une telle réflexion, et elle reste et demeure un laboratoire par excellence dans nos Etats. Les violences en milieu scolaire ne sont rien d’autre que le reflet de la déstabilisation à répétition que connaît notre pays. Si l’on examine les perceptions que les acteurs de l’école ont de l’absence de la paix à l’école, l’on se rend compte que le concept recouvre des significations variées et surprenantes. A l’évidence, la paix à l’école reste menacée d’une manière sans précédent, et cela pose de toute urgence la nécessité d’une éducation à la paix. Des conflits et des tensions existent dans chaque école ; nous assistons même à l’enrôlement des jeunes à des fins terroristes, mais aussi à une violence institutionnelle qui est le résultat de la pauvreté, des inégalités sociales, de la faim et de l’analphabétisme. La paix doit être toujours basée sur le respect des valeurs de Droits de l’Homme, de justice, d’égalité, de dignité et de solidarité. Les violences que nous constatons à l’école sont caractéristiques de l’état d’exclusion qui sévit dans plusieurs établissements publics et privés et qui produit une certaine situation que d’aucuns qualifient d’injuste, d’autant que la résistance à l’oppression est aussi un droit à travers le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. C’est d’ailleurs l’état de la pauvreté dans le monde qui a fait dire au Pape Paul VI, dans son encyclique du 26 mars 1967, ceci : « Le développement est le nouveau nom de la paix ». Les violences à l’école se caractérisent notamment par des rixes en passant par des bagarres rangées et des joutes verbales. Toutefois, d’autres types de violences ont fait leur apparition. Il s’agit des conflits entre syndicats d’enseignants, la perturbation des cours, le refus de composer, le refus de se conformer aux calendriers scolaires et les conflits élèves-riverains. En dehors de ces types de conflits, les élèves 487

« Itinéraire d’un combat ! »

sont impliqués dans d’autres rivalités, généralement l’insubordination en classe, les conflits élèves-enseignants et même les bastonnades d’enseignants au Niger ou ailleurs. C’est dire que l’introduction de la violence en milieu scolaire a pour conséquence l’irrespect et la remise en cause de l’autorité des maîtres et, par voie de conséquence, la baisse de niveau et la dégradation de la paix. En outre, d’autres facteurs sont identifiés, qui exacerbent la violence en milieu scolaire. Il s’agit particulièrement de l’agissement des hommes politiques qui sont perçus comme les acteurs qui, de l’extérieur, manipulent aussi bien les élèves que les enseignants. Du coup, l’école, cette noble institution de la société, subit les contrecoups d’une violence extrême, car elle épouse ses contours, reproduit ses inégalités et ses conflits de valeurs. L’école n’est-elle pas devenue une courroie de transmission de la discrimination, des injures, des menaces, du vandalisme, des conflits entre élèves et membres de l’administration ? Pire, l’école nigérienne se plaît à opérer une sélection qui élimine une catégorie d’enfant favorisant ainsi les inégalités sociales, au lieu d’aider à les réduire. Au cours d’une récente enquête, une enseignante disait : « Aujourd’hui, les élèves sont très impolis. Ils ne respectent personne et ils ne respectent rien. On ne sait pas, c’est quel genre d’élèves que nous avons maintenant. Ce qui fait que moi, j’évite d’avoir à faire aux élèves ».

L’éducation à la paix apparaît donc comme une nécessité absolue. Un penseur, Jacques Mühlethaler, a développé la thèse selon laquelle « L’éducation telle qu’elle est dispensée a pour effet de diviser les hommes au lieu de les unir, l’accent est surtout mis sur la compétition, la performance et l’élitisme tendant à glorifier l’individualisme au détriment de la coopération et de la solidarité ».

Pourtant, l’école est un laboratoire d’essai des progrès, du respect des Droits Humains, c’est même un terreau propice à l’expérimentation de nouvelles idées. A ce titre, elle doit jouer un rôle de premier plan dans l’éducation à la paix. 488

Quelle stratégie pour promouvoir une école espace de paix ?

A la lumière de nos analyses, l’on peut dire que l’éducation à la paix a pour but de développer le sens des valeurs universelles et des types de comportements pour consolider et promouvoir la paix. En un mot, l’école doit jouer un rôle fondamental au service de l’humanité. L’école doit surtout ouvrir équitablement à tous les enfants le chemin de la compréhension mutuelle. Elle doit apprendre le respect de la vie et des êtres humains. Elle doit développer chez l’enfant le sens de la responsabilité. Elle doit apprendre à l’enfant à vaincre son égoïsme. Ces différents rôles sont d’ailleurs précisés de façon explicite dans le préambule de l’UNESCO « La guerre prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Cette devise est un guide qui doit inspirer l’école pour une véritable éducation à la paix et à l’exercice de la citoyenneté. Pour ce faire, l’école doit socialiser au sens large du terme, en luttant contre les discriminations et la misère. L’école doit apprendre aux enfants à vivre ensemble dans le respect des règles communes et dans le souci de promouvoir les valeurs de justice, les vertus du dialogue et l’exemplarité. Dès lors, l’organisation scolaire doit être centrée sur l’enfant, branchée sur la réalité quotidienne et fondée sur la collaboration et la coopération. Plus que jamais, il nous faut opposer une culture de la paix à une culture de l’affrontement. L’école espace de paix peut s’inspirer de certaines valeurs éthiques traditionnelles et de certaines pratiques, comme les règles relatives aux règlements pacifiques des conflits, la tolérance religieuse et les prises de décisions par consensus. Il y a lieu de développer la pédagogie de l’expression. L’enseignant doit s’intéresser aux élèves en les valorisant, en les entraînant à la réflexion, à l’autonomie, en les incitant à découvrir par eux-mêmes le savoir et les contraintes de la vie, et en coopérant avec la communauté. Dans ce contexte, l’enseignant devient un facilitateur, et comme le rapportait Galilée, « On ne peut enseigner une chose quelconque à quelqu’un, on doit seulement l’aider à la découvrir ». En définitive, l’enseignant et l’enseigné doivent tous 489

« Itinéraire d’un combat ! »

s’impliquer dans le processus éducatif et, comme le dit Paulo Freire dans Pédagogie des opprimés, « L’éducateur n’est plus celui qui simplement éduque, mais celui qui en même temps qu’il éduque est éduqué dans le dialogue avec l’élève ; ce dernier en même temps qu’il est éduqué est aussi un éducateur, tous deux deviennent des sujets dans le processus, en ce sens qu’ils progressent ensemble ».

L’école doit être plus intégratrice pour accueillir les enfants de la rue, les enfants des pauvres, les handicapés et les réfugiés. L’école nigérienne particulièrement doit lutter contre la compétition et le passage automatique, en mettant en œuvre une véritable pédagogie différenciée, en changeant de mode d’évaluation. Cela exige un véritable engagement de la communauté scolaire, mais aussi une réelle volonté politique. L’école doit éduquer à la paix, car elle reste un lieu privilégié de formation des futurs cadres, le vecteur de nouvelles valeurs, mais surtout parce qu’elle n’est pas non plus épargnée par les vagues de violences qui sévissent dans la société. Pour promouvoir une école espace de paix, les stratégies suivantes doivent être mises en œuvre. Au niveau de l’école primaire : – mobiliser les enfants autour des activités de promotion de la paix par l’organisation d’activités récréatives incluant des messages sur la promotion de la paix ; – impliquer les élèves dans la définition des stratégies pouvant concourir au maintien de la cohésion au sein de l’école ; – engager les COGES dans l’organisation des activités de sensibilisation des élèves sur l’importance de la paix dans le milieu scolaire ; – mener des campagnes d’information et de sensibilisation périodiquement dans les écoles sur les mécanismes de la promotion de la concorde, en intégrant les élèves parmi les acteurs de la 490

Quelle stratégie pour promouvoir une école espace de paix ?

sensibilisation ; – produire et diffuser des sketchs qui ont reçu l’assentiment des parents d’élèves et des enseignants pour familiariser les enfants aux notions de prévention des conflits et de promotion de la paix. Au niveau des collèges et lycées : – réactiver les troupes théâtrales pour les amener à initier des activités de sensibilisation à la paix ; – organiser des séances de sensibilisation dans les établissements jugés violents ; – associer les élèves à la définition des stratégies pouvant concourir au maintien de la cohésion sociale à l’école ; – recruter des enseignants consciencieux, motivés et travailleurs ; – renforcer les capacités des enseignants et de l’administration scolaire aux techniques d’identification, de prévention et de gestion des conflits. Au niveau des Universités : – accompagner les autorités universitaires dans leur volonté d’instaurer un climat de paix en institutionnalisant un concours à la paix chaque 24 avril, Fête Nationale de la Concorde au Niger, à l’effet de créer les conditions d’une paix pérenne à tous les niveaux ; – renforcer les capacités des étudiants, des enseignants-chercheurs ainsi que des autorités universitaires aux techniques d’identification, de prévention et de gestion des conflits ; – donner aux étudiants les moyens de se construire une personnalité forte et équilibrée, capable de leur permettre de s’intégrer véritablement dans la société, tout en respectant notre diversité culturelle, ethnique et politique. 491

« Itinéraire d’un combat ! »

Pour ce faire, la société civile doit insister auprès des décideurs pour qu’ils ne perdent pas de vue que l’école est une vraie richesse, une opportunité et un atout pour notre pays. Dans ce cadre, les parents doivent réexaminer leurs contributions et les nouveaux rôles qu’ils doivent jouer pour renforcer la paix à l’école. Les enfants, à leur tour, doivent prendre conscience de la présence des phénomènes sociaux qui minent leur propre développement. Enfin, disons que le processus démocratique dans lequel nous avançons est un processus d’éducation qui doit placer la question de la paix à l’école parmi les priorités nationales. Il est donc indispensable que nous changions de regard vis-à-vis de l’école.

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Photo Rabiou Malam Issa

Rôles des médias en période électorale50

Interview de Moustapha Kadi Oumani avec une journaliste de l’ORTN à Niamey

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ans un contexte démocratique, l’objectif général de la couverture médiatique pendant les campagnes électorales est la diffusion des reportages et des informations justes et impartiaux. Dans ce cadre, en prélude aux élections générales au Niger, le Réseau Ouest Africain pour l’Edification de la Paix WANEP-Niger a organisé, le 18 février 2016, à l’hôtel Soluxe de Niamey, une .(Communication à la Conférence du WANEP sur le thème : « Rôles des médias en période électorale » Lieu : Niamey, Hôtel Soluxe, mercredi 17 février 2016)

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« Itinéraire d’un combat ! »

Conférence débat sur le thème « Rôles des médias en période électorale ». Comme dans tous les pays de la planète, les médias sont largement sollicités pendant les périodes électorales par les acteurs politiques pour faire passer leurs messages. Les journalistes et autres communicateurs voient leur métier magnifié et certains tombent dans le piège des politiciens au détriment de leur rôle de service public. Dans ce cadre, les médias jouent un rôle primordial dans la sensibilisation, l’éducation et la distraction des populations et donc dans l’établissement de conditions propices à l’expression démocratique, au bon fonctionnement des institutions publiques et des organes politiques. Notre développement n’est possible sans la participation effective des masses, et cette participation ne peut s’obtenir que par les relais des moyens d’information. L’objectif de cette rencontre est d’attirer l’attention des professionnels des médias sur le caractère passionnel des élections souvent marquées par la persistance des tensions politiques. La presse écrite, la radio, la télévision sont dès lors de puissants vecteurs d’influence, et c’est ce qui fonde la vigilance accrue que leurs responsables doivent exercer sur ce qu’ils publient, ou diffusent. Au Niger, les périodes électorales correspondent à des moments de forte activité dans les médias. Ayant comme finalité le renouvellement des institutions démocratiques, ce sont des périodes au cours desquelles des rivalités s’expriment, des tensions surgissent, conduisant parfois à des conflits plus ou moins violents. Le rôle du journaliste est donc particulièrement crucial au cours du processus électoral. Il lui revient de mettre l’accent plus particulièrement sur l’amélioration de la prestation, grâce à une meilleure appropriation des bonnes pratiques en vue de garantir une couverture électorale objective et responsable. Les médias pourront ainsi contribuer à une élection équitable, transparente et apaisée. A travers un exercice responsable de leur profession, les journalistes rempliront leur rôle en matière de promotion de la démocratie et de respect du pluralisme. A ce titre, 494

Rôles des médias en période électorale

le citoyen ne peut faire son choix que s’il dispose d’informations fiables sur les enjeux et défis du processus électoral d’une part, et sur les acteurs qui animent ledit processus d’autre part. Cette initiative vise également à promouvoir le rôle et la contribution des médias à la bonne tenue des élections, par une couverture médiatique impartiale et responsable. L’exercice d’un tel pouvoir doit se dérouler dans le cadre de ce qui est appelé de plus en plus les M.A.R.S (Moyens d’Assurer la Responsabilité Sociale des Médias). C’est la raison pour laquelle il est indispensable de pointer du doigt les erreurs des médias pour qu’ils prennent conscience, car des règles leur imposent la déontologie, l’éthique et le professionnalisme. Cette responsabilisation des médias ne doit pas être placée directement entre les mains des décideurs politiques, qui sont prompts à considérer les médias comme des outils au service de leurs propres intérêts, non comme des organes indépendants servant à l’expression du pluralisme. Les journalistes sont appelés à avoir des regards fixés sur des repères professionnels et déontologiques afin de diffuser une information juste et équilibrée sur les candidats, les programmes, le processus électoral, et donner ainsi à chaque citoyen la possibilité lui permettant de mieux appréhender les enjeux du scrutin et ajuster son vote. Pendant cette période sensible, le rôle du journaliste s’avère important, voire incontournable dans la distribution de la parole aux citoyens et au Gouvernant. Il est celui qui garantit le droit à l’expression du peuple. La désinformation ou la propagande peuvent être des facteurs de haine et de division. C’est entre ces deux tendances que doit se situer la pratique médiatique, marquée par l’indépendance par rapport à toutes sortes de pouvoirs politiques ou économiques, mais aussi par une haute conscience des responsabilités de celui qui informe vis-à-vis de ceux qui le lisent ou l’écoutent. En principe, la presse libre doit enquêter sans crainte ni complaisance sur les questions qui comptent aux yeux de l’électorat. Le rôle d’un vrai journaliste, c’est de rapporter les faits tels qu’ils sont. La 495

« Itinéraire d’un combat ! »

conscience professionnelle doit l’habiter en permanence pour se mettre au-dessus de ses choix partisans. Aussi, la presse doit faire usage de sa liberté en gardant à l’esprit que ses actes et ses choix ne sont pas privés de conséquences. C’est pour cette raison que les médias doivent faire preuve de sérieux dans le traitement des informations, afin de préserver le tissu social. Dans la dynamique électorale, le rôle du citoyen est déterminant car il lui revient, en toute indépendance et en toute sincérité, de faire le choix de son candidat sur la base exclusive d’un programme de société et non sur des critères inappropriés et irrationnels. En effet, le principe de la responsabilité des médias, est une exigence pour le journaliste car l’information qu’il met à la disposition du public peut être source de conflit ou alors contribuer à la paix. Dans un tel contexte, et dans un souci de prévention de conflits, le journaliste doit s’en remettre à ses compétences professionnelles. Il doit s’engager à offrir une information exhaustive, vérifiée, pluraliste et neutre à ses auditeurs ou ses lecteurs. En parallèle, il doit s’abstenir de publier des informations qui encouragent les divisions, ou des discours susceptibles de provoquer la violence ou de mettre en péril la cohésion sociale. La presse nigérienne dans son ensemble n’échappe pas à toutes ces règles. Le dimanche 21 février 2016, les Nigériens sont appelés aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle couplée aux législatives. Le Président sortant est candidat à sa propre succession, ainsi que 14 autres postulants, dont un candidat qui est gardé en prison depuis le 15 novembre 2015, pour une affaire présumée de trafic international de bébés, des faits qu’il a toujours rejetés, dénonçant plutôt un dossier politique. C’est un grand rendezvous qui nous permettra de renforcer notre jeune démocratie. Pour atteindre cet objectif, il nous faut bien sûr des élections conformes aux standards internationaux, c’est-à-dire qu’elles soient libres, justes, transparentes, inclusives et apaisées, conditions pour l’enracinement d’une démocratie durable. Depuis quelque temps, 496

Rôles des médias en période électorale

les médias, notamment la télévision et la presse écrite, sont extrêmement sollicités par les partis politiques et les candidats comme il sied en période électorale. A cette occasion, je m’emploierai à livrer le point de vue de l’acteur de la société civile que je suis sur le thème « Rôles des médias en période électorale », étant entendu que je suis moi-même un ancien de ce noble métier. Il est essentiel d’assurer aux acteurs de la politique l’accès équitable aux médias, notamment la radio et/ou la télévision, puisque la plupart des électeurs s’informent au sujet de la politique à travers les médias. Cela signifie que les médias ne devraient pas influencer l’opinion publique en traitant les candidats ou les partis de manière différente. Ce thème est d’une importance capitale pour notre pays où les employés et/ou responsables des médias sont dans leur grande majorité des partisans ou sympathisants des partis politiques. Ils sont devenus des moyens d’expression par excellence de prise de position des partis politiques, incitant sans retenue à la haine, à la violence et à la division. L’important pour les partis politiques, c’est d’abattre l’adversaire politique par tous les moyens. Le constat est donc sans ambiguïté, en général les médias au Niger défendent les leaders politiques au détriment d’un professionnalisme avéré audessus de tout soupçon et font preuve ainsi d’amateurisme avilissant. Si dans l’ensemble, la liberté de la parole, d’écrire ou de lire est un droit à tous, il faut malheureusement se rendre à l’évidence que nos médias contribuent à l’exacerbation des tensions en période électorale. J’en veux pour preuve les différentes dérives nées de la désinformation qui se soldent souvent par des procès et droits de réponse interminables. Notre presse commet beaucoup de dérapages et l’ONIMED, structure mise en place par les journalistes euxmêmes, a publié à maintes reprises des communiqués dénonçant la non-application de la déontologie régissant le métier du journaliste. C’est dire que l’indépendance du journaliste n’autorise ni la diffamation, ni la désinformation, ni la manipulation, ni l’appel à la 497

« Itinéraire d’un combat ! »

violence. Dans ce cadre, les médias ont pour rôle de conforter la cohésion et la reconnaissance mutuelle et pacifique des différences qui peuvent exister dans un pays fragile comme le nôtre. En pareille circonstance, les journalistes ne doivent pas réveiller la tension, mais plutôt chercher à la désamorcer. Je cite l’exemple de la radio maléfique « Mille collines » du Rwanda sur laquelle des déclarations incitant à la haine ont été faites du genre « Réjouissons-nous, amis ! Les « Inkotanyi51 » ont été exterminés ». Les conséquences malheureuses sont connues. Dans cette situation, le journaliste doit faire l’effort de ne pas publier des informations, même vérifiées, s’il sait que ces informations peuvent mettre de « l’huile sur le feu ». Le rôle du journaliste est de transmettre aux populations des faits vérifiés et vérifiables et non des suppositions et projections diverses. Son rôle est d’autant plus important dans une période électorale que tous les journalistes doivent redoubler de vigilance. La presse est avant tout un moyen d’information et de communication. Dans ce cadre, le journaliste, élément essentiel du milieu social où il vit, devrait avoir le souci prioritaire de créer dans ses écrits des conditions idoines, de concorde, d’harmonie et de sérénité. En cette période, le journaliste doit s’efforcer d’éviter des commentaires désobligeants en déformant les faits qui sont sacrés, même si ces faits sont dès le départ, comme disent certains, une interprétation. Si la crise entre partis politiques s’est présentement exacerbée au Niger, force est de reconnaître que ce sont les médias qui ont contribué largement à son aggravation. Bien de journaux sont en « guerre » et s’entre-déchirent à la place des partis politiques au point où ils arrivent à des prises de position jusqu’au-boutistes. Sans me présenter comme un donneur de leçon, je ne suis qu’un observateur averti du métier qui est le vôtre et que je défends. Le pluralisme existe et reste une réalité tangible dans notre pays où les journalistes ont le droit de s’exprimer librement. . Soldats avides de tuer

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Rôles des médias en période électorale

Dans un cadre normalement régulé, l’expression du pluralisme est la meilleure garantie contre le recours à la violence. A cet effet, le journaliste doit se garder des dérives qui conduisent à la haine et au rejet d’autrui. Ses écrits et ses émissions doivent contribuer à former la nation, à resserrer les liens entre les citoyens, à forger un type de citoyen nouveau soucieux de la préservation du climat social. Le présent appel au respect de la déontologie n’est nullement une invite à l’instauration d’une pensée unique, à un totalitarisme ou encore à un embrigadement de la presse. C’est un appel en direction d’une profession qui peut faire et refaire l’actualité et les opinions. A cet égard, en cette période délicate, les médias doivent développer des thèmes rassembleurs, mettant en relief l’unité nationale, le dialogue entre divers acteurs unis par un même vouloir vivre ensemble. Les médias doivent jouir d’un rôle indispensable en cette veille électorale. Ce rôle est encore plus important pendant la phase post-électorale, période pendant laquelle les journalistes doivent prendre davantage conscience de leur rôle déterminant pour créer les meilleures conditions d’une vie apaisée et surtout pour ne pas jouer au médecin après la mort. Il me semble que l’engagement du journaliste implique son libre choix à s’investir dans l’acceptation des règles de jeu qui sont le fondement d’une société civilisée. Cet engagement est de mon point de vue le résultat d’une prise de conscience, celle qui fait comprendre au journaliste que la paix est un bien précieux, inestimable. Et en tant que maillon fort de la société, les médias doivent peser de tout leur poids pour contribuer à la réussite du processus électoral en cours. En règle générale, les dérives des médias reposent entre autres sur deux éléments : d’une part, la méconnaissance des textes de loi et des arguments qui sousentendent les différentes démarches des acteurs politiques et, d’autre part, le parti pris. Il faut donc reconnaître qu’un processus électoral repose avant tout sur une multitude d’activités qui font appel à la fois à la technologie, aux ressources humaines, à l’environnement 499

« Itinéraire d’un combat ! »

socioculturel, au financement et à la diversité des parties prenantes. L’histoire récente de notre pays nous enseigne que les périodes électorales peuvent être des moments très passionnés où le contexte socio-politique peut devenir très fragile. C’est dire que le rôle des médias, qu’ils soient du public ou du privé, prend une dimension très importante. Cependant, le journalisme ne pourra prospérer s’il n’a pas une compréhension des textes légaux et réglementaires régissant son métier. Il doit faire preuve d’humilité en s’appropriant et en renforçant ses connaissances sur le bon déroulement du processus. Il doit surtout être vigilant par rapport à la propagande gouvernementale diffusée sous le prétexte de la diffusion d’information publique objective. Comme l’enseigne la sagesse populaire, « on n’a pas besoin de serrer la mine pour dire la vérité à son prochain ». Conscients de ces enjeux, les journalistes doivent sans exception savoir raison gardée et tourner la page du discrédit pour se mettre à promouvoir la tenue d’élections crédibles, honnêtes et sécurisées dans la quiétude et la sérénité.

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Photo ADO Issoufou ONEP

Clef de lecture du nouveau paysage socio-politique du Niger52

Les responsables politiques Nigériens en conclave à Tillabery

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u cours de ces dernières années, l’Église Catholique du Niger choisit chaque année un thème de réflexion à la rencontre des Évêques à Siloé, situé à 15 km de Niamey sur la route de NamaroGothèye-Téra-Dori, une retraite des Chrétiens. Le jeudi 3 mars 2016, c’est le nouveau paysage socio-politique qui a servi de toile d’arrièreplan à la réflexion dans la compréhension du processus électoral 52 .(Communication à la rencontre des évêques du Niger sur le thème : « Clef de lecture du nouveau paysage socio-politique du Niger », Lieu : Siloé, jeudi 3 mars 2016)

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« Itinéraire d’un combat ! »

nigérien. Plus exactement, il s’est agi d’attirer l’attention des religieux sur la réalité du terrain, pour une approche socio-politique. Plusieurs tendances ont été identifiées marquant profondément le paysage socio-politique en pleine ébullition. De manière générale, à partir des informations recueillies et des analyses réalisées, un certain nombre de constats ont été dégagés. Cette lecture du paysage politique met en évidence de façon éclatante un certain nombre d’événements politiques majeurs. La présente clef de lecture appuyée par un recul historique, à travers des faits et des observations issus de quelques recherches, invite à considérer la classe politique nigérienne en pleine mutation. Le thème est d’une actualité cruciale, mais complexe à traiter dans un pays avec ses multiples susceptibilités. En effet, le vendredi 26 février 2016, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a publié au Palais des Congrès de Niamey, les résultats de l’élection présidentielle premier tour couplée aux législatives du 21 février 2016. Le déclenchement dudit processus avait démarré le 25 mai 2015 avec la mise en place des organes de la CENI. Depuis l’adoption du chronogramme des élections, le climat socio-politique est resté délétère. La situation politique s’est mise à se dégrader de jour en jour et elle est marquée par plusieurs évènements dus aux comportements inhabituels de nos acteurs politiques de la majorité comme de l’opposition entre lesquels les relations demeurent tendues sur plusieurs niveaux. Nos actions n’eurent que de modestes impacts au regard des enjeux, tant les intérêts égoïstes étaient mis en exergue. Dans ces conditions, vous comprendrez que la présente communication n’est qu’une modeste esquisse au débat et aux échanges qui s’ensuivront. De vos observations et interrogations, de nos réponses, du moins je l’espère, émergera plus de lumière. L’intitulé du thème révèle tout l’intérêt dans un pays en pleine ébullition politique, et qui se débat pour réanimer une démocratie agonisante. A cette date, près de 92 formations politiques légalement constituées occupent le paysage 502

Clef de lecture du nouveau paysage socio-politique du Niger

politique. Au soir du vendredi 26 février 2016, j’ai pris part à la proclamation des résultats globaux provisoires par la CENI, au Palais des Congrès de Niamey. Après cette proclamation, j’ai relevé que parmi les 15 candidats à l’élection présidentielle, il n’y avait personne qui ait pu recueillir la majorité absolue des voix requises pour l’emporter au premier tour, et qu’un second tour devrait être organisé. A la lecture des résultats, on constate qu’il y a véritablement du nouveau dans le paysage socio-politique du Niger. On peut parler d’une recomposition du paysage politique dans la mesure où les critères qui y ont présidé en disent long. Du point de vue de l’aspect de l’élection présidentielle, on constate un changement important dans la donne politique, le premier est candidat à sa propre succession. La particularité de ces élections est qu’on remarque une régression des voies des deux principaux challengers, à savoir le candidat du MNSD (deuxième avec 25% en 2011) et celui du Moden-FA Lumana (troisième en 2011 avec 19%). L’on constate aussi que le premier du premier tour 2016, Mahamadou Issoufou, obtient 48,41%, alors qu’il avait obtenu 36% en 2011. Nous assistons ainsi à une sorte de permutation des résultats des élections de 2011 et ceux de 2016. Le candidat Mahamadou Issoufou a juste manqué 170.000 voix sur les 4,83 millions de suffrages exprimés pour passer au premier tour, comme il en avait fait le pari avec les 46 partis qui le soutiennent. Il vient ainsi de réaliser un score inhabituel dans l’histoire politique du Niger. Selon les résultats de 1993, le candidat Mamadou Tandja arrivé en tête avait enregistré 34,22%. En 1999, encore Mamadou Tandja, candidat du MNSD était premier avec un score de 32,33%, ensuite en 2004, Mamadou Tandja, candidat à sa propre succession, arrivé en tête, obtenait 40,67%, tandis que Mahamadou Issoufou arrivé premier en 2011, avait engrangé 36,06%. C’est pour dire que de tout temps dans notre pays, les tendances fluctuent entre 32 et 40%. Cette année, le second au deuxième tour, Hama Amadou, ancien Président de l’Assemblée Nationale emprisonné à Filingué 503

« Itinéraire d’un combat ! »

pour trafic présumé de bébés nigérians, a obtenu 17,79%. Son emprisonnement et celui de ses principaux lieutenants n’ont pas produit l’effet escompté, et le troisième, l’ancien Premier Ministre, Seini Oumarou est seulement à 12,11% des suffrages, contre 24% à la présidentielle de 2011. Sur un total de 3.552.447 électeurs, Issoufou Mahamadou du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme a obtenu 1.587.906 voix soit 48,41% du suffrage électoral ; Hama Amadou du Mouvement Démocratique Nigérien 583.139 voix soit 17,79% ; Seyni Oumarou du Mouvement National pour la Société du Développement 370.162, soit 12,11% ; Mahamane Ousmane, 200.824 voix soit 6,25% ; Ibrahim Yacouba, 167.614 voix soit 4,34%, Moctar Kassoum de la Convergence pour la République 100.641 voix soit 2,91% ; Abdou Labo de la Convention Démocratique et Sociale 72.422 voix soit 2,09% ; Amadou Cheffou du Rassemblement Social-Démocratique 56.610 voix soit 1,78% ; Amadou Cissé de l’Union pour la Démocratie et la République 43.988 voix soit 1,48% ; Laouan Magagi de l’Alliance pour le Renouveau Démocratique 27.839 voix soit 0,96% ; Dr Adal Rhoubeid du MDR-Tarna 19.549 voix soit 0,39% ; Mahamane Jean Padonou de la Convergence pour la Démocratie et le Progrès 11.789 voix soit 0,35% ; Tahirou Guimba du Mouvement Démocratique pour le Développement et la Défense des Libertés 11.657 voix soit 0,40% et Dr Abdoulaye Traoré du Parti pour la Justice et le Développement 4.833 voix soit 0,15%. On relève que le taux de participation dans les fiefs de l’opposition est de 60% et la majorité dépasse les 80% dans les siens, ce qui montre du point de vue de la classification par pourcentages, une significative différence entre 2011 et 2016. Mieux, on constate que l’écart est très élevé à ce premier tour, entre le premier et le deuxième, ce qui fait entendre que le « faiseur de Roi » peut être n’importe lequel des six autres candidats. La proclamation des résultats nous enseigne que le premier n’a en théorie besoin que de 1,60%. Le quatrième, qui est l’ancien Président Mahamane Ousmane, a obtenu 6,25%, le 504

Clef de lecture du nouveau paysage socio-politique du Niger

cinquième Ibrahim Yacouba, ancien DIR/CABA à la Présidence de la République (4,34%), exclu du PNDS, il y a six mois, mais ne fait pas partie de la coalition de l’opposition COPA 2016 dont les membres ont des intérêts convergents, le sixième le CPR-INGANCI de Kassoum Moctar a obtenu 2,91%. Il est évident que le septième, Abdou Labo de la CDS avec 2,09%, et le huitième Cheffou Amadou du Rassemblement Social-Démocrate (RSD Gaskiya) avec 1,78%, réaffirment leur appartenance à la mouvance présidentielle pour la Renaissance du Niger (MRN). Le neuvième, Amadou Boubacar Cissé, dit ABC, 1,48%, a réitéré sa position en faveur de l’opposition. Le 10ème, Laouan Magagi du parti ARD Adaltchi-Mutuntchi, un non affilié, rentre à la MRN. Dès lors, les grands opposants : Hama Amadou 17,79%, Seyni Oumarou 12,11%, Mahamane Ousmane 6,25% qui ont promis de s’unir pour le second tour, ne pèsent pas 40%. Sur la base d’un calcul arithmétique, on peut considérer que n’importe quel candidat qui fait une alliance avec le premier, peut être considéré comme le « faiseur de Roi ». L’enjeu est donc de taille puisque déjà sept des candidats malheureux ont décidé de se rallier au premier. Aussi, on relève que pour la première fois au Niger, il n’y a pas que le troisième qui est « faiseur de Roi » comme de tradition. Jadis, quand on regarde le cas du deuxième, qui a obtenu 17,79%, il lui faut pratiquement rassembler l’ensemble de tous les autres résultats pour être dans la possibilité de s’approcher de la victoire, une chose qui semble à présent difficile, tant les partis s’empressent vers la mangeoire. Mais contrairement à ce qui prévaut dans l’imagination collective, il y a des éléments nouveaux à prendre en compte : un des arbitres pouvait être la surprise du scrutin. En matière électorale, les spécialistes conseillent de ne pas toujours se limiter au simple jeu mathématique qui consiste à faire une addition des pourcentages obtenus au premier tour et de trouver très vite le vainqueur ou le perdant. Il y a bien d’autres paramètres qui entrent en jeu et qui peuvent faire basculer la victoire du côté où on l’attend 505

« Itinéraire d’un combat ! »

le moins. C’est le cas par exemple en Guinée Conakry, où malgré son faible score de 18% au premier tour, Alpha Condé remporta l’élection présidentielle avec 52,5% des voix contre 47,4% face à son adversaire Cellou Dallein Diallo qui avait 44% au premier tour. Mais il faut préciser que le Niger n’est pas la Guinée. Par ailleurs, il faut reconnaître qu’après avoir anéanti le grand baobab MSND Nassara, Albadé Abouba du parti Jamhurya, qui a soutenu directement le candidat Issoufou Mahamadou, devient la deuxième force politique de la MRN tout juste derrière le PNDS Tarayya qui clamait gagner dès le premier tour. Ainsi, le coup K.O tant martelé par le parti au pouvoir n’a finalement pas eu lieu. Pour certains observateurs, il s’agissait d’une « grosse désillusion de Mahamadou Issoufou qui croyait dur comme fer qu’il réaliserait son rêve en envoyant au tapis l’opposition dès le premier tour. Et le voici maintenant contraint au second tour en se remettant à Dieu face à un challenger qui est « son pire cauchemar » S’agissant des législatives, le PNDS se retrouve avec 75 sièges, Lumana 25, MNSD 20, MPR Jamhurya 13, MNRD Hankuri six, MPN Kishin Kassa cinq, RSD quatre, ANDP quatre, CDS trois, RDP trois, AMEN-AMEN trois, CPR trois, ARD deux, UDR deux, Bassira deux et ADN un. Ces résultats donnent à penser à un changement de configuration au sein de l’Assemblée Nationale. Dans ce contexte accentué par des dissensions croissantes, le fait d’affronter un rival en prison au deuxième tour est, du point de vue psychologique et éthique, plutôt déshonorant pour le parti au pouvoir. Ainsi, le second tour sera bien un duel entre le Président et son ancien allié devenu son prisonnier. Quoi qu’il en soit, le second tour est une bonne nouvelle pour les Nigériens, car l’opposition était dans une posture où elle était prête à brûler le pays. Ce second tour a l’avantage d’éloigner le spectre de la violence, mais pour combien de temps ? Autre événement de taille, le candidat Hama Amadou est en tête dans les trois régions de l’Ouest et Mahamadou Issoufou, dans les cinq régions de l’Est et du centre. Le Président sortant a 506

Clef de lecture du nouveau paysage socio-politique du Niger

certes une confortable avance, mais il reste tout de même en danger face à un Hama Amadou qui va bénéficier du soutien de la Convergence pour l’Alternance au Niger en 2016 (COPA), un front de l’opposition composé de 23 partis qui compte en son sein Seini Oumarou, arrivé en troisième position avec 12,11% des voix, ainsi que Mahamane Ousmane du Mouvement des Nigériens pour le Renouveau Démocratique (MNRD), quatre avec 6,25%. C’est dire que l’opposant Hama Amadou, bien qu’emprisonné, croit en ses chances de « la prison à la présidence ». A présent, le ton est donné et les partis se passionnent pour les élections du 20 mars 2016. Les regards sont désormais tournés vers la Cour Constitutionnelle qui reconnaît que ce n’est pas évident qu’elle puisse publier les résultats le 4 mars, eu égard au nombre impressionnant de recours en annulation, et de l’attente des résultats de la diaspora. Les tractations pour le second tour se poursuivent. Chaque candidat réfléchit sur la manière de conduire sa campagne pour se hisser au pouvoir. Du côté de la majorité présidentielle, on annonce officiellement l’arrivée coup sur coup des partis Ingantchi de Moctar Kassoum avec 2,91% et Tarna de Dr Adal Roubeid avec 0,39%. L’on s’interroge sur le revirement de Moctar Kassoum, d’autant que son parti avait signé une alliance avec Lumana avant le 1er tour, appelant ses militants à soutenir les candidats aux législatives du parti de Hama Amadou partout où son parti n’avait pas de candidats. Est-ce l’épée de Damoclès, à savoir la liberté provisoire dont il a bénéficié qui a été suspendue sur sa tête par le pouvoir pour inverser la tendance en sa faveur, ou bien l’odeur des prébendes qui sont à portée de mains après les razzias des députés de la MRN qui ont fait pencher la balance du côté de Mahamadou Issoufou à l’Assemblée Nationale ? Le jeune parti MPN Kishin Kassa de Ibrahim Yacouba vient également de lui emboîter le pas. Il s’agit pour ses militants de bien s’implanter dans l’environnement politique nigérien, surtout qu’en 2021, le PNDS sera tellement en perte de vitesse, qu’il pourra 507

« Itinéraire d’un combat ! »

facilement être récupéré par Kishin Kassa. Nous apprenons que Tahirou Guimba avec 0,40%, Mahaman Jean-Philipe Padonou avec 0,35%, Laouan Magagi avec 0,96%, ont rejoint la MRN mais pour combien de temps ? Le fait majeur, c’est la fulgurante ascension du tacticien de Jamhurya, Albadé Abouba, qui se voit conforté de 13 sièges, avec un parti qui a moins de quatre mois. Un des points positifs du PNDS, parti au pouvoir, ce sont ses 75 sièges et 13 autres de son allié Jamhurya, soit un total de 88 sièges qui représentent plus de la moitié des 171 sièges à l’Assemblée Nationale. Avec les sièges des autres alliés : RSD quatre sièges, ANDP quatre sièges, RDP trois sièges, AMEN-AMEN trois sièges, Bassira deux sièges et ADN un sièges, la MRN a vraiment les coudées franches. Le regret pouvait venir du courageux, Sanoussi Jackou, Président du PNA-Al Ouma, un fervent adepte du Président Issoufou Mahamadou qui n’a pu obtenir aucun siège sur la liste de Maradi avec ses 22.000 voix. Autre singularité et non des moindres, les deux camps politiques se livrent une bataille sans retenue par rapport au respect des dispositions de la loi électorale. Que le meilleur gagne. Amen !

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Photo Giaba

L’ Afrique de l’Ouest face au blanchiment d’argent !

Vue des participants prenant part à l’atelier de Cotonou au Bénin

L

’histoire s’accélère et les réponses aux grands défis auxquels nous sommes confrontés ne produisent pas de résultats escomptés. Du 2 au 4 novembre 2016, s’est tenu à l’hôtel Novotel de Cotonou, en République du Bénin, un atelier régional de sensibilisation des acteurs de la société civile Ouest-africaine sur les exigences de la Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC/FT). A l’origine, la Communauté Internationale se mobilise à la hauteur des dangers encourus et a conçu des principes normatifs, 509

« Itinéraire d’un combat ! »

à travers certaines Conventions des Nations Unies auxquelles les pays devaient se conformer. Dans le cadre de cette coopération le Niger participe activement dans la Lutte contre le Blanchiment d’Argent et le Financement du Terrorisme, en relation notamment avec les Nations Unies, les Organisations Régionales et le Groupe d’Action Financière. D’importantes mesures ont été prises par le Gouvernement sur le plan institutionnel et juridique, dictées à la fois par l’urgence de se conformer aux normes internationales, mais aussi parce que le pays est conscient que le blanchiment, tout autant que le terrorisme, est de nature à saper les fondements de l’économie nationale. Notre zone géographique est occupée par 15 pays qui constituent la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à savoir Bénin, Burkina Faso, Cape Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Bissau, Guinée, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. Sur les 15 pays, huit sont membres de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) et ont une réglementation monétaire commune. L’économie de ces Etats est caractérisée par des transactions en espèces, et fait partie d’un vaste secteur informel en pleine croissance. Le blanchiment d’argent est malheureusement un élément des techniques de la criminalité financière. C’est l’action de dissimuler la provenance d’argent acquis de manière illégale (spéculations illégales, activités mafieuses, trafic de drogue, d’armes, extorsion, corruption, fraude fiscale…), afin de le réinvestir dans des activités légales (par exemple la construction immobilière…). C’est une étape importante, car sans le blanchiment, les criminels ne pourraient pas utiliser de façon massive les revenus illégaux sans être repérés. Selon le rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, le blanchiment d’argent sale est estimé à 1600 milliards de dollars en 2009, soit 2,7 % du PIB mondial. C’est sur invitation de Mme Sikiratou Bada du Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) que je me 510

L’ Afrique de l’Ouest face au blanchiment d’argent !

suis trouvé à Cotonou pour apporter ma modeste contribution à cette gangrène de notre économie sous régionale, voire l’économie de toute l’Afrique. Cette rencontre se fixait les ambitions suivantes : – sensibiliser les acteurs des Organisations de la Société Civile (OSC) aux graves dangers des phénomènes de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, ainsi que leurs effets néfastes sur les Etats de la région Ouest-africaine ; – renforcer les capacités des OSC dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, de manière qu’elles puissent assurer des plaidoyers et influencer la mise en œuvre effective des régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au niveau national et régional ; – rendre sensibles les OSC sur la pertinence de l’utilisation de leurs plateformes nationales pour la diffusion et la publication d’informations, par le partage de renseignements crédibles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en vue d’identifier une stratégie de mise en place d’un réseau d’OSC Ouest africaines engagées pour la bonne cause. Il faut noter que l’accroissement de la mobilité internationale, les nouvelles technologies dans le système financier, conjugués aux différentes crises et attaques terroristes, rendent l’environnement complexe et posent énormément d’obstacles. La Communauté Internationale n’a eu d’autres choix que de poursuivre ses engagements, afin d’empêcher les crimes ou délits qui prospèrent dans certaines régions à l’échelle mondiale. Ayant conscience des graves menaces, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a mis en place, en 2000, le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent (GIABA) pour coordonner la lutte. La mission principale du GIABA consiste à promouvoir des partenariats stratégiques avec le 511

« Itinéraire d’un combat ! »

secteur privé, la société civile et les autres acteurs clés. Le Groupe a comme vision de devenir le Chef de file dans la création d’alliances stratégiques contre la criminalité transnationale organisée, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Pour permettre à nos citoyens de prendre des mesures appropriées, il est apparu la nécessité de renforcer la sensibilisation, afin de contribuer à restaurer les valeurs morales citoyennes et à veiller au respect des engagements internationaux. L’implication des OSC à cet effet est vitale, car elle rehausse la conscientisation publique. Le blanchisseur d’argent procède généralement par trois étapes principales : la phase de déplacement « prélavage » ; à ce titre le blanchisseur introduit les fonds illégaux dans le système financier légal en déposant de petites sommes sur différents comptes bancaires ou en convertissant les espèces en billets de banque ou en chèques via des entités qui manipulent beaucoup d’argent liquide (bureaux de change, casinos, restaurants, bars, discothèques). L’argent est ensuite transféré sur d’autres comptes bancaires. La deuxième phase appelée empilement « lavage » consiste à multiplier les opérations économiques (achat, vente, placements boursiers) pour diluer les fonds frauduleux à travers différents canaux et en masquer l’origine. La troisième phase appelée phase d’intégration ou « recyclage » convoite le blanchisseur à réinvestir l’argent blanchi dans des activités économiques légales (immobilier, entreprises, produits de luxe…). Ainsi, le financement du terrorisme est l’appui financier direct ou indirect fourni aux contrevenants dans le but d’organiser des actes de violence et/ou d’intimidation de la population. De tels fonds peuvent provenir soit de sources légales soit de sources illégales. Bien qu’il y ait des différences factuelles entre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, les deux procédés utilisent des voies communes dont les transactions liquides. Les transactions en espèces demeurent l’activité prédominante en Afrique de l’Ouest. Dans les transactions intra-régionales, les paiements se font généralement en monnaie 512

L’ Afrique de l’Ouest face au blanchiment d’argent !

locale ou en devise, en particulier en dollar US, en livre anglaise et en Euro. Dans ce contexte, les opérateurs économiques, en particulier ceux du secteur informel, sont engagés dans le libreéchange de monnaies sur des marchés parallèles florissants dans le but d’effectuer des paiements en espèces dans les transactions intra-régionales. Les transactions en espèces constituent un réel problème en Afrique de l’Ouest, en particulier dans les économies en développement, où les systèmes formels de paiements sont insuffisants et où il y a un manque de confiance de la part des populations quant à l’utilisation du système financier. Mais, même dans certaines économies développées, les transactions au comptant constituent un problème spécifique de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. A titre d’exemple, environ 52% des dossiers transmis en 2005 aux autorités juridiques par la Cellule belge de traitement d’informations financières (CTIF-Belgique) portent sur les transactions en espèces. En règle générale, les types de transactions en espèces pouvant faire l’objet de blanchiment et de financement du terrorisme sont les opérations de versement à l’intérieur ou hors du pays, pour des règlements. L’un des risques potentiels dans ce cas réside dans le fait qu’on puisse utiliser de fausses identités qui rendent l’application de la réglementation encore plus difficile. Cela intervient lorsque l’opération de change implique l’échange d’une monnaie contre une autre ou la conversion de petites coupures en coupures plus grosses ; lorsque les dépôts sont effectués en espèces sur les comptes bancaires, soit par les titulaires de comptes, soit par un tiers ; lorsqu’il s’agit de retraits d’espèces des comptes bancaires et lorsque le transport transfrontalier d’espèces camouflées dans des pièces de rechange, des poches, des avions commerciaux, des colis postaux aériens, des valises et des sacs à main, est effectué. Parmi les principaux freins à la lutte contre le blanchiment d’argent, le faible taux de bancarisation et l’informel constituent les deux problèmes majeurs qui favorisent 513

« Itinéraire d’un combat ! »

la non-traçabilité des produits générés par le fléau. Au Niger, le taux de bancarisation est estimé entre 5 et 6%. Dans ce contexte, des sommes pharaoniques parviennent à filer dans les mailles du contrôle du système financier. Aussi, le secteur immobilier se révèle être un paradis pour les blanchisseurs. La construction des immeubles, servirait pour nombre de cas à dissimuler les traces de sommes illégalement acquises. Les secteurs des œuvres de charité et de l’assurance-vie sont aussi identifiés comme étant à risque de fournir une aide financière aux terroristes et aux criminels. Selon le GAFI (Groupe d’Action Financière International) et le Fonds Monétaire International (FMI), le blanchiment de capitaux incontrôlé peut entraîner des variations inexplicables de la demande de monnaie ; des risques jurisprudentiels vis-à-vis de la santé financière des banques ; des effets de contamination des opérations financières légales ; un renforcement de l’instabilité des cours de change et des mouvements internationaux de capitaux ; de graves coûts sociaux et politiques (corruption des Gouvernements, infiltration des institutions financières et démocratiques). Le financement du terrorisme est le fait de fournir ou de réunir des fonds susceptibles d’être utilisés dans le cadre d’activités terroristes. Le blanchiment de capitaux peut ainsi servir à financer le terrorisme. Ces deux activités font l’objet d’une lutte commune car elles exploitent souvent les mêmes failles du système financier, qui permettent d’effectuer des opérations financières dans un anonymat et une absence de transparence inappropriés. Les Cellules de Renseignements Financiers (CENTIF) sont chargées d’analyser et d’enquêter sur les déclarations de soupçons émanant de certains professionnels (établissements financiers, notaires, avocats, experts comptables) lorsqu’elles ont des doutes sur l’origine des fonds. Les déclarations de soupçons peuvent conduire les CENTIF à transmettre une note d’information au Procureur de la République ou à certains services spécialisés (administration fiscale, douane, organismes de protection 514

L’ Afrique de l’Ouest face au blanchiment d’argent !

sociale). Les établissements financiers et les professionnels concernés sont tenus de déclarer à la CENTIF du pays d’accueil les sommes ou opérations portant sur des sommes dont ils savent ou soupçonnent qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ou d’une fraude fiscale. En cas de non-déclaration, l’établissement financier ou le professionnel peut être condamné par la justice. A cet égard, chaque acteur assujetti à la Déclaration des Opérations Suspectes (DOS), doit être à même de relever des indicateurs d’alerte et de jouer sa partition dans cette lutte sans frontière. A l’ouverture de la rencontre de Cotonou, M. Adama Coulibaly, Directeur Général du GIABA, a déclaré : « La mobilisation de la société civile et son engagement à travers des initiatives pertinentes doivent figurer au rang des défis à relever pour atteindre l’objectif d’une sécurité globale renforcée comme fondement de l’émergence économique des Etats membres de la CEDEAO à l’horizon 2020 ».

Des débats passionnants s’en sont suivis dans la convivialité. Cet effort du GIABA dont l’objectif est d’entretenir les acteurs des OSC des points saillants en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est salutaire. L’atelier a permis aux participants d’accorder plus d’attention à ces questions émergentes dont dépendent la paix, la sécurité, la stabilité et le développement des pays. Le Gouvernement Béninois appuie l’initiative à travers la présence de M. André Sagbo, Représentant le Garde des Sceaux à la cérémonie d’ouverture. La rencontre vise également à permettre aux OSC de conjuguer leurs efforts, tant entre elles qu’avec les acteurs étatiques et du secteur privé, en vue d’une plus grande implication dans ce combat. Cette réunion a permis aux cinquante participants d’ériger un réseau d’OSC pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dont la Présidence a été confiée à Mme Macaria BARAI de la Guinée-Bissau, la 1ère Vice-présidence à M. Wale Ogunade, 515

« Itinéraire d’un combat ! »

Esq, du Nigeria GIABA CSO Forum, la deuxième Vice-présidence à Moustapha Kadi Oumani du Niger et la troisième Vice-présidence à M. Dionisio Simoes Pereira du Cap vert, GIABA CSO Forum. Dès lors, les organisations de la société civile Ouest-africaine entendent susciter des actions de plaidoyer et de lobbying pour la mise en œuvre effective des mesures législatives et réglementaires de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein de leurs pays respectifs. Après avoir mis en place ce cadre régional, les OSC se sont engagées à travailler en étroite collaboration avec l’ensemble des parties prenantes, pour apporter leur éclairage et leur soutien indispensable. De ce point de vue la nécessité de mettre en place un mécanisme d’alerte précoce pour la prévention du terrorisme s’impose. Armées d’une vision à long terme et d’une ambition parfaite, les OSC ont à cet effet décidé à l’unanimité de conduire une grande campagne pour le changement de comportement. Le Niger, tout comme la plupart des pays, est sérieusement confronté à ce « virus » qui gangrène le systèmes juridique, financier, politique ainsi que la bonne gouvernance et le développement économique et social. Situé dans une région marquée par la recrudescence du crime organisé, notre pays n’est pas à l’abri des groupes terroristes opérant au Mali, en Libye, en Algérie, au Burkina Faso, au Tchad et au Nigeria. Sa longue frontière avec le Nigeria (1500 km) lui pose de réels problèmes sécuritaires avec les attaques sanglantes de la secte Boko Haram. Dans le rapport annuel 2014 du GIABA, Madame Tchimaden HADATAN SANADY, Présidente de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières du Niger (CENTIFNiger) indiquait qu’au titre des infractions sous-jacentes, le trafic de drogues, la corruption, l’évasion fiscale, la fraude, la contrebande des pierres et métaux précieux, la contrebande des autres produits, la fraude bancaire et la falsification de documents ont fait l’objet de Déclarations d’Opérations suspectes. Les incursions répétées de la 516

L’ Afrique de l’Ouest face au blanchiment d’argent !

secte Boko Haram ont eu un impact significatif sur le financement du terrorisme. La Cellule de Renseignements Financiers (CRF) a reçu 27 Déclarations d’Opérations Suspectes liées au blanchiment d’argent, dont quatre ont été transmises aux autorités judiciaires pour engager des procédures de poursuites pénales. Sur la base des rapports transmis au Procureur de la République, 64 personnes sont suspectées et les montants sur lesquels portent les soupçons s’élèvent à 4.998.142.922 F CFA. Le Niger est classé 103ème sur 175 pays sur l’Indice de Corruption (Perception de Transparency International) en 2014 et classé 187ème sur 187 pays selon l’Indice du Développement Humain (IDH) du PNUD. En dépit des efforts consentis par le Gouvernement ainsi que par l’ensemble des acteurs, de nombreux défis restent à relever, eu égard notamment aux impacts négatifs du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, sur la réputation et l’intégrité des institutions financières, ainsi que sur l’ordre public et la paix. Ce combat est une responsabilité collective qui incombe à toutes les parties prenantes, dans le cadre de la protection des économies nationales, des systèmes financiers des Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), voire de la stabilité politique des Etats Africains. L’urgence de conjuguer nos efforts exige une détermination sans faille dans cet environnement où les criminels débordent d’ingéniosité et de nouvelles stratégies. Inévitablement, il nous faut d’abord lutter contre la corruption, devenue un fléau qui concerne aussi bien les pays pauvres que les pays riches. La corruption s’entretient mutuellement, car pour qu’il y ait des corrompus, il faut qu’il y ait des corrupteurs. Elle va dans les deux sens. Avec les dysfonctionnements du système judiciaire, ce fléau est l’un des problèmes majeurs qui minent nos différents Etats. Ensuite, il nous faut promouvoir l’Etat de droit, doter les institutions de personnes capables de nous protéger, mais également de garantir aux entreprises que leurs biens seront à l’abri. Le blanchiment d’argent 517

« Itinéraire d’un combat ! »

montre à suffisance qu’il représente une menace sérieuse, pas simplement pour nos Etats, mais pour l’ensemble des Continents. Le blanchiment met en péril le développement et la crédibilité des institutions. Dès lors, de lourds soupçons pèsent sur certains opérateurs économiques et hauts fonctionnaires nigériens au cœur de gros scandales d’Etat. Il reste à vérifier si les autorités nationales vont véritablement s’attaquer au blanchiment d’argent, notamment à la corruption et aux détournements des fonds publics à travers la lutte contre l’impunité surnommée « Opération Maiboulala ». Les soupçons de blanchiment d’argent concernent des comptes bancaires qui enregistrent de nombreux mouvements. Nous serons donc attentifs pour ne pas dire exigeants dans cette lutte contre les flux illicites de capitaux, mais également par rapport aux biens mal acquis. La justice doit faire son travail en toute indépendance. L’appel lancé par la Présidente de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) du Bénin, Mme Sévérine Dossou, n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : « Les OSC doivent désormais s’intéresser aux implications connexes du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme dans la sous-région ». En conséquence, cette lutte requiert l’éclosion de leaders engagés dans la sous-région et des actions énergiques pour fédérer les actions des citoyens à tous les niveaux de la société. Toutefois, l’efficacité de cette lutte dépendra en grande partie de l’engagement politique de nos dirigeants. Cependant, le sens de la détermination des acteurs de la société civile est désormais clair. Dans notre pays, nous devrions opter pour ce noble combat à travers la Plate-forme nigérienne des Organisations de la Société Civile pour la lutte contre le Blanchiment de capitaux et le Financement du Terrorisme (POLBFT), autorisée à exercer ses activités par arrêté N°00359/MISPD/ACR/DGAPJ/ DLP du 12 juin 2017, tout en sachant méthodiquement où nous voulons aller et comment nous donner les moyens pour y parvenir.

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Troisième partie

Hommages posthumes

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Photo Rabiou Malam Issa

Deuxième anniversaire du rappel à Dieu de notre père, Elhadji Kadi Oumani, Chef de Canton d’Illéla

Feu Elhadji Kadi Oumani, Sarkin Ader Illéla

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otre père, Elhadji Kadi Oumani, Chef de Canton d’Illéla, a été arraché à notre affection, le mardi 3 septembre 2013, vers 17 heures, à l’âge de 82 ans, après 63 ans de loyaux services. Après un séjour à l’hôpital International Check Zaïd au Maroc pour des soins intensifs et son admission à l’hôpital National de Niamey au Pavillon Francophonie, pendant environ deux mois, il décéda suite à un problème respiratoire. Nous gardons de lui le symbole de la rigueur 521

« Itinéraire d’un combat ! »

et du travail. Il nous a appris l’amour du prochain et le pardon. Il a été un exemple d’abnégation, de sacrifice, d’engagement et de loyauté au service de sa communauté et de la République du Niger. Il fut une figure marquante de l’accession du Niger à l’indépendance. Le 3 août 1960, il prit part à la première séance de l’Assemblée Nationale du Niger, aux côtés du Président de la République du Niger, Elhadji Diori Hamani, et à la proclamation de l’Indépendance de notre pays. Il a fait un parcours scolaire normal avant de poursuivre des études spécialisées dans l’administration générale. Elhadji Kadi Oumani a été Député National de 1960 à 1974, soit pendant trois mandats successifs de cinq ans au titre de la circonscription électorale d’Illéla. Après le coup d’Etat militaire du Lieutenant-colonel Seyni Kountché, il a été mis à la disposition de l’administration générale ; son corps d’origine, pour servir loin de sa circonscription électorale, au Poste Administratif de Gothèye puis de Bagaroua, où il est admis à faire valoir ses droits à la retraite. Le 14 août 1990, il accéda au trône de Sarkin Ader, succédant ainsi à son père Elhadji Oumani Attou, décédé le 11 juin 1990 après 53 ans de règne. Elhadji Oumani Attou, était un Chef infatigable et irremplaçable. Irremplaçable par sa personnalité dont l’envergure lui permettait de se faire entendre en tous lieux. Par l’ampleur et la qualité de ses missions, il respectait chaque homme et chaque homme le savait. Des milliers de personnes peuvent témoigner ses exceptionnelles qualités de cœur. Le Chef Oumani Attou, était surtout un grand rassembleur au service de sa population. Il était un modèle craint par son entourage, et symbolisait la rigueur, la puissance spirituelle et la solidarité. Notre grand-père Oumani Attou avait régné en bon père de famille et rehaussé au plus haut le niveau du Canton d’Illéla. Connu pour sa liberté de ton et le nombre d’années passées au trône, il faisait partie des Chefs traditionnels les plus respectés du Niger. De son vrai nom Mahamadou Attou, il jouissait de la confiance de sa communauté. Que les répercussions de ses actions nous inspireront longtemps. Après la disparition de 522

Hommages

notre père, Elhadji Kadi Oumani, plusieurs journalistes nationaux et internationaux lui ont rendu hommage. Le vendredi 6 septembre 2013, on peut lire à la « Une » du Journal gouvernemental « Le Sahel Dimanche » : « Levée du corps de Son Altesse Sarkin Ader, Elhadji Kadi Oumani, Chef de Canton d’Illéla : le Chef de l’Etat honore la mémoire du grand Chef, sage et généreux ». Pour le journaliste Seini Seydou Zakaria, « Kadi Oumani est un Chef bien connu au-delà des frontières nationales. Il jouissait de l’estime des populations de son canton… ». Avant sa mort, il était membre éminent du Bureau National de l’Association des Chefs Traditionnels du Niger (ACTN) où il occupait le poste de Vice-président au plan national et le poste de Président de l’Association des Chefs traditionnels de la région de Tahoua. Il a obtenu plusieurs témoignages et décorations honorifiques, dont le prestigieux grade de Commandeur de l’Ordre National du Niger. Il s’impliqua personnellement pour l’aboutissement heureux du conflit armé dans le Nord. La levée du corps du défunt s’est déroulée le jeudi 5 septembre 2013 à neuf heures, à la morgue de l’Hôpital National de Niamey où un dernier hommage lui a été rendu par le Président de la République, Chef de l’Etat, Issoufou Mahamadou. La cérémonie s’est déroulée en présence des Présidents des Institutions de la République, du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Brigi Rafini, des Députés Nationaux, des membres du Gouvernement, des Chefs traditionnels de toutes les contrées, des hauts responsables de l’administration, des Leaders de l’opposition, des Leaders religieux Musulmans et Chrétiens, des partenaires techniques et financiers, des Acteurs de la Société Civile, des membres de sa famille et des amis et connaissances. Plusieurs milliers de personnes l’ont accompagné jusqu’à sa dernière demeure. Il a été enterré dans le caveau familial où reposent les différents Chefs Traditionnels d'Illéla depuis le XVIème siècle. Il repose en paix à côté de son père, de ses grands-pères et arrière-grands-pères. Très attaché à l’histoire de l’Ader, Elhadji le démontra pendant son règne en réhabilitant le caveau familial par des 523

Photos Issoufou ADO ONEP

« Itinéraire d’un combat ! »

La cérémonie des funérailles en images...

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Hommages

travaux de rénovation de grande ampleur ; et cette place eu matériaux définitifs, n’est-elle pas une autre preuve de cet attachement à l’Ader. Elhadji Kadi Oumani est le 30ème Sarkin Ader, après 23 ans à la tête du Canton. Son corps a été accompagné à sa dernière demeure par le Ministre de l’Intérieur M. Massaoudou Hassoumi, le Ministre d’Etat, Albadé Abouba, Représentant personnel du Président de la République, le Ministre de la Justice, M. Marou Amadou et de bien d’autres hautes personnalités venues de plusieurs pays. Son parcours dans l’administration nigérienne reste des plus exemplaires. En reconnaissance à ses efforts dans l’amélioration de la qualité de l’école nigérienne et de son ferme engagement dans la sensibilisation des parents d’élèves à envoyer leurs filles à l’école, la Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales, Mme Ali Mariama Elhadji Ibrahim, a baptisé en 2010, le Jardin d’enfants d’Illéla : « Jardin d’enfants Elhadj Kadi Oumani ». La cérémonie officielle de baptême a été présidée par Elhadj Amadou Idé, Gouverneur de la Région de Tahoua, en présence du Conseiller principal du Premier Ministre dans le domaine de l’Éducation et de plusieurs invités venus de toutes les régions du pays, du Nigeria, du Bénin et de la Côte d’Ivoire. A son honneur, plusieurs témoignages sont parus dans les journaux indépendants : Elhadj Hamza Boka, Conseiller Pédagogique en fonction à Niamey fait partie de ceux qui, dès les premières heures, lui ont rendu hommage : « Je salue la mémoire d’une grande figure. Elhadj Kadi Oumani est une personnalité affable et très conciliante. Son dévouement incessant à la promotion de la paix entre agriculteurs et éleveurs est connu dans toutes nos campagnes. Il a été un digne père et un Chef professionnel doté d’une sagesse extraordinaire qui a fait du bien à tous les fils du Canton ».

Pour l’ancien Gouverneur de la Région de Tahoua, Elhadji Mamadou Zéty Maïga : « Feu Elhadj Kadi Oumani, fort de son expérience et de sa notoriété, a fait un magnifique travail. Il n’a ménagé aucun effort pour mener à bien sa mission et soutenir tant qu’il 525

« Itinéraire d’un combat ! » peut l’administration publique et les populations de son Canton avec autant de vigueur. Il ne fait aucune préférence entre les Nigériens. Ce qui compte pour lui, c’est la justice et les principes sacrés de la religion musulmane à laquelle il est très attaché. Les services techniques reconnaissent sa disponibilité et sa conviction. Son influence inspire et motive ses collaborateurs ».

Pour Ibrahim Attawel, Chef de Canton de Dogueraoua, « Elhadj Kadi Oumani avait fait de la promotion de la coexistence pacifique la source d’inspiration de ses pensées et le but de son action. C’était son option résolue, lui qui avait compris que le vrai courage se traduit par l’écoute, la compréhension et la tolérance. Pour le défunt, il n’y a pas de conflit, si pénible soit-il, qui ne puisse être réglé par la voie de la négociation. C’était un patriote éclairé qui a pris part à toutes les phases de l’évolution de notre société, mu par les valeurs essentielles d’unité et de solidarité. Son autorité morale continue à nous dicter la voie à suivre vers la paix et le développement ».

Pour l’ancien Préfet d’Illéla, M. Ali Djadjé, « Elhadj Kadi Oumani a cultivé la tolérance durant toute sa vie, en exhortant l’amour, l’amitié et la fraternité. Son combat pacifique pour la paix sera poursuivi par ses enfants. Il restera longtemps gravé dans la mémoire des Nigériens pour le rôle prééminent qu’il a joué au sein de sa communauté. Il était un homme accueillant, juste et bon qui a toujours œuvré pour le rapprochement, le consensus et la promotion de la fraternité. Dans la continuité des coutumes de conciliation et d’échange, il sut restaurer la justice dans sa dignité et sa fonction prioritaire de méthode de résolution des conflits, préférée en toute occasion à l’affrontement et à la violence. J’ai été fortement impressionné par les fortes convictions du Grand Chef qu’il était et par son obstination à convaincre tous les Chefs traditionnels du Niger de partager sa vision fondée sur les valeurs de la dignité et du progrès. Dans les Départements d’Illéla et de Bagaroua, Elhadj Kadi Oumani a bien servi les intérêts de sa communauté ».

Pour Elhadji Mahamadou Kadri, Chef de Canton de Daoulé : « Nous le regrettons beaucoup, car c’est lui qui nous réunissait à son initiative pour nous prodiguer de sages conseils, difficile de trouver un Chef traditionnel comme lui dans la région de Tahoua. Il nous enseigne l’intérêt de privilégier un comportement vertueux, l’esprit d’équipe, la gratitude et la responsabilité. Qu’il reçoive notre profonde reconnaissance pour l’œuvre qu’il a accomplie ».

Pour Ibrahim Issoum, l’un des ressortissants d’Illéla qui partage très souvent la même assiette que lui : 526

Hommages

« Elhadji Kadi Oumani est un Chef modèle, rassembleur et patient, qui est à l’écoute de tous. Il a pu contribuer à transformer son vaste Canton en une localité où la vie est devenue meilleure, en s’attaquant à l’injustice, l’ignorance, au mensonge, à la médisance et aux inégalités sociales. C’était un grand producteur de céréales et de fruits, qui passe tout son temps dans ses dizaines de champs et jardins dont il partage la production avec les plus démunis. Il exigeait toujours l’excellence. Je salue sa détermination, sa vocation et sa vision…»

Ce deuxième anniversaire est une nouvelle occasion de rendre grâce à Dieu, le Tout-Puissant, le Très Miséricordieux qui a permis à notre Père de s’exprimer quelques minutes avant sa mort en notre présence, juste après sa prière de Asr, en ces termes : « Je demande pardon à tous ; après ma mort, à chaque anniversaire, je sollicite vos prières…». Ce message très significatif nous rappelle le devoir religieux qui nous enseigne d’accompagner par des prières tous ceux qui nous ont devancés, en attendant que notre heure puisse sonner un jour pour laisser la relève à nos enfants et petits-enfants, afin qu’ils continuent de respecter cette volonté telle qu’elle nous a été transmise. « Allahou Akbar » ! Son départ laisse un immense vide que nos pensées ne suffiront jamais à combler. Merci infiniment à tous ceux qui de près ou de loin nous ont témoigné leur compassion et leur considération respectueuse d’observer une minute de prière à la mémoire de toutes les personnes rappelées à Dieu, le Tout Miraculeux et l’Unique Créateur, pour que l’âme des disparus repose en paix et que Allah SWT, notre seigneur, les accepte dans son Paradis Éternel. Que la paix et la Miséricorde D’Allah soient sur le Saint Prophète Mohamed, fils de Abdallah (SAW), paix et bénédiction d’Allah sur lui et sa famille, Amen !

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Hommage à Almoustapha Alassane, grand maître du septième art nigérien et concepteur

Armoiries Nationales

Photo Sani Magori

des

Feu Almoustapha Alassane, cinéaste et réalisateur

I

l nous a quittés à l’âge de 73 ans. Né en 1942 à Djougou, au Bénin dont il est originaire, Almoustapha Alassane a su faire un travail admirable. Décédé le mardi 17 mars 2015 à Ouagadougou, au Burkina Faso, son corps a été acheminé dans un bus de la société des transports voyageurs Rimbo, le jeudi 19 mars 2015 à minuit, après 11 heures de route. La levée du corps a eu lieu le vendredi 20 mars 2015, suivie de l’enterrement au cimetière musulman de 529

« Itinéraire d’un combat ! »

Niamey, sa terre promise. Au nom de l’Association des Cinéastes du Niger, M. Abdoua Kanta, réalisateur, écrivain lui a rendu un dernier hommage. C’était en présence de M. Ousmane Abdou, Ministre de la Culture, des Arts et des Loisirs, du Niger et du jeune cinéaste Nigérien Sani Magori. Almoustapha Alassane adorait et considérait son fiston Sani Magori comme son successeur révélé. A la peine s’ajoutait son indignation. La cause, les onze heures de route qu’on infligea au corps du défunt, durée du voyage en bus, de Ouagadougou à Niamey. Il avait du mal à accepter pourquoi le corps de Almoustapha Alassane a été rapatrié dans un bus de transport public depuis le Burkina Faso. Les hommes de culture étaient venus nombreux pour jeter un dernier regard sur ses œuvres dont la qualité du travail ne représentait pas seulement le Niger, mais également l’universalité. Autodidacte du cinéma, Almoustapha Alassane est Président d’honneur de l’Association des Cinéastes du Niger. Il s’est construit une image positive d’homme de paix et de dialogue, soucieux du bien-être de ses concitoyens. Il est marié à Hadjia Hadiza Bawa et père de 16 enfants. Caricaturiste au Musée National du Niger, de 1959 à 1962, il s’occupait des costumes traditionnels du Niger, ainsi que des sceaux de la République, des décorations et des uniformes des différentes communautés. A l’origine, il était mécanicien. Il découvre les techniques du cinéma aux côtés de Jean Rouch qui lui donnera un rôle dans son film Petit à petit en 1971. Il a servi au Canada avec le célèbre cinéaste Norman McLaren qui lui enseigne le cinéma d’animation, un genre qui lui plaît puisqu’il réalise le premier dessin animé africain « La Mort de Gandji ». Homme modèle et humble, il a sacrifié sa vie au service du cinéma nigérien. Il n’a ménagé ni son temps, ni ses moyens pour encourager les jeunes à faire du cinéma. Dans ce cadre, il envoya son fils en France. Directeur de la section cinéma à l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey pendant 15 ans, il a, de par son intelligence et la qualité de ses réalisations, contribué positivement 530

Hommages

à faire du Niger un grand pays de cinéma dans les années 70. Il est le père du Parc international des drapeaux du Musée National Boubou Hama. Almoustapha Alassane est arrivé au cinéma, selon ses propres mots, « presque par hasard ». Sa bonne vision le destinait à servir et ne pas se servir. Homme de foi et de tolérance, il était fidèle à son pays le Niger, à sa ligne de conduite et aux efforts qu’il devait accomplir pour sortir le cinéma africain des sentiers battus. C’était une personnalité de grande envergure que le monde a bien connue à travers le grand écran. Grâce à son savoir-faire, il a gagné la confiance des Nigériens à la sortie de son premier film, deux ans seulement après la proclamation de l’indépendance. Son talent de fin opérateur, ainsi que sa capacité extraordinaire de persuasion ont fait qu’il a grimpé aussi vite les échelons. Cette ascension a fait de lui un homme particulier, qui impressionne par son calme et son autorité. C’est le premier cinéaste nigérien qui a commencé à encadrer gracieusement les étudiants durant la phase préparatoire de leurs films. A son palmarès, 28 films, dont le dernier « Ta Guimba », sorti il y a douze ans. Initialement voué à une autre carrière, il intègre le cinéma grâce à son ami intime, le Français Jean Rouch, qui repose actuellement dans notre pays. Il apprend la technique cinématographique dans les locaux de l’IRSH à Niamey, dont Jean Rouch assurait la direction scientifique. Jean Rouch a trouvé la mort dans son véhicule personnel dans la nuit du 18 au 19 février 2004, dans un accident de la route, près de Birni N’Konni, à 417 km au centre du Niger. Son décès est survenu alors qu’il était de retour dans son pays d’accueil, entouré de sa femme et de ses amis, pour présenter son dernier film et assister à la rétrospective du cinéma nigérien. Son premier court métrage « Aouré ou Mariage », qui aborde la tradition nuptiale dans un village nigérien, a obtenu une récompense en 1962. Il se lance en 1966 sur le moyen métrage avec « Le retour d’un aventurier », premier Western africain. Son premier long métrage voit le jour en 1972 avec « FVVA ou Femme, Voiture, Villa, Argent 531

« Itinéraire d’un combat ! »

», un film qui dénonce l’arrivisme et la soif de pouvoir des nouveaux riches en Afrique. Toute sa vie, il a su défendre le cinéma africain comme une œuvre d’artiste et non une question d’argent. Cinéaste, peintre et dessinateur, il était capable de se remettre en cause à chaque nouvelle réalisation. Almoustapha Alassane a parcouru le Niger dans un minibus avec quelques projecteurs, pour montrer ses films au monde rural, là où le cinéma n’arrive pas. Il est bien reconnu pour sa capacité à créer des formes inédites et à enrichir les codes de la représentation cinématographique par le frottement à d’autres arts comme la lutte traditionnelle ou la bande dessinée. Almoustapha Alassane était à la fois réalisateur, monteur, producteur et directeur de photo. Ses réalisations le fascinaient lui-même. Fidèle à son travail et doyen des cinéastes du Niger ; il appréciait l’esprit de troupe. Dans le secret de sa longévité, il a puisé tant d’inspiration, tout en gardant une rigueur morale et un sens de l’humour tout à fait édifiants. Dans certains milieux il était surnommé « Moustapha Alassane ». Son film « Aouré », a reçu dès 1962, la médaille de bronze au Festival du cinéma d’amateur de Cannes, avant d’être primé au Festival de Saint-Cast en 1963. La même année, il confirme sa parfaite capacité dans le cinéma d’animation en réalisant « La mort de Gandji », grand prix du court métrage, puis « L’antilope d’argent », présenté au Festival des Arts Nègres de Dakar en 1966. A l’époque, il disait que « Pour moi, le cinéma peut et doit servir à modifier la mentalité de la masse. Chacun de mes films touche à la politique, ne serait-ce que parce qu’il suscite un intérêt auprès de la masse et est susceptible de lui faire prendre conscience. Je pense que, pour le moment, le cinéma n’a pas suffisamment prouvé au monde que l’Afrique a une culture propre. Il doit pouvoir éveiller la conscience du spectateur sur des problèmes spécifiquement africains et guider l’Afrique dans une direction plus viable ». En 1973, ce cinéaste de talent lance « Toula ou le génie des Eaux », un film sur l’histoire d’une fille donnée en sacrifice au génie de l’eau, dans lequel il jouait 532

Hommages

Les Armoiries de la République du Niger ont été confectionnées par feu Almoustapha Alassane

pour la première fois avec Sotigui Kouyaté, une des grandes figures du cinéma africain. Almoustapha Alassane vivait depuis des années à Tahoua au centre du Niger où il gère l’hôtel Amitié, la salle Galaxi, un studio de cinéma, et il pratique l’agriculture et l’élevage. C’est là que je l’ai rencontré pour la dernière fois. Tahoua, ville à laquelle il s’est attaché. Il était assis dans son salon, à ses côtés, sa dynamique épouse, Hadjia Hadiza. Elle a été femme derrière le grand homme à la hauteur, Il a réalisé « Ta Guimba », un film dédié à la cantatrice nigérienne Ta Guimba de Doutchi, grande voix de la musique de possession « Bori ». Il a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur durant le Festival de Cannes 2007. Lors de la remise officielle, il déclarait « Ce que vous avez fait aujourd’hui pour moi est un geste à destination de mon pays et surtout de toute l’Afrique. Nous avons ici des enfants du Continent africain, du Nord, du Sud, de tous les côtés et des enfants africains de la Diaspora. Tous sont venus quand ils ont appris l’initiative que vous avez prise pour nous. Depuis les années 60, j’ai toujours bénéficié de la compréhension du Centre National de la Cinématographie (CNC) Français. Je regrette 533

« Itinéraire d’un combat ! » que certaines personnes comme Jean Rouch, qui ont beaucoup fait pour le cinéma africain, soient disparues. Celui qui crée quelque chose peut s’attendre à une récompense : c’est une affaire de Dieu. Que Dieu nous aide et vous aide ».

Fidèle à sa tradition, à mon arrivée dans sa grande concession de 1.000 m2, il nous reçoit ma délégation et moi, avec faste : viande de mouton grillée, sucreries à profusion. C’était un grand geste réservé à des hôtes de marque dans l’Ader. Il ne parlait pas beaucoup, il était timide, certainement gagné par la maladie qui le rongeait depuis longtemps. Ensuite, nous avions abordé des sujets brûlants qui lui tenaient à cœur. Malgré la maladie, il jouissait de toutes ses capacités d’analyse. Il savait garder raison. C’était plus tard, le visage in-quiet, son épouse, d’un ton las me révéla la source du silence de son mari. Il était rongé par la maladie. L’évacuation sanitaire en France ou au Maroc se refusait à lui et son pays semble oublier son fils. Comment ne pas se rappeler cette phrase douloureuse de Hadjia Hadiza : « Moustapha Alassane, peut-il être oublié ? Ne part-il pas bénéficier d’une évacuation sanitaire en France ou au Maroc » ? Elle se retournait plusieurs fois vers moi et reprenait quelques mots. « Comment une figure comme Almoustapha Alassane peut-t-elle être oubliée ? Il me fixait d’un regard profond et me marquait d’un long sourire, comme pour me dire que sa santé se dégradait. A la fin de notre entretien, malgré mon refus de ne pas le laisser quitter son fauteuil, il m’accompagna jusqu’à la porte et m’a fortement serré la main. C’était notre dernier contact. Allah Akbar ! Paix à son âme. Aujourd’hui, tant de personnes s’interrogent « Pourquoi l’Etat du Niger tarde à baptiser l’IFTIC, Institut Almoustapha Alassane » ? pour service rendu à la Nation, afin de rendre visibles les succès et les réussites d’un grand cinéaste Africain ? De toute évidence, il est temps que les Autorités Nationales et locales commencent à reconnaître les mérites des enfants du pays, qui se sont distingués dans leurs domaines d’activités, contribuant ainsi à faire rentrer le Niger dans les annales de l’histoire. Almoustapha Alassane était 534

Hommages

surtout un excellent peintre. Connu pour la richesse et la densité de son parcours et le caractère international de son œuvre artistique, il a participé à de nombreuses expositions cinématographiques. Peu de gens savent qu’il était l’auteur du premier film d’animation en Afrique subsaharienne. Bien mieux, peu de gens savent qu’il y a 55 ans, il devenait le père du cinéma d’animation en Afrique. Il est le premier Nigérien à être couronné par le Festival International de Tarifa, en Espagne en 2012. Il est surtout le concepteur et l’ancêtre des Armoiries Nationales de la République du Niger. Ces armoiries sont composées d’un soleil doré, rayonnant qui indique le pays. De part et d’autre du soleil, on aperçoit, à gauche deux épées Touareg et une lance qui symbolisent l’héritage des ancêtres notamment leur héroïsme et à droite du soleil, trois épis de mil qui incarnent l’agriculture et en dessous une tête de zébu Azawak, symbole de l’élevage. Introduites le 1er décembre 1962, les Armoiries du Niger sont entourées de quatre drapeaux nationaux ainsi qu’un parchemin où on peut lire le nom officiel du pays « République du Niger ». Symbole de la patrie, ces Armoiries expriment la fidélité, l’engagement et la solidarité d’un peuple. quatre films de ses réalisations sont publiés dans un coffret : Bon voyage, Sim (Niger, 1966, 15 mn, dessins animés, noir et blanc), Sim, Président d’une « République des crapauds », visite un pays voisin, Le Retour d’un aventurier (Niger, 1967, 39 mn, western, couleur), Jimmy, de retour d’un voyage aux États-Unis, revient dans son village les bras pleins de cadeaux pour sa bande, costumes de cow-boys et armes qui vont provoquer une guerre des générations... Samba le Grand (Niger, 1977, 14 mn, marionnettes animées, couleur) ; Les aventures d’un héros légendaire qui, ébloui par la beauté d’une princesse, en demande la main ; Kokoa (Niger, 2001, 13 mn, marionnettes animées, couleur), c’est le jour de combats de lutte au pays des grenouilles : la foule se presse pour voir qui sera le plus fort du caméléon, du crabe, ou du crapaud ! Par sa grande richesse en documentations diverses, écrites, 535

« Itinéraire d’un combat ! »

bandes audio, cassettes audio-visuelles, matérielles et immatérielles, Almoustapha Alassane est précurseur du FESPACO. Il est tout simplement une référence hors pair. Aujourd’hui, la ville de Tahoua doit donner le premier exemple en baptisant un de ses boulevards à la mémoire de ce passionné hyperactif, qui s’il avait le soutien des autorités allait faire du Niger la capitale africaine du cinéma. A travers la réputation de ce digne fils, nous tenons à rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont marqué l’histoire du Niger. Que la terre leur soit légère. Amen !

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Photo Sani Magori

Hommage à Elhadji Magori Harouna, père du réalisateur nigérien, Sani Magori

Feu Elhadji Magori Harouna

C

omme cela a été annoncé, Elhadji Magori Harouna est décédé le dimanche 12 juillet 2015 vers 11 heures, à son domicile à Galmi, à l’âge de 74 ans. Depuis quelques mois déjà, son état de santé avait été fragilisé par une maladie qui lui imposait des séances de dialyse au Centre Hospitalier Universitaire de Niamey. De son vivant, opérateur 537

« Itinéraire d’un combat ! »

économique, il était un grand homme qui a marqué à tout jamais l’histoire de son village natal Galmi, devenu au fil du temps, capitale de l’oignon et qui a donné son nom à l’oignon « violet de Galmi », l’expression consacrée. Comme aimaient raconter les chasseurs de légumes, il était un homme de principe, un homme de conciliation et de consensus. Il est issu d’un milieu très caractéristique de l’évolution sociale du village de Galmi. Le vieux sage, comme l’appelait son ami, Elhadji Hamidine Maïbaba, a été inhumé le même jour à son domicile, à côté de sa femme Rabi Kadi Oumani, ma petite sœur qui lui a donné cinq enfants et des petits-fils. C’est un grand Homme qui s’en est allé. Il laisse derrière lui une dizaine d’enfants. Des personnalités des quatre coins du Niger, du Nigéria, du Ghana et de la Côte d’Ivoire se sont mobilisées trois jours durant, à la maison mortuaire, pour présenter leurs condoléances et leur compassion à la famille. Avec la disparition de Elhadji Magori, c’est toute la région de Tahoua qui perd un monument, celui qui, à travers ses relations étroites, était reconnu comme l’un des Chefs de familles le plus accueillant et le plus ouvert du village de Galmi. Intègre, rigoureux, jovial, et pétillant d’intelligence, il a su confier à la jeune génération le sens du devoir, de l’unité et de la clémence. Plus qu’un sacerdoce, il avait bien accompli sa mission sur terre. Soucieux de son autorité, il charmait ses interlocuteurs. Par son charisme et sa voix imposante, il arrivait toujours à attirer l’attention de son entourage. En Côte d’Ivoire, à Abidjan où il a passé plusieurs années de sa jeunesse, il était qualifié de droit, reconnaissant et loyal. Il « était un grand rassembleur » au service de la communauté nigérienne à laquelle il a toujours recommandé le respect. Elhadji Magori, de son vivant, a été humble, affable, accessible, cherchant constamment à s’améliorer. Cet homme remarquable était un fédérateur qui laisse en héritage de grandes leçons de vie à sa famille. Pour tous ceux qui l’ont approché, Elhadji Magori savait patiemment sonder avant de s’assurer que la personne est digne de mériter sa confiance. Dans les luttes que le Niger a 538

Hommages

Photos Sani Magori

menées contre la pauvreté et la famine (1974, 1984, 1993, 2005 et 2010), Elhadji Magori, commerçant de denrées alimentaires et transporteur, a été d’un grand secours pour la population nigérienne et pour le Nigeria voisin, de par ses relations et sa mobilité. Il est d’abord connu dans le commerce des céréales, puis dans le transport et l’exportation vers la Côte d’Ivoire et le Ghana de l’oignon nigérien. Quand le vent de la démocratie a sonné au Niger, très tôt, il a fait du combat démocratique un engagement personnel. Récemment, beaucoup de téléspectateurs et cinéphiles l’ont connu à travers le film documentaire « Koukan Kourcia, le Cri de la tourterelle » où son fils Sani, réalisateur, accompagné de la cantatrice Zabaya Hussey, était parti en Côte d’Ivoire pour le ramener de son exil qui aura duré 10 ans. Cela a été une mission bien accomplie. En janvier 2014, juste avant que la maladie ne le terrasse, Elhadji Magori a activement contribué, aux côtés des Chefs coutumiers et Religieux de Doguéraoua, de Galmi et des artistes chanteuses, Fati Niger, Zara Dibissou, Hamsou Garba et Zabaya Hussey, à la réalisation du film « Koukan Kourcia, les Médiatrices ». L’objectif

Cérémonie de présentation des condoléances au Chef de Canton de Doguéraoua à Galmi

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« Itinéraire d’un combat ! »

est de réconcilier les communautés déchirées par des querelles fratricides. Ce film lui a été dédié par son fils, le réalisateur Sani. Très généreux, il n’hésite pas à donner tout ce qu’il a en poche. Grâce à sa forte personnalité, sa capacité de mobilisation et d’action, plusieurs leaders politiques nigériens l’ont courtisé, mais il est resté fidèle à son parti politique le PNDS Tarayya, jusqu’à son rappel à Dieu. Ses camarades politiques ont fait de lui leur Président d’honneur jusqu’à sa mort. Tous ceux qui l’ont côtoyé ont sûrement été frappés par son intelligence et son étonnant volontarisme qui lui ont permis de devenir un sage très respecté dans le Département de Malbaza et la région de Tahoua. Doté d’un esprit vif, Elhadji Magori était un homme très éclairé qui étonnait par sa simplicité et ses paroles aussi alertes que précises. Humble et discret, il a su mettre son talent au service de la mémoire collective qu’il a servie avec tant de passion. II était un grand ami de la Communauté Chrétienne de Galmi, un ami de l’Hôpital de Galmi fondé depuis 1950. A cette époque, il était transporteur et mettait ses voitures à la disposition de l’hôpital et de la communauté chrétienne pour ses voyages d’études, camps de jeunes et congrès. Le village de Galmi s’est développé grâce à trois atouts majeurs : l’Hôpital américain, l’oignon et surtout sa communauté diversifiée de croyants, Chrétiens et Musulmans vivant en symbiose. Aujourd’hui, Elhadji Magori nous a quittés. Il reste immortalisé par l’héritage qu’il a laissé et à travers le film et le rôle universel qu’il a su jouer. Son image et ses paroles reviendront à jamais sur nos petits écrans de cinéma, car désormais, il rentre dans la mémoire culturelle du Niger. Pour toujours, il restera vivant dans le cœur de ceux qui l’ont aimé et admiré. Merci, Elhadji Magori, pour tes longues conversations, pour ton savoir et pour l’héritage que tu as transmis à qui voulait réellement comprendre la vie, ses joies et ses vicissitudes. L’histoire ne ment jamais ! Tels étaient tes mots dans les échanges fraternels... Incha Allah, tu demeureras longtemps dans nos cœurs. Repose en paix, vieux sage, que Dieu t’accueille dans son paradis éternel et veuille te recevoir dans son Royaume Céleste et Éternel, Amen ! 540

Photo Sani Magori

Hommage à un grand Baobab qui vient de tomber : le Professeur Boubé Gado

Feu Professeur Boubé Gado, Enseignant Chercheur à la retraite

D

e Dieu nous venons, à lui nous retournons. Enseignant Chercheur à la retraite, Boubé Gado a travaillé à l’Université Abdou Moumouni Diofo (UAM) de Niamey, précisément à l’Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH), un démembrement de l’UAM. Il a été rappelé à Dieu le 8 septembre 2015, dans l’après-midi, à l’Hôpital National de Niamey. La longue maladie qui le minait depuis quelque temps, a fini par avoir raison de lui, laissant sa famille, ses amis et ses proches dans une profonde émotion. C’est avec une infinie 541

« Itinéraire d’un combat ! »

tristesse que nous avons appris cette disparition brutale. L’annonce de son décès a soulevé une vague de désarrois et de louanges. Tous les Nigériens qui le connaissaient ont été profondément touchés. Que de flots d’éloges en direction d’un homme qui n’a que peu exercé le pouvoir d’Etat soit exhaussé par L’éternel de l’univers. C’est une des marques des hommes libres, ceux dont le rayonnement du savoir transcende le prestige des fonctions officielles. C’est également le destin de ceux qui ont moins recherché les titres que le pouvoir intellectuel et moral. Pour le Professeur Boubé Gado, le pouvoir politique n’a de sens que s’il est conçu et exercé comme un service rendu au peuple, et non par défi comme une punition contre le peuple dont on se réclame. Grand intellectuel, cet universitaire qui a fait un parcours exceptionnel aura marqué durablement son temps et inspiré plusieurs personnes de sa génération. Il était bienveillant et lumineux face à ses étudiants et à sa famille. Homme de science, Professeur Boubé Gado a été sans conteste plein d’humanité, un enseignant qui a marqué par son organisation dans le travail et qui a une descendance nombreuse parmi les étudiants et chercheurs. Audelà de l’immensité de son apport à la discipline scientifique, il a marqué la communauté universitaire du Niger. Son savoir-être et son savoir-faire resteront gravés dans la mémoire de tous ceux qui ont eu le privilège de l’avoir eu comme enseignant, ou de partager un moment avec lui. Il incarnait une certaine idée de vivre ensemble, faite d’intégrité et de vision. On retiendra du Professeur Boubé, qu’il était également un homme simple, généreux, dévoué au travail, bon et juste. L’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey est fière de l’avoir eu comme enseignant. Il n’était pas un républicain de circonstance, ni un patriote à ses heures perdues. Indifférent aux modes, étranger aux familiarités qui abaissent le crédit des hommes publics, il opposait à la société du spectacle la culture et le sens de l’histoire. Le pouvoir d’agir, là était son obsession. Il ne fut pas seulement un homme de pensée. Il aimait transmettre ses connaissances et compétences et 542

Hommages

ne comptait pas son énergie pour le faire, et aussi pour stimuler ses collègues enseignants et son entourage. Son envie de faire progresser son pays le rendait certes très exigeant mais beaucoup d’étudiants en sont aujourd’hui reconnaissants car il leur a permis de prendre confiance en eux-mêmes. Il a certainement été le Nigérien qui s’est le plus fortement engagé dans l’archéologie, dans son pays, en développant et diffusant ses approches au sein de son département d’enseignement et au-delà de nos frontières. Au fil du temps, il était devenu une véritable boussole dans ce domaine pour nombre de ses collègues. Par ailleurs, on ne peut se souvenir de Boubé Gado sans souligner ses qualités humaines qui en faisaient un pilier d’une équipe dynamique. D’un humour habile, il savait être rassembleur. D’un accès facile, il se montrait toujours d’une grande disponibilité et on savait trouver auprès de lui le conseil avisé ou l’aide escomptée. Son œuvre va vivre encore très longtemps parmi nous, comme parmi tous les historiens émérites et parmi les chercheurs en archéologie. Son expérience servira comme modèle pour nombre d’enseignants. Il fut un homme de création et d’écriture, écrivain et traducteur, il laisse une trace profonde dans la mémoire de ceux qui ont eu la chance de le connaître ou de le lire. Il nous lègue des œuvres riches et abondantes, faites de très nombreux textes inédits remplissant plusieurs caisses qui méritent de trouver un éditeur de renom. Ces différentes publications traduisent une intense activité d’Enseignantchercheur, une double dénomination qui caractérisait parfaitement le Professeur Boubé Gado. En liaison avec ses recherches, il accordait une attention particulière à son enseignement et à ses relations avec les étudiants. L’un de ses derniers combats fut de sauvegarder les archives de l’IRSH qui sont si importantes pour notre patrimoine culturel. Il faisait preuve d’écoute attentive, cherchant à régler au mieux les problèmes inéluctables d’un département aux effectifs importants. Cela pouvait certes s’accompagner d’un comportement particulier, une attitude en réalité en phase avec ses orientations 543

« Itinéraire d’un combat ! »

d’Enseignant-chercheur. Son attachement à l’IRSH, son sens de la justice et de l’équité, ainsi que sa générosité sous-tendaient sa manière d’être. C’est donc non seulement à l’enseignant et à l’infatigable traducteur, mais aussi à l’écrivain et au penseur exigeant que nous rendons hommage. Son oraison funèbre a été prononcée au cimetière musulman de Niamey par son cousin, l’Enseignant à la retraite, M. Issoufou Tchiado. Pour son compagnon, c’est une voix chaude au timbre brûlé qui vient de s’éteindre. En ces moments si tristes,

« Je me souviens d’un homme authentique et responsable, imposant par son silence tendu et par l’intelligence de ses mots et la noblesse de ses idéaux. Le Professeur Boubé Gado parlait toujours de la culture nigérienne. Je me souviens de l’autorité rayonnante avec laquelle il orchestrait ses débats dans ce domaine. Au nom de toutes et tous, en ce jour de deuil, je rends un hommage mérité à un des nôtres».

Né en 1944 à Filingué, feu Boubé Gado a obtenu successivement : – le Certificat d’Études Primaires Élémentaires (C.E.P.E), à l’école primaire de Filingué, en 1957 ; – le Brevet Elémentaire (B.E), au Cours Normal de Tahoua, en 1961 ; – le Certificat de Probation, à l’École Normale de Zinder, en 1964 ; – le Bac sciences-expérimentales, à l’École Normale de Zinder, en 1965 ; – le Certificat d’Études Littéraires Générales (C.E.L.G), à l’Université d’Abidjan, en 1966 ; – la Licence ès lettres (histoire), à l’Université de Dakar, en 1968 ; – la Maîtrise d’histoire, à l’Université de Paris VIII, mention très bien, en 1976 ; – le Doctorat de 3ème cycle d’histoire et civilisations africaines, à l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, mention très bien, en 1979. 544

Hommages

Docteur en histoire et en archéologie, il exerça les fonctions d’Enseignant-chercheur. Il est admis à la retraite administrative en 2005. Il a été Chercheur à l’IRSH, de 1970 à 2005 ; Enseignant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) de l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey (UAM), de 1976 à 2009 ; Chef du département d’art et d’archéologie de l’Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH) de l’UAM de Niamey, de 1970 à 2000 ; Directeur de l’IRSH de l’Université Abdou Moumouni Diofo de Niamey, de 1985 à 1992, puis de 2000 à 2003 ; Président de l’Association Ouest-Africaine d’archéologie ; Ministre de l’Éducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie du Niger, de 1992 à 1993 ; Président du Conseil d’Administration du musée national Boubou Hama du Niger et Président de l’ONG « S.O.S patrimoine ». Il reçut les distinctions dans les Palmes académiques du CAMES en 2004, les Palmes académiques du Niger en 2004 et obtint le Prix Boubou HAMA, le 17 Juin 1999. Feu Boubé Gado était veuf et père de sept enfants. Nous adressons à sa famille éplorée, à ses amis et connaissances notre témoignage d’affection. A son neuveu, Elhadji Abdoulaye Issa, responsable des pèlerins de l’Agence Beitoul Islam du Niger et à ses enfants, nous disons qu’ils peuvent être fiers de porter le nom du Professeur Boubé Gado. Inchallah, nous continuerons à t’aimer, mais… tu nous manqueras à jamais. Adieu Père, Adieu Maître, Adieu Cousin du Kourfèye grenier du mil du Niger, Adieu Grand Fils du Niger. Au nom de tous les Aderawas, je prie Dieu pour que ton âme repose en paix. Amen !

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Le secteur de l’élevage est en deuil au Niger : deux grands défenseurs de la cause

Dieu !

Photo Rabiou Malam Issa

des éleveurs rappelés à

Elhadji Bello Boubacar se confiant à Attaher Weidrein lors de sa dernière tournée à Bermo

L

es familles, parents, amis et connaissances ont appris à la vitesse d’un ouragan la disparition de Elhadji Boubacar Bello et de Attaher Weidrein, deux amis qui se sont donnés rendez-vous pour la défense du monde rural. Comme on le sait, plus de 85% de nos concitoyens tirent leurs ressources des activités rurales. Aussi, la plupart des perspectives de développement au Niger résident dans l’agriculture et l’élevage. A 547

« Itinéraire d’un combat ! »

cet égard, les acteurs de la société civile ont unanimement salué la mémoire des deux grands défenseurs de la cause des éleveurs. Nous avons une infinie reconnaissance pour le courage, l’abnégation et la tolérance dont ils ont fait preuve tout au long de leur vie. Elhadji Boubacar Bello, Président du Collectif des Associations Pastorales du Niger (CAPAN), est décédé le mercredi 30 septembre 2015. Son organisation, le CAPAN est créé pour mettre fin à la dispersion des efforts et à l’isolement des Associations Pastorales. Il a été mis en place en 2000, par huit Associations ayant le même objectif, la même détermination et la même volonté pour le développement du pastoralisme. Un cadre de concertation, de coordination et d’harmonisation des interventions pastorales. Le CAPAN est apolitique, laïc et à but non lucratif. Il est reconnu par arrêté N°133/ MI/D/DGAPJ/DLP du 29 avril 2003. Grâce au lobbying de son Président, il compte actuellement cinquante-six (56) organisations, dont RDM-Tanafili. Le CAPAN est représenté à l’intérieur du pays par des antennes régionales constituées de structures traditionnelles des éleveurs : Rouga, (autorités morales traditionnelles des éleveurs), Garso, (responsable des bergers et des ressources naturelles), Lamé, (responsable des femmes), Dogari, (responsables des jeunes, des activités communautaires, du protocole et de la sécurité), Dammo, (chargée des relations) et les organisations d’éleveurs spécifiques à chaque zone. Elhadji Boubacar Bello était également Président du Réseau des Chambres d’Agriculture de l’Afrique de l’Ouest (RECAO) et ancien Président du Réseau des Chambres d’Agriculture du Niger (RECA), de juillet 2006 à décembre 2014. Sous son impulsion, les Chambres d’Agriculture du Niger ont été créées par la Loi 2000-15 du 21 août 2000, complétée par un décret d’application en date du 18 mai 2001. Composé de huit Chambres régionales représentant l’intérêt de l’ensemble de la profession agricole, le RECA fait connaitre les préoccupations du monde paysan d’une voix unique. Cependant, il a fallu attendre 2004 et 2005 pour que des élections des 548

Hommages

représentants consulaires soient organisées et que les huit Chambres Régionales d’Agriculture (CRA) soient effectivement mises en place après l’élection de leurs bureaux. Le RECA a démarré ses activités en juillet 2006. Il représente l’ensemble de la profession agricole (agrosylvo-pastoral) du Niger, défend les intérêts des producteurs ruraux, joue d’interface entre les organisations paysannes, les pouvoirs publics et les partenaires au développement. Le dynamisme, le charisme, et la passion qu’animent Elhadji Boubacar Bello pour le pastoralisme ont fait de lui un grand défenseur des éleveurs. C’est toujours un plaisir d’aller le retrouver dans son sourire qui ne s’effaçait jamais. Il réserve à ses visiteurs un accueil chaleureux et enthousiasme. Il laisse derrière lui l’admiration de nombreux producteurs de notre pays pour son efficacité dans la prévention et la gestion des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Elhadji Boubacar Bello a occupé plusieurs postes de responsabilité dont la fonction d’Ambassadeur de la République du Niger, de Commissaire National des Droits Humains, de Conseiller à la Présidence de la République du Niger. Il est membre fondateur du Collectif des Associations Pastorales du Niger (CAPAN). Docteur en Islamologie, un diplôme décroché à l’Université d’Al-Azhar au Caire (Egypte) en 1968, Elhadji Boubacar Bello a également obtenu un DEA en langue à l’Université de la Sorbonne à Paris. Il est conscient de la nécessité d’aider les éleveurs à vendre leur production. Ses prises de paroles ont toujours fait avancer la cause paysanne. Attaher Weidrein, Commissaire aux comptes du Collectif des Associations Pastorales du Niger (CAPAN), s’est éteint le 24 septembre 2015, laissant ses camarades de lutte sous le choc. Co-fondateur du Collectif des Associations Pastorales du Niger (CAPAN) et membre de l’Association Timidria, il s’est beaucoup investi dans la création du Collectif des Organisations de Défense des Droits de l’Homme et de la promotion de la démocratie (CODDHD). L’homme sentait la joie de vivre et de travailler. Sa vie a été consacrée à la promotion des 549

« Itinéraire d’un combat ! »

Droits Humains avec tout le dynamisme, l’énergie et la détermination sans faille qu’on lui connaissait, il était optimiste, jamais découragé, convaincant et entraînant avec lui toutes les organisations sœurs de la société civile nigérienne. Il était aussi un grand nom de l’élevage. Attaher Weidrein s’y est donné sans compter, comme dans tout ce qu’il a entrepris au service de l’agriculture et de l’élevage, « Aux Grands Hommes la Patrie Reconnaissante ». Vos noms seront gravés dans les annales de l’histoire, pour que les futures générations n’oublient pas la cause que vous avez défendue, et la justesse de votre combat. Le lundi 29 décembre 2014, nous participions ensemble au Forum régional sur la consolidation de la paix dans la Commune rurale de Aléla, Département de Birni N’Konni. Connue pendant longtemps pour son abondance en ressources naturelles et son hospitalité, cette Commune s’est transformée subitement en un foyer de conflits meurtriers entre éleveurs et agriculteurs. Du 29 janvier au 1er février 2015, nous nous sommes retrouvés dans le village de Poundou Maïbougé, en pleine brousse dans le Département de Bermo, région de Maradi, dans le cadre de la mise en place de l’antenne locale du Collectif des Associations Pastorales du Niger (CAPAN). Notre dernière rencontre date de l’Assemblée Générale du CAPAN au Palais des Sports où les deux ont été élus par acclamation pour diriger le Bureau Exécutif National. Six jours séparent ces militants pacifistes. Attaher Weidrein, ami et disciple de Elhadji Bello Boubacar, toujours enveloppé de son fameux imperméable gris. J’ai côtoyé Elhadji Bello Boubacar pendant un mandat (quatre ans), quand nous étions Commissaires au sein de la Commission Nationale des Droits de l’Homme. Attaher Weidrein et Elhadji Bello Boubacar sont deux hommes au grand cœur. Quelle perte pour le secteur de l’élevage et au-delà, du CAPAN, pour tous les patriotes nigériens. Deux grandes sources d’inspiration tirent ainsi leur révérence. La bonté et la générosité de ces deux personnalités souriantes et 550

Hommages

simples, toutes emportées par la maladie, manqueront cruellement à la cause des éleveurs, mais leur combat continuera de vivre grâce aux structures dont ils sont membres fondateurs. Ardents défenseurs des droits des éleveurs, souvent dans des conditions difficiles, ces deux hommes étaient incroyablement brillants. Avec leur disparition, les éleveurs ont perdu deux camarades qui se sont mobilisés durant 20 ans, à leurs côtés. Ils ont la même volonté : améliorer les conditions de vie des éleveurs. En perdant Elhadji Bello Boubacar, le Niger a perdu un Président intègre, un père, un grand frère honnête, juste, courageux et bon. L’élevage leur doit ce que personne ne devra oublier. Comment ne pas rappeler que les deux hommes étaient toujours restés en contact. Ils nourrissaient de grandes ambitions, au service des éleveurs et des productions animales qu’ils ont défendus toute leur vie. Ensemble, ils étaient toujours prêts à relever de nouveaux défis, bâtisseurs dans l’âme, entreprenants, avec la volonté indéfectible d’aller toujours de l’avant. Pour nous qui avions travaillé avec ces passionnés d’agriculture, de production laitière en particulier, qui avions fait équipe avec eux dans le désert et sur les routes les plus difficiles, nous reconnaissons qu’ils étaient des exemples, des modèles pour les générations futures. Chacun le sait, ils ont laissé une trace profonde de leur passage à la tête du CAPAN. Par leur action commune, ils ont témoigné de la façon la plus éclatante que la marche vers une société débarrassée de l’exploitation et de l’oppression ne peut se concevoir sans la participation pleine et entière du monde rural. C’est cette passion qui les rendait si sensible aux problèmes des autres. Si la vie, la pensée et les actions des deux hommes sont indissolubles de tous les combats des droits des éleveurs, ils restent, les meilleurs exemples de dirigeants patriotes du monde rural. Les qualités personnelles, les forces de conviction et de persuasion, la justesse de leur analyse ont permis aux éleveurs de conduire leurs actions avec succès. Certes, leur idéal était la justice et la paix, et nul mieux qu’à ces deux 551

« Itinéraire d’un combat ! »

hommes s’applique la belle formule de Spinoza : « La paix n’est pas un intervalle entre deux guerres, c’est un état d’âme ». C’est ainsi que les œuvres de ces personnalités serviront de référence dans le domaine agricole. Au revoir à ces talentueux et passionnés de la vie associative. A leurs épouses, à leurs enfants, amis et connaissances, nous adressons nos condoléances. Que leur existence qui n’a pas été vaine serve d’exemple. Reposez en paix pour avoir tout donné au pastoralisme. Incha Allah, les éleveurs ne vous oublieront jamais.

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Quatrième partie

Témoignages de satisfaction

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Photo Rabiou Malam Issa

Cérémonie de remise officielle du témoignage de satisfaction décerné à M. Abdrahamane Ghousmane Président de la CENI du Niger

M. Abdrahamane Ghousmane recevant son témoignage des mains de Moustapha Kadi Oumani

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n cette circonstance si mémorable, ce jeudi 3 novembre 2011, je prends la parole pour souhaiter la bienvenue à toutes les personnalités ayant répondu massivement à notre invitation. La raison qui nous réunit est d’une importance capitale. Il s’agit de décerner un témoignage de satisfaction à M. Abdourahamane Ghousmane, Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Cette cérémonie hautement honorifique de par l’importance indéniable qu’elle revêt, nous réjouit à plus d’un 555

« Itinéraire d’un combat ! »

titre, car c’est la première fois que nous décernons officiellement un témoignage de satisfaction à une haute personnalité nigérienne ayant marqué son histoire et celle de son peuple au cours de l’organisation des élections démocratiques. A cet égard, il s’agit, dans l’esprit, de valoriser le travail d’un homme au sein de notre société pour reconquérir la place que méritent les hommes qui ont marqué l’histoire du Niger. J’ai connu M. Abdourahamane Ghousmane il y a déjà dix ans, dans le bureau de M. Abdou Dangladima, à la Cour Suprême. Je le revois encore, avec ses yeux clairs et aimables, se taisant, d’un air modeste et discret. Il était très engagé dans la justice, honnête, équitable. Il assumait ses positions, et il était toujours prêt à recevoir les dossiers sensibles. Jamais notre pays n’était aussi bien placé pour amorcer une véritable dynamique politique, des réformes électorales profondes et des changements remarquables qu’à son passage à la CENI. A l’évidence, la République du Niger a besoin de la vitalité de ses hommes engagés, du renforcement des liens de fraternité entre les personnalités politiques pour davantage d’équilibre, d’harmonie et de stabilité dans le pays. Je saisis donc cette occasion solennelle pour présenter nos vives félicitations à M. Abdourahamane Ghousmane, Président de la CENI, et à ses collaborateurs qui n’ont ménagé ni leur temps, ni leurs efforts multiformes pour organiser, dans de parfaites conditions, les opérations électorales, notamment l’organisation matérielle, la mise en place de 20.900 bureaux de vote, leur dotation de moyens de fonctionnement. Aussi, je saisis cette opportunité pour réitérer mes encouragements à l’ensemble des acteurs politiques nigériens dont le comportement et l’esprit de responsabilité ont permis de conduire des élections dans la paix et la sérénité. Je tiens surtout à rappeler l’engagement personnel de l’homme pour les bonnes causes. Travailleur infatigable, courageux et volontaire, avalant des heures de travail, le Président Gousmane a œuvré pour des parfaites élections au Niger. Généreux, il avait le goût des hommes justes, des contacts et des discussions franches. Tout 556

Témoignages de satisfaction

au long de sa mission, qui a consacré le retour de notre pays à une vie démocratique normale, nous avons noté le ferme engagement d’un travailleur inlassable sur les questions relatives au respect de la régularité des opérations de vote et le libre exercice du droit de vote des électeurs. A l’occasion, nous avons surtout apprécié ses grandes qualités d’homme de terrain, homme intègre, intelligent et courageux. Le Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD), le Général de Corps d’Armée, Salou Djibo, et les 60 partis politiques du Niger ne se sont pas trompés en portant leur choix sur cette personnalité. Aussi, devrais-je évoquer brièvement les qualités personnelles de l’homme. Il est un bon Chef de famille et un homme simple. Il était simplement humain et attentif aux autres. Nous savions de quelles merveilles était capable le tempérament de ce puissant organisateur qui, par ses efforts réunis à ceux des membres de la CENI, avait pu l’amener au centre de son développement. Aussi, pouvons-nous mesurer la profondeur du sacrifice qu’il dut faire pour conduire les opérations électorales. Nous savons aujourd’hui de quelles merveilles était capable le tempérament de l’homme. En accomplissant pleinement sa mission avec dévouement et abnégation, dans l’organisation des élections libres, transparentes, apaisées et acceptées par tous dans notre pays, M. Abdourahamane Ghousmane a rendu un grand service à la Nation nigérienne et à l’Afrique. Le témoignage de satisfaction que nous lui décernons ce jour n’est qu’une reconnaissance et un encouragement à l’esprit patriotique qui l’a animé tout au long du processus électoral 2010-2011. Ce parcours sans faute à la tête de la CENI a été justement favorisé par la clairvoyance, la patience et le sang-froid dont il a fait montre tout au long de cette délicate mission. La grande particularité du Président de la CENI, c’est l’importance primordiale qu’il accorde au travail d’équipe et aux dossiers sensibles qu’il a jugé avec méthode (« Affaire Pelé », « Affaire mutinerie de Diffa », « Affaire MEBA », « Affaire Fonds d’aide à la presse »). 557

« Itinéraire d’un combat ! »

Au CODDAE, on se méfie des dirigeants qui prétendent être les seuls responsables de la réussite ou du succès de leur Institution. Au nom de mon organisation, je viens apporter un suprême hommage à M. Abdourahamane Ghousmane qui, après avoir bien accompli sa mission, peut consacrer le restant de son temps à sa prospérité. Je me risquerai un souvenir personnel ! Il était mon aîné à peine de quelques jours. Je l’ai connu à l’époque avec mon oncle, camarade de promotion M. Abdou Dangladima, alors Conseiller à la Cour Suprême. Quand, il me reçoit dans son bureau au siège de la CENI, il me prépare un café spécial. Il se met immédiatement à consulter son courrier et à répondre aux appels téléphoniques interminables. Au bout de quelques minutes, j’ose lui demander Monsieur le Président dans ce processus électoral, quels sont les dossiers sur lesquels je peux apporter ma modeste contribution ? Il quitte son fauteuil et vient s’asseoir en face de moi sur le canapé et me dit : « J’ai, autour de moi une équipe remarquable qui fait un excellent travail, mon rôle c’est bien sûr d’animer cette équipe mais surtout d’être sur le terrain pour motiver, pour créer une dynamique, pour négocier avec les partenaires, toi tu connais le terrain et j’ai donc besoin de toi pour sensibiliser tous les acteurs électoraux ».

Sur la base de son dynamisme, les huit scrutins ont été organisés en si peu de temps et ont été un franc succès, en témoignent les déclarations des observateurs de l’Union Européenne, du CODDAE, du CODDHD et des autres organisations de la société civile nigérienne et africaine. Voici un exemple à suivre par tous les africains. En effet, pour que les élections aient un tel éclat et répondent à la grande satisfaction des acteurs politiques et partenaires internationaux, il faut un dirigeant très attentionné, un homme chaleureux et cultivé à l’écoute de ses collaborateurs et partenaires, et donc de la carrure de M. Abdourahamane Ghousmane pour surmonter les multiples obstacles. Travailleur acharné et respectueux, sa disponibilité, son sens de discernement et d’indépendance lui ont permis de traiter avec objectivité les différents scrutins avec un bilan reconnu positif par les partenaires nationaux, régionaux et internationaux. Grâce à 558

Témoignages de satisfaction

sa perspicacité, son esprit de tolérance et son objectivité, il a réussi à donner à tout un peuple l’espoir d’un lendemain meilleur. Toutefois, il faut rappeler qu’il a aussi frôlé de très près la frustration compte tenu des défis importants à relever et notamment, le peu de temps dont il a disposé et l’insuffisance de moyens financiers dans la conduite à leurs termes, en un an, des différentes étapes du processus électoral, c’est une chose inédite au Niger, en Afrique et même dans le monde. Nous avons encore en mémoire les récriminations des partis politiques qui ne voulaient pas respecter le chronogramme établi qu’ils avaient pourtant accepté tous au début. En réalité, M. Abdourahamane Ghousmane a été victime de pressions de toutes sortes. Je tiens aujourd’hui à lui rendre un hommage mérité. M. le Président de la CENI, je vous souhaite, en plus, bonne chance dans vos entreprises et beaucoup de courage dans vos nouvelles fonctions professionnelles. J’interpelle fortement les responsables de notre pays et autres partenaires internationaux de garder une pensée positive pour tout ce que vous été capable de faire pour ce pays que vous aimez tant. Que Dieu vous accompagne. Amen !

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Photo Rabiou Malam Issa

Témoignage à Mr Salifou Labo Bouché, ancien Ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information

Le Ministre Salifou Bouché recevant le témoignage de satisfaction des mains de Moustapha Kadi Oumani

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otre pays, le Niger est un exemple unique d’engagement aux principes de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), en inscrivant dans sa Constitution du 25 novembre 2010, en ses articles 148 à 155 et, plus précisément à l’article 150, que « Les contrats de prospection et d’exploitation des ressources naturelles et du sous-sol, ainsi que les revenus versés à l’Etat désagrégés société par société, seront intégralement publiés au Journal Officiel de la République du Niger ». 561

« Itinéraire d’un combat ! »

A cet égard, nous organisons ce 1er juin 2013, à Niamey au siège du Collectif des Organisations pour la Défense du Droit à l’Énergie (CODDAE), une Conférence-débat sur le thème : « Gouvernance et contrôle public et citoyen des opérations pétrolières ». L’occasion est saisissante puisqu’elle servira de lieu de cérémonie officielle pour décerner un témoignage officiel de satisfaction à M. Salifou Labo Bouché, ancien Ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information. Objectif, lui exprimer notre gratitude et notre reconnaissance d’avoir contribué positivement à la promotion des droits fondamentaux des consommateurs. En cette circonstance, nous adressons nos remerciements aux personnalités qui ont rehaussé de leur présence la cérémonie. Pour rappel, dans le souci de contribuer à la transparence au Niger, le CODDAE, en partenariat avec la Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux (IFES), avec l’appui financier de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), a initié des Journées d’information et de sensibilisation à Zinder, Ollaléwa et à la SORAZ. Pour présenter les conclusions de ces campagnes de sensibilisation, la présente rencontre a été prévue dans le but d’informer l’opinion nationale et internationale. Pour transformer en réalité les attentes de notre pays, il y a lieu de veiller à ce que les Nigériens soient véritablement sensibilisés sur les opportunités et conséquences d’un secteur où l’opacité est de règle, surtout au niveau de certaines compagnies d’exploration et d’exploitation. Les engagements pris par notre pays nous commandent de rappeler à l’ordre toutes compagnies qui dérogent à la réalité. A cet égard, pour répondre aux préoccupations légitimes des populations, le CODDAE a traduit en langue Haussa la Constitution de la VIIème République, le Code Minier et le Code Pétrolier, édités dans un recueil mis à la disposition des populations, afin de permettre à tous les citoyens d’accéder facilement aux informations. C’est pour la première fois dans notre histoire qu’une structure de la société civile décerne un témoignage 562

Témoignages de satisfaction

officiel de satisfaction à un Ministre en reconnaissance des services rendus aux vaillantes populations nigériennes. Cette distinction constitue un véritable défi pour le maintenir à hauteur et même à l’encourager de faire plus. A cet effet, nous comptons sur son ferme engagement pour aller de l'avant et maintenir le flambeau toujours haut. Il s’agit pour nous d’inciter une haute personnalité que nous avons observé travailler avec méthode, cohérence et persévérance, sur le chemin de la croissance dans le secteur de la communication et des nouvelles technologies, un secteur d’avenir pour le Niger. Durant sa mission, M. Salifou Labo Bouché s’est singulièrement appuyé sur les organisations des consommateurs que nous sommes, se distinguant de certains Ministres restés champions dans l’exclusion de la société civile. A cet égard, il est de notre devoir d’affirmer que c’est sur son instruction que les organisations des consommateurs dans leur ensemble ont été impliquées dans les comités les concernant. Grâce à cette participation effective nous avons relevé, par exemple sur la question de l’identification des abonnés de la téléphonie mobile, que le bilan de l’opération n’a pas répondu aux attentes des Nigériens, et que le taux actuel tourne autour de 82% pour divers motifs. Entre autres raisons mises en exergue : l’opération s’est déroulée dans une période où la plupart des consommateurs ruraux sont dans les champs. En période hivernale, les orages et pluies interviennent à tout moment et interrompent le plus souvent les opérations d’identification. La majorité des abonnés, surtout ruraux, ne disposent pas de pièce d’identité. L’identification par témoignage est trop limitée et n’est pas sécurisante pour ceux qui acceptent de le faire, ce qui a entraîné du coup une certaine rétraction. Le manque d’accompagnement de cette opération d’identification avec une campagne foraine d’attribution de pièces d’identité, a lourdement contribué au résultat passable auquel l’opération est parvenue. Conséquence : plus de 15% des consommateurs ont perdu leurs moyens de communication du fait que le Gouvernement a appliqué 563

« Itinéraire d’un combat ! »

l’ultimatum fixé dans un délai non consensuel au 25 août 2013. Du coup, un découragement a été enregistré chez les consommateurs ruraux, dont l’impact sur les chiffres d’affaires des opérateurs de la téléphonie cellulaire et un manque à gagner quant aux recettes fiscales et non fiscales de l’Etat. Depuis lors, la vie politique nationale connaît une agitation sans précédent. Pour l’ONG CODDAE, la meilleure manière de régler un problème de ce genre, c’est de mettre en avant la concertation et le dialogue, afin de donner un espoir aux fils de ce pays pour nous libérer de toute déviation. Pareillement, la vision d’être membre du Gouvernement ne sous-entend pas aller à la soupe et mépriser les autres. En vérité, notre faiblesse économique ne peut être surmontée que lorsque chacun met en avant l’intérêt général et la cohésion au plan politique et économique, pour mettre fin au pillage actuel de nos maigres ressources. C’est dire qu’aucune cause sociale digne de ce nom ne peut se passer de la quiétude sociale dans un pays comme le Niger, confronté à l’insécurité grandissante à ses frontières. Pour toutes ces raisons, les Nigériens ne pourront parvenir à un développement durable qu’en respectant les principes cardinaux de l’ITIE. C’est pourquoi, nous invitons les dirigeants politiques à la sagesse et à la responsabilité en s’inspirant du comportement exemplaire de M. Labo Bouché qui, aujourd’hui et demain, peut compter sur le soutien de la société civile nigérienne qui l’écoutera avec attention et considération. Le dialogue, en démocratie est l’un des moments forts dans la marche vers les hauts sommets de la gouvernance. C’est le lieu d’en appeler à une solidarité plus agissante entre les acteurs sociaux qui devaient échanger davantage entre eux, défendre l’intérêt national et organiser régulièrement des rencontres d’échanges. A ce titre, les défis sont gigantesques et nombreux, et nous en avons conscience car, jamais notre pays n’a été aussi bien placé pour amorcer une véritable dynamique politique, des réformes profondes et des changements remarquables, que maintenant. Nous avons confiance dans l’ITIE, dans ses capacités, dans sa lucidité, 564

Témoignages de satisfaction

dans sa volonté d’être capable de nous garantir un avenir meilleur. Rien n’est inaccessible à des acteurs lucides, conscients de leurs responsabilités et confiants en leur propre destin. A l’évidence, la République du Niger a besoin de la vitalité de ces entreprises, du renforcement des capacités des acteurs pour davantage d’équilibre, d’harmonie et de stabilité. Dans cet esprit, les acteurs de la chaine doivent comprendre toutes les initiatives de dialogue, de concertation et de consultation dans divers secteurs de la vie de la Nation. Il va sans dire que notre pays a besoin d’un consensus, le plus large possible pour assurer la prise en charge prioritaire de ses concitoyens à travers ses ressources minières. C’est au moyen de débats citoyens que nous poserons les jalons d’une stabilité permanente qui va permettre de transformer notre pays en un véritable pôle de croissance au moyen de stratégies de développement local et de projets facteurs d’intégration. Faute de pouvoir expliquer dans les détails les efforts inlassables déployés par M. Salifou Labo Bouché dans plusieurs domaines pour des raisons d’émotion, j’adresse nos vifs remerciements à la Fondation pour les Systèmes Électoraux IFES et à l’USAID qui nous ont toujours soutenus dans nos activités. J’ai encore en mémoire l’engagement et la volonté de M. Amourlaye Touré, Directeur Pays, pour son objectivité et sa rigueur dans la gestion dudit projet. A cet effet, j’exhorte les Nigériens et particulièrement les organisations de la société civile intervenant dans les opérations pétrolières, d’accorder plus d’intérêt au contrôle citoyen et à l’unité d’action. Je voudrais enfin solliciter tous les dignitaires religieux pour prier en faveur de notre compatriote M. Mahaman Laouan Gaya, un de nos Conférenciers admis depuis le mois de décembre 2012, comme Expert International en charge des questions énergétiques à Bujumbura au Burundi.

565

Photo Rabiou Malam Issa

Témoignage à M. Nouhou Mahamadou Arzika après son évacuation sanitaire au Maroc

M. Nouhou Mahamadou Arzika, Président du MPCR, après son hospitalisation à Rabat

B

ientôt trois mois que notre frère et ami, le Camarade Nouhou Mahamadou Arzika, homme engagé sur tous les fronts et Ambassadeur de bonne volonté, n’est pas apparu en public, pour des raisons de santé. Après avoir passé plusieurs semaines au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Niamey, il a été évacué au Maroc et admis à l’Hôpital International Check Zaïd de Rabat pour recevoir des soins intensifs. Depuis son retour au Niger, il est convalescent à son domicile situé au quartier Saga, à Niamey, où 567

« Itinéraire d’un combat ! »

tous les jours, amis, parents et connaissances défilent à son chevet pour lui souhaiter un bon rétablissement. Son état est de nouveau stable et très encourageant. Il va mieux et nous espérons l’accueillir dans l’arène du combat les prochains jours, Incha Allah. A l’occasion de la visite que je lui ai rendue dans la nuit du samedi 7 mars 2015, je l’ai trouvé avec le sourire aux lèvres. J’étais donc content pour lui et pour toute sa famille. Coïncidence remarquable, le Président Nouhou, malgré sa maladie, m’a chargé de transmettre son message à l’endroit de ceux qui pensent à lui et qui ne cessent de s’enquérir de son état de santé. Le message que je vous invite à découvrir est pathétique. Mais avant, pour avoir partagé des moments privilégiés avec lui, je me fais l’agréable devoir de vous faire remarquer que du point de vue historique, quoi qu’on dise, avec le Camarade Nouhou Mahamadou Arzika, nous avons passé de merveilleux moments et ensemble avons fait des choses prodigieuses dans notre cher pays, le Niger. Le travail qu’on a pu réaliser a véritablement contribué à rendre possible le déclic d’une prise de conscience collective. Mieux, pour parvenir à créer cette prise de conscience citoyenne à tous les niveaux, nous avons organisé, avec peu de moyens, des débats d’opinion et des manifestations de rues, pour dire notre mécontentement aux politiques antisociales que préconisaient nos dirigeants. A toutes les occasions, nous avons interpellé les autorités en équipe soudée en tant qu’acteurs et interlocuteurs incontournables des pouvoirs publics à travers nos nombreuses contributions à la consolidation de l’unité nationale, à la stabilité de nos Institutions et à la renaissance de notre économie. Au niveau des citoyens, cela a été justement le détonateur de plusieurs évènements. Pourtant, c’est par de simples actions d’acteurs de la société civile ayant pour vocation d’inverser certains comportements et attitudes de nos autorités à tous les niveaux, que nous avons réussi à leur faire changer certaines décisions nuisibles ou improductives. Nos actions, toujours bénévoles, ont été faites sans ambiguïté, jamais au 568

Témoignage à M. Nouhou Mahamadou Arzika après son évacuation sanitaire au Maroc

hasard et jamais spontanée comme le pensent certains néophytes. Ces actions ont concouru à apporter un changement mémorable dans le quotidien des Nigériens. 10 ans après, on commence à voir des résultats notables d’un travail d’accompagnement. Ce combat pour la légalité, parfois violemment réprimé par la police nationale, n’a jamais été apprécié par les autorités. Fort heureusement, nos méthodes pacifiques sont citées en exemple dans les pays voisins et par nos partenaires. C’est pourquoi, lors de nos arrestations à la Police, les agents nous interrogent longuement sur les objectifs des mobilisations que nous organisons pour l’émancipation de tous et ne retrouvent rien à redire. Et immanquablement, ils finissent par prononcer une relaxe inévitable. Grâce à ce noble combat qui a démontré notre potentiel national, les Nigériens ont compris qu’ils ont des droits et qu’ils peuvent, dès lors, se féliciter des actions qui ont été menées pour être là où nous sommes aujourd’hui. Notre stratégie consiste toujours à éviter les pièges de ceux qui pensent que nous sommes leurs adversaires, alors qu’il n’en est rien, juste parce qu’ils veulent jalousement garder certains avantages illégaux ou exceller dans les abus, et de fait n’entendent pas s’en démarquer. Naturellement, notre rôle d’acteurs de la société civile s’impose à tous les gouvernants dans le respect mutuel. Comme on a pu le constater, il s’agit d’un partage de rôles bien réparti entre : M. Nouhou Mahamadou Arzika, M. Marou Amadou et moi-même. Notre combat mené de la manière la plus simple était simplement orienté sur l’attitude de nos honorables Députés Nationaux et autres hauts responsables de l’Etat, à « faire main basse » sur les maigres ressources du pays. D’ailleurs, il nous arrivait à l’occasion des débats radio-télévisés de les inviter de retourner les problèmes dans tous les sens afin de voir la lumière au bout du tunnel. Chacun de nous, quelles que soient les difficultés qu’il rencontrait, a su jouer son meilleur rôle. Avec l’arrivée du Président Français, M. Nicolas Sarkozy, annonciateur de l’opération « Tazartché », officiellement, 569

« Itinéraire d’un combat ! »

cette théorie nous a mis dans la position où chacun a pensé être plus utile à son pays. Nous savons clairement que tous les Gouvernements qui se sont succédés ont enregistré d’immenses retombées de notre lutte commune. A ce titre, toute modestie gardée, nous avons mené un combat difficile pour que le Niger prétende véritablement à un développement harmonieux et que chacun accepte le débat public. Aujourd’hui, comme hier, nous gardons l’espoir pour un Niger en marche, car nous avons la ferme impression que la relève sera bien assurée par nos jeunes frères. S’agissant du point d’orgue de ma visite chez le Président Nouhou Mahamadou Arzika, le message qu’il a bien voulu me délivrer comporte des mots qui font chaud au cœur. A cette occasion, il a touché du doigt les difficultés qui minent notre édifice social et qui freinent notre développement socioéconomique. Sans détour et comme dans ses habitudes, il a dénoncé les tares qui caractérisent la gestion de notre pays sur le triple plan sécuritaire, institutionnel et politique. Fidèle aux principes de justice et de liberté, il déclarait : « Tout d’abord, je remercie l’Omnipotent et le Tout Miséricordieux qui m’a permis de retrouver lentement ma santé, assez fragilisée à un certain moment. Dieu m’a permis dans son infinie bonté, d’adresser le présent message à mes compatriotes. Maintenant, je me sens beaucoup mieux. J’adresse mes sincères remerciements à tous ceux qui, de près ou de loin, m’ont témoigné leur sympathie et leur compassion durant toute cette période d’épreuve. Dans les prochains jours, je serai ravi d’être parmi vous en reprenant mes activités, surtout que nous sommes à la veille du dixième anniversaire de la journée historique du citoyen nigérien, le 15 mars de chaque année. C’est justement avec beaucoup de peines que j’ai vécu ces moments difficiles et d’absence du terrain, compte tenu des multiples évènements douloureux que notre pays a connus, notamment les tristes évènements des 16, 17 et 18 janvier 2015 à Zinder, Niamey, Agadez et Gouré, et les évènements du 6 février à Bosso et Diffa. Aussi, j’ai mal vécu mon absence physique sur le terrain, le 17 février 2015, à l’occasion de la marche républicaine qui pour moi était une véritable occasion d’expression de notre peuple qui a fortement affirmé son rejet de toutes formes de terrorisme, particulièrement celui de Boko Haram qui continue encore à semer la psychose et la peur chez bon nombre des citoyens innocents. Il nous appartient de prendre très au sérieux ce phénomène qui a endeuillé tant de familles et détruit l’avenir de beaucoup de jeunes. Les opportunités ne manquent pas au Niger. La responsabilité incombe à nos gouvernants de proposer des 570

Témoignage à M. Nouhou Mahamadou Arzika après son évacuation sanitaire au Maroc solutions alternatives. Aujourd’hui, j’ai sur le cœur la culture de la paix et la quiétude dans notre cher pays. C’est pourquoi, à l’endroit des jeunes et vieux, je lance un appel citoyen pour une véritable prise de conscience de notre responsabilité historique dans la construction et l’établissement de notre Nation que nous voulons unie, forte, solidaire et fraternelle. Je lance pareillement un appel patriotique à l’ensemble des acteurs politiques et sociaux pour qu’ils privilégient l’intérêt général et l’intérêt national dans leur approche de toutes les questions de l’heure. J’en appelle également à la cohésion nationale et souhaite vivement que les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) poursuivent leur noble mission jusqu’à la victoire finale contre les Djihadistes. Plus encore, j’invite les Nigériens à se mettre véritablement ensemble, d’éviter les règlements de compte politique et de placer le Niger qui est la cible des attaques terroristes devant toutes leurs priorités. »

C’est le témoignage d’un combattant affirmé, patriote convaincu, qui a le privilège de bien connaître son pays. Pas prétentieux, gentil, unanimement reconnu, il est aimé partout où il passait… M. Nouhou Mahamadou Arzika est doué d'une parfaite maitrise des différentes Constitutions et dossiers qui fachent. Né dans une famille modeste, c'est un acteur pour qui les Nigériens ont de l'admiration, mais rares sont les intellectuels qui osent le dire. Il est surtout doter d’une probité exemplaire et militant de la juste cause depuis les évenements du 9 février 1990. Il dit sa vérité qui peut ne pas plaire à d’autres. Une marque qui ouvrira la voie à des milliers d’autres acteurs de la société civile africaine qui s’efforcent à lui ressembler. Il laissera une trace indélébile dans l’histoire. Je ne saurais lui exprimer ma reconnaissance et ma gratitude pour tout ce qu’il a fait pour son pays, qu’il aime de cet amour immense... Président modèle et courageux, l’exemple de sa réussite ne faiblira jamais. Il n'y a pas de mots pour décrire sa vision !

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liste des acronymes et abréviations

AEP : Adduction d’Eau Potable AIE : Agence Internationale de l’Énergie AGR : Activité Génératrice de Revenu AMEN : Alliance des Mouvements pour l’Émergence du Niger AMN : Association des Municipalités du Niger ANDP-Zaman Lahya : Alliance Nigérienne pour la Démocratie et le Progrès Agence Nigérienne de Financement des Collectivité ANFINCT : Territoriales Agence Africaine de Presse APA : ANLC : Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption Agence Nationale pour la Promotion de l’Électrification ANPER : Rurale ARD Adaltchi-Mutuntchi : Parti Alliance pour le Renouveau Démocratique ARM : Autorité de Régulation Multisectorielle Accords de Partenariat Economique APE : Accès aux Services Énergétiques ASE : Accès aux Services Énergétiques Modernes ASEM : Banque Africaine de Développement BAD : BC/FT : Blanchiment des Capitaux et Financement du Terrorisme Banque Islamique de Développement BID : Banque Islamique de Développement et le Commerce BIDC : Banque Mondiale BM : BOAD : Banque Ouest Africaine pour le Développement BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières Brésil, Russie, Inde, Chine BRIC : Brevet Elémentaire B.E : Comité d’Aide au Développement CAD : Centre Culturel Franco-Nigérien CCFN : Caisse Autonome de Financement de l’Entretien Routier CAFER : Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement CAMES : Supérieur Convention Démocratique et Sociale CDS-Rahama : Communauté Économique des États de l’Afrique CEDEAO : de l’Ouest Collège d’Enseignement Général CEG : Commission Électorale Nationale Indépendante CENI : CENTIF : Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières Certificat d’Étude Primaire Elémentaire CEPE : 573

« Itinéraire d’un combat ! » CERE-DH :

Centre d’Enseignement, de Recherche et d’Études en Droit Humanitaire et en Droits de l’Homme C.E.L.G : Certificat d’Études Littéraires Générales CHU : Centre Hospitalier Universitaire CFEB : Comité national chargé du Fichier Électoral Biométrique FCFA : Franc des Colonies Françaises CFNU : Commission Franco-Nigérienne de l’Uranium CIM : Comité Interministériel Cadre Logique CL : CM : Conseil Municipal CMC : Combustible Moderne de Cuisson CNC : Centre National de la Cinématographie CNC : Comité National de Concertation Conseil National de l’Environnement pour CNEDD : un Développement Durable CNES : Centre National de l’Énergie Solaire CNME : Comité National Multisectoriel Énergie CODDAE : Collectif pour la Défense des Droits à l’Énergie COFO : Commission Foncière Comité de Gestion des Établissements Scolaires COGES : COPA 2016 : Coalition pour l’Alternance Politique au Niger en 2016 CP : Comité de Pilotage CPCT : Caisse de Prêt aux Collectivités Territoriales CPDN : Contribution Prévue Déterminée au niveau National CPR-INGANCI : Congrès Pour la République Commune Rurale CR : Commission de Recherche et d’Information Indépendantes CRIIRAD : sur la Radioactivité Cellule de Renseignements Financiers CRF : Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie CSRD : Centre de Santé Intégré CSI : Comité Technique Interministériel de l’Uranium CTIU : Cour Pénale Internationale CPI : Association Internationale Droit à l’Énergie DAE : Direction Générale de l’Énergie et du Pétrole DGEP : DIRCABA : Directeur de Cabinet Adjoint DPGE : Déclaration de Politique Générale Énergétique Développement du Réseau Électrique Interconnecté du DREIN : 574

Liste des acronymes et abréviations Niger DREP : DSRP : DOS : EDER : ENUSA : FAD : FAO :

Direction Régionale de l’Énergie et du Pétrole Documents de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté Déclaration d’Opérations Suspectes Energie et Environnement pour le Développement Rural Empresa Nacional de Uranio S. Espagne Fonds Africain de Développement Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FAFD : Forum Africain du Film Documentaire FASEM : Fonds d’Appui Services Énergétiques Modernes FCFA : Franc de la Communauté Financière Africaine FDS : Forces de Défense et de Sécurité FECCOS : Festival de la Concorde et de la Cohésion Sociale FEM : Fonds pour l’Environnement Mondial FIDA : Fonds International pour le Développement Agricole FLAA : Front de Libération de l’Air et de l’Azawak FLSH : Faculté des Lettres et Sciences Humaines FMI : Fonds Monétaire International FONER : Fonds Nigérien pour l’Électrification Rurale FSD : Fonds Saoudien de Développement FUCOPRI : Fédération des Unions des Coopératives Rizicoles FUSAD : Front Uni pour la Sauvegarde des Acquis Démocratiques FVVA : Femme, Voiture, Villa, Argent GEF : Global Environment Facility GES : Gaz à Effet de Serre GgéqCO2 : Giga gramme équivalent Carbone = 1000 tonne équivalent Carbone GIABA : Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest GIE : Groupement d’Intérêt Economique GPP : Groupement des Professionnels du Pétrole GRAC : Groupe de Réflexion et d’Actions des Cadres Chrétiens Catholiques du Niger GREENPEACE : Organisation Mondiale Indépendante de Défense de l’Environnement Haute Autorité de Lutte Contre la Corruption HALCIA : et les Infractions Assimilées 575

« Itinéraire d’un combat ! » HC/AVN : HCRP : IDDH : INDRAP : I3N : IFAC : IFES : IFTIC : IMF : INRAN : INS : INTOSAI : IRSH : IST : IUTS : JAD : JID : JO : KFAED : KV : LBR : LBC/FT : MCO : MDP : MEF : MEP : MEPRED : MNJ : MJ :

Haut-commissariat à l’Aménagement de la Vallée du Niger Haut-Commissaire à la Restauration de la Paix Institut Danois des Droits de l’Homme Institut National de Documentation, de Recherche et d'Animation Pédagogique Initiative « Les Nigériens Nourrissent les Nigériens » Conseil des Normes Internationales d’Audit et d’Assurance Fondation Internationale pour les Systèmes Électoraux Institut Supérieur de Formation aux métiers des Télécommunications Institutions de Micro Finance Institut National de la Recherche Agronomique au Niger Institut National de la Statistique Lignes Directrices sur les Normes de Contrôle Interne à Promouvoir dans le Secteur Public Institut de Recherches en Sciences Humaines Infection Sexuellement Transmissible Impôt Unique sur les Traitements et Salaires Journées d’Action Démocratiques Journées d’Initiations Démocratiques Journal Officiel Fonds Koweïtien pour le Développement Economique de l’Afrique Kilovolt Livre Blanc Régional pour l’Accès des Populations aux Services Énergétiques Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme Teneur Moyenne du Minerai Mécanisme de Développement Propres Ministère de l’Économie et des Finances Ministère de l’Énergie et du Pétrole Mainstreaming Energy for Poverty Reduction and Economic Development (Intégration des Services Énergétiques pour le Développement et la Réduction de la Pauvreté) Mouvement des Nigériens pour la Justice Ministère de la Justice 576

Liste des acronymes et abréviations MNRD Hankuri : Mouvement Nigérien pour le Renouveau Démocratique MODEN-FA/LUMANA-AFRICA : Mouvement Démocratique Nigérien pour une Fédération Africaine MPN Kishin Kassa : Mouvement Patriotique Nigérien MPR Jamhurya : Mouvement Patriotique pour la République Marché Rural de Bois MRB : MRN : Mouvance présidentielle pour la Renaissance du Niger MSND-Nassara : Mouvement Nigérien pour la Société de Développement MT : Moyenne Tension MW : Mégawatt NAMA : Mesures Nationales d’Atténuation des effets liés au Changement Climatique NEPAD : Nouveau Partenariat Africain pour le Développement NIGELEC : Société Nigérienne d’Électricité NITRA : Société Nigérienne de Transit OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques ODD : Objectifs de Développement Durable OFEDES : Office des Eaux du Sous-sol du Niger OGM : Organisme Génétiquement Modifié OLANI : Office du Lait du Niger OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement ONAHA : Office National des Aménagements Hydro-Agricoles ONERSOL : Office National de l’Énergie Solaire ONIMED : Observatoire Nigérien Indépendant des Médias pour l’Éthique et la Déontologie ONG : Organisation Non Gouvernementale Office National de la Poste et de L’Épargne ONPE : ONPPC : Office National des Produits Pharmaceutiques et Chimiques du Niger ONU : Organisation des Nations Unies ORTN : Office de Radiodiffusion et Télévision du Niger OSD : Opérateur de Service Délégué OURD : Overseas Uranium Resource Development Co. Ltd OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole PAS : Programme d’Ajustement Structurel Personne Affectée par le Programme PAP : PAR : Plan d’Action de Réinstallation 577

« Itinéraire d’un combat ! » PASE : Projet d’Accès aux Services Énergétiques Programme d’Appui à la Société Civile phase II PASOC II : PCA : Président du Conseil d’Administration PCASE : Plan Communal d’Accès aux Services Énergétiques PCM : Programmes Communs du Millénaire PCPN : Consolidation de la Paix au Niger PDC : Plan Développement Communal PDES : Plan de Développement Economique et Social Plastique Souple de type Polyéthylène à Basse Densité PEBD : PGES : Programme de Gestion Environnementale et Sociale PIC : Programme Indicatif de Coopération PME : Petites et Moyennes Entreprises PNA-AlOuma : Parti Nigérien pour l’Autogestion Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme PNDS : Plan National de l’Environnement et du Développement PNEDD : Durable PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PSR : Programme Statistique Régional POLBT-Niger : Plate-forme Nigérienne des Organisations de la Société Civile pour la Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme PPN-RDA : Parti Progressiste Nigérien (PPN), section du Rassemblement Démocratique Africain PPP : Partenariat Public Privé Programme des Pays Pauvres Très Endettés PPTE : Programme national d’Accès aux Services Énergétiques PRASE : Présidence de la République du Niger PRN : Partenaires Techniques et Financiers PTF : Plateforme Multifonctionnelle PTFM : Système Photovoltaïque PV : Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès RDP-JAMA’A : Radio France Internationale RFI : Société le Riz du Niger RINI : Rassemblement Social-Démocrate RSD Gaskiya : SAW : Salallahu Alayhi Wa Salam, traduit littéralement signifie que Dieu prie sur le Prophète Mohammed, fils d’Abdoullah et le salue. Le sens est que les bénédictions de Dieu et la paix soit sur lui. 578

Liste des acronymes et abréviations SE4ALL: Sustainable Energy for All Services Énergétiques Modernes SEM: Association en vue de Protéger et Défendre les Populations SHERPA : Victimes de Crimes Économiques Service de renseignements militaires italiens SISMI : Société Nigérienne de Cimenterie SNC : SNE : Société Nationale des Eaux SNTN : Société Nationale des Transports Nigériens SNTV : Société Nigérienne des Transports Voyageurs SOCOGEM : Société de Construction et de Gestion des Marchés SOMAIR : Société des Mines de l’Air SONIDEP : Société Nigérienne des Produits Pétroliers SONITEXTIL : Société Nigérienne de Textile SOPAMIN : Société du Patrimoine des Mines du Niger SORAZ : Société de Raffinage de Zinder SRP : Stratégie de Réduction de la Pauvreté SPEGH : Société Exploitante et Propriétaire de l’Hôtel Gaweye TE : Territoire Énergétique Tep : Tonne Équivalent Pétrole TéqCO2 : Tonne équivalent Carbone TGI : Tribunal de Grande Instance TSE : Taxe Spécifique sur l’Électricité TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée UA : Union Africaine UDR-Tabat : Union pour la Démocratie et la République UE : Union Européenne UEMOA : Union Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique de l’Ouest UMO : Unité de Mise en Œuvre du PASE/SAFO USAID : Agence des États-Unis pour le Développement International WANEP : West Africa Network for Peace building

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Photos Rabiou Malam Issa

« Itinéraire d’un combat ! »

Vernissage de l’ouvrage « Un Tabou Brisé » à l’hôtel Gaweye de Niamey, présidé par le Ministre Oumarou Hadary

Le Président Issoufou Mahamadou remettant la Médaille de Commandeur à Moustapha Kadi Oumani

Cérémonie de remise d’attestation de stage à Washington à Moustapha Kadi Oumani

De droite à gauche M. Zéty Maiga, Gouverneur de la région de Tahoua, M. Ali Djadjé, Préfet du Département d’Illéla et M. Oumarou Cheffou, Maire de la ville

M. Kadir Topbas, Maire d’Istanbul et Moustapha Kadi Oumani dans le cadre de la visite des Istanbulawas en Turquie

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Photos Rabiou Malam Issa

Album photos

Le Comité national chargé de la réforme de la lutte traditionnelle en conclave dans la région de Tahoua

Débat à la Télévision Bonféreye avec le Président du parti PNA, Sanoussi Tambari Jackou, Pr Djibril Abarchi et Abdou Wadata

M. Moustapha Kadi Oumani accueillant le Sultan de Damagaram, Aboubacar Sanda à l’ENSP de Zinder

Les membres du Comité d’organisation du Festival de la Concorde et de la Cohésion Sociale (FECCOS) à Illéla

Les Ministres Labo Bouché, M. Laouan Gaya, Kalla Mountari et M. Oubandoma Salifou/HALCIA au siège du CODDAE

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TABLE DES MATIÈRES

Dédicaces ............................................................................................................7 Témoignage ........................................................................................................9 Remerciements de l’auteur ..............................................................................11 Préface ...............................................................................................................13 Présentation de l’auteur ..................................................................................17 Introduction .....................................................................................................25 PREMIERE PARTIE Les dossiers brûlants........................................................................................31 Les raisons d’une plainte contre l’Administration George Bush .............33 Relance de la privatisation de la Nigelec et situation des sociétés privatisées.....................................................................................47 Pourquoi l’uranium a fait tomber le régime de M. Diori Hamani ? ..............65 Electricité au Niger : le devoir de conscience s’impose !............................89 Encore une fois l’uranium trouble le sommeil d’un Président au Niger ..........................................................................................99 Insécurité croissante au Nord Niger : à quand la paix ? ...........................113 Un nouvel accord d’un goût d’inachevé sur l’uranium .............................131 Si le nomadisme m’était conté ? ...................................................................139 Société civile et syndicalisme ? .....................................................................151             L’actualité culturelle au Niger, un grand événement : « le FECCOS » .....171 Conditions d’extraction de l’uranium au Niger .........................................191 583

« Itinéraire d’un Combat ! »

Contribution à la consolidation de la paix entre éleveurs et agriculteurs .................................................................................................205 DEUXIÈME PARTIE Communications ...........................................................................................213 A quand le Barrage de Kandadji ? ..............................................................215 Accès à l’énergie : cas du Niger ....................................................................223            "" Hydroélectricité et développement durable ...............................................241 Attaque meurtrière d’une mission saoudienne à Diamballa ........................261 Rôle de l’énergie dans le développement d’un pays ..................................271 Rôles des Associations dans un régime démocratique .............................279 Etat des Droits de l’Homme au Niger en 2009 ..........................................285 Médiation de la CEDEAO au Niger ...........................................................299 Exécution de trois ressortissants Nigériens en Libye ...............................311 Communication à la réunion du 8ème Conseil d’Administration de l’Association Droit à l’Énergie SOS Futur ............................................321 Gouvernance des OSC et processus de mise en réseau au Niger ...............335 Assemblée Générale élective du CODDHD.................................................345 Forum National sur la lutte contre la vie chère au Niger ...........................355 Rentrée solennelle du Barreau du Niger en 2012.......................................363 Processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives au Niger (ITIE) .................................................373 Accès à l’énergie au Niger .............................................................................387 #  $%      & %      "'" Énergies : on n’est pas tous égaux !..............................................................401 Décentralisation, facteur de développement et de cohésion sociale .........409 Les évènements historiques liés à la lutte contre la vie chère au Niger ...417 Contribution de l’étudiant dans la lutte contre le terrorisme....................433 Jeunesse, paix et développement durable ...................................................441 Tendances et dynamiques des élections passées et à venir (2011-2016) ..449 COP 21 : « Le droit à l’énergie pour tous un droit oublié » ...........................461 *& +  / ;   <      % = >' #    %  %@     %  % =  >QV 584

Table des matières

Rôles des médias en période électorale .......................................................493 Clef de lecture du nouveau paysage socio-politique du Niger ....................501 L’Afrique de l’Ouest face au blanchiment d’argent ! ...............................509 TROISIÈME PARTIE Hommages posthumes .................................................................................519 Deuxième anniversaire du rappel à Dieu de notre père Elhadji Kadi Oumani, Chef de Canton d’Illéla .........................................521 Hommage à Almoustapha Alassane, grand maître du Septième Art Nigérien et concepteur des Armoiries Nationales.............................529 Hommage à Elhadji Magori Harouna, père du réalisateur Nigérien, Sani Magori ...................................................................................537 Hommage à un grand Baobab qui vient de tomber : le Professeur Boubé Gado ............................................................................541 Le secteur de l’élevage est en deuil au Niger : deux grands défenseurs de la cause des éleveurs rappelés à Dieu ! ................................547 #W+YZ[\] ^Y+Z]

Témoignages de satisfaction ........................................................................553 *@   @     @      

décerné à M. Abdrahamane Ghousmane, Président de la CENI du Niger ..........................................................................................................555 Témoignage à Mr Salifou Labo Bouché, ancien Ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information ............................................................................................561 Témoignage à M. Nouhou Mahamadou Arzika après son évacuation sanitaire au Maroc ......................................................................567 LISTE DES ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS ...............................573

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Le Niger aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions

La responsabilité des commissions électorales au Niger

Moussa Salissou

Cet ouvrage pose le vrai débat sur les processus électoraux au Niger; au-delà, il met en exergue la question fondamentale des élections en Afrique. Il se veut une contribution à l’approfondissement de la démocratie et au renforcement de l’État de droit, ainsi qu’à la consolidation de la paix et de l’unité nationale au Niger. (Coll. Études africaines, 18.50 euros, 176 p.) ISBN : 978-2-343-12247-2, ISBN EBOOK : 978-2-14-004110-5 Lougou et Saraouniya Nouvelle édition revue et augmentée

Moulin Nicole, Namaïwa Boubé, Roy Marie-Françoise, Zamo Bori Préface d’Yvon Logéat

Le village de Lougou, au Niger, est un haut lieu culturel et historique : centre de la culture azna et résidence de la Saraouniya, reine dont le pouvoir perdure depuis des siècles. Les Saraouniya de Lougou ont incarné le pouvoir politique et l’autorité religieuse jusqu’à l’arrivée de l’expédition coloniale française de Voulet et Chanoine en 1899. Le village fut détruit et aujourd’hui appauvri et dépeuplé, Saraouniya Aljimma vit dans l’isolement de sa case. Depuis 2001 des actions de solidarité et d’autodéveloppement se multiplient et l’espoir renaît. L’audience de Saraouniya s’étend avec le mouvement d’émancipation des femmes. (Coédition Tarbiyya Tatali, 20.00 euros, 232 p.) ISBN : 978-2-343-10550-5, ISBN EBOOK : 978-2-14-004077-1 Le bruissement des souvenirs Récit d’un instituteur nigérien

Beïdi Boubacar Hama - Préface de Jean - Dominique Pénel

L’ouvrage couvre la vie de l’auteur des années 1970 à 1991. A travers ses différents postes d’affectation dans des écoles rurales et urbaines, on suit le jeune élève - maître qui finit par devenir conseiller pédagogique. Au village, l’enseignant est nécessairement aussi un éducateur par son comportement, par son souci de connaître le milieu complexe où il vit et par les activités périscolaires (jardin, coopérative...) qu’il mène avec ses élèves. C’est ce quotidien qui nous est présenté. (Coll. Écrire l’Afrique, 29.00 euros, 280 p.) ISBN : 978-2-343-10291-7, ISBN EBOOK : 978-2-14-003079-6 Entretiens avec Boubakar Ba Un Nigérien au destin exceptionnel

Abba Seidik

Témoin de l’évolution de l’Afrique contemporaine, cet ouvrage aborde le parcours exceptionnel du professeur Boubakar Ba (décédé en 2013) et les enjeux d’une actualité brûlante : l’État postcolonial en Afrique, la conscience africaine, les défis des universités du continent. Boubakar

Ba revient sur ses rencontres avec Léopold Sédar Senghor, Albert Tévoédjré, sur la jeunesse du capitaine Thomas Sankara. Il décrypte le coup d’État militaire d’avril 1974 au Niger, les relations entre Hamani Diori, Seyni Kountché, Mahamadou Issoufou et l’université. (12.50 euros, 112 p., ) ISBN : 978-2-343-06027-9, ISBN EBOOK : 978-2-336-37550-2 Chronique des Kwanawa Mémoire des Anciens

Issa-Danni Soumana Dangaladima Préface de Boubé Namaïwa

Cet ouvrage présente l’histoire d’une communauté, celle des Kwanawa dans la région de Dogondoutchi, au Niger. Remontant à l’alliance originelle nouée entre les humains et les forces de la nature, retraçant l’épopée légendaire qui aboutit à l’organisation des différents pouvoirs avec l’aide des reines du Daura et de Lougou, le récit se poursuit jusqu’à l’époque actuelle, à travers la période coloniale et le Niger indépendant, sans que le fil ne soit à aucun moment rompu. (Coédition Tarbiyya Tatali, 20.00 euros, 208 p.) ISBN : 978-2-343-05104-8, ISBN EBOOK : 978-2-336-36804-7 Profession : marabout en milieu rural et urbain L’exemple du Niger

Diarra Mohamed Abdoulay

Le maraboutisme est très présent dans la société contemporaine africaine, aussi bien en milieu urbain que rural. Si l’auteur de ce livre a eu des entretiens avec différents marabouts, il s’interroge sur la compréhension de leur histoire, leurs différentes activités dans la société, les relations qu’ils entretiennent avec leurs clients, les témoignages de ces derniers, et le déroulement de leurs travaux. Ce livre identifie les conditions de l’activité des marabouts au Niger, des origines à nos jours. (Coll. Études africaines, 26.50 euros, 254 p.) ISBN : 978-2-336-30132-7, ISBN EBOOK : 978-2-336-35835-2 traces (Les) de ma mémoire Souvenirs d’un instituteur nigérien

Boubacar Hama Beïdi

Né vers 1951 à Birni N’Gaouré, à une centaine de kilomètres au sud-est de Niamey (Niger), l’auteur nous fait découvrir sa vie d’enfant et d’adolescent jusqu’à sa sortie du lycée avec son BEPC, en 1967. Son vécu, c’est à la fois celui de la culture peule, sa communauté, sous ses divers aspects, et celui de l’histoire du Niger, qui nous conduit de la fin de la période coloniale au début, difficile et violent, de l’indépendance, quand s’affrontent les partis de l’éléphant (RDA) et du dromadaire (SAWABA). (Coll. Écrire l’Afrique, 23.50 euros, 272 p.) ISBN : 978-2-343-04199-5, ISBN EBOOK : 978-2-336-35704-1 Commerçants et entrepreneurs du Niger (1922-2006)

Gandah Nabi Hassane - Préface de Odile Goerg

Cet ouvrage porte sur l’organisation du commerce au Niger de l’époque coloniale à nos jours et appréhende à travers les mutations socio-économiques et politiques les trajectoires personnelles des entrepreneurs et les principaux ressorts de l’accumulation. (Coll. Études africaines, 36.00 euros, 352 p.) ISBN : 978-2-336-29136-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51596-3 Dynamique du Pulaaku dans les sociétés peules du Dallol Bosso (Niger)

Oumarou Amadou

Cet ouvrage s’attache d’abord à identifier les conditions de variation des principaux cadres au sein desquels s’exprime le Pulaaku dans les sociétés peules du Dallol Bosso (Niger) et voir en quoi les pratiques socioéconomiques ou religieuses contribuent à la réinvention et/ou au maintien du système de culture peule. Il analyse ensuite le «processus de réinvention» de ce système culturel

à travers les stratégies d’adaptation et d’intégration des éléments de changement dans son fonctionnement quotidien. (Coll. Études africaines, 29.00 euros, 290 p.) ISBN : 978-2-296-99466-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-50148-5 Anthropologie et écosystèmes au Niger Humains, lions et esprits de la forêt dans la culture gourmantché

Pedro Galhano Alves Joao - Préface de Danielle Vazeilles

Au sud-ouest du Niger des communautés humaines coexistent encore quotidiennement avec des lions et la grande faune sauvage. Cet ouvrage explore la complexité de ces cultures et de leurs relations avec la nature. Il procède à une description de la région, de ces sociétés, de leurs systèmes d’utilisation des ressources naturelles, de leurs représentations culturelles et de leurs relations avec la biodiversité. Il étudie l’ensemble de la culture et du mode de vie des Gourmantché. (45.00 euros, 448 p.) ISBN : 978-2-296-99197-2 L’oignon du Niger Etude d’une filière traditionnelle face à un marché globalisé

Tarchiani Vieri, Abass Mallam Assoumane, Robbiati Georgia

Forte d’une production annuelle de plus de 400 000 tonnes, la filière oignon représente aujourd’hui pour le Niger la principale source de recettes d’exportation après l’uranium. L’étude de cette filière ouvre des perspectives nouvelles et contribue à redéfinir le rôle de l’agriculture sahélienne dans le développement et l’intégration régionale. En dépit de la mondialisation, la filière nigérienne reste dominante sur les marchés régionaux. (16.50 euros, 164 p.) ISBN : 978-2-296-56282-0 Niger : le cas du Damagaram Développement régional et identités locales

Danda Mahamadou

Comment les institutions de gestion administrative régionale s’articulent-elles à des espaces sociaux pour construire des espaces politiques essentiels à la mise en oeuvre des politiques publiques dans la perspective de la good governance et espérer optimiser les stratégies de réduction de la pauvreté ? L’auteur appréhende l’influence de la vitrine identitaire du Damagaram dans le fonctionnement des institutions en charge du développement en région. (Coll. Études africaines, 31.50 euros, 308 p.) ISBN : 978-2-296-96078-7 L’économie agricole au Niger

Boureima Moussa

L’économie agricole nigérienne se caractérise par une production dépendante des aléas climatiques et insuffisante pour assurer la sécurité alimentaire des populations, un surpeuplement des sphères productives occupant plus de 80% de la population active nationale, une faiblesse structurelle de l’épargne et de l’investissement, une balance commerciale déficitaire pour les céréales. En voici un panorama. (Coll. Études africaines, 10.50 euros, 70 p.) ISBN : 978-2-296-96360-3 Les Peuls WoDaaBé du Niger Douce brousse

Kristin Loftdottir Traduit de l’anglais par Marie-Françoise De Munck

Voici un regard très personnel sur la vie des WoDaaBé, nomades du Niger qui tentent de vivre entre la brousse et la ville. Les observations scientifiques sont entrecoupées par les réflexions plus personnelles et les analyses issues de l’expérience de l’auteur, jeune femme blanche immergée dans la vie quotidienne des WoDaaBé. (23.50 euros, 228 p.) ISBN : 978-2-296-96941-4

L’HARMATTAN ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino [email protected] L’HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L’HARMATTAN KINSHASA 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala Kinshasa, R.D. Congo (00243) 998697603 ou (00243) 999229662

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ITINÉRAIRE D’UN COMBAT Décryptage des dossiers brûlants au Niger

Dans cet ouvrage, l’auteur met en évidence des questions d’actualité sur le Niger. Il nous invite à lire les événements passionnants de l’histoire de son pays à travers une compilation de textes et de témoignages vivants sur les relations tendues entre celui-ci et la France, la vente controversée d’uranium du Niger à l’Irak, les enjeux majeurs de l’accès à l’énergie, le problème récurrent de l’insécurité quasi généralisée... Tous les grands combats qu’il a menés sont relatés sans détour. L’auteur a voulu exprimer la nature de ses perceptions à travers ses luttes quotidiennes, partageant ses sensations et sentiments à propos de thèmes variés dont les conséquences sont imprévisibles, offrant ici un ouvrage porteur d’espoir et de fierté, pour le Niger en particulier et pour l’Afrique en général.

Moustapha Kadi Oumani est né le 26 juin 1961 à Illéla, au Niger. De formation aéronautique, il est passionné par la défense des droits humains et la promotion de la démocratie. Il est actuellement président de l’ONG Collectif pour la défense du droit à l’énergie (CODDAE), de l’association RDM-Tanafili, du Réseau des associations des consommateurs du Niger (RASCONI) et de la Plateforme nigérienne des organisations de la société civile pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (POLBFT). Grand officier de l’Ordre national du Niger, il est à la fois Grand Témoin au sein du Conseil national du dialogue politique (CNDP) et directeur de cabinet du médiateur de la République du Niger. Il a publié précédemment Un tabou brisé, l’esclavage en Afrique (Cas du Niger), L’Harmattan, 2005.

Photo de couverture : © Rabiou Malam Issa.

ISBN : 978-2-343-10564-2 45 e

Préface d’Albert Michel WRIGHT