HISTOIRE ORIENTALE. HISTORIA ORIENTALIS 9782503525211, 2503525210

Sur les relations complexes et riches entre Occident et Orient, l'Historia orientalis fournit un témoignage de prem

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HISTOIRE ORIENTALE. HISTORIA ORIENTALIS
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JACQUES DE VITRY Histoire orientale

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SOUS LA RÈGLE DE SAINT AUGUSTIN collection dirigée par Patrice Sicard et Dominique Poirel

JACQUES DE VITRY Histoire orientale Historia orientalis Introduction, édition critique et traduction par Jean Donnadieu

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Ce livre est dédié à la mémoire de mes parents et à Chantal, mon épouse.

© 2008

F H G, Turnhout (Belgium)

Imprimé en Belgique D/2008/0095/117

ISBN 978-2-503-52521-1

All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without the prior permission of the publisher.

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Jacques de Vitry et l’Historia orientalis La naissance de Jacques de Vitry est à situer entre 1165 et 1170. Il a fait ses études à Paris, auprès des écoles qui ne sont pas encore réunies en Université ; il est possible qu’il y ait connu l’enseignement de Pierre le Chantre et en ait diffusé partiellement le message, peut-être sous l’influence de Robert de Courson. La date à laquelle il est devenu prêtre n’est pas connue et les sources divergent à ce sujet. Selon Vincent de Beauvais il aurait occupé une cure à Argenteuil en région parisienne avant de rejoindre la communauté canoniale du prieuré Saint-Nicolas d’Oignies dans le diocèse de Liège, attiré par la réputation d’une pieuse laïque, Marie de Nivelles (1208). Selon Thomas de Cantimpré il n’aurait été ordonné prêtre que deux ans plus tard, alors qu’il était déjà membre de la communauté d’Oignies. Jusqu’à la mort de Marie en 1213 il vécut dans l’entourage de celle-ci tout en faisant ses débuts de prédicateur dans la croisade contre les Albigeois, en Flandre et dans les territoires limitrophes, prédication qui lui valut une réputation dépassant les limites du diocèse de Liège. Enfin, à la demande de Foulques, évêque de Toulouse, il rédigea une Vie de Marie d’Oignies, le premier de ses écrits. Le prieuré de Saint-Nicolas a tenu une grande place dans la vie et la carrière de Jacques de Vitry ; ce fut le lieu d’une intense relation spirituelle, le berceau de sa vocation de prédicateur et d’où il partit vers l’Orient (1216). En  

J. Longère, ‘Pierre le Chantre’, DEMA, 2, p. 1220. Speculum historiale 30, 10 (MGH SS, 24, p. 165) ; le prieuré d’Oignies se trouvait sur l’actuelle commune d’Aiseau-Presles dans le Namurois.  Thom. Cant., Sup. 1 (p. 573).  Vita Mariae, prologue (p. 549).   Thom. Cant., Sup. 1, 3 (p. 573).

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effet, cette année-là il est élu évêque d’Acre – alors siège du second royaume latin de Jérusalem – charge qu’il occupa de novembre 1216 à 1227, faisant outre-mer un séjour de sept ans environ, dont près de quatre en Égypte dans les opérations militaires de la cinquième croisade (1217-1221). On considère qu’il a quitté l’Orient en 1225 pour ne plus y revenir et, dès 1226, plusieurs actes le signalent comme ­évêque auxiliaire dans le diocèse de Liège, fonction dévolue souvent à un évêque in partibus infidelium. Mais c’est en 1227 qu’il fut véritablement relevé de son siège ; son successeur fut désigné l’année suivante. À la mort de l’évêque de Liège, Hugues de Pierrepont, Jacques fut appelé à Rome et nommé cardinal et évêque de Tusculum par le pape Grégoire IX (juillet 1229) ; jusqu’à la fin de sa vie (1240) il partagea son temps entre des missions, l’étude et la rédaction de sermons dont on en recense plus de quatre cents répartis en quatre séries : Sermones dominicales, Sermones de sanctis, Sermones ad status, Sermones feriales. L’Historia orientalis ou Historia Hierosolimitana abbreviata tient une place éminente dans l’œuvre de Jacques de Vitry, non seulement en raison de son succès, puisqu’on ne compte pas moins aujourd’hui de cent vingt-quatre manuscrits allant du xiiie siècle au xvie siècle, mais aussi parce qu’elle marque une étape importante de la carrière et de la pensée de son auteur. Ce développement sur l’histoire du Proche-Orient et de la Terre sainte depuis Abraham jusqu’au treizième siècle a été jusqu’ici considéré par les historiens comme la première  U. Berlière, ‘Les évêques auxiliaires de Liège’, Revue Bénédictine, 29 (1912),

p. 10.  Aubri de Trois-Fontaines, Chronica, éd. P. Scheffer-Boischorst, MGH SS,

23, 1877, p. 919 ; A. Potthast, Regesta pontificum Romanorum (1198-1304), 2, Berlin, 1874-1875, n° 7676.  C. Eubel, Hierarchia Catholica Medii Aevii, Ravensburg, 1898, p. 66.  Thom. Cant., Sup. 4, 24 (p. 579) ; Schneyer, Repertorium, p. 179-221.

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partie (livre I) d’une œuvre en trois volets avec prologue. Le prologue et le livre III sont des écrits sur la cinquième croisade, le livre II, ou Historia occidentalis, porte sur la réforme de l’Église en Occident, il est proche du livre I par le style et partiellement au moins par le contenu. Il est admis aujourd’hui que le livre III n’est pas de Jacques de Vitry, et la paternité du prologue, dont la rédaction est concomitante à celle de cet ouvrage, est révoquée en doute10. L’Historia ne peut être dissociée des lettres de Jacques de Vitry, qui rapportent les événements survenus en Orient pendant la cinquième croisade. Au nombre de six à l’intérieur d’une collection de sept lettres, elles ont été envoyées entre octobre 1216 et avril 1221 et sont authentifiées par leur dernier éditeur11. Elles ont été recopiées plusieurs fois en plusieurs exemplaires et expédiées chacune à des destina­taires différents : les amis et connaissances de Jacques restés en Europe tant dans le diocèse de Liège qu’à Paris, ainsi qu’au pape Honorius III12. Elles n’ont pas eu de large diffusion en dehors des bénéficiaires eux-mêmes ou de leur entourage. L’Historia orientalis est un ouvrage de circonstance, lié au séjour de Jacques de Vitry en Orient au cours de la cinquième croisade. Ce livre – outre les développements historiques qu’il contient – se présente comme un réquisitoire contre les habitants de Palestine. La présentation du milieu humain constitue la part la plus intéressante de l’ouvrage et la plus originale ; le tableau exhaustif qu’il en propose est singulier dans l’historiographie de l’époque. L’auteur s’appuie quand il peut sur des informations récoltées auprès des habitants, notamment les communautés chrétiennes orientales. Il fait 10 J. Donnadieu, ‘L’Historia orientalis de Jacques de Vitry, tradition manuscrite

et histoire du texte’, Sacris Erudiri, 45 (2006), p. 433-440. lettre 3 de la collection n’est pas de Jacques de Vitry, Huygens, p. 4041. 12 Huygens, p. 37 sq. 11 La

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passer directement en Europe du nord ces informations alors que la tradition dans ce domaine suivait plutôt les voies de l’Europe méridionale. Les lettres et l’Historia orientalis sont à leur manière des récits de correspondant de guerre, qui rapportent les événements et décrivent le milieu humain du Proche-Orient d’alors dans sa variété d’origine, de croyance, d’expression. Date et lieu de composition. Le titre Date de composition La date et le lieu de composition de l’Historia orientalis ont donné lieu à des conjectures. On a supposé assez tôt que la période romaine de 1229 à 1240 avait été mise à profit par Jacques de Vitry pour composer son ouvrage, mais l’hypothèse sort affaiblie de l’examen des manuscrits et de l’état d’inachèvement du livre II13. Il est certain aujourd’hui que l’Historia a été composée en Orient, et Claude Cannuyer situe cette composition à Damiette en Égypte entre l’année 1219 et le mois d’avril 1221, alors que l’armée des croisés, assiégée, était dans l’attente de renforts avant d’engager une offensive contre le sultan. Selon cet auteur, l’évêque d’Acre aurait commencé à rédiger l’Historia peu avant ou juste après la prise de Damiette (5 novembre 1219) et l’aurait achevée aux alentours d’avril 1221, hypothèse fondée sur la comparaison entre les informations contenues dans les chapitres 80 et 77 et la correspondance14. Elle se fondait encore sur les termes 13 J. Basnage, Thesaurus monumentorum eccclesiasticorum et historiacorum sive Hen-

rici Canisii, lectiones antiquae, 4, Amsterdam, 1724, p. 27-28. ‘La date de rédaction de l’Historia Orientalis de Jacques de Vitry 1160/70-1240 évêque d’Acre’, Revue d’histoire ecclésiastique, 78 (1982), p. 65-72.

14 C. Cannuyer,

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du prologue qui se présente comme le point de départ d’une composition en trois livres écrits en Égypte. En réalité il est difficile de faire crédit à ce texte qui a été rédigé en Europe, après les livres I et II, pour introduire un livre III apocryphe lui aussi composé en Europe à une date inconnue, probablement postérieure à la mort de Jacques15. En second lieu, il paraît peu probable que le livre I, qui fait appel à un grand nombre de références, ait pu être rédigé de façon continue et sans interruption, dans des conditions aussi inconfortables que celles d’un siège militaire. À cet égard la richesse, que signale le prologue, des bibliothèques de Damiette en livres latins, grecs et arabes, relève du topos littéraire plus que d’une réalité. Nous proposons plutôt d’élargir la période de rédaction de l’Historia. Il est possible d’admettre que la composition s’est achevée après le séjour en Égypte (automne 1221), une fois l’évêque de retour à Acre. Les dissensions entre les cités italiennes, évoquées au chapitre 64, et qui se référent peutêtre à la guerre de 1222 entre Génois et Pisans, sont un indice pour repousser la fin de composition au cours de l’année 1223 ou 122416. Nous sommes assurés que l’ouvrage était terminé en 1224 car le manuscrit d’Oignies, exemplaire dont l’editio princeps est la copie, portait cette date dans le colophon, du moins peut-on le supposer, car elle se trouve rapportée à la fin de la dernière page du texte édité17. Ce terminus ad quem (ca. 1223/1224) confirme que l’Historia a été composée en Orient, puisque Jacques de Vitry s’y trouvait cette année-là. Nous ne disposons pas d’une date aussi assurée pour les débuts de l’entreprise. La convergence d’informations entre la lettre 2 et l’Historia laisse croire que plusieurs documents furent réunis au cours des années 15 J. Donnadieu, art. cit., p. 447-450. 16 Grousset, Histoire, 3, p. 536. 17 Moschus, p. 228.

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1216-1218, en particulier les renseignements sur les communautés orientales et l’Islam. En conséquence il paraît préférable de détacher la composition de l’Historia orientalis des circonstances avancées dans le prologue apocryphe et ­d’étendre sa rédaction sur une période plus longue, qui a dû com­mencer dès 1216 pour s’achever bien après la fin des hostilités (ca. 1223/1224). Le titre Le livre I apparaît le plus souvent sous le titre d’Historia Hierosolymitana abbreviata ou d’Historia orientalis, mais les variantes rencontrées dans les manuscrits montrent que le nom n’était pas véritablement fixé : Historia transmarina ; Liber de redemptione et captione terrae sanctae alias liber de actibus terrae sanctae ; Liber de redemptione terre sancte ; Libri de receptione et captione terre sancte ; Librum de redemptione et captione terre sancte ; Tractatus de redemptione et captione terre sancte; Liber Mahometi ; Liber de ymagine mundi ; Liber de mirabilibus mundi. À suivre Thomas de Cantimpré dans le prologue du Liber de Natura rerum, Jacques de Vitry aurait lui-même appelé son livre l’Historia orientalis, témoignage unique et ancien à considérer avec précaution parce que Thomas fait parfois preuve de parti pris en ce qui concerne Jacques de Vitry18. Il est possible que le prologue plus tardif, en distinguant deux livres d’histoire sur l’Orient et l’Occident, ait offert par la suite une clé de lecture pour les dénommer commodément sous des titres tels qu’Historia orientalis et Historia occidentalis. Thomas se serait contenté de diffuser une dénomination plus conforme à l’objet de son ouvrage sur la nature. 18 Thom.

Cant., Liber, p. 3 ; dans son ouvrage sur les abeilles Thomas cite Jacques de Vitry parmi les auctoritates avec Aristote, Solin, Pline, Basile et Amboise, Thom. Cant., Bonum, p. 1.

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L’intitulé d’Historia Hierosolymitana abbreviata est d’interprétation délicate, et nous ne disposons pas d’un témoignage aussi net que celui de Thomas de Cantimpré pour apprécier cette appellation. Il se retrouve pourtant dans un grand ­nombre de manuscrits, et on peut estimer qu’il a été donné concomitamment avec l’autre intitulé d’Historia orientalis19. Ce titre a été compris en général comme étant celui d’un abrégé d’une Historia Hierosolymitana qui aurait repris les chroniques de croisade, celles de Foucher de Chartres ou d’Albert d’Aix. Pourtant en dépit de l’usage constant qui est fait de l’œuvre de l’archevêque de Tyr, Guillaume, le but de l’ouvrage est différent si l’on considère que le livre I embrasse un sujet plus étendu que celui des chroniques et que, tout en s’en inspirant, il développe un discours original. On remarque en outre que le livre II ou Historia occidentalis, dont le contenu est étranger à l’histoire de Jérusalem et des croisades, est considéré assez souvent dans les manuscrits comme la seconde partie de l’Historia Hierosolymitana abbreviata, autrement dit son volet occidental20. Dans ces conditions l’intitulé, s’il est authentique, revêt un sens différent et plus large que celui d’une histoire abrégée des croisades. Le prologue apocryphe présente le livre I comme un compendium de l’histoire de Jérusalem, et c’est ainsi que l’ouvrage se présente aux deux premiers chapitres. De cette façon le titre d’Historia Hierosolymitana abbreviata serait à comprendre comme l’abrégé des combats livrés pour la conquête et la possession de Jérusalem à travers les exemples tirés de l’histoire de la cité, présentée comme le lieu unique de l’histoire du salut. Ensuite, cette Historia Hierosolymitana, récit abrégé de l’histoire de Jérusalem, devient un condensé de l’histoire du Peuple de 19 Les manuscrits E et B portent ce titre. 20 J. Longère, ‘Jacques de Vitry’, DEMA,

1, p. 802 ; HOc Traduction, p. 27-

28.

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Dieu et l’expression de cette histoire à Jérusalem, lieu qui, tout à la fois, occupe la position centrale du récit, entre les chapitres 50 et 63, et commande le sens du discours. Ce titre pourrait supposer un sens plus spirituel s’accordant au thème commenté souvent par les théologiens de la seconde moitié du xiie siècle, saint Bernard notamment, pour désigner le Christ comme expression ramassée du Verbe divin21. En conséquence, les deux intitulés proposent deux lec­ tures, l’une historique et géographique, l’autre spirituelle, les deux étant liées. Le prologue apocryphe, plus tardif, en résumant le contenu d’un ouvrage en trois livres, a pu jouer un rôle dans l’attribution respective des titres pour les deux premiers présentés comme achevés, ce qui conduirait à croire que l’auteur n’a donné de titre à aucun des deux. La méthode dans l’Historia orientalis Plan et composition Le plan Le livre I suit un ordre principalement chronologique tout en insérant d’importants passages de nature documentaire et thématique. Il commente et explique les étapes de l’histoire de la Terre sainte et de l’Église en Orient. On peut y distinguer cinq parties recevant chacune un certain nombre de subdivisions séparées par des chapitres de transition :

21 Verbum

abbreviatum et abbrevians, salubre compendium, H. de Lubac, Exégèse Médiévale. Les quatre sens de l’Écriture, Paris, 1959-1964, 3, p. 193 ; Ibid. p. 181-196.

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Jérusalem au centre du salut. Brève histoire d’Abraham à Héraclius. Conquête arabe, vie et doctrine de Mahomet, synthèse sur l’Islam jusqu’au xiie siècle et description des peuples qui l’ont adopté.

HOr 15-HOr 69 Mission et prédication de Pierre l’Ermite. Récupération de la Terre sainte par la première croisade et étapes de l’établissement des États latins. Tableau de la restauration de l’Église en Orient. HOr 70-HOr 83 Jalousie du démon et division des chrétiens : religieux, prêtres et laïcs. Retour sur les communautés précédemment examinées, leurs vices. HOr 84-HOr 93 La nature en Orient : la terre, l’eau, les plantes, la faune sauvage, les serpents, les oiseaux et les poissons, les hommes. Comparaison avec l’Occident. Exaltation de l’œuvre divine dans le monde. HOr 94-HOr 102 Retour du péché. Victoire des Sarrasins et perte de Jérusalem. Succès et insuccès des Latins jusqu’au IVe concile de Latran. Attente et espoir d’un secours.

Le récit de l’Historia est donc divisé en chapitres, mais il est probable que la version originale n’en était pas dotée22. Le manuscrit d’Oignies quant à lui, qui représente la version la plus ancienne connue, en comptait cent deux. Par la suite l’essentiel de la tradition manuscrite a adopté plutôt une organisation en cent chapitres avec des titres simplifiés. Ce nombre en définitive comporte des écarts d’un témoin à l’autre, variations sans grande conséquence sur le récit qui se lit de façon continue. Ainsi les paragraphes et groupes de paragraphes sont-ils réunis par des mots de liaison qui 22 Tel

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est l’avis de l’éditeur du livre II, Hinnebusch, p. 62.

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d­ onnent au texte une unité narrative. Il s’agit le plus souvent d’adverbes : igitur, etiam, autem. Ces liaisons sont parfois plus appuyées pour raccorder des passages que sépare un développement plus important, tel le chapitre 14 dont les dernières lignes renvoient au chapitre 3. Ailleurs, elles sont des lieux communs du discours historique : Il serait trop long et bien au-dessus de mes faibles capacités de raconter par le menu la force, la noblesse, la distinction et la vaillance de cet homme et des autres chevaliers du Christ. (HOr 30)  C’est un ouvrage bien difficile et au-dessus de mes forces que d’exposer et passer en revue la manière dont les glorieux chevaliers du Christ, dont la mémoire... (HOr 37)

Le chapitre 1er donne le thème du livre, la place de Jérusalem et de la Terre sainte dans l’histoire humaine et l’histoire du salut. Le temps de l’Église commence au chapitre 2 (tempus Christianorum) pour subir, à partir de la conquête perse (614-629), une brève éclipse qui prend un tour défi­ nitif avec la conquête musulmane (HOr 2-HOr 15). La première croisade et la prise de Jérusalem marquent une nouvelle étape dans l’histoire de l’Église en Orient, un renouveau, décrit à travers l’histoire du royaume latin dans un tableau des institutions et des établissements religieux et la présentation des forces combattantes et productives (HOr 16-HOr 70). Enfin les chapitres 70 à 83 de l’Historia font le bilan des causes de l’affaiblissement et de la perte du royaume latin. C’est ainsi que la dégradation morale et les divergences dogmatiques entre chrétiens ont favorisé la décadence de l’Église universelle. La démonstration, qui repose sur des références d’origine orientale, dont la chronique de Guillaume de Tyr, et sur des considérations propres à Jacques de Vitry, s’interrompt alors à la fin du chapitre 83. La seconde partie du livre est introduite par une longue transition qui annonce un développement dont l’objet ­semble

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différent et l’inspiration toute autre (HOr 84-HOr 102)23. Nous étions en Terre sainte dans le royaume de Jérusalem et nous entrons dans le domaine de l’Orient par un classement des choses de la nature – plantes, animaux, pierres – longue digression au thème annoncé au chapitre 1er, qui se poursuit, après une nouvelle transition, par l’examen des peuples fabuleux d’un Orient lointain et l’exposé de mirabilia (HOr 92). Une dernière et forte transition introduit la fin de l’ouvrage consacré cette fois à la perte de la Terre sainte et à la chute du premier royaume latin (HOr 94-HOr 99). La fin du livre est une conclusion qui exprime l’attente d’une nouvelle croisade (HOr 102).  En conséquence si l’Historia se présente comme un récit continu qui rapporte les vicissitudes de l’histoire de l’Église en Orient, on y relève une nette rupture à partir du chapitre 84. Jusqu’à ce point la composition est particulièrement travaillée et soignée. Elle est conforme au style de Jacques de Vitry, celui de l’Historia occidentalis et des premières lettres. Au contraire l’ensemble qui suit jusqu’à la fin donne l’impression d’avoir été rédigé avec plus de hâte ; il rassemble des développements reliés par des transitions plus laborieuses. Ces développements s’appuient sur des catalogues, des références littéraires reprises telles quelles ou à peine modifiées, tandis que s’estompe le style propre à l’évêque d’Acre. Il faut peutêtre attribuer ce changement sensible au fait que l’auteur aurait été plus sollicité dans les années qui suivirent la croisade, ce qui a pu le conduire à accélérer son travail d’écrivain24. 23 Cette

transition, comme d’autres qui la suivent, peut être comparée à une ligature, car elle relie deux morceaux de nature différente. 24 Parmi ces sollicitations il faut sans doute privilégier les affaires de la cité d’Acre où l’évêque avait fort à faire avec les Italiens et les Hospitaliers, mais encore son séjour en Europe en 1222-1223, Hinnebusch, p. 6. Il est à noter enfin que la lassitude qu’il commençait à éprouver dans ce poste exposé a pu le contraindre à hâter la fin de son livre, Huygens, p. 154-155.

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Les procédés d’exposition On peut considérer que l’Historia orientalis utilise plusieurs procédés d’exposition ou manières de raconter. On peut en compter au moins cinq : la chronologie place le récit dans sa dimension temporelle, la compilation conforte l’argumentaire par un apport des données, le classement introduit une hiérarchie dans la nomenclature des faits ou des choses, la comparaison donne du relief à l’expression, l’abrégé réduit la perspective et donne de l’intensité au discours. Mais si nous les distinguons, ces manières se confondent pour colorer le récit d’une tonalité moins contrastée. Le récit suit une trame chronologique tout en s’appuyant sur le schéma augustinien de la succession des six âges du monde. L’histoire de Jérusalem commence donc à sa fondation, au troisième âge, et se poursuit jusqu’au xiiie siècle, le temps présent25. Tout en suivant le cours du temps, l’Historia orientalis ne cherche pas à en tenir le compte précis. Elle ne se présente pas véritablement comme des annales ou même comme une chronique. La première expansion musulmane est traitée au chapitre 3, mais la période comprise entre les conquêtes de Jérusalem par les Arabes (639) et par les croisés (1099) est évoquée sans datation, tandis qu’au chapitre 8 on relève un saut temporel important entre l’époque d’Ali, quatrième calife (ca. 650), et celle de Saladin (1180) sans que cela nuise à la compréhension du récit. Le donné chronologique se traduit par des locutions générales qui renvoient au passé supposé lointain « unde usque hodie » (HOr 10). Le plus souvent tel fait ancien ou remarquable, enchâssé dans un exposé plus synthétique, sert de repère : le meurtre d’un émissaire des Assassins (HOr 14), la reconstruction de Jéru25 Guillaume

de Tyr ne procède pas ainsi et commence sa chronique au règne de l’empereur byzantin Héraclius (610-632).

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salem sous l’empereur romain Hadrien (HOr 60), l’adoption de la règle du Temple au concile de Troyes (HOr 65), l’invitation du patriarche maronite au concile de Latran (HOr 78), le couronnement du roi d’Arménie en 1198 (HOr 79), la destruction des murs de Jérusalem (HOr 80). Mais la datation précise en jours, mois et années reste très exceptionnelle, survenant seulement pour quatre événements d’importance : les reconquêtes d’Antioche (HOr 18) et de Jérusalem (HOr 20), les combats perdus du Casal Robert et de Hattîn (HOr 96). Cette trame chronologique est nourrie par une accumulation de détails ou de faits qui relèvent de la compilation. Car l’Historia se présente encore comme une succession d’événements – telle par exemple la prise d’une cité – ou de traits – ses origines, son site, ses ressources. Ces traits et événements s’ajoutent les uns aux autres jusqu’à former une somme. Contrairement aux chroniques de croisade, ces événements ne sont pas rapportés pour en fixer la mémoire, mais plutôt comme les arguments d’une démonstration. Tels sont les passages sur les établissements latins en Orient entre les cha­ pitres 20 à 50. Chaque rubrique est une pièce supplémentaire qui conforte une argumentation montrant la reconquête de la Terre sainte et la constitution des États latins comme la contrepartie d’un renouveau religieux, et comment ces hauts faits ont favorisé le rétablissement de l’Église. Cependant, les récits et les descriptions sont simplement juxtaposés, ce qui confère à l’ensemble du texte une certaine neutralité de ton. L’Historia en effet ne fait que rarement état de considérations personnelles ; Jacques de Vitry dans les chapitres 53 et 76 intègre dans l’exposé des passages à la première personne, sans apporter de commentaire. Ainsi la compilation apporte une forme d’indifférence aux contradictions du récit, par exemple d’un chapitre à l’autre, on voit varier le discours sur Mahomet (HOr 6, HOr 62) ou sur les Assassins (HOr 14,

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HOr 82). Le classement des données rassemblées est un procédé voisin ou complémentaire du précédent. Un bon ­exemple apparaît dans les passages consacrés au patriarcat de Jérusalem. Il s’agit d’une présentation ordonnée des métropoles et de leurs suffragants qui s’appuie sur une nomenclature contemporaine de l’auteur, associée à une sélection de sites bibliques (HOr 55-HOr 59). De même les realia des chapitres 80 à 93 donnent lieu à une typologie de plantes, d’animaux et de minéraux. Le procédé de classement est encore net pour la présentation des serpents (HOr 90), des pierres (HOr 91), classement dans ce cas qui prend en compte quatre critères : la description du minéral et son nom, ses propriétés physiques, ses effets thérapeutiques, son origine. La comparaison est une forme d’expression coutumière chez Jacques de Vitry. L’antithèse est utilisée aux chapitres 64 à 69 pour exalter les qualités des Chrétiens et aux cha­ pitres 70 à 83 pour en souligner au contraire les vices et les défauts. L’auteur reporte sur des personnages, des situations ou des choses, une méthode qui ne manque pas d’effet démonstratif pour forcer le trait et créer une succession de modèles et d’anti-modèles dont on retrouve les exemples dans les figures de Mahomet, Dindimus le Brahmane, Saladin, Pierre l’Ermite. La méthode de comparaison et d’opposition touche bien des aspects du discours quand il s’agit de juger les mérites respectifs du christianisme et de l’islam (HOr 6), mettre en parallèle les merveilles de l’Orient et de l’Occident (HOr 92). Enfin d’un point de vue littéraire l’abrégé est considéré parfois comme une forme inférieure de l’exposé historique. Tel n’est pas le cas dans l’Historia orientalis, car la composition a consisté à ne retenir des données récupérées dans les sources historiques que les seuls éléments utiles au projet de l’auteur.

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La nature de l’ouvrage Genres et sources Le récit de l’Historia s’appuie sur des sources scripturaires ou profanes qui relèvent de genres différents : histoire, géographie, littérature, science, morale, médecine. Jacques de Vitry emploie, nous l’avons vu, plusieurs techniques d’exposition et ajoute donc à cette variété stylistique la diversité des genres. C’est ainsi que son œuvre adopte au fil du récit des modes d’expression divers. Il est à la fois un récit d’histoire et de conviction combattante, un récit d’enseignement et de morale, un récit de connaissance et de savoir. De cette façon, l’Historia est, en ce début du xiiie siècle, un livre aux multiples visages, tout à la fois historique, polémique, didactique, encyclopédique et géographique. Le genre historique Un ensemble de textes historiques forme le fonds documentaire du livre, ces sources peuvent être classées en trois groupes : la chronique de Guillaume de Tyr, qui a donné lieu à un important travail de réécriture, ensuite un corpus de ­sources historiques occidentales pour les décennies postérieures à la chute du royaume latin (1187), enfin un apport important d’informations issues des milieux chrétiens d’Orient. La chronique de l’archevêque de Tyr, Guillaume, connue sous le titre d’Historia rerum in partibus transmarinis gestarum, rapporte l’histoire du royaume latin jusqu’en 1184. La première partie de l’ouvrage pour la période qui conduit à la prise de Jérusalem par les croisés se fonde sur les récits d’Albert d’Aix, Raymond d’Aguilers, Baudri de Bourgueil. Par la suite, jusqu’en 1127, Guillaume aurait utilisé l’Historia Hierosolymitana de Foucher de Chartres, Albert d’Aix et les

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Bella Antiochena de Gautier le Chancelier pour les événements de la principauté d’Antioche. À compter de 1130 il est la seule source écrite que nous connaissions ; son récit se fonde sur son propre témoignage et sur des documents d’archives. L’importance de Guillaume de Tyr pour l’Historia orientalis a été mise en évidence26. Cet apport est sensible tout au long de l’ouvrage dans HOr 1-3, HOr 8, HOr 14, HOr 1650 et HOr 95; mais l’Historia n’est pas une copie servile, et il est rare de rencontrer une citation intégrale car l’emprunt est retravaillé ou sa position dans le récit est modifiée. Ainsi, la cité de Bersabée est située inter montes et Ascalonam sita, decem miliaribus distans ab Ascalona (HOr 36), tandis que Guillaume de Tyr, tout en la plaçant au même endroit, donne une distance différente (GT 14, 22). Le plus souvent le procédé revient à condenser le récit de Guillaume de Tyr qui subit une totale transformation27. Il est rare en conséquence que Jacques de Vitry se serve continûment de cette source, sinon dans les chapitres 14, 43 et 65. Il faut remarquer alors que ces derniers remplois s’accompagnent de références supplémentaires étrangères à l’archevêque de Tyr. S’il apparaît que l’Historia Hierosolimitana de Foucher de Chartres a pu être consultée dans les chapitres relatifs à la nature, cette chronique n’a pas supplanté l’Historia rerum de Guillaume de 26 Guillaume

de Tyr, Chronique, éd. R. B. C. Huygens, H. E. Mayer et G. Rösch (CCCM 63 et 63A), Turnhout, 1986, Introduction. 27 Tel passage est le résumé d’un ou deux chapitres : HOr 94 pour GT 20, 1011 ou encore HOr 64 pour GT 18, 4-5 ; tel autre passage se réfère à plusieurs livres de la chronique de Guillaume de Tyr, ainsi : GT 1, 21-22 ; GT 2, 1 et 7 et GT 3, 13 entrent dans les quelques lignes de HOr 17. En outre, ces inclusions ne se font pas toujours dans l’ordre, et HOr 31 est reconstruit à partir d’emprunts faits à GT 4, 2 ; GT 16, 4 ; GT 13, 2 ; GT 10, 28 ; GT 18, 17. Il en est de même pour HOr 43 qui tire sa documentation de GT 13, 1 ; GT 11, 17 ; GT 11, 30 ; GT 11, 5. Un cas remarquable se rencontre avec HOr 95 qui utilise GT 9, 19-20 ; GT 10, 1, 16 et 21 ; GT 11, 3 ; GT 12, 12 et 21 ; GT 13, 9 ; GT 14, 1 et 7 ; GT 15, 27 ; GT 16, 1 ; GT 17, 20 ; GT 18, 21 ; GT 19, 5 et 25 ; GT 21, 22; GT 22, 26 et 30.

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Tyr pour le déroulement des faits28. Celui-ci est resté le seul guide de l’ouvrage jusqu’à HOr 96. L’origine des sources suivantes entre HOr 97 et HOr 102 est moins assurée. Il faut distinguer la partie qui rapporte l’histoire de Saladin et de la chute du premier royaume latin, qui sont proches de la Continuation de Guillaume de Tyr et de la chronique d’Ernoul, d’avec le récit de la troisième croisade et des épisodes qui font suite où on relève plutôt des similitudes avec l’Itinerarium peregrinorum et la chronique de Sicard de Crémone. Mais il n’est pas impossible que l’auteur ait suivi un ou plusieurs récits abrégés de la troisième croisade et des événements qui l’ont suivie. À trois reprises, le récit évoque la consultation d’histoires ou d’auteurs orientaux (HOr 11; HOr 31 ; HOr 92). Guillaume de Tyr, né à Jérusalem aux environs de 1130 de parents résidant en Palestine, peut être considéré comme l’un d’eux ; cela n’est pas suffisant cependant car les chapitres 3 à 14 notamment font état de sources singulières qui ne doivent rien à sa chronique. Il est possible que les Gestae principum orientalium du même auteur, chronique aujourd’hui perdue et portant sur l’histoire de l’Orient et des souverains arabes, ait été consultée. L’hypothèse est invérifiable29. Le recours au corpus de textes sur l’Islam rassemblés au milieu du xiie siècle sous la direction de l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable, n’est pas avéré, bien que ces ouvrages paraissent partiellement utilisés au chapitre 4. Surtout, l’Historia fait incontestablement état d’une documentation reposant sur des sources orientales transmises par les communautés chrétiennes d’Orient ou sur des informations orales. Du point de vue de l’histoire des relations culturelles c’est sans aucun doute l’apport le plus original de l’ouvrage. 28 Foucher de Chartres a laissé une Historia Hierosolimitana composée en quatre

étapes jusqu’en 1127. en fait état, GT 1, 3 ou GT 19, 21.

29 Guillaume

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Hormis ces références, les auteurs classiques sont peu utilisés, ou de façon indirecte : Flavius Josèphe (HOr 2 ; HOr 53 ; HOr 82), l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée, les Histoires d’Hégesippe. L’influence de saint Augustin est importante, mais tient principalement à l’économie du discours (HOr 2), tandis que la place des auctoritates est ponctuelle : Ambroise (HOr 53), Jérôme (HOr 69). À la lisière du genre historique l’Historia scolastica de Pierre le Mangeur est sollicitée comme on a pu parfois le repérer : HOr 2 ; HOr 5 ; HOr 53 ; HOr 36 ; HOr 82 ; HOr 85. L’Historia orientalis use de références étendues dont une partie est par conséquent tributaire des milieux culturels orientaux. Cette abondance de sources historiques revient à en faire un livre d’histoire qui n’a vraisemblablement pas pour objet de faire le résumé des croisades, mais de présenter l’état du Proche-Orient au début du xiiie siècle. Le genre polémique Jacques de Vitry est allé en Orient avec mission de préparer la croisade par la prédication30. Aussi son approche du milieu humain de ces régions est-elle tributaire de la nature de cette mission et fondée sur les modèles culturels alors en cours en Occident. Les communautés chrétiennes d’Orient sont analysées dans leur singularité doctrinale ou rituelle, les Juifs sont présentés comme des agents réprouvés de l’histoire du salut, les musulmans sont désignés comme des ad­ver­saires du monde chrétien et les Poulains, c’est-à-dire les Latins d’Orient, sont vilipendés comme personnifiant l’attentisme et la décadence des mœurs.

30 Lettres,

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1, p. 27.

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En ce qui concerne l’islam, l’Historia reprend des informations fondées sur les écrits polémiques des théologiens byzantins des premiers temps de l’expansion musulmane. Les chapitres consacrés à la vie de Mahomet et à sa doctrine s’inspirent de cette tradition et présentent un tableau péjoratif de la vie du Prophète et de son enseignement en s’appuyant sur des données historiques et doctrinales de la tradition musulmane interprétées de façon tendancieuse. Le remploi de cette documentation, reçue des milieux syriens ou jacobites, est l’indice d’une radicalisation du discours contre l’islam au début du xiiie siècle, conséquence d’une réactivation de la guerre à la suite de l’échec relatif de la troisième croisade (1191). Il est possible encore d’y reconnaître une volonté de dénigrement de la personne et de l’enseignement de Mahomet dans le contexte d’une action missionnaire en milieu musulman31. En effet, à cette époque, l’idée d’une possible conversion des Sarrasins est présente chez les auteurs chrétiens, Jacques de Vitry en particulier qui évoque la question aux chapitres 6 et 14 de l’Historia. Le discours polémique est encore sensible dans les cha­ pitres qui ont trait à la critique des mœurs chez les Latins (HOr 69- HOr 74) (HOr 83). Dans tous les lieux concernés l’emploi des citations scripturaires est la règle. L’Ancien Testament, et principalement les livres des Prophètes et des Psaumes, cités d’après la Septante, donnent le ton des diatribes adressées aux communautés de chrétiens vivant au Proche-Orient ; mais en revanche l’argumentation doctrinale repose plutôt sur les emprunts faits aux Évangiles et aux lettres de Paul. Dans le récit souvent l’enchaînement des citations est continu, ce qui a pour effet de donner une impression d’accumulation de références, technique d’exposition apparentée à celle des sermons. Le texte biblique est cité de mémoire, 31 Lettres,

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2, p. 71.

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ce qui donne lieu parfois à des divergences légères avec le texte original, reprises par le copiste ou au contraire corrigées. Ce style donne au commentaire une réelle liberté d’expression, les chapitres 69 à 73 formant à ce titre une suite de formules à la tournure percutante, ainsi : Quand le Seigneur a dit à Pierre ‘Pais mes brebis’, nous ne sachons pas qu’il ait dit, ‘Tonds mes brebis’ (HOr 71).

Il est difficile enfin de tirer des conclusions de l’usage répété de tel livre des Écritures ou de telle citation, en dépit du fait qu’il soit assez aisé de repérer quelques habitudes de l’auteur dans ce domaine, car ces références sont dans l’ensemble communes au monde savant32. Le genre didactique L’Historia orientalis délivre des leçons, et répond à un type de préoccupation qui en fait un ouvrage appartenant au genre didactique. En premier lieu il faut rattacher à ce genre plusieurs références aux écrits apocryphes, peu fréquentes et illustrant des épisodes des vies de Jésus, Marie (HOr 6 ; HOr 63) et Pierre (HOr 78). Il s’agit d’allusions à des traditions populaires qui ne sont pas présentées comme ayant autorité. L’appel à de telles références vient conforter telle position ou telle relation

32 J. Longère,

Œuvres oratoires des maîtres parisiens au xiie siècle. Étude historique et doctrinale, 1, Paris, 1975, passim. Pour l’Ancien Testament il faut noter une prédilection pour les Psaumes (52 occurrences), la Genèse (29), les livres historiques (27) et les prophètes, parmi lesquels Ézéchiel (12) et Isaïe (29) sont largement majoritaires. Pour le Nouveau testament, l’évangile de Matthieu est très présent (66), ainsi que l’évangile de Jean (41). Les épîtres de Paul sont bien représentées avec 36 occurrences dont 15 pour la seule épître aux Romains.

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avec parfois valeur exemplaire, ainsi pour l’Itinéraire de Clément rattaché à la légende de l’apôtre Pierre (HOr 44). Ensuite l’Historia paraît avoir pour objet de donner des leçons et proposer des exemples. Les sévères observations adressées par Dindimus le Brahmane, désigné comme didascalus, au roi Alexandre en sont l’illustration (HOr 92). L’histoire très déformée de la vie de Mahomet doit être lue en partie selon cette approche, ainsi que les exposés sur les comportements vertueux ou répréhensibles des communautés ou des personnages présentés au fil du récit. C’est une dimension exemplaire qui est constante jusqu’aux dernières lignes du texte, comme on le voit dans l’épisode de la femme chrétienne, dépouillée par ses compatriotes, contrainte de tuer son fils, allégorie de l’Église de Jérusalem33. Il y a encore dans l’Historia de nombreux exemples concernant le comportement des animaux, qui seront repris par la suite dans les recueils de sermons de Jacques de Vitry, puis dans les recueils des prédicateurs dominicains du xiiie siècle34. Il est encore prématuré de voir dans cette série d’occurrences aux cha­ pitres 88 à 90 un véritable recueil d’exempla, le contexte ne permettant pas de tirer de conclusion de morale. Nous pouvons avancer qu’il s’agit déjà d’une forme intermédiaire ou de proto exempla. Le plus souvent il s’agit d’historiettes sur le comportement d’un animal, décrit à la fois sous ses traits physiques et ses caractères légendaires, démunis cependant de leur coutumière signification symbolique. Chaque animal est ainsi identifié et entre dans un grand tableau de la faune 33 Parallèle

avec un épisode de la prise de Jérusalem par Titus, Eusèb., Hist. eccl. 3, 6 (SC 31, p. 108) ; épisode très proche chez un historien arabe, RHCOr., I, p. 691. 34 Crane n° 20 bis, n° 7, n° 134, n° 273, n° 129 ; Greven n° 29, n° 7, n° 30, n° 32, n° 33 ; cf. La Scala coeli de Jean Gobi, éd. M. A. Polo de Beaulieu, Paris, 1991, n° 178, 398, 408, 847, 852, 853 ; cf. Stephani de Borbone, ­Tractatus de diversis materiis predicalibus. Prologus, Prima pars, De dono timoris, éd. J. Berlioz et J. L. Eichenlaub (CCCM, 124), Turnhout, 2002.

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d’Orient et d’Occident. L’Historia de cette manière aussi est une réserve de cas, de sujets, d’anecdotes dont le caractère exemplaire, sous-jacent, n’est pas encore nettement affirmé. L’histoire du comte d’Édesse et de sa barbe mise en gage est à ce titre significative (HOr 75). Il s’agit d’un épisode emprunté à Guillaume de Tyr (GT 11, 1) qui est rapporté dans l’Historia pour illustrer la coutume orientale du port de la barbe, c’est alors un propos neutre et sans aucune signification particulière. Plusieurs années après, Jacques de Vitry va remployer cet épisode dans un exemplum de sermon sous une forme à peine modifiée et cette fois pour illustrer le propos contenu dans le sermon35. Le genre de l’itinéraire Les chapitres 51 à 63 se présentent comme un itinéraire de géographie sacrée qui couvre un territoire qui va des rives du Jourdain à la vallée de Josaphat au sud-est de Jérusalem, partie inspirée du traité de Fretellus, personnage dont on sait seulement qu’il était originaire de Galilée et qu’il fut l’archidiacre de l’église de Nazareth vers 1137. Ce traité, dont on connaît trois versions, n’est pas une relation de pèlerinage comme il en existait alors mais un itinéraire de géographie sacrée qui fut bien diffusé jusqu’à être considéré au début du xiiie siècle comme la référence sur la Terre sainte pour la Curie romaine36. Fretellus se serait lui-même inspiré des ­lettres de saint Jérôme et d’un itinéraire, perdu à ce jour, daté du xie siècle. Jacques de Vitry a superposé à ce fonds un état de l’Église latine dans le royaume de Jérusalem juste avant sa disparition (1187). Il dresse un tableau des principaux 35 Greven, n° 74 ; HOr 75. 36 Fretellus Antiochus archidiaconus.

Rorgo Fretellus de Nazareth et la description de la Terre sainte, éd. P. C. Boeren, Amsterdam - Oxford, 1980.

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établissements religieux du royaume à Jérusalem et dans le reste du territoire, ainsi qu’une carte de l’organisation du patriarcat de Jérusalem. À l’époque où il compose l’Historia orientalis (ca. 1216-1224), l’implantation de ces établissements et l’organisation de l’Église latine dans le royaume avaient été bouleversées par la conquête musulmane jusqu’à disparaître presque entièrement. Le récit reflète une situation antérieure à la cinquième croisade et met en rapport les lieux importants de l’histoire du salut avec les sites des établissements religieux, églises et monastères implantés dans le royaume de Jérusalem au cours du xiie siècle. Dans ces chapitres Jacques de Vitry a utilisé encore le De laudae novae militiae, traité composé par saint Bernard pour appuyer les tout débuts des Templiers37. L’abbé de Clairvaux n’est jamais allé en Orient. L’essentiel du traité est plutôt une évocation symbolique des lieux de la vie terrestre du Christ, Bethléem, Nazareth et Jérusalem, présentés comme les ­étapes d’une spiritualité intérieure. Hormis le chapitre 65, consacré à la naissance et à l’organisation de l’ordre du ­Temple où les références au De laude sont bien apparentes, Jacques de Vitry n’a que partiellement conservé l’esprit du traité de saint Bernard. Il lui arrive de souligner le caractère symbolique des trois cités, tout en les présentant surtout comme les lieux de la naissance de l’Église universelle, lieux phy­ siques, désignés et sanctifiés par la présence du Christ lors de son passage sur la terre. Ainsi, l’Historia – en dépit de l’ap­ parence – ne rentre pas véritablement dans le genre littéraire, ancien et très bien représenté jusqu’au xvie siècle, du récit à étapes du pèlerinage aux lieux saints. Nous dirons qu’il appartient plutôt au genre de l’itinéraire spirituel appuyé sur

37 Bernard de Clairvaux, Éloge de la nouvelle chevalerie, éd. P. Y. Emery (SC 367),

Paris, 1990.

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la réalité physique des lieux pour accréditer ainsi le caractère universel de l’Église. Peut-on considérer enfin que, délaissant quelque peu une interprétation symbolique des sites, l’ouvrage s’apparente à une géographie ? Au chapitre 92 l’auteur donne des indications sur les sources consultées parmi lesquelles figure une Mappa mundi38. Peut-être faut-t-il y voir la référence à l’Imago Mundi d’Honorius Augustodunensis ou plus sûrement un écho à l’enseignement de Hugues de Saint-Victor39 ? Le récit dans les chapitres 51 à 63 revient à établir une nomenclature de lieux décrits parfois avec précision et faisant appel à des références bibliques, historiques, naturelles ou symboliques, voire institutionnelles. Un tel catalogue, véritable carte du Proche-Orient, s’apparente au genre géographique. Le genre encyclopédique Le genre encyclopédique s’est épanoui au cours du xiiie siècle, mais l’Historia orientalis n’est pas mise au rang des encyclopédies médiévales40. Il est donc permis de s’interroger sur la nature des chapitres 84 à 93 qui forment une compilation et un classement de données sur les manifestations naturelles, les mouvements de l’écorce terrestre, le climat, la flore, les cultures et les productions, les animaux sauvages ou domestiques, les serpents et les oiseaux, les poissons et les pierres. Il est certain que le contenu de ces chapitres ne se présente pas comme un travail de recherche encyclopédique tel qu’on le trouve dans le Speculum naturale de Vincent de Beauvais. Cependant, l’Historia a été une source directe de 38 P. Gautier

Dalché, La ‘Descriptio mappe mundi’ de Hugues de Saint-Victor. Texte inédit et commentaires, Paris, 1998, p. 89. 39 Ibid. p. 112-113. 40 M. Paulmier-Foucart, ‘Encyclopédies médiévales’, DEMA, 1, p 526.

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Thomas de Cantimpré pour le livre III de son encyclopédie du Liber de natura rerum41. Il existe bien une relation entre l’Historia et le genre encyclopédique, et il serait légitime de la faire figurer parmi les premières manifestations du genre dans le premier quart du siècle. Les sources sont partiellement indiquées dans le récit au chapitre 92 : saint Augustin, Pline et Solin, Isidore de Séville, la Mappa mundi. D’autres emprunts peuvent être repérés, notamment Honorius Augustodunensis, Foucher de Chartes, Marbode de Rennes, Hugues de Fouilloy et le De bestiis du Pseudo Hughes de Saint-Victor, traité anonyme daté de la seconde moitié du xiie siècle, ainsi que le fonds légendaire et folklorique de l’Occident chrétien. L’Historia, ouvrage composé en Orient, intègre des informations singulières sur ­toutes ces régions, ignorées par exemple des Otia Imperialia, écrits vers la même époque par Gervais de Tilbury. Une partie au moins de son information échappe au domaine habituel de la culture occidentale, et tel est le cas pour les passages relatifs à l’Islam et aux peuples et communautés orientaux. Le livre fourmille d’informations fondées sur ce que l’auteur, Jacques de Vitry, a découvert par expérience ou ouï-dire. Ainsi, le chapitre sur les pierres mentionne tel témoignage de Sergius de Risaymâ, prêtre de confession nestorienne du vie siècle. Cette référence est sans doute intégrée dans ce lieu du récit sur la foi de ses interlocuteurs, il est probable pourtant que Jacques en ignorait l’existence. Dans le même chapitre se trouve la première description de la boussole et son usage régulier dans l’océan Indien42. L’origine de ces informations n’est pas établie avec certitude, et on doit supposer des rapports avec les milieux syriens, comme les 41 Thom. Cant., Liber, p. 97-100.  42 J. Pitra, Analecta novissima spicilegii

Solemnensis. Altera continuatio, 2, Tuscu-

lana - Paris, 1888, p. 437.

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lettres le laissent entendre, ou jacobites43. Il est très vraisemblable enfin que des marchands de confession nestorienne, installés à demeure en Irak, entretenaient des relations commerciales avec Acre et les Latins44. Il est possible encore qu’ils se soient faits agents d’une culture qui leur était familière45. Il n’est pas écarté que l’Historia en garde trace, dont le fonds du récit semble parfois tributaire d’une littérature étrangère à l’Occident chrétien46. Thèmes du discours Dans l’histoire des idées et du savoir dans le premier quart du xiiie siècle l’Historia orientalis occupe une place qui reste à interpréter et définir. Nous avons souligné que le récit tout en gardant son unité était empreint d’une grande richesse d’expression en raison de ses variations de style et de la suite des genres qu’il aborde. Nous retrouvons dans les profondeurs du discours cette dimension à la fois une et multiple qui caractérise l’Historia orientalis. S’il fallait trouver un thème d’ensemble, nous lui donnerons sans aucun doute pour signification première celle de l’histoire de l’Église en Orient, à laquelle le livre II fera suite en traitant du volet occidental. En ce tout début de xiiie siècle, l’Historia pose en termes traditionnels et nouveaux une véritable réflexion sur le devenir de cette histoire. Son discours s’y organise alors autour de quatre thèmes : l’universalité de la création, l’histoire du salut, l’action de la papauté, la réalité orientale. 43 Lettres, p. 50 ; ibid. p. 198-200. 44 J. Richard, ‘La confrérie des Mosserins d’Acre et les marchands de Mossoul

au xiie siècle’, L’orient syrien, t. 11, 1966, p. 457 sqq. 45 Lettres 7, p. 194. 46 A. Miquel, La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du siècle, 1, Paris, 1967, p. 181 sq.

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Universel créée Les premières lignes du chapitre 1er exposent le thème d’une histoire qui a pour enjeu la possession de la Terre sainte, lieu où le Christ a vécu. La pensée de saint Augustin est bien présente dans le fil du discours, et l’Historia se lit en premier lieu comme une histoire du peuple de Dieu en ­marche, histoire rassemblée autour d’un lieu unique, ­Jérusalem, cité sainte, lieu prééminent et universel, enjeu de pouvoir où se jouent les péripéties de l’histoire humaine. Lorsqu’il décrit les peuples et leurs croyances le livre met l’accent sur l’unité divine. Il présente cette unité comme une conception commune à tous les peuples : Sarrasins (HOr 6), Juifs (HOr 82), Brahmanes (HOr 92), Turcs et, d’une façon générale, l’humanité, car les nations qui l’ignorent finissent par en reconnaître la réalité (HOr 10). L’inanité du polythéisme est démontrée par le maître des Brahmanes dans une charge contre le panthéon gréco-romain. La démonstration de Dindimus sur la nature de Dieu, cause universelle et créateur de toute chose, s’inspire des livres IV et V de la Cité de Dieu de saint Augustin, et la sagesse des Brahmanes confine à une religion naturelle proche en apparence du christianisme47. La transcendance divine qui commande les actes humains est une croyance reconnue de l’islam (HOr 6, HOr 12). Cependant Jacques de Vitry apporte quelque nuance à cette convergence en soulignant que la religion des Brah­ manes donne trop de place au libre arbitre tandis que l’islam semble dénier à l’homme toute possibilité d’échapper à son destin.  Cette dimension universelle s’exprime dans la création, car toute une partie du livre est une présentation des choses de la nature (HOr 83-HOr 94). L’Historia présente l’œuvre 47 Aug.

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Civ. Dei, 4, 4-20 ; Aug. Civ. Dei 5, 9. 

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divine et sa diversité en faisant de la nature une manifestation merveilleuse et heureuse où entrent, au fil du récit, les plantes et les arbres de l’Orient, les mouvements de l’écorce terrestre et le climat, les animaux communs, sauvages et légendaires, puis, selon un classement assez méthodique, les hommes et femmes de toute origine et nature : géants, pygmées, nains, et encore des peuplades mythiques comme les Amazones, les Oxydraques ou des sectes rendues fameuses par la littérature romanesque, les Gymnosophistes et les Brahmanes. Alors et toujours, la filiation augustinienne est sensible :  Donc, comme il n’a pas été impossible à Dieu de créer les natures qu’il lui a plu, il ne lui est pas impossible de les changer comme il lui plaît. Et de là, cette superfétation d’accidents miraculeux, appelés monstres, prodiges, que je ne pourrais énumérer ici sans reculer indéfiniment les bornes de cet ouvrage. L’expression de ‘monstres’, dérivée de ‘montrer’, indique qu’ils montrent, parce qu’ils signifient48.

Les légendes, informations, connaissances, croyances populaires ou savantes, transformées ou arrangées, forment une fresque à la louange de la création, discours empreint d’optimisme qui, de ce point de vue, répond encore à un certain idéal humaniste du xiie siècle. Ensuite le récit s’appuie sur une succession de données dont le lecteur est invité à ne pas s’étonner, mirabilia, merveilles ou miracles qui contribuent à donner à chaque pays un caractère singulier; c’est de façon implicite un éloge de la différence dont on trouve l’écho dans la littérature orientale49. Voilà les Flandres où les oiseaux naissent, comme les fruits, sur les arbres, l’île de Thanatos dont la terre empoisonne les ser48 Aug.

Civ. Dei 21, 10 (trad. L. Moreau et J. C. Eslin, Saint Augustin. La Cité de Dieu, Paris, 1994, 3, p. 243). 49 A. Miquel, La géographie, 1, p. 180-181 ; Ibn Al-Faquîh, Abrégé du Livre des pays, éd. H. Massé, Damas, 1973, p. 302-303.

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pents (HOr 92). La notion d’anormalité est reçue comme le résultat de l’ignorance, puisque c’est le regard de l’homme seul qui donne aux choses leur caractère extraordinaire ou merveilleux, mais de fait la création est sans limite : Dans nos pays, nous ne nous étonnons plus de nombreuses choses que les orientaux tiendraient pour incroyables ou merveilleuses s’ils venaient à en entendre parler. (HOr 92)

Dans tel autre passage le jugement négatif sur les noirs d’Éthiopie s’inverse quand leur regard se porte sur les blancs, la couleur noire devenant un critère d’excellence. La question de l’altérité s’y trouve posée avec une réponse à la fois traditionnelle, puisque l’intervention divine est postulée en tout avec l’idée « moderne » d’une relativité du monde. Vers la même époque, le troisième livre des Otia imperialia de Gervais de Tilbury offre une liste de mirabilia qui semble distinguer les miracles, donnés comme étant au-dessus de la nature, d’avec les merveilles qui dépassent l’entendement ; on a vu dans ce partage entre intervention divine et luxuriance de la nature, la marque d’un naturalisme naissant50. L’Historia suit une autre voie, moins ludique ou divertissante que celle des Otia, en s’engageant dans les voies de la nomenclature et du classement. Le temps n’est pas loin où vont se dessiner des directions nouvelles, l’épanouissement du genre encyclopédique et une littérature de voyage. Histoire du salut L’Historia orientalis est aussi l’histoire d’un site, Jérusalem, Historia Hierosolymitana. Il y est rapporté comment elle a été au fil du temps, et avant même sa fondation, le lieu d’un enjeu pour les peuples qui sont partie prenante de ce combat, 50 Gerv.

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Tilbur., Otia, éd. S. Banks et J. W. Binns, Introd. p. lvii-lviii.

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figuration historique de la lutte que mènent les deux cités. Là encore la dimension augustinienne du discours est sen­ sible : Qu’elle se souvienne pourtant que parmi ses ennemis même se cachent de ses futurs citoyens, de peur qu’elle ne croie qu’il n’y a nul bénéfice à les supporter patiemment comme ennemis, jusqu’au jour où ils proclameront leur foi. De même, tant que la Cité de Dieu poursuit son pèlerinage dans le monde, elle compte dans son sein des hommes qui sont unis par la communion des sacrements, mais ils ne seront pas associés à l’éternelle destinée des saints51.

Dans l’histoire par conséquent, la démarcation entre tenants des deux cités, la cité de Dieu et la cité des hommes, n’est pas une affaire de stricte appartenance à une religion. Ce trait s’illustre en plusieurs passages de l’Historia orientalis pour saluer par exemple l’honnêteté du maître des Brah­ manes, le courage du maître des Assassins (HOr 14), la vertu de Sarrasins à l’occasion pris comme modèles52. Au contraire, le templier meurtrier (HOr 14), le comte de Tripoli (HOr 97), le moine Sosius (HOr 6) appartiennent au monde chrétien, mais sont à la fin rejetés. En présentant Jérusalem comme le centre du monde pour avoir été le lieu où le Christ a racheté l’humanité, le récit ne fait que rappeler une tradition de la pensée chrétienne. De même en soulignant que la perte de la cité est la conséquence collective du péché, l’auteur reprend un thème développé pour la prédication de la seconde croisade qui se retrouve encore chez nombre d’historiens, Guillaume de Tyr notamment. Enfin, l’invitation pour les chrétiens à se convertir, condition nécessaire à la récupération de Jérusalem et seule 51 Aug., Civ. Dei 19, 17. 52 Des Sarrasins désirent

le baptême, ils en sont empêchés par des chrétiens, Lettres, 2, p. 54 ; Greven, n° 99 ; Crane, n° 96 et n° 119.

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voie du salut, est un thème devenu habituel dans la prédication de croisade au début de xiiie siècle. À cette conception générale du discours sur Jérusalem, Jacques de Vitry apporte une touche d’ordre pratique, assez nouvelle aux alentours des années de réforme qui précèdent et qui suivent le concile de Latran (1215). Il est certes entendu – selon saint Augustin – que le démon est source du péché en raison de sa jalousie (invidia) posée au principe de la division des cités. De même, dans l’Historia, la prospérité retrouvée de l’Église en Orient excite sa jalousie en provoquant désordre et ruine53. Mais ici le mal a un vrai visage, les sept péchés capitaux sont désignés pour être ses agents (HOr 69) et le récit trouve des mots pour chacun afin de vilipender les travers de la société (HOr69-HOr81). Chaque péché prend forme dans un chapitre consacré aux serpents dont les traits et les caractères forment une saisissante allégorie de la multiple identité du mal (HOr 89). Alors pour le chrétien la conversion ne peut être un ­simple repentir collectif, elle passe par la voie plus contraignante d’une démarche individuelle, et c’est là le propos du prédicateur, du prêtre attaché à la cura animarum. L’Historia prend une tournure catéchétique, Jacques de Vitry mettant en garde l’individu contre le péché, réalité quotidienne qu’il ne convient pas de négliger. C’est pourquoi il souligne dans les chapitres 6 et 92 ce qu’il présente comme l’erreur des musulmans qui croient au pardon des fautes comme un fait acquis d’avance, et la prétention des Brahmanes qui affirment ignorer le mal. Le concile de Latran le rappelle, dans la pratique, cette conversion passe par la confession auriculaire, l’aveu des fautes au prêtre, aveu devant provoquer la confusion et la contrition qui sont les conditions du pardon54. L’Historia 53 Aug., Civ. Dei 15, 5. 54 Crane, n° 161 ; Albérigo,

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COD, p. 245.

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offre deux exemples de cette rigueur en rappelant les règles strictes que les ordres militaires imposent à leurs membres (HOr 64 ; HOr 65) et en condamnant la pratique des jaco­bites de la confession directe (HOr 76). La conversion, préalable nécessaire à la récupération de Jérusalem et voie du salut, est donc un engagement individuel. Échos romains Le récit s’achève dans l’attente de Latran IV (1215) et sa composition est datée des années qui ont suivi le concile (1216-1223/4). À bien des égards l’Historia véhicule les idées du concile et, en partie au moins, son discours reflète les positions d’Innocent III (1198-1216). Ainsi est-il rappelé au chapitre 75 que Rome est la capitale de l’univers « tant pour les matières spirituelles que temporelles », formule on ne peut plus proche des conceptions du pape55. Le texte est saturé de cette tonalité, preuve que les leçons du concile sont passées presque aussitôt dans une littérature promise à une large diffusion. Mais surtout l’influence de la papauté se fait sentir dans deux domaines : la croisade pour la récupération de Jérusalem et l’unité avec les Églises orientales. Il est possible que l’Historia orientalis soit le fruit d’une commande du pape ou de la Curie. La correspondance romaine pour soutenir l’Église en Orient et préparer la croisade a effectivement été abondante, et le rapport faussement attribué au patriarche de Jérusalem Aymar démontre l’état de préparation du projet et le soin que le pape mettait à le conduire56. L’Historia n’est pas un ouvrage de propagande en faveur de l’action pontificale, car si l’activité et l’autorité des 55 PL 56 PL

216, col. 327-328. 214, col. 336, 343, 346, 355, 407, 409, 508 ; PL 215, col. 268, 272, 305. 

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papes depuis Urbain II et leur implication dans la mise en œuvre des expéditions est réelle, le récit n’en majore pas l’importance. L’Historia est un livre fait pour le temps présent, la cinquième croisade ; les critiques adressées aux Latins d’Orient (HOr 73 et HOr83) suggèrent que la plume de l’évêque d’Acre était au service d’un esprit de croisade assez proche de celui du légat pontifical, alors en mauvais termes avec le roi Jean de Brienne et les Latins d’Orient. Pourtant les lettres du même évêque sont discrètes sur ces dissensions et, en définitive, le discours d’ensemble est plutôt conciliant quand il s’agit de ménager les acteurs de la croisade. Telle parait avoir été la position d’Honorius III (1216-1227) pour tempérer les dissensions entre partis et sauvegarder le projet de croisade. Au début du siècle la question de l’unité du monde chrétien est à l’ordre du jour. L’Historia en rappelle le fondement en présentant l’apôtre Pierre comme l’héritier du Christ et le fondateur des églises d’Antioche (HOr 32) et de Rome (HOr 75). Les points de divergences avec les chrétiens séparés de Rome sont présentés dans des rubriques rédigées comme de brèves réfutations, préparées peut-être à l’occasion du concile ou pour alimenter des controverses. Ces questions remontent aux premiers siècles du christianisme et touchent le fond doctrinal de la christologie post-nicéenne, ainsi que les pratiques et les rituels dans les communautés chrétiennes d’Orient : confession, usage du pain azyme dans l’eucharistie, consécration du vin, autant de points analysés en parallèle avec la doctrine catholique dans l’Historia occidentalis. Le livre dresse surtout un état de la lente reconquête de l’unité perdue, rappelant les succès de la politique pontificale : retour des Maronites dans l’obédience romaine (HOr 78), couronnement du roi d’Arménie (HOr 79), restauration du rite romain chez les Mozarabes (HOr 81). De leur côté, les Syriens de confession melkite sont présentés comme

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réfractaires à la présence en Orient du clergé catholique et à l’autorité hiérarchique de l’Église romaine57. De ce fait l’Historia présente leur attitude comme le résultat d’une opposition latente à cette présence, sans donner de place excessive aux divergences doctrinales, présentées comme les manifestations de cette opposition. Il n’en est pas de même pour les Jacobites que Jacques de Vitry désigne expressément comme des hérétiques, pourtant assez dociles, ainsi que pour les Nestoriens qu’il semble moins bien connaître et dont il dit peu de chose dans ses lettres. Le monde oriental L’ouvrage offre de nombreuses données sur l’Orient, fondées sur des références livresques, l’expérience et le témoignage, transmettant à travers des sources originales une mine de renseignements sur l’Islam, les peuples et communautés de confession musulmane ou chrétienne, la vie orientale, la nature. C’est un état des lieux peut-être établi dans un but pratique, et qui, au fil de l’enquête, livre la réflexion d’un prélat de l’Église romaine abordant l’irréductible altérité du monde oriental à l’aide de modèles hérités de la tradition intellectuelle de l’Occident chrétien.  Attentif en particulier à l’état de la société et à ses caractères originaux, Jacques de Vitry fait œuvre d’ethnologue. Il reconnaît en Orient un monde complexe, constat qui découle de ses observations sur la variété des composantes naturelles et humaines de ces contrées lointaines. De cette façon il répartit en diverses catégories les peuples dont le plus important est celui des Sarrasins (Saraceni), terme générique, inchangé jusque dans les derniers chapitres du livre, pour désigner la postérité qu’Abraham a conçue de sa servante 57 Les

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Syriens melkites suivent les usages grecs.

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Agar. Les vocables synonymes dans l’historiographie occidentale d’Agareni, Turci, Infideles ne sont pas employés, et celui de Sarrasin n’est jamais contesté, sinon par un bref rappel au chapitre 5 sans conséquence pour le récit, en sorte que la lex Mahometi en s’imposant a fini par faire entrer tous les peuples conquis sous un vocable commun. L’auteur souligne pourtant que ce grand groupe est profondément divisé selon un processus et pour des raisons qu’il expose dans des sous-catégories présentées comme une succession de petits tableaux. Ainsi, les Sarrasins d’Occident forment une ­branche du rameau principal, ils ont leur territoire en Espagne et en Afrique avec un chef religieux et politique. De même, le nomadisme des Sarrasins du Nord a fini par se fixer, et les Comans associés aux Turcs des steppes sont devenus les Turcomans, tandis que les Bédouins sont tout autant rétifs à la tutelle des Chrétiens qu’à celle des états musulmans. Pour leur part, Jacques de Vitry relève que les Druzes et les Assassins suivent la lex Mahometi, mais ne les désigne pas comme Saraceni. L’espace chrétien pour sa part est représenté par les territoires des communautés syrienne, nestorienne, jacobite, maronite et mozarabe ou les peuples arménien ou géorgien vivant, quant à eux, aux confins du monde musulman. Le monde juif est divisé en catégories – Esséniens, Samaritains, Saducéens, tribus d’Israël, Juifs de l’époque du Christ – qui se distinguent non par des caractères territoriaux ou linguistiques, mais par leurs relations avec l’histoire du salut, division artificielle avec mise en perspective historique et allégorique. Une telle variété de nationes paraît ne pas avoir de limites et trouve à se prolonger dans l’efflorescence des mythes, avec l’introduction des peuplades de l’Orient lointain : les Amazones, les Oxydraques et les Brahmanes. Dans le cas particulier des territoires traversés par Jacques de Vitry et qui recouvrent plus ou moins les limites des anciennes possessions latines en Orient, une telle diversité

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humaine, tel est le paradoxe, se retrouve par des comportements et des coutumes voisines sinon identiques, des intérêts communs, des cultes partagés. L’auteur reconnaît que les différences religieuses n’empêchent pas les Syriens de confession chrétienne et les Arabes musulmans d’avoir les mêmes coutumes et les mêmes vêtements (HOr 75)58. Il constate même que les catholiques partagent ce mode de vie, telles ces ­femmes qui fréquentent les bains publics et se livrent, à ce qu’il estime, à des pratiques choquantes : Elles s’instruisent, on ne saurait croire à quel point, auprès des femmes des Sarrasins et de celles des Syriens, dans l’art des sortilèges, maléfices et abominations en tout genre. (HOr 73)

Il y a donc un mode de vie oriental attaché au climat, aux coutumes et aux traditions, auquel adhèrent plus ou moins ceux qui finissent par s’établir en Orient. Dans les échanges quotidiens entre les hommes, le langage joue un rôle qui est parfaitement souligné, car la langue usuelle de l’Orient chrétien que découvre Jacques de Vitry est l’arabe, tandis que le recul du syriaque lui paraît sensible en milieu syrien et maronite et dans une moindre mesure chez les Jacobites. Les clivages linguistiques perdurent dans la liturgie et s’estompent dans la vie courante, au point, mais faut-il s’en étonner, que les chrétiens laïcs auxquels il s’adresse ne le comprennent pas59. La question du plurilinguisme n’est pas nouvelle dans l’Orient latin et le pouvoir s’est toujours préoccupé d’en tenir compte. Le point de vue de l’Historia tend surtout à montrer que l’arabe, langue des Sarrasins, supplante dans le petit ­peuple les modes d’expression antérieurs, donnant naissance à un milieu linguistique relativement homogène ; c’est le fait essentiel. Car, au-delà des conditions de vie matérielle et 58 Lettres, 59 Lettres,

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2, p. 48-50 ; Lettres, 2, p. 54-55. 2, p. 64.

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physique, l’autre constat de l’Historia est bien de souligner que la force de l’Islam réside dans la puissance conquérante de sa langue. Les échanges culturels, hormis certaines formes d’expression de religion populaire, semblent se faire au détriment de la communauté chrétienne confrontée aux prescriptions et rites de la société civile et religieuse du monde musulman dont la forte identité est soulignée et définie encore dans le chapitre sur l’Islam (HOr 6). Il est fort possible enfin que les expéditions militaires des croisés soient venues envenimer des relations qui paraissent depuis longtemps avoir été peu affectées par les clivages religieux, tandis que Jacques de Vitry souligne le dérangement provoqué par les expéditions de secours (HOr 102) et l’hostilité des Poulains à l’encontre de nouveaux arrivants peu rompus aux pratiques locales : Après s’être immensément enrichis sur le dos des pèlerins à qui ils louent un logement à un prix excessif, qu’ils trompent et dépouillent dans des opérations de commerce, de change, des transactions de toute nature, ils se moquent des combattants du Christ, qui se sont exilés en son nom, ils en rient, les harcèlent de toutes leurs injures et railleries, les nommant ‘enfants d’Hernaud’, comme s’ils étaient des fanfarons ou des imbéciles; sous prétexte de réclamer leur dû, ils ne cessent de harceler ces gens envers qui ils ne devraient avoir que de la compassion. (HOr 73)

L’évêque d’Acre, qui se présente dans sa correspondance comme le témoin désabusé de ces années de guerre, offre dans l’Historia un tableau de l’Orient qui est aussi un discours sur la profonde altérité de la contrée où est née le christianisme, contrée dont la possession demeure une constante de l’imaginaire en Occident chrétien. Par voie de conséquence, ­Jacques de Vitry décrit de façon sous-jacente les obstacles et les limites d’une éventuelle reconquête des territoires ­perdus.

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L’édition On recense à ce jour cent vingt-quatre exemplaires de l’Historia orientalis, copiés de la seconde moitié du xiiie ­siècle au xvie siècle, production qui a touché l’Europe entière. Cette nouvelle édition se fonde sur l’editio princeps (15961597) qui est la copie d’un manuscrit, perdu aujourd’hui, de la bibliothèque du prieuré d’Oignies, comme nous nous en expliquons ci-dessous. Nous en avons néanmoins comparé le texte avec le corpus suivant de dix manuscrits : Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, Codex Guelf. 30. 5 Augusteus (A) Manuscrit sur parchemin ayant appartenu au monastère SaintPantaléon de Cologne avant de passer à la bibliothèque ducale, datable entre 1235 et 124760. Ce manuscrit contient les textes suivants : fol. 1-65 : De sanctitate meritorum et gloria miraculorum beati Karoli magni. fol. 65v-128 : Jacques de Vitry, Historia Iherosolimitana seu orientalis avec prologue et table de cent chapitres (fol. 65v-66v) [Bongars, p. 1047], livre I ou Historia orientalis (fol. 67-102v), livre II (fol. 103-128) [Hinnebusch, p. 73]. fol. 128-133 : Olivier le scolastique, Historia de ortu Iherusalem et ejus variis eventibus [éd. H. Hoogeweg, Tübingen, 1894, p. 25] fol. 134 : Incipiunt nomina pontificum iherosolimitane urbis. fol. 135v : Brevis compilatio excidii Ierusalem post passionem Domini. fol. 136v-139v : Isti sunt episcopi sub Romano pontifice. Rédaction soignée sur deux colonnes, sans ratures ni corrections en marge. Les initiales sont ornées avec antennes et les rubriques intégrées dans les blancs. Explicit : De die in diem expectantes.

60 Hinnebusch,

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Londres, British Library, Ms. Add. 40 075 (B) Manuscrit sur parchemin provenant de l’abbaye Saint-Martin de Tournai, daté du milieu du xiiie siècle. Il contient le livre I (fol. 2-51), précédé du prologue (fol. 1-1v), d’une table de cent chapitres (fol. 1v-2) et suivi du livre II (fol. 51v-88). Sous cette forme, il n’est qu’une partie d’un manuscrit disjoint après la dispersion de la bibliothèque de l’abbaye à la fin du xviiie siècle61. Le manuscrit actuel est entré ensuite dans les collections privées de Joseph Barrois (17851855), du comte d’Ashburnham (1849), de Thomas Brooke qui l’a cédé à la British Library en 1921. L’exemplaire initial comptait plusieurs écrits de saint Bernard : De gratia et libero arbitrio [PL 182, col. 1002], liber de praecepto et dispensatione [PL 182, col. 859], epistula ad Widonem abbatem [PL 182, col. 108], Sermones in natali sancti Victoris [PL 183, col. 371]. On y relevait des textes de nature édifiante d’origine voisine : Miracula du pape Eugène, Disputatio justo cum Deo. Le manuscrit contenait la Vita Prima sancti Francisci en trois livres de Thomas de Celano [Analecta Franciscana, 10, Florence, 1922-1941, p. 3] suivie de la Vita de Marie d’Oignies [AASS, Juin V, Paris Rome, 1867, p. 547]62. Le manuscrit dans sa forme actuelle porte une double correction témoignant du soin apporté à sa rédaction. Il est rédigé d’une même main et d’une écriture sobre et soignée, sur deux colonnes, sans initiales ornées. Explicit : De die in diem expectantes. Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ms. Reg. lat. 504 (C)  Manuscrit sur parchemin du début xive siècle, peut-être d’origine française (Nord ou Paris), sans doute partie disjointe d’un manuscrit plus important comme l’indique la nouvelle pagination du xviie siècle63. Son premier détenteur sous cette forme est Paul Petau (†1614). Il est passé dans le fonds de la reine Christine de 61 T. Libert, La dispersion du patrimoine codicologique d’une communauté médiévale :

l’exemple de Saint-Martin de Tournai, Louvain, 1987. 62 A. Sanderus, Catalogus librorum Mss bibliothecae monestarii S. Martini Torna-

censis additis paucis antiquioris impressionis, in Biblioteca Belgica manuscripta, 1, Lille, 1641, p. 98.  63 Manuscrit décrit en 1961 par Franca di Marco (IRHT).

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Suède en 1650, pour entrer dans la collection du cardinal Ottoboni (1689). Il contient l’Historia en trois livres sous le titre : Hystoria orientalis edita a magistro Iacobo de Vitriaco Acchonensi episcopo, avec prologue (fol. 1), table de cent chapitres (fol. 1-1v), livre I (fol. 1v-23v), livre II (fol. 24-33v), livre III (fol. 33v-38) [Bongars, p. 1125]. Le manuscrit rédigé sur deux colonnes d’une écriture soignée, avec de rares corrections en marge. Les initiales bicolores sont ornées avec antennes et les rubriques de chapitres sont intégrées dans les blancs64. Explicit : De die in diem expectantes. Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. lat. 16 079 (D) Manuscrit sur parchemin ayant appartenu à la bibliothèque du collège de la Sorbonne sous la côte 897 et daté de la première moitié du xiiie siècle. Il contient plusieurs textes copiés à la suite sans titres : fol. 2-68v : Postquam divine (Jacques de Vitry, Historia en trois livres avec prologue (fol. 2), table de cent chapitres (fol. 2-3v), livre I (fol. 3v-39v), livre II (fol. 40-56v), livre III (fol. 56v-68v). fol. 69 : Rex Indie David (Jacques de Vitry) [Lettres, p. 176 ; Huygens, p. 141]. fol. 69v-71 : Duodecima pari de votis (traité anonyme, extraits) fol. 73-79 : Angelus purus (extraits d’un traité sur la nature) fol. 79-82 : Desiderandi tibi scribi (Marbode) [De gemmis, éd. J. M. Riddle, Washington, 1977] fol. 83-86a :Venerabili fratri Acardo suo (extraits d’un traité sur les vertus) fol. 86 : Regibus olim (extraits d’une vie de Pilate) Le manuscrit est rédigé sur deux colonnes d’une écriture serrée avec corrections modernes dans les six premiers chapitres. Une coupure fait disparaître les chapitres 97 à 100 (fol. 37v-38). Explicit : De die in diem expectantes.

64 HOr 5

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a été coupé en trois paragraphes, de même que HOr 92.

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Charleville-Mézières, Bibliothèque municipale, Ms. 275 (E) Ce manuscrit sur parchemin a appartenu à l’abbaye des Prémontrés de Belval-Bois-des-Dames, il est daté de la seconde moitié du xiiie ou du début xive siècle65. L’Historia est accompagnée d’un ensemble d’ouvrages relatifs à l’Orient ou de nature hagiographique : fol. 1-9a : Dares Phrygius. Historia de excidio Troiae (extraits) fol. 9-9vb : Dyctis Cretensis. Ephemeris belli Troiani (extraits) [éd. F. Meister, Leipzig, 1873] fol. 9vb-23b : Excidium Troiae (extraits) [éd. E. Bagby Atwood et V. K. Whitaker, Cambridge Mass., 1944] fol. 23b-158vb : Eutropius Paulus Diaconus Landulphus sagax, Historia romana I-XXVI [PL 95, c. 1140] fol. 158vb-167va : Historia Apolonii regis Tyri [éd. A. Riese, Leipzig, 1873] fol. 167va-168vb : Altercatio Hadriani Augusti et Epitecti philosophi [éd. A. Daly et W. Suchier, Urbana, Ill. 1939, p. 152] fol. 168vb-170va : Translatio sancti Stephani protomartyris [BHL, 7883] fol. 170va-171b : Miraculum sancti Laurentii [BHL, 4787] fol. 171vb-172b : Miraculum de imagine beatae Mariae de Sardenay [BHL, 5408 ; Peregrinatores medii aevi quatuor, éd. J. C. M. Laurent, Leipzig, 1873, Sup. 14]. fol. 172b-174b : Translatio sanctae crucis parisios a 1241 [BHL, 4198] fol. 174va-176vb : Psalterium Beatae Mariae [éd. G. M. Dreves et C. Blume, Analecta hymnica Medii Aevi, Leipzig, 1886-1922, 36, p. 27] fol. 177a-217va : Historia orientalis sive Hierosolymitana abbreviata (livre I seul) fol. 217va-219vb : Descriptio terre sancte (Anonyme) fol. 219vb- 226va : Imago mundi [Honorius Aug., PL 172, c. 121] fol. 226vb-228vb : Beda, Liber de locis sanctis [éd. P. Geyer et al., Itineraria et alia geographica, CCSL 175, p. 252]. 65 C. Jeudy et Y. F. Riou, Les manuscrits classiques latins des bibliothèques publiques

de France, Paris, 1989, 1, p. 426.

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Écriture régulière avec initiales simples sans antennes. Les titres de rubriques sont ajoutés dans les blancs avec majuscule. Ils disparaissent entre les chapitres 67 et 74, pour réapparaître sans numérotation avec des notes dans les marges entre les chapitres 86 et 91 (fol. 203v-207v). Le chapitre 92, de diversis gentium moribus, comprend trois parties, dont la première avec titre, de moribus Amazonum (fol. 208). Au chapitre 94, on relève une mention d’une autre main dans la marge de tête, de amissione Terre sancte (fol. 212). Les chapitres suivants se repèrent par des retours à la ligne avec initiales. Explicit : De die in diem expectantes. Paris, Bibliothèque Nationale de France, Ms. nouv. acq. lat. 1423 (F) Manuscrit sur parchemin de la seconde moitié du xiiie ou du début du xive siècle. Son origine n’est pas connue (France du NordEst ?). Il est très proche du précédent et compte treize titres identiques placés dans le même ordre. Le livre I, Hystoria Jherusilimitana abbreviata, figure en dixième position (fol. 174v et 187v). Volume de 187 feuillets rédigé en écriture sobre sur deux colonnes, sans ratures ni corrections, avec initiales simples sans antennes. Les intitulés des chapitres sont intégrés dans le texte. Il devait être complet, mais s’interrompt au chapitre 59 : Preminentiam breviter subjungamus (fol. 187v)66. Troyes, Bibliothèque municipale, Ms. 2403 (G) Manuscrit du troisième quart du xiiie siècle (1279). Le premier possesseur connu est l’abbaye de Clairvaux, où il était répertorié dans le catalogue de Pierre de Virey de 1472 sous la côte Q 3967. Le livre I avec prologue et table de cent chapitres est le premier des deux titres du manuscrit (fol. 1-124). L’ouvrage suivant est un abrégé des Confessions d’Augustin en 13 livres : Meditationes devotae e libro Confessionum beati Augustini compilatae a priore quodam ecclesiae S. Mariani Autissiodorensi (fol. 125-177)68. Manuscrit monastique, 66 L. Delisle,

Manuscrits latins et français ajoutés aux fonds des nouvelles acquisitions. Inventaire alphabétique, 1, Paris, 1891, p. 206-208. 67 A. Vernet, Bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du xiie au xviie siècle, 1, Catalogues et répertoires, Paris, 1979, p. 243. 68 Catalogue général des bibliothèques publiques des départements, 2, p. 1000. 

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d’écriture régulière sur deux colonnes, avec initiales simples colorées. Les titres manquent entre les chapitres I et VI inclus, puis sont insérés dans les blancs par une autre main. Ils font à nouveau défaut entre les chapitres 33 et 42. Explicit : De die in diem expectantes. Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Ms. Pl 66 sin. 28 (H) Manuscrit du xiiie siècle ou du début du xive, en deux parties et d’origine inconnue. La première partie est du xiiie siècle et comporte le livre I isolé avec une table de cent chapitres sous le titre Historia iherosolimitana abbreviata sive de mirabilibus mundi (fol. 1-31). La seconde partie est du xive siècle : Summa Dictaminis magistri Thomae Capuae (fol. 31-68) [Die ‘Ars Dictandi des Thomas von Capua, Kritisch erläute Edition, éd. E. Eller, Heidelberg, 1929]. Codex sur parchemin de 68 folios rédigés sur deux colonnes d’une écriture très serrée. Les titres de rubriques sont insérés dans les blancs avec initiales ornées de petites antennes. Les marges contiennent quelques notes d’une main différente (fol. 15), puis les différentes mentions sur les catégories animales (fol. 20). Explicit : De die in diem expectantes. Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, Ms. Phill. 1883 (J) Manuscrit sur parchemin du début du xive siècle, d’origine française comme en témoignent les mentions de propriétés – l’une du xvie siècle : Iste liber est de libris patris mei Petri Blondelet (fol. 109), l’autre, non datée, indiquant que le manuscrit a appartenu au collège des Jésuites à Fixin en Bourgogne : Colegii Fixinsis Societatis Iesu69. Le manuscrit compte 111 folios avec quatre titres70 : fol. 1-95vb : Jacques de Vitry, Historia Hierosolimitana abbreviata (livre I, prologue et table de cent chapitres) 69 Un manuscrit appartenant au même fonds, Phillipps 1866, contient le cata-

logue de 1662 des livres de Jean Bouhier de Troyes (fol. 1-8v), A. M. Genevois, J. F. Genest, A. Chalandon, Bibliothèques des manuscrits médiévaux de France. Relevé d’inventaires du viiie au xviiie siècle, Paris, 1987, p. 35. 70 V. Rose, Verzeichnis der lateinischen Handschriften der Königlichen Bibliothek zu Berlin [Die Handschriften-Verzeichnisse der Königlichen Bibliothek zu Berlin XIII ], 1, Berlin, 1893, p. 331-333.

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fol. 95-108b : Vertamcia stillum nostrum (fragments attribués à Jacques de Vitry (?), dont une topographie de terre sainte) fol. 108b-109b : Quidam Sarracenus dicebat (fragments historiques) fol. 109b-111 : Contra guttam (fragments de pratique médicale) Écriture espacée et proche de la notariale, sur deux colonnes avec initiales ornées avec antennes et bordures, bouts de lignes ornés. L’ordonnance des folios est perturbée (fol. 39v) et les marges occupées par mentions (fol. 84-86) ou dessins (fol. 30, 30v, 35v, 36a, 40). Explicit : De die in diem expectantes. Berne, Bürgerbibliothek, Ms. 499 (K) Manuscrit du xive siècle, entré en possession d’un chanoine de la cathédrale de Langres, selon une mention portée au dos de la couverture : Pro me prudenttio de Recourt canonico Lingonensi (fol. 97) et, plus tard, dans la collection de Jacques Bongars71. Il compte 98 folios avec le prologue (fol. 2-3), une table de cent un chapitres où il manque la première tête de chapitre (fol. 3-5), le livre I (fol. 5-96v) et onze lignes du livre II (fol. 96v). La pagination est d’une autre main (xvexvie), ainsi que le titre : De mirabilibus terrae sanctae. Iacobi de Vitriaco Acconensis episcopi historia hierosolymitana (fol. 1). Manuscrit monastique, sobre, avec initiales simples, sans décor, portant de rares corrections marginales d’une autre main. Le texte est perturbé. On relève de nombreuses et importantes lacunes sans doute volontaires dans les premiers folios et une longue inversion entre les folios 14v et 27 qui conduit à intégrer les chapitres 59-75 dans le corps du chapitre 6, puis à réintroduire le texte (HOr6-HOr58) manquant à partir du folio 52v. Explicit : De die in diem expectantes. L’editio princeps (mo) L’Historia orientalis a été publiée pour la première fois à Douai en 1596 par François Moschus sous le titre : Jacobi de Vitriaco primum Acconensis deinde Tusculani episcopi et sanctae ecclesiae Romanae cardinalis, sedisque apostolicae in Terra sancta, in Imperio, in Francia, olim legati ;

71 J. R.

Sinner, Catalogus codicum Mss bibliothecae Bernensis, 2, Berne, 1770, p. 340-343.

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libri duo, quorum prior Orientalis, sive Hierosolymitanae, alter Occidentalis historiae nomine inscribitur. François Moschus était docteur de l’Université de Douai et fréquentait les milieux humanistes, publiant à l’occasion des pièces poétiques en latin. Devenu prêtre, puis chanoine à Arras, il occupa la cure d’Armentières en 160072. Il entretenait aussi des relations suivies avec le couvent Saint-Nicolas d’Oignies dans le diocèse de Namur alors sous domination espagnole. La région était particulièrement touchée par les luttes entre catholiques et protestants, et l’édition est née dans ce contexte73. François Moschus rapporte ainsi les circonstances qui l’ont conduit à la mener à bien : J’estime qu’il faut mettre parmi eux un livre rédigé sur manuscrit en parchemin et en caractères anciens, livre se rapportant à l’Histoire orientale et occidentale, composé il y a plus de quatre cents ans par le très révérend seigneur Jacques de Vitry, excellent autant que savant, évêque d’Acre d’abord, puis cardinal de la sainte Église romaine. Le révérend prieur du monastère d’Oignies, Antoine de Montifaut, homme très érudit et savant, m’en fit faire copie, tandis que j’étais venu vénérer les reliques de la bienheureuse Marie d’Oignies reposant sous la pierre d’un sarcophage, le cinq des ides de Septembre 159574.

72 Nom

latinisé de François Mosch ou Mosquet, A. Roersch, ‘Moschus’, Biographie nationale publiée par l’Académie royale des sciences, des lettres et des beauxarts de Belgique, 15, Bruxelles, 1899, col. 285. 73 Moschus, p. 8.  74 « Quo in genere numerandum judico librum antiquiis characteribus in charta pergamina mss. quo Orientalis item que Occidentalis historia continetur, adhinc annos prope 400, contexta a reverrissimo domino Iacobo de Vitriaco, prius Acconensi, deinde Tusculanum episcopo SRE cardinale, optimo juxta ac doctissimo. Cujus quidem libri copiam mihi fecit reverendus dominus prior monestarii Oegniacensis, Anthonius de Montifaut, vir perhumanus et eruditus ad quinctum Idus septembreis anni 1595 eo me contulissem ad venerandas beatae Mariae Oegniacensis reliquias, ibidem in lapideo sarcophago reconditas. » Ibid., p. 4-5.

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Cette édition est donc la copie, réalisée en 1595, d’un manuscrit conservé au prieuré de Saint-Nicolas d’Oignies75. Cet exemplaire est aujourd’hui perdu, disparu durant la période révolutionnaire. Il n’est pas décrit par son éditeur, sinon comme un exemplaire sur parchemin76. Nous en possédons cependant la datation grâce à une mention finale portée en marge : Anno scilicet ab incarnatione domini mccxxiiii77. L’indication qui devait figurer dans le colophon a été reproduite dans l’editio princeps à la dernière page en marge de gauche. Elle signale la date finale de la copie ou plus vraisemblablement celle de l’Historia orientalis (livre I), dont elle donne le terminus ad quem. Elle est d’importance, car en 1224 Jacques de Vitry occupait encore le siège d’Acre et se trouvait en Orient78. Ce manuscrit est le seul connu avec certitude comme étant de son vivant, et c’est la marque de son grand intérêt. De surcroît, l’exemplaire était conservé dans la bibliothèque du prieuré de Saint-Nicolas d’Oignies au moment d’être recopié par les soins du prieur Henri de Montifaut. Il faut rappeler encore que l’évêque d’Acre avait été un membre éminent de cette communauté canoniale avant son départ en Orient et qu’il lui avait fait don de nombreux objets précieux et livres personnels79. Cette copie était-elle fidèle au manuscrit ? Nous relevons dans l’édition vingt-sept mentions marginales, le plus souvent des références scripturaires. Il y a en outre des mentions explicatives pour des noms et mots : ‘Corbanam’ pour ‘Corboram’, ‘Cassiano’ pour ‘Axiano’, ‘Scythopoli’ pour ‘Citopoli’, ‘caryophylla’ pour ‘gariophili’, ‘Asphaltes’ pour ‘Alphates’. Par ailleurs, certains termes ont été commentés : ‘fort(asse) monocerotes’ pour ‘rhinocerotes’, ‘fort(asse) fer75 A. Labarre,

Répertoire Bibliographique des Livres imprimés en France au xvie siècle, Douai, 2, Baden Baden, 1992, p. 376-379. 76 Moschus, p. 479. 77 Moschus, p. 228. 78 A. Le Mire signale 1224 comme la date d’achèvement de l’Historia orientalis (A. Miraeus, Rerum Belgicarum chronicon, Anvers, 1636, p. 335). 79 Martene, 1, col. 1278 ; Le Mire aurait consulté les livres de Jacques de Vitry en 1607 ; un passage interpolé de la chronique des évêques de Liège montre que le prieuré d’Oignies possédait en 1242 un ouvrage sur l’Orient attribué à l’évêque d’Acre, Gesta Episcoporum Leodiensium, éd. I. Heller, MGH SS, 25, p. 93.

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rugineos’ pour ‘prurigineos’, ‘leg(e) Hieropolitanum’ pour ‘Geropolitanum’. Il est probable que ces mentions figuraient dans les marges du manuscrit au moment d’en tirer copie pour l’édition. Elles ont été reprises telles quelles. En effet, François Moschus s’était adjoint le concours d’un autre érudit, Nicolas Hoius, pour corriger les épreuves, rédiger des notes ainsi qu’une biographie de l’auteur80. Ces notes placées en fin d’édition sont abondantes et auraient pu intégrer les commentaires en marge. Ce n’est pas le cas, et l’éditeur a respecté à la lettre l’état du manuscrit. Ainsi le correcteur a bien relevé l’erreur de chronologie du chapitre 4, sans corriger le texte pour autant81. C’est un gage de la qualité de la copie. D’une autre manière, nous rencontrons dans la marge de la page 19 de l’édition la mention mille nocendi artium, venant expliciter le sens de l’ex­ pression obscure ei ille mille artifex82. De même est signalée en marge de la page 226 une lacune de quelques mots. Nous pouvons ad­mettre que ces deux mentions se trouvaient aussi dans la marge du manuscrit, car dans le cas contraire elles auraient fait l’objet d’une correction directe ou d’une note en fin de volume. Nous disposons ainsi d’un témoin de première importance pour lequel les opérations d’édition n’ont pas altéré la qualité du texte manuscrit. Il faut ajouter que l’editio princeps a eu deux tirages à une année d’intervalle. Leur comparaison montre que les coquilles et les erreurs du premier (1596) ont été corrigées dans le suivant (1597) sans que cela conduise à normaliser les orthographes ou à transformer les passages problématiques. Par exemple, certaines graphies divergentes, rencontrées en plusieurs lieux du texte, n’ont pas été modifiées entre les deux tirages au profit de l’une ou l’autre orthographe : ‘Anteradensis’ et ‘Enteradensis’, ‘Assur’ et ‘Arsur’, ‘Baldwinus’ et ‘Baldovinus’, ‘Clarum’ et ‘Darum’83. De même, aux chapitres 100 et

80 Ibid. p. 479. 81 Moschus, p. 459. 82 Référence au vers de Virgile : Mille, mille nocendi artes, Énéide, VII, 337-338,

cité volontiers par les Pères, notamment Grégoire, P. Riche, Éducation et culture dans l’Occident barbare (vie-viiie siècle), Paris, 1962, p. 156, note 90. 83 Labarre, Répertoire, p. 378-379.

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102, la leçon Elizabeth pour Isabelle a été conservée84. On constate que l’éditeur a renoncé à toute correction qui pouvait dénaturer le manuscrit d’Oignies. L’editio princeps en donne la copie intégrale, elle n’en est que plus précieuse pour en avoir sauvé le contenu. L’édition de Jacques Bongars (bo) La seconde édition de l’Historia orientalis est celle de l’érudit et diplomate Jacques Bongars (1554-1612). Elle fut publiée en 1611, un an avant sa mort, dans une volumineuse compilation de chro­ niques de croisades, la première du genre85. L’Historia orientalis est le douzième texte de ce recueil et paraît alors sous la dénomination d’Historia Iherosolymitana abbreviata86. Cette édition rassemble l’Historia orientalis ou livre I, le prologue et le livre III apocryphes, ainsi qu’une importante préface. Dans celle-ci l’éditeur nous apprend qu’il a utilisé l’édition de Douai, parue quelques années plus tôt, et trois manuscrits, dont deux appartenaient à Paul Petau, son cousin. Mais ces derniers n’ont pu être identifiés, en l’état, parmi les exemplaires connus qui proviennent de ce fonds87. Jacques Bongars a donc suivi les leçons de l’édition de Douai pour s’en écarter dès qu’une difficulté de lecture ou de chronologie lui paraissait un motif suffisant pour le faire. L’un des manuscrits de Paul Petau devait contenir le prologue et le livre III que l’édition de Douai ne donnait pas, puisqu’elle ne figure pas dans le manuscrit original. L’éditeur paraît donc avoir utilisé un exemplaire nettement plus tardif que celui d’Oignies comme le montrent les interpolations qu’il recueille et les leçons qu’il adopte. L’édition de Jacques Bongars, pour être inclue dans un recueil de textes sur les croisades, a été très utilisée par les historiens et les 84 Confusion assez coutumière car Isabelle est la version espagnole d’Elizabeth.

Ainsi dans une correspondance pontificale du 1er mars 1224 adressée aux prélats latins en Orient, dont Jacques de Vitry, la fille de Jean de Brienne, Isabelle, est appelée Elizabeth, Epistulae Saeculi xiii regestis Pontificum Romanorum selectae, éd. C. Rodenberg, 1, n° 242. 85 Gesta Dei per Francos sive orientalem expeditionum et regni Francorum Hierosolymitani historia… nunc primum aut editis aut ad libros veteres emendatis, Hanau, 1611. 86 Bongars, p. 1049-1124. 87 Bongars, Préface, XII, 4.

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traducteurs88. Elle a été plus largement diffusée que celle de Douai, à ce jour, c’est l’unique édition de l’Historia à s’appuyer sur plusieurs manuscrits89.

Le manuscrit d’Oignies, version première de l’Historia orientalis Les qualités externes du manuscrit d’Oignies nous sont connues à travers l’editio princeps (mo) : datation, lieu de production et de conservation, absence de prologue, et elles permettent de le considérer comme le tout premier témoin de l’œuvre. La question du prologue a fait l’objet d’un examen sur lequel nous ne revenons pas, mais il existe de bons arguments pour mettre en doute son attribution à l’auteur du livre I, c’est pourquoi son absence dans la version d’Oignies doit être considérée comme un gage supplémentaire de qualité90. Ces caractères généraux confèrent au manuscrit d’Oignies la légitimité d’un représentant de la toute première version de l’Historia. Les dix exemplaires de comparaison ne présentent pas les mêmes garanties, puisque aucun d’entre eux ne peut être véritablement considéré comme 88 F. Guizot, Collection des mémoires relatifs à l’Histoire de France, 22, Paris, 1825 ;

Jacques de Vitry, The History of Jerusalem, éd. A. Stewart (Palestine Pilgrim’s Text Society, 11), Londres, 1896 ; Itinera hierosolimitana crucesignatorum (s. xii-xiiie), t. 3 : Tempore recuperationis Terrae sanctae (1187-1244), éd. S. De Sandoli, (Publicazione dello studium biblicum Franciscanum, 24) Jérusalem, 1983 ; N. Guglielmi, Jacques de Vitry, Historia de las Cruzadas. Introduccion, seleccion, traducion y notas, Buenos Aires, 1991. 89 L’édition de Douai a eu une vraisemblablement une diffusion assez restreinte. Au sud, des exemplaires sont signalés à Lyon et Grenoble. On en retrouve surtout au nord jusqu’en Belgique avec des pointes en Hollande et en Angleterre, Labarre, Répertoire, p. 379. L’exemplaire du premier tirage (1596) conservé à la bibliothèque municipale d’Aix-en-Provence provient du fonds parisien de l’abbé Sepher (1710-1781), vice-chancelier de l’Université de Paris, acquis peu avant la Révolution par le marquis de Méjanes, Catalogue des livres rares et singuliers de la bibliothèque de l’abbé Sepher, Paris, 1786. 90 J. Donnadieu, art. cit. p. 433-440.

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remontant à un texte plus proche de l’origine, par la date comme par la localisation. L’originalité de la version d’Oignies paraît ressortir en outre de l’analyse comparée des différents témoins. Nous dirons qu’elle contient des leçons d’ordre topo-géographique singulières au regard de Guillaume de Tyr, première source de l’Historia dans la partie du récit où ces leçons se rencontrent, et aussi de la plupart de nos manuscrits de comparaison. On en relève quatre principales : 1- Au chapitre 4, pour dater les débuts de Mahomet, nous lisons : … parum ante tempora beati Gregorii, regnante predicto Heraclio. La leçon est apparemment fautive et ne correspond pas à la chronologie traditionnelle, puisque l’hégire (622) est postérieure à la mort de Grégoire (604). Ainsi, après correction, neuf manuscrits au moins sur dix réta­ blissent la chronologie : Post tempora beati Gregorii, parum ante tempora predicti Eraclii91. Toutefois, la leçon d’Oignies n’a pas disparu et on la trouve sous une forme approchante dans H. Cela étant, cette version est-elle réellement fautive ? Nous savons que Guillaume de Tyr dans ses ouvrages d’histoire a utilisé une chronologie inspirée du comput arabe à partir de sources orientales, dont les Annales d’Eutychios92. En effet, les historiens chrétiens de langue arabe des premiers siècles de l’Islam suivaient une chronologie plus haute et dataient l’hégire de la première année du règne d’Héraclius (610)93. Les passages concernant l’Islam et Mahomet dans l’Historia orientalis ont été transmis par des intermédiaires dont il est permis de penser qu’ils se servaient d’une chronologie sensiblement plus haute que celle adoptée dans la tra91 Ms. B, fol. 3vb. 92 GT 1, 3 ou GT

19, 21 ; A. C. Krey, ‘William of Tyre. The making of the historian in the Middle Ages’, Speculum, 16 (1941), p. 155. 93 Eutychios, Annales, PG 111, c. 1086 ; Petrus Ibn Rahib, Chronicon orientale, Scriptores Arabici, series tertia, 1, éd. P. L. Cheiko, CSCO, Paris 1903, p. 56.

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dition occidentale. La fin du chapitre 14 de l’Historia en garde la trace. Le réviseur de l’édition n’a d’ailleurs pas corrigé le texte du manuscrit, et il est probable que l’Historia orientalis est apparue à ses premiers éditeurs comme un ouvrage suffisamment singulier pour être associé à des auteurs orientaux94. C’est pourquoi la leçon contenue dans la version d’Oignies mérite d’être conservée comme témoin de cette origine, ce qui s’accorde avec le contexte de rédaction et la date du manuscrit. 2- La version d’Oignies offre encore deux leçons assez singulières qui reposent selon toute apparence sur des fautes de copie, même si l’on ne peut préciser à quel stade de la tradition textuelle elles se sont produites. Ces fautes vont à l’encontre de la leçon donnée par Guillaume de Tyr. La première, au chapitre 32, situe le port d’Antioche in faucibus Orientis fluminis contre Guillaume qui le localise in faucibus Orontis fluminis95. Nos manuscrits de comparaison se par­ tagent entre les deux versions : Guillaume de Tyr est suivi par A, B, C, D, sans doute après correction, tandis que la version d’Oignies est adoptée assez largement par E, F, H, J, K et des manuscrits tels : Cambridge, University coll., Ms. Dd.I.17 ; Paris, Mazarine, Ms. 194 ; Troyes, BM, Ms. 1531. La seconde leçon fautive se situe au chapitre 34 où la place de Darûm est dénommée ‘Clarum’, alors que le contexte implique qu’il s’agit bien de Darûm, forteresse la plus méridionale du royaume, face au désert. Là encore, les manuscrits de comparaison se répartissent de la même façon puisque la leçon ‘Clarum’ se trouve dans E, F, J, K et que A, B, C, D, G adoptent la leçon ‘Darûm’. Dans les deux cas la version 94 Jacques Bongars explique dans la préface des Gesta qu’il n’a pas consulté une

« editio » de Paris de Jacques de Vitry que Jean Pistorius pensait insérer dans son livre sur les auteurs syriaques, peut-être l’ Ars cabalistica paru à Bâle en 1587, Bongars, XII, 4. 95 GT 4, 10.

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d’Oignies a une postérité soutenue puisqu’une partie des manuscrits de comparaison suivent ses leçons contre celles, plus coutumières, fondées sur Guillaume de Tyr. On peut se demander toutefois si ces leçons dénaturent le sens du texte au point de le rendre inintelligible. Dans le premier cas, substituer au syntagme ‘flumen Orontis’ celui de ‘flumen Orientis’ n’est pas contraire à l’étymologie de l’Oronte telle qu’Isidore la formule, et rend assez bien compte d’une lo­gique d’exposition propre à l’Historia orientalis dans laquelle est privilégié, non tant l’exactitude des choses, qu’une inter­ prétation des faits dans laquelle le symbolisme a sa part96. Nous pouvons faire la même remarque dans le second cas. La leçon de ‘Clarum’ pour ‘Darûm’, n’est pas contraire à une bonne compréhension du texte. C’est ainsi que l’on retrouve trace de ce toponyme dans Guillaume de Tyr qui, se fondant sur l’arabe, désigne ‘Collis Clarus’ la place forte de Blanche Garde au nord ouest de Darûm97. C’est là un glissement de nom qui peut avoir sa source dans une faute de copie ou de lecture. Pourtant nous serions enclin à penser que le terme de ‘Clarum’, placé à cet endroit du texte, vient à désigner précisément la dernière place sentinelle du royaume en face au désert de l’Égypte (L’Illustre, La Brillante). Dans les deux cas l’erreur apparente est aussi un jeu sur les mots et sur leur sens ; on peut admettre qu’elles entrent de ce fait dans le discours. Faut-il les corriger ? Ces leçons relativement répandues à la suite de la version d’Oignies, dont on a souligné le contexte de la rédaction, paraissent être encore les marques d’une première composition. Nous les avons donc conservées. 96 « Fluvius

Syrie qui vocatur Orontes juxta Antiochiae muros decurrens, qui a solis ortu oriens non longe ab urbe conditur mari, quem de originis sue tractu Orontem veteres latin appellavere », Isid. Etym. 13, 21, 17. 97 Infra, note XXXIV, 1.

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3- À la fin du chapitre 43, la version d’Oignies ne date pas la prise de la ville de Tyr. C’est une différence notable avec la totalité des manuscrits de comparaison qui reprennent la formule de Guillaume de Tyr : Civitatem anno igitur ab incarnatione Domini, millesimo centisimo vicesimo quarto, capta est a Christianis civitas Tyrensis et nomini christiano restituta.

Cette position unanime découle d’un enrichissement du texte à partir de la même source. Là encore faut-il corriger ? Les mêmes manuscrits ne suivent plus Guillaume de Tyr pour dater les conquêtes des cités de Sidon et Tripoli, et, sur ces points, ils se trouvent en accord avec la version d’Oignies. Celle-ci fait tout à la fois l’économie des datations des conquêtes de Tyr, Sidon et Tripoli et n’avance de date précise que pour souligner quatre événements d’importance : prises d’Antioche et de Jérusalem, défaites du Casal Robert et de Hattîn98. Dans l’Historia les précisions chronologiques ont une place très réduite. Seules apparaissent les dates de la reconquête et de la perte des lieux des fondations du christianisme. Nous admettrons alors que la version d’Oignies est plus conforme au discours de l’Historia orientalis et que la correction apportée n’a fait que céder à une tentation érudite. 4- Dans un autre registre, la version d’Oignies se dis­ tingue nettement des manuscrits conservés par l’organisation du texte en offrant un découpage et des intitulés de chapitres absents des dix exemplaires examinés99. À partir du chapitre 98 Il

est remarquer que la prise de Jérusalem par Saladin (1187) est passée sous silence, ce qui n’est pas le cas dans les chroniques de la période. On peut estimer que le discours de l’Historia tend à la démonstration du thème annoncé en HOr 1 et HOr 2, que la possession ou la perte de la Ville Sainte, lieu du salut de l’humanité, illustre les aléas du mouvement de l’histoire. 99 Cette remarque n’implique d’ailleurs pas que se soit Jacques de Vitry qui ait intentionnellement donné ces titres.

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66, ces derniers adoptent des intitulés différents, simplifiés, les mêmes en général d’un manuscrit à l’autre. Il semble que cette correction, qui fait passer le nombre de rubriques de 102 à 100, en modifiant les intitulés à partir du chapitre 66, n’ait pas été faite sans hésitation. Le manuscrit E, daté de l’extrême fin du xiiie siècle ou du début du suivant, porte la trace de cette mutation. Il adopte le même nombre de chapitres que le reste du corpus (100), et on peut supposer qu’il suit le régime commun. Pourtant, ainsi que la version d’Oignies, il distingue les chapitres 67 et 68 (fol. 196), en regroupant de façon originale HOr 73-HOr 74 (fol. 198a) et HOr 80-HOr 81 (fol. 201). Le copiste est donc revenu à une formule mixte en subdivisant le long chapitre 92 en trois parties, tandis que HOr 93 est signalé par une initiale, sans titre. Il est probable que F, qui est tronqué, est de même facture. D’un autre côté, les manuscrits A, B, C, D, H, G, J, K font bien état d’une organisation achevée, celle de la tradition ultérieure. Ils comptent cent chapitres, en regroupant HOr 67 et HOr 68 et HOr 86 et HOr 87. Par contre HOr 92 est coupé en deux, mais la seconde partie absorbe HOr 93 sous une rubrique nouvelle : Comparatio mirabilium orientalis regionis ad ea quae fiunt in aliis locis. Nous dirons pour conclure que les manuscrits A, B, C, D et G divergent entièrement sur les cinq points des leçons de mo ; ce qui paraît induire une rupture entre ce groupe et le manuscrit d’origine. Les manuscrits E, F, K, J et H con­ servent des leçons en les transformant, ainsi H pour la première variante, soit en les reprenant ce qui parait indiquer une solution de continuité avec le manuscrit d’Oignies. Tous pourtant s’en écartent sur des points pour lesquels ils sont en accord, accord qui peut supposer l’existence d’une version corrigée.

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Caractères d’une version corrigée 1- Parmi ces caractères, nous venons de souligner l’organisation en cent chapitres, commune à tous nos manuscrits, comme les titres de chapitres qui découlent de cette disposition. Il a été décidé à un moment de l’histoire du texte de procéder à une telle opération. Toutefois, elle n’a concerné que la seconde partie de l’ouvrage puisque la refonte commence petitement au chapitre 66 pour s’amplifier ensuite. Cela permet de supposer qu’il y a eu trois étapes dans l’histoire du texte : d’abord une rédaction en continu, sans capitulation, puis une répartition de la matière en cent deux rubriques, enfin une réduction à cent rubriques. Le passage d’un stade à l’autre a dû se faire plus ou moins rapidement, mais en 1224 nous savons que le stade intermédiaire était atteint. La rédaction initiale du texte en continu n’est alors plus perceptible. On en relève la trace dans une mauvaise césure entre les chapitres 18 et 19 des manuscrits A et B. Ceux-ci, cas unique dans nos manuscrits de comparaison, font débuter le chapitre 19 par la conclusion du précédent100. Il faut exclure dans ce cas une erreur due à la précipitation du copiste, car le titre du chapitre 19 vient s’interposer tout naturellement entre les deux rubriques en respectant les espaces normaux. Le copiste a donc suivi un manuscrit à la version encore fluctuante. D’ailleurs l’indice n’aurait pas autant d’intérêt s’il ne s’était agi avec B de notre plus ancien témoin et sans doute l’un des mieux corrigés101. Le passage d’un texte continu à un texte divisé en chapitres était achevé du vivant de Jacques de Vitry, mais il est probable que, pendant un temps, le nombre des chapitres et leurs intitulés ont

100 B, fol. 11bv. 101 Hinnebusch,

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varié d’un manuscrit à l’autre102. Puis, la disposition en cent chapitres, sans doute élaborée vers le milieu du siècle (A, B), s’est imposée pour perdurer jusqu’à l’époque moderne. 2- Ces remarques montrent que l’organisation a été modifiée à partir du chapitre 66, ce qui correspond approximativement à la seconde partie. Il est vrai que les titres des chapitres I à LXV sont identiques dans la version d’Oignies et dans les manuscrits. Néanmoins la première partie du texte a dû aussi faire l’objet d’une révision ou en tout cas d’un essai de révision, comme en témoignent les variantes examinées ci-dessus. Peut-être ont-elles été apportées à l’occasion d’une tentative de normalisation chronologique et his­to­ rique : datation de la prise de Tyr, substitution de Darûm à Clarum, datation de l’hégire. La correction savante a corrigé les leçons originales103. Mais c’est dans la première partie du texte, entre les chapitres I à L, qu’on rencontre des leçons communes aux dix manuscrits du corpus, ainsi : HOr 1 : ‘exposuit’/ ‘exposuerit’ ; ‘penitentibus autem et revertentibus ad cor’/ penitentibus ad cor’. HOr 4 : ‘abominalem et execrabilem doctrinam’ / ‘abominalem doctrinam’ ; ‘quod justo licet occulto dei’/’ut deus justo licet occulto’. HOr 5 : ‘sarraceni’/ ‘saraceni’ ; ‘uxorem suam’/‘uxorem’. HOr 6 : ‘feriant’/‘feriantur’; ‘prophetam iesum’/ ‘prophetam’. HOr 23 : ‘amenum’/‘ameno’; ‘fecundissimum’/ ‘fecundissimo’. HOr 25 : ‘binomia’/ ‘binominis’. HOr 47 : ‘tercius’/’quartus’.

C’est l’indice d’une correction préalable qui se retrouve donc dans les dix manuscrits, mais qui n’a pas eu de suite, 102 Autre témoin de cette organisation encore provisoire. Le manuscrit ­Bruxelles,

Bibliothèque Royale de Belgique Ms II 944, qui provient de l’abbaye Sainte-Marie de Cambron, non loin du prieuré d’Oignies, comportait cent sept chapitres (xive siècle). 103 Ces leçons effectivement sont comprises entre les chapitres IV et XLIII.

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puisque l’unanimité disparaît dans la seconde partie du texte pour faire place jusqu’à la fin à des variantes aléatoires entre les différents manuscrits. 3- Nous pouvons donc conclure à une tentative de révision inachevée et qui n’a pas permis d’aboutir à une version totalement rénovée. Nous distinguons ainsi une première moitié du texte (ca. HOr 1-HOr 63), dans laquelle les vari­ antes entre les dix manuscrits et la version d’Oignies sont peu nombreuses, excepté celles qui portent sur les noms ­propres. Dans cette première partie, il semble y avoir eu un début de révision, comme les leçons communes l’indiquent. Cette révision a été interrompue pour une raison ignorée. Dans la seconde moitié du texte s’accumulent les variantes entre manuscrits, au profit assez souvent d’un accord avec la version d’Oignies, signe d’une plus grande fluctuation du texte. La tentative de révision n’aurait pas été abandonnée pour autant, ce qui explique la nouvelle organisation d’ensemble et les nouveaux intitulés des chapitres, procédé induisant une plus grande économie. Il convient de remarquer que la version d’Oignies n’était pas exempte de difficultés, rares, mais notables. La principale se trouve au chapitre VI qui produit la leçon déjà signalée providit ei ille mille artifex en lieu et place de la bonne leçon providit ei ille malitie artifex. Il s’agit selon nous d’une abréviation remontant à la dictée et qui par la suite a été mal recopiée dans les manuscrits du corpus, à l’exception de K. Il est permis de croire que la faute a été reproduite à partir du manuscrit d’Oignies et qu’ainsi le prieuré a été le siège de la diffusion de l’ouvrage. L’hypothèse est probable s’agissant du lieu où Jacques de Vitry avait déposé plusieurs livres, dont l’Historia orientalis. C’est à partir de là que la diffusion s’est opérée, et c’est sans doute là même qu’une tentative de correction a été faite.

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Les voies de la tradition d’après les manuscrits du corpus À l’égard de la version d’Oignies, les dix manuscrits du corpus paraissent donc découler d’une révision inachevée de l’Historia. On peut les répartir en trois groupes. 1- Le premier est représenté par E, F, deux manuscrits qui donnent des leçons très proches, mais dont le second est incomplet. Le caractère principal de ce petit groupe est d’être encore assez voisin de la version d’Oignies. Dans la première partie du texte ils conservent les leçons : ‘Orientis’/ ‘Orontis’ (fol. 187a) ; ‘Clarum’/‘Darum’ (187b), et ils suivent cependant les corrections adoptées dans le reste du corpus. La parenté avec la version d’Oignies ressort surtout dans la seconde partie, comme le montrent les hésitations dans ­l’ordre et l’intitulé des chapitres, mais surtout les diver­gences entre E (F ne pouvant plus être examiné) et les autres exemplaires. Trois sont particulièrement intéressantes : - E n’adopte ni les adjonctions ni les coupures des huit autres exemplaires. - Au chapitre 94 il y a une lacune de seize mots dans E et mo contre le reste du corpus104 : Commorante extunc cepit nostrorum deterior fieri conditio, residuam tamen terram nostri defenderunt quousque regnis Egypti.

- Au chapitre 96 il y a une addition de onze mots dans E et mo contre le reste du corpus105 :

104 E, fol. 212v ; cette lacune est signalée en marge de la page 226 de l’édition,

sans être comblée. Par contre A, B, C, D, G, H, J, K introduisent le texte manquant sans doute à partir d’une correction ultérieure fondée sur le texte d’un abrégé de la troisième croisade. Infra, note XCIV, 5. 105 E, fol. 213v.

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Nazareth videlicet ad suburbia Accon transierunt ut more suo nostros provocaverent.

E n’est sans doute pas un témoin isolé de la parenté avec mo, en effet le manuscrit Bruxelles Bibliothèque Royale de Belgique Ms II 944 se trouve dans le même cas, comme devait l’être F. Ce petit groupe témoigne d’un état de correction proche de la version initiale. 2- Un second groupe, représenté par A, B, C, D, K, est, toute proportion gardée, le plus éloigné de la version d’Oignies. Ce constat résulte des conclusions précédentes et de l’ensemble des variantes relevées. Les manuscrits de ce groupe se distinguent plus particulièrement par de fortes omissions dans la seconde partie du texte aux chapitres 65 et 72. Le chapitre 65 est dédié aux Templiers, on y retrouve une longue lacune de quarante mots106 : Ex quibus certam pecunie summam pro defensione Terre sancte summo eorum magistro, cujus sedes principalis erat in Hierusalem, mittunt annuatim. Pari modo, summo et principali magistro hospitalis Sanctis Joannis procuratores domorum quos preceptores nominant, certam pecunie summam singulis annis transmittunt.

Au chapitre 72 on rencontre une omission plus longue encore107 : Abbates enim, priores et monachi eorum mercenarii et miserabiles capellani, timore Domini projecto, falcem suam in messem alienam mittere non formidabant, clandestinis matrimoniis personas illegitimas vel fugitivas copulantes, infirmos causa cupiditatis, non causa pietatis visitantes et eisdem contradicentibus propriis pastoribus sacramenta ministrantes, ligantes et solventes contra Deum et sanctorum statuta canonum, animas quarum cura ad ipsos non pertine106 A, 107 A,

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fol. 84a ; B, fol. 25 va ; C, fol. 12a ; D, fol. 18b ; K, fol. 21v. fol. 85b ; B, fol. 27v ; C, fol. 13a ; D, fol. 20 ; K, fol. 24v-25.

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introduction bat. Cum tamen dicat Apostolus : ‘Tu quis es qui judicas servum alienum ?’ Mortuos autem prelatis eorum contradicentibus passim ad sepulturam admittebant, jus parochiale sibi illicite usurpantes; monachorum enim officium est plangere et orare, non sacramentum laicis ministrare. Non solum tamen monachi sed ipse moniales superioribus suis inobedientes, excusso discipline jugo de claustro exiliebant, tanquam lapides sanctuarii in capite omnium platearum dispersi publica balnea cum personis secularibus irreligiose frequentantes.

K comporte une omission plus radicale, qui part du chapitre précédent et se poursuit jusqu’à la fin du chapitre 72. Les exemplaires qui se rattachent à ce groupe ont en commun de contenir les livres I et II. Il est possible – sous réserve d’un examen plus complet – que les exemplaires répondant à ce modèle forment une famille issue d’un ancêtre commun108. Le troisième groupe représenté par G, H, J, comprend des exemplaires dépourvus du livre II et qui ne sont pas affectés par les omissions propres au groupe précédent. En revanche, ils introduisent des additions dans les chapitres 88 et 92109. La première fait suite à un passage sur le lion110 : Sunt et leopardi, sic dicti quasi leonibus similes in capite et in disposionibus membrorum, licet non sint tam magni nec tam robusti ; adeo etiam mansueti fiunt ab hominibus quod eis sicut canibus utuntur ad venandum, non enim currendo predam capiunt sed saltus faciendo et in tertio saltu predam non capiunt eam prorsus dimittunt sibi indignando. 108 L’éditeur du livre II remarque que les 26 manuscrits sont trop proches pour

que l’on puisse distinguer de vraies familles. Les exemplaires forment une famille dérivant d’un ancêtre commun, Hinnebusch, p. 47 ; à titre d’exemple, le manuscrit plus tardif Cambridge, Gonville and Caïus College, Ms 162/83, qui comporte un livre II contient les mêmes coupures. 109 La seconde interpolation au folio 63b du manuscrit J est dissimulée par une lacune assez longue qui omet en outre les papiones du texte. 110 H, fol. 20vb ; G, fol. 84vb; J, fol. 63a.

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Une notice consacrée à un autre animal est insérée peu après111 : Sunt etiam uncie, sevessima animalia qui non sunt canibus altiora, longiora tamen habentia corpora, canibus valde inimica. Predam non comedunt nisi in altum eam portent. Quando inveniunt arborem, ad supremum ramum deferunt et pendendo eam comedunt. Ex nigris et albis maculis respersum corpus habent. Quando sunt in calore coitus et aliquem vulneraverint, mures ad ipsum vulneratum conveniunt et mingunt super eum si possunt et statim moritur. Unde audivi ab illo qui vidit quod quidam vulneratus fecit in archa deportari se ad mare, et mures veniebant ad mare ut venirent ad eum sed non potuerunt pervenire. Fel horum venenum mortiferum est.

Enfin on rencontre une troisième addition, relative au coq, dans l’aviaire du chapitre 92112 : Gallus horas noctis discernit prius se aliis verberat quam cantus emittat, in majori nocte, majores et validiores cantus format.

Cette version légèrement plus longue pour les chapitres 88 et 92 s’est répandue dans les témoins suivants : Troyes, Bibliothèque municipale, Ms 1531 ; Paris, Bibliothèque Mazarine, Ms 1942; Turin, Biblioteca Nazionale Universitaria, Ms D II. 21. Leurs ajouts se retrouvent aussi dans l’édition de Jacques Bongars (1611) qui a dû utiliser un exemplaire tardif, comme en témoignent deux autres additions sur les Bretons au chapitre 68 de l’édition, additions ignorées de G, H et J113. 111 H, fol. 21a ; G fol. 85a. 112 H, fol. 26 ; G, fol. 106va ; J, fol. 81v. 113 Deux manuscrits de Paul Petau. Le copiste

a peut-être voulu illustrer les exploits du comte de Bretagne en Orient (1239-1240). Un manuscrit du xve siècle en porte la trace : Laon, BM, Ms. 450.

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Sous réserve d’un examen complet des cent vingt-quatre manuscrits, il est donc possible d’isoler trois groupes. Le premier est le plus proche de la version d’Oignies, le second représente une version, peut-être produite à l’occasion de la diffusion du livre II, le troisième est moins homogène et fait apparaître des traits tantôt archaïsants tantôt récents. Les particularités de ces groupes ne se recoupent pas, ainsi n’y a-t-il pas de manuscrit hybride qui contiendrait à la fois les coupures et les interpolations sur la base desquelles ont été définis ces groupes. Par contre, ils se conforment aux leçons données par mo pour la part qui les différencient mutuellement. Ces remarques conduisent à constater que la version d’Oignies a évolué sur une période courte (milieu à fin du xiiie siècle), mutation qui s’est faite en fonction des publics que l’Historia devait toucher. Les leçons du groupe E F ­montrent qu’au début du xive siècle, en Champagne, il circulait une version encore assez proche de la version d’Oignies, alors que des manuscrits plus anciens dans les environs du diocèse de Liège (A et B notamment) reposaient sur une version plus éloignée du point de départ. Version initiale, version corrigée Jacques de Vitry, revenu d’Orient, a-t-il commencé dans les années 1226-1227 à procéder à la révision du livre ? Cela semble douteux. La chronologie n’invite pas à une telle conclusion, car le seul manuscrit que nous puissions associer à Jacques de Vitry est justement celui d’Oignies (1224). Nous n’avons conservé la trace d’aucun exemplaire sûrement antérieur à 1240, année de sa mort. Les témoins les plus anciens ont une provenance géographique proche du prieuré, mais sont approximativement datés du milieu du xiiie siècle (A, B). Il est vraisemblable en outre que la diffusion de l’Historia a véritablement commencé au troisième quart du siècle

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pour s’accélérer ensuite114. Les manuscrits A, B, et partant ceux qui leur sont associés, paraissent offrir une certaine cohérence quant aux leçons qu’ils proposent et pourraient être élus pour représenter la version initiale. En outre, la localisation de ces témoins, leur datation relativement haute en fait certainement, comme cela a été reconnu pour le livre II, des exemplaires d’un grand intérêt. Cependant, l’hypothèse qu’ils remontent à un état du texte antérieur à celui de l’édition Moschus n’est pas à retenir, car il faudrait alors admettre des leçons dans l’ensemble moins bonnes ; en outre, il faudrait considérer que les passages relevés aux chapitres 65 et 72, présents dans l’édition Moschus, ne sont que des additions, hypothèse que contredisent le contexte, notamment la fin du chapitre 72 racontant ses démêlées avec les ordres réguliers, et l’analyse du style de Jacques de Vitry. Il est donc fortement probable que ces passages sont authen­ tiques, mais qu’ils ont été ôtés dans un second temps. On ne peut même pas dire que les manuscrits A et B représentent une version corrigée. En effet, les corrections relèvent bien plutôt d’une tentative inachevée, à partir de la version d’Oignies. Ainsi nous ne croyons pas devoir dénier au manuscrit de 1224 une véritable antériorité et il paraît sage d’exclure que l’auteur se soit lancé dans une entreprise de correction. Au contraire, nous pensons que la version d’Oignies a de bonnes chances de représenter l’œuvre de ­Jacques de Vitry dans sa première jeunesse, car elle remonte au seul exemplaire de l’Historia orientalis que nous puissions dater expressément de son vivant. C’est donc ce témoin ­unique, heureusement sauvé à travers l’editio princeps de ­Moschus, que nous avons choisi d’éditer.

114 J. Donnadieu,

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art. cit., p. 413.

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Principes d’édition Nous proposons une édition appuyée sur l’editio princeps, en apportant les corrections qui semblaient s’imposer, tout en essayant de suivre une présentation sobre et cohérente. Ainsi les graphies courantes rencontrées dans les manuscrits du corpus de comparaison ont été substituées à celles de l’editio princeps, ce qui a conduit à remplacer la diphtongue æ par e et à conserver la lettre i pour j, sans toutefois adopter le u pour le v en raison de redoublements parfois difficiles à lire. Nous avons conservé les variantes orthographiques telles qu’elles se présentent dans mo sans souci d’harmonisation systématique. Ainsi écrit-on : ‘Baldwinus’ et ‘Baldovinus’, ‘Anteradensis’ et ‘Enteradensis’, ‘Arsur’ et ‘Assur’, ‘calipha’ et ‘calypha’. De la même façon nous avons respecté les redoublements de consonnes dans ‘littus’, ‘appellat’, ‘millibus’, ‘quattuor’, ‘illecebbris’, comme le redoublement du u dans ‘persequutus’, ‘loquutus’, ‘distinguuntur’. Par ailleurs, l’h de ‘charta’, ‘charitas’, par exemple, n’a pas été supprimée. La répartition du texte en 102 chapitres, qui remonte au manuscrit initial d’Oignies, a été conservée ; la ponctuation très abondante de l’édition a été allégée, ainsi que l’emploi des majuscules, maintenues pour les noms de personnes et de lieux, les adjectifs nominaux, les noms de peuples et les entités abstraites. Pour les termes ‘judei’ et ‘Judei, ‘christiani’ et ‘Christiani’, ‘Saraceni’ nous avons suivi l’usage moderne en les écrivant avec une majuscule quand il s’agit de noms de peuples ou de groupes humains assimilés (‘Judei’, ‘Christiani’), avec une minuscule lorsqu’il s’agit des adeptes d’une religion (‘judei’, christiani’), le discernement étant parfois délicat entre ces deux significations. Dans l’apparat critique nous avons indiqué systématiquement les corrections apportées à mo, ainsi que les leçons des

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dix manuscrits de comparaison dans les quinze premiers chapitres et les principaux lieux variants. Ailleurs, nous avons privilégié essentiellement les manuscrits E, B, D, K, exemplaires les plus significatifs. Enfin nous renvoyons en index les variantes orthographiques des noms de personne ou de lieu si nécessaire. Dans le texte latin les citations explicites sont signalées par des guillemets doubles, hormis les citations bibliques qui sont reproduites en italique ; enfin les termes particuliers, expressions ou noms tirés d’une langue autre que le latin ou méritant d’être isolés, sont soulignés par des guillemets simples. Le nombre important de références scripturaires a conduit à privilégier, pour les Évangiles synoptiques, la référence à celui de Matthieu seulement. Les références profanes sont renvoyées aux notes. La traduction française la plus répandue à ce jour est celle de Louis Brière dans la collection de François Guizot, datant de 1825, réalisée à partir de l’édition de Jacques Bongars. Notre traduction s’en éloigne de manière sensible, conformément à la version du manuscrit d’Oignies. Traduction et notes obéissent aux règles traditionnelles, les noms arabes les plus courants étant reproduits selon l’usage moderne et, le cas échéant, en suivant l’Encyclopédie de l’Islam. Nous traduisons Historia orientalis par « Histoire orientale » et Ecclesia orientalis par « Église en Orient », l’expression « Église orientale » ayant aujourd’hui une autre signification. 

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Bibliographie Abréviations AASS Acta sanctorum. Bruxelles, Anvers 1643-1940 BHL Bibliotheca Hagiographica Latina CC CM  Corpus christianorum, continuatio mediaevalis CC SL Corpus christianiorum, series latina CC SA Corpus christianorum, series apocryphorum CSCO Corpus scriptorum christianorum orientalium CSEL Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum DACL  Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie DECA  Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien DEMA Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge DHE Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques DLFMA  Dictionnaire des Lettres françaises. Le Moyen Âge DOC Dictionnaire de l’Orient chrétien DS  Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique DTch  Dictionnaire de théologie catholique Du Cange C. Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, Reprint Graz, 1954-1958. EI²  Encyclopédie de l’Islam (seconde édition) HE  A. Fliche et V. Martin, Histoire de l’Église depuis les origines jusqu’à nos jours. Martène E. Martène et U. Durand, Veterum scriptorum et monumentorum historicorum, dogmaticorum, moralium, amplissima collectio MGH SS  Monumenta Germaniae historica, scriptores MHG SRG  Monumenta Germaniae historica, scriptores rerum Germanicarum Muratori Rerum scriptores Italicarum ab anno erae christianae quingentesimo ad millesimum quingentesimum PG Patrologiae cursus completus. Series Graeca PL Patrologia cursus completus. Series Latina

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bibliographie

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RHC-Occ. Recueil des historiens des croisades - historiens occidentaux RHC-Or. Recueil des historiens des croisades - historiens orientaux RHC-Grecs Recueil des historiens des croisades - historiens grecs Rolls Series Rerum Britannicarum Medii Aevi scriptores

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Chronologie Jacques de Vitry ca 1165/1170 1179 1181-1226 1187 1189-1192 ca. 1185-1208 1198 1203-1204 1207 1208 1209-1214 1210 ca 1212 1213 1215-1216 1215 1216 1216 1216 (été) 1216-1221 1216 (septembre) 1216 (sept.) 1216 (oct.-nov.) 1216-1217 (hiver) 1217 (fev.) 1217 (printemps)

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Autres événements

Naissance IIIe concile de Latran François d’Assise Chute de Jérusalem IIIe croisade Études à Paris Innocent III, pape IVe croisade Marie à Oignies Arrivée à Oignies Croisade en Languedoc Ordination ? Prédication, croisade des Albigeois Mort de Marie d’Oignies Vita Beate Marie Oigniacensis  Prédication, cinquième croisade IVe concile de Latran Election au siège d’Acre Honorius III, pape Séjour à Pérouse Ve croisade Séjour à Gênes Lettre 1 Traversée Gênes – Acre Prédication Lettre 2 (1re partie) Itinéraire Acre – Antioche – Sarepta de Sidon – Sidon - Les sources du Jourdain, mont Liban - Beyrouth

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chronologie Jacques de Vitry

1217 (printemps) 1217-1218 (janv.) 1218 (24 mai) 1218 (août) 1218 (septembre) 1219 (août) 1219 (avril-sept.) 1219 1219 (nov.) 1220 (hiver) 1220 (printemps) 1219-1221 (été) 1221 (avril) 1221 (été-automne) 1222-1223 ca. 1216-1224 1226-1227 1227-1229 1227-1241 1228 ca. 1225-1229 1229 1229 (été) 1229-1240 1er mai 1240 1241

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Autres événements

- Byblos - Tripoli - Krak des Chevaliers - Château-Blanc (Templiers) - Tortose (Antarados) - Agression par deux Assassins - Château de Margat - Retour en Acre. Lettre 2 (2e partie) Lettre 3 (?) Départ pour l’Égypte Prise de la tour du Nil de Damiette Lettre 4 Bataille de Damiette Lettre 5 François en Orient Prise de Damiette Baptême d’enfants Lettre 6 Assiégé dans Damiette Lettre 7 Évacuation de l’Égypte Premier séjour en Europe Historia orientalis Second séjour en Europe Evêque auxiliaire de Liège Grégoire IX, pape Abandon du siège d’Acre Historia occidentalis Mort de Hugues de Pierrepont Cardinal et évêque de Tusculum Rome ; composition des Sermones Mort Inhumation à Oignies

Traité de Jaffa

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conspectus siglorum Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, Codex Guelf. 30.5 Augusteus B Londres, British Library, Ms. Add. 40 075 C Vatican, Biblioteca Apostolica, Ms. Reg. lat. 504 D Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. lat. 16 079 E Charleville-Mézières, Bibliothèque municipale, Ms. 275 F Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. nouv. acq. lat. 1423 G Troyes, Bibliothèque municipale, Ms. 2403 H Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Ms. Pl. 66 sin. 28 J Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, Ms. Phill. 1883 K Berne, Burgerbibliothek, Ms. 499 A

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mo

F. Moschus, Jacobi de Vitriaco primum Acconensis deinde Tusculani episcopi et sanctae ecclesiae R. Cardinalis sedis apostolicae in Terra ­Sancta, in Imperio, in Francia, olim legati, libri duo, quorum prior Orientalis sive Hierosolymitanae, alter Occidentalis historiae nomine inscribitur, Douai, 1597.

bo

J. Bongars, Gesta Dei per Francos, sive orientalium expeditionum et regni Francorum Hierosolymitani historia, Hanau, 1611.

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Iacobi de Vitriaco Historia orientalis Histoire orientale de Jacques de Vitry

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Summa argumentorum sive rerum memoriabilum que singulis capitibus primi libri explicantur.

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i Cur Dominus Terram sanctam variis flagellis et subalternis casibus exposuerit. ii De variis generibus hominum bonorum et malorum qui Terram sanctam inhabitaverunt. iii Qualiter a duce Arabum Homar, discipulo Mahometi, occupata Terra sancta. iv De Mahometo. v De origine et vita Mahometi. vi De pessima doctrina et vita Mahometi. vii De morte Mahometi et successoribus eius. viii De calypha Egyptio. ix De calipha occidentalis myrammomelino. x De gentilibus qui legem Mahometi suscipere noluerunt. xi De Turcomanis. xii De Bedewinis. xiii De his qui legem habent occultam. xiv De Assasinis. xv Ad quantam miseriam devenerit orientalis Ecclesia. xvi De visitatione Terre sancte per Petrum Eremitam et per occidentales populos. xvii De peregrinatione cruce signatorum et de his que sustineverunt in via. xviii De obsidione et captione Antiochie. xix De pugna Christianorum contra Corbagath et eorum victoria. xx De obsidione et captione civitatis sancte Hierusalem. xxi Qualiter, quibusdam recedentibus, alii qui remanserant Christianorum fines viriliter ampliaverunt. xxii De his civitatibus quas sub duce Godefrido nostri ceperunt. xxiii De primo rege Hierosolymorum latino Baldwino et qualiter obtinuit oppidum Arsur.

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Sommaire des questions ou aspects importants exposés par chapitres dans le premier livre.

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i Raisons pour lesquelles le Seigneur aurait exposé la Terre sainte à des malheurs divers, et leurs con­sé­ quences. ii Hommes en tous genres, bons et mauvais, qui habitèrent la Terre sainte. iii Comment Omar, chef des Arabes et disciple de Mahomet, occupa la Terre sainte. iv Mahomet. v Origine et vie de Mahomet. vi Exécrable doctrine et vie de Mahomet. vii Mort de Mahomet ; ses successeurs. viii Le calife d’Égypte. ix Le calife d’Occident ; le mirammomelin. x Les peuples qui ont refusé d’accueillir la loi de Mahomet. xi Les Turcomans. xii Les Bédouins. xiii Les gens qui suivent une loi cachée. xiv Les Assassins. xv Misère où en serait arrivée l’Église en Orient. xvi Visite de la Terre sainte par Pierre l’Ermite et les ­peuples d’Occident. xvii Le pèlerinage des croisés, leurs épreuves sur le chemin. xviii Siège et prise d’Antioche. xix Le combat des chrétiens contre Corbagath, leur victoire. xx Le siège et la prise de la cité sainte de Jérusalem. xxi Comment, après le départ de certains, ceux qui étaient restés agrandirent par la force le territoire des chrétiens. xxii Cités gagnées par les nôtres sous le duc Godefroy. xxiii Baudouin, premier roi latin de Jérusalem ; comment il s’empare de la place d’Arsûf.

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xxiv De Cesarea Maritima. xxv De obsidione et captione civitatis Accon. xxvi De obsidione et captione civitatis Berythi. xxvii De obsidione et captione civitatis Sidonis. xxviii De edificatione Montis Regalis. xxix De munitione dicta Scandalium et morte regis Baldwini et eius successore, Baldowino secundo. xxx De quatuor principatibus quos nostri sibi subiecerunt. xxxi De civitate Edessa. xxxii De principatu Antiocheno et de civitate Antiochie. xxxiii De principatu seu comitatu Tripolitano et de civitate Tripoli. xxxiv De principatu seu regno Hierosolymitano. xxxv De civitate dicta Dan. xxxvi De civitate Bersabee. xxxvii De terminis et spatio terre acquisite et de civitatibus maritimis. xxxviii De civitate Pharamia. xxxix De civitate Laris et Pelusio. xl De munitionibus Darum, Gaza et Ascalona. xli De Azoto, Geth et Hybelin et Gibelino et Alba Specula et Acharon. xlii De aliis munitionibus maritimis usque Tyrum. xliii De Tyro et qualiter obsessa fuit et capta. xliv De civitatibus maritimis, de Tyro usque ad Laodiciam Syrie. xlv De civitatibus mediterraneis quas nostri obsederunt, sed non ceperunt, quasdam tamen sibi fecerunt tributarias. xlvi De obsidione Halapie et Damasci. xlvii De obsidione Cesaree Magne et Bostrensis civitatis et de situ Yturee et Traconitidis regionis. xlviii De obsidione Cayri, Alexandrie et Damiate. xlix De quibusdam munitionibus quas nostri in confinio Saracenorum fundaverunt. l Qualiter terra a nostris acquisita regi et baronibus est distributa.

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xxiv Césarée Maritime. xxv Siège et prise de la cité d’Acre. xxvi Siège et prise de la cité de Beyrouth. xxvii Siège et prise de la cité de Sidon. xxviii Construction de Montréal. xxix La place forte dite de Scandalion ; mort du roi Baudouin, son successeur Baudouin II. xxx Les quatre principautés soumises au pouvoir des nôtres. xxxi La cité d’Édesse. xxxii Principauté d’Antioche et la cité de même nom. xxxiii Principauté ou comté de Tripoli et la cité de même nom. xxxiv Principauté ou royaume de Jérusalem. xxxv La cité dite de Dan. xxxvi La cité de Bersabée. xxxvii Limites et étendue de la terre conquise ; les cités maritimes. xxxviii La cité de Pharamie. xxxix Les cités de Laris et de Péluse. xl Les places fortes de Darûm, Gaza et Ascalon. xli Azot, Geth et Hybelin, Alba Specula et Acharon. xlii Autres places fortes maritimes jusqu’à Tyr. xliii Circonstances du siège de Tyr et de sa reddition. xliv Les cités maritimes, de Tyr à Laodicée de Syrie. xlv Villes de l’intérieur que les nôtres assiégèrent mais ne purent prendre, et se firent pourtant tributaires. xlvi Sièges d’Alep et de Damas. xlvii Sièges de Césarée la Grande et de la cité de Botron ; l’Iturée et le pays de la Trachonitide. xlviii Les sièges du Caire, d’Alexandrie et de Damiette. xlix Quelques places fortes établies par les nôtres aux confins du territoire sarrasin. l Comment la terre gagnée par les nôtres fut partagée entre roi et barons. li Épanouissement de l’Église en Orient, son règne, son peuple.

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li De regno, natione et ampliatione orientalis Ecclesie. lii De variis religionibus et diversitate regularium personarum et de Quarantena et monte Carmeli et de mari Mortuo. liii De solitudine Iordanis et de stagno Genesareth quod est mare Galilee et de Iordane. liv De monte Thabor et de his qui regulariter in civitatibus vixerunt. lv De civitate sancta Hierusalem et de patriarcha et suffraganeis eius. lvi De civitatibus Sebasta, Tyberiade et Bethsam et Petra Deserti. lvii De civitatibus Nazareth, Ebron et Lidda. lviii De abbatibus et prioribus sub patriarcha Hierosolymitano constitutis. lix De civitatibus Nazareth et Bethleem. lx Iterum de civitate Hierusalem et de locis sanctis que in ea continentur. lxi De dominico sepulchro et loco Calvarie et monte Syon. lxii De templo Domini et templo Salomonis et monte Oliveti. lxiii De valle Iosaphat et quibusdam aliis venerabilibus locis. lxiv De religione fratrum hospitalis Sancti Ioannis. lxv De religione fratrum militum Templi. lxvi De ordine fratrum Teutonicorum, sive militie Teutonice. lxvii De incremento glorie Terre sancte eiusque propugnatorum ; de Italici generis hominum dotibus et qualitate. lxviii De aliarum Europe nationum moribus et qualitate ; de Pollanis, de diversis orientalium sectis. lxix De vatum priorum predictionibus ista etate in Terra sancta, ecclesia et vinea Domini, completis ; de diaboli invidentia ob tam prosperos Ecclesie successus. lxx Ex otio et immodicis divitiis in Terre sancte habitatores omne flagitiorum genus invaluisse.

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lii Diverses formes de vie religieuse, différentes personnes suivant une vie régulière ; la Quarantaine, le mont Carmel, la mer Morte. liii Le désert du Jourdain, le lac de Génésareth ou mer de Galilée, le Jourdain. liv Le mont Thabor, ceux qui se conformèrent à la vie régulière dans les villes. lv La sainte cité de Jérusalem ; le patriarche et ses suffragants. lvi Les cités de Sébaste, Tibériade, Bethsan et Pétra du désert. lvii Les cités de Nazareth, Ébron et Lydda. lviii Abbés et prieurs établis sous l’autorité du patriarche de Jérusalem. lix Les cités de Nazareth et de Bethléem. lx Retour sur la cité de Jérusalem et sur les lieux saints qui s’y trouvent. lxi Le tombeau du Seigneur, le Calvaire, le mont Sion. lxii Le temple du Seigneur et le temple de Salomon ; le mont d’Olivet. lxiii Le val de Josaphat et autres lieux à vénérer. lxiv L’ordre des frères de l’hôpital de Saint-Jean. lxv L’ordre des frères chevaliers du Temple. lxvi L’ordre des frères des Teutons ou de la milice Teuto­ nique. lxvii Gloire croissante de la Terre sainte et de ses combattants ; qualité et mérites des hommes de la race des Italiens. lxviii Mœurs et qualités des autres nations d’Europe ; les Poulains, sectes diverses des Orientaux. lxix Accomplissement des prédictions des premiers pro­ phètes, appliquées à ce temps en Terre sainte, église et vigne du Seigneur ; jalousie du diable devant les progrès et la prospérité de l’Église. lxx Oisiveté et enrichissement démesuré des habitants de la Terre sainte ; nombre et variété des fléaux qui en résultèrent.

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lxxi De pastorum negligentia aliisque vite propudiis. lxxii De regularium contumacia, simultatibus, dissensionibus, licentia vivendi. lxxiii De Pollanis, subole a patribus degeneri ; de eorum zelotypia et contemtu externorum. lxxiv De Italorum Terre sancte inquilinorum, dissensionibus civilibus et avaritia. lxxv De Surianis eorumque moribus, lingua ; a Latinis dis­ cidio ; de Spiritus Sancti processione, de pane azymo in confectione eucharistie ; de Romane Ecclesie principatu, de ordinibus sacris clericorum Surianorum. lxxvi De Iacobitis eorumque erroribus qui obiter refutantur. lxxvii De Nestorinis, sive Nestorianis, eorumque heresi que obiter refutatur. lxxviii De Maronitis, eorum erroribus et conversione ad catholicam et romanam religionem. lxxix De Armenis, sive Armeniis, eorumque in fide erroribus qui obiter refutantur. lxxx De Georgianis, eorumque bellica virtute. lxxxi De Mozarabibus. lxxxii De Esseis, Saducceis, Samaritis, aliisque Iudeis in varias orbis regiones dispersis. lxxxiii Quali hominum peste ceperit Terra sancta laborare et paullatim degenerare. lxxxiv De rebus in Terra sancta admirabilibus : terre motibus, tonitribus, imbribus, nivibus. lxxxv De fontibus, fluviis, mari Rubro, quatuor paradisi fluminibus et variis fontium aquarumque miraculis. lxxxvi De arboribus et fructibus earum, herbis, aromatis. lxxxvii De gummi fructicibus, iunipero, arboribus et montibus, cannis et vitibus Indie ; de herba Sardoa, de Seribus, de arboribus fatidicis, de paradiso. lxxxviii De feris : leone, lanzani, canibus silvestribus, pantheris, elephantis, rhinocerotibus et monocerotibus, lynce, tigri, castore, ursis, camelis et aliis monstris. lxxxix De serpentibus, dracone, basilisco.

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lxxi Négligence des pasteurs et autres travers de leur vie. lxxii Indiscipline, querelles et divisions, vie déréglée des réguliers. lxxiii Les Poulains, indignes fils de leurs pères, race jalouse, méprisée de toutes les autres. lxxiv Avarice et guerres intestines des Italiens, co-locataires de la Terre sainte. lxxv Les Syriens, leurs coutumes, leur langue ; la séparation avec les Latins ; la procession du Saint-Esprit ; le pain azyme dans la préparation de l’eucharistie ; primat de l’Église romaine ; les ordres sacrés chez les prêtres syriens. lxxvi Les Jacobites ; brève réfutation de leurs erreurs. lxxvii Les Nestorins ou Nestoriens ; petite réfutation de leur hérésie. lxxviii Les Maronites ; leurs erreurs et leur conversion à la foi catholique et romaine. lxxix Les Arménes ou Arméniens ; leurs erreurs dans la foi ; brève réfutation. lxxx Les Georgiens ; leur courage à la guerre. lxxxi Les Mozarabes. lxxxii Les Esséens, Saducéens, Samaritains et autres Juifs dispersés dans tous les pays du monde. lxxxiii De quel fléau d’hommes la Terre sainte eut à souffrir et dépérir peu à peu. lxxxiv Manifestations extraordinaires de la nature en Terre sainte : les séismes, les orages, les pluies et les neiges. lxxxv Les sources, les fleuves, la mer Rouge, les quatre fleuves du paradis, variété de fontaines et d’eaux miraculeuses. lxxxvi Les arbres et leurs fruits, les herbes et les aromates. lxxxvii Les arbustes à gommes, le genévrier, les arbres, les montagnes, roseaux et vignes de l’Inde, l’herbe de Sar­daigne, les Sères, les arbres-oracles, le paradis. lxxxviii Les bêtes sauvages, le lion, le lanzani, les chiens sau­ vages, les panthères, les éléphants, les rhinocéros et

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xc De avibus quibusdam et piscibus raris. xci De lapidibus pretiosis. xcii De Amazonibus, Gymnosophistis, Brachmanis, de aliis barbaris et monstruosis populis ex beato Augustino, Isidoro, Plinio ; et de miraculis quibusdam regionum occidentalium, de avium vulgarium qualitalibus. xciii De miraculis rerum inanimarum. xciv De peccato ; de causis ruine et eversi Christianorum in Terra sancta imperii ; de incremento hostium christiani nominis, et presertim Saladini. xcv Series regum christiani nominis Hierosolymitanorum, eorumque victorie et triumphi ; de civili et perniciosa principum ibidem inter se simultate. xcvi De Saladini in Terram sanctam expeditione et memorabili Latinorum strage. xcvii De oppidis ab eodem Saladino expugnatis. xcviii De Syrie divisione et late patenti Saladini imperio. xcix Occidentalium ob Hierosolymam captam exsternatio ; et regum principumque christianorum votiva ad sacrum bellum expeditio. c Obsidio Acconis per Guidonem regem, clades a Saracenis accepta. ci Principum christianorum, Frederici imperatoris, regum Francie et Anglie in Terram sanctam adventus ; Acconis expugnatio, Saladini trepidatio, inter reges dissensio et simultas. cii Hierosolyme obsidende consilium irritum, rege Ricardo in patriam redeunte ; mors Saladini et Saracenorum seditio ; Alemanorum in Terra sancta res geste.

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monocéros, le lynx, le tigre, le castor, les ours, les ­chameaux et autres monstres. lxxxix Les serpents, le dragon, le basilic. xc Variété d’oiseaux et poissons rares. xci Les pierres précieuses. xcii Les Amazones, les Gymnosphistes, les Brahmanes et autres peuples barbares et monstrueux d’après saint Augustin, Isidore, Pline ; quelques prodiges survenus en Occident ; Les oiseaux communs et leurs caractères. xciii Merveilles des choses inanimées. xciv Le péché ; causes de la ruine et de l’effondrement de la domination des Chrétiens en Terre sainte ; essor des ennemis du nom chrétien, et Saladin principalement. xcv Liste des rois chrétiens de Jérusalem, leurs victoires et triomphes ; là même, la discorde funeste et intestine que les grands eurent entre eux. xcvi La campagne de Saladin en Terre sainte et le mémorable désastre subi par les Latins. xcvii Les places fortes emportées par Saladin. xcviii Organisation de la Syrie ; extension de l’empire de Saladin. xcix Consternation en Occident à la suite de la chute de Jérusalem ; vœux de croisade des rois et des princes chrétiens. c Siège d’Acre par le roi Gui ; désastre infligé aux Sarrasins. ci Arrivée des princes chrétiens, l’empereur Frédéric, les rois de France et d’Angleterre ; prise d’Acre, désarroi de Saladin ; dissension et rivalité entre rois. cii Échec du conseil tenu pour aller assiéger Jérusalem ; retour du roi Richard dans sa patrie ; mort de Saladin, désunion des Sarrasins ; hauts faits des Allemands en Terre sainte.

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I. Cur Dominus Terram sanctam variis flagellis et subalternis casibus exposuerit. Terra sancta promissionis, Deo amabilis et sanctis angelis venerabilis et universo mundo admirabilis, a Deo electa et preelecta, ut eam presentia sua visibiliter illustraret et in ea liberationis nostre sacramenta ministrando genus humanum redimeret ; quanto maiori zelo dilecta est a Domino, tanto frequentius peccatis habitantium in ea exigentibus flagellata est et variis casibus exposita ab eo qui sanctum | dare canibus et ante porcos prohibet proiicere margaritas. Dum aliis decedentibus et aliis succedentibus, diversis tradita est possessoribus. Omnes fere inter sanctum et prophanum non habentes distantiam, pro nihilo habuerunt terram desiderabilem, terram lacte et melle manantem ; Domini nostri Iesu Christi et sanctorum patriarcharum et prophetarum et apostolorum patriam variis eam sordium immunditiis maculantes, ita quod in ea videatur impletum quod dicit Dominus per prophetam : “ Qui tangit vos, tangit pupillam oculi mei. ” Pupilla enim inter omnia corporis membra tenerrima affectione diligitur, ita quod sordes intrinsecus in oculum decidentes statim, pro posse nostro, ab eadem removere festinamus. Sic redemptor noster a Terra sancta cui super omnes alias amoris sui contulit prerogativam, sordes et inquinamenta peccatorum removendo, peccatores in ea commorantes affligit, flagellat et eiicit. Penitentibus autem et revertentibus ad cor, eam clementer restituit, dum abyssus abyssum invocat ; scilicet abyssus miserarium, abyssum misericordiarum.|

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i, 8 cfr Tob. 13, 2-5    9/10 Matth. 7, 6   11 Ez. 22, 26   12/13 pro ... desiderabilem] Ps. 105, 24   13 terram ... manantem] Num. 14, 8   16/17 Zach. 2, 8   24 Ps. 41, 8 i, 2 exposuit A B C D E F H J K bo, om. G   13 terram ... manentem] om. H    13 manentem] fluentem B C D E F G J K   15 eam] om. codd.   15 sordium] sordidum E H, sordibus G   21 sordeis mo   22/23 commoranteis mo   23/24 autem et revertentibus] om. mo

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I. Raisons pour lesquelles le Seigneur a exposé la Terre sainte à des malheurs divers, et leurs conséquences1. La terre sainte de la Promesse, agréable à Dieu, vénérable aux anges saints, admirée par l’univers tout entier, a été choisie et désignée d’avance par Dieu pour la faire resplendir aux yeux de tous par sa présence et racheter le genre humain en accomplissant là les mystères de notre délivrance. Autant le Seigneur porte à cette terre la tendresse la plus fervente, autant il la châtie souvent en l’exposant à des malheurs divers pour les péchés de ses habitants, lui qui défend de donner les choses sacrées aux chiens et de jeter les perles aux cochons. Il la livra alors à une succession de maîtres différents. Tous ou presque, ne faisant pas de différence entre le sacré et le profane, tenaient pour rien la terre aimable, la terre où coulent le lait et le miel. Ils souillaient de toutes sortes d’impuretés la patrie de notre Seigneur Jésus-Christ, des saints patriarches, des prophètes et des apôtres, et ainsi voyait-on là s’accomplir ce que dit le Seigneur par le Prophète : « Celui qui vous touche, touche la pupille de mon œil. » Car la pupille est de toutes les parties du corps celle qu’on entoure de la plus tendre affection ; voilà pourquoi si des poussières viennent à nous tomber dans l’œil, nous nous hâtons si possible de les retirer bien vite. Pareillement, notre Rédempteur, qui a accordé à la Terre sainte bien avant les autres le gage de son amour, châtie les pécheurs qui l’habitent, les accable, les rejette pour effacer la souillure et l’ordure du péché ; mais dans sa clémence, une fois qu’ils se sont repentis et sont revenus à la raison, il remet cette terre à sa place, tant l’abîme appelle l’abîme. Ce qui veut dire qu’un abîme de misère appelle un abîme de miséricorde.

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II. De variis generibus hominum bonorum et malorum qui Terram sanctam inhabitaverunt. Ut igitur aliquantulum altius inchoantes manifestis exemplis predicta comprobemus, Melchisedech Dei altissimi sacerdos rex fuit Salem, sicut legitur in Genesi, que postea dicta est Hierusalem. Post vero Iebusei usque ad tempora David regis eandem civitatem possederunt. Completis autem et usque ad summum iniquitatibus eorum cumulatis, tradidit Dominus in manus filiorum Israel civitatem sanctam et locum quem sibi specialiter dedicavit, ut in eo sibi deservirent et offerent diversa sacrificia unius summi et ineffabilis sacrificii prefigurativa. Postea vero peccatis habitantium tanquam arena maris multiplicatis, temporibus regis Sedechie et Hieremie prophete, in manus Babyloniorum per annos septuaginta devenit. Peccatis enim Iudeorum exigentibus, eo quod fecit labruscas vinea reproba que facere debuit uvas, destructa est maceria eius, et vindemiaverunt eam omnes qui pretergrediuntur viam. In diebus autem Melchisedech, Abraham de mandato et voluntate Domini exiens de terra et cognatione sua et de domo patris sui venit in terram Promissionis, et multis diebus habitavit in ea, offerens Domino filium suum in monte Visionis, scilicet in monte Moria in quo sita est | Hierusalem civitas sancta que vocata est Bethel et Luza. Unde a quibusdam dicitur quod locus ille in quo Iacob dormiens, lapide capiti supposito, vidit scalam usque ad celum erectam et Dominum innixum scale et angelos ascendentes et descendentes, unde et evigilans ait : “ Non est hic aliud nisi domus Dei et porta celi ”, eo quod locus ille, Luza et Bethel in Genesi nuncupatur, sit ille locus in quo postea templum Domini constructum est a Salomone.

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ii, 4 cfr Gen. 14, 18   6/7 cfr II Reg. 5-7   7/8 cfr Gen. 6, 11   8 Gen. 30, 35; II Esdr. 11, 1   9 cfr Gen. 22, 9   10/11 cfr Rom. 3, 25; Hebr. 10, 10   11/12 cfr Gen. 22, 17   12/13 cfr IV Reg. 25   14/15 cfr Is. 5, 4   15/16 vindemiaverunt ... viam] Ps. 79, 13   16/18 Gen. 12, 1   19 cfr Gen. 20, 1   19/20 cfr Gen. 22, 2   21 cfr Gen. 28, 19   21/25 Gen. 28, 12-13   25/26 cfr III Reg. 6    ii, 14/50 peccatis ... evomuit] om. K   

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II. Hommes en tous genres, bons et mauvais, qui habitèrent la Terre sainte. Donc, remontons un peu plus haut pour démontrer par des exemples évidents ce que nous venons de dire1. Melchisédech, prêtre du Dieu Très-haut, était roi de Salem, comme on le lit dans la Genèse, et par la suite la ville s’appela Jérusalem2. Et ensuite les Jébuséens l’ont eue en leur possession jusqu’au temps du roi David. Mais après qu’ils eurent passé la mesure par l’accumulation de leurs méfaits, le Seigneur livra la cité sainte aux fils d’Israël ; il y consacra pour lui un lieu particulier, afin qu’on l’y serve et lui offre de nombreux sacrifices en préfiguration de l’offrande unique, suprême et ineffable. Puis au temps du roi Sédécias et du prophète Jérémie, après que les péchés des habitants se furent multipliés comme le sable de la mer, la cité tomba pour soixante-dix ans au pouvoir des Babyloniens. Alors en châtiment des péchés des Juifs, la vigne réprouvée donna des grappes sauvages, elle qui devait produire des raisins ; sa clôture fut renversée, tous ceux qui passaient sur le chemin la vendangèrent. Ainsi au temps de Melchisédech, Abraham, sur l’ordre et selon la volonté du Seigneur, quitta sa terre, sa parenté et la maison de son père ; il arriva dans la terre de la Promesse, il y demeura longtemps, offrant son fils au Seigneur sur la montagne de la Vision, c’est à dire le mont Moria où se trouve Jérusalem, la cité sainte qui est appelée Bethel et Luz. Ainsi, dans ce lieu même selon certains, Jacob, qui dormait la tête posée sur une pierre, vit une échelle dressée jusqu’au ciel sur laquelle le Seigneur s’appuyait, tandis que les anges montaient et descendaient ; alors s’étant réveillé, il s’écria : « Voilà vraiment la maison de Dieu et la porte du ciel ! » C’est pourquoi ce lieu, que la Genèse appelle Luz et Bethel, fut celui où Salomon, plus tard, fit construire le temple du Seigneur3.

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Abraham igitur, terram sanctam Promissionis usque ad obitum inhabitans, in eadem idoneam elegit sibi sepulturam in loco sancto qui dicitur Hebron et Cariatharbe, eo quod ibi sepulti sunt in spelunca duplici quattuor patriarche : Adam scilicet, cum Eva uxore sua, et Abraham et Isaac et Iacob. Licet enim defunctus fuisset in Egypto, voluit tamen et precepit filiis suis ut corpus suum in Terra sancta cum patribus suis sepelirent. In qua tamen terra multis diebus, Domino sustinente, pessime et abominabiles et Deo odibiles habitaverunt nationes, scilicet septem gentes quas Dominus a facie filiorum Israel eiecit de terra que suos devorat habitatores. Et quoniam commisti sunt inter gentes filii Israel et didicerunt opera eorum, et fornicati sunt in adinventionibus suis, et heredi­ tatem Domini contaminaverunt, tradidit eos Dominus in manibus inimicorum suorum et dominati sunt eorum qui oderunt eos. Unde decem tribus que vitulos aureos in Dan et in Bethel adorabant | ad tantam indignationem provocaverunt Dominum, quod usque in hodiernum diem exilio perpetuo condemnate a Terra sancta ministerio regis Assyriorum procul valde eiecte sunt, et tanquam lutum platearum delevit eos Dominus qui, dura cervice et incircunciso corde, legi Dei subiecti esse renuerunt. Post hec vero tanquam mare quod mortuos expellit et cadavera retinere non potest, residuum populi, scilicet tribus Iuda et Beniamin, Terra sancta, ut predictum est, usque in Babylonem evomuit. Quantas autem tribulationes et persecutionum molestias post­ quam reversi sunt a Babylonia, et multiplicata sunt mala super terram ab Antiocho illustri qui muros sancte civitatis destruxit et, abominationem desolationis, idolum videlicet abominabile in templo Domini posuit et ab eius successoribus perpessi sunt, nullus ambi-

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28/31 cfr Gen. 28, 31   31/32 cfr Ios. 14, 15   32/34 cfr Gen. 49, 2830   34/36 cfr Deut. 7, 1    37/38 cfr Ex. 15, 12   38/39 commisti … eorum] Ps. 105, 35   39/41 Ps. 105, 39-41   41/42 cfr III Reg. 12, 2829   43/44 cfr IV Esdr. 13, 39-40   44/45 cfr IV Reg. 17, 3   45 /46 Ps. 17, 43   46/47 Act. 7, 51   52/53 I Mach. 1, 10   54 Matth. 24, 15   54/57 cfr I Mach. 1, 57    34 suum] om. A B D G J   53 illustri] om. A B   

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Abraham donc, ayant habité jusqu’à sa mort la terre sainte de la Promesse, se choisit là une sépulture appropriée dans un lieu saint appelé Hébron et Cariath Arbe, en sorte que les quatre patriarches, Adam et Ève sa femme, Abraham, Isaac et Jacob y sont enterrés dans une grotte double4. En effet, bien qu’il soit mort en Égypte, Jacob voulut et exigea de ses enfants que son corps reposa en Terre sainte avec ceux de ses pères. Là cependant, des jours durant, avec la permission du Seigneur, des nations exé­ crables, détestables et odieuses à Dieu, occupèrent cette terre ; ce sont les sept peuples que le Seigneur a chassés de la terre qui dévore ses enfants, loin de la face des enfants d’Israël. Et les fils d’Israël se sont unis à ces nations, ils en ont imité les mœurs, ils se sont adonnés à une débauche de leur invention, ils ont souillé l’héritage du Seigneur, et voilà pourquoi le Seigneur les a livrés à leurs ennemis ; et ceux qui les haïssaient leur imposèrent domination. Aussi, les dix tribus qui adoraient les veaux d’or à Dan et à Béthel poussèrent le Seigneur à tant d’indignation qu’elles furent condamnées, et encore jusqu’à ce jour, à un perpétuel exil5, chassées loin de la Terre sainte par le ministère du roi d’Assyrie ; et, elles qui avaient la nuque raide et le cœur infidèle et avaient refusé de se soumettre à la loi de Dieu, le Seigneur les a foulées comme la fange des rues. Après ça, comme nous l’avons dit plus haut, aussi vrai que la mer rejette les morts et ne peut retenir les cadavres, ce qu’il restait du peuple, les tribus de Judas et de Benjamin, la Terre sainte les a vomies jusqu’à Babylone. Les malheurs s’étant multipliés sur la terre, combien de tribulations, de lourdes persécutions, ces tribus, une fois revenues de Babylone, eurent-elles à souffrir de la part d’Antiochus l’Illustre qui fit détruire les murailles de la sainte Cité et qui, abomination de la désolation, fit publiquement installer une abominable idole dans le temple du Seigneur ; combien encore eurent-elles à subir de ses successeurs ? Nul ne l’ignore qui connaît les faits des rois

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git qui gesta regum Antiochorum et historias et prelia Machabeorum agnovit. Sed et Pompeius cum ingressus esset Hierusalem cum exercitu Romanorum multipliciter eos oppressit, adeo quod in vestibulo Templi Domini, loca sancta et venerabilia irreverenter pertractans, equos proprios collocavit. Postquam vero ad Herodem alienigenam et filios eius et postea in manus Romanorum regnum Iudeorum cum Terra sancta devenit, impletum est in ipsis Iudeis quod longe ante psalmista prophetaverat de ipsis dicens : “ Deus ! Venerunt gentes in hereditatem tuam, polluerunt | templum sanctum tuum. ” Et iterum : “ Tradentur in manus gladii, partes vulpium erunt. ” Vulpem enim appellat Dominus Herodem in Evangelio dicens : “ Dicite vulpi illi ! ” Filii etiam huius seculi qui prudentes sunt in generatione sua et dolosi et in peccatis suis fetidi non immerito vulpes appellantur. Postquam vero Dominum nostrum Iudei crucifixerunt, cum quadraginta duobus annis expectasset eos Dominus ad castigationem, ipsi autem excecati in peccatis noluerunt benedictionem et elongata est ab eis ; venerunt Romani, locum eorum tollentes sub Tito et Vespasiano, succendentes civitatem et usque ad fundamenta destruentes, ut lapis super lapidem non remaneret, parte Iudeorum fame perempta, parte gladio trucidata, parte pretio distracta et in omnem ventum dispersa, sicut ex libris Iosephi et aliis historiis manifeste declaratur. Et propheta longe ante predixerat : “ Exterminavit eam aper de silva et singularis ferus depastus est eam ” ; singularem ferum, crudelem ducem seu crudelem gentem Romanorum, eos esse depasturos previdit. Sed et christianorum temporibus, refrigescente multorum charitate, et maxime Grecorum et Surianorum qui in Terra sancta tempore Heraclii imperatoris romani habitabant, cum iam sanguis Christi, qui prius quando recenter effusus fuerat in cordibus fidelium fervebat, per universum fere mundum cepisset tepescere,

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63/64 Ps. 78, 1   65 Ps. 62, 11   67 Luc. 13, 32   67/68 cfr Luc. 16, 8   71/72 cfr Ps. 108, 18   74/75 cfr Matth. 24, 2   78/79 Ps. 79, 14   81/82 cfr Matth. 24, 12    71 castigationem] penitentiam A B C D G H J K   

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Antiochus, les aventures et les combats des Maccabées. Puis, ­lorsque Pompée à son tour fut entré dans Jérusalem avec une armée romaine, il les accabla de mille façons, au point d’installer ses propres chevaux dans le vestibule du temple du Seigneur, traitant sans respect les lieux saints et vénérables6. Ensuite le royaume des Juifs et la Terre sainte passèrent à Hérode, l’étranger, et ses enfants, puis encore sous le joug des Romains. Ainsi fut accompli au milieu des Juifs même ce que, longtemps avant, le Psalmiste avait prophétisé à leur sujet : « Oh ! Dieu, les peuples sont venus dans ton héritage, ils ont profané ton temple saint. » Et encore : « Ils seront livrés à la force du glaive, ils seront la part des chacals. » Le Seigneur, en effet, dans l’Évangile désigne ainsi Hérode : « Dites à ce chacal ! » Ce n’est pas sans raison que les fils de ce siècle sont appelés chacals, eux qui sont d’une race prudente et fourbe, mais répugnants dans leurs péchés. Mais, après que les Juifs eurent crucifié notre Seigneur, bien que Dieu eut attendu quarante deux ans avant que de les châtier, aveuglés dans leurs péchés, ils refusèrent eux-mêmes la bénédiction. Et la bénédiction s’éloigna d’eux. Vinrent les Romains qui s’emparèrent de leur sol sous Titus et Vespasien, incendièrent la ville, la détruisirent jusqu’aux fondations pour qu’il ne reste pas pierre sur pierre. Une partie des Juifs mourut de faim, une autre périt par l’épée, une dernière fut vendue et dispersée à tous les vents, comme on le trouve exposé avec clarté dans les ouvrages de Josèphe et les autres histoires. Le Prophète l’avait prédit voilà longtemps : « Le sanglier de la forêt l’a dévastée et la bête sauvage l’a dévorée ! » Il prédisait qu’ils seraient dévorés par une bête sauvage, un chef cruel, la race cruelle des Romains. Au temps des chrétiens, après que la charité se fut refroidie chez le plus grand nombre, Grecs et Syriens surtout qui habitaient la Terre sainte à l’époque de l’empereur romain Héraclius, le sang du Christ, qui tout d’abord bouillonnait dans le cœur des fidèles alors qu’il venait d’être répandu, voilà qu’il commençait déjà à s’apaiser dans l’univers presque tout entier. Chosroès, tyran et roi

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Cosdroas, tyrannus rex Persarum, Terram sanctam cum exercitu infidelium ingressus, civitatem | vastavit, ecclesias evertit, univer- (7) sum populum variis calamitatibus oppressit, aliis gladio peremptis, aliis secum in Persidem captivis deductis. Civitati autem sancte non parcens, effractis muris violenter irrupit ; loca sancta 90 et atria in quibus steterunt pedes Domini ingressus est canis immundus, prophanans Domini sanctuarium et ecclesiam sanctam subvertens, dominicum lignum in quo vera mundi hostia pependit secum ausus est in Persidem deportare. Dominus autem cum iratus fuisset, misericordie recordatus, fulgura in pluviam fecit, 95 impio tyranno ab Heraclio Augusto interempto, et sancta cruce dominica civitati Deo amabili a predicto imperatore cum triumpho et gloria magna devotissime cum hymnis et laudibus divinis restituta. III. Qualiter a duce Arabum Homar, discipulo Mahometi, occupata est Terra sancta. Cum autem imperator ecclesias ordinari, quas nequissimus Cosdroas deiecerat, et ex propriis sumptibus reparari precepisset, statim post eius recessum, princeps Arabum, nomine Homar, col- 5 lecta secum infinita multitudine, tam potenter, quam violenter Terram sanctam hostiliter ingressus, modico tempore non solum contra christianos qui in regno Hierosolymitano morabantur prevaluit, sed etiam universas civitates a Laodicea Syrie usque in Egyptum, Damascum etiam cum multis urbibus aliis, cum multa 10 sanguinis effusione, bestia seviens | occupavit. Hic autem impiis- (8) simus Homar discipulus erat perfidi et sceleratissimi Mahometi et regni eius successor tertius.

90/91 cfr Ps. 131, 7   95 Ier. 10, 13   98 cfr Eph. 5, 18; Col. 3, 16 94 transportare A B

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des Perses, envahit la Terre sainte avec une armée d’infidèles, il dévasta la Cité, détruisit les églises et accabla le peuple de toutes sortes de fléaux après avoir fait passé les uns au fil de l’épée et emmené les autres, captifs, en Perse. Il n’épargna pas la Cité sainte, il y entra de force après en avoir abattu les murs. Ce chien impur pénétra dans les lieux saints, sur le parvis que le Seigneur avait foulé de ses pas, il profana son sanctuaire, ruina l’église sainte ; il osa emporter en Perse le bois sur lequel le Seigneur, l’offrande véritable du monde, avait été suspendu7 ! Mais Dieu, malgré sa colère, s’est souvenu de sa miséricorde, il a produit des éclairs pour l’averse quand le tyran impie eut été tué par l’empereur Héraclius et que la sainte croix du Seigneur eut été remise à sa place par le même empereur dans la cité agréable à Dieu, triomphalement, avec toute la pompe et la dévotion convenables, au milieu des hymnes et des louanges à Dieu !

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III. Comment Omar, chef des Arabes et disciple de Mahomet, occupa la Terre sainte. Or, alors que l’empereur avait commandé de faire réparer les églises que l’exécrable Chosroès avait fait abattre et de les restaurer à ses frais, aussitôt après son départ, Omar, prince des Arabes, rassemblant une immense armée, envahit la Terre sainte par la force et la violence. Non seulement il l’emporta en peu de temps sur les chrétiens qui occupaient le royaume de Jérusalem, mais encore, tel une bête sauvage qui répand un flot de sang, il s’empara de toutes les cités de Laodicée de Syrie jusqu’en Égypte, de Damas même et de beaucoup d’autres villes. Cet Omar très impie était le disciple du perfide et très criminel Mahomet, le troisième successeur de son règne1.

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IV. De Mahometo. Mahometus enim parum ante tempora beati Gregorii, regnante predicto Heraclio, abominabilem doctrinam suam, primo in Arabia unde oriundus extitit, et postea bestiali populo in partibus vicinis, hominibus rudibus et incultis, partim predicaverat, partim per timorem et violentiam in errorem suum contradicentes impulerat. Cuius successores tanto furore et fervore diabolico succensi sunt, ut in pestiferam magistri sui doctrinam non solum verbis et exhortationibus populos insipientes inducerent, sed vi et metu et gladiis tam Arabes quam alios orientales populos miserabiliter impingerent. Seductor autem ille qui dictus est Mahometus, quasi alter antichristus et primogenitus Satane filius, tanquam Satan in angelum lucis transfiguratus, ira Dei magna et indignatione maxima sustinente et inimico generis humani cooperante, plures populos pervertit et in errorem suum traxit quam aliquis alius hereticus ante tempora ipsius legatur subversisse, vel aliquis sanctus predicatione vel miraculis ad Dominum convertisse reperiatur. Doctrina enim eius pestifera, serpens ut cancer, non solum Arabes et Syros, | Medos et Persas, Egyptios et Ethiopes et alios orientales populos letaliter infecit, sed etiam Africam et plures occidentales regiones corrumpens usque in Hispaniam pervenit. Nec puto quod ab infantia primitive Ecclesie usque ad senectam et senium eiusdem, videlicet usque ad tempora filii perditionis, maior fuerit vel futura sit abominatio desolationis vel maius flagellum Ecclesiam sanctam Dei oppresserit, quam execrabilis erroris venenum pestiferum quod serpens antiquus per os pseudoprophete et successorum eius in tanta populorum multitudine iam fere per sexcentos annos evomuit.

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iv, 12 I Ioh. 2, 18; Act. 13, 10   13 cfr II Cor. 11, 14   14 cfr Matth. 13, 39   18 cfr II Tim. 2, 17   23 cfr II Thess. 2, 3   24 Matth. 24, 15; Dan 12, 11    iv, 2/3 enim ... heraclio] autem statim post … parum ante tempora predicti eraclii A B C D E F K bo, enim statim post G, enim post J, enim statim ante … statim ante predicti eraclii H   3 abominabilem] et execrabilem add. codd. bo   

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IV. Mahomet. De fait, peu de temps avant l’époque du bienheureux Grégoire, sous le règne d’Héraclius1, Mahomet avait prêché pour partie sa détestable doctrine d’abord en Arabie, dont il était originaire, puis à la population sauvage des contrées voisines d’hommes grossiers et incultes ; et encore il avait poussé dans son erreur, par la peur ou la violence, ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui. Ses successeurs furent enflammés d’une fureur et d’une ferveur diaboliques telles, qu’ils entraînèrent par le discours et l’exhortation des peuples insensés à suivre la doctrine empoisonnée de leur maître, et qu’ils soumirent, et c’est pitié, les Arabes et les autres peuples de l’Orient par la peur, la force ou les armes. Or, ce séducteur appelé Mahomet, tel un autre antichrist2, premier né de Satan et comme Satan, déguisé en ange de lumière, après avoir bravé la grande colère et l’immense indignation de Dieu et s’être fait le complice de l’ennemi du genre humain, pervertit et attira dans son erreur un plus grand nombre de peuples qu’aucun hérétique avant lui n’est réputé n’en avoir séduit ou qu’aucun autre saint ne s’est trouvé en avoir converti par sa prédication et ses miracles. Car sa doctrine empoisonnée, se répandant comme un chancre3, infecta mortellement non seulement Arabes et Syriens, Mèdes et Perses, Égyptiens, les Éthiopiens et autres peuples d’Orient, mais encore elle parvint en Espagne après avoir corrompu l’Afrique et plusieurs autres contrées d’Occident. Je ne pense pas que depuis l’enfance de la primitive Église jusqu’à sa vieillesse et sa décrépitude, c’est à dire jusqu’au temps du fils de perdition, l’abomination de la désolation a été ou doive être plus grande, ni que la sainte Église de Dieu soit accablée à l’avenir par un plus grand fléau que le pernicieux venin de cette exécrable erreur, vomie par l’antique Serpent il y a environ six cents ans au milieu d’une telle quantité de peuples par la bouche de ce faux prophète et de ses successeurs.

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Iustus es Domine si disputem tecum, verumtamen iusta loquar ad te ! Cur bestie tam crudeli tam laxas habenas concessisti ? Quare tanquam potens crapulatus a vino et tanquam vir fortis qui salvare non potest tanto tempore siluisti, concultante impio et vastante vineam tuam, et tot animarum milia pro quibus sanguinem fudisti tibi auferente ? Cur fortis armatus inimicus noster tanto tempore in pace custodivit atrium suum, et fortior non supervenit qui vasa eius potenter auferret, eripiens inopem de manu fortiorum eius, egenum et pauperem a diripientibus eum ? O altitudo divitiarum sapientie et scientie Dei, quam incomprehensibilia sunt iudicia eius, investigabiles vie eius ! Quis enim cognovit sensum Domini aut quis consiliarius eius fuit ? Quis est homo qui respondeat Deo vel disputet cum ipso ? Nunquid dicit | figmentum ei qui se fecit, quid me fecisti ? An non habet potestatem figulus luti ex eadem massa facere aliud quidem vas in honorem, aliud in contumeliam ? Iudicia Domini abyssus multa ! Scimus enim quod, licet antiquus adversarius noster nihil possit nisi quantum Deus permiserit, peccata tamen nostra adeo fecerunt ipsum contra nos potentem, ut Deus iusto, licet occulto, iudicio usque ad tempora nostra, per filium perditionis perfidum Mahometum, eundem inimicum permiserit insanire.

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V. De origine et vita Mahometi. Fuit autem Mahometus Ismaelita, ex Agar ancilla Abrahe, ex progenie Ismaelis, hominis ferocis, cuius manus contra omnes et 29 Ier. 12, 1   30 cfr. Apoc. 13, 1   31 Ps. 77, 65   32 cfr Ps. 79, 1314   34/35 Luc. 11, 21-22   36/37 Ps. 34, 10   37/38 altitudo … eius] Rom. 11, 33, 34   39/43 Rom. 9, 21   43 cfr Ps. 35, 7   44/45 cfr I Petr. 5, 8 v, 3 Gen. 16, 12    29-43 iustus ... contumeliam] om. K   46 ut ... iudicio] quod iusto licet occulto dei iudicio A B C D E F G H K, quod iusto licet occulto usque om. J

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Seigneur, toi qui es le Juste, s’il m’est permis de discuter avec toi, qu’en vérité ce soit pour te questionner sur tes décisions. Pourquoi as-tu cédé à une bête si cruelle et lui as-tu lâché les rênes ? Pourquoi comme le puissant paralysé par le vin, l’homme fort qui ne peut se guérir, gardes-tu aussi longtemps le silence pendant que l’impie écrase et dévaste ta vigne et t’enlève tant de milliers d’âmes pour lesquelles tu as répandu ton sang ? Pourquoi notre ennemi, en homme fort armé, a-t-il gardé si longtemps en paix l’entrée de sa maison, et qu’un plus fort n’est pas survenu avec vigueur pour lui enlever ses armes, délivrant le petit du plus fort, l’indigent et le pauvre des mains des spoliateurs ? O abîme de la richesse, de la sagesse, de la science de Dieu, que ses décrets sont insondables et ses voies impénétrables ! Qui a connu la pensée de Dieu, qui est son conseiller ? Qui peut répondre à Dieu ou discuter avec lui ? La créature dit-elle au créateur pourquoi m’as-tu créé ? Avec la même quantité de glaise, un potier ne peut-il pas fabriquer un vase destiné à des usages nobles et un vase destiné à des usages vils ? Les décisions de Dieu sont un grand abîme ! Nous savons ainsi, bien que notre vieil adversaire ne puisse rien qu’autant que Dieu le permet, que ce sont nos péchés qui nous l’ont rendu redoutable, en sorte que Dieu par une décision légitime, impénétrable pourtant, a permis à cet ennemi de faire fureur jusqu’à aujourd’hui par l’impie Mahomet, le fils de perdition. V. Origine et vie de Mahomet1. Mahomet était ismaëlite issu de la race d’Agar, servante d’Abraham, et de la descendance d’Ismaël, homme sauvage, et

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manus omnium contra ipsum. Licet enim Saraceni a Sara tanquam ex libera mendaciter et inaniter se nominent Saracenos, verius tamen Agareni ab Agar que concubina fuit Abrahe debent dici. Cum autem puer esset et, defuncto patre suo Abdimeneph et matre sua, relictus esset pauper et orphanus, susceptus est a quodam homine gentili et idololatra qui nutrivit eum in illo loco Arabie qui dicitur lingua eorum ‘Salingua’. Postquam autem factus est etatis adulte et ad annos iuveniles pervenit, cum iam proprii corporis exercitio more pauperum victum sibi laboriose posset acquirere, factus est mercenarius | cuiusdam mulieris vidue, cuius asinum custodiens, a quibusdam viatoribus quos super asinum ad partes Asie deferebat mercedem recipiebat ad opus domine sue, que etiam camelos suos postmodum eius custodie commisit, et ad civitates vicinas et oppida circunstancia factus negociator merces deportabat. Cumque pro servitio suo et huiusmodi negotiatione predicte vidue gratiam et familiaritatem fuisset adeptus, sese invicem libidinose concupiscentes, primo occulto et fornicario concubitu pariter colerunt ; postea vero mulier illa cum eo publice matrimonium contraxit et copiosam pecuniam tradidit illi. Ipse vero qui semper vitam miseram et inopem usque ad dies illos duxerat, subito et quasi casu fortuito et inopinato ditatus, cepit in oculis suis extolli et apud se inaniter gloriari, cogitans intra se et modis omnibus procurans qualiter super gentes illas que regem non habebant et tribus suas posset dominari et apud homines illos magnus haberi. Primo igitur congregavit homines pauperes et inopes et obligatos ere alieno, viros prophanos, latrones, predones, homicidas et raptores, ut eorum auxilio, multa pecunia per violentiam et rapinam congregata, nomen sibi faceret et ab omnibus timeretur. Cum autem ex huiusmodi perversis et desperatis hominibus, filiis Belial, non modicam multitudinem congregasset, posuit eos iuxta | vias publicas in insidiis et locis

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33 cfr Deut. 13, 13    v, 4 sarraceni codd. bo   7 autem] adhuc add. A B C D G H bo, om. K   25/26 inaniter ... se] om. D   

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tous étaient contre lui, et lui était contre tous2 . En se réclamant de Sara, qui était une femme libre, les Sarrasins se nomment euxmêmes ainsi de façon inexacte et sans raison3. On doit plutôt les appeler Agarènes par respect de la vérité à cause d’Agar qui fut la concubine d’Abraham4. Donc, alors qu’il était encore un enfant, après la mort de son père Abdimeneph et de sa mère, resté pauvre et orphelin, il fut recueilli par un homme barbare et idolâtre qui l’éleva dans cette contrée de l’Arabie appelée Salingue dans leur langue5. Et parvenu à l’âge adulte, encore jeune et n’ayant comme les pauvres que l’usage de ses seuls bras pour assurer péniblement sa subsistance, il devint le domestique d’une veuve dont il gardait l’âne sur lequel il transportait des voyageurs dans les pays d’Asie ; et il en recevait le prix pour le compte de sa maîtresse, qui, plus tard encore, l’employa à la garde de ses chameaux ; et, devenu négociant, il transportait les marchandises dans les cités du voisinage et les bourgs environnants. Alors, après avoir réussi par son travail et ses opérations de commerce à gagner la faveur et l’intimité de la veuve, enflammés l’un et l’autre d’une passion réci­ proque, ils se mirent ensemble, unis dans la débauche, et d’abord en secret. Mais ensuite cette femme le prit ouvertement pour époux et lui apporta beaucoup d’argent6. Ainsi, lui qui, jusque-là, avait toujours mené une pauvre et misérable existence, devenu subitement riche par un hasard inattendu et fortuit, il se mit à s’élever à ses propres yeux, se glorifier sans raison. Il se mit en tête de chercher par tous moyens à dominer ces peuples sans roi, leurs tribus, à se grandir aux yeux de ces gens7. Donc, il rassembla d’abord des pauvres, des indigents accablés de dettes, des gens sans religion, voleurs et pillards, homicides et ravisseurs, pour amasser avec leur aide de l’argent en grande quantité par la violence et la rapine, se faire un nom et devenir, pour tous, un sujet de crainte. Or, quand il eut réuni une troupe non négligeable d’hommes pervertis et de gens réduits au désespoir, vrais fils de Bélial, il les mit en embuscade dans des lieux cachés à proximité des grandes routes pour dépouiller, sans pitié

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abditis, ut negotiatores causa mercimonii de Asia venientes sine misericordia spoliarent. Quadam die misit triginta de latrunculis suis ut mercatores quosdam per partes illas transeuntes spoliarent. Quidam autem vir potens de partibus illis, cuius camelum Mahometus abstulerat, cum trecentis hominibus occurens sociis Mahometi, fugatis ipsis, mercatores illos de manibus predonum liberavit. Alia vice misit sexaginta de militibus suis ut sibi predam adducerent, qui omnes a quibusdam in insidiis positis ita sunt occisi, ut nec unus ad dominum suum reverteretur. Misit tertia vice multos ex sociis ad locum quendam ut multitudinem asinorum qui per locum illum transire debebant mercibus variis onerati raperent ; sed antequam ad locum illum pervenissent, mercatores cum asinis die precedente transierant. Hec autem propheta mendax previdere non potuit nec in predictis casibus sibi vel sociis suis potuit precavere. Mentiuntur ergo miseri Saraceni qui eum summum prophetam Domini fuisse perniciose protestantur ! Aliquando etiam cum fugisset de prelio quodam, multis dentibus confractis, vix evasit. In multis enim preliis devictus et cum exercitu suo fugatus nec sibi nec suis aliquod potuit prestare subsidium. Misit frequenter socios suos ut homines sibi contradicentes nocte in domibus suis iugularent. Vicinos etiam suos quibus invidebat clam et proditorie trucidari faciebat, | et maxime Iudeos quos plurimum odio habebat. Plerumque autem impii et facinorosi eius complices, villas et casalia subito ingredientes, ex improviso homines, parvulos etiam et mulieres passim occidebant, et partem prede domino suo qui defensionem et auctoritatem eis prestabat afferebant. Frequenter autem hi quos ad exercenda latrocinia mittebat ab his quos spoliare volebant sunt occisi. A quodam autem prelio dentibus suis a dextera parte excussis, labro superiori conciso et genis confractis, vultu lacerato et deturpato, vix evasit.

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48 cfr Matth. 24, 11   52 cfr Thren. 3, 16    36/37 quadam ... spoliarent] om. H   36 trigenta] om. J   37 quosdam] illos A B   46 illum] om. A B   52 enim] etiam A B   

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aucune, les marchands venus d’Asie pour les affaires de leur commerce. Une fois, il expédia trente de ses brigands pour dépouiller des marchands qui traversaient ces régions. Mais un homme puissant de ce pays, auquel Mahomet avait enlevé un chameau, attaqua ses compagnons avec trois cents hommes, les mit en fuite et délivra les marchands des mains de leurs ravisseurs. Une fois encore, Mahomet envoya soixante de ses soldats pour lui rapporter du butin, mais ils furent tous tués par des gens dans une embuscade, en sorte que pas un seul ne retourna chez son maître. Une troisième fois, il envoya nombre de ses complices en un lieu pour voler une grande quantité d’ânes et les marchandises qu’ils transportaient, mais avant qu’ils n’y parviennent, les marchands et les ânes étaient passés la veille8. Ainsi le faux prophète ne put prévoir ces choses ni, dans les exemples en questions, prendre de précautions pour lui et ses compagnons. Ainsi mentent-ils ces malheureux Sarrasins qui proclament faussement que Mahomet fut le plus grand prophète du Seigneur9 ! Un jour d’ailleurs, comme il fuyait d’un combat, il s’échappa à grand-peine avec plusieurs dents cassées10. Il fut en effet vaincu dans plusieurs engagements, mis en fuite avec sa troupe et ne put être un secours ni pour lui ni pour les siens. Souvent, la nuit venue, il dépêchait ses compagnons pour aller égorger dans leur maison ceux qui lui avaient opposé de la résistance. En cachette même, par traîtrise, il faisait assassiner par haine les gens du voisinage, les Juifs surtout qu’il détestait particulièrement. Souvent ses complices, des criminels sans religion, investissaient brusquement villages et bourgs, tuaient à l’improviste et au hasard, les hommes, les petits enfants, les femmes ; ils rapportaient une part du butin à leur maître qui leur offrait le secours de sa protection et de son autorité. Il était fréquent que les gens envoyés pour commettre des brigandages fussent euxmêmes tués par ceux qu’ils venaient voler. Et lui-même échappa avec peine d’une bataille les dents du côté droit brisées, la lèvre supérieure coupée, les joues ouvertes, le visage déchiré et mécon-

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Quidam autem ex sociis suis, elevans manum suam super eum ad tutelam, amputato digito uno, vix eum valuit liberare. Ecce quam decepti sunt et crassis tenebris involuti miseri Saraceni qui mendaciter affirmant ipsum super omnes prophetas spiritum prophetie habuisse, et decem angelos sibi faventes et eum custodientes omni tempore secum habere. Dicunt etiam quod antequam Deus a principio celum et terram creasset, nomen Mahometi quasi in conspectu Dei consistebat, et nisi ipse Mahometus futurus fuisset, nec celum, nec terra, nec infernus, nec paradisus fuisset. Ipse vero cum ei frequenter male accidisset et a preliorum conflictu victus et fugatus cum magna reverteretur confusione, ad sui excusationem dicebat quod missus erat a Domino non ut miracula faceret sicut alii prophete ante ipsum, sed ut leges datas iudeis per Moisen et christianis per Christum | exponeret mundo et declararet, et eos qui mandata legis male intelligebant corrigeret et instrueret, ita quod si quis mandata eius suscipere recusaret, vel gladio interficeretur, vel pro incredulitalis sue pretio tributum solvere cogeretur. Si qui autem credere legi sue renuerent vel contrarium predicarent, contra eos prelia semper inferrent et, ipsis trucidatis, si possent uxores eorum et liberi perpetue servituti subderentur. Inimicis etiam fidei sue nec fidem nec promissionem observare, sed eos omnibus modis decipere concedebat. Cum igitur ipse de se fateatur quod gratiam faciendi miracula non haberet, miracula illa que de illo Saraceni gloriantes predicant constat esse falsa, et ipsos deceptos oculis penitus excecatis veritatem ignorare. Dicunt enim quod lupus quidam in via qua ambulabat aliquando ei obviam venit, contra quem cum tres digitos Mahometus erexisset, lupus exterritus confestim fugiendo recessit. Affirmant etiam homines animales et bruti quod bos quidam quandoque cum eo loquutus fuisset, et quod arbor fici ad eius vocationem et imperium ad terram inclinata ad eum humiliter accessit. Dicunt etiam quod lunam ad ipsum descedentem in sinu suo recepit, et ipsam lunam in partes

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naissable. L’un de ses compagnons, en levant la main pour le protéger et ayant eu le doigt coupé, réussit à le tirer de là non sans mal11. Voilà comment ces malheureux Sarrasins furent abusés, voilà comment dans la nuit de leurs ténèbres épaisses ils se trompent en affirmant que Mahomet avait eu un don de prophétie, supérieur à celui de tous les prophètes, que de tous temps dix anges le protégeaient et l’avaient en leur garde. Ils racontent encore que le nom de Mahomet était sous le regard de Dieu dès le commencement, avant que le ciel et la terre ne fussent créés ; que s’il n’avait existé, il n’y aurait eu ni ciel, ni terre, ni enfer, ni paradis12. Mais lui, comme il lui arrivait souvent malheur, sorti vaincu du feu des combats et forcé à fuir, revenant tout confus, il racontait en guise d’excuse qu’il avait été envoyé par le Seigneur non pour faire des miracles, comme les autres prophètes qui le précédaient, mais pour expliquer et faire connaître au monde les lois données aux juifs par Moïse et aux chrétiens par le Christ, de reprendre et d’instruire ceux qui comprenaient mal les mandements de la loi13. En sorte que celui qui refusait d’adopter ses commandements devait être passé au fil de l’épée ou contraint à verser un tribut pour prix de son incrédulité14. En outre, ceux qui refusaient de croire à sa loi ou qui professaient le contraire devaient être combattus sans relâche, puis massacrés, et, si possible, leurs femmes et enfants réduits en éternelle servitude. Il admettait même ne respecter ni serment ni promesse avec les ennemis de sa foi, mais les tromper en toute occasion15. Donc, bien qu’il ait lui-même reconnu ne pas avoir reçu la grâce de faire des miracles16, les Sarrasins proclament de tels miracles à son sujet et s’en glorifient ; il est évident que ces miracles sont faux et, qu’abusés et complètement aveuglés, ils ignorent la vérité. Ainsi un jour, racontentils, un loup apparut à Mahomet sur la route où il marchait et, après qu’il eut levé les trois doigts, le loup terrifié prit aussitôt la fuite. Ces hommes sots et laissés aux seules ressources de la nature affirment aussi qu’un bœuf, une fois, lui aurait adressé la parole, qu’un figuier, à son invitation et sur son ordre, s’avança humblement vers lui après s’être incliné jusqu’au sol. Ils disent encore qu’il reçut dans la poitrine la lune jusqu’à lui descendue, qu’il la

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ab eo divisam iterum coniunxit. Asserunt etiam quod cum venenum in carne agnina aliquando sibi fuisset oblatum, agnus loquu­ tus sit ei dicens : “ In me habeo venenum, cave ne me sumas in cibum. ” Socius autem eius qui cum eo in mensa sedebat ex eo comedit | et vitam veneno amisit. Ab illo tamen die post annos decem et octo Mahometus, veneno sibi occulte dato, interiit, nec tamen mortem suam pseudopropheta prescivit. Ipse autem divino percussus iudicio, morbo caduco laborans, aliquando in terram cadendo spumabat. Predicta autem uxor eius pre verecundia et morbi abominatione volebat eum dimittere. Ipse autem dicebat uxori sue quod angelus Domini Gabriel ei loquebatur, ipsum de lege quam dabat hominibus instruens et Dei mandata ad ipsum deferens ; ipse vero presentiam numinis corporaliter sustinere non poterat, spiritus autem eius quasi in ecstasim raptus angeli vocem audiebat et precepta firmiter retinebat. Mulier autem simpliciter credidit, et sic in matrimonio cum ipso remansit. Erat luxuriosus et libidinis ardore succensus super omnes homines orientalis regionis, ex quo tamen in immensum gloriabatur, iactans se solum supra quadraginta homines ex divino munere virtutem generativam habere et coeundi supereminentem potestatem a Deo accepisse. Unde quindecim duxit uxores, exceptis ancillis et concubinis, quas omnes zelotypie spiritu impulsus ita recluserat quod nunquam poterant exire, nec ulli homini alii fas erat eas videre, vel ad eas aliquo modo intrare. Unde usque hodie Saracenorum et fere omnium Orientalium mos est quod uxores suas ita recludant ut vix solis radium videre queant, ab earum etiam colloquiis consanguineos quantumcumque proximos prorsus privantes. Virgines etiam earum ita coram | hominibus vultus abscondunt, et collum et manus quibusdam linteaminibus velant, quod plerumque aliquis uxorem duxit nec faciem eius antequam eam traduceret agnovit. Quandoque autem contra aliquam earum iratus iuravit quod ad eam per mensem non intraret, sed libidinis sue turpitudine devictus, spreto iuramento, ante ter-

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115 tamen] ipse add. B C D E H J   129 iurabat A B C D G H J K, iuraret E F   

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divisa en quartiers, puis lui redonna forme. Ils rapportent encore qu’une fois on lui avait présenté de la viande d’agneau empoisonnée et que l’agneau se mit à parler, disant : « Je suis empoisonné, garde-toi de me manger ! » L’un de ses compagnons de table en mangea et mourut. Dix-huit ans après pourtant, Mahomet mourut du poison administré en cachette ; et le faux prophète ne put prédire sa mort17 ! Mahomet, frappé par un juste jugement de Dieu, souffrait d’épilepsie ; il tombait parfois à terre l’écume aux lèvres18. Sa dite femme, de honte et par dégoût de la maladie, voulait le renvoyer. Alors il lui racontait que l’ange du Seigneur, Gabriel, lui parlait, l’instruisait de la loi qu’il devait donner aux hommes et lui transmettait les commandements divins ; que son corps ne pouvait supporter la présence de la majesté divine ; que son esprit, comme pris dans une sorte d’extase, recevait la parole de l’ange et retenait exactement ses préceptes19. Alors la femme, dans sa candeur, le crut ainsi et le garda pour mari20. Il était débauché, enflammé par l’ardeur des sens plus encore que tous les hommes d’Orient ; de cela cependant il se faisait une gloire excessive, se vantant d’être seul par don divin à avoir une faculté de procréer supérieure à celle de quarante hommes et avoir reçu de Dieu une puissance au-dessus du commun pour s’accoupler21. C’est ainsi qu’il prit quinze épouses, sans compter servantes et concubines, toutes tenues jalousement enfermées au point de ne pouvoir jamais sortir ni donner à un homme l’occasion de voir leur visage ou de les approcher d’une façon ou d’une autre. Ainsi de nos jours les Sarrasins et la plupart des Orientaux ont toujours coutume d’enfermer les ­femmes, au point de leur laisser voir à peine un rayon de soleil et de priver entièrement leurs parents, les plus proches même, de leur compagnie. Et encore les jeunes filles se cachent le visage en présence des hommes, elles se voilent le cou et les mains avec des étoffes de lin ; ainsi en général quand un homme prend une épouse, il ne voit son visage qu’à l’instant de la découvrir22. Or un jour, Mahomet se mit en colère contre une de ses femmes et fit serment de ne pas se rendre auprès d’elle pendant un mois ; pourtant,

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minum eidem commiscebatur. Cuidam autem ex uxoribus suis in dotem seu donationem propter nuptias loricam ex fragmentis cornuum factam concessit et duas molas cum duobus cervicalibus rotundis ex palmarum foliis contextis. Propter has autem ab alienorum uxoribus nullatenus homo impudicus abstinebat, sed passim quascumque sibi placentes habere poterat adulterio polluebat. Ita quod cum propter hoc infamaretur et a multis accusaretur, et maxime a sociis erroris sui et coadiutoribus maleficii reprehenderetur, eo quod, propter turpitudinem vite eius, predicatio a multis iam non reciperetur, ipse ad sui excusationem et populi indignationem sedandam legem promulgavit que usque ad presentem diem a Saracenis firmiter observatur de adulteriis videlicet puniendis, unde mulier adultera apud eos occiditur. Sibi soli tamen dixit esse a Domino, angelo Gabriele nuntiante, in privilegio specialiter concessum quod ad aliorum uxores posset accedere et prophetas et filios virtutis ad cultum Dei generare. Ipse autem servum quendam habebat qui propter uxoris sue pulchritudinem | domini sui luxuriam valde suspectam habebat. Unde uxori sue districte precipiebat ne aliquo modo a domino suo videretur vel cum eo loqueretur. Illa tamen nihilominus quadam die loquuta est cum Mahometo ; servus autem ille indignatus et iracundia concitatus eam repudiavit et a se statim eiecit. Dominus autem eiectam eius vocavit et cum uxoribus suis eiectam recepit. Timens autem ne de adulterii crimine blasphemaretur, finxit quod charta de celo missa fuisset illi a Deo, in qua a Domino mandaretur ut genti sue legem promulgaret, quatenus si quis uxorem repudiaverit, si alius eam recipere voluerit, uxor illius sit qui eam suscepit. Istud usque hodie inter Saracenos habetur pro lege. Si autem adultera non possit a marito convinci et propter criminis suspicionem vel propter feditatem aliquam sive ob aliam causam eam repudiatam dimiserit, si postea penitentia ductus ipsam velit ad thorum revocare, non aliter licet mulieri ad virum suum acce-

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soumis à son infâme passion, au mépris de sa parole, il retourna avant le terme s’unir à elle23. À l’une, il accorda en dot ou cadeau de noces un corset en lames de corne, deux meules et deux serretête ronds tressés avec des feuilles de palmier24. Outre ses propres femmes, cet homme sans pudeur ne s’abstenait pas des femmes des autres, mais à l’aventure il souillait par l’adultère toutes celles qui lui plaisaient et pouvait avoir. Il était décrié pour cela, mis en accusation par bon nombre, blâmé surtout par ses compagnons dans l’erreur et les complices de son méfait ; c’est ainsi qu’en raison de sa vie de débauche sa prédication n’avait déjà plus grand succès ; pour se justifier et apaiser l’indignation du peuple, il promulgua une loi observée de nos jours avec une grande rigueur par les Sarrasins, loi qui porte sur les châtiments des adultères ; chez eux la femme adultère est punie de mort25. Selon lui cependant, le Seigneur lui avait accordé, et à lui seul, le privilège révélé par l’ange Gabriel de pouvoir accéder aux femmes des autres, engendrer des prophètes et des fils de vertu pour servir Dieu26. Il avait un serviteur qui, en raison de la beauté de sa femme, se défiait beaucoup de la luxure de son maître. Il prescrivit donc à celle-ci de ne se faire voir de Mahomet sous aucun prétexte ni lui parler. Malgré ce, un jour pourtant, la femme parla à Mahomet ; le serviteur dans son indignation et sous l’empire de la colère la répudia et la renvoya sur-le-champ. Le maître appela la femme répudiée et la reçut parmi ses femmes27. Comme il redoutait qu’on aille le salir par une accusation d’adultère, il simula qu’une lettre du ciel lui avait été envoyée par Dieu où il lui était ordonné de promulguer une loi pour son peuple, selon laquelle si quelqu’un venait à répudier sa femme, elle devienne l’épouse de qui la veut prendre. De nos jours encore, ce précepte a valeur de loi chez eux28. De même, au cas où la femme ne pourrait être convaincue d’adultère par le mari qui l’a répudiée en la soupçonnant de ce crime, d’une autre souillure ou pour toute autre raison, et que, touché par le regret, le mari veuille ensuite la remettre dans son lit, elle ne puisse alors y retourner qu’après avoir été prise par un étranger

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dere, nisi prius tanta verecundia confundatur quod in oculis mariti sui ab alio viro extraneo cognoscatur ; et sic per huiusmodi pollutionem ipsam, miserabiles homines existimant purgari et dignam quod ad maritum suum revertatur. Porcus autem ille et canis immundus, in tantum libidinis fervorem exarsit quod ipse aliis concessit modum turpitudinis quo in propriis uxoribus abutebatur. Ait enim in libro suo quem vocat Alchoranum : “ Si uxores vel ancillas habetis | ipsas pro modo vestro ad voluntatem vestram parate ” ; pro quo execrabili verbo statim vivus deberet concremari. Per hoc enim latenter vitium sodomiticum hostis nature in populo suo introduxit. Unde ipsi ex maxima parte non solum in utroque sexu, sed etiam in brutis turpitudinem abusive operantes, facti sunt sicut equus et mulus quibus non est intellectus. Asserunt enim ad perniciosam sui excusationem quod re propria ad omnem voluntatem et voluptatem suam quilibet licite possit uti. Hec autem de pessima et abominabili eius vita, parva de magnis, pauca de multis, dicta sufficiant. Nunc autem de execrabili eius lege vel potius errore aliqua subiungamus.

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VI. De pessima doctrina et vita Mahometi. Quadam die dum de civitate Matham veniens, camelum quendam invenisset in via, rapuit et duxit in civitatem Mecham in qua hodie sepultus ab impiis et deceptis populis adoratur. In predicta autem civitate cum de seipso testimonium proferret, afferens se 5 esse prophetam et a Deo ad salutem populi transmissum, illi noluerunt eum recipere nec eius falsis et vanis acquiescere sermonibus ; sed tanquam falsarium et viarum predatorem et latronem

175 Ps. 31, 9 vi, 5 cfr. Ioh. 8, 14    168/169 abutebatur] abutebantur A B D E vi, 2 mecha C E F G J K, matha D H, mecham A   3 mecha D, matham EF   

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sous les yeux de son mari et avoir été ainsi accablée d’une grande honte. Alors, ces malheureux pensent que la femme, purifiée par cette souillure, se retrouve digne de revenir à son mari29 ! Et lui, tel un porc, un chien impur, il fut transporté d’une telle ardeur dans la débauche qu’il autorisa aux autres le genre de licence dont il abusait avec ses propres femmes30 ! Il dit en effet dans son livre appelé Alcoran31 : « Si tu as des femmes ou des servantes, fais en ce que tu veux, uses-en à ton gré ! » Pour cette sentence exécrable il aurait dû être brûlé vif sur-le-champ. C’est ainsi que cet ennemi de la nature a introduit insidieusement dans son peuple le vice de sodomie32. Il en résulte que la majeure partie, se livrant à une débauche effrénée entre l’un et l’autre sexe et avec les animaux même, se comporte comme le cheval et le mulet dépourvus d’intelligence. En guise d’excuse, ils avancent avec malignité qu’il est loisible d’user du plaisir comme d’un bien propre, librement et à son gré. Ainsi, avec ces quelques menus exemples, choisis parmi tant d’autres encore plus significatifs, nous avons assez parlé de son abominable et exécrable vie. Il nous reste maintenant à présenter une partie de sa loi détestable, son erreur devrait-on dire. VI. Exécrable doctrine et vie de Mahomet. Un jour qu’il venait de la cité de Matham1, ayant trouvé un chameau sur sa route, il s’en empara et le conduisit à La Mekke, cité où il est enterré aujourd’hui et vénéré par des gens impies et abusés2. Dans la cité en question, comme il produisait témoignage de lui-même, se présentant en prophète envoyé de Dieu pour le salut du peuple, les gens refusèrent de le recevoir et d’acquiescer à ses discours vains et mensongers, mais le chassèrent de leur cité

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a civitate sua proiecerunt. Fugit igitur cum suis sociis confusus et expulsus ad civitatem quandam desertam ubi erant homines | ex parte Iudei et ex parte gentiles idololatre, rudes et indocti, qui nunquam vel raro veritatis audierant predicationem. Videns autem pauperes illos et incultos homines faciles ad seducendum, constituit in civitate templum quoddam in quo figmenta sua et vana documenta vanis et idiotis predicaret. Et quoniam magnus laqueus diaboli et profunda fovea perditionis futurus erat homo ille, cum rudis esset et illiteratus, providit ei ille malitie artifex, christiane religionis inimicus, socios et coadiutores erroris sui qui eidem tanquam impietatis instrumenta assisterent et ipsum fallaciter instruerent et in nequitia foverent. Quidam enim monachus, homo apostata et hereticus, vir Belial nomine Sosius, cum de execrabili heresi Rome fuisset publice convictus et condemnatus et excommunicationis vinculo innodatus, extra omnem Ecclesiam Dei esset eiectus et a fidelium consortio fuisset penitus expulsus, fugit ad partes Arabie, cupiens se de molestia sibi facta contra Christianos vindicare. Cum autem invenisset Mahometum qui iam aliquam habebat in populo suo preeminentiam, nec tamen a multis adhuc propheta putabatur, cepit eum cum quodam iudeo qui similiter ipsi Mahometo adheserat exhortari et ammonere quatenus sicut Moyses et Christus legem dederunt populo suo, et propter hoc ab universis reputati sunt magni, ita ut et ipse magni nominis et summus propheta habe­ retur, consiliis et documentis ipsius | monachi et iudei, legem daret illi populo cuius maior pars idola colebat, et facile ad eius doctrinam flecti possent. Mahometus autem eorum perversis acquiescens suggestionibus, ut maioris auctoritatis lex eius esse videretur, ex Veteri et Novo Testamento ad augmentum erroris sui predictis heretico et iudeo docentibus, quedam adiunxit ex adinventionibus propriis que suggerente diabolo de corde suo finxit.

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16 I Tim. 3, 7; Prov. 22, 14    18 malitie] mille A B C D E F G H J mo bo   18 ei] om. C D   20 foveret mo, om. G   32 ut] om. A B C D   

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comme faussaire, voleur et bandit des grands chemins3. Il s’enfuit donc, désemparé, avec ses compagnons, et s’en fut, chassé jusqu’à une cité presque abandonnée où vivaient des gens, Juifs et païens idolâtres, grossiers et ignorants, qui n’avaient jamais, ou rarement, entendu proclamer la vérité4. Voyant alors que ces pauvres gens dépourvus de savoir seraient faciles à séduire, il construisit un temple pour y proclamer ses inventions et ses faux enseignements aux sots et aux ignorants5. Et parce que cet homme inculte et illettré6 devait être le grand lacet du diable et la fosse profonde de perdition, l’auteur de la malice, l’ennemi de la religion chrétienne lui fournit des alliés et des collaborateurs pour son erreur, qui auraient à l’assister comme instruments de son impiété, à l’instruire de manière trompeuse, l’encourager dans la voie du mal. Ainsi, un moine apostat et hérétique, fils de Bélial du nom de Sosius, qui avait été convaincu publiquement à Rome d’une exécrable hérésie, condamné, enchaîné dans les liens de l’excommunication, chassé de la totalité de l’Église de Dieu, rejeté sans réserve par la communauté des fidèles, s’enfuit en Arabie avec le désir de combattre les chrétiens pour l’affront qu’il en avait reçu7. Or, comme il avait trouvé Mahomet qui jouissait déjà d’un certain ascendant sur son peuple sans pour autant passer encore pour un prophète aux yeux du grand nombre, de concert avec un juif qui s’était attaché aussi à sa personne, il commença à l’encourager8. Il lui fit valoir, qu’à l’instar de Moïse et du Christ qui donnèrent une loi à leur peuple et en avaient acquis une grande et universelle renommée, lui aussi, Mahomet, sur le conseil et les leçons du moine et du juif, pour devenir grand prophète et de grand renom, et rendre les gens sensibles à sa doctrine, donnerait une loi à ce peuple, dont une grande partie adorait les idoles. Lui alors, suivant leurs perverses suggestions, pour donner à sa loi l’apparence d’une plus grande autorité et du crédit à son erreur, conformément aux leçons de l’hérétique et du juif, ajouta des emprunts faits à l’Ancien et au Nouveau Testament à ses propres trouvailles telles que sorties de son imagination et telles que le diable les lui avait inspirées9.

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Unde secundum ritum Iudeorum circunciduntur Saraceni, carnes autem porcinas non comedunt, cuius rationem cum vellet Mahometus assignare, dicit quod ex fimo cameli porcus post diluvium fuerit procreatus ; unde tanquam ex immundiciis natus non debet a populo mundo manducari. Similiter pisces non habentes squammas secundum consuetudinem Iudeorum non manducant. In hoc autem cum christianis conveniunt quod credunt unum solum Deum omnipotentem omnium creatorem. Trinitatem autem non recipiunt, sed abominantur fidem nostram et derident nos tanquam tres deos adoremus ; ineffabilem Filii generationem non recipientes a Patre, sed carnaliter tantum et per partium decisionem omnem indifferenter intelligentes generationem. Caro enim et sanguis et non Pater noster qui est in celis revelavit eis. Animalis enim homo ea que Dei sunt non percipit. Asseruit autem pseudopropheta vera quedam falsis interferens quod Moyses fuit magnus propheta ; sed Christus maior et summus fuit | prophetarum ante tempora sua, natus ex Maria, Virgine ante partum et in partu et post partum, omnium feminarum sanctissima, conceptus de virtute Dei absque semine carnalis hominis. Postea vero venenum infidelilitatis adnectens, asserit ipsum fuisse purum hominem, sicut alii prophete non dii sed homines puri fuerunt. Nesciens autem humilitatis virtutem et sancte crucis mysterium ignorans, asserit cum Manicheis quod Christus nec vere fuit crucifixus, nec vere passus, nec in veritate mortuus vel sepultus, nec tertia die resurrexit ; sed alius quidam homo similis ei pro eo fuit crucifixus. Christus autem sicut a Deo venit, ita ad Deum vivus absque ulla mortis passione rediit et in celos ad Deum qui miserat eum ascendit. Unde est quod Templum Domini quod dicitur Salomonis in quo Dominus a beata Virgine fuit oblatus et quedam alia loca in quibus Christus cum Maria et Ioseph transiens in Egyptum dici-

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40 cfr Gen. 17, 11   41 cfr Lev. 11, 7   43 cfr Lev 11, 9   51/52 Matth. 16, 17   52/53 animalis … percipit] I Cor. 2, 14   68 cfr Luc. 2, 21   69 cfr Matth. 2, 14    50/51 non ... generationem] om. E F   66 in] ad codd.   67 est] om. A B D   67 quod] cum B D J, om. E F   

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Il s’ensuit que les Sarrasins sont circoncis selon le rite juif et ne mangent pas de viande de porc. Il leur avait prescrit de faire ainsi car après le déluge, selon lui, le porc avait été fait des excréments de chameau. En raison de cette immonde origine, un peuple pur se devait de ne pas en manger10. Semblablement, selon la coutume juive, ils ne mangent pas les poissons sans écaille. Ils conviennent avec les chrétiens de croire en un seul Dieu, toutpuissant et créateur de toute chose. Ils n’admettent pas la Trinité, mais tiennent notre foi en horreur, ils se moquent de nous comme adorant trois dieux et n’acceptent pas l’ineffable génération du Fils par le Père, mais comprennent indifféremment toute génération au sens charnel comme issue de la reproduction. C’est la chair et le sang qui leur a révélé cela, non pas notre Père qui est aux cieux. L’homme est un animal qui ne comprend pas la nature divine. Le faux prophète, mêlant quelques vérités à ses mensonges, affirma que Moïse fut un grand prophète, mais que le Christ fut le plus grand des prophètes avant son temps, né de Marie, la plus sainte de toutes les femmes, restée vierge avant, pendant et après ses couches, conçu de l’esprit de Dieu et non de la semence d’un homme de chair. Mais après avoir ajouté le poison de l’erreur, il affirme que le Christ a été un homme pur, semblable aux autres prophètes qui ont été, non des dieux, mais des hommes purs11. Or, ne connaissant pas la vertu d’humilité, ignorant le mystère de la sainte Croix, il affirme, comme les Manichéens, que le Christ ne fut pas vraiment crucifié, n’a pas souffert sa passion, n’est pas mort en vérité, n’a pas été mis au tombeau ni n’est ressuscité le troisième jour ; que ce fut un autre, semblable, qui fut crucifié à sa place ; que le Christ venu de Dieu est retourné vivant à Dieu sans avoir souffert la passion de la mort ; qu’il est monté au ciel auprès de Dieu qui l’avait envoyé12. Ils en viennent ainsi à vénérer hautement le temple du Seigneur, dit le temple de Salomon, où le Seigneur fut présenté par la bienheureuse Vierge, comme ils vénèrent les autres lieux où selon la tradition, le Christ, Marie et Joseph s’étaient reposés en passant en Égypte. Ils honorent de même les

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tur quievisse in magna reverentia habeant. Ecclesias etiam beate Marie Virginis in multis locis honorent. Rubum etiam, quem vidit Moyses ardere et non comburi, et alia loca in quibus in monte et circa montem Synai Dominus Moysi apparuit magno venerentur obsequio. Crucem tamen Domini et locum sepulture eius derident, dicentes quod tantus propheta tam ignominiosam mortem cum posset evadere nunquam vellet sustinere. Persequuntur autem Saraceni Iudeos et cum odio maximo eis improperant, | quod sanctissimum prophetam Christum recipere noluerunt et multas ei persequutiones intulerunt, et maxime quia Mahometus in Alcorano suo de iudeis valde conqueritur, eo quod essent dure cervicis et mandatis eius acquiescere recusarent. De christianis autem dicit quod magis pii sunt, eo quod legem eius audirent et flerent. Ipse autem tam christianos quam iudeos frequenter homines legis appellat. Et ita confusus est in tractatu suo et sibi ipsi contrarius quod aliquando affirmat quod quilibet homo in lege sua possit salvari, aliquando vero asserit quod omnes, preter Saracenos, damnabuntur. Ipsi autem Saraceni omnes, quantumcumque pessime egerint, ad preces eius quem Deus in omnibus exaudiet, salvabuntur. Ex quo verbo timorem peccandi populo seducto abstulit et ad omnes turpitudines et impietates suos incitans, securos in iniquitatibus suis reddidit. Et quoniam in Evangelio Iesu Christi ipsum Christum a beato Ioanne baptizatum audierunt Saraceni, ipsum beatum Ioannem in magna reverentia habentes, loco baptismi, post omnes immundicias quas turpiter operantur, et maxime quando ad oratorium debent accedere, corpus suum aqua simplici abluendo ab immundiciis suis hoc modo se estimant purificari. Unde passim et frequenter hac fallacia seducti obscenis et abusivis voluptatibus inquinantur et postea ut dictum est aquis abluuntur. Quandoque etiam a sacerdotibus christianis filios suos faciunt baptizari, nul-

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71/72 cfr Ex. 3, 2   80 cfr Act. 7, 51   82 cfr Luc. 6, 25   92 cfr Matth. 3 71 honorant A B G H   78 prophetam] iesum add. codd.   99 quadoque mo   

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églises de la bienheureuse Vierge Marie en de nombreux lieux. Ils tiennent en très grand respect le buisson que Moïse vit brûler sans se consumer, comme les autres lieux où le Seigneur lui manifesta sa présence, sur le mont Sinaï et ses environs . Ils se moquent pourtant de la croix du Seigneur, son tombeau, disant qu’un aussi grand prophète n’aurait jamais voulu supporter une mort aussi infamante alors qu’il pouvait s’y soustraire13. Les Sarrasins poursuivent les Juifs d’une haine très vive pour n’avoir pas voulu recevoir le Christ comme prophète très saint, lui avoir fait subir tant de persécutions. Plus encore, Mahomet dans son Alcoran se plaint beaucoup des juifs à la nuque raide, qui refusaient d’accepter ses commandements. À l’écouter, la piété des chrétiens est plus grande, car ils entendent sa loi et pleurent. Souvent il désigne juifs et chrétiens comme « les gens de la Loi ». Il y a dans son traité tant de confusion et de contradiction qu’il lui arrive parfois d’affirmer que tout un chacun peut être sauvé par sa loi, mais de rapporter ailleurs que tout le monde sera damné sauf les Sarrasins ; que ces derniers, si mal qu’ils se conduisent, seront sauvés à sa prière que Dieu exaucera en tout14. Ainsi, par ces mots a-t-il libéré ce peuple séduit de la peur du péché, poussant les siens à commettre toutes les turpitudes et les impiétés, les confortant dans leurs iniquités15. Pour avoir entendu dire dans l’Évangile de Jésus-Christ que celui-ci avait été baptisé par saint Jean, les Sarrasins tiennent ce dernier en grande estime. En guise de baptême ils ont coutume de se laver le corps à l’eau pure après s’être livrés sans retenue à toutes les souillures, ils pensent par- là s’être purifiés de leurs impuretés ; ils font ainsi surtout quand ils doivent entrer dans leurs lieux de prière. Ainsi égarés dans cette fausse voie, ils s’adonnent à des plaisirs obscènes et excessifs, sans mesure, en tous lieux, et puis, comme dit, ils vont faire leurs ablutions16. Il leur arrive même parfois de faire baptiser leurs enfants par des prêtres chrétiens sans mettre d’espérance dans le

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lam aliam spem in baptismo ponentes, nisi quod propter | hoc filios suos diutius vivere vel ab infirmitatibus corporis facilius putant liberari. Recipiunt autem Pentateuchum Moysi et omnes libros prophetarum et apostolorum, quos a Deo fuisse loquutos et homines fuisse sanctos non negant. Psalterium etiam et totius Veteris Testamenti translationem secundum septuaginta interpretes recipiunt. Sed more Iudeorum, vel ad litteram tantum intellegunt scripturas, vel perverse aliqua quandoque exponunt. Evangelia autem Domini nostri Iesu Christi legunt et non intellegunt ; vera tamen esse confitentur quecumque loquutus est Christus. Eodem modo apostolos qui conversati sunt cum Christo, quos Mahometus libro suo vocat viros albis indutos, et eorum libros recipiunt. Omnes autem qui cum Christo dum esset in terris non fuerunt tanquam falsarios et evangelice veritatis ignaros non admittunt, sed tam eos quam eorum libros despiciunt. Unde beatum apostolum Paulum e libris suis et omnes alios qui post Paulum varios libros scripserunt ipsi abominantur, doctrinam eorum blasphemantes. Quando autem ex libris Evangeliorum Christi vel sanctorum apostolorum vel etiam ex Veteri Testamento aliqua legi sue repugnare videntur, cum aliter non possunt evadere dicunt libros nostros a falsariis esse corruptos quibusdam subtractis et aliis pro voluntate appositis. Hoc est ultimum et miserabile eorum refugium. Ita enim quolibet idiota respondente nec ipsi ex libris suis, nec Iudei ex Veteri Testamento, nec aliqui ex scriptis antiquorum per locum ab auctoritate possent aliquid probare. | Quam absurda autem et frivola sit huiusmodi responsio patet ex hoc quod sancti qui post Christi tempora sequuti sunt eadem miracula que Christus fecit et etiam aliqua maiora Christi virtute fecerunt. Quicquid autem in libris suis scripserunt ex Novo et Veteri Testamento habuerunt, id ipsum sentientes et concorditer scribentes de thesauro suo nova et vetera protulerunt. Notum est autem quod sancta Evangelia et libri apostolorum et alia legis

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baptême si ce n’est celle de voir leurs enfants vivre plus longtemps ou être plus facilement guéris des affections du corps comme ils pensent. Ils reçoivent encore le Pentateuque de Moïse et tous les livres des prophètes et apôtres auxquels Dieu a parlé, sans nier qu’ils fussent des hommes saints. Ils reconnaissent encore le Psautier et la traduction de tout l’Ancien Testament selon la version de la Septante. Mais comme les Juifs, ils entendent les Écritures selon la lettre ou les expliquent chaque fois tout de travers. Ils lisent les Évangiles de notre Seigneur Jésus-Christ sans com­prendre, tenant quand même pour vrai tout ce que le Christ a dit. De la même façon, ils reconnaissent les apôtres qui ont vécu avec le Christ et que, dans son livre, Mahomet désigne comme les « hommes vêtus de blanc » ; ils reçoivent leurs écrits. Quant à tous ceux qui n’ont pas vécu avec le Christ pendant son séjour sur terre, ils les rejettent comme faussaires, ignorant la vérité de l’Évangile, il les écarte, eux et leurs ouvrages. C’est pourquoi ils tiennent en ­abomination le bienheureux apôtre Paul pour ses écrits et tous ceux qui, après Paul, ont rédigé divers ouvrages, ils calomnient leur enseignement17. Alors, quand il leur semble voir une contra­ diction entre leur loi et les écrits des Évangiles du Christ, ceux des saints apôtres ou même de l’Ancien Testament, s’ils ne peuvent s’en tirer autrement, ils disent que nos livres ont été gâtés par des faussaires qui ont écarté des choses pour en ajouter d’autres à leur gré18. C’est leur dernier et misérable refuge. Telle est, en effet, la réponse de l’ignorant ; eux-mêmes par leurs livres, les Juifs par l’Ancien Testament et quiconque par les livres des Anciens, ne pourraient rien prouver sans passer par une autorité19. La bêtise et la légèreté d’une telle réponse sont démontrées par le fait que les saints venus après le Christ ont accompli par sa grâce les mêmes miracles que lui, et de plus grands encore. Tout ce qu’ils ont écrit dans leurs livres est sorti de l’Ancien et du Nouveau Testament, jugeant de la même façon et rédigeant de manière concordante, ils ont tiré de leur trésor du neuf et du vieux. Il faut remarquer que les saints Évangiles, les livres des apôtres et les autres ouvrages

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christianorum volumina in diversis mundi partibus et variis idiomatibus et diversis etiam scriptoribus et variis temporibus scripta sunt concorditer et absque ulla sententiarum contrarietate ; et ab omni hominum genere usque ad tempora nostra successive sunt recepta, ex quorum uniformitate manifestum est quod nullo modo potuerunt esse falsata. Quomodo enim tot falsarii et ita a se remoti, tam idiomatibus quam locis, in unum penitus possent convenire ? Quidam autem prudentiores ex ipsis et naturaliter ingeniosi et, tam in libris naturalibus gentilium philosophorum qui penitus legi Mahometi contradicunt, quam in libris nostris exercitati, Evangelia Christi legentes et legis nostre puritatem cum erroribus impii seductoris conferentes, ad gratiam baptismi Christi frequenter confugerunt ; et longe plures convolarent nisi carnalibus illecebris et perverse vite consuetudinibus irretiti, Christi paupertatem et vitam christianorum nimis arctam reputantes, Christi suavissimum | iugum asperum et quasi intolerabile reputarent. Hec autem precipua fuit causa quod perversas huius seductoris traditiones et insanias falsas, plures quam alicuius alterius heresiarche, sequuti sunt homines. Lex enim evangelica avaritiam et desideria terrena detestatur, carnales voluptates et fedas concupiscentias tanquam inimicas anime prohibet et execratur. Unde fluxus carnales restringere et motus illicitos cohibere et curam carnis in desideriis non perficere et corpus precipit spiritui subiugare, terrenis lucris non inhiare, mundana et transitoria omnia contemnere, inimicos diligere, nulli malum pro malo reddere, pro persequutoribus orare ; et multa iubet talia que, licet homini sint impossibilia, Deo tamen, qui virtutem subministrat, sunt facilia. Unde divina gratia preveniente et cooperante, non solum facile sed cum gaudio et spirituali delectatione a Christi fidelibus adimplentur. Carnales autem et imprudentes Saraceni, lucra temporalia et terrena desideria et presentis vite delicias, futuram beatudi-

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149 cfr Matth. 11, 30   155/156 Rom. 13, 14   158 Rom. 12, 17   158/159 Matth. 5, 44   

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de la loi chrétienne ont été rapportés de façon concordante et sans aucune contradiction de sens quel que soit le pays, la langue, l’auteur et l’époque. Il faut remarquer qu’ils ont été adoptés jusqu’à nos jours par l’ensemble du genre humain. Il est manifeste que ces écrits tirent de leur uniformité qu’ils n’ont pu être falsifiés en rien. En effet, comment tant de falsificateurs séparés par la langue et la distance auraient-ils pu s’accorder sur tout et en tout point20 ? Des Sarrasins plus avisés que les autres et d’un naturel doué, versés dans la lecture des Libri naturales des philosophes païens, qui sont en contradiction complète avec la loi de Mahomet, comme dans celle de nos livres, en vinrent à se réfugier souvent dans la grâce du baptême du Christ après avoir lu les Évangiles du Christ et comparé la pureté de notre loi avec les erreurs du séducteur impie21. D’autres les auraient suivis, bien plus nombreux, si, enchaînés dans les tentations de la chair et les habitudes d’une vie déréglée, ils n’avaient pas pris en considération le dénuement du Christ et la rigueur de la vie chrétienne, s’ils n’avaient cédé au sentiment que le joug du Christ, si doux, était rude et presque insupportable. Et plus que pour n’importe quel autre hérésiarque, ce fut là le principal motif pour lequel les hommes se mirent à suivre les traditions perverses de ce séducteur et ses folies mensongères. Car la loi évangélique déteste la cupidité22 et les désirs terrestres, interdit et exècre les voluptés charnelles et les désirs honteux qu’elle considère comme les ennemis de l’âme. En conséquence, elle prescrit de réprimer le cours du désir charnel, con­ traindre les passions interdites, ne pas commettre l’acte de chair pour satisfaire son seul désir, soumettre le corps à l’esprit, ne pas s’amasser des trésors sur la terre, dédaigner toutes les choses du monde et qui passent, aimer ses ennemis, ne pas rendre le mal pour le mal et prier pour ses bourreaux23. Elle ordonne encore beaucoup de choses qui, bien qu’impossibles à l’homme, deviennent faciles cependant avec l’aide de Dieu qui donne la force. Voilà pourquoi c’est dans la facilité, la joie, la jouissance de l’esprit que les fidèles du Christ les réalisent, avec la grâce de Dieu, prévenante et secourable. Les Sarrasins, des ignorants qui vivent selon la chair, ne croient pas que les biens temporels, les désirs terrestres, les délices

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nem nullatenus credunt impedire. Unde more pecudum post carnis concupiscentias abeuntes, in luto voluptatis obscene infexi, mortui et sepulti, nullis vitiis resistere norunt, sed carnis passionibus miserabiliter subiecti et suppeditati, plerumque non provocati ab appetitu credunt esse meritorium fedos appetitus provocare. Ex quo factum est quod in partibus orientis, et maxime in calidis regionibus, bruti | et luxuriosi homines quibus austeritas christiane religionis intolerabilis et importabilis videbatur, arctam viam que ducit ad vitam et angustam portam deferentes, latam et spasiosam viam que ducit ad mortem facile sunt ingressi ; et multiplicati sunt super numerum carnalibus illecebris irretiti. Cum autem contra alias hereses sancti viri, zelo iusticie et divini amoris fervore succensi, predicando, disputando et ex divinis Scripturis ratiocinando sese viriliter opponerent et de faucibus Leviathan plures in heresim lapsos extraherent, homo ille perditissimus ad cumulum nequitie sue, cum de veritate vel etiam probabilite secte sue diffideret, precepit genti seducte ne contra legem suam predicatores admitterent, sed si quis contradicere vellet statim gladio feriretur, quicumque etiam ipsum Mahometum negaret protinus occideretur. Dicebat enim frequenter auditoribus suis : “ Videte ne decipiamini! Nemo propheta fuit cui gens et plebs eius non imposuisset mendacium. Nolite ergo credere que homines dicturi sunt de me ! Timeo enim ne gens mea postquam mortuus fuero de me mendacia dicat et mihi falsa opponat. Nolite detrahentibus credere, sed tantum ea de me credatis que in libro legis quem ego vobis daturus sum invenietis ! Si quis autem contradixerit et blasphemaverit, occidatur ! ” Et quoniam ille homo libidinosus plures habuit tam uxores quam concubinas, concessit et meritorium predicavit cuilibet plurimas habere uxores | et tot concubinas quot posset procurare et in necessariis providere. Saraceni autem tres vel quatuor simul et non amplius hodie ducunt uxores que libere sunt. Concubinas et

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de la vie présente fassent, en quoi que se soit, obstacle à la béatitude future. C’est pourquoi ils poursuivent la convoitise de la chair, tels des animaux enfoncés dans la fange d’une volupté obscène, morts et ensevelis24, incapables de résister au vice. Ils sont misérablement soumis aux passions de la chair, venues souvent même sans qu’elles ne soient provoquées par le désir, et ils croient qu’il est méritoire d’exciter de honteux appétits. Ainsi dans les pays d’Orient, surtout dans les régions chaudes, ces gens incultes et débauchés auxquels l’austérité de la religion chrétienne semble intolérable et insupportable, délaissent la voie étroite qui conduit à la vie et la porte étroite, et entrent en toute facilité dans la voie large et spacieuse qui mène à la mort. Enchaînés dans les séductions de la chair, ils se sont multipliés à l’infini25. Des hommes saints, embrasés d’un zèle de justice et d’une divine ferveur d’amour, s’opposèrent avec détermination à d’autres hérésies par la prédication, la controverse et la réflexion sur les divines écritures, et arrachèrent de la gueule du Léviathan nombre de ceux qui étaient tombés dans l’hérésie. Mais, comble de malignité, cet homme entièrement perdu, se défiant de la vérité et du bien-fondé même de sa secte, prescrivit à son peuple séduit de ne pas admettre les attaques proclamées contre sa loi, de frapper par l’épée aussitôt qui voulait la contredire. Quiconque même, venant à le renier, lui, Mahomet, devait être tué sans retard26. Souvent il disait en effet à son auditoire : « Veillez à ne pas être trompés. Nul n’a été prophète que sa nation et son peuple ne l’aient accusé de mensonge. Ne croyez donc pas ce que les hommes diront de moi. Après ma mort, je crains que mon peuple ne dise des fables à mon sujet, ne m’impute des choses fausses. Ne croyez pas les détracteurs, croyez seulement mes enseignements que vous trouverez dans le livre de la loi que je vous donnerai. Mais, si quelqu’un parle à l’encontre et blasphème, tuez-le 27 ! » Pour posséder lui-même plusieurs femmes et concubines, cet homme voluptueux accorda à tout un chacun, et le proclama comme étant méritoire, d’avoir autant de femmes ou concubines qu’il lui serait possible d’entretenir et aux besoins desquelles il serait en mesure de pourvoir. Alors, de nos jours, les Sarrasins prennent ensemble trois ou quatre femmes libres, pas davantage.

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ancillas quas emunt quotcumque volunt possunt habere. Magis autem religiosus iudicatur inter eos qui plures potest impregnare. Filiis autem concubinarum eque ut filiis uxorum, pro voluntate sua, relinquunt possessiones et hereditates ut sit filius ancille heres cum filiis libere. Et plerumque, postpositis filiis uxorum, filios concubinarum quos magis diligunt regnorum suorum viri nobiles heredes constituunt. Ex eo frequenter accidit quod potentes Saraceni, christianarum mulierum filii, nostris amici facti sunt et christianis in terra sua commorantibus benevoli et propitii fuerunt. Mahometus enim in multis propitius fuit mulieribus et propter libidinem suam valde eis compatiebatur. Unde legem promulgavit ut postquam ancilla de Saraceno conciperet libera confestim efficeretur, et postquam natus esset fetus cuiuscumque legis esset mater libera permitteretur abire. Ita tamen quod partus ventrem non sequeretur, sed cum patre remaneret et legem suam inviolabiliter observaret. Ut autem non solum gentiles et idololatras, sed etiam Christianos simplices ad sectam suam detestabilem facilius traheret, quasi in laudem Domini nostri Iesu Christi quedam miracula de infantia Salvatoris que in libris | inveniuntur apocryphis, libro legis sue que Alchoranus dicitur inseruit, dicens quod Christus cum puer esset de luto terre et volucres procreavit. Et quedam alia miracula que nec in Evangeliis continentur, nec ab Ecclesia recipiuntur de Christo predicavit. Vera autem miracula que Christus indubitanter fecit quemadmodum in Evangelio legimus, penitus tacuit nullam inde faciens mentionem. Ut autem perverse secte sue falsitatem et irrationabilia instituta non deprehenderent et quibusdam ea quasi honestis religiosis mandatis posset involvere, et aliquo religionis colore suum excusaret errorem, eleemosynas et orationes multum commendavit ; sed super omnia pro defensione legis sue usque ad sanguinis effusionem et mortem fortiter pugnare meritorium esse dogmatizavit. Dicebat enim quod mors metuenda non esset cum Deus ultimum diem et finem cuiuslibet previderit, quem nullus potest

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Ils peuvent à volonté avoir des concubines et acheter des esclaves28. Or, celui qui peut en engrosser le plus est considéré comme très religieux chez eux. Mais ils laissent volontairement, à part égale, propriétés et héritages aux enfants de leurs concubines comme à ceux de leurs épouses, en sorte que le fils de l’esclave hérite comme celui de la femme libre. La plupart du temps après avoir écarté les fils qu’ils ont eus de leurs femmes, les hommes nobles font héritiers de leurs domaines les fils de leurs concubines vers lesquels va leur préférence. Aussi est-il fréquent que des Sarrasins de haut rang, fils de femmes chrétiennes, deviennent les amis des nôtres et montrent bienveillance et faveur envers les chrétiens qui ré­sident dans leurs pays29. Mahomet en effet a été favorable aux femmes et, son ardeur amoureuse aidant, il leur témoignait une grande compassion. Il fit donc une loi selon laquelle une esclave enceinte d’un sarrasin s’en trouvera aussitôt affranchie et pourra, l’enfant une fois né, partir en toute liberté quelle que soit sa religion. Cependant, l’enfant ne suivra pas la mère et demeurera avec son père dont il prendra, irrévocablement, la religion. Comme s’il voulait louer notre Seigneur Jésus-Christ, Mahomet inséra dans l’Alcoran, son livre de loi, quelques miracles de l’enfance du Sauveur, trouvés dans les livres apocryphes ; cela pour attirer plus facilement dans sa détestable secte, païens, idolâtres et même des chrétiens naïfs. D’après lui, le Christ, encore enfant, avait créé des oiseaux avec le limon de la terre30. Mahomet proclama d’autres miracles sur le Christ qui ne sont pas dans les Évangiles et ne sont pas reçus par l’Église. Mais il passa sous complet silence et ne fit aucune mention des vrais miracles du Christ que nous lisons dans l’Évangile31. De peur que ne soient mises en évidence la fausseté de sa secte dévoyée et ses folles institutions, pour pouvoir les dissimuler sous quelque commandement religieux presque honnête et excuser son erreur sous couleur de religion, il recommanda beaucoup les aumônes et les prières. Mais surtout, pour défendre sa loi, il établit en dogme qu’il était méritoire de combattre jusqu’au sang et la mort. Car, disait-il, la mort n’est pas à craindre puisque Dieu a prévu le dernier jour et la fin de chacun, que personne n’y peut échapper et ne peut en quelque façon en reculer ou avancer le

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preterire vel aliquo modo terminum quem Deus infaillibiliter previdit potest homo prevenire vel anticipare. Quoniam autem christiani versus orientem solent orare, iudei autem ad occidentem, ipse nolens aliorum imitator reputari, ut singulariter et super alios eius auctoritas premineret, novum modum orandi invenit scilicet versus meridiem. Ipsi autem Saraceni nec decimas reddunt, nec aliqua sacrificia faciunt, nec etiam aliquas in matrimoniis suis benedictiones adhibentes, more canum copulantur. Faciunt autem qualibet nocte legem Mahometi | ab aliquo in eminente loco astante proclamari. Qui cum legem Mahometi sanctam et iustam esse et ipsum summum prophetam a Deo missum fuisse in auribus omnium proclamavit, alii omnes respondentes affirmant ita esse, et hoc sibi sufficere credunt ad salutem. Attendens autem quod Iudei secundum legem suam unum diem sabbati qualibet septimana quiescendo feriantur, similiter christiani diem unum scilicet dominicum in honore resurrectionis dominice singulis hebdomadis solemnizant, ut gens eius a predictis nationibus distincta alias imitari recusaret, sextam feriam diem scilicet veneris ipse solemniter in qualibet septimana precepit observare. Ieiunia autem semel in anno per mensem integrum fieri instituit, quem nos quadragesimam paganorum appellamus. Ieiunant autem per totam diem nihil prorsus manducantes vel bibentes, nocte autem quotiescunque volunt comedentes et bibentes a nullis deliciis carnalibus abstinent. Per totam noctem, more pecudum, ventres diversis ferculis usque ad crapulam et vomitum adimplentes, in noctibus cum fenore recuperant quod amiserunt in die. Vinum tamen in diebus ieiuniorum non est eis licitum bibere. Aliis autem diebus a vino plerumque maior pars Saracenorum consuevit abstinere, et maxime qui inter eos magis religiosi esse videntur et hi qui peregrini fuerint Mahometi corpus eius in Mecha civitate visitantes. Mahometus enim vinum valde vituperans, eo quod sibi | a vino gastrimargus homo temperare nesciret, bibentis excessum ad excusationem sui in vinum retorquebat. Hec est autem certior

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terme irrémédiablement fixé par Dieu. Parce que les chrétiens ont coutume pour prier de se tourner vers l’est et les juifs vers l’ouest, Mahomet ne voulant pas passer pour un plagiaire trouva un nouveau mode de prière tourné au sud afin de se singulariser et asseoir son entière autorité sur les siens32. Les Sarrasins ne donnent pas la dîme33, ils ne font pas de sacrifice ni ne reçoivent de bénédiction pour le mariage et ils s’accouplent comme les chiens34. Toutes les nuits ils font proclamer la loi de Mahomet par quelqu’un perché sur un lieu élevé. Après avoir crié aux oreilles de tous que la loi de Mahomet est sainte et juste, qu’il a été le plus grand prophète envoyé par Dieu, tous les autres lui apportent confirmation dans leur réponse35. Voilà ce qu’il leur suffit de croire pour être sauvé. Mahomet avait remarqué que les juifs, selon leur loi, célébraient chaque semaine le sabbat, jour consacré au repos, et que, de même, les chrétiens célébraient un jour, le dimanche, en l’honneur de la résurrection du Seigneur36. Aussi pour que son peuple, distinct des autres nations, renonce à les imiter, il ordonna d’observer solennellement comme jour de fête le sixième jour de la semaine, le vendredi37. Il institua tous les ans un mois entier de jeûne, ce que nous appelons le carême des païens. Ils ne prennent rien de tout le jour, ne mangeant ni ne buvant ; mais la nuit ils mangent et boivent à volonté ne se privant d’aucun des plaisirs de la chair. La nuit durant, comme des bêtes, ils se gavent de toutes sortes de victuailles, à satiété, jusqu’à vomir ; ils récupèrent ainsi le bénéfice de ce qu’ils ont perdu le jour. Cependant durant la période du jeûne il ne leur est pas permis de boire de vin. Le reste du temps, la majorité a pris l’habitude de s’en abstenir, surtout ceux qui passent chez eux pour plus religieux et qui se font pèlerins de Mahomet en allant visiter son corps dans la cité de La Mekke38. Mahomet s’est en effet vigoureusement élevé contre le vin ; la raison en serait qu’en véritable ivrogne il n’aurait pas su modérer son goût pour cette boisson et, en guise d’excuse, aurait rejeté sur elle l’excès du buveur. Il y a une cause plus sûre et évidente de

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et magis evidens ratio quare a vino precipiantur abstinere. Ipsi enim gulosi et nullo freno sobrietatis astricti, fere quotiescunque vinum bibunt, amisso rationis usu, adeo inebriantur quod more porcorum, nunc in luto sese volutantes proiiciunt, nunc per vicos et plateas civitatis titubando incedunt et inter se rixantes sese mutuo interficiunt. Et quoniam usum veneris et luxuriam meritorium reputant, frequentius in tempore ieiunii concubinis et uxoribus commiscentur, vel causa libidinis explende, vel ut plures filios ad legis sue defensionem valeant generare. Sicut autem in divinis Scripturis spiritualiter due distinguun­ tur civitates, coniuncte quidem corpore sed divise mente : una Dei, altera diaboli, una Hierusalem, altera Babylon nuncupata, ita Mahometus ad litteram duas ex una parte civitates Dei sanctas et omni acceptione dignas, scilicet Mecham et Hierusalem, asseruit. Ex alia autem parte duas civitates diaboli Antiochiam videlicet et Romam urbes pessimas et execrabiles predicavit. Unde Saraceni non solum civitatem Mecham in qua corpus Mahometi sepultum est causa peregrinationis et orationis adeunt, sed etiam cum magna veneratione ad civitatem Hierusalem etiam quando a christianis possidebatur a partibus remotis veniebant in templo Domini, | quod ipsi Rupem seu templum Salomonis appellant, orationes et oblationes votivas reddituri. Et quoniam carnalis populus spiritualium ignarus, non nisi carnalibus facile moveretur, predicavit etiam ille magister erroris quod omnes sibi credentes, post resurrectionem corporum, pulcherimas in paradiso voluptatis haberent virgines et speciosas mulieres cum magnis oculis, ex quibus quotcunque vellent filios generarent. Cum tamen dicat Dominus in Evangelio : “ Post resurrectionem neque nubent neque nubentur, sed erunt sicut angeli Dei ”, et iterum : “ Hec est vita eterna, ut cognoscant te verum Deum, et quem misisti Iesum Christum. ”, e contra vero antichristus ille dogmatizavit dicens hec : “ Est vita eterna in paradiso post mortem, ut manducetis et bibatis quecunque fercula volueritis, quecunque enim petieritis statim de celo mittentur

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l’interdit du vin. Presque toujours en effet quand ils se mettent à boire ces ivrognes, nullement retenus par le frein de la sobriété, perdant l’usage de la raison, s’enivrent au point de se jeter dans la boue, de s’y rouler comme des porcs ou d’aller en titubant dans les bourgs, sur les places, et de s’entre-tuer dans leurs rixes39. Pour accorder un grand mérite à l’amour charnel et la luxure, pendant le temps du jeûne ils s’unissent souvent à leurs concubines et leurs femmes par pure sensualité ou donner plus d’enfants à la défense de leur loi. Et encore les divines écritures distinguent deux cités selon le sens spirituel, certes unies corporellement, mais distinctes en esprit, l’une qui est de Dieu, l’autre du diable : Jérusalem et Babylone. Alors Mahomet, prenant les choses à la lettre, se mit à déclarer qu’il y a deux cités saintes de Dieu, dignes de la plus grande considération : La Mekke et Jérusalem. Il a proclamé encore qu’il y a deux villes du diable, exécrables et détestables : Antioche et Rome40. Voilà pourquoi les Sarrasins ont fait de La Mekke où est enterré le corps de Mahomet un lieu de pèlerinage et de prière ; voilà pourquoi encore ils viennent en grande dévotion, et de très loin, à Jérusalem, même quand la cité était aux chrétiens, pour acquitter leurs vœux par des prières et des offrandes dans le ­temple du Seigneur qu’ils appellent Le Rocher ou le temple de Salomon41. Comme ce peuple qui vit selon la chair et ignore les choses de l’esprit ne peut pas, sans mal, ne pas être mené par la chair, le maître de l’erreur proclama encore que tous ceux qui croiraient en lui, le jour venu de la résurrection des corps, posséderaient des vierges très belles dans un paradis de volupté42, des femmes magnifiques avec de grands yeux dont ils auraient autant d’enfants qu’ils voudraient. Pourtant le Seigneur dit dans l’Évangile : « À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel. » Et encore : « Or la vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi le seul Dieu, et celui que tu as envoyé, JésusChrist ! » Au contraire, cet antichrist a donné en dogme les pa­roles suivantes : « Voilà ce qu’est la vie éternelle dans le paradis et après la mort ; vous boirez, mangerez à votre guise, car tout ce que vous demanderez vous sera aussitôt donné par le ciel. Vous

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vobis. Omnibus autem affluetis voluptatibus, semper gaudebitis, nullus offendet vos et nihil vobis nocebit. ” Addidit etiam seductor ille quod tria flumina lactis scilicet et mellis et vini optimi aromatichi habebunt in paradiso, quibus in iocunditate sua quotiescunque placebit poterunt uti ; et quod angelos Dei pulchros 300 et magnos sint visuri, ita quod ab uno oculo angeli usque ad alium sit spatium itineris unius diei. Multa quoque alia ita frivola et vana dixit homo ille illiteratus qui nihil ex aliquibus litteris didicerat, sed asinos et camelos, ut predictum | est, custodierat ; quod (32) multi ex Saracenis, qui liberales artes noverunt et libros philoso- 305 phorum legerunt, magistri sui doctrinam derident. Vitam tamen imitantur desiderio voluptatum carnalium et timore aliorum Saracenorum legem Mahometi superficialiter venerantes.

VII. De morte Mahometi et successoribus eius. Cum autem annis quadraginta miserabilem vitam Mahometus protraxisset et, morte sibi imminente, veneno se oppressum sensisset, dixit cognatis et amicis : “ Quando me mortuum videritis, corpus meum nolite sepelire. Scio enim corpus meum post tri- 5 duum in celum esse deferendum. ” Cum igitur indignam vitam digna morte terminasset, discipuli eius et socii non solum per triduum, sed per dies duodecim corpus servaverunt, expectantes utrum in celum deferetur. Videntes autem magistri sui dicta prorsus irrita esse et effectu caruisse, cum iam intolerabilis esset fetor 10 cadaveris, ipsum corpus aqua non lavantes sub terra absconderunt. Qui autem inter eos prudentiores fuerunt, deprehensa seductoris falsitate, omnia quecunque dixerat falsa et irrita estimantes ab eius lege discesserunt. Cum autem ad exemplum eorum omnes fere alii vellent discedere, cognati Mahometi et socii qui prius in 15 honore et reverentia apud populum habebantur et occasione legis

297/300 addidit ... quod] om. K vii, 1 et] de add. B C D H J K bo   6 celis E F

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b­ aignerez au milieu de toutes voluptés, toujours dans la joie, personne ne vous offensera, rien ne pourra vous nuire43 ! » Et même, ce séducteur d’ajouter qu’il y a trois fleuves au paradis, l’un de lait, l’autre de miel, le troisième de vin parfumé, le meilleur ; et qu’il leur sera permis d’en profiter heureusement selon leur bon plaisir44 ; qu’ils verront des anges de Dieu, beaux, si grands que l’écartement de leurs yeux est égal à la distance d’une journée de marche45. Et cet homme illettré a dit encore beaucoup de choses frivoles et vaines, lui qui n’avait jamais appris dans les livres, mais qui avait gardé les ânes et les chameaux, comme dit plus haut, de sorte que nombre de Sarrasins versés dans les arts libéraux, connaissant les livres des philosophes, se moquent de la doctrine de leur maître. Pourtant, poussés par les plaisirs charnels, ils en imitent la vie et, par peur des autres, respectent la loi de Mahomet, mais en apparence. VII. Mort de Mahomet ; ses successeurs. Après avoir traîné ainsi pendant quarante ans sa misérable vie, se sentant gagné par le poison et la mort approchant, Mahomet dit à ses parents et amis1 : « Quand vous me verrez mort ne mettez pas mon corps en terre. Je sais en effet qu’après trois jours, il sera transporté au ciel ! » Ainsi quand il eut terminé par une digne mort son indigne vie, disciples et compagnons conservèrent sa dépouille, non pas trois, mais douze jours, attendant de voir s’il devait être porté au ciel2. Or, se rendant compte que les paroles de leur maître étaient totalement vaines et suivies d’aucun effet, et comme son cadavre répandait déjà une intolérable odeur, ils le mirent en terre sans même le laver3. Les plus sages d’entre eux alors, découvrant la rouerie du séducteur, estimant que ce qu’il avait dit était faux et sans effet, s’écartèrent de sa loi. Mais comme, à leur exemple, presque tous les autres voulaient les suivre, les parents et compagnons de Mahomet, qui précédemment se trouvaient honorés et respectés par le peuple et retiraient de sa loi de

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multa | lucrabantur, mesti et confusi, cum multis blanditiis et promissionibus ceperunt omnibus modis simplices attrahere et ad sectam predictam animos eorum inclinare. Quendam autem ex discipulis Mahometi loco eius elegerunt quem vocaverunt calipham, quasi successorem sive heredem, eo quod dignitatis et principatus Mahometi successor existeret. Hic vero dignitatem et potestatem adeptus cepit partim blanditiis, partim comminatione et metu, populos ad se revocare et multitudinem hominum congregare. Quidam autem socer Mahometi, Achali nomine, contra predictum calipham invidia concitatus et indignatione commotus, concupiscentia lucri et ambitione secularis dignitatis tractus, modis quibus potuit per se et per suos eidem se opponens et multipliciter expugnans non cessavit donec ipsum a principatu removit.

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VIII. De calypha Egyptio. Post hunc vero quidam patruelis Mahometi, nomine Haly, cum obtinuisset principatum vehementer commoveri cepit et indignari quod successor Mahometi vocaretur, cum se digniorem ipso Mahometo reputaret et prophetam eximium, cui Dominus familiarius quam Mahometo loquutus fuisset, se vellet ab omnibus estimari. Hic igitur et complices eius legi Mahometi maxime detrahebant et in ipsum multa maledicta proferebant, alios | ritus et alias institutiones et alium orandi modum quam tradidisset Mahometus predicantes. Illi autem qui legem Mahometi tenere voluerunt in partibus orientis calypham Baldacensem statuerunt ; qui in tanto honore et reverentia a suis habetur, quod nisi mandato et auctoritate illius nullus quantumcunque potens aut nobilis appelletur soldanus ; et omnes eius subditi, tam reges quam alii, pedes eius ad terram prostrati reverenter osculantur. Successores autem Haly, de quo supra fecimus mentionem, contra singularem orientis calipham sedem suam erexerunt in terra Egypti, innumeris divitiis et deliciis affluentes. Unde inter Egyptios et alios orien-

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grands avantages, marris et troublés, usant de force flatteries et promesses, s’employèrent par tous moyens à attirer les gens ­simples et les disposer en faveur de leur secte4. En place de Mahomet ils choisirent un de ses disciples auquel ils donnèrent le nom de calife, comme successeur ou héritier pour perpétuer de Mahomet légitimité et primauté5. Et lui, investi de la légitimité et de la charge du pouvoir, par de bonnes paroles, la menace et la peur, commença à se rallier tous les peuples, rassembler la foule des hommes6. Mais un beau-père de Mahomet, nommé Achali, poussé par la haine et plein d’irritation envers le dit calife, attiré par l’appât du gain et l’ambition des honneurs, n’eut de cesse de s’y opposer par toutes les voies ouvertes à lui et aux siens, le combattre sur tous les fronts, le dépouiller enfin du principat7. VIII. Le calife d’Égypte. Mais après lui, un cousin germain de Mahomet, un nommé Ali, parvenu au pouvoir, commença à se troubler, s’offusquer d’être pris pour son successeur, lui qui se considérait d’une légitimité supérieure et voulait se donner, aux yeux de tous, une réputation de prophète suprême à qui le Seigneur avait parlé plus familièrement encore qu’à Mahomet. Ainsi donc, lui et ses complices se mirent à critiquer beaucoup la loi de Mahomet, proférer mille malédictions à son encontre, proclamant d’autres rites et d’autres règles, d’autres façons de prier que celles laissées par Mahomet1. Les partisans du maintien de la loi de Mahomet installèrent un calife à Bagdad en Orient. Tout personnage noble ou puissant ne recevait le titre de sultan que par décision du calife et sous couvert de son autorité ; c’est dire à quel point on l’honore et le vénère. Tous ses sujets, les rois et les autres, se prosternent avec respect devant lui et lui baisent les pieds2. Pour s’opposer au calife d’Orient, les successeurs de cet Ali dont il a été fait mention établirent leur siège en terre d’Égypte, plongés dans l’opulence des biens et la saveur des plaisirs. De ce temps il y eut une grande querelle, une haine implacable entre les Égyptiens et le reste des

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tales populos magna semper ex tunc fuit dissensio et odium implacabile et in lege discordia et contradictio, Saracenorum populis in duas partes divisis, quadam parte Haly et eius successoribus adherente, maiori tamen parte consentiente Mahometo. Postquam autem Saladinus temporalem administrationem Egypti sub domino suo calypha Egyptio adeptus est, timens sibi eo quod caliphe non immerito multis eum accusantibus erat suspectus, ut ipse Saladinus ad nullum superiorem haberet respectum, sed ipse sibi et soldanus esset et calypha, accessit ad dominum suum calipham Egyptium tanquam ei debitam et solitam vellet exhibere reverentiam ; et clava ferrea quam gestabat in manibus ex improviso ipsum ad terram prostratum deiecit, et per proditionem | occidit. Omnes autem eius filios et cognatos et speciales amicos vel interficere iussit, vel carceri in perpetuum mancipare. Ex tunc soldanus Baldacensis solus monarchiam et dignitatem, tam super Egyptios, quam super omnes alios Orientales obtinuit, Saladino compellente Egyptios ut ei concorditer obedirent et nullum calipham alium instituere presumerent nec ritus alios quam alii Orientales observarent.

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IX. De calypha occidentalis myrammomelino. Princeps autem occidentalium Saracenorum omnium qui Mahometi legem observant potentissimus qui caput et imperii sui dignitatem et regni sui solium in civitate Maroch que quondam Carthago dicebatur collocavit, et non solum Ethiopie et 5 Africe, sed etiam Hispanie ex magna parte dominatur, orientali calyphe cum universo populo suo subiectus esse recusavit. Sed se ipsum regem et calypham reputans ‘mirammomelin’, id est regem credentium, se et omnes successores precepit appellari. Lingua enim eorum, ‘mira’ idem est quod rex, ‘mommelin’ autem cre- 10 dentium interpretatur. Unde inter orientales et occidentales Saracenos magnum est scisma et dissensiones quamplurimum utiles

29 ferrata B C E F G J K bo, ill. A D ix, 1 mirammomelino B D E H J K

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orientaux, la loi devint un sujet de discorde et de controverse, après que les peuples de Sarrasins se furent divisés, les uns en suivant Ali et ses successeurs et la majorité restant fidèle à Mahomet. Par la suite, Saladin, parvenu à la charge du gouvernement temporel de l’Égypte sous le règne du calife son seigneur, nourrissait pour lui-même quelque crainte car il s’était rendu suspect à son maître, dénoncé qu’il était par la rumeur, et avec raison3. Afin de n’avoir personne au-dessus de lui et devenir lui-même sultan et calife, Saladin se rendit auprès de son seigneur comme s’il voulait lui témoigner son allégeance conformément au devoir et à la coutume, il le frappa tout à coup avec la masse de fer qu’il tenait en main, le fit tomber et le tua en traître. Saladin donna ordre de tuer les enfants du calife, ses parents, ses amis les plus proches ou les enfermer à jamais. Alors, le sultan de Bagdad récupéra à son profit seul pouvoir et légitimité sur les Égyptiens et tous les orientaux, Saladin forçant les Égyptiens à obéir loyalement au sultan, sans tenter d’installer un nouveau calife ou suivre des rites distincts de ceux observés ailleurs en Orient4. IX. Le calife d’Occident : le mirammomelin. Le très puissant prince de tous les Sarrasins d’Occident qui observent la loi de Mahomet a établi la capitale de son empire et le siège de son règne dans la cité de Maroch, l’ancienne Carthage disait-on1. Il tient sous sa domination l’Éthiopie, l’Afrique et encore une bonne partie de l’Espagne ; il refusa de se soumettre au calife d’Orient, et ses sujets avec lui. Lui-même se considérant roi et calife, il prescrivit de se faire appeler, et ses successeurs après lui, le mirammomelin, c’est à dire « roi des croyants ». Dans leur langue en effet, mira est synonyme de « roi » et mommelin peut se traduire par « croyants ». De là le grand schisme survenu entre Sarrasins d’Orient et d’Occident, les dissensions si favorables aux

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Christianis, eo quod isti illis in preliis | expeditionibus contra nos (36) renuunt prestare subsidium, regno ipsorum in seipso diviso et magna parte dissoluto. 15 X. De gentilibus qui legem Mahometi suscipere noluerunt. Copiosa tamen gentilium et idololatrarum multitudo, et hi maxime qui septentrionalem inhabitant regionem circa Paludes Meotidas et in partibus Bulgarie et Commanie usque ad fines Hungarie, et qui in confinio regni Dacie et in aliis partibus adiacentibus commorantur, Mahometi legem recipere renuerunt. Et quia ab aliis Saracenis orientalibus et occidentalibus valde remoti sunt, per metum seu violentiam non potuerunt compelli. Unde usque hodie quidam eorum errorem vetustum retinentes idola colunt, venerantur et adorant. Alii autem more pecudum nec legem, nec scripta, nec litteras ullas habentes, arbores et arbusta et pecudes, et generaliter quidquid mane casu aliquo primum eis occurit, illud pro deo reputantes per totum diem colunt et adorant. Quidam autem ex eis se verum et summum Deum ignorare confitentes, putantes tamen deum ignotum aliquo placare sacrificio et obsequio venerari, carnes vel panem seu aliam huius modi oblationem in altum proiiciunt, in honore illius qui Deus est et habitat in excelsis, clamantes et dicentes : | “ Eius sit hec oblatio qui super omnes est et summe divinitatis inter alios obtinet principatum. ”

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XI. De Turcomanis. Ab his autem septentrionalibus Saracenis qui Comani nuncupantur principium et originem hi qui Turcomani dicuntur et in

x, 15 cfr Act. 17, 23 x, 1 gentibus H J K   2 ydolatrarum B D F, idolatrarum K   12 quidquid] in add. B E F K, ill. D xi, 2 aliis B

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chrétiens, car leur empire s’étant divisé contre lui-même et s’étant évanoui pour une bonne partie, les uns et les autres refusent de se prêter un mutuel secours dans les combats dirigés contre nous2. X. Les peuples qui ont refusé d’accueillir la loi de Mahomet. Pourtant une immense multitude de païens et d’idolâtres ­refusa de recevoir la loi de Mahomet, surtout les peuples qui ha­ bitent le Nord aux environs du Palus Meotides1, en Bulgarie et Coma­nie, aux confins de la Hongrie, et ceux qui séjournent en bordure du royaume de Dacie et des autres régions voisines. Pour être très éloignés des Sarrasins d’Orient et d’Occident ils ne purent être contraints ni par la peur ni par la violence. Aujourd’hui encore, des gens gardent leur ancienne erreur, ils servent, vénèrent et adorent les idoles. Et d’autres sont comme les animaux, sans loi, sans écriture, sans lettres, ils servent et adorent, le jour durant, ce qu’ils croient être une divinité, arbres, arbustes, bétail, en général tout ce qui, au premier abord et en en quelque façon, leur traverse l’esprit. D’autres enfin confessent ne pas connaître le vrai Dieu souverain et croient pourtant apaiser un dieu inconnu par un sacrifice ou le zèle qu’ils mettent à le vénérer, ainsi jettent-ils en l’air de la viande, du pain ou toute autre offrande de même nature en l’honneur du dieu qui habite les cieux, clamant à haute voix : « Voilà notre offrande pour celui qui est au-dessus de tous, qui tient le premier rang de dieu suprême entre tous2 ! » XI. Les Turcomans. Et c’est à partir des Sarrasins du Nord, nommés Comans, que ceux appelés Turcomans ont tiré principe et origine ; on croit

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terra Turcorum inhabitant traxisse creduntur. Unde nomine composito a Turcis et Comanis appellantur Turcomani. De Turcis siquidem ex antiquis orientalium historiis certum habemus quod ex septentrionali regione exeuntes, Persarum fines ingressi, non solum regionem illam, sed universas fere orientales provincias armata manu occupaverunt violenter. Ex tunc autem gens illa, prius rudis et inculta nec habens certam mansionem, sed passim cum uxoribus et filiis et pecoribus vagans et pascuarum commoditatem sectans, regem sibi prefecit, civitates et oppida possidere incipiens, agriculture dans operam que prius de peculio tantum vivebat, iura civilia sibi constituens. Hi autem qui in sua ruditate permanentes priorem vivendi modum deferere noluerunt appellati sunt Turcomani. In multis autem illos qui Bedewini dicuntur imitantur Saracenos. Differunt tamen natione et quibusdam aliis consuetudinibus vivendi. |

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XII. De Bedewinis. Bedewini autem ex Arabum gente principaliter duxerunt originem, ex quorum stirpe dicunt descendisse Mahometum. Hi autem dogmatizantes quod diem mortis a Deo sibi constitutum nec prevenire possunt, nec preterire ; numquam ad pugnam armati 5 procedunt, sed solummodo camisiati, peplis more feminarum capita involventes, lanceis et ensibus tantummodo utentes, arcubus autem et sagittis more aliorum Saracenorum pugnare dedignantur. Et licet leviter et de facili convertantur in fugam, alios tamen Saracenos timidos et ignavos reputant, qui spicula et 10 sagittas a longe iaculantur. Sunt autem non solum Christianorum, sed etiam Saracenorum proditores, mendaces et inconstantes et amici fortune, et duplici via gradientes, his quos cernunt prevalere libenter adherantes. Portant autem in capitibus pileos rubeos cum peplis, in tentoriis de pellibus animalium habitantes, ovinis etiam 15 pellibus et caprinis plerumque vestiuntur. Nullam autem habentes certam mansionem, in campestribus et pascuis turmatim per xii, 14 pilleos B E F K

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qu’ils habitent le pays des Turcs1. On les nomme Turcomans, terme composé de Turcs et de Comans. Pour les Turcs, nous savons de façon certaine par les anciennes histoires des Orientaux que, sortis des contrées du Nord, ils passèrent en Perse et occupèrent par les armes et la force cette région et la presque totalité des provinces de l’Orient. Alors ce peuple, d’abord sauvage et inculte, sans domicile fixe, qui allait, vagabond, avec femmes, enfants et troupeaux, en quête de bons pâturages, finit par se donner un roi, des villes et des villages, à s’adonner aux travaux de l’agriculture après avoir longtemps vécu du produit des troupeaux, à se donner des lois convenant à la vie sociale. Mais, sont appelés Turcomans ceux qui, restés dans leur état sauvage, refusèrent de changer en quoi que ce soit leur façon de vivre. Ceux qu’on appelle les Bédouins imitent les Sarrasins en de nombreux points. Cependant ils en diffèrent par l’origine et certaines coutumes de vie. XII. Les Bédouins. Ainsi l’origine des Bédouins vient plus particulièrement de la race des Arabes dont ils racontent que Mahomet était issu1. Ils tiennent pour dogme qu’il n’est pas en leur pouvoir d’avancer ou retarder le jour de la mort, jour déterminé par Dieu ; pour cette raison, ils vont au combat sans jamais porter d’armures, vêtus d’une chemise uniquement, la tête couverte d’un voile comme les femmes, usant seulement de lances et d’épées, dédaignant de combattre avec des arcs et des flèches comme les autres Sarrasins2. Cependant, bien qu’ils s’esquivent avec adresse en toute occasion, ils considèrent que les autres Sarrasins, qui lancent traits et flèches de loin, sont timides et lâches. Traîtres aux chrétiens et aux Sarrasins, ils sont menteurs, inconstants, amis de la fortune, suivent une double voie et s’attachent volontiers à ceux qu’ils voient prendre le dessus3. Ils sont coiffés de bonnets roussâtres et de voiles, ils demeurent sous des tentes en peau d’animaux, ils sont vêtus pour la plupart de peaux de mouton et de chèvre. Ils n’ont pas de domicile fixe, ils vont dans les plaines et les prairies en bande et

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tribus incedentes vagi habitant et pascuarum ubertatem sectantes, diversas regiones circumeunt, lacte viventes et animalium copiam secum trahentes. Ipsi autem penitus otiosi tam equorum quam 20 pecorum uxoribus suis procurationem relinquunt. Ex | Orientalibus nonnulli qui legem Mahometi custodiunt, (39) excepto quod more christianorum ad ortum solis adorant, eo quod patres eorum qui christiani fuerunt hunc modum orandi eis reliquerunt, ab aliis Saracenis heretici et prophani reputantur. Ex 25 quibus nonnulli ipsum solem deum summum reputant, eo quod inter omnes creaturas visibiles precellentem habeat pulchritudinem. XIII. De his qui legem habent occultam. Sunt insuper quidam alii miserabiles in montanis homines, circa iuga Libani in partibus Tripolitanis commorantes, qui licet ex parte magna Mahometi legem observent, dicunt tamen se legem quamdam aliam occultam habere quam non licet alicui revelare nisi filiis eorum cum iam adulte sunt etatis, ut secreta pueriliter non revelent, vel mortis articulo imminente cum patres in extremis laborantes spem evadendi non habent. Uxores autem eorum et filie in lege maritorum et parentum suorum, ignorantes legem illam, dicunt se credere. Quod si forte filius levitate aliqua legem illam quam vocant occultam matri sue revelaret, uxor a marito et filius a patre absque ulla retractatione necarentur. Hi autem preter morem aliorum paganorum vinum bibunt et carnes porcinas edunt et ab omnibus aliis tanquam heretici legis reprobantur. Hi autem pessima et abominabilia et sexui femineo contraria in occulto turpiter operantes, sicut illis narrantibus qui ab eis recesserunt cognitum est, timent | ne uxores eorum eos relinquerent vel contemptui haberent si execrabiles ritus eorum et ­immundicias secte perversissime cognoscerent.

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en tribu ; ils se font vagabonds à la recherche de riches pâturages, ils tournent de contrées en contrées, se nourrissant de lait, traînant à leur suite bêtes et troupeaux. Les hommes ne font rien et laissent aux femmes le soin de s’occuper des chevaux et du bétail4. Des Orientaux qui observent la loi de Mahomet, sauf à faire comme les chrétiens leur prière au lever du soleil selon la coutume que leur ont laissée leurs ancêtres chrétiens, sont considérés par les autres comme des hérétiques, des ignorants. Il en est qui re­gardent le soleil comme le dieu suprême et, en raison de sa beauté, ils lui donnent la prééminence sur les autres créatures visibles5. XIII. Les gens qui suivent une loi cachée. Il y a en outre des gens de condition misérable qui vivent aux alentours de la chaîne des monts Liban, dans la région de Tripoli et qui suivent, pour l’essentiel, la loi de Mahomet. Pourtant ils disent avoir une autre loi secrète. Ils ne sont autorisés à la révéler à personne, sinon à leurs fils quand ils sont adultes pour qu’ils n’aillent pas en faire état comme des enfants ou quand leur père à l’article de la mort et rendu en toute extrémité a renoncé à tout espoir de s’en sortir. Leurs femmes et filles, tout en l’ignorant, croient en la loi de leurs maris et pères, disent-elles. Si par étourderie et par hasard, le fils venait à dévoiler à sa mère le contenu de la loi réputée cachée, la femme est condamnée à mourir par la main du mari, le fils par la main du père, et cela sans rémission. Ils boivent du vin, mangent du porc, contrairement à la coutume des autres païens1 ; de ce fait, ils sont condamnés par tous les autres comme hérétiques. On sait par les récits des transfuges qu’ils se livrent honteusement en cachette à d’exécrables et abominables pratiques, contraires à la nature des femmes ; ils ont peur que leurs épouses ne les abandonnent ou les méprisent si elles venaient à apprendre l’existence de ces rites exécrables et l’entière perversion de leur secte répugnante2.

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XIV. De Assasinis. In provincia autem Phenicis, circa fines civitatis Enteradensis, que hodie vulgariter appellatur ‘Tortosa’, quidam populus scopulis et montibus undique circunclusus inhabitat, habens castella decem fortissima et, propter viarum angustias et rupes inaccessibiles, inexpugnabilia, cum suburbanis et vallibus omnium fructuum et frugum fertilitate fecundissimis et amenitate iucundis. Horum autem hominum, qui Assasini nuncupantur, quadraginta millium numerum excedere dicitur multitudo. Preficiunt autem sibi capitaneum non successione hereditaria, sed meritorum prerogativa, quem ipsi Veterem seu Senem appellant non tam provecte etatis ratione, quam prudentie et dignitatis preeminentia. Primus autem et summus infauste religionis eorum abbas, et locus, unde principium habuerunt et a quo in Syriam venerunt, in partibus est orientalibus valde remotis versus civitatem Baldacensem et partes Persidis provincie. Hi autem ungulam non findentes, neque sacrum a prophano discernentes, omnem indifferenter obedientiam superiori suo exhibitam sibi credunt esse vite eterne meritoriam. | Unde tanto subiectionis et obediente vinculo magistro suo quem Senem nominant astringuntur, quod nil ita periculosum est aut difficile quod ad mandatum domini sui hilari animo et ardenti voluntate amplecti et perficere vereantur. Senex autem dominus eorum pueros de populo illo in locis secretis et delectabilibus facit nutriri et diversis idiomatum generibus diligenter imbutos et instructos ; ad varias provincias mittit cum cultellis et potentes homines, tam ex christianis, quam ex Saracenis, vel quia ex aliqua causa habet eos odio, vel ad preces amicorum suorum, seu etiam propter immense pecunie pretium sibi datum, mandat occidi ; promittens propter huius mandati executionem longe maiores delicias habituros sine fine in paradiso post mortem quam sint ille in quibus

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xiv, 17 cfr Deut. 14, 6-7   17/18 cfr Ez. 22, 26    xiv, 4 habentes B   

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XIV. Les Assassins. Dans la province de Phénicie, aux environs de la cité d’Antarados, communément appelée Tortose aujourd’hui, vit un peuple entièrement protégé par une ceinture de roches et de montagnes, tenant dix châteaux très fortifiés, imprenables, car les chemins sont étroits et les parois rocheuses inaccessibles1. Les campagnes et les vallées sont riches, fertiles en fruits et grains de toute sorte, riantes et agréables. De ces gens, qu’on appelle les Assassins, on dit que le nombre dépasse les quarante mille2. Ils se donnent un chef, non par droit successoral, mais en raison de ses qualités, qu’ils nomment Ancien ou Vieux, non tant pour son grand âge qu’en regard de la primauté de sa sagesse et de son mérite. Le chef suprême par le rang et la dignité de leur cruelle obédience et le lieu d’où ils sont venus jusqu’en Syrie sont dans des contrées reculées de l’Orient lointain, vers la cité de Bagdad dans la province de Perse3. Ces gens à l’ongle non fendu, ne discernant pas le sacré du profane, croient gagner la vie éternelle à montrer une obéissance totale et sans réserve à leur supérieur4. Ainsi s’engagent-ils vis-àvis de leur maître, le Vieux, par un lien de sujétion et d’obéissance, de sorte que, sur son ordre, il n’est rien de périlleux ou difficile qu’ils répugnent de faire de gaieté de cœur et animés d’une détermination sans faille. Leur maître, le Vieux, fait élever les garçons de ce peuple en des lieux cachés et charmants où ils sont instruits dans toutes sortes de langues dont on les imprègne soigneusement. Il les envoie en diverses contrées, armés de couteaux, avec l’ordre de tuer des personnages en vue, chrétiens ou Sarrasins, pour une raison quelconque, par vengeance, pour satisfaire aux prières de ses amis ou encore en échange de très fortes sommes reçues pour ce faire. Il leur promet, pour la bonne exécution de cet ordre, qu’ils auront des délices sans fin au paradis après la mort, plus grands

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fuerunt enutriti. Quod si propter huiusmodi obedientiam eos mori contigerit, martyres a suis iudicantur et inter sanctos ab illo populo deputati in summa habentur reverentia. Parentes autem eorum a magistro, qui Senex dicitur, multis muneribus ditati, si servi fuerant de cetero liberi dimittuntur. Unde miseri et seducti adolescentes de conventu predictorum fratrum ad varias partes mundi transmissi, cum tanto gaudio et desiderio legationem mortiferam suscipiunt, cum tanta diligentia et sollicitudine perficiunt, sese variis modis transfigurantes et aliarum nationum ritus et habitum sibi assumentes, aliquando in specie mercatorum, quandoque | in specie clericorum seu monachorum et infinitis aliis modis sese occultantes, quod vix aliquis in universo mundo adeo cautus est qui sibi possit ab eorum insidiis precavere. Contra inferiores personas aliquid machinari dedignantur, potentes autem quibus ipsi adversantur, vel pretio magno se redimunt, vel armati incedentes cum caterva satellitum cum suspicione et metu mortis semper incedunt. Hi autem super omnes alios Saracenos legem Mahometi et eius instituta diligenter et arctissime servaverunt usque ad tempora cuiusdam magistri sui qui, naturali preditus ingenio, diversarum scripturarum exercitatus studio, christianorum legem et Christi Evangelia cepit cum omni diligentia legere et perscrutari, admirans miraculorum virtutem et doctrine sanctitatem. Ex quorum comparatione frivolam et irrationabilem cepit abominari Mahometi doctrinam et tandem, cognita veritate, subditos suos a ritibus maledicte legis studuit paulatim revocare. Unde exhortatus est eos et mandavit quod vinum cum modestia biberent et carnes porcinas manducarent. Tandem vero post multas admonitiones et varias doctoris sui predicationes, in hoc omnes concorditer consenserunt quod, relicta Mahometi perfidia, percepti baptismi gratia efficerentur christiani, ita tamen quod eiusdem essent conditionis et libertatis ut alii christianorum legi subiecti. Erant enim tunc temporis fratribus militie Templi tributarii, duo millia byzantio-

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42/43 et ... mundo] om. E   44/48 contra ... incedunt] om. K   61 percepta B D E F K   

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que ceux dans lesquels ils ont été élevés. Pareillement, leur promet-il, si l’obéissance venait à les conduire à la mort, d’être considérés chez eux comme des martyrs dignes d’un très grand respect et mis au rang des saints5. Leurs parents sont comblés de toutes sortes de cadeaux par le maître, appelé le Vieux, et ceux qui étaient de condition servile sont affranchis. Ainsi séduits, ces malheureux jeunes hommes, quittant la communauté de leurs frères, sont expédiés dans les diverses régions du monde ; ils reçoivent leur mortelle commission avec autant de joie et de désir qu’ils mettent d’empressement au soin de l’exécuter, se déguisant de toutes les manières, se pliant aux usages et coutumes des autres nations, tantôt sous l’aspect du marchand, tantôt sous l’apparence du clerc ou du moine, se dissimulant de mille autres façons, en sorte que, dans le vaste monde, il est difficile pour un homme tant soit peu prudent de se garder de leurs pièges. Ils dédaignent les attentats contre des personnes de condition inférieure ; mais les puissants contre lesquels ils se tournent rachètent leur vie à grand prix ou se déplacent en armes, entourés d’une cohorte de gardes, sans cesse assaillis par le soupçon et la crainte de la mort. Or les Assassins, plus encore que les autres Sarrasins, obéirent avec zèle et exactitude à la loi de Mahomet, à ses institutions, jusqu’au jour où un de leurs maîtres, d’esprit naturellement doué, se fut appliqué à l’étude de divers écrits. Il se mit à lire et étudier avec le plus grand soin la loi des chrétiens et les Évangiles du Christ, tout en admirant l’efficacité de ses miracles et la sainteté de son enseignement. La comparaison qu’il en fit avec la doctrine, légère et déraisonnable, de Mahomet l’incita à la repousser avec horreur ; après avoir reconnu la vérité, il s’appliqua peu à peu à détourner ses sujets des rites de la loi maudite. Il les invita donc, puis leur commanda de boire du vin avec modération, de manger de la viande de porc. Enfin, après nombre d’enseignements et prédications répétées de leur docteur, tous les Assassins con­sen­ tirent de façon unanime à délaisser les perfidies de Mahomet, à se faire chrétiens par la grâce du baptême reçu. En contrepartie cependant ils devaient obtenir la condition et la liberté communes aux autres sujets de la loi chrétienne6. En effet, à cette époque ils étaient tributaires des frères de la milice du Temple auxquels ils

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rum eisdem annuatim | persolventes pro securitate cuiusdam terre sue que in confinio terre predictorum fratrum sita erat, qui multas eis molestias occasione vicinitatis inferre consueverant. Prefatus autem Assasinorum magister unum de familiaribus suis, virum eloquentem, prudentem et strenuum, de quo plurimum confidebat, misit ad regem Hierosolymitanum. Rex autem, intellecta causa legationis pro tanti populi visitatione et tot animarum a laqueis diaboli liberatione, Deo gratias agens, nuntium Senis cum summo gaudio et honore magno recepit ; et, ipsum ad propria revertentem ut domino suo bonam regis et christianorum voluntatem et magnum desiderium nuntiaret, usque ad fines terre sue deduci precepit. Qui dum fines suos iam fere ingressurus Tripolim pertransisset, quidam ex nostris, vir Belial et iniquus Dei timorem ante oculos suos non proponens, hominem de regio ducatu et fidei christianorum sinceritate confidentem, improvisum et nil tale sibi metuentem, in detrimentum christiani nominis et maxime Ecclesie orientalis, occidit. Unde populus ille qui tanquam planta novella nondum plene radicatus erat in fide, cum ira magna et indignatione fidem nostram respuens et nostrorum consortium suspectum habens, a tam sancto et honesto proposito resiluit, et usque ad tempus presens christianos et Dei Ecclesiam persequi et infestare non pretermisit. In uno igitur corporali homicidio predictus ille proditor animas innumeras interfecit. | His igitur et aliis innumeris monstruosis hominibus miserabilis regio orientalis corrupta est, et alie quamplures eius pernicioso infecte sunt exemplo et coinquinate contagio. Nec inventus est aliquis vir catholicus qui se murum pro domo Domini tante pesti valeret opponere, eo quod Saraceni contra legem suam predicatores non admittunt, et maxime quia ante maledicti Mahometi tempora, tanta perfidorum hereticorum multitudo adversus paucos fideles prevalens orientalem vastavit Ecclesiam, quod pauci vel nulli inventi sunt in partibus illis prelati qui ad bestias Ephesi

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versaient tous les ans deux mille besants pour assurer la sécurité d’une terre qui se trouvait aux confins du territoire des frères du Temple qui avaient l’habitude, du fait de ce voisinage, de leur procurer toutes sortes de désagréments. Le dit maître des Assassins envoya au roi de Jérusalem un de ses familiers, homme éloquent, avisé et courageux, en qui il avait entière confiance. Le roi – après avoir saisi la cause de la mission, ambassade d’un peuple aussi nombreux qui devait aboutir pour tant d’âmes à se libérer des lacets du diable – reçut l’envoyé du Vieux en rendant grâce à Dieu, avec une joie extrême et bien des honneurs. Quand l’envoyé retourna rendre compte à son seigneur de la bonne disposition et de la volonté manifeste du roi et des chrétiens, le roi donna ordre de l’escorter jusqu’aux limites de son royaume. L’envoyé avait déjà dépassé Tripoli et était sur le point d’entrer sur son territoire, quand quelqu’un de chez nous, un enfant de Bélial, un homme mauvais qui ne gardait pas devant les yeux la crainte de Dieu, tua par surprise cet homme qui ne se méfiait en rien et qui avait mis sa confiance dans l’escorte du roi et la sincérité de la foi des chrétiens ; cela pour le malheur du nom chrétien et surtout celui de l’Église en Orient7. Alors ce peuple, tel un jeune plant non encore entièrement enraciné dans la foi, la rejetant vivement avec colère et indignation, se mettant à suspecter toute relation avec les nôtres, renonça à son pieux et bon projet ; et, jusqu’à nos jours, il n’eut de cesse de poursuivre et harceler les chrétiens et l’Église de Dieu. Ainsi, ce traître, en tuant un corps et un seul, a tué des milliers d’âmes. C’est donc par de telles gens et d’autres encore, dévoyés et innombrables, que cette pauvre contrée d’Orient se trouva infectée, et combien d’autres avec elle, qui étaient touchées par le mauvais exemple, gâtées par la contagion. Et il ne se trouva pas un homme catholique, tel un mur pour la maison du Seigneur8, pour s’opposer à une telle peste ; la raison en est que les Sarrasins ne permettent à personne de prêcher contre leur loi, mais surtout, pour ce qu’avant le temps de ce Mahomet maudit une infinité d’hérétiques sans foi, l’emportant sur le petit nombre de fidèles, saccagea l’Église en Orient. Il ne se trouva pas de prélats dans ces régions, ou peu, pour combattre les bêtes à Éphèse, capturer les

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pugnarent vel caperent vulpeculas vineam Domini Sabaoth demolientes et eius tunicam inconsutilem laniantes. Quanto autem hec pestis recentior, tanto fuit ferventior. Unde sicut superius tetigimus, Homar princeps Arabie potentissimus et in errore Mahometi 100 ferventissimus et tertius eius successor, tempore Heraclii imperatoris, sanctam et Deo amabilem civitatem cum universo regno Hierosolymitano adeo oppresserat et tyrannidi sue subiugaverat, quod populum christianorum in civitate commorantem non solum sibi tributarium fecit, sed variis oppressum calamitatibus 105 extremis conditionibus sibi servire coegit. Peccatis igitur exigentibus, christiani in civitate sancta et in partibus adiacentibus commorantes per quadragintos nonaginta annos iugum durissi(45) mum infidelium et crudelium perpessi sunt dominorum. | XV. Ad quantam miseriam devenerit orientalis Ecclesia. Cum autem orientalis Ecclesia ab origine sua, instar illius regine que a dextris regis in vestitu deaurato circundata varietate astitisse perhibetur, prerogativa religionis floruerit, et sue lucis primitivos radios ad partes occidentales transmiserit, a tempore 5 perfidi Mahometi usque ad tempora nostra, consenescentis mundi die vergente ad vesperam, eclipsim passa tetendit ad occasum, immo fere pervenit ad defectum. Et que crebris pressurarum tunsionibus concussa, sevientis inimici vibrantem hastam cedere nesciens ad pugnam edocta constanter sustinuit ; fallacibus 10 pseudoprophete persuasionibus et carnalis voluptatis illecebrosis fluxibus emollita et miserabiliter irretita, quinimo graviter sauciata succubuit, et amplexata est stercora que nutrita fuit in croceis. Et propter hoc a Domino derelicta est tanquam umbraculum in vinea et tanquam tugurium in cucumerario. Que tamen in quibusdam 15

96 I Cor. 15, 32   97 cfr Cant. 2, 15   98 cfr Ioh. 19, 23 xv, 3 Ps. 44, 10   13 Thren. 4, 5   14/15 Is. 1, 8    99 pestis] fuit add. B D E F K   99 superius] om. E F

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petits renards qui ravageaient la vigne du Seigneur des armées et laceraient sa tunique sans couture. Et plus cette peste était nouvelle, plus elle se répandait avec fureur. Comme nous en avons traité plus haut, à l’époque de l’empereur Héraclius, Omar prince très puissant de l’Arabie, ardent sectateur de Mahomet et son troisième successeur, avait asservi et soumis à sa férule la Cité sainte et agréable à Dieu ainsi que la totalité du royaume de Jérusalem au point, non seulement d’imposer tribut au peuple chrétien de la cité, mais encore, de l’opprimer par toutes sortes de fléaux, le réduire en esclavage après l’avoir poussé aux dernières extrémités. Ainsi, pour châtiment de leurs péchés, les chrétiens de la Cité sainte et des régions avoisinantes eurent à supporter quatre cent quatre-vingt-dix ans durant le joug inflexible de ­maîtres sans foi et sans pitié9. XV. Misère où en serait arrivée l’Église en Orient1. Telle cette reine, dit-on, qui se tenait à la droite du roi revêtue d’un vêtement couleur d’or, l’Église en Orient, alors à ses débuts, s’épanouissait comme le jeune gage de la religion, faisait passer les premiers rayons de sa lumière aux contrées d’Occident. Mais depuis le temps de l’impie Mahomet et jusqu’à notre temps, au soir d’un monde vieillissant, elle a connu une éclipse, elle a été poussée au déclin jusqu’à presque disparaître. Elle s’est trouvée accablée sous les coups répétés des malheurs, mais habile au combat et refusant de céder, elle soutint avec fermeté la lance brandie par l’ennemi furieux ; affaiblie par les enseignements mensongers du faux prophète, les relâchements faciles du plaisir charnel, malheureuse et enchaînée, et plus, gravement blessée, elle succomba ; et elle qui avait été élevée dans la soie de la couleur du safran, elle embrassa le fumier. Et pour cela le Seigneur l’a délaissée comme une loge de branches dans la vigne, une cabane dans un champ de

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membris suis, quasi pauci racemi finita vindemia et pauce olee post concussionem olive, quasi Iob in terra Hus et Loth in regione Sodomorum, quasi lilium inter spinas, inter malleum et incudem adhuc perseverans, cogitur proclamare : “ O vos omnes qui transitis per viam attendite et videte si est dolor sicut dolor meus ! Filios enutrivi et exaltavi, 20 | ipsi autem spreverunt me. Quomodo obscuratum est aurum, mutatus est (46) color optimus ! Nolite me vocare Noemi, id est pulchram, sed vocate me Mara, id est amaram, quia a me amaritudinibus replevit omnipotens ! ”

XVI. De visitatione Terre sancte per Petrum Eremitam et per occidentales populos. His et consimilibus vocibus, vidua paupercula, tempestate divulsa, dum clamare non cessaret et coram piissimo Domino genua flectere et ad ostium misericordie eius sine intermissione 5 pulsare non desisteret, eius afflictionem et humiliationem Dominus respiciens, cuidam pauperi et religioso homini, de regno Francie in Ambianensi episcopatu vitam eremiticam agenti, qui et Petrus Eremita dicebatur, inspiravit quatenus sepulchrum dominicum et loca religiosa et reverenda visitaturus, cum multo labore 10 et periculo, Hierosolymam adiret. Cum igitur ad portam civitatis pervenisset, dato nummo aureo pro ingressu ianitoribus qui a peregrinis recipiebant tributum, videns loca sancta ab impiis irreverenter tractari, virum etiam venerabilem Symeonem, civitatis patriarcham, una cum subditis suis tanquam vile mancipium cum 15 16/17 Is. 24, 13   17 cfr Iob 1, 1   17/18 cfr Gen. 13, 12   18 Cant. 2, 2   19/20 Thren. 1, 12   20/21 filios … me] Is. 1, 2   21/22 quomodo … optimus] Thren. 4, 1   22/24 nolite … omnipotens] Ruth 1, 20 xvi, 3 cfr Luc. 18, 2-3    xv, 19 cui mo xvi, 11 adiisset B D

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concombres. Pourtant comme Job dans la terre de Hus et Loth au pays de Sodome, lis au milieu des épines2, placée entre le marteau et l’enclume, elle persévérait encore avec quelques-uns des siens, restés comme les grappillons une fois la vendange faite, comme les rares olives accrochées à la branche de l’arbre après la récolte. Force lui était de proclamer : « Vous tous qui passez par le chemin, prêtez votre attention et voyez s’il existe une douleur comparable à la mienne ! J’ai nourri et élevé des fils et ils m’ont rejetée. Combien l’or s’est terni et comme la meilleure des couleurs s’est trouvée altérée ! Ne m’appelez pas Noémie la belle, mais Mara l’amère, car le Tout-puissant m’a rempli d’amertume ! » XVI. Visite de la Terre sainte par Pierre l’Ermite et les peuples d’Occident1. Par ces mots et d’autres semblables, la veuve infortunée, déchirée par la tempête, ne cessait de crier, sans arrêt elle fléchissait le genou devant le Seigneur très saint, elle frappait sans relâche à la porte de sa miséricorde ; le Seigneur porta son regard sur son affliction et son humiliation au point d’inspirer à un homme pauvre et religieux, originaire du royaume de France, qui menait une vie d’ermite dans l’évêché d’Amiens, nommé Pierre l’Ermite, le dessein de se rendre à Jérusalem au prix d’une grande fatigue et d’un grand péril pour y visiter le tombeau du Seigneur et les lieux vénérables consacrés par la religion. Comme donc il était arrivé à la porte de la ville, après avoir donné une pièce d’or pour entrer aux portiers qui recevaient le tribut des pèlerins, il vit les lieux saints traités avec irrespect par les impies et le patriarche de la cité, Siméon, un homme vénérable, affligé avec ses sujets par des vexations sans nombre et accablé comme un vil esclave. Pierre

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omni abiectione innumeris oppressionibus affligi, sicut erat vir sanctus et valde compatiens et super afflictos pia gestans viscera, cepit dolere et vehementer contristari et variis modis | secum anxius cogitare si quo modo possit afflictis subvenire. Cum autem quadam nocte in ecclesia Dominice Resurrectionis in orationibus Domino supplicans pernoctaret, longo vigiliarum labore fatigatus supra pavimentum ecclesie somno humanitus irruente, cepit paululum dormitare. Dominus autem Iesus Christus apparuit ei in somnis, iniungens ei legationem ad dominum papam et ad alios principes occidentales pro liberatione Terre sancte. Ipse vero divina revelatione confortatus et zelo charitatis succensus, cum litteris predicti patriarche Symeonis et aliorum fidelium Hierosolymis commorantium, primo dominum papam Urbanum petiit, a quo benigne receptus, Italiam transcurrens et Alpes transiens, tam principes occidentales, quam inferiorem populum sollicitius admonendo et variis exhortationibus, sicut erat vir prudens et potens in opere et sermone, modico tempore multorum animos ad suscipiendum peregrinationis Hierosolymitane laborem inclinavit, Domino cooperante et legati sui sermonibus copiosam gratiam largiente. Non multo autem tempore post venerabilis pater apostolice Sedis antistes Urbanus predictum Petrum in Galliam subsequutus, convocato generali concilio apud Clarummontem Alvernie civitatem, calamitates et oppressiones fidelium in Terra sancta commorantium et tam dominicum sepulchrum quam alia loca sancta ab immundis canibus conculcata et prophanata diligenter exposuit omnibus, quos | Spiritus Sanctus ad ultionem iniuriarum Crucifixi et ad Terre sancte liberationem inspiraret in remissionem omnium peccatorum, tam sanctam et Deo placitam peregrinationem iniungens. Semen autem divini verbi in terram bonam et fertilem cecidit per gratiam Domini qui verbum dedit evangelizanti servo suo virtute multa. Nam in eodem sermone multi qui presentes fuerant, signo salutifere crucis suis humeris affixo, sese voto peregrinationis domino obligaverunt. Quorum primus fuit

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était un saint homme très compatissant et qui nourrissait des sentiments de compassion envers les affligés ; il en éprouva de la peine, en fut profondément attristé et, dans son désarroi, chercha le moyen de venir au secours des malheureux. Or une nuit qu’il veillait dans l’église de la Résurrection en suppliant Dieu dans ses prières, épuisé par la fatigue d’une trop longue veille et la douceur du sommeil venant, il s’assoupit sur le pavé2. Alors, le Seigneur Jésus-Christ lui apparut tandis qu’il dormait, lui ordonnant de se rendre auprès du seigneur pape et des autres princes d’Occident pour leur délivrer mission de libérer la Terre sainte. Et lui, fortifié par la révélation divine, enflammé du zèle de la charité, muni d’une lettre du patriarche Siméon et des autres fidèles qui habitaient Jérusalem, il se rendit d’abord auprès du pape Urbain qui le reçut avec bonté ; puis il traversa l’Italie, passa les Alpes pour exhorter par son ardeur et ses encouragements répétés les princes d’Occident et le petit peuple. Avec l’aide du Seigneur qui distribuait généreusement l’abondance de la grâce par la bouche de son légat, Pierre, qui était un homme sage et puissant en œuvres et en paroles3, parvint en peu de temps à disposer les esprits d’un grand nombre afin d’entreprendre le laborieux pèlerinage de Jérusalem4. Peu après le vénérable père du Siège apostolique, le pape Urbain, suivit Pierre en France après avoir convoqué un concile général à Clermont, cité de l’Auvergne ; il y exposa publiquement et avec soin les malheurs et les souffrances des fidèles en Terre sainte, comment le sépulcre du Seigneur et les autres lieux saints étaient foulés et profanés par des chiens impurs ; il enjoignit à tous ceux auxquels le Saint-Esprit inspirait le désir de venger les injures faites au Crucifié et de libérer la Terre sainte, d’accomplir le saint pèlerinage si agréable à Dieu, en rémission de tous leurs péchés. Par la grâce du Seigneur la semence de la parole divine tomba dans une terre bonne et fertile, et le Seigneur donna à son serviteur la grande force de la parole pour proclamer l’évangile. De fait pendant le sermon beaucoup qui étaient là, se marquant à l’épaule du signe salutaire de la croix, s’engagèrent envers le Seigneur par le vœu de pèlerinage. Le premier d’entre eux fut l’évê-

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vir venerabilis et sancte conversationis episcopus Podiensis cum multis aliis, tam nobilibus quam inferioribus viris. Prelati autem Ecclesiarum et alii viri prudentes et litterati, secundum quod in mandatis acceperant, tam in utroque regno quam in imperio talentum sibi creditum cum omni providentia et sollicitudine multiplicantes innumeram, tam nobilium quam aliorum multitudinem signaverunt. Inter quos precipui et preeminentes extiterunt dux Normannorum, comites Tolosanus et Sancti Egydii, et Flandrensium, Blesensium et Carnotensium, Hugo frater regis Francorum, Godefridus dominus de Boillon dux Lotharingie cum fratre suo Baldwino ; de regno etiam Sicilie, Boamundus cum Tancredo cognato ipsius. |

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XVII. De peregrinatione cruce signatorum et de his que sustineverunt in via. Anno igitur ab incarnatione Domini millesimo nonagesimo sexto, Petrus Eremita copiosam utriusque sexus secum trahens multitudinem, Teutonicorum regnum transiens per partes Hun- 5 garie, Constantinopolim pervenit. Multa autem in via illa a gente Bulgarorum passus incommoda, de exercitu suo fere decem millia amisit in prelio. Currus etiam et plaustra usque ad duo millia cum parvulis et mulieribus et divitiis multis et varia supellectilia a predictis barbaris et impiis hominibus detenta sunt et violenter 10 ablata. Eodem siquidem anno, principes, comites et barones cum innumerabili populo ex omnibus tribubus et linguis et nationibus, non simul sed successive et seorsum propter hospitiorum et victualium commoditatem, usque Constantinopolitanam urbem 15 subsequuti sunt Petrum. Traditis autem sibi ab Alexio Grecorum imperatore ducibus itineris qui plenam locorum habuerunt peritiam et experientiam, transmisso Hellesponto, qui hodie Bra-

53/54 cfr Matth. 25, 15 xvii, 4 thrahens mo

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que du Puy, homme vénérable et de sainte vie, et, avec lui, bon nombre de nobles ou gens de condition inférieure. Conformément à leur mission, les prélats des églises et d’autres hommes, sages et lettrés, donnèrent le signe de la croix à une multitude innombrable de gens nobles ou non, tant dans les deux royaumes que dans l’Empire, augmentant dans la sagesse et la sollicitude le talent qui leur avait été confié5. Les premiers d’entre eux, les plus éminents, étaient le duc des Normands, le comte de Toulouse et de SaintGilles, le comte de Flandres, le comte de Chartres et de Blois, Hugues, frère du roi de France, Godefroy seigneur de Bouillon duc de Lorraine et son frère Baudouin, Bohémond du royaume de Sicile et Tancrède son proche parent. XVII. Le pèlerinage des croisés, leurs épreuves sur le chemin. Ainsi l’an de l’incarnation du Seigneur mille quatre-vingtseize, Pierre l’Ermite, traînant derrière lui une foule immense d’hommes et de femmes, traversant le royaume des Allemands, parvint à Constantinople en passant par la Hongrie1. Sur ce chemin il eut beaucoup à souffrir de la gent des Bulgares, et c’est presque à dix mille que s’élevèrent les pertes au combat de son armée. Ces barbares et ces impies retinrent ou enlevèrent de vive force jusqu’à deux mille chariots et voitures, des jeunes enfants, des femmes, une grande quantité de biens et des bagages de toute sorte. Cette même année, princes, comtes, barons, suivis d’une foule sans nombre sortie de toutes les tribus, de toutes les langues, de toutes les nations, suivirent Pierre jusqu’à Constantinople, non pas de concert, mais séparément et les uns après les autres pour mieux trouver à se loger et se nourrir. L’empereur des Grecs, Alexis, les ayant confiés à des guides avec la connaissance et l’expérience des lieux2, ils traversèrent l’Hellespont, appelé de nos

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chium Sancti Georgii dicitur, cum universis legionibus Niceam pervenerunt ad urbem quam nostri cum multis machinis et bel- 20 licis instrumentis multipliciter et viriliter cum summo labore expugnantes, cives ad deditionem coegerunt et, eam | in manu (50) imperatoris Constantinopolitani relinquentes, variis transcursis regionibus et prolixi itineris diuturno labore plurimum fatigati, mense septembri ante civitatem Antiochenam que tunc erat Sara- 25 cenorum subiecta dominio castra locaverunt. XVIII. De obsidione et captione Antiochie. Cum autem per menses fere novem in obsidione civitatis continue laborassent et variis tribulationibus oppressi videlicet fame, frigore et hyemalibus imbribus et multimodis egritudinibus et diversis mortis generibus a Turcis in civitate commorantibus sibi illatis, parum profecissent, nec ullis bellicis instrumentis contra munitissimam civitatem prevalerent, respexit Dominus afflictionem populi sui per quendam fidelem christianum in civitate sub infidelium dominio commorantem qui de nocte per scalam dominum Boamundum, principem Tarentinum, clam cum militibus suis in civitatem recepit ; illi vero portas nostris aperientes, interfecto eius duce nomine Axiano cum aliis fere undecim milibus, quibusdam autem vinculis mancipatis et compedibus alligatis, civitatem nobilem multarum provinciarum a diebus antiquis metropolim et moderatricem, dante Domino, possederunt anno gratie millesimo nonagesimo octavo, die tertia mensis iunii. |

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XIX. De pugna Christianorum contra Corbagath et eorum victoria. Sed quoniam pauca admodum in civitate victualia repererunt, diuturna famis inedia laborantes, ex magna parte cum suis equis xviii, 16 anno ... iunii] om. A B

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jours le Bras Saint-Georges ; les nôtres, leurs légions au complet, arrivèrent devant la ville de Nicée et l’attaquèrent énergiquement, à plusieurs reprises et sans ménager leurs efforts, à l’aide de toutes sortes de machines et d’instruments de guerre3 ; ils poussèrent les habitants à se rendre et, remettant la place aux mains de l’empereur de Constantinople, après avoir traversé bien des contrées, exténués par les fatigues sans fin d’une route vagabonde, au mois de septembre, ils montèrent leur camp devant la cité d’Antioche alors assujettie à l’empire des Sarrasins4.

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XVIII. Siège et prise d’Antioche. Comme ils avaient travaillé près de neuf mois sans relâche au siège de la cité, accablés de toutes les infortunes, la faim, le froid, les pluies d’hiver, les maladies les plus diverses, tous les coups de la mort administrés par les Turcs de la ville, ils n’étaient arrivés qu’à de maigres résultats ; comme ils ne réussissaient pas, en dépit de leurs machines de guerre, à emporter une cité aussi bien défendue, alors le Seigneur prit en considération l’affliction de son ­peuple en se servant d’un fidèle chrétien qui habitait la ville sous le joug des infidèles ; une nuit, secrètement, à l’aide d’une échelle il fit entrer dans la ville le seigneur Bohémond, prince de Tarente, et ses chevaliers1. Une fois les portes ouvertes à notre armée, après avoir tué le chef de la cité, nommé Axien, et onze mille autres environ, puis jeté en prison et chargé de chaînes ceux qui restaient, les nôtres, par la volonté du Seigneur, entrèrent en possession de la noble cité, métropole souveraine de nombreuses provinces depuis des temps reculés, l’an de grâce mille quatre-vingt-dixhuit, le trois du mois de juin2. XIX. Le combat des Chrétiens contre Corbagath, leur victoire. Mais pour n’avoir trouvé dans la cité que très peu de vivres, épuisée par la faim et une longue privation, une bonne partie de

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consumpti sunt. Princeps enim Persarum potentissimus cum innumerabili Turcorum exercitu quendam militie sue principem Corbagath nominatum, quem nostri vulgariter ‘Corbaram’ appellant, in auxilium miserat ; qui nostros intra civitatis ambitum ex omni parte concluserat multitudine pugnatorum, adeo premens obsessos quod absque mortis periculo nullus exire valebat. Tandem autem inedia perurgente et fame intolerabili compellente, de necessitate facientes virtutem, pauci contra multos ad prelium coacti sunt exire, lancea Domini sancta qua latus eius in cruce fuerat perforatum, que paulo ante per revelationem sub terra reperta fuerat, eos pro vexillo precedente. Nostris autem ab urbe egressis non in humana virtute nec in pugnatorum multitudine, sed tantum Domino confidentibus, ros de supernis infusus consolatione mirabili ipsorum animos exhilarans, equos debiles et macilentos et iam fere deficientes, subito robore suscepto, miraculose confortavit. Ex quo factum quod nostrorum exercitus innumeram infidelium multitudinem audacter aggrediens et brachio forti et extento viriliter pugnans, divino | protectus adiutorio, gloriose de hostibus triumphavit, aliis gladio trucidatis, aliis terga vertentibus et equorum velocium presidio fuga elapsis. Nostri vero qui suprema paulo ante laboraverant inopia ad hostium castra reversi, tantam auri et argenti, equorum et victualium invenerunt copiam, ut omnes cumulati divitiis et victualibus supra modum abundantes, cum hymnis et laudibus civitatem ingressi Domino pro tanta victoria gratias referrent. Post hec vero dominium civitatis Boamundo concedentes, ordinatis ecclesiis et clero in civitate relicto, stipendiis unde sustentari possent assignatis, in ecclesia cathedrali apostolorum principis patriarcha constituto, ad voti completionem unanimiter

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xix, 13 cfr Ioh. 19, 34   17/18 cfr Ex. 16, 13   21/22 cfr Ier. 32, 21   28 cfr. Col. 3, 16 xix, 3 anno ... iunii] add. A B   8 miserat] axiam et suorum add. A B, suorum E F   8 intra] infra B E F, ill. D   29 retulissent B D, retulerunt K    31 civitatem B

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l’armée fut détruite, et ses chevaux avec elle. Le prince très puissant des Perses avait envoyé au secours de la ville un chef de sa milice nommé Corbagath, chez nous appelé couramment Corbaram1, avec une immense armée de Turcs. Il avait encerclé les nôtres dans l’enceinte de la cité, de toutes parts, avec une multitude de combattants, siège si pressant que nul n’avait le courage de sortir de peur d’y laisser la vie. Poussés enfin par le manque de vivres, pressés d’une intolérable faim et de nécessité faisant vertu, avec leurs faibles moyens, ils se mirent en peine de faire une sortie pour affronter la multitude, précédés comme d’un étendard de la sainte lance qui avait percé le côté du Seigneur sur la croix, et retrouvée peu avant sous la terre à la suite d’une révélation. Les nôtres étant sortis de la ville et ne mettant pas leur confiance dans la force humaine ou la foule de combattants, mais dans le Seigneur seul, une rosée tomba du ciel en leur apportant un merveilleux secours pour exalter leur courage ; elle réconforta par miracle les chevaux affaiblis et amaigris qui ne pouvaient presque plus les porter, elle leur donna une vigueur soudaine. Alors déterminée, notre armée attaqua les infidèles et leur multitude en combattant avec énergie à bras fort et étendu ; elle triompha glorieusement des ennemis avec la protection et l’aide de Dieu, les uns ayant péri par l’épée, les autres ayant tourné le dos et trouvant le salut dans la fuite grâce à l’agilité de leurs chevaux. Ainsi, les nôtres, réduits peu avant aux dernières extrémités, retournèrent au camp de l’ennemi, ils y trouvèrent en abondance de l’or, de l’argent, des chevaux, des victuailles et, chargés de richesses et de vivres, ils entrèrent dans la cité au milieu des hymnes et des louanges pour rendre grâce à Dieu pour une si grande victoire. Cela fait, ils confièrent à Bohémond le gouvernement de la cité, après avoir procédé à la consécration des églises, à l’installation du clergé de la ville, leur avoir assigné des revenus pour assurer leur entretien, et institué un patriarche dans l’église cathédrale du prince des apôtres2 ; tous sans exception, aspirant d’ac-

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aspirantes, ferventi animo et intenso desiderio, versus partes Hierosolymitanas iter valde laboriosum et periculosum per angusta 35 viarum et angustias hostium agressi sunt. XX. De obsidione et captione civitatis sancte Hierusalem. Postquam vero Deo devotus exercitus nec labore victus, nec morte vincendus, per medium circunstantium regionum Hierosolymorum montana conscendens ante sanctam civitatem pervenit, tentoria figens et castra secundum militarem disciplinam collocans, ex omni parte ipsam urbem obsidione vallavit. | Erectis autem petrariis et aliis bellicis instrumentis et scalis muro applicatis, multum laborantes parum in principio profecerunt. Quibusdam enim ex nostris sagittarum imbre graviter sauciatis, aliis vero molarium immissione peremptis, machinis etiam ligneis ex magna parte igne succensis, ab his qui in civitate fortiter resistebant, maxima frequenter Dei martyres perpessi sunt detrimenta. Tandem vero fiduciam in Domino resumentes, de supernis auxilium invocantes, quadam sexta feria que specialiter dies est Crucifixi, ardore animi succensi et crucis signo muniti, prompto animo pro illo mori parati qui pro ipsis eodem die mortuus est strenui Dei pugiles scalas muris innittentes, per sagittas et spicula, per lapides de super venientes et ingentia saxa, per gladios, lanceas et ignes, supra muros ascendendo, omnes fere Saracenos quos in civitate repererunt, iusto Dei iudicio, trucidantes, tanto tempore ab impiis occupatam, divino freti auxilio, recuperaverunt civitatem Christi et Christianorum hereditatem a perfidis liberantes, anno Incarnationis Verbi millesimo nonagesimo nono. Suriani vero et alii fideles, ab intolerabili iugo servitutis liberati, ad celos manus tendentes et pre ingenti gaudio lachrymantes, Petro Eremite qui ad eorum preces pridem legationem pro liberatione civitatis susceperat, Deo et sancto viro gratias agentes, occurrerunt et tam ipsum quam universum exercitum cum cereis et crucibus,

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complir leur vœu, brûlant de ferveur et d’impatience, s’en allèrent vers le pays de Jérusalem en suivant le chemin plein de fatigues et de périls, par des routes étroites semées des embûches de l’ennemi. XX. Siège et prise de la cité sainte de Jérusalem. Mais, insensible aux attaques de la souffrance et de la mort, l’armée dévouée à Dieu, après avoir traversé les régions montagneuses qui entourent le pays de Jérusalem, parvint devant la sainte Cité, elle monta ses tentes, elle établit son camp selon les règles de l’art militaire et assiégea la ville de tous les côtés1. Après avoir dressé des pierriers et d’autres engins de guerre, et après avoir appliqué des échelles contre le rempart et s’être donné bien du mal, ils n’eurent que peu de résultat au début. En effet, bien des nôtres ayant été gravement blessés sous la pluie des flèches ou tués par les jets de grosses pierres – et encore les machines en bois ayant été en partie brûlées par les assiégés qui résistaient avec énergie – les martyrs de Dieu eurent à subir de très lourdes pertes. Enfin pourtant, remettant leur confiance dans le Seigneur et tout en invoquant le secours du ciel, le sixième jour qui est tout spécialement le jour du Crucifié2, le cœur brûlant d’ardeur, fortifiés par le signe de la croix, tous prêts à mourir pour celui qui était mort pour eux en un jour semblable, les vaillants champions de Dieu3, portant les échelles aux murailles, sous les flèches et les traits, sous une grêle de pierres et d’énormes rochers, défiant le glaive, la lance, le feu, arrivent au sommet des murs4. Par un juste arrêt de Dieu, massacrant presque tous les Sarrasins trouvés dans la ville, forts du secours du ciel, ils regagnèrent la cité du Christ si longtemps occupée par les impies, délivrant des païens l’héritage des chrétiens en l’an de l’incarnation du Verbe mille quatrevingt-dix-neuf. Les Syriens et les autres fidèles, libérés du joug intolérable de la servitude, les mains tendues vers le ciel, versant des larmes dans l’excès de leur joie, rendaient grâce à Dieu et à Pierre l’Ermite qui, le premier, à leurs prières, avait accepté la mission de travailler à libérer la cité5 ; portant des cierges et des croix ils coururent au-devant de lui et de toute l’armée pour les

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cum | hymnis et canticis spiritualibus ad dominicum sepulchrum deducentes, postquam omnipotenti Deo qui prosperum iter eorum fecerat, multiplices gratiarum actiones nostri principes cum universo populo reddiderunt et alia loca sancta devotissime cum orationibus et oblationibus visitaverunt. Instituentes patriarcham latinum et, tam clerum quam Ecclesias ordinantes, Godefridum dominum de Boillon, militem strenuum et virum Deo et hominibus acceptum, dominum civitatis unanimiter elegerunt. Qui licet civitatis administrationem ad multarum precum instantiam suscepisset, pre reverentia tamen Domini et cordis humilitate noluit rex appellari, nec coronam auream deportare ubi Dominus noster spinis coronatus fuit pro nostra redemptione et totius mundi salute.

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XXI. Qualiter, quibusdam recedentibus, alii qui remanserant Christianorum fines viriliter ampliaverunt. Post liberationem civitatis sancte multi ex nostris, voti sui assecuti finem et desiderio suo completo, ad propria cum gaudio sunt reversi. Alii vero magnanimi et magnifici viri, prudenter attendentes quod civitatem non possent retinere nisi fines suos valerent ampliare et hostes vicinos a se longius propulsare, ut hostie sue finem consummationis apponerent et secundum preceptum dominicum non solum caput, sed et caudam | in sacrificio suo offerent, preelegerunt in summo periculo potius remanere quam civitatem relinquere. Et quamvis numero paucissimi essent respectu circunstantium nationum et undique infidelium multitudine vallarentur, habentes Arabes, Moabitas et Ammonitas ab oriente, Idumeos et Egyptos et Philisteos a meridie, civitates autem maritimas Ptolemaïdem sive Accon et Tyrum et Tripolim et omnes alias usque Antiochiam ab occidente, Tyberiadem vero

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29 Col. 3, 16   40 cfr Matth. 27, 29 xxi, 9 Lev. 3, 9    xxi, 10 in] om. B

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conduire au sépulcre du Seigneur tout en chantant des hymnes et des cantiques sacrés6. Ensuite, nos princes et tout le peuple ren­ dirent de multiples actions de grâce au Dieu tout-puissant qui avait protégé leur route, puis ils allèrent avec des prières et ­offrandes faire leurs dévotions aux autres lieux saints. Après avoir institué un patriarche latin, organisé le clergé et les églises7, ils choisirent à l’unanimité pour seigneur de la cité, Godefroy, seigneur de Bouillon, chevalier valeureux et accepté par Dieu et les hommes. Par respect envers le Seigneur et par humilité, et bien qu’ayant reçu le gouvernement de la ville à la prière pressante de tous, il refusa le titre de roi et de porter une couronne d’or là où notre Seigneur avait été couronné d’épines pour notre rédemption et le salut du monde entier.

22 juillet 1099

XXI. Comment, après le départ de certains, ceux qui étaient restés agrandirent par la force le territoire des Chrétiens. La cité sainte libérée, nombreux chez nous s’en retournèrent joyeux une fois leur vœu accompli et leur désir satisfait. D’autres au contraire, hommes magnifiques, de grand courage et de bon sens, se rendaient bien compte qu’ils ne pourraient garder la cité qu’en entreprenant d’en agrandir le territoire en repoussant plus loin ses voisins hostiles. Devant un tel danger et pour accomplir jusqu’au bout leur offrande et, selon le précepte du Seigneur, offrir dans leurs sacrifices et la tête et la queue, ils choisirent de rester plutôt que d’abandonner la ville1. Leur nombre était bien faible devant les nations environnantes, la multitude des infidèles qui les assiégeaient de toute part. Il y avait les Arabes, les Moabites, les Ammonites à l’est, les Iduméens, les Égyptiens, les Philistins au sud. À l’ouest, il y avait les cités maritimes de Ptolémaïs ou Acre, Tyr et Tripoli, et bien d’autres jusqu’à Antioche, au nord il y avait, Tibériade, Césarée de Philippe, le pays de la Décapole et

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et Cesaream Philippi et regionem Decapoleos et Damascum a septentrione, maluerunt tamen animas suas pro Christo morti exponere quam, missa manu ad aratrum, retro respicere et negotium imperfectum relinquere. Et quoniam hec sancta animalia cum ambularent non revertebantur, sed posteriorum obliti in anteriora se extendebant, nil putantes actum cum aliquid superesset agendum, Dominus erat cum eis, consolando eos et confortando, et tantum timoris et formidinis aculeum infidelibus circunquaque immitendo, quod unus ex eis persequebatur mille et duo decem millia. Unde non in fortitudine sua neque in multitudine, sed in sola Dei protectione spem habentes et salutifere crucis vexillum secum semper in prelio deferentes, inimicis partim fugatis, partim trucidatis, partim carceri mancipatis, urbes munitissimas et castra inexpugnabilia Christo subiecerunt, Terram sanctam de manibus impiorum tam feliciter quam fortiter eruentes. |

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XXII. De his civitatibus quas sub duce Godefrido nostri ceperunt. In primis autem auspiciis expeditionis sue civitatem Ioppen, in littore maris sitam, obsidione vallantes et fortiter expugnantes ceperunt, ut hi qui de partibus transmarinis ad subsidium chris- 5 tiani exercitus navigarent, navibus suis collocandis sub predicta civitate portum habere valerent. Ramulam etiam que a quibusdam Ramatha dicitur in campestribus sitam, civitatem quondam nobilem, populosam et muro valido circumdatam et turribus excelsis munitam, Caypham etiam que alio nomine dicitur Por- 10 phyria, in littore maris sub prima parte Carmeli montis sitam, ab Accon quasi miliaribus quatuor distantem, et preterea Tiberiadem civitatem in Galilea supra stagnum Genesareth sitam, quod ab eadem civitate mare Tiberiadis dicitur et etiam mare Galilee plerumque nominatur, anno primo post captionem Hierusalem nos- 15 tri sub duce strenuo Godefrido subiugaverunt.

19 cfr Luc. 9, 62   21/22 cfr Ez. 1, 9   25/26 Deut. 32, 30

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Damas. Alors, et pour le Christ, au lieu de regarder en arrière une fois la main mise à la charrue et laisser l’œuvre inachevée, ils choisirent d’exposer leur vie à la mort2. Tels ces animaux saints qui marchaient sans se retourner, ils allaient de l’avant, oublieux du passé, estimant que rien n’était fait tant qu’il restait quelque chose à faire. Le Seigneur était avec eux, les encourageant et les réconfortant, brandissant l’aiguillon de la crainte et de la terreur devant l’infidèle qui les assiégeait ; et un seul en mettait mille en fuite, et deux en poursuivaient dix mille3. Ainsi, ce n’est pas dans la force ou le nombre qu’ils mettaient leur espoir, mais dans la seule protection divine, et toujours, au combat, portant devant eux la bannière de la Croix du salut, après avoir mis les ennemis en déroute, les avoir massacrés ou jetés en prison, ils soumirent au Christ les villes les mieux fortifiées, les châteaux inexpugnables, arrachant la Terre sainte aux mains des impies avec autant de bonheur que d’énergie4. XXII. Cités gagnées par les nôtres sous le duc Godefroy. Dans les tout débuts de leur entreprise, mettant le siège devant la cité de Jaffa sur le littoral, l’attaquant avec vigueur, ils s’en emparèrent. Ainsi les forces navales, venues d’outre-mer pour aider l’armée chrétienne, purent disposer d’un port sous la cité et y rassembler leurs navires. Et encore, la première année de la prise de Jérusalem, sous la conduite du vaillant duc Godefroy, les nôtres soumirent encore Ramula, sise dans la plaine, et que d’aucun appelle Ramatha, autrefois noble et populeuse cité, ceinte d’une solide muraille et de hautes tours1, et encore Caïffa ou Porphyre2, au bord de la mer, sous les premières pentes du mont Carmel, à quatre milles d’Acre environ3, et enfin la cité de Tibériade en Galilée, tout au nord, au bord du lac de Génésareth, encore appelée mer de Tibériade et le plus souvent mer de Galilée4.

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XXIII. De primo rege Hierosolymorum latino Baldwino et qualiter obtinuit oppidum Arsur. Ipso vero in fine eiusdem anni viam universe carnis ingresso, frater eius Baldwinus, miles in armis strenuus, ab annis adolescentie sue preliis exercitatus, de communi omnium | assensu elec- (57) tus est in dominum et in regem inunctus. Ipse autem vir militaris et in agendis negotiis suis providus et sollicitus cum summo studio fines suos et regni angustias cupiens dilatare, auxilio fretus Ianuensium quorum classis in portu Ioppensi circa veris initium applicaverat, oppidum maritimum Assur expugnavit, 10 quod alio nomine Antipatrida dicitur ab Herodis genitore Antipatro sic dictum, inter Ioppen et Cesaream situm in loco silvis condensis ameno et pascuis herbosis fecundissimo. XXIV. De Cesarea Maritima. Post hec vero predictis Ianuensibus opem ferentibus, Cesaream Palestinam terra et mari obsidione vallatam sibi subiugavit. Hec autem Cesarea antequam Herodes, qui pueros interfecit, in honore Cesaris eam ampliasset, Turris Stratonis nomen habebat, 5 que supra maris littora sita portum commodum non habet. Hortorum autem et pascuorum et aquarum fluentium plurimam habet ubertatem. Ipsa vero metropolis est Palestine secunde. In hac autem beatus apostolus Paulus longo tempore detentus in carcere, (58) ut pergeret Romam suam prosequutus est appellationem. | XXV. De obsidione et captione civitatis Accon. Capta Cesarea addidit dictus rex, collecto universo exercitu a minore usque ad maiorem, Acconensem obsidere civitatem, eo

xxiii, 3 Ios. 23, 14 xxiv, 4 cfr Matth. 2, 16   8/10 cfr Act. 25, 12 xxiii, 13 amenum codd. 13 fecundissimum codd.

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XXIII. Baudouin, premier roi latin de Jérusalem ; comment il s’empare de la place d’Arsûf. Mais à la fin de la même année, le duc étant entré dans la voie de toute chair, son frère Baudouin, chevalier et guerrier de grande valeur, exercé dans le maniement des armes dés sa jeunesse, fut choisi avec l’assentiment général comme seigneur et reçut l’onction royale. En homme de guerre prévoyant et soucieux de la conduite de ses affaires, particulièrement désireux d’étendre son territoire et d’élargir les bornes étroites du royaume, il emporta la place maritime d’Arsûf avec l’aide des Génois dont la flotte mouillait encore dans le port de Jaffa aux premiers jours du printemps ; cette place est encore nommée Antipatris en l’honneur d’Antipater, père d’Hérode, elle est sise entre Jaffa et Césarée dans un site agréable, riche en forêts profondes, en pâturages herbeux1.

juillet 1100

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XXIV. Césarée Maritime. Cela fait, Baudouin, toujours avec le concours des Génois, alla soumettre Césarée de Palestine après l’avoir investie par la terre et par la mer. Autrefois la ville portait le nom de Tour de Straton avant qu’Hérode, celui qui fit tuer les enfants, ne la fasse agrandir en l’honneur de César. Elle est au bord de la mer, mais ne dispose pas d’un port commode. On y trouve jardins, pâturages et eaux vives en grande abondance. C’est la métropole de la Palestine seconde1. L’apôtre saint Paul y fut longtemps prisonnier avant d’être conduit à Rome où il avait interjeté appel.

17 mai 1101

XXV. Siège et prise de la cité d’Acre. Césarée prise, le roi, après avoir rassemblé toute l’armée du plus jeune au plus âgé, mit le siège devant la ville d’Acre, la plus

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quod peregrinis suscipiendis esset aptissima, et portum habens idoneum tutam navibus preberet stationem. Ianuensibus autem cum septuaginta galeis eam ex parte maris obsidentibus, nostris vero ex parte terre ipsam continue et instanter impugnantibus, post viginti dies cum iam impetum nostrorum et crebras congressiones cives ultra sustinere non possent, interpositis conditionibus quod eis cum rebus suis exire liceret, regi resignaverunt civitatem. Est autem predicta civitas binominis : vocatur enim Ptolemaïda et Accon, eo quod duo fratres, unus dictus Ptolemeus, alius Accon, ipsam fundasse et a nominibus suis nomina civitati dicantur imposuisse. Est autem inter mare et montes, Belo flumine preterfluente, satis commode fundata hortis et vineis et casalibus circumstantibus et arrabili terra sufficienter abundans, in provincia Phenice sub Tyro metropoli constituta. |

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XXVI. De obsidione et captione civitatis Berythi. Postea vero terra et mari Berythensi civitate obsidione cincta, adiuncto sibi viro nobili Bertrammo comite Tripolitano, post menses duos obsidionis, turribus ligneis menibus applicatis et scalis muro coniunctis, nostri violenter urbem ingressi multos ex 5 civibus occiderunt, aliis vinculis mancipatis et captivitate detentis. Est autem Berythum civitas maritima inter Sidonem et Biblium, in Phenicis regione sub Tyro metropoli sita, arboribus fructiferis et silvis et vineis fertilis et amena ; in qua quondam, de latere crucifixi lignei, in contumeliam Christi lancea et clavis a 10 iudeis perforati, sanguis copiosus effluxit. Quo viso miraculo, omnes qui in civitate erant iudei baptismi gratiam susceperunt.

xxvi, 10 cfr Ioh. 19, 34 xxv, 11 binomia codd. bo

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apte pour accueillir les pèlerins et dont le port était propre à offrir aux navires un séjour protégé. Les Génois l’assiégeant par la mer avec soixante-dix galères, et les nôtres l’attaquant sans relâche et de façon pressante par la terre, les citoyens, ne pouvant supporter plus longtemps assauts et attaques répétées, au bout de vingt jours ils remirent la cité au roi après avoir obtenu l’assurance de pouvoir en sortir avec leurs biens. Le propre de cette ville est d’avoir un nom double, on la nomme Ptolémaïs et Accon, car deux frères, dit-on, Ptolémée et Accon, l’avaient fondée et lui avaient donnée leurs noms. Elle est entre la mer et les monts, son territoire est baigné par le fleuve Bélus. Elle est assez bien installée au milieu de jardins, entourée de vignes et de villages, suffisamment riche en bonne terre à blé. Elle est placée sous l’autorité de la métropole de Tyr dans la province de Phénicie1.

26 mai 1104

XXVI. Siège et prise de la cité de Beyrouth. Par la suite – après avoir mis le siège devant la cité de Beyrouth, l’encerclant par terre et par mer avec le concours du noble homme Bertrand, comte de Tripoli – les nôtres, au bout de deux mois, après avoir élevé des tours de bois contre les murs et dressé des échelles, entrèrent en force dans la ville où nombre d’habitants furent tués, les autres enchaînés et réduits en captivité. Beyrouth est une cité maritime entre Sidon et Byblos dans la région de Phénicie, elle dépend de la métropole de Tyr ; son site est agréable pour ses arbres fruitiers, ses forêts, ses riches vignobles. Là dans le passé, pour faire injure au Christ, les juifs avaient percé un crucifix de bois avec une lance et des clous ; du sang était sorti du côté de ce crucifix. Devant ce miracle tous les juifs de la ville avaient reçu la grâce du baptême1 .

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XXVII. De obsidione et captione civitatis Sidonis. Eodem autem anno quo capta est urbs Berytus, dominus rex non otio torpens nec Christi gratiam in vacuum recipiens, civitatem Sidonem suo subegit dominio in manu forti et brachio extento, cives resistere non valentes urbem sibi reddere compellens. Est autem Sidon in provincia Phenice, inter Tyrum eiusdem metropolim et Berythum, supra maris litus sita, arboribus fructiferis et vineis, | silvis et agris pascualibus et frugiferis multam civibus prestans commoditatem. Cuius fines Dominus Iesus presentia sua dignatus est visitare, sicut in Evangelio legitur : Egressus Iesus secessit in partes Tyri et Sidonis ; et in secundo Regum, Salomon ad Hyram sic ait : “ Scis enim quod non est in populo meo, qui noverit ligna cedere sicut Sidonii. ”

5 (60) 10

XXVIII. De edificatione Montis Regalis. Cum autem rex fines regni sui ex parte occidentali predicto modo dilatasset, cupiens ad orientem trans Iordanem regnum Christianorum ampliare in tertia Arabia que Syria Sobal nuncupatur, in colle sublimi castrum fundavit munitissimum cui nomen imposuit Mons Regalis, eo quod a rege fuisset fundatum. Habet autem fecunditatem frumenti, vini et olei, aeris salubritate et amenitate precipua maxime commendabile, universam regionem adiacentem usque ad fines Moabitarum et aquas contradictionis proprie subiiciens ditioni.

5 10

xxvii, 3 II Cor. 6, 1   4 Ier. 32, 21   10/11 Matth. 15, 21   12/13 III Reg. 5, 6 xxviii, 4 cfr Iudith 3, 1   9 cfr Num. 20, 1-13 xxviii, 8 commendabilem B K

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XXVII. Siège et prise de la cité de Sidon. L’année où la ville de Beyrouth fut prise, le seigneur roi, ne restant pas oisif ni ne recevant en vain la grâce du Christ, à main forte et bras étendu, soumit encore à son pouvoir la cité de Sidon ; les habitants, incapables de résistance, furent contraints de la lui remettre. Sidon est dans la province de Phénicie entre Tyr, sa métropole, et Beyrouth ; elle est au bord de la mer, offrant aux habitants les plus grands avantages pour ses arbres fruitiers, ses vignobles, ses forêts, ses pâtures et ses cultures. Le Seigneur Jésus daigna honorer ces lieux de sa présence, comme on le lit dans l’Évangile : « S’en allant, Jésus se retira dans les pays de Tyr et Sidon. » Dans le second livre des Rois, Salomon dit à Hiram : « Tu sais en effet que personne parmi mon peuple n’a appris à couper le bois comme les gens de Sidon. »

décembre 1110

XXVIII Construction de Montréal. De cette façon, le roi, qui avait étendu vers l’ouest les limites de son royaume, voulant agrandir le royaume des chrétiens vers l’est, de l’autre côté du Jourdain en Arabie troisième, appelée Syrie Sobal1, fit construire un château très bien protégé, au sommet d’une colline, auquel il donna le nom de Montréal parce que de fondation royale. La place n’y manque ni de blé, ni de vin, ni d’huile, elle est très remarquable, surtout, par l’agrément et la salubrité de l’air. Elle domine toute la région environnante jusqu’au pays des Moabites et l’Oasis de la contestation2.

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XXIX. De munitione dicta Scandalium et morte regis Baldwini et eius successore Baldwino secundo. Eodem autem anno predictus rex Baldwinus cuius memoria in benedictione erit usque in perpetuum, postquam inter Ptolemaidem et Tyrum quoddam fundavit | presidium quod vul- (61) gariter appellatur ‘Scandalion’, fontibus irriguum et a Tyro quinque miliaribus remotum, viam universe carnis ingressus, sub Calvaria, in loco qui Golgotha dicitur, honorifice prout regie competit magnificentie est sepultus. Cui successit vir nobilis et strenuus, in officio militari exercitatus, religiosus et timens Deum, 10 Baldovinus de Burgo de regno Francie, predicti regis consanguineus. XXX. De quatuor principatibus quos nostri sibi subiecerunt. Longum et super ingenii mei parvitatem esset singulariter enumerare quam potenter et magnifice, quam eleganter et strenue, predictus vir et alii Christi milites, tanquam alteri Maccabei, in 5 regno ampliando et finibus Christianorum dilatandis, in hostibus impugnandis et in civitatibus et aliis munitionibus expugnandis, manus suas Domino consecrantes se gesserunt ! Quorum prelia et triumphos usque in finem seculi enarrabit omnis Ecclesia sanctorum. Et ut generaliter et breviter de multis pauca tangamus, qua- 10 tuor principatus egregios a perfida gente paganorum longo tempore detentos, opitulante Domino, Christi Ecclesie subiecerunt. Quorum primus est Edessanus comitatus in regione Medorum ; a silva quadam que dicitur Marith habens initium, protenditur autem trans fluvium Eufratem | versus partes orientales, (62) multas in se continens civitates et plurima castra et munitiones.

xxix, 8 cfr Ioh. 19, 17 xxix, 10 militari] excellentius add. B, excellenter add. E F bo xxx, 3 supra B K bo

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XXIX. La place forte dite de Scandalion ; mort du roi Baudouin, son successeur, Baudouin II. Le roi Baudouin, dont la mémoire sera à jamais bénie, entra dans la voie de toute chair l’année même où il fonda entre Ptolémaïs et Tyr une forteresse, couramment appelée Scandalion, dans un site riche en sources, à cinq milles de Tyr1. Il fut enterré sous le Calvaire, au lieu dit du Golgotha, avec tous les honneurs comme il convient à la magnificence royale. Son successeur fut Baudouin du Bourg du royaume de France, cousin du roi, noble homme, valeureux, exercé au métier des armes, à l’esprit pénétré de religion et de crainte de Dieu. XXX Les quatre principautés soumises au pouvoir des nôtres. Il serait trop long et bien au-dessus de mes faibles capacités de raconter par le menu, la force, la noblesse, la distinction et la vaillance de cet homme et des autres chevaliers du Christ qui se dépensèrent tels les nouveaux Maccabées, vouant leurs bras au Seigneur pour agrandir le royaume, étendre le territoire des Chrétiens, combattre les ennemis, leur arracher cités et autres places fortes1. L’Église des saints tout entière racontera jusqu’à la fin des siècles leurs combats et leurs triomphes.De façon plus générale, et pour être bref, voilà en résumé ce que nous pouvons dire. Aidés par la puissance du Seigneur, ils soumirent à l’Église du Christ quatre beaux territoires longtemps tenus par la gent perfide des païens. Le premier est le comté d’Édesse, dans le pays des Mèdes, qui commence à la forêt de Marith et se prolonge au-delà de l’Euphrate vers l’est ; il compte nombre de cités et grande quantité de châteaux et forteresses2.

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XXXI. De civitate Edessa. Est autem Edessa civitas nobilis, Medorum metropolis, cuius priscum nomen sicut in Tobia legitur fuit Rages, nunc autem vulgariter ‘Poase’ nuncupatur. Ad hanc Tobias a civitate Ninive que hodie ‘Mussula’ dicitur, vulgariter autem ‘Mosse’, filium suum misit ad Gabelum. Hanc beatus Thadeus apostolus ad Christi fidem verbo divine predicationis et virtute miraculorum convertit, in qua beati Thadei apostoli corpus sanctum dicitur esse sepultum. In hac autem civitate, ut veteres tradunt historie, sicut etiam in Ecclesiastica reperitur historia, rex Abgarus Christi tempore regnavit. Qui audiens et admirans mira Christi opera et inaudita miracula que Dominus Iesus in Iudea faciebat, epistolam suam misit ei. Cui Dominus noster scribere et litteris eius dignatus est respondere. Hanc siquidem antiquam et egregiam urbem dominus Baldovinus, frater ducis Godefridi, antequam ad regnum Hierosolymitanum vocaretur, possedit. Et tam ipse quam eius post eum successores totum comitatum Edessanum, expulsis Saracenis, sue ditioni subiecerunt. Est autem provincia illa silvis et pascuis et fluviis opulentissima. | Specialiter autem regio illa dicitur Mesopotamia, eo quod inter duo flumina sit medio loco constituta : ‘mesos’ enim grece, medium latine, ‘potamos’ autem fluvius a Grecis appellatur. In hac autem est Carram civitas in qua Abraham egressus a Chaldea, antequam in terram Promissionis veniret, habitavit. Habebat autem predictus comitatus tres archiepiscopos : Edessanum videlicet, Geropolitanum et Coriciensem sub Antiocheno patriarcha constitutos.

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XXXII. De principatu Antiocheno et de civitate Antiochie. Secundus autem principatus est Antiochenus cuius metropolis est Antiochia. Habet autem initium versus occidentem a

xxxi, 5/6 cfr Tob. 4, 21 xxxii, 3/4 cfr Act. 22, 3   

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XXXI La cité d’Édesse. La noble cité d’Édesse est la métropole des Mèdes, comme nous le lisons dans Tobie, Rages fut son premier nom, communément elle est appelée de nos jours Pöase1. C’est là que Tobie, alors à Ninive, la Mossoul d’aujourd’hui couramment appelée Mosse, envoya son fils auprès de Gabel. Par la prédication de la parole de Dieu et l’efficacité de ses miracles, Thadée, le bienheureux apôtre, a converti la ville à la foi du Christ. C’est là, à ce qu’on dit, que la sainte dépouille du bienheureux Thadée est ensevelie2. Dans cette ville, au temps du Christ, régnait le roi Abgar, comme les his­toires anciennes le racontent et comme l’Histoire ecclésiastique le rapporte3. Abgar, ayant entendu parler des actions extraordinaires du Christ et des miracles inouïs que le Seigneur Jésus accomplissait en Judée, s’en émerveillant, lui envoya sa lettre ; et notre Seigneur daigna lui répondre par écrit. C’est cette ville si ancienne et si belle que le seigneur Baudouin, le frère du duc Godefroy, eut en sa possession avant d’être appelé au royaume de Jérusalem. Lui, et ses successeurs après lui, soumirent le comté d’Édesse à leur domination après en avoir chassé les Sarrasins. C’est une province très riche en forêts, pâturages et cours d’eau. On appelle ce pays la Mésopotamie pour se trouver entre deux fleuves, car en grec mesos se dit medium en latin, et les Grecs appellent le fleuve potamos. Dans cette région il y a la cité de Carrhes où Abraham a vécu quand il fut sorti de la Chaldée avant d’entrer sur la Terre promise. Le comté avait trois arche­ vêques relevant du patriarche d’Antioche : Édesse, Hiéropolis et Corice. XXXII. Principauté d’Antioche et la cité du même nom. La seconde principauté est celle d’Antioche, et cette ville en est la métropole. À l’ouest, elle commence à Tarse de Cilicie, cité

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Tharso, civitate Cilicie, de qua beatus Paulus apostolus extitit oriundus, finem vero a parte orientali in rivo qui est inter Valeniam sub castro Margath et Maracleam, urbes maritimas. Huius autem civitatis antiquum nomen fuit Reblata, sicut in quarto Regum libro legitur quod rex Hierusalem Sedechias ductus fuit ad regem Babylonis Nabuchodonosor in Rablatha et, filiis suis coram eo interfectis, exoculatus est a predicto rege Babylonis. Inde vero ab Antiocho rege qui eam mirifice ampliavit et omnium provinciarum quas tractus orientalis continet principem et moderatricem instituit, Antiochie nomen accepit. Postquam vero beati Petri apostolorum | principis, qui in ea primo cathedralem dignitatem suscepit, ad Dominum conversa est predicatione et miraculis, a viro nobili et in urbe potentissimo Theophilo, qui postea eiusdem civitatis septimus ordinatus est antistes, appellata est Theophilis, ut que prius a prophano rege nomen habuit a viro sancto et religioso novum nomen sortiretur. Est autem hic Theophilus ad quem beatus evangelista Lucas, qui de eadem civitate originem traxit, Actus scribit apostolorum. In hac autem nomen sanctum quod os Domini nominavit primo impositum est christicolis, ut qui prius Galilei et discipuli vocabantur, a Christo Christiani de cetero dicerentur. Obtinet autem in Ecclesia Dei tertium dignitatis gradum post Sedem apostolicam. Habet autem sub se viginti provincias eiusdem civitatis patriarcha quarum quatuordecim metropolitanos habent cum sibi suffraganeis episcopis. Sex vero relique sub duobus primatibus quos ‘catholicos’ vocant continentur, quorum alter Hirimpolitanus est, id est Baldacensis, que quondam dicta est Babylonia, alter Annensis qui Persidis primas appellatur. Est autem sita in provincia que Cele Syria nominatur inter montes et flumina, situm habens commodissimum, agros fertiles et glebe maximam ubertatem et tam fluminum quam fontium amenitatem singularem et ex vicino lacu copiosam piscium abundantiam.

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9/10 cfr IV Reg. 25, 6-7   13/14 cfr Gal. 2, 11   23/24 Act. 11, 26 xxxii, 7 quatuor B   25 continet B E F, ill. K   29 catholicon B D F K   

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dont était originaire l’apôtre saint Paul, à l’est, elle se termine à la rivière qui coule entre deux villes maritimes : Valénie, sous le château de Margath, et Maraclée. Son ancien nom était Reblata ; et comme on le lit dans le quatrième livre des Rois, Sédécias, roi de Jérusalem, fut conduit à Rablatha devant Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui lui fit arracher les yeux après avoir fait exécuter ses fils en sa présence. Plus tard, prodigieusement agrandie par le roi Antiochus, elle reçut le nom d’Antioche et s’établit comme la capitale et souveraine de toutes les provinces du vaste Orient1. Mais la ville, une fois convertie au Seigneur à la suite de la prédication et des miracles du bienheureux Pierre, prince des apôtres, qui prit là tout d’abord la charge attachée à la dignité cathédrale, s’appela ensuite Théophilis du nom de Théophile, noble homme très influent dans la cité et, plus tard, son septième évêque ; cela pour que la ville qui avait porté d’abord le nom d’un roi impie en reçut un nouveau, celui d’un homme saint et religieux. C’est ce Théophile à qui l’évangéliste Luc, originaire de la même ville, adressa les Actes des Apôtres2. C’est à Antioche désormais, à cause du Christ, que furent appelés chrétiens ceux que la bouche du Seigneur désigna et investit d’abord du nom saint de serviteurs du Christ, alors qu’ils étaient nommés Galiléens et disciples3. La ville occupe le troisième rang en dignité dans l’Église de Dieu après le Siège apostolique4. Le patriarche de la cité a autorité sur vingt provinces dont quatorze ont un métropolitain et leurs évêques suffragants5. Les six dernières sont placées sous l’autorité de deux primats ou catholicoï, le premier est à Hirinopolis ou Bagdad, la Babylone d’antan6, l’autre à Ani, on l’appelle le primat de Perse7. La ville est dans la province de Cœlé-Syrie, dans un endroit très agréable entre montagnes et fleuves, ses champs sont fertiles, son sol très riche, ses cours d’eau et ses sources ont un charme singulier, le lac voisin donne du poisson en copieuse abondance8.

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Distat autem a mari decem vel duodecim miliaribus, habens portum in faucibus orientis fluminis, | qui Portus Sancti Simeonis (65) appellatur. Habet autem a septentrionali parte montem quendam qui vulgariter ‘montana Nigra’ dicitur, in quo sunt multi eremite ex omni gente et natione et plura monasteria, tam grecorum 40 quam latinorum monachorum. Et quoniam fontibus et rivis totus est irriguus, mons Neros, id est aquosus nuncupatur, ‘neros’ enim grece aqua latine. Simplices autem et laici, ‘nero’, ‘noire’, id est nigra, exponunt in vulgari sermone. XXXIII. De principatu seu comitatu Tripolitano et de civitate Tripoli. Tertius principatus ex quatuor predictis est comitatus Tripolitanus, initium habens a predicto rivo qui est sub castro Margath, finem vero ad rivum qui fluit inter Biblium et Berythum urbes maritimas. Est autem Tripolis civitas nobilis et opulenta supra maris littus in provincia Syrie Phenicis, idoneam habens positionem et situm commodissimum, fontibus et rivis irrigua, agris frugiferis et fructiferis arboribus et pascuis virentibus uberrima, et montis Libani vicinitate et eidem monti collibus adiacentibus multas habens commoditates. Ad pedes autem Libani montis in partibus illis oritur fons amenissimus aquas habens limpidissimas, que per quosdam subterraneos meatus fluunt impetu de Libano, omnes hortos regionis | copiose irrigantes. Hunc dicunt esse fontem hortorum, de quo in Canticis facit Salomon mentionem. In medio etiam mari, iuxta civitatem, fontes aque dulcissime inter maris undas salsas et amarissimas abundanter ebulliunt. In partibus etiam illis sunt vinee que bis in anno vindemiantur. Hanc autem urbem egregiam Raimundus comes Tolosanus, vir per omnia commendabilis, miles strenuus et Deo devotus, post

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xxxiii, 13 Cant. 4, 15 37 orontis A B C D bo, om. G xxxiii, 10 et] ex B D E F K   13 subtilissimos B   14 copiosissime B D E K bo

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Elle est à dix ou douze milles de la mer et dispose d’un port à l’embouchure du fleuve d’Orient, appelé Port Saint-Siméon9. Une montagne la borde, au Nord, le Noirmont en langage courant, lieu de séjour de toutes sortes d’ermites, où il y a des couvents de moines grecs et latins. Les sources et ruisseaux qui l’arrosent l’ont fait surnommer : neros, humide, car le mot grec neros est l’équivalent du mot latin aqua. Ainsi les gens simples, les laïcs, ont traduit nero par « noir » en langage courant, nigra en latin10. XXXIII. Principauté ou comté de Tripoli et la cité du même nom. La troisième principauté, des quatre précédemment citées, est le comté de Tripoli qui commence à la rivière sous le château de Margath et finit à la rivière qui court entre Byblos et Beyrouth, villes maritimes. Tripoli est une noble cité, opulente, sur le littoral, dans la province de Phénicie de Syrie, disposant d’un site agréable et plein d’avantages, dont le territoire est arrosé par ­sources et ruisseaux et dispose à profusion de terres cultivables, d’arbres fruitiers, de pâturages verdoyants, et recevant tous les bienfaits du voisinage du mont Liban et des collines qui le touchent1. Au pied du mont Liban, de ce côté, prend naissance une très belle source dont les eaux d’une grande pureté jaillissent du Liban par des passages souterrains, elles sont si abondantes qu’elles arrosent tous les jardins de la région. C’est, dit-on, la Fontaine des jardins à laquelle Salomon fait allusion dans les Cantiques. Au large, non loin de la ville, des sources jaillissent du milieu des flots salés et amers, leurs eaux sont abondantes et d’une très grande douceur. Dans ce pays, les vignes donnent deux vendanges par an. Après la prise de Jérusalem, Raymond comte de Toulouse, homme recommandable en toutes choses, chevalier vaillant dévoué

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captionem Hierusalem longa obsidione vallavit, iuxta quam quod­ dam castrum, ut commodius expugnaret civitatem, construxit quod Castrum Peregrinum seu peregrinorum usque hodie nominatur, eo quod a peregrinis sit constructum. Post eius vero mortem filius eius Bertramnus obsidionem continuans, post septem 25 annos obsidionis predictam urbem, civibus tradentibus, possedit, et a rege Hierosolymitano qui in captione civitatis presens fuerat homo ligius eius effectus civitatem recepit. XXXIV. De principatu seu regno Hierosolymitano. Quartus principatus est regnum Hierosolymitanum, habens principium a predicto rivo qui inter Biblium et Berithum fluit, finem vero in solitudine que, ultra castrum quod dicitur Clarum, respicit Egyptum. Regnum autem Hierosolymorum cum summo 5 labore et multa sanguinis effusione Christo | acquisierunt et recu- (67) paverunt in integrum, manum suam mittentes ad fortia, viri triumphatores et amici Dei, a Dan usque Bersabee Christi fidei eliminantes inimicos et a Terra sancta propulsantes. XXXV. De civitate dicta Dan. Est autem Dan terminus terre Promissionis a parte septentrionis, civitas antiquissima ad pedem montis Libani sita, qui mons inter ipsam et Damascum medius interiacet, cuius nomen antiquum fuit Lesem. Postquam vero capta est a filiis Dan, eam Lesem 5 Dan vocaverunt, frequentius tamen Dan simpliciter nominatur. Postea vero Philippus tetrarcha, senioris Herodis filius, eam ampliavit et in honore Tiberii Cesaris Cesaream Philippi ipsam appellavit. Dicitur preterea Paneas, vulgari vero idiomate ‘Beli-

xxxiv, 7 Prov. 31, 19   8 II Reg. 17, 11 xxxv, 5 cfr Ios. 19, 47    xxxiv, 4 clarum] darum A B C D G bo, om. H, que solitudo add. codd.

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à Dieu, investit cette belle ville ; il en fit le siège un bon bout de temps et, afin de mieux l’attaquer, fit construire à proximité un château, Château-Pèlerin ou des pèlerins, qui est désigné ainsi ­jusqu’à nos jours pour avoir été élevé par des pèlerins. Après sa mort et poursuivant le siège, son fils Bertrand entra en possession de cette ville au bout de sept ans, ses habitants s’étant rendus ; il la reçut du roi de Jérusalem, alors présent à la prise de la ville, et il devint son homme lige.

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XXXIV. Principauté ou royaume de Jérusalem. La quatrième principauté est le royaume de Jérusalem qui commence à la rivière signalée déjà, qui court entre Byblos et Beyrouth et qui finit au désert après le château nommé Clarum qui regarde vers l’Égypte1. Triomphateurs et amis de Dieu, ces hommes ont conquis pour le Christ le royaume de Jérusalem à force de labeur et de verser leur sang ; sans cesse remettant leur bras au travail, mettant la main à la quenouille, ils l’ont acquis et récupéré tout entier, évinçant les ennemis de la foi du Christ depuis Dan jusqu’à Bersabée, les chassant de la Terre sainte2. XXXV. La cité dite de Dan. Dan est la borne de la Terre promise au nord ; c’est une cité très ancienne au pied du mont Liban qui se dresse au milieu entre elle et Damas. Son ancien nom était Lesem. Mais lorsqu’elle fut prise par les enfants de la tribu de Dan, ils la nommèrent Lesem Dan ; cependant par souci de simplicité souvent on l’appelle Dan. Par la suite, Philippe le tétrarque, fils aîné d’Hérode, l’agrandit et l’appela Césarée de Philippe en l’honneur de Tibère César1. On la désigne aussi sous le nom de Panéas et Bélinas en langage cou-

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mas’ nuncupatur. Silva autem que adiacet civitati similiter Paneas 10 appellatur. Olim tamen, tam ipsa quam omnis alia silva que monti Libani adiacet, Saltus Libani dicebatur. XXXVI. De civitate Bersabee. Bersabee autem terminus est Terre sancte a parte australi. Est autem civitas Bersabee in illa parte Iudee que cessit in partem tribus Symeon ad radicem montium in initio campestrium inter montes et Ascalonam sita, decem miliaribus distans ab Ascalona. 5 | Interpretatur autem puteus federis sive fedus putei, eo quod (68) Abraham in signum federis quod habuit cum rege Abimelech in eodem loco puteum fodit. Dicitur preterea puteus septimus et vulgariter hodie ‘Gibelin’ appellatur. XXXVII. De terminis et spatio terre acquisite et de civitatibus maritimis. Opus admodum difficile et quod vires meas excedat est prosequi et enumerare quantum armis profecerint et Christianorum fines ampliaverint, Domino opitulante, gloriosi Christi milites 5 quorum memoria est in benedictione ! Omnes enim civitates et munitiones a civitate Belbeis, que alio nomine dicitur Pelusium et est in solitudine in confinio Egypti, usque ad Edessam et Carram et fines comitatus Edessani trans fluvium Eufratem in regione Mesopotamie Christianorum ditioni subiecerunt Christi milites 10 et veri nominis Christiani, induti virtute ex alto, longo tempore et sub diversis regibus contra Saracenos pugnantes. Multis autem ex ipsis felici martyrio coronatis regnum Hierosolymitanum et Christianorum fines, proprii sanguinis effusione, in immensum ampliaverunt. Cum autem ex parte terre, civitates non paucas, 15 oppida et munitiones multas, suo subiugaverint dominio, nullas 11 cfr III Reg. 7, 2 xxxvi, 4 cfr Ios. 19, 1-2   6/8 cfr Gen. 21, 32-34 xxxvii, 3 excedit mo

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rant. La forêt qui la jouxte porte aussi le nom de Panéade. Jadis cette forêt et celle qui voisine le mont Liban portaient le nom de Forêt du Liban. XXXVI. La cité de Bersabée. Bersabée est à la limite de la Terre sainte en venant du sud. La cité est dans cette partie de la Judée qui échut en partage à la tribu de Siméon ; elle est au pied des monts à l’entrée de la plaine entre les montagnes et Ascalon, à dix milles de distance de cette ville. Son nom signifie « puits du traité » ou « traité du puits », pour la raison qu’Abraham fit creuser un puits à cet endroit en témoignage de l’alliance conclue avec le roi Abimelech. On dit encore le Septième-Puits de nos jours, et de façon commune Gibelin1. XXXVII. Limites et étendue de la terre conquise ; cités maritimes. C’est un ouvrage bien difficile et au-dessus de mes forces que d’exposer et passer en revue la manière dont les glorieux chevaliers du Christ, dont la mémoire restera bénie, obtinrent tant de résultats à la guerre et comment, avec l’aide du Seigneur, ils étendirent le territoire des Chrétiens ! En effet les chevaliers du Christ, justifiant leur nom de Chrétiens, revêtus de la puissance du Ciel, combattant les Sarrasins, longtemps et sous plusieurs rois, soumirent à la domination des chrétiens toutes les cités et places fortes de la cité de Belbeïs, encore dite Péluse, et située dans une région désertique à la frontière de l’Égypte, jusqu’à Édesse et Carrhes et les confins du comté d’Édesse en Mésopotamie au-delà de l’Euphrate. Après que nombre d’entre eux eurent reçu la couronne d’un saint martyre par leur sang versé, ils étendirent largement le royaume de Jérusalem et le territoire des Chrétiens. Comme à l’intérieur des terres ils avaient soumis à leur domination quantité de cités, de forteresses et nombre de places fortes, côté mer ils ne laissèrent ni

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ex parte maris reliquerunt civitates seu munitiones maritimas, a civitate dicta Pharamia que est | sita in confinio Egypti et regni (69) Hierosolymorum usque ad Laodiciam Syrie quas Christianorum ditioni non subiecissent. 20 XXXVIII. De civitate Pharamia. Est autem Pharamia urbs antiquissima in littore maris non longe ab ostio Nili, in introitu Egypti sita, quam primus rex Hierosolymorum latinus Baldovinus violenter effractam potenter occupavit, manubias multas et predam copiosam sibi et suis com- 5 militonibus diripiens. XXXIX. De civitate Laris et Pelusio. Post Pharamiam sequitur alia civitas antiqua, prope mare in solitudine sita, que Laris nominatur ; deinde civitas Belbeis, que in prophetis appellatur Pelusium, quinque stadiis distans a littore maris. Has predictas civitates ultra fines regni Hierosolymitani, 5 ex parte Egypti scilicet ultra ultimam eiusdem regni munitionem que dicitur Darum nostri suo subiecerunt imperio. XL. De munitionibus Darum, Gaza et Ascalona. Est autem Darum presidium quoddam seu oppidum in confinio Idumee et Palestine situm, quinque stadiis distans a mari. Hanc autem munitionem, rex Hierosolymorum | Almaricus in (70) aliquantum eminenti loco fundavit, forma rotunda, quatuor turres 5 angulares habentem, ubi quondam fuerat monasterium Grecorum unde adhuc priscum nomen retinet, id est Darum quod interpretatur domus Grecorum. Post hanc sequitur Gaza, civitas antiquissima, a predicta munitione quatuor stadiis distans ; una quondam

xxxix, 4 cfr Ez. 30, 15 xl, 10 cfr Iud. 1, 18 xl, 26 suffientissime B D E F K

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cités ni places maritimes qu’ils ne soumirent à leur tutelle, depuis Pharamie, sise aux confins de l’Égypte et du royaume de Jérusalem, jusqu’à Laodicée de Syrie. XXXVIII. La cité de Pharamie. La ville de Pharamie, d’une très grande antiquité, est placée sur la côte à l’embouchure du Nil, à l’entrée de l’Égypte. Baudouin, premier roi latin de Jérusalem, la força, l’occupa entièrement et en tira, pour lui et ses compagnons, bien des profits et un riche butin.

mars 1118

XXXIX. Les cités de Laris et de Péluse. Outre Pharamie, il y a encore dans une région désertique près de la mer une autre ancienne cité du nom de Laris. Vient ensuite la ville de Belbeïs à cinq stades de la côte, la Péluse des Prophètes. Les nôtres soumirent à leur empire les cités en question qui étaient d’Égypte et hors des limites du royaume de Jérusalem, au-delà de la dernière place forte du royaume qui porte le nom de Darûm1. XL Les places fortes de Darûm, Gaza et Ascalon. Darûm est un château fort, une forteresse aux confins de l’Idumée et de la Palestine, à cinq stades de la mer. Amaury, roi de Jérusalem, fonda en un lieu légèrement élevé cette place forte, au plan circulaire, et flanquée de quatre tours avec des angles, sur le site d’un ancien monastère grec d’où elle tire son nom de Darûm qui veut dire « maison des Grecs ». Vient ensuite la très ancienne cité de Gaza, à quatre stades de la place précédente1. C’était autre-

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ex quinque civitatibus Philistinorum, quam dirutam et habitatoribus vacuam, quartus Hierosolymorum rex Baldwinus reedificavit in parte collis aliquantum eminentis, supra quem predicta civitas situm habuerat et presidium fundavit et, partibus suis competenter absolutum et consummatum, fratribus militie Templi qui ipsum custodirent et ab inimicis nostris defenderent perpetuo possidendum donavit. Distat autem decem miliaribus ab Ascalona que similiter una fuit ex quinque urbibus Philistim in littore maris sita, formam habens quasi arcus sive semi circuli, cuius corda iacet secus ripam marinam, circumferentia vero super terram respiciens ad orientem. Hanc autem civitatem predictus rex ex omnibus regni Hierosolymitani civitatibus ultimam adhuc a Saracenis detentam, cum multo labore et magna difficultate, longo tempore obsessam, vix tandem potuit subiugare. Erat enim muris et antemuralibus, turribus plurimis et aggere valido, armis et victualibus et pugnatorum multitudine sufficientibus munita. Tandem vero salvis personis et rebus Ascalonitas ad deditionem coegit. |

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XLI. De Azoto, Geth et Hybelin et Gibelino et Alba Specula et Acharon. Inter Ascalonem autem et Ioppen est Azotum decem miliaribus ab Ascalona, quondam una ex quinque civitatibus Philisteorum distans non longe a mari. Nunc vero ad modici casalis redacta est 5 parvitatem. Quarta autem civitas Philistim nomine Geth non longe a Lidda et Ramula in colle aliquantulum edito fuit sita. Ex lapidibus autem eius que dudum vastata fuerat, tertius rex Hierosolymorum Fulco in eodem colle presidium cui nomen ‘Ibelim’ edificavit, tradens illud cuidam viro nobili Belliano cuius 10 omnes successores ab eodem loco usque hodie nominati sunt de Ibelin. Hoc autem oppidum cum quibusdam aliis scilicet : Bersabee sive Gibelin et Alba Specula, que vulgariter dicitur ‘Blanche Garde’, et octo miliaribus distat ab Ascalona, contra superbiam Ascalonitarum ad eorum insolentias et violentias irrup- 15 xli, 13 abba mo

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fois une des cinq cités des Philistins, détruite en totalité et déserte, que le quatrième roi de Jérusalem, Baudouin, fit reconstruire sur une hauteur à l’emplacement de l’ancienne ville ; il fit élever un château, qu’une fois achevé et terminé, il donna en possession perpétuelle aux frères de la milice du Temple pour qu’ils le ­gardent et le défendent de nos ennemis. Gaza est distante d’Ascalon de dix milles ; cette ville fut aussi l’une des cinq des Philistins, elle est sur la côte, formant presque un arc demi-cercle dont la corde suit le rivage, mais dont la circonférence est tournée à l’est du côté de la terre2. Le roi en question parvint enfin, non sans grande difficulté, après un long siège, à soumettre cette cité, la dernière tenue par les Sarrasins ; ce fut difficile et non sans efforts répétés. De fait, elle avait pour défense des murailles, des ouvrages avancés, des tours en nombre, une chaussée solide, elle était bien assez pourvue d’armes, de vivres et d’une très forte garnison. Enfin, le roi poussa les Ascalonites à se rendre en échange de la conservation de leur vie et leurs biens.

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XLI Azot, Geth et Hybelin, Alba Specula et Acharon. Entre Ascalon et Jaffa, à dix milles d’Ascalon, il y a Azot, autrefois une des cinq cités des Philistins, non loin de la mer. Mais aujourd’hui elle est réduite à la dimension d’un village de grandeur moyenne1. La quatrième cité des Philistins s’appelle Geth et se trouvait située sur une petite colline non loin de Lydda et Ramula. Avec les pierres de la ville depuis longtemps détruite, Foulques, troisième roi de Jérusalem, fit bâtir sur la colline même un château qui reçut le nom d’Ibelin ; il le confia à un noble homme qui s’appelait Bellian, dont tous les successeurs jusqu’à nos jours, en raison du lieu, sont appelés d’Ibelin2. Les nôtres ont construit cette forteresse et d’autres : Bersabée ou Gibelin, Alba Specula dite communément Blanche-Garde à huit milles d’Ascalon, avant que de pouvoir s’emparer de cette ville, cela pour ra­battre la superbe de ses habitants, contenir leurs provocations

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tiones in regnum nostrum reprimendas, nostri antequam capere possent Ascalonam fundaverunt. Quinta Philistinorum civitas (72) dicta est Acharon prope mare non longe ab Azoto sita. | XLII. De aliis munitionibus maritimis usque Tyrum. Post predictas autem quinque urbes Phylistiim per quas arcam Domini in primo Regum libro circunduxisse leguntur Philistei propter plagam prominentium extalium, sequuntur maritime civitates et alie munitiones : Ioppe scilicet Assur, Cesarea Pales- 5 tina. Est autem alia Cesarea que dicitur Philippi sive Dan. Post has, Petra Incisa sive Districtum inter Doram et Capharnaum. Est autem alia civitas que similiter dicta est Capharnaum iuxta mare Galilee in qua Dominus docuit et miracula multa fecit. Deinde Cayphas sive Porphyria, post hanc Accon seu Ptolemaida. De his 10 omnibus sufficienter diximus superius. XLIII. De Tyro et qualiter obsessa fuit et capta. Post has vero sequitur Tyrus, egregia et famosissima civitas, in corde maris sita, ex omni parte fere marinis fluctibus circundata, portum idoneum et securam infra menia prebens navibus stationem. Est autem metropolis et caput universe Phenicis pro- 5 vincie, muro et antemurali et turribus eminentibus circunspecta, piscium fertilitate commodissima, fontibus et rivis aque dulcis irrigua, vineis et hortis, arboribus fructiferis et agris frugiferis fertilis et amena. In cuius territorio in loco aliquantulum | edito (73) est fons sive puteus supra quem fessus ex itinere dicitur quievisse 10 Dominus cum transiret per fines Sidonis et Tyri. Habet autem aquas limpidissimas intrinsecus ita copiose scaturientes, quod omnia pomaria et hortos olerum et universam irrigat regionem. Hunc Salomon in Canticis puteum aquarum viventium appellat. Est xlii, 2/4 cfr I Reg. 5 xliii, 10/11 Matth 15, 21; Ioh. 4, 6   14 Cant. 4, 15    xliii, 13 pomeria B E F, ill. K   

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et la vigueur de leurs incursions dans notre royaume. La cinquième cité des Philistins s’appelle Acharon, près de la mer non loin d’Azot3.

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XLII. Autres places fortes maritimes jusqu’à Tyr. Cela dit, comme on le lit dans le premier livre des Rois, les Philistins furent affectés de tumeurs pour avoir transporté l’arche du Seigneur de place en place dans les cinq villes de Phénicie. Ensuite viennent des cités maritimes et autres places fortes, Jaffa ou Arsûf1, Césarée de Palestine. L’autre Césarée est dite de Philippe ou encore Dan. Après, il y a Pierre-Encise ou Détroit2 entre Dora et Capharnaüm3. Il y a une autre cité appelée encore Capharnaüm, près de la mer de Galilée où le Seigneur enseigna et fit de nombreux miracles. Viennent après, Caïffa ou Porphyre, Acre ou Ptolémaïs dont nous avons déjà assez parlé plus haut. XLIII. Circonstances du siège de Tyr et de sa reddition. Mais Tyr ensuite est une très belle et fameuse cité, placée au cœur de la mer1, presque toute entourée des flots, bon port, offrant aux bateaux un séjour sûr derrière ses murailles. Tyr est métropole et capitale de toute la province de Phénicie, ceinte de murs, d’avant-murs, de hautes tours, très avantagée en raison de l’abondance du poisson, arrosée par l’eau douce des sources et des ruisseaux, riche et fertile de ses vignes et jardins, ses arbres et leurs fruits, ses champs et leurs récoltes2. Dans les environs est un lieu quelque peu élevé, une fontaine, un puits plutôt sur lequel on rapporte que le Seigneur, fatigué, se reposa en chemin comme il traversait les pays de Tyr et de Sidon3. Ce puits donne une eau d’une grande limpidité et qui jaillit du sous-sol en abondance telle qu’elle arrose les vergers, les jardins potagers et tout l’endroit. Salomon dans les Cantiques l’appelle « le puits des eaux vives ».

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autem extra civitatem iuxta muros eiusdem lapis quidam, tam ab indigenis quam peregrinis in honore magno et reverentia habitus, eo quod super illum dicitur sedisse Dominus et docuisse turbas confluentes, nec tamen gentilium voluit ingredi civitatem. Hanc autem civitatem antiquissimam post diluvium dicitur fundasse Tyras, filius Iapheth qui fuit Noe filius et a nomine suo Tyrum appellavit. Hebraice autem dicitur ‘Sor’, et nos vulgariter eam ‘Sur’ appellamus. Quanta autem fuerit eius dignitas et preeminentia et gloria, manifestum est ex scripturis Ezechielis qui ad Tyrum loquens, inter alia dicit : “ Tu dixisti, perfecti decoris ego sum et in corde maris sita. ” Et iterum : “ Quis cogitavit hoc super Tyrum quondam coronatam, cuius negotiatiores, principes, institores eius, terre incliti ”, et cetera multa que de eius divitiis et excellentia et negotiationibus narrat propheta. Huius urbis rex fuit Agenor cuius filius Phenix toti regioni nomen imposuit. Ex hac etiam Dido traxit originem que in Africa condidit Carthaginem quam hodie ‘Marroch’ appellant. Huius etiam rex fuit Hyram | qui ad edificium templi Domini cedros de Libano ministravit Salomoni ; cuius servus Abdimus omnes parabolas et enigmatum obscuritates quas Salomon Hyram regi Tyriorum solvendas mittebat, mira ingenii subtilitate solvebat, quas si non solveret Hyram multam pecuniam daret Salomoni. E contrario autem Hyram huius consilio Salomoni quedam problemata sub certa pena pecunie solvenda mittebat. Hunc quidam estimant esse Marchol qui Salomoni equipollenter respondebat. Huius etiam predicte urbis rex fuit Appolonius cuius gesta late patent in vulgatis historiis. In hac etiam sepultum est corpus Origenis, teste beato Hieronymo qui in epistola quam mittit Pammachio et Oceano sic ait : “ Centum et quinquaginta anni prope sunt hodie, ex quo Origenes Tyri mortuus est. ” Ex hac etiam fuisse dicitur illa mulier Chananea que Domino Iesu Christo pro filia a demonio male vexata supplicavit, iuxta

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24/25 Ez. 27, 3   25/27 Is. 23, 8   31/32 cfr III Reg. 5   44/45 Matth. 15, 21    34 solvenda B E F   35 quas] quod E F, que mo   

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Hors la ville, il y a près des murs une pierre que les gens du lieu et les pèlerins ont coutume de vénérer et respecter, car c’est là, dit-on, que le Seigneur s’était assis et avait enseigné les foules assemblées pour ne pas avoir voulu pourtant entrer dans la cité des gentils4. Après le déluge cette très ancienne cité avait été fondée, diton, par Tyras fils du fils de Noé, Japhet, et elle en reçut le nom. En hébreu elle porte le nom de Sor, et nous l’appelons communément Sur5. Quel fut le rang, l’excellence, la majesté de cette ville, cela est manifeste dans les Écritures par la bouche d’Ézéchiel qui s’adresse à elle en ces termes : « Tyr, c’est toi qui disais : Je suis un navire d’une beauté parfaite ! » Ailleurs encore : « Qui a décidé cela contre Tyr qui distribuait des couronnes, dont les marchands étaient des princes, et les trafiquants des grands de la terre ? » Et sans parler de tout ce que raconte le Prophète sur cette ville, ses richesses, son excellence, son commerce. Agénor en fut le roi, et son fils Phénix donna son nom à tout le pays6. Et encore, c’est de cette ville que Didon était originaire, elle qui fonda Carthage qu’on appelle Maroch aujourd’hui. Hiram aussi en fut le roi, et c’est lui qui fournit à Salomon les cèdres du Liban pour la construction du temple du Seigneur. Abdime, serviteur du roi Hiram, résolvait grâce à sa merveilleuse sagacité d’esprit toutes les métaphores, les questions difficiles que Salomon posait au roi Hiram qui, en cas d’échec, se trouvait dans l’obligation de lui verser une grosse somme d’argent. Conseillé de même par Abdime, Hiram faisait passer des problèmes à Salomon qui devait les résoudre sous peine d’amende. Certains pensent que c’était un certain Marchol qui répondait pour Salomon avec la même présence d’esprit. Et encore, Apollonius dont les exploits sont largement répandus dans les histoires populaires fut le roi de Tyr7. C’est encore là que repose le corps d’Origène8 selon le bienheureux Jérôme qui, dans une correspondance à Pammachios et Occeanos, écrivait : « Il y a à peu près cent quinze ans aujourd’hui qu’Origène est mort à Tyr. » Et encore, de cette ville, dit-on, était originaire la Cananéenne qui supplia le Seigneur Jésus-Christ pour sa fille tourmentée par le

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David vaticinium : “ Filie Tyri in muneribus vultum tuum deprecabuntur. ” Ex hac etiam Ulpianus legis peritus extitit oriundus. Tyrii autem, ut dicitur, primi figuras litterarum invenerunt. Unde Lucanus : Phenices primi, fame si creditur, ausi Mansuram rudibus vocem signare figuris.

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Tyrii etiam primi dicuntur ex murice tinxisse purpuram. Unde preciosor purpura hodie Tyria appellatur. Hanc autem egregiam et munitissimam civitatem primus Hierosolymorum rex Baldovinus, cum per menses quatuor obsedisset, | Tyriis viriliter resistentibus, videns quod non proficeret multisque expensis inutiliter in expugnatione gravaretur, soluta obsidione recessit, tempore magis idoneo cum maiori apparatu reverti proponens. Unde ut posset Tyrenses magis coarctare et amplius molestare, inter Acconensem civitatem et Tyrum castrum quoddam reedificavit in littore maris, quod quondam Alexander Macedo quando Tyrum obsedit edificaverat, ipsum Alexandrium nuncupans. Nostri autem hodie Scandalium ipsum appellant. Est autem locus ille fontibus irriguus, quinque miliaribus distans ab urbe Tyrensi. Sed et vir nobilis Hugo de Sancto Aldomaro Tiberiadensium dominus inter civitatem suam et Tyrum in montibus excelsis urbi Tyrensi preeminentibus ad decem miliaria castrum munitissimum dictum Toronum edificavit, ut inde Tyrenses quasi e vicinio amplius coarctare posset et molestare et eorum subsequentium impetus declinare. Est autem inter mare et Libani montem quasi in medio constitutum, arboribus et vineis et agriculture commodissimum. Post hec vero cum secundus Hierosolymitanus rex Baldovinus de Burgo, peccatis exigentibus, in captivitate Saracenorum detineretur, dominus patriarcha Hierosolymitanus cum archiepiscopis et episcopis et aliis regni baronibus cum comite Tripolitano civi-

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démon, ainsi que la prédiction de David : « La fille de Tyr, par des présents, déridera ton visage. » Et là encore naquit le célèbre juriste Ulpien. On dit aussi que les Tyriens furent les premiers inventeurs de l’écriture, ainsi Lucain : - Les Phéniciens les premiers, à croire ce qu’on dit, - Avec de simples dessins, donnèrent matière à la voix9. On dit encore qu’ils furent les premiers à extraire la pourpre des coquillages. Ainsi la pourpre la plus précieuse est dite : pourpre de Tyr. Baudouin, premier roi de Jérusalem, quatre mois durant avait assiégé cette belle ville très bien fortifiée. Devant l’énergique résistance des habitants, voyant qu’il n’aboutissait pas, qu’il s’épuisait en efforts vains et répétés, il leva le siège et se retira, décidé à revenir à un meilleur moment et une fois mieux préparé. Pour serrer la ville de près et, autant que possible harceler davantage ses habitants, il fit reconstruire sur la côte, entre Acre et Tyr, une forteresse élevée autrefois par Alexandre de Macédoine, lors du siège de la ville, à laquelle il avait donné le nom d’Alexandrie. Maintenant, les nôtres l’appellent Scandalion. C’est un lieu arrosé par des sources, à cinq milles de Tyr. Par ailleurs, le noble homme Hugues de Saint-Omer, seigneur de Tibériade, fit construire entre Tyr et sa cité dans les hautes montagnes qui dominent Tyr, à dix milles de là, une puissante forteresse du nom de Toron pour serrer les Tyriens de plus près, les presser et se protéger enfin de leurs soudaines attaques. Cette place est dressée presque à égale distance entre la mer et le mont Liban dans un site très propice à la culture des arbres, des vignes et des terres. Mais plus tard, tandis qu’en punition des péchés le second roi de Jérusalem Baudouin du Bourg était retenu en captivité par les Sarrasins, le seigneur patriarche de Jérusalem mit le siège devant la cité avec les archevêques, évêques, autres barons du royaume et le comte de Tripoli, encore assistés du doge de Venise à la tête

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tatem obsidione vallavit, cum duce etiam Venetorum, qui multitudine pugnatorum comitatus cum galeis quadraginta et multis, tam maioribus quam minoribus navibus, | ex parte maris urbem (76) obsedit. Qui cum immenso labore et multa sanguinis effusione, 80 cum variis machinis et bellicis instrumentis, longo tempore civitatem impugnassent, quinto obsidionis mense cives fame intolerabili deficientes ad deditionem compulerunt qui, salvis personis et rebus, nostris resignaverunt civitatem. XLIV. De civitatibus maritimis, de Tyro usque ad Laodiciam 1� Syrie. 2� Post hanc autem est civitas Sarepta prope mare, in cuius introitu loquutus est Helias propheta ad viduam mulierem ligna colligentem, cuius farinula, eo quod panem inde fecit viro Dei, suscepit incrementum. In eodem loco iuxta portam civitatis modicam capellam fecerunt Christiani. Post hanc autem sequuntur alie civitates maritime, primo Sydon, postea Berithum, deinde Biblium que vulgariter hodie ‘Gibeleth’ appellatur, in Phenicie provincia supra littus maris constituta, quondam Evea dicta, eo quod Eveus, ut dicitur, sextus filiorum Chanaam, ipsam fundaverit. De hac in Ezechiele dicitur : “ Senes Biblii et prudentes eius, o Tyre, prebuerunt nautas ad ministerium varie suppellectilis tue. ” Et iterum in libro Regum secundo sic invenitur : “ Porro Biblii preparaverunt ligna et lapides ad edificandum domum Domini. ” Hanc comes Tripolitanus Bertramus, Ianuensibus cum galeis septuaginta sibi prestantibus auxilium, | sibi subiugavit et Ianuensibus concessit. Post hanc supra mare sita est civitas que dicitur Botrium, vulgariter autem ‘Betiron’ nuncupatur. Deinde

� � 5� 6� 7� 8� 9� 10� 11� 12� 1� 1� 15� 16� 17� (77) 18� 19�

xliv, 3/6 III Reg. 17, 9-17   11 Gen. 10, 17   12 Ez. 27, 9   13/14 III Reg. 5, 18    84 civitatem] anno igitur ab incarnatione domini millesimo centesimo vicesimo quarto et capta est a christianis civitas tyrensis et nomini christiano restituta add. codd. bo xliv, 14 2 mo   

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d’une grande armée qui encercla la ville par la mer avec quarante galères et de nombreux bateaux grands et petits10. C’est avec une peine infinie, beaucoup de sang versé, à l’aide de toutes sortes de machines et d’engins de guerre, qu’ils attaquèrent la ville longtemps durant. Enfin au cinquième mois de siège, les habitants, pressés par la famine plus qu’ils n’en pouvaient supporter, furent contraints de se rendre et remettre la cité aux nôtres contre de la sauvegarde de leurs personnes et de leurs biens.

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XLIV. Les cités maritimes, de Tyr à Laodicée de Syrie. Après, il y a la cité de Sarepta près de la mer ; c’est là, à ses portes, que le prophète Élie s’adressa à une femme veuve qui ramassait du bois et qui fit du pain pour l’homme de Dieu avec une poignée de farine qui ne s’épuisa pas. À cet endroit, près de la porte de la cité, les chrétiens ont élevé une petite chapelle. Ensuite, viennent d’autres villes maritimes, d’abord Sidon, puis Beyrouth, Byblos dont le nom usuel est de nos jours Gibelet, bâtie sur la côte dans la province de Phénicie, jadis appelée Evea du nom d’Eveus dit-on, sixième fils de Canaan, qui aurait été son fondateur. De cette ville Ézéchiel a dit : « O Tyr, les anciens et les sages de Byblos entrèrent comme marins dans l’inventaire de tes ­meubles ! » Et dans le deuxième livre des Rois on trouve cette parole : « Les gens de Byblos ont apporté le bois et les pierres destinés à la construction du temple du Seigneur. » Bertrand, comte de Tripoli, la soumit avec l’aide de soixantedix galères fournies par les Génois qui la reçurent en concession1. Puis après, sur la côte on rencontre la cité de Botrium, communément Betiron2. Il y a à la suite le château dit de Nephin et la

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castrum quod Nephin appellatur, postea civitas Tripolis nuncupata. Deinde civitas Archis dicta que per miliare unum a mari distat. Deinde Arrados civitas in insula iuxta littus maris sita, quam Arradius filius Chanaam edificavit, in qua beatus Petrus apostolus matrem beati Clementis mendicantem invenit et ad fidem conversam filio restituit, sicut in Itinerario Clementis legimus ; in quo etiam fit mentio de duabus columnis vitreis, mirabili artificio, in predicta insula cunctis admirantibus in altum erectis. Inde Anteradensis civitas, sic dicta quasi ante Arradum sita, vulgari autem appelatione hodie dicitur ‘Tortosa’, in qua beatus Petrus Phenicem circuiens cum a partibus Hierosolymitanis transiret in Antiochiam, in honore beate Virginis Marie modicam fundavit ecclesiolam in qua etiam divina celebravit mysteria, que usque hodie in magno habetur honore et multorum populorum accessu frequentatur, eo quod beata Virgo in illo sibi ab infantia primitive Ecclesie consecrato, multa operatur miracula et infirmis illuc venientibus grata confert subsidia sanitatum. Dicitur autem a multis quod inter omnes beate Marie ecclesias ista fuerit prima ; non solum autem a Christianis, sed etiam a Saracenis in magna habetur reverentia, qui filios suos plerumque ad prefatam ecclesiam | adducunt baptizandos, ut diutius vivant vel ut corporalem recuperent sanitatem. Predictam vero civitatem Anteradensem, post captionem civitatis sancte quidam viri nobiles per partes illas causa peregrinationis transeuntes et Hierosolymam pergentes, comites videlicet Pictavensium et Blesensium cum quibusdam aliis viris illustribus, ab hostibus expeditam comiti Tripolitano tradiderunt. Post hanc sequuntur alie maritime civitates videlicet : Maraclea, Valania cum castro Margath, Gabulum quod vulgariter dicitur ‘Gibel’ et inter omnes ultima ex parte Antiochie civitas situm habens egregium et bonorum temporalium, magnam habens ubertatem, Laodicia Syrie nuncupata, vulgariter autem ‘Liche’ nominatur. Vir

20� 21� 22� 2� 2� 25� 26� 27� 28� 29� 30� 31� 32� 33� 34� 35� 36� 37� 38� 39� (78) 40� 41� 42� 43� 44� 45� 6� 7� 8� 9� 50� 51�

32 ecclesiam B D K   34 illo] loco add. B D E F K   35 consecrata mo   36 illic B D E F K   

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cité appelée Tripoli. La cité d’Archis est à un mille de la mer3. Arrados encore est une cité dans une île près du rivage, construite par Arradius fils de Canaan. C’est là que l’apôtre saint Pierre rencontra la mère du bienheureux Clément en train de mendier et qu’il la rendit à son fils après l’avoir convertie à la vraie foi, comme on le lit dans l’Itinéraire de Clément qui mentionne encore dans cette île deux colonnes de verre dressées avec un art merveilleux à une hauteur qui fait l’unanime admiration4. De là, la cité d’Antarados est ainsi appelée pour se trouver devant Arrados ; on la désigne communément de nos jours sous le nom de Tortose. À cet endroit, saint Pierre, qui parcourait la Phénicie alors qu’il se rendait du pays de Jérusalem à Antioche, éleva une petite église en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie et y célébra les divins mystères, sanctuaire, aujourd’hui encore, tenu en grande vénération et où se pressent de grandes foules. Dans cet endroit, qui lui est consacré depuis l’enfance de la primitive Église, la sainte Vierge fait de nombreux miracles et apporte aux malades qui s’y rendent le bon secours de la guérison. Ils sont nombreux à dire que de toutes les églises consacrées à la bienheureuse Marie, celle-ci serait la première. Elle est tenue en grande vénération par les chrétiens et même les Sarrasins qui y mènent très souvent leurs enfants pour les faire baptiser, leur assurer une vie plus longue ou rendre leur corps à la santé5. Mais après la conquête de la sainte Cité, de nobles hommes, les comtes de Poitiers, de Blois et d’autres personnages illustres, en traversant ces contrées pour se rendre à Jérusalem y accomplir le pèlerinage, remirent Anterados au comte de Tripoli, après l’avoir prise sur l’ennemi6. Les autres cités maritimes sont : Maraclée, Valania, le château de Margath, Gabul, couramment désignée Gibel et Laodicée de Syrie, dernière ville avant Antioche, distinguée entre toutes par l’excellence de son site et l’étendue de ses richesses, communément appelée La Liche. Le seigneur Tancrède,

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siquidem illustris et strenuus in armis dominus Tancredus, cum Antiocheni principatus administrationem suscepisset, eodem die quo nobilem occupavit civitatem dictam Apamiam, ditioni sue subegit predictam civitatem, uno die duabus egregiis urbibus Antiochenum magnifice amplians principatum. Est autem alia Laodicia in Asia Minori que a beato Ioanne inter septem Asie civitates in Apocalypsi numeratur. Has omnes maritimas civitates nostri viriliter occupantes, nec unam solam munitionem prope mare Saracenis reliquerunt. Unde ex parte maris hostium penitus enervata est fortitudo. |

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XLV. De civitatibus mediterraneis quas nostri obsederunt, sed non ceperunt, quasdam tamen sibi fecerunt tributarias. Quasdam tamen mediterraneas civitates, quas maxime ultra iuga Libani nostri subiugare nequieverunt, fines earum et subur- 5 bana frequenter vastando et multas civibus insidias machinando, ut a molestatione cessarent, sibi tributo servire coegerunt. Emissena vero civitas que hodie Camela seu Camele nuncupatur, et quedam alie civitates Cele Syrie, scilicet Hiliopolis, que alio nomine dicitur Maubech, et Amam cum quibusdam aliis, propter 10 vicinitatem a nostris commodius poterant molestari, unde pacem et securitatem multa pecunia redimebant. Sed et tam calipha quam soldanus Egyptius nostrorum impetus et violentas in regno suo irruptiones sustinere non prevalens, multa regi Hierosolimitano annuatim tributa solvebat, maxime quando sibi a soldano 15 Damasceno Egyptii metuebant ; e contrario autem rex Damasci, data multa quantitate pecunie, a nostris qui medii inter Damascenos et Egyptios erant treugas et securitatem obtinebat.

57 Apoc. 1, 11 54 aparatam mo   60 saranis mo   61 ennerata K mo xlv, 18 obtinebant B K mo

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personnage assurément illustre et guerrier valeureux, alors en charge de l’administration de la principauté d’Antioche, soumit Laodicée le jour même où il occupait la noble ville d’Apamée, augmentant, en un seul jour, l’étendue de la principauté de ces deux belles villes7. Il existe une autre ville de Laodicée en Asie Mineure que saint Jean dans l’Apocalypse place parmi les sept villes d’Asie. Les nôtres, occupant par force ces cités près de la mer, ne laissèrent aux Sarrasins pas une seule place forte sur le littoral. Ainsi, sur la côte, la puissance ennemie se trouva entièrement anéantie. XLV. Les villes de l’intérieur que les nôtres assiégèrent mais ne purent prendre, et se firent pourtant tributaires. Dans l’intérieur des terres pourtant, au-delà de la chaîne du Liban surtout, les nôtres ne purent soumettre un certain nombre de villes. Ils forcèrent ces cités à payer tribut pour que cessent les désagréments du fréquent pillage de leur territoire et leurs environs, ainsi que les embuscades répétées contre leurs habitants. La ville d’Émèse, de nos jours Camela ou Camelé, d’autres villes de Cœlé-Syrie : Heliopolis ou Maubech, Amam et d’autres, qui pouvaient être plus facilement inquiétées par notre voisinage, rachetaient à grand prix la paix et la sécurité. En Égypte, calife et sultan, dans l’incapacité de soutenir nos attaques et la vigueur de nos incursions, versaient chaque année une somme considérable au roi de Jérusalem, surtout quand les Égyptiens avaient quelque crainte à attendre du sultan de Damas. Quant au roi de Damas, il obtenait trêves et sécurité en versant de grosses sommes d’argent aux nôtres établis à mi-chemin entre Damas et l’Égypte1.

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XLVI. De obsidione Halapie et Damasci. Civitatem siquidem Halapie secundus Hierosolymorum rex latinus Baldovinus, scilicet de Burgo, collectis ex toto regno viribus, obsedit, sed multitudine Saracenorum | a partibus orientis ad succursum civitatis properante, rex longe viribus inferior soluta obsidione recessit. Quartus autem Hierosolymorum rex Baldovinus, Fulconis regis filius, cum Romanorum imperatore Conrado et rege Francorum Ludovico qui, sancto Clarevallense abbate Bernardo predicante, signum crucis receperat, cum Hierosolymitano patriarcha et Portuensi episcopo, apostolice Sedis legato, cum multis archiepiscopis et episcopis, ducibus, comitibus et aliis baronibus, tam de regno quam de imperio, Damascenam obsedit civitatem. Est autem Damascus civitas antiquissima, fere inter omnes orientales urbes quantitate et populorum multitudine habens preminentiam, a quodam Abrahe servo qui eam fundasse dicitur sic nominata. Est autem Minoris Syrie que Phenicis Libanica appellatur metropolis sicut legitur in propheta : caput Syrie Damascus. Est autem in campestribus, in agro sterili et arido sita, nisi quantum aquarum irrigatur beneficio que de montibus descendentes per quosdam meatus deducuntur et universam irrigantes planiciem reddunt fertilem et arboribus fructiferis abundantem. Iuxta predictam civitatem in loco qui hodie dicitur Melgissaphar, apparuit Dominus Saulo, cum appropinquaret Damasco, dicens ei : “ Saule, Saule ! Quid me persequeris ? ” Predicti igitur principes cum innumerabili exercitu civitatem e vicino ex una parte obsidentes, pomeria civitatis violenter effregerunt, fluvium iuxta | muros civitatis defluentem ad usus suos forti manu occupantes. Damasceni autem de suis viribus diffidentes, cum iam diu ex parte pomariorum nostris resistere non valerent, quosdam ex his qui de Syrie partibus peregrinis principibus ducatum et consilium prebuerant, cupiditate cecatos, more suo

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xlvi, 15 cfr Gen. 15, 2   17 Is. 7, 8   23/24 Act. 22, 7 xlvi, 29 pomariorum] scripsi, pomeriorum codd. mo bo   31 cecatos] muneribus add. B D K

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XLVI. Sièges d’Alep et de Damas. Baudouin du Bourg, deuxième roi latin de Jérusalem, après avoir réuni toutes les forces du royaume, assiégea Alep ; mais les Sarrasins, accourus en nombre des pays d’Orient, volèrent à l’aide de la ville. Le roi, dont les forces étaient inférieures en nombre, leva le siège et se retira. En outre, Baudouin, quatrième roi de Jérusalem et fils du roi Foulques, fit le siège de la cité de Damas en compagnie de l’empereur des Romains, Conrad, et du roi de France, Louis – qui avait reçu la croix suite à la prédication du saint abbé de Clairvaux, Bernard – accompagnés du patriarche de Jérusalem, de l’évêque de Porto, alors légat du Siège apostolique, de nombre d’évêques, ducs, comtes, barons du royaume et de l’Empire. Damas est une cité d’une très haute antiquité qui, entre toutes les villes d’Orient, a pratiquement le premier rang par la taille et son immense population, elle a reçu son nom d’un serviteur d’Abraham qui, à ce qu’on dit, en fut le fondateur. Elle est la métropole de la Syrie Mineure ou Phénicie du Liban, tel qu’on lit dans le Prophète : « Damas, capitale de la Syrie. » Elle se trouve dans une plaine dont le sol serait stérile et aride s’il n’était abondamment arrosé par les eaux qui descendent des montagnes, irriguant par des canaux tout le plat pays, elles le rendent fertile et riche d’arbres et de fruits. Près de la ville, aujourd’hui au lieu dit Melgissaphar, le Seigneur est apparu à Paul, alors qu’il approchait de Damas, lui parlant ainsi : « Saul, Saul, pourquoi me persécutestu ? » Et donc, les princes et leur innombrable armée, installés au voisinage de la ville, en firent le siège d’un côté seulement ; et après s’être fortement assurés le contrôle de la rivière qui court sous les murs de la ville, ils entreprirent d’en ravager les faubourgs. Et comme, depuis un bon moment déjà les habitants de Damas étaient bien en peine de nous résister du côté des jardins et que les forces leur manquaient ; à leur habitude, ils se mirent en mesure de corrompre des natifs de Syrie qui, dans leur cupidité

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corruperunt, qui persuaserunt ad aliam civitatis partem transferri exercitum. Unde relicto priori loco et a Saracenis occupato et contra nostros munito, deficientibus victualibus et aquarum penuria laborante exercitu, attendentes principes nostri, manifestam 35 illorum quorum se fidei commiserant malitiam, indignantes, et Orientalium fidem seu magis perfidiam detestantes et suspectam habentes, induti confusione et reverentia, multum laborantes et parum proficientes, ad propria redierunt. XLVII. De obsidione Cesaree Magne et Bostrensis civitatis et de situ Yturee et Traconitidis regionis. Ioannes autem Constantinopolitanus imperator cum infinita multitudine militum, curruum et equorum, una cum principe Antiocheno et comite Edessano Cesaream civitatem ab Antiochia non multum distantem, que hodie Cesarea Magna nuncupatur, obsedit ; sed indignatus, eo quod predictus princeps et comes in expeditione | desides et remissi ipsum iuvare et sibi obedire negligebant, accepta ab obsessis pecunia, obsidione soluta recessit. Sed et rex Hierosolymitanus Baldovinus quartus, cum labore multo et periculo maximo, Bostrensem civitatem occupaturus adiit, sed inveniens eam supra id quod crediderat munitam et inexpugnabi­ lem reversus est, multa in redeundo a Saracenis passus incommoda et pluribus ex suis interfectis. Est autem Bostrum civitas antiquissima prime Arabie metropolis, que hodie vulgari appellatione ‘Bussereth’ dicitur, continens sub se Traconitidem regionem. De qua in Evangelio beatus Lucas sic ait : “ Philippo autem Ituree et Traconitidis regionis tetrarcha. ” Quoniam autem fontibus et rivis regio illa penitus caret, illius terre habitatores aquas pluviales per tracones, id est meatus subterraneos, colligunt in lacunis. Unde propter hoc regio illa Traconis

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xlvii, 17/18 Luc. 3, 1    xlvii, 10 tercius B D E F J K   12 quod] quam mo   14 interemptis B D  E F K   

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aveugle, finirent par convaincre les princes pèlerins, auxquels ils devaient aide et conseil, de déplacer l’armée en un autre endroit de la cité1. Ainsi, après avoir abandonné leur position première – occupée et fortifiée contre nous par les Sarrasins – et l’armée venant à souffrir de la pénurie de vivres et du manque d’eau, nos princes – devant la rouerie manifeste de ces gens en qui ils avaient mis leur confiance, indignés, maudissant la parole des Orientaux et plutôt leur manque de parole, rendus méfiants – rentrèrent chez eux, honteux et confus d’avoir tant déployé d’efforts pour si peu. XLVII. Sièges de Césarée la Grande et de la cité de Botron ; l’Iturée et le pays de la Trachonitide. Jean, empereur de Constantinople, à la tête d’une multitude de soldats, de chariots, de chevaux, en compagnie du prince d’Antioche et du comte d’Édesse, vint mettre le siège devant la ville de Césarée à quelque distance d’Antioche, appelée de nos jours Césarée la Grande. Mais, furieux de voir que le prince et le comte manquaient à leur foi et qu’ils se montraient négligents en refusant de l’aider et de lui obéir dans cette expédition, l’empereur leva le siège contre rançon des habitants et se retira. Et encore, le quatrième roi de Jérusalem, Baudouin, entreprit d’aller prendre la ville de Bostrum à force de labeur et au milieu de périls considérables ; l’ayant trouvé mieux défendue et plus imprenable qu’il n’avait cru, il fit demi-tour. Pendant la retraite il eut à supporter les attaques des Sarrasins, une partie des siens y laissa la vie. Bostrum est une cité de très haute antiquité, métropole de l’Arabie première ; elle porte maintenant le nom de Bussereth, son territoire est en Trachonitide. Saint Luc dit ainsi dans l’Évangile : « Philippe, tétrarque de l’Iturée et de la Trachonitide. » Ce pays est encore totalement dépourvu de sources et de ri­ vières, c’est pourquoi les gens du lieu captent les eaux pluviales dans des canaux souterrains, ou tracones, et les recueillent dans des fossés. Ainsi la région est appelée Tracone. Les gens du pays

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appellatur. Populus etiam illius regionis in speluncis habitans et in traconibus habens domicilia moratur in cavernis. Post regionem autem Decapoleos, cuius fines seu extremitates sunt inter mare Galilee et Sydonem, que etiam post civitatem Tyberiadensem ver- 25 sus Damascum protenditur, est Iturea regio scilicet post territorium Sydonense et montana media inter nos et Saracenos in valle que dicitur Bachar ; et quia ad radices Libani protenditur, Saltus Libani nuncupatur. Iturea autem regio predicte regioni Traconitidi (83) vicina est et contermina. | XLVIII. De obsidione Cayri, Alexandrie et Damiate. Rex autem Almaricus predicti Baldovini germanus, civitatem Egypti nominatam Cayrum obsidione cinctam, facile, ut dicitur, expugnasset et etiam totam Egyptum nomini christiano et Christianorum ditioni subegisset, nisi consilio pessimo cuiusdam mali- 5 tiosi hominis Milonis de Planci, accepta ab hostibus pecunia, obsidione soluta recessisset. Ipse enim prius Alexandriam egregiam Egypti civitatem, quam Siracunus et nepos eius Saladinus soldano Egyptio abstulerant, obsederat et eos ad deditionem compellens, ex pacto eam soldano Egyptio, recepta ab eo promissa 10 pecunia, resignavit. Postea vero idem rex, Constantinopolitano imperatore innumeram Grecorum multitudinem sibi in auxilium mittente, cum ingenti tam galearum, quam aliarum navium classe, Damiatam civitatem Egypti munitissimam obsedit, sed fame et frigore et immoderata pluviarum inundatione repulsus, 15 cum magno exercitus sui detrimento ab obsidione recessit.

24 cfr Marc. 7, 31 22 habitat B D E F K   23 commoratur B D E F K bo xlviii, 9 abstulerant] om. E F   L, 3 maiorem B   7 homines] autem add. B D   14 sed] hii add. B D E K

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habitent même des grottes, demeurent dans les tracones, séjournent dans les cavernes. Après la Décapole, pays dont les extrémités confinent à la mer de Galilée et à Sidon, vient l’Iturée, contrée qui s’étend au-delà du territoire de Tibériade à Damas, après le pays de Sidon et de la montagne, au milieu, entre les Sarrasins et nous, dans la vallée dite de Bachar jusqu’aux pieds du Liban ; on l’appelle la Forêt du Liban1. L’Iturée se trouve être voisine et limi­ trophe de la Trachonitide. XLVIII. Les sièges du Caire, d’Alexandrie et de Damiette. Le roi Amaury, frère de Baudouin, avait mis le siège devant la ville d’Égypte appelée Le Caire ; il l’aurait emporté sans mal, diton, et aurait même pu ramener toute l’Égypte sous le nom et la domination des Chrétiens, s’il n’avait levé le siège et ne s’était retiré après avoir reçu rançon de l’ennemi sur l’exécrable conseil de Milon de Planci, personnage plein de fourberie. En effet, peu de temps avant, il avait investi Alexandrie, belle cité d’Égypte, que Siracon et son neveu Saladin avaient enlevée au sultan ; après les avoir contraints à se rendre, le roi, conformément au pacte passé avec le sultan, lui remit la ville contre les sommes promises. Plus tard, le même roi, toujours, fit le siège de Damiette, ville très fortifiée d’Égypte, après avoir reçu l’aide de l’empereur de Constantinople qui lui envoya une nombreuse armée de Grecs avec une imposante flotte de galères et d’autres bateaux ; mais, harcelé par la famine, le froid et des inondations, à la suite de pluies diluviennes, il leva le siège au grand dam de son armée.

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XLIX. De quibusdam munitionibus quas nostri in confinio Saracenorum fundaverunt. Cum igitur civitates memoratas pluresque alias, maxime mediterraneas, nostri subiugare non possent, in extremitatibus terre sue, ut fines suos defenderent, castra munitissima et | inex- (84) pugnabilia inter ipsos et hostes extruxerunt, scilicet : Montem Regalem et Petram deserti, cuius nomen modernum est Crac ultra Iordanem, Sapheth et Belvoir cum multis aliis munitionibus citra Iordanem. Est autem Sapheth castrum munitissimum inter Accon et mare Galilee non longe a montibus Gelboe situm. Belvoir vero, 10 non longe a monte Thabor iuxta civitatem quondam egregiam et populosam Iezrael inter Citopolim et Tyberiadem, situm est in loco sublimi. L. Qualiter terra a nostris acquisita regi et baronibus est ­distributa. Ad maioris autem securitatis cautelam inter diversos principes et barones divisum est regnum Hierosolymitanum, qui terram sub rege defenderent et custodirent, ipso rege partem sibi dignio- 5 rem et meliorem retinente, scilicet : civitatem Hierusalem, Neapolim, Accon et Tyrum cum quibusdam oppidis et casalibus. Homines ligii regni, fidelitate et sacramento, cum certo militum numero, servitio regio obligati fuerunt, comes Tripolitanus, dominus Berythi, dominus Sydonis, dominus Cayphe seu Porphyrie, 10 dominus Cesaree, princeps Galilee qui et dominus Tyberiadis, comes Ioppes et Ascalonis, dominus Montis Regalis et totius terre trans Iordanem, dominus Assur et dominus Ibelim cum quibusdam | aliis, sed inter alios maiores erant preeminentiam et digni- (85) tatem obtinentes.

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XLIX. Quelques places fortes établies par les nôtres aux confins du territoire sarrasin. Donc, comme ils ne pouvaient ainsi soumettre les cités dont nous venons d’évoquer le souvenir, et d’autres dans l’intérieur surtout, les nôtres, pour défendre le territoire, élevèrent des châteaux très forts et imprenables entre eux et leurs ennemis ; ainsi au-delà du Jourdain : Montréal et Pétra du désert dont le nom moderne est Le Crac, et en deçà du Jourdain : Safed, Belvoir et bien d’autres places fortes. Safed est une forteresse érigée entre Acre et la mer de Galilée près des monts de Gelboé. Belvoir est installée sur une hauteur non loin du mont Thabor tout près de Jezräel, cité autrefois très belle, populeuse, entre Scythopolis et Tibériade.

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L. Comment la terre gagnée par les nôtres fut répartie entre roi et barons. Pour plus de sécurité on prit le soin de répartir le royaume de Jérusalem entre les divers princes et barons pour en défendre et garder le territoire sous l’autorité du roi, lui-même retenant la part la plus convenable et la meilleure : La cité de Jérusalem, Néapolis, Acre et Tyr, avec des bourgs fortifiés et des villages. Les hommes liges du royaume, liés par devoir et serment, apportèrent au roi le service armé avec un nombre déterminé de chevaliers1. Tels étaient le comte de Tripoli, le seigneur de Beyrouth, le seigneur de Sidon, le seigneur de Caïffa ou Porphyre, le seigneur de Césarée, le prince de Galilée et seigneur de Tibériade, le comte de Jaffa et d’Ascalon, le seigneur de Montréal et de tout le territoire outre Jourdain, le seigneur d’Arsûf, le seigneur d’Ibelin, bien d’autres encore, mais, parmi ceux-là, ils étaient les plus grands par le rang et la dignité.

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LI. De regno, natione et ampliatione orientalis Ecclesie. Ex tunc cepit orientalis Ecclesia revirescendo florere et cultus religionis in partibus orientis ampliari et vinea Domini novos botros germinare, ita quod in ea videretur impletum quod scriptum est in Canticis canticorum : “ Hyems transiit, imber abiit et recessit, flores apparuerunt in terra nostra, tempus putationis advenit. ” A diversis enim mundi partibus, ex omni tribu et lingua et omni natione que sub celo est, odore sanctorum et venerabilium locorum tracti, devoti Deo peregrini et homines religiosi ad Terram sanctam confluebant. Reparabantur ecclesie veteres, nove fabricabantur. Monasteria regularium largitione principum et eleemosynis fidelium in locis idoneis construebantur, ecclesiarum ministri et alia ad servitium et ad cultum divinum pertinentia sufficienter et competenter ordinabantur ubique. Viri autem sancti, seculo renunciantes, variis affectionibus et desideriis tracti et fervore religionis accensi, eligebant sibi loca proposito suo et devotioni magis competentia. |

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LII. De variis religionibus et diversitate regularium personarum et de Quarantena et monte Carmeli et de mari Mortuo. Alii exemplo Domini specialiter ducti desertum illud desiderabile, in quo Dominus noster post baptismum quadraginta diebus 5 solitarius ieiunavit, quod Quarantena appellatur, ut vitam ducerent eremiticam, preeligentes, in modicis cellulis Domino devotissime militabant. Alii ad exemplum et imitationem sancti viri li, 5/6 Cant. 2, 11   7/8 Act. 2, 5 lii, 5/6 cfr Matth. 4, 1-2    li, 1 regno natione] renovatione A B C D G H J K, om. E   3 regionis B

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LI. Épanouissement de l’Église en Orient, son règne, son peuple. L’Église en Orient recommença alors de fleurir, le culte de la religion à gagner du terrain dans les pays d’Orient, et la vigne du Seigneur à donner des pousses nouvelles1. On voyait s’accomplir ici ce qui était écrit dans le Cantique des Cantiques : « L’hiver est passé, la pluie s’en est allée, elle a cédé la place, les fleurs sont apparues sur notre terre, le moment de tailler est venu. » En effet, de toutes les parties du monde, de toutes les tribus, toutes les langues, toutes les nations vivant sous le ciel, des pèlerins dévoués à Dieu, des hommes aux sentiments religieux, attirés par le parfum des lieux saints et vénérables, affluaient vers la Terre sainte. On réparait les anciennes églises, on en construisait de nouvelles. On élevait des monastères de réguliers dans les lieux appropriés grâce aux largesses des princes et aux aumônes des fidèles. Partout on installait des ministres pour les églises et tout le nécessaire pour célébrer avec le soin convenable le service et le culte divins. Des hommes saints, renonçant au siècle, poussés par des sentiments et des desseins divers, embrasés du zèle de la religion, se choisissaient des lieux mieux adaptés à leur projet et plus conformes à leur piété. LII. Diverses formes de vie religieuse, différentes personnes suivant une vie régulière ; la Quarantaine, le mont Carmel, la mer Morte. Les uns, pour mener une vie d’ermite, choisissant, à l’exemple du Seigneur même, ce désert désirable, appelé la Quarantaine, où il jeûna quarante jours en solitaire après son baptême, combattaient avec dévotion pour le Seigneur dans de petites cellules1. Pour imiter l’exemple du prophète Élie, le saint ermite, certains

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et solitarii Elie prophete, in monte Carmel, et maxime in parte illa que supereminet civitati Porphyrie que hodie Cayphas appel- 10 latur, iuxta fontem qui fons Elie dicitur, non longe a monasterio beate virginis Margarete, vitam solitariam agebant in alvearibus modicarum cellularum, tamquam apes Domini dulcedinem spiritualem mellificantes. Est autem alius Carmelus trans Iordanem iuxta desertum solitudinis in quo latuit David fugiens a facie Saul, 15 ubi erat habitatio Nabal viri stulti. Hic autem in quo conversatus est Elias, situs est in maritimis, distans ab Accon quatuor milia(87) ribus. | LIII. De solitudine Iordanis et de stagno Genesareth quod est mare Galilee et de Iordane. Quamplures vero in solitudinibus Iordanis, ubi beatus Ioannes Baptista fugiens hominum turbas ut liberius Deo vacaret ab annis puerilibus delituit, mortui mundo ut viverent Deo, quietis sibi 5 sepulchrum elegerunt. In hac autem eremi solitudine non nisi locustas cum melle beatus Ioannes edebat. Est autem in partibus Syrie plerisque consuetudo, adveniente locustarum multitudine, eas colligendo et congregando ad victum reservare. Mellis autem ex calamellis maximam in partibus illis vidimus abundantiam. 10 Sunt autem calamelli calami pleni melle, id est succo dulcissimo, ex quo quasi in torculari compresso et ad ignem condensato, prius quasi mel, posthec quasi zuccura efficitur. Vocantur autem alio nomine canamelles quod nomen ex canna et melle componitur, eo quod cannis sive arundinibus huiusmodi calami sunt similes. 15 Quoniam autem verisimile mihi non videbatur quod beatus Christi baptista locustarum carnes manducaret, qui pane etiam vesci renuebat, quesivi diligenter a quodam Surianorum monacho cuius cenobium in partibus illis erat, habens maximam monacho-

15 cfr I Reg. 25, 2 liii, 6/7 cfr Matth. 3, 4    liii, 11 calamelle B D E F, om. K   13 quasi] om. B   

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menaient une vie de solitude dans les niches de leurs petites cellules sur le mont Carmel, surtout sur le versant qui domine la cité de Porphyre, de nos jours Caïffa, tout près de la fontaine d’Élie, à peu de distance du monastère de la bienheureuse vierge Marguerite2 ; tels des abeilles du Seigneur ils faisaient un miel d’une douceur spirituelle. Il y a un autre Carmel de l’autre côté du Jourdain, il touche le grand désert où se cacha David, fuyant de devant la face de Saül ; là demeurait Nabal le fou. Mais le mont Carmel où se retira le prophète Élie est près du rivage à quatre milles d’Acre3. LIII. Le désert du Jourdain, le lac de Genézareth ou mer de Galilée, le Jourdain. Nombreux furent-ils encore ceux qui, morts au monde et pour vivre avec Dieu, se choisirent dans le désert du Jourdain un sé­ pulcre de repos, là où saint Jean-Baptiste se réfugia encore enfant, fuyant la foules des hommes pour être plus libre de se consacrer de Dieu. Et dans ce désert, le bienheureux Jean ne mangeait rien d’autre que des sauterelles et du miel. En Syrie, dans la plupart des coins, il est d’usage après le passage d’un nuage de sauterelles d’en ramasser et d’en faire la récolte pour les destiner à la consommation. Dans cette région, j’ai vu extraire une très grande quantité de miel à partir de cannes à miel. Ces cannes sont des roseaux gorgés de miel, suc d’une saveur très douce, dont on extrait par des opérations de pressage et de distillation un genre de miel d’abord, puis du sucre. Elles portent encore le nom de cannamelles, nom formé des mots canne et miel, les tiges ressemblant à des cannes ou des roseaux. Comme il me semblait peu vraisemblable que le saint baptiste du Christ eut mangé de la chair des saute­ relles, puisqu’il refusait de manger du pain, je me suis informé précisément auprès d’un moine syrien dont le monastère se ­trouvait dans la région – monastère comportant un très grand nombre de

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rum multitudinem sub uno abbate, vitam arctissimam | ducentium, cuiusmodi essent locuste quas in solitudine illa Iordanica beatus Ioannes manducasse perhibetur. Qui mihi statim respondit quod frequenter in refectorio suo quedam herba monachis ad edendum apponebatur, quam languste id est locustam nominabant, cuius circa monasterium suum magna habebatur copia, adiungens quod illa esset quam edebat beatus Ioannes. Sed et de melle silvestri ex apibus in deserto illo frequenter copiose reperiebant. Alii autem ex viris religiosis, in deserto illo quod adiacet mari Galilee in quo Dominus frequenter turbis predicavit, panibus hordeaceis cum paucis pisciculis hominum multitudinem pavit et variis miraculorum signis regionem illam illustravit, in quo etiam loco post resurrectionem suam discipulis suis manifestus apparens, cum eis manducavit et bibit, pedibus autem supra mare illud ambulavit, ibi etiam quosdam ad se discipulos evocans, ait : “ Venite post me, faciam vos fieri piscatores hominum ”, solitariam sibi elegerunt habitationem, quidam in planicie in qua fenum multum reperitur ex herbis desiccatis, alii in monte propinquo in quo Dominus seorsum consueverat orare. Est autem mare Galilee stagnum in finibus Galilee ex aquis collectum, variis piscium generibus commodissimum, visu amenum et delectabile ad potandum. Et quoniam, tam in longitudine quam in latitudine valde spaciosum est, more Hebreorum et | Egyptiorum qui quaslibet aquarum copiosas et spatiosas congregationes, tam ex aquis dulcibus quam ex salsis, mare nominant, predictus lacus maris nomine nuncupatur. Dicitur etiam mare Tiberiadis, eo quod civitati Tiberiadensi que vulgariter ‘Thabaria’ nominatur adiacet, iuxta quam civitas Petri et Andree, quam Dominus propria illustravit presentia, sita est Bethsaida. Dicitur preterea quandoque stagnum Genesareth, quod interpretatur

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30/31 cfr Matth. 14, 17   33 cfr Ioh. 21, 1   36 Matth. 4, 19   48/49 cfr Ioh. 1, 44   50/54 cfr Matth. 8, 24    24 quam] ipsi add. A B D K   39 seorsum] a turba add. B D K   

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moines placés sous l’autorité d’un seul abbé et menant là une existence très austère – ce qu’étaient ces sauterelles dont s’était nourri saint Jean dans le désert du Jourdain, dit-on. Il me répondit, sans hésiter, qu’il était de coutume, au réfectoire, de donner à manger aux moines une herbe appelée langusta ou locusta, qu’il y avait en quantité autour du monastère et, ajoutait-il, que c’était cette herbe que mangeait saint Jean. Pour ce qui est du miel sauvage des abeilles, les moines en trouvaient beaucoup et souvent dans ce désert là1. D’autres personnes, pleines d’esprit religieux, se choisirent, comme séjour, un lieu solitaire dans le désert voisin de la mer de Galilée. Là, le Seigneur avait coutume de s’adresser à la foule, là, avec quelques pains d’orge et des petits poissons, il a nourri la multitude, il a rendu cette région fameuse par divers miracles ; là toujours, après sa résurrection, se manifestant aux yeux des dis­ ciples, il but et mangea avec eux, marcha même sur cette mer, appela à lui ses disciples, leur disant : « Venez à ma suite, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ! » D’autres gens s’établirent dans la plaine où l’herbe en séchant donne le foin en abondance, d’autres, sur la montagne voisine où le Seigneur avait coutume d’aller prier. La mer de Galilée encore est un lac qui draine les eaux aux confins de la Galilée ; il offre l’agrément de toutes espèces de poissons, il est d’aspect plaisant et ses eaux sont d’une saveur délectable. Il est très étendu tant en longueur qu’en largeur, c’est pourquoi lui a-t-on donné le nom de mer, comme c’est la coutume chez les Hébreux et les Égyptiens qui désignent ainsi une étendue d’eau, salée ou non, couvrant une grande superficie ou d’un volume d’eau important. On dit encore la mer de Tibériade en raison de la cité de Tibériade qui est sur ses bords, de nos jours Tabarie, près de laquelle on trouve Bethsaïde, la cité de Pierre et André, que le Seigneur illustra de sa présence. Elle est appelée parfois lac de Génésareth qui doit s’interpréter comme « le faiseur de vent » ;

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auram generans, eo quod ex fontibus montium circumstantium frequenter ventum colligit validum, ex quo facta in stagno perturbatione et invalescente tempestate, undis fluctuantibus navicule plerunque submerguntur. Fluvius autem Iordanis ad radices Libani montis iuxta Cesaream Philippi, ex duobus fontibus, videlicet Ior et Dan, ex quibus nomen trahit et originem, in predicto stagno Genesareth descendit, et inde totus egrediens per centum fere miliaria regionem adiacentem irrigans, per Vallem Illustrem que Vallis Salinarum dicitur, in mare Mortuum se infundit et postea nunquam apparens absorbetur in abysso. Est autem secus locum qui dicitur Segor qui hodie vulgari appellatione ‘Paumier’ nominatur. Dicitur etiam predictum mare, lacus Alphates sive Alphatidis et mare Salis, eo quod sit ita salsum et amarum quod ex eo nec homo nec bestia bibere potest, et plerumque etiam mare Diaboli, eo quod nihil vivum in eo generatur nec aliquid habens in eo submergi valet. | Habet autem iuxta se montem salis excelsum, arbores etiam iuxta ripas eius poma ferunt pulchrum exterius corticem habentia, interius autem non nisi cinis et quasi favilla fetida reperitur. Dominus enim ignem et sulphur pluit super Sodomam et Gomorram et alias tres civitates. Homines illi pessimi erant et hostes nature, ignominiosam et abominabilem turpitudinem inter se abusive operantes. In loco autem illo qui Pentapolis dicebatur est predictus lacus cuius fundus inveniri non potest. Dominus enim civitates illas usque in abyssum, post predictum incendium, submersit. Fluvius autem Iordanis, de quo paulo ante fecimus mentionem, a monte Libani usque ad locum illum multas ex se prebet commoditates universe regioni. Reddit enim hortos irriguos et terram fructiferam, habens aquas dulces ad bibendum et pisces sanos ad edendum et ripas idoneas ad arundines seu cannas procreandas ex quibus tecta domorum tegunt et parietes contexunt.

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70 cfr Gen. 19, 24    51 faucibus B D E F K   61 nominaturD K, appelatur B   66 eo] ipso B D bo, om. K   71 homines] enim add. B D

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car il s’y lève régulièrement un vent très fort, venu des confins des montagnes environnantes, vent qui balaye les eaux du lac, qui déchaîne la tempête et agite les flots où s’engloutissent nombre de barques2. Le fleuve du Jourdain naît au pied du mont Liban près de Césarée de Philippe ; ses deux sources sont Ior et Dan dont il tire nom et origine, il se jette dans le lac de Génésareth. Il en ressort tel quel sur une distance d’à peu près cent milles, arrosant le pays voisin dans la traversée de la Vallée Illustre, autrement dit la Vallée des Salines ; il se perd dans la mer Morte pour ne plus réapparaître, une fois englouti dans l’abîme. Ce lieu maudit est appelé Segor, de nos jours communément Paumier. La mer Morte est surnommée lac Alphates ou Alphatide, et encore Mer de sel, car ses eaux sont si salées et amères que ni homme ni bête ne peuvent en boire. On l’appelle encore la Mer du diable, car il n’en sort rien de vivant et on ne peut rien y plonger. Il y a auprès de cette mer une montagne de sel très haute, les arbres qui grandissent sur ses rives portent des fruits à belle peau, mais ils ont l’intérieur plein de cendre, comme d’une poussière nauséabonde. Car le Seigneur a fait pleuvoir le feu et le soufre sur Sodome, Gomorrhe et trois autres cités. Leurs habitants exécrables étaient les ennemis de la nature, ils se livraient entre eux, sans retenue, à une débauche honteuse. Ce lac insondable est dans ce pays de la Pentapole. En effet, le Seigneur précipita ces villes détruites par le feu jusque dans l’abîme3. Nous avons déjà parlé du Jourdain, fleuve qui apporte un grand nombre d’avantages à tout le pays, du mont Liban jusqu’en ces lieux. Il arrose les jardins, fertilise le sol, offre à boire la douceur de son eau et à manger la chair de ses délicieux poissons, ses rives sont couvertes de roseaux ou de cannes dont on recouvre le toit des maisons et avec lesquelles on tresse des haies. Les plaines environnantes produisent du sucre en quantité, doux

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Campi autem adiacentes, ex calamellis condensa multitudine stillantes dulcedinem, zucare procreant abundantiam. Peregrini enim et etiam indigene corpora sua et vestimenta in aquis Iordanis cum magna devotione soliti sunt abluere, eo quod redemptor noster a beato Ioanne in flumine illo baptizatus, contactu mundissime carnis fluvium sanctificavit, vim regenerativam conferens universis aquis. Tota etiam Trinitas illum fluvium felicem et dignissimum dedicavit. | Supra quem Pater est auditus, Spiritus Sanctus in columbe specie visus, Filius in humana natura baptizatus. Multi autem utriusque sexus homines et mulieres baptismo penitentie a beato Ioanne in predictis aquis baptizati, Christi gratie et baptismati sese habiles et idoneos, et aquarum submersioni assuefactos, reddiderunt. In signum autem future purificationis Naaman Syrus in hoc flumine a lepra mundatus quasi carnem pueri recepit. Iosue autem cum multitudine filiorum Israel, aquis superioribus in altum ascendentibus, inferioribus autem in mare descendentibus, sicco vestigio pertransivit ; ex quo duodecim lapides iuxta numerum duodecim tribuum filii Israel extraxerunt. De quibus ad litteram dixit beatus baptista Ioannes : “ Potens est Dominus de lapidibus istis suscitare filios Abrahe. ” Helias autem Heliseus, aquis Iordanicis Helie pallio percussis et in duas partes divisis, per siccum transierunt. Multi igitur ex viris religiosis propter fluminis sanctitatem et aquarum oportunitatem vicinas fluvio construxerunt habitationes.

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LIV. De monte Thabor et de his qui regulariter in civitatibus vixerunt. In monte Thabor qui sublimis est et arduus valde, in quo Dominus coram Petro et Iacobo et Ioanne, presentibus Moyse et Elia, transfiguratus gloriam future | resurrectionis ostendit, prop- (92)

85/90 cfr Matth. 3, 15-17   94/95 cfr IV Reg. 5, 11-14   95/99 cfr Ios. 3    100/101 Matth. 3, 9   101/102 cfr IV Reg. 2, 8 liv, 4/5 cfr Matth. 17, 1-10   

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suc distillé d’une riche moisson de cannes à miel. Avec dévotion, les pèlerins, et même les gens du lieu, ont pris l’habitude de tremper corps et vêtements dans l’eau du Jourdain, pour ce que notre Rédempteur, baptisé par saint Jean dans ce fleuve, l’a sanctifié au contact de sa chair parfaitement pure, conférant à l’eau une vertu régénératrice4. Aussi la Trinité dans sa plénitude a-t-elle consacré ce saint et très respectable fleuve. C’est au-dessus de son cours que le Père a été entendu, que le Saint-Esprit a été vu sous forme d’une colombe, que le Fils, sous l’humaine nature, a été baptisé. Nombre de personnes des deux sexes, hommes et femmes, furent baptisées par saint Jean du baptême de pénitence dans les eaux du fleuve. Préparés par cette immersion dans l’eau, ils se firent disponibles, aptes à recevoir le baptême et la grâce du Christ. Naaman le Syrien, en signe de la purification future, a été guéri de sa lèpre en entrant dans le fleuve pour retrouver sa peau d’enfant. Après que les eaux du fleuve avaient remonté leur cours en amont et, qu’en aval, elles avaient reflué jusqu’à la mer, Josué et la multitude des enfants d’Israël à sa suite passèrent le fleuve à pied sec. Les fils d’Israël y ramassèrent douze pierres figurant les douze tribus. Saint Jean-Baptiste disait exactement à ce sujet : « Même de ces pierres, Dieu peut susciter des enfants à Abraham ! » Élie et Élisée passèrent le fleuve à pied sec, et les flots se divisèrent quand Élie les eut frappées de son manteau. Ainsi, nombre d’hommes pleins de religion se bâtirent des maisons dans le voisinage du fleuve, en raison de son caractère sacré et du bienfait de ses eaux5. LIV. Le mont Thabor ; ceux qui se conformèrent à la vie régulière dans les villes. Sur le site très élevé et escarpé du mont Thabor le Seigneur fut transfiguré en présence d’Élie et de Moïse sous les yeux de Pierre, Jacques et Jean, et il manifesta la gloire de sa résurrection

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ter loci reverentiam et honorem, monasterium construxerunt. Est autem predictus mons in regione Galilee non longe a Nazareth, habens ad radicem eius torrentem Cisson, montes autem Gelboe ex una parte, ex altero vero mare Galilee. De montibus autem Gelboe quidam fabulantur quod nec ros nec pluvia ad litteram 10 super eos descendat, sed hoc falsum esse a vicinis habitatoribus frequenter est comprobatum. De ordinibus etiam Cisterciensium et Premonstratensium in locis idoneis monasteria construxerunt. Multi autem ex his qui desiderio sancte Terre de terra sua et de cognatione sua et de domi- 15 bus patrum suorum exierunt, licet turba et tumultus hominum plerumque religioni sint impedimentum ; maluerunt tamen inter turbas populorum corporaliter habitare, quam a sanctarum civitatum Hierusalem, Bethleem et Nazareth, que tanquam celle aromatice Salvatoris redolent conversationem, habitatione privari. 20 In Nazareth enim de Spiritu Sancto ex Maria Virgine conceptus fuit Dominus, in Bethleem natus, in Hierusalem pro salute nostra crucifixus, mortuus et sepultus. LV. De civitate sancta Hierusalem et de patriarcha et suffraganeis eius. Est autem Hierusalem civitas civitatum, sancta sanctarum, domina gentium, princeps provinciarum, speciali prerogativa civitas regis magni dicta et quasi in centro mundi, | in medio terre (93) sita ut ad eam confluerent omnes gentes, possessio patriarcharum, alumna prophetarum, doctrix apostolorum, salutis nostre cunabula, Domini patria, mater fidei, sicut Roma mater est fidelium, a Deo preelecta et sanctificata, in qua steterunt pedes eius, ab angelis honorata et ab omni natione que sub celo est frequentata. 10 Est autem in monte eminenti constituta ex utraque parte montuosa in illa parte Syrie que dicitur Iudea et Palestina, lacte et melle fluens, frumento, vino et oleo et omnibus bonis temporali15 cfr Gen. 12, 1 lv, 5 cfr Ps. 73, 12   12 cfr Num. 14, 8   

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future ; là, on a construit un monastère pour honorer et vénérer l’endroit1. Cette montagne se trouve en Galilée non loin de Nazareth ; à ses pieds coule le torrent du Cisson, les monts de Gelboé d’un côté, la mer de Galilée de l’autre. On raconte des histoires sur les monts de Gelboé, qu’il n’y tombe ni rosée ni pluie, mais c’est faux selon les habitants du voisinage, assez unanimes là-dessus2. Des moines cisterciens et des Prémontrés se bâtirent des monastères dans des endroits appropriés3. Par amour de la Terre sainte, ils furent nombreux à quitter leur pays, leur famille, la maison de leurs pères, en dépit de cet obstacle à la vie religieuse que représentent souvent le nombre et le tumulte des hommes ; ils choisirent quand même de s’installer au milieu de ces foules plutôt que de renoncer à vivre loin des saintes cités de Jérusalem, Bethléem, Nazareth, vraies cellules embaumées où ils respiraient encore la présence du Sauveur. C’est à Nazareth en effet que le Seigneur fut conçu du Saint-Esprit par la Vierge Marie, à Bethléem qu’il est né, à Jérusalem qu’il fut crucifié pour notre salut, qu’il mourut et fut mis au tombeau. LV. La sainte cité de Jérusalem ; le patriarche et ses suffragants. Jérusalem est la cité des cités, sainte parmi les saintes, maîtresse des nations, capitale des provinces et, par privilège particulier, dite « cité du Grand-Roi ». Elle est comme au centre du monde, placée au centre de la terre pour que toutes les nations viennent à elle, propriété des patriarches, nourrice des prophètes, maîtresse des apôtres, berceau de notre salut, patrie du Seigneur, mère de la foi comme Rome est la mère des fidèles1, terre choisie à l’avance par Dieu et sanctifiée, sur laquelle il a posé les pieds, honorée par les anges et visitée par toutes les nations vivant sous le ciel. Elle est bâtie sur une montagne élevée, elle est de toute part entourée de hauteurs, dans cette partie de la Syrie appelée Judée et Palestine où coule le lait et le miel, riche en blé, en vin, en huile et toutes sortes de biens de ce monde. Mais le site manque

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bus abundans. Fluminibus autem prorsus caret, fontes autem non habet, excepto uno qui Syloe nominatur, qui sub monte Syon per medium vallis Iosaphat quandoque copiosas ministrat aquas, plerumque vero modice vel nulle penitus aque reperiuntur in ipso. Sunt autem, tam in urbe quam extra urbem, cisterne multe ex aquis pluvialibus, tam hominibus quam animalibus ad potum sufficientes et ad alias varias necessitates. Habet autem plura et diversa nomina ex variis eventibus et secundum diversas linguas et nationes. Primo enim vocata est Iebus, postea Salem, ex quibus duobus vocabulis nomen tertium habet Hierusalem. Dicitur etiam Solyma ex Hierosolyma, Luza et Bethel. Ad ultimum dicta est Helya ab Helio, questore romano, qui eam in loco in quo modo est post destructionem a Tito et Vespasiano factam reedificavit. Primus eius episcopus fuit apostolus Iacobus qui | pertica fullonis in Hierusalem percussus martyrio transivit ad Dominum. Post hunc usque ad tempora Iustiniani imperatoris non nisi simplices habuit episcopos, nulla maioris dignitatis prerogativa preeminentes. Temporibus autem predicti Deo dilecti et religiosi imperatoris, in synodo generali apud urbem Constantinopolitanam ob reverentiam civitatis sancte in ea constituerunt patriarcham quosdam suffraganeos Antiocheno et Alexandrino subtrahentes, eo quod in confinio et limite horum duorum patriarchatuum erat constituta. Obtinet autem quartum locum post apostolicam Sedem in Ecclesia Dei. Habet autem sub se quatuor ­metropolitanos quorum primus est Tyrensis, continens sub se quatuor suffraganeos episcopos scilicet : Acconensem, Sydonensem, Berithensem et Paneadensem. Est autem Paneas civitas illa que nunc vulgariter ‘Belinas’ nuncupatur ; ad radicem Libani montis sita, Damascene civitati satis est vicina et est terminus terre Promissionis. ­Secundus metropolitanus seu archiepiscopus est Cesariensis, unum solum subiectum habens suffraganeum episcopum videlicet Sebastensem. |

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absolument d’eaux fluviales ; il n’y a pas de source, sinon celle appelée Siloé qui sourd de la montagne de Sion dans la vallée de Josaphat. Elle coule en abondance de temps à autre, mais la plupart du temps on y trouve peu, ou pas d’eau du tout2. Tant dans la ville qu’au dehors, plusieurs citernes recueillent assez d’eau de pluie pour les besoins des hommes et des animaux, pour la boisson et pour les autres usages. Jérusalem a pris plusieurs noms selon la suite des événements, la diversité des langues, celle des peuples. Elle s’est d’abord appelée Jebus, puis Salem, et de ces deux vocables on en fit un troisième, Jérusalem. On l’a nommé encore Solyme qui vient de Jerosolyme, Luz, Bethel, et enfin Helia du nom d’Aelius, questeur romain, qui l’a fait reconstruire après sa destruction par Titus et Vespasien sur l’emplacement qu’elle occupe de nos jours. Le premier évêque de la ville fut l’apôtre Jacques qui retourna au Seigneur par la voie du martyre quand il fut frappé par la ­perche du foulon3. Après lui, et jusqu’au temps de l’empereur Justinien, la ville n’eut que de simples évêques qui ne se distinguaient par aucune prérogative ni dignité particulière. Par déférence envers la Cité sainte, à l’époque de cet empereur chéri de Dieu et respectueux de la religion, à l’occasion du concile général tenu à Constantinople, on y établit un patriarche après avoir retiré des suffragants à Antioche et Alexandrie ; ainsi le patriarcat de Jérusalem se trouva placé aux extrêmes limites entre les deux patriarcats4. Après le Siège apostolique, il occupe la quatrième place dans l’Église de Dieu. Il a autorité sur quatre métropolitains ; le premier est celui de Tyr avec quatre suffragants : Acre, Sidon, Beyrouth et Panéas. La cité de Panéas, de nos jours nommée couramment Bélinas, est au pied du mont Liban, assez proche de la cité de Damas, aux confins de la Terre promise5. Le second métropolitain ou archevêque est celui de Césarée avec un seul évêque suffragant, celui de Sébaste.

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LVI. De civitatibus Sebasta, Tyberiade et Bethsam et Petra deserti. Sebasta alio nomine olim dicebatur Samaria, in qua sepulti fuerunt viri sancti Ioannes baptista, Heliseus et Abdias propheta. Civitas autem que dicitur Cayphas sive Porphyria non habet episcopum, subest autem immediate archiepiscopo Cesariensi. Tertius metropolitanus est Nazarenus, unum solum habens suffraganeum Tyberiadensem episcopum. Est autem Tiberias civitas supra mare Galilee sita in regione Galilee, frumenti et vini et piscium ubertate redundans. Fuit autem quondam sedes archiepiscopalis in urbe Citopoli, que hodie dicitur ‘Bethsam’, inter montes Gelboe et Iordanis fluvium in campestribus sita. Est autem fertilis valde, rivis et fontibus irrigua, que quondam tertie Palestine et universe Galilee metropolis extitit, sed propter dignitatem loci et reverentiam dominice conceptionis translatus est archiepiscopatus ad civitatem Nazarenam. Quartus autem metropolitanus est Petracensis, unum solum habens suffraganeum episcopum grecum in monte Synai, ecclesie beate virginis Catharine et monachis eiusdem monasterii prefectum. Est autem Petra civitas munitissima, que vulgari nomine hodie dicitur ‘Crac’ et ‘Petra deserti’, ultra Iordanem in finibus Moab in monte sublimi sita, secunde Arabie metropolis. Est autem |, ut dicitur, locus ille de quo dicit Isaias propheta : “ Emitte agnum, Domine, dominatorem terre ” et cetera. Est autem iuxta urbem antiquissimam que dicitur Rabath, ante quam civitatem procurante David occisus fuit Urias.

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LVII. De civitatibus Nazareth, Ebron et Lidda. Habet preterea Hierosolymitanus patriarcha quosdam episcopos suffraganeos sibi nullo mediante subiectos, scilicet : Bethleemitanum et Ebronensem et Liddensem. Fuit autem ecclesia Bethleemitica prioratus canonicorum regularium usque ad tem- 5 pora Baldovini primi regis Latinorum in Hierusalem. Rex vero propter loci dignitatem et dominice nativitatis precellentiam eam lvi, 23 Is. 16, 1   25 cfr II Reg. 11, 14

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LVI. Les cités de Sébaste, Tibériade, Bethsan et Pétra du désert. Sébaste s’appelait autrefois Samarie, et là furent enterrés des hommes saints : Jean Baptiste, Élisée, le prophète Abdias. La cité dite Caïffa ou Porphyre n’a pas d’évêque, elle dépend directement de l’archevêque de Césarée. Le troisième métropolitain est celui de Nazareth qui a comme seul suffragant l’évêque de Tibériade. Tibériade est une cité au bord de la mer de Galilée, riche par l’abondance de blé, de vin et de poisson. Il y eut dans le temps un siège épiscopal pour la ville de Scythopolis, notre Bethsam, dans la plaine entre les monts de Gelboé et le Jourdain. C’est une terre très fertile, arrosée de ruisseaux et de sources, ancienne métropole de la Palestine troisième et de toute la Galilée ; mais, en raison de la dignité de l’endroit et du respect attaché au lieu où le Seigneur fut conçu, l’archevêché passa à la cité de Nazareth. Le quatrième métropolite est celui de Pétra qui n’a qu’un seul suffragant, ­l’évêque grec du mont Sinaï, préposé à l’église de la sainte vierge Catherine et aux moines de son monastère. Pétra est une cité très bien défendue, surnommée couramment Le Crac et Pétra du désert, au-delà du Jourdain, dans le pays de Moab sur une haute montagne, c’est la métropole de l’Arabie seconde1.On dit que le prophète Isaïe en a parlé : « Envoie l’agneau, Seigneur, le maître du pays ! » Et cetera. À proximité, on trouve la très ancienne cité dite de Rabath devant laquelle Uri trouva la mort par la faute de David.

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LVII. Les cités de Nazareth, Ébron et Lydda. En outre, le patriarche de Jérusalem a des évêques suffragants sous son autorité directe : les évêques de Bethléem, d’Ébron et de Lydda. L’église de Bethléem était un prieuré de chanoines réguliers jusqu’à l’époque de Baudouin, premier roi latin de Jérusalem. Mais ce roi, en raison de la noblesse du lieu et de la précellence de la nativité du Seigneur, éleva l’église à la dignité cathédrale, éta-

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cathedrali dignitate sublimavit, constituens in ea episcopum, de mandato et voluntate bone memorie Paschalis pape, qui etiam Ascalonem civitatem eidem immediate subiecit. Similiter 10 Ebronensis ecclesia que prius fuerat prioratus propter loci dignitatem, in quo sepulti sunt Adam et Eva et tres patriarche : Abraham, Isaac et Iacob, cum Sara et Rebecca, in spelunca duplici et propter reverentiam servorum Dei ad episcopalem sublimata est dignitatem. Ebron autem antiquis nominibus Arbe et 15 Cariatharbe appellatur. Lidda autem civitas quondam Diospolis (97) appellabatur, nunc ad Sanctum Georgium nuncupatur. | LVIII. De abbatibus et prioribus sub patriarcha Hierosolymitano constitutis. Habet insuper predictus patriarcha abbates et priores sibi subiectos, insignia pontificalia baculos scilicet et mitras, annulos et sandalia ex privilegio dignitatis habentes, domino patriarche 5 in ministerio reverenter assistentes. Patriarchalis siquidem ecclesia, que est Dominici Sepulchri sub monte Calvarie, canonicos habet regulares secundum habitum et regulam beati Augustini viventes. Habent autem priorem ad quem cum predictis canonicis pertinet eligere patriarcham qui est eis loco abbatis. In ecclesiis 10 autem Templi Domini et Montis Syon et Montis Oliveti sunt abbates et canonici, secundum regulam predictam beati Augustini Domino ministrantes. In ecclesiis vero seu monasteriis de Latina et Valle Iosaphat sunt abbates cum monachis nigris secundum regulam beati Benedicti Domino servientes. In Bethania vero, que 15 est castellum Marie et Marthe et Lazari fratris earum et distat ab Hierusalem quindecim stadiis ultra montem Oliveti in declivi eiusdem montis, est abbatia Sancti Lazari que dicitur de Bethania

lvii, 13 cfr Gen. 25, 9 lviii, 15 cfr Ioh. 11, 1   20/21 cfr Ioh. 1, 28    lvii, 9 etiam] ei mo, om. E F K lviii, 13/15 in ... servientes] om. K   14 vallis B D E F   

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blissant là un évêque pour répondre à la décision du pape Pascal, de bonne mémoire, qui mit encore la cité d’Ascalon sous autorité directe de cet évêque. De même, l’église d’Hébron, qui avait d’abord été un prieuré, fut élevée à la dignité épiscopale par respect pour l’endroit où étaient enterrés dans une grotte double, Adam, Ève, les trois patriarches, Abraham, Isaac, Jacob avec Sara et Rebecca, par considération pour ces serviteurs de Dieu. Hébron était aussi nommée dans l’Antiquité, Arbe et Cariath Arbe. Lydda était appelée autrefois Diospolis, maintenant Saint-Georges1.

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LVIII. Abbés et prieurs établis sous l’autorité du patriarche de Jérusalem1. De plus, le patriarche a autorité sur des abbés et prieurs qui, par privilège particulier, sont revêtus des insignes pontificaux – la crosse, la mitre, l’anneau et les sandales – et qui l’assistent avec déférence dans son ministère. L’église patriarcale est celle du Sépulcre du Seigneur sous le mont Calvaire ; des chanoines réguliers y vivent selon le mode de vie et la règle de saint Augustin. Ils ont un prieur auquel il appartient d’élire avec les chanoines le patriarche qui leur tient lieu d’abbé2. Dans les églises du Templum Domini, du Mont-Sion et du Mont des Oliviers, sont abbés et chanoines qui servent le Seigneur sous la règle de saint Augustin3. Mais dans les églises ou monastères de La Latine et du Val de Josaphat, les moines noirs et leurs abbés vivent selon la règle dite de saint Benoît et sont au service du Seigneur4. En outre, à Béthanie, qui a été le village de Marie, Marthe et leur frère Lazare, à quinze stades de Jérusalem5, sur la pente et de l’autre côté du mont des Oliviers, il y a l’abbaye de Saint-Lazare ou de Béthanie

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in qua est abbatissa nigra et moniales sancti Benedicti regulam et instituta profitentes. Est autem alia Bethania trans Iordanem ubi erat Ioannes baptizans. Eiusdem autem ordinis et | professionis est abbatia Sancte Anne genitricis matris Domini iuxta portam quam dicitur Iosaphat, iuxta Probaticam piscinam sita, in quo beata Virgo Maria nata fuisse perhibetur, in qua est abbatissa cum monialibus nigris. Abbatia insuper Sancte Marie monialium in Hierusalem cum abbatissa et monialibus nigris, sub sancti Benedicti regula Deo servientibus, tanquam cella aromatica sanctis et castis et Deo devotis personis erat referta, que religionis districtionem, vite honestatem et caritatis fervorem nulla com­ pellente adversitate vel paupertate reliquerunt. In monte Thabor est abbatia nigrorum monachorum sub metropolitano Nazareno. Ioppensis autem civitas non habet episcopum, sed immediate subest priori et canonicis Dominici Sepulchri. Similiter civitas Neapolis, que in Evangelio dicitur Sychar, ubi est puteus Iacob iuxta quem Dominus loquutus est samaritane mulieri, episcopo caret ; pertinet autem immediate ad abbatem Dominici Templi. Multe etiam alie sunt civitates in terra Promissionis que, licet ante tempora Latinorum proprios haberent episcopos Surianorum et Grecorum, Latini tamen propter multitudinem et paupertatem eorum, ne dignitas episcopalis vilipenderetur, plures ecclesias cathedrales et civitates uni cathedrali subiecerunt. Nunc autem de his locis que inter alia loca venerabilia maiorem habent sanctitatis preeminentiam breviter subiungamus. |

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LIX. De civitatibus Nazareth et Bethleem. Nazareth civitas est modica fere in introitu Galilee ex parte occidentali iuxta montes sita. Inter ipsam autem et Sephor est

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avec une abbesse noire et des moniales qui observent la règle et les institutions de saint Benoît6. Il existe une autre Béthanie audelà du Jourdain où se tenait Jean-Baptiste quand il baptisait7. Une autre abbaye de même règle et du même ordre, l’abbaye de Sainte-Anne, mère de la mère du Seigneur, est proche de la porte de Josaphat et de la piscine Probatique. Là, à ce qu’on dit, est née la bienheureuse Vierge Marie8. Cette abbaye est tenue par une abbesse et des moniales noires. De plus, le monastère de femmes de Sainte-Marie de Jérusalem était tenue par une abbesse et des moniales noires servant Dieu selon la règle de saint Benoît ; il était tel une cellule parfumée remplie de saintes et chastes personnes consacrées à Dieu, qui demeuraient dans la pratique d’une stricte religion, vivaient une existence sans reproche dans la ferveur de la charité et sans y avoir été forcé par le malheur ou la pauvreté9. Sur le mont Thabor, il y a un monastère de moines noirs, placé sous l’autorité de l’archevêque de Nazareth. Jaffa est une cité qui n’a pas d’évêque, elle dépend, en direct, du prieur et des chanoines du Sépulcre du Seigneur. De même, la cité de Néapolis, la Sychar de l’Évangile, n’a pas d’évêque, on y retrouve le puits de Jacob où le Seigneur parla à la Samaritaine ; elle relève sans intermédiaire de l’abbé du Templum Domini. Jadis, nombre d’autres cités de la Terre promise avaient leur propre évêque grec ou syrien. Depuis les Latins, en raison de leur nombre et de leur pauvreté, plusieurs sièges ont été ramenés sous l’obédience d’un seul pour ne pas diminuer la dignité épiscopale. Maintenant il faut dire quelques mots des lieux vénérables qui se distinguent parmi d’autres par un degré de sainteté supérieure. LIX. Les cités de Nazareth et Bethléem. Nazareth est une petite cité pratiquement à l’entrée de la Galilée occidentale, près des montagnes. Entre Nazareth et

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fons irriguus et perspicuus, aquas ex se copiosas emittens, qui fons Sephoritanus appellatur ; in quo loco forte reges Hierusalem frequenter propter aquarum et herbarum commoditatem solent exercitus suos congregare. In hac autem civitate a quibusdam beata Virgo nata fuisse perhibetur. Hoc autem non est dubium quod in ea postquam desponsata fuit Ioseph Virgo sancta morabatur, ad quam missus est angelus, salutis nostre nuncians primordia. Hec autem sancta et Deo amabilis civitas in qua Verbum caro factum est et flos omnia vincens aromata in utero virginali germinavit, unde et merito flos interpretatur, in hoc super omnes alias speciali gaudet privilegio quod salutis nostre Dominus in ea principium procuravit, et in ipsa preterea nutriri et parentibus subiici dignatus est cui Pater omnia que sunt in celo et in terra subiecit. Bethleem vero que domus panis interpretatur, in qua natus est verus panis qui de celo descendit, in declivi montis Hierosolymitani sita est non longe distans a civitate sancta per miliaria scilicet quatuor. In hac veri David civitate est sancta et venerabilis ecclesia cathedralis in honore beate Virginis consecrata, presepium etiam in quo iacere et reclinari dignatus est | ille cuius celum sedes est, terra autem scabellum pedum eius, factus fenum secundum carnem quo pia animalia vescerentur, in quo loco pastores revelatione angelica admoniti puerum pannis involutum cum Maria matre eius invenerunt et tres magi, stella duce, ad predictam civitatem venientes, natum regem humiliter adorantes, mystica ei munera obtulerunt. In hac impius hostis Herodes, Christum querens occidere, multos innocentes parvulos crudeliter interfecit. In ea etiam sepulchrum est Rachelis uxoris Iacob que, dum peperisset Beniamin, in eodem loco vitam finivit. Ex hac traxit originem illa mulier Noemi que Ruth Moabitidem adduxit de Petra deserti,

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lix, 9/10 cfr Luc. 1, 26   12 Ioh. 1, 14   17/18 Ioh. 6, 50-51   23/24 Is. 66, 1   25/26 cfr Luc. 2, 6-7   27/28 cfr Matth. 2, 11   29 cfr Matth. 2, 16   30/32 cfr Gen. 35, 18-19   32/34 cfr Ruth 1, 4    lix, 5 forte] om. B E   19 declivo BD E K

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Séphorie se trouve la source d’une eau, fraîche, abondante, limpide, qui répond au nom de fontaine de Séphor. Dans ce lieu, commode pour le ravitaillement en eau et en fourrage, les rois de Jérusalem avaient pris l’habitude de réunir l’armée. La bienheureuse Vierge Marie y serait née, selon une tradition. Sans aucun doute elle y habitait après ses fiançailles avec Joseph, lorsque l’ange lui fut envoyé pour lui annoncer les prémices de notre salut. Dans cette ville sainte et agréable à Dieu le Verbe s’est fait chair, une fleur plus suave que tous les parfums a germé dans le sein d’une vierge ; et il est juste de comprendre pour elle le terme de « fleur », pour avoir bénéficié la première d’un privilège particulier quand le Seigneur y accomplit le principe de notre salut. Celui à qui son père avait soumis toute chose sur terre et dans le ciel accepta encore d’être nourri dans ce lieu et de se soumettre à l’autorité de ses parents. Mais Bethléem – dont le nom signifie « maison du pain » – et où est né le vrai pain descendu du ciel , se trouve sur le revers de la montagne de Jérusalem, non loin de la sainte Cité, à quatre milles. Dans cette cité du vrai David, l’église cathédrale est consacrée à la bienheureuse Vierge Marie1. On y trouve encore la crèche où accepta de reposer et de s’étendre celui qui a le ciel comme trône et la terre pour escabeau, et de devenir par sa chair, la nourriture des animaux pieux2. Les bergers, avertis par la révélation de l’ange, trouvèrent là, dans la crèche, l’enfant emmailloté avec Marie sa mère ; les trois mages, guidés par l’étoile, venant à Bethléem, adorant humblement le roi nouveau-né, lui offrirent des présents mystiques3. Hérode, l’ennemi impie, chercha à y faire tuer le Christ, faisant massacrer sans pitié d’innocents petits enfants. Rachel, la femme de Jacob, mourut dans cette ville après avoir donné le jour à Benjamin ; elle y a sa sépulture. Noémie en fut originaire ; cette femme fit venir de Pétra du désert Ruth la

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quam duxit Boos uxorem, ex quorum progenie ad montem filie Syon venit Agnus terre dominator. De cisterna autem Bethleemitica 35 David aquas concupivit, aquas sapientie salutaris potare desiderans de cisterna beate Virginis. Hanc autem sanctam et Deo dilectam civitatem beatus latinus interpres Hieronymus, ut ibi Domino serviret, preelegit, in qua etiam corporis eius gleba preciosa tradita est sepulture ; beata etiam Paula et Eustochium filia eius cum 40 multis aliis virginibus in monasterio sanctimonalium Dei servitio et divine contemplationi devotissime vacantes, regna mundi et omnem eius ornatum, propter amorem Domini nostri Iesu Christi (101) et loci sancti devotionem, contempserunt. | LX. Iterum de civitate Hierusalem et de locis sanctis que in ea continentur. Civitas autem sancta Hierusalem in qua redemptionis nostre mysteria Dominus corporaliter exhibuit, quanto omnibus aliis locis et civitatibus privilegio preeminet sanctitatis et excellentia 5 dignitatis, tanto quasi odore agri pleni cui benedixit Dominus, plures religiosas personas ad se traxit. Qui locorum venerabilium multitudinem variis et competentibus temporibus cum fervore spiritus visitantes, nunc ex his, nunc ex illis materiam devotionis assumentes et ardore desiderii animas suas urgentes, ipsas pre 10 tedio dormitare non sinebant. Est autem sepe nominata et nominanda civitas secundum omnes eius partes in monte sublimi sita, muro valido undique circundata, nec nimia parvitate angusta, nec magnitudine cuiquam fastidiosa, a muro usque ad murum habens distantiam 15 quantum arcus quater proiicit sagittam. Habet autem a parte occidentali munitionem ex lapidibus quadris, cemento et plumbo fusili quasi indissolubiliter compaginatis constructam, que ex uno

35 cfr Apoc. 14, 1   35/37 cfr I Par. 11, 17 lx, 4 misteria B D E K

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Moabite que Booz prit pour femme, lignée dont est sorti l’Agneau, le maître de la terre, pour venir sur la montagne de la fille de Sion4. Quand il voulut boire à la source de la Vierge sainte l’eau de la sagesse salutaire, David jeta son dévolu sur l’eau de la citerne de Bethléem. Le bienheureux Jérôme, le traducteur latin, choisit cette ville sainte et chérie de Dieu pour y servir le Seigneur ; là même, selon la tradition, reposent ses précieuses cendres, celles de la bienheureuse Paula, de sa fille Eustochie et de bien d’autres vierges dans un monastère de religieuses attachées au service de Dieu et vouées à la contemplation ; elles renoncèrent au royaume du monde et toute sa pompe pour l’amour de notre Seigneur JésusChrist, par dévotion pour le saint lieu5. LX. Retour sur la cité de Jérusalem et les lieux saints qui s’y trouvent. Ainsi, la sainte cité de Jérusalem, où le Seigneur accomplit dans sa chair les mystères de notre délivrance, se distinguait de tout le reste, lieux et cités, par le privilège de sa sainteté et la grandeur de son rang, au point d’attirer à elle beaucoup de personnes pieuses, comme par le parfum d’une terre féconde à laquelle Dieu a accordé sa bénédiction. En tous temps, toute circonstance, toute ferveur, elles se mirent à visiter la multitude des lieux vénérables, cultiver leur dévotion, tantôt ici, tantôt là, livrant leur âme à l’ardeur du désir sans se laisser engourdir par l’ennui. Cette ville souvent nommée, et qui mérite de l’être dans ses moindres lieux, est placée sur un site élevé, entièrement ceinte d’une muraille solide. Pour chacun, elle n’est ni petite ni grande, sans exiguïté excessive et sans démesure ; on y compte la distance d’un mur à l’autre à la longueur de quatre fois une portée de flèche. À l’ouest il y a une fortification en pierres carrées, ajustées, comme bien soudées avec du ciment et du plomb fondu. Un des côtés tient lieu de mur d’enceinte, on l’appelle la Tour de David1. Au

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eius latere pro muro est civitati et turris David appellatur. Montem autem Syon habet a meridie, in quo David in arce Syon, eiectis Iebuseis, habitavit et eam civitatem David appellavit. Montem autem Oliveti habet ab oriente. Mons siquidem Calvarie in quo crucifixus est Dominus | in parte illa que Golgotha nuncupatur et locus dominici sepulchri, quo loco illi proximus est sub monte Calvarie, usque ad tempora Helii Hadriani imperatoris extra civitatis ambitum erant. Dominus enim passus est et sepultus est extra portam civitatis. Predictus autem Helius Adrianus civitatem a Tito et Vespasiano destructam reparavit, vicos et plateas decenter pavimento decoravit, ductus aquarum construens quibus pluviali tempore civitas a sordibus purgaretur.

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LXI. De dominico sepulchro et loco Calvarie et monte Syon. Adeo autem ampliavit civitatem quod locum dominici sepulchri infra murorum ambitum inclusit, in quo loco postea ­christiani ob reverentiam dominici sepulchri, artificioso opere, decenti schemate, forma rotunda, uno tantum foramine superius apertam, 5 Dominice Resurrectionis ecclesiam gloriosam construxerunt, que inter sancta et venerabilia loca non immerito obtinet principatum. In quo loco corpus Domini pretiosum cum aromatibus honorifice sepultum usque in diem tertium requievit. Die autem tertia re­sur­ rexit, in quo loco sancti angeli mulieribus apparuerunt. Milites 10 autem sepulchrum custodientes velut mortui effecti sunt, in quo etiam loco in nocte dominice resurrectionis ignis sacer descendit de supernis. Cum autem per mundum universum a fidelibus dicatur : “ Surrexit Dominus de sepulchro qui pro nobis pependit in ligno ”, soli | canonici ecclesie Resurrectionis Dominice speciali (103) gaudent prerogativa dicentes et ad oculum demonstrationem facientes : “ Surrexit Dominus de hoc sepulchro. ” Similiter in

lx, 19/21 cfr I Par. 11, 4-8   26/28 cfr Hebr. 13, 12 lxi, 8/9 cfr Ioh. 19, 39   10 cfr Matth. 28, 5   11 cfr Matth. 28, 4   

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sud, il y a le mont Sion où David habita dans la citadelle de Sion, après en avoir chassé les Jébuséens, et l’appela la cité de David. À l’est, c’est le mont d’Olivet. Il y a encore la montagne du Calvaire où le Seigneur fut crucifié au lieu appelé le Golgotha, et l’emplacement du sépulcre du Seigneur qui lui est tout proche, sous le mont Calvaire. À l’époque de l’empereur Aelius Hadrien ces sites se trouvaient hors l’enceinte de la ville. En effet, le Seigneur est mort et a été mis au tombeau hors les portes de la ville. C’est ainsi qu’Aelius Hadrien fit reconstruire la cité détruite par Titus et Vespasien, dotant rues et places d’un pavement convenable, avec une conduite pour les eaux pour qu’en période de pluie la ville soit lavée de ses immondices2. LXI. Le tombeau du Seigneur, le Calvaire, le mont Sion. Il agrandit tellement la ville qu’il enferma le sépulcre à l’intérieur du mur d’enceinte. Par la suite, pour honorer le tombeau du Seigneur, les chrétiens construisirent l’église glorieuse de la Résurrection, ouvrage circulaire à ciel ouvert, bâti avec art et de proportions harmonieuses ; elle a reçu le premier rang parmi les lieux vénérables et saints, non sans bonne raison1. Là, le Seigneur a reposé jusqu’au troisième jour ; là, avec tous les honneurs, son corps précieux a été enseveli avec des aromates. Là, il ressuscita le troisième jour, les anges saints apparurent aux femmes. Là, les soldats de garde au tombeau tombèrent comme s’ils étaient morts ; et encore, au cours de la nuit de la résurrection du Seigneur, le feu sacré descend du ciel2. Et quand les fidèles par le monde entier disent : « Le Seigneur qui, pour nous, fut attaché au bois, s’est levé de son tombeau », seuls, les chanoines de cette église jouissent du privilège spécial de dire tout en le désignant des yeux, « le Seigneur s’est levé de ce tombeau. » De la même façon, dans l’évangile du

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evangelio paschali cum dicitur : “ Surrexit, non est hic ! ” diaconus qui legit evangelium digito demonstrat dominicam sepulturam. Is autem qui dicitur Calvarie locus, hebraice autem ‘Golgotha’, ecclesie Dominici Sepulchri vicinus, inter loca sancta magnam obtinet dignitatem et maximam ob memoriam dominice passionis habet conpunctionis virtutem ; in quo Dominus passus est pro salute nostra, vestimentis exutus, in cruce levatus, clavis affixus, felle et aceto potatus, a Iudeis irrisus, inter iniquos deputatus, morte ignominiosa condemnatus, pro transgressoribus oravit, matrem suam discipulo conmendavit, latroni salutem promisit, cum clamore et lacrymis spiritum emisit, ex latere perforato sanguinem et aquam quibus mundum ablueret produxit. In quo loco vestimenta eius diviserunt et super tunicam eius sortem miserunt, terra mota est et petre scisse sunt, sanguis eius in terra cecidit, sol obscuratus radios suos subtraxit. His omnibus, dum locus sacer a devotis peregrinis frequentatur, cor contritum et humiliatum compungitur et quasi torculari passionis lacryme compassionis exprimuntur. Urbs autem fortitudinis nostre Syon : Mons coagulatus, mons pinguis, mons in quo bene placitum fuit Deo habitare in eo, quasi favus stillans dulcedinem et flos redolens suavitatis odorem, pias mentes afficit et confortat et reficit, et | sanctitatis sue preeminentia consolatur et pascit, in quo Dominus pascha cum discipulis celebravit, pedes apostolorum linteo precinctus lavit, exemplum humilitatis ostendit, vestimenta resumens cum discipulis manducavit et bibit, novum testamentum instituit, panem in corpus suum et vinum in sanguinem proprium conversum discipulis ad manducandum et bibendum tradidit, divinis sermonibus discipulos informavit. In quo loco beatus Ioannes supra sanctum pectus eius recubuit ; et beata Virgo cum Ioanne sibi ad custodiam deputato, post mortem filii sui, quandiu vixit, habitavit ; et Dominus discipulis suis in domo clauso ostio commorantibus apparuit.

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18 Luc. 24, 6   20/32 cfr Matth. 27   36/37 Ps. 67, 16-17   38 Ioel 3, 18   40/42 cfr Ioh. 13, 1-13   43/45 cfr Matth. 26, 26-28   45/46 cfr. Ioh. 14-17   46 cfr. Ioh. 13, 25   47/48 cfr 19, 26-27   48/49 cfr Ioh. 20, 19   

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jour de Pâques, quand on dit : « Il est ressuscité, il n’est pas là », le diacre qui lit, montre le tombeau avec le doigt3. Ce lieu dit du Calvaire, en hébreu le Golgotha4, est voisin de l’église du sépulcre du Seigneur et jouit parmi les lieux saints d’une grande et très haute dignité en mémoire de la passion du Christ ; il a pour vertu d’inciter au repentir5. À cet endroit, le Christ a souffert pour notre salut, il a été dépouillé de ses vêtements, élevé et cloué sur la croix, abreuvé de fiel et de vinaigre, moqué par les Juifs, mis au nombre des malfaiteurs, voué à une mort ignominieuse ; à cet endroit, il pria pour les pécheurs, recommanda sa mère au disciple, promit le salut au larron, rendit l’esprit après avoir versé des larmes et poussé un cri ; et de son flanc percé, il sortit du sang et de l’eau et le monde s’en trouva purifié6. Là, on se partagea ses vêtements, on tira au sort sa tunique et le sol trembla, les pierres se fendirent, son sang tomba sur la terre, la lumière du soleil se retira et le ciel s’assombrit. Pour toutes ces raisons, tant ce lieu est sacré, qu’il est fréquenté par des pèlerins dévots, le cœur ému, humble et contrit, touchés et versant des larmes de compassion comme au pressoir de la Passion7. La ville de notre force est Sion, montagne grasse, montagne fertile, montagne où il plut à Dieu d’habiter, douce comme la goutte du rayon de miel, suave comme le parfum que la fleur exhale, elle dispose les âmes pieuses, les réconforte, les raffermit et par la distinction de sa sainteté, les console et les apaise. Dans ce lieu, le Seigneur a célébré la pâque avec ses disciples, il a lavé les pieds de ses apôtres avec un linge autour de la taille, en signe d’humilité ; puis s’étant rhabillé, il mangea et bu avec eux ; il institua la nouvelle alliance en offrant à manger et à boire aux disciples quand il eut converti le pain en son corps et le vin en son sang, et il les instruisit de ses divines paroles. C’est ici que saint Jean se pencha sur la poitrine sainte du Seigneur et que la sainte Vierge Marie, après la mort de son fils, habita pour le restant de ses jours sous la garde de Jean à qui elle avait été confiée. Dans ce lieu, le Seigneur apparut à ses disciples qui restaient dans la maison toutes portes closes. Et encore, du jour de l’Ascension à celui

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Apostoli etiam post ascensionem Domini usque ad diem Pentecos­ 50 tes in eodem loco, cum ieiuniis et orationibus, promissum Spiritum Sanctum expectantes permanserunt. In die vero Pente­ costes in specie ignis in illo loco Spiritum Sanctum cum scientia linguarum omnium ad robur receperunt. Facto autem super locum illum de celo sono repentino, multitudo Iudeorum confluxit, quibus 55 beatus Petrus prophetiam Iohelis exponens multos ad Dominum convertit. His omnibus insigniis locus ille preeminens inter alia (105) loca sancta maximam obtinet privilegii dignitatem. | LXII. De templo Domini et templo Salomonis et monte Oliveti. Templum autem Domini sanctum, quod in monte Moria in area Ornam Iebusei a Salomone constructum est, inter loca sancta et venerabilia nullatenus est pretereundum quod, licet a Babyloniis primo sit destructum et postea a Romanis, a fidelibus tamen et religiosis viris, opere rotundo et decenter et magnifice in eodem loco miro et subtili artificio, iterum est reparatum. In hoc loco supra rupem que adhuc in eodem templo consistit dicitur stetisse et apparuisse David exterminator angelus qui, propter peccatum denumerationis Israelitici populi que David precipiente facta est, multa millia de populo interierunt. Unde Saraceni templum dominicum usque hodie Rupem appellant ; quod in tanta veneratione habent, ut nullus eorum ipsum audeat aliquibus sordibus sicut in aliis locis sanctis faciunt maculare, sed a remotis et longinquis regionibus a temporibus Salomonis usque ad tempora presentia veniunt adorare. Quoties autem civitatem sanctam possident, imaginem Mahometi ponentes in templo, nullum christianorum permittunt intrare. In predicta autem rupe creditur a quibusdam arcam Domini usque

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50/57 Act. 1-2 lxii, 3 II Par. 3, 1   4 cfr I Par. 21, 28   8/12 cfr I Par. 21, 15-17    lxii, 17 presentia] ad ipsum add. B D E K   17 quotiens BD E K   

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de Pentecôte, les apôtres restèrent dans ce même lieu à jeûner et prier, attendant la venue du Saint-Esprit promis. Le jour de Pentecôte, dans ce lieu, ils reçurent la force du Saint-Esprit, sous la forme du feu, qui leur donna à parler toutes les langues. Au bruit qui se fit soudain dans le ciel, au-dessus de la maison où ils se tenaient, la foule des Juifs s’assembla, et saint Pierre, citant le prophète Joël, en convertit un grand nombre au Seigneur. Cet endroit, illustré de telles distinctions parmi les autres lieux saints, a le privilège d’occuper une place éminente8. LXII. Le temple du Seigneur et le temple de Salomon ; le mont d’Olivet. Mais, parmi les lieux saints et vénérables, on ne saurait passer sous silence le temple du Seigneur que Salomon fit construire sur le mont Moria dans l’aire d’Ornan le Jébuséen. Détruit une première fois par les Babyloniens, une nouvelle fois par les Romains, les fidèles, des hommes pénétrés de religion, l’ont restauré une fois encore au même endroit, selon un plan circulaire de belle et noble allure, fait à merveille avec un art consommé1. On raconte que l’ange exterminateur apparut à David, dressé sur la roche qui est encore dans le Temple, et qu’il fit périr des milliers de gens pour le péché de David qui avait ordonné de dénombrer le peuple d’Israël. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, les Sarrasins appellent le Temple, Le Rocher. Ils le vénèrent tant que personne n’ose le souiller de toutes sortes de saletés comme ils le font dans d’autres lieux saints. Mais depuis Salomon jusqu’au temps présent, ils viennent y prier depuis les pays lointains et reculés. Et chaque fois qu’ils possèdent la sainte cité, ils y installent un simulacre de Mahomet et n’autorisent aucun chrétien à y entrer2. À ce sujet, quelques-uns croient que l’arche du Seigneur a été enfermée dans

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hodie fuisse reclusam, eo quod Iosias rex Israël imminentem previdens civitatis destructionem ipsam in | sanctuario Templi includi preceperit et abscondi. In secundo tamen libro Machabeorum reperitur quod, imminente captivitate, exivit Ieremias propheta in montem, in quo Moyses ascendit et vidit Dei hereditatem, et in spelunca quam invenit tabernaculum et arcam et altare incensi intulit et ostium spelunce obstruens, ait : “ Quod ignotus erit locus donec congreget Dominus congregationem populi sui et propitiatus fiat et tunc Deus ostendet hec et apparebit maiestas Domini. “ In hoc autem sancto et venerabili loco cum Salomon, opere consummato, Domino sacrificia offeret, nebula implevit domum et apparuit gloria Domini et ignis descendit de celo et devoravit holocausta et victimas et maiestas Domini implevit domum, nec poterant sacerdotes ingredi domum Domini, sed omnes filii Israel videbant descendentem ignem et gloriam Domini super domum. Cum autem, flexis genibus et manibus ad celum expansis, orasset Salomon Dominum ut quicumque Templum beneficia petiturus ingrederetur, preces eius a Domino reciperentur, apparuit ei Dominus dicens : “ Exaudivi orationem tuam et deprecationem tuam quam deprecatus es coram me, sanctificavi domum hanc quam edificasti mihi, oculi quoque mei erunt aperti et aures mee erecte ad orationem eius qui in loco isto oraverit. Elegi enim et sanctificavi locum istum mihi. ” In hoc loco, sicut in secundo Machabeorum legitur, Heliodoro a rege Antiocho misso ut locum | sanctum violaret et pecuniam depositam per violentiam auferret, apparuit equus terribilem habens sessorem, optimis operimentis ornatus. Qui autem sedebat videbatur habere arma aurea. Equus autem Heliodoro cum impetu priores calces allisit. Alii autem apparuerunt duo iuvenes, virtute decori, optimi gloria speciosique amictu, qui circunsteterunt eum et ex utraque parte flagellabant sine intermissione, multis plagis verberantes.

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23/29 II Mach. 2, 4-8   29/35 II Par. 7, 1-3   35-42 II Par. 7, 11-16     42/50 II Mach. 3, 25-26    28 propitiatus] scripsi, propitius B D E K, prioratus mo   42 secundo] 2 mo   47 autem] etiam B D E   

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la roche jusqu’à ce jour. En effet, Josias roi d’Israël, prévoyant la ruine prochaine de la cité, aurait donné l’ordre de la faire enfermer et cacher dans le sanctuaire du Temple. Le second livre des Maccabées rapporte que le prophète Jérémie, à l’approche de la captivité, gravit la montagne où Moïse monta et contempla l’héritage de Dieu, il y trouva un caveau, y introduisit la tente, l’arche et l’autel des parfums, en obstrua l’entrée, en disant : « Ce lieu restera ignoré jusqu’à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. Alors le Seigneur manifestera à nouveau ces objets, et la gloire du Seigneur apparaîtra. » Et, quand Salomon eut achevé la construction de ce lieu saint et vénérable, alors qu’il offrait un sacrifice au Seigneur, une nuée remplit la maison et la gloire de Dieu se manifesta, le feu descendit du ciel, consuma l’holocauste et les victimes, la majesté divine emplit le sanctuaire et les prêtres n’y pouvaient entrer, et tous les enfants d’Israël voyaient le feu descendre et la gloire du Seigneur reposer sur le Temple. Et, Salomon, genoux fléchis et mains tendues au ciel, priait le Seigneur pour que les prières de tous ceux qui entraient dans le Temple pour solliciter ses bienfaits soient exaucées, alors Dieu lui apparut et dit : « J’ai prêté l’oreille à ta prière et j’ai entendu la supplique que tu as fait monter vers moi, j’ai sanctifié cette maison que tu m’as bâtie, désormais mes yeux sont ouverts et mes oreilles attentives à la prière faite en ce lieu. Désormais j’ai choisi et consacré cette maison. » On lit dans le second livre des Maccabées qu’Héliodore était envoyé par le roi Antiochus pour violer le saint lieu et enlever par la violence l’argent en dépôt, et qu’un cheval lui apparut, monté par un cavalier prodigieux, paré d’un somptueux harnachement. Et celui qui le montait semblait avoir une armure d’or. Le cheval bondit avec vigueur sur Héliodore pour le frapper avec les sabots de devant. Deux autres jeunes gens se montrèrent aussi à lui, d’une force remarquable, éclatants de beauté et magnifiquement vêtus, ils se mirent chacun de part et d’autre d’Héliodore, le fouettant sans relâche et le rouant de coups.

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In hoc beata Virgo donec a Ioseph desponsata fuisset, cum aliis virginibus dicitur ministrasse Templi cortinas et vestimenta sacerdotalia preparando, literas sacras addiscens, ieiuniis, vigiliis et orationibus et divinarum Scripturarum studio prudenter et humiliter vacans, annis etiam puerilibus, a parentibus ut sisterent eam coram Domino ad Templum adducta, omnes gradus quibus ascendebatur ad Templum per se absque ulla difficultate dicitur ascendisse, quod in oculis omnium mirabile visum est et a seculo de parvo inauditum. In hoc loco, dum sanctus Zacharias incensum offeret Domino, apparuit ei angelus nuntians eius orationem a Deo exauditam. Omnes enim sacerdotes pro Messia venturo et populi liberatione in hora incensi Domino supplicabant. Addidit etiam quod Elizabeth uxor eius sterilis filium ei fuisset paritura. In hoc loco Dominus Iesus Christus cum turture et columba | a parentibus est oblatus, a Simeone susceptus, a sancta Anna vidua omnibus qui expectabant redemptionem Hierusalem annunciatus ; et cum iam duodecimum etatis annum attigisset ut divine Scripture studio vacandi daret exemplum, in medio doctorum ad disputationem sedens, opponebat et respondebat ita ut omnes super responsis et prudentia eius mirarentur. Cum autem ascendisset orare in Templum eiecit ab eo vendentes et ementes et mensas numulariorum et cathedras vendentium columbas evertit, obiiciens eis scriptum esse : “ Domus mea domus orationis vocabitur. ” Aliquando etiam supra pinnaculum Templi ascendit ubi diabolus ut se deorsum mitteret tentando suggessit. Imminente eius passione tota die erat in Templo docens et in vespere in Bethaniam secedens, summo mane revertebatur. Huius Templi velum in morte eius scissum est a summo usque deorsum ut pateret introitus ad sancta sanctorum. Ab huius Templi pinnaculo beatus Iacobus apostolus predicans

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59/62 cfr Luc. 1, 9-13   65/66 Luc. 2, 24-38   66/70 cfr Luc. 2, 4547   70/73 Matth. 21, 12-13   73/75 cfr Matth. 4, 1-6   77/78 cfr Matth. 27, 51    53 literas sic mo   56 coram] om. B   59 parvo] parvulo infantulo B, parvo infantulo D K   63 etiam] praeterea B D E K   

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Là, jusqu’à ses fiançailles avec Joseph, la bienheureuse Vierge Marie, entourée des autres vierges était employée au service du Temple, dit-on, en préparant les voiles et vêtements sacerdotaux, tout en s’adonnant à l’étude de l’Écriture, pratiquant jeûnes et veilles avec sagesse et humilité, se consacrant à la prière et à l’étude des divines écritures. Encore enfant, après que ses parents l’eurent menée au Temple pour y être présentée au Seigneur, on rapporte qu’elle avait monté, seule et sans aucun mal, toutes les marches du sanctuaire ; et, pour n’avoir jamais vu et entendu une telle histoire au sujet d’un tout petit enfant, l’opinion s’en émerveilla. Tandis que Zacharie offrait l’encens au Seigneur dans le Temple, l’ange lui apparut, lui annonçant que Dieu avait exaucé sa prière. Car tous les prêtres à l’heure de l’offrande de l’encens adressaient leurs supplications au Seigneur pour la venue du Messie et la libération du peuple. Le Seigneur lui dit encore qu’Élizabeth, sa femme, alors stérile, lui enfanterait un fils. C’est le lieu où le Seigneur Jésus-Christ fut présenté par ses parents avec la tourterelle et la colombe. Il fut accueilli par Siméon et révélé par sainte Anne, la veuve, à ceux qui attendaient le salut de Jérusalem. Et lorsqu’il eut atteint sa douzième année, pour donner l’exemple dans l’étude des divines écritures, assis au milieu des docteurs à discuter, il s’exprimait, leur répondait ; tous, pour cela admiraient la sagacité de ses réponses. Et comme il était monté au Temple pour prier, il en expulsa les vendeurs et les acheteurs, il renversa les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes, leur rappelant ce qui était écrit : « Ma maison sera appelée une maison de prière. » Une fois encore, il monta au pignon du Temple où le diable le mit à l’épreuve en l’invitant à se lancer en bas. Tandis que le moment de sa passion approchait, il enseignait tout le jour dans le Temple, puis le soir se retirait à Béthanie pour revenir au grand matin. À l’heure de sa mort, le voile du sanctuaire se déchira de haut en bas pour découvrir l’entrée du Saint des Saints. C’est du sommet du Temple que l’apôtre saint Jacques fut

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precipatus, pertica fullonis percussus, coronatus est martyrio. Est preterea Hierosolymis templum aliud immense quantitatis et amplitudinis, a quo fratres militie Templi templarii nominantur, quod templum Salomonis nuncupatur forsitan ad distinctionem alterius quod specialiter templum Domini appellatur. Mons autem Oliveti, mons pinguis, mons Olivarum, mons trium luminum, mons sanctus et omni acceptione dignus, quasi passibus | mille distat ab Hierosolymis, in cuius declivo est Bethphage que interpretatur domus bucce, viculus sacerdotum, et Bethania, castellum Marie et Marthe et Lazari, in quo Maria Domini pedes unxit et capillis suis tersit et, ministrante Martha, ad pedes Domini sedens verbum ex ore eius avide suscipiebat. In quo Christus Lazarum suscitavit, in quo etiam frequenter dignatus est hospitari, predicare et miracula facere. In hoc sancto et dignissimo monte Dominus sedebat contra Templum quando discipuli eius signa adventus eius ad iudicium et consummationis seculi ab eo quesierunt. In hoc autem monte frequenter cum discipulis exibat ad orationem, et maxime imminente passione. In hoc monte a pueris Hebreorum cum ramis palmarum sibi obviam occurentibus honorifice est susceptus, et ab illo loco cum hymnis et laudibus usque in Hierusalem super asinum deductus. Ex hoc monte, videntibus discipulis suis, ad celos gloriose ascendit.

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LXIII. De valle Iosaphat et quibusdam aliis venerabilibus locis. Sunt alia loca sancta et venerabilia, tam in civitate quam extra, scilicet vallis Iosaphat que est inter montem Syon et mon85 cfr Ps. 67, 16   87/89 cfr Ioh. 11, 1   90 cfr Ioh. 12, 3   90/91 cfr Luc. 10, 39   92 cfr Ioh. 11   93/96 cfr Matth. 24, 3-5   97/100 cfr Matth. 21, 6-10   100/101 cfr Luc. 24, 50-51 96 autem] etiam B D E

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précipité en bas par la perche d’un foulon alors qu’il enseignait l’évangile, recevant la couronne du martyre. À Jérusalem il y a un autre temple3, remarquable par la richesse et la taille, d’où les frères de la milice du Temple ont reçu le nom de Templiers, on l’appelle le temple de Salomon, peut-être pour le distinguer de l’autre, spécifiquement désigné le temple du Seigneur. Le mont d’Olivet – montagne grasse, mont des oliviers, mont des trois lumières, montagne sainte et digne du plus grand respect – est à mille pas de Jérusalem ! Sur son versant se trouve Bethfagé dont le nom signifie « maison de la bouche », petit hameau de prêtres, et aussi Béthanie, village de Marie, Marthe et Lazare où, tandis que Marthe vaquait aux affaires de la maison, Marie répandait du parfum sur les pieds du seigneur, les essuyait avec ses cheveux et, assise à ses pieds, buvait les paroles qui sortaient de sa bouche. C’est le lieu où le Christ ressuscita Lazare et qu’il honora souvent de sa présence, de sa prédication, de ses miracles. Le ­maître siégeait sur la montagne sainte de noblesse infinie, quand, ­interrogé par ses disciples sur les signes de son avènement et la fin de l’âge, il apostrophait le Temple. Il y montait souvent avec ses disciples pour prier, surtout à l’approche de sa passion. Il y fut accueilli par les enfants des Hébreux qui, en son honneur, couraient à sa rencontre avec des rameaux de palmier ; il y fut conduit sur son âne jusqu’à Jérusalem, au milieu des chants, des hymnes, des louanges. Là, il monta aux cieux dans la gloire à la vue de ses disciples. LXIII. Le val de Josaphat et autres lieux à vénérer. Il y a d’autres lieux saints et vénérables, tant dans la ville qu’à l’extérieur, savoir : le val de Josaphat entre le mont Sion et le mont

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tem Oliveti, in quo loco dicitur esse trans torrentem Cedron viculus parvus qui dicitur Getsemani et iuxta illum hortus in quo a Iudeis captus est | Dominus. In hac valle beata Virgo sepulta fuit. In hoc autem loco Dominus ad iudicium creditur esse venturus. Probatica piscina in cuius aqua ab angelo commota sanabantur infirmi et natatoria Siloe in quo cecus natus curatus est a cecitate. Ecclesia beati protomartyris Stephani in quo loco ipse a Iudeis fuit lapidatus. Castellum Emmaus quod distat ab Hierusalem stadiis sexa­ ginta habens iuxta se Modin civitatem Machabeorum et civitatem Gabaon, in quo Dominus, panem frangens et gratias agens, duobus discipulis in fractione panis apparuit. Sunt alia loca quam plurima que Dominus corporali presentia sua visitare et sanctificare dignatus est. Quecumque enim loca Dominus pedibus suis calcavit sancta et consecrata et pro pretiosis reliquiis a fidelibus habentur. Unde non immerito terra illa Promissionis lacte et melle fluens et omnium aromatum superans fragrantiam, non solum religiosos clericos, sed etiam laicos, tam milites quam alterius conditionis, ut in ea, relictis parentibus et propriis patrimoniis, regulariter viverent, incitavit, attraxit et illexit ; quorum quidam hospitalarii sive fratres hospitalis Sancti Ioannis, alii fratres militie Templi, alii fratres hospitalis Sancte Marie Theutonicorum in Hierusalem nuncupantur. |

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LXIV. De religione fratrum hospitalis Sancti Ioannis. Hospitale Sancti Ioannis a tempore Surianorum et Grecorum, cum adhuc sub Saracenorum dominio civitas sancta captiva teneretur, initium habuit in hunc modum. Licet temporibus illis totam terram Promissionis Saraceni, peccatis exigentibus, occu- 5 passent, multi tamen christiani de gente Surianorum patriam

lxiii, 5 cfr Ioh. 18, 1   6 cfr Matth. 26, 36   8/10 cfr Ioh. 5, 2-4   10/12 cfr Act. 7, 57   13 cfr I Mach. 2, 2   13/14 cfr Luc. 24, 13-33 lxiv, 2 hospitale A B C D G H J K bo, hospitali mo   

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d’Olivet où se trouve, dit-on, au-delà du torrent du Cédron, un petit hameau appelé Gethsémani. Les Juifs s’emparèrent du Seigneur dans un petit jardin à côté. C’est ici, dans le val, que la sainte Vierge fut ensevelie1. On croit que le Seigneur y reviendra pour le jugement2. Il y a la piscine Probatique où les infirmes étaient plongés et se trouvaient guéris chaque fois que l’ange en agitait l’eau ; et encore la fontaine de Siloé où fut guéri l’aveugle de naissance ; il y a l’église de Saint-Étienne, le premier martyr, lapidé par les Juifs3. Le bourg d’Emmaüs est à soixante stades de Jérusalem, près de Modin, la ville des Maccabées, et de Gabaon. Là, le Christ après avoir rendu grâce à Dieu et partagé le pain se révéla à deux disciples par ce geste. Le Seigneur daigna visiter et sanctifier par sa présence physique bien des lieux encore. Ses pas ont sanctifié et consacré les endroits où il est passé, les fidèles les tiennent comme de précieuses reliques. Ce n’est donc pas sans raison que cette terre de la Promesse où coule le lait et le miel, dont le parfum dépasse les plus précieux parfums, a poussé, attiré et séduit les clercs entrés dans la vie religieuse, et encore les laïcs, chevaliers ou de toute autre condition, pour y vivre selon la règle, en laissant parents et patrimoine. De ceux-là furent ceux que l’on appelle les Hospitaliers ou frères hospitaliers de Saint-Jean, les frères de la milice du Temple et les frères de l’hôpital de Sainte-Marie des Allemands à Jérusalem4. LXIV. L’ordre des frères de l’hôpital de Saint-Jean1. L’hôpital de Saint-Jean eut son commencement dès l’époque des Syriens et des Grecs, quand la Cité sainte était encore captive sous le joug sarrasin, et voilà comment. En temps-là, en punition des péchés, alors que les Sarrasins occupaient toute la terre de la Promesse, malgré ce, nombre de chrétiens d’origine syrienne ne

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suam deserere noluerunt, sed extremis conditionibus afflicti et iugo dure servitutis oppressi inter Saracenos habitabant, princeps autem Egyptius, qui universas regiones a Laodicia Syrie usque ad extremam Egypti civitatem Alexandriam possidebat, quartam civitatis Hierosolymitane portionem ex parte dominici sepulchri Surianis et patriarche eorum sub annuo tributo ad habitandum concesserat. Alias autem tres portiones inhabitabant Saraceni. Unde ex occidentalibus regionibus plerumque ad terram Promis­ sionis veniebant christiani, quidam causa negotiationis tracti, alii causa devotionis et peregrinationis cum magno periculo, dato Saracenis tributo, loca sancta visitabant. Inter quos quidam de Longobardis et maxime Almaphitani de civitate scilicet Almaphia, que non nisi septem miliaribus distat a egregia civitate Salerno, quia merces peregrinas afferebant et principem Egyptium tribuis et muneribus sibi benevolum et placatum | reddiderant, apud ipsum optimas invenerunt conditiones. Unde ab ipso principe facile obtinuerunt ut in honore beate Marie, prope ecclesiam Sepulchri Dominici quantum vix iactus est unius lapidis, ecclesiam Latinorum construerent, eo quod Suriani Grecorum consuetudines et instituta in divinis officiis penitus observabant ; unde usque in hodiernum diem predicta ecclesia dicitur ecclesia Sancte Marie de Latina. Latinum enim abbatem et monachos more Latinorum divina celebrantes in ea instituerunt. Tempore autem procedente, extra septa monasterii in quo mulieres peregrinas recipere eiusdem loci monachi inhonestum reputabant aliud ordinaverunt monasterium in honore beate Marie Magdalene, et sorores mulieres religiosas que peregrinis mulieribus latinis in predicto loco ministrarent et eas in hospitio recipe­ rent. Post hec vero, confluente peregrinorum multitudine, cum predicta monasteria ad recipiendos omnes pauperes afflictos et infirmos non sufficerent, iuxta ecclesiam suam predictus abbas et monachi ad opus infirmorum et egenorum hospitale et capellam in honore sancti Ioannis Eleemonis in eodem loco construxerunt.

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12 inhabitandum B D K   30 autem] etiam B D E K   39 eleysimon B, eleymon E D   

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voulurent pas abandonner leur patrie, mais continuaient d’habiter au milieu des Sarrasins, soumis aux conditions les plus difficiles, opprimés et asservis à un joug implacable. Et le prince d’Égypte, maître de tous les pays de Laodicée de Syrie jusqu’à Alexandrie, dernière ville d’Égypte, avait concédé à titre de résidence aux Syriens et à leur patriarche le quart de la ville de Jérusalem, où est le sépulcre du Seigneur, contre le paiement d’un tribut annuel2. Les Sarrasins occupaient les trois autres parties. Ainsi des chrétiens venaient dans la Terre promise de tous les pays d’Occident, les uns pour leur commerce, les autres par dévotion et pour le pèlerinage ; ils visitaient les lieux saints à leurs risques et périls après avoir payé le prix aux Sarrasins. Dans le nombre, il y avait des Lombards, des Amalfitains surtout originaires d’Amalfi à sept milles de la belle cité de Salerne, qui, pour apporter des marchandises de l’étranger et s’être attirés la bienveillance et la faveur du prince d’Égypte par des tributs et des présents, obtinrent de lui les meilleurs avantages3. Ainsi, sans difficulté, ils obtinrent de ce prince l’autorisation de bâtir, en l’honneur de sainte Marie, une église pour les Latins à un peu plus d’un jet de pierre de l’église du sépulcre du Seigneur, car les Syriens n’y suivaient que les coutumes et les rites grecs pour l’office divin. Voilà pourquoi, de nos jours encore, cette église est appelée Sainte-Marie-la-Latine4. En effet, on y installa un abbé et des moines pour célébrer le culte divin selon le rite latin5. Et, le temps passant, les moines de l’endroit trouvèrent inconvenant de recevoir les femmes qui venaient en pèlerinage. Hors la clôture de leur monastère ils en fondèrent un autre, consacré à sainte Marie-Madeleine, tenu par des sœurs religieuses pour s’y occuper des femmes d’origine latine qui faisaient le pèlerinage et leur assurer l’hospitalité6. Ensuite, devant l’affluence et le nombre des pèlerins, les monastères ne suffisant plus pour l’accueil des pauvres affligés et malades, l’abbé et les moines firent construire, là même, à côté de leur église, un hospice et une chapelle en l’honneur de saint Jean l’Aumônier pour y accueillir malades et indi-

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Hic vir sanctus Deo placens et per omnia commendabilis Cyprius fuit natione et, meritis sanctitatis exigentibus, ad patriarchatum Alexandrinum fuit vocatus. Et quoniam in eleemosynis et in aliis operibus pietatis singulariter precellebat, eleemon, id est misericors, est appellatus. | Et quoniam a principio predictum xenodochium seu hospitale Sancti Ioannis reditus vel alias possessiones non habebat, de fragmentis et reliquiis mensarum utriusque monasterii et de quibusdam eleemosynis fidelium abbas de Latina, ad quem illud hospitale spectabat, pauperibus et infirmis faciebat provideri. Postquam autem divine placuit pietati ut civitatem redemptionis nostre per ducem Godefridum et alios Christi fideles ab impiorum dominio liberaret et eam cultui restitueret christiano, vir quidam sancte vite et probate religionis nomine Gerardus, qui longo tempore de mandato abbatis in predicto hospitali pauperibus devote ministraverat, adiunctis sibi quibusdam honestis et religiosis viris, habitum regularem suscepit et, vestibus suis albam crucem exterius affigens in pectore, regule salutari et honestis institutionibus facta sollemniter professione seipsum obligavit. Cui etiam mulier quedam Agnes nomine romana natione, nobilis carne sed nobilior sanctitate, que in monasterio mulierum vicem gesserat abbatisse, in ministerio pauperum adiuncta eandem regulam et humilitatis habitum votive suscepit. Predicti igitur fratres humiliter et devote Domino servientes et infirmis pauperibus de paupertate sua diligenter ministrantes, in agro qui dicitur Acheldemach mortuos suos sepeliebant. Hic est ager illi figuli qui emptus est a Iudeis in sepulturam peregrinorum ex trigenta argenteis quos Iudas in Templo proiecit. | Abbati autem Sancte Marie de Latina qui predicti hospitalis principium extiterat et tam ipsos quam infirmos eorum de propria mensa diu sustentaverat, obedientiam et reverentiam quam diu pauperes fuerunt non negaverunt, primum paupertatis sue patronum et coadiutorem eorum et loci apud Dominum protectorem beatum Ioannem Eleemona devotissime venerantes et ipsum

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lxiv, 46 cfr Matth. 15, 26-27   64 cfr Act. 1, 19   64/66 cfr Matth. 27, 5-6

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gents. Jean était d’origine chypriote, saint homme agréable à Dieu, recommandable en tout, et qui avait été appelé au siège patriarcal d’Alexandrie en raison de ses mérites et de sa sainteté. Il fut surnommé eleemon, le miséricordieux, pour se distinguer surtout par ses aumônes et autres actions charitables7. Et au début, cet hospice ou hôpital de Saint-Jean n’avait ni revenus ni autres propriétés ; c’est pourquoi l’abbé de Sainte-Marie-la-Latine, qui l’avait directement en charge, faisait distribuer aux indigents et malades les reliefs et les restes de nourriture des deux monastères, et des aumônes de fidèles. Par la suite, il plut à la divine miséricorde de libérer des impies la cité de notre salut, par la main du duc Godefroy et des autres fidèles du Christ, et d’y rétablir le culte chrétien. Alors, un homme nommé Gérard, de sainte vie et à la piété éprouvée, qui de longtemps sous la direction de l’abbé s’était dévoué au soin des pauvres dans l’hospice, s’étant adjoint des ­hommes d’honneur et d’esprit religieux, adopta un mode de vie régulier, s’engagea par profession de foi solennelle à suivre une discipline salutaire et des règles conformes à l’honneur en portant, cousue à son vêtement et bien en vue sur la poitrine, une croix blanche8. Par ailleurs, une femme nommée Agnès, d’origine romaine, noble selon la chair, plus noble encore par la sainteté, qui avait tenu les fonctions d’abbesse dans un couvent de femmes, adopta la même règle pour le service des indigents, s’engagea par un vœu envers cet humble mode de vie9. Donc, les frères en question, servant Dieu en toute humilité et dévotion, assistant avec soin les pauvres malades dans leur détresse, enterraient leurs morts dans le champ dit d’Acheldemach10. C’est le champ de ce potier qui fut racheté par les Juifs pour la sépulture des étrangers avec les trente deniers jetés par Judas dans le Temple11. Aussi longtemps qu’ils furent pauvres, les frères ne refusèrent pas obéissance et respect à l’abbé de Sainte-Marie-la-Latine qui était à l’origine de leur hôpital et les avait nourris longtemps avec les produits de sa table, eux et leurs pauvres. Ils vénéraient saint Jean l’Aumônier, premier patron de leur misère, leur assistant et protecteur du lieu auprès de Dieu, ils le tenaient comme leur

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dominum et advocatum suum confitentes ; domino etiam patriarche Hierosolymitano devote obedientes, de bonis suis decimas secundum sacros canones et utriusque testamenti precepta absque contradictione reddebant. Orationi autem vacantes, vigiliis et ieiuniis se ipsos affligentes, operibus misericordie affluentes, parci sibi et austeri, pauperibus autem et infirmis, quos dominos suos appellabant, largi et misericordes existebant. Panes de pura simila largiebantur infirmis, residuum vero cum furfure ad usus proprios reservabant. Si quis autem inter ipsos in aliquo delinquebat, nullo modo relinquebatur impunitum ne facilitas venie preeberet incentivum delinquendi. Secundum enim quod culpe reatus exigebat, quidam signo crucis a vestimentis avulso tanquam membra putrida prorsus eiiciebantur, alios vinculis et carceri mancipabant, alios ad pedes fratrum in terra cibum arctissimum usque ad condignam satisfactionem sumere decernebant. Et quoniam Deus erat cum eis, ab omnibus amabantur. Unde factum quod in omnem | terram Christianorum exivit sonus eorum et in fines orbis terre forma sanctitatis eorum. Et quoniam ex omni natione, tribu et lingua, post Terre sancte liberationem Christi fideles sepulchrum Domini visitaturi Hierosolymis confluebant, largitione principum et eleemosynis fidelium modico tempore adeo ditati sunt quod, ab universis occidentalibus provinciis redditus copiosos colligentes, casalia sibi et oppida tanquam terre principes comparantes ditioni sue subiecerunt.

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LXV. De religione fratrum militum Templi. His ita gestis, procedente tempore, cum omnibus mundi partibus, divites et pauperes, iuvenes et virgines, senes cum iuniori84/85 cfr Matth. 18, 8   88/90 Ps. 18, 5 77 operibus ... affluentes] om. B   88 factum] est add. B E K lxv, 1 militie A B C D G H J bo   2 itaque B E   

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défenseur et leur seigneur. Et encore, ils obéissaient strictement au patriarche de Jérusalem, sans aucune contestation ils payaient les dîmes sur leurs revenus conformément aux prescriptions des sacrés canons et les préceptes des deux Testaments12. Ils s’adonnaient à la prière, s’imposaient veilles et jeûnes, faisaient assaut de charité ; tout en étant parcimonieux et sévères avec eux-mêmes, ils se montraient généreux et compatissants avec les pauvres et les infirmes, leurs seigneurs, disaient-ils. Ils distribuaient aux ma­lades le pain de fleur de farine et se réservaient le reste de la mouture mélangée à du son. Si l’un d’eux venait à commettre une faute quelconque, le fait ne restait pas impuni pour qu’un pardon facile ne l’incite à recommencer. Selon l’exigence et l’importance de la faute, tel était dépouillé du signe de la croix qu’il portait sur le vêtement, jeté dehors comme un membre gangrené ; tel autre était mis en prison, aux fers, ou encore, couché par terre aux pieds des frères, il était admis à ne prendre qu’une nourriture réduite au strict nécessaire jusqu’à complète satisfaction13. Parce que Dieu était avec eux, tout le monde les aimait. De fait, dans toute la chrétienté leur renommée se faisait entendre, et leur sainteté jusqu’aux confins de la terre. Après la libération de la Terre sainte, les fidèles du Christ, venus de toutes les nations, toutes les tribus, parlant toutes les langues, affluaient à Jérusalem pour y visiter le Sépulcre. Voilà pourquoi en peu de temps ils s’enrichirent, grâce à la générosité des princes et les aumônes des fidèles, retirant de copieux revenus des provinces d’Occident, se donnant villages et lieux fortifiés que, tels les princes de la terre, ils plaçaient sous leur sauvegarde14. LXV. L’ordre des frères chevaliers du Temple. À la suite de ces hauts faits et le temps passant, riches et pauvres, jeunes gens, jeunes filles, vieillards accompagnés de leurs

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bus, loca sancta visitaturi Hierosolymam pergerent, latrunculi quidam et raptores et viarum publicarum predatores incautis peregrinis insidiantes, multos ex ipsis spoliabant, quosdam autem trucidabant. Quidam autem, Deo amabiles et devoti milites charitate ferventes, mundo renunciantes et Christi se servitio mancipantes, in manu patriarche Hierosolymitani professione et voto solemni sese astrinxerunt ut a predictis latronibus et viris sanguinum defenderent peregrinos, stratas publicas custodirent, more canonicorum regularium in obedientia et castitate | et sine proprio militaturi summo regi. Quorum precipui extiterunt viri venerabiles et amici Dei Hugo de Paganis et Gaufridus de Sancto Aldemaro. In hoc autem tam sancto proposito non nisi novem fuerunt a principio. Talibus autem utentes vestibus quales eis in eleemosyna largiebantur fideles novem annis in habitu seculari servierunt. Rex autem et eius milites predictis viris nobilibus qui omnia pro Christo reliquerant compatientes, una cum domino patriarcha de rebus propriis eos sustentabant, quedam beneficia et possessiones eisdem postea pro remedio animarum suarum conferentes. Et quoniam nondum propriam habebant ecclesiam neque certum domicilium, dominus rex in quadam parte palatii sui iuxta Templum Domini eisdem ad tempus habitaculum concessit. Abbas autem et canonici Templi Domini plateam quam habebant iuxta regis palatium ad opus officinarum eis tradiderunt. Et quoniam iuxta Templum Domini mansionem habuerunt fratres militie Templi postea, ut dicitur, sunt appellati. Cum autem annis novem in hac professione et sancta paupertate communem vitam ducentes concorditer et quasi unius moris in domo permansissent, anno gratie millesimo centesimo vigesimo octavo de mandato domini pape Honorii et domini Stephani Hierosolymitani patriarche instituta est eis regula et albus habitus absque aliqua cruce assignatus. Hoc autem factum est in concilio generali | apud Trecas civitatem Campanie, celebrato sub domino Albanense episcopo apostolice Sedis legato, presentibus Remensi

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enfants, continuaient à venir à Jérusalem, de tous les coins de la terre pour visiter les lieux saints. Et, des brigands, des ravisseurs, des bandits de grands chemins tendaient des embuscades aux pèlerins qui n’étaient pas sur leur garde, en dépouillaient bon nombre, en tuaient quelques-uns1. Alors des chevaliers agréables et dévoués à Dieu, animés par un zèle charitable, renonçant au monde et s’attachant au service du Christ, s’obligèrent d’eux-mêmes entre les mains du patriarche de Jérusalem, par une profession de foi et un vœu solennel, à défendre les pèlerins contre ces voleurs et assassins, assurer la garde des routes en suivant la règle des chanoines réguliers dans l’obéissance, la chasteté, la pauvreté et, combattre pour le Souverain Roi 2. Hugues de Payen et Geoffroy de SaintOmer, hommes vénérables et amis de Dieu, furent les principaux3. Et au début ils ne furent pas plus de neuf à suivre ce saint projet4. Pendant neuf ans les frères remplirent leur service selon un mode de vie séculier en portant les vêtements distribués en aumône par les fidèles. Le roi, ses chevaliers, pleins de compassion pour ces nobles hommes qui avaient tout abandonné pour le Christ, les soutenaient de leurs ressources, ainsi que le seigneur patriarche ; et plus tard, pour le salut de leur âme, ils leur accordèrent bénéfices et propriétés. Comme les frères n’avaient pas encore d’église ­propre ni de domicile fixe, le seigneur roi leur accorda, à titre temporaire, un petit logement dans une partie de son palais près du temple du Seigneur. Pour les locaux d’usage courant, l’abbé et les chanoines du Templum Domini leur offrirent une place qu’ils avaient près du palais royal. Et pour avoir leur logis près du Temple, à ce qu’on dit, on les appela par la suite les frères de la milice du Temple. Après neuf ans passés dans cette maison à suivre ensemble une communauté de vie, presque une seule règle, conformément à leur profession de foi et une sainte pauvreté, l’an de grâce mil cent vingt-huit, à la requête du seigneur pape Honorius et du seigneur patriarche de Jérusalem, Étienne, ils reçurent une règle, et on leur assigna de porter un habit blanc sans aucune croix5. Cela se décida au concile général qui se tint dans la ville de Troyes en Champagne sous la présidence du seigneur évêque d’Albano, légat du Siège apostolique, en présence des archevêques de Reims, de Sens, des

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et Senonensi archiepiscopis et Cisterciensis ordinis abbatibus cum multis aliis ecclesiarum prelatis. Post hec vero tempore, domini Eugenii pape mandato, cruces rubeas vestimentis suis exterius affixerunt, vestes albas in signum innocentie deferentes ; per cruces autem rubeas martyrium designantes, eo quod sanguinem proprium secundum instituta regule pro defensione Terre sancte effundere sunt professi, et Christi crucis inimicos viriliter expugnando a Christianorum finibus propellere, et ad nutum et mandatum eius qui preest militie non impetuose neque inordinate, sed prudenter et cum omni cautela ad prelia procedendo, primi in progrediendo, in regregiendo postremi, nec est eis licitum terga fugiendo dare vel sine mandato reverti. Et quoniam strenui et fortes Christi milites, tanquam alteri Machabei, de viribus suis non presumentes, sed in virtute divina spem omnem ponentes et in cruce Iesu Christi summam habentes fiduciam, preciose in conspectu Domini morti corpora sua pro Christo exponebant, Dominus cum ipsis et pro ipsis pugnabat. Unde adeo formidabiles facti sunt fidei Christi adversariis, quod unus persequebatur mille et duo decem millia, non quot essent sed magis ubi essent dum ad arma clamaretur interrogantes. Leones in bello, agni mansueti in domo, in expeditione | milites asperi, in ecclesia velut eremite et monachi, inimicis Christi duri et feroces, christianis autem benigni et mites ; vexillium bipartum ex albo et nigro quod nominant ‘bauceant’ previum habentes, eo quod Christi amicis candidi sunt et benigni, nigri autem et terribiles inimicis. Et quoniam religionis vigor absque districtione discipline non potest observari, viri religiosi et prudentes a principio sibi precaventes et in posterum providentes, transgressiones seu negligentias delinquentium fratrum nullo modo dissimulare, vel impunitas preterire voluerunt ; sed quantitatem criminum et peccatorum circunstansias circumspecto examine diligenter ponderantes, a consortio suo quosdam irrevocabiliter eiicientes, crucem

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abbés de l’ordre de Cîteaux avec nombre d’autres prélats de l’Église. Plus tard encore, à la requête du pape Eugène, ils fixèrent une croix rouge bien en évidence sur le vêtement blanc qu’ils portaient en signe de pureté. Par les croix rouges ils sont marqués par le signe du martyre6, car, selon les préceptes de leur règle, ils font profession de verser leur sang pour la défense de la Terre sainte, combattre par la force les ennemis de la croix du Christ, les chasser du pays des Chrétiens7. Ils vont au combat au moindre signal, sur l’ordre du chef de la milice, sans fougue ni désordre, mais avec prudence et précaution ; ils sont les premiers au combat, les derniers à en revenir, la fuite leur est interdite, ils ne se retirent que sur un ordre express. Voilà pourquoi, vaillants et courageux chevaliers du Christ, nouveaux Maccabées ne comptant pas sur leur seule force, mais plaçant leur espoir dans la puissance divine, ils mettaient leur entière confiance dans la croix de Jésus-Christ et, pour le Christ, exposaient leur vie à une mort précieuse aux yeux du Seigneur8. Aussi, le Seigneur combattait avec eux et pour eux. Ils étaient si redoutables aux adversaires de la foi du Christ qu’un seul en poursuivait mille, deux en mettaient dix mille en fuite. Quand on appelait aux armes, ils ne souciaient pas du nombre d’ennemis, mais plutôt de connaître leur position ; lions au combat, doux agneaux à la maison, rudes chevaliers à la guerre, moines et ermites à l’église, durs et sans pitié pour les ennemis du Christ, affables et doux pour les chrétiens. Ils se font précéder d’une bannière blanche et noire – ainsi nommée : bauceant – car, francs et affables envers les amis du Christ, ils sont noirs et terribles à ses ennemis9. Comme il ne peut y avoir de religion forte sans stricte discipline, dès le début, ces hommes prévoyants et d’esprit religieux, par précaution pour eux-mêmes et en prévision de l’avenir, prirent la décision que ne seraient jamais tues ni ne resteraient impunies les fautes et négligences des frères qui avaient failli. Mais après avoir mesuré avec soin, par un examen attentif, la portée des ­crimes et les circonstances du péché, certains étaient chassés de la communauté pour toujours ; on leur retirait la croix rouge pour

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rubeam auferebant ne morbide capre contagio grex ovium macularetur. Alios autem usque ad condignam satisfactionem ad terram absque mappa cibum tenuem sumere, ut coram omnibus eis rubor et aliis timor incuteretur, iniungentes ; quibus etiam ad cumulum maioris confusionis et expiationis canes si forte secum manducarent non liceret amovere. Alios etiam ut a gehennali carcere valerent liberari, carceribus et vinculis ad tempus vel in perpetuum secundum quod expedire videbatur coercebant. Multis insuper aliis modis secundum regule salutaris instituta ad observantiam regularis discipline et professionis honeste rebelles et contumaces compellebant. Domino etiam patriarche | Hierosolymitano, a quo professionis principium et vite corporalis subsidium habuerunt, debitam obedientiam et reverentiam humiliter exhibebant, ­decimas et alia que sunt Dei Deo et que sunt Cesaris Cesari reddentes. Nulli molesti erant, sed ab omnibus propter humilitatem et religionem amabantur. Ex quo factum est quod nomen honestatis eorum et fama sanctitatis, quasi cella aromatica redolens suavitatem odoris, diffusa est per mundum universum et impleta est domus sancte Ecclesie ex odore unguenti, et memoria eorum in ore omnium fidelium quasi mellis dulcedinem sapiebat. Virtutes autem et prelia eorum et gloriosos de inimicis Christi triumphos enarrabit omnis Ecclesia sanctorum. Milites autem ex universo mundo non solum mediocres, sed et duces et principes eorum exemplo mundi vincula disrumpentes et omnibus pro Christo renunciantes ad eos confluebant ; professionis et religionis eorum cupientes esse participes, pomposam mundi vanitatem et carnales delicias a se penitus relegantes et tanquam stercora reputantes, Christi militiam et religionis humilitatem divinitus inspirati devotissime amplexabantur. Unde modico tempore, adhuc multiplicati sunt quod in conventu eorum plusquam trecentos equites, exceptis servientibus quorum non erat numerus, omnes albis

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que le troupeau des brebis ne soit pas contaminé au contact d’une chèvre malade10. D’autres étaient contraints de prendre leur maigre nourriture à même le sol et sans nappe, jusqu’à expiation suffisante, pour que la confusion publique soit cause de crainte pour tous. Mieux encore, comble de honte et de punition, il leur était interdit de repousser les chiens qui venaient d’aventure manger en leur compagnie. Tels autres, même, étaient emprisonnés, chargés de fer, à temps ou à vie selon ce qui semblait le mieux à propos, et cela pour qu’ils puissent se libérer de la prison de la Géhenne. Il y avait encore dans les institutions de cette règle salutaire bien d’autres moyens pour contraindre rebelles et récalcitrants à l’observance régulière de la discipline et à la dignité de leur état11. En toute humilité, ils témoignaient la déférence et l’obéissance qu’ils devaient au seigneur patriarche de Jérusalem qui était à l’origine de l’Ordre et leur apportait son aide pour vivre. Ils rendaient à Dieu les dîmes dues à Dieu, et à César celles dues à César. Personne n’avait à se plaindre d’eux, mais leur humilité et leur piété les rendaient aimables à tous12. Ils se firent ainsi un nom d’honorabilité et leur réputation de sainteté, comme le doux parfum d’une cellule embaumée, se répandit sur la terre entière ; et la maison de la sainte Église fut emplie de parfum, l’évocation de leur nom a laissé dans l’assemblée des fidèles une saveur, douce comme le miel sur les lèvres. Ainsi toute l’Église des saints racontera leurs vertus, leurs combats et leurs glorieux triomphes sur les ennemis du Christ. Et de la terre entière suivant leur exemple, venaient à eux chevaliers de petite condition, ducs et princes, se libérant des chaînes de ce monde, renonçant à tout pour le Christ. Ils voulaient partager l’engagement et la vie religieuse des frères, délaisser la pompe et la vanité du monde, les délices de la chair qu’ils tenaient pour ordure ; inspirés par Dieu, ils embrassaient la chevalerie du Christ et l’humilité de la vie religieuse. Ils se sont multipliés en peu de temps et, aujourd’hui encore, l’Ordre compte plus de trois cents cavaliers, sans compter un nombre incalculable de servants, tous, portant le manteau

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chlamydibus indutos haberent. Amplis autem | possessionibus, tam citra mare quam ultra, dilatati sunt in immensum : villas, civitates et oppida, exemplo fratrum hospitalis Sancti Ioannis possidentes, ex quibus certam pecunie summam pro defensione Terre sancte summo eorum magistro cuius sedes principalis erat in Hierusalem mittunt annuatim. Pari modo, summo et principali magistro hospitalis Sanctis Ioannis procuratores domorum quos preceptores nominant certam pecunie summam singulis annis transmittunt. Predicti enim Hospitalis fratres ad imitiationem fratrum militie Templi, armis materialibus utentes, milites cum servientibus in suo collegio receperunt, ut adimpleretur quod dictum est per Isaiam prophetam de promotione et statu future Ecclesie : “ Ponam te in superbiam seculorum. ” Et iterum : “ Lupus et agnus pascentur simul, leo et bos comedet paleas, habitabit lupus cum agno et pardus cum hedo accubabit, vitulus et leo et ovis simul morabuntur. ”

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LXVI. De ordine fratrum Teutonicorum, sive militie Teutonice. Et quoniam funiculus triplex difficile rumpitur, placuit divine providentie predictis duabus domibus addere tertiam, sancte Terre admodum necessariam quasi ex predictis duabus compositam. 5 Professionem enim et regulam et institutiones fratrum militie Templi tam in bello quam in pace prorsus | observant ; infirmos, (121) peregrinos et alios nihilominus sicut fratres hospitalis Sancti Ioannis in hospitali suo quod dicitur Sancte Marie Teutonicorum 112 Is. 60, 15   113/114 lupus … paleas] Is. 65, 25   114/115 habitabit … morabuntur] Is. 11, 6 lxvi, 3 Eccle. 4, 12    100/108 amplis ... transmittunt] om. K   103/108 ex ... transmittunt] om. A B C D   109 fratrum ... templi] eorum A B C D K lxvi, 1/2 ordine ... teutonice] religione fratrum hospitalis sancte marie teutonicorum in jherusalem A B C D G J K bo, hospitali teutonicorum E   

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blanc13. Ils se sont largement étendus, de part et d’autre de la mer ; à l’exemple des frères de l’hôpital de Saint-Jean, ils possèdent des exploitations rurales, cités et villages fortifiés sur lesquels ils lèvent une somme fixe qu’ils envoient, chaque année pour la défense de la Terre sainte à leur grand-maître résidant à Jérusalem. Pour la même raison, chaque année, les chefs des établissements de l’ordre de l’hôpital de Saint-Jean, désignés sous le nom de précepteurs, font passer au grand-maître de l’Ordre un revenu fixe en argent14. En effet, à l’image des frères de la chevalerie du Temple, les frères de l’Hôpital, usant aussi d’armes temporelles, ont accueilli dans leur communauté chevaliers et servants afin que soit accomplie la parole du prophète Isaïe sur l’établissement et le rôle de l’Église dans le futur15 : « Je ferai de toi un objet d’éternelle fierté. » Et encore : « Le loup et l’agneau iront paître ensemble, le lion comme le bœuf mangera de la paille, le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera à côté du bouc ; le veau, le lion, la brebis iront ensemble ! » LXVI. L’ordre des frères des Teutons ou de la milice Teutonique. Pour ce qu’il est difficile de casser le cordon quand il est ­triple1, il plut à la divine Providence, pour le plus grand bénéfice de la Terre sainte, d’ajouter une maison aux deux premières, formée en quelque sorte de l’une et de l’autre. Aussi y suit-on, en temps de guerre, comme en temps de paix, la profession de foi, la règle et les institutions des frères de la milice du Temple, et néanmoins, comme les frères de l’hôpital de Saint-Jean, on y accueille les malades, pèlerins et autres, dans un hospice qui porte le nom de Sainte-Marie-des-Teutons à Jérusalem, où on les sert avec l’entier

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in Hierusalem recipiunt, eisdem cum omni devotione et pietate necessaria sufficienter ministrantes, domino patriarche et aliis Ecclesiarum prelatis humiliter obedientes. Decimas autem integras ex omnibus bonis que possident secundum quod exigit ordo iuris et divina institutio reddentes, Ecclesiarum prelatos non molestant. Hi autem quasi a modico et tenui fonte principium habentes in magnum fluvium excreverunt, beata Virgine Maria eorum advocata, cui cum omni devotione et humilitate serviunt, eos tam in bonis spiritualibus quam temporalibus subsidiis promovente et incrementum largiente. Cum enim civitas sancta post predictam eius liberationem habitaretur a christianis et multi ex Teutonicis et Alemannis causa peregrinationis pergentes Hierusalem linguam civitatis ignorarent, inspiravit divina clementia cuidam honesto et religioso viro teutonico, qui in civitate cum uxore sua morabatur, quatenus quoddam xenodochium de bonis suis construeret in quo pauperibus et infirmis teutonicis hospitalitatem exhiberet. Confluentibus autem ad ipsum ratione commercii, lingue et noti sibi idiomatis de gente illa multis pauperibus et peregrinis, de consensu et voluntate domini patriarche quoddam oratorium composuit iuxta predictum hospitale in honore beate | Dei genetricis Marie. Longo autem tempore, in magna paupertate, tam de bonis suis quam de his que colligebat, ex fidelium eleemosynis pauperes infirmos procurabat. Quidam autem et maxime de gente Teutonicorum predicti viri charitatem et meritum attendentes, omnibus renunciantes, se et sua Deo et predicto hospitali tradiderunt ministerio pauperum, deposito seculari habitu, voto se astringentes. Procedente autem tempore, cum non solum de inferioribus sed de equestri ordine et de nobilibus Alemanie viris Deo devotis predicto hospitali sese voto obligassent, paupertatem voluntariam et abiecti in domo Dei esse magis quam habitare in tabernaculis peccatorum eligentes, visum est eis Deo gratum esse et

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dévouement et tout l’amour qu’il faut. Les frères obéissent avec humilité au seigneur patriarche et aux autres prélats des églises. Ils versent toutes les dîmes sur la totalité de leurs biens comme le veulent la règle du droit et la prescription divine, ils ne sont pas cause de trouble pour les prélats des églises2. Au début, pareils au filet d’une petite source, ils s’épanouirent ensuite comme un grand fleuve, servant avec dévouement et modestie la Vierge Marie, leur soutien, qui les fait grandir dans les richesses spirituelles comme dans les biens matériels3. En effet, la Cité sainte, une fois libérée, fut occupée par les chrétiens, et comme nombre de Teutons et d’Allemands qui se rendaient à Jérusalem en pèlerinage ignoraient la langue du lieu, la clémence divine inspira à un Teuton, homme d’honneur et d’esprit religieux résidant en ville avec sa femme, l’idée d’élever sur ses propres ressources un hospice pour y offrir l’hospitalité aux Teutons indigents et malades4. Et, comme nombre de pèlerins pauvres de cette nation y venaient de partout pour ce qu’on y parlait leur langue et qu’on y entendait leurs dialectes, avec l’accord et le bon vouloir du seigneur patriarche, l’homme ajouta près de cet hôpital un lieu de prière en l’honneur de Marie, la sainte mère de Dieu. Longtemps, dans le plus strict dénuement, il entretint indigents et malades sur ses propres biens et les aumônes collectées chez les fidèles. Des gens, d’origine teutonne surtout, vinrent soutenir sa charité et son mérite ; laissant tout, ils consacrèrent leur personne et leurs biens à Dieu et à l’hôpital, délaissant la coutume du siècle, ils s’engagèrent par vœu au service des ­pauvres. Le temps passant, des hommes dévoués à Dieu, de condition ­inférieure ou encore de la chevalerie et de la noblesse allemande, en vinrent à s’engager par vœu envers cet hôpital, choisissant la pauvreté volontaire, d’être petits dans la maison de Dieu plutôt que de vivre sous la tente du pécheur. Alors il leur parut qu’il serait agréable et bienvenu à Dieu, de meilleur mérite, d’ajouter

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a­ cceptum et magis meritorium, non solum pauperibus infirmis servire, sed insuper animas suas pro Christo ponere et ab inimicis fidei christiane Terram sanctam defendendo, Christo tam spiritualiter quam corporaliter militare. Unde sicut predictum est regulam et instituta fratrum militie Templi ita susceperunt, quod opera pietatis et Deo amabilem hospitalitatem non reliquerunt ; sic animalia sancta habentes faciem hominis pariter et leonis, et utrumque servitium ita religiose et diligenter adimplentes, quod Dei et hominum gratiam promeruerunt et favorem, ad differentiam aliorum cruces nigras albis chlamydibus affluentes. Et quoniam usque ad tempora presentia | in humilitate paupertatis et fervore religionis permanserunt, avertat Dominus ab eis superbas, avaras, litigiosas et solicitudine anxias et religioni inimicas divitias : “ Quid enim prodest homini, si universum mundum lucretur, anime autem sue detrimentum patiatur. ”

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LXVII. De incremento glorie Terre sancte eiusque propugnatorum ; de Italici generis hominum dotibus et qualitate. Multis preterea viris regularibus et religiosis : anachoretis, monachis, canonicis, sanctimonialibus et inclusis virginibus Deo dicatis, viduis castis et sanctis, Terra sancta velut paradisus volup- 5 tatis florebat, et tanquam ex rosis, liliis et violis, odorem suavitatis spirabat. Benedixerat enim Dominus corone anni benignitatis sue, unde adeo pinguescebant speciosa deserti, quod ubi serpentes prius et dracones habitaverant, oriebatur viror calami et iunci. Licet ad punctum in modico dereliquerit eam Dominus in miseratio­ 10 nibus magnis eius filios congregavit. Ex variis autem generibus

48 cfr Ez. 1, 10   55/56 Matth. 16, 26 lxvii, 8 cfr Ps. 64, 13   9 Is. 35, 7    lxvii, 1/2 incremento ... qualitate] hiis qui de ytalia et alemania et francia et aliis partibus occidentis in terra sancta commorantur A B C D G H J K bo, om. E

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au service des pauvres et des malades le don de leur vie pour le Christ, défendre la Terre sainte contre les ennemis de la foi chrétienne, devenir soldats du Christ au sens propre comme au sens figuré. Voilà pourquoi, et comme nous l’avons dit déjà, ils adoptèrent la règle et les coutumes des frères de la milice du Temple sans abandonner les œuvres de piété et l’hospitalité agréable à Dieu. Comme les animaux sacrés qui avaient à la fois visage d’homme et de lion, ils accomplissaient les deux services avec tant de piété et de zèle qu’ils méritèrent la grâce de Dieu et la faveur des hommes. À la différence des autres, ils portent des manteaux blancs avec une croix noire5. Puisque jusqu’à ce jour ils sont parvenus à rester dans la voie de l’humilité, de la pauvreté et de l’ardeur religieuse, fasse que le Seigneur écarte d’eux les richesses qui sont les ennemies de la religion et n’engendrent qu’orgueil, avarice, querelles, soucis. À quoi sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ? LXVII. Gloire croissante de la Terre sainte et ses combattants ; qualité et mérites des hommes de la race des Italiens. Par ailleurs, la Terre sainte fleurissait comme un vrai paradis de délices par nombre de gens vivant selon la règle et l’esprit de la religion : anachorètes et moines, chanoines, nonnes, vierges cloîtrées vouées à Dieu, veuves chastes et saintes ; et il s’en échappait comme le doux parfum des roses, des lis et des violettes ! Car, dans la ronde des ans, le Seigneur l’avait consacrée par sa bonté, alors les pacages du désert ruisselaient, là où gîtaient les serpents et les dragons le jonc et le roseau verdoyaient. Bien qu’il l’ait un temps quelque peu délaissée, le Seigneur dans ses grandes faveurs y rassembla ses enfants. D’hommes de toute nature, toutes ­langues,

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hominum et diversis linguis et nationibus universam terram reddidit populosam, ita quod illud propheticum in ea videretur impletum : “ Filii tui de longe venient et filie de latere surgent. ” Videbat autem et affluebat, mirabatur et dilabatur cor eius, quando | conversa fuisset ad eam multitudo maris, et maxime Ianuenses, Veneti et Pisani. Fortitudo autem gentium venisset ei, precipue de partibus Francie et Alemanie, homines bellicosi. Hi in mari fortiores, illi potentiores in terra ; hi marinis preliis aptiores, usu et exercitio in aquis promptiores ad pugnandum, hi in terra probiores et ad bella doctissimi et in exercitu equestri gladio et lancea magis strenui ad preliandum ; hi in galeis meliores, illi in equis preecellentes. Homines siquidem Italici graviores et maturi, prudentes et compositi, in cibo parci, in potu sobrii, in verbis ornati et prolixi, in consiliis circunspecti, in re sua publica procuranda diligentes et studiosi, tenaces et sibi posterum providentes, aliis subiici renuentes ante omnia libertatem sibi defendentes, sub uno quem eligunt capitaneo, communitati sue iura et instituta dictantes et firmiter observantes, Terre sancte valde sunt necesssarii, non solum in preliando, sed in navali exercitio, in mercemoniis et peregrinis et victualibus deportandis. Et quoniam in potu et cibo modesti sunt, diutius in orientali regione vivunt quam alie occidentales nationes.

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LXVIII. De aliarum Europe nationum moribus et qualitate, de Pollanis, de diversis orientalium sectis. Alemani autem, Francigene, Anglici et alii transmontani, minus compositi et magis impetuosi, minus circunspecti in agendis, in cibis et potibus magis superflui, in expensis | magis profusi, (125) in verbis minus cauti, in consiliis festini et minus providi, in

14 Is. 60, 4 lxviii, 1/2 aliarum ... sectis] om. codd. bo   3 francigene] britonnes add. bo   

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tous pays, il refit un seul peuple à la terre où s’accomplissait la parole du Prophète : « Tes fils viendront de loin et tes filles ­sortiront de ton côté. » La terre voyait et prospérait, et son cœur étonné se gonflait quand se rassemblait chez elle une foule montée de la mer, et d’abord Génois, Vénitiens et Pisans1. La force des nations venait à elle, guerriers surtout sortis de France et d’Allemagne. Les uns plus forts sur mer, les autres sur terre, les uns plus aptes au combat naval, plus accoutumés et mieux exercés aux combats sur l’eau, les autres plus courageux sur la terre ferme, plus versés dans l’art de la guerre, mieux entraînés à se servir de la lance et du glaive dans les combats de cavalerie. Meilleurs ceux-ci sur leurs galères, excellents ceux-là sur leurs chevaux. Oui vraiment, les gens d’Italie sont plus sérieux, de sens plus rassis, calmes et réfléchis, sobres et frugaux ! Ils parlent beaucoup et avec art, ils restent prudents dans les délibérations ; ils sont actifs et zélés pour le soin de leurs affaires, opiniâtres, ils préservent leur avenir. Ils refusent de se soumettre à quiconque et, par-dessus tout, défendent leurs libertés. Ils se donnent des droits et des institutions pour leur communauté et les observent en tout point sous l’autorité d’un chef élu. Les Italiens sont indispensables à la Terre sainte pour la guerre et la navigation, le transport des marchandises, des pèlerins, des vivres. Pour être sobres et frugaux, ils vivent plus longtemps que les autres occidentaux dans ces pays d’Orient. LXVIII. Mœurs et qualités des autres nations d’Europe ; les Poulains, sectes diverses des Orientaux. Les Allemands, les natifs de France, les Anglais et autres p­ euples d’Outremont sont moins réfléchis et plus fougueux, moins prudents dans l’action, moins sobres, moins frugaux, plus pro­ digues, moins réservés dans leurs paroles, prompts dans les délibérations et moins prévoyants. Ils sont assidus à l’église, plus

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ecclesia devoti, in eleemosynis et aliis operibus misericordie ferventiores, in preliis autem animosiores et ad defensionem Terre sancte quam plurimum sunt utiles et valde formidabiles Saracenis. Qui tamen, propter quorumdam eorum levitatem et intemperentiam, filii Hernaudii a Pollanis appellantur. Pollani autem dicuntur qui post predictam Terre sancte liberationem ex ea oriundi extiterunt, vel quia recentes et novi quasi pulli respectu Surianorum reputati sunt, vel quia principaliter de gente Apulie matres secundum carnem habuerunt. Cum enim in occidentalium principum exercitu paucas mulieres respectu virorum adduxissent nostri, qui in Terra sancta remanserunt de regno Apulie, eo quod propius esset aliis regionibus vocantes mulieres cum eis matrimonia contraxerunt. Sunt preterea in predicta Terra sancta plures alie nationes varios ritus habentes, in cultu divino et modo religionis a se invicem valde dissidentes, Suriani videlicet et Greci, Iacobite, Maronite et Nestoriani, Armeni et Georgiani, negotiationibus et agriculture et aliis commoditatibus non modicum necessarii Terre sancte, seminantes agros et plantantes vineas et facientes fructum nativitatis. |

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LXIX. De vatum priorum predictionibus, ista etate in Terra sancta, Ecclesia et vinea Domini completis ; de diaboli invidentia ob tam prosperos Ecclesie successus. Cum igitur celis desuper rorantibus Dominus daret benignitatem et Terra sancta daret fructum suum, et sicut letantium omnium 5 habitatio esset in ea, et esset canticum populo Domini sicut vox sanctificate solemnitatis, et letabantur coram Domino, sicut qui

lxviii, 25 cfr Ps. 106, 37 lxix, 4 cfr Is. 45, 8   4/5 cfr Ps. 84, 13   7/9 Is. 9, 3    6 verbo B D K   9 utiles] et maxime britonnes add. bo lxix, 1/3 vatum ... successus] felicitate et prosperitate terre sancte qui diabolus invidit A B C D G H J K bo, om. E   6/27 et ... odoris] om. K   

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généreux pour l’aumône et les autres œuvres charitables ; ils sont plus hardis au combat et combien utiles à la défense de la Terre sainte, terribles aux Sarrasins1. Les Poulains les ont surnommés, « les enfants d’Hernaud », en raison de leur légèreté et leur intempérance2. On appelle Poulains les natifs de cette terre après la délivrance de la Terre sainte3. Soit que, nouveaux venus, ils passaient pour des jeunes en regard des Syriens, soit parce que leurs mères étaient en majorité originaires du pays des Pouilles. En effet, au regard du nombre d’hommes, l’armée des princes d’Occident n’avait emmené que peu de femmes ; et c’est du pays le plus proche, le royaume des Pouilles, que ceux restés en Terre sainte en avaient fait venir et pris pour épouses. Enfin, il y a en Terre sainte d’autres communautés qui suivent des rites différents et divergent entre elles par la façon de rendre un culte à Dieu, leur coutume religieuse. J’ai nommé : les Syriens et les Grecs, les Jacobites, les Maronites et Nestoriens, les Arméniens et Georgiens ; tous sont indispensables à la Terre sainte pour le commerce, l’agriculture et autres industries. Ils sèment les champs, plantent les vignes et font venir le fruit de la récolte4. LXIX. Accomplissement des prédictions des premiers prophètes, appliquées à ce temps en Terre sainte, église et vigne du Seigneur ; jalousie du diable devant les progrès et la prospérité de l’Église1. Ainsi, comme la rosée du ciel, le Seigneur répandait sa bonté, la Terre sainte produisait son fruit, elle était comme la demeure de tous les gens heureux, un cantique pour le peuple de Dieu, elle était comme la voix consacrée de la fête ; et on se réjouissait devant le Seigneur, comme on se réjouit pour la moisson, comme le vain-

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letantur in messe, sicut exultant victores capta preda quando dividunt spolia, ex omni parte mundi concurrebant. Cortina cortinam trahebat et qui audiebant dicebant : “ Venite ascendamus ad montem Domini et ad domum Dei Iacob ! Visitavit enim Dominus terram suam et inebriavit eam, multiplicatis locupletare eam. ” Non solum autem de Saba, sed de universo mundo veniebant, aurum et thus in Hierusalem deferentes et laudem Domino annunciantes ; et erat sepulchrum eius gloriosum, adeo quod ad litteram completum videretur illud Isaie : “ Erit preparatus mons domus Domini in vertice montium et fluent ad eum omnes gentes, et ibunt populi multi. ” Et dicent illud quod legimus in Tobia de Hierusalem : “ Luce splendida fulgebis et omnes fines terre adorabunt te, nationes ex longinquo ad te venient et munera deferentes adorabunt Dominum in te ! ” Illud autem quod tempore Iudeorum, peccatis eorum exigentibus, Dominus non | complevit, tunc demum videbatur impletum scilicet quod dicitur in Deuterono­ mio : “ Omnis locus quem calcaverit pes vester, vester erit, a deserto et Libano et flumine magno Eufrate usque ad mare occidentale erunt termini vestri. ” Cum igitur predicta Domini vinea usque ad extremum terre spiraret et suavitatem odoris, serpens antiquus, draco venenosus, humano generi inimicus, odorem bonum diu sustinere non valens, videns et invidens tantam in partibus orientis dextere Excelsi mutationem : Ecclesiam sanctam scilicet dilatari, cultum divinum ampliari, infideles confundi, christianos exaltari, innovari signa, immutari mirabilia, ignem de supernis sancto sabbatho pasche in ecclesia Dominice Resurrectionis descendere, populum devotissime accurere, Dei gloriam predicare et eius magnalia attollere, infideles erubescere, fideles autem in Domino gaudere, tanto lumine obtenebratus et quasi letali vulnere malitie sue interius sauciatus, cepit mille modis cogitare et variis machinationibus

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10 cfr Apoc. 22, 17   10/11 venite … iacob] Is. 2, 3   11/12 visitavit … eam] Ps. 64, 10   13/14 Is. 60, 6   16/17 Is. 2, 2-3   18/20 Tob. 13, 1314   23/25 Deut. 11, 24   29/30 cfr Ps. 76, 11    10 audiebat B D E   10 dicebat B D E

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queur exulte pour les prises de guerre quand vient le moment de partager les dépouilles, et on accourait de toutes parts. Le bateau attirait le bateau, et ceux qui comprenaient disaient2 : « Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob. Car le Seigneur a visité sa terre et l’a abreuvée, et partout sous ses pas il a répandu l’abondance. » Ils venaient de Saba et du monde entier pour apporter l’or et l’encens à Jérusalem et publier la louange du Seigneur ; et son sépulcre était glorieux en sorte qu’on voyait s’accomplir à la lettre cette parole d’Isaïe : « La montagne de la maison du Seigneur sera placée au sommet des monts, et toutes les nations viendront à elle, les peuples s’y rendront en foule. » Et on dira ce qu’on lit dans Tobie au sujet de Jérusalem : « Tu brilleras d’une éclatante lumière et les confins de la terre t’adoreront, les nations viendront de loin en portant des présents pour adorer chez toi le Seigneur. » Tout ce que le Seigneur n’avait pas fait pas au temps des Juifs en raison de leurs péchés semblait seulement s’accomplir, comme on le dit dans le Deutéronome : « Tout lieu où vos pas se seront posés sera vôtre, et vos frontières iront depuis le désert, depuis le Liban, depuis le fleuve, le fleuve Euphrate, jusqu’à la mer d’Occident. » Ainsi, tandis que la vigne du Seigneur exhalait un parfum suave jusqu’aux extrémités de la terre, l’antique serpent, le dragon vénéneux, l’ennemi du genre humain ne put en supporter davantage, voyant et enviant les si grandes transformations qui s’étaient opérées dans les contrées d’Orient par la droite du Très-Haut. L’Église sainte s’étendait, le culte divin était illustré, les impies confondus et les chrétiens élevés, c’était des prodiges qui se renouvelaient, des miracles qui se répétaient ; voilà que le feu du ciel descendait le jour du saint samedi de Pâques dans l’église de la Résurrection du Seigneur ; voilà qu’accourait le peuple des dévots, et proclamant la gloire de Dieu, exaltait ses merveilles, voilà que les infidèles rougissaient de honte et les fidèles se réjouissaient dans le Seigneur ! Le diable, enténébré par une lumière aussi vive, comme blessé à mort, frappé au cœur de sa méchanceté, commença à rechercher mille moyens, inventer toutes sortes de

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procurare qualiter venenum suum posset latenter infundere, vineam Domini demoliri et in agro dormientibus pastoribus zizania superseminare. LXX. Ex otio et immodicis divitiis in Terre sancte habitatores omne flagitiorum genus invaluisse. Cum igitur a principio in locis aridis et inaquosis in primis scilicet peregrinis adhuc pauperibus et multis laboribus confectis et attenuatis requiem non invenisset, invenit | demum domum vacantem, scopis mundatam, homines otio vacantes et iam secure habitantes, a fructu frumenti, vini et olei sui multiplicatos et bonis temporalibus supra modum refertos. Et assumens septem spiritus nequiores se, cum septem videlicet peccatis criminalibus propter ingratitudinem nequioribus quam prius, introivit, et facta sunt posteriora peiora prioribus, dum vulneribus iteratis a facie insipientie putruerunt et corrupte sunt cicatrices eorum. Impinguati enim, incrassati, dilatati recalcitraverunt ; et ex adipe divitiarum et deliciarum prodiit iniquitas insipientium hominum. Saturavit eos Dominus et mechati sunt et in domibus meretricum luxuriabantur ; tanquam aqua effusi sunt et post concupiscentias suas abierunt, non sunt transfusi de vase in vas, requieverunt in fecibus suis, tanquam iumenta in stercoribus putrescentes, equi emissarii facti sunt. Unusquisque ad uxorem proximi sui hinniebat. Super cecidit ignis et non viderunt solem, oculos suos statuerunt declinare in terram ; superbi, elati, inflati, contumeliosi, seditiosi, invicem

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38/39 cfr Matth. 13, 25 lxx, 5 Matth. 12, 43   7/8 Ps. 4, 8   8/11 septem ... prioribus] Matth. 12, 44-45   11/12 dum ... eorum] Ps. 37, 6   13 Deut. 32, 15   14/15 cfr Ps. 72, 7   15/16 saturavit ... luxuriabantur] Ier. 5, 7   16/18 tamquam ... suis] Ier. 48, 11   19 equi ... hinniebat] Ier. 5, 8   19/20 super ... solem] Ps. 57, 9   oculos ... terram] Ps. 16, 11   21/27 cfr Rom. 1, 31    lxx, 1/2 ex ... invaluisse] de corruptione terre sancte per habitatores irreligiosos A B C  D G    H J K bo, om. E   15/37 saturavit ... separeret] om. K   

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manœuvres pour instiller en secret son venin, détruire la vigne du Seigneur, semer l’ivraie dans le champ, tandis que les pasteurs dormaient. LXX. Oisiveté et enrichissement démesuré des habitants de Terre sainte ; nombre et variété des fléaux qui en résultèrent. Au début donc, dans ces lieux desséchés et asséchés, le démon n’avait pu trouver le repos au milieu des premiers pèlerins, pauvres encore, épuisés, exténués de leurs fatigues sans nombre. Le temps passant, il trouva une maison nette et balayée, des gens inoccupés vivant alors dans le confort, revigorés par le blé, le vin et l’huile de leurs récoltes, et plus que comblés des biens de ce monde. Il prit sept esprits plus mauvais que lui, les sept péchés capitaux, plus méchants que jamais en raison de leur déconvenue, et il entra1. Et ce qui suivit fut pire que ce qui précédait, et, comme leur péché n’avait pas limites, leurs plaies ne furent que puanteur et pourriture à cause de leur folie. Car, engraissés, enrichis, boursouflés, ils ont regimbé, et le péché de ces hommes insensés est sorti de la graisse de leurs richesses et de leurs délices. Le Seigneur les rassasia, ils devinrent adultères, se bousculant dans la maison de la prostituée. Ils se sont épandus comme l’eau, courant derrière leurs convoitises, et on ne les a pas transvasés, ils sont restés dans leur bourbier2 ; bêtes de somme, vautrées dans leur fange, ils étaient des chevaux vagabonds. Chacun hennissait après la femme de son voisin. Le feu leur est tombé sur la tête, ils n’ont pas vu le soleil, ils sont restés les yeux fixés au sol. Ils étaient insolents, emportés, pleins de vent,

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mordentes, inter fratres discordiam seminantes, malitiosi, sortilegi et sacrilegi, iracundi et iniqui, desidia et ignavia torpentes, avaritia insatiabiles, crapula et ebrietate pregravati, luxuria et immundicia fetidi, fures, raptores, homicide, viri sanguinum et proditores, parentibus et maioribus suis non obedientes, insipientes et incompositi, sine affectione absque federe, | sine misericordia et, ut prophetico utar eloquio : “ Maledictum et mendacium, homicidium et furtum et adulterium inundaverunt, et sanguis sanguinem tetigit. ” Ideo dilatavit infernus animam suam, absque ullo termino et singulis criminibus et vitiis singula preparavit hospitia et infinita multiplicavit tormenta. Adeo autem omnis cogitatio hominum impiorum intenta erat ad malum omni tempore et corruperat viam suam super terram, adeo virtus omnis et religionis honestas emarcuerant et, multorum refrigescente charitate, filius hominis fidem in terra non inveniebat, quod vix aliquis reperiebatur qui inter sanctum et profanum haberet distantiam, vel a vili pretiosum separeret. Omnes in precipitium et confusionem ferebantur, a planta pedis usque ad verticem non inveniebatur sanitas et erat sicut populus, sic sacerdos.

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LXXI. De pastorum negligentia aliisque vite propudiis. Ut enim a sanctuario Domini incipiamus, postquam omnis pene mundus in eleemosynis et oblationibus et variis muneribus ecclesiarum prelatis et personis regularibus factus est tributarius, 28/29 Os. 4, 2   30 Hab. 2, 5   32/33 cfr Gen. 6, 5   33 Gen. 6, 12   35/36 cfr Matth. 24, 12   filius ... inveniebat] Luc. 18, 8   36/37 Ez. 22, 26    37 vel ... separaret] cfr Ier. 15, 18   38 Iob 2, 7   39 Is. 24, 2 22 mordentes] invicem detrahentes add. B D lxxi, 1 pastorum ... propudiis] corruptione prelatorum et clericorum A B C D G H J K  corruptione prelatorum bo, om. E   

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ils avaient l’injure à la bouche, ils étaient querelleurs, se déchirant mutuellement, semant la discorde chez leurs frères, fourbes, pleins de sortilèges et de sacrilèges, de colère et d’injustice, engourdis par la paresse et la lâcheté, d’une cupidité insondable, engloutis dans le stupre et l’ivresse, répugnants dans la luxure et la fornication. Ils étaient voleurs et ravisseurs, homicides et sanguinaires, traîtres envers leurs proches, indociles envers leurs aînés, ils avaient perdu la raison, allant à la dérive, sans amour, sans attache, sans charité3. Pour me servir enfin de la parole du Prophète : « Voilà que le parjure, l’assassinat, le vol, l’adultère et la violence ont tout submergé, et que le sang versé succède au sang versé. » Ainsi l’enfer dilata son gosier sans fond, prépara un abri propre à chaque crime, chaque vice, et une multitude de tourments sans fin. On en était au point que toute pensée de ces gens sans religion était au long du jour occupée à de mauvais desseins, allait sur terre par des chemins de perversion, au point que toute valeur et considération dues à la religion s’étaient évanouies, et que, l’esprit de charité s’étant refroidi pour la multitude, le fils de l’homme ne trouvait plus la foi sur la terre ; et il était devenu difficile de trouver quelqu’un capable de distinguer le sacré du profane4, distinguer ce qui avait du prix de ce qui n’en avait pas. Tous étaient poussés à l’abîme, à la chute, rien n’était sain des pieds jusqu’à la tête, et tel était le peuple, et tel était le prêtre. LXXI. Négligence des pasteurs et autres travers de leur vie. Commençons par le sanctuaire du Seigneur1. Quand presque tout le monde se fut rendu tributaire des prélats des églises et des chanoines réguliers par des aumônes, des offrandes et dons de

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pastores semetipsos pascentes, lanam et lac ex ovibus querentes, de animabus autem non curantes, quinimo proditionis exempla in subiectos transmittentes, vacce pingues in | monte Samarie facti sunt de Christi paupertate divites, de eius humilitate superbi, de illius ignominia gloriosi, de Crucifixi patrimonio impinguati, dila­ tati, incrassati. Cum tamen dixerit Dominus Petro : “ Pasce oves mea ”, nunquam : “ Tonde oves meas ”, ipsum dixisse reperimus. Dum enim que sua sunt quererent non que Iesu Christi, facti sunt ceci duces cecorum, canes muti non valentes latrare. Domum Domini pompatice ingredientes, clavem scientie habentes, ipsi tamen nec intrabant nec alios intrare finebant. Lepra autem Gyezi miserabiliter respersi, cathedras vendentium columbas et numulariorum mensas quas Dominus evertit, ipsi passim in ecclesiis erigebant, dicentes cum Iuda proditore : “ Quid vultis mihi dare et ego vobis tradam illum ? ” Omnes autem diligebant munera, sequebantur retributiones, auferentes claves Simoni Petro et eas Simoni mago tradentes. Diffluentes autem luxu multiplici et otio turpi marcentes, non solum de micis que cadebant de mensa Domini, sed de panibus integris et de cibis delicatis pascebant catellos suos quos de turpibus concubinis, ipsi turpiores procrearant.

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LXXII. De regularium contumacia, simultatibus, dissensionibus, licentia vivendi. Regulares autem, postquam veneno divitiarum infecti, amplis possessionibus supra modum excreverunt, contemptis superiorilxxi, 5 cfr Ez. 34, 8   7 Am. 4, 1   10 Ioh. 21, 17   12 Phil. 2, 21   13 Is. 56, 10   14 cfr Luc. 11, 52   15 cfr IV Reg. 5, 25   16 cfr Matth. 21, 12   18/19 Matth. 26, 15   19/20 omnes ... retributiones] Is. 1, 23   20 auferentes ... petro] cfr Matth. 16, 19   et ... tradentes] cfr Act 8, 9   22/23 cfr Matth. 15, 27 11/15 tonde ... intrare] om. K lxxii, 1/2 regularium ... vivendi] regularibus et irregulariter viventibus A B C D G H J K bo, om. E   

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toutes sortes, alors , les pasteurs se paissant eux-mêmes, à l’affût de la laine et du lait des brebis, négligeant la conduite des âmes, au contraire, offrant à leurs sujets l’exemple de la perfidie, vaches grasses dans la montagne de Samarie, ils se firent une fortune de la pauvreté du Christ, orgueil de son humilité et gloire de son abaissement ; ils s’engraissèrent et s’enrichirent sur le patrimoine du Crucifié2. Quand le Seigneur dit à Pierre : « Pais mes brebis ! », nous ne sachons pas qu’il ait dit : « Tonds mes brebis ! » Tant ils cherchaient leur propre intérêt et négligeaient celui du Christ, qu’ils se firent aveugles et conducteurs d’aveugles, chiens muets incapables d’aboyer. Ils montaient avec ostentation à la maison du Seigneur en tenant la clé de la science, mais sans y entrer et tout en empêchant les autres de le faire. Misérables, frappés par la lèpre de Guéhazi, partout dans les églises ils dressaient les chaises des marchands de colombes, les tables des changeurs que le Seigneur avaient renversées. Ils disaient comme Judas le traître : « Que me donnerez-vous si je vous le livre3 ? » Ils étaient avides de présents, couraient derrière les pots-de-vin, enlevaient les clés à saint Pierre pour les offrir à Simon le Magicien4. Égarés sur le chemin de la débauche, énervés dans une paresse sans nom, avec les miettes tombées de la table du Seigneur et mieux, avec des pains entiers et des mets délicats, ils nourrissaient leurs bâtards qu’ils engendraient d’infâmes concubines, pour être plus infâmes encore. LXXII. Indiscipline, querelles et divisions, vie déréglée des réguliers. Les réguliers1, contaminés par le poison de la richesse, se constituèrent d’immenses domaines au-delà de toute mesure, au

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bus suis, disrumpentes vincula eorum et | proiicientes ab eis iugum ipsorum, non solum ecclesiis et ecclesiasticis viris molesti facti sunt, sed et ipsi invicem invidentes et invicem detrahentes, non sine gravi scandalo totius christianitatis usque ad apertas contumelias et odia manifesta et fere usque ad conflictus et violentias et pugnas, non solum verborum, sed verberum plerumque procedebant. Postquam enim turrim Babel edificare ceperunt, confusis et divisis linguis a se invicem discedentes, non solum inter se discordabant, sed et partes sibi facientes inter alios discordias procurabant. Multi tamen ex ipsis melius affecti, viri iusti et timorati, quantum eis in hac tempestate licebat, salutarem regulam et sanctas ordinis institutiones observantes, tanquam granum inter paleas et lilium inter spinas, puncti et compuncti et vehementi cordis dolore intrinsecus graviter sauciati, non abierunt in consilio impiorum et in via peccatorum non steterunt, nec sederunt in cathedra pestilentie. Adeo tamen iniquorum et deterius affectorum prevaluit impietas et superabundavit iniquitas, quod frequenter a prelatis interdictos vel anathematis vinculo nominatim et specialiter innodatos, ipsi ad divina recipere non timebant. Et qui cum gaudentibus gaudere et cum flentibus flere debuerunt, aliis lugentibus soli letabantur. Et propter hoc ecclesiastice discipline rigore districtionis enervato, seculares et pestilentes homines prelatorum suorum sententias et spiritualis gladii iusticiam terribilem vilipendentes | contemnebant. Abbates enim, priores et monachi eorum mercenarii et miserabiles capellani, timore Domini proiecto, falcem suam in messem alienam mittere non formidabant, clandestinis matrimoniis personas illegitimas vel fugitivas copulantes ; infirmos causa cupiditatis, non causa pietatis visitantes et eisdem contradicentibus propriis pastoribus sacramenta ministrantes, ligantes et solventes contra Deum et sanctorum statuta canonum, animas quarum cura ad ipsos non

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lxxii, 5/6 Ps. 2, 3   11/12 cfr Gen. 11, 5-9   17 Cant. 2, 2   19/20 Ps. 1, 1   24 Rom. 12, 15   35/36 Rom. 14, 4    28/51 abbates ... suas] om. K   28/44 abbates ... frequentantes] om. A B C D

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mépris de leurs supérieurs, coupant leurs liens, rejetant leur joug ; non seulement ils se firent rebelles envers l’Église et les hommes d’Église, mais encore, se jalousant et se décriant, au grand scandale de toute la chrétienté, la plupart en arrivaient à s’insulter publiquement, se haïr sans détour, allant presque jusqu’à entrer en conflit, se faire violence, se battre par le geste et la parole. Après avoir commencé à construire une tour de Babel, s’étant séparés dans la confusion et la division des langues, ils en venaient à se quereller, et encore, fomentant des factions, ils allumaient la discorde chez les autres2. Beaucoup pourtant, mieux disposés, ­hommes justes et craignant Dieu, autant qu’il était permis au milieu de cette tempête, observant la règle salutaire et les saintes institutions de leur ordre, tels le grain perdu dans la balle, le lis au milieu des chardons, tourmentés et affligés, déchirés du fond du cœur d’une douleur vive et pesante, ne se laissèrent pas aller à suivre le chemin des impies, à demeurer dans le chemin des pécheurs, s’asseoir sur la chaise des railleurs. Pourtant l’impiété des méchants et des plus mal intentionnés prévalut souvent, et l’injustice surabonda, au point qu’ils ne craignaient pas d’ad­mettre aux offices divins des gens frappés d’interdit par les prélats, ou, des individus désignés et enchaînés de façon particulière par le lien de l’anathème. Seuls se réjouissaient ceux qui sont dans la joie avec ceux qui se réjouissent et pleurent avec ceux qui pleurent, et les autres s’affligeaient3. Pour cette raison, devant le relâchement de l’extrême rigueur de la discipline monastique, des gens du siècle et des hommes corrompus se jouaient des sentences de leurs prélats et se moquaient de la justice terrible du glaive spirituel. Ainsi, des abbés, des prieurs et leurs moines mercenaires et de misérables chapelains, après avoir rejeté la crainte du Seigneur, ne redoutaient pas de porter la faux sur une moisson qui ne leur appartenait pas, unissant par des mariages clandestins des gens qui n’y avaient pas droit ou des bannis, visitant les malades par cupidité et non par piété, administrant les sacrements à ceux-là mêmes qui allaient contre leurs propres pasteurs, liant et déliant des consciences dont le soin ne leur incombait pas, au mépris de Dieu et des statuts des saints canons. L’Apôtre a dit pourtant :

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pertinebat. Cum tamen dicat Apostolus : “ Tu quis es qui iudicas servum alienum ? ” Mortuos autem, prelatis eorum contradicentibus, passim ad sepulturam admittebant, ius parochiale sibi illicite usurpantes ; monachorum enim officium est plangere et orare, non sacramentum laicis ministrare. Non solum tamen monachi, sed ipse moniales superioribus suis inobedientes, excusso discipline iugo de claustro exiliebant, tanquam lapides sanctuarii in capite omnium platearum dispersi, publica balnea cum personis secularibus irreligiose frequentantes. Nec hec supradicta memoravimus ut precedentium crimina subsequentibus et his qui presentis sunt temporis imputemus, sed ut ipsi, manus suas lavantes in sanguine peccatorum, discant bonos imitari, malos autem detestari et reprobare. Discant humiliati cum Christo et eius amplecti paupertatem, puritatem et charitatem, et non solum habitu exteriori mundo renunciantes, in patientia sua possideant animas suas. |

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LXXIII. De Pollanis, subole a patribus degeneri ; de eorum zelotypia et contemtu externorum. Inter laicos autem et personas seculares, quanto maiores et potentiores extiterunt, tanto perniciosius vias suas corruperunt. Generatio enim prava atque perversa, filii scelerati et degeneres, homi­ 5 nes corrupti et legis divine prevaricatores, ex supradictis peregrinis, viris religiosis Deo acceptis et hominibus gratiosis, tanquam fex ex vino et amurca ex oleo, quasi lolium ex frumento et rubigo ex argento procedentes, paternis possessionibus, sed non moribus successerunt, bonis temporalibus abutentes, que parentes eorum 10

47 Ps. 57, 11   50/51 Luc. 21, 19 lxxiii, 5 Deut. 32, 5   7/8 cfr Prov. 25, 4    lxxiii, 1/2 pollanis ... externorum] hiis qui pollani nominantur A B C D J K bo, pollanis G, om. E   

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« Qui es-tu, toi, pour juger le serviteur d’autrui ? » Malgré ce, ils donnaient sans distinction une sépulture aux morts, en dépit de l’opposition de leurs évêques, usurpant ainsi à leur avantage, de façon illicite, le droit paroissial. La fonction des moines est de pleurer et prier, non d’administrer les sacrements au peuple4. Il y avait les moines, il y avait aussi les nonnes, désobéissantes envers leurs supérieures, qui secouaient leur joug, sortaient de leur ­cloître, comme les pierres du sanctuaire, dispersées au gré des places, elles allaient sans religion pour fréquenter les bains publics avec les personnes du monde5. Tout ce que nous venons de dire nous ne l’avons pas rapporté pour imputer les crimes de leurs prédécesseurs à leurs descendants d’aujourd’hui, mais pour que, lavant leurs pieds dans le sang des impies, ces derniers apprennent à imiter les bons, à détester et condamner les méchants. Qu’ils sachent s’humilier avec le Christ et embrasser sa pauvreté, sa pureté, sa charité, qu’ils renoncent à l’apparence du monde et, par leur constance, qu’ils sauvent leurs vies6. LXXIII. Les Poulains, indignes fils de leurs pères, race jalouse, méprisée de toutes les autres. Quant aux laïcs et aux gens du monde, plus ils furent grands et puissants, plus ils se pervertirent sur des chemins funestes. Génération fourbe et tortueuse, fils scélérats et dégénérés, hommes corrompus et prévaricateurs contre la loi divine, descendants des premiers pèlerins dont j’ai déjà parlé, hommes religieux ceux-là, agréables à Dieu et aux hommes ; ils étaient comme la lie du vin, le marc de l’huile, l’ivraie du froment, la scorie de l’argent. Ils entrèrent en possession des biens paternels sans hériter des vertus de leurs pères, abusant des biens temporels que leurs ancêtres

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ad honorem Dei contra impios strenue dimicantes proprii sanguinis effusione sunt adepti. Filii autem eorum qui Pullani nominantur, in deliciis enutriti, molles et effeminati, balneis plusquam preliis assueti, immunditie et luxurie dediti, more mulierum mollibus induti, circumornati et compositi ut similitudo templi ; quam desides et ignavos, quam pusillanimes et timidos contra Christi inimicos se exhibuerint, nemo dubitat ; qui quantum a Saracenis parvipendantur, non ignorat ! Unde cum coram predictis eorum patribus, licet admodum paucis, Saracenorum multitudo tanquam a facie tonitrui trepidaret, istorum inertiam nisi Francos et occidentales populos secum haberent, plusquam | sexum femineum non formidarent. Ipsi autem cum Saracenis fedus ineuntes et inimicorum Christi pace gaudentes, a se autem invicem pro facili causa dissidentes, lites et iurga et bella civilia inter se concitantes et plerumque ab inimicis fidei nostre, contra christianos auxilium postulantes, vires et expensas quas ad honorem Dei in paganos convertere debuissent, ipsi inaniter in christianitatis detrimentum inter se consumere non erubescunt. Verbis autem compositis intra mentis propositum palliare didicerunt, foliis pulcherimis sine fructu, velut steriles salices cooperti et ornati ; quod qui eos per experientiam plenius non noverunt, vix eorum in corde et corde loquentium dissimulationes possunt perpendere et fallacias evitare. Uxores autem suas homines suspiciosi et zelotypie spiritu concitati sub arcta custodia recludentes, ita studiose et sollicite custodiunt quod fratribus earum et cognatis quantumcumque propinquis vix ad ipsas patet introitus ; ecclesias autem et processiones et divini verbi salutiferas predicationes et alia ad salutem animarum pertinentia ipsis adeo interdicunt, quod vix semel in anno licet eis ecclesias visitare. Quidam tamen ter in hebdomada exire ad balnea cum diligenti custodia suis concedunt uxoribus. Hi autem qui inter ipsos ditiores et potentiores sunt, ut christiani

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14 cfr Luc. 7, 25   15 Ps. 143, 12    28 intra] ita B D E K bo   

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avaient conquis à force de verser leur sang dans le combat contre l’impie et pour l’honneur de Dieu. Leurs descendants portent le nom de Poulains, ils sont nourris dans les délices, mous, efféminés, plus habitués aux bains que familiers des combats, s’adonnant à l’impureté et à la luxure, comme des femmes, vêtus de vêtements délicats, ornés et arrangés à la manière d’un temple1. Nul de doute à quel point ils se sont montrés sans foi, lâches, peureux et timides devant les ennemis du Christ, et nul n’ignore que les Sarrasins en font peu de cas ! C’est pourquoi, tandis que la multitude des Sarrasins tremblait devant leurs pères, pourtant peu nombreux, comme devant le tonnerre, ils ne les auraient craints pas plus que des femmes en raison de leur inertie, s’ils n’avaient eu avec eux les Français et les autres occidentaux. Quant à eux, traitant avec les Sarrasins, se faisant une joie de se tenir en paix avec les ennemis du Christ, se disputant pour des motifs futiles, se livrant à de mutuels procès, querelles, guerres intestines, réclamant souvent contre les chrétiens l’aide des ennemis de notre foi, ils ne rou­ gissent pas de dépenser entre eux, en vains efforts et au détriment de la chrétienté, les forces et les richesses qu’ils devraient tourner contre les païens pour l’honneur de Dieu. Couverts et ornés des plus belles feuilles, sans fruits comme des saules stériles, ils ont appris à dissimuler le fond de leur pensée derrière des mots biens arrangés ; c’est au point que ceux qui ne les connaissant pas de longue date peuvent difficilement mesurer les feintes de leur cœur et de leurs propos, se garder de leur fourberie2. Mais, hommes soupçonneux, l’esprit dévoré de jalousie, ils gardent leurs femmes enfermées sous étroite surveillance avec tant de soin et précaution qu’il est difficile à leurs frères, parents, proches de tout acabit, de les approcher. Ils leur interdisent la fréquentation des églises, des processions, d’entendre la salutaire prédication de la parole divine et de suivre les autres exercices conçus pour le salut de l’âme, en sorte qu’elles ne peuvent visiter une église qu’une fois l’an. Certains cependant leur accordent de se rendre aux bains trois fois par semaine, sous bonne garde. Les plus riches et puissants, pour se donner un air chrétien et à titre

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appareant et aliquam habeant excusationem, iuxta lectos uxorum suarum erigi faciunt altaria, per quosdam miseros capellanos | et imperitos presbyterulos sibi missas celebrari procurantes. Quanto autem Pullanorum uxores arctius recluduntur, tanto studiosius mille artibus et infinitis machinationibus foramina reperire satagunt et nituntur. Sortilegiis enim et maleficiis et abominationibus innumeris, a surianis et saracenis mulieribus supra modum et incredibiliter sunt instructe. His autem qui de remotis partibus et longinquis regionibus causa a devotionis et ad eorum subsidium adveniunt peregrinis, cum laboribus maximis et intolerabilibus expensis, se et sua Domino offerentes, non solum ingrati, sed multipharie molesti existunt. Mallent enim otio semper torpere et desideriis carnalibus satisfacere, quam ruptis et deficientibus treugis conflictum cum Saracenis habere. Postquam autem in hospitiorum immoderato pretio et mercimoniis et concambio et aliis multimodis negotiationibus circumvenientes et depauperantes peregrinos in immensum ditati sunt tunc demum Christi pugiles et pro Christo exulantes contemtui et derisui habentes, multis iniuriis et contumeliis affligunt, filios Hernaudi tanquam fatuos et idiotas eos appellantes ; et quod vindicaturi sua forent, eisdem quibus compati debuerant, frequenter improperant. Tanta et longe deterior est hominum reproborum perversa malitia et malitiosa perversitas qui letantur cum malefecerint et exultant | in rebus pessimis, quibus procella tenebrarum reservata est in eternum. Ducunt enim in bonis dies suos, sed in puncto ad inferni novissima descendent. Quemadmodum enim impiorum malitiam detestamur, secundum quod dicit propheta : “ Vidi prevaricantes et tabescebam. ” Et iterum : “ Perfecto odio oderam illos, inimici facti sunt mihi ”, ita bonos si qui sunt inter eos in Domino commendamus. Si aliquis igitur propter hec predicta

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65 Prov. 2, 14   65/67 in ... eternum] Iud. 13   67/68 ducunt ... descendent] Iob 21, 13   70 Ps. 118, 158   70/71 Ps. 138, 22 63 sua forent] sunt fore B D, sint forte E K   64/74 tanta ... confiteri] om. K   68 enim] autem B D E

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d’excuse, font dresser des autels à côté du lit de leurs femmes, leurs font dire la messe par de misérables chapelains et de petits prêtres ignorants3. Plus les femmes des Poulains se trouvent étroitement enfermées, plus elles se démènent et s’efforcent de trouver des portes de sortie, imaginant mille ruses et des stratagèmes sans fin. Car, elles s’instruisent, on ne saurait croire à quel point, auprès des femmes des Sarrasins et de celles des Syriens, dans l’art des sortilèges, maléfices et abominations en tout genre. Les Poulains se révèlent peu reconnaissants et désagréables en tout pour ces gens qui, par dévotion, viennent leur porter secours de lointains pays et contrées éloignées, pèlerins offrant au Seigneur leur personne et leurs biens, au prix de grands efforts et de lourdes dépenses. Les Poulains, en effet, préfèreraient croupir sans fin dans leur paresse, se laisser aller à satisfaire les désirs de la chair plutôt que rompre et dénoncer les trêves passées avec les Sarrasins, entrer en guerre avec eux. Après s’être immensément enrichis sur le dos des pèlerins à qui ils louent un logement à un prix excessif, qu’ils trompent et dépouillent dans des opérations de commerce, de change, des transactions de toute nature, ils se moquent des combattants du Christ, qui se sont exilés en son nom, ils en rient, les harcèlent de toutes leurs injures et railleries, les nommant « enfants d’Hernaud », comme s’ils étaient des fanfarons ou des imbéciles ; sous prétexte de réclamer leur dû, ils ne cessent de harceler ces gens envers qui ils ne devraient n’avoir que de la compassion4. Telle est, et pire encore, la perverse méchanceté et la perversité méchante de ces hommes réprouvés qui trouvent leur joie à faire le mal, qui se complaisent dans la perversité, et auxquels des ténèbres épaisses sont gardées pour l’éternité. Car leur vie se passe dans l’abondance et bientôt ils descendront aux tréfonds de l’enfer. Ainsi nous détestons la méchanceté des impies comme le dit le Prophète : « J’ai vu les renégats et ils m’écœurent ! » Et encore : « Je les hais d’une haine parfaite, ce sont pour moi des ennemis. » Aussi s’il se trouve parmi eux des hommes de bien, nous les louons dans le Seigneur. Et si quelqu’un vient à s’irriter contre

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mihi irascetur, de se ipso quod huiusmodi sit, videbitur confiteri. LXXIV. De Italorum, Terre sancte inquilinorum, dissensionibus civilibus et avaritia. Illi autem qui de Ianuensium, Pisanorum et Venetorum preclaris civitatibus et de aliis Italie partibus in Syria commorantur, quorum patres et predecessores de Christi inimicis gloriose trium- 5 phantes, immortale nomen et eternam coronam sibi acquisierunt, valde formidabiles existerent Saracenis, si cessante invidia et insatiabili avaritia, pugnas et immortales discordias inter se non haberent. Quoniam autem frequentius et libentius contra se invicem, quam contra perfidam paganorum gentem preliantur, negotiatio- 10 nibus vero et mercimoniis plusquam Christi preliis implicantur, letificant et securos reddunt inimicos nostros, qui parentes eorum (137) viros pugnaces et strenuos quondam maxime formidabant. | LXXV. De Surianis eorumque moribus, lingua a Latinis discidio ; de Spiritus Sancti processione, de pane azymo in confectione eucharistie ; de romane Ecclesie principatu, de ordinibus sacris clericorum Surianorum. Sunt alii homines a diebus antiquis sub diversis dominis in 5 terra commorantes sub Romanis, Grecis, Latinis et Barbaris, Saracenis et Christianis, vicibus subalternis, longo tempore, iugum passi servitutis, ubique servi, semper tributarii, ad usus agriculture et ad alias inferiores necessitates a dominis suis reservati ; prorsus imbelles et preliis, velut mulieres inutiles, exceptis qui- 10 busdam qui inermes et ad fugam expediti, arcubus et sagittis tantum utuntur. Hi Suriani nuncupantur, vel a civitate dicta Sur lxxiv, 1/2 italorum ... avaritia] ianuensibus et pisanis et venetis A B C D GH J K bo, om. E lxxv, 1/4 eorumque ... surianorum] om. codd. bo   9 a] ac mo   12 nuncupatur mo   

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moi pour ce qui précède, il paraîtra se confesser lui-même qu’il répond bien à ce qui a été dit5. LXXIV. Avarice et guerres intestines des Italiens, co-locataires de la Terre sainte. Quant aux personnes originaires des illustres cités de Gênes, Pise, Venise et les autres Italiens résidant en Syrie, dont les pères et prédécesseurs s’étaient gagnés un nom immortel et une couronne d’éternité par leurs glorieux triomphes sur les ennemis du Christ, ils seraient redoutables aux Sarrasins, si mettant un terme à leur jalousie et leur insatiable cupidité, ils ne se livraient pas des guerres mutuelles, des contestations sans fin. Pour se battre entre eux, plus volontiers et plus souvent qu’avec la race impie des païens, pour s’occuper plus de leurs trafics et leur commerce que du combat pour le Christ, ils mettent joie et sécurité chez nos ennemis qui, jadis, craignaient grandement leurs pères pour leur combativité et leur vaillance1. LXXV. Les Syriens, leurs coutumes, leur langue ; la séparation avec les Latins ; la procession du Saint-Esprit ; le pain azyme dans la préparation de l’eucharistie ; primat de l’Église romaine ; les ordres sacrés chez les prêtres syriens1. D’autres gens habitent cette terre depuis l’Antiquité, sous la tutelle de toutes sortes de maîtres : Romains, Grecs, Latins, Barbares, Sarrasins et Chrétiens, depuis longtemps et avec des fortunes diverses, soumis au joug de la servitude, esclaves partout et tributaires toujours, que leurs maîtres réservent aux tâches de la terre et confinent à des travaux de bas étage2. Ils sont franchement inaptes à la guerre, à la bataille, aussi inutiles que des femmes, sauf quelques-uns qui, par manque de courage et toujours prompts à la fuite, n’usent que d’arcs et de flèches3 . On les appelle Syriens, nom qui viendrait de Sur, cité qui occupait le premier rang dans

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que inter Syrie civitates magnam a priscis temporibus obtinet preeminentiam, vel a Syria, y conversa in u, Suriani dicuntur qui in scripturis antiquis ‘Syri’ nominantur. Sunt autem homines magna ex parte infideles, duplices et more Grecorum velut vulpes dolosi, mendaces et inconstantes, amici fortune, proditores et qui ad munera facile inclinantur, aliud in ore, aliud in corde habentes, furtum et rapinam quasi pro nihilo reputantes. Secreta Christianorum pro modico pretio facti exploratores | nuntiant Saracenis inter quos nutriti sunt, quorum etiam lingua libentius utuntur, quam alia et quorum mores perversos ex parte magna imitantur Commixti sunt enim inter eos et didicerunt opera eorum, uxores suas more Saracenorum recludentes, et tam ipsas quam filias suas linteaminibus undique ne videri possint involventes ; barbas autem sicut Saraceni, Greci et sicut omnes fere Orientales non radunt, sed cum magna diligentia eas nutrientes, in ipsis quam plurimum gloriantur, virilitatis signum, vultus honorem, hominis auctoritatem et gloriam, ipsam barbam reputantes. Sicut autem apud Latinos eunuchi qui barba penitus carent indecentes et quasi effeminati censentur, ita ipsi pro summo habent opprobrio non solum si barbe radantur, sed etiam si unus ab eis pilus extrahatur. Unde nuntii David, quibus Naas rex Ammonitarum in contemptum David dimidias barbas rasit, aliam partem radere noluerunt, sed absconderunt se in Hierico donec barbarum recuperassent honorem. Unde cum comes Edessanus Baldovinus more Orientalium barbam nutrivisset, eo quod filiam ducis nobilis armeni natione sed greci fide, nomine Gabrielis, in uxorem duxisset, ut a socero suo divite, ipse pauper posset extorquere pecuniam, dixit ei quod necessitate coactus barbam suam pro magna summa pecunie quibusdam creditoribus suis obligasset ; at ille dolens et admirans valde et opprobrium sempiternum filie sue et generis | sui cupiens evitare, triginta milia bisantiorum hac conditione dedit illi quod

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l’Antiquité parmi les villes de Syrie, ou alors du nom de Syrie après conversion du y en u, ce qui fait que l’on désigne sous le nom de Suriani les gens que les anciens écrits appelaient Syri 4. Ils sont pour la plupart des hommes sans foi, fourbes et rusés comme des renards, à la façon des Grecs, menteurs, inconstants, amis de la fortune, traîtres, faciles à corrompre, chez eux, la bouche contredit le cœur, ils tiennent pour presque rien le vol et la rapine5. Ils se font espions à vil prix, dénoncent les secrets des Chrétiens aux Sarrasins au milieu desquels ils sont élevés, et même dont ils ­parlent de préférence la langue et dont ils imitent en grande partie les mœurs perverties6. Ils s’y sont mêlés, ils ont appris à en partager les coutumes. Comme les Sarrasins, ils tiennent leurs femmes et leurs filles enfermées, ils les couvrent de voiles pour qu’on ne puisse rien en voir. Comme les Sarrasins, les Grecs et presque tous les Orientaux, ils ne se rasent pas, mais entretiennent leur barbe avec grand soin, ils s’en font un titre particulier de gloire. Ils considèrent qu’elle est la marque de leur virilité, un agrément de leur visage, le témoignage de leur autorité et supériorité d’homme. Les Latins tiennent les eunuques, entièrement imberbes, pour des gens inconvenants et efféminés, les Syriens, eux, pensent que c’est une suprême offense que de se faire couper la barbe ou s’en faire arracher un poil. Ainsi Naas, roi des Ammonites, fit raser à moitié la barbe des émissaires que David lui avait envoyés pour se moquer de lui ; alors ceux-ci ne voulurent pas se raser l’autre moitié et restèrent cachés à Jéricho jusqu’à ce qu’ils eussent retrouvé leur honneur avec leur barbe. Et encore, le comte d’Édesse, Baudouin, qui avait laissé poussé sa barbe à la mode orientale pour avoir épousé la fille d’un chef de la noblesse arménienne et de confession grecque, appelé Gabriel, pauvre comme il était et pour extorquer de l’argent à son riche beau-père, lui fit dire que, pressé par la nécessité, il avait été obligé d’engager sa barbe pour une bonne somme d’argent auprès de créanciers. Gabriel, consterné et complètement décontenancé, voulant éviter à sa fille et à son gendre une honte éternelle, lui donna trente mille besants à l’expresse

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de cetero nulla paupertate compellente, nullo casu contingente, barbam suam presumeret obligare. Utuntur autem Suriani in sermone vulgari lingua saracenica. Littera etiam et scriptura saracenica utuntur in contractibus et negotiationibus et in omnibus aliis, exceptis divinis Scripturis et aliis spiritualibus in quibus littera greca utuntur. Unde in divinis officiis laici eorum qui non nisi linguam saracenicam noverunt eos non intellegunt ; cum tamen Greci qui eadem lingua in vulgari et in scripturis utuntur, sacerdotes suos in ecclesiis et in litterali sermone qui idem est cum vulgari intelligant. Consuetudines autem et institutiones Grecorum in divinis officiis et in aliis spiritualibus Suriani penitus observant et eis tanquam superioribus suis obediunt. Latinorum autem prelatis in quorum diocesibus commorantur non corde sed ore tantum et superficialiter se dicunt obedire, timore scilicet secularium dominorum. Habent enim proprios episcopos grecos, nec Latinorum excommunicationes vel alias quascunque sententias in aliquo formidarent, nisi ab eorum communione in contractibus et in aliis necessitatibus laici nostri se subtraherent. Dicunt enim inter se quod Latini omnes excommunicati sunt, unde non possunt aliquos aliqua sententia innodare. In Niceno enim | concilio quod unum est ex quatuor principalibus conciliis que ab Ecclesia tanquam quatuor Evangelia sine retractione recipiuntur, in quo trecenti decem et octo fuerunt episcopi, inter alia multa dictum fuit et determinatum Spiritum Sanctum a Patre procedere et in fine omnes qui predicto concilio aliquid adderent vel subtraherent, anathematis sententia constrinxerunt. Licet autem expressum fuerit quod a Patre Spiritus Sanctus procederet, non tamen ipsum a Filio procedere negaverunt. Multa enim a principio expressa non fuerunt que postea propter removendos errores a sanctis subsequentibus determinata et declarata fuerunt. Unde ubi Greci habent in Symbolo : “ Et in Spiritum Sanctum Dominum et vivificantem qui ex Patre procedit ”, Latini dicunt expressius : “ Qui ex Patre Filioque procedit. ” Similiter ubi Greci dicunt : “ Spiritus

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condition de ne plus se hasarder à engager sa barbe, qu’il soit pressé par le besoin ou pour tout autre motif 7. Dans la vie courante les Syriens parlent la langue arabe. De même dans leurs contrats, le négoce et le reste, ils écrivent en arabe, sauf dans les écritures sacrées et autres usages spirituels pour lesquels ils emploient le grec8. Voilà pourquoi les laïcs qui n’entendent que l’arabe ne comprennent rien pendant la célébration des offices religieux. Les Grecs cependant se servent du même idiome pour parler et écrire ; dans leurs églises, ils comprennent ce que disent leurs prêtres en langue savante, identique à celle du peuple. Les Syriens suivent en toute chose les usages et les règles des Grecs pour l’office divin et les autres manifestations de la vie spirituelle, ils leur obéissent comme à leurs supérieurs. Ils disent suivre les prélats latins des diocèses où ils résident, ils ne le font pas du fond du cœur, mais du bout des lèvres, pour la forme et par crainte de leurs seigneurs laïcs. Ils suivent en effet leurs ­propres évêques de confession grecque, et ne craindraient pas beaucoup les excommunications ou toute autre sentence prononcée par les évêques latins si les laïcs, chez nous, ne cessaient d’avoir avec eux tout rapport contractuel ou autre relation utile. Ils se disent entre eux que tous les Latins sont des excommuniés et ne peuvent aucunement lier des gens par une condamnation quelconque. En effet, au concile de Nicée, l’un des quatre principaux conciles reçus sans réserve par l’Église comme le sont les quatre Évangiles et où siégèrent trois cent dix-huit évêques, il fut dit et affirmé, entre autre, que le Saint-Esprit procède du Père et, qu’en conséquence, serait anathème quiconque ajouterait ou retrancherait quelque chose aux décisions du concile. Mais pour avoir établi que le SaintEsprit procède du Père, ils ne rejetèrent pas expressément la procession du Saint- Esprit par le Fils9. Par suite, et pour se garder des erreurs, nombre de principes qui n’avaient pas été établis d’abord furent fixés et proclamés par les saints conciles suivants10. Ainsi, dans le Symbole où les Grecs disent : « Dans le Saint-Esprit

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Sanctus a Patre non factus, nec creatus, nec genitus, sed procedens ”, Latini addiderunt : “ Spiritus Sanctus a Patre et Filio. ” Non tamen aliud, hoc est contrarium, addiderunt. Sic enim predicta sententia intelligitur et est data contra illos qui contrarium addidissent. Quemadmodum Paulus in epistola ad Galatas ait : “ Si quis vobis evangelizaverit preter id quod accepistis, anathema sit ! ” Certum est autem quod multa alia quam evangelizavit Paulus, evangelizata sunt a sanctis, sed non contraria. Sic enim huiusmodi prohibitiones intelliguntur. Unde tam Greci quam Suriani, occasione symboli quod in | Nicena synodo composuerunt sancti patres miserabiliter decepti, negant a Filio procedere Spiritum Sanctum, cum tamen Dominus Iesus insufflans in discipulos et dicens : “ Accipite Spiritum Sanctum ”, manifeste ostenderit ipsum spirare Spiritum Sanctum et quod ab ipso sicut a Patre procedit, tanquam nexus et amor amborum. Unde in Evangelio ipse dicit : “ Ego novi virtutem de me exisse. ” Virtute enim Spiritus Sancti ab eo exeunte seu procedente sanavit mulierem que vestimenti eius fimbriam tetigerat. Cum enim ipse ad Patrem dixerit : “ Omnia mea tua sunt, et omnia tua mea sunt ”, patet quod sicut Spiritus Sanctus est Patris, ita est Filii, quemadmodum dicit beatus Paulus apostolus : “ Misit Deus spiritum Filii sui in corda nostra in quo clamamus, abba, pater ! ” Et beatus Ioannes in epistula canonica de Christo : “ Unctio eius docet vos de omnibus ” et iterum : “ Unctio quam accepistis ab eo maneat in vobis. ” Ex quibus aperte patet quod Spiritus Sanctus sive unctio quod idem est, sicut est Spiritus Patris, ita est Spiritus Filii, et sicut Pater mittit eum, ita Filius mittit ipsum, ipso testante qui ait : “ Cum assumptus fuero a vobis, mittam eum ad vos. ” Et ita Spiritus Sanctus communis est duarum personarum ab utraque procedens. “ Fluvius igneus et rapidus, ait Daniel, egrediebatur a facie eius. ” Propter hec sicut omnes Latini Spiritum Sanctum a Filio

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82/83 Gal. 1, 9   90 Ioh. 20, 22   92/93 Luc. 8, 46   94 Matth. 9, 20   95/96 Ioh. 17, 10   97/98 Rom. 8, 15   99/101 I Ioh. 2, 27   104 Ioh. 16, 7   106 Dan. 7, 10    81/82 addiderunt B K   

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seigneur qui donne la vie et procède du Père », les Latins sti­ pulent : « Qui procède du Père et du Fils ». De même, quand les Grecs disent : « Le Saint-Esprit n’est pas fait, créé ou engendré par le Père, mais procède du Père », les Latins ajoutent : « Le SaintEsprit procède du Père et du Fils », formule différente sans être contradictoire. C’est ainsi que doit être comprise la sentence qui fut lancée contre ceux qui feraient des adjonctions contraires. Ainsi, Paul dit dans l’épître aux Galates : « Si quelqu’un vous annonçait un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème ! » Il est certain que des saints ont proclamé bien d’autres choses que Paul en annonçant l’évangile, mais sans contradiction aucune avec lui. Ainsi doit-on comprendre de telles prohibitions. C’est pourquoi, prenant prétexte du symbole que les pères saints ont composé à Nicée, les Grecs et Syriens nient la procession du Saint-Esprit par le Fils, et se trompent malheureusement ! Pourtant le seigneur Jésus soufflant sur les disciples, en disant : « Recevez le Saint-Esprit ! », a montré clairement qu’il soufflait le Saint-Esprit qui procède de lui comme du Père, tel un lien d’amour qui les unit. Dans l’Évangile, il dit encore : « J’ai senti une force sortir de moi. » De fait, par la force du Saint-Esprit, qui sort ou procède de lui, il guérit une femme qui avait touché la frange de son manteau. Car le Fils a dit au Père : « Tout ce qui est à moi est à toi, tout ce qui est à toi est à moi. », il est donc évident que si le Saint-Esprit est du Père, il l’est aussi du Fils. C’est ce que dit le saint apôtre Paul : « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’esprit de son fils par lequel nous crions, Abba ! Père ! » Saint Jean, dans l’épître canonique sur le Christ, écrit de même : « Son onction vous instruit de tout. » Et ailleurs : « L’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous. » Il est donc évident et démontré que le Saint-Esprit ou l’onction, ce qui est pareil, est aussi bien l’esprit du Père que celui du Fils et, si le Père l’envoie, le Fils l’envoie aussi. Le Seigneur même l’atteste en disant : « Quand j’aurais été emporté d’au milieu de vous, je vous enverrai l’Esprit. » Voilà pourquoi le Saint-Esprit est commun aux deux personnes et procède de l’une et de l’autre. « Un fleuve de feu coulait, issu de devant de lui. », disait Daniel. Pour ça, comme tous les Latins confessent que le Saint-Esprit procède du Fils, les

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procedere confitentur, ita qui sapientiores sunt inter Grecos eamdem sententiam non negant licet formam verborum | non recipiant, eo quod nusquam apud se talem verborum formam scilicet : “ procedit a Filio ” recipiant. Cum igitur tam Greci, quam Suriani, ut predictum est, omnes Latinos excommunicatos reputent, altaria supra que Latini celebraverunt divina priusquam in ipsis celebrent abluere consueverunt. Sacramentis etiam nostris nullam exhibent reverentiam, nec assurgere volunt quando corpus Domini ad visitandos infirmos nostri deferunt sacerdotes. Cum autem sancta Romana Ecclesia et omnes Occidentales ad imitationem Domini ex azymo pane sacramentum conficiant – Dominus enim postquam secundum ritum Iudeorum cum azymis agnum manducavit paschalem, panem quo utebatur in cena in corpus suum convertit – ipsi contra mysterium ex fermentato pane conficiunt sacramenta. Expurgato enim fermento veteri malitie et nequitie in azymis sinceratis et veritatis mystice instruimur epulari. Sed et in multis aliis sancte et summe Romane Ecclesie a qua propria authoritate recesserunt ipsi schismatici contradicunt, contra Dei dispositionem qui romanam civitatem totius mundi metropolim et capitaneam, sicut in temporalibus omnibus preerat, ita in spiritualibus universis fidelibus voluit prefuisse. Cephas enim qui simpliciter caput interpretatur, id est Petrus, totius mundi caput a Domino est constitutus, dicente Domino absque aliquorum exceptione : “ Quodcunque ligaveris super terram erit ligatum in celis. ” | Et iterum : “ Pasce oves meas ! ” ; non dixit tantum, “ Latinos vel Occidentales ”, sed simpliciter “ oves meas ”, ut esset unum ovile et unus pastor. Patet ergo, cum super hanc petram, pro qua Dominus rogavit ut non deficeret fides eius post Christum, edificata sit et fundata Christi ecclesia, quod omnes qui ab Ecclesia Romana recedunt, qui absque fundamento edificant,

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122/123 I Cor. 5, 8   129 cfr Ioh. 1, 42   131/132 Matth. 16, 19   132 Ioh. 21, 17 121 utebantur B D K   133 latinas B D K   

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Grecs les plus sages ne refusent pas cette formule, sans admettre les mots qui la consacrent, ainsi on ne trouve nulle part chez eux la formule : « Il procède du Fils. » Donc, comme Grecs et Syriens, nous l’avons dit, tiennent tous les Latins pour des excommuniés, ils ont pris l’habitude de faire purifier les autels sur lesquels ces derniers célèbrent le culte avant d’y accomplir eux-mêmes leurs célébrations. Et encore, ils ne ­témoignent aucun respect pour nos sacrements, refusent de se lever devant les prêtres qui portent le corps du Seigneur quand ils visitent les malades. La sainte Église romaine et tous les occidentaux, à l’imitation du Seigneur, célèbrent l’eucharistie avec du pain azyme, car le Seigneur après avoir mangé l’agneau pascal avec des pains azymes, selon le rite juif de la pâque, transforma en son corps le pain du repas. Les Syriens, au mépris du mystère, cé­ lèbrent l’eucharistie avec du pain au levain. Car en rejetant le vieux levain de la malice et de la méchanceté nous sommes invités à célébrer le festin mystique avec des azymes de pureté et de ­vérité11. Ces schismatiques contredisent sur beaucoup d’autres points l’Église romaine, sainte et souveraine, dont ils se sont séparés de leur propre autorité. Ils vont à l’encontre de la volonté divine qui dispose que la ville de Rome est placée comme la capitale et la métropole de l’univers pour les fidèles, tant pour les matières temporelles que spirituelles12. Céphas, qui signifie simplement tête, c’est à dire Pierre, a été désigné ainsi par le Seigneur comme chef de la terre entière quand il a lui dit et sans restriction : « Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel », et aussi : « Pais mes brebis ! » Il n’a pas dit : « Pais seulement Latins et Occidentaux », mais juste « mes brebis », pour qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul pasteur13. Il est donc évident que c’est sur cette pierre qu’a été fondée et édifiée l’Église du Christ, cette pierre pour laquelle le Seigneur a prié pour que sa foi ne défaille pas une fois lui parti. Il est non moins évident que tous ceux qui s’écartent de l’Église romaine construisent sans fondation et travaillent en vain ;

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in vanum laborantes et ab eo qui a Domino Cephas vocatus est separati, acephali et monstruosi homines merito sunt reputandi. Quartas autem nuptias Suriani sicut et Greci non admittunt. Sacerdotes autem eorum et diaconi, licet in predictis ordinibus matrimonia non contrahant, utuntur tamen uxoribus cum quibus ante sacros ordines contraxerunt. Subdiaconatum vero sacrum ordinem non reputant. Parvuli eorum statim post baptismum a simplicibus sacerdotibus in frontibus chrismate consignantur, quod non est concessum vel licitum apud Latinos, nisi episcopis et supra, qui locum in Ecclesia Dei obtinent apostolorum. Per impositionem enim manuum apostolorum Spiritus Sanctus ad robur et confirmationem conferebatur, cuius impositionis manuum locum obtinet predictum sacramentum. Diem autem sabbathi adeo sollemnem reputans, quod non licet alicui eorum in sabbatho ieiunare, excepto tantummodo sabbatho sancto pasche. Solemniter autem sicut in die dominica, in sabbatho | divina cele­ brant et carnes in ea manducantes, more Iudeorum splendide epulantur. Hec autem sollemnis observatio a Latinis reprobata est ne iudaizare videantur.

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LXXVI. De Iacobitis eorumque erroribus qui obiter refutantur. Sunt preterea in Terra sancta et in aliis partibus orientalibus alie barbare nationes a Grecis et Latinis in multis dissidentes, quorum alios Iacobitas appellant a quodam magistro suo dicto 5 Iacobo, cuiusdam Alexandrini patriarche discipulo. Hi a multis iam temporibus a Constantinopolitano patriarca Dioscoro excommunicati et ab Ecclesia Grecorum sequestrati, maiorem partem Asie et totius tractus orientalis inhabitabant. Quidam inter Saracenos, alii autem proprias absque infidelium consortio occu- 10

142/143 utuntur ... contraxerunt] om. B lxxvi, 1/2 eorumque ... refutantur] om. codd. bo   

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séparés qu’ils sont de celui que le Seigneur a désigné du nom de Céphas. Ils méritent ainsi d’être considérés comme des monstres sans tête14. Les Syriens comme les Grecs n’acceptent pas de quatrièmes noces. Leurs prêtres et leurs diacres ne contractent pas mariage, une fois entrés dans les ordres sacrés, tout en gardant les femmes avec lesquelles ils avaient commerce avant d’y entrer15. Ils ne considèrent pas le sous-diaconat comme un ordre16. Aussitôt après le baptême, les petits enfants sont marqués au front avec le saint chrême par de simples prêtres ; cela n’est ni permis ni légitime chez les Latins, sinon par les évêques ou prélats de rang supérieur qui représentent les apôtres dans l’Église de Dieu. C’est, en effet, avec l’imposition des mains par les apôtres que l’Esprit saint était donné pour renforcer et raffermir, ainsi le sacrement de confirmation tient lieu d’imposition des mains17. Ils considèrent le samedi comme un jour consacré en sorte que nul n’est autorisé à jeûner ce jour-là, sauf cependant le Samedi saint de Pâques. Ils célèbrent la messe du samedi avec autant de solennité que le dimanche, mangent de la viande ce jour-là et, comme les juifs, festoient avec largesse. Cette coutume a été condamnée par les Latins pour éviter les apparences de judaïsme. LXXVI. Les Jacobites ; brève réfutation de leurs erreurs. En Terre sainte et autres contrées d’Orient, on rencontre des nations barbares qui se distinguent des Grecs et des Latins en de nombreux points, les Jacobites entre autres, ainsi nommés en raison de Jacques, leur maître, qui fut le disciple d’un patriarche d’Alexandrie1. Ces Jacobites, déjà depuis longtemps excommuniés par le patriarche Dioscore et séparés de l’Église grecque, occupent la plus grande partie de l’Asie et jusqu’à l’Orient lointain. Il en est qui vivent chez les Sarrasins, d’autres dans des contrées qu’ils occupèrent en propre et sans le voisinage des infidèles, en Nubie

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parunt regiones, scilicet Nubiam que contermina est Egypto et magnam Ethiopie partem et omnes regiones usque in Indiam, plusquam quadraginta regna, ut asserunt, continentes. Omnes autem sunt christiani a beato Mattheo apostolo et aliis apostolicis viris ad Christi fidem conversi. Sed postea inimico superseminante zizania, lamentabili et miserabili errore longo tempore obtenebrati, parvulos suos in utroque sexu more Saracenorum ex magna parte circuncidentes, non prudenter attendunt quod baptismi gratia superveniens carnis evacuavit circuncisionem, | quemadmodum fructu adveniente flores decidunt et marcescunt. Unde et beatus Paulus ad Galatas sic ait : “ Si circuncidamini, Christus nihil vobis proderit. ” Et iterum : “ Testificor omni homini circuncidenti se quoniam debitor est universe legis faciende. Evacuati estis a Christo, qui in lege iustificamini, a gratia excidistis. ” Alius autem error ipsorum est non minor predicto, quod confessiones peccatorum suorum non sacerdotibus, sed soli Deo latenter faciunt, ponentes thus iuxta se in igne tanquam cum fumo peccata sua ascendant coram Domino. Errant miseri non intelligentes Scripturas et pereunt ex defectu doctrine, vulnera sua medicis spiritualibus abscondentes quorum est inter lepram et lepram discernere et peccatorum circunstantias pensando penitentias iniungere, et secundum claves sibi traditas ligare et solvere et pro confitentibus sibi specialiter orare. Unde Dominus in Evangelio ait leprosis : “ Ostendite vos sacerdotibus ! ” Et de beato Ioanne Baptista legimus quod baptizabantur ab eo confitentes peccata sua. Erubescentia autem, pudoris anxietas et confitentis humilitas, maxima pars est penitentie. Proniores autem ad peccandum efficiuntur qui turpitudines suas hominibus non estimant revelandas, cum tamen scriptum sit : “ Qui abscondit peccata sua non dirigetur, qui autem deliquerit et confessus fuerit misericordiam consequetur. ” Tertius error est predictorum Iacobitarum seu Iacobinorum et

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lxxvi, 15 cfr Matth. 13, 25-26   21/24 Gal. 5, 2-24   30/31 cfr Deut. 17, 8   34 Luc. 17, 14   35 cfr Matth. 3, 6    39/40 Prov. 28, 13    36 autem] enim B K   40 reliquerit B E   

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par exemple, voisine de l’Égypte, dans une bonne partie de l’Éthiopie2, ainsi que dans des régions qui vont jusqu’à l’Inde et comptent, à ce qu’ils affirment, plus de quarante royaumes3. Tous ces chrétiens ont été convertis à la foi du Christ par l’apôtre saint Mathieu et d’autres disciples4. Par la suite, quand le diable eut semé l’ivraie, ils se trouvèrent pour longtemps enfermés dans les ténèbres d’une déplorable et pauvre hérésie5. Ils font, pour la plupart, circoncire les nouveau-nés des deux sexes comme le font les Sarrasins6. Ces imprudents n’attendent pas que la grâce du baptême rende inutile la circoncision de la chair, comme lorsque vient le fruit, la fleur tombe et se fane. Pourtant saint Paul dit aux Galates : « Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. » Ailleurs, il dit encore : « Je l’atteste à tout homme qui s’est fait circoncire, il se trouve dans l’obligation d’observer toute la loi. Vous avez rompu avec le Christ, vous qui cherchez la justice dans la loi, vous êtes déchus de la grâce. » Une autre erreur des Jacobites, et non des moindres, est de confesser leurs péchés, non à des prêtres, mais en cachette à Dieu seul, mettant à côté d’eux de l’encens sur le feu comme si leurs péchés devaient monter avec la fumée devant le Seigneur7 Malheureux fourvoyés, qui ne comprennent pas les Écritures et sont voués à périr par défaut de doctrine, cachant leurs blessures aux médecins spirituels auxquels il appartient de faire la part entre la lèpre et la lèpre8, d’adapter la pénitence au péché après en avoir pesé les circonstances, lier et délier avec les clés qui leur ont été remises, et prier avant tout, pour ceux qui se confessent à eux ! Le Seigneur a dit ainsi au lépreux de l’Évangile : « Va te montrer aux prêtres ! » Nous lisons, au sujet de saint Jean-Baptiste, que ceux qui se faisaient baptiser par ses soins avouaient leurs fautes9. Ainsi la honte, l’anxiété, la pudeur, l’abaissement de celui qui se confesse entrent pour une grande part dans la pénitence. Et ceux qui ne croient pas devoir dévoiler leurs infamies devant les hommes sont plus aptes à tomber dans le péché. Comme il est écrit : « Qui dissimule ses fautes ne réussira pas, qui les avoue et y renonce, obtiendra merci. » La troisième erreur des Jacobins ou Jacobites

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ignorantia crassa | et quasi tenebre palpabiles quod plures eorum ante baptismum parvulos suos cum ferro calido adurentes et signantes in frontibus imprimunt cauterium. Alii autem, in modum crucis in ambabus genis seu temporibus in modum crucis infantes suos consignant, perverse putantes eos per ignem materialem expiari, eo quod in Evangelio beati Matthei scriptum sit quod beatus Ioannes Baptista de Christo dixerit : “ Ipse vos baptizabit in Spiritu Sancto et igne ”, cum tamen omnibus fidelibus liqueat quod in igne spirituali, id est Spiritu Sancto, fiat peccatorum remissio et non in igne visibili. Unde Dominus frequenter in prophetis arguit filios Israel eisdem terribiliter comminando, eo quod more gentilium filios traiiciebant per ignem. Ait enim Dominus in Deuteronomio per Moisen propheta : “ Cave ne imitari velis abominationem illarum gentium nec inveniatur in te qui lustret filium suum aut filiam ducens per ignem. ” Et constat omnibus ­christianis quod Dominus noster vel eius apostoli seu aliqui patres sancti huiusmodi consuetudinem in Ecclesia non reliquerunt, neque tales adustiones fieri mandaverunt. Horum vero qui inter Saracenos commorantur, tam Iacobinorum quam Surianorum, in brachiis cruces ex ferro calido impressas aspeximus. Ipsi autem ad paganorum distinctionem et ob sancte crucis reverentiam crucis characterem sibi imprimi asserebant. Cum autem a Grecis et Surianis diligenter inquireremus | ob quam causam Iacobitas detestarentur et eos a suo eiecissent consortio, hanc esse causam precipuam asserebant quod in damnatam et pessimam heresim incidissent, unam naturam tantum quemadmodum unam personam in Christo esse asserentes. Huiusmodi enim heretici in concilio Chalcedonensi excommunicati sunt et condemnati. Quorum quidam perverse asserebant Christum post humanam assumptionem non ex duabus naturis existere, sed solum in eo divinam naturam permanere.

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vient de leur ignorance aussi épaisse que des ténèbres opaques, parce qu’avant de baptiser leurs enfants, nombre d’entre eux leur appliquent un cautère au fer chaud jusqu’à les brûler et les marquer au front. Mais d’autres les marquent d’une croix sur les deux genoux ou sur les tempes, croyant à tort les purifier par le feu de la matière. Cela parce qu’il est écrit dans l’Évangile de saint Mathieu que saint Jean-Baptiste aurait dit, parlant du Christ : « Lui-même vous baptisera dans l’Esprit saint et dans le feu. » Il est évident pour tout fidèle que la rémission des péchés advient par un feu spirituel, le Saint-Esprit, et non par un feu visible. Voilà pourquoi le Seigneur, en parlant par les prophètes, brandit souvent de terribles menaces contre les fils d’Israël qui jetaient leurs enfants dans le feu, selon la coutume des gentils. Il dit dans le Deutéronome par la voix de Moïse : « Tu n’apprendras pas à commettre les mêmes abominations que ces nations-là. On ne trouvera chez toi personne qui jette dans le feu son fils ou sa fille. » Il est évident pour tout chrétien que notre Seigneur, ses apôtres, les pères saints, n’ont laissé à l’Église aucune coutume de ce genre et n’en ont pas recommandé la pratique. J’ai observé moi-même que des Jacobites ou des Syriens résidant chez les Sarrasins portent sur les bras des croix faites au fer rouge10. Quant à eux, ils affirment porter ainsi dans leur chair le stigmate de la croix par respect pour la sainte Croix et, de cette façon, se distinguer des païens. Comme je cherchais à savoir avec précision auprès des Grecs et Syriens pourquoi ils détestaient les Jacobites, les excluant de leur communauté, il me fut répondu que la principale raison tenait dans ce qu’ils avaient versé dans une hérésie condamnable et exécrable en soutenant qu’il y avait dans le Christ unité de nature comme il y avait unité de personne11. Les hérétiques de cette tendance furent excommuniés et condamnés au concile de Chalcédoine. Les uns soutenaient tout de travers que, l’incarnation du Christ une fois accomplie, il ne restait en lui qu’une seule nature, la nature divine.

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Hunc errorem introduxit Eutyches, Constantinopolitanus abbas. Alii autem ex duabus naturis, unam in Christo asserunt naturam. Quidam Alexandrini episcopi, Thedosius scilicet et Galanus, huius erroris authores extiterunt. Constat autem quod secundum naturam humanitatis Dominus Iesus Christus esurivit et sitivit et alias necessitates sustinuit, mortem etiam in cruce pertulit. Secundum naturam divinitatis mortuos suscitavit et alias virtutes operatus est, secundum quam ipse de se dixit : “ Antequam Abraham fieret, ego sum. ” Et iterum : “ Ego principium qui et loquor vobis. ” Et rursum : “ Ego et Pater unum sumus. ” Secundum ­humanam naturam idem ait : “ Pater maior me est. ” Et iterum de calice transferendo : “ Non sicut ego volo, sed sicut tu vis. ” Cum autem diligentissime a predictis Iacobinis inquisissem utrum | unam tantum in Christo naturam esse affirmarent, ipsi nescio si timore vel alia ratione ducti negaverunt. Cum autem quererem quare uno tantum digito se signarent, respondebant quod unitate digiti unam divinam essentiam tribus autem partibus Trinitatem designabant, in nomine Trinitatis et unitatis signaculo crucis sese munientes. Greci tamen et Suriani eis obiiciebant quod propter unitatem nature quam in Christo credebant, uno tantum digito se signarent. Quidam autem eorum utuntur littera chaldea, alii arabica que saracenica dicitur. Laici autem eorum secundum diversas nationes et provincias diversis utuntur idiomatibus in sermone vulgari. Linguam autem clericorum suorum qua in divinis Scripturis utuntur non intelligunt. Licet enim littera utantur saracenica, vulgare tamen saracenicum non representat, sed quoddam proprium idioma quod non nisi a litteratis intelligitur.

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C’est Eutychés, moine de Constantinople, qui avança cette hérésie. D’autres soutiennent que le Christ ne possède qu’une des deux natures, les défenseurs de cette erreur ont été Théodose, évêque d’Alexandrie, et Galanus12. Or il est évident que le Seigneur Jésus-Christ, conforme en cela à sa nature humaine, a eu faim, soif, et fut soumis aux autres besoins d’ici-bas et a même connu la mort sur une croix. Il est ressuscité des morts selon sa nature divine et il a fait d’autres miracles, en vertu de quoi il a dit lui-même : « Avant même qu’Abraham ne fut, je suis », et encore : « Moi, je fus au commencement, moi qui vous parle », et toujours : « Moi et le Père nous sommes un. » Mais, conformément à sa nature humaine, il a dit : « Le Père est plus grand que moi » ; et quand il demandait que s’éloigne le calice, il a dit : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » Tandis que je m’informais avec grand soin auprès de ces Jacobins pour savoir s’ils avançaient qu’il y avait seulement une nature dans le Christ, je ne sais si c’est par crainte ou conduits par une toute autre raison, mais ils le nièrent. Tandis que je m’enquerrais de savoir pourquoi ils se signaient d’un seul doigt, ils me répondirent que par cette unité ils symbolisaient l’unité de l’essence divine de la Trinité qui est composée de trois parties, se gardant au nom de la Trinité et de l’Unité par le signe de croix. Pourtant Grecs et Syriens leur objectaient que c’est en raison de leur croyance en l’unicité de la nature du Christ qu’ils se signent d’un seul doigt13. Certains usent de lettres chaldéennes, d’autres se servent de l’arabe qu’on appelle l’écriture sarrasine. Mais pour l’expression courante, les laïcs emploient différentes langues selon les peuples et les régions. Ils ne comprennent pas la langue employée par leurs clercs pour les divines écritures. Ceux-là, en effet, se servent d’une écriture arabe qui n’est cependant pas courante, mais un idiome singulier compris des seuls lettrés14.

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LXXVII. De Nestorinis, sive Nestorianis, eorumque heresi que obiter refutatur. Sunt alie nationes non solum in Terra sancta vel inter Saracenos, sed seorsum per se in maiori parte Indie habitantes. Hos autem Nestorinos seu Nestorianos appellant a quodam heresiarcha Nestorio qui perversa doctrina sua ex magna parte orientalem regionem letaliter infecit et maxime illos qui in terra potentissimi | principis, quem presbyterum Ioannem vulgus appellat, commorantur. Hi omnes Nestoriani sunt cum rege suo qui cum Iacobinis longe plures esse dicuntur quam Latini vel Greci. Ut enim de his qui seorsum habitant quorum infinitus est numerus taceamus, inter Saracenos non pauciores, ut dicitur, sunt christiani infidelibus coniuncti et eorum dominationi subiecti quam sint ipsi Saraceni. Qui licet Mahometi legem pestiferam recipere noluissent, ab hereticis tamen miserabiliter sunt corrupti. Predictus autem perditionis filius Nestorius Constantinopolitanus episcopus et omnes illius sequaces beatam Virginem Mariam negant esse matrem Dei. Concedunt tamen quod mater est Christi hominis, aliam asserentes personam divinitatis in Christo et aliam humanitatis ; et secundum duas naturas, duas in Christo distinguentes personas, nec unum Christum in Verbo Dei et carne credunt, sed separatim atque seiunctim alterum Filium Dei, alterum filium hominis affirmant. Hec autem detestabilis heresis in Ephesina synodo in qua fuerunt patres trecenti reprobata est et condemnata. Sicut enim anima rationalis et caro unus est homo, ita Deus et homo unus est Christus. Licet enim alia sit natura anime, alia carnis, non est tamen alius homo secundum animam, alius secundum carnem. Et quamvis alia sit natura ferri alia ignis, una tamen res est ferrum ignitum. Secundum predictam heresim huiusmodi loquutiones non sunt concedende, | Christus est Deus et homo, Filius Dei mortuus est et sepultus, quia secundum quod est Filius

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LXXVII. Les Nestorins ou Nestoriens ; petite réfutation de leur hérésie. Il y a encore d’autres peuples en Terre sainte ou chez les Sarrasins ou encore, vivant à part, dans la majeure partie de l’Inde. Ils portent le nom de Nestorins ou Nestoriens du nom d’un hérésiarque, un certain Nestorius qui infecta mortellement une grande partie de l’Orient avec sa fausse doctrine1, et, surtout les peuples qui habitent le royaume d’un très puissant prince que le populaire appelle le prêtre Jean2. Tous ces Nestoriens ont un roi et, sont avec les Jacobins plus nombreux que les Grecs et les Syriens, à ce qu’on raconte. En effet, sans parler de ceux qui vivent dans leur propre contrée et dont le nombre est incalculable, on compte chez les Sarrasins, mêlés à eux et vivant sous leur joug, un nombre plus considérable de chrétiens que de Sarrasins même. Bien qu’ils n’aient pas voulu recevoir la loi exécrable de Mahomet, ils sont quand même corrompus par les hérétiques. Nestorius, ce fils de perdition, évêque de Constantinople, et tous ses partisans avec lui, refusent le titre de mère de Dieu à la sainte Vierge Marie. Ils lui accordent cependant d’être la mère du Christ en tant qu’homme, avançant qu’il y a dans le Christ une personne divine et une autre, humaine, qu’il y a deux natures distinctes dans le Christ comme il y a deux personnes. Ils ne croient pas qu’il y ait un seul Christ dans le Verbe de Dieu et dans la chair, mais soutiennent qu’il faut bien distinguer et séparer d’un côté le fils de Dieu, de l’autre le fils de l’homme. Cette détestable hérésie a été réfutée et condamnée au concile d’Éphèse en présence de trois cents pères. De même qu’un seul homme est composé d’une âme raisonnable et de chair, de même un seul Christ est à la fois Dieu et homme. En effet, si les natures de l’âme et de la chair sont différentes, cela n’implique pas qu’il y ait deux hommes, l’un selon l’esprit, l’autre selon la chair. Autre est la nature du fer, autre est la nature du feu, pourtant le fer chaud n’est qu’une seule et unique chose. Selon cette hérésie, certaines expressions ne sont pas acceptables, telles que le Christ est à la fois Dieu et homme, qu’il est fils de Dieu, qu’il mourut et fut enseveli, car le fils de Dieu ne

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Dei impassibilis extitit et immortalis, cum tamen dicat Isaias : “ Parvulus natus est nobis et vocabitur nomen eius Deus fortis ”, et ita puer parvulus fuit Deus, quod est contra perversam istorum doctrinam ; similiter de Filio Dei, Hieremias : “ Post hec in terris visus est et cum hominibus conversatus est ”, cum tamen secundum quod est Deus sit invisibilis ; et beatus Paulus : “ Misit Deus Filium suum natum ex muliere, factum sub lege. ” Ex quo manifestum est quod Filius Dei fuit filius Virginis et ita Maria fuit mater Dei. Homo enim natus est in ea et ipse fundavit eam altissimus. Igitur homo, qui natus est ex Maria Virgine, creavit eam et ita homo ille fuit Deus. Similiter concedemus quod puer ille sydera creavit et ab eterno fuit Patri consubstantialis et equalis. Verbum enim caro factum est et habitavit in nobis. Cum enim ipse de se dicat : “ Ego principium qui et loquor vobis ”, non est dubium alicui sani capitis quin illa eadem persona que est principium et creatrix omnium loqueretur hominibus ; et ita patet absque ulla ambiguitate quod eadem est persona divinitatis et humanitatis, quod tamen negant miseri Nestoriani. Chaldea autem littera utuntur in divinis Scripturis et ex fermentato divina more Grecorum conficiunt. |

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LXXVIII. De Maronitis, eorum erroribus et conversione ad catholicam et romanam religionem. Quidam autem homines circa iuga Libani in Phenice provincia non longe ab urbe Bibliensi inhabitantes, numero non pauci, arcubus et sagittis in preliis edocti et expediti, Maronite nomi- 5 nantur, a quodam magistro suo Marone heretico qui unam voluntatem et unam tantum operationem in Christo asserebat, cuius erroris author extitit quidam Antiochenus episcopus Macarius. lxxvii, 34 Is. 9, 6   36/37 Bar. 3, 38   38/39 Gal. 4, 4   40/41 Ps. 86, 5   44/45 Ioh. 1, 14   45/46 Ioh. 8, 25 lxxviii, 1/2 eorum ... religionem] om. codd. bo   

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connaît ni la souffrance ni la mort. Et pourtant, comme le disait Isaïe : « Un petit enfant nous est né, il sera appelé Dieu fort. » Dieu a été ce petit enfant, ce qui contredit formellement leur fausse doctrine. Et pareil, Jérémie a dit du fils de Dieu : « Il a été vu sur la terre et a vécu au milieu des hommes. » Et Dieu est néanmoins invisible. Voilà encore saint Paul : « Dieu envoya son fils né d’une femme, né sujet de la loi », d’où il est manifeste que le fils de Dieu fut celui d’une vierge, et que Marie fut la mère de Dieu. Tout homme y est né et celui qui l’affermit est le Très-Haut. Ainsi, l’homme qui naquit de la Vierge Marie fut son créateur, et cet homme même était Dieu. Nous croyons de la même façon que cet enfant a crée les astres et qu’il existait dès l’origine, consubstantiel et égal au Père. Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Comme il le dit de lui-même : « Je suis ce que je vous ai dit dès le commencement », il n’est pas douteux, pour un bon esprit, que celui qui parle et celui qui est le principe et le créateur de toute chose sont une même personne. Il est donc manifeste, et sans aucun doute, que divinité et humanité se retrouvent dans la même personne, ce que nient pourtant ces pauvres Nestoriens. Ils se servent de l’écriture chaldéenne pour les divines Écri­ tures et, selon la coutume grecque, ils usent de pain fermenté pour célébrer l’eucharistie3. LXXVIII. Les Maronites ; leurs erreurs et leur conversion à la foi catholique et romaine. Dans la province de Phénicie, aux environs de la chaîne du Liban, non loin de la ville de Byblos, il y a des gens dont le ­nombre n’est pas négligeable, experts et habiles à combattre avec leurs arcs et leurs flèches, les Maronites, nommés ainsi en raison de leur maître, l’hérétique Maron ; ce dernier soutenait qu’il y avait dans le Christ une unique volonté et une seule énergie1. C’est un certain Macaire, évêque d’Antioche, qui fut le premier tenant de cette

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Hic autem cum suis complicibus in sexta Constantinopolitana synodo ad quam centum quinquaginta patres convenerunt condemnatus est, et tanquam heresarchia vinculo anathematis innodatus ab Ecclesia fidelium est eiectus. Sicut enim in homine puro, alia est voluntas rationis, alia sensualitatis, ita in Christo, alia fuit voluntas humanitatis secundum quam voluit manducare et bibere et calicem passionis a se transferri, alia divinitatis que eadem fuit cum voluntate Patris. Has autem duas voluntates manifeste aperuit, cum dixit : “ Non sicut ego volo, sed sicut tu vis ! ” Quis autem ignorat quod manducare et bibere et alie huiusmodi necessitates que fuerunt in Christo homine operationes sint humanitatis et ad immutabilem divinitatem non pertinent ? Mortuos autem suscitare et animam | post mortem resumere ad humanitatem non pertinet, sed tantum ad divinitatis potentiam. Ex quibus manifestum est aliam esse operationem humanitatis, aliam divinitatis. Similiter et de duplici cuiuslibet hominis voluntate beatus apostolus Paulus in epistula ad Romanos manifeste nos instruit, ita dicens : “ Non enim quod volo bonum ago, sed quod odi malum illud facio. ” Ecce quanta pugna est inter voluntatem rationis et voluntatem sensualitatis. Et iterum ait : “ Velle mihi adiacet, perficere autem bonum non invenio. ” Spiritus enim promptus est secundum voluntatem rationis, caro autem infirma secundum sensualem voluntatem, secundum quam alius cinxit Petrum et duxit quo non voluit, qui tamen sponte reversus Romam voluit crucifigi voluntate rationis. Has autem duas voluntates exprimit Paulus apostolus per duas leges in homine repugnantes, sic dicens : “ Video autem aliam legem in membris meis repugnantem legi mentis mee et captivantem me in lege peccati que est in membris meis. ” Predictus igitur Maro, diabolica illusione imprudenter obcecatus, multos habuit erroris sui sequaces quos Maronitas appellant, qui per annos fere quingentos ab Ecclesia sancta et consortio fidelium sequestrati seorsum sacramenta sua conficiebant. Qui tamen postea revertentes ad cor in presentia venerabilis patris

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lxxviii, 17 Matth. 26, 39   26/27 Rom. 7, 19   28/29 Rom. 7, 18   31/32 cfr Ioh. 21, 18   29/30 cfr Matth. 26, 41   34/36 Rom. 7, 23

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erreur. Lui et ses complices furent condamnés par le sixième concile, à Constantinople, où siégèrent cent cinquante évêques. Il fut pris dans le lien de l’anathème et chassé de l’Église des fidèles. En effet, comme il y a chez le simple être humain la volonté de la raison et celle des sens, ainsi, chez le Christ il y eut un vouloir humain qui lui faisait désirer nourriture et boisson et souhaiter que s’éloigne la coupe de sa passion, et une volonté divine, pareille à la volonté du Père2. Il a montré ouvertement ces deux volontés quand il a dit : « Non pas comme je veux, mais comme tu veux ! » Et qui peut ignorer que manger, boire et les autres besoins de même ordre, éprouvés par le Christ en tant qu’homme, sont des actions humaines et n’appartiennent pas au divin immuable ? Ressusciter les morts, ranimer la vie après la mort ne sont pas le fait de l’humaine nature, mais le propre de la puissance divine. Autre est l’activité humaine, autre est l’activité divine, c’est évident ! Pareillement, l’apôtre saint Paul nous démontre de façon manifeste dans son enseignement qu’il y a double volonté dans tout homme, disant ainsi : « Je ne fais pas le bien que je désire, mais je commets le mal que je hais ! » Voilà le combat qui se livre entre la volonté de la raison et celle des sens. L’Apôtre dit ailleurs : « Vouloir le bien est à ma portée mais non pas l’accomplir. » L’esprit est prompt en vérité, selon la volonté de la raison, mais la chair est faible, selon le bon vouloir des sens. C’est selon ce vouloir là que Pierre a été ceint par quelqu’un d’autre qui l’a mené où il ne voulait pas, et Pierre pourtant est retourné spontanément à Rome pour y être crucifié selon sa volonté, celle de la raison3. L’apôtre Paul parle de ces deux volontés comme de deux lois contradictoires dans l’homme et dit aussi : « Je vois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres. » Donc, le dit Maro, aveuglé par une illusion diabolique, eut de nombreux sectateurs de son erreur, appelés Maronites. Pendant près de cinq cents ans, ils vécurent séparés de la sainte Église et de l’assemblée des fidèles en célébrant leurs propres sacrements. Cependant, ils entrèrent en eux-mêmes et firent profession de la foi catholique en présence du patriarche d’Antioche, le vénérable

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Hamerici Antiocheni patriarche, fidem catholicam profitentes et errorem predictum abiurantes, sancte Romane Ecclesie sequuti | (153) sunt traditiones. Unde cum omnes alii orientales prelati, exceptis dum taxat Latinis, annulis et mitris pontificalibus non utantur nec 45 baculos pastorales gestent in minibus, nec usum habeant campanarum, sed percussis baculo vel malleo tabulis populum ad ecclesiam soliti sunt congregare, hi predicti Maronite in signum obedentie consuetudines et ritus observant Latinorum. Unde et eorum patriarcha interfuit generali concilio Lateranensi sub vene- 50 rabili papa Innocentio tertio, in urbe Romana sollemniter celebrato. Utuntur autem chaldea littera et vulgari idiomate saraceno. LXXIX. De Armenis, sive Armeniis, eorumque in fide erroribus qui obiter refutantur. Populus autem Armenorum qui in Armenia provincia prope Antiochiam inter Christianos et Saracenos seorsum inhabitat, ab omni Christianorum natione ritus habens singulares et proprias observationes seiunctus est et divisus. Habent autem predicti Armeni proprium primatem quem ‘catholicon’ appellant, cui cum summo honore et reverentia omnes a minimo usque ad maximum tanquam alteri pape obediunt. Inter hos autem et Grecos inexorabiles sunt discordie et dissensiones implacabiles et invicem alii aliorum ritus et instituta detestantur. Habent autem proprium idioma et proprias litteras et in vulgari | sermone divinas Scriptu­ ras pronunciant, ita quod sacerdotes et clerici eorum a laicis in ecclesiis intelliguntur sicut dictum est de Grecis. Nativitatem autem Domini secundum carnem non celebrant, sed in diebus natalis Domini ipsi ieiunant. Finito autem ieiunio, in die apparitionis Domini simul cum sollemnitate apparitionis

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père Amauri, et, abjurant leur erreur, ils se mirent à suivre les traditions de la sainte Église romaine. De fait, les autres prélats orientaux dans l’ensemble, sauf latins, ne portent ni l’anneau ni la mitre pontificale, ne tiennent pas en main le bâton pastoral, ne font pas sonner les cloches, mais ils ont coutume de rassembler le peuple à l’église en frappant sur des planches avec un bâton ou un marteau. Ces Maronites, en signe d’obéissance, observent les rites et coutumes des Latins. Ainsi leur patriarche assista-t-il au concile œcuménique de Latran réuni en toute solennité dans la ville de Rome sous le pontificat du vénérable pape Innocent III. Ils uti­ lisent l’écriture chaldéenne et parlent couramment arabe.

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LXXIX. Les Armènes ou Arméniens ; leurs erreurs dans la foi ; brève réfutation. Le peuple des Arméniens vit à l’écart dans la province d’Arménie près d’Antioche, entre Chrétiens et Sarrasins1. Il se ­distingue et se sépare de la communauté du peuple chrétien, il a ses rites propres et ses observances. Les Arméniens ont un primat à eux qu’ils appellent catholicos, et, du premier au dernier, tous lui ­rendent obéissance et l’honorent avec respect comme un autre pape2. Il y a entre les Grecs et eux d’inexorables querelles, des divergences radicales ; les uns et les autres exècrent leurs coutumes et institutions respectives3. Les Arméniens ont un langage à eux, leur écriture ; ils lisent les divines écritures dans la langue de tous les jours, ce qui fait que leurs prêtres et leurs clercs sont compris des laïcs à l’église, comme nous l’avons dit pour les Grecs4. Ils ne célèbrent pas la naissance du Seigneur selon la chair, mais ils jeûnent même dans les jours qui entourent sa naissance. Et, le jeûne terminé, le jour de la présentation du Seigneur, ils célèbrent ensemble, avec solennité, la fête de la présentation et du

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festum celebrant baptismi dominici et eodem die festum spiritualis dominice nativitatis asserunt se celebrare ; cum tamen Dominus proprie non possit dici regeneratus seu renatus, eo quod in aquis baptismi purgatus non fuerit qui peccatum originale non habuit, qui etiam actuale peccatum non fecit, nec inventus est dolus in ore eius. Quadragesimam vero que est ante domininicam resurrectionem, ita arctissime ieiunando observant, quod non solum a carnibus et caseo et ovis et lacte abstinent, sed etiam pisces non manducant, oleo non utuntur, vinum non potant, si tamen ieiunium dici debeat, nam fructus et legumina quoties placet eis in die manducant. Ut autem manifestius emulis suis, Grecis scilicet et Surianis, contradicere videantur, in quibusdam sextis feriis carnes edunt. Aquam autem cum vino in sacramento sanguinis Christi non ponunt, in quo ritu perverso non modicum errare convincuntur. Nam Dominus noster Iesus Christus, secundum morem non solum Iudeorum, sed omnium Orientalium qui nunquam puro vino utuntur, in cena posuit mensam, miscuit vinum ex vino lymphato sacramenta conficiens. Vino enim non temperato in partibus illis | nemo commode valet uti. Unde beatus Cyprianus de hac vini cum aqua commixtione sic ait : “ Si quis de antecessoribus nostris, vel ignoranter, vel simpliciter non observavit et tenuit quod nos Dominus facere exemplo et magisterio docuit, potest simplicitati eiusdem indulgentia Domini venia concedi. Nobis non potest ignosci, qui nunc a Domino admoniti et instructi sumus, ut calicem Domini cum vino mixtum, secundum quod Dominus obtulit, offeramus. ” Ex hoc igitur manifestum est quod Dominus calicem vini mixti in cena obtulit. Unde predicti Armeni in altaris sacramento, nec Dominum imitantur, nec observant mysterium. Aqua enim que labilis et fluxibilis est, populum mortalem et fluxibilem designat. Unde aqua vino commiscetur, ut tam Christo, quam sanguini redemptionis nostre populus sociandus esse designetur. Nam si vinum tantum quis offerat, sanguis Christi incipit esse sine nobis, si vero aqua sit sola plebs incipit esse sine Christo ; nec significatur predicta coniunctio, cum sacramentum debeat

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27 quotiens B D E K   38 nos] nobis B D E K   51 cum] tamen add. B D K   

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baptême du Seigneur. Ce jour là, ils disent célébrer la fête de la naissance spirituelle du Seigneur. Ils font ça, bien qu’on ne puisse pas dire vraiment que le Seigneur se soit trouvé revivifié et soit né à nouveau, n’ayant pas été purifié par les eaux du baptême, puisqu’il n’a pas connu le péché originel ni commis aucun péché, et dans la bouche duquel il ne s’est trouvé aucune fourberie. Les Arméniens observent le carême avant la résurrection du Seigneur par un jeûne si sévère qu’ils se privent de viande, de fromage, d’œufs et de lait, de poisson même, qu’ils ne se servent pas d’huile et ne boivent pas de vin. Doit-on pourtant appeler cela un jeûne, puisqu’ils mangent fruits et légumes à volonté, dans la journée. Pour paraître s’opposer à leurs rivaux, Grecs et Syriens, ils ­mangent de la viande certains vendredis. Ils ne mélangent pas l’eau au vin pour le sacrement du sang du Christ, rite dévoyé pour lequel ils sont convaincus d’une grande erreur5. Car notre Seigneur Jésus-Christ, selon la coutume juive et des autres orientaux qui veut que l’on ne serve jamais de vin pur, fit préparer la table pour la cène, mélangea le vin et célébra le sacrement avec du vin coupé. Car, dans ce pays, personne ne pourrait boire sans risque du vin non coupé. Saint Cyprien dit à ce sujet : « Si quelqu’un parmi nos prédécesseurs, par ignorance ou naïveté, n’a pas observé et suivi ce que le Seigneur nous a enseigné de faire par l’exemple et l’enseignement, il est loisible à l’indulgence du Seigneur de compter cette simplicité pour peu de chose. Mais nous, l’ignorance ne nous est pas permise, car nous sommes avertis et instruits par le Seigneur d’offrir le calice avec le vin mêlé, selon ce qu’il nous a montré lui-même6. » Il est donc évident que le Seigneur a offert, au cours de la cène, un calice avec du vin mélangé. Ainsi, les Arméniens n’imitent pas le Seigneur et ne respectent pas le mystère dans le sacrement de l’autel7. L’eau glissante et coulante représente le peuple mortel et qui passe8. C’est pourquoi l’eau doit être mélangée au vin pour signifier que le peuple doit être associé tant au Christ qu’au sang de notre salut. Offrir le vin seul, c’est dire que le sang du Christ se manifeste sans nous, et offrir l’eau seule, c’est dire que l’homme se manifeste sans le Christ. Ainsi, pas de mélange, pas de signe, alors que le sacre-

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esse sacre rei signum. Non igitur debet in calice Domini aut vinum solum aut aqua sola offeri, quia utrunque ex latere eius in passione sua legimus profluxisse. Licet autem Armeni summo pontifici et sancte Romane 55 Ecclesie obedentiam promiserint, quando scilicet rex eorum ab imperatore romano Henrico terram suam recepit et coronam regiam ab archiepiscopo Maguntino suscepit, ritus tamen veteres (156) et consuetas observationes mutare noluerunt. | LXXX. De Georgianis eorumque bellica virtute. Est preterea in regione orientali quidam alius Christianorum populus bellicosus valde et in preliis strenuus, fortis robore et potens innumera pugnatorum multitudine, Saracenis valde formidabilis, Persis et Medis et Assyriis in quorum confinio commorantur et ab infidelibus populis undique clauditur, frequenter valde damnosus in expeditionibus extitit. Hi homines Georgiani nuncupantur, eo quod sanctum Georgium quem in preliis suis contra gentem incredulam advocatum habent et patronum et tamquam signiferum, cum summa reverentia colunt et adorant et pre aliis sanctis specialiter honorant. Utuntur autem greco idiomate in Scripturis divinis et Grecorum consuetudines in sacramentis observant. Clerici eorum rotundas habent coronas, laici vero quadratas. Quotiescumque dominicum sepulchrum visitaturi peregre adveniunt, absque tributo aliquo, cum erectis vexiliis civitatem sanctam ingrediuntur. Saraceni enim eos nullo modo molestare presumunt, ne forte, cum ad propria reversi essent, aliis Saracenis sibi vicinis vicem rependerent. Nobiles autem mulieres eorum more Amazonum tanquam milites armis utuntur in preliis. Hi valde indignati sunt comminantes principi Damasceno Corradino, eo quod absque | eorum voluntate muros Hierusalem

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58 tamne mo lxxx, 1 eorumque ... virtute] om. codd. bo   16 eos] om. mo

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ment doit être le signe d’une réalité sacrée. Ainsi ne doit-on pas offrir du vin seul ou de l’eau seule dans la coupe du Seigneur, car nous lisons qu’au cours de la Passion il est sorti de son côté du sang et de l’eau9. Les Arméniens ont promis obéissance au pontife suprême et à la sainte Église romaine après que leur roi eut reçu sa terre de l’empereur Henri et la couronne royale des mains de l’archevêque de Mayence, malgré ce, ils refusent de changer leurs anciens rites et les coutumes de leur culte10.

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LXXX. Les Georgiens ; leur courage à la guerre. Il se trouve y avoir encore en Orient un autre peuple de chrétiens, très belliqueux, vaillant au combat, solide et courageux, peuple fort de guerriers sans nombre, combien redoutable à ses voisins, Sarrasins, Perses, Mèdes et Assyriens, aux peuples d’infidèles dont il est entouré, et auxquels il cause grands dommages par ses expéditions répétées1. Ces gens portent le nom de Georgiens à cause de saint Georges, leur patron et protecteur, leur porte-bannière en quelque sorte dans les combats contre la gent infidèle ; ils le servent, l’honorent avec le plus grand respect, lui vouent un culte spécial parmi les autres saints2. Ils emploient le grec courant dans les divines écritures et suivent les coutumes grecques pour les sacrements. Les clercs portent la tonsure ronde, les laïcs la tonsure carrée. Chaque fois qu’ils vont en pèlerinage pour rendre visite au sépulcre du Seigneur, ils entrent dans la cité sainte sans payer tribut et bannières déployées. Les Sarrasins en effet n’osent leur être hostile de peur que les Georgiens, de retour chez eux, ne rendent la pareille aux Sarrasins qui y résident3. ­Telles des Amazones, les femmes nobles manient les armes comme les chevaliers quand elles vont au combat. À l’époque où l’armée des Latins assiégeait Damiette, les Georgiens, très courroucés de ce que Corradin ait fait détruire les

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evertere presumpsisset, cum populus Latinorum civitatem Damiate obsidebat. Crines autem et barbas nutrientes unius fere cubiti longitudine, pileis in capitibus utuntur. 25 LXXXI. De Mozarabibus. Illi vero Christiani, qui in Africa et Hispania inter occidentales Saracenos commorantur, Mozarabes nuncupati ; latinam habent litteram et latino sermone in scripturis utuntur, et sancte Romane Ecclesie sicut alii Latini cum omni humilitate et devotione obe- 5 diunt, ab articulis fidei vel sacramentis in nullo deviantes. Constituunt autem sacramentum altaris de pane azymo quemadmodum alii Latini. Sanctam autem eucharistie formam quidam eorum in septem partes dividunt, alii vero in novem, cum tamen Romana Ecclesia et alii eidem subiecti ipsam eucharistiam in tres tantum 10 proportiones partiantur. Huiusmodi autem partitio cum non sit de substantia sacramenti, non variat vel impedit virtutem sacramenti. LXXXII. De Esseis, Saducceis, Samaritis, aliisque Iudeis in varias orbis regiones dispersis. Sunt alie miserabiles in partibus orientis nationes, Deo odibiles et hominibus contemptibiles et abiecti quorum quidam dicuntur Essei de genere Iudeorum descendentes. | Quorum quidam (158) vitam post mortem et dogmatizant et recuperare sperant. Matrimonia autem non contrahunt ut caveant feminarum intemperantiam quas nunquam uni viro fidem credunt servare. Alii matrimonia contrahunt et cum pregnantibus non cocumbunt ut ostendant quia non causa voluptatis, sed causa procreande prolis 10 uxoribus commiscentur. Animarum autem post mortem, vel sup-

lxxxi, 1 mozarabibus] christianis qui inter occidentales sarracenos morantur quos mozarabes appelant A B C D G H J K bo, om. E lxxxii, 1/2 esseis ... dispersis] iudeis et diversis gentibus iudeorum A B C D G H J K bo, esseis saduceis samaritanis et iudeis E   

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murs de Jérusalem sans leur accord, adressèrent des menaces au sultan de Damas4. Ils prennent bien soin de leur barbe, de leurs cheveux qu’ils portent longs, pratiquement d’une coudée, et ils se coiffent de bonnets5.

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LXXXI. Les Mozarabes. En outre, il est des chrétiens résidant chez les Sarrasins de l’Occident, en Afrique, en Espagne, qu’on appelle Mozarabes1. Ils écrivent en latin et s’en servent dans les Écritures. Humbles et dévots, ils font obéissance à la sainte Église romaine comme les autres Latins, et ne dévient en rien pour les articles de foi ou la pratique des sacrements. Ils célèbrent le sacrement de l’autel comme les Latins avec du pain azyme. Il en est qui rompent la forme sainte de l’eucharistie en sept parts, d’autres en neuf, tandis que l’Église romaine et ceux qui la suivent, en trois parts seulement2. Une partition de cette nature, ne touchant pas la substance du sacrement, n’y change rien ni n’en modifie la vertu3. LXXXII. Les Esséens, Saducéens, Samaritains et autres Juifs dispersés dans tous les pays du monde. On trouve dans ce pays d’Orient d’autres nations odieuses à Dieu, méprisées et rejetées par les hommes, et parmi lesquelles les Esséens de race juive. Certains enseignent qu’il y a une vie après la mort et espèrent la retrouver1. Ils ne contractent pas mariage et ce, pour se prémunir contre l’intempérance des femmes qu’ils prétendent n’être jamais fidèles à un seul homme. Il en est qui se marient, mais n’ont plus de rapports avec leurs femmes dès qu’elles sont enceintes pour montrer qu’ils s’unissent à elles moins par plaisir que par souci de faire des enfants. Ils refusent de croire au châtiment ou à la récompense des âmes après la mort2. Ceux qui

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plicia denegant, vel honores. Sed quia his sectis sinistre incedunt, laborem suum infatuati perdunt. Ex his Assassini prememorati dicuntur habuisse principium. Unde adhuc in parte scripturam retinent Iudeorum ex hebreo et chaldeo litteras habentes permixtas. Alii sunt Sadducei qui resurrectionem mortuorum non credunt, libros tamen Moysi recipiunt, sed eos non intelligunt. Unde Dominus in Evangelio redarguit eos, dicens : “ Erratis nescientes Scripturas, neque virtutem Dei. ” Cumque introduxisset hanc authoritatem ex libris Moysi : “ Ego sum Deus Abraham et Deus Isaac, et Deus Iacob ”, convincens eos, concludit in hunc modum : “ Non est Deus mortuorum sed vivorum. ” Alii sunt Samaritani litteram habentes hebream sicut Iudei, Moysi Pentateuchum tantum recipiunt, prophetas autem et alias Iudeorum scripturas non admittunt. Cum autem Salmanazar, rex Assyriorum, decem tribus Israel captivasset, predictos Samaritanos loco Iudeorum ut terras excolerent in Samariam transmisit. Cum autem | ad predicationem apostolorum recepisset Samaria verbum Dei, quidam eorum in errore antiquo remanserunt, quibus Dominus ideo vulvam sterilem et ubera arentia tradidit, in tantum terram maledictam et reprobam eternis incendiis deputatam ariditate et sterilitate condemnavit, quod vix trecenti eorum, ut dicitur, in universo mundo superstites reperiuntur. Alii autem ex Iudeis libros Moysi et prophetas et totum Vetus Testamentum ad litteram tantum recipiunt. Contra quos ait apostolus Paulus : “ Littera occidit, spiritus autem vivificat. ” Et Dominus in Evangelio : “ Spiritus est qui vivificat, caro non prodest quicquam ”, id est intelligentia carnalis. Ex quo patet quod divina Scriptura nihil prodest Iudeis, immo nocet eis sicut dicit propheta David : “ Fiat mensa eorum in laqueum et in retributionem et in scandalum,

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lxxxii, 19/20 Matth. 22, 29   21/22 Ex. 3, 6   23 Matth. 22, 32   26/28 cfr IV Reg. 17   29 cfr Act. 8, 5   31 cfr Os. 9, 14   37 II Cor. 2, 6   38 Ioh. 6, 64   41/42 Ps. 68, 23-24    30 errorem antiquum B E K   31 adeo B D E K   

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marchent de travers dans de telles sectes sont des prétentieux qui perdent leur temps. Les Assassins, dont nous avons déjà parlé, trouvent chez eux leur origine à ce qu’on dit. C’est pourquoi ils gardent encore en partie l’écriture juive et utilisent à la fois des lettres hébraïques et chaldéennes. Par ailleurs, les Saducéens ne croient pas à la résurrection des morts, ils admettent cependant les livres de Moïse, mais sans comprendre. Le Seigneur les dénonce dans l’Évangile lorsqu’il dit : « Vous êtes dans l’erreur en ne connaissant ni les Écritures ni la puissance de Dieu. » Après avoir rappelé devant eux ce témoignage extrait du livre de Moïse : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », il acheva ainsi de les convaincre : « Ce n’est pas des morts, mais des vivants qu’il est le Dieu. » Ensuite, les Samaritains, qui écrivent l’hébreu comme les Juifs, reçoivent le seul Pentateuque de Moïse et refusent les Prophètes et les autres écrits des Juifs3. Et quand Salmanasar, roi d’Assyrie, emmena en captivité les dix tribus d’Israël, pour remplacer les Juifs à Samarie il y transplanta les Samaritains pour en cultiver le sol. Quand Samarie eut reçu la parole de Dieu par la prédication des apôtres, certains restèrent dans leurs vieilles erreurs. Le Seigneur alors les a affligés, leur ventre est devenu stérile, leur sein s’est tari ; il a condamné au feu de l’éternité leur terre maudite et réprouvée, jusqu’à la rendre stérile et désertique au point qu’aujourd’hui, assure-t-on, nul ne pourrait trouver là plus de trois cents Samaritains4. D’autres Juifs comprennent à la lettre seulement les livres de Moïse, les Prophètes et tout l’Ancien Testament. L’apôtre Paul a parlé contre eux : « La lettre tue mais l’esprit vivifie. » Et le Seigneur dans l’Évangile a dit : « C’est l’esprit qui vivifie. La chair ne sert de rien. » Il faut, par-là, comprendre l’intelligence charnelle. De là, il ressort que la divine écriture ne sert de rien aux Juifs, elle leur nuit au contraire, comme le rappelle le prophète David : « Que devant eux, leur table soit un piège et leur abon-

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obscurentur oculi eorum ne videant ”, mensam eorum divinam Scripturam appelans. Maxima autem pars eorum seorsum habitat in illis partibus orientis in quibus infra Capsios montes rex Macedonum Alexander eos fertur inclusisse, qui temporibus Antichristi educendi sunt et ad Terram sanctam reducendi. Inter eosdem montes Capsios et mare, idem Alexander inclusit Gog et Magog cuius innumerabilis est multitudo quasi arena maris, eo quod carnibus humanis et crudis immundorum animalium carnibus vescebantur, eorum abominationem detestatus. Alii autem Iudei de | quibus patres eorum clamaverunt : “ Sanguis eius super nos et super filios nostros ! ” per universum fere mundum et in omnem ventum dispersi, ubique sunt servi, ubique tributarii, fortitudo eorum, ut ait Isaias propheta, conversa est in favillam. Imbelles enim et imbecilles facti sunt quasi mulieres. Unde singulis lunationibus, ut dicitur, fluxum sanguinis patiuntur. Percussit enim eos Deus in posteriora et opprobrium sempiternum dedit illis. Postquam enim fratrem suum, verum Abel, occiderunt, facti sunt vagi et profugi super terram sicut maledictus Caim, habentes caput tremulum, id est cor pavidum, die ac nocte timentes et vite sue non credentes. A Saracenis autem inter quos habitant magis habentur odio et contemptui quam a Christianis. Cum enim christianorum principum detestabilis avaritia eos propter lucra temporalia sustineat et christiana mancipia ipsis habere permittat et immoderato usurarum fenore ab ipsis Christianos spoliari concedat, ipsi apud Saracenos propriis manibus abiectissima et vilia operantes mancipia et servi sunt paganorum et extremis conditionibus inter eos commorari permittuntur ; nec tamen ab ipsis Saracenis sicut nec a Christianis trucidantur, truncum silvestrem igni deputatum hiemali et vineam reprobam ad tempus Domino reservante, eo quod fructum pretiosum in fine mundi, quando reliquie Israel salvabuntur, debeat germinare et

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53 Matth. 27, 25   55/56 Is. 1, 31; Ez 15, 4   59/62 cfr Gen. 4 ; Deut. 28, 65-66    66 permittant B   71 hiemali] gehenali B K, gehennali D   

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dance un traquenard, que leurs yeux s’enténèbrent pour ne plus voir. » Il appelle « leur table », la divine écriture. La majeure partie de ces gens habite à part, au pied des monts Caspiens5, dans ces contrées de l’Orient où, à ce qu’on rapporte, Alexandre, roi de Macédoine, les a enfermés et d’où ils doivent sortir au temps de l’Antéchrist pour revenir en Terre sainte6. Entre ces montagnes et la mer, le même Alexandre a enfermé les peuples de Gog et Magog, multitude innombrable comme le sable de la mer7, car il détestait l’abomination de ces peuples qui se nourrissaient de chair humaine et de la viande crue d’animaux immondes8. Enfin il y a les autres Juifs, les descendants de ceux qui ont crié : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » Dispersés à tous vents dans le monde entier ou presque, ils sont partout esclaves, partout tributaires, et leur puissance, comme le dit le prophète Isaïe, « est tombée en poussière. » Ils ont perdu le goût du combat, sont devenus faibles comme des femmes. Ainsi à ­chaque nouvelle lune, dit-on, ils sont affligés de pertes de sang9. Car Dieu les a frappés dans leur postérité, les a voués à un éternel opprobre. Après qu’ils eurent tué leur frère, le véritable Abel, ils sont devenus vagabonds et fugitifs sur la terre, comme Caïn le maudit, la tête troublée et le cœur palpitant10, dans la peur jour et nuit, sans espoir de lendemain. Les Sarrasins avec qui ils cohabitent les détestent et les méprisent plus que les chrétiens encore. Les princes chrétiens, dans leur coupable cupidité pour les biens de ce monde, les encouragent, et leur accordent d’avoir des serviteurs de confession chrétienne ; ils les laissent spolier les chrétiens par tous les excès d’une usure effrénée11. Chez les Sarrasins, ces Juifs sont employés aux tâches manuelles les plus basses, aux vils travaux, serviteurs et esclaves des païens, ils n’ont obtenu la faculté de rester chez eux qu’en se soumettant aux conditions les plus dures. Ni Sarrasins ni Chrétiens cependant n’en font massacre ; et le Seigneur a mis de côté le tronc sauvage destiné au feu de l’hiver, la vigne un moment réprouvée, pour qu’à la fin du monde, quand les restes d’Israël seront sauvés, l’arbre précieux puisse à nouveau

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facere uvas, que modo in amaritudine conversa | non facit nisi labruscas. Quemadmodum de ipsis ait propheta David : “ Dominus ostendit mihi super inimicos meos ne occidas illos, nequando obliviscantur populi mei. ” Ipsi enim mortis Christi nobis memoriam renovant et ex scripturis eorum testimonium sumimus de his que pro nobis operatus est Dominus quemadmodum dicit Daniel : “ Occidetur Christus et non erit populus eius qui eum est negaturus. ” Et David : “ Filii alieni inveterati sunt et claudicaverunt a semitis suis. ” Nec est aliquis ex prophetis qui contra ipsos testimonium non perhibeat pro nobis. Adeo tamen excecatum est cor populi huius, palpantis et impingentis in meridie sicut in tenebris, et aures eius aggravate et clausi oculi eius, quod non intelligit neque advertit populus, insipiens et dure cervicis, quam graviter in morte Christi Dominum contra se exasperaverunt. Cum enim ante Christi passionem idola colendo et alia abominalia operando Dominum multipliciter offendissent, aliquando tradidit eos Dominus in manus inimicorum suorum, ut servirent eis quandoque decem annis, quandoque viginti, quandoque autem quadraginta, sicut in libro Iudicum reperitur, aliquando etiam annis septuaginta in captivitate Babylonica detenti sunt et postea a Domino liberati. Postquam autem Dominum Iesum occiderunt, licet postea idola coluisse non legantur, iam plusquam annis mille in captivitate detenti, misericordiam a Domino nondum sunt consequuti. Sed quemadmodum | Christus ad Deum oravit : ” Tu autem Domine miserere mei et resuscita me et retribuam eis. ”, ita a Deo patre obtinuit, et sicut eis longe ante Moyses predixerat ex persona Domini, dicens : “ Mea est ultio et ego retribuam eis in tempore, ut labatur pes eorum. ” Et iterum : “ Occurent vobis mala in extremo tempore, quando feceritis malum in conspectu Domini, ut irriteris eum per opera manuum vestrarum.” Hanc autem ultimam eorum captivitatem predixit Daniel pro-

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74 cfr Am. 6, 13; Is. 5, 4   75/77 Ps. 58, 12   79/80 Dan. 9, 26   81 Ps. 17, 46   84/85 cfr Deut. 28, 29 ; Is. 6, 10   85 cfr Act. 7, 51   89 cfr IV Reg. 21, 14   97/98 Ps. 40, 11   99/100 Deut. 32, 35   101/102 Deut. 31, 29    74 facere] tandem add. B D K   75/107 quemadmodum ... desolatio] om. K

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germer et porter du raisin, lui qui n’était devenu qu’amertume et donnait des grappes sauvages. C’est des Juifs que parle ainsi le prophète David : « Le Seigneur me fait voir mes ennemis, ne les tue pas, de peur que mon peuple m’oublie ! » Ils nous rappellent le souvenir de la mort du Christ, et nous retirons de leurs écrits le témoignage de ce que le Seigneur a accompli pour nous, ainsi que dit Daniel : « Le Christ sera tué, et le peuple qui l’aura renié ne sera plus son peuple ! » Et David : « Les fils d’étrangers faiblissent, ils quittent en tremblant leurs réduits. » Contre les Juifs, il n’est pas un seul prophète qui n’apporte un témoignage en notre faveur. Il est aveugle le cœur de ce peuple qui tâtonne, poussé en plein midi comme au milieu des ténèbres, peuple dur d’oreille et aux yeux scellés, qui ne comprend pas, peuple sans sagesse et à la nuque raide, qui ne s’aperçoit même pas à quel point par la mort du Christ il a exaspéré Dieu contre lui ! Avant la passion du Christ en effet, ils avaient offensé plusieurs fois le Seigneur pour avoir servi les idoles, suivi d’autres pratiques détestables. Une fois, le Seigneur a livré ce peuple aux mains de ses ennemis, dix, vingt, quarante ans, selon ce que rapporte le livre des Juges. Une fois autre encore il fut tenu soixante-dix ans captif à Babylone avant d’être libéré par Dieu. Depuis que les Juifs ont mis à mort le Seigneur Jésus ils n’ont pas adoré d’idoles, à ce qu’on sait, mais sont tombés dans une captivité de plus de mille ans, sans avoir encore obtenu la miséricorde du Seigneur. De même, le Christ avait prié Dieu : « Aie pitié de moi Seigneur, fais-moi lever, je les paierai de leur dû. » Il avait ainsi été exaucé par le Père, et encore Moïse le leur avait annoncé bien longtemps avant en parlant de la personne du Christ : « À moi la vengeance et la rétribution pour le temps où leur pied trébuchera12 ! » Ou encore : « Le malheur vous adviendra dans la suite des temps pour avoir fait ce qui est mal aux yeux de Yahvé, en l’irritant par les œuvres de vos mains. » Le prophète Daniel, enfin, a prédit leur captivité dernière par ces

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pheta his verbis : “ Civitatem et sanctuarium dissipabit populus cum duce venturo et finis eius vastitas et post finem belli, statuta desolatio et 105 deficiet hostia et sacrificium et in templo erit desolationis abominatio et usque ad consummationem et finem perseverabit desolatio. ” LXXXIII. Quali hominum peste ceperit Terra sancta laborare et paullatim degenerare. Hi vero qui ab initio recuperationis et liberationis Terre sancte statuta eius plenius agnoverunt et varias alternasque illius mutationes, decrementa et promotiones diligentius inspexerunt, in veritate affirmant quod nullum genus hominum, nullaque alia pestis efficacior fuit ad nocendum quam flagitiosi et pestiferi homines, scelerati et impii, sacrilegi, fures et raptores, homicide, paricide, periuri, adulteri et proditores, cursarii seu pirate, rutarii, | ebriosi, ioculatores, deciorum lusores, mimi et histriones, apostate monachi et moniales meretrices publice, et que relictis maritis suis lenonibus adheserant vel qui, fugientes uxores proprias, alias superducebant. Huiusmodi monstruosi homines in partibus occidentis, mare Mediterraneum transeuntes et ad Terram ­sanctam confugientes, quia celum non animum permutant, innumeris ­flagitiis et sceleribus ipsam commaculantes, tanto audacius consueta mala perpetrabant, quanto, a notis et propinquis suis magis remoti, sine verecundia peccabant, non Dominum ­timentes nec hominem reverentes. Facilitas autem evadendi et impunitas delinquendi impietatis eorum habenas relaxabant, eo quod post facinora perpetrata vel ad Saracenos vicinos Christum abnegantes fugiebant, vel in galeis et navibus seipsos recipientes ad insulas maritimas transmeabant, vel ad regularium domos quas passim

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104/107 Dan. 9, 26-27 lxxxiii, 1/2 quali ... degenerare] perversis hominibus ad terram sanctam confugientibus codd. bo   2 paullatim sic mo   4 statuta] statum B D E K   13 in] a B D E K   15 permuttabant B D K   17 mala] malicia E, maleficia B D K   

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mots : « La ville et le sanctuaire détruits par un prince qui viendra. Sa fin sera dans le cataclysme, et, jusqu’à la fin, la guerre et les désastres décrétés, et il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et sur l’aile du Temple sera l’abomination de la désolation, jusqu’à la fin, jusqu’au terme assigné par le Désolateur ! » LXXXIII. De quel fléau d’hommes la Terre sainte se mit à souffrir et dépérir peu à peu. Ceux qui, dès le début de la délivrance et du recouvrement de la Terre sainte, ont le mieux saisi sa situation et ont examiné avec le plus de soin ses changements divers et successifs, ses revers, ses succès, donnent pour vrai qu’aucune catégorie d’individus, aucun fléau n’ont été nuisibles à cette terre, et avec plus d’efficacité, que des gens vicieux, pernicieux, criminels, impies, sacrilèges, voleurs, ravisseurs, meurtriers, parricides, parjures, adultères et traîtres, corsaires ou pirates, routiers, ivrognes, délateurs, joueurs, mimes et histrions, moines apostats, nonnes prostituées, femmes laissant leur mari pour s’attacher à leurs amants, maris fuyant leur femme pour en épouser d’autres1. Il y avait ainsi en Occident des per­ sonnes abominables qui passaient la Méditerranée pour se réfugier en Terre sainte, changeant de lieu mais non de disposition d’esprit, se livrant à leurs habituels débordements, souillant la Terre sainte de fléaux et de crimes innombrables, et ce, avec d’autant plus de hardiesse que leurs relations et leurs proches se trouvaient plus éloignés2. Ils péchaient sans vergogne, sans crainte de Dieu, sans considération pour les hommes. Assurés de pouvoir fuir et de voir leurs fautes rester impunies, ils donnaient libre cours à l’impiété, et une fois leurs crimes commis ils trouvaient refuge chez les Sarrasins voisins tout en reniant le Christ, ou se mettaient à l’abri de galères et bateaux pour passer dans les îles au milieu de la mer ; ou encore, ils s’en sortaient sans dommage en courant s’enfermer

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et ubique reperiebant currentes, perniciosa privilegiorum libertate impios defendente, impune evadebant. Quidam autem viri sanguinum et filii mortis, in patria sua deprehensi in iniquitatibus et maleficiis suis, mutilationibus membrorum vel suspendio adiudicati, prece vel pretio plerumque obtinebant ut in terram Promissionis sine spe revertendi perpetuo condemnati exilio remanerent. Hi autem non penitentia compuncti, sed violentia coacti Terre sancte incole facti, peregrinis hospitia immoderato pretio locantes, modis quibus poterant | decipientes incautos et extraneos homines, et ab eis pecunias negotiationibus indebitis emungentes, miseram vitam de spoliis hospitum suorum sustentabant : sicariis et latronibus, alearum lusoribus et meretricibus publicis, spe lucri maioris apud se receptacula preparantes. Divitibus autem et potentibus, ut eorum fautores essent et eos in predictis iniquitatibus sustinerent, annuum censum reddebant, ad cumulum impietatis et damnationis utrorumque. Hi enim qui prostibulorum et deciorum principatum et dominium pretio magno acquirebant a meretricibus et lusoribus maiorem extorquebant pecuniam. Qui autem contra dominicum preceptum pretium prostibuli accipiunt, omnium peccatorum et abominationum que in ipsis fiunt semetipsos participes constituunt, consentientes enim et facientes par pena constringit. Nonnulli autem ex his quos animi vanitas et inconstantie levitas impellebant non tam causa devotionis loca sancta visitaturi peregre procedebant quam causa curiositatis et novitatis, ad partes sibi incognitas transmigrabant, ut mira inexpertis stupenda que de partibus orientis audierant, non sine magno labore probarent. Multa enim in partibus illis mirabiliter operatus est Dominus que sicut iusti et bene affecti et prudentes homines ad laudem Dei convertunt et gloriam, quemadmodum beatus Brandanus longo

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lxxxiii, 45 cfr Rom. 1, 32   55 Ps. 106, 24 24 privilegiorum] immo privilegiorum add. B D E   42/46 qui ... constrigit] om. K

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dans les maisons des ordres réguliers dénichées un peu partout ça et là, où les impies gagnaient leur liberté à l’abri de privilèges pervertis. De plus, des hommes de sang, enfants de la mort, qui avaient été pris dans leur pays et condamnés pour leurs péchés et leurs crimes à la mutilation ou à la pendaison, obtenaient à force de prière, et souvent à prix d’argent, de partir pour la Terre promise et d’y gagner un perpétuel exil sans espoir de retour3. Loin d’être touchés par le repentir, ils s’installaient là, sous l’effet impérieux de la contrainte, louant aux pèlerins des logements à des prix excessifs, trompant de toutes les manières ces hommes étrangers au pays et pleins de confiance, leur extorquant de l’argent par des transactions malhonnêtes, ils menaient leur misérable existence tout en dépouillant leurs hôtes. Ils caressaient l’espoir de profits plus grands encore, en offrant refuge aux assassins, aux voleurs, aux joueurs de dés, aux filles publiques. Ils versaient un cens annuel aux riches et aux puissants pour se faire aider et soutenir dans leurs péchés, comble à l’impiété et à la damnation des uns et des autres. Pour ceux qui achetaient au prix fort la direction et la propriété des lupanars et des maisons de jeux, il s’agissait d’extorquer d’autant plus d’argent aux prostituées et aux joueurs. Qui reçoit le prix de la maison de débauche en violation du commandement de Dieu participe en personne au péché et à l’abomination qui s’y font ; ainsi le même châtiment est réservé à l’homme qui consent et à celui qui commet. Mais certains, poussés par la vanité d’esprit, la légèreté, l’inconstance, ne faisaient pas tant le pèlerinage aux lieux saints par dévotion de ce qu’il y avait à voir ; ils cédaient à la curiosité et à l’attrait du nouveau et se mettaient en tête de se rendre, non sans mal, vers un pays inconnu et voir de leurs yeux neufs merveilles et surprises dont ils avaient entendu parler sur l’Orient4. Dieu a fait beaucoup de merveilles dans ces régions que les hommes sages, aimant la justice et pleins de bonnes intentions, traduisent à la louange et à la gloire divine. Ce fut le cas de saint Brendan qui navigua bien longtemps sur les mers pour voir les

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tempore per maria navigavit ut videret mirabilia Dei in profundo ; 55 ita leves et curiosi homines | ad vanitatem retorquent que Domi- (165) nus in argumentum potentie sue et materiam laudis dignatus est operari. Ex quibus pauca de multis, presenti operi dignum duximus, adnectenda diligentibus et studiosis lectoribus forsitan profutura. 60 LXXXIV. De rebus in Terra sancta admirabilibus : terre motibus, tonitribus, imbribus, nivibus. Terre motus periculosi, horribiles et terribiles valde, non solum in regno Hierusalem, sed in partibus adiacentibus, frequenter fiunt ; et maxime in partibus maritimis, ex violentia ventorum qui de spiramine et impulsione undarum in locis cavernosis et speluncis terrarum concepti, dum liberam exhalationem aer inclusus et concitatus non habet, terram cum magno impetu et tremore concutiunt que, si resistere non valeat, rumpitur et fit hiatus immensus et quandoque ob hanc causam civitates absorpte sunt in abyssum. Quando vero terra non rumpitur, tam vehementi impetu a spiritu procellarum concitatur et impellitur quod civitates, cum muris et turribus et aliis edificiis subito corruentes, homines improvisos suffocant et opprimunt. Unde qui sapientes sunt in partibus illis, ignorantes qua hora predicta tempestas superventura sit, cum omni diligentia vigilantes animas suas preparare non negligunt, nec vivere presumunt in statu illo in quo mori non | auderent. Et huiusmodi pestifera concussione Tyrensis civitas, postquam in manus Latinorum devenit, cum habitatoribus suis fere penitus est deleta. Cum autem in partibus occidentalibus, coruscationes et tonitrua habeant fieri in estate, in Terra sancta fiunt in hyeme. In estate

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lxxxiv, 16/17 cfr Matth. 25, 13 lxxxiv, 1/2 rebus ... nivibus] descriptio terre orientalis ex hiis in ea mirabiliter fiunt continentur et primo de terre motu et tonitruis et pluviis et nivibus codd. bo

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merveilles de Dieu pour ce qu’elles sont5. Mais des hommes légers et pleins de curiosité ont transformé en vanité ce que Dieu avait jugé bon de créer pour preuve de sa puissance et en justification de ses louanges. Dans le présent ouvrage, j’ai jugé bon de m’attacher à quelques-unes de ces merveilles prises parmi un si grand nombre, peut-être cela sera-t-il de quelque utilité au lecteur attentif et studieux6. LXXXIV. Manifestations extraordinaires de la nature en Terre sainte : les séismes, les orages, les pluies et les neiges. Dans le royaume de Jérusalem et même les pays voisins, surviennent souvent de calamiteux tremblements de terre, terrifiants, particulièrement dévastateurs, surtout sur les côtes, en raison de la violence des vents dus au mouvement tourbillonnant des eaux enfermées dans les cavités souterraines et les gouffres. Tant que l’air enfermé et brassé ne peut trouver d’issue, la force des vents ébranle et secoue le sol auquel il peut arriver de se fendre sous l’effet d’une irrésistible pression, découvrant un abîme sans fond où chaque fois des villes sont englouties. Quand la terre ne s’ouvre pas, elle est secouée et balayée par la violence des tempêtes dont le souffle fait tomber d’un coup, murs, tours et autres édifices des villes sous lesquels les gens, surpris, sont ensevelis et périssent. Dès lors dans ces régions, ignorant l’heure à laquelle surviendra la tempête, les sages veillent avec la précaution voulue, prennent soin de préparer leur âme en ayant garde de ne pas vivre d’une façon qu’ils auraient à regretter au moment de mourir. C’est ainsi que la cité de Tyr, quand elle était aux mains des Latins, fut ­presque entièrement anéantie par un séisme calamiteux, elle et ses habitants1. En Occident, éclairs et tonnerre surviennent en été, tandis qu’en Terre sainte ça arrive en hiver. De fait, il n’y pleut jamais

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enim numquam vel raro pluit in ea. In hyeme vero, licet non adeo frequenter imbribus irrigetur, tribus tamen aut quatuor continuis diebus ac noctibus postquam fieri incipiunt pluviarum vehemen- 25 tes inundationes, quasi particulari quodam diluvio terram totam inebriant et submergunt. Nives autem nisi circa montes altitudine nimia preeminentes cuiusmodi est Libanus, in terra rarissime reperiuntur. In toto autem estivo tempore, et maxime in diebus canicularibus ferventissimis et in mense augusti, nix frigidissima 30 a monte Libano per duas vel plures dietas defertur ut vino commixta tanquam glaciem ipsum frigidum reddat. Conservantur autem predicte nives sub palea, ne fervore solis seu calore aeris dissolvantur. LXXXV. De fontibus, fluviis, mari Rubro, quatuor paradisi fluminibus et variis fontium aquarumque miraculis. Fontes autem limpidissimi dulcis aque, tam in mari, quam in terra inveniuntur, quorum unus, ut dicitur, in partibus Samarie alternis coloribus quater in anno variatur, viridem scilicet et sanguineum, pulverulentum seu turbidum et limpidum colorem, mira | et grata vicissitudine inspicientium oculis pretendendo. Fons autem Syloe non singulis et continuis, sed diebus interpolatis ter vel quater in hebdomada, dulces aquas ex visceribus suis emittit. At vero iuxta montes Libani, inter duas civitates Archas scilicet et Raphaneam, fluvius quidam cursu velox et aquis plurimum abundans defluit, quem Sabbaticum appelant, eo quod sex diebus in hebdomada nullas ex se penitus exhibens aquas, die septimo profert, copiosas ex sicco subito exuberans et inundans effectus. In Tyrensi autem et Acconensi territorio, ex arenulis maris, ex sabulo videlicet et glarea marina, subtili artificio vitrum efficitur purissimum. Mare autem rubrum, quod siccis pedibus filii Israel transierunt, in confinio est Egypti et Arabie, cuius aque ex terra adiacente que quasi sanguinei coloris est rubee esse viden-

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lxxxv, 1/2 fontibus ... miraculis] fontibus fluviis et variis aquarum naturis A B C D J H K bo, de aquarum natura E, om. G   

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ou rarement en été. En hiver pourtant, bien que le pays soit peu arrosé, au bout de trois ou quatre jours et nuits de pluies continues, il commence à se faire de très fortes inondations qui saturent alors le sol et le recouvre tout comme un petit déluge2. On trouve rarement de la neige en Terre sainte, si ce n’est en altitude sur les contreforts des plus hautes montagnes comme le mont Liban. Pendant tout l’été, surtout les jours de très forte canicule, au mois d’août, on transporte de la neige toute fraîche depuis le mont Liban, jusqu’à deux jours de là ou plus, pour la mélanger au vin et lui rendre la fraîcheur de la glace. On conserve cette neige sous de la paille pour que l’ardeur du soleil ou la chaleur de l’air ne la fasse fondre3. LXXXV. Les sources, les fleuves, la mer Rouge, les quatre fleuves du paradis, variété de fontaines et d’eaux miraculeuses. On trouve là des sources d’eau douce d’une grande limpidité, tant au large que sur la terre ferme, dont une, dit-on, dans le pays de Samarie, change chaque fois de couleur quatre fois par an. Elle offre à l’œil du spectateur une étonnante et plaisante variété de teintes, de couleur verte ou de couleur sang, troublée de poussière ou d’une transparente limpidité1. Des eaux douces sortent des tuyaux de la fontaine de Siloé qui ne coule pas chaque jour en continu, mais par intermittence, trois à quatre fois par semaine. Au pied du mont Liban, entre les deux cités d’Archas et Raphanée, coule une rivière au cours rapide qui roule des eaux surabondantes, surnommée Sabbatique car sa source ne donne pas d’eau six jours durant, mais en produit tant le septième qu’elle déborde brusquement et inonde tout du fait qu’elle était à sec2. Aux environs de Tyr et d’Acre on fabrique un verre très pur à partir de l’arène marine, mélange de sable de mer et de gravier, c’est un art délicat. La mer Rouge, que les enfants d’Israël traversèrent à pied sec, est aux confins de l’Arabie et de l’Égypte ; ses eaux paraissent rouges car la terre qui l’entoure a une teinte comme du sang ; elles sont

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tur, que tamen eiusdem sunt coloris cuius sunt alterius maris aque. Est autem quidam fluvius in Perside qui semper de nocte congelatur, adeo quod homines et animalia per glaciem valeant pertransire, de die autem semper in aquas resolvitur. Quidam autem fluvii in partibus orientis aureas arenas habere dicuntur. Fons preterea limpidissimus et amenus qui in paradiso terrestri in remotis orientis partibus oritur, tantam ex se copiam producit aquarum ut in quatuor flumina dividantur, que tamen statim sub terra absconduntur et per viscera terre defluentia, quibusdam subterraneis meatibus in aliis remotis regionibus iterum oriuntur. | Nam Phison qui et Ganges ex quodam monte Indie scaturiens, iterum incipit super terram cursum summi ostendere aperte defluendo. Gyson qui et Nilus non longe a monte Atlante de terra exiens, a terra protinus absorbetur sub qua latenter fluendo, mare Rubrum pertransiens, in ipso littore Rubri maris incipit iterum aparere et, Ethiopiam circuiens, in terram Egypti se infundit. Tygris autem et Euphrates quasi ex eodem fonte in quodam monte maioris Armenie egredientes, statim a se invicem separantur et Mediterraneo mari absorbentur. Cum autem predictus fons paradisi universe terre superficiem in quatuor fluminibus irrigare dicatur, ex variis tamen qualitatibus quidam fontes frigidas habent aquas, alii calidas et fetidas ex terra sulphurea. In Epiro autem est fons mirabilis in quo faces accense extinguuntur et extincte iterum accenduntur. In Ethiopia apud Garamantes fons quidam est tam frigidus de die ut non bibatur, tam calidus de nocte ut non tangatur. Est fons quidam in partibus orientis ex cuius aquis ignis grecus efficitur quibusdam aliis admixtis, qui postquam vehementer fuerit accensus, vix aut nunquam potest extingui nisi aceto et hominum urina et sabulo. Predicti autem fontis aquas magno pretio comparant Saraceni. Sunt aque quedam que vulneribus medentur, alie que sanant egritudines oculorum, alie que bibentes canoros reddunt. Sunt quidam fontes qui memoriam conferunt,

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27 ut] quod B D E K   27 dividitur B D E K   31 summi] suum B D E K bo   40 tamen] terre add. B D E K

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pourtant de même couleur que l’autre mer. En Perse, il est un fleuve gelé toujours la nuit, en sorte qu’hommes et animaux ­peuvent traverser sur la glace, mais le jour ses eaux se liquéfient. Telles rivières d’Orient passent pour rouler des sables aurifères. Au paradis terrestre dans l’Orient lointain prend naissance une source d’une eau très claire et agréable, si abondante qu’elle se divise en quatre fleuves qui disparaissent aussitôt sous la terre pour suivre leur cours dans les profondeurs du sol et renaître par des sources souterraines, bien loin de là, dans d’autres contrées3. Le Phison, le Gange, sortant du sommet d’une montagne en Inde, reprend son cours pour couler en surface librement à la vue de tous. Le Gyson, le Nil, prenant sa source non loin du mont Atlas, s’enfonce tout droit sous terre, et coule ainsi, caché, jusqu’à l’autre rive de la mer Rouge. Il réapparaît là pour arroser la terre d’Égypte après avoir contourné l’Éthiopie. Le Tigre et l’Euphrate trouvent leur naissance comme à une même source dans une montagne de la Grande Arménie, se séparent aussitôt et vont se jeter dans la Méditerranée. Tandis que la source du paradis irrigue la terre entière, dit-on, par ses quatre fleuves, il y a des sources de toutes natures et qualités, dont les eaux sont froides ou chaudes et fétides quand elles sortent d’un terrain sulfureux. En Épire, il y a une source merveilleuse qui éteint les brandons enflammés et ­rallument ceux qui sont éteints. En Éthiopie, chez les Garamantes, on trouve une source dont l’eau est si froide le jour qu’on ne peut la boire, mais si chaude la nuit qu’on ne peut la toucher. Il existe en Orient une source avec les eaux de laquelle, et après adjonction d’autres matières, on fabrique le feu grégeois, si violent, une fois allumé, qu’il devient difficile de l’éteindre, voire impossible, sauf à utiliser du vinaigre, de l’urine humaine ou du sable. C’est au prix fort que les Sarrasins achètent l’eau de cette source. Il existe des eaux qui guérissent les plaies, des eaux qui soignent les affections des yeux, des eaux que l’on boit pour adoucir la voix. Il est des fontaines qui donnent de la mémoire ou apportent l’oubli. Certaines apaisent

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alii qui oblivionem | faciunt. Sunt alii qui luxuriam auferunt, alii qui libidinem accendunt. Sunt alii qui steriles fecundant, alii vero fecundas steriles reddunt. Sunt flumina ex quibus bibentes oves nigrescunt, ex aliis autem velut nix albe fiunt. Sunt stagna in quibus nulla res natare potest, sed omnia merguntur, sunt alia in quibus omnia fluitant, nec mergi possunt. Sunt lacus in quibus ter in die aque amare sunt, et ter in die dulces fiunt. Sunt quidam fontes calidi qui oculis medentur, fures autem arguunt. Nam qui sacramento furtum negat, si periurus efficitur aquis predictis excecatur, si autem non fuerit reus clarius videt quam prius. Hoc autem magis miraculo ascribendum est quam nature. Est preterea fons quidam quietus et tranquillus, si autem iuxta ipsum insonent tibie, quasi exultabundus ad sonitum, elevatur et tanquam miretur vocis dulcedinem extra ripas intumescit.

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LXXXVI. De arboribus et fructibus earum, herbis, aromatis. Preter communes quidem arbores que in Italia et Alemania et Francia et in aliis Europe partibus habentur, sunt ibi speciales arbores tam fructifere quam steriles. Sunt ibi palme corticibus aspere, graciles in imo, dilatantur in summo, fructus quos dactylos appellant ex se procreantes ; in summitate autem tantam habent | teneretudinem et saporis suavitatem quod, quasi nuces albe et recentes, predictarum arborum partes superiores manducantur. Sunt in eadem terra arbores mirabiles quas, propter earum precellentiam, nominant arbores paradisi, poma oblonga suavissima et quasi onctuosa dulcissimum saporem habentia ferentes, in uno autem globo plusquam centum sese contingentia et compressa involvuntur. Folia autem arboris memorate unius cubiti habent longitudinem, dimidii cubiti dimensione dilatantur. Sunt ibi alie arbores poma pulcherrima et citrina ex se producentes, in quibus quasi morsus hominis cum dentibus manifeste apparet, et

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lxxxvi, 1/2 arboribus ... aromatis] diversis arboribus orientis A B C D G H J K bo, arboribus E   

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l’ardeur des sens, d’autres excitent les désirs. Telles autres rendent fécondes les femmes stériles et vice versa. Les brebis qui se désaltèrent dans tel fleuve noircissent quand elles en boivent l’eau, dans tel autre elles deviennent aussi blanches que neige. Il existe des lacs sur lesquels rien ne peut surnager, mais tout y sombre, d’autres où tout surnage sans pouvoir s’enfoncer4. Il y a des lacs où l’eau est amère et douce alternativement, trois fois par jour. Il y a des sources chaudes qui soignent les yeux et brûlent les voleurs. En effet, celui qui nie par serment d’avoir commis un vol et se parjure, l’eau le rend aveugle ; s’il dit la vérité, il voit plus clair qu’avant. Cela tient davantage du miracle que de la nature. Et encore, telle source est calme et tranquille, mais si on joue de la flûte à proximité, elle enfle comme soulevée par le son, et, charmée par la douce musique, voilà qu’elle sort de ses berges. LXXXVI. Les arbres et leurs fruits, les herbes et les aromates. Sans compter les espèces communes qu’on rencontre en Italie, en Allemagne, en France et autres régions d’Europe, il y a en Orient des arbres, avec ou sans fruits, qui sont d’essence singulière1. Tels sont les palmiers à l’écorce rugueuse, au tronc grêle s’élargissant vers le haut ; ils produisent à leur cime des fruits qui portent le nom de dattes. Leur saveur est si douce et exquise qu’on en mange en haut des arbres comme s’il s’agissait de noix blanches et fraîches. Cette terre donne encore des arbres merveilleux que leur mérite a fait surnommer les arbres du paradis, portant des fruits allongés de consistance très douce et presque onctueuse, d’un goût exquis. Un seul régime en contient plus d’une centaine, disposés en rond et en rangs serrés. Leurs feuilles ont une bonne coudée de long et une coudée et demi de large. Voilà encore des arbres aux fruits très beaux, de couleur jaune, sur lesquels on peut voir comme une morsure faite par dent de l’homme, en raison de

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idcirco poma Adam ab omnibus appellantur. Sunt preterea alie arbores fructus acidos, pontici videlicet saporis, ex se procreantes quos appellant limones. Quorum succo in estate cum carnibus et piscibus libentissime utuntur, eo quod sit frigidus et exsiccans palatum et provocans appetitum. Sunt ibi preter ficus communes quedam singulares ficuum species, fructus in ipsis truncis absque ramis et foliis facientes, non inter folia vel ramos superiores sicut fit in aliis arboribus, sed ipsi trunco adherentes. Has autem ficus pharaonis appellant. Sunt insuper cedri Libani pulchre et sublimes valde sed steriles. Quedam autem que dicuntur cedri maritime parve sunt sed admodum fructuose, facientes ex se fructus pulcherrimos secundum humani capitis quantitatem, quos citrones seu poma citrina appellant, triplicem in se | substantiam et saporem habentia. In prima parte calida, in media temperata, in ultima vero que latet intrinsecus frigida existunt. Hunc autem dicunt esse fructum de quo Dominus dicit in Levitico : “ Sumetis vobis die primo fructus arboris pulcherime. ” In parvis autem arboribus quedam crescunt alia poma citrina, minoris quantitatis, frigida et acidi seu pontici saporis que poma orenges ab indigenis nuncupantur. Cucumeres autem melones et cuccurbite, licet capitibus asino­ rum sint maiores, herbis potius quam fructibus assignantur. Sunt ibi preterea arbusta quedam que seminantur, ex quibus colligunt bombacem que francigene ‘cotonem’ seu ‘cotun’ appellant, et est quasi medium inter lanam et linum ; ex quo subtilia vestimenta contexuntur. Sericum autem non colligunt ex aliquo semine terre neque ex arbustis vel arboribus, sed ex quorundam vermium stercoribus sive ex sputo procreantur. Quedam autem species spinarum quas spareas nominant, priusquam decrescant in rhamnum, optime sunt ad edendum. De quibus dicit David propheta : “ Priusquam intelligerent spine vestre rhamnum. ” Quemadmodum predicte spine molles sunt in principio et delectabiles ad manducandum, postea vero dure fiunt et quibusdam aculeis pungunt, ita peccatorum

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lxxxvi, 33/34 Lev. 23, 40   46/47 Ps. 57, 10 21 excitans B D E   45 decrescant]durescunt B D, durescant K, crescant E   

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quoi tout le monde les appelle les pommes d’Adam. D’autres encore ont des fruits acides donnant une saveur piquante, appelés limons2. En été, on assaisonne avec plaisir viandes et poissons avec le jus de ce fruit, pour rafraîchir, exciter le palais, ouvrir l’appétit. À part le figuier commun, il est une sorte de figuier dont le tronc donne des fruits sans feuilles ni branches, qui ne poussent pas comme pour les autres arbres dans les hautes branches, mais s’attachent au tronc. On l’appelle le figuier du pharaon. Il y a encore les cèdres du Liban, beaux et majestueux, mais sans fruits. Les cèdres maritimes, comme on les appelle, sont des arbres petits et extraordinairement prolifiques. Leur très beau fruit, gros comme une tête d’homme, porte le nom de citron ou pomme-citron, il a une triple consistance et une triple saveur. Il est chaud à l’extérieur, tiède au milieu, frais à l’intérieur3. De ce fruit, dit-on, le Seigneur a dit dans le Lévitique : « Au premier jour, vous prendrez les fruits du plus bel arbre. » On trouve d’autres petits arbres sur lesquels ­poussent encore des pommes-citrons en nombre moins important, de saveur fraîche, au goût acide, que les natifs du lieu appellent pommes-oranges4. Les concombres, les melons, les courges sont de taille supérieure à celle d’une tête d’âne ; il faut les assimiler aux plantes plutôt qu’aux fruits. On sème là aussi des arbustes pour récolter la bombace – en français nommée coton ou cotun – qui tient à la fois de la laine et du lin, et que l’on tisse pour faire des vêtements légers5. On ne récolte pas la soie d’une semence enterrée, d’un arbuste ou d’un arbre, mais des excréments et de la salive de certains vers6. Il y a une espèce d’épineux, dénommée sparée, excellente à manger avant que de se réduire en buisson. C’est d’elle que parle le prophète David : « Avant qu’ils ne poussent en épines comme la ronce. » Comme ses épines, d’abord tendres et délec­ tables, durcissent ensuite, se hérissent d’aiguillons blessants, de même la douceur du péché se transforme, devient l’aiguillon du

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suavitas in aculeum remordentis conscientie et pene eterne convertitur. Sunt insuper in terra canamelle de quibus zucchara ex compressione eliquatur. Olim in universo mundo vinea balsami non nisi in Terra sancta in loco qui dicitur Hierico inveniebatur. | Procedente autem tempore, ab Egyptiis translata est in campum civitatis Egyptie que Babylonia nuncupatur, et a christianis sub dominio Saracenorum detentis excolitur. Dicunt autem Egyptii, et experimento probaverunt, quod si a Saracenis excolatur illo anno sterilis permanet quasi fructum facere dedignetur. Sunt autem in predicto campo sex fontes in quorum uno dicunt quod beata Virgo Christum parvulum balneavit. Unde certum est et probatum quod liquor balsami que opobalsamum physici appellant, translata predicta vinea seu fructice in alium locum nunquam potest procreari. Sunt insuper in partibus orientis et maxime in India pretiose quedam et speciose et aromatice arbores quarum fructus sunt : gariophyli, nuces muschate, cassia fistula, caldamomum, piper album, nigrum quod est rotundum et piper oblongum. Dicunt tamen quidam quod omne piper nascitur album, sed quoniam inter arbores piperis multitudo serpentium inhabitat, oportet quod comburantur serpentes, et ita ex combustione piper nigrescit. Quando etiam sine adustione colligitur, mittunt illud in clibanum, ne in aliis partibus possit seminari et fructificare et ut diutius valeat conservari. Sunt alie arbores quarum radices sunt : zingiber, galanga et zedoaria que vulgariter ‘citouart’ appellatur. Dicunt tamen quidam quod sunt radices orientalium herbarum. Mandragora autem radix est cuiusdam herbe que formam habere videtur humanam. Est autem quedam | mandragora masculina, quedam feminina. Alia autem sunt arbores quarum rami sunt : liquiritia, cassia lignea, lignum aloes. Nemo tamen huius arboris potuit deprehendere originem ; rami autem eius in flumine Babylonico reperiuntur, impulsione enim ventorum aut temporis vetustate de montibus cadentes in fluvium cum retibus capiuntur. Dicunt autem quidam quod de paradiso terrestri per fluvium

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repentir et de la conscience du châtiment éternel7. Dans cette région il y a encore des cannes à miel que l’on écrase pour en extraire la liqueur de sucre. Partout sur terre, jadis, on ne trouvait la vigne du baume qu’en Terre sainte, en un lieu appelé Jéricho8. Le temps passant, les Égyptiens la transplantèrent dans un jardin près d’une cité d’Égypte appelée Babylone, et là, des chrétiens captifs chez les Sarrasins la cultivent9. Par expérience, les Égyptiens disent avoir eu la preuve que la vigne resterait stérile, comme se refusant à produire si les Sarrasins la cultivaient10. Il y a dans ce jardin six fontaines, et dans l’une d’elles, dit-on, la sainte Vierge a baigné le Christ encore petit enfant11. C’est la preuve et la certitude qu’il est impossible de produire de la liqueur balsamique, que les naturalistes appellent baume, en changeant de place la vigne ou son surgeon. Par ailleurs, en Orient, l’Inde principalement, il y a de très beaux arbres d’espèce aromatique et précieuse qui produisent le clou de girofle, la noix muscade12, la casse, la cardamome, le poivre blanc, le poivre noir et rond, le poivre long13. Certains prétendent pourtant que le poivre est blanc quand il pousse, et comme il faut détruire par le feu les serpents qui nichent dans les poivriers, le poivre devient noir par combustion14. Quand on le récolte sans l’avoir brûlé, on le met au four pour qu’il ne puisse être jamais semé ailleurs et se reproduire, et aussi pour le conserver plus longtemps15. Il y a d’autres arbres dont les racines sont le gingembre, la galangue, le zedouar, couramment appelé citouar16. Selon certains, il s’agirait de racines de plantes d’Orient. La mandragore est une racine qui a l’apparence d’une silhouette humaine. Il en est des mâles et des femelles. Des arbres donnent des rameaux, tels que la réglisse, la casse ligneuse et le bois d’aloès. Personne cependant n’est en mesure de dire l’origine de l’aloès dont on retrouve les branches dans le fleuve de Babylone, car elles tombent des montagnes quand elles sont emportées par le vent ou quand elles sont trop vieilles, et on les ramasse dans des filets. À croire certains, le fleuve transporte ainsi le bois d’aloès depuis le paradis terrestre17. La cannelle est l’écorce d’arbres d’Orient.

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huiusmodi lignum aloes deferatur. Aliarum autem orientalium arborum cortex est cinnamomum. Macis autem flos est nucis muscate vel, ut dicunt alii, cortex illius. Cyminum autem semen est 85 non arboris sed herbe. LXXXVII. De gummi fructicibus, iunipero, arboribus et montibus, cannis et vitibus Indie ; de herba Sardoa, de seribus, de arboribus fatidicis, de paradiso. Gummi autem ex arboribus seu arbustis defluentia sunt : opobalsamum, myrrha, tragacanthum, mastix, thus, terebinthina. Ambra vero non pertinet ad arbores vel herbas, sed est sperma ceti et est aromaticum valde et confortativum. Similiter muscus suavissimi odoris licet inter species aromaticas nominetur est tamen, ut dicunt, stercus seu struma | inguinis cuiusdam orientalis animalis quod ‘muquiliet’ dicitur. Unde in latrinis et inter stercora, odorem amissum recuperat. Aliam quandam herbam, quam dictamum appellant, fere sagittis vulnerate diligenter querunt et inventam manducant, que tante virtutis est ut sagittas de corporibus earum eiiciat. Quercus Mambre sub qua habitavit Abraham usque ad tempora Constantini imperatoris permansit. In partibus enim illis arbores tempore longissimo perdurant. Unde cedrum et ebenum imputribiles estimant. Iuniperus autem adeo conservat ignem quod prune cineribus eius operte usque ad annum non extinguuntur. In India autem quedam sunt insule in quibus arbores omni tempore virescunt, habent autem in uno anno duas hyemes et duas estates. In eisdem etiam partibus montes aurei sunt quos dracones et gryphes custodiunt. In Sardinia autem est herba quedam similis a piastro que comedentibus rictus contrahit et quasi ridentes interimit. Sunt preterea in partibus Indie canne fluviales quasi pinus habentes altitudinem sexaginta pedum, ex

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lxxxvii, 14 cfr Gen. 13, 18    lxxxvii, 1/3 gummi ... paradiso] om. A B C D G H J K bo, gumi E   1 quatuor] 4 mo   4 defluentes B D E K   5 mirra B D E K 5 dragaganthum B D, dragancum E K   24/25 indie ... quasi] om. B   

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Le machis est la fleur de la noix muscade ou, selon d’autres, son écorce18. Le cumin est la graine non d’un arbre, mais d’une plante. LXXXVII. Les arbustes à gommes, le genévrier, les arbres, les montagnes, roseaux et vignes de l’Inde. L’herbe de Sardaigne, les Sères, les arbres oracles, le paradis. Le baume, la myrrhe, la gomme adragant1, le suc de len­tisque2, l’encens3, la térébenthine4 sont des gommes d’arbres ou d’arbustes qui sont produites par écoulement. L’ambre, toutefois n’est pas à associer aux arbres ou aux plantes, mais c’est le sperme de la baleine, il est très aromatique et fortifiant5. Le musc aussi a un parfum très agréable et il est pour cette raison compté parmi les aromates ; pourtant, à ce qu’on dit, c’est l’excrément ou le déchet de bas ventre d’un animal qui vit en Orient que l’on appelle le muquiliet. Le musc qui avait perdu son parfum dans l’ordure des latrines, voilà qu’il le retrouve6. Il existe une variété de plante, appelée dictame, recherchée avidement par les bêtes sauvages atteintes d’une flèche, et qu’elles mangent après l’avoir trouvée. Elle est d’une telle vertu qu’elle fait ressortir la flèche du corps de l’animal blessé. Le chêne de Mambré, sous lequel s’est abrité Abraham, perdura jusqu’au temps de Constantin7. Car, dans ces pays les arbres ont une très longue durée de vie. Voilà pourquoi les cèdres et les ébéniers ont la réputation de n’être pas putrescibles. Le genévrier conserve tellement le feu que ses braises recouvertes de cendres ne s’éteignent pas d’une année durant. En Inde, il y a des îles où les arbres verdoient tout le temps, et on y voit deux étés par an, et deux hivers. Là encore, on trouve des montagnes d’or gardées par des dragons et des griffons. Par ailleurs, en Sardaigne on trouve une plante comme la mélisse, elle tue ceux qui en mangent, provoquant un rictus qui leur donne l’air de rire. En Inde encore, on a des roseaux de rivières de la taille d’un pin de soixante pieds et dont on se sert pour faire bateaux et maisons8.

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quibus naves et domus construuntur. Quedam etiam arbores sunt apud Seres folia tanquam lanam ex se procreantes, ex quibus vestes subtiles contexuntur. Alie autem fructus odoriferos ferentes, cum sole oriuntur et cum sole occidentes sub terra absconduntur. Alie etiam centum pedibus in altum extolluntur similes lauris et olivis, quasi opobalsamum et thus ex se | procreantes. Alie etiam ferentes nuces hominum capitibus maiores, in quibus serpentes multi sunt et simiarum maxima multitudo. Vites etiam in partibus illis tante magnitudinis botros seu racemos producunt quod plures homines in vecte vix unum possent sustinere. De arboribus autem quas in extremis Indie partibus magnus Alexander invenit, que ipsum in Babylonia veneno moriturum predixerunt, licet divino imperio asina Balaam loquuta fuerit, credimus tamen quod in ipsis demones sint loquuti ; mirabile tamen videtur quod cogitationibus Alexandri respondebant et futura, tanto tempore priusquam contigissent, prescire potuerint. Illas autem preciosissimas medicinales et aromaticas arbores, quas Dominus in extremis et excelsis et temperatissimis orientis partibus ab initio plantavit in horto voluptatis, presenti opusculo tanquam ignotas inferere non valemus. Magnum enim chaos positum est inter exilium nostrum et predictum voluptatis paradisum. Magnus enim tractus terrarum interiacens innumerique serpentes locum nobis inaccessibilem reddiderunt, presertim cum usque ad celum muro igneo clausus esse dicatur et angelus Domini, non solum hominibus, sed etiam malignis spiritibus, inhibeat. De prefatis autem arboribus paradisi duas ex Scripturis divinis aliquatenus cognoscimus, quarum una dicitur arbor scientie boni et mali, de | cuius fructu vetito in detrimentum posteritatis sue primi parentes comederunt ; altera lignum vite nuncupatur, de cuius fructu qui manducaret in eodem statu semper immortalis permaneret.

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Dans le pays des Sères, sont des arbres dont les feuillages pro­ duisent une sorte de laine avec laquelle on tisse des vêtements très fins9. D’autres arbres portent des fruits odoriférants, ils naissent et meurent avec le soleil du jour puis disparaissent sous la terre. Il en est même qui montent à cent pieds de haut, tels le laurier, tel l’olivier, et ils sécrètent une sorte de baume et de l’encens. En voilà, chargés de noix plus grosses que des têtes d’hommes, où nichent des milliers de serpents et d’innombrables troupes de ­singes. Et dans ces contrées les vignes font des grappes de raisin d’une taille telle, qu’il est difficile à plusieurs d’en porter une seule sur un brancard. Au fin fond de l’Inde, Alexandre le Grand trouva des arbres pour lui prédire qu’il mourrait empoisonné à Babylone10. Il est vrai que l’ânesse de Balaam a parlé jadis sur ordre de Dieu, mais je crois plutôt que ce sont des démons qui parlaient dans les arbres, encore qu’il paraisse étonnant de les voir répondre ainsi aux pensées d’Alexandre, et connaître, bien avant qu’ils n’arrivent, les événements à venir. Nous voilà bien ignorants pour reporter dans cet ouvrage ces arbres de grand prix, arbres médicinaux et aromatiques, placés par le Seigneur, dès la création, en ces hautes régions reculées et très bien tempérées de l’Orient, dans le jardin de dé­lices. Car c’est un grand chaos qui sépare notre exil, du paradis de volupté. Un immense espace s’est interposé et une multitude de serpents ont rendu ce lieu inaccessible. On dit qu’il est fermé jusqu’au ciel par un mur de feu et qu’un ange du Seigneur en interdit l’accès aux hommes et aux esprits du mal. Nous connaissons par les divines écritures, jusqu’à un certain point, deux arbres du paradis, le premier est celui dont il est dit qu’il est l’arbre de la science du bien et du mal, celui dont les premiers parents mangèrent le fruit défendu pour le malheur de leur descendance. L’autre porte le nom d’arbre de vie, il donne l’éternité à qui mange de son fruit11.

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LXXXVIII. De feris : leone, lanzani, canibus silvestribus, pantheris, elephantis, rhinocerotibus et monocerotibus, lynce, tigri, castore, ursis, camelis et aliis monstris. In terra Promissionis et in aliis partibus orientis quedam sunt animalia que in aliis partibus mundi non habentur. Sunt ibi leones in pectore et pedibus anterioribus et in cauda virtutem magnam habentes, quorum fetus usque ad tertium diem, in quo ad rugitum parentum quasi de morte excitantur, aliquo sensu non utuntur. Dormit autem leo apertis oculis et cauda sua delet vestigia pedum suorum ne a venatoribus percipiantur. Hominibus nisi provocatus ad iram non nocet, parcit supplicibus, invadentes ipsum invadit ; magistrum suum metuit quando catulus ante ipsum verberatur. Est ibi sevissimum quoddam animal, quod lanzani nuncupatur, a cuius crudelitate nulla bestia potest esse tuta, nam ut dicunt ipsum leonem terret. Sunt ibi papiones quos canes silvestres appellant, lupis acriores, continuis clamoribus de nocte ululantes. Leena | primo partu quinque fetus emittit, deinde per singulos partus numerum minuens postquam ad unum pervenit sterilis efficitur. Sunt ibi pulcherima animalia que panthere nominantur, ex albo et nigro minutis orbiculis superpicte, quarum odore cetera animalia mirabiliter affecta eas sequuntur. Postquam enim diversis

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lxxxviii, 1/3 feris ... monstris] variis mirabilibus animalibus A B C D G H J K bo, feris et animalibus E   15 terret] sunt et leopardi sic dicti quasi leonibus similes in capite et in disposionibus membrorum licet non sint tam magni nec tam robusti adeo etiam mansueti fiunt ab hominibus quod eis sicut canibus utuntur ad venandum non enim currendo predam capiunt sed saltus faciendo et in tertio saltu predam non capiunt eam prorsus dimittunt sibi indignando add. J G H bo   18 efficitur] sunt etiam uncie sevessima animalia qui non sunt canibus altiora longiora tamen habentia corpora, canibus valde inimica predam non comedunt nisi in altum eam portent quando inveniunt arborem ad supremum ramum deferunt et pendendo eam comedunt ex nigris et albis maculis respersum corpus habent quando sunt in calore coitus et aliquem vulneraverint mures ad ipsum vulneratum conveniunt et mingunt super eum si possunt et statim moritur unde audivi ab illo qui vidit quod quidam vulneratus fecit in archa deportari se ad mare et mures veniebant ad mare ut venirent ad eum sed non potuerunt pervenire fel horum venenum mortiferum est add. H G bo   

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LXXXVIII. Les bêtes sauvages, le lion, le lanzani, les chiens sauvages, les panthères, les éléphants, les rhinocéros et monocéros, le lynx, le tigre, le castor, les ours, les chameaux et autres monstres. Dans la Terre de la promesse et les autres contrées d’Orient, on rencontre des animaux comme nulle part ailleurs1. Il y a les lions qui ont une grande force dans la poitrine, dans la queue et les pattes antérieures. Leurs petits restent comme sans vie pendant trois jours et se trouvent pratiquement ressuscités par le rugissement de leurs parents. Le lion dort les yeux ouverts, il efface ses traces avec la queue pour échapper au chasseur. À l’homme, il ne fait aucun mal, sauf à qui provoque sa colère. Il épargne les suppliants, attaque qui l’attaque et craint son maître quand son lionceau est frappé devant lui. Il est une bête particulièrement féroce, appelée lanzani, et nul animal n’est à l’abri de sa férocité, car on dit qu’il fait peur même au lion2. Il y a aussi des chiens sauvages, appelés papions, plus féroces que les loups, qui remplissent la nuit de leurs hurlements sans fin3. La première portée de la lionne compte cinq petits, ensuite le nombre diminue à chaque portée jusqu’à un, enfin elle devient stérile4. On rencontre dans ces régions un très bel animal, son nom est panthère ; elle est couverte de petites taches, rondes, noires et blanches, et son odeur attire les autres animaux comme par enchantement. Après différentes

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venationibus paste et satiate fuerint, tribus diebus et noctibus continue dormiunt in speluncis suis. Evigilantes autem et rugitum proferentes, tante suavitatis odorem de gutture suo emittunt qui cuncta pretiosa aromata vincit, quod omnes bestias, exceptis serpentibus qui bono odore necantur, dulcedine spiraminis ad se trahunt. He autem non nisi semel pariunt, nam fetus earum post­ quam partui propinqui sunt, non expectantes debiti temporis horam, matricem unguibus lacerantes, ipsam semini retinendo prorsus reddunt inutilem. Sunt ibi preterea elephantes robusti viribus et corpore magni velut montes ; sunt bellicosi et audaces et maxime quando eis sanguis ostenditur ad prelium amplius animantur ; cum quibus Perse et Indi pugnare solent, turres ligneas cum hominibus armatis super eorum dorsa ponentes. Habent autem rostra maxima prominentia quasi ampla intestina, que appellant proboscides, cum quibus homines capiunt, devorant et transglutiunt. Magnus autem Alexander pugnaturus adversus Indos ereas statuas prunis ardentibus adimpleri precepit ; putantes autem elephantes statuas illas | esse homines, protendentes labra comburebantur et statim tam homines quam hominum erea simulacra fugere ceperunt, neminem audentes contingere. Alia vice grunnitu et stridore porcorum cum sonitu buccinarum multos superavit elephantes, eo quod talibus stridoribus assueti non erant. Incedunt autem gregatim sese invicem diligentes et concorditer ambulantes, motibus quibus possunt sibi applaudunt, alter alterum quasi salutando et se invicem coadiuvantes. Frigide nature sunt ; unde et ebur quod de ossibus eorum fit frigidum est et candidum. Nam si ebur panno supponatur igne superposito pannus non comburitur, sed naturali eboris frigiditate, ut dicunt, extinguitur ignis. Tantum semel gignunt fetus suos, in utero gestant annis duobus, vivunt autem annis trecentis, mures timent et fugiunt, dracones autem maxime formidant, nam ab ipsis implicati et innodati prosternuntur et necantur. Unde in insulis postquam pepererint fetus suos repo-

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22 venationibus] venatoribus B D ill. E   36 promoscides B D E K   

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c­ hasses, en effet, repue et rassasiée, elle dort trois jours et trois nuits dans sa tanière. Mais, s’étant éveillée, elle pousse un rugissement, exhalant un parfum si suave qu’il surpasse tous les précieux aromates, que tous les animaux sont attirés par la douceur de cette haleine, sauf le serpent que ce parfum tue. La panthère ne met bas qu’une seule fois, car à l’approche du terme les petits n’attendent pas que vienne le moment, ils déchirent le ventre de leur mère à coups de griffes et le rendent inapte désormais à recueillir la semence5. On rencontre là des éléphants forts et robustes, grands comme des montagnes ; ils sont belliqueux et pleins de fougue, et c’est surtout la vue du sang qui excite leur ardeur dans les batailles. Perses et Indiens ont coutume de s’en servir en mettant sur leur dos des tours en bois chargées de guerriers. Ces bêtes ont un très long mufle proéminent, sorte de grand boyau, appelé trompe, avec lequel ils prennent des soldats, les dévorent et les avalent. Pour combattre les Indiens, Alexandre le Grand donna ordre de remplir des simulacres en bronze avec des charbons ardents. Les éléphants, prenant ces leurres pour des hommes, voulant s’en saisir, se brûlèrent le museau. Alors, ils se mirent à fuir guerriers et simulacres sans plus oser approcher. Une autre fois, c’est par le grognement et les cris des porcs, associés à la sonnerie des trompettes, qu’Alexandre vint à bout d’une quantité d’éléphants non accoutumés à tel vacarme. Les éléphants vont en troupe, ils ont entre eux des rapports affectueux et cheminent en bonne intelligence ; ils se meuvent tant bien que mal, se heurtant en manière de mutuel salut et se viennent en aide6. Ils sont d’un tempérament froid, ce qui fait que l’ivoire de leur os est froid et blanc. En effet, si l’on place une étoffe sur de l’ivoire et qu’on y met le feu, elle ne brûle pas ; le feu s’éteint, dit-on, en raison de la froideur naturelle de l’ivoire. Les femelles mettent bas une fois seulement, elles ­portent leur petit deux ans, mais les éléphants en vivent trente ; ils ont peur des souris et les fuient. Par-dessus tout, ils redoutent

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nunt propter dracones. Pariunt autem in aquis, nam si fetus in terra caderet surgere non valeret ; habent enim ossa solida sine iuncturis, unde crura et tibias flectere nequeunt. Quando autem quiescere volunt arboribus inclinantur et incumbunt. Venatores autem arbores secant et quibusdam obicibus ne penitus corruant fulcientes, in insidiis latent, donec revertens elephas cum arbore cui innititur cadat et resurgere non valeat. Ad barritum autem | et gemitum illius plerumque concurrunt alii elephantes, cumque se incurvare et socium suum erigere nequeunt, gemunt pariter et barriunt et quasi compatientes, cum lugente lugent. Parvuli autem elephantes prout valent sese supponentes, ipsum aliquando sublevantes erigunt, et ita de manu venatorum liberatur. Per fumum autem qui fit ex inguine et pilis elephantis quelibet animalia venenata fugantur. Sunt ibi unicornes quos Greci ‘rhinocerotes’ appellant, habentes in media fronte cornu robustissimum longitudine quatuor pedum. Hoc cornu quodcunque animal ventilant, perforant etiam ipsum elephantem et, in vertice percutiendo, deiiciunt et occidunt. Quando autem a venatoribus capiuntur ex sola indignatione animal superbum moritur. Nulla tamen venantium fortitudine capi possunt ; sed virgo pulchra et ornata ante eorum oculos proponitur que aperit eis sinum suum, et statim omni deposita feritate in puelle gremio suscipiuntur, et ibidem quiescentes soporati capiuntur. Monoceros autem alia est bestia quasi monstrum quoddam atrocissimum mugitu horrido, caput habens quasi cervi, corpus velut equi, caudam ad modum porci, pedes autem elephantinos, uno cornu acutissimo in medio frontis armatur ; captum potest perimi sed nequaquam domari. Sunt ibi lynces que ita perspicaces habent oculos, quod solida corpora subtilitate visus penetrare dicuntur. Qui autem huius animalis naturam plenius cognoverunt, | eius urinam in lapidis pretiosi naturam qui lyncurius appel-

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lxxxviii, 64 cfr. Rom. 12, 15 57 nequeunt] non valent B D   72 vertice] ventre B D K bo   

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les dragons qui les enlacent et les entortillent jusqu’à les faires tomber et les tuer. Aussi, après avoir eu leur petit, ils l’installent sur une île à cause des dragons. Ils mettent bas dans l’eau, car si l’éléphanteau venait à tomber à terre, il ne pourrait se relever ; en effet, leur ossature est lourde et sans jointures, ils ne peuvent donc plier cuisses et pattes. Pour se reposer, ils s’appuient aux arbres jusqu’à les faire plier. Les chasseurs coupent des arbres, les étayent avec des bâtons pour qu’ils ne s’affaissent pas complètement, se cachent en embuscade jusqu’à ce que l’éléphant revienne, tombe avec l’arbre auquel il s’appuie et ne puisse se relever. La plupart du temps, les autres éléphants accourent en entendant son barrissement et sa plainte ; comme ils ne peuvent se baisser pour relever leur congénère, ils se mettent à gémir et barrir de concert comme s’ils compatissaient. Ils pleurent avec celui qui pleure. S’ils ­peuvent, les éléphanteaux se glissent sous l’éléphant tombé ; il leur arrive parfois de le relever en se soulevant, le sauver ainsi des chasseurs7. La peau et les poils de l’éléphant répandent un fumet qui chasse les animaux vénéneux. On a encore les licornes que les Grecs appellent rhinocéros. Au milieu du front, elles ont une très forte corne, longue de quatre pieds. Elles attaquent n’importe quel animal avec cette corne, transpercent l’éléphant lui-même, le frappent à la tête, le font tomber et le tuent8. Pris par les chasseurs, cet animal orgueilleux meurt de son seul déshonneur. Pourtant, ce ne sont pas la force et la chasse qui peuvent en venir à bout, mais le fait de lui présenter une vierge belle et parée qui lui découvre sa poitrine, ce qui lui fait perdre bientôt sa nature farouche ; elle se repose contre le sein de la jeune fille, et c’est durant son sommeil, qu’elle est capturée9. Le monocéros est une bête d’une autre sorte, monstre d’une particulière férocité et dont le cri est terrifiant. Sa tête ressemble à celle du cerf, son corps à celui du cheval, sa queue à celle du porc, ses pattes à celles de l’éléphant. Il est armé d’une seule corne très aiguë, au milieu du front. Une fois pris, il est possible de le tuer, en aucune manière de l’apprivoiser. Il y a encore le lynx à la vue très perçante, au point, dit-on, que l’acuité de son regard pénètre les corps denses. Ceux qui connaissent bien la nature de cet animal avancent que son urine se transforme en pierre précieuse naturelle,

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latur converti dicunt. Unde invidia quadam naturali liquorem emissum arenis, in quantum possunt, abscondunt ne in usus humanos talis urine egestio convertatur. Sunt ibi tygres, quibus Hyrcanorum regio maxime abundat, fulvis colorum maculis in superficie nitentes, veloces supra modum ut volare videantur quando cursu agitantur. Sunt autem ferocissime et incomparabili rabie sevientes, precipue quando raptis catulis insequuntur venatores qui vix evadere possent nisi clipeos vitreos in ipso itinere proiicerent, in quibus quasi in speculis tigres figuram suam intuentes et fetus suos reperisse putantes sistunt, amplexantes et deosculantes ipsum vitrum et tandem pedibus confringentes, nihil reperiunt et interim venatores fugiendo evadunt. Castor autem animal est talis nature, ut dicitur, quod cum ipsum venatores sequuntur, seipsum dentibus suis castrando, genitalia proiicit. Sunt enim medicaminibus apta et propter hec se a veneratoribus estimat infestari et eis proiectis liberari. Et quoniam non potest diu subsistere, nisi caudam in aquis teneat, edificat domum suam super aquas faciens in ea mansiones diversas, ut cum aquis crescentibus in superioribus ascendat et cum decrescentibus ad inferiorem mansionem descendat. Sunt ibi preterea ursi maximi quorum virtus maxima in brachiis est et in lumbis. Caput autem habent invalidum et | debile. Et quia ursa ante fetus perfectionem immaturam prolem parere festinat, carnem quam ex se producit lambit et, fetum formando, producit in membra. Sunt eque in Cappadocia que a vento concipiunt, sed fetus earum non nisi trienno vivere possunt. Sunt autem equi qui nullum sessorem preter proprios dominos admittere volunt, quibus mortuis dolent supra modum et lacrymantur et manducare renuentes fame, et inedia moriuntur. Camelus animal est oneriferum, deforme valde, adeo quod equis et quibusdam animalibus timorem incutiat. Habet autem strumam in dorso, collum longum et crura prolixa, horribiliter stridet, hordeum cito transglutiens reservat ut rursus ruminando

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le lyncurius. D’un naturel jaloux, il en vient ainsi à dissimuler dans le sable la plus grande quantité d’urine pour priver l’homme du profit d’un tel produit10. Il y a les tigres, c’est en Hyrcanie qu’il y en a le plus11 ; les taches fauves dont ils sont couverts leur donnent une couleur éclatante, ils sont plus rapides que tout et, quand ils courent, à croire qu’ils volent. Ils sont d’une particulière férocité, d’une cruauté et d’une rage sans pareille, surtout après la capture de leurs petits, quand ils poursuivent les chasseurs qui ne peuvent s’échapper qu’avec peine en jetant sur le chemin de petits boucliers de verre. Les tigres y contemplent leur propre image comme en des miroirs, s’arrêtent, croyant avoir retrouvé leurs petits, en­lacent le morceau de verre, l’embrassent puis, le cassent d’un coup de patte, en vain ; entre-temps les chasseurs ont disparu dans la fuite12. Le castor est, dit-on, un animal singulier, car, traqué par le chasseur, il s’émascule avec les dents et jette ses parties géni­tales. Elles servent en effet à la fabrication de cosmétiques ; le castor pense qu’on le chasse pour ça, et qu’en les jetant aux ­chasseurs, il leur échappera. Il ne peut vivre longtemps s’il n’a la queue dans l’eau, ainsi construit-il sa maison sur l’eau où il se fabrique plusieurs demeures ; quand l’eau monte, il se tient en haut, quand elle descend, il se réfugie en bas13. Il est des ours énormes, d’une force considérable dans les bras et les reins, mais dont la tête est fragile et faible. L’ourse s’empresse de mettre bas avant le terme un fœtus informe ; alors, elle lèche la chair de sa chair et façonne ainsi le corps de son petit. En Cappadoce, le vent féconde les juments, mais leurs poulains ne vivent pas après trois ans14. Il est des chevaux qui ne supportent d’autre cavalier que leur maître, dont la mort les afflige plus que tout, leur arrache des larmes, leur font refuser la nourriture jusqu’à mourir de faim et de privation. Le chameau est une bête qui porte de lourdes charges, très laide, au point d’effrayer chevaux et autres animaux. Il a une bosse sur le dos, un long cou, de longues pattes, son cri est effrayant, il engloutit l’orge à toute allure, la gardant en réserve pour la rumi-

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tota nocte manducet. Est autem animal pigrum et lento gradu incedens. Quidam tamen sunt cameli, quos cursarios appelant seu dromedarios, qui plures dietas uno die perficiunt et velociter currunt. Est ibi preterea quoddam animal monstruosum manticora habens hominis faciem, corpus leonis, caudam scorpionis, triplicem in dentibus ordinem habens, colore rubea, oculis glauca, habens sibilum quasi serpentis, ita sonorum quod modulos imitatur fistularum, carnes humanas ad edendum avidissime affectans, ita velox cursu sicut avis volatu. Est ibi alia bestia cencrocota que velocitate precedit bestias universas, habens corpus asini, clunes cervi, pectus et crura leonis, vastum oris hiatum usque ad aures, loco autem | dentium os habet solidum, vocem autem hominis imitatur. Est ibi alia bestia, que dicitur eale, cuius corpus equi, maxilla apri, cauda elephantis, nigro colore horrens, in aqua et in terra equaliter potens, habens cornua maxima quorum uno pugnans, aliud post terga reflectit, quo obtuso, reliquum ad pugnam dirigit. Hyena bestia est sevissima et dolosa valde, carnibus humanis vescitur, ex sepulchris mortuorum effodiendo extrahit cadavera ; pabula pastorum insequitur ut auditu assiduo voces humanas imitari possit, quibus vocibus homines nocte accitos devorat et perimit. Vomitus quoque humanos et singultus simulans, canes concurrentes dilaniat qui, postquam eius umbram attigerint, latratum prorsus amittunt. Dicitur autem quod, quod­ cunque animal lustraverit, movere se non possit. In oculis eius lapis pretiosus reperitur, qui hyena vocatur. Onocentaurus autem animal est, ut dicitur, monstruosum, natura biforme, habens caput velut asini, corpus autem quasi hominis. Parandri vero species multiformis dicitur esse : est enim boum magnitudine, ramosis cornibus, cervino capite, ursino colore et pilis villosis et condensis. Hunc affirmant habitum et colorem metu variare, ita quod cum in aliquo delitescit loco sive saxo albo sive frutetis virentibus ad eorum similitudinem permutatur. Crocodilus animal est quadrupes quod in terra nascitur, in fluminibus tamen sicut in terra inhabitat, nec minorem habet |

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ner durant la nuit. Il est nonchalant et avance lentement. Il existe cependant un genre de chameau, nommé coursier ou dromadaire, qui court vite et fait en un jour un trajet pour lequel il en aurait fallu plusieurs. Ensuite, il y a encore un monstre, la manticore, à visage humain, au corps de lion, à la queue de scorpion, à la triple rangée de dents, de couleur rouge et aux yeux pers ; elle siffle comme un serpent, contrefaisant les modulations de la flûte ; elle recherche avec avidité des chairs humaines à dévorer, sa course est rapide comme un vol d’oiseau. Il y a une autre bête, le cencrocota, qui l’emporte sur les autres par la vélocité ; elle a le corps de l’âne, le dos du cerf, la poitrine et les pattes du lion, une bouche qui s’ouvre jusqu’aux oreilles, sa mâchoire est un os d’une seule pièce. Elle imite la voix humaine. Une autre bête, appelée eale, a un corps de cheval, une mâchoire de sanglier, une queue d’éléphant, elle est d’une couleur noire à faire peur ; elle vit indifféremment sur l’eau et la terre ferme, armée de très longues cornes, elle combat avec la première et porte l’autre sur le dos, en réserve ; quand la première s’émousse elle se sert de l’autre. L’hyène est un animal très féroce et fourbe, qui se nourrit de viande humaine ; elle déterre les cadavres en fouillant les tombes. Elle suit troupeaux et bergers pour s’habituer l’oreille à la voix humaine, pouvoir la contrefaire. De nuit, elle tue et dévore les hommes qu’elle attire par ses appels15. Elle en simule encore les vomissements et les hoquets ; elle met en pièce les chiens qui l’attaquent, et à peine son ombre les a-t-elle effleurés, qu’ils cessent complètement d’aboyer. Si elle tourne autour d’un animal quelconque, dit-on, il s’en trouve paralysé. On trouve dans son œil une pierre précieuse appelée hyena. L’onocentaure, dit-on, est une bête monstrueuse, à la nature ­double, avec une tête d’âne et un corps d’homme ou presque. Le parandre est une espèce multiforme, à ce qu’on raconte ; en effet, il a la grande taille du bœuf, la tête du cerf, des cornes branchues, la couleur et la densité de son poil sont celles de la toison de l’ours. D’aucun affirme que la peur le fait changer d’apparence et de couleur, en sorte que, dissimulé sous une pierre blanche ou des buissons verts, il en prend la couleur16. Le crocodile est un quadrupède qui naît sur la terre ferme. Il vit dans l’eau des fleuves comme sur terre, mais n’est pas moins

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potentiam in aqua quam in terris. Per diem autem humi frequentius acquiescit, nocte vero in aquis ; habet autem ova velut anserum que in terra profert. In fluvio autem Nili plusquam alibi inveniuntur crocodili. Reponunt autem ova sua ubi fluvius exuberans non possit attingere. In flumine autem Cesaree Palestine similiter habitant ; devorant autem tam homines quam animalia, plerumque ad viginti cubitos longitudinis excrescunt, linguis carent, maxillas superiores movent, morsus habent horribiles et tenaces, unguium immanitate armati sunt, maxima pellis firmitate quasi clipeo muniuntur. Horum carnem Saraceni manducant. Hippo­ potamus similiter in terra nascitur, in aquis sicut in terra similiter potens est et inhabitat. Est autem plerumque maior elephantibus, habens rostrum resupinum, ungulas bifidas, caudam tortuosam, dentes prurigineos, dorso et hinnitu similis equo. Noctibus autem segetes depascit ad quas pergit quasi retrogradiens ut fallente vestigio revertenti nulle insidie preparentur. In partibus autem Indie precipue reperiuntur. Est autem in Babylonia quedam alia bestia, quam chimeram appellant, alta in anteriori parte, submissa autem in posteriori. Hanc autem in magnis solemnitatibus pallio operientes pretioso, domino suo ut ipsi honorifice et magnifice serviant presentant Saraceni. Sunt preterea quidam fulvi tauri in partibus orientis, condensis et asperis setis horridi, grandi capite, oris | rictu ab aure usque ad aurem patente, omnia spicula duro et impenetrabili tergo repellunt, cornua autem ad pugnam vicissim deponunt vel producunt. Ibi etiam boves sunt tricornes, pedes equinos habentes. Myrmicoleon autem seu formicoleon, quod idem est, modicum est animal, aliis animalibus est velut formica, formice autem est quasi leo. Absconditur enim in pulvere insidiando formice frumentum portanti, quam ex improviso perimit et frumentum consumit. ‘Leontophonos’ grece dicitur quoddam animal parvum quod capiunt venatores et exurunt, cuius cineres super carnes conspergunt, ex quibus carnibus leones comedentes illico moriuntur. Unde leones huiusmodi bestiam naturali quodam odio perse-

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fort dans l’un ou l’autre cas. De jour il se tient sur la terre, la nuit dans l’eau. Il pond sur le sol des œufs qui ont la taille de ceux des oies. On trouve des crocodiles dans le Nil plus qu’ailleurs17. Ils laissent leur couvée dans un endroit inondé par le fleuve pour qu’on ne puisse les atteindre. Il y en a aussi dans la rivière de Césarée de Palestine. Ils dévorent hommes et animaux. La plupart atteignent jusqu’à vingt coudées de long, ils n’ont pas de langue, ils ouvrent seulement la mâchoire supérieure, leur morsure est terrible et ils ne lâchent pas leur prise. Ils sont armés d’énormes griffes, couverts d’une peau impénétrable, tel un bouclier. Les Sarrasins en consomment la viande. Pareil, l’hippopotame vient au monde sur la terre ferme. Il vit sur terre comme sur l’eau où il est aussi fort. Il est parfois plus grand que l’éléphant, il a le mufle recourbé, le sabot fendu, la queue tortillée, des défenses proéminentes, la croupe et le cri du cheval. La nuit, il va se nourrir dans les récoltes comme à reculons, laissant une empreinte trompeuse pour prévenir les pièges qui pourraient lui être tendus au retour. On en trouve dans les contrées de l’Inde surtout. En Babylonie vit une autre bête, ainsi nommée la chimère, elle est plus haute à l’avant qu’à l’arrière. Après l’avoir couverte d’un manteau précieux, les Sarrasins la présentent en grandes pompes à leur maître pour l’honorer et le glorifier18. On trouve en Orient une espèce de taureau roux, trapu et mal dégrossi, d’aspect effrayant, avec une grosse tête, la gueule fendue jusqu’aux oreilles, le dos épais, impénétrable à toutes sortes de traits. Au combat, sans cesse, il baisse et relève les cornes. Il existe des bœufs tri­ cornes, aux sabots de cheval. Le myrmicoléon, ou ce qui revient au même le fourmillon, est un petit animal. Il est fourmi pour les autres animaux, mais lion pour les fourmis. En effet, il se cache dans le sable pour guetter la fourmi et sa charge de blé, la tue par surprise et mange le blé19. Léontophone est le nom grec d’un petit animal. Les chasseurs le capturent, le brûlent et couvrent de ses cendres les morceaux de viande que mangent les lions, ce qui les fait mourir. De ce fait, le lion lui voue une haine naturelle ; l’ayant

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quuntur, quam captam unguibus statim dilaniant, ex ea vero gustare non audent. Sunt ibi porci magne et mire magnitudinis, habentes dentes cubiti unius ; quedam etiam alie bestie nigre et horribiles, capitibus similes equis, elephantibus fortiores, tria cornua in frontibus habentes ; mures etiam vulpibus maiores morsu animantia perimentes, homines autem licet mordeant parum tamen eos morsibus molestant ; alie etiam bestie, ariete maiores, facie hircina, collo velut aselli crinito, ungulis bifidis et cauda vitulina. Sunt insuper alie quedam bestie similes hippopotamis, pectore velut crocodilus, setas quasi porci in dorsis habentes, dentibus ad bellum fortissimis, tarde in incessu sicut testudo, que non lanceis vel sagittis | penetrari possunt, sed malleis ferreis ab his qui contra ipsas preliantur conteruntur. Sunt alie bestie pedes bifidos velut porcus habentes, cum ungulis trium pedum magnitudine, caput porcinum, caudam vero habentes leoninam. Quedam autem fere in eisdem partibus, ossa quasi ferrata acuta valde velut gladium habent in capite cum quibus milites armatos cum clipeis transfodientes interficiunt. Sunt preterea cynocephali, cervicem equinam cum immensis corporibus habentes, flammis qua ex ore aspirant homines perimentes.

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LXXXIX. De serpentibus, dracone, basilisco. In predictis autem partibus orientis maxima et varia procreatur serpentium multitudo. Sunt autem serpentes natura frigidi, unde parum vel nihil nocent nisi postquam incaluerint. Nocte autem minus ledunt quam die, eo quod nocturno rore frigescunt. 5 Hyemali autem frigore in nodos torquentur, estate autem resol­ vun­tur. Qui autem veneno inficitur, primitus obrigescit ; postquam vero calefactum fuerit venenum, hominem ariditate interficit. Dicunt autem quod nocere non possit nisi hominis sanguinem contigerit. Hominem autem nudum fugit, ut dicitur, nec ipsum 10

192 animantia] animalia B D E   193 arietibus B   203 gladius B D E K lxxxix, 1 dracone basilisco] om. codd. bo   6 nodis D K   

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pris, il le lacère à coups de griffes, mais se garde d’y goûter20. Il existe des porcs d’une taille si grande, merveilleuse, avec des défenses d’une coudée. Voilà même des bêtes noires, d’aspect effrayant, avec une tête de cheval, plus fortes qu’un éléphant, avec trois cornes sur le front. Et encore, voilà des rats plus gros que des renards qui tuent les animaux par leurs morsures, ils s’attaquent même aux hommes, peu cependant en sont incommodés. Telles autres bêtes encore sont plus grandes que le bélier, avec une face de bouc, une crinière d’âne, des sabots fendus, une queue de veau. Telles autres ressemblent à l’hippopotame avec un ventre de crocodile, le dos couvert de soies comme le porc, armées d’une très puissante dentition. Elles se déplacent avec une lenteur de tortue, elles sont impénétrables aux lances et aux flèches, pulvérisent ceux qui l’attaquent à coups de maillets de fer. Telles autres ont le sabot fendu du porc, des griffes de trois pieds de long, une tête de porc, mais une queue de lion. Il y a, dans ces mêmes contrées, des bêtes sauvages à la tête armée d’os aussi acérés que des épées avec lesquels ils transpercent et tuent des chevaliers munis de boucliers. Enfin, on a les cynocéphales à la nuque de cheval, au corps immense, ils soufflent par la gueule un feu mortel à l’homme21. LXXXIX. Les serpents, le dragon, le basilic. Ces contrées d’Orient donnent naissance à une très grande variété de serpents1. Le serpent est de tempérament froid, ainsi est-il peu ou pas nuisible du tout, sinon après s’être réchauffé. La nuit il est moins nuisible que le jour, car il se refroidit sous l’effet de la rosée nocturne. En raison du froid, l’hiver venu, il s’enroule dans son nid, mais l’été le réveille. L’homme touché par le venin se raidit tout d’abord, puis, une fois le venin réchauffé, la violence du poison le tue. On dit que le venin ne peut être mortel pour l’homme, sauf à atteindre le sang. Le serpent fuit l’homme nu,

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audet molestare ; caput autem abscondens totum corpus obiicit ferienti, nam si caput eius evaserit, nihilominus vivit amisso corpore. Ingressurus autem | aquas venena deponit, postquam autem ab aquis exierit eadem resumit ; quod si forte casu quolibet amissa non invenit, terre frequenter caput allidens, moritur pre dolore. Vivit autem serpens longo tempore ; nam postquam senuerit, ieiunando carnes proprias consumit, donec cute pre macie laxata per foramen petre transit, ubi pellem veterem deponendo iuventutem recuperans renovatur. Odorem autem bonum fugit, quo plerumque necatus moritur. De medullis autem hominum quandoque serpens procreatur. Inter omnes serpentes et supra omnia terre animantia maximus est draco qui, abstractus a spelunca sua, quandoque super aerem fertur ipsum concitando et vehementer impellendo. Est autem cristatus, ore parvo et strictis arteriarum fistulis, quibus spiritum attrahit et linguam exerit, dentibus autem non nocet. Cauda autem, si quem ligaverit, occidit ; a quo nec elephas tutus est corporis sui magnitudine. Auram autem spirando inficiens flatu pestifero mortem ingerit, pedibus autem carens pectore et ventre serpit. De cerebro autem eius lapis pretiosus dracontias exciditur. Sicut leo rex animalium, ita basiliscus rex dicitur esse serpentium. Unde idem est ‘basiliscus’ grece, quod regulus latine. Timent eum et fugiunt omnes serpentes, eo quod solo afflatu necat illos, homines autem visu venenato interficit. Ab eius etiam aspectu nulla avis illesa pertransit. Est autem longitudine semipedalis, albis maculis lineatus, terram per quam | transit polluit et exurit, extinguit herbas, arbores inficit et corrumpit. Quidquid morsu eius occiditur, nec fera, nec alite depascitur. Edes autem in quibus aliqua corporis eius particula reservatur, nec serpentes ingrediuntur, nec aves fedant, nec intexunt aranee. A mustelis tamen basiliscus vincitur, quas homines cavernis eius inferunt, quibus visis fugit serpens, ille persequuntur et occidunt. In parti­ bus autem Hierico, circa solitudines Iordanis, quidam serpens invenitur, qui tyr nominatur, ex cuius carnibus cum quibusdam

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14 quod] que B D E K   38 fera] nec aves add. B D E   

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dit-on, et n’ose lui faire de mal. Attaqué, il se cache la tête et offre son corps aux coups, car sauvant la tête, il peut vivre même sans corps. Il laisse son venin avant d’entrer dans l’eau et le reprend quand il en sort et, si d’aventure ne le retrouve pas, il se frappe la tête au sol à plusieurs reprises, et il meurt de chagrin. Il vit longtemps, car en vieillissant, il consume sa propre chair en se privant de nourriture jusqu’à devenir si maigre que sa peau se distende et qu’il puisse passer par l’anfractuosité d’une pierre. Ainsi, il se régénère en laissant son ancienne peau, et il retrouve la jeunesse. Il fuit la bonne odeur dont il meurt la plupart du temps. Il est parfois issu de la mœlle de l’homme. Parmi tous les serpents et animaux terrestres, le plus grand est le dragon ; sorti de son antre, de son propre élan il s’élève parfois dans les airs sous l’effet d’une forte poussée. Il a une crête, une gueule de petite dimension, des naseaux étroits pour la respiration, et s’il tire la langue il ne mord pas. Il tue avec la queue quand il en saisit quelqu’un, et même l’éléphant n’est pas à l’abri malgré sa haute taille. Le dragon empeste l’air de son haleine, répandant la mort de son souffle empoisonné ; privé de pieds, il rampe sur le ventre et la poitrine2. On tire de son cerveau une pierre précieuse, appelée dracontias3.Si le lion est le roi des animaux, le basilic est tenu pour le roi des serpents. Ainsi basiliscus en grec, se traduit par regulus en latin. Tous les autres serpents le craignent et le fuient car il les tue de son seul souffle, comme il fait avec les hommes de son regard empoisonné. Et tout oiseau touché de ce regard en est frappé ! Il mesure un demi-pied de long4, il est zébré de rayures blanches, il souille et brûle l’endroit où il passe, il rend la végétation stérile, il infecte et empoisonne les arbres. Tout ce qu’il mord et qu’il tue, nulle bête et nul oiseau ne peuvent en manger. La maison où l’on garde un morceau quelconque du basilic, le serpent n’y entre pas, l’oiseau ne la souille pas, l’araignée n’y tisse pas sa toile. La belette que l’on introduit dans son terrier en vient à bout ; à sa vue, le serpent prend la fuite, la belette le pourchasse et le tue. Dans la région de Jéricho, voisine des solitudes du Jourdain, on trouve le serpent appelé tyr5. Avec sa chair et d’autres produits qu’on y mélange on confectionne une

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que illis admiscentur, fit confectio quedam quasi electuarium, que dicitur tyriaca, omne venenum in corpore humano superans et extinguens. Cum autem contra omne aliud venenum valeat, contra predicti tiri venenum nihil prodest. ‘Salanmandra’ grece dicitur, ‘stellio’ latine ; nominatur etiam, ut dicunt, ‘chameleon’. Est autem quadrupes habens faciem quasi lacerte, caudam prolixam et tortuosam, ungues subtili aduncitate hamatos, corpus asperum, cutem qualis est in crocodilis. Profert autem ex cute quasi quandam lanam, de qua zone contexte comburi non possunt igni. Predictum enim animal vivit in igne et non solum non uritur, sed plerumque incendium extinguit. Est autem pigrum incessu ; victorem suum interfectum perimit, nam si vel ales modicum ex eo comederit illico moritur. Inter omnia venenata animalia maximam habet nocendi virtutem, cetera enim singulos | perimunt, hec plurimos pariter interimit. Nam si arbori irrepserit poma omnia adeo inficit veneno, quod quicunque ex eis comederint moriuntur. Si autem in puteum ceciderit vis veneni eius omnes potantes interimit. Vipera serpens est sic dicta, eo quod vi pariat ; cuius natura ea esse traditur, ut pater in conceptione moriatur, mater vero in partu necetur. Voluptate enim libidinis quasi in insaniam versa, caput maris ore receptum prescindit ; cuius cum ad partum venter intumuerit, catuli non expectantes maturam nature solutionem, corrosis eius lateribus, cum matris interitu vi erumpunt. Aspis quorundam verborum virtute incantatur ne veneno noceat. Ipsa vero quando percipit incantantes, unam aurem terre affigit, alteram cauda obturat, ut non audiat vocem venefici incantantis sapienter. Saura serpens est qui, quando senescit, oculi eius cecantur ; ipse vero ingreditur foramen parietis respicientis ad ortum solis et oculos contra solem intendit, et sic lumen recuperat. Hypnapis vero genus est aspidis, somno quos mordet interimens. Veneno enim somnum immitit, et quos mordet dormiendo perimit. Scytalis tanta prefulget tergi varietate ut notarum genera

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65 necatur B D E K   74 et ... intendit] ut oriente solis radio contra solem intendat A B C D G H J bo, in oriente radis solio ut E   

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sorte d’électuaire, la thériaque, qui annihile et résorbe n’importe quel venin qui affecte le corps humain. Ce produit vaut contre tout venin, mais ne peut rien contre celui du tyr6. Le caméléon est désigné salamandre en grec, et stellion en latin, à ce qu’on dit7 . Il a quatre pattes, presque l’allure d’un lézard, la queue très longue, en tortillon, les griffes crochues et acérées, le corps couvert d’écailles, la peau comme d’un crocodile. On recueille sur sa peau une sorte de laine dont on tisse des ceintures incombustibles. Cet animal vit dans le feu, et non seulement ne s’y brûle pas, mais parvient souvent même à l’éteindre8. Il a une démarche indolente et tue qui a réussi à le tuer, car s’il advient qu’un oiseau goûte sa viande, il en meurt bientôt. De tous les animaux venimeux il a la plus grande capacité de nuisance. Les autres tuent leurs victimes l’une après l’autre, lui, en tue plusieurs à la fois. En effet, quand il rampe dans un arbre il en gâte les fruits de son venin, et qui en mange, en meurt. S’il vient à tomber dans un puits, la force du poison tue ceux qui viennent y boire, sans exception. La vipère a reçu ce nom, car c’est par la force qu’elle se reproduit ; selon sa nature le mâle meurt en s’accouplant, la femelle en mettant bas, rapporte-t-on. Le plaisir de l’amour fait tomber la femelle dans une sorte de démence qui lui fait couper la tête du mâle prise dans sa gueule. Quand le ventre de la femelle commence à gonfler, les petits n’attendent pas le terme assigné par la nature, ils lui rongent les flancs et en sortent de force en tuant leur mère. Certains mots ont un pouvoir d’enchantement sur l’aspic pour neutraliser son venin. Quand il voit venir les enchanteurs, il colle une oreille au sol et se bouche l’autre avec la queue pour ne pas entendre la voix empoisonnée de l’enchanteur, en cela il ­montre de la sagesse. Le saura est un serpent qui, prenant de l’âge, devient aveugle. Alors il entre dans un trou de mur orienté au levant, regarde le soleil et retrouve ainsi la vue. L’hypnapis est un genre d’aspic qui tue ceux qu’il mord par le sommeil. En effet, le venin apporte le sommeil à ses victimes et leur mort survient en dormant. Le corps du scytalis brille de mille éclats dont le chatoiement

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videntes retardet. Est autem tanti fervoris ut hyeme pellem deponat. Huius morsu siquis tangitur velut ardore igneo consumitur. Amphisbena serpens est duo habens capita, unum in loco suo, alterum in cauda, utroque autem capite currit. Seps exiguus | serpens est qui simul carnem et ossa veneno consumit. Serpentes dicti tarante modice sunt quantitatis. Illi autem quos pungunt vehementer angustantur, et nisi theriaca eis subveniatur, quandoque anxietate moriuntur. Cerastes serpens est habens in capite cornua, abscondit totum corpus in pulvere, cornua sola volucribus ostendens. Postquam autem super eam aves insederint eas interimit. Hemorrhois serpens est morsu sanguinem eliciens et, dissolutis venarum meatibus, totum cruorem extrahens mortem ingerit. Contra tria genera serpentum qui filios Israel in deserto perimebant erectus est serpens ereus in palo. Hi fuisse dicuntur : dipsades, situle, scorpiones. Dipsas adeo subtilis est, quod quasi invisibiliter percutiens, cum calcatur non videtur. Inducens autem timorem et inflationem homines perimit. Situla quos inficit siti perimit. Scorpio blandum et quasi virgineum dicitur habere vultum, sed aculeum habet in cauda venenosa. Sunt in India serpentes tam vasti, ut cervos devorare dicantur et ipsum oceanum transnatare. | Sunt alii serpentes piper album comedentes, lapides pretiosos in capitibus habentes ; singulis autem annis inter se preliantes, sese mutuo ex magna parte interficiunt. Habent autem quidam serpentes cornua velut arietes, quibus homines ventilando percutiunt.

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lxxxix, 91 cfr Num. 21, 6-9 84 angustiantur B D E K   91 eneus mo   94 tumorem B D E K   94 situla ... perimit] om. B E K

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paralyse celui qui le regarde. Il est d’un tempérament chaud et tant, qu’en hiver il perd sa peau. S’il vient à toucher quelqu’un en le mordant, sa victime se consume comme à la brûlure du feu. L’amphisbène est un serpent à deux têtes, l’une à la place normale, l’autre à la queue, et il court de l’une à l’autre. Le seps est petit mais son poison embrase la chair et les os. Les serpents appelés tarentes sont de petite taille. Qui est piqué en est vivement tourmenté, ce dont il meurt parfois dans l’angoisse, et rien ne peut le sauver sinon la thériaque. Le céraste a des cornes sur la tête, il se dissimule dans le sable, montrant seulement ses cornes aux oiseaux, quand ils s’y posent, il les tue. La morsure de l’haemorrhoïs pro­ voque un saignement, elle donne la mort en faisant éclater les veines de sa victime qui perd alors tout son sang. C’est pour se prémunir des trois serpents qui décimaient les enfants d’Israël que fut élevé le serpent d’airain sur une perche. Les serpents en question étaient à ce qu’on dit les dipsades, les situles et les scorpions. La dipsade est si agile qu’elle frappe sans être vu, on lui marche dessus par inadvertance. Sa piqûre est mortelle à l’homme, par la peur qu’elle donne et l’enflure qu’elle provoque. La morsure du situle fait mourir de soif. Le scorpion offre un visage séduisant et même, dit-on, semblable à un visage de jeune fille, mais le dard de sa queue est empoisonné. En Inde vivent des serpents si ­énormes qu’ils ont la réputation de dévorer les cerfs et traverser l’océan à la nage. Il y a des serpents mangeurs de poivre blanc avec des pierres précieuses dans le crâne. Ils se livrent combat tous les ans au point presque de s’anéantir. Certains, comme le bélier, ont des cornes avec lesquelles ils s’évertuent à frapper l’homme.

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XC. De avibus quibusdam et piscibus raris. Sunt preterea in partibus orientis aves mirabiles que nusquam alibi reperiuntur. Est ibi phenix, avis singularis et pulcherima, magna corpore, plumis autem unguibus et oculis decora. Dicitur autem quod in capite cristam habeat velut pavo. Collum eius aureo colore refulget, roseas habet pennas, in posterioribus purpureas, caudam habet cerulei coloris, vivit autem multis annis. Dum autem se viderit senuisse, petit locum preeminentem valde et amenum in cuius medio fons est magnus, ubertate profluus et serenitate preclarus, in cuius margine arbor est nobilis et sublimis valde. In huius vertice de variis aromaticis speciebus nidum seu sepulchrum sibi construit. Ex calore autem solis plausu alarum seipsam accendens, de cineribus suis innovata resurgit. Psittacus avis est Indie colore viridi, torque aureo, grandi lingua, unde articulata profert verba, ita ut si eam non videas hominem loqui putes. Homines autem salutat, dicens : “ Ave ! ” vel “ Chere ! ” Primo et secundo anno citius discit et tenacius verba retinet, paulo senior indocilis est et cito obliviscitur. Nobiliores quinos habent in pedibus digitos, ceteri autem tantum ternos. Ibis avis est Niliaca ; semetipsam purgat rostro aquam in posteriora fundens. Ore autem parit pullos, | serpentum populatur ova, gratissimam nidis suis ex his escam deportans. Pellicanus dicitur pellem canam habens. Hec avis fertur occidere pullos suos eosque per triduum lugens, seipsam rostro proprio vulnerat et sic pullos occisos proprii sanguinis aspersione vivificat. Diomedie latine dicuntur aves quas Greci ‘herodios’ appellant. Si Grecus ad eas accesserit, ipsis, ut dicunt, blandiuntur, alias autem nationes morsibus impugnant. Sunt autem magnitudine cygnorum, colore niveo, duris et ingentibus rostris, quando autem lachrymosis vocibus dolent vel sui mutationem vel regis interitum prenunciando significant. Gryphes aves sunt ferocissime ultra omnem rabiem sevientes ; sunt autem

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xc, 1 quibusdam…raris] om. A B C D G H K bo   1 quibusdam ... raris] om. E   5 habent mo   16 chere] ***** mo   

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XC. Variété d’oiseaux et poissons rares. On trouve, en outre, en Orient des oiseaux merveilleux qu’on ne rencontre nulle part ailleurs. Le phénix est un très bel oiseau, singulier, de grande taille, d’une beauté remarquable par son plumage, ses serres et son regard. Il a comme le paon, dit-on, une crête sur la tête. Son cou a l’éclat de l’or, ses plumes sont d’une teinte rose, pourpre à l’arrière, sa queue est bleue d’azur. Il vit de longues années. Tandis qu’il se voit vieillir, il choisit un endroit, le meilleur en qualité et agrément, au centre duquel vient une belle et abondante source d’une calme limpidité, près d’un arbre magnifique par la noblesse et la taille. Au sommet, l’oiseau se construit un nid, un sépulcre plutôt, avec toutes sortes d’herbes aromatiques. La chaleur du soleil aidant, il y met le feu en battant des ailes, puis, il renaît de ses cendres1. Le perroquet est un oiseau de l’Inde, il est de couleur verte et son tour de cou est couleur d’or. Il a une longue langue qui lui sert à prononcer des mots articulés, au point peut-on croire, et si on le voit pas, que c’est un homme qui parle. Il salue en disant « ave » ou « chairé ». Les deux pre­mières années, il apprend vite et retient fidèlement les mots ; une fois vieux, il devient moins docile et oublie plus vite. Les plus nobles ont des pattes à cinq doigts, les autres à trois seulement. L’ibis est un oiseau du Nil qui se purge avec le bec en s’injectant de l’eau dans le derrière. Il met au monde ses poussins par le bec et détruit les œufs de serpents, portant à sa nichée cette nourriture très appréciée. Le pélican est ainsi nommé pour son plumage blanc. Cet oiseau en vient à tuer ses petits, les pleurant ensuite trois jours durant, il se frappe de son bec et redonne la vie à ses poussins morts en les aspergeant de son sang. Les diomèdes sont, pour les Latins, les oiseaux que les Grecs nomment hérons. Ils couvrent de caresses, dit-on, les Grecs qui les approchent, mais attaquent et mordent des gens d’autres nations2. Il y a de grands cygnes à la couleur de neige, aux becs durs et énormes ; par leurs plaintes et leurs larmes, ils signifient l’annonce de leur propre fin ou le ­meurtre d’un roi. Les gryphons sont des oiseaux particulièrement féroces, leur cruauté est d’une sauvagerie inégalée. Ils sont de

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corpore magne et adeo fortes quod armatos homines preliando superant et occidunt. Onocrotalus avis que multas simul in ventre recondit escas, postea vero extrahit et manducat. Sirenes licet in parte superiori virginibus assimulantur, partes tamen inferiores avis speciem pretendunt. Unde inter aves marinas eas deputant, licet sint monstruose. In partibus autem Indie sunt vespertiliones, columbis maiores, habentes quasi hominum dentes ; homines autem in faciem percutiunt, nares et aures et alia membra eis amputantes. In eisdem autem partibus sunt alie volucres magne velut vultures, rubei coloris, pedibus et rostris nigris. Hominibus autem non nocent, sed tantummodo | pisces, quos de fluminibus extrahunt, devorant. In Egypto autem ex ovis gallinarum in clibano calefactis absque matrum cubatu pulli procreantur ; unde quot ova habent tot pullos eodem die predicto artificio, si placet habere possunt. Sunt preterea columbe que, nunciorum fungentes officio, litteras dominorum sub alis deportant hora tempore modico, multa terrarum spatia transeuntes. Sunt autem valde utiles, maxime quando per terras inimicorum alii nuntii transire non audent. De his autem avibus quas Alexander vidit in Perside, que si in faciem egrotantium inspicerent convalescebant, si autem respicere noluissent absque dubio moriebantur, et de his similiter quas sanctus Brandanus vidit in quadam excelsa et pulcherima arbore, quarum una respondit ei quod essent spiritus penitentiam suam in corporibus volucrum ibidem facientes, utrum verum sit aut possibile, prudenti lectori iudicandum relinquimus. In flumine Gange sunt anguille longitudine trigenta pedum ; in quo etiam quidam vermes sunt qui, instar cancri, bina habent brachia longitudine sex cubitorum, quibus elephantes corripiunt et undis immergunt. Indicum etiam mare gignit testudines de quarum testis capacia hospitia sibi faciunt homines. Sunt autem cancri in mari occidentali qui homines apprehendunt et submergunt, habent autem terga dura velut crocodili. Sunt ibi pisces ex

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44 cubatione B D E K   46 si placet] om. B K   47 hora] om. B D K   49 utiles] necessarie B D E K   52 noluissent] non voluissent B D K   53 sanctus] beatus B   

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grande taille ; au combat leur courage est tel qu’ils l’emportent sur des hommes armés, et les tuent. L’onocrotale met en réserve dans le ventre quantité d’aliments qu’il ressort ensuite pour les manger3. Les sirènes sont tenues pour des jeunes filles pour le haut du corps, mais pour le bas, elles ressemblent à une sorte d’oiseau. C’est la raison pour laquelle on les range parmi les oiseaux marins bien qu’elles soient des monstres. En Inde, il est des chauves-souris plus grandes que des colombes, elles ont des dents d’hommes qu’elles attaquent de face pour leur couper le nez, les oreilles et d’autres membres. Dans les mêmes contrées vivent d’autres oiseaux de grande taille comme celle d’un vautour, ils sont de couleur rouge, leur bec et leurs pattes sont noirs. Ils sont inoffensifs pour l’homme et se nourrissent seulement de poissons pêchés dans les rivières. En Égypte, on obtient des poussins sans l’aide des poules, avec des œufs couvés à la chaleur d’un four. Ainsi dispose-t-on, si besoin, chaque jour, d’autant de poussins qu’il y a d’œufs. On y trouve, en outre, des colombes faisant office de messager. Elles portent sous l’aile les lettres de leurs maîtres, couvrant de grands espaces en peu de temps. Elles sont très utiles, davantage encore lorsque les autres messagers n’osent pas traverser le territoire ennemi4. Quant aux oiseaux qu’Alexandre vit en Perse et qui rendaient la santé aux malades qu’ils regardaient en face – malades qui seraient morts sans doute s’ils étaient abstenus de les regarder – et encore, les oiseaux que saint Brendan vit dans un arbre d’une grande beauté montant jusqu’au ciel – dont l’un d’eux lui exposa qu’ils étaient des âmes faisant pénitence sous l’apparence corporelle d’oiseaux – que cela soit vrai ou possible, avisé lecteur, je t’en laisse juge ! Dans le fleuve Gange vivent des anguilles longues de trente pieds5. Il s’y trouve des poissons munis, comme le crabe, de deux pinces de six coudées de long dont ils saisissent les éléphants pour les entraîner sous l’eau. La mer de l’Inde produit des tortues dont les carapaces sont d’une telle taille que les indigènes s’en servent d’abri. Des crabes dans la mer d’Occident ont une carapace dure comme celle du crocodile, ils attrapent les hommes et les noient.

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quorum pellibus homines ampla et pulchra sibi | faciunt indumenta. In fundo autem oceani quidam sunt pisces cum animantibus terrestribus similitudinem habentes ; quorum quidam pedibus ambulantes fructus arborum in imo maris nascentium manducant. Echinus piscis est semipedalis tante virtutis ut navem adherendo retineat. Ruant venti, seviant procelle, tollantur fluctus, navis tamen quasi radicata immobilis stat nec procedere potest, pisciculo non tam eam detinente quam ei adherante. Murene femini sexus tantum esse dicuntur et a serpente concipi. Unde a piscatoribus tanquam a serpente sibilo evocantur. Fustibus et malleis cum difficultate interimuntur, capite percusso vix interimi possunt, cauda statim necantur. In quibusdam conchis marinis lapides preciosi inveniuntur ; dicunt enim quod nocturno tempore littus adeunt et rore celesti margarita concipiunt. Decrescente luna vacuantur, crescente iterum implentur. Ostrea autem species sunt concharum seu cochlearum quarum carnibus cancri miro ingenio vivunt ; quia enim testas earum aperire non valent, explorant in insidiis, quando claustra aperiunt et latenter iniicientes lapillum, impedita conclusione, carnes earum corrodunt. Delphini pisces sunt qui, tempestate imminente, in superficie undarum apparentes ludunt. Cete autem omnium piscium maximum est ; habet autem strictos oris meatus unde non nisi parvos pisciculos deglutit, quos odorifero oris anhelitu | evocans et ad se trahens in ventrem suum mittit. Cum autem tempestas oritur in mari, attolit se fluctus. Quidam autem ceti ita magni sunt, quod insule vel montes videntur ; quibus, urgente tempestate, naute naves religantes dum credunt se super solidam terram manere ignes accendunt, quos bellua sentiens, tam naves quam nautas secum trahit in profundum.

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74 cum] om. B D E K   77 margaritas B D E K   78 ostree B D E K   79 autem] etiam B   88 se] super add. B E K

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Dans ces pays il y a des poissons avec les peaux desquels les ­hommes se fabriquent de beaux et grands vêtements. Au fond de l’océan, il y a des poissons semblables à des animaux terrestres, tels d’entre eux se déplacent sur leurs pieds et, bien plus, se nourrissent du fruit d’arbres qui naissent de la mer. L’oursin est un poisson d’un demi-pied, il a une si grande vertu qu’il a la faculté d’arrêter les bateaux en s’y fixant. Alors que le vent souffle, que la tempête se déchaîne, que le flot grossit, le bateau reste immobile comme s’il avait pris racine sans pouvoir avancer. Le petit poisson le retient moins qu’il ne s’attache à lui. Les murènes sont de sexe féminin, à ce qu’on dit, elles sont conçues du serpent. C’est pourquoi, les pêcheurs les attirent en sifflant comme les serpents. Pour les tuer, on emploie des masses ou des maillets, ce qui ne se fait pas sans mal quand on frappe la tête, mais quand on atteint la queue, le résultat est immédiat. On trouve des perles précieuses dans certains coquillages de mer. On dit qu’ils abordent de nuit au rivage et conçoivent des perles avec la rosée céleste. À la lune montante, ils se remplissent, à la lune descendante, ils se vident. L’huître est une sorte de coquillage ou d’escargot dont le crabe se nourrit en usant d’un étonnant stratagème. Comme il ne peut ouvrir la coquille, il se met en embuscade, et quand elle s’ouvre, il lui jette subrepticement un petit caillou qui l’empêche de se fermer ; il vient alors la déguster. Les dauphins sont des poissons, qui, à l’approche de la tempête, apparaissent à la surface de l’eau et se mettent à jouer. De tous les poissons, la baleine est le plus grand. Cependant, les étroits orifices de sa gueule ne lui per­mettent de n’avaler que de petits poissons qu’elle attire par le parfum de son haleine pour les attraper et les engloutir. Survienne une tempête, elle remonte à la surface des mers. Des baleines sont si grosses qu’on dirait des îles montagneuses ; pressés par la tempête, les marins y attachent leurs bateaux, croyant être sur la terre ferme, et y allument des feux. Alors le monstre, sous l’effet de la brûlure, entraîne dans le fond et navires et marins.

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XCI. De lapidibus pretiosis. Sunt preterea in partibus orientis lapides pretiosi admirabilis virtutis et incredibilis inexpertis. Adamas in ultima India reperitur, lucidi coloris et ferruginei, quantitatem nuclei nucis avellane non excedit, duritia sua omnibus metallis resistit, hircino tamen sanguine recenti et calido rumpitur, igne non calescit, ferrum occulta quadam natura ad se trahit. Acus ferrea postquam adamantem contigerit, ad stellam septentrionalem que velut axis firmamenti, aliis vergentibus, non movetur, semper convertitur, unde valde necessarius est navigantibus in mari. Iuxta magnetem positus, non sinit eum rapere ferrum. Quod si magnes ferrum traxerit, accedente adamante ferrum rapit, auferendo predam magneti. Dicitur autem quod fugat venena, artibus maleficis restitit, noctis fantasmata et somnia vana repellit, insanis autem multum prodest contactus adamantis. Magnes | similiter lapis est Indicus ferruginei coloris, adeo apprehendens ferrum ut cathenam faciat annulorum ; in magicis prestigiis utuntur eo magi. Valet contra hydropisin et contra ignis adustiones. Est ibi smaragdus coloris viridissimi cuius corpus, cum planum et extensum fuerit, velut speculum imaginem reddit, oculos autem intuentium recreat et confortat. Valet contra emitreum et contra caducum morbum, prodest etiam ad motus libidinis compescendos. Eius viror intenditur si vino ablutus fuerit et oleo olivarum perunctus. Est ibi carbunculus qui et ‘anthrax’ grece dicitur et vulgariter ‘ruby’, eo quod rubei sit coloris, lucens in luce et tenebris plusquam ignitus carbo, flammas ad oculos vibrans et effundens velut ignem. Est ibi sapphyrus sereno celo colore similis, nunquam tamen quantum­ cumque purus sit imaginem speculi in se ostendit ; dicitur autem vegetare et confortare membra gestantium ipsum et tumores sedare. Sudorem restringit, ardorem refrigerat interiorem, ulcera sanat, ex oculis sordes et ex fronte tollit dolores, morbis lingue medetur. Hac gemma in maleficiis suis utuntur necromantici. Est

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XCI. Les pierres précieuses. L’Orient recèle aussi des pierres précieuses avec des propriétés étonnantes et inconcevables pour qui n’en est pas instruit1. Au plus profond de l’Inde, on trouve le diamant à la teinte claire et couleur de fer. Sa taille n’excède pas celle de l’amande d’une aveline, il résiste à tous métaux en raison de sa grande dureté, pourtant on peut le dissoudre dans le sang frais et encore chaud d’un bouc. Il ne chauffe pas sous l’action du feu et attire le fer par une qualité propre à sa nature2. Une aiguille de fer au contact du diamant se tourne sans cesse vers l’étoile polaire qui est comme l’axe du ciel et ne bouge pas, tandis que les autres étoiles tournent. C’est pourquoi elle est si nécessaire aux navigateurs en mer. Le diamant placé auprès d’un aimant continue d’attirer le fer3. Si on rapproche le diamant d’un aimant chargé de ferraille, il capte le fer en enlevant sa proie à l’aimant. On dit encore que le diamant dissipe le poison, combat les mauvais sorts, chasse les cauchemars et les insomnies. Et même son contact protège bien de la folie. L’aimant est aussi une pierre de l’Inde de couleur fer, qui attire ce métal au point d’en former comme une chaîne avec des anneaux. Les magiciens s’en servent dans leurs tours. L’aimant est efficace contre l’hydropisie et les atteintes du feu. Il y a l’émeraude d’un très beau vert qui, si elle est assez plate et large, renvoie une image comme un miroir ; elle réjouit et fortifie la vue de ceux qui s’y regardent. Elle est efficace contre l’hémitritée et le mal caduc. Elle sert même à réprimer le transport des sens. Sa couleur devient plus intense si on la lave avec du vin et qu’on la frotte avec de l’huile d’olive. Il y a l’escarboucle, appelée anthrax en grec, et en raison de sa teinte rouge, rubis en langage courant. Elle brille dans la lumière comme dans les ténèbres mieux que le charbon ardent, elle est devant les yeux comme la flamme qui danse et le feu qui scintille4. Il y a le saphir, couleur de ciel serein, qui pourtant, si pur soit-il, ne reflète jamais l’image comme celle du miroir. À ce qu’on dit, il ranime les forces de celui qui le porte, le réconforte, apaise les emportements. Il chasse la fatigue, éteint l’embrasement de l’âme, soigne la douleur, nettoie l’œil de ses impuretés, lave le visage de ses chagrins, guérit de la méchanceté des mots. Les nécromanciens

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ibi topazius aurei coloris et imaginem intuentium transversam representans. Est autem frigide nature et valet contra luxuriam, undas bullientes compescit, prodest autem hemorrhoidibus. Est ibi iaspis viridis et translucentis coloris. | Inveniuntur tamen aliorum colorum qui non adeo sunt pretiosi. Valet contra phantasmata et febres et hydropisim. Mulieribus etiam parturientibus fertur prodesse. Est ibi amethystus purpurei coloris et violacei. Valet autem multum vinum potantibus, nam contrarius est ebrietati. Est ibi achates habens albas venas nigro permixtas. Valet autem contra venena et contra sitim, et visum fovere dicitur. Quod autem dicitur conferre gratiam et facundiam, magis ascribendum est superstitioni quam fidei. Asbestus lapis est Arcadie ferrei coloris, qui semel accensus nunquam potest extingui. Pyrites lapis est Persicus fulvi coloris, tenentis manu si vehementer prematur urit, adeo ut teneri non possit. Gagates lapis est niger, lucidus, planus et levis, ardet in aqua, oleo autem extinguitur ; calefactus confricatione paleas ad se trahit, prodest hydropicis, ablutus aqua, dentes labefactos consolidat, fumus eius mulieribus menstrua reddi, qui etiam multum prodest caducis. Valet etiam predictus lapis contra infirmitatem ventris et precordiorum. Aqua autem in qua tribus diebus immergitur valet parientibus si bibatur ut citius liberentur. Valet autem contra magorum prestigias, fugat insuper serpentes, unde aquila contra serpentes ipsum ponit in nido suo. Dicit tamen Sergius quod aquila tanti caloris est quod ova sua cubans decoqueret nisi gagatem lapidem frigidissimum nido adhiberet. Est ibi preterea ethites qui facillime igne vicino | accenditur. Hunc similiter aquila collocat in nido suo. Sunt tamen bini, masculus et femina ; prosunt autem non solum aquile ad pariendum ova, sed pregnantibus alligati partus celeritatem efficiunt. Hyacinthus lapis est granatus, flore purpureo, non potest scindi nisi fragmentis adamantinis. In ore positus frigidior extra-

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32 nigromatici B, nigromantici E   34/35 est ... hemorroidibus] om. K   36 iaspis] lapis E mo   47 ut] quod B D E K   55/56 unde ... serpentes] om. B K   55 prestigia B D E K   

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usent de cette gemme dans leurs maléfices. Il y a la topaze, couleur d’or, qui renvoie à ceux qui la regardent une image déformée5. Cette pierre est de nature froide, elle guérit de la luxure, arrête le feu de l’eau bouillante et soigne les hémorroïdes. Il y a le jaspe vert et transparent. On en trouve cependant d’une autre couleur, pas aussi précieux. Il est efficace contre les cauchemars, les fièvres et l’hydropisie. On rapporte qu’il l’est aussi pour les femmes qui accouchent. Il y a l’améthyste de couleur pourpre et violacée. Elle convient aux ivrognes car elle soigne l’ébriété. Il y a l’agate aux veines blanches, mêlées de noir. Elle vaut contre le poison, pour apaiser la soif et favoriser la vue, à ce qu’on dit. On raconte encore qu’elle confère la grâce et l’éloquence, mais il faut considérer ça comme une superstition plus qu’un fait digne de foi. L’asbeste est une pierre d’Arcadie de couleur fer, qui une fois allumée ne peut plus s’éteindre. La pyrite est une pierre de Perse de couleur fauve. Qui la prend dans la main et la serre se brûle au point de ne plus pouvoir la tenir6. Le jais est une pierre noire, transparente, plane et légère, elle s’enflamme dans l’eau, s’éteint dans l’huile. Elle attire les grains de paille, une fois frottée et échauffée. Elle convient aux hydropiques ; une fois mouillée, elle fortifie les dents déchaussées. En fumigation, elle rétablit le cours des règles des femmes et convient parfaitement aux épileptiques. Elle prévaut même contre les douleurs de ventre et des entrailles. Trempée trois jours dans de l’eau, aux femmes sur le point d’accoucher et qui en boivent elle vaut d’être libérées plus vite. Elle est efficace contre les sortilèges des magiciens. Elle met en fuite le serpent, voilà pourquoi l’aigle met cette pierre dans son aire pour s’en protéger. Sergius dit cependant que l’aigle est un oiseau qui dégage tant de chaleur, qu’en couvant ses œufs, il les ferait cuire s’il ne mettait dans son aire du jais, pierre très froide7. Il y a l’éthite qui s’enflamme facilement près du feu. Là encore, l’aigle la met dans son aire. Il y en a de deux sortes, mâle et femelle. À l’aigle, elle facilite la ponte des œufs, et aux femmes enceintes elle apporte un accouchement rapide. L’hyacinthe est une pierre grenue, couleur de rouge fleur. On ne peut la couper sinon avec des brisures de diamants. En la met-

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hitur, confortat hominem, tristitiam et vanas suspiciones tollit. Lyncurius, ex urina lyncis procreatur, habens colorem quasi electri, trahit autem ad se paleas si fuerit confricatus. Ictericis valet et contra dolores stomachi et contra ventris perturbationem. Alectorius lapis est crystallo vel aque limpide similis. In iecore vero galli gallinacei reperitur si castratus fuerit, postquam tribus annis vixerit. Nunquam autem excedit fabe quantitatem. Postquam autem predictus lapis in ipso fuerit nunquam postea bibit. Hunc lapidem si quis in ore suo posuerit sitim penitus extinguit. Valet autem frigidis qui coire non possunt. Chelidonius lapis est modicus qui in hirundine reperitur. Est autem niger et quandoque rufus, valet autem contra insaniam et contra lunaticam passionem et contra febres et contra noxios humores ; aqua ablutus infirmis oculis prodest. Chrysolithus auro micat et velut ignis scintillat, medium habens colorem inter ceruleum et viridem. Reperitur autem in Ethiopia et multum valet contra noctium fantasmata. Ibidem etiam reperitur chrysopassus qui de nocte lucet, de die | vero obscurus est. Beryllus in India reperitur conspicuus, oleo vel aquis marinis assimilatur colore. Aqua ablutionis eius valet infirmis oculis. Prodest etiam contra eructationes et suspiria et contra hepatis dolores. Sardius autem et onychinus lapides sunt pretiosi, quos in rationali ante pectus sacerdotis Dominus cum aliis decem margaritis ferri precepit. Sardius rubee terre similis est ; onychinus autem unguis hominis habet similitudinem, reperitur autem in flumine paradisi qui Phison nuncupatur. Habet autem ruborem candori permixtum. Sunt insuper alie gemmarum species in partibus orientis. Ad commendationem autem divine potentie, ut confiteantur Domino opera eius, hec predicta de lapidibus pretiosis sufficiant.

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xci, 85 cfr Ex. 28, 17-20 77 et ... febres] om. B, ill. K   90/93 sunt ... sufficiant] om. K

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tant en bouche on la retire plus froide ; chez l’homme elle réconforte, chasse tristesse et vains soupçons8. Le lyncurius est le produit de l’urine du lynx. Il a presque la couleur de l’ambre ; une fois frotté, il attire les brins de paille. Il vaut contre la jaunisse, les douleurs d’estomac et les flatulences. L’alectorius est semblable au cristal, à une eau claire. On le trouve dans le jabot du coq châtré et de plus de trois ans. Il ne dépasse jamais la taille d’une fève. Le coq ne boit plus sa vie durant quand il l’a dans le corps. Si quelqu’un venait à le mettre à la bouche, sa soif se dissiperait totalement. Cette pierre est bonne pour les impuissants qui ne peuvent copuler. La chélidoine est une petite pierre qu’on trouve dans l’hirondelle9. Elle est noire et parfois de teinte rousse, elle est bonne pour guérir la démence, la dépression, les fièvres et les mauvaises humeurs10. Trempée dans l’eau, elle soulage la vue défaillante. La chrysolithe brille comme l’or et scintille comme la flamme, elle est d’une teinte bleu-vert. On la trouve en Éthiopie, elle vaut surtout contre les cauchemars de la nuit. En Éthiopie encore, la chrysoprase brille la nuit, mais le jour reste sombre. En Inde, on trouve le béryl, pierre remarquable dont la couleur est proche de celle de l’huile ou de l’eau de mer. L’eau dans laquelle on la lave soigne les défaillances de la vue. La pierre même est utilisée pour les vomissements, l’asthme et les affections du foie. La sardoine et l’onyx sont des pierres précieuses que le Seigneur a prescrites au grand-prêtre de porter en pectoral avec dix autres perles. La sardoine est couleur de terre rouge et l’onyx a la forme de l’ongle d’homme. On trouve cette pierre dans le Phison, le fleuve du paradis. Elle est rouge veinée de blanc. Il y a encore en Orient d’autres sortes de pierres précieuses. Mais pour rendre hommage à la toute puissance divine et nous faire connaître ­l’œuvre de Dieu nous en avons assez dit sur les pierres.

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XCII. De Amazonibus, Gymnosophistis, Brachmanis, de aliis barbaris et monstruosis populis ex beato Augustino, Isidoro, Plinio ; et de miraculis quibusdam regionum occidentalium, de avium vulgarium qualitalibus. Sunt preterea in partibus orientis quidam homines ab aliis mundi nationibus valde dissimiles. Sunt ibi Amazones, egregie in armis et preliis mulieres, iuxta montes Caspios, in insula undique fluvio clausa commorantes.| Sunt autem plusquam ducenta millia predictarum mulierum, absque virorum consortio seorsum in predicta insula habitantium. Omnes autem tenentes gladium et ad bella doctissime, quando victrices cum regina sua revertuntur a preliis, a viris suis, qui extra insulam per se commorantur, adorantur. Semel autem in anno transeuntes ad maritos suos, post­ quam reverse fuerint, si masculum conceperint, ipsum per sex annos nutriunt et postea patri suo transmittunt. Si vero feminam pepererint, ipsam secum reservantes custodiunt. Sicut autem in quibusdam volucribus femine fortiores sunt quam masculi, ita predicte Amazones fortiores sunt viris suis, quibus ad bella procedentibus mariti earum domi remanentes quiescunt. Et quoniam ex frequenti usu libidinis multi spiritus consumuntur, quanto rarius coeunt, tanto prefate viragines fortiores sunt et magis idonee ad pugnandum. Sunt alii homines quos Oxydraces seu Gymnosophistas appellant, id est nudos sapientes. In nuditate enim et paupertate et humilitate ambulant, contempta fallaci et transitoria mundi huius vanitate, in tuguriis et speluncis habitantes, non habentes casalia vel civitates. Nulli autem nocent nec armis contra aliquos se defendunt. Filii autem eorum et uxores seorsum inhabitant cum animalibus que ad vitam sobriam sustentandam enutriunt. Hos homines cum Alexander Macedo reperisset, valde miratus, ait illis : “ Petite a me quod vultis et dabo vobis ! ” Qui respondentes dixerunt : “ Da nobis immortalitatem quam | super

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xcii, 1/4 amazonibus ... qualitatibus] mirabilibus hominibus et de scripture dindimi ad alexandrum A B C D G H J K bo, moribus amazonum E   7/8 in ... commorantes] om. B   13 adorantur] honorantur K   

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XCII. Les Amazones, les Gymnosphistes, les Brahmanes et autres peuples barbares et monstrueux d’après saint Augustin, Isidore, Pline ; quelques prodiges arrivés en Occident ; les oiseaux communs et leurs caractères. En Orient il y a aussi des êtres humains très différents des autres peuples de la terre. Il y a là les Amazones, femmes qui se distinguent par les armes et le combat, installées près des monts Caspiens dans une île cernée par un fleuve. Elles sont deux cent mille et plus, elles vivent dans cette île, séparées de la compagnie des hommes. Toutes tiennent l’épée et sont très expertes dans l’art de la guerre. Les hommes, qui n’habitent pas leur île, viennent les y honorer quand elles reviennent victorieuses de la bataille avec leur reine. Une fois par an, elles vont voir leur mari. À leur retour, si elles accouchent d’un garçon, elles l’entretiennent six ans, puis, le rendent à leur père ; mais si elles accouchent d’une fille, elles s’en réservent la garde. Chez certains oiseaux, les femelles sont plus courageuses que les mâles, ainsi les Amazones sont-elles plus courageuses que leurs hommes, et tandis qu’elles marchent au combat, les hommes, en restant au foyer, se reposent. Parce que l’abus d’amour physique épuise la force vitale, ces femmes qui en usent rarement conservent pour se battre d’autant plus d’énergie et davantage de moyens1. Il y a aussi les Oxydraques ou Gymnoso­ phistes comme on les désigne, ce qui veut dire « sages nus »2. Ils vont dans la nudité, la pauvreté, l’humilité et le mépris de la vanité trompeuse et passagère de ce bas monde, ils habitent huttes et grottes, n’ont ni villages ni cités. Ils ne causent de tort à personne et se défendent sans armes. Leurs femmes et leurs enfants vivent séparément avec les animaux qu’ils élèvent pour satisfaire leur sobre existence. Alexandre de Macédoine, les ayant rencontré, en fut très surpris et leur dit : « Demandez-moi ce que vous voulez et je vous le donnerai. » Ce à quoi ils répondirent : « Rendsnous immortels, c’est ce que nous désirons par-dessus tout, car

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omnia desideramus, alias enim divitias non curamus ! ” Quibus Alexander : “ Mortalis cum sim, immortalitatem vobis quomodo dare possem ? ” Cui illi : “ Si mortalem te agnoscis, quare tot mala faciendo discurris ? ” Sunt alii homines valde mirabiles ultra Gangem fluvium habitantes quos Brachmanos appellant, quorum religionem et mores et ritus ex epistola subsequenti quam predicto Alexandro rescribendo miserunt, plenius diligens lector agnoscere potest. Scripsit enim rex eorum Dindimus Alexandro in hunc modum : “ Dindimus Brachmanorum didascalus Alexandro regi, gaudium ! Cognoscovimus per tuas litteras quia desideras scire quid sit perfecta sapientia. Verumtamen ex hoc cognoscimus te multum esse sapientiem et valde laudamus quia desideras scire perfectam sapientiam quod melius est omni regno, quia imperator qui nescit sapientiam non dominatur subiectis suis, sed dominantur illi subiecti. Tamen impossibile nobis videtur ut vos possitis tenere vitam et mores nostros, quia nostra doctrina multum est separata a vestra. Nam neque deos colimus sicut vos colitis, neque vitam quam vos tenetis nos tenemus. Voluissem denique a te petere veniam pro hac causa, unde nos rogasti super omnia, quia nihil prodest si scripsero de vita et consuetudine nostra. Tempus enim non habes ad legendum, eo quod occupatus es in causis bellorum. Sed, ne dicas quia pro invidia hoc faciam, quantumcumque possum | de hac re scribere, unde nos rogando mandasti, scribam. Nos enim Brachmani simplicem et puram vitam ducimus, nulla peccata facimus et nolumus quidquam habere nisi quantum ratio nostre nature exigit. Omnia patimur et sustinemus. Illud dicimus esse necessarium quod non est superfluum. Apud nos illicitum est arare campum cum vomere et terram seminare et boves ad carrum iungere et retia in mare mittere ad capiendos pisces aut aliquas venationes facere, sive de quadrupedibus terre sive de avibus celi, abundanter enim annonam habemus, nullam aliam anno-

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34 possum B   46 illi] ipsi B   57 quidquam] om. D E K   62 venationes] venatores B D E   

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nous n’avons cure des autres richesses ! » Alexandre dit alors : « Moi qui suis mortel, comment pourrais-je vous offrir l’immortalité ? » Eux de répondre : « Si tu te sais mortel, pourquoi t’acharnes-tu à faire autant de mal ? » Il y a aussi des hommes extraordinaires qui séjournent au-delà du Gange, et appelés Brahmanes3. Le lecteur attentif prendra ­entière connaissance de leur religion, leurs mœurs, leurs rites, dans la lettre qui suit et qui fut envoyée en réponse à Alexandre. En effet, leur roi Dindimus lui adressa une lettre de cette teneur : « Dindimus, précepteur des Brahmanes au roi Alexandre, joie ! Nous voyons par ta lettre que tu désires savoir ce qu’est la sagesse parfaite. Nous reconnaissons là, c’est vrai, ta grande sagesse et te félicitons grandement de chercher à atteindre la perfection dans ce domaine, préférable à tout autre royaume ; car le souverain qui ignore la sagesse ne domine pas ses sujets, ce sont eux qui le dominent. Pourtant il nous paraît impossible que vous puissiez ­suivre notre mode de vie, nos coutumes, car notre culture est bien différente de la vôtre. Nous n’adorons pas des dieux comme vous, et vous ne vivez pas comme nous. En bref, j’aurais voulu que tu me pardonnes la réponse à toutes tes questions, qu’il serait vain de rapporter par écrit notre manière de vivre et nos coutumes ; car, occupé par les choses de la guerre, tu n’as pas de temps pour lire. Mais pour que tu n’ailles pas dire que je parle ainsi par dépit, je répondrai autant que possible par écrit aux questions posées. Nous autres Brahmanes, menons une vie simple et pure, sans faire de péché, sans désir de rien posséder, si ce n’est ce qu’exige notre condition naturelle. Nous supportons tout avec résignation ; nous appelons nécessaire ce qui n’est pas superflu. Chez nous, il n’est permis ni de labourer le champ avec la charrue, ni d’ensemencer la terre, d’atteler le bœuf au chariot, pêcher au filet en mer, chasser les animaux de la terre ou les oiseaux du ciel. Car nous avons des provisions en abondance, ne cherchant rien d’autre à

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nam querimus ad manducandum, nisi quam terra producit sine hominis labore. De talibus cibis implemus mensas nostras qui nobis non nocent, et de ipsis cibis non multum implemus ventrem nostrum quia illicita est apud nos extensio ventris. Proinde sumus sine aliqua egritudine et dum vivimus et quamdiu vivimus semper sanitatem habemus, nullam medicinam nobis facimus, nullum adiutorium querimus pro salute nostrorum corporum. Uno termino mortis vita nostra finitur, quia non vivit unus plus altero, sed secundum ordinem nativitatis unicuique terminus mortis succedit. Nullus autem de nobis ad focum sedet pro frigore, nullum frigus aliquando corpora nostra sentiunt, sed stamus nudo corpore semper contra ventum. Desideria corporis nostri non facimus, omnia per patientiam supportamus. Tu autem, imperator, omnia | ista vince et si istos inimicos quos intra corpus habes viceris, iam fortior inimicis haberi poteris ! Propter hanc causam pugnas cum inimicis quos foris habes, ut istos inimicos nutrias quos intus portas. Nos autem Brachmani, omnes inimicos quos in corpore nostro habuimus, occisos habemus et ideo inimicos quos foris habemus non timemus, nec adiutorium ab aliquo contra illos querimus, neque de mari, neque de terra, sed securi semper et sine aliquo timore vivimus. Corpora nostra cooperta habemus de frondibus arborum et fructus earum manducamus, lac comedimus et aquam de fluvio bibimus. Laudes Deo semper canimus et desideramus vitam futuri seculi et non desideramus ullam causam audire que ad utilitatem non pertinet, et non loquimur multum, sed cum locuti fuerimus non dicimus nisi veritatem et statim tacemus. Divitias non amamus, est enim insatiabilis causa cupiditas que solet ad paupertatem adducere homines cum non possint acquirendi finem facere. Inter nos nulla invidia nulla est, nullus inter nos fortior vel potentior est altero. Paupertatem habemus et per eam divites sumus quia omnes illam communem habemus. Litem non facimus nec apprehendimus arma, pacem habemus per consuetudinem, non per virtutem. Iudicia non habemus quia non facimus unde ad iudicium ire debeamus.

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79/80 inimicos ... omnes] om. K   86 flumine B   

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manger que ce que produit la terre sans le travail de l’homme. Nos tables sont couvertes de ces nourritures qui ne nous font aucun mal, sans besoin de beaucoup pour se remplir l’estomac, car il est mal vu chez nous d’avoir le ventre rebondi. Voilà pourquoi nous ne sommes pas malades, et que, notre vie durant, nous restons en pleine santé, sans faire appel à une quelconque médecine, sans chercher le secours d’aucun remède pour le soin du corps. Notre vie se finit à l’heure de la mort. Nous ne vivons pas plus longtemps les uns que les autres, mais la mort survient à chacun selon l’ordre de la naissance. Le froid ne nous installe pas assis au coin du feu, nos corps ne sentent pas le froid, nous restons debout, nus, toujours, à tout vent. Nous ne cédons pas aux caprices du corps, la patience nous fait tout supporter. Toi aussi, ô empereur, apprend à dominer cela, et si tu l’emportes sur ces ennemis intérieurs, tu n’en seras que plus fort contre les ennemis du dehors. Car tu ne combats ces derniers que pour nourrir ceux que tu portes en toi. Nous autres Brahmanes avons tué les ennemis du dedans, ainsi ne craignons pas ceux du dehors. Nous ne demandons à personne de nous aider contre eux sur terre ou sur mer, mais nous restons en sécurité, toujours, sans peur aucune. Nous nous couvrons le corps des feuilles des arbres dont nous mangeons les fruits. Nous buvons du lait et l’eau des rivières. Nous chantons à jamais la gloire de Dieu et cherchons la vie du siècle futur. Nous ne voulons entendre que des paroles utiles, nous parlons peu et si nous avons à le faire, nous disons une vérité, et nous taisons aussitôt. Nous n’aimons pas les richesses car la cupidité est un besoin insatiable, qui mène d’ordinaire à la pauvreté, tant l’homme est incapable de mettre un terme au désir de s’enrichir. Il n’y a pas de jalousie entre nous, nul n’est plus fort que l’autre ou plus puissant. Nous sommes pauvres, et ainsi sommes riches, car la pauvreté nous est commune à tous. Nous n’entrons pas en conflit, ne prenons pas les armes et vivons en paix plus par coutume que par vertu4. Nous n’engageons pas d’action en justice, nous évitons ainsi d’aller en procès.

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Una lex est contraria nostre nature quia misericordiam nullam facimus, eo quod nec nos talem causam facimus ut per eam Deus remittat nobis peccata nostra, nec | damus divitias nostras pro peccatis nostris sicut vos facitis. Nullum laborem facimus qui ad avaritiam pertineat, membra nostra libidini non tradimus, adulteria nulla committimus, nec aliquod vitium facimus unde ad penitentiam ire debeamus, sicut vos qui de malo quod facitis quando penitentiam inde agitis, sic loquimini contra vos de ipso malo quod facitis velut contra inimicos soletis loqui. De factis nihil querimur quia omnes rectum facimus. Subitam mortem non patimur quia per sordida facta ipsum aera non corrumpimus. Nullum vestimentum in varios colores tinguimus. Femine nostre non ornantur ut placeant, etiam ipsum ornamentum pro pondere computatur quia nolunt pulchre esse pro ornamentis, sed tantum in ea natura qua nate sunt. Nam quis potest nature opus mutare ? Quod si aliquis mutare illud voluerit, quasi non sit recte factum, criminosum est. Balnea non facimus neque aquam calidam ut corpora nostra laventur. Sol enim nobis calorem dat et de rore infundimur. Nullam cogitationem super alium habemus, non dominamur super homines qui sunt nostri similes, alioquin crudelitas est premere hominem ad servitium quem nobis ipsa natura fratrem dedit et qui est creatus sub uno patre celesti, sicut et nos sumus. Petras non resolvimus in calcem ut faciamus domos ad habitandum neque vascula nisi | de terra facimus. In fossis aut speluncis montium habitamus ubi nullus sonus ventorum auditur et ubi nullam pluviam timemus. In terra dormimus absque sollicitudine, nos enim tales domos habemus in quibus, dum vivimus, habitamus, et, dum morimur, habemus illas pro sepulturis. Ad negotiandum per mare non navigamus, ubi et multa pericula sustinent qui illuc navigant et multa miracula cognoscunt. Nos artem non discimus ut bene loquamur, per simplicitatem omnia dicimus que nunquam nos permittit men-

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99 facimus] uti ad misericordiam ire debeamus culpas alicui non dimittimus add. B D K   99 eas B D   

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Une loi seule est contraire à notre nature qui est de n’accorder aucune miséricorde, pour ne pas faire de ce précepte un motif de pardon de nos péchés par Dieu5. Nous ne donnons pas nos ri­ chesses comme vous faites pour la rémission de nos fautes. Nous ne pratiquons aucun travail qui puisse tendre à l’avarice. Nous ne livrons pas nos corps à la débauche, nous ne commettons aucun adultère ni autre vice pour lequel nous devrions faire pénitence comme vous faites après avoir mal agi. La pénitence vous conduit à parler contre vous du mal que vous faites, comme vous avez coutume de parler contre vos ennemis. Nous n’avons pas à nous lamenter sur nos actes, car ce que nous faisons est bien. Nous ne redoutons pas de mourir subitement, pour ne corrompre personne à prix d’argent par d’ignobles manœuvres. Nos vêtements ne sont pas de teintes multicolores. Nos femmes ne se parent pas pour plaire, les bijoux mêmes sont superflus et leur désir n’est pas d’être belles par la parure, mais simplement telles que la nature les a faites. Qui peut en effet changer l’œuvre de la nature ? Et s’il advenait à quelqu’un de le vouloir, ce ne serait pas bien, se serait un crime. Nous n’avons, ni bains ni eau chaude pour nous laver. Le soleil nous réchauffe et la rosée nous rafraîchit. Nous n’avons pas de visée dominatrice sur autrui, nous ne régnons pas en maîtres sur les humains, nos semblables ; du reste il est dur de plonger son prochain dans la servitude, un frère que la nature nous donne, la créature d’un père unique qui est dans le ciel, comme nous le sommes nous-mêmes. Nous ne transformons pas la pierre en chaux pour en faire maisons ou vases, nous nous servons seulement de terre. Nos demeures sont dans les gorges et les cavernes des montagnes, là où ne s’entend pas le bruit du vent et où la pluie n’est pas à craindre. Nous dormons à même le sol en toute quiétude, notre demeure est un abri la vie durant et une sépulture la mort venue. Pour faire du commerce nous ne courons la mer, lieu de nombreux dangers où le marin découvre nombre de merveilles. Nous n’enseignons pas l’art de bien parler, nous disons tout avec une droiture qui n’autorise pas le mensonge. Nous ne fréquentons

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tiri. Scholas philosophorum non frequentamus in quorum doctrina discordia est et nihil certum atque stabile, sed semper mendacia, sed illas scholas frequentamus in quibus discimus vitam et que demonstrant nobis hoc quod in scripturis ostenditur ; et non docent nos aliquem ledere, sed secundum veram iustitiam alios iuvare nos docent, et non discimus in eis aliquam causam que nobis aliquam tristitiam facit. Ludos nullos amamus ; si autem volumus scire aliqua que ad ludum pertinent, legimus facta predecessorum vestrorum et vestra, et cum debemus exinde ridere plangimus tamen. Videmus alia in quibus admiramur et delectamur, hoc est celum optime resplendere ex stellis, solem rubicundum in curso suo et radios eius illuminare totum mundum. Videmus mare semper purpuream esse et quando illic tempestas surrexit, non dissipat vicinam terram, sicut in vestris partibus facit, sed | complectitur eam sicut sororem suam. Ibi videmus cotidie diversa genera piscium et saltum dare et ludere delphinos. Nec non et delectamur videre florentes campos de quibus naribus nostris suavissimus odor ascendit, et de optimis locis silvarum et fontium ubi audivimus cantilenas avium. Hanc consuetudinem semper habemus, nostra etenim natura hanc consuetudinem habet, imperator. Quam si tenere volueris, credimus quoniam durum tibi esse videbitur, et si nolueris eam tenere, nostra culpa non est quia de quibus nos rogasti et mandasti per has litteras scriptum tibi dirigimus. Sed tamen si placet, dicemus aliquantulum de nostra doctrina propter quam nostra vita tibi dura esse videtur. Vos, Pactoli atque Hermi fluvios splendido auro currentes, absque colore et pauperes reddidistis ! Vos, Nilum fluvium bibendo alveum cursu minuistis, vos monstrastis ut horribilem oceanum navigaret homo ! Vos, Tartareum custodem, id est canem Cerberum, sopiri posse pretio confirmatis ! Vos, omnia manducates vultum semper ieiunum portatis ! Vos, in sacrificio filios vestros interficitis ! Vos, facitis

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pas les écoles des philosophes dont les doctrines sont sujettes à la querelle, à rien de certain, rien de stable, mais à l’erreur toujours. Dans nos écoles, nous apprenons ce qu’est la vie, nous y exposons ce que l’Écriture révèle. Nous enseignons à ne nuire à personne, mais à secourir les autres selon la vraie justice, nous n’y apprenons rien qui soit cause de tristesse. Nous n’aimons pas les jeux, et quand nous voulons en savoir un peu plus sur le sujet, nous lisons les exploits de vos prédécesseurs et les vôtres ; pourtant ils nous attristent, alors que nous devrions en rire. Nous contemplons bien d’autres sujets d’admiration et de plaisirs, le ciel resplendissant d’étoiles, le soleil rougeoyant dont la course et les feux illuminent l’univers. Nous contemplons la mer pourpre, et quand la tempête s’y lève, elle n’inonde pas le rivage voisin comme chez vous, elle l’embrasse comme une sœur. Là, chaque jour, nous voyons sauter toutes sortes de poissons, les dauphins qui jouent. La vue des champs en fleur dont le très doux parfum monte à nos narines nous comble de plaisir, ainsi que les forêts et les fontaines où nous écoutons les doux chants des oiseaux6. Voilà notre coutume, telle est la coutume selon notre nature, ô empereur ! Si tu voulais t’y conformer, cela te semblerait bien difficile à ce que nous croyons, et si tu ne le voulais pas, nous y serons pour rien, car c’est à ta prière et à ta demande que nous t’avons instruit dans cette ­lettre ! Toutefois, s’il te plait, nous allons te parler un peu de notre doctrine dont découle notre façon de vivre, difficile pour toi à ce qu’il semble. Le cours du Pactole, de l’Hermus ces fleuves qui charriaient la splendeur de l’or, vous les avez ternis, vous les avez épuisés. Vous avez absorbé l’eau du Nil, vous en avez réduit le cours, vous avez appris aux hommes à naviguer sur l’océan de l’effroi ! C’est vous qui affirmez que le gardien du Tartare, le chien Cerbère, peut être endormi à prix d’or ! Vous, qui mangez de tout en affectant toujours une face de carême. Vous, qui offrez vos enfants en sacrifice ! Vous encore, qui de vos mères faites des adul-

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adulterare matres vestras ! Vos, mittitis discordias inter reges qui sunt humiles, per vos etiam superbi facti sunt ! Vos, suadetis hominibus nequaquam sufficere eis spatia terrarum, sed celi querere habitacula preparatis atque provocatis ! Vos, etiam per vestros deos multa mala committitis sicut illi fecerunt, nam testimonium potestis accipere | a Iove, deo vestro, et a Proserpina, dea vestra, quam colitis quia ille multas feminas adulteravit et illa multos viros secum concumbere fecit. Vos, homines non dimittitis in sua libertate vivere, sed servos illos habetis, vos non iudicatis recta iudicia, vos facitis iudicibus mutare legem ! Vos, multa dicitis que debent fieri et non fiunt, vos non tenetis alium sapientem, nisi illum qui habet facundiam loquendi ! Omnem sensum vestrum in lingua habetis et tota sapientia vestra in ore vestro consistit. Et quamvis potestatem habeatis in lingua vestra multa loquendi, multo tamen meliores sunt illi qui sciunt tacere. Vos, argentum et aurum colitis et desideratis habere maximas domos et multos servos, et tamen tantum manducatis et bibitis, quantum alius homo manducat et bibit ! Omnia tenetis et dominamini super illas divitias quas habetis, sed sola sapientia Brachmanorum vincit vos in omnibus, quia, sicut nos consideramus, illa mater vos genuit que et lapides. Vos autem ornatis sepulchra vestra et in vasis ­gemmarum cineres corporum vestrorum reponitis ! Quid enim peius esse potest, quam ossa que terra recipere debet, vos ea incenditis et delectabilem vobis miseri sepulturam construitis et non dimittitis ut in sinu suo recipiat terra quos genuit ? Discant homines quale meritum vestris amatoribus post mortem | redditis. Nos, in honorem deorum pecudes non occidimus neque templum facimus ubi statuam auream vel argenteam ponamus cuiscumque dei, sicut vos facitis, neque altaria de auro et argento vel gemmis facimus ! Vos autem talem legem habetis ut de omnibus bonis vestris honoretis deos vestros ut vos exaudire debeant ! Vos, non intellegitis quia Deus non pro pretio, neque pro sanguine vituli, neque

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tères ! Vous, qui semez la discorde chez les rois et qui, des petits faites des superbes ! Vous, qui inspirez à l’homme ne pas se satisfaire des limites de la terre, qui l’engagez et le poussez à chercher les maisons du ciel7. Vous encore, faites le mal sans mesure, poussés par vos dieux comme ils l’ont pratiqué eux-mêmes ! En cela vous pouvez recevoir le témoignage de Jupiter, votre dieu, de Proserpine, votre déesse ; vous les vénérez, l’un, pour toutes les femmes qu’il a souillées par l’adultère, l’autre, pour tous les ­hommes qui ont partagé sa couche. Vous ne laissez pas les hommes vivre en liberté, vous en faites des esclaves. Vos jugements ne sont pas droits, vos juges tournent la loi en votre faveur. Vous parlez beaucoup de ce qu’il faut faire et ne le faites pas. Votre seule sagesse réside dans votre bavardage. Tout votre bon sens est sur votre langue, votre sagesse sur vos lèvres. Quelle que soit, en votre langue, le pouvoir attaché à la faculté de parler d’abondance, combien meilleurs sont-ils, ceux qui savent se taire ! Vous honorez or et argent, vous désirez palais et foule d’esclaves. Pourtant, vous mangez et buvez ni plus ni moins que n’importe qui ! Vous dominez tout, régnez en maître sur vos biens, mais la seule sagesse des Brahmanes vous dépasse en tout point, car nous considérons que c’est la terre qui vous a engendré comme elle l’a fait aussi des pierres. Vous décorez vos tombeaux, déposez vos cendres dans des urnes en pierre de prix. Quoi de pire, en effet, que la terre recueille des ossements ? Alors, vous les brûlez, malheureux, vous vous élevez une sépulture agréable pour ne pas laisser à la terre maternelle le soin de vous accueillir dans son sein. Que les hommes apprennent ainsi de quel mérite, une fois morts, vous entourez ceux qui vous aiment ! Quant à nous, nous ne tuons pas de bétail en honneur des dieux, ne faisons pas de temple à votre exemple où installer la statue d’or ou d’argent d’une quelconque divinité, nous ne dressons pas d’autel d’or, d’argent ou de pierre précieuse ! Quant à vous, vous avez pour règle d’honorer vos dieux de tous vos biens à condition qu’ils vous exaucent ! Vous ne comprenez pas que Dieu exauce l’homme ni pour de l’argent ni pour le sang

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pro sanguine hirci aut arietis, exaudit aliquem hominem nisi per bona opera que Deus diligit, quia in verbo tantummodo homo similis est Deo, quia Deus Verbum est et Verbum istud mundum creavit et per hoc Verbum vivunt omnia ! Nos, autem hoc Verbum colimus, hoc adoramus, hoc amamus ! Nam Deus spiritus et mens est, ideo non amat aliud nisi mundam mentem. Quapropter nimium vos esse insipientes dicimus, pro eo quod tenetis ut natura vestra celestis sit et quod Dei habeat communitatem, vos autem sorditatis illam de adulterio et fornicatione et servitute idolorum. Vos, istas causas amatis, istas semper facitis quas, cum facitis quousque vivitis, mundi non estis et post mortem exinde tormenta sustinebitis ! Vos, denique speratis Deum habere propitium pro carne et sanguine quem ei offertis ! Vos, non servitis uni Deo qui solus regnat in celo, sed multis diis servitis ! Vos, tot deos colitis | quot membra habetis in corpore, nam hominem dicitis esse mundum parvum et, sicut corpus hominis multa membra habet, ita dicitis diversos deos in celo consistere et unicuique partes nostri corporis attribuitis ; et proprias singulis victimas occiditis et nomina illis exquisita donatis, affirmantes Minervam, pro eo quod fuit inventrix multorum operum, natam de capite Iovis et tenere sapientiam, proinde dicitis eam tenere summitatem capitis. Iunonem, pro eo quod fuit iracunda, dicitis esse deam cordis. Martem, pro eo quod fuit preses bellorum, dicitis esse deum pectoris. Mercurium, pro eo quod multum loquebatur, dicitis esse deum lingue. Herculem, pro eo quod duodecim mirabiles virtutes fecit, dicitis esse deum brachiorum. Bacchum, quia fuit inventor ebrietatis, dicitis deum gutturis et sic stare supra guttur hominis, quomodo si stetisset supra cellam vino plenam. Cupidinem, pro eo quod fuit fornicator, dicitis tenere faculam ardentem in manu cum qua accendat libidinem, proinde dicitis illum esse deum

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xcii, 197 cfr Ioh. 1, 2    196 diligit] et per verba orationis exaudit hominem orantem add. B D E K   196 homo] om. B   199 hoc amamus] om. B   203 illam] illa mo   211 nostri] vestri B D   218/219 mercurium ... lingue] om. B E   224 accendit B   

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d’un veau, d’un bouc ou d’un bélier mais pour les bonnes actions qui lui sont agréables ! Parce que l’homme est semblable à Dieu par la parole seulement, et que Dieu est le Verbe, cette parole a créé le monde, et le monde vit par elle ! Nous, nous rendons un culte au Verbe l’adorons et l’aimons ! Car Dieu est esprit et intelligence, ainsi il n’aime rien d’autre plus qu’une intelligence pure ! Vous êtes par trop déraisonnables, je le dis, soutenant que votre nature est céleste et en communauté avec Dieu, tandis que vous la salissez par l’adultère, la fornication, l’asservissement aux ­idoles ! Vous aimez ces tristes causes et vous les pratiquez sans cesse votre vie durant, vous n’êtes pas purs et, à votre mort, vous irez souffrir les tourments de l’enfer ! En fin de compte, vous espérez les faveurs de Dieu pour la chair et le sang offert ! Vous ne servez pas le Dieu unique qui règne au ciel mais une foule de divinités ! Vous ­honorez autant de dieux qu’il y a de parties dans un corps. Vous dites que l’homme est un monde en réduction, et ainsi comme le corps humain a plusieurs membres, ainsi ditesvous qu’il y a plusieurs dieux dans le ciel. Vous attribuez à chacun une partie du corps, vous sacrifiez à l’un ou à l’autre des victimes appropriées et leur donnez des noms choisis. Minerve, sortie du crâne de Jupiter, pour être la mère de nombreux travaux, ditesvous, a la sagesse et ainsi réside au sommet de la tête. Junon, pour être coléreuse, dites-vous, est la déesse du cœur. Mars, pour présider à la guerre, dites-vous, est le dieu de la poitrine. Mercure qui parlait beaucoup, dites-vous, est le dieu de la langue. Hercule, pour avoir accompli ses douze travaux extraordinaires, dites-vous, est le dieu des bras. Bacchus, l’inventeur de l’ivresse, dites-vous, vous en faites le dieu du gosier et ainsi règne-t-il sur le gosier de l’homme comme sur une cave à vin. Cupidon, pour être un débauché, dites-vous, voilà qu’il tient à la main une petite torche allumée dont il se sert pour répandre le feu de l’amour, et vous en déduisez qu’il est la divinité du foie, qui est en grande partie le

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iecoris ubi habitat maxima pars ignis corporis. Cererem, pro eo quod fuit frumenti inventrix, dicitis deam esse ventris. Venerem, pro eo quod fuit mater luxurie, dicitis deam esse membrorum genitalium. Totum enim corpus hominis dividitis inter deos. Nullam partem corporis vestre potestati relinquitis et non tenetis quia corpora unus Deus qui in celo est creavit. Exinde tamen nullam gratiam vobis reddunt ipsi dii vestri sicut liberis hominibus, | sed ut colonis et subiectis imponunt vobis tributum, atque aliis alia tributa a vobis offeruntur. Marti denique offertis aprum, Baccho offertis hircum, Iunoni offertis pavonem, Iovi mactatis taurum, Apollini occiditis cygnum, Veneri immolatis columbam, Minerve noctuam occiditis, Cereri far sacrificatis, Mercurio mella solvitis, altaria Herculis coronatis ex frondibus arboris populi, templum Cupidinis rosis ornatis. Et si necessitas vobis evenerit, non volunt commune sacrificium, nec communia templa, sed unusquisque deus proprium sibi premium datumque assequitur. Unusquisque autem deus de his quos colitis, sive avem, sive frumenta, sive quadrupedem, sive qualemcumque aliam causam consecratam habet. In illis est illorum potestas, non in corpore vestro. Et vos quomodo dicitis illos habere potestatem in vestro corpore, qui non habent potestatem nisi in animalibus que offeruntur illis ? Certe digna tormenta sustenebitis post mortem propter vestros errores. Revera enim non rogatis deos adiutores, sed carnifices quia membra vestra per diversa tormenta divident. Necesse est enim tot tormenta sustinere corpora vestra, quot deos dicitis habere potestatem in corporibus vestris. Unus deus vos facit fornicari, alius bibere, alter litigare, omnes vobis imperant et vos omnibus servitis, omnes colitis et miserum corpus vestrum debet deficere propter tot servitia que facitis multis diis. Et rectum est vos talibus diis servire | propter tanta mala que facitis et quia non vultis cessare a malis, ideo servitis talibus diis. Sine causa enim servitis talibus diis, qui vobis imperant omnia mala facere. Si vero exaudierint vos ipsi dii vestri quando eos rogatis, damna faciunt in

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siège du feu corporel. Cérès, pour être la mère des moissons, ditesvous, est la déesse du ventre, Vénus, mère de la luxure, dites-vous, est la déesse des organes génitaux. Vous partagez entre les dieux tout le corps humain. Vous ne gardez main mise sur aucune partie du corps, vous ne tenez pas pour vrai que c’est l’unique Dieu du ciel qui a créé le corps. Il s’ensuit, cependant, que vos dieux ne vous en rendent aucune grâce comme à des gens libres, mais ils vous imposent tribut comme à des colons et des sujets ; et vous vous faites tributaires en toutes sortes de façons ! Vous offrez le bélier à Mars, le bouc à Bacchus, le paon à Junon, à Jupiter le taureau du sacrifice, le cygne à Apollon, à Vénus vous immolez la colombe, à Minerve la chouette, à Cérès vous offrez un gâteau de blé et à Mercure des rayons de miel ! Vous décorez les autels d’Hercule de rameaux de peuplier et couvrez de roses le temple de Cupidon ! Et quel que soit votre besoin, vos dieux refusent le sacrifice collectif ou le temple à partager, chacun récupère pour lui son salaire et son offrande ! Tel s’est réservé l’oiseau, tel autre le grain de blé, tel, enfin, le quadrupède ou quelque avantage encore ! La puissance de ces dieux n’a d’effet que sur eux et non sur vous ! Comment pouvez-vous affirmer qu’ils agissent sur vous, vous qui n’avez d’autre pouvoir que de leur offrir des animaux ? C’est certain, vous irez souffrir après la mort dans des tourments mérités pour vos erreurs ! Vraiment vous n’invoquez pas des dieux secourables, mais des dieux carnassiers qui vous démembreront dans de multiples tourments ! C’est inévitable, autant de divinités régnant sur chaque partie du corps, d’après ce que vous dites, autant de supplices à supporter ! Vous avez fait un dieu pour copuler, un pour boire, un pour la chicane ! Tous vous donnent des ordres et vous êtes asservis à chacun ! Vous les honorez les uns et les autres, et votre pauvre corps doit s’épuiser à tant de tâches serviles à rendre à tant de dieux ! C’est justice que d’être asservis à de tels dieux pour le grand mal que vous faites, et c’est pour ne pas vouloir y mettre fin que vous êtes leurs esclaves ! C’est sans raison que vous leur êtes soumis pour commettre tant de mal sur leur injonction. Admettons que ces dieux mêmes viennent à vous exaucer quand vous les priez, alors ils sont un dommage pour votre conscience ! Admettons maintenant qu’ils ne vous exaucent pas,

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conscientia vestra ; si vero vos non exaudierint, erunt contrarii desideriis vestris, quia vos non de alia causa rogatis eos nisi de malo ; ergo sive exaudierint sive non exaudierint, vobis semper nocent. He sunt dee vestre que dicuntur Furie que peccata hominum post mortem per furorem vindicant. Hec sunt illa tormenta que vobis doctores vestri dixerunt, que vos velut mortuos iam in isto seculo cruciant. Etenim si bene volueritis considerare, non peiorem causam potest aliquis sustinere quam vos modo sustinetis. Et quanta simulacra dicunt doctores vestri esse apud inferos, vos estis. Pene sunt plurime in inferno et vos modo penas patimini, quando vigilatis propter commitenda adulteria et fornicationes et furta. Dicunt autem tantum malum esse in inferno quod semper sitiant et nunquam satientur, et vos tantam cupiditatem habetis acquirendi divitias ut nullo tempore satiemini. Dicunt Cerberum esse in inferno qui habet tria capita, et venter vester, si conspicitis, sic est quomodo Cerberus propter multam comestionem et bibitionem. Similiter | dicunt quod sit in inferno serpens qui vocatur Hydra, et vos propter multa vitia que per saturitatem ventris habetis Hydra dici potestis. Et omnia alia que doctores vestri dicunt esse in inferno, si considerare vultis, propter mala vestra vos estis. Heu vos miseri qui talem fidem tenetis unde post mortem tormenta sustinere debetis ! ” Et rursum, in secunda epistola inter alia sic ait : “ Nos, non sumus habitatores istius mundi, quasi semper hic esse debeamus, sed sumus peregrini in isto mundo quia morimur et pergimus ad domos patrum nostrorum, non gravant nos peccata nostra, nec manemus in tabernaculis peccatorum, nullum furtum facimus et pro nostra conscientia quam habemus in publicum non eximus. Deus autem qui omnia creavit in mundo varias operatus est causas, quia non poterat constare mundus nisi per diversitatem multarum rerum et dedit arbitrium homini ad discernendum de omnibus

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alors ils contrarient vos désirs puisque vous les avez invoqués pour faire le mal et pour rien d’autre ! Donc que vous soyez exaucés ou que vous ne le soyez pas, ils vous nuisent toujours ! Vous avez des divinités appelées Furies qui, la mort venue, pourchassent avec frénésie les péchés des hommes. Voilà ces supplices que vos docteurs vous ont décrits, ils vous mettent déjà, dans ce siècle, à la torture, comme si vous étiez déjà morts ! Et, à tout bien considérer, personne n’est en mesure de soutenir une cause plus mauvaise que celle que vous soutenez ! Vous êtes semblables aux ombres que vos docteurs placent dans les Enfers ! Les châtiments y sont nombreux et vous les souffrez déjà dans le soin que vous mettez pour commettre adultère, fornication, vol ! Vos docteurs rapportent qu’en enfer le supplice y est tel qu’on y a soif toujours, sans être jamais désaltérer ; et votre avidité pour les richesses est telle que le temps ne saurait la rassasier. Ils racontent qu’il s’y trouve un Cerbère à trois têtes, et à bien y regarder votre ventre est comme un Cerbère à force de manger et boire. Et aussi, disent-ils, on y rencontre un serpent nommé Hydre, et au vu des vices sans nombre dont votre ventre déborde, on peut vous y assimiler. Et tous les châtiments que vos docteurs placent dans l’enfer, à bien considérer, vous les vivez par vos péchés ! Malheureux êtes-vous, vous qui suivez une croyance, qui vous conduira, après la mort, à subir les tourments ! » Dans une seconde lettre, Dindimus, toujours lui, disait entre autres : « Nous n’habitons le monde d’ici-bas comme si nous devions y demeurer à jamais ! Mais nous sommes des pèlerins sur cette terre, parce que nous mourrons et marchons vers la demeure de nos pères ! Nos péchés ne nous accablent pas, nous ne demeurons pas dans la tente des pécheurs8. Nous ne pratiquons pas le vol et, pour soulager notre conscience, nous ne nous répandons pas en public. Dans l’univers, Dieu fut créateur de toutes choses, il fut l’artisan de la diversité des causes qui assure au monde la stabilité par le nombre et la variété de ses éléments. Il donna à l’homme le pouvoir de discernement sur tous les éléments de la

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que in mundo sunt. Quicunque ergo dimiserit peiora et secutus fuerit meliora, hic non est Deus, sed amicus Dei. Nos enim, quia sancte et continenter vivimus, ideo dicitis quia aut deos nos facimus aut contra deos invidiam habemus. Ista suspitio quam de nobis habetis, ad vos pertinet. Nam cum tantum inflati sitis de prosperitate quam habetis, ponitis super vos gloriosum | ornamentum. Mittitis aurum in digitis vestris sicut femine faciunt. Unde, sciatis quia de hac causa, unde speratis vos esse maiores, ad veram humilitatem nihil vobis prodest. De auro autem non fiunt beate anime, neque corpora humana exinde satiantur, sed magis de hac causa vitiantur. Nos autem, qui veram humilitatem cognoscimus et scimus ipsam naturam auri, quando sitimus, imus ad fluvium ut bibamus aquam, ipsum autem aurum cum pedibus calcamus. Aurum enim non tollit famem neque sitim ; si sitierit homo et habuerit aquam, tollitur sitis eius. Similiter et si esurierit et comedat, cessabit fames eius. Si ergo de eadem natura aurum esset, cum acceperit illud homo, sine dubio cessaret cupiditas illius. Sed ideo malum est aurum, quia cum incipit homo illud habere, plus augetur cupiditas illius. Quicunque est malus homo honoratur et colitur a vobis, quia omnis homo cum tali homine habet dilectionem qualis ipse est. Vos enim, dicitis ut non curet Deus mortalia, edeficatis vobis templa, statuitis altaria et delectamini quando occiduntur ibi pecora, et nomen vestrum nominatur. Hoc factum est patri tuo, hoc avo tuo cunctisque parentibus, hoc etiam et tibi promittitur. Vos autem nobis qui recta videmus vultis adducere tenebras cecitatis vestre et non dimittitis nos ut plangamus de miseriis vestris ! Non tantum beneficium prestat homo homini perdito, quantum si plangit eum. ” Ex his patet quam religiose et secundum legem nature | vixissent isti Brachmani qui, nec legem mosaicam, nec legem evangelii audierant, si se peccatores humiliter agnovissent, secundum quod dicit Apostolus : “ Si dixe-

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création. Ainsi quiconque délaisse le mal et suit le bien, celui-là n’est pas Dieu, mais l’ami de Dieu. Nous vivons dans la sainteté et la continence et par-là, à ce que vous dites, nous nous prenons pour des dieux ou les tenons pour rien. Mais un tel soupçon à notre encontre, c’est à vous qu’il revient ! Vous êtes tout enorgueillis de votre prospérité, vous vous couvrez d’une parure somptueuse ! Vous vous mettez de l’or au doigt comme les femmes ! Sachez donc que la cause dont vous avez espoir qu’elle fasse de vous les plus grands ne vous conduit pas à la véritable humilité ! L’or ne sanctifie pas l’âme, ne désaltère pas le corps, au contraire il les souille. Quant à nous qui connaissons la véritable humilité, nous savons la vraie nature de l’or. Lorsque nous avons soif, nous allons au fleuve en boire l’eau, tout en foulant l’or aux pieds. L’or n’apaise ni faim ni soif, c’est avec l’eau qui est en sa possession que l’homme apaise la soif. Et pareil, qui a faim et mange s’en trouve rassasié. Par conséquent, si l’or était de cette nature, l’homme l’aurait-il à peine reçu que sa cupidité viendrait à cesser, sans aucun doute. Ainsi l’or est mauvais, car qui commence à en avoir, augmente plus encore le désir d’en posséder. Vous fêtez et rendez honneur à quiconque, fut-il mauvais, et qui se complaît avec un tel homme lui ressemble. Vous dites que Dieu n’a cure des mortels, et vous vous élevez des temples, vous dressez des autels, vous vous plaisez d’y voir sacrifier le bétail et d’y entendre prononcer votre nom. On l’a fait pour ton père, tes aïeux, ta parenté, et tu peux être certain qu’on en fera autant pour toi. Et tu veux nous entraîner dans les ténèbres de votre aveuglement, nous qui voyons juste, tu ne ­souffres pas que nous pleurions sur vos misères9. Pour un homme, quel plus grand service rendre à un homme perdu que de pleurer sur lui ? » À l’évidence, ces Brahmanes, sans avoir jamais entendu parler de la loi de Moïse ou de celle de l’Évangile, auraient vécu de façon religieuse et selon la loi de la nature, s’ils s’étaient reconnus pécheurs en toute humilité10 Comme le dit l’Apôtre : « Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous nous séduisons nous-

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rimus quia peccatum non habemus, nos metipsos seducimus et veritas non est in nobis. ” Aquam enim vere humilitatis de fonte paradisi emanantem in libris gentilium non reperimus. Sunt preterea homines in partibus supradictis qui amore alterius vite in ignem mittere se non formidant. Sunt alii qui parentes proprios nimio confectos senio mactare et carnes eorum ad epulandum preparare, immensam reputant pietatem et magnam religionem. Hos autem qui hec facere renuunt tanquam impios et irreligiosos detestantur. Sunt ibi quidam homines, magni velut gigantes, ut elephantes facillime transiliant ; sunt alii adeo parvi, ut cubitum longitudinis vix excedant. Sunt matres que semel parientes canos partus proferunt, qui tamen diu viventes in senectute nigrescunt. Sunt alie que quinquennes pariunt, sed partus non nisi octo annis vivere possunt. Sunt alii qui pisces crudos manducantes ipsum etiam salsum mare bibunt. Sunt alii qui manus habent adversas et in pedibus octo digitos. Alii plantas pedum habent transpositas. Alii canina capita habentes et ungues aduncos pellibus pecudum induti, pro voce canum latratus proferunt. Alii ita parvum os habent quod gracili calamo non nisi sorbilia comedunt. Alii carnibus humanis vescuntur, hominum autem vestigia | tam diu olfactu percipiunt, quousque aquam aliquam homines quos insequuntur transierint. Sunt ibi monoculi qui arismapi et cyclopes appellantur. Sunt alii qui unum tantum pedem habentes velocissime currunt. Habent autem tantam pedis latitudinem quod eius planta contra solis fervorem umbram spatiosam sibi faciunt, et quasi in domo sub planta pedis requiescunt. Sunt alii absque capitibus, oculos in humeris habentes, pro naso autem et ore duo habent foramina in pectore, setis autem horridi sunt ad modum bestiarum. Sunt alii qui solo odore cuiusdam pomi vivunt, quos si longius ire contigerit ipsum pomum secum deferunt, aliter enim morerentur si pravum sentirent odorem. Sunt alii homines silvestres, sex manus per singulos habentes. Sunt ibi preterea mulieres speciose valde in flumine calido habitantes, habentes horridas vestes, armis argenteis, eo quod ferrum non

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mêmes et la vérité n’est pas en nous. » Car nous ne trouvons pas dans les livres des Gentils l’eau de la véritable humilité qui vient de la fontaine du paradis. Il y a encore dans ces contrées des hommes qui, par amour de l’autre vie, ne craignent pas de se jeter dans le feu11. Il en est qui estiment que c’est faire preuve d’extrême piété et de haute religion que de sacrifier leurs propres parents tombés dans une grande vieillesse, préparer leurs chairs pour en faire un festin. Ceux qui s’y refusent sont maudits, comme impies et gens sans religion12. Il y a là des êtres humains de la taille de géants qui dépassent sans peine les éléphants, d’autres, si petits qu’ils sont à peine plus grands qu’une coudée. Des mères accouchent en une seule fois, mettant au monde des enfants blancs qui vivent longtemps et noircissent en vieillissant13. D’autres femmes mettent bas à l’âge de cinq ans, leurs petits ne peuvent vivre plus de huit. Il en est qui mangent le poisson cru et boivent même l’eau salée de la mer. En voilà qui ont les pieds tournés à l’envers et des mains à huit doigts. D’aucuns ont la plante des pieds retournée14. Tels autres ont une tête de chien, des ongles crochus, couverts de peaux de bêtes et, au lieu de parler, ils aboient15. Il y a ceux qui ont une petite bouche, avalent des aliments liquides en s’aidant d’une fin roseau16. D’autres se nourrissent de chair humaine, suivent les hommes à la trace tant qu’ils peuvent en suivre l’odeur, jusqu’à ce que ceux qu’ils poursuivent aient traversé une étendue d’eau. Il y a les arimaspes, les cyclopes comme on les appelle, avec un seul œil. Il en est d’autres qui ont un seul pied et courent vite. Ils ont une plante des pieds d’une telle largeur qu’ils s’en servent pour se donner une ombre étendue contre l’ardeur du soleil, ils se reposent sous leur plante de pied comme en une maison. En voilà encore qui n’ont pas de tête et dont les yeux se trouvent sur les épaules, ils ont, au lieu de nez ou de bouche, deux ouvertures sur la poitrine ; ils sont hérissés de poils comme les bêtes sauvages. Certains vivent de la seule odeur d’un fruit ; s’il leur advient de s’éloigner, ils l’emportent avec eux au risque de mourir si cette odeur faisait défaut17. On trouve par ailleurs des hommes des bois avec six mains chacun18. Encore, des femmes à la beauté resplendissante séjournent dans les eaux chaudes d’un fleuve, vêtues de façon

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habeant, utentes. In quibusdam vero silvis Indie habitant mulieres barbas usque ad mamillas habentes, pellibus animalium indute, nec vivunt nisi de venatione. Sunt ibi preterea viri et mulieres nudi incedentes, corpus pilosum sicut bestie habentes, eque in flumine ut in terra habitantes. Quando autem extraneos homines supervenire inspiciunt, submersi in flumine non | apparent. Sunt homines agrestes magni valde et pilosi sicut porci, et velut fere mugientes. Sunt ibi quedam mulieres in flumine speciose valde, excepto quod dentes habent caninos, albe autem sunt veluti nix. In quibusdam montibus Indie habitant pygmei duorum cubitorum homines quibus bellum est contra grues, qui tertio anno pariunt, octavo senescunt. Hec predicta que partim ex historiis orientalium et mappa mundi, partim ex scriptis beati Augustini et Isidori, ex libris etiam Plini et Solini, preter historie seriem presenti operi adiunximus, si forte alicui incredibilia videantur, nos neminem compellimus ad credendum, unusquisque in suo sensu abundet. Ea tamen credere que contra fidem non sunt vel bonos mores, nullum periculum estimamus. Scimus enim quod omnia Dei opera mirabilia sunt, licet per usum et consuetudinem hi qui frequenter ea intuentur nulla admiratione moveantur. Cyclopes enim, qui omnes monoculi sunt, non minus forsan hos qui duos habent oculos admirantur, quam nos ipsos vel alios qui tres oculos haberent admiraremur. Sicut autem pygmeos pro nanis habemus, ita ipsi nos gigantes reputarent si ex nostris aliquem inter ipsos aspicerent. In terra autem gigantum qui maior est inter nos | nanus reputaretur ab ipsis. Nos autem nigros Ethiopes turpes reputamus, inter ipsos autem qui nigrior est pulchior ab ipsis iudicatur. Multa autem in regionibus nostris non admiramur que populus orientalis si audi-

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371 cfr Rom. 14, 5    360 sunt] ibi add. B D K   366 senescunt] comparatio mirabilium orientalis regionis ab ea que sunt in aliis locis add. A B C D G J K bo , om. E H   375 ea] om. B, ill. K   377 forsan] omnes add. B   

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effrayante, se servant d’armes en argent à défaut de connaître le fer. En Inde, des forêts abritent des femmes dont la barbe tombe jusqu’à la poitrine ; vêtues de peaux de bêtes, elles vivent de la chasse. On rencontre des femmes et des hommes qui vont nus, le corps couvert de poils comme les bêtes sauvages ; ils demeurent indifféremment dans les fleuves ou sur la terre ferme. Quand ils voient venir des intrus, ils plongent et disparaissent sous l’eau. Voilà encore des hommes sauvages, très grands, velus comme des porcs ; ils mugissent comme les fauves. Dans un fleuve vivent des femmes très belles, sauf qu’elles ont des dents de chiens ; elles sont blanches comme la neige19. En Inde, dans les montagnes, sé­journent les pygmées hauts de deux coudées ; ils sont en guerre contre les grues. Ils ont des enfants à trois ans et sont vieux à huit. J’ai ajouté ces divers points au présent ouvrage, interrompant le fil de l’histoire. Ils sont extraits en partie des historiens orientaux, de la mappa mundi20, et pour une autre, des écrits de saint Augustin, d’Isidore, des ouvrages de Pline et Solin. Pour in­ croyables qu’ils puissent paraître, je ne force personne à y donner foi ; que chacun suive son sentiment ! Je pense qu’il n’y a aucun danger à le croire, que c’est en rien contraire à la religion et aux bonnes mœurs. Nous savons en effet que toutes les œuvres de Dieu sont des merveilles ; et pourtant celui qui a l’occasion de les contempler chaque jour ne se laisse pas aller à un sentiment d’admiration, telle est la force de l’habitude et de la coutume. Peut-être, tous les cyclopes à un seul œil ne s’étonnent-ils pas moins de voir ceux qui en ont deux, que nous-mêmes nous étonnerions de les voir ou d’en voir d’autres avec trois yeux ? Nous tenons les pygmées pour des nains, ils nous tiendraient aussi pour des géants si l’un de nous venait à paraître au milieu d’eux. Chez les géants, le plus grand chez nous passerait pour nain. Les Éthiopiens sont noirs, et nous estimons qu’ils sont laids. Pourtant, chez eux, le plus noir passe pour le plus beau. Dans nos pays, nous ne nous étonnons plus de nombreuses choses que les orientaux tiendraient pour incroyables

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ret, vel non crederet, vel mira reputaret. In quibusdam partibus Flandrie aves ex arboribus procreantur, rostris arboribus infixis dependentes, postquam autem tempus maturitatis advenerit ; ex ramis statim decidunt et sicut alie volucres volare incipiunt. Carnes autem earum in quadragesima manducant, nec aliqua admiratione ducuntur qui talia videre frequenter consueverunt. In insula Thanatos in partibus scilicet Hybernie nunquam serpentes inveniri possunt, cuius terra ad quascunque regiones deferatur serpentes necat. In insula Sardinie, nec serpens, nec lupus procreatur. In insula Thyle nunquam arbores folia deponunt, in qua sex mensibus estivis semper est dies, sex autem mensibus hyemalibus nocte continua obscurantur. In insula autem Sicilie Etna continuis et sulphureis estuat incendiis. In Ionio autem mari est Charybdis et Scylla. In Hybernia locus quidam habetur qui purgatorium sancti Patricii nuncupatur. Si quis illuc ingressus fuerit, nisi vere penitens et contritus fuerit, statim a demonibus raptus et necatus, nunquam postea revertitur. Qui autem vere contritus et concessus ingreditur, per ignem et aquam et per mille genera tormentorum a demonibus correptus ibidem purgatur. Qui autem amplius deliquit acerbius | in eodem loco punitur. Qui autem a predicto loco purgatus regreditur, nunquam deinceps ridere potest, vel ludere, vel aliqua que in mundo sunt diligere, sed semper lugens et gemens posteriorum oblitus, in anteriora se ostendit. In Minori Britannia fons quidam esse refertur, cuius aque supra propinquum lapidem proiecte pluvias et tonitrua provocare dicuntur. In Maiori Britannia quidam fuerunt homines caudati, in Francia quidam cornuti. Aliquos etiam vidimus velut canes latratus emittentes. In Longobardia cum buffonibus in fronte nascuntur pueri. Si quis autem absque buffone nascatur, mater eius tanquam adultera et que ab alienigena conceperit a marito suo reputatur. In quibusdam regionibus, et maxime in extremis Burgundie partibus, circa Alpes, quedam sunt mulieres guttur magnum usque ad ventrem

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ou merveilleuses s’ils venaient à en entendre parler. Dans quelque coin de la Flandre, les arbres engendrent des oiseaux ; ils y sont suspendus, attachés par le bec. Parvenus à maturité, ils tombent bientôt de leur branche et se mettent à voler comme les autres oiseaux21. On en mange la chair pendant le carême ; et ceux qui ont l’habitude de voir ça souvent n’y voient pas sujet d’étonnement. Dans l’île de Thanatos, vers l’Irlande, on ne trouve jamais de serpent ; et quand en on porte ailleurs, la terre cette île a pour effet de les tuer22. Dans l’île de Sardaigne ne naissent ni serpents ni loups. Dans l’île de Thulé, les arbres ne perdent jamais leurs feuilles ; il y fait jour pendant les six mois d’été. Pendant les six mois d’hiver, on y est enveloppé d’une nuit obscure et sans fin. En Sicile, l’Etna brûle d’un feu aux vapeurs sulfureuses, qui ne cesse pas. Dans la mer Ionienne, il y a Charybde et Scylla. En Irlande, il est un lieu qu’on appelle le purgatoire de saint Patrick. Si quelqu’un y entre sans esprit de repentir et de contrition, il est aussitôt saisi par les démons, tué, et n’en revient jamais. S’il se repent et avoue ses fautes, il est entraîné par les démons au fil de l’eau, du feu et de mille autres tourments ; il s’en trouve purifié. Celui qui a commis le plus de fautes est puni là même, plus durement. Celui qui en revient purifié ne peut plus jamais rire par la suite, ni jouer ni chérir les biens de ce monde, mais pleurant et gémissant toujours, il oublie le passé pour se tourner vers l’avenir23. En Bretagne, on rapporte l’existence d’une fontaine dont l’eau, en retombant sur une pierre voisine, provoque, assure-t-on, pluies et grondements de tonnerre24. En Grande-Bretagne, on trouve des hommes à queue25, en France, des hommes à cornes26. On en voit même qui poussent des aboiements comme des chiens27. En Lombardie, les enfants naissent avec un crapaud sur le front. Si l’un d’eux en est démuni en naissant, sa mère passe pour adultère aux yeux de son mari et avoir été fécondée par un autre28. Dans tel pays, et surtout aux frontières de la Bourgogne, près des Alpes, des femmes ont des goitres qui leur tombent sur le ventre et ont

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protensum tanquam amphoram seu cucurbitam amplum habentes. Quidam autem tantas in dorsis habent strumas quod quicquid in augmentum corporum cedere debet, gibbus absorbet, et propter hoc parvi sunt velut nani. Hec predicta hi homines apud quos frequenter talia contingunt non admirantur. Ex mutis et surdis, muti et surdi infantes procreantur. Ex leprosis autem plerumque leprosi nascuntur, non tamen ex cecis ceci, vel monoculis monoculi, vel ex mutilatis nascuntur mutilati. Septimo vel nono mense puer editus non moritur, octavo mense natus, nequaquam vivere potest. | In partibus occidentis quidam silvestres homines in silvis capti sunt, qui postquam inter homines veniebant manducare renuentes moriebantur vel evadebant. Quidam etiam hermaphroditi seu gemini sexus in partibus Francie a multis visi fuerunt. Commani carnes crudas comedunt et sanguinem equinum bibunt. Non solum autem in hominibus, sed in brutis animalibus et in rebus inanimatis quedam mirabilia fiunt, que tamen ex usu et frequentia homines non admirantur. Vulpecula, ut volucres capiat, in via resupina protenditur et se mortuam et quasi anhelitu simulat. Formica granum frumenti, ne germinet in terra, per medium secat. Cervus ut renovetur statu serpentem de caverna extrahit, quo devorato, fontem urgente veneno sitiens, postquam aquas biberit recuperat iuventutem. Cervi autem aquas natando transeuntes, cornua ponderosa clunibus suis invicem sustentare dicuntur, postquam autem primus fessus fuerit, loco eius ultimus succedit. Aranea de visceribus suis, ut muscas capiat, subtilia retia facit. Lupus si prius hominem videat quam ab homine videatur, homo raucescit. Dicitur autem quod postquam ovem rapuerit, insequentibus pastoribus, ovem dentibus non ledit, sed super dorsum suum suaviter eam iacere permittit, ne forte ovis sentiens lesionem dum seipsam moveret fugam lupi retardaret. Simia si duos | fetus parturit, unum odio habens, alterum diligit, illum quem amat inter brachia portat,

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la taille d’une cruche ou d’une courge29. On trouve des gens avec de telles bosses sur le dos que tout ce qui devrait contribuer à la croissance du corps est absorbé par la bosse, voilà pourquoi ils demeurent petits comme des nains. Ceux qui ont de tels exemples en permanence sous les yeux n’en éprouvent aucun étonnement. Les sourds et les muets font des enfants sourds et muets30. Presque toujours les lépreux naissent de lépreux. Pourtant les aveugles ne font pas des aveugles et les borgnes des borgnes, des enfants mutilés ne naissent pas de parents mutilés. L’enfant venu au monde au septième ou neuvième mois de la grossesse ne meurt pas, celui né au huitième mois ne peut survivre d’aucune façon31. En Occident, des hommes sauvages, capturés dans les bois, refusaient de ­manger ; une fois dans la société des hommes, ils mourraient ou s’échappaient32. Il y a, en France, des hermaphrodites qui ont deux sexes ; nombreux ceux qui en ont vu33. Les Comans mangent la chair crue et boivent le sang des chevaux. Et ce n’est pas seulement chez les êtres humains mais aussi chez les bêtes sauvages et les objets inanimés que se manifestent ces merveilles dont la banalité et la fréquence font qu’elles n’étonnent plus personne. Pour attraper les oiseaux, le renardeau reste sur la route, couché sur le dos, et fait le mort comme retenant sa respiration. La fourmi coupe le grain de blé en deux pour qu’il ne germe sous terre. Pour rajeunir, le cerf attire le serpent hors de son repaire, il le dévore et, poussé par la soif sous l’effet du poison, il va à la fontaine où il retrouve la jeunesse après en avoir bu l’eau. Quand les cerfs traversent des eaux à la nage, chacun fait porter le poids de ses bois sur la croupe de celui qui le précède, dit-on ; quand le premier est fatigué, le dernier prend sa place. Pour prendre les mouches, l’araignée tisse une fine toile d’une substance tirée de l’abdomen. Si un loup voit un homme avant d’être vu, l’homme s’enroue. Poursuivi par les bergers, le loup, après avoir attrapé une brebis, ne la mord pas ; il use de douceur pour la faire monter sur son dos, éviter que, sous l’effet de la morsure, elle ne se mette à remuer et le retarder dans sa fuite, c’est ce qu’on raconte34. Quand un singe met bas deux petits, il en prend un en aversion, l’autre en affection. Il porte dans les bras le petit qu’il aime, l’autre s’ac-

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alterum quem odio habet dorso eius vel collo adheret. Canes soli nomina sua cognoscunt, dominos suos tenerissime diligunt et pro eis morti se exponunt ; corpora mortuorum dominorum, nulla fame compellente, relinquunt ; quamvis autem libenter dormirent, hospitia domini sui nocte vigilantes custodiunt. Musio seu murilegus tam acute cernit ut fulgore luminis superet tenebras noctis. Mustela serpentes et mures persequitur, ingenio autem callida in domibus ubi fetus nutrit transferendo frequenter locum mutat ne reperiantur. Hericius talis est prudentie : dum abscindit uvas de vite vel poma de arbore, super ea sese volutans, aculeis adherentia secum defert ; qui etiam dum aliquid persenserit, statim in globum collectus ad arma se convertit. Agnus talis est nature quod matrem suam statim natus inter omnes alias oves balatu cognoscit ; lupum autem abhorrens, licet nunquam prius ipsum viderit, statim fugit, qui tamen viso equo vel alio animali nec fugit, nec timet. Aquila pullos suos unguibus suspensos radiis solis obiicit ; quos autem immobilem tenere viderit aciem, tanquam genere dignos conservat et pascit, si quos flectere viderit obtutum, tanquam degeneres abiicit ; quando autem senecta gravatur, sublime volans omnes nubes transcendit, ex calore autem | solis propinqui oculorum eius caligo consumitur, et penne eius graves alleviantur statimque cum impetu descendens aquis immergitur, et ita iuventus eius renovatur. Rostrum autem aduncum petre allidens sublato veteri novum recuperat ut cibum capere valeat. Turtur quandiu maritus eius vivit nunquam ab eo recedit ; quo mortuo, nunquam alii copulatur, sed solitaria incedens siccis arborum ramis insidet, gemens et tristis. Corvus pullos non pascit nisi, plumis nigrescentibus, proprii coloris similitudinem agnoscat. Grues volant ordine litterato ; que autem preest agmini, voce castigat alias ut ordinem non deferant ; qua raucescente, alia succedit eidem officio deputata. Nocte vero inter se excubias dividunt, unguibus autem

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460 arma] sua add. B D K   462 prius] om. B   463 fugerit B D E K   464 timeret B D E   

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croche à son cou ou son dos35. Les chiens seuls reconnaissent le nom qu’on leur donne, ils aiment leur maître avec tendresse ; pour lui, ils bravent la mort. Même poussés par la faim, ils n’en abandonnent pas le cadavre. Ils dorment volontiers, mais en veillant la nuit, ils gardent la demeure du maître. La vue du chat, chasseur de souris, est si aiguisée que sa lueur est un feu qui perce les ­ténèbres de la nuit. La belette chasse les serpents et les rats ; elle est d’un naturel rusé. Dans la maison où elle nourrit ses petits, elle les change souvent de place pour qu’on ne les trouve pas. Le hérisson est si avisé, qu’après avoir coupé les raisins d’une vigne ou les fruits d’un arbre, il se roule dessus pour les fixer à ses piquants et les emporter. En cas de danger, derechef, il se met en boule et se prépare à se défendre. La nature veut que l’agneau de naissance reconnaisse le bêlement de sa mère au milieu des autres. Sans hésiter, il fuit le loup qu’il déteste sans l’avoir jamais vu, mais ne craint ni cheval ni autre animal et il ne fuit pas quand il les voit. L’aigle tient ses petits entre les serres et les expose, suspendus ainsi, aux rayons du soleil. Ceux dont le regard ne se détourne pas, il les juge dignes de sa race, il les épargne et il les élève ; mais s’ils baissent le regard, il les chasse comme des rejetons dégénérés. Devenu très vieux, il s’envole haut dans les nues. La chaleur du soleil proche dissipe le brouillard de ses yeux, son pesant plumage s’en trouve allégé ; il plonge soudain, s’enfonce dans les eaux et recouvre ainsi la jeunesse. Il brise son bec crochu contre une pierre et en retrouve un nouveau pour se nourrir36. La tourterelle ne se sépare jamais de son mâle tant qu’il est vivant. Une fois qu’il est mort, elle n’en connaît pas d’autre ; elle reste seule, triste et dolente, perchée sur la branche morte d’un arbre37. Le corbeau nourrit ses petits seulement quand leurs plumes noircissent, il sait alors qu’ils lui sont semblables. Les grues volent selon un ordre établi. La première de la troupe commande, elle houspille les autres pour qu’elles gardent leur rang ; quand elle a une extinction de voix, une autre la remplace au même poste. La nuit, elles se partagent les heures de veille et se mettent des cailloux en équi-

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lapillos suspensos tenent, quibus somnolentas arguant si lapides decidant ; in senectute autem nigrescunt. Ciconie dum maria transeunt, cornices duces earum exercitum precedunt ; maxima autem illis est cura fetus et affectio, adeo ut dum nidos propensius fovent, assiduo accubitu plumas exuant ; serpentibus autem inimicantur. Struthio ferrum comedit, ova autem sua fovere negligens in pulvere relinquit ; ibi autem fotu pulveris animantur. Ardea dum altius volat, tempestatem significat, adeo enim imbres et procellas formidat, quod omnes nubes volando transcendit. Monedula, si aurum vel monetam invenit, furatur et abscondit. Pavo, cum inspicitur et laudatur, caudam in circulum extendendo | flectit et pulchretudinem ostendit. Hinc autem pedum deformitatem cum prospicit, caudam deponit. Pavo vocem habet terribilem, incessum simplicem, caput serpentinum, pectus sapphyrium, pennas aliquantum ruffas, caudam longam et oculatam. Accipitres dum viderint pullos tentare posse volatus, escas eis non deferunt, sed pennis eos verberant et a nidis precipitant, atque teneros ad predam compellunt, ne adulti pigri fiant. Accipiter silvestris domesticas rapit aves et statim devorat, domesticus silvestres rapit et domino suo reservat. Palumbes genus est columbarum que amisso corporali consorte, solitaria incedit, nec quicquam viride ad requiescendum petit neque carnalem copulam ultra requirit. Columba pullos alienos nutrit, umbram accipitris in aquis prospicit, in alto nidificat ubi male bestie attingere non possint ; gemitum habet pro cantu, mortinico non vivit, sed puro grano, felle caret, gregatim incedit, nulli rostro nocet. Upupa avis est spurcissima, cristis erectis galeata, semper in sepulchris vel stercoribus commoratur ; cuius sanguine quisquis se iniunxerit, dormitum pergens demones quasi suffocantes se videbit. Hirundines lapsura culmina nunquam petunt, a aliis avibus tanquam sacre nunquam infestantur. Hirundo residens non come-

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libre entre les griffes, qui, en tombant, dénoncent celles qui s’assoupissent. Elles noircissent en vieillissant. Quand les cigognes traversent la mer, les corneilles les précèdent et leur servent de guides. Les cigognes entourent leurs petits d’un si grand soin et d’une telle affection qu’elles ont une forte tendance à rester au chaud dans leur nid et ne pas s’arrêter de couver, ainsi elles en perdent les plumes. En outre, elles sont ennemies du serpent. L’autruche mange le fer, néglige de couver ses œufs, elle les laisse sous le sable dont la chaleur les fait éclore. Quand le héron vole en altitude, c’est qu’il annonce la tempête ; car tant il craint pluie et orage, qu’il vole au-dessus des nuages. Le choucas voleur cache l’or ou la monnaie qu’il trouve. Le paon, contemplé et admiré, déploie sa queue en faisant la roue, en montre la beauté ; découvrant alors la laideur de ses pattes, il rabaisse la queue. Son cri est strident, sa démarche tranquille, sa tête semble celle du serpent, son plumage de poitrine est couleur du saphir ; il a les plumes roussâtres et une longue queue tachetée. Quand l’épervier constate que ses petits sont capables de voler, il ne leur apporte plus à manger ; il les frappe avec son aile, les pousse hors du nid, forçant les jeunes à chasser pour ne pas en faire des adultes paresseux. L’épervier sauvage enlève les animaux domestiques et les dévore aussitôt ; domestiqué, il chasse les animaux sauvages pour son maître. Le pigeon est de la famille des colombes ; privé de son conjoint, il reste seul, n’aspire plus au repos du verdoyant feuillage, ne cherche plus à satisfaire ailleurs les plaisirs de l’amour. La colombe nourrit les petits des autres, surveille l’épervier dans le reflet de l’eau, bâtit son nid en hauteur et hors de portée des bêtes malfaisantes ; son chant est une plainte. Elle ne se nourrit pas de charogne, mais de pur grain, elle est sans fiel, elle vole en bande et son bec ne lui sert pas à nuire. La huppe est un oiseau très dégoûtant qui porte une aigrette droite comme celle d’un casque ; elle réside sur les tombes et le fumier. Qui touche du sang de huppe avant d’aller dormir se voit en rêve étouffé par les démons. L’hirondelle évite toujours les toits qui menacent ruine, elle est sacrée pour les oiseaux de proie qui ne l’attaquent jamais. L’hirondelle ne mange pas au nid, elle

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dit sed escas in aere volando rapit, cognoscit autem tempus adventus sui. Perdrix avis est immunda et dolosa, alteri ova diripiens, fovet ea. Sed pulli dum proprie matris vocem audiunt, | hanc que fovit relinquunt et ad eam que genuit confugiunt. Si quis ad nidos suos accesserit, obviam ei occurrunt pedum vel alarum debilitatem simulantes, et quasi statim capi possint gressus fingunt tardiores ; postquam autem longius a nidis homines paulatim traxerint, statim avolant. Pulli autem, cum se deprehendi metuunt, glebulas pedibus attollentes sub eis latentes absconduntur. Bubo absconditur de die, querit escam de nocte, aves veretur ; nam eam omnes aves persequuntur et dilaniant quando eam rapere et capere possunt. Vultur exercitus sequitur ut mortuorum cadaveribus satietur ; libenter autem pedibus graditur unde a quibusdam ‘gradipes’ appellatur. Coturnices estate depulsa maria transmeant, morbum caducum sicut homines patiuntur. Cygnus plumas habet et candidas, sed carnes nigras ; dicitur autem quod citharedis canentibus advolat et cantum suum ad modum cithare aptat.

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XCIII. De miraculis rerum inanimarum. In rebus etiam inanimatis multa fiunt que homines ex usu mira esse non advertunt. Argentum vivum tante virtutis est, quod si supra ipsum saxum magnum ponatur, oneri resistit. Aqua frigida, calci frigide infusa, ipsam calescere facit. Solis radius 5 album nigrescere facit, veluti cutem hominis ; nigrum | autem in (223) album convertit, veluti pannum lineum. Item ceram dissolvit et liquescere facit, lutum autem indurat et constringit. Crystallus licet frigidus sit, aqua frigida conspersus, ad solis radios ignem ex

512 cfr Ier. 8, 7 522 rapere] recipere B, reperire D K xciii, 1 de ... inanimarum] om. codd. bo   10 terram ... aquam motus B D E K   10 calesit mo

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attrape ses proies tout en volant, elle connaît le temps de sa migration. La perdrix est un oiseau répugnant et fourbe. Elle enlève les œufs d’autrui pour les couver. Mais quand les petits entendent la voix de leur mère, ils abandonnent la perdrix couveuse pour retourner avec celle qui les a mis au monde. Si quelqu’un d’aventure s’approche de son nid, elle court à la rencontre, simule une faiblesse des pattes ou des ailes, affecte de ralentir la marche et de se laisser prendre bientôt. Après avoir insensiblement éloigné l’intrus, elle s’envole bien vite. Mais quand ils ont peur d’être pris, les petits soulèvent les mottes de leurs pattes et se cachent dessous à l’abri. Le hibou se dissimule de jour et, à la nuit, il cherche sa nourriture. Il se méfie de tous les oiseaux, car ils le chassent et le mettent en pièces s’ils ne peuvent s’en saisir et le capturer. Le vautour suit les armées pour se repaître de cadavres, mais marche volontiers, d’où son nom de gradipe38. L’été passé, les cailles traversent les mers et, comme l’homme, sont sujettes au mal caduc. Les plumes du cygne sont blancheur de neige, mais sa chair est noire. On dit qu’il vole vers les joueurs de cithare et que son chant imite le son de cet instrument. XCIII. Merveilles des choses inanimées. Même parmi les choses inanimées, il s’en trouve bon nombre que, l’habitude aidant, les gens ne considèrent pas merveilleuses. Le vif argent a une telle force qu’il résiste au poids d’un gros rocher. L’eau froide mélangée à la chaux froide met celle-ci en ébullition. Le rayon de soleil noircit le blanc, ainsi de la peau humaine, et blanchit le noir, ainsi du tissu en lin. Le rayon du soleil fait fondre la cire, la liquéfie, mais durcit la boue et la condense. Bien que froid par nature, le cristal, aspergé d’eau et exposé au rayon du soleil, produit le feu. En mouvement, l’air se

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se producit. Aer motus frigescit, terra autem et aqua motu cales- 10 cit. Ignis divisus in partes plurimas non minuitur, flatu hominis extinguitur, flatu iterum accenditur. Flatus hominis frigida calefacit, e contrario autem flatu hominis que calida sunt frigida fiunt. Terra, cum summe ponderosa sit in se, sine base vel fundamento substitit. 15 XCIV. De peccato ; de causis ruine et eversi Christianorum in Terra sancta imperii ; de incremento hostium christiani nominis, et presertim Saladini. Quis enumerare sufficiat mira et magna opera Domini, exquisita in omnes voluntates eius que in materiam laudis sue et in usum necessitatis nostre creavit ? Vidit Deus omnia que fecerat et erant valde bona, et nil odit eorum que fecit. Solum peccatum quod nihil est odit, persequitur et destruit. Unde cum sex diebus solo verbo cuncta creavit, annis plusquam trigenta ad destruendum peccatum in mundo laboravit. Hoc solum est quod ei displicet, quod oculos maiestatis | eius offendit, quod ipsum mitem et suavem nobis asperum reddit. Hoc est quod de angelo diabolum fecit, de amico inimicum, de libero servum, de incorrupto mortalem et corruptum, de beato miserum, de cive exulem et eiectum, de filio Dei fecit filium diaboli ; hoc est quod nunquam impunitum relinquit, unde peccatis predictorum impiorum hominum exigentibus et criminibus prophanorum qui Terram sanctam sceleribus multimodis sordidabant ipsum provocantibus, conversus est nobis in crudelem qui natura benignus est et suavis. Unde facti sumus in derisum vicinis nostris et inimici nostri subsannaverunt nos. Cithara nostra versa est in luctum et fortitudo nostra

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xciv, 4 Eccli. 18, 2   4/5 magna … eius] Ps. 110, 2   6 cfr Gen. 1, 4   7 Sap. 11, 25   11 cfr Is. 3, 8   20 facti … nostris] Ps. 78, 4 ; Ier. 20, 7   20/21 et … nos] Ps. 79, 11 ; Ier. 20, 7   21 cithara ... luctum] Iob 30, 31    xciv, 1/3 peccato ... saladini] flagellis dei et angustiis populi et amissione terre sancte A B C D G J bo, amissione terre sancte E, om. K   1 caussis mo   20/24 unde ... sprevit] om. K   

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refroidit, la terre et l’eau se réchauffent. Le feu divisé en plusieurs parties ne diminue pas ; on l’éteint d’un souffle, d’un souffle on le ranime. Le souffle réchauffe ce qui est froid, mais en retour, il refroidit ce qui est chaud. La terre qui pèse si lourd n’a ni base ni fondation. XCIV. Le péché ; causes de la ruine et l’effondrement de la domination des Chrétiens en Terre sainte ; essor des ennemis du nom chrétien, et Saladin principalement. Qui pourrait dénombrer les miracles et les grandeurs de l’œuvre de Dieu, qui sont dignes d’étude pour celui qui les aime, qui sont faites pour manifester sa louange et satisfaire nos besoins ? Dieu voit que tout est très bien de ce qu’il a créé, il ne déteste rien de son œuvre. Il déteste, poursuit et détruit le péché seul qui est le néant. D’une seule parole il a mis six jours pour créer l’univers, il travailla plus de trente ans à la destruction du péché dans le monde. Le péché seul lui déplaît et offense ses regards glorieux, le péché nous rend sévère le Seigneur, lui qui est bonté et douceur. Le péché a fait le diable d’un ange, l’ennemi de l’ami, l’esclave de l’homme libre, l’être mortel et corruptible de l’être incorruptible, le malheureux du bienheureux, du citoyen il a fait un exilé et un banni, d’un fils de Dieu il a fait un fils du diable. C’est pourquoi le Seigneur ne le laisse jamais impuni. Voilà pourquoi, en châtiment des péchés des impies et des crimes des sacrilèges qui souillaient la Terre sainte de toutes sorte de méfaits et provoquaient le Seigneur, lui, qui est doux et affable, il s’est fait cruel pour nous. Et ainsi, nous voilà la risée de nos voisins, et nos ennemis se moquent de nous. Notre harpe est accordée aux chants de deuil et notre force réduite en cendre. Elle est devenue comme une veuve,

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redacta est in favillam. Facta est quasi vidua domina gentium, princeps provinciarum facta est sub tributo. Adeo enim conclusit Dominus in gladio populum suum et hereditatem suam sprevit, adeo facti sunt inimici nostri in capite et nos in caudam, quod non solum terram Promissionis, sed omnes fere regiones, civitates et munitiones ab introitu terre Egypti usque Mesopotamiam, itinere plusquam viginti dierum, inimici nostri nobis violenter abstulerunt et de civitatibus quidem maritimis tantum duas nobis relinquentes Tyrum scilicet et Tripolim et insuper Antiochiam cum paucis munitionibus, scilicet castrum quod Cursant dicitur iuxta Antiochiam, Craccum et Margath et Castrum Album, Archis et turrem Enteradi et castrum Nephin in comitatu | Tripolitano, omnes mediterraneas civitates et munitiones proprio dominio impii subiecerunt. Huius autem adversitatis et amare tribulationis calamitas a comitatu Edessano infaustum sumpsit exordium. Mortuo enim viro strenuo et in agendis provido Iocelino comite Edessano, filius eius iunior Iocelinus a paterna probitate et honestate degenerans, sordibus affluens et libidine dissolutus, Edessam civitatem valde negligenter munitam relinquens amisit ; Sanguino Mussule domino, que caput est metropolis provincie Assur, civitatem obsidente, quam effractis menibus violenter occupavit. Post hec vero, predicto Ioscelino divine ultionis iudicio capto a Saracenis et in carcere Halapie fame et inedia miserabiliter consumpto et mortuo, uxor eius residuam terram quam tenebat imperatori Constantinopolitano sub annuo censu resignavit ; qui copiosam Grecorum transmittens multitudinem ipsam terram contra Saracenos se defensurum promisit. Noradinus autem, predicti Sanguini filius, de recessu Latinorum licet admodum paucorum gaudens, Grecorum autem imbellem multitudinem quos molles et effeminatos agnoscebat parvipendens, eodem anno, Greculis partim interfec-

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22 redacta … favillam] Ez. 15, 4; Is 1, 31   22/23 facta … tributo] Thren. 1, 1    33 tripolitano] inter antiocham et tripolim add. B   35/70 huius ... siquidem] om. K   

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la Grande parmi les nations, princesse parmi les provinces, elle est réduite à la corvée ! Le Seigneur a tellement laminé son peuple par l’épée, tant négligé son héritage, l’ennemi est si bien passé à la tête, et nous, à la queue, qu’il nous a arraché par la force la Terre promise et presque toutes les contrées, cités et places, de l’entrée de la terre d’Égypte jusqu’en Mésopotamie sur plus de vingt jours de distance1. Qui plus est, seules deux cités maritimes nous res­ tèrent, Tyr et Tripoli, de même qu’Antioche et quelques places fortes, le château appelé Cursat près d’Antioche, Le Crac, Margat, Château-Blanc, Archis, la tour d’Entarade et le château de Nephin dans le comté de Tripoli. Les impies soumirent à leur empire toutes les places fortes et les cités de l’intérieur. La calamité de cette adversité et de cette amère tribulation prit un début funeste dans le comté d’Édesse. Car, après la mort du comte Josselin, homme vaillant et aux nombreuses prouesses, son fils, Josselin le jeune, qui n’avait pas hérité de la qualité et de la noblesse de son père, plongé dans la souillure, énervé par la débauche, perdit la cité fortifiée d’Édesse dont il s’était désintéressé avec beaucoup de négligence. Sanguin, seigneur de Mossoul capitale de la province d’Assyrie, mettant le siège devant la ville, l’emporta de force après en avoir abattu les murs. Peu après, Josselin fut pris par les Sarrasins par arrêt de la vengeance divine, enfermé dans une prison d’Alep où il dépérit de façon misérable, mourut de faim et de privation. Alors, sa femme céda ce qui lui restait de territoire à l’empereur de Constantinople contre le versement d’un cens annuel. L’empereur s’engagea à le défendre contre les Sarrasins en y faisant passer une importante armée de Grecs. Noradin, fils de Sanguin, fut tout joyeux du retrait des Latins pourtant très peu nombreux, ne faisant nul cas de la cohue peu aguerrie des Grecs qu’il tenait pour gens mous et efféminés ; et la même année, il soumit la totalité du pays à sa domination après avoir tué une partie de ces petits Grecs et réduit le reste en captivité. Puis il alla

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tis, partim vero captivatis, totam suo subegit imperio. Addidit insuper idem Noradinus castrum quod dicitur Harenc et ad Antio­ chenum principatum pertinebat per decem miliaria ab Antiochia distans obsidere. Et quoniam tunc temporis | Raimundus princeps Antiochenus interfectus erat in prelio, filius autem eius Boamundus qui ei in principatu successerat in captivitate Saracenorum tenebatur, ipsum castrum facile paucis resistentibus expugnavit. Paneadem etiam civitatem nostris violenter auferens sue subegit ditioni, rege Hierosolymorum Almarico tunc absente et circa partes Egypti commorante ; ex tunc cepit nostrorum deterior fieri conditio, residuam tamen terram nostri defenderunt quousque regna Egypti et Damasci sub diversis et aversis dominis permanserunt. Postea vero, peccatis exigentibus, predicta duo regna viribus duplicatis sub uno domino coniuncta sunt, regnum Hierusalem, quod in medio eorum constitutum est, pertubari cepit et gravius infestari. Siracunus siquidem, unus ex predicti Noradini satrapis, regnum Egyptium, quod violenter occupaverat, nepoti suo ex fratre Saladino in morte reliquit. Hic siquidem Saladinus, ingenio astutus, in armis et preliis exercitatus, in agendis providus et festinus, liberalis valde et munificus, non solum suis, sed etiam quibusdam ex nostris quos sibi muneribus et promissis alliciebat, quanta mala nostris intulit et quasi flagellum Domini populum Christianorum trituraverit, totus pene mundus agnovit. Postquam enim, sicut superius diximus, dominum suum calipham Egyptium improvisum occidit, filio domini sui Noradini iam defuncti, qui puer tunc temporis in Halapia morabatur, regnum abstulit Damascenum, precipuis regni tyrannis partim muneribus et promissis, partim metu et violentia ad proditionem | forte instigatis. Addidit preterea predicto domino suo, cuius ipse et pater eius servi fuerant, opulentissimas auferre civitates : Hamam videlicet et Maubec, Emissenam civitatem quam vulgariter ‘Chamele’

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61 commorante ... egypti] om. E mo   65 postquam B D E, om. K   80/81 instigatis] inclinatis D E K, inclinans B

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mettre le siège devant le château, dit de Harenc, qui dépendait de la principauté d’Antioche, à dix milles de cette ville. Il lui fut facile de s’en emparer, n’y trouvant que peu de résistance, car à ce moment là, Raymond, prince d’Antioche, avait été tué dans un combat et, Bohémond son fils et successeur à la tête de la principauté, était tenu captif par les Sarrasins2. Noradin nous enleva de force la cité de Panéas qu’il soumit à sa domination alors que le roi de Jérusalem était absent, retenu quelque part en Égypte. Dès ce moment, la situation des nôtres devint moins bonne ; ils défendaient cependant ce qui restait du pays tant que les royaumes d’Égypte et de Damas restaient sous des maîtres distincts et rivaux3. Puis, et en punition des péchés, ces deux royaumes, doublant leurs forces, se trouvèrent réunis sous un maître unique ; et le royaume de Jérusalem, placé entre les deux, s’en trouva fort incommodé et plus sévèrement attaqué. Ainsi Siracon, satrape de Noradin, après sa mort, laissa-t-il à Saladin son neveu, fils de son frère, le royaume d’Égypte qu’il avait occupé par la force. Ce Saladin était d’un naturel rusé, rompu à la guerre et aux combats, prévoyant et actif dans la conduite des événements, de grande noblesse et générosité, tant pour les siens que pour certains des nôtres, séduits par ses cadeaux et ses promesses. Pour nous, de combien de maux a-t-il été cause ; comment écrasa-t-il le peuple chrétien, tel le fléau de Dieu, toute la terre, ou presque, le sait ! Comme dit plus haut, il tua à l’improviste son seigneur, le calife d’Égypte, puis enleva le royaume de Damas au fils de son maître Noradin, un enfant qui à cette époque résidait à Alep4, après avoir entraîné d’aventure dans son complot les principaux chefs du royaume, en partie par des cadeaux et des promesses, en partie par la crainte et la contrainte. En outre, il enleva à son seigneur, dont lui et son père avaient été les serviteurs, les très riches cités de Hamah, Maubec, Émèse, Chamélé en langage courant, enfin

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appellant et insuper Cesaream Magnam. Mortuo autem predicto Noradini filio, cum in potestatem patrui eius domini Mussule iure hereditario Halapia devenisset, non solum Halapiam, verum etiam comitatum Edessanum et totam terram usque Eufraten et insuper Mesopotamie nobiles civitates, Edessam, Carram, et universam pene regionem predicto Mussule domino Saladinus abstulit violenter, in detrimentum et damnum populi christiani. Eius enim promotio et exaltatio nostrorum erat formido, periculum et deiectio, presertim cum Saraceni, qui a principio quando primum Latini terram ingressi sunt rudes in preliis erant et quasi inermes cum arcubus tantum ad bella procedebant, usu et exer­ citio et frequenti congressione cum nostris rei militaris plenius adepti essent disciplinam et more Latinorum, loricis et galeis, lanceis, ensibus et clypeis uterentur. Ad cumulum autem malorum regnum Hierusalem in manus alieni hominis devenerat, qui non erat de semine illorum per quos salus facta est in Israel. Ob hanc causam magne erant discordie et dissentiones inter regni nostri barones. |

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XCV. Series regum christiani nominis Hierosolymitanorum, eorumque victorie et triumphi ; de civili et perniciosa principum ibidem inter se simultate. Primus siquidem Latinorum, qui regni Hierosolymitani dominium obtinuit, fuit Deo amabilis dux Godefridus de Bouillon, 5 per quem Deus operatus est salutem et liberationem Terre sancte. Hic regnum uno tantum anno strenue gubernavit ; principem autem militie soldani Egyptiorum cum infidelium innumera multitudine in prelio superavit. Quo viam universe carnis ingresso, frater eius Baldovinus, comes Edessanus, eidem in regno successit. 10

99 I Mach. 5, 62 xcv, 9 cfr Ios. 23, 14 xcv, 1/3 series ... simultate] cathalogus regum jherusalem et de preliis eorum A B C D G H J K bo, om. E   

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Césarée la Grande. À la mort du fils de Noradin, Alep échut par héritage à l’oncle paternel de ce dernier alors seigneur de Mossoul, mais Saladin lui arracha Alep, le comté d’Édesse, tout le pays jusqu’à l’Euphrate, de nobles cités de Mésopotamie, Édesse, Carrhes, et presque toute la région, au détriment et pour le dommage du peuple chrétien. L’élévation et la fortune de Saladin devenaient, pour les nôtres, terreur, danger, abattement, d’autant que les Sarrasins qui, dans les tout premiers temps de l’arrivée des Latins, ignoraient l’art de la guerre et allaient au combat presque sans armes, avec des arcs seulement, l’habitude et l’expérience aidant, à force de contact avec les nôtres, ils avaient totalement appris la discipline de l’art militaire et se servaient, comme les Latins, de cuirasses, casques, lances, épées et boucliers. Pour comble de malheur, le royaume de Jérusalem était tombé entre les mains d’un étranger qui n’était pas de la race de ceux à qui il était donné de sauver la maison d’Israël. Cela fut cause de discordes et de querelles entre les barons de notre royaume5.

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XCV. Liste des rois chrétiens de Jérusalem, leurs victoires et triomphes ; là même, la discorde funeste et intestine que les grands eurent entre eux. Ainsi, le premier latin qui reçut la souveraineté sur le royaume de Jérusalem fut le duc Godefroi de Bouillon, aimé de Dieu et par qui Dieu a réalisé le salut et la libération de la Terre sainte1. Il dirigea le royaume activement pendant une année seulement. Il l’emporta dans une bataille sur le chef de l’armée du sultan d’Égypte et une innombrable armée d’infidèles. Quand il fut entré dans la voie de toute chair, son frère Baudouin, comte d’Édesse,

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Hic primus rex Latinorum Hierosolymitanus fuit, nam frater eius ubi Dominus spinis coronatus fuerat regio diademate coronari recusavit. Hic siquidem Baldovinus principem militie Egyptii caliphe, qui secum undecim milia equitum et triginta milia peditum adduxerat, cum ducentis sexaginta equitibus et nongentis peditibus superavit ; ipsumque principem cum quinque milibus ex suis interfecit, reliquis partim captis, partim fuga elapsis. In alio etiam bello maximam Ascalonitarum et Egyptiorum multitudinem cum paucis admodum superavit. In tertio autem prelio, habens secum equites quingentos, peditum vero duo milia, | vi­gin­ti duo milia Egyptiorum in prelio subiugavit, cesis quatuor milibus ex eis cum preside Ascalonitarum, reliquis autem in fugam conversis. Regnavit autem annis decem et octo et mortuus est ; cui successit secundus Latinorum rex Hierosolymitanorum, Baldovinus de Burgo consanguineus eius, qui secundo regni sui anno cum septingentis equitibus congressus est cum Gazi prin­ ci­pe Turcorum potentissimo. Hic denique Gazi innumeram Turcorum multitudinem secum habens confectus est in prelio, cesis ex suis quatuor milibus, multis autem vinculo mancipatis, cum reliquis fuge presidio vix evasit. In secundo autem prelio regem Damascenum superavit, habens secum mille centum equites, peditum vero duo milia. Hostes autem equitum quindecim millia habuisse dicuntur, ex quibus duobus milibus interemptis, multis captis, pluribus autem vulneratis, alii cum principe suo terga dederunt ; de nostris autem viginti quatuor ceciderunt. In tertio autem bello rex Ascalonitas cum Egyptiis qui ad eorum venerant subsidium in bello prostravit. In quarto autem conflictu Doldequinum Damasci regem contrivit in bello, duobus milibus ex hostibus interemptis, de nostris autem equitibus viginti quatuor, de peditibus vero octoginta ceciderunt. Regnavit autem tredecim annis et mortuus est ; cui succcessit in regno gener eius Fulco comes Andegavensium, Cenomanensium et Turonensium, cui predictus rex filiam suam | primogenitam Milisendem dederat uxorem. Hic cum infinita Turcorum multitudine, que de sinu Persico ebullierat, circa partes Antiochenas congrediens, tribus milibus interemptis, multis autem captivitate detentis, ceteris fuga mortem evadentibus, gloriosum triumphum de hostibus

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lui succéda. Il fut le premier roi latin de Jérusalem, car son frère refusa d’être ceint du diadème royal là où le Seigneur avait été couronné d’épines. Ainsi Baudouin, avec deux cent soixante cavaliers et neuf cents piétons, l’emporta sur le chef de l’armée du calife d’Égypte qui avait avec lui onze mille cavaliers et trente mille fantassins. Il tua le chef et cinq mille des siens, après en avoir capturé une partie et mis une autre en fuite. Dans une autre bataille encore, il l’emporta complètement, avec peu de monde, sur une très grande armée d’Ascalonites et d’Égyptiens. Dans un troisième combat, avec cinq cents cavaliers et deux mille fantassins, il l’emporta sur vingt-deux mille Égyptiens, après avoir massacré quatre mille soldats du prince d’Ascalon et mis les autres en fuite. Son règne dura dix-huit ans jusqu’à sa mort. Il eut pour successeur le second roi latin de Jérusalem, Baudouin du Bourg, son cousin, qui, la seconde année de son règne, avec sept cents cavaliers livra bataille à Gazi, le très puissant prince des Turcs. Ensuite, ce Gazi, avec une nombreuse armée de Turcs, fut vaincu dans un combat, après que quatre mille des siens furent massacrés, beaucoup d’autres faits prisonniers, lui-même trouvant difficilement son salut dans la fuite avec le reste. Dans un deuxième combat, Baudouin, avec onze cents cavaliers et deux mille piétons, l’emporta sur le roi de Damas. L’ennemi disposait, à ce qu’on rapporte, de quinze mille cavaliers dont deux mille furent tués, beaucoup furent pris ou blessés ; le roi de Damas et les débris de son armée tournèrent le dos. Chez nous, ils en tuèrent vingt­quatre2. Dans une troisième guerre, le roi, dans un combat, battit les Ascalonites et les Égyptiens venus à leur secours. Dans un quatrième conflit il écrasa Doldequin, le roi de Damas, après que deux mille ennemis eurent été tués contre vingt-quatre cavaliers et ­quatre-vingt piétons de notre côté. Il régna treize ans et mourut. Son successeur fut son gendre Foulques, comte d’Anjou, du Maine et de Touraine, auquel le roi avait donné sa fille Mélisende en mariage. Foulques livra bataille aux environs d’Antioche à une nombreuse armée de Turcs sortis du fin fond de la Perse, il remporta sur eux une glorieuse victoire après en avoir tué trois mille, en avoir capturé bon nombre, le reste n’obtenant le salut que dans la fuite. Et

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reportavit. Regnavit autem undecim annis. Dum autem in territorio Acconensi leporem agitando cum equo suo preceps corrueret, improviso et lamentabili casu in fata concessit, relinquens duos filios, Baldovinum primogenitum, qui illi in regno successit, et Almaricum. Hic autem Baldovinus nono regni sui anno, quosdam nobiles Turcorum satrapas cum universo exercitu suo citra partes Hierichontinas in prelio superavit, interfectis ex eis quinque milibus, reliquis vero cum ignominia et confusione fugientibus. Quinto decimo autem regni sui anno, cum principe Damasci Noradino congrediens, fugiente Noradino cum parte exercitus sui, reliquis autem interemptis, rex victor campum obtinuit. Regnavit viginti quatuor annis et mortuus est sine liberis ; cui successit in regno frater eius Amalricus. Hic primo regni sui anno in partibus Egypti, cum Dargam principe militie Egyptiorum congrediens, facta magna strage hostium, divinitus victoriam obtinuit. In secundo autem prelio, habens secum trecentos septuaginta milites, pugnam iniit cum principe soldani Damasci Siracusano circa solitudines Egypti. Hic autem | Siracusanus habebat in comitatu suo duodecim milia Turcorum, Arabum autem undecim milia. Eo die, nocte appropinquante, a se invicem discesserunt, centum ex nostris interemptis, de hostibus autem mille asserunt cecidisse. Regnavit autem annis duodecim et, eo viam universe carnis ingresso, regno perfectus est filius eius Baldovinus. Hic divino iuducio lepra percussus, regnum nihilominus strenue rexit. Anno siquidem regni eius tertio, cum trecentis septuaginta quinque equitibus, circa partes Ascalone occurens Saladino, ipsum cum viginti sex millibus equitum in prelio superavit ; ipso Saladino cum parte exercitus fugiente, aliis partim trucidatis, partim vinculis mancipatis, de nostris autem quatuor aut quinque tantum occubuisse dicuntur. In alio autem prelio, circa Tyberiadem cum septingentis equitibus occurens Saladino qui viginti milia equitum secum habere dicebatur, factus superior, mille ex hostibus interemit. De nostris autem paucissimi ceciderunt.

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il régna onze ans. Tandis qu’il chassait le lièvre sur le territoire de la cité d’Acre, il fit une chute de cheval, tête la première, déplorable accident qui mit ainsi fin à sa vie. Il laissait deux fils, l’aîné Baudouin, son successeur sur le trône, et Amaury. Baudouin, la neuvième année de son règne, battit dans un combat en deçà du pays de Jéricho plusieurs nobles satrapes turcs avec toute leur armée, après en avoir tué cinq mille et mis le reste en fuite dans la honte et la confusion. La quinzième année de son règne, il rencontra Noradin, prince de Damas, le mit en fuite avec une partie de son armée, après avoir tué les autres ; le roi victorieux resta maître du champ de bataille. Il régna vingt-quatre ans, mourut sans enfant, son frère Amaury lui succéda. Ce dernier, la première année du règne eut un engagement sur la terre d’Égypte avec Dargam, chef de l’armée d’Égypte ; il fit un grand carnage de ses ennemis et obtint la victoire avec l’aide de Dieu. Dans un deuxième combat, avec trois cent soixante-dix chevaliers, près du désert d’Égypte, il livra bataille à Siracon, général du sultan de Damas. Ce Siracon avait sous son commandement douze mille Turcs et onze mille Arabes. Ce jour-là, quand ils se séparèrent à l’approche de la nuit, les nôtres avaient eu cent tués et l’ennemi, à ce qu’on assure, un millier de morts. Il régna douze ans, entra dans la voie de toute chair et son fils Baudouin devint roi. Celui-ci, par arrêt du ciel, fut atteint par la lèpre et n’en gouverna pas moins le royaume avec courage. La troisième année de son règne, avec trois cent soixante-quinze cavaliers, il rencontra Saladin aux environs d’Ascalon qui avait lui-même vingt-six mille cavaliers, et il le battit. Saladin put s’enfuir avec une partie de son armée, le reste fut massacré ou pris. Chez nous, dit-on, il n’y eut que quatre à cinq tués. Dans un autre combat aux environs de Tibériade, il rencontra Saladin et vingt mille cavaliers, dit-on, avec sept cents cavaliers, il eut l’avantage et tua mille ennemis. Chez nous, très peu tombèrent.

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Cum autem rex propter predictam egritudinem eius uxorem ducere noluisset, duas sorores quas habebat, Sibyllam primo genitam et Isabellam iuniorem, duobus viris nobilibus genere uxores dedit : Sibyllam dedit Willermo de Longa Spatha, marchioni Montis Ferrati, Isabellam autem tradidit Enfrido de Torono. Mortuo autem predicto Willermo et relicto quodam | parvulo filio cui nomen Baldovinus, rex predictam sororem suam tradidit cuidam adolescenti de Pictavensi comitatu, Guidoni scilicet de Lisiniaco, cui etiam eo quod infirmitate nimium gravabatur totius regni administrationem commisit. Deinde vero regis indignationem incurrens, procurationem et administrationem amisit. Rex enim, convocatis regni maioribus, nepotem suum parvulum Baldovinum in regem inungi fecit et tam ipsum quam regni negotia providentie et tutele comitis Tripolitani commisit. Non multo tempore post, Baldovino rege leproso viam universe carnis ingresso, iuniore etiam rege Baldovino defuncto, prefatus Guido, procurante uxore sua Sibylla ad quam regnum iure hereditario pertinebat, sublimatus est in regem, non requisito assensu comitis Tripolitani qui totius regni procurator tunc erat. Unde valde indignatus, presertim cum ipse ad regnum aspiraret, absque regis consensu cum quo rancorem et inimicitias contraxerat, cum Saladino treugas iniit et, ut maiorem in regno et contra ipsum regem defensionem haberet et nocendi materiam, cum domina Tyberiadis et totius Galilee matrimonium contraxit. Unde facta est in regno periculosa valde et perniciosa dissensio, quibusdam comiti faventibus, aliis autem regi adherentibus. |

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Le roi, qui en raison de sa maladie n’avait pu prendre femme, donna ses deux sœurs en mariage, Sibylle l’aînée et Isabelle la cadette, à deux hommes de noble naissance. Sibylle épousa Guillaume Longue-Épée, marquis de Montferrat, Isabelle revint à Onfroi de Toron. À la mort de Guillaume, qui laissait un enfant encore en bas âge du nom de Baudouin, le roi donna sa sœur à un jeune homme originaire du comté de Poitou, Gui de Lusignan. Le roi, accablé par le lourd fardeau de son infirmité, confia l’administration du royaume entier à Gui de Lusignan. Mais par suite, Gui, provoquant la colère du roi, perdit tout crédit et pouvoir. Le roi, après avoir convoqué alors les grands du royaume, fit donner l’onction royale à son neveu Baudouin, tout enfant qu’il était, et le confia, lui et les affaires du royaume, aux bons soins et à la tutelle du comte de Tripoli. Peu de temps après, Baudouin, le roi lépreux, étant entré dans la voie de toute chair, le jeune roi Baudouin étant mort lui aussi, Gui fut élevé au trône selon le bon vouloir de sa femme Sibylle à qui revenait, en droit et par héritage, le royaume ; cela, sans chercher à avoir l’accord du comte de Tripoli qui en était alors le procurateur pour l’ensemble. Raymond en fut donc très contrarié, alors qu’il espérait devenir roi luimême, ce qui lui fit conclure des trêves avec Saladin sans le consentement du roi envers qui il gardait rancune et dont il s’était fait l’ennemi. Il contracta mariage avec la dame de Tibériade, qui était aussi souveraine de la Galilée, pour mieux se défendre dans le royaume contre le roi en personne et lui causer du tort. Ainsi, il survint dans le royaume une discorde pleine de périls et de dangers entre les partisans du comte et ceux qui s’étaient attachés au roi3.

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XCVI. De Saladini in Terram sanctam expeditione et memorabili Latinorum strage. Attendens igitur Saladinus, tanquam vir astutus et in re militari exercitio et experientia sufficienter instructus, quod regnum in se divisum fuisset desolatum et in immenso foramine discordie facile pateret ingressus, et maxime sumpta occasione, ex eo quod princeps Montis Regalis et totius terre trans Iordanem treugas quas cum Saracenis vicinis habebamus maximam eorum predam auferens confregerat, ex omnibus subiectis regionibus multitudinem pugnatorum congregavit ex Egypto, Arabia et Damasco, Halapia et Mesopotamia, tam equites quam pedites, contra nos convocando. Dicitur autem quinquaginta milia equitum, exceptis peditibus, in comitatu suo secum traxisse. Premisit autem ante faciem suam decem milia electorum equitum, qui per terram comitis Tripolitani, qui treugas cum Saracenis habebat, per partes scilicet Tyberiadis et Nazareth, si forte incaute vel inordinate ­prosequentibus nostris, possent eos perimere vel captivos retinere ; nec effectu caruit astuta impiorum machinatio. Magister enim militie Templi cum fratribus suis plusquam septuaginta incaute adgrediens, cum magistro Hospitalis qui cum fratribus suis decem de castello suo Belvoir revertebatur, interclusi sunt ab eis iuxta Casale Roberti. | Licet autem non nisi centum viginti milites in comitatu suo haberent, decem millibus Saracenorum viriliter resistentes, multis ex eis interfectis, ipsi tandem fere omnes interfecti sunt vel retenti. Magistro autem Templi cum paucis fuga elapso, magistro vero Hospitalis trucidato, primo die maii cruentam de nostris reportaverunt victoriam. Ex quo facto animosiores effecti Saraceni, mense Iulio sequenti, omnibus viribus suis in unum congregatis ultimam regni nostri

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xcvi, 1/2 saladini ... strage] qualiter salahadinus contra nostros pugnavit et bis eos superavit A B C D G H J K bo, om. E   6 pateret] insidientibus add. B D K   9 omnibus] sibi add. B D K   16 nazareth] videlicet ad suburbia accon transierunt ut more suo nostros provocaverunt add. A B C D G H J K bo    20 egrediens B D E K   

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XCVI. La campagne de Saladin en Terre sainte et le mémorable désastre subi par les Latins. Ainsi, en homme rusé, exercé dans l’art militaire et instruit d’une expérience accomplie, Saladin sentit que la division du royaume tendait à sa ruine et que le trou béant de la discorde en facilitait l’invasion. Il tenait justement une excellente occasion de le faire, car le prince de Montréal et de toute la terre d’outre Jourdain venait de rompre les trêves conclues avec les Sarrasins du voisinage en leur prenant un très riche butin. Saladin rassembla une foule de combattants venus de toutes les contrées alors sous sa domination, Égypte, Arabie, Damascène, région d’Alep et Mésopotamie, cavaliers et fantassins, pour les rameuter contre nous. On dit qu’il avait entraîné à sa suite et son entourage cinquante mille cavaliers sans compter les fantassins1. Il détacha une avant-garde de dix mille cavaliers d’élite qui traversèrent les terres du comte de Tripoli en paix avec les Sarrasins, les régions de Nazareth et Tibériade2, force capable, au cas où les nôtres viendraient à la poursuivre avec imprudence et désordre, d’en tuer ou d’en faire prisonniers3 ; et l’astucieuse machination des impies ne manqua pas de se réaliser. En effet, en dépit de toute prudence, le maître de la milice du Temple les attaquant avec un peu plus de soixante-dix frères, assisté du maître de l’Hôpital et dix de ses frères, alors sur le chemin de retour du château de Belvoir, furent enveloppés par les Sarrasins près du Casal Robert4. Forts à peine de cent vingt chevaliers de leur Maison, ils firent face courageusement aux dix mille Sarrasins dont beaucoup périrent, mais ils furent eux-mêmes presque tous tués ou pris. Le maître du Temple en fuite, lui et quelques-uns des siens, le maître de l’Hôpital tué ; c’est le premier mai que les Sarrasins remportèrent cette sanglante victoire sur nous. Au mois de juillet suivant, rendus plus téméraires, ils réu­ nirent leurs forces en une seule armée et allèrent mettre le siège

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ex parte Damasci civitatem, Tyberiadem videlicet, obsederunt. Iam enim comes Tripolitanus cuius erat civitas a Saracenis ruptis treugis recesserat, eo quod imponeretur sibi quod, contra regem et regnum mala plurima machinans, Saracenis confederatus fuisset. Munierat igitur predictam urbem contra Saracenos, uxore sua in presidio relicta. Dominus autem Guido rex Hierosolymitanus et Raimundus comes Tripolis cum omnibus fere totius regni viris nobilibus, cum equitibus et peditibus quotquot habere potuerunt, sinistris ominibus, divini favoris auxilio destituti, Saladino et suis occurentes, tentoria sua circa fontem Sephoritanum locaverunt. De multitudine siquidem sua plusquam de divino adiutorio confidebant ; a primo enim introitu Latinorum in Terram sanctam, nostri tot milites in uno prelio congregare nequiverunt. Erant enim mille ducenti milites loricati. Peditum autem cum armis, arcubus et balistis circiter viginti milia infauste | expeditioni interfuisse dicuntur. Die autem sequenti, dum nostrorum exercitus versus obsessam civitatem progrederetur, copiosa equitum leviter armatorum multitudo de exercitu Saladini a dextris et a sinistris nostros proterve nimis infestans, sagittis et spiculis tam equos quam equites sine intermissione vulnerans, in loco arido et inaquoso exercitum nostrum castra locare et tentoria figere coegit. Quod prudenter attendens Saladinus, sequenti die, priusquam ad aquas exercitus nostri pervenire potuissent iuxta Thoronum Ethin, ordinatis secundum militarem disciplinam aciebus, nostris tam equitibus quam equis siti arentibus, dimicaturus hostiliter occurit. Erant autem dies ferventes valde, mense enim iulio quarto nonas eiusdem in festo translationis sancti Martini, anno incarnationis Domini millesimo centesimo octogesimo septimo, tradidit Dominus populum Christianorum, infinitis eorum peccatis exigentibus, in manus impiorum, adeo quod nostri subito terga dantes inimicis fere omnes a maximo usque ad minimum trucidati sunt vel captivitate detenti. In tantum enim formidine et pusillanimitate humiliavit eos Dominus, quod unus ex hostibus versa vice

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devant Tibériade, dernière cité du royaume sur la route de Damas. Déjà, le comte de Tripoli, à qui cette ville appartenait, dénonçant la trêve, avait rompu avec les Sarrasins car, pour ourdir de mauvais desseins contre le roi et le royaume, il se voyait reprocher d’avoir à être l’allié des Sarrasins. Il avait donc fortifié la ville contre l’ennemi et avait laissé sa femme dans la citadelle. Le seigneur Gui, roi de Jérusalem, et Raymond, comte de Tripoli, avec presque tous les nobles hommes du royaume et autant de cavaliers et fantassins qu’ils purent trouver, sous de sinistres auspices, privés de l’assistance de la faveur divine, se portant à la rencontre de Saladin et son armée, dressèrent leur camp près de la fontaine de Séphorie. Ils se reposaient sur leur multitude plutôt que sur l’aide du ciel ; en effet, depuis la toute première venue des Latins en Terre sainte, les nôtres n’avaient jamais assemblé tant de chevaliers dans une seule bataille. Il y avait là mille deux cents chevaliers en armures. Il y avait environ dans cette funeste expédition, à ce qu’on dit, vingt mille piétons armés d’arcs et d’arbalètes. Le jour suivant, tandis que notre armée poursuivait en direction de la ville assiégée, une nuée de cavaliers légèrement armés et détachés de l’armée de Saladin ne cessa de nous harceler vigoureusement et de toutes parts, accablant les chevaux et les cavaliers sous une grêle de traits et de flèches jusqu’à contraindre l’armée à dresser le camp, monter les tentes dans un site aride et dépourvu d’eau. Saladin fit là preuve de clairvoyance, et, le jour suivant, avant que notre armée n’ait pu atteindre les eaux du lac, il mit en place sa ligne de bataille près de Thoron Éthin selon les règles de la discipline militaire5 ; et tandis que nos cavaliers et chevaux étaient dévorés par la soif, il se mit en mouvement pour engager la bataille. On était aux jours des très fortes chaleurs. Ce fut le quatrième jour des nonnes du mois de juillet, fête de la translation de saint Martin, l’an de l’incarnation du Seigneur mille cent quatrevingt-sept, qu’en châtiment de ses innombrables péchés, le Seigneur livra le peuple chrétien entre les mains des impies. Et c’est ainsi que les nôtres tournèrent bien vite le dos à l’ennemi, et que presque tous furent tués, du plus grand au plus petit, ou emmenés en captivité. Et leur terreur fut telle, telle fut leur lâcheté que le Seigneur les humilia, et, par retour de la fortune, un seul

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centum persequebatur ex nostris, et quidam arma sua turpiter proiicientes in manus inimicorum se ipsos gratis tradebant. Facta autem magna strage cesorum, Guido de Lisiniaco rex Hierosolymorum et magister militie | Templi cum multis aliis, tam maioris quam minoris ordinis, in captivitate detenti abierunt absque fortitudine, ante faciem subsequentes. Ut autem certis indiciis et evidentibus signis Dominum sibi terribiliter offensum agnoscerent et divine protectionis clipeum ab ipsis recessisse non dubitarent, lignum salutifere crucis quod die illo tenebroso in prelio detulerunt, lamentabili infortunio amiserunt. Saladinus autem existimans templariorum et hospitaliorum ordines prorsus in partibus orientalibus delere, quotquot ex ipsis capere potuit decapitari precepit.

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XCVII. De oppidis ab eodem Saladino expugnatis. Qui autem de Christianis casu aliquo evadere potuerunt, qui etiam in civitatibus et munitionibus remanserunt, longo tempore post predictum infortunium, velut mulieres meticulosi facti sunt et emarcuit cor eorum, ita quod plures ex ipsis paucos ex Saracenis expectare non audebant. Unde statim post predictam victoriam, Saladino ante Accon venienti, salvis personis suis resignaverunt civitatem. Inde vero Berithum transiens absque contradictione eandem a civibus desperatis recepit. Ab Accon autem usque ad Ascalonam de civitatibus maritimis nulla ei ausa fuit resistere. Ascalonite vero, eo quod inexpugnabilem credebant esse | suam civitatem cursum eius paulisper retardantes, ei responderunt quod civitatem suam non relinquerent donec certi essent utrum Hierosolymitani civitatem suam non retinerent vel resignarent. Postquam autem ante Hierusalem sua fixit tentoria, hac conditione tradiderunt ei civitatem quod liberi cum his que secum

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xcvii, 1/82 de oppidis ... rubrum om. D   1 de oppidis ... expugnatis] qualiter salahadinus civitates et munitiones nostras obtinuit A B C G H J K bo, om. E   11 resistere] biblium etiam absque ulla difficultate obtinuit add. B   

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ennemi en mettait en fuite cent de chez nous. Certains jetaient honteusement leurs armes et se livraient sans résister aux mains de l’ennemi. Après le carnage, Gui de Lusignan, roi de Jérusalem, le maître de la milice du Temple, beaucoup d’autres, de haute et basse condition, tombèrent en captivité sans résister à leurs poursuivants. Et pour qu’ils puissent reconnaître à des marques certaines et des signes évidents la terrible colère de Dieu à leur endroit, pour qu’ils ne doutent pas que le bouclier de la protection divine leur avait été retiré, le bois de la croix du salut, qu’ils avaient porté avec eux au combat dans cette sombre journée, fut perdu par un épouvantable malheur. Saladin, pensant éradiquer dans les pays d’Orient les ordres du Temple et de l’Hôpital, fit décapiter tous les templiers et hospitaliers qui avaient pu être pris6. XCVII. Places fortes emportées par Saladin. Les Chrétiens, qui purent en quelque façon échapper et ceux qui restèrent dans les villes et les forteresses bien après cette défaite, firent preuve d’une timidité de femme, leur courage se flétrit ; et ainsi n’osaient-ils pas attendre l’arrivée des Sarrasins, même quand ceux-ci étaient en moindre nombre. Ainsi, juste après sa victoire, Saladin étant venu devant Acre, les habitants livrèrent la ville contre la vie sauve. De là, il passa à Beyrouth et reçut la cité sans résistance des citoyens réduits au désespoir. De Acre à Ascalon aucune cité côtière n’osa lui résister. Les habitants d’Ascalon, qui croyaient leur cité inexpugnable, retardèrent un peu le cours des choses en faisant valoir qu’ils ne remettraient pas leur ville jusqu’à être certains que ceux de Jérusalem ne gardent la leur ou ne la rendent1. Quand Saladin eut dressé son camp devant Jérusalem, ses habitants lui remirent la ville après avoir reçu l’assurance d’en sortir avec tout ce qu’ils pourraient emporter

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deportare possent, egrederentur et usque in terram securitatis ab ipso deducerentur. Sic igitur de manibus inimicorum evadentes postquam Tripolim devenerunt, in manus deteriores prophanas et sacrilegas inciderunt. Quicquid enim secum detulerunt, comes Tripolitanus Boamundus cum satellitibus suis, filiis Belial, qui predictis exulibus fratribus suis compati debuerunt, prorsus abstulerunt, crudeliores Saracenis se ipsos Christianis exhibentes. Ex quo, illud miserabile et a seculis inauditum referunt ibi accidisse, dum quedam matrona parvulum suum secum super humeros deferens ab impiis hostibus spoliaretur – nulli enim sexui vel conditioni parcebant, nec etiam pudenda perscrutari erubescebant – attendens mulier illa quod ea que sibi Saraceni pro se et filio suo nutriendo reliquerant, hi ad quos confugerat rapiebant, supra modum perturbata et spiritu tristitie et desperationis absorpta proprium filium in mare proiecit. Predictus autem Saladinus Ascalonam revertens hac conditione civitatem recepit quod regem et magistrum Templi, quos captivos tenebat, restitueret libertati. Inde vero | non segnis neque piger usque Tripolim pertransiens, videns civium multitudinem cum his qui ad civitatem confugerant ad resistendum paratam, credens quod de manu eius civitas non posset evadere si tempore oportuno postquam alias occupasset munitiones reverteretur, versus Antiocham cursum direxit, presertim quia tunc temporis circa munitiones maritimas non vellet multum laborare, eo quod piratarum princeps in mari potentissimus quem Margarit nominabant de regno Sicilie cum octoginta galeis ad nostrorum sub­ sidium advenerat, missus a strenuo et illustri rege Sicilie Wilermo. Hic enim postquam lamentabilem casum regni Hierosolymitani audierat ab his qui ad partes illas in navibus confugerant, confestim eadem estate, non solum predictas galeas, sed milites quingentos et Turcopulos trecentos et victualia absque estimatione transmiserat ad subsidium residue terre, vir venerabilis et Deo

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26 hostibus] hominibus B K   36/45 qui ... ad] om. E   41 margaritam B, margath K   42 octoginta] quinquaginta B   46/47 quingentos ... trecentos] om. B K   47 absque estimatione] om. B   

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et d’être escortés par ses soins dans un territoire sûr. Donc, ainsi sortis des mains de leurs ennemis, ils arrivèrent à Tripoli pour tomber entre les mains de gens bien pires encore, impies et sacrilèges. Bohémond, comte de Tripoli, et ses comparses, vrais fils de Bélial, au lieu d’avoir de la compassion pour leurs frères exilés, les dépouillèrent totalement de tout ce qu’ils avaient emporté, se montrant plus cruels envers des Chrétiens qu’envers les Sarrasins2. On rapporte qu’il survint un événement malheureux tel que les siècles antérieurs n’en ont jamais gardé mémoire. Une noble dame, portant dans les bras son enfant en bas âge, se trouva dépouillée par ces hommes sans religion et sans retenue et qui, sans égard pour son sexe et sa condition, n’avaient pas hésité à pousser leurs investigations jusque dans son intimité. La femme, voyant les gens auprès desquels elle s’était réfugiée lui prendre ce que les Sarrasins lui avaient laissé pour elle et nourrir son petit, troublée au-delà de tout, emportée de tristesse et de désespoir, jeta son enfant dans la mer3. Saladin, retournant à Ascalon, reçut la cité, à la condition de remettre en liberté le roi et le maître du Temple qu’il tenait captifs4. De là, sans perdre de temps, déterminé, poursuivant en direction de Tripoli, constatant qu’une grande quantité d’habitants s’y était réfugiée et que la ville se préparait à résister, sûr qu’elle ne pourrait lui échapper le moment venu, une fois soumises toutes les autres places, il continua vers Antioche ; il ne voulait pas alors s’épuiser au siège des places fortes de la côte, car un chef de ­pirates, très fort sur la mer, du nom de Margarit, était arrivé au secours des nôtres à la tête de quatre-vingts galères du royaume de Sicile ; il était envoyé par Guillaume, vaillant et illustre roi de la Sicile5. Après le lamentable malheur survenu au royaume de Jérusalem, Guillaume en avait entendu le récit raconté par des fugitifs arrivés par mer jusque chez lui. Cet homme vénérable et dévoué à Dieu avait envoyé, cet été-là, des galères avec cinq cents chevaliers et trois cents turcoples, d’innombrables vivres, au secours de ce qui restait de la Terre sainte6. Sans désemparer et avec tout son talent,

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devotus. Saladinus autem suam fortunam impetu spiritus sui non segniter urgens, infra trium mensium spatium totum obtinuit Antiochenum principatum, excepto castro inexpugnabili domini Antiocheni patriarche, quod Cursatum appellant, et civitate Antiochena ; a qua data sibi multa pecunia a domino recessit, spem certam et fiduciam habens quod, aliis circunquaque occupatis munitionibus, sola civitas diu repugnare non posset. Ipse enim plusquam viginti quinque civitates et oppida in predicto principatu | sue subiecerat ditioni. Revertens igitur in regnum Hierosolymitanum, civitatem Tyrensem, que sola ex omnibus regni civitatibus remanserat, terra et mari cum universali exercitu obsidione vallavit. Erat autem in tempestate illa in civitate Tyrensi vir nobilis et armis strenuus, Conradus marchio Montis Ferrati ; nam eodem, ut dicitur, die quo nostri in predicto bello corruerunt, ipse de Constantinopoli veniens illuc navigio devenit. Hic autem civibus promisit quod defenderet civitatem si eam post eius liberationem sibi concederent possidendum. Cives autem libenti et grato animo eius annuerunt petitioni, nam et Christiani quasi desperati nullo modo posse resistere fortitudini Saladini credebant qui universam iam occupaverat undique regionem. Ipse autem ex parte terre Saladino viriliter resistens, ex parte maris galeas eius igne succendit. Unde Saladinus turbatus valde et iratus, soluta obsidione, statim recessit. Ipse enim absque expensis magnis et damno, et sine aliqua sanguinis effusione credebat eos angustiare, et ad deditionem compellere. Et revera facile hoc fecisset nisi Deus aliter providisset, nam castra munitissima : Saphet, Belvoir, Turonum et Belfort que in montanis sita erant, ipse ad deditionem compulit, licet aliquo tempore quandiu victualia habuerunt restitissent. | Quomodo enim pauci et perterriti et impotentes homines tam potenti principi resisterent ? Qui non solum terram Egypti sed universam fere Syriam proprie subiecerat ditioni, que a Tigri fluvio habens initium usque in Egyptum protenditur et a Cilicia usque ad mare Rubrum.

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53 domino] patriarcha add. B, om. K

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Saladin poussa sa bonne fortune, conquit en moins de trois mois la principauté d’Antioche, à l’exception d’un château imprenable appartenant au patriarche d’Antioche, qu’on appelle Cursat, ainsi que la cité d’Antioche. Il se retira après avoir reçu du seigneur de la ville un fort tribut en argent, tout en nourrissant un espoir certain, confiant qu’il était dans le fait qu’après avoir mis toutes les places alentour sous sa coupe, la cité isolée ne pourrait résister bien longtemps. Ainsi, il avait soumis vingt-cinq cités et lieux fortifiés dans la principauté. Revenu dans le royaume de Jérusalem avec toute son armée, il fit le siège complet, par mer et par terre, de la cité de Tyr, la seule du royaume à être restée libre. Il y avait à Tyr en ce temps-là, un noble homme, vaillant à la guerre, Conrad, marquis de Montferrat. On dit que le jour même où les nôtres s’effondrèrent dans la bataille dont il est question plus haut, Conrad venant de Constantinople débarqua à Tyr. Il fit la promesse aux citoyens de défendre la cité s’ils acceptaient, une fois la ville sauvée, de lui en confier le gouvernement. Les citoyens consentirent volontiers avec reconnaissance à ce qu’il demandait, car les chrétiens, à la limite du désespoir, croyaient n’avoir d’autre moyen de résister aux forces de Saladin qui avait déjà occupé le pays environnant. Conrad, résistant avec vigueur du côté de la terre, fit brûler les galères de Saladin du côté la mer. Ce dernier, très contrarié et furieux, leva bientôt le siège et se retira. Il avait cru réduire les habitants de la ville sans effort, sans dommage ni autre effusion de sang et les pousser à la reddition. Sans doute lui aurait-il été facile d’y arriver si Dieu n’en avait décidé autrement. De fait, il poussa à la capitulation les châteaux puissamment fortifiés de Safed, Belvoir, Toron et Belfort dans la montagne, et en dépit de leur résistance qui dura tant qu’il y eut des vivres7. Comment en effet des ­hommes, peu nombreux, terrorisés, impuissants, pouvaient-ils résister à un prince aussi puissant qui avait soumis à son empire la terre d’Égypte et presque toute la Syrie, empire qui s’étendait du Tigre à l’Égypte et de la Cilicie jusqu’à la mer Rouge ?

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XCVIII. De Syrie divisione et late patenti Saladini imperio. Prima siquidem pars eius, que inter Tygrim et Euphratem media interiacet, Mesopotamia Syrie nuncupatur ; secunda eius pars Cele Syria specialiter dicitur, in qua sita est Antiocha cum urbibus sibi suffraganeis usque ad rivum Valenie sub castro Margath. Tertia autem pars Syrie, Syria maritima et Syria Phenicis nominatur, in qua sita est Tripolis et Tyrus et Accon, habens initium a predicto rivo, finem vero ad Lapidem Incisum qui dicitur Districtum, hodie vero Castrum Peregrinum nominatur. Quarta pars eius dicitur Syria Libanica, in qua situs est Libanus. Dicitur preterea Syria Damascena, nam metropolis eius est Damascus. Quandoque tamen simpliciter Syria appellatur nomine totius parti attributo ut ibi caput Syrie Damascus. Tres etiam Palestine Maioris Syrie partes sunt, prima cuius metropolis est Hierosolyma et hec pars specialiter Iudea appellatur ; secunda cuius metropolis est Cesarea Maritima et continet totam terram Philistinorum ; | tertia cuius metropolis est Scythopolis que hodie dicitur Bethsam. Sunt insuper Syrie partes utraque Arabia. Prima cuius metropolis est Bostrum, secunda cuius metropolis est Petra deserti, sed et Syria Sobal eiusdem Syrie Maioris est pars cuius metropolis est Sobal. Novissima autem pars Syrie est Idumea rescipiens ad Egyptum. Tantum igitur et tam potentem adversarium tot regna sub se habentem, tantorum capitum belluam, pro peccatis nostris tanquam divine ultionis flagellum contra nos Dominus suscitavit.

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xcviii, 13 Is. 7, 8 xcviii, 1 syrie ... sucitavit] om. D   1 syrie ... imperio] descriptio syrie et partium eius enumeratio A B C E G H J K bo   17 tertia B E K

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XCVIII. Organisation de la Syrie ; extension de l’empire de Saladin. La première région se trouve entre Tigre et Euphrate, on l’appelle la Mésopotamie de Syrie. La seconde a le nom propre de Cœle-Syrie avec Antioche et ses villes suffragantes, elle s’étend jusqu’à la rivière de Valénie sous le château de Margath. La troisième région est la Syrie maritime ou Syrie de Phénicie avec Tripoli, Tyr et Acre. Elle commence à la rivière en question et finit à Pierre-Encise ou District, de nos jours appelé Château-Pélerin. La quatrième région est la Syrie du Liban où est le mont Liban. Elle est appelée également Syrie Damascène, car sa métropole est Damas. Parfois on la nomme simplement : Syrie, en prenant la partie pour le tout, comme le dit le Prophète : « Damas, capitale de la Syrie. » Les trois Palestines font partie de la grande Syrie. La Palestine première a pour métropole Jérusalem et porte le nom propre de Judée. La Palestine seconde a pour métropole Césarée maritime et englobe le territoire des Philistins. La Palestine troisième a pour métropole Scythopolis, notre Bethsam aujourd’hui. De même, les deux Arabies entrent dans la Syrie. L’Arabie première a pour métropole Bostrum et l’Arabie seconde, Pétra du désert. La Syrie Sobal avec Sobal comme métropole fait aussi partie de la Syrie1. L’Idumée est une toute nouvelle portion de la Syrie, elle est tournée vers l’Égypte. Tel était le grand et puissant adversaire, le prince de nombreux royaumes, bête cruelle aux têtes multiples, fléau de la vengeance divine que le Seigneur, pour nos péchés, a fait lever contre nous.

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XCIX. Occidentalium ob Hierosolymam captam exsternatio et regum principumque christianorum votiva ad sacrum bellum expeditio. Interea rumores sinistri et casus lamentabiles universas occidentis regiones concusserant, omnibus qui audierant animo consternatis et quasi gravi vulnere doloris immensi sauciatis. Pre omnibus autem venerabilis pater Urbanus, qui sancte Romane Ecclesie tempestate illa preerat summus antistes, attendens et inconsolabiliter dolens quod temporibus suis orientalis Ecclesia tam miserabilem desolationem et tam irreparabilem incurrisset ruinam, audiens sancta prophanari et a canibus immundis conculcari, | pretiosum salutifere crucis lignum ab impiis et indignis hominibus detineri et contrectari, Terram sanctam tanto Christia­ norum sanguine liberatam, rursus ab infidelibus et prophanis hominibus occupari, pertubatione doloris et meroris anxietate febrem incurrens, non multo post partim febre, partim tedio et langore, vitam finivit. Cui successit in pontificali dignitate vir honestus et omni acceptione dignus Gregorius qui, peccatis nostris exigentibus, post septem hebdomadas in fata concessit. Post quem ad apicem summe et apostolice dignitatis sublimatus est Clemens tertius. Hic modis omnibus cum fratribus suis cardinalibus laboravit ad Christianorum succursum, qui pauci remanserant tanquam oves inter lupos, et ad Terre sancte liberationem invitans, admonens et obsecrans occidentales principes et omnes Christi fideles et in plenam omnium peccatorum remissionem iniungens, quatenus Christi Ecclesie et civitati redemptionis nostre induti virtute ex alto succurrere non differrent. Ex quo factum est quod imperator Romanorum Fredericus et rex Francie Philippus et Anglorum rex Ricardus, et omnes fere

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xcix, 23 cfr Matth. 10, 16   27 cfr Luc. 24, 49 xcix, 1/37 occidentalium ... remansisset] om. D   1/3 de commotione occidentalium terre sancte et populorum et qualiter signati sunt ad succerendum A B C G H J K bo, om. E   4/6 interea ... sauciatis] om. K   25 peccatorum] suorum add. B K

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XCIX. Consternation en Occident à la suite de la chute de Jérusalem ; vœux de croisade des rois et princes chrétiens. Cependant, des bruits inquiétants, le récit de ces tristes malheurs avaient secoué toutes les contrées de l’Occident ; et tous ceux qui les entendaient raconter en avaient l’esprit retourné et se trouvaient profondément blessés d’une douleur sans nom. Le premier de tous était le vénérable père Urbain qui, en ce temps-là, gouvernait la sainte Église romaine comme souverain pontife. Il était inconsolable et triste, car c’était sous son pontificat que l’Église en Orient était tombée dans le malheur d’une telle désolation, une ruine aussi irréparable. Au récit de la profanation des lieux saints foulés aux pieds par des chiens immondes, sachant le précieux bois de la croix du salut retenu et souillé par des impies, des hommes indignes, la Terre sainte, libérée par le sang versé de tant de Chrétiens, à nouveau occupée par des infidèles et des impies, il mourut bientôt dans le trouble et l’anxiété de sa douleur et de sa tristesse des suites d’une fièvre, de chagrin aussi, de lassitude. Son successeur à la charge pontificale était Grégoire, un homme honorable, en tout point digne de louange ; en châtiment de nos fautes, il vint à rendre l’âme au bout de sept semaines. Son successeur, Clément III, fut élevé au siège de la dignité apostolique suprême. De toutes ses forces, avec l’aide des cardinaux, ses frères, il œuvra pour secourir le petit nombre de Chrétiens restés, tels les brebis au milieu des loups, et pour libérer la Terre sainte ; il poussa, exhorta, supplia les princes d’Occident et tous les fidèles du Christ, leur enjoignant, contre la pleine rémission de tous les péchés, et revêtus de la puissance d’En-Haut, de porter secours sans tarder à l’Église du Christ, la cité de notre salut. Ainsi Frédéric, empereur des Romains, Philippe, roi de France, Richard, roi d’Angleterre, presque tous les princes, ducs, comtes

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principes, duces, comites et nobiles eisdem subiecti, una cum 30 archiepiscopis, episcopis, abbatibus et aliis ecclesiasticis personis cum inferiori populo, cuius non erat numerus, vivifice crucis signo humeris suis affixo, ad Terre sancte succurrendum voto sese sollemniter astrinxerunt, verbo et exemplo invicem | exhortantes et (243) alios incitantes, adeo quod dedecus et igniominiosum videretur, 35 si tanquam desides et ignavi, aliis proficiscentibus, ipsi domi remansissent. C. Obsidio Acconis per Guidonem regem, clades a Saracenis accepta. Sequenti autem estate post amissionem Terre sancte, cum rex Guido civitatem Tyrensem non posset recuperare, eo quod predictus marchio qui eam liberaverat sibi propriam ex pacto vendica­ verat, nec de toto regno suo saltem unum casale remanserat ubi caput reclinaret, indutus reverentia et confusione, presertim cum Terra sancta sub ipsius amissa esset regimine, quasi de vita sua non curaret, cum paucis valde quos colligere potuit, Acconensem obsedit civitatem, in torono aliquantum eminenti quod est iuxta civitatem tentoria sua collocando. Erat autem frater eius cum eo Gaufridus de Lisiniaco, vir animosus et in armis strenuus, qui gratia fratris sui omnes alios precesserat peregrinos. Postquam autem res innotuit Saladino, dicitur gratias retulisse deo suo, eo quod Christianorum reliquias cum rege suo in manu sua conclusisset, et revera non solum Saladino cum innumera sui multitudine exercitus, | sed his qui in civitate erant tam pauci homines diu resistere non valerent. Cumque dicerent Saladino principes eius quatenus predam a domino sibi oblatam capere festinaret, fertur respondisse quod cum isti non possent evadere, fratrem

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c, 6/7 cfr Luc. 9, 58    c, 1/96 obsidio ... prestarent] om. D   1/2 obsidio ... accepta] de obsidione et recuperatione civitatis accon et de hiis que acciderent in exercitu A B C G H J K bo, om. E   

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et nobles, leurs sujets, les archevêques, les évêques, les abbés et autres membres du clergé, le peuple sans nombre des petits, après s’être cousus le signe vivifiant de la croix sur l’épaule, s’engagèrent par un vœu solennel à porter secours à la Terre sainte. Ils s’excitaient mutuellement par l’exemple et la parole, en poussaient d’autres à le faire, au point qu’il paraissait honteux et dégradant de rester chez soi comme un lâche, un paresseux, quand les autres se mettaient en route1. C. Siège d’Acre par le roi Gui ; le désastre infligé aux Sarrasins. L’été qui suivit la perte de la Terre sainte, comme le roi Gui n’avait pu récupérer la cité de Tyr, car le marquis de Montferrat qui l’avait sauvée la revendiquait en raison du contrat le liant aux habitants, il ne lui restait, de tout le royaume, pas le moindre casal où reposer la tête ; honteux et confus, car c’était sous son règne que la Terre sainte avait été perdue, comme indifférent à son sort, il mit le siège devant Acre avec le peu de gens qu’il avait pu réunir et installa son camp sur un tertre assez élevé à proximité de la cité. Il avait à ses côtés son frère Geoffroi de Lusignan, un homme courageux et un vaillant soldat qui, par affection pour lui, avait devancé tous les autres pèlerins. Quand la nouvelle en parvint à Saladin, il rendit grâce, dit-on, à son Dieu pour lui avoir livré ce qui restait des Chrétiens avec leur roi. Et de fait, un si petit ­nombre d’hommes ne pouvait résister longtemps à l’innombrable mul­ titude de l’armée de Saladin et à ceux qui se trouvaient dans la ville. Tandis que les princes qui l’entouraient lui disaient de se hâter de saisir la proie que le Seigneur lui offrait, il aurait répondu que les chrétiens ne pouvaient lui échapper et qu’il attendait son frère qui devait bientôt arriver, car il voulait l’associer à sa joie et

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27 août 1189

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suum, quem venturum in proximo expectabat, ut gaudii eius et victorie socium vellet expectare. Ipse tamen non multis diebus post per experientiam didicit, quoniam semper nocuit differe paratis. Nam vir nobilis et in Dei servitio probatissimus Iacobus de Avesnis, secum Flandrenses, Brabantinos et Frisones adducens et opportuno tempore adveniens, sua ante Accon fixit tentoria. Multitudo insuper nobilium et aliorum de Campania et Burgundia nec non qui de Italia advenerunt, non longo tempore post ante predictam applicaverunt civitatem. Ut autem subitas et improvisas Saracenorum evitare possent irruptiones, castra sua fossato undique munierunt. Quantas autem tribulationes et angustias, quot pericula et detrimenta, antequam venirent reges Francie et Anglie, perpessi sint, longum esset enarrare ! Nam eorum machinas frequenter Saraceni combusserunt, multos autem sagittis et spiculis letaliter vulnerantes, frequenter occiderunt. Multo autem plures inedia, labore et aeris corruptione vitam in sabulo ante civitatem finierunt. Videntes itaque nostri quod facile civitatem expugnare non possent, presertim cum hi qui in civitate erant acriter resisterent, Saladinus | autem cum exercitu suo nostros exterius ex parte fossati multipliciter infestaret, quadam die contra hostes pugnaturi exierunt. Saraceni autem licet longe plures essent nostros expectare non audentes, castris suis relictis, fugerunt. Nostri vero cum iam ad castra Saracenorum absque contradictione aliqua pervenissent, iusto licet occulto Dei iudicio, commoti et perterriti, nullo insequente fugere ceperunt. Quod videntes Saraceni, fiduciam resumentes et audaciam, reversi ad nostros posteriores, cedere et sagittis tam equos quam equites vulnerare sine intermissione ceperunt. Paucos autem de nobilioribus qui turpe et ignominiosum reputabant terga dare, multitudine sua concludentes Saraceni occiderunt. Inter quos magister militie Templi et Andreas comes Brenensis cum aliis compluribus die illo ceciderunt. Hi autem qui

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22 socium] princeps esset B E K   25 avesnis] cum multitudine navium quas eneches appellant add. B K   

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à sa victoire1. Lui-même apprit à ses dépens, quelques jours plus tard, qu’on a toujours tort de retarder l’échéance lorsqu’on est prêt. En effet, Jacques d’Avesnes, noble homme, de très grand ­courage pour le service de Dieu, accompagné de Flamands, Brabançons et Frisons, arriva au bon moment pour installer son camp devant Acre. En sus, vint une nombreuse armée de nobles et non nobles de Champagne, de Bourgogne, sans compter ceux qui ­vinrent d’Italie, qui, peu de temps après, débarquèrent devant la ville. Ils entourèrent le camp d’un fossé pour se garder des attaques brusques et imprévisibles des Sarrasins. Combien de tribulations, d’angoisses, de périls et de malheurs, eurent-ils à supporter avant l’arrivée des rois de France et ­d’Angleterre, ce serait trop long à dire ! Les Sarrasins en venaient souvent à brûler leurs machines de guerre, leur tuer beaucoup de gens qu’ils touchaient de leurs flèches et de leurs traits. La faim, l’épuisement, la corruption de l’air en firent mourir plus encore sur la plage, devant la ville. Constatant qu’il ne serait pas possible de l’emporter facilement, tandis que ses défenseurs résistaient avec vigueur et, qu’à l’extérieur du retranchement, l’armée de Saladin les attaquait sans relâche, les nôtres, un jour, firent une sortie contre l’ennemi. Les Sarrasins beaucoup plus nombreux n’osèrent, malgré ce, les attendre et prirent la fuite en abandonnant leur camp. Les nôtres cependant, après l’avoir atteint sans obstacle, par un juste et mystérieux jugement divin, pris de panique et de frayeur, se mirent à fuir sans que personne ne les poursuive. Les Sarrasins voyant ça, reprenant confiance et courage, revenus sur les arrières de nos soldats, en firent un carnage, criblant de flèches, cavaliers et chevaux. Mais quelques personnes des plus nobles, qui considéraient la fuite comme honteuse et dégradante, se firent encercler et tuer par la meute des Sarrasins. Parmi eux, le maître du Temple, André, comte de Brienne, plusieurs autres avec eux,

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in civitate erant exeuntes, et nostris in reditu occurentes, multos interemerunt. Tanta autem erat gentis nostre confusio et perturbatio, tantus timor fugientes invaserat quod vix de omnibus his qui exierant aliquis, ut dicitur, evadere posset nisi vir strenuus et in armis exercitatus predictus Gaufridus de Lisiniaco qui ad castra conservanda remanserat cum his quos secum habebat nostris succurere festinaret. Dicunt autem casu mirabili tantam nostris, die illo, accidisse confusionem ; dum enim equus quidam domini sui manus fugiendo evasisset, quibusdam insequentibus et clamantibus, | crediderunt alii nostros a facie inimicorum fugere, et ita omnibus fere fugientibus, ad tentoria sua cum maximo dedecore et christianitatis detrimento redierunt. Cum autem per annum et dimidium nostri qui precesserant imperatorem et reges et alios subsecuturos principes expectarent, tanta fames et victualium penuria orta est in exercitu quod carnes equorum et cadavera mortuorum animalium compulsi sunt manducare. Modius enim frumenti qui tempore pacis pro dimidio bisantio habebatur, sexaginta bisantiis vendebatur. Ex quo factum est quod pedites de exercitu tantam penuriam amplius sustinere renuentes, contra mandatum maiorum, usque ad triginta milia contra Saracenos exissent, ut a castris eorum victualia deportarent ; hostes autem astuti fugam fraude simulantes, incautos homines non solum victualibus, sed auro et argento et variis supellectilibus onerari permiserunt. Cum ita suffarcinati et immensis ponderibus pregravati reverterentur exultantes, cithara eorum subito conversa est in luctum, et extrema gaudii luctus occupavit. Saracenis enim cum impetu et clamore valido subsequentibus, non est inventus vel unus qui resisteret inimicis ; non solum autem aurum et argentum, sed etiam arma proiicientes, omnes fere, vel in via prostati sunt, vel in mari fugiendo submersi. De his autem qui evadere potuerunt, multi pre timore in insaniam versi sunt. Sic igitur eorum murmur et inobedentiam | Dominus puniri permisit. His autem diebus Sibylla predicti Guidonis regis uxor in exercitu viam universe carnis ingressa est. Unde regnum ad sororem

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tombèrent ce jour-là. Les assiégés, sortant à la rencontre des nôtres qui rentraient, en tuèrent un bon nombre. Le trouble, la confusion étaient tels dans notre camp, une telle peur s’était emparée des fuyards, que de tous ceux qui étaient sortis, dit-on, il n’en serait pas revenu un seul s’il n’y avait eu Geoffroi de Lusignan, homme vaillant et guerrier d’expérience, resté à la garde du camp. Avec ceux qui étaient avec lui, il se dépêcha de porter secours à ses compagnons. On dit enfin qu’une telle panique était survenue ce jour là à cause d’un fait extraordinaire. Alors, un cheval échappé à son maître s’était mis à fuir, poursuivi par des gens et leurs cris. Les autres, chez nous, crurent qu’ils fuyaient l’ennemi, ainsi ­presque tous, se mettant à fuir, refluèrent vers le camp pour leur plus grande déconvenue et le malheur de la chrétienté. Ceux des nôtres arrivés les premiers attendirent un an et demi l’empereur, les rois et les princes de leur suite ; et la famine fut telle, les vivres vinrent tant à manquer dans l’armée, qu’ils en furent réduits à manger la viande des chevaux et les cadavres des animaux. Le muid de blé, qui coûtait un demi-besant en temps de paix, se vendait maintenant soixante. Alors malgré l’injonction des grands, et refusant de supporter davantage une telle disette, des piétons au nombre de trente mille firent une sortie contre le camp sarrasin pour s’y emparer des vivres. L’ennemi dans sa fourberie simula une fausse fuite, laissant ces imprudents s’emparer des vivres, de l’or, de l’argent, toute sorte de chose. Tandis qu’ils retournaient chargés et surchargés de leur lourd butin, la harpe, brusquement, s’accorda aux chants de deuil et leur joie s’acheva en chagrin. Alors les Sarrasins se mirent à leur poursuite et à les attaquer en poussant des cris ; et il ne s’en trouva pas un pour résister. Ils jetèrent l’or, l’argent et leurs armes mêmes, tous ou presque tombèrent sur la route ou cherchèrent la fuite vers la mer où ils se noyèrent. De ceux qui échappèrent, la peur fit tomber bon nombre dans la folie. Le Seigneur voulut ainsi punir leur murmure et leur désobéissance. Ces jours-là au camp, Sibylle, femme du roi Gui, entra dans la voie de toute chair. Ainsi, le royaume, par droit de succession,

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eius Isabelam uxorem viri nobilis Herfrandi de Torono iure hereditario devolutum est. Quod attendens, Montis Ferrati marchio qui iam Tyrum, ut dictum, est occupaverat, regnandi ambitione et regni cupiditate permotus, predictam Ysabel viro suo auferens, 90 cum ea de facto matrimonium contraxit. Licet autem peregrinis tantum scelus valde displiceret, predicto viro nobili Herfrando conquerenti satisfacere dissimulaverunt, eo quod non nisi per manus marchionis a Tyro victualia venalia haberent. Ipse etiam muneribus quosdam ex maioribus corrupit, ut sibi favorem pres- 95 tarent. CI. Principum christianorum, Frederici imperatoris, regum Francie et Anglie in Terram sanctam adventus ; Acconis expugnatio, Saladini trepidatio, inter reges dissensio et simultas. Dum hec in exercitu ab hiis qui precesserant varie agerentur, imperator Romanorum, Fredericus, cum virtute magna et innumera pugnatorum multitudine per terram profecturus, iter arripuit. Egressus autem de ultimis finibus Alemanie, transiensque Hungariam, Macedoniam et Greciam per terras | Saracenorum in manu potenti et brachio extento, subiugatis sibi Iconio, Philona et aliis pluribus civitatibus usque ad Armeniam pervenit ; ubi dum, estu maximo balneandi gratia, in fluvium quem ferreum appelant incole descendisset, casu flebili submersus et suffocatus in aquis, peccatis exigentibus interiit in totius christianitatis detrimentum. Adeo enim adventum eius Saladinus metuebat quod muros Laodicie et Gabeli, Tortose, Biblii, Berithi et Sydonis, eo quod per partes illas imperatorem transiturum putabat, dirui precepit, solis

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ci, 10 cfr Ier. 32, 21    90 ysabel] elizabetham B mo ci, 1/4 principum ... simultas] de morte imperatoris frederici et de adventu regis francie et regis anglie et de captione accon A B C D G H J K bo, om. E    1 franci et angli mo   9 hungariam] bulgariam add. codd.   

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se trouva dévolu à sa sœur Isabelle, femme du noble homme, Onfroi de Toron. Dans cette circonstance, le marquis de Montferrat qui avait pris la ville de Tyr, comme nous l’avons dit, poussé par l’ambition de gouverner et le désir d’être roi, arracha Isabelle à son mari et, de fait, l’épousa. Or, bien qu’un tel crime déplut fortement aux pèlerins, ils évitèrent de donner satisfaction à la requête du noble homme Onfroi, car c’était grâce au marquis qu’ils recevaient les vivres depuis Tyr. À force de cadeaux, Conrad corrompit certains grands pour avoir leur faveur.

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CI. Arrivée des princes chrétiens, l’empereur Frédéric, les rois de France et d’Angleterre ; prise d’Acre, désarroi de Saladin, dissension et rivalité entre les rois. Tandis que, dans l’armée, les premiers arrivés agissaient ainsi, l’empereur des Romains, Frédéric, fort de son grand courage et d’une innombrable multitude de combattants, choisit de prendre la route par la voie de terre. Il sortit des confins de l’Allemagne, traversa la Hongrie, la Macédoine, la Grèce et arriva en Arménie par la terre des Sarrasins, après avoir soumis d’une main puissante et d’un bras étendu, Iconium, Philona et plusieurs autres villes. Là, tandis que l’empereur, en raison de la chaleur étouffante, était descendu se baigner dans le fleuve que les gens du coin appellent le Fleuve de fer, par un bien triste malheur, il perdit pied et se noya ; ainsi mourut-il en châtiment des péchés et pour la perte de la chrétienté. Saladin, qui craignait l’arrivée de Frédéric, pensant que l’empereur prendrait cette route, donna pour instruction de détruire les murs de Laodicée, Gibelet, Tortose, Byblos, Beyrouth et Sidon, en conservant les seules citadelles et, bien entendu, lieux

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munitionibus oppidis videlicet et turribus reservatis. Sed et rex Francie Philippus et Ricardus rex Anglie, postquam Brundusii posteriores exercitus sui expectantes hyemaverunt, vere subsequenti cum navibus et galeis, cum equis multis et bellicis instrumentis et copia victualium, portui Accon applicantes, nostrorum exercitum immenso gaudio repleverunt. Rex siquidem Francie prior cum suis applicuit. Nam Ricardus Anglorum rex insulam Cypri, Grecis in ea commorantibus devictis, in adventu suo sibi subiugavit. Obsidentes igitur civitatem et ex omni parte vallantes, per totam illam estatem continue impugnaverunt, his qui intus erant cum virtute magna resistentibus. Petrarias enim petrariis opponentes et machinas nostras confringentes, igne etiam greco castella lignea que nostri cum expensis magnis fabricaverant succendentes, multas nostris molestias inferebant. Cum autem | quadam die, novos et recentes pugnatores cum armis et victualibus in navi maxima quam dromum nominant Saladinus in civitatem mitteret, rex Anglorum cum galeis ei iuxta portum occurens navem cum militibus submersit in profundum, cum magna Christianorum exultatione et maxima Saracenorum confusione. Nam preter alia quibus navis onerata fuerat, dicunt quod in ea fuissent quidam serpentes quos in exercitum nostrum mittere proposuerant, et per hoc multum nostros damnificare credebant. Rex autem Francie Philippus, diebus ac noctibus sine intermissione muros civitatis, turres et menia immensis molaribus concutiens, interius autem machinas hostium, domos et edificia confringens et subvertens, requiem negabat obsessis. Sed et rex Anglorum, ex alia parte, frequentes et periculosos insultus inclusis acriter inferebat. Cum igitur ex continuis et violentis molarium tunsionibus et attritionibus murus civitatis rumperetur, attendentes inclusi quod diu resistere iam non possent, hac conditione resignaverunt civitatem, ut salvis personis et liberis exirent, et ob hoc crucem sanctam quam in

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30 castella] tela mo   39 mittere] ponere B D K   40 credebant] sperabant B D K   

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forts et tours. Les rois de France et d’Angleterre, Philippe et Richard, après avoir passé l’hiver à Brindes à attendre les derniers contingents de leur armée, débarquèrent dans le port d’Acre le printemps suivant, amenant avec eux navires et galères, nombre de chevaux et de machines de guerre, profusion de vivres ; l’armée des nôtres en fut emplie d’une joie intense1. Le roi de France débarqua le premier avec les siens. En effet, Richard, roi des Anglais, s’empara, dès son arrivée, de l’île de Chypre après avoir battu les Grecs qui l’occupaient. Donc, faisant le siège de la cité en l’entourant d’une palissade, ils l’attaquèrent durant cet été-là, et les assiégés résistaient avec courage. Ils opposaient pierriers aux pierriers, brisant nos machines, brûlant avec le feu grégeois les tours de bois élevées à grands frais par les nôtres, nous faisaient beaucoup de dégâts. Un jour, Saladin envoya au secours de la cité un très grand bateau, appelé dromont, chargé de nouveaux guerriers tout frais, d’armes, de vivres. Le roi d’Angleterre se porta à sa rencontre avec ses galères et, tout près du port, envoya par le fond bateau et soldats, à la grande satisfaction des Chrétiens et pour mettre le comble à la honte des Sarrasins. On raconte qu’en plus de tout ce dont ce bateau était chargé, il y avait des serpents qu’ils se proposaient de jeter sur l’armée, croyant ainsi nous faire grand mal. Le jour et la nuit, sans arrêt, le roi de France, Philippe, ébranlait les murs de la cité, ses tours, ses défenses, en faisant lancer d’énormes rochers qui renversaient et ruinaient les machines, les maisons, les bâtiments de la ville. Il ne laissait aux assiégés aucun repos. De son côté, le roi des Anglais lançait de vigoureux, fréquents et périlleux assauts contre l’ennemi. Quand les murs de la cité eurent cédé sous les coups et chocs violents et incessants des blocs de pierre, les assiégés qui, dans cette situation, ne pouvaient résister plus longtemps capitulèrent à la condition de pouvoir sortir en sécurité et librement, s’engageant en échange à rendre la sainte Croix que les Chrétiens avaient

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20 avril 1191 mai 1191

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prelio perdiderant Christiani se reddere promiserunt. Sed cum eam invenire non possent, iratus et indignatus, rex Anglorum omnes illos qui in partem eius cesserant precepit trucidari. Rex autem Francorum captivos suos pro redemptione nostrorum quos Saraceni captivos tenebant in vinculis reservavit, | temperantius et mitius agens pro nostris. Rex autem Anglorum magis damnificavit et debilitavit inimicos, multis milibus interemptis qui plurimum in posterum nocere possent Christianis. Videns itaque Saladinus captam esse civitatem et magnam partem suorum interemptam, consternatus animo, nec habens spem ut alias civitates contra nos retinere valeret, muros maritimarum civitatum, scilicet : Porphyrie, Ioppes et Ascalones, Gaze et Darum, destruxit. Rex autem Ricardus reedificans Ioppen munivit, qua postea a Saladino obsessa, rex cum galea per mare festinans, exercitu suo per terram cum difficultate magna subsequente, succurens obsessis exercitum Saracenorum removit. Saracenis autem valde confusis et perterritis et a facie nostrorum cum principe suo fugientibus, non solum regnum Hierosolymitanum, sed partem magnam terre Saracenorum nostri facile potuissent acquirere, nisi humani generis inimicus tantis christiani populi successibus invidens superseminaret zizania. Immisit enim inter reges emulationes et discordiam, et facta est contentio inter principes, et errare fecit eos in invio et non in via. Venantes enim propriam gloriam et que sua sunt, non que Iesu Christi querentes, invicem detrahendo et invidendo, letificaverunt inimicos suos, magnam autem christianorum populo confusionem induxerunt. Adeo autem ab initio rancor, invidia et discordia inter reges invaluerunt quod plerumque quando rex Francorum contra civitatem | assultus ex una parte faceret, rex Anglie ne civitatem impugnarent suis inhibebat. Quotquot autem de principibus et baronibus Francie muneribus vel promissionibus sibi allicere poterat, latenter attrahebat, et in partem suam inclinabat. Unde rex Francie

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71/72 Ps. 106, 40   73/74 cfr Phil. 2, 21 61 ioppes] cesaree add. B D   69 possent B E, possunt D

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perdue à la bataille. Mais ils ne purent la retrouver ; le roi des Anglais, courroucé et indigné, donna ordre de massacrer tous les prisonniers qu’il avait reçus en partage. Pour sa part, le roi de France fit preuve de plus de modération et de douceur, en faisant enchaîner ses prisonniers pour les échanger avec ceux des nôtres retenus captifs par les Sarrasins. Mais le roi d’Angleterre, en tuant bon nombre de soldats ennemis qui eussent pu nuire considérablement aux Chrétiens, leur a davantage fait du mal et les a plus affaiblis. Saladin, voyant que la ville était prise et partie des siens massacrée, le cœur triste et sans espoir de conserver les autres places, fit détruire les murailles des villes de la côte, Porphyre, Jaffa, Ascalon, Gaza et Daron2. Le roi Richard reconstruisit les fortifications de Jaffa que Saladin assiégea bientôt après. Le roi, monté sur une galère, se hâta de prendre la mer, tandis que son armée le suivait non sans mal par la côte ; il porta secours aux assiégés, repoussa l’armée des Sarrasins3. Ainsi, tandis que les Sarrasins, bousculés, effrayés, fuyaient devant les nôtres, prince en tête, nous aurions facilement pu reprendre le royaume de Jérusalem et une bonne partie du territoire des Sarrasins, s’il n’y avait eu la jalousie de l’ennemi du genre humain qui, devant un tel succès pour le peuple chrétien, se mit à répandre l’ivraie. Il mit rivalité et discorde entre les rois, le mépris entre princes, les égara en un chaos sans chemin. Eux, ils poursuivaient leur propre gloire et intérêt, non la cause de JésusChrist, ils faisaient le bonheur de leurs ennemis dans leurs chamailleries et jalousies mutuelles, portant un désordre sans nom au milieu du peuple chrétien. Dès le début, rancune, jalousie, querelle s’étaient installés entre les rois ; et la plupart du temps, quand le roi de France lançait un assaut contre la ville, le roi d’Angleterre retenait les siens d’attaquer. Quand ce dernier pouvait se gagner les princes et barons français, il les attirait en secret à force d’argent et promesses, il les poussait à prendre son parti. Le roi de France, vivement troublé et ému, et surtout parce que

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12 juillet 1191

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perturbatus valde et commotus et maxime quia egritudine quadam laborabat, relicto duce Burgundie cum parte exercitus loco sui, statim post captionem Acconensis civitatis recessit. In hoc tamen minus sapienter egit quod suum prepropere nimis reditum 85 propalavit. Nam Saladinus, ut dicunt, totam terram nostram nobis libenter reddidisset si reges saltem tantummodo simularent quod terram eius unanimiter vellent invadere et inter se pacem et concordiam habere. CII. Hierosolyme obsidende consilium irritum, rege Ricardo in patriam redeunte. Mors Saladini et Saracenorum seditio ; Alemanorum in Terra sancta res geste. Rex igitur Anglie cum exercitu suo et dux Burgundie cum Francorum exercitu residuo Hierusalem obsessuri ab Accon versus Ioppen procedentes, plurima in itinere pertulerunt incommoda. Saladino enim cum militibus et Turcopulis innumeris posteriores prosequenti, a dextris etiam et a sinistris nubem telorum emittentibus Saracenis, nostri cum maxima difficultate usque Assur oppidum quod inter | Cesaream et Ioppen situm est pervenerunt, multis tam ex equitibus quam ex equis graviter vulneratis, ipso etiam rege Ricardo in via illa telo quodam sauciato. Nostri autem iuxta predictum castrum, Saracenos ut eis vicem rependerent acriter invadentes et ipsis terga dantibus insistentes, multos ex eis occiderunt, sed non sine gravi damno christiani exercitus. Nam in die illa cecidit miles nobilis et in armis strenuus, Iacobus de Avenis, multique cum illo felici martyrio coronati ceciderunt, qui seorsum nostris ignorantibus cum multitudine Saracenorum pugnabant. Saladinus autem cum his qui fuge presidio evadere potuerunt in Hierusalem se recepit. Nostri autem in quodam loco qui dicitur Bethenuble, inter Ioppen et Hierusalem, castra locaverunt ut inde proficiscerentur Hierusalem obsessuri. In eodem

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cii, 1/3 hierosolyme ... geste] de hiis que accederunt nostris post captionem accon et post recessum regis francie usque adventum regis jherosolimitam johannis qui fuerat brenensis A B C D G H J K bo, om. E   7 tracopulis mo    8 nubem] ymbrem codd.   9 immitentibus codd.   

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malade, s’en retourna après la prise d’Acre, laissant sur place le duc de Bourgogne et une partie de son armée. En cela il fit preuve de peu de sagesse, mettant trop d’empressement à publier son retour. Saladin, dit-on, nous aurait volontiers rendu toute notre terre, si les rois avaient seulement fait semblant de vouloir envahir son pays d’un commun accord et en bonne intelligence.

2-3 août 1191

CII. Échec du conseil tenu pour aller assiéger Jérusalem ; retour du roi Richard dans sa patrie ; mort de Saladin, désunion des Sarrasins ; hauts faits des Allemands en Terre sainte. Le roi d’Angleterre, son armée, le duc de Bourgogne et le reste de l’armée française, ayant quitté Acre vers Jaffa pour aller assiéger Jérusalem eurent, en chemin, à connaître les plus grandes difficultés. Car, Saladin suivant leurs arrières avec ses cavaliers et une nuée de turcoples, les Sarrasins leur lançant, de toute part, une grêle de traits, les nôtres arrivèrent à la place forte d’Arsûf entre Césarée et Jaffa avec énormément de mal. Beaucoup de cavaliers et chevaux furent sérieusement blessés, le roi en personne fut atteint par une flèche sur le trajet. Les nôtres, parvenus près du château en question, pour rendre la pareille aux Sarrasins, les attaquèrent avec vigueur, les forçant à tourner les talons, ils en tuèrent quantité non sans que l’armée chrétienne ne subisse aussi de grands dommages. Ce jour-là, Jacques d’Avesnes, noble chevalier et vaillant soldat, succomba et, avec lui, beaucoup reçurent la couronne d’un bienheureux martyre, des anonymes dans leur combat isolé contre la cohorte des Sarrasins. Saladin se replia sur Jérusalem avec ceux qui avaient pu trouver leur salut dans la fuite. Les nôtres installèrent leur camp dans un lieu appelé Bethenoble, entre Jaffa et Jérusalem, d’où ils devaient aller assiéger Jérusalem.

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autem loco, nunciatum est regi Ricardo quod de partibus Egypti cum mulis et equis et camelis innumeris victualibus et aliis bonis oneratis ad exercitum Saladini maxima veniret caravana. Ipse autem illi festinanter occurens et iter de nocte latenter arripiens, maximam predam secum ad exercitum adduxit. In magno tamen periculo reliquerat exercitum, nam maiorem militum partem secum trahens, paucos valde respectu eorum qui cum Saladino erant reliquit. Habito autem post hec consilio quod tempore hyemali non obsiderent Hierusalem, presertim cum nullam inter Accon et Hierusalem munitionem haberent, | nisi Ioppen nec sine gravi et manifesto periculo victualia ad exercitum deportare valerent, cum multis lachrymis et immensa tristitia maioris partis exercitus, propositum mutaverunt. Nam a multis dicebatur et ab his maxime qui statum Saracenorum plenius agnoverant, quod exercitum nostrum nunquam expectasset Saladinus, nec poterat invenire qui in civitate ipso recedente includi vellent vel auderent remanere ; Acconensium exemplo perterriti, quibus non potuit succurrere Saladinus, quin etiam ipsos captos partim trucidari, partim captivari permiserat, cum ipsos potuisset redemisse. Rex igitur Anglorum cum exercitu suo pergens Ascalonam, muros eius per totam illam hyemem, cum labore magno et expensis, reparare non cessavit. Oppidum etiam Darum reedificans munivit, Gazam vero reparatam tradidit Templariis ad quod pertinebat, ut ipsam custodirent. Dux vero Burgundie cum his qui de regno Francie secum remanserant, eo quod non bene cum Anglicis conveniebant, secedens Tyrum ibidem cum marchione hyemavit. Vere autem subsequente, cum iterum usque Bethunuble ambo exercitus ut Hierusalem obsiderent pervenissent, rex Ricardus quasi in virum alterum mutatus dixit quod modis omnibus vellet repatriare, hanc occasionem pretendens quod frater eius Ioannes, ad regnum aspirans, partem terre eius iam occupasset. Ex alia vero parte regem Francie qui ab ipso iratus recesserat, non |

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Là, on vint annoncer au roi Richard l’arrivée d’une très grande caravane, avec nombre de mules, chevaux, chameaux et toutes sortes de marchandises de prix, venant d’Égypte pour se rendre au camp de Saladin. Et Richard, partant rapidement à sa rencontre, s’en emparant de nuit en grand secret, rapporta au camp un butin considérable. Pourtant, il avait exposé l’armée au plus grand péril, entraînant derrière lui la majorité des chevaliers pour n’en laisser sur place qu’un faible contingent à considérer les forces de Saladin. Cela fait, après avoir tenu conseil, on changea d’avis en prenant prétexte que le siège de Jérusalem ne pouvait se faire en hiver, que faute de place forte sur la route entre Acre et Jérusalem, sinon Jaffa, il serait à l’évidence très périlleux de ravitailler l’armée ; cette décision fit couler beaucoup de larmes chez la majorité des combattants, immense fut la tristesse. Car beaucoup disaient, surtout ceux qui connaissaient le mieux la situation des Sarrasins, que jamais Saladin n’aurait attendu notre armée ni trouvé personne pour s’enfermer avec lui dans la ville ou avoir le courage de rester, tant ils étaient effrayés par le sort réservé aux défenseurs d’Acre auxquels Saladin n’avait pu porter secours ; mieux encore, dont il avait favorisé le massacre d’une partie et la captivité d’une autre, alors qu’il aurait pu racheter les prisonniers. Donc, le roi d’Angleterre et son armée se dirigèrent sur Ascalon, et pendant tout cet hiver, sans interruption, le roi entreprit d’en relever les murs au prix de grands travaux et à grands frais1. Il fit reconstruire et fortifier la forteresse de Daron, et Gaza une fois relevée, il en confia la garde aux Templiers à qui elle avait appartenu. Cependant, le duc de Bourgogne, les gens de France avec lui, ne s’accordant pas bien avec les Anglais, se retirèrent à Tyr auprès du marquis de Montferrat pour y passer l’hiver. Au printemps suivant, comme les deux armées avaient poussé une seconde fois jusqu’à Bethenoble avec l’intention d’aller assiéger Jérusalem, le roi Richard, comme devenu un autre homme, dit qu’il voulait rentrer chez lui par tous les moyens. Il avançait en guise d’explication que son frère Jean aspirait à la couronne et s’était déjà emparé d’une partie de son royaume. En outre, il suspectait, non sans raison, le roi de France qui l’avait quitté en

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immerito suspectum habebat, metuens ne ducatum Normannie rex Philippus in eius abstentia violenter invaderet. His igitur auditis rumoribus, Saraceni exultantes et quasi de gravi somno excitati, corda resumpserunt. Nostri autem confusione et dolore induti, recuperationis civitatis sancte spem penitus amiserunt, gementes pariter et lugentes, eo quod sacrificii sui cauda sublata, labores suos inchoatos et non perfectos quasi adnihilari viderent. Si autem recessum suum aliquanto tempore rex Anglorum abscondendo distulisset, optimas conditiones et treugas bonas et honorabiles apud Saracenos invenire possemus. Ipse autem in detrimentum totius christianitatis, sicut homo impetuosus erat, ad recessum aspirans et festinans, quascumque treugas Saladinus offerre voluisset, absque contradictione et difficultate recepit. Ex quo factum est quod Ascalonam et Darum et Gazam nostri diruere compulsi sunt, secundum treugarum conditionem et tenorem. Darum siquidem et Ascalona, Gaza et tota terra usque Ioppen in partem cessit Saracenorum. Ipsi autem Ioppen et aliam maritimam usque Accon nobis ex pacto reliquerunt, scientes pro certo quod munitionibus destructis terram planam diu contra ipsos retinere recedente exercitu non possemus. Interim autem, marchione Montis Ferrati Conrado a quibusdam baptizatis Saracenis quos in domo sua diu nutriverat interfecto, comes Campanie Henricus, ad | suggestionem regis Anglie, cum uxore illius Isabella matrimonium contrahens in terra remansit. Rex Anglorum dum recederet in Alemannia captus est et ab imperatore detentus donec, maxima pecunie summa redemptus, vix tandem evadens in Angliam pervenit. Comes vero Henricus licet cum regina contraxisset, Accon et Tyri dominium adeptus, coronari tamen et rex fieri recusavit. Nam et ipse sicut alii ad reditum aspirabat. Ex quo factum est quod cum aliquot annis in terra remansisset et omnibus preparatis repatriare vellet, de fenestra domus sue decidens supra fossati civitatis Acconensis pavimentum cervicibus confractis expiravit. Haimericus autem rex Cypri,

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70 gazam] insuper et ioppen add. B   73 aliam] terram add. B D K, ill. E   

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mauvais termes ; il craignait que le roi Philippe n’aille attaquer le duché de Normandie en son absence. Au bruit de ces nouvelles, les Sarrasins ravis, comme sortis d’un lourd sommeil, reprirent courage. Les nôtres, confus et tristes, perdirent à jamais l’espoir de retrouver la Cité sainte. Ils étaient partagés entre gémissements et larmes, voyant comme anéanti le fruit de leur sacrifice et que leurs efforts n’allaient aboutir à rien. Si le roi d’Angleterre avait différé quelque temps son retour en dissimulant son projet, nous aurions pu obtenir des Sarrasins de meilleures conditions pour avoir de bonnes et honorables trêves. Mais, pour le malheur de la chrétienté, le roi était un homme plein de fougue qui voulait ardemment et rapidement s’en retourner ; c’est sans discussion ni opposition qu’il accepta toutes les conditions de la trêve que Saladin voulut lui offrir. En conséquence, on dut détruire Ascalon, Daron, Gaza conformément aux termes et conditions de la trêve. De plus, Ascalon, Daron, Gaza, tout le territoire jusqu’à Jaffa échurent aux Sarrasins. Le traité nous laissait Jaffa, la côte jusqu’à Acre ; sachant que l’armée partie, nous ne pourrions tenir longtemps un espace vide dont les forteresses avaient été démantelées. Entre-temps, le marquis de Montferrat avait été tué par des Sarrasins qui venaient de recevoir le baptême et que de longtemps il entretenait dans son entourage. Le comte de Champagne, Henri, sur proposition du roi d’Angleterre, contracta mariage avec Isabelle, sa veuve, et resta au pays. Le roi d’Angleterre, sur le chemin du retour, fut pris en Allemagne et retenu par l’empereur pour être libéré contre une très importante rançon, puis s’évada et arriva en Angleterre non sans mal. Mais le comte Henri, bien que lié à la reine par mariage, détenteur du pouvoir sur Acre et Tyr, refusa la couronne pour devenir roi. En effet, lui, comme les autres, aspirait au retour. Après quelques années dans le pays, il voulut rentrer chez lui et fit ses préparatifs, quand il tomba d’une fenêtre de sa demeure dans le fossé d’Acre et mourut, s’étant brisé la nuque sur le pavé. Amaury, roi de Chypre, frère de Gui de Lusi-

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frater Guidonis de Lisiniaco iam defuncti, cum regina Ysabel matrimonio copulatus, post predictum comitem terre dominium et administrationem suscepit. Post recessum autem regis Anglie et aliorum peregrinorum in quanto periculo Christianorum paucitas et residuum Terre sancte remanserunt, cito nobis Saraceni ostendissent, nisi mortuo Saladino inter ipsos facta divisione multiplices exorte fuissent discordie et inimicitie valde necessarie Christianis. Nam filiis Saladini patruus eorum scilicet frater illius omnia regna, excepto Halapie regno, auferens, aliorum Saracenorum animos propter hoc contra se provocavit. Nostri autem contra ipsum aliquid attentare non poterant vel audebant ; pro magno enim reputabant, licet multas | ab impiis frequenter recepissent iniurias, iuxta ipsos quocumque modo vivere et terre sue residuum conservare. Biblii tamen civitatem et munitionem quibusdam Saracenis eam nostris ignorante soldano resignantibus data pecunia recuperaverunt illi ad quos iure hereditario pertinebat. Sed et Berythi civitas cum oppido fugientibus Saracenis qui eam custodiebant Christianorum restituta est potestati. Imperator enim Romanorum Henricus missa multitudine Alemanorum ad Terre sancte subsidium treugas solvere precepit. Ipsi autem in partibus Tyri munitionem quandam obsidentes, cum obsessi salvis personis castrum resignare voluissent, nocte una munitionem recipere distulerunt Alemanni ; nam et oppidum et patrias non posse evadere de manibus suis estimabant. Sequenti autem die, innumera Saracenorum multitudine ad castri succursum concurrente, confusi recesserunt. Cumque appropinquassent Berytho exterriti Saraceni qui in civitate morabantur, eis urbem et munitionem reliquerunt. Audientes autem quod dominus eorum imperator Henricus obiisset, absque alia utilitate confestim ad propria redierunt. Sed et quadam ex nostris ipsorum fiducia provocati, Ioppen contra Saracenos munierunt, quibus in brevi tempore et absque magna difficultate Saraceni munitionem auferentes, ipsam solo-

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90 ysabel] elizabetha mo, elizabeth BE   110 ipsis B D E K   111 quandam] que toronum dicitur add. B D   

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gnan, déjà mort, épousa la reine Isabelle et succéda au comte Henri comme souverain et administrateur de la Terre sainte. Après le départ du roi d’Angleterre et des autres pèlerins, les Sarrasins auraient eu tôt fait de montrer dans quel péril ce petit nombre de Chrétiens, et ce qui restait de la Terre sainte, se trouvaient jetés, si la mort de Saladin, en les divisant, n’avait provoqué dans leurs rangs des querelles et d’infinies dissensions très profitables aux Chrétiens. Car leur oncle enleva aux fils de Saladin, dont il était le frère, tous les royaumes, sauf celui d’Alep, ce en quoi il provoqua à son encontre le ressentiment des autres Sarrasins2. Les nôtres ne pouvaient ni n’osaient tenter de faire quoi que ce soit contre lui. Ils s’estimaient contents de vivre au milieu des impies, dont ils avaient à subir les régulières vexations, et garder ce qu’il en restait de cette région à n’importe quel prix. Cependant, à l’insu du sultan, la cité et la citadelle de Biblios furent rendues aux héritiers légitimes par des Sarrasins contre une somme convenue. Beyrouth et sa citadelle passa à nouveau sous la coupe des Chrétiens, après que les Sarrasins qui en avaient la garde se furent enfuis. En effet, l’empereur des Romains, Henri, envoya une armée allemande au secours de la Terre sainte avec pour instruction de rompre les trêves. Les Allemands allèrent assiéger une place forte dans la région de Tyr ; et alors que les assiégés auraient voulu rendre le château en échange de la vie sauve, les Allemands différèrent la réception de la place le temps d’une nuit, pensant que la citadelle et ses habitants ne pourraient leur échapper. Le jour suivant, une grande armée de Sarrasins accourut au secours du château, et les Allemands se retirèrent dans la confusion3. Et comme ils s’étaient approchés de Beyrouth, les habitants effrayés abandonnèrent la ville et la citadelle. Quand ils apprirent la nouvelle de la mort de l’empereur Henri, leur seigneur, ils rentrèrent aussitôt chez eux sans être autrement utiles. Chez les nôtres, il en est qui reprirent confiance pour entreprendre de fortifier Jaffa contre les Sarrasins qui, peu après, s’emparèrent sans mal de la place, la rasèrent, emmenèrent en captivité

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tenus diruerunt, illos quos intus repererunt captivos ducentes. Ex tunc treugis reformatis quas libenter Saraceni concedebant, eo quod fere | totum regnum Hierosolymitanum possidebant et inter se maximas habebant discordias et graves inimicitias ; non addiderunt nostri, licet nimium afflicti, facile treugas rumpere vel aliquam penitus munitionem obsidere vel diruptam reparare. Unde non multo tempore post, cum quidam nobiles de Campania precipue et de aliis Francie partibus transfretassent, nostris treugas solvere recusantibus, ipsi Antiocham pergentes sub principe Antiocheno militaturi qui tunc guerram cum quibusdam habebat, a Saracenis inter Tripolim et Antiochiam capti sunt et detenti et in carcere Halapie mancipati. Duabus tamen vicibus postquam predicti Alemani recesserunt, nostri treugas cum Saracenis ruperunt : una vice, advenientibus quibusdam nobilibus de regno Francie, Simone scilicet de Monteforti, viro nobili et religioso et in armis strenuissimo, et fratre eius Guidone cum quibusdam aliis et cum comitissa Flandrie que virum suum fuerat subsequuta, ipse autem iam coronatus erat Constantinopolitanus imperator ; alia vice, quando mortuo rege Haimerico et eius uxore, comes Brenensis Ioannes ad regnum Hierosolymitanum vocatus transfretavit, heredem regni filiam marchioni Conradi et regine Isabelle ducens in uxorem. Parum tamen aut nihil profecerunt, nam neque munitionem aliquam obsederunt, nec dirutam reparaverunt, sed tantum in terra Saracenorum | equitantes quibusdam casalibus succensis predam quandoque abduxerunt. Statim autem postquam predictus Ioannes coronatus fuit in regem et inunctus, Saraceni montem Thabor in dedecus et detrimentum Christianorum, et maxime ut civitatem Accon amplius coarctarent, contra nos munierunt. Nostri vero, treugas iterum cum Saracenis firmantes, cum multis oppressionibus et miseriis gementes et dolentes, de supernis auxilium invocabant, a Deo et sancta Romana Ecclesia consolationem et subsidium de die in diem expectantes.

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128 obsidere ... reparare] possidere B   134 halapie] in vinculis add. B D K

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ceux qui s’y trouvaient4. Alors, on rétablit les trêves et les Sarrasins y consentirent volontiers car ils étaient en possession de la presque totalité du royaume de Jérusalem et qu’ils étaient divisés par les luttes intestines et de sérieuses dissensions5. Les nôtres, pourtant dans une situation désespérée, ne surent saisir la faculté de rompre les trêves, engager le siège d’une place ou relever une autre de ses ruines. Ainsi, bientôt après, quand des nobles de Champagne surtout et autres régions de France eurent fait la traversée, les nôtres refusant de rompre les trêves, ils continuèrent vers Antioche pour y combattre pour son prince alors en guerre avec les Sarrasins ; ils furent pris et retenus entre Tripoli et Antioche, puis enfermés dans une prison d’Alep. Après le départ des Allemands, les nôtres rompirent les trêves à deux reprises. La première fois lors de l’arrivée de quelques nobles du royaume de France, Simon de Montfort, noble homme plein de religion et soldat d’une grande vaillance, son frère Gui et d’autres, avec la comtesse de Flandre qui avait suivi son mari, déjà couronné comme empereur de Constantinople. Les trêves furent rompues une autre fois, quand après la mort du roi Amaury et de sa femme, Jean, comte de Brienne, appelé au royaume de Jérusalem, passa la mer pour épouser l’héritière du royaume, la fille du marquis de Montferrat et de la reine Isabelle. Cependant, on y gagna peu ou rien. On ne fit le siège d’aucune place forte, on ne releva aucune ruine, on fit des chevauchées en territoire ennemi en incendiant des villages, et parfois en rapportant du butin. Bientôt après que le roi Jean reçut la couronne avec l’onction royale, les Sarrasins se mirent à fortifier le mont Thabor pour serrer de beaucoup plus près la cité d’Acre, pour la confusion et le malheur des Chrétiens. Les nôtres, cependant, confirmant encore les trêves avec les Sarrasins, accablés de contraintes et de misères sans ­nombre, gémissaient, étaient dans la peine, appelant l’aide du ciel. De jour en jour, ils attendaient de Dieu et de la sainte Église romaine une consolation et un secours6.

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NOTES i 1. L’Historia orientalis entre dans la production de récits sur la Terre sainte composés entre le dernier quart du xiie siècle et le premier quart du xiiie siècle. Dans sa première version l’ouvrage n’était pas précédé du prologue, adjoint plus tard. Le thème est dans les premiers mots « terra sancta promissionis », terre promise et terre sainte, lieu de salut, lieu de la vie humaine du Christ, gagnée et perdue alternativement en raison du péché des hommes et de leur capacité à se reprendre. Tel est le sujet de l’ouvrage, développement historique et dogmatique sur l’histoire de l’Église en Orient. Ce début pourrait être inspiré par un sermon. L’hypothèse a été avancée pour le manuscrit Troyes, Bibliothèque municipale, 1399 qui contient le premier chapitre et les chapitres 15 à 17 consacrés à Pierre l’Ermite, son pèlerinage, son retour et sa prédication de la croisade jusqu’à la prise d’Antioche. Paul Riant avait cru y reconnaître un sermon ad cruce signatos en français qui, traduit en latin, aurait servi de modèle. Ce point de vue a été abandonné, cf. RHC-Occ., 5, p. 388 sq. ii 1. Le chapitre 2 résume l’histoire de la Palestine depuis Abraham jusqu’au règne d’Héraclius au viie siècle. Le passage rappelle les événements antérieurs en suivant la chronologie augustinienne des six âges du monde. Le récit commence avec Abraham, son installation en Terre sainte, troisième âge qui va jusqu’au règne du roi David. Vient ensuite l’exposé des étapes englobant le quatrième âge de David à la déportation à Babylone, le cinquième jusqu’au Christ, le sixième enfin, « tempus Christianorum ». Dans ce début, au moins, le récit s’apparente à une chronique universelle. Donné comme un exposé de preuves, il est centré sur la possession de la ville de Jérusalem et son histoire avant l’arrivée de l’islam. Les exemples dont il s’agit sont des vérités reçues sur la foi d’autorités et des faits. Cette partie pouvant être considérée comme une introduction, les développements qui suivent prennent des directions différentes : histoire des tribulations de la Terre sainte et de Jérusalem, histoire des hommes habitant cette terre, histoire de l’Église en Orient. 2. Assimilation contredite dans Hier., Nom. (col. 918) et Isid., Etym. 1, 22. Au ive siècle, Égérie place la ville de Melchisedech dans la vallée du Jourdain, Egeria, 13, 3-4 (p. 183). . Tradition différente chez les premiers pèlerins, Hier., Ep.108, 13 (p. 322). . La sépulture d’Adam est située selon une autre tradition sur le lieu du Calvaire, Hier., Nom. (col. 862). Quiryat-Arba signifie « ville des quatre », les quatre quartiers de la ville ou les quatre clans qui l’habitaient. 5. Infra HOr 82 ; les dix tribus d’Israël emmenées en captivité après la prise de Samarie sont remplacées par des populations déportées, c’est l’origine des Samaritains. 6. « In vestibulo » pour « in porticibus ». Jeu de mot sur le nom du grand-prêtre, Aristobule, cf. Petr. Com., Hist. scol. (col. 1529). 7. La prise de Jérusalem par les Perses en 614 est la première agression contre la Jérusalem chrétienne. La symbolique de l’épisode a marqué l’historiographie du Moyen Âge. Guillaume de Tyr, référence principale dans la première partie du récit, fait commencer sa chronique au règne d’Héraclius, GT 1, 1-2. L’existence de lieux saints du christianisme à Jérusalem – lieu de la passion, de la mort et de la résurrec-

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tion du Christ – est consécutive à la redécouverte des rochers sacrés : colline du Golgotha et tombeau, cachés à l’époque romaine sous un temple dédié à Vénus, retrouvés et mis en valeur à partir de 326. La rotonde ou Anastasis fut bâtie autour du tombeau, bâtiment pourvu d’un déambulatoire pour la liturgie. Plus à l’est, s’élevait la basilique à cinq nefs – Martyrium – sur le site présumé de la découverte de la croix du Christ. D’autres monuments furent édifiés par la suite : la basilique de la Nativité à Bethléem, la basilique de l’Eleona au mont des Oliviers. Il s’ensuivit un enrichissement monumental accompagnant la prolifération de sites secondaires fréquentés par les pèlerins. La croix n’est pas seulement une relique à vénérer en souvenir de la passion du Christ. Sa possession ou sa perte est la manifestation du don ou du retrait de la protection divine. Dans les sermons, Jacques de Vitry indique qu’elle est le symbole et l’instrument du rachat de l’humanité, un signe (signum) de portée universelle : « Dans le naufrage de ce monde, elle est la table d’En-Haut, l’arbre de vie, la mesure de justice, le sceptre du royaume, la couronne des rois, le trône impérial, l’arbre à l’ombre étendue, la verge de correction, le bâton de la patience, l’étendard du Christ rougi de son sang, et dont la seule vue nous incite à nous battre », Maier, p. 108. C’est encore un lieu de ralliement des peuples de la terre : « Par cet arbre, c’est certain, il a sauvé le genre humain du péché, il a affranchi Adam et les enfants d’Adam de la main de l’ennemi ; de tous les pays, il les a fait venir, de l’Orient et de l’Occident, du Nord et de la mer, il les rassemble venant des quatre coins de la terre dont les branches de la croix sont une figuration », Maier, p. 110. iii 1. Second calife (634-644), ici, le troisième. Dans l’Apologie d’al-Kindî, Othman apparaît comme second calife, Apologia 309b (p. 79-80). Omar ne semble pas figurer parmi les tout premiers disciples, The history of al-Tabarî, vol. 7, p. 78-79. iv 1. Le pape Grégoire étant mort en 604, il pourrait s’agir d’une erreur de transcription dans le manuscrit d’Oignies daté de 1224, témoin le plus proche de l’autographe. La seconde version corrige selon la chronologie traditionnelle, Petr. Ven., Sarac. 1 (p. 6). Mais, plusieurs indices plaident en faveur du maintien de la datation primitive dont on retrouve la trace à la fin du chapitre 14. Les Annales composées au ixe siècle par Eutychios, patriarche d’Alexandrie, s’appuient sur des sources arabes. Elles datent l’hégire de la première année du règne d’Héraclius (610), ce qui fait commencer d’autant plus tôt la prédication de Mahomet, sans d’ailleurs que l’on puisse mettre cette prédication en relation avec une période antérieure au pontificat de Grégoire le Grand, Eutychios (col. 1086). Guillaume de Tyr, dans un ouvrage perdu maintenant, les Gesta orientalium principum, aurait utilisé les Annales ainsi qu’il le rapporte, GT 1, 3. Il n’est cependant pas indispensable de se référer à cet ouvrage pour expliquer une chronologie plus haute. La vie de Mahomet dans les chapitres 5 et 6 doit peu à Guillaume de Tyr, référence si importante par ailleurs. 2. Il arrive que le récit raconte les évènements de la vie de Mahomet comme des faits simulant une vie du Christ, mais inversée. Depuis le viiie siècle il existait une tradition associant Mahomet à l’Antéchrist, annonciateur des fins dernières. Pour Jean Damascène, c’était un faux prophète et la « superstitio » des ismaëlites annonçait cette venue, Damasc., Haeres. 1 (p. 211-212) ; position voisine chez Pierre le

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Vénérable Petr. Ven., Sarac. 1 (p. 16). Quelques années plus tard, Joachim de Flore, en replaçant l’eschatologie dans l’histoire des hommes, a mis un nom ou un visage sur les personnages néfastes qui en jalonnent la route. Mahomet est l’un d’eux. Si le Moyen Âge n’a pas assimilé Mahomet à l’Antéchrist des textes canoniques, il a vu en lui un de ses précurseurs. Guillaume de Tyr n’utilise pas le terme et Jacques de Vitry, à deux reprises, associe Mahomet à un antichrist, terme personnifiant l’hérésie selon Isidore (Etym. 8, 11, 20-23) et qui paraît prendre ici la tournure d’un lieu commun. Mahomet est installé dans le cours de l’histoire et répond à une référence connue (quasi alter antichristus, antichristus ille). Il est un antichrist parmi d’autres, l’un de ceux annoncés par Jean (I Ioh. 2, 18). . Jean Damascène avait placé l’islam dans la liste des doctrines s’écartant du christianisme dans son ouvrage sur les hérésies. En Occident chrétien jusqu’au xiie siècle il n’y a pas eu de débat de cette nature. Il a fallu attendre la définition de Pierre le Vénérable qui s’inspire de la lettre canonique de Jean : « Cette erreur est sortie de chez nous, mais n’était pas de chez nous. » (I Ioh. 2). L’islam serait une hérésie (error). Pourtant Pierre constate la difficulté de définir une doctrine qui paraît à la fois apparentée et étrangère au christianisme : « Doit-on parler d’erreur ou d’hérésie pour Mahomet, ses partisans sont-ils des hérétiques ou des païens ? Quant à moi, je n’en sais trop rien ! », Petr. Ven., Sarac. 2 (p. 48). Sur la fin de sa vie, Pierre aurait opté pour la seconde voie. Le discours n’entre pas dans une controverse de cette nature et Jacques de Vitry reprend ce que rapportent les sources. Ainsi le passage paraît inspiré de Pierre le Vénérable. « Error » est pris dans un sens proche d’hérésie, « venenum pestiferum », HOr 4. Les termes « doctrina abominabilis » et » doctrina pestifera », HOr 4 désignent le contraire d’une « sana doctrina », Lettres, 2, p. 73. Mais au chapitre 5 Mahomet n’est pas désigné comme hérétique ni au chapitre suivant. Le terme « hereticus » s’attache à Sosius, le moine apostat, inf. HOr 6. Le chapitre 6 traite de sa doctrine dans une perspective différente. On y relève une corrélation entre « doctrina » et » lex », tandis que le terme « error » prend un sens affaibli, ainsi dans le syntagme « magister erroris » ou le pluriel « errores », inf. HOr 6. La loi est l’armature normative de la doctrine et fonde les caractères de l’islam, reconnu comme n’étant pas une hérésie, Lettres, 2, p. 72. Le chapitre 6 suggère une notion, déjà présente dans le chapitre précédent, celle de l’originalité d’un dogme considéré comme révolutionnaire dans le milieu dont il est issu, HOr 6. v 1. Chez les auteurs occidentaux, un portrait aussi fourni est le premier du genre. Il repose sur les informations collectées en Orient par Jacques de Vitry qui les a transmises en Europe du Nord. Le fait est notable car depuis le ixe siècle les informations sur Mahomet et l’islam passaient en Occident par la péninsule ibérique et l’Italie du sud. Au ixe siècle en Espagne, Euloge de Cordoue avait retranscrit une Vita Mahometi, récit anonyme conservé dans un manuscrit d’un monastère de Leira près de Pampelune. Guibert de Nogent, au début du xiie siècle, rapportait une vie de Mahomet, présentée comme celle qui était reçue par l’opinion commune, Guib. Nov., Gesta, 1, 3 (p. 127). Dans ce contexte les questions de pure doctrine restèrent ignorées ; les débuts de l’histoire de l’islam ont été lus dans la traduction de Théophane par Anastase le Bibliothécaire. Aux xie et xiie siècle la France méridionale

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avait accueilli des écrits inspirés par les milieux mozarabes ; le rôle de la diaspora juive dans cette diffusion a été essentiel. Un juif converti, Pierre Alfonse, dans le premier quart du xiie siècle, a composé un traité sous forme de dialogues entre un juif et un chrétien, apologie du christianisme dans laquelle judaïsme et islam étaient présentés sous un jour critique. L’ouvrage paraît avoir suivi, en partie, un écrit rédigé à Bagdad sans doute au ixe siècle, l’Apologie d’al-Kindî, qui est le récit d’une controverse entre un musulman et son ami chrétien. Vers 1142, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, à la suite d’un long séjour en Espagne, réunit et fait traduire des ouvrages appartenant à la tradition de l’islam. Ainsi fut produite la première traduction latine du Coran avec d’autres ouvrages, dont l’Apologie. L’entreprise clunisienne marquait une étape nouvelle dans la perception de l’islam par l’Occident chrétien. La question des sources sur Mahomet et l’islam dans l’Historia orientalis est délicate. On peut estimer que Jacques de Vitry a eu connaissance des écrits de Pierre le Vénérable, comme le contenu du chapitre 4 semble l’attester. Mais d’une façon générale le texte est en phase avec les écrits des théologiens et polémistes byzantins, cf. A. T. Khoury, Polémique byzantine contre l’Islam. viiie-xiiie s., Leyde 1972. Le récit s’appuie sur une tradition, interprétée de façon erronée, mais incontestablement connue : Coran, hadîths, récits de la vie du Prophète, chroniques, telle celle d’alTabarî, écrite au xe siècle à Bagdad. Jacques de Vitry ne connaissait pas l’arabe ni sans doute le grec, on ne peut lui faire crédit d’une lecture directe de ces sources. Par contre, nous savons qu’il a rencontré et fréquenté les milieux chrétiens orientaux, Lettres, 2, p. 48 sq. ; inf. HOr 76. Il a eu avec eux des échanges littéraires, Lettres, 7, p. 178-200. Une bonne partie de son information aurait donc bénéficié de données transmises par cette voie. Cette appréciation trop générale ne permet pas pour autant de mieux identifier ses sources et surtout la façon dont elles lui sont parvenues. Plusieurs citations apocryphes de Mahomet peuvent laisser penser qu’il existait dans ces milieux une vulgate très polémique sur la vie et la doctrine du Prophète. Ce point paraît confirmé par un texte proche par son contenu des chapitres 5-7 de l’Historia orientalis et dont les dominicains avaient eu connaissance en Orient dans les années 1236. Cet écrit est mentionné dans la Grande Chronique de Mathieu Paris sous le titre : « De quodam scripto misso ad dominum papam de lege Mahometi », Scriptum, p. 340-360. Il recouvre souvent le récit de l’Historia en en reprenant les mêmes termes et les mêmes formules. Cependant, chacun de ces textes apporte des précisions absentes de l’autre, ce qui exclut un remploi mutuel, mais fait admettre l’existence d’une référence commune, sans doute plus étoffée. L’influence de l’Apologie d’al-Kindî sur cette source n’est pas démontrée ; celle-ci a été rédigée sur le mode de la controverse, ce qui suppose l’échange d’arguments. Le Scriptum et l’Historia se présentent comme des exposés critiques sur la vie de Mahomet et sa doctrine. Il est possible que ces passages dérivent d’un écrit autonome, dont des extraits ont été insérés à cet endroit après correction et remise en forme. Ce procédé est utilisé ailleurs : Lettres, 7, p. 176-194 ; inf. HOr 92. 2. Life of Muhammad, p. 3. . Terme remontant à l’Antiquité, Damasc., Haer., éd. R. Le Coz, p. 92-93, n. 7. . Terme polémique, Damasc., Haer. 1 (p. 210-211) ; Petr. Ven., Sarac. 2 (p. 88, 164, 182, 186, 220).

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5. Mahomet serait né vers 570 et serait resté orphelin et pauvre. Le père de Mahomet, ‛Abd Allâh, est confondu avec son aïeul, Abdimeneph, Apologia 295a (p. 64). Il est recueilli par son grand-père maternel ‘Abd-al-Muttalib. Le lieu « Salingue » n’est pas connu et ne paraît avoir aucune réalité géographique, A. Buhl et A. T. Welch, ‘Muhammad’, EI², 7, p. 363. 6. Vers 605, Khadîdja le charge de conduire des marchandises à Bosrâ, puis lui propose de l’épouser. Leurs premiers rapports auraient été tenus secrets, The history of al-Tabarî, vol. 6, p. 47. 7. Le texte fait découler l’ambition de Mahomet de son enrichissement, Life of Muhammad, p. 82-83. 8. Faits de la période postérieure à l’installation à Médine (622). L’information est conforme à la tradition historique, The history of al-Tabarî, vol. 7, p. 10-14. Le lexique rend compte de l’évolution. Les premiers adeptes sont des proches d’origine modeste (latrones, predones, homicidas, raptores, latrunculi), termes qui prennent un sens dans les années de lutte contre les Mekkois. Les « socii », compagnons du Prophète, apparaissent ensuite ; ce mot reste attaché à ses partisans. L’instauration d’une théo­ cratie à Médine confirme la vocation de la communauté armée (milites). À la mort de Mahomet, apparaissent les disciples (discipuli). Omar, second calife, est un disciple, sup. HOr 3. 9. Le Prophète a été annoncé par Abraham (Coran 2, 129), la Tora et les Évangiles (Coran 7, 157). Il est désigné comme le Paraclet annoncé par l’Évangile de Jean (Coran 61, 6). Sa mission en fait un « avertisseur » (Coran 51, 50 ; 74, 2 ; 79, 45). 10. Signe de châtiment dans l’Historia occidentalis, Hinnebusch, p. 74 (6-7). 11. Combat de Uhûd contre les Mekkois (624/625), The history of al-Tabarî, vol. 7, p. 120. 12. Scriptum, p. 346 et 353. La familiarité originelle de Mahomet avec Dieu est un thème débattu par la polémique byzantine, Khoury, Polémique, p. 55. 1. Mahomet vient confirmer les lois données par Moïse et le Christ, il se place dans la continuité de l’histoire prophétique, Khoury, Polémique, p. 105-106. 1. Justification de la violence à l’égard des adversaires de l’islam (Coran 2, 190191), tant les Arabes polythéistes que les Juifs et les chrétiens, Khoury, Polémique, p. 95. 15. Premières allusions à la « lex Mahometi », syntagme usuel pour désigner les prescriptions de l’islam. Le texte n’apporte pas de contradiction dogmatique. Il se distingue en cela des écrits polémiques, l’Apologie notamment, qui souligne qu’il n’existe que deux lois données par Dieu, celle de la justice par Moïse, celle de la grâce par le Christ. Pierre le Vénérable au xiie siècle en reprend la démonstration, Petr. Ven., Sarac. 2 (p. 62-148). 16. Mahomet n’avait pas reçu le don de faire des miracles (Coran 17, 90-93). C’est un point fréquent de la critique chrétienne, Apologia 302a (p. 72) ; Petr. Alfon., Dial. 5 (p. 97) ; Petr. Ven., Sarac. 2 (p. 192 sq.) Pourtant la ferveur populaire lui en accorde le bénéfice, A. M. Schimmel, EI², 7, p. 378-379. Cette tradition populaire paraît vivante encore au xiiie siècle, comme le récit semble dire. On relève cinq faits miraculeux, qui n’ont pas la même origine ni la même signification. L’exemple du loup se retrouve dans l’Apologie (p. 72-73). Il s’agit d’un récit modifié avec intervention de Mahomet dans une histoire d’inspiration chrétienne ayant peut-être

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valeur de démonstration. Elle figurait dans le folklore oriental au ixe siècle, mais son origine n’est pas bien établie. La bénédiction à trois doigts en signe d’unité trinitaire et son efficacité figurée par la fuite du loup écarteraient une influence jacobite, inf. HOr76 ; Lettres, 2, p. 48. Cette façon de signer est désignée par l’Apologie comme « signum propheticum », ce qui la rapprocherait d’une tradition musulmane, mais l’épisode ne peut manquer d’évoquer le geste du Christ chassant les démons. L’épisode du bœuf est mentionné dans l’Apologie (p. 73). Ces exemples entrent dans une tradition populaire qui recevait volontiers les récits merveilleux de la vie du Prophète ; il n’est pas improbable qu’ils aient eu cours au début du xiiie siècle, Khoury, Polémique, p. 42-58. La Sîrah rapporte l’histoire du palmier, non du figuier, qui recouvre Mahomet de ses branches en signe de respect, Life of Muhammad, p. 80. C’est là une tradition apocryphe chrétienne, Pseudo-Matthieu, éd. J. Gijsel (CCSA 9, p. 462), mais le figuier est considéré dans le livre de la Genèse comme un arbre néfaste, interprétation reprise par saint Augustin. Pierre Alfonse rapporte le fait sous cette dernière forme, ce qui indiquerait une mutation faite déjà dans un sens péjoratif à la fin du xie siècle, Petr. Alfon. Dial. 5 (p. 96). La fissure de la lune est rapportée par le Coran (Coran 54, 1). L’épisode est manifestement déformé et se présente différemment dans diverses périodes de la vie de Mahomet, Schimmel, EI², 7, p. 377. L’exemplum de l’agneau rapporte un événement advenu après la conquête de l’oasis de Khaïbar et cité en plusieurs lieux, les hadîths notamment, The history of al-Tabarî, vol. 8, p. 123-124 ; El-Bukharî 54, 41 (vol. 3, p. 171) ; ibid. 76, 56 (vol. 4, p. 89). L’histoire est reprise à la tradition de l’islam, mais ce choix narratif n’est sans doute pas indifférent. Pour le chrétien l’histoire évoque une parodie de la Cène, et l’agneau, figuration de l’eucharistie, devient nourriture fatale pour qui le consomme de façon illicite, Hinnebusch, p. 212. La comparaison avec la bouchée prise par Judas paraît s’imposer étant donné le parallélisme des formules (Ioh. 13, 27). 17. Citation apocryphe d’après une version selon laquelle Mahomet, voulant montrer qu’il était indifférent au poison, aurait pris une bouchée en connaissance de cause. Chaque année, selon Tabarî, au jour anniversaire de ce repas, il ressentait les effets du poison qui finit par l’emporter, The history of al-Tabarî, vol. 8, p. 124. 18. Tradition légendaire de la critique chrétienne : Théophane (col. 684-85) ; Guib. Nov., Gesta 1, 4 (p. 128-129). 19. Dans la Vie de Marie d’Oignies, la présence de l’ange s’impose selon un processus parallèle, au moins dans l’expression, Vita Mariae 1, 4, 35 (p. 555) ; ibid., 2, 10, 90 (p. 567). 20. Khadîdja n’a pas douté, The history of al-Tabarî, vol. 6, p. 68. 21. Tradition polémique : Damasc., Haer. 6 (p. 220-221) ; Apologia 299a-300a (p. 68-69) ; Petr. Alfon., Dial. 5 (p. 92-3) ; Petr. Ven., Sarac. 1 (p. 12). 22. Observation courante, Lettres, 2, p. 50 ; Peregrinatores, supp., p. 12. 2. Il s’agirait de l’esclave copte Mâriya, F. Buhl, ‘Mâriya’, EI², 6, p. 560. 2. Respect des coutumes des anciens Arabes. Le texte distingue la dote (dotis) versée au père de la femme du cadeau de noces (donatio), tout en établissant leur équivalence, ce qui paraît conforme à l’évolution, M. Gaudefroy-Demombynes, Mahomet, Paris, 1969², p. 620.

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25. Le récit, sans faire allusion à une révélation, rapporte une tradition hostile, Scriptum, p. 348-349. Le Coran ne prévoit pas la mort pour l’adultère, mais des peines corporelles (Coran 24, 2). 26. Mahomet clôture la révélation, il ne peut donc y avoir après lui de nouveaux prophètes. Peut-être remarque d’inspiration shî’ite. 27. The history of al-Tabarî, vol. 8, p. 2-4. Rapporté encore de cette façon dans le Scriptum (p. 348), l’épisode a connu une fortune singulière chez les polémistes chrétiens comme étant exemplaire de la passion charnelle de Mahomet, Khoury, Polémique, p. 90. 28. La révélation se fait par une « lettre » tombée du ciel, première évocation du Coran. La loi coranique a veillé à la protection des femmes répudiées (Coran 2, 226 sq. ; Coran 4, 128). 29. Loi sur le remariage (Coran 2, 230). Mal comprise, la pratique a été, très tôt, un argument de la critique chrétienne, Damasc., Haer. 6 (p. 222). Ici, interprétation à but didactique d’une coutume étrangère au monde chrétien. 0. Épithètes à connotation orientale, Khoury, Polémique, p. 92, cf. HOr 2 (90). 1. Le Coran ou Alcoran (al-Kûran) est cité pour la première fois après avoir été évoqué d’abord comme une « lex » apportée au cours d’extases par l’ange Gabriel, ensuite sous la forme d’une lettre venue du ciel. Il s’agit d’un livre. C’est ainsi que Jean Damascène avait coutume de désigner le Coran, Damasc., Haer., éd. R. Le Coz, p. 100. Le récit souligne que la révélation se faisait par étapes et se dévoilait par fragments au gré des circonstances, ce qui est conforme à la tradition. La question de la rédaction n’est pas abordée, tandis que les origines modestes de Mahomet et son manque de culture sont rappelés. L’apparente contradiction entre l’existence d’un livre et le fait que son auteur ne sache ni lire ni écrire n’est pas soulevée. Il n’est cependant jamais fait mention d’écriture ; Mahomet « disait », « proclamait », « affirmait ». Le récit souligne ainsi ce qu’a été la manifestation orale du livre. Il n’en met pas en doute l’origine ni le lien avec son auteur. De cette manière Jacques de Vitry rapporte, sans les opposer ni les associer, trois données de la tradition : l’inculture supposée de Mahomet, la révélation de prescriptions divines par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, l’existence d’un recueil, « liber », qui rassemble ses lois. À la suite de l’Apologie (p. 79-81), Pierre Alfonse avançait que le Coran dans sa version définitive avait été rédigé par les successeurs de Mahomet, Petr. Alfon., Dial. 5 (p. 101). L’auteur ne reprend pas ce point et considère le Coran comme le livre de Mahomet. Par ailleurs, Pierre le Vénérable s’était attaché à démontrer le caractère non fondé de l’islam comme révélation divine. Le Coran pour l’abbé de Cluny est la loi ou doctrine de l’islam, Mahomet est « legislator », tout en récusant le caractère révélé de cette loi, Petr. Ven., Sarac. 2 (p. 72). L’Historia, au contraire, ne propose pas de réfutation doctrinale ; elle signale que la loi découle d’un ordre divin, ordre écrit, « charta », qui n’est pas la loi elle-même. 2. Les polémistes byzantins avaient interprété la sourate 2, 223 de façon erronée et tendancieuse, Khoury, Polémique, p. 267. Il est possible que la traduction latine ait encore abouti à un contresens, cf Alcorani textus universus ex correctionibus Arabum exemplaribus, éd. L. Maracci, Padoue, 1698, 2, p. 84.

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vi 1. Peut-être Ma’dan. Le chapitre 6 s’ouvre sur l’hégire comme acte essentiel de rupture avec les anciens cultes et comme début de l’ère musulmane, Buhl et Welch, EI², 7, p. 369. 2. Le tombeau de Mahomet est à Médine. La Ka’aba de la Mekke est le site des anciens cultes, devenu le premier lieu saint de l’islam. . En affirmant sa mission, Mahomet est chassé. Le passage se lit aussi dans le Scriptum (p. 346), dont notre texte ne suit pas l’ordre chronologique. . L’hégire est datée du 16 juillet 622. Il existait une colonie juive importante à Médine, Buhl et Welch, EI² 7, p. 369. 5. The history of al-Tabarî, vol. 7, p. 4 ; première mosquée, J. Pedersen, ‘Masdjid’, EI², 6, p. 630-631. 6. L’ignorance et l’inculture de Mahomet sont soulignées par Nicétas de Byzance, Khoury, Polémique, p. 97-101. 7. L’enseignement de Mahomet s’est heurté au scepticisme des Juifs de Médine qui l’accusaient de plagiat (Coran 16, 105). Mais on considère qu’il connaissait la Bible, Damasc., Haer., éd. R. Le Coz, p. 95. Les ressemblances entre les Écritures et les prescriptions coraniques n’ont pas manqué d’être soulignées par les auteurs chrétiens, pour qui Mahomet s’est inspiré de la Bible à travers les leçons d’un moine chrétien, Damasc., Haer. 1 (p. 212). Par ailleurs, dans la tradition islamique, Bahîrâ est le modèle du moine ou de l’anachorète chrétien qui, selon la légende, révèle la mission future de Mahomet, The history of al-Tabarî, vol. 6, p. 44-46. L’absence de culture de Mahomet et le fait qu’il ne sache ni lire ni écrire ouvraient la voie à deux interprétations. Celle de l’islam fondait la réalité de la révélation sur le fait que Mahomet, étant un homme sans savoir, ne pouvait que répéter ce qu’il avait entendu. La critique chrétienne en prenait argument pour donner à un personnage malfaisant le rôle d’inspirateur de Mahomet, à qui il transmet des données testamentaires. Ce personnage, témoin et garant dans la tradition musulmane, est devenu un moine hérétique chez les auteurs chrétiens. La nature de ce mentor est changeante, il lui arrive de porter des noms différents : Sosius dans l’Historia orientalis, Sergius dans l’Apologie et chez Pierre le Vénérable, Apologia 326a (p. 96) ; Petr. Ven., Sarac. 1 (p. 8). Il peut changer de nom. Après s’être appelé Solus, il aurait pris celui de Nestorius, illustrant l’opinion qui s’accorde à considérer qu’il était un moine de confession nestorienne, Scriptum, p. 352. Le nestorianisme insiste sur la distinction des deux natures du Christ, humaine et divine et refuse à la Vierge Marie le nom de Theotokos (« Mère de Dieu ») ; par là cette doctrine pouvait sembler assez proche de la place faite dans le Coran au prophète Jésus, fils de Marie. Pourtant Pierre Alfonse présente Sergius comme un jacobite, ami de Mahomet (monophysites, les jacobites affirment à l’opposé des nestoriens l’unité de nature humano-divine dans le Christ). L’Historia orientalis fait droit, en partie, à la version de Guibert de Nogent : déconvenue d’un ermite hérétique et candidat malheureux au siège d’Alexandrie, intervention du diable, rencontre avec Mahomet, jeune et ignorant, dont l’ermite devient le mentor (RHC-Occ. 4, p. 128-129). Le récit reprend l’intervention du diable, mais au moment de la rencontre, Mahomet est déjà renommé parmi les siens. Il faut le supposer marié et déjà inspiré, comme le texte semble dire, soulignant ainsi l’originalité de sa doctrine, enrichie ensuite des apports de l’Écriture. 8. Deux juifs, Petr. Alfon., Dial. 5 (p. 95).

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9. Formulation voisine dans Vita Mariae 1, 3, 30 (p. 553). 10. Pendant le déluge, selon Tabarî, le porc sort de l’anus de l’éléphant pour nettoyer les immondices accumulées dans l’arche, The history of al-Tabarî, vol. 1, p. 357. La consommation de porc est une marque de renonciation à l’islam dans inf. HOr 13 et HOr 14. 11. Jésus (‘Isâ) est cité dans quinze sourates. Dans le Coran il ne s’agit pas du Christ des chrétiens, mais du prophète qui annonce Mahomet (Coran, 61, 6) ; G. C. Anawati, ‘Isâ’, EI², 4, p. 85. 12. La croyance remonte au iie siècle, Acta Iohannis 99, éd. E. Junod et J. D. Kaestli (CC SA 1, p. 210). Cette dissociation entre le Seigneur et l’homme de la croix serait à mettre en relation avec la conception christologique valentinienne orientale, Ibid. (CC SA 2, p. 600-602). Elle aurait été récupérée par l’islam au contact de communautés hérérodoxes de la péninsule arabique (Coran 4, 156-157). 1. Ces passages livrent le point de vue des musulmans sur un ton plus descriptif que polémique. Le site du Temple était vénéré par les musulmans comme entrant dans la tradition islamique depuis le viie siècle, non en raison de son passé judéochrétien. Ainsi des lieux de culte avaient été édifiés sur le site hérodien entièrement rasé juste après la conquête romaine. La croyance populaire s’attachait au récit légendaire du voyage nocturne de Mahomet. Ce souvenir donnait lieu à un pèlerinage au Dôme du Rocher, actif même sous la domination latine et signalé par les pèlerins musulmans, Al-Harawî 25 (p. 62-63), et chrétiens, Ioh. Wirz., Descriptio 3 (col. 1064). Il est possible que les souvenirs attachés à Marie et à Jésus aient enrichi la portée de cette vénération, The history of al-Tabarî, vol. 4, p. 112-113. Les lieux fréquentés à la fois par les chrétiens et les musulmans sont associés à l’histoire de Jésus et de Marie, Lettres, 2, p. 66 ; inf. HOr 44 ; Bongars, p. 1126. La population syro-palestinienne de confession musulmane, se fondant sur la reconnaissance coranique de Jean-Baptiste, aurait adopté l’onction baptismale associée à une pratique magique, Lettres, 2, p. 70 ; inf. HOr 44. Ces convergences n’excluent pas la critique envers les chrétiens sur des points de doctrine devenus lieux communs de référence ou de distinction communautaire. La dévotion envers la croix est tenue pour une manifestation d’idolâtrie, Damasc., Haer. 5 (p. 218). La Trinité passe pour une forme de polythéisme, Damasc., Haer. 4 (p. 216). Ces relations infèrent des mentalités propres à des communautés vivant en contact, sans refléter de vrai débat. Le catéchisme inséré dans le passage est une réponse chrétienne, contre-argumentaire s’appuyant sur les pratiques de l’islam, plus ou moins taxées de superstition ou d’amoralité. Le Scriptum ignore ces développements repris dans la polémique byzantine, Khoury, Polémique, p. 288. 1. Cette condamnation des non-musulmans à l’enfer a été largement commentée par les polémistes byzantins, Khoury, Polémique, p. 312 sq. 15. Les notions de péché et de rachat au sens chrétien sont étrangères à l’islam, Le Coran, trad. D. Masson, Paris, 1967 : Introd. p. 69. 16. El Bukhâri 4, 1 (vol. 1, p. 66). Le parallèle entre les ablutions rituelles et le sacrement de baptême se retrouve chez Barthélemy d’Édesse, Khoury, Polémique, p. 234-235. 17. Tradition déformée, car le Coran ne connaît pas Paul. Relation probable avec la secte judéo-chrétienne des ébionites, T. Fahd, ‘Sâbi’a’, EI², 8, p. 695.

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18. La question d’une falsification des écrits bibliques a partagé les théologiens musulmans. Pour les uns il ne s’agissait que d’une mauvaise interprétation du texte, pour les autres d’une altération textuelle. Les premiers polémistes musulmans étaient circonspects dans le recours à l’argument de la falsification. Ils rejetaient plutôt sur les traducteurs la responsabilité d’un remaniement de certains textes, portant sur des questions difficiles comme l’application de la loi (Coran 5, 13-14) ou le refus de croire à la mission de Mahomet (Coran 2, 75). Il ne semble pas que la question ait véritablement préoccupé les théologiens byzantins, Khoury, Polémique, p. 211-216. Au xiie siècle, Pierre le Vénérable la reprend sous une forme systématique, Petr. Ven., Sarac. 2 (p. 110 sq.). 19. L’auctoritas est une notion importante en théologie chrétienne. On accorde « autorité » à l’enseignement des Pères, aux décisions des conciles, au droit canon, qui visent à expliquer et accompagner les données de la Révélation. Pour l’islam, la Tradition est une composante essentielle dans le chaîne de transmission des enseignements du Prophète et de ses compagnons, L. Gardet, ‘Kalam’, EI² 4, p. 489 ; A. Mérad, La Tradition musulmane, Paris, 2001, p. 30-54. 20. L’argument exposé dans l’Historia orientalis trouve son fondement dans l’histoire de la traduction grecque de la Bible. Selon une tradition juive, Ptolémée II, désirant disposer d’une traduction de la Bible en grec, aurait fait venir à Alexandrie six traducteurs de chacune des tribus d’Israël. Ils se seraient mis au travail dans un sévère et complet isolement jusqu’à la production de versions rigoureusement identiques. On y vit la preuve de l’inspiration de cette version. C’est l’origine de la Bible des Septante, Lettre d’Aristée 46-51 (p. 129) ; Eusebe, Hist. eccl. 5, 8, 11-15 (SC 41, p. 37-38), 21. Les Sarrasins « prudentiores et naturaliter ingeniosi » apparaissent encore à la fin du chapitre 6, puis sous les traits du Vieux de la montagne au chapitre 14. Le passage met en avant l’existence de courants contestataires dans le monde musulman tendant à se distinguer de la « lex sarracenica », voire à s’y opposer. Il faut y reconnaître en premier lieu une allusion à l’introduction de la philosophie grecque dans l’univers de l’Islam au viiie siècle par les traductions des auteurs syriaques ­(R. Arnaldez, ‘Falsafâ’, EI² 2, p. 788 sq.) Les « libri naturales » impliquent sans doute une référence au corpus aristotélicien, mais dans le cas présent il s’agirait d’une position allant jusqu’à la critique sévère de la loi coranique, ce qui pourrait faire écho aux tensions consécutives à l’essor d’une réflexion indépendante de la révélation, cf. L. Gardet et M. M. Anawati, Introduction à la théologie musulmane. Essai de théologie comparée, Paris, 1981, p. 48. L’émergence et l’échec de tels courants sont dissimulés sous un discours moralisant. Ils visent à comparer des comportements et sont réintégrés dans ce contexte. Le récit véhicule une tradition selon laquelle il y aurait eu des conversions à la suite d’une lecture des philosophes et des Écritures, conversions accompagnées de baptêmes. Un tel souvenir ne peut avoir été conservé que dans les archives des relations entre chrétiens et musulmans aux premiers siècles de l’islam. L’Apologie en garde trace en faisant état du doute répandu dans les milieux éclairés de la communauté musulmane : « Des sarrasins honnêtes qui en souffraient passablement me disaient souvent que tous les écrits du Coran étaient si désordonnés et confus que la matière en était sans suite, sans organisation, sinon dans l’ajustement des mots, en sorte que ce livre paraissait dénué de sens et de raison. », Apologia 311a (p. 81).

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22. Cf. Hinnebusch, p. 78. 2. Cf. Vita Mariae 2, 8, 73 (p. 563). 2. Formule du Credo ou Symbole de Nicée-Constantinople. Une tradition en attribuait la paternité aux douze apôtres, chacun y apportant son article ou sa contribution, cf. Hinnebusch, p. 177, 3 ; l’expression est assez courante, « in voluptatibus vestris mortui et sepulti », Vita Mariae 1, 4, 36 (p. 555). 25. Comparaison des deux morales. C’est un thème soulevé dans la polémique byzantine : « L’un prescrit de mépriser la richesse, d’être humble, de fuir la vie voluptueuse, de ne pas rendre le mal pour le mal ; l’autre de s’enrichir, de s’enorgueillir, de se livrer à toutes sortes de plaisirs et de s’attaquer avec violence aux ennemis… », Khoury, Polémique, p. 288. 26. Le Coran a édicté à plusieurs reprises une prescription sévère à l’égard des adversaires de l’islam dans le contexte des luttes avec les Mekkois, les clans juifs de Médine, puis les tribus arabes de la péninsule (Coran 5, 33). Après la conquête il n’y eut pas de conversions forcées ni de persécutions ; les chrétiens et les juifs bénéficièrent du statut de dhimmî – c’est-à-dire « protégé » – contre paiement d’une capitation, sup. HOr 5. Au début du viiie siècle, dans le contexte de la guerre avec Byzance, le climat commença à se dégrader. Le climat de tolérance qui régnait fit place à une méfiance croissante envers la communauté melkite implantée dans l’administration. Le refus d’un échange de vue doctrinal avec les chrétiens serait à nuancer, en Orient notamment où une tradition a perduré en fonction des lieux et circonstances. Sous les Ayyûbides, le débat entre les docteurs musulmans et François d’Assise en témoigne, Lettres, 6, p. 154. En Espagne, la rupture paraît avoir été plus radicale. Au moment de la reconquête le débat est relancé dans les milieux mozarabes, sans pourtant que soit retrouvé un climat propice à la controverse. Au milieu du xiie siècle Pierre le Vénérable imagine un débat à une seule voix faute d’interlocuteur, Petr. Ven., Sarac. 2 (p. 64). 27. Citation apocryphe. 28. El-Bukhâri 67, 20 (vol. 3, p. 555). 29. Les anciens Arabes avaient un régime d’hérédité patriarcale qui conférait les biens du défunt à l’aîné mâle en ligne paternelle. Mahomet, après l’installation à Médine et les premiers combats laissant des veuves et des orphelins, a été conduit à régler les questions successorales en tenant compte des pertes subies et des rapports entre musulmans et non musulmans. Jusqu’à sa mort la doctrine a évolué en fonction des circonstances. La partition égalitaire de l’héritage entre les enfants quel que soit leur état transparaît dans Coran 4, 11. Mais le fait de déshériter des enfants légitimes de manière habituelle ne se trouve pas dans le Coran. Le récit qui fait état d’une situation apparemment tardive est un constat sur la fréquence des unions mixtes. Mais le ton est différent de inf. HOr 73. 0. Coran 3, 49 ; le récit apparaît dans un apocryphe de la vie de Jésus (EAC, 1, p. 196). 1. Le Coran rapporte la guérison d’un lépreux, la résurrection de Lazare, Coran 5, 110-114. 2. Le changement de kibla (direction pour la prière) fut une transformation décisive dans l’évolution de l’islam, datée de 623-624. . La dîme est prescrite, El-Bukharî 24, 1 (vol. 1, p. 453).

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. Exposé a contrario pour le mariage chrétien, « ad remedium contra carnis lapsum », Hinnebusch, p. 192. 5. El-Bukharî 10, 1 (vol. 1, p. 209 et 210). 6. Instauré au ier siècle, Didaché 14, 1 (Écrits des Pères apostoliques, éd. et trad. D. Bertrand, Paris, 1990, p. 61). 7. En mémoire du jour de l’hégire, El-Bukharî 11, 1 (vol. 1, p. 289). 8. La Mekke est une ville de sanctuaire et de pèlerinage avant la période islamique. La tradition veut que la Ka’aba, la pierre noire de La Mekke, soit liée au souvenir d’Abraham. La ville a un caractère saint, Coran 2, 126 ; Life of Muhammad p. 84-86. Yathrîb, devenue Médine, ville de l’hégire, n’est pas désignée. C’est la deuxième ville sainte de l’islam que le Coran ne nomme pas. Là se trouve le tombeau du Prophète, lieu de pèlerinage en Islam, Voyageurs arabes, éd. M. P. Charles-Dominique, p. 217. Le récit en fait une cité déserte. 9. Mahomet a eu une position plus nuancée. Il ne paraît pas avoir été insensible à l’usage du khmar, boisson fermentée extraite de raisins, dattes ou céréales, Gaudefroy-Demombynes, Mahomet, p. 511. Cet interdit correspondrait à la troisième période de la Mekke au cours de laquelle le Prophète aurait essayé de limiter les abus des boissons alcoolisées (Coran 2, 219). Il s’agirait d’une réaction contre une habitude répandue, peut-être d’anciennes pratiques rituelles des cultes polythéistes visant à produire l’ivresse sacrée. L’usage du vin n’est donc pas autorisé pendant la période du jeûne, et pour ceux qui se rendent en pèlerinage à La Mekke, El-Bukharî 74, 1 (vol. 4, p. 34). Selon une légende exploitée dans la polémique contre l’islam, l’interdit aurait été consécutif à la mort de Bahîrâ, Khoury, Polémique, p. 87. Jacques de Vitry rejette la légende. Les positions de l’islam et du christianisme se rapprochent, au moins sur la forme. Cependant, l’interdit est, pour l’observateur chrétien, une condamnation du produit qui exonére la responsabilité du consommateur. Aug. De Lib. (p. 234, 95-100). 0. Le passage se réfère à l’opposition entre la bonne mosquée et la mosquée du mal ou de la « nuisance » (Coran 9, 107-108), qui fait suite à un épisode de la vie du Prophète. Ce fonds a été amalgamé avec le thème des deux cités exposé au livre VIII de la chronique d’Otton de Freising (MGH SRG 45, p. 390-393), d’après la Cité de Dieu d’Augustin. Ce court développement met en scène Mahomet dans la problématique occidentale de l’hérésie, avec le rejet d’une conception manichéenne associée à la doctrine de l’islam pour la seconde fois. Le passage reste un bon exemple de croisement entre un fonds documentaire nettement oriental et les schémas intellectuels empruntés à la tradition chrétienne occidentale. Dans ce contexte erroné et polémique Mahomet se serait fait le contempteur d’Antioche et Rome, les Églises fondées par Pierre. Antioche fut considérée par les premiers croisés comme la capitale de la chrétienté, cf. P. Rousset, Les origines et les caractères de la première croisade, Neuchâtel, 1945, p. 144, n. 4. Mahomet apparaît ici sous un double jour : il égare l’opinion par ses jugements et révèle une réalité secrète, la prise de possession d’Antioche par l’Antéchrist des fins dernières, ville donnée parfois comme lieu de sa naissance, et de Rome où Joachim de Flore avait fini par l’installer, cf. C. Carozzi, Apocalypse et salut dans le christianisme ancien et médiéval, Paris, 1999, p. 119. 1. Jérusalem est citée plusieurs fois dans le Coran. Son statut de ville sainte s’est établi au fil du temps. Le hadîth qui en fait le troisième sanctuaire de l’islam fut

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formulé dès le premier siècle de l’hégire. Pourtant le caractère saint de Jérusalem a été contesté, la ville étant étrangère à l’histoire de l’islam, S.D. Goitein et ­O. Grabar, ‘Al Kuds’, EI², 5, p. 331. Ce n’est qu’au xiie siècle que le thème fut systématiquement exploité par les princes musulmans. 2. Lieu commun de critique chrétienne, Apologia 279a (p. 48-50) ; Petr. Alfon., Dial. 5 (p. 93-94). . Citation apocryphe. . Thème récurent depuis le viiie siècle de la critique chrétienne, Damasc., Haer. 6 (p. 223) ; Petr. Alfon., Dial. 5 (p. 93-94). 5. Tradition populaire ou poétique étrangère au Coran. Ce trait, sans doute d’inspiration orientale, se trouve repris dans la littérature occidentale, J. L. RolandBélanger, ‘Un large entre-œil, canon de beauté au xiie siècle’, Memorias de la real Academia de Buenas Letras de Barcelona, 22 (1990), p. 172 sq. vii 1. Le 8 juin 632 à Médine dans sa soixantième année, Life of Muhammad, p. 678. Il est emporté par une fièvre. 2. Citation apocryphe. La fin de Mahomet, pleine de noblesse, est rapportée dans la Sîrah, Life of Muhammad, p. 682 sq. . Récit légendaire lié sans doute, dans les premiers temps de l’islam, à des phénomènes d’appropriation de la tradition chrétienne, déjà relevés dans l’épisode de la rencontre de Mahomet et du loup, Apologia 304a (p. 74). Il transparaît sous une forme péjorative connue au ixe siècle en Occident, M. C. Díaz y Díaz, ‘Los textos antimahometanos mas antiguos en codices espan´oles’, Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge (1970), p. 158-159. Il a été repris par Guib. Nov., Gesta 1, 4 (p. 130). . Ces atermoiements auraient tenu au fait que le Prophète n’avait désigné personne. 5. Le choix d’Abû Bakr, beau-père de Mahomet, le jour même de sa mort, résulte de l’action d’Omar, futur calife. Les compagnons du Prophète sont portés à choisir un successeur, M. Watt, ‘Abû Bakr’, EI² 1, p. 113 sq. 6. Selon le récit, il y aurait eu captation du pouvoir au profit de proches ou membres de la famille du Prophète, tandis que l’opposition reprenait corps. Le règne du premier calife fut occupée à réprimer des révoltes, Eutychios (col. 1019). 7. Le doute demeure quant à l’identification de ce personnage. Alî, gendre de Mahomet, refuse de participer à l’élévation d’Abû Bakr, mais Haly, au passage suivant, s’identifie mieux au quatrième calife, Apologia 304b (p. 74). viii 1. L’Apologie transmet une information selon laquelle Alî aurait été entraîné par des juifs dans une contestation du pouvoir du calife. Ils lui auraient inspiré des modifications dans la version du Coran, Apologia 308a (p. 78). Cette interprétation favorable au sunnisme et au califat abbasside est reprise ; en fait, l’attitude d’Alî après la mort de Mahomet se serait manifestée par un attachement à l’islam. Parvenu au pouvoir en 656, il eut à combattre des révoltes, dont celle de Mo’awiya, gouverneur de Damas et fondateur de la dynastie omeyyade (660-750). Le récit expose brièvement la naissance du shî’isme. En fait, Alî n’aurait pas eu d’ambition pouvant l’opposer à son beau-père. Pourtant la doctrine à laquelle son nom est associé, au terme d’une évolution, a pu faire croire à une opposition entre le Prophète et l’Imâm.

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Il est considéré par ses diciples comme le premier des douze imâms gardiens de la religion. Si le sunnisme professe que Mahomet est le « Sceau des prophètes » et qu’il a achevé le cycle de la prophétie, le shî’isme, tout en recevant la fin du cycle prophétique, affirme l’ouverture du cycle de la waliyât, la dilection envers les imâms, qui doit se clore à la manifestation du douzième imâm, jusque là caché. Le récit radicalise cette évolution en soulignant l’opposition et ce, dès l’origine, entre le fondateur de l’islam et l’un de ses compagnons les plus proche. Un passage du chapitre 6 fait état d’une opposition née du scandale causé par la vie dissolue du chef de la communauté. Alî, selon le Scriptum (p.349), serait le porte-parole de ce mouvement. 2. En 750, les Abbassides déplacent la capitale du califat de Damas à Bagdad. Les Omeyyades avaient jeté les bases d’un califat à caractère théocratique, tendance renforcée sous les Abbassides, A. K. S. Lambton, ‘Khalîfa’, EI², 4, p. 971 sq. . Salâh al-Dîn (1138-1193) était d’origine kurde. Le personnage réapparaît à la fin du récit dans les chapitres 96-100, à partir de sources autres. Après la mort de son oncle, il devient vizir du calife fâtimide au Caire et le dépose, mettant fin au califat fâtimide d’Égypte en 1171. Selon les sources arabes favorables au fondateur de la dynastie ayyûbide, il n’y aurait eu qu’un changement de kutba, la prière du vendredi aurait été faite au nom du calife de Bagdad. Le calife du Caire n’aurait pas été assassiné, mais serait mort de maladie trois jours après sa déposition. Guillaume de Tyr, contemporain de l’événement qu’il rapporte dans les même termes, a peutêtre suivi une version rapportée par les ismaëliens, hostiles à Saladin, qu’il présente sous un jour plutôt favorable, GT 20, 29. Saladin est donné comme le garant de l’unité de l’islam sous le gouvernement du calife. . La formulation doit résulter de la réaction califale à partir des années 1150. Le calife et son vizir auraient évincé le représentant du sultan, le vizir prenant alors le titre de » sultan d’Irak » et résidant à Bagdad. La reprise en main s’accentue encore sous le calife al-Nasîr après 1180, Lambton, EI², 4, p. 975. ix 1. Cette note sur le califat occidental vient s’insérer dans une histoire de l’Orient. Le récit fait encore, au chapitre 81, un rapide bilan de la position des chrétiens dans cette partie de l’espace musulman. Les informations des chapitres 9 et 81 sont peutêtre à mettre en rapport avec les premières missions franciscaines dans ces régions. Le « mirammomelin » est un terme dérivé de amir al mu’mimin, titre pris en 928 par Abd- al-Rahmân III, prince omeyyade d’Espagne. À compter de cette époque et dans cette partie du monde musulman, la prière officielle fut dite en son nom. Ce califat d’obédience sunnite revêtait des fonctions temporelles et spirituelles excluant l’influence du califat de Bagdad, Eutychios (col. 1129-1130). Le califat d’Occident subit bien des vicissitudes au gré des successions, mais le titre fut repris par les Almohades et avait cours au début du xiiie siècle. Le centre de ce pouvoir est situé à « Maroch », cité assimilée à l’ancienne Carthage, inf. HOr 43. Il s’agit de Marrakech, capitale des Almoravides puis des Almohades dont la domination s’étendit à une partie de l’Espagne et au Maghreb. L’Historia orientalis rapporte une version erronée ; il est vrai que les auteurs arabes donnaient le nom de Kartâdjanna à Carthage, Carthagène et Carteia, P. Chalmeta, ‘Kartâdjanna’, EI², 4, p. 700. 2. Division du monde musulman, Eutychios (col. 1129) ; lieu commun, Lettres, 7, p. 176, Lettres, 2, p. 68.

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x 1. Marais bordant la mer d’Azov, Plin. 4, 26, 10. 2. Le titre du chapitre traduit mal l’esprit du récit, puisque c’est par ignorance et non refus que les peuplades en question n’entrent pas dans la mouvance de l’islam. La raison principale en serait la distance qui les sépare des centres de diffusion. Les régions au centre de l’Europe, à l’écart des territoires conquis, représentent un espace au contact de la chrétienté depuis le ixe siècle. Les peuplades évoquées comme n’appartenant pas au monde musulman sont difficilement identifiables ; il faut les distinguer des Comans islamisés qui font l’objet d’une mention particulière au paragraphe suivant et seraient assimilables aux Turcs Qipc’aq. Guillaume de Tyr situe les Bulgares et les Comans sur l’itinéraire terrestre de la première croisade, Otton de Saint-Blaise décrit les Hongrois à l’occasion de l’expédition de Conrad III (MGH SRG 45, p. 48-50). Des contacts existaient au viiie siècle entre populations turques installées au nord de la mer Noire et le califat, attestés encore au xe siècle avec les peuples bulgares, Voyageurs arabes, p. 24-67. L’existence de peuplades isolées, à l’abri de tout contact avec l’islam, permet de distinguer trois formes de paganisme : le culte des idoles, l’animisme et la croyance dans les forces de la nature, une forme de monolâtrie prudente réservant un culte particulier à une divinité inconnue, mais puissante. Les références du passage sont obscures et fondées vraisemblablement sur le souvenir des premières missions chrétiennes, cf. J. M. Fiey, Communauté syriaques en Iran et en Irak des origines à 1552 (Variorum Collected Studies Series), Londres, 1979, p. 335. Guillaume de Tyr en décrivant les peuples nomades renvoie à des chroniques qu’il fait entrer dans ses propres références, GT 1, 7. Il peut être question de la transposition en Europe centrale de traits de religion antéislamique de la péninsule arabique, car le Coran stigmatise les cultes polythéistes de La Mekke et les païens qui reconnaissent Allâh comme grand dieu au milieu de divinités mineures, W. M. Watt, ‘Makka’, EI², 6, p. 144. Faut-il voir dans le jet des nourritures le rappel de rituels anciens du Temple de Jérusalem, Lettre d’Aristée 93 (p. 148), ou l’évocation d’une pratique millénaire des steppes d’Europe centrale observée chez les Scythes d’Hérodote (Histoires, 4, 62) ? xi 1. Le récit distingue trois peuplades. Les Turcomans doivent leur nom aux Turcs, dont ils habitaient le territoire avant que ceux-ci n’entrent en Perse, et aux Comans. On peut identifier les Comans aux Turcs Qipc’aq installés au nord de la mer Noire depuis la fin du xie siècle et plus à l’est dans les plaines qui vont de la mer Caspienne à l’Irtych. Ces peuples sont actifs sur la frontière du Danube peu avant le passage de la première croisade. Les Comans sont assimilés aux Sarrasins du Nord, en contradiction avec le chapitre précédent, et se sont convertis à l’islam. Les Turcs dont il est question peuvent être une branche des Seldjûkides qui, entrés dans le domaine abbasside, finissent par se sédentariser progressivement au xie siècle. Les Turcomans restent à l’état sauvage et paraissent avoir occupé les régions abandonnées par les Turcs sédentarisés. Il faut peut-être y voir des Turcs orientaux, Oghuzs, dont les Seljûkides sont issus. Le chapitre ne fait en apparence aucune place aux Mongols dont les premières conquêtes se situent au contact du monde turc au début du xie siècle.

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xii 1. Considérés comme des croyants tièdes (Coran 48, 11). 2. Ils sont armés d’arcs dans la correspondance de Jacques de Vitry, Lettres, 4, p. 94 ; Lettres, 6, p. 168. . Topos d’inconstance, repris pour les Syriens dans le chapitre 75. . Le récit des premières missions chrétiennes au sud-est de la mer Caspienne, vers 196-226, décrit des traits semblables, Fiey, Communautés, p. 330. 5. Certains musulmans, considérés comme hérétiques par le reste de la communauté, font encore la prière au lever du soleil, obéissant à une ancienne tradition chrétienne. Mahomet avait tenté de supprimer les rites solaires attachés au pèlerinage ante-islamique. Flavius Josèphe rapporte que les esséniens vouaient un culte particulier au soleil (Bel. Jud. 2, 128) et de tels rites n’étaient pas exceptionnels en Orient, mais la relation avec une pratique chrétienne est à mettre en relation avec les croyances gnostiques. Dans les premiers temps de l’islam, les astrolâtres de Harran (Sâbi’at Harrân) étaient païens et rendaient un culte aux astres. Ce groupe semble avoir été plus ou moins assimilé à des sectes judéo-chrétiennes baptistes et ébionites qui peuvent être qualifiées de gnostiques, d’où l’ambiguïté du terme les désignant sous le nom de Sabéens, Eusèbe, Hist. Eccl. 3, 27 (SC 31, p. 136-137). La lettre 2 de Jacques de Vitry fait allusion à une population n’appartenant ni au judaïsme, ni à l’islam, ni au christianisme, et qui pourrait s’identifier aux Sabéens. Il rapporte les avoir rencontrés, Lettres, 2, p. 70. xiii 1. « Pagani » pour « saraceni ». 2. Les Druzes de Syrie professaient une religion initiatique dérivée de l’ismaëlisme, en relation avec le culte du calife fâtimide al-Hâkim (ca. 1020). Ses partisans auraient proclamé l’abolition de toutes les religions, y compris l’islam sunnite et le shî’isme duodécimain. Ils furent accusés de toutes sortes de turpitudes. Après la disparition d’al-Hâkim, son culte cessa d’être effectif en Égypte, mais le mouvement alimenta une vague de révoltes paysannes en Syrie et se serait emparé de territoires en zone montagneuse, après avoir détruit les mosquées et établi un système juridique indépendant. Par suite la communauté se ferma aux influences extérieures, gardant sa doctrine secrète, s’interdisant les mariages avec des personnes extérieures à la communauté, ne permettant ni conversion ni apostasie et se gouvernant à partir de repaires montagneux dans la région du mont Hermon. Jacques de Vitry reprend les données contenues dans la lettre 2, appuyées sur des témoignages d’origine locale et véhiculées par des renégats. On y retrouve le non-respect de prescriptions de l’islam, la transmission de père en fils de préceptes secrets de la doctrine. Il s’agit d’une population réprouvée, qui vit, dans l’isolement et le dénuement et en marge de la communauté musulmane, un idéal de pureté et d’abstinence. Sa mauvaise réputation était entretenue par les sunnites et les chrétiens, qui faisaient courir sur elles toutes sortes de fables : pratique de l’inceste, libres échanges sexuels, goût du secret, T. Bianquis, Damas et la Syrie sous la domination Fatimide, Damas, 1989, p. 366 sq. xiv 1. Le chapitre clôture l’exposé sur les peuples d’islam. Les Assassins étaient des adeptes de la branche nîzarite des ismaëliens de Syrie. Hasan-i-Sabbâh avait fondé à Alamût en Iran une communauté se réclamant de Nizâr, fils du calife fâtimide

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défunt, écarté du pouvoir et assassiné par un rival. Au début du xiie siècle, la communauté avait commencé à s’étendre en Syrie dans les environs d’Alep ; son activité se développa sous la direction de Sinân ibn-Salman. Jacques de Vitry rapporte qu’il a eu affaire à eux et paraît s’être intéressé à leur communauté, Lettres, 2, p. 66. Le passage ne donne pas d’exemple de meurtre et produit une version plutôt favorable. Pour une partie, l’information dépend de Guillaume de Tyr, qui n’aborde pas le recrutement ni la formation des émissaires. Les recrues, selon Arnold de Lübeck, étaient d’origine modeste et recevaient une instruction poussée (MGH SS 21, p. 240). L’Historia orientalis a bénéficié de renseignements originaux sur le mode de vie des recrues, éduquées dans une ambiance préfigurant le paradis futur, précisions enrichies dans le récit plus tardif de Marco Polo, puis dans les sources persanes, B. Lewis, ‘The sources for the History of the Syrians Assassins’, Speculum, 27 (1952). 2. Soixante mille selon Guillaume de Tyr. . La forteresse d’Alamût au sud de la mer Caspienne, R. M. Setton, History of the crusades, 1, The first hundred years, éd. M. W. Baldwin, Philadelphie, 1969, p. 109. . Au début du siècle la question est encore confuse, Bongars, p. 1126. 5. Parallèle avec une communauté religieuse : « Vetulus montanus abbas est religionis fratrum cutellorum », Lettres, 2, p. 68. L’analogie avec les Templiers n’est pas apparente, au contraire, C. E. Nowell, ‘The old man of the mountains ’, Speculum, 22 (1947), p. 504-505. 6. Selon Guillaume de Tyr, les Assassins auraient voulu se libérer de la tutelle des Templiers. Le rapprochement serait à mettre au bénéfice du roi et de Sinân devant la menace que représentait Saladin, Setton, History, 1, p. 123. Le récit, suite à Guillaume de Tyr, rapporte un projet peu crédible. L’épisode est repris plus tardivement, dans les sources persanes, au profit du calife abbasside al-Nasîr. C’est alors que le grand maître décréta un retour à l’orthodoxie, renonça aux préceptes de ses prédécesseurs, fit détruire leurs livres et reconnut l’autorité du calife (1211), Setton, History, 1, p. 127-128. 7. Le meurtrier est un templier, R. Grousset, Histoire des Croisades et du royaume franc de Jérusalem, Paris, 1934, 2, p. 600-602. 8. Autre lieu, Hinnebusch, p. 85. 9. La domination de l’islam dure donc 490 ans jusqu’à la prise de Jérusalem, ce qui placerait l’hégire vers 609-610, sup. HOr 4. xv 1. Le chapitre 15 inaugure la seconde partie du récit, tout en rappelant le thème initial. Il annonce encore le chapitre 69 qui ouvre la troisième partie, suite de rubriques sur les causes de la ruine de l’Église en Orient. Le passage reprend mot pour mot le début de la lettre 5, datée du printemps 1219. Ce remploi se poursuit au chapitre suivant jusqu’à l’apparition de Pierre l’Ermite, Lettres, 5, p. 112-114. Le sens dans lequel l’emprunt a été fait n’est pas clair. Nous ne connaissons qu’un manuscrit du xive siècle de cette lettre, Huygens, p. 15. Ce chapitre, clôturant la longue section précédente, HOr 3-HOr 14, inaugure la partie vitriacienne de l’ouvrage jusqu’au chapitre 83. Il introduit en particulier la section sur les causes et les manifestations du renouveau de l’Église en Orient, volet central du livre, HOr

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15-HOr 69. Dans cette seconde partie on distingue trois sous-ensembles : le récit et le bilan de la conquête, HOr 16-50 ; l’état de l’Église en Orient avec subdivisions, HOr 51 et HOr 63 ; un aperçu des habitants de la Terre sainte et de ses défenseurs, HOr 64-HOr 69. 2. Référence usuelle, Hinnebusch, p. 94 et 129 ; J. B. Schneyer, Repertorium der lateinischen Sermones des Mittelalters für die zeit von 1150-1350, vol. 3, Münster, 1971, n° 203 et 208, p. 197. xvi 1. Les récits de la première croisade et de l’établissement des États latins sont subdivisés en quatre sous-parties : la croisade, HOr 16-HOr 20, les premières années de conquête, HOr 21-HOr 29, la création des États latins, HOr 30-HOr 36, les limites géographiques, HOr 37-HOr 50. Ces chapitres sont placés sous la référence de l’Historia rerum in partibus transmarinis gestarum de Guillaume de Tyr. Conformément à la source le point de départ du renouveau est attribué à Pierre l’Ermite dont le rôle reste discuté, car au départ la croisade était acéphale. L’intervention d’un ermite, son voyage à Jérusalem sont à mettre en relation avec la Chronique Lotharingienne et la première version de la Chanson d’Antioche remaniée au xiie siècle par Graindor de Douai. Le point de vue du récit est nettement apologétique. Le rôle d’un personnage d’origine modeste est souligné dans Guillaume de Tyr, mais Jacques de Vitry insiste sur une dimension reprise dans l’Historia occidentalis au bénéfice de Foulques de Neuilly, Hinnebusch, p. 89, 5-7. 2. Cf. Vita Mariae 1, 4, 35-36 (p. 555). . Cf. Hinnebusch, p. 94 (8). . Dans GT 1, 13, Pierre prépare les esprits par la prédication, ici il proclame l’évangile. Le pape suit l’initiative du prédicateur. 5. La prédication de la première croisade est peu connue. L’auteur se réfère plutôt aux prédicateurs lettrés de la cinquième croisade, dont était Jacques de Vitry. xvii 1. La troupe de Pierre l’Ermite est à Cologne en avril 1096, à Constantinople, le 1er août, C. Hagenmayer, Chronologie de la première croisade (1094-1100), Hildesheim - New York 1973, p. 32. 2. Le choix de Tatien est sévèrement jugé par Guillaume de Tyr, GT 2, 24 (67). . Iznik, au sud-est de la mer de Marmara, était turque depuis dix-huit ans, Grousset, Histoire, 1, p. 28-29. . Antioche était aux Turcs depuis 1085. Le siège dure d’octobre 1097 à juin 1098, Grousset, Histoire, 1, p. 74. xviii 1. Un turc dans La Chanson d’Antioche, 6, 14-15, éd. M. de Combarieu du Grès, in Croisades et Pèlerinages, Récits, Chroniques et Voyages en Terre sainte. xiie - xvie siècle, dir. D. Regnier-Bohler et J. Subrenat, Paris, 1997, p. 113-120. 2. Chiffre arrondi, GT 5, 22 (60). xix 1. La Chanson d’Antioche 7, 3, in Croisades et pèlerinages, p. 127. 2. Les croisés laissent en place le clergé de confession melkite, notamment le patriarche qui émigre quelques années plus tard à Constantinople.

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xx 1. Parallèle avec la prise de la tour de Damiette (1218), Lettres, 4, p. 96, 106. 2. La littérature épique fait état de cette concordance, La Conquête de Jérusalem, 5, 8, éd. J. Subrenat, in Croisades et pèlerinages, p. 262. 3.  » Exercitus Christi » ou « exercitus Domini », expressions usuelles : Lettres, 4, p. 100 ; Lettres, 5, p. 126 ; Lettres, 6, p. 140 ; Lettres, 7, p. 172. 4. Passage parallèle dans Lettres, 4, p. 98. 5. Dernière apparition de Pierre l’Ermite, GT 8, 23. 6. Expression fréquente dans Guillaume de Tyr, reprise en plusieurs lieux : HOr 2 ; Hinnebusch, p. 155 (5) et 128 (2) ; Lettres, 6, p. 144. 7. Dans le récit le clergé est en place avant l’élection du duc de Lorraine. Dans Guillaume de Tyr l’exposé est plus nuancé, car les premiers mois du patriarcat latin furent difficiles. Deux discours donc, celui-ci reflète la position romaine. xxi 1. Lieu parallèle sur la situation en 1220-1221, Lettres, 7, p. 164-166. 2. Cf. Vita Mariae 2, 6, 59 (p. 560). 3. Les croisés, lointains successeurs des Hébreux, image usuelle. 4. Affirmation réitérée de la puissance divine : Lettres, 6, p 152 ; Lettres, 7, p. 200. xxii 1. Ramla sur la route de Jaffa à Jérusalem. Les croisés la trouvèrent en ruine et installèrent un évêché dans la localité voisine de Lydda, GT 7, 22. Confusion avec Ramatha ou Rama, au nord de Jérusalem, J. F. M. Abel, Géographie de la Palestine, Paris, 1938, 2, p. 428. 2. L’assimilation entre Caïffa (Caïphe) et Porphyre est fréquente, mais inexacte. 3. Distance confirmée en HOr 52 et dans Ps. Livre 3 (Bongars, p. 1127). Mais elle est de trois milles dans des écrits légérement antérieurs, Lettres, 2, p. 58 ; Peregrinatores, supp., p. 20. À la fin du siècle, Burchard de Mont-Sion apporte peut-être une réponse en soulignant que le promontoire du cap Carmel est à une lieue de Caïffa et à trois d’Acre, Peregrinatores, p. 48. 4. La conquête de la Galilée est antérieure à la prise de Caïffa, Grousset, Histoire, 1, p. 179-181. xxiii 1. Antipatris a été identifiée comme un relais terrestre sur la voie de Jérusalem à Césarée, Abel, Géographie, 2, p. 245-246. xxiv 1. Nomenclature de la géographie civile et religieuse du Bas-Empire. Vers 1220 l’ouvrage de référence était le Provinciale Ecclesie Romane d’Albinus (ca. 1189), J. Richard, ‘Évêchés titulaires et missionnaires dans le Provinciale Romanae Ecclesiae’, in Les relations entre l’Orient et l’Occident au Moyen Âge (Variorum Collected Studies Series), Londres, 1977, p. 227-236. xxv 1. Suffragant de la métropole de Tyr sous l’obédience du patriarcat de Jérusalem depuis 1111-1113 (GT 11, 28). xxvi 1. Légende remontant au moins à Grégoire le Grand, B. Blumenkranz, Le juif médiéval au miroir de l’art chrétien (Collection des études augustiniennes, 2) Paris, 1966, p. 104.

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xxviii 1. Les limites de l’Arabie troisième recouvraient sans doute celles de la Palestine troisième, dont Pétra était métropole dans l’ancienne nomenclature. La Syrie Sobal est mentionnée seulement dans la traduction latine de Judith 3,1. En HOr 98 Sobal est désignée par association comme la capitale de la Syrie Sobal. 2. L’Oasis de la contestation est le lieu où les Hébreux se seraient révoltés contre Moïse et Aaron. Désert de Tsin (Cadès). xxix 1. La mort de Baudouin est intervenue le 7 avril 1118, mais la construction de Scandalion est de 1117. La place doit son nom à l’altération du nom arabe d’Alexandre. xxx 1. « Milites christi », cf. Lettres, 4, p. 100 ; Lettres, 5, p. 122, 126 ; Lettres, 6, p. 142 ; Lettres, 7, p. 168. 2. Le comté sur le cours moyen de l’Euphrate était limité au nord par la grande Arménie et le sultanat turc d’Iconium, au sud par l’émirat d’Alep, à l’est par l’émirat de Mossoul, GT 16, 29. xxxi 1. Le toponyme Rages (Rohès) est dérivé de l’arabe, mais le terme Poäse ne se retrouve pas dans Guillaume de Tyr, non plus que celui de Mosse, P. Krüger, « Édesse », DOC, p. 156. 2. Tradition différente dans GT 16, 5 (37) pour lequel il s’agit de Thomas, autre disciple. La tombe de ce dernier passait pour être située à Édesse jusqu’au xiie siècle, puis on la supposa en Inde. Le récit de Thietmar vers 1217 fait encore état de cette mutation, Peregrinatores, supp., p. 40. La légende du prêtre Jean a diffusé l’information, cf. Epistula presbyteri, éd. B. Wagner, p. 418. . Les « veteres historie » paraissent renvoyer à la tradition syriaque, A. Desreumaux, EAC, 1, p. 1473 sq. Cf. Euseb., Hist. eccl. (SC 31, p. 40). xxxii 1. Fondation de Séleucos Ier, vers 300 av. J.-C. 2. Il ne peut s’agir du même personnage. L’évêque Théophile est mort vers 180, Eusèbe, Hist. Eccl. 4, 20 (SC 31, p. 206). . « Discipuli », Ioh., 18, 25-26, « Galilei » et « Nazarei », Matth., 26, 69-71. Le nom apparaît pour la première fois dans les Actes des apôtres, 11, 26. . Rappel de la constitution 1 du concile de Latran IV (1215). Après Rome, qui a la première place parmi toutes les Églises, Antioche est nommée comme troisième patriarcat oriental, à la suite de Constantinople et d’Alexandrie, Alberigo, COD, p. 236. 5. Le siège du patriarcat avait été consacré par le concile de Nicée (325) au même titre qu’Alexandrie, Alberigo, COD, p. 8. Le patriarcat latin instauré au xie siècle était moins étendu que le patriarcat grec. 6. L’antique Babylone ne peut être assimilée à Bagdad. Le catholicossat melkite de Bagdad (Hirinopolis) est une création du xe siècle, quand le patriarche d’Antioche y avait recréé un catholicos. L’ancien, installé à Ctésiphon, avait été refoulé vers l’est pour disparaître dans la première moitié du xiie siècle, cf. J. Dauvillier, ‘Byzantins d’Asie centrale et d’Extrême-Orient au Moyen-Âge’, in Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge (Variorum Collected Studies Series) Londres, 1983, p. 65-67.

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7. Vraisemblablement Ani, ancienne capitale arménienne, siège temporaire d’un catholicos jusqu’au xiie siècle, H. Kofhold, ‘Catholicos’, DOC, p. 85. Le primat de Perse serait le catholicos nestorien de Séleucie-Ctésiphon, J. Dauvillier, ‘Les Provinces chaldéennes de l’extérieur au Moyen-Âge’, in Histoire et institutions, p. 263 sq. 8. La Cœlé-Syrie (Syrie seconde) est comprise entre l’Euphrate et la mer. Le lac est à l’est de la ville, C. Cahen, La Syrie du nord à l’époque des croisades et la principauté franque d’Antioche, Paris 1940, p. 133. 9. L’Oronte coule du sud au nord, puis d’est en ouest avant de rejoindre la mer à la hauteur d’Antioche. Le fleuve devait son nom à son orientation (Isid., Etym. 13, 21, 17). Port Saint-Siméon tirait son nom du couvent bordant la montagne en amont, C. Cahen, La Syrie, p. 133. 10. La leçon d’étymologie est propre à l’Historia orientalis. xxxiii 1. La Phénicie de Syrie a pour métropole Tyr, dont l’évêque de Tripoli est suffragant. L’agrément du site est souligné vers 1212, Peregrinatores, p. 168. xxxiv 1. « Collis Clarus » traduit le nom arabe de Blanche-Garde. Sise plus au nord, GT 15, 25, il s’agit de Darûm, fondée vers 1169 à la frontière du désert sur l’emplacement d’un monastère grec, GT 20, 19, 45-46. Cette munitio de forme circulaire était flanquée de quatre tours aux angles saillants, HOr 40. 2. Conclusion de la sous-partie qui fait transition avec la suite, développe les propos précédents et les complète en prenant en considération l’extension la plus large du regnum Christianorum. xxxv 1. La ville se trouvait en fait à quatre milles de Panéas. Césarée de Philippe, ancienne Panéas, doit son nom à Philippe, fils d’Hérode le Grand, Abel, Géographie, 2, p. 297. xxxvi 1.

Toponyme absent de Guillaume de Tyr.

xxxix 1. Bilbeis est détruite par Amaury Ier en nov. 1168. Mais Péluse doit être assimilée à Pharamic. xl 1. Quatre milles entre Gaza et Darûm et cinq stades de Gaza à la côte, GT 20, 19, 53-54). Le stade est égal à 185 mètres environ, le mille à 1480 mètres. 2. L’enceinte semi-circulaire date de la période byzantine, Abel, Géographie, 2, p. 252. xli 1. Il ne s’agit pas d’une cité côtière, Hier., Nom. (col. 869). 2. Famille d’origine italienne, W. H. Rüdt de Colenberg, ‘Les premiers Ibelin’, Le Moyen Âge, 71 (1965), p. 433. . Hier., Nom. (col. 869). La cité n’est pas indiquée par Guillaume de Tyr. xlii 1. Deux cités assimilées dans le cas présent, mais distinctes dans HOr 22 et HOr 23.

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2. Construction de Baudouin Ier pour surveiller la route côtière. La place est restaurée en 1217, Lettres, 4, p. 88. . Capharnaüm, « castellum parvum » selon Wildebrand d’Oldenburg, Peregrinatores, p. 183. Dora est une bourgade côtière entre Césarée et Caïffa. xliii 1. Chapitre inspiré de Guillaume de Tyr, d’après le panégyrique de la ville par Ulpien, Digeste, 1, 15, cf. Guillaume de Tyr et ses continuateurs, texte français du xiiie siècle, 1, éd. P. Paris, Paris, 1880, p. 476, n. 1. 2. Vers 1212 Wildebrand d’Oldenburg la décrit en termes voisins, Peregrinatores, p. 164-165. . À l’époque latine on présentait une pierre dans une église de Sidon comme étant celle sur laquelle Jésus s’était assis, G. Dalman, Les itinéraires de Jésus. Topographie des Évangiles, Paris, 1930, p. 258 sq. . Une église s’élevait devant la ville, fondée sur une pierre à laquelle on attribuait la même signification, Dalman, Les itinéraires, p. 264. 5. Cf. Wildebrand d’Oldenburg, Peregrinatores, p. 164. 6. Roi mythique inventeur de l’alphabet grec, dont le fils aîné Cadmus fonda Thèbes de Béotie. 7. Roi légendaire dont les aventures rapportées dans un roman grec en prose du ve ou vie siècle (Apollonius de Tyr) donnèrent lieu à partir du xiie siècle à une littérature qui connut un grand succès jusqu’au xvie siècle. 8. Origène (185-254) figure dominante de la patristique grecque anténicéenne. Dans leur correspondance, Pammachios et Occeanos ont interrogé Jérôme sur la qualité de la traduction d’Origène par Rufin, cf. Hier., Ep. 84 (p. 130). 9. Lucain, Pharsale 3 (220-221). 10. Captivité de Baudouin II, 1123-1124. Le récit met l’accent sur l’initiative du patriarche. xliv 1. Raccourci. Prise en 1104 par Raymond de Saint-Gilles, Gibelet est concédée en partie, puis en totalité par Bertrand en 1109 ; Grousset, Histoire, 1, p. 341 s. 2. Ordre voisin chez Wildebrand d’Oldenbourg, Peregrinatores, p. 168. . Cinq milles dans GT 7, 14 (1-2). . Les colonnes de vigne de l’île d’Arados sont devenues des colonnes de verre, Homélies 12,12, éd. M. A. Calvet et autres (EAC, 2, p. 1452). Ces dernières rappellent les colonnes précieuses du palais de prêtre Jean, cf. Epistula presbyteri, éd. ­B. Wagner, p. 409. À la fin du siècle, Burchard, parvenu au même endroit, y découvre des pyramides (Peregrinatores, p. 30). L’Itinéraire de Clément est extrait du Roman pseudo-clémentin, récit autobiographique de la conversion de Clément au christianisme et de son initiation auprès de Pierre (EAC, 2, p. 1176). Ce récit, aujourd’hui perdu et datant du iiie siècle, aurait survécu sous deux formes : les Homélies, dont on possède deux manuscrits en grec et l’un en syriaque daté de 411, et les Reconnaissances Clémentines, version latine traduite par Rufin, de date sensiblement voisine à celle de la version syriaque. Clément, second successeur de Pierre, séparé de ses frères et de sa famille, les retrouve grâce à Pierre. La version latine a été répandue en Occident, mais la version syriaque démontre le succès obtenu par cet ouvrage en Orient chrétien. C’est par cette voie que l’Historia orientalis et la lettre 2 ont dû la récupérer.

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L’usage réitéré de la référence pour illustrer le passage sur l’ilôt d’Arados conserve un caractère insolite. Les autres voyageurs occidentaux n’y font guère allusion, à l’exception de Burchard de Mont-Sion (ca. 1283) qui suit Jacques de Vitry. C’est un indice supplémentaire d’ usage de sources orientales. 5. Sanctuaire actif vers 1212-1217, Lettres, 2, p. 66 ; Peregrinatores, p. 170. 6. Tortose avait été occupée une première fois par Raymond de Saint-Gilles en 1099 après la prise d’Antioche. Perdue, elle fut reprise avec l’aide des rescapés de la croisade de 1101-1102. Raymond n’était pas comte de Tripoli, car la cité ne fut conquise qu’après sa mort, Grousset, Histoire, 1, p. 330-336. 7. Chronologie bousculée. Laodicée est enlevée aux Grecs en 1102, perdue puis regagnée en 1108. La ville d’Apamée sur l’Oronte est prise en 1106, Grousset, Histoire, 1, p. 425-427. xlv 1. Ce rôle d’arbitre entre les Zankîdes de Damas et le calife fatimîde du Caire est à nuancer. xlvi 1. L’épisode est controversé. Le siège de Damas n’a pas fait l’unanimité chez les barons. Selon GT 17, 5, la corruption est le fait de princes chrétiens. xlvii 1. Le Saltus Libani s’étendrait au nord de la Trachonitide, englobant à l’ouest la dépression du Litani et la haute plaine de La Bekaa entre Liban et Anti-Liban. L’expression « media inter nos et Saracenos » ne s’applique plus aux années 1220. l 1. Chapitre de clôture et bilan pour le royaume de Jérusalem, dont sont exclus la principauté d’Antioche et le comté d’Édesse. Il est vraisemblable que le passage s’appuie sur des documents de chancellerie. Le Livre au roi date des toutes dernières années du xiie siècle ; c’est le premier ouvrage législatif sur la répartition des pouvoirs à l’époque du roi Amaury II. Il serait l’aboutissement d’une évolution commencée après la conquête. Le récit fait remonter à l’origine du royaume la répartition des territoires entre les Latins. Le domaine royal comportait la ville de Jérusalem, la cité de Naplouse où le souverain disposait d’un palais, les villes de Tyr et d’Acre qui lui procuraient l’essentiel de ses revenus, des « casaux » et villages. Les dix seigneuries du royaume sont mises sur un pied d’égalité, sans répondre à un ordre de préséance particulier. Le comte de Tripoli est le seigneur d’un comté autonome pour lequel il a prêté serment au roi après la prise de Tripoli en 1109. Il n’est pas certain pourtant que le comté ait été tenu du roi. La famille d’Ibelin est désignée. Ses modestes débuts ont été indiqués une première fois au chapitre 41. Par le jeu des alliances matrimoniales, elle est devenue après 1187 une grande famille de l’Orient chrétien. Elle est mentionnée à deux reprises, signe peut-être de la consultation d’une source bien disposée à son égard, car entre 1205 et 1210 Jean d’Ibelin a occupé la régence du royaume. Ce petit catalogue éclaire peu sur la date de sa rédaction. Le Livre au Roi présente une série similaire (p. 245-250), mais la famille d’Ibelin n’est citée qu’à travers ses seigneuries d’Arsûf et Bethsân. Le pouvoir royal en face de celui des grands barons était encore ferme sous Amaury II. Nous en avons un témoignage des années 1180-1200 qui fait état de la dépendance directe de Tripoli et d’Antioche vis-à-vis du royaume, Tractatus de locis, p. 130 ; mais il peut s’agir d’une situation

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intermédiaire qui n’est plus retenue ici. Le Tractatus a été édité d’après un manuscrit de la British Library et présente des analogies avec l’Historia orientalis qui ont pu le faire tenir pour une de ses sources, Tractatus de locis, éd. B. Z. Kedar, p. 116. Les développements de notre texte sont plus riches et plus complets ; aussi l’influence de ce traité, dont le manuscrit le plus ancien date de la première moitié du xiiie siècle, ne peut être mieux démontrée. li 1. On trouve dans la version du manuscrit d’Oignies le titre : « De regno, natione et ampliatione », leçon qui subsiste au moins dans deux manuscrits. La correction « De renovatione et ampliatione », plus fréquente, renvoie à une rubrique parallèle de l’Historia occidentalis et semble faire suite à une révision intervenue à l’occasion d’une nouvelle édition. Nous conservons la leçon la plus proche de la version d’origine qui répond au développement qui suit. Ce chapitre forme une transition, ouvrant sur les manifestations du renouveau de l’Église, HOr 51-HOr 69, partie qui se divise en groupes de petite dimension ; elle se conclut sur le chapitre 69 qui s’ouvre sur l’abaissement de l’Église en Orient avec l’intervention du démon. Ainsi, les rubriques HOr 52-HOr 63 sont un tableau de la Terre sainte sous forme d’itinéraire spirituel et institutionnel, sans être un récit de pèlerinage ou un guide des distances comme celui de Fretellus. On y examine les conditions de renouveau de l’Église dans les sites bibliques, distinguant lieux reculés et centres urbains, répartis entre sites de la vie érémitique, HOr 52-53, de la vie monastique, HOr 54, et dépendant du patriarcat de Jérusalem, HOr 55-HOr 58. Viennent in fine une présentation des lieux de la vie terrestre du Christ : Bethléem, Nazareth, Jérusalem, HOr 60-63. lii 1. Le pèlerin de Plaisance (Plac. 9, 9) situait là une multitude d’ermites, Récits des premiers pèlerins chrétiens au Proche-Orient, iv-viie siècle, trad. P. Maraval, p. 212. 2. Abbaye grecque sur un site militaire et religieux, Abel, Géographie, 1, p. 352. . Supra HOr 22. liii 1. La lettre 3 de Jacques de Vitry, rédigée après la campagne en Galilée, est perdue (1217). Elle serait datée du printemps 1218, Huygens, p. 40-42. Nous proposons de retrouver dans ce passage, rédigé à la première personne, des extraits de cette lettre. C’est, avec la lettre 2 et le début de la lettre 5, un témoignage d’interférence entre la correspondance de Jacques de Vitry et l’Historia orientalis. 2. Les tempêtes du lac ne seraient pas si fortes, Dalman, Les itinéraires, p. 244246. . La Pentapole : Sodome, Gomorrhe, Adama, Seboym et Ségor. . Baptêmes signalés au vie siècle par le pèlerin de Plaisance, Plac. 11, 1-7, Récits, p. 213. Selon la coutume orientale, ils avaient lieu le jour de l’Épiphanie, Peregrinatores, supp., p. 31-32. 5. Ermitages actifs au vie siècle, Plac. 9, 9, Récits, p. 212, au viie siècle, Adom. 2, 16, 8, Récits, p. 268. Fin de l’exposé sur la vie érémitique. L’Historia occidentalis consacre un seul chapitre à ce mode de vie religieuse, Hinnebusch, p. 108-110. liv 1. Au viiie siècle il y avait trois églises, Bed. Ven., De locis sanctis 16 (p. 276). 2. Témoignage de l’auteur. Le mont Thabor était un objectif de la croisade en 1217 en Galilée.

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. Les cisterciens étaient installés dans le comté de Tripoli et la principauté d’Antioche, les prémontrés à Saint-Samuel depuis 1145 et à Saint-Habacuc depuis 1137-1138, dans le royaume de Jérusalem, H. E. Mayer, The Crusades, Oxford, 1986, p. 172. Après 1187-1189, ces établissements furent abandonnés. En 1217, Jacques de Vitry se rend en Orient en compagnie d’Hellin, abbé de Floresse. Celuici est porteur de lettres, à l’intention du patriarche et du roi, visant la restitution de ces couvents, Monasticon Praemonstratense, 1, Circaria Graeca et Hierosolimitana, éd. N. Backmund, 1952, préface. Jacques de Vitry aurait appuyé la requête, R. Röhricht, Regesta regni Hierosolymitani, 1097-1291, 1, Innsbruck, 1893, n° 905. lv 1. Cf. Hinnebusch, p. 73 (16). 2. Site visité dès le ive siècle, Burd. 592, Récits, p. 32. . Euseb., Hist. eccl. (SC 31, p. 88). . À l’époque de Chalcédoine en 451, Juvénal, évêque de Jérusalem, avait fini par se rendre indépendant du patriarcat d’Antioche et du métropolite de Césarée. Le nouveau patriarcat comportait les trois Palestines, soit une cinquantaine de suffragants, R. Devreesse, ‘Les anciens évêchés de Palestine’, in Mémorial Lagrange, Paris, 1940, p. 217-219. 5. L’organisation d’un patriarcat avec quatre métropoles ou archevêchés : Tyr, Césarée, Nazareth et Pétra, ne doit plus rien à l’organisation antérieure à la conquête arabe, Devreesse, art. cit., p. 224-225. lvi 1. Le Krak de Moab ou Pétra du désert, à l’est de la mer Morte, est souvent confondu avec la cité antique de Petra, J. Richard, Le royaume latin de Jérusalem, Paris, 1953, p. 96-97. lvii 1. La cité reçut le nom de Diospolis au iiie siècle, et au vie son sanctuaire de SaintGeorges était fameux, Abel, Géographie, 2, p. 370. lviii 1. Il ya une liste de quinze établissements religieux de culte catholique à Jérusalem avant 1187, Ernoul, p. 189-210. L’Historia en compte neuf. 2. L’ordre des Fratres cruciferi Dominici Sepulcri est confirmé en 1122 par le pape, cf. Cartulaire du Saint-Sépulcre de Jérusalem, éd. G. Bresc-Bautier, Paris, 1984, n° 20. . Monastère du Mont-Sion, au sud-est et hors les murs, fondé par Godefroy de Bouillon ; monastère du Mont des Oliviers, hors la ville ; monastère du Templum Domini sur le site de la mosquée d’Omar, G. Michiels, ‘Jérusalem’, DHGE, 27, col. 1096-1097. . Fondation amalfitaine des années 1014-1023. L’église de Notre-Dame de Josaphat se trouve au pied du mont des Oliviers. 5. Un mille entre Béthanie et Jérusalem sur le versant sud du mont des Oliviers, Fret., Tract. 58 (p. 35). 6. Abbaye de femmes du xiie siècle, Abel, Géographie, 2, p. 266. 7. Sans doute le site de Bethabara, Abel, Géographie, 2, p. 264-265. 8. Sanctuaire au nord-est de la ville où était vénéré le lieu de naissance de la Vierge. Des traditions apocryphes divergent : naissance à Jérusalem chez le Pseudo-

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Matthieu, 4 (CCSA, 9, p. 322) ; naissance à Nazareth et enfance à Jérusalem dans la Nativité de Marie, 1, 1 (CCSA, 10, p. 276). 9. Sainte-Marie-la-Grande. lix 1. Église de la Nativité reconstruite sous Justinien, Abel, Géographie, 2, p. 276. 2. Le manuscrit français traduit « animalia » par » âmes », Buridant, p. 103. . Interprétation familière, J. Longère, Œuvres oratoires de maîtres parisiens au xiie siècle. Étude historique et doctrinale, Paris, 1975, 1, p. 427 et 2, p. 330. . Thème de sermons, Schneyer, Repertorium, n° 24 et 30, p. 181. 5. Jérôme vécut à Bethléem de 387 jusqu’à sa mort en 419. La veuve romaine Paula et sa fille Eustochie fondèrent à Bethléem une communauté de femmes. lx 1. Le passage est cité directement dans la relation du dominicain Burchard de Mont-Sion qui fait une relation sur la Terre sainte dans les années 1280, peu avant la chute d’Acre (1291), Peregrinatores, p. 73. 2. Esplanade du Temple aux places à niveaux de pierres blanches dont les paliers en pente permettaient à l’eau de pluie d’entraîner les immondices. lxi 1. Jérusalem est le site de la passion du Christ et le lieu de l’accomplissement du salut de l’humanité. Le récit est jalonné de stations comme peut l’être un itinéraire de pèlerinage. L’expression « in quo » souligne le lien entre le lieu tel qu’il est vu et l’action qui s’y est déroulée. Mais il n’y pas là simple curiosité touristique ou pure dévotion formelle, comme le montrent les récits de pèlerins. La signification symbolique des lieux est ici sous-jacente, mais dissimulée derrière un itinéraire de théologie appliquée. Saint Bernard ne disait-il pas un demi-siècle plus tôt : « Ce n’est pas un mince avantage que de voir avec les yeux du corps le lieu où le Seigneur a reposé corporellement. », Bern. Clar., Tpl. 11, 29 (p. 121). Les récits du xiie siècle faisaient commencer la visite par le Temple et la terminaient au Sépulcre, aboutissement de la vie terrestre du Christ et lieu de la Résurrection. À la suite de saint Bernard, Jacques de Vitry donne la première place au Sépulcre. Le mont Sion est le lieu où fut institué le sacrement de l’eucharistie, « novum testamentum », événement placé dans son contexte physique et historique, Fret., Tract. 61 (p. 36). L’Historia occidentalis produit un développement sur l’eucharistie, où la forme substantielle et la portée intemporelle du sacrement sont commentées, Hinnebusch, p. 202-246. L’Historia orientalis, pour sa part, localise le mystère et son institution dans un lieu accessible. 2. Le miracle se déroulait le Samedi saint au cours d’une cérémonie très prisée des chrétiens orientaux. En 1238, Grégoire IX fit interdire la mise en scène, Mayer, The Crusades, p. 172. . Attesté dans une période antérieure à 1187, Ernoul, p. 195. À la fin du siècle, selon un rituel copié sur celui de Jérusalem, et conservé dans l’église du Saint-Sépulcre à Barletta en Apulie, le matin de Pâques deux clercs se tenaient à l’entrée du sépulcre, un cierge à la main et la tête couverte. À la question « Qui cherchez vous ? », les femmes de l’assemblée répondaient : « Jésus de Nazareth ! », ce à quoi les clercs rétorquaient : « Il n’est pas là, il est ressuscité ! », A. Kholer, ‘Un rituel

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et un bréviaire du Saint-Sépulcre à Jérusalem’, Mélanges pour servir à l’histoire de l’Orient latin, 2 (1906), p. 326. . Origine syrienne et non hébraïque, Hier., Nom. (col. 842). 5. Le mont des Oliviers et la vallée de Josaphat ont cette vertu, Bern. Clar., Tpl 8, 14 (p. 90-92). 6. Selon une autre tradition le sang du Christ s’écoule à travers la fente du rocher pour toucher le crâne d’Adam sous le Calvaire, Hier., Nom. (col. 822). 7. Cf. Vita Mariae 1, 1, 16 (p. 550). 8. Le mont Sion n’est pas évoqué par saint Bernard. lxii 1. Mosquée d’Omar. 2. Pour l’itinéraire, le monument n’occupe plus la première place, mais continue de jouir d’une grande renommée. Après 1099, un culte chrétien en relation avec la vie terrestre du Christ se développe sur l’esplanade. Le Dôme du Rocher, élevé entre 687 et 691, est transformé en église du Templum Domini. Une légende naît alors, faisant de l’édifice une construction chrétienne d’époque carolingienne, Fret., Tract. 54 (p. 32). Vers 1220, Olivier le Scolastique avance plusieurs hypothèses : « Certains disent qu’il aurait été reconstruit par un empereur de Constantinople à cause de la Croix, d’autres, par Justinien, d’autres, par un souverain d’Égypte, Métuphis, d’autres par Hélène, mère de Constantin. », Oliv. Scol., 1 (p. 16). Il aurait existé, selon l’Historia, un pèlerinage très ancien des Arabes à Jérusalem, dont la tradition remonterait à Salomon. Il y a eu de tout temps des Arabes de confession juive qui montaient au Temple (Act. 2, 1-13), des Arabes qui venaient aux lieux saints, cf. Itinera Hierosolimitana et descriptiones terrae sanctae, éd. T. Tobler et C. Kohler, Genève, 1885, 2/1er, p. 179, 180, 253. Le chapitre fait droit à la tradition, et la formule « a fidelibus et religiosis viris » englobe juifs, chrétiens et musulmans. Un voyageur le signale durant la période d’occupation chrétienne, cf. Ioh. Wirz., Descript. 3 (col. 1063). La légende d’un culte rendu à l’effigie ou au simulacre de Mahomet contredit les chapitres précédents, HOr 5-6. La croyance figurait dans l’arsenal de la vie légendaire de Mahomet depuis le ixe siècle en Occident. Elle est réactivée dans cette partie du récit, à la suite du durcissement des relations entre Latins et musulmans après 1187 et à la fermeture de l’esplanade du Temple. En 1212 un voyageur signale que les habitants de Jérusalem vont au Temple le vendredi pour y adorer une image de Mahomet, Peregrinatores, p. 188. Dans les milieux savants, la croyance était reçue au xiiie siècle ; elle semble avoir été assez répandue pour qu’Humbert de Romans prenne le soin de dénoncer l’idée que les musulmans auraient divinisé Mahomet : « Non seulement les laïcs, mais encore les clercs ne savent rien sur Mahomet, rien sur les Sarrasins ou presque, sinon ce qu’ils ont entendu dire que ce sont des infidèles qui ne croient pas au Christ ; ils pensent que ces Sarrasins tiennent Mahomet pour leur divinité, ce qui est pourtant faux. », B. Z. Kedar, Crusade and mission, European approaches toward the Muslims, Princeton, 1984, p. 205. La légende, récupérée et déformée, n’a pas de vrai fondement dans le discours occidental. On propose de se référer aux premières relations de l’islam et du christianisme au Proche-Orient. Dans leur commentaire de la Genèse, les auteurs syriaques, depuis Théodore de Mopsueste (ca. 352-428), avaient développé le thème de l’homme comme image

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divine. L’homme est l’image d’une réalité qui le transcende : « Il est placé comme une image dans la cité du monde afin que, par lui, la création montre son amour envers son créateur. » Il est comme la statue qu’un roi place au centre de la cité pour se représenter lui-même et attirer la reconnaissance de ses habitants, cf. J. Teixidor, Aristote en Syriaque, Paul de Perse logicien du vie siècle, Paris, 2003, p. 47. Dans ce contexte de sensibilité nestorienne, l’« imago » de Mahomet ne serait pas chargée d’une connotation négative, au contraire. C’est par la suite, en Occident peut-être, que la métaphore a été exploitée dans un sens différent. Le réveil des antagonismes confessionnels dans le dernier quart du xiie siècle aurait donné une nouvelle vie à la légende. . Jacques de Vitry assimile les deux bâtiments dans un autre passage, supra HOr 6. Ce bâtiment correspond au site des Écuries de Salomon, à l’extrémité sud de l’esplanade où avait été élevée une mosquée. Sous la domination latine, l’édifice devint une demeure royale jusqu’en 1128, date à laquelle les lieux furent cédés à Hugues de Payen. lxiii 1. Signalé au viie siècle comme un site important de pèlerinage, Adom. 1, 12, 1-5, Récits, p. 251). Le récit suit la tradition, mais sans évoquer l’Assomption, ­Dormition de Marie, 48 (EAC, 1, p. 186-187). 2. Site supposé de la Parousie, le retour du Christ pour le Jugement Dernier. . Trois lieux du pèlerinage en Terre sainte : la piscine Probatique se trouvait au nord-est de la ville, non loin de l’église de Sainte-Anne, Fret., Tract. 57 (p. 34) ; la fontaine de Siloé est à l’extérieur, au sud-est, Fret., Tract. 58 (p. 34) ; l’église de Saint-Étienne, située au nord à l’extérieur de la ville, a été élevée au ve siècle, détruite par les Perses en 614, puis reconstruite au xiie siècle. L’édifice avait disparu depuis la chute du premier royaume en 1187-1189, Fret., Tract. 68 (p. 39). . Nouvelle transition. La vie religieuse occupe la première place dans l’histoire du renouveau de l’Église en Orient, elle est complétée par l’examen de la défense de la Terre sainte : Hospitaliers, Templiers et Teutoniques sont étudiés dans l’ordre chronologique de leur création, HOr 64-66. Les laïcs occupent la dernière place, HOr 67-68 : Italiens, Français, Anglais, Allemands, Poulains et chrétiens orientaux. C’est le troisième volet de la seconde partie comprise entre les chapitres 15 et 69. Les cinq chapitres forment un ensemble regroupant les forces de la Terre sainte et les défenseurs de l’Église en Orient. Dans le contexte de la cinquième croisade il s’agit d’exposer des réalités anciennes en tenant compte de celles du moment. Les protagonistes de cette série sont les mêmes que ceux que rencontre l’évêque d’Acre entre 1216 et 1227. Les passages qui suivent livrent son sentiment à l’égard des contingents croisés et des ordres militaires. Les termes sont choisis avec circonspection, comme dans les lettres. La critique qui fait suite dans la troisième partie de l’ouvrage, entre les chapitres 70 et 83, est féroce envers le clergé catholique et les Poulains, mais elle épargne les ordres militaires, les forces occidentales en général et, d’une certaine façon, les chrétiens orientaux. lxiv 1. Les chapitres sur les ordres militaires sont à replacer dans le contexte de la cinquième croisade (1216-1221). Dans l’économie de l’ouvrage ils forment le premier volet des forces chrétiennes engagées dans la restauration de l’Église. Ils for-

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ment encore un tableau des premiers temps des ordres militaires et de leur origine. Le récit fait état de renseignements de première main sur les débuts des Templiers et surtout des Teutoniques. Ces paragraphes s’appuient sur des documents officiels : Règle du Temple, Narratio de primordiis ordinis Theutonici. Le traité de saint Bernard, De laude novae militiae, a du être suivi en ce qui concerne le Temple, sans doute à travers la documentation produite par l’Ordre lui-même. Dans l’ensemble, le ­discours est favorable au patriarcat et au clergé séculier. Ce trait est notable en ce qui concerne les Hospitaliers dont Guillaume de Tyr avait stigmatisé le comportement, GT 18, 3 ; Cartulaire, éd. G. Bresc-Bautier, n° 118, 144, 145). L’évêque d’Acre eut avec eux de pareils démêlés pour le temporel de son église, Röhricht, Regesta, 1, n° 945 ; L. Auvray, Les registres de Grégoire IX, publiés et analysés d’après les manuscrits originaux du Vatican, 1-8, années 1227-1235, Paris, 1896, n° 4388. Mais la correspondance de Jacques de Vitry n’en fait pas état. L’Ordre est présenté comme une institution hospitalière aux débuts modestes, peut-être non sans intention, en évitant de rattacher son nom au prestige de saint Jean-Baptiste comme le voudrait une tradition officielle en cours au xiie siècle, Exordium, RHC-Occ. 5, 2, p. 401-435. La militarisation de l’Hôpital, renvoyée au chapitre suivant, apparaît comme une conséquence de l’extension de la règle du Temple. Celui-ci a une origine militaire. Il est probable que l’ouvrage de saint Bernard, De laude novae militiae, rédigé à la demande de Hugues de Payen, a été réutilisé à partir d’une version récupérée par l’institution, Ber. Clar., Tpl 3, 4-6 (p. 60-62). Le nom de l’abbé de Clairvaux n’est pas cité parmi les prélats et abbés présents au concile de Troyes. Son influence sur la règle est passée sous silence ; le récit met en avant l’initiative du clergé de Jérusalem, approuvée par le pape. Ainsi, le Temple est présenté comme un ordre modèle, hiérarchisé et collectivement engagé. Les sermons de Jacques de Vitry, plus tardifs, font du templier l’expression individuelle du chrétien combattant, Crane, n° 85, 86, 87, 90, 91. La fortune des deux ordres est soulignée comme gage de leur engagement pour la défense de l’Église, mais il est manifeste que leur indépendance et leur richesse en font des forces redoutables au début du xiiie siècle. L’exposé sur les Teutoniques constitue un des tout premiers textes relatifs aux débuts de cet ordre hospitalier, établi dans un premier temps à Jérusalem. À l’origine, il s’agissait d’un ordre charitable rattaché à l’Hôpital de Saint-Jean par décision du pape (1143). Quelques années plus tard, Jean de Würzbourg rend compte de son séjour à la maison des Allemands : « Au bas de la dite place, vers la porte qui va au Temple, à main droite, il y a une ruelle sous une longue galerie couverte. Il y a dans cette ruelle l’hôpital et son église reconstruite, qui a pour nom la maison des Allemands, parce que, de ceux qui avaient une autre langue, peu ou personne ne leur venait en aide », Ioh. Wirz. Descript. 11 (col. 1086). Il s’agit d’un établissement modeste et qui le reste jusqu’à la chute de la ville en 1189, Ernoul, p. 196. Durant le siège d’Acre, selon une tradition postérieure, les croisés allemands disposaient d’un établissement hospitalier à l’extérieur de la ville. L’établissement fut placé sous la protection pontificale en 1196 et doté de privilèges particuliers. En 1197, l’Ordre avait encore du mal à s’imposer, Continuation, 96-98. C’est à cette époque que la règle militaire fut adoptée à la manière des Templiers. La bulle pontificale du 11 février 1199 confirme l’ordre de l’Hôpital « quod Theutinocorum appelatur ». Vers 1220, la correspondance

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de Jacques de Vitry hésite. Les Teutoniques n’apparaissent pas aux côtés des Templiers et des Hospitaliers dans les opérations en Galilée (1217). Il faut attendre la sixième lettre, datée du printemps 1220, pour voir désigner ainsi les Hospitaliers de SainteMarie des Allemands, Lettres, 6, p. 138, puis la maison des chevaliers Teutoniques dans la septième lettre datée d’avril 1221, Lettres, 7, p. 196. 2. Présence attestée en 996. La concession d’une église de rite latin à Jérusalem s’est sans doute effectuée sous le règne d’al-Mustansir (1036-1094), M. Gil, A History of the Palestine 634-1099, Cambridge, 1992, p. 471. . La persistance du pèlerinage durant la période fâtimide est soulignée, mais les traditions antérieures au xe siècle ne sont pas reprises, GT 1, 10. . Sainte-Marie-la-Latine, fondation des années 1014-1023, devait disposer d’un hospice, Michiels, art. cit., col. 1093. 5. Moines bénédictins d’Italie méridionale, peut-être venus d’un couvent dépendant du Mont-Cassin. 6. Sainte-Marie-la-Petite, couvent de bénédictines. 7. Le personnage inspire un exemplum, Crane, n° 97. 8. L’hospice aurait fonctionné avant et après la prise de Jérusalem. La personne de Gérard est discutée. Membre de la communauté charitable de Sainte-Marie-laLatine, la légende le fait intervenir lors de l’assaut de la ville en 1099, J. Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre sainte et à Chypre, Paris, 1904, p. 19. Le récit lui prête la création d’un ordre charitable indépendant de l’abbaye et l’adoption d’une règle avec le port d’un habit. 9. Agnès était abbesse de Sainte-Marie-Madeleine, abbaye bénédictine jumelle de Sainte-Marie-la-Latine en 1099. Elle aurait ensuite embrassé la règle des Hospitalières, Michiels, art. cit., col. 1093. 10. Privilège exclusif de procéder à l’inhumation des personnes décédées dans leur hôpital, Continuation, 97-98 (p. 98-100). 11. Il n’y pas de relation apparente entre ce lieu au sud de la ville et le cimetière de l’Hôpital. 12. Allusion au conflit entre l’Hôpital et le patriarche, qui survint en 1153-1154 et portait sur le paiement des dîmes. 1. L’incertitude entretenue traduit la difficulté de situer l’époque de la militarisation de l’ordre, A. Forey, ‘The militarisation of the Hospital of Saint-John’, ­Studia monastica, 36 (1984), p. 75-89. La règle a été promulguée par Raymond du Puy entre 1121 et 1153. 1. La défiance de l’évêque d’Acre se manifeste dans un sermon : « Multas tunicas et calidas pelles habere volunt », Crane, n° 92. lxv 1. Le paragraphe suppose la connaissance de la règle du Temple. 2. Les historiens ont proposé plusieurs dates : 1118, 1119 ou 1120. L’estimation la plus récente situerait la création de l’ordre entre le 13 janvier 1120 et le 14 septembre de la même année, A. Demurger, Vie et mort de l’ordre du Temple, Paris, 1989, p. 23-24. . « Li plus vaillans », Buridant, p. 108. . Selon Guillaume de Tyr l’initiative reviendrait au patriarche et au clergé, non aux fondateurs, Demurger, Vie et mort, p. 25.

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5. La règle du Temple en version latine est accordée sous le pontificat d’Hono­ rius II et le patriarcat d’Étienne de la Ferté (1128-1130). La règle a été modifiée en 1139, et les Templiers placés sous l’autorité directe du pape. 6. Topos de l’engagement individuel, Crane, n° 87, 89. 7. Thème de deux sermons ad cruce signatos, Maier, p. 82 sq. 8. Dans les sermons le templier est presenté comme un modèle, Crane, n° 86, 87, 90, 91. 9. Bauceant ou « Bauchant » signifie « mi-partie », Buridant, p. 110. 10. Supra HOr 64. Le diable dans la traduction française, « pour ce que li boins ne fust ampiriés de la compaingnie dou malvais », Buridant, p. 110. 11. La règle a inspiré celle des autres ordres militaires : l’Hôpital, Demurger, Vie et mort, p. 77, et les Teutoniques, I. Sterns, ‘Crime and punishment among the Teutonic knights’, Speculum, 57 (1988), p. 88. 12. Situation antérieure à la bulle Omne datum optimun (1131) qui exonère les possessions de l’Ordre du paiement de la dîme. La bulle accordait d’autres privilèges, dont celui d’avoir des clercs. 1. Le récit envisage les seuls combattants, cavaliers et servants, sergents à pied. Ceux-là avaient fait vœu en entrant dans l’ordre, comme les chapelains, Demurger, Vie et mort, p. 90. 1. Temple et Hôpital sont unis dans la même félicité matérielle. Les précepteurs de l’Hôpital sont les commandeurs des établissements de l’Ordre, Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers, p. 332 sq. 15. La vocation militaire des Hospitaliers est rattachée à celle des Templiers. Ce point contredit l’hypothèse d’une milice en gestation au moment du concile de Clermont, M. Matzke, ‘De origine hospitalorum hierosolymitanorum vorm klösterlichen Pilgerhospital zur internationalen Organisation’, Journal of Medieval History, 22/1 (1996), p. 1-23. lxvi 1. Thème de sermon, Schneyer, Repertorium, n° 342. 2. Contre-exemple des Templiers et des Hospitaliers, cfr. GT 12, 7 et GT 18, 3. . Les qualités de l’Ordre sont soulignées avant que soient retracées ses origines. . Jacques de Vitry emploie les termes distincts de Teutons et d’Allemands, mais ils ont le même sens : inf. HOr 68 ; Hinnebusch pp. 92, 156 ; Lettres, 4, p. 90. 5. La double nature de l’Ordre est rappelée par Innocent III en 1198, Setton, History, 5, p. 322. Pendant plusieurs années, les Teutoniques portèrent le manteau blanc des Templiers. Ce point donna lieu à un litige que la papauté mit plusieurs années à apaiser. lxvii 1. À partir du chapitre 67 les manuscrits divergent de la première version, avec une nouvelle présentation du nombre et intitulés de chapitres. Le manuscrit d’Oignies distinguait deux chapitres HOr 67 et HOr 68, l’un consacré aux Italiens, l’autre au reste des laïcs : Français, Anglais, Allemands, Poulains, Syriens et autres communautés. La version suivante a corrigé la présentation en replaçant les Italiens au milieu des « nationes utiles ». L’édition de J. Bongars, en utilisant des manuscrits plus tardifs, fait encore état de « Britonnes », tard venus dans le cours du récit pour

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illustrer la croisade du duc de Bretagne en Orient jusqu’au départ de saint Louis. L’interpolation indique la place occupée par le contingent breton à un moment de l’histoire du texte, indice de la prise en compte de chaque nation à l’effort de croisade. Un tel sentiment national est sensible dès le troisième quart du xiie siècle, Ioh. Wirz. Descript. 9 (col. 1082). Il ne fait que se confimer ensuite, ainsi dans la chronique du dominicain italien Francesco Pippino : « Les Italiens furent donc les premiers à répondre à l’injustice faite au Christ, hommes courageux et modérés, suivant la voie de la sobriété et de la modestie, tout autant capables de générosité que d’économie quand rien n’oblige à la dépense, qui se distinguent entre tous les peuples par l’usage et la sanction d’un droit écrit… Vinrent après eux les Normands et les Goths. » (Muratori, 7, col. 806 E). Le catalogue des participants à la défense et à la prospérité de la Terre sainte décliné en « nationes » est l’indice d’un changement souligné à l’occasion de la création de l’hôpital de Sainte-Marie des Allemands. L’expression persistante de « milites Christi » recouvre une variété de situations et de groupes qui sont étudiés dans ces passages propres à l’évêque d’Acre, si l’on juge par comparaison avec l’Historia occidentalis. Nous y percevons un changement de mentalité qui se traduit par une conception différente de la guerre en Orient. Le manuscrit d’Oignies, achevé en 1224, à cette date, donne une position particulière aux ressortissants de Gênes, Venise et Pise, négligeant les autres cités marchandes. Après 1186, ces villes avaient progressivement occupé une place décisive, consécutivement à la reprise des hostilités et à l’affaiblissement du pouvoir royal. Ce rôle grandissant expliquerait un traitement favorable qui ne se retrouve pas dans la correspondance, cf. Lettres, 2, p. 50. Au contraire, l’évêque d’Acre leur fait reproche d’une indépendance qui les fait échapper à son autorité. L’effritement d’une conscience collective de la croisade se confirmerait, si celle-ci n’a jamais existé, avec pour corollaire un discours prudent, visant à préserver les équilibres entre groupes et factions. Ce trait est sensible dans la dernière partie de l’Historia orientalis comme dans les lettres. lxviii 1. Qualités générales des Occidentaux : Français, Anglais et Allemands, sans distinction. Les « nationes » répondent ailleurs à des critères plus spécifiques, tels les étudiants parisiens dans l’Historia occidentalis, Hinnebusch, p. 92. 2. Hernaut de Gironde, héros de chanson de geste, est dépeint comme un bouffon, dont le nom signifie « ribaud ». Il est le modèle du mauvais garçon, querelleur et buveur, mais combattant de valeur, D. Boutet, Cycle de Guillame d’Orange, Anthologie, choix, présentation et notes, Paris, 1996, p. 28. . Le sobriquet donné aux descendants des premiers croisés est un terme peu répandu avant Jacques de Vitry. Il en est fait mention à deux reprises dans l’Historia orientalis et la lettre 2. Selon Du Cange, l’appellation serait d’origine occidentale, contemporaine de Suger (Du Cange, 4, p. 562) et apparue à l’occasion de la seconde croisade. Cependant, cette référence semble plus tardive (R Morgan, ‘The meanings of old French Polain, latin Pullanus’, Medium Aevum, 48/1 (1979), p. 40-54). On rencontre le terme pour la première fois vers 1200 chez Guillaume de Nevers : « Les nouveaux natifs de cette terre sont appelés Poulains, ils sont gâtés par le voisinage des Sarrasins dont ils ne se distinguent pas beaucoup par la religion et les mœurs, au point de paraître d’une complète neutralité entre chrétiens et Sarrasins. » (A. D.

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von den Brincken, Die Nationes Orientalium Christianorum, in Verstandnis der lateinischen Historiographie von der Mitte des 12. bis in die zweite Hälfte des 14. Jahrhunderts, Cologne - Vienne, 1973, p. 158). Le terme n’est pas encore péjoratif. Guillaume de Tyr, né en Orient, sans utiliser le vocable, se montre sévère à leur égard. L’exposé de l’Historia orientalis expose deux thèses distinguant deux origines. La thèse orientale présente les premiers croisés comme des nouveaux venus qui auraient reçu des Syriens le surnom de « pulli ». Le terme pourrait être l’expression d’une moindre légitimité. La version occidentale rattache le mot à l’Apulie ou aux Pouilles, d’où les croisés installés en Palestine auraient fait venir des femmes pour fonder des familles et s’établir. Le récit fait ainsi état d’une colonisation précoce. L’origine de ces colons serait italienne, mettant en avant les relations entre l’Orient latin et le royaume normand d’Italie du sud, rapports attestés par les implantations d’établissements religieux. Rien ne laisse croire que le récit s’attache à suivre des cas particuliers, celui de Baudouin Ier et d’Adelaïde, veuve de Roger Ier de Sicile, notamment. Il est vrai que Baudouin avait lancé une opération de repeuplement de Jérusalem, mais en faisant appel à des colons syriens et arabes, GT 11, 17. Ou celui encore de Frédéric II, qui porta dans sa jeunesse le sobriquet de « puer Apulie », rassemblant les deux interprétations, tout à la fois enfant et né d’une mère italienne, Ernoul, p. 329. La correspondance de Jacques de Vitry fait l’économie de ces explications : les Poulains sont des natifs du pays, descendants des premiers croisés, et leurs manière de vivre est vilipendée, Lettres, 2, p. 52. . Tableau succinct. Il s’agit des communautés de confession chrétienne et musulmane, Mayer, The Crusades, p. 185-186. lxix 1. Chapitre de transition qui annonce une troisième subdivision juqu’en HOr 83. 2. Synecdoque. La voile pour le bateau, c’est-à-dire l’Église selon une ancienne métaphore, Hinnebusch, p. 95 (13-14). lxx 1. Image inversée dans un sermon : « Le démon chassé d’entre les juifs, y est revenu, quand les païens se furent convertis il trouva une demeure exempte de bien et ornée de vertus simulées », Longère, Œuvres, 2, p. 411. 2. Cf. Hinnebusch, p. 77. . Ansel. Havel. Dial., 10 (p. 85-91). . Cf. Hinnebusch, p. 76. lxxi 1. Le sanctuaire par excellence, le clergé séculier, l’ordo presbyterum, Hinnebusch p. 166. « Nous ne pensons pas qu’aucune communauté ou ordre de réguliers, quelle que puisse être la vérité de leur vie, soit plus agréable à Dieu que l’ordre des prêtres qui veillent fidèlement et avec sollicitude sur leur troupeau. » HOc Traduction, p. 205-206. 2. Cf. Hinnebusch, p. 152. Thème récurent, ainsi chez Adam de Perseigne : « Oui, toute leur iniquité vient de leur richesse. La pauvreté du Christ les a enrichis, son ignominie les a rendus glorieux, son opprobre les a comblés d’honneurs, son esclavage les a anoblis et son abaissement les a élevés », L. Bourgain, La chaire française au 12e siècle d’après les manuscrits, Paris, 1879, p. 275 sq. . Cf. Hinnebusch, p. 84 (11). . Cf. Hinnebusch, p. 84 (10).

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lxxii 5. Le terme doit s’entendre dans un sens restrictif. L’Historia occidentalis offre une acception plus large : « Nous donnons le nom de réguliers non seulement à ceux qui renoncent au monde et entrent en religion, mais nous pourrions aussi le donner à tous les fidèles du Christ qui servent le Seigneur sous la règle de l’évangile et vivent selon leur ordre. », HOc Traduction, p. 204. Ce chapitre est en apparence consacré aux moines et chanoines réguliers, ceux qui vivent en communauté selon la règle, et aux ordres militaires qui vivent aussi selon une règle, sup. HOr 64-66. 6. Cf. Ansel. Havel., Dial. 10 (p. 85 sq.). 7. Sans doute allusion au conflit entre les Hospitaliers et le patriarche, GT 18, 3. 8. Écho persistant du débat virulent au xiie siècle entre ordres monastique et canonial, cf. Ansel. Havel., Dial., éd. G. Salet, p. 92, n. 1. L’Historia occidentalis est moins radicale dans ce partage des tâches, ainsi le premier devoir des prêtres est-il de « supplier le Seigneur pour eux-mêmes et pour tout le peuple de Dieu, prier sans répit pour les vivants et les défunts... », HOc Traduction, p. 206. 9. Cf. Greven, n° 75 ; Hinnebusch, p. 116, 134. 10. Ce bémol n’a pas suffit, le passage est coupé dans plusieurs manuscrits. lxxiii 1. Cf. Hinnebusch, p. 156 ; Vita Marie 1, 4, 37 (p. 555). 2. Cf. Ansel. Havel., Dial. 10 (p. 89). 3. Parallèle avec les femmes des Sarrasins, sup. HOr 5. Thème de sermon, ­J. Longère, Œuvres, 1, p. 401 ; Vita Mariae 2, 7, 70 (p. 563). 4. Passage du plus haut intérêt sur les conditions d’accueil faites aux croisés et aux pèlerins. Un exemplum rapporte l’histoire d’un boucher d’Acre, Crane, n°163. 5. Cf. Ansel. Havel., Dial. 10 (p. 89). lxxiv 1. Passage pouvant s’appliquer à la guerre de 1222 entre Génois et Pisans, Richard, Le royaume, p. 226. Le comportement des Italiens serait marqué par leur esprit d’indépendance, Lettres, 2, p. 50. lxxv 1. Les Syriens représentent la communauté melkite de rite grec et restée fidèle aux canons du concile de Chalcédoine (451). Après la première croisade, les Latins les assimilèrent aux Grecs et leurs évêques furent étroitement subordonnés à la hiérarchie latine. Le passage rappelle la position de l’Église romaine, dont la primauté est affirmée, tant au spirituel qu’au temporel. Le ton est critique à l’égard de cette communauté. Les divergences avec l’Église catholique sont soulignées, mais plutôt présentées comme des points de résistance à la présence latine en Orient. Les Syriens ne sont pas, à l’inverse des Jacobites, des Nestoriens et des Maronites, présentés comme hérétiques, Alberigo, COD, p. 235. 2. Supra HOr16 et HOr 20. 3. Marque de couardise notée chez les Bédouins, sup. HOr 12. 4. Cette explication sémantique donnée au nom des Syriens ne repose sur aucun fondement. Par contre, la transformation du « u » en « y » rappellerait l’introduction des semi-voyelles w (oâ) et y (iud) dans l’alphabet syriaque. Cette mutation serait intervenue au début du viiie siècle. Elle aurait été rendue nécessaire pour en faciliter la lecture, J. Assfalg, ‘Écriture syriaque’, DOC, p. 155.

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5. Supra HOr12. 6. La préservation des secrets de la communauté se retrouve dans la communauté druze, sup. HOr13. Cette formulation semble découler d’une préoccupation identitaire propre à toute communauté en milieu étranger, sinon hostile. 7. Exemplum : Greven n° 74 (p. 45). 8. L’arabe est d’usage courant dans les communautés copte, jacobite, maronite et melkite, J. Assfalg, ‘Langue arabe’, DOC, p. 284-285. 9. Le nombre d’évêques aurait une signification symbolique, Alberigo, COD, p. 1, n. 3. L’expression « ex patre procedentem » est extraite du symbole des pères de Nicée-Constantinople (381), qui établit que le Fils était engendré par le Père et que le Saint-Esprit procédait du Père. La procession du Saint Esprit par le Père et le Fils n’avait pas été réglée par les conciles de Nicée et de Constantinople. Le concile de Tolède, en 589, adopta la formule qui devint officielle au xie siècle, E. Amann, HE, 6, p. 173-183 et p. 465-501. 10. Éphèse en 431 et Chalcédoine en 451. 11. Il n’y a pas de fondement dogmatique à cet usage d’origine juive répandu en Occident jusqu’à devenir pratique courante au ixe siècle. Dès le vie siècle, à l’exception de l’Église arménienne, les Églises orientales faisaient usage de pain fermenté, HOc Traduction, p. 295-296, n. 5. 12. Cette partie sur les communautés chrétiennes d’Orient est étroitement liée au livre II. L’Historia occidentalis s’ouvre sur les fonctions parallèles de Jérusalem et de Rome, Hinnebusch, p. 73. 1. Thème de sermon, Schneyer, Repertorium, n° 373. 1. L’acéphale est un hérétique dans Isid., Etym. 8, 5, 66. 15. Les prêtres syriens refusent aux laïcs la possibilité de se remarier une troisième fois. 16. Récente inclusion dans les ordres majeurs, G. Le Bras, HE, 12, 1e partie p. 151. 17. Hinnebusch, p. 200-202. Au xiie siècle, l’évêque est seul habilité à administrer la confirmation, sauf dispense, HOc Traduction, p. 266 n. 1. lxxvi 1. Jacques de Vitry rencontre les Jacobites à son arrivée en Orient en octobre 1216. C’est la première communauté citée, elle est dirigée par un archevêque. La qualité de l’information repose sur les investigations de l’évêque d’Acre et la fin du passage fait état d’une enquête ; mais il a dû entretenir des rapports suivis avec eux. L’origine de cette Église est associée à la personne de Jacques Baradée, organisateur de l’église syrienne monophysite dans la première moitié du vie siècle. Celui-ci fut consacré évêque d’Édesse par le patriarche Théodose d’Alexandrie ; son ministère s’est exercé postérieurement à la controverse monophysite du ve siècle. Le récit fait une confusion entre Jacobites et Nestoriens ; Dioscore, disciple de Cyrille d’Alexandrie, ne pouvait avoir excommunié les tenants du monophysisme, cf. C. Cannuyer, ‘Coptes et Jacobites dans l’Historia Hierosolimitana de Jacques de Vitry, évêque d’Acre’, Actes du quatrième congrès copte, 2, Louvain-la-Neuve, 1988 p. 198. Les Jacobites, tenus pour hérétiques par les Syriens, étaient nombreux dans le nord de la Syrie, la région d’Antioche et les territoires sous la domination de l’islam. Ils n’avaient à Jérusalem qu’une communauté réduite.

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2. L’Église copte remonterait au ier siècle, et son domaine se serait progressivement étendu jusqu’en Nubie. Les origines de l’Église éthiopienne remontent au ive siècle, mais la christianisation du territoire fut poursuivie par des réfugiés en rupture avec l’Église impériale et des moines chassés de Syrie, E. Hammerschmidt, ‘Église éthiopienne’, DOC, p. 173. . Le domaine des Jacobites s’étend vers l’Orient. Le domaine indien est plutôt réservé aux Nestoriens, mais des missions jacobites ont atteint l’Afghanistan et le Turkestan chinois. . Saint Marc est le premier patriarche d’Alexandrie, Eusèbe, Hist. Eccl. 2, 16, 1 (SC 31, p. 71). Selon Rufin (ive s.) et Socrate (ve s.), saint Matthieu aurait reçu la mission d’évangéliser l’Éthiopie. 5. Le monophysisme est condamné au concile de Chalcédoine en 451. 6. Pratique en usage chez les Coptes et les Éthiopiens, J. Madey, ‘Circoncision’, DOC, p. 104. 7. Confession directe par l’encens sans intermédiaire du prêtre. La pratique fut introduite dans le cours du xiie siècle dans l’Église copte d’Égypte, où elle donna lieu à controverse. Elle n’est pas signalée par la lettre 2. Il pourrait s’agir d’une observation postérieure à sa rédaction, Cannuyer, ‘Coptes et Jacobites’, p. 202. 8. L’expression, déjà présente dans la lettre 2, serait reprise du Décret de Gratien définissant les deux clés données à Pierre pour distinguer et juger, J. Châtillon, ‘Inter lepram et lepram discernere, Jacques de Vitry, Ep. 2, 1, 22’, Revue du Moyen Âge Latin, 21 (1965), p. 21 sq. 9. Le passage illustre les préoccupations de la pastorale chrétienne en Occident dans les années qui accompagnent le concile pour ce qui concerne la confession auriculaire et le rôle du prêtre. 10. Pratique d’origine mal établie, Cannuyer, ‘Coptes et Jacobites’, p. 203. 11. Une enquête qui rapproche ce passage de la lettre 2 et rappelle l’état d’esprit des communautés. 12. Le monophysisme, qui privilégiait la seule nature divine du Christ, avait été soutenu par Eutychès qui reprenait en les radicalisant les positions de Cyrille d’Alexandrie dans sa controverse avec Nestorius. Un monophysisme moins radical tendait à faire une part à la nature humaine du Christ, sans admettre l’orthodoxie diphysite de Chalcédoine, Lettres, 2, p. 72 sq. 1. Selon Jacques de Vitry, les Jacobites font preuve de bonne volonté, Lettres, 2, p. 48. 1. Les précisions sur l’usage des langues dans les communautés chrétiennes orientales de Syrie et Palestine, notamment chez les Syriens et les Jacobites, démontrent la place grandissante occupée par l’arabe comme langue vernaculaire, tandis que décline l’usage du syriaque qui se réduit à un rôle liturgique. Jacques de Vitry a eu recours à un interprète arabe pour confesser et prononcer des sermons en milieu chrétien, Lettres, 2, p. 64. Ce point est nettement relevé pour les Syriens qui écrivent et parlent un arabe courant, notamment dans leurs transactions, quitte à conserver le syriaque pour les pratiques religieuses. La langue liturgique n’était alors pas comprise des laïcs, question qui se posait aussi en milieu catholique pour le latin. Les Jacobites paraissent plus partagés, utilisant la langue parlée des régions qu’ils occupent. Pour l’écrit, il y aurait à distinguer deux aires d’influence, celle de l’écri-

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ture syriaque, « littera chaldea » et celle de l’écriture arabe, « littera saracenica », ce qui invite peut-être à distinguer la zone syrienne de la zone égyptienne. Si les Nestoriens et les Maronites utilisent l’écriture syriaque, inf. HOr 77, HOr 78, ces derniers parlent l’arabe, devenu encore langue de culture. La littérature arabe chrétienne est florissante du xe au xiiie siècle. Bar-Hebraeus (1226-1286), évêque jacobite d’Alep, illustre ce courant à l’époque de Jacques de Vitry. En milieu jacobite, les savants usent d’une écriture arabe pour les textes sacrés, incomprise du peuple arabophone. Faut-il y voir une variété de syriaque dont il existait trois formes principales, conséquence d’une altération de cette langue dont l’aire s’était étendue en Orient, au point que ses utilisateurs pouvaient ne pas se comprendre ? lxxvii 1. A. Böhlig, ‘Nestorius’, DOC, p. 393-394. Les Nestoriens doivent leur nom à Nestorius, moine devenu patriarche de Constantinople en 427. Sa doctrine, à replacer dans la controverse post-Nicéenne sur la personne du Christ, revenait à distinguer deux personnes dans le Christ, l’une divine et l’autre humaine. Il en vint ainsi à nier que la Vierge soit Mère de Dieu, « Theotokos ». Il fut condamné à l’instigation de Cyrille d’Alexandrie et exilé en 436. 2. Le texte connaît mal la situation des Nestoriens d’Asie centrale et du subcontinent indien dont le nombre est très surévalué. Jacques de Vitry semble admettre une christianisation ancienne des confins asiatiques, signalée dés le iiie siècle, avant que les missionnaires nestoriens ne s’installent en Asie. Fiey, Communautés, p. 279 sq. Les Nestoriens forment un peuple, avec un roi et un pays qui les distinguent du monde musulman. Leurs rapports avec le royaume du prêtre Jean sont moins établis. L’existence de ce roi découle d’une croyance populaire, sans certitude quant à son identité, sinon qu’il existe comme « prince très puissant ». Il n’est pas signalé expressément comme étant lui-même de confession chrétienne en dehors de la légende véhiculée par la tradition apocryphe et des multiples développements qui l’entourent, Epistula presbyteri, éd. B. Wagner, p. 418 sq. Les Nestoriens habitent donc l’Inde, identifiée avec les territoires situés au-delà de la Perse musulmane. Il y eut en effet des colonies chrétiennes jusqu’à la côte des Malabars, région où la tradition situe le débarquement de l’apôtre Thomas. Le récit laisse planer l’incertitude sur l’assimilation possible du roi des Nestoriens avec le prêtre Jean, tout en accréditant l’origine asiatique du personnage, dont l’histoire est connue en Occident depuis la première moitié du xiie siècle, cf. J. Richard, ‘L’Extrême-Orient légendaire ; roi David et prêtre Jean’, in Orient et Occident au Moyen Âge, contacts et relations, xiie-xve siècles (Variorum Collected Studies Series), 1976, p. 230. Jacques de Vitry écrit avoir reçu d’un voyageur une information selon laquelle le royaume du prêtre Jean comptait beaucoup de Nestoriens convertis à la doctrine jacobite, Lettres, 2, p. 70. L’Historia orientalis paraît confirmer ce point en avançant que les Jacobites étaient présents en Asie centrale. Une autre lettre rapporte les exploits du roi légendaire David dans ces mêmes régions, souverain que l’opinion, encore, assimile au prêtre Jean, Lettres, 7, p. 176 sq. À l’époque de la cinquième croisade, les milieux nestoriens de Mésopotamie jouèrent un rôle dans la diffusion de la légende, cf. P. Pelliot, ‘Mélanges sur l’époque des croisades’, Mémoires de l’Institut National de France, 44 (1960), p. 76 sq. La lettre 7 de Jacques de Vitry en témoigne. Mais les campagnes du roi David, telles que rapportées dans la lettre, constituent une entreprise de propagande contre les Ayyûbides, ce dont il n’est pas question à propos

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du prêtre Jean du texte, dont le domaine est une entité géopolitique, voisine en apparence du royaume des Nestoriens. . L’écriture nestorienne est une forme évoluée d’écriture syriaque, qui se développe à partir de 500 ; elle se distingue de l’écriture jacobite, J. Assfalg, ‘Écriture syriaque’, DOC, p. 155. lxxviii 1. Un tout premier témoignage sur les origines de la communauté maronite par un auteur occidental. Jacques de Vitry ne paraît pas avoir rencontrés les Maronites, Lettres, 2, p. 50. Il n’en dit rien, alors qu’ils sont revenus dans l’obédience romaine, inf. HOr 78 ; Lettres, 2, p. 72. Les origines de la communauté restent obscures. Elles paraissent remonter à l’existence d’un monastère élevé près d’Apamée en l’honneur de saint Maron, anachorète qui vécut au début du ve siècle. Le terme « Maronite » est à mettre en rapport avec le nom de Jean Maron qui dirigea la communauté après sa migration vers le nord du mont Liban au viie siècle. Celle-ci vécut isolée des autres communautés chrétiennes. Ils sont présentés comme des hérétiques monothélites croyant en l’unité de la volonté du Christ, tout en admettant la dualité d’énergies. Cette position, née au viie siècle dans le contexte d’un renouveau du monophysisme, entraîna une nouvelle querelle doctrinale entre Constantinople et Rome qui s’acheva en 681 au concile de Constantinople par la condamnation du monothélisme, Alberigo, COD, p. 124 sq. L’isolement des Maronites leur fit ignorer les dispositions conciliaires. L’identification d’une population, « numero non pauci », avec les adeptes d’une doctrine développée par un personnage répondant au nom de Maron, désigné comme hérétique et ayant donné son nom à son peuple, n’est pas évoquée dans la lettre 2. Celle-ci présente plutôt les Jacobites comme les adeptes de l’unité de nature et de l’unité de volonté dans le Christ, sans faire allusion aux Maronites sinon pour rappeler leur récente conversion, Lettres, 2, p. 48 et p. 72. Au xiie siècle, les sources les désignent sous le nom de Syriens ; selon Guillaume de Tyr, ils sont au nombre de 40 000, installés au nord du mont Liban et sur le littoral entre Gibelet et Tripoli. 2. Argument repris a contrario de la démonstration du patriarche Serge dans l’Ecthèse, F. M. Léthel, Dictionnaire critique de théologie, Paris, 1998, p. 764-765. . Le Christ rencontre Pierre fuyant la persécution de Néron, Actes de Pierre, 35 (EAC, 1, p. 1108). lxxix 1. Le chapitre est consacré à des questions d’ordre rituel ou doctrinal. Les chapitres précédents comportaient une partie de controverse sur fond de querelle christologique. L’entité arménienne est identifiée comme « populus Armenorum », habitant la Petite Arménie et vivant entre chrétiens et Sarrasins, » prope Antiochiam ». 2. Le siège du catholicossat change plusieurs fois, H. Kofhauld, ‘Catholicos’, DOC, p. 85-86. . L’indépendance de l’Église arménienne s’est manifestée par le rejet des thèses de Chalcédoine. . L’écriture arménienne, élément essentiel d’identité, fut inventée au ve siècle sous l’influence de l’Église nationale, J. Assfalg, ‘Écriture arménienne’, DOC, p. 148 ; Tractatus de locis, p. 124.

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5. Ce chapitre permet entre autres sujets de reprendre la question de la forme sous laquelle doivent être consacrées les saintes espèces. L’Historia occidentalis consacre un développement à la question. Les chrétiens de rite grec « ont modifié le rite du sacrifice avec un entêtement acharné, afin de ne pas sembler imiter l’Église romaine. Jusqu’à aujourd’hui, ils célèbrent avec du pain fermenté au mépris du mystère et des Écritures. », HOc Traduction, p. 295. Ainsi, les Syriens sont visés par une critique aussi faite aux Grecs. Dans le cas présent, les Arméniens contreviennent à la pratique catholique du mélange de l’eau et du vin dans la célébration du sacrement d’eucharistie. Les passages correspondants des deux textes, à moins de dix ans d’intervalle, sont à mettre en parallèle, quoique l’Historia occidentalis ne fasse pas allusion aux Arméniens. 6. Cyp., Ep. 63, 17 (CSEL, p. 715). Cf. Hinnebusch, p. 221. 7. Pourtant ils utilisent le pain azyme, Lettres, 2, p. 50. 8. Cf. Hinnebusch, p. 222. 9. L’Historia occidentalis paraît l’admettre, stipulant que, s’il s’agit d’une faute grave, du moins le sacrement reste valable, Hinnebusch, p. 222. Cette position pourrait avoir été empruntée aux théologiens du début du siècle, Lothaire de Segni et Guy d’Ochelles, HOc Traduction, p. 301, n. 2. 10. Léon II est couronné par le patriarche en présence de l’archevêque de Mayence ; Tractatus de locis, p. 124. lxxx 1. Contrée aux contours mal définis, peuplée de chrétiens de rite grec, et présentant des caractères légendaires. Au xiie siècle des souverains donnèrent une unité à cet ensemble, le roi David (1089-1125) et la reine Tamar (1184-1215). 2. Héros éponyme, mais légendaire. Grecs et Romains les appelaient « Ibères ». . La présence des Georgiens à Jérusalem est attestée. Ils avaient plusieurs établissements avant la chute de la ville, Ernoul, p. 209. Ils continuèrent à fréquenter les lieux tout en entretenant de bonnes relations avec les princes ayyûbides, Lettres, 7, p. 188. . Démantèlement de Jérusalem par le sultan de Damas al-Muazzam, « Corradin » dans le texte. À cette date, les Latins assiégeaient Damiette. L’initiative du sultan aurait été mal reçue chez les musulmans, Grousset, Histoire, 3, p. 213-214. Ce passage, ajouté en fin de paragraphe, a permis de proposer une date de composition de l’Historia, C. Cannuyer, ‘La date de rédaction de l’Historia orientalis de Jacques de Vitry (1160/1170-1240), évêque d’Acre’, Revue d’histoire ecclésiastique, 78 (1983). 5. Cf. Tractatus de locis, p. 124. lxxxi 1. Terme qui désigne la population chrétienne arabisée. 2. La forme réside dans les paroles de consécration, mais au début du siècle le mot prend un sens moins précis et peut signifier espèce, accident, forme extérieure, HOc Traduction, p. 304, n. 1. Ici, la fraction de l’hostie, Hinnebusch, p. 231. L’usage de la fraction en trois parts est d’origine ancienne et remonte au moins au ixe siècle, HOc Traduction, p. 334, n. 1. . L’Historia occidentalis distingue la substance impassible qui n’est pas altérée par la fraction et la forme prise. La pratique tolérée n’est pas d’origine mozarabe, mais peut reflèter la persistance du rite wisigothique, F. Cabrol, ‘Messe mozarabe’, DThc, 10, col. 2518 sq.

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lxxxii 1. La communauté d’origine entre Esséniens peut découler d’une paronymie, et l’appartenance des deux groupes au même rameau linguistique tend, selon le texte, à renforcer cette parenté. Il est vrai que l’usage de lettres syriaques (littera chaldea) et hébraïques par les Assassins serait assez naturelle dans la mesure où les néophytes étaient instruits dans toutes les langues, sup. HOr14. L’information aurait pu avoir pour origine l’indiscrétion d’un transfuge ou les aveux d’un prisonnier. La lettre 2, le chapitre 14 et Guillaume de Tyr n’en font pas mention. Cette parenté s’appuie sur une relation sémantique. Le terme « Assassin » serait dérivé de l’arabe « Hashîshiyya » et aurait été, à l’origine, synonyme de « dévot » ou de « zélateur ». Un changement de sens serait intervenu postérieurement. L’épithète « hashîshi » semble avoir été utilisée en Syrie seulement, mais une relation avec l’usage de stupéfiants serait à écarter, B. Lewis, ‘Hashîshiyya’, EI², 3, p. 275-276. D’autres récits de même époque font état de cette parenté ; ils sont vraisemblablement inspirées de notre texte ou d’une source mère, Peregrinatores, supp., p. 52 ; Tractatus de locis, p. 130. 2. Le trait semble réservé aux Saducéens, Flav. Jos. Bel. Jud. 2, 165. . Le refus des Samaritains de recevoir les livres prophétiques les conduit à ignorer l’annonce du Christ par les prophètes. . Trois cents familles en Samarie au temps du premier royaume chrétien, Röhricht, Regesta, n° 1014 ; Richard, Le royaume, p. 125 n. 2. 5. Les monts Caspiens sont une zone de traditions légendaires : inclusion de peuples dangereux ou punis, pays de femmes guerrières de la Georgie. Au xiie siècle, en Occident, on distinguait les monts situés en Inde, où sont enfermés les peuples de Gog et Magog, d’avec le Caucase des Amazones, Hon. Aug., Imago 1, 11-19 (col. 123 et 127). 6. Selon le quatrième livre des Rois, les dix tribus d’Israël ont été emmenées en captivité par le roi d’Assyrie après la chute de Samarie. Selon une tradition juive remontant au premier siècle, les tribus sont appelées à revenir à Jérusalem à la fin des temps. Ainsi, le quatrième livre d’Esdras fait part d’un exil volontaire : « Mais eux, prirent la résolution d’abandonner la multitude des nations et de partir pour une région plus éloignée où le genre humain n’avait jamais habité afin d’observer, là du moins, leurs ordonnances qu’ils n’avaient pas observées dans leur pays. Ils s’engagèrent donc dans les passes étroites du fleuve Euphrate… Cette région s’appelle en effet Arzareth. Depuis lors, ils y ont habité jusqu’à la fin des temps ; et maintenant, lorsqu’ils se mettront à rentrer, le Très-Haut arrêtera de nouveau les sources du fleuve afin qu’ils puissent passer », IV Esd. 13, 40. Les dix tribus sont-elles au complet dans cette retraite ? « Maxima autem pars eorum » souligne le texte qui semble faire droit à une tradition véhiculée par les versions orientales du quatrième livre d’Esdras, désignant neuf tribus et demie, voire neuf, cf. La Bible. Écrits Intertestamentaires, éd. A. Dupont-Sommer et A. Philonenko, 1, p. 1458, n. 40-42. De plus, conformément à une tradition répandue, le récit paraît attribuer à Alexandre le Grand l’enfermement des tribus d’Israël « infra Caspios montes ». Jacques de Vitry est en général prudent sur les légendes qu’il dit rapporter, tel est le cas pour celle d’Alexandre (fertur). Il admet cependant que l’enfermement des tribus prépare le sort réservé au peuple juif à la fin des temps. Mises à part, elles se trouvent distinguées des autres peuples, leur retour devant être le signe de leur conversion et de l’approche de la fin des temps, Aug., Civ. Dei, 20, 30.

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7. Les peuples qui doivent ravager la terre à la fin des temps avant de disparaître ; thème biblique passé au monde islamique (Coran 18, 91-98). 8. Thème récurent d’une littérature de mirabilia, Epistula presbyteri, éd. B. Wagner, p. 410. 9. Discours symbolique appliqué au peuple juif. Réminiscence du châtiment infligé aux Philistins (I Reg. 5, 9) ; Tractatus de locis, p. 130. 10. Thème de sermon : « Les Juifs sont vagabonds à la manière de Caïn, dispersés dans l’univers, vils, méprisés, humiliés », cité par J. Longère, Œuvres, 1, p. 415. 11. Latran IV (1215) adopte une position réaliste, Alberigo, COD, p. 265 sq. Le renouveau des communautés juives est consécutif à la chute du premier royaume latin, Richard, Le royaume, p. 125. 12. Les juifs sont considérés déjà par saint Augustin comme les premiers propagateurs du christianisme, Aug., Civ. Dei. 18, 46-47. lxxxiii 1. Les mauvais sujets sont les instruments de la volonté divine, cf. Hinnebusch, p. 80 ; cf. Lettres, 2, p. 54. 2. Thème de sermon, Longère, Œuvres, 1, p. 409 et 2, p. 313. . Thème de sermon, Schneyer, Repertorium, n° 415. . La Terre sainte est un refuge pour les indésirables : sup. HOr 74 ; Lettres, 2, p. 54. Le parallèle est évident entre HOr 83 et l’Historia occidentalis au chapitre 7. 5. La suite du récit est placée sous la houlette du moine irlandais saint Brendan. Cette navigation légendaire est le résultat de la transformation d’un ou de plusieurs textes qui puisaient leur tradition dans le folklore irlandais. Le thème en est une navigation vers la terre des promesses. Le voyage dure sept ans, au cours desquels Brendan et ses moines visitent l’enfer et le paradis et font toutes sortes de rencontres avant de revenir en Irlande au terme d’un voyage édifiant. La date de composition serait antérieure au troisième quart du viiie siècle. Au xiie siècle, c’est un lieu commun de la littérature édifiante, C. Selmer, ‘Navigatio sancti Brendani’, DLFMA, p. 1056. 6. Entre HOr 84 et HOr 93 le récit, jusque là, organisé autour d’une histoire de l’Église en Orient s’étend à l’œuvre divine. Ces chapitres font appel à trois groupes de connaissances associées à la tradition chrétienne. Le premier découle du Physiologus, traité d’époque hellénistique (iie siècle), rédigé en grec, qui exposait les propriétés réelles ou légendaires des animaux et les significations symboliques qui leur étaient attachés. De saint Ambroise et Grégoire le Grand, en passant par Raban Maur et Honorius Augustodunensis, ce courant a perduré jusqu’aux bestiaires. Au milieu du xiie siècle, un témoin est représenté par un traité connu sous le nom de De bestiis et aliis rebus dont le premier livre n’est autre que l’Aviarium de Hugues de Fouilloi, et les deux suivants une compilation fondée sur le Physiologus. L’ensemble, placé à tort parmi les écrits de Hugues de Saint-Victor, a dû être utilisé. L’Aviarium est un ouvrage au symbolisme fort, œuvre d’un chanoine augustinien. Cent vingtcinq manuscrits ont été recensés, diffusés surtout en France du nord et de l’est, en Europe centrale. Aucun ne provient de l’Orient chrétien et les Mendiants, qui sont en partie à l’origine du succès de l’Historia orientalis, s’y sont peu intéressés, B. Van den Abeele, ‘Trente et un nouveaux manuscrits de l’Aviarium : regards sur la diffusion de l’œuvre de Hugues de Fouilloi’, Scriptorium, 57 (2003), p. 253 sq.

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­L’emploi de l’Aviarium indique l’existence d’un courant de tradition récente et de nature profane (milieu du xiie siècle). Au delà du chapitre 83 de telles références sont fréquentes : littérature romanesque (Historia de preliis, Epistula Alexandri), Chanson de geste (Le chevalier au Lion), folklore (fables et proverbes) littérature didactique (Purgatoire de Saint Patrick, Voyage de saint Brendan). Un second courant est représenté par la connaissance des choses de la nature. Il est hérité de Pline, Solin et Isidore de Séville. La collection d’Aristote comprenant une Historia animalium, un De partibus animalium et un De generatione animalium, traduits par Michel Scot entre 1217 et 1232, serait à intégrer à ce domaine. Il est admis que l’Historia orientalis n’a pas bénéficié de cet apport, pourtant des indices, aux chapitres 91 et 92, demandent à nuancer le point de vue. Un dernier courant recouvre les autres, s’inspirant de la pensée de saint Augustin pour manifester la création et la permanence de l’action divine dans le monde. lxxxiv 1. Le séisme de 1170 aurait détruit presque entièrement Antioche et plusieurs autres villes de l’intérieur. Tyr n’aurait pas été touchée, ou peu. 2. Abel, Géographie, 1, p. 124 sq. Les maxima sont concentrés sur décembre et janvier, la côte est plus arrosée que l’intérieur. . Témoignage. Lettres, 2 (p. 64) lxxxv 1. La fontaine de Jacob, Tractatus de locis, p. 127. 2. Cf. Epistula presbyteri, éd. B. Wagner, p. 416. . Version remontant peut-être au moine syriaque saint Éphrem († 373). . Vespasien fit jeter dans la mer Morte des prisonniers qui ne savaient pas nager et à qui on avait lié les mains, tous surnagèrent, Flav. Jos, Bel. Jud. 4, 477. lxxxvi 1. Les chapitres 86 et 87 forment des notices sur les produits de la nature orientale. Nombre de ces productions ou essences étaient connues de l’Antiquité. Le premier des deux chapitres se singularise par un moindre usage d’Isidore de Séville, qui est la référence habituelle. L’exposé s’apparente à un constat : saveur du citron, sa vertu apéritive, douceur des dattes, forme du régime de bananes, figuier de Barbarie. Un classement précis, sinon complet, conduit à examiner les arbres puis les cultures arbustives à vocation industrielle (coton, canne à sucre, baumier), les épices proprement dites, les plantes aromatiques, les racines, les branches, les écorces et les graines, enfin une nomenclature de sécrétions précieuses, produits animaux ou végétaux. Ces chapitres ont la coloration technique d’un état documenté auquel on peut trouver deux origines : récit d’un occidental curieux de choses nouvelles désirant les faire partager, et sélection de données recueillies dans des ouvrages et remployées pour les besoins de la démonstration. Les deux interprétations se rejoignent sans doute. La seconde mérite d’être soulignée en raison de ce que nous savons de l’inspiration nettement orientale de l’ouvrage. La méthode d’exposition qui, plus qu’une compilation, est un classement, s’apparente à un exposé théorique, et non à la découverte de choses insolites. Par la suite le récit privilégie l’Orient lointain où les espèces végétales ont une durée de vie plus longue et leurs dimensions prennent une allure démesurée, emmenant le lecteur d’ouest en est jusqu’aux arbres du paradis dont la taille et la longévité ne peuvent qu’être objets de foi.

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2. Citronnier. Le terme « leimûn » est emprunté à l’arabe, Abel, Géographie, 1, p. 215. . Cédratier. Confusion le rattachant au cèdre. . Oranger, implanté en Palestine au xe siècle, Abel, Géographie, 1, p. 215 n. 5. 5. Dans Plin. 11, 26, le bombyx est le ver à soie. En français, « bambaque », Buridant, p. 136. Le mot coton apparaît à la fin du xiiie siècle, W. Heyd, Histoire du commerce du levant au Moyen Âge, Leipzig, 1856, 2, p. 614. Plin. 12, 13, signale l’arbre à lin sans le décrire. 6. Le mûrier blanc, introduit de Chine ou d’Inde depuis la fin de la période romaine, n’est pas nommé. Sa culture est répandue en Syrie, Abel, Géographie, 1, p. 215. 7. Exemplum. Peut-être une rhamnacée aux épines droites dont les fruits donnaient une huile médicinale, Abel, Géographie, 1, p. 210-213. La métaphore est familière, cf. De bestiis 4, 16 (col. 158). 8. Pline, un des « physici » du texte, signale un produit si rare qu’il était seulement cultivé dans deux jardins royaux. Il le décrit sous le nom d’« opobalsamum », Plin. 12, 54. 9. Une tradition faisait remonter ce transfert à la reine Cléopâtre. Le jardin de Matarée au nord-est du Caire était un lieu de visite obligé pour les voyageurs occidentaux de passage en Égypte. 10. Le baumier sauvage était un arbuste répandu en Arabie et ne donnait pas de baume. 11. Origine légendaire. Selon la tradition apocryphe, lors du séjour en Égypte, un lépreux fut guéri après s’être lavé avec l’eau du bain de Jésus enfant, Vie de Jésus en arabe 18 (EAC, 1, p. 218-219). 12. Jusqu’à la fin du xiiie siècle l’origine n’est pas située, sinon en Inde, Heyd, Histoire, 2, p 644. 1. Pline distingue le poivre long, le poivre noir et le poivre blanc, il relève que le poivre blanc, grillé par le soleil, devient noir, Plin. 12, 14. 1. Solin a inspiré cette légende, reprise au Moyen Âge. La technique s’apparente à une torréfaction. La légende du prêtre Jean en fait mention, Episula presbyteri, éd. B. Wagner, p. 415. 15. La méthode a deux mérites : permettre au poivre de voyager et interdire la diffusion de sa culture. Il existe un contrôle sur le commerce de ce produit de grande valeur, Heyd, Histoire, 2, p. 659. 16. Produit courant du commerce lointain, Heyd, Histoire, 2, p. 676. En français il est nommé « citoval » ou « cytoval », Buridant, p. 136. 17. Les branches de cet arbre mystérieux sont les témoins de la végétation du paradis. Le Nil en est un des quatre fleuves. Il traverse la Babylone d’Égypte, Le Caire-Fursât. Sa vallée est une route du commerce extrême-oriental en relation avec les ports de la mer Rouge. 18. Sorte d’écorce intérieure de la noix muscade, Heyd, Histoire, 2, p. 647. lxxxvii 1. Produit de pharmacopée cultivé en Grèce et en Asie Mineure, Heyd, Histoire, 2, p. 623.

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2. Le mastic de l’île de Chios dans la mer Égée, Isid., Etym. 17, 8, 7. . L’encens provient de l’Arabie, Plin. 12, 32. . Le térébinthe pousse en milieu méditerranéen, Plin. 13, 12. 5. Produit du commerce entre Orient et Occident, A. Miquel, La géographie du monde musulman jusqu’au milieu du xie siècle, 3, Paris, 1988, p. 481-482. L’ambre gris est une substance provenant des concrétions intestinales du cachalot. Il n’est pas un produit exclusivement oriental, Plin. 4, 27. 6. Exemplum. Le musc est un parfum prisé des marchands arabes. Le texte appelle « muquiliet » l’animal qui le produit, « musquet » dans la traduction française, Buridant, p. 136. 7. L’arbre est visible au viie siècle, Adom. 2, 11, 1-5, Récits, p. 265. 8. Le roseau de l’Inde est de la grosseur d’un arbre, Plin. 16, 65. 9. En dépit des apparences, le pays de la soie, Plin. 6, 20 et 11, 26. 10. La légende d’Alexandre au Moyen Âge tire son origine du récit d’Arrien et surtout du Pseudo-Callisthène, roman grec d’époque hellénistique (iie siècle av. J.-C), repris dans une version latine au ive siècle par Julius Valérius, sans doute après avoir connu un état intermédiaire. Cette composition remaniée sous forme d’abrégé (epitome) a donné lieu entre les xe et xiie siècle à une littérature enrichie d’éléments fabuleux extraits de la légende d’Alexandre, cf. E. Faral, ‘Une source latine de l’histoire d’Alexandre. La lettre sur les merveilles de l’Inde’, Romania, 43 (1914), p. 199-215. Deux récits indépendants se seraient notamment greffés sur l’abrégé : la lettre d’Alexandre à Aristote sur les merveilles de l’Inde et la correspondance avec le maître des brahmanes. Une autre version du Pseudo-Callisthène aurait été produite au ixe siècle ; puis ses réécritures connues sous le nom d’Historia de preliis, intégrant les récits précédents, se seraient répandus en Italie, en France et en Allemagne, inspirant, au cours du xiie siècle, les Romans d’Alexandre en français. L’Historia de preliis est une référence importante de l’Historia orientalis qui en suit le récit entre les chapitres 86 à 92 pour renseigner les rubriques sur l’Inde. Au contraire, la Lettre du prêtre Jean n’a pas été utilisée par Jacques de Vitry, alors que son succès fut considérable si l’on juge par le nombre de manuscrits. 11. Le passage paraît s’appuyer sur l’Imago Mundi d’Honorius Augustudonensis ou les Sentences de Pierre Lombard, J. Delumeau, Une histoire du paradis, Paris, 1992, 1, p. 67-68. lxxxviii 1. Les occurrences du chapitre 88 sont présentées selon un classement allant du lion aux animaux fabuleux, qui n’est pas sans signification. L’ordre est moins assuré que dans les chapitres précédents, et l’origine géographique de l’animal n’est pas toujours soulignée. Le récit conjugue des éléments relatifs au bestiaire chrétien associés aux interprétations exégétiques qui s’y attachent, avec les caractères de l’espèce tirés des ouvrages de référence ou de simples observations. Les interprétations traditionnelles, présentes dans les traités du De bestiis ou de l’Aviarium, disparaissent, le commentaire et son apparat scripturaire sont abandonnés. Jacques de Vitry opère un choix, conservant l’anecdote, le trait fût-il monstrueux ou légendaire. L’individualité naturelle de l’animal grandit, tandis que décline la correspondance avec le sens symbolique. Il en résulte une perte de signification symbolique au profit d’une lecture didactique, sinon exemplaire.

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2. Animal peut-être doté de cornes, Du Cange, 5, p. 27. Il est appelé « loncam », Tractatus de locis, p. 128 ; « bicane », Buridant, p. 138 ; « lonzani », Peregrinatores, supp., p. 22. Il ne peut s’agir de la hyène ou de la panthère dont il est question infra. . Le mandrill, grand cynocéphale d’Afrique ? Le « papion » serait le terme français pour désigner le kebos, singe originaire d’Éthiopie dans Strabon. . Plin. 8, 17 se fonde sur le témoignage d’Aristote. 5. Représentation symbolique du Christ, De bestiis 2, 23 (col. 69-71). Elle tue le serpent de son souffle, comme le Christ doit tuer l’Antéchrist, Aug., Civ. Dei, 22, 12. 6. Le couple d’éléphants est selon le Physiologus la représentation des premiers parents, De bestiis 2, 25 (col. 72). Il est le prototype du pécheur trompé et surpris, « fraude capiuntur », De bestiis 4, 5 (col. 145). 7. Seuls demeurent les aspects de l’animal : sa constitution, son comportement et les attributs hérités de son histoire dans le bestiaire chrétien. La signification exemplaire est sous-jacente ; ne sont-ce pas les humbles qui parviennent à libérer les forts ? 8. Le coup est normalement porté au ventre, Plin. 8, 29 et Isid., Etym. 12, 2, 12. C’est ainsi que le texte a été corrigé par la suite. Nous avons maintenu la leçon « ad verticem » qui rend mieux la force et la subtilité de l’image, I. PânzÂru, Caput Mystica. Fonctions symboliques de la tête chez les exégètes de la seconde moitié du 12e siècle’, Le Moyen Âge, 107 (2001), p. 439 sq. 9. Avant de devenir au xve siècle un animal fantastique l’unicorne ou licorne est un animal non dépourvu d’ambivalence. Il est assimilé au rhinocéros et représente le Christ, Bestiaires du Moyen Âge, éd. G. Bianciotto, Paris, 1992, p. 36-37 et 9293. 10. Passage du discours symbolique à la leçon exemplaire, De bestiis 3, 3 (col. 84). 11. Région proche de la mer Caspienne, Plin. 8, 25. 12. Un récit aussi riche d’interprétation symbolique depuis Grégoire le Grand ne reçoit d’autre commentaire que l’exposé du comportement animal, F. Mac-Culloch, ‘Le tigre au miroir. La vie d’une image, de Pline à Pierre Gringoire’, Revue des sciences humaines, 130 (1968), p. 149 sq. L’épisode est exploité comme exemplum dans un sermon ad cruce signatos. 1. Signe de la sagesse du castor, animal positif dans le bestiaire chrétien, Bestiaires, p. 37-38 ; p. 92-94. 1. Région à l’est de l’Asie Mineure, Isid., Etym. 14, 3, 33. 15. La hyène illustre les pièges du diable. Le bestiaire en fait un animal à la nature double, assimilé par son comportement au peuple juif, Bestiaires, p. 41-96. 16. Le parandre, dont l’étymologie ne correspond pas à la description. 17. Observés en Égypte par Jacques de Vitry. Il peut être encore placé parmi les poissons, De bestiis 3, 55 (col. 105-106). 18. Cérémonie qui se déroulait au Caire, au cours de laquelle on transportait le voile (kiswa) de la Ka’aba sur un palanquin (mahmal) richement orné, et monté sur un chameau, Voyageurs arabes, p. 408.

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19. Conclusion exemplaire. La fourmi est un animal courageux, figure du bon chrétien, Bestiaires, pp. 30 et 80. Grégoire assimile le fourmilion au diable, J. Voisenet, Bêtes et hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du ve au xie siècle, Brepols, 2000, p. 92, n. 38. 20. Conclusion exemplaire propre au récit. 21. Animaux monstrueux selon une version fautive et déformée, C. Lecouteux, ‘Les Cynocéphales. Étude d’une tradition tératologique de l’Antiquité au xiie siècle’, Cahiers de civilisation médiévale, 24 (1981), p. 121. Dans un passage du chapitre 92 se sont alors des humains, Aug., Civ. Dei, 16, 8 ; Isid., Etym. 11, 3, 15. lxxxix 1. Animal au symbolisme fort, Voisenet, Bêtes et hommes, p. 94-101. Le passage dépend d’Isidore (Etym.12, 4, 39-42) par l’intermédiaire du De bestiis qui suit le Physiologus. Le chapitre est l’illustration du transfert de discours sur fonds de réalisme animalier. Persistance d’un vocabulaire d’agression, de blessure et de mort, souligné par les verbes occidere, interficere, necare, morior, ledere, mordere ou des substantifs venenum, mors, tumor, timor. Le lexique souligne la double signification de l’agression des reptiles, celle qui tue le corps et l’âme. Le serpent, animal malfaisant selon la nature est victime de la nature elle-même. Il représente autant le péché qui guette l’homme – chaque espèce représentant une agression particulière – que le pécheur, victime et auteur. 2. Représentation symbolique du démon. . Résine du dragonnier, arbre d’une espèce qui pousse dans les îles de la côte atlantique au large de l’Afrique du nord, qui, une fois recueillie, durcit et prend une couleur rouge. . Le pied équivaut à 0,296 m. 5. Espèce inconnue de Pline et d’Isidore. Reconstitution sémantique à partir de l’arabe « tiryâqiyya », Miquel, La géographie, p. 344. 6. Antidote extrait de plante dans Plin. 20, 100. 7. Le récit rassemble trois lézards qui sont distincts dans Isid., Etym. 12, 4, 3638 ; ibid. 12, 2, 18. 8. Trait positif, symbole du juste qui entre dans la fournaise et en ressort, Aug., Civ. Dei, 21, 4. Ici l’animal reçoit une signification négative, De bestiis, 2, 16 (col., 65). xc 1. Animal fabuleux dans l’Antiquité : Sénèque, Ep. 42, 1 ; Tacite, Annales 6, 28 ; Ovide, Métamorphoses, 15, 392. Symbole de la résurrection du Christ chez Clément de Rome, Ep. 25, Écrits des Pères apostoliques, éd. D. Bertrand, Paris, 1990, p. 89. 2. Oiseaux distincts dans Plin. 10, 51 et 10, 74. Les oiseaux de Diomède sont les compagnons métamorphosés du héros grec. . Image de l’effusion des dons de l’Esprit, cf. Ioh. 7, 38. . Lettres, 4, p. 94. 5. Près de sept mètres ! xci 1. Les références sont empruntées à Isidore, auxquelles il faut joindre le poème de Marbode sur les pierres, Marbode of Rennes (1035-1123), De lapidibus, considered as a Medical Treatise with text, commentary and C. W. King’s translation together with text

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and translation of Marbode’s minor works on stones, éd. J. M. Riddle, Washington, 1977. Le De gemmis ou De lapidibus décrit soixante pierres auxquelles sont attribuées des vertus magiques en rapport avec une signification chrétienne. Les gemmes présentées dans le chapitre 91 sont au nombre de 22. La première pierre est le diamant au symbolisme positif qui représente le Christ, De bestiis 2, 35 (col. 78-80). La dimension chrétienne est encore sous-jacente, mais passée sous silence au profit des qualités physiques et curatives de chaque pierre. Ce chapitre est parallèle au précédent sur les serpents, à l’inverse. Il offre des antidotes aux maladies du corps et de l’âme en associant deux formes de réalismes : celui de la chose (res) présentée avec les matériaux issus du sens symbolique et d’observations physiques et une réalité morale, ensuite, qui ressort de la portée didactique du propos. 2. Le magnétisme n’est pas une propriété de la pierre. Image symbolique du Christ en croix, Ioh. 12, 32. . Dans l’histoire des techniques de la navigation, la boussole est apparue assez tard et son usage s’est répandu lentement. L’instrument résulterait du perfectionnement d’une pratique divinatoire chinoise. Le premier usage date de la fin du xie siècle et son utilisation par les Arabes en Méditerranée est attestée un siècle et demi plus tard (ca. 1250). Il s’agissait d’un système sommaire comportant une aiguille aimantée enfilée sur une paille et flottant sur un peu d’eau. L’opinion qui prévaut est que les marins arabes continuèrent à se guider sur les étoiles et à longer les côtes plutôt que de s’aventurer en pleine mer (H. Mollat du Jourdain, « Histoire de la Navigation », in Encyclopaedia universalis, 16, p. 62-68). Vers 1220, Jacques de Vitry atteste un usage habituel de la boussole, indispensable à la navigation, « valde necessarius ». C’est le premier indice connu dans un texte occidental d’une technique donnée comme usuelle au début du xiiie siècle. Il est loisible de croire que la mention a pour origine une information orale, introduite à cette place comme une propriété de l’aimant (ici le diamant). Le port d’Acre, dont l’activité économique était grande, au débouché des grandes routes terrestres vers l’Occident, ne devait pas manquer d’informateurs en tout genre. . Confusion avec le terme grec signifiant charbon. La pierre assimilée à l’escarboucle est l’almandin de couleur grenat, censée briller dans les ténèbres. C’est une gemme fabuleuse, œil unique du dragon, J. Chevalier et A. Gheerhant, Dictionnaire des symboles. Mythes, rêves, coutumes, figures, couleurs, nombres, Paris, 1969, p. 25. 5. L’émeraude, le saphir et la topaze sont trois pierres-miroirs dont les reflets ont donc un degré de pureté décroissant. 6. La pierre est bleue dans la traduction française, Buridant, p. 150. 7. Sergius de Rîsayma († 536), était un prêtre de confession nestorienne, philosophe et médecin. Il vécut au début du vie siècle, plus d’un siècle avant l’invasion arabe. Il fut le traducteur en syriaque des Catégories d’Aristote et de l’Isagoge de Porphyre, ainsi que des ouvrages de Galien, Teixidor, Aristote, p. 19-41. Sa présence dans ce lapidaire s’explique sans doute en raison d’une référence coutumière dans le milieu savant d’expression syriaque à la lecture d’Aristote. C’est peut-être par cet intermédiaire que certaines notes du chapitre 92 doivent être interprétées. 8. La couleur de la pierre est celle de la fleur légendaire, Ovide, Mét., 10, 215-216. 9. Une plante ? Isid., Etym. 16, 9, 6. 10. « Une passion c’on apiele lunage », Buridant, p. 151.

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xcii 1. Le récit sur les Amazones est extrait de l’Historia de preliis, quand la reine Talistrida adresse une lettre à Alexandre. Passage à portée didactique. 2. Les Oxydraques sont une peuplade légendaire de la région du Syr-Daria, Plin. 6, 18 ; les Gymnosophistes sont assimilés aux Brahmanes, Isid., Etym. 8, 6, 17-18. . Le thème de la controverse entre Alexandre et les Brahmanes était présent dans la littérature hellénistique. Il fut exploité dans une approche chrétienne à la fin du ive siècle dans l’Orient grec (Collatio 1). Par la suite le corpus des cinq lettres aurait été remanié, puis intégré dans l’Historia de preliis (Collatio 3). Le chapitre 92 reproduit intégralement deux lettres du maître des brahmanes, cf. F. Pfister ‘Das Nachleben der Verberlieferung von Alexander und den Brachmanen’, Hermes (1941), p. 143-168. Il reproduit la version J² éditée par A. Hilka, J. Schwartz, ‘Jacques de Vitry et l’Historia de preliis’, Revue du Moyen Âge latin, 5/2 (1949), p. 132-134. . Le comportement des Brahmanes est guidé par la coutume de la religion naturelle, non par la vertu. Augustin montre que la vertu, mise en avant par les philosophes pour accéder au but de la vie qui est le « Souverain Bien » est le prix à payer pour atteindre cet objectif et constitue un moyen louable qui, en raison de la contrainte qu’il suppose, infirme l’idée d’une pure réalisation terrestre. 5. Le discours est une sorte d’apologie du libre arbitre. Ce principe est la conséquence de la négation du péché dans l’état de nature. L’argument se trouve ainsi dans saint Augustin : « Il y a un ordre de la nature où il n’est rien de mal, où même il ne peut être rien de mal », Aug., Civ. Dei 19, 11. Cet argument isolé du contexte aboutit à la négation de la doctrine chrétienne sur le péché originel, la rédemption et le pardon des fautes. 6. Après avoir dressé le tableau des dangers qui menacent l’homme, Augustin expose les manifestations de la bonté de Dieu qui délivre ses bienfaits parmi lesquels la beauté de la création : « Quel tableau sublime et varié nous présentent le ciel, le terre et la mer ! Et cet admirable océan de lumière, ce soleil, cette lune ! » Aug., Civ. Dei, 22, 24. 7. Critique du message évangélique chez les Brahmanes. 8. La religion naturelle, poussée à l’extrême, aboutit à nier la responsabilité, le péché étant pris comme une nécessaire expression de la nature. C’est d’une certaine façon un état antérieur à l’apparition de la loi (Rom. 5,13). 9. Alexandre avait répondu avec vivacité à la première lettre de Dindimus. 10. Cf. Aug., Civ. Dei 19, 4 : « Ceux qui croient trouver dans cette vie les fins des biens et des maux…, c’est là une étrange vanité. » Augustin démontre que les premiers biens de la nature, la vertu en particulier, sont incapables d’apporter le souverain Bien, car la vertu est toujours un combat : « Ne témoigne-t-elle pas que nous sommes dans le mal et que le mal est en nous ? » 11. Il s’agit des gymnosphistes, Arrien 7, 1. 12. Forme d’anthropophagie intra-familiale, Epistula presbyteri, éd. F. Zarncke, p. 911. 1. Selon Ctésias il y avait bien dans les montagnes de l’Inde un peuple dont les enfants naissaient avec des cheveux blancs et qui commençaient à noircir à l’âge de trente ans (Indica, 31). La légende qui remontait à l’Antiquité orientale affleure encore dans le récit.

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1. Les antipodes vivent en Libye selon Isidore. Vers 1221, Gervais de Tilbury y voit une légende, P. Gautier Dalché, ‘Entre le folklore et la science : la légende des antipodes chez Giraud de Cambrai et Gervais de Tilbury’, in Géographie et culture. La représentation de l’espace du vie au xiie siècle (Variorum Collected Studies Series), Londres, 1997. 15. Les cynocéphales sont humains selon Augustin et Isidore. 16. Ctésias, Indica, 24. Les astomori ou astonomes, C. Lecouteux, Les monstres dans la pensée médiévale européenne, essai de présentation, Paris, 1993, p. 159. 17. Image remployée dans l’Historia occidentalis, Hinnebusch, p. 230-231. 18. Cette figure serait originaire de l’Extrême-Orient, J. Baltrusaitis, Le Moyen Âge fantastique, Paris, 1981, p. 187. 19. Gerv. Tilbur., Otia (p. 702). 20. La mappa mundi ne paraît pas renvoyer à l’imago mundi d’Honorius Augustodunensis, mais à la tradition victorine, cf. La ‘Descriptio mappe mundi’ de Hugues de Saint-Victor. Texte inédit avec introduction et commentaire, éd. P. Gautier Dalché (Études augustiniennes, 20), Paris, 1986. 21. Gerv. Tilbur., Otia (p. 818). Les arbres zoomorphes pourraient avoir une origine extrême-orientale. Ils entrent dans le folklore d’Europe du Nord. L’Irlande était réputée pour ses arbres sur lesquels poussaient les oies, J. Baltrusaitis, Le Moyen Âge, p. 121. 22. Le sol de l’île de Thanet était censé repousser les serpents. D’autres îles étaient dans ce cas, ainsi les Baléares, les Lérins et la Sardaigne. 2. Légende du folklore irlandais qui aurait reçu sa forme définitive dans un récit édifiant en prose latine écrit par Henri de Saltrey vers 1185 : Tractatus de purgatorio sancti Patricii. 2. Ancienne légende celtique. L’épisode est rapporté au début du Chevalier au Lion, roman de Chrétien de Troyes, composé entre 1176 et 1181. Le récit est intégré comme une manifestation de la nature. Thomas de Cantimpré en fait état parmi sa collection d’exempla, Bonum universale de apibus, éd. G. Colvener, Douai, 1597 (p. 559-560). Tous ces passages témoignent du recours à des œuvres littéraires assez récentes. 25. Sobriquet encore employé dans l’Historia occidentalis, Hinnebusch, p. 92. Le terme n’est pas attesté avant la seconde moitié du xiie siècle et tendrait à faire passer les Anglais pour des « couards », HOc Traduction, p. 86 n. 1. 26. Le bœuf figure le prélat capable de confondre les hérétiques par la science des deux Testaments, représentée par la mitre pontificale à deux cornes, N. Bériou, L’avènement des maîtres de la parole. La prédication à Paris au xiiie siècle, Paris, 1988, p. 34-35. 27. Les hommes qui aboient sont les prédicateurs. En référence à Isaïe 56, 10, les prêtres qui ne combattent pas l’hérésie sont des « chiens muets », cf. Hinnebusch, p. 87. 28. La Lombardie serait une « terre d’hérésie », Lettres, 1, p. 24 ; J. Berlioz, ‘Le crapaud, animal diabolique : une exemplaire construction médiévale’, in J. Berlioz et A.-M. Polo de Beaulieu, L’animal exemplaire au Moyen Âge (ve-xve s.), Rennes, 1999, p. 267-8. 29. Les goitreux des vallées alpines ont été étudiés jusqu’à l’époque moderne.

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30. De parents qui ont quelque partie du corps en moins, il naît des enfants privés de ces mêmes parties. 31. Selon Aristote (Hist. an., 7, 4), les enfants nés à huit mois peuvent vivre dans certains pays comme l’Égypte, où les femmes ont une grossesse sans incident, mais en Grèce ou ailleurs, ils ne survivent pas ; opinion contraire dans Plin. 7, 4. 32. L’homme sauvage, thème persistant jusqu’au xvie siècle, C. Kappler, Monstre, démons et merveille à la fin du Moyen Âge, Paris, 1980, p. 163. 33. Nature double. Dans l’Historia occidentalis, les étudiants français sont réputés pour être « orgueilleux, molassons, arrangés comme des femmes », Hinnebusch, p. 92. 34. Extrait d’une fable d’Ésope. 35. Extrait d’une fable d’Avianus en vogue au Moyen Âge. 36. L’aigle représente le Christ dans le Physiologus. Le passage est en partie inspiré de l’Aviarium de Hugues de Fouilloi. La pierre représente le Christ sur lequel l’aigle vient briser son vieux bec, figuration symbolique de l’Ancien Testament. 37. Image de la fidélité conjugale, Longère, Œuvres, 1, p. 402. 38. Le terme a reçu deux interprétations, la première privilégie la prudence de l’animal, l’autre met en avant la stupidité de sa démarche, Aviarium, p. 203. xciv 1. Dernière transition pour une dernière partie avant la chute de Jérusalem. 2. La mort de Raymond de Poitiers a lieu en juin 1149, alors que son fils Bohémond III est mineur. La capture de ce dernier intervient en août 1164, suivie de la seconde prise de Harenc par Nûr ad-Dîn. 3. J. C. Garcin, États, sociétés et cultures du monde musulman médiéval (xe-xve siècles), 1, Paris, 1995, p. 242 sq. 4. Malik Sâlih Isma’il (1174-1181). 5. Le thème de la possession illégitime du royaume de Jérusalem réapparaît. Il avait été abordé succintement dans le chapitre 2, notamment pour les Jébuséens et Hérode le Grand, lui aussi qualifié d’étranger. Jacques de Vitry rappelle que la cause principale du renversement de situation fut le changement de dynastie, lorsque Gui de Lusignan, second mari de Sybille, succèda au fils cette dernière, Baudouin V († 1185). Le nouveau souverain est présenté comme étranger à la dynastie légitime. La remarque reflète le point de vue du parti du comte de Tripoli et des Poulains. La suite ne poursuit pas dans cette direction et le récit d’ensemble adopte un point de vue neutre. La partie comprise entre HOr 95 et HOr 102 a été composée sous forme d’abrégé. Des similitudes entre quelques passages de l’Historia orientalis et d’Olivier le Scolastique postuleraient en faveur d’une référence commune. Cette partie pourrait dépendre d’un ou plusieurs abrégés comme il en existait au début du xiiie siècle : ‘Histoire anonyme des rois de Jérusalem (1099-1187), composée peut-être à la fin du xiie siècle’, éd. M. Ch. Kohler, Revue de l’Orient Latin, (1887), p. 213-253 ; Historia brevis (MGH SS 18, p. 49-56). La défaite des Latins avait engendré une abondante littérature dans les dernières années du xiie siècle et les rapprochements entre l’Historia et les récits qui rapportent les mêmes événements n’indiquent pas d’emprunts avérés. Celle-ci appartient au même groupe que ces références, et l’histoire de sa composition ne peut pas être interprétée en dehors d’elles. La chronologie les place toutes dans une grille de temps très serrée.

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La Continuation de Guillaume de Tyr est la principale source d’information pour l’Orient latin entre les années 1185-1210, date à laquelle l’Historia orientalis s’achève. Il en est de même de la chronique dite d’Ernoul qui est, dans sa version primitive, le récit le plus proche des événements. Ernoul, serviteur de Balian d’Ibelin, l’aurait composée pour justifier le point de vue des latins d’Orient après la bataille de Hattîn (4 juillet 1187). Le texte en est perdu. Nous le connaissons au travers des Continuations de Guillaume de Tyr, une version en particulier qui en serait proche, mais peu répandue, cf. La Continuation de Guillaume de Tyr (1184-1197) d’après le manuscrit 828 de la Bibliothèque de la ville de Lyon, éd. M. R. Morgan, Paris, 1982. Nous le connaissons encore par un abrégé daté de 1227, interpolé dans une chronique qui remonte aux premiers temps du royaume de Jérusalem et se poursuit jusqu’à Frédéric II, chronique composée dans les années 1232 par le trésorier de l’abbaye de Corbie, Bernard, cf. M. R. Morgan, The Chronicle of Ernoul and the Continuation of William of Tyre, Oxford, 1973, p. 136. L’Ernoul primitif s’arrêtait à 1197, les Continuations de Guillaume de Tyr en découlent. On désigne sous ce nom une version en français de la suite des événements survenus après la mort de Baudouin V, poursuivie par phases jusqu’en 1277, intégrées ou non à la suite de l’Historia rerum de Guillaume de Tyr, traduite à son tour en français, en France, entre 1220 et 1223, sous le nom d’Estoires d’Eracles. On connaît plus d’une quarantaine de manuscrits de ces Continuations à l’histoire embrouillée. L’Historia orientalis est souvent conforme au récit de la Continuation, mais certains passages autorisent encore des rapprochements avec d’autres relations. Au soir de Hattîn, selon une version de Raoul de Coggeshall, templiers et hospitaliers sont exécutés (Martène, 5, c. 812B). Mais, tel autre manuscrit de Raoul omet la précision (Rolls Series, 66, p. 228). La mention se retrouve par contre dans l’Historia orientalis, Arnold de Lübeck (MGH SS 21, p. 165) et la chronique de Sicard de Crémone. Pourtant l’épisode est passé sous silence dans la Continuation et la chronique d’Ernoul.. De même, l’intervention de Margarit, « princeps piratarum », au secours de Tripoli est ignorée de ces derniers récits, mais encore rapportée dans Raoul de Coggeshall (Martène, 5, 1031C), Sicard de Crémone (Muratori, 7, c. 605-606 A) et l’Itinerarium peregrinorum (Rolls Series 38/1, p. 27). Raoul a participé à la défense de Jérusalem. Revenu en Angleterre, il aurait composé deux ouvrages historiques, le Chronicon anglicorum, édité d’après un manuscrit autographe de la Cottonian Library et un Chronicon terre sancte d’attribution discutée. Son témoignage est précieux pour le récit de la bataille, mais Jacques de Vitry n’en fait aucun usage. Pour sa part, Sicard de Crémone aurait séjourné en Arménie et à Constantinople peu avant la quatrième croisade (1203). On lui attribue la composition d’une chronique universelle depuis le iie siècle avant J.-C. jusqu’à 1213, mais le récit de la perte du royaume latin serait un ajout dont ne rend compte qu’un seul manuscrit. Ainsi sa relation avec l’Historia orientalis ne peut qu’être douteuse. Pourtant tel passage du chapitre 101 rapporte que les Arméniens donnaient au Selef le nom de « fluvium ferreum », terme absent des chroniques allemandes. Sicard conclut sur une épitaphe l’accident survenu à l’empereur : « La rigueur du fer n’avait pu le vaincre, la douceur de l’eau en vint à bout. » (Muratori, 7, c. 611A). Faut-il alors y voir une allusion au Fleuve de fer ? Enfin, l’Itinerarium peregrinorum et gesta regis Ricardi est un récit attribué à Richard, prieur de Holy Trinity à Londres. Il serait daté de 1222. La croi-

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sade du roi d’Angleterre, Richard Cœur de Lion, y est rapportée. Une première version de ce texte, complétée et étendue par la suite, serait due à un chapelain anglais de l’ordre du Temple. Les manuscrits de l’Itinerarium sont d’origine anglaise et l’ouvrage devait être achevé dans le premier quart du xiiie siècle, c’est-à-dire au même moment que l’Historia orientalis. Les deux récits concordent assez bien dans la partie relative au siège d’Acre et à la troisième croisade. xcv 1. La série des rois de Jérusalem est une reprise. Il pourrait s’agir d’un procédé de continuation, Morgan, The Chronicle, p. 120. 2. Tughtekîn, atabêk de Damas. Affrontement sans combat (juin 1120), Grousset, Histoire, 1, p. 576. Le « Doldequin » de la phrase suivante. . La mort de Baudouin V en 1185 ouvrait la succession du royaume. La Continuation met en avant le point de vue favorable à Raymond III de Tripoli, que Baudouin IV avait désigné comme « baill dou reaume » jusqu’à la majorité de son neveu. Celui-ci disparu, Raymond se trouvait ainsi désigné pour lui succéder, conformément à la volonté de Baudouin IV, Continuation, 2 (p. 19). Jacques de Vitry met en avant la régularité de la succession par la voie des femmes sans prendre position dans la querelle de succession. Les trêves conclues avec Saladin par Raymond III sont présentées comme la conséquence de son éviction, mais la Continuation ainsi que l’abrégé de la chronique de Gênes l’expliquent par l’hostilité de Gui de Lusignan et de Gérard de Ridefort, Continuation, 23 ; Historia brevis (p. 53). Ces divergences illustrent la position de Jacques de Vitry qui rapporte des évènements proches de la cinquième croisade. Si la fin du chapitre 94 semble critique à l’égard de Gui de Lusignan qui est présenté comme un souverain illégitime, celle du chapitre 95 rapporte que Raymond de Tripoli épouse la dame de Tibériade, Échive, veuve de Gautier de Fauquenberge, dans l’intention de nuire au roi. La remarque est inexacte puisque le mariage eut lieu plus de dix ans avant les faits, en 1173. La formule finale du chapitre résume l’opposition entre les deux partis, celui du roi et celui du comte, entre les Poulains et l’élément européen. Au moment de la composition de l’ouvrage, à l’heure de la cinquième croisade, si la question de la succession n’a plus cours dans les mêmes termes, l’opposition des intérêts entre natifs de l’Orient latin et croisés occidentaux n’a jamais été aussi forte. Le récit paraît proposer une voie assez moyenne qui vise l’apaisement assez conforme en cela à la position romaine. xcvi 1. Proclamation de la guerre sainte : « contra nos convocando ». Soixante mille dans l’Historia brevis (p. 53), mais la Continuation de Guillaume de Tyr ne donne pas de chiffre. Le récit souligne la nature d’une coalition qui ne repose pas tant sur des intérêts communs que sur la personnalité de son chef. 2. Sept mille selon Raoul de Coggeshall (Rolls Series, 66, p. 210). . Le corps envoyé par Saladin aurait atteint les faubourgs d’Acre, Oliv. Scol. 3 (p. 142). . « Fontaine du Cresson », Continuation, 25 (p. 39), Ernoul, p. 146. 5. Variantes : « Turonem Hatthi », Oliv. Scol. 3 (p. 143) ; « Marescalciae », Raoul de Coggeshall (Rolls Series, 66, p. 223) ; « Karnehatin », Continuation, 42 (p. 54). 6. Continuation 76 (p. 87) place ces exécutions à une date ultérieure.

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xcvii 1. Ascalon est investie après la capitulation de Césarée, Arsûf et Jaffa, en juillet 1187. La prise d’Ascalon intervient le 4 septembre de la même année en échange de la libération du roi. Cette remarque est propre au récit. 2. Bohémond IV, fils de Bohémond III prince d’Antioche, successeur de Raymond III mort sans enfant à la fin de 1187. Renaud de Néfin (Néphin) s’illustre dans ce pillage. . Allégorie de l’Église ou de Jérusalem ? Épisode voisin dans la chronique d’Ibn al-Athîr (RHC-Or. 1, p. 691). . La capitulation d’Ascalon est intervenue deux mois plus tôt. 5. Guillaume II est le dernier roi normand de Sicile (1166-1189). Margarit était un personnage de renom, ancien pirate avant de devenir en 1178 l’amiral de la flotte du roi de Sicile, P. Gautier Dalché, Du Yorkshire à l’Inde. Une géographie urbaine et maritime de la fin du xii e siècle, Paris, 2005, p. 93-94. 6. Les turcoples sont des auxiliaires servant dans les rangs chrétiens, notamment en Orient ; ici ce sont des troupes du roi de Sicile. 7. Safed en novembre 1188, Belvoir, le 5 janvier 1189, Beaufort, le 22 avril 1190. xcviii 1. La nomenclature en trois Syries, trois Palestines et deux Arabies est alors fictive. Elle ne sert qu’à donner la mesure de l’empire de Saladin, dont l’Égypte se trouve exclue. xcix 1. Prédication de la troisième croisade « verbo et exemplo », A. Fliche, HE, 10, p. 183. Jacques de Vitry a été, sinon le premier, au moins l’un des promoteurs d’une prédication visant à convaincre l’auditoire selon une technique où l’exemplum tenait une place de choix, J. Horowitz, ‘Les Exempla au service de la prédication de croisade au début du 13e siècle’, Revue d’histoire ecclésiastique, 92/2 (1997), p. 367 sq. L’engagement du croisé est présenté comme un effort individuel utile pour la communauté chrétienne et pour son propre salut. Les sermons développent ce thème, Crane, n° 122, 124. c 1. Le frère de Saladin, al‘Adil Saif-al-Dîn, lui succéda en 1193 et devint sultan suprême de 1198 à 1218. ci 1. Messine. Brindes fut le port d’embarquement du duc d’Autriche, notamment. 2. Daron ou Darûm, sur la frontière égyptienne, n’est pas une place côtière. . Épisode postérieur au départ de Philippe. cii 1. Passage abrégé de manière erronée. Après la bataille d’Arsûf, les croisés poussent jusqu’à Bethenoble (Beit-Nûba), où ils passent Noël dans l’intention d’attaquer Jérusalem. Ce projet n’aboutit pas. Les mois suivants furent occupés en opérations sur la côte. Ce n’est qu’en juin 1192 que la seconde offensive contre Jérusalem fut interrompue à la suite de l’attaque de la caravane d’Égypte (23 juin). 2. À la mort de Saladin, Damas, la Syrie méridionale et la Palestine revinrent à son fils aîné, al-Afdal (1193-1196), al-Aziz (1193-1198) eut l’Égypte, al-Zahir (1193-1215) Alep et la Syrie du nord.

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. Siège de 28 novembre 1197 à février 1198, Grousset, Histoire, 3, p. 159-164. Le Toron est désigné en en plusieurs lieux comme « castrum », » munitio », « oppidum ». . Raccourci. Richard Cœur de Lion reconstruit Jaffa entre septembre et octobre 1191. La ville reste aux Latins jusqu’à sa chute en septembre 1197 pour leur être rendue en 1204. 5. Paix du 1er juillet 1198. Après la mort d’al-Aziz, son frère al-Afdal devint sultan d’Égypte (novembre 1198-janvier 1199), mais il entra en conflit avec son oncle al-Adil qui finit par regrouper l’héritage de Saladin, à l’exception du royaume d’Alep. 6. L’Historia orientalis s’achève sur l’annonce du concile de Latran (1215) et de la croisade (1217). À l’heure de la composition du récit le concile est passé comme l’indique la note sur les Maronites, sup. HOr 78.

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Index Index biblique Index onomastique

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INDEX BIBLIQUE

Genesis 1, 4 2, 9 4 6, 5 6, 11 6, 12 10, 17 11, 5-9 12, 1 13, 12 13, 18 14, 18 15, 2 16, 12 17, 11 19, 24 20, 1 21, 32-34 22, 2 22, 9 22, 17 25, 9 28, 12-13 28, 19 28, 31 30, 35 35, 18-19 49, 28-30

Leviticus xciv, 6 lxxxvii, 52 lxxxii, 59/62 lxx, 32/33 ii, 7/8 lxx, 33 xliv, 11 lxxii, 11/12 ii, 16/18 ; liv, 15 xv, 17/18 lxxxvii, 14 ii, 4 xlvi, 15 v, 3 v, 40 liii, 70 ii, 19 xxxvi, 6/8 ii, 19/20 ii, 9 ii, 11/12 lvii, 13 ii, 21/25 ii, 21 ii, 28/31 ii, 8 lix, 30/32 ii, 32/34

Exodus 3, 2 3, 6 15, 12 16, 13 28, 17-20

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3, 9 11, 7 11, 9 23, 40

xxi, 9 vi, 41 vi, 43 lxxxvi, 33/34

Numeri 14, 8 20, 1-13 21, 6-9 22, 28

i, 13; lv, 12 xxviii, 9 lxxxix, 91 lxxxvii, 38

Deuteronomium 7, 1 11, 24 13, 13 14, 6-7 17, 8 18, 9-10 28, 29 28, 65-66 31, 29 32, 5 32, 15 32, 30 32, 35

ii, 34/36 lxix, 23/25 v, 33 xiv, 17 lxxvi, 30/31 lxxvi, 54/56 lxxxii, 84/85 lxxxii, 59/62 lxxxii, 101/102 lxxiii, 5 lxx, 13 xxi, 25/26 ; lxv, 54/55; xcvi, 62 lxxxii, 99/100

Iosue vi, 71/72 lxxxii, 21/22 ii, 37/38 xix, 17/18 xci, 85

3 14, 15 19, 1-2 19, 47 23, 14

liii, 95/99 ii, 31/32 xxxvi, 4 xxxv, 5 xxiii, 3; xcv, 9

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526

index

Iudicum 1, 18

I Paralipomenon xl, 10

Ruth 1, 4 1, 20

lix, 32/34 xv, 22/24

I Regum 5 25, 2

xlii, 2/4 lii, 15

II Regum

11, 4-8 11, 17 21, 15-17 21, 28

II Paralipomenon 3, 1 7, 1-3 7, 11-16

ii, 6/7 lxxv, 32/36 lvi, 25 xxxiv, 8

III Regum 5 5, 6 5, 18 6 7, 2 12, 28-29 17, 9-17

xliii, 31/32 xxvii, 12/13 xliv, 13/14 ii, 25/26 xxxv, 11 ii, 41/42 xliv, 3/6

IV Regum 2, 8 5, 11-14 5, 25 17 17, 3 21, 14 25 25, 6-7

srsa12.indb 526

liii, 101/102 liii, 94/95 lxxi, 15 lxxxii, 26/28 ii, 44/45 lxxxii, 89 ii, 12/13 xxxii, 9/10

lxii, 3 lxii, 29/35 lxii, 35-42

II Esdras 11, 1

5-7 10, 1-5 11, 14 17, 11

lx, 19/21 lix, 35/37 lxii, 8/12 lxii, 4

ii, 8

Tobias 4, 21 xxxi, 5/6 i, 8 13, 2-5 13, 13-14 lxix, 18/20 Iudith 3, 1

xxviii, 4

Iob 1, 1 2, 7 21, 13 30, 31

xv, 17 lxx, 38 lxxiii, 67/68 xciv, 21; c, 77

Psalmi 1, 1 2, 3 4, 8 16, 11 17, 43 17, 46 18, 5

lxxii, 19/20 lxxii, 5/6 lxx, 7/8 lxx, 19/20 ii, 45/46 lxxxii, 81 lxiv, 88/90

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index

31, 9 v, 175 iv, 36/37 34, 10 iv, 43 35, 7 lxx, 11/12 37, 6 lxxxii, 97/98 40, 11 i, 24 41, 8 xv, 3 44, 10 xliii, 46/47 44, 13 lxx, 19/20 57, 9 57, 10 lxxxvi, 46/47 lxxii, 47 57, 11 58, 12 lxxxii, 75/77 ii, 65 62, 11 lxix, 11/12 64, 10 lxvii, 8 64, 13 67, 16-17 lxi, 36/37; lxii, 85 68, 23-24 lxxxii, 41/43 lxx, 14/15 72, 7 lv, 5 73, 12 lxix, 29/30 76, 11 iv, 31 77, 65 ii, 63/64 78, 1 xciv, 20 78, 4 79, 11 xciv, 20/21 ii, 15/16; iv, 32 79, 13 ii, 78/79 79, 14 83, 11 lxvi, 40/41; xcii, 285 lxix, 4/5 84, 13 lxxvii, 40/41 86, 5 105, 35 ii, 38/39 105, 24 i, 12/13 105, 39-41 ii, 39/41 106, 24 lxxxiii, 55 106, 37 lxviii, 25 106, 40 ci, 71/72 108, 18 ii, 71/72 110, 2 xciv, 4/5 115, 15 lxv, 51 118, 158 lxxiii, 70 ii, 90/91 131, 7 138, 22 lxxiii, 70/71 143, 12 lxxiii, 15

srsa12.indb 527

527

Proverbia 2, 14 14, 13 22, 14 25, 4 28, 13 31, 19

lxxiii, 65 c, 77/78 vi, 16 lxxiii, 7/8 lxxvi, 39/40 xxxiv, 7

Ecclesiastes 4, 12

lxvi, 3

Canticum Canticorum 2, 2 2, 11 2, 15 4, 15

xv, 18 ; lxxii, 17 li, 5/6 xiv, 97 xxxiii, 13 ; xliii, 14

Sapientia 11, 25

xciv, 7

Ecclesiasticus 18, 2

xciv, 4

Isaias 1, 2 1, 31 1, 8 1, 23 2, 2-3 3, 8 5, 4 6, 10 7, 8 9, 3 9, 6 11, 6

xv, 20/21 xciv, 22; lxxxii, 55/56 xv, 14/15 lxxi, 19/20 lxix, 16/17; lxix, 10/11 xciv, 11 ii, 14/15; lxxxii, 74 lxxxii, 84/85 xlvi, 17; xcviii, 13 lxix, 7/9 lxxvii, 34 lxv, 114/115

09-09-2008 14:06:27

528 16, 1 23, 8 24, 2 24, 13 35, 7 45, 8 45, 12 56, 10 60, 4 60, 6 60, 15 65, 25 66, 1

index lvi, 23 xliii, 25/27 lxx, 39 xv, 16/17 lxvii, 9 lxix, 4 xx, 24/25 lxxi, 13 lxvii, 14 lxix, 13/14 lxv, 112 lxv, 113/114 lix, 23/24

Ieremias 5, 7 5, 8 8, 7 15, 18 20, 7 32, 21 48, 11

xciv, 22/23 xv, 19/20 v, 52 xv, 21/22 xv, 13

srsa12.indb 528

7, 10 9, 26 9, 27 12, 11

4, 2 9, 14

lxxv, 106 lxxxii, 79/80 lxxxii, 104/107 iv, 24

lxx, 28/29 lxxxii, 31

Ioel 3, 18

4, 1 6, 13

lxi, 38

lxxi, 7 lxxxii, 74

Habacuc 2, 5

lxx, 30

Zacharias lxxvii, 36/37 2, 8

Ezechiel 1, 9 1, 10 13, 5 15, 4

Daniel

Amos

Baruch 3, 38

27, 3 27, 9 30, 15 34, 8

i, 11; xiv, 17/18; lxx, 36/37 xliii, 24/25 xliv, 12 xxxix, 4 lxxi, 5

Osee lxx, 15/16 lxx, 19 xcii, 512 lxx, 37 xciv, 20; xciv, 20/21 ci, 10 lxx, 16/18

Threni 1, 1 1, 12 3, 16 4, 1 4, 5

22, 26

i, 16/17

I Machabaeorum xxi, 21/22 lxvi, 48 xiv, 91 lxxxii, 55/56; xciv, 22

1, 10 1, 57 2, 2 5, 62

ii, 52/53 ii, 54/57 lxiii, 13 xciv, 99

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index

II Machabaeorum 2, 4-8 3, 25-26

lxii, 23/29 lxii, 42/50

Matthaeus 2, 11 2, 14 2, 16 3 3, 4 3, 6 3, 9 3, 11 3, 15-17 4, 1-2 4, 1-6 4, 19 5, 44 7, 6 7, 13-14 8, 24 9, 20 10, 16 11, 30 12, 43 12, 44-45 13, 25-26 13, 39 13, 52 14, 17 15, 21

lix, 27/28 vi, 69 xxiv, 4 ; lix, 29 vi, 92 liii, 6/7 lxxvi, 35 liii, 100/101 lxxvi, 48/49 liii, 85/90 lii, 5/6 lxii, 73/75 liii, 36 vi, 158/159 i, 9/10 vi, 172/173 liii, 50/54 lxxv, 94 xcix, 23 vi, 149 lxx, 5 lxx, 8/11 lxix, 38/39 ; lxxvi, 15  iv, 14 vi, 131 liii, 30/31 xxvii, 10/11 ; xliii, 44/45 15, 26-27 lxiv, 46 ; lxxi, 22/23 vi, 51/52 16, 17 lxxi, 20; lxxv, 16, 19 131/132 lxvi, 55/56 16, 26 17, 1-10 liv, 4/5 lxiv, 84/85 18, 8 21, 6-10 lxii, 97/100 21, 12-13 lxii, 70/73 ; lxxi, 16

srsa12.indb 529

22, 21 22, 29 22, 30 22, 32 24, 2 24, 3-5 24, 11 24, 12 24, 15 25, 13 25, 15 26, 15 26, 26-28 26, 36 26, 39 26, 41 27 27, 5-6 27, 25 27, 29 27, 51 28, 4 28, 5

529 lxv, 82 lxxxii, 19/20 vi, 90/291 lxxxii, 23 ii, 74/75 lxii, 93/96 v, 48 ii, 81/82 ; lxx, 35/36  ii, 54 ; iv, 24 lxxxiv, 16/17 xvi, 53/54 lxxi, 18/19 lxi, 43/45 lxiii, 6 lxxvi, 84; lxxviii, 17 lxxviii, 29/30 lxi, 20/32 lxiv, 64/66 lxxxii, 53 xx, 40 lxii, 77/78 lxi, 11 lxi, 10

Marcus 7, 31

xlvii, 24

Lucas 1, 9-13 1, 26 2, 6-7 2, 21 2, 24-38 2, 45-47 3, 1 6, 25 7, 25 8, 11-15 8, 46 9, 58 9, 62

lxii, 59/62 lix, 9/10 lix, 25/26 vi, 68 lxii, 65/66 lxii, 66/70 xlvii, 17/18 vi, 82 lxxiii, 14 xvi, 45/46 lxxv, 92/93 c, 6/7 xxi, 19

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530 10, 39 11, 21-22 11, 52 13, 32 16, 8 17, 14 18 18, 2-3 21, 19 24, 6 24, 13-33 24, 19 24, 49 24, 50-51

index lxii, 90/91 iv, 34/35 lxxi, 14 ii, 67 ii, 67/68 lxxvi, 34 lxx, 35/36 xvi, 3 lxxii,50/51 lxi, 18 lxiii, 13/14 xvi, 32 xcix, 27 lxii, 100/101

Iohannes 1, 2 1, 14 1, 28 1, 42 1, 44 4, 6 5, 2-4 6, 50-51 6, 64 8, 14 8, 25 8, 58 9, 7 10, 30 11 11, 1 12, 3 13, 1-13 13, 25 14-17 14, 28 16, 7 17, 3 17, 10

srsa12.indb 530

xcii, 197 lix, 12; lxxvii, 44/45 lviii, 20/21 lxxv, 129 liii, 48/49 lviii, 34/35; xliii, 10/11 lxiii, 8/10 lix, 17/18 lxxxii, 38/39 vi, 5 lxxvi, 81/82 ; lxxvii, 45/46 lxxvi, 80/81 lv, 15 lxxvi, 82 lxii, 92 lxii, 87/89; lviii, 15 lxii, 90 lxi, 40/42 lxi, 46 lxi, 45/46 lxxvi, 83 lxxv, 104 vi, 291/292 lxxv, 95/96

18, 1 19, 17 19, 23 19, 26-27 19, 34 19, 39 20, 19 20, 22 21, 1 21, 17 21, 18

lxiii, 5 xxix, 8 xiv, 98 lxi, 47/48 xix, 13 ; xxvi, 10 lxi, 8/9 lxi, 48/49 lxxv, 90 liii, 33 lxxi, 10; lxxv, 132 lxxviii, 31/32

Actus Apostolorum 1-2 1, 19 2, 5 7, 51 7, 57 8, 5 8, 9 11, 26 13, 10 17, 23 22, 3 22, 7 25, 12

lxi, 50/57 lxiv, 64 li, 7/8 ii, 46/47; vi, 80 ; lxxxii, 85 lxiii, 10/24 lxxxii, 29 lxxi, 20 xxxii, 23/24 iv, 12 x, 15 xxxii, 3/4 xlvi, 23/24 xxiv, 8/10

Ad Romanos 1, 31 1, 32 3, 25 7, 18 7, 19 7, 23 8, 15 9, 21 11, 33, 34 12, 15

lxx, 21/27 lxxxiii, 45 ii, 10/11 lxxviii, 28/29 lxxviii, 26/27 lxxviii, 34/36 lxxv, 97/98 iv, 39/43 iv, 37/38 lxxii, 24; lxxxviii, 64

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12, 17 13, 14 14, 4 14, 5

index vi, 158 vi, 155/156 lxxii, 35/36 xcii, 371

I ad Corinthios

I ad Timotheus 3, 7

vi, 52/53 lxxv, 122/123 xiv, 96

II ad Corinthios 2, 6 6, 1 11, 14

lxxxii, 37 xxvii, 3 iv, 13

Ad Galatas 1, 9 2, 11 4, 4 5, 2-24

I Petri 2, 22 5, 8

1, 10 2, 18 2, 27

4, 18 5, 18

13

v, 89/90 ii, 98

lxxi, 12 ; ci, 73/74

Ad Colossensis

lxxix, 22 iv, 44/45

xcii, 320/322 iv, 12 lxxv, 99/101

lxxiii, 65/67

Apocalypsis 1, 11 13, 1 14, 1 22, 17

xliv, 57 iv, 30 lix, 35 lxix, 10

IV Esdras

ii, 98; xix, 28; xx, 29

II ad Thessalonicenses 2, 3

ii, 10/11 lx, 26/28

I Iohannis lxxv, 82/83 xxxii, 13/14 lxxvii, 38/39 lxxvi, 21/24

Ad Philippenses

srsa12.indb 531

10, 10 13, 12

Iudae

3, 16

iv, 18

Ad Hebraeos

Ad Ephesios

2, 21

vi, 16

II ad Timotheus 2, 17

2, 14 5, 8 15, 32

531

13, 39-40 ii, 43/44

iv, 23

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srsa12.indb 532

09-09-2008 14:06:28

INDEX ONOMASTIQUE Abdias : lvi (4) Abdimeneph : v (7) Abdimus : xliii (33) Abel : lxxxii (59) Abgarus : rex xxxi (10) Abimelech : xxxvi (7) Abraham : ii (17, 28, 32); xxxi (23) ; xxxvi (7) ; lvii (13); lxxvi (81); lxxxii (21); lxxxvii (14) Accon, -ensis (Ptolemais) : civ. xxi (15) ; xxii (12) ; xxv (1, 3, 12, frater 12) ; xlii (10) ; xliii (60) ; xlix (9) ; l (7) ; lii (17) ; lv (40) ; lxxxv (15) ; xcv (49) ; xcvii (7, 9) ; xcviii (7) ; c (1, 9, 26) ; ci (2, 22, 84) ; cii (5, 32, 40, 73, 84, 88, 151) Achali : vii (26) (Achaly D J) Acharon : civ. xli (2, 18) Acheldemach : loc. lxiv (64) Actus apostolorum : xxxii (21) Adam : ii (31) ; lvii (12) ; lxxxvi (18) Adrianus (Helius) : imp. lx (25, 27) Africa : iv (20) ; ix (6); xliii (30); lxxxi (2) [affrica B E F H K] Agar : v (2, 6) Agareni : v (6) Agenor : xliii (28) Agnes : lxiv (58) Alba Specula (Blanche Garde) : opp. xli (1, 13) Albanensis : lxv (36) Alchoranus : v (169); vi (80, 216) Aleman(n)ia, -i : lxvi (21, 38); lxvii (18) ; lxviii (3); lxxxvi (3); ci (8); cii (3, 81, 109, 113, 135) Alexander : xliii (61); lxxxii (45, 48); lxxxvii (37, 40); lxxxviii

srsa12.indb 533

(38); xc (50); xcii (29, 33, 38, 40, 41) Alexandria, -i, -inus : civ. xlviii (1, 7); lv (35); lxiv (10, 42); lxxvi (6, 75) Alexandrium (Scandalium) (Iskanderûna) : castr. xliii (62) Alexius : imp. xvii (16) Almaphia : civ. lxiv (18) Almaphitani : lxiv (18) Almaricus : rex xl (4); xlviii (2); xciv (60); xcv (52, 60) Alpes : xvi (29); xcii (416) Alvernia : xvi (38) Amalricus cfr Almaricus Amam (Hamâ) : civ. xlv (10); xciv (82) Amazones : lxxx (19); xcii (1, 6, 18) Ambianensis : xvi (8) Ammonite : xxi (13); lxxv (33) Andegavenses : xcv (42) Andreas : apost. liii (48) Andreas de Brenensis : comes c (51) Anglia, -us, -ici : lxviii (3); xcix (29); c (33); ci (2, 19, 24, 34, 44, 51, 55); cii (4, 43, 49, 64, 79, 81, 83, 92 Anna : abbat. lviii (22); proph. lxii (65) Annensis : xxxii (31) [anensis E K] Anterados, -ensis (Tortosa) : civ. xiv (2); xliv (28, 42); turris xciv (33) Antichristus : iv (12); vi (293); lxxxii (46) Antiochia, -enus : civ. vi (277); xvii (25); xviii (1); xxi (16) ; xxxi (27) ; xxxii (1, 1, 2, 3, nom. 13); xliv (31, 49, 53, 56); xlvii (5,

09-09-2008 14:06:29

534

index

5) ; lv (35) ; lxxviii (8, 42) ; lxxix (4); xciv (30, 31, 53, 54, 56); xcv (45) ; xcvii (39, 51, 52, 53); xcviii (4); cii (131, 131, 133) [antyochenus B, anthiochenus E] Antiochus, -ii : ii (53, 56); xxxii (11); lxii (43) Antipater : xxiii (11) Antipatrida (Arsur) : opp. xxiii (11) Apamia : civ. xliv (54) Apocalypsis : xliv (58) Apocryphi : libri vi (215) Appolinus : xcii (235) Appolonius : xliii (39-40) Apulia : lxviii (15, 18) Arabs, -ica : iii (1, 5); iv (10, 19); xii (2); xxi (13); lit. lxxvi (94); xcv (66) Arabia : iv (3); v (9); vi (25); xiv (100); xxviii (4); xlvii (15); lvi (21); lxxxv (18); xcvi (10); xcviii (18) Arbe (Cariatharbe, Hebron) loc. lvii (15) Arcadia : xci (45) Archas (Archis) : lxxxv (10) Archis (Archas) : xliv (21); xciv (32) Arismapi : xcii (343) Armenia, -us : lxviii (23); lxxv (37); lxxix (1, 1, 3, 3, 7, 44, 55); lxxxv (37); ci (11) Arradius : xliv (23) Arrados : civ. xliv (22, 28) Arsur (Antipatrida): civ. xxiii (2, 10); xlii (5); l (13); provinc. xciv (41); cii (9) Ascalona, -es, -ite : civ. xxxvi (5, 5); xl (1, 17, 27); xli (3, 4, 14, 15, 17); l (12); lvii (10); xcv (18, 22, 36, 73); xcvii (10, 11, 32); ci (61); cii (43, 69, 71)

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Asia : v (15, 35); minor xliv (57, 57); lxxvi (9) Assasini : xiv (1, 8, 68); lxxxii (13) Assur cfr Arsur Assyrii : ii (45); lxxx (5); lxxxii (27) Atlantis : mons lxxxv (32) Augustinus : beat. lviii (8, 12); xcii (2, 368) Axianus : dux xviii (12) Azotum : civ. xli (1, 3, 18) Babel : lxxii (11) Babylon, -ii, -ia, -icus : ii (13, 50, 52); vi (274); xxxii (9, 10, 31); lxii (5); lxxxii (93); lxxxvi (55, 80); lxxxvii (37); lxxxviii (170) Bacchus : xcii (220, 233) Bachar : vallis xlvii (28) Balaam : lxxxvii (38) Baldacensis (Hirimpolitanus) : viii (11, 33); xiv (15); xxxii (30) Baldovinus, -winus : rex xvi (60); xxiii (1, 4); xxix (1, 2, 3, 11); xxxi (15-16); xxxviii (4); xli (11); xliii (55, 73); xlvi (3, 6); xlvii (10); xlviii (2); lvii (6); lxxv (36); xcv (comes 10, 13, de Burgo 25, 51, 52, 70, 87, 92, 95, 96) [baldevinus B D, baldewinus B, baldvinus D E F] Bedewini : xi (17); xii (1, 2) Belbeïs (Belbeîs) : civ. xxxvii (7); xxxix (3) Belfort : castr. xcvii (75) Belial : v (33); vi (21); xiv (77); xcvii (21) Bellianus de Ibelin : xli (10) [balliano B E F, balhano D K] Belinas (Paneas) : civ. xxxv (9-10); lv (42) Belimas cfr Belinas

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Belus : flum. xxv (14) Belvoir : castr. xlix (8); xlix (10) ; xcvi (21) ; xcvii (75) [belveir B D] Benedictus : beat. lviii (15, 19, 27) Benjamin : ii (49); lix (32) Bernardus : abbas xlvi (8) Bersabee (Gibelin) (Beit-Jibrîn): civ. xxxiv (8); xxxvi (1, 2, 3); xli (13) Bertrammus : comes xxvi (3); xxxiii (25); xliv (16) [bertrannus B K] Bertramnus cfr Bertrammus Berythus, -ensis, -ytus, -ithus : civ. xxvi (1, 2, 7); xxvii (2, 7); xxxiii (5); xxxiv (3); xliv (8); l (10); lv (40); xcvii (8); ci (16); cii (106, 116) Bethania : castel. lviii (15); lxii (76, 89); lviii (18, alia civ. 20) Bethel : loc. ii (21, 26, 42); lv (25) Bethenuble (Beit-Nûba) : loc. cii (21) Bethphage : viculus lxii (88) Bethleem, Bethleem, -itanus, -itica : civ. liv (19, 22); lvii (4, 5); lix (1, 18, 35) Bethsaida : civ. liii (49) Bethsan, -am, (Citopolim, Scythopolis) (Beisân) : civ. lvi (1, 11); xcviii (17) Betiron (Botrium) civ. xliv (19) [boteron B, bothoron E, bethiron F, botheron K] Biblium, -ensis (Gibeleth) (Jibaîl) : civ. xxvi (8); xxxiii (5); xxxiv (3) ; xliv (9, 12, 14); lxxviii (4); ci (16) ; cii (104) Blanche Garde (Alba Specula) opp. xli (14) Blesenses : xvi (58); xliv (45) Boamundus : xvi (60); xviii (10); xix (30); xciv (56); comes xcvii (21)  Boillon, Bouillon cfr Godefridus

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Boos : lix (34) Bostrum, -ensis (Bussereth) : civ. xlvii (1, 11, 14); xcviii (19) Botrium (Betiron) : civ. xliv (19) Brabantini : c (25) Brachium Sancti Georgii : xvii (1819) Brachmani : xcii (1, 37, 41, 56, 80, 180, 318) Brandanus : beat. lxxxiii (54); xc (53) Britannia : xcii (minor 408, major 410) Brundusium : ci (19) Bulgaria, -i : x (4); xvii (7) Burgundia : xcii (415); c (27); ci (83); cii (4, 47) Bussereth : civ. xlvii (16) Caim : lxxxii (61) Calvaria : loc. xxix (8); lviii (7); lx (22, 25); lxi (1, 20) Camela (Emissena) : civ. xlv (8, 8); xciv (83) Campania : lxv (35); c (27); cii (79, 129) Cantici : liber xxxiii (15); xliii (14); li (5) Capharnaüm : xlii (7, al. civ. 8) Cappadocia : lxxxviii (110) Cariatharbe, Arbe (Hebron) : ii (30); lvii (16) Carmel, -us : mons xxii (11); lii (1, 9, 14) Carnotenses : comes 16, 58 Carra : civ. xxxi (23); xxxvii (8-9); xciv (88) Carthago (Maroch) : civ. ix (5); xliii (30) [cartago B D E F G H J K] Casale Roberti : loc. xcvi (22) Castrum Album : castr. xciv (32) Castrum Peregrinorum : xxxiii (23); xcviii (9)

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Catharina : beat. lvi (18) Cayphas (Porphyria) : civ. xxii (10); xlii (10); l (10); lii (10); lvi (5)  Cayrum : civ. xlviii (1, 3) [cahyrum B D F K] Cedron : torrens lxiii (5) Cenomanensis : xcv (42) Cephas (Petrus) : lxxv (129, 138) Cerberus : xcii (159, 272, 273) Ceres : xcii (225, 236) Cesar : xxiv (5); xxxv (8); lxv (82, 82)  Cesarea Magna (Shaîzar) : xlvii (1, 5, 6); xciv (84)  Cesarea Maritima (Palestine) : civ. xxiii (12); xxiv (1, 2, 4); xxv (2); xlii (5); l (11); lvi (6) ; lxxxviii (157); xcviii (16); cii (10)  Cesarea Philippi, -iensis (Dan) : civ. xxi (17); xxxv (8); xlii (6); liii (56) Chaldea, -us : xxxi (24); lit. lxxvii (51); lxxviii lit. (52); lxxxii lit. (15) Chamela cfr Camela Chanaam : xliv (11, 23)  Charybdis : xcii (397) Cilicia : xxxii (4); xcvii (81) Cisson : torrens liv (8) [cyson B D E F, cison K] Cisterciensis : liv (13); lxv (37) [cysternensium B, cisternensium D E] Citopolim (Bethsan) : civ. xlix (12); lvi (11) Claravallensis : xlvi (8) Clarum (Darum) (Deir al-Balah) : castr. xxxiv (4)  Clarus Mons : xvi (38) Clemens : beat. xliv (24, 25); pap. xcix (21) Comania, -i : x (4); xi (2, 5); xcii (430)

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Commania cfr Comania Conradus : imp. xlvi (7) Conradus de Monte Ferrato : march. xcvii (62); c (88); cii (77, 144) Constantinus : imp. lxxxvii (15) Constantinopolis, -tanus : xvii (6, 15, 23); xlvii (3); xlviii (11); lv (33); lxxvi (7, 73); lxxvii (16); lxxviii (9); xciv (45); xcvii (63); cii (141) Corbagath (Corboram) : xix (1, 7) Corbaram (Corbagath) : xix (7) Coriciensis : archiep. xxxi (26) Corradinus : princ. lxxx (22) Cosdroas : ii (86) [cosdroe A B C D G H J K] Crac (Petra Deserti) : castr. xlix (7); lvi (20) Craccum : castr. xciv (32) Cupido : xcii (222, 238) Cursant (Cursat) (Qosaïr) : castr. xciv (31); xcvii (52) Cursat cfr Cursant Cyclopes : xcii (343, 376) Cyprianus : beat. lxxix (36) Cyprus, -ius : lxiv (40); ci (25); cii (89) Dacia : x (5) Damascus, -enus : civ. iii (10); xxi (17); xxxv (4); xlv (16, 16, 17); xlvi (1, 12, 13, 17, 23, 28); xlvii (26); lv (42); lxxx (21); xciv (63, 79); xcv (31, 38, 56, 64); xcvi (10, 30); xcviii (11, 11, 13) Damiata : civ. xlviii (1, 14) ; lxxx (24) Dan (Cesarea Philippi) : ii (42); xxxiv (8); xxxv (1, 2, 5, Lesem 6, 6); xlii (6); liii (56) Daniel : proph. lxxv (106); lxxxii (79, 103) Dargam (Dirghâm) : princ. xcv (61)

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Darum (Clarum) (Deir al-Balah) : civ. xxxix (7); xl (1, 2, 7); ci (61); cii (45, 70, 71)  David : ii (6); xliii (46); lii (15); lvi (25); lix (21, 36); lx (19, 20, 21); lxii (10, 11); lxxv (33, 34); lxxxii proph. (41, 75, 80); lxxxvi (46) Decapoleos : xxi (17); xlvii (24) Deuteronomius : lxix (22); lxxvi (54) Dido : xliii (29) Dindimus : xcii (40, 41) Dioscore : patriar. lxxvi (7) Diospolis, (Lidda, Sanctus Georgius) : civ. lvii (16) Districtum (Petra Incisa, Lapis Incisa) (Athlîh) : xlii (7); xcviii (9) Doldequinus (Tughtekîn) : rex xcv (37-38) Dominice Resurrectionis (Dominicum Sepulchrum) : eccl. xvi (20); lviii (7, 33); lxi (1, 6, 15, 21); lxiv (24); lxix (33) Dominicum sepulcrum : loc. xvi (9); xx (29); lx (24); lxi (4, 14); lxiv (11, 91); lxix (14); lxxx (14) Dora : civ. xlii (7) Ebron cfr. Hebron Edessa, -anus (Poase, Rages): civ. xxx (13); xxxi (1, 2, 18, 26) ; xxxvii (8, 9); xlvii (5); lxxv (36); xciv (37, 39, 87, 88); xcv (10) Egyptus, -i, -ius : ii (33); iii (10); iv (19); vi (69); viii (1, 17, 18, 24, 24, 28, 34, 35); xxi (14); xxxiv (5); xxxvii (8, 18); xxxviii (3); xxxix (6); xlv (13, 16, 18); xlviii (3, 4, 8, 9, 10, 14); liii

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(44); lxiv (9, 10, 20); lxxvi (11); lxxxv (18, 35); lxxxvi (54, 55, 56); xc (43); xciv (27, 61, 63, 69, 77) ; xcv (8, 13, 18, 21, 36, 61, 61, 65); xcvi (10); xcvii (81); xcviii (21); cii (23) Elias cfr Helias Elizabeth : lxii (63) Emissena (Chamela) (Homs): civ. xlv (7); xciv (83) Emmaus : castel. lxiii (12) [emaus B D E K] Enfridus de Torono : : xcv (85); c (87, 92) Enterados cfr Anterados Ephesus, -inus : civ. xiv (96); lxxvii (24) Epirus : lxxxv (41) Epistula ad Galatas : lxxv (82); lxxvi (21) Epistula ad Romanos : lxxviii (25) Essei : lxxxii (1, 5) Ethiopia, -es : 4 (19); ix (5); lxxvi (12); lxxxv (35, 43); xci (80); xcii (382) Etna : xcii (396) Eugenius : pap. lxv (39) Euphrates : xxx (15); lxxxv (36); xciv (87); xcviii (2) Europa : lxviii (1); lxxxvi (4) Eustochium : lix (40) Eutyches : lxxvi (73) Eva : ii (32); lvii (12) Evea, -us : xliv (10); xliv (11) Ezechiel : xliii (23); xliv (12) Flandria, -enses : xvi (58); xcii (386); c (25); cii (139) Francia, -ci, -cus, -igene : xvi (7-8); xvi (59); xxix (11); xlvi (8); lxvii (18); lxviii (3); lxxiii (20); lxxxvi (4, 40); xcii (410, 429); xcix (29); c (33); ci (2, 19, 23,

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40, 53, 77, 80, 81); cii (5, 55, 130, 137) Fredericus : imp. xcix (28); ci (1, 6) Frisones : c (25) Fulco : rex xli (9); xlvi (7); xcv (41) Gabaon : lxiii (14) Gabelus : xxxi (6) Gabriel : v (108, 144); dux lxxv (38) Gab(u,e)lum (Gibel): xliv (48); ci (16) Galanus : episcop. lxxvi (76) Galilea, -ei : mar. xxii (14); xlii (9); xlvii (25); xlix (10); liii (2, 30, 40); liv (9); lvi (9); reg. xxii (13); xxxii (23); l (11); liii (40); liv (7); lvi (9, 14); lix (2); xcv (104) Gallia : xvi (37) Ganges (Phison) : lxxxv (30); xc (57); xcii (36) Garamantes : lxxxv (43) Gaufridus de Lisiniaco : c (12, 57) Gaufridus de Sancto Aldemaro : lxv (14) Gaza, -e : civ. xl (1, 8); ci (61); cii (46, 70, 72) Gazi (Il-Ghâzi) : princ. xcv (26, 27) Gelboe : montes xlix (10); liv (8, 10); lvi (11) Genesareth : stagnum xxii (13); liii (1, 50, 57) Genesis : 2 (5, 26) Georgiani : lxviii (23); lxxx (1, 7) Georgius : sanct. lxxx (8) Gerardus : lxiv (53) Geropolitanus (Hieropolis) : civ. xxxi (26) Geth : civ. xli (1, 6) Getsemani : loc. lxiii (6) Gibel (Gabulum) : xliv (48) Gibeleth (Biblium) : civ. xliv (9)

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Gibelin (Bersabee) (Beit-Jibrîn) : civ. xxxvi (9); xli (1, 13) [gybelin E F] Godefridus de Boillon, Bouillon : xvi (59); xx (35); xxii (1, 16); xxxi (16); lxiv (50); xcv (5) [bollum B D, bullion E, builhon F, buillion K] Gog : lxxxii (48) Golgotha : loc. xxix (8); lx (23) ; lxi (20) Gomorra : civ. liii (70) Grecia, -cus, -ce : ii (82); xvii (16); xxxi (22, 23); xxxii (40, 43); xl (6, 8); xlviii (12); lvi (17); lviii (39); lxiv (2, 25); lxviii (22); lxxv (6, 16, 26, 38, lit 49, 51, 54, 59, 74, 77, 86, 108, 112, 140); lxxvi (4, 8, 64, 91); lxxvii (10, 52); lxxix (9, 14, 28); lxxx (idioma 11, 12); lxxxv ignis (46); lxxxviii (69, 183); lxxxix (32, 48); xc (26, 26); xci (24); xciv (46, 49, greculi 51); ci (9, 25, ignis 30) Gregorius : pap. 4, 2; pap. xcix (18) Guido de Lisiniaco : rex xcv (88, 96); xcvi (35, 65); c (1, 4, 85); cii (90) Guido de Monteforti : cii (139) Gymnosophiste : xcii (1, 22-23) Gyson (Nilus) : lxxxv (32) Gyzeus : lxxi (15) Hadrianus cfr. Adrianus Haimericus : rex cii (89, 142) Halapia : civ. xlvi (1, 2); xciv (44, 78, 86, 86); xcvi (11); cii (99, 134) Haly : viii (2, 16, 21) [hali B, aly K] Hamam cfr Amam Hamericus : patriar. lxxviii (42) Harenc : castr. xciv (53)

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Hebreus, -aice : xliii (21); liii (43); lxi (20); lxii (98); lxxxii lit. (15, 24) Hebron, -ensis (Cariath Arbe): ii (30); lvii (1, 4, 11, 15) Helias : xliv (4); lii (9, fons 11, 17); liii (101, 102)  Heliodorus : lxii (43, 46) Helius (Adrianus): questor lv (25); imp. lx (25, 27) Heliseus : liii (101); lvi (4) [helizeus B, helyseius D E F] Hellespontus : xvii (18) Helyas : lv (25) Henricus : imp. lxxix (57); cii (109, 118) Henricus de Campania: comes cii (79, 83) Heraclius : ii (83, 96); iv (3); xiv (101) [eracleus B EF G H J K] Herculis : xcii (219, 237) Herfrandus de Torono cfr Enfridus de Torono Hermus : flum. xcii (156) Hernaudius : lxviii (11); lxxiii (62) Herodes : 2, (60, 66); xxiii (11); xxiv (4); xxxv (7); lix (29) Hieremias : ii (12); lxii (24); lxxvii (36) Hierico, -ntinas : civ. lxxv (35); lxxxvi (53); lxxxix (43); xcv (54) Hieronymus xliii (41); lix (38) Hierusalem, Hierosolyma, i, itanus: civ. ii (5, 21, 57); iii (8); vi (274, 276, 281); xiv (70, 103); xvi (11, 27, 33); xix (34-35); xx (1, 3-4); xxii (15); xxiii (1); xxxi (16); xxxii (8); xxxiii (21, 27); xxxiv (1, 2, 5); xxxvii (13, 19); xxxviii (4); xxxix (5); xl (4, 11, 22); xli (9); xliii (55, 73, 75); xliv

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(30, 44); xlv (14); xlvi (2, 6, 9); xlvii (10); l (4, 6); liv (19, 22); lv (1, 3, 24, 24, 29); lvii (2, 6); lviii (1, 17, 26); lix (5, 19); lx (1, 3); lxii (66, 81, 87, 100); lxiii (12, 26); lxiv (11, 74, 92); lxv (4, 9, 33, 79, 105); lxvi (10, 22); lxix (13, 18); lxxx (22); lxxxiv (4); xciv (60, 66, 98); xcv (1, 4, 11, 24); xcvi (35, 65); xcvii (14, 15, 44, 58); xcviii (14); xcix (1); ci (67); cii (1, 5, 20, 21, 22, 32, 32-33, 51, 125, 143) [iherossolimam B E F K, iherusalem B D E F K] Hiliopolis (Maubech) : civ. xlv (9) [helyopolis B, eliopolis E F, heliopolis D] Hirimpolitanus (Baldacensis) : civ. xxxii (30) [hyrimpolitanus B, hymripolitanus E F] Hispania : 4 (21); ix (6); lxxxi (2) [hyspania B E F H K] Historia ecclesiastica : xxxi (10) Homar : iii (1, 5, 12); xiv (100) Honorius : pap. lxv (32) Hospitalis (Sancti Iohannis), arii: lxiii (24, 25); lxiv (1, 2, 45, 48, 53, 67); lxv (103, 106, 108); lxvi (8); xcvi (20, 26, 73) Hugo : frater regis xvi (58) Hugo de Paganis : lxv (14)  Hugo de Sancto Aldemaro : xliii (65) Hungaria : x (5); xvii (5-6); ci (9) Hus : xv (17) Hybelin(m) (Yebnâ) : presidium xli (1, 10, 12); l (13) [ybelin B D F] Hybernia : xcii (391, 398) Hydra : xcii (275, 276) Hyram : xxvii (11); xliii (31, 34, 35, 36) [yram B D E F K] Hyrcania, -i : regio lxxxviii (89)

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Iacob : ii (22, 32); lvii (13); lviii (34); lix (31); lxix (11); lxxxii (22) Iacobite, -ni : lxviii (22); lxxvi (1, 5, 41, 41, 61, 65, 85); lxxvii (9) Iacobus : lxxvi (6) Iacobus : apost. liv (4); lv (28); lxii (79) Iacobus de Ave(s)nis : miles c (24); cii (16) Ianuenses : xxiii (9); xxiv (2); xxv (5); xliv (16, 18); lxvii (17); lxxiv (3)  Iapheth : xliii (20) [iaphet B E F H K] Ibelin cfr Hybelin Iconium : ci (10) Idumea, -i : xxi (14); xl (3); xcviii (21) Iebus : lv (23) Iebuseus, -i : ii (6); lx (21); lxii (4) Ieremias cfr Hieremias Iesus : christ. i (13); vi (92, 109, 214, 292); xvi (23); xxvii (9, 10); xxxi (12); xliii (45); lix (43); lxii (64); lxv (51); lxxi (12); lxxv (89); lxxvi (77); lxxix (32); lxxxii (94); ci (73) Iezraël : civ. xlix (12) India, -cus, -i : lxxvi (12); lxxvii (4); lxxxv (30); lxxxvi (64); lxxxvii (2, 19, 24, 36) ; lxxxviii (34, 168); lxxxix (96); xc (14, 37, 60); xci (3, 16, 82); xcii (355, 364) Innocentius : pap. lxxviii (51) Ioannes : evang. xliv (57); lxi (46, 47); lxxv (99) [iohannes B D E F K] Ioannes : baptist. vi (93, 94); liii (3, 7, 22, 26, 86, 92, 100) ; lvi (4); lviii (21); lxxvi (34, 48)  Ioannes : imp. xlvii (3) 

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Ioannes : eleem. lxiv (39, 72) Ioannes : presb. lxxvii (8) Ioannes : frater Ricardi cii (54) Ioannes de Brenensis: rex cii (142, 148) Iob : xv (17) Iocelinus: xciv (37, iunior 38, 43) Iohel : proph. lxi (56) Ioppes, -ensis : civ. xxii (3); xxiii (9, 12); xli (3); xlii (5); l (12); lviii (32); ci (61); cii (6, 10, 21, 33, 72, 73, 120) Iordanis, -icis : xxviii (3); xlix (6, 7); l (13) ; lii (14); liii (1, 2, 3, 21, 55, 76, 102); lvi (12, 21); lviii (20); lxxxix (43); xcvi (7) Ior : fons liii (56) Iosaphat : loc. lviii (23) Ioscelinus cfr Iocelinus Ioseph : vi (69); lix (10); lxii (51) Iosephus : ii (77) Iosias : rex lxii (21) Isaac : ii (32); lvii (13); lxxxii (21) Isabella (Ysabel) : regin. xcv (83); c (90); cii (80, 90, 144) Isaias : proph. lvi (22); lxv (111); lxix (16); 77 33); lxxxii (55) [isaias B D E  K] Isidorus : beat. xcii (3, 368) Ismael, -ita : v (2, 3) Israel, -itici : ii (8, 37, 38); liii (96, 99); lxii (11, 21, 34); lxxvi (52); lxxxii (27, 73); lxxxv (18); lxxxix (90); xciv (99) Italia, -i, -ci : xvi (29); lxvii (2, 23); lxxiv (1, 4); lxxxvi (3); c (28) Itinerarium Clementis : xliv (25)  Iturea : xlvii (2, 17, 26, 29) Iuda : ii (49) Iudas : apost. lxiv (66); lxxi (18) Iudea : xxxi (12); xxxvi (3); lv (12); xcviii (15)

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Iudeus : ii (14, 62, 62, 69, 75); v (57, 78); vi (11, 29, 33, 38, 40, 45, 77, 80, 83, 107, 124, 232, 243); xxvi (11, 12); lxi (25, 55); lxiii (6, 11); lxiv (65); lxix (20); lxxv (120, 154, 156); lxxix (33); lxxxii (1, 5, 15, 24, 26, 35, 52) Iudices: liber lxxxii (91) Iuno : xcii (234) Iupiter : xcii (167, 234) Iustinianus : imp. lv (30) Lacus Alphates (Alphatides) : liii (63) Lacus Alphatides (Alphates) : liii (63) Laodicea (Liche) : civ. iii (9); xxxvii (19); xliv (1, 51, 57); lxiv (9); ci (16) Lapis Incisa (Districtum) : xcviii (8) Laris (al-‫ۥ‬Arîsh): xxxix (1, 3) Lateranensis : concil. lxxviii (50) Latinus, -ne : xx (34); xxiii (1); xxxii (41, 43); xxxviii (4); xlvi (3); lvii (6); lviii (13, 38, 39); lix (38); lxiv (25, eccl. 27-28, 28, 29, eccl. 47, 67); lxxv (1, 6, 30, 56, 59, 63, 76, 79, 107, 113, 113, 133, 146, 155); lxxvi (4); lxxvii (10); lxxviii (45, 49); lxxx (23); lxxxi (lit. 3, sermo 4, 5, 8); lxxxiv (19); xc (25); xciv (49, 93, 96); xcv (4, 11, 24); xcvi (2, 41) Lazarus : lviii (16); lxii (89, 92) Lesem (Dan) : xxxv (5) [lesedan B D E F K] Leviathan : vi (179) Leviticus : lxxxvi (33) Libanus, -icus : mons xiii (3); xxxiii (10, 11, 13); xxxv (3, 12, 12);

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xliii (32, 70); xlv (5); xlvi (16); xlvii (28, 29); liii (55, 77); lv (42); lxix (24); lxxviii (3); lxxxiv (28, 31); lxxxv (10); lxxxvi (26); xcviii (10, 10) Libri Naturales : vi (142) Liche (Laodicea) : xliv (51) Lidda, -ensis (Diospolis, Sanctus Georgius) : civ. xli (7); lvii (1, 4, 16) Longobardia, -us : lxiv (18); xcii (412) Loth : xv (17) Lotharingia : xvi (59) Lucas : evang. xxxii (20); xlvii (17) Lucanus : xliii (49) Ludovicus : rex xlvi (8) Luza: loc. ii (21, 26); lv (24) Macarius : episcop. lxxviii (8) Macedo : xliii (62); lxxxii (45); xcii (29) Macedonia : ci (9) Maccabei : ii (56); xxx (5); lxiii (13); liber lxii (23, 43); lxv (49) [machabei B E F] Maguntinus : archiep. lxxix (58) Magog : lxxxii (48) Mahometus : iii (1, 12); iv (1, 2, 11, 47); v (1, 2, 38, 39, 72, 7273, 92, 103, 151); vi (1, 27, 29, 35, 42, 79, 112, 143, 183, 206, 238, 239, 259, 260, 279, 308); vii (1, 2, 15, 20, 22, 25) viii (2, 4, 5, 6, 7, 10, 10, 22); ix (3); x (1, 6); xii (3, 22); xiii (4); xiv (49, 55, 61, 100); xv (6); lxii (18); lex lxxvii (16) [machometi codd. bo] Mambre : loc. lxxxvii (14) Manichei : vi (62) Mara : xv (23) Maraclea : civ. xxxii (6); xliv (47)

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Marchol : xliii (38) Mare Diaboli (M. Salis, M. Mortuum) : liii (65) Mare Ionium : xcii (397) Mare Mediterraneum : lxxxiii (14); lxxxv (38) Mare Mortuum (M. Salis, M. Diaboli, L. Alphates) : lii (2); liii (60) Mare Rubrum : lxxxv (1, 17, 34, 34); xcvii (81-82) Mare Salis (L. Alphates, M. Mortuum) : liii (63) Margareta : beat. lii (12) Margarit : xcvii (41) Margath : castr. xxxii (6); xxxiii (4); xliv (48); xciv (32); xcviii (5) Maria, Beata Virgo : vi (56, 68, 69, 71); xliv (31, 34, 37); liv (21); lviii (24); lix (8, 10, 22, 26, 37); lxi (47); lxii (51); lxiii (7); lxiv (23); lxvi (16, 31); lxxvii (18, 40, 42); lxxxvi (60) Maria : lviii (16); lxii (89, 89) Maria Magdalena : lxiv (32)  Marith : silva xxx (14) Maro : hereticus lxxviii (6, 37) Maronite : lxviii (22); lxxviii (1, 5, 38, 48) Maroch (Carthago) : civ. ix (4); xliii (31) Marroch cfr Maroch Mars : xcii (217, 233) Martha : lviii (16); lxii (89, 90) Martinus : sanct. xcvi (56) Matha : civ. vi (2) [mecha C E F G J K, Mecham A] Matheus : apost. lxxvi (14, 47) Maubec(h) (Hiliopolis) (Ba’ albek) : civ. xlv (10); xciv (83) Mecha : civ. vi (3, 259, 276, 279) [matham E F] Medii : iv (19); xxx (14); xxxi (2); lxxx (5)

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Melchisedech : ii (4, 17) Melgissaphar : loc. xlvi (22) Mercurius : xcii (218, 236) Mesopotamia : xxxi (20); xxxvii (10) ; xciv (27, 88); xcvi (11); xcviii (3)  Milisendis : xcv (43) Milon de Planci : xlviii (6) Minerva : xcii (213, 235) Moab, -ites, -idis : xxi (13); xxviii (9); lvi (21); lix (33) Modin : lxiii (13) Moisen : v (78); vi (30, 54, 72, 73, 103); liv (4); lxii (25); lxxvi (54); lxxxii (18, 21, 25, 35, 99) Mons Oliveti (M. Olivarum) : eccl. lviii (11), loc. (17); loc. lx (22); lxii (1, 85, 85); 62; lxiii (5) Mons Regalis (Shawbak) : xxviii (1, 6); xlix (6); l (12); princ. xcvi (7)  Montana Nigra (mons Neros) : xxxii (39) Montes Caspii : lxxxii (45, 47); xcii (7) Mons Moria : ii (20); lxii (3) Mons Neros (Montana Nigra) : xxxii (42) Mosse (Mussula) xxxi (5) Moyses cfr Moisen Mozarabes : lxxxi (1, 3) Mussula (Ninive) : civ. xxxi (5); xciv (40, 85, 89) Naaman : liii (94) Naas : rex lxxv (33) Nabal : lii (16) Nabuchodonosor : xxxii (9) [ nabugodonosor B D K] Nazareth, nus: civ. liv (7, 19, 21); lvi (7, 16); lvii (1); lviii (31); lix (1, 2); xcvi (16) Neapolim (Naplouse) : l (6) Nephin : castr. xliv (20); xciv (33)

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Nestoriani, -ini : lxviii (23); lxxvii (1, 1, 5, 5, 9, 50) Nestorius : lxxvii (6, 16) Nicea, -cenus : urbs xvii (19); concil. lxxv (64, 87) Nilus, -iacus (Gyson): xxxviii (3); lxxxv (32); lxxxviii (155); xc (20); xcii (157)  Ninive (Mussula) : civ. xxxi (4) Noë : xliii (20) Noemi : xv (22); lix (33) Noradinus (Nûr-al Dîn) : xciv (48, 53, 68, 77); xcv (57, 57) Normannia, -i : xvi (57); cii (61) Nubia : lxxvi (11)

(5); primas xxxii (31); lxxx (5); lxxxv (21); lxxxviii (34); xc (50); xci (46); xcv (45) Petra Deserti, Petra, -censis (Crac) : castr. xlix (7); lvi (1, 17, 19, 20); lx (33); xcviii (19) Petra Incisa (Districtum) : munitio xlii (7) Petrus : apost. xxxii (13); xliv (23, 30); liii (48); liv (4); lxi (56); lxxi (10); lxxv (130); lxxviii (31)  Petrus : eremita xvi (1, 9, 37); xvii (4, 16); xx (25) Pharamia (Farâma) : civ. xxxvii (18); xxxviii (1, 2); xxxix (2)  Oceanus : xliii (42) [occeanus Phenica : xiv (2); xxv (17); xxvi (8); xxvii (6); xxxiii (7); xliii (5, B D E F K] 50); xliv (9, 30); xlvi (16); lxxOrigenes : xliii (41, 43) viii (3); xcviii (6) Ornam : lxii (4) Oxydraces : xcii (22) Phenix : xliii (29) Philippus : xxxv (7); xlvii (17) ; Pactolus : xcii (155) rex xcix (29); ci (19, 40) ; cii Palestina : xxiv (8) ; xl (3); xlii (57)  (5); lv (12); lvi (13); lxxxviii Philistei, -ini, -im : xxi (14); xl (10, (157); xcviii (13) 18); xli (4, 6, 17); xcviii (16)  Philona (Philomelium) : civ. ci (10) Palus Meotis, -idis : x (3) Pammachius : xliii (42) Phison (Ganges) : lxxxv (30); xci Paneas, densis (Belinas) : xxxv (9, (89)  10); lv (41, 41)  Pictavenses, -sis : xliv (45); xcv (88) Paschal : pap. lvii (9) Paula : lix (40) Pisani : lxvii (17); lxxiv (3) Paulus : apost. vi (116, 117); xxiv Plinius : xcii (3, 369) (9); xxxii (4); lxxv (82, 84, 97); Poase (Rages) : civ. xxxi (4) [roase lxxvi (21); lxxvii (38); lxxviii D K] (25, 33); lxxxii (37) Podiensis : episcop. xvi (50) Paumier (Segor) : loc. liii (62) Pollani : lxviii (2, 11, 12); lxxiii Pelusium : civ. xxxvii (7); xxxix (1, 12, 46)  (1, 4) Pompeius : ii (57) Pentapolis : liii (73) Porphyria (Caypha) : civ. xxii (1011); xlii (10); l (10); lii (10); lvi Pentateuchum : vi (23) ; lxxxii (25)  (5); ci (61) [porphiria B K, PorPersis, -es, -idis, -cus : ii (86, 89, firia E F] 94); iv (19); xi (7); xiv (16); xix

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Portuensis : episcop. xlvi (10) Premonstratensis : liv (13)  Probatica : piscina lviii (23); lxiii (8) Proserpina : xcii (167) Pullani cfr Pollani Purgatorium Sancti Patricii : xcii (398-399) Puteus Jacob (Sychar) : lviii (34) Puteus Septimus (Gibelin, Bersabee) : xxxvi (8) Ptolemais, idis (Accon) : civ. xxi (15); xxv (11); xxix (5); xlii (10) [tholomaidam B, tolomaidam E] Ptolemeus : xxv (12) Quarantena : lii (2, 6) Rablatha : civ. xxxii (7, 9) [reblata B D E F ; rebatha K] Rabath : lvi (24) Rachel : lix (31) Rages (Poase) : xxxi (3)  Raimundus : comes xxxiii (19); xciv (55); comes xcvi (36)  Ramatha (Ramula) : civ. xxii (8)  Ramula (Ramatha) : civ. xxii (7); xli (7)  Raphanea : civ. lxxxv (11) Rebecca : xlvii (13) Reblata cfr Rablatha Reges : liber xxvii (11); xxxii (7-8); xlii (3); xliv (14) Remensis : archiep. lxv (36) Ricardus : xcix (29); ci (19, 24, 62); cii (1, 12, 23, 52) Roma, -nus : ii (58, 61, 72, 80, 83); vi (22, 273); xxiv (10); xlvi (7); lv (8, 25) ; lxii (6); liv (58); lxxv (3, 6, 117, 124, 126, 137); lxxviii (2, 25, 32, 43, 51); lxxix (55, 57); lxxxi (4, 9);

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xcix (7, 29); ci (6); cii (108, 154) Rupis (Templum Salomonis) : vi (283); lxii (9, 20) Ruth : lix (33) Saba : loc. lxix (13) Sadducei : lxxxii (1, 17) Saduccei cfr Sadducei Saladinus : viii (23, 26, 35); xlviii (8); xciv (3, 70, 70, 89); xcv (73, 74, 78, 101); xcvi (1, 3, 38, 47, 51, 72); xcvii (1, 7, 32, 49, 68, 69, 71); xcviii (1); c (14, 16, 18, 40); ci (2, 15, 34, 58, 63, 86); cii (1, 7, 19, 25, 29, 38, 41, 68, 95, 98)[salahadinus codd. bo] Salem : ii (5); lv (23) Salernum : civ. lxiv (191) Salingua : loc. v (10) Salmanazar : rex lxxxii (261) Salomon : ii (27); vi (67, 283); xxvii (11); xxxiii (15); xliii (14, 32, 34, 36, 37, 38); lxii (1, 4, 17, 30, 36, 83) Saltus Libani : xxxv (12); xlvii (28-29) Samaria, -tani : lvi (3); lviii (35); lxxi (1, 24, 27, 28, 29); fons lxxxv (4) Sanctis Iohannis cfr. Hospitalis Sancta Maria : abbat. lviii (25) Sancta Maria Latina : monaster. lviii (13); lxiv (27-28, 47, 67) Sanctus Egydius : comes xvi (57) [egidius B D E F K] Sanctus Georgius (Diospolis, Lidda) : civ. lvii (17) Sanctus Simeon : portus xxxii (37)  Sancte Marie T(h)eutonicorum : hospital. lxiii (26) ; lxvi (9, 30, 35, 39) Sanguinus (Zengî) : xciv (40, 48)

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Saphet(h) : munitio xlix (8, 9); xcvii (75) Sara : v (4); xlvii (13) Saracenus, -icus : v (4, 5, 49, 68, 88, 122, 142, 158); vi (40, 77, 87, 88, 93, 163, 195, 203, 208, 235, 257, 279, 305, 307); viii (20); ix (2, 11); x (7); xi (2, 17); xii (8, 10, 12, 25); xiv (27, 49, 92); xvii (25); xx (19); xxxi (18); xxxvii (12); xl (22); xliii (74); xliv (38, 60); xlvi (4, 33); xlvii (13, 27); xlix (1); lxii (13); lxiv (3, 5, 8, 13, 17); lxviii (9); lxxiii (17, 19, 22, 49, 57); lxxiv (7); lxxv (6, 20, 24, 26, lingua 46, scriptura 47, 50); lxxvi (10, 17, 60, lingua 95, 98, 99); lxxvii (3, 12, 14); lxxviii (idioma 53); lxxix (4); lxxx (4, 16, 18); lxxxi (3); lxxxii (62, 67, 70); lxxxiii (21); lxxxv (49); lxxxvi (56, 57); lxxxviii (162, 174); xciv (43, 47, 57, 92); xcvi (8, 15, 23, 28, 31, 33, 34); xcvii (5, 23, 28); c (1, 30, 35, 42, 44, 46, 50, 72, 78); ci (9, 37, 54, 65, 66, 68); cii (1, 9, 13, 18, 37, 58, 65, 72, 78, 94, 99, 104, 107, 114, 116, 121, 122, 124, 133, 136, 146, 149, 152) Sardinia : lxxxvii (22); xcii (393) Sarepta (Sarafand) : civ. xliv (3) Saulus : xlvi (23, 24, 24) Saul : lii (15) Scandalium, on (Alexandrium) (Iskanderûna) : presidium xxix (1, 6); xliii (63) Scylla : xcii (398) Scythopolis (Bethsan) : civ. xcviii (17) Sebasta : civ. lv (45); lvi (1, 2) Sedechias : ii (12); xxxii (8)

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Segor (Paumier) : liii (61) Senonensis : archiep. lxv (37) Sephor, -itanus : fons lix (3, 5); xcv (39) Seres : lxxxvii (27) Sergius : xci (57) Sibylla : regina xcv (82, 84, 97); c (85) Sicilia : xvi (60); xcii (396); xcvii (42, rex 43) Sidon, -i, -ensis (Sayda) : xxvi (7); xxvii (1, 4, 6, 11, 13); xliii (11); xliv (8); xlvii (25, 27); l (10); lv (40); ci (16) Siloe : fons lv (15); lxiii (10); lxxxv (8) Simeon : patriar. xvi (14, 27); xxxvi (4); lxii (65) Simon (Petrus) : lxxvii (20) Simon magus : lxxvii (20) Simon de Monteforti : cii (137) Siracunus (Shîrkuh) : xlviii (8); xciv (68); xcv (64, 65) [syracunus B, syracusanus F, ciracunus D] Siracusanus cfr Siracunus Sobal : loc. xxviii (4); xcviii (20, 21) Sodoma, -ticus : v (12); xv (17-18); civ. liii (70) Solinus : xcii (369) Solyma : lv (24) Sor (Sur) : xliii (21) Sosius : vi (22) Stephanus : beat. lxiii (11); patriar. lxv (32) Sur (Sor) : xliii (22) Suriani, Syri : ii (82); iv (19); xx (23); liii (18, 95); lviii (38); lxiv (2, 6, 12, 25); lxviii (14, 22); lxxiii (49); lxxv (1, 4, 12, 14, 15, 46, 55, 86, 112, 140); lxxvi (61, 64, 91); lxxix (28)

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Sychar (Puteus Jacob) : loc. lviii (34) [sichar B D E K] Sydon cfr Sidon Syloe cfr Siloe Symeon cfr Simeon Synai : mons vi (73); lvi (18) Syon : mons lv (15); eccl. lviii (11); lix (35); lx (20, arx 20); mons lxi (1, 36); lxiii (4) Syria : iii (9); xiv (14); xxviii (4); xxxii (32); xxxiii (7); xxxvii (19); xliv (1, 51); xlv (9); xlvi (16, 17, 30); liii (8); lv (12); lxiv (9); lxxiv (4); lxxv (13, 14); xcvii (80); xcviii (1, 3, 4, 6, 6, 6, 10, 11, 12, 13, 14, 18, 20, 20, 21) Tancredus : xvi (61); xliv (52) Tarentinus : xviii (10) Tartareus : xcii (159) Templarii, militia Templi : xiv (64; xl (14); lxii (82, 82); lxiii (25); lxv (1, 27, 109); lxvi (6, 46); xcvi (19, 25, 66, 73); xcvii (34); c (51; cii (46) Templum : eccl. ii (23, 54, 59, 64); vi (67, 282, rupis 283); xliii (32); xlviii (11, 36); lxii (1, 1, 2, 9, 13, 19, 22, 37, 52, 56, 71, 74, 76, 77, 79, 83, 84, 94); lxiv (66); lxv (25, 27); lxxxii (106) Teutonicus : xvii (5); lxiii (Sancta Maria 26); lxvi (ordo, 1, militia 1, Sancta Maria 9, 21, 24, 26, 34) Thabaria : liii (47) [tabaria B D K] Thabor : mons xlix (11); liv (1, 3); abbatia lviii (30); cii (149) Thadeus : apost. xxxi (6, 8) Thanatos : insula xcii (391) Tharsus : civ. xxxii (4) Theophilus : xxxii (16, 17, 19) [teophilus B]

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Theutonicus : cfr Teutonicus Thoronum Ethin : xcv (52) Thyle : insula xcii (394) Tiberias, -ensis (Tyberiadis) : xxi (16); xxii (12, 14); xliii (66); xlvii (25); xlix (12); l (11); liii (47, 47); lvi (1, 8, 8); xcv (77, 103); xcvi (16, 30) Tiberius : xxxv (8) [tyberius B D E F K] Tigrus : lxxxv (36); xcvii (80); xcviii (2) Titus : ii (73); lv (26); lx (8) [tytus B E F K]  Tobias : xxxi (3, 4) [tobia B, thobia K, thobias E F]; liber lxix (18) Tolosanus : comes xvi (57); xxxiii (19) [tholosanus B F] Toronum (Tibnîn) : castr. xliii (68); xcvii (75) Tortosa (Entarados) : xiv (3); xliv (29); ci (16) Traconis, -tidis : xlvii (2, 16, 18, 21, 29) Trecas : lxv (35) Tripolis, -tanus : civ. xiii (3); xiv (76); xxi (15); xxvi (3); xxxiii (1, 2, 3, 6); xliii (76); xliv (16, 20, 46); l (9); xciv (30, 33); xcv (95, 99); xcvi (15, 31); xcvii (19, 21, 35); xcviii (7); cii (133) Theodosius : episcop. lxxvi (75) Turci : xi (5, 5); xviii (5); xix (6); xcv (27, 27, 44, 53, 66) Turcomani : xi (1, 3, 5, 16) Turcoples : xcvii (47); cii (7) Turonensis : comes xcv (42) Turonum cfr Toronum Turris Stratonis (Cesarea Maritima) : xxiv (5) Tyberiadis cfr Tiberias Tygris cfr Tigrus Tyras : xliii (20)

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Tyrus, -ensis : civ. xxi (15); xxv (17); xxvi (8); xxvii (6, 11); xxix (5, 6); xlii (1); xliii (1, 2, 11, 21, 24, 25, 34, 43, 46, 47, 52, 53, 56, 59, 60, 62, 65, 66, 67, 68); xliv (1, 13); l (7); lv (39); lxxxiv (18); lxxxv (15); xciv (30); xcvii (59, 61); xcviii (7); c (4, 89, 94); cii (49, 84, 110) 

Vallis Iosaphat : loc. lv (16); eccl. lviii (14); loc. lxiii (1, 4) Vallis Salinarum (V. Illustris) : liii (59) Veneti : xliii (77); lxvii (17); lxxiv (3)  Venus : vi (147) (247); xcii (226, 235)  Vespasianus : ii (73); lv (27); lx (28) 

Ulpianus : xliii (47) Urbanus : pap. xvi (28, 37); xcix (7) Urias : lvi (25)

Willermus de Longa Spatha : xcv (84, 86) Wilermus : rex Sicilie xcvii (43)

Valania : xxxii (5); xliv (47); xcviii (5) Valenia cfr Valania Vallis Illustris (V. Salinarum) : liii (59)

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Ysabel cfr Isabella  Yturea cfr Iturea Zacharias : lxii (59)

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TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION Jacques de Vitry et l’Historia orientalis 7 Date et lieu de composition. Le titre 10 14 La méthode dans l’Historia orientalis. Plan et composition La nature de l’ouvrage. Genres et sources 21 Thèmes du discours 32 L’édition 44 Principes d’édition 70 BIBLIOGRAPHIE

72

CHRONOLOGIE

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IACOBI DE VITRIACO HISTORIA ORIENTALIS HISTOIRE ORIENTALE DE JACQUES DE VITRY

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Notes 469 INDEX Index biblique Index onomastique

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