Histoire générale de l’Afrique noire, de Madagascar et des archipels : De 1800 à nos jours [2]

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Histoire générale de l’Afrique noire, de Madagascar et des archipels : De 1800 à nos jours [2]

Table of contents :
PREMIÈRE PARTIE
LE XIXe SIÈCLE
Introduction, par Hubert Deschamps
Premier. — L’impact extérieur : Européens et Arabes, par Hubert Deschamps
II. — L’impérialisme, par Henri Brunschwig
III. — Mauritanie et Sénégambie, par Roger Pasquier
IV. — Du Soudan nigérien à la côte atlantique, par Yves Person
V. — Guinée centrale et orientale, par Paul Mercier
VI. — Le Soudan central, par Henri Moniot
VII. — Les savanes du Nord : Le peuplement du rebord occidental de l'Adamawa, par Claude Tardits
Les savanes centrafricaines, par Pierre Kalck
Chapitre VIII. — La forêt équatoriale, par Pierre Alexandre
Chapitre IX. — Les savanes du Sud, par Jan Vansina
Chapitre X. — L’Afrique du Sud et du Zambèze (1800-1880), par W. G. L. Randles
Chapitre XI. — L’Afrique orientale, par Odette Guitard
Chapitre XII. — L’Ethiopie et le Soudan nilotique : L'Ethiopie et ses voisins, par Richard Pankhurst
Le Soudan nilotique, par Hubert Deschamps
Chapitre XIII. — Madagascar, par Jean Valette
Chapitre XIV. — Les Mascareignes, les Seychelles et les Comores, par Auguste Toussaint
DEUXIÈME PARTIE
LA PÉRIODE COLONIALE
Introduction. — L’évolution coloniale, par Hubert Deschamps
Chapitre Premier. — L’Afrique française, par Hubert Deschamps
Chapitre II. — L’Afrique britannique et le Soudan anglo-égyptien : L'Afrique britannique, par John Donnelly Fage
Le Soudan anglo-égyptien, par Hubert Deschamps
Chapitre III. — L’Afrique portugaise, belge, espagnole, allemande et le Liberia, par
Robert Cornevin
Chapitre IV. — L’Ethiopie et l’Italie, par Richard Pankhurst
TROISIÈME PARTIE
DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCE
Introduction, par Hubert Deschamps
Chapitre Premier. — L’Occident, par Hubert Deschamps
Chapitre IL — Décolonisation et indépendance en Afrique centrale, par Catherine
Coquery-Vidrovitch
Chapitre III. — Le Nord-Est : Ethiopie et Somalis, par Richard Pankhurst
Le Soudan, par Hubert Deschamps
Chapitre IV. — L’Afrique orientale depuis 1945, par Odette Guitard
Chapitre V. — L’Afrique australe et les pays du Capricorne, par Claude Wauthier
Chapitre VI. — Madagascar, par Flavien Ranaivo
Chapitre VII. — Les Mascareignes, les Seychelles et les Comores au xx® siècle, par
Auguste Toussaint
Annexe. — Les petites îles, par Hubert Deschamps
Conclusion. — L’Afrique face au monde, par Basil Davidson
Chronologie, par Hubert Deschamps
Index
Table des illustrations
Table des cartes

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BERK E l i t X LIBRARY &NIVERSIIY O f

*

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A. -X

f x

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H IS T O IR E

GÉN ÉRALE DE

L ’A F R I Q U E

N O IR E II

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^HISTOIRE GÉN ÉRALE DE

L’AFRIQUE NOIRE DB MADAGASCAR ET DES ARCHIPELS P U B LIÉ E

TO M E

II

: De

18 0 0

à

SOUS L A

D’ HUBERT

DESCHAM PS

n os jo u rs

PRESSES 108,

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D IR E C T IO N

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U N IV E R S IT A IR E S

BOULEVARD

DE

FRAN CE

SAINT-GERMAIN,

PARIS

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Ont contribué à ce volume : H U BERT DESCHAMPS

professeur honoraire tTHistoire de l'A friq u e à la Sorborme.

H EN RI BRUNSCHWIG

professeur d'H istoire de l'A friq u e à l'E co le de Hautes Etudes,

R O G ER PASQUIER Y V E S PERSON PAUL M E R C IE R H EN RI MONIOT CLAUDE TA RD ITS PIE R R E K A L C K P IE R R E ALEXAN DRE J AN VANSINA

maître-assistant d'H istoire de l'A friqu e à la Sorbonne, professeur tT Histoire de l'A friqu e à la Sorbonne, professeur de Sociologie à la Sorbonne. agrégé (T Histoire, maître-assistant d'H istoire de l'A friqu e à la Sorbonne, professeur à l'E cole des Hautes Etudes, docteur es lettres. professeur de langues Bantou à l'E cole des Langues Orientales Vivantes, professeur Montalembert, Lamartine, Tocqueville, préparée avec une lente minutie par le gouvernement de Louis-Philippe, fut décrétée, dès la Révolution de 1848, sur l’initiative de Victor Schoelcher. L a pro­ duction des îles baissa; on y remédia, en 1852, par l’institution d’un système d* « engagés » qu’on dut abolir dix ans plus tard devant les réclamations furieuses de Palmerston. Dès 1850, les navires de guerre à vapeur et à hélice permirent de lutter efficacement contre les négriers. L ’Angleterre passa des traités avec les chefs africains de la côte pour les faire renoncer à la traite. Il fallut bloquer O uidah, occuper Lagos (18 5 1). Le commerce de l’huile de palme, alimentant la nouvelle industrie du savon, fut substitué à celui des esclaves dans le golfe de Guinée. Au Brésil le développement du sucre et du café avait fait remonter le chiffre des noirs importés à plus de 50 000 par an. En 1850 Palmerston décida de pour­ suivre les bateaux négriers jusque sur la côte brésilienne. Les libéraux brésiliens l’appuyèrent. En 1853 l’importation avait pratiquement cessé. A Cuba, la réduction des croisières britanniques lors de la guerre de Crimée fit remonter les importations des noirs de 30 000 en 1859. Les Etats-Unis avaient aboli la traite, mais leurs Etats du Sud, ayant besoin d ’esclaves pour le coton, en faisaient venir par ce détour. Les « bayous » de Louisiane avec leurs lacis de criques et de lagunes, bordés de palétuviers, se prêtaient au trafic clandestin. Cependant le mouvement abolitionniste agitait les consciences chrétiennes dans les Etats du Nord. En 1852 Mrs Beecher-Stowe publiait La case de Voncle Tomy vaste fresque frémissante de vie et de pitié pour les malheurs des esclaves. En 1861 Lincoln devenait Président et faisait aussitôt pendre un négrier. Quand, en 1865, Palmerston mourut, un an après Lincoln, ils avaient remporté la victoire. L a traite des noirs européenne était virtuellement morte.

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E N O IR E

T raite musulmane et t r a it e in t é r ie u r e

La conquête arabe de PAfrique du Nord au vn e siècle avait été suivie et^principe d’une pénétration, par le Sahara, jusqu’au Soudan d’où étaient ramenés l’or et les esclaves. Sur la côte orientale des navires venaient chercher les esclaves zendji si nombreux en Irak au ix® siècle que leur révolte faillit submerger le pays. En général cependant les esclaves en pays musulman étaient surtout des domestiques; le Prophète recommandait de les bien traiter et faisait de leur affran­ chissement une œuvre pieuse. Seuls les prisonniers de guerre, non musulmans, pouvaient être réduits en esclavage. De là des razzias chez les rois païens, mêlant le mérite de la guerre sainte et les profits du commerce. Les hommes devenaient serviteurs ou soldats, les femmes servantes ou concubines; on fabriquait, avec les jeunes garçons, des eunuques pour les harems. L ’Afrique du Nord, la Turquie, l’Arabie, la Perse, et même l’Inde étaient les pays d’exportation. Mais beaucoup d ’esclaves demeuraient dans les pays noirs, surtout chez les musulmans Peul, Maures, Touareg. Les souverains des Etats noirs recrutaient nombre de captifs comme servi­ teurs, soldats, femmes, travailleurs agricoles. Même dans le très simple village mandingue où il séjourna longuement, Mungo Park estimait que les esclaves for­ maient les deux tiers de la population.

^'CS ^'tats musulmans de la zone sahélienne, tels le Bomou, le Baguirmi, le Ouadaï, le Darfour menaient des razzias régulières chez les païens du sud. Les Maures, les commerçants de Tombouctou et du pays Haoussa en achetaient au Soudan nigérien. Les caravanes transsahariennes étaient organisées par les marchands arabes d’Afrique du Nord, du Touat, de Ghadamès, de Tripoli, du Fezzan. L a ville de K ano seule exportait 5 000 esclaves par an selon Barth. Ces Soudanais, habitués à un climat plus humide, mai chant dans un désert torride, souvent maltraités, laissaient sur place de nombreux cadavres. Clapperton, à certains endroits, marchait sur des squelettes. Les pays du Sud étaient dévastés par les razzias; des régions entières, au sud du Ouadaï en sont restées vides. La suppression de ces pratiques suivit l’occupation européenne du M aghreb, puis du Sahel soudanais et du Sahara ; en nombre d’endroits ce ne fut pas avant le xx« siècle. A travers U S ha a

, „ ,

...

En 1820 Méhémet Ah, pacha d Egypte, envahit le Soudan nilo. , t j , tique, espérant y trouver de l or et des esclaves pour son armée et pour ses travaux. Dix ans après, la partie nord est conquise, Khartoum fondée, de nombreux esclaves emmenés en Egypte. Dans le sud (« Pays des Rivières »), Au Soudan mlottque

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L 'IM P A C T E X T É R IE U R : E U R O P É E N S E T ARABES

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des traitants musulmans viennent s’installer parmi les païens nilotiques, se taillant des principautés à coups de fusil, créant des zériba (citadelles entourées d’épineux), suscitant des guerres locales, pratiquant des razzias, ramenant ivoire et esclaves, empilés dans des embarcations descendant le Nil. Le Khédive Ismaïl, en 1870, tenta vainement de supprimer la traite. L a révolte du M adhi, en 18 8 1, amena l’évacuation d ’une partie du pays païen. En 1898 l’occupation anglo-égyptienne mit fin à la grande traite. Seuls ont subsisté quelques trafics clandestins sous le prétexte du pèlerinage.

^ re^8*eusc interdisait aux Ethiopiens le trafic des esclaves. Celui-ci était pratiqué par les musulmans de la côte, qui s’approvisionnaient surtout dans le sud-ouest, chez les Galla, les Chankalla et autres païens, où les royaumes étaient nombreux et les guerres constantes. On enlevait surtout femmes et enfants qu’on dirigeait en grandes caravanes vers le plateau éthiopien et surtout vers la mer Rouge où on les embarquait pour l’Egypte, l’Arabie, la Perse. On a estimé ces départs à 6 000 par an. Les Abyssins étaient appréciés comme esclaves de confiance et les femmes comme concubines. L ’installation des Anglais à Aden en 1839 gêna ce trafic. M algré les interdictions officielles, le trafic intérieur se poursuivit quelque peu jusqu’à l’empereur Haïlé Hélassié qui y mit fin.

En EüdoàU

^ c^tc OI^cnta^e> l’ancien pays des Zendj, plus ou moins islamisé et parlant souahili (langue bantoue mélangée d’arabe), reconquise sur les Portugais par les sultans arabes de Mascate, entretenait, fin xvm ® siècle, un petit commerce d’esclaves, notamment avec les Mascareignes. En 1820, le sultan de Mascate, Seyid Saïd, résida de plus en plus fréquemment à Zanzibar et développa la culture du girofle dans cette île et ses voisines, créant un besoin d e main-d’œuvre. Des marchands arabes s’enfoncèrent dans l’intérieur, suivant la route ouverte par les Nyamouézi du plateau, et installèrent chez ceux-ci un trafic d ’ivoire et d ’esclaves, alimenté par des alliances avec les tribus voisines toujours en guerre. E n 1840, à la recherche de nouveaux champs d’action, ils arrivèrent à Oujiji, traversèrent le lac Tanganyika, atteignirent en 1868 le Loualaba (Congo supérieur) et pénétrèrent dans la grande forêt. L ’un d ’eux, Tippo T ip, s’y tailla un royaume. L e s Arabes imposaient des tributs en ivoire et dirigeaient des razzias chez les voisins. L e s esclaves étaient incorporés dans l’armée ou sur les plantations locales, le reste e n v o y é à la côte en longues caravanes, encordés ou enchaînés, portant des charges, fou ettés, les traînards tués. Entassés dans des petites embarcations (daous, boutres) en plusieurs rangs superposés ils gagnaient Zanzibar, d’où une partie des survi­ va n ts était réexportée vers les pays orientaux. Dans la région du Nyassa certains

En Afrique oriental*

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E

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NOIRE

D o m in a tio n é g y p tie n n e I P é n é tra tio n d e s tr a it a n t s n u b o -a ra b e s I D o m in a tio n z a n z ib a r it e I P é n é tra tio n d e s t r a it a n t s z a n z ib a r it e s 1 0 0 0 Km

C arte 2 PÉNÉTRATION ARABE e n A f r iq u e o r i e n t a l e AVANT 18 8 0

peuples (Yao) s’étaient spécialisés dans la razzia de leurs voisins. Livingstone en a laissé des descriptions horrifiées. L ’Angleterre s’émut, envoya des croisières, imposa aux sultans de Zanzibar des traités successifs restreignant le trafic, puis (en 1873) le supprimant.

Les habitudes de traite intérieure subsistèrent bien que la traite, à l’est comme à l’ouest, eût perdu ses exutoires. Les pombeiros, métis ou esclaves portugais de l’Angola, se rendaient maintenant jusqu’au Loualaba où ils rencontraient la traite orientale, celle des Arabes. Les esclaves qu’ils ramenaient étaient employés en Angola, dans les plantations ou les villes, ou expédiés aux îles Sao Tomé et du Prince. Les Arabes continuaient leur pénétration vers le nord, le long du Congo et de ses affluents, razziant et vivant sur le pays. Leur puissance était telle que Stanley, revenant en 1887, jugea bon d’acheter l’appui de Tippo Tip Traite intérieure

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L %I M P A C T E X T É R I E U R : E U R O P É E N S E T AR ABE S

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en le faisant nommer par Léopold I I gouverneur de la province orientale. Mais l’opinion européen ÎU? émit ïortement agitée contre la traite, notamment en France par la campagne de M gr Lavigerie. De nombreuses missions catholiques et protestantes furent créées dans la région des lacs. Mais c’est seulement par la colonisation anglaise et allemande de l’Afrique de l’Est et surtout par l’action militaire des Belges au Congo oriental (1892-1898) que la puissance arabe fut brisée et la traite abolie. L ’esclavage lui-même, important dans nombre de sociétés noires, et toléré pour cette raison par les puissances coloniales, ne fut aboli que progressivement. L

e

co m m erce

L a traite des esclaves n’a jamais été la seule forme de commerce des étrangers avec l’Afrique noire. Au xrxe siècle le « commerce légitime » grandit et remplaça le trafic condamné.

marc^ian(^s d’Afrique du Nord envoient leurs caravanes de chameaux à travers le Sahara jusqu’aux « ports » sahélo-soudanais, comme Tombouctou ou Kano, où d’autres commerçants arabes sont installés à demeure. Ils importent : des toiles et de la quincaillerie, surtout anglaise ; des fusils, stocks périmés des guerres européennes; des vêtements, tapis, couvertures arabes; du sucre, des épices, de la verroterie, de l’ambre, du papier. Au retour on emporte, outre les esclaves, la gomme, la cire, les plumes d’autruche, l’ivoire, un peu d’or. L e troc est la règle ordinaire, mais on connaît aussi des monnaies, les coquillages cauris, les thalers. Vers le sud les marchandises importées sont amenées par les colporteurs Dioula ou Haoussa jusqu’à Kong, à Salaga sur la Volta, à Rabba sur le bas N iger; ils ramènent au nord des colas. Le Ouadaï et le Darfour commercent avec l’Egypte par le Sahara et par la « route des quarante jours » aboutissant à Assiout sur le Nil. En Afrique orientale les porteurs Nyamouézi ont ouvert la route d e la côte. Les marchands arabes de Zanzibar, installés à Tabora, vont en rayonner v e rs l’Ouganda et le Congo; d’autres se rendent de la côte au Nyassa et au-delà. Ils importent des verroteries, des étoffes anglaises et américaines (les tissus m érikani). Ils exportent, outre les esclaves et l’ivoire, le cuivre du Katanga, fondu en « croisettes ». Tout ce transport a lieu à tête d’hommes.

Commère* arabe

Dans la plus grande partie du siècle, le commerce européen resta limité à la côte, soit qu’on trafiquât sur le navire même, ou su r le rivage, soit que fussent établis des comptoirs permanents, comme au Sénégal o u à l a Côte-de-l’Or. Les affaires étaient entre les mains de maisons de commerce Com m erce européen

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H IST OI RE DE L 'A F R I Q U E NOI RE

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spécialisées, telles, pour la France, Maurel de Bordeaux, et Régis de Marseille. Les transports intérieurs étaient assurés par des courtiers, appartenant aux tribus côtières et relayés, plus loin dans la brousse, par des colporteurs professionnels, dioula, mandingue, haoussa, etc., payant des droits de passage aux chefs locaux. Fusils, poudre, tissus, habits, eau-de-vie, quincaillerie, verroteries, barres de fer, objets de cuivre formaient l’essentiel des importations, amenant le déclin des fabri­ cations locales (tissus, objets de fer). L ’abolition de la traite des noirs amena la reconversion au « commerce légi­ time » : l’arachide au Sénégal, l’huile de palme sur la côte des Esclaves, bois précieux ou de teinture, gomme copal. Le marché se faisait par échange, avec des unités de compte variables (barre, paquet), concurremment avec des monnaies diverses : coquillages cauris, manilles (bracelet de cuivre), puis piastres d’argent. De vastes régions intérieures restaient à peu près sans commerce, en économie de subsistance. A partir de 1880, la croissance de l’industrie européenne, son besoin de matières premières, l’ouverture de l’Afrique par les explorations augmentèrent et transformèrent les échanges. Les Européens pénètrent dans l’intérieur. Goldie crée la R oyal Niger Company qui installe ses comptoirs le long du fleuve, fondant un empire commercial dont sortira la Nigeria. Le commerce précède parfois, mais généralement suit l’occupation coloniale. De grandes compagnies de colonisation et de commerce sont investies de droits quasi régaliens par les métropoles, incapables d’organiser seules la mise en valeur. C ’est le cas dans les deux Congo, en Rhodésie, au Mozambique, en Afrique orientale. On n’en est pas encore aux plantations, on se contente d’exploiter les ressources naturelles (bois, ivoire, caoutchouc) et aussi, souvent, les hommes. Les pays de la côte, du fait de ce bouleversement, prennent la prépondérance économique sur ceux de l’intérieur, peu changés ou soumis à un commerce arabe stagnant. Dans l’est les Européens se substituent aux Arabes. Dans le sud, ils pénètrent le bassin du Zambèze. L ’industrie de l’Europe, appuyée par ses armes, a gagné la partie.

L es mi ssi ons

Les Arabes ne se souciaient guère de prosélytisme. Les conversions à l’islam avaient été surtout le fait des conquérants noirs dans la région soudanienne ou l’influence des marchands. Par contre la pénétration des missions chrétiennes a suivi l’exploration. En 1800 leur implantation, sauf de rares points des côtes et les environs du Cap, était nulle. Mais le mouvement de renaissance chrétienne, en Angleterre dès le xvm ® siècle, en France après la Révolution, créa des missions consacrées à l’évangélisation des

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L ' I M P A C T E X T É R I E U R : E U R O P É E N S E T A R AB E S

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païens : en Angleterre la London Missionary Society (L.M .S.), la Church Missionary Society (C .M .S.); en A llem ag n e les Frères Moraves, les Missions de Bâle; en France les Pères du Saint-Esprit, la Mission africaine de Lyon ; plus tard les Pères Blancs du cardinal Lavigerie. L e pape Grégoire X V I (1831-1846) réorganisa la Congré­ gation de la Propagande et favorisa les missions en Afrique, avec le souci de créer des églises locales. En Afrique du S u d , l ’église réformée hollandaise était celle des Boers. L a L .M .S ., avec Moffat e t L iv in g sto n e évangélisa, les Bétchouana. Diverses sectes britan­ niques s’installèrent c h e z les Cafres. L a mission protestante française convertit le roi des Basouto, M o sh e sh , et contribua à protéger son peuple. 1820 vit l’arrivée d e l a L .M .S . à Tananarive; elle dota la langue malgache d ’un alphabet, traduisit l a B ib le , fit quelques conversions que suivit bientôt une dure persécution. En 1861 , m issionnaires protestants et catholiques purent s’installer dans l’île. La reine, e n 1 8 6 8 , se convertit au protestantisme. A Mombassa, en 1 8 4 0 , arrivèrent les missionnaires K ra p f et Rebman, de la C .M .S., qui traduisirent l a B ib le en souahili et, au cours de leurs tournées, firent les premières découvertes. L e s catholiques français s’installaient à Bagamoyo en i860. Après les grandes e x p lo r a tio n s , missionnaires protestants et catholiques (notamment les Pères Blancs) fondèrent d e s missions autour des lacs ; ils repoussèrent, en Ouganda, une offensive de l’islam, f u r e n t persécutés, pub, ayant gain de cause, se dbputèrent; les « guerres de religion » f u r e n t arrêtées par Lugard qui occupa le pays. Les pr tants britanniques, guidés p a r Livingstone, essaimèrent autour du lac Nyassa. Les Pères du Saint-Esprit p r ir e n t p ie d au Gabon, pub au Congo françab. Des missions belges, am ^v„inn ang la is e s se répandaient au Congo léopoldien, des missions ^llwnanHf, au Cameroun, m ission n aires italiens et britanniques remplaçaient les marchands d’esclaves chez’ le s N ilo te s du « Pays des Rivières ». La côte de Guinée re s ta longtem ps défendue par la forêt et la fièvre. Les protestants britanniques s’é t a b l ir e n t en Sierra Leone, au Liberia, à la Côte-de-l’Or, sur le bas Niger où un é v ê q u e Y o r o u b a , Samuel Crowthcr prêcha de 1854 à 1891. L e Togo était sous l’influence d e l a mission allemande de Brême. Les Pères françab du Saint-Esprit s’installaient e n b a s s e Guinée et au Sénégal. Les missions de Lyon, décimées par une forte m o r t a lit é , occupèrent la basse Côte-d’Ivoire, des Pères Blancs prospectèrent la zone so u d a n ie n n e . Parmi les ordres féminins, le plus célèbre fut celui de Saint-Joseph de C l u n y , fondé en 1806 par la Mère Javouhey. Ce n’étaient là encore q u e d e s prises de position, m ab au xx« siède la désinté­ gration des structures tra d itio n n elles, entraînant celle des religions païennes, devait provoquer des conversions m a ssiv e s.

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

L ’ occupation

coloniale

Les causes de l’expansion politique européenne, avec le passage du libéralisme à l’impérialisme, seront exposées dans le chapitre suivant. Nous nous bornerons ici à résumer les principaux faits de l’occupation coloniale (européenne et arabe) en les groupant par périodes, mesurant ainsi les étapes.

En 1815 seules sont occupées : A) Les petites îles au large Untiles10™ (Bourbon et Sainte-Marie de M adagascar par les Français; M aurice, les Seychelles, Sainte-Hélène et l ’Ascension par les Anglais; Sao Tomé et Pile du Prince par les Portugais; Zanzibar par les Arabes de M ascate); B) Certaines positions disséminées sur les côtes. Celles-ci sont, à partir de l’Europe : Saint-Louis, Gorée au Sénégal, comptoirs français; la Gambie, Freetown en Sierra Leone aux Anglais ; Bissau, Cacheo et les Bissagos aux Portugais ; sur la Côte-de-l’Or les forts entremêlés des Hollandais (Mina, Axirn), des Anglais (Cape Coast Casde, Accra), des Danois (K éta); à Ouidah trois forts, français, anglais, portugais dans la dépendance du roi du Dahom ey; en Angola de petits territoires portugais autour de Loanda et de Benguela; au Cap une colonie florissante qui vient de passer aux mains des Anglais et dont les habitants d’origine hollandaise (les Boers) s’étendent jusqu’à la Great Fish R iver, limite des tribus bantou; sur le bas Zambèze des domaines portugais décadents et, sur la côte, l’île, portugaise aussi, de Mozambique ; en face de Zanzibar et plus ou moins vassales de son sultan, diverses cités somali ou souahili, notamment Kiloa, Mombassa, Pâté, Lamou, M ogadichou; enfin les ports de la mer Rouge aux mains des Turcs. Positions commerciales, marginales, immobiles. Seuls les gens de Saint-Louis remontent quelque peu dans l’intérieur par le fleuve Sénégal. Seuls l’Angola, le Cap et le bas Zambèze font figure de colonies, sur une faible profondeur. L ’Afrique est quasi vierge d ’occupation étrangère.

1815-1855. L a première expansion fut celle de l’Egypte. De 1820 à 1840 Méhémet Ali conquiert le Soudan; ses hommes remontent le Nil jusqu’à Gondokoro, au 50 latitude nord; les Egyptiens prennent la relève des Turcs en mer Rouge. L ’Européen, alors, ne suit pas cet exemple. L a conquête française de l’Algérie s’arrête au désert. Quelques stations navales sont fondées par le gouvernement de Louis-Philippe, pour le commerce et la répression de la traite : Grand-Bassam et Assinie en Côte-d’ Ivoire, la future Libreville au Gabon, Mayotte aux Comores, Nossi-Bé à Madagascar. Les Anglais établissent leur influence prépondérante à Zanzibar; en 1851 ils occupent Lagos pour faire cesser la traite; l’île espagnole

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L 'I M P A C T E X T É R I E U R : E U R O P É E N S E T ARABES

de Fernando Po leur avait servi, jusque-là, de base. De la colonie du Cap partent des Boers qui se lancent dans l’intérieur; c’est le Grand Trek. Pour empêcher leur mainmise sur les Cafres, les Anglais annexent le Natal. Les Américains installent sur la côte des Graines quelques milliers d’esclaves émancipés, comme les Anglais l’ont fait à Freetown; ces ex-Africains américanisés forment une République, le Liberia. Les Portugais d ’Angola essaiment sur le plateau intérieur. Le sultan de Zanzibar, par ses commerçants, pénètre jusqu’aux lacs.

1855- 1880. C ’est une période de transition où le libéralisme fait place lentement à l’expansionnisme. Faidherbe, formé par la conquête algérienne, ras­ semble le Sénégal sous les armes françaises. Les marins français, partant de GrandBassam et d'Assinie, occupent les lagunes de la Côte-d’Ivoire. Au Gabon les Français s’engagent dans l’Ogoué, que Brazza, en 1829, achève de remonter. Les Anglais achètent les forts hollandais et font de la basse Côte-de-l’O r leur protectorat; ils annexent Lagos ; Goldie organise commercialement le bas Niger. La colonie du Cap s’étend vers le nord pour annexer les mines de diamant du Griqualand, les Zoulou du Natal sont soumis. En 1869, de Lesseps ouvre le canal de Suez; en conséquence l’Egypte domine la mer Rouge, occupe Harrar et une partie de la côte Som ali; au Soudan elle pousse jusqu’au lac Albert sa province d’Equatoria. Cependant l'impérialisme n’a pas encore gain de cause ; les Anglais, qui ont lancé des expé­ ditions punitives en Ethiopie en 1867, en Achanti en 1873, Ie8 ont retirées après leur victoire. L'exploration de l’Afrique intérieure, les rivalités des nationalismes européens, la croissance et la concurrence de leurs industries, la supériorité écrasante de leurs armements expliquent la mêlée (scramble, en anglais) pour la conquête de l’Afrique. Les circonstances qui la déclenchèrent furent : i ° la découverte du Congo par Stanley, avec ses conséquences : Fondation de postes par l’Asso­ ciation internationale africaine de Léopold I I et, concuremment, de postes français par Brazza et son équipe (commencée par le traité de Brazza avec le roi des Batéké, Makoko, en 1880) ; 2° Attitude de Bismarck, encourageant l’expansion de la France pour la détourner de l'Alsace-Lonraine, puis prenant part lui-même au partage; 3 0 Souci de l’Angleterre de ne pas se laisser distancer; 40 Désir du Portugal de ne pas perdre ses positions et de les consolider dans l’intérieur; 50 Initiatives de l’Italie naissante et surpeuplée pour acquérir des zones d’expansion; 6° Effondrement de l’Empire égyptien par la révolte du Mahdi au Soudan, l'occupation anglaise de l’Egypte, l'évacuation des ports de la mer Rouge; 70 Découverte des gisements miniers en Afrique du Sud (or, diamant, cuivre) poussant à l’occupation de l’inté­ rieur, soit sur les tribus africaines, soit sur les Républiques Boers. La Conférence de Berlin (1885) créa l’Etat indépendant du Congo (léopoldien),

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HISTOIRE DE L 'A FRIQ U E NOIRE

tout en reconnaissant le droit des Français sur la rive droite. Elle fixa les règles d’occupation de la côte, permettant de prétendre à celle de l’intérieur. L a France, où la cause coloniale, flattant l’orgueil national blessé, faisait des progrès constants, conquit le Soudan à partir de 1883, puis occupa, en partant de la côte, la Guinée et (partiellement) la Côte-d’ Ivoire. Le Dahomey fut conquis en 1892, une course vers le Niger entre Français, Anglais et Allemands aboutit à des traités successifs de partage. Au Congo français, créé par Brazza à partir du Gabon, s’ajoutèrent, avec l’avancée des Français, l’Oubangui, puis les pays du Chari jusqu’au lac Tchad. L ’occupation du Pays des Rivières, puis la poussée jusqu’au Nil, à Fachoda, par la Mission Marchand (1898) ne survécurent pas à la reconquête du Soudan par les troupes anglo-égyptiennes de Kitchener. D ’Obock qu’il occupa en 1884, le gouverneur Lagarde fit la « Côte française des Somalis » qui devint, avec la création de Djibouti, le débouché principal de l’Ethiopie. En 1895 M ada­ gascar était conquise; Gallieni en acheva l’occupation et l’organisa. En Grande-Bretagne, les libéraux résistaient mal à l’impérialisme adopté par les conservateurs, modérés (Salisbury) ou frénétiques (Chamberlain); la grandeur britannique et sa mission chrétienne civilisatrice devenaient des actes de foi et trouvaient des chantres éloquents (Kipling). En Afrique occidentale la Sierra Leone était consolidée, le royaume Achanti conquis et réuni, avec les anarchies du nord, à la Côte-de-l’O r; la colonie de Lagos, étendue, rejoignait les comptoirs de Goldie. En Afrique du Sud Cecil Rhodes acquérait les pays du Zambèze, encerclant les Républiques Boers, pays de l’or, avec qui la guerre éclatait en 1899. Le protectorat britannique était prolongé jusqu’à Zanzibar, puis au K enya et en Ouganda. Le Somaliland était (faiblement) occupé en face d’Aden, et le Soudan nilotique, après la victoire de Kitchener, devenait « anglo-égyptien ». L ’Allemagne, en 1884, envoyait Nachtigal planter son drapeau sur les côtes du Togo et du Cameroun, d’où les militaires allemands se répandirent vers le nord. Le sud-ouest africain fut acquis, sur une note diplomatique aux Anglais. Le Tanga­ nyika (Est africain allemand) leur fut soufflé par l’initiative audacieuse de K arl Peters, passant en secret des traités avec les chefs indigènes. L ’ Italie, aussi neuve, mais moins forte, eut moins de succès. Elle occupa l’Erythrée et la Somalie, en grande partie désertiques, et échoua, à Adoua, dans la conquête de l’Ethiopie. Le Portugal essaya vainement de relier ses deux possessions anciennes d’Angola et du Mozambique. Cecil Rhodes s’interposa. Du moins les explorateurs et officiers portugais (Capelo et Ivens, Serpa Pinto) aidèrent-ils leur pays à agrandir son occu­ pation effective. L ’Espagne se contentait du R io de Oro désert, de Fernando Po et de la Guinée espagnole, petits territoires où elle créait des plantations riches. L ’Etat indépendant du Congo eut une vie difficile. Léopold y consacra sa fortune personnelle, complétée d ’emprunts; puis l’exploitation inhumaine du

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L 'I M P A C T E X T É R I E U R : E U R O P É E N S E T AR ABE S

caoutchouc le remit à flot. L ’est avait été conquis sur les traitants arabes et autres chefs, locaux ou immigrés. En 1900 le partage est achevé, consacré par des frontières internationales. Seule l’Ethiopie a échappé. A l’intérieur des frontières théoriques, des vastes espaces restent indépendants : c’est le cas notamment de l’intérieur de la Guinée portugaise et du Liberia, de la forêt de la Côte-d’Ivoire, de ce qui va devenir la Nigeria du Nord, des pays à l’est du Tchad, de la plus grande partie du Sahara, des Républiques Boers. Ce sera l’œuvre du début du xx® siècle.

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C H A P IT R E

II

L ’im périalism e D éfinitio n et g en èse

.

On a pu distinguer douze acceptions différentes du terme « impérialisme» depuis 1840. En ce qui concerne les rapports entre l’Europe et l’Afrique noire cependant, le sens étymologique nous paraît suffisant : l’impérialisme se traduit par l’acquisition de la souveraineté — notion européenne, étrangère à la pensée indigène — sur une partie du sol africain. Cette préoccupation a été indifférente aux Européens des xvi®, x v n e et xvm ® siècles. Ce qu’ils cherchaient en Afrique, c’étaient des esclaves ou quelques autres produits, comme l’or, l’ivoire, la gomme. L a plupart du temps, ce commerce était entre les mains de compagnies privées, qui achetaient ou louaient les terrains nécessaires à l’édification, sur la côte, de leurs forts, magasins ou captiveries. Ils versaient, à intervalles réguliers, au chef local, des « coutumes » en nature, qui rénovaient leurs droits. Peu leur importait ce qui se passait dans l’arrière-pays et la façon dont les chefs administraient leurs sujets. Ils n’intervenaient que rarement, pour arbitrer les conflits qui menaçaient de « fermer les pistes » et de tarir les sources des marchandises. Même là où un Etat européen prétendait dominer et envoyait un gouverneur, comme dans l’Angola, dans le Mozambique portugais ou, tardi­ vement, au Sénégal français, celui-ci ne s’intéressait qu’au commerce et aurait été bien embarrassé de délimiter exactement son territoire. L a principale raison en était l’insalubrité des côtes de l’Afrique intertropicale et l’extrême difficulté d ’accéder aux régions de l’intérieur, où des colons européens auraient pu s’établir. Il y avait cependant des exceptions, non en Afrique du Nord, où l’ Islam opposait aux ambitions européennes des Etats organisés, aptes à se défendre, mais dans l’Afrique australe, de climat méditerranéen. Autour de l’escale du Cap, entretenue, sur la route des Indes, par la Compagnie hollandaise des Indes orien­ tales, une colonie européenne s’était développée. Vingt-cinq mille blancs y avaient

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H IST OI RE DE L 'A F R I Q U E NOIRE

refoulé ou plus ou moins soumis, vers 1806, quelque 20 000 Hottentots, et y vivaient d’agriculture et d’élevage avec le concours de 30 000 esclaves noirs importés. Ils dépendaient de la Compagnie qui les administrait, sans beaucoup se soucier d’autre chose que de l’escale dont ils ravitaillaient les bateaux.

Au cours du xix® siècle des souverainetés européennes s’instauEt^ V i p o ^ l ^ (ldt rèrent cependant dans cette Afrique noire. Elles ne furent pas nombreuses et ne résultèrent pas d’un désir d’expansion poli­ tique. La première fut celle des Anglais au Sierra Leone en 1807. Cela paraît paradoxal si l’on considère que l’opinion britannique était hostile à la colonisation depuis la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Les faits semblaient confirmer les critiques des économistes, reprises, à partir de 1807, par le jeune parti radical : le commerce avec l’Amérique avait augmenté malgré l’indépendance des anciennes colonies et la métropole se félicitait d’être débarrassée des charges de l’adminis­ tration et de la défense. L ’expansion coloniale n’était pas une nécessité économique. Mais ce fut aussi en 1807 que la Chambre des Communes interdit la traite des noirs. Il fallait un port d’attache aux bateaux qui allaient surveiller les côtes africaines, un siège au tribunal qui jugerait les contrebandiers. La Compagnie de commerce qui, depuis 1786, s’efforçait de prouver qu’on pouvait faire, en Afrique, d’autres commerces que celui de l’esclave, et qui avait constamment été déficitaire, céda son établissement de Freetown à la Couronne. Ce fut donc une raison essentiellement humanitaire qui étendit Vimperium britannique sur un petit secteur de la côte malsaine de l’Afrique. L a même raison incita en 1843 à prendre en charge les anciens forts de la Côte-de-l’Or, Cape Coast et Accra, qu’une compagnie privée administrait depuis 1830. D ’abord rattachée au Sierra Leone, la Gold Coast devint colonie indépendante en 1850 et s’étendit en 1874 à toute la zone côtière essentiellement occupée par les tribus Fanti que les Achanti menaçaient. L ’escale hollandaise du Cap avait été occupée par les Anglais en 1806. Ils se la firent adjuger par les traités de 18 15, tout comme l’île de France, rebaptisée Maurice, seule ancienne possession que la France ne recouvra pas. Les deux terri­ toires se trouvaient sur la route des Indes. Leur acquisition répondait au désir de contrôler l’accès au commerce le plus important de l’époque, l’Inde fournissant le coton et le thé, et consommant de plus en plus de tissus de la jeune industrie britannique. L ’Afrique australe, enfin, pouvait recevoir une partie des émigrants qui s’embarquaient par bateaux entiers vers l’Amérique. Le premier convoi de colons subventionné par le gouvernement expédia en 18 17 quatre mille volontaires au contact des Caffes, sur la Great Fish River à l’est du Cap. Humanitarisme désintéressé d’une part, réalisme économique de l’autre, avaient donc planté sur le sol africain les premiers pavillons nationaux européens.

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L'IM PÉ RIA LI SM E

L a France récupéra ses possessions d’avant la Révolution, dâ U From *fi81*^1870) ^ l’exception de Pile Maurice. Cela se bornait pratiquement, en Afrique, à Pilot de Gorée et à Saint-Louis d’où partaient les traitants qui remontaient le fleuve Sénégal jusqu’à Bakel ; ils en ramenaient, à défaut d’esclaves, de la gomme et un peu de poudre d’or. Domaine traditionnel des compagnies de commerce, le Sénégal avait reçu un gouverneur au lendemain de la guerre d’Amérique (1783) et c’est un gouverneur, le colonel Schmaltz, que la France y expédia en 18 17 , pour succéder aux Anglais. Il en fut de même à Saint-Denis, dans Pile Bourbon, à laquelle furent rattachés les quelques points de la côte malgache où des Français avaient tenté de s’installer au xvm* siècle. On ne rétablit pas les anciennes compagnies, puisque la traite des noirs, qui avait été leur principale activité, devait disparaître. Sénégal et Bourbon dépendirent de la Direction des Colonies du ministère de la Marine. Ces colonies françaises, où le pavillon national flottait, comme celui de l’Union Ja c k sur les colonies britanniques, ne témoignaient cependant, elles, ni d’une passion humanitaire, ni de besoins économiques. Lorsqu’en effet, en Afrique et ailleurs, la France reprit possession de ses anciennes colonies, elle savait qu’elle n’en avait pas besoin. Elle s’en était passé depuis la Révolution. Des principaux produits qu’elle en tirait — esclaves, sucre, épices— le premier n’était plus négociable, le deuxième commençait à s’extraire industriellement de la betterave, les autres s’offraient aux moindres prix sur le marché mondial. L ’industrie française ne man­ quait pas de débouchés. L a population française n’émigrait pas. Si, cependant, la France retourna outre-mer, ce fut essentiellement pour n’abandonner aucun de ses droits; ce fut par souci de rétablir un prestige politique amoindri par les défaites de l’Empire. Les marins, en particulier, surveillaient jalousement les entreprises britanniques. Humiliés par la perte de Pile de France, dix ans après la défaite de Trafalgar, ils se montraient jaloux de prévenir ou de suivre les Anglais partout où ils les soupçonnaient de vouloir s’installer. Ce fut le ministère de la Marine qui poussa le gouvernement aux protectorats sur Nossy-Bé et sur les Comores entre 1837 et 1843 et ce fut lui qui, malgré les résultats décevants de l’enquête faite en 1838-1839 sur les développements éventuels du commerce avec le golfe de Guinée, fit occuper en 1843 Grand-Bassam, Assinie et l’estuaire du Gabon. Cette rivalité entre marins français et anglais apparaît essentielle. Si les Britan­ niques avaient des raisons économiques ou morales d’agir, les Français étaient surtout soucieux de leur prestige. Mais même aux yeux des Anglais, l’Afrique était un théâtre d’opérations secondaire. Ni le Quai d’Orsay, ni le Foreign Office n’y atta­ chaient une grande importance. Ils y laissaient foire les ministères de la Marine tant que cela ne gênait pas leur politique générale et ne coûtait pas cher. Dans ces conditions, ils y suivaient les marins, qui, à leur tour, suivaient les agents locaux, gouverneurs, commerçants, missionnaires — constamment incités à l’expansion.

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HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E NOIRE

Ce fut ainsi que, progressivement, entre 18 15 et 1874, les souverainetés anglaises et françaises s’étendirent, au Cap, au Natal, à Lagos, en Gold Coast, au Gabon jusqu’à l’embouchure de l’Ogoué, au Sénégal entre Saint-Louis et Dakar et sur le fleuve jusqu’à Médine. Divers facteurs cependant, dont l’importance n’apparaîtra qu’à la brutale lumière des événements de 1867-1872, contribuèrent à modérer la répugnance des gouvernements et à élargir le cercle des opinions publiques intéressées à l’Afrique.

Ces facteurs nuancèrent le tableau traditionnel du continent ^quinine”}r;8 8 -1854) ^ no*r>Kjng£meur des Ponts et Chaussées Adolphe Duponchel étudia dès 1874 la possibilité d’atteindre le Niger en partant du sud algérien. Tombouctou, devenu « port méditerranéen » sur le Niger navigable, aurait considérablement valorisé l’Algérie et le Sénégal. Le fait que, ni Tombouctou, ni le Niger toucouleur

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L 'I M P É R I A L I S M E

de l’Empire de Ségou ne fussent, à ce moment, contrôlés par la France, n’inquiéta personne. L’explorateur-aventurier Paul Soleillet s’enflamma pour un projet sem­ blable et tenta vainement de gagner Tombouctou à partir de Saint-Louis, pour en étudier le tracé (1878-1879). L ’action impérialiste qu’aurait exigée la réalisation d u projet était apparemment sous-entendue. Une Commission du Transsaharien, formée en 1879 au ministère des T ravaux publics sous l’égide du polytechnicien Charles de Freycinet, envoya trois missions d’études au Sahara. Le massacre en 1881 p a r les Touareg de la deuxième mission Flatters confirma l’idée que l’oeuvre était techniquement réalisable, mais exigeait une sécurité que seule la domination poli­ tique pourrait procurer. Au cours des années qui suivirent, divers projets furent élaborés, les uns visant, non plus Tombouctou et la boucle du Niger, mais le lac Tchad « plaque tournante» de l’Afrique occidentale et but des explorations entreprises à partir du Congo par divers membres des troisième et quatrième missions de Brazza (1883-1885 et 1886ï 898), les autres déplaçant le terminus de la ligne, de Tombouctou vers Conakry puis vers Ouiddah. Les techniciens, tour à tour, précédaient ou suivaient la conquête militaire et le Transsaharien devenait Transafricain. Paul Leroy-Beaulieu conclut en 1904 à la nécessité de deux lignes, l’une soudanaise, l’autre tchadienne, tandis que les ingénieurs ou autres hommes de cabinet rêvaient de transcontinentaux reliant l’Algérie au Cap par le Tchad, le Congo et le Transvaal, ou Ouiddah à Obock à travers le grand désert. Tout comme le Cap-Caire de Cecil Rhodes ou le Congo-Océan de Léopold II, ces plans escomptaient les bénéfices du futur trafic. M ais l’appât du revenu n’était, pour la plupart d’entre eux, qu’un encouragement à apaiser cette faim de terres et cette soif de domination qui affectèrent la plupart des nations européennes au lendemain des guerres de 1866-1871.

L ’Europe, en effet, s’était resserrée. L ’unité allemande, l’imité italienne, l’indépendance des Etats balkaniques avaient supprimé les champs de bataille traditionnels où se rencontraient les armées des grandes puissances. Les nouveaux venus ne considéraient pas que leur œuvre fût achevée. Ils voulaient s’étendre sur toute « l’Italie irrédente » ou sur « la plus grande Allemagne ». Les vaincus rêvaient de compensations, dans les Balkans pour l’Autriche, outre-mer pour la France. Ils manifesteraient ainsi qu’ils restaient au rang des grandes puissances et panseraient les blessures faites à l’orgueil national. En France, l’ amputation de l’Alsace-Lorraine, en dépit du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, que Napoléon I I I avait respecté lors de l’annexion de la Savoie et de N ic e , et malgré les efforts des négociateurs pour convaincre Bismarck d ’accepter d ’au tres compensations aux dommages causés par la guerre, fut profon­ dément ressentie p a r l’ensemble de l’opinion publique. Chacun fut personnellement

Lts national européens

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H IST OI RE DE L 'A F R I Q U E NO IR E

concerné par le déni des grands principes sur lesquels la Révolution de 1789 avait fondé Punité nationale. De Renan au plus humble paysan, du grand bourgeois au plus misérable ouvrier, chacun avait honte d’avoir sacrifié son frère alsacien ou lorrain. Le nationalisme, jusqu’alors apanage de petits groupes de marins, de militaires ou d’intellectuels, gagna l’ensemble de la population et devint la vertu fondamentale de cette époque de « paix armée ». On l’enseigna dans les écoles et dans les églises. On l’exalta dans la presse et dans la littérature. Les témoignages de ce complexe d’infériorité sont innombrables. Nous ne pouvons pas les recenser ici. Le billet adressé par Léon Gambetta, président de la Chambre, à Jules Ferry, président du Conseil, qui venait de lui faire part, le 13 mai 1881, de la signature du traité du Bardo, les résume parfaitement : « Il faudra bien, écrivait-il, que les esprits chagrins en prennent leur parti. Partout, la France reprend son rang de grande puissance. » Ces divers facteurs générateurs d’impérialisme ne sont pas intervenus simul­ tanément partout. Leur importance ne fut pas égale dans les diverses métropoles. L e désir de trouver des régions d’émigration, qui ne fissent pas perdre leur natio­ nalité à leurs populations en surnombre, a davantage préoccupé les Allemands et les Anglais, créateurs des white man's countries du K enya ou de Rhodésie. La recherche du profit économique a dominé l’action de Léopold I L Le nationalisme fut la trame sur laquelle la I I I e République dessina toute sa politique coloniale. Mais tous ces facteurs apparurent selon les circonstances dans les expéditions et dans les tractations qui aboutirent au partage de l’Afrique. E t tous étaient profon­ dément étrangers à l’Afrique noire.

L ’Afrique, en effet, n’était pas — n’a jamais été — une. Entre les sociétés et Occident islamisées du Soudan et les tribus animistes de l’Afrique centrale, entre des Etats bien charpentés comme le Dahomey ou le Bouganda et les villages du plateau de Bauchi ou des vallées du Kilimandjaro, les différences étaient aussi grandes qu’entre Africains et Européens. Si la plupart des noirs se montraient en général réceptifs aux influences étrangères, leur curiosité ou leur appétit ne les avaient jam ais poussés à rechercher celles-ci loin de chez eux. Les métaux précieux n’avaient guère de valeur aux yeux de beaucoup d’entre eux. Les techniques européennes ne prévalaient pas, dans leur esprit, sur celles tradi­ tionnellement éprouvées au cours d’une longue expérience. Leurs structures fami­ liales ou leurs solidarités tribales n’avaient rien de commun avec le nationalisme européen. Dès lors, si une abondante documentation permet d ’analyser toutes les moti­ vations et toutes les péripéties du partage de l’Afrique entre les Européens, l’appré­ ciation des rapports noués entre Européens et Africains est beaucoup plus difficile. Même quand des négociations sans contrainte précédèrent les traités au bas desquels

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V IMPÉRIALISME

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des chefs noirs mirent leur croix, ces derniers étaient incapables de comprendre quels étaient leurs partenaires. Ils n’apercevaient pas l’horizon international, ne pouvaient pas imaginer ce qui suivrait l’échange des cadeaux ou la concession des postes. Absolument étrangers au pouvoir lointain, abstrait, désacralisé qui allait les régir, ils devaient se trouver dupés à la longue. Une résistance nationale africaine à la conquête européenne était, dans ces conditions, impossible. Ce concept de « résistance » est ici anachronique. Des résistances locales et spécifiques ne pouvaient pallier l’infériorité des armements. Des résistances morales et psychologiques ne pouvaient être décelées qu’au bout d’un très long temps.

L e p a r t a g e de l ’ A friq u e

Les péripéties de ce que Jules Ferry appela « course au clocher », et que les Anglais qualifient de scramble, sont connues. Les dates auxquelles les différentes régions du continent noir passèrent sous la souveraineté de métropoles européennes entre 18 71 et 19 14 figurent dans de nombreux manuels. Le détail des conquêtes, des négociations ou des opérations de « pacification » s’explique progressivement, grâce aux archives qui livrent leurs secrets cinquante ans après l’événement. Leur dépouillement conduit, plus encore qu’à préciser et à multiplier les faits, à nuancer leur appréciation. C ’est sur cet éclairage que nous voudrions insister, dans un chapitre dont les dimensions ne permettent pas de suivre le progrès de la colonisation dans tous les territoires du continent.

*mP^r*alismes nationaux se greffèrent sur les tendances expansionnistes des autorités locales. Bien avant que les gouver­ nements se fussent laissé entraîner, les colons du Cap avaient étendu leur domi­ nation sur les régions disputées aux Cafres, puis aux Zoulous, de façon à grouper sous l’obédience britannique l’ensemble du Cap et du Natal, tandis que les Boers formaient les deux Républiques autonomes du Transvaal et de l’Orange (1852-1854). L e lieutenant-gouverneur du Gold Coast avait affirmé son influence sur toute la zone côtière, surtout peuplée de Fanti, avant de l’annexer en 1874, et d’entreprendre la guerre qui aboutit au protectorat britannique sur la confédération des Achanti. L e commandant particulier du Gabon avait essaimé le long de la côte, jusqu’à l ’embouchure de l’ Ogoué (1862-1868) et les gouverneurs du Sénégal avaient tenté d e capter le commerce du Soudan nigérien, soit en nouant des relations, à partir d e Médine, avec le roi toucouleur de Ségou, soit en créant des comptoirs sur la côte de Guinée (R ivières du Sud), où aboutissaient les caravanes qui avaient remonté le Tinkisso, affluent du Niger et traversé le Fouta-Djalon. Ainsi Faidherbe avait Les rivalités locales

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H IST OI RE DE L 'A F R I Q U E HO IRE

envoyé Mage et Quintin, qui furent reçus à Ségou par Ahmadou, fils d’El Hadj Omar (1863-1865) et Lambert qui avait confirmé dès i860 que la route de la côte de Guinée et du Fouta-Djalon était « la plus directe et la plus sûre pour atteindre les marchés du haut Niger » et du Soudan. Pinet-Laprade, gouverneur du Sénégal de 1865 à 1869, installa des postes français sur les estuaires de trois rivières où abou­ tissaient des caravanes, à Boké (rio Nunez), Boffa (rio Pongo), Benty (rio Mellacorée). Le programme était donc tracé. Quand le colonel Brière de L ’ Isle accéda au gouvernement du Sénégal (1876-1881), il chercha d’abord à l’exécuter dans les rivières du sud. Il s’y heurta au D r Rowe, gouverneur du Sierra Leone qui recherchait les mêmes avantages pour sa colonie. Leur rivalité s’exacerba jusqu’au moment où les gouvernements français et anglais les rappelèrent l’un et l’autre pour confier à une commission mixte la délimitation des deux colonies. L ’esprit de la course au clocher ne triomphait pas encore, mais l’extension de la souveraineté politique progressait insidieusement. Quand Brière de L ’ Isle tourna son attention vers Ségou, il y fut incité par les Parisiens que le Transsaharien avait séduits. Il subventionna Paul Soleillet qui débarqua en 1878 à Saint-Louis avec beaucoup de recommandations et sans argent; son projet était de gagner Ségou après avoir remonté le Sénégal, puis de rejoindre, à Tombouctou, quelque caravane trans­ saharienne qui l’eût reconduit en Algérie. Soleillet accomplit le « Voyage à Ségou », d’où il regagna le Sénégal parce que Ahmadou ne l’autorisa pas à s’aventurer dans le Macina que les Toucouleurs dominaient mal. Il se fit, à Paris, beaucoup de publicité, réussit à obtenir du ministère des Travaux publics de grosses subventions, entra dans la Commission du Transsaharien, tenta une nouvelle expédition, par la Mauritanie, échoua, reprit enfin le chemin de Médine, d’où Brière, fatigué de ses vantardises et des attaques qu’il s’était permis dans la presse métropolitaine contre les militaires, le fit rapatrier. L ’affaire révéla le conflit latent au Sénégal, entre les techniciens de la colonisation traditionnelle, militaires, marins ou chefs de comptoirs côtiers, et les doctrinaires de la nouvelle école, qui se recrutaient parmi les membres des sociétés de géographie et les ingénieurs ou publicistes métropolitains.

Ces derniers cherchaient à concilier l’idéal humanitaire et les grands principes de 1789 avec la colonisation. La doctrine qu’ils énoncèrent était spécifiquement française. Elle fut proposée par un jeune économiste, fils d’un préfet de l’Empire et gendre de Michel Chevalier : Paul Leroy-Beaulieu, publiant en 1874 De la colonisation chez les peuples modernes, distingua de la colonisation classique, par des émigrants pauvres à la recherche de terres en friche, celle des peuples riches. Ces derniers pouvaient fournir des capitaux et des techniciens aux populations plus frustes, qui ne savaient pas

L'écolt française de la colonisation moderne

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L 'I M P É R I A L I S M E

« mettre en valeur » les sources de richesses dont elles disposaient. Les instruire, les aider, partager avec elles les immenses profits de cette collaboration, sans les contraindre, sans les priver de leur liberté, en évitant les excès dont s’étaient rendus coupables les militaires en Algérie, permettrait de faire rayonner sur les pays neufs, pour le plus grand bien des colonisés et des colonisateurs, cette civilisation française, universaliste, positiviste, humanitaire que les civils de l’école nouvelle opposaient à la passion conquérante des militaires. Cette idéologie qui réconciliait le natio­ nalisme et la « conquête pacifique», qui ouvrait les nouveaux mondes aux techniciens et aux explorateurs d’un peuple sans émigrants, qui rejetait le racisme à fondement biologique, se retrouve dans les écrits de la plupart des pionniers de l’époque, même quand ils étaient, comme nombre de médecins, ou comme Brazza, issus d ’écoles militaires. Elle séduisit quelques soldats, mais la plupart des anciens adminis­ trateurs en place au Sénégal rejetèrent les néophytes venus de Paris. Moins encore que leurs idées, leurs façons brouillonnes, leurs prétentions, leur inexpérience les firent condamner même par ceux qui les avaient d’abord bien accueillis. Sau f peut-être pendant les deux années où Gallieni rechercha une pénétration pacifique (1886-1888) le Soudan fut méthodiquement conquis, tribu par tribu, entre 1881 et 1898. Les militaires qui dirigèrent ces opérations, Borgnis-Desbordes, Frey, Archinard outrepassèrent parfois les instructions ministérielles. Ils n’en œuvrèrent pas moins à l’intérieur du cadre traditionnel contrôlé par la bureaucratie du ministère de la M arine ou du sous-secrétariat d’Etat aux Colonies. Leur conquête progressa, sans engendrer de conflits internationaux et à peu près indépendamment des négociations de la conférence de Berlin.

Les représentants de l’école nouvelle firent leurs expériences , ». .f f dans des pays neufs, où les colons ne s’étaient pas aventurés a l O TÏSlTU d t lû couru * * * au clocher auparavant : au cours de l’année 1879, deux explorateurs, Stanley et Brazza, regagnèrent l’Europe après avoir parcouru l ’Afrique centrale. Stanley, parti de Zanzibar, avait suivi le cours du Congo et révélé la richesse du bassin et la facilité de circulation sur les affluents, entre les Stanley Falls et les rapides du bas fleuve. Brazza, en remontant l’Ogoué, avait trouvé une voie d ’accès de l’Atlantique au Stanley-Pool, qui évitait ces rapides. Ce fut alors que Léopold I I intervint. Passionné depuis sa jeunesse par la géo­ graphie et par la colonisation, le roi des Belges incarnait, lui, la mentalité du capi­ taliste à l’affût d ’investissements profitables. Il avait tenté de convaincre les Belges, libre-échangistes, de l’utilité des colonies. Il avait cherché à en acquérir, aux Philip­ pines, au T ra n sv a a l, en Afrique centrale, dont il avait encouragé l’exploration en réunissant dans son Palais, en septembre 1876, une Conférence internationale de Géo­ graphie. L ’A ssociation internationale africaine (A .I.A .) en était résultée, scientifique et humanitaire, san s visées politiques ni mercantiles. Mais quand Stanley et Brazza

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HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E K 0 IRE

eurent confirmé la richesse du Congo en caoutchouc et en ivoire, Léopold fonda le Comité d’Etudes du haut Congo, pour sa prospection et son exploitation commerciale. Il engagea Stanley, auquel le roi envoya en septembre 1879 des instructions secrètes : traiter avec les tribus du bas Congo pour les constituer en Etats indépendants, sous l’égide du Comité, et construire une route entre l’embouchure et le Pool. Cette initiative ouvrit l’Afrique centrale à la course au clocher. Brazza, sur le point d’être frustré des résultats de son exploration, obtint du Comité français de l’A .I.A ., présidé par Lesseps, et de la Société de Géographie, une mission pour choisir l’emplacement d’une station hospitalière et scientifique sur le haut Ogoué. Mais le Comité savait qu’il chercherait ensuite à gagner le Pool, où il précéderait Stanley, frayant ainsi une voie de pénétration française, qui ferait du Gabon le débouché commercial du bassin. Le gouvernement ne s’intéressait pas à ce projet, mais le ministère de la Marine ne refusa pas l’aide matérielle que le Gabon était accoutumé d’accorder aux explorateurs. Quand Brazza eut réussi, et placé le chef, ou Makoko, des Batéké sous protectorat français, il appartint au gouver­ nement de ratifier ou d’ignorer cette initiative. Les circonstances voulurent que l’opinion publique, alertée par les partisans de la « colonisation moderne » se passionnât pour cette affaire. L ’occupation de l’Egypte par les Anglais (septembre 1882) avait été ressentie comme une défaite; le ministère de Freycinet, qui n’en était pas responsable, avait dû céder la place à un cabinet Duclerc, qui cherchait un succès propre à satisfaire l’orgueil national. A ratifier les traités Makoko, on ne se heurtait à aucune puissance. Ni l’Angleterre, ni la Belgique ne s’intéressaient au Congo. Léopold agissait à titre privé, au nom d’une association internationale qui se proclamait apolitique. Duclerc, forçant la main au ministre de la Marine, l’amiral Jauréguiberry, aurait pu, selon l’usage, ratifier par décret, en tant que ministre des Affaires étrangères. Il recourut au contraire à la procédure publique des traités entre Etats organisés. Les Chambres furent saisies et ratifièrent à l’unanimité (novembre 1882), malgré les efforts de Léopold, qui, dans une lettre à Lesseps, déplora qu’on introduisît la politique dans le domaine de la philanthropie et de la science. C ’était la première fois qu’un explorateur, forçant la main au gouvernement, offrait à la patrie un territoire important. Brazza, mal vu au ministère de la Marine, avait pénétré seul, dans une région où il n’y avait ni militaires ni administrateurs. Champion de la colonisation pacifique et humanitaire, ce jeune Italien, récemment naturalisé, devenu, à l’égal de Lesseps, héros national, fut chargé de reconnaître et d’organiser sa conquête. Il quitta la Marine et, avec le titre inusité de « commis­ saire de la République », rattaché au ministère de l’Instruction publique, gagna l’Ogoué. Il avait lui-même rédigé les instructions qui lui laissaient pratiquement carte blanche pour explorer la région et organiser une voie commerciale, plus courte que celle de l’Ogoué, vers le Pool. Doté d’un budget relativement important — 1 275 000 F au départ, 780 000 en

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L'IMPÉRIALISME

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août 1884 — , assisté d’un personnel librement recruté parmi les civils et les mili­ taires qui le sollicitaient, Brazza multiplia les postes le long du Kouilou et du Niari, fit reconnaître le pays Batéké et les cours de PAlima et du Léfini, organisa un sem­ blant d’administration, et réunit une abondante documentation scientifique. Il poursuivit, par la suite, son œuvre de 1886 jusqu’à son rappel en 1897. Et jusqu’à cette année, le « commissariat général » qu’était le Congo se distingua des autres territoires français d’Afrique. Il fut la colonie expérimentale, la « colonie pilote » de l’école nouvelle. Avec les espoirs qu’il éveilla, les déceptions qu’il causa, les crédits relativement faibles qu’il consomma, les abus engendrés par sa sous-adminis­ tration, la prédominance de l’exploration, les projets souvent démesurés qui s’y élaborèrent, le jeu plus libre qu’ailleurs de l’initiative individuelle et l’insignifiance de l’intervention militaire dans sa délimitation, la curée, enfin, dont il fut l’objet après la création des compagnies concessionnaires de 1898, le Congo, noyau de l’Afrique équatoriale française représente un type d’expansion coloniale profondé­ ment différent de celui du Sénégal, autour duquel s’organisa l’Afrique occidentale.

L a rivalité ne se restreignit pas aux agents de la France et de Léopold II. ^dtBerUn* L a prise de possession officielle de la côte de Loango et de Pointe-Noire, que le lieutenant Confier effectua sur la demande de Brazza dès mars-juin 1883, inquiéta le Portugal. Invoquant ses droits historiques sur les côtes du golfe de Guinée, ce dernier fit reconnaître par l’Angleterre sa souveraineté de part et d ’autre de l’embouchure du Congo (26 février 1884). Les protestations de Léopold, des Français, des missionnaires protestants anglais même, incitèrent Bismarck à tenter, par ce biais, de désarmer l’hostilité de la France. Il proposa au gouvernement de la République d’inviter conjointement les puissances à une Conférence internationale. L a France accepta en avril et les convocations furent envoyées pour le 15 novembre à Berlin. Entre-temps Bismarck jugea bon de prendre des gages. Il chargea le consul d ’Allemagne à Tunis, l’explorateur Nachtigal, de placer sous la protection du Reich les comptoirs possédés par des Allemands sur les côtes non encore officiel­ lement occupées par d’autres puissances. Il adressa le 24 avril au consul allemand du Cap un télégramme proclamant la protection du Reich sur les établissements de l’armateur brêmois Lüderitz dans la baie d’Angra-Pequena. Nachtigal, de même, hissa le pavillon allemand au Togo et au Cameroun, entre juillet et octobre. Et pendant la Conférence, en novembre et décembre, le D r Cari Peters, au nom de la « Société pour la Colonisation allemande » qu’il venait de fonder, signa des traités de protectorat avec les chefs réels ou supposés de l’arrière-pays de Bagamayo, en face de Zanzibar. Bismarck finit par ratifier ces acquisitions en février 1885. O n voit donc que le « partage » était déjà en grande partie accompli à la veille de la Conférence de Berlin. Le coup d’accélérateur qui donna le départ aux équipes

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MOIRE

C arte 3. — L'A frique

politique ver*

1886

de la course au clocher fut le fait de Léopold, lorsqu’il renvoya Stanley au Congo en 1879 et de la France, ratifiant le traité Makoko de 1882. Sa décision dissipa le brouillard philanthropique qui stagnait sur PAfrique centrale et alerta les chancelleries. L ’ordre du jour de la Conférence était précis : « Liberté du commerce dans le bassin et les embouchures du Congo..., liberté de navigation sur le Congo et le Niger..., formalités à observer pour que des occupations nouvelles sur les côtes d ’Afrique soient considérées comme effectives. » Le premier point conduisit à définir un « bassin conventionnel du Congo » où régnerait le libre-échange. Conçu d’abord par Stanley ou par Kasson, représentant les Etats-Unis, comme une large ceinture d ’Afrique centrale, cette absurdité géographique fut réduite après que la France en eut fait exclure le Gabon, que le Portugal en eut retiré l’Angola, et que les Anglais en eurent soustrait toute l’Afrique orientale. Sur le deuxième point, Anglais et Français s’affrontèrent à propos de la liberté

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L 'I M PÉ RI AL IS M E

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de navigation sur le N iger. Les Anglais acceptaient le principe mais refusaient la commission de contrôle q u’on eût organisée sur le modèle de celle qui, en Europe, régissait le Danube. Ils l’emportèrent avec l ’appui de Bismarck — et la commission prévue pour le Congo ne fut jam ais constituée. Les protestations de la France et du Portugal empêchèrent de neutraliser l’ensemble du bassin. L e fleuve seul fut proclamé neutre, liberté étant par ailleurs laissée aux puissances intéressées de déclarer neutres leurs territoires, comme Léopold le fit pour l’Etat indépendant. Le dernier point fut réglé par l’exigence d ’une notification aux puissances et d’une occupation effective des côtes convoitées. L ’accord fut aisé lorsqu’on eut renoncé à définir juridiquem ent les termes d ’annexion et de protectorat. Aussi bien n’y avait-il plus de côte vacante. Il n’y eut donc pas de partage de l’Afrique à Berlin. L e seul territoire dont la Conférence disposa fut l’Etat indépendant du Congo. Léopold I I , qui en avait déjà obtenu la reconnaissance par les Etats-Unis et par l’Allemagne à la veille de la réunion de Berlin, poursuivit ses négociations en marge des débats et réussit à faire solennellement saluer le nouvel Etat par les puissances le 23 février 1885.

A u lendemain de la Conférence, les rivalités se multiplièrent ^ $ 8 ^ ig ? 4 ) ge cntrc les puissances installées sur les côtes. U n rythme accéléré s’ imposa à toutes. Elles avaient jusqu’alors progressé chacune à sa façon. L a participation française avait été plus idéologique, la belge et l’alle­ mande plus mercantiles, l’anglaise plus réaliste et plus diversifiée. Les moteurs régionaux, du Sénégal, du Cap, de Zanzibar avaient entraîné leurs gouvernements qui, en général, s’étaient montrés plutôt réticents. Désormais chacun fut pressé. Si, en effet, tant d ’auteurs persistent à dater de Berlin le « partage de l’Afrique » cela ne s’explique pas seulement par la multiplication des missions d ’explorateurs en vue de délimiter exactement l’Etat indépendant du Congo. Les règles de notifi­ cation et d ’occupation effective contribuèrent aussi à donner définitivement le pas aux diplomates sur les militaires ou les aventuriers. Les ministères de la M arine, des Colonies ou de la Guerre ne purent plus prendre d’initiatives et les diplomates eux-mêmes ne purent agir q u’avec l ’accord des puissances. Les règles, édictées pour les côtes, furent, en fait, observées, même quand, pour l’intérieur du continent, on invoqua encore des droits historiques ou le « droit de suite », qui conférait une sorte d’option sur l’arrière-pays de la côte occupée. Les diplomates étaient moins passionnés que les administrateurs ou les explo­ rateurs, dont ils arbitraient les conflits. Ils étaient aussi beaucoup moins bien rensei­ gnés. Ils commirent des bévues. On ignorait, par exemple, en 1885, que les monts de K on g, en Côte-d’Ivoire, ou les monts M fumbiro, en R uanda, n’existaient pas. On a aussi beaucoup critiqué le recours des traités de partage aux méridiens et au x parallèles pour délim iter les colonies. M ais on a beaucoup exagéré, car presque

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H IST OI RE D E L ' A F R I Q U E NOI RE

tous ces accords prévoyaient l’envoi sur le terrain de commissions mixtes chargées de tracer des frontières aussi « naturelles » que possible. Elles travaillèrent souvent pendant plusieurs années. Pour nous borner à un exemple, les missions d’explo­ ration consécutives à l’accord franco-allemand du 7 mai 1885 qui fixait grossiè­ rement la limite entre Gabon et Cameroun se poursuivirent jusqu’au traité du 18 avril 1908. Les archives commencent à nous livrer le secret des commissions de délimitation. Si, parfois, elles ont négligé le relief ou fractionné des populations, ce ne fut pas là un procédé exceptionnel, et l’histoire de l’Europe en offre certes au moins autant d’exemples que celle de l’Afrique. Les résultats du partage tendirent d’ailleurs, plutôt qu’à diviser, à réunir des populations diverses et souvent complé­ mentaires, dans de grands ensembles, à construire des états modernes, économique­ ment viables avec les pierres éparses des ethnies innombrables. Ainsi le Nigeria, l’Ouganda, l’A .O .F., la fédération d’Afrique orientale, etc. Conception de techno­ crates européens, de Makers ou fondateurs, qui songeaient à l’infrastructure des pays industrialisés. Mais ces groupements ne pouvaient être solides qu’après le développement de l’économie moderne. Avant, ils subsistèrent sous la contrainte du colonisateur, et aujourd’hui, ils résistent plus ou moins bien selon l’importance de l’emprise de l’économie industrielle. L ’activité des commissions de délimitation explique le grand nombre des traités de partage qui intervinrent entre 1885 et 1914. Les puissances intéressées précisèrent leurs droits à l’intérieur de ces accords-cadres que furent l’acte final de la Conférence de Berlin de 1885, le traité anglo-allemand du I er juillet 1890, le traité anglo-français du 4 août 1890, les protocoles anglo-italiens de 1891, l’accord franco-allemand du 15 mars 1894, la convention franco-britannique du 14 juin 1898 sur l’Afrique occidentale, et le traité franco-allemand du 4 novembre 1 9 1 1 . Ces documents qui dessinèrent la carte de l’Afrique colonisée diffèrent de ceux qui précédèrent la Conférence de Berlin, d’abord parce que la participation des Africains à leur élaboration fut beaucoup plus faible. Jusq u’au traité Makoko, les ratifica­ tions de protectorats supposèrent des négociations préalables, souvent très longues, entre blancs et noirs. Désormais les Africains furent beaucoup moins consultés; quand les Européens se furent mis d’accord, il leur imposèrent leurs décisions. Et les Européens négocièrent dans un cadre mondial où l’Afrique ne dominait pas. Ainsi l’accord germano-britannique du I er juillet 1890 donnait Heligoland à l’AJlemagne en compensation des concessions faites à l ’Angleterre en Ouganda, l’accord franco-allemand du 4 novembre 1 9 1 1 sur le Maroc accordait à l’Allemagne des « compensations » au Congo, etc. Il en résulta que, par la suite, chacune des métropoles éprouva des difficultés à occuper effectivement et à organiser les terri­ toires qui lui étaient échus. Dans certains cas les diplomates s’étaient fondés sur des documents sans valeur. Un Goldie Taubman, par exemple, n’hésita pas à fabriquer de toutes pièces des traités avec les sultans du Nigeria du Nord, acceptant le protectorat de la « Royal Niger Chartered Co. ». Et les agents de Cecil RhodesI.

I. — Les Anglais annoncent aux A fricain s l ’abolition de la traite ( 1 8 1 5 ) . Digitized by

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L 'I M P É R I A L I S M E

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poussèrent les M atabélé et les Mashona à la révolte qui permit la conquête de la Rhodésie. On pourrait multiplier les exemples. Ils révéleraient toujours que la domination coloniale ne fut installée qu’au lendemain de la première guerre mondiale, c’est-à-dire au moment où, avec la première Conférence panafricaine de 1919, elle commença d’être contestée par des Africains.

_

, .

C ’est sur cette contestation «lue nous conclurons : à considérer dans son ensemble ce demi-siècle d’impérialisme colonial qui raccorda les ornières, le long desquelles les sociétés africaines évoluaient paresseusement, aux routes asphaltées des grands circuits internationaux, on perçoit bien les accélé­ rations du rythme selon lequel cette progression s’accomplit. L a direction ne changea pas. Mais, jusque vers 1870, les Africains gardèrent en général le contrôle du mou­ vement. Entre 1870 et 1885 ils furent de plus en plus sollicités. Après 1885 ils perdirent la manœuvre de l’accélérateur et furent soumis aux épreuves d’où sortit l’idéologie de l’Afrique décolonisée. Au cours de la période impérialiste, les noirs n’eurent à peu près jam ais conscience d ’une quelconque solidarité entre leurs états ou leurs tribus contre le colonisateur, à plus forte raison d’une Afrique unie. L e terme même d’Afrique était un concept européen et le panafricanisme est d’importation étrangère. Les «guerres saintes» des musulmans furent toujours conduites autant contre les animistes que contre les Européens. Aucune solidarité noire n’empêcha les colonisateurs de soumettre successivement les différents peuples, de s’allier aux uns contre les autres et d’opposer les uns aux autres. L a vraie résistance fut plus confuse, resta longtemps inconsciente et ne fut perçue, par les conquérants, que très tardivement. Elle s’ancra dans les mentalités, qui n’évoluèrent pas au rythme des techniques européennes. Elle se manifeste encore aujourd’hui, dans les Etats décolonisés dont les élites africaines guident le progrès, toujours sur la même voie, mais selon des rythmes encore incertains. Conclusion

BIBLIOGRAPHIE Les noms des auteurs sont donnés dans Vordre où ils apparaissent dans le présent chapitre. K oebner (R .) et Schmidt (M . D .). The story and significance o f Imperialism. A political word 1840-1960. Cam bridge, 1964.

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C H A P IT R E

III

M auritanie et Sénégam bie A u début du x ix ® siècle, d’importants événements témoignent des profonds remous provoqués par la renaissance de l’ Islam dans les pays noirs. L e Fouta Toro, brillant foyer intellectuel, jouit d ’un prestige considérable, mais voici, en 1805, le long règne novateur du premier almamy Abdoul K ader tranché brutalement par l’assassinat au lendemain de l’échec du jihûd au K ayor. L ’élan religieux et réformateur s’affaiblit, tandis qu’une coalition de grandes familles soucieuses d’accaparer le pouvoir cherche à dominer Y almamy et remet en question un équilibre péniblement atteint. L e régime conçu par Souleyman Bal va progressivement se dégrader et les luttes de factions compromettre l’unité du Fouta Toro. A u K ayor, l’heureux et chevaleresque vainqueur d ’Abdoul K ader, le darnel Amari Ngoné Ndela Coumba (179 0 -18 10 ) est aux prises avec le parti des marabouts dont la longue résistance prouve une force sans cesse croissante. Profitant de ces difficultés, les Lebou se révoltent sous la direction de Dial Diop, obtiennent en 1812 la reconnaissance de leur indépendance du nouveau damel Biraïma et établissent dans la presqu’île du Cap-V ert sous la direction de marabouts émigrés, un régime qui, bien que désigné sous le nom de république, est proche de la monarchie théocratique des Toucouleur. L e Baol fut moins heureux dans son effort d’émanci­ pation entrepris après la mort d ’Am ari Ngoné Coumba. L e D yolof a perdu l’espoir de reconstituer l’unité politique du peuple dyolof brisée au x v ie siècle, tandis que les guerres civiles et les incursions répétées des Maures réduisent le W alo à un pénible effacement. Sur le fleuve, l ’insécurité s’accroît tragiquement : les Maures désireux d’en contrôler le commerce et de dominer les cultivateurs de la rive gauche se heurtent non seulement au brak du W alo, mais aussi à Y almamy du Fouta et aux tonka du pays de Galam. A la faveur d’une régence, la branche cadette du prestigieux A li Chandora vient d ’arracher l ’émirat des T rarza aux descendants du fils aîné : source inépuisable d e rivalités familiales s’ajoutant aux conflits provoqués par

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E N O IR E

la scission définitive des Oulad Damân et des Oulad Ahmed ben Damân. L a violence est donc partout, entre les Etats et en eux-mêmes. En effet, leur cohésion est menacée par deux forces qui sapent l’armature sociale traditionnelle : l’ Islam et l’extension du commerce européen. Au K ayor et au Saloum, par exemple, des minorités islamisées jouent un rôle dissolvant en cherchant à s’assurer une relative autonomie, à répandre le droit coranique et à proposer une armature étatique inspirée des modèles orientaux. Enfin, les élites musulmanes tentent d’asso­ cier dans l’esprit des petites gens le désordre dont ils sont les victimes et l’aristocratie pillarde et guerrière. Cette critique du pouvoir politique coïncide avec la dislocation de la société animiste sous les coups de l’économie mercantile. Celle-ci, introduite depuis près de trois siècles en valorisant certains produits autrefois négligés, en créant de nouveaux et impérieux besoins, en favorisant voyages et migrations, lézarde l’édifice social et stimule le désir de conquête. Il n’est, pour s’en convaincre, que de comparer les observations faites à trente ans de distance dans le K ayor par G. de Villeneuve et Mollien. Au moment où s’opèrent ces transformations dans le monde sénégalais, la rivalité franco-anglaise bat son plein et la capitulation de Saint-Louis, le 28 ju il­ let 1809, en apparaît comme le dernier épisode. Cependant, ce n’est pas un simple accident plus ou moins marginal du conflit ouvert en Europe en 1793, mais un fait d’une portée plus profonde, traduisant à la fois la fin du système colonial des compagnies et le nouveau courant de pensée suscité par l’Afrique à la fin du xvm ® siècle. En effet, de généreux esprits militent pour établir sur des bases nouvelles les relations entre l’Europe et l’Afrique. Bénéficiant en Angleterre d’un large soutien populaire, ils ont obtenu, au terme d’une persévérante campagne, le vote de l’inter­ diction de la traite par le Parlement en 1807. En France, les résistances demeorèrent fortes, et il fallut la défaite et la pression de l’Angleterre pour renoncer en 1 8 1 5 à cet affreux trafic. Le remplacer par un « commerce légitime » avait été le constant souci des humanitaristes : il exigeait que soit établi l’inventaire des ressources et tout particulièrement des matières premières susceptibles d’intéresser une Europe entrée dans la voie de l’industrialisation. Cet im pératif économique venait d’ailleurs soutenir et renforcer une curiosité scientifique qui cherchait à s’organiser et à susciter voyages et explorations. L ’Angleterre en a le monopole avec YAfrican Association fondée en 1788. L a Gambie lui offre une excellente voie de pénétration utilisée par Houghton en 1790 et Mungo Park en 1795; les résultats importants obtenus par ce dernier furent révélés dans un ouvrage qui connut le succès et fut rapidement traduit en français. Dans la détente éphémère de la paix d ’Amiens fleurissent les espoirs de reprise économique. En France, les questions coloniales sont à l’ordre du jour. C ’est dans ce climat que paraissent successivement les ouvrages de Pelletan, Durand et Golberry consacrés au Sénégal. L ’avenir réside pour eux dans l’utilisation du trafic caravanier

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M AURITANIE E T SÉNÉGAM BIE

dont M ungo Park a révélé l’importance pour la diffusion des marchandises euro­ péennes, mais surtout dans le développement agricole, ce qui rompt avec de vieilles habitudes de pensée. Enfin pour Golberry, le Sénégal, base privilégiée de pénétration dans les régions centrales, doit permettre à la France de jouer un grand rôle en Afrique : « C 'était à nous surtout que devait spécialem ent appartenir la gloire de soulever le voile qui les couvrait et d'apprendre le secret de l’Afrique à l'Europe. » G olberry, Fragments d'un voyage en Afrique, 1802.

L a volonté d’expansion exprimée dans cet ouvrage traduit dès 1803 venait contrecarrer le projet nourri par Y African Association d ’annexer la côte occidentale depuis Arguin jusqu’à Sierra Leone. Son secrétaire, sir Joseph Banks, attira l’attention de son gouvernement sur l’âpre compétition qui se dessinait et le décida à assumer la préparation du second voyage de Park. Enfin, la prise de Saint-Louis n’allait-elle pas permettre la réalisation du projet exposé deux ans auparavant par Corry dans ses Observations upon the Windward Coast o f Africa : la création d’une chaîne de forts de l’embouchure du Sénégal jusqu’à Tim bo et de là au Niger et à Tombouctou ? Plus réaliste, le Colonial Secretary Liverpool se contentait de recommander au gouverneur M axwell de profiter de la possession du Sénégal pour offrir de nouveaux débouchés aux produits manufacturés britanniques. Mais, en 1814, afin de ne pas humilier exagérément les Bourbons, Castlereagh préféra rendre cette précieuse voie de pénétration comme toutes les autres colonies.

U

n

d em i-siè c l e

d ’ in décisio n

Mécontentes, les autorités anglaises de la côte occidentale d’Afrique retardent jusqu’en janvier 1 8 1 7 la restitution du Sénégal. Ainsi s’instaure un climat de méfiance et de rivalité qui persistera tout au long du siècle, mais les gouvernements se refu­ seront longtemps à se laisser entraîner dans les intrigues de leurs subordonnés et ne manifesteront aucune volonté d’expansion. Dans les sociétés africaines, l’évolution amorcée se poursuit, et le parti musulman se renforçant sans cesse rend plus précaire leur équilibre, mais ce n’est pas encore le temps des ruptures décisives, ni celui des affrontements majeurs avec les Européens. Dans le domaine économique, le passé est loin d’être aboli qui se survit dans les méthodes commerciales et dans le vieux démon de la traite difficile à exorciser. A tous égards c ’ est bien une période de transition.

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H IST OI RE DE L 'A F R I Q U E NOIRE

Les intentions de la métropole relatives au Sénégal récupéré la^whnùation^^riLle const^tuent un étrange mélange de retour au passé et de noudu Sénégal veauté. Comme sous l’Ancien Régime, les projets d ’extension visent le haut fleuve et la presqu’île du Cap-Vert, et l’activité commerciale doit toujours se couler dans le moule étroit de l’exclusif. L ’esprit nouveau se manifeste dans la volonté exprimée par Portai (i) de faire du Sénégal une colonie agricole. Humanitaristes et économistes pouvaient se montrer satisfaits, les premiers parce que, au lieu de transporter les ouvriers là où se trouve le travail, on transporterait le travail là où se trouvent les ouvriers, et les autres parce que la France serait assurée d’un approvisionnement à bon compte en produits tropicaux. Cette tentative échelonnée sur une quinzaine d’années n’est pas isolée, mais parallèle aux efforts entrepris par les Anglais en Sierra Leone. L ’Etat va prendre en main l’avenir agricole du Sénégal après l’échec lamen­ table de la « Société coloniale philanthropique » en 1817. Riche d’expérience coloniale, l’énergique gouverneur Schmaltz se dépensera pour réaliser les vues du gouvernement. Après une hâtive information, il conclut dès juillet 1817 à la richesse de la colonie : « J 'a i beaucoup voyagé, j ’ai toujours soigneusement observé les pays que j'a i parcourus et je n'en ai pas vu de plus beau, de plus propre à de grandes entreprises que le Sénégal. Les bords du G ange ne m 'ont point paru plus fertiles que ceux de notre fleuve et je n 'ai pas le moindre doute d 'y voir réussir toutes les cultures qu’on y voudra tenter. »

Sa conviction passionnée fortifie celle du gouvernement qui établit un plan de colonisation associant Européens immigrés, « habitants de Saint-Louis et de Gorée, et chefs indigènes ». La métropole envoie des techniciens, des outils et des semences. Faute de pouvoir utiliser les riches terres du Fouta à cause de la résistance de Yalmamy, Schmaltz dut se rabattre sur celles du Walo. Désireux de trouver un appui contre les Maures, le Irak autorise l’établissement de concessions moyennant coutumes (1819). A Dagana, un fort assurera la protection des plantations. L ’affaire semble donc lancée, mais elle repose en fait sur des bases précaires. Œuvre person­ nelle de Portai, elle rencontre l’indifférence voire l’hostilité de notables toujours prompts à rogner les crédits sollicités par le gouvernement. Bientôt, après enquête au Sénégal, des fonctionnaires dénoncent l’optimisme du gouverneur que Portai rappelle en 1820 : c’est la fin de la « colonisation militante». Si dans les instructions au gouverneur Roger en 1821 on perçoit l’écho du programme initial, il n’en reste pas moins vrai que le ministère depuis le départ de Portai n’a plus de doctrine ferme et s’en remet à son représentant. O r celui-ci ne manque pas de personnalité. Esprit curieux et ambitieux, ayant le goût des1 (1) Directeur des Colonies, puis ministre de la Marine.

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choses de la terre, R oger est une des figures marquantes du Sénégal au xix® siècle. Il reprend le projet de faire du Sénégal une colonie agricole. Son action est menée avec un esprit scientifique qui en assure l’originalité. Des techniciens, parmi lesquels le botaniste Perrottet, doivent apprécier les aptitudes du Sénégal. Un jardin d’essai confié à Richard est établi sur les bords de la Taouey. L ’effort portera particuliè­ rement sur le coton dans l’espoir de satisfaire la demande sans cesse croissante des usines de la métropole, et sur l’indigo afin d’échapper au monopole coûteux de l’Inde. Roger se préoccupe des façons culturales, introduit la charrue, s’inquiète de l’aménagement des eaux et s’informe du matériel le mieux adapté à l’égrenage du coton et à la fabrication de l’indigo. L ’administration espère stimuler le zèle des concessionnaires par des primes, des distributions gratuites de graines et des avances en matériel. Dès 1824, l’occupation agricole du Walo semble un fait accompli et Roger présente fin 1826 un tableau si optimiste qu’il ne peut manquer de susciter le doute. A u Sénégal, des critiques s’élèvent contre la politique de colonisation et Roger demande son rappel. L e gouvernement abandonne en 1831 tout espoir de tirer des ressources nouvelles d’une colonie à laquelle il n’assigne désormais que la perspective peu exaltante de redevenir un simple comptoir. Les responsabilités de l’échec sont nombreuses et d’ordre varié. En métropole, le gouvernement avec une belle inconscience exigeait des résultats massifs et rapides et par son impatience et ses hésitations gênait la tâche des gouverneurs. D ’autre part, l’agronomie tropicale en est aux balbutiements. De plus, les gouverneurs n’ont pas toujours eu le courage d’expliquer au ministre les difficultés de l’entreprise et se sont heurtés à la sourde résistance des « habitants » et des négociants européens. Ajoutons ensuite la médiocrité des terres du Walo, les erreurs inhérentes à toute expérience nouvelle, une main-d’œuvre difficilement recrutée et peu experte, et enfin des prix de revient trop élevés. Cet échec, longtemps gravé dans les mémoires, servit d ’argument à ceux qui niaient toute possibilité de développement agricole.

. L uZ Jt^ÎT de^la r$ L ie

a gomme redevient le principal, sinon l’unique centre d ’intérêt. Pourtant Schmaltz et Roger n’avaient pas négligé les problèmes commerciaux, s’efforçant de renouer d ’anciennes relations et d’en amorcer de nouvelles. Ainsi, en 1818, fut fondé au pays de Galam le poste de Bakel sous la protection duquel les traitants de Saint-Louis se procuraient la gomme des Maures Douaïch, l’or et l’ivoire. Le volume des affaires demeura restreint car Bakel est trop éloigné de l’itinéraire des caravanes qui, du K aarta et du haut Niger, se dirigent vers la Gambie pour nourrir l’espoir de les intercepter. Pour mettre un terme à une concurrence ruineuse et pour assurer plus de sécurité à un trafic menacé sans cesse par les guerres des deux royaumes ennemis du Goye et du K am éra et par les remous provoqués par l’envahissement du K aarta par les Bam bara de Ségou, Roger favorise en 1824 la création de la compagnie de Galam

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dont le privilège sera renouvelé jusqu’à ce que la Révolution de 1848 rétablisse la liberté. Le haut commerce de Saint-Louis, maître de la compagnie, paraît plus soucieux de réaliser un placement fructueux que de multiplier les initiatives pour étendre le cercle de ses affaires. Ce n’est qu’en 1844 que la compagnie ouvre un comptoir à Sénoudébou sur la Falémé, mais elle ne remplit jam ais l’obligation statu­ taire de créer un centre d’échanges au Khasso, étape sur le chemin de l’or du Bambouk. Vouant un « culte exclusif » au commerce de la gomme et considérant comme une « hérésie » (Raffenel) toute autre conception de l’enrichissement du Sénégal, les vieux traitants avaient triomphé avec insolence lorsque fut consacré l’échec de la politique agricole. Ils s’obstinaient à ne pas comprendre les limites de ce commerce essentiellement tributaire des Maures. Il était donc chimérique d’en attendre la prospérité du Sénégal. M algré tout, une véritable « fièvre de la gomme » se manifeste à partir de 1831. L a traite s’effectue pendant les six premiers mois de l’année à bord des navires rassemblés dans les trois escales du Coq, du Désert et des Darmankour. L a grande majorité des traitants travaille pour son propre compte avec des marchandises achetées à crédit à des négociants de Saint-Louis qu’ils s’engagent à rembourser en gomme, à un taux convenu, à leur retour. Les autres ne sont que les gérants des cargaisons expédiées par les négociants. A ux escales, la concurrence est furieuse et d’autant plus dangereuse que tout traitant consent aux Maures des crédits exa­ gérés, met son point d’honneur à ramener le plus de gomme possible, sans se soucier toujours du taux de l’échange fixé par rapport à la guinée, ce « billet de banque du désert ». Dans cette lutte à mort, les chances de réussite sont très réduites et la misère trop souvent s’installe au retour des escales. Les dettes s’accumulent, terrains et maisons des traitants sont grevés d’hypothèques. Consciente de cette situation, l’administration cherche à introduire un minimum d ’organisation en proposant essentiellement deux remèdes : « le compromis » (1) et l’association privilégiée qui, appliqués successivement, se sont soldés par un échec. Finalement, à la suite de démarches du commerce métropolitain, le gouvernement réunit une commission qui prépare l’ordonnance du 15 novembre 1842. Celle-ci a pour but de constituer les traitants en corporation, d’éteindre leurs dettes et de les garantir des empor­ tements de la concurrence, en particulier en excluant les Européens des escales. Ce régime qui établissait un véritable privilège au profit des traitants mulâtres et noirs n’a pas apporté les résultats escomptés et il fut emporté par la Révolution de 1848. Les Maures profitent de cette âpre concurrence pour exiger de lourdes coutumes et obtenir le maximum de guinée, de sucre, de quincaillerie et de verroterie. En définitive, ce commerce repose sur l’état des relations avec les Maures et en parti- 1 (1) « Le compromis » : régime intermédiaire entre 1a libre concurrence et la taxation officielle, est une « convention volontaire par laquelle les traitants s’engagent à ne pas échanger la guinée au-dessous d'une quantité minimale de livres de gomme déterminée par eux » (Raffenel).

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culier les Trarza, principaux détenteurs de gomme. Or, il est généralement mauvais car, assurés de l’impunité, les Maures attaquent et pillent les embarcations des traitants. Le commandant supérieur des escales ne peut assurer la sécurité faute de moyens suffisants et sa diplomatie est vouée à l’impuissance. Parfois aux escar­ mouches succède une franche hostilité. Ainsi, en 1834, il fallut, pour éviter l’encer­ clement de Saint-Louis, se résoudre à une expédition militaire dans le Walo à la suite du mariage de l’émir des Trarza, Mohammed el Habib avec la fille du brak. La traite est arrêtée et les Maures réduits à la misère. Les Français peuvent alors craindre la collusion de leurs ennemis avec les Anglais qui, se souvenant du droit reconnu au traité de Paris de commercer à Portendick, y envoient quelques navires. Les traitants redoutent aussi le passage du Fou ta où la succession rapide des almamys et les luttes intestines favorisent l’anarchie. De 18126 à 1850, les exportations de gomme oscillent entre 1 000 et 4 000 tonnes, sauf pour l’année 1834 où la concurrence anglaise à Portendick les a fait tomber à 895 tonnes.

L a suppression de la traite des esclaves, puis la rupture des et de la Gambie hens économiques tissés avec les comptoirs anglais ont ruiné Gorée. Si l’on en croit Roger, les Goréens par « leur esprit d’insouciance et de timidité » et par la faiblesse de leurs capitaux sont peu aptes à redresser cette situation. Mais l’administration a contribué à décourager tout effort en imposant l’étroit carcan de l’exclusif alors que pour concurrencer les Anglais il faudrait du tabac, des tissus et de la poudre fournis à meilleur compte par l’étranger. Première brèche dans la muraille protectionniste, le décret de janvier 1822 institue un entrepôt fictif à Gorée. Les goélettes de Gorée trafiquent le long de la « petite côte » et dans les « rivières » qui s’étendent jusqu’à Sierra Leone. Les bœufs expédiés aux Antilles, les cuirs et la cire constituent les principaux éléments d’un commerce qui reste médiocre jusqu’aux environs des années quarante. A Albréda, un résident français cherche à renouer d ’anciennes relations avec le roi de Barra. M ais les tracasseries anglaises freinent l’essor commercial du comptoir : aussi songeait-on à l’échanger contre les droits anglais à Portendick. En Casamance, un poste avait été créé à Sedhiou en 1838, et la Compagnie de Galam invitée à y étendre ses opérations se refusa, là aussi, à l’effort nécessaire. Ainsi, végétait Gorée, plus ou moins sacrifiée aux intérêts de la gomme et du fleuve. En Gambie, au début du x ix e siècle, la présence britannique se limite à l’action individuelle de quelques marchands qui remontent la rivière jusqu’à l’île M acCarthy. Détruit en 1779 par les Français, le fort Saint-James n’a pas été reconstruit. Cependant les agissements des négriers étrangers démontrent la nécessité d’un poste fortifié. A l’ancien site, le capitaine Grant préfère l’île Sainte-Marie, excellente

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position militaire mais peu apte par sa nature marécageuse à l’établissement d’une ville. Grant triomphe de cet obstacle grâce à sa ténacité, et Bathurst, créée en 1816, atteint i 800 habitants dix ans plus tard. Parmi les premiers habitants, on rencontre les sujets britanniques installés au Sénégal pendant l’occupation. En 1821, la Cou­ ronne assume seule la responsabilité de la Gambie, la Compagnie des Marchands ayant dû renoncer à son privilège. L a nouvelle colonie rattachée au gouvernement de Sierra Leone lui fut sacrifiée. L a nécessité de renforcer le contrôle de la traite, de pourvoir à l’établissement d ’esclaves libérés envoyés de Sierra Leone et d’étendre le commerce vers l’intérieur entraîne un accroissement de l’influence britannique. Une gerbe de traités nouée dans les années vingt permet une installation dans l’îlc de M ac Carthy, une domi­ nation plus assurée de l’embouchure grâce à la cession par le roi de Barra du « Ceded M ile » et des appuis dans les royaumes de Brikama et du Ouli. L a culture de l’arachide va bouleverser une économie languissante. L a savon­ nerie marseillaise à la recherche d’une huile meilleur marché que l’huile d ’olive utilisa d’abord le sésame. Inquiets pour leurs lins et leurs colzas, les agriculteurs du Nord obtinrent en 1845 k vote d’une loi douanière qui, en prohibant le sésame assura indirectement le triomphe de l’arachide. Les premiers chargements impor­ tants partirent en 1841 pour le compte de Régis de Marseille. En 1848, la « pistache de terre » constitua les deux tiers des exportations de la Gambie. L ’Angleterre préférant l’huile de palme, c’est la France qui offre le seul débouché, aussi, les traitants de Gorée accourent-ils à Albréda et introduisent très tôt l’usage de la pièce d’argent de cinq francs dont le cours devint légal dès 1843. L a Gambie entrait dans le système commercial français. Longtemps statique, l’agriculture africaine se révélait capable de répondre rapidement au stimulant de la demande européenne. De la Gambie, l’arachide gagna progressivement la Casamance, les Rivières du Sud et le Sénégal, mais la production massive n’y intervint que dans les années soixante.

La société sénégalaise

Dans la première moitié du x ix e siècle, deux villes existent au . S s iin u L o u is (IO OOO habitants en 1825, 1 2 à I 3 OOO

autour de 1850) et Gorée (5 000 habitants environ). Elles se développent peu, faute d’avoir trouvé un support économique solide. L e cadre de vie ne se modifiait guère, honnis la construction de quelques bâtiments publics : casernes, églises et mosquée. Le type de maison avec boutique et magasins au rez-de-chaussée, logement des maîtres à l’étage et des serviteurs autour de la cour se répand, mais il subsiste de nombreuses cases en paille qui alimentent trop souvent de tragiques incendies. A u sommet d’une société fortement hiérarchisée, les Européens sont moins de cinq cents en 1837. A part les fonctionnaires et les militaires assez souvent renou­ velés, ils sont essentiellement artisans, marchands et négociants. Ceux-ci représentent le plus souvent des maisons de Bordeaux et de Marseille qui dominent le commerce

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du Sénégal. Les « habitants » ou mulâtres constituent une catégorie qui, en progrès depuis le x vm e siècle, descend de Français et d’Anglais ayant contracté un « mariage à la mode ». Cette pratique combattue par le clergé subsiste encore dans la première moitié du x ix® siècle. L ’esprit des « habitants » est tourné vers le négoce, ils sont traitants ou commerçants, mais rares sont ceux qui réussissent à amasser une fortune. Profitant de leur connaissance du pays, l’administration a souvent recours à eux pour des négociations délicates, des enquêtes et des explorations. Elle en intégrera quelques-uns dans ses cadres lors de la faillite de la gomme (Zeler et Paul Holle par exemple). Parmi les mulâtres, les signâtes occupent une place particulière. Généralement assez riches, elles sont propriétaires d ’immeubles de rapport et de nombreux captifs dont elles louent les services aux particuliers comme au gouvernement. Parfois elles commanditent des expéditions de traite ou se livrent elles-mêmes au commerce. Les Africains libres, W olof et Sérèr pour la plupart, sont traitants, maîtres de langue et artisans. Les captifs, sept mille environ, présentent une plus grande variété ethnique car ils viennent du Fouta et du haut fleuve. M ais l’esclavage apparaît de plus en plus condamné. L e gouvernement de Louis-Philippe prépare l’émanci­ pation que la Seconde République réalisera. L a libération des esclaves a laissé des traces profondes dans la société sénégalaise alors victime de la crise économique. lues mulâtres étaient chrétiens, quelques noirs libres aussi, à Gorée surtout. Dans la population en majorité musulmane, des « lettrés » répandent l’usage de l’arabe qu’encourage une administration dont les relations avec les Maures sont prédominantes. Enfin, la population saint-louisienne ne pouvait manquer d’être perméable aux courants de pensée qui agitaient le monde varié du fleuve. Dans le domaine de l’enseignement un sérieux progrès fut rendu possible grâce à l’implantation des Frères de Ploërmel (à Saint-Louis en 1841 et à Gorée deux ans plus tard). Pour les filles, les sœurs de Saint-Joseph de Cluny ouvrirent des écoles dont la nécessité avait été démontrée par la fondatrice de l’ordre, la mère Javouhey lors de son passage au Sénégal. L ’enseignement était donné en français depuis qu’en 1829 on avait renoncé à l’intéressante expérience de l’utilisation du wolof. Des bourses permettaient aux élèves méritants de poursuivre leurs études en France. Ainsi se dégagea une élite qui servit dans l’administration, l’armée, le commerce et le clergé; mais pour l’ensemble des traitants le faible niveau d’instruction explique la routine, l’entêtement et l’étroitesse de vues. Beaucoup plus poussé à Bathurst, l ’effort d’éducation donna naissance à la catégorie des black gentlemen « plus protes­ tants que les protestants et plus Anglais que les Anglais ». A Saint-Louis comme à Gorée, des maires choisis parmi les mulâtres servent d ’intermédiaires entre la population et l ’administration. Celui de Saint-Louis grâce à sa stabilité, à ses relations directes et constantes avec les Africains, est arrivé à considérer la politique du fleuve comme entrant dans ses attributions. Pour toutes les grandes affaires, le ch ef de la colonie est assisté d’un conseil d’administration

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composé de fonctionnaires et de deux notables : un Européen et un mulâtre. Un « Comité du commerce » purement consultatif peut Péclairer sur les problèmes économiques. Enfin un conseil général et un conseil d ’arrondissement à Gorée ont été élus par un collège de notables à partir de 1840, ils disparaîtront quand la Révolution de 1848 accordera au Sénégal une représentation à l’Assemblée nationale, que le Second Empire supprimera.

Complexe, elle est à la fois politique, économique et sociale. Le Sénégal est un peu « le radeau de la Méduse... il vogue mais n’est pas gouverné » (Villard). En effet, les gouverneurs ne font que passer et la faiblesse des moyens financiers et militaires les condamne à l’impuissance. Un pouvoir central tatillon ajoute aux difficultés en intervenant sans cesse malgré son ignorance des conditions locales. Sans doctrine ferme, il ne peut, à défaut du pouvoir local, assurer l’indispensable continuité. Dans de telles conditions, comment conduire avec fermeté les relations avec les peuples africains qui entourent les comptoirs ? Sans administration spécialisée pour le guider, le gouverneur ne voit ces problèmes qu’à travers le prisme déformant de la mentalité et des intérêts des « habitants ». Or ceux-ci préfèrent à toute action énergique les palabres sans fin, les traités sans lendemain. Vers 1850, la situation est préoccupante. L ’émancipation des esclaves avait rendu plus difficiles les relations avec les populations africaines. Les Trarza, principale puissance de la rive droite, pillaient jusqu’aux environs de Saint-Louis et recevaient tribut de toutes les populations qui s’étendent jusqu’au Dimar. L ’émir, tout-puissant dans le Walo et craint dans le Kayor, avait annoncé avec insolence qu’il ferait son salam dans l’église de Saint-Louis. Enfin, il était à redouter qu’il accroisse son autorité à la suite de son intervention chez les Brakna en proie à la guerre civile. De bonnes relations avec le Fouta s’imposaient car l’approvisionnement en mil de Saint-Louis et des escales en dépendait, mais il était difficile de se concilier les Toucouleur orgueilleux et turbulents. Les gouverneurs négligent les problèmes goréens; pourtant les récents progrès des échanges appellent une protection plus efficace que celle dispensée par le système usé des traités. L ’économie sénégalaise connaît au milieu du siècle une profonde dépression aggravée par le marasme des affaires en France et les répercussions de l’émanci­ pation des esclaves. Entre 1845 et 1850, le commerce de Saint-Louis recule de près de moitié et Gorée maintient péniblement une situation médiocre (1). L a colonie manque de capitaux et d ’institutions de crédit, son outillage économique est à peu près inexistant et son régime douanier apparaît de plus en plus inadapté, surtout pour Gorée. du milieu du siècle

(1) Le commerce de Saint-Louis fléchit de 13 280 000 F à 6 733 000 F et celui de Gorée oscille autour de i 300 000 F.

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Les conséquences sociales de la crise économique sont graves. Les traitants sont atteints à la fois par la diminution du volume de leurs affaires et par la substi­ tution d ’une main-d’œuvre salariée aux esclaves. L ’endettement s’accroît à nouveau. Nombreuses sont les plaintes qui dénoncent la misère générale. L ’avenir paraît d’autant plus angoissant que le commerce européen cherche à s’affranchir des intermédiaires sénégalais. Ne vient-il pas de lancer au Conseil d ’administration une vigoureuse offensive contre le monopole des traitants aux escales ? L a polémique se prolonge dans la métropole par des pétitions et des brochures. Une tension à caractère racial apparaît entre les deux communautés : « L a population du Sén égal... je le dis avec une profonde douleur, sem ble chaque jo u r se séparer davantage de la population européenne. Il y a aujourd’hui deux cam ps bien m arqués au Sénégal et je considère cela comme le plus grand m alheur qui pût lu i arriver » (Baudin au m inistre, 14 ju illet 1849).

Ainsi le Sénégal était-il vers 1850, comme en 18 17 , « un m aigre archipel battu de flots tumultueux où la vie ne pouvait q u’être inquiète et misérable » (Hardy).

Pourtant tout au long de ces années difficiles, des esprits clairvoyants 86 penchent sur le problème sénégalais et tentent d’y porter remède. L a nouvelle politique pratiquée en Algérie depuis 1841 a contribué à provoquer et à stimuler ces réflexions salutaires. En effet, en renonçant à l’occu­ pation restreinte pour la conquête, la France s’engageait dans une voie qui ne pouvait m anquer d’être suivie avec attention par tous ceux qui souhaitaient sortir le Sénégal de l’ornière. L e mérite d ’avoir formulé avec netteté un plan d’action revient à Bouët (1). E n novembre 1844, il recommande de se tourner résolument vers l’avenir qui a été ju squ ’ici sacrifié ainsi que les progrès de la civilisation africaine « aux intérêts commerciaux du moment ». L ’emploi de la force étant indispensable, il faudra beaucoup de courage au gouverneur pour le faire accepter aux négociants et aux traitants hostiles à tout arrêt des transactions. Il préconise la réforme du régime des coutumes, la sécurité totale de la rive gauche, et, tôt ou tard, l’annexion du W alo et le démembrement du Fouta. Enfin, pour guider le gouverneur dans ses relations avec les peuples africains sera créée une direction des affaires extérieures inspirée de l’expérience algérienne. Bouët sait aussi regarder au-delà des affaires d u fleuve, vers la Casamance et les rivières du Sud dont il pressent l’avenir. L e ministre fait de cet ample programme une doctrine officielle. M ais le temps de l ’action n’est pas encore venu. Seule, la direction des affaires extérieures, « le bureau arab e », voit le jour. D ’autre part, Bouët relance l’activité exploratrice en soutenant d'une “solution

(1) U prendra le nom de Bouét-Willaumez en 1843.

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les projets de Raffenel, recommande l’institution d’un tribunal spécial pour la communauté musulmane et réalise les propositions de l’abbé Boilat pour l’ouverture d ’un collège. Désormais le problème sénégalais est posé. Dans les années 1845-1850, une véritable floraison de livres, de brochures et d’articles écrits par des officiers, des administrateurs, des négociants européens et des « habitants », témoignent de la maturation qui est en train de s’opérer dans les esprits. A une certaine paresse intellectuelle succède un bouillonnement novateur. A côté de la définition des grands principes on ne craint pas d’aborder les problèmes concrets : l’organisation du crédit et la formation professionnelle par exemple. On discute aussi de la politique à l’égard de l’ Islam et des possibilités de l’assimilation par l’évangélisation, au moment où, avec l’installation des Pères du Saint-Esprit à Dakar, en 1847, débute une nouvelle étape de l’action missionnaire. Tous les auteurs dénoncent l’immo­ bilisme et expriment leur conviction que le Sénégal doit cesser d’être un simple comptoir pour devenir une colonie. C ’est alors que le ministre décide, en juillet 1850, de réunir une commission d’enquête.

L es p r o g r è s de l ’ i n f l u e n c e f r a n ç a i s e

Composée de parlementaires, de négociants (Régis) et La Commission de représentants des ministères de la Marine (Bouët** etj ! % ^ r trclWillaumez), du Commerce, des Finances et des Affaires (août 1850 -ju in 18 5 1) étrangères, elle reçut du gouvernement la tâche « d ’exa­ miner les intérêts du commerce français sur les côtes occidentales et orientales d’Afrique et par suite la situation des possessions françaises... et les développements dont elles sont susceptibles ». Une politique ferme sortit de longues et sérieuses discussions : sécurité complète pour le commerce du fleuve, rôle d’intermédiaires réservés aux indigènes, maintien du régime de « l’exclusif » à Saint-Louis, octroi de la franchise à Gorée qui pourra constituer une colonie indépendante, accroissement des forces terrestres et navales et enfin construction d’un fort à Podor pour tenir en respect les turbulentes populations du Fouta. Plus que l’originalité des vues exprimées, ce qui frappe dans les travaux de la Commission, c’est la volonté d ’aboutir. L a situation politique en France ne permet pas une application immédiate de ce programme. Au début de 1852, les mesures économiques sont promulguées mais les décisions fondamentales n’interviendront qu’après la consolidation du régime. Les dépêches adressées en janvier 1853 au gouverneur Protêt par le ministre Ducos traduisent la ferme volonté d’action de la métropole et constituent une date décisive pour l’histoire du Sénégal. Désormais, la voie est ouverte à Faidherbe.

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Le temps de Faidherbe Faidherbe va gouverner le Sénégal de 1854 à 1861 et de 1863 à 1865 (1). Il créera des traditions qui, maintenues par son successeur Pinet-Laprade (1865-1869), seront remises en question à la fin du Second Empire et au début de la I I I e Répu­ blique, mais refleuriront avec la politique d’expansion des années 1880.

^ P°^Ytec^in^c^cn> ami de Schoelcher, lorsqu’il débarque en 1852 au Sénégal est bien armé pour le comprendre : il a acquis une riche expé­ rience et du monde musulman en Algérie et du monde noir à la Guadeloupe. D’une inlassable curiosité, il lit tout ce qu’il trouve sur le passé des comptoirs, fouille les archives, étudie les plans des précurseurs, en particulier celui de BouëtWillaumez, apprend le wolof, interroge les indigènes et parcourt le pays. Très vite, il s’impose comme un spécialiste et se fait remarquer non seulement de Protêt, mais aussi des négociants qui font confiance à cet homme à l’intelligence claire et méthodique, à la décision prompte et à l’énergie indomptable. Aussi, tout natu­ rellement quand Protêt eût demandé son rappel adressent-ils une pétition au ministre pour faire du capitaine Faidherbe un gouverneur. Ce texte illustre avec force la récente évolution des esprits : Faidherbe

«c L e Sénégal n’est pas un com ptoir comme on affecte dédaigneusement de le dire, m ais bien une véritable colonie... une colonie qui com m ande à un vaste continent. »

Pour accomplir sa tâche, Faidherbe dispose de deux atouts maîtres : l’appui des négociants — un de ses subordonnés le présente comme « le candidat des Bor­ delais >► — , et bien que républicain, la confiance totale des ministres de l’empereur.

Faidherbe n’a jam ais eu à sa disposition qu’un nombre limité de de solda*8 européens, mais il a obtenu à plusieurs reprises le renfort de soldats envoyés d’Algérie. Il complète ses effectifs par l’organi­ sation des tirailleurs sénégalais, la levée de milices urbaines et le soutien de ses alliés. L ’artillerie et la flottille lui assurent une éclatante supériorité. Pour affranchir le commerce du fleuve de la tyrannie maure, Faidherbe entre­ prend pendant la saison sèche une série d ’opérations de 1855 à 1858, date à laquelle les T rarza, puis les Brakna demandent la paix. L a souveraineté française est reconnue su r le Walo. L e Dyolof, le N ’Diambour et le Dim ar jusque-là vassaux plus ou moins (x) Conformément à la recommandation de la Comxnianon des Comptoir*, Corée constituera une colonie indépendante en i 854> k* inconvénients du système rendront nécessaire le rattachement en 1859.

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avoués des Maures entrent dans la zone d’influence française. Le vieil objectif de la suppression des « coutumes » est enfin atteint. Si les chefs maures n’avaient aucune prétention à l’Empire africain, il n’en est pas de même d’E l Hadj Omar. Cet homme du Fouta né en 1794-1795 près de Podor, après s’être initié au métier des armes et à la culture coranique, accomplit le pèlerinage de L a Mecque, s’affilie à la confrérie démocratique des Tidjâniya. Après un long séjour à Sokoto près de Mohammed Bello, fils du fameux Osman Dan Fodio, il rêve de bâtir dans l’Ouest africain un Etat semblable à ceux du pays haoussa. El Hadj Omar n’est ni un aventurier, ni un coureur de brousse, mais par son savoir de lettré musulman, sa qualité d ’allié de la famille d’Osman Dan Fodio, un « représentant authentique d’une Afrique mahométane allant du Tchad au Sénégal et des montagnes de l’Adamaoua à celles du Fouta-Djallon et au Fouta Toro » (Delavignette). Son prestige ne cesse de grandir, les disciples accourent et El Hadj Omar prend figure de chef d’Etat à Dinguiraye dont il fait, pour un temps, la ville religieuse la plus importante de l’Ouest africain. Il entreprend ensuite une tournée de propagande dans son pays natal et en 1852 une voix divine l’appelle au jihâd : il ruine le royaume Bambara du K aarta, s’attaque au Bambouk et menace le Khasso. Protêt avait signalé le danger et Faidherbe qui craint pour ses commu­ nications avec le haut fleuve rameute ses partisans et obtient du roi du Khasso l’autorisation de construire un fort à Médine. L ’attaque de cette position clé par E l Hadj Omar en 1857 constitue l’épisode le plus spectaculaire de son affrontement avec les Français. Le marabout qui doit lever le siège brûle sa dernière chance en ne réussissant pas à soulever les populations du Fouta. En i860, harcelé par les Peul du Mâcina et les Bambara de Ségou, il s’éloigne du Sénégal et c’est vers la boucle du Niger qu’il transporte ses rêves d ’empire. Battu, il trouvera la mort en février 1864. Au Sénégal, E l Hadj Omar est venu trop tard par rapport à la présence française pour jouer le rôle d’unificateur qu’il ambitionnait. M aba, un de ses épigones, originaire du Fouta mais réfugié dans le R ip où il représente la Tidjâniya, se met à prêcher 1cjihâd. Il pénètre dans le Saloum, attaque en vain le poste de Kaolak (1862), intrigue du côté du Fouta et auprès des Trarza et accueille Lat-Dior et les opposants du K ayor à la politique française. Après un accord sans lendemain avec les Français, une importante colonne commandée par Pinet-Laprade réussit à s’emparer de Nioro sa capitale. Après avoir refait ses forces en Gambie, M aba se jette sur le Sine, allié de la France, et meurt au combat (1867). En prenant possession du site de Dakar, le 25 mai 1857, Protêt, alors comman­ dant de la Division navale, comble le vœu de la population goréenne à l’étroit dans son île. Désormais, l’indispensable liaison entre Saint-Louis et Dakar exigeait que le K ayor soit attiré dans le jeu français ou brisé s’il persistait dans son hostilité. L ’habileté dont Faidherbe avait fait preuve dans les affaires du fleuve s’est trouvée ici en défaut par méconnaissance de l’organisation sociale et de la mentalité des gens du Kayor. A Macodou, darnel peu malléable, Faidherbe commet l’erreur

I I I . — Bingcr rend visite à Sam ori ( 18 8 7 ) .

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M AURITANIE E T SÉN ÉG A M B IE

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d’opposer un parent sans crédit M adiodio. C ’est alors qu’entre en scène un préten­ dant intelligent et ambitieux : Lat-D ior qui pendant plus de vingt ans sera l’adver­ saire déterminé des Français. Il bat M adiodio et se fait proclamer darnel. L a France le reconnaît mais bientôt se brouille avec lui. Battu en janvier 1864, Lat-D ior s’enfuit auprès de M aba qui exige sa conversion à l’ Islam et en fait son principal lieutenant. L ’année suivante, le gouvernement dépose le lamentable Madiodio, et annexe le K a y o r : solution d’autorité qui s’avère peu viable. Après une feinte soumission, Lat-D ior profitant de l’agitation créée dans le Fouta et le D yolof par Amadou Cheikhou inflige aux Français un grave échec à Mekhé (juillet 1869). En 18 7 1, en acceptant Lat-D ior comme damel, la France affaiblie s’assure plusieurs années de paix. Dans les dépendances de Gorée, l’extension du commerce des arachides pose le problème d ’une protection efficace. En Casamance, de courtes mais brutales campagnes n’apportèrent qu’une amélioration passagère, mais dans les Rivières du Sud, profitant de l’inertie du gouvernement anglais, Pinet-Laprade établit des postes à Boké, Boffa et Benty, dans une zone que négociants et traitants de Sierra Leone considéraient comme leur. Ainsi se manifestait un « impérialisme sénégalais >► qui englobait aussi la Gambie.

Vm 1au Sénieambie ?

Albréda constituait une position excellente pour la traite des arachides, mais de fréquents incidents avec les Anglais rendaient précaire la situation du comptoir. D ’autre part, au moment du conflit avec les Trarza, Faidherbe avait intérêt à écarter les Anglais de la côte mauritanienne. Dans l’accord signé en mai 1857, les Anglais renonçaient au droit de commercer à Portendick et les Français cédaient Albréda moyennant la sauvegarde de leurs intérêts économiques. Le rayonnement de la prédication omarienne accrut la violence des luttes qui, depuis longtemps, déchiraient païens et islamisés de la Gambie. Souvent les marabouts masquaient sous des dehors religieux leur ambition de fonder de vastes unités politiques sur les ruines des chefferies traditionnelles. Ces guerres continuelles brisèrent l’élan du commerce et menacèrent dangereusement l’influence britannique. Fodé K a b a agitait le Kom bo et M aba guerroyait dans le Badibou. L a métropole se refusant à tout effort militaire, les gouverneurs n’avaient d ’autre issue que la politique décevante des négociations sans cesse recommencées et des subsides toujours insuffisants. E n 1855, Bathurst étant menacée, il fallut faire appel aux forces du Sénégal et de Sierra Leone. L a Commission parlementaire de 1865, nullement impressionnée par la dégradation de la situation, songea à l’abandon de l’île M acCarthy et se refusa à toute augmentation des moyens militaires. Elu côté français, au regret que certains affichèrent d’avoir en cédant Albréda, laissé échapper toute possibilité de pénétration par la Gam bie, s’ajoutaient les

« M r. Livingstone, je présum e... » (Stanley, 30 octobre 18 7 1, à O iyiji). Digitized by

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H IST OI RE DE L 'A F R I Q U E NOI RE

nécessités de la pacification. La colonie anglaise ne servait-elle pas de refuge à M aba et à Lat-Dior ? Ne serait-il pas plus rationnel de concentrer les efforts de la France en Sénégambie plutôt que de maintenir pour un profit très contestable les comptoirs de la Côte-de-l’Or et du Gabon ? Il y avait là l’amorce d’une négo­ ciation que Faidherbe suggère au ministre en avril 1864. L ’échange serait « une excellente affaire » qui ferait de la Sénégambie une « belle colonie compacte ». Parallèlement, l’idée d’échange apparaît en Angleterre. Très désireux d’acquérir la Gambie, le gouvernement français engagea la négociation, mais il ne réussit pas à présenter aux Anglais une offre suffisamment séduisante. Aussi déclarèrent-ils, en mai 1868, qu’ils jugeaient « inopportun » tout arrangement. Mais au début de 1870, les contacts reprenaient à la demande de l’Angleterre et à Saint-Louis comme à Bathurst on était convaincu d’une prochaine solution. En fait, tout allait être remis en cause par une violente campagne de protestation déclenchée en Angle­ terre à l’instigation des négociants de Gambie et des Africains anglicisés. Le Colonial Secretary préféra battre en retraite. Une troisième tentative ouverte en avril 1874 par un mémorandum du gouvernement français n’eut pas un meilleur sort. Des retards dans la discussion permirent au Gambia lobby (1) de se renforcer. Aussi, lorsque Derby présenta le projet d’échange à la Chambre des Lords, l’accueil fut si froid qu’il décida de rompre les pourparlers (mars 1876). Malgré ce nouvel échec, le gouvernement français ne renonça pas à l’espoir de voir la Sénégambie se réaliser un jour.

L ’exemple algérien ne cesse d’inspirer Faidherbe qu’il et politique indigène s agisse d organisation administrative, de rapports avec les musulmans, de mise sur pied des forces africaines ou d’ensei­ gnement. Parmi de nombreux passages caractéristiques de sa correspondance, retenons celui-ci extrait d’une lettre adressée au ministre en octobre 1859 : « Les analogies entre le Sénégal et l’Algérie sont com plètes... C ’est à l’Algérie et non aux autres colonies que le Sénégal doit être assimilé. Le Sénégal ne devrait être qu’une subdivision de l’A lgérie... En Algérie et au Sénégal le but est le même : dominer le pays avec le moins de frais possible et en tirer par le commerce les plus grands avantages possible. Les difficultés à vaincre sont analogues, les moyens pour y arriver sont les mêmes. »

Trop sensible à certaines analogies, Faidherbe n’a-t-il pas été tenté d’appliquer mécaniquement les techniques apprises en Algérie ? Ainsi, la Direction des Affaires politiques créée en 1863 et destinée à collecter sur les choses et les gens du Sénégal les informations nécessaires à l’action politique, apparaît comme la transposition des bureaux arabes.1 (1) Il comprend les négociants appuyés par la Chambre de Commerce de Manchester, le Royal Colonial Institute et les sociétés weslcyennes. Du côté français, Verdier propriétaire de comptoirs dans la zone qui devait être cédée protesta contre l’échange.

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MAURITANIE E T SÊN ÊG A M BIE

Lorsqu’il n’est pas possible d’agir par l’intermédiaire des chefs indigènes, dont Faidherbe espère améliorer la valeur par l’éducation donnée à l’Ecole des Otages, l’annexion s’avère indispensable (Walo et K ayor par exemple). La colonie est partagée entre trois arrondissements (Saint-Louis, Bakel et Gorée) eux-mêmes divisés en cercles. L a compétence du commandant de cercle ne cesse de se diversifier. L ’armature administrative mise en place par Faidherbe servira plus tard de modèle à toute l’Afrique noire. A l’égard de l’ Islam, la politique de Faidherbe, généralement présentée comme favorable, mériterait une étude approfondie. Le gouverneur le conçoit comme une organisation politique et sociale génératrice de progrès et par conséquent comme une étape vers la civilisation pour les animistes. Mais il ne manque pas de dénoncer le danger que représentent « les forces fanatisées de l’ Islam ». Position ambiguë que reflète bien ce qu’il écrit des populations de la rive gauche : « que la religion musulmane s’y soit répandue, c’est un progrès pour elles, mais c’est un m alheur pour nous. E t tout en reconnaissant notre impuissance à leur faire adopter notre religion dont la morale sévère ne convient pas à leur nature, nous ne devons pas au moins travailler à la propagation de l’islamisme qui nous crée des ennemis ».

La conjoncture politique impose à Faidherbe le respect de la religion et du statut personnel des musulmans. Il fait aboutir le vieux projet de tribunal musulman (1857), concession nécessaire en bonne politique, mais accordée « à regret», avoue-t-il. Peut-être met-il son espoir dans l’organisation d’un Islam officiel avec la nomination d’un chef de la religion musulmane ( tamsir)> le contrôle des marabouts et de leurs écoles et l’étroite surveillance du tribunal. A long terme, il escompte que grâce à l’école française — les marabouts doivent envoyer leurs élèves aux classes du soir — la société musulmane perdra de son fanatisme et de son agressivité et qu’elle se rapprochera de la société française. Les Sénégalais deviendraient de loyaux sujets de la France tout en restant de bons musulmans. Au problème de l’éducation, Faidherbe attache donc une grande importance et il cherche à atteindre aussi bien les adultes que les enfants. La presse s’adresse aux premiers : Le Moniteur et les Annuaires diffusent outre l’indispensable documen­ tation administrative, des informations commerciales, des conseils en matière d’agriculture, des études sur les populations du Sénégal et les mots d’ordre du gouverneur. En 1854, l’enseignement semble sortir des premiers tâtonnements : un effort de réflexion sur les buts et les méthodes avait abouti à renoncer à une réplique imparfaite de l’école telle qu’elle fonctionnait en France et on s’orientait vers une adaptation aux réalités locales et vers un enseignement professionnel couronnant le cycle primaire. Ainsi, M gr Kobès, supérieur des Pères du Saint-Esprit, créa des ateliers et une ferme modèle à Dakar et à Saint-Joseph de Ngazobil près de Jo al. Dans 1’espoir d’atteindre les musulmans, Faidherbe ouvrit des écoles laïques non

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Carte 4. — M auritanie et S énégal

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seulement à Saint-Louis, à Gorée mais aussi à Podor, à Dagana et à Bakel. Il regardait « l’affaire des écoles comme la plus sérieuse » de toutes celles dont il avait à s’occuper parce q ue« notre influence politique et l’importance de notre commerce» lui paraissaient n’en être que les conséquences « lorsqu’on considère la question d’un peu haut ». Enfin, l’armée peut avoir un rôle d’éducation et offrir une possi­ bilité de promotion sociale.

M algré les soucis de la guerre, Faidherbe et Pinet-Laprade ont suivi avec intérêt l ’évolution de la situation économique. Confiants dans les vertus de l ’entreprise privée pour assurer le développement de la colonie, ils n’admettent l’intervention de l’Etat que dans des cas très rares et pour un temps limité. Un pas décisif est accompli dans le domaine de l’outillage économique. Des raisons stratégiques ont imposé la création de moyens de communication (route de Dakar à Saint-Louis, de Rufisque à Thiès, lignes télégraphiques) mais le commerce en a finalement profité. L ’équipement portuaire était très insuffisant : à Saint-Louis la barre immobilise trop souvent les navires et à Gorée l’exiguïté de Pile exclut tout aménagement important. D akar pouvait offrir une solution. Pinet-Laprade qui rêve d ’en faire la capitale politique et économique du Sénégal a lutté avec obstination pour la construction d ’un port achevée en 1866. Il conçoit alors le projet prématuré d ’y attirer le trafic du fleuve par une voie ferrée. L e commerce d’ailleurs boude D akar et préférant se porter au-devant des caravanes d ’arachides, s’installe à Rufisque, important carrefour de routes. Aussi, Pinet-Laprade enrage de constater que D akar demeure un cadre vide que nulle activité ne vient animer tandis que Rufisque connaît un rapide et insolent essor. L a création de la Banque du Sénégal satisfait une vieille revendication. M ais ses débuts modestes n’ont guère apporté à la colonie le stimulant dont elle a besoin. En décembre 1869, des Chambres de Commerce sont installées à Saint-Louis et à Gorée. Des accidents de la conjoncture mondiale ont incité le Sénégal à élargir l’éventail de ses ressources. L a découverte récente de l’or en Californie et en Australie attire l’attention sur les fameuses mines de Bambouk. A Kéniéba, en 1858, Faidherbe tente une expérience qu’il veut scientifique. M algré des résultats encourageants au début, il fallut abandonner en 186 1. Espérant profiter des hauts cours dus à la révolte des cipayes et à la guerre de Sécession, le Sénégal se remet aux cultures d ’ indigo et de coton. L ’effort principal porte sur ce dernier car les industriels menacés par la « famine du coton » recherchent avidement de nouvelles sources d ’ approvisionnement. Les manufacturiers alsaciens obtiennent des concessions en p a y s sérèr, mais bientôt, la paix revenue, les cours s’effondrent et en 1868 la dernière concession est abandonnée. Lt progrès économique

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HISTOIRE DE L'A FR IQ U E NOIRE

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En valeur comme en volume, l’arachide tend à s’assurer la première place dans les exportations sénégalaises. En 1870, on atteint près de 20 000 tonnes contre 2 600 vingt ans plus tôt. L a culture se développe sur la petite côte, dans le Baol et le K a y o r; les caravanes maures se chargent du transport vers Rufisque et SaintLouis. La gomme se traite désormais à terre dans les escales de Dagana, Podor, Saldé, M atam , Bakel et Médine. Cette importante transformation ne pouvait manquer de précipiter la substitution des traitants salariés aux traitants indépendants qui pour la plupart ne pouvaient supporter les frais d’établissement. Ajoutons aussi que les Européens étaient autorisés à trafiquer dans les escales. Enfin, en décem­ bre 1864, le régime douanier évolua dans un sens libéral. Faidherbe a cherché à étendre le réseau des relations commerciales en orga­ nisant des voyages d’exploration en pays maure, au Bambouk, au Fouta-Djalon et surtout vers le Niger. En effet, la plus importante mission, celle de M age et de Quintin, consistait à ouvrir la route du Niger et à préparer le Sénégal à supplanter le M aroc dans le commerce du Soudan. M algré les progrès considérables accomplis depuis près de vingt ans par le Sénégal, les problèmes sont loin d’être résolus. L a situation du K ayor et l’influence grandissante d ’Amadou Cheikhou sur le fleuve montrent bien que la pacification est loin d’être assurée. L a défaite de Mékhé, l’accroissement de la fiscalité et l’écho des violentes critiques adressées contre les bureaux arabes d ’Algérie aboutissent à une condamnation de la politique de Faidherbe en des termes qui témoignent d ’un revirement total de l’opinion par rapport à 1854. L ’administration tenant compte des critiques du commerce bordelais à l’égard de la politique d’annexion s’était décidée à modifier un système qui, au dire du directeur de l’ Intérieur, n’était « qu’une reproduction de notre gouvernement militaire et de nos bureaux arabes de l’Algérie ». Enfin, l’ordonnateur déclarait en conseil d’administration « le grand tort qu’on a eu depuis douze ans, c’est d’avoir voulu faire du Sénégal une véritable colonie au lieu de le considérer pour ce qu’il est en réalité : un vaste comptoir ».

L impérialisme triomphant A partir de 1879-1880 se développe une politique dynamique inspirée par le projet de Transsaharien et la reprise de l’idée faidherbienne de jonction entre le Sénégal et le Niger. L ’achèvement de la paci­ fication du Sénégal était indispensable pour assurer la sécurité de leurs arrières aux troupes opérant dans le Soudan. D ’autre part, l’établissement de relations rapides entre la métropole et le fleuve ainsi que l’extension de la culture de l’arachide exigent la construction d’une voie ferrée entre D akar et Saint-Louis. Pour cela, il faut obtenir l’accord du darnel du K ayor. D ’abord consentant, Lat-Dior devient

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franchement hostile et les colonnes Wendling et Dodds tentent de le soumettre. Comme autrefois, les Français cherchent dans la nomination de darnels plus souples la solution de leurs difficultés, mais ni Am adi Ngoné Fal ni Sam ba Laobé ne répondent à leur attente. Aussi, en octobre 1886, le K ayo r est démembré et annexé. Quelques jours plus tard, Lat-D ior trouve la mort au cours d ’un combat. Il avait bien compris que le chemin de fer serait la fin de son indépendance et c’est pourquoi il a lutté, lui, un des derniers grands féodaux du Sénégal, avec une énergie farouche pour tenter de sauver l’Afrique traditionnelle. L a chute du K ayo r devait rendre plus facile la pacification du Sud : Saer M aty, fils de M aba et chef du R ip , qui convoitait les riches pays sérèr fut réduit à la raison en 1887. M amadou Lam ine, né dans le Khasso, ancien disciple d ’E l H adj O m ar et pèlerin de L a M ecque rêve d ’unifier politiquement et religieusement les Sarakholé. En 1885, il rallie de nombreux partisans, ravage l’état de Yalmamy du Boundou et devient le maître véritable de la Falémé. En avril 1886, il assiège en vain le fort de Bakel. Accouru, le colonel Frey manœuvre habilement et bat M am adou Lam ine en haute Gam bie. L e m arabout dont le prestige décline s’enferme dans son tata de Tam bakouta que Galliéni détruira en décembre 1887. M am adou Lam ine qui a réussi à s’enfuir est tué par les hommes de Moussa M olo allié des Français. Ainsi, l’année 1887 marque un tournant décisif dans la pacification du Sénégal. En 18 9 1, le hour Sine et le bour Saloum reconnurent le protectorat français et en 1894 le Baol fut rattaché au cercle de Thiès. A li Bouri N ’Diaye, bourba D yolof converti à l’ Islam par M aba, a gagné une réputation de guerrier dans sa lutte contre Amadou Cheikhou envahissant son royaume. D ’abord loyal vis-à-vis des Français, il devint ensuite suspect en se rapprochant de Lat-D ior en 1883 et en prenant contact avec Ahm adou roi de Ségou en 1889. L ’année suivante, après la chute de sa capitale, Y ang-Y ang, A li Bouri N ’Diaye se réfugie auprès d’Ahmadou qu’il accom­ pagnera dans sa fuite devant Archinard. Sur le fleuve la guerre s’était rallumée dans le Fouta où le chef du Bosséa, Abdoul Boubakar, en s’opposant à la construction d ’une ligne télégraphique tout comme Lat-D ior pour le passage du chemin de fer, empêche l ’arrivée rapide à Saint-Louis des nouvelles des troupes du haut fleuve. Il a fini par céder en 1885, mais son attitude demeure menaçante et c’est Dodds, enfant du Sénégal, qui en 1891 le rejettera sur la rive droite où les M aures l’assassinèrent. Tandis que progressivement la paix s’établit au Sénégal, la Casamance demeure une région agitée. L a poussée mandingue se heurte à la résistance diola, au soulè­ vement des Peul et à la présence française. L ’intense propagande musulmane cache souvent des ambitions politiques. Ainsi un W olof de Saint-Loui3, ancien traitant devenu m arabout tidjâne, Ibrahim Ndiaye, entretient une agitation anti­ française à partir de 1885. Il succombera sous les coups des populations animistes q u ’il avait soumises. M ais surtout l’histoire locale est dominée par la personnalité

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de Fodé K ab a, un marabout mandingue qui tente de se tailler un domaine dans le Fogny. En 1895, la Casamance est loin d ’être tranquille. Les décrets d ’octobre 1882 qui réorganisèrent les territoires soumis à l’influence française établissent l’administration directe jugée plus efficace dans la région comprise entre l’embouchure du Sénégal et celle du Saloum et un poste de lieutenantgouverneur des Rivières du Sud pour suivre plus attentivement les affaires des dépendances de Gorée. M ais bientôt les populations attachées à leurs coutumes et à leurs mœurs manifestent leur hostilité à l’introduction des lois françaises. L a révolte et rinsurrection armée étant désormais impossibles elles se dérobent par l’émigration. Elle débute en 1888 et prend de l’ampleur en 1889, affecte non seule­ ment les Peul, éleveurs de troupeaux, mais aussi les sédentaires. Le gouverneur Clément-Thomas doit revenir, pour la banlieue de Saint-Louis, le Walo et le Dimar, au régime plus souple du protectorat (1890). Bientôt la rapide expansion dans le golfe de Guinée impose la constitution d ’un gouvernement autonome des Rivières du Sud patronnant les colonies nais­ santes de Côte-d'Ivoire et du Dahomey et le rattachement du Saloum et de la Casa­ mance au Sénégal (décret d ’août 1889). En 1895, lors de la création du gouver­ nement général de l’A .O .F ., le Sénégal avait pris forme. L e cercle de Bakel et le Bambouk, un moment rattachés au Soudan lui ont été restitués, Ziguinchor cédée par le Portugal en 1886 et la frontière avec la Gambie délimitée par la convention de 1889.

Deux raisons incitent la France à suivre de près l'évolution des pays mmrritlrrifr'î maures : le traditionnel souci d ’interdire pillages et enlèvements sur la rive gauche et le désir d’attirer à Saint-Louis le commerce du Soudan. Pour concurrencer M ogador et le récent établissement anglais de cap Ju b y , les Français cherchent à nouer des relations avec les tribus de l’intérieur en organisant des missions qui, pour la plupart, connurent de graves difficultés (Soleillet, 1880; Douls, 1887; Fabert, 1891-1894, Donnet, 1894 et Blanchet, 1900). A la suite d’une évolution commencée depuis plus de trente ans, l’équilibre des forces entre T rarza et Brakna est, à la fin du xrx® siècle, profondément modifié au bénéfice des premiers. Les Français prennent donc conscience que désormais les Brakna ne représentent plus une force susceptible de faire contrepoids aux T rarza dont ils reconnaissent, en 18 9 1, Ahmed Saloum comme émir. Contre une indemnité de deux mille pièces de guinées, ce dernier s’engage à assurer la liberté du commerce et à protéger les cultures des excellentes terres d ’inondation de la rive droite du Walo. Le problème des relations avec les Maures sera posé dans toute son ampleur par Coppolani. Après un ouvrage remarqué sur les confréries religieuses musulmanes, il obtient une « mission au Soudan et au Sahel méridional » pour compléter sa

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documentation. Il en rapporta un « plan d ’ensemble d ’organisation des tribus maures » que le ministre des Colonies reprit dans son projet de constitution d ’une « M auritanie occidentale» (décembre 1899). Il se heurta à l’inquiétude de l’Espagne finalement apaisée par la convention de ju in 1900 et aux réticences de Chaudié, gouverneur général de l’A .O .F . A u cours d’une entrevue avec le président du Conseil, Coppolani se montra si convaincant que Waldeck Rousseau se décida en juin 1901 à créer une « Commission interministérielle » chargée d’examiner « la situation respective de l’Algérie et de l’Afrique occidentale au regard l’une de l’autre et au regard des pays limitrophes » : la première phase de la pénétration française en M auritanie débutait.

E n application de la Commission parlementaire de 1865, la vers la consolidation Gam bie, colonie autonome depuis 1843, était replacée sous l’autorité du gouverneur de Sierra Leone. Cette situation durera jusqu’en 1888 et pendant cette période les faibles moyens financiers et militaires ne permettront pas de rétablir la paix compromise par la lutte entre marabouts et Soninké, maîtres traditionnels de la Gambie. Parmi les agitateurs on retrouve Moussa M olo et Fodé K a b a , ce vétéran des marabouts dont la mort en 1901 marqua la fin de l’opposition à l’autorité britannique. L a convention d ’août 1889 en pré­ voyant une délimitation des territoires respectifs de la France et de la Grande-Bretagne a contribué à la pacification. L a colonie était réduite à une étroite bande de terre sur chaque rive du fleuve jusqu’à Yarboutenda mais la Commission réunie sur le terrain en 1891 rencontra de grandes difficultés par suite du cours sinueux de la Gambie. Cette convention marque une date importante dans l’histoire de la Gam bie car elle oblige l’Angleterre à implanter une administration dans les territoires qui lui sont dévolus. M ais les troubles persistants, le vide politique créé par l’anéantis­ sement des chefferies traditionnelles et la réticence des populations à l’égard des chefs imposés rendent cette tâche particulièrement délicate. Deux travelling commis­ sionners nommés en 1893 préparèrent un régime de protectorat qui trouva sa charte dans l’ordonnance de 1894 garantissant le maintien des lois et coutumes et défi­ nissant les pouvoirs des chefs. Son application ne pouvait être que progressive car elle constituait un idéal. Enfin, le commerce était affranchi du régime arbitraire des « coutumes ».

Après la relative stagnation des années soixante-dix, le commerce sénégalais se redresse vigoureusement à partir de 1880 et, en quinze ans, il va plus que doubler, atteignant 60 millions de francs en 1894. Quelques accidents de parcours, la crise de 1886-1887 par exemple, interrompent de temps à a u tre cette progression d ’ensemble. Les conditions générales et locales ne sont U évolution économique

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guère favorables : renversement de la conjoncture depuis 1873 alors que la période de Faidherbe s’inscrivait dans une phase d’expansion, régime douanier privilégiant les produits manufacturés de la métropole et par conséquent renchérissant les importations, pacification insuffisamment assurée et opérations militaires au Soudan qui, en suscitant la facile et lucrative activité des fournitures et des transports pour les troupes, détournaient des vrais problèmes. L ’équipement s’est sensiblement amélioré. Le câble avec la métropole, le réseau de lignes télégraphiques reliant les principaux points de traite, permettent de connaître les fluctuations des cours en Europe et de donner aux traitants des ordres en conséquence. Le chemin de fer de Dakar à Saint-Louis achevé en 1885 apportera un tel stimulant à l’économie qu’on songera tout naturellement à la fin du siècle à établir une ligne à travers le Baol et le Sine Saloum et une liaison avec la voie ferrée du Soudan. Ce dernier projet inquiète les négociants de Saint-Louis qui, ne pouvant croire perdue la cause du fleuve, plaident pour son aménagement. Vers 1887, Dakar donne l’impres­ sion de sortir d’un long immobilisme et le port de Pinet-Laprade, mal entretenu et bientôt insuffisant, exige d’importants travaux. Cependant de nombreuses lignes régulières françaises et étrangères y font escale; la Banque du Sénégal y a transféré son agence de Gorée en 1884 et une Chambre de Commerce autonome a vu le jour en 1892. Les arachides dont la production oscille entre 30 et 60 000 tonnes occupent sans conteste la première place dans les exportations. En 1890, le capitaine Monteil souligne avec force le rôle décisif joué par le Dakar-Saint-Louis dans l’extension de la culture de l’arachide : « Pendant la traversée du K ayo r, j ’étais ém erveillé de l’aspect de ces régions que j ’avais connues quelques années auparavant presque incultes... L e chemin de fer avait tout transform é, les cham ps de m il et d ’arachide s’étendaient à perte de vue, de grandes agglom érations s’étaient créées autour des principales stations Thiès, T ivaouane, Louga, M ’Pal. »

L a voie ferrée transporte environ les trois cinquièmes des arachides exportées. A la fin du siècle, Rufisque, Foundiougne, Saint-Louis, Carabane sont les principaux ports d’expédition. L a France, principal acheteur, absorbe les trois quarts de la production sénégalaise et les Pays-Bas se taillent la plus grande part du quart restant. L a Gambie, pionnière autrefois est, avec ses 18 000 tonnes en 1890, largement distancée. Le commerce français domine toujours le marché et en 1880 les pièces de 5 F représentent 85 % de la circulation monétaire. Les exportations de gomme se maintiennent entre 3 et 4 000 tonnes. Plusieurs tentatives menées pour diversifier l’économie du Sénégal par l’introduction de la culture du ricin, par l’exploitation des bois d’ébénisterie et des eaux poissonneuses du banc d’Arguin n’ont abouti à aucun résultat durable. Le caoutchouc, un moment très demandé en Europe, provoque une fiévreuse prospection qui se manifeste surtout dans les Rivières du Sud mais atteint aussi la

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MAURITANIE E T S Ë N Ë G A M B I E

Casamance et la Petite-Côte. En 1876, on signale Parrivée des premières boules de latex recueilli sur les lianes. L a production se développe à partir de 1883 et connaît son apogée dans les années 1890-1895. Le déclin s’amorce ensuite, dû en grande partie à la mauvaise qualité du produit. A partir de 1895, en Casamance, on tenta sans succès d’acclimater le céara et de substituer le caoutchouc de plan­ tation au caoutchouc de cueillette.

A

L ’ AUBE

DU

X X e SIÈCLE

Problèmes économ' uts ^ ’économie de traite aussi vieille que la colonisation demeure ^ toujours en place. Les mécanismes élémentaires de l’échange de « marchandises » contre des « produits » subsistent à peine transformés par l’introduction de la monnaie dans les transactions. C ’est, en effet, au commerce de la gomme que celui de l’arachide a emprunté son style et même son vocabulaire. Les articles textiles viennent au premier rang des marchandises de traite, aussi la métropole désireuse de se réserver le marché sénégalais protège ses tissus, en parti­ culier ses guinées (de France ou des comptoirs de l’Inde) par un régime douanier approprié contre les produits similaires anglais ou belges. D ’autre part, la métropole condamne la colonie à ne produire que des matières brutes, ne tolérant aucune transformation sur place. Ainsi préfère-t-on transporter l’arachide en coques dont le volume encombrant assure « un aliment à notre marine marchande », plutôt que de créer des huileries. La traite rythme la vie africaine. A l’hivernage, période de culture, succède la saison sèche, triomphe de la traite. Alors, les villes se vident des traitants qui vont s’installer dans les « escales » ou se disperser en de nombreux points à la recherche des « produits ». Les factoreries connaissent une fiévreuse animation; la circulation monétaire s’accroît dans des proportions considérables. Bientôt, à l’approche de la nouvelle saison des pluies, les transactions s’espacent, les traitants regagnent les villes et rendent leurs comptes aux négociants. La préparation d’une campagne de traite exige une longue immobilisation de capitaux que seules d’importantes maisons peuvent supporter. Pour se procurer au meilleur prix les produits de la colonie, elles s’organisent en « syndicat » et exercent sur l’économie du Sénégal un monopole de plus en plus exclusif : « A l’heure actuelle, cinq ou six maisons bordelaises syndiquées... considèrent un peu le Sénégal comme leur fief » (Lagrillière-Beauclerc).

La fragilité de l’économie sénégalaise éclate particulièrement à la fin du siècle lorsque les cours de l’arachide et de la gomme ne cessent de baisser sur les marchés mondiaux. L ’ Inde, par sa production massive d’arachides, joue un rôle déterminant

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H I S T O I R E D E L* A F R I Q U E N O I R E

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dans la formation des prix, tandis que la concurrence de plus en plus vive des pro­ duits chimiques limite les débouchés de la gomme. Le rapatriement en métropole de la quasi-totalité des bénéfices réalisés dans la colonie est un des vices essentiels de l’économie de traite car il interdit tout inves­ tissement utile. Dès 1869, le gouverneur Pinet-Laprade l’avait dénoncé en termes sévères. Certaines conséquences de la monoculture apparaissent en pleine lumière à la fin du siècle. L ’utilisation sans ménagement des sols provoque une diminution du rendement et de la qualité des arachides, et oblige à une quête constante de terres nouvelles. L a Chambre de Commerce de Saint-Louis et le Conseil d’admi­ nistration s’inquiètent d’une certaine désaffection à l’égard des arachides du Sénégal sur le marché européen et dénoncent l’ampleur du déboisement. Enfin, les comman­ dants de quelques cercles menacés de famine attirent l’attention sur la réduction des cultures vivrières. Débarrassée des tâches de pacification, l’administration du gouverneur de Lamothe (1890-1895) prend conscience des problèmes de la mise en valeur. Elle souhaite accroître les investissements publics par l’emprunt et améliorer les méthodes de l’agriculture par l’enquête scientifique et l’éducation des Africains. Mais tous ces projets ne prendront vraiment corps qu’avec la consti­ tution du gouvernement général.

^,esv^cs

ont une imPortance considérable dans la vie du Sénégal, car elles ajoutent à leurs fonctions politique, militaire et commer­ ciale, le rôle de lieux privilégiés de contact entre deux civilisations. A la fin du siècle, Saint-Louis apparaît à l’apogée de sa puissance. Elle a réussi à écarter pour un temps les graves menaces qui pesaient sur elle puisque son activité portuaire n’a pas été ruinée par le chemin de fer et que le transfert du gouvernement à Dakar a été évité. Après des débuts difficiles, Dakar commence à prendre l’aspect d ’une véritable ville. Si son rôle international s’esquisse, son importance dans l’économie sénégalaise demeure négligeable. A Dakar, création du gouvernement, s’oppose Rufisque, née spontanément du commerce et cité la plus dynamique du Sénégal. Gorée offre le triste spectacle d’une « capitale déchue ». Sur une popu­ lation totale de près de 40 000 habitants pour les quatre communes, Saint-Louis en renferme la moitié, Rufisque et Dakar entre 8 000 et 9 000 et Gorée à peine 2 000. L ’élément européen, 3 000 personnes environ, renforcé par l’augmentation des effectifs militaires, le développement de l’administration et des affaires, est désormais aussi nombreux que les métis. Depuis plusieurs décennies s’est fixée dans les villes les plus anciennes une population noire où progressivement les différences ethniques s’effacent et une conscience de citadins se forge. Mais la population flottante demeure importante, les villes attirant des hommes de l’intérieur en quête d’un travail temporaire. Les Marocains — fassi pour la plupart— constituent La société urbaine

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Ma u r i t a n i e

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sén ég a m bie

un apport récent à la société saint-louisienne. Ils font commerce de livres pieux, de babouches et de maroquinerie. Les premiers arrivèrent dans les années 1870 ; un quart de siècle plus tard, ils sont au nombre d ’une centaine. Enfin, les premiers Libano-Syriens débarquent dans les années 1890. Les services sanitaires demeurent impuissants à protéger les villes des terribles ravages des épidémies. L a fièvre jaune, le fléau le plus grave, atteint durement les Européens en 1865, 1867, 1878, 1881 et 1883. Elle paralyse l’administration et les affaires. En 1869, le choléra venu du Maroc fait de nombreuses victimes dont Pinet-Laprade. Il reparaîtra en 1893. Les villes ont permis l’apprentissage de la vie politique grâce aux institutions mises en place sous la I I I e République. Le régime municipal de type métropolitain lut introduit en 1872. Saint-Louis et Gorée en bénéficièrent les premières puis Rufisque en 1880 et D akar en 1887. U ne nouvelle étape est franchie en 1879 avec l’élection d ’un Conseil général et d ’un député (1). Les difficultés ne manquant pas au début, l’administration en tira argument contre des institutions jugées prématurées et mal adaptées à la réalité sénégalaise, mais petit à petit, elles s’atténuent. Le Conseil général joue un rôle essentiel; m aître des finances du pays, il néglige l’inté­ rieur et réserve ses faveurs aux quatre communes dont il est en quelque sorte « le syndicat de défense ». La presse fait tardivement son apparition lors des élections législatives de 1885. Le Réveil du Sénégal et Le Petit Sénégalais aux mains d ’un petit groupe de mulâtres dénoncent au cours de leur existence éphémère les structures économiques et la faiblesse des moyens financiers de la colonie. Champions de l’assimilation progressive des indigènes, ils rejettent à la fois l ’ Islam et le catholicisme. Enfin, ils souhaitent une conquête rapide du Soudan. A u total, sont abordés tous les grands problèmes d*un Sénégal en pleine croissance. Organismes à part, vivant en marge du pays, les villes s’opposent au monde de l’intérieur.

Avec l’extension de la culture de l’arachide, de nombreux paysans sénégalais sont sortis du cadre étroit de l’économie de subsistance pour se trouver intégrés aux circuits de l’économie spéculative. Leur destin se joue sur les marchés européens. A la fin du siècle, la baisse constante des cours les affecte brutalement et leur seule riposte, le la ff ou refus de vente, ne peut qu’être temporaire et impuissant. T rop souvent le paysan est tombé sous la dépendance d u traitant et par conséquent des maisons de commerce qui l’enseirent dans les rets des avances et des prêts sur gages indispensables pour se procurer les semences d ’ arachides et s’assurer le mil quotidien des temps de soudure. L a culture de l’araU s sociétés rurales

(t) En 18 7 1, le Sénégal avait envoyé un député à l’Assemblée nationale mais, par la suite, la représentation coloniale •▼ a it été supprimée.

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H IS T O I R E DE L ' A F R I Q U E MOIRE

chide exige une main-d’œuvre d’appoint recrutée dans les régions avoisinantes : les navétanes au Sénégal et les strange farmers en Gambie. Le Conseil général réservant aux villes les crédits de la colonie, l’intérieur connaît un tragique délaissement. Pour combattre ce déséquilibre dangereux, le gouverneur de Lamothe mit sur pied l’organisation des budgets régionaux qui permettra un incontestable développement économique et moral par la construction de routes et de ponts, le forage des puits, l’ouverture d ’écoles et de fermes modèles. L a conquête et la pénétration de l’économie nouvelle ont profondément boule­ versé les structures politiques et sociales. La disparition des anciens royaumes, l’affaiblissement de la solidarité familiale et la recherche du profit personnel en sont les manifestations les plus éclatantes. Au Kayor, la disparition du damel Lat-Dior a provoqué une sorte de « vide politique » et accéléré un mouvement d’islamisation préparé de longue date par la présence de sérignes qui avaient su se constituer un capital de prestige en se faisant les protecteurs de la masse paysanne contre les abus du pouvoir. L ’originalité de l’islamisation du pays wolof achevée à la fin du x ix e siècle réside dans l’importance des confréries. L ’affiliation exprime l’hostilité des Wolof aux autorités coloniales et affranchit les classes sociales défavorisées, les badolo par exemple, des cadres traditionnels « féodaux » ou familiaux. Mobilité sociale de courte durée car le rayonnement des confréries s’affirmant, les nobles dépouillés de leurs pouvoirs par la conquête se tournent vers elles, dans l’espoir de recouvrer une autorité qui leur avait échappé. Deux personnalités exceptionnelles jouent un rôle de premier plan : El Hadj Malik Sy (i) et Amadou Bamba (2). Le premier, homme de haute culture, a contribué par sa prédication à la diffusion de la science coranique. Affilié au tidjânisme à la fois par les Maures Ida ou Ali et El Hadj Omar, il s’établit dans le K ayor en 1895 et fera quelques années plus tard de Tivaouane la capitale du tidjânisme wolof. La secte mouride repose tout entière sur son fondateur, Amadou Bamba, qui se trouvait aux côtés du damel Lat-Dior lors de sa fin tragique. Il se retira ensuite dans le Baol et fonda le village de Touba, future ville sainte du mouridisme. Son prosélytisme militant finit par inquiéter le gouvernement qui le déporta au Gabon en 1895. A côté de ces deux récentes confréries caractéristiques du pays wolof, on ren­ contre dans plusieurs régions du Sénégal des groupements tidjânes dérivés d’El Hadj Omar. L ’émiettement de sa voie religieuse est intervenu après la disparition de son empire politique comme si l’armature de celui-ci était l’indispensable support de celle-là. Enfin, les adeptes de la Qâdiriya suivent pour la plupart le marabout maure Bou Kounta, né dans le K ayor vers 1840. Dans la seconde moitié du x ix e siècle, le rayonnement des marabouts noirs

(1) 1855-1929. ( 2 ) 1850 - 19 27 .

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MAURITANIE E T S É N É G A M B IE

rénovateurs ou fondateurs de confréries n’empêche pas le maintien de liens séculaires avec l’islamisme maure dont le rôle avait été capital dans la conversion du Sénégal. La Mauritanie possède plusieurs foyers intellectuels que les talibé noirs ont toujours bénéfice à fréquenter pour compléter leur formation religieuse; E l Hadj Omar, par exemple, avait étudié à W alata. Au nom de la Qâdiriya, Cheikh Sidiya El K ébir exerçait vers 1840 sur les deux rives du Sénégal, de Kayes à Saint-Louis, une véritable suzeraineté spirituelle qu’allaient bientôt limiter le passage du Fouta au tidjânisme omarien et l’arrêt des tournées de ziara dû à la conquête française. M algré tout, la réputation de science des Sidiya continue d ’attirer les étudiants noirs à Boutilimit. Cheikh Sidiya Baba, petit-fils d ’E l K ébir, a été le maître d ’Amadou Bamba. Enfin, sur les noirs islamisés du fleuve s’exerce aussi l ’influence d’un autre cheikh installé dans le T rarza : Saad Bou. A la fin du siècle, l’école coranique règne à peu près complètement en brousse. L ’administration française désireuse d ’en contrebalancer l’influence ouvrit des écoles mais fut obligée de les confier même en pays animiste à des instituteurs musulmans actifs propagandistes de la religion d ’Allah.

Les successeurs de Faidherbe n’ont pas montré son intérêt passionné P °ur l’enseignement. Les écoles de poste disparurent bientôt et l’Ecole des fils de chefs fut supprimée en 18 7 1. M ais dans les années 1880, l’école laïque prend un nouveau départ et, d’autre part, une école secondaire confiée aux Frères de Ploërmel permit de garder plus longtemps les enfants au pays natal avant de les envoyer dans les lycées de France et d ’Algérie compléter leurs études grâce à des bourses. L ’enseignement professionnel demeure le parent pauvre malgré quelques essais. De Lamothe rétablit en 1892 l’ Ecole des fils de chefs et des interprètes, et tente de combler un long retard en créant des écoles de brousse grâce à la nouvelle organisation des pays de protectorat. En 1895, l’instruction demeure l’apanage des quatre communes : près de 2 350 élèves contre 300 dans les écoles de l’intérieur. La Congrégation du Saint-Esprit qui a donné une nouvelle impulsion à l’action missionnaire compte environ une quarantaine de membres en 1892 pour le Sénégal et la Gambie (c’est en 1849 que fut fondée la communauté de Bathurst, deux ans après celle de Dakar). Face à la progression rapide de l’ Islam, le catholicisme demeure cantonné dans les villes où il atteint essentiellement les Européens, malgré un fort courant anticlérical, et les mulâtres (4 500 fidèles pour les quatre communes sur les 10000 chrétiens recensés en 1898). Les communautés africaines se rencontrent sur quelques points du littoral sérèr et en Casamance considérée comme la partie la plus riche d ’avenir. Avec les dernières années du x ix e siècle s’achève une étape de l’histoire de la Scnégambie. L a pacification étant désormais assurée, les influences européennes

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H I S T O I R E D E L'AFRIQJUE N O I R E

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jusqu’alors essentiellement limitées aux villes et aux environs immédiats des postes vont pénétrer largement la brousse. Avec la sécurité, la circulation des biens et des marchandises va s’intensifier, l’économie monétaire étendre son empire, les idées et les croyances se répandre plus rapidement, les bouleversements sociaux déjà amorcés prendre une ampleur nouvelle. Au moment où s’ouvre « l’ère coloniale», le Sénégal ne peut manquer d’éprouver quelque inquiétude. T rop engagé dans l’effort de conquête des vingt dernières années, il découvre soudain son retard économique et le danger que représente le départ de ses meilleurs ouvriers et fonctionnaires vers les pays nouvellement soumis. Il supporte mal le vif intérêt porté par le capital privé aux nouvelles colonies côtières plus prometteuses que lui, et il craint que la métropole ne leur réserve toutes ses faveurs. Enfin, il est déçu de voir lui échapper tout droit de regard sur la politique de l’Ouest africain. Il a pourtant le sentiment que la métropole a contracté une dette à l’égard de la plus ancienne colonie africaine. Le gouvernement général qui vient d’être mis en place peut d’autant moins méconnaître cette attitude que le Sénégal a acquis une certaine maturité politique et que la presse renaît en 1896. L a première visite d’un ministre des Colonies en Afrique noire l’année suivante et le démarrage de travaux d’équipement tenteront d ’apaiser ces ressentiments. L ’écroulement des structures politiques traditionnelles et l’importance toute récente des confréries imposent à l’autorité coloniale un effort de réflexion sur sa politique indigène qui va la conduire d’une part à tenter d’intégrer cette force nouvelle à son système et d’autre part à accorder plus d’attention aux populations demeurées païennes. Avec l’implantation de l’administration anglaise dans l’étroit territoire de la Gambie, s’évanouit le rêve de la Sénégambie caressé par les Français. Enfin, par contraste, la Mauritanie demeure indépendante mais pour peu de temps puisque se dessine une politique qui conduira par des voies pacifiques d ’abord puis militaires ensuite à son entière soumission.

BIBLIOGRAPHIE

Le Moniteur du Sénégal fondé par Faidherbe n'est pas seulem ent un journ al officiel m ais une véritable source de renseignements par ses chroniques politiques, ses études sur différentes populations (les notices de Pinet-Laprade sur les Sérèr dont récemm ent encore les historiens ont signalé l'intérét), ses statistiques sur la population, les échanges com m erciaux et l'activité des ports. Son titre a varié dans le temps : Feuille officielle en i860, à nouveau Moniteur en ju in 1864, et Journal officiel à partir de 1888. Sa valeur n'est pas uniform e tout au long de la période. Les Annuaires du Sénégal et dépendances depuis 1858 constituent aussi une source im portante : résumés des voyages d ’exploration entrepris à l'époque de Faidherbe, événements m ilitaires et traités de paix. On retrouve souvent ces documents dans les Annales sénégalaises de 1854 à 1885 (Paris, 1885). On trouvera à glaner dans la revue du m inis­ tère de la M arine parue sous les titres successifs d'A nnales maritimes et coloniales, Revue coloniale, Revue d'Algérie et des colonies, Revue maritime et coloniale.

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MAURITANIE E T SÉNÊGAM BIE Récits d'explorateurs

M ollxen (G.)* Voyage dans l'intérieur de l'A frique aux sources du Sénégal et de la Gambie, Paris, Bertrand, 1820, 2 vol. L ’auteur qui écrit avec élégance analyse avec netteté la société du K ayo r, l’influence maure et les progrès de l’ Islam . Il s’intéresse égalem ent au D yolof et au Fou ta Toro. D is c h a m p s (H .) a réédité ce récit sous le titre : L'A frique occidentale en 18 18 vue par Vexplorateurfrançais G. M ollicn, coil, a Tem ps et continents », Paris, C alm ann-Lévy, 1967. R affbnxl. Voyage dans l'A frique occidentale, Paris, Bertrand, 1846 et Nouveau voyage dans le pays des nègres, Paris, C h aix, 1856, auteur prolixe aux longues descriptions et aux digressions fastidieuses mais bien inform é des problèm es sénégalais, proposant des solutions; ses idées souvent intéres­ santes constituent un précieux tém oignage de l ’évolution qui se produit dans les esprits au milieu du xrx* siècle.

Témoignages contemporains Bouët-Willaumez . Commerce et traite des noirs aux côtes occidentales d'Afrique, Paris, Im prim erie N ationale, 1848, réserve son prem ier chapitre au Sénégal.

Les Esquisses sénégalaises de l'ab b é Boilat , parues à Paris en 18 53 chez Bertrand, brossent un tableau du Sénégal, en particulier de la société dans les années quarante.

De la Sénigambie française, Paris, Firm in-D idot, 18 55, est le fruit de la collaboration du procureur im périal C arrère et d’un « habitant » de Saint-Louis : P. H olle. C et ouvrage qui a pour but de faire connaître le Sénégal en France passe en revue les principales régions, étudie le com m erce et décrit la société. P ar son hostilité à l’ Islam , il a provoqué quelques remous dans l’élite islam isée de Saint-Louis. Le gros ouvrage de F aidherbe , Le Sénégal, la France dans l'A frique occidentale, Paris, H achette, 1889, rassem ble souvent articles et études de l’ancien gouverneur.

Recueils de texte? Scheper (C h r.). Instructions générales données de 176 3 à 1870 aux gouverneurs et ordonnateurs des établissements français en Afrique occidentale, Paris, Cham pion, 19 27, 2 vol. (source essentielle pour com prendre la politique française). C h a r py ( J.) . La fondation de Dakar (18 4 5-18 4 7 -186g), Collection des Docum ents pour servir à l’histoire de l ’A frique occidentale française, Paris, 1958. H argreaves ( J . D .). France and West Africa , Londres, M acm illan, 1969. On trouvera des textes concernant le Sénégal et la Gam bie dans le livre de N ewbury (C . W .). British Policy towards West Africa, select Documents 1786-1876, O xford, 1965.

Ouvrages généraux Richard-M olard ( J.) . L'A frique occidentale française, coll. « L 'U n io n française », Paris, BergerLevrault, 1952 (le chapitre sur « L a p aix française » en particulier). S uret-C a k a le ( J.) . L'A frique noire, t. 1 : Géographie, civilisations, histoire, Paris, Editions Sociales, 3* éd.» 1968. D elafosse (M .). Afrique occidentale française, t. I V de l'H istoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde publiée sous la direction de G . H anotaux, Plon, 19 3 1. L e récent et rem arquable ouvrage de H argreaves ( J . D .). West Africa, theformer french States, Engle­ wood C liffs, N ew Jersey, Prentice H all In c., 1967 (les paragraphes consacrés au Sénégal cons­ tituent une synthèse élégante et adm irablem ent inform ée).

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E H OIRE Etudes consacrées

cm

Sénégal

Au prem ier rang, on retiendra la précieuse introduction d 'H . D esch a m ps . Sénégal et Gambie, Presses U niversitaires de France, 1964. L'histoire du Sénégal du X V « siècle à 1870 de P. C ultru , Paris, Larose, 19 10 , est relativem ent brève pour le x ix e siècle. Sabatié (P .). Le Sénégal, sa conquête, son organisation, Saint-Louis, 1925. L e m eilleur ouvrage d’ensemble est encore aujourd’hui l’essai de V illard (A .). Histoire du Sénégal, D akar, 1943.

Histoire précoloniale L ’historien aura intérêt à consulter les travaux d ’un ethnologue G amble (D .). The wolof o f Senegambia, Londres, 1957, et d’un sociologue T homas (L .-V .). Les D iola, D akar, I.F .A .N ., 1958>959» a tomes. L ’histoire traditionnelle du Sénégal, Etudes sénégalaises, n° 9, Saint-Louis-du-Sénégal, 1962, de F . B r i gaud est un recueil de traditions orales effectué sans méthode et sans les recoupements néces­ saires. D iaone (P.). Pouvoir politique traditionnel en Afrique occidentale, Paris, Présence africaine, 1967. Sous ce titre am bitieux, il s’agit en fait de la m onarchie sérèr, du K ayo r et du Fou ta Toro.

La conquête coloniale L e récit officiel de la conquête dû à la plume d’officiers coloniaux a paru sous le titre d'H istoire m ili­ taire de l'A frique occidentale française, Paris, Im prim erie N ationale, 19 3 1. Faidherbe attend toujours son biographe. U n rapide mais suggestif essai est dû à D elà vignette (R .) dans les Techniciens de la colonisation ( X IX e-X X * siècles), Paris, Presses U niversitaires de France, 1946.

Etudes régionales L'histoire de la presqu'île du Cap-Vert et des origines de Dakar, Paris, Larose, 19 14 , a été retracée d’une m anière très précise par un ancien archiviste de l’A .O .F . : C l. F aure . Islam and imperialism in Senegal, Sine Saloum, 18 4 7-19 14, Stanford U niversity, 1968, de K lein (M . A .), constitue une synthèse intelligente et très vivante qui perm et de com prendre l’évolution des structures politiques et sociales traditionnelles, l’im plantation progressive de la France et les progrès de l’ islam isation.

Problèmes économiques L ’adm irable thèse de P élissier (P.). Les paysans du Sénégal, les civilisations agraires du Kayor à la Casamance, Saint-Y riex, 1966, rendra de constants services à l’historien. L ’ouvrage de H ardy (G .), La mise en valeur du Sénégal de 18 17 à 1854, Paris, Larose, 19 2 1, bien que vieilli demeure indispensable. Sur l’expansion du commerce sénégalais en Gam bie et dans les R ivières du Sud, on aura recours au livre rem arquable de Sghnapper (6.). La politique et le commerce français dans le golfe de Guinée de 18 38 à 18 7 1, Paris, M outon, 19 6 1.

Islam O utre les synthèses de : G o u il l y (A .). L'Islam dans l'A frique occidentale française, Paris, Larose, 195a. T r in in q h a m (S.). A history o f Islam in West Africa, O xford, 1952. M o n t e il (V .). Islam noir, Paris, L e Seuil, 1964.

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M AURITANIE E T SÉNÉGAM BIE Il faut se reporter au travail pionnier de :



M a r t y (P .). Etudes star l'Islam au Sénégal, Paris, Leroux, 1917, 2 vol. Sous un titre em prunté à l'ab b é B o il a t , Esquisses sénégalaises, D akar, I.F .A .N ., 1966, V . M o n t e il a rassemblé plusieurs articles dont deux ont trait à FIslam sénégalais : « Lat-D ior, darnel du K ayor, 1842-1886 et l'islam isation des W olof » (pp. 7 1 - 1 1 3 ) , et « U ne confrérie musulmane : les m ourides du Sénégal » (pp. 159-202). Mauritanie Poulet. Les Maures de l'A .O .F ., Paris, Challam el, 1904. M arty (P .). L'ém irat des Trarza, Paris, Leroux, 1929. — Etudes sur l'Islam maure : Cheikh Sidiya, les Fadelia, les Ida Ou A li, Paris, Leroux, 1916. — Etudes sur l'Islam et les tribus maures : les Braknat Paris, Larose, 1921. Mme DésiRÉ-VuiLLRMN aborde le x ix ® siècle dans le chapitre II de sa Contribution à l'histoire de la Mauritanie (19 00 -19 34), D akar, C lairafrique, 1962.

Gambie G r a y ( J. M .). A history o f Gambia, Cam bridge U niversity Press, 1940. G a il e y (H. A .). A history o f the Gambia, 1964.

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C H A P IT R E

IV

D u Soudan nigérien à la côte A tlantique Dans le long passé de l’Afrique noire, aucun siècle ne paraît plus dramatique que le xix®, mais ce jugem ent est en partie rétrospectif, car nous savons à présent que le continent, déjà fortement érodé par l’action de l’ Europe sur ses franges, allait bientôt s’engouffrer dans l’ère coloniale. Dans l’Ouest africain, des réalités objectives confirment d ’ailleurs le carac­ tère exceptionnel de ce dernier siècle de la vieille Afrique. Toute la zone soudanaise est alors secouée par la révolution islamique, amorcée depuis le siècle précédent à son extrémité occidentale. Ce réveil musulman, le premier depuis le x vi® siècle, prend un caractère inédit du fait de la conversion en masse de l’ethnie peule et les Etats qui en sont issus présentent des caractères fortement théocratiques. M algré l’importance des résistances, et leur obstination, c’est donc à un pays profondément transformé que s’attaquera, au soir du siècle, le colonialisme européen. Pendant que les savanes sont ainsi bouleversées, les routes qui les unissent aux rives de l’océan voient grandir l’influence du commerce européen et de ceux qui le relaient, les Dyoula dans l’ouest, les Haousa ou Zerm a dans la boucle du Niger. Il en résulte une transformation graduelle des équilibres sociaux et ce facteur, en conjonction avec les révolutions du nord, va déclencher une crise profonde dans les savanes méridionales. Ainsi commence une seconde révolution dyoula, tandis que l’Empire de Kong, issu de la première, se disloque dans l’est, pour laisser la place à des organismes plus jeunes. Dans cette zone également, l’accélération des processus de différenciation sociale a donc provoqué une crise profonde et la colonisation va s’attaquer à un pays dont les structures traditionnelles seront déjà ébranlées.

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H I S T O I R E DE L ' A F R I Q U E N O I R E

Telles sont les principales forces qui se sont exercées au xix® siècle sur l’aire géographique que nous allons étudier, des lisières du Sahara au golfe de Guinée et du haut Sénégal au bassin supérieur de la Volta. Nous allons les passer en revue dans cet ordre.

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FRAN ÇAISE

(18 0 8 -18 9 6 ) L a décadence des Etats soudanais avait été consacrée au TTouaregU ei Zhrnw xv*11® siècle par la mainmise des nomades sur les centres urbains, particulièrement à Tombouctou et Gao, qui avaient dû reconnaître l’autorité des Touareg Ioullémmédèn. Les cultivateurs riverains du Niger se trouvaient ainsi livrés à un joug rude et impitoyable. Constamment pillés, ils réduisaient leurs activités au minimum et leur nombre paraît avoir décru jusqu’à l’arrivée des Français. Ces hégémonies nomades n’avaient évidemment rien de stable. Si les Ioullém­ médèn de l’ouest restaient les plus puissants, leurs parents, qui avaient fait sécession au début du xvm e siècle, sous le commandement d’Attafrish, avaient prospéré dans l’Azawak (région de Tahoua, Rép. du Niger) puis avaient entrepris de sou­ mettre les Haousa sédentaires de l’Ader. Ils portaient désormais le nom de KelDinnîk, c’est-à-dire « Ceux de l’ Est ». Leurs tributaires maraboutiques s’étaient cependant presque affranchis et, au début du xrxe siècle, l’Aménokal Al-Rhagrir (ca. 1805-1809) se trouva confronté à une véritable guerre sociale. Répondant au message d ’Ousman Dan Fodyo, un rogui maraboutique, Jilan i, se rendit maître du pays de 1809 à 1816 . Il fut fina­ lement vaincu par un marabout des Touareg de l’est, et dut s’enfuir à Sokoto. L e vainqueur, Ibra, issu des Tamèsguidda, fut à son tour chassé et tué par un arrière-petit-fils d’Attafrish l’Aménokal Bod’al (1818-1840), qui rétablit la puis­ sance des Kel-Dinnîk. En raison de la position périphérique de ce groupe nous négligerons les longues luttes qu’il allait mener contre les K el G ’eres, les Peul de Sokoto et les Ahaggar durant tout le x ix e siècle. L ’Aménokal Mohamed A g Koumâti (1870-1905) se soumettra en septembre 1901, peu après l’occupation de Tahoua par les Français, sans avoir joué un rôle notable dans la résistance. Installés sur l’axe du Niger, les Ioullémmédèn de l’ouest ont eu une histoire plus tourmentée. Sous le commandement du grand Aménokal K aw a (1787-1840) ils jouissaient au début du siècle d’une hégémonie indiscutée qui s’étendait non seu­ lement à leurs parents les Tenguérèguèf (Kel Tadmekket), maîtres de Tombouctou, mais aux Arabes Kounta. Sur la rive droite, en aval du Niger, les Ghattafan, suze-

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rains des Songhay riverains, depuis Tillabcry jusqu’à Ansongo, leur payaient égale­ ment tribut depuis 1805. M ais c’est la possession de Tombouctou qui illustrait la puissance des Touareg et la faiblesse des Etats sédentaires. Ce vieux port saharien, dont le trafic médiocre allait se maintenir jusqu’à la fin du siècle, était couplé depuis des siècles avec Djenné, la métropole commerciale du Masina, où les produits de la boucle du Niger étaient chargés à bord des fameuses pirogues cousues du fleuve. Toute nouvelle hégémonie fondée sur le Masina devait nécessairement viser Tombouctou et contester l’hégémonie des nomades. Ce fut le cas dès 1826, quand l’armée peule du Masina libéra l’ Isa-Bèr et s’empara de la vieille ville. M algré de violentes réactions et de stériles tentatives de blocus, les Touareg durent s’incliner. Les citadins s’accommodèrent d ’une situa­ tion favorable à leur commerce et ils jouèrent habilement entre les rivaux, grâce au prestige religieux du chef des Kounta, cheikh héréditaire de la K adiriya. Ce titre appartenait alors à Mouktar El-Seghir (1820-1848), mais le grand homme de la famille était déjà son frère, Sidi E l Bekkay, homme célèbre par sa science et sa piété, mais dont la vie politique allait être assez brève (1848-1865). Le vieux K aw a paraît s’être résigné à cette humiliation, mais les Ioullémmédèn demeuraient redoutables et, peu après la mort de l’Aménokal, survenue en 1840, son fils et successeur Ennaber (1840-1851) reprit la lutte contre les Peul. Il finit par les vaincre et réoccupa Tombouctou en 1844, mais le blocus organisé par le Masina ruina bientôt la ville. M ouktar négocia alors un compromis, qui assurait l’autonomie de la cité sous un Am ir élu par les Arm a (descendants des Marocains), contre le paiement d ’un double tribut aux deux pouvoirs rivaux. C ’était en réalité une espèce de royaume Kounta qui naissait ainsi et la politique éclairée de Sidi E l Bekkay allait assurer sa prospérité. Barth, qui le visita en 1853, porte témoignage de la largeur de vue et de l’habileté de ce grand homme. L e Kounta sut profiter au mieux de l’éclipse de la puissance touareg, qui suivit la mort d ’Ennaber, dont le frère et successeur E l H ’ot’ ba ne sut pas s’imposer. Dans l’anarchie qui suivit, les petites tribus touareg firent sécession et notamment les Tenguérèguèf, dont le chef Aw ab mena désormais une politique indépendante, bien qu’il reconnût toujours, en principe, la prééminence de M énaka. Les Igwadaren n’hésitèrent pas à payer un tribut aux Peul, ce qui permit à ceux-ci de rentrer dans la ville en 1855, sans mettre en cause l’autonomie des Kounta. Ce nouvel équilibre dura jusqu’à l’arrivée des Toucouleur d ’ El Hadj Omar (1862), qui déclara d’abord respecter le compromis mais fit occuper la métropole dès 1863 par la colonne d ’Alfa Oum ar dit Bologbè. Cette rude oppression opéra la réconciliation définitive des Peul et des Kounta, dont la révolte bien coordonnée aboutit, quelques mois plus tard, à la libération de Tombouctou et du Masina, puis à la mort du conquérant toucouleur. Bien que Tidjani, le neveu d’E l Hadj O m ar, eut vite repris en main la plus

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M asina et l e

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g ran d e partie du M asina, les Kounta allaient désormais consacrer toutes leurs forces à soutenir rirréductible refus des Peul, sous les ordres de deux fils de Sidi E l Bekkay, Sidi E l M oktar (1865-1878) et Abiddin (1878-1889). Les T ouareg en profitèrent car Aw ab rétablit dès 1865 à Tombouctou l’autorité des Tenguérèguèf, qui ne devait plus être sérieusement contestée. Son fils et succes­ seu r Fandangoum a (ca. 1870-1885) puis le frère de ce dernier Liwarlish (1885-1889) repoussèrent sans peine quelques tentatives des Kounta, tout en combattant effica­ cem ent les Toucouleur. Les troubles du Masina ruinaient d ’ailleurs la vieille métro­ pole com m erciale et on comprend que celle-ci ait fait des avances aux Français dès 1884. L ’occupation de Tombouctou fut cependant improvisée, en décembre 1893, et les T enguérèguèf en profitèrent pour détruire successivement les troupes du lieutenant de vaisseau Boiteux et du commandant supérieur Bonnier (28 décem­ bre 1893 et 12 février 1894). Leur Aménokal, Mohammed A g Awad, fut tué dans cette affaire et son successeur, le jeune Sheboun ag Fandangouma, fit sa soumission dès le mois de septembre. C ’est avec l’aide des Kounta, ralliés avec enthousiasme, que les Français com m enceront alors la lutte contre les grands Ioullémmédèn, ceux de Ménaka, qui n’étaient pas prêts à se soumettre. Négligeant Tombouctou, les successeurs d’El H ’ot’ ba, Elînsar ag Ennabèr (1860-1880) et M adîdu ag E l H ’ot’ba (1880-1899) s’étaient consacrés à la lutte contre les Ifoghas, vassaux des redoutables Ahagar, puis contre les Kel-D innîk, et enfin contre leurs vassaux Tenguérèguédèsh, maîtres de la région de T illabery, qui s’étaient révoltés vers 1880. L a flottille de Hourst, qui descendit le Niger de décembre 1895 à mai 1896, conclut un compromis avec eux, et c’est seulement en décembre 1898 que les Français se décidèrent à la guerre. Ils occupèrent en premier lieu Gao en octobre 1899. L e vieil Aménokal Lawey ag Ennaber (1899-1902) se montra alors incapable de leur tenir tête, et céda la m ain à son neveu Fîhroun A g Elînsar (19 0 2-19 16 ), qui opta d’ailleurs pour la soumission dès le 23 jan vier 1903. L a liaison avec les Algériens de Laperrine fut opérée l’année suivante mais les anciens dominateurs de la boucle du Niger s’adaptaient moins bien que les paysans aux duretés de l’ère coloniale. Fîhroun trouvera la mort à l’issue de la révolte désespérée qui soulèvera les Ioullémmédèn à l’occasion de la guerre mondiale, en 19 15 -19 16 , et que les Kounta aideront à réprimer. L a grande crise s’était cependant déroulée sur la frontière sud des Ioullém­ médèn, à partir de 18 10 , quand Alfa M aham an Dyobbo, le chef des Peul de Say, se rallia à la guerre sainte d ’Ousman Dan Fodyo. Il assurait ainsi aux souverains de Sokoto la maîtrise des passages du Niger et une route sûre vers les royaumes peul de l’ouest, le Liptako (Dori) et le Masina. C ’est pour leur tenir tête que les Etats Songhay voisins, particulièrement le T èra, firent appel aux Logomatèn, des tributaires roturiers des Ioullémmédèn. Q uand les Peul s’ avouèrent vaincus en 18 14 , l’hégémonie des Touareg était bien

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établie sur la rive droite et elle ne devait plus être sérieusement contestée, malgré des crises locales, avant la fin du siècle. Sur la rive gauche, les Zèrma du nord, retranchés dans l’Anzourou et le Zèrmaganda, opposèrent par contre une résistance invincible aux Ioullémmédèn et parti­ culièrement à l’Aménokal Elînsar, vers 1880. Ceux du sud, autour du bourg de Dosso, étaient fort morcelés et ils se trouvaient sur la principale route de Sokoto à Say. Ils se soumirent donc d’assez mauvaise grâce aux Peul et ils s’islamisèrent, du moins en surface. S ’ils respectaient dans l’ensemble l’autorité lointaine du Serkin-Musulmi de Sokoto, ses représentants dans le Dallol-Bosso n’étaient guère supportés et les révoltes furent nombreuses, animées notamment par un notable de Dosso, Daoudou. Barth, qui traversa le pays en 1853, atteste cependant que l’autorité de Sokoto paraissait bien établie. C ’est l’année suivante, en 1854, que les Zèrma s’unirent pour se libérer, en profitant des échecs subis depuis quelques années par Sokoto devant les Haousa du Kèbbi. A côté de Daoudou, le mouvement fut guidé par Kosom Baboukya de Dosso, qui releva le titre de Zèrmakoy et fit reconnaître son autorité à toute la région (1854-1865). Ce peuple belliqueux, ainsi uni pour la première fois, s’avéra aussitôt invincible. Ju sq u ’en i860, les Peul s’efforcèrent de reconquérir le pays, mais ils échouèrent totalement et l’émirat de Say allait subsister désormais dans un isolement précaire. Les Zèrmakoy Abdou (1865-1880) et Alfa Atta (1880-1896) poursuivirent la construction de l’Etat et leur hégémonie, vers la fin du siècle, était indiscutée sur la rive gauche. Une nouvelle menace apparut cependant en 1896, quand le sultan toucouleur Amadou, chassé du Masina par les Français, s’installa à Dounga, dans le domaine des émirs de Say, tandis que son allié le Bour-ba-Dyolof Al-Buuri occupait, en aval, le Dendi. Dans la lutte incertaine qui suivit, les Zèrma subirent de lourdes pertes, mais le nouveau Zèrmakoy, Attikou (1896-1902), reprenait déjà le dessus quand l’entrée des Français à Say, en mai 1897, incita Amadou à se retirer au Sokoto. De ce fait, les Zèrma se rallièrent de bon gré aux colonisateurs et le poste de Dosso fut construit par le lieutenant Laussu le 19 novembre 1898. Dans ce x ix e siècle anarchique et sanglant, la cristallisation du peuple Zèrma en nation musulmane nous paraît être le fait essentiel. Ce groupe ethnique, naturel­ lement belliqueux, s’ouvrait sur le monde extérieur, grâce à l’ Islam, même si celui-ci restait superficiel. Il s’intéressa désormais au commerce autant qu’à la guerre et sa confiance en soi s’en trouva renforcée. Dès la première moitié du siècle, beaucoup de ses fils quittèrent le pays pour fuir l’oppression peule et descendirent le long des routes commerciales vers les marchés du Gondja et de l’Ashanti. Ils se joignaient ainsi aux Haousa, maîtres traditionnels du commerce dans toute la boucle du Niger, mais ils ne renonçaient pas à leurs traditions guerrières. Ils étaient ainsi prédisposés à bouleverser profondément cette région, ce qu’ils allaient faire pendant le quart de siècle précédant la colonisation.

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A l’aube du x ix e siècle, les grands Etats occupant les ^ T la tu c ^ b ^ û i s supérieurs des Vol tas paraissent généralement sclé(grottes Mossi et Gondja) rosés. Leur structure sociale est stabilisée depuis déjà des siècles et la place qu’y occupe la minorité musulmane, parfaitem ent assimilée au milieu, paraît désormais bien délimitée. Ceux du sud, D agom b a et Gondja, sont en outre étroitement soumis aux Ashanti, qui les privent d ’un libre accès à la mer, mais dont ils subissent l’influence, particulièrement en m atière d ’organisation militaire. C eux du nord ne pouvaient manquer de ressentir, dans une certaine mesure, le contrecoup de la révolution peule. Celle-ci se manifesta d’ailleurs, dès 1810, p a r la création du royaume du Liptako, par Ibraîm a Bi Sadyou (18 10 -18 17 ), d u clan des Férobé, aux dépens des Gom m a du nord. Cet Etat, qui avait reçu un étendard d ’Ousman Dan Fodyo, communiquait avec Sokoto par l'intermédiaire d e Say, et bientôt avec le Masina par la piste de Hombori. Il assurait donc la liaison entre les Peul du moyen Niger et ceux du Haousa, mais c’était le maillon le plus faible de la révolution islamique. Il réussit cependant à imposer une révolution sociale profonde, qui évoque davantage le Pays haoussa que le Masina. Les autochtones vaincus furent réduits en servitude et presque entièrement assimilés. L es lignées Férobé et Torobé se partagèrent les troupeaux et les hommes, mais les premiers gardèrent le monopole du pouvoir politique. Un strict respect de la loi musulmane fut imposé à tous. Vers l’est, le Liptako s’en prit aux Songhay de Tèra, m ais ceux-ci appelèrent au secours leurs souverains les Touareg Logomatèn, qui écrasèrent l ’émir Salou (18 17 -18 32 ) et s’emparèrent vers 1827 du nord du Liptako, l’ O udalan. Les Peul se trouvèrent désormais réduits à une défensive pénible, ce qui les empêcha de s’étendre vers l’ouest et le sud aux dépens des Mossi et des G ourm a. Des guerres civiles graves opposèrent d’ailleurs bientôt Férobé et Torobé. C ’est seulement en 1887 qu’ils reprirent l’avantage, en enlevant T èra grâce à l’aide des Toucouleur du M asina, mais, dès 1893, ils durent accueillir le maître de leurs alliés, Am adou, en fuite vers l’est. Monteil leur avait déjà imposé un traité de protec­ torat, lors de son grand voyage, en 18 9 1, et l’autorité française fut effectivement instaurée par Destenave le 4 octobre 1895. A u sud du Liptako, le grand royaume Gourma était désormais morcelé en nombreuses seigneuries pratiquement indépendantes comme celle de Pama, sur le cours supérieur de l’Oti. Le dernier grand souverain, Yenham a, au début du siècle, s’était ainsi trouvé incapable de tenir tête aux Peul. Plus à l’ouest, les Mossi du Rizyam , désormais menacés par l’est, ne pouvaient plus maintenir leur indépendance face à ceux du Yatènga. Ces derniers étaient encore puissants, mais l’importance d ’un groupe musulman, bien intégré aux struc­ tures traditionnelles, ne les préservait pas de l’hostilité des Peul du Masina ni d’un recours constant aux guerres civiles pour la dévolution du pouvoir. Celles-ci allaient

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opposer pendant tout le siècle les deux branches, issues toutes deux du Naba Saga (ca. 1 790-1805), qui s’appuyaient alternativement sur des animistes allogènes, Dogon ou Samo. L a succession des souverains a donc été extrêmement rapide, les deux seuls règnes assez longs étant ceux de Topebalogo (ca. 1835-1850), tué en combattant le Rizyam , et de Yèmdè, son frère (ca. 1850-1877) qui s’allia aux Toucouleur du Masina contre les Peul de Ba-Lobbo, et combattit longuement les Samo. Le pays se ralliera sans incident au résident français de Bandiagara, en mai 1895. Plus au sud, autour de Ouagadougou, le grand Empire du Natènga a mené une vie beaucoup plus calme. Ici encore, l’assimilation profonde des éléments isla­ misés (Yarsé d’origine Manding et Silmi d’origine peule), mettait le pays à peu près à l’abri de la guerre sainte des musulmans. Encore faut-il nuancer cette affirmation. Vers 1760, le Peul Moatiba, conseiller du Mogho-Naba Oubya, avait usurpé le trône pendant sept ans. Vers 1850, un marabout peul, Wali, ordonna aux gens de Boulsa de se convertir et dut être éliminé par la force. Le grand Etat Mossi paraissait cependant à l’abri de dangers extérieurs graves et la succession monar­ chique se déroulait à peu près régulièrement. Le pays n’entrera en crise que vers la fin du siècle, après que le Naba Sanèm (ca. 1870-1888) ait assisté les Zèrma dans leur entreprise d ’asservissement des Gourounsi. Son frère et successeur, Bakari Koutou (Naba Wobgo), se heurtera dès son avènement à l’opposition du Lalé Naba. Il ne pourra s’imposer que grâce à l’aide de ces alliés inquiétants, qui ravageront alors l’ouest du pays sous le commandement de Babatou (ca. 1893-1894). Après avoir évincé Monteil en 18 9 1, ce souverain n’acceptera pas de plier devant Voulet et Chanoine en 1896, et sera éliminé malgré l’appui des Britanniques, après avoir mené contre les Français une rude guérilla (1897-1898). Plus au sud, dans le Mamprousi, le Nayiri résidait désormais à Nalérigou, abandonnant aux musulmans les centres commerciaux de Gambaga et Walwalé. L ’influence de l’ Islam était ici relativement faible, et les difficultés des souverains étaient dues à des paléonégritiques mal soumis, Tallensi dans le nord, ou Konkomba dans l’est. Les Britanniques occuperont ce royaume en décembre 1896. Dans le Dagomba enfin, où le rôle de l’ Islam était particulièrement large et l’assimilation des musulmans extrêmement poussée, les Y an a de Yèndi avaient depuis longtemps l’habitude de donner leurs filles à des marabouts influents, et leurs descendants intervenaient indiscrètement dans la dévolution du pouvoir, au grand dépit de l’aristocratie animiste. T el fut le cas du Yelzoli-Lana Laghfoy, chef de Gboungbaliga et neveu du Na Zibirim-Kulunku (ca. 1840-1855). Après avoir aidé son oncle à prendre le pouvoir, ce chef sut faire et défaire les souverains pendant une trentaine d’années, dominant notamment le faible Na Yakouba (1855-1868) qui mourut fou. Il fut finalement tué par l’aristocratie indignée, qui mit en place le Na Abdoulay (1868-1876). Du temps de ce dernier, le Dagomba recouvra sa liberté grâce à la chute de Koumasi. Son successeur, le Na Andani, fils de Yakouba, qui connut un long règne (1876-1899), se vit confronté à la mise en place du système

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colonial. L a plus grande partie de son domaine se trouva incluse dans la zone neutre, établie en 1888 par un accord anglo-allemand, et dont le partage entre la Gold Coast et le Togo, en 1899, allait diviser arbitrairement le Dagomba. Entre les Etats du groupe Mossi et les terres peuplées d’Akan, Pimmense terri­ toire du Gondja, où confluaient les commerçants dyoula et haousa, avait vu grandir, vers la fin du xvm * siècle, le grand caravansérail de Salaga. Après la chute de Koumasi, en 1873, l’aristocratie Ngbaniya reprit sa liberté, mais s’avéra inca­ pable de surmonter son morcellement anarchique. Les Ashanti ayant reporté le commerce des kolas à Kintampo, sur leur territoire, Salaga connut une crise très grave et s’efforça en vain d ’y remédier en commerçant avec la côte, par K rachi, sur la Volta. Une guerre civile ayant éclaté en 1892, pour le commandement de Kpèmbé, dont dépendait Salaga, les musulmans s’en mêlèrent et la métropole fut détruite. Le Gondja oriental étant inclus dans la zone neutre ne sera partagé entre Anglais et Allemand qu’en 1899. L ’ouest du Gondja subissait de son côté une guerre civile pour le trône royal (Yagbum-W ula), ce qui permit aux gens de Samori de l’occuper de janvier à décembre 1896. Ils en furent chassés par les Anglais, qu’ils allaient ensuite vaincre à Dokita et Wa (avril-mai 1897). M algré leur sclérose, les grands Etats de la boucle du Niger ont donc réussi à traverser les crises du xix® siècle sans être trop gravement ébranlés. En revanche, les paléonégridques, qui se pressent autour de leurs frontières, avaient subi le contrecoup de la révolution islamique du Soudan. Cette fois, cependant, les acteurs n’étaient pas des Peul. A l’ouest des Mossi, sur la Volta noire, ce fut l’œuvre des Dafing, ou M arka, issus d’un groupe de langue Bambara lié au centre historique de Djenné. Rentrant de La Mecque, Ladyi Mamoudou de Douroula s’installa vers i860 avec ses disciples près de l’actuel Boromo. Il attira à lui de nombreux musulmans autochtones, notamment des Kantosi, qui s’étaient fixés depuis le xvm ® siècle sur les pistes unissant le Mossi à Wa. Inspiré par l’approche d ’El Hadj Omar, il commença bientôt à soumettre des autochtones K o et Bwa (Bobo-Ulé) autour de Wahabou, puis il convertit à l’Islam un certain nombre de Gourounsi qui se mirent à organiser des petits Etats à l’est du fleuve, surtout le chef Mousa de Sati. Mamoudou fut remplacé par son neveu, Karamokho Mouktar, vers 1875. Celui-ci voulut s’imposer aux Bwa du nord et aux Dafing, qui refusaient de le suivre, mais, malgré l’alliance des Zèrma, il fut écrasé à Safané vers 1885. L ’insurrection générale des animistes ne lui laissa dès lors qu’un étroit domaine autour de Wahabou, où il reçut Binger en 1888. Beaucoup plus spectaculaire est l’entreprise des Zèrm a qui se répandaient alors à travers la boucle comme marchands de chevaux, et se transformaient souvent en mercenaires, grâce à des talents militaires qui les rendaient irrésistibles. Certaines de leurs bandes, intervenant dans les guerres civiles du Borgou, puis chez les Yow a

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de Djougou, poussèrent leurs raids, vers 1880, jusqu’à la région de Sokodé, au Togo, et celle de Savalou, au Dahomey. D ’autres s’installèrent en commerçants à Bouna, puis chez les Sénoufo du Dyammala et les Malinké de Saghalamba, au-delà du Bandama. De 1883 à 1892, sous la direction de M ori Tourè, ils s’efforceront d’asservir, et même de détruire, les Tagwana mais, finalement vaincus, ils se reti­ reront à M arabadyasa, pour se rallier à Samori en 1893. L a principale entreprise des Zèrma eut cependant pour théâtre le pays des Gourounsi, qui s’étend entre le Mossi et la Volta noire. Des marchands de chevaux, fournisseurs du Na Abdoulay, avaient razzié en compagnie des Dagomba ces paysans anarchistes et avaient expérimenté leur supériorité de cavaliers sur cette piétaille d’archers. Vers 1870 (1), sous la direction du marabout Alfa Hano, ils s’allièrent aux musulmans locaux de Sati, Walèmbalé et Wa, puis ils s’installèrent à Tum u, chez les Isala, qu’ils entreprirent de soumettre. Leur second chef, Gazari (ca. 1874-1883) s’avéra aussi grand politique que chef militaire. Les Dagomba, inquiets, ayant rompu avec lui dès son avènement, il vainquit le futur Na Andani à Doulbizan, en 1874, et se trouva désormais maître de ses mouvements. Allié aux gens de W a, il écrasa en peu d’années tous les Gourounsi du sud ainsi que les Dagaba, rejoignant sur la Volta noire les Dafing de Wahabou. Avec les Zèrma, il ne s’agissait pas d’un Etat centralisé mais d’une zone d’hégémonie aux frontières fluctuantes, et les vaincus étaient extrêmement maltraités. Le commerce des esclaves connut alors un développement extraordinaire, en direction des pays Ashanti et Haousa. M algré des renforts venant du Niger, les Zèrma étaient cependant peu nom­ breux, si bien qu’ils durent mobiliser leurs sujets et épouser des femmes autochtones. L a nouvelle génération, où les métis dominaient, adopta vite la langue isala. Il en résulta une acculturation rapide des Gourounsi, qui s’islamisaient et apprenaient la guerre, si bien qu’ils supportaient difficilement la morgue des conquérants. A partir de 1883, le successeur de Gazari, Baba tou (1883-1899), admirable guerrier mais mauvais souverain, adopta justement une politique de répression raciale. Ses interventions aux côtés des Dafing (1885), puis dans la guerre civile du Mossi (1893-1894) ne furent pas toujours heureuses. Par ailleurs, il avait écrasé les musulmans autochtones, alliés de ses prédécesseurs, tuant Mousa à Sati, où il s’installa vers 1886, et détruisant Wa en 1890. L a révolte des sofa Gourounsi éclata finalement vers la fin de 1894, sous la direction du Builsa Hamaria, et elle tourna mal pour Baba tou, après qu’il eut assiégé en vain Sati pendant toute l’année 1895. Le conquérant, poursuivi par ses ennemis, se trouvait à son tour assiégé à Nabouli, sur la frontière du Mamprousi, quand le fils de Samori, Sarankènyi-Mori, s’interposa en juillet 1896. Hamaria, qui eut gain de cause devant ce dernier, se rallia pourtant à la colonne Voulet dès le mois de septembre. Babatou, enrôlé chez les Samoriens avec ses partisans,1 (1) Nou* suivons la chronologie de

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L e v t z io n

( 1968 )

de préférence à celle de Jean

R ough

(1936).

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déserta à son tour en octobre pour reprendre la lutte, mais il sera écrasé par le capitaine Hugot en m ai 1897 et devra solliciter l’ordre des Britanniques qui le prendront comme auxiliaire. Il les abandonnera d ’ailleurs en septembre pour se réfugier en zone neutre où il renouera son alliance avec les Dagom ba. Il y demeurera, s’employant à guerroyer contre les Britanniques, jusqu’à son élimination par les Allemands, en 1899. L e caractère épique de l’aventure des Zèrm a, les « Cavaliers du Vautour », ne doit pas faire oublier ses aspects sinistres. Ces admirables combattants ont saigné à blanc les Gourounsi, qui ne s’en sont pas encore relevés, et ont profondément ébranlé la structure sociale de ce robuste paysannat. Leur bilan paraît donc large­ ment négatif. Ils incarnaient une agression étrangère, ce qui les distingue de la Révo­ lution dyoula, représentée par Samori, auquel ils ont été un instant confrontés.

N ig er et le haut S én ég a l A V A N T L ’ INVASIO N TO U C O U LEU R (18 18 -18 6 2 ) L

e

haut

L e x ix e siècle commence sur le haut Niger en 18 18 , par un événement ^du ^MaHna niajeur : la révolution peule du M asina. Celle-ci a éclaté avec un fort retard, si on la compare au pays Haousa ou même au Liptako, mais elle va être encore plus radicale. L ’originalité principale de ce mouvement l’oppose à celui du Fouta-Djalon, au siècle précédent, aussi bien qu’à celui d ’Ousman Dan Fodyo. Il s’est, en effet, déroulé dans un milieu exclusivement peul, dans cette principauté du M asina dont l ’aristocratie animiste s’était résignée à l’hégémonie de Ségou. Son ani­ mateur fut Ammadou Hamm adi Lobbo, un Bari (Sangaré = Sisé en malinké) de famille pauvre, qui avait reçu des Kounta le dikr de la K adiriya, et qui était devenu célèbre par sa piété. Il ne semble pas qu’il ait fréquenté Ousman Dan Fodyo, mais cet illustre conquérant l ’inspirait et Sokoto allait lui envoyer une bannière dès le début de son effort. Les nombreux disciples qui se pressaient autour de lui inquiétaient les maîtres du pays, et les incidents qui en résultèrent déclenchèrent la guerre sainte en 18 17 . L a masse des Peul passa aussitôt du côté du réformateur. Les suzerains bam bara intervinrent, mais ils furent écrasés, et l’aristocratie dut se soumettre et se convertir, ou bien s’exiler. Il est curieux que Guéladyo, le célèbre Ardo du K ounari, d ’abord converti du bout des lèvres, ait bientôt cherché refuge à Say, chez les vassaux de Sokoto (1825). Djénné, la vieille métropole musulmane, n’avait pas participé au mouvement auquel les Peul de la brousse étaient seuls à s’intéresser. Elle ne se rallia qu’après un long siège, en 18 19 , en imposant le respect de son autonomie, qui sera d ’ailleurs bientôt violée. Ses intérêts commerciaux parlèrent d ’ailleurs dans le sens de la

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H IS T O I R E D E L ' A F R I Q U E N O IR E

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soumission dès que le port saharien de Tombouctou fut à son tour rattaché au nouvel Etat, c’est-à-dire à partir de 1826. L ’Empire du Masina se trouva dès lors constitué dans des limites qu’il n’avait pas, semble-t-il, l’intention d’élargir. Elles s’étendaient en latitude de la frontière des Bambara, soit une journée à l’ouest de Djénné, jusqu’à Tombouctou, et en longitude du Sahel de Sokolo jusqu’à la montagne de Hombori. On n’y trouvait que des Peul, si l’on excepte les deux métropoles commerciales, ainsi que les païens Dogon (ou H ab’bé), soumis à un hommage de principe, mais retranchés dans leur habitat de falaises, et enfin les pêcheurs Bozo, quelques noyaux bambara et de rares fractions touareg. En dehors des Dogon, la plupart de ces minoritaires étaient d’ailleurs musulmans depuis plus longtemps que les Peul. C ’est donc pour ceux-ci et par ceux-ci que le nouvel Etat fut organisé. Il mérite une attention spéciale car c’est peut-être le seul cas, dans l’ancienne Afrique, où un pouvoir nouveau s’est efforcé de faire table rase et de reconstruire systéma­ tiquement la société en se référant à une doctrine religieuse. Cette volonté fut symbolisée, au lendemain de la victoire, par la création d’une nouvelle capitale, Hamdallay (Hammdallaye) (« Louange à Dieu ») sur la rive est du fleuve, pas trop loin de Djénné. L ’Etat lui-même prit le nom de Dina (religion) et le fondateur, désigné désormais avec respect comme Chékou Amadou, celui de commandeur des croyants : Amir Al-M u'minin ou Lam DyuVbè. Homme d’une austérité exemplaire, il montra toujours la plus grande modestie et affecta de ne jam ais imposer ses vues personnelles au Conseil des Quarante qui l’assistait. Le respect le plus strict de la loi orthodoxe fut imposé à tous les sujets, et, dans ce but, l’Etat fut centralisé et organisé avec une minutie jusque-là sans exemple. La fiscalité fut strictement limitée aux impôts orthodoxes (dîme, ou dyakka, impôt somptuaire d’un quarantième, kharadj sur les récoltes, muddu à la rupture du jeûne, usuru ou droit de douane de 10 % ). Toutes ces ressources étaient levées dans le cadre des villages, cantons et pro­ vinces, dont les chefs étaient nommés avec l’agrément de l’Etat. Ces agents orga­ nisaient également le recrutement de l’armée, dont les contingents étaient appelés chaque année et soldés pendant leur mobilisation. Cette armée était divisée en cinq grandes divisions, commandées par des Amirou, qui se partageaient le terri­ toire de la Dina et en surveillaient les principales frontières. Toujours révocables, ils étaient pourvus chacun d’un Conseil, subordonné à celui de Hamdallay. En dehors du temps de guerre, cette armée avait pour mission de protéger chaque année, au moment où les eaux submergeaient le Masina, les troupeaux des Peul qu’une longue transhumance menait alors vers les steppes de l’ouest ou de l’est. Des K ad i veillaient à l’application de la loi religieuse dans tout le pays, mais leurs décisions étaient susceptibles d ’appel à Hamdallay. C ’est là que se trouvait le trésor (Beit-el-din), sous le contrôle du Conseil. Fait remarquable, l’ardeur et la ferveur qui marquèrent la naissance de cetteV .

V . — Tombouctou en 1828, dessinée par René Caillé. Digitized by

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DU S O U D A N N I G É R I E N A LA C O T E A T L A N T I Q U E

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théocratie paraissent s’être maintenues aussi longtemps que vécut son fondateur (1818-1844). L e danger d’une bigoterie hypocrite et stérile était cependant déjà présent et il paraît s’être manifesté après sa mort. L e Ghékou souhaitait que le commandement de la D ina soit transmis au plus digne des fidèles, mais sa famille ne l’entendait pas ainsi et c’est un système de stricte hérédité qui fut instauré. U fut donc remplacé par son fils Hamadou-Chékou (1844-1852), puis par le fils de celui-ci, Ham adou-Ham adou (1852-1862). Ces derniers n ’étaient plus des révo­ lutionnaires inspirés par la religion, mais des gestionnaires, et l’enthousiasme s’éteignit. Leu r attention fut d ’abord retenue par la rivalité des Touareg et les affaires de Tombouctou. A partir de 1855, le danger toucouleur grandit dans l’ouest et le dernier souverain du M asina se réconcilia avec A li, l’empereur de Ségou, converti à l’ Islam pour les besoins de la cause. Cette compromission donnait à E l H adj O m ar le prétexte nécessaire pour traiter les Peul « d’hypocrites » et justifier le Djihad contre eux. Il s’empara de Ham dallay en ju in 1862 et Ham adou périt en fuyant vers Tombouctou. Cette catastrophe réveilla l’orgueil national des Peul et leur rendit toute leur ardeur, mais il était trop tard. L a révolte qui éclata en 1863, grâce à l’appui des Kounta, entraîna la mort du conquérant toucouleur mais ne put arracher le M asina à son neveu T idjani. Elle allait empêcher la consolidation du nouvel Empire, sans rendre pour autant leur liberté aux Peul. Les insurgés sauront cependant se maintenir dans le Farim aké (Masina occidental) jusqu’à l’arrivée des Français (1893), tandis que Ba-Lobbo, un oncle du dernier Hamadou, organisait dans le sud un nouvel E tat peul aux dépens des Sénoufo M inyanka. De ce côté il se heurtait, il est vrai, au royaume du Barani, fondé vers 1830, sur la boucle de la Volta noire, par des Peul fuyant le M asina par haine de la Dina. Leur chef, W idi (ca. 18701900), n’hésitera pas à faire appel aux Toucouleur avant de se rallier aux Français.

L a révolte du Boundou dans l’ouest, vers 18 17 , et celle du dts Empires*bambara M * * ® ® dans l’est, en 18 18 , avaient amorcé le déclin des Empires bam bara, entre le haut Sénégal et le haut Niger. Confrontée à la révolution peule, la structure politique de ces Etats s’avéra cependant solide, et ils allaient réussir à se maintenir jusqu’à l ’agression des Toucouleur. Dans l’ouest, le K aarta était menacé par l’insoumission des Foula du Khasso et des D yaw ara du D yara. L e Fagham a du Khasso, A w a Dèmba (18 15 -18 3 3 ) se heurtait à l ’opposition de son parent Safèrè, dont l’influence l’emportait sur la rive est du Sénégal, et qui avait l’appui des Bam bara. L e souverain du K aarta, Bodyan Moriba (18 15 -18 3 2 ), transféra donc sa capitale à Yélim ané, pour mieux surveiller cette région et réussit à s’imposer au Khasso. Réconcilié avec le Boundou, il intervint dans les guerres civiles du G adyaga (Bakèl) et du Fouta-Toro (Damga). Par ailleurs, il s’appuya sur les Peul du Sahel pour contenir les Dyaw ara.

Guerrier d ’ E l H ad j O m ar.

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HISTOIRE D E L 'A F R I Q U E NOIRE

Son successeur Nyaralèng-Garan (1832-1843) eut moins de succès. Il dut abandonner le Khasso de la rive gauche à Kinti Sambala (1833-1854), fils de Dèmba, tandis que son favori peul, Négé Alao Karanyara, touché par l’esprit de la révo­ lution islamique, agitait ses compatriotes les Dyawambé. Réfugié au Masina, ce dernier décida Chékou Amadou à intervenir et revint à l’attaque avec l’armée de Ba-Lobbo. Bientôt battus, les Peul se contentèrent finalement d’organiser l’exode des Dyawambé en direction du Masina (1838-1840). Ces événements avaient ébranlé l’emprise des Bambara sur le Sahel, si bien que le nouveau souverain, Mamari-Kandyan (1844-1854) dut se transporter dès 1847 à Nioro, où il reçut l’explorateur Raffenel, pour affronter les Dyawara insurgés. Il n’en était pas encore venu à bout quand, en 1853, El Hadj Omar fit irruption sur le haut Sénégal et obtint le ralliement du Khasso. L ’année suivante, le conquérant marcha contre l’empereur du Kaarta qui fut pris et bientôt mis à mort (1854). Ses domaines furent annexés et soumis à une rude occupation, mais une résistance obstinée allait persister en quelques points. Le principal Etat bambara était cependant l’Empire de Ségou, qui s’était efforcé en vain de réduire la sécession du Masina jusqu’à la mort de Daa, en 1827, puis pendant le court règne de son fils Tyèkoura (huit mois en 1827). Ce dernier fut déposé par son oncle Tyèfolo (1827-1839) qui laissa s’éteindre la guerre contre les musulmans. C ’est même à la demande des Peul qu’il emprisonna un instant El Hadj Omar, vers 1838, alors qu’il rentrait de La Mecque. Sa mort fut suivie par trois ou quatre ans d’anarchie militaire, après quoi Kirango-Ben (ca. 1842-1849) réussit à vaincre l’un après l’autre les vassaux qui s’étaient révoltés (Kala, Saro, Mourdia, Kourouma). Avec Masala-Dèmba (1851-1854), l’Empire de Ségou, résigné à la perte du Kaarta, parut trouver une nouvelle jeunesse. Il se lança dans une grande politique d’expansion militaire aux dépens des Bambara du sud, jusque-là fort divisés (Tyendougou, Ganadougou), et étendit son domaine jusqu’aux marches du pays Sénoufo (Tyongi). Il eut moins de succès dans l’ouest où il s’en prit aux Foula du Birgo (Kita), vassaux du Kaarta. Torokoro-Madi (1854-1856), affronta d’abord, dans le sud, la guerre sainte animiste de Dyèri Sidibé, qui avait galvanisé le Wasulu (1850-1855?). Il étendit son pouvoir jusqu'aux abords de Siguiri mais la chute du Kaarta annonça au même moment que l'heure des Toucouleur avait sonné. Le faama aurait alors songé à se soumettre au conquérant, ce qui provoqua son assassinat par son frère KènyéMari. Le conflit entre El Hadj Omar et la France valut alors un sursis à son successeur Ali (1856-1862). Ce dernier crut assurer son salut en se convertissant, pour la forme, à l'Islam et en s’alliant étroitement avec les Peul du Masina. El Hadj Omar n’en prit pas moins Ségou, le 10 mars 1861, et Ali, réfugié au Masina, fut vaincu et capturé avec son hôte l'année suivante.

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D U S O U D A N N I G É R I E N A LA C O T E A T L A N T I Q U E

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L a résistance des Bam bara s’organisa aussitôt, à Touna, sur la rive droite du Bani, sous les ordres de K ènyé-M ari, et elle allait bientôt gagner la rive gauche du Niger, de Sansanding jusqu’au Sahel. Ce mouvement était destiné à s’étendre sans cesse, ju squ’à l ’arrivée des Français, car les masses Bam bara n’acceptaient qu’avec la plus grande répugnance ces conquérants étrangers, dont la rigueur religieuse mettait en cause la structure de leur société et toutes leurs raisons de vivre. V ers l ’amont du Niger, l’hégémonie de Ségou, que D aa avait étendue jusqu’à Kouroussa, avait reculé après la révolte du M asina. Si les K èita de K angaba lui restaient fidèles, ceux du Dyoum a avaient été écrasés vers 18 18 par une nouvelle puissance, surgissant des versants orientaux du Fouta-Djalon. De ce côté, les Dyalonké, pour tenir tête aux Peul, s’étaient organisés vers la fin du xvm ® siècle sous l’autorité d ’une lignée Sako, d ’origine dyoula, qui installa sa capitale à T am b a, sur le haut Bafing. Son principal souverain, Tam ba-Boukari (ca. 1805-1840) mit la main sur les orpaillages du Bourè et étendit sa frontière orientale jusqu’au Wasoulou, sur le Sankarani. K ankan refusant de se rallier, il s’efforça d ’humilier cette ville en l ’isolant de Ségou et en détournant par son territoire les caravanes remontant des Rivières-du-Sud vers le moyen Niger. Caillié se trouva ainsi inca­ pable de descendre le Niger en 1827, et il dut se détourner vers Odiénné, ce qui nous a valu la première description des routes du kola.

L ’H é o é M O N IE T O U C O U L E U R

A u milieu du x ix ® siècle un nouvel équilibre paraissait succéder aux catas­ trophes de la révolution peule quand une seconde crise secoua l’ Islam entre le haut N iger et le haut Sénégal. L ’Em pire toucouleur, qui allait en résulter, ne parviendra d ’ailleurs pas à se stabiliser, si bien que le pays allait entrer exsangue et ravagé dans l ’ère coloniale. Cette nouvelle tragédie devait d ’ailleurs se dérouler parallèlement à une seconde Révolution dyoula, qui mûrissait plus au sud, près des franges de la forêt, et qui prendra une ampleur extraordinaire sous la direction de Samori. Les deux phénomènes ne sont évidemment pas entièrement étrangers, mais ils se sont développés dans des m ilieux très différents, leurs leaders étaient animés par des motivations généralement opposées, et leur hostilité mutuelle les aurait sans doute lancés dans un grand conflit, s’ils n’en avaient pas été détournés par l’irruption des colonisateurs. On verra que la Révolution dyoula s’est déployée dans un milieu ethnique presque homogène, comme ce fut le cas au M asina, mais que son orientation religieuse était secondaire. L e mouvement toucouleur d ’E l H adj O m ar a été au contraire un phénomène

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HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E NOIRE

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essentiellement religieux et il s’est étendu à un territoire d’une extrême hétéro­ généité ethnique. Le réveil de l’Islam justifiait la révolution du Fouta-Toro, qui renversa l’hégé­ monie des Dényanké en 1775. Après la mort de l'Almami Abdel Kader, assassiné en 1807, le Pays toucouleur, en proie à l’anarchie, connut cependant la sclérose d’une dure oligarchie, aussi attachée à ses privilèges qu’hostile à la domination française. Cette situation allait se prolonger jusqu’à la mise en place du système colonial, entre 1880 et 1890. L ’espérance d’une société plus juste étant ainsi ruinée, les mécontents se trouvèrent nombreux mais, dans cette ambiance de réveil islamique, sensible aux courants qui se manifestaient alors en Afrique du Nord (Tidjaniya) et en Arabie (Wahabbiya), leur revendication ne pouvait prendre qu’une allure religieuse. Il allait en résulter un renouvellement profond de l’équilibre des confréries, qui étaient jusque-là presque absentes de l’Afrique noire, en dehors de la Kadiriya des Kounta, hiérarchisée et conservatrice. Oumarou-Saidou Tall, qui allait incarner ce mouvement, naquit en 1797 à Aloar, près de Podor, dans une famille pauvre, mais appartenant à l’aristocratie musulmane des Torobé. Remarqué très tôt pour son intelligence et sa piété, il reçut à 18 ans le Wird de la Tidjaniya, par l’intermédiaire des Maures Idaw-Ali. Partant vers 1820 faire le pèlerinage, il séjourna longtemps en Orient, se rendant trois fois à L a Mecque, où il se fit remarquer par l’un des chefs de sa confrérie, qui le nomma Khalifa pour le Soudan occidental. Devenu El Hadj Omar, il était déjà un maître illustre, et son activité littéraire, qu’il allait poursuivre, en faisait l’un des principaux écrivains de langue arabe du Soudan. Y . Marquet a souligné récemment certaines influences shiites sur sa doctrine. Il semble surtout avoir été marqué par le caractère démocratique de la Tidjaniya, qui faisait appel à l'adhésion individuelle plus qu’à la hiérarchie, et qui allait effectivement radicaliser son action. Son retentissement allait être grand auprès des masses, déçues par le durcissement social du Fouta-Djalon et du FoutaToro. Ne pouvant pas changer l’ordre établi chez eux, beaucoup devaient se rallier à lui, dans l’intention d’imposer l’Islam aux peuples restés païens, ou de rappeler à l’orthodoxie des musulmans douteux. El Hadj Omar portait ainsi avec une grande sincérité un message universel, mais il était prêt à l’imposer par des moyens dont la violence nous paraît aujourd’hui scandaleuse. Il était en outre inévitable qu’il fût écouté surtout par ses frères de langue, les gens des deux Fouta, même s’il désirait vivement la conversion des masses mandingues, et s’il l’obtint en quelques cas. Inévitablement, une fois l’Empire établi et la pureté du fondateur remplacée par le réalisme sordide de ses fils, des phénomènes de domination et d’oppression ethnique devaient se manifester, au point de bientôt dénaturer son message. Malgré les accusations d’hérésie portées contre la Tidjaniya, cette violence révolutionnaire n’était pas évidente quand El Hadj Omar se décida à rentrer au pays natal. Il fut donc reçu avec honneur tout au long d’un voyage qui dura de

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longues années. C ’est ainsi qu’il épousa la fille du sultan du Bom ou, puis celle de Mohammed Bello, l ’empereur de Sokoto, chez qui il séjourna sept ans. I l est vrai qu’il fut ensuite m al accueilli au M asina (1838 ?), puis emprisonné quelque temps à Ségou par l’empereur Tyèfolo. Les K a b a , chefs politiques de K ankan, se conver­ tirent en revanche dès son arrivée dans leur ville. Il se présenta enfin dans le FoutaDjalon, vers 1842, et non en 1838 comme on l’a généralement écrit. Son autorité était déjà grande puisqu’il réussit à réconcilier les deux familles régnantes rivales, Alfaya et Soriya, en leur imposant enfin la règle d ’alternance fixée depuis longtemps. Installé à Dyégounko, de 1842 à 1846, le Sheikh commença aussitôt à rassembler de nombreux disciples. I l visita ensuite son pays natal, au cours d ’une tournée missionnaire qui lui permit de prendre contact avec les autorités françaises à Podor et à Bakel (1846). I l souhaitait s’entendre avec les Blancs, ces commerçants venus d ’outre-mer, en qui personne ne voyait encore de dangereux impérialistes, et ce premier contact fut am ical. Il mesura par contre l’hostilité qu’il inspirait à l’oligarchie du Fouta-Toro, mais la réponse du peuple lui fut généralement favorable et il rentra à Dyégounko avec de nombreux partisans. L ’aristocratie du Fouta-Djalon, où couvait déjà la terrible révolte des Houbbou, s’inquiéta alors de sa puissance et l ’invita à vider les lieux. Il s’installa plus à l’est, sur le haut Tenkiso, où il fonda Dinguiraye, dans les domaines de D yim ba Sako, le roi des Dyalonké de T am ba (1849). Ses préparatifs s’accélèrent alors, le nouvel établissement se transformant en une ville pleine d ’hommes en armes, tandis que les captifs étendaient les cultures aux alentours. Réalisant trop tard le danger, Dyimba voulut réagir, mais il fut vaincu et tué, dans T am ba pris d ’assaut (185018 5 1). Les Dyalonké écrasés furent alors asservis ou convertis, au point de perdre très vite leur identité nationale. £ 1 Hadj O m ar, qui avait reçu l’aide de ses disciples de Kankan, étendit aussitôt ses conquêtes vers Siguiri, soumettant les mines d ’or du Bourè et du Bidiga, qui lui donnaient les moyens d’acheter des armes à feu (18 5 1-18 5 2 ). L e 6 septembre 1852, après la prière du 'isha\ le m arabout entendit à trois reprises une voix qui l ’invitait à partir pour la guerre sainte. Quelques semaines plus tard, l’armée des Toucouleur prit en effet la route du nord, sous les ordres de chefs valeureux, dont le plus illustre allait être Alfa O um ar dit Bolo-Gbè (Mains blanches). E n moins de deux ans elle submergea l’ensemble des M alinké de l’ouest, de K angaba à K ita et jusqu’aux portes du poste français de Bakel (1854). En jouant habilement des rivalités opposant les lignées régnantes du Khasso, le conquérant s’imposa facilement à cette région, où K ayes sera construit un quart de siècle plus tard. Il s’était ainsi emparé des marches méridionales de l’Em pire bam bara. Connaissant l’hostilité de l’aristocratie Torodo, et inconscient de la menace française, il traversa alors le haut Sénégal pour écraser le K a arta , dont le souverain K andyan Koulibali fut pris et bientôt tué. L ’autorité du conquérant s’étendait ainsi jusqu’au désert des M aures et il s’installa à Nioro pour observer les pays du moyen Niger qui se trouvaient dès lors à sa portée (1854-1855).

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

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El Hadj Omar défiait ainsi involontairement l’impérialisme français, qui entrait alors en scène sous la direction de Faidherbe. En septembre 1855, celui-ci fit occuper Médine, au cœur du Khasso, et s’employa à détacher du conquérant une partie de ses nouveaux vassaux. Nous admettons, avec Yves Saint-M artin, que notre héros était aussi peu désireux que la confrérie mère, en Algérie, de combattre les Français, car il se souciait surtout de soumettre et de convertir les païens grâce aux Peul ou Toucouleur que son appel détournait de leurs dures aristocraties. Nous ne suivrons pourtant pas cet auteur quand il pense que le conflit de Médine a été imposé par des partisans enthousiastes à un conquérant réticent. Ce dernier venait d’être défié par l’impé­ rialisme français, qui levait soudain le masque, et il était normal qu’il réagisse. Il commença donc par écraser ses vassaux infidèles du Khasso, puis alla assiéger Médine d’avril à septembre 1857. On sait que la petite garnison française, sous les ordres du métis Paul Holle, tint bon jusqu’au moment où la montée des eaux permit à Faidherbe de la délivrer. E l Hadj Omar, qui avait subi des pertes sévères, dut alors reconnaître que la supériorité technique des Blancs rendait la lutte impossible. C ’est à mon avis à ce moment qu’il décida de revenir à son plan initial, c’est-à-dire de tourner le dos au Sénégal pour envahir les riches terres du moyen Niger. Il lui fallait pour cela étendre son recrutement, c’est ce qui explique son séjour au Fouta-Toro, en 1858-1859, pendant que ses hommes fortifiaient ce qui allait devenir, sur le haut Sénégal, sa frontière occidentale (Guémou, Koundyan). L ’incursion d’E l Hadj Omar était un défi à l’aristocratie Torodo, mais il évita de s’en prendre du front aux Français, malgré les affaires de M atam et Bakel, qui furent seulement des escarmouches. Il se retira ensuite dans l’est sans esprit de retour, mais en emmenant une foule de partisans toucouleur, qu’une émigration continuelle allait ensuite renforcer jusqu’à la conquête française. Il avait aussi recruté de nombreux spécialistes, maçons ou menuisiers, souvent formés à SaintLouis, et qui allaient lui permettre de moderniser son armée et ses fortifications. Après quelques démonstrations offensives des Français (attaque de Guémou en octobre 1859) le conquérant conclut avec eux, en août i860, un traité plus ou moins formel qui donnait comme frontière aux deux hégémonies le cours du Sénégal en aval de Bafoulabé. Ainsi, libre de commercer avec le Sénégal et couvert sur ses arrières, E l Hadj Omar se tourna sans esprit de retour vers la vallée du Niger. M algré l’aide du Masina, Ali, l’empereur de Ségou, fut battu en janvier 1861 et sa capitale tomba le 10 mai. Laissant son fils Amadou gouverner le pays conquis, le Sheikh marcha au début de 1862 contre les fasiq (hypocrites) du Masina, et, après les avoir facilement battus, il entra à Hamdallay. Il fit bientôt mettre à mort HamadouHamadou pris en fuyant tandis qu’il épargnait l’ancien païen Ali. Alfa Oumar s’éloigna alors pour aller occuper Tombouctou. L a réaction nationale des Peul ne tarda pourtant pas et une grande insurrection, soutenue par les Kounta, éclata en mai 1863. E l Hadj Om ar se trouva assiégé

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D U S O U D A N N I G É R I E N A LA C O T E A T L A N T I Q U E

dans H am dallay tandis que son neveu T idjani allait demander du secours aux Dogon, païens endurcis, mais profondément hostiles aux Peul. A bout de ressources, le conquérant incendia la ville en février 1864 et chercha asile dans une grotte des falaises de Bandiagara où il se fit sauter, pour ne pas se rendre, le 12 du même mois. L a mort d’E l H adj O m ar fut tenue secrète plusieurs mois, comme l’attestent M age et Quintin, qui séjournaient alors à Ségou pour normaliser les relations de la France avec le conquérant. C ’est que cet immense Em pire, fondé sur le prestige d’un homme et la crainte de sa puissance, manquait encore de bases solides. L ’énormité du domaine conquis avait obligé à improviser un système de gouver­ nements territoriaux qui furent confiés à des fils d ’E l H adj Om ar, ou à des captifs de confiance, comme Moustafa, commandant de Nioro. Chacun était tenu par une armée, dont le noyau comprenait des talibé (disciples), brillants cavaliers toucouleur ou peul, entourés par un grand nombre de sofa bam bara qui combattaient à pied. Bien que certains Bam bara se soient convertis avec beaucoup de sincérité, surtout dans le K a a rta et à Ségou, ils ne furent presque jam ais admis à une véritable égalité. Très peu d ’entre eux furent reçus parmi les talibé. E l H adj Omar aurait peut-être pu imposer une autre politique, mais après sa mort il n’en fut plus question. Les talibé étaient d ’ailleurs divisés par de profondes haines claniques, reflétant celles du Fouta-Toro. Dès la mort du conquérant, cette aristocratie militaire prétendit contrôler à son profit la distribution des places et elle sut exercer ses remarquables talents pour l’intrigue en jouant des rivalités qui opposaient les héritiers du maître. C ’est sur cette petite caste, brave mais indisciplinée, que reposait la domination des énormes masses restées païennes, durement pressurées par l’impôt, et souvent persécutées pour leur religion. En l’absence de toute cohésion ethnique, il était naturel que des troubles graves en résultent et l’on doit plutôt s’étonner que l’Em pire ait m algré tout duré. Am adou, K h alifa du conquérant à Ségou, était l’aîné de ses fils, mais sa mère était une Haousa de petite condition, ce qui suscitait le mépris de ses frères, Aguibou et Sèydou, nés d’une princesse du Bom ou, ou Abibou et M ouktar, neveux de l’empereur de Sokoto. Il réussit cependant à se faire proclamer Amir Al-M u'm im n , c’est-à-dire commandeur des croyants, en 1867, à l’occasion d*une visite du K halifa des T idjani du Hedjaz. Dès la mort de son père, la résistance des Bam bara s’était cristallisée dans le sud, au-delà du Boni, ainsi que sur la rive gauche du Niger, où Sansanding s’était révolté, et dans le centre, où le vaste Bélédougou entraîna bientôt Bamako dans la sécession. Ces zones insurgées ne devaient jam ais être réduites, et allaient au contraire s’étendre dès que la pression française devint sensible. L ’Em pire se trouvait donc divisé en trois principales régions communiquant malaisément : le D inguiraye, avec le M anding dans le sud, dans le nord les pays du Sahel, du haut

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HISTO IRE D E L 'A F R I Q U E NOIRE

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Sénégal à Nioro, et enfin dans l’est le pays de Ségou. Il faudrait y joindre, plus en aval, le Masina, reconquis par Tidjani, mais avec lequel les relations resteront tou­ jours difficiles. Amadou allait passer tout son règne à courir de tous côtés pour colmater les brèches les plus dangereuses. Son pouvoir se trouva consolidé en 1870, quand il eut déposé le gouverneur de Nioro et emprisonné ses frères Abibou et Mouktar, qui gouvernaient jusque-là Dinguiraye et Koniakary (Khasso, haut Sénégal). Il les remplaça par Sèydou et Basirou, installant en outre Mountaga à Nioro, puis Aguibou à Dinguiraye en 1878, après que Sèydou ait péri au combat. Il savait cependant ne pouvoir compter sur eux et se méfiait à juste titre de tous. Cette situation, jointe à la montée de la révolte et au mécontentement des païens vaincus, explique l’extrême prudence dont il allait faire preuve face à l’intrusion française. Il avait négocié un nouveau traité avec le gouverneur Valière en 1876 mais Brière de L ’Isle commença bientôt à préparer la marche du Niger. Le prétexte fut donné par le ralliement du Logo aux Toucouleur, en 1876, ce qui entraîna l’attaque de Sabusiré, en 1878. Dès 1879, les Français construisirent le fort de Bafoulabé tandis que Gallieni allait négocier avec le sultan, qui l’hébergea généreusement à Nango, mais n’accepta un traité, d’ailleurs ambigu, qu’après beaucoup d’hési­ tation (10 mars 1881). Borgnis-Desbordes occupa cependant K ita en 1881 et Bamako en 1883. Les positions des Toucouleur tombaient ainsi l’une après l’autre et Dinguiraye, isolé, allait se rallier, par crainte de Samori, en 1888 et 1890. Les Français dominant dès lors le fleuve, Amadou préféra gagner Nioro en 1884, mais il ne réussit qu’au prix de durs combats à enlever cette place à son frère Mountaga, qui se suicida. En 1887, il accepta le traité de protectorat que lui proposait Gallieni, ce qui parut atténuer la menace française. Il n’en était rien. Le 6 avril 1890, sans aucune provocation, Archinard allait prendre l’offensive et enlever Ségou, sans coup férir. C ’était la guerre, mais les talibê, malgré quelques démonstrations héroïques, furent incapables d’opposer une résistance efficace, tandis que se distinguaient les Bambara convertis (affaire de Wosébougou, 25 avril 1890). Le 1 er janvier 1891, Nioro tomba et, avec lui, tout l’Empire toucouleur si l’on excepte le Masina, où Tidjani était mort depuis deux ans. C ’est là qu’Amadou, ayant fui à grand-peine, tenta de se reconstituer. En vain d’ailleurs car, le 26 avril 1893, Archinard occupa Bandiagara, et le fils d’El Hadj Omar, traqué par les spahis, alla demander asile à l’émir de Say. En 1898, à l’approche des Français, il se retira enfin à Sokoto pour y mourir l’année suivante. Le royaume du Masina, que les Français avaient confié à leur collaborateur Aguibou, sera supprimé à son tour le I er janvier 1903. Archinard avait rapatrié sur le Sénégal, dès 1894, la plupart des Toucouleur du Soudan. L ’œuvre d’El Hadj Omar, répudiée par les fils de ses victimes, paraissait donc bien détruite,

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en dehors de quelques îlots oubliés comme celui de Dinguiraye. Il n’en était rien, car l’ Islam ouest-africain en sortait profondément transformé. Le fait confrérique, jusque-là négligeable, était passé au premier rang et le dynamisme de la T idjaniya se substituait partout à la mollesse hiérarchique de la K adiriya. L a conversion massive des animistes devenait une possibilité que l’ère coloniale allait consacrer.

D éco m po sitio n de l ’ E m p ir e de K ong

Tandis que, dans les savanes nigériennes, les vieilles civilisations soudanaises étaient bouleversées par les crises successives de l’ Islam, les savanes préforestières, traversées par les pistes méridiennes du colportage de la kola, mûrissaient d’autres révolutions. Dans l ’est, l ’Em pire des W atara était définitivement morcelé et son noyau central, le Kpong-K ènè, n’était plus qu’un petit Etat. Il avait perdu le contrôle de l’Ano et du Dyim ini dans le sud et devait supporter, aux portes de sa capitale, l’insolence des Pallaka (Plabala). Les mansa accédaient au trône fort âgés et se succédaient rapidement, mais l’élément commerçant et religieux, maître de la ville, gardait une certaine prospérité. L e trafic caravanier se poursuivait réguliè­ rement, descendant de Djénné par Bobo et de Ségou par Sikasso. Vers la mer, la piste de la Gold Coast, par Bondoukou et Koum asi, était toujours fréquentée, mais une proportion grandissante du trafic s’orientait vers le bas Comoé, où les postes français de Bassam et Assinie s’élevaient depuis 1842. Autour de Bobo-Dioulasso, le Gwiriko conservait encore une certaine cohésion et les caravanes de Djénné passaient sans peine à travers le pays des Bwa (Bobo-Ulé), dont une grande partie pourtant échappait désormais aux W atara. Les relations étaient par contre de plus en plus difficiles, vers le sud-est, avec le vieux royaume Koulango de Bouna car les Lobi anarchistes submergeaient le pays de leurs masses serrées. L e Gbouna-M asa Tyéponou avait été tué en 1820 par Fofyé, roi des Abron, malgré l’alliance de K ong, et la décadence politique et démographique de son vieux royaume était désormais telle qu’il allait s’effacer jusqu’à sa destruction par les Samoriens, en novembre 1896. L e principal danger venait dès lors de l’ouest, où le royaume du Kénédougou grandissait sous la ferme autorité des Traoré. U n conflit majeur opposa son grand Faam a, D aula, aux W atara, entre 1850 et i860, pour la possession du cours supérieur de la V olta noire. Ce long duel connut bien des aléas, puisque le jeune T yèb a, fils du Faam a, fut un instant réduit en captivité. Les deux adversaires restèrent finalement sur leurs positions, mais le Gwiriko était épuisé et ses vassaux animistes avaient joué un tel rôle dans la lutte qu’ils pouvaient désormais refuser d ’obéir. U ne certaine soli­ darité subsistait cependant, autour d’un mansa désormais nominal, et tous allaient

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faire bloc en 1892, sous le commandement d ’Amoro, chef des Tyèfo, pour arrêter la dernière offensive du Kénédougou. Celui-ci formait sous Daula (1845-1865 ?) un véritable Empire, dont l’autorité s’étendait de Tengrèla à Ngwèlé (Niéllé), près de Korhogo, et jusqu’aux frontières de Ségou. Il s’entendit bientôt avec E l H adj O m ar pour essayer de réduire les Bam bara du Bani, mais une série de courts règnes affaiblit l ’Etat après 1865, tandis qu’un ennemi redoutable surgissait vers le nord. Des auxiliaires des Toucouleur rompirent en effet bientôt avec Am adou et leur chef, Fafa Togola, rallia les Bam bara du Baninko pour constituer autour de K in yan un puissant Etat militaire. Ce Fafadougou s’empara vite des marches ouest et nord du Kénédougou et intervint dans les guerres civiles qui déchirèrent les Traoré vers 1870. Quand le jeune T yèba prit le pouvoir, peu après cette date, il ne contrôlait qu’un territoire exigu, sur la Lotyo, et c’est là qu’il fortifia le village senoufo de Sougokan, celui de ses ancêtres maternels, auquel il donna le nom de Sikasso. D e 1875 à 1884, T yèba reconquit péniblement son royaume, qui gardait un caractère foncièrement sénoufo, malgré un vernis d ’Islam dyoula. C ’est alors qu’il se heurta à Samori, qui surgissait dans l’ouest, sur la frontière du Bagoé, et le duel impitoyable qui suivit eut le caractère d’une véritable lutte nationale. Son point culminant fut le siège de Sikasso, qui dura quinze mois en 1887-1888 et qui incita T yèba à traiter avec Gallieni. Le Faam a allait pourtant refuser de se transformer en instrument passif des Français. Son frère et successeur Babèm ba (1893-1898) finira par se rapprocher de Samori, mais beaucoup trop tard, et il succombera finalement en 1898, sous les coups des Blancs.

L

a

seconde

révo lu tio n

dyoula

Plus à l’ouest, entre les cours supérieurs du Niger et du Bandam a, les terres des M alinké du sud allaient entrer à leur tour, avec un certain retard, dans l’ère des troubles. M algré leur position isolée, adossée à la forêt, le commerce maritime, venant par les Rivières-du-Sud, le Fouta-Djalon et Kankan, s’y développait alors rapidement et venait se superposer à celui, traditionnel, du kola. De ce fait, le nombre et l’ importance des centres dyoula grandissaient vite et ces colporteurs, qui fournissent les chefs en fusils, pensèrent bientôt à imposer leur loi. L ’influence des révolutions peules jusque-là négligeable, devint alors sensible, filtrant le long des pistes du colportage, comme celles du M asina à Odienné et du Fouta-Djalon au K on yan . Cette dernière utilisait comme relais la métropole de Kankan, dont l’impor­ tance et le prestige croissaient sans cesse. Après la mort d’Alfa K aabinè, vers 18 10 , son neveu Mamoudou Sanousi (Koro Mamoudou K aba) poursuivit d ’abord une

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politique prudente, d’autant plus que son prestige religieux était sapé par celui de la famille Shérifou (Haidara), déjà détentrice du wird Kadiri. Cela explique sans doute le ralliement immédiat de la classe politique à la Tidjaniya, après la visite d ’E l Hadj Omar (vers 1845). Alfa Mamoudou, petit-fils de Sanousi, participa avec son cheikh au siège de Tam ba, vers 18 5 1, et se lança aussitôt dans une politique agressive, sous prétexte d’obliger les voisins animistes de Kankan à ouvrir les routes. Il en résulta une violente réaction des animistes du Wasoulou, qui s’unirent autour de Dyèri Sidibé pour organiser une véritable guerre sainte et faillirent enlever Kankan (18 5 1-18 5 5 ? = Sugo-den-Kèlè = guerres des fils du rêve). L a politique agressive de Kankan se poursuivit alors, marquant deux phases, la première interrompue vers 1865 à la nouvelle de la mort d’E l Hadj Omar, la seconde commencée vers 1870 et arrêtée en 1873 Par catastrophe de Bagbè dans le Sankaran. Karamogho M ori fera alors appel à Samori, mais celui-ci se retournera bientôt contre lui et annexera la métropole dyoula en 1881. L a guerre des K ab a était l’indice d’une évolution dans l’esprit des Dyoula du haut Niger, mais le grand bouleversement, que j ’appelle la Révolution dyoula, avait alors déjà démarré dans le sud. C ’est vers 1825 ► avec eux. Pendant quelques années, le dessin des combats, leurs résultats, sont confus. Dès la fin de 1804, les croyants connaissent plusieurs défaites lourdes. Leur centrerefuge passe au Kebbi. A la fin de 1805, un désastre accablant est suivi, à quelques jours, d’un succès inespéré — signe du ciel : la foi est plus forte que les armes, le La révolution

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nombre ou la position. En 1807 et 1808, Katsina, Kano, Zazzau, par le fruit d ’initia­ tives intérieures et par l’action des combattants délégués par la communauté du Shehu, passent au pouvoir nouveau, qui se confirme dans ses premières bases : au Zam fara, au K ebbi, enfin et seulement au Gobir (chute de la capitale, Alkalawa, en 1808). Le Bomou, bien que réputé pour son Islam, au moins celui de sa Cour, pâtit très vite de la guerre sainte. Des sentiments et des intérêts étaient en jeu. Des sentiments : ceux du mai, fort surpris que le mouvement parti du Gobir se donnât justement pour jihad, et offensé du titre reçu de ses fidèles par Osman ; ceux du Shehu, convaincu et fervent, prétendant donc enrôler le mai dans sa juste cause et ne per­ mettant pas de position médiane. Des intérêts : le problème des Peuls installés au Bomou, d’une part, désormais sujets de méfiance pour le mai, alors que le Shehu suspecte avec vigilance le sort défavorable qui pourrait leur être fait, et, d ’autre part, la protection (plus ou moins réelle encore) du Bomou sur certains Etats haoussas victimes du jihad. Aussi, dans l’enchaînement rapide de choix qu’imposaient les événements, la correspondance échangée sera-t-elle un moyen trop fragile pour éviter un conflit apparemment anormal. Les marches occidentales du Bomou, troublées en 1805-1806 par l’agitation et par des incursions, furent conquises en 1807. Une véritable campagne, en 1807-1808, aboutit à la prise de la capitale bornouane en mars 1808. Mais le vieil Empire fut repris en mains par Muhammad al-Kanàm i (v. infra), qui riposta et reprit la ville. Il y eut alors trois à quatre ans de combats indécis. Finalement les Peuls gardèrent les terres occidentales qui devinrent les émirats de Hadeija et Katagoum, et les opérations furent mises en sommeil par deux adversaires disposés à la paix. Bien qu’amputé quelque peu, le Bom ou avait donc résisté, lui, à la vague peule. Celle-ci trouvait au sud des conditions encore différentes : pays païens, et pays où la présence peule, plus récente et plus mince qu’en pays haoussa, était cependant active à la fin du xvm ® siècle, efficace, et prête à s’imposer sous quelque autre forme quand le jihad vint lui donner ses propres perspectives. Dans le nord de l’Adamaoua, les Peuls, sédentaires musulmans ou nomades peu islamisés, étaient mar­ qués par la culture et l’influence bomouanes ; ils se trouvaient dans un milieu varié ethniquement, culturellement et politiquement (l’Etat du M andara, des structures lignagères d’échelle variable...). Par un jeu profitable d’alliances matrimoniales, ils s’étaient donné, dans plusieurs ethnies, une position avantageuse, voire réellement dirigeante; ou bien leur pression entraînait frictions et conflits. Le jihad trouvait là un terrain favorable à sa résonance. Dès 1804, dans le Diamare, des Peuls passent au combat. Un jeune homme savant et fervent, Adama, soucieux d’unir les groupes peuls autour d’une cause sainte qu’ils rejoignent en ordre dispersé et par des inspi­ rations mêlées, reçoit du Shehu l’étendard qui marque son investiture pour la direction du jihad en son pays. Le Diamare est soumis en 1808, la vallée de la Bénoué largement contrôlée en 1812. Les plaines une fois dominées, les opérations

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

marquent le pas, face au M andara, état solide, et plus généralement au pied des hauteurs-refuges. Au Bautchi aussi il y avait des Peuls au x vm e siècle, et dès 1798, Pun d’eux, Buba Yero, avait soumis pour son compte la basse vallée de la Gongola. Le jihad trouve sur place des troupes, ethniquement variées, renforcées de combattants envoyés par le Shehu. En 1 8 1 1 , la région comprise entre les plus hautes terres, préservées, et le cours supérieur de la Gongola, est soumise. Deux émirats sont nés, un temps rivaux, celui de Gombe (pour Buba Yero), celui de Bautchi (pour le porte-étendard désigné par le Shehu, Yakubu). Au Nupe, comme dans le pays yoruba d’ Ilorin, les Peuls étaient bien peu nombreux au moment du jihad, mais, dans les deux cas, la présence auprès du pouvoir d’un lettré peul influent, et son insertion avisée dans le jeu politique, fournissent à la grande poussée venue du nord un moyen de s’exercer. Au Nupe, mallam Dendo, qui avait pris parti dans des conflits de succession, détenait une position réellement dominante quand, en 1810, une expédition peule venue du nord pour le jihad conquiert plusieurs villes, et les deux forces semblent s’être épaulées. A Ilorin, mallam Alimi est bien en cour auprès du gouverneur Afonja, qui trouve utile à sa politique personnelle — se détacher de Valqfin d’Oyo — d’approuver la cause peule et d’attirer ainsi chez lui des volontaires peuls et haoussas disponibles.

Si la guerre sainte et les conquêtes étaient loin de leur terme, leurs lignes directrices étaient fixées, et la carte politique du Soudan entre Tchad et Niger était profondément remaniée quand mourut à l’extrême fin de 1816, le Shehu. Dès 1808-1809, Osman dan Fodio avait abandonné la direction pratique du pouvoir et de la guerre à son frère, 'Abdallah, et à son fils, Muhammad Bello, qu’il avait déjà souvent investis de tâches majeures. L ’administration de la partie occidentale de « l’Empire » revint au premier, qui prit Gwandu pour capitale, celle de la partie orientale revint au second, qui construisit Sokoto. Cet effacement ne découlait pas d ’une incapacité — déjà plusieurs fois démentie avec éclat — et ne signifiait pas retraite, puisque le Shehu conserva le rôle supérieur d ’autorité morale incontestée, qui l’amena encore à arbitrer ou à décider; mais il permettait le plein retour d’Osman aux activités intellectuelles et religieuses qui correspondaient le mieux à sa nature. Son frère 'Abdallah répétera plus tard, dans les mêmes conditions, pour son compte, le même retrait de tâches trop politiques. Muhammad Bello, au contraire, pleinement comparable à son père et à son oncle pour l’intel­ ligence et le savoir comme pour la piété, l’ascèse et le désintéressement, fut toujours à l’aise dans les choses du monde, dans l’animation quotidienne du pouvoir, le commandement et le commerce des hommes. T rio exceptionnel de chefs, de savants, auteurs féconds! L ’ensemble politique si soudainement créé se constituait Première organisation

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en émirats, correspondant aux anciens royaumes haoussas, mais parfois remaniés, aux régions conquises par les Peuls, ou à des unités prêtant allégeance au nouveau pouvoir. L a désignation des porte-étendards du Shehu, au cours du jihad , et la fixation des émirats qui sanctionnaient et consolidaient leur action, durent concilier des principes bien différents : la piété et le savoir des chefs, désirés par Osman, mais aussi les intérêts établis des représentants des grands groupes peuls, les positions acquises dans la guerre, le souci d’éviter les frictions et les luttes internes.

Une révolution aussi rapide, violente, efficace et profonde, lancée par une communauté si faible, numériquement et matériellement, déborde de toutes parts sa simple chronique et appelle à la recherche de ses ressorts et de son intelligence. Les réflexions n’ont pas manqué, à cet égard, depuis longtemps, et le renouveau récent de l’étude des sources contemporaines, qui sont nombreuses, leur a donné un fondement plus large que pour beaucoup de questions d’histoire africaine.

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, .

Un premier faisceau d’explications, ancien, mais qui se survit, t * 4 met en avant le caractère peul du mouvement, avec des variantes d ’accent : ethnique (un peuple nanti d’une forte conscience de soi, dominateur et dynamique, en subjugue d’autres, destin classique), nomade (la lutte séculaire des nomades et des sédentaires, avec les impulsions, les vertus et les destructions propres aux nomades), psychologique (les qualités particulières de cette race peule, plus douée que les autres, notamment pour le commandement et l’intelligence, d’où son succès)... — variantes qui peuvent s’unir, et se gonfler d’une autre, raciale (les Peuls différents des Noirs, et mêmes « blancs »). Tout cela date. Les catégories stables et simples comme l’essence ethnique, les couples nomade/sédentaire ou blanc/noir... viennent d’un sens commun très « idéologique ». Il resterait aussi à trouver pourquoi ce fut alors, et dans telles régions, que la foulanité soudain devint si effervescente. On est de toute façon renvoyé au contexte historique global. Les qualités des Peuls sont réelles — sont-elles étemelles, suffisamment communes à tous les Peuls et inconnues des autres, des Haoussas notamment? Il est sûr aussi qu’une fois conquis, au Soudan central, le pouvoir a donné à une élite peule ses habituels monopoles et bénéfices cumulatifs, bien propres à la faire briller dans le commandement et la politique, mais non à témoigner d’une essence supérieure préalable qui aurait provoqué l’accession au pouvoir. Les auteurs peuls ont développé, d’une façon bien humaine, des stéréotypes flatteurs sur leur peuple; ces stéréotypes ont séduit, pour des raisons politiques et psychologiques, des grands administrateurs coloniaux, qui les ont retransmis; mais l’historien n’a pas à les répéter. f ^,y ressorts ethniques

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Avec ces refus raisonnés, deux examens s’imposent. D ’abord, celui de la spéci­ ficité peule à la veille du jihad : elle est réelle, mais relative, « ouverte ». Réelle : par le réseau des liens de parenté, par certains traits distinctifs, par une commune « mise à part » du fait des hôtes des Peuls (notamment, de la part des Haoussas, une certaine ségrégation... qui est ou signe ou facteur ou conséquence de la spécificité ethnique). Relative (au moins en pays Haoussa) : par l’hétérogénéité religieuse, économique, culturelle, politique (Peuls nomades et Peuls « installés » ; païens ou pieux musulmans, ce second clivage ne coïncidant pas avec le précédent; certains citadins parlent haoussa, quelques-uns sont introduits à la Cour...). En fait la situation des Peuls dans la société haoussa est ambiguë : ils y sont bien assez insérés, par leur ancienneté, par le caractère utile et complémentaire de leurs biens (bétail, savoir), par leur ouverture culturelle... pour voir en elle leurs moyens, leurs perspectives, leurs espoirs de promotion — et suffisamment séparés, marginaux

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ou précaires pour aiguiser leurs griefs, maintenir une conscience commune et rester disponibles aussi pour une autre voie : la subversion et le conflit ouvert. L ’autre examen, celui de la composition du camp militant, dans le jihad, dément la thèse peule. C ar il s’en faut que tous les Peuls (au pays Haoussa, et même au Cameroun) aient rejoint le Shehu, il y eut des neutres, et d’autres hostiles ; et les mujahiddin furent ethniquement variés (Peuls, Haoussas, Touareg, Arabes...), comme le camp adverse. Manifestement, le ressort qui mobilisa les combattants n’était pas peul. Il est vrai, en revanche, qu’aux échelons dirigeants, et dans beaucoup d ’épisodes, la prédominance peule fut éclatante. Un tel déséquilibre ne joue pas impunément. Les parentés ou les affinités ethniques dans le noyau dirigeant, le regroupement parallèle des souverains et de la classe privilégiée haoussa dans l’autre camp ont certainement gauchi les choix, les décisions, les expressions... et donné aux sentiments proprement peuls l’occasion de s’imposer. Le fait peul est bien une composante importante de la révolution, mais il n’a pas été décisif. Pour vider ce thème, en regardant du côté des conséquences et non plus des facteurs de la révolution, on peut chercher à mesurer si le jihad fut, à long terme, une victoire proprement peule. Il le fut manifestement : les Peuls renversent et reprennent à leur profit et à leur quasi-monopole le pouvoir, les places, les dignités et les revenus de la classe dirigeante haoussa; la substitution est éclatante, comme est claire la prise du pouvoir en pays païen conquis. Mais 1* « Empire » resta une réalité multi-ethnique, où le sentiment majeur était celui de la communauté des croyants, émoussant quelque peu les anciennes séparations ethniques. Surtout, la victoire peule est aussi un trompe-l’œil. Culturellement, les Peuls se sont haoussisés, ont repris les institutions, dignités et mœurs des Haoussas, ont été les vecteurs de traits culturels haoussas en pays païen. Des intermariages aussi ont joué dans le sens d’une assimilation, qu’appelait la supériorité numérique et culturelle des Haoussas. A long terme, la distinction Peul/Haoussa s’estompera, dans un milieu dirigeant affirmé surtout par ses intérêts, ses privilèges et son Islam.

Un deuxième fondement des interprétations historiques est donné par ^ ^acteurs religieux, mais sur deux lignes assez distinctes. On a d ’abord pu voir dans le jihad une de ces flambées de fanatisme et de ferveur, où la violence et la conviction l’emportent sur un ordre établi maté­ riellement plus fort. L a vue n’est pas incorrecte : les sources montrent la foi profonde du Shehu et de sa communauté, leur certitude de la justice de leur cause, de la protection divine et du devoir de combattre; et, pour les foules mises en mouvement, une contagion de la ferveur, et de la mobilisation, conformément à ce qu’on peut penser de la psychologie des masses. A coup sûr, la vigueur du sentiment religieux, prolongée par l’exaltation combattante, a joué comme un facteur nécessaire et efficace. Aussi faut-il repousser les formules d ’autres auteurs, selon qui les thèmes religieux*

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religieux du jihad furent le simple vêtement d ’une entreprise très matérielle et terrestre; aucun argument ne s’impose : ni les pillages de la guerre, qui ne rend jam ais saints ses acteurs, objectivement au moins, ni le maintien, après coup, par les vainqueurs, des péchés dénoncés chez leurs adversaires, destin classique des élans réformateurs, ni le caractère subtil des discussions sur la légitimité de la guerre sainte contre d’autres Musulmans, graves problèmes qui ont tourmenté, et non pas servi, leurs penseurs, ni, plus tard, dans PAdamaoua païen, la prédominance du souci du tribut sur celui de la conversion. L a fonction idéologique des thèmes religieux ne peut pas surprendre l’historien, mais les réduire à des prétextes, ici, est trop mal venu. Il reste à savoir pourquoi les masses se sont trouvées là, et alors, si réceptives. L ’histoire est pleine de prédicateurs sans ouailles et de croyants dont la foi ne soulève pas les montagnes. Du point de vue strictement religieux, le pays haoussa se trouvait, vers 1800, dans une situation multiséculaire : des souverains qui expriment une certaine adhésion à l’ Islam et s’entourent de mallams, un gouvernement largement arbitraire et prenant ses libertés envers le shari'a , la juxtaposition de groupes réelle­ ment musulmans, d’autres où la pratique de l’ Islam s’accommode de beaucoup de faiblesses au profit des coutumes, des institutions et des mentalités préexistantes, enfin de groupes restés païens... Habituellement, les mouvements de révolte, d’inspi­ ration religieuse, qui s’imposent ainsi, poussent sur un terrain de fortes tensions sociales, qui aiguisent et mobilisent des adhésions religieuses encore largement virtuelles auparavant. D ’autre part, le Shehu et sa communauté n’ont choisi l’hégire et le combat qu’après une longue période de prédication réformiste et de relations pacifiques — sinon complaisantes — avec la Cour; un certain enchaînement d ’événements et de facteurs a donc seul libéré le potentiel d’une inspiration reli­ gieuse qui restait orientée tout autrement. Notons encore la présence, à cette époque, de sentiments populaires d’attente mahdiste et eschatologique, et l’attitude mêlée du Shehu à leur égard. Cet homme était ouvert à tous les courants de la pensée et de la sensibilité de l’Islam au long des siècles; il en a donc bien connu les courants mystiques et prophétiques, mais sa personnalité rigoureusement orthodoxe et toute portée au contrôle intellectuel l’amenait à les contenir, et il a même estimé devoir nettement les combattre après 1808 ; encore leur a-t-il laissé la bride sous le cou dans le feu du jihad — comment mesurer la portée de ce fait, et comment l’interpréter ? M ais ce combat religieux frappe surtout par son intellectualisme, vigoureux, élaboré, permanent — c’est l’autre perspective religieuse soulignée par les historiens, récemment surtout, à la lumière des œuvres contemporaines du jihad. D ’abord il s’enracine dans une longue tradition soudanaise de savoir et de réforme. Le haut niveau de formation dans les diverses branches de l’enseignement islamique classique, la familiarité avec les autorités de l’Islam et avec son histoire, le désir d’un gouvernement des princes conforme à la sh ari'a et éclairé par des

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*ulâma, le souvenir du souverain modèle à tous ces égards que fut Paskia Muhammad (v. t. I, chap. II), le désir d’un retour à une foi pure, sans pratiques hétérodoxes et étrangères, et à un Etat juste, sur le modèle supposé de l’époque du Prophète et des quatre premiers califes... tout cela, qui éclate dans la pensée, dans l’action et dans la vie personnelle de Osman, de son frère et de son fils, n’est pas du tout nouveauté surgie chez des êtres exceptionnels, mais héritage d’une ligne continue de pensée, nourrie notamment aux foyers maghrébins, entretenue, renouvelée et diffusée au Soudan par les centres de Tombouctou et, plus récemment, d’Agadès, sur maintes générations, sur un très vaste territoire bien plus grand que le seul Soudan central, et par des intellectuels soudanais ethniquement variés. Peut-on imaginer Osman et son action, sans cet arrière-plan ? Intellectualisme encore, chez les trois leaders, dans le souci constant d’établir, face à tout problème pratique nouveau, l’attitude légitime et correcte, par examen soigneux des autorités de l’Islam et des situations historiques pouvant servir de référence, et par un exercice très orthodoxe mais ferme du raisonnement — et dans le souci d’enseigner, de prouver, de convaincre, d’approfondir le débat, par la prédication, par l’écrit, par l’échange de correspondances... Le Shehu, son frère et son fils ont beaucoup écrit, dans tous les genres, en arabe, mais aussi en peul ou en haoussa...; leurs textes ne donnent nullement l’impression d ’une façade de justification, mais témoignent d’une recherche ardue de la voie droite, du souci d’y conduire et d’y maintenir la communauté. Un des plus délicats problèmes était celui de la nature de leurs ennemis : leurs pratiques syncrétiques et préisla­ miques permettaient-elles de les définir comme non-Musulmans ? En fait, si nos auteurs ont toujours vigoureusement dénoncé hétérodoxie ou laxisme, ils ont surtout justifié leur combat en fonction de l’attitude hostile à leur communauté — donc aux Musulmans et à l’Islam — que prenaient leurs adversaires — critère plus clair, plus évident, et moins gênant que celui des pratiques religieuses d’ennemis qui n’étaient pas radicalement étrangers à l’Islam. Cette activité intellectuelle et polémique a fait, des œuvres qu’elle sécrétait, des sources historiques précieuses, parce que remplies de références concrètes aux événements, à l’état social, poli­ tique, religieux... Cet intellectualisme fonde une philosophie sociale, qui est sans doute toute tournée vers le modèle de l’Etat islamique primitif idéalisé, mais persuadée de remplacer l’arbitraire par une justice sociale exercée à la lumière de la sharï'a, dans la révérence de Dieu mais sans rien abdiquer du devoir d’adapter lucidement et concrètement la loi à la société qu’il faut diriger, donc à l’opposé d’un traditionalisme conservateur et sans imagination. On s’est plu récemment à souligner les aspects novateurs de l’enseignement du Shehu, ainsi sa dénonciation de l’iiresponsabilité morale des hommes qui tiennent les femmes pour des instru­ ments et les laissent, de façon coupable, hors du savoir. Le jihad est bien une révo­ lution d’intellectuels — entre autres aspects. Bientôt, l’Empire nouveau gérera un ordre social et politique aussi inégalitaire que celui qu’il remplace ; mais le style

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et les perspectives intellectuelles/islamiques demeureront tout au long dans les milieux dirigeants. Sous tous ces aspects, le ressort religieux paraît essentiel, pour rendre compte du jihad. Essentiel, mais décisif ? Ce terrain de tradition réformiste et de conviction éclairée existait depuis longtemps, sans que de pieux et savants maîtres peuls, haoussas ou touareg, ne l’exploitent avec un retentissement aussi rapide et aussi immense. Même les qualités exceptionnelles du Shehu (rigueur de pensée, intrépidité, force de conviction...) auraient peu pesé, sans des conditions favorables à leur manifestation.

Les sources suggèrent assez clairement la situation économique difficile, à la fin du xvm e siècle, d ’une grande partie de la population, par ailleurs sans droits politiques, au Gobir et sans doute en d’autres pays haoussas; des famines, peut-être une précarité croissante de grand commerce transsaharien, une fiscalité lourde et diversifiée frappant la population des villes et des campagnes au profit d’une élite urbaine. Les paysans, haoussas ou voisins païens, et les pasteurs peuls ressentaient fortement le poids de ces impôts et leur arbitraire, la facilité des confiscations, ou des réquisitions, la liberté insolente de la couche dirigeante..., comme les clercs peuls étaient sensibles à leur situation de dépendance envers la générosité des Haoussas riches et influents, comme même les Peuls « installés » l’étaient au caractère inachevé et précaire de leur insertion sociale. L a mesure, les caractères et la répartition de ces difficultés échappent encore largement, et plus encore leur genèse et leur interprétation, qui nourrissent surtout, pour l’instant, des interrogations relatives au type de formation socio-économique en cause (dans lequel une diminution des ressources tirées par les maîtres des échanges extérieurs pourrait avoir entraîné l’accroissement des prélè­ vements opérés sur les sujets) ou à la conjoncture (conjoncture défavorable longue ou courte ? d ’origine interne ou induite de l ’extérieur ?). Mais les difficultés ellesmêmes, et le mécontentement largement diffus ne semblent pas douteux. On peut croire que le jihad en fut l’explosion. Les Peuls et l’Islam lui donnèrent ses couleurs et ses figures ; le Shehu mit le feu aux poudres ; mais les rapports des groupes sociaux avaient déterminé l’essentiel. Certaines objections ne semblent pas solides et ne portent pas. Il est vrai que les intérêts et les griefs des diverses catégories sociales exploitées n’étaient pas homo­ gènes, ni concordants, ni ressentis d ’une façon commune, comme en un « front social » ; mais l’historien rencontre souvent l’addition, provisoire mais efficace, de mécontentements plus hétéroclites encore. Il est vrai qu’Osman dan Fodio et les siens n’ont pas dénoncé taxes, prélèvements, abus... au nom d’une analyse économique et d ’une critique sociale, mais pour leur non-conformité avec le droit islamique et avec les finalités de leur philosophie religieuse, qu’ils n’avaient pas Les

ress°trt*o^™™miques

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un programme de révolution sociale, et qu’ils n’ont même pas préparé quelque révolution que ce soit avant qu’un enchaînement rapide d’événements les jette au combat; il reste que l’enseignement et les attitudes du Shehu étaient singuliè­ rement propices à la cristallisation des mécontentements les plus variés : attaquer les impôts ou les exactions de façon répétée, cohérente et systématique, dénoncer la frivolité des grands, dire son fait au prince et se heurter à lui... tout cela d’une façon publique et perçue fort loin, c’était aiguiser les consciences et mobiliser les esprits, donner un point de référence et une expression à tous ceux qui en avaient assez de leur sort, contribuer à rendre crédibles des perspectives de solidarité et d’action, ce que les premiers développements du jihad soulignèrent de façon beaucoup plus concrète encore; au reste, on l’a vu, l’enseignement du Shehu, bien que religieux par essence, n’était ni désincarné ni foncièrement conservateur, et charriait au moins des thèmes de réforme sociale. Un terrain social explosif, un terrain religieux très soigneusement entretenu, largement autonomes et sans points de jonction nécessaires, se sont magnifiquement prêtés de quoi rendre leurs virtualités agissantes. La participation sensible de la paysannerie haoussa au jihad pousse à mettre au premier plan ces facteurs économiques et sociaux; le sentiment peul ou l’inspiration islamique eussent été bien impropres à la mettre en branle. Il est possible enfin que certains auteurs aient développé cette ligne de réflexion d’une manière trop simple, plus riche en schémas et notions clés (féodalisme, lutte des classes...), qu’en analyses nécessaires à leur justification préalable en ce contexte précis ; mais c’est un simplisme pire encore que de refuser, pour cause d’exotisme, une problématique fondée sur les antagonismes sociaux, à laquelle toute l’histoire classique a déjà reconnu droit de cité.

Le Shehu mourut à Sokoto, à la fin de 1816 . L a proclamation précid*s conquit** P ^ c de Muhammad Bello comme amïr al mu’minïn mit 'Abdallàh, accouru peu après, devant le fait accompli. Malgré son dépit, l’oncle s’inclina devant le neveu, et des dangers communs de rebellion les amenèrent très vite à collaborer. Désormais, jusqu’à sa fin, l’ensemble construit par les Peuls persistera sous sa forme unifiée par la supériorité morale du souverain de Sokoto, mais partagée administrativement entre les deux capitales de Sokoto et de Gwandu, coiffant chacune une série d’émirats tributaires. Dans les deux capitales, le pouvoir se transmit dans la famille des deux souverains de départ. Sur la lancée de la guerre sainte, l’extension territoriale se poursuivit après la mort du Shehu. Au Nupe, le mallam peul Dendo, après avoir longtemps dirigé à son gré le jeu des factions rivales pour la possession du trône, s’attribue franche­ ment, en 1836, le pouvoir et les insignes royaux, constituant un nouvel émirat, rattaché à Gwandu. Le gouvernement d’une couche haoussa-peule très minoritaire provoque une révolte qui la chasse; une intervention de Gwandu rétablit alors

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l’émirat sur des bases moins étrangères (le nouvel émir est mi-Peul, mi-Nupe). Il en résulte une province fortement originale, mais bien amarrée au réseau de fidélité et de commandement qui part de Gwandu. Ce nouveau Nupc s’élargit encore par des conquêtes. En Ilorin, le parti peul étoffé de recrues peules et haoussas venues du nord, et le gouverneur qui s’est affranchi, notamment grâce à eux, de la tutelle d ’Oyo, désormais s’opposent. Les Peuls l’emportent, s’approprient ce pays de fonds yoruba et créent, dès 18 3 1, un autre émirat, rattaché aussi à Gwandu, et dilaté aussi par la conquête. Une tentative de reprise en mains par Yalafin d’Oyo provoque une grande riposte, aidée ici encore par Gwandu, qui non seulement consolide le pouvoir peul, mais jette à bas définitivement la puissance d’ Oyo. Aussi étranger au départ aux groupes haoussas-peuls, plus lointain encore et plus isolé des interventions centrales — ici de Sokoto — l’Adamaoua est resté le pays le plus longtemps animé par la guerre sainte, et celui où elle prit les formes les plus mêlées. Adam a, sur la brèche depuis 1806, contrôle finalement le cours de la Benoué vers 1840, fonde sa capitale Yola en 1841 ; il meurt en 1848. Auparavant déjà, après lui plus encore, la conquête et l’organisation du pouvoir se font de façon morcelée, faisant naître plusieurs lamidats, et ces impulsions diverses rencontrent des conditions différentes, n’ont ni le même succès ni les mêmes formes selon les régions. Au nord, le M andara, état solide, et plus généralement les hauteursrefuges où la cavalerie peule accède mal, échappent à l’emprise de lamidatsy pourtant peuplés et prospères, mais vulnérables et, sans doute pour cela, mieux liés au pouvoir de Yola. Au sud, les pays du Hosere, plateau central, peu peuplés (et vraiment ignorés des Peuls avant 1800), s’ouvrent plus facilement et plus vite au pouvoir nouveau, et les lamidats de Ngaoundéré, Tibati, R ey, Banyo..., en place dès les années 1830, ne sont guère subordonnés à Yola. L a guerre se manifeste jusqu’à la conquête coloniale. Elle vise peu la conversion — la couche peule domi­ nante « confisque » l’Islam, pour servir sa prééminence — mais plutôt les prélève­ ments sur les païens, notamment la prise de captifs, pour le service des maîtres, pour le tribut envoyé à Sokoto, pour la vente. L a domination peule a signifié pénétration d’hommes, de traits culturels et d’institutions haoussas. On remarque aussi que bientôt, pour occuper les charges de dignitaires, les chefs peuls des lamidats ont tendu à remplacer l’élite sociale de leur propre ethnie par des esclaves du pays, plus dociles. A ce double titre, la « foulanité » recule. Au-delà du Niger enfin, au Liptako gouverné par des Gourmantché, des groupes peuls installés s’étaient imposés partiellement à leurs maîtres, dans une entreprise largement personnelle mais liée à l’aventure du Shehu par la réception d’un étendard. Un émirat en naquit, lié au Gwandu, et qui lutta fréquemment contre les Gourmantché repliés vers le sud.IX .

I X . — Le roi de Bondoukou et ses fils (Côte d’ ivoire). Digitized by

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. .

« L ’Empire » se présente donc comme un agglomérat d ’émirats. Entre ceux-ci, et à l’intérieur de ceux-ci, les principes d’unité supé­ rieure d’une part, d ’autonomie et de diversité d ’autre part, trouvent tous deux maintes illustrations, si bien que, dans l ’état encore léger des recherches en ce domaine, on peut être porté à souligner ou l’un ou l’autre avec vraisemblance. Ces émirats n’ont pas tous repris le cadre des anciennes cités haoussa ; les vicissitudes du jihad, les exigences des porte-étendards... ont amené des remodelages; il y a aussi les pays non passés à l’ordre nouveau. L a part d’originalité est donc fort grande d’un émirat à l’autre et à l’intérieur de chacun, à raison de son contenu ethnique, de ses conditions de prise en mains par les Peuls, de l ’histoire de sa soumission, des traditions et des institutions juxtaposées. Inversement, la poussée peule entraîne aussi l’uniformisation de pays jusque-là différents, l’extension d’institutions et de réseaux de dignités et de charges de type haoussa, un progrès du droit musulman, des manifestations d ’allégeance commune, des relations fréquentes et homogènes entre les émirats. Le pouvoir, en un sens majeur, des émirs est ainsi gommé de deux côtés : en dessous d’eux, par l’aristocratie peule, par l’hétérogénéité des sujets et du mode d’administration des divers morceaux de leur domaine; en dessus, par le contrôle de la capitale et par une référence morale commune. Sokoto et Gwandu sont, à la fois, le centre de deux émirats de même nature que les autres et la capitale des deux morceaux de « l’ Empire ». Des émirats à leur capitale montent les tributs, les hommages, les appels éventuels à l’aide; des capitales viennent les contrôles de la nomination des émirs et de certains fonctionnaires — du moins connaît-on des cas suffisamment clairs d’intervention de ce genre — , la mobilisation de contin­ gents... L e vizir de Sokoto administre d’une part le sultanat et d’autre part visite les émirats qui sont du ressort de Sokoto, pour y fixer le tribut, régler des conflits. On peut dire que l’administration, avec des limites, et la grande politique relèvent des deux capitales, dont les princes souverains, au long du siècle, ont vécu en amitié étroite. Le sultan de Sokoto, commandeur des croyants, a l’autorité morale suprême. Par cette autorité centrale de l’imam, par sa sanction divine, par la reconnaissance généralisée de la sh ari'a... « l’Empire » trouve son unité finale. L ’ensemble apparaît donc comme un mixte de nouveauté et de reprises, d’unité et de juxtapositions. L e découpage en émirats résulte, on l’a vu, des données politiques et humaines issues de la conquête; mais il est aussi conforme à la vision musulmane médiévale d’un imamat qui délègue son autorité à des gouverneurs et à des chefs militaires dans les provinces. Les éléments d’unification — diffusion de la culture haoussa, création d ’une communauté musulmane dont le sentiment tend à effacer d’autant les sentiments ethniques — s’accompagnent d’une évolution sociale et ethnique (fusion progressive Peuls-Haoussas, diversification économique, islamisation et attachement à des cadres territoriaux des clans pasteurs peuls...) qui va dans le sens d’une intégration sociale sur des assises plus larges qu’avant.

Village du Nord-Dahomey.

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Dans tout cela sont à l’œuvre à la fois la conviction islamique et réformiste, le pragmatisme politique, la fascination devant une culture haoussa très élaborée, l’intérêt qui pousse à reprendre à son compte l’ordre social établi. Les éléments matériels de l’unification restent bien faibles, qu’il s’agisse des moyens de communications, sur de si grandes distances, ou de l’armée qui n’existe pas à l’échelon supérieur, sinon par appels aux émirats pour envoi de contingents réunis progressivement, quand le danger menace et l’exige. De cet « Empire », on trouverait difficilement les limites, notamment au nord et à l’ouest où sont des zones d’allégeance plus floue et plus indirecte, où les deux capitales cherchent plus la collaboration politique que la conversion. Plus encore, il connaît, en lui-même ou sur ses flancs, des noyaux rebelles et ennemis. A l’intérieur, c’est le cas notamment des hauteurs-refuges du Middle Belt et de l’Adamaoua, mais aussi de l’Etat d’Abuja, héritier déplacé vers le sud de l’ancien Zaria haoussa, et même de morceaux du Kebbi et du Gobir autour d’Argungu, tout près de Sokoto et de Gwandu. A l’extérieur, des exilés rebelles du Katsina et du Gobir se sont installés à M aradi et Tasoua et ont fondé Tsibiri. Contre ces rebelles du nord, extérieurs ou intérieurs, Muhammad Bello vainquit, le plus souvent, mais la lutte continua sans solution décisive, accaparant beaucoup des efforts des souverains de Sokoto et de Gwandu. Aux deux tiers du siècle, le Sokoto reconnut un Etattampon gobiwara entre le sultanat et Tsibiri, et pour mettre fin à des guerres ruineuses, Sokoto et Gwandu durent accepter la renaissance partielle du Kebbi.

L a constitution d un vaste ensemble politico-religieux dont les _ , , . . éléments étaient en fréquentes relations, a non seulement maintenu mais accru et étendu les activités d’une économie qui était, à l’époque haoussa, diversifiée et ouverte aux échanges. L ’artisanat s’étend dans des régions comme l’Adamaoua, il reste, par ses spécialisations, associé à la réputation de grands centres comme Kano, Bida... Ses produits, l’ivoire, les esclaves... nourrissent un commerce intérieur et extérieur actif qui touche le pays ashanti, Tombouctou, le Maroc, Tripoli, l’Europe... Dans l’ensemble, le grand trafic transsaharien a moins souffert de quelques facteurs défavorables (les combats du jihad et, au long du siècle, les harcèlements des rebelles haoussas aux confins septentrionaux), qu’il n’a bénéficié de périodes d’effacement relatif du Bomou, et des difficultés, courantes au xix® siècle, de l’axe Bomou-Tripoli — et, surtout, de l’unification des pays haoussas, en contraste v if avec les guerres entre cités des x vn e-xvm e siècles. Il semble qu’il y ait eu, jusqu’au partage colonial, croissance du commerce transsaharien. Kano a repris son rôle majeur et sa vieille rivale Katsina, plus exposée aux troubles, s’est effacée. Vitalité économique

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^ centre K sept.-déc. 1952, pp. 3-62 et n°* 39-40, mars-juillet 1953, pp. 5-40. Du même, des notes précieuses dans une étude dont l ’intérêt principal est postérieur, Poésie peule dt PAdamaoua. Paris, 1965, 2 vol. M ohamadou (£.). L'histoire des lamidats foulbe de Tchamba et de Timbati, Abbia, n° 6, 1964, pp. 15-158 . Strümpell (K .). Die Geschichte Adam auas..., Mitteilungen der geographischen Cesellschaft in Hamburg, X X V I , 19 12 , p. 46-107. K irk -G reene (A. H . M .). Adamawa, past and present. Londres, 1958. b) Sur le Bomou :

U rvoy (Y.). Histoire de l'Em pire du Bomou. Paris, 1949. Schultze (A.). Dos Sultanat Borna. Essen, 19 10 ; trad, anglaise par Benton (P. A.). The sultanat o f Bomu. Londres, 19 13 ; réimprimée à Londres en 1967. Article « Bomou » (signé M . V .) de VEncyclopedia Universalis. Paris, 1969, vol. 3. c) Sur Rabeh :

G entil (E.). La chute de l'Empire de Rabeh. Paris, 1902. Von O ppenheim (M .). Rabeh und das Tschadseegebiet. Berlin, 1902. H (W. K . R .). The itinerary o f Rabih Fadl Allah, 1879-1893, Bull, de l'I.F .A .N ., série B, X X X , 1, janvier 1968, pp. 165-183. a l l a m

d) Sur le Ouaddal :

T ubiana (M .-J.). Un document inédit sur les sultans du W adday, Cahiers d'études africaines, I, 2, i960, pp. 4 9 -112, présente et utilise au mieux les études antérieures. De la même, des notes précieuses dans une étude ethnologique sur les confins nord, Survivances préislamiques en pays zaghawa. Paris, 1964.

e) Sur d'autres régions : C hapelle (J.). Nomades noirs du Sahara. Paris, 1958 (les Toubous). L ebeuf (A.). Les principautés kotoko. Paris, 1969. — Boum Massenia, capitale de l’ancien royaume du Baguirmi, Journal de la Société des Africanistes, X X X V I I , 1, 1967, pp. 215-244. Smith (M . G .). A Hausa kingdom : M aradi under Dan Baskore 1854-1875, dans F orde (D.) et K aberry (P. M .), éd. West African Kingdoms in the X IX th century. Londres, 1967, pp. 93-122. D avid (Ph.). M aradi précolonial : l’Etat et la ville, Bull. I.F .A .N ., X X X I , B, 3, 1969, pp. 638-688

f) Sur l'ensemble, pour quelques thèmes : L ewis (I. M .) éd. Islam in tropical Africa. Londres, 1966, est utile en maints passages. E merit (M .). Les liaisons terrestres entre le Soudan et l’Afrique du Nord au xvm e et au début du x ix e siècle, Travaux de l'Institut de Recherches sahariennes, X I , 1, 1954, pp. 29-47.

N ewbury (G. W.). North African and Western Sudan trade in the nineteenth century : a re-evaluation, Journal o f African History, V I I , 2, 1966, pp. 233-246.

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C H A P IT R E

V II

Les savanes du N ord I. —

LE

PEU PLEM EN T DU DE

REBO RD

O C C ID E N T A L

L ’A D A M A W A

L a région dont nous tenterons d’esquisser l’histoire s’étend entre 5 it la *popvLtion et 7° latitude nord, 90 30 environ et io ° 30 de longitude est. Elle est formée par un massif montagneux compact dominant de plusieurs centaines de mètres les zones forestières qui l’entourent, particulièrement au sud et à l’ouest. Elle est essentiellement habitée par les populations montagnardes connues sous les noms de Bamiléké, Bamoum et Tikar. A ses particularités physiques dues à la fois au relief et à la latitude s’en ajoutent d’autres, humaines, liées à des densités démographiques souvent fortes — elles peuvent dépasser 200 hab./km1 dans certaines chefferies du département de la Mifi — et à une organisation sociale marquée par la concentration du pouvoir politique traditionnel. Pour tous les Camerounais, c’est ce que l’on appelle : « l’Ouest ». Administrativement, ce massif, à cheval sur la frontière qui sépare le Cameroun oriental du Cameroun occidental, est divisé entre les onze départements suivants : Ndé, Haut-Nkam, Mifi, Menoua, Bamboutos, Bamoum au Cameroun oriental, Bamenda, Gwofong, Nso, Nkambe et Woum au Cameroun occidental; les dépar­ tements de Mamfe, de l’Adamawa, du M bam et du Nkam abritent toutefois des populations apparentées aux précédentes et qui partagent la même histoire (carte 11) . Cette extrémité occidentale de la dorsale de l’Adamawa a été marquée par l’action volcanique qui, sur le continent, part du mont Cameroun et par le Manengouba se prolonge vers le nord par toute la série des volcans de notre massif. Le pays est constitué par une série de plateaux dont les altitudes moyennes se situent entre 900 et 1 500 m, dominés par un ensemble de sommets à caractère souvent volcanique qui partent du sud-est (montagnes de Bana),

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C a r t e io . — R e b o r d o c c id e n t a l d e l ’A d a m a w a . R e l i e f

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L E S SA VA N ES D U NORD

décrivent un arc de cercle (monts du Fotouni, monts Bamboutos) et se terminent au nord-ouest (montagnes d’Okou), formant une ligne de crêtes dont l’altitude varie entre 2 ooo et 3 000 m. De part et d’autre de cet arc, les plateaux s’étagent, séparés par des fractures jalonnées de volcans (monts de Baleng, du Mbêpit, du Nkougam), drainés par un chevelu de cours d’eau dont les vallées, molles sur le plateau, se resserrent dans les escarpements qui en dessinent les bordures et se coupent de rapides et de cascades à chaque perte de relief (carte 10). L e régime des pluies se modifie d’ouest en est; les zones occidentales et méri­ dionales reçoivent annuellement deux à trois mètres de pluies qui alimentent les bassins supérieurs de la Donga, de la Katsina Ala, de la Cross et du Nkam ; à l’est, dans la région de Foumban, les hauteurs d’eau ne dépassent guère 1,50 m. Cette partie du pays, plus sèche, est drainée par les affluents orientaux du M bam dont la vallée forme la limite orientale de la région. Les sols proviennent soit de formations géologiques anciennes caractérisées par une décomposition plus ou moins accentuée de la roche mère du socle cristallin, éventuellement porteurs de cuirasse latéritique, soit de formations plus jeunes résultant de l’action volcanique et comportant souvent des dépôts de cendres. Les habitants distinguent fort bien les différentes catégories de sols d’après leur texture et surtout leur couleur et les classent en terres rouges, terres blanches et terres noires dont ils connaissent la plus ou moins grande fertilité (1). Lorsque les terres ne sont pas mises en culture, le pays est couvert par une savane arborée avec un tapis herbacé dense qui explique le terme de grassfeld par lequel les Allemands désignaient la région. Les fonds de vallées sont occupés par des galeries forestières où pousse abondamment le palmier raphia (raphia humilis) qui est l’objet d’une exploitation méthodique; les versants doux des vallées portent les habitations et les cultures alors que les sommets, dont les pentes sont souvent raides et dénudées, ne peuvent être cultivés que dans les conditions les moins défa­ vorables. L a présence de lambeaux de forêts sur les sommets et celle d’espèces fores­ tières comme le conarium et le dacriodes edulis ont incité certains forestiers et géo­ graphes à considérer que la région aurait été déforestée par une intervention humaine (2). L a rapidité du déboisement au cours des dernières décennies a même pu être affirmée. Il faut rappeler que les concentrations actuelles de population sont le résultat d’événements historiques qui remontent au x ix e siècle et qu’il y a lieu d’être prudent sur le rythme auquel aurait été menée une telle modification du paysage.1 (1) Voir B. Gàzm, Géographie et géologie du Cameroun occidental, Mém. Mus. Hist, mat., X V II, 1943, 1-971; et P. S é o a u n , Les sols de U vallée du Noun, Cahier* O.R.S.T.O M , série Pédologie, vol 3. 1967. (a) V . P. F oust , Indications données par l’état actuel de la végétation sur la répartition ancienne des groupements humains. Bulletin de la Satiété d*Etudes camerounaises, a, 1937, p. ta; et J. S. L iohtbody, The Mountain Grassland forests o f Bameuda, 1939.

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

Les découvertes d’outillages lithiques permettent de penser que le massif a été anciennement habité, sans qu’on puisse avancer que les populations actuelles descendent des tailleurs de pierre qui auraient occupé le massif (i). Il faut encore ajouter que les formations arbustives que l’on peut actuellement observer, qu’il s’agisse des bosquets avoisinant les habitations, des palmeraies, des rapheraies ou des clôtures — où s’alignent les dracoena — qui donnent à certaines parties des plateaux leur aspect bocager surtout dans les régions fortement peuplées, sont le plus souvent des créations artificielles qui attestent le patient effort déployé par les populations pour exploiter un pays en combinant l’agriculture et l’élevage du petit bétail. Ces quelques indications permettent de comprendre l’attrait qu’a exercé ce milieu sur les populations. Vallées et reliefs ont toujours offert des abris aux groupes dont l’histoire connue est celle de déplacements constants suivis de réimplantations ; l’abondance des eaux, la fertilité des terres permettent ces changements fréquents d’habitat au sein du massif. L a position des villages dissimulés, presque cachés vers les bas de pentes à proximité des marigots et des rapheraies qui fournissaient leurs stipes pour la construction et leur sève comme boisson, manifeste la conscience qu’avaient et qu’ont toujours les montagnards des avantages que nous venons de citer. Cette situation a changé lorsque la concentration des populations a entraîné le rapprochement des villages et la réduction par habitant des terres cultivables. Si la géographie montre ce qui a pu retenir ici les peuples, c’est l’histoire qui peut nous dire comment ils y sont venus. Le chiffre de population des départements mentionnés, si l’on y ajoute ceux très approximatifs des Tikar ressortissants des départements de l’Adamawa et du M bam , est élevé pour l’Afrique puisqu’il dépassait, avant i960, le million d’habi­ tants (2). Le fait le plus remarquable est que cette population était répartie entre trois cent quatre-vingt-neuf chefferies ou villages autonomes. L a plupart de ces imités perpétuaient des groupements qui, avant l’occupation européenne, étaient indépendants les uns des autres ou avaient une prétention à l’être et formaient de minuscules souverainetés à caractère monarchique. L ’occupation allemande remit parfois en cause le résultat de conquêtes survenues peu avant leur arrivée et rétablit l’indépendance de chefferies qui venaient d’être conquises (3). Le plus important était, au x ix e siècle, le royaume bamoum qui, d’après les estimations sommaires (1) M. D. W. J e f f r e y s , Neolithic stone implements (Bamendm, British Cameroons), Bull. I.F .A .N ., 13, 1951, p. 1203. (2) Cette estimation est faite à partir des recensements de 1936, pour les départements bamiléké de Ndé, du HautNkam, de la Mifi, de la Ménoua et des Bamboutos qui correspondent à l’ancienne région de Dschang, ceux de 1959 pour le département bamoum et de 19 5 3 pour les populations des départements actuels de Wum, Nkumba et Nso qui corres­ pondent à l’ancienne province de Bamenda. Les indications démographiques ont été rapportées, sauf pour le pays bamoum et les Tikar du Mbam, dans E. M. C h i l v x r et Ph. K a b e r r y , Traditional Bamenda, 1968, et C. T arditi, Les Bamiléké de VOuest Cameroun, i960. Les chiffres intéressant le département bamoum et la population tikar de la vallée du Mbam proviennent des recensements non publiés des circonscriptions administratives. (3) Voir R. D e l a r o z i è r e , Les institutions politiques et sociales des populations dites Bamiléké, Memorandum III, Centre I.F.A.N. du Cameroun, 1930.

X I . — Cavaliers au N ig e r.

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des Allemands, groupait environ soixante mille habitants; les plus petites unités politiques ne devaient pas dépasser la centaine d ’habitants. Ce morcellement politique s’explique par un processus de segmentation qui intervient de façon permanente au sein des lignages constituant l’armature de ces sociétés (i). L ’histoire d’un royaume se confond souvent, à ses débuts, avec celle d ’un chasseur quittant son père avec quelques amis pour aller s’installer sur une terre qu’il a découverte en cherchant le gibier. Ce sont ensuite des récits de guerres avec les voisins, tantôt ralliés, tantôt soumis ou mis en fuite. On peut ainsi, pour beaucoup de ces royaumes ou principautés, remonter à un groupe d ’origine. U n royaume de la taille de celui des Bamoum se constitua au cours de l’histoire en absorbant plus de soixante roitelets dont on retrouve encore aujourd’hui les descendants (2). L a nomenclature officielle des populations de cette région distingue, au Cameroun oriental, les Bamiléké qui peuplent cinq départements, les Bamoum qui occupent le grand département du même nom et les T ikar de la vallée du M bam . A ces ethnies s’ajoutent, sur la périphérie méridionale du massif, quelques éléments mbo, mbang et des Balom qui, par leur organisation et leur culture, se rattachent aux populations méridionales de la forêt ou de sa frange. Au Cameroun occidental, on distingue les T ikar qui occupent la plus grande partie de l’ancienne province de Bamenda, les Widekum des départements de Gwofong et de Mamfe, distincts des précédents par leurs institutions et leur origine mais avec lesquels ils se sont mélangés, les Cham ba répartis entre cinq chefferies du département de Bamenda et les « T iv » de la région d ’Aghem (département de Wum), ainsi appelés parce qu’ils se disent venus du pays tiv mais qui, en réalité, n’en parlent pas la langue ni n’en pratiquent les coutumes. Les données linguistiques si utiles à la reconstitution historique en Afrique sont, pour cette région, relativement pauvres. Les grandes classifications linguistiques de Johnston et de Westermann reposent sur des spécimens de vocabulaires limités. Considérées comme semi-bantoues ou classées dans un groupe distinct de la Bénoué et de la Cross, ces langues ont toujours paru posséder quelques traits difficiles à réduire. Les thèses de Greenberg n’ont pas été confirmées par les travaux plus récents de Richardson qui a qualifié les langues de cette région de bantoïdes. Ce débat présente un intérêt pour l’histoire puisqu’il pourrait apporter des corrobora­ tions linguistiques à ce que nous saurions par ailleurs des mouvements de populations mais il ne peut être alimenté que par des études particulières. A l’histoire de la région, les travaux de Richardson ont en effet apporté une contribution significative en répartissant entre trois groupes les parlers de la

(t) On en trouvera les listes dans E. M. C h i l v e r et Ph. K a b k r r y , op. cit. et dans C. T a r d i t s , op. cit. Nous y avons ajouté le royaume bamoum et les royaumes tikar de la val ée du Mbam (Bankim, Mb an dam, Mbatuku, Ngambe, Nditam, Ina, We). (2) Histoire et coutumes des Bamum rédigées sous la direction du sultan N joy a , Mémoires de l’I.F.A.N ., Centre du Cameroun, *952. P- 24 et 27.

X II. — Béhanzin, roi du Dahom ey.

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montagne : celui des langues bamiléké qui inclut le bamoum, le groupe tikar parlé par les populations de la vallée du M bam et le groupe Tjkoin qui englobe l’ensemble des langues parlées par les groupes ethniques tikar de la montagne, widekum et « tiv » (i).

Avant de faire la synthèse historique des données dont nous dispodes nomenclatures sons> H convient de réexaminer la nomenclature ethnique officielle qui nous paraît avoir introduit des distinctions étrangères à l’histoire des populations de la région. L e terme bamiléké> d ’emploi absolument général aujourd’hui, n’est pas celui par lequel se désignaient traditionnellement ceux auxquels il fut attribué; lesdits « bamiléké » s’identifiaient et s’identifient toujours entre eux par le nom du royaume dont ils sont ressortissants. Le terme « bamiléké », dont l’usage date de la période allemande — il est porté sur la carte Moisel de 19 13 — , serait la déformation de l’expression régionale ba liku : les gens de la « dépression», du « trou» (2). Déformé et retenu comme ethnonyme, le terme fut appliqué aux habitants de la circonscription de Dschang avant de devenir le terme officiel servant à désigner les populations montagnardes de la partie française du Cameroun, après le partage de ce pays à la fin de la première guerre mondiale. Il ne doit son usage extensif qu’à un accident historique et ne doit en aucun cas permettre de considérer que les populations auxquelles il s’applique se distinguent socialement et culturellement de celles qui occupent le département de Bamenda. L a similarité des institutions bamiléké et tikar paraît, nous le verrons, bien attestée et l’on peut se demander si Richardson n’a pas été induit à distinguer les langues bamiléké des langues r)kom par l’existence même du terme « bamiléké ». A défaut de cette appellation artificielle, les différents parlers n’auraient-ils pas été classés en subdivisions d’un groupe unique? L ’usage du terme tikar pose un problème plus complexe. Il sert, au Cameroun oriental, à désigner les populations des chefferies de Bankim, Mbandam, Nditam et quelques autres de la vallée du M bam mais il a en outre été utilisé, au Cameroun occidental, par l’administration britannique pour désigner les habitants de chefferies dont les souverains prétendaient être venus de K im i — nom de la principale chefferie de la vallée du M bam déformé par les Allemands en Bankim — , de Ndobo ou être d ’origine tikari (3). Cette tradition intéresse près d’une centaine de chefferies1 (1) I. R ic h a r d s o n , Linguistic survey o f the Northern bantu borderland, 1957, p. 49-51 et 56-74. (a) L ’étymologie du terme bamiléké, établie par le R.P. Stoll, a été exposée par Mme D u o a s t dans son Inventaire ethnique du Sud-Cameroun, p. 113 . Dans une lettre du 27 mars 1944 adressée à Mme Dugast, l'administrateur de Dschang, M. Geay, explique son adoption par le fait que les Allemands, arrivant au-dessus de la cuvette de Dschang par les montagnes, prirent pour un ethnonyme une expression qui signifie seulement : les gens du trou, du bas. Il faut retenir de ce fait l’indication qu'il s’agit d’une nomenclature sans rapport avec les procédés d’identification du pays. (3) Peoples o f the Central Cameroons, p. 20-24; Pli- K abxrrt , Women o f the grassfields, p. 3 et 4; Traditional government

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dont certaines, comme Nso, Ntem (département de Nkambe) sont généalogi­ quement liées au lignage des souverains actuels de Bankim. Q u’il ait pu y avoir quelques différences dans le fait qu’on se soit dit originaire de K im i, de Ndobo ou tikari ne fut pas officiellement pris en considération puisque K im i, Ndobo et le pays des T ikar paraissaient représenter la même aire de départ. Le D r K aberry a toutefois souligné l’intérêt qu’il y aurait à distinguer les royaumes qui se disent ndobo de ceux qui prétendent être venus de K im i (i). Les investigations menées en pays bamoum et tikar fournissent des éléments de réponse à ces questions. Le terme ndobo qui est utilisé dans les textes anglais avec une valeur toponymique est l’équivalent du bamoum ndwb9. Il désigne l’ancienne population de la région de Bankim dont certains éléments se sont réfugiés, lors de la venue des T ikar, en pays bamoum, au long de la M apé, très précisément dans les villages portant la mention « Bandôbo » sur la carte Moisel (2). Le terme est un ethnonyme qui connote l’idée de [gens] « craintifs », « timides », mais il peut prendre une valeur de toponyme. Une autre partie de la population est restée sur place autour de Bankim. Elle se désigne elle-même sous le nom de Tumu et ses institutions comme sa langue, qui furent adoptées par les conquérants tikar, sont encore celles de tout le pays (3). Lorsque les Bamoum parlent des Pandwb*, ils désignent aujourd’hui la population de la vallée du M bam conquise et conquérante. L ’appellation tikar qui est un sobriquet mboum déformé désigne à l’origine les éléments qui s’emparèrent des royaumes tumu et donnèrent parfois nais­ sance à de nouvelles chefferies. Elle a été largement diffusée par les auteurs allemands qui ne paraissent pas avoir connu l’histoire de cette région et s’est imposée dans la nomenclature officielle pour désigner la population de cette partie de la vallée du M bam . Le terme panduïb9 qui désigne les Tum u a également servi à désigner l’amalgame qu’ils ont formé avec les T ikar et qui n’est plus officiellement connu que sous le nom de ces derniers. Il n’y a pas eu ici, comme précédemment, d’accident historique; néanmoins l’usage général du terme a masqué une partie de l’histoire de cette région. Ainsi les populations de l ’ancienne province de Bamenda qui se disent ndobo ou venues de K im i pourraient bien n’être que les descendantes d’une partie de celles qui in Bafut, Nigeria»i field, X X V III , i, 196a, p. 3 ; Ph. K aber ry et E. M. C hilver , An outline of the traditional political system of Bali Nyonga, Southern Cameroon*, Africa, X X X I , 4, 1961, p. 356. Get usage du terme tikar date d’ailleurs de l’époque allemande. (1) Cet auteur relève que le terme ndobo est porté sur la carte de Moisel dans la vallée du Mbam et rapporte une indi­ cation figurant dans l'ouvrage de L y £b de Brixeau , D u Cameroon au Hoggar, 1945, p. 79 ; il rappelle que des Tikar, venus du pays mboum, s'installèrent au milieu des Mundop dont ils prirent la langue. Le rapprochement fait par Kaberry est fondé car Mundop n’est qu'une déformation de mutn nduebe, l'homme de Ndop, en bamoum. Voir Ph. K aberry , Retainers and royal households in the Cameroon* Grassfields, Cahiers d*Etudes africaines, xo, 1962, p. 282-284. (2) Ce sont entre autres les villages de Mamokimo, Manda, Makoupa, Mata indiqués sur la carte au 1/300, feuille HB 32/33 M O , et qui bordent la Mapé. (3) L'existence de cette langue tumu parlée par les Tikar qui se désigneraient eux-mêmes de lot] tumu est indiquée par B. W estbrmann et M. A. Bryan dans Languages o f West Africa, part. II, 1952, p. 125; elle est confirmée par C. H aoèoe dans son étude, Esquisse linguistique du Tikar (Cameroun), Bibliothèque de la S.E.L*A.F., ix 1969.

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C arte

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i i . — C am ero u n o c c id e n t a l ( d éc o u p a g e x x e s iè c l e )

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abandonnèrent la vallée du M bam et n’avoir eu d’autres rapports avec les T ikar que celui d ’en avoir été les victimes. L a situation est différente pour les royaumes dont les dynasties sont issues du lignage royal tikar de Bankim : c’est le cas des Banso et des Bamoum pour ne citer que les plus grands, dont la parenté avec Bankim est reconnue par les uns et les autres. Ces critiques de la nomenclature ont plusieurs implications; elles incitent à ne pas dissocier l’histoire de ces deux populations mal nommées, les « Bamiléké » et les « T ikar » du plateau ; elles permettent d’écarter la version selon laquelle le massif se serait peuplé à partir d’une grande migration tikar venue du nord, infiltrée dans la montagne par vagues successives et y fondant les dizaines de royaumes que l’on connaît.

Q u’indique une confrontation des données relatives aux Bamiléké, aux Bamoum et aux Tikar de la montagne ou de la vallée ? Les études disponibles portent principalement sur les royaumes les plus importants de la montagne tels que ceux de Foumban, de Banso, de Bafut et de Bali, de K om et de Bandjoun mais elles peuvent être complétées par les obser­ vations faites dans des unités de petite taille de la vallée du M bam et en parti­ culier à Bankim (i). Les descriptions des traits morphologiques concordent : les groupes résidentiels sont partout constitués de hameaux groupant quelques habitations qui abritent de petites familles polygyniques parfois transformées en familles étendues. T radi­ tionnellement, les fils se séparent de leur père pour aller s’établir à quelque distance de leur famille d’origine, les groupes d ’agnats se trouvant ainsi dispersés dans une aire souvent continue; les femmes se marient hors de leur lignage et rejoignent le foyer de leur mari. Les plans des villages et le style architectural sont les mêmes du nord au sud du massif. Le hameau est formé de cases disposées sur trois côtés d’un espace ouvert; les habitations des femmes s’alignent sur deux côtés parallèles, la demeure du mari occupant un troisième côté, face à celui réservé à l’accès. L ’unité d’habitation est construite sur un plan carré. Les parois sont faites de clayonnages de palmier raphia noyés dans la terre; le toit débordant, conique ou pyramidal, est couvert de chaume. Lorsque l’effectif des épouses et des serviteurs du chef de famille était important, d es agglomérations de plusieurs centaines de cases pouvaient se rencontrer; ceci se produisait le plus souvent autour des résidences royales. Le développement de Bamiléké, Bamoum et Tikar

( i) Toute» le» indications données ici proviennent d’observations faites après la dernière guerre mondiale. A partir d e 1955» 1* révolte qui s’est produite en pays bamiléké a bouleversé son organisation traditionnelle; l’aspect de la campagne a’ est modifié à la suite du regroupement des villages le long des routes.

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la cité de Foumban qui rassemblait, au xrx® siècle, une population estimée à vingt mille habitants s’est fait à partir du palais royal lorsque, à la suite des guerres du x ix e siècle, s’étendit le corps des serviteurs du palais dont les habitations restaient proches de la résidence du roi (i). L a plupart des sociétés montagnardes sont constituées par des patricians ou patrilignages (2); les royaumes de Bikom, de Bum, ainsi que plusieurs villages (Mmeng, K uk, Fungom, Nyos, Aghem) du département de Wum sont matri­ linéaires. L a région d’Aghem renferme des éléments qui prétendent avoir une origine munH et ont été officiellement qualifiés de « T iv ». Dans les sociétés patrilinéaires, les familles dispersées sont liées les unes aux autres par les liens d’agnation de leurs chefs. Les lignages sont les unités fonctionnelles les plus significatives; c’est en leur sein que se répartissaient les richesses — terres, captifs de guerre — , se réglaient les mariages, se jugeaient les affaires ne relevant pas de la justice centrale et se rendait le culte aux ancêtres. Les chefs de familles ont une certaine autonomie dans la gestion de leurs affaires mais l’autorité paraît avoir été le plus souvent fortement concentrée entre les mains des chefs de lignages qui entretiennent une relation de dépendance directe avec le souverain (3). Tout chef de lignage est l’héritier du fondateur. L a tradition successorale selon laquelle un homme a un héritier unique qui reçoit les biens, souvent les titres, les femmes et les serviteurs du défunt et en continue la personne contribue à assurer à travers le temps la conservation des patrimoines. Les faveurs du roi à la suite de faits de guerre ou de services rendus permettaient autrefois à des lignages d’atteindre un effectif de quelques milliers de personnes dans les royaumes les plus riches. Le statut des membres d’un lignage variait en fonction de leur origine et de la part prise par cette collectivité à l’histoire. Dans les royaumes où prévalent les matrilignages, les clans n’ont pas de valeur fonctionnelle. A Kom , ils n’ont pas de chef, leurs subdivisions sont dispersées à travers le territoire et ce sont les familles étendues qui forment le cadre de la vie sociale. L ’appartenance au matrilignage s’y traduit par les droits à succéder à un frère de la mère, ce qui peut entraîner la dispersion des utérins et ne permet pas au matrilignage de remplir la fonction dévolue à l’unité équivalente ailleurs (4). Les différences sociales si marquées dans ces sociétés présentaient tant de traits1 (1) Voir sur ces traits généraux : R . D elaro zi I rb , op. cit., p. 24; J. H urault , La structure sociale des BeanUAi, 1962, p. 7 et 8; Ph. K abkrry , op. cit., p. 9-12; G. T ardits, op. cit., p. 15-17. (2) Dans son étude des sociétés bamiléké, H urault considère qu'y coexistent patri- et matrilignages (voir op. cit., p. 22 et p. 27-36). Que la filiation ait des effets différents dans les deux lignes semble bien établi mais fonder l'existence des matrilignages sur la pratique d'obligations religieuses est insuffisant. En outre, contrairement à ce qu'avance l'auteur (1op. cii., p. 27), il existe des royaumes bamiléké où l'homme se marie dans sa parenté matrilatérale. (3) Voir les descriptions des relations de parenté à Nso dans Women o f the grassfields, p. 12 -15 ; et & Bafut dans R . F. P. R itzknhaltkr , Cameroon village ; an ethnography o f the Bafut, 1962, p. 106-1 xo; chez les Bamiléké, voir G. T ardits, op. cit., p. 18-31. (4) E. M. C hilvzr et Ph. K abkrry , The kingdom of Kom, West Cameroons, in West african kingdoms in the nineteenth cenhay, 1967, p. 13&-139.

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communs qu’elles furent relevées dans les mêmes termes dès l’époque allemande. Hutter à Bali, Rein-W uhrmann à Foumban et Thorbecke à Ngambe décrivent des sociétés où, au-dessous du roi, se superposent : la noblesse, les hommes libres, les serfs et les esclaves (i). Ces auteurs percevaient les différences en termes de classes dans des sociétés où elles doivent être analysées en termes de parenté et sont fondées sur les différentes catégories de lignages que l’histoire a mis en présence (2). L ’intérêt de leurs notes est de faire ressortir la similitude entre les sociétés tikar de la vallée du M bam et celles du massif. L e dosage des composantes sociales n’était pas partout le même; dans le royaume de Kom , le nombre des esclaves aurait été négligeable (3) alors que l’expansion de certains états, en particulier celui des Bamoum, suivie de la réduction d’une partie des populations conquises à la condition d’esclaves avait gonflé l’effectif de cet élément. L a situation des captifs évoluait avec le temps, se rapprochant de celle de serf ou de serviteur familial. A Foumban, le souverain recrutait dans cette population une partie de ses serviteurs dont certains recevaient les mêmes titres que ses fils et constituaient un groupe social sur lequel s’appuyait la royauté, opposé à celui des princes. On peut distinguer les clans et lignages des éléments trouvés sur place par les fondateurs d’un royaume, ceux des alliés du fondateur du pays, ceux formés par la descendance des princes, fils des souverains successifs et ceux des serviteurs ayant eu le privilège d’en fonder. A la limite, certaines petites chefferies paraissent n’être constituées que par un seul clan ou lignage, celui du fondateur; les royaumes bamoum et banso englobent des centaines de ces groupes (4). L e clivage significatif sur le plan social et politique est celui qui sépare les lignages princiers des autres, ceux des alliés et des serviteurs. On retrouve en effet, dans tous les royaumes du plateau et de la vallée du M bam , des séries identiques de titres et de fonctions investis soit dans les lignages princiers, soit dans ceux des alliés ou des serviteurs : ils marquent la part que prennent les différentes catégories de lignages à la direction de l’Etat (5).1 (1) F. H u m » , Wandenmgen and Forschungen im Nord-hinterland von Kamerun, 1905, p. 341 ; F. T h o r b e c k e , Im Hochland II I, p. 69-70; R ew -W uhrmanw, Fumban die Stadt auf dem Schutte, 19 4 1, p. 18-19.

mr M iUel Ramenai, 19 17 ,

(2) Les deux groupes susceptibles de constituer des classes sociales sont ceux des non-esclaves et des esclaves. On peut être tenté de les qualifier en ces termes. Nous avons montré ailleurs comment, dans un royaume, un processus de différenciation interne amoindrissait la condition des hommes libres et la rapprochait dans son apparence de celle des serfs ou esclaves. L'appartenance de tous ces éléments aux mêmes lignages où des liens de consanguinité par les femmes pouvaient être établis entre les maîtres et les esclaves nous paraît avoir limité le développement de l'opposition de classe. Voir C. T a r d it s , Strati* fication sociale et parenté chez les Bamoum, L'homme, 1963, p. 174-188. (3) E. M. C hi l ve r et Ph. K a b e r r y , Ib id p. 135. (4) Dans son analyse de la société banso, Kaberry distingue les princes (royals) que l'on divise en descendants des souverains anciens et des rois récents, les « gens du commun » ( commoners) issus des alliés du premier roi formant une vingtaine de patricians importants et les serviteurs (retainen) qui n’ont donné le jour qu’à un petit nombre de clans ( Traditional politic* ia N se, p . 369-370). De pareilles distinctions pourraient être faites dans le royaume bamoum où toutefois les princes n'ont pas les rôles rituels qu'ils ont à Nso. (3) Les titres sont souvent transmissibles, sans que la fonction le soit; les fonctions se perdent par exemple à la fin d’un règne mais le titre est conservé dans le lignage de celui auquel il a été donné. Au régne suivant, le nouveau roi désignera

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Dans les royaumes à filiation patrilinéaire, les souverains, lors de leur accession au pouvoir, désignent parmi leurs frères ou demi-frères deux princes comme adjoints, souvent un aîné et un cadet. Ils s’occupent des affaires du clan royal et l’un d ’eux remplace éventuellement le roi s’il est indisponible. Les titres qui accompagnaient ces fonctions étaient transmis par chaque bénéficiaire à son héritier. Les agnats du clan royal se retrouvaient au sein d ’une société secrète qui leur était exclusivement ouverte et dont l’existence paraît attestée à travers tout le pays (i). Cette société serait, d’après les informations recueillies auprès du souverain de Bankim et des roitelets tumu de la vallée du M bam , d’origine tumu. A Bali, c’est à un membre du lignage maternel du roi que sont confiées les affaires de famille en raison, ont précisé les témoins, du danger que pourrait repré­ senter pour le roi un prince influent. Il est caractéristique des sociétés patrilignagères que le souverain s’appuie sur le lignage de sa mère et le fasse souvent bénéficier d ’avantages substantiels. L a mère du roi est souvent, dans la hiérarchie, le second personnage de l’ Etat. Elle paraît disposer de plus d ’influence que de pouvoirs précis reconnus par la tradition et l’exerce du fait de sa parenté avec le roi ou de sa richesse (2). L ’origine de la mère du roi peut être décidée par la tradition. Cette exigence souligne l’importance du lignage maternel en même temps qu’elle montre les effets de l’histoire sur l’influence laissée aux groupes composant l’état. Chez les Bamoum, le roi doit être né d’une mère de sang royal entretenant avec le souverain, son mari, un degré de parenté suffisamment éloigné pour que l’union ait été possible; le roi ne doit pas être le neveu utérin de groupes alliés ou conquis. A Nso, le roi doit au contraire naître d ’une femme appartenant à des lignages alliés dits mtar. Il en est de même à Bankim où le roi des T ikar doit toujours être fils d’une mère tumu. L a règle de succession au trône bamoum se comprend si l’on rappelle que le royaume s’est étendu en absorbant par la guerre ou la diplomatie des dizaines de petites chefferies autonomes. C ’est dans la composition du groupe des grands conseillers que se révèlent les principes politiques qui ont prévalu dans chaque état. Il y a en général sept ou neuf hauts dignitaires, et, s’ils sont plus nombreux, sept ou neuf d ’entre eux ont un rang et des privilèges particuliers. Ce sont : à Bankim, les mïki, à Foumban les pakom> les vibai à Nso, les bükum à Bafut, les bangwana à Bali, les kam vf des Bamiléké. Ils de nouveaux bénéficiaires de la fonction et du titre. Ceci rend compte de la présence de nombreux titres dans ces sociétés. Les droits pour tous ces dignitaires à des emblèmes tels que les chasse-mouches, les cornes ornées, les décors sculptés des linteaux de portes soulignent le souci que l’on avait des marques extérieures du rang social. (1) C ’est la société ngmri des Tikar de Bankim, des Tumu et des Bamoum, nggerensi des Bafut, nggili des Wum. Elle comporte des masques et sort aux funérailles de ses membres. Son existence n’est pas signalée à Bali qui est un royaume d’origine chamba. (2) Sur les princes et la mère du roi, voir J. H u r a u l t , op. cit., p. 67-70; Ph. K a b e r r y , Traditiona 1politics in Nsaw, Africa, X X I X , 1951, p. 371, 374, 378; Ph. K a b e r r y et E. M. C h i l v e r , An outline of the traditional political system of Bali Nyonga, Southern Cameroons, Africa , X X X I , 4, 1961, p. 366; E. M. C h i l v e r et 1Ph. K a b e r r y , Traditional government in Bafut West Cameroon, Nigerian field, X X V III, I, p. 15-16.

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participent à l’intronisation du roi, exercent à son égard un droit de remontrance, l’assistent dans l’exercice de la justice et ont accès aux sanctuaires du pays où ils peuvent avoir des rôles rituels. Ils ont parfois accès à l’organe de répression que l’on rencontre sous des noms divers dans tous les Etats : ngumba des Tikar, des Tum u et des Bali, mütngu des Bamoum, ngwerong des Banso, kwifo des Bafut. C ’est une société secrète à masques. L e mfon gouverne avec ses grands dignitaires et la société secrète assure le respect des lois fondamentales du pays. Elle appliquait autrefois la peine de mort. Les hautes fonctions sont le plus souvent attribuées hors du clan royal, à des membres de clans ou de lignages dont les ancêtres s’allièrent avec le fondateur et l’aidèrent à créer la chefferie à son origine ou au cours de l ’histoire. Il est plus exceptionnel que des princes en aient été bénéficiaires : c’est néanmoins le cas à Banso et à Foumban (i). Ils ne sont cependant pas nécessairement sans liens de parenté avec le roi : à Bankim et dans les villages tumu, ce sont des neveux utérins. L ’opposition dont nous avons fait état entre le clan royal et les clans d ’alliés ou de serviteurs trouve son expression dans des modalités institutionnelles où le clan royal donne le souverain et éventuellement des adjoints mais où le contrôle du pouvoir est exercé par des dignitaires qui se recrutent en dehors de celui-ci. A l’apex de la société le roi a, dans tous les royaumes décrits, les mêmes attributs et les mêmes fonctions. Il porte seul certaines coiffures, colliers et étoffes ; les sièges sur lesquels il s’assied sont sculptés ; la plupart des bois des palais royaux — piliers, linteaux — étaient traités en ronde bosse ou rehaussés de bas-reliefs. Il est le m aître des terres qu’il attribuait à chaque fois que devaient s’installer des princes ou des serviteurs; il répartissait le butin de guerre, recevait les tributs périodiques aux grandes cérémonies saisonnières et recevait comme serviteurs, servantes ou femmes les jum eaux ainsi que les fils et filles des lignages serviles. Chez les Bamoum et les Bamiléké, les rois qui donnaient des femmes en mariage sans compensation à leurs serviteurs avaient ensuite un droit de disposition matri­ monial sur une ou plusieurs filles issues des unions qu’ils avaient rendues possibles (2). Le roi décidait de la paix et de la guerre ; le droit de vie et de mort lui appar­ tenait. Il avait pour obligation, par sa conduite et grâce à ses pouvoirs rituels, de garantir la tranquillité, la santé et la prospérité du pays. L ’intronisation lui conférait la « force » dont il devait faire bénéficier le pays. Selon la terminologie classique, il était un roi sacré (3). Il n’y a d’exception à cette situation que dans les1 (1) V o ir Ph. K aberry , Retainer* and royal household* in the Cameroon* Grassfield», Cahiers d*Eludes africaines, io, 196a. (2) H urault a montré l'étendue des pouvoirs que lui donnait ce mode de mariage sans dot (op. rit., p. 74). Ce* mêmes pratiques avec le* mêmes effets se rencontraient en pays bamoum il y a quelques décennies. Il y a quelques indication» qu’ il en a été de même dans la région de Bamenda mais Mme Kaberry n’a pas insisté sur les faits; Ph. K a b er r y , Retainers and royal households in the Cameroon* Grassfields, Cahiers d*Etudes africaines, 10 , 1962, p. 291. (3) E. M . C hilver et Ph. K a b er r y , Traditional government in Bafut, Nigerian field , X X V III, 1, p. 29 et The kingdom of Korn in West Cameroon*, in West african kingdoms, p. 146 et 147.

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H I S T O I R E D E L'AFRIQJUE N O I R E

cinq chefferies chamba du département de Bamenda (Bali-Nyonga, Bali-Gham, Bali-Kum bad, Bali-Ghasu, Bali-Gangsin) qui furent créées par des chefs guerriers. A Foumban, l’islamisation du royaume paraît avoir éliminé les activités rituelles fondées sur des liens mystiques avec la terre. Ce que nous savons des institutions montre néanmoins que le roi n’exerçait ses pouvoirs que dans un cadre institutionnel où le contrôle de ses activités appar­ tenait à des représentants de quelques-unes des collectivités composant le royaume. L a vie des sociétés bamoum, bamiléké et tikar présente donc trop de similarités pour que ne s’impose pas l’hypothèse qu’elles partagent une histoire commune. Lorsque certaines particularités ont été relevées, elles paraissent liées à la rencontre de traditions identifiables même si l’on n’est pas en mesure d’en établir la provenance; les particularités politiques des royaumes chamba trouvent des explications raison­ nables dans l’histoire de leurs déplacements et les influences auxquelles ils furent soumis. L a présence de groupements matrilinéaires dans la région de Wum a posé aux chercheurs anglais un problème qui n’a pas encore reçu de réponse ; néanmoins, Chilver et K aberry suggèrent qu’il s’agit peut-être d’institutions diffusées par des populations apparentées aux anciens habitants de la Katsina (i). L a classification, dans le groupe Y)kom, des dialectes parlés dans une centaine de chefferies villageoises du département de Gwofong (le widekum, le menemo, les dialectes de la région de Ngonu, les parlera ngemba) incite à penser que ces groupes englobés sous l’appellation officielle de Widekum ne sont pas sans liens avec les populations plus centrales. Leur organisation politique est coextensive à celle de villages créés par les segments dispersés d’un même clan qui tente de préserver des liens de solidarité : des fonctions religieuses sont, par exemple, investies dans les lignées. Ce type d’organisation traduirait une situation moins complexe que celle qui prévaut au centre du massif (2).

L a similarité des institutions des Bamiléké, des Bamoum et des Tikar assez largement indiquée pour qu’on puisse ébaucher, dans le cadre des informations disponibles, une remise en ordre des matériaux relatifs à l’histoire du peuplement. Il n’est pas possible d ’établir une chronologie précise des mouvements impor­ tants qui se sont faits en direction du massif et en ont modifié, directement ou indi­ rectement, le peuplement mais il paraît possible de les ordonner raisonnablement les uns par rapport aux autres, ce qui permettra de les utiliser comme axe de réfé­ rence historique. Les dernières tentatives d’invasion dont le massif fut l’objet furent celles des du peuplement

c st

(i) Traditional Bamenda, p. 33. (a) Voir sur leur organisation : ibid., p. 47-56.

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Peuls. Ils y feront, avec des fortunes diverses, des raids pendant tout le x ix e siècle mais il n’est pas vraisemblable que leur mouvement vers le sud ait commencé avant qu’Adam a ait reçu, en 1805 d’Usmanu Dan Fodio, le titre de Lamido et le drapeau blanc, ni que les raids se soient multipliés avant que l’Am o Dandi ne se soit emparé de Koncha vers 1835 et de Banyo vers 1840 (1). Ces dates, fournies par l’histoire peule, sont corroborées par celles provenant du royaume bamoum. Les attaques foulbé contre Foumban eurent lieu sous le roi Mbombuo (2) dont il est attesté qu’il régnait dans le second quart du x ix e siècle (3). S ’il faut leur attribuer l’un des saccages de la capitale des Banso, avant 1825, il aurait eu lieu étrangement tôt (4). C ’est aux Chamba et à leurs associés qu’il faudrait attribuer les raids plus anciens d’archers à cheval ou de guerriers « à la bouche rouge » dont la mémoire a été conservée dans plusieurs traditions (5). Ils assaillirent les petits royaumes des confins orientaux du massif, les villages du plateau de Nkambe, saccagèrent une première fois Kovifem , capitale des Banso, obligèrent vraisemblablement le souverain des Bamoum à quitter sa capitale de Foumban, attaquèrent les chefferies de la vallée du Noun et même les royaumes situés sur le versant occidental du massif (6). Anté­ rieures à l’arrivée des Foulbé, ces incursions semblent avoir commencé dans la seconde moitié du xvm ® siècle. Ils trouvèrent en place les royaumes des Banso et des Bamoum et des Etats moins importants mais dont l’origine remonterait ainsi au moins au xvm ® siècle. Ceci nous fait remonter à un troisième mouvement de populations : celui des Tikar qui vinrent s’installer dans la vallée supérieure du M bam . Il précéderait de plusieurs décennies celui des Chamba puisqu’il est à l’origine des royaumes Banso et Bamoum que ces derniers attaquèrent. L a relation entre les Banso, les Bamoum et les émigrés tikar nous paraît suffisamment bien établie pour les lier historiquement. On peut donc situer cette émigration au début du xvm ® siècle mais, plus vraisem­ blablement, au xvn® siècle. C ’est donc dans le cadre de deux à trois siècles, entre la fin du xrx® siècle et le xvn ® que l’on peut situer les événements historiques qui sont parvenus à notre connaissance. Les royaumes traditionnels de la haute vallée du M bam — Bankim, Bandam, Mbatukum, Ngambe, Nditam, Ina, We — sont constitués par deux éléments ethniques différents : les Tum u autochtones et les Tikar immigrés et conquérants. L ’origine mboum des Tikar est affirmée à la fois dans les traditions historiques recueillies dans la vallée du M bam , à Bankim et à Nganha, capitale mboum située1 (1) A. M. H. K irk -G rsbnr , Adamatoa past and present, 1958, p. 129*131 et p. 133. (2) N jo ya , Histoire et coutumes des Barman, p. x 1 et 12. (3) D’après les informations rapportées par S. K oeixb dans Polyglotte Afritana, 1834. U) E. M. C h il v il r et Ph. K a b b r r y , ibid., p. 26. (5) Voir sur l’origine des Chamba, C. K . M u r , Tribal studios in Northern Nigeria, 1931, p. 329. (6) E. M. C helvbr et Ph. K abbrry , ibid., p. so, 22, 26, 28, 29. 33*

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HISTOIRE DE V AFRIQUE NOIRE

près de Ngaoundéré (i). Q u’il y eut, selon la version considérée, une querelle entre une princesse et ses frères ou entre un père et un fils, quelqu’un fut chassé après qu’il se soit entendu adresser l’injonction ti kâlà jè : « Sors au-delà de cette terre. » Le sobriquet fut étendu à tous ceux qui partirent et finit par prendre la forme que nous lui connaissons aujourd’hui : « Tikar ». Les émigrants gagnèrent progressivement la haute vallée du M bam où ils s’installèrent à proximité des villages tumu. Les récits recueillis sur place font état d’une aide victorieuse apportée aux Tum u dans leur lutte contre les Kondja. L a détérioration des relations entre les Tikar qui se seraient emparés des terres aboutit à la soumission de quelques Tum u et au départ de beaucoup d ’autres. Les T ikar abandonnèrent leur langue au profit du tumu dont ils prirent les institu­ tions, un conseil de sept dignitaires, les sociétés secrètes de ngüri réservées aux fils de roi et la société de ngumba (2). Lors de l’intronisation du souverain de Bankim, qui doit être né de mère tumu, une partie des rituels sont exécutés conjointement par des dignitaires représentant les T ikar et les Tum u (3). Les Tikar de Bankim ne possèdent aucun des emblèmes traditionnels des Mboum — couteaux de jet et trompes. Le chef de Bankim, lorsqu’il se rend à Ngaoundéré, réside toutefois chez les Mboum. Faut-il lier aux perturbations que les Tikar apportèrent dans cette zone le départ des populations qui revendiquent une origine ndobo? C ’est ce qu’affirment les habitants des petites chefferies et villages tumu qui vivent à l’intérieur des frontières bamoum au bord de la M ape; ceci est possible pour bien des chefferies et villages proches de la région de Nkambe. Une partie des populations conquises plus tard par les Bamoum, donc installées avant eux sur le plateau, se disent également d’origine ndwbd et seraient par conséquent tumu. Il en est de même, sur le plateau bamiléké, du royaume de Baleng, le plus ancien du pays qui a donné naissance à plusieurs chefferies bamiléké (4). Peut-on considérer que les fondateurs — ou leurs aïeux — des chefferies les plus anciennes du département de Bamenda — Bamunka, Babungo et peut-être même Bafut — quittèrent la vallée du M bam à cette occasion ? C ’est une hypothèse possible mais il faut souligner que ces dépla­ cements en révèlent d’autres car les traditions historiques des chefferies d’origine1 (1) Du côté mboum, nous disposons d’ un texte de l’administrateur B r u , Coutumes rituelles mboum, de 1923, indiquant que les Tikar sc détachèrent des Mboum et de l’article de J . C. F r o e l i c h , Note sur les Mboum du Nord-Cameroun, J . Soc. Africanistes, X X V , I, 1959 qui contient plusieurs versions de l’origine des Tikar. M . Hagège se fit confirmer chez les Mboum, en 1966, certains des récits de Froelich. Du côté tikar, E. C h a r r i n , chef de la subdivision de Yoko rapporte dans un document manuscrit de 1932, Origine et historique des Tikar, une querelle qui aurait opposé un chef mboum à son frère et entraîné le départ de ce dernier. M. H a g è o e , à la suite d ’un séjour fait à Bankim en 1967 et 1968, a, dans son article, Esquisse linguistique du Tikar (Cameroun), Biblio . S .E .L .A .F ., II, 1969, confronté les versions collectées chez les Mboum avec celles qu’il recueillit lui-même chez les Tikar et il y a soigneusement analysé l’étymologie de l’appellation « tik ar». (2) T h o r r r c k e avait noté que la société ngumba venait du village de Ntschi (qui serait peut-être un village tumu), Im Hochland von M ittel Kamerun, I I I , p. 114 -116 . (3) Enquête faite en 1961 et 1969 à Bankim et dans les villages tumu du pays bamoum (Mamokimo, Manda, Makoupa, M ata). (4) Voir R . D e l a r o z i è r e , op. et/., p . 1 1 ; cette origine nous fu t confirmée à Baleng.

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ndobo mentionnent également des noms de populations trouvées sur place (i). On ne peut donc écarter Phypothèse d’un peuplement ancien étagé dans le temps et antérieur à l’arrivée des Mboum chez les Tumu. Redescendons maintenant le cours de l’histoire. A Bankim, des tensions et des conflits entraînèrent, peu après l’établissement de la dynastie tikar, le départ de fils et même de filles qui devinrent les fondateurs des royaumes banso et bamoum. D ’autres petits royaumes : Ntem (département du Nkam), Mbatuku, Bandam (département de l’Adamawa), Nga, Ina, We (dépar­ tement du Mbam) sont créés dans la vallée par des princes ou des princesses tikar (2). Aucun des petits Etats dont on peut établir l’existence avant les raids chamba, c’est-à-dire la seconde moitié du xvm e siècle, ne semble avoir groupé plus de quelques milliers d’habitants. Les envahisseurs chamba venus de la région de Koncha et de Tignère et grossis de représentants des populations avec lesquelles ils se sont trouvés en contact — mboum, baboute, tumu ou tikar — assaillent, à partir de leurs différents points de fixation, les villages du versant oriental du massif, la capitale des Banso, Kovifem, mise à sac une première fois à la fin du xvm ® siècle, celle des Bamoum dont le roi se serait enfui et même les royaumes situés sur le versant occidental (3). Des fractions chamba qui s’étaient dirigées vers la Bénoué auraient fini par se fixer dans la région de Takum au milieu du x ix e siècle; d’autres, qui avaient atteint les rebords occidentaux du massif au pied des Bamboutos auraient fini par se faire battre près de Dschang. Cette défaite aurait causé leur éclatement; quelques bandes allèrent se fixer le long de la vallée du Noun où ils fondèrent plusieurs royaumes, Bali-Gangsin, Bali-Gasho et Bali-Kum bat qui fut longtemps redouté; d’autres revinrent probablement en pays bamoum qu’ils ne quittèrent que pressés par les guerriers du roi bamoum Mbombuo. Les incursions foulbe, en partie contemporaines des raids chamba, eurent des conséquences directes ou indirectes plus profondes que les précédentes. Les Peuls s’attaquent aux chefferies tikar de la vallée du M bam qui se fortifient, puis aux Banso et aux Bamoum dont ils prennent la capitale (4). Un arrêt est mis à cette poussée vers le sud lorsque la cavalerie peule est défaite devant Foumban que ses habitants ont cette fois entourée de fortifications dont les traces sont encore visibles aujourd’hui (5).1 (1) Dams l'histoire de Bafut, il est par exemple fait référence à Mbrrewi, ethnonyme ou toponyme qui renvoie à une occupation ancienne; E. M . C h il ver et Ph. K a berry , ibid., p. 20. (2) E. M . C hilvsk et Ph. K aber ry , ibid., p. 29. (3) Pour les Banso, voir E. M . G hilvbr et Ph. K aberry , ibid., p. 16. Chez les Bamoum, le septième roi de la dynastie, Ngu II, se serait réfugié à Nlcundum au sud de Foumban où il serait enterré, vraisemblablement à la suite des difficultés militaires que lui causèrent les attaques de cavaliers sans doute chamba. (4) N j o y a , ibid., p . 2 6. (5) Les habitants construisirent un fossé de 20 km environ de circonférence, précédé de trous destinés à briser les jam bes des chevaux; la muraille qui domine le fossé fut construite ultérieurement. Le système défensif était traditionnel et il subsiste dans tout le massif des traces innombrables de pareils fossés.

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

Les raids se sont poursuivis pendant la deuxième moitié du xrxe siècle, dirigés contre des populations vulnérables, les chefferies tikar de la vallée du M bam , où ils mirent en place des chefs à leur dévotion, et de ses affluents occidentaux jusqu’au plateau de Nkambe où l’on devra fournir à Banyo des tributs d’esclaves et d’ivoire (i). L a pression peule devait partout susciter la mise sur pied d’expéditions destinées à procurer des captifs aux lamibe. Des développements politiques importants surviennent sur le plateau oriental. Le roi bamoum Mbombuo dont la capitale était désormais protégée étendit un royaume qui s’arrêtait à quelques kilomètres autour de la capitale jusqu’au M bam d ’une part, à son affluent le Noun de l’autre. Une cinquantaine de roitelets furent battus et les populations se soumirent ou partirent au-delà du Noun et du M bam ; les Chamba fixés en pays bamoum iront fonder la chefferie de Bali Nyonga où ils entraîneront une fraction des populations qui fuirent les guerriers foumbanais (2). Le royaume bamoum va atteindre son extension maxima, un peu plus de 7 000 km*, qui correspond au département actuel. Bien qu’il se soit vidé d’une partie de sa population, c’est l’état le plus peuplé et le plus grand de la montagne. Foumban où vivent, dans le cadre du palais, des centaines de femmes et de serviteurs prend figure de cité. L ’artisanat s’y développe; la ville va s’opposer aux campagnes peuplées de captifs réduits à la servitude et répartis sur les grands domaines entre lesquels les terres conquises sont divisées. Ces conquêtes ont aussi des effets extérieurs : l’exode des populations va contribuer à concentrer les populations dans les régions situées à l’ouest du Noun; une vingtaine de chefferies bamiléké, principalement des départements de Ndé, de la M ifi et des Bamboutos, naquirent de ces mouvements et celles-ci vont, avec quelques apports peut-être venus du nord, donner naissance à la plupart des autres chefferies du pays (3). Les Banso, qui avaient transféré leur capitale à Kum bo, absorbèrent quelques groupes du sud, bénéficiant du reflux des populations qui fuyaient le pays bamoum. Sans atteindre l’importance de ses voisins, le royaume de Nso devint le second état de la montagne. A l’est subsistera une zone qui, du M bam à la Donga, demeurera soumise aux entreprises foulbe et où aucune formation politique ne parviendra à dépasser le niveau d’un gros village. Sur le versant occidental, à l ’abri de telles interventions, les royaumes de Mankom, de Bafut et de Kom , assez forts pour contenir les Chamba lorsqu’ils vinrent et fondèrent Bali Nyonga, furent les seuls états qui aient étendu leurs territoires par des moyens militaires. Bum, qui avait établi sa capitale sur un sommet rocheux,1*3 (1) E. M . C h il v e r et Ph. K aber ry , ibid., p . 20. (a) E. M . C h i l v r r et Ph. K a b e r r y , ibid., p . 1 7 et x8. (3) Pour le pay* bamiléké, nom avons utilisé les monographies de chefferies établies par M M . G ray , A . R aynaud et H . R e l l y , complétées par les enquêtes menées en pays bamoum ; on trouvera dans Vlnvtntairt ethniqu* du Sud Cameroun (p. 116 ) une carte schématique du peuplement du pays bamiléké. Elle fait ressortir les conséquences de l’expansion bamoum au x a * tièd e; pour le peuplement de la plaine de Ndop, voir E. M . C hilver et Ph. Kab er r y , ibid., p. 20-aa.

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résista à Kom et tira parti de sa position économique sur la route commerciale du nord qui menait à Takum et Wukari. Le développement de royaumes solides peut avoir favorisé les relations commer­ ciales : la montagne acheta des armes, de la poudre et du sel aux populations qui avaient accès à la côte, des étoffes et des perles au nord et vendit des esclaves, de l’ivoire et des colas (i). L ’agriculture se transforma lorsque la culture du maïs se diffusa au détriment du sorgho qui était la plante de base de l’alimentation. L a physionomie actuelle du pays — l’inégale répartition des populations entre les vallées et les plateaux, le contraste entre le vide relatif du pays bamoum et les hautes densités du pays bamiléké, le développement étatique important des Bamoum, des Banso et des Bafut, l’existence apparemment singulière de la cité de Foumban — sera acquise au x ix e siècle. Les institutions politiques caractéristiques — le pouvoir du monarque, les grands conseils, les sociétés secrètes, les procédures de répartition du pouvoir — semblent bien appartenir à des populations dont l’origine extérieure au massif n’est, pour l’instant, pas attestée. Les Tikar et les Chamba ont largement adopté les traditions de ceux chez lesquels ils se sont installés. Les incursions foulbe ont affecté indirectement l’histoire du pays mais elles n’ont ni entamé, ni altéré sa vie sociale. L a conversion à l’ Islam des Bamoum est un fait récent amorcé à la fin du x ix e siècle, repris au x x e et qui s’explique surtout comme une réaction de défense à la colonisation lorsque son brillant souverain, Njoya, qui avait stimulé l’artisanat et inventé une écriture, entreprit de défendre les traditions du royaume contre l’influence de la mission chrétienne. L ’articulation de l’histoire du peuplement de cette région sur celle du reste du Cameroun remonte donc au-delà des époques très proches que nous avons envisagées. Les indices de l’ancienneté du peuplement ont été indiqués. Peut-être s’inscrit-il dans un mouvement ancien de populations de langue bantoue vers le sud et a-t-il une place lointaine à côté de celui qui porta au sud de la Sanaga ses habitants actuels ?

II. LE S

SA V A N E S C E N T R A F R IC A IN E S

L a plupart des traditions orales des peuples dits centrafricains ne Utl ^afrLaù?^01* f ° nt &u^rc remonter au-delà du xrxe siècle leur installation sur le seuil situé d’une part entre les bassins du Niger et de la Sanaga et celui du Nil, d’autre part entre les cuvettes tchadienne et congolaise. Ces savanes, situées au nord de la grande forêt sont hérissées de nombreux pitons granitiques (kaga) (i) (i) E. M. G h il v k r , Nineteenth century trade in the Bamenda grassfields, Southern Cameroon*, Afrika und Ubtrstt, X L V , 4i, I96 ,.

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MOIRE

et sont sillonnées d ’une multitude de cours d ’eau. Certains ont pensé qu’avant l’arrivée de ses habitants actuels, toute la région était couverte de forêts habitées par les seuls pygmées, qui, sous des noms divers (kipelili, kelekombo, kpak, goé-goé...), sont mentionnés dans les légendes centrafricaines comme propriétaires du pays. L a réalité est différente. S ’il est certain que la limite nord de la forêt équatoriale a régressé depuis quelques siècles d’une bonne centaine de kilomètres, le seuil centrafricain n’en a pas moins constitué de tout temps, pour d ’innombrables peuples africains, un lieu de transit ou une terre d ’asile. Il est établi, qu’avant les grandes opérations esclavagistes qui se déroulèrent au cours du xix® siècle, la savane centra­ fricaine présentait un peuplement beaucoup plus dense et tout au moins aussi varié qu’actuellement. Les migrations de la première moitié du xix® siècle, puis les bouleversements qui ébranlèrent le centre du continent, ont donné naissance à des tribus et à des ethnies nouvelles. Leur complexité a frappé les premiers voyageurs européens et défie encore les ethnologues. C ’est cette densité et cette diversité démographique qui attira les chasseurs d’esclaves et fit de la région un tremplin pour la tentative d’hégémonie de Ziber et celle, mieux connue, de R abah. A la fin du siècle, la savane centrafricaine devait être la région du continent la plus âprement disputée entre les grandes puissances coloniales.

Les « envahisseurs » du xrx® siècle, c’est-à-dire les actuels Zandé, ^iTsav^ane^ Banda et Baya, trouvèrent dans les bassins de l’Oubangui, du Chari et de la Sangha des peuples installés dans le pays depuis plusieurs siècles. Certains d’entre eux (groupement dit Sara) avaient réussi à se maintenir sur les vastes territoires qu’ils occupaient depuis le x v ie siècle. D ’autres s’étaient concentrés dans certaines régions où ils défendaient âprement leur indé­ pendance (Nzakara). D ’autres enfin se trouvaient encerclés et menacés d ’absorbtion ou d ’extermination (Sabanga, Goula, Kreich, peuples du Dar Challa et du Mbomou). Les populations courtières ou péagières, dont plusieurs avaient alimenté la grande traite occidentale en esclaves, s’étaient maintenues dans les secteurs de vallée qu’ils contrôlaient (peuples dits Oubanguiens) ou avaient dû se replier plus au sud (tribus bakota et bobangui). Une grande partie de ces anciens peuples avait jadis effectué des migrations analogues à celles effectuées par les peuples qui devaient se répandre dans ces mêmes savanes centrafricaines au xrx® siècle. De nombreux traits communs entre leurs coutumes respectives ne peuvent s’expliquer que par une longue période de cohabitation, qu’il convient de faire remonter avant la destruction au début du xvi® siècle des dernières grandes entités politiques issues de la Nubie chrétienne (Gaoga, Aloa notamment). Lesdits Sara (de nasara, rCsara, les chrétiens, surnom donné par les musulmans et qui révèle l’origine nubienne des multiples tribus rattachées à ce groupement)

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appartenaient à un groupe linguistique encore plus vaste, dit lisi ou kouka (défor­ mation de Gaoga). Ils peuplaient tout le bassin du Chari et l’un de leurs groupes (lesdits Kenga) fut à l’origine du royaume, rapidement islamisé, du Baguirmi. Lesdits Sara élisaient en cas de danger extérieur des chefs supérieurs, militaires et religieux (mbang, de mbanga le soleil). Ils constituaient de loin le plus puissant des peuples centrafricains au x ix e siècle (plusieurs millions), installé du Logone à l’Aouk. Les Mboum, répartis aujourd’hui entre le Cameroun, le Tchad et la R épu­ blique Centrafricaine étaient, au x vm e siècle encore, les maîtres incontestés de l’Adamaoua (appelé alors Fombina, le sud, en langue haoussa). Venus de l’est comme les anciens Djoukoun dont ils étaient proches, se disant eux-mêmes anciens sujets des pharaons, les Mboum se seraient installés depuis de longs siècles dans cette région. Ils obéissaient à des chefs politiques appelés bellaka et à des grands prêtres ou ganga. Le centre du pays centrafricain actuel était habité au début du xrxe siècle par des populations, à la fois guerrières et commerçantes, dont le nom ne nous est pas parvenu et qui contrôlaient toutes les voies d ’accès vers le pays congolais. Dans le bassin de la Ouaka-Kouango, leur groupement principal sera nommé Sabanga (ceux qui arrachent les mâchoires aux prisonniers) par ses adversaires banda. Dans le bassin de la Kotto et du M bari, où elles ont survécu, on les nomme Nzakara. Ceux-ci se nomment encore entre eux Boro, les hommes libres. D ’autres clans au nord avaient pris le nom de Dokoa et au sud celui de Patri. Ces populations se réclamaient toutes d’un grand ancêtre, un roi du x v ie siècle qu’ils nommaient Bakia et aussi Baza. L a haute Kotto, le haut Chinko et le cours supérieur des affluents du Bahr el-Ghazal nilotique, étaient peuplés, à la même époque, par une ethnie encore plus nombreuse et plus prospère, à laquelle les Arabisés avaient donné le nom de Kreich (de kirdiy infidèles), mais qui s’appelaient entre eux tantôt K palla, tantôt Gbaya. A côté de ces trois grands peuples, des ethnies plus restreintes s’étaient installées dans les massifs montagneux : les Bongo dans le massif des Bongo, les Binga et les Challa dans les monts Challa, les Barambo, dits Pambia (ceux des pierres), sur la ligne de crête Congo-Nil. D ’autres gardaient les points de passage de quelques grandes voies transafricaines : les K a ra sur le seuil de Birao, qui venaient du Nil bleu et se nommaient entre eux Y am a, les Youlou, leurs proches parents, établis autour d’O uanda-Djallé sur l’une des pistes les plus réputées du pèlerinage. Selon certaines traditions de nombreux clans fang ou pahouin occupaient encore à la fin du xvni® siècle le massif du Y adé et une partie du pays baya actuel (le M vogh et Angha ou pays des brouillards, de la tradition fang). Dans les bassins du Mbomou et de l’ Ouellé la densité et la diversité de popu­ lation étaient plus grandes que partout ailleurs. On y rencontrait un extraordinaire mélange de Soudanais venus du nord-est : Bassiri ou Sere, Ndogo, Baviri ou Biri, pour ne citer que ceux d ’entre eux qui avaient constitué de véritables royaumes,

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SAVANES CENTRAFRICAINES AU X I X ' SIÈCLE

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et de Bantou venus par l’aval des pays de l’ouest : K aré, Bodo ou Vodo, Abisanga, Baboua, Baka, Am bili, etc. Lors de l’intensification de la traite occidentale après 1750, de nombreuses populations de la Sangha, de la Lobaye et de l’Oubangui avaient elles aussi cherché refuge dans ce haut pays. Dans le Bahr el-Ghazal tout proche, ou pays des marais, les groupements dinka et chillouk dominaient. Venus du sud, ils avaient conquis le pays après la chute d’Aloa (début du xvi® siècle).



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Les grandes vallées du pays centrafricain constituaient depuis 0 . . . . , , . - i j un temps immémorial les grandes voies commerciales de cette partie centrale du continent, moins isolée qu’on ne l’a prétendu. Une série de peuples, courtiers, piroguiers et pêcheurs, s’était partagé, bief par bief, le cours des principaux cours d’eau. Au sud du Ouadaï et du Darfour, dans les bassins de l’Azoum et de l’Aouk, affluents démesurés du Chari, était installée une confédération de peuples dits Goula. L e voyageur écossais Browne entendit parler au Darfour (1793-1796) du Dar Koula, comme d’un Etat important. Les traditions du sud-est du Tchad rappellent que la langue goula resta longtemps, avant que ne se répande l’arabe, la langue commerciale de toute la région. L ’Oubangui a toujours été la grande artère commerciale du pays centrafricain, mettant en communication depuis les temps les plus anciens les régions nubiennes avec les régions congolaises. L a partie horizontale du cours de cette rivière, entre le confluent MbomouOuellé et les rapides de Bangui, était répartie, depuis plusieurs siècles, bief par bief, entre diverses ethnies apparentées entre elles et classées par les ethnologues en un groupe dit oubanguien ou gbandi. On distingue dans la vallée même de l’Oubangui, les Banziri entre les rapides de Mokouangué et le confluent du Kouango, les Bouraka entre le Kouango et la M io, les Sango de la Mio aux rapides de Setema et les Yakoma, les derniers arrivés, entre les rapides de Setema et les chutes Hannssens situées en amont du confluent Ouellé-Mbomou. L a partie verticale du cours de ce même Oubangui, depuis les rapides de Bangui jusqu’à son confluent avec le Congo, était le domaine commercial de la puissante confédération des Bobangui. Commerçants habiles, les Bobangui remon­ taient très loin le cours des affluents de l’Oubangui. L a Sangha, qui mettait jadis en relation les commerçants de l’empire du Bomou avec ceux du royaume du Congo, restait, elle aussi, une grande voie transafricaine. Ouesso était l’un des plus importants marchés de toute l’Afrique. Il était fréquenté par les principaux commerçants de la rivière, Pandé du groupe Bakota en amont, Bobangui en aval. Les « gens d'eau »

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H I S T O I R E D E L'AFRIQJUE N O I R E

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Des langues commerciales étaient utilisées partout pour les transactions. Si le goula dominait dans le nord-est, les langues gbandi dont le sango, dite « langue d’eau », étaient comprises le long des rivières du moyen bassin de POubangui.

L a similitude de nombreux traits culturels entre Fang et Zandé et zandé a et^ maintes fois évoquée. Le départ des Fang ou Pahouin des savanes centrafricaines, se situerait vers la fin du xvm e siècle et peut-être encore dans les premières années du x ix e siècle. Les clans pahouin s’enfoncèrent progressivement dans la grande forêt en direction des rivages de l’océan. Au passage, certains d’entre eux se mêlèrent avec des éléments bakota pour donner naissance à des ethnies nouvelles comme les Dzem. L a migration zandé devait différer profondément de la migration des Fang. Il ne s’agissait pas en effet du déplacement de tout un peuple, mais simplement d’une caste guerrière, les Kogobili, originaire du Soudan nilotique et qui, selon la tra­ dition orale, se trouvait installée au xvm ® siècle dans des collines peu éloignées d’un grand lac (Boudoulou, le lac Tchad ?). Afin d’échapper à des hommes blancs (Abara), ils s’en allèrent vers le sud-est, région dans laquelle ils savaient trouver des populations qui leur étaient vaguement apparentées (Sabanga et Nzakara). Le chef de cette expédition, Ngoura, devait atteindre dès les dernières années du x vm e siècle les régions de la Kotto (rivière des Sabanga) et du Mbomou. Il entrait en lutte avec un clan gbandi, les Bandia, lesquels avaient réussi à imposer leur suzeraineté aux Nzakara et à d’autres peuples du Mbomou. Ngoura mourut dans cette guerre vers 1800 sur les bords de la rivière Gangou, affluent de la Mbili. Il est considéré comme le fondateur d’une véritable nation, à laquelle il aurait lui-même donné le nom de Zandé, nom qui évoquait les origines nubiennes des Kogobili (les Zendj du Kordofan). En réalité ce furent les enfants de Ngoura qui fondèrent la nation zandé.

Les fils de Ngoura devaient conclure avec les souverains bandia une paix perpétuelle. Les enfants de Gpobengué ou _ A . v .^ Pobé, roi bandia du xvm e siècle, fondèrent trois royaumes bandia, considérés parfois comme constitutifs d’un Zandé occidental, tant les coutumes des groupes devaient se fondre. Louzian, fils de Gpobengué, devait épouser la propre fille de Ngoura et créer un royaume mixte sur l’Ouellé. Ndounga allait achever la soumission des Nzakara en éliminant les Voukpata, l’ancien clan dominant. Quant à Kassanga, troisième fils de Gpobengué, il s’installait avec des auxiliaires zandé sur le bas Chinko. L a nation zandé proprement dite était constituée à l’est du Chinko et elle

Organisation des « nations » bandia et zandé

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L E S S A V A N E S D U NORD

est souvent désignée par le terme Zandé oriental. Mabengué, fils de Ngoura, fut le grand organisateur de cet Etat, tandis que son frère Tombo soumettait les Baboua et autres Bantou de l’Ouellé et qu’un autre de ses frères, Péréké, menait sa conquête jusqu’aux rives de la Y ei au Soudan (groupe des Zandé-Bombey). Les luttes successorales entre les enfants de Mabengué devaient diviser le pays. Deux grandes dynasties se constituaient. Celle de Nounga ou Noungô (parfois nommé Ngoura II), appelée Anounga et celle de Yapati, qui se donnait le nom de A-Mbomou. Tous ces dynastes se disaient Avoungara, ce qui signifiait nullement les descendants de Ngoura, mais les « dominateurs » (littéralement ceux qui lient la force). L a domination de ces dits Zandé sur les peuples vaincus, surnommés Diga ou Dinga, rappelle par certains de ses aspects l’installation des familles franques en Gaule. Les différentes familles claniques ou ngboua-tounga se répartirent les terres conquises. Le pays fut divisé en provinces (binia), confiées à des gouverneurs (mbia), assistés de conseillers (mbafouka). Les chefs de province commandaient à une série de chefs de district (baïnqui) chargés de superviser les chefs des villages conquis, maintenus en fonction. Cette domination des Voungara, malgré les rivalités succes­ sorales, devait réussir à créer un peuple nouveau, parlant une même langue et dont le caractère guerrier devait stupéfier les premiers explorateurs européens (Schweinfurth notamment). L ’organisation des royaumes bandia par les fils de Gpobengué s’inspira elle aussi des méthodes zandé.Il

Il est difficile de préciser l’époque à laquelle des groupes se disant banda, d’origine forienne (d’où le surnom de Fortit ou Fertit, gens du pays de Ferra ou Darfour), vinrent s’installer dans les contreforts du massif des Bongo, au sud du pays dominé par les Goula. Le cheikh Mohammed elTounsy (18 0 3 -18 11) fait le premier mention des Banda du Fertit. Ils seraient issus du même groupement de populations que les Djongor (Djenakheraï) et les Dadjo, lesquels s’islamisèrent après leur départ des montagnes foriennes. Les premiers groupes banda parvenus sur l’Aouk se mêlèrent à des Sara de l’est et ils adoptèrent, après leur conversion à l’Islam, le nom de Rounga. D ’autres vinrent s’installer dans le massif de Ngokoro près de Ndélé, dont ils firent un important centre métallurgique. Le cheikh Mohammed distinguait les Banda Yam -Yam et les Banda Djoko. Les caravaniers les répartissaient en Banda M arba, Banda Bongo (après mélange avec les Bongo) et Banda Méré plus à l’est. Alliés des Kreich, les plus dynamiques de ces groupes banda se donnèrent le nom de Ngao et ils enlevèrent aux Sabanga le contrôle des grandes pistes. Un groupe tout aussi réputé gagnait le haut Chinko (Vederi ou Vidri).

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HISTOIRE DE L 'A FRIQ U E NOIRE

L ’installation des Banda dans les savanes centrafricaines fut contrariée par l’installation d ’une marche ouadaïenne, le Belad u tfT L ti el-Kouti (pays fortifié). A la mort du mbang du Baguirmi, Adem Bourgoumanda el-Kebir (1826), son fils aîné, Abd el-Kader, fut appelé à lui succéder. U n frère d ’Abd el-Kader, Ousman, dit Omar Djougoultoum, dut fuir au O uadaï pour éviter qu’on ne lui crevât les yeux. Le sultan du O uadaï l’envoya à Boker, souverain des Rounga, dont il épousa la fille. Djougoultoum continua la guerre menée par Boker contre les Goula et il vint s'établir au sud de l’Aouk. L a fondation du Kouti vers 1830 provoqua une série de migrations parmi les Banda, déjà nombreux dans la région. Des contingents importants, connus sous le nom de Yanguéré (séparés), cherchèrent asile dans les régions de l’Ouham-Pendé, de la Mambéré et de la Lobaye, s’enfonçant même à travers la grande forêt jusqu’à Yokadouma (Cameroun) et dans l’Ibenga. Vers 1840, un groupe vint s’installer, sous le nom de Banza, au-delà de l’Oubangui dans les vallées de la Loua et de la M angalla. Les circonstances ne devaient jam ais permettre aux Banda de retrouver leur unité. Un Etat musulman

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L a situation dans la partie occidentale des savanes centrafh. . , . _, , , _ r . cames, entre les cours de la Bénoué et du Lom -Sanaga et le seuil de la Kem o-Gribingui, était toute différente. Les Baya et les Mboum, les uns encore proches de la Bénoué, les autres soli­ dement installés dans la région de Ngaoundéré, furent cependant les victimes de la guerre sainte de l’isheou peul Ousman dan Fodio (après 1804). Les troupes haoussa et foulbé du prophète s’étaient heurtées aux soldats du réformateur bornouan, Mohammed el-Kanemi. Ousman confiait au modibo Adam a le soin d ’organiser les territoires du sud ou Fombina (l’actuel Adamaoua). Les guerres foulbé provoquèrent de grands déplacements de peuples. Les Baya migrèrent vers l’est en direction de la haute Sangha et de la haute Lobaye, évacuées par les clans fang. Les Mboum, avant de se replier dans les montagnes défendirent pied par pied la terre des ancêtres, répartie par Adam a entre les émirs foulbé ou lamibé. Les K arré et les Pan’ha, de l’ethnie mboum vinrent occuper le nord du Yadé, tandis que les Baya, réunis sous le commandement d ’un chef suprême (ouan der fe t) nommé Gassangamo, tentaient de s’opposer aux lamibe de T ibati et de Ngaoundéré. Vaincus près de Batouri, ils se dispersaient dans la savane. Six grands groupements baya devaient se constituer : Baya-Bokoto dans le bassin de la Lobaye, B aya-K ara ou Baya de la montagne dans le Yadé, Baya-Bouli près de Berbérati et de Batouri, Baya-Bodomo et Bada-Laï au Cameroun, Baya-K aka Les invasions Baya

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L E S S A V A N E S D U NORD

dans la région commerciale du confluent Nana-M am béré dont ils absorbèrent les habitants de race maka de la famille bantou. Plus à l’est, des groupes baya atteignant la grande forêt fusionnèrent avec d ’autres peuples bantou, donnant naissance à des peuples nouveaux. L e plus dyna­ mique d ’entre eux fut le peuple des Bouaka (appelés Bondjo sur la rive droite de l’Oubangui) qui obligea vers 1820 le grand chef bobangui, Cotongo-Sangou, à évacuer toute la région du coude de l’ Oubangui. Les invasions baya devaient porter un coup très dur aux anciennes activités commerciales des Bakota en haute Sangha et des Bobangui, dans le moyen Oubangui. U n groupe baya, installé entre l’Ouham et le Gribingui, allait gagner au-delà de P O ubangui la région de la Loua : les M andjia. Se heurtant aux Banda-Banza ils devaient revenir vers 1840-1850 s’installer sur le seuil de la Kem o-Gribingui. Certains de leurs groupes se dirigèrent vers l’ouest, où ils retrouvèrent les Baya proprement dits. Absorbant des populations autochtones, ils donnèrent naissance à une série de peuples nouveaux bien individualisés : Biandia au sud de Carnot, Boffî au sud de Boda, Boudigri dans la région de M arali, A li sur la Pam a, Banou près de Yaloké, M baka-M andjia près de Bogangolo.

Combattus par le sultan du K outi, Djougoultoum, puis par son fils K ober, gênés dans leurs migrations par la présence en nombre dans le haut O ubangui et l’ Oubangui central des Sabanga, des Nzakara et des K reich , de nombreux groupes banda se dirigèrent à partir de 1850 vers le sud. Ils ne parvinrent cependant pas à occuper la vallée même de l’O ubangui et ils s’installèrent dans l’arrière-pays des tribus riveraines. Ils constituèrent un certain nombre de peuples bien particuliers dont les principaux, Langouassi, Togbo, Y acpa, Boubou ou Gbougbou, étaient réputés pour leur valeur guerrière. Les Sabanga, submergés par le flot banda, se fragmentèrent et furent pour la plupart absorbés. Les Nzakara réussirent en basse K otto à maintenir les Banda-Gbougbou sur la rive droite. Restés aux abords du K outi, les Banda-Ngao et leurs alliés kreich devaient mener de sévères contre-attaques contre les gens du K outi, tandis qu’un certain nombre de Banda du nord se concentraient dans la haute O uaka. L u Banda du Sud

Dès la première moitié du x ix e siècle, les Etats dits tekrouriens (Baguirmi, O uadaï et Darfour), l’empire du Bom ou et les et du Foulbé Etats Foulbé devaient intensifier leurs chasses aux esclaves (ghazua) dans les savanes centrafricaines. L ’homme était alors la marchandise indispensable pour obtenir des armes sur les marchés médi­ terranéens et orientaux. A l’ouest, les colonnes du lamido de Ngaoundéré harcelaient les L aka, les

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

Mboum et les Baya, tandis que les Bomouans pourchassaient les habitants du Logone. Les grands du Baguirmi ravageaient le pays sara, recherchant particuliè­ rement les enfants pour leur commerce d’eunuques, réputés dans tout le ProcheOrient. Le Ouadaï se faisait approvisionner en esclaves par ses vassaux les sultans du Rounga et du Kouti, tandis que les selati foriennes, opérant dans le haut Oubangui et le Bahr el-Ghazal, ravitaillaient les marchés du Kordofan et de l’Egypte. Du Caire, Bonaparte était entré en correspondance avec le sultan du Darfour pour se procurer des recrues centrafricaines. L e cheikh Mohammed el-Tounsy ( 1 8 11 ) a donné une description de ces expéditions esclavagistes dans le D ar Fertit, tandis que l’Anglais Denham (1823) décrivait les chasses aux esclaves dans la région du Logone. Kouka, capitale du Bomou, Goundi dans le sud du Tchad, Kouka au Rounga, Kabkabié au Darfour, Em Nahud au Kordofan devenaient de très grands marchés d ’esclaves.

L ’arrivée des seigneurs-marchands du haut Nil ou Bahara dans les con^ s soudano-oubanguiens devait être le premier stade d’une dépo­ pulation systématique de la région. Des aventuriers européens et orientaux avaient établi, non loin de la ligne de crête Oubangui-Nil, une série de postes fortifiés (zerxba) et d ’entrepôts d ’esclaves (dem) à partir desquels ils devaient lancer jusqu’à la Kotto et l’OuelIé des expédi­ tions dévastatrices (1850-1870). Les Bahara devaient trouver dans les années 1850 des alliés auprès des chefs zandé avoungara qui recherchaient des armes à feu pour achever de subjuguer les peuples diga du Mbomou et de l’Ouellé. L ’un de ces seigneurs-marchands, Ziber ou Zobeïr, un Djalîn de la tribu des Djemiab, entra en relation avec un descendant de M abangué, Tikim a, qui nour­ rissait le dessein de refaire l’unité zandé. Tikim a donna sa fille en mariage au marchand et lui fournit des troupes pour attaquer le puissant royaume de son oncle Mopoï-M okrou dit Mofio, situé dans la région aujourd’hui déserte comprise entre le haut Chinko et la haute Ouarra. Cette entreprise et le retrait des Européens de la fameuse « confrérie >► des commerçants du haut Nil permirent à Ziber de s’affirmer comme le véritable souverain du pays compris entre la Kotto et le Bahr el- Ghazal. En 1874, aidé de son lieute­ nant R ab ah , il entreprenait pour le compte du khédive d ’Egypte, avec de nombreux contingents kreich, la conquête du Darfour. Il menaçait le Ouadaï, quand il fut attiré dans un guet-apens au Caire. Avant de partir pour le Darfour il avait mené, contre son allié et beau-père Tikim a, une sévère campagne destinée à détruire la puissance zandé. M ais le chef zandé Ndorouma, de la dynastie des A-M bom ou, avait anéanti une expé­ dition khartoumienne et s’était emparé d ’un grand nombre d’armes à feu. des BaAara

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Après rincarcération de Ziber en Egypte, les chefs zandé, qui se faisaient appeler sultans, devaient devenir de véritables fonc. . Z r ~ , , ^ , . , .. tionnaires égyptiens. R afai, un descendant du roi bandia Kassanga, et Zémio, fils de Tikim a, purent ainsi imposer, de proche en proche, leur autorité à une multitude de chefs zandé du Mbomou et de TOuellé (1878-1884), tandis que Ndorouma poursuivait, quelques années encore, sa résistance à toute activité étrangère. Lors de l’insurrection du fils de Ziber, Soleïman, ils avaient manifesté leur loyauté pour l’administration soudanaise (hakouma). Les gouverneurs européens du Soudan méridional, Baker, Gessi et Lupton, trouvèrent en eux de fidèles auxi­ liaires. L ’ancien royaume de Mofio était divisé en deux districts (Ombanga et Katam bour) confiés à des fonctionnaires égyptiens. L e roi bandia Bari refusait cependant l’accès de son royaume (pays nzakara). En 1877, il avait livré combat à R ab ah. Un autre roi bandia descendant de Louzian, Bokpoyo, converti à l’ Islam sous le nom de Djabir, ouvrait au contraire ses domaines de l’ Ouellé aux trafiquants soudanais et zanzibarites. Lorsqu’en 1879, après la reddition de Soleïman à Gessi, R ab ah choisit de continuer la résistance à l’ouest, il savait qu’il ne trouverait aucun appui dans les sultanats bandia et zandé et il choisit, comme zones d ’action, le D ar Fertit, le Dar Banda et le Kouti.

Le haut Oubangui sous administration égyptienne

R ab ah connaissait le haut Oubangui pour y avoir effectué maintes expéditions pour le compte de Ziber. Après . . : 0 . « .. . . . , (1879-1890) avoir quitté Soleïman, il devait établir son camp succes­ sivement chez les K a ra , les K reich et les Banda (18791882). I l allait se préoccuper de recruter comme soldats de nombreux guerriers de ces trois peuples et de vendre un certain nombre d’esclaves des mêmes tribus pour se procurer des armes au Darfour par l’intermédiaire des Salam at. M ais les routes commerciales se fermaient. L e sultan du O uadaï effectuait une action punitive contre les Arabes Salam at, tandis que les routes du Darfour et du Kordofan tom­ baient aux mains des Mahdistes. R ab a h devait essayer de forcer le passage à travers le pays bandia, afin de tenter de joindre les traitants zanzibarites (1883). M anquant de vivres, n’arrivant pas à bout des Nzakara du roi bandia M bari, il dut se retirer au nord de la Kotto. Les K reich comme les Banda devaient durement souffrir des opérations de R abah. Celles-ci déclenchèrent une dernière migration des Banda vers le sudouest. R ab ah (connu dans le pays sous le nom de R ab i) avait fixé sa capitale à Gribindji, aux sources du Gribingui, privant ainsi le D ar el-Kouti de son secteur habituel de chasses aux esclaves. Kober, sultan du D ar el-Kouti, ne pouvait envisager Rabah dans les savanes centrafricaines

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de résister au conquérant. L ’arrivée de celui-ci le mettait aussi à l’abri des attaques des chefs Gono (banda-ngao) et Bandas Sauji (fils du sultan kreich Baldas) qui menaçaient, depuis 1878, l’existence même du Kouti. En 1885, Rabah, qui avait constitué une armée puissante commandée par des officiers nilotiques ou centrafricains de valeur, devait chercher à établir une liaison avec les Foulbé de l’Adamaoua. Mais il échouait devant la détermination des Mandjia qui, retranchés au kaga Kazam ba (région de Bouca), lui infligèrent une sévère défaite. R abah devait se retourner contre les Sara, chez lesquels il campait encore en 1889.

Le khalife Abdullah, chef des Mahdistes du Soudan, avait rallié C7u L n u \ ir89T) ^ 83 causc certains chefs banda, dont Yangou M bili, lesquels cherchaient une protection contre les sultans zandé. Les sultans des Etats voungara et bandia, anciens protégés de l’administration égyptienne, R afaï et Zémio, avaient en effet recueilli la majorité des armes du gouverneur anglo-égyptien du Bahr el-Ghazal, Frank Lupton, avant sa capture par les Mahdistes (1884). Ils avaient pu non seulement résister à plusieurs attaques mahdistes, assurant ainsi indirectement la sécurité de R abah, mais aussi attaquer les Banda, les Kreich et d ’autres peuples déjà éprouvés par les chasses aux esclaves des Arabisés. En 1889, le sultan Kober du Dar el-Kouti devait recevoir des ambassadeurs mahdistes chargés par leur maître de donner des ordres à Rabah. R abah, abandonné par quelques-uns de ses officiers nilotiques, décidait de ramener brusquement son armée au Kouti. C ’est à Châ, modeste capitale du D ar el-Kouti située près du Diangara, qu’il devait arrêter un nouveau plan de campagne. Feignant de recon­ naître la suzeraineté du Mahdi en lui envoyant un convoi d’esclaves sara, il décidait de rechercher l’alliance du Baguirmi et des Foulbé en vue d’une conquête du vieil empire du Bomou. Accusant Kober de maintenir des relations avec le sultan du Ouadaï dont il dépendait tout en se montrant favorable aux Mahdistes, R abah le faisait enchaîner. Il proclamait son neveu Mohammed ès Senoussi, émir du Kouti et du Rounga. R abah emmenait aussitôt Senoussi en guerre contre le chef kreich Bandas Sauji, lequel avait réussi à soulever contre les occupants musulmans les dernières tribus du grand peuple goula. En décembre 1890, Rabah et son armée quittait définitivement le pays centra­ fricain pour le Tchad. Trois ans plus tard, rompant avec le Baguirmi, pays qui se montrait solidaire des Ouadaïens, ses pires ennemis, R abah devait envahir le pays afin d’en faire une base d’opérations contre le Bomou. Mais pendant ces trois années, des Européens, français et belges, étaient entrés par le sud-ouest dans les savanes centrafricaines.

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Comprises entre les itinéraires de Barth (Yola, 18 5 1), de Nachtigal ( ^ ° unc^ en P21^8 sara» x® 7 2)> Schweinfurth (Ouellé, 1870) ct Stanley (haut Congo, 1876), les savanes centrafricaines devaient constituer, jusqu’à la fin du x x e siècle, la dernière tache blanche de la carte d ’Afrique. Français et Léopoldiens installés sur le Stanley Pool depuis 1880 étaient les uns comme les autres en relations constantes avec la grande tribu commerçante des Bobangui. M ais aucun de ceux-ci ne leur avait révélé l’existence de la rivière Oubangui, découverte par hasard par le pasteur anglais Georges Grenfell en 1884. Le plus grand affluent du Congo ne commencera à figurer sur les cartes qu’en 1886. En 1887, le Français Albert Dolisie devait se retirer devant les Bondjo de M odzaka, tandis que le 5 janvier 1888 le capitaine belge Vangèle, attaqué non loin du confluent Mbomou-Ouellé par des milliers de Yakom a, était contraint de se replier en hâte. Les peuples courtiers défendaient avec acharnement leurs secteurs commerciaux. Ce n’est qu’après la fondation du petit poste de Bangui le 26 ju in 1889 par les Français et du poste de Zongo le même jo u r par les Belges que l’occupation par les Blancs des rives de la grande rivière commerciale pourra se réaliser progressivement. De 1890 à 1892, les sultans bandia Bangassou et R afaî et le sultan avoungara Zémio accueillaient les officiers belges avec un enthousiasme réel. Les Léopoldiens devaient échanger contre de grandes quantités d ’armes et de munitions les stocks d’ivoire accumulés par les souverains zandé depuis leur isolement par l’insurrection mahdiste. A la même époque les Baya faisaient reculer la mission française Fourneau (mai 18 9 1), tandis que Senoussi avait fait massacrer Cram pel, qui, parvenu à Châ en février, désirait rejoindre R ab ah sur le Chari. Les premiers traités passés en 1892 par Dybowski et Maistre, explorateurs du Comité de l’Afrique française, avec les chefs banda, mandjia et sara, assuraient à la France la partie occidentale des savanes centrafricaines. Brazza effectuait en personne la pénétration en haute Sangha (1892-1894). Il établissait des relations avec le lamido peul de Ngaoundéré, qui désirait renforcer ses positions sur la voie commerciale Adam aoua-Sangha, menacée par la résistance des Baya. Dans le haut Oubangui, sur l’ordre de Léopold, les officiers belges remontaient en direction du Soudan et du D ar el-Kouti. Ils cherchaient à entrer en relations avec Senoussi et R ab ah afin de leur proposer une alliance contre les Mahdistes. En août 1894 cependant, à la suite d ’une crise diplomatique aiguë entre la France et le roi-souverain, les Belges devaient se replier au sud du Mbomou. Le gouver­ neur français du haut Oubangui, V ictor Liotard, pouvait envisager une progression vers le Bahr el-Ghazal et le commandant M archand préparer son expédition vers la vallée du Nil.

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HISTOIRE DE L'AFRIQUE NOIRE

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Ju sq u ’en 1900, les savanes oubanguiennes devaient être à l’abri de toute exploitation coloniale proprement dite. Les ^ . . . . . . , .... - . (18 9 6 -19 0 0 ) Français donnaient la priorité aux expéditions transafncaines. Ils devaient trouver dans une population nombreuse, non encore atteinte par les épidémies, les porteurs, les piroguiers, les auxiliaires divers et tout le ravitaillement qui permirent à Gentil et M archand de réaliser leurs remarquables exploits sportifs (le Tchad atteint le I er novembre 1897 ct Ie N il le 10 juillet 1898). En 1897, compte tenu de l’effectif dérisoire dont elles disposaient pour assurer leur autorité sur plus de 800 000 km* de pays encore à peu près totalement inconnu, les autorités coloniales françaises furent obligées de s’appuyer sur les forces du pays. En novembre 1897, les Français passaient un traité d’alliance et de protectorat avec Senoussi. Celui-ci avait subi en 1894 de violentes représailles de la part du O uadaï et il craignait un retour de R abah avec lequel il avait rompu après la défaite du Baguirmi. En haute Sangha, l’administrateur français Goujon prenait la tête d ’une armée de partisans comprenant de 6 à 7 000 Baya et Banda-Yanguéré, coalisés contre les Foulbé. Ces derniers étaient battus le 30 ju in 1896 près de Tchakoni. Les Baya massacraient de nombreux chefs qui avaient accepté l’hégémonie du lamido peul et qui l’avaient assisté dans ses opérations esclavagistes. L a population musulmane de la ville marchande de Koundé était transférée de force au poste adm inistratif français de Carnot. Les événements de haute Sangha devaient constituer un prétexte pour le limogeage de Brazza, alors hostile aux projets d’exploitation intensive qui se concrétisaient. L ’alliance des Français avec Senoussi (comme celle avec le Baguirmi) devait leur permettre d ’engager des opérations militaires décisives contre R ab ah (18991900), puis contre le O uadaï (1900-1909). Senoussi allait profiter de ce répit pour pourchasser les dernières tribus de haute Kotto et effectuer l’un des derniers trafics d ’esclaves d ’Afrique centrale (vers le Darfour). Après l ’évacuation de leur pays par les Belges, les sultans du Mbomou, Bangassou, R afaï et Zémio, ne firent pas obstacle à l ’installation des postes français. Ils utilisèrent l’armement reçu des Européens à la poursuite de guerres locales dévastatrices (guerres de Bangassou contre les Banda-Bougbou, guerres de R afaï contre les Banda-Vidri) et à la soumission des derniers peuples diga réfractaires à leur autorité. M ais avec l’année 1900, arrivaient sur l’Oubangui, à la recherche de l’ivoire et du caoutchouc, les premiers agents des sociétés concessionnaires auxquelles des décrets avaient concédé des dizaines, voire même des centaines, de milliers de kilomètres carrés de brousse centrafricaine. L'appui centrafricain aux expeditions françaises

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L E S S A V A N E S D U NORD

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B IB L IO G R A P H IE

/ — L E S SAVAN ES D U NORD I .

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Les Archives nationales de Yaoundé et le West Cameroon Archives de Buea détiennent des séries de documents administratifs provenant des circonscriptions administratives de la période coloniale, en langue anglaise, allemande et française. Les documents français les plus utilisés sont les rapports périodiques, les rapports de tournées et les monographies établis par les administrateurs. Les monographies et rapports de L . G , de A . R , de H . R et de R . D , rédigés à partir de 1934 jusqu’en 1937, contiennent d’abondantes informations sur l’origine des chefferies bamiléké; celles de A . R , rédigées en 1941-1942 donnent les mêmes informations sur l’origine des villages bamoum; celles de E. C , qui datent de 1932, intéressent les Tikar. Les documents anglais les plus utiles sont les Animal et les Quarterly Reports et les Assessments and Intelligence Reports. Les Tribal notes du D r M . D . W . J présentent un intérêt analogue aux monographies françaises. e a y

a y n a u d

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p r im

é e s

Nous ne donnons ici qu’une bibliographie sélective qui permet de se reporter aux nombreuses publications intéressant le Cameroun.

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e s t e r m

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r y a n

Ces ouvrages contiennent d’importantes indications bibliographiques.

Explorations et voyages E m o n t s H u t t e r

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Z in t o r a f f

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H I S T O I R E D E L* A F R I Q U E N O I R E

206 D

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e l a r o

z i è r e

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C H A P IT R E

V III

L a forêt équatoriale Le xrxe siècle, dans la forêt équatoriale, apparaît comme une époque de migrations, arrêtées, vers la fin du siècle, par la pénétration coloniale, qui, dans l’ensemble, fixe les populations sur place, parfois après une brève phase de reflux. Certains des migrants sont des réfugiés ou des refoulés, d’autres des conquérants, d’autres encore des réfugiés conquérants. L ’histoire de leurs mouvements est assez bien documentée, parce que récente : les explorateurs, les premiers ethnologues ont pu recueillir des témoignages presque contemporains, à tout le moins des souvenirs encore frais. Ils n’ont pas toujours, cependant, su apprécier le caractère déjà fortement socialisé de ces témoignages, et ont, de ce fait, tendu à prendre pour argent comptant des déclarations gauchies, biaisées, consciemment ou non, pour rendre compte d’une situation sociale ou d’une relation politique particulière, la justifier ou la contester. C ’est ainsi qu’on retire souvent de ces premières observations l’impression que tels groupes migrants s’installaient dans un pays vide, un no man's land encore vierge. En fait certaines découvertes archéologiques, ou encore l’état de dégra­ dation du couvert forestier primaire et la nature de la végétation de remplacement (forêt secondaire et, sur les marges, clairières artificielles), indiquent une occupation antérieure à l’arrivée de ces migrants. Dans certains cas ces habitants sont connus : il s’agit de groupes déplacés, précisément, par ces invasions récentes, soit vers la côte, soit dans des zones forestières d’accès plus difficiles que leurs habitats antérieurs, et qui gardent le souvenir de ces invasions. Dans d’autres cas ils sont à peu près impossibles à identifier, soit qu’ils aient été annihilés physiquement, soit, plus fréquem­ ment ou plus vraisemblablement, qu’ils aient été assimilés par les groupes envahis­ seurs, souvent, sinon toujours, de culture très proche de la leur. Cette assimilation est parfois attestée par une analyse anthropologique de détail des groupes actuels, notamment des circuits matrimoniaux, des hiérarchies de prestige entre clans, ou des relations de dépendance et de clientèle, plus rarement par certains traits

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

linguistiques, isolats dialectaux, par exemple, ou encore, survivance de toponymes étrangers. Il est particulièrement fréquent, notamment, que les Pygmées d ’une région donnée parlent non point la langue des Nègres dont ils sont actuellement symbiotes, mais bien un idiome apparenté à une autre langue négro-africaine dont les locuteurs habitent aujourd’hui à plusieurs centaines de kilomètres de la zone considérée.

Les raisons initiales de la migration rapportées par la tradition ressortissent presque toujours à trois ordres, parfois combinés entre eux : guerre avec un ennemi redoutable, querelle familiale menant à une scission, initiative individuelle d ’un ancêtre héroïque en quête d’aventure. Les explications de ce genre peuvent corres­ pondre à des événements historiques réels, mais, même dans ce cas, ne rendent vraisem­ blablement pas compte de la totalité des faits, qui s’ inscrit dans un contexte écono­ mique et démographique plus vaste et plus significatif. Le fait dominant apparaît ici l’attraction de la côte, où se font les échanges économiques avec l’Europe et l’Amérique : esclaves, ivoire, puis ébène, peaux et caoutchouc sylvestre contre produits manufacturés, dinanderies, alcool, textiles et armes surtout. Ces contacts côtiers provoquent, tant par l’effet direct de la traite que par ses effets secondaires (maladies importées, alcoolisme, armes à feu), un vide démographique relatif qui facilite les mouvements de peuples de Y hinterland. M ais ceux-ci sont à leur tour soumis à une usure démographique tenant aussi bien à la contagion des m aux affec­ tant les côtiers (auxquels il faut ajouter la diffusion de la trypanosomiase), qu’à l’hostilité même du milieu forestier : il y a, en quelque sorte, amorçage continu de la pompe côtière. Les mouvements de reflux ou d’enclavement dans les zonesrefuges des habitants primitifs sont, à cet égard, plutôt marginaux.

Reste que la côte n’est pas seule en cause : il y a non seulement aspiration vers la mer, il y a aussi poussée dans la forêt, due, celle-ci, à des mouvements en savane, dont certains orientés vers le centre du continent et produisant une sorte d ’effet de sillage latéral. L a composition des différents courants n’est pas simple à établir et les descriptions d ’ensemble sont condamnées à rester largement hypothétiques. Il en va de même, au demeurant, de la reconstitution des itinéraires des diffé­ rents groupes. L à encore la tradition orale doit être interprétée avec prudence. Non seulement il y a hétérogénéité des toponymes dans les langues des divers groupes, mais encore, au sein d ’un même groupe, un toponyme unique peut désigner des lieux très différents. C ’est que certains incidents de parcours ont un sens plus symbolique qu’historique ou géographique. C ’est le cas, par exemple, du thème, très répandu, de la traversée d’un cours d’eau sur le dos d’un monstre aquatique : si

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LA F O R Ê T É Q U A T O R I A L E

tous les clans d’une tribu s’accordent, en général, sur l’historicité du fait, on s’aperçoit souvent qu’ils le localisent en des endroits très différents, parfois à diffé­ rentes hauteurs sur le même cours d’eau, mais parfois aussi sur des rivières n’appar­ tenant même pas aux mêmes bassins fluviaux. Cependant, même dans ce cas, le caractère mythique et quasi religieux de la tradition peut fournir des indications utiles, s’il subsiste, par exemple, des lieux de culte jalonnant l’itinéraire (e.g. ; le ngok lituba des Basaa et Bakoko du Cameroun).

Il faut, enfin, mentionner que les sociétés forestières de cette zone ignorent, pour la plupart, les institutions politiques centralisées, et par conséquent les histo­ riens de cour spécialisés qu’on rencontre dans les royaumes traditionnels voisins. L a tradition généalogique peut, par contre, être assez développée, là, notamment, où elle sert à assurer la cohésion de clans dispersés sur de grandes distances. Elle atteint ainsi jusqu’à trente générations de profondeur dans le groupe fang, mais ces généalogies très longues cessent, en réalité, d’être véritablement biographiques (ou biologiques) au-delà de la quinzième ascendante, au mieux. Ce qui ne signifie d’ailleurs pas que la partie stéréotypée soit sans valeur historique, mais ce n’est qu’indirectement, par comparaison et inférence, qu’on peut en tirer des conjectures utiles. L e s MIGRATIONS

De la cassure volcanique du Cameroun à celle des Grands Lacs, la grande forêt équatoriale couvre près de deux millions de kilomètres carrés, affectant vague­ ment la forme d’un haltère : un massif occidental ouvert sur le golfe de Guinée, un massif oriental enclavé, reliés par une sorte d’isthme dans la mésopotamie Sangha-Oubangui. Le report sur la carte du peu que nous savons sur les mouvements migratoires de cette région évoque assez facilement une comparaison météorologique. L a forêt y représenterait une zone de basse pression entourée d’anticyclones plus ou moins structurés en dorsales, avec deux ou trois centres d’action à gradients variables au nord, à l’est et au sud, les deux premiers ayant été les plus actifs au cours du siècle dernier.

Dans le massif occidental, en premier lieu, il semble bien que les déplacements de peuples en forêt soient, en partie (et en partie seulement), la conséquence d’événements qui se sont déroulés en savane, sur les plateaux nigéro-tchadiens : la grande jihad d’Othman dan Fodyo e t la fondation de l’ Empire poulo-haoussa de Sokoto, au début du siècle, n’ont

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sans doute pas provoqué à eux seuls des migrations qui semblent, en fait, s’être poursuivies de façon diffuse aussi loin que nous puissions remonter, mais elles les ont certainement accélérées, leur ont donné aussi un caractère dramatique qui apparaît fréquemment dans les traditions orales des populations concernées (attaques de géants rouges, de monstres mi-humains du genre centaure...). L a pression peule va provoquer ou accélérer, directement ou par contrecoup, deux courants migratoires. L ’un n’intéresse pas directement la forêt : c’est celui qui pousse d ’ouest en est, vers le centre africain, des populations auxquelles leur langue paraît assigner un foyer originel dans l’Adamawa, Gbaya et M andja notam­ ment. Ce courant va, dans un premier temps, pousser certains savanicoles en forêt, suivant un axe nord-sud, par effet de soc ou de sillage. Dans un deuxième temps,

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LA F O R Ê T É Q U A T O R I A L E

il subira Peffet du centre d’action oriental, et la migration principale s’infléchira à son tour vers le sud, pénétrant en forêt à la fois dans l’isthme congolais et dans l’interfluve Oubangui-Congo, où ce mouvement se compose avec le courant provoqué par 1*« anticyclone » sud du centre d ’action oriental. Il faut probablement distinguer ici trois phases, qui se chevauchent et se combinent beaucoup plus qu’elles ne se succèdent : — L a première, amorcée sans doute vers la fin du x v n e siècle et amplifiée par les événements affectant les royaumes musulmans du nord au début du xix® siècle: mouvement ouest-est en savane, avec pénétration marginale à la lisière camerounienne du massif forestier occidental ; — L a seconde, assez largement contemporaine de la première, où la consti­ tution des royaumes zandé-nzakara provoque un reflux partiel du courant ouest-est, avec pénétration en forêt, dans l’isthme congolais et l’interfluve Oubangui-Congo, de populations non bantou venues de l’ouest, qui vont se heurter, et se mélanger, à des populations bantou venues de l’est et du sud-est. Ce mouvement, attesté à la fois par la tradition orale récente et par les premières observations européennes (Schweinfurth, Barth, Livingstone, Stanley, int. a/.), bat son plein vers le milieu du siècle; — L a troisième, qui chevauche la seconde, et se poursuit jusqu’au coup d’arrêt de l’intervention européenne, dans les deux dernières décennies du siècle, est due à l’action des négriers arabo-soudanais et arabo-swahili, opérant les uns à partir de la vallée du Nil, les autres à partir de la côte, et, plus directement, de la région lacustre (Manyéma). Ses effets sont analogues à ceux observés dans la précédente phase, mais sans doute en plus accusé : fuite massive en forêt de savanicoles non bantou (Gbaya, K aka, Banda, Bonjo, Banziri, Ngbwaka, Bongo, Ngbandi, de l ’ouest à l’est) qui repoussent sur la vallée du Congo les Bantou venus de l’est. L a pression nord-sud, au cours de cette phase, est suffisamment forte pour faire ressortir en savane, au sud de l’isthme congolais, certains peuples non bantou (Bonjo, Bayanzi) dont la marche vers le sud sera bloquée par le môle Téké, tandis qu’ils subiront, à l’ouest, la pression des tribus mises en mouvement par le second courant principal occidental (Kota).

Le second grand courant migratoire dû au centre d’action septentrional est, dans l’ensemble, mieux connu, surtout en ce qui concerne ses acteurs principaux, c ’est-à-dire les tribus du groupe dit Fang, ou Pahouin. Leurs traditions font ressortir clairement deux des ordres de motivation mentionnés dans l’introduction : pression d ’un ennemi puissant venu du nord (des géants rouges), attraction de la côte, explicitée par des mythes du type Jaco b et Esaü, montrant les Fang en marche vers la mer comme vers une terre promise où ils doivent retrouver l’héritage dont ils ont été injustement dépouillés par les côtiers.

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

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Il semble bien qu’à la fin du xvm ® siècle la majorité du groupe est encore savanicole, établie sur la lisière nord du massif occidental, dans la moyenne vallée de la Sanaga. Son arrière-garde (Ewondo, Eton) vit aujourd’hui sur la rive gauche (avec quelques groupes reliques sur la rive droite), alors que son avant-garde (Fang proprement dits) a atteint l’estuaire du Gabon à partir de 1870. Une étude attentive des traditions généalogiques et des droits fonciers montre, enfin, que certaines fractions bulu résidant actuellement à Sangmélima, sur la ligne de partage des eaux entre les bassins du Ntem et du Congo (Dja-Ngoko), étaient encore établies sur la Sanaga vers 1840. A première audition, les traditions du groupe donnent l’impression que l’inva­ sion s’est produite dans un no man's land, ce que contredit, entre autres détails, l’existence de toponymes non fang en plein cœur de son habitat actuel. En fait les traditions des groupes voisins, aussi bien que les récits des explorateurs (Du Chaillu, Brazza, Compiègne, etc.), indiquent un double processus d’assimilation et — effet de soc, encore une fois — de refoulement. A proximité immédiate de la lisière septentrionale, en premier lieu, les tribus du groupe Kozimè se sont trouvées scindées en deux fractions : à l’ouest les Ngumba (Mvumbo), réfugiés sur les montagnes de la chaîne côtière et bloqués entre les envahisseurs bulu et les autochtones sylvicoles basaa, ces derniers pourvus d ’armes à feu par l’intermédiaire des négriers duala dès la fin du x vm 0 siècle. A l’est les M àkaa-Njem -Kwele, qui, se heurtant à la pénétration en forêt des K aka et G baya (voir supra, p. 213) s’étirent en direction du sud-est sur la crête entre les bassins de l’Ogowè et du Congo. Le phénomène se reproduit avec le groupe Benga-Kota : les premiers sont repoussés dans l’immédiat hinterland côtier, les seconds vers l’est, suivant, eux aussi, la crête interfluviale jusqu’à la limite de la savane où ils se heurtent aux Mboshi qui arrêtent leur avance à la veille de la pénétration européenne. A son extrême pointe, enfin, sur le bas Ogowè, la migration fang repousse et brasse les groupes gabonais les plus anciennement installés : M yéné (Mpongwè, G alw a, Orungu, Nkomi), Eshira (Punu, Vungu, etc.), et Okandé (Tsogo, Apindi), déjà soumis au sud à la pression des V ili, et, à l’est, à celle des Bakota. Cependant l’intervention coloniale aboutit, à partir de l’avant-dernière décennie du siècle, à protéger ces populations, sans pour autant arrêter l’invasion fang. A la fin du siècle, les Fang sont mêlés aux anciennes populations gabonaises jusqu’à la lagune Fem an V az. U n dernier courant migratoire se manifeste, au x ix e siècle, dans le massif occidental, en direction du nord-ouest, le long de la côte. Ce courant est sous l’influence du centre d’action méridional, dont le gradient, pour poursuivre la comparaison météorologique, s’est beaucoup affaibli depuis le xvm ® siècle. Les V ili, venus des royaumes de Loango et Kakongo, sont pourvus d ’armes à feu par les

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LA F O R Ê T ÉQJJA T ORIALE

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négriers européens dont ils sont les principaux fournisseurs dans cette région. Leur remontée le long de la côte paraît correspondre à des préoccupations commerciales, à une tentative d’extension de leur monopole de traitants à l’importation comme à l’exportation d’abord, puis, lorsque la répression de la traite s’accentue, après 1820, à la nécessité de multiplier les points d ’embarquement clandestins. L a migration s’étend jusqu’à la lagune de Setté-Cama vers i860 et s’y arrête, comme à bout de souffle.

Le massif forestier oriental est soumis à deux centres d ’action. ^ ^riL {a ieSiteT ^ Premier> au sud, est relativement homogène et son influence est chronologiquement la plus ancienne : il s’agit des Etats et proto-Etats bantou de l’écharpe Congo-Zambie — Kongo et satellites, Téké, K u b a, Chokwé, Lunda. Le second, à l’est, est plus complexe et montre une succession d ’influences dans le temps : Zandé, puis négriers arabo-soudanais et arabo-swahili, et, formant charnière avec le centre d’action méridional, royaumes bantou-hima des Grands Lacs. Le peuplement primitif, ou, du moins, historiquement le plus ancien, en forêt paraît avoir été constitué par des Bantou, plus ou moins symbiotes de Pygmées, refoulés ou réfugiés dans la forêt sous la pression des royaumes du sud et de l’est. De la fin du xvm 6 siècle à l’intervention coloniale, il semble qu’on ait essen­ tiellement assisté à une sorte de tassement vers l’ouest de ces populations, maintenues dans la forêt par l’obstacle que représentent les Etats à organisation sociale et militaire supérieure de la savane. Au nord du massif, les Bantou venus de l’est ont été progressivement refoulés de la vallée de l’ Oubangui vers celle du Congo par la pression des peuples « sou­ danais » pénétrant dans l’interfluve — soit, dans un premier temps, par effet de soc (supra, p. 212), soit directement poussés par les conquérants zandé — , puis, à partir du milieu du xrx6 siècle, par celle des chasseurs d’esclaves venus de la vallée du Nü. Ce mouvement nord-sud se compose très tôt avec un mouvement est-ouest, probablement lié à l’expansion des royaumes lacustres : les Lolo, Mongo et Ngombe se déplacent en suivant la vallée du Congo, tandis que les Kundu, venus aussi de l’est, remontent vers le nord sous la pression des K uba.

Au x ix 6 siècle la pression augmente à l’est, sous l’influence, essentiellement, des négriers arabo-swahili qui poussent vers le M anyéma, armant de mousquets les tribus de rabatteurs. Leur poussée se combine avec celle de leurs coreligionnaires soudanais pour accélérer le mouvement vers l’aval des Bantou de la vallée du Congo et des « Soudanais » installés sur les deux rives de l’Oubangui. C ’est alors que le

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E HO I R E

brassage donne naissance, vers le confluent Oubangui-Congo, au pot-pourri ethno­ logique des Bangala ou Gens du Fleuve, à la fois courtiers dans le commerce avec la côte et pirates d ’eau douce. L ’attraction de la côte joue, en effet, son rôle dans cette région, avec les routes caravanières qui, partant des Etats kongo côtiers, sont, ensuite, contrôlées par les Téké, au contact des « Soudanais » qui ont traversé l’isthme forestier congolais. Ce môle téké est solide, mais, plus à l’est, les forestiers arrivent à déboucher en savane dans les franges de l’ancien Empire kongo, très affaibli à l’époque. Dans les deux dernières décennies du siècle la vallée du Congo est soumise à la double pénétration des Européens, d ’aval en amont, et des Arabo-Swahili, à partir de la région des Lacs. S ’ensuit un nouveau brassage assez confus qui ne prend fin que lorsque l’administration léopoldienne s’implante solidement après avoir liquidé la colonisation « arabe » dans l’est de l’Etat indépendant. A partir de 1900, dans les deux massifs forestiers, les déplacements de population sont d ’un type nouveau, provoqués, volontairement ou non, par la colonisation, et plus ou moins contrôlés par elle.

c° te f ° rest*ère, Peu ou de déplacements apparents de populations pendant cette période. L e fait marquant est l’implan­ tation progressive de la colonisation, les dates symboliques étant ici 1839 — premier traité entre le roi Denis et Bouct-Willaumez — , 1849 — fondation de Libreville — , et 1884 — traité germano-duala, qui précède immédiatement et provoque en partie la Conférence de Berlin et la fixation des règles officielles du scramble (mêlée). L a traite des esclaves a été officiellement supprimée entre 1804 (Danemark) et 1 81 8 (France). En fait la traite clandestine restera très active jusqu’à la guerre de Sécession et ne disparaîtra complètement qu’après l’acte international de Berlin et la Conférence de Bruxelles (1890). Les populations côtières vont à la fois bénéficier de la montée des prix provoquée par la répression et être soumises à une inter­ vention politique de plus en plus pesante des puissances européennes qui exercent cette répression. Simultanément les populations les plus dynamiques de l’intérieur vont chercher à s’affranchir de l’intermédiaire obligatoire des courtiers côtiers et à entrer en contact direct avec les Européens, et ceci même après que les esclaves ont commencé à céder la place à l’ivoire, à l’ébène, à l’huile de palme, aux peaux et au caoutchouc sylvestre comme principaux articles d ’exportation. Cette substitution aura, cependant, renforcé pour un temps la position écono­ mique des côtiers qui, dans le sillage des explorateurs commerciaux (Du Chaillu, W alker en sont de bons exemples au Gabon), pénètrent dans l’intérieur en tant qu’interprètes ou clerks indispensables, rôle qu’ils maintiendront tant bien que mal jusqu’à l’implantation solide du réseau administratif colonial. Au pied du massif du Cameroun, à l’embouchure du Wouri et de la Sanaga, La côte forestière

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LA F O R Ê T ÉQJUA T O R I A L E

les D uala parviennent à maintenir leur position, et même à l’étendre vers le sud, en jouant habilement des rivalités entre Européens. Ils ne parviennent pas, cependant, à pénétrer dans l’intérieur, où les Basaa maintiennent, jusqu’à l’annexion allemande, une forte pression sur l’hinterland immédiat. Il faudra aux Allemands une campagne militaire assez rude pour faire sauter ce bouchon et déboucher directement sur le plateau et dans la vallée moyenne de la Sanaga (1892-1895). Plus à l’est les Batanga de K rib i, soumis à la pression des Bulu qui cherchent à atteindre la côte, ne doivent leur salut, momentané, qu’à l’intervention européenne : c’est de K rib i que partent les premières expéditions allemandes qui atteignent la moyenne Sanaga en contournant le pays Basaa. L a pression armée bulu ne cessera cependant q u’après une dernière tentative contre K rib i (1899), pour faire place ensuite à une infiltration pacifique poursuivie jusqu’à nos jours. L ’histoire du Gabon présente des parallélismes avec celle du Cameroun (« Cameroun » et « Gabon » étant pris ici au sens restreint). Cependant on a, avec les M pongwè de l ’estuaire, affaire moins à un monopole qu’à un réseau complexe d’alliances commerciales et matrimoniales avec les tribus de l’intérieur dont certaines (Galwa) spécialisées dans le transport fluvial plutôt que dans le commerce même. L à encore ce sont les Fang qui viennent déranger la situation acquise, commençant, à partir de 1840, à attaquer caravanes et pirogues et à chercher le contact direct avec les Européens. Ils ont en face d ’eux non seulement les « Gabonais » mais encore les commandants de la station française du Gabon dont la politique varie entre la répression et l’apprivoisement, ou même l’encouragement de l’expansion fang. C ’est ce dernier parti qui prévaudra à partir de la pénétration française dans l’intérieur, les Fang étant les seuls à présenter une situation démographique d ’appa­ rence satisfaisante, qui fait voir en eux, un peu vite, un réservoir de main-d’œuvre.

I nfluenges étra n g ères

On a l’impression — souvent explicite dans les histoires de la colonisation — que la pénétration européenne est intervenue à une époque de migrations intenses et de conflits aigus entre envahisseurs et premiers habitants, l’imposition des diffé­ rentes paces ayant été la tâche la plus urgente des colonisateurs. En sens inverse beaucoup d ’intellectuels africains affirment aujourd’hui que c’est l’intervention européenne même qui a rompu la pax africana et suscité ces conflits qu’elle devait ensuite se targuer d ’avoir apaisés. L a réalité est difficile à cerner, mais il est permis de suggérer qu’elle se situe peut-être à mi-chemin de ces deux conceptions opposées. I l apparaît bien, en effet, que les migrations, pacifiques ou guerrières, massives ou diffuses, sont un trait assez permanent de l’histoire africaine : l’inextricable

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

écheveau linguistique, entre autres, ne peut s’expliquer que par un brassage continu remontant à des dates assez anciennes (les calculs glottochronologiques donnent une profondeur de mille cinq cents ans pour la dispersion initiale de proto-Bantu, plus de trois mille pour les proto-M andé). S ’il existe, certes, des populations parais­ sant fixées sur leur habitat actuel depuis fort longtemps (montagnards paléonigritiques surtout), elles se présentent souvent comme des sortes d’îlots ou de buttestémoins au milieu de peuples beaucoup plus fluides, beaucoup plus mobiles. Les mouvements migratoires semblent pourtant s’être accélérés et amplifiés à certaines époques, séparées par des phases de relative stabilité. S ’agit-il d ’une illusion due au fait que l’on dispose, accidentellement, de plus de documents sur ces périodes de mouvement intense, ou, au contraire, ces dernières sont-elles, justement, mieux documentées parce qu’elles ont frappé davantage la mémoire collective des peuples aussi bien que les observateurs extérieurs ? L a seconde hypo­ thèse est peut-être plus vraisemblable. En ce qui concerne la grande forêt équatoriale le mouvement migratoire semble bien, tout au moins dans le massif occidental, avoir commencé dès le x v i i i 6 siècle. Mais des facteurs externes l’ont certainement accentué au cours du siècle suivant : dans l’est l’activité des chasseurs d ’esclaves musulmans, sur la côte celle des Européens. Ces derniers, contrairement à l’opinion actuellement prévalente dans l’intelligentsia africaine, n’avaient que bien rarement intérêt à provoquer ou aggraver les conflits entre tribus, peu favorables aux intérêts du commerce. M ais leur simple présence suffisait à produire cet effet. Par ailleurs, ils tendaient souvent à exagérer l’importance des conflits entre Africains, pour obtenir l’appui des stations navales, ou, plus tard, des autorités et de l’opinion métropolitaines, ce qui déforme quelque peu le tableau. A la fin du siècle, en outre, la pénétration dans l’intérieur elle-même provoque ou accentue des conflits et des déplacements de peuples. Certaines populations, par exemple, refluent devant l’emprise coloniale, se heurtent à leurs voisins ou inflé­ chissent un courant migratoire (reflux des Ntumu vers le nord, et des Bulu vers l’est, menant à Yoban fang des années 1890). Dans d ’autres cas les colonisateurs prennent parti, sciemment ou non, dans un conflit tribal, bouleversant le rapport des forces, et transformant en guerre ouverte une hostilité plus ou moins latente (utilisation des Beti contre les Basaa par Dominik). On peut, enfin, voir des négriers démobilisés, parfois mêlés à des esclaves libérés, chercher à s’imposer à des populations étran­ gères, souvent en marge de l’action coloniale officielle (« grandes compagnies » basoja du Cameroun, irréguliers bangala du Congo). Dans tous ces cas on assiste à une sorte de flambée paroxistique des tensions et conflits, précédant la stabili­ sation imposée par l’autorité coloniale, stabilisation qui sera achevée, en gros, dans le premier quart du x x e siècle.

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LA F O R Ê T

ÉQ.

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C H A P IT R E

IX

Les savanes du Sud L a traite et l’existence d’une série de grands royaumes stables, y compris la colonie de l’Angola, dominaient vers 1800 la situation des peuples dans les savanes de l’Afrique centrale au sud de la grande forêt. Seuls les régions en lisière de cette forêt à l’est de l’embouchure du Kw ango et celles qui bordent le lac Tanganyika vers le nord-est ainsi que le royaume lozi sur le haut Zambèze ne faisaient pas encore partie des réseaux commerciaux intensifs qui produisaient les esclaves et l’ivoire pour l’exportation. Aussi quand la Grande-Bretagne abolit la traite en 1807 et tenta après les guerres napoléoniennes d’imposer sa volonté sur mer, une recon­ version des structures commerciales s’imposait, reconversion qui ne manquerait pas d’avoir de profondes répercussions sur toute cette région. L a traite atlantique ne fut terminée en réalité que vers les années 1850 en Angola et vers 1870 au nord du fleuve Congo. L a reconversion commença à bouleverser profondément la vie de toute la région vers 1850. Parallèlement à cette évolution, un nouveau réseau commercial, fondé sur la traite et axé sur Zanzibar, se créa après 1800. Les Arabes et Nyamwezi de l’Afrique orientale, qui en étaient les courtiers, influencèrent profondément la partie orientale de la région dans la seconde moitié du siècle et ici la traite ne prit fin qu’avec l’occupation européenne après 1894. Enfin la naissance de la nation zouloue en Afrique du Sud eut des réper­ cussions profondes dans la partie méridionale de la région. Finalement, ici comme ailleurs en Afrique, un mouvement à long terme entraînait d ’abord des explo­ rateurs européens, des missionnaires et des marchands ensuite, sur les pistes commerciales. Cette évolution se termina par l’occupation des territoires et la création de colonies.

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

L e s c o n q u é r a n t s du sud

I ^ 22 Un ^rouPe soth°> les Fokeng, fut chassé de ses terres par les Tlokwa, eux-mêmes pressés par les Zoulou de Chaka. Ils s’allièrent à d’autres groupes de personnes déplacées et adoptèrent une partie de l’organisation militaire zoulou. Ils menèrent constamment campagne au nord du V aal jusque vers 1825 et finirent par fuir loin au nord, devant les forces organisées par Mzilikazi, le fondateur du royaume ndébélé. Par le Botswana les Fokeng, appelés Kololo maintenant, s’avancèrent lentement jusqu’au lac Ngami chez les Tawana. L à leur chef Sébitwané entendit parler des Européens de la côte occi­ dentale et décida d’entrer en contact avec eux. Il traversa la Linyanti, puis le Zambèze près des chutes Victoria. De là il se dirigea vers 1840 vers les riches pâtu­ rages de la vallée du Kafiié, mais ne put s’y maintenir devant les attaques des lia , qui y étaient autochtones, et de son persécuteur de toujours, Mzilikazi. Il repoussa ce dernier et se tourna ensuite soudainement vers le royaume lozi. Son invasion fut couronnée de succès. C ar à ce moment le royaume était déchiré par une lutte

Les Kololo

C arte 14. — L e» K ololo

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et les

N ooni

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L E S S A V A N E S D U SUD

pour la succession au trône. Les princes lozi abandonnèrent le pays à Sébitwané et s’enfuirent vers le nord et le nord-ouest. Le nouvel Etat des Kololo prit le nom de royaume rotse. Pendant le reste de sa vie Sébitwané consolida sa conquête. Il défit les Ndébélé, délogea finalement un des groupes de princes lozi de leur refuge et élargit ses domaines vers le Linyanti pour y contrôler un petit poste de commerce portugais. Son fils, Sékélétu, était plus préoccupé des terres autour du Linyanti que du royaume propre qu’il laissa administrer par ses parents. Cette négligence entraîna de nom­ breuses rébellions, toutes réprimées, mais la situation pourrit au point qu’à sa mort en 1864 une lutte pour la succession divisa les Kololo au point qu’un prince lozi, Sépopa, put reconquérir le pays en 1865 et anéantir les envahisseurs. Sépopa ne put venir à bout de la profonde scission en deux factions des princes lozi, scission provenant de leur division au moment de l’arrivée de Sébitwané. En outre lui aussi se préoccupa surtout des nouvelles terres du sud où un nouveau centre commercial Panda Matenga était orienté vers l’Afrique du Sud. Graduel­ lement il perdit le contrôle du pays et périt en 1874 quand son premier ministre M am iri joignit les rebelles. Suivirent quelques années de luttes d’où émergea le parti Sépopa, dirigé maintenant par Lobosi ou Léwanika. Celui-ci prit le trône en 1878 et liquida définitivement l’opposition en 1884-1885. De 1885 à 1900 Léwanika inaugura une série de réformes profondes, réussit à faire disparaître le clivage parmi l’élite lozi, à améliorer le fonctionnement de son administration, et à préparer son pays pour l’ère coloniale en promulguant une série de lois pour permettre à la coutume de faire face au défi culturel européen. Militairement il mena campagne vers l’ouest et le nord-ouest en pays ila, kaondé et lunda. D ’abord aidé par l’acquisition de fusils chez les trafiquants du sud il réussit à faire appuyer sa politique d’expansion après 1890 par les missionnaires et commerçants britanniques qui voulaient se prémunir contre les revendications portugaises englobant tout le haut Zambèze. Léwanika, quant à lui, réclamait une grande partie de ce qui forme actuellement l’Angola oriental. L a dispute fut finalement réglée en 1905 après arbitrage par le roi d’Italie. Sur le plan extérieur Léwanika mena une diplomatie bien informée et réussit finalement en 1900 à obtenir pour son pays un statut de protectorat garanti par la Couronne au lieu de voir passer ses terres complètement entre les mains de la British South Africa Company. L ’aventure kololo laissa des traces permanentes. L ’effet le plus remarquable fu t sans doute l’adoption de la langue kololo par le peuple lozi, alors que leurs conquérants ne restèrent au pouvoir que pendant une génération à peine. En outre les changements profonds apportés par Léwanika furent inspirés en grande partie p a r les coutumes sotho. Quant à la politique de Léwanika, le statut spécial du Barotséland fut d’abord un avantage, mais entrava par la suite le développement d e cette région et finit par poser un problème sérieux lors de la décolonisation.

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HISTOIRE DE L'AFRIQ JJE NOIRE

Déjà avant les Kololo, les Ndwandwé de Zwandengaba s’étaient échappés du Natal et avaient traversé le Zambèze en novembre 1835. Ils poussèrent ensuite vers les rives sud-est du lac Tanganyika où leur chef mourut vers 1845. Ce qui provoqua l’éclatement des bandes ngoni, le nouveau nom pour les Ndwandwé. Tandis qu’une grande partie des envahisseurs resta en Afrique orientale d ’autres s’aventurèrent de part et d’autre du lac Nyassa. Ils établirent une base ferme chez les Tum buka à l’ouest du lac vers 1850 et razzièrent continuellement les pays fertiles de la vallée de la Luangw a et des terres cewa du sud-est de la Zam bie. Ces razzias vinrent s’ajouter à l’insécurité qui régnait déjà dans la région à la suite des razzias des Cikunda, les gens originaires des prazos du bas Zambèze. Les ravages s’intensifièrent encore vers 1870 quand de nouveaux Ngoni vinrent du nord. Le groupe qui était resté près du lac Tanganyika et qui s’était retranché à l’est du royaume bemba fut renforcé vers 1865 par d ’autres bandes battues par les Bemba. Une trêve fut observée entre Bemba et Ngoni jusque vers 1870, quand les Bemba aidés de fusils arabes écrasèrent les Ngoni qui se réfugièrent chez leurs comparses de la Luangwa. On peut maintenir que les Bemba avaient protégé ainsi les populations vivant à l’ouest et au nord de leur territoire des déprédations ngoni, mais au prix d’être ravagés par les Bemba eux-mêmes et ensuite par les arabisés. Quant au sud-est de la Zam bie la guerre fit rage sans interruption jusque vers 1890. Les peuples conquis et surtout les Cewa n’offrirent pas de résistance à la pénétration britannique et assimilèrent finalement tous les noyaux ngoni du pays, sauf la base chez les Tum buka. En contraste frappant avec les Kololo, les Ngoni ne prévalurent donc pas culturel­ lement, malgré leur maîtrise militaire. L a raison probable en est qu’ils ne tradui­ sirent pas cette supériorité dans la création d ’unités politiques stables. L à où ils le firent, comme au Tum buka, leur culture laissa une marque profonde. L is Ngoni

I n flu en ces de la cote A tla n tiq u e

,

, , ^



Les grands ports au nord du fleuve Congo : K abin da, M alemba . . . et Loango continuèrent à exporter de nombreux esclaves presque sans entraves, du moins jusque vers 1840. Ensuite les escadres européennes rendirent la traite ouverte impossible. Les traitants se construisirent alors des barracons cachés dans les dunes et le long des criques. Ils avaient déjà commencé à remonter le fleuve jusqu’à Borna dès la première décade du siècle. Avec le développement de la fraude les marchés d’esclaves furent éparpillés tout le long de l’embouchure du fleuve Congo et tout au long de la côte d ’Am briz jusqu’au sud de l’estuaire du Gabon. Les anciens ports déclinèrent rapidement bien que quelques maisons de

Au nord du Dandi

X I I I . — Bronze d ahom éen .

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i, refusant d’accepter la tutelle de l’administration britannique, nombreux seront les boers qui préféreront partir de nouveau au-delà du Drakensberg. Seuls 3000 choisirent de rester dans la nouvelle colonie britannique du Natal. Repliés sur le plateau intérieur, les boers fondèrent deux Républiques indé­

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MOIRE

pendantes : l’Etat libre d’Orange (1854-1900) et la République du Transvaal (18 53-19 10 ). Leurs débuts furent difficiles, en raison d’une incapacité totale d’orga­ niser rationnellement aussi bien les institutions que les finances et de maintenir l’ordre public. A plusieurs reprises elles se virent au bord de la guerre civile. Après 1864 l’ordre s’établit peu à peu, mais par des voies différentes dans les deux pays. Les rapports entre boers et populations indigènes étaient également fort variables : ici l’oppression pure et simple, là d ’insidieuses contraintes. Il était interdit aux Africains de posséder armes à feu ou chevaux. Il importe de signaler ici une pratique notoire : ce que l’on appelait 1’ « apprentissage » et qui était tout bonnement une forme d ’esclavage, donc illégale; elle consistait à placer sous la « tutelle » d ’un maître boer, jusqu’à l’âge de 25 ans pour les garçons et de 21 pour les filles, de jeunes noirs capturés au cours de guerres, allumées parfois à cette seule fin, et qui étaient contraints de travailler pour lui. Une réserve cependant : ils ne pouvaient être vendus.

A partir de 1849, le destin du Natal est celui des autres colonies. Entre cette date et 18 5 1, 5 0 0 0 émigrants européens choisissent de s’y installer. Sa population blanche, presque exclusivement de souche britannique, passe de 8 000 individus en 1858 à 18 000 en 1870. L ’industrie sucrière, implantée le long de la côte, se révèle la forme d ’agriculture la plus rentable, et le Natal exportait, vers 1870, quelque 10 000 tonnes de sucre par an. Les Zoulou se refusant absolument à servir de main-d’œuvre, on décida de faire venir des travailleurs hindous, « engagés » sous contrat. L a plupart d’entre eux préférèrent rester après l’expiration de leurs contrats, et ce fut le point de départ de l’importante communauté hindoue qui existe actuellement dans la région de Durban. Du temps de Chaka, le N atal avait été presque vidé de ses habitants. L a ferveur révolutionnaire et la fidélité aux principes zoulou s’étant quelque peu atténuées sous Dingane et Mpande, les exilés s’efforçaient de revenir sur leurs terres. Cette tendance inspirait une très grande inquiétude aux nouveaux colons blancs, qui se sentaient déjà suffisamment menacés par l’Etat zoulou d’outre-Tugela. Les autorités britanniques avaient divisé le Natal en zones d’implantation européenne et en réserves destinées aux noirs : 2 millions d’hectares pour les blancs, et 800 000 pour les indigènes. Les colons jugèrent ce partage injuste et périlleux : une trop généreuse attribution de terres aux noirs ne pouvait qu’inciter d’autres réfugiés de l’Etat zoulou à revenir s’y installer, augmentant ainsi la « menace noire » ; en outre, de si vastes réserves permettraient aux noirs de conserver leur style de vie, traditionnelle­ ment oisive, alors que parqués dans un espace plus réduit à dessein, ils seraient obligés pour vivre de travailler pour les Européens, constituant ainsi une source de main-d’œuvre. Enfermés dans leurs contradictions, les colons protestaient tantôt

et la^gtmr^zoulou

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L ' A F R I Q J J E D U SUD E T D U Z A M B È Z E

contre l’insuffisance de la main-d’œuvre indigène, tantôt contre la menace que faisait peser sur leur sécurité le voisinage d’une population noire pléthorique. Ajoutons que les blancs étaient pratiquement exempts d ’impôts depuis 1849, tandis que les noirs devaient payer sept shillings par case, soit en espèces, soit en bétail. Alors que le Natal, territoire modeste entre le Drakensberg et la mer, borné au nord et au sud par deux fleuves, le Tugela et le Mzimvubu, se remplissait de Britanniques, l’Etat zoulou d’outre-Tugela demeurait indépendant et conservait intactes les institutions reçues de Chaka. Cependant, l’autorité de Mpande allait en déclinant et ses deux fils, M bulazi et Cetewayo, soutenus par des factions rivales, s’apprêtaient à se disputer la succession. Une bataille acharnée près du Tugela décida en 1856 en faveur de Cetewayo. Ce fut lui qui dès lors exerça en fait le pouvoir, bien que son père ait encore vécu jusqu’en 1872. En 1873, il accepta d’assez mauvais gré de se laisser « couronner » par les Anglais. En 1874, l’Angleterre jugera opportun de persuader les quatre Etats blancs d’Afrique australe — les deux colonies du Cap et du Natal, l’Etat libre d’Orange et la République du Transvaal — de s’unir en une confédération. L ’obstacle majeur à la réalisation de ce projet, le premier à éliminer, se trouvait être la persistance, de plus en plus anachronique aux yeux des Européens, d’un grand Etat noir jouxtant les territoires possédés par les blancs, et doté d’un appareil militaire lui permettant de mobiliser 40 000 guerriers. Après avoir annexé arbitrairement le Transvaal en 1877, le pouvoir britan­ nique se saisit en 1879 d ’un prétexte pour lancer un ultimatum à Cetewayo : un raid zoulou au sud du Tugela, pour mettre la main sur des sujets fuyant la justice noire. On le sommait, entre autres, de débander son armée, de renoncer au sys­ tème militaire zoulou pour accorder le droit au mariage dès l’âge adulte, et enfin d’admettre dans sa capitale un résident britannique, sous la tutelle duquel il serait désormais placé. Se plier à ces conditions, c’était remettre en cause les fondements mêmes de la culture zoulou, ce qui, pour Cetewayo et son peuple, était impensable. En outre, compte tenu des délais imposés, il leur eût été impossible d’obtempérer, l’eussent-ils voulu. En conséquence, le 1 1 janvier 1879, une armée britannique de 16 600 hommes (5 4 50 blancs), dont les services d’intendance, trop nombreux, compromettaient dangereusement la mobilité et l’efficacité, se mit à envahir le territoire zoulou, en trois colonnes séparées. Sans avoir encore compris ce qui pouvait justifier cette agression, les Zoulou voulurent résister. Ils lancèrent leur attaque contre l’une des colonnes, au moment où elle se déplaçait entre deux camps et, par une surprenante négligence, se trouvait dépourvue de tout dispositif de protection. Ce fut le désastre d ’ Isandhlwana, l’une des plus cuisantes défaites jam ais subies par les Anglais devant les peuples d ’outre-mer. Les Zoulou eux-mêmes ne s’attendaient pas à une telle victoire.

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E NOIRE

Ce ne fut que six mois plus tard, le 4 juillet 1879, à Ulundi, au cœur du pays zoulou, qu’une nouvelle armée, munie cette fois d’artillerie et d’armes à répétition, vint définitivement à bout des guerriers de Cetewayo : 35 000 cartouches furent tirées, et si les blancs ne perdirent que dix hommes, des milliers de noirs périrent. Tout l’indomptable courage des guerriers zoulou n’avait pas suffi à repousser le feu concerté de troupes européennes, formées en carré. M ais la guerre devait coûter cher à l’Angleterre : environ cinq millions de livres. Cetewayo fut capturé et exilé au Cap, le pays zoulou divisé en treize chefferies sous la tutelle d ’un résident britannique. Très vite, on s’aperçut que cette division était une erreur, les chefferies se dressant les unes contre les autres et le peuple tout entier glissant vers l ’anarchie. Il fallut alors rappeler Cetewayo, que l ’on envoya d’abord en Angleterre plaider sa cause auprès de la reine Victoria. Il est réinstallé sur son trône en 1883, mais il est trop tard, son autorité est ruinée. A sa mort, l’année suivante (8 février 1884), la nation zoulou est en train de se désagréger. En 1887, son successeur Dinizulu verra son pays transformé en protectorat britannique. Les Zoulou vivront désormais sous la tutelle de l’administration coloniale.

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L'AFRIQUE O RIENTALE

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C H A P IT R E

X II

L ’Ethiopie et le Soudan nilotique I — L ’ÉTHIOPIE ET SES VO ISIN S Le x ix® siècle s’est levé sur une Ethiopie divisée, commandée par la ► Dans un autre passage, nous lisons : « Voyez, ô hommes, que les temps n’étaient plus comme autrefois, car le royaume était coupé en deux. » Plus tard, relevant l ’existence simultanée de pas moins de cinq empereurs, un à Gondar et quatre en exil dans les provinces, il déclare qu’ils étaient « tous fils de rois » et avaient été

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H I S T O I R E DE L ' A F R I Q U E N O I R E

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« éparpillés comme de la poussière sous le vent ». « Hélas!, s’écrie-t-il, malheur sur moi ! Mes entrailles se tordent et se déchirent au récit de ces affreux agissements... Quels sont les espoirs de ce royaume qui a été arraché par des subalternes ? » Profondément ému par l’effondrement d’une monarchie jusqu’alors puissante, le scribe s’écrie : « Comment se fait-il que le royaume soit devenu un objet de mépris pour les jeunes gens et les esclaves ? Comment se fait-il que le royaume soit un sujet de risée pour les incirconcis ? Comment se fait-il que le royaume soit comme une fleur quelconque, cueillie par des enfants sous les pluies d’automne ? » Ces années de faiblesse politique, de désunion et de guerre civile sont connues des historiens éthiopiens sous le nom d’ « ère des masafent » — des « princes » — et comparées à l’ère des Juges de l’Ancien Testament, lorsqu’ « il n’y avait pas de roi en Israël; chacun faisait ce qui lui paraissait juste ».

A cette époque, les hautes terres chrétiennes étaient divisées en tro*s Etats distincts. Le premier — et le plus important — était le Tigré, la province la plus septentrionale, qui parlait le tegregna ; il devait en grande partie cette situation à la proximité relative du port de Massaoua sur la mer Rouge. L e voyageur écossais Jam es Bruce l’avait constaté; il écrivait en 1 790 : « Ce qui fait surtout la richesse du Tigré, c’est qu’il s’étend près du marché, qui est en Arabie, et tout ce qui doit traverser la mer Rouge est obligé de passer par cette province, si bien que le gouverneur a le choix entre toutes les marchandises... Les esclaves les plus vigoureux et les plus belles, l’or le plus pur, les plus grandes défenses, tout doit passer par ses mains. Toutes les armes à feu, qui ont souvent décidé de la puissance suprême en Abyssinie, viennent d ’Arabie, et on n’en peut acheter aucune sans qu’il sache à qui elle est destinée, et qu’il l’ait d ’abord refusée. » Ce n’est pas par hasard si le R as M ikaël Séhoul, un chef du Tigré, avait commandé le Gondar un siècle plus tôt, et si jusqu’à trois des dirigeants de la province au début du xix® siècle, le R as W alda Sellassié, les Dedjazmatch Sabagadis et Wubé furent en relations avec des puissances étrangères; les deux premiers avec la Grande-Bretagne, et le dernier avec la France et la Grande-Bretagne. Chacun d ’eux souhaitait renforcer sa puissance en important d ’Europe des fusils, des experts militaires et d’autres spécialistes. L a seconde division importante de l’ Ethiopie, à l’ouest du pays, de langue amharique, avec Gondar pour capitale, comprenait les provinces de Bégemder, Godjam et Dambéya. Cette région, qui tendait à être la plus isolée des trois — du point de vue des contacts extérieurs — était, pendant la première moitié du siècle — aux mains d ’une dynastie de chefs galla de souche musulmane, dont le premier avait été Guangoul. Pour la période qui nous intéresse, le chef le plus important était le R as Ali Aloula, qui signa avec la Grande-Bretagne, le 2 novembre 1849,

sur le plateau1chrétien

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L 'É T H I O P I E E T

LE

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S O U D A N N IL O T IQ ,U E

un traité de commerce et d’amitié. Le consul britannique Walter Plowden dit que ce chef fut « obligé de suivre une politique subtile et tortueuse, plutôt que violente, pour conserver son autorité sur ces féroces guerriers, ses pairs par la nais­ sance, impatients de sa suzeraineté, et parfois assez puissants pour être quasi indépendants ». L a troisième unité, le Choa, dans l’Ethiopie centrale, aussi de langue amharique,

C arte ai. — L ’E thiopie

désunie au début du xdc* siècle

avait été séparée du reste de l’Empire par des incursions antérieures des Galla, bien qu’elle eût quelque contact avec la côte par les ports du golfe d’Aden. En grande partie par suite de cet isolement du nord, ses chefs étaient devenus plus ou moins indépendants de l’autorité centrale, et ils avaient bâti leur propre dynastie, dont un des principaux fondateurs avait été le roi Abboyé (1720-1745). Au début du x ix e siècle, le voyageur britannique Henry Sait notait que le roi du Choa pouvait « être considéré comme un souverain indépendant à juste titre, puisque le gouver­ nement se transmettait depuis de nombreuses générations, directement de père en fils ». Cette province, isolée des guerres d’extermination qui avaient grandement appauvri les régions plus septentrionales, offrait aussi des avantages considérables à ses habitants; car, comme les voyageurs saint-simoniens français Combes et Tam isier le notaient : « Les paysans, protégés par une vigilante administration, et n ’ayant rien à craindre de la rapine des soldats, se livraient avec plus d’ardeur à la

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G oogle

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H I S T O I R E D E L'AFRIQJUE N O I R E

culture de leurs terres, certains de récolter après avoir semé. » L e pays était alors sous l’autorité de l’un de ses plus fameux monarques, le roi Sahlé Sellassié (18 13-18 4 7) qui signa des traités avec les gouvernements britannique en 1841 et français en 1843, et dont on se souvient qu’il était grand-père du futur empereur Ménélik I I . Pendant tout son règne, Sahlé Sellassié attacha un grand intérêt à se procurer de l’étranger des armes à feu et des spécialistes; mais il déclara qu’il n’avait pas l’emploi de mission­ naires étrangers, et en fait il les expulsa du royaume. Combes etTam isier rappellent que « l’activité de ce roi, que l’on croirait absorbé par les soins de la guerre, trouve le temps de se tourner vers les arts industriels, qu’il aime avec passion... Les principaux personnages de sa suite sont tous des ouvriers, qu’il entoure de la plus grande considération ».

Les pays environnant le plateau chrétien étaient politiquement divisés eux aussi, et comprenaient un grand nombre de royaumes, de principautés et de sultanats. Si les régions du sud et de l’ouest étaient encore largement païennes, l’Islam était en progression; les plaines de l’est du plateau avaient été depuis longtemps converties à la foi musulmane, qui faisait aussi des progrès importants dans le sud-est. Dans le nord, le port insulaire de Massaoua, et le port voisin en terre ferme d’Arkiko, qui à eux deux assuraient la masse du trafic de l’Ethiopie du Nord, étaient au début du siècle sous des autorités distinctes. Massaoua, prise par l’Empire ottoman en 1557, avait longtemps continué à faire partie nominalement de celui-ci; mais, au début du xrxe siècle, elle dépendait du gouverneur turc de L a Mecque, bien qu’elle payât un tribut annuel au naïb, chef héréditaire d’Arkiko. L ’autre port, longtemps gouverné par ses propres naïb, dépendait encore pour beaucoup du commerce de l’intérieur. Parfois, le naïb prenait avantage de sa situation pour accabler de taxes le commerce du T ig ré; et, à l’occasion, il essayait même d’inter­ venir dans le courant d ’importation d’armes vers l’intérieur; mais, dès qu’il était menacé par les Ethiopiens d’intervention armée ou de blocus, il se hâtait en général de capituler. Les deux ports furent touchés par l ’ascension de Mohammed Ali d ’Egypte, qui imposa son autorité à l’Arabie en 18 14 et peu après installa une garnison égyptienne à Massaoua. En 1826, il tenta de suspendre le payement du tribut versé à Arkiko, dont les habitants ripostèrent en supprimant l’approvision­ nement en eau, puis en attaquant l’île, sur quoi les Egyptiens se retirèrent. Néan­ moins, Massaoua fut officiellement transférée à l’Egypte par la Porte en 1846, et réoccupée par les troupes égyptiennes; le pouvoir du naïb déclina rapidement, celui-ci étant entièrement soumis au gouverneur égyptien de l’île. Wubé du Tigré était naturellement très alarmé par cette évolution, et il envoya plusieurs expé­ ditions armées vers la côte, mais il fut incapable de s’emparer de l’île de Massaoua, et se vit donc contraint de l’abandonner. et païenne

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L ' É T H I O P I E E T L E S O U D A N NILOTIQJUE

Au sud de Massaoua, les régions littorales de la mer Rouge, habitées par les Afar ou Danakil, étaient à Pépoque sous l’autorité de chefs locaux indépendants, tandis que plus à l’intérieur les A far de l’Aoussa avaient échafaudé leur propre sultanat séparé. Plus à l’est, les ports du golfe d’Aden, qui transitaient tous plus ou moins le commerce du Choa et des autres pays de l’intérieur, étaient aux mains de chefs locaux séparés, dont les plus importants étaient les sultans de Tadjoura et de Zeïla ; le port de Berbéra était aussi fameux pour sa foire annuelle, fréquentée par des marchands de l’Inde, de Perse, d ’Arabie, de Zanzibar, et de nombreuses régions de l’intérieur. L a côte de la Somalie du Nord eut son premier contact politique important avec les Britanniques en 1827, lorsqu’un traité fut signé à la suite du pillage d’un bateau britannique par les tribus H abr Oual. En 1840, les Britanniques signèrent des traités avec les chefs de Tadjoura et de Z eïla; ceux-ci s’engagèrent à ne pas conclure d’accords avec d’autres puissances étrangères; en même temps, la Compa­ gnie britannique des Indes orientales acheta sa première possession africaine, l’île M oucha, au large du golfe de Tadjoura, « pour dix sacs de riz ». L a côte septentrionale du Bénadir, sur l’océan Indien, moins favorisée écono­ miquement, avait un faible commerce extérieur et relevait de petits chefs locaux; plus au sud, les ports plus importants de Mogadichou et de Brava avaient été conquis au x v n e siècle par l’imam de Mascate, et ils en dépendaient encore par des liens relâchés. H arar, la ville fortifiée de l’est du Choa, était alors un centre commercial bien développé, qui frappait sa propre monnaie, et entretenait des relations avec le Choa, l’Ogaden et d ’autres pays de l’intérieur, ainsi qu’avec les ports de Tadjoura, Zeïla, Berbéra et même Mogadichou. L a ville était gouvernée par un émir héréditaire, qui exerçait aussi sa suzeraineté sur les populations galla environnantes, alors converties à l’Islam, et sur un grand nombre de Somali habitant pour la plupart l’Ogaden. Les régions qui forment aujourd’hui le sud-ouest de l’Ethiopie étaient poten­ tiellement parmi les plus riches, car elles fournissaient des esclaves, de l’ivoire, de l’or et des civettes, qu’elles exportaient par intermittence dans les autres provinces. Cependant, elles avaient beaucoup souffert de l’invasion galla, et avaient été déchirées par les guerres civiles ultérieures. Deux monarchies locales, K affa et Djandjéro étaient nées plusieurs siècles avant la période qui nous intéresse, tandis que quatre autres, Goum a, Gom a, Géra et D jim m a-Kakka, semblent avoir émergé dans les premières décennies du x ix e siècle, période coïncidant, assez significativement, avec la pénétration accrue de marchands musulmans, qui amenaient avec eux des armes à feu, quoique en petites quantités.

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E NOIRE

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Bien que la grandeur de l’Empire éthiopien eût depuis long(Thiodoros) temps disparu, bien des formules et des titres de 1 ancienne monarchie avaient été conservés, et la mémoire des jours passés survivait. Elle servit notamment à inspirer l’empereur Téwodros I I (1855-1868), homme remarquable qui tenta de restaurer l’Etat dans sa gloire d ’autrefois, en reconquérant les provinces alors en grande partie indépendantes, en écrasant la noblesse révoltée, et en réorganisant l’armée sur des bases modernes. Né dans le Kouara, près de la frontière soudanaise, il s’appelait à l’origine K assa; c’était le fils d’un chef peu important, dont la veuve fut un moment obligée de vendre du kosso, remède traditionnel contre le ténia. Encore jeune, Kassa choisit l’existence de condottiere, et fut si courageux et habile à la guerre qu’il conquit le dévouement de ses troupes et se rendit maître de tout le K ouara. L ’impératrice M anan, mère du R as A li, s’aperçut du pouvoir croissant de Kassa, et jugea prudent d ’écraser le « fils de la vendeuse de kosso », comme elle l’appelait. M ais son expédition fut malheureuse, et, en 1845, le mariage de Kassa fut arrangé avec la fille du R as A li, Téwabech, ce qui reconnaissait clairement son influence grandissante. A li et sa mère tentèrent de le renverser, mais il défit aisément leurs troupes et, en 1854, il étendit son autorité sur tout le Bégemder et le Godjam. Il défit ensuite le dedjazmatch Wubé, chef du Tigré, le 9 février 1855, à la bataille de Déresgé; deux jours plus tard, il fut couronné empereur sous le nom de Téwodros ou Théodoros I I . C ’était un nom significatif parce qu’une légende éthiopienne, alors largement répandue, prophétisait qu’un roi nommé Théodore apparaîtrait un jour, qui régnerait vertueu­ sement, balaierait l’Islam et s’emparerait de Jérusalem . L a personnalité de Téwodros a impressionné fortement de nombreux obser­ vateurs contemporains. M arkham , l’historien de l’expédition britannique organisée plus tard contre lui, le compare à Pierre le Grand, ajoutant : « Ils étaient tous deux des rois pourvus du génie m ilitaire; tous deux aimaient les arts mécaniques; tous deux avaient un courage indom ptable; et, tout en étant capables d ’actes nobles et généreux, tous deux se rendirent fréquemment coupables des plus horribles atrocités. »

L e caractère et les aspirations de l’empereur ont été aussi décrits dans un rapport de Plowden, écrit peu après le couronnement, dans lequel il déclarait que Téwodros était « persuadé qu’il est un monarque prédestiné ». Le rapport ajoute : « L e roi est capable de grandes choses, bonnes ou mauvaises. Il désire discipliner son armée, et y est déjà partiellement parvenu, abolir le système féodal, avoir des gouverneurs et des juges rému­ nérés, et désarmer la population. I l est juste, écoute lui-méme le plus pauvre paysan; il a mis fin à la corruption systématique... Il a interdit la traite des esclaves, et pacifié tout le pays, personne n’osant contredire son bon plaisir. »

Téwodros essaya aussi d ’affaiblir la noblesse héréditaire, qui détenait alors de grands fiefs, levait ses propres impôts, et n’éprouvait aucun loyalisme envers le chef de l’ Etat. Dans un rapport ultérieur, Plowden explique :

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V ÉTH IO PIE E T L E SOUDAN NIL0T1QJUE

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« L a tâche ardue de briser le pouvoir des grands féodaux — qui n’a pu être réalisée en Europe qu’au long de nombreux règnes consécutifs — il l ’a entreprise en enchaînant presque tous ceux qui étaient dangereux, et en affirmant son intention de les libérer lorsque son pouvoir serait consolidé. Il a placé les soldats sous le commandement de fidèles sûrs, à qui il a conféré de hautes dignités, mais non le pouvoir de ju ger ou de punir; ainsi, il a en fait créé des généraux à la place des chefs féodaux plus fieri de leur naissance que de leur monarque, organisé une nouvelle noblesse, une légion d’élite relevant de lui et choisie pour son audace et sa fidélité. »

Téwodros abandonna Gondar, la vieille capitale du x v n e siècle et s’installa à Debra Tabor et à M agdala, forteresse naturelle en montagne. De cette base, il lança une série d’expéditions contre le Tigré, le pays galla voisin, et le Choa, entraînant dans son sillage les principales provinces de l’Empire. Partout où ce fut possible, il remplaça les anciens chefs féodaux par des gouverneurs appointés nommés par le gouver­ nement central. Beaucoup de nobles acquiescèrent mais, une fois l’empereur hors de vue, commencèrent à se révolter contre lui. Conscient de la nécessité de renforcer sa position, Téwodros apporta une attention considérable aux affaires militaires. Il confia à un aventurier anglais, Jo h n Bell, l’instruction de ses soldats; et, lorsqu’ils firent des objections à la discipline, il prit lui-même en main cette instruction. Il essaya aussi d’améliorer sa puissance de feu en employant des Grecs et d’autres marchands étrangers pour passer des armes à feu en contrebande par le Soudan et persuada un groupe de missionnaires protestants, allemands et suisses, de travailler avec d ’autres étrangers à la fonte de canons et de mortiers. L ’histoire de ces efforts a été racontée par Dufton, un voyageur britannique contemporain, qui rapporte : « U n jour, des ordres vinrent de S a M ajesté, qui souhaitait les voir commencer à fabriquer des mortiers et des bombes. L ’ordre vint lui-même comme l’explosion d’une bombe, car nul d’entre eux n’avait jam ais eu l’idée qu’on leur demanderait de se mettre à un tel travail. Us firent naturel­ lement des objections, informant le roi qu’ ils n’avaient pas appris à fondre des canons, qu’ils n ’étaient nullement préparés à entreprendre une telle tâche, et que s’il désirait réellement que son pays dispose de ce matériel de guerre, des fabricants en Allemagne, en Angleterre et en France lui fourniraient de bien meilleurs articles que ceux qu’ils pourraient produire. Le roi fut mécontent de cette réponse; il souhaitait que ces choses soient fabriquées dans son pays, et être tout à fait indépendant des autres nations. Us firent valoir encore d ’autres objections, plutôt dans le domaine de l’incapacité que dans celui de la mauvaise volonté, mais leur refus ne fit que vexer davantage le ro i; il fit saisir et enchaîner leurs domestiques, ju sq u 'à ce que leurs maîtres eussent consenti à satisfaire sa volonté. Dans leur perplexité, ils ne pouvaient faire autrement que promettre d ’essayer. D ’un seul d'entre eux, H err M oritz, on pouvait dire qu'il avait la moindre connaissance du travail à faire, et sa science se bornait à la confection du moule; l'argile à utiliser pour la fabrication des briques réfractaires, la confection du four, la proportion des m étaux et la fabrication de la fusée lui étaient aussi inconnues qu'aux autres. Cependant, en unissant leurs réflexions et en cherchant des informations dans les livres, ils réussirent effectivement à produire quelque chose. Q ji'était-ce ? une masse vitreuse formée par la fusion du sable fin des briques. L e m étal refusa de couler. Us n'avaient d'autre ressource que de recom mencer; ils allèrent chercher dans tout le pays une meilleure argile réfractaire, et on tenta u n nouvel essai. Il en résulta une coulée de métal, qui se déversait maintenant en un fleuve liquide; l ’espoir était dans tous les cœurs que le but était enfin atteint; mais, hélas 1 le métal cessa de couler, e t le moule n’était q u 'à demi plein. Us essayèrent encore. A la joie inexprimable de ces hommes

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HISTOIRE DE V AFRIQUE NOIRE

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persévérants, et à la joie intense du roi lui-même, leurs vœ ux furent comblés, et Débra T abor vit pour la première fois les projectiles s’élever dans les airs et éclater avec un grand bruit qui fit retentir les montagnes de cent échos. »

L a nécessité de transporter ces armes en terrain montagneux obligea cet empereur novateur à entreprendre la construction de routes qui, bien que limitées à la région de Débra Tabor et de M agdala, étaient une innovation totale dans Phistoire du pays. Il essaya aussi de construire de grands bateaux pour voguer sur le lac T ana, mais le projet échoua, en grande partie parce que les travailleurs embauchés manquaient des qualifications nécessaires. Téwodros, comme certains gouvernants éthiopiens plus anciens, avait conscience du retard technique de son pays, et il était très anxieux d’attirer des ouvriers étrangers, surtout en matière militaire. L ’empereur consacra aussi beaucoup d’efforts à réformer l’organisation de ses troupes et, comme le rapporte Plowden, il les rangea en régiments, « nommant des officiers aux différents grades, fixant leur solde et le nombre de leurs ordonnances, et amalgamant les soldats des diverses provinces au hasard dans ces régiments, portant ainsi un coup puissant au système féodal, sous lequel les hommes se rassem­ blaient autour du chef de leur district d’origine, et ne suivaient que lui seul dans l’obéissance ou la révolte ». Quoique homme de guerre, Téwodros comprenait parfaitement les difficultés créées par les soldats de son temps, non payés, qui ravageaient les campagnes à la recherche de nourriture. Il essaya de constituer une armée régulière payée et interdit aux troupes de piller les paysans comme autrefois. Cette « grande réforme », comme l’a appelée Beke, un témoin oculaire anglais, n’était pourtant nullement aisée à imposer. Zanab, secrétaire de l’empereur, rapporte que lorsque son maître était à Dalanta en 1 856, il dit à ses soldats de prendre ce qu’ils voudraient pour manger, mais de ne toucher ni aux vêtements ni au bétail des habitants. Néanmoins, les hommes prirent et abattirent tous les animaux qu’ils purent trouver, sur quoi Téwodros s’écria : « Soldats, de même que vous avez tué ce qui appartenait aux pauvres, de même Dieu fera pour vous. » En réalité, Téwodros fut obligé de mener une lutte sans fin avec ses soldats pour se faire obéir. Une dizaine d’années plus tard, l’envoyé britannique rapportait : « Il était réconfortant de voir comment Sa Majesté protégeait les récoltes de ses fidèles sujets, envoyant des détachements commandés par des officiers pour éviter aux champs de blé et aux villages les ravages par la soldatesque. » Conformément aux traditions de son pays, l’empereur était constamment préoccupé des affaires de l’Etat, y compris l’exercice de la justice. « Nonobstant ses multiples engagements, écrit le missionnaire Stem , il estime de son devoir solennel de consacrer, presque chaque jour, plusieurs heures aux essaims de plaignants et d’avocats qui... lui battent les oreilles du cri monotone : « Ju stice ! J a n hoy! Justice! Ja n hoy! » Les vols et les assassinats furent supprimés avec succès, si bien que les bandes de pillards étaient « aussi rares » dans son royaume que « dans les Etats les mieux administrés ». »

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Les dernières années du règne de l’empereur furent assombries par son conflit avec les Britanniques. Comme il avait été en excellents termes avec deux Anglais, Bell et Plowden, il écrivit à la reine Victoria et à l’empereur des Français en novembre 1862, pour proposer de leur envoyer des ambassadeurs. Sa lettre à la 4( grande reine chrétienne qui aime tous les chrétiens » déclarait que Dieu l’avait « tiré de la poussière » et lui avait rendu l’Empire qui avait été auparavant donné aux Galla et aux Turcs. Cette lettre fut transmise par le consul Cameron, successeur de Plowden, qui rapporta que Téwodros lui avait demandé de lui procurer des ingénieurs et des médecins d’Angleterre. L a lettre atteignit Londres en février 1863, mais on ne la jugea pas très importante; elle resta sans réponse, et fut apparemment égarée. Gomme le temps passait sans recevoir de réponse, Téwodros devenait de plus en plus impatient; Cameron aggrava en même temps les choses par sa visite à Kassala et Matamma, sur la frontière du Soudan où il s’était rendu parce que les Turcs avaient capturé des esclaves de la province voisine de Bogos; mais ce geste, et l’accueil chaleureux qu’il reçut des Egyptiens, donnèrent l’impression qu’il était du côté de ceux-ci, qui violaient alors le territoire éthiopien. Une lettre du comte Russell, secrétaire britannique aux Affaires étrangères, adressée à Cameron, renforça ce point de vue, car elle enjoignait au consul de retourner « immédiatement » à Massaoua et d’y rester « jusqu’à nouvel ordre », car il n’était pas désirable que « les agents de Sa Majesté interviennent dans les affaires de l’Abyssinie ». U n peu plus tard, Téwodros fut encore irrité de s’apercevoir que Stern avait écrit un livre qui contenait des remarques défavorables à son égard, dont la mention que sa mère avait été vendeuse de kosso. A u lieu de la réponse longtemps attendue de la reine Victoria, Téwodros apprit donc que le gouvernement britannique rappelait son consul et s’efforçait de se dégager des affaires éthiopiennes. Le supérieur du couvent éthiopien de Jérusalem apporta une confirmation du changement de la politique britannique, en informant que les prêtres coptes s’étaient emparés des biens des Ethiopiens, et que le représentant britannique s’était déclaré incapable d ’intervenir, alors que son prédécesseur épousait la cause de l’Ethiopie. Téwodros n’était pas homme à supporter aisément toute forme d’insulte, réelle ou imaginaire. Au début de sa carrière, Plowden avait observé que « les points les plus mauvais de son caractère sont de violents accès de colère et un orgueil intran­ sigeant pour ce qui touche son droit divin royal ». Ces traits s’étaient accentués avec le temps, et, lorsqu’il était en colère, l’empereur se laissait aller à d’effrayants accès de fureur, sans qu’on pût dire s’ils étaient feints ou sincères. Comme il attachait beaucoup d ’importance à ses relations avec les puissances étrangères, il fut naturelle­ ment exaspéré par cette série d’irritations qui l’humiliaient aux yeux de ses sujets souvent rebelles, et semblaient impliquer l’effondrement de ses espoirs d’un appui britannique. En apprenant l’écart de conduite prétendu de Stem, il fit arrêter et fouetter le missionnaire, qui fut ensuite emprisonné avec un de ses collègues. Par

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la suite, il fit aussi enchaîner Cameron. Ce geste eut le résultat désiré par l’empereur, car le gouvernement britannique, qui s’était jusqu’ici peu intéressé à lui, se hâta de retrouver la lettre égarée, et envoya une réponse qui fut confiée à Rassam , le résident-adjoint britannique à Aden. A la réception de cette lettre, Téwodros relâcha les prisonniers, mais les arrêta de nouveau plus tard, apparemment dans l’espoir de contraindre le gouvernement britannique à entendre sa demande de travailleurs. En même temps, il envoya un des missionnaires, M artin Flad, en Angleterre, pour mettre au point le recrutement de ces ouvriers. L ’empereur ne se trompait sans doute pas en pensant que les arrestations inciteraient les Britanniques à se hâter, car le colonel Merewether, résident politique britannique à Aden, pressait aussi le gouvernement britannique de gagner la confiance de l’empereur en abordant ses requêtes « avec franchise et libéralisme ». Le gouvernement britannique se rallia à une opinion semblable et accepta de recruter un contremaître, des ouvriers et sept assistants. L e I er septembre, Flad annonça à l’empereur : « L ’affaire pour laquelle Votre Majesté m ’avait envoyé en Angleterre est accomplie, avec la grâce de N. S. le Christ. » Bien que la mission de Flad eût été jusque-là entièrement réussie, la situation tourna peu après au pire. L a nouvelle que l’empereur avait remis les prisonniers en geôle provoqua un changement de la politique du gouvernement britannique. Il décida alors que, si les artisans étaient envoyés à Massaoua, ils ne seraient autorisés à gagner l’intérieur que lorsque les prisonniers auraient été relâchés et auraient effectivement rejoint le port. Les travailleurs atteignirent Massaoua le io décembre, mais l’empereur déclara qu’il ne relâcherait pas ses prisonniers avant l’arrivée des travailleurs. Les deux parties étaient ainsi dans une impasse. Entre-temps, le gouvernement britannique envisageait de recourir à la force, et décida en juillet d ’envoyer une armée contre Téwodros, dont on savait que la puissance était en grand déclin, par suite de révoltes locales. L ’expédition fut confiée à Sir Robert Napier, et composée de 12 000 combattants, dont les deux tiers d ’ indiens. Une force expéditionnaire débarqua à Annesley Bay le 21 octobre et, avec une aide considérable de Kassa, chef du Tigré, progressa rapidement, pour livrer son premier engagement avec les troupes impériales en vue de M agdala le 10 avril. L e lendemain, l’empereur envoya au commandant britannique une lettre remarquable qui consti­ tuait son dernier testament au peuple. Elle disait : « O peuple d ’Abyssinie, faudra-t-il donc toujours que tu fuies devant l’ennemi lorsque, par la puissance de Dieu, je ne marche pas avec toi pour t’encourager ?... Les gens de mon pays, en me reprochant d ’avoir embrassé la religion des Francs, et en disant que j ’étais devenu Musulman, et de dix autres façons, avaient provoqué m a colère envers eux. Que Dieu change en bien ce que j ’ai pu leur faire de mal. Que Sa volonté soit faite. J'a v a is l’intention, si Dieu en avait ainsi décidé, de conquérir le monde entier; et c’était mon désir de mourir si je ne pouvais pas réaliser mon dessein... J'a v a is espéré, après avoir soumis tous mes ennemis en Abyssinie, conduire mes armées contre Jé r u ­ salem et en chasser les Turcs. Un guerrier qui a dorloté, comme des enfants dans ses bras, des hommes vigoureux ne souffrira jam ais d ’être dorloté dans les bras des autres. »

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Les négociations reprirent avec les Britanniques, sans pouvoir aboutir à un accord, bien qu’il eût relâché les prisonniers le 12 avril. Le lendemain, les Britan­ niques lancèrent leur assaut final sur M agdala et Téwodros, jugeant toute résistance inutile, renvoya ses partisans, en disant à son domestique : « C ’est fini ! Plutôt que de tomber entre ses mains, je me tuerai ! » Il mit son pistolet dans sa bouche et se suicida. Ayant atteint leur objectif, les Britanniques se disposèrent à partir. Ils n’étaient pas grandement intéressés par l’expansion coloniale en Afrique et, dès le début, ils n’avaient aucune intention de rester dans le pays, et avaient promis de se retirer dès que leur conflit avec l’empereur serait réglé. C ’est sur ces bases que les Turcs les avaient autorisés à débarquer, et Kassa du Tigré à traverser sa province. Avant de partir, ils détruisirent la forteresse impériale à M agdala, et la plus grande partie de son artillerie. Puis, à la demande de sa mère, ils emmenèrent Alamayou, le jeune fils de Téwodros, et près d’un millier de manuscrits que l’empereur avait rassemblés pour constituer une bibliothèque. Leur dernier geste fut de remercier Kassa du Tigré de son aide en lui donnant douze canons lourds et sept cent vingt-cinq mousquets.

T ha a TV 1 ^ mort Téwodros laissa une fois de plus le pays divisé et ant* rtm 0 privé d’empereur. Trois personnalités rivales régnaient dans différentes zones : Ménélik, héritier des chefs du Choa, se proclama roi de cette province; le R as Gobazé, chef de l’Am hara, s’était couronné empereur de Gondar, tandis que Kassa, le bénéficiaire des armes données par les Britanniques, consolidait son pouvoir sur le Tigré. En 1872, Gobazé entreprit de conquérir Adoua, la capitale du Tigré, mais Kassa le défit aisément et se proclama empereur sous le nom de Yohannès I V (1871-1889). Pendant la première partie de son règne, Yohannès subit une forte pression des Egyptiens. Ayant acquis le port de Massaoua de l’Empire ottoman en mai 1868, ils s’emparèrent du port voisin de Zulla et instaurèrent un blocus contre l’impor­ tation d ’armes en Ethiopie. En 1874, ils s’emparèrent de Bogos, à la frontière du Soudan, s’avancèrent dans l’intérieur de Massaoua vers Ailet, pénétrèrent en pays afar et, en 1875, annexèrent les ports de Zeïla et Berbéra et prirent H arar. Ayant vu avec quelle facilité les Britanniques avaient vaincu Téwodros, ils décidèrent d’attaquer l’empereur Yohannès et d’occuper Adoua. Une troupe égyptienne bien équipée, conduite par un officier danois, le colonel Arendrup, avança dans l’intérieur, à partir de Massaoua et traversa le Mareb, mais fut défaite par l’empereur à la bataille de Goundet en novembre 1875. Les Egyptiens organisèrent alors une expédition beaucoup plus importante, de près de 20 000 hommes, pourvue des arm es les plus modernes. Yohannès riposta en proclamant la croisade contre les envahisseurs, qu’il défit encore, à la bataille de Goura, en mars 1876, où il s’empara de plus de 25 canons et 150 0 0 carabines Remington, qui lui permirent pour la prem ière fois de doter son armée d ’armes de première qualité. Il était enfin en

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mesure de consolider effectivement son pouvoir à l’intérieur. Ménélik, qui avait quelque temps assumé le titre d ’empereur, retira cette prétention en 1878 et, en 1882, un mariage fut arrangé entre sa fille Zaoditou, âgée de sept ans, et R as A raya Sellasé, le fils de l’empereur, âgé de douze ans. Yohannès, chrétien dévoué à la foi orthodoxe, était enclin à se méfier des étrangers, en particulier des missionnaires, comme le montre une conversation que lui attribue l’explorateur italien Bianchi. On dit qu’à l’arrivée d ’un groupe de mission­ naires suédois, l’empereur aurait demandé : « Y a-t-il des Ju ifs dans votre pays ? — Oui, Votre Majesté, répondirent les voyageurs. — Et quel pays avez-vous traversé pour atteindre le mien ? — Nous avons traversé l’ Egypte, répondirent-ils. — Alors, pourquoi n’êtes-vous pas restés dans votre pays ou en Egypte pour y baptiser les gens ? Nous n’avons nul besoin de cela ici. » En dépit d ’une telle xénophobie, Yohannès était trè» désireux d ’obtenir une aide m ilitaire; il employa un Anglais, Kirkham , pour instruire son armée, et nomma un consul honoraire à Londres. Son règne vit une expansion du commerce extérieur et une prospérité relative, parce qu’il put donner à son pays plus de paix et de stabilité. A . B. W ylde, quelque temps vice-consul britannique en mer Rouge, observait que les conditions s’étaient « gran­ dement améliorées » pendant son règne : « Il y avait plus de riches marchands qu’auparavant et, comme le brigandage était presque aboli, le commerce intérieur grandit beaucoup dans le pays, et on importa plus de marchandises étrangères... Les paysans et les cultivateurs vivaient mieux et étaient moins molestés par la soldatesque. »

Entre-temps, d ’importants événements se produisaient sur la scène L °^(m Erythrée henS internationale. En 1869, un prêtre italien, le P. Sapeto, agissant pour le compte d ’une firme italienne, la Società Rubattino di Navigazione, avait acheté le port d’Assab au sultan local. Pendant une dizaine d ’années, les Italiens ne portèrent pas grand intérêt à ce qui était leur première acquisition en Afrique; mais, en 1882, ils la déclarèrent colonie italienne. L a même année, la mainmise de la Grande-Bretagne sur l’Egypte avait en quelque sorte inauguré la curée de l’Afrique. Pendant ce temps, au Soudan, M uham m ad Ahm ad, qui s’appelait le M ahdi, commença une rébellion qui se révéla si heureuse que le gouvernement décida en 1883 de retirer les troupes égyptiennes et britanniques du territoire. Comme plusieurs villes pourvues de garnisons égyptiennes et où habi­ taient des Européens étaient alors coupées de l’Egypte par les Mahdistes, on décida de prier l’empereur Yohannès d ’aider à les replier par le territoire éthiopien. U n officier britannique, l’amiral Sir W illiam Hewett, fut donc envoyé pour négocier avec l’empereur qui accorda son aide. Il stipula cependant que les Egyptiens lui rendraient les régions frontalières dont ils s’étaient récemment emparés, et réclama le contrôle de Massaoua. Les Britanniques et les Egyptiens furent d ’accord pour la rectification de frontières, mais ne consentirent pas à faire plus que lui promettre

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le droit d ’importer librement des armes et des munitions par le port « sous protection britannique ». Ces principes furent sanctionnés par un traité signé à Adoua le 3 ju in 1884, sur la base duquel le R as Aloula, un des plus habiles capitaines de Pempereur, releva six garnisons au Soudan. Cependant, l’écroulement de l’autorité égyptienne dans toute cette partie du nord-est de l’Afrique aboutit à un vide du pouvoir. Le 3 février 1885, les Italiens s’emparèrent de Massaoua avec l’accord des Britanniques qui craignaient qu’autrement la France n’y pénètre. D ’abord, les Italiens promirent de n’élever aucun obstacle au transit du commerce éthiopien dans le port, mais des intentions bien différentes se firent rapidement sentir. Ils pénétrèrent dans l’intérieur jusqu’à Sahati et Wia, mais furent défaits par le Ras Aloula à Dogali en janvier 1887 et contraints de reculer, en dépit de l’étroit blocus qu’ils avaient établi sur toutes les fournitures d’armes en Ethiopie. Soucieux de pénétrer plus avant dans l’intérieur sans recourir à une plus grande guerre de conquête, les Italiens persuadèrent le gouvernement britan­ nique de s’entremettre. U n diplomate britannique, Gerald Portai, fut dépêché auprès de l’empereur avec pour instructions de le presser de consentir à l’occu­ pation par les Italiens de la région côtière, y compris Sahati et W ia, et la région de Bogos dans l’ouest. A l’annonce de ces propositions, Yohannès répondit : « J e ne puis rien faire de tout cela. En vertu du traité signé par l’amiral Hewett, toute la région frontalière évacuée par les Egyptiens m’était cédée à l’insti­ gation de l’Angleterre et maintenant vous me demandez d ’y renoncer! » Profondé­ ment blessé par l’appui britannique à l’Italie, il écrivit alors à la reine Victoria, déclarant que si elle souhaitait faire la paix en son nom, ce serait lorsque les Italiens resteraient dans leur pays et les Ethiopiens dans le leur. Confronté à une menace imminente de l’ Italie, il renforça alors ses défenses en déplaçant les troupes qui étaient stationnées sur la frontière soudanaise, dans l’éventualité d ’une attaque mahdiste. Saisissant cette occasion, les Soudanais envahirent le territoire éthiopien sur ces points. Yohannès marcha vers l’ouest et défit l’armée d ’invasion à Métemma le 19 mars 1889, mais, à la fin de la bataille, il fut tué par la balle d’un tireur embusqué. En apprenant la mort de leur maître, les soldats éthiopiens se débandèrent, et les Italiens, profitant de la confusion géné­ rale, avancèrent vers l’intérieur. Wylde observe que leur progression « ne rencontra pas d’obstacle et qu’une fois qu’ils eurent pris pied sur le plateau supérieur et s’y furent fortifiés, aucune force abyssine n’était capable de les en chasser ».

L empereur Ménéltk //

Yohannès eut comme successeur sur le trône impérial le petit^ ^ SeUassié> MénéUk j j (1889 -19 13), alors roi du

Choa, qu’on peut justement qualifier de fondateur de l’ Ethiopie moderne. Fort influencé par l’empereur Téwodros, à la Cour duquel il avait été prisonnier dans

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son enfance, il avait profondément conscience de la nécessité d ’unifier, renforcer et moderniser le pays, et il montra un grand intérêt pour les nouvelles inventions et les machines de toutes sortes. En accédant au trône du Choa en 1865, il avait remarquablement réussi à obtenir des armes à feu pour ses soldats. Les Egyptiens qui se préparaient en 1875 à attaquer l’empereur Yohannès tentèrent d ’obtenir sa collaboration dans cette entreprise, et furent facilement convaincus de lui procurer un canon et 500 fusils. Cependant, les Egyptiens se répandirent vite dans l’Ethiopie orientale et occupèrent H arar. Ils organisèrent alors le blocus du Choa, ce qui incita Ménélik, soucieux d ’obtenir une aide extérieure, à se plaindre en 1878 auprès de la Société anti­ esclavagiste britannique, que « le gouvernement égyptien barre mon chemin, désire m’empêcher de me procurer des armes, des outils, des artistes, etc., d ’ Europe». Néanmoins, il fit tourner à son grand avantage l’arrivée cette année d’une mission géographique italienne, en obtenant de ses visiteurs qu’ils lui donnent deux canons et 400 fusils. Le retrait ultérieur des Egyptiens de la côte fut suivi par la venue, peu après 1880, des Italiens et des Français, qui tous deux n’étaient que trop disposés à lui procurer de plus en plus d ’armes. Chaque puissance, pour ses raisons propres, était anxieuse de gagner son amitié : l’ Italie, dans l’espoir qu’il l’aiderait contre Yohannès, son ennemi du nord; et la France, qu’elle l’aiderait dans sa rivalité avec l’Angleterre. Les commerçants et les aventuriers français faisaient un trafic lucratif d ’armes à feu pour Ménélik, tandis que les diplomates italiens lui faisaient de nombreux dons généreux. L e poète-commerçant Rim baud, lui-même engagé dans le commerce des armes, estimait que de 1882 à 1887, le chef du Choa avait enrichi son arsenal de 25 000 fusils. L ’accroissement de la puissance militaire permit grandement à Ménélik de consolider sa situation en Ethiopie méridionale. E n 1875, ^ acquit une partie de la province de Gouragué. E n 18 8 1, son armée m archa sur K a ffa, qui accepta de lui payer tribut, tandis que Djim m a, G éra et Goum a acceptèrent aussi sa suzeraineté. E n 1886, ses troupes occupèrent O ualaga et achevèrent l’ occupation du pays des Aroussi; en 1887, il s’em para du H arar, ce qui lui donnait un meilleur contrôle de la route commerciale vers la m er; et, à l’autre extrémité du pays, il conquit la province d ’ Illoubabor.

A la mort de l’empereur Yohannès, M énélik réaffirma son ancienne aoêc r/to/i* prétention au trône impérial. Il fut soutenu par le gouvernement italien, avec qui il signa un traité de paix et d ’amitié perpétuelles à Uccialli le 2 m ai 1889. Par cet accord, il reconnaissait la souveraineté de l’ Italie sur le plateau d ’Erythrée. Les Italiens le reconnaissaient pour empereur, et l’autorisaient à importer des armes et des munitions à travers leur territoire. M ais l’article le plus célèbre fut l ’article 17 , qui devait être la source d ’un conflit entre les deux pays.

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L a querelle naquit de ce que le traité avait deux versions, l’une amharique et l’autre italienne, dans lesquelles le sens de cet article était matériellement différent. Selon le texte amharique, Ménélik avait la faculté de recourir aux bons offices des autorités italiennes pour toutes ses relations avec d’autres puissances étrangères; mais, dans le texte italien, cette faculté devenait une obligation. Bien que l’ Italie se prévalût rapidement de la version italienne, pour prétendre à un protectorat sur l’Ethiopie, le conflit entre les deux pays fut encore retardé quelque temps. Plus tard dans l’année, un cousin de Ménélik, le R as Makonnen, se rendit en Italie pour négocier les détails de la collaboration italo-éthiopienne. Pendant son absence, les Italiens pénétrèrent plus avant dans le plateau érythréen et occupèrent Asm ara. Durant ce temps, à Rom e, le R as Makonnen avait signé une convention additionnelle au traité d ’Uccialli le I er octobre; aux termes du nouvel accord, l’Italie confirmait sa reconnaissance de Ménélik comme empereur, tandis q u’il reconnaissait la souveraineté des Italiens sur leur colline de la mer Rouge, sur la base de la région effectivement occupée à cette date. L a convention stipulait de plus que l’empereur pouvait émettre des monnaies qui seraient frappées en Italie et auraient cours aussi dans la colonie italienne, la monnaie coloniale italienne ayant semblablement cours en Ethiopie. Il était convenu aussi que le gouvernement italien pourrait autoriser une banque italienne à consentir à Ménélik un prêt de 4 millions de lires, sur la garantie des recettes de douane du H arar, pour le paiement des intérêts et le remboursement du capital. A cette époque, le gouvernement italien se sentait en position d ’affirmer ses prétentions sur l’Ethiopie. L e 1 1 octobre, le Premier Ministre, Crispi, demanda aux représentants de l’Italie à l’étranger d ’informer les gouvernements auprès desquels ils étaient accrédités que l’Italie « conformément à l ’article 34 de l’Acte général de Berlin » avisait qu’ « en vertu de l’article 17 du traité perpétuel entre l’Italie et l’Ethiopie... il est disposé que S. M . le roi d ’Ethiopie consent à recourir aux bons offices du gouvernement de S. M . le roi d ’Italie pour la conduite de toutes les affaires qu’il pourrait avoir avec d ’autres puissances ou gouvernements ». L a référence à l’article précité de l’Acte de Berlin était significative, car il déclarait que « toute puissance qui prendra désormais possession d ’une région côtière du continent africain hors de ses possessions présentes ou qui, n’ayant aucune possession jusqu’ici, en acquerra, ainsi que toute puissance qui y assumera un protectorat, adressera aux autres puissances signataires une notification de tels actes... afin de permettre à celles-ci, s’il était besoin, de faire valoir leurs propres prétentions ». M énélik fut couronné empereur le 3 novembre, mais lorsqu’il le notifia aux puissances européennes, il s’aperçut qu’elles ne le reconnaissaient plus pour un sou­ verain indépendant, mais seulement comme le dirigeant d’un protectorat italien. C ’est ainsi par exemple que des cartes éditées en Grande-Bretagne commençaient à appeler son pays « Abyssinie italienne ».

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Refusant d’accepter cette interprétation du traité d ’Uccialli, Ménélik écrivit au roi Humbert d ’ Italie, le 27 septembre 1890 : « Lorsque j ’ai signé ce traité d ’amitié avec rita lie , afin que nos secrets fussent gardés et notre entente préservée, j ’ai dit qu’en raison de notre amitié, nos affaires en Europe pourraient être menées avec l’aide du souverain d ’Italie, mais je n’ai conclu aucun traité qui m ’oblige à le faire, et aujourd’hui je ne suis pas homme à l’accepter. Q u’une puissance indépendante ne recherche pas l'aide d ’une autre pour régler ses affaires, c ’est ce que V . M . comprend très bien. »

En réalité, la puissance de Ménélik grandissait de mois en mois. Il importait de plus en plus d ’armes à feu, surtout de France et de Russie et, entre 1890 et 1895, il reçut au moins 50 000 fusils nouveaux et environ 5 millions de cartouches. Pendant ces années il avait aussi ramené à l’Empire la plupart des provinces méridionales. C ’est ainsi que ses troupes occupèrent une partie du Gouragué, le Konta et le K oulo en 1889, une partie du K am bata en 1890, l’Ogaden, le Balé et le Sidamo en 18 9 1, le reste du K am bata en 1893, le Gofa et le W alamo en 1894. Pendant ces années aussi, il améliora le système fiscal, instaurant une dîme spéciale pour l’entretien de son armée, fournissant des rations à ses soldats et leur défendant de piller les paysans. Les relations avec l’Italie se détérioraient de plus en plus, comme les deux parties se préparaient à la guerre. Enfin, le 12 février 1893, M énélik dénonça le funeste traité d ’ Uccialli et, informant les puissances européennes, déclara : « L ’Ethiopie n’a besoin de personne ; elle étend ses mains vers Dieu. » Les combats commencèrent en janvier 1895, lorsque les Italiens avancèrent dans le T igré pour occuper Adigrat, M akalé et Am ba Alagi. M ais plus tard, M énélik monta dans le nord avec une nombreuse armée, défit les envahisseurs à Am ba Alagi et à M akalé, et les contraignit à battre en retraite sur Adoua. Les premières semaines de 1896 furent inactives, chaque armée attendant que l’autre prenne l’initiative. Enfin, le 25 février, le Premier Ministre italien, Grispi, télégraphia au général Baratieri, commandant les forces italiennes : « C ’est une phtisie militaire, non une guerre... un gaspillage d’héroïsme sans succès correspondant... Il est clair pour moi qu’il n’y a aucun plan fondamental pour mener cette campagne, et j ’aimerais qu’on en formulât un. Nous sommes prêts à tous les sacrifices pour sauver l’honneur de l’armée et le prestige de la monarchie. » Esperonné par ces mots, Baratieri donna à son armée l’ordre d’attaquer tôt dans la matinée du i 6r mars. L ’armée éthiopienne occupait une position relativement bonne à Adoua. Elle avait le soutien de la popu­ lation locale, dont le patriotisme avait été stimulé par le fait que les Italiens avaient prononcé des expropriations pour essayer d ’installer des colons. L a population montrait aux gens de Ménélik les meilleurs chemins, les informait des mouvements de l’ennemi, tandis que les Italiens se heurtaient à l’hostilité des habitants, et n’avaient pas de cartes exactes pour les guider. En outre, les Ethiopiens avaient une armée beaucoup plus nombreuse, et donc une puissance de feu supérieure; les forces de M énélik dépassaient largement 100 000 hommes, armés de fusils modernes, plus peut-être 20 000 avec des lances. Les Italiens avaient un peu plus

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d ’artillerie — 56 canons contre 50 à Ménélik — mais seulement 17 000 hommes, dont 10 596 Italiens, et le reste en recrues érythréennes. L a bataille s’acheva en déroute complète pour les Italiens. 261 officiers, 2 918 sous-officiers et soldats et environ 2 000 recrues érythréennes furent tués; 954 soldats italiens avaient disparu, et 470 Italiens et 858 recrues étaient blessés. Ainsi, plus de 7 560 hommes étaient hors de combat, soit près de 43 % des combattants. En outre les Italiens avaient perdu tous leurs canons et environ 1 1 000 fusils. Comme Berkeley, historiographe de la campagne, le notait plus tard, la conséquence fut que l’armée de Baratieri « avait pour le moment cessé d ’exister en tant qu’unité combattante ». L a bataille d ’Adoua, dont la nouvelle fit sensation en Europe, où elle précipita la chute du gouvernement Crispi, donna à Ménélik un prestige considérable, tant à l’intérieur qu’à l’étranger. Les Italiens, qui pendant sept ans avaient prétendu à un protectorat sur le pays, consentirent le 26 octobre au traité de paix d’AddisAbeba, par lequel ils acceptaient l’annulation du traité d ’Uccialli et reconnaissaient l’indépendance absolue de l’Ethiopie. D ’autre part, Ménélik ne semble pas avoir pensé être en mesure d’insister pour leur départ d’Erythrée. Néanmoins, l’amélio­ ration de sa situation apparut à l’évidence par le fait que, dans les quelques mois qui suivirent, les gouvernements français et britannique envoyèrent des missions diplo­ matiques et signèrent des accords les 14 et 20 mars 1897 respectivement. D ’autres missions vinrent des mahdistes soudanais, du sultan ottoman et du tsar russe; et, en conclusion, les Français, les Britanniques, les Russes et les Italiens entretinrent des légations permanentes à Addis-Abeba. U n an plus tard environ, en 1898, l’empereur s’engagea dans une importante aventure militaire et diplomatique et envoya un de ses capitaines, le R as Tasam ma, jusqu’au Nil blanc, avec l’ordre d’entrer en contact avec un détachement français commandé par le capitaine M archand, qu’on attendait de la côte d’Afrique occidentale. Cependant, M archand n’arriva pas comme prévu, et Tasam m a dut se retirer à cause de la faiblesse de son effectif. Les espoirs d’une étroite coopération diminuèrent grandement après l’incident de Fachoda. En dépit des fortes pressions des puissances coloniales, l’empereur conserva sa liberté d ’action, comme le reconnut l’envoyé britannique Harrington qui, parlant de ses collègues diplomates en 1902, observait : « J e n’ai pas encore vu qu’aucun d’entre nous ait ce que je puisse réellement appeler de l’influence, c’est-à-dire une influence qui ferait faire à Ménélik ce qu’il ne voulait pas faire. Il y a beaucoup d’influence au détriment les uns des autres, mais elle est infime à l’avantage d’un seul. »

L e départ de l’Egypte de la mer Rouge et du golfe d’Aden, à la suite de l’ascension du M ahdi, avait créé un vide du pouvoir qui conduisit en 1884 à l’arrivée des Français à Obok, T adjoura, puis Djibouti, formant la Côte française des Somalis, créée par le gouverneur Lagarde, et comprenant des territoires peuplés d’A far au nord et à

La Grande-Bretagne, l'Italie et la Somalie

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l’ouest, d ’Issa (Somalis) au sud-est. Les Britanniques furent aussi actifs et ne signèrent pas moins de dix traités avec les tribus somali du nord entre mai 1884 et mars 1896. Par ces traités, les tribus convinrent de se placer sous protection britannique et s’engagèrent à ne pas vendre, céder ou donner en gage leur territoire, ou en disposer de quelque manière que ce fût, sinon en faveur du gouvernement britannique. E n conséquence de ces accords, le gouvernement britannique informa officiellement les puissances, le 20 juillet 1887, qu’il avait instauré, le long de la côte septentrionale somali, le protectorat du Somaliland. Les frontières entre les zones d’influence de la France et de la Grande-Bretagne furent contradictoirement définies en février 1888; les deux puissances convinrent en même temps de ne pas annexer H arar, dont Ménélik s’était emparé l’année précédente. L a domination européenne se limita, pour les quelques décennies suivantes, aux ports et à la côte ; le voyageur britannique Pease notait par exemple en 1902 que l’administration britannique « est incapable et ne tente pas de s’opposer dans l’intérieur aux luttes permanentes entre tribus ». L a politique britannique différait de celle de la France en ce qu’elle était fermement opposée à la fourniture d’armes à Ménélik entre 1884 et 1889; le gouvernement britannique fit alors de vigoureux efforts — en grande partie inutiles — pour convaincre les Français et les Italiens d ’imposer un blocus des armes au souverain éthiopien. L ’ Italie commença à s’intéresser sérieusement au pays somali en 1885, l’année de l’occupation de Massaoua, lorsque Antonio Cecchi fut dépêché à Zanzibar pour délimiter la souveraineté sur la vallée du Djouba et un traité de commerce fut signé avec le sultan de Zanzibar. Cecchi et le consul italien Filonardi, commerçant notable de la région, espéraient tous deux que l’opposition des Zanzibari et des Britanniques à l’expansion allemande faciliterait la pénétration italienne, tout comme l’opposition britannique à la France avait favorisé l’occupation de Massaoua par les Italiens. Les premiers efforts italiens dans ce sens furent stériles; mais, peu après, Filonardi réussit à signer des traités de protectorat avec le sultanat central d ’O bbia en février, et avec le sultanat plus méridional de M igertain en avril 1889; le protectorat italien sur la côte orientale somali fut proclamé le 15 novembre. U n protocole anglo-italien définissant les frontières entre les zones d ’influence respectives suivit en mars 18 9 1. L e protectorat italien, qui reçut le nom de Bénadir, et plus tard de Somalie italienne, fut confié le 15 mai 1893 à Filonardi qui l’administra pour le compte d'une compagnie à charte, la Compagnie royale italienne d’Afrique orientale, en contre­ partie d ’une subvention fixée à l'origine à 350 000 lires. Les Italiens poursuivirent leur progression en remontant le Djouba vers le grand centre commercial de Lugh, que les Ethiopiens occupèrent pendant l’été 1895, mais qui tomba peu après, en novembre, aux mains des Italiens. L a compagnie à charte de Filonardi s’étant montrée à la fois inefficace et paternaliste à l’excès, tout le protectorat fut transféré en 1896 à une autre société privée, la Société anonyme commerciale italienne du

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Bénadir. M ais des scandales ultérieurs, dus à la continuité de l’esclavage et de la traite sous l’administration de la Société, conduisirent le gouvernement italien à assumer l ’autorité directe sur le territoire le I er mai 1905. Une série d’expéditions militaires furent entreprises entre 1908 et 19 14 , qui eurent pour résultat d’étendre la domination italienne, d ’abord limitée à une bande côtière de 30 km, à 160 ou 200 km dans l’intérieur, et d’instaurer un régime d ’ « indirect rule ». Les deux premières décennies du x x ® siècle virent l’ascension et la chute de M uham m ad Abdullah Hassan, appelé par les Anglais le M ad Mullah (le M ullah fou) du Somaliland. C h ef d ’une confrérie religieuse du Somaliland britannique, il proclama en 1899 guerre sainte contre tous les infidèles; son mouvement s’étendit comme une traînée de poudre. Après l’attaque de Djigdjiga, dans l’Ogaden éthio­ pien, par ses partisans, une expédition anglo-éthiopienne fut lancée contre lui, mais il s’échappa dans le nord de la Somalie italienne. Deux autres expéditions britanniques échouèrent aussi, et le M ullah réussit en 1893 à s’emparer de toute la vallée du Nogal jusqu’à la côte, et à couper en deux le protectorat italien. Reconnaissant sa puissance, et peu désireux de supporter les frais d’une expédition contre lui, les Italiens signèrent un traité de paix avec le M ullah le 5 mars 1905, qui le consacrait chef légitime de cette partie de la Somalie. Cet accord lui donna un prestige considérable aux yeux des Somalis et il devint le symbole de la résistance à la domination étrangère. Cappello, consul italien à Aden, observait en 1906 : « Politiquement, notre position ne peut être pire. » Les Britanniques, effrayés eux-mêmes par les difficultés et les dépenses nécessaires pour écraser le rebelle, décidèrent en 1909 de retirer leurs troupes de l’intérieur, et de ne tenir que trois villes sur la côte. Cependant, en 1 9 1 1 , la Grande-Bretagne et l’ Italie se joignirent pour attaquer le rebelle, qui fut chassé de Somalie, mais pour se retirer dans le protectorat britannique, où il continua à exercer une grande influence. Il signa une alliance avec le chef éthiopien malheureux Lidj Yassou en 1916, mais sa puissance semble avoir beaucoup diminué pendant la première guerre mondiale, après laquelle les Britanniques entreprirent, en 1919-1920, une autre campagne contre lui. Cependant Muhammad Abdullah parvint à fuir dans l’Ogaden éthio­ pien; mais il mourut peu après, apparemment de l’influenza. Sa mort mit fin au mouvement derviche, ce qui facilita grandement la consolidation ultérieure de la domination britannique et italienne dans les protectorats respectifs après la guerre.

Cependant, Ménélik s’était de plus en plus attaché à la tâche de niodemiser son pays. Il était par nature très intéressé par les inventions de toute sorte, et montrait une fascination presque enfantine pour tout l’outillage nouveau. U n observateur italien, de Castro, déclarait a v e c humour que si un bâtisseur de châteaux en Espagne arrivait avec le plan d ’ u n e échelle de la Terre à la Lune, l’empereur la lui ferait fabriquer « seulement dê l'Ethiopie moderne

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pour voir si ce serait possible ». Peu avant 1890, il avait fait transporter sa capitale à Addis-Abeba, qui fut officiellement baptisée en 1887 par l’impératrice T aytou; l’année précédente, il avait préparé la construction de son premier pont, qui fran­ chissait l ’Aouache. En 1892, il réorganisa la fiscalité au Ghoa, et créa une dîme pour l’entretien des troupes, ce qui mettait fin au régime du pillage des paysans. En 1894, il introduisit la première monnaie nationale et les premiers timbresposte; il accorda à Ilg, son conseiller suisse, la concession de la construction d ’une ligne de chemin de fer et d ’une ligne télégraphique partant de Djibouti, dans la Côte française des Somalis. L a même année, il envoya les trois premiers boursiers du gouvernement faire leurs études à l’étranger, en Suisse; d ’autres allèrent en Russie. L ’eucalyptus fut importé d ’Australie à peu près à la même époque, proba­ blement par le Français Mondon-Vidailhet. L a construction du chemin de fer avait été ajournée jusqu’après la bataille d’Adoua, mais elle démarra sérieusement en 1897 ; les premiers trains, partis de la côte à Djibouti, commencèrent à circuler à DireDana en 1902, mais un conflit sérieux surgit de l’implication du gouvernement français dans les finances de la compagnie ferroviaire et provoqua un retard de six ans; la ligne n’atteignit Akaki, à 23 km d’Addis-Abeba, qu’en 1915. U n hôpital de la Croix-Rouge russe ouvrit ses portes en 1898 et continua à fonctionner jusqu’en 1906. Des lignes télégraphiques vers Djibouti, vers la colonie italienne de l’ Erythrée et divers centres provinciaux furent posées par des ingénieurs français et italiens au cours des quelques années suivantes. Une fonderie de monnaies fut créée en 1902, et on commença à construire la même année la première route moderne, d’AddisAbeba à Addis-A lam ; par la suite, les travaux routiers furent grandement facilités par l’introduction du premier rouleau à vapeur en 1904. L a Banque d ’Abyssinie, première du genre dans le pays, fut fondée en 1905, filiale de la Banque nationale d ’Egypte, appartenant aux Britanniques. L a santé défaillante de l’empereur et la complexité croissante du gouvernement conduisirent à l’institution en 1907 du premier cabinet national. L a même année s’ouvrit l’Etégé, premier hôtel moderne. L ’école Ménélik I I , premier établissement moderne d’enseignement, fut inaugurée en 1908; l’hôpital Ménélik I I , premier hôpital d ’Etat, en 1910, et la première imprimerie d ’Etat en 1 9 1 1 . Pendant les dernières années du X IX e siècle, et la première décennie du x x e, l’ Ethiopie fut ainsi dotée de ses premières institutions modernes, en grande partie grâce à l’aide des Français, des Britanniques et des Italiens, l’empe­ reur étant fort attentif à ne tomber sous l’influence d ’aucune puissance européenne. Bien que diverses puissances étrangères eussent fortement aidé Ménélik dans son œuvre de modernisation, on constata pendant les dernières années de son règne une détérioration de ses relations avec les trois puissances coloniales (France, Grande-Bretagne et Italie) dont les territoires entouraient l’Ethiopie et lui coupaient tout accès à la mer. L ’attente de sa mort, supposée imminente, les incita à un rap­ prochement, et elles signèrent le 13 décembre 1906 une convention tripartite de coopération mutuelle. Elle déclarait que les trois puissances avaient un intérêt

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commun à maintenir l’intégrité de l’Ethiopie, mais que dans l’éventualité d ’un trouble du statu quo, elles convenaient de sauvegarder leurs propres intérêts. On définissait ainsi : un intérêt britannique dans la vallée du Nil et de là dans la région du Nil bleu; un intérêt italien en Erythrée et en Somalie, et de là dans les régions adjacentes de l’Ethiopie; et un intérêt français dans la Côte française des Somalis et de là dans l’arrière-pays. Ainsi, les trois puissances divisaient le pays en zones d’influence, dans le dessein, comme disait Harrington, d’éviter d’entrer en concurrence dans la faveur de l’empereur, et de « suivre les intérêts des Blancs en face des Noirs; si les représentants des puissances étaient en désaccord sur un point particulier, ils ne devaient pas révéler leurs divergences d’opinion au roi Ménélik, mais en référer à leurs gouvernements respectifs ». Comme on pouvait s’y attendre, l’empereur ne fut pas satisfait de cette tournure des événements. Lorsque l’accord lui fut présenté le moment venu, il répondit fièrement : « L a convention tripartite m’a été remise... J e remercie les trois puissances de m’avoir informé de leur désir de consolider et de maintenir l’indépendance de notre royaume. Mais cette conven­ tion est subordonnée à notre autorité et ne saurait en aucun cas lier notre décision. » L a mort de Ménélik, survenue en décembre 19 13 , après un long règne de vingt-quatre ans comme roi du Choa et vingt-quatre ans comme empereur d’Ethiopie écarta de la scène le souverain qui avait sauvegardé l’indépendance de son pays pendant toute la période du partage de l’Afrique et rallié à son autorité les provinces si longtemps dissidentes. Son petit-fils Lidj Yassou hérita du trône, mais s’aliéna rapidement d’importantes parties de la population, y compris une grande part de la noblesse du Choa. Apparemment dans l’espoir de gagner l’appui des Musulmans, et peut-être pour avoir un accès à la côte occupée par les Italiens, les Français et les Britanniques, le jeune souverain s’appuya lourdement sur leurs ennemis, les Allemands, les Autrichiens et les Turcs, ce qui lui valut l’hostilité des Alliés. Une révolte éclata rapidement au Choa et Yassou fut défait en 19 16 . On décida alors que Zaoditou, fille de Ménélik, deviendrait impératrice, et que le fils du Ras Makonnen, T afari, serait régent et héritier du trône.

II — L E S O U D A N N I L O T I Q U E Le nom ancien de Nubie s’applique à la vallée étroite du Nil qui décrit deux boucles, de la sixième à la première cataracte, entre le désert de Libye à l’ouest et le désert de Nubie à l’est. Les Barabra (ou Barbarins), mélange de Nubiens, d’Egyptiens et d’Ethiopides, parlant le nubien, occupent la basse Nubie, de Dongola à la première cataracte; en aval de la quatrième cataracte on trouve les Arabes Shaykia, puis, de la sixième à la quatrième cataracte diverses tribus arabes englobées sous le nom général de

La Nubie et le Soudan vers 1800

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Ja a li ou Abbassi. Ces tribus se sont superposées et mélangées aux Nubiens préexis­ tants. D u côté de la mer Rouge nomadisent les Ethiopides Béjà, pillards redoutés. L e Soudan proprement dit est situé au sud du désert, entre les 15 0 et io ° de latitude. Il présente deux bandes suivant les parallèles : au nord le Sahel, steppe à épineux parcourue par des nomades, notamment les Baggara; au sud la zone tropi­ cale sèche (soudanienne) où la culture, du mil surtout, est possible sans irrigation. Les habitants sont en partie des tribus arabes plus ou moins nigritisées, et des négrides, ceux-ci notamment dans les montagnes du Kordofan (Nuba) et du Dar-Four, ainsi que sur les contreforts du plateau éthiopien. Entre le Nil bleu et le Nil blanc s’étend la Gézira (île) où l’irrigation est possible. A u sud du io ° commencent la savane humide et les marais, peuplés de noirs nilotes païens qui, à cette époque, n’ont aucun lien avec le Soudan, converti à l’ Islam. L ’itinéraire du pèlerinage traverse l’Afrique d’ouest en est par la steppe, passe le Nil à Shendi et atteint la mer Rouge à Massaoua ou à Souakin. U n itiné­ raire sud-nord suit le Nil bleu par Sennar et Shendi, et coupe la deuxième boucle pour gagner l’Egypte. Le Darb el-Arbaïn (route des 40 jours) joint directement le Dar-Four à la basse Egypte par le désert. Les esclaves, pris chez les païens noirs, notamment dans l’ouest éthiopien (et non chez les Nilotes Chillouk, guerriers redoutés), constituaient un élément important du commerce extérieur. De nombreux pèlerins d ’Afrique occidentale, qualifiés uniformément « Fellata », fatigués d’un trop long et dur voyage, s’installaient ou louaient leurs services dans la zone soudanienne du pays. L e royaume Foung, après une extension militaire au milieu du xvm ® siècle, était entré en décadence. Sennar, la capitale, est encore décrite par Bruce, en 1773, comme très peuplée, avec des maisons d’argile à terrasses; le territoire alentour, fécondé par les inondations du Nil bleu, est bien cultivé en m il; mais l’armée est au Moyen Age : javelines, cottes de mailles, pas un fusil. Le régent a la réalité du pouvoir et dépose fréquemment les souverains ; nobles Foung, cheikhs arabes, ministres autochtones luttent pour le pouvoir et se consument en intrigues. Le Kordofan a été perdu; les tribus arabes du Nil, jusqu’à Dongola, s’administrent elles-mêmes sous une vague souveraineté Foung qui n’est plus qu’une ombre; les révoltes sont fréquentes; certaines tribus se sont rendues indépendantes et razzient leurs voisins. Les Turcs, suzerains de l’Egypte, avaient occupé la basse Nubie jusqu’à la troisième cataracte et la côte de la mer Rouge; mais ils n’y conservaient guère qu’une souveraineté nominale. Les Béjà n’obéissaient à personne. L e sultanat du Dar-Four, créé au x v n e siècle par Suleyman Solong, avait conquis le Kordofan. Il razziait les païens du sud et entretenait, par la route des 40 jours, des relations directes avec l’ Egypte. Dans tous ces pays l’infiltration des pays arabes et la diffusion de l’ Islam par les personnages religieux (fakihs) ou les sectes plus ou moins mystiques sont un phénomène continu qui donne peu à peu une unité religieuse et linguistique à un ensemble racialement et politiquement très disparate.

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L ’ Egypte, lointaine dépendance de la Turquie, était, au x v iie siècle, régie en fait par la classe militaire des Mameluks. Décimés par la conquête de Bonaparte, les Mameluks avaient été massacrés traîtreu­ sement, en 1 8 1 1, par le pacha Méhémet Ali, soldat d ’origine albanaise, qui, tout en restant théoriquement vassal du sultan turc, devint le véritable souverain d’une Egypte rénovée, avec une armée munie d’armes modernes et des conseillers européens. Les Mameluks survivants du massacre s’étaient réfugiés en Nubie, à Dongola, où ils se fortifièrent. Ce fut un prétexte pour Méhémet Ali à conquérir le Soudan, où il comptait trouver de l’or pour son trésor et des esclaves pour en faire des soldats. U ne armée de 4 000 hommes composée d ’Albanais, de Turcs, de Maghrébins et de Bédouins d ’Egypte, partit d’Assouan, en juillet 1820, sous le commandement du jeune Ismaïl, troisième fils du pacha. L a basse Nubie se soumit, quelques Mameluks s’enfuirent; la seule résistance fut celle des Shaykiya, qui, battus, devinrent les plus fidèles auxiliaires des Egyptiens. Les tribus Ja a li se soumirent à leur tour. L ’armée passa le Nil blanc un peu en amont du confluent; elle entra sans difficultés dans Sennar en ruines et en proie aux dissensions. L e dernier roi Foung accepta une pension. L a conquête, à la poursuite du régent qui s’était enfui, et à la recherche de mines d’or, s’étendit jusqu’aux limites du plateau éthiopien. Cependant une seconde armée, aux ordres du deflerdar (ministre des Finances) Moham ed Bey, beau-frère du pacha, s’était dirigée de Dongola vers le Kordofan à travers le désert. Il remporta une victoire sur les troupes du D ar-Four et occupa la steppe. Le Dar-Four et les Nuba des collines restèrent provisoirement indépendants. Ismaïl, de son côté, utilisait sa conquête. Des impôts très lourds furent institués, ayant comme base le nombre d ’esclaves et de bestiaux. L e paiement se faisait en esclaves, qui étaient envoyés en Egypte. Le mécontentement général explosa bientôt. Ismaïl se rendit à Shendi et insulta le chef des Jaaliyin , M akk Nimr. Dans la nuit le camp égyptien fut brûlé et Ismaïl périt dans l’incendie (novembre 1822). Ses troupes, cernées de tous côtés par une révolte générale, firent appel au defterdar. Celui-ci accourut, dégagea les garnisons assiégées, massacra des rebelles, poursuivit les autres, obtint des soumissions par la terreur. E n 1824 ^ rentra en Egypte. Son successeur, Outhman Bey, disposait de troupes nouvelles : les esclaves soudanais transformés, en Egypte, en soldats réguliers. Il acheva rudement la soumission et fonda, au confluent des deux N il, le fort et la ville de Khartoum (la trompe d’éléphant). La conquête égyptienne

Période de gouvernement égyptien est connue des Soudanais sous le nom de turkiya (la turquerie). A partir de 1825 Méhémet A li désigna comme hikimdar (gouverneur général) du Soudan successivement trois hommes, M ahou, Khourchid et Alou W idan, qui pratiquèrent une politique d ’apaisement,

La Turk'

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en prenant des conseillers soudanais, dont le principal fut Cheikh Abd el Qadir. Les impôts furent diminués, les fugitifs rentrèrent, l’agriculture par irrigation fut encouragée. Khartoum devint la capitale, résidence du hikimdary où la construction fut aidée par l’Etat. Le pays fut divisé en sept provinces : Dongola, Berber, Khartoum , Kordofan, Sennar, Fazoughli (à la limite du plateau éthiopien) et T aka (dans le pays des Béjà, ralliés plutôt que soumis après plusieurs expéditions difficiles); chaque province avait un gouverneur (moudir) et se divisait en districts régis par un nazir; des chefs traditionnels furent maintenus dans leur commandement. Ce système rationnel et bienfaisant était gâté par une corruption assez répandue. En 1849 Méhémet Ali mourut. Il avait tenté de monopoliser les exportations du Soudan (peaux, troupeaux, et surtout la gomme du Kordofan). Son petit-fils et successeur, Abbas, dut ouvrir la porte aux hommes d ’affaires européens. L a corruption s’étendit. Saïd, quatrième fils de Méhémet Ali, succéda à Abbas en 1854. De formation occidentale, il fut épouvanté de ce qu’il vit dans un voyage au Soudan et faillit, dit-on, l’abandonner. Il essaya des réformes, plaça des conseils auprès des gouverneurs, notamment pour établir l’impôt, rattacha directement les provinces au Caire en supprimant le hikimdar (le dernier, sous Abbas, avait laissé les pires souvenirs) ; le rôle de l’armée fut diminué. Ces bonnes résolutions, mal adaptées à un pays encore primitif, menèrent bien vite au chaos; cheikhs et tribus s’émanci­ pèrent; il fallut rétablir le hikimdar et l’autorité. Ismaïl, neveu de Saïd, lui succéda en 1863 et prit le titre de Khédive en 1867. Il avait les mêmes idées novatrices, mais plus de hardiesse et de réalisme dans la construction d’une Egypte qu’il voulait grande et puissante. Les impôts cessèrent d’être arbitraires, une carte étant délivrée à chaque contribuable. Une force de police fut organisée. Le gouverneur des provinces de l’est, Mumtaz, lança les plan­ tations de coton et les étendit à la Gézirah quand il devint hikimdar. Le succès fut considérable tant que la guerre de Sécession arrêta l’exportation du coton américain ; mais ensuite ce fut la chute. Des écoles furent créées, les mosquées encouragées, le télégraphe relia le Soudan au Caire; une voie ferrée fut commencée à partir de Ouadi Haifa. Des Européens reçurent des postes de gouverneurs dans le sud nouvel­ lement conquis. L ’un d’eux, l’Anglais Gordon, devint hikimdar, en 1877. Il réprima la traite des noirs et donna au Soudan un budget autonome. M ais il s’usa vainement à lutter contre la corruption et se retira.

Le sud du bassin nilotique, avant le plateau des Grands et l ’impérialisme égyptien e st un Pays différent du Soudan à tous points de vue. Il appartient à la zone tropicale humide, avec une végétation de savane boisée. Le Nil y reçoit de nombreux affluents, notamment le Sobat, à l’est, venu d ’Ethiopie, et, à l’ouest, le Bahr el-Ghazal (mer des Gazelles) grossi lui-même de nom breux affluents qui ont valu à cette contrée le nom de Pays des

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C arte 23. — L e Soudan

éoyptten .

1820-1885

Rivières. A la rencontre du Bahr el-Ghazal et du N il la crue des fleuves crée un immense marécage temporaire; herbes et arbres arrachés aux rives forment, sur les deux fleuves, des bouchons (soudd) qui peuvent, pendant des mois, arrêter la navigation. Les peuples du sud appartiennent, dans leur immense majorité, à la sous-race négride des Nilotes, grande, maigre, avec des jam bes interminables ; on les a souvent comparés aux échassiers de leurs m arais; comme eux ils vivent de la pêche à la saison des hautes eaux ; à Pétiage ils redeviennent pasteurs de bovidés et agriculteurs. Leur nudité, leur paganisme les faisaient mépriser par les Soudanais convertis à l’ Islam. M ais ils étaient redoutables dans leur pays aquatique, bien qu’armés seulement de grandes lances, de casse-tête en bois et de boucliers de cuir. Les Chillouk, placés le plus au nord, formaient une unité, avec un roi sacré, et avaient

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fréquemment semé la terreur dans la zone soudanaise entre les deux Nil. Les autres tribus, Dinka, Anuak, étaient réparties en nombreuses chefferies : les Nuer, au centre du grand marécage, avaient un régime d’anarchie complexe, variant avec la saison. Les tentatives égyptiennes pour trouver l’or et les esclaves se heurtèrent aux lances et à la mobilité des Nilotes. En 1827 sur le Nil bleu, en 1830 sur le Nil blanc, le hikimdar Khourchid dut battre en retraite. Les gouvernements européens, à la suite de l’Angleterre, en étaient venus alors à la répression de la traite, et Méhémet A li, pour leur complaire, cessa de lancer des razzias et de salarier les traitants. Ses successeurs, Saïd et Ismaïl, s’efforcèrent de réprimer la traite, avec plus de conviction personnelle, sinon d ’efficacité. C ’est surtout le désir de trouver des trésors qui amena Méhémet A li, en 1839, à envoyer une expédition de bateaux à voile remonter le Nil. L e capitaine de frégate turc Salim Qaboudan, en trois voyages successifs, atteignit Gondokoro, à 50 de latitude nord, en 18 4 1. Au-delà un passage rocheux (à R edjaf) empêchait la remontée. Les rapports avec les riverains avaient été mêlés de cadeaux et de coups de feu. On ne rapportait pas l’or espéré, mais de l’ivoire. Désormais, tous les ans le hikimdar envoya un convoi de bateaux vers Gondokoro, où on avait créé un poste. A partir de 18 4 1, un traitant savoyard, Brun-Rollet, s’y risqua, mais ne put trafiquer qu’après l’abolition du monopole gouvernemental. L e consul anglais Petherik y envoya ou y conduisit des expéditions. U n missionnaire chrétien, Vico, s’y installa en 18 5 1. En 1855 un des bateaux de Petherik découvrit le Bahr el-Ghazal. Ce fut le début d’une pénétration du « Pays des Rivières » par les trafiquants européens, puis, quand ceux-ci, surchargés d ’impôts, se retirèrent, par les Soudanais khartoumiens et danaqla (gens de Dongola). Armés de fusils, ils s’imposèrent aux indigènes, grossirent leur armée, établirent des camps entourés de palissades et de ronces (zériba) et se divisèrent pratiquement le pays. A u trafic de l’ivoire, ils ajoutaient celui des esclaves. U n essai d ’Ismaïl de les soumettre par la force échoua. Il conféra alors au principal traitant, Zoubaïr, le titre de gouverneur du Bahr el-Ghazal (1875). Zoubaïr entra en conflit avec le Dar-Four, qui, auparavant, jouissait du monopole de la razzia de traite dans ces régions, et en fit la conquête (1874). M ais il dut le remettre à une armée égyptienne venue du Kordofan, et se rendre au Caire pour défendre sa cause. Il était devenu trop puissant et on l’y garda. Le Bahr el-Ghazal retomba dans l’anarchie des razzias et des rivalités entre les trafiquants. En 1869 l’explorateur allemand Schweinfurth, suivant une de leurs bandes, était parvenu au pays des Niam-Niams (Zandé), il avait traversé une grande rivière, l’ Ouellé, qui coulait vers l ’ouest. De 1879 à 1883 le russe Ju n k er séjourna au Pays des Rivières, dont il décrivit longuement l’état chaotique. Cependant Ism aïl avait décidé de lutter contre la traite sur le haut N il, où les

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razzias étaient organisées par des trafiquants, avec l’appui de certaines tribus et la complicité fréquente des autorités égyptiennes. En 1863 l’explorateur britannique Speke, venant de Zanzibar par le lac Victoria, avait atteint le N il à Gondokoro et y rencontrait son ami Baker, venu du nord. Suivant une hypothèse de Speke, Baker marcha vers le sud et découvrit le lac Albert. Sa relation de voyage, pleine de descriptions horrifiées de 1’ « enfer » des marchands d ’esclaves, attira à l’Egypte les observations des puissances. Ismaïl confia à Baker lui-même le titre de gouverneur et le soin de régler sur place la question de la traite, en établissant le pouvoir égyptien le plus loin possible. C ’était faire la preuve de sa bonne volonté, tout en étendant son Empire. Baker a raconté dans un second livre (intitulé Ismaïlia en hommage au Khédive) ses luttes, ses difficultés, son essai d ’annexion du Bounyoro en 1872, l’incendie de son campement, sa fuite, son échec final. On l’imputa à son caractère, trop entier et brutal. On le remplaça par un autre Britannique, Gordon, qui réussit à maintenir la nouvelle province d ’Equatoria tout en combattant plus habilement la traite. Lorsqu’il devint hikimdar, il chargea deux Italiens, Gessi et Messedaglia des gouver­ nements du Bahr el-Ghazal et du Dar-Four. Gessi, qui avait exploré auparavant le lac Albert, mena activement, au Bahr el-Ghazal, la lutte contre les traitants et fit fusiller le fils de Zoubaïr, Souleyman. L ’impérialisme égyptien s’était également manifesté en mer Rouge. Souakin et Massaoua, loués à Méhémet Ali par la Turquie en 1846, avaient été cédées à Ismaïl en 1865. En 1875, les Egyptiens s’emparaient de H arar. L e dessein, renouvelé de Mohammed Gragne, de conquérir l’Ethiopie chrétienne apparaissait clair. M ais les armées égyptiennes, lancées en Erythrée à l’assaut du massif éthiopien, furent vaincues, en trois tentatives successives, par le négus Johannès, qui avait proclamé la croisade. Peu après, la déconfiture financière de l’Egypte, provoquée partiellement par ces dépenses excessives, avait amené les puissances européennes à intervenir. Ismaïl dut abdiquer en 1879; en *882 les Anglais occupaient l’Egypte. Ces troubles facilitèrent la révolte du Soudan.

^ou h am m ad Ahm ad naquit à Dongola en 1843. Peu après, ses parents, comme beaucoup de D anaqla, émigrèrent dans le sud. C ’est à K arari, près de Khartoum , que le jeune garçon grandit et se fit vite remarquer par son ardeur à apprendre le Coran et sa foi. Il compléta ses études théologiques sous plusieurs maîtres, adhéra à la secte Soummani et à la mystique des soufi, puis se retira sur le Nil blanc, dans l’île d’A ba, où sa réputation d ’austérité lui attira bientôt des disciples parmi lesquels un Baggara, Abdullahi, qui cherchait un Messie. En ju in 1881 Mouhammad Ahm ad se proclama le M ahdi, celui qui doit venir à la fin des temps rétablir la justice dans le monde. Il prêchait le retour à la

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M ahdi a

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L'ÉTH IO P IE E T LE SOUDAN NILOTIQUE

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pureté de l’ Islam prim itif et condamnait « les Turcs infidèles ». Le hikimdar le fit attaquer dans son île par une petite troupe, qui fut ignominieusement chassée. Mais le M ahdi chercha une retraite plus sûre et s’établit à Qadir, dans le sud du Kordofan. Cette fois le hikimdar envoya une armée, qui se fit battre ; les mahdistes ramassèrent les fusils et vinrent assiéger la capitale du Kordofan, El-Obeid, qui, en janvier 1883, capitula. Les difficultés de l’ Egypte, à cette époque, l’avaient empêché d’envoyer des renforts. D ’ailleurs les Anglais, maintenant, étaient les maîtres, et le libéral Gladstone, Premier Ministre, ne voyait pas d’intérêt à maintenir la domination du Caire sur le Soudan. Cependant, sur la demande pressante du Khédive il autorisa une expédition égyptienne sous la conduite de l’officier anglais Hicks. Partie de Khartoum en direction d’El-Obeid, mourant de soif dans la steppe épineuse, la longue et lourde colonne fut submergée par l’élan irrésistible des mahdistes; Hicks et le hikimdar périrent, avec presque tous leurs hommes. L a victoire de Shaykan attira au M ahdi tous les mécontents du régime, notam­ ment les marchands d’esclaves et surtout les nomades dont le commandement devint « Tuer le Turc, et plus d’impôts! » Les gouverneurs européens du Dar-Four et du Bahr el-Gazhal, le Hongrois Slatin et l’Anglais Lupton, livrèrent combat mais durent se rendre. Lupton mourut, mais Slatin vécut à la Cour mahdiste, miconseiller, mi-prisonnier pendant de longues années, qu’il a racontées dans un livre célèbre Fire and sword in the Sudan. En même temps un envoyé du M ahdi, Osman Digna, ralliait les Béjà et attaquait Souakin, où se maintint une garnison anglo-égyptienne. Gladstone, décidé plus que jam ais à l’évacuation du Soudan, renvoya Gordon à Khartoum pour y procéder. Mais, redevenu hikimdar, le vieux soldat ne se résigna pas à abandonner son poste et ses administrés. Il organisa la défense, pendant que les mahdistes occupaient Berber, coupant la route du fleuve. En mars 1884, ils mirent le siège devant Khartoum . Une expédition de secours perdit son temps dans le désert. Le 26 janvier 1885 les troupes du Mahdi entraient dans la ville; Gordon fut tué. U n vapeur, arrivé trois jours après, dut faire demi-tour. Les troupes furent retirées. Le M ahdi avait désormais presque tout le Soudan à gouverner. Il établit sa capitale à Omdurman, faubourg nord de Khartoum . Il se contenta d’une orga­ nisation rudimentaire, inspirée des premiers temps de l’ Islam, avec trois Khalifa (lieutenants) représentant les trois successeurs du Prophète, un trésorier et un juge. Ses compagnons, les Ansar (mot également imité des premiers disciples du Prophète ; il signifie : les aides) ou Derviches (nom donné par les Européens), avaient foi dans sa mission divine, bénie par le succès et qui leur paraissait devoir triompher du monde. Mais, cinq mois après Gordon, le M ahdi mourait. Une crise s’ensuivit. Abdullahi fut consacré remplaçant du M ahdi, bien qu’il se contentât de son titre de Khalifa . Il rencontra pendant de longues années de

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E NOIRE

nombreuses oppositions, sans cesse renaissantes, notamment chez les Nubiens et les parents du M ahdi. A l’extérieur il réussit à maintenir l’essentiel du Soudan, sauf le sud du Bahr el-Ghazal qui resta aux mains de souverains locaux improvisés, et le sud de l’Equatoria autour du lac Albert, où le gouverneur « égyptien », l’Alle­ mand Emin Pacha, se maintint à W adelaï, sur le lac Albert, jusqu’à l’arrivée de la mission de secours dirigée par Stanley. Contre l’ Ethiopie chrétienne, deux attaques furent dirigées; l’une brûla et pilla la capitale, G ondar; dans l’autre, en mars 1889, les Ethiopiens, d’abord vainqueurs, s’enfuirent quand le négus Joannès eut été tué; aucune conquête ne suivit. Abdullahi tenta alors la conquête de l’Egypte, mais son armée, écartée du fleuve par les Egyptiens fut sévèrement battue à Touchki, au nord de Ouadi-Halfa. Le Khalifa se le tint pour dit. M ais son prestige s’en ressentit. Il lui fallut mater durement de nouvelles oppo­ sitions intérieures. Il s’entoura d ’une garde de Baggara et d ’esclaves noirs et ne désigna plus, pour les grands emplois, que ses parents et ses fidèles. Les impôts, réduits par le M ahdi, augmentèrent, l’administration devint plus lourde. Nul n’osait plus protester. L a fin vint des Anglais. L ’effondrement de l’impérialisme égyptien avait suscité une ruée des impérialismes européens. Les Italiens occupaient Massaoua et l’Erythrée, les Belges avançaient en Equatoria, les Français le long du Mbomou et dans le Bahr el-Ghazal. L a garnison anglaise de Souakin avait pris l’offensive en repoussant Osman Digna. Les armes automatiques, les canons et la discipline donnaient aux armées européennes une telle supériorité qu’une reconquête pouvait être envisagée; elle paraissait urgente pour éviter une avance des autres puissances et aussi pour diverses raisons concernant l’échiquier européen. En mars 1896 les troupes anglo-égyptiennes, sous les ordres de leur sirdar (commandant en chef), l’Anglais Kitchener, marchèrent sur Dongola pendant qu’on construisait hâtive­ ment un chemin de fer traversant le désert, de O uadi-Halfa à Abou-Hamad. Kitchener allait lentement, occupant peu à peu la vallée. L e neveu du M ahdi, Mahmoud Ahmad, tenta de résister sur l’Atbara et fut écrasé. L e Khalifa concentra 60 000 hommes à Omdourman. L e I er septembre 1898, à K arari, à 10 kilomètres au nord, le flot madhiste partit à l’attaque. Ce fut un massacre. Les « derviches », en quelques heures, eurent 1 1 000 morts, les Anglo-Egyptiens 49. L e Khalifa et ses principaux chefs s’enfuirent au Kordofan, où ils furent tués peu après. Kitchener put alors remonter le fleuve en canonnière et signifier au commandant français M archand, établi à Fachoda, qu’il entendait rendre à l’ Egypte toutes ses conquêtes antérieures. Le Premier Ministre Salisbury fit la sourde oreille à toutes les suggestions du gouvernement français pour garder l’ouest du Bahr el-Ghazal, organisé par l’administrateur Liotard. L a France dut s’incliner; Fachoda ne valait pas une guerre anglo-française, sous la menace allemande. M archand rentra par l’ Ethiopie et Djibouti. L a frontière fut fixée à la limite des bassins fluviaux.

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L* É T H I O P I E E T L E S O U D A N N I L O T I Q U E

L ’Angleterre ne garda que le sud de l’Equatoria, rattachée à l’Ouganda. Il semblait qu’au Soudan la Turkiya allait se réinstaller, inchangée. En fait, sur les ruines de la M ahdiya, c’est un tout autre régime qui allait naître : le « Condominium anglo-égyptien » à direction anglaise.

B IB L IO G R A P H IE

I — L 'É T H IO P IE E T SE S

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MOIRE

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CHAPITRE XIII

M adagascar A

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L a prise de Tananarive par Andrianampoinimerina, fin 1791 ou début 1 7 9 2> n’eut pas sur le moment l’importance qu’on lui a attribuée par la suite. Il s’agissait certes d ’un incontestable succès militaire, bien fait pour rallier au vainqueur la partie mécontente des populations environ­ nantes. M ais le roi Andrianamboatsimarofy, tout abruti par l’alcool qu’il fût, avait réussi à s’enfuir et occupait encore de solides positions tout près de Tananarive, dans le village d ’Anosizato. Si lui-même devait disparaître peu après, son fils, Ramaromanompo, continua la lutte avec un certain bonheur, puisque sa nouvelle capitale, Antsahadinta, ne tomba qu’en 1800, peut-être même en 1804.

de Tananarive

Andrianampoinimerina n’en avait pas moins entre-temps continué ^^'hnerina 50X1 expansion. Le ralliement « spontané » de l’ Imamo occidental lui avait permis de réduire le royaume d’Ambohidratrimo. Puis, toute une série de campagnes, dont certaines paraissent avoir été très difficiles, et dont il est impossible de fixer la chronologie, entraînèrent la soumission des autres principautés merina, puis de lTm am o oriental. Non sans mal, en quelques années, Andrianam ­ poinimerina avait réussi à réunir ainsi sous son autorité ITmerina traditionnelle. Cette conquête de ITmerina n’est pas sans poser de multiples problèmes qu’esca­ motent nos sources habituelles. L ’importance des forces en présence ne nous est guère connue. Elles devaient être d ’ailleurs de part et d’autre réduites, comme semblent l’indiquer certains échecs et certains sièges longs et difficiles. Par ailleurs, des liens entre clans, voire entre particuliers, durent en certains cas faciliter les entreprises d ’Andrianampoinimerina et permettent seuls d ’expliquer plusieurs ralliements.

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H IS T O IR E D E L 'A F R I Q U E

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N O IR E

R o ya u m e d 'A n d ria n a m p o in im e r in a à s o n av èn em en t (1785?) à sa m o rt (1810) C o n q u ê te s d e Radam a I (1810-1828) c o n s o lid é e s p ar R anavalona I (1828-1861 ) Z o n e c o n q u is e en 1890 |

| P a y s In d é p e n d a n ts O c c u p a tio n f r a n ç a is e a v a n t 1895

C a r t e 24. — M ad a g a sc a r E x t e n sio n s DU RO YA UM E

M e R INA lI

Il convient en effet de rechercher plus dans les causes d’ordre politique que dans le seul emploi des armes les raisons de la relative facilité rencontrée par Andrianampoinimerina pour réunifier l’ Imerina. Les désordres qui ont suivi le partage réalisé par Andriamasinavalona, l’anarchie quasi générale qui engendra des guerres de type féodal, les exactions de roitelets toujours en quête d’un surcroît de puis­ sance, durent faire naître chez beaucoup le désir d’un retour au calme et le regret de la période de paix antérieure. Or, Andrianampoinimerina s’est toujours présenté, même aux pires moments de ses luttes contre ses adversaires, comme désireux de refaire l’unité et de rétablir la paix intérieure, rencontrant ainsi les vœux de beaucoup qui n’hésitèrent pas, le moment venu, à abandonner leurs souverains légitimes pour se rallier à lui. Ajoutons à cela une réelle sagesse, un sens réaliste de l’organisation et le souci d’établir, partout où il devenait le maître, la justice et l’équité. Ces dernières raisons doivent aussi avoir joué lorsque Andrianampoinimerina, débordant le cadre de l’ Imerina traditionnelle, voulut étendre ses conquêtes et soumettre les peuples voisins.

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G oogle

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MADA GA SC AR

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L a tradition a voulu faire de ces conquêtes un des grands desseins prémédités d ’Andrianampoinimerina en lui prêtant dans le début de son règne l’expression imagée : « L a mer est la limite de ma rizière. » Il y a là, à n’en pas douter, un anachronisme certain, une sorte de justi­ fication a posteriori. Ce que nous savons de façon certaine, en effet, nous montre qu’il n’y eut pas, sauf peut-être en quelques cas, de politique systématique de conquête et que l’expansion s’est faite au hasard des circonstances. Les premières conquêtes d ’Andrianampoinimerina ne furent d’ailleurs, à proprement parler, que des reconquêtes de portions de territoires traditionnelle­ ment merina occupés par les peuples voisins (Bezanozano, Sihanaka) profitant de la faiblesse des successeurs d ’Adriamasinavalona ou insurgés contre l’autorité chancelante de roitelets incapables de faire preuve de force. L ’exemple le plus frappant en est sans nul doute les campagnes contre les Sihanaka dans la région d ’Anjozorobe, pays sans conteste possible mandiavato. Les Sihanaka, qui semblent à cette époque vivre dans une aire géographique plus au sud-ouest que de nos jours (lac Alaotra), y cohabitaient, certaines collines étant occupées par un village de chaque ethnie, avec des éléments merina implantés depuis une époque assez reculée. L a tradition a gardé le souvenir des luttes menées par Andrianampoinimerina contre des chefs, Rafaralahy-Andriantina et son père entre autres, considérés comme des chefs sihanaka ayant longuement résisté aux troupes merina. O r nous savons par ailleurs que Rafaralahy, loin d’être Sihanaka, était en réalité M erina, et de caste Andriamasinavalona. D u côté de l’est, Andrianampoinimerina se heurta aux Bezanozano qui, débordant de la forêt de la première faille, avaient occupé une partie du territoire merina, et en particulier Ambatomanga, à 20 km à peine de T an a­ narive. Andrianampoinimerina semble les avoir chassés assez rapidement de cette place forte, véritable nid d’aigle, mais il ne poursuivit pas tout d ’abord ses avantages. C ’est en effet au plus tôt en 1808 qu’il songea à porter la guerre chez eux, dans le dessein non pas tant de les conquérir que de les obliger à permettre le libre passage des traitants européens qui ravitaillaient alors lTm erina en armes et en munitions. L a puissance bezanozano ne fut d ’ailleurs guère entamée sous son règne. L a seule véritable expansion eut lieu vers le sud, dans l’Andrantsay. Nous connaissons mal, M ayeur étant pratiquement notre seule source, l’état de ces régions au début du x ix e siècle. Selon toute vraisemblance, l’Ankaratra était alors quasi désert, les régions d ’Ambatolampy, Ambositra et Faratsiho n’étant guère habitées que par des groupes merina plus ou moins dissidents. Betafo, par contre, devait être plus peuplé et s’y mêlaient déjà M erina et Betsileo. En effet, plus au sud, au-delà de la M ania, ce qui devait devenir le Betsileo présentait un degré de peuplement et de civilisation plus avancé. Mais, comme il a été vu précédemment,

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hors dT vR m rLa

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MOIRE

l’absence totale d ’unité empêchait toute résistance sérieuse contre un éventuel envahisseur. On saisit mal les raisons qui ont incité Andrianampoinimerina à s’attaquer à ces régions : désir de répondre à l’appel de certains groupes merina émigrés ou au contraire de réduire des insoumis enfuis de l’ Im erina; ou tout simplement sentiment qu’une telle conquête serait facile ? De fait, il ne semble pas que les troupes merina aient rencontré de grandes difficultés : l’Ankaratra fit sa soumission, ainsi que la région de Faratsiho (qui était alors le lieu de passage pour descendre vers le sud). D ’autres zones plus au sud en firent de même : M anandriana, Lalangina, Arindrano, sans que l’on puisse connaître avec exactitude les conditions de leur soumission, ni l’étendue des zones ainsi ralliées. Autant que l’on puisse le savoir, cette expansion semble là aussi s’être arrêtée lorsque Andrianampoinimerina a rencontré des points de résistance (Kiririoka, Ambositra) et les dernières analyses des traditions orales permettent de penser que ces points ne furent emportés qu’après la mort d ’Andrianampoinimerina, sous le règne de R adam a I er.

Un autre problème encore obscur et difficile à résoudre consiste avec les Sakalava * savoir si Andrianampoinimerina eut une politique claire en ce qui concerne l’ouest Sakalava. Les traditions merina, qui lui prêtent en la matière des succès sur lesquels elles s’étendent avec complaisance, sont trop en contradiction avec les traditions sakalava (qui ont été recueillies par Guillain dès 1840), pour n’avoir pas été forgées après coup. Des documents quelque peu postérieurs les infirment d ’ailleurs. A n’en pas douter pourtant, Andrianampoi­ nimerina dut avoir des relations avec les Sakalava : des bandes de pillards défer­ laient continuellement sur sa frontière ouest, parfois à peu de distance de sa capitale Ambohim anga, et razziaient certaines régions de l’ Imamo soumis avec le concours de groupes merina irrédentistes qui avaient fui sa souveraineté. Il dut essayer de se donner du champ, soit en fortifiant certains villages-frontières, soit en installant plus à l’ouest des colonies militaires destinées à arrêter les attaques que sa propre puis­ sance dut par ailleurs décourager. M ais ces bandes devaient elles-mêmes, dans l’anarchie que connaissaient alors les royaumes sakalava, agir indépendamment des rois du M enabe et du Boina et constituer entre eux et l’Im erina une sorte de no man’s land rendant difficiles les rapports directs entre souverains. Il est néanmoins vraisemblable qu’Andrianampoinimerina, conscient de sa puissance, dut cesser de payer le tribut annuel auquel les rois sakalava avaient jusqu’alors assujetti l’ Imerina et qui devait davantage représenter une taxe de libre passage vers le Mozambique qu’un acte de vassalité.

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MADAGASCAR

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Andrianampoinimerina fut certes un roi conquérant. Les réserves et°le codificateur formulées plus haut n’enlèvent rien à son mérite en la matière. M ais il fut aussi, et c’est peut-être son plus grand titre de gloire, un remarquable organisateur. Restaurateur de l’unité de l’ Imerina, il sut pour y parvenir remettre en vigueur l’un des fondements de la monarchie, l’autorité royale incarnée dans sa personne. Le roi redevient avec lui le seul maître, le Dieu visible, d’où émane tout pouvoir. M aître des personnes et des biens il plia à ses lois les tompomenakely (seigneurs des fiefs) qui ne tiennent leurs terres que de lui et qui reçoivent de lui, en échange des services qu’ils sont amenés à rendre à la monarchie (maintien de l’ordre, justice), une part de certains impôts. De même, l’ancienne organisation des tribus est plus ou moins fondue dans un découpage de l’ Imerina en six divisions territoriales qui ne prendront d’ailleurs tout leur sens que plus tard et leurs chefs traditionnels perdent toute autorité réelle. On assiste en quelque sorte à un essai réussi d ’administration directe, par la suppression des pouvoirs intermé­ diaires de type féodal, qui concentre tous les pouvoirs entre les mains du roi. En contrepartie, et pour contrebalancer cette centralisation, Andrianampoinimerina s’efforça de créer une forme de démocratie qui fut, disons-le, purement formelle. Le but en était d’associer le peuple aux grandes décisions qui étaient annoncées dans de grands kabœry (i) où étaient traitées toutes les questions importantes, « depuis la guerre jusqu’aux lois civiles et aux conseils moraux ». A vrai dire, toutes ces décisions émanaient du roi — qui s’entourait pour les préparer d ’une assemblée de sages, au nombre de douze — et le seul rôle du peuple consistait à les acclamer. Le règne d’Andrianampoinimerina fut marqué par une innovation, l’insti­ tution des Vadin-tany (époux de la terre), qui, au nombre de 70, jouaient un véritable rôle de missi dominiciy « contrôlant pour le compte du roi ce qui se passait dans les provinces, jugeant en appel, s’assurant que l’impôt était perçu, la corvée appliquée, les cultures en bon état et dénonçant les abus de pouvoir ». Enfin, à l’échelon du clan ( foko)9 ce qui correspondait approximativement au village, l’institution du Fokorfolonay véritable petite république, était chargée d’assurer l’ordre, de rendre la justice (qui était soumise à l’appel) et d’appliquer les décisions royales. R ien ne semble avoir échappé à Andrianampoinimerina en matière de légis­ lation. L e corpus de ses kabary recouvre à peu près toutes les activités humaines : distribution des terres (la création des Hetra ou unité devant assurer les subsistances d’une famille) ; impôts, en partie basés sur le hetra qui payait trois vata de riz, soit 30 kg; marchés; unités des poids et mesures; lois civiles et pénales, etc. 11 est vraisem-1 (1) Le >ens premier du mot est réunion publique. Le sens de discours, généralement accepté de nos jo u n , n’en est qu’ un dérivé.

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HISTOIRE DE L'A FR IQ U E NOIRE

blable d’ailleurs que le rôle d ’Andrianampoinimerina fut moins important que celui qu’on lui attribue ordinairement. Souvent il n’a dû en effet que reprendre l’œuvre de ses prédécesseurs, en l’améliorant certes, et en la codifiant.

Q uant * l’armée, instrument nécessaire des conquêtes, elle resta sous son règne ce qu’elle avait été jusqu’alors : basée sur le principe de la levée en masse à laquelle étaient astreints tous les hommes libres, qui devaient fournir eux-mêmes leurs armes, elle n’entrait en campagne qu’une fois la saison des cultures terminée, ce qui interdisait les expéditions lointaines et longues. Mais ses effectifs, jusqu’à 70 000 hommes, la rendaient dangereuse, d ’autant que l’app&t du butin (bœufs, esclaves) galvanisait les courages. L'armée

...



C ’est donc un royaume fort, solidement constitué, , . . . . . . . . . _ ; qu Andnanam poim m enna laissa à sa mort, en 18 10 , à son fils R adam a qu’il avait institué son héritier. Mort a Anananampointmenna

L e r è g n e d e R a d a m a I er ( 1 8 1 0 - 1 8 2 8 )

Avec l’accession au trône de R adam a I er, l’histoire malgache prend une nouvelle tournure. Andrianampoinimerina n’avait été somme toute que le roi de l’ Im erina; R adam a voulut, lui, être le roi de tout M adagascar et il y parvint en partie, en étendant sa domination sur près des trois cinquièmes de Pile.

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L e jeune roi était âgé en 18 10 d environ 18 à 20 ans. De taille ,. . . , ^ A , moyenne, disons même un peu petite, de teint clair, il était de caractère gai et enjoué, malgré de subites et redoutables colères. Curieux, avide de nouveautés, aimant toutes les belles choses qui arrivaient d ’ Europe, désireux de les imiter en ce qu’elles pouvaient avoir d’utile à son peuple, courageux au combat où il était peu soucieux de se ménager, il était aussi monarque avisé, calculateur froid et cynique et ne s’embarrassait d’aucune considération d’ordre moral ou philo­ sophique. Il avait en somme toutes les qualités et les défauts qui convenaient à un souverain absolu. C ’est pour ces raisons qu’Andrianampoinimerina l’avait choisi pour lui succéder, n’hésitant pas pour lui assurer le trône à faire assassiner deux de ses fils plus âgés, Rabodolahy et Ram avolahy. R adam a devait se montrer digne du choix de son père. Le caractère du roi

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Les premières années de son règne sont assez mal connues. Selon l’habitude de l’époque, pour mieux asseoir son autorité, il avait fait périr bon nombre de membres de la famille royale, ainsi que certains grands personnages, et il s’entoura des conseils de sa mère, Ram bolamasoandro, et des parents de celle-ci. M ais il n’en écarta pas pour autant tous les conseillers de son père, dont certains, tels R alala et Ram am ba, gardèrent leur influence pendant toute la durée de son règne. Dès l’annonce de la mort d’Andrianampoinimerina, certains des peuples qu’il avait vaincus s’empressèrent de se révolter et il fallut à Radam a plusieurs campagnes, et sans doute plusieurs années, pour en venir à bout. Successivement il écrasa les Bezanozano d’Ambatomanga qu’il refoula vers l’est (installation d’une garnison merina à M oram anga), puis les Betsileo d ’Ambositra (qui semble avoir été prise alors pour la première fois), et ceux du Fisakana et du Vohibato. Par contre une campagne contre les Sakalava du Menabe, qu’il mena vers 18 14 -18 15 , se termina par un désastre. Mais le grand problème qui se posait alors à Radam a était l’accès à la mer, d’où lui venaient les armes et les munitions dont avait besoin son armée et les objets manufacturés auxquels il était déjà habitué, et par où il pouvait exporter le surplus de ses productions, essentiellement d’ailleurs des esclaves. Si la route était relati­ vement sûre vers le nord-ouest où les commerçants antalaota et arabes vivaient en harmonie avec les chefs sakalava du Boina, il n’en était pas de même vers l’est. Tam atave, où le métis Je a n René, aidé de son frère Fisa, avait pris le pouvoir en 18 12 , était devenu à cette époque le grand lieu de traite où négociaient acti­ vement Mauriciens et Réunionnais, et de là des caravanes — ou plutôt des théories de porteurs — montaient les marchandises en I merina par des itinéraires connus (en gros les tracés actuels de la route et de la voie ferrée). M ais les régions traversées n’étaient pas sûres. Chaque petit mpanjaka prétendait prélever une dîme pour auto­ riser le passage sur son territoire, ou, si la fantaisie l’en prenait, n’hésitait pas à tout confisquer et R adam a allait être obligé d’intervenir pour s’assurer la liberté des transports et étendre ainsi son autorité vers l’est.

^ ^ é x ^ ig iu T ^

r ... , . Lm politique ontloisi

Ce besoin d ’expansion devait rencontrer une aide de premier ordre en la personne de Sir Robert Townsend Farquhar, gou­ verneur de M aurice, qui projetait de mener une active politique malgache, et la conjonction de ces deux ambitions, celle de Radam a et celle de Farquhar, devait avoir des conséquences capitales pour le devenir de Madagascar. Le traité de Paris (31 mai 18 14 ), en rendant l’île Bourbon à la France et en cédant l’île M aurice à la Grande-Bretagne, permettait à cette puissance de prendre pied dans une partie de l’océan Indien où elle avait été traditionnellement absente.

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Par ailleurs, en dissociant le sort des Mascareignes, qui s’orientaient de plus en plus vers les cultures industrielles, ce partage posait la question de leur ravitaillement, en grande partie tiré de M adagascar d ’où provenaient aussi la plupart des esclaves importés. A cela s’ajoutait la question de la traite dont l’Angleterre s’était faite le champion, et Farquhar, sincèrement soucieux de mettre fin à toute importation d ’esclaves à M aurice, pensait que la meilleure façon d ’y parvenir était de tarir ce commerce à sa source, c’est-à-dire d ’obtenir qu’il soit interdit à M adagascar même. Toutes ces raisons donnaient à M adagascar dans l’esprit de Farquhar une importance particulière. O r son sort n’avait pas été explicitement réglé et des discussions s’ensuivirent, dont nous ne retiendrons que la mauvaise foi réciproque, entre les chancelleries et les gouverneurs locaux. Farquhar, qui, mieux que tout autre, avait senti l’intérêt que représentait M adagascar tant sur le plan d’une poli­ tique générale dans l’océan Indien que sur celui plus réduit des besoins de M aurice, était bien décidé, à défaut de voir reconnaître les droits problématiques de la GrandeBretagne, à contrecarrer ceux de la France. Pour y arriver, il déclara tout simple­ ment que M adagascar était un pays indépendant qui devait régler son sort luimême. Idée ingénieuse, qui ne pouvait réussir que dans la mesure où existerait à M adagascar un pouvoir assez fort pour s’imposer sur l’île tout entière et pour dissuader toute revendication formulée par les Français. Son choix, qu’il n’arrêta qu’après s’être entouré des avis les plus compétents, se porta sur le peuple merina et son roi Radam a. Il fallait d ’abord entrer en relations avec le jeune prince, sonder ses intentions, ne pas l’effaroucher. Dès juillet 1816, Sir R . T . Farquhar envoyait en Im erina un traitant d ’origine française, Chardenoux, qui était lié d ’amitié avec Andrianampoinimerina et Radam a. Il s’agissait essentiellement d ’exposer à ce dernier, en même temps que la puissance du peuple anglais, l’intérêt qu’il y aurait à entrer en alliance avec lui et à le convaincre des bienfaits que son peuple et lui-même retireraient de s’ouvrir aux voies de la civilisation. Les propositions de Sir Farquhar entraient trop dans les désirs de R adam a pour que celui-ci hésitât très longtemps. Aussi il écouta les proposiüons qui lui étaient faites et il accepta que deux de ses frères, Rahovy et Ratafika, aillent passer quelques mois à M aqrice pour s’instruire.

Ce premier succès encouragea Sir R . T . Farquhar à persévérer. Dès le retour de Chardenoux (août 18 16 ), il envoyait à Tananarive une ambassade officielle, dirigée par son aide de camp, le capitaine Lesage, qui, le 4 février 18 17 , faisait signer à R adam a 1 er un traité d ’amitié avec la Grande-Bretagne. U n seul des points qui tenait à cœur à Sir R . T . Farquhar, l’abolition de la

Le traité de 1817-1820

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traite, bien que longuement débattu entre Radam a et Lesage, n’avait pu être abordé dans ce traité. Désireux d’aller accueillir ses jeunes frères à leur retour de Maurice, Radam a se rendit à Tam atave en juin 1817, réduisant sur son passage, par la seule masse de son armée (28 000 hommes), tous les petits chefs qui auraient pu s’opposer à lui, y compris Jean-René qui dut signer, le 9 juillet, un traité par lequel il se reconnaissait vassal tout en gardant ses titres et prérogatives. Puis il reprit le chemin de sa capitale, en compagnie du précepteur des jeunes princes, le sergent Jam es Hastie. Le rôle joué par cet Anglais dans l’histoire malgache est à retenir, car il fut de 1 81 7 à sa mort en octobre 1826 l’ami, le confident et l’inspirateur de Radam a qui lui voua une solide amitié et eut en lui une totale confiance. Véritable mentor, il exerça sur de nombreux points une influence considérable et la plupart des innovations qui marquent le règne de Radam a sont dues en grande partie à son intelligente action. De plus, grâce aux Journaux qu’il rédigeait pour l’information du gouverneur de Maurice, il est une des sources capitales pour notre connaissance de la période. Arrivé à Tananarive, Hastie s’employa à remplir la mission dont il était chargé en jouant tout à la fois de l’ambition du souverain et de son immense désir de promouvoir son peuple, en lui exposant le danger de dépeupler l’île et les ressources qu’il pouvait tirer du travail des esclaves vendus. Enfin, en promettant à Radam a une pension — ou Equivalent — destinée à lui permettre d ’acheter à l’extérieur des armes qu’il payait jusque-là grâce aux bénéfices qu’il retirait de la traite, il réussit à convaincre le prince qui, le 21 octobre, signait le traité tant espéré. Il s’agissait là d’un incontestable succès pour Sir R . T . Farquhar qui s’assurait, de façon certes encore théorique, de l’arrêt de l’exportation d’esclaves malgaches vers les Mascareignes et qui, dans le but de veiller à la stricte exécution du traité, allait pouvoir installer à demeure auprès de Radam a un agent, Hastie, qui par son ascendant deviendra un véritable conseiller. Le rôle d’Hastie sera d’autant plus important qu’il encouragera aisément Radam a à étendre son autorité sur toute l’île, seule façon de s’assurer, par la possession des côtes, de la totale extinction du trafic des esclaves. Et, ce faisant, Radam a devenait le souverain des parties de M adagascar revendiquées par les Français. Ainsi ces derniers ne se heurteraient-ils plus à l’oppo­ sition anglaise, mais à un pouvoir indigène indépendant bien décidé à défendre l’intégrité territoriale du pays. Ce si beau plan faillit néanmoins s’effondrer par la faute du général Hall, qui à partir de novembre 18 17 assura l’intérim du gouverneur en congé en Europe, et qui, pour des raisons assez obscures, refusa de payer l’Equivalent pour l’année 1818 et rappela Hastie. Radam a se sentit à juste titre joué par les Anglais et, furieux, il ordonna la reprise de la traite. Toutes relations furent ainsi interrompues à partir de mai 1818. Les choses en restèrent là jusqu’au retour de congé de Sir R . T . Farquhar en

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juillet 1 820. Dès août 1820, il voulut renouer avec R adam a l’alliance si malencontreu­ sement rompue par le général Hall et il chargea J . Hastie de cette tâche difficile. Ce fut chose faite, le n octobre 1820, après des négociations difficiles et au prix de l’augmentation de l’ Equivalent, Hastie s’étant engagé, sans y être autorisé par ses Instructions, à assurer l’éducation de vingt jeunes malgaches, dix en GrandeBretagne et dix à Maurice.

L a date du n octobre 1820 ouvre réellement une ère nouvelle dans l’histoire malgache. Chacun des deux signataires s’efforça, dans la lettre et dans l’esprit, de respecter le traité et d’assurer l’application de toutes ses conséquences. Du côté anglais, l’accent fut mis naturellement sur l’abolition de la traite, mesure qui ne pouvait réellement être pleinement appliquée que dans la mesure où R adam a, cessant de n’être que le roi de PIm erina, deviendrait le roi de tout M adagascar et serait le maître des régions côtières d’où s’embarquaient les cargaisons d’esclaves. Cette préoccupation de la politique anglaise entrait trop dans les vues du jeune souverain pour qu’il ne suive pas — et au-delà — les conseils que l’on pouvait lui donner en la matière. En quelques années, grâce aux équipements militaires reçus au titre de l’Equivalent et à ceux qu’il acheta sur ses propres finances, grâce aussi aux instructeurs mis à sa disposition (dont le plus connu est le mulâtre jam aïcain Brady), R adam a put mettre sur pied une véritable armée de type moderne, qui remplaça pro­ gressivement les hordes guerrières qu’il avait encore utilisées au début de son règne. L'ère nouvelle

Des troupes disciplinées, encadrées selon un système hiérarchique et les conquîtes mspîré du modèle anglais, mais habilement transposé pour corres­ pondre à la psychologie malgache (création des honneurs), et dotées d ’un armement sinon moderne, du moins beaucoup plus perfectionné que celui dont disposaient ses éventuels adversaires, constituaient en effet pour R ad am a I er un indispensable instrument pour entreprendre les conquêtes dont il rêvait et qui lui étaient suggérées. Une armée à l’européenne, constituée au début de 1 000 hommes et portée peu à peu en fonction des moyens disponibles à environ 20 000 hommes, était en effet le seul moyen, compte tenu de l’absence de routes et de toute intendance, de ne pas éprouver de pertes considérables. R adam a en avait fait la cruelle expérience, dès qu’il avait essayé de sortir des limites de l’Imerina (les deux tiers de ses effectifs en 1817, 80000, dit-on, en 1820). L ’instrument une fois créé, grâce aussi à des généraux courageux choisis dans l’entourage proche du roi, ses beaux-frères Ratefy et Rafaralahy-Andriantiaina, ses cousins Ram anetaka et Ram ananolona, Radam a put en quelques campagnes soumettre à sa domination une grande partie de l’île : conquête de la côte est, de Tam atave à Diégo-Suarez, en 1823, sous les ordres

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du roi lui-même, tandis que Jean-R en é s’avançait au sud jusqu’à M ananjary, occupation de Fort-Dauphin en 1825, des régions du sud-est (Antefasy et Antesaka) en 1827; écrasement du royaume de Boina à l’ouest en 1824 et 1825. U fut moins heureux dans le sud-ouest, où le roi du Menabe, Ram itraho, utilisant avec bonheur le terrain et disposant par ailleurs d’excellents guerriers, refusa de reconnaître sa suzeraineté malgré une série de campagnes coûteuses en vies humaines (181g , 1820, 1822, 1825). Aussi R adam a se contenta en 1822 d’épouser une des filles de Ram itraho, Rasalim o, espérant ainsi apaiser son turbulent beaupère, dont il avait par ailleurs obtenu l’implantation d’une ligne de postes fortifiées jalonnant la route de M orondava, ouvrant aux hautes terres un accès vers le canal du Mozambique. Ainsi, en quelques années, explosant hors de l’ Imerina où avait en quelque sorte été confiné Andrianampoinimerina, R adam a avait conquis une grande partie de M adagascar. Il ne put certes pas réaliser son rêve en entier, de nombreuses régions lui ont échappé : les hautes terres du sud (pays bara), le sud, le sud-ouest et l’ouest, soit environ les deux cinquièmes de Pile, échappaient à son influence. M ais l’œuvre réalisée est néanmoins d’importance. Les territoires soumis peuvent en effet être considérés comme constituant le M adagascar utile, celui qui valait la peine que l’on s’intéresse à lui. Notons surtout que les conquêtes de R adam a ont pratiquement constitué les limites de l’expansion merina, ses successeurs n’ayant par la suite entrepris que de rares expéditions sans grande portée. M ais l’ampleur des conquêtes de R adam a doit être nuancée. Faute de pouvoir réellement occuper le terrain, de nombreuses régions n’ont guère été soumises qu’à un protectorat tout nominal. Les chefs laissés en place n’ont souvent accepté de se soumettre que du bout des lèvres, de nombreuses insurrections (Rabedoka) ont eu lieu du vivant même de R adam a, et, lui disparu, le mouvement reprit de plus belle. Le royaume qu’il laissait à sa mort devait donc être digéré et ce problème explique peut-être, avec d ’autres raisons, l’arrêt de l’expansion. Peut-être aussi faut-il considérer ici un point assez mal étudié. Les réformes militaires de R adam a, en créant en quelque sorte une armée de métier (en particulier pour les garnisons des régions côtières), ont posé la question de l’entretien de cette armée, en partie résolue par la division de la population en deux catégories : les miaramila (soldats) et les borizano (civils) qui contribuaient chacun, selon la place où ils avaient été mis, aux charges de l’Etat. M ais les frais nouveaux et lourds qui en sont résultés ont dû peser sur la vie économique et sociale du pays.

Aussi importante qu’elle ait été pour l’avenir et l’unité de M adagascar, l’expansion territoriale réalisée par R adam a ne constitue qu’un des aspects du règne. Plus profond, et susceptible de provoquer des conséquences plus durables, aura été le souci du souverain de promouvoir des transformations Uonwre civile

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dans les mentalités et dans réconomie. Avide de progrès, novateur désireux de faire participer son peuple aux bienfaits de la civilisation européenne dont il était un admirateur enthousiaste, R adam a a là aussi été largement tributaire de l’aide anglaise qu’il a en de nombreux cas provoquée et dont il a toujours encouragé les entreprises. L ’action de Sir R .T . Farquhar et de ses successeurs aura été déterminante, mais il convient d’insister sur l’aide privée qu’ils reçurent, en particulier de la London Missionary Society.

Cette société missionnaire, créée en 1797 par des groupes protestants indépendants, se proposait depuis quelques années de prendre pied à Madagascar. Sir R . T . Farquhar, qui l’avait vue à l’œuvre à M aurice, provoqua son action dès 1817, et en août 1818 deux missionnaires, Thomas Bevan et David Jones, puis leurs familles, débarquaient à Tam atave. Le moment était bien mal choisi : la rupture des relations anglo-malgaches était alors consommée, la traite des esclaves, un moment interrompue, avait repris de plus belle, et l’arrivée des missionnaires suscita la méfiance de la part des traitants et rindifTérence polie des chefs locaux. L a saison des pluies, particulièrement mauvaise cette année-là, accentua le drame. Les femmes, les enfants, puis Bevan succombèrent à la maladie. Resté seul, Jones, affaibli, dut regagner M aurice en mai 1819. M ais, têtu, il n’attendait qu’une occasion pour repartir, qui lui fut offerte par le voyage entrepris par Hastie en septembre 1820, pour renouer des relations avec Radam a, et Jones put parvenir ainsi à Tananarive le 10 octobre 1820. Il fut par­ faitement reçu par le roi qui, voyant en lui non un missionnaire, mais un instituteur, le retint auprès de lui pour créer une école, ouverte en décembre de la même année. Qui plus est, R adam a, dès le 2 novembre, avait écrit aux directeurs de la L .M .S. de lui envoyer autant d ’instituteurs et d ’artisans qu’ils pourraient et il s’engageait à leur accorder aide et protection dans ses Etats pour leur permettre de mener leur tâche à bien. Relevons à ce sujet qu’une sorte de malentendu semble avoir présidé aux débuts des relations entre R adam a et la Mission. Le roi, agnostique parfait pour lequel les problèmes religieux n’avaient aucune importance, ne voyait en Jones et plus tard chez ses collègues (Griffiths, Jeffreys, Johns, Freeman) envoyés à M adagascar que des enseignants destinés à dispenser l’instruction parmi son peuple et dans son esprit il ne plaçait qu’au second rang le rôle missionnaire qui pour eux était tout naturellement le premier. Jones et ses collègues, d ’ailleurs, « jouèrent le jeu » autant qu’ils le purent, avec, peut-être, quelques arrière-pensées bien légitimes. Il leur aurait été en effet bien difficile, même s’ils l’avaient réellement voulu, de rester étrangers à tous problèmes religieux. Leur mode de vie, si différent sur tous les plans de celui mené par les Malgaches, les cérémonies (cultes dominicaux, baptêmes de leurs enfants) qu’ils célébraient, étaient trop nouveaux pour ne pas frapper les esprits et inciter aux réflexions, voire aux questions. D ’autre part, ils

cLégionnaires

X X I . — Chefs de la basse Côte d’ivoire.

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ne disposaient pour leur enseignement que de ce qu’ils avaient amené, essentielle­ ment la Bible et des ouvrages de piété. Par force si l’on peut dire, c’est à l’aide de ces livres qu’ils apprirent à lire à leurs élèves qui, ainsi, eurent connaissance de données nouvelles, tellement étrangères à leur religion première que des questions ne pouvaient pas manquer de leur être posées, auxquelles il fallait bien répondre, et ils diffusaient ainsi, sans que l’on puisse véritablement y trouver à redire, les enseignements fondamentaux du christianisme.

L ’œuvre d’enseignement entreprise n’était pas sans poser de mul­ tiples problèmes. Avec opiniâtreté, ils furent résolus les uns après les autres. L e plus redoutable était sans doute celui de la langue. L e malgache n’avait jam ais été écrit jusqu’alors et il était indispensable, avant toute chose, d ’établir une concordance entre les sons et les lettres de l’alphabet latin. Quelques principes simples furent arrêtés, celui en particulier qu’à chaque lettre ne correspondrait qu’un seul son. Puis il fut décidé, après d ’âpres discussions auxquelles R ad am a lui-même mit fin, que les consonnes seraient anglaises et les voyelles françaises. Il s’en est suivi un système cohérent, imparfait certes, qui a survécu jusqu’à nos jours. L e succès rencontré par l’œuvre scolaire auprès des populations tananariviennes fut, dès le début, considérable, et les deux premières écoles, celle de Jones, puis celle de Griffiths (octobre 1821) se révélèrent vite trop petites. Ce qui posait le problème des maîtres, vu le petit nombre des missionnaires, et celui des locaux et des fournitures scolaires. L e mode d ’enseignement choisi, celui de l’enseignement mutuel, permit de trouver une solution à la première difficulté. Les meilleurs élèves, après avoir reçu une formation appropriée, furent à leur tour chargés, à partir de 1824, créer des écoles dans les villages des environs de Tananarive, et la progression fut alors considérable : 85 élèves le 17 ju in 1822; 1 000 en 1824 ; 2 000 en 1826 ; 2 309 et 38 écoles en février 1828. Ces résultats n’avaient pu être obtenus que par un effort énorme des mission­ naires. D ’abord par la rédaction, en langue malgache, de manuels scolaires conçus pour répondre aux besoins des élèves; ensuite par la création, en 1826, d’une société chargée du financement des frais considérables qu’entraînaient les écoles : locaux, matériel scolaire, cahiers, ardoises, etc..., société à laquelle adhérèrent le roi, les grands et diverses personnes tant à M adagascar qu’à M aurice et en GrandeBretagne. M ais l’un des grands moteurs fut R adam a lui-même. Dans son désir de voir promouvoir son peuple, il aida les missionnaires de tout son pouvoir, encouragea, força même parfois les parents à envoyer leurs enfants à l’école, participa activement aux inspections en récompensant les meilleurs. En contrepartie, les écoles furent un moyen pour R adam a de se créer une administration — la première qu’ait L'enseignement et les écoles

X X I I . — Guerre des Boers (1900) un campement improvisé. Digitized by

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connue M adagascar — en enrôlant dans Tannée des élèves sachant lire et écrire pour qu’ils puissent correspondre avec lui et avec les embryons de bureaux créés à Tananarive.

Parallèlement à leur œuvre scolaire, les missionnaires (essentiellede la Bible nient Jones et Griffiths) avaient commencé, dès que leur connaissance du malgache le leur permit, la traduction de la Bible, ce qui fut fait en très grande partie entre avril 1824 ct mars 1828. T ravail énorme, compte tenu des conditions dans lesquelles il fut entrepris et mené à bien! L ’absence d ’une presse à imprimer, qui s’était déjà fait sentir pour la multi­ plication des ouvrages scolaires, était encore plus sensible pour la diffusion de la Bible. Cette question fut résolue en 1826, mais l’imprimeur, Hovenden, devait mourir quelques jours après son arrivée à Tananarive. U n autre artisan, Cameron, réussit fort heureusement à monter et à faire m archer la presse, et le 4 décembre 1827 il tirait quelques exemplaires du texte des D ix Commandements, placard qui constitue réellement l’incunable de la typographie malgache. Ce succès stimula l’ardeur des missionnaires qui projetèrent de consacrer 1828 à cette grande tâche. De fait, 1 500 exemplaires de l’Evangile selon saint Luc furent imprimés avant la fin de Tannée et la mort de R ad am a n’interrompit pas leur labeur. En ju in 1830, 3 000 exemplaires de l’ensemble du Nouveau Testament étaient prêts à être distribués. On reste confondu devant cette œuvre énorme, d ’une portée si considérable, réalisée en moins de dix ans par une poignée d ’hommes qui durent pour y parvenir surmonter des difficultés sans nombre : apprendre la langue, l’assimiler au point de passer directement du grec et de l’hébreu au malgache, résoudre les problèmes de l’impression ! E t cela sans interrompre un seul instant leur travail scolaire.

Toute aussi importante, malgré ses limites, fut l’œuvre réalisée et Us progrts matériels Par les artisans venus à M adagascar soit de leur propre gré, soit envoyés par la L .M .S . M algré leur petit nombre — ils ne furent jam ais plus d ’une dizaine — , ils obtinrent en peu d’années des résultats considérables tant par leur action directe que par celle des Malgaches qu’ils formèrent à leurs techniques, et ils sont à l’origine des progrès matériels que connut l’Im erina pendant tout le x ix e siècle. Parmi les premiers, nous citerons Carvaille, Métis réunionnais, qui introduisit l’art de la ferblanterie; M ario, qui enseigna l’art de m anier l’aiguille; Louis Gros surtout. Arrivé en 18 1 9 à titre privé, il monta à Tananarive une entreprise de construction et forma des charpentiers, des menuisiers et des ébénistes. Son action, considérable, se porta sur l’habitation. L e type des maisons à varangues qu’il

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introduisit et qu’il réussit à généraliser rencontra un tel succès qu’il est devenu inséparable des paysages merina, au point que beaucoup, ignorant son origine, y voient une architecture purement autochtone. Deux de ses constructions, comman­ dées par Radam a, la première Tranovola et le palais de Soanierana, furent pour beaucoup dans ce succès, par leur ampleur inhabituelle et par le fini de leur réalisation. Quant aux artisans de la L .M .S ., un charpentier, un forgeron, un tisserand et un tanneur-cordonnier arrivés en 1822, ils rencontrèrent des sorts divers. Brooks, le charpentier, mourut au bout de quelques semaines. Chick, le forgeron, réussit à former plusieurs centaines de personnes aux travaux du fer et des métaux et son action, qui recoupe celle de Carvaille, explique en grande partie la facilité rencontrée par Laborde, au règne suivant, pour recruter son personnel. Rowlands (tisserand) et Canham (tanneur), par contre, eurent beaucoup de mal à s’installer. Ils se heurtaient à un artisanat local à la main-d’œuvre beaucoup moins chère, à des difficultés de ravitaillement en matières premières appropriées, à des problèmes techniques aussi, difficiles à résoudre pour un seul individu. Enfin, et surtout, aussi réduite qu’ait été leur production, elle était encore trop importante pour les débouchés. Canham eut vite fait de sursaturer un marché de la chaussure fort étroit dans un pays où tous marchaient pieds nus. Leurs déboires en la matière posent d ’ailleurs tout le problème — et encore de nos jours — de la mise en valeur des pays neufs. L e plus célèbre d’entre les artisans-missionnaires, Cameron, n’arriva qu’en septembre 1826 et l’essentiel de son œuvre se place sous le règne suivant. Engagé comme « mécanicien » pour aider au montage des machines de Canham, il s’imposa par son habileté et ses vastes connaissances, et c’est lui, à la mort d’Hovenden, qui réussit la mise en route de la presse à imprimer qui permit le tirage de la Bible.

Conquêtes militaires, instruction, introduction de techniques noude Radama /«*• veHcs avaient en quelques années profondément modifié Madagascar, ou avaient fait naître de nombreuses possibilités de modernisation. Il faut certainement en effet nuancer les résultats obtenus, avoir présent à l’esprit qu’ils ne touchaient encore qu’une minorité perdue dans une masse qui n’avait pas pu profiter des progrès réalisés. Mais il y avait là un incontestable début qui se serait épanoui dans le temps. L a mort de Radam a, survenue le 27 juillet 1828, l’accession au trône de sa femme Ram avo, allaient entraîner un coup de frein brutal aux lourdes conséquences.

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R

a n a v a l o n a

I re ( 1 8 2 8 - 1 8 6 1 )

L ’accession au trône de Ranavalona I re, le 4 août 1828, a tout de la révolution de palais, et ses causes, mieux analysées, révéleraient sans aucun doute certaines des faiblesses du règne précédent. Nous ne savons en définitive que peu de choses sur cette femme jusque-là effacée, qui occupe brusquement le devant de la scène et dont seuls les écrits de ses ennemis ont été jusqu’ici exploités. Celle que l’on a appelée la « Caligula femelle » mérite sans doute mieux que le portrait que l’on trace d ’elle habituellement et il serait utile pour avoir de son action une vision plus réaliste de la replacer dans son époque et d’en tenter une explication.

_

,

Son avènement fut sans conteste 1 œuvre de quelques chefs de , ., . r , r armée qui n avaient pas encore accédé aux plus hauts grades, de clans roturiers chéris jadis par Andrianampoinimerina et écartés du pouvoir par Radam a et de certains milieux traditionalistes effrayés des innovations des dernières années. Les premières mesures du règne, habituelles d ’ailleurs en Imerina lors de la mort du souverain, consistèrent en l’élimination du proche entourage de Radam a : ses beaux-frères Ratefy et Rafaralahy, gouverneurs de Tam atave et de Foulpointe, son cousin Ramananololona, gouverneur de Fort-Dauphin (seul Ram anetaka réussit à sauver sa vie en s’enfuyant de M ajunga et en se réfugiant aux Comores), ce qui liquidait toute résistance militaire; sa mère Ram bolamasoandro; enfin son neveu Rakotobe, qui était considéré comme étant l’héritier présomptif de la Couronne. Quant à Robin, gouverneur de Tam atave depuis 1827, il était démis de ses fonctions et écarté des affaires. En même temps, certaines traditions, oubliées sous Radam a, furent sur le champ rétablies : culte des idoles royales, divination par le Sikidy, etc. Les debuts du règne

Néanmoins, la nouvelle équipe manœuvra avec prudence, en essayant sur le plan extérieur de ménager la Grande-Bretagne et la France déjà réticentes à la suite de 1’ « affaire Blancard ». Le résident anglais, le D r Lyall, arrivé à Tananarive le 28 juillet, ne fut pas reçu par la reine, sous prétexte de deuil, puis, en novembre, il reçut notification que sa présence était devenue inutile et que le gouvernement, bien que décidé à ne pas permettre la reprise de l’exportation d’esclaves, renonçait à l’ Equivalent. C ’était une rupture, polie mais ferme. Du côté français, la situation était plus embrouillée. A la demande du gouverneur de Bourbon, que poussaient les éléments commerçants de son île, Paris avait mis sur L'isoleme t

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pied dès 1827 une expédition navale destinée à obtenir la réouverture du commerce avec Madagascar en dehors de Pintermédiaire obligé de Blancard. Le manque de crédits, la nouvelle du décès de Radam a et l’espoir de pouvoir s’entendre avec son successeur avaient retardé toute action militaire. Les hostilités, engagées en juin 1829, tournèrent court, après quelques engagements où les troupes françaises débarquées, trop faibles, n’eurent pas toujours le dessus. Les négociations ne réussirent pas mieux, malgré quelques tentatives de compromis du côté français qui se heurtèrent à l’intransigeance de Tananarive. Ainsi, en quelques mois, Ranavalona I re, servie en cela par la rivalité francobritannique, avait rompu toutes relations avec l’extérieur. Madagascar était retombé dans le « superbe isolement » d ’où l’avait tiré Radam a et qui durera pendant tout le règne. En effet, jusqu’en 1861, les rapports politiques avec l’extérieur ne furent que des péripéties, que ce soit l’ambassade — la première — envoyée en 1836-1837 à Londres et à Paris, ou la canonnade sans suite de Tamatave par une escadre franco-britannique en juin 1845. Politique voulue, consciente, qui correspond à une volonté délibérée. Politique habile aussi, en réalité toute de nuances, tendant à organiser l’isolement, et à l’orga­ niser autour de l’équipe au pouvoir.

Certes la reine conserve tout le prestige attaché au entr. rt ùittre royal et P °ur légitimer l’usurpation on forgera rch a lig o ÏT même un prétendu ordre successoral, soi-disant édicté par Andrianampoinimerina, et qui ne sera plus d’ailleurs utilisé par la suite. Mais elle doit partager le pouvoir avec ceux qui l’on hissée sur le trône. Partage d’ailleurs subtil, qui n’a rien à voir encore avec la caricature de royauté que l’on connaîtra à partir de Rasoherina. En principe même, Ranavalona I re a conservé la totalité du pouvoir et rien ne permet d’affirmer qu’elle ne l’a pas exercé elle-même. Mais, confrontée subitement à la complexité des affaires auxquelles elle avait été jusqu’alors étrangère, il est normal qu’elle se soit appuyée sur ceux qui l’avait portée sur le trône et qui auraient pu être tentés de se débarrasser d’elle. D ’ailleurs, étant réputée roi, elle pouvait prendre des amants dans n’importe quelle caste, et ne s’en priva pas. Ce fut là un moyen d’accéder au pouvoir qui attira beaucoup de candidats. Mais, moyen dangereux, la compétition étant vive. Rainim ahay, principal artisan de son accession, puis Andriamihaja qui lui succéda, furent tour à tour assassinés, et dès 1832-1833 le devant de la scène fut occupé par deux personnages dont l’action fut prépondé­ rante et dont l’origine explique en grande partie la politique menée par eux : Rainiharo, fils d’Andriantsilavo, l’un des conseillers d’Andrianampoinimerina, du clan Tsimiamboholahy (Ilafy), et Rainijohary, du clan Tsimahafotsy (Ambohimanga). Tous deux de caste roturière, ils personnifient, revanche sur le règne de

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E N O I R E

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R adam a, la création d ’une oligarchie qui, occupant le pouvoir, comptait bien en goûter les profits. De fait, cette oligarchie roturière, dans laquelle s’insèrent certains membres de la famille royale trop proches du trône pour qu’on puisse les écarter, va s’efforcer par intérêt et aussi par conviction d’organiser le royaume en partant de quelques idées-force habilement mises en œuvre.

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Le repli sur soi-mane

L a première et peut-être la seule, car d elle découlé une partie ,des . w. , __ , , autres, est le désir de conserver ce que M adagascar a de

spécifique. C ’est une réaction contre les innovations de tous ordres introduites sous le règne de R adam a, acceptées alors parce que imposées par un roi absolu, craint et respecté, mais difficilement supportées par beaucoup. E t la rencontre des dirigeants et du peuple sur ce plan explique peut-être en partie l’adhésion populaire à la nouvelle équipe dirigeante, qui agit en la matière de façon ordonnée. Sur le plan intérieur, l’influence européenne avait déjà décru dès la mort d ’Hastie, en octobre 1826, et l’affaire Blancard qui s’ensuivit, et il semble qu’au moment de sa mort R adam a supportait de moins en moins les conseils. L e seul groupe d ’ailleurs puissant était celui des missionnaires anglais, et le plus intelligent d ’entre eux, Freeman, avait exprimé des craintes sur la solidité de leur influence dès 1827.



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Il est évident que ces missionnaires constituaient une force . , . . . . . . .. morale dont l élimination était indispensable pour un retour aux traditions. Mais il convient de relever que dans les débuts l’action menée contre eux fut hésitante, et une dissociation, comme au temps de R adam a, se manifesta clairement entre leur œuvre éducatrice et leur œuvre d ’évangélisation, et entre les missionnaires proprement dits et les artisans. L ’enseignement dispensé par les premiers, les travaux réalisés par les seconds, en particulier Cameron, auraient sans doute été tolérés, voire même encouragés, si un phénomène nouveau n’était apparu vers 1830 : la conversion de nombreux malgaches au christianisme et la création de deux paroisses à Tananarive. Jusque-là cette religion européenne était restée affaire d ’Européens, malgré les sympathies et la curiosité qu’elle avait soulevées, et de ce fait elle avait été tolérée. M ais il n’en fut plus de même lorsque les Malgaches, à leur tour, devinrent chrétiens. L a doctrine nouvelle devenait alors affaire malgache et à ce titre présentait de réels dangers : l’existence d’une religion qui n’était pas celle du prince, ce qui sous bien des climats fut longtemps considéré comme un crim e; et surtout des doctrines incompatibles avec l’ordre établi. Le Dieu unique des chrétiens faisait concurrence à la reine, seul Dieu que ses sujets devaient adorer, et aux idoles. L a notion chrétienne de la Les luttes antiehretiennes

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MADAGASCAR

fraternité humaine sapait aussi les fondements de la société basée sur les castes et sur l’esclavage. Aussi la réaction fut-elle vive, à la mesure du danger. Dès 1832 les Malgaches ne sont plus autorisés à recevoir le baptême et défense est faite d’enseigner aux esclaves. Les missionnaires voient réduire leur liberté d’action, et une veille loi, interdisant à tout étranger de résider plus de dix ans à Tananarive, leur est appliquée. Certains doivent ainsi quitter le pays. M algré tout, le christianisme faisait des progrès, ses adeptes se livraient même à des manifestations tapageuses. Aussi, en mars 1835, reine se décida-t-elle à frapper un grand coup, en décrétant toute une série de mesures : interdiction de se convertir, ordre donné aux chrétiens de se dénoncer eux-mêmes et de renoncer à leur foi. Le nombre de ceux qui se livrèrent effraya les autorités qui perçurent ainsi l’étendue du danger. Pourtant les sanctions prises peuvent nous étonner par leur modération; rétrogradation de grade pour les militaires, confiscation des biens qui furent d’ailleurs vite rendus aux familles. Mais le prosélytisme de ceux qui se dénoncèrent, leur refus d’apostasier mirent le feu aux poudres. En 1836, le christianisme malgache connut sa première martyre, Rasaiam a. D ’autres suivirent, au cours de persécutions sporadiques, en 1840, en 1848, en 1857. Rien, d’ailleurs, de systématique, de longues périodes de calme succédant aux crises sanglantes. L a question, volontairement peut-être, a été mal étudiée : on ne peut pas en l’état actuel établir des listes de vrais martyrs et dissocier ceux qui souffrirent réellement pour leur foi de ceux qui périrent pour d’autres motifs, les condamnations portées l’étant généralement sous le vague motif de désobéissance aux ordres de la reine. Les persécutions manquèrent d’ailleurs leur but. M algré l’expulsion des missionnaires, puis des artisans que la reine aurait voulu garder, la résistance s’organisa, certains chrétiens purent s’enfuir, parfois jusqu’en Angleterre (Rafaravavy), ceux qui restèrent, malgré les dangers, continuèrent à se réunir, à tenir des assemblées, formant ainsi le noyau qui s’épanouira le calme revenu.

Les sentiments xénophobes de l’entourage de Ranavalona I re ne l’empêchèrent pas néanmoins de sentir qu’il fallait apporter des limitations au désir du retour sur soi-même. M adagascar avait en effet besoin de produits européens : armes et munitions, pour assurer la défense de l’E tat; vêtements, alcools, mobilier pour satisfaire le goût des classes dirigeantes. En contrepartie, il fallait vendre des produits malgaches (viande, cuir, riz, gommes, etc.), aux clients habituels (les Mascareignes) pour payer les achats. D ’où la nécessité d’entretenir un courant commercial qui fut soigneusement organisé sous le contrôle de la reine et de l’oligarchie. Sur la côte est l’intermédiaire choisi fut un Breton, Napoléon Delastelle, tandis qu’à M ajunga l’Américain M arx joua un rôle identique. Dans un même ordre d’idée, et pour essayer de réduire les besoins extérieurs,

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MOIRE

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un effort particulier fut entrepris pour produire sur place le plus de choses possible. Sur le plan agricole, Ranavalona I re encouragea — et même participa de compte à demi — Delastelle à créer des plantations de canne à sucre sur la côte est (à Tam atave et à Mahela) et une fabrique de sucre et de rhum qui fut rapidement en plein essor. Sur le plan industriel, une action importante fut entreprise grâce à un aventurier de génie, Je a n Laborde. Né à Auch le 14 octobre 1804, quelque temps soldat aux Indes, ce gascon aventureux vint faire naufrage sur la côte malgache en 1 8 31 , et, recueilli par Delastelle, il fut envoyé à Tananarive où, confiant en son étoile, il accepta de se livrer à toutes sortes d ’activités. D ’abord installé en 1832 à Ilafy où il avait monté un atelier de fabrication de fusils, il se transporta en 1843 à Mantasoa où il trouva sur place minerai de fer, charbon de bois et énergie (les chutes de la Varahina). En quelques mois, en suppléant par la lecture de l’encyclopédie mensuelle des Manuels Roret aux connaissances qui lui manquaient, il créait un véritable complexe industriel, haut fourneau, forges, four à cémenter, d ’où sortirent canons, fusils, grenades, cartouches, sabres, épées, briques cuites, faïences, verre, poteries, chaux et ciment, acide sulfurique, savon, potasse, cire à cacheter, soie, rubans, couleurs, etc., tous produits nouveaux pour M adagascar. Si l’on ajoute que Laborde fut aussi architecte (palais de la reine, tombeau de Rainiharo) et colon (ses plantations de Lohasaha), on ne peut que s’étonner de la diversité de ses activités et de ses réussites, surtout si l’on considère qu’il n’avait à sa disposition qu’une main-d’œuvre de corvéables, qu’il lui fallut former et nourrir, et admirer une œuvre que l’on retrouve encore présente dans le M adagascar d’aujourd’hui.

L ’expansion merina à travers M adagascar, aussi importante a traom^U^provinces qu’elle ait été sous la règne de Radam a, n’en était pas moins incomplète et nécessita de multiples efforts de la part de son successeur. Conquêtes nouvelles, consolidation des anciennes furent tout à tour l’objet de l’attention de la reine, mais en la matière les résultats ne furent pas toujours heureux. Si le Betsileo fut organisé (création de Fianarantsoa en 1831 ), les expéditions qui en partirent vers le sud furent souvent des échecs. Les T an ala de l’Ikongo, malgré plusieurs tentatives d’annexion (en particulier de 1829 à 1832), les peuples du sud-est (Antanosy, Antesaka, Antefasy) ne purent être réduits, et tout au contraire les expéditions punitives lancées contre eux ne firent qu’exacerber leur résistance. Quant à l’ouest Sakalava, sans cesse en ébullition, il résista à toutes tentatives d’assimilation, et seuls les points tenus par des garnisons merina restaient sûrs. Au nord-ouest, la lutte contre Andriantsolo, vigoureusement menée, entraîna une occupation plus solide du terrain, jusqu’à Diégo-Suarez. Mais, acculés, et après avoir vainement fait appel au sultan de Zanzibar, Seid Saïd, les Sakalava se placèrent

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MA DAGASCAR

sous la protection de la France, qui occupa Nosy-Be en 18 4 1. Ce protectorat entraîna une politique française active, source plus tard de nombreuses frictions franco-merina, et qui pour le moment contint la poussée merina dans la région. Ainsi, les résultats obtenus sur ce plan sous le règne de Ranavalona I re furent peu importants, ce qui doit être attribué à plusieurs causes. Il n’y eut à vrai dire aucune politique suivie en la matière, les expéditions entreprises répondant plus à des préoccupations immédiates, mater des insurrections entre autres, qu’à un désir délibéré d’expansion. Les méthodes aussi furent toutes différentes. Le souci manifeste montré par Andrianampoinimerina et par R adam a de ménager les peuples conquis fut oublié. Razzias, pillages, carnages répondirent trop souvent aux soulèvements et à leur tour en entraînèrent. Désir sans doute de s’enrichir, toute expédition étant pour son chef source de profits. M ais aussi absence de vrais chefs militaires capables de concevoir et d’exécuter des campagnes organisées. De plus les moyens mis en œuvre étaient médiocres, en tout cas inférieurs à ceux dont disposait Radam a. L ’armement, malgré les efforts de Je a n Laborde, n’était pas de premier ordre, et l’organisation des campagnes, toujours rudimen­ taire, souffrait de difficultés financières. De plus les effectifs semblent être allés en s’amenuisant, indice sans doute d’une dépopulation de l’ Imerina due aux héca­ tombes des dix premières années du règne de R adam a et peut-être d’une désaffection pour le métier des armes. L ’incorporation de recrues levées chez les peuples soumis, en Betsileo notamment, ne fut qu’un pis-aller, à cause des désertions et du désordre qui s’ensuivaient. O r les difficultés allaient en même temps en croissant en raison tant de l’éloi­ gnement des peuples à soumettre (Bara, Tandroy, etc.) que de la nature parti­ culièrement ingrate des régions qu’ils habitaient, toutes difficultés qui auraient nécessité, pour être surmontées, la mise sur pied d ’une organisation militaire, intendance en particulier, que M adagascar n’a pas connue pendant tout le x ix e siècle. T out cela explique aisément les échecs subis, et le ralentissement, puis l’arrêt, après 1850, de toute expédition, à quelques exceptions près.

Mais le long règne de Ranavalona I re ne fut pas monolithe. Une évolution se dessine en effet à partir de 1852, année où mourut le tout-puissant Rainiharo. D ’autres conseillers écoutés avaient aussi disparu, laissant la place à une nouvelle génération plus ouverte aux nouveautés. L e représentant le plus en vue en était tout naturellement le fils de la reine, Rakotond* R ad am a, né treize mois après le décès de R adam a qui fut néanmoins considéré comme étant son père. D ’un naturel bon, influencé par Je a n Laborde, qui joua auprès de lui le rôle de précepteur, et par un autre Français, Lam bert, qui avait su capter la confiance de la vieille reine par les services qu’il lui avait rendus, l’héritier Les dernières années

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H IST OI RE D E L 'A F R I Q U E MOIRE

présomptif aurait voulu moderniser son pays, le rouvrir aux influences extérieures. Ecarté du pouvoir, il essaya d’ébaucher une politique personnelle et, pour préparer son accession au trône, il demanda par lettre à Napoléon I I I le protectorat français sur ses futurs Etats et en même temps (1854) concéda pour plus tard à Lambert d’énormes avantages en vue de mettre le pays en valeur. Puis, lassé de ne point régner, sur les conseils de ses amis, il mit sur pied un complot pour supplanter sa mère. C ’en était trop. Le secret, mal gardé, transpira, et Ranavalona I*®, qu’appuyait encore un parti puissant, décida de sévir. Epargnant son fils, pour lequel elle éprou­ vait une véritable passion, elle décida (juillet 1857) d’expulser tous les Européens alors à Tananarive, même Jea n Laborde, et de mettre à mort ou de réduire en esclavage une centaine de chrétiens dont la culpabilité ne faisait aucun doute. On en revenait aux pires années. Mais la vieille reine, septuagénaire, devait s’éteindre le 18 août 18 6 1, après avoir désigné Rakotond’Radam a comme son successeur.

R

adama

II

Rarement un souverain fut mieux accueilli que Radam a I I succédant à sa mère. Rarement pourtant un règne s’est terminé aussi mal, et en si peu de temps.

Tout 11X1 peuple attendait du nouveau roi un changement radical, une politique autre que celle menée par Ranavalona I re pendant trente-trois ans. Des réformes étaient souhaitées, attendues. Elles échouèrent en définitive par leur outrance et par leur démesure, et par les fautes mêmes de Radam a II. Rien n’avait préparé ce roi de trente ans aux lourdes tâches qui l’attendaient. Enfant gâté chéri par sa mère, il n’avait reçu aucune éducation, sauf quelques leçons de J . Laborde, et aucune initiation à son nouveau métier. « Jouisseur impulsif, incapable de travail suivi et sans aucun sens des réalités » (H. Deschamps), il se caractérisait par une immense bonté qui le poussait à vouloir le bonheur de son peuple. Utopiste, ignorant tout des réalités malgaches, il pensait que l’introduction de la civilisation européenne, qu’il connaissait à travers ses lectures et les conversations de ses amis Laborde et Lambert, suffirait à résoudre à jam ais tous les problèmes qu’il entrevoyait. Dès les premiers jours de son règne, sans se soucier des oppositions qu’il allait rencontrer, il inaugurait une ère de réformes. L'homme

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MADA GA SC AR

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A peine le décès de Ranavalona I re connu, R adam a annonça aux Puissances européennes son accession au trône et son désir de voir les Européens revenir dans ses Etats. Laborde, retiré à la Réunion, était rappelé. Nommé consul de France (poste qu’il occupa officielle­ ment le 15 août 1862), il devint le conseiller écouté qui mit son immense influence auprès du roi au service de la cause française. Les missionnaires arrivèrent en masse : catholiques, admis officiellement pour la première fois (après la tentative malheureuse de M gr de Solages mort à Andevoranto en 18 3 1) et protestants allaient engager entre eux une lutte, non encore éteinte, qui allait marquer la fin du x ix ® siècle sur le plan religieux. Les fêtes du couronnement, fixé au 23 septembre 1862, furent l’occasion de céré­ monies imposantes, auxquelles assistèrent des délégations françaises et anglaises qui en profitèrent pour signer avec R adam a I I des traités de paix et d’amitié qui reconnais­ saient la liberté de circulation et d ’établissement, les droits pour les Européens d ’acheter des terres et de n’être jugés que par leurs consuls, la liberté religieuse, etc. Parallèlement était confirmée la fameuse « Charte Lam bert » qui créait une compagnie à capitaux français recevant le monopole de l’exploitation des mines et le droit de battre monnaie et de « faire tout ce qu’elle jugera convenable au bien du pays », tout cela sans impôt et moyennant seulement une redevance de 10 % sur les bénéfices. U n document du même genre, moins extravagant mais tout aussi dangereux par son imprécision, concédait de vastes étendues autour de Vohem ar à un Anglais, Caldwell.

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pour sa part, d’obtenir de Napoléon l’envoi d’une puissante expédition pour reprendre les opérations dans l’ Inde. Ses projets n’eurent d’autre résultat que de déterminer les Anglais à passer, les premiers, à l’attaque. L a prise du Gap, en 1806, leur permit d’établir le blocus permanent des Mascareignes et de réunir à Rodrigues, qui était indéfendable, une imposante armada avec des troupes et des navires venus en partie du Cap et en partie du comptoir de Bombay. L ’investissement de la Réunion en juillet 18 10 par des forces très supérieures s’effectua sans grande résistance. Aussitôt après, une petite division de la Royal N avy fut expédiée pour sonder les défenses de l’île de France. En août 18 10 , elle se heurta aux forces navales françaises, commandées par Duperré, dans la baie du Port Sud-Est (Grand Port) et fut anéantie. Cet échec n’empêcha pas l’ennemi de pousser ses préparatifs. En décembre 18 10, une flotte de 70 navires transportant 10 000 hommes de troupes effectua un débar­ quement sur la côte nord de l’île. Après trois jours de résistance Decaen dut capituler.

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HISTOIRE DE U AFRIQ UE NOIRE

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En attendant que la fin de guerre vînt décider du sort final des îles les Anglais les occupèrent militairement. L ’administration civile fut assurée par un fonctionnaire de l’East India Com pany, Robert Farquhar, ayant son siège au Port-Louis.

Après la chute de Napoléon l’Angleterre accepta de rendre la Réunion, jugée sans valeur, mais elle conserva l’île de France, Rodrigues, les Seychelles et les autres petites îles. Son but était d’empêcher la France de s’en servir pour essayer de reprendre pied dans l’Inde. C ’est un cas typique d ’impérialisme passif. L a Réunion reprit sous la Restauration le nom de Bourbon (qu’elle conserva jusqu’en 1848). Les institutions d ’Ancien Régim e, rétablies en 1803, furent main­ tenues, et jusqu’à la création du premier Conseil général élu (1833) système de gouvernement demeura dictatorial. Sur le plan économique sa séparation d ’avec sa voisine la libéra des contraintes qui avaient pesé sur elle jusque-là. E n même temps la substitution du sucre au café relançait son économie. L ’île de France reprit son nom hollandais de M auritius ou M aurice. L ’Angleterre refusa d’y rétablir les institutions républicaines suspendues par Napoléon, et l’abso­ lutisme y fut maintenu, comme à Bourbon. Par contre, les Anglais conservèrent à peu près intacte l’organisation administrative et judiciaire française. Les Codes napoléoniens y sont toujours en usage. L ’anglicisation de M aurice et des Seychelles, préconisée par une Commission des Colonies orientales en 1828, était vouée à l’échec, la conquête n’ayant pas été suivie d ’un afflux d’immigrants anglais. L a langue française demeura la langue principale, et, sur le plan culturel, M aurice et les Seychelles continuèrent de regarder vers la France. D u point de vue économique on relève à M aurice après 18 15 un déclin de l’activité maritime allant de pair avec un développement spectaculaire de la culture de la canne à sucre. A u x Seychelles l’activité économique se manifeste alors par la construction maritime et la culture du coton, commencées toutes deux à la fin du siècle précédent. La scission de 18 15

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,

jL avènement du sucre

L ’événement capital de l’histoire des Mascareignes au x ix e siècle est l engouement extraordinaire pour la canne à sucre au debut

du siècle. A u x v m e, les besoins de la guerre avaient déjà donné une forte impulsion à la fabrication de l’arack à M aurice. L e déclin de l’activité commerciale à la fin du régime français détermina un regain d ’intérêt pour l’arack et le sucre. Les administrateurs anglais, désireux d’assurer à l’île une denrée d ’exportation, le favorisèrent volontiers.

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LB S M A S C A R E IG N E S , L E S S E Y C H E L L E S E T L E S COMORES

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Deux facteurs s’opposaient, par ailleurs, à la reprise de l’activité commerciale à Maurice après 1810. Premièrement les navigation laws en vigueur dans l’Empire britannique excluaient toute liberté de commerce. Deuxièmement, avec le Cap de Bonne-Espérance aux mains des Anglais, l’île avait maintenant un rival sérieux. Le facteur déterminant dans l’essor du sucre de Maurice fut son admission en Angleterre au même taux que celui des Antilles anglaises (1825). L a production passa de 10 869 tonnes en 1825 à 21 244 en 1826, et dans la suite alla croissant pour dépasser 100 000 tonnes en 1854. En même temps, une véritable frénésie du sucre s’empara des habitants, les poussant à tout arracher pour planter des cannes. A Bourbon trois violents cyclones en 1806-1807 portèrent le coup de grâce au café. D ’autre part, après 18 15 la France, privée de Saint-Domingue, avait beaucoup plus besoin de sucre que de café. Bourbon se mit donc à réorienter son activité agricole vers la culture de la canne. Comme à Maurice la production du sucre suivit une courbe ascendante jusqu’au milieu du siècle. Elle resta, cependant, inférieure à celle de Maurice, n’atteignant en 1848 que 21 800 tonnes. Les colons de Bourbon eurent aussi la sagesse de ne pas tout remplacer par la canne. L a transformation des îles en colonies de plantation fit surgir une classe nouvelle, celle des planteurs et des entrepreneurs, qui supplanta graduellement celle des commerçants et des bourgeois de marine. L ’avènement du sucre fit aussi disparaître un grand nombre de petits proprié­ taires et de propriétaires moyens et donna naissance à de véritables latifundia sucriers. L a propriété se trouva concentrée dans quelques mains. Tout concourait ainsi à la formation d’une oligarchie de type antillais.

Les progrès de la technologie au début du xix® siècle étaient bien faits dê ^esclavage P0111* act*ver développement de l’industrie sucrière; mais Yanti­ esclavagisme, survenant au même moment, menaçait, de son côté, de le paralyser, la culture de la canne demandant beaucoup de bras. Rien d’étonnant, donc, que les Mascareignes aient essayé de retarder le plus longtemps possible l’abolition de l’esclavage. L ’émancipation de la population servile, près de trois fois plus nombreuse que celle de la population libre (71 000 esclaves à Bourbon et 65000 à Maurice en 1830), posait aussi d’autres problèmes. A Maurice la lutte se concrétisa autour d’un homme, le planteur Adrien d’Epinay, et prit en même temps l’allure d’une véritable résistance contre l’occupant anglais, tout aussi impopulaire qu’au Canada et au Cap. Le Colonial Office dut faire appel à la force pour vaincre cette opposition, qui faillit même tourner à la rébellion. Elle s’atténua lorsque l’Angleterre accepta de payer une indemnité aux

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HISTOIRE DE L 'A FRIQ U E NOIRE

propriétaires d’esclaves. L ’émancipation proclamée en 1835 c^ans toutes les colonies anglaises s’avéra, en fin de compte, beaucoup plus profitable aux maîtres qu’aux esclaves. A la Réunion l’opposition à l’anti-esclavagisme suivit à peu près le même cours, sauf qu’elle ne s’accompagna pas de tentative de rébellion. L ’esclavage y fut aboli en 1848, treize ans plus tard qu’à M aurice, et les propriétaires réunionnais béné­ ficièrent, eux aussi, d’une indemnité. Les millions de l’indemnité poussèrent à la spéculation sur le sucre et stimulèrent la production. L ’euphorie sucrière qui s’ensuivit ne dura, toutefois, guère plus de dix ans, comme on le verra plus loin.

Dès que les planteurs sentirent l’esclavage menacé ils n’attendirent aux Mascareignes P ** l’émancipation pour se tourner vers une autre source de maind’œuvre : l’immigration de coolies importés de l’Inde à titre d ’engagés, moyennant un salaire très faible. Les premiers essais furent faits à Bourbon en 1828 et à M aurice en 1829, mais le coolie tradey ou commerce des engagés, ne prit vraiment de l’ampleur dans les deux îles qu’après l’abolition de l’esclavage. Ce mouvement eut pour effet d’y déterminer une véritable indianisation, à M aurice en particulier. Ju sq u ’en 1909 l’île reçut près de 450 000 engagés dont la plupart ne rentrèrent pas dans l’Inde. A Bourbon, le mouvement fut moins intense et prit fin beaucoup plus tôt parce que l’exportation des coolies de l’ Inde anglaise vers cette île fut interdite en 1882. On n’y comptait pas moins, à la fin du siècle, environ 25 000 engagés nés dans l’Inde, sans parler des Indo-Créoles. L ’afflux des immigrants indiens eut dans l’immédiat des conséquences très graves qui peuvent se résumer ainsi : 1) Introduction ou réintroduction de diverses maladies, choléra et paludisme notamment; 2) Accroissement de la criminalité et du vice, dû surtout au fait que chaque arrivage comprenait peu de femmes; 3) Augmentation du chômage pour les créoles, particulièrement sensible chez les « petits blancs » de Bourbon; 4) Création d’un véritable état dans l’état, les Indiens s’intégrant mal au reste de la population; 5) Complications économiques résultant de la nécessité de nourrir une population gonflée artificiellement, alors que les Mascareignes ne pouvaient même pas subvenir à leur propre alimentation. Les petites îles ne connurent pas l’engagisme et ses funestes conséquences. Loin de recevoir des immigrants, les Seychelles expédièrent même une partie de leur main-d’œuvre à M aurice après l’échec du coton vers 1826. L a population de l’archipel était alors de 7 665 âmes. En 1842 elle tomba à 5 586 et ne commença à remonter que vers i860. Lorsque le besoin de main-d’œuvre se fit de nouveau sentir aux Seychelles, le Colonial Office ne voulut pas y autoriser l’envoi de coolies, mais accepta qu’y

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L E S M A S C A R E I G N E S , L E S S E Y C H E L L E S E T L E S COMORES

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fussent employés les Africains saisis par les patrouilleurs anglais à bord des négriers clandestins. On les appelait liberated Africans (Africains libérés). Rodrigues et les Chagos en reçurent aussi. Ils s’adaptèrent sans difficulté au milieu créole.

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Vers le milieu du siècle 1 île M aurice comptait 180 823 habi, , ~ , tants (recensement de 18 5 1), la Réunion 1 1 0 8 9 1 (recen­ sement de 18 51) et Rodrigues 495. Ces chiffres montrent que le peuplement des îles au xix® siècle fut beaucoup plus accentué qu’au xvm e. Avec l’importation des engagés ce mouvement devait aller en s’amplifiant. Du point de vue de la composition de la population l’ancienne division tripartite entre blancs, « libres » et esclaves ne joue plus. L a population tend à se polariser en deux groupes : d’une part les Créoles (blancs et non-blancs nés aux îles), de l’autre les immigrants d’importation récente, mais ces deux groupes ne repré­ sentent pas deux blocs homogènes. Chez les Créoles de la Réunion les différences ethniques se sont atténuées, et l’on distingue surtout chez eux une stratification sociale opposant une classe de nantis à une classe de prolétaires, cette dernière comprenant un grand nombre de « petits blancs ». A Maurice, au contraire, l’antagonisme ethnique demeure plus tenace. Les propriétaires blancs et « de couleur » s’affrontent nettement, en dépit d’une certaine communauté d’intérêts et d’origine. L a prolétarisation du blanc, sans être inconnue, est moins décelable qu’à la Réunion. Quant aux immigrants ce sont en majorité des engagés, donc presque exclusi­ vement des prolétaires. On relève, toutefois, chez eux des marchands goujeratis improprement appelés « Arabes », des chettiars de l’ Inde méridionale et quelques boutiquiers chinois venus de Canton. L a présence de ces marchands asiatiques témoigne de l’ampleur des échanges avec l’Asie. Ils s’installent d’abord à M aurice d ’où plusieurs, après fortune faite, essaiment à la Réunion à la fin du siècle. A ux Seychelles et à Rodrigues le gros de la population se compose de Créoles d ’origine africaine avec un nombre infime de blancs. En fait d’immigrants on n’y compte que des Africains, lesquels, comme on l’a vu, s’adaptent facilement au milieu créole. Changements démographiques

La culture du coton avait valu aux Seychelles une certaine prospérité des Seychelles au début du siècle. L a concurrence du coton américain y mit un terme en 1826. Peu après, l’émancipation des esclaves désorganisa complètement l’économie de l’archipel. Les colons durent se contenter des maigres ressources qu’ils tiraient d’un petit commerce avec Maurice, de la pêche et de la construction maritime. Mais la pêche

Djauienc€

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ne fut jam ais pratiquée sur une échelle industrielle, sauf par des navires américains qui eurent tôt fait de prendre toutes les baleines ou cachalots qu’on trouvait alors dans ces parages. Quant à la construction maritime elle disparut avec la marine à voiles. Placées sous la dépendance de M aurice, les Seychelles étaient traitées en parentes pauvres. Les administrateurs anglais ne semblent s’y être intéressés que pour essayer d’angliciser et de protestantiser ces îles, en vain d ’ailleurs. Le premier administrateur à s’élever contre cet état de choses fut le gouverneur Gordon (1870-1874). Ayant tenu à aller y voir lui-même, il opéra une première réforme en 1872 en séparant l’administration financière des Seychelles de celle de Maurice et en condamnant l’anglicisation. Mais, même après ces réformes, les Seychelles continuèrent de vivoter jusqu’à la fin du siècle, lorsqu’elles parvinrent à trouver dans le cocotier une culture assez rentable. L ’île Rodrigues fut, elle aussi, sérieusement négligée par les administrateurs de M aurice, qui ne daignèrent y faire une première visite qu’en 1882 seulement. A ce moment elle comptait environ 1 500 habitants végétant misérablement.

Pendant que Maurice laissait ses dépendances à l’abandon, la Réunion, ata Comores en rcvanche, se mettait à en rechercher pour y essaimer. C ’est sur l’intervention des Réunionnais que la France consentit à maintenir un poste à Sainte-Marie après 1 8 1 5 — en attendant de pouvoir reprendre pied à M adagascar — et qu’elle étendit son influence aux Comores. Dès 1816 le sultan d ’Anjouan avait sollicité la protection du gouverneur de Bourbon contre les incursions des Malgaches Zan a’ M alata. Le ministre de la M arine n’y ayant pas consenti, Anjouan rechercha la protection des Anglais. Des officiers de la R oyal N avy recommandaient, de leur côté, l’occupation des Comores. C ’est à la fois pour prévenir ces desseins et répondre au désir des expansionnistes réunionnais que le contre-amiral de Hell, gouverneur de la Réunion, fit négocier en 1841 la cession de Mayotte, qui fut réunie aussitôt à son gouvernement avec Sainte-Marie et Nossi-Bé. Dans les années 1850 un aventurier anglais, William Sunley, qui s’était fait nommer consul à Anjouan, proposait d’utiliser cette île comme centre de rassem­ blement d ’engagés malgaches et africains à destination de M aurice. L ’opération ressemblait fort à de la traite déguisée, et les activités de Sunley lui valurent finalement d’être rappelé. Vers 1870, on voit de nouveau les officiers de la R oyal N avy s’intéresser à Anjouan, mais ce n’est qu’en 1886 que la France intervint et prit officiellement les Comores sous son protectorat. Après la conquête militaire de M adagascar (1895) les Comores furent rattachées au gouvernement de la Grande Ile de 1912 à 1946. A partir de 1864 ^es vapeurs des Messageries maritimes relâchèrent réguliè­

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rement à Mayotte, et cela favorisa l’essor économique de l’archipel. En même temps la colonisation française activait la mise en valeur de ces territoires qui, tout en demeurant dans le monde musulman, se francisèrent et se modernisèrent peu à peu, s’attachant aussi à des cultures nouvelles, telles que la vanille, le cocotier, Yylang-ylang.

L ’apogée du sucre aux Mascareignes se situe entre 1850 et i860. «i « _ • « • « • Il s accompagna d une reprise du mouvement commercial qui fut très accentuée dans les deux îles, quoique plus considérable à Maurice qu’à la Réunion. A Maurice en 1850 on enregistre 470 arrivées totalisant 136 277 tonnes. En 1858 ce chiffre passe à 825 totalisant 308 018 tonnes. C ’est le chiffre le plus élevé d’arrivées enregistré au x ix e siècle. Quant au tonnage il ne dépassera jamais 350 000 tonnes jusqu’à la fin du siècle. A la Réunion on relève 233 arrivées totalisant environ 60000 tonnes en 1850. L ’apogée est atteint en 1861 avec 498 arrivées totalisant exactement 189 706 tonnes. Cet accroissement du mouvement maritime influa, naturellement, sur les services portuaires. Le Port-Louis fut agrandi et pourvu de bassins de radoub qui comptaient alors — mais pas pour longtemps — parmi les meilleurs de l’océan Indien. A la Réunion, la rade de Saint-Denis étant difficilement aménageable, on envisagea la création d’un port artificiel d’abord à Saint-Pierre puis à la pointe des Galets. Une série de contre-temps empêcha malheureusement ce dernier projet d’aboutir avant 1884. Par ailleurs, l’application de la vapeur à la navigation permit la communication rapide avec l’Europe. Quelques compagnies anglaises s’y essayèrent à partir de 1852, en 1855 une Compagnie anglo-française des Mascareignes fut aussi constituée, mais c’est finalement une compagnie française, celle des Messageries impériales (Messageries maritimes), qui parvint à exploiter le mieux, à partir de 1864, la route des îles. L ’ouverture du canal de Suez en 1869 vint faciliter ses opérations et mettre en même temps ce secteur à moins d’un mois de l’Europe.

L tubnone sticrx&rt

Lt progrès technique

Les progrès réalisés au xix® siècle dans le domaine de la technique et les découvertes scientifiques eurent forcément des répercussions

aux îles. En premier lieu, l’utilisation de moulins à vapeur et d’autres procédés mécaniques permit une meilleure extraction du jus de la canne. Toutefois, la mécanisation ne s’étendit pas au travail des champs. Les planteurs demeurèrent donc tributaires d’une main-d’œuvre dont le rendement n’était pas meilleur que celui de l’ancienne main-d’œuvre servile. Les méthodes de culture demeurèrent, elles aussi, routinières.

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Le remplacement de la traction animale par les chemins de fer améliora les communications, à Maurice notamment, où le relief permettait l’installation d’un réseau ferré assez étendu. Il n’en fut pas de même à la Réunion, où, en raison du relief accidenté, le rail ne put être utilisé que sur une partie de la côte. Dans le domaine maritime l’application de la vapeur à la navigation opéra une véritable révolution. Ju sq u ’au début du x ix e siècle le voyage d’Europe ou d’Amérique aux îles demandait trois mois, parfois plus. Vers 1840, l’utilisation de voiliers ultra-rapides connus sous le nom de clippers réduisit la durée du voyage, mais c’est finalement l’usage de la vapeur qui permit de fabriquer à la fois des navires plus rapides et plus gros. Avec les clippers la prépondérance du voilier se maintint jusque vers 1885, mais ensuite les navires à voiles disparurent des routes océaniques et ne furent utilisés dans ce secteur que pour les communications interinsulaires. Enfin, l’ouverture du canal de Suez et le télégraphe sous-marin vinrent modifier radicalement l’allure du trafic maritime dans les dernières années du siècle.

C ’est à tort que certains historiens ont vu dans l’ouverture du canal de Suez le facteur principal du déclin des Mascareignes. En fait, cet événement leur fut plutôt bénéfique puisqu’il les rapprocha de l’Europe. Le déclin eut d ’autres causes, intérieures beaucoup plus qu’extérieures, qu’un voyageur perspicace (Simonin) diagnostiquait ainsi en 1861 : « Cette société, si prospère à la surface, est pourtant malade dans ses profondeurs. Faute d’équilibre et d’harmonie entre les diverses forces qui la constituent, elle avance vers l’inconnu avec plus d’ardeur que de sagesse, au risque de se briser contre des écueils. » M alade, la société créole l’était d’abord physiquement puisqu’elle connut dans la deuxième moitié du x ix e siècle une série d’épidémies particulièrement meurtrières de choléra et de paludisme venus de l’Inde avec les engagés. Rien qu'à Maurice, la plus éprouvée par ce fléau, le paludisme fit à lui seul 50 000 victimes en trois ans (1866-1868). Il fallut ensuite près d’un siècle pour s’en débarrasser. Seules les Seychelles et Rodrigues, qui n’avaient pas importé d’engagés, ne connurent pas le paludisme. Du point de vue économique les îles souffraient des inconvénients de la mono­ culture. L a canne, comme toutes les cultures, est soumise aux ravages de la sécheresse, des cyclones, des maladies et insectes destructeurs. A partir de 1865 elle fut soumise, en outre, à la concurrence de la betterave à sucre. Enfin, au nombre des ennemis de la canne figurent alors les planteurs eux-mêmes avec leur mentalité routinière. Mais c'est surtout dans le domaine social qu’apparaissent les déficiences les plus graves. L a principale est l’absence d’une classe moyenne entre le prolétariat et l’oligarchie sucrière qui se dressent en face l’un de l’autre.

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L a misère, tant morale que matérielle, du prolétariat est navrante, qu’il s’agisse de « petits blancs », d’anciens esclaves ou d’engagés; et pour y remédier rien que l’action forcément limitée de quelques apôtres bénévoles : le P. Laval et le pasteur Lebrun à Maurice, le P. Le Vavasseur à la Réunion. L ’oligarchie et l’administration restent indifférentes. Les premiers signes de malaise se manifestèrent à la Réunion. En 1868 une grave émeute à Saint-Denis fit des morts et des blessés. A Maurice les engagés commencèrent à s’agiter en 1871. Seules les mesures prises à temps par le gouverneur Gordon — le même qui avait réformé l’administration des Seychelles — empêchèrent sans doute un soulèvement. Une Commission royale qui vint enquêter sur la situation en 1872 formula des critiques sévères contre les sucriers.

s difficiles de In d u strie sucrière, amorcé aux Mascareignes dans Um^S * a les années i860, ne fit que se précipiter jusqu’au début du x x e siècle. Dans le même temps les îles étaient déjà menacées de surpeuplement, au point que nombre de Créoles commençèrent à chercher des débouchés, les uns à Madagascar, d’autres en Afrique du Sud et en Australie. A ce stade il aurait sans doute fallu repenser toute la question et trouver quelque chose d’autre que le sucre. A la Réunion on tenta, avec plus ou moins de succès, la culture et la distillation des plantes essentielles, géranium en particulier. A Maurice on essaya tour à tour l’aloès, le thé et le tabac, mais sans esprit de suite et sans méthode, partant sans succès. Ce qui manquait le plus c’était des techniciens compétents. A Maurice une station agronomique fut bien créée en 1893, mais le premier service d’agriculture ne fut établi qu’en 1913, et à la Réunion beaucoup plus tard. Un corollaire important de la « débâcle de la canne » à la fin du siècle est l’apparition presque simultanée dans les deux îles du système du métayage, lui-même précurseur du morcellement des grandes propriétés. Le métayage ou « colonat partiaire » prit naissance à la Réunion de l’impossi­ bilité de se procurer des coolies après 1882, et se fit au profit des Créoles. Cependant, il n’y eut pas de morcellement, et même on constate que la concentration des terres, amorcée vers 1 8 1 5 avec l’essor de la canne, se poursuivit jusque vers 1940. A Maurice, on eut recours au métayage pour encourager les engagés à se fixer avec leur famille d’une manière permanente sur les établissements sucriers. L a concentration de la propriété ne se maintint pas, comme à la Réunion, et dès 1880 le morcellement commença. Ce furent surtout les sirdars, ou contremaîtres indiens — auxiliaires indispen­ sables des planteurs pour contrôler les engagés — , qui en bénéficièrent. 11 se constitua ainsi une classe de petits planteurs indiens qui possédaient déjà, au début du x x e siècle, Z1f i % de la superficie sous culture. Les

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MOI RE

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Les dernières décennies du siècle furent marquées dans . . . . . . . . . toute la région par des changements constitutionnels qui apportèrent, en définitive, un nouveau fléau : la politique. A cet égard l’évolution des deux îles depuis 18 15 avait été très différente. Alors que la Réunion avançait dans la voie des institutions libérales au point d’obtenir le suffrage universel dès 1849, M aurice demeurait stationnaire. Peu après, un changement se produisit. Le Second Empire escamota les insti­ tutions libérales de la Réunion. En même temps le Colonial Office sembla vouloir s’engager dans la voie opposée et encourager le système représentatif à M aurice. Mais cette velléité ne dura pas longtemps. Seul le Port-Louis fut pourvu d’une muni­ cipalité élue en 1850. En 1870 la chute du Second Empire provoqua de nouveaux changements à la Réunion. Le suffrage universel fut rétabli, et la colonie eut des représentants à la Chambre des Députés. Avec les élections les luttes politiques passionnent de plus en plus l’opinion. L a fièvre électorale échauffe les esprits. Les clientèles se forment, ainsi que les groupes de combat. Les incidents sont nombreux; il y a même des morts et des blessés. A Maurice, sur l’intervention du gouverneur Pope Hennessy, le Colonial Office accorda un premier Conseil législatif élu en 1886. L a détermination du cens électoral donna lieu à de vives querelles entre « oligarques » et « démocrates ». Finalement, l’île fut dotée d’un système bâtard qui ne satisfit personne. D ’autre part, l’oligarchie sucrière demeura prépondérante, comme à la Réunion. En 1872 l’administration financière des Seychelles avait été séparée de celle de Maurice. En 1888 l’agent civil fut élevé à la dignité d 'administrator, L a scission définitive s’accomplit en 1903. L ’archipel fut alors placé sous les ordres d’un gouver­ neur particulier. L a population était à ce moment de 20 000 âmes environ, et les Seychelles, terriblement sous-développées, appartenaient, en fait, à quelques privilégiés. Changements constitutionnels

^ Pertc de France, de Rodrigues et des Seychelles en 18 1 5 ne met aucunement fin à la présence française dans cette région de l’océan Indien, ces îles, superficiellement anglicisées, demeurant toujours culturellement françaises. Vers la fin du xix® siècle cette présence devient même encore plus marquée avec l’annexion des Comores et de Madagascar. Le changement d’orientation économique et l’abolition de l’esclavage modifient la physionomie du monde insulaire. Les bourgeois de marine sont remplacés partout par les planteurs, et les esclaves par les engagés. L a prépondérance passe aux mains d’une oligarchie de type antillais, mais qui n’est pas exclusivement blanche. Toutefois, sur le plan local le fait majeur au x ix e siècle est assurément le surpeu­

Conclusion

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plement. Les chiffres de 1900 sont partout près du double de ceux des années 1850, malgré la mortalité causée par les épidémies. Accéléré au siècle suivant, ce phéno­ mène allait peser d’un poids de plus en plus lourd sur le développement insulaire. Sur le plan international on constate que le centre d’attraction dans le secteur sud-occidental de l’océan Indien s’est peu à peu déplacé vers Madagascar où la France entreprend une action d’envergure à partir de 1895. A la fin du siècle les îles connaissent, à tous les points de vue, une période d ’éclipse et, bien que rapprochées de l’Europe par le canal de Suez, sortent du circuit international et, en même temps, de la grande histoire.

B IB L IO G R A P H IE

Les bibliographies générales ont déjà été indiquées dans le tome précédent. Pour le XEt® siècle, les principaux ouvrages à consulter sont les suivants :

La Réunion T hom as (P. L .). Essai de statistique de Vile Bourbon. Paris, 1843, a vol. M a il l a r d (L.). Notes sur VÜe de la Réunion. Paris, 1862, 2 vol. R o ussin (A.). Album de Vile de la Réunion. Saint-Denis, 1879-1883, 3 vol. B (R .). V ile de la Réunion. Paris, 1925. A zem a (H.). Histoire de la ville de Saint-Denis de 18 15 à 1870. Paris, 1926. Brunet (A.). Trois cents ans de colonisation : la Réunion. Paris, 1948. D eto s d u R au (J.). V ile de la Réunion, étude de géographie humaine. Bordeaux, i960. S c h e r e r (A.). Histoire de la Réunion. Paris, 1965. a r q u is s a u

V ile Maurice U n ie n v t lle (A. M . d’). Statistique de Vile Maurice et de ses dépendances. Paris, 1838, 3 vol.; a6 éd., PortLouis, 1885-1888.

P ridham (C.). An historical, political and statistical account o f Mauritius and its dependencies. London, 1849. G ordon (A. H .). Mauritius : Records o f private and public life (18 71-18 74 ). Edinburgh, 19 14 , a vol. P rentout (H .). VÜe de France sous Decaen. Paris, 19 0 1. Anderson (D. E .). The epidemics o f Mauritius. London, 1918. N o r th -C oom b es (A.). The evolution o f sugar cane culture in Mauritius. Port-Louis, 1937. T oussaint (A.). Les missions d'Adrien d’Epinay (1830-1834). Port-Louis, 1946. — Une cité tropicale : Port-Louis de Vile Maurice. Paris, 1966.

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DEUXIÈME PARTIE

La période coloniale

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IN T R O D U C T IO N

L ’évolution coloniale I d éo lo g ie c o lo n ia l e , ch ro no lo gie et d iv e r sit é

Après l’époque libérale, seulement soucieuse de commerce et de répression de la traite, après la brève flambée impérialiste, où les nationalismes se partagèrent l’Afrique, la période d’occupation coloniale afficha le souci de la civilisation et de la mise en valeur. Le bourgeois occidental, qui, vers 1900, domine le monde, croit au progrès et il est fier de l’incarner. Or l’Afrique lui parait exactement le contraire : convulsée de guerres et de superstitions sanglantes, en proie à une nature fauve et inexploitée. Il aperçoit, dans ce continent proche, à la fois un capital inemployé et une sauvagerie périmée, qui, pour l’humanité moderne, sont également intolérables. Au nom de la raison et du christianisme (le plus souvent les deux) on doit, estime-t-il, apporter à ces peuples les lumières de la civilisation du x x e siècle et du progrès technique occidental. Mais ce pavillon humanitaire couvre, chez beaucoup, le pur souci du profit. E t il se confond, pour la majorité, avec le drapeau national : troupes noires, ressources de guerre, autarchie économique. De là des abus de domination, des formes d’exploi­ tation de l’Afrique par l’Europe qui voilent souvent les intentions idéalistes et en feront paraître dérisoires les réalisations. Au total cependant l’évolution n’a pas été nulle; le bouleversement colonial a orienté l’Afrique dans des voies nouvelles.

Les débuts de la période coloniale sont très variables : 1854 au Sénégal, 1 9 1 3 au Ouadaî. Dans la plupart des cas la mise en place va de 1880 à 1900. On peut distin­ guer deux périodes : — jusqu’en 1920, l’installation : fin de l’occupation, début de l’organisation; l’économie d’échange commence par l’exploitation des produits naturels (bois, huile, caoutchouc, mines); les sociétés indigènes sont encore peu atteintes;

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H IST O IR E D E L ’ A FR IQ JJE N O IR E

U] Angleterre £ “ ■3 Allemagne Portugal | Espagne Belgique

1000 km C a r t e 26. — L ’A f r iq u e p o l it iq u e e n 1 9 1 0

— 1920-1945, la plénitude : l’ infrastructure est posée, les villes créées, la mobilité sociale secoue les structures traditionnelles. L a culture des nouveaux produits d’ échange (cacao, café, etc.) contribue à former des classes nouvelles. Les deux guerres mondiales marquent les limites. Après 1945 s’ouvre une nouvelle ère : la décolonisation. Les colonisations des différentes puissances présentent une certaine diversité, due à leurs tempéraments et à leur histoire. L a politique anglaise est essentiellement commerçante et missionnaire, marquée à la fin par les intérêts matériels, l’idéalisme chrétien, la conviction de la supériorité britannique, le respect des hiérarchies, les habitudes libérales. Les Français ont hérité de Descartes et de Napoléon le goût d ’ une uniformité rationnelle. Les Belges ajoutent au souci du profit matériel celui des réalisations sociales. L ’autorité allem ande garde une allure militaire. Les Portu­ gais ont hérité d ’un long passé qui pèsera sur le présent.

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L 'É V O L U T IO N COLONIALE

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C a r te 2 7 . — L ’A frique

po litiqu e en 19 39

Néanmoins l’empirisme domine. Il est normal que les circonstances locales et l’uniformité des situations aient compté plus que la diversité des intentions ou des caractères. On peut donc dessiner à grands traits les aspects d’ensemble de la période coloniale.

T

e r r i t o i r e

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a d m i n i s t r a t i o n

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p o l i t i q u e

Le phénomène majeur, au point de vue territorial, est celui du changement d’échelle. Les colonies (même les plus petites, comme la Gambie), réunissent un grand nombre d’unités politiques anciennes : royaumes, chefferies ou anarchies équilibrées. On assiste à un décloisonnement; les frontières coloniales, dues aux hasards des influences et de la pénétration, tendent à créer des entités nouvelles, adaptées à l’économie moderne et aux possibilités du commandement européen.

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H IS T O I R E D E L 'A F R I Q U E N O IR E

Ce sont les préfigurations des Etats africains actuels où des peuples différents sont habitués à vivre ensemble et à circuler. Le mot de « pacification >► peut faire sourire (ou grincer des dents), quand on l’applique à la conquête européenne. Il convient par contre, assez bien, à l’arrêt des guerres et des razzias entre les différentes unités anciennes. Le droit de guerre est réservé au dominateur (qui ne se privera pas d’associer l’Afrique aux massacres des deux guerres mondiales et à quelques autres). Du coup, les chefs traditionnels perdent une de leurs raisons d’être, et les jeunes gens leur sport favori. C ’est une des causes de désagrégation des structures anciennes. Le système colonial est une administration hiérarchisée : dans chaque capitale européenne, on trouve un ministère spécialisé, dont dépendent les gouverneurs des colonies (A.O .F., A .E .F ., Nigeria, Congo belge) supervisés chacun par un gouverneur général. En fait l’Europe est loin et les gouverneurs, tant qu’ils restent en place, ont une grande liberté d’action. Les « politiques » et les « intentions >► des métropoles n’existent guère; l’Afrique compte peu pour les politiciens d’Europe; les décisions des ministres sont en général inspirées par les gouverneurs, parfois par les intérêts économiques, plus rarement par les nécessités parlementaires. Sous les ordres des gouverneurs sont les administrateurs (District Commissioners ou District Officers chez les Anglais), chefs de subdivisions ou de circonscription, factotums d’une administration encore peu nombreuse. Les services techniques (Travaux publics, Agriculture, etc.), ne prendront un certain essor qu’après la première guerre mondiale. Tous ces fonctionnaires sont Européens. Au-dessous sont placés les Africains, chefs indigènes, traditionnels ou improvisés. Ce qui est « commandement » en pays français est « conseil » en pays britannique. En fait dans l’administration directe aussi bien que dans Y indirect rule, le fonctionnaire européen reste l’inspirateur de l’évolution, mais en tenant compte des circonstances locales, dont les chefs indigènes sont les interprètes, parfois intéressés.

Sau f l’exception de l’Afrique du Sud et, à un bien moindre degré, celle des plateaux du K enya, il n’y a pas de peuplement européen enraciné. C ’est une colonisation d’encadrement : administrateurs, commerçants, colons, qui, le plus souvent, reviennent dans la métropole pour leur congé ou leur retraite. Entre Européens et indigènes, il y a, généralement, séparation de fait. Ils vivent dans des quartiers différents. L ’indigène est un sujet. Il est soumis à une justice particulière, à des obligations sanctionnées administrativement, à des impôts particuliers, à un contrôle des déplacements et de l’activité. L ’impôt, le recrutement des travailleurs, celui des soldats, ont provoqué parfois des révoltes. Dans l’ensemble il y a eu adaptation au nouveau régime, plus exigeant mais moins arbitraire et plus régulier que bien des systèmes antérieurs.

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L 'É V O L U T I O N CO LO N IA LE

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Peut-on parler de politique ? Gela supposerait des intentions pour l’avenir. Les puissances s’en tiennent à un statu quo qui leur donne toute satisfaction. Le Conseil colonial du Sénégal, les Délégations économiques de Madagascar, la « Constitution Guggisberg » en Gold Coast ne sont que des ébauches de Conseils consultatifs, de portée limitée, où les Européens gardent la meilleure part. L a pseudo« assimilation » française ou portugaise n’est alors, au moins sur le plan politique, qu’une devise fallacieuse, un fantôme. Seul contrepoids à l’omnipotence adminis­ trative, celui des puissances économiques.

E conomie

Les communications à longue distance s’imposent, dès lors qu’on veut ^famnmnent Pénétrer l’intérieur. Elles se font d’abord en usant du moyen africain traditionnel, le portage humain, qui connaît en certains points une ampleur intolérable. Bientôt des bateaux à vapeur desservent les fleuves. Puis des chemins de fer sont construits, non sans peine ni hécatombes dans les régions de main-d’œuvre rare (Congo-océan). Les routes seront établies dès que l’auto deviendra d’usage courant. Des navires réguliers desservent les côtes. Des lignes d’aviation commencent à s’établir après 1930. Des villes se créent : ports, centres administratifs, marchés. Edifier cette infrastructure, c’est une charge lourde pour les colonies débutantes, enfants nouveau-nés et sans ressources. Les habitants ignorent, en général, le travail salarié et l’appât du profit. On a recours à l’impôt de capitation souvent mal accepté, à un impôt en travail (« prestations » en pays français, dix jours par an), parfois au recrutement forcé, par l’intermédiaire des chefs. L a métropole n’entend pas que les colonies soient, pour son budget, une charge; elle consent parfois des emprunts, garantis par elle mais dont les intérêts doivent être servis. L a situation s’améliorera lentement à mesure que la monnaie métallique puis les billets rem­ placent le paiement en nature, et surtout à mesure que les produits commercialisables se développent, apportant des ressources sous forme d’impôt sur les revenus et de taxe à l’exportation. Les colonies peuvent alors constituer des réserves affectées aux grands travaux.

début l’économie de subsistance règne à peu près seule; chaque groupe humain produit lui-même tout ce dont il a besoin : nourriture, case, vêtements, ustensiles. Les « grandes concessions », très en faveur vers 1900 dans les deux Congo, n’ont eu comme résultat qu’une double exploitation : celle des hommes et celle de la nature; le « caoutchouc rouge » a été dénoncé justement. Production

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H IST O IR E D E V A F R IQ U E N O IRE

Peu à peu cependant cette ère primitive s’efface, une économie d’échange se développe. Il faut créer des ressources pour permettre de payer l’impôt et celui-ci est assez lourd (« impôt moralisateur ») pour obliger les indigènes soit à produire eux-mêmes des marchandises vendables, soit à s’engager dans les exploitations européennes, plantations et mines. Les mines qui exigent de gros capitaux, un matériel important, des techniciens, sont aux Européens. Ceux-ci créent aussi de grandes plantations (Congo belge, îles, Cameroun, Côte-d’Ivoire, K en ya); mais l’essentiel des produits agricoles d’exportation est aux mains des Africains (arachide, huile de palme, cacao, café, bananes, coton, bétail, etc.). Il a fallu, pour amorcer les cultures nouvelles, soit l’exemple des blancs, soit l’action administrative (contrainte parfois, mais surtout conseils, pépinières, stations d ’essai, irrigation, primes à l’importation dans la métropole). A partir de 1930 on constate, notamment dans les régions humides ou irrigables, une transformation considérable, voire même un épanouissement. Ailleurs l’économie de subsistance continue, quasi inchangée. Les différences tiennent plus au climat et à l’éloignement de la côte qu’aux politiques économiques des puissances. Celles-ci sont diverses. L ’Angleterre reste fidèle au libéralisme douanier alors que la France pratique le protectionnisme, avec un idéal d ’autarchie. L a proportion des échanges avec la métropole s’en ressent (de 30 à 80 % ), mais les effets locaux du système colonial sont les mêmes : développement des produits destinés à la consommation des Européens ou de leurs industries, non-création d’industries locales, envahissement des produits fabriqués européens (tissus, quincaillerie, etc.), remplaçant les anciens artisanats locaux. L ’économie d ’échange a été stimulée; elle est dépendante.

caract^rc s’a ffù ™ 6 dans les aspects du commerce. Les intermédiaires côtiers africains de la période antérieure ont perdu toute importance avec l’installation de maisons européennes et de leurs succursales dans l’intérieur. Les caravanes des Dioula et des Haoussa elles-mêmes ont régressé quand les chemins de fer sont apparus. Les grosses maisons européennes ont acquis un quasi monopole; leur concurrence même n’est pas exempte d’ententes entre capitalistes. L e commerce colonial garde l’aspect de la traite : toutes les marchandises importées s’entassent dans de grandes cases à allure de foire, où les africains viennent vendre leurs produits agricoles, et acheter aussitôt. Les chambres de commerce, les chambres d ’agriculture ou des mines, les grosses maisons ont une importance locale et métropolitaine qui contrebalance souvent celle de l’administration. En Afrique du Sud, où les colons européens gou­ vernent, leurs intérêts l’emportent absolument. Commerce

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L 'É V O L U T I O N C O L O N IA L E

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T r a n s fo r m a t io n des s o c ié t é s a f r ic a in e s

Les populations ne s’accroissaient guère autrefois, par suite des famines, des guerres, des endémies et surtout de la mortalité infantile. La paix, la circulation améliorée, l’assistance médicale gratuite, l’action pastorienne (décou­ verte des vaccins contre la peste et la fièvre jaune, lutte contre le paludisme et la maladie du sommeil) commencèrent à abaisser la mortalité, malgré la faiblesse de financement et l’invasion de maladies (tuberculose, grippe espagnole) venues de l’extérieur. L a fin du cloisonnement et les nouvelles activités économiques favorisèrent d’amples migrations, saisonnières ou définitives, des régions sèches, pauvres ou éloignées, vers les mines, les plantations et les villes. Celles-ci naquirent ou s’accrurent en flèche. Le nombre des salariés restait néanmoins faible et généralement temporaire, la plupart étant avant tout des paysans attachés à leur terre et à leur groupe social. Population

Le commerce généralisé et les migrations amenaient cependant quelques transformations dans la vie matérielle et la société. Les jeunes gens reve­ naient avec de l’argent, prenaient une importance, une indépendance auparavant inconnues, apportaient des habitudes alimentaires nouvelles. L ’autorité des chefs, désormais subordonnés aux Européens, et celle des anciens, fondée sur les coutumes et la religion, déclinaient lentement. L ’évolution était surtout sensible dans les villes et sur les lieux de travail où des peuples différents se rencontraient. On y voyait naître un phénomène humain nouveau, le détribalisê, détaché de son groupe social. En même temps des classes sociales se dessinaient : planteurs enrichis et fonctionnaires formant une petite bourgeoisie partiellement occidentalisée, travailleurs permanents ou fréquents des mines ou des plantations dessinaient un début de prolétariat, phénomène déjà avancé en Afrique du Sud.

Soci^

^ PaSan^smc> bien vivant dans l’ensemble, recule cependant en nombre de points devant l’Islam et le christianisme. C ’est l’effet des migra­ tions, atteinte à la cohésion tribale, et de la circulation généralisée qui favorise les propagandes. Effet aussi des déclins des structures politiques traditionnelles par suite du système colonial; les religions nouvelles sont des structures de rempla­ cement. Des syncrétismes s’établissent entre les religions nouvelles et les anciennes. La magie est aussi un fétichisme de remplacement. Le déclin du paganisme entraîne celui de l’art nègre, au moment où l’ Europe commence à l’apprécier.

Cvltun

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L ’enseignement de type occidental fait des progrès, bien qu’encore faibles. Les missions chrétiennes y jouent le rôle essentiel chez les Britanniques et les Belges. Dans le système français s’y ajoute l’enseignement officiel laïc. L a scolarisation primaire n’atteint pas io % des scolarisables, parfois beaucoup moins; quelques étudiants (surtout de colonies britanniques) fréquentent des Universités en Europe. Néanmoins les langues européennes (anglais, français, portugais) se répandent et permettent, parfois sous des formes adaptées (pidgin english) , la communication entre les innombrables unités linguistiques. Une petite élite occidentalisée commence à penser au destin de l’Afrique.

A n tico lo n ialism e

Certaines idéologies universalistes avaient été diffusées en Afrique par la voie de la religion (Islam, christianisme) ou de l’école (libéralisme anglais, Révolution française). Des doctrines anticolonialistes, d’inspiration socialiste, furent élaborées en Europe : Hobson en Angleterre (Imperialism a Study, 1902), Paul Louis en France {Le colonialisme, 1905), Lénine en Russie (.U impérialisme, stade suprême du capitalisme, I 9 I 5 ) passent à l’attaque théorique. Staline met en pratique une transformation radicale de l’ Empire colonial russe. Des mouvements négro-américains (Garwey, Du Bois, Padmore) font appel à l’union des noirs pour l’émancipation. Ces mouvements intellectuels ne touchent encore en Afrique que quelques occidentalisés. Une élite bourgeoise anglicisée joue un rôle dans certaines villes côtières d ’Afrique occidentale : M acaulay à Lagos, Casely Hayford en Gold Coast dirigent une opposition modérée. En 1920 un « National Congress o f British West Africa » réclame des gouvernements représentatifs et la marche à l’autonomie. Dans les colonies françaises, c’est l’assimilation et la citoyenneté française qui sont réclamées par quelques individus, puis par des groupes encore clairsemés. Biaise Diagne, élu député du Sénégal en 19 14 , fera confirmer la citoyenneté des quatre communes anciennes. Ralaim ongo à M adagascar, Matsoua au Congo lanceront le mouvement revendicatif, qui leur vaudra la persécution. Les mouvements, en 1940, sont encore faibles et incertains. L a seconde guerre mondiale ne verra aucun soulèvement. Cependant la semence est jetée et, dans le grand mouvement commencé en 1945, elle allait germer et mûrir.

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C H A P IT R E

P R E M IE R

L ’A frique française L e systèm e co lo n ial fr a n ç a is

A la différence de Pile britannique, creuset d’un isolement original, . . . ,, méthodes est un isthme, propice aux contacts et aux mélanges. De là, dans le tempérament français, lorsqu’il aborda l’outre-mer, un esprit de sociabilité et une absence de racisme. Les « coureurs des bois » du Canada au x v n e siècle vécurent en communauté avec les Indiens; les soldats de Villegagnon, dans le Brésil du x v ie siècle, devinrent Indiens et peut-être cannibales. Ronsard, Montaigne vantent la vie libre des sauvages. Champlain déclare aux Algonquins : « Nous ne ferons plus qu’un peuple. » Mais ces tendances à l’assimi­ lation (dans les deux sens) sont arrêtées par la pratique de la traite et de l’esclavage. L a Révolution, fidèle à la doctrine de Descartes qui voit la Raison chez tous les hommes, tente d’imposer l’assimilation en émancipant les esclaves et en les déclarant citoyens français. Mais Napoléon et les Bourbons reviennent à l’assujettissement. L a seconde et définitive émancipation des esclaves par la I I e République, en 1848, n’amène pas, dans les colonies nouvelles, un retour à l’assimilation. L a conquête de l’Algérie, en 1830, avait appris à ménager la diversité des mœurs et des religions, et à laisser vivre les indigènes, socialement et politiquement, à part, en subordonnés. Cette vue fut consacrée par le Second Empire qui édicta la spécialité de la législation coloniale, adoptée ensuite par la I I I e République. L ’assimilation reste un idéal, surtout verbal, des hommes de gauche. Ceux de droite parlent d’ « association » des colonisateurs et des indigènes, formule fallacieuse et hypocrite, car ce n’est qu’assujettissement. En fait la doctrine, dans les années de la plénitude coloniale, est morte. L e statu quo paraît satisfaire une France qui en profite et qui, à vrai dire, dans l’ensemble, se soucie peu des colonies. Les grands coloniaux, comme Faidherbe, Gallieni, Lyautey, élaborent des méthodes qui, à leur époque, faciliteront la conquête et l’organisation : connais­ sance poussée des habitants, action politique, création de marchés et d’écoles, Tendances* doctrines

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• » France

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troupes noires, ralliement de partisans. Les administrateurs, après eux, pratiqueront aussi une politique indigène basée sur les faits ; l’un d ’eux, Delafosse, grand spécia­ liste des langues, des coutumes et de l’histoire africaine, professe, à l’Ecole coloniale, que tout apriorisme est condamnable : il faut s’adapter aux circonstances; il y a « des politiques coloniales » ; les races humaines sont « égales, non semblables » ; il entrevoit une évolution progressive, par des moyens divers. Albert Sarraut, ancien gouverneur, ministre des Colonies, préconise l’évolution vers une autonomie admi­ nistrative dans le cadre français, et une mise en valeur systématique. C ’est un radical. Les socialistes tendent encore à l’assimilation; les communistes prêchent aux colonies la révolte et l’indépendance. Tout cela sans beaucoup de conséquences. L e Front populaire lui-même (1936-1937) n’effectuera que des réformes minimes. Les oppositions locales sont trop faibles encore pour attirer l’attention, que les problèmes européens monopolisaient alors d’une manière pressante. L a stabilité, à la veille de la deuxième guerre mondiale, était, sur le plan de la prévision politique, une simple stagnation.

x9 3 9 > ^Em pire français (expression qui n’a jam ais été officielle, le souvenir du Second Empire étant resté désastreux) comprend d ’immenses étendues sur la terre entière : Afrique du Nord, Afrique noire, océan Indien, Indo­ chine, Pacifique, et les débris des possessions anciennes de l’Ancien Régim e. L ’Afrique tropicale n’en est qu’une partie, et pas la plus appréciée. Du point de vue juridique elle apparaît très uniforme, elle dépend entièrement du ministre des Colonies. Toutes ses parties sont des colonies; sauf les deux mandats du Cameroun et du Togo, dont le régime est un peu différent. Seule la Réunion possède un statut à part. Certaines colonies sont groupées en Fédérations, mot illusoire puisqu’il s’agit d ’une simple coordination administrative avec un gouverneur général à sa tête. L a Fédération d ’Afrique Occidentale Française (A .O .F. : 4 700 000 km1, 16 mil­ lions d ’habitants) comprend sept colonies : Sénégal, M auritanie, Soudan français, Niger, Guinée, Côte-d’Ivoire, Dahom ey; on y a en outre rattaché le mandat français du Togo (56000 km1, 800000 habitants). L a colonie de Haute-Volta n’avait eu qu’une existence éphémère. L a capitale fédérale, D akar, a été détachée du Sénégal, pour former une circonscription à part. L a Fédération d’Afrique Equatoriale Française (A .E .F. : 2 300 000 km1, 4 millions d ’habitants) comprend quatre colonies : Gabon, M oyen Congo, OubanguiChari, Tchad. L a capitale est Brazzaville, au M oyen Congo. L e mandat français du Cameroun (430 000 km1, 2 500 000 habitants) n’a pas été rattaché à l’A .E .F . M adagascar (600 000 km1, 4 millions d’habitants), bien qu’ayant un gouverneur général à sa tête, est une colonie unitaire, divisée en grandes régions ; les îles Comores sont l’une d’elles. Inventaire

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L ’île de la Réunion (2 500 000 km2, 200 000 habitants), vieille colonie héritée de l’Ancien Régime, a vu tous ses habitants devenir citoyens en 1848, avec un statut politique proche des départements français. L a Côte française des Somalis (23 000 km*, 50 000 habitants), morceau de désert, n’a d ’intérêt que par sa position, à l’entrée de la mer Rouge et de l’Ethiopie. Les deux mandats (Togo et Cameroun) ne diffèrent des colonies que par leur statut international. Anciens territoires allemands, ils ont été remis, en 19 19 , à la Société des Nations qui les a confiés à la France à titre de mandataire, à la charge de rendre compte annuellement des progrès obtenus et d’admettre des missions de contrôle. L ’égalité commerciale et l’interdiction de l’armée sont également prescrites. Pour tout le reste, ces territoires sont régis comme les colonies voisines, par des gouverneurs et des fonctionnaires français. Les habitants sont « protégés fiançais » et non « sujets » ; pratiquement leur situation est la même.

L e ministère des Colonies a été créé en 1894, en même temps t centra qUC pEcole Coloniale. L e ministre est le chef hiérarchique des gouverneurs; c’est un homme politique, qui change fréquemment; les bureaux, en partie composés de fonctionnaires d’outre-mer, dirigent les affaires, en liaison avec les gouverneurs. C ’est une administration spécialisée, bien au courant des problèmes, soucieuse avant tout d’éviter « les histoires », n’ayant guère de vues d’avenir. Les inspecteurs des Colonies sont ses agents de contrôle, en missions temporaires. Après le triomphe de l’Exposition Coloniale, en 19 3 1, le mot « colonies » a été effacé de divers titres. Le ministère, l’école, les gouverneurs et administrateurs sont devenus « d’outre-mer » ; simple changement d’étiquette, bien qu’il semble promettre un état d ’esprit nouveau. Les colonies africaines n’ont qu’un député au Parlement, élu par les quatre communes du Sénégal. L a Réunion a deux députés et un sénateur. Le « Conseil supérieur des Colonies », élu par les citoyens, c’est-à-dire essentiellement par les blancs) n’est qu’un organisme consultatif, sans pouvoir ni prestige. Le Parlement ne s’intéresse pas aux colonies, sauf à l’occasion de scandales pour attaquer le gouvernement. L a législation coloniale, toujours régie par le senatus-consulte napoléonien de 1854, est faite par décrets du Président de la République, préparés par le ministre des Colonies, le plus souvent sur proposition ou après l’avis des gouverneurs. Les finances locales échappent aussi au Parlement, sauf le budget très médiocre du ministère des Colonies. L a loi de finances de 1900 a posé le principe de l’autonomie financière des colonies, c’est-à-dire que celles-ci devront payer leurs propres dépenses, sauf celles de l’armée. Il fallait prouver aux électeurs français que les colonies ne coûtaient rien. Les emprunts étrangers, russes ou autres, attiraient

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alors l’épargne française avant de l’engloutir; mais la France laissait les colonies « se débrouiller » avec leur misère. Après la guerre de 19 14 , Albert Sarraut, parlementaire influent, devenu ministre des Colonies après avoir gouverné l’ Indochine, proposa un plan : « L a mise en valeur des colonies françaises », à exécuter par des emprunts des colonies garanties par la métropole. L e plan ne fut que partiellement réalisé, mais les emprunts permirent aux colonies de développer leur infrastructure. Les dévaluations successives du franc diminuèrent le poids des intérêts.

L e gouverneur est « dépositaire des pouvoirs de la République », chef de l’administration et des services. Il promulgue les décrets, peut prendre des arrêtés, nouer des relations diplomatiques avec les pays voisins, expulser les étrangers, interner les personnages dangereux; il est responsable de la défense. Sous ses ordres un secrétaire général dirige les bureaux et le remplace en cas d ’absence. U n « Conseil d ’Administration » composé en majorité de hauts fonctionnaires, avec quelques notables blancs et noirs nommés par lui, l’assiste pour approuver certains actes administratifs. L e gouverneur est nommé par décret et recruté, en fait, parm i les administrateurs du plus haut grade. A ce système hérité des ordonnances de la Restauration, se sont superposées les fédérations (A.O .F., A .E .F .) chacune ayant à sa tête un gouverneur général qui a le monopole de la correspondance avec le ministre et dont les gouverneurs sont les subordonnés. Les colonies sont divisées en circonscriptions (portant des noms divers : cercles, provinces, départements) et celles-ci en subdivisions (districts, arrondissements), toutes tenues par les administrateurs des Colonies. L e chef de subdivision dépend du chef de circonscription, et celui-ci du gouverneur. L ’administrateur remplit, dans son territoire, toutes les fonctions : représentant de l ’autorité, responsable de l’ordre, chef de la milice, ju g e ; il fait le recensement, les rôles, la perception des impôts; il s’occupe des domaines; il fait construire les routes, les ponts, les bâtiments; il veille aux marchés, à l’urbanisme, au progrès de l’agriculture et de l’élevage, à la protection des forêts, à la bonne tenue des villages, au développement des écoles et de l’assistance médicale. Il est le chef des indigènes, règle leurs contestations, représente leurs collectivités; il est aussi le premier des Européens, veille au recrutement et au bon emploi de la main-d’œuvre. Il a tous les pouvoirs. Rien ne peut se faire sans son aide et son autorisation. Les représentants des Services techniques, là où ils existent, sont, pour une large part, à sa disposition ou sous son contrôle. « M aître-Jacques» de la colonie,« rois de la brousse» (l’un d ’eux, Delavignette, dira : Les vrais chefs de VEmpire), ils ont hérité des officiers de la conquête. Les Africains les appellent « mon commandant ». Ils sont, de plus en plus exclusive­ ment, recrutés au concours. L ’Ecole Coloniale leur a dispensé un enseignement Administration locale

X X V . — Le président M okhtar O uld X>addaL et le général de G au lle Digitized by

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L'AFRIQJUE F R A N Ç A IS E

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spécialisé; la plupart sont en outre licenciés, avec un diplôme des langues orientales. Système hiérarchique, autoritaire, simple. Le chef est bien connu de ses administrés; la responsabilité est unique. Tant vaut l’homme, tant vaut le district; le progrès dépend de son activité; la justice et la sympathie dépendent de son caractère. Entre eux, une émulation; chacun veut être fier de son commandement et le prend à cœur : il dit « mon cercle », « mes routes », « mes indigènes ». Ce paternalisme est dans la tradition africaine. Ceci n’empêche pas les abus. Les caractères ne sont pas parfaits; il arrive que la toute-puissance obnubile chez certains le sens de l’humain et du possible. Les tournées des gouverneurs, les contrôles hiérarchiques, les inspections et les dépla­ cements fréquents sont autant de bornes aux excès d’autoritarisme. Plus insidieuse est la mentalité coloniale qui s’établit dans la société blanche : sentiment de la supériorité européenne, nécessité de tenir compte dans une certaine mesure des récriminations des gens d’affaires, prêts à protester en haut lieu. Le contrepoids indigène ne peut guère, en dehors des « Conseils de Notables » rarement réunis et fort timides, s’exercer que par des mots d’ordre occultes (fuite devant l’impôt, mouvements religieux) ou par le contact humain. Il existe en effet une administration indigène, mais celle-ci est étroitement subordonnée aux administrateurs. A M adagascar elle est remise à des fonctionnaires malgaches. En Afrique les « chefs de cantons » sont désignés par l’autorité, soit, dans les anarchies, parmi les notables (peu influents), soit, dans les chefferies, le plus souvent au sein de la famille du chef et suivant les règles coutumières. Il existe même des « chefs supérieurs » qui sont des anciens souverains, tel le Morho Naba de Ouagadougou qui commande à un million de Mossi, entouré de ministres, de chefs de canton, d’une cour. Contrairement au système britannique qui ne touche que peu au pouvoir de ces chefs, les administrateurs fiançais, fils de la Révolution, provenant en majorité de la petite bourgeoisie, peu respectueux des hiérarchies traditionnelles, les utilisent, mais en sous-ordre. L ’autorité de ces chefs sert celle de la France, mais s’affaiblit à exécuter ses volontés. Leurs avis ne sont pas négli­ geables pour qui sait les écouter, mais ils traduisent souvent des soucis personnels. D ’autre part, l’administrateur, au cours de ses nombreuses tournées, s’il expose aux villageois ses ordres et leur donne ses conseils, peut aussi recueillir leurs doléances, comprendre leurs états d’esprit, mesurer les besoins du pays et ses possibilités.

Juridiquement on distinguait : ^ citoyens français soumis au Code civil et aux ju ri­ dictions françaises. C ’étaient les Français métropolitains, les Réunionnais, les Sénégalais des quatre communes (Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque). Les citoyens avaient, en principe, des droits politiques, mais, sauf à la Réunion et dans les quatre communes, il n’y avait pas d’élections.

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X X V I. — Jeunes Sénégalaises lors d*un voyage du général de Gaulle. Digitized by

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H I S T O I R E D E L'A FRIQ JU E N O IR E

2) Les sujets français, c’est-à-dire tous les indigènes non citoyens. Ils gardaient leurs coutumes juridiques (« statut personnel») et étaient soumis à la justice indigène, présidée par les administrateurs. De plus leurs libertés étaient soumises à contrôle : autorisation pour les déplacements à longue distance; code de Yindigénat, c’est-à-dire peines de simple police (cinq jours de prison ou 100 francs d ’amende) infligées directement par l’administrateur pour certaines infractions (le non-paiement de l’impôt et le non-accomplissement des prestations étaient les principales); presta­ tions : impôt en nature (dix jours par an), surtout pour les travaux des routes; réquisitions en cas de calamité ou même de besoin pressant. L e travail, dans ces derniers cas, était payé, mais le principe du travail forcé donnait lieu à des abus, surtout dans les régions de grandes plantations manquant de maind ’œuvre. Les obligations militaires s’appliquaient aux deux catégories, citoyens et sujets. Certaines personnes, notables ou anciens combattants, étaient exemptes d’indigénat et de prestations. Les sujets pouvaient devenir citoyens sur demande indivi­ duelle, après enquête administrative conclue par un décret. L e nouveau citoyen renonçait à son statut personnel; seuls les citoyens des quatre communes avaient conservé le leur. Aussi les demandes étaient-elles en nombre infime. L a distinction sociale essentielle, assez différente, s’établissait entre Européens et indigènes. Sau f exceptions, ceux-ci n’étaient guère reçus dans le milieu européen. L e fossé social s’était creusé, à partir de 1920, avec l’arrivée accrue des femmes européennes. De là, une certaine rancœur des évolués occidentalisés et de la bourgeoisie indigène. L a cordialité dans les rapports, marque la plus ordinaire du tempérament français, ne remédiait pas à ce complexe, lourd d ’avenir.

r^su^tats généraux positifs sont ceux que nous avons retracés dans l’Introduction : paix et sécurité, administration généralement honnête et consciencieuse, ouverture à la circulation, mise en valeur, progrès de l’individualisme, œuvres sociales. L ’enseignement, encore très insuffisant et inéga­ lement réparti, est donné en français. Des observateurs anglais intitulent leur livre : Les Africains apprennent à itre Français. Les éléments négatifs ne manquent pas : système autoritaire et dominateur, conservation étroite des sociétés indigènes, subordination aux intérêts économiques métropolitains, fossé social. On n’a pas songé à créer pour les indigènes des commu­ nautés locales étendues; on repose sur les anciens chefs, plus ou moins dévalués, alors que l’éducation et l’économie nouvelle ont façonné des individus occidentalisés, capables d’être formés aux responsabilités. Tout repose sur une administration qui, même passionnée par sa tâche, manque en général de vues d’avenir et notam­ ment de perspectives politiques. L ’assimilation persiste dans les conceptions scolaires, alors qu’elle a disparu de la doctrine. Le système de pur commandement, hérité Résultats énéraux

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L 'A F R I Q U E F R A N Ç A I S E

des militaires et valable en 1900, se trouve, en 1939, en porte à faux. Il est temps de repenser l'ensemble. Peu de Français y songent alors. Le Front populaire en 1936-1937 n’a pris, faute de temps et de doctrine, que quelques mesures de détail (autorisation des syndicats), mais il a soulevé des espoirs. Les grèves du Sénégal, le mouvement politique malgache marquent un nouvel état d’esprit, limité encore à de petits groupes. Dans l’ensemble, les sociétés indigènes, essentiellement rurales, semblent peu affectées. Il faudra des événements graves et une construction nouvelle pour provoquer l’éveil politique africain.

A

fr iq u e

o c c id e n t a l e

L a Fédération d’Afrique Occidentale Française, créée en 1895 de façon rudimentaire (le gouverneur général restait gouverneur du Sénégal), fut réorganisée sur l’initiative du gouverneur général Roum e, par décrets de 1902 et 1904, avec capitale à Dakar. Cette ville passa de 10 000 habitants en 1900 à 132 000 en 1945. Les Services fédéraux, administratifs et techniques se développent, payés par les douanes et les impôts indirects. L ’occupation s’achève en Mauritanie, en Côte-d’ Ivoire, puis au Sahara. Dès 1857 Faidherbe avait créé les Tirailleurs sénégalais, recrutés plus tard dans toute la Fédération, et qui jouèrent un rôle essentiel dans l’expansion française en Afrique et ailleurs. En 19 10 Mangin lança l’idée de la « force noire » comme renfort de l’armée française. Elle fut appliquée pendant la première guerre mondiale. 50000 hommes furent levés jusqu’en 19 17 ; à cette date Clemenceau envoya le député sénégalais Biaise Diagne en mission pour assurer de nouveaux recrutements. Le gouverneur général V an Vollenhoven s’y opposa et fut rappelé. Diagne réussit à envoyer 63 000 nouveaux soldats. Près de 30 000 noirs d’A .O .F. moururent pour la France. Ces divers recrutements n’allèrent pas sans rébellions locales, surtout chez les populations peu habituées à la contrainte : Béleri, Lobi, Dida, Holli, Bariba, Touareg. Par la suite les contingents annuels se stabilisèrent autour de 12 500 sans difficulté; le prestige des tirailleurs rentrés au pays y aidait beaucoup. Des emprunts permirent de construire des chemins de fer de pénétration : voie de D akar au Soudan, voie guinéenne, voie de Côte-d’ Ivoire, voies dahoméenne et togolaise. L e grand plan de leur réunion dans l’intérieur ne fut jam ais exécuté ; en 1940 1’A .O .F. avait 3 000 km de rails. L a route prit le relais; en 1945 on en comptait 76 000 km, simples pistes pour la plupart, certaines inutilisables en saison des pluies. Le projet funambulesque du chemin de fer transsaharien fut heureusement abandonné après la guerre, au profit des autos transsahariennes (autochenilles Citroen, six-roues R enault; ensuite pistes balisées). Puis vint l’avion qui, en 1940,

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avec quatre jours de trajet au lieu de quinze, tendait déjà à remplacer la voie maritime pour les communications France - A .O .F. Dès 1930 Mermoz traversait 1 *Atlantique-Sud, du Sénégal au Brésil. Cependant les ports, Dakar et Conakry surtout, sont équipés pour un trafic grandissant ; ailleurs il n’y a encore que des wharfs métalliques, traversant la barre. Les produits d’échange se développent : arachide, cacao, bananes, huile de palme, bois. Les villes grandissent. L a zone côtière prend son essor, alors que les régions de l’intérieur, moins bien arrosées et desservies, stagnent dans l’économie de subsis­ tance et voient nombre de leurs jeunes gens émigrer périodiquement vers le Sénégal (navétancs) ou la Côte-d’ Ivoire. L ’instruction ne s’accroît que lentement. 14 0 0 0 élèves primaires en 1 9 1 1 , 68 000 en 1938. Mais quelques écoles supérieures fédérales sont créées, notamment l’ Ecole William-Ponty (un ancien gouverneur général) d ’où sortiront médecins et instituteurs africains, cadres politiques des futurs Etats indépendants. L ’ Institut Pasteur de Dakar, l’ Institut français d’Afrique noire (I.F.A .N .) pour la recherche scientifique ont aussi un caractère fédéral. La prépondérance de Dakar est cependant mal supportée par certaines colonies riches, notamment la Côte-d’ Ivoire, qui se juge exploitée.

L ’unité du Sénégal, construite par Faidherbe et ses successeurs, fut complétée en basse Casamance, où les populations anarchiques ne furent définiti­ vement soumises qu’en 19 12. Les limites de la colonie, indéfiniment étendues par la conquête, étaient fixées, en 1904, au fleuve Sénégal et à son affluent la Falémé. Dépossédée de la direction de l’A .O .F. en 1902, Saint-Louis restait la capitale du Sénégal. Mais l’activité commerciale se transférait à Dakar et dans les ports de l’arachide, Rufisque et Kaolak. Le trafic du fleuve déclinait avec la construction des chemins de fer : le Dakar-Saint-Louis achevé en 1896, le Thiès-Kayes achevé en 1923, les embranchements de Kaolak et de Diourbel. Des routes suivirent, difficilement établies dans la région sableuse. Les anciennes exportations, gomme, amandes de palme, peaux, ne constituent plus qu’un cinquième des ventes à l’extérieur. L ’arachide règne absolument. Partie du Cayor, elle a conquis les pays du Sud (Sérère, Saloum) et jusqu’à la Casamance. Les produits de subsistance, surtout le mil, ont régressé en conséquence et on doit importer du riz d’ Indochine. En 1898 le Sénégal n’exporte encore que 15 000 tonnes d’arachides en coques, en 1926 : 483000, en 1938 : 643000. Cependant la crise de 1930 avait effondré les prix, on les avait protégés par des primes à l’entrée en France; pour empêcher la spéculation, on avait généralisé les « Sociétés de Pré­ voyance » administratives, avec greniers de réserve et distribution de semences améliorées. Le gros commerce d’import-export restait dans les mains des maisons françaises (surtout bordelaises, telle la vieille maison M aurel), mais le petit

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commerce local passait des mains des Ariègcois dans celles des Libano-Syriens. L a destruction ou l’affaiblissement des structures anciennes amena des regrou­ pements au sein de confréries musulmanes : Tidjaniya (Dakar, Tivaouane, Kaolak) et Mourides (Diourbel). Cette dernière secte, créée par un Sénégalais, Amadou Bamba, prêchant la sanctification par le travail agricole. Les missions catholiques convertissaient des païens au pays Sérère et en Casamance. Politiquement, seuls les originaires des quatre communes étaient citoyens français, élisant des Conseils municipaux et un député. Celui-ci, en 19 14 , fut pour la première fois un pur noir, Biaise Diagne, qui fit confirmer le privilège de ses commettants et fut, en 19 3 1, membre du gouvernement français. En 1920, cependant, le Conseil général, limité aux quatre communes, était remplacé par un Conseil colonial, faisant place aux représentants de la brousse, pris parmi les chefs. Deux lycées fonctionnaient, à Saint-Louis et à Dakar. Une petite élite fortement francisée prenait naissance. Deux de ses membres devaient jouer plus tard des rôles essentiels : Lamine Gueye, un magistrat, et Senghor, un professeur agrégé. M algré une proportion de scolarisés encore faible (10 % en 1939), le Sénégal allait pouvoir ainsi conserver son rôle dirigeant à l’époque de la politique généralisée.

^ ’action utilitaire de Faidherbe avait arrêté les pillages des Maures au Sénégal, mais la Mauritanie restait agitée par les razzias, et les guerres entre tribus. Seuls les marabouts musulmans pouvaient avoir une action apaisante. C ’est en s’appuyant sur deux d’entre eux, Cheikh Sidiya et Cheikh Saad Bou, que l’islamisant X avier Coppolani réussit, à partir de 1902, à étendre l’influence française sur la partie sud-sahélienne du pays. En 1905, il occupait le massif du Tagant et y était assassiné. Dès lors les échecs vont se succéder. Les tribus sahariennes attaquent, sous l’inspiration du marabout M a el Amin, qui a fait allégeance au M aroc et se réfugie au besoin dans le R io de Oro espagnol inoccupé. En 1908, une colonne d ’un millier d ’homme est envoyée sous le commandement de Gouraud. Elle conquiert le massif de l’A drar et pousse, au cœur du désert, jusqu’à la saline d’Idjil. En 19 14 , le pays est organisé, avec de nombreux postes. Les derniers rezzous (raids de pillards) seront repoussés ou anéantis, à partir de 1928, par des unités méharistes très mobiles et dotées de moyens modernes. En 1933, l’émir de l’A drar entre en dissidence; il est poursuivi sur 900 km de Sahara et tué. L ’année suivante voit la liaison entre les troupes françaises de la Mauritanie et celles du M aroc. Dès lors la Mauritanie, souvent confiée à des gouverneurs islamisants, mène une vie pastorale relativement paisible. Les tribus maraboutiques ont gagné l’influence qu’ont perdue les tribus guerrière. En 1944 la Mauritanie était agrandie à l’est par le rattachement du Hodh soudanais, peuplé de Maures. Mauritanie

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Baptisée Haut Sénégal et Niger en 1904, l’immense zone sèche de l’intérieur fut, en 1920, répartie en trois colonies : Soudan français, Haute-Vol ta (au sud), Niger (à l’est). Les limites de celle-ci avec la Nigeria, fort incommodes, furent améliorées par des accords avec l’Angleterre en 1906. Restait à soumettre les Touareg du Sahara. Au nord de Tombouctou, Araouan et l’Adrar des Iforas reçurent des postes français en 1909. Au Niger Agadès et Bilm a avaient été occupées en 1905; en 19 13 les troupes poussaient jusqu’au Tibesti, qui fut plus tard rattaché au Tchad. L a guerre de 19 14 vit, sur les incitations germano-turques, les Senoussi s’emparer de la Libye italienne, puis pousser dans les territoires français. Agadès fut assiégée 80 jours avant d’être dégagée. Les chefs Touareg, Firhoun au Soudan et Kaossen dans l’Aïr, furent mis en fuite et tués. Par la suite les pelotons méharistes n’eurent affaire qu’à des rezzous venus de M auritanie; le dernier fut exterminé en 1932. Le chemin de fer Kayes-Bamako (l’ancienne et la nouvelle capitale du Soudan), fut inauguré en 1906. Il fut relié à Dakar en 1923. L ’arachide put être développée. Les exportations atteignaient 160 000 tonnes de coques en 1940 pour le Soudan seul; le Niger commençait à en exporter, malgré la longueur des communications vers la côte (26 jours en 1926 par le Dahomey, 24 par la Nigeria). En 1932, sur les projets de l’ingénieur Bélime, était créé 1* « Office du Niger » ; on espérait, en aménageant ce fleuve, créer un Nil français pour la production cotonnière. Encore fallait-il amener de la main-d’œuvre. On résolut la question, en 1932, en supprimant la Haute-Volta. L e nord (le royaume Mossi de Ouahigouya) était rattaché au Soudan, l’est (le royaume Gourma) au Niger, la plus grande partie (royaume Mossi de Ouagadougou et pays anarchistes de l’ouest) à la Gôte-dTvoire. Il fallut user de contrainte pour déclencher des mouvements de migration. Ceux-ci, finalement, profitèrent plus à la Gold Coast qu’aux territoires français. Il en était de même du Niger où une terrible famine avait sévi en 19 3 1. Les régions sèches de l’intérieur, dont la population croissait, trouvèrent une ressource dans les pays côtiers plus favorables. L ’Office du Niger lui-même ne fut pas la réussite attendue. Sahara et Niger

En 1904, les îles de Los furent cédées par l’Angleterre à la France. En 19 1 1 un traité fixait les limites avec le Libéria, à la suite d’opérations difficiles menées chez les Tom a de la région forestière. A la limite du Sénégal, une autre population anarchique, les Coniagui, avait aussi résisté vivement. A u Fouta-Djalon, les pouvoirs de Yalmamy avaient été restreints à la région du sud; dans le nord, le chef de Labé, Alfa Y aya, d’abord favorisé par les Français, entra en conflit avec eux et fut arrêté en 1 9 1 1 . L a colonie de la Guinée française, créée en 1890, fut organisée par le gouver­ neur Ballay, ancien compagnon de Brazza au Gabon; Conakry, la capitale, simple

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village, devint une jolie ville et un port actif; des caravanes de Dioula apportaient de rintérieur le caoutchouc aux commerçants européens; elles furent remplacées par le chemin de fer qui, en 19 14 , atteignait Kankan, au-delà du haut Niger. M ais cette époque voyait le déclin du caoutchouc de cueillette. Le gouverneur Poiret (1916-1929) s’efforça de développer au Fouta la culture attelée et d’attirer autour du chemin de fer des colons européens pour créer des plantations de bananes, la main-d’œuvre venant de la haute Guinée. En 1938, on exportait 52 000 tonnes de bananes, grâce à une flotte spéciale et à la création d’un frigorifique. Néan­ moins la Guinée, pays de savanes et de plateaux pauvres, était fortement distancée par la forêt de Côte-d’ Ivoire.

L ’explorateur Binger devenait, en 1893, le premier gouverneur de la Côte-d’ Ivoire. Les limites de la nouvelle colonie furent fixées en 1898 avec la Gold Coast, en 1907 avec le Libéria. Les pays du nord (Odienné, Kong, Bouna) avaient été détachés du Soudan et rattachés à la Côte-d’Ivoire en 1899, après l’élimination de Samori. En fait, au début du x x e siècle, c’est encore une nébuleuse. Les Français occupent la zone soudanaise, pauvre et dévastée, les royaumes à la frontière de la Gold Coast, et la côte qui vivote d’un petit trafic de bois et d’huile de palme. Des épidémies de fièvre jaune ont dévasté la capitale, Grand-Bassam, que l’on transfère sur le plateau de Bingerville. Dès 1900 la mission Houdaille a établi un programme d ’avenir : transfert de la capitale à Abidjan, où la lagune, profonde, doit permettre la création d ’un vaste port en coupant le cordon littoral ; chemin de fer d’Abidjan vers le nord, par le Baoulé. L a construction du chemin de fer commence; la coupure du cordon échoue et l’on se contentera d ’un wharf à Port-Bouet. Dans la forêt intérieure et les savanes humides qui l’avoisinent au nord, quelques postes ont été établis. M ais les populations, pour la plupart anarchiques, repoussent toute autorité; les postes sont constamment assiégés, obligeant à l’envoi de colonnes, faibles et peu efficaces dans la forêt épaisse. L e gouverneur Angoulvant (1908-1915) décide de passer à la conquête effective et obtient des forces suffisantes. De puissantes colonnes réduisent la région du Bandam a, le pays Gouro, les populations, très dispersées mais guerrières, de l’ouest. En 19 10 , les Abbé se révoltent et détruisent le chemin de fer. Celui-ci parvient néanmoins à Bouaké en 19 12 . L ’occupation s’achève en « tache d’huile », par l’installation de postes et le désarmement des habitants. L ’économie peut ensuite prendre son essor. Angoulvant, dès 19 12 , a prescrit aux administrateurs de faire planter du cacao, à l’imitation de la Gold Coast. L a contrainte administrative se solde, là, par une grande réussite. En outre des colons européens se sont installés, cultivant le cacao, puis le café et la banane; les forêts sont exploitées dans la zone des lagunes. En 1938 la Côte-d’Ivoire exporte 55 000 tonnes de cacao, 25 000 de café, 12 000 de bananes. L e chemin de fer a Côu d'ivoire

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atteint Bobo-Dioulasso, dans l’ancienne Haute-Vol ta rattachée à la Côte-d’ Ivoire et dont les immigrants vont aider à la mise en valeur de la Basse Côte, faiblement peuplée. En 1934 Abidjan est devenue capitale, elle passe de 700 habitants en 19 10 à 46 000 en 1945. Des routes en partent, pénétrant en tous sens la forêt.

L ’ancienne partie occidentale de la côte des Esclaves est une zone de savanes, riche seulement en palmiers à huile, à laquelle succède rapidement au nord une brousse de type soudanien. L ’organisation poli­ tique est du type anarchie équilibrée et très éparpillée dans la deuxième zone, alors que des chefferies étendues ou des royaumes occupent la côte et bordent le Niger. Français et Allemands ont occupé les royaumes, puis y ont rattaché les anarchies pour constituer deux ensembles coloniaux allongés et de taille médiocre : le Dahomey et le Togo. L e royaume du Dahomey, conquis par les Français en 1892-1894, divisé en trois, vit ses souverains disparaître, morts ou exilés, avant 19 14 . Toute la brousse intérieure est rattachée à la colonie du Dahomey. Des soulèvements agitent quelque temps des petits groupes Holli, Bariba, Somba. Les Allemands, au Togo, avaient renforcé l’autorité des chefs sous leur commandement, soumis les peuples du nord, commencé la construction de chemins de fer. En août 19 14 le Togo fut rapidement conquis par les troupes franco-anglaises. Un premier partage intervint, transformé en 19 19 au bénéfice des Français (qui obtinrent Lomé, la capitale). Les Anglais incorporèrent leur mandat à la Gold Coast. Une tentative française de rattacher le Togo au Dahomey en 1934 ne dura pas. Ce fut une cause de faiblesse durable pour les deux pays, déjà peu richement dotés par le nature. L a principale exportation consistait en huile et amandes de palme : 100 000 tonnes au Dahomey, 13 000 au Togo. Le karité, le coton, les arachides du nord ne formaient qu’un faible appoint. M aïs et ignames dans le sud, mil dans le nord nourrissaient les populations. Les chemins de fer, poussés par les Français, atteignaient à peine la zone de brousse sèche. L a montagne de l ’Atakora voyait ses populations réfugiées, notamment les K abré, occuper les plaines voisines à la faveur de la paix. Des travailleurs du Togo se rendaient en Gold Coast sur les plantations de cacao. Les missions chrétiennes (protestants et surtout catholiques) avaient converti la plus grande partie des peuples côtiers (Ewé du Togo, Fon du Dahomey). Le pourcentage des scolarisés était, chez eux, supérieur à la moyenne de l’A .O .F. Porto-Novo, capitale du Dahomey, était surnommée, avec quelque exagération, « le quartier latin de l’Afrique». On trouvait des instituteurs et des commis dahoméens dans toute la fédération. Les mouvements politiques cependant restaient faibles. Quelques évolués au Dahomey et Togo

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Dahomey (tel Hunkarin qui avait adhéré en France à la Ligue des Droits de l’Homme), tentèrent d ’agiter l’opinion. Au Togo un mouvement nationaliste, inspiré par la nostalgie de l’époque allemande, le « Togobund » réclamait la réuni­ fication des deux Togo. L ’administration n’eut pas de mal à réagir.

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L ’A .E .F . a pour origine le petit établissement créé par les Français en 1843 dans la baie du Gabon, puis les explorations de Brazza, qui, de 1875 à 1889, partant du Gabon, remonta le fleuve Ogoué, parvint au Congo, passa un traité de protectorat avec Makoko, chef des Batéké, près de la future Brazzaville, gagna la côte par le Niari, puis revint avec le titre de « commissaire général », explora la Sangha et lança ses compagnons vers l’Oubangui sur la route du Tchad. Gentil, en 1897, descendit le Chari jusqu’au lac. En 1900 trois missions françaises venues d ’Algérie, du Soudan et du Congo se rejoignaient sur ses bords. De cette histoire résulta un monstre politique étrange : le Congo français, étiré du 50 sud au 230 nord, des savanes du sud au cœur du désert, des Pygmées aux Arabes, sans communication autre que par les fleuves et par un étrange détour. On mettait cinq mois de France au Tchad en passant par Libreville et Loango. Le Cameroun allemand, délimité en 1894, barrait de leur débouché naturel à la côte les pays de l’intérieur. En outre ce monstre naissait dans les conditions les moins propres à le faire vivre. L a France cocardière voyait dans les colonies une revanche de Waterloo et de Sedan, mais se refusait à tout sacrifice financier notable pour en assurer la crois­ sance. L ’organisation léguée par Brazza était fantomatique; l’occupation, par quelques postes et quelques centaines de Sénégalais, restait linéaire; les finances étaient nulles; on avait renvoyé Brazza qui réclamait un chemin de fer. Dans ces circonstances, le gouvernement, sollicité par des groupes capitalistes (certains n’ayant ni compétence, ni argent, mais seulement des relations), crut trouver une panacée en ressuscitant le système des grandes compagnies concession­ naires, dotées de droits quasi régaliens, manière de se débarrasser des responsabilités et des dépenses, que l’Ancien Régim e avait employé largement au x v n e siècle, puis répudié au x v m e. En 1899 on accordait, dans la zone de forêts et de savanes, 650 000 km* (plus que la France) à 40 compagnies, pour la plupart improvisées, avec tous les droits d’exploitation, en échange d ’une redevance à la colonie; elles devaient en outre organiser des transports fluviaux et entretenir milices et postes de douanes; bientôt Gentil, devenu gouverneur général, les autorisa à percevoir l’impôt en nature, qu’elles remettaient à l’administration. Celle-ci, en somme, abdiquait; à vrai dire elle était squelettique.

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Gouvernement et capitalistes s’étaient abusés sur les richesses immédiates du Congo et l’abondance des populations. On parlait de 8 millions d’hommes; il n’y en avait pas le quart; dispersés à l’infini entre des zones de brousse ou de forêts vides, ils ne connaissaient qu’une économie de subsistance précaire dans une lutte incessante contre la nature, assurant tout juste leur nourriture. On les obligea à récolter le caoutchouc, parfois rare et éloigné, pour pouvoir payer l’impôt et acheter des marchandises européennes, souvent inutiles et de basse qualité. Si la bonne volonté ne suffisait pas, on y suppléait par le recrutement forcé; de même pour le portage à tête d’homme, seul mode de transport terrestre. De Loango à Brazzaville, de l’ Oubangui au Chari, des caravanes de néo-esclaves circulaient ainsi incessamment sous la menace de la prison ou de la chicote (le fouet en cuir d’hippopotame). Certains Européens, déprimés par le climat, l’iso­ lement et les maladies, perdaient tout sens humain normal. Une Commission d ’enquête, envoyée en 1905 sous la direction de Brazza (qui mourut au retour, épuisé), révéla des pratiques intolérables. Une campagne de presse exigea des sanctions. En 19 10, les concessions furent réduites de moitié et l’administration rétablie. Le Congo français était transformé en Fédération de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F.) comprenant trois colonies : Gabon (chef-lieu Libreville), Moyen Congo (chef-lieu Brazzaville, qui était aussi la capitale fédérale), Oubangui-Chari (cheflieu Bangui). L e Tchad (chef-lieu Fort-Lam y), jusque-là territoire militaire, devenait colonie en 1920. L ’occupation avait progressé. Dans la forêt gabonaise, au nord-est et au sud de l’Ogoué on n’avait eu affaire qu’à une guérilla de groupuscules éphémères, mal armés et fuyant après l’attaque. M ais au Tchad on se heurta à des arabisés habitués à la guerre en rase campagne et bien alimentés d’armes par la Libye et l’ Egypte. Les deux premières attaques au Ouadaî se soldèrent par le massacre des troupes françaises. De 19 12 à 19 14 , le colonel Largeau, bon praticien du pays depuis de longues années, nommé chef du territoire, soumit le Ouadaî et réduisit les forteresses senoussistes du nord. En 19 19 une convention franco-anglaise délimitait la frontière entre le Tchad (Ouadaî) et le Soudan (Darfour). En 1 9 1 1 , en échange de la renonciation de l’Allemagne à ses prétentions au M aroc, le gouvernement français (Caillaux) lui avait cédé, outre l’extrême-nord du Gabon (Wolé-Ntem), deux antennes joignant le Cameroun au Congo. Au traité de Versailles, ces territoires furent restitués à l’A .E .F. Celle-ci n’en restait pas moins une création contre nature, sans communications aisées, peu administrée, à peu près sans ressources : le caoutchouc est tombé, ainsi que l’ivoire; les bois commencent à peine à être exportés. Aucune ville ne dépasse 5 000 habitants. Les missions catholiques essaiment difficilement; M gr Augouard se déclare « évêque des anthropophages ». Il y a 45 médecins pour une étendue

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FRANÇAISE

grande cinq fois comme la France, en proie à toutes les maladies de brousse et d ’importation. L ’A .E .F . est la « Cendrillon des colonies ». Brazza a légué un problème. Peu à peu cependant des ressources nouvelles apparaissent. Au Gabon le bois d ’okoumé, signalé par le gouverneur de Chavannes compagnon de Brazza, et dont les Allemands avaient compris les premiers l’intérêt exceptionnel, passa de 5 ooo tonnes exportées en 1902 à 380 000 en 19 3 1. L a main-d’œuvre était pompée par les chantiers forestiers; de vastes espaces de forêts perdirent leurs habitants. Peu nombreuse, émiettée au sein d’une nature profuse, où insectes et germes patho­ gènes pullulent, la population gabonaise stagnait ou régressait. Libreville et une agglomération nouvelle, Port-Gentil, située au cap Lopez et débouché de l’Ogoué, bien que n’atteignant pas 10 000 habitants, suffisaient à dépeupler les alentours. Lambaréné, sur le moyen Ogoué, centre commercial, avait vu, dès 19 13 , le T>r Schweitzer installer un centre hospitalier. Au Moyen Congo s’était déroulée la tragédie du chemin de fer Congo-Océan. Nécessité économique et humanitaire pour remplacer le portage, sa construction, commencée par le gouverneur général Augagneur en 1922, fut continuée par son successeur Antonetti avec énergie mais sans moyens suffisants ; on recruta 150 0 0 0 hommes dans toutes les parties de l’A .E .F ., le plus souvent par pression administrative. Plus de 10 % succombèrent dans la forêt. Les Baya, dans l’ouest de l’Oubangui, se révoltèrent. De nombreuses critiques s’élevèrent en France contre les abus, notamment celle d’André Gide dans son Voyage au Congo (1927). Des améliorations techniques et médicales furent apportées. L e chemin de fer s’acheva en 1934. Pointe-Noire, port créé à son débouché, avait, dès 1940, 20 000 habitants et Brazzaville dépassait les 50 000. L ’Oubangui avait connu un essor sous l’impulsion du gouverneur Lam blin qui créa un réseau de routes, lança la culture du caoutchouc, du café, et surtout du coton qui, avec des sociétés d’achat appuyées par l’administration, se développa rapidement, non sans abus. Des diamants avaient été découverts. Bangui, à peine naissante en 1900, avait, en 1940, 30000 habitants. Le Tchad voyait aussi s’étendre le coton dans sa partie sud, en pays Sara. Les régions sèches et lointaines du nord, à part Fort-Lam y (15 000 habitants), menaient leur vie économique traditionnelle, avec les razzias en moins. Toutes les villes d’A .E .F ., sauf Abéché au Ouadaî, étaient des créations colo­ niales, attirant de plus en plus des populations diverses en relation avec le commerce et les emplois. L ’enseignement restait d’assez bas niveau et n’atteignait pas 10 0 0 0 élèves dans les écoles officielles, 12 000 dans celles des missions... Celles-ci avaient converti une partie des populations païennes. On comptait, vers 1940, 300 000 catholiques et 80 000 protestants. Des religions syncrétistes naissaient, inspirées à la fois du christianisme, de restes de paganisme, de la prétention de

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guérir et du désir de s’affirmer en face des Européens. Simon Kimbangou fut, au Congo, le plus notable de ces prophètes, il mourut exilé. Le « Kakisme », le « Bougisme » se fondèrent ensuite. Au Gabon, l’ésotérisme très complexe du Bouid, né dans le massif du Chaillu, chez les Mitsogo, se transforma chez les Fang en un syncrétisme simplifié, qui recruta de nombreux adeptes. Un mouvement plus nettement politique avait été, au Moyen Congo, l’Amicale, fondée par un ancien combattant de 19 14 , André Matsoua, que ses revendicadons (la citoyenneté française) firent persécuter. Mort en prison, Matsoua devint, pour ses sectateurs, une sorte de Messie immortel. Toutes ces agitadons confuses, enfan­ tines, nées chez des illettrés ou semi-lettrés, traduisaient un malaise et un besoin de regroupement qui devaient influencer plus tard les mouvements politiques. L ’A .E .F. restait, dans son ensemble, assez misérable. En 1934, le gouverneur général Renard, ancien préfet de la Seine, soucieux d’économies, supprima les quatre colonies et essaya d ’administrer de Brazzaville ces immensités mal reliées et si diverses. Ce fut un échec et il fallut revenir au système antérieur. Le Gabon, enrichi par l’okoumé, manifestait déjà son impatience d’être dirigé par Brazzaville. Le monstre A .E .F. ne vivait que par un artifice administratif.

^ Cameroun allemand, constitué en 1894, était un autre monstre, joignant des pays historiquement étrangers. Mais sa taille plus réduite et son exutoire marin le rendaient plus maniable. Lorsque la France hérita de sa plus grande partie, en 1919, elle n’osa pas la rattacher à l’A .E .F ., dont elle aurait constitué pourtant, au moins pour le Tchad, le débouché naturel. On craignait que le mandat de la S.D .N . n’évoluât finalement en dehors du système français. Ce fut une occasion perdue pour construire une Afrique viable. Le chemin de fer de Douala, port et centre commercial, à Yaoundé, la nouvelle capitale, fut achevé ; les prestataires, sous la conduite des administrateurs, établirent 4 000 km de routes. Dans un rayon de 200 km autour de Douala se développa un « croissant fertile» voué à l’économie d’échange, les plantations européennes donnant l’exemple. En 1939 on exporte 40 000 tonnes de bois, 33 d’huile de palme et pal­ mistes, 27 de cacao, 28 de bananes, 9 d’arachides. Le café et le caoutchouc débutent. Les Bamiléké du plateau occidental commencent à se répandre dans la zone pros­ père comme manœuvres, commerçants et transporteurs. En 1935 on compte 2 300 000 habitants, dont 2 400 Européens en grande majorité Français. L a lutte contre la maladie du sommeil a été menée énergiquement par le D r Jam ot. De 1926 à 1932 l’indice de mortalité des sommeilleux est tombé de 25 % à 4 % . L ’enseignement, en 1936, ne compte encore que 9 000 élèves dans les écoles officielles, mais 92 000 dans les écoles des missions. Vers 1920 s’est produit, dans le sud, un mouvement spontané de conversions massives, débordant les possibilités des missionnaires et traduisant sans doute le besoin de nouvelles structures. Des Cameroun

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séminaires sont créés. Les catholiques, en 1945, comptent plus de 400 000 baptisés, les protestants 100 000. Le Nord-Cameroun, dominé par les fédéraux Peul musulmans reste à l’écart de tout ce mouvement économique et social. Il y a deux Afriques qui, malgré les fictions d’unité administrative, ne se rejoignent pas plus au Cameroun qu’en A .E .F . O

c é a n

I

n d ien

Conquise en 1895, la Grande Ile a été soumise, unifiée et organisée par le général Gallieni, gouverneur général de 1896 à 1905. Sa « poli­ tique des races » a consisté à remplacer les gouverneurs merina, agents de l’ancien royaume conquérant, par des chefs locaux dans chaque tribu. Au-dessus d ’eux, provinces et districts sont confiés à des officiers, puis à des administrateurs français. Des corps de fonctionnaires malgaches sont organisés. Un enseignement officiel est créé, s’ajoutant à celui des Missions protestantes et catholiques. L ’Assistance médicale indigène gratuite est organisée. L ’assimilation douanière assure la primauté aux marchandises françaises. L ’impôt « éducateur» oblige les malgaches à s’employer ou à produire pour la vente. Un chemin de fer, établi par le Génie militaire (19001909), relie Tananarive à Tam atave, remplaçant le vieux sentier des porteurs. Les successeurs de Gallieni maintinrent dans l’ensemble son organisation. L e chemin de fer fut complété par des embranchements : vers le lac Alaotra (192a) et Antsirabé (1923). L a population estimée à 2 500 000 en 1900 passait à 3 300 000 en 19 2 1. Les Européens (colons, commerçants, fonctionnaires), ne dépassaient pas 10000, parmi lesquels beaucoup de Réunionnais, petits colons en brousse, souvent misérables. Le gros commerce était aux mains de quelques maisons fran­ çaises ; petit et moyen commerces étaient tenus surtout par des Asiatiques, Indiens et Chinois. Les exportations consistaient en produits de cueillette ou traditionnels : caoutchouc, cire, raphia, riz, pois du Cap, manioc, bœufs vivants ; des usines furent installées, produisant farine de manioc et conserves de viande. Toutes ces produc­ tions, fortement accrues, contribuèrent à ravitailler la France pendant la guerre de 19 14 -19 18 , qui vit 45 000 Malgaches engagés volontaires. Tout paraissait calme. Cependant, dans l’aristocratie merina, dépossédée de son commandement, de son commerce et de ses esclaves, certains conservaient une amertume soigneusement cachée. En 19 15 un complot (la V .V .S .) fut dénoncé parmi les étudiants de l’ Ecole de Médecine, qui, durement sanctionnés, puis graciés, fournirent plus tard des cadres au mouvement nationaliste. Madagascar

A partir de 1924 avec les gouverneurs généraux Olivier (jusqu’en 1929), puis C ayla, une évolution se fit sentir. De grandes régions remplacèrent les pro­ vinces. U n nouveau chemin de fer réunit Fianarantsoa à la Côte Est. Des routes

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pour automobiles furent établies dans tous les districts par les administrateurs employant les prestations. L a production pour les ventes extérieures abandonna de plus en plus les marchandises lourdes pour les produits riches : le café, la vanille, le girofle furent répandus sur la côte est, le tabac M aryland et le sucre dans l’ouest. Des primes métropolitaines soutinrent ces produits pendant la crise de 1930. En 1938 les exportations dépassaient d’un tiers les importations; le café (41 000 tonnes) en représentait 36 % en valeur; 75 % des échanges se faisaient avec la France. L a plus grosse partie du café était produite par les villages. L a paix intérieure et les communications avaient permis les migrations à longue distance des travailleurs, provenant surtout des régions du sud (Antaisaka, Antandroy). L e Far West Sakalava, presque vide, était lentement occupé par des immigrants provenant des plateaux (Merina, Betsileo) ou du sud (Antaisaka, Bara). L ’A .M .I. s’était répandue. L ’ Institut Pasteur de Tananarive avait jugulé la peste. L a population s’accroissait : 4 millions en 1940. Tananarive totalisait 140 000 habitants. Le port de Tam atave avait reçu des aménagements permettant de décharger à quai. Les villes bénéficiaient de plans d’urbanisme. L ’aviation intérieure débutait, et des liaisons aériennes régulières rapprochaient Madagascar de la France. Le progrès politique n’avait guère suivi. M algré deux décrets permettant l’accession individuelle à la qualité de citoyen français, on ne comptait, en 1939, que moins de 8 000 citoyens malgaches, en majorité des bourgeois merina. C ’est pourtant un Betsileo, ancien esclave devenu instituteur, Je a n Ralaimongo, qui, engagé volontaire 19 14 -19 18 et ayant fréquenté les milieux de gauche à Paris, commença en 1922 la lutte ouverte pour l’émancipation. Son journal, U Opinion, dénonçait les abus et réclamait pour tous les Malgaches la citoyenneté française. Le 19 mai 1929 une manifestation eut lieu devant le gouvernement général. R alai­ mongo fut placé en résidence fixe. Après la chute du Front populaire, qui avait soulevé des espoirs, le mouvement s’orienta vers le nationalisme. Ses échos étaient encore limités. Pendant la guerre de 1939, les nationalistes gardèrent une attitude pro-française. Protectorats français depuis 1886 (sauf Mayotte, annexée en 1843), les quatre ties Comores, peuplées d’Africains parlant souahili donc très différentes de M ada­ gascar, y furent cependant rattachées en 19 12 . De grandes compagnies françaises et des colons créoles avaient obtenu des précédents sultans de grandes concessions. L ’esclavage est supprimé, la vanille et les cocoteraies remplacent la canne à sucre. L a population, 90000 habitants en 1900, dépasse 150 0 0 0 en 1945, trop pour ces petites îles. Elle déborde sur le nord-ouest malgache et sur la côte africaine. Les Comoriens sont musulmans. On trouve quelques milliers de musulmans malgaches en pays Sakalava. Dans le reste de la Grande Ile, le christianisme (protes­ tant et catholique) a fait des progrès énormes, surtout sur les plateaux (Imerina

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et Betsileo). Dès 1930 un Malgache sur quatre était chrétien. Le culte des ancêtres gardait d’ailleurs toute sa force, il se maintenait, même chez les chrétiens, par diverses cérémonies familiales. 200 000 enfants malgaches fré­ quentaient les écoles. L a francisation paraissait, surtout dans les villes, plus poussée qu’en Afrique. En fait, par l’unité de la langue et des coutumes, pré­ existait la nation malgache.

L ’île de la Réunion jouissait d’un statut libéral : tous ses habitants, blancs et noirs, étaient citoyens français, élisaient deux députés et un sénateur, un Conseil général votant le budget et les impôts et des Conseils muni­ cipaux dans ses communes. Elle avait cependant un gouverneur à sa tête, relevant du ministère des Colonies. A la différence de l’île sœur, Maurice, annexée par l’Angleterre, la Réunion, sans port naturel, sans immigration hindoue, avait connu un certain marasme depuis l’abolition de l’esclavage en 1848, qu’une sorte de métayage avait mal remplacé. Un port artificiel avait été creusé fin xrx® siècle et un chemin de fer suivait le rivage. Les exportations de sucre étaient tombées à 30 000 tonnes en 1900; les usines et les terres avaient connu une concentration; de grosses fortunes s’opposaient à un peuple en grande partie misérable, rongé par le paludisme, l’alcoolisme et la malnutrition, pratiquant un catholicisme étroit mélangé de superstition. L a guerre de 19 14 amena une demande extérieure accrue. Puis vint le contin­ gentement : droit d’importer dans la métropole des quantités fixes de sucre et de rhum à des prix supérieurs aux cours mondiaux. Ce fut un renouveau. L a popu­ lation, stagnante, recommença à s’accroître.

En 1884 la France envoyait à Obock, près de l’entrée de la R OUgCj nouvelle route maritime de l’Orient depuis l’ouverture de Suez, un jeune diplomate, Léonce Lagarde. Il passa des traités avec des chefs Afar (Danakil) et Issa (Somalis) de la baie de Tadjoura et créa ainsi la colonie nouvelle assez mal dénommée Côte française des Somalis, dont il devint gouverneur. Entrant en rapport avec l’empereur Ménélik et devenu, cumulativement, ambassadeur de France en Ethiopie, il réussit à faire décider la création d’un chemin de fer franco-éthiopien qui devait partir de Djibouti, rade déserte où, en 1892, il transféra le chef-lieu de son petit territoire. Celui-ci ne comportait que des déserts dont les rares habitants, périodiquement affamés, se livraient à des luttes tribales avec razzias de chameaux et meurtres. Les successeurs de Lagarde édifièrent Djibouti, y attirant une population composite : Afar, Issa, Somalis du Somaliland, Arabes du Yémen. En 19 17 le chemin M u français* des Somalis

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de fer atteignit Addis-Abeba. Dès lors Djibouti devint le débouché majeur de l’Ethiopie. Elle totalisait 20000 habitants en 1940 et un quai y était édifié, avec des tanks à mazout. L ’organisation de l’intérieur, dans une zone réservée à la France par une convention franco-éthiopienne assez imprécise de 1897, se fit à partir de 1920 avec des pelotons méharistes et quelques postes. Un jeune administrateur, Bernard, se fit tuer en 1935, en poursuivant une bande de pillards venus d’au-delà de la fron­ tière. Ceux-ci ne revinrent pas. La conquête italienne de l’Ethiopie en 1936 présenta bientôt un nouveau danger. Djibouti et le chemin de fer virent leur trafic monter en flèche et les activités italiennes se faire inquiétantes. Mussolini, fin 1938, réclama Djibouti. Ses troupes, arguant de l’indécision du précédent traité, avaient déjà occupé une partie du terri­ toire français. Ces prétentions furent déjouées sur place, mais les 300 000 hommes de l’armée italienne d’Ethiopie représentaient une menace pour un territoire désarmé. Mandel envoya cinq bataillons; les Italiens, lorsqu’ils déclenchèrent la guerre en juin 1940, occupèrent le Somaliland britannique par une simple promenade mili­ taire, mais ne se risquèrent pas à Djibouti.

L

a

d e u x iè m e

g u e r r e

m o n d iale

L a défaite de mai-juin 1940 plongea les colonies dans le désarroi. Les velléités de poursuivre le combat furent arrêtées notamment par le massacre de la flotte française à Mers el-Kébir sur l’ordre de Churchill. L ’ensemble des gouverneurs se rallia au gouvernement de V ichy; les armistices empêchaient d’ailleurs toute agres­ sion germano-italienne contre l’Afrique. Cependant, à l’appel du général de Gaulle, des groupes opposants se consti­ tuaient ; des émissaires de la « France libre >► parvenaient en secret, essayant de renverser la tendance. Le 26 août 1940, le gouverneur du Tchad, Eboué, un noir de la Guyane, se rallie; le 27, Leclerc prend en main le Cameroun; le 28, des officiers gaullistes s’emparent du pouvoir à Brazzaville; le Gabon est envahi. Toute l’Afrique équatoriale passait au gaullisme. Mais, en 1940, une attaque de la flotte anglaise, transportant de Gaulle, échoua à Dakar devant la décision du gouverneur général Boisson. L ’A.O .F. reste donc vichyste. Boisson s’applique à éviter toute intrusion allemande. U n effort est fait pour ravitailler la métropole en café, huile, bananes séchées. Un commencement d’industrialisation s’esquisse sur place pour remplacer les marchandises métropolitaines : huileries, savonneries, utilisation des gazogènes. L ’A .E .F. gaulliste connaît un essor : les produits sont achetés par l’Angleterre; on revient à la cueillette du caoutchouc sylvestre. Des routes intercontinentales

X X V I I . — L a place de la Libération, à D ak a r.

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L 'A FR IQ JU E F R A N Ç A I S E

sont créées. En décembre 1942 l’armée Leclerc, partie du Tchad, rejoint les troupes anglaises en Libye, après avoir bousculé les Italiens. L a G .F.S. bloquée par les Anglais sur mer, puis, après l’occupation, sur terre, souffre de la faim et, en décembre 1942, passe à la France libre. L a Réunion avait fait de même un mois avant. M adagascar, bloquée par mer, voyait ses stocks s’accu­ muler, les Malgaches revenir à une pure économie de subsistance. Le 5 mai 1942, les Anglais s’emparaient de Diégo-Suarez, puis, le 14 septembre, débarquaient à M ajunga et, repoussant une armée française démunie de matériel moderne, ache­ vaient bientôt la conquête de l’île, qu’ils remirent plus tard aux gaullistes. En novembre 1942, après l’occupation anglo-américaine de l’Afrique du Nord, Boisson se rallia au gouvernement d’Alger (Darlan, puis Giraud) et s’efforça de remettre l’A .O .F. dans la guerre. Il fut destitué et emprisonné à l’arrivée au pouvoir des gaullistes. L a France libre mit en place de nouvelles équipes et entreprit de développer les productions pour la guerre, parfois avec une hâte qui n’alla pas sans malaise, notamment à M adagascar. Cependant se faisait sentir le besoin de rénover le système colonial, en accord avec l’opinion des Alliés et pour donner au gouvernement d’Alger une base populaire en ouvrant un espoir nouveau à ses peuples dans un ensemble français rénové. Ce fut l’objet d’ une réunion de gouverneurs, la « Confé­ rence de Brazzaville» (30 janvier - 8 février 1944) ouverte par de Gaulle et présidée par le commissaire aux Colonies René Pleven. L a Conférence condamna « toute idée d’autonomie, même lointaine », mais recommanda une représentation parle­ mentaire des colonies en France et la création d’assemblées locales. O n ouvrait la porte à l’avenir.

B ib lio g r a p h ie

so m m aire

Généralités H anotaux et M artineau . Histoire des colonies françaises, 1929-1933, 6 vol. in 40. I : Introduction

générale. L'Amérique ; I V : A .O .F.-A .E.F. ; V I : Madagascar. Océan Indien, Pacifique. B l e t (H .). Histoire de la colonisation française, t. I I I , 19 50 , in - 12 . B ru n sg h w io (H .). La colonisation française, 1949, in - 12 . Y a co n o . Histoire de la colonisation française (« Qjie sais-je ? »), 1970. G r a n d id ie r (G .). Atlas des colonies françaises, 19 3 4 , in-folio. D esch a m ps (H .). Les méthodes et les doctrines coloniales de la France, 19 5 3 , in - 12 . Baumont (M .), Bruhat (J.) et J ulien (C h .-A .). Les techniciens de la colonisation, 1946, in-8°. Sarraut (A .). La mise en valeur des colonies françaises (1923). — Grandeur et servitude coloniales ( 1 9 3 1 ) . D e l à vig n e t t e ( R .) . Les vrais chefs de l'Empire (19 3 9 ). — et J u lie n (G h .-A .). Les constructeurs de la France d'Outre-Mer (19 4 6 ). G irault (A.). Principes de colonisation et de législation coloniale, i r6 éd., 1895; 7e et dernière éd., 1938, 3 vol. R olland (L .) et L ampué (P .). Précis de législation coloniale, 1940.

X X V I I I . — Le président Sengh or en tournée électorale (S én égal). Digitized by

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Par pays Les fascicules parus à l'occasion des Expositions coloniales de 1900 et de 1931. Les volumes de YEncyclopédie de l'Afrique Française. I V : Madagascar-Réunion, 2 vol.; V : A.O .F. (2) ; V I : A .E .F . ; V I I : Cameroun-Togo. Les volumes de la collection « Union Française » : R ichard -M o lard , A .O .F ., 1952; Z œolé , A.E.F.y 1952; F rœlich , Cameroun-Togoy 1956; D eschamps, Madagascar, 1951; Côte des Somalis, 1948. V illard (A.). Histoire du Sénégal, 1943. S uret -C auale ( J .) . Afrique occidentale. L'ire coloniale, 1964. A rcin . Histoire de la Guinée, 1911. C o r n e v in . Histoire du Dahomey, 1962; Histoire du Togo, 1958. C h a i l l e y (M .). Histoire de VA.O.F., 1968. B r u e l (G.). L'Afrique Equatoriale Française, 1918. G a l l ie n i ( J . S.). N euf ans à Madagascar, 1908. O livier (M .). •Sur ans de politique sociale à Madagascar, 1931. D escham ps (H .). Histoire de Madagascar, i re éd., i960; 3* éd., 1965. p* Guerre Mondiale

M artin du G ard (M .). La carte impériale, 1949. La Conférence africaine de Brazzaville (M éd.-Colonies), 1945. La France d*Outre-Mer dans la guerre (Office français d ’édition), 1945.

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C H A P IT R E

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L 'A friq u e britannique et le Soudan anglo-égyptien I — L ’AFRIQUE BRITANNIQUE .

A u moment du partage de l’Afrique par l’Europe, les gouvernements britanniques, quelle que fût leur couleur politique, avaient une théorie de l’ Em pife, solidement établie, qui comportait une philosophie de l’origine et du développement des colonies et traçait les lignes directrices de leur traitement poli­ tique et économique. Cette théorie n’était pas née d’une expérience spécifiquement africaine. Il fallait plutôt en trouver les origines dans les événements d ’Amérique du Nord entre 1776 et 1839, et dans la suprématie conquise par la Grande-Bretagne en matière de commerce outre-mer et de puissance navale, pendant que le reste du continent était occupé par les guerres de la Révolution française et de l’Empire. M ais, dès que les gouvernements britanniques commencèrent à assumer des respon­ sabilités directes et durables dans l’administration de territoires africains, comme ils avaient fait en Sierra Leone en 1808 et à la colonie du C ap en 1814, la politique dérivant de cette théorie avait été automatiquement appliquée à l’Afrique. L ’hypothèse sous-jacente de la doctrine coloniale britannique — et, par suite, de sa politique — était que les colonies étaient l’issue inévitable et organique de l’accroissement continu de la population, de l’industrie et du commerce outre-mer de la Grande-Bretagne. Il y avait des colonies de peuplement, territoires générale­ ment étendus et faiblement habités, vers lesquels des individus de souche britan­ nique — avec, si possible, d’autres Européens du Nord — avaient choisi d’émigrer plutôt que de demeurer dans la mère-patrie, et dans lesquels ils étaient numéri­ quement et culturellement dominants. En second lieu, il y avait les petites zones — généralement des enclaves côtières ou des îles au large — où les traitants britan­ niques avaient trouvé profitable de s’établir; ou bien où, peut-être, il avait semblé

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désirable de créer une base navale pour protéger un commerce maritime profitable et des intérêts commerciaux. Ici, la population britannique pouvait être une infime minorité, mais on pensait qu’il serait si intéressant de s’associer à elle et au commerce qu’elle pratiquait, que les peuples indigènes, peu nombreux en raison du peu d ’étendue des territoires, seraient avec le temps assimilés au mode de vie britannique. Trois autres hypothèses suivirent, qui devinrent des articles de la politique. L a première était qu’une administration coloniale devrait être supportée par les ressources du territoire, indépendamment de toute aide financière du Trésor et des contribuables du Royaume-Uni. On n’admettait des exceptions à long terme que pour les exigences de la stratégie impériale — essentiellement la protection du commerce britannique outre-mer — qui nécessitait le maintien dans une colonie d’une base militaire et navale supérieure aux besoins de la défense purement locale. Dans ces cas, d ’ailleurs rares (la base navale du Gap était la seule importante en Afrique au sud du Sahara), les dépenses de cette base pouvaient être assumées par la métropole en dehors du budget colonial. L a seconde hypothèse n’est pas sans rapport avec l’idée que l’origine et la raison d’être de telle colonie en particulier étaient vraisemblablement plutôt le résultat de circonstances locales que d’une déci­ sion politique majeure de Londres. Elle posait en principe que la direction politique effective devrait autant que possible être laissée aux mains du représentant local de la souveraineté britannique, c’est-à-dire le Gouverneur de la colonie. On pensait qu’il était mieux placé que quiconque en Angleterre pour évaluer les problèmes et les besoins de la colonie et de ses habitants. L e Colonial Office, à Londres, dont le personnel se composait entièrement de fonctionnaires métropolitains sans expé­ rience directe des colonies, était surtout désireux qu’il ne se produisît rien qui pût créer des difficultés au gouvernement d ’alors en Grande-Bretagne. En pratique, cela ne voulait dire guère plus qu’essayer que rien n’arrive en contradiction flagrante avec les concepts généraux de la loi et de la justice britanniques, ou avec les obligations internationales de la Grande-Bretagne, et appliquer certains prin­ cipes, souvent de nature humanitaire (par exemple l’égalité devant la loi, ou l’abo­ lition de l’esclavage et de la traite). Troisièmement, sauf dans les colonies exceptionnellement petites ou celles qui étaient d ’importance stratégique exceptionnelle (les « colonies-forteresses >►, comme Gibraltar, dont il n’y avait aucune en Afrique au sud du Sahara), le gouver­ neur de la colonie était normalement chargé de gouverner avec l’avis et l’accord d ’un Conseil législatif local. Ce Conseil devait se réunir au moins une fois par an pour examiner le budget colonial. C ’est seulement en cas d’urgence que le gouver­ neur pouvait passer outre et se dispenser de l’avis du Conseil législatif, et les raisons qu’il avait d ’agir ainsi étaient soumises de plein droit à l’examen du Colonial Office. L e Conseil législatif comprenait les fonctionnaires supérieurs du gouverneur (qui formaient aussi son Conseil exécutif) et les représentants non fonctionnaires. Initialement, ces membres non fonctionnaires étaient minoritaires dans l’ensemble

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L'AFRIQ U E B R IT A N N IQ U E E T L E SOUDAN É G Y P T IE N

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du Conseil et pouvaient être nommés par le gouverneur. M ais, avec le temps, on comptait qu’ils deviendraient des représentants élus de la population de la colonie, voire une majorité au Conseil, en sorte que la colonie aurait un gouvernement repré­ sentatif. A u dernier stade, les membres fonctionnaires disparaîtraient du Conseil législatif pour laisser la place à des ministres qui détermineraient la politique à suivre, comme membres du cabinet sous la direction de l’un d’eux. L e gouverneur, comme le monarque du Royaum e-Uni qu’il représentait, demeurerait comme un personnage purement décoratif lié par l’avis de ses ministres. Une telle colonie était dite avoir un gouvernement responsable, c’est-à-dire que son gouvernement était responsable devant les électeurs coloniaux. Deux colonies africaines avaient atteint ce stade d’évolution constitutionnelle en 1900 : le Cap en 1872 et le Natal en 1893. M ais, vers 1900, on commençait déjà à se demander si cette théorie coloniale reçue en héritage, avec ses hypothèses de base et la politique qui en résultait, pour­ rait s’appliquer réellement aux colonies étendues que la curée des années 1880 et suivantes placèrent rapidement sous la souveraineté britannique en Afrique tro­ picale. Pour nombre de motifs divers, les gouvernements britanniques avaient jugé bon d ’émettre des prétentions sur des territoires d’Afrique orientale, centrale et occidentale totalement différents des territoires coloniaux traditionnels du x ix e siècle. Ils avaient une population relativement dense, qui n’avait pas ou guère été soumise à une influence britannique antérieure. Ils étaient très souvent éloignés des limites déjà établies par une extension naturelle des colons britanniques ou (sauf dans une certaine mesure en Afrique occidentale) des commerçants britanniques. Cependant, pour valider les prétentions déposées sur les tables des conférences européennes, il était nécessaire de procéder rapidement à une occupation effective. Le Colonial Office était encore mal équipé pour cette tâche. Et, au début, il vit souvent sans déplaisir la charge des nouvelles colonies déférée à d’autres organismes. C ’est le Foreign Office qui, par l’entremise de ses agents locaux, avait assuré ou réservé de grandes zones de l’Afrique pour la Grande-Bretagne pendant la curée et le partage, et le Foreign Office est resté responsable du Nyassaland jusqu’en 1904, des protectorats du Somaliland, du K enya, de l’Ouganda et du Nigeria oriental jusqu’en 1905, et du protectorat de Zanzibar jusqu’en 19 13 . Pendant les années 1880, le conflit entre la réticence du Colonial Office à assumer de nouvelles responsabilités, et les pressions stratégiques, commerciales, quelquefois humanitaires pour l’expansion britannique avait été en partie résolu par la remise en pratique de compagnies à charte. Par ce moyen, des groupes d’affaires ayant des intérêts dans certains terri­ toires africains étaient habilités à négocier des accords avec des chefs indigènes, en vertu desquels ils devenaient agents de la Couronne pour l’exercice de la ju ri­ diction britannique sur ces territoires. Trois compagnies à charte fonctionnèrent en Afrique, mais une seule d ’entre elles survécut après 1900. L a « R oyal Niger Com pany» (dotée d’une charte en 1886),

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

née de l’amalgame par Sir George Goldie des intérêts commerciaux britanniques sur le bas Niger, reçut la charge d ’instaurer l’autorité britannique dans les vastes territoires du Nigeria septentrional. M ais ceci l’entraînait vers la guerre avec les émirats foulani du sud et vers une rivalité directe avec les forces françaises au Borgou; or, ni pour les uns, ni pour les autres, une compagnie privée n’était un agent valable de l’ Empire britannique. Comme elle adoptait aussi une attitude hautaine et monopolistique à l’égard des autres commerçants (Européens autant qu’Africains) sur le Niger, le Colonial Office prit en charge directement l’administration du Nigeria du Nord au début de 1900. L* « Imperial British East Africa Company » (I.B .E .A .) (dotée d’une charte en 1888) fut encore moins heureuse comme agent de l’ Empire. Une tâche administrative à 1 600 km dans l’intérieur, loin de toute pers­ pective de commerce lucratif, était une charge même pour les directeurs les plus philanthropes et les plus dotés du sens de l’Empire, et les actionnaires ne pouvaient la supporter longtemps. Dès 1893, elle chercha à résilier sa charte, ce qui fut fait en 1895. Seule, la « British South Africa Company » de Cecil Rhodes (dotée d ’une charte en 1889 et conservée ensuite sous le nom de « Chartered »), soutenue par la richesse des mines de diamant et d’or d’Afrique du Sud, s’avéra capable de remplir la tâche qui lui était dévolue, à savoir l’expansion de l’autorité, de la colonisation et de l’exploitation britanniques dans le sud de l’Afrique centrale au nord du Limpopo. Mais la création des deux colonies rhodésiennes pesa à l’extrême sur ses ressources financières et aboutit à une lutte au cours de laquelle les objectifs et les méthodes de son fondateur, Cecil Rhodes, et de ses successeurs, étaient loin d’être toujours en accord avec la politique britannique officielle. Cependant, la Compagnie réussit à conserver la responsabilité de la Rhodésie du Sud jusqu’en 1923 et de la Rhodésie du Nord jusqu’en 1924; elle fut ainsi un élément majeur dans l’histoire coloniale de l’Afrique centrale britannique. Avec cette exception des Rhodésies, les expédients de l’administration — que ce fût par le Foreign Office ou par des compagnies à charte — s’avérèrent des formules provisoires pour aider le Colonial Office à s’adapter aux problèmes de la gestion de nouvelles colonies étendues en Afrique. Vers 1905, son Empire africain était non seulement beaucoup plus vaste, mais aussi de caractère très différent de celui des colonies traditionnelles auxquelles il s’était accoutumé au cours du siècle précé­ dent. En Afrique occidentale, la petite colonie de la Côte-de-l’O r s’était agrandie pour englober le royaume achanti et un protectorat des Territoires du Nord, assez étendu; le petit établissement d’Africains affranchis, au Sierra Leone, avait acquis un protectorat sur les tribus de l’intérieur; la colonie de traitants de Lagos avait donné naissance au Nigeria, vaste colonie dans laquelle la Grande-Bretagne assumait l’autorité sur autant de sujets noirs que les autres puissances dans toute l’Afrique. En Afrique centrale et orientale, le Colonial Office était devenu directement respon­ sable des colonies entièrement nouvelles du K en ya (protectorat de 1*Est-africain jusqu’en 1920), de l’Ouganda, du protectorat du Somaliland et du Nyassaland;

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et il contrôlait en outre les activités gouvernementales de la British South Africa Compagry dans les deux Rhodésies. Il devait rapidement prendre aussi en charge non seulement Zanzibar, mais aussi une partie du Togo et du Cameroun, et la m ajeure partie du grand empire créé en Afrique orientale par les Allemands (Tanganyika). E n chiffres ronds, alors qu’en 1895 le Colonial Office n’administrait en Afrique tropicale qu’environ 13 0 0 0 0 km* de territoires et au plus 2 millions d ’habitants, il avait en charge en 1905 environ 3 millions et demi de kilomètres carrés et au moins 30 millions d ’habitants (dont la moitié dans la seule N igeria). Pour la première fois, ses agents — quelquefois dans le sillage des missionnaires — apparaissaient comme les vrais pionniers de l’Em pire, en face des grandes masses africaines qui étaient effectivement au-delà des frontières d ’acculturation qui avaient tradition­ nellement été avancées par les traitants et les colons britanniques. U n ministre des Colonies, d’une résolution et d ’ une énergie exceptionnelles, Joseph Cham berlain, qui tint ce portefeuille pendant la période anormalement longue de huit ans (1895-1903) était pleinement conscient de la nécessité de mesures positives pour régler la situation nouvelle qui se présentait au Colonial Office en Afrique. 11 pensait en termes de domaines tropicaux q u ’on doit mettre en valeur, et il voyait le besoin de les régir au moyen d ’une administration coloniale bien appropriée, avec un recrutement et une formation organisée, appuyée par des services techniques unifiés : Santé, Agriculture, Forêts, etc. M ais, en réalité, la vision de Cham berlain fut un rêve qui ne commença vraim ent à se réaliser qu’en 1929, lorsque le premier « Colonial Development Act » débloqua jusqu’à un million de livres par an pour l’octroi de subventions et de prêts destinés au dévelop­ pement des colonies britanniques. O n trouve en partie l’explication de ce retard dans la politique britannique, car peu d’hommes d’Etat étaient aussi convaincus que Cham berlain de l’importance du Colonial O ffice; et en partie dans les circonstances en Afrique, où les nécessités pratiques précédaient toujours les considérations théoriques. Les exigences au jo u r le jo u r de la mise sur pied d ’une administration convenable pour des régions aussi étendues et aussi peuplées étaient si contraignantes que les intéressés n’avaient guère le temps ni le goût de s’attaquer à la théorie de l’ Empire. Les agents du Colonial Office sur le terrain continuaient à être recrutés de façon empirique, en grande partie au début parm i les soldats, les marchands, les chasseurs, les explorateurs, les colons et les missionnaires qui se trouvaient sur place ou à proximité, et dont l’expérience suggérait qu’ils pourraient faire des administrateurs utiles. Il y eut ainsi une mutation considérable depuis les jours d ’un empire officieux régi par le Foreign Office et les compagnies à charte ou même, sur ce point, par le Colonial Office — car celui-ci avait toujours eu tendance à recourir au personnel recruté sur place (y compris, en Afrique occidentale, des Africains idoines) qui coûtait moins cher et qu’on présumait mieux connaître la colonie et ses problèmes que des gens venus de

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l’extérieur. Lorsque les sources de recrutement locales se tarirent (une conséquence curieuse de l’orientation de Chamberlain vers une administration unifiée avait été l’abandon du recrutement africain), et même lorsque, après 1932, une administration unifiée exista effectivement, bien des attitudes anciennes persistaient. On choisissait les nouvelles recrues plutôt selon leur caractère que leurs compétences, et comme elles se formaient plutôt en service, en Afrique même, que dans des cours acadé­ miques professés en Grande-Bretagne, elles avaient tendance à s’identifier avec chaque colonie en particulier. Les services techniques et spécialisés se développèrent progressivement, mais aussi sur une base empirique, et ils eurent peu d ’influence sur la politique coloniale avant les années 1930 où leur unification intervint, après celle de l’administration, et la création au Colonial Office de conseillers spécialisés et de comités consultatifs.

Mais ce qui fut peut-être le plus important pour empêcher le développement d ’une conception nouvelle et d ’une politique d ’empire qui convinssent expressément à la possession de grandes colonies en Afrique tropicale, ce fut la pression dans les affaires coloniales de la Grande-Bretagne (au commencement du x x e siècle comme pendant la majeure partie du x ix e) de problèmes touchant les vieilles colonies de peuplement dans les régions tempérées de l’Afrique du Sud. Pendant toute la durée des fonctions de Chamberlain, et à vrai dire jusqu’en 19 10 , la plus grande partie de l’énergie déployée par la GrandeBretagne dans sa politique africaine fut consacrée à résoudre les problèmes nés, à l’extrémité du continent africain, de l’existence d’intérêts britanniques dans une société multiraciale, dominée par l’élément colon, et dotée d ’une dynamique complexe et originale. L ’intérêt britannique en Afrique du Sud avait été à l’origine stratégique et limité à la conservation du Cap pour surveiller les routes maritimes vers l’océan Indien. Mais ceci entraîna la Grande-Bretagne à s’immiscer dans les affaires d’une communauté de colons de souche calviniste hollandaise et huguenote du x v n e siècle (Afrikaners) y dont l’attitude à l’égard des habitants non Européens du pays était de plus en plus en discordance avec celle du libéralisme humanitaire britannique du x ix e siècle. Un résultat majeur de cet affrontement fut le « Grand Trek » vers l’intérieur des colons les plus conservateurs (1836-1845) qui élaborèrent là une nation afrikaner inassimilable. Le souci traditionnel au xrxe siècle des Britanniques pour les intérêts des colons et des petites nations les avait conduits à reconnaître l’indépendance des Républiques afrikaners : le Transvaal en 1852, et l’Etat libre de l’Orange en 1854. Mais ceci impliquait deux conditions. L a première était que les Afrikaners ne chercheraient pas à s’immiscer dans les intérêts stratégiques de la Grande-Bretagne sur la côte et dans les ports; la question fut en grande partie résolue par l’annexion du Natal en 1843. L a seconde était que la présence des L'Afrique du Sud

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Républiques ne causât pas de désordres qui pourraient affecter la sécurité et la prospérité des deux colonies côtières, le C ap et le Natal. En fait, l’existence des deux Républiques afrikaners, jointe à l’instauration d ’un gouvernement responsable au Cap en 1872 et au N atal en 1893, était un facteur important d ’instabilité politique. A vant le Trek, le principal problème en Afrique du Sud avait été celui d ’une simple frontière entre sociétés blanches et noires. L e nombre de Noirs en territoire blanc (ou, en l’espèce, de Blancs en terri­ toire noir) n’était pas assez important pour poser vraim ent des problèmes. Par exemple, il était possible au gouvernement du C ap de poursuivre une politique d’assimilation. E n outre, du côté européen, il n’y avait qu’un gouvernement en cause, celui de la Grande-Bretagne, avec ses représentants au Cap. Vers 1890 cependant, un million de Blancs environ avaient conquis la suprématie politique et économique sur des régions occupées par environ 4 millions de non-Européens (1). L e flux de l’avance des Blancs n’avait laissé que trois îlots relativement peu impor­ tants — le Basoutoland, le Swaziland et le Betchouanaland — dans lesquels quelques vestiges de la société et du gouvernement africains traditionnels avaient survécu sous la protection directe du gouvernement im périal britannique. M ais l’hégémonie blanche était divisée maintenant en cinq gouvernements séparés : deux Républiques, deux colonies à self-govemmenty et le gouvernement im périal, qui se montra inca­ pable de traiter dans un esprit d ’ensemble et d ’harmonie les problèmes communs créés par le Trek. Les problèmes politiques posés à ces cinq gouvernements étaient, à la base, raciaux et économiques. Naturellement, le problème racial, fondamental, concernait la situation à faire aux Noirs dans la société blanche. Il y avait là un contraste notoire entre : i ° L a tradition installée au C ap à la veille du Trek, qui im pliquait la reconnaissance de l’égalité politique au profit des non-Européens remplissant certaines conditions de revenus et d’instruction; et 2° L a politique suivie de jure dans les Républiques, et de facto au N atal, qui n’autorisait aucun droit politique en faveur des non-Européens. L a tradition du C ap était née de la politique britan­ nique et, bien qu’elle eût été acceptée par les Afrikaners mieux établis et plus pros­ pères du Cap, c’est le refus de cette politique par les Afrikaners de la frontière (Trekboers) qui provoqua le « G rand Trek » et la naissance des Républiques afri­ kaners. Il en résulta que le problème m ajeur ne venait pas de la division fondamentale entre Blancs et Noirs, mais des différences entre les nationalistes afrikaners et la colonie du C ap avec ses liaisons britanniques. A u début, les Républiques avaient été trop faibles et trop pauvres pour que ces discordances eussent de très sérieuses conséquences; le danger principal était que les Républiques seraient incapables de contrôler ou de contenir les Noirs 1 (1) Dont environ 3 millions et demi d’Africains; il y avait en outre environ 400 000 gens de couleur, c’est-à-dire métissés, surtout dans la colonie du Cap, et environ 100 000 Asiatiques surtout au Natal, où ils avaient été amenés pour travailler sur les plantations.

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en deçà et hors de leurs frontières, si bien que le gouvernement britannique devrait intervenir dans leurs affaires. Mais la situation changea radicalement après la découverte des richesses minières de l’intérieur. Le diamant, trouvé dans le G riqualand de l’Ouest en 1867 eut surtout pour effet d’aggraver la tension entre le Cap et les Républiques, parce que le Cap s’enrichit par l’annexion des régions diaman­ tifères réclamées par l’ Etat libre de l ’Orange. L a découverte des champs aurifères du Witwatersrand en 1886 fut beaucoup plus importante. D ’abord, ils étaient extra­ ordinairement riches. Avant vingt ans, le Witwatersrand fournit un tiers de la production mondiale d’or (et la moitié vingt ans plus tard) et il jeta les bases d’une révolution industrielle qui, même aujourd’hui, est unique en Afrique. En second lieu, les gisements aurifères se trouvaient au Transvaal, si bien que, presque du jour au lendemain, le contrôle des principales sources de la puissance économique en Afrique du Sud passa du Cap (avec la laine, les diamants et les ports) aux Afri­ kaners, et en particulier au Transvaal — sous la présidence de Paul Kruger. Des conflits éclatèrent immédiatement entre les Républiques de l’intérieur et les colonies de la côte, au sujet des chemins de fer et de la politique douanière — et entre le Transvaal et les Britanniques au sujet des droits des Blancs étrangers (uitlanders)y surtout les ressortissants britanniques qui affluaient au Witwatersrand et menaçaient de submerger la société afrikaner. Le nombre toujours plus nombreux de travailleurs africains attirés par les mines et les industries annexes introduisait un nouveau rapport dans les relations interraciales, qui réclamait une politique unifiée. Enfin, en construisant son propre chemin de fer vers Delagoa Bay en terri­ toire portugais, le Transvaal de Kruger échappait à l’hégémonie du Cap et aux liaisons avec les Britanniques, et commençait à aspirer à une nouvelle orientation du sous-continent, sur la base des principes afrikaners. Le défi fut relevé d’abord par la colonie du Cap. Cecil Rhodes, Premier Ministre de 1890 à 1896, voyait dans sa Compagnie à charte, qui occupait la Rhodésie, un moyen d’encercler le Transvaal et de concurrencer sa puissance écono­ mique en exploitant les minerais rhodésiens. Mais Rhodes fut politiquement dépassé par le raid de Jam eson (1896) et son rêve d’un autre Witwatersrand en Rhodésie fut anéanti à la fois par des problèmes de géologie et de transport, et par la résistance des Africains aux colons de la Compagnie. L ’initiative de la lutte contre le Transvaal et ses prétentions passèrent alors aux mains des hommes politiques britanniques, Chamberlain et son représentant Alfred Milner, gouverneur du Cap et haut-commissaire en Afrique du Sud. On ne pouvait livrer aux caprices du natio­ nalisme afrikaner les gros investissements britanniques dans le Witwatersrand, et d’une façon générale en Afrique du Sud ; et ils ne pouvaient oublier que l’intran­ sigeance du Transvaal avait été un des principaux facteurs de l’échec des plans britanniques pour l’unification de l’Afrique du Sud pendant les années 1870. En 1899, la Grande-Bretagne et les Républiques entrèrent en guerre et, en 1902, toute l’Afrique du Sud était sous l’autorité britannique.

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L a guerre fut coûteuse, non seulement en vies et en argent, mais aussi par l’amertume qu’elle fit naître. L a répression militaire ne fit que consolider le natio­ nalisme des Afrikaners et déterminer leurs chefs à gagner par des voies pacifiques ce qu’ils avaient perdu par les armes, c’est-à-dire la direction d’une Afrique du Sud blanche unifiée, libre de décider à son gré de la place qu’y occuperaient les nonEuropéens. Du côté britannique, il y eut une réaction contre les méthodes draco­ niennes employées pour finir la guerre, et aucun désir d ’imposer un diktat. Il y aurait une Afrique du Sud unie, mais les Sud-Africains eux-mêmes décideraient de la nature de leur Union, et seulement après que les deux Républiques conquises auraient été amenées à égalité avec le Cap et le Natal par l’octroi d’un self-govern­ ment. L ’accession des libéraux (dont beaucoup s’étaient âprement opposée à la guerre) au pouvoir en Grande-Bretagne en 1905 hâta la solution politique; le Transvaal fut doté d’un gouvernement responsable en 1906 et l’Etat libre en 1907. Ainsi, lorsqu’en 1908-1909 les délégués des quatre colonies se réunirent pour discuter de l’Union, le Cap, relativement libéral, fut en minorité. L ’accent fut mis sur la nécessité de panser les blessures au sein de la communauté blanche. Sur la question vitale du droit de vote, on décida de surseoir et de maintenir le statu quo. L a seule action en faveur des non-Européens fut la décision du gouver­ nement britannique de ne pas intégrer le Basoutoland, le Swaziland et le Betchouanaland dans l’ Union sans l’assentiment des habitants; en attendant ceux-ci resteraient sous protectorat britannique direct. T ant en 1908-1909 que dans la politique ultérieure de l’Union, l’initiative resta aux Afrikaners. Ils ont continué à l’emporter en nombre sur les Sud-Africains anglophones dans la proportion de 6 à 4. Ils avaient un sens de la nation que les Sud-Africains anglophones n’avaient jam ais pu réaliser pour eux-mêmes. Leurs dirigeants avaient un sens clair des desseins et de la direction politique, et savaient qu’en cas de crise entre Blancs et Noirs, leur intérêt inciterait de nombreux électeurs anglophones à ne pas s’opposer à eux. En réalité, la majorité de ces électeurs a volontiers cédé la direction politique aux Afrikaners. De Botha à Verwoerd et Vorster, tous les premiers ministres et la grande majorité des ministres du cabinet dans l’ Union et la République sud-africaine ont été des Afrikaners. Dans la mesure où il y a un parti d’opposition politique aux nationalistes, ce fut un parti non de libéralisme, mais de « manière douce » qui, lui aussi, a été dirigé par des Afrikaners, Smuts et Sir de Villiers Graaf. L ’apartheid, cette conception selon laquelle les non-Européens en Afrique du Sud formaient des nations distinctes qui ont leur homelands séparé de celui des Blancs dans lequel on ne pourrait les admettre que comme salariés transitoires, sans droits politiques, ne fut formulée en doctrine politique qu’en 1947, pour préparer la victoire électorale de M alan en 1948, qui consolida finalement la puissance du parti nationaliste. M ais la politique sud-africaine s’était orientée inexorablement dans cette voie depuis l’institution de l’ Union en 19 10 . Elle a été jalonnée par les

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acts sur les terres indigènes de 19 13 et 1936, qui limitaient légalement l’occupation du sol par les Africains (65 % de la population totale) à 13 % de la superficie de l’Afrique du Sud ; la restriction, puis l’abolition de toute représentation parlemen­ taire des non-Européens (1936-1959) ; et un grand nombre de lois, à partir de 1 9 1 1 , qui réservaient aux Blancs le travail spécialisé, et tendaient à déterminer dans quelle mesure et dans quelles conditions les non-Européens pourraient vivre et travailler dans les villes européennes. Un peu avant i960, tout en maintenant, et même en appliquant plus rigoureusement les principes restrictifs de cette politique, on apporta plus d’attention aux aspects positifs de l 'apartheid, c’est-à-dire au déve­ loppement de « régions indigènes », les Bantoustan, avec leur self-government local, et des institutions particulières — comme leurs propres collèges universitaires. Mais, en dernière analyse, la souveraineté et l’autorité restaient aux mains du Parlement et des ministres blancs. En vérité, la politique des Bantoustan tendrait plutôt à démontrer la faillite finale de Y apartheid, comme morale et comme politique pratique. Il n’y avait pas de homeland pour le million et demi de gens de couleur et le demi-million d ’Asiatiques vivant dans la République qui quitta le Commonwealth en 196 1. Même si on leur intégrait les trois protectorats britanniques (ils acquirent leur indépendance en 1966 et en 1968, le Basoutoland sous le nom de Lesotho et le Betchouanaland sous celui de Botswana), les Bantoustan ne pourraient jam ais assurer l’existence de 10 millions d ’Africains. L ’économie blanche n’était pas disposée à consacrer des capitaux suffisants à l’expansion d’industries à l’intérieur ou aux frontières des Bantoustan, ou pour améliorer leurs régions agricoles, déplorablement surpeuplées. Si même de telles mesures pouvaient redresser la balance économique des « régions indigènes », l’économie blanche avait encore besoin de la participation des Afri­ cains. En réalité, les deux tiers au moins des Africains étaient directement ou indi­ rectement salariés des Blancs; et, en fait, au lieu de décroître, le nombre des Afri­ cains résidant en zone blanche — en particulier dans les villes — a toujours tendu à augmenter. L a raison latente en était la révolution industrielle qui avait commencé avec la découverte de l’or en 1886 et avec l’afflux croissant de capitaux étrangers — surtout britanniques — qu’elle attira en Afrique du Sud. En réalité, dès 1935, sur les 1 220 millions de livres qu’on estime avoir été investies par les Européens et les Américains en Afrique au sud du Sahara, près de la moitié, 520 millions de livres, avait été investie dans la seule Afrique du Sud. Sur le total du commerce extérieur africain au sud du Sahara, estimé à 3 13 millions de livres, 55 % (17 1 millions) proviennent de cette pointe méridionale extrême du continent; cela représente sept fois, par exemple, le commerce de toutes les colonies françaises au sud du Sahara. A ux ressources en or du Transvaal s’ajouta la découverte de gisements aurifères encore plus riches dans l’Etat libre, et l’exploitation de l’uranium ; d’abondantes ressources en charbon et en minerai de fer ont rendu possible la création d ’une

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industrie de l’acier et d ’une industrie lourde; et depuis la seconde guerre mondiale le développement des industries secondaires a virtuellement donné à l’Afrique du Sud une économie autarcique. Peu avant i960, après que l’industrie manufacturière eut sextuplé en vingt ans, l’économie créait assez de capitaux (environ 475 millions de livres par an) pour continuer à se développer virtuellement sans nouvel inves­ tissement étranger. Cette révolution industrielle extraordinairement heureuse apporta aussi de grands changements dans la société blanche. L a division traditionnelle entre ceux qui parlaient anglais et ceux qui parlaient afrikaans cessa d ’être pertinente. Les Afrikaners n’étaient plus des paysans isolés, appauvris et aigris, qui combattaient pour survivre en face d ’un capitalisme étranger et urbain du x x e siècle. Désormais, ib étaient les participants prospères de la vie industrielle, commerciale et urbaine. A u lieu de résister à l’assimilation, ib pouvaient avec confiance entreprendre l’intégration des anglophones dans une société unique. M ais trob millions de Blancs étaient trop peu nombreux par eux-mêmes pour maintenir les taux de crois­ sance de la prospérité et de l’économie que réclamait maintenant cette société. En dépit d ’une ségrégation sociale absolue, en dépit d ’une séparation politique toujours plus rigide, soutenue par un monopole incontestable de puissance maté­ rielle, les Blancs avaient toujours besoin de plus de m ain-d’œuvre africaine — même dans les postes spécialbés — et d ’Africains consommateurs. Tout le succès de la colonbation européenne en Afrique du Sud dépendait en définitive de la majorité non-européenne.

Jusq ue vers 1930 en théorie, et souvent jusqu’après 1950 en et l^fri^orientaU pratique, on considérait aussi la colonisation européenne comme la clé de l’expansion heureuse des colonies britanniques au nord de l’Afrique du Sud. Les Rhodésies, le Nyassaland, le K en ya et l’ Ouganda, le Tanganyika (mandat ou territoire sous tutelle britannique après la défaite alle­ mande de 19 14 -19 18 ) étaient des territoires tropicaux, mais tous comprenaient des étendues considérables de hautes terres dont le climat convenait à la colonisation européenne. L a présence britannique dans les Rhodésies, et la responsabilité de leur expansion, avaient été confiées à Cecil Rhodes, comme on l’a vu, et à sa British South Africa Company. Rhodes, à la fob colon sud-africain et manipulateur des capitaux britanniques, était convaincu que le type sud-africain de mise en valeur pouvait et devait être appliqué aussi loin au nord du Limpopo que le permettrait l’approvisionnement en capitaux et en colons britanniques. M a b la réussite sudafricaine avait été fondée sur la découverte de ressources inégalées en or en un territoire déjà occupé par des colons, sans populations africaines très nombreuses, bien organisées ou hostiles, relativement accessible de la côte, d ’autant que les

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premières découvertes de diamant avaient, déjà avant 1886, amené la voie ferrée à proximité de la frontière du Transvaal. Aucune de ces conditions n’était réalisée plus au nord, et les ressources de la Compagnie étaient tendues à l’extrême même en Rhodésie du Sud. Il fallut dix ans avant que la collectivité des colons commence à pousser de l’avant, et son économie en vienne à dépendre plus de l’agriculture — en particulier de la culture du tabac — que de l’exploitation minière. Par suite, il n’y eut pas un grand afflux de colons vers la Rhodésie du Sud. Encore en 1923, ils n’étaient que 35 000 environ, contre près d ’un million d’Africains. En outre, les colons critiquaient hautement la politique suivie par la Compagnie : dans les guerres contre les Africains en 1893-1897, dans la réglementation foncière et minière, dans la politique ferroviaire et en bien d ’autres matières. En tant que sujets britanniques, ils exigèrent et obtinrent d ’abord le droit d ’être représentés au Conseil législatif (1898), puis de dominer celui-ci (1907). En 1920, la Compagnie avait décidé qu’elle ne pourrait pas plus longtemps supporter la responsabilité accablante et onéreuse de l’administration d ’un gouvernement colonial et qu’elle se limiterait aux opérations commerciales lucratives. Les colons n’avaient aucun désir d ’être placés sous l’autorité du Colonial Office, craignant qu’il fût encore moins compatissant, et ils repoussaient aussi l’intégration à l’ Union sud-africaine, où le nationalisme afrikaner gagnait du terrain et au sein de laquelle ils n’auraient qu’une minorité. Ils choisirent de demander un gouvernement responsable, qui leur fut accordé en 1923, sous réserve de quelques garanties impériales destinées à pro­ téger les intérêts des non-Européens, dont une poignée seulement avait été qualifiée pour un droit de vote, sur le type de la colonie du Cap. En 1923, la Compagnie transféra donc la responsabilité du gouvernement de la Rhodésie du Sud à un gouvernement de colons. L ’année suivante, l’adminis­ tration de la Rhodésie du Nord fut transférée au Colonial Office. Les ressources de la Compagnie avaient été surtout dépensées au sud ; la Rhodésie du Nord avait toujours été le parent pauvre. En 1924, il n’y avait qu’environ 4 000 Européens, surtout des planteurs, qui s’étiraient le long de la voie de chemin de fer. Ailleurs, dans ce vaste territoire lointain, l’existence d’un million environ d ’Africains n’avait été que peu affectée par l’occupation européenne. Le commerce total de la colonie n’atteignait qu’un million de livres par an (comparé à 9 millions pour la Rhodésie du Sud et environ 150 millions pour l’ Union). Néanmoins, les colons espéraient qu’avec le temps et l’accroissement de la population et de la richesse de la colonie, ils obtiendraient aussi un gouvernement responsable, peut-être grâce à l’amalgame avec la Rhodésie du Sud. Peu après 1920, des colons avaient commencé à s’installer aussi au K enya. M ais, en dépit de ses ambitions, la philosophie de Cecil Rhodes, née en Afrique du Sud, de mise en valeur impériale grâce à la colonisation blanche, n’a jam ais dominé l’action britannique en Afrique orientale comme elle avait pu le faire en Rhodésie. Le Nyassaland aurait pu entrer dans l’orbite de Rhodes, si les premiers Britan-

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niques immigrés n’avaient pas été des missionnaires marchant sur les traces de David Livingstone. Ils avaient eu assez d’appuis en Grande-Bretagne pour obtenir que le Nyassaland fût administré comme protectorat relevant du Colonial Office. De même, les premiers Européens à s’établir plus au nord en Afrique orientale britannique furent les missionnaires qui avaient commencé à venir en Ouganda dans les années 1870. Pour les trente années à venir, l’intérêt des autorités britan­ niques en Afrique orientale fut centré sur l’ Ouganda, en partie (comme au Nyassa­ land) à cause des pressions politiques que les sociétés missionnaires pouvaient faire exercer en Grande-Bretagne, mais surtout parce qu’après 1882 on pensa que la domination des sources du Nil blanc était d ’une suprême importance pour l’occupa­ tion de l’Egypte par les Britanniques. Ce qui devint le K en ya, contrée faible­ ment peuplée, était le plus court accès de l’Ouganda à la côte. Cependant, en même temps, le gouvernement britannique hésitait à administrer l’Ouganda et à y dépenser de l’argent. L ’essai de maintien d ’une présence britannique en Ouganda par l’entremise de 1 'Imperial British East Africa Company (1890-1893) ne s’avéra, comme on l’a vu, qu’une mesure provisoire. Cependant, la Compagnie, appuyée sur la présence missionnaire, établit un précédent que devaient suivre le Foreign Office (1893-1905) et plus tard le Colonial Office : les agents locaux de la présence britannique en Ouganda allaient être ses grandes monarchies africaines — en particulier le Bouganda. L e problème des communications avec l’Ouganda a donné lieu à des subven­ tions officielles britanniques sans précédent, qui s’élevèrent au total à près de 8 mil­ lions de livres, pour la construction, entre 1896 et 1902, de 1 240 km de chemin de fer à travers le K enya, de Mombassa au lac Victoria. A long terme, ce chemin de fer permit aux cultivateurs africains d ’Ouganda d ’entrer dans l’économie mondiale en produisant pour l’exportation. A partir de 19 18 , une part considérable et crois­ sante du trafic ferroviaire fut constituée par les exportations de coton de l’Ouganda. M ais, avant qu’on pût le prévoir, en 1903, Sir Charles Eliot, haut-commissaire au K enya, soucieux de procurer au chemin de fer, dans son territoire encore improductif, des marchandises et des recettes, s’engagea dans une politique d ’attraction de colons blancs vers les hautes terres fertiles, qui apparaissaient en grande partie désertes parce que les Kikouyou avaient tendance à se retirer devant les raids des pasteurs masai. Gomme en Rhodésie du Nord, il ne fut pas aisé de trouver de nombreux émi­ grants britanniques disposant d ’assez de capitaux et de capacités pour réussir sous les tropiques des plantations scientifiques. Cependant, on alloua des réserves aux Kikouyou et aux M asai, la propriété foncière des hautes terres étant concédée seule­ ment aux Européens. En 1920, près de 10 000 Européens étaient établis au K enya et, selon la coutume typiquement britannique, leurs représentants insistèrent pour dominer le Conseil législatif. M ais les Blancs n’étaient pas seulement largement dépassés en nombre par les Africains (plus de 2 millions et demi en 1920); mais encore ils le furent, dans la proportion de 2 pour 1, par une autre communauté

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d ’immigrants, les Indiens; attirés d ’abord en Afrique orientale pour travailler au chemin de fer de l’Ouganda, ils y étaient restés et dominaient la vie commerciale du Kenya. Ces Indiens, étant aussi des sujets britanniques, réclamaient l’égalité des droits politiques avec les Blancs. Ils n’y réussirent pas, mais leur agitation eut pour effet d ’amener le Colonial Office à réviser sa politique au K enya. C ’est pourquoi, en 1923, l’année où les colons sud-rhodésiens obtinrent un gouvernement respon­ sable, les colons kenyans reçurent de lord Devonshire la déclaration suivante : « En premier lieu, le K enya est un territoire africain... Les intérêts des indigènes doivent primer. Dans le cas où ces intérêts entreraient en conflit avec ceux des races immigrantes, les premiers devraient prévaloir... Dans l’administration du K enya, le gouvernement de S.M . se considère comme le curateur de la population africaine, sans pouvoir déléguer ni partager ce fidei commis, dont on peut définir le but comme la protection et le progrès des races indigènes. » L ’importance de cette « déclaration de Devonshire » de 1923 fut en quelque sorte masquée par les circonstances de son origine. Elle fut occasionnée par un conflit entre les deux races immigrantes dans un territoire en particulier, le K en ya, dans lequel les Européens, grâce à leur monopole d’occupation des hautes terres, avaient une position déjà largement privilégiée. Il fallut de nombreuses commissions d ’enquête et de nombreux marchandages, avant de libérer de toute équivoque la politique britannique en Afrique orientale en général, et au K en ya en particulier. M ais, en fait, le climat de l’opinion publique britannique avait changé et se trans­ formait radicalement depuis les jours où les colons, soutenus par l’éthique sudafricaine, avaient pu conquérir l’initiative politique en Rhodésie du Sud. L a futilité du carnage de 19 14 -19 18 avait enlevé aux Blancs beaucoup de leur confiance dans leur supériorité morale sur les Noirs. En outre, la guerre avait donné lieu au système des mandats de la Société des Nations pour l’admi­ nistration des ex-colonies allemandes. Ainsi, alors que les Allemands avaient encouragé la colonisation blanche dans les régions convenables de leur colonie est-africaine, dont quelques-uns demeurèrent au Tanganyika sous administration britannique, celle-ci devait, aux termes du m andat (1922), « prendre en considé­ ration les lois et coutumes indigènes, respecter les droits et sauvegarder les intérêts de la population indigène » et aussi « promouvoir au maximum le bien-être matériel et moral et le progrès social de ses habitants». Il en résulta notamment qu’en T an ga­ nyika britannique, comme en O uganda aussi, les étrangers ne pouvaient avoir que des concessions foncières à bail et, si certains colons furent nommés aux Conseils législatifs, ils n’avaient aucun droit acquis à une représentation politique. Quelques ambiguïtés de la déclaration Devonshire furent levées en 1930, lorsqu’un secrétaire travailliste aux Colonies, lord Passfield, confirma que la respon­ sabilité primordiale de la Grande-Bretagne dans les colonies demeurant sous l’auto­ rité du Colonial Office en Afrique centrale et orientale — le K en ya, la Rhodésie du Nord, et aussi le Tanganyika, l’Ouganda et le Nyassaland — , était la tutelle

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des populations africaines « qui ne sont pas encore capables de se tenir debout ». Aussi, à la différence de la Rhodésie du Sud, ces colonies ne pouvaient espérer obtenir de self-government jusqu’à ce que leur population africaine eût progressé au point de pouvoir y participer à égalité avec les colons. Malheureusement, si, pendant la crise économique qui suivit les années 19 30 ,1a Grande-Bretagne promulgua le premier act sur la mise en valeur des colonies pour alléger le chômage intérieur grâce au commerce colonial, cet act fut limité à la mise en valeur économique sans prévoir de crédits pour le progrès social. En outre, la crise amena une grande austérité financière, non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi dans ses colonies, dont le bien-être économique dépendait entièrement de la santé du commerce mondial. Ju sq u ’à la convalescence de celui-ci, peu avant 1940, les gouvernements coloniaux eurent beaucoup de peine, ne fût-ce que pour main­ tenir une administration au niveau d’étiage. C ’est seulement lorsque la GrandeBretagne eut un plus grand besoin de leurs produits, pendant la guerre de 1939-1945 (qui inspira les acts beaucoup plus généreux et compréhensifs sur le bien-être de même que sur la mise en valeur des colonies britanniques), qu’on fit beaucoup, dans toutes les colonies, pour élever les niveaux de vie, de santé et d’instruction des populations africaines. Ainsi, le fossé entre les conditions de vie des colons blancs et des Africains demeurait dangereusement large et même, peu avant 1940, semblait s’élargir encore, alors qu’une prospérité commerciale accrue permettait aux colons de conso­ lider leur position. En 1939, ils étaient plus de 50 000 en Rhodésie du Sud, et près de 20000 au K e n y a ; en Rhodésie du Nord, les débuts d ’exploitation du riche copperbelt avaient commencé de donner à la colonie à la fois une économie viable et les fondations d’une société de colons — il y avait environ 14 000 colons en 1939. C ’est pourquoi, si les colons étaient maintenant convaincus que le self-government allait être indéfiniment ajourné, ils faisaient valoir qu’ils pourraient acquérir quelque autorité au moyen de la création d’unions ou de fédérations des colonies d ’Afrique centrale et orientale. Les avantages économiques de telles unions plus larges tendaient à retenir l’attention des hommes politiques britanniques sous les contraintes de la seconde guerre mondiale et de l’immédiate après-guerre. Des services communs spécialisés pouvaient permettre des économies et une efficacité accrue. Le K enya et l’Ouganda avaient déjà un système commun de transports. Il en était de même aux Rhodésies et au Nyassaland, alors que le copperbelt en pleine expansion dépendait du charbon sud-rhodésien, et que la Rhodésie du Sud avait besoin de main-d’œuvre de Rhodésie du Nord et du Nyassaland, et considérait ces deux territoires septen­ trionaux comme des marchés pour les industries secondaires naissantes. Ainsi, la scène était dressée pour la Haute Commission d ’Afrique orientale, créée en 1948 en vue d’administrer les services communs, avec un pouvoir législatif central au sein duquel les colons seraient bien représentés, et pour une Fédération de Rhodésie et du Nyassaland, qui vit le jour en 1953.

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Si I on jette un regard en am ère, on voit qu assez ironiquement et l'Afrique occidentale u n autrc facteur de la lenteur des progrès sociaux, aussi bien que politiques, des Africains entre 1920 et 1940 en Afrique centrale et orientale britannique réside dans la doctrine même de la tutelle. En effet, avec la consolidation de l’Empire britannique et l’élaboration graduelle de services coloniaux unifiés, l’instauration de tutelles sur les populations africaines en vint à s’identifier dans l’esprit des autorités avec la pratique de 1 *indirect rule développée au Nigeria par Sir Frederick (plus tard lord) Lugard. Sur une base plutôt empirique, Vindirect rule par l’entremise des royaumes africains avait toujours été pratiquée en Ouganda, où Lugard avait servi de 1890 à 1892 avec 1T .B .E .A . M ais on l’introduisit comme article de foi dans les colonies est-africaines en 1925, au moment où Sir Donald Cameron, qui avait été l’adjoint de Lugard au Nigeria de 19 12 à 19 19 , devint le second gouverneur britannique du Tanganyika. Comme nombre de disciples de Lugard, Cameron était « plus royaliste que le roi » ; et, pendant les six années à venir, il se préoccupa de chercher et trouver — voire de créer — les autorités indigènes traditionnelles au moyen desquelles les Britan­ niques gouverneraient le Tanganyika, et de montrer un puissant exemple à ses collègues gouverneurs d’Afrique centrale et orientale, qui commencèrent à se concerter régulièrement à partir de 1925. Plus que quiconque, ce fut Lugard qui apporta un sens de finalisme et d ’orien­ tation à l’administration des quatre colonies d ’Afrique occidentale. Celles-ci étaient nées pendant les dernières années du xix® siècle, en grande partie de réactions empi­ riques aux pressions des marchands et des missionnaires pour sauvegarder les anciennes zones d ’intérêts britanniques menacées par les progrès politiques des Français et des Allemands. En Gambie, en réalité, on ne sauva pratiquement rien; ce qui avait été autrefois une route importante d ’accès dans l’intérieur devint une enclave de 320 km environ le long du fleuve, dans la colonie française du Sénégal. A u x ix e siècle, ce qui devait devenir la colonie et le protectorat de Sierra Leone n’avait pas eu une grande importance commerciale. L a valeur essentielle de Freetown résidait dans son excellent mouillage pour les navires, et dans le fait qu’y vivaient en nombre croissant des « créoles », descendants anglicisés et christianisés des esclaves affranchis par la flotte, vis-à-vis desquels la Grande-Bretagne se sentait particulièrement responsable. Pendant le partage de l’Afrique, on réserva pour Freetown un petit arrière-pays de 70 000 km*; mais, jusqu’à la découverte de minerai de fer et de diamant après 1930, ce fut un territoire économiquement arriéré, dont la population résistait à l’autorité britannique (guerres de Bai Bureh et de la taxe sur les cases) et était hostile à la domination des créoles sur la politique locale.

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L a Gold Coast et le Nigeria étaient les colonies importantes, tant du point de vue des dimensions que de la population et de la richesse actuelle ou potentielle. En Gold Coast, la politique britannique était largement conditionnée par des facteurs historiques. Les Britanniques avaient possédé des comptoirs fortifiés sur la côte depuis 16 3 1. Pendant le x ix e siècle, ils avaient — pas toujours volontiers — glissé au rôle de protecteurs des peuples côtiers contre les ambitions des Achanti, dont le puissant royaume dominait l’arrière-pays. En 1873-1874, les troupes britanniques avaient infligé une défaite insigne aux Achanti, et les pays qui séparaient ceux-ci de la mer avaient été officiellement constitués en colonie. A la fin du siècle, cette colonie témoignait d ’un potentiel économique considérable. Les capitaux britanniques exploitaient de profondes mines d’or, telles qu’on n’en voyait en Afrique que dans le W itwatersrand ; et, ce qui était finalement plus important, les planteurs africains dans les forêts adjacentes à la côte satisfaisaient librement aux exigences du commerce mondial, en commençant à produire pour l’exportation des tonnages croissants de cacao. Sur le littoral s’était aussi formée une élite européanisée, qui fournissait des gens d’affaires, des avocats, des médecins, des prêtres, des profes­ seurs, etc., qui rendit immédiatement de grands services à l’administration britan­ nique, et pouvait aussi s’organiser elle-même en vue de prendre en main l’administration. E n 1900-1902, après deux autres guerres, les Britanniques assumèrent offi­ ciellement l’administration des Achanti, ainsi que de leur arrière-pays septentrional, et entrèrent ainsi en possession d ’un territoire compact d ’environ 2 10 0 0 0 km*. A vec le développement des communications et l’expansion de l’administration à partir d ’une base côtière fermement établie, ils pouvaient espérer l’associer au développement économique et social déjà manifesté dans les pays littoraux. C ’est ce qui arriva en fait. Si les territoires du Nord demeurèrent pauvres et arriérés, et ne contribuèrent guère à la mise en valeur générale que par la fourniture de travailleurs saisonniers, la révolution économique et sociale due à l’expansion des cacaoyères gagna le pays achanti et, un peu avant 1930, la Gold Coast produisait la moitié de la fourniture mondiale de cacao, commençait à exploiter ses richesses en bois et en manganèse de même qu’en or, et était la plus riche colonie d’Afrique tro­ picale. Si l’on prend comme mesure la valeur de son commerce extérieur, en 1928 sa population de 2 750 000 habitants avait un commerce total de 22 millions de livres, soit 8 livres par tête. L a même année, seule une colonie entre le Sahara et l’Afrique du Sud, le Nigeria, avait un plus grand volume absolu de commerce extérieur; mais le total de 32 millions et demi de livres des exportations et des importations du Nigeria correspondait à une population de 19 millions d ’habitants ce qui donnait moins de 2 livres par tête. V oici d’autres chiffres par comparaison : — Rhodésie du Sud : commerce total de 13 millions et demi de livres ou environ 12 livres p ar tête (mais en fait très inégalement réparties entre colons et Africains) ;

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Rhodésie du Nord : 3 millions de livres ou 2,3 par tête; K enya et Ouganda (ensemble) : 15 millions de livres ou 2,5 par tête; Sierra Leone : 3 300 000 livres ou 2 livres par tête; Tanganyika : 7 millions 1/2 de livres ou 1,7 par tête; A .O .F . et Togo : 22 millions de livres ou 1,6 par tête; A .E .F . : 3 millions de livres, ou environ 1 livre par tête.

De 19 19 à 1927, la Gold Coast eut la chance d ’avoir un gouverneur, Sir Gordon Guggisberg, qui sut utiliser pleinement sa richesse relative à des fins constructives. Canadien, officier du génie, Guggisberg avait un point de vue nettement différent de celui de la plupart des dirigeants d’Afrique britannique entre le départ de Chamberlain du Colonial Office en 1903 et l’introduction entre 1940 et 1945 d’une nouvelle orthodoxie concernant la mise en valeur des colonies. Pendant cette période, il fut virtuellement le seul à établir, et dans une large mesure à réaliser, un plan concerté et progressif de mise en valeur de sa colonie et d ’élévation du bien-être de la population. On améliora les transports, surtout par la construction d ’un port artificiel à Takoradi, qui permit aux exportations de la Gold Coast d ’atteindre plus aisément les marchés mondiaux et d ’accroître à la fois la richesse de la colonie et les recettes de son gouvernement. Avec les recettes accrues, et les emprunts qu’elles permirent d’émettre, on s’attaqua vigoureusement aux problèmes de santé et d’enseignement; celui-ci, en particulier, apparut comme la clef de progrès nouveaux. Le système d’enseignement en Gold Coast ne devait pas avoir d ’égal en Afrique; l’objectif délibéré de cette politique était de produire des diplômés assez qualifiés pour africaniser les échelons supérieurs du gouvernement; on espérait qu’en 1945 les deux cinquièmes des postes supérieurs de l ’administration coloniale seraient tenus par des Africains. L a personnalité et les projets de Guggisberg le rendirent cher aux nationalistes de l’élite, à qui l’administration britannique avait de plus en plus battu froid depuis 1900 environ; certes, sur bien des points, son programme allait de pair avec celui du Congrès national de l’Afrique occidentale britannique, fondé en 1918-1920 par un avocat de Gold Coast, J . E. Casely-Hayford. Cependant, à la longue, il resta peu de choses de ses espoirs et des leurs. Ceci provint en partie de ce que ses successeurs au gouvernement pendant les quinze années suivantes manquaient de ses intentions dynamiques, et aussi des avantages dont il avait disposé. L e commerce s’était désastreusement effondré pendant la crise de 1930, et c’est seulement en 1944-1945 que les recettes du gouvernement rejoignirent la pointe d’élasticité de 1927-1928. Les nouveaux progrès économiques, sociaux et politiques furent donc en grande partie suspendus ju squ’à la venue de Sir Alan Burns (gouverneur de 1941 à 1947). Guggisberg et l’élite s’étaient séparés sur une question politique où le gouver­ nement représentait l’orthodoxie de Vindirect rule. Cherchant des moyens plus

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efficaces de dialogue entre le gouvernement colonial et l’ensemble de la population, Guggisberg instaura des conseils provinciaux de chefs, dont les représentants formèrent la représentation africaine élargie qu’il avait cherchée au Conseil législatif. Pour être juste envers Guggisberg, il faut ajouter que si son projet de conseils effectivement élus dans les villes au gouvernement local s’effondra c ’est parce que leurs habitants refusèrent de payer les taxes locales; mais il reste q u ’au Conseil législatif, sur un effectif de 30 membres au total, 6 des 9 conseillers africains étaient représentants des chefs, et trois seulement étaient directement élus pour représenter les trois plus grandes villes côtières. L ’Achanti et les territoires du Nord n ’étaient pas représentés au pouvoir législatif central (et il en fut ainsi jusqu’en 1946 et 1951 respectivement). Ces territoires furent, à l’origine, sous l’autorité administrative plus ou moins directe des commandants de district, comme l’était aussi la colonie côtière; mais à partir de 1925 environ, les principes de Y indirect rule (c’est-à-dire le gouver­ nement par l’entremise et avec la collaboration des chefs traditionnels et de leurs conseils) commencèrent à se répandre. Néanmoins, le mécanisme * complet de Yindirect rule, élaboré par Lugard en Nigeria, ne fonctionna guère en Gold Coast avant la législation introduite en 1944 par Bums. Ce dernier, comme tant de hauts fonctionnaires de l’administration coloniale dans la période de l’entre-deux-guerres, avait fait son apprentissage sous les ordres de Lugard au Nigeria. Ce fut aussi Bums qui en 1946 fit entrer au Conseil législatif une majorité africaine comprenant des représentants des Achanti. Mais, là encore, cinq seulement des membres africains élus le furent directement, provenant des villes principales; les autres étaient des représentants des chefs. En deux ans, il fut apparent que, dans une colonie où la prospérité d ’après-guerre hâtait le procès de changements sociaux déjà assez évidents au temps de Guggisberg, cette continuation attardée — voire le renforcement — des concepts de Yindirect rule pourrait produire une intolérable frustration politique. Nous devons nous tourner maintenant vers le Nigeria, et voir le développement dans cette colonie de la philosophie de Yindirect rule sous l’autorité de Lugard. On a vu déjà que la colonie du Nigeria était composée de trois éléments séparés; le protectorat, gouverné de Lagos, s’était formé entre 1880 et 1900, à la suite de l’annexion de la ville de Lagos en 18 6 1, de la même manière que s’était formée la colonie côtière de la Gold Coast. Les pressions des marchands et des missionnaires avaient conduit les fonctionnaires britanniques à s’ingérer de plus en plus dans les affaires des pays yorouba, déchirés par les guerres civiles, jusqu’à ce que le pays tout entier fût placé sous leur protection. Quoique avec un certain retard dans le temps, cette colonie de l’ouest du Nigeria subit beaucoup des changements économiques et sociaux constatés dans le sud de la Gold Coast. L à encore, les plantations de cacao devinrent une activité économique dominante (quoique sur une plus petite échelle; la contribution du Nigeria à l’approvisionne-

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ment du monde en cacao n’était que de 15 % , contre 40 à 50 % pour la Gold Coast), et il y eut le même développement d ’une élite instruite capable de participer à l’administration britannique ou de la défier. Bien que le littoral et les cours d ’eau du Nigeria oriental eussent été depuis longtemps fréquentés par des traitants britanniques qui pratiquaient avec grand profit le commerce de l’huile et des amandes de palme, le Nigeria de l’ Est avait été soumis à une influence européenne bien moins directe. Une série d ’expéditions militaires prolongées jusqu’en 19 12 environ furent nécessaires pour placer effectivement l’arrière-pays ibo sous l’admi­ nistration britannique. Mais, au nord de ces deux colonies côtières, il y avait une vaste région qui, quoique reconnue comme britannique par les accords internationaux à partir de 1885, et ressortissant nominalement de la Royal Niger Company, n’avait guère été pénétrée aux environs de 1900. Elle était encore effectivement sous l’auto­ rité des émirs foulani, vassaux des successeurs d ’Ousman dan Fodio à Sokoto et Gwandou. En 1900, comme on l’a vu, le Colonial Office assuma la responsabilité directe du Nigeria du Nord à la place de la Compagnie et nomma Lugard hautcommissaire. En quelques expéditions brèves, il avait conquis les émirats, qui n’avaient pas réussi à s’unir contre sa petite troupe, bien armée et extrêmement mobile. Il fut alors confronté au problème du gouvernement d ’un territoire de près de 600 000 km* contenant une dizaine de millions d’habitants, au moyen d’un état-major européen — militaire, politique et technique — de 300 hommes environ seulement. Lugard ne se demanda jam ais comment faire. Il avait servi dans l’armée aux Indes, où les Britanniques avaient depuis longtemps reconnu le pouvoir de ju ri­ diction des Etats indigènes. Sur son expérience est-africaine, il avait déjà écrit : « En ce qui concerne l’autorité interne en Ouganda, mon opinion est que l’objectif de l ’administration de ce pays est de gouverner au moyen de son propre gouverne­ ment exécutif... Le Résident devrait gouverner pour et par les chefs. » Goldie, qui avait d’abord envoyé Lugard au Nigeria, avait déjà proposé que la Royal Niger Company s’efforçât de gouverner « selon des principes africains et par des chefs indigènes ». Les émirs foulani, avec une classe dirigeante musulmane nettement distincte, avaient des systèmes d ’administration, de fiscalité et de justice qui, à la différence de beaucoup d ’autres pays de l’Afrique, étaient immédiatement compréhensibles en termes européens. Il était certes extrêmement aisé pour les membres de la classe sociale à laquelle appartenaient Lugard et ses collègues de se trouver des affinités avec les gouvernants foulani qui étaient comme eux des gentlemen et des conquérants. Il ne fut pas difficile d ’établir le principe de la suzeraineté britannique. Une fois posé clairement que les Britanniques maintiendraient la foi musulmane et le principe du gouvernement par les émirats, les émirs qui s’étaient opposé à la conquête et avaient choisi de ne pas se soumettre purent être aisément remplacés par des

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prétendants qualifiés appartenant aux familles régnantes. Auprès de chaque émir était placé un résident britannique, guidé par Lugard au moyen de ses Political Memoranda et d ’autres instructions, à la fois pour maintenir, moderniser et réformer l’autorité traditionnelle. Le statut de l’esclavage fut aboli, les châtiments barbares interdits, les abus judiciaires et fiscaux réprimés, la fiscalité simplifiée. M ais le point fondamental demeurait : le gouvernement britannique ne gouvernait que par les émirats; la masse de la population était encore gouvernée par les émirs, les Native Authorities. Ceci n’apparaît nulle part plus clairement que dans le domaine de la fiscalité. Le peuple payait encore l’impôt aux fonctionnaires de l’émir, dont le gouvernement retenait la moitié des recettes pour sa propre administration; ces fonctionnaires étaient contrôlés par les résidents qui, plus même que Lugard luimême, faisaient grand cas de la valeur éducative de trésoreries indigènes convena­ blement gérées et responsables de leur propre budget. Seule, la deuxième moitié des recettes était disponible pour les besoins de l’administration centrale britannique. M ais le Nigeria du Nord était un pays pauvre. Les recettes, même complétées par les revenus des douanes de Nigeria du Sud, ne permettaient pas de rémunérer les services administratifs britanniques si minimes fussent-ils. L a colonie dépendait donc grandement des subventions impériales, et l’étroitesse du Trésor rendait impossible l’accomplissement des plans importants pour le développement des chemins de fer, et d’autres modernisations qui augmenteraient la productivité économique et par conséquent les recettes. Pour Lugard, la solution était évidente. L e Nigeria du Nord devait être amalgamé aux deux colonies méridionales; leurs économies plus avancées aideraient à subventionner la mise en valeur du Nord lointain et arriéré. A ce moment critique, Lugard, bien trop roi dans sa province pour complaire à ses chefs du Colonial Office, ne parvint pas à ses fins. En 1906, les deux colonies du Sud furent amalgamées, mais on ju gea que l’assimilation du Nord, conquis depuis si peu de temps, serait une étape trop audacieuse, et Lugard fut envoyé gouverner Hong-Kong. Cependant, en 19 12 , après des conflits sur la planification des chemins de fer construits avec les fonds d’emprunt britanniques pour relier les économies du nord et du sud, Lugard fut ramené au Nigeria, comme gouverneur général à la fois du nord et du sud, avec la charge d’amalgamer leurs administrations. En 19 14 , c’était un fait accompli. M ais, bien que le nord fût maintenant ouvert au vent des change­ ments économiques, déjà fermement accomplis dans le sud (et pût rapidement, par l’exportation de ses arachides, apporter une contribution substantielle à l’éco­ nomie de la colonie unifiée), ce fut le type d’administration établi dans le nord qui servit de modèle à l’ensemble de la colonie. Lugard et ses adjoints avaient un profond mépris pour le « nègre en pantalons » de villes comme Lagos, Calabar et Port-Harcourt; c’est pourquoi ils cherchèrent dans le sud des équivalents d e« leurs» émirs pour représenter valablement la société africaine. Ce faisant, ils rencontrèrent toutes sortes de difficultés. Les oha yorouba, par exemple, n’avaient rien qui ressemblât

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à l’autorité nettement définie des émirs foulani. En N igeria de l’Est, la société ibo n ’avait point de chefs. D ’abord, on tenta de créer des chefs par acte de l’adminis­ tration britannique. Lorsque la futilité de cette pratique fut démontrée et qu’on eût reconnu à leur place, pour « autorités indigènes », des conseils d ’anciens, ils n’eurent ni le pouvoir ni les ressources nécessaires pour assumer un gouvernement local effectif à n’importe quel échelon. Néanmoins, le succès initial de Yindirect rule en Nigeria du Nord, la force de caractère et l’exemple de Lugard, l’opiniâtreté des hommes qu’il avait formés, assurèrent qu’on poursuivrait Yindirect rule. Après son départ de Nigeria en 19 19 , comme conseiller privé, membre de la Chambre des Lords, représentant de la Grande-Bretagne à la Commission des mandats de la Société des Nations, fondateur — et président (jusqu’à sa mort en 1945) — de l’ Institut africain international, il demeura l’autorité britannique éminente en matière d’administration africaine. Il publia son évangile dans Le double mandat en Afrique tropicale britannique dont la première édition est de 1922. L e rôle du gouvernement britannique en Afrique était d ’ « apprendre aux races indigènes à diriger leurs propres affaires avec justice et humanité ». Si l’on devait aussi rendre les Africains plus prospères et plus riches et les instruire « à la fois dans les lettres et les techniques industrielles », cela ne pouvait se faire que sur les fondements de leur propre société, et si ceux-ci n’étaient pas apparents, il fallait les chercher, voire les restaurer (comme Cameron essaya de le faire au Tanganyika). On devait les protéger des aspects destructifs de la société européenne rivale. Le moyen de contact avec la population devait se trouver dans l’autorité indigène traditionnelle, et non pas dans un gouvernement central ou son Conseil législatif : celui-ci, avant 1946, était un organisme de peu d ’impor­ tance en Nigeria, avec des Africains élus seulement pour Lagos et C alabar; les autres membres de la minorité africaine (représentant seulement les provinces méridionales) étaient nommés par le gouverneur. Ce dont Lugard et ses contemporains ne se rendirent pas compte — et ils ne pouvaient le faire — c’est que l’avenir n’autoriserait pas le maintien quasi-étemel de gardiens britanniques paternalistes. En un peu plus d ’une génération ceux-ci allaient accepter d ’être balayés par ces nouveaux Africains qu’ils avaient d ’abord méprisés et repoussés. L ’avenir était aux mains des hommes nouveaux créés par la croissance considérable du commerce, de la production et de l’enseignement, inévitable parce que l’autorité coloniale signifiait que l’Afrique était en contact plus étroit que jam ais peut-être auparavant dans son histoire avec la marche des événements dans le reste du monde. Les valeurs même que Lugard et ses contem­ porains avaient apportées à l ’Afrique furent rapidement périmées, même dans la société qui les avait émises. En cherchant à maintenir ces valeurs et à les greffer sur les sociétés africaines traditionnelles, ils créaient en fait des tensions entre la vieille et la nouvelle Afrique. Elles ne furent nulle part plus aiguës qu’en Nigeria même où, après 1966, six ans seulement après l’accession à l’indépendance, le

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fossé entre les forces radicales de changement installées dans le sud et les attitudes traditionnelles retranchées dans le nord grâce aux autorités britanniques ne pouvait se résoudre que par un conflit ouvert.

II — L E S O U D A N A N G L O - É G Y P T I E N Salisbury avait fait conquérir le Soudan au nom de l’Egypte; un impé­ rialisme nouveau se couvrait du pavillon d’un impérialisme défunt. L e représentant anglais au Caire, Lord Cromer, légalisa ce tour de passe-passe en imposant la volonté britannique par un chef-d’œuvre de simili-compromis, la Convention anglo-égyptienne de 1899. Ce texte introduisait un régime mixte, connu sous le titre, non officiel, de Condominium anglo-égyptien. Dans la pratique, il donnait aux Anglais, maîtres de fait de l’Egypte, le commandement effectif du Soudan. Les drapeaux des deux pays devaient flotter également sur les monuments publics. M ais le gouverneur général, exerçant tous les pouvoirs exécutifs et légis­ latifs, devait être nommé par le Khédive, sur proposition du gouvernement de Londres. Ce fut, toujours, un Britannique; les chefs de province également, et même, peu à peu, les chefs de districts; de même dans l’armée. Les fonctionnaires égyptiens, revenus après la conquête, se virent réduits à des rôles subalternes. Kitchener, gouverneur général un an, fut remplacé par Wingate, son chef de l’ Intelligence Service, avec Slatin comme conseiller. Le pays, épuisé par les famines et les guerres, put repartir ainsi grâce à des hommes qui le connaissaient bien, et sans trop de heurts. Des petits prophètes, apparus çà et là, virent leurs révoltes aisément réprimées. Les officiers purent être bientôt remplacés dans les provinces par les administrateurs du Sudan Civil Service, sélectionnés à Londres parmi les diplômés des Universités et qui, maintenus longtemps en place, acquirent la connaissance de la langue, des coutumes et des problèmes locaux. Leur honnêteté et leur compétence furent appréciées. L a justice musulmane fut réorganisée et contrôlée. Les peuples du sud purent, sous la tutelle britannique, vivre selon leurs coutumes. L e nord musulman et le sud païen, où s’établirent d ’ailleurs des missions chrétiennes, menèrent ainsi leurs vies, parallèlement, sans interférences. L ’éducation fut étendue et organisée pour la formation professionnelle et le service public. L e « Gordon Memorial College » conçu par Kitchener, établissement secondaire d’allure militaire, fut le creuset de la jeune élite soudanaise occidentalisée. L e budget put, dès 19 13 , constituer des réserves pour le développement grâce aux excédents des recettes. A ux exportations de gomme commençaient à se joindre celles du coton à longues fibres, dans les petites plaines irrigables au pied du plateau éthiopien et, en bordure du Nil bleu, dans la Gézira. Des compagnies particulières

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s’y intéressaient. Le chemin de fer de la conquête fut prolongé jusqu’à Khartoum dès 1899, puis, en 1905, relié à la mer Rouge, où une nouvelle rade, Port-Soudan, remplaça Souakin. En 19 11 un embranchement vers l’ouest atteignait El-Obéid. L a guerre de 19 14 ne souleva pas de troubles, sauf au Darfour, redevenu indépendant après le madhisme, et dont le sultan, Ali Dinar, entra en relation avec les Turcs, alliés des Allemands. Wingate en profita pour conquérir le Darfour en 19 16 ; le sultan fut tué en combat. L a frontière avec le Tchad français fut réglée en 1919.

Cependant, en Egypte, devenue officiellement protectorat britannique 1920-1942 en 19 14 , le nationalisme avait grandi. En 1922 une déclaration anglaise reconnut l’indépendance égyptienne, en réservant certaines matières, notamment le statut du Soudan qui resta inchangé. En 1924 le gouverneur général Sir Lee Stack fut assassiné au Caire. Les Anglais réagirent en obligeant les fonctionnaires égyptiens à évacuer le Soudan et en rendant les pouvoirs administratifs inférieurs aux chefs de tribu, même dans les régions de population mixte. On freina l’enseignement; les soldes des fonctionnaires soudanais furent réduites lors de la crise mondiale de 1930. Une telle politique ne pouvait que mécontenter la classe naissante des intellectuels occidentalisés, les effendis (les messieurs), gagnés par le nationalisme égyptien, ainsi que les ulémas formés à la connaissance de l’ Islam à l’Université d’El-Azhar et sensibles à la renaissance arabe. A vrai dire le sentiment anti-égyptien qui avait suscité la M ahdiya avait laissé des traces. Et le premier chef nationaliste Ali Abd el-Latif, en 19 2 1, réclamait l’indépendance du Soudan. Mais, après 1924, le seul dominateur restant était l’Anglais ; Abd el-Latif, qu’on avait mis en prison, réclama l’union de la vallée du Nil en une Confédération de deux Etats, ce qui lui valut de retourner en prison. C ’est seulement en 1938, lorsque le nombre des diplômés se fut accru, que le mou­ vement put prendre son vol, avec une prudence irrésistible. Un « Congrès général des Gradués » se constitua, d’abord sous un aspect d ’amicale innocente. Il mit la sourdine à ses revendications au début de la deuxième guerre mondiale. On pouvait alors craindre l’invasion des Italiens qui avaient pris Kassala, et celle des Allemands qui marchaient sur Le Caire. Mais en 1941 les Britanniques envahirent l’Ethiopie italienne et en 1942 les Allemands furent refoulés à El-Alamein. Dès avril 1942 le Congrès présenta au gouverneur général un manifeste réclamant, pour après la guerre, « le droit d’autodétermination » et la possibilité de régler leur statut avec l’Egypte. U n nouveau chapitre s’ouvrait. L a période d’entre-deux-guerres avait vu s’accentuer l’essor économique. Le barrage de Sennar, achevé en 1925 sur le Nil bleu, permit l’accomplissement du Gézira scheme, c’est-à-dire l’irrigation de vastes superficies de cette plaine par un

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V AFRIQUE BRITAN N IQ U E E T LE SOUDAN ÉG Y P T IEN

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système où participaient les compagnies privées, les coopératives et l’Etat. U n chemin de fer reliant directement Sennar à Port-Soudan par les petits bassins irrigués à la base du massif éthiopien (1924) permit une évacuation directe. Les communications par le fleuve furent aussi améliorées. L a production alimentaire augmentait. L a population, estimée à 3 millions en 1900, avait doublé en 1939.

B IB L IO G R A P H IE

I — U A F R IQ U E B R IT A N N IQ U E A défaut d ’une bonne étude générale d’ensemble de la politique coloniale britannique au x x ® siècle avec référence à l’Afrique, cf. diverses contributions in vol. 3 de la Cambridge History o f the British Empire, 18 70 -1 g ig (Benians et al.y 1959). Le vol. 2, 178 3-18 70 , a également quelque rapport avec le sujet. Ces volumes contiennent ce qu’on peut probablement considérer comme les meilleures bibliographies générales (compte tenu de leur date); pour les autres bibliographies, voir en parti­ culier les ouvrages ci-après marqués * . Egalement en référence à la politique coloniale africaine en général, voir l’étude monumentale de H ailey (1957), et les essais de M acmillan (1936, 1949), P erham (1963), R obinson (1965) et H ancock (1943, 1950). On peut les compléter brièvement par des contributions précieuses et nom­ breuses dans G ann et D uionan* (1969). H ancock (1942) présente de loin le meilleur exposé général de l’évolution économique en Afrique occidentale et méridionale. Les données économiques dans F rankel (1938) sont inestimables; N bwlyn et R owan (1954) donnent un modèle d ’étude sur les questions bancaires. W ight (1946) est un guide utile pour l ’évolution du Conseil législatif. L ugard (1965) est un document central sur l’administration indigène qui est aussi traitée dans H ailey (1957) et Buell (1928). G ann et D uionan* (1962) font un exposé général, quoique un peu subjectif, de la colonisation blanche. H all * (1937) donne la seule histoire générale du Colonial Office pendant la période de référence; on peut la compléter utilement par la relation personnelle de P arkinson (1947) et les vol. 3 et 4 de la vie de Chamberlain par G arvin et A mery (1934, 19 5 1). Pour l’adm i­ nistration coloniale, cf. les récits contemporains de Bertram (1930) et J effries (1938 ); sur son recrutement, cf. F urse, qui en était personnellement responsable (1962), et l’étude de H eubsler (1963). Toute étude du xx® siècle en Afrique du Sud doit commencer par la vue perspective de de K ie wiet (19 4 1). H ancock (1942) est également important (et bon aussi pour la Rhodésie). D e K œ wïet (1937) et V an J aarsfeld * (19 6 1) aident à situer l’affrontement anglo-afrikaner de 18 9 5-19 10, sur lequel on dispose maintenant d ’admirables travaux d ’érudition, comme ceux de M arais* (19 6 1), L e M ay (1963) et T hompson* (i960). Pour les biographies, celles de Rhodes (W illiams, 1938), Smuts (H ancock, 1962 et 1968) et Hofmeyr (P aton, 1964) sont importantes; on voit peut-être encore mieux M ilner en Afrique du Sud à travers ses Papiers (H eadlam, 19 3 1, 1933). Pour l’histoire éco­ nomique ultérieure, R obertson (1957) est généralement utile, et V an D er H orst (1969) spéci­ fiquement essentiel. P atterson (1957) est précieux pour l’évolution afrikaner récente. K ruger (i960) est utile pour la politique blanche récente et Rome (1964) donne la meilleure silhouette des réactions politiques bantou. L ’affrontement des Blancs et des Noirs est étudié par C arter * (1958), P ienaar et Sampson (i960) et Brookes* (1968). W ills * (1968) donne une introduction utile à l’histoire générale des territoires d’Afrique centrale. L ’histoire de la colonisation blanche et des réactions africaines qu'elle y a provoquées apparaît au mieux dans deux volumes complémentaires de M ason (1958) et G ray (i960). On peut les étoffer par les histoires des deux Rhodésies de G ann* (1964, 1965), l'étude magistrale de L ey (1959) sur la

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politique européenne en Rhodésie du Sud, par la biographie de Huggin* par G ann et G elfand (1964) et par l ’étude de première qualité et de grande envergure faite par R anger (1967) des rébellions des Matébélé et des M achona. A défaut d’ une étude historique satisfaisante du Nyassaland (M alawi), pendant la période de référence, R otberg * (1965) est utile. L e volume écrit par plusieurs auteurs sous la direction de H arlow et C hilver * (1965) est de loin le meilleur exposé général de la période coloniale dans l’Afrique orientale en général. On ne doit pas oublier des documents tels que Les Indiens au Kenya (1923), le Memorandum Passfield (1930), et le Rapport de la Commission royale (1955). O liver (1952) donne une introduction inestimable à l’influence des missionnaires ; H uxley (1953) est encore le meilleur auteur sur les colons blancs. L a littérature sur le K en ya est immense : Bennett (1963), D illey (1937), M ungeam (1966), et R osberq et N ottingham (1967) fournissent une collection d ’ouvrages érudits. Pour l’Ouganda, I ngham (1958) donne une vue générale, tandis que L o w et P ratt (i960) examinent les rapports entre les Britanniques et le royaume africain le plus important. Pour le Tanganyika (Tanzanie), deux études générales utiles sont celles de L eubuscher (1944) et C hidzero (19 6 1). L ’introduction de Yindirect rule au Tanganyika a été traitée par celui qui en est le responsable, C ameron (1939), et A usten (1969) a analysé quelques-unes de ses conséquences. Pour l’Afrique occidentale britannique, l’essai d ’histoire économique de H ancock (1942) est rem arquable; outre celui-ci, il y a une introduction historique générale dans F age * (1969) et une excellente étude abrégée du Ghana et du Nigeria par F lint (1966). Sur l’essor de la colonie britannique du Nigeria, les biographies de Goldie et de Lugard par F lint * (i960) et P erham * (1956, i960) sont essentielles; l’évolution ultérieure est le mieux vue dans C oleman* (1958). Pour le sujet primordial de Yindirect rule de Lugard, cf. L uoard (1965, 1968) lui-même, P erham (1937) et K irk -G reene (1965) , alors que T emple (1918 ) donne le point de vue d’un disciple plus que zélé. L ’amalgame de Lugard est exposé par K irk -G reene (1968). Pour le Ghana, il y a une brève introduction de F aoe (1959), tandis que K imble * (1963) et Bourret * (i960) traitent à fond avec érudition de la période coloniale; on peut compléter par les documents de M etcalfe (1964), l’excellente biographie de Guggisberg par W raith (1967) et l’étude inestimable sur les planteurs de cacao, si importants, par H ill (1963). Il y a relativement peu de chose sur le x x e siècle au Sierra-Leone; cf. cependant une brève introduction de F yfe (1962) et une importante étude de K ilson (1966). Pour la Gam bie, cf. G ailey (1964). I II — L E

S O U D A N A N G L O -É G Y P T IE N

H olt (P. M .). A modem History o f the Sudan. Londres, 1961. H enderson (K . D. D.). The making o f the modem Sudan. Londres, 1953.

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C H A P IT R E

III

L 'A friq u e portugaise, belge, espagnole, allem ande et le Liberia Avant de traiter dans un même chapitre quatre types de colonisation et un Etat indépendant, il convient tout d ’abord de marquer le caractère artificiel de leur groupement. L ’Afrique française, l’Afrique britannique, l’ Ethiopie et les pays voisins présentent des caractères homogènes. Les cinq autres domaines (Afrique allemande, Afrique belge, Afrique portugaise, Afrique espagnole, Liberia) constituent le reste, un reste dans lequel il n’est pas facile de trouver un fil directeur. Pourtant on peut noter l’influence des Amériques pour la colonisation portugaise et espagnole de l’Afrique comme bien entendu pour la genèse du Liberia. C ’est la persistance du trafic des esclaves avec le Brésil qui marque la colonisation portugaise de l’Angola, c’est la lutte contre le trafic et l’idée d’une dette envers les esclaves noirs qui entraînent la création du Liberia. Ce sont les concessions espagnoles faites au Brésil portugais qui implantent les droits de M adrid à Fernando Poo et au R io Muni. Plus tard le contrecoup des déboires cubains (1898) incitera l’Espagne à faire l’indispensable effort sur les terres africaines qui lui restent. Le réveil colonial portugais se manifeste à l’embouchure du Congo lorsque les agents de Léopold I I se font un peu trop entreprenants. Ce réveil est à l’origine de la Conférence de Berlin (1884-1885) qui coïncide avec l’intérêt tout neuf porté par le chancelier Bismarck à l’expansion coloniale allemande et voit parapher l’acte de naissance officiel de l’Etat Indépendant du Congo. L e Liberia vivote de longues années dès que cesse le soutien des Etats-Unis. Espagne et Portugal, sans grands moyens économiques, voient leurs territoires végéter à moins que des compagnies étrangères n’en prennent en main l’exploitation.

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HISTOIRE DE L'A FR IQ U E

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NOIRE

Par contre l’Allemagne et la Belgique, pays industrialisés, organisent de façon rationnelle la mise en valeur de leur domaine africain. Après la première guerre mondiale, la Belgique reçoit le R w anda et le Burundi, les districts les plus éloignés de la côte de l’Afrique orientale allemande et qui jouxtent la frontière congolaise à l’est des lacs K ivou et Tanganyika. L a deuxième guerre mondiale relance les intérêts économiques au Liberia, entraîne un exceptionnel développement du Congo belge et dans une moindre mesure du R w anda et du Burundi, permet de substantiels profits à l’Espagne et au Portugal maintenus à l’écart du conflit. L ’impact des idées, l’éducation, les voyages provoquent des vagues de reven­ dications et l’inexorable marche vers la décolonisation en Afrique belge et en Afrique espagnole. Dans les territoires portugais les forces nationalistes, vivant dans la clandestinité, ne peuvent empêcher l’essor économique de colonies devenues l’élément fondamental de la prospérité lusitanienne.

I — LE L IB E R IA L a République de Liberia n’a pris sa forme définitive que lors des accords anglo-libériens de 1882 et franco-libériens de 1892. M ais l’histoire du Liberia est singulièrement plus ancienne.

Les trois premières décennies font partie de l’histoire . Un e }ta^ rê , . . coloniale des Etats-Unis d’Amérique. Du I er jan vier 18 17 de l histoire coloniale américaine . . r . . ,.y . . - « .- , . . , * (1817-1847) qui voit fonder à Washington la Société américaine de Colonisation des Populations libres de couleur des EtatsUnis jusqu’au 26 juillet 1847, date de proclamation de la République, on assiste au schéma classique de l’installation de colons sur une terre nouvelle. Les chefs coutumiers ayant accepté des cadeaux ont cédé sans le savoir des terres qu’ils veulent ensuite reprendre. De Jeh ud i Ashmum (1822-1828), fondateur de M onrovia, à Buchanan qui réussit en 1841 à former le Commonwealth o f Liberia, des gouverneurs blancs défendent des installations côtières et absorbent les arrivages successifs des Etats-Unis. Il est stipulé dans les traités conclus avec les autochtones que ces installations sont destinées à constituer un foyer pour « les fils dispersés de l’Afrique ». U n incident avec la marine anglaise pose en 1845 le problème de la souveraineté du Liberia. Le mulâtre J . J . Roberts, premier des gouverneurs non blancs, est élu président. C ’est à lui et à son successeur S. A. Benson (1856-1864), nègre pur, qu’est

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L'AFRIQ U E PORTUGAISE, BELG E, ESPAGNOLE, ALLEM AN D E

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dû le premier essor du Liberia. Avec les successeurs D. B. Warner (1864-1868) et J . J . Payne (1868-1870) on assiste aux débuts d’une vie politique avec les wfdgs (progressistes) et les républicains (conservateurs). L a colonisation américaine au Liberia présente les caractéristiques d’une colonisation de type occidental sauf que les colons sont des noirs, qu’ils viennent s’installer de façon définitive sur la terre d’Afrique et qu’ils sont en partie rejetés par la société américaine. Plus du quart de ceux arrivés de 1822 à 1867 (5 957 sur 19 858) n’ont, en effet, été émancipés que sous condition de quitter le territoire des Etats-Unis où ils étaient indésirables. Pour de nombreux immigrants, le Liberia n’était donc pas la « terre promise >► mais la terre d’exil.

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E NOIRE

Par ailleurs, le Liberia n’a pas bénéficié comme la Sierra Leone voisine de l’apport massif de la croisière anti-esclavagiste (5 722 esclaves libérés, pour la plupart originaires du Congo, sont venus compléter l’effectif), ni de son rôle de capitale des établissements anglais de la côte occidentale (Gambie, Gold Coast et Nigeria). L ’effort missionnaire (d’origine presque intégralement américaine) est aussi beau­ coup moins important au x ix e siècle que chez les Anglais voisins.

Elu en 1870, Edw ard Jam es R oye décide que le développement expforafons^tfrcmtières du Pa>rs nécessite emprunt et dette publique. U n emprunt de 100 000 livres est négocié à Londres en même temps que le contentieux territorial avec la Sierra Leone. M ais les clauses de l’arrangement provoquent une révolution populaire et le retour au pouvoir de Roberts qui refuse de ratifier l’accord... si bien que les plaintes de commerçants anglais aboutissent à l’intervention du gouverneur de Sierra Leone à l’ouest du M ano et à la prise de possession anglaise (mars 1883) entérinée par le traité du 1 1 novembre 1885. M algré les guerres contre les tribus autochtones, la colonisation américanolibérienne est restée très épidermique. Seymour et Ash sont allés à Zigaporossou (1856) puis Anderson à Beyla (1868) avant que Bohlen (1869) et Büttikofer (de 1879 à 1882) n’explorent l’hinterland. En 1898 c’est Allridge qui visite la zone frontière de la Sierra Leone et atteint le village de Pandémé. En 1907, un Suisse, le D r Volz, traverse la Sierra Leone et le Liberia avant d’être tué à Boussédou. En 1908, le commandant Naber (de la M arine hollandaise) traverse le Liberia de Zinta à M onrovia. Son second, le lieutenant de vaisseau Horet, va de Grabo à Sinoé (1909). Le président Coleman, à partir de 1896, essaie de rétablir une liberté de commerce entre les M andé et la côte que perturbent les intermédiaires V a ï et Gola. Utilisant les rivalités tribales, le président opère de fructueuses razzias sur le territoire Gola... les mauvaises langues vont même jusqu’à dire après ces expé­ ditions que les plantations du président ne manquaient pas de main-d’œuvre.

C ’est donc dans les premières années du siècle que les frontières du avec^Amériqiu Like™ * sont fixées, mais il faudra attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour que s’atténuent les différences entre Afro- et Américano-Libériens. Lorsque les Etats-Unis — en pleine guerre de Sécession — reconnaissent le Liberia, ils affirment que le Noir américain est un citoyen à part entière. Ils lui enlèvent de ce fait toute envie de retourner sur la terre de ses ancêtres. Si bien que durant près d’un demi-siècle les relations commerciales se font avec la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.

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Barclay vient à Londres chercher un demi-million de dollars. ^ ^ig o ^ig ia )1^ ^ P1*^ cst accordé Par l’intermédiaire de la Liberian Development Company que préside Sir H arry Johnston... L a L .D .C . réussit à construire 15 km de routes... et à épuiser les fonds. Le Liberia, dans ces conditions, rompt les accords financiers. En 1909, le département d ’Etat américain envoie une Commission d’enquête qui conclut à la nécessité d’une aide financière. Un prêt de 1,7 million de dollars est consenti par les banques américaines. Une tutelle financière est instituée avec un représentant du Président des Etats-Unis et trois assistants, un Français, un Anglais, un Allemand. Cependant le Président Barclay, le premier, s’est vraiment préoccupé de politique indigène. Ju sq u ’alors, le Liberia était divisé en cités coloniales et zones tribales. Le Président Barclay envisage de considérer les districts tribaux comme des cités, qui seraient administrés par des chefs ayant un rôle semblable à celui des juges de paix dans les cités coloniales. Des administrateurs seraient nommés par le Président pour les surveiller et connaître des appels des tribunaux coutumiers. Les idées du Président Barclay sont à la base du système d’administration tribale actuellement pratiqué. Les administrateurs sont pour la plupart des Améri­ cano-Libériens, mais des éléments V a ï et K rou font également partie de l’adminis­ tration. Ainsi des Afro-Libériens sont entraînés dans l’orbite des AméricanoLibériens. En même temps les missions accomplissent une œuvre importante sur le plan scolaire et sanitaire si bien que des cités d ’indigènes chrétiens peuvent s’établir dans la première décennie du siècle. En 1908 est créée la Frontier Force qui assure l’autorité de l’Etat sur les districts de l’intérieur. Sous la présidence de Daniel Edward Howard (19 12-19 20 ), les finances de la République sont au plus bas. Par ailleurs la déclaration de guerre à l’Alle­ magne (19 17) interrompt la suprématie commerciale allemande.

Marcus Garvey avait envisagé de massives migrations des Noirs américains vers la terre promise du Liberia, mais le gouvernement libérien s’y opposa, marquant ainsi sa prise de position aux côtés des gouvernements établis contre les mouvements socio-politiques. L e I er novembre 1922, le Stevenson Restriction Act (ou Rubber Plantation Act) ouvre au Liberia un chapitre nouveau, celui des plantations de caoutchouc de la firme Firestone pour que l’industrie américaine échappe au monopole anglais. Le Président Charles D. B. K in g (1920-1930) accorde en novembre 1926

^et^iru u m ?

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à la Compagnie des plantations Firestone un bail de 99 ans sur un million d ’acres à 6 cents l’acre par an. Le Liberia reçoit en outre un droit de 1 % du prix mondial sur le caoutchouc exporté. Le I er juillet 1927, le Liberia obtient un prêt de 5 millions de dollars de la Finance Corporation o f America, ce qui lui permet d ’amortir le choc de la crise économique mondiale. M ais la situation financière ne tarde pas à se détériorer à nouveau.

A la fin de la présidence de Barclay, les difficultés de mainde l^ésclaoage^cmwuJU d’œuvre rencontrées par les Espagnols pour les plantations de cacao de Fernando Poo les amènent à effectuer un recrutement au Liberia, mais les mauvais traitements infligés aux travailleurs font annuler le premier accord peu après la Grande Guerre. En 1928 un nouvel accord est signé par le Syndicat agricole de Fernando Poo, garantissant un meilleur traitement de la main-d’œuvre. Cependant, une campagne est orchestrée aux Etats-Unis contre la forme déguisée d ’esclavage qui est pratiquée au Liberia. Devant cet assaut de critiques, le gouvernement de M onrovia demande à la Société des Nations la constitution d ’une Commission d’enquête. L e D r Cuthbert Christy, un dentiste britannique, est nommé président avec un Américain et un Libérien. Cette Commission conclut que le Liberia a un système de recrutement vraim ent différent de l’esclavage. Elle recommande de faciliter l’assimilation des indigènes, une plus grande égalité pour les possibilités de l’enseignement, la mise hors la loi du recrutement tel qu’il est pratiqué dans l’arrière-pays et un contrôle plus efficace de la Frontier Force. En décembre 1930, lorsque le Président K in g encourage le Parlement à prendre ces mesures, une tempête de protestations le contraint au départ. Barclay son successeur prend au début de 19 3 1 les mesures préconisées. Mais les Anglais ne s’en contentent pas et demandent que le Liberia soit placé sous l’auto­ rité d ’une Commission administrative contrôlée par la S.D .N . Des troubles en pays krou entraînent une répression de la Frontier Force et des commentaires britanniques affirment que le Liberia est incapable de maintenir l’ordre intérieur. Il est probable qu’à l’époque la Grande-Bretagne, la France et probablement l’Allemagne envisageaient la fin du Liberia indépendant. L e Président Barclay accepte le principe d ’une aide de la S.D .N . dont le Comité du Liberia propose une sorte de conseiller principal qui, en fait, aurait la haute main sur l’économie libérienne et d’autre part des aménagements financiers que consentirait la Firestone pour soutenir le budget libérien. M ais finalement la S.D .N . renonce à contrôler sérieusement l’ économie libérienne.

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L ’offensive japonaise de 1 942-1943 privant les Alliés de leurs et P essor décisif du Liberia ressources en caoutchouc, lentrepnse Firestone devint une carte fondamentale de la stratégie anglo-américaine. Dès juillet 19 4 1, le gouvernement libérien concède aux Pan American Airways un terrain sur lequel est construit en 1942 l’aérodrome de Robertsfield. L e 3 1 mars 1942 un nouveau traité est signé avec les Etats-Unis leur concédant le droit de construire, gérer, utiliser et défendre toutes installations stratégiques au Liberia. L a fin de cette même année 1942, le gouvernement libérien rompt les relations diplomatiques avec l’Allemagne. Le 8 ju in 1943 un accord de prêt-bail est signé avec les Etats-Unis. L e 27 janvier 1944 le Liberia déclare la guerre au Jap o n et à l’Allemagne. L ’année 1944 correspond à l’année de l’entrée en fonctions du Président Tubm an, la première d ’une présidence qui atteint maintenant le quart du siècle et qui a vu le véritable démarrage du Liberia grâce à une implantation économique américaine massive. Cet essor économique correspond à un effort culturel intense et à une inté­ gration croissante des éléments afro- et américano-libériens jusqu’alors séparés. Ainsi, c’est au moment même où la colonisation économique est la plus intense que les facteurs d’indépendance nationale sont mis en place parce que le gouver­ nement reçoit les moyens financiers d’un effort culturel qu’il n’avait pas auparavant. Longtemps en retard sur les colonies voisines de Sierra Leone, de Côte-d’ Ivoire et de Guinée, le Liberia est en passe de rattraper son retard, de faire que les « indi­ gènes » du groupe mandingue, du groupe K rou, des Gola et des Kissi se sentent maintenant des citoyens libériens à part entière.

II — L ’ A F R I Q U E N O I R E E S P A G N O L E A l’échelle des nouvelles nations africaines la Guinée équatoriale est, avec le Rw anda et le Burundi, parmi les plus petites. Elle couvre en effet 2 8 0 5 1k m *, comprenant d ’une part les îles dont Fernando Poo avec 2 0 1 7 km* est la plus importante à côté d ’Annobon (17 km*). Les îlots du Grand et Petit-Elobey font partie de R io M uni qui développe 26 0 17 km* de forêt équatoriale.

La souveraineté théorique

Si les premiers colons du Liberia ont été envoyés sur la à ja suhe des difficultés provenant de

^

l’émancipation des esclaves aux Etats-Unis, l’Afrique noire espagnole est la conséquence de l’antagonisme hispano-portugais aux frontières de l’Argentine

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et du Brésil. Moyennant une rectification de territoire au profit de ce dernier pays, l’ Espagne reçoit, par les traités de Saint-Ildefonse ( 1 er octobre 1 7 7 7 ) et du Bardo ( 1 1 mars 1778), Fernando Poo, Annobon et le droit de commercer sur le Niger et TOgoué. L e Liberia a vu le jo u r dans le cadre de la lutte contre le trafic des esclaves, l’Afrique espagnole au contraire s’insère dans un plan de recrutement de main-d’œuvre pour les plantations du Nouveau Monde, en particulier de Cuba. L ’accord anglo-espagnol du 27 septembre 18 17 relatif à la répression de la traite donne prétexte au commodore anglais Owen pour installer à Port-Clarence (future Santa Isabel) en 1827 un tribunal de paix. Les Baptistes y construisent une mission et Pile est sur le point d ’être achetée 60 000 livres à l’Espagne, mais le 9 juillet 1841 les Cortes refusent et en 1843 l’expédition officielle espagnole de Don Ju a n José de Lerena y Barry reprend possession de l’île et passe à Corisco des accords avec quelques chefs traditionnels. Il nomme gouverneur « espagnol )► l’Anglais Jo h n Beecroft. Quinze ans plus tard ( 1858) le premier gouverneur espagnol Don Carlos Chacon est nommé à la tête de l’île. Jo sé Fernandez G aytan fait remarquer l’importance de la fréquentation espagnole durant les quatre-vingts ans durant lesquels il n’y eut pas d ’autorité espagnole officielle dans cette région. Il est vrai que beaucoup de ces navires venaient recruter de la main-d’œuvre pour Cuba et que ce trafic était parfois assez peu différent de celui des négriers. En 1865 et 1868, Ju lia n Pellon y Rodriguez, qui fut, en i860, le premier Espagnol à faire l’ascension du pic de Santa Isabel, conclut des traités sur les côtes du Gabon et dans les régions incluses vingt ans plus tard dans le Cameroun allemand et la Nigeria anglaise.

M ais cette période ne voit que les débuts timides d ’une colonisation à base d’exilés politiques coloniaux. Quelques explorateurs (Iradier en 1875 et 1884, Osorio en 1885-1886, Montes de O ca en 1886) sillonnent l’arrièrepays du R io M uni également traversé par Cram pel et Gentil. En 1883 les missionnaires catholiques (Fils du Cœ ur Im m aculé de Marie) arrivent dans l’île pour évangéliser les hauteurs peuplées alors par environ 20 000 Boubi obéissant à l’autorité du roi-patriarche M oka. Le 27 ju in 1900, le traité franco-espagnol de Paris fixe la frontière avec le Gabon et assure à la France un droit de préemption en cas d ’abandon par l’Espagne de sa colonie. Rattachés au ministère de l’ O utre-M er (supprimé en 1899), les territoires du golfe de Guinée sont directement administrés par la Direction générale du M aroc et des Colonies. Un décret royal du 1 1 juillet 1904 crée le gouver­ nement général des territoires du golfe de Guinée dont le siège est Santa Isabel Les tâtonnements

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L'AFRIQJUE P O R T U G A I S E , B E L G E , E S P A G N O L E , A L L E M A N D E

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de Fernando Poo. M ais le R io M uni ne se développe guère et lorsque, en 19 16 , les forces années allemandes passent du Cameroun au R io M uni, seule une bande côtière d’une vingtaine de kilomètres est mise en valeur.

, le mise en mare

Cependant Pile de Fernando Poo, qui a bénéficié durant quel­ , 0 x ,, ' . ^ ... ques mois (19 10 -19 17 ) d un afflux de travailleurs germanocamerounais, voit se développer des plantations de cacao. Les problèmes de main-d’œuvre sont résolus par des campagnes de recrutement, au Liberia et surtout dans la toute proche Nigeria. En 1932 on compte dans Pile 1 500 Européens. A u début de la guerre civile, l’île est franquiste et le R io M uni républicain. L a deuxième guerre mondiale permet d ’accélérer la mise en valeur.

L e système administratif n’est pas très différent de celui des et politique indigène autres nations coloniales. Le gouverneur général, représentant du gouvernement de M adrid, commande les forces armées et, avec l’aide d’un secrétaire général, dirige l’administration civile. L e gouverneur est responsable de « l’amélioration du sort des indigènes ». Il est assisté de deux Conseils : une junte des autorités civiles et militaires et un Conseil colonial composé des représentants des Chambres de commerce et d’industrie et de fonctionnaires désignés. L a politique indigène est basée sur le Patronat des indigènes institué en 1904 et modifié en 1938. D ’après ces textes, les indigènes sont répartis en trois catégories : — ceux ayant obtenu la pleine émancipation (emancipation plena) qui place les sujets sous le régime civil et métropolitain; — ceux bénéficiant d’une émancipation limitée (emancipation limitada) qui comporte l’application de la législation civile métropolitaine et du maintien du statut local; — les non-émancipés. L e paternalisme de la politique indigène s’explique certes par une tradition coloniale hispanique éprouvée outre-atlantique mais aussi par l’état dans lequel se trouvaient les Boubi de Fernando Poo ainsi que les peuples côtiers refoulés par l’invasion des Fang et par les Fang eux-mêmes qui sont appelés Pamues au R io Muni. Les Boubi étaient en voie d’extinction lorsque les prescriptions du Patronato leur interdirent l’alcool et les regroupèrent en coopératives agricoles. Scolarisés et catéchisés à 90 % ils constituent un tiers de la population de Fernando Poo. Les Femandinos forment une élite sociale analogue aux créoles de Freetown ou aux métis de Saint-Louis du Sénégal et Gorée. Ils jouent dans la politique et l’économie locale un rôle sans commune mesure avec leur nombre (ils ne sont guère plus de 4

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H I S T O I R E DE L'AFRIQJUE NOI RE

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à 5 ooo). Enfin les Nigérians (essentiellement Ibos d’ailleurs en majorité de langue anglaise et qui forment un élément politique non négligeable), sont recrutés pour moitié par une agence hispano-nigériane installée au Calabar d ’après les accords de 1957.

^ ’ordonnance générale du 27 août 1938 organise cet ensemble colonial sous le nom de Territorios espaholes del Golfo de Guinea divisés en deux districts (Fernando Poo, Guinea continental). Durant la guerre, en 1942, de nouvelles demarcaciones (circonscriptions) sont créées au R io M uni à la tête desquelles sont placés des administrateurs qui sont des officiers de la Guarda Colonial. Après la fin de la deuxième guerre mondiale, l’Espagne fait un effort particulier par la loi foncière indigène de 1948, la réouverture l’année suivante de concessions de terrains bloqués depuis 1930, un régime douanier libéral, une autonomie budgétaire renforcée. L ’amiral Faustino Ruiz Gonzalez est gouverneur général de 1949 à 1962 et c’est à lui qu’est dû véritablement l’extraordinaire essor de cette région. L ’extrême fertilité des terres volcaniques de Fernando Poo a permis la trans­ formation de cette île en un véritable jardin. Européens et Ferdinandinos se partagent les vastes plantations de cacao et de café alors que les Boubi se contentent de plantations de 4 à 5 ha, mais avec une organisation de coopératives qui leur permet un niveau de vie relativement élevé pour l’Afrique. Le café est en diminution à Fernando Poo et en augmentation au R io Muni qui connaît une très importante exploitation forestière. Les bananes ont vu jusqu’en 1953 limiter leurs exportations pour ne pas gêner le commerce des Canaries. L a sylviculture est la grande ressource du R io Muni qui partage avec le Gabon le monopole de l’okoumé. Uusor



Devant le courant mondial de décolonisation, le gouvernement . . . . , . .,, r , , espagnol, par la loi du 30 juillet 1959, transforme les deux colonies en provinces régies par les mêmes lois que la métropole (représentation aux Cortesy création de terminos municipales administrés par des Ayunlamientos (Conseils municipaux) dont dépendent les juntas vaccinales). Deux Diputaciones provinciales sont créés à Santa Isabel et à Bata. Par cette mesure, l’Espagne prend une voie opposée à celle des autres nations colonisatrices : la Guinée cesse d’être espagnole, c’est l’Espagne qui devient guinéenne par sa Regiàn ecuadorial de Espaüa. Le décret du 31 mars i960 aligne étroitement la Regiôn ecuadorial de Espana sur la structure administrative de l’Espagne. Ces régions longtemps oubliées ont rattrapé grâce à une extraordinaire prospérité économique leurs plus riches voisines. Les progrès de la scolarisation ont fait de ces deux provinces des zones de culture espagnole ayant leur identité propre Vers la décolonisation

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L *A F R I Q JJ E P O R T U G A I S E , B E L G E , E S P A G N O L E , A L L E M A N D E

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et qui ne peuvent plus être revendiquées ni par le Cameroun, ni par la Nigeria. Dès lors le gouvernement espagnol n’a plus aucun intérêt à résister au courant mondial de décolonisation qui trouvera sa conclusion dans l ’indépendance accordée le 12 octobre 1968 jou r de l’ Hispanité.

III — L ’A F R IQ U E P O R T U G A ISE L ’ Empire colonial portugais d’Afrique occupe une superficie démesurée par rapport à la métropole. Il comprend cinq entités territoriales : les îles du Cap-Vert, les îles de Sào Thomé et du Prince, la Guinée portugaise, l’Angola et l’enclave de Cabinda, le Mozambique. M algré l ’unité relative de la politique coloniale portugaise, leur position est différente.

si Par ^ ^>ortu8a^s dans l’exploration comme * 5 dans l’évangélisation de l’Afrique. Durant les x vn °, xvra® et le début du xix®, les possessions atlantiques servent de réservoirs d’esclaves pour les plantations du Nouveau Monde alors que le Mozambique, tourné vers l’ Inde, est administré par Goa. Il faut d ’autre part souligner l’importance de Sâo Thomé et des îles du CapV ert comme entrepôts d’esclaves. L a mise en œuvre du Mozambique est réalisée grâce au système des prazos, grands domaines fonciers attribués à des colons souvent anciens soldats, à charge pour ceux-ci de les mettre en valeur. Au x ix e siècle, les prazeros étaient presque tous des mulâtres et des Goanais. Réduites à la fin du xvm ® à une mince bande côtière, les possessions portugaises du continent africain reçoivent au début du x ix e une nouvelle impulsion. Entre 1802 et 1 8 1 1 deux Pombeiros, métis portugais, réussissent à joindre Saint-Paul de Loanda et les bouches du Zambèze par l’intérieur. En 1853, Silva Porto et Jo â o de Silva réalisent la traversée à partir de Benguela. De nouvelles cultures (le café en 1800, le cacao en 1822, la canne à sucre, le quinquina) sont introduites en Angola. Mossamédès est fondé en 1840, Ambriz en 1855. En i860, des colons venus du Brésil installent des sucreries et organisent la culture du tabac pour l’exportation. M ais à partir des explorations de Livingstone, les Portugais commencent à s’inquiéter des reconnaissances effectuées en particulier par les Anglais (notamment Cameron en 1873-1875). Aussi la Société de Géographie de Lisbonne organise-t-elle L'héritage du

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C a r t e 2 9 . — A f r iq u e , p a r t ie sud

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L 'A F R I Q J J E P O R T U G A I S E , B E L G E , E S P A G N O L E , A L L E M A N D E

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les explorations de Capello, Ivens et Serpa Pinto qui assurent les droits portugais dans l’arrière-pays de l’Angola. Au Mozambique la zone contrôlée par l’autorité por­ tugaise se limite à une mince bande côtière entre le cap Delgado et la baie de Delagoa (limites actuelles du littoral portugais), et à la vallée du Zambèze jusqu’à Zumbo à 900 km de l’embouchure. En 1880, les prazos sont décrétés propriétés de la Couronne.

Menacé à l’embouchure du Congo par les agents de Léopold I I et par Brazza, le Portugal obtient du gouvernement de Londres, par le traité du 26 février 1884, la reconnaissance de sa souveraineté sur les deux rives de l’estuaire du Congo et sur le littoral de la côte atlantique entre 50 12 ' et 8° de latitude sud. Cette reconnaissance entraîne la protestation de l’A .I.C . (Association inter­ nationale du Congo) et l’envoi d’une Commission présidée par le général anglais Goldsmith qui reconnaît le bien-fondé des prétentions belges. Si bien que le traité anglo-portugais dirigé contre PA. I.C . sert finalement la politique de Léopold qui essaie de faire reconnaître son projet d’Etat en promettant la liberté commerciale dans ce nouveau domaine. Finalement, le 26 juin 1884, le gouvernement britannique dénonce le traité, cependant que des négociations sont entamées à Paris entre la France, le Portugal et le colonel Strauch représentant Léopold II. C ’est alors que Bismarck, qui vient de faire entrer l’Allemagne dans la compétition coloniale, organise la Conférence de Berlin dont va sortir l’Etat Indé­ pendant du Congo (souverain : Léopold II) et les règles qui présideront au partage de l’Afrique. Le Portugal est le dernier à céder et à abandonner ses prétentions au nord de l’estuaire du Congo sauf en ce qui concerne Cabinda.

Prétentions portugaises au Congo : prétexte à la Conférence de Berlin

Le « protecteur » anglais ne s’étant pas révélé très efficace, le a!^b-porUigair gouvernement portugais essaie l’amitié allemande. Le cabinet de Castro Gomes pour réaliser la carte rose (la jonction AngolaMozambique) accorde à l’Allemagne par le traité de 1886 des concessions dans le sud de l’Angola et le nord du Mozambique, mais l’accord ne signifie pas un soutien concret de l’Allemagne. Celle-ci n’intervient pas lors de l’offensive de Cecil Rhodes qui envoie deux cents pionniers dans le Mashonaland. En même temps, le consul anglais du Mozambique, Johnston, passe des traités avec les Makololo au sud du lac Nyassa dans une région où les populations avaient accepté depuis 1886 le protectorat portugais proposé par Serpa Pinto. Le 12 janvier 1890, le gouvernement anglais adresse à Lisbonne un ultimatum exigeant le rappel de Serpa Pinto et l’engagement de renoncer à toute expédition sur le territoire des Makololo et celui des Mashona. L a Chartered ne s’en tient pas là et s’avance dans la riche contrée du M anica soumise au Portugal. Elle fait prisonnier

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HISTOIRE DE L'A FR IQ U E NOIRE

à Massikessi le gouverneur portugais de la province qui est attribuée à rAngleterre par le traité le n ju in 18 9 1. Ce traité donne en outre à la Chartered le droit de construire un chemin de fer de Salisbury vers Beira en territoire portugais.

Le Diktat anglais de 1891 provoque au Portugal une réaction nationaliste d’une considérable ampleur et „ . , . , . • % % Les coloniaux de 1895 1 autorité portugaise jusqu alors nominale s étend sur les populations de l’intérieur. Les historiens portugais célèbrent les grands coloniaux de cette période d ’action désespérée. Antonio Enes, dont le rapport de 1893 sert de base à la politique portugaise, préconisait la reconstitution des prazos sous une forme adaptée aux nouvelles réglementations. En même temps l’action militaire se développe. Avec Antonio Enes, Mousinho de Albuquerque pacifie le Gazaland (Mozambique méridional). Coutinho, en 1897, occupe la région au nord de Quelimane. Enfin les Y ao des environs du lac Nyassa sont soumis entre 1908 et 19 12 . En Angola, après le pays Bailundo (19 0 1-19 0 2), celui des Dembo (1907-1910) et la région de Moxico au sud-ouest de l’Angola justifient des colonnes militaires. En Guinée portugaise l’occupation effective est organisée par la séparation en 1879 de la Guinée et des îles du Cap-Vert. M algré de nombreuses campagnes contre Moussa Molo et Bacar Guidali notamment, la situation demeure difficile et Bissao continue à avoir l’apparence d’une ville assiégée... il faut attendre l’arrivée de Jo â o Teixeira Pinto en 19 12 qui mène plusieurs campagnes contre les tribus insurgées de l’intérieur et rétablit la situation. Réaction nationaliste et brise de possession territoriale

. exp oitatwn

conomique

L ’abolition de l’esclavage, non accompagnée de réformes foncj£res aux jjes f a Cap-Vert, met à la merci de la féodalité

de quelque 5 000 planteurs une main-d’œuvre surabondante. Cette aristocratie, comme celle des grands propriétaires fonciers de l’île du Prince, jouera (comme la bourgeoisie des Antilles françaises à Paris), un rôle consi­ dérable dans la politique coloniale de Lisbonne. M algré la richesse de ces planteurs, le Portugal n’a pas sur son sol de compagnies suffisamment puissantes pour entreprendre la mise en valeur économique d ’où le caractère étranger des sociétés concessionnaires : Mozambique Company, JSfyasa Company (1891-1893), ^ambezia Company qui contrôlaient à elles trois en 1900 les deux tiers du Mozambique. Les capitaux en majorité anglais proviennent également d’ Europe continentale. L ’implantation du capital étranger dans les entreprises coloniales est tellement importante que Perry Anderson a pu parler de « condominium camouflé » et donner le détail des participations étrangères pour une quinzaine d’entreprises.

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L'A FR IQ U E PO RTUGAISE, B ELG E, ESPAGNOLE, ALLEM AN D E

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Cependant au x x e siècle, une nécessité vitale pousse les Portugais à mettre en œuvre un domaine colonial qui jouera un rôle croissant dans l’économie lusi­ tanienne en raison même de l’extrême pauvreté de la métropole.

En 1875, des Boers qui veulent échapper à la domination anglaise, les Thirstland Trekkers (voyageurs du pays de la soif) traversent le K alah ari et arrivent en 1880 en Angola. Partis 600, ces fermiers ne sont plus que 300 lorsqu’ils parviennent dans la région d’Hum pata mais ils constituent un groupe de colons important. Cet événement stimule le gouvernement de Lisbonne qui entreprend une politique d’émigration dont le recrutement s’effectue dans les couches les plus modestes de la société portugaise d ’alors. S ’élevant à 400 personnes par an de 1850 à 1890, la colonisation portugaise passe à 2 000 jusqu’en 1900, date à laquelle cette politique d’émigration est abandonnée. Elle ne sera reprise que beaucoup plus tard avec le régime Salazar. Colonisation européenne



tf%

.

. . C e problème qui se posera pour tous les régimes coloniaux A , . . . . revêt dans les territoires portugais une considérable importance. En dehors du travail correctionnel infligé aux auteurs d’une infraction, le travail obligatoire est infligé par le gouvernement aux personnes entre 14 et 60 ans quand le nombre de manœuvres volontaires est insuffisant. L e travail sous contrat constitue un élément très important en Afrique portu­ gaise, puisque tout Africain réputé oisif, c’est-à-dire qui n’a pas travaillé pendant six mois au cours de l’année écoulée, peut être inclus dans ces contratados. Il y eut, semble-t-il, de nombreux abus dans ces recrutements, organisés de façon contestable par les chefs de poste administratifs. Les travailleurs volontaires s’engagent eux-mêmes directement dans une entre­ prise ou une plantation sans passer par l’intermédiaire administratif. Le problème du travail

Les colonies portugaises ont longtemps constitué des réservoirs de des^hraaiUntrs main-d’œuvre. Depuis 1909, une convention assure aux mines d’or du Transvaal la fourniture annuelle maxima de 100 000 Mozambicains, de 47,5 % du trafic d’importation par mer de Johannesburg a ^ rs que 340 000 caisses de citrons d’Afrique du Sud doivent être exportées par ce même port. Le gouvernement portugais touche 25 F par recrue et reçoit la moitié de son salaire à charge de lui verser lors de son retour. Ce recrutement est facilité par les contraintes frappant les Shibalas (travailleurs forcés).

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

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Depuis le debut du partage historique du monde, il est évident . , , , . ... que le Portugal a manqué de capitaux et d hommes pour mettre en valeur un Empire colonial trop vaste. L a présence au Mozambique et en Angola d ’administrateurs de haute valeur entraîne une décentralisation administrative organisée par la charte de 1907 due au ministre des Colonies, Aires de Omegas. Mais, après la guerre, les difficultés financières du Portugal ramènent à Lisbonne les décisions. En 19 21 un Code d ’assistance indigène prévoit le statut d 'assimilado pour l’Africain dégagé des coutumes tribales mais en 1926 l’une des premières mesures du nouveau régime est d’abroger la législation coloniale antérieure. Salazar lorsqu’il est, en 1930, ministre des Colonies promulgue l’acte colonial. L ’article 135 de la Constitution de 1933 affirme que les provinces d ’outre-mer, en tant que partie intégrante de l’ Etat portugais, sont solidaires entre elles et la métropole. Cette solidarité n’interdit pas d ’ailleurs une certaine décentralisation puisqu’il est question d’organisation politico-administrative adaptée à la situation géographique et aux ressources propres. Les articles 158 à 175 de la Constitution donnent à la métropole un droit d ’intervention dans les affaires des provinces. Si bien qu’en réalité les provinces d ’outre-mer n’ont rien à dire quant à l’élaboration de la politique coloniale qui est élaborée à Lisbonne par des fonctionnaires portugais avec la participation de certains colons et des représentants des sociétés capitalistes étrangères engagées dans la mise en valeur. Dans les conditions de la vie politico-économique des Africains aucune oppo­ sition n’était possible sinon sous les formes religieuses des mouvements messianiques et sous une certaine forme culturelle. Il faut noter en Angola la Grenrio AJricano (asso­ ciation à but éducatif fondée en 1929) qui deviendra Anangola (Associasao regional dos Naturais de Angola) et rassemblera les éléments d’une petite bourgeoisie autochtone exprimant par ailleurs dans la revue Mensagem l’existence d’une culture spécifique­ ment angolaise.

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La politique coloniale

Alors que, durant la première guerre mondiale, le Mozambique avait souffert de novembre 19 17 à septembre 19 18 du passage des troupes allemandes de von Lettow-Vorbeck, la deuxième guerre mondiale stimule l’essor économique et attire un nombre croissant d ’émigrants portugais en particulier comme planteurs de café dans le nord de l’Angola ou comme employés dans les diverses compagnies du Mozambique. Cette implantation d ’une forte minorité européenne aboutit à la formation d’une sorte de mentalité de type« pied-noir» qui s’est manifestée lors de la formation des groupes d’autodéfense au moment de l’insurrection du nord-est de l’Angola. Les éléments portugais qui appartenaient à l’extrême gauche ont été pour la plupart

L'évolution récente

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L'AFRIQ U E PORTUGAISE, B ELG E, ESPAGNOLE, ALLEM AN D E

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arrêtés en 1959. Les autres, lors de l’insurrection de 19 6 1, ont été rejetés par la violence et le caractère raciste des opérations, vers les partis de petits blancs. M algré l’organisation très améliorée des partis nationalistes en exil après la deuxième conférence du C .O .N .C .P . (Conférence des organisations nationalistes des colonies portugaises) des 3-8 octobre 1965 à D ar es-Salaam, la politique portu­ gaise n’a pas changé. D ’autre part, l’exemple rhodésien, l’organisation sud-africaine ont renforcé de façon considérable l’élément contre-révolutionnaire. Si bien qu’à l’heure actuelle, c’est en Guinée portugaise que la menace est la plus précise. Même si la politique portugaise après Salazar évoluait vers une libéralisation, les forces économiques et les colons de l’Angola et du Mozambique, soutenus par les puissants voisins, ne céderaient probablement pas.

IV — LA C O LO N ISA T IO N A L L E M A N D E EN A F R I Q U E L e 24 avril 1884, Bismarck adresse au consul général d’Allemagne au Cap un télégramme confirmant que les installations de M . Lüderitz au Sud-Ouest africain bénéficient de la protection du Reich. Si cette date est effectivement considérée comme le Geburtstag de la colonisation allemande, il faut cependant souligner que de nombreuses initiatives germaniques, en particulier dans le domaine missionnaire et commercial, avaient précédé cette décision prise sous la pression d’ une opinion publique qui ne voyait pas sans inquié­ tude les agents anglais et français s’approprier les meilleures parts du « gâteau africain ».

Lorsque Nachtigal quitte précipitamment son consulat de LNacht^al°et ^Peters Tunis pour prendre au passage la Mouette, il sait seulement qu’il ne dispose, pour une éventuelle installation allemande, que de quelques kilomètres de plage au Togo et au Cameroun. Il est assez heureux pour y planter le drapeau allemand en juillet 1884, puis à l’automne au Sud-Ouest africain. En Afrique orientale, K a rl Peters réussit en novembre-décembre 1884 à faire signer des traités à des chefs représentant plusieurs provinces. Certains auteurs ont joué sur l’ambiguïté du terme Schutzgebiet pour souligner que l’Allemagne n’avait pas de colonies mais des protectorats. Cette interprétation est quelque peu fallacieuse. Bismarck en effet inventa ce terme de Schutzgebiet (territoire protégé) pour les zones extérieures à l’Empire (Ausland) par opposition

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HISTOIRE DE L ’AFRIQJJE NOIRE

au Rtichsland et aux Etats confédérés de la métropole (Inland). Les Allemands utili­ sèrent la notion de Schutzgewalt (pouvoir de protection) par opposition à Staatsgewalt (pouvoir souverain ordinaire)... M ais le résultat fut le même et il n’y eut jam ais aucune différence perceptible de régime de souveraineté entre les territoires alle­ mands protégés et les colonies voisines anglaises ou françaises.

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...

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Installés sur les côtes, les Allemands piétinent quelques années. ~ mais à la faveur d ’arrangements avec la France (24 décem­ bre 1885 et 23 juillet 1897), avec PAngleterre (14 juin 1890 et 14 novembre 1899), et avec l’Etat Indépendant du Congo (25 août 1885 et 6 août 1906), les territoires allemands, grâce au dynamisme de leurs explorateurs, atteignent leurs frontières sauf le Cameroun qui bénéficie en 1 9 1 1 de l’échange des droits allemands sur le M aroc en recevant les 270 000 km* du Neu-Kam erun. Les Allemands, dans cette course, utilisent les mêmes méthodes que les autres au cours des deux périodes de l’implantation territoriale : période des traités indigènes et période de l’occupation effective qui aboutit à une série de compensations frontalières. Même si parfois, sur le terrain, les Allemands sont en état d’infériorité, le fait que Berlin est alors l’arbitre de l’Europe leur donne souvent l ’avantage à l’heure des frontières définitives. Si bien que les quatre colonies allemandes ne peuvent en aucune manière être considérées comme les « miettes du festin de l’Europe ». Sau f le Sud-Ouest africain qui comporte une forte proportion de désert (mais qui se révélera diaman­ tifère), l’Afrique orientale, le Cameroun et le Togo sont des pays relativement riches et peuplés.

Les limites des colonies

Evolution de la colonisation allemande jusqu'en igoy

Les formes de la colonisation évoluent depuis les tâton­ nements des Compagnies à charte du début (1884-1890) jusqu’aux réformes de D em burg (1907) en passant par les difficultés financières nées des dépenses de première

mise d’équipement. Lüderitz fonde en 1885 la Société allemande de Colonisation du Sud-Ouest africain au capital de 800 000 marks, mais après sa mort accidentelle en 1886, ses successeurs n’ont pas son enthousiasme et il faut l’intervention personnelle de Bismarck pour que la société exerce ses droits de souveraineté. L e D r Goering (père du maréchal de l’air du I I I e Reich) fait la première implantation. L a capitale du Sud-Ouest d’abord fixée à Rehoboth est transférée à Windhoek par Curt von François. En Afrique orientale où K a rl Peters avait manifesté un plus grand dynamisme

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la Compagnie allemande d’Afrique orientale, qui n’a pu verser aucun dividende à ses actionnaires, abandonne ses droits de souveraineté et devient une compagnie de commerce. Ainsi la politique commerciale, sans occupation ni charges administratives, préconisée par Bismarck, a échoué. Caprivi succède à Bismarck. A son ministre le D r Paul Kayser, le Reichtag refuse les moyens d’une politique de développement que les banques ne veulent pas soutenir. Pourtant l’exemple de l’Etat Indépendant du Congo incite l’Allemagne à favoriser les grandes sociétés concessionnaires. Ainsi se constitue en 1892 la South West Africa Company à capitaux majoritaires anglais pour exploiter les mines du Damaraland et en 1898 la Société du Sud-Cameroun obtient 72 0 0 0 0 0 ha. Un an plus tard la société du Nord-Ouest-Cameroun en reçoit 10 millions. Mais ces sociétés sont de gestion lourde et posent de multiples problèmes : celui des terres appartenant à des collectivités africaines, celui du portage. C ’est finalement vers la formule plus saine des plantations que s’achemine l’administration allemande. Indépendamment de l’essor économique, est mis en place un dispositif admi­ nistratif à base d’administrateurs de district (Bezirksamtmànner)> de chefs de poste (Stationsvorsteher) avec au Sud-Ouest l’appellation de Bezirkshauptmannschafte (capi­ tainerie de district). L ’administration allemande renforce les chefferies africaines. Ces chefs peuvent infliger des amendes jusqu’à un maximum de 50 marks (100 marks pour les chefs supérieurs). Par ailleurs est laissée aux chefs coutumiers une part de redevance correspondant à 10 % de frais de justice qui ne pouvaient être inférieurs à 2 marks.

Nulle part les Allemands n’auront la tâche facile et ils se à lapénftmtion^lUmande heurtent fréquemment à des résistances souvent opiniâtres. Au Togo, les guerriers du souverain dagomba de Yendi, qui tentent de s’opposer à l’avance de la colonne Gruner, sont défaits au combat d’Adibo le 4 décembre 1896. Après l’installation de la colonne à Sansané Mango d’où les explorateurs allemands essaient de devancer les Français dans le Gourma, le pays konkomba s’insurge et le D r Grimer doit attendre à Bassari les renforts que conduit von Massow. Voyant ainsi les Allemands sur la défensive, à l’automne 1897, le chef N a Biema de Sansané M ango attaque le détachement allemand du lieutenant Thierry. Il est tué avec vingt de ses guerriers. L ’arrivée de la colonne de renfort de von Massow permet de réprimer l’insur­ rection konkomba puis de sillonner par trois colonnes le Transkaragebiet le pays kabré où certains noyaux de résistance doivent être détruits à la mitrailleuse. A u Cameroun, les Allemands doivent faire face dès le mois de décembre 1884 à une révolte des Douala de Jo s et Hickory menés par M anga chef du village d’Akwa

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H ISTO IRE

D E L* A F R I Q U E

N O IRE

et Lock Priso chef de Bonaberï. Les villages insurgés sont brûlés par les matelots allemands de la compagnie de débarquement et par les guerriers Douala du chef Bell. E n 1893, des tirailleurs dahoméens qui avaient été achetés au représentant de Béhanzin à Ouidah entrent en sédition et occupent durant toute une semaine (15-23 décembre) la résidence du gouverneur. M ais les démarches faites par les Dahoméens auprès des chefs Douala pour un soulèvement concerté n’aboutissent pas et les rebelles qui se sont réfugiés dans les forêts sont livrés par les Douala et presque tous pendus. Les Allemands doivent au cours de leur pénétration faire face à plusieurs insurrections, en particulier des Yaoundé (1896) et des Boulou (1899-1901). Dans le Nord-Cameroun l’obstacle principal, R abah, étant vaincu par les Français, les émirs peuls résistent mais Ngaoundéré est pris en 19 0 1. L ’année suivante Soubeïrou l’émir de Y ola, battu par les forces britanniques du colonel M orland, se réfugie à Garoua d ’où il est délogé par von Clausbruck puis vaincu à M aroua par Dominik. A la veille de la première guerre mondiale les menaces d’expropriation sur Douala provoquent un v if mécontentement dont R u d olf M anga Bell prend la direction. En effet, capitale jusqu’en 19 0 1, Douala est alors abandonnée en faveur de Bouéa bien située en altitude. Les autorités étaient revenues à Douala après le tremblement de terre de 1909, il n’est pas impossible que R u d o lf M anga Bell ait à cette époque envisagé un mouvement global de résistance. Survenu au moment de la déclaration de guerre, ce mouvement permet aux Allemands de supprimer les oppositions en fusillant le lamido de M aroua en même temps que le chef de Grand-Batonga et R u d olf M anga Bell. A u Sud-Ouest africain les résistances prennent une allure exceptionnellement violente, qui tient à l’installation allemande dans les meilleures terres occupées par les Herero et les Hottentots. C ’est ainsi que le chef hottentot Hendrik Witboi mène de 1891 à 1893 une guerre d ’escarmouches avant d ’être finalement vaincu au défilé de Nau. L ’arrivée de nouveaux colons (8 13 familles en 1903) entraîne la venue de commerçants qui vendent aux éleveurs herero à crédit et réclament des bœufs en paiement. Ils saisissent parfois les bœufs sacrés... ce qui correspond à une véritable profanation. U n v if mécontentement se développe qui s’accroît devant la partialité des jugements donnant toujours raison aux colons. C ’est alors qu’apparaît celui qui peut être qualifié de premier nationaliste Sud-Ouest africain puisque de double appartenance ethnique (père N am a et mère Herero). Ja c o b M orenga qui vit dans les montagnes K erra du Sud déclenche en fin 1903 une petite guerre d ’escarmouches. Cela suffit pour attirer dans cette région l’essentiel des forces de police. L e chef herero, Samuel M aharero, en profite pour déclencher le 12 janvier 1904 une formidable insurrection.

X X I X . — Pêcheurs à Conakry (Guinée).

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6 ooo guerriers, armés de fusils, attaquent les fermes et, le premier jour, massacrent 12 3 colons. L a surprise est totale dans l’administration allemande. Les chefs herero, qui paraissaient apathiques, ont sans doute vu dans cette action le moyen de rétablir leur autorité. Mais à Berlin, le comte von Schlieffen décide l’empereur Guillaume I I à retirer toute autorité au gouverneur. L a guerre des Herero est la première campagne militaire allemande depuis 18 7 1. Elle est prise en charge par l’état-major et le général von Trotha a pleins pouvoirs. Cette guerre est parfois considérée comme la première guerre de race. Elle aboutit après l’atroce épisode du Waterberg à l’effondrement du peuple herero. Les Allemands ont eu la chance dans la première phase de la campagne de voir les Hottentots combattre à leurs côtés, mais en novembre 1904 se déclenche la grande insurrection des Nama qui pratiquent une tactique d’escarmouches. Alors que les Herero, qui se sont rassemblés pour les grandes batailles, les ont perdues, les Nam a pratiquent une très efficace guérilla sous la conduite de leur vieux chef Hendrik Witboi qui, presque octogénaire, est tué dans un combat. Morenga puis Simon Koper poursuivent la lutte jusqu’en 1908. Hottentots et Herero sont alors dispersés en petits groupes sur des fermes et autour des postes missionnaires. Les Herero qui étaient 80 000 en 1903 ne sont plus que 20 000 en 1906 dans le Sud-Ouest. L ’ordonnance d’expropriation de Guillaume I I signée le 26 décembre 1905 a trait à la totalité des biens meubles et immeubles de la tribu herero. Un riche et fier peuple d ’éleveurs en est réduit à la position de fugitifs obligés pour vivre de garder les troupeaux des autres sur une terre qui leur a naguère appartenu. En Afrique orientale les agents de la Deutsche Ostafrikanische Gesellschajï, très peu nombreux, se heurtent aux chefs des tribus côtières qui depuis plusieurs années levaient le hongo (sorte de tribut coutumier) ; par ailleurs ils concurrencent dangereusement le commerce des Arabes de Zanzibar. Un condottiere d ’ascendance arabe, Boujiri (ou Abou Jir i) , prend la tête des mécontents. Il a déjà fait campagne contre Mirambo, chef des Nyamwezi, puis a combattu contre Saïd Bargasch. Déclenchée le 26 août 1888, l’insurrection gagne le secteur côtier et se développe jusqu’à la prise du camp fortifié de Kaoulé le 8 mai 1889. Boujiri réfugié d’abord chez les Mafiti, est livré ensuite par un chef de l’Ousambara. Il est pendu le 15 décembre 1889. C ’est alors que Bwana Heri, sultan de l’Ousegouha, entre à son tour dans l’insurrection. Mais au lieu de livrer combat depuis un Borna (poste fortifié) il mène une guerre d’escarmouche. Von Wissmann qui pratique la politique de « la tache d’huile» parvient à obtenir sa soumission le 7 avril 1890. Les insurrections côtières vaincues, les Allemands doivent faire face à l’opiniâtre résistance de Mkakwa, chef des Héhé, dont le royaume s’étendait sur 25 000 km* (l’équivalent du Burundi). Il constitue un des noyaux qui résistent en 1891 aux attaques

X X X . — Fête nationale au Libéria.

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allemandes. Kalenga, capitale des Héhé, tombe en 1893 après des combats au corps à corps, entre les mains du capitaine von Prince. M kakwa préfère en 1898 se suicider plutôt que d ’être fait prisonnier des Allemands. Ces trois insurrections étaient motivées par le refus d’accepter l’autorité coloniale. L ’insurrection des M aji-M aji (1905-1906) a pour causes l’obligation de planter du coton (dont le prix était dérisoire), des prestations excessives (24 à 52 jours par an) et l’institution d’un lourd impôt de case (2 à 3 roupies). L e nom de M aji-M aji (eau) fut donné à cause de féticheurs qui faisaient croire que les balles se changeraient en eau. L a violente répression entraîne la mort de 26 000 personnes (chiffres officiels) et peut-être de 120 000. Les résistances à la pénétration allemande peuvent être divisées en trois types généraux : — résistance des autorités africaines en place qui ne veulent pas se laisser déposséder. C ’est le cas de Boujiri et Bwana Heri en Afrique orientale allemande, c’est le cas des Dagomba de Yendi au Togo, des Lam ibé peuls du Cam eroun; — résistance des peuples qui refusent de se laisser déposséder du sol. C ’est le cas des éléments Herero et Hottentots du Sud-Ouest, des peuples de la forêt came­ rounaise exploités par les Compagnies concessionnaires ou des Douala menacés d’expropriation ; — enfin insurrection à cause de l’impôt ou des réquisitions administratives dont le meilleur exemple est la révolte des M aji-M aji.

Ju sq u ’en 1905-1906, la colonisation allemande en Afrique a été marquée par des tâtonnements. Avec D em burg s’ouvre de la co lo ra tio n Zum ande une ère nouvelle. Technocrate et banquier, D em burg a eu l’occasion d’apprécier en Pologne où il a été consul général d’Allemagne l’importance des réformes agraires. En 1907 il est nommé ministre des Colonies et apporte dans ce poste nouvellement créé un prodigieux dynamisme. Conscient de la richesse que représente la main-d’œuvre autochtone il lance une véritable politique indigène. Il pose les principes d ’une sorte de nouveau « pacte colonial » qui prévoit en contrepartie de l’utilisation des produits du sol par la nation colonisatrice, l’amélioration par celle-ci de la situation sociale. Il veut diminuer l’inégalité juridique entre Européens et Africains (suppression des privilèges fiscaux des planteurs en Afrique orientale). Des lois (1907 et 1910) interdisent la vente de terres indigènes aux non-Africains. L e travail obligatoire (Pjlichtarbeit) est réglementé et n’est autorisé que pour les travaux publics. Dans les plantations les contrats de travail sont réglementés. L ’indigène doit être convenablement payé. En Afrique orientale, la journée de travail ne peut dépasser dix heures.

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Une politique musulmane est menée par les chefs de circonscription allemands qui, de même que leurs homologues français, ont la plus grande admiration pour des collectivités musulmanes disciplinées et hiérarchisées. L ’explorateur Passarge et le professeur islamologue Becker soutiennent un courant d’opinion très puissant en Allemagne. Ils estiment que les missions chrétiennes ne doivent être autorisées qu’en pays païen et même que l’ Islam doit être directement encouragé. Cette politique renforce les lamibé peuls du Nord-Cameroun et les akida (anciens auxiliaires musulmans du sultan de Zanzibar). Pour mener cette politique, les fonctionnaires d ’autorité allemands (gouver­ neurs et administrateurs), restent longtemps en place. Dans le domaine sanitaire l’autorité allemande installe des hôpitaux, des dispensaires et organise des tournées de vaccinations. L e nombre des indigènes traités passe de moins de 5 000 en 1903 à plus de 100 000 dix ans plus tard. En matière scolaire, après avoir laissé les écoles de missions faire l’essentiel du travail, le gouvernement ouvre des écoles officielles (Regierungsckulen) où l’alle­ mand est davantage enseigné. En 19 14 , lors de la déclaration de guerre, les colonies allemandes sont en plein essor. Aussi lorsque les puissances alliées mettront en avant la culpabilité coloniale, une violente polémique prendra naissance outre-Rhin. Il est juste de dire que, le Sud-Ouest africain excepté où des colons allemands constituent d’ailleurs aujourd’hui une minorité non négligeable, les Africains du Togo, du Cameroun, du Tanganyika, du Rw anda et du Burundi ont gardé de la période allemande un assez bon souvenir.

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CONGO (Kin s h a sa ) - r w a n d a - B u r u n d i

Léopold I I , à partir de la Conférence de Géographie de Bruxelles (1876) parvient à mettre sur pied une entité territoriale qui deviendra l’ Etat Indépendant du Congo dont il sera élu souverain par les puissances réunies à la Conférence de Berlin. Après de difficiles débuts, le Congo rapporte, mais est aussi motif à scandale. Devenu belge en 1908, le Congo se développe et sert en 19 16 de base à une offensive militaire belge qui parviendra jusqu’à Tabora. Le mandat belge sur le Rw anda et le Burundi paiera ces prestations. L a santé minière, l’essor des plantations, le développement souvent réussi des centres urbains ne camouflent pas entièrement les malaises occasionnés par certaines

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contraintes et les vices d ’un système d'enseignement interdisant toute possibilité de débouché aux élites congolaises. C'est pourquoi, après le manifeste relativement modéré de « Conscience africaine >► (30 juin 1956) on assistera à une accélération et à une surenchère des revendications débouchant sur la table ronde belgo-congolaise de janvier-février i960 et l'indépendance du 30 juin suivant. Au Rwanda et au Burundi, après avoir donné la première impulsion écono­ mique à ces pays marqués par la stratification sociale et une influence détermi­ nante des Pères blancs, la tutelle belge en s'effaçant libère les groupes majoritaires houtou. Nous arrêterons notre propos en 1956 pour le Congo belge, en 1957 pour le Rw anda (manifeste des Ba-Hutu) et en 1958 pour le Burundi correspondant à la fondation de l'U P R O N A (Parti de l'U nité et du Progrès national) par le prince Rwagasore.

Souverain d ’un petit Etat industriel, Léopold I I a compris du Congo lléopoldien l’importance de l'outre-mer comme débouché et source de matières premières; il se passionne pour les explorations, ce qui l'amène à constater le caractère dispersé et individualiste des efforts. Il convoque alors la Conférence de Géographie de Bruxelles (12 -19 septembre 1876) dont le secrétaire, Emile Banning, rédigera l’acte de naissance de l'Association Internationale pour l'exploration et la civilisation de l'Afrique centrale qui délimite une zone couvrant en gros le futur Congo et possède un drapeau bleu à étoile d’or. Alors que les premières explorations belges de Crespel-Cambier (1877) et Popelin (1879) partent de la côte orientale, Léopold I I s’assure les services de Stanley dont l’expédition partie en 1879 sera devancée par Brazza sur les rives du Pool. Une confusion savamment entretenue entre le Comité d’ Etudes du haut Congo et l’Association Internationale africaine permet à Stanley d’utiliser la couver­ ture internationale pour ses desseins. Le 17 novembre 1879, il remplace le comité par l’A .I.C . (Association Internationale du Congo), organisme ayant pouvoir éventuel de souveraineté. Nous avons vu comment le Portugal essayant d’arrêter les agents de Léopold II fut à l’origine de la Conférence de Berlin.

Les agents de Léopold I I se livrent alors à de difficiles négociations avec le Portugal et la France qui reconnaissent l'E tat Indépendant du Congo juste avant le Danemark et la Belgique (23 février), si bien que ce jour-là est pris acte de la reconnaissance de l’E .I.C . Les difficiles négociations de Berlin ( 1 5 novembre 18 8 4 - 26 février 1885)

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Trois jours plus tard (26 février) l’acte de Berlin détermine le statut du bassin conventionnel du Congo qui comprend : — occupation territoriale effective et neutralité des territoires définis par la Conférence ; — liberté de commerce et de navigation sur le Congo; — interdiction de l’esclavage, répression de la traite en Afrique et sur m er; enga­ gement d’améliorer les conditions morales et matérielles des indigènes. Léopold I I est élu à l’unanimité roi du Congo par les puissances présentes (Allemagne, Autriche-Hongrie, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Russie, Suède-Norvège et bien entendu Belgique). Mais à vrai dire l’opinion publique belge suit mal, aussi le Parlement autorise-t-il Léopold I I à accepter la souveraineté de l’ E .I.C . à titre personnel.

Les difficiles débuts de V E J.C . (18 8 5-18 9 5 )

De fait, Léopold I I avait déjà dépensé en 1885 envi­ ron 10 millions de francs-or sur sa fortune personnelle et aucune rentrée ne venait compenser les continuels et

considérables débours. En 1887, la C .C .C .I. (Compagnie du Congo pour le Commerce et l’ Industrie), est créée pour s’occuper de la gestion financière, de la mise en valeur de P E .I.C . M ais c’est à grand-peine que l’on parvient à réunir le million constituant le premier capital. Il n’était pas possible d’envisager une mise en valeur de cet immense pays sans investir encore davantage. Une voie ferrée reliant l’extrémité de l’estuaire du Congo au réseau navigable du fleuve était indispensable. Constituée en 1889 au capital initial de 25 millions, la compagnie du chemin de fer du Congo mobilise des capitaux privés belges (7,8millions), anglais (5 millions), allemands (2 millions); le gouvernement belge fournit 10 millions. Il rajoutera ensuite 5 millions et autorisera un emprunt obligataire de 10 millions. Les difficultés matérielles et humaines n’étaient pas moindres. Le 1 er juillet 1898, après neuf ans d’un travail acharné, après avoir perdu 132 blancs (dont 8 ingénieurs) et 1 800 travailleurs de couleur, les 390 km de lignes de M atadi à Léopoldville sont inaugurés. Pour résoudre les difficultés financières accumulées, Léopold I I doit rendre public un testament par lequel il lègue le Congo à la Belgique moyennant que les Chambres consentent un prêt de 25 millions (5 millions comptant et le solde à raison de 2 millions par an). Comme les recettes sont très insuffisantes, Léopold I I convoque la Conférence anti-esclavagiste de Bruxelles (1890-1891) qui, sous couvert de motifs humanitaires, autorise la modification de l’article I V de la Conférence de Berlin et permet à l’ E .I.C . de percevoir pendant dix ans un droit de 10 % ad valorem.

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Ut>ert^ du commerce prévue à la Conférence de Berlin permettait aux Européens de s’installer sans autorisation préalable au Congo, mais Léopold I I pose en 1889 le principe des terres vacantes qui doivent être consi­ dérées comme appartenant à l’Etat. Deux ans plus tard, le 21 septembre 18 9 1, un décret réserve à l’E .I.C . le produit des terres domaniales : ivoire et caoutchouc. Par ailleurs la Compagnie du Katanga, compagnie à charte, est créée la même année 18 9 1. D ’autres sociétés (Anversoise, Compagnie du Lomami, Abir), se par­ tagent l’immense pays qui est mis en coupe réglée grâce à l’utilisation de la Force publique. Les Congolais sont dans une situation sans issue. Ils ne peuvent en effet régle­ mentairement céder aux commerçants du caoutchouc ou de l’ivoire. Ils ne peuvent rien acheter, ne disposant d’aucune valeur d’échange. Les abus

L a Conférence de Bruxelles entraîne des campagnes militaires contre et campagnes ^ esclavagistes. Par ailleurs l’occupation du territoire suscite des résistances. M ’Siri, roi du Garengazé (futur Katanga) est tué en décembre 18 9 1. Bia et Franqui explorent la région l’année suivante. Parmi les héros de la résistance, on peut citer Ngongo Loutété (rallié en 1892) puis Sefou, fils de Tippou T ib , qui massacre la mission Hodister (1892). L a « campagne arabe » (1891-1894) qui se déroule dans la région orientale du Congo est particulièrement difficile en raison des borna (fortins) arabes qui ne peuvent être réduits qu’avec de l’artillerie. Roum aliza, extraordinaire chef de guerre, qui a réalisé l’unité des guerriers arabes est finalement repoussé vers l’Afrique Orientale allemande. D ’autres révoltes, celle des Batetela et « Arabisés » de Loulouabourg, doivent être réprimées.

Cependant le Congo représente un exemple type de l’exploitation coloniale en trois temps. contre Leopotd^I L a période de cueillette (essentiellement ivoire et caout­ chouc), correspond à une contrainte des populations pour collecter le caoutchouc et porter l’ivoire au centre d’exportation. L a période des plantations (palmistes, café), entraîne la spoliation de culti­ vateurs réduits au rôle de manœuvres (mal) rétribués sur la terre de leurs ancêtres. Enfin la période minière suppose une mise en valeur déjà bien amorcée et une infrastructure de transport en place. Cette phase par l’importance des capitaux mis en œuvre est beaucoup moins inhumaine. Elle n’atteindra le K atanga que vers 19 10.

La Congo Reform Association

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M ais lorsque Morel et Pierre M ille lancent leur campagne contre le Congo léopoldien, les deux premières phases cumulent leurs effets. Dans la préface au Sixième cahier de la quinzaine (21 novembre 1905), Charles Péguy souligne qu’il a mis Congo léopoldien et non pas Congo belge. L e responsable est le souverain non le peuple belge. Edmond Morel a dénoncé le caoutchouc rouge (red rubber). Si bien qu’ une Commission d ’enquête internationale composée de M M . Janssens (Belge), Nisco (Italien) et de Schumacher (Suisse), se rend au Congo et publie un rapport qui tout en lavant le souverain des principales accusations dénonce les abus et propose des réformes.

En réalité, depuis 1894, les importations et les exportations s’équi­ librent à 1 1 millions de francs-or de part et d’autre. L a situation dès lors ne cesse de s’améliorer. A partir de 1900 la valeur des produits exportés est le double de celle des produits importés. Aussi Léopold I I se refuse-t-il à céder le Congo à la Belgique. Mais la campagne de la Congo Reform Association a produit d’importants remous en Belgique et des Belges en Europe et au Congo s’indignent de plus en plus de voir les somptueuses réalisations de Léopold à côté de la misère des Congolais. Léopold I I lance alors en décembre 1907 le projet du « domaine de la Cou­ ronne », sorte de fondation permanente qui permettrait d’entretenir Tervuren, les collections de Laeken, etc. ; devant l’opposition soulevée par ce projet, il est trans­ formé en une simple fondation ou dotation du roi. De nouvelles attaques anglaises se produisent contre le régime de l’E .I.C ., si bien que Léopold I I , sous la pression de l’opinion publique, se rallie finalement à l’annexion votée en août par la Chambre et en septembre par le Sénat. Créé pour combattre l’esclavage arabe, pour extirper la « tyrannie des potentats africains », l’Etat Indépendant a instauré un ordre occidental souvent plus difficile à supporter pour l’Africain que celui de la société d’origine. Liés à la terre par tout un réseau de croyances et d ’alliances, ces peuples paysans se voyaient exproprier et lourdement imposer. A une autorité africaine à laquelle ils étaient coutumière­ ment habitués et religieusement soumis se substituait un autre pouvoir qui se mani­ festait par des réquisitions de caoutchouc et de main-d’œuvre, effectuées par un personnel blanc fréquemment médiocre et des soldats africains généralement recrutés parmi les éléments de moralité douteuse dont les collectivités voulaient se débar­ rasser. « Féodal de l’impérialisme » suivant la formule de Bruhat, utilisant les trusts pour l’assise financière de ce domaine qui lui devait sa forme et sa dimension, Léopold I I ne pouvait concevoir de partage à son autorité. L a campagne contre les abus précipita la cession du Congo à la Belgique. Vers l'annexion

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Les résultats financiers de l’opération congolaise font de l’annexion une bonne affaire pour le gouvernement belge qui va pouvoir se donner le beau rôle. L a loi concernant l’annexion et le gouvernement de la colonie du Congo belge est promulguée par arrêté royal du 18 octobre 1908. Elle est plus connue sous le nom de Charte coloniale et joue le rôle d’une véritable constitution du Congo belge. Le 16 novembre 1908, à Borna, qui est alors capitale du Congo, l’inspecteur d ’Etat Ghislain annonce la nouvelle et hisse les couleurs belges.

_

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L a visite en 1909 de M . Renkm, ministre du Congo, et celle . au . , . , . ,, du prince Albert permettent de préciser une doctrine nouvelle. A peine une semaine après la mort de Léopold I I , le 23 décembre, le roi Albert devant les deux Chambres réunies déclare :

Les réformes de ig io

« L a nation, de son plein consentement, désireuse de mener à bien l’œuvre de son roi, vient d'assumer la souveraineté des territoires du Congo. Avec la conscience de ses devoirs, avec fermeté aussi, elle a tracé la politique coloniale qu'elle entend suivre. C'est une politique d’humanité et de progrès. Pour un peuple épris de justice, une mission colonisatrice ne peut être qu'une mission de haute civilisation : en l'acceptant loyalement, un petit pays se montre grand. »

Une nouvelle politique coloniale figure dans l’exposé des motifs du budget de 19 10 . Tout en maintenant les principes de domanialité, le gouvernement belge laisse aux indigènes le droit de disposer des produits naturels du sol. Il envisage de supprimer les prestations et il réorganise les chefferies. M ais la politique indigène est essentiellement paternaliste et les trente années d ’exploitation du Congo léopoldien grèvent douloureusement ces premières années de gestion. L a guerre de 19 14 -19 18 où les gouvernements belges étaient plus préoccupés de reconquête du sol national et de la guerre en Afrique orientale que de réforme administrative laisse en sommeil les divers projets. Les forces belgo-congolaises participent au conflit d’abord au Cameroun puis en 19 16 contre l’Afrique orientale allemande. Ils parviennent jusqu’à Tabora. Cette campagne donnera à la Belgique ses mandats sur le Rwanda-Urundi.

Paul Salkin, conseiller à la Cour d’Appel d’ Elisabeth ville, admirdstrdlon^belge dans ses africaines et V an der Kerken avec les Sociétés bantoues du Congo belge et Les problèmes de la politique indigène soulignent la valeur des sociétés africaines et préconisent une orientation vers l’administration indirecte et le protectorat. Ils insistent sur les problèmes écono­

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miques (développement de l'agriculture par et pour l’indigène, protection des ressources naturelles) et proposent une administration des groupements indigènes sur le plan de la coutume, une révision de la législation concernant la chefferie, la création de caisses de chefferie, une meilleure utilisation des tribunaux africains. Après un voyage au Congo, le ministre Franck qui va jusqu’en Ouganda rédige les Premières instructions concernant les grandes lignes de la politique indigène, l’organisation des chefferies, des secteurs et des tribunaux indigènes. L a politique belge envisage les rapports entre peuples et se refuse à des rapports entre classes. Les dispositions législatives complètent ces instructions sur les terres indigènes (décrets de 1934 et 1935), sur l’impôt indigène, sur les juridictions indigènes (d. du 15 avril 1926), sur les centres extra-coutumiers (d. du 23 novembre 1937). L ’administration belge est précise. L a vie des populations se déroule dans le cadre contrôlé des chefferies, secteurs et aussi dans les centres extra-coutumiers, fruits de l’industrialisation et de l’urbanisation. Dans ces centres, les diverses ethnies, coupées de leur collectivité d’origine, sont regroupées en une sorte de chefferie artificielle. Cette structure administrative dure jusqu’aux réformes de 1957 (réorganisation des villes congolaises) qui marquent le début de la décolonisation. En ce qui concerne les terres indigènes, la protection des Congolais est renforcée en 1934 et 1935 par des décrets qui leur interdisent d’en disposer directement. Il faut pour chaque cession à un particulier ou à une société qu’un représentant de l’administration explique la portée de la cession.

Une telle contrainte ne va pas sans réactions. Ainsi dans le ^ ^U s^réactLZ^ district du Lomami, Kasongo Niembé, en révolte depuis 1906, n’est arrêté qu’en 19 17 ; d’autres mouvements éclatent qui ne seront réduits qu’en 19 2 1. L a force publique assure l’ordre soit par des interventions armées, soit par le régime d’occupation infligé aux collectivités qui refusent de payer l’impôt ou de satisfaire aux travaux imposés. Devant ces mesures, on comprend les réactions religieuses de populations dont l’éducation, presque entièrement dans les mains des missionnaires, est faite en langue africaine, une très mince élite étant admise à l’instruction en français. On comprend alors le succès des religions syncrétistes, le Kitaw ala, issu de la Watch-Tower (Tour du Guet) et surtout du Kimbanguisme. Dans ces religions où ne se trouvaient que des Africains, les Congolais adoptaient souvent des règles morales plus strictes que celles des missions chrétiennes et se constituaient un refuge contre l’autorité européenne.

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Sur la lancée de l’E .I.C ., les grandes sociétés concessionnaires et les colons qui ont pris les meilleures terres poursuivent une exploi­ tation économique assez remarquable. Un bilan des surfaces cultivées en 1957 montre que les cultures riches et les cultures d ’exportation sont essentiellement entre les mains des Européens, alors que les cultures vivrières sont, pour la plus grande partie, entre les mains congolaises. L a production minière et la toute-puissante Union Minière (du haut Katanga), entièrement contrôlée par le capital et le personnel européens, jouent dans l’économie congolaise un rôle immense.

Vessor économique

En 1957, à la veille de la période de décolonisation active, il existe une distorsion grave entre la santé économique éclatante du pays et l’état culturel des Congolais, qui viennent de voir les tout premiers étudiants recevoir des diplômes d’enseignement supérieur. Dans ce vase clos où les élites congolaises, dans les groupements culturels seuls autorisés, écoutent avec passion les échos des marches africaines vers l’indé­ pendance qui résonnent dans les pays voisins, se prépare une décolonisation dont la violence surprendra et les Belges et l’opinion publique mondiale.

R wanda et B urundi

Districts les plus éloignés de l’Afrique orientale allemande, le Rw anda et le Burundi ne connaissaient pas encore en 19 16 un véritable développement.

con►. Les deux hommes d’ Etat convinrent expressément d’exclure le recours aux sanctions militaires, à un blocus naval ou à la fermeture du canal de Suez, en un mot à tout ce qui, à leur sens, pourrait les conduire à la guerre. Peu désireux de révéler ces décisions secrètes, Hoare promit toutefois en public son soutien entier à la Société des Nations, déclarant le 1 1 septembre à Genève que : « Le gouvernement de Sa Majesté et le peuple britannique maintiennent leur appui à la Société des Nations et à ses idéals, comme le meilleur moyen d’assurer la paix... L a Société

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L'ÉTH IOPIE E T L'ITA LIE

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des Nations défend, comme mon pays le fait aussi, le soutien collectif du Pacte dans son intégralité, en particulier en ce qui concerne la ferme résistance collective à tous les actes d’agression non provoquée. »

Ces mots, qui donnèrent le ton aux orateurs suivants, furent applaudis avec enthousiasme. Hoare rappelait qu’il fut lui-même « stupéfait » de 1’ « acclamation universelle » que reçut son discours. Laval prit la même position, déclarant la loyauté de la France envers le Pacte et ajoutant : « Toute attaque envers la Société des Nations serait une attaque envers notre sécurité. » L a plupart des observateurs sentaient que la Société des Nations s’était engagée à protéger l’Ethiopie. L a colère de Mussolini était dirigée surtout contre la Grande-Bretagne. Il déclara « monstrueux qu’une nation qui domine le monde nous refuse un misérable lopin sous le soleil africain ». Entre-temps, le Comité de la Société des Nations avait tenté d’élaborer une formule satisfaisant les exigences italiennes; il allait jusqu’à proposer de placer l’Ethiopie sous contrôle international pour éviter la menace pour les colonies italiennes dont Mussolini jouait tant dans sa propagande. Le Duce, qui était main­ tenant enfin prêt à la guerre, écarta tous ces plans, en les dépeignant le 18 septembre comme « non seulement inacceptables, mais illusoires ». Il ajouta : « On suggère apparemment que les 200 000 soldats italiens en Afrique orientale seraient ramenés chez eux en leur disant qu’on leur avait fait faire une excursion. » Quelques semaines plus tard, le 2 octobre, il ordonna la mobilisation nationale en disant : « Aux sanctions économiques, nous répondrons par notre discipline, notre frugalité et notre esprit de sacrifice. Aux sanctions militaires, nous répondrons par des mesures militaires. Aux actes de guerre nous répondrons par des actes de guerre. » Le lende­ main, l’armée italienne commandée par de Bono franchit la frontière éthiopienne en Erythrée, sans déclaration de guerre, et les avions italiens bombardèrent Adoua.

L ’invasion de l’Ethiopie par Mussolini, malgré le it la^jhUUu*dt^lcTs.D.N. p aroxysm dû à de nombreux mois de préparation, provoqua la consternation dans beaucoup de pays. Le 9 octobre, l’Assemblée générale de la Société des Nations se réunit pour discuter sur l’ouverture des hostilités et, deux jours plus tard, vota par 50 voix contre une, celle de l’ Italie, et 3 abstentions, que l’ Italie avait violé le Pacte, offense grave qui, comme nous l’avons vu, signifiait qu’elle avait « commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la S.D .N . ». En dépit de cette condamnation presque unanime de l’agression, les délégués répugnaient à offenser Mussolini en recourant à l’application de sanctions immé­ diates ou totales. Ils choisirent plutôt de créer un Comité de coordination officieux qui apporta quatre propositions, interdisant : 1) L ’exportation vers l’ Italie d’armes, munitions et fournitures de guerre; 2) L ’octroi à l’Italie de dons et prêts; 3) L ’impor­

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

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tation dans les pays membres de produits italiens; 4) L ’exportation vers l’Italie de certaines matières premières dont la production dépendant largement des pays membres. L a première de ces sanctions fut imposée par la Société des Nations dès le 1 1 octobre; les autres, un peu plus d’un mois plus tard, le 18 novembre. De telles sanctions, comme Churchill le remarqua plus tard, n’étaient cependant « pas de véritables sanctions pour paralyser l’agresseur, mais simplement des sanctions tièdes, telles que l’agresseur pouvait les supporter ». L ’embargo sur la vente des armes avait peu d’importance, car l’ Italie produisait la majeure partie de ses armements, et en avait accumulé des stocks depuis un an ou plus. L a restriction des dons et prêts et des achats de produits italiens ne pourrait avoir d’effet qu’après l’épuisement de la réserve d ’or de l’ Italie; et l’interdiction d’exporter des matières premières des Etats membres était particulièrement inefficace, car elle ne couvrait pas des marchandises stratégiques comme le pétrole ou le coton, qui faisaient défaut à l’ Italie. L ’exclusion du pétrole des sanctions était particulièrement grave, car les troupes italiennes en Afrique n’avaient que deux mois d ’approvisionnement. Mussolini déclara plus tard : « Si la Société des Nations avait étendu les sanctions économiques au pétrole, j ’aurais dû me retirer d’Abyssinie dans la semaine. » L a renonciation à la fermeture du canal de Suez n’était pas moins importante : elle aurait arrêté tout transport de soldats italiens et de ravitaillement en Afrique, et du même coup la guerre presque aussitôt. Indifférentes aux sanctions bien inefficaces décrétées par Genève les armées italiennes poursuivirent leur attaque. Poussant d ’Erythrée dans le Tigré, elles s’emparèrent d’Adigrat le 4 octobre, d ’Adoua le 6 octobre et de M akalé le 8 novembre, tandis que dans le sud elles occupaient Gorahai le 7 novembre. Puis, l’offensive de de Bono s’arrêta, en dépit de l’insistance pour qu’on la reprît. Le fonctionnaire fasciste fut donc remplacé le 16 novembre par un soldat de métier, le général Badoglio; mais ce dernier ne recommença à avancer qu’en janvier 1936. L ’échec des sanctions imposées jusqu’alors par la Société des Nations provoqua l’exigence qu’on les étendît au pétrole. Mais l’éventualité de sanctions plus efficaces conduisit à son tour à la crainte d ’une rupture irréparable avec Mussolini. Hoare, en particulier, estimait que « l’Italie considérerait l’embargo sur le pétrole comme une sanction militaire ou un acte de guerre contre elle ». Pour l’éviter, Hoare et Laval se rencontrèrent à Paris le 7 décembre, et convinrent le lendemain d ’un plan de réconciliation entre l’Ethiopie et l’ Italie, qui avait été élaboré par leurs collaborateurs. L e plan Hoare-Laval avait deux dispositions principales. D ’abord, il proposait un « échange de territoires ». L ’Ethiopie remettrait à l’Italie la province d’Ogaden et une grande partie du Tigré, en échange d’un port de mer sur la mer Rouge ou le golfe d’Aden. Deuxièmement, l’Italie recevrait une« zone d’expansion économique et de colonisation », virtuellement dans toute l’Ethiopie au sud d ’Addis-Abeba. Cette zone continuerait à faire partie de l’ Ethiopie mais l’ Italie y aurait des droits

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L'ÉTH IO PIE E T L'ITA LIE

économiques exclusifs. Ces conditions avaient été à peine acceptées par les dirigeants britanniques et français, lorsqu’elles transpirèrent dans la presse française. L a nouvelle de ce plan, si généreux pour l’ Italie, agresseur condamné, qu’on pouvait l’interpréter comme un abandon de la S.D.N. par les Anglais et les Français, souleva de colère l’opinion publique dans de nombreux pays, notamment en GrandeBretagne. Le Premier Ministre, Baldwin, déclara aux Communes :« J e ne m’attendais pas à ce sentiment plus profond qui se manifesta dans une grande partie du pays, sur ce que je peux appeler la base de la conscience et de l’honneur. Au moment où je suis confronté avec cette situation, je me rends compte que quelque chose s’est produit, qui a fait appel aux sentiments les plus profonds de mon pays. » Hoare, obligé de démissionner le 18 décembre, fut remplacé par Eden. L a politique étrangère ne changea cependant pas fondamentalement. Le tollé soulevé par le plan Hoare-Laval détruisit tout espoir d’une solution par la S.D .N ., et détourna la question d’une sanction portant sur le pétrole; la décision fut renvoyée à Genève de mois en mois, puis virtuellement abandonnée avec l’occupation de la Rhénanie par Hitler le 7 mars 1936. Le danger de sanctions paralysantes disparaissant, l’offensive italienne progressa rapidement. Badoglio, qui disposait de toute la puissance de la guerre moderne : armes blindées, aviation, gaz toxiques, et d’une grande supériorité en armes de toutes sortes, était résolu à briser la résistance organisée de l’Ethiopie avant la saison des pluies, qui commence en juillet. Au début de janvier les forces italiennes pénétrèrent en Ethiopie méridionale pour atteindre Négelli, tandis que dans le nord l’armée éthiopienne, après avoir farouchement combattu pendant une grande partie des mois de janvier et de février, sévèrement bombardée et gazée par l’aviation, dut battre en retraite; les Italiens occupèrent Amba Alagi le 28 février. L a garde impériale attaqua l’ennemi à M ay Tchou, au nord du lac Achangi, le 31 mars, mais, se heurtant à une immense supériorité en armes de toutes sortes, en particulier à des bombardiers qui causaient des ravages sans riposte efficace, elle dut battre en retraite. Les troupes italiennes venant d’Erythrée occupèrent Gondar le I er avril et celles venant de Somalie Harar le 17 avril. Un peu moins d’une quinzaine plus tard, le 2 mai, Haïlé Sellassié quitte sa capitale, en route pour l’Europe. Les Italiens entrèrent à Addis-Abeba le 5 mai et Mussolini, le 9 mai, proclama la création de l’Empire italien. Les victoires italiennes sur le terrain marquèrent la fin des préoccupations de la Société des Nations touchant le sort de l’Ethiopie. Le 10 juin, Neville Cham­ berlain, un des chefs du gouvernement britannique, décrivit la politique de conti­ nuation et d’aggravation des sanctions comme une « véritable canicule de folie ». Eden, considéré jusqu’ici comme partisan de l’action de la Société des Nations, déclara : « Personne n’espère que la poursuite des sanctions existantes restaurerait la situation qui a été détruite en Abyssinie, ce qui ne pourrait être fait que par une action militaire. Pour autant que j ’en sache, il n’y a aucun gouvernement — et

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C arte 31. — L ’Afrique O rientale

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G oogle

italienne .

1936-1941

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L 'É T H IO P IE E T L 'IT A L IE

certainement pas celui-ci — qui soit disposé à engager une telle action. » L ’empereur s’adressa personnellement à la Société des Nations le 30 juin pour réclamer, dit-il, « cette justice qui est due à mon peuple, et l’assistance qui lui fut promise il y a huit mois par cinquante-deux nations, qui attestèrent qu’un acte d’agression avait été commis en violation des traités internationaux ». Il poursuivit : « J ’affirme que la question soumise à l’Assemblée n’est pas seule­ ment celle du règlement d’une agression italienne. C ’est une question de sécurité collective; celle de la vraie existence de la Société des Nations; de la confiance placée par les Etats dans les traités internationaux, de la valeur des promesses faites aux petits Etats que leur intégrité et leur indépendance seraient respectées et assurées. Il s’agit de choisir entre le principe de l’égalité des Etats et l’enchaînement des petites puissances dans des liens de vassalité... En un mot, c’est la morale inter­ nationale qui est en jeu... J e demande aux cinquante-deux nations qui ont donné au peuple éthiopien la promesse de l’aider à résister à l’agresseur : < Que vont-elles faire pour l’Ethiopie? > Représentants du monde, je suis venu à Genève pour m’acquitter parmi vous du plus pénible des devoirs d’un chef d’Etat. Quelle réponse rapporterai-je à mon peuple ? Dieu et l’histoire se souviendront de votre verdict. » La Société des Nations n’était pas alors disposée à engager une autre action concernant l’Ethiopie; la plupart des délégués considéraient que toute solution pratique était fermée ou dominée par la menace plus grave de l’Allemagne nazie. Eden exposa franchement la position de son gouvernement à l’égard de la question éthiopienne, en disant : « Il y a certains risques que les nations ne sont pas prêtes à courir, à moins que leurs propres intérêts ne soient plus directement en cause que ce n’était le cas en l’espèce. » Pendant les mois et les années qui suivirent, la plupart des Etats membres reconnurent les uns après les autres l’Empire d’ Italie en Ethiopie.

L ’occupation italienne de l’Ethiopie, qui unit pour la première fois presque toute la corne de l’Afrique sous une seule autorité, représentait le point culminant de deux générations d’action italienne en Afrique orientale. La majeure partie de la mise en valeur italienne de l’Erythrée et de la Somalie fut entreprise dans l’ère fasciste : surtout dans les années qui précédèrent l’invasion de l’Ethiopie, car les colonies n’avaient guère éveillé d’intérêt avant l'ascension de Mussolini. En Somalie, la plus importante concession agricole, celle de la Società Agricola Italo-Somala à Villaggio Duca degli Abbruzzi fut fondée en 1920, mais ne fut effectivement exploitée, pour l’exportation du coton, des bananes et du sucre, qu’entre 1921 et 1926. C ’est pendant cette période aussi que le territoire s’agrandit par l’adjonction du Jubaland, qui fut cédé par la GrandeBretagne le 15 juillet 1924, et comprenait le port de Kismayou. En Erythrée, la mise en valeur économique, et surtout l’amélioration des routes et du port de Massaoua, reçut son plus grand coup de fouet en 1934 et 1935, comme conséquence

L'occupation italienne

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

de la préparation à la guerre contre l’ Ethiopie, lorsque plus de 50 000 travailleurs italiens débarquèrent à la colonie comme dockers, constructeurs de routes et ouvriers. Après 1935, les fascistes concentrèrent leur intérêt sur l’Ethiopie, cœur de l’Africa Orientale Italiana (A .O .I.), à laquelle ils consacrèrent beaucoup d ’argent. Des considérations d’intérêts stratégiques immédiats et d’intérêts économiques à long terme firent que les Italiens portèrent leurs efforts surtout sur la construction des routes. Ju sq u ’à 60 000 travailleurs italiens y furent un moment employés; en 1939, ce chiffre était tombé à 12 000 Italiens aidés par 52 000 travailleurs « indigènes ». Ainsi se bâtit la base d’un réseau routier national, mais au prix de graves restrictions d ’autres secteurs de l’économie. L ’installation de colons italiens commença aussi sur les hautes terres, d ’abord à Bichoftou et Holéta, villages situés près de la capitale. Pour répondre aux besoins de la population italienne croissante, qui, dans l’ensemble de l’Afrique orientale italienne, dépassait en 1939 130 0 0 0 âmes, on construisit un grand nombre de maisons à l’européenne dans les principales villes, sur le principe d’une séparation rigide entre Européens et non-Européens. Dans la capitale, 20 000 citoyens éthiopiens environ furent transférés dans la « ville indigène» projetée. On construisit un certain nombre de nouveaux hôpitaux, réservés aux Européens, et plusieurs des vieilles écoles éthiopiennes furent réouvertes pour les enfants italiens. Si les envahisseurs avaient rapidement instauré leur autorité sur les principales villes, ils se heurtèrent à une vigoureuse résistance dans l’intérieur. Des chefs patriotes comme Abébé Aragay, Gérésou Douké, Bélay Zéléké et Tékélé Woldé H awariat, agis­ sant parfois à une vingtaine de kilomètres seulement de la capitale, organisèrent dans la plupart des provinces des bandes armées pour résister aux Italiens. Ces patriotes, qui étaient généralement des self-made men, non issus directement de la vieille noblesse féodale, étaient surtout puissants au Godjam, dans l’Am hara et le Choa. Un attentat contre le vice-roi italien, le général Graziani, commis à Addis-Abeba par deux Erythréens en février 1937, fut suivi de rapides et féroces représailles, au cours desquelles de nombreux jeunes Ethiopiens instruits furent tués, et au moins 6 000 de leurs compatriotes massacrés. Graziani fut ensuite remplacé dans les fonctions de vice-roi par le duc d’Aoste, qui tenta une politique un peu plus libérale dans l’espoir d ’apaiser l’opposition populaire. Mais les patriotes poursuivirent leur résistance, immobilisant d ’importantes armées italiennes et empêchant la réalisation de presque tous les rêves impériaux de Mussolini.

B IB L IO G R A P H IE

B a d o g u o (P.). La guerra d'Etiopia. M ilan , 19 36.

(A. J .) . The Civilising Mission : The Italo-Ethiopian War, 1935-1936, London, 1968. (E. de). Le preparazione e le prime operazioni. Rom e, 1937.

B a r k e r B o n o

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TROISIÈME PARTIE

Décolonisation et indépendance

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INTRO DUCTIO N

Les mutations des sociétés traditionnelles et la formation d’une petite élite occidentalisée, phénomène que nous avons évoqué dans la Deuxième Partie (Période coloniale), n’eurent de conséquences politiques qu’après la deuxième guerre mondiale. L ’affaiblissement de l’Europe, la supériorité finale de deux Etats géants, anticolonialistes de principe (Etats-Unis et U .R .S .S .), la participation de troupes africaines à la guerre avec la fierté des anciens combattants, les exemples de la renaissance arabe et de l’émancipation de l’Asie contribuèrent au mouvement. Celui-ci fut déclenché cependant, au cours de la guerre elle-même, par la position idéologique des puissances. L ’ennemi nazi fut mis en accusation auprès des Africains pour son racisme. En 1941, les dirigeants anglais et américains se rencontraient en mer et signaient la « Charte de l’Atlantique ». L ’article 3 affirmait « le droit qu’a chaque peuple de choisir la forme de gouvernement sous laquelle il désire vivre ». C ’était, ressuscitée, la formule même de la Révolution française, le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Il était impossible, après la victoire, de revenir sur de telles positions. D ’autant qu’accédaient au pouvoir, en 1945, les travaillistes en Angleterre et, en France, des coalitions de partis également animés par l’esprit de la Libération. Pour les Anglais, l’autonomie, le self government, était dans les mœurs politiques. L ’Inde et Ceylan avaient reçu, dès avant la guerre, des Constitutions avec Conseils législatifs. Les Dominions, depuis 1935, formaient, à égalité avec l’Angleterre, le « British Commonwealth of Nations ». A vrai dire ils étaient gouvernés par des Blancs; mais rien, dans les traditions libérales et insulaires de la Grande-Bretagne, préser­ vant jalousement son individualité, n’empêchait que le même système s’appliquât à des nations de couleur, suivant les circonstances et les conditions propres à chacune d’elles. L a France de la I V e République renouait de son côté avec l’idéologie de la grande Révolution et, par-delà, avec le grand souvenir de l’Empire romain qui, en 2 12 , avait fait de tous les colonisés des citoyens. On lit encore, sur un monument Circonstances

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

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d ’Avignon, la déclaration de la cité des papes lorsque, devant l’Assemblée nationale, le 26 juin 1790, elle annonça le ralliement de son territoire : « L a France est libre, nous ne pouvons le devenir que par elle et nous nous jetons dans ses bras. Le peuple français donnera ses lois à l’ univers entier, et toutes les nations viendront se réunir à lui pour ne plus faire de tous les hommes que des amis et des frères. » Dans le même esprit de fraternité et d’universalisme, Victor Schœlcher déclarait, plus d’ un demi-siècle après, en abolissant l’esclavage : « L a République n’entend plus faire de distinctions dans la famille humaine. » De là, dans la Constitution de 1946, la « République indivisible » et la citoyenneté française accordée à tous les Africains. Mais ce mondialisme franco-centriste, écho lointain de la philosophie carté­ sienne du x v i i i ® siècle, rendait un son inactuel. Aussi bien la politique coloniale française depuis Schœlcher n’y avait-elle guère préparé les sujets. Cependant nombre d ’intellectuels africains francisés et, en France même, une tendance populaire, vivante encore dans certains partis de gauche, y restaient attachés. C ’est eux qui donnèrent à la Constitution nouvelle des aspects assimilateurs. Cependant le x ix e et le x x e siècle avaient été marqués en Europe par un mouvement qui, bien qu’issu également de la Révolution française, était l’opposé du mondialisme : c’est le nationalisme qui avait émancipé les peuples européens, les avait jetés les uns contre les autres et allait servir d ’exemple aux Africains pour leur restructuration poli­ tique. Les limites administratives léguées par les colonisateurs allaient devenir des frontières. L ’autonomie des colonies anglophones devint contagieuse. L ’ « Union française » en fut emportée. Ainsi l’on peut, dans les événements politiques après 1945, distinguer trois périodes : 1) Celle du libéralisme : les puissances coloniales ont l’initiative; elles démo­ cratisent les institutions africaines sur leur modèle, avec le souci de maintenir les pays dans leur obédience. 2) Celle de l’émancipation : la pression des Africains politisés emporte les barrières; l’évolution se fait par paliers, mais très rapidement, vers l’indépendance. 3) Celle de l’indépendance : elle est acquise du jour où chaque Etat africain reçoit sa personnalité extérieure et est admis à l’O .N .U . Les appartenances, main­ tenues ou non, au Commonwealth ou à la Communauté n’ont, dès lors, plus grande signification. L a première période s’étend approximativement de 1945 à 1955, la seconde de 1956 à i960. Mais il n’y eut, en fait, ni uniformité chronologique, ni similitude dans les modalités. Le Congo belge n’a pas connu les deux premières périodes, les colonies portugaises et l’Afrique du Sud aucune des trois. Dans le système britan­ nique, les dates d’indépendance se sont largement étalées : 1955 pour le Soudan, 1965 pour la Gambie. Nos dates conviennent surtout pour le système français, plus rigide et qui a craqué en bloc.

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INTRODUCTION

P 1^ 131* ^ d é c o lo n is a tio n , forcée, fut celle de T Italie. Dès le traité de paix, elle renonçait, non seulement à l’Ethiopie annexée en 1936, mais à toutes ses colonies antérieures, ne conservant la Somalie que comme mandat temporaire, pendant dix ans, après quoi viendrait l’indépendance. L a Charte des Nations Unies posait, pour toutes les colonies, le « principe de la primauté des intérêts des habitants », l’obligation de respecter leur culture, d’assurer leur progrès politique, économique et social, et de « développer leur capacité de s’administrer eux-mêmes ». Dans les deux Constituantes françaises (1945 et 1946), ces conceptions auto­ nomistes ne sont pas absentes. On les retrouve dans la Constitution de 1946 pour les Etats indochinois qui forment avec la France une Union française plus ou moins mal inspirée du Commonwealth. Mais les colonies africaines sont comprises, suivant la formule révolutionnaire, dans la « République française une et indivi­ sible », tendance dominante et qui a triomphé ; les députés africains ont eu en vue l’égalité; la majorité des Français a voulu renforcer l’ex-Empire en le démocrati­ sant. Les Africains deviennent tous citoyens français; le droit de suffrage, d’abord très limité, sera progressivement élargi. Cependant l’assimilation n’est pas totale : le nombre des parlementaires noirs (députés, sénateurs, conseillers de l’Union française) ne correspond pas au chiffre des populations; d’autre part les « territoires d’outre-mer » (anciennes colonies) et les « territoires associés » (anciens mandats) disposent maintenant d’ « Assemblées territoriales » qui votent leur budget et leurs impôts et qui partagent avec le gouverneur l’élaboration de nombre de mesures administratives. Ce sera le point de départ des autonomies. Les élections amenèrent, sur le modèle français, la création de partis, rattachés ou apparentés à des partis métropolitains. Les idéologies laissèrent peu à peu la place au pragmatisme; les élus africains, regroupés en grandes formations auto­ nomes (R .D .A ., I.O .M .) usèrent de leur vote au Parlement en faveur de leur pays, pour obtenir des crédits (F.I.D .E.S.), des assimilations émancipatrices (Code du travail outre-mer, élargissement du suffrage), des pouvoirs accrus pour leurs assemblées. En même temps se manifestait, du fait surtout de l’intellectuel Senghor, un souci de préserver l’originalité africaine, la « négritude », et, tout en restant dans l’ensemble français, de marquer les distances. Cependant les Anglais, après avoir émancipé l’Inde et la Birmanie, avaient fait avancer l’autonomie africaine sans bouleversement d’ensemble, en utilisant simplement dans chaque pays et au gré des circonstances locales, les organismes existants : Conseils législatifs et exécutifs, en y faisant pénétrer, par des mesures progressives, un plus grand nombre d’élus et d’Africains. En 19 5 1, les élections donnaient, en Gold Coast, le pouvoir au chef de l’opposition, Nkrumah, qui, avec l’approbation des Anglais, dirigea son pays, devenu le« Ghana» vers l’indépendance, exemple imité plus ou moins vite dans les autres pays africains.

Libéralisme

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H I S T O I R E D E V A F R I Q JU E N O I R E

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L a difficulté vint, dans certains pays, soit des particularismes locaux, soit d ’importantes minorités européennes. L a Grande-Bretagne aida les gouvernements indigènes à s’établir en face des premiers; elle ménagea le plus longtemps possible les seconds par des formules « multiraciales » admettant soit une représentation mixte sous la tutelle britannique (Kenya, Tanganyika) soit un système d’autonomie sous la domination des colons blancs (Fédération des Rhodésies et du Nyassaland, créées en 1953). Le Congo Belge ne bénéficia pas de cette préparation des hommes et des insti­ tutions politiques africaines, qui avait duré une quinzaine d’années dans les systèmes français et anglais. Les gouvernants belges semblaient avoir cru que le Congo serait imperméable à la marée politique qui recouvrait le continent. Le Portugal salazariste s’obstinait dans une politique coloniale désuète, à l’abri d’une assimilation de façade. L a grandeur passée semblait lui dérober le présent. Cependant, en 1955, la Conférence de Bandoung entre les pays afro-asiatiques avait solennellement condamné le colonialisme. Parmi les 27 Etats représentés, quatre seulement (Soudan nilotique, Ghana, Liberia, Ethiopie) étaient d’Afrique noire. Mais le retentissement de Bandoung avait été considérable et l’alignement sur l’indépendance se précipita.

En France, un gouvernement à direction socialiste donna une base institutionnelle à ces tendances, sans modifier la Constitution. Ce fut l’objet de la « Loi-cadre des Territoires d ’O utre-M er », votée en juin 1956. Dans chaque territoire le gouverneur devient « président du Conseil du gouvernement ». Ce Conseil est composé de ministres élus par l’Assemblée territoriale; le premier de ces élus est « vice-président du Conseil ». L ’Assemblée est élue au suffrage universel, ses pouvoirs sont accrus. On créait donc un Exécutif dans chaque terri­ toire et le vice-président élu n’allait pas tarder à prendre, en fait, la première place. Aucun Exécutif n’était créé au niveau des Fédérations; celles-ci semblaient condam­ nées; c’était la « balkanisation » de l’Afrique française. L a conquête du pouvoir par les élus occidentalisés était donc consacrée. De nombreux postes de ministres récompensaient les principaux dirigeants des partis. Elle avait été acquise presque entièrement par l’action politique. Les insurrections armées (Madagascar, 1947; U .P.G . au Cameroun, 1955-1958) avaient abouti à des échecs sanglants et des répressions durables. Les chefs traditionnels, revalorisés un moment comme grands électeurs, avaient perdu finalement toute influence. En cette même année 1956 les deux mandats, Togo et Cameroun, recevaient, avec des gouvernements autonomes, le titre de République (Togo) ou d’Etat (Cameroun) et un drapeau national. C ’étaient des modèles dont les territoires allaient se réclamer. Le mythe de l’indépendance servit de ralliement aux jeunes Emancipation

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INTRODUCTION

générations africaines impatientes. Les partis de gauche en France s’y rallièrent sous une forme atténuée de coopération volontaire, d’ « interdépendance ». L a droite elle-même était remuée (toujours en cette année 1956) par les articles de Raymond Cartier : la France, d’après lui, consacrait un sixième de son budget à des pays qui désiraient cesser de lui appartenir; elle aurait intérêt à les laisser aller pour se consacrer à son propre développement. Le carriérisme influença nombre d’hommes politiques et de larges secteurs de l’opinion française. Lorsque le général de Gaulle, en juin 1958, fut appelé au pouvoir par suite des événements d’Algérie, il trouva cette évolution en marche et tenta, en liaison avec un Comité constitutionnel où siégeaient des Africains, d’en tirer les consé­ quences sans détruire l’ensemble français. L a Constitution de 1958 prévoyait que les territoires pourraient opter soit pour le statu quo (ce ne fut le cas que des petits territoires : C .F.S. et Comores), soit devenir des Etats autonomes associés dans une « Communauté », du type du Commonwealth, soit faire sécession. Seule la Guinée vota pour cette troisième solution; tous les autres devinrent Républiques de la Communauté. Celle-ci tint, par ses chefs d’Etat et premiers ministres, des réunions nombreuses sur les affaires fédérales (politique étrangère, défense, monnaie, échanges écono­ miques). Mais, dès le début de i960 le M ali fit sécession, bientôt suivi par d’autres. L a Communauté, sans avoir été abolie, disparaissait en fait. Elle était remplacée par des accords de coopération. Les Républiques devenaient pleinement indépen­ dantes en droit international, avec siège à l’O .N .U . Les Britanniques avaient, dès 1955, pressés par la surenchère égyptienne, reconnu l’indépendance de leur Soudan commun. En Afrique occidentale, le Ghana, autonome depuis 19 5 1, vit son indépendance proclamée par Nkrumah, avec l’accord des Anglais, en 1957. L a Nigeria, autonome en 1956, devint indépendante en i960. Les deux pays restèrent d’abord sujets de la reine puis proclamèrent la République. Ils sont, ainsi que la Sierra Leone (indépendance i960) et la Gambie (1965) restés dans le Commonwealth. Les Anglais aidèrent Nkrumah à triompher des oppositions régionales (Achanti); ils n’y parvinrent pas au Nigeria. En Afrique de l’ Est et du Zambèze, le problème était compliqué par l’existence de minorités blanches enracinées qui prétendaient à une autonomie d’un type proche de l’Afrique du Sud, où les colons seraient les maîtres. Seul l’Ouganda se présentait sous un aspect proche de l’Afrique occidentale, avec les oppositions régionales historiques des anciens royaumes ; le Parlement du royaume de Bouganda, en 1961, alla jusqu’à proclamer l’indépendance; les Anglais maintinrent fermement l’unité et, en 1962, l’Ouganda devenait indépendant. Au Kenya la révolte M ao-M ao contre les Blancs se déclenchait en 1952 et n’était réduite qu’en 1956. Après plusieurs « Tables rondes » tenues à Londres, les colons finirent par admettre une majorité africaine au Conseil législatif; l’autonomie fut accordée en i960, l’indépendance

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H IS T O IR E D E L 'A F R IQ U E N O IR E

Pays a fric a in s Ind é p e nd a nts L û -I-m I P ortu g a l

riïïïïi R é p u b liq u e S u d -A fric a in e Espagne

E s a

R h o d é sie

T e rrito ire s fr a n ç a is d ’o utre m e r

1000 km

C a r t e 3 2 . — L ’A f r iq u e p o l it iq u e v e r s 19 7 0

en 1963. Le Tanganyika, où les problèmes étaient moins aigus, devint indépendant en 19 6 1; Zanzibar s’y fédéra en 1964 pour former la Tanzanie. Sur le Zambèze la « Fédération des Rhodésies et du Nyassaland » fut rompue, du fait des oppositions africaines appuyées par le libéralisme anglais. Le Nyassaland devint indépendant en 1963, la Zambie en 1964. L a Rhodésie, où se maintenait la domination des colons blancs, proclama unilatéralement son indépendance en 1965. Les Belges, qui semblaient croire à l’atonie politique de leurs Congolais ou tout au moins à une évolution lente, eurent la surprise, en 1957, lorsque quelques municipalités furent créées, de voir les élus réclamer l’indépendance, puis, en janvier 1959, les émeutes saccager Léopoldville. Aussitôt le roi promit l’indépendance qui fut proclamée en juin i960. Ni les institutions, ni les hommes n’avaient été

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INTRODUCTION

préparés. Immédiatement ce fut le chaos, les massacres et les guerres tribales; les Congolais eurent le plus grand mal à maintenir l’unité et une autorité gouver­ nementale. Le système portugais ne cessa de se proclamer intangible. Mais, dès 1961, des insurrections éclatèrent en Angola, puis au Mozambique. L a guerre larvée dure, surtout dans les régions frontières, avec l’appui des pays voisins. En Guinée portugaise, elle a gagné une grande partie du pays. L ’Espagne, de son côté, a donné l’autonomie à la Guinée équatoriale (Fernando Poo et Rio Muni) en 1964. L ’Afrique du Sud n’a fait que renforcer son apartheid, refusant tous droits politiques aux indigènes, mais prévoyant pour eux une certaine autonomie sur­ veillée dans les territoires marginaux, baptisés « Bantoustans ». Le premier, le Transkei, a été créé en 1963. Les Anglais, de leur côté, ont conféré, depuis 1966, l’indépendance aux trois petits Etats voisins de Botswana, Lesotho, Swaziland.

L ’espoir de l’indépendance avait été, pour les masses, le mirage de v nJupendance ^e î’^ge d’or. En fait, dès la période de l’émancipation, des problèmes se posaient. Avec l’indépendance des difficultés nou­ velles apparurent. Il s’agissait avant tout de construire des nations. Simples entités administra­ tives européennes, les Etats nouveaux bénéficiaient, certes, de frontières, de commu­ nications intérieures, de villes, d’un système administratif et de services, héritage de l’époque coloniale. Mais ce n’était que l’armature de l’Etat, non le sentiment d’une communauté nationale. Les peuples réunis dans les mêmes entités artificielles par les colonisateurs n’avaient, le plus souvent, ni langues, ni coutumes, ni traditions communes. Du sens « tribal », ethnique, ils avaient à passer à un sentiment national improvisé. Il y eut des heurts, des soulèvements, de véritables guerres intestines (Congo, Biafra). La question n’est pas résolue encore partout. On se contenta d’abord de recourir à la condamnation verbale ou pénale du tribalisme, et à des mythes destinés à exalter des sentiments communs (anticolonialisme, héros sauveur, passé glorieux, avenir transformé). Les mythes s’usent; des héros sauveurs comme Nkrumah ont été déboulonnés. Il a fallu créer des structures nouvelles adaptées aux circonstances. France et Angleterre avaient légué des institutions de type démocratique occidental, fondées sur le suffrage de tous, hommes et femmes, avec secret du vote et liberté de l’opposition et de la propagande. Ce système de légitimité, le seul rationnel pour de véritables démocraties, supposait une opinion instruite et informée, une grande habitude de la tolérance des opinions d’autrui, la résignation des gouvernements à un jeu loyal pouvant les renverser, et surtout une certaine prospérité économique permettant le libéralisme. Ces conditions étaient loin d’être remplies en Afrique. Le jeu électoral fut vite monopolisé par des clans politiques, souvent à base tribale

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et dangereux pour l’existence même de l’Etat. On y para en affaiblissant les oppo­ sitions soit par voie d’autorité ou par des procédés électoraux divers (notamment la liste nationale), soit en les intégrant dans un parti unique. Ce procédé a l’avantage d’empêcher les luttes intestines, de rendre les décisions plus faciles, et de permettre une répartition des ministères entre les principales ethnies. L ’inconvénient est de pousser à la dictature, aux élections plébiscitaires à 99 % , et à l’accaparement du pouvoir par des équipes bien nanties. De là, parfois, des mécontentements grandis­ sants qui explosent brusquement en coups d ’Etats militaires. L ’insuffisance des cadres a été grave pendant les premiers temps. Il s’agissait de remplacer les administrateurs européens sans compromettre la marche des affaires, d’ « africaniser sans abaisser». On s’est efforcé d’y parvenir par un développe­ ment considérable de l’enseignement, déjà fortement entrepris dans la période de décolonisation. On en est encore, parfois, à un stade intermédiaire et il arrive que les anciens étudiants préfèrent les ministères à la brousse. Une hiérarchie adminis­ trative valable ne peut être que l’œuvre du temps, et la prédominance de l’intérêt général dans les consciences est une habitude à acquérir. Ces faiblesses, notre Ancien Régim e les a connues pendant des siècles; on peut présumer que l’Afrique les surmontera plus vite. L e problème le plus grave est sans doute celui du développement. Les produc­ tions pour l’échange sont subordonnées aux besoins extérieurs; l’industrie débute et elle est presque entièrement de consommation. L a désertion des campagnes et la ruine des structures anciennes rendent fragile l’économie de subsistance elle-même alors que la population s’accroît. Seule l’Afrique du Sud est entrée dans l’ère industrielle, mais, à tous égards, son cas paraît trop particulier pour être exemplaire. Il n’existe nulle part ailleurs un capitalisme indigène capable de vivifier l’économie. Le commerce et les mines restent, dans une large mesure, aux mains des étrangers. Dès lors comment continuer à vivre et à assurer le progrès des niveaux de vie ? C ’est là que les idéologies s’affrontent : utilisation des capitalismes étrangers? ou bien socialisme, qu’ü soit marxiste de diverses obédiences, ou « africain » ? Chaque Etat fait son choix. Certains ont choisi les deux : les paroles et les faits ne sont pas toujours d ’accord. L ’aide des pays amis, celle des institutions internationales sont utiles pour certaines tâches de développement. M ais l’effort essentiel doit venir des Etats africains eux-mêmes. Ils en sont conscients et s’efforcent par tous les moyens d’assurer leur développement économique et leur promotion humaine. Sont-ils assez forts pour y réussir ? L ’aspect international ne peut être oublié. O n a beaucoup maudit la « balkanisation » africaine sans y remédier. Certains pays sont difficilement viables, du fait de leur taille, d ’une nature ingrate ou de l’éloi­ gnement. Rares sont ceux à qui leurs ressources et leur population peuvent faire espérer d’accéder seuls au niveau du monde moderne. Des fédérations ont donc été envisagées. Elles ont échoué. Celle du M ali a

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INTRODUCTION

éclaté. Celle de l’ancienne A .E .F. ou de l’Afrique orientale n’ont pu se réaliser. Beaucoup de particularismes tiennent sans doute à la séduction d’avoir un gouver­ nement à soi. D ’autres résultent d’une situation économique privilégiée, ce qui a été le cas du Gabon vis-à-vis de l’A .E .F., de la Côte-d’Ivoire vis-à-vis de l’A.O .F. Des oppositions ethniques, historiques, religieuses, économiques ont même paru rendre précaire l’existence de constructions coloniales hâtives comme la Nigeria, le Soudan et le Tchad. Certaines formules plus libérales et qui ne touchent pas au principe sacro-saint de l’indépendance ont eu, de ce fait, plus de succès. Le Conseil de l’Entente, créé par la Côte-d’Ivoire qui vient en aide à des pays moins favorisés, a pu vivre et même s’accroître. Une union douanière de l’ancienne A .E .F. a duré. Zanzibar s’est jointe au Tanganyika, tout en conservant un gouvernement propre. Les idéologies et les amitiés ont aussi réuni et divisé les Etats africains. Les Etats à tendance occidentale se sont opposés aux Etats « socialistes » dans des formules diverses (« groupe de Brazzaville» contre le groupe de« Casablanca»). L ’O .C .A .M . réunit la plupart des Etats francophones dans des conférences périodiques. L ’idée panafricaine a suscité, après Bandoung, des conférences (la première à Accra en 1958), certaines idéologiquement très orientées, avec participation active et parfois dominante des pays blancs de l’Afrique du Nord, mais en excluant et en condamnant l’Afrique du Sud. L ’aboutissement a été, en mai 1963, la réunion d’Addis-Abéba où trente Etats ont créé Y Organisation de Y Unité africaine (O .U .A.). Certains, comme Nkrumah, l’auraient voulu plus organique. Elle se borne à peu près à des conférences annuelles et à un secrétariat. Mais elle a réussi, sinon à résoudre tous les conflits, du moins à en éviter certains et à écarter les contestations de frontières. C ’est une sagesse que l’Afrique n’a pas héritée de l’Europe, convulsée de conflits absurdes pendant tant de siècles.

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C H A P IT R E

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L'O ccident L ’ a .o . F .

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En octobre 1945 avaient lieu des élections à la Constituante Mise en place française. Six Africains étaient élus : Lamine Gueye et Senghor J' inSet^es1p m iistqUeS au Sénégal, Yacine Diallo en Guinée, Fily Dabo Cissoko au Soudan, Houphouét-Boigny en Côte-d’Ivoire, Apithy au Dahomey. Les quatre premiers s’inscrivent au Parti socialiste, les deux autres s’apparentent au communisme. Trois d’entre eux, le magistrat Lamine Gueye, le professeur Senghor, le médecin, planteur et chef coutumier Houphouét-Boigny vont incarner les tendances principales et orienter l’avenir. Senghor prit une grande part à la rédaction de la Constitution. Lamine Gueye fit adopter le principe de la citoyenneté française pour tous les Africains (loi Lamine Gueye du 7 mai 1946). A la seconde Constituante les députés furent réélus avec une majorité accrue. L a Constitution de 1946 et les lois subséquentes rattachaient l’A .O .F. à la « République française une et indivisible ». Elle élirait 12 députés par un collège populaire unique (mais avec un suffrage limité à certaines catégories : lettrés, notables, anciens combattants), 18 sénateurs et 22 conseillers de l’Union française, élus par les Assemblées territoriales. Celles-ci, dénommées d ’abord « Conseils généraux », étaient élues au double collège (« citoyens de statut métropo­ litain » et « citoyens de statut local »), avec prépondérance au second. U n « Grand Conseil » était placé près du gouverneur général, chacune des Assemblées y élirait 5 membres. Les colonies devenaient « territoires d’outre-mer » et le gouverneur général « haut-commissaire ». L ’action des parlementaires africains à Paris obtint des élargissements successifs du corps électoral (qui passa de 939 000 en 1947 à 3 200 000 en 1952) et l’accrois­ sement de la représentation parlementaire : en 1954 il y aura 21 députés qui pèseront sur les majorités précaires de la I V e République et obtiendront des places dans le gouvernement. Trois lois de 1946 accordaient les libertés fondamentales de réunion,

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d’association et de presse; le travail forcé était aboli, ainsi que la justice indigène et l’indigénat. En 1947 la Haute-Vol ta, jusque-là victime n° 1 du recrutement, était reconstituée. Le 18 octobre 1946 se tenait le Congrès de Bamako, convoqué par les parle­ mentaires apparentés communistes, Houphouët, Apithy et d’Arboussier (alors député d’A .E .F ., fils métis d’un ancien gouverneur de la Haute-Volta). Les socialistes s’abstinrent. Le Congrès fonda le Rassemblement démocratique africain (R .D .A .), qui, tout en attaquant « les trusts » et « la réaction » et en réclamant l’égalité complète, proclamait son attachement à une « union librement consentie » avec la France. Les communistes ayant cessé, en 1947, de participer au gouvernement français, la position du R .D .A ., fidèle à l’apparentement, devint plus difficile et son « anti­ colonialisme » proclamé amena des réactions administratives, mobilisant les chefs et créant des partis opposés. En janvier 1950, en basse Côte-d’Ivoire, des troubles se déclenchèrent, qui furent réprimés dans le sang. Dès lors Houphouët sentit que l’alliance communiste lui faisait perdre à la fois l’audience de l’Assemblée et ses moyens d’action sur le pays. Les élections de 1951 furent un effondrement pour le R .D .A . Un groupement nouveau, les Indépendants d’outre-mer (I.O .M .), dont Senghor avait pris la tête, gagnait à son détriment et à celui des socialistes, dont Lamine Gueye restait le chef. Cependant, dès le début de l’année, Houphouët avait abandonné les commu­ nistes et fait alliance avec le ministre de la France d’outre-mer, Mitterrand, chef d’un groupe de gauche, l’U .D .S .R . Il put ainsi retrouver sa majorité antérieure. L ’année suivante les élections lui donnaient 7 sièges et Houphouët devenait ministre dans le cabinet Mollet. Son influence sur la « loi-cadre » fut sans doute déterminante dans le sens de la « balkanisation », la Côte-d’Ivoire n’ayant jam ais accepté de bon cœur le leadership de Dakar.

L a « loi-cadre des territoires d ’outre-mer », présentée par le I africanisme ministre Deferre (votée en 1956, devenue effective en 1957), prévoyait en effet des exécutifs élus par l’Assemblée dans chaque territoire, et aucun pour la Fédération, devenue simple « groupe ». Le « viceprésident du Conseil de gouvernement », élu, devenait le principal personnage, à côté du gouverneur dont le rôle s’estompait. Le double collège était supprimé, le suffrage devenait universel. Déjà en 1956 avaient été créées des municipalités élues dans les principales villes. L a direction effective du pays passait assez vite de l’administration aux partis. D ’ailleurs l’organisation des élections et l’établisse­ ment des listes électorales, pour des populations en immense majorité illettrées, absorbaient en grande partie le temps des administrateurs. Les élections du 31 mars 1957 aux Assemblées territoriales furent une victoire

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pour le R .D .A . En Côte-d’ Ivoire il enlevait la totalité des sièges, en Guinée et au Soudan la quasi-totalité, en Haute-Volta la majorité, au Niger un tiers. Les I.O .M . (devenu « Convention ») l’emportèrent au Sénégal. Le M .S.A . (socialiste) avait la majorité au Niger, des minorités ailleurs. Sékou Touré, chef de la gauche syndicaliste du R .D .A ., devenait vice-président (et bientôt maître effectif) de la Guinée ; Apithy l’était au Dahomey, Mamadou Dia au Sénégal. Ni Houphouêt, ni Senghor, absorbés par leurs tâches sur le plan parlementaire et gouvernemental français, ainsi que par la direction de leurs grands mouvements, ne s’étaient laissé enfermer dans ces fonctions territorialement limitées. Les partis africains s’étaient séparés des partis français. Une évolution était en marche, non encore vers l’indépendance, mais vers le fédéralisme. Dès le Congrès des I.O .M . en 1953, Senghor avait réclamé « une République une et divisible ». L ’influence de Bandoung et des conférences panafricaines prévalait sur l’assimilation. On voulait bien encore, d’après le mot de Senghor, « assimiler, non être assimilés ». Les étudiants tendaient, soit vers sa conception de la négritude, c’est-à-dire la culture noire originale, soit vers le marxisme. En septembre 1957, le R .D .A . tenait son Congrès à Bamako; Houphouêt eut du mal à y faire accepter la loi-cadre en la présentant comme l’antichambre du fédéralisme. En mars-avril 1958 un Congrès fusionnait la Convention et les Socialistes sous le nom de Parti du regroupement africain (P.R.A.) avec un projet de confédération ouvrant la voie à l’indépendance. P .R .A . et R .D .A . n’avaient pu se joindre pour des raisons de personnes et aussi des divergences sur le maintien de l’A .O .F. Mais l’unanimité était faite sur le remplacement de la Constitution et la transformation des territoires en Républiques. Le Togo, « territoire associé », d’après la Constitution, avait été en fait traité comme les territoires d’outre-mer. Mais en 1955, pour éviter la séduction du Ghana, gouverné par Nkrumah depuis 19 5 1, on lui avait donné un statut à part, avec un Conseil de gouvernement partiellement élu, première ébauche de la loi-cadre. Ainsi le pro-Français Grunitzky l’emporta sur le Comité d’union togolaise (C.U .T.) qui réclamait la réunification des deux Togo et passait pour pro-Anglais. En août 1956, le Togo devenait une République autonome, tout en gardant ses députés. En avril 1958 de nouvelles élections donnèrent la majorité au C .U .T . Son chef, Sylvanus Olympio, devint Premier Ministre et négocia l’indépendance.

L a période de l’Union française se traduisit sur le plan écono­ mique par les efforts des parlementaires d’A .O .F. pour obtenir des crédits. Ceux-ci financèrent des travaux, attirant les techniciens et les capitalistes. Les investissements privés affluèrent dans certaines régions privilégiées par leurs cultures, comme la basse Côte-d’ Ivoire, leur situation comme Dakar, ou leurs ressources minières comme la Mauritanie et la Guinée. Développement économique

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HISTOIRE DE L'A FR IQ U E NOIRE

L a monnaie fut restaurée par la création du franc C .F .A . (2 francs français d’alors), garanti par la France. M ais la mesure essentielle fut l’élaboration de Plans de développement, soutenus par les crédits du F .I.D .E .S . (Fonds d ’ investissement et de Développement économique et social). Les Plans portèrent sur l ’infrastructure, l’industrialisation, le relèvement du niveau de vie et les réalisations sociales (écoles, hôpitaux). L e F .I.D .E .S . était alimenté par des dons ou des avances de la métropole et, accessoirement, par des fonds locaux. L a masse des investissements publics s’éleva, de 1947 à 1956, à 2 1 1 milliards de francs (1956), celle des investissements à 28 milliards. Les voies de communication, fer et routes, furent modernisées; le rail de la Côte-d’ Ivoire atteignit Ouagadougou. L ’équipement et les quais de D akar et de Conakry furent complétés. D akar devint le troisième port de France. A Abidjan le cordon littoral fut enfin coupé avec succès et le port lagunaire ouvert en juillet 1950. Les villes s’accrurent. D akar surtout vit surgir de grands monuments publics modernes, un centre de gratte-ciel, des quartiers nouveaux. De nombreux terrains d ’aviation furent créés ou transformés, notamment celui de D akar-Y off qui vit passer plus de 100 000 passagers par an. Pour l’agriculture, des travaux d’irrigation furent entrepris, les uns énormes (complément de l’Office du Niger, Mission d’aménagement du Sénégal), soit de détail. L e riz et l’arachide accrurent leur production de deux fois, le cacao du tiers, le café de dix fois. A la banane de Guinée s’ajouta celle de la Côte-d’ Ivoire. Les centres de recherche se multiplièrent sous l’impulsion de l’O .R .S .T .O .M . (Office de la Recherche scientifique et technique outre-mer) et des services fédéraux. L a pêche, en M auritanie et à Dakar, prit une allure industrielle. Les mines furent méthodiquement prospectées. Les gisements de fer du Kaloum , de bauxite des îles de Los, de wolfram de l’Aïr, de phosphate du Sénégal, de diamants en Côte-d’ Ivoire entrèrent en exploitation. Les importants gisements de fer de FortGouraud et le cuivre d ’Akjoujt (M auritanie), ainsi que la bauxite de Fria (Guinée) furent reconnus et étudiés. Les industries de consommation, entreprises pendant la guerre, se multiplièrent. Les arachides ne sont plus exportées en coques, mais surtout sous forme d ’huile. Savonneries, minoteries, rizeries, brasseries, fabriques de ju s de fruits satisfont en grande partie la consommation locale. On voit se créer des usines de textiles et de chaussures, de bois et de plastiques, des cimenteries, des industries chimiques, surtout autour de D akar et d ’Abidjan. L e développement est entravé par le manque de charbon et de pétrole; on a recours au bois, aux importations de carburant (qui se multiplient par 7), et l’on crée des centrales électriques, notamment en Guinée et en Côte-d’Ivoire. L e commerce se transforme. A la vieille boutique générale de traite s’ajoutent, dans les villes, des magasins spécialisés, d ’allure européenne, avec des étalages aguichants. Le monopole des grosses maisons anciennes d ’import-export (C .F.A .O .,

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C a r te 33. — L ’A fr ique

occidentale

S.C.O .A., Unilever) est concurrencé par de nouvelles entreprises diversifiées. La croissance des importations (farine, vins, tissus, fers, machines) révèle la croissance du niveau de vie, au moins dans les villes et les régions privilégiées, et l’effort d’équi­ pement. De 1947 à 1956, elles triplent en tonnage; les exportations quadruplent. Le nombre des Européens s’accroît avec le développement des affaires (de 17 000 en 1946 à 60 000 en 1958).

_ ,

. L a population africaine s accroît de son coté. Les efforts sanitaires , . _ _ _ _ _ , . . sont amplifies, grace surtout au F.I.D .E .S. et aux budgets locaux. Le nombre de médecins, des hôpitaux et des postes sanitaires augmente de plus de 30 %. L a lutte contre les grandes endémies s’accentue : vaccinations, D .D .T., prophylaxie. L a fièvre jaune a pratiquement disparu, le paludisme et la maladie du sommeil régressent. L a mortalité diminue. En dix ans la population passe de 16 à 19 millions. Les villes attirent de plus en plus les populations d’alentour ou des immigrés de brousses lointaines peu favorisées : tels lesToucouleur et lesSarakolé au Sénégal, les Mossi en Côte-d’Ivoire. Dakar passe de 132000 habitants en 1945 à 300000 en 1957. Abidjan de 45000 à 128000. Ces urbanisés récents, souvent sans qualiEvolution sociale

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NOIRE

fication, sans emploi régulier, parasites de leurs compatriotes, constituent une réserve pour le développement, mais aussi un sous-prolétariat, mûr pour les troubles. Le nombre de salariés s’accroît dans le commerce et l’industrie. Il est encore faible (170 00 0 en 1957). Mais il représente, en politique, un élément de pointe. Les syndicats se sont d’abord rattachés aux grandes centrales françaises (C .G .T ., C .F .T .C .), pour se fondre, en 1957, dans une organisation purement africaine, l’Union générale des Travailleurs d’Afrique noire (U .G .T .A .N .) dont le chef fut Sékou Touré, mais dont les sympathies communistes amenaient, peu après, la sécession des travailleurs croyants (C .A .T .C .). Le Code du T ravail outre-mer fut voté en 1952, après des controverses interminables et grâce à l’obstination du secrétaire d’Etat Aujoulat, député du Cameroun, et des parlementaires africains. Lamine Gueye fit décider le principe de l’égalité des salaires entre Européens et Africains, avec application des allocations familiales, ces mesures bénéficiaient surtout aux fonctionnaires. Les paysans de la brousse, c’est-à-dire l’immense majorité des habitants, pour­ suivaient leur vie traditionnelle. Leur économie de subsistance était modifiée cependant par des importations accrues (tissus, outils), des communications plus faciles, le départ des jeunes pour la ville ou les plantations, et leur richesse relative au retour. De ce fait le déclin des vieilles croyances et des vieux respects s’accuse. Le pouvoir et le prestige des chefs, même appuyés par les administrateurs, diminuent au profit des politiciens. Par contre grandit le prestige des classes nouvelles, sans cesse accrues : planteurs de cultures riches, transporteurs, commerçants, commis, spécialistes, fonctionnaires, qui sont le produit des temps nouveaux.

ces tcmPs nouvcaux> à ce souci de promotion sociale sur les nouvelles bases correspond le désir accru d’instruction. Des crédits F .I.D .E .S . paient les bâtiments; les budgets locaux font une part sans cesse accrue au personnel. En dix ans les effectifs scolaires passent de 200 à 375 000, le taux de scolarité de 5 à 14 % . Lycées et collèges, auparavant réduits à 2, se multiplient. Les étudiants passent de 150 à 1 300; la moitié font leurs études en France, l’autre à l’Institut de Dàkar, qui, en 1967, devient Université. Ce mouvement bénéficie à toute l’A .O .F., mais principalement aux régions côtières; la zone soudanienne et sahélienne reste en grande partie vouée pour le primaire à l’enseignement coranique. L ’aspect religieux se modifie. Le paganisme souffre des migrations, du déclin des structures, d’un certain snobisme des évolués pour les religions nouvelles. L ’ Islam gagne vers le sud ; des môles de résistance païenne comme les Serèr et les Bam bara sont entamés ; les villes mêmes de la côte abritent des musulmans de plus en plus nombreux. Les marabouts qadriya, tidjanes ou mourides, sont suivis par des foules nombreuses, mais, parmi les quelques jeunes gens qui ont reçu un enseignement religieux en Egypte, grandit un mouvement « d ’épuration» de l’ Islam anti-marabout Culture

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X X X I I I . — Meeting a u G han a.

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et anti-occidental. Le christianisme, de son côté, a conquis, par ses diverses missions, une partie des régions païennes, surtout en Côte-d’Ivoire, Togo, Dahomey, HauteVol ta. On compte, en 1957, près de 700 000 catholiques et plus de 100 000 protes­ tants. On forme activement des prêtres et des pasteurs africains. En 1956 est sacré le premier évêque. L ’école a lieu en français et c’est en français que vont s’exprimer les écrivains africains. Senghor, Dadié, Birago Diop, Ousmane Socé, Cam ara Laye, Sembène Ousmane, Cheikh Hamidou K ane sont les plus connus de cette pléiade de poètes et de romanciers qui expriment leur foi dans la négritude, leur attachement au folklore ou leur désarroi devant le monde nouveau. Amon d ’Aby, Hampaté Ba retrouvent des traditions historiques. Cheikh Anta Diop, dans Nations nègres et cultures, exalte le rôle des noirs dans le passé. A Paris, autour d ’Alioune Diop, la revue Présence africaine réunit nombre de ces intellectuels, qui célèbrent les valeurs noires et condamnent le colonialisme. Le théâtre se développe avec les troupes de l’école de William Ponty, les comédies de Coffi Gadeau, les ballets de K eita Fodéba. L a presse ne connaît encore que des tirages faibles, mais la radio commence à se répandre et à faire pénétrer le vaste monde, même dans la brousse. L a recherche scientifique s’installe, avec l’O .R .S .T .O .M . et l’I.F .A .N . (Institut français d’Afrique noire). Celui-ci, sous la direction de Théodore Monod, installe des succursales dans tous les territoires et y fait progresser, outre les sciences de la nature, la connaissance des peuples, de leurs langues et de leur histoire; il continue ainsi à révéler l’Afrique à elle-même, au moment où vont se créer les nations, plantes nouvelles qui auront besoin de ce terreau ancestral.

L

a

fin

de

l ’ a . o .f

. et les E tats successeurs

A son arrivée au pouvoir (juin 1958), le général de Gaulle trouve ia question politique africaine tout à fait m ûre; le fédéralisme est de la Collectivité dans *es intentions et dans les faits. Il suffit de le consacrer par une formule. Elle est élaborée, avec l’aide d’Houphouët resté ministre d ’Etat, par un Comité constitutionnel où siègent notamment Lamine Gueye et Senghor. Celui-ci se trouvait dans une position difficile. Le Congrès du P .R .A ., tenu à Cotonou fin juillet, venait de se déclarer, avec enthousiasme, en faveur de l’indépendance immédiate. L e projet de de Gaulle prévoyait une Fédération très structurée ; Senghor proposa une Confédération très lâche. Finalement on transigea, et le mot de Communauté fut choisi. Le projet de Constitution reconnaissait des Etats autonomes. M ais la Communauté ne comportait qu’une seule citoyenneté et un seul drapeau, celui de la France. Les compétences de la Communauté compre­ naient la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et

fi*f d* l9£O.F.

X X X I V . — Une classe à Lomé (Togo). Digitized by

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financière d’ensemble, le contrôle de la justice, l’enseignement supérieur, les transports extérieurs et les télécommunications. L e Président de la République française préside la Communauté. Le Conseil exécutif comprend, sous sa présidence, les chefs des gouvernements des autres Etats, et les ministres chargés (par le Président) des affaires communes. Un Sénat et une Cour arbitrale étaient prévus. Les territoires devaient se prononcer par référendum sur la Constitution. S ’ils la repoussaient, ils s’excluaient de la Communauté. S ’ils l’acceptaient, ils devaient choisir soit de devenir Etat, soit de demeurer territoire. De Gaulle se fit commis voyageur des projets. Après Tananarive et Brazzaville, il fut accueilli avec enthousiasme à Abidjan le 24 août. Le lendemain, à Conakry, Sékou Touré lui annonça publiquement son intention de faire voter « non » : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. » Le 26 août à Dakar, Senghor et M am adou D ia étant absents, le général discourut devant des porteurs de pancartes réclamant l’indépendance. L a campagne, après son passage, fut confuse, Houphouêt recommandant le « oui », Djibo Bakari, prési­ dent P .R .A . du Niger, se joignait au R .D .A . Sékou Touré pour recommander le « non ». Le Dahomey paraissait divisé. A u Sénégal, les marabouts se prononçaient contre les extrémistes. Le référendum eut lieu le 28 septembre 1958. Il donna au « oui » des majorités massives (de 97 % au Sénégal à 99 % en Côte-d’ Ivoire) dans tous les territoires, sauf deux : la Guinée, qui, aussi unanimement (97,4 % ) votait « non », le Niger où les « oui » l’emportaient par 76 %> mais où les abstentions dépassaient de deux fois le nombre des votants. L a Guinée fut aussitôt déclarée hors de la Constitution et de l’A .O .F. Tous les fonctionnaires et crédits français lui furent retirés. Les autres territoires, en novembre et décembre, se déclarèrent Etats de la Communauté. L ’A .O .F. disparaissait. Le Grand Conseil, que présidait d ’Arboussier, cessa d’exister en avril 1959. Le dernier haut-commissaire, Pierre Messmer, quitta D akar le 22 décembre. Le Conseil exécutif de la Communauté tint quatre réunions, de février à juillet 1959. Dans la dernière, à Tananarive, s’opposèrent deux tendances, celle d’Houphouét, qui considérait les institutions fédérales comme définitives, et celle de M odibo K eita (Soudan) et de Senghor pour qui elles n’étaient qu’une étape vers une sorte de Commonwealth. Déjà des initiatives tendaient à combattre la balkanisation qui réduisait l’A .O .F. à une poussière d ’Etats. D ’Arboussier avait déployé des efforts pour remplacer l’A .O .F . par une « Fédération primaire ». On n’aboutit qu’à grouper quatre Etats (Sénégal, Soudan, Haute-Volta, Dahomey) dans une Fédération du M ali (nom de l’Empire médiéval), qui fut proclamée le 17 jan vier 1959. M ais, un mois après, l’Assemblée dahoméenne refusait sa ratification, et la H aute-Volta suivait. L e M ali se trouvait réduit à deux membres, Sénégal et Soudan. Ils fondirent leurs partis

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L'O CCID ENT

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en un seul, le Parti de la Fédération africaine (P.F.A .). Une Assemblée fédérale, présidée par Senghor, nomma un gouvernement fédéral, avec Modibo K eita comme Président et M amadou Dia comme vice-président. Houphouët, de son côté, procéda à un regroupement plus lâche, avec une base économique plus solide : celle des ressources de la Côte-d’ Ivoire pour aider les voisins plus pauvres. Ce Conseil de l’ Entente réunit pour la première fois, le 29 mai 1959, à Abidjan, les Présidents de la Côte-d’ Ivoire, de la Haute-Volta, du Dahomey et du Niger. A la sixième réunion du Conseil exécutif, tenue à Saint-Louis du Sénégal le 1 1 décembre 1959, le M ali demanda le« transfert des compétences de la Commu­ nauté» à son propre gouvernement fédéral. De Gaulle accepta cette formule pudique, qui dissimulait mal l’indépendance. L a « Communauté rénovée», autre pieux artifice, devint constitutionnelle le 4 juin i960. L a veille, Houphouët et ses confrères de l’Entente, ne voulant pas paraître en retrait, avaient demandé l’indépendance sans voiles. L a Communauté, en ce qui concernait les Etats de l’A .O .F. était remplacée par des accords d’aide et de coopération avec la France. L a Guinée, de son côté, avait connu des jours sombres, avec la désorganisation de son économie et de son administration difficilement remplacée par les sections du Parti. Le 2 octobre 1958 elle avait proclamé son indépendance et sollicité la coopération française. De Gaulle fit la sourde oreille. L a Guinée fut admise à l’O .N .U . le 13 décembre suivant, le délégué de la France s’abstenant. Sékou Touré devint alors un grand héros africain, l’homme qui avait osé dire « non » à de Gaulle. Son indépendance et sa position à l’O .N .U . firent envie à ses voisins et ne furent pas pour rien dans la dissolution de la Communauté. L ’Organisation commune des Régions sahariennes (O .C .R .S.), créée en ja n ­ vier 1957 sur l’initiative de Bélime, pour administrer et exploiter le Sahara, avorta en tant qu’organisation politique dès la constitution de la République, il n’en survécut qu’un organisme de coordination en matière économique, avec participation des pays intéressés. Les Etats de l’ancienne A .O .F. allaient désormais mener leur vie indépendante.

L a Fédération du M ali fut éphémère. Sa constitution prévoyait un Président de la Fédération. Les Sénégalais comptaient que ce serait Senghor. Le 20 août i960 Modibo K eita, présent à Dakar, voulut tenter un coup de force en retirant les pouvoirs militaires à Mamadou Dia. Il échoua et fut reconduit au Soudan. L ’Assemblée sénégalaise proclama la rupture de la Fédé­ ration et l’indépendance du Sénégal. Le 22 septembre le Soudan devenait la République du M a li; les relations, même ferroviaires, étaient coupées avec le Sénégal. De tendances marxistes, Modibo K eita se tourna vers la Russie et la Chine qui lui envoyèrent des techniciens. Les chefs étaient remplacés par des conseils Les Etats de V Ouest

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H IS T O I RE D E L ' A F R I Q U E NO IR E

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de village, dirigés par le Parti (PUnion soudanaise). Les Touareg, qui essayaient de maintenir leurs habitudes d’indépendance, subirent en 1964 une répression sévère. Cependant la situation économique se détériorait. Les relations étaient reprises avec le Sénégal. Le franc malien, en 1967, réintégrait la zone franc. L a dévaluation de moitié, les mesures d’austérité, le déficit du budget, le marasme du commerce, amenèrent des dissentiments au sein du Parti lui-même. En ja n ­ vier 1968 l’Assemblée nationale était supprimée. Le 20 novembre un coup d’Etat militaire, sans effusion de sang, s’emparait du pouvoir; Modibo Keita était arrêté. L a population totale du M ali s’élève alors à 4 millions et demi ; celle de Bamako à 150 000. Les deux religions, paganisme et islam sont à peu près à égalité. L a langue officielle est le français, le mandingue ne dominant qu’à l’Ouest. Les routes, vers la Côte-d’ Ivoire et la Guinée ont été développées, la culture du riz irrigué intensifiée. Le mil reste néanmoins la nourriture de base, avec le poisson. Les exportations (arachides, bétail, poisson séché, coton, cuir), n’atteignent pas, en 1967, le tiers des importations. Le Sénégal élut Senghor Président de la République, Mamadou Dia restant président du gouvernement. Celui-ci, en décembre 1962, tenta un remaniement autoritaire et fut censuré par l’Assemblée. Il tenta un coup de force qui échoua. Le 5 mars 1963 une nouvelle Constitution instituait un régime présidentiel, Senghor réunissant les pouvoirs. Dia, en fuite, fut arrêté et emprisonné. Le jeu des partis, qui avait provoqué des troubles en décembre, l’amena à incorporer au parti dirigeant (Union progressiste sénégalaise : U .P .S.), divers groupes dissidents. L ’ U .P.S. eut désormais l’unanimité à la Chambre. Bien que catholique, Senghor fut soutenu en toutes circonstances par les marabouts, et constamment réélu par le suffrage universel. L a population totale du Sénégal dépasse 3 millions et demi, Dakar 500 000 habi­ tants, Thiès et Kaolak chacun 70 000. Saint-Louis (45 000 habitants) n’est plus capitale depuis 1957, mais reste chef-lieu de la région du fleuve. L ’ Islam domine (86 % ), et gagne vers le sud; on compte près de 200000 catholiques dont 25 000 Français. L a moitié des enfants est scolarisée. Les villages et les vêtements de brousse ne sont guère modifiés, bien que les villes absorbent un grand nombre d’immigrants temporaires. Des plans de développement, minutieusement établis et corrigés, sont entrés en application par le moyen d’offices gouvernementaux agissant sur les particuliers et sur les coopératives. Les industries satisfont 40 % des besoins (alimentation, textiles, cimenteries, etc.); les huileries peuvent traiter 700 000 tonnes d’arachides. Les exportations (arachides qui ont atteint le million de tonnes, phosphates, conserves de poisson) égalent presque les importations. Mais la baisse des cours ne va pas sans marasme. Senghor ne cesse de dénoncer « la détérioration des termes de l’échange » au détriment de l’Afrique tropicale.

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L'OCCIDENT

L a Mauritanie, pays d’Afrique noire en majorité blanc, a connu un destin à part. Les noirs du fleuve, tentés par la sécession, ont reçu des postes de ministres. Le député Horma Ould Babana, battu aux élections de 1956, avait rallié la cause du M aroc qui prétendait à des droits historiques sur la Mauritanie. En janvier 1957 une armée marocaine irrégulière envahissait le nord par le R io de Oro et se faisait battre, puis poursuivre par les troupes franco-mauritaniennes. Le député Mokhtar Ould Daddah, licencié en droit de la Faculté de Paris, unit, en 196 1, toutes les fractions politiques dans le Parti du peuple mauritanien (P.P.M .). En 1957 une capitale a été créée à Nouakchott, près de l’océan, à la limite du Sahel et du désert. L a population dépasse le million. On compte 76 % de Maures (y compris les serviteurs noirs), presque tous nomades et 24 % de Sénégalais vivant d ’agriculture le long du fleuve. L a « République islamique de Mauritanie » a été proclamée en novembre 1958. Elle a veillé, malgré les revendications marocaines, à s’affirmer comme Etat arabe, en liaison avec le Maghreb. L ’arabe et le français sont langues officielles. L a scolarisation n’était guère que de 10 % , sans compter les écoles cora­ niques. Pauvre contrée prédésertique, la Mauritanie s’est heureusement révélée riche en mines. Les gisements de fer de Zouerate et de cuivre d ’Akjoujt sont entrés en exploitation. D ix millions de tonnes de minerai de fer s’écoulent par le chemin de fer reliant Zouerate (Fort-Gouraud) à Nouadhibou (Port-Etienne), devenu un port minier considérable et le premier port de pêche d’Afrique occidentale. Le Sahara espagnol (Rio de Oro) reste une province d’Espagne. Sa densité de population est inférieure à o, 1 au kilomètre carré. Son territoire est revendiqué à la fois par la Mauritanie et le Maroc. Des gisements de phosphates y ont été découverts. L a Guinée, après sa sécession et l’abandon de la France, se tourna d’abord vers la Russie et le G hana; une union politique fut même conclue avec Nkrumah, elle resta théorique. Les rapports avec la Russie se gâtèrent en 1961. Des groupes américains prirent une part de plus en plus grande aux exploitations minières. Sékou Touré n’en a pas moins continué d’affirmer ses convictions communisantes. Le Parti unique (P.D.G.) « parti de masse » dirige le gouvernement et l’administration; ses comités contrôlent la vie des villages. Le « tribalisme » (notamment celui des Peul du Fouta-Djalon) est passible de prison. L ’ Islam est presque religion d’E tat; les missionnaires chrétiens blancs ont été chassés et les cérémonies païennes interdites. Les relations diplomatiques avec la France, assez mal reprises, ont été rompues en 1965. L a population totale dépasse 3 700000, celle de Conakry 130000. On estime à 50 % le nombre des enfants scolarisés. L a monnaie guinéenne n’appartient pas à la zone franc. L ’aide américaine paye 40 % du budget. Les exportations se composent essentiellement de minerai de fer et de bauxite. Les échanges ont lieu surtout avec les Etats-Unis et les « démocraties populaires ».

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

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La Côte-d’ Ivoire a élu et constamment réélu Houphouët-Boigny Président M.tnu ^ |a République. Le Parti démocratique de la Côte-d’ Ivoire (P .D .C .I.) est parti unique. L a Constitution de i960 est du type présidentiel et l’Assemblée élue sur une liste nationale. Les syndicats ont dû se nationaliser et les étudiants se rallier au gouvernement. Houphouët a pu ainsi déjouer aussi bien les oppositions tribales (comme celle du roi de Sanwi qui, excipant de son traité avec LouisPhilippe, refusait de se rallier à la Côte-d’Ivoire) que les complots divers tramés contre lui (notamment en 1963 où plusieurs ministres furent emprisonnés; une vaste épuration suivit). Les émeutes qui, en 1958, chassèrent de leurs postes Dahoméens et Togolais n’ont pas empêché l’Entente de se perpétuer, avec réunions périodiques, aide financière et alignement sur les positions extérieures. Les Etats de l’Entente font partie de l ’O .C .A .M . et sont restés très rapprochés de la France. Houphouët a maintes fois exprimé sa méfiance à l’égard de la Chine et de Nkrumah. Dans les dernières années le régime n’a plus connu de troubles et les détenus politiques ont été libérés. L a population totale atteint 4 millions et s’accroît de 4 % par an. Abidjan dépasse les 400 000, Bouaké les 100 000. Le trafic du port d’Abidjan atteint 4 millions de tonnes, ses magasins et les industries voisines croissent sans cesse; la ville a été transformée, avec des ponts traversant la lagune, des quartiers nouveaux, des hôtels de luxe. On compte 25 000 Français. L ’économie a connu une croissance continue et s’est constamment diversifiée. Les investissements étrangers sont encouragés par la législation. Les exportations dépassent les importations. L a production de café a atteint 280 000 tonnes (troisième producteur mondial), les bananes 1 450 000, le cacao 1 1 3 000, les ananas 50 000, les bois 3 millions de mètres cubes. L a prospérité éclatante du pays n’a pas été sans entamer la forêt et accélérer le déclin des groupes sociaux traditionnels, ainsi que les migrations de la zone soudanienne, moins favorisée, vers la basse côte. L a bourgeoisie enrichie par les cultures, les transports, le commerce, investit dans la construction « en dur ». L a vie matérielle s’occidentalise, mais très inégalement suivant les régions. L e taux de scolarisation primaire approche de 50 % . A u cours secondaire d ’Abidjan, créé en 1941 avec un professeur et deux élèves, ont succédé un énorme lycée, de nombreux collèges et une Université. A côté de la Côte-d’Ivoire, ses partenaires de l’Entente apparaissent comme des parents pauvres, faiblement dotés par la nature. L a Haute-Vol ta nourrit mal ses 5 millions d’habitants sur un sol d ’argile rouge, voué au mil et à un élevage intensif. U n grand nombre d ’hommes vont s’employer au Ghana ou en Côte-d’Ivoire; beaucoup ne reviennent pas. Les chefs, et même le Morho Naba, ont perdu tout pouvoir effectif. L ’ Islam a gagné sur le bloc païen : on compte un tiers de musulmans et 200000 chrétiens; les scolarisés

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L'O CC ID EN T

ne dépassent guère io % . L e président Yameogo a été renversé en janvier 1966 par l’arm ée; le lieutenant-colonel Lam izana a pris le pouvoir. Après le référendum de 1958, la République du Niger vit éliminer Djibo Bakari, par les efforts des chefs et ceux du gouverneur Colombani. L e Pr Hamani Diori devint Président. En 1964, la Saw aba, le parti de Djibo Bakari exilé, lança sur les frontières des attaques de ses commandos, formés, dit-on, en Chine et au Ghana. Ils furent repoussés et les chefs exécutés. L a population dépasse 3 millions et demi, presque entièrement concentrés dans le Sud, coupés de leur exutoire normal par une frontière de hasard. L ’économie est surtout de subsistance; on exporte des arachides et du bétail. Des mines d’uranium ont été découvertes dans l’Aïr. Presque tous les Nigériens sont musulmans. L a scolarisation ne dépasse guère 12 % . L e Dahomey a eu le record des crises gouvernementales. L e pays est divisé entre les Fon de Porto-Novo, ceux de l’ancien royaume d ’Abomey, et les peuples du Nord, représentés respectivement par Apithy, Ahomadegbé et M aga, qui se disputèrent le pouvoir. En 1965 le général Soglo les chassa et fut renversé lui-même, en décembre 1967, par le lieutenant-colonel Alphonse Alley. On nomma Président le très habile ministre des Affaires étrangères, Zinsou, qui fut remplacé, en 1970, par une coalition M aga, Apithy, Ahomadegbé alternant au pouvoir. Les difficultés économiques sont grandes. L a population (2 millions et demi) est concentrée dans le Sud sur 15 % de la superficie; elle augmente de 3 % par an. L e taux de scolari­ sation atteint 35 % , mais beaucoup plus dans le Sud. Scolarisés et salariés, en chômage fréquent, revendiquent. L a « balkanisation » les a chassés des autres Républiques. Les exportations, à peu près bornées aux produits du palmier à huile, n’égalent pas le tiers des importations. Cotonou, dotée d ’un port en eau profonde par la France en 1965, est devenue la principale ville (120 0 0 0 ). L e Togo s’est joint tardivement à l’Entente. Sylvanus Olympio, qui pratiquait une politique d ’isolement et d ’austérité fut assassiné le 13 janvier 1963 par un groupe de sous-officiers qui replacèrent Grunitzky à la présidence. Le 13 janvier 1967 le colonel Eyadem a prenait le pouvoir, renvoyant le Président et l ’Assemblée. L a population dépasse 1 700 000, le taux de scolarisation atteint 50 % . On exporte un peu de café, de cacao et de phosphates.

G hana et N ig eria

L a Gold Coast avait donné à l’Angleterre, pendant la guerre, une collaboration loyale. 65 000 hommes avaient été envoyés au combat. Les intellectuels occidentalisés, dont le chef était Danquah, n’en eurent que plus de force pour réclamer, ensuite, la participation aux affaires. L a Consti­ tution Bum s (du nom du gouverneur, ami des noirs), de 1946, donna aux Africains

Gold Coast - Ghana

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HISTOIRE DE L'AFRIQ UE NOIRE

la majorité au Conseil législatif. Mais, dès 1948, un malaise se fait jo u r : les prix s’élèvent, les anciens combattants réclament des places; une maladie, le swollen shoot, s’attaque aux cacaoyers et le gouvernement ordonne de couper les arbres malades. Dans plusieurs villes, notamment à Accra la capitale, la foule saccage les magasins européens et syriens. Une Commission anglo-africaine, présidée par un juge africain, Coussey, est nommée pour enquêter sur les désordres et élaborer un plan de réformes. Ses recommandations aboutissent à la Constitution de 1950; le Conseil législatif est remplacé par une Assemblée législative qui compte, à côté de quelques membres nommés, une moitié de membres élus directement et une moitié élue par les Conseils provinciaux dominés par les chefs. L e Conseil exécutif n’a plus que 3 officiels, 8 membres sont élus par l’Assemblée ; l’un d ’eux sera « chef de la politique du gouvernement ». Danquah, entre-temps, avait fondé l’ United Gold Coast Convention (U .G .C .C .) réclamant l’autonomie. Il avait participé à la Commission Coussey. M ais son secré­ taire général, Nkrumah, ancien étudiant en Amérique, puis influencé en Europe par les méthodes communistes, avait tenté d ’infléchir le parti, bourgeois et respec­ tueux des traditions africaines, vers les manifestations de masse. En 1949 il se sépara de Danquah, fonda la Convention People's Party (C .P.P.), prit parti contre le rapport Coussey en réclamant self government now (l’autonomie tout de suite) et déclencha une campagne de désobéissance qui n’alla pas sans émeutes. Nkrumah fut arrêté. M ais les élections de janvier 19 51 donnèrent la majorité au C .P.P. L e gouverneur Arden Clarke tira Nkrumah de prison pour le nommer chef du gouvernement. Ce fut le début d ’une collaboration loyale, mais où Nkrumah jouait le rôle décisif. Il changea le nom de Gold Coast en Ghana pour se rattacher à l’histoire africaine la plus ancienne, et s’efforça de briser l’opposition des chefs. L a Constitution de 1954 faisait élire tous les membres de l’Assemblée au suffrage universel. Le Cabinet avait l’entière charge de la politique intérieure, le gouverneur ne conservait que les Affaires étrangères et la Défense. Les oppositions n’avaient pas disparu : celle de l’U .G .C .C ., celle des territoires du Nord, celle des chefs et des planteurs de l’Achanti (National Liberation Movment, N .L .M .) dirigés par le sociologue Busia. En 1956, des élections nouvelles donnèrent une légère majorité à ces partis régionaux dans leurs contrées, mais, dans l’ensemble, le C.P.P. conservait une large majorité. Le 6 mars 1957, avec l’accord des Anglais, l’indépendance était proclamée. Le Ghana restait dans le Commonwealth. Le 30 juin i960, le gouverneur lui-même disparaissait. Le Ghana devenait une République, tout en restant dans le Commonwealth. Nkrumah dirigeait désor­ mais l’Etat, le gouvernement et le parti. L a République était unitaire. Les oppositions avaient été brisées. Un référendum dans le Togo ex-britannique, en 1956, avait donné une majorité pour l’annexion au G hana; mais il fallut réprimer des troubles dans la partie sud, qui avait voté contre. Les chefs ont vu leur pouvoir restreint

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à une influence religieuse; l’Asantéhéné, souverain des Achanti, eut ses biens confisqués; Busia fut exilé, Danquah mourut en prison. Des épurations successives éliminèrent des personnages notables du parti. En 1964 une nouvelle Constitution, approuvée par une quasi-unanimité, renforça le pouvoir de Nkrumah. Le Président « source de l’honneur » pourra « agir à sa discrétion ». L a quasi-déification de Nkrumah contrastait avec sa simplicité naturelle de vieil étudiant et d ’ancien syndicaliste. On ne s’adressait à lui qu’en l’appelant Osagyéfo (rédempteur); les écoliers chantaient « Nkrumah est notre Messie ». Il croyait sa mission providentielle et épousa une Egyptienne blanche qu’il n’avait jam ais vue, pour symboliser l’union des deux Afriques, blanche et noire. A Addis-Abeba, il pousse fortement à l’unité africaine organique. Il réalise un moment, sur le papier, une union Ghana-Guinée-M ali; il réclame le Togo. Il encourage les mouvements hostiles à ses voisins. On l’accuse de viser à la domina­ tion du continent. Il entretient des relations avec l’Ouest, mais se veut surtout socialiste. Il a des conseillers russes et chinois; il a créé des sociétés mixtes à pré­ pondérance étatique, procédé à de nombreuses naturalisations, institué le monopole d’achat du cacao, formé des coopérations agricoles. Ces initiatives, aussi bien que des créations économiques grandioses comme le barrage sur la V olta, ont vidé les caisses publiques. L a dictature empêche toute liberté d’opinion. Alors les oppositions recourent à la violence. Nkrumah échappe à plusieurs attentats à la bombe. Sa résidence est défendue par des tanks. Le 24 février 1966, profitant de son voyage à Pékin, une sédition militaire s’empare du gouvernement. Nkrumah se réfugie en Guinée. Le N .L .C . (National Liberation Council), qui a pris le pouvoir, s’appuie sur les classes bourgeoises, les commerçants, les chefs coutumiers. Les conseillers russes et chinois sont renvoyés, le libéralisme économique rétabli, les capitaux étrangers et nationaux encouragés à s’investir, les dépenses publiques diminuées, la réconci­ liation avec les voisins effectuée. En avril 1967 le général Ankrah, qui présidait, était renversé par ses officiers, sans que le régime se modifie sensiblement. Busia, rappelé, préside un Conseil national consultatif. L a population dépasse 8 millions, l’accroissement est de 2,7 % par an. Accra atteint 600 000 habitants, Coumassie 300 000, le groupe Secondi-Takoradi 150 000. L a richesse vient surtout du cacao dont le Ghana est le premier producteur du monde avec 450 000 tonnes ; les marketing boards, sortes de caisses de compensation imaginées par les Anglais, ont permis de parer aux variations des cours et de faire des réserves dont les planteurs et l’Etat bénéficient. Le tabac, le manganèse, les diamants fournissent le complément des exportations. L a richesse du pays lui a permis, avec l’appui étranger, de procéder à de grands travaux : au port artificiel de Takoradi (créé en 1928), s’est ajouté celui de Tém a, auprès d ’Accra, en 19 6 1; le grand barrage d’Akosambo, sur la basse Volta, a fait naître le lac artificiel le

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plus grand du monde (193 000 km*) qui alimente une centrale électrique et une usine d’aluminium. Des industries de consommation se sont aussi développées. L ’effort pour l’enseignement a donné des résultats remarquables : un million d ’élèves dans le primaire, 300 000 au second degré, une vaste Université a été élevée près d ’Accra. L ’Anglais reste la langue de culture. Les hôpitaux ont été multiplies. Les changements de régime n’ont pas ralenti le développement. Le Ghana ne saurait prétendre en Afrique, de par sa taille, à la première place qu’espérait Nkrumah. Il n’en a pas moins tenu, dans ces années d ’émancipation, un rôle de premier plan.

. L a Nigeria est une création anglaise récente (19 14 ), puzzle de peuples igerm jnn0mbrables, de pays historiquement séparés ou hostiles, et qui, sous le régime anglais, avaient évolué de façon différente. Le Nord, zone de brousse soudanienne où s’étaient développés les royaumes Haoussa et celui du Bomou, avait connu, au début du xix® siècle, l’expansion peul qui submergea les royaumes Haoussa sur toute une bande de savane humide au sud; il en résultait un mélange hétéroclite : musulmans du Nord, païens (Yorouba, T iv, gens du plateau) dans les savanes (Middle Belt); les premiers étaient les maîtres, les guerriers, les féodaux; Lugard les avait soumis, puis consolidés dans leur fossilisation par son système de Y indirect rule. Les limites de la Nigeria du Nord étaient, au midi, celles de l’Empire peul, arrêté dans son expansion par l’arrivée des Britanniques. Le Sud, composé de savanes humides, de forêts, de lagunes et de deltas maré­ cageux, abritait des peuples très divers dont les principaux, de l’ouest à l’est, étaient les Yorouba, Edo, Ibo, Efik, en grande majorité païens, les premiers ayant connu les royaumes d ’Oyo et du Bénin, les autres, surtout les Ibo, vivant en anarchie équilibrée, avides de liberté, mais prompts à se grouper pour des activités profitables. D ’ailleurs habitués depuis un siècle au contact des Européens, et partiellement christianisés, avec des bourgeoisies urbaines occidentalisées et revendicatrices. Azikiwé, Ibo, docteur d’Université américaine, agitait l’opinion du Sud depuis 1936 par ses journaux (« la presse Zik ») dans un sens nationaliste. Au lendemain de la guerre, dont la Nigeria avait pris sa part, le mouvement s’étendit. Azikiwé fonda le N .C .N .C . (National Council o f Nigeria and Cameroun, devenu après le détachement du Cameroun en 19 6 1, le National Council o f Nigerian Citizens), appuyé sur la population urbaine et salariée du Lagos, la capitale, et surtout sur les peuples du Sud-Est, notamment les Ibo. L a création de chemins de fer avait permis à cette population de se répandre dans le Nord, à qui elle fournissait des techniciens et des commis. L ’école en anglais s’était en effet répandue dans le Sud, alors que le Nord restait fidèle à une éducation musulmane moyenâgeuse. Cet envahissement des cités du Nord par les Ibo païens ou chrétiens provoquait des

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ressentiments de la part des musulmans du Nord et devait être à l’origine des troubles. Dans le Sud-Ouest, chez les Yorouba, Awolowo, après des études à Londres, faisait paraît son livre Path to Nigerian Freedom (1947) et fondait une association qui devint V « Action Group», parti régionaliste. Les féodaux du Nord, et notamment le Sardauna de Sokoto, Amadou Bello, commençaient à comprendre l’importance du vote et favorisaient un professeur musulman, Aboubakar Tafaw a Balewa qui fondait le N .P.C . (Northern Peoples Congress) en 1949. Dès 1945 le gouverneur général Richards avait en effet accordé une Constitution. Le Conseil législatif, jusque-là réservé au Sud, était étendu à toute la Nigeria avec une majorité africaine, où les membres élus étaient d’ailleurs une majorité. Cette Constitution était fédérale; la Nigeria du Nord, immense, conservait son imité et formait une région; la Nigeria du Sud était divisée en deux régions : Ouest (à prépondérance Yorouba), Est (à prépondérance Ib o ); en 1963 ce morcellement devait être accru par la création d’une région Centre-Ouest, à prépondérance Edo (l’ancien royaume du Bénin). Chaque région disposait d’une Assemblée élue par les Native Authorities (chefs et notables) et surtout consultative. Azikiwé déclencha une vive campagne de presse contre la Constitution; il l’estimait faussement représentative, mais acceptait les régions. Des troubles suivirent. En 1948 un nouveau gouverneur général, Macpherson, lança une grande enquête d ’opinion dans tout le pays, puis promulgua la Constitution de 19 5 1. Chaque région posséderait désormais une Assemblée élue à plusieurs degrés et un Conseil exécutif à majorité africaine. Une « Chambre de Représentants », fédérale, siégeant à Lagos, serait élue par les Assemblées régionales, dont moitié par l’Assemblée du N ord; un Conseil exécutif fédéral aurait une majorité africaine de 9 ministres élus par tiers par les trois régions. Les gouverneurs britanniques restaient en tête de la hiérarchie régionale et fédérale. Ce système, d ’équilibre subtil, dut subir, en 1954, après plusieurs Tables rondes, des modifications : le suffrage universel pour l’Assemblée fédérale, chaque région déterminant son système de vote; une autonomie élargie pour les régions avec des gouvernements responsables qui désignaient les délégués au Conseil fédéral. En 1957 les régions reçurent leur pleine autonomie avec chacune un Premier Ministre. Le Sardauna devint P.M . du Nord. Une alliance imprévue groupa N .P.C . avec N .C .N .C . d ’Azikiwé contre le parti d’Awolowo qui réclamait vainement le rattachement (à la région de l’Ouest) de Lagos, capitale fédérale. Tafaw a Balewa devenait P.M . de la Fédération. Le I er janvier i960 était proclamée l’indépendance de la N igeria; elle restait dans le Commonwealth; Azikiwé représentant la reine comme gouverneur général. L e I er octobre 1963, elle devenait République, et Azikiwé Président. L ’opposition de 1’ « Action Group » avait été éliminée, Awolowo emprisonné, et son adversaire Akintola nommé à sa place. Les vainqueurs, que tout d ’ailleurs opposait, commen­ cèrent alors à se disputer. Un nouveau recensement de 1964 qui donnait à la région

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du Nord une forte prépondérance numérique (30 millions sur 55) fut contesté par les sudistes. L a lutte entre Azikiwé et Balewa pour la prépondérance menaçait la Fédération d’éclatement; elle fut sauvée par l’intervention de l’armée (janvier 1965). C ’était une première menace au pouvoir civil. Les rivalités ethniques et per­ sonnelles, les dominations fédérales, les concussions, le déclin des ressources budgétaires rendaient les politiciens de plus en plus inefficaces et impopulaires. Le 16 janvier 1966 un complot militaire assassinait Balewa, Akin tola et le Sardauna de Sokoto. Le général Ironsi, commandant en chef, qui n’était pas du complot, rétablit l’ordre, supprima le régime parlementaire et nomma des militaires gouverneurs des régions. Ibo, partisan d’une Nigeria unitaire, Ironsi supprima les régions qui devenaient de simples groupes de province, avec des pouvoirs réduits. Les partis et les organisations tribales étaient interdits. Les musulmans du Nord virent dans ce nouveau régime une menace d’envahissement et de domination des sudistes. Ils réagirent. Dès le mois de juin des émeutes éclataient à Kano, des centaines d’Ibo étaient massacrés. Le I er octobre une mutinerie éclatait à Kadouna et se répercutait parmi les troupes nordistes de la région Ouest. Ironsi était tué. Son chef d’état-major, le colonel Gowon, un nordiste, se saisissait du pouvoir. Il s’assurait de l’appui de l’Ouest en se conciliant Awolowo, libéré. Les régions étaient rétablies. L ’évolution économique et démographique avait fait de la Nigeria, au x x c siècle, le premier des Etats de l’Afrique tropicale. L a production, dans le sud, de l’huile et des amandes de palmes était passée à 550 000 tonnes, celle du cacao à 260 000. Dans le Nord, les arachides totalisaient 900 000 tonnes, les graines de coton 125 000, l’élevage des bovins 7 millions de têtes. Les produits de subsistance, mil dans le Nord, ignames et manioc dans le Sud suffisaient à une population croissante. Des mines d’étain et de charbon étaient exploitées. Récemment le pétrole avait été découvert dans les régions Est et Centre-Ouest; on en exportait en 1966 un demimillion de barils par jour. Les exportations excédaient les importations. L a GrandeBretagne restait de beaucoup le principal client et vendeur. Les investissements étrangers étaient encouragés, aussi bien que le commerce national. Yorouba et Ibo notamment étaient des commerçants nés; certains avaient fait de grosses fortunes (notamment le père du colonel Odjoukwou) ; mais les affaires anglaises ou à parti­ cipation britannique jouaient un rôle prépondérant, tels le trust Unilever et la Compagnie pétrolière Shell. On comptait plus de 700 000 salariés. L a population atteignait 58 millions, avec une densité moyenne de 62 au kilomètre carré et un accroissement annuel de 2 % . Lagos et Ibadan (capitale de l’Ouest) dépassaient 600 000 habitants, cinq villes en avaient de 200 à 400 000, seize de 100 à 200 000. Proportion urbaine inégalée en Afrique tropicale. L ’ensei­ gnement comptait 3 millions et demi d’élèves au primaire, 200 000 au secondaire, et 8 000 étudiants dans les cinq Universités. L a Nigeria apparaissait comme le premier des Etats africains par la population ;

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la diversité et le développement de ses ressources lui promettaient un brillant avenir. M ais cette Nigeria n’était unie que par une fiction juridique et par les chemins de fer. Cette unité allait être remise en cause, violemment.

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Le meurtre d Ironsi et la prise du pouvoir par Gowon apparurent ,. r T a • j . aux nordistes comme une revanche. A ux cris de « païens! » et d ’ « A llah ! » des foules musulmanes se précipitèrent, fin septembre et début octobre 1966, dans les quartiers Ibo des villes du Nord, brûlant et massacrant. Les soldats nordistes mitraillaient leurs camarades de l’Est. Des milliers d’ Ibo furent tués; des centaines de milliers se réfugièrent dans leur pays. C ’était un pogrom aux proportions de génocide. Le colonel Odjoukwou, Ibo, diplômé d’Oxford, nommé par Ironsi commandant de la région Est, tenta d ’abord de sauver l’unité. Une conférence, tenue à Abouri, au Ghana, en janvier 1967 entre les commandants militaires, décida que les armées seraient séparées et qu’un Conseil suprême militaire serait l ’autorité fédérale. Cette disposition resta lettre morte. Le 26 mai 1967, l’Assemblée consultative de l’Est décida que la région Ibo deviendrait « un Etat libre, souverain et indépendant sous le titre de République du Biafra ». Le 30 mai, Gowon répondit en divisant la Nigeria en 12 Etats, donnant ainsi satisfaction aux minorités, dont certaines, notam­ ment les T iv du M iddle Belt, lui apportaient un sérieux appui m ilitaire; le Biafra était ainsi divisé en trois Etats, l’un Ibo, les autres (côte et Calabar) peuplés en majorité d ’autres ethnies (Ibibio, Idjo, Efik) ; Port-Harcourt, exutoire de l’Est, du chemin de fer et du pétrole, devenait le chef-lieu de l’Etat côtier. Les Biafrais y virent un démembrement et la faiblesse organisée, les livrant à la violence nordiste. Le même jour, Odjoukwou proclamait la sécession, sans exclure une possibilité d ’ « association, traité ou alliance ». Ainsi commença la guerre. Guerre très inégale. Les Nigériens avaient le nombre, une organisation militaire plus poussée, des armes et des techniciens fournis par la Grande-Bretagne et la Russie. L e Biafra, avec son territoire exigu et le blocus de ses côtes, disposait de moyens bien inférieurs, avec quelques dizaines de mercenaires européens de hasard. Néanmoins les premières opérations semblèrent décider en leur faveur. L ’invasion nigériane, commencée par le nord, fut stoppée. En août les Biafrais passaient le Niger, occupaient l’Etat du Centre-Ouest et paraissaient devoir foncer sur Lagos. M ais ils durent rétrograder. En octobre ils avaient regagné l’Est. L ’initiative passa alors aux Nigérians. En novembre ils prenaient Enougou, la capitale biafraise, ainsi qu’Onitsha, sur le Niger. Puis, débarqués au Calabar, ils occupaient toute la région à la frontière du Cameroun. En février 1968, les Biafrais repoussaient une nouvelle attaque venant du nord. M ais en avril les troupes du général nigérien Akoundélé prenaient possession de la côte, y compris Port-Harcourt. L e Biafra, encerclé, paraissait acculé à la reddition. La guerrt du Biafra

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

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En fait, l’avance fut stoppée. Les Biafrais, réduits à une partie du pays Ibo proprement dit, autour de la nouvelle capitale, Oumouahia, pratiquèrent désormais la guérilla, facilitée par la forêt et la longue saison des pluies, mal supportée par les nordistes. Plusieurs essais de conciliation avaient eu lieu, à l’initiative des Etats africains, ils échouèrent, les Biafrais voulant sauvegarder leur indépendance et les Nigériens espérant une prompte solution par les armes. L a Grande-Bretagne, l’ U .R .S .S ., les Etats musulmans soutenaient depuis le début la cause des Nigériens. Plus tardivement la Tanzanie, la Côte-d’Ivoire et le Gabon avaient reconnu diplo­ matiquement le B iafra; la France lui avait manifesté une certaine sympathie, sans plus. L ’attention et la pitié du monde furent enfin attirées par les condi­ tions de vie que le blocus créait dans le « réduit biafrais », où les maladies de nutrition causaient, chez les enfants surtout, des morts qu’on a évalués à plus d ’un demi-million. Fin 1968 les Nigérians avaient pris Owerri, en 1969 Oumouahia. L a situation du Biafra devenait impossible. En janvier 1970, toute résistance cessa. Odjoukwou s’enfuit à l’étranger. A utres pays

* . ,

Les Portugais possèdent, en Afrique occidentale deux petites colonies : 1 ) Les îles du Cap-V ert : dix îles, 4 000 km1. Les 250 000 habitants, la plupart métis, vivent de pêche, de leurs salines, de quelques cultures de bananes, café, arachides. L e port de Saint-Vincent a concurrencé D akar pour la relâche et le ravitaillement des navires transatlantiques. Guinée portugaise

2) L a Guinée portugaise : 36 000 km*, 600 000 habitants. Dans les îles et les zones marécageuses de la côte ce sont des peuples païens, anarchiques et turbulents : Bissagos, Pepel, M andjak, Floup, Balantes; dans l’intérieur, des musulmans M an­ dingues et Peuls, formés en chefferies. L e pays exportait, avant 19 14 , du caoutchouc, puis du riz, des arachides, des palmistes. Les exportations ne forment guère actuel­ lement que le quart des importations. Les peuples côtiers furent toujours en révolte. Les principales campagnes avaient été menées par le capitaine Teixeira Pinto, de 19 13 à 19 15 , assez vivement pour que la soumission parût définitive. U n certain libéralisme régna jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Salazar qui instaura un régime militaire. Les asimilados, citoyens portugais, ne formaient pas plus de 0,5 % de la population. Une grande compagnie à monopole, l’ Uniaô Fabril, fut créée. N i partis, ni syndicats autorisés. Une mortalité infantile forte, moins de 5 % des enfants scolarisés.

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En 1956, six étudiants africains formaient le P .A .I.G .C . (Partido Africano da Independencia da Guiné e Cabo Verde). L ’inspirateur était un agronome, Am ilcar Cabrai. En 1953 il avait publié un Discours contre la domination portugaise qui lui valut l’expulsion. En 1959 à Bissau (principal port et capitale) la police mitrailla des dockers en grève. Ce fut l’occasion pour Cabrai de préparer la lutte ouverte en formant des pionniers, en recevant des armes des pays de l’ Est, en menant la propagande chez les paysans. En 1963 la lutte s’engageait. En 1969 tout le pays au sud du rio Géba et une partie des peuples anarchiques du nord étaient libérés. Il restait aux Portugais l’intérieur Peul et M andingue, une partie de la côte nord, Bissau et les îles Bissagos.

Pr^s^ ent cn I 9 4 3 > constamment réélu depuis, Tubm an a fait faire un bond prodigieux au Liberia par sa politique de la porte ouverte, surtout aux entreprises américaines. Les plantations de caoutchouc et les mines de fer fournissent 90 % des exportations qui dépassent fortement les importations. Autres produits : huile de palme, diamants, or. Les ports de Monrovia et de Buchanan ont été créés, avec des chemins de fer traversant le territoire; une route moderne unit Monrovia à Nzérékoré, en Guinée. Grâce à l’obtention du pavillon libérien moyennant un droit très faible (ce qu’on appelle « le pavillon de complaisance »), la flotte marchande libérienne est théoriquement la première du monde (14 % du tonnage mondial). L e gouvernement participe pour moitié aux bénéfices des entre­ prises. De la mendicité du début du siècle, il est passé à la richesse. Tubm an s’est efforcé d ’élargir la base du pouvoir politique en adjoignant à l’oligarchie très restreinte des « Américano-Libériens » des membres des tribus africaines. Ce « programme d’unification ethnique » est loin d ’avoir atteint son terme. Le pays, avec ses 1 1 1 000 km1 semble avoir un million d ’habitants; M onrovia seule en compte 100 000. Le salariat se développe, amenant des troubles sociaux contre lesquels le Président s’est fait octroyer, en 1956, des pouvoirs spéciaux. Le rôle des églises chrétiennes reste important. L ’enseignement compte 85 000 élèves et une Université.

Libéria

L a Sierra Leone, comme le Liberia et avant lui, résulte du « rapatrieeT Gambit ment * en Afrique, par les philanthropes anglo-saxons, d’esclaves noirs émancipés. Autour de Freetown la colonie anglaise avait proliféré en protectorats sur les tribus de l’intérieur. Les Anglais auraient pu aisément, au cours du x ix e siècle, s’étendre beaucoup plus loin, mais des gouvernements libéraux ne l’avaient pas voulu, et, lorsque l’impérialisme se déclencha à la fin du siècle, la place était prise par les Français. De sorte que la Sierra Leone se trouva limitée à 72 000 km1. L a « colonie », habitée par les « créoles », c’est-à-dire les

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H IS T O I R E DE L'AFRIQJUE N O I R E

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esclaves rapatriés, christianisés et anglicisés, ne formait, autour de Freetown, qu’un centième du territoire. Le reste, le « protectorat », était le domaine des tribus autoch­ tones, Mendé, Temné, Boulom, etc., considérés comme des sauvages par les créoles. Ceux-ci avaient eu leur heure de prospérité commerciale. L ’installation des grosses maisons européennes amena leur déclin. Ils n’en représentaient pas moins un élément instruit et revendicatif, avec des membres de professions libérales, avocats, pasteurs, fonctionnaires. En 1924 une place fut faite au Conseil législatif aux Africains : 8 créoles et 3 chefs des protectorats. Mais en 1946 des Conseils de districts furent créés dans l’intérieur, et, l’année suivante, une Constitution nouvelle donnait 14 places aux gens des protectorats contre 6 aux créoles. Ceux-ci qui avaient espéré, comme les Américano-Libériens, régir le territoire, protestèrent en vain. Le D r Milton M argaï, chef du S.L .P .P . (Parti populaire de Sierra Leone), représentant les peuples du protectorat, devint, en 1953, Premier Ministre. Une Constitution nouvelle (1957) établit le suffrage universel direct. En 1961 la Sierra Leone devenait indé­ pendante au sein du Commonwealth. Trois ans après, Milton M argaï mourait. Son frère Albert lui succéda et essaya d’établir le parti unique. L'opposition suscita un coup d’Etat militaire, en mars 1967. L e « National Reformation Council» qui en est issu s’est efforcé, non sans un nouveau coup d’Etat (avril 1968), d’établir l’unité et de lutter contre la corruption. L a Sierra Leone compte 2 millions et demi d'habitants, dont 300 000 créoles. Freetown atteint les 150 000. Les exportations (diamants, bauxite, huile de palme), sont très inférieures aux importations. Le « Furah bay College », créé au siècle dernier, fonctionne toujours, mais de nombreux étudiants vont en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. L a même aventure, en pire, est arrivée à la Gambie. Le fort installé par les Anglais à l’embouchure, au xvm ® siècle, avait essaimé des comptoirs tout le long de la rivière. L a capitale, Bathurst, fondée au début du xix® siècle, avait accueilli des noirs anglicisés, les Akou, venus de Sierra Leone ou de la côte des Esclaves. De Gambie étaient partis les explorateurs Houghton et Mungo Park. L ’Angleterre semblait destinée à une vaste expansion vers l’intérieur, grâce à cette belle rivière, navigable sur 300 km, et que les marchands mandingues fréquentaient depuis le Moyen Age. L à aussi le libéralisme anticolonial des gouvernements anglais laissa l’initiative aux français. Faidherbe et ses successeurs s’emparèrent de tous les pays d’alentour, réduisant la Gambie à un doigt de gant de 20 km de large autour d’une rivière privée ainsi de son arrière-pays naturel et de son utilité essentielle. Monstre politique d’autant plus étrange que les peuples (Ouolof, Diola, Mandingue, Peul) sont les mêmes des deux côtés de la frontière. Celle-ci est d’ailleurs si étirée que tout contrôle un peu sérieux y est illusoire; la contrebande y est aussi aisée qu’autrefois dans les établissements français de l’ Inde, mais en sens inverse. L à aussi on distinguait la colonie (Bathurst et environs) et le protectorat (tout

X X X V . — R adio-club au N ig er.

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L'O CCIDENT

le reste). L a Constitution de 1954, modifiée en i960, établit le suffrage universel, désignant des délégués au Conseil exécutif. En 1962 celui-ci devint gouvernement avec un Premier Ministre. Le P.P.P. (People Progressive Party), émanation des peuples du protectorat, l’emporta sur le parti de la colonie. Son chef, David Jaw ara, devint Premier Ministre. En 1963 l’Angleterre proclama l’autonomie interne et, en 1965, l’indépendance dans le Commonwealth. L a Gambie dépasse à peine 10 000 km* (un grand département français) avec 350 000 habitants, dont le dixième à Bathurst. 80 % des exportations sont composées d’arachides. On doit importer du riz pour la nourriture, comme au Sénégal. L ’union avec celui-ci, dans une « Sénégambie » que la nature semblait commander, n’a pu se faire, malgré de nombreuses réunions. Les frontières coloniales, même celles dont l’absurdité est évidente, ont été scrupuleusement respectées par des peuples devenus indépendants et qui semblaient faits pour se rejoindre. Le souci des gouvernants de conserver leur place y est sans doute pour quelque chose. Mais aussi des habitudes de vie et de langues, de culture, au moins pour la petite couche d’occidentalisés qui mène les affaires. L a division de l’Afrique en francophones et anglophones est sans doute un progrès considérable par rapport à la multiplicité des langues antérieures. Elle n’en introduit pas moins une gêne et une incompréhension mutuelle dans les rapports entre les Africains.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

G aniaoe (J.), Deschamps (H.), G uitard (O.). L'Afrique au X X • siècle, 1966, in-8°. e s c h a m p s (H.). L'Union Française, 1952; La Communauté française (cours ronéotypé, Sciences Po), 1958-59; Le Sénégal et la Gambie (« Que sais-je? »), 1968. S uret-C anale (J.). La République de Guinée, 1970. C ornevin (R.). Histoire du Dahomey, 1962; Histoire du Togo, 1968. S er A d e R ivières . Histoire du Niger, 1966. W a r d (W. E. F.). History o f Ghana, 1958. K im b l e (D.). A political history o f Ghana, 1963. N k r u m a h (K.). Autobiography, 1959. C r o w d e r (M.). The history o f Nigeria, 1962. F y f e (Ch.). History o f the Sierra Leone, 1962. D

Revues : Le Mois en Afrique, Jeune Afrique, Présence Africaine, L'Afrique contemporaine, West Africa,

X X X V I . — Les fêtes de l’Indépendance au Nigeria. Au premier plan, Mme Diori Hamani et le négus Hailé Sélassié. Digitized by

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G o o g le

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C H A P IT R E

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D écolonisation et indépendance en A friqu e centrale De la stabilité relative des Etats de l’ancienne Afrique équatoriale française aux sursauts chaotiques du Congo-Kinshasa ou à l’insurrection angolaise, l’évolution récente des différents pays d’Afrique équatoriale offre les aspects les plus variés. L e passé de leur décolonisation n’y est pas étranger : octroyée avant même d’être revendiquée par la plupart des Etats francophones, elle fut arrachée brusquement par le Congo et reste encore à conquérir pour l’Angola. Rien d’étonnant à ce que la physionomie politique des pays ne s’en ressente. Les prémisses de la décolonisation française remontent au lendemain de la seconde guerre mondiale : la Constitution de 1946, qui définit l’Union française, réserva à l ’Afrique équatoriale six sièges à l’Assemblée nationale, huit au Conseil de la République et sept à l’Assemblée de l’ Union française. Chaque territoire fut doté d’une Assemblée territoriale et délégua cinq membres au grand Conseil. Le suffrage était à deux collèges, de statut métropolitain et de statut local (diplômés et notables). Sur place, les élites locales commencèrent d ’utiliser les cadres existants, aussi modestes fussent-ils, pour revendiquer des réformes politiques et sociales (suppression de l’indigénat, élargissement du suffrage, accroissement de l’auto­ nomie, etc.). Mais c’est seulement après 1955 qu’ils reçurent en métropole le soutien, non seulement des mouvements d ’extrême-gauche, mais aussi des milieux d’affaires conservateurs : à la suite d ’une série d’études économiques (articles d’ Entreprise, du Monde, etc.), vulgarisées par la grande presse (Raymond Cartier), beaucoup s’avisèrent du fait que le domaine africain coûtait plus cher qu’il ne rapportait, et songèrent à réviser la politique traditionnelle d’assimilation afin d’accroître la rentabilité du système. L ’avenir de certains pays s’annonçait en effet prometteur. En 1954, les prix records atteints sur le marché (surtout par le cacao et le café) avaient mis à l’ordre du jour, au même titre que la Côte-d’ Ivoire, le Cameroun, le Gabon et le Congo-Brazzaville.

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HISTOIRE DE L 'A FRIQ U E NOIRE

L a loi-cadre du 23 juin 1956 marqua un pas décisif vers l’autonomie, en accordant le suffrage universel et en créant des conseils de gouvernement élus par chaque Assemblée territoriale. Enfin, de grands événements contemporains — guerre d’ Indochine, Conférence de Bandoung, guerre d’Algérie — se conjuguèrent pour imposer la Communauté. Créée en 1958 après le référendum sur l’indépendance, elle engendra les quatre Républiques auxquelles s’associa le Cameroun. Celui-ci surtout ne s’était pas contenté d’attendre passivement l’indépendance. Le mouvement insurrectionnel populaire fut précocement guidé par l’U .P .C . qui cristallisa les revendications des évolués. Mais ailleurs, si l’indépendance fut favo­ rablement accueillie, les élites se préoccupèrent seulement ensuite d’assumer le destin de leur pays. Les problèmes posés étaient partout analogues : la nouvelle classe dirigeante était composée de fonctionnaires qui, dans ces pays économi­ quement dépendants, firent figure de privilégiés. Le manque de cadres et de compé­ tence encouragea la corruption. Le système parlementaire, calqué sur celui de la France, fit bientôt place à des régimes autoritaires où le chef de l’Etat gouverna par décrets et imposa, au nom de l’efficacité nationale et pour mettre fin aux riva­ lités ethniques, le parti unique. Sa u f au Congo-Brazzaville qui, rompant avec son passé, poursuit depuis 1963 une expérience socialiste, la stabilité des équipes au pouvoir fut remarquable : est-ce parce que cette indépendance octroyée consolida l’emprise de notables soutenus par l’ancienne métropole sur une population dis­ parate que n’avait pas cimentée une lutte commune de libération nationale ? A u Cameroun, par exemple, l’opposition fut désarçonnée par la facilité de sa conquête. A contrario, le Congo-Kinshasa, où la puissance coloniale s’opposa tardive­ ment à toute concession, conquit brutalement une indépendance suivie de boule­ versements profonds, dus autant à l’inexpérience des nouveaux dirigeants qu’aux excès d’une bourgeoisie locale trop ouvertement soumise aux capitaux étrangers. Il en résulta les rébellions populaires de 1964, le chaos ethnique et le marasme financier d’où le pays émerge à peine aujourd’hui. En Angola enfin, le prolon­ gement du joug colonial aboutit à une insurrection armée de type révolutionnaire dont l’issue est encore incertaine. Dans tous les pays, la genèse des mouvements nationalistes fut inséparable de soubresauts ethniques qui connurent souvent des formes aiguës : au Cameroun avec le problème bamiléké, au Tchad où l’opposition entre nomades et sédentaires n’est toujours pas résolue, au Congo où les affrontements tribaux donnèrent lieu à des épisodes sanglants. Même la Guinée équatoriale, pourtant si exiguë, faillit entériner la scission entre Fang du continent et Bubi insulaires; en Angola enfin, le mouvement insurrectionnel de l’U .P.A . reposa d’abord sur l’ethnie bakongo. Est-ce à dire que l’indépendance fut l’occasion de ressusciter un passé préco­ lonial qui remontait à moins d’un siècle ou, comme au Tchad, à cinquante ans à peine ? Les faits sont plus complexes, car l’expérience coloniale ne se limita pas à

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D ÉCOLONISATION E T INDÉPENDANCE E N AFRIQUE CENTR ALE

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surimposer une organisation administrative contraignante au sein de frontières artificielles. Elle affecta profondément les sociétés africaines préexistantes. Le « tribalisme » n’est pas seulement la résurgence de vieux courants : il est, en partie, une création contemporaine qui permit aux différents groupes de s’opposer d’abord à la puissance coloniale, puis entre eux dans la lutte pour l’hégémonie politique. Ce mode de résistance aux Européens fut parfois encouragé par les adminis­ trateurs eux-mêmes, voire par les premiers chercheurs, qui « inventèrent » certaines ethnies : ainsi le terme Bangala fut-il à l’origine utilisé par les Blancs pour désigner l’amalgame des peuplades d’amont qui parlaient dans la région de Léopoldville (Kinshasa) un sabir commercial, le lingala. Les voyageurs en vinrent à définir les caractères culturels spécifiques du groupe; celui-ci finit par constituer dans la capitale une fédération ethnique : le Liboke-Lya Bangala, qui comptait en 1957 quelque 50 000 membres. De la même façon le « peuple Mongo » fut l’expression d ’un « supertribalisme » englobant, du lac Léopold I I au Maniema, des tribus qui n’eurent jam ais de structure politique centralisée; l’unité des Basongye de la province du Lomani fut forgée par un groupe d’intellectuels de Luluabourg. Le recours aux structures traditionnelles permit dans certains cas de rejeter l’entreprise modernisante : les sultanats du nord-Cameroun ou de l’Est centra­ fricain opposèrent jusqu’à nos jours leur force d’inertie aux efforts des gouverne­ ments centraux, comme les Bakuba du Congo s’opposèrent durablement à la construction du chemin de fer du K atanga et crurent résoudre leur malaise en rétablissant, vers 1959, l’ordalie par le poison oubliée depuis longtemps. D ’autres fois, au contraire, le resserrement des liens tribaux résulta de la capacité d’adaptation de tel ou tel groupement particulièrement dynamique, prêt à adopter les nouvelles méthodes commerciales, à travailler sur les chantiers et à émigrer vers les villes (tels, à l’image des Ibo de Nigeria, les Bamiléké du Cameroun et, au CongoKinshasa, les Bakongo, les peuples commerciaux du fleuve ou les Kasai-Baluba). Aussi est-ce en ville que le tribalisme connut ses formes les plus tranchées; le citadin africain, arraché à son contexte traditionnel, eut tendance à recréer, entre gens de même origine, une identité culturelle qui excédait parfois la réalité : les Bakongo revendiquèrent en Léopoldville « leur » cité; les Lari de Brazzaville affirmèrent autour de l’abbé Youlou leur solidarité ; aux jours d ’émeute les quartiers d’appartenance différente s’opposèrent en des combats sans merci. M algré les excès du tribalisme, il serait cependant simpliste de n’y voir qu’un élément de conservatisme social : les facteurs ethniques, qui dénaturèrent bien souvent les mouvements politiques, en constituèrent aussi l’indispensable soubas­ sement. En affirmant l’existence d’unités culturelles, ils furent à l’origine des premiers mouvements de solidarité. Mais parce que les mouvements ethniques et les partis qui utilisèrent leur clientèle se nourrissaient de l’hostilité contre les autres, ils engen­ drèrent aussi de graves fissures au sein d’une communauté nationale encore en devenir.

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H I S T O I R E D E L 'A F R I Q J J E H O I R S

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LE CA M ER O U N

Le Cameroun, mandat français de la S.D .N ., devenu après la guerre «< terri­ toire associé » puis territoire de l’O .N .U . sous tutelle française, fut « associé >► à l’ Union française. Les « administrés » camerounais reçurent les mêmes droits que les « citoyens » des territoires d’outre-mer, notamment celui d’élire, dans un système à deux collèges, des représentants au Parlement métropolitain. L e territoire jouis­ sait d’une certaine autonomie, exprimée par une assemblée élue, P A .R .C .A .M ., qui votait le budget et disposait d’une voix consultative assez largement utilisée. Des conseils municipaux élus et des conseils de villages complétaient l’ensemble. L a loi-cadre introduisit le suffrage universel (les notables électeurs étaient passés entre-temps de 12 à 70000). L a tutelle fut enfin levée le I er janvier 1959, à l’entrée du Cameroun dans la Communauté.

r . ft, r „ _ le rôle de l b . P. C.

Mais dans la genèse de 1 indépendance camerounaise, 1 initia­ . ° A r . , . , ~ , tive ne revint pas au gouvernement français : depuis la fin de la guerre, un groupe dynamique de Camerounais « évolués » jou a un rôle décisif. Dès 1945, des émeutes à Douala traduisirent le mécontentement populaire. L e candidat de l’administration à l’Assemblée constituante fut battu par le chef Douala M anga Bell. Mais sa politique personnelle suscita en 1947 le regroupement de ses adversaires au sein du R .A .C .A .M . (Rassemblement camerounais). Celui-ci, jugé indésirable, fut interdit l’année suivante. C ’est alors qu’un militant syndicaliste, Ruben Um Nyobé, soutenu par la C .G .T . et l’ Union des Syndicats confédérés du Cameroun, regroupa autour de l’U .P .C . (Union des Populations camerounaises) évolués, intellectuels, et d’une façon générale tous ceux qui avaient à souffrir à la fois du poids des contraintes traditionnelles et de l’autorité française. U m Nyobé sut donner au mouvement (affilié dès 1949 au R .D .A . d’Houphouët-Boigny) à la fois une idéologie (de tendance marxiste), un but (l’indépendance et la réunifi­ cation des deux Cameroun français et britannique) et des moyens d’actions : une forte structure de la base au sommet, des comités de village, de quartier ou d’entre­ prise aux comités régionaux et au comité directeur élu par le Congrès, assurait la rapide propagation des mots d’ordre lancés par le parti. L a force de l’ U .P .C . fut d’être d ’abord un mouvement de libération capable de mobiliser ses masses. Sa faiblesse fut de ne pas avoir prévu l’élaboration d’un programme ultérieur précis, politique et surtout économique : malgré sa formation de syndicaliste, qui l’incitait à « soutenir les revendications des masses laborieuses [...], élément majoritaire et fraction la plus opprimée du pays » (résolution de Douala,

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D ÉC O LO NISA T IO N E T IN D É P E N D A N C E E N AFRIQJJE C E N T R A L E

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1953), U m Nyobé ne dépassa guère le stade des déclarations de principe généreuses mais peu explicites : pour atteindre « un climat politique sain » et une « économie nationale solide et moderne » sur une « base patriotique, progressiste et anti­ impérialiste », on ne précisa pas la nature de « l’action immédiate » nécessaire à « l’évolution plus rapide des populations et l’élévation de leur standard de vie » (art. i des statuts). D ’où la vigueur de l’ U .P .C . jusqu’à ce qu’en i960 l’indépendance et la réunification lui eussent ôté sa raison d’être. Elle ne réussit pas ensuite sa conversion en mouvement d’opposition politique cohérent. Incapable de surmonter les contradictions qui opposaient en son sein radicaux et modérés, le mouvement se décomposa progressivement.

A son I I e Congrès (30 septembre 1952), l’U .P .C . avait réclamé dtftindéper&nc* réunification des deux Cameroun et fixé un délai de cinq ans pour l’indépendance. Moins de trois ans plus tard (22 avril 1955), forte de ses 460 comités et de ses 80 000 adhérents, elle exigeait l’élection, avant le 1 er décembre, d ’une Assemblée nationale constituante, et la formation immédiate d ’un Comité exécutif provisoire. Le point culminant fut atteint en mai : U m Nyobé et le médecin Félix Moumié proclamèrent la grève générale et prirent la tête d’une série de manifestations. L e 25, les troupes françaises (venues par avion de Bouar, de Brazzaville et de Cotonou) intervinrent à Douala, les 26 et 27 à Yaoundé. Il y eut officiellement neuf morts et soixante blessés. L ’U .P .C . fut dissoute par décret le 13 juillet. Une violente répression s’ensuivit. Entrée dans la clandestinité, l’U .P .C . se doubla d’une organisation militaire, le C .N .O . (Comité national d ’Organisation). L a rébellion gagna les pays bassa (zone d ’origine de Nyobé qui fut abattu lors d’un accrochage le 13 septembre 1958) et bamiléké, en dépit des ratissages et des regroupements de villages opérés par les forces de l’ordre (qui touchèrent quelque 100000 personnes en pays bamiléké) et de la scission du parti entre une aile radicale, dirigée de l’étranger par Félix Moumié et cantonnée aux interventions diplomatiques, et une aile modérée, le P .P .K . (Parti populaire kamerounais) hostile à la lutte armée. L e premier gouvernement camerounais, celui de A . M . M bida, formé en mai 1957 en application de la loi-cadre, poursuivit avec l’appui de l’administration coloniale l’action contre l’ U .P .C . L a détérioration de la situation lui fit céder la place, en février 1958, à son ancien vice-président du Conseil, Ahidjo, sur un programme de réconciliation nationale. M ais c’est seulement deux ans plus tard que l’U .P .C . fut à nouveau autorisée (ordonnance du 25 février i960). L ’indé­ pendance venait d ’être proclamée ( i 6r janvier i960) et la Constitution adoptée (21 février). Quant à la réunification, elle résulta de l’accession du Nigeria à l’indépendance ( i er octobre i960) qui imposa de trouver une solution pour les deux territoires

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H ISTO IRE D E V AFRIQJUE MOIRE

sous mandat : par les plébiscites des 1 1 et 12 février 19 6 1, le Cameroun britannique du Nord vota son intégration au Nigeria, tandis que le Cameroun du Sud, à l’instigation du nouveau K .D .N .P . (Kamerun National Democratic Party) gagné aux vues de l’ U .P .C ., décidait son rattachement à la partie orientale du pays, dans le cadre d’une République fédérale constituée le I er octobre 1961 (5 millions et demi d’habitants, estimation de 1967, pour 475 442 km*). Dès cette époque, en dépit des troubles du Sud-Ouest, l’ U .P .C . avait perdu son facteur de cohésion. Les upécistes ralliés, sous la direction de M ayi M adp, participèrent aux élections législatives d’avril i960, tandis que Moumié, de Conakry, posait comme préalable au retour à la paix intérieure l’amnistie inconditionnelle et le retrait des troupes françaises.

De plus en plus, la base de l’insurrection devint ethnique. L e ami soulèvement rural traduisait un malaise social précis : le plateau bamiléké (5 700 km* peuplé de plus de 500 000 habitants au Cameroun occidental, avec une densité de 87 au km1), doublé par l’adjonction du Cameroun oriental, est une zone surpeuplée, où une population exclusivement paysanne se heurte à de graves problèmes fonciers et agraires : toute la terre est attribuée par les chefs traditionnels, et les parcelles excessivement morcelées de cet immense jardin aux cultures maraîchères intensives voient s’ imbriquer l’emprise des hommes sur les arbres — par voie patrilinéaire — et surtout des femmes sur la production vivrière — par voie matrilinéaire — . Le bouc émissaire avait été jusqu’alors la puissance coloniale. M ais les Bamiléké aspiraient moins à l’indépendance qu’à une révolution sociale qui les délivrât de l’emprise coutumière. Leur insatisfaction se traduisit par de sanglants règlements de compte et des embuscades quotidiennes dont le résultat fut d’accroître l’insécurité et le déséquilibre. L ’émigration transféra le problème à l’extérieur. Par leur dyna­ misme et leur solidarité traditionnelle (qui favorisait le financement par quatre ou cinq de l’investissement d ’un seul), les Bamiléké mirent progressivement la main sur les circuits de commerce et de transport des grands centres (Douala et Yaoundé), où ils étaient depuis toujours tenus à l’écart comme étrangers : les troubles meurtriers qui, la veille même de l’indépendance, opposèrent dans les deux villes des bandes bamiléké aux quartiers haoussa sont à cet égard révélateurs.

Dans ce climat d’insécurité, les tendances politiques n’avaient pas gouvernement jo gu se dégager d’une forte coloration ethnique. L ’administration coloniale s’était efforcée de multiplier les partis modérés pour faire pièce à l’U .P .C . Elle n’y avait que trop bien réussi : il existait, en 1959, quatre-vingt-quatre partis politiques déclarés, dans un pays qui, dix ans auparavant, n’en possédait pas un seul.

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DÉCOLONISATION E T IND ÉPEND ANCE E N AFRIQUE CENTRALE

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Le Bloc démocratique camerounais était né en 19 51 à l’instigation du D r Anjoulat (fondateur de l’institution chrétienne ad lucem)> l’Union sociale came­ rounaise avait été créée en 1953 par le sénateur bafia Charles O kala; le M .A .C .N .A . (Mouvement d’action nationale) avait été lancé en 1956 par Soppo-Priso, ex-prési­ dent de l’Assemblée territoriale, et le Parti des démocrates camerounais par André-M arie M bida, catholique Ewondo, ancien conseiller de l'Union française. Mais cette floraison traduisait moins le dynamisme des évolués que l’esprit de clocher qui les anim ait; les factions rivales ne s’opposaient guère sur des points de doctrine, mais sur les leaders et leur support tribal. Face à cette confusion, la chance d’Ahidjo fut d’incarner l'unité nationale. Musulman Peul originaire de l’Adamaoua, il faisait derrière lui l’unité des sultanats traditionnels du Nord soudés par l’ Islam. En même temps, sa qualité d’évolué (diplômé de l’Ecole primaire supérieure de Yaoundé) le rendait seul capable d’être accepté par le Sud animiste et chrétien, affaibli par la multiplicité de ses tendances mais plus réceptif aux idées modernes. Son parti, annoncé à Garoua en mai 1958, gagna les élections de i960 (les 44 élus du Nord, plus une vingtaine dans le Sud, où pour 56 sièges se présentaient 386 can­ didats). Ahidjo imposa progressivement le Parti unique, par la fusion des formations existantes dans l’ Union nationale camerounaise (U .N .C.) en 1966. Si l'opposition légale est traitée avec aussi peu de douceur que l’opposition armée, si le palais présidentiel conserve son allure de camp retranché et si le silence officiel est presque total sur la rébellion, il faut reconnaître que celle-ci (réduite à un millier d'irréductibles dispersés dans les forêts du Mungo et du Bamiléké) a perdu toute audience sérieuse. En prenant position contre l’expansionnisme bamiléké et en manœuvrant habilement avec les catholiques (qui sont plus d’un million), le Président s’est imposé au pays. M ais pour maintenir l’équilibre entre les ethnies, satisfaire la clientèle des anciens partis et surtout détourner de la rébellion la nouvelle génération, la fonction publique a été plus fortement africanisée qu’ailleurs. Elle est pléthorique et d’un coût très lourd (passée de 25 à 32 milliards de francs C .F.A . de 1966 à 1968). Gela réduit à peu de choses les ressources budgétaires affectées au développement (4 milliards en 1966-1967, contre 2 seulement en 1964-1965).

Aussi l’avenir économique repose-t-il sur l’aide extérieure : aide publique, Fonds d’Aide et de Coopération (F.A.C.) (870 millions engagés en 1966), Fonds européen de Développement (F.E.D .) et fonds américains (6 milliards en sept ans), mais surtout capitaux privés. Les entre­ preneurs ne s'y trompent pas : par sa position géographique, la diversité de ses sols et de ses ressources et Pimportance relative de sa population (près de six millions d ’habitants), les atouts du pays sont nombreux. L ’option pro-occidentale et libérale du Président en fait un terrain d'élection pour les investissements privés.

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HISTOIRE DE L 'A F R I d U E NOIRE

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Le secteur agricole souffre de la monoculture (coton dans le Nord, bananes et surtout café et cacao dans le Sud, ces derniers représentant en valeur près de la moitié des exportations), de la baisse des cours mondiaux et de l’insuffisance des efforts prévus au premier plan (1961-1965). Mais le secteur industriel, avec un chiffre d’affaire passé de 13 à 38 millions de francs C .F.A . de i960 à 1966, se classe au troisième rang des pays d’Afrique noire d’expression française, après le Sénégal et la Côte-d’ Ivoire, mais avant le Gabon et le Congo. L a première grande réalisation fut, en février 1957, l’usine d ’aluminium d ’Alucam (grâce au barrage d’ Edea). Les industries de transformation ont proliféré, forestières, alimentaires ou textiles, tel que le complexe de filature et de tissage de Garoua et de Douala (inauguré en mai 1966) de la Cotonnière industrielle du Cameroun (C .I.C .A .M .), au capital réparti par tiers entre un groupe français, un groupe allemand et les Etats du Cameroun et du Tchad. L a construction du chemin de fer transcamerounais de Yaoundé à Bélabo puis Ngaoundéré, puis ultérieurement vers le Tchad et la R .C .A ., est financée par le F .E .D ., la France et l’Agence internationale de Développement. En reliant les deux grandes zones de peuplement de la forêt méridionale et du NordCameroun, il va donner une impulsion nouvelle à l’économie, notamment par la mise en exploitation de la bauxite de M artap, dans un pays où la production minière est actuellement négligeable. Mais ces industries atteindront-elles le rythme de production nécessaire à leur rentabilité, au moment où les espoirs placés dans le marché des Etats membres de l’U .D .E .A .C . (Union douanière et économique d’Afrique centrale, constituée en 1964) se révèlent en partie chimériques ? A l’heure actuelle, en dépit des disparités entre le monde rural et le secteur moderne, de la tentation de gas­ pillage et des problèmes ethniques, l’effondrement de la rébellion, entériné par le procès et l’exécution d ’Ernest Ouandié, en jan vier 1971, et le dyna­ misme de l’économie semblent garantir la stabilité du régime. Mais on peut se demander combien de temps encore les Bamiléké, qui ont aujourd’hui reversé dans le domaine économique leur surplus de vitalité, supporteront d ’être tenus à l’écart de la réalité du pouvoir politique.

II



LE

GABON

Dans ce pays sous-peuplé (moins de 500000 habitants pour 267000 km1), presque tout entier recouvert par la grande forêt, peu accessible et insalubre, l’audience française fut toujours importante et les luttes politiques limitées : faute d ’un support de masse inexistant, elles furent dominées pendant dix ans par la rivalité entre deux

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DÉCOLONISATION E T IN D ÉPEN D AN CE E N AFRIQUE CENTRALE

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personnalités, issues toutes deux de l’ethnie fang, la plus nombreuse et la plus dynamique : Jean-H ilaire Aubame (ancien élève des missions catholiques et rédac­ teur administratif) siégea de 1946 à 1958 au Parlement français où il présidait le groupe des Indépendants d’outre-mer. Léon M ba, ancien juge des tribunaux tradi­ tionnels, battu aux élections de 1951, forma dès 1954 le Bloc démocratique gabonais (B.D.G.) affilié au R .D .A . et opposé à l’U .D .S.G . (Union démocratique et sociale gabonaise) de son adversaire. L ’évolution se fit sans heurt : maire de Libreville depuis 1956, élu en 1957 au Conseil de gouvernement issu de la loi-cadre et Premier Ministre dans le gouvernement autonome de 1958, M ba devint, à la suite de l’indé­ pendance (17 août i960), le premier Président d’une République qu’il dota, par une révision de la Constitution, d’un régime présidentiel (février 1961). Après une réconciliation éphémère avec Aubame au sein d’un gouvernement d’union nationale, le Président ressuscita en 1963 le B.D .G ., devenu le parti unique d’un pouvoir autoritaire s’exerçant par décrets. A la veille des élections de février 1964 destinées à entériner les mesures prises, un coup d’ Etat militaire, dans un pays resté calme, s’empara de M ba et le remplaça par Aubame. Rétabli grâce à l’intervention des troupes françaises (à l’irritation des jeunes évolués), M ba vit en 1967 son pouvoir garanti par de nouvelles élections qui désignèrent également un vice-président, Bongo, aujourd’hui son successeur (novembre 1967). L ’étroite collaboration franco-gabonaise résulte des caractères originaux du pays. L ’extension de la forêt et l’éparpillement des groupements d’origine et de langue différentes (une cinquantaine au moins) y déterminent de vastes zones pratiquement inhabitées, dont le potentiel forestier et minier est cependant consi­ dérable. Humainement et techniquement, le Gabon est dans l’incapacité de les exploiter seul. Depuis l’époque coloniale, la métropole est le principal fournisseur et client du pays. Les Français continuent d’y posséder la plupart des entreprises et presque tous les techniciens sont des coopérants. La grande richesse traditionnelle est l’okoumé (300 000 tonnes en 1950, 600 000 en 1958, 7 à 900 000 tonnes depuis 1963). Aux petits et moyens forestiers à mentalité traditionnelle de « chercheurs d’or » qui faisaient fortune en quelques années ont succédé, depuis qu’en 1961 la première zone (zone côtière plus facile­ ment exploitable mais en voie d’épuisement) a été réservée aux Africains, de grosses entreprises, seules capables de mettre en œuvre les puissants moyens techniques nécessaires à l’exploitation et à l’évacuation de la deuxième zone. Depuis l’essor récent des richesses minières, des capitaux américains et européens se sont joints aux français pour exploiter le manganèse (la Comilog, installée à Moanda depuis 1962, a évacué en 1966 1,2 million de tonnes de minerai par téléphérique et voie ferrée vers le Congo), le pétrole (exploité par la Spafe autour de Port-Gentil depuis 1957, 1,3 million de tonnes en 1966, 5 millions de tonnes en 1969), l’or (une tonne en 1966) et l’uranium (400 tonnes de métal sorties en 1967 des mines

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Or P o ta sse P é t r o le

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gabonaise et la

R épublique

populaire du

C ongo-Brazzaville

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de M ounana ouvertes en 19 6 1). Quant au fer de Mékambo, au nord-est du pays, un des gisements les plus riches du monde, il sera exploité par la Somifer (Bethlehem Steel pour 50 % , divers groupes français pour 34 % et sociétés européennes pour 16 % ) dès que sera construite la voie ferrée Belinga-Owendo (560 km, d’un coût de 40 milliards de francs C .F .A ., prévus entre 1969 et 1973). Celle-ci, qui permettra la mise en valeur de la troisième zone forestière, devrait faire passer la production intérieure brute de 42 milliards de francs C .F .A . (1963) à 11 8 milliards en 1980. Cet essor suppose de vastes investissements portuaires, avec l’ouverture du port en eau profonde d ’Owendo prévue de 1969 à 1974 (coût de la première tranche : 3,3 milliards de francs C .F .A .). L ’avenir du Gabon est aux mains de l’aide étrangère. D ’où cette « idéologie de la dépendance » développée par M ba, qui apparaît autant comme le résultat que comme la cause de l’emprise du capital international sur le pays : l’objectif officiel est de se fondre dans la culture française, par l’éducation, la langue, et même l’émancipation des femmes, dans le cadre d’ une économie libérale reven­ diquant le rôle décisif du secteur privé. Quant aux Gabonais, c’est par le travail (et surtout pas par la révolution, d’où la phobie du communisme) qu’ils doivent assurer une marche lente vers le progrès, dans un système paternaliste mêlant curieusement à la foi dans le modernisme une notion du pouvoir traditionnelle qui multiplie les références au système de parenté, sous la triple protection de forces supérieures : les Blancs, les Esprits et Léon M ba, « père du Gabon » et symbole de l’unité nationale. M algré l’euphorie industrielle exprimée, grâce au petit nombre d ’habitants, par un revenu annuel moyen par tête de plus de 80 000 francs C .F .A . (contre 25 à 35 000 partout ailleurs) et un taux de scolarisation élevé (plus de 80 % ), le régime ne va pas sans problème. Peu convaincue par l’effort fait pour sceller la réconci­ liation nationale dans le nouveau Parti démocrate gabonais (P.D .G ., 1968), la nouvelle génération, au nationalisme plus affirmé, commence de se demander si un pays peut assurer le décollage de son économie sans exercer un minimum de contrôle sur la « mise en valeur de l’ensemble des richesses encore inexploitées » prévue au premier plan (1966-1970). Elle reste bloquée par l’absence d’une solution de rechange, et surtout par la crainte qu’une indépendance réelle n’entrave le progrès paralysé par la faiblesse du marché intérieur et l’absence de production agricole. M ais le mécontentement s’aggrave parmi la masse croissante des travail­ leurs détribalisés, attirés de toutes parts vers les salaires relativement élevés offerts sur les chantiers (un bûcheron peut se faire, avec les primes, jusqu’à 15 000 ou 18 000 francs C .F .A . par mois) et sensibles à la distorsion entre la prospérité du secteur moderne et la stagnation du niveau villageois traditionnel.

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

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I II — L E C O N G O - B R A Z Z A V I L L E Le Congo-Brazzaville, qui jusqu’en 1963 connut une évolution comparable à celle des Etats voisins, est le seul pays d’Afrique équatoriale qui se réfère au socialisme. D ’où son isolement, les crises successives du régime, mais aussi l’intérêt de l’expérience.

® est vra* tluc g ° uvcrnemcnt précédent avait accumulé les excès les plus criants : arbitraire, corruption et inefficacité. L ’ U .D .D .I.A . (Union démocratique de défense des intérêts africains) était née au lendemain des élections françaises de 1956, à l’instigation du jeune abbé Fulbert Youlou, face au député sortant Tchikaya et au leader socialiste M . S. A. Opangault. Devenu maire de Brazzaville en novembre, Youlou disposait, par ses origines Lari, de l’appui du groupe ethnique le plus important de la capitale (Basundi, Bacongo et Balali) qui s’opposa aux M ’Bochi dans les émeutes sanglantes de février 1959. Il étendit progressivement son audience à tout l’ouest du pays, en pratiquant une politique de distribution de fonctions et d’achat de chefs tribaux (tel le roi Makoko des Batéké). Lorsque le 20 novembre 1958 le Congo fut érigé en République, Youlou fut élu chef de gouvernement. Poussé par un entourage d’activistes euro­ péens qui exploitaient son inexpérience, il mit en place un régime autocratique, d ’un anticommunisme maladif, mais incapable de résoudre les problèmes sociaux et économiques du pays. Obnubilé par le projet grandiose du barrage du Kouilou, il négligea de réduire par une série de projets plus modestes le chômage angoissant de l’ancienne capitale fédérale, devenue démesurée pour le pays (près de 100 000 habi­ tants en 1955, environ 200000 aujourd’hui pour un total de 840000 habitants). En cas de besoin, il préférait réduire momentanément au silence les chômeurs par quelques journées de travail suivies d’un licenciement échelonné. U n projet de parti unique servit de prétexte au renversement du régime, rendu possible par le refus d’intervention de la France. Sous la pression de violentes manifestations de rue déclenchées par les syndicats (13 -15 août 1963), Youlou fut remplacé par une équipe d ’hommes jeunes, dont l’honnêteté s’opposait à la corruption ouvertement pratiquée par les anciens détenteurs du pouvoir. » Fulbert Toulou

U socialisme congolais

Le nouveau président, Massemba-Débat, s’était fait remarquer jusqu,en ^ au ministère du P]an. D fut assisté de pascal

Lissouba, homme intelligent et cultivé, bientôt Premier Ministre. Le régime s’appuya sur le Mouvement national révolutionnaire (M .N .R .) constitué en 1963

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DÉCOLONISATION E T IN D ÉPE N D A N C E E N AFRIQUE C EN TR ALE

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pour combattre le tribalisme et érigé l’année suivante en parti unique, doublé d ’un mouvement de jeunesse, la J.M .N .R . M ais si elle avait assaini la vie politique, la révolution fit naître d ’autres problèmes. Devant la persistance de l’agitation Lari (manifestations meurtrières du quartier Bacongo, 7 février 1964) et les réticences des mouvements catholiques, un glissement à gauche s’opéra à l’instigation des Jeunesses révolutionnaires. A l’extérieur, une incompatibilité idéologique fondamentale isolait le Congo de ses partenaires de l’ U .D .E .A .C . Tout en ménageant l’amitié franco-congolaise, le gouvernement recourut à l’aide soviétique (juin 1965), chinoise (juillet 1964 et ju in 1965), vietnamienne et cubaine. Il rompit avec les Etats-Unis en août 1965, bien que sa politique de « non-alignement » lui fît maintenir ses liens commer­ ciaux avec Pretoria ou abriter tardivement une ambassade du Portugal. Entre l’administration et le M .N .R ., modérés et extrémistes s’affrontaient, tandis que l’armée (2000 hommes confiés à une équipe d’instructeurs cubains), restait influente et divisée. L a première crise éclata en 1966 : Pascal Lissouba démissionna en faveur de M . Namazoulay qui, en dépit de sa réputation de doctrinaire, infléchit le régime dans un sens modéré. Un frein fut mis par la clôture de son Congrès (juillet 1967) à la tendance « pro-chinoise » de la J.M .N .R . où fermentaient, de façon parfois brouillonne et incohérente, les aspirations de la masse des jeunes gens chômeurs ou sans emploi. Le rythme des nationalisations se ralentit. Le Congo se rapprocha de l’Occident, notamment de la France. En dépit de l’intervention de l’armée (septembre 1968) et des violents affron­ tements qui l’ont opposé, à Brazzaville, à certains éléments de la J.M .N .R ., la prise du pouvoir par le commandant M arien Ngouabi, devenu chef de l’Etat le 3 1 décembre, ne marqua pas, semble-t-il, la fin du « socialisme scientifique » : au contraire, l’enrôlement d ’une partie des milices populaires parut garantir la voca­ tion « progressiste » d’une armée jusqu’alors divisée et le retour de Pascal Lissouba annonça la reprise de la socialisation de l’économie.

M ais le développement économique reste tributaire de l’aide du^llppemnt extérieure, et la politique des nationalisations demande à être pratiquée avec discernement. L e Congo figure certes parmi les cinq pays francophones les plus industrialisés (Congo-Kinshasa compris). L e complexe agro-industriel de la Société industrielle et agricole du N iari, société reprise en 1949 par les Grands Moulins de Paris qui expérimentèrent dès 1952 la canne à sucre (production actuelle de 30 000 tonnes de sucre par an), s’est doublé, depuis 1966, de la Sosuniari, société d ’économie mixte (27 % à la S.I.A .N . et 38,5 % à l’Etat) d’une capacité annuelle de 100 000 tonnes de sucre brut (autour de Jaco b et Dolisie). L a mise en service, en juillet 1968,

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H I S T O I R E D E L* A F R I Q JJ E MOIRE

des installations de la potasse de Holle (près de Pointe-Noire) représente un investissement de 21 milliards de francs C .F.A . Mais la balance des paie­ ments demeure tributaire des produits forestiers (plus de 52 % des expor­ tations totales apparentes, 82 % des exportations réelles déduction faite du transit des diamants du Kasaï) où l’emprise étrangère, pourtant réduite de 85 à 75 % entre 1962 et 1966, reste prédominante. Grâce au B.G .C.O . (Bureau pour la Création, le Contrôle et l’Orientation des Entreprises et Exploitations de l’Etat), le dirigisme économique a permis d’accroître du tiers à la moitié le volume des investissements directement productifs. Les trois plus grosses opérations en cours sont le complexe textile de Kinsoundi (1,67 milliard, fonds chinois), la cimenterie de Loutété (1,5 milliard, Allemagne occidentale) et l’hôtel Cosmos à Brazzaville (680 millions, U .R .S .S .). Mais le gouvernement est paralysé par l’exiguïté de ses ressources (3 milliards seulement) face à l’ampleur de l’aide extérieure publique (3,4 milliards) et surtout privée (12,4 mil­ liards de francs C .F.A . en 1968), tandis que les dépenses administratives continuent de s’accroître (15 000 agents dénombrés en 1967, dont 8 2 0 0 fonc­ tionnaires contre 4800 seulement en 1963). L a création, en 1964, d ’un secteur commercial d ’Etat s’est avérée en partie catastrophique. L ’O .F.N .A .C .O .M ., destiné à maîtriser le commerce d’importation, et l’O .N .C .P.A ., qui s’est assi­ gné pour tâche de mettre fin à la « traite » en assurant la collecte auprès des producteurs, ont été organisés avec une absence incroyable de moyens et de compétence. Leur mauvaise gestion accroît les difficultés (l’O .F.N .A .C .O .M . emploie 570 agents pour un chiffre d’affaires de 1 milliard, alors que 150 employés seulement assurent à la S.C .K .N ., société privée, un chiffre d’affaires presque quadruple). On se rend compte aujourd’hui de l’erreur d’avoir voulu nationaliser non seulement le commerce de gros, mais aussi celui de détail, en transformant jusqu’au boutiquier de village en fonctionnaire irresponsable et trop souvent indifférent, sinon indélicat. L a politique de nationalisation se poursuit néanmoins, à commencer par celle de la S.I.A .N . Le gouvernement saura-t-il veiller à ce que l’armée au pouvoir se limite à son rôle d’arbitre, tout en redressant les erreurs les plus graves ? M algré les secousses toujours possibles, les résultats paraissent néanmoins encourageants : le taux de scolarisation est élevé ; l’africanisation des cadres progresse, le pays a résisté à son isolement et le rythme de développement demeure satisfaisant. L ’avenir dira si le régime continuera de trouver dans la population le soutien nécessaire à sa politique de réforme non dénuée de sacrifices.

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D É C O L O N I S A T I O N E T I N D É P E N D A N C E E N AF R I Q JJ E C E N T R A L E

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IV — LA RÉPU BLIQ U E C E N T R A FR IC A IN E En dépit du coup d’ Etat du 31 décembre 1965 qui porta l’armée au pouvoir, l’évolution du pays ne révèle pas de divergences profondes entre les hommes poli­ tiques depuis les débuts de la décolonisation. La filiation qui unit à ses successeurs le fondateur de l’Etat centrafricain, Barthélemy Boganda, ancien député, ex­ président du grand Conseil de l’A .E .F . et fondateur du M .E .S.A .N . (Mouvement d’émancipation sociale d’Afrique noire) est à cet égard révélatrice. Son neveu, David Dacko, lui succéda comme président du premier gouvernement (mai 1959) et consolida son pouvoir en dissolvant le parti d’opposition, le M .E .D .A .C . (Mou­ vement d’évolution démocratique de PAfrique centrale). L a prise du pouvoir par le général Bokassa, cousin du précédent, traduisait moins une crise politique que l’impasse économique où se trouvait ce pays pauvre, sous-peuplé bien qu’en croissance démographique (près de deux millions d’habitants pour 6 17 000 km*), situé à 1 800 km de tout débouché maritime, où l’administration est pléthorique et les dépenses de l’Etat, toujours accrues, disproportionnées aux ressources du territoire. Lorsque le président Dacko voulut imposer une politique d’austérité en réduisant de 10 % le traitement mensuel des fonctionnaires, tenus de souscrire 10 % supplémentaires à l’emprunt national, la classe privilégiée renversa sans résistance, en une nuit, une équipe dépourvue de base populaire. Malgré des déclarations énergiques (« L ’heure de la justice a sonné. L a bour­ geoisie de la classe privilégiée est abolie. Une ère nouvelle d’égalité entre tous les citoyens est instaurée », allocution radiodiffusée du I er janvier 1966), le nouveau président s’est contenté de mettre l’accent sur une plus grande efficacité, par la lutte contre la corruption et la nomination de techniciens à la tête des ministères clés (Développement, Fonction publique et T ravaux publics). En fait, les problèmes ne sont pas résolus. L a seule richesse minière est le diamant (4 milliards de francs G .F.A . en 1966, 54 % des exportations), en attendant la mise en exploitation des importants gisements d’uranium de Bangassou. Le potentiel forestier est encore mal connu. Le pays, très mal desservi, presque désert dans sa moitié orientale, demeure essentiellement agricole. L ’élevage des zébus bororo (440 000 têtes en 1965) et l’essai de bêtes baoulé trypanotolérantes avaient permis la mise en service de l’abattoir frigorifique de Bangui (1954). Quant à la production cotonnière, confiée en aval à une société d’économie mixte (l’U .C .C .A ., Union cotonnière centrafri­ caine), elle n’a retrouvé qu’en 1967-1968, ses chiffres de 1959 (43 000 tonnes de coton graine et 15 000 tonnes de coton fibre), en partie grâce à 1’ « Opération Bokassa » de « motorisation regroupée » lancée en juin 1967.

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C a r t e 36. — L e T

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DÉCOLONISATION E T IND ÉPEND ANCE E N AFRIQUE CENTRALE

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Le pays est entièrement tributaire de l’aide française. Le Tchad et la R .C .A . ont un moment cru remédier à l’absence de marché en participant à PU .D .E.A .C . Déçus d’y faire figure de parents pauvres, ils s’en sont détournés en février 1968 en faveur du Congo-Kinshasa (U .E .A .C ., Union des Etats de l’Afrique centrale). Mais face aux ressources de leur partenaire, le problème restait le même : la R .C .A . est revenue en décembre vers les pays de la zone franc.

V



LE

TCHAD

Situé au cœur du continent noir, ce vaste pays (1 284 000 km2), très peu peuplé (3,3 millions d’habitants), désertique dans sa moitié septentrionale, est l’un des plus mal connus, en dépit du rôle qu’il joua dans la « France libre » et de sa fidélité à la Communauté. Le niveau de vie moyen est l’un des plus bas de l’Afrique franco­ phone. Même les fonctionnaires, ces privilégiés, touchent des salaires plus bas qu’ailleurs (de 18000 à 200000 francs C.F.A .). Le pouvoir central a toujours eu du mal à se faire reconnaître des zones de transhumance du Nord, peuplées de Musulmans (50 % de la population) où l’on n’a pas encore surmonté les querelles séculaires entre nomades et sédentaires, nées des anciens rapports de seigneurs à vassaux. Ces antagonismes ont été exploités par de multiples partis issus de l’ex-R.P.F. ou du Parti socialiste français, qui ont tenté de s’opposer à l’hégémonie du groupe majoritaire, le P.P.T .-R .D .A . de Gabriel Lisette (ancien administrateur antillais, vice-président du Conseil de gouvernement en mai 1957 et président du gouver­ nement provisoire en décembre 1958). Son successeur depuis i960, Tombalbaye, un Sara du Sud, fut élu Président de la République en avril 1962 et institua le parti unique (1963-1964). En fait, les troubles n’ont cessé de croître ces dernières années, au point que seule la moitié sud du pays — qui en est d’ailleurs la partie « utile » — reconnaît aujourd’hui l’autorité de la capitale. Si l’éclatement ne s’est pas encore produit, c’est grâce à la garnison des 1 000 soldats français de Fort-Lamy, qui sont notam­ ment intervenus au Tibesti (août 1968) et contribuent à tenir en échec le F R O L IN A (Front de Libération Nationale). Plus encore que la R .C .A ., le Tchad souffre de sa position excentrique, de l’absence quasi totale de moyens de communication durant la saison des pluies et de la monoculture : après le coton (44000 tonnes en 1966) traité dans les 24 usines de la C O T O N FR A N franco-tchadienne, le cheptel bovin (4,5 millions de têtes) et ovin (4,1 millions de têtes) est la seule ressource du pays, malheureusement non exportable hors d’Afrique en raison de la déficience du contrôle sanitaire. L ’industrialisation, encore balbutiante,

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E HOIRS

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souffre du manque de coordination avec les pays voisins : les abattoirs de Fort-Lam y et de Fort-Archambault sont concurrencés par ceux de Bangui, de M aiduguri et les conserveries de Kano au N igeria; le projet d ’usine textile envisagé avec le Cameroun suppose d’avoir triomphé de 1T .C .O .T . de R .C .A ., de la K adum a Textile Mills du Nigeria et des trois usines de Khartoum . Les brasseries en cours d ’installation à Moundou devront se contenter du marché intérieur, et la SO SU T C H A D , société sucrière filiale de la S .I.A .N ., ne tourne pas faute de débouchés. On comprend dès lors l’obstination du Tchad à se tourner vers le Congo-Kinshasa, mais aussi l’impasse où se trouve un pays qui subsiste grâce à l’aide française (1,5 milliard de francs C .F.A . par an, non compris l’assistance technique).

VI — LA G U IN É E É Q U A T O R IA L E L a Guinée équatoriale est un petit pays (28 000 km*, 255 000 habitants, dont 6 à 70 00 Espagnols et près de 80000 travailleurs Ibo), composé d ’une partie continentale, le R io Muni, de population Fang (comme ses voisins du Gabon et du Cameroun), et de l’île de Fernando Poo, peuplée de 12 000 Bubi (proches des Douala du Cameroun). Le pays s’est appuyé sur M adrid pour résister aux visées annexionnistes du Cameroun, du Nigeria et du Gabon, qui s’annulaient d’ailleurs les unes les autres. L ’exiguïté du territoire et l’absence d’autre colonie espagnole expliquent l’importance relative des investissements qui lui ont été consacrés : l’infrastructure routière et portuaire est bonne, le taux de scolarisation élevé (80 %) et l’équipement sanitaire de qualité (l’hôpital de Bata est « le plus moderne de la côte occidentale d ’Afrique »). Le cacao, un des meilleurs du monde, fait la richesse de l’île (35 000 tonnes par an). Le continent exporte de l’okoumé (250000 tonnes). Des prospections pétrolières américaines sont en cours au large des côtes. L a loi sur le statut juridique (30 juillet 1959) a marqué le début de la décolo­ nisation. Le 10 août 1963, l’autonomie fut octroyée. En dépit de certains tirail­ lements entre continentaux et insulaires, l’unité du pays fut préservée : l’indépen­ dance fut acceptée par les Cortès en juillet 1968 et la constitution approuvée par référendum en août (63,1 % des voix). Le Président de la République Francisco M acias Nguema, les 35 députés et les conseillers provinciaux furent élus le mois suivant au suffrage universel. Le pays est contrôlé par les notables, fonctionnaires et petits propriétaires terriens qui animent les deux principales formations poli­ tiques : le M .U .N .G .E . (Mouvement pour l’unité nationale de la Guinée équatoriale) et le M .O .N .A .L .I.G .E . (Mouvement national de libération de la Guinée équatoriale). L ’équipe au pouvoir paraît décidée à refuser au gouvernement espagnol

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D ÉCOLONISATION E T IN D ÉPE N D A N C E E N AFRIQUE CEN TR ALE

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(et à sa garnison de 260 hommes) une trop forte ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat, notamment sur le problème des grandes concessions forestières. Quant aux revendications de salaires, entravées par le droit de résidence limité d’une main-d’œuvre en majeure partie étrangère, elles ne sont pas en mesure, pour l’instant, d ’aboutir à une agitation politique.

VII — DU C O N G O B E L G E A LA RÉPUBLIQ UE D É M O C R A T IQ U E DU C O N G O - K I N S H A S A Dans ce pays vaste (2 345 409 km*) et relativement peuplé (plus de 16 millions d’habitants en 1967), le système colonial belge fut considéré jusqu’au dernier moment comme un modèle stable d’économie paternaliste, placé sous la garantie solidaire de l’administration, de l’ Eglise et des grandes sociétés. Une armature administrative exceptionnellement dense en Afrique noire (10 0 0 0 fonctionnaires) assurait partout en brousse, grâce au travail forcé (réduit de 60 à 45 jours en 1955 et officiellement supprimé en i960 seulement), l’entretien des voies de communi­ cation et l’exécution des cultures obligatoires (riz et surtout coton). Cette toutepuissance administrative s’accompagnait d’ailleurs de réalisations sociales d’enver­ gure : en 1955, le service médical avait examiné six millions et demi d’individus, chiffre dont ne pouvait se prévaloir aucun autre territoire d’Afrique. Les missions, placées sous contrôle belge depuis le Concordat de 1906, et soutenues par le gouvernement local sous forme d ’allocations de terre (200 ha par établissement) et de subventions scolaires, faisaient état en 1958 de 5,4 millions de chrétiens (dont 80 % de catholiques) encadrés par 6 000 missionnaires européens et un personnel remarquablement africanisé de 500 prêtres et de 25 500 catéchistes. Quant aux grandes sociétés, elles contrôlaient la majeure partie de la surface utile du pays, la plupart relevant du groupe Unilever (plantations de palmiers à huile) et surtout de la puissante Société générale de Belgique : concessions agricoles (Compagnie du Kasaï, Busira-Lomani), ferroviaires (Compagnie du Congo pour le Commerce et l’ Industrie — C .C .C .I. — , Compagnie du Chemin de fer du bas Congo au Katanga — B .C .K .), et minières (Union minière du H aut-Katanga pour le cuivre, Foi-minière pour les diamants du K asaï, Géomine pour l’étain, etc.). L ’immobilisme de l’ensemble était garanti par son isolement : en Belgique, le ministre des Colonies consultait peu son Conseil colonial, et la Commission pour la Protection des Indigènes se réunit seulement cinq fois durant les trente dernières années. A u Congo, les libertés de presse et d ’association furent seulement accordées

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E N O IR E

en août 1959. L a ségrégation de fait était partiellement officialisée : le droit à la propriété foncière, préalable nécessaire à la formation d’une bourgeoisie locale, ne fut guère reconnu aux Africains avant l’indépendance. Seule une poignée de Congolais avait pu quitter le pays avant 1958 (un dépôt de mille dollars étant exigé au départ). L a seule ouverture sur le monde était alors la traversée vers Brazza­ ville : Lumum ba contait quel choc psychologique il avait éprouvé, adolescent, à s’y voir servir une consommation dans un bar d ’Européens. Enfin le niveau d’instruction était très bas : quelques enfants furent acceptés pour la première fois en 1950 dans les écoles pour Européens. Ils étaient 1 493 en 1959. En 1952 était entré à l’Université de Louvain le premier étudiant congolais. A l’indépendance, trente Africains seulement détenaient des titres universitaires. 466 étaient inscrits aux universités de Lovanium (créée en 1954) et d ’Elisabethville (1956).

. Cependant, depuis la seconde guerre mondiale, une « bour0 atum ge geo^ e administrative » accédait à la modernité par les postes subalternes de la bureaucratie coloniale ou des entreprises privées. Elle était limitée, et resta tardivement sous la coupe de l’administration qui tenta de

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DÉCOLONISATION E T IN D ÉPEN D AN CE E N AFRIQUE CE N TR A LE

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définir, entre 1945 et 1952, une classe d’ « évolués », sanctionnée par une « carte du mérite civique » (1948), puis une carte d ’immatriculation (1952) décernée l’année suivante à 2 17 familles seulement, au prix d ’un contrôle vexatoire qui indisposa même ses bénéficiaires. L ’origine de cette élite rend compte de ses limites : respectueuse de l’infrastruc­ ture économique coloniale pour laquelle elle savait manquer des capacités techniques nécessaires et à laquelle elle ne participait guère (à quelques exceptions près, dont la plus notable fut celle du père de Tshombé, entrepreneur prospère d ’Elisabethville), elle eut un seul objectif : l’Etat. Quant aux Belges, ils crurent longtemps pouvoir conserver le contrôle d ’une émancipation que, jusqu’en 1958, les plus hardis prévoyaient d ’étaler sur trente ans, au sein d ’une « communauté belgocongolaise » dont le roi Baudouin resterait le souverain. Convaincus de la nécessité d ’un apprentissage de la vie politique à partir de la base (idée concevable si elle eût été entreprise dès le début du siècle), ils mirent sur pied une réforme des institutions urbaines (les « commîmes ») et rurales (les « secteurs ») fondées sur la consultation électorale, mais soucieuses d ’assurer en ville la parité entre Africains et Européens : avec quatre commîmes africaines et une européenne, le Conseil d ’Elisabethville comptait une légère majorité belge (décrets des 26 mars et 10 mai 1957).

Le mouvement d’indépendance prit seulement forme en 1958. Dès l’origine, la confusion s’instaura entre associations ethniques et partis politiques. A Léopoldville, les élections municipales avaient cristallisé les espoirs des premiers nationalistes. En l’absence de formation politique autorisée, elles avaient été remportées par l’Abako de Kasavubu, l’association des Bakongo. Fort de leur supériorité numérique (82 %) ceux-ci se définirent d’abord par oppo­ sition aux autres groupes réputés favorisés par l’administration. En 1958 se constituèrent les deux seuls partis à viser une audience nationale : le Parti solidaire africain (P.S.A .), adversaire de l’Abako, et sous l’impulsion de Lumum ba le Mouvement national congolais (M .N .C .), qui se scinda l’année suivante entre une branche radicale (M .N .C ./Lumumba) et une modérée (M .N .C ./ Kalonji). L a faiblesse du M .N .C ./L. fut de manquer de soutien dans les deux pôles économiques majeurs du pays : la capitale et le Sud-Katanga. Il reposait, en province orientale, sur le triangle Stanleyville-Sankuru-M aniema (zone d’origine de Lumum ba), et sur les régions du K ivu , de l’Equateur ou du K asaï où un appel ethnique était possible (ralliant par exemple au K asai les Lulua contre les Baluba militants du M .N .C ./K .). Ces partis hâtivement constitués furent des formations de transition : au niveau dirigeant, ils visaient la prise en main du pouvoir politique. Au niveau de la masse, ils maintinrent ou renforcèrent les solidarités tribales. Ils s’atomisèrent rapidement en tendances diverses, davantage sous la pression de rivalités de personnes que de Le tournant de iggg

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E NOIRE

divergences idéologiques (si bien que le M .N .C ./L ., pourtant majoritaire au Parlement élu en i960, n’y disposait que de 41 sièges sur 137). Les émeutes de Léopoldville (4-6 janvier 1959) précipitèrent l’évolution. L a colère de la foule, exaspérée par la récession, explosa à l’occasion de l’interdiction d ’un meeting de l’Abako. Sans objectif explicite, elle s’exerça contre les boutiques portugaises et les symboles de la colonisation (missions et dispensaires). Officielle­ ment, 49 Africains y trouvèrent la mort. Le gouvernement belge céda immédiate­ ment : le 13, il promit l’indépendance. U n an plus tard, le « Front commun » des partis nationalistes congolais triomphait à la Table ronde de Bruxelles (janvierfévrier i960). L ’indépendance fut fixée au 30 juin i960. Le suffrage universel porta au pouvoir l’homme qui incarnait le nationalisme congolais radical et unitaire : Patrice Lumumba. Ainsi, à peine fissuré, l’édifice colonial belge s’écroulait d ’un seul coup. C ’est que l’emprise des événements politiques sur l’évolution économique devenait prépondérante. Le boom congolais prit fin en 1956. Pour la première fois depuis la guerre, une contribution belge fut nécessaire en 1959 à l’équilibre du budget. Elle risquait de s’accroître à l’avenir. Le contexte accéléra la rupture entre l’adminis­ tration coloniale d’une part, et de l’autre l’ Eglise — attentive à se démarquer d’un système moribond — et les milieux d’affaires désireux de préserver à long terme leurs intérêts vitaux.

Q,uînze jours à peine après l’indépendance, le Congo sombrait dans le chaos. L a force publique s’était mutinée, les plus riches provinces avaient fait sécession et tous les fonctionnaires belges avaient déserté. Lumumba se trouva confronté à des difficultés insurmontables. Sa volonté de conquérir la souveraineté nationale se heurtait à la fois au tribalisme et à la nécessité de recourir, dans l’immédiat, aux structures héritées de la colonisation. Dans le climat passionnel qui présida à l’indépendance, le soulèvement des troupes (l’avancement des Congolais restant toujours bloqué au grade de sergent) contre le corps des officiers belges et les représailles qui s’ensuivirent (notamment à Matadi) entraînèrent une panique généralisée. L ’africanisation des cadres fut immédiate et brutale, sauf au Katanga. L à , l’Union minière crut trouver en Tchombé le garant de l’ordre, du maintien des Européens et de la protection des usines. Sa contribution financière (officiellement deux milliards de francs belges en 1961 sur un budget de cinq milliards et demi), permit à la province de se doter d ’une gendarmerie animée par des mercenaires étrangers pour lutter à la fois contre les Casques Bleus et contre la sécession Baluba du Sud-Kasaï (soutenue par la Minière du Bakwanga, ex-Forminière). Sans armée, sans administration, sans pouvoir, le seul recours de Lumum ba fut en effet 1*0 .N .U . Au sein d’un gouver­ nement bicéphale inadapté, parce que calqué sur le modèle belge par la loi fonda­

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Lumumta

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D É C O L O N I S A T I O N E T I N D É P E N D A N C E E N AFRIQ,UE C E N T R A L E

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mentale du 19 mai i960, le compromis instable conclu entre un Premier Ministre résolument unitaire et un chef de l’Etat à tendance fédéraliste n’y résista pas : le 5 septembre, le président Kasavubu renvoya Lumumba qui, soutenu par la Chambre, le révoqua deux jours plus tard. Le 14, le nouveau chef de l’Armée nationale congolaise (A.N .C.), Mobutu, les neutralisa l’un et l’autre, au profit ultérieur de Kasavubu. Lumumba, livré au K atanga le 17 janvier 19 6 1, fut aussitôt exécuté. Les modérés à Léopoldville, les pro-lumumbistes à Stanleyville se procla­ mèrent les chefs légitimes de l’Etat tout entier, dans un pays en fait partagé en quatre. A l’issue de difficiles négociations, l’union se refit en août 19 6 1, autour d’un homme de transition, Cyrille Adoula, qui dans le gouvernement Ileo s’était efforcé de mettre fin aux représailles antilumumbistes. Sous la pression de l’O .N .U . (plan U Thant, août 1961) et de Bruxelles, l’Union minière lâcha Tchombé pour conclure, avec le Conseil monétaire de Léopoldville, une convention lui garantissant les devises nécessaires à la poursuite de ses activités (13 janvier 1962). Sa défection contraignit le lendemain le chef katangais à proclamer la fin de la sécession.

Put cro*rc un moment ^ troubles terminés. Mais le malaise e 94 était profond. L a situation financière était catastrophique. Il n’y avait même pas eu de budget en 196 1. L a dette de l’Etat envers l’Institut d’émission passa de 3,9 milliards à 80 milliards entre i960 et 1967. Il en résulta une hausse vertigineuse des prix : à Léopoldville ils passèrent de l’indice 100 en i960 à l’indice 239 (décembre 1962), 476 (décembre 1966) et 584 (juin 1967). Le désastre fut évité de justesse par la réintégration du K atanga qui, en 1963, fournit 56 % des rentrées en devises du Congo. Mais l’effort de stabilisation tenté début 1964 venait trop tard. Il était surtout insuffisant : la dévaluation du franc congolais put d’autant moins juguler l’inflation que, pour la faire accepter, le gouvernement Adoula avait décrété une augmentation générale des salaires de 25 % . L a nouvelle caste dirigeante, issue de la brutale promotion sociale de i960, s’était assuré le pouvoir par la dilapidation des deniers publics et le trafic des influences. Elle refusa durablement les mesures d’austérité qui l’eussent privée des avantages exorbitants dont elle venait de s’emparer : malgré l’opposition de Lumumba, une des premières mesures des députés avait été de quintupler leur traitement fixé primitivement à 100 000 francs par mois. En 1962, le coût des salaires de la fonction publique atteignit 15 milliards sur un budget global de 17 milliards (22 sur 28 en 1963). Le I er avril 1962, une grève générale eut pour seul mot d’ordre la réduction des traitements des hommes politiques. Aussi, lorsque le 29 septembre 1963 le Président Kasavubu ajourna les Chambres indéfiniment, la mesure ne souleva-t-elle pas d’objection. L a réaction des masses rurales fut à la mesure de leur déception. En i960, Les rébellions de 1 6

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H I S T O I R E DE L ' A F R I Q U E N O I R E

l’indépendance n’avait pas seulement signifié pour elles la fin d’un système d ’oppres­ sion, mais aussi le transfert immédiat au peuple congolais des avantages de la colo­ nisation, sans exclure un retour mal défini aux coutumes des ancêtres. Elles ne purent ni comprendre, ni accepter la détérioration de leurs conditions de vie et le maintien d ’une coercition administrative aggravée par la corruption. Rurale et ethnique, l’insurrection fut littéralement portée de village en village par l’espérance que suscitait chez des paysans misérables le mot d’ordre lancé, au nom de Patrice Lumumba, d’une nouvelle indépendance enfin garante de justice et de progrès social pour tous. L a rébellion démarra fin 1963 chez les Bapende-Bambumda du Kw ilu, zone d’élection de l’aile radicale du P.S.A. persécuté par l’aile modérée de Kam itatu qui détenait le pouvoir provincial. L ’impulsion fut donnée par Antoine Gizenga et Pierre Mulélé, enfant du pays et ancien ministre de Lumumba, qui s’efforça de diffuser parmi ses troupes un enseignement marxiste sommaire et opta pour une stratégie de guérilla totale. Le Comité national de Libération (C .N .L.) constitué en octobre 1963 à Brazzaville voulut coordonner les mouvements. Lancé du camp d’entraînement de Gamboma (Congo-Brazzaville), un commando ouvrit un nouveau front à Bolobo en juillet 1964. Gaston Soumialot, chef du C .N .L. pour l’est du pays, prit la direction de la rébellion du K ivu central (avril 1968) qui gagna le NordKatanga (prises d ’Albertville en mai et juin 1964). Nicholas Olenga constitua dans le Maniema et le Kindu l’Armée de Libération du Peuple qui s’empara de Stanley­ ville en août 1964. Sous la direction de Soumialot, d ’Olenga et de Gbenye fut créée la République du peuple du Congo. M ais les bases idéologiques demeuraient confuses : aucune prise de position claire (sur l’expropriation ou les nationalisations) ne précisait le contenu de l’expérience socialiste adaptée aux conditions congolaises qui devait transformer les bases de la société. En dépit de sa volonté « révolutionnaire et populaire», le programme de« réconciliation nationale» du C .N .L . (15 avril 1964) n’excédait guère les objectifs d’un nationalisme classique. En même temps, l’extension démesurée de l’insurrection la fit dégénérer vers des formes magico-religieuses de plus en plus accentuées : Mulélé devint un personnage légendaire, insaisissable et doué d’ubiquité. Les partisans, les« Sim ba» (lions) s’érigèrent en une caste fermée, à la suite d ’un rituel d ’initiation qui était censée leur assurer, grâce aux dawa (médi­ caments) distribués par les sorciers, l’immunité contre les balles ennemies en dépit de leurs armes rudimentaires. Le terrorisme devint de plus en plus brutal (vagues d’exécutions publiques à Stanleyville). Il est difficile de savoir jusqu’à quel point les dirigeants contrôlèrent le mouvement, ou furent au contraire contraints de le suivre, au gré des forces qu’ils avaient déclenchées : toujours est-il que la débâcle de l’A .N .C . et le départ des dernières troupes de l’O .N .U . (juin 1964) favorisèrent le retour au pouvoir de Tchombé. Celui-ci n’hésita pas à remettre sous l’uniforme ses gendarmes katangais encadrés de 400 mercenaires recrutés en Rhodésie et en Afrique du Sud, et à louer

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DÉCOLONISATION E T IN D ÉPEND ANCE E N AFRIQUE CENTRALE

REP. C E N T R A F R I C A I N E

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SOUDAN

C a r t e 38 L es d o u z e p r o v i n c e s CONGOLAISES EN i g 6 6

les services de Cubains en exil pour piloter les avions de l’aide américaine. Le 24 novembre 1964, le sauvetage des otages européens de Stanleyville par des para­ chutistes belges fut le dernier acte majeur de la rébellion. Ce fut la première grande insurrection révolutionnaire en Afrique, révélatrice d’une authentique révolte des masses rurales, proche à certains égards des jacqueries d ’antan. Mais le recours ambigu aux pratiques traditionnelles pour briser les forces de la technique moderne la fit déboucher sur une régression généralisée à coloration xénophobe et raciale.

Le marasme accru par les rébellions et la « katanguisadeUd^7Mobutu d etat rï°n >y du P °uv° î r incita le Président Kasavubu à renvoyer Tchombé (oct. 1965), sous la pression du groupe qui s’était progressivement emparé des organes clés du gouvernement : la Police (Victor Nendaka), l’Armée (Mobutu), les Affaires étrangères (Justin Bomboko) et la Banque nationale (Albert Ndélé). L a confusion des tractations qui s’ensuivirent favorisa le coup d’ Etat des généraux M ulam ba et M obutu (novembre 1965) qui gouverna dorénavant par décrets. L ’acceptation du pays s’explique autant par la nécessité

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C a r t e 39 . — L ’A n o o la e t l a R é p u b l iq u e d é m o c r a t iq u e d u C ongo - K in sh a sa

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DÉCOLONISATION E T IN D ÉPEN D AN CE E N AFRIQUE C EN TR ALE

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de mettre fin à une situation intolérable que par le soulagement de liquider un système parlementaire déconsidéré. Le régime « nouveau style » était résolument favorable à l’Occident et à l’éco­ nomie libérale; mais devant les impératifs de la reconstruction, il s’infléchit vers un nationalisme qui contredisait en partie ses déclarations d’intention. Mobutu réhabilita le héros national, Lumum ba, auquel il décida d’ériger un monument (tout en exécutant Pierre Mulélé, en octobre 1968). Au-dessus des luttes tribales et des factions politiques, il voulut instaurer un gouvernement d’ « Union des régions » (ramenées de 2 1 à 12 par souci d ’efficacité). L ’orientation du régime ne se manifesta pas seulement par des mesures formelles (Léopoldville devint Kinshasa le 30 juin 1966), mais par un durcissement écono­ mique. L ’affaire la plus révélatrice fut celle de l’Union minière du H aut-Katanga. Devant les exigences de la société qui amassait hors du Congo des stocks sous-évalués, Mobutu prit la mesure courageuse de suspendre les exportations de cuivre, de bloquer les comptes de la société et de saisir ses avoirs en Afrique (d’une valeur comptable de 16 milliards et réelle de 40 milliards de francs belges), confiés à un Comité provisoire de gestion : la Gecomin, constituée le 2 janvier 1967 sous forme de Société d’Economie mixte, devint le 15 mai 1968, par ordonnance-loi prési­ dentielle, une société d ’Etat au capital réévalué de 104 millions de zaïres (209 mil­ lions de dollars). En dépit des accords inévitables de coopération commerciale et technique conclus avec la Société générale des Minerais, contrôlée elle aussi par la Société générale, et malgré le rétablissement à la direction d’un personnel européen (après les malversations des trois responsables congolais), l’objectif demeure l’africanisation en profondeur. Des mesures énergiques sont urgentes. Certes, le pouvoir repose d ’abord sur l’A .N .C ., véritable caste privilégiée, qui apparaît comme un des rares éléments d ’unité dans la confusion générale et dont les quelque 50 000 hommes (dont 20 000 ex-gendarmes katangais) sont indémobilisables sans troubles. Mais il continue de s’appuyer sur la bourgeoisie nationale privilégiée. Si les fonctionnaires ont vu réduire certains de leurs avantages, leurs émoluments n’ont guère baissé, au contraire. L a réforme monétaire de juin 1967 s’est contentée de lutter contre la hausse des prix par le recours à la concurrence (en libéralisant le commerce extérieur), de réprimer la spéculation sur devises en fixant un taux de change élevé (voisin du cours parallèle) et de redresser le budget par des mesures fiscales. Mais, pour redonner confiance aux investisseurs, force fut d’autoriser à nouveau, en janvier 1969, le transfert des revenus nets des sociétés étrangères (primitivement réglementé par l’ordonnance du 3 1 décembre 1965). Le rétablissement d’une situation politique calme sur l’ensemble du territoire peut-il être considéré comme acquis sans une revalorisation du revenu des populations rurales, par le relèvement de prix d’achat dérisoires et par la relance de la production ? Conscient de ce grave problème, le gouvernement a déclaré l’année 1968« année agricole». Mais il n’a guère les moyens d’imposer le

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E NO IRE

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retour à la terre qu’il préconise. L a commercialisation des produits vivriers a été désorganisée par l’anarchie des transports. L ’accroissement des importations améri­ caines de riz et de maïs dans les années 1963-1965 met en danger F infrastructure agricole. De plus en plus, la balance du commerce extérieur repose sur les produits miniers : alors qu’en 1959, les cultures de plantation représentaient en valeur 45 % des exportations, la Gecomin en a, en 1967, assuré les deux tiers. Le paradoxe est qu’au Congo la prédominance d’un secteur moderne non intégré (fait qui normalement accentue l’état de dépendance du pays considéré) a rendu particulièrement résistante l’économie du pays, au point qu’on voit m al ce qui subsisterait sans cela de l’ Etat congolais, de ses ressources et de son unité territoriale. Les structures de l’appareil de production, presque entièrement aux mains de firmes étrangères qui ont continué de bénéficier de l’appui technique et financier de la métropole, n’ont cédé ni à l’éclatement des institutions, ni à la désor­ ganisation des finances, ni à la crise de l’Union minière :

Production du cuivre (en milliers de tonnes) 1959

1964

1965

1966

1967

1966

1969

282

276

288

3 16

32I

326

363

Il existe cependant un seuil, supposant un minimum de régularité des grands services publics, de stabilité financière et de maintien de l’ordre, au-delà duquel les pertes encourues par le secteur capitaliste ne seront plus suffisamment compensées. En dépit de l’importance des investissements, le point de rupture risque de se rapprocher, à moins d’une réorganisation profonde des structures socio-politiques et administratives. Reste à savoir si le régime actuel est en mesure de l’assurer.

V III



ANGOLA

Avec plus de cinq millions d’habitants (pour 1 246 700 km*), l’Angola est un des pays les plus peuplés d’Afrique centrale. M ais c’est aussi, comme le reste du domaine colonial portugais, un cas unique de « colonialisme sous-développé » : l’échange, classique ailleurs, de produits bruts absorbés par la métropole contre des biens de consommation et d’équipement, est impossible en raison de la faible industrialisation du Portugal. Le système d ’exploitation reste lié au contrôle et à la possession de la terre. D ’où une structure originale en Afrique noire de la société coloniale, au sein de laquelle cohabitent grandes compagnies concessionnaires et « petits blancs ».

X X X V I I . — L e colonel O jukvu, ch ef de la révolte d u Biafra. Digitized by

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DÉCOLONISATION E T INDÉPENDANCE E N AFRIQUE CENTRALE

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A ux compagnies agricoles, telles la C .A .D .A . (Companhia agricola de Angola) qui assure plus de 80 % de la production de café, ou la Luinha, qui contrôle l’industrie nouvelle de l’huile de palme, se sont adjointes des sociétés minières où dominent les capitaux des Etats-Unis, principal importateur industriel : la Diamana, depuis 1921, branche portugaise de 1 ’Anglo-American Diamond Corporation Ltd, à laquelle participent, également, l’Union minière et la Société générale de Belgique (et l’Angola pour 1 1 , 5 %) dispose de toute la main-d’œuvre africaine des environs de Loanda. L a Cabinda G u lf Oil Co. a reçu en 1968 un contrat exclusif de trois ans de prospection et cinquante ans d’exploitation (16 millions de tonnes d’hydrocarbures prévues pour 1970 mais 5 1 1 000 tonnes en 1969). L a masse de la population portugaise résulte de l’immigration considérable des paysans pauvres de la métropole depuis la seconde guerre mondiale (44000 en 1944, 200 000 en i960), venus échouer dans des zones de colonat dispendieuses, ou grossir en ville le nombre des chômeurs (10 000 à Loanda en 1961 sur un total de 50 000 Blancs). En dépit des assertions officielles sur une communauté nationale qui s’étendrait sans discrimination a u x « provinces» d’outre-mer (1955), leur antiracisme reste théorique et le taux de métissage plutôt moins élevé qu’ailleurs ( 1 métis pour 8 Blancs, soit 0,6 % de la population totale, contre 1 pour 1 1 en Afrique du Sud). Le régime ne se maintient qu’en éliminant les Africains de la gestion de l’Etat. Les assimilados — 30000 sur les 135 000 électeurs — doivent parler le portugais, justifier d’un revenu suffisant et posséder l’ensemble des « qualités nécessaires pour exercer les droits publics et privés du citoyen portugais ». Ils représentent moins de 1 % de la population. Les autres sont soumis à la capitation et au travail forcé — sous forme du « travail obligatoire » destiné à pallier l’insuffisance des volontaires sur les chantiers de travaux publics, ou du « travail sous contrat » imposable par l’Etat au profit des entreprises privées à tout Africain qui ne peut faire état d’au moins six mois d’emploi par an. L ’opposition n’avait plus qu’une issue : l’insurrection armée. Elle démarra en février-mars 1961, lancée par une fraction de la petite bourgeoisie urbaine d ’assimilados. Le quadrillage serré des quartiers entraîna, dès l’année suivante, le démantèlement du Mouvement populaire de Libération de l’Angola (M .P.L.A .) organisé par le D r Neto (médecin et poète mbundu) avec l’aide militaire soviétique. Les cadres se replièrent dans la Guinée de Sekou Touré ou à Accra, auprès de Nkrumah. Mais le mouvement avait gagné la brousse du nord-ouest. L a relève fut assurée par l’Union des Peuples angolais (U .P.A .), le groupe d’opposition le plus modéré mais le plus nombreux contre la domination portugaise (40 000 membres environ en i960). Sous l’impulsion de Roberto Holden, sa base ethnique Bakongo lui valut d’être accueillie par Léopoldville et soutenue par l’Abako de Kasavubu. Mais malgré la reconnaissance officielle de l’O .U .A . (Organisation de l’Unité africaine) et l’aide américaine, le mouvement n’a guère assuré depuis cinq ans que

X X X V I I I . — Election au Cameroun. Digitized by

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NO IRE

l’occupation d ’une bande de terrain limitrophe du Congo. En revanche le M .P .L .A ., entièrement réorganisé depuis 1964 par M ario de Andrade sur une base révolution­ naire, a reconstitué quatre fronts à partir de Brazzaville : vers l’enclave de Cabinda, dans la zone nord de l’Angola, près de la frontière zambienne et, plus récemment, dans le sud-est. Bien que le foyer de guérilla demeure le plus intense que l’Afrique du Sud ait connu jusqu’à présent, la situation est aujourd’hui stationnaire. Les Portugais tiennent les villes et se sont assuré en brousse des zones de sécurité en offrant à leurs recrues, à l’issue d’un service militaire porté à quatre ans depuis 1967, 80 ha de terre pour retenir à la colonie une population blanche de paysans-soldats. Cepen­ dant, l’effort de guerre apparaît à la longue démesuré pour ce petit pays : la lutte contre les rébellions angolaise, guinéenne (depuis 1963) et du Mozambique (depuis 1965) mobilise près de 150 000 hommes (sur un total d’à peine 10 millions d’habitants) et cinq millions d’escudos par an, 40 % du budget national. L e Portugal n’y résiste que grâce au soutien de ses principaux alliés de l’O .T .A .N ., les EtatsUnis et l’Allemagne fédérale, tandis que s’accroît la réprobation internationale : le 30 novembre 1968, l’Assemblée générale de l’O .N .U ., par 85 voix contre 3 et 15 abstentions, a recommandé l’indépendance immédiate des colonies portugaises.

C onclusion

L ’Angola exceptée, tous les pays d’Afrique équatoriale sont aujourd’hui indépendants. Tous connaissent un régime militaire (Congo-Kinshasa, CongoBrazzaville, R .C .A .) ou présidentiel à parti unique (Cameroun, Gabon, Tchad). Autrement dit, le système de démocratie libérale calqué sur les anciennes métropoles s’est avéré inadapté, souvent parce qu’à l’origine le manque de formation politique des parlementaires les a incités à satisfaire leur clientèle ethnique aux dépens des deniers de l’Etat. Les régimes autoritaires actuels préfèrent, au nom de l’efficacité, confier les postes clés à des équipes de technocrates. Chaque jour voit, en effet, progresser l’africanisation de cadres compétents formés « sur le tas » ou dans les universités étrangères ou locales (Lovanium, Yaoundé, Brazzaville). Reste à savoir dans quelle mesure, au sortir de luttes tribales souvent sans merci, dans des pays qui constituent de véritables mosaïques de peuples (comme le Gabon ou le Congo-Kinshasa) aux genres de vie parfois contradictoires (nomades et séden­ taires, peuples de sahel, de savane ou de forêt, animistes, chrétiens et musulmans du Cameroun, du Tchad ou de R .C .A .), les nations sont en train de se faire. Peut-être l’un des signes en est-il précisément l’adoption quasi générale de régimes autoritaires à parti unique. Ils correspondent, certes, au souci d’imposer à tous la politique du chef. Mais ils révèlent aussi la nécessité de mettre fin aux troubles engendrés depuis

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plusieurs années par des divisions ethniques exacerbées, au nom d’une unité nationale que les chefs d’Etat ont tous la volonté d’incarner. On en vient enfin à s’interroger sur la marge de manœuvre laissée, à court terme, à des états aux impératifs financiers si contraignants, lorsque l’on voit, par exemple, un pays proclamant son attachement aux lois de l’économie libérale nationaliser sa plus puissante entreprise (l’Union minière du haut Katanga) ou, au contraire, un Etat qui se veut socialiste reconnaître la nécessité de « privatiser » certains secteurs de son économie. Dans tous les cas, l’aide extérieure demeure prépondérante. Elle ne diffère que par son origine : mais que le nouveau complexe textile camerounais soit rede­ vable à des capitaux franco-allemands tandis que celui du Congo-Brazzaville provient de fonds chinois ne modifie pas dans l’immédiat l’évolution industrielle. De même, dans ce dernier pays où, comme ailleurs, les investissements privés sont bien supérieurs à l’aide publique, le financement par P U .R .S.S. du grand hôtel Cosmos n’a guère plus de résonance politique que celui d’une cimenterie par la République fédérale allemande. C ’est à long terme seulement que se révéleront sans doute les effets des grandes options politiques et sociales, à condition que les choix effectués par les organismes responsables acquièrent une rigueur qu’ils sont encore loin de toujours posséder. Dans l’immédiat, le bilan serait davantage d’ordre psychologique — ce qui n’est pas pour autant négligeable. On peut opposer, par exemple, le climat de malaise et la rancœur passive qui pèsent sur un Gabon pourtant si paisible ou l’inquiétude haineuse qui surveille au Cameroun pacifié l’expansionnisme Bamiléké, au dyna­ misme qui émane de pays plus troublés mais où les hommes paraissent disposés à prendre en main leur destin : ainsi en va-t-il du Congo-Brazzaville, dont les efforts souvent brouillons forcent pourtant la sympathie, ne serait-ce que par la volonté de se faire « contre » les autres plutôt que grâce à eux.

BIBLIOGRAPHIE

A — OUVRAGES G ÉN ÉR A U X M algré le grand nombre d ’ouvrages consacrés aux problèmes de l’Afrique contemporaine, il existe peu de travaux portant sur l’histoire récente de la région. On trouvera les prémices de la période dans H . D esch am ps , L'éveil politique africain, Paris, coll. « Que sais-je ? », 1952, et les grandes étapes dans J . G a n ia o e , H . D esch am ps et O. G u it a r d , L'Afrique au X X e siècle, Paris, 1966, p. 420-463 et 793-863. L a somme de von A l b e r t in i , Dekolonisation..., jgrg~rg6o, Colloque, 1967, dresse un utile parallèle de l’évolution des Empires et des procédés de décolonisation français et britanniques. Le manuel de la collection « U », L'Afrique noire contemporaine, est une bonne introduction aux problèmes d'aujourd’hui et l’U .A .M .C .E . a publié, en quatre volumes, l’étude monographique de 31 pays africains.

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B — É T U D E S R ÉG IO N A LES

LES PAYS D’EXPRESSION FRANÇAISE

Les publications d ’ Ediafric et de l’U .D .E .A .C . constituent d ’utiles instruments de travail, en rassemblant des fiches bien mises à jour sur l’évolution récente des différents états : citons La politique africaine en 1968 ; Memento de l'économie et de la planification africaines, 19 6 8 ; L'industrie africaine en 1968 ; et l’ Annuaire de l'U .D .E .A .C ., Paris, 1967. Les Notes et études documentaires ont édité une série de mono­ graphies, malheureusement vieillies pour la plupart : Cameroun, n° 274 1, 19 6 1; République gabonaise, n° 2795, 19 6 1, et n° 3703, 19 70 ; République du Congo, n° 2732, i960; République centrafricaine, n° 2733, i960; Tchad, n° 2696, i960, et n° 3 4 11 , 1967. Pour le reste, les études sont rares. On doit le plus souvent recourir à des articles de revues spé­ cialisées, politiques ou économiques.

Gabon On trouvera un tableau du pays à la fin de l’époque coloniale dans F. C h a r b o n n ie r , Gabon, terre d'avenir, Encyclopédie d ’outre-mer, 1957. L ’ouvrage de Brian W e in s t e in , Gabon : nation building on the Ogooue, Cambridge, Mass., 1966, est l’un des premiers du genre. Ses conclusions sont résumées dans « Léon M ba : The ideology o f dépendance », Genève-Afrique, n° 1, V I , 1967, p. 49-62. Sur l’évo­ lution économique récente, les principaux travaux sont : J . B o u q u e r e l , Port-Gentil, centre écono­ mique du Gabon, Cahiers d'outre-mer, n° 79, 1967, p. 247-274, et Le Gabon, « Que sais-je ? », 19 7 0 ; Gabon 1967, Bulletin de l'Afrique noire, n° 220, 1967, et Les comptes économiques du Gabon, Banque centrale des Etats d'Afrique équatoriale. Etudes et statistiques, n° 136, 1968, p. 459-462. Citons enfin les articles de fonds de Ph. D e c r a e n e , Le Monde, 20 février 1964, 18 août 1966, 9 juillet 1968, 7 et 8 ju illet 1970.

Congo-Brazzaville Comme pour le Gabon, on trouvera les données fondamentales, physiques, humaines et éco­ nomiques dans G . S a u t t e r , De l'Atlantique au fleuve Congo. Une géographie du sous-peuplement, République du Congo, République gabonaise, Paris, 1966. Pour le reste, à l’exception d ’une étude sommaire de J .- M . W a o r e t , Histoire et sociologie politique de la République du Congo, et de l’ouvrage du géographe P. V e n n e t ie r , Pointe-Noire et la façade maritime du Congo-Brazzaville, O .R .S .T .O .M ., 1968, il existe seule­ ment quelques articles, parmi lesquels ceux de P. V e n n e t ie r dans les Cahiers d'outre-mer (« L a S .I.A .N . », n° 62, 1963, p. 43-80 et 1965, p. 8 7-9 0 ;« Le gisement de potasse du Congo-Brazzaville», n° 79, 1967, p. 306-309, etc.), à compléter par « Evolution économique du Congo en 1967 », Bulletin de l'Afrique noire, n° 5 0 1, 20 mars 1968, p. 1 0 1 1 3 - 1 0 1 1 9 , et un excellent rapport financier, 1968 (inédit), de Sam ir A m in , commenté dans S. A m in et C. C o q u e r y . V ., Histoire économique du Congo 1880-1968, Paris, 1970. Signalons enfin divers articles de Ph. D e c r a e n e et G . C o m te , Le Monde, 17 août 1963, 22 et 23 décembre 1964, 3 et 7 septembre 1968, 25 au 27 mars 1970, et une étude originale de P. B o n n a fé , Une classe d ’âge politique : la J.M .N .R ., Cahiers d'Etudes africaines, n° 3 1, V I I I , 1968, p. 327-368.

République centrafricaine Plusieurs articles sont à glaner dans Bulletin de l'Afrique noire, dont les n°* 2 18 et 2 19 , juillet 1967. Les études les plus récentes sont le Plan de Développement économique et social (1967-1970), secrétariat d ’ Etat... chargé de la Coopération, 1968, et le numéro spécial de La Cité, A . H . F la ssc h , L a R ép u ­ blique centrafricaine, Paris, 1968. P. K a l c k , Réalités oubanguiennes, Paris, Berger-Levrault, 19 59.

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D É C O L O N I S A T I O N E T I N D É P E N D A N C E E N A F RI Q JJ E C E N T R A L E

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Tchad Outre le numéro récent de Notes et études documentaires déjà cité, et les articles économiques du Bulletin de l'Afrique noire, Tableau des industries du Tchad, n° 3 15 , 26 février 1964, p. 6402-6404, et Situation de l’élevage, n° 534, 26 décembre 1968, p. 10772-10774, on se référera aux reportages de Ph. D e c r a e n e , J . I sn a rd et G . C o m te , Le Monde, 28 et 29 mars 1967, 23 au 25 septembre 1969 et 5 au 7 mai 1970. Un dossier récent présente le cadre juridique et politique et l’évolution actuelle de la production : L'essor du Tchad (G. D io u im b a ye et R . L a n g u e ), Paris, Presses Universitaires de France, 1969. J . C a b o t , Le bassin du Moyen-Logone, Paris, 1965, est une étude régionale de qualité.

Cameroun Les ouvrages de J.- C . F r o e l ic h , Cameroun, Togo, territoires sous tutelle, Paris, 1956, et de Cl. T a r d it s , Contribution à l'étude des populations Bamiléké de l'Ouest camerounais, Paris, i960 (à compléter par J . H u r a u lt , La structure sociale des Bamiléké, Paris, Mouton, 1962), sont déjà anciens. Ce pays important vient enfin de donner lieu à une étude économique de synthèse : Ph. H uoon , Analyse du sous-développement en Afrique noire (l'exemple du Cameroun), Paris, 1968. Deux articles de fond traitent du problème politique : J.- M . Z an g -A ta n o a n a , Les partis politiques camerounais, Recueil Penant, n° 684, i960, p. 681-708, et P. V er o n a u d , L a levée de la tutelle et la réunification du Cameroun, Revue juridique et politique, n° 4, 1964, p. 556-573. Sur les émeutes de 1955, on consultera Cameroun. Leçon d’une rébellion, Bulletin du Comité de l'Afrique française, n° 76, 1955, p. 150-152, et sur l’idéologie de l’U .P .C ., La pensée de Um Nyobé, Yaoundé, 1961, et A . B l a n c h e t , Cameroun : 1’indépcndance sans l’unité nationale, Esprit, n° 28 1, i960, p. 307-309. De nombreux articles du Bulletin de l'Afrique noire traitent de l’essor du pays, notamment Aspects économiques du Cameroun en 1967, n° 487, 1967, p. 9827-9844. Sur le chemin de fer transcamerounais, deux études : dans La vie du rail outre-mer, n° 132, 1965, p. 8-16, et Coopération et développement, n° 5, 1965, p. 52-56. Enfin, sur les problèmes agricoles, une enquête solide : G . B a r b o t e u , U . P oisson et P. V ig n a l , Etude des structures rurales, 3 vol., M in. Coopération, 1962, et sur l’idéologie libérale du Président Ahidjo, Luc D u ra n d - R é v il l e , Un séminaire à Yaoundé... L e Cameroun, terrain d’élection pour les investissements privés, Marchés tropicaux et méditerranéens, n° 1097, 1966, p. 30 15-30 17. Les seules mises au point récentes sont celles de Ph. D e c r a e n e et de P. B ia r n è s , Le Monde, 28 au 31 mai 1967 et 7 mai 1968, et le reportage des Echos, 6 janvier 1970. CONGO-KINSHASA

Plusieurs ouvrages fondamentaux ont débroussaillé l’imbroglio des péripéties congolaises : R . L em a r ch a n d , Political awakening in the Congo : The Politics o f Fragmentation, Londres, Cambridge U n. Press, 1964, qui examine successivement la situation coloniale et l’évolution des partis politiques, et surtout C. Y oung , Politics in the Congo, decolonization and indépendance, Princeton, New Jersey, 1965, excellente analyse jusqu’en 1964. Citons également l’exposé lucide d’un journaliste, G . G io v a n n in i, Congo nel cuore delle tenebre, éd. Mursia, 1967; H . T o u r n a ir e et R . B o u tea u , Le livre noir du Congo (Congo, Katanga, Angola), Paris, 1963, et P. B o u v ie r , L'accession du Congo belge à l'indépendance, essai d'analyse sociologique, Bruxelles, 1965. Sur le personnage de Lumumba, une biographie attachante de son ex-ministre de l’ Information : A. K ash am u ra , De Lumumba aux colonels, Paris, 1966, des textes choisis introduits par J.- P . S a r t r e , La pensée politique de P. Lumumba, Présence Africaine, 1963, et son ouvrage Le Congo, terre d'avenir, est-il menacé?, Bruxelles, Office de Publicité, 1961. L a sécession du Katanga a donné lieu à de bonnes analyses : J . G é r a r d - L ib o is , Sécession au Katanga, Bruxelles, 1964, et J . C h ô m é , Moïse Tchombé et l'escroquerie katangaise, Bruxelles, 1966. Sur l’évolution politique

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depuis l’indépendance, les publications annuelles de documents assurées par le C .R .I.S .P . (BruxellesLéopoldville) de 1959 à 1965 sont irremplaçables, de même que B. V rrhaegen , Rébellions au Congo, C .R .I.S .P ., consacré aux soulèvements de 1964. R . C ornevtn, Histoire du Congo-Kinshasa, Paris, Berger-Levrault, 1970. Les reportages du Monde éclairent l’évolution récente : £ . L ejeune , Clés pour le Congo, 29 septembre 1964, et O ù va le C on go?, i, 2 et 3-4 janvier 1965, J . Z iegler , Naissance d ’une dictature, I er janvier 1966, et G. P euchener , L e Congo à l’heure de M obutu, 1, 2, et 3 septembre 1966, de même que C l. R o m s, L ’itinéraire de M obutu : de Lum um ba à Lumumba, Trois continents, n° 1, février-mars 1967, p. 20-22. Les articles économiques de la revue Etudes congolaises sont excellents : L ’évolution de l’économie congolaise depuis l’indépendance, n ° 8, 1964, p. 1 - 1 9 ; T h. L ukusa, Situation économique et financière en 1965 et 1966, n° 3, 1967, p. 1-25 et Quelques aspects de l’économie congolaise en 1967, n° 1, 1968, p. 64-80; J . G érard -L ibois, L ’ Union minière du haut Katanga, n° 2, 1967, p. 1-47. Enfin, Essor de la Gecomin, Industries et travaux d'outre­ mer, n° 178, 1968, p. 749-751, à compléter par l’inventaire de P. J oye et R . L e win , Les trusts au Congo, 19 6 1, et la brochure de L . M oshéjé , Pénétration américaine au Congo, c o ll.« Etudes congolaises», n° 10, Bruxelles, 1961.

GUINÉE ÉQUATORIALE Outre le fascicule des Notes et études documentaires consacré aux Territoires espagnols d'Afrique, n ° 2 9 5 1, 1963, les mises au point les plus accessibles sont celles du Monde, P. Biarnès, 16 octobre 1966 et Ph. D ecraene, 2 1-22 juillet 1968. L a seule synthèse de langue française est celle de R . P élissier, Etudes hispano-guinéennes, Nanterre, 1969, 64 p.

ANOOLA Sur le régime colonial, l’ouvrage de base est celui de J . D uffy, Portuguese Africa, Cam bridge U n. Press, 1959, à compléter par Portugal in Africa, Penguin African Library, 1962, et par l’ouvrage passionné et passionnant d ’un journaliste américain, P. A nderson, Le Portugal et la fin de Vultra-colonialisme, Paris, Maspero, 1963. Présence africaine a publié plusieurs dossiers : Angola 1961, 3* trim. 1961, p. 20-44; 3e trim. 1962, 222 p .; Ier trim. 1963, p. 105-157; enfin M am adou K aba D anis , L a révolution angolaise, 4® trim. 1967, p. 127-137.

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C H A P IT R E

III

L e N ord -E st I — ÉTHIOPIE ET SOM ALIS L a déclaration de guerre de Mussolini à la Grande-Bretagne et à la France, le io juin 1940, mit un terme à neuf mois de non-belligérance italienne et créa une situation entièrement nouvelle en Afrique orientale. L a lutte entre l’armée italienne d’occupation et les patriotes éthiopiens était désormais éclipsée par la guerre entre la Grande-Bretagne et l’Italie. A l’ouverture des hostilités, la masse des armées italiennes en Afrique orientale se trouva isolée de celles d’ Italie et de Libye par les Britanniques qui contrôlaient à la fois l’Egypte et le Soudan avant la déclaration de guerre; cependant, les Italiens avaient installé des forces puissantes et des stocks d’approvisionnement considérables. Avec au moins 300 000 hommes, 400 canons lourds et 200 avions, ils espéraient pouvoir lancer un puissant assaut sur les territoires britanniques voisins qui sem­ blaient à leur merci. Le 4 août, l’armée italienne envahit le Somaliland britannique qui, avec une armée de temps de paix de 47 officiers britanniques et 1 200 soldats africains, ne pouvait qu’opposer une résistance symbolique et fut évacuée en un peu plus de quinze jours. Des forces italiennes importantes traversèrent aussi la frontière du Kenya à Moyalé, contraignant les Britanniques à se retirer de la frontière septentrionale du Kenya. De même, les troupes italiennes en Erythrée pénétrèrent au Soudan, défendu alors par seulement 2 500 soldats britanniques et 4 500 militaires de la Sudan Defence Force. Les Italiens occupèrent assez facilement Kassala et Galabat. L a déclaration de guerre italienne et l’implication de la Grande-Bretagne qui s’ensuivit fut un événement d’importance majeure pour les Ethiopiens qui atten­

Mussolini entre dans la guerre européenne

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NO IRE

daient justement celui-ci. Un mois plus tôt, en mai, Bonaccorsi, chef des Chemises noires en Afrique orientale, avait déclaré dans un rapport révélateur : « Dans tout l’Em pire, il y a une situation de révolte latente qui trouvera son dénouement tragique lorsque la guerre éclatera. Si, à quelque point de notre Em pire, un détachement anglais ou français devait pénétrer drapeau déployé, il ne lui faudrait que peu — voire pas — de troupes, car il verrait la grande masse de la population abyssine rallier ses couleurs pour combattre et chasser nos troupes. Dans une telle éventualité, nous serions incapables de nous opposer à l'ennemi. »

L ’empereur Haïlé Sellassié attendait aussi l’entrée en guerre de de Hatttscllassïé Mussolini. Pendant les mois de non-belligérance italienne, les Britanniques, soucieux de ne pas irriter les Italiens, avaient dissi­ mulé l’exilé éthiopien à l’attention publique, et s’étaient vraiment arrangés pour le passer complètement sous silence. L ’empereur avait écrit au secrétaire des Affaires étrangères H alifax pour lui offrir ses services, mais on ne l’avait honoré d ’aucune réponse. Ses espoirs de plus en plus déçus par un tel traitement, il n’en comptait pas moins qu’à la décla­ ration de guerre par l’Italie, on l’accueillerait avec joie comme allié. D ’autre part, l’opinion officielle britannique témoignait de beaucoup d ’hésitations; il y avait d ’abord quelque réticence de la part d ’une puissance coloniale à traiter un Etat africain sur un pied d ’égalité, d’autant que cela semblait impliquer un soutien à ce que beaucoup regardaient comme un « soulèvement indigène >► contre un régime colonial. On se rendait compte que la reconnaissance de l’empereur lierait les mains aux Britanniques en rendant difficiles des négociations de paix qui permettraient aux Italiens de continuer à occuper l'Ethiopie. On était enfin sceptique sur la possibilité pour l’empereur de rallier les Ethiopiens autour de lui et, s’il les ralliait, sur sa capacité à apporter une contribution importante à la guerre. Néanmoins, de telles attitudes n’étaient pas du tout générales. Bien des Britanniques se souve­ naient avec honte que leur gouvernement avait abandonné l’empereur en 1936 et pensaient que la restauration de l’indépendance de l’Ethiopie était un acte de justice élémentaire. Ce point de vue trouva un large soutien auprès du public britannique, sur lequel la personnalité de Haïlé Sellassié avait fait une poignante impression. Pendant plusieurs semaines après la déclaration de guerre par Mussolini, le gouvernement britannique observa une prudente réserve à l’égard de l’empereur et évita toute reconnaissance de l’Ethiopie comme alliée. Les partisans de la cause éthiopienne attaquèrent cette inaction dans la coulisse, ce qui eut pour effet l’accord donné par le gouvernement au départ de l ’empereur de l'Angleterre par air pour Khartoum le 25 juillet. Une fois au Soudan, ü se heurta à de nouveaux retards. Bien que les réfugiés eussent commencé à se rassembler pour le rejoindre, il priait en vain qu’on lui accordât le statut de souverain indépendant allié à la Grande-

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LE N O RD -EST

Bretagne; il lui fut impossible d’obtenir les armes dont il avait besoin. L ’officier britannique Steer rapporte ses plaintes amères : « On m’avait promis en Angleterre un appui aérien total, disait l’empereur, et me voici maintenant sans un seul appareil, ni un seul canon anti-aérien. J'aurais mieux fa it de ne jamais quitter l'Angleterre. » Entre-temps, le 12 août, les Britanniques envoyèrent à Godjam une petite mission, la mission 101 commandée par un officier britannique, le colonel Sandford, composée de cinq officiers britanniques et cinq officiers éthiopiens, plus une centaine de réfu­ giés éthiopiens. Elle avait pour instructions de fomenter des révoltes derrière les lignes ennemies. Confrontée à la situation militaire critique en Afrique orientale, une conférence ministérielle fut convoquée le 28 octobre à Khartoum. Y assistèrent Eden, alors secrétaire d’Etat britannique à la Guerre, le Premier Ministre sudafricain Smuts et les généraux responsables de ce théâtre d’opérations. Toujours peu disposée à approvisionner abondamment l’empereur en armes, la conférence convint de fournir quelques armes aux Ethiopiens qui combattaient l’ennemi commun, et de leur accorder dorénavant le titre de « patriotes », sans les considérer comme des rebelles contre la loi italienne. On décida aussi qu’ils seraient instruits par des officiers britanniques. L ’un d’eux, le major Orde Wingate, soutenait vigoureusement la cause de l’empereur, et pressait les Britanniques d’appuyer les Ethiopiens beaucoup plus puissamment qu’on ne l’avait d’abord pensé. Dans les mois qui suivirent, la situation militaire changea. La présence de l’empereur au Soudan, l’activité de la mission 101 et la publication à Khartoum d’un journal amharique libre, Benderachin (Notre drapeau), stimulèrent grandement les patriotes éthiopiens, dont la présence dans tout le pays semait la terreur et la désorganisation dans les rangs ennemis. Les plans d’avance à l'intérieur du Soudan furent abandonnés par les Italiens en faveur de tactiques défensives. Les Alliés gagnèrent ainsi du temps pour mettre sur pied une armée considérable de Bri­ tanniques et d’indiens, de Forces françaises libres, de Belges, de Sud-Africains et d’Ethiopiens qui, en décembre 1940, comptait au Soudan 40 000 hommes, et 30 000 au Kenya. Dans cette situation nouvelle, l’armée alliée du nord commandée par le général Platt passa la frontière du Soudan en Erythrée le 19 janvier 1941. Le len­ demain, l’empereur, avec Wingate comme principal conseiller, entra en Ethiopie près d’Um Idla. Quatre jours plus tard, une armée alliée du sud, opérant au Kenya sous les ordres du général Cunningham, attaqua les positions italiennes en Somalie italienne et en Ethiopie. La scène était prête pour une offensive alliée qui, en quelques mois, devait balayer les Italiens de l’Afrique orientale. Au nord, le général Platt s’empara d’Agordat le I er février et continua en direction de l’est vers Kéren qui, après une vive résistance, tomba le 27 mars. Asmara capitula quelques jours après, le I er avril. Pendant ce temps, dans le centre du pays, l’empereur vainquait une résistance opiniâtre. Il atteignit Enjabara, dans le Godjam, le 23 février et entra dans Dabra Markos, capitale de la province, le 6 avril. Les Italiens se reti-

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E N O IRE

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rèrent alors au-delà du Nil bleu. L a progression dans le sud fut encore plus rapide, parce que les Alliés y rencontrèrent beaucoup moins d’opposition. Traversant le Djouba sans difficultés, ils avaient pris Mogadichou le 26 février, occupé H arar le 7 mars, et Addis-Abeba tomba aux mains du général Cunningham le 6 avril. Le duc d’Aoste, commandant l’armée italienne, capitula le 19 mai à Amba Alagi. Des combats sporadiques contre des unités ennemies isolées continuèrent encore longtemps, et Gondar ne fut pris que le 27 novembre. L ’empereur avait souhaité entrer à Addis-Abeba aussitôt après la capitulation italienne le 6 avril, mais le général Cunningham s’y opposa vigoureusement sous le prétexte que la restauration immédiate des autorités éthiopiennes pourrait mettre en danger les vies des Italiens dans la ville. L ’empereur envoya de fréquentes protestations au général britannique, et déclara finalement qu’il entrerait dans la capitale en dépit de l’opinion de celui-ci. Haïlé Sellassié entra donc triomphale­ ment dans sa capitale le 5 mai, cinq ans après la prise de la ville par les Italiens en 1936. Le général Cunningham avait dit au chef des patriotes R as Abébé Arégay que 700 hommes seulement seraient autorisés à défiler dans les rues, mais en dépit de ces injonctions, il y en eut 10 000. L ’empereur prononça alors un discours annonçant que ce jour était « le commencement d’une ère nouvelle ».

^TEthiop^1

L ’effondrement de la domination italienne en Afrique orientale souleva une armée de problèmes nouveaux. Christine Sandord, rappelant la situation devant laquelle se trouvait l’empereur, écrit :

« Il n’y avait aucune partie du pays qui n’eût été en guerre dans les six mois précédant son entrée, et beaucoup de districts avaient été ravagés plusieurs fois pendant les six années précédentes. Où qu’on allât, on ne voyait que bâtiments ébranlés, ponts rompus et véhicules abandonnés. L e pays était plein de fusils, de mitrailleuses et de bombes pris à l’armée ennemie, ou abandonnés par lui dans sa fuite. Certes, ces armes n’étaient pas toutes entre les mains de paysans paisibles, seulement désireux de retourner à leur charrue. Elles étaient pour beaucoup aux mains de soldats indigènes licenciés de l’armée italienne, ou de partisans patriotes qui, après avoir vécu plusieurs années hors la loi, avaient besoin de temps et d ’occasions pour être réabsorbés par une paisible collectivité. Ces éléments indisciplinés — à tout le moins instables — de la population devaient vivre — et en fait vivaient — sur le pays... Les moyens de communications avaient été disloqués et les routes étaient dangereuses... L e commerce était mort et dans beaucoup de districts on manquait de choses nécessaires à la vie : sel, vêtements, et même nourriture dans de vastes régions. »

Un autre problème était posé par la présence dans le pays de 40 000 civils italiens, encore des ennemis potentiels, qui avaient besoin de protection, de ravi­ taillement et de soins médicaux et qui, s’ils en étaient privés, pouvaient facilement servir à justifier les exigences, alors largement discutées, d’une tutelle étrangère sur le pays. Tous ces problèmes étaient aggravés par le fait que l’ancienne administration

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éthiopienne, qui avait dû beaucoup à une longue histoire d ’indépendance continue, ainsi qu’aux réformes des empereurs Ménélik et Haïlé Sellassié, avait été licenciée depuis cinq ans. Beaucoup d ’hommes qui avaient fait leurs preuves avaient été dispersés; de nombreux jeunes hommes formés par l’étranger, et des plus prometteurs, avaient été massacrés par les envahisseurs. Les patriotes, dont les chefs réclamaient des postes dans l’administration en récompense des services rendus, même s’ils se trouvaient avoir peu d’autres qualifications, créaient une autre complication. Une des premières questions posées au gouvernement éthiopien fut celle des relations avec les Britanniques qui, quoique les libérateurs du pays, étaient devenus une puissance occupante. Dès le début les relations anglo-éthiopiennes furent presque inévitablement équivoques, car la libération s’était faite si rapidement qu’on avait peu songé à l’avenir. Il n’y avait guère qu’une déclaration politique officielle britannique antérieure à la capitulation italienne, celle du secrétaire d’£ta t aux Affaires étrangères Eden, le 4 février 1941 : « L e gouvernement de S . M . accueillerait avec joie la réapparition d’un Etat éthiopien indé­ pendant et reconnaîtrait la prétention de l'empereur H aïlé Sellassié au trône. L ’empereur a donné à entendre au gouvernement de S . M . qu’il aurait besoin d ’aide et de conseils de l ’extérieur. L e gouvernement de S. M . en est d ’accord et considère que les conditions de cette aide et de ces conseils en matière économique et politique devraient faire l’objet d’un accord international à la conclusion de la paix. Il confirme n’avoir lui-même aucune ambition territoriale en Abyssinie. En attendant, la conduite des opérations militaires par les troupes impériales en certaines régions de l’Abyssinie exigera des mesures provisoires de direction et de contrôle. Elles seront prises après consultation de l’empereur, et rapportées aussitôt que la situation le permettra. »

L e point de vue officiel britannique a été plus tard déterminé dans des conver­ sations tenues au Caire à un niveau élevé en février et mars. Y participaient Eden, Sir Jo h n Dill, chef d’état-major général de l’Empire et Sir Philip Mitchell, directeur politique pour le Moyen-Orient, chargé d’organiser administrativement les terri­ toires ennemis occupés. Selon un rapport officiel, ces discussions aboutirent au rejet de toute idée de protectorat ou de prévision d ’une puissante administration occi­ dentale du pays. Néanmoins, après le retour de l’empereur, il y eut souvent des tensions entre les Ethiopiens et les Britanniques, dont les idées sur le futur gouver­ nement du pays différaient radicalement. Les Ethiopiens s’attendaient à assumer sans délai une souveraineté nationale entière. L ’empereur constitua donc son premier cabinet le 1 1 mai, sur quoi le brigadier-général Lush, représentant britannique, protesta : « S.M . ne peut recouvrer pleinement son statut et ses prérogatives d ’empereur avant la signature d ’un traité de paix avec l’Italie. Jusque-là, le roi d ’ Italie demeure le chef légal de l’Ethiopie. » U n autre fonctionnaire britannique, Waterfield, rappelait plus tard : « Les fonctionnaires britanniques responsables de l’administration politique... parlaient ouvertement d’instaurer sur l ’Ethiopie un contrôle sur le modèle de celui du Soudan, avec des officiers politiques dans tout

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HISTOIRE DE L'AFRIQ UE N O IR E

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le pays. L ’émotion était grande entre les deux parties. » Finalement, les Britanniques acceptèrent la nomination des ministres, mais « prirent le parti de les regarder comme de simples conseillers », pour l’administration britannique du pays. L a tension fut accrue par la présence à Addis-Abeba de troupes sud-africaines qui tentèrent de maintenir la barrière raciale instaurée par les Italiens. Sir Philip Mitchell poussait le gouvernement britannique à adopter vis-à-vis des Ethiopiens une politique de fermeté mais il ne fut que partiellement suivi, car on pensait à Londres que la Grande-Bretagne devait montrer au monde qu’elle pouvait libérer un pays sans lui imposer de liens politiques. Cependant, Sir Philip pressa l’empereur d ’accepter de consulter les Britanniques « dans toutes les matières touchant le gouvernement de l’Ethiopie », de ne lever des impôts et de n’engager des dépenses qu’après accord du gouvernement de S.M ., de confier aux tribunaux britanniques les affaires concernant des étrangers, de « n’élever aucune objection » si le commandant en chef des forces britanniques « jugeait nécessaire de reprendre en mains l’autorité militaire sur une région de l’ Ethiopie » et de ne lever aucune armée ni entreprendre aucune opération militaire « sans l’accord du représentant de S.M . ». Haïlé Sellassié jugea ces propositions intolé­ rables, et télégraphia à Londres pour demander à Winston Churchill pourquoi on tardait tant à signer un traité entre les deux pays. Le Premier Britannique invoqua en réponse le désir de s’assurer qu’il ne demeurait rien dans le projet d’accord « qui pût être interprété comme une immixtion dans ses droits souverains ou dans l’indépendance de l’Ethiopie ». Un accord anglo-éthiopien fut enfin signé à Addis-Abeba le 3 1 janvier 1942, qui marquait une victoire du point de vue de l’empereur. Par cet accord, la GrandeBretagne reconnaissait l’Ethiopie comme Etat souverain indépendant, et la liberté pour l’empereur de former un gouvernement. L ’accord stipulait de plus que la Grande-Bretagne fournirait au gouvernement éthiopien 3 250 000 livres pendant les quatre années à venir, l’initiative des dépenses restant entièrement aux mains de l’empereur; et qu’il serait assisté de conseillers britanniques placés aussi sous son autorité. En retour, l’empereur consentait à contrecoeur que la « zone réservée », une bande du territoire éthiopien longeant la Côte française des Somalis, alors aux mains de Vichy, demeurât sous administration militaire britannique, ainsi qu’une bande de terrain le long du chemin de fer d’Addis-Abeba à Djibouti, et l’Ogaden, province Somalie inhabitée qui avait fait partie de l’Ethiopie jusqu’en 1936, lorsque les Italiens l’annexèrent à leur colonie de Somalie. Le résultat le plus positif de l’accord fut la venue d’une mission militaire britannique qui organisa l’armée éthiopienne sur une base moderne. L a police éthiopienne naquit également grâce à l’assistance britannique. L a présence dans le pays de nombreux Italiens créait pendant ce temps une méfiance croissante chez les Britanniques. « Un certain nombre d’ Italiens influents, écrivait Wakefield, étaient en rapports quotidiens avec le palais, par l’entremise de

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fonctionnaires éthiopiens; et, dans l’intérieur, les R as employaient les officiers et les soldats italiens pour l’instruction militaire des Ethiopiens. » Les Britanniques insistaient pour qu’on déportât la plupart des ressortissants ennemis, en dépit du fait qu’ils comptaient beaucoup de techniciens nécessaires à des services essentiels. Beaucoup d’ Italiens se cachèrent et furent abrités par leurs ex-ennemis. Les conditions d ’occupation de l’Ethiopie orientale furent modifiées par un second accord anglo-éthiopien signé le 9 décembre 1944 après trois mois de négo­ ciations. Il stipulait l’évacuation par les Britanniques de la zone du chemin de fer, mais le gouvernement éthiopien consentait à les autoriser à occuper les autres zones ; toutefois, il était déclaré expressément qu’il le faisait « de façon à contribuer, en tant q u’allié, à la poursuite effective de la guerre et sans préjudice de sa souveraineté fondamentale ». Cependant, l’occupation britannique prolongée était amèrement ressentie par les Ethiopiens, surtout après 1946, lorsque le secrétaire britannique aux Affaires étrangères Bevin proposa que la zone fût définitivement séparée de l’Ethiopie. L e 24 juillet 1948, le gouvernement britannique consentit enfin à évacuer l’ Ogaden; mais les Britanniques ne se retirèrent de la zone réservée, le Haoud y compris, q u’après l’accord anglo-éthiopien du 29 novembre 1954, par lequel l’Ethiopie recouvra finalement sa pleine souveraineté sur son territoire d’avant-guerre. Les années autour de 1950 furent une importante époque de reconstruction. Elles virent, en 1942, la création d’une nouvelle banque, la Banque d’ Etat d’ Ethiopie, et d ’une nouvelle monnaie, et en 1946 l’institution par les « Ethiopian Airlines » des premiers services aériens nationaux. D ’autres réalisations prometteuses compre­ naient la réouverture des écoles d’avant-guerre et la création de nouvelles, dont l ’école secondaire Haïlé Sellassié fondée dans la capitale en 1943. Le collège univer­ sitaire d’Addis-Abéba, premier établissement d ’enseignement supérieur, naquit en 1950. Avant la guerre, il y avait eu beaucoup de milieux hostiles à l’enseignement, mais maintenant, les jeunes y aspiraient. Toutes les écoles avaient des inscriptions en instance et Pempereur d’éclarait qu’où qu’on aille, les enfants saluaient sa voiture en criant : « Une école 1 une école ! »

Peu après l’entrée de Mussolini dans la guerre européenne, la R .A .F . briJ M’E g iM tonnique commença à larguer des tracts sur l’Afrique orientale italienne ; l’un d ’eux, qui portait le sceau de l’empereur Haïlé Sellassié, était un message du souverain éthiopien, adressé entre autres aux habitants de l’Erythrée : « Gens de Ham asen, Akéléguzay, Serae, Béni Am er, H abab et Mensa, que vous soyez de ce côté de la frontière ou de l’autre, en Erythrée, vous devez rallier vos frères éthiopiens; pas un d’entre vous ne doit collaborer avec les Italiens. Vous ne devez pas combattre votre mère l’ Ethiopie, ni votre am i le gouvernement britannique; je connais le vœu de vos cœurs; c ’est aussi le mien et celui de tous les Ethiopiens; votre place est avec les autres Ethiopiens. »

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C a r t e 4 0 . — L ’ E t h io p ie e t ses v o isin s

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Cette proclamation eut une profonde influence sur les soldats érythréens. « On vit, rapporte Steer, des Erythréens baiser le sceau, le presser sur le front et pleurer. Il y eut des désertions dans l’intérieur, dont plusieurs vers nos lignes. » Les tracts suivants furent encore plus explicites. C ’est ainsi que l’un d ’eux, du gouvernement britannique, s’exprimait ainsi : « A vous qui souhaitez vivre sous le drapeau de S. M . Haïlé Sellassié I er et avoir votre propre drapeau, nous vous donnons notre parole que vous pourrez choisir le gouvernement que vous désirez. » Un autre tract portait une proclamation de l’empereur : « Peuple d ’Erythrée et peuple du Bénadir (Somalie italienne) : Vous avez été séparés de votre mère l’Ethiopie et subjugués par l’ennemi... J e suis venu restaurer l'indépendance de mon pays, y compris l’Erythrée et le Bénadir, dont la population vivra désormais sous l'ombre du drapeau éthiopien. »

En avril, presque aussitôt après l’occupation de l’Erythrée par les Britanniques, un parti érythréo-éthiopien, l’Amour de la Patrie, fut fondé à Asm ara; et, un peu plus tard, les Erythréens habitant à Addis-Abeba y formèrent un groupe similaire. L ’administration militaire britannique considérait d’un mauvais œil cette évolution, car elle avait résolu de maintenir l’ancienne structure coloniale, là où c’était possible, et, fait significatif, elle avait déjà désarmé les « indigènes ». Un mémoire de Sir Philip Mitchell déclarait : « Les lois et règlements italiens, territoriaux et muni­ cipaux, devraient être maintenus dans toute la mesure du possible ; et si les juges et les magistrats désirent demeurer en fonctions, on doit leur permettre de les exercer avec toutes les garanties de sauvegarde désirables. » De même, on maintint en vigueur la législation coloniale italienne et divers types de discrimination raciale. On trouvait encore dans les cafés et les cinémas des affiches les déclarant « interdits aux indigènes ». Il en résulta, comme lord Russell l’admit plus tard, un méconten­ tement considérable : « L a propagande parmi la population érythréenne avant la campagne avait fait naître des espérances qui ne furent pas satisfaites. Le maintien de l’administration italienne dans les centres urbains du plateau... ne fut pas compris par les indigènes. »

L ’administration militaire britannique surveillait la croissance de cette conscience politique avec quelque alarme, et recevait sans cesse des rapports à ce sujet. C ’est ainsi qu’un rapport britannique de renseignements observait en juin : « Les indigènes des villes se sont comportés comme nous l’avions prévu. Ceux qui ont quelque instruction ont la tête dans les nuages et sont enclins à attacher une importance injustifiée au retour de Haïlé Sellassié à Addis-Abeba. Ce mouvement va sans doute s’amplifier, et sera probablement encouragé par l'Ethiopie. Leurs désirs réels sont d’ordre plus pratique : une plus grande participation à l’administration de leur pays, et la chance d’un poste plus lucratif dans la bureaucratie. »

Un rapport ultérieur ajoutait que la population « se plaint que nous ayons maintenu le prestige des Blancs, et que les choses n’aillent pas mieux qu’auparavant.

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H I S T O I R E D E L* A F R I Q U E MOIRE

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Elle prétend que nous les avons dupés par nos promesses ». On disait que Yabotma Markos, chef de l’Eglise orthodoxe d’Erythrée, s’occupait de politique de façon particulièrement active; un rapport britannique le définissait comme un foyer d ’ « irrédentisme » et ajoutait : « C ’est un homme à surveiller avec soin... Il jo u it d’une influence considérable parmi les paysans superstitieux et subjugués par les prêtres. » Quelques mois plus tard, en septembre 1942, un autre rapport de rensei­ gnements indiquait que « des tracts exprimant des opinions pro-éthiopiennes, anti­ britanniques et anti-italiennes étaient affichés dans la partie indigène d’Asmara ». De telles manifestations d’un mouvement nationaliste naissant se firent de plus en plus insistantes avec les années et incitèrent l’administration à interdire les réunions de plus de trois personnes ou le déploiement de tout drapeau. Dans le cours de l’année, cependant, l’administration devint plus libérale et la population érythréenne tira des avantages du développement de l’industrie légère, ainsi que d’une expansion spectaculaire de l’enseignement primaire. A mesure que la guerre tendait à sa fin en Europe, on commençait à apporter une attention croissante au futur traité de paix avec l’ Italie. A la Chambre des Communes britannique, un parlementaire demanda au secrétaire des Affaires étrangères en octobre 1944 l’assurance que le gouvernement britannique était « hostile au retour de ses colonies à l’Italie » et d’ « adhérer rigoureusement » à une résolution antérieure selon laquelle « l’ Empire italien en Afrique était irrévo­ cablement perdu ». M . Eden répondit : « Oui, Monsieur. » En février l’année suivante, l’empereur Haïlé Sellassié rencontra M . Roosevelt sur le canal de Suez et reçut l’assurance que les Etats-Unis considéraient avec sympathie les aspirations éthiopiennes. Le 17 juillet, Churchill, Truman et Staline se rencontrèrent à Potsdam et convinrent d’instaurer un Conseil, composé des ministres des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, de la Russie soviétique, de Chine et de France. Sa première tâche fut de préparer un traité de paix avec lTtalie^Le 14 septembre, le Conseil se réunit à Londres mais le lendemain, il annonça qu* « en raison de la complexité » de la question des colonies, il avait décidé d’en confier l’étude à ses suppléants. Les correspondants de presse prévoyaient que les Etats-Unis propo­ seraient de confier à l’Italie la tutelle sur l’Erythrée. Mais cette idée fut ensuite abandonnée par les Américains, dont le secrétaire d’Etat Byrnes taxa la colonisation italienne « d’inefficacité et d’oppression ». Au nom de l’Union soviétique, Molotov prétendit que son pays s’intéressait à l’ex-colonie. Dans l’incapacité de parvenir à un accord, les ministres des Affaires étrangères décidèrent, le 12 novembre, que l’ Italie devait renoncer formellement à tous droits sur ses colonies, qu’une Commis­ sion d’enquête formée par la Grande-Bretagne, la France, les Etats-Unis et l’Union soviétique serait dépêchée afin de déterminer les vœux des populations intéressées, et que la décision serait prise par le Conseil des Ministres des Affaires étrangères après un délai d’un an. En cas d’échec, la question serait portée aux Nations Unies. Cette proposition fut adoptée par la Conférence de la Paix qui réunit 21 personnes

X X X I X . — Evocation des tem ps

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de T « esclavage colonialiste » au Congo-Kinshasa.

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à Paris en juillet. Le comte Sforza, ministre italien des Affaires étrangères, accepta ces conditions, le io février 1947, mais déclara « que son pays escomptait la révision d ’un traité qui pouvait paralyser ou empoisonner la vie de 45 millions d’habitants sur un sol incapable de les nourrir ». A cette époque, et plus tard, le Conseil des Ministres des Affaires étrangères était grandement divisé sur la question de l’Erythrée ; les Britanniques considéraient que la majeure partie du territoire devait être rattachée à l’Ethiopie, et la province occidentale au Soudan; les Américains, que la colonie tout entière devait être placée pour un temps indéterminé sous la tutelle des Nations U nies; et les Français, qu’il fallait en confier la tutelle à l’ Italie. Cette dernière opinion était partagée par les Russes, apparemment dans l’espoir d ’y gagner un appui pour le Parti communiste italien. Dès l’annonce de la visite du territoire par une Commission d ’enquête, l’administration militaire britannique relâcha son opposition à l’activité politique locale et un certain nombre de partis séparatistes se formèrent pour compenser l’influence du parti unioniste. Ils comprenaient une Ligue musulmane, fondée ostensiblement pour des fins purement religieuses, un parti pro-italien largement soutenu par les employeurs italiens et les métis, et un parti libéral progressiste, fondé par un chef local d ’Akélé Guzay, province où il recruta la majorité de ses adhérents. Pendant les derniers mois de 1947 et au début de 1948, les commissaires entendirent les dirigeants des trois partis, interrogèrent de nombreux représentants locaux, puis présentèrent un rapport qui, sans conclure, déclarait « impossible » soit d’apprécier la valeur des mandats des représentants, soit d’affirmer que « leurs déclarations correspondaient aux vœux de la population ». L e Conseil des Ministres des Affaires étrangères se réunit alors à Paris et décida le 15 septembre 1948 de transférer l’affaire aux Nations Unies, puisque aucun accord n’était en vue. Entre-temps, le gouvernement italien s’occupait diligemment de trouver des soutiens internationaux; il fut particulièrement heureux auprès des pays d’Amérique latine, dont les votes étaient importants aux Nations Unies. A u printemps de 1949, le secrétaire britannique aux Affaires étrangères Bevin et le ministre des Affaires étrangères Sforza élaborèrent un compromis en vertu duquel la Tripolitaine et la Somalie seraient placées sous tutelle italienne, la Cyrénaïque sous tutelle britannique, et l’Erythrée partagée entre l’Ethiopie et le Soudan. Lorsque ces arrangements furent soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies, la résolution d’unir l’Erythrée orientale à l’Ethiopie fut votée à une majorité écrasante; mais les propositions tendant au retour de l’ Italie dans d’autres parties de l’Afrique furent repoussées; le délégué argentin demanda alors aux Etats sud-américains de réviser leur vote antérieur en faveur de l’Ethiopie. L e compromis Bevin-Sforza ainsi renversé, la question fut, une fois de plus, renvoyée jusqu’à la prochaine assemblée. Sforza proposa alors un nouveau compromis, en vertu duquel l’Erythrée et la Libye rece­ vraient un statut indépendant, et la Somalie serait placée sous tutelle italienne. Il apparaît que les Italiens calculaient qu’un tel arrangement pour l’Erythrée et la

X X . . — Electeurs analphabètes apposant leur empreinte digitale sur la feuille d ’émargement 1 (Somaliland). Digitized by L j O O g l C

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Libye serait plus avantageux pour leurs nationaux que 1’assujettissement à n’importe quel type non italien de souveraineté, et que les Etats arabes et latino-américains s’uniraient pour donner leur accord à ces propositions. Sforza continuait à s’intéresser à cette région, comme il appert à l’évidence de sa déclaration à la presse européenne : « Messieurs les Européens prenez garde! Vous avez perdu l ’Asie par votre stupidité; veillez à ne pas perdre aussi l’Afrique! » L a faillite de l’Assemblée à régler l’affaire causa un grand désappointement en Erythrée, où un mouvement panunioniste de jeunes, Andinet, 1 * « U nité », commença ses activités terroristes. Lors de l’Assemblée suivante des Nations Unies, à l ’automne de 1949, le compromis trouva un soutien considérable, bien que les Américains et les Britan­ niques soutinssent le partage de l’ Erythrée entre l’Ethiopie et le Soudan. Après quelques discussions, une nouvelle proposition composite fut adoptée, le 2 1 novembre, en vertu de laquelle la Libye devait devenir indépendante après trois ans et la Somalie être sous tutelle italienne et accéder à l’indépendance après dix ans, tandis que l’avenir de l’Erythrée était ajourné à une année ultérieure, en attendant le rapport d ’une nouvelle commission d’enquête composée de délégués de la Birmanie, du Guatem ala, de la Norvège, du Pakistan et de l’Afrique du Sud. L ’empereur Haïlé Sellassié protesta vigoureusement contre ce nouveau renvoi des demandes de l’Ethiopie, tandis que de nouvelle émeutes éclataient tant en Erythrée qu’en Somalie. A son arrivée en Erythrée en février 1950, la Commission la trouva divisée entre les Unionistes et un Front de l’ Indépendance constitué par l’alliance de l’ancien parti pro-italien et de la Ligue musulmane. Cependant, les doléances que le Front était un instrument aux mains des intérêts italiens avaient conduit à la sécession de trois groupes mineurs : un Parti libéral unioniste, une nouvelle Ligue musulmane de la province occidentale, et une Ligue musulmane de Massaoua. De leur côté, les commissaires étaient aussi divisés. L a Birmanie et l’Afrique du Sud proposaient de faire de l’Erythrée « une unité jouissant du self-government, dont l’autre membre serait l’Ethiopie, sous la souveraineté de la Couronne éthiopienne » ; le Guatem ala et le Pakistan, de faire de l’ex-colonie un Etat indépendant après dix ans de tutelle sous l’administration des Nations U nies; et la Norvège d’unir « complètement et immédiatement » le territoire à sa « patrie » éthiopienne. A u reçu de ce rapport, à l’automne de 1950, l ’Assemblée générale se saisit de la question de l’avenir de l’Erythrée pour la dernière fois. Plusieurs propositions et compromis furent discutés, mais le 2 décembre, on décida en définitive de fédérer l’Erythrée avec l’Ethiopie sous la Couronne éthiopienne. Cette décision fut considérée comme une « solution de juste milieu » susceptible de satisfaire tous les partis. U n commissaire des Nations Unies, Anze Matienzo, de Bolivie, fut alors nommé pour surveiller le territoire pendant l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Une Assemblée érythréenne fut ensuite élue et choisit pour président Tedla Beiru, leader unioniste, qui devint plus tard chef du pouvoir exécutif en Erythrée. L e 1 1 septembre 1952 la Fédération

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naquit officiellement, mais ce ne fut qu’un phénomène provisoire, car, dix ans plus tard, le 14 novembre 1962, l’Assemblée vota sa dissolution, et l’ex-colonie devint partie intégrante de l’Ethiopie à partir du lendemain.

L a défaite militaire italienne de 1941 fit naître un mouvement natiodik^Somalie na^stc somali comparable à celui qui a été décrit en Erythrée. Cependant, les Somali furent plus lents à élaborer un mouvement politique, bien que la voie leur fût plus facile, car au lieu d’avoir à lutter contre l’administration britannique locale, ils semblent au contraire avoir reçu au début des encouragements officiels, apparemment en partie parce que au début les Britanniques décidèrent de se passer de la plupart du personnel de l’ex-régime colonial. Le mouvement nationaliste commença de se développer en mai 1943, avec la fondation à Mogadichou d’un Club de la Jeunesse somali; mais il n’eut guère d’importance politique jusqu’à la signature du traité de paix avec l’ Italie. Les raisons d ’une occupation britannique prolongée de l’Ogaden éthiopien, dont on a parlé plus haut, apparurent clairement en avril 1946 lorsque les Britan­ niques proposèrent au Conseil des Ministres des Affaires étrangères la création d’une Somalie unie, formée des Somalilands britannique et italien et de l’ Ogaden éthiopien sous tutelle britannique. Cette proposition fut rejetée par les autres grandes puissances. L a France préconisait une tutelle italienne; les Etats-Unis, une tutelle collective; et la Russie soviétique, d ’abord une tutelle collective, puis une tutelle italienne. Les Russes considéraient avec une amertume particulière le plan britannique; Molotov déclarait que le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, Bevin, « essayait d ’agrandir l’Empire britannique aux dépens de l’ Italie et de l’Ethiopie ». Bevin riposta à ses allégations le 4 ju in 1946 aux Communes, en rappelant que la Corne de l’Afrique avait été divisée au x ix ® siècle entre la Grande-Bretagne, la France et l’ Italie et que « vers le moment où nous occupions notre secteur, les Ethiopiens occupaient dans l’intérieur une région de pâturages qui intéresse près de la moitié des nomades du Somaliland britannique pendant six mois de l’année. En même temps, les nomades ressortissants italiens devaient traverser les frontières existantes à la recherche de pâturages ». En conséquence, il « proposait que le Somaliland britannique, la Somalie italienne et la partie adjacente de l’Ethiopie — si celle-ci en était d’accord — fussent rassemblés en territoire sous tutelle, afin que les nomades pussent mener leur frugale existence avec le minimum d’entraves et une possibilité réelle de vie économique décente, au sens de ce territoire ». Dans une interview de presse, l’empereur Haïlé Sellassié déclara qu’il ne pouvait être question de non-retour de l’ Ogaden à l’Ethiopie, et que l’affaire n’était pas sujette à discussion devant la Conférence de la paix. Comme on l’a vu, le Conseil des Ministres rejeta toute proposition particulière pour l’avenir et décida que l’ Italie devait renoncer à son titre, à ses ex-colonies, que des commissions d’enquête seraient

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envoyées pour s’assurer des vœux des populations locales, et que les ministres devaient aboutir à une solution dans le délai d’un an, ou déférer la question au x Nations Unies. Le io février 1947, l’Italie donna son accord au traité de paix, mais, en même temps, son ministre des Affaires étrangères envoya une note aux autres puissances signataires pour leur demander de réviser leur attitude et leurs relations avec le peuple italien. C ’est à peu près à ce moment que l’activité politique somali commença à prendre de l’importance, la Ligue de la Jeunesse somali étant formellement constituée le I er avril 1947 « pour unir tous les Somali, en particulier les jeunes, et pour éliminer les préjugés nuisibles générateurs de frictions communales et tribales ». L ’adminis­ tration militaire britannique locale voyait avec plaisir le développement de cette organisation, dont, à l’époque, la politique coïncidait largement avec celle du gouvernement britannique et l’administrateur en chef promit qu’il « apporterait toute la coopération possible ». L ’arrivée de la Commission quadripartite d’enquête en janvier 1948 souleva l’excitation politique en Som alie; une émeute éclata à Mogadichou le 1 1 janvier. Les commissaires s’aperçurent alors que l’opinion politique somali était divisée entre la Ligue de la Jeunesse somali, qui exprimait les sentiments nationalistes, et la Conférence somali, qui combinait tous les partisans de l’instauration d’une tutelle de l’ Italie. Le rapport de la Commission pour la Somalie, comme pour l’Erythrée, ne faisait aucune proposition particulière pour le futur et, là encore, les ministres des Affaires étrangères, réunis en septembre, étaient divisés. Les Am é­ ricains et les Français proposaient de placer le territoire sous tutelle italienne, et les Britanniques s’y rallièrent, abandonnant leur idée antérieure d’une tutelle britannique; alors que les Russes, qui avaient été d’abord favorables à une tutelle italienne, revenaient maintenant à l’ancienne proposition américaine d’une tutelle collective. L a question de la Somalie et des autres ex-colonies italiennes fut alors déférée aux Nations Unies où, comme on l’a vu, le compromis Bevin-Sforza de 1949 proposait de placer le territoire sous tutelle de l’ Italie pour un temps indéterminé. Cependant, ce plan fut repoussé par l’Assemblée générale, qui décida finalement à sa session suivante, le 21 novembre, de placer la Somalie sous tutelle italienne pendant dix ans. Là-dessus, l’empereur Haïlé Sellassié télégraphia que l’Assemblée « en foulant aux pieds les principes du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, si clairement exprimé par le peuple somali », avait failli à ses responsabilités. L e nationalisme s’est développé beaucoup plus lentement dans le protectorat britannique du Somaliland qu’en Somalie, en partie parce que les Britanniques n’y avaient entrepris aucune œuvre comparable de mise en valeur. Cependant, des sections de la Ligue de la Jeunesse somali, dont le siège était à Mogadichou, furent créées peu après la fin de la guerre et, stimulés pour une part par les discussions sur le sort du Haoud éthiopien alors occupé par les Britanniques, la Société nationale somali fut fondée en 1945, le Front national uni en 1955, et le Parti somali unifié

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en i960. L ’agitation politique croissante incita le gouvernement britannique à mettre une nouvelle Constitution en vigueur en 1958 et, l’année suivante, à amener au Conseil législatif une majorité de non-fonctionnaires élus. L a majorité du Conseil était élue. Enfin, le protectorat expira le 26 juin i960 et, la Somalie ayant accédé à l’indépendance le I er juillet de la même année, les deux territoires furent réunis le même jou r pour former la République somali. M ais cet événement fut très assombri par la querelle frontalière toujours pendante entre les Somali d’une part, les Ethiopiens et les Kenyans de l’autre. Repoussant l’opinion de la plupart des Etats africains sur la conservation des frontières existantes, la République somali a fait valoir au contraire que tous les territoires habités par des Somali devaient être intégrés dans un seul Etat.

II



LE

SO U D AN

Les demandes du Congrès pour l’autodétermination, formulées en pleine guerre, ayant été rejetées par les Anglais, le mouvement se divisa en deux. D ’une part les effendis occidentalisés et les urbanisés du fleuve étaient favorables à l’union avec l’Egypte; leur chef, Ismaïl el-Azhari, s’appuyait, pour gagner les masses, sur la secte musulmane orthodoxe Khatm iyya, dirigée par Sayyed Ali al-M irghani; ce parti, constitué dès 1943, prit le nom d *Ashiqqa (Frères) et devint, en 19 5 1, le National Unionist Party (N .U .P.). D ’autre part YOumma (Peuple) réunissait les anciens fidèles du M adhi, traditionnellement anti-Egyptiens, surtout nombreux parmi les nomades et le petit peuple; leur chef et guide spirituel était le fils posthume du M adhi, Sayyid Abd al-Rahm an el-M adhi, partisan d ’une entente avec les Anglais pour retrouver l’indépendance. En 1944 le gouverneur général institua un « Conseil consultatif du NordSoudan », avec une majorité de hauts fonctionnaires et les chefs traditionnels. Les évolués protestèrent et le gouvernement égyptien porta sa revendication sur le Soudan à l’O .N .U ., où il ne réussit qu’à se faire traiter d’impérialiste. L e gouverneur général, gagnant de vitesse, réunit une Conférence de Soudanais qui élabora la Constitution de 1948, avec une Assemblée élue et un Conseil exécutif. L ’Ashiqqa boycottant les élections, l’Oumma l’emporta. Le ministère égyptien riposta en proclamant Farouk « roi d’Egypte et du Soudan », ce qui eut pour seul effet de consolider l’ Oumma. L ’Assemblée soudanaise élabora la Constitution de 1952 établissant deux Chambres et un Conseil des Ministres responsable. L a même année, Farouk, en Egypte, était chassé par le coup d’Etat nassérien. Les nouveaux hommes d ’Etat égyptiens ne voulurent pas paraître en retrait sur les Anglais. Ils jouèrent l’autodéterminatiQn, avec un succès apparent : le N .U .P. l’emporta aux élections de décembre 1952 avec le slogan « Unité de la vallée du Nil ». M ais Ismaïl ^ priitiqua*13

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cl-Azhari, devenu Premier Ministre et ayant mesuré l’impopularité de l’Egypte, fit voter l’indépendance; le I er janvier 1956 le Condominium cessait et le nouveau drapeau soudanais flottait seul sur le palais de Khartoum . L a victoire du N .U .P. fut brève; il se scinda en trois partis dont un se lia avec l’Oumma pour une coalition parlementaire qui forma le gouvernement. En fait le parlementarisme, importé d ’Occident et sans traditions locales, se traduisit par de vaines querelles de personnes et par une corruption qui lassa vite un peuple habitué à une autorité efficace. L e 16 novembre 1958, les militaires prenaient le pouvoir, sous la présidence du général Abboud, et nommaient des officiers comme gouverneurs dans les provinces. Les deux chefs religieux approuvèrent le coup d’ Etat; M irghani se retira; Sayyid Abd el-Rahm an mourut peu après. M algré des dissensions internes le Conseil des officiers aboutit à quelques réalisations sur le plan économique et international. M ais les évolués et les syndicats reprirent l’agitation avec l’appui du Parti communiste, officiellement dissous. En octobre 1964 un étudiant fut tué par la police; le désordre gagna toutes les villes et Abboud résigna le pouvoir. Les électeurs de mai 1965 donnèrent la majorité à l’Oumma qui bientôt se scinda en deux fractions, une progressiste et une traditionaliste. Celle-ci s’allia avec Ismaïl el-Azhari qui devint président d’un Conseil exécutif de cinq membres. L ’éparpillement des tendances ne permit pas d’établir la nouvelle Constitution promise et, le 25 mai 1969, un nouveau coup d ’Etat militaire prit le pouvoir avec des tendances nasseriennes et panarabes, en annonçant un « socialisme soudanais ».

Avec ses 2 500 000 km1 (quatre fois et demie la France) le Soudan ve opponent n»a encore qUe millions d ’habitants; mais près de la moitié du pays est un désert et, dans le reste, les steppes épineuses et les marais tiennent beaucoup de place. L a population augmente de 2,8 % par an et vit surtout d’une économie de subsistance assez pauvre fondée principalement sur le mil et un élevage extensif. L ’agglomération née en 1825 à la rencontre de deux fleuves réunit aujourd’hui dans ses trois quartiers (Khartoum, Omdurman et Khartoum-Nord) prés de 400 000 habitants. Le chemin de fer a été prolongé jusqu’à N yala (Darfour) et à W au (Bahr el-Ghazal). L a Guezira, autour de Wad M edani (75 000 habitants) est devenue le grand centre de production cotonnière. Le coton représente la moitié des exportations; les arachides, la gomme arabique et le sésame viennent très loin derrière. Le prix du coton et l’utilisation des eaux du Nil sont donc des questions de première importance. Le gouvernement Abboud les avait réglées par une libération des prix et par un accord (1959) avec l’Egypte. Le commerce extérieur est très largement réparti entre un grand nombre de pays. Parmi les projets en cours figurent des irrigations nouvelles (sur le Nil blanc, sur le haut Nil bleu et dans les plaines du piémont éthiopien), des usines de transfor­ mation, des chemins de fer vers le Sud.

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LE NORD-EST

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Le Sud nilotique, païen et partiellement chrétien, avait repris . H , . . . F .. , A i * n ♦♦ a 5 sa vie à part sous l admimstration des Anglais. Cette séparation de fait était vivement critiquée par les politiciens du Nord-Soudan musulman. Pour les rallier, au temps de leur lutte d’influence avec l’Egypte, les Anglais, en 1947, amenèrent les gens du Sud à participer à l’Assemblée soudanaise. Dès lors l’arabe fut imposé aux écoles, à côté de l’anglais; les officiels nordistes, souvent intolérants et mal préparés, commencèrent à remplacer les Britanniques. En août 1955 les troupes sudistes de l’Equatoria se révoltèrent; 300 nordistes furent massacrés. L ’ordre fut difficilement rétabli. Des foules d’insurgés, avec leurs familles, se réfugièrent en Ouganda, au Congo, dans la République centrafricaine. Le régime militaire se montra particulièrement hostile dans ses efforts d’assimi­ lation. Les partis sudistes furent interdits, les missionnaires chrétiens chassés, la propagande islamique officiellement menée. L ’émigration s’accentua; un parti sudiste, la S.A .N .U . (Sudan African National Union), fut créé en Ouganda. Les écoliers firent grève ou s’enfuirent. En septembre 1963 la révolte reprit, à l’est du haut Nil, sous une forme terroriste, menée par le mouvement Anya Nya. Le gouvernement libéral qui succéda en 1964 au pouvoir militaire s’efforça de régler la question du Sud. Une Conférence Nord-Sud fut réunie, mais la division des sudistes, les uns partisans de la fédération, les autres de l’indépendance, et la fermeté des nordistes à imposer une unité dominée par eux ne permirent pas de solution. Le chef de la S.A .N .U ., W. Deng, fut assassiné. L a résistance continua, l’armée occupant les villes, la guérilla sévissant en brousse. En 1970, l’armée remporta des succès. Le cas du Soudan, comme ceux de la Nigeria et du Tchad, montre la difficulté de créer des nations sentimentalement unies à l’intérieur des frontières artificielles léguées par les régimes coloniaux.

Le problèm e du Sud

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CHAPITRE IV

L 'A friq u e orientale depuis 1945 L ’Afrique orientale souffrit moins du deuxième conflit mondial que du premier. L a guerre effleura à peine son territoire. L ’offensive de Cunningham, lancée en janvier 19 4 1, avait abouti, un mois plus tard, à l ’occupation de la Somalie italienne, tandis que l’internement des colons allemands avait mis le Tanganyika à l’abri des agissements d’une « cinquième colonne ». Aussi les forces armées locales connurent-elles un répit jusqu’à la chute de Singapour, qui incita les Britanniques à occuper M adagascar. A cette occupation participèrent les Africains des trois territoires, comme ils devaient participer, en 1944, à la campagne de Birmanie. Au total, 92 000 Tanganyikais, 75 000 Kenyens, 55 000 Ougandais furent mobilisés. L a portée de cette mobilisation fut considérable. Car après s’être frottés à d'autres colonisés, après avoir vécu au coude à coude avec des hommes de toutes les races, colonisés ou non, après avoir entendu la leçon de la Charte de l'Atlantique et retenu les thèses alliées sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et les thèses marxistes sur l'exploitation coloniale, les deux cent mille démobilisés furent plus disposés à contester la domination étrangère ou, à tout le moins, à revendiquer un statut égalitaire qu’à reprendre leur place de journaliers ou d’ouvriers mal payés sur les exploitations agricoles ou dans les entreprises européennes ou indiennes. Ils étaient prêts, aux côtés des anciens élèves des missions et de ceux, plus fortunés, qui avaient fréquenté les Universités européennes ou sud-africaines, à jouer un rôle déterminant dans la lutte pour l'émancipation de leur pays, alors que, dans bien des cas, les avantages acquis pendant la guerre par les colons blancs avaient fortifié ceux-ci dans leur volonté de consolider leurs positions. Economiquement, les gains firent plus que compenser les pertes, même s’ils furent souvent obtenus au prix de la contrainte exercée sur les Africains par les autorités coloniales, qui exigèrent un accroissement et une diversification de la production, afin de ravi­ tailler la métropole privée de certaines sources d ’approvisionnement. D ’autre part, la guerre accéléra l’évolution des attitudes du gouvernement

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HISTOIRE DE L'AFRIQ UE N O IRE

britannique à l’égard de ses possessions africaines. Dans l’ordre économique et social, il abandonna la vieille conception selon laquelle aucun territoire colonial ne valait de sacrifices de la part du contribuable britannique et reconnut que tout progrès tangible supposait des investissements substantiels et une planification d ’ensemble. L a loi de 1946 sur le développement économique et social dans les colonies (Colonial Development and Welfare Act) en est la preuve. Dans l’ordre politique, si l’autonomie interne avait toujours été l’objectif envisagé par Londres pour ses possessions d’outre-mer, les revers de la guerre et l’indépendance de l’ Inde convainquirent Whitehall que l’échéance serait plus rapide qu’il n’avait été prévu, pour ses domaines africains. Toutefois le rythme admis au lendemain de l’armistice était certainement plus lent que celui qu’imposa le climat prévalant dans les pays en question. Encore les modalités d’accession à l’indépendance pouvaient-elles différer pour une colonie où les Blancs détenaient une part importante de la terre et du pou­ voir politique, comme le Kenya, pour un protectorat où la terre et les cultures commercialisées étaient aux mains des paysans africains, comme l’Ouganda, ou encore pour un territoire où le choix entre la culture de plantation européenne et la culture paysanne était demeuré incertain, mais où les missions périodiques d’inspec­ tion de la Commission de tutelle de l’O .N .U . garantissaient au pays une indépen­ dance, dont les étapes seraient internationalement contrôlées, comme le Tanganyika. Si, dans les protectorats — Ouganda et Zanzibar — et dans le territoire sous tutelle, aucune ambiguïté n’existait sur les bénéficiaires du transfert de pouvoir, l’exemple de la Rhodésie du Sud était assez proche dans le temps et dans l’espace pour que, dans la colonie du Kenya, aux espoirs des uns répondît l’anxiété des autres. Quant aux deux petits territoires sous tutelle belge, Rw anda et Urundi, le maintien, pendant trop longtemps, de structures anachroniques allait y provoquer bien des soubresauts et, au Rwanda, des luttes sanglantes; mais du moins l’existence de ces structures et des réformes, pour tardives qu’elles aient été, devaient-elles y éviter le chaos qui fut la rançon d’une indépendance mal préparée au Congo voisin.

LA M ARCHE A L ’ INDÉPENDANCE i 9 4 5 - i 9 6 l / I9 6 3 L es

p a y s

d



o b é d ie n c e

b r it a n n iq u e

Les années 1945-1953 furent partout consacrées à la reconstruction politique et économique, mais dans une atmosphère sensiblement différente d’un territoire à l’autre, encore que partout, le transfert de pouvoir ait suivi le schéma classique : augmentation du caractère représentatif des Conseils, législatif et exécutif, octroi

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U A FR IQ JJE O RIENTALE DEPUIS 1945

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du gouvernement représentatif, puis du gouvernement responsable et de la pleine autonomie, indépendance enfin, si possible au sein du Commonwealth. Toutefois la conviction des autorités britanniques que les territoires est-africains étaient moins préparés que ceux de l’ouest à gérer leurs propres affaires et plus encore la présence, dans l’un et même dans deux d’entre eux, de minorités européennes qui craignaient d’être écrasées sous la masse africaine, furent à l’origine de l’invention de l’étape dite pluri- ou multi-raciale. Au K enya comme au Tanganyika, les constitutions de ce type réservèrent un certain nombre de sièges dans les Assemblées législatives aux représentants des « races immigrées » — Européens et Indiens. Elles eurent la vie courte et firent d’emblée contre elles la quasi-unanimité des nationalistes africains qui les dénoncèrent comme une manifestation de néo-colonialisme. Elles jouèrent pourtant un rôle utile de transition.

Jusque vers 1954 on put croire que le territoire sous tutelle, qui était de tous le plus pauvre et le seul où la vie politique fût pratiquement inexistante, serait le dernier à accéder à l’indépendance, la puissance tutélaire ayant, dans son rapport de 1947 à l’O .N .U ., fait part de son intention de consolider « l’autorité traditionnelle... en tant qu’elle est nécessaire à l’établissement d’un système de gouvernement sain, efficace et progressiste », indice d’une singulière méconnaissance de la désaffection des Africains à l’égard des autorités traditionnelles et de l’administration indirecte. En effet c’est en 1953 seule­ ment que l’ordonnance sur l’administration locale, prenant acte de cet état d’esprit, remplaça les chefs nommés par des conseils élus. En 1945, pour la première fois, deux Africains entraient au Conseil législatif. En 19 5 1, une Commission pour le Développement constitutionnel estimait encore que ce Conseil devait conserver une majorité officielle et, s’inquiétant du sort des communautés immigrées, se prononçait pour un système pluriracial et deman­ dait une représentation paritaire pour les trois races. Les premières élections se déroulèrent en 1955. L a majorité demeurait aux 31 fonctionnaires, chaque race étant d’autre part représentée par neuf membres élus et un membre nommé. Le gouvernement restait alors persuadé qu’il s’écoulerait une vingtaine d’années avant l’indépendance et Nyéréré lui-même partageait cette opinion. Et pourtant le Tanganyika était indépendant six ans plus tard. Comment expliquer la rapidité de cette évolution ? L a plupart des observateurs s’accordent à y voir le résultat de l’efficacité du mouvement nationaliste, qui allait s’identifier avec la Tanganyika African National Union (T .A .N .U .). Celle-ci vit le jou r en juillet 1954. Elle naquit, estime Joh n Iliffe (1), de la rencontre de trois traditions : 1) la tradition politique des élites1 Le Tanganyika (19 4 5-19 6 1)

(1) In Romani, pp. 301 sqq. Voir aussi G . Andrew M aouire , Tow ard « Uhuru » il» Tanzania, C .U .P ., 1969.

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H I S T O I R E D E V A F R I Q U E MOIRE

de la Tanganyika African Association (T .A .A .), 2) la tradition des animateurs des unions tribales, 3) enfin celle de la résistance populaire qui s’était notamment exprimée au début du siècle dans la révolte maji-maji. L a T .A .A . n’avait pratiquement aucune audience populaire. Elle traduisait le désir de la petite minorité éduquée d ’être représentée au Conseil législatif. M ais elle avait un caractère national. Les unions tribales, dont une des plus anciennes et des plus actives fut la Bukoba Bahaya Union, menaient, sur le terrain local, la lutte contre les chefs nommés par le gouvernement et se recrutaient surtout parmi les élèves des missions, mais leurs militants, comme aussi parfois ceux de la T .A .A ., côtoyèrent et encadrèrent souvent la résistance paysanne, héritière de la tradition populaire. On le vit dans l’affaire du corridor de Sanya où, à la suite d’une décision gouvernementale visant à expulser 3 000 Africains pour donner leurs terres à des Blancs, les Meru formèrent la Meru Citizens Union, dont un des dirigeants, K irilo Japhet, était en même temps secrétaire de la section locale de la T .A .A . L ’action des cultivateurs africains s’amplifia après la guerre par suite de l’essor du mouvement coopératif qu’avait favorisé l’accroissement de leurs ressources dû à l’augmentation des exportations de café et de coton. L ’importance politique des coopératives fut considérable, notamment dans la Province du Lac, où elles servirent de terrain de manœuvres à plusieurs des futurs militants de la T .A .N .U . Grâce à elles et à des hommes comme Bomani ou Kandoro et à quelques autres, M wanza devint un des foyers du nationalisme. Toutefois cet ensemble de facteurs ne suffirait pas à expliquer pourquoi le mouvement nationaliste au Tanganyika se confondit d’emblée avec la T .A .N .U . D ’autres circonstances, propres à ce pays, doivent entrer en ligne de compte — multi­ tude de tribus et absence de tribu dominante, tradition politique centralisée, alors qu’au Kenya l’action politique fut essentiellement le fait des Kikuyu et qu’en Ouganda la situation privilégiée du Bouganda modifiait les données du problème, existence d’une langue, le swahili, comprise et parlée non seulement sur toute la côte, mais sur tous les grands axes de pénétration du trafic arabe, arrivée à point nommé de jeunes intellectuels formés à Makéréré et fort détachés, eux aussi, des appartenances tribales, qu’il s’agît d’un K yaruzi rentré au pays en 1950 ou d ’un Nyéréré arrivé à Dar es-Salaam en avril 1953 après s’être imprégné des enseigne­ ments de Nkrumah et de la C .P.P. qui devait servir de modèle à son futur parti. Nyéréré lui-même appartenait à la tribu des Zanaki, l’une des plus petites du pays et par conséquent peu suspecte aux yeux des autres. En octobre 1963, les nouveaux dirigeants de la T .A .A . décidèrent de transformer leur organisation, qui n'avait jam ais eu plus de 5 000 adhérents, en un mouvement de masse. Le 7 juillet 1954, 17 délégués représentant les divers courants définis plus haut se réunissaient à Dar es-Salaam et fondaient la T .A .N .U . Des mots d’ordre simples — f/Awru-Indépendance et, pour l’immédiat « Egalité des droits pour tous » — facilitèrent une propagande qui trouvait en outre un peu partout un

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L 'A F R I Q U E O R I E N T A L E D EP U I S 1945

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terrain favorable. Contre le pluriracialisme, devenu politique officielle au Tanganyika comme au Kenya, Nyéréré défendit une politique non raciale, la seule qui impliquât l’égalité. Utilisant rinfrastructure de la T .A .A . et des coopératives, s’appuyant presque toujours sur les unions tribales (i), trouvant auprès des anciens combattants, dont beaucoup n’avaient pas obtenu d’emploi, des militants prêts à épauler l’action des intellectuels, la T .A .N .U . étendit son réseau sur la majeure partie du pays. Le mécontentement provoqué par des mesures généralement salutaires en soi — comme l’arrachage des bananiers au Buhaya, ou l’abattage du bétail malade ailleurs, ou encore l'introduction de nouvelles méthodes de culture — mais impopulaires, à la fois parce qu’elles allaient à l’encontre des traditions et parce qu’elles étaient ordonnées par des autorités tribales à la solde de l’administration, prépara la voie à l’implantation de sections locales. Mieux, loin de diminuer son crédit auprès des masses paysannes, les mesures prises contre ses sections — refus d'enregistrement ou interdiction pure et simple — conférèrent à la T .A .N .U . l’auréole de la persécution. Nyéréré prenait en outre soin de dissiper les appréhen­ sions des autres communautés. Il ne manquait jamais d’assortir son opposition au pluriracialisme de déclarations condamnant toute discrimination raciale ou religieuse. Il parvint ainsi à rallier la plupart des dirigeants musulmans et à les détacher de l’Union nationale panmusulmane qui prétendait retarder l'indépen­ dance jusqu’au jour où elle jugerait suffisantes les possibilités de scolarisation offertes aux Musulmans. Auprès des instances internationales, Nyéréré put donc tirer argument de l’audience rapidement acquise dans son pays. Dès 1954, la mission d’inspection de l’O .N .U. reconnaissait la T .A .N .U . comme l’expression du nationalisme tanganyikais puis, par deux fois, Nyéréré lui-même se rendit à l’O .N .U ., en 1955 et 1956. Ainsi, moins de trois ans après son apparition, la T .A .N .U . était devenue « l’inter­ locuteur valable». Encore fallait-il qu’elle le devînt aux yeux de la puissance tutélaire. Non que celle-ci ne fût pas décidée à accorder l’indépendance au Tanganyika, mais l’administration Twining, docile aux pressions européennes, demeurait attachée au pluriracialisme dont Y United Tanganyika Party, créé sous son égide, se faisait l’avocat. D'ailleurs, comme nous l’avons indiqué, les difficultés auxquelles elle eut à faire face jusqu’en 1958, et notamment l’hostilité de certains secteurs de l’adminis­ tration, furent en général bénéfiques à la T .A .N .U . En cimentant le mouvement, elles contribuèrent à le faire apparaître comme l’expression authentique de la volonté populaire et lui permirent, le moment venu, de recommander, sans danger majeur pour son unité, les compromis temporaires qui facilitèrent le passage à l’autonomie interne, puis à l’indépendance (2). C ’est ainsi que lorsque le Congrès de1 (1) Quand les dirigeants des unions tribales se montraient réticents ou hostiles, comme ce fut le cas de Marealle, dirigeant, élu en 1952, de l'Union du Kilimandjaro, la T.A.N.U. réussit à les déloger et à s’établir contre eux. (a ) V o ir M a g u i r e , op. ex t., p a s s .

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C a r te 41. — T a n zanie

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NO IRE

Tabora eut décidé, en 1958, de participer aux élections générales prévues par la constitution à caractère pluriracial, l’aile dure quitta la T .A .N .U . pour former VAfrican National Congress, de tendance nettement raciste. M ais l’écroulement de ce groupe, qui eût pu être dangereux, suivit de près le succès total remporté par les candidats patronnés par Nyéréré et ses amis — africains, européens ou asiatiques. En 1958 en effet arrivait à D ar es-Salaam un gouverneur que son expérience kényenne, à l’heure de la révolte mau-mau, avait convaincu de l’impossibilité de maintenir une domination étrangère contre la volonté d ’un peuple. Sir Richard Turnbull avait d ’ailleurs reçu de son gouvernement, qui avait entendu les recomman­ dations de l’ O .N .U ., des instructions l’engageant à accélérer les négociations. L a confiance réciproque qui s’instaura rapidement entre lui et Nyéréré ne put que faciliter et hâter le transfert de pouvoir. Après les élections de 1958-1959, cinq membres de la T .A .N .U . devinrent ministres. A la suite de discussions serrées, où les contre-propositions de la T .A .N .U . s’opposèrent aux propositions de la Commission Ram age et après l’arrivée du nouveau secrétaire aux Colonies M ac Leod, le gouvernement accepta qu’aux élec­ tions de septembre i960, le suffrage, tout en restant censitaire, fût largement ouvert et qu’une majorité d’élus figurât dans les deux conseils. Ces élections furent un nouveau triomphe pour la T .A .N .U . Nyéréré devint principal ministre du premier gouvernement responsable du Tanganyika. Il dut remettre de l’ordre dans le parti, dont certains militants cherchaient à s’emparer des pouvoirs administratifs ici et là, reprendre en mains la Tanganyika Federation o f Labour (T .F .L .), où les extrémistes s’agitaient depuis que son organisateur, K aw aw a, était devenu ministre, mais aucune difficulté majeure ne vint retarder les progrès constitutionnels. L e 29 mars 19 6 1, après une brève conférence, tenue à Karim jee H all à D ar es-Salam, M ac Leod annonçait l’indépendance pour décembre suivant. L e I e r mai, Nyéréré devenait Premier Ministre. L e 9 décembre, le Tanganyika était indépendant.

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Comme presque tous les pays de 1 Afrique subsaharienne, l Ouganda est une création coloniale et, pourtant, il semble bien que l’un des aspects les moins heureux de l’administration indirecte ait été d’y avoir entravé la naissance d ’une nation à partir des régions et groupements tribaux disparates réunis pour former le protectorat. En s’appuyant trop exclusi­ vement, à tout le moins pendant les premières décennies de sa domination, sur un partenaire privilégié, le Bouganda, et en orientant l’attention des Africains vers le gouvernement local, elle a sans doute encouragé les tendances fédéralistes. M ême si, vers 1930, les agents baganda cessèrent d’être envoyés dans les autres provinces, les souvenirs qu’ils y avaient laissés pérennisèrent les vieilles rivalités et compli­ quèrent la tâche de la puissance protectrice entre 1945 et 19 6 2 ,tout comme ils ont

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L'AFRIQ UE O RIENTALE DEPUIS 1945

empoisonné et n’ont pas fini d’empoisonner, les premières années du nouvel Etat. L e soin pris par l’administration britannique de ne pas déposséder le paysan ougandais de sa terre n’a pas davantage favorisé l’éveil du nationalisme, car les Ougandais ont ignoré les formes extrêmes de l’exploitation coloniale et n’ont pas été jetés vers un nationalisme agressif comme ce fut le cas des Kenyens. En outre le décalage entre régions relativement riches et évoluées et districts plus pauvres et plus négligés fut aggravé par le nombre des vernaculaires d ’usage courant (i). Sans doute le luganda est-il le plus répandu — il est parlé par près d’un tiers de la population et assez largement compris par le reste — mais l’hostilité tenace nourrie par les autres régions à l’égard du Bouganda a empêché sa langue de jouer le rôle unificateur du swahili au Tanganyika. Ainsi, après avoir été un « instrument » de règne, le Bouganda allait-il devenir le plus coriace adversaire du gouvernement britannique, lorsque celui-ci eut pris le parti de préparer le protectorat à l’indépendance par une série de réformes libé­ rales. L ’abandon de la plupart des méthodes de l’administration indirecte, afin de resserrer les liens entre les régions, alerta le vieux royaume qu’une fusion au sein d’un Etat plus vaste priverait des avantages que lui avait reconnus l’accord de 1900, comme l’avaient déjà alerté, dans les années 1920 et 1930, les premières tentatives de création d’une fédération est-africaine. Ce fut pourtant au Bouganda, en tant que province la plus riche et la plus peuplée et celle où le taux de scolarisation, par suite notamment des rivalités missionnaires, était l’un des plus élevés de l’Afrique noire, que resta quelque temps confinée l’action politique. Sans doute la combinaison de courants fort divers, sinon divergents — lassitude des paysans que le fardeau des impôts et la hausse des prix intérieurs privaient des profits accrus de l’exportation de leur coton et de leur café, aversion des Batdka pour toute innovation (2), irritation croissante de la classe nouvelle des Africains instruits contre la confiscation du pouvoir par les autorités tradi­ tionnelles — explique-t-elle les troubles de 1945 : grèves et émeutes de janvier, purge du Lukiko par le gouverneur Hall, rappel, puis assassinat, en septembre, du Katikiro écarté en 19 4 1. En fait, ils aboutirent à un contrôle plus strict des affaires bougandaises par les autorités. Pour peu de temps d'ailleurs car, sous l’impulsion des Bataka et plus encore de YAfrican Farmers' Union, l’agitation reprit sur le double thème de l’élargis­ sement du Lukiko et de la commercialisation de leurs récoltes par les Africains eux-mêmes. Un boycott fut décidé contre les commerçants européens et indiens, contre ces derniers surtout, accusés d'exploiter le cultivateur local (3). Plusieurs milliers de Baganda participèrent aux émeutes de 1949, au cours desquelles la police1 (1) Radio-Ouganda donne des émissions en 8 vernaculaires. (2) C’est ainsi qu’ils combattirent l’expropriation des terres tribales nécessaires à l’expansion de Makéréré. (3) En l’occurrence, les principales victimes du boycott furent les petits détaillants africains sans stocks et privés d’appro­ visionnement, dont beaucoup durent fermer boutique.

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H I S T O I R E DE L ' A F R I Q U E N O I R E

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dut dégager le palais du Kabaka. Après quelques semaines de désordres, la Fédé­ ration des Bataka et PA .F.U . furent interdites et les meneurs emprisonnés. Pour mal coordonnées qu’elles eussent été, les révoltes de 1945 et 1949 n’en furent pas moins le signe avant-coureur du nationalisme, à telle enseigne qu’elles hâtèrent la création d’une Commission qui recommanda des réformes. Il eût été difficile aux dirigeants les plus avertis de 1945 et 1949 de pousser plus avant leurs revendications, car le Conseil législatif ougandais n’avait jam ais joué le rôle de ceux des pays voisins. Trois Africains y avaient pourtant été nommés en 1945, Londres ayant alors résolu d’aligner l’évolution politique du protectorat sur celle des deux autres territoires. Mais le Lukiko hésita longtemps avant de se faire représenter au Conseil par le Katikiro, jugeant non sans raison qu’un tel geste remettrait en cause le statut semi-indépendant du Bouganda. Cependant, en 1950, huit Africains, dont deux Baganda, nommés par le Kabakay figuraient au nombre des seize non-fonctionnaires de cette assemblée. Deux ans plus tard arrivait en Ouganda Sir Andrew Cohen. Connu pour ses opinions libérales et son dynamisme, le nouveau gouverneur annonçait, au début de 1953, que le nombre des membres élus du Conseil serait porté à 28, dont 14 A fri­ cains, auxquels s’ajouteraient 10 non-fonctionnaires nommés. D ’autre part, il proposait l’introduction au Bouganda de réformes constitutionnelles dotant ce pays d ’un régime représentatif — élection de 60 sur les 80 membres du Lukiko, création de trois ministères nouveaux, dévolution au gouvernement du Kabaka de la gestion des enseignements primaire et secondaire court, des hôpitaux ruraux, des services agricoles et vétérinaires. Les membres du Lukiko, déjà alarmés par la réorganisation, au centre, d ’un Conseil législatif au sein duquel tous les Ougandais seraient sur un pied d’égalité, virent dans les mesures projetées pour le Bouganda une atteinte à leurs prérogatives aussi bien qu’à la souveraineté du Kabaka. L ’apparition, en 1952, de Y Uganda National Congress, mouvement dont les adhérents se recru­ taient essentiellement dans le nord et l’est et dont le double objectif était l’unité et l’indépendance, accentua leurs craintes. L a rupture se produisit en 1953, à l’occasion du discours prononcé le 30 ju in par le secrétaire aux Colonies qui relançait l’idée d’une fédération est-africaine. Perdu au sein d’un Ouganda unitaire, le Bouganda allait-il disparaître dans une fédération dont le Kenya tirerait les profits ? Soutenu par le Lukiko et par la grande majorité de son peuple, multipliant les efforts pour rallier à ses vues les chefs des royaumes de l’ouest, le Kabaka rejeta en bloc la fédération et toutes les réformes, refusa de designer des représentants au Conseil législatif, demanda le retour du Bouganda sous l’administration du Colonial Office et, à court terme, l’indépendance séparée pour son royaume. Le 30 novembre, Mutesa I I était exilé. Le compromis constitutionnel élaboré en 1954-1955 modifia, au fond, l’accord de 1900. L a majorité des membres du Lukiko serait désormais élue par les chefs de saza (districts), les ministres nommés par le Lukiko, avec l’assentiment du gouver­

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L'A FRIQ U E O RIENTALE DEPUIS 1945

neur. Le Bouganda, partie intégrante de l’Ouganda, enverrait des représentants au Conseil. Rappèlé par le Lukiko , le Kabaka, devenu souverain constitutionnel, rentrait dans son pays le 17 octobre 1955. L ’année suivante, Sir Andrew annonçait des élections au suffrage direct au Bouganda. Sentant alors le danger, le gouver­ nement du Kabaka déclara que le Bouganda n’y participerait pas. Ses inquiétudes avaient été avivées par la cadence et la nature des réformes au niveau du protectorat : augmentation du nombre des Africains au sein du Corps législatif et introduction du système ministériel en 1955, nomination d ’un speaker en 1957, élections au Conseil au suffrage direct en 1958, puis il rappela les membres qu’il avait lui-même désignés à cette assemblée. Deux partis s’affrontèrent aux élections de 1958, l’U .N .C . et le D.P. (Demo­ cratic P arty) y celui-ci de caractère nettement confessionnel, émanation des catho­ liques baganda. Désormais le C .L . compta 15 Africains sur les 25 membres élus. L a même année, le Comité Wild recommandait l’abolition de l’administration indirecte et de nouvelles élections au collège unique pour 19 6 1, alors que le Lukiko renforçait son opposition. L a vie politique s’anim ait; Y Uganda National Movement, apparu au début de 1959, lançait un boycott contre les commerçants indiens et encourageait les troubles raciaux sans pour autant offrir de programme cohérent. A peine était-il interdit que surgissait, né d’une scission de l’U .N .C . et de l’adhésion de quelques Indépendants à ce groupe dissident, Y Uganda People's Congress (U .P .C .), coalition anti-kiganda. Son caractère extrémiste s’étant assez vite estompé, l’ U .P .C . allait, sous la direction du Lango Milton Oboté, homme du Nord, conduire l’Ouganda à l’indépendance. Faute d ’avoir réussi à susciter un parti à sa dévotion, Mengo (1) maintint ses consignes d’abstention, et les élections de 1961 furent un duel U .P .C . - D.P. Le D.P. fut en effet le seul parti à faire campagne au Bouganda, en face de l’U .P .C . Ces premières élections nationales furent donc faussées au départ. Avec 43 sièges contre 35 à l’ U .P .C ., le D .P. l’emporta et son chef B. Kiw anuka devint chef du gouvernement, M . Oboté étant leader de l’opposition. C ’est alors que l’entourage du Kabaka mit sur pied le mouvement du Kabaka Tekka (Le roi seul), dont le titre dit assez le programme et qui fit fondre les effectifs du D.P. Avec un flair et un oppor­ tunisme qui lui permirent de durer jusqu’au début de 19 7 1, M . Oboté fit alliance avec le K .Y ., dont les représentants figurèrent aux côtés de ceux des autres partis à la Conférence constitutionnelle de septembre 19 6 1, où s’élabora la Constitution qui devait entrer en vigueur le I er mars 1962. Le Bouganda, qui gardait la direction de ses affaires intérieures, comme, à un moindre degré, les royaumes d ’Ankolé, de Toro et de Bunyoro, avait obtenu d ’être représenté à l’Assemblée législative par 2 1 membres choisis par le Lukiko . L ’écrasement du D .P. aux élections de février au Lukiko faisait prévoir que M . K iw anuka ne serait pas longtemps Premier (O Mengo est le cœur du vieux Kampala, où siégeait le gouvernement du Bouganda et où résidait le Kabaka.

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H I S T O I R E DE L'AFRIQJUE N O I R E

Ministre de l’Ouganda autonome. A ux élections nationales d ’avril en effet, la coalition U .P .C . - K .Y . triomphait et M . Oboté devenait Premier Ministre. C e fut donc lui qui conduisit la délégation ougandaise à Londres en septembre. Le 9 octobre l’Ouganda accédait à l’indépendance avec une Constitution de type fédéral prévoyant un chef d ’Etat sans pouvoir exécutif. Le gouverneur en exerça les fonctions pendant un an et c’est le 9 octobre 1963 seulement que Sir Edw ard Frederick Mutesa, Kabaka du Bouganda, fut élu Président de l’Ouganda.

En 1945, quelque 30000 Européens vivaient sur les hauts tn}a 1945 19 3 plateaux du R ift oriental, autour de Nairobi, Nyeri, Fort H all, Nakuru, Eldoret. Ils y occupaient de bonnes terres, naguère domaine tribal des K ikuyu ou territoire de parcours des M asai. Ils détenaient la puissance économique et, tournant leurs regards vers la Rhodésie du Sud, aspiraient à se dégager de la tutelle, pourtant légère, de Whitehall. Même les plus libéraux d’entre eux ne concevaient alors rien d ’autre qu’une évolution graduelle vers le pluriracialisme. L ’interdiction, en 1939, de toutes les associations politiques indigènes et la détention de leurs chefs, l’obligation faite aux Africains de travailler sur les exploi­ tations européennes pendant toute la durée de la guerre, la décision, rendue publique en 1943, de favoriser l’installation d’anciens combattants européens au K enya, l’attribution des portefeuilles de l’Agriculture et de l’Administration locale à deux Européens membres non fonctionnaires du Conseil législatif, avaient engendré un climat de méfiance, propice à la propagande nationaliste et à la remise en question du régime colonial dans son ensemble. Deux tendances se dessinaient chez les nationalistes, celle, légaliste, de certains Africains instruits, comme E. M athu, entré au C .L . en 1944, de F. W. Odédé, qui l’y avait suivi deux ans plus tard, de J . Gichuru ou de W. W. Awori et d’autres encore, celle, plus radicale et encline à la violence, des démobilisés et des anciens adhérents de la Kikuyu Central Association (K .C .A .), de YUkamba Members' Association ou de la Teita Hills Association, d ’où se détachaient des hommes comme F. K ubai ou D. Kim athi et dont beaucoup, réduits au chômage, s'entassaient dans les bidonvilles de Nairobi ou se retrouvaient au sein des églises dissidentes, des groupes religieux traditionnels ou des sociétés secrètes qui s’étaient formés lorsque toute opposition ouverte eut été interdite. C ’est sur l’initiative des premiers qu’une trentaine de représentants de diverses tribus s’étaient réunis à Nairobi en octobre 1944 pour former le noyau de la Kenya African Union (K .A .U .), premier mouvement d’envergure nationale. A la fin de 1947, Kenyatta, rentré au pays après quinze ans d’absence, remplaçait J . Gichuru à la présidence de la K .A .U ., dont il lia l’action à celle des Ecoles indépendantes kikuyu qui, depuis les années 1930 et la rupture avec les missionnaires, étaient devenues des foyers de nationalisme. Il tentait en même temps d’étendre l'influence

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du mouvement à tout le pays. Dès 19 51 pourtant, l’Association s’était pratiquement scindée, l’aile modérée, comprenant surtout les membres non kikuyu, dénonçait les activités des Combattants de la liberté. Ceux-ci s’étaient rassemblés autour du « Groupe des Quarante », formé d ’anciens combattants, qui avait d’abord incité les Kikuyu à refuser de construire des terrasses contre l’érosion, avant de piller les dépôts d’armes, de terroriser les chefs loyalistes, d’imposer des serments à leurs fidèles, d ’exécuter les traîtres, d’incendier des fermes européennes. Ils voulaient reprendre aux Blancs la terre des ancêtres et les contraindre, par la terreur, à quitter le pays. L ’attitude de l’administration les avait convaincus que, seule, la violence paierait. En effet, malgré l’opposition quasi unanime des Africains modérés ou extrémistes au pluriracialisme, celui-ci restait la solution envisagée par le gouverne­ ment. En 19 5 1, la K .A .U . demanda l’accroissement de la représentation africaine au C .L ., le collège unique, la parité entre toutes les races, alors que les Européens exigeaient le maintien d’une majorité non officielle blanche et le rejet par Londres de toutes les revendications africaines. Aussi l’aile terroriste gagna-t-elle sur l’aile modérée. En 1952, le massif du K enya et les chaînes des Aberdare devinrent les bases d’opération de la révolte mau-mau dans laquelle l’historien B. A . Ogot voit « la tentative désespérée d’un peuple désespéré pour changer le système d ’injustice économique et sociale » (1) où l’enfermait la minorité blanche. Alors que dans les White Highlands, des milliers d’acres restaient en friche, se multipliaient les évictions de squatters, contraints de travailler comme journaliers agricoles au salaire hebdo­ madaire de 4 ou 5 shillings, ou rejetés vers les réserves surpeuplées ou les taudis des villes, où le coût de la vie avait augmenté de 40 % entre 1949 et 1952. A u début de 1952 les actions terroristes s’étendirent à l’ensemble des White Highlands et du R ift. En octobre, le nouveau gouverneur, Sir Evelyn Baring, proclamait l’état d’urgence. Celui-ci ne fut levé qu’en i960 après des opérations de nettoyage, aux­ quelles participèrent des troupes métropolitaines, aux côtés des forces armées et de la police locales. En avril 1953, Kenyatta avait été arrêté et condamné à sept ans de prison, ce qui n’empêcha pas les activités mau-mau de continuer. L a lutte fut souvent féroce, surtout dans les forêts du K en ya, où le « général China » fut pris en 1954, et dans celles des Aberdare, où K im athi tint jusqu’en octobre 1956. Des villages — celui de L ari par exemple — dont la population n’apportait pas une aide inconditionnelle aux maquisards furent incendiés et leurs habitants massacrés. On dénombra officiellement près de 15 0 0 0 victimes, presque toutes africaines; des dizaines de milliers d’indigènes, K ikuyu en majorité, mais aussi K am b a, Em bu et M eru, furent déplacés, les uns ramassés au cours de ratissages effectués à Nairobi, les autres sur des exploitations européennes, et renvoyés dans des camps ou des villages de regroupement. ( 0 In Z*man\, p. 283.

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HISTOIRE DE L'AFRIQ U E NO IRE

L ’ampleur et l’âpreté d ’une révolte qui coûta plus de £ 55 millions avaient démontré la vanité de la politique du développement séparé, autant que la faillite de l’administration coloniale et avaient rendu nécessaire l’intervention du Colonial Office. A trois reprises cependant, en 1954, en 1957-1958, en i960, celui-ci promulgua des constitutions pluriraciales, sous la pression des Blancs, parmi lesquels était apparu, avec l’appui de l’administration, un parti libéral, le New Kenya Group, dirigé par un ancien membre du Conseil exécutif, Michael Blundell. L a Constitu­ tion Lyttelton de 1954 avait notamment introduit un Africain au Conseil des Ministres, substitué au C .E . L a Constitution Lennox-Boyd porta à 14 le nombre des Africains élus au C .L . au suffrage direct et décida que douze membres (quatre de chaque race) seraient choisis par le C .L . lui-même. M boya et les membres africains rejetèrent ces réformes, boycottèrent le Conseil et réclamèrent une autre Conférence constitutionnelle, ainsi que la libération de Kenyatta. Cette Conférence se réunit à Londres en i960. Les Africains, malgré des divergences de vues de plus en plus accentuées, y envoyèrent une délégation commune où des modérés, comme R . Ngala, côtoyaient le jeune syndicaliste luo Tom M boya, secrétaire du Kenya Independence Movement, fondé et présidé par un autre Luo, beaucoup plus radical, Oginga Odinga. A défaut de Kenyatta, dont tous souhaitaient la présence, un de ses amis, Koinange, fut autorisé à assister aux débats. L e nouveau secrétaire aux Colonies, M ac Leod, fit accepter un compromis qui conservait les 12 membres élus par le Conseil, prévoyait 33 sièges ouverts à toutes les races et 20 « réservés >► (10 Européens, 8 Asiatiques, 2 Arabes) et accordait aux Africains quatre porte­ feuilles ministériels contre trois aux Européens et un aux Indiens. Des élections auraient lieu en février 1961. Bien que de nouveau autorisés depuis 1955, les partis africains tardèrent à s’organiser sur le plan national, puisqu’ils furent interdits dans la province centrale jusqu’en i960. D ’où le rôle joué par la Kenya Federation o f Labour et par son secrétaire Tom M boya. Tandis que les colons irréductibles se préparaient aux derniers combats derrière Cavendish-Bentinck et le capitaine Briggs et que le petit noyau libéral suivait Blundell, les Africains se divisèrent eux aussi. Les modérés, très proches de Blundell, se groupèrent autour de Ngala, dans la Kenya African Democratic Union (K .A .D .U .), qui se posa en défenseur des petites tribus, la majorité restant avec Kenyatta dans la Kenya African National Union (K .A .N .U .). L a K .A .D .U ., craignant que les tribus kalenjin ne fussent écrasées par les grandes tribus, luo et kikuyu (1), voulait que le K enya accédât à l’autonomie interne, puis à l’indépendance, avec des gouver­ nements régionaux et une constitution de type fédéral. L a K .A .N .U ., au contraire, faisait campagne pour un Etat unitaire. Elle remporta 19 sièges, la K .A .D .U . 1 1 . Le N .K .G . obtint tous les sièges réservés aux Européens, grâce à l’appui des Africains. Ces résultats conduisirent à la formation d’un gouvernement de coalition 1 (1) En 1969, les Kikuyu étaient près de i 800000, les Luo de 1 300000.

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K .A .D .U .-N .K .G . dirigé par R . Ngala. Libéré en août 19 6 1, élu à l’Assemblée en janvier 1962, Kenyatta devenait président de la K .A .N .U . en octobre 1962. L a dernière Conférence de Londres (février-avril 1962) se rallia au compromis proposé par le secrétaire aux Colonies, R . Maudling. Des gouvernements régionaux et un Sénat devaient assurer la protection des minorités. Le 12 décembre 1963, le K enya devenait indépendant avec une constitution d’une étonnante complexité. Depuis les élections de mai 1963, qui avaient été un triomphe pour la K .A .N .U ., Kenyatta était Premier Ministre. Dès la fin de 1959, le gouvernement avait mis fin aux « barrières raciales » et ouvert les White Highlands aux Africains.

Dans le sultanat, où la minorité arabe gardait le pouvoir politique, où les Indiens de toutes dénominations dominaient la vie économique, où les Africains formaient une masse de journaliers agricoles exploités (1), encore que quelques Afro-Shirazi eussent racheté des terres aux Arabes endettés, l’atonie politique se prolongea plusieurs années après la fin de la guerre. L a Grande-Bretagne amorça les réformes en dotant Zanzibar d’un Conseil municipal élu en 1944 et en introduisant un Africain dans le Conseil législatif en 1945. Les premières revendi­ cations politiques émanèrent des Arabes éduqués qui créèrent plusieurs associations, à partir de 1948. Réunies sous l’impulsion du journaliste Ali Muhsin, elles devinrent, en 1956, le Nationalist Party (Z.N .P.), qui réclama une majorité élue au C .L . Les élections devaient avoir lieu en 1957. Les Africains et les Shirazi, qui n’y étaient pas préparés, s’y opposèrent d ’abord, puis formèrent hâtivement YAfroShirazi Union, présidée par le cheikh Abeid Karum é, propriétaire d’une société de vapeurs et chef syndicaliste. Ils remportèrent trois sur les six sièges électifs, deux autres allant à des Indépendants de Pemba qui se joignirent à eux. M ais le sultan nomma membres du C .L . Ali Muhsin et trois autres Z.N .P . Les tensions raciales entre Arabes et Africains s’aggravèrent rapidement. Les squatters shirazi furent expulsés par les propriétaires arabes, les boutiques arabes et indiennes boycottées par les Afro-Shirazi. Alors que le Z.N .P . se réorganisait en parti de masse, soutenu par la R .A .U ., une scission intervenait, en 1959, au sein de l’A .S.U . patronnée par Nyéréré, d ’où sortirent le Zanzibar and Pemba People's Party (Z.P.P.P.), shirazi, dirigé par Shamté et Shariff, et YAfro-Shirazi Party (A.S.P.), présidé par Karum é et que dominaient les Africains du continent. L a Conférence constitutionnelle de i960 accorda au sultanat un gouvernement responsable; les élections se déroulèrent en janvier 1961 au scrutin uninominal et au collège unique; les trois élus du Z .P .P .P . s’étant répartis entre l’A .S.P . et le Z .N .P., chacun de ces deux partis eut onze sièges. De nouvelles élections eurent lieu en1 (1) D’après le recensement de 1948, la population de Zanzibar s’élevait à 149 575 hab., celle de Pemba à 114 587, dont les pourcentages se répartissent comme suit : Africains, 79,3 et 75,7; Arabes : 9,3 et 16,9; Indiens : 8,8 et 1,8; Como­ riens : 1,8 et 0,4; Goanais : 0,4; Somali et autres : 0,2.

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H I S T O I R E D E L'AFRIQJUE N O I R E

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ju in ; la coalition Z.P.P.P. - Z.N .P . remporta treize sièges contre onze à TA .S.P., qui avait pourtant recueilli beaucoup plus de voix que les deux autres partis réunis. La Conférence constitutionnelle de mars 1962 promit l’autonomie interne pour la m i-1963 et l’indépendance pour la fin de l’année. Une scission se produisit alors au sein du Z .N .P ., dont l’aile gauche, pro-chinoise ou pro-cubaine, forma VUmma Party, dirigé par Cheikh Abdulrahman Mohamed, métis afro-arabe, plus connu sous le surnom de Babu. Les élections de juin 1963 confirmèrent les résultats des précédentes, mais le nouveau sultan confia le gouvernement à la précaire coalition Z.N .P. - Z.P.P.P. Le 10 décembre 1963, Zanzibar redevint un sultanat indépendant. Aux dangers d’une situation politique où les Arabes continuaient à vouloir mono­ poliser le pouvoir, ravivant ainsi les souvenirs de la traite, s’ajoutaient les difficultés économiques grandissantes, les exportations de clous de girofle ayant considérable­ ment baissé, par suite de la concurrence de l’ Indonésie et de M adagascar et des embarras financiers des deux principaux clients, l’ Indonésie elle-même et l’Inde.

L ’

é v o l u t io n

DES

éc o n o m iq u e

TERRITOIRES

et

so c ia l e

BRITANNIQUES

M algré les épreuves de la guerre, le revenu national avait augmenté partout et, avec l’accroissement de la demande et la hausse des prix mondiaux des grandes productions agricoles des trois pays continentaux, 1945 ouvrit pour tous une ère de prospérité qui permit au gouvernement impérial et aux gouvernements locaux de s’orienter résolument vers une mise en valeur concertée et vers le développement des services sociaux. Sans doute les données propres à chaque territoire ont-elles commandé la cadence d ’une évolution qui fut parfois discontinue, mais qui les conduisit tous à une situation à partir de laquelle le transfert de pouvoir pût être effectué sans risques. L ’arrivée des travaillistes au gouvernement en 1945 hâta le vote de la loi sur le développement colonial ainsi que la mise en place des orga­ nismes locaux prévus par celle-ci et chargés d’élaborer, pour chaque pays, une planification à long terme. Toutefois les plans de développement, dont tous visaient à une diversification de l’économie et, par conséquent, à un effort d’industrialisation, en même temps qu’à un accroissement de la productivité agricole, se heurtèrent partout à des obstacles analogues — manque de matériel d’équipement, lequel posait directe­ ment le problème des transports et des sources d’énergie, manque de main-d’œuvre qualifiée, lequel posait le problème de la formation professionnelle des cadres et des ouvriers. Quant au problème des capitaux, il put être résolu dans un premier temps par les dons et les prêts du Royaum e-Uni, puis par des investissements étrangers, enfin par l’augmentation des recettes territoriales. M ais ces problèmes

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se posaient différemment, d’abord en fonction des choix politiques qui avaient, jusqu’en 1945, présidé au développement de chaque territoire, ensuite en fonction des ressources spécifiques et de la situation géographique de chacun d’entre eux. Ainsi, à l’exception de quelques plantations de canne à sucre et de thé, appartenant presque toutes à des Indiens, il n’y avait pas eu d’aliénations de terres au profit des races immigrées en Ouganda, où les deux cultures d’exportation — coton et café — étaient produites par les paysans africains, peu soucieux d ’abandonner leurs domaines pour un travail salarié. D ’autre part ce pays, moins étendu que les autres (236 000 km*), mais recevant plus de pluies, sauf dans sa partie nord-est, est plus fertile que ses deux voisins. Enfin, il est prisonnier du continent, puisque Mombasa, son débouché sur l’océan Indien, est à quelque 1 400 km de ses fron­ tières orientales. On conçoit donc que, pour l’Ouganda, les problèmes de la maind ’œuvre et des transports se soient posés en d ’autres termes que pour le Kenya. Dans ce pays en effet où, sur 225 000 milles carrés (583 000 km*), 41 600 seule­ ment sont considérés comme fertiles, la superficie aliénée à des Blancs était de 12 8 5 0 milles carrés en 1959, la majeure partie étant située dans les White Highlands, de sorte que près du cinquième des bonnes terres y appartenait à 1 % de la population. L a tribu la plus affectée, celle des Kikuyu, était aussi la plus nombreuse et celle pour laquelle la possession du sol revêtait un caractère sacré qui interdisait toute aliénation du domaine familial (githaka). En 1948, 745 000 Kikuyu s’entassaient dans les réserves des hautes terres du R ift oriental, notamment dans les districts de Nyeri, Fort H all et K iam b u; les autres allaient grossir le sous-prolétariat de Nairobi ou de Mombasa. Les données socio-écono­ miques étaient donc — mis à part la force explosive qu’elles représentaient — tout autres qu’en Ouganda, sans qu’il soit utile d’insister sur le fait que le Kenya n’avait pas à résoudre de problème de transports comparable à celui qui se posait à l’Ouganda, puisqu’il possédait, avec Mombasa, le port le mieux équipé d’Afrique orientale. D ’autre part, la présence d’une colonie blanche importante (56 000 en 1962) avec tout ce qu’elle signifiait d’entraves à la promotion africaine, n’en donnait pas moins au K enya la possibilité de disposer de plus de cadres et de capi­ taux que n’en avait l’Ouganda, bien que le niveau de vie africain fût plus élevé dans celui-ci qu’au Kenya. Beaucoup plus vaste (939 702 km*), le Tanganyika était aussi le plus défavorisé des trois. Sans doute les aliénations de terres y étaient-elles modestes, compte tenu de la superficie; mais de 2 millions d ’acres en 1939, elles étaient passées à 3 millions en 1953, sous l’impulsion d’un gouverneur qui tenait aussi peu compte des recomman­ dations de la Commission de tutelle que des protestations africaines, et ces aliénations affectaient quelques-unes des rares régions fertiles du pays — celle de Tanga par exemple. L a pauvreté des trois territoires en ressources minérales fut aussi un frein à leur développement, et en particulier l’absence de charbon et de fer. Bien que repéré, le gisement houiller de Songea n’avait pu être exploité faute de voies de communications.

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HISTOIRE DE L'A FRIQ U E NOIRE

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Le développement de la productivité et la création de ressources agricoles nouvelles, même lorsqu’ils ne furent pas interrompus par des troubles comme ce fut le cas au K enya avec le soulèvement mau-mau, étaient une oeuvre de longue haleine. L a plupart des économistes estimaient en effet qu’une des conditions essentielles en était la substitution de la propriété individuelle à la propriété tribale. O r, même si les Africains éduqués étaient prêts à se rallier à des conceptions fort éloignées de leurs traditions, la majorité voyait dans le maintien de la propriété collective une assurance contre l’adversité. L ’africanisation de certains secteurs économiques que les autorités britanniques entendaient favoriser était également délicate, aussi bien en matière industrielle qu’en matière commerciale. Partout la transformation des produits naturels était aux mains des immigrés, européens ou indiens. Les grandes raffineries de sucre de l’Ouganda, celle de Lugazi et celle de K akira, appartenaient respectivement au groupe Mehta et au groupe M adhvani, ce qui pouvait paraître assez normal, puisque ces deux groupes étaient en même temps propriétaires des plus grandes plantations de canne du pays. M ais au lendemain de la guerre, les ateliers d’égre­ nage du coton étaient partout indiens, même en Ouganda, où tout le coton était produit par les Africains. Il en était de même pour la préparation du café, sauf dans deux régions du Tanganyika (Kilimandjaro et Bukoba), où des coopératives africaines s’étaient organisées de bonne heure. Il fallut attendre les années 1950 pour que le développement du mouvement coopératif donnât peu à peu aux Africains le contrôle de ces activités, ainsi que de la vente de leurs propres récoltes. M ais l’africanisation du commerce posait le problème des rapports avec les Indiens, problème qui allait prendre un tour dramatique après les indépendances. Plus largement, l’africanisation dans tous les secteurs posait le problème de l’ensei­ gnement à tous les niveaux. Enfin comme la Grande-Bretagne voyait dans une étroite coordination des économies l’une des conditions du succès des efforts qu’elle était prête à financer ou à favoriser, il faudra examiner rapidement le sort de ses tentatives pour créer une fédération est-africaine. Ces remarques préliminaires faites, voyons rapidement l’œuvre accomplie. L ’amélioration des voies de communication et des moyens de transport était un préalable à tout développement industriel et agricole, aussi bien pour donner aux territoires l’équipement souhaité que pour évacuer la production et stimuler les échanges interterritoriaux ou assurer la mobilité de la main-d’œuvre. L a fusion, opérée en 1948, des chemins de fer et des ports de l’Est africain, fut à l’origine d’aménagements importants. Mombasa, dont le trafic s’élevait à 42 millions de tonnes en 1962, avait été doté en 1961 de quatre mouillages en eau profonde à Kipevu. L e chemin de fer de l’Ouganda fut renforcé de Mombasa à Kisum u, puis prolongé de K am pala à Kasésé en 1956, afin de desservir les mines de cuivre de Kilembé. Entre 1961 et 1964, l’embranchement de Soroti fut prolongé jusqu’ à Gulu et Pakwach. Au Tanganyika, la jonction des deux lignes principales était

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chose faite moins de deux ans après l’indépendance. De 1959 à 1963 se poursuivirent la construction de nouvelles routes et l’asphaltage des grands axes routiers, travaux rendus nécessaires par l’utilisation croissante des camions, autocars, automobiles et bicyclettes. M ais le développement le plus remarquable fut celui des transports aériens, à partir de 1946 pour les services interterritoriaux, à partir de 1956 pour les long-courriers. L ’industrialisation procéda plus lentement qu’on ne l’avait souhaité, malgré la constitution, au début des années 1950, d’organismes para-administratifs, les Development Corporations, chargées d’orienter et de financer, pour tout ou partie, les activités économiques nationales, ou encore malgré la mise en service, en 1954, de la grosse usine hydro-électrique construite sur le Nil à sa sortie du lac Victoria à Jin ja . Si celle-ci ne permit pas l’industrialisation rapide de l’Ouganda, du moins fournitelle au K enya l’électricité qui eût manqué aux usines créées dans ce pays avec l’aide de sociétés étrangères jusqu’à l’achèvement des travaux d’aménagement de la Tana. L 'Uganda Development Corporation, associée avec la Commonwealth Development Corporation et avec une compagnie canadienne, commença, en 1953, d ’exploiter les mines de cuivre de Kilem bé. Les autres ressources minérales, dignes d’être mentionnées, sont la soude du lac M agadi au K enya et les diamants de M wadui au Tanganyika. Au vrai ne prospérèrent guère que les industries de transformation : raffineries de sucre, huileries, savonneries, filatures et tissages de coton, manufactures de chaussures, de couvertures, de tabac, cimenteries. Avant les indépendances, les efforts faits pour développer le tourisme intéressèrent avant tout le K enya ; mais la richesse de la faune et la beauté de certains sites, jointes à la création de chaînes d’hôtels, autorisaient à penser que les trois pays trouveraient dans le tourisme une source importante de revenus. Toutefois, si l’on en juge par la valeur des exportations (1), l’agriculture restait la base de l’économie des trois pays continentaux. Cela est encore plus vrai pour Zanzibar, dont presque toutes les exportations consistaient en clous de girofle. L a seule tentative d’envergure pour diversifier les cultures se solda par un échec en 1950 : £ 30 millions furent dépensés par Londres pour introduire la culture de l’arachide dans le sud du Tanganyika. M ais partout les techniques s’améliorèrent, les rendements augmentèrent et les Africains prirent une part croissante à la production de cultures d’exportation. L ’accroissement du revenu national se traduisit par une amélioration sensible des services sociaux. A tous les degrés l’enseignement fut l’objet des préoccupations gouvernementales. Des commissions explorèrent les besoins de chaque pays et (1) Pour 1961

Valeur totale

K enya . — Ouganda .. Tanganyika

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£ 35 200 000 - 39 200 000 - 47 400 000

Valeur de la plus importante

Café : Coton : Sisal :

£ xo 500 000 - 16 800 000 - 14 200 000

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H IS T O I RE D E L ' A F R I Q U E NOI RE

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recommandèrent la création d’écoles et d’un corps d ’inspecteurs, ainsi qu’une formation plus attentive des maîtres. Si certains reprochent à ces efforts leur relative inadaptation aux besoins des Africains ( i ) et leur tendance « élitiste », du moins eurent-ils des résultats tangibles. Bien que l’enseignement primaire ne fût obli­ gatoire — et encore était-ce dans les villes seulement — que pour les Européens et les Asiatiques, l’effectif des Africains scolarisés quadrupla entre 1950 et i960, les crédits publics affectés à l’enseignement augmentèrent considérablement. En ce domaine, l’Ouganda montra l’exemple, où ils passèrent de £ 7 15 0 0 0 en 1950 à £ 5 000 000 en i960 et où, en 1949, le Collège technique de Makéréré devint le Collège universitaire de l’Afrique orientale, rattaché à l’Université de Londres. Pour n’être pas assez nombreux, les établissements professionnels et techniques pouvaient s’enorgueillir de quelques écoles de qualité, le Kenya Polytechnic ou le Kampala Technical Institute, par exemple, et plus encore le Royal Technical College de Nairobi, ouvert en 1954, qui ne devint Collège universitaire qu’en 1963. On peut rapprocher de l’œuvre éducative le mouvement pour le développement communautaire dont les animateurs commencèrent, à la veille des indépendances, à entraîner l’ensemble de la population, particulièrement dans les régions rurales, dans l’effort de promotion nationale. A côté de la construction de routes, de ponts, d’écoles, de clubs de jeunes, de dispensaires, l’alphabétisation des adultes est un des aspects importants de ce mouvement. Les services de santé ont largement profité de l’intérêt porté aux œuvres sociales. En 1962 était inauguré à Kam pala le New Mulago Hospital qui, avec plus de 900 lits, est un des mieux équipés d’Afrique et à Dar es-Salaam, l’Aga Khan finançait un hôpital ouvert à toutes les races. L a lutte contre les grandes endémies et contre la malnutrition se poursuivait avec des moyens accrus et si le plus gros était encore à faire, les voies étaient ouvertes. Comme il a été dit plus haut, le gouvernement britannique avait toujours désiré une étroite union des quatre territoires. L a crainte que le K enya et les colons européens n’en fussent les bénéficiaires avait toujours freiné ses efforts. Le Conseil économique, créé au début de la deuxième guerre pour coordonner les économies de l’Afrique orientale proprement dite avec celles du Nyassaland et de la Rhodésie du Nord, fut le précurseur direct de la Haute-Commission, dont le secrétaire travailliste aux Colonies, A. Creech-Jones, prit l’initiative en 1948 et qui « coiffa » les communications, les douanes, la fiscalité, les postes, les services statistiques, la monnaie, la recherche, l’enseignement supérieur, la météorologie. Son Assemblée législative centrale, multiraciale, encore qu’avec prédominance européenne, était néanmoins étroitement subordonnée aux gouvernements terri­ toriaux. En 1961, après l’indépendance du Tanganyika, la Haute-Commission1 (1) Voir C. E hrlich , In ^onuuii, pp. 346-347.

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L 'A F R I Q J J E O R I E N T A L E D E P U I S 1 9 4 5

devint l’Organisation est-africaine des Services communs. Après l’indépendance du Kenya, on reparla d ’une fédération, dont le principe fut accepté, sans qu’on cherchât à passer aux actes. Des choix politiques différents, la crainte persistante que la fédération ne servît les intérêts du Kenya, où se trouvait le siège des grandes sociétés étrangères, et dont l’industrie était plus diversifiée que celle des autres pays, enfin des nationalismes d ’autant plus chatouilleux que l’indépendance était neuve, empêchèrent tout progrès réel.

L es

p a y s

sous

t u t e l l e

b e l g e

Les deux petits pays sous tutelle belge, aussi pauvres que sur­ peuplés (i), demeurèrent stagnants jusqu’au début des années 1950. Le système de castes y resta pratiquement inchangé. L ’aristocratie pastorale tutsi (14 -15 % de la population) y détenait la puissance politique et économique, Yubugabirê (contrat de prêt de bétail) continuant à assurer aux chefs tutsi leur clientèle de cultivateurs hutu (84-85 % de la population), tandis que les pygmoïdes twa (moins de 1 %) étaient chasseurs, potiers, bourreaux ou bouffons des premiers. Le souverain ou mwami (chaque pays avait le sien), dont le pouvoir était symbolisé par le tambour kalinga, orné des dépouilles des vaincus, était considéré comme le possesseur éminent du sol. L ’ Eglise catholique, solidement implantée, avait largement ouvert ses écoles et ses séminaires à la jeunesse tutsi. Ainsi avait-elle renforcé la caste dominante en faisant bénéficier la hiérarchie traditionnelle de l’appoint de l’élite instruite. En 1952, sous la pression de la Commission de tutelle de l’O .N .U ., les Belges accordèrent les premières réformes. Le décret du 14 juillet créa des conseils consul­ tatifs de chefferies et de provinces, ainsi qu’un Conseil supérieur près du mwami. Mais aux élections de 1952 et de 1956, presque tous les sièges échurent à des Tutsi, bien que les dernières eussent été faites au suffrage universel. En 1954, Yubugabirê était aboli mais, sans partage des terres, cette réforme n’avait qu’une portée limitée et, notamment au Rw anda, amena peut-être les Hutu à prendre plus rapidement conscience de leur infériorité sociale et de leur force numérique.

Le Rwanda- Urundi

En tout cas le malaise politique y fut dévoilé, en mars 1957, avec la publication du Manifeste des Bahutu. Outre le partage des terres, ceux-ci demandaient à être admis plus largement dans les écoles et l’administration. Face aux revendications hutu, les Tutsi réagirent en publiant une déclaration de loyalisme1

Le Rwanda

(1) Le Rwanda, avec 26 338 km" et le Burundi, avec 27 834, comptaient chacun environ 3 300 000 habitants en 1968 (évaluations), soit une densité dépassant 125 au kilomètre carré.

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C a r t e 4 3. — R w a n d a , B u r u n d i

X L I. — Le président Jomo K enyatta (Kenya). Digitized by

G oogle

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L'AFRIQ U E

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envers le mwami et en niant l’existence du problème racial. Les positions se durcirent en 1958-1959. Les premiers partis politiques rwandais apparurent en 1958. L ’A P R O S O M A (Association pour la promotion sociale de la masse), dirigée par Gitera, attaqua le mwami et le tambour kalinga ; les« guerriers défenseurs du R w an da» répliquèrent par un tract dénonçant l’A P R O S O M A et appelant au combat « les enfants du Rw anda ». En décembre, le gouverneur H arroy reconnaissait la gravité de la question hutu-tutsi « en ce pays d’inégalité des conditions ». En avril 1959, une Commission, dite « le groupe de travail », présidée par A. de Schrijver, sou­ mettait un long rapport sur la réorganisation politique, économique et sociale du Rwanda-U rundi, après avoir interrogé plus de 700 personnes. Reconnaissant les différences entre les deux provinces, ce rapport admettait leur évolution séparée. Le Rw anda, avec un système plus militaire, plus centralisé, était, selon lui, plus évolué que le Burundi, où le pouvoir était tenu en échec par les chefs traditionnels et il insistait sur le fait que la revendication « démocratie » y avait le pas sur la revendication « indépendance », tout en signalant que « l’action des leaders hutu et tutsi progressistes... [restait] minime à cause des pressions et du climat de méfiance ». L a situation empira brusquement après la mort subite, le 25 juillet 1959, du mwami M utara I I I , dont le successeur fut intronisé trois jours plus tard sous le nom de K igeli V . Les Hutu protestèrent contre cette investiture hâtive et les Tutsi accusèrent les Belges d’avoir empoisonné le mwami avec la complicité des mouve­ ments anti-tutsi. L ’ U N A R (Union Nationale rwandaise), créée en mai 1959, devenue parti politique en septembre suivant, rameuta les notables, réclama le retour aux traditions séculaires et l’indépendance, tout en soutenant que l’opposition tutsihutu était une invention du colonialisme. L e 18 octobre, le P A R M E H U T U (Parti du mouvement de l’émancipation hutu) publiait son manifeste, signé Grégoire Kayibanda, beaucoup plus radical que celui de 1957. Quelques semaines plus tôt, le R A D E R (Rassemblement démocratique rwandais) avait été fondé à K igali. L e I er octobre, il avait lancé un manifeste demandant la création d’une démocratie authentique, proclamant son adhésion à la Déclaration universelle des Droits de l’ Homme et souhaitant que la Belgique ne se retirât pas trop tôt. Devant la menace de guerre civile, les autorités ecclésiastiques avaient, au mois d'août, précisé leur position sur le tambour kalinga, défini comme emblème national et, à la fin de septembre, les deux vicaires apostoliques avaient mis les chrétiens en garde contre les deux partis extrémistes, U N A R et Parti social hutu. L a déclaration gouvernementale du 10 novembre sur le Rw anda-U rundi vint trop tard. M algré ses imprécisions, elle fut accueillie avec enthousiasme par les Hutu qui exprimèrent cependant leurs craintes d ’une indépendance trop rapide. L e mwami de son côté, dans sa Déclaration à tous les Banyarwanda, continuait à nier l’existence du problème racial et à exiger l’indépendance; les manifestations tutsi contre l'administration et contre le clergé, notamment contre le vicaire apos-

X L I I . — Enfant vêtu d'un sac de l'aide américaine (K enya). Original from

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H IS T O I R E D E L'AFRIQJUE N O I R E

tolique, M gr Perraudin, se multiplièrent à partir de septembre et, en novembre, le Rwanda était à feu et à sang. Alors les Hutu passèrent à l’attaque, dans le NordOuest d’abord, où les Tutsi étaient moins solidement implantés qu’ailleurs. Mas­ sacres et incendies ravagèrent bientôt tout le pays. Les Tutsi adressèrent des péti­ tions à l’O .N .U . pour réclamer l’indépendance, avec le soutien des pays de l’Est et du Tiers Monde. En octobre i960, après une pénible reprise en mains de la situation par la force publique, les Belges installèrent un Conseil et un gouver­ nement provisoire présidé par le dirigeant hutu Gitera. Avec le soutien de l’O .N .U ., les Tutsi parvinrent à faire repousser la date des élections générales. Le 28 janvier 1961, plusieurs milliers de Hutu se réunirent et proclamèrent la Répu­ blique sur la proposition de Gitera. Le mwami et les chefs tutsi se réfugièrent à l’étranger et des élections, contrôlées par l’O .N .U ., donnèrent un million de voix à la République, contre 250 000 à ses adversaires. L a République du Rwanda devint indépendante le I er juillet 1962.

*>arm* ^ v ^ g ^ in e partis politiques qui, en Urundi, comme au Rwanda, existaient en i960, fondés sur des bases tribales ou des idéo­ logies modernes, le plus important était l’U P R O N A (Parti de l’ Unité et du Progrès national). Battu aux élections communales de i960, il triompha aux élections législatives de septembre 196 1, faites sous le contrôle de l’O .N .U . Entre-temps, le pays avait été doté, en janvier 19 6 1, d’une assemblée et d’un gouvernement dont la direction avait été confiée au prince Rwagasoré, fils du mwami régnant, Mwambutsa. Le 21 septembre 1961, l’Urundi, devenu le Burundi, accédait à l’autonomie interne et rejetait toute forme d’union avec son voisin. L ’assassinat du prince Premier Ministre, en octobre suivant, n’empêcha pas la proclamation de l’indépendance, le I er juillet 1962, encore que le problème de la modernisation des structures poli­ tiques et sociales fût loin d’être résolu. Le Burundi

Malgré les innovations introduites par le gouverneur Harroy, un agronome — lutte contre l’érosion, distribution de graines, amélioration des techniques d’élevage et vente de bétail au Congo, introduction du café, arabica surtout, à moyenne altitude, culture qui accrut les ressources des Hutu — les deux pays, trop peuplés, étaient parmi les plus démunis d ’Afrique. Si la connaissance du français y progressa de façon sensible, l’enseignement, tout entier aux mains des missions, y était demeuré un quasi-monopole tutsi et les services médicaux étaient insuffisants pour une population dont un habitat très dispersé ne facilitait pas la surveillance sanitaire. Auprès des trois pays voisins, le Rw anda et le Burundi faisaient figure de parents pauvres, dont les perspectives de développement apparaissaient limitées et, en tout cas, à très longue échéance.

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LES ET

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Les sept ou huit années qui se sont écoulées depuis le transfert , . ^ . .. . . , de pouvoir sont une période bien courte pour apprécier, dans une juste perspective, l’œuvre accomplie par les nouveaux Etats. Les trois territoires continentaux ex-britanniques ont sans doute, comme tous les pays de l’Afrique sub-saharienne, traversé une crise de croissance, mais du moins deux sur trois ont-ils gardé à leur tête les hommes qui les ont conduits à l’indépendance. Même si le patriarche de l’Afrique orientale, le Mzée Jom o Kenyatta, entend de plus en plus souvent murmurer contre un gouvernement jugé trop timoré ou trop conservateur par la nouvelle classe politique, il reste le symbole de la lutte anticolonialiste dans ce secteur de l’Afrique et, malgré les soubresauts de 1969, on peut penser que le K enya ne connaîtra pas de bouleversements majeurs avant sa disparition. Très rapidement, le parti unique s’instaura partout en fait, sinon partout en droit — en 1962 au Tanganyika, où la République fut proclamée et où le D r Nyéréré devint à la fois président et chef de gouvernement, en 1964 au Kenya, où la K .A .D .U . se saborda, mais où la République ne fut proclamée qu’en décembre 1967, en même temps qu’une nouvelle Constitution abolissait les traces de fédéralisme de la première pour instituer un gouvernement central fort où le président Kenyatta cumula lui aussi les fonctions de chef d’Etat et de chef de gouvernement, en Ouganda enfin où le départ du K abaka, qui avait depuis 1963 exercé la charge de président, sonna le glas du Kabaka Tekka en 1966 et où les événements de 1969 ont préludé à la disparition du D.P. (1), tandis que la nouvelle Constitution de 1967 rangeait ce pays sous la loi commune, le D r Oboté devenant chef d’ Etat et de gouvernement. Quant à la monarchie constitutionnelle de Zanzibar, elle vécut les quelques semaines nécessaires pour administrer la preuve de l’imprudence commise par la puissance administrante en transférant le pouvoir à une minorité privilégiée, sans dynamisme et sans programme. Kenya-Ouganda-Tanzanie

C ’est en effet Zanzibar qui donna le coup d’envoi des troubles qui agitèrent à des degrés divers les nouveaux Etats en 1964. Le conflit entre Arabes d’une part, Afro-Shirazi et Africains de l’autre, éclata le 12 janvier. Les seconds, qui représen-1 (1) V . Document n° 5, 17 juillet 1970, K la (p. 1). La résolution de l’U .P.C . du 19 décembre 1969 fait de l’ Ouganda un Etat à parti unique.

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taient l’écrasante majorité, étaient bien décidés à en finir avec la minorité à laquelle la faveur durable des Britanniques et un découpage savant des circonscriptions électorales avaient laissé les moyens de se maintenir au pouvoir. Le gouvernement du Cheikh Mohammed Shamté était renversé, le sultan et les siens se réfugiaient en Angleterre, et un Comité révolutionnaire, où figuraient Karum é de l’A .S.P. et Babu de l’ Umma et où un ancien policier de Pemba, d’origine ougandaise et qui s’était promu maréchal pour la circonstance, John Okello, joua quelque temps un rôle assez obscur, laissait massacrer près de 15 000 personnes et en empri­ sonnait plus de 21 000. Outre les Arabes, personnification d’une aristocratie fon­ cière déclinante, les grandes victimes furent les Indiens, représentants du capita­ lisme d’affaires. Pour rétablir l’ordre, le Comité demanda l’aide du Président Nyéréré dont les sympathies allaient au parti de Karum é, l’Umma et Okello paraissant avoir eu le soutien des Chinois et des Cubains. En mars, les terres étaient nationa­ lisées; à la fin de février, après les pays de l’Est, la Grande-Bretagne et les EtatsUnis reconnaissaient le nouveau gouvernement. Le 22 avril la République unie du Tanganyika et de Zanzibar, qui devint en septembre suivant la Tanzanie, voyait le jour. Nyéréré en était le Président, Karum é le premier vice-président, Rashidi K aw aw a le second. Celui en qui Londres s’était plu à saluer le sage de l’Afrique, l’homme paisible qui se fait acclamer sous le nom de Mwalimu — l’instituteur — et qui, à ses heures de loisir, traduit Shakespeare en swahili, a finalement choisi de couvrir et de guider une expé­ rience dont le prologue répondait sans doute davantage aux aspirations de son second, l’ardent syndicaliste Kaw aw a, qu’aux siennes propres. L a révolution de Zanzibar fut aussitôt suivie de mutineries militaires dans les trois Etats. Les deux griefs principaux avancés pour les justifier étaient la lenteur de l’africanisation des cadres et l’insuffisance de la solde. M al coordonnées, elles furent rapidement écrasées avec l’aide de forces britanniques, auxquelles les trois gouvernements n’hésitèrent pas à faire appel. Après deux années de calme relatif, les troubles reprirent en Ouganda, où l’alliance tactique entre l’U .P .C . de M . Oboté et le Kabaka Tekka avait épuisé les services qu’elle pouvait rendre au Premier Ministre et où les Baganda avaient peine à concevoir que le K abaka n’eût pas la préséance sur le chef du gouvernement et ne pût faire prévaloir les intérêts de son royaume sur ceux du nouvel Etat. Homme du Nord, le D r Oboté avait bâti sa carrière politique sur la disparition des inégalités entre les régions et les hommes et, par conséquent, la fin des privilèges du Bouganda et des Baganda, et sur l’instauration d’un Etat unitaire. Outrepassant les pouvoirs que lui accordait la Constitution et arguant de troubles probables, le Président Sir Edward F. Mutesa aurait profité de ce que le Premier Ministre était en tournée dans le Nord pour demander des troupes et des armes à des ambassadeurs étrangers. Chacun lança contre l’autre l’accusation de comploter pour renverser le gouvernement.

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En avril, s’étant assuré de l’armée et de la police, bien tenues en mains par Amin et Oryema, deux hommes du Nord, Oboté lança l’attaque contre le palais de Mengo. Il y eut des milliers de victimes, le Kabaka s’enfuit au Burundi puis à Londres. L a Constitution de septembre 1967 fit de l’ Ouganda une République unitaire et supprima les quatre royaumes. Le Bouganda lui-même fut morcelé, les principaux portefeuilles et postes administratifs confiés à des gens du Nord. Cette mesure alimenta la rancœur des Baganda en leur donnant l’impression qu’ils étaient à leur tour victimes de mesures discriminatoires. Leur amertume s’aviva quand, en novembre 1969, leur parvint de Londres la nouvelle de la mort subite et suspecte du K abaka. Celle-ci suivait de près l’annonce du virage à gauche pris par M . Oboté en octobre, avec le lancement, à grand renfort de publicité, de la Charte du simple citoyen (Common Man Charter). Il n’en fallut pas moins pour susciter l’inquiétude et provoquer des remous chez les Baganda, pourtant d ’humeur assez pacifique, mais dont le loyalisme envers le Kabaka restait profond et dont beaucoup sont assez conservateurs. L ’attentat manqué du 19 décembre 1969 contre Oboté fut prétexte à l’arres­ tation des chefs baganda du D.P. et du K .Y ., parlementaires ou non, et à l’accen­ tuation du caractère policier du régime. L a condamnation, en avril suivant, des six coupables présumés, tous baganda, ne convainquit pas grand monde et l’opinion, inquiète, se demanda si les vrais coupables ne se trouvaient pas ailleurs, car les luttes de faction au sein du parti unique n’étaient un mystère pour personne. Com­ ment ne pas être frappé par les contradictions entre certaines proclamations et actes publics — par exemple la loi électorale de 1970 qui, en vertu du caractère unitaire et antitribaliste de la République Ougandaise, contraignait chaque candidat à solliciter les suffrages d’une circonscription de base et ceux des trois autres régions — et les comportements d ’une équipe dirigeante où le népotisme lango se taillait la part du lion ? Comment ne pas être frappé par la contradiction entre l’opulence des maîtres de l’heure et une inlassable propagande en faveur d ’un système égali­ taire et d ’une révolution socialiste ? L a fin fut précipitée par la rupture entre le Président et le principal artisan de sa victoire de 1966. Quand Oboté fut parti pour Singapour afin d’y jouer les premiers rôles à la Conférence du Commonwealth aux côtés des révolutionnaires Nyéréré et K aunda, tous les mécontents, tous les inquiets, Baganda et hommes du Nord, serrèrent les rangs autour du général Amin, qu’une partie de l’armée porta au pouvoir le 25 janvier 1971. Il n’est pas exclu qu’Amin ait trouvé des complicités auprès de certains groupes et de certaines puissances (1). En tout cas il n’a généra­ lement manqué d ’habileté ni dans le choix de ses conseillers et collaborateurs, ni dans ses premiers actes — la libération immédiate des prisonniers politiques de toute obédience et les funérailles rituelles du K abaka en témoignent — ni dans ses démar-1 (1) Voir ci-dcsaous, p. 600.

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ches extérieures. Et malgré l’hostilité du Soudan et de la Tanzanie qui encouragent les guerillas, malgré la tension croissante avec le Rw anda et le Burundi, malgré les affrontements locaux entre partisans d’Oboté, du K .Y . et du nouveau régime, grâce aussi sans doute au soutien discret du Kenya, une certaine détente a marqué la fin de la I re République. Mais il serait présomptueux, à l’heure où sont écrites ces lignes (i), de prétendre discerner l’orientation ou évaluer les chances de durée de la I I e République Ougandaise. On avait pu croire que l’ère des grandes difficultés était révolue pour le Kenya depuis que, sous les auspices de l’ O .U .A ., le nouveau gouvernement somali avait mis une sourdine aux visées irrédentistes de son prédécesseur et mis un terme aux incursions des Shifta dans la province frontière du Nord-Est. Mais 1969 allait révéler les failles d’un régime qu’avait jusqu’alors masquées la popularité du héros national. Le 5 juillet, Torn Mboya, ministre du Plan, que tous regardaient comme le « dau­ phin » du Président Kenyatta, était abattu dans une rue de Nairobi par un Kikuyu — si du moins le coupable présumé et exécuté est bien le vrai coupable. S ’agissait-il d ’un règlement de comptes tribal, les Kikuyu entendant signifier qu’ils accepteraient difficilement un Luo comme successeur du Mzée, ou bien faut-il voir dans ce meurtre un avertissement des éléments révolutionnaires hostiles au réformisme d’un syndi­ caliste formé à l’école de la G .I.S .L . ? En tout cas, les luttes tribales s’exaspérèrent. Les Kikuyu suscitèrent des désordres à Nairobi au cours des funérailles nationales de Mboya alors que, dans la province centrale, on reparlait de serments secrets par lesquels les mêmes Kikuyu se seraient engagés à reprendre le pouvoir. E t les Luo, qui s’agitaient dans la province de Kisumu depuis l’assassinat de leur compa­ triote, lapidèrent la voiture du Président lui-même lorsqu’en octobre il vint à Kisumu pour inaugurer un hôpital offert par l’U .R .S .S . Il y eut 1 1 tués, 78 blessés et de nombreuses arrestations, bien que, dès le 24 juillet, Kenyatta eût nommé deux ministres luo. C ’est dans ces circonstances que la K .P .U ., parti de M . Odinga, fut interdit et qu’Odinga lui-même et ses amis furent arrêtés ou assignés à résidence (2). Les élections générales de décembre 1969 furent sans doute un succès pour le Mzée, Sur 158 sièges électifs, 108 échurent à des hommes nouveaux, mais tous les candidats avaient dû demander l’investiture de la K .A .N .U . et prêter serment de fidélité au régime. Que vaudra un tel serment lorsque Kenyatta ne sera plus là ? En Tanzanie même, l’unité avec Zanzibar est plus apparente que réelle. Le cheikh Abeid Karum é, toujours désigné dans son île comme le Président, a réitéré, en avril 1968, ses déclarations contre une intégration plus complète avec l’ancien Tanganyika et affirmé qu’il n’y aurait pas d’élections libres avant cinquante ans1 (1) Fin avril 1971. (a ) Depuis lors, dans un esprit d’apaisement, Odinga a été libéré et un mandat parlementaire, dans une circonscription de la Côte, à défaut du Nyanza, envisagé pour lui (mars-avril 1971).

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au moins et que la Constitution provisoire était prorogée sans limite de temps (i). Sur le continent, tous les hommes politiques n’ont pas suivi Nyéréré dans son évolution vers le socialisme dont la Déclaration d ’Arusha, en février 1967, énumérait les caractères principaux : instauration d ’une démocratie à parti unique, condamnation du profit remplacé par des incitations morales, obligation pour les hommes poli­ tiques, les fonctionnaires, les cadres membres de la T .A .N .U . de se contenter d’une seule source de revenus et de sacrifier leur intérêt personnel à la construction de la nation. Plusieurs hommes politiques s’exilèrent et, parmi eux, un des compagnons de la première heure de Nyéréré, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Oscar Kam bona. Mais les attaques incessantes dont il abreuve le Président n’ont guère d’écho et si celui-ci a fait expulser six parlementaires membres de la T .A .N .U . et doit aussi se garder contre les complots — le dernier en date est celui de 1969 — l’opposition à son gouvernement revêt rarement le caractère tribal qui est de règle ailleurs et n’a guère entamé la popularité du Mwalimu , comme en ont témoigné les élections de 1970.

L ’ e xpan sio n économique et l ’ e f f o r t de sco lar isat io n

Depuis l’indépendance, les trois pays ont accompli de remarquables progrès dans les domaines économiques et sociaux, progrès d ’autant plus perceptibles qu’ils contrastent avec la relative stagnation de 1961-1962. Dans chacun un ministère spécialisé élabora et mit en chantier des plans de développement visant à accélérer l’industrialisation, à diversifier la production et à augmenter la productivité agri­ cole, en même temps qu’à intensifier la formation de cadres nationaux par un effort de scolarisation à tous les niveaux. Tout en accroissant la part des investis­ sements nationaux, chaque pays, quel que fût son régime, encouragea les investis­ sements étrangers et rassura ses bailleurs de fonds en garantissant le rapatriement d’une partie de leurs bénéfices. Cependant, dans les trois pays, le rôle de l’industrie manufacturière restait modeste, puisqu’en 1969, sa contribution à l ’économie moné­ taire était de 17 % au Kenya, 9 % en Ouganda, 7,6 % en Tanzanie (2). L ’accroissement du revenu national est assurément un impératif, mais une répartition plus équitable de ce revenu en est un autre. Tâche délicate dans des pays où l’économie est encore largement contrôlée par des expatriés — Européens ou Indiens — notamment en matière industrielle et commerciale et où presque toute la main-d’œuvre qualifiée et les techniciens sont eux aussi des étrangers, dont les salaires s’augmentent parfois d’indemnités d ’expatriation. Même si ces1 (1) Le scandale des mariages forcés de jeunes musulmanes à Zanzibar, abondamment commenté par la presse est-africaine, n’est pas fait pour améliorer les relations entre Dar es-Salaam et Zanzibar. (2) D’après Bank o f Uganda, Annual Rsport, 1969-1970, p. 1 1 .

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indemnités sont à la charge des organismes extérieurs d’assistance technique les disparités de traitement n’en sont pas moins une source d ’inégalité que tous les gouvernements souhaiteraient de voir disparaître. Aussi l’africanisation des cadres est-elle une de leurs préoccupations majeures. Relativement facile dans le secteur public, elle l’est beaucoup moins dans l’entreprise privée où l’emploi d’Africains insuffisamment qualifiés entraînerait une baisse dramatique de la productivité. Au reste le nombre des Africains ayant une formation professionnelle adéquate est encore si modeste qu’ils sont engloutis par la fonction publique et les orga­ nismes gouvernementaux où ils entrent d’autant plus volontiers qu’ils y voient le moyen le plus sûr de promotion sociale. C ’est par le biais des coopératives et, au sommet, des National Trading Corporations que s’opère l’africanisation des activités commerciales. Les prêts consentis par les gouvernements aux Africains qui veulent se lancer dans les affaires ou même simplement se substituer aux Indiens dans le petit et moyen commerce, n’ont pas toujours donné les résultats escomptés. Pour atténuer les inégalités de revenus, une politique des salaires prévoit, outre la fixation d’un salaire minimum garanti, la diminution ou la suppression de l’augmen­ tation des salaires les plus élevés et l’augmentation progressive des plus bas. Tel est le système adopté par l’Ouganda dans le nouveau Plan de cinq ans (W ork for Progress) appliqué à partir de 1971. Les fins sont les mêmes dans les trois pays, mais non les moyens et les méthodes. Le Kenya et, récemment encore, l’Ouganda, semblaient avoir choisi une politique relativement souple et une économie mixte, telle que la définit African Socialism et selon laquelle « on ne recourra à la nationalisation que lorsque la sécurité nationale sera menacée ou pour obtenir des bénéfices plus considérables ou quand les ressources nationales sont notoirement mal utilisées ». Mais à la fin de 1969, l’Ouganda s’orienta vers un système faisant une part plus large aux nationalisations. Jus­ qu’alors exhortations gouvernementales et mesures législatives avaient invité les entreprises privées à accroître la participation publique aux affaires. C ’est ainsi que deux groupes, parmi les plus importants d’Afrique orientale, Mehta et Madhvani, ont offert une participation importante à l’U .D .C . Celle-ci s’accrut après le vote par le Parlement de Kam pala, en mai 1970, d’une loi prévoyant la nationa­ lisation partielle des moyens de production et stipulant l’acquisition par l’Etat de 60 % des actions existantes ou futures des 88 entreprises financières, industrielles, agricoles ou commerciales (1). M . Oboté semblait s’éloigner du socialisme « concur­ rentiel » qu’il avait jusqu’alors favorisé pour se rapprocher de M . Nyéréré. Celui-ci avait, à Arusha, en février 1967, défini sa politique en ces termes : « Pour construire et consolider le socialisme il faut s’assurer que les paysans et les ouvriers dirigent et possèdent les grands moyens de production par l’intermédiaire de leur gouvernement et de leurs coopératives. Il faut également s’assurer que le parti (0

V . The Common M an Charter, not. Ap. II , p. 13 sqq.

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dirigeant est un parti d ’ouvriers et de paysans. » Faut-il voir dans cette nouvelle orientation économique une des causes du coup d’état militaire du 25 jan vier 1971 et ajouter foi aux dires de ceux qui, en Tanzanie, en Zam bie et ailleurs, accusent certaines puissances d’avoir favorisé l’accession au pouvoir du général Am in pour freiner l’expansion du socialisme en Afrique orientale ? Les mesures tendant à l ’abrogation de la loi de 1970 sur les nationalisations inclineraient à le penser (1). En Tanzanie, l’austérité, le travail, l’utilisation au maximum des ressources nationales et du capital humain — selon les enseignements de la Chine populaire — devinrent de règle et le mot d ’ordre Uhuru na kazi (Indépendance et Travail) se répercuta dans la construction d ’écoles, d’hôpitaux, d ’églises, de coopératives, de logements, d’adductions d’eau, dans les travaux d’irrigation et, d ’une façon générale, dans tous les projets dits communautaires, tandis que l’Etat nationalisait les banques, les compagnies d ’assurances, plusieurs usines et prenait la majorité des parts dans nombre d ’entreprises et, en 1971, allait même jusqu’à nationaliser des immeubles de rapport. M algré les succès assez nets de l’industrialisation dans plusieurs secteurs, les trois pays demeurent essentiellement agricoles. Les dirigeants en sont si conscients que, en Tanzanie par exemple, M . Nyéréré mettait ses concitoyens en garde contre un nouveau type d ’exploitation du paysan par le citadin et préconisait le retour à la terre, au besoin par la contrainte, les chômeurs des villes devant être de gré ou de force expédiés dans les campagnes. Sans aller jusque-là, le K en ya s’est rallié à une politique analogue, bien qu’elle y soit de réalisation moins facile, faute de terres. Avec 1 0 5 0 4 0 0 0 habitants, une densité de 17, un taux de croissance démo­ graphique de 3,3, un taux d ’urbanisation de 16 (2), le K en ya est le pays le plus évolué économiquement. E n 1969, le produit intérieur brut s’élevait à 9 520 millions de shillings E .A . (3), en hausse de 5,6 % sur celui de 1968. Pour les 5 années 1964-1969, le taux d ’accroissement annuel moyen a été de 6,3 % — en gros conforme aux prévisions. Dès son arrivée au pouvoir, Kenyatta s’employa à conjurer la fuite des capitaux et à ramener la confiance en lançant le mot d ’ordre de Harambee (Travaillons ensemble) dans un pays où aucune différence ne serait faite entre les citoyens. Bruce M cKenzie n’y est-il pas toujours ministre de l ’Agriculture ? L e plan de 1966 accordait la priorité à l’infrastructure — routes, aéroports, énergie électrique — mais l’agriculture représentait en 1968 35 % de la production nationale et 50 % des exportations. E t c’est à la reprise de la terre par les Africains que s’était attaché le Président dès son arrivée au pouvoir. 35 000 familles ont été réinstallées sur 1 200 000 acres rachetées aux colons dans les White Highlands. Parallèlement il encouragea une 1 (1) En juin 1971, il était question de réduire la part de l'Etat à 41 % au lieu de 60 % des actions, (a) Chiffres de 1969. (3) ITapr. Bank o f Uganda Anm al Rtfxnt, 19 70 /71, p, II . (Le shilling E.A. valait, en 1971, 0,777 F.)

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refonte du système traditionnel et fit procéder au remembrement de plus de 2 ooo ooo d ’acres et à des travaux d’irrigation. L a production baissa dans un premier temps, pour remonter ensuite au point qu’en 1968 5 1 % des récoltes provenaient des petites propriétés africaines, contre 22 % en 1963. Sau f le sisal (51 ooo t) et le pyrèthre (9 150 t) qui souffrent de plus en plus de la concurrence de produits synthétiques, le café (47 247 t), le thé (30 500 t), le maïs (31 700 t), le blé et la canne à sucre (60 ooo t) ont augmenté en valeur. M algré la maladie qui l’a frappé en 1965, le café représente 20 % des exportations et la production de sucre suffit désormais à la consommation. L ’élevage est prospère avec un troupeau de 7 300 ooo ovins et de 5 400 ooo bovins, qui font du K enya le gros fournisseur de viandes et de laitages de l’Est africain (1). Quelque temps tributaire de l’usine hydro-électrique d’Owen Falls en Ouganda, l’industrie kenyenne s’alimente à la centrale thermique de Mombasa et, depuis 1968, à l’usine hydro-électrique de Kindarum a sur la Tana, dont la production, qui est de 40 MW , peut atteindre 260. De nombreuses sociétés européennes ont installé des usines autour de Nairobi, de Thika, de Mombasa, de Nakuru : raffineries de pétrole, cimenteries, industries mécaniques, textiles. Mais ce sont les industries alimentaires qui sont les plus prospères. Le tourisme a été développé avec succès. Entre 1963 et 1968, le nombre des visiteurs a augmenté annuellement de 20 % . Les soins apportés à favoriser cette dernière activité s’expliquent si l’on sait que, avec les investissements étrangers (provenant notamment de Grande-Bretagne et d ’Allemagne fédérale ainsi que de la B .I.R .D .), c’est l’argent laissé au Kenya par les touristes qui comble le déficit permanent de la balance commerciale. L a volonté de modernisation du Kenya se traduit dans la nature de ses importations où, en 1967 par exemple, les métaux, les produits semi-ouvrés et les biens d’équipement représentaient plus de 50 % du total, la Grande-Bretagne étant en tête des fournisseurs. L a bataille de l’indépendance économique se livre aussi sur le terrain de l’enseignement, car la formation des cadres africains est nécessaire pour dégager l’économie de la tutelle étrangère et pour diminuer à moyen terme les coûts de production. D ’où l’accent mis sur la scolarisation et le recours à l’assistance cultu­ relle et technique étrangère. Près de 3 ooo boursiers sont formés dans les Universités et les Instituts technologiques d’Europe ou des Etats-Unis. En 1968 le taux de scolarisation était de 65 % et toutes les écoles sont devenues pluriraciales depuis l’indépendance. L ’enseignement technique et les écoles normales ont été déve­ loppés et 1 300 étudiants étaient inscrits en 1968 au Collège universitaire de Nairobi, devenu Université du Kenya en 1970, à la suite de l’éclatement de l’Université d ’Afrique orientale. Mais c’est dans l’enseignement secondaire que les progrès ont été les plus spectaculaires, les effectifs ayant triplé entre 1961 et 1966.1 (1) Les chiffres sont ceux de 1969 et pour le mais de 196Ô-1969.

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Toutefois politiquement et économiquement, la partie est loin d’être gagnée. Les divisions tribales sont profondes et si l’on regarde une carte du K enya on constate que le grand bénéficiaire du progrès économique est le pays kikuyu. Après Kenyatta, quelle personnalité, dans un pays où le pouvoir est précisément person­ nalisé, se montrera capable, en maintenant l’unité et la paix intérieure, d ’attirer les capitaux étrangers indispensables pour développer d ’autres régions et d ’autres tribus et résorber le chômage montant? L a Tanzanie comptait, en 1969, 12 900 000 habitants, dont environ 85 000 Asia­ tiques, 26000 Arabes et 1 5 0 0 0 Européens (1), la densité étant de 14 et le taux de croissance démographique de 3 % . M algré l’afflux de capitaux étrangers dans certains projets industriels, c’est de la prospérité de son agriculture que dépendent ses progrès économiques. Quand on saura qu’en 1968 le taux global de croissance ne fut que de 4 % , alors que celui du secteur industriel avait été de 13,6, on comprendra mieux la sollicitude de M . Nyéréré pour le secteur agricole auquel le plan agraire consacre 100 millions de livres tanzaniennes pour créer des fermes d ’état (2). Cette sollicitude n’exclut d ’ailleurs pas la volonté de pour­ suivre l’équipement industriel. En 1969 en effet était inauguré le plus grand complexe hydro-électrique du pays à Moshi et en 1970 l’aciérie de Tanga. Une usine d ’engrais est en construction avec la participation de l’Allemagne. Le goudronnage des grandes routes se poursuit avec l’aide financière et technique des Etats-Unis, tandis que la Chine populaire a terminé l’étude du projet de chemin de fer qui doit faire de D ar es-Salaam le port du Copperbelt zambien (3). Toutefois comme au Kenya, les industries les plus nombreuses sont les industries alimentaires et textiles. Et les diamants de Shinyanga, dont la production est en hausse (683 000 cts en 1968 contre 358 000 en 1956), figurent au nombre des principales exportations. L a Tanzanie est le premier producteur de sisal du monde (1 93 800 t), Zanzibar, le premier producteur de clous de girofle (18 0 00 t en 1967-1968). Puis viennent le café, le sucre, le coton, le thé, le tabac, les noix de cajou, le bois (12 500000 t). Peut-être l’expansion de l’enseignement a-t-il été moins net en Tanzanie qu’au K enya ou en Ouganda. L e taux de scolarisation n’y est encore que de 20 % et le nombre des inscrits dans le second degré est passé de moins de 12 000 en 1961 à 28 000 en 1968; au Collège universitaire de D ar es-Salaam, il était alors de 1 500; mais il n’y avait que 700 étudiants tanzaniens à l’étranger. Cependant, en réaction contre 1’ « élitisme » reproché par certains Africains à la politique scolaire héritée1 (1) La répartition par race n’est pas donnée en 1969, pas plus qu’au recensement de 1967. Les chiffres que nous citons sont ceux de 1966. D’après Ex. and Slot. Revit w, n° 35, juin 1970, Dar. es-Salaam comptait 272 000 ha b. en 1967, Zanzibar et Pemba, 355 000. (2) Sur le plan de 3 ans 1964-1969, le taux d’accroisKment annuel moyen a été de 5 %, nettement au-dessous des prévi­ sions qui le fixaient à 6,7 %. (3) Aux termes de l’accord du 14 novembre 1969, signé avec la Chine, la construction devait durer cinq ans, coûter £ 120 millions, à l’exclusion du matériel roulant.

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de la Grande-Bretagne et en conformité avec sa politique économique, le Président a introduit l’enseignement agricole dans toutes les écoles primaires. D ’après les résultats provisoires du recensement d ’août 1969, la population de l’Ouganda s’élevait à 9 5 2 6 0 0 0 habitants (1). M algré un taux de croissance légèrement inférieur à celui de ses deux grands voisins (2,7 % ), l’Ouganda est de loin le pays dont le peuplement est le plus dense (44 hab. au km2) ; il est aussi le moins urbanisé. Alors que Nairobi a près de 500 000 habitants et Mombasa 236 000, la seule ville qui compte est Kam pala. Encore n’est-ce pas la cité, mais le Grand K am pala qui atteint 332 000 habitants. Près de 95 % de la population est rurale. Et en Ouganda aussi, du taux d’accroissement de la production agricole dépend celui de l’expansion. C ’est ainsi que la hausse de 1 1 % du produit intérieur brut entre 1968 et 1969 est due essentiellement à la récolte record de café, à l’excellente récolte de coton et à l ’accroissement de la production de thé enregistrés en 1969. Café, coton et thé représentaient alors 77,1 % des exportations (2). M ais les prix du café ont baissé quatre fois en dix ans et la production annuelle de l’Ouganda (la troisième d ’Afrique avec 150 000 à 200 000 t, alors que son quota est de 1 1 3 000 t) écoule difficilement ses excédents. Si les prix du coton sont actuellement plus stables que ceux du café, la production est pourtant en baisse. Aussi le gouvernement cherche-t-il à diversifier les cultures d ’exportation. L e thé pousse bien dans l’est et dans l’ouest, dans le Toro en particulier ( 17 622 t en 1969). Des experts étudient les chances de réussite du cacao, dont la situadon est à court terme favorable sur le marché mondial, ainsi que les possibilités de développement de l’élevage laider. Avec 150 000 t en 1968, l’Ouganda était le premier producteur de sucre de l’Est africain. Il exporte aussi le cuivre de Kilem bé. L e réseau routier, qui est un des meilleurs de l’Afrique subsaharienne, est en expansion, vers K abalé et Gulu notamment. L a construction d’un barrage sur le Nil, à Murchison Falls, est à l’étude, le potentiel hydro-électrique de l’Ouganda étant le plus riche de cette région. L e dernier plan prévoit aussi des investissements touristiques. Comme au K enya, l’enseignement secondaire et technique a fait en Ouganda des progrès remarquables. L e nombre des inscrits y est passé de près de 6 800 en 1961 à 35 000 en 1968. En 1969, près de 1 800 étudiants fréquentaient le Collège uni­ versitaire de Makéréré (3) et près de 3 000 les Universités étrangères (4). Ici comme (1) La répartition par races n'est donnée que pour 1968 (Africains : 8 025 000, Asiatiques : 94 000, Européens : 10 000; total : 8 133 000). D’après Ec. and Slat. Review, n° 35, juin 197a. (2) Principales exportations en valeur (milliers de shillings ougandais) : Café ........................................ Coton brut ........................... Cuivre ....................................

1967

1969

692 000 303 220 109 340

779 929 250 935 120 277

(3) Devenu Université nationale en 1970. (4) Notons toutefois que si l'enseignement supérieur est gratuit, ni l’enseignement primaire, ni l'enseignement secondaire ne l’étaient en 1970.

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L 'A F R IQ U E

O RIEN TA LE D EPU IS

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ailleurs cependant, l’enseignement doit recourir à des expatriés et la formation des maîtres des enseignements secondaire et supérieur est un des soucis des autorités; peut-être aussi l’attrait des administrations s’émousserait-il si les traitements des ensei­ gnants étaient mis en harmonie avec ceux de certains autres services publics et si l’enseignement n’apparaissait pas trop souvent comme un pis-aller à des jeunes gens qui attendent de leurs diplômes une promotion sociale rapide. Le nouvel hôpital de Mulago auquel est annexée l’école de médecine est un des meilleurs d’Afrique. On doit pourtant constater que, depuis les indépendances, la construction de logements a été négligée dans les trois pays et que la crise y est partout sérieuse, dans les villes surtout, où les prix des loyers sont hors de proportion avec les salaires locaux.

L e R wanda et le B urundi depuis les in d é p e n d a n c e s

Au Rw anda, la domination hutu se consolida peu à peu. L ’alerte la plus vive eut lieu au début de 1964. A partir des pays voisins, les Tutsi lancèrent des incursions en force pour essayer de reprendre le pouvoir. Les massacres recommencèrent au point de provoquer une intervention pontificale. Depuis lors, tout en continuant d ’espérer un retour de fortune, à vrai dire fort improbable, des milliers de Tutsi vivent dans les territoires limitrophes, où leur intégration est relativement aisée, dans le sud-ouest de l’Ouganda notamment, dont la population est en partie munyarwanda. En octobre 1969, Grégoire Kayibanda était réélu Président de la République pour la troisième fois. Le partage d’une partie des domaines pastoraux tutsi a permis, avec l’aide des anciens colonisateurs allemands et belges, des Français et des Canadiens, d ’installer près de 70 000 familles de cultivateurs hutu qui pratiquent surtout des cultures vivrières. Mais 3 1 % du sol est encore consacré à l’élevage (600 000 bovins en 1968), la superficie moyenne des exploitations individuelles ne dépasse pas un hectare et la sous-alimentation reste un fléau chronique dans ce pays où le revenu annuel moyen par tête est à peine de $ 60. L ’insuffisance des voies de communi­ cation le prive de l’appoint du tourisme, malgré la beauté de ses lacs, de ses mon­ tagnes, de ses volcans. Des sociétés minières belges et allemandes commencent à exploiter des gisements de cassitérite et de wolfram dont le minerai constitue pra­ tiquement les seules exportations après le café — arabica surtout — et avant le pyrèthre (1). Mais la balance commerciale est toujours déficitaire et les investis­ sements publics ont dû être réduits. Le Fonds spécial et le Fonds de Développement des Nations Unies doivent financer une usine de traitement du pyrèthre et une tannerie. Néanmoins, l’émigration vers l’Ouganda, le Congo et la Tanzanie est1 (1) De 10 930 t en 1967, la production était passée à 18 700 en 1968.

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HISTOIRE DE V AFRIQ U E NOIRE

nécessaire pour éponger le surplus d ’une population qui s’accroît à un taux de 3 ,1 % , alors que le revenu national augmente à peine de 1,7. L ’enseignement est en progrès, même s’il est encore en grande partie contrôlé par les missions, grâce à l’assistance belge, française et canadienne. En 1967-1968, les écoles primaires avaient 372 000 inscrits et l’ Université de Butaré, fondée par les Canadiens, comptait 550 étudiants. Ce petit pays vit encore plus isolé depuis qu’en 1964 l’union douanière avec le Burundi a été rompue. Il ne peut subsister que s’il entretient des rapports étroits avec l’Ouganda et avec la Tanzanie dont la voie ferrée centrale est son seul débouché vers l ’extérieur. Si le Burundi n’a pas été le théâtre de règlements de comptes entre Hutu et Tutsi analogues à ceux du Rw anda, il n’en a pas moins vécu dans l’instabilité et la désunion depuis l’indépendance, car celle-ci n’a résolu ni le problème de struc­ tures politiques dépassées, ni celui d ’une société divisée. L a Constitution de 1962, remaniée en 1963, avait institué une monarchie constitutionnelle. En fait la multi­ plicité des partis, loin de diluer l’autorité du souverain, avait donné à celui-ci la possibilité de négliger le résultat des élections et de choisir les ministres à son gré. D ’où une série de coups d ’état, dont le premier eut lieu en octobre 1965. Le second fut monté par le prince héritier Charles Ndizayé, peu après son retour de Suisse. Avec l’aide du colonel Micombéro, un Tutsi, ancien ministre de la Défense, il déposa le mwami. Devenu roi sous le nom de Ntaré V , il fut à son tour détrôné par le colonel Micombéro, qui proclama la République à la fin de novembre 1966. Devenu parti unique, 1*U P R O N A fut démocratisé. L a devise « Unité, Travail, Progrès » remplaça l’ancienne « Dieu, R o i, Burundi », tandis que le tambour kalinga disparaissait du drapeau. L ’autorité du chef de l ’Etat n’est pourtant pas incontestée, malgré ses efforts pour réconcilier les deux ethnies. En décembre 1969 en effet, 25 Hutu furent condamnés à mort pour avoir comploté le massacre des Tutsi. Plus pauvre encore que le Rw anda, avec un revenu annuel moyen par tête de $ 50, un accroissement du produit national brut de 0,1 % pour une croissance démographique de 2 % , le Burundi n’exporte qu’un peu de café, de coton, de cassitérite et de bastnaésite (minerai rare employé en électronique). 10 000 Barundi pêchent 10 0 00 à 1 3 0 0 0 tonnes de poisson par an dans le lac Tanganyika, alors qu’avec des moyens suffisants, ils pourraient presque décupler leurs prises. Une réforme agraire limitée — comportant, entre autres, la création de centres commu­ nautaires ou de petites exploitations individuelles aux altitudes moyennes, celle de paysannats dans la plaine de la Ruzizi, l’institution d’un Office des cultures indus­ trielles et d ’un Fonds de péréquation, avec l’aide du Fonds européen — n’a pas réussi à augmenter sensiblement le surplus exportable. Seuls les investissements étrangers — ceux de l’Est comme ceux de l’Ouest — permettront d’intensifier l’exploitation

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L'AFRIQ U E O RIENTALE DEPUIS 1945

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des ressources minières qui paraissent assez variées, avec du cuivre, du bismuth, du manganèse, qui s’ajouteraient à celles qui sont déjà exploitées. Avec 153 000 inscrits dans les écoles primaires — soit un taux de scolarisation de 35 % — et 82 étudiants à l’Université de Bujumbura en 1967-1968, le Burundi est également moins bien partagé que le R w anda en matière d ’enseignement (1). Négligés par les colonisateurs belges au profit de la grande colonie du Congo, les deux petites Républiques sont toujours aussi indigentes en face des trois pays anglophones dont elles sont tributaires pour leurs relations extérieures et pour résorber leurs excédents de main-d’œuvre.

C

o n c lu sio n

Membres de l’O .U .A ., les trois pays anglophones et les deux pays francophones pratiquent une politique de non-alignement et de non-ingérence. Toutefois, bien qu’acceptant l ’assistance étrangère, d ’où qu’elle vienne, les uns, comme le Kenya, se tournent plus volontiers vers l’ouest, les autres, comme la Tanzanie, sont large­ ment ouverts aux influences communistes, chinoise en particulier. Après la décla­ ration unilatérale d ’indépendance de la Rhodésie, M . Nyéréré fut le seul chef d ’Etat de l’Est africain à rompre les relations diplomatiques avec la GrandeBretagne, en décembre 1965, pour ne les renouer qu’en juillet 1968, lorsqu’il eut l’assurance que le gouvernement Wilson n’accorderait pas l’indépendance à un gouvernement minoritaire blanc. D ar es-Salaam est devenu, avec Alger, le quartier général de la plupart des mouvements de libération des territoires encore dépendants d ’Afrique et en particulier de ceux d ’Afrique du Sud, du Sud-Ouest africain, de la Rhodésie et du Mozambique. C ’est en Tanzanie aussi bien qu’en Algérie que s’entraînent les combattants de la liberté et c’est du sud du pays que partent ou se reforment les bandes de guérilleros qui harcèlent les forces portugaises dans les provinces de Cabo Delgado ou de Niasa. Pour sa part, l’Ouganda doit faire face au problème des réfugiés — Congolais, Rwandais et Soudanais. L a question des Soudanais est la plus épineuse. Chrétiens ou animistes, appartenant aux mêmes ethnies que les peuples du nord de l’Ouganda, ils ont été rassemblés dans des camps et le gouvernement de K am pala est tenu à leur égard à une stricte neutralité, s’il veut éviter des heurts avec son voisin du nord. Sous le régime Oboté il aurait même participé, aux côtés des troupes soudanaises, à des opérations de police contre les rebelles dans la zone frontalière. Depuis le coup d’état de janvier 1971, l’Ouganda semble avoir infléchi sa politique dans un sens pro-occidental et vouloir se rapprocher du K enya, de l’Ethiopie et du Congo.1 (1) En 1970 une école de médecine y a été créée avec l’aide de la France.

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H IS T O I R E D E L 'A F R I Q I J E N O I R E

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Pour les trois pays anglophones cependant, le problème des relations interterritoriales est sans doute le plus important. Pendant la Conférence de Londres de juin 1961, les représentants du Kenya, du Tanganyika et de l’Ouganda avaient discuté des modifications à apporter à l’ E .A .H .C . afin que le maintien de scs services communs fût compatible avec l’indépendance. Le 9 décembre 1961, l’accord de Dar es-Salaam avait créé YEast African Common Services Organisation (E.A .C.S.O .). Le traité de Kam pala du 6 juin 1967 transforma P E .A .C .S.O . en East African Community and Common Market. L ’E .A .C .C .M . existe depuis le I er décembre 1967 et a son quartier général à Arusha en Tanzanie. Son secrétaire général est assisté de cinq Conseils — Conseil du Marché Commun, Conseil des Communications, Conseil consultatif de la Planification, Conseil des Finances, Conseil de la Recherche et des Affaires sociales — tous nommés par l’Assemblée législative communautaire qui comprend notamment, outre les ministres et ministres suppléants et le secrétaire général, neuf représentants par pays. De la Communauté dépendent les Services Communs ( Corporations)— Chemins de fer, Ports, Postes et Télé­ communications, Lignes aériennes. Au point de vue monétaire, chaque membre possède sa banque d ’émission depuis 1966, l’unité monétaire est le shilling estafricain mais, au printemps 1970, les monnaies kenyenne et tanzanienne ont cessé d ’avoir cours en Ouganda et la monnaie ougandaise dans les deux autres pays de la Communauté. Malgré l’union douanière, chaque pays membre peut instaurer un contingentement des échanges interterritoriaux afin de protéger ses industries naissantes. Avant la refonte de 1967, décidée à la suite de la Conférence de Mombasa de 1965 et élaborée par une Commission d’experts de l’O .N .U ., présidée par un Danois, le P1 Philip, la Communauté avait été menacée de rupture, car la quasi­ totalité des bénéfices nets allait au Kenya qui, en 1966, fournissait les deux tiers de la production industrielle. La réorganisation de 1967 a permis le maintien du M arché Commun est-africain, dont l’association au Marché Commun européen est un fait acquis depuis la signature de l’accord d’Arusha, le 24 septembre 1969. Cet accord est conclu pour cinq ans et, sauf pour les clous de girofle, le café et les conserves d ’ananas, suspend tous les contingentements et les droits d ’entrée dans les pays de la Communauté européenne. On peut se demander toutefois si l’orientation prise par l’Ouganda ne risque pas d’ébranler une organisation encore fragile. Depuis le coup d’état de 1971 en effet toutes les relations sont rompues avec la Tanzanie qui continue à reconnaître Oboté. La plupart des problèmes économiques et sociaux ont généralement été abordés avec réalisme depuis l’indépendance et, dans presque tous les domaines, les résultats n’ont pas déçu les espérances. On eût souhaité que celui de l’africanisation le fût dans un esprit de générosité qui, dans la mesure du possible, s’efforçât de ne pas envenimer les haines raciales et n’engendrât pas trop de souffrance pour ceux que les Africains regardent comme le principal obstacle à leur promotion sociale et économique.

X L I I I . — Meeting électoral à Zanzibar.

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L'AFRIQ U E O RIENTALE DEPUIS 1945

Il restait environ 300 000 Indiens, Pakistanais et Goanais en Afrique orientale en 1968. D ar es-Salaam et K am pala ont l’aspect de villes indiennes et, en Ouganda, les Indiens de toute obédience détenaient 90 % du commerce. M ais depuis les événements de 1964 en Tanzanie, ils ont été frappés partout et même ceux qui, comme les Ismaéliens, ont choisi la nationalité de leur pays de résidence, ne sont pas à l’abri des mesures d’exception qui se succèdent depuis la fin de 1968. O r, au même moment, le gouvernement de Londres s’inquiétant du nombre croissant de ressortissants du Commonwealth qui, munis de passeports britanniques, débarquent chaque jou r dans le Royaum e-Uni, décidait de les refouler. D ’où les drames auxquels nous assistons quotidiennement. 48 000 Indiens avaient déjà quitté le K enya entre 1963 et 1968 et le rythme s’est accéléré depuis la fin de 1968. A ux termes de la loi sur les licences commerciales, appliquée depuis le I er janvier 1969, plus de 700 commerçants non kenyens ont dû abandonner leurs activités dans les six mois; les deux principales associations asiatiques ont été dissoutes. En janvier 1969, les trois gouvernements prenaient des mesures communes pour empêcher la fuite des capitaux et instauraient un contrôle plus strict des changes. Que l’exclusivisme des Indiens qui, vis-à-vis des autres races et même entre eux, ont maintenu un esprit de caste les isolant de la masse africaine, que leur habileté et leur succès dans toutes les professions commerciales et financières, les aient rendus suspects à des peuples de paysans, voilà qui n’est pas douteux. M ais ceux qui souffrent et souffriront le plus d’une législation répressive toujours plus lourde ne sont pas les plus fortunés, qui ont eu la possibilité de mettre leurs capitaux à l’abri, mais les petits boutiquiers, et tous ceux qui, dans la brousse, ont ouvert les régions les plus déshéritées à l’éco­ nomie monétaire et au monde moderne. On ne conjure pas aisément, chez soi, les démons dont on a été victime de la part des autres.

B IB L IO G R A P H IE

(Certains ouvrages sont déjà cités à la fin du chapitre X I.)

A yamy (S. G .). A History o f Zanzibar, 1934-1964, East African Literature Bureau. N airobi, 1970. Bennett (G.). Kenya. A Political History. O .U .P ., 1963. Bennett (N. R .). Studies in East African History. Boston, U .P ., 1963. — (éd.). Leadership in East Africa. Boston, U .P ., 1963. Bienen (H .). Tanzania, Party Transformation and Economic Development, Expanded Edition. Princeton, 1970. C h id z e r o

(B.). Tanganyika and International Trusteeship. O .U .P .,

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( J . L .) et C ( J. P.). L e Burundi, in Notes et études documentaires, 3364, Doc. franç., févr. 1967. C o x (R .). Kenyatta's Country. London, 1965. C .R .I.S .P . Les dossiers du — , Rwanda politique (1958-1960). Bruxelles. C o if a r d

h

r é t i e n

X L I V . — U n ministre chinois inaugure les premiers travaux du chemin de fer T a n z a m (T a n za n ie-Z a m b ie ). 1 Digitized by V ^ i O O g L L

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H ISTO IRE DE L 'A F R IQ U E N O I R E

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D e lf (G .). Asians in East Africa. O .U .P ., 1963. G hai (D.) (éd.). Portrait o f a Minority Asians in East Africa. N airobi, O .U .P ., 1965. G uitard (O .), in G aniaoe ( J.) , D eschamps (H.) ct G uitard (O .). L'A frique au X X * siècle. Paris, Sirey, 1966. I ngrams. Uganda. H .M .S .O ., 1959. K enyatta (Jom o). Haram bee T h e P .M . o f K en ya's Speeches, N bi, 1964. K imambo (I. N .) et T e mu (A.) (éd.). History o f T anzania, N bi, 1968. L (P.). Le niveau de oie des populations rurales du Rwanda-Urundi. Bruxelles, i960. L istowell ( J.) . The Making o f Tanganyika. London, 1965. L ofchie (M . F .). Zanzibar Background to Revolution. Princeton, U .P ., 1965. M aquet (J.) e t d'HERTEFELT (M .). Elections en société féodale. M azrui (A. A .). On Heroes and Uhuru-Worship. London, 1967. M iddleton (J.) et C ampbell (J.). Zanzibar. Its Society and its Politics. O .U .P ., 1965. M organ (W. T . W .) (éd.). East Africa : its Peoples and Resources. O .U .P ., Eastern A frica, 1969. O boté (Dr M ilton A .). The Common Man Charter with Appendices. G v t Printer, Entebbe, 1970. Report o f the Royal Commission on East Africa 19 53-19 55, cm d 9475. H .M .S .O . e u r q u in

Report o f Land Tenure and Land Use Problems in the Trust Territory o f Tanganyika and Rwanda-Urundi. F .A .O ., fév. 1959.

Stahl (K . M .). History o f the Chagga People o f the Kilimanjaro. London, 1964. T aylor ( J . O .). The Political Developments o f Tanganyika. Stanford, U .P ., 1963. U niversity of E ast A frica , S ocial Sciences C ouncil C onference 1968-1969. Geography Papers et History Papers. M akerere Institute o f Social Research, K la , 1970. W ood (S.). Kenya. The Tensions o f Progress. O .U .P ., 196a. Revues déjà citées, quotidiens et périodiques : Transition, East African Standard, The Nation, The People, The Uganda Argus, Le mois en Afrique, Africa Report, etc., Statistical Abstracts for East Africa , N b i; Atlas o f Kenya, Uganda, Tanzania.

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C H A P IT R E

V

L ’A friq u e australe et les pays du C apricorne A la fin de la seconde guerre mondiale, comme à la fin de la première, l’Union sud-africaine se trouvait dans le camp des vainqueurs, bien que la participation à la lutte aux côtés de la Grande-Bretagne n’ait été votée que de justesse en 1939, par le Parlement du Cap. Le Portugal, par contre, étant resté neutre, ses colonies de l’Angola et du Mozambique restèrent à l’écart de la guerre. A Versailles, en 1919 , l’Afrique du Sud avait hérité de l’ancienne colonie allemande du Sud-Ouest africain, dont le mandat lui avait été confié par la S.D .N . Elle ne devait rien gagner d’analogue à l’issue du conflit de 1939 -19 4 5 : les Nations Unies s’opposèrent dès leurs premiers débats à l’incorporation du Sud-Ouest africain dans l’Union, et la Grande-Bretagne continua à refuser l’annexion par Prétoria de ses trois petits protectorats, le Betchouanaland, le Bassoutoland et le Souaziland. L ’A

fr iq u e

du

S ud

Smuts et le Parti uni, où prédominaient les anglophones, devaient être battus aux premières élections avec U Cmwumwealth générales d ’après-guerre, en 1948, par le Parti national, dont le chef était alors Daniel M alan, soutenu par la population de langue afrikaans, et resté depuis au pouvoir. Durant ces vingt ans, le gouvernement du Parti national s’est attaché à insti­ tutionnaliser la ségrégation raciale : quelque deux cents lois votées pendant ce laps de temps ont donné à Y apartheid un caractère systématique et rigide (i).

L* rmforcemtni ► d’élargir leur horizon politique et surtout de vivre l’ampleur d ’une réelle communauté culturelle. L e 9 novembre 1944 la France entreprenait une action qui, en quelque sorte, devançait le désir de la population malgache en publiant un décret réorganisant les collectivités malgaches. Cette action de taille eût pu paraître hasardeuse en d ’autres moments : en effet, c’était le lendemain de Brazzaville d ’une part, et d ’autre part la guerre à laquelle participait de tout son cœur M adagascar laissait déjà entrevoir une issue heureuse. L a réforme consistait en un essai de remise en vigueur d ’une vieille organisa­ tion qui portait le nom de Fokonolona. L e Fokonolona, avant la colonisation, était l’ensemble des collectivités doté d ’un pouvoir réel, indiscuté et étendu dans le triple domaine de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Gallieni en 1902 voulait l’utiliser pour la promotion du peuple mais ses successeurs n’ont pu poursuivre son œuvre ni même sa pensée et rapidement le Fokonolona, ne gardant plus que son nom, devint un instrument assez mauvais d ’ailleurs de l’exécutif pour les prestations de travaux, voire le recouvrement des impôts. L e décret de 9 octobre 1944, tendait à promouvoir le développement écono­ mique et social des Fokonolona ainsi que leur participation à l’administration. Ainsi devait prendre fin le système d’administration directe du colonisateur, secondé pour cela par des fonctionnaires malgaches, car le 25 octobre 1946 une assemblée représentative à l’échelon central était installée, tandis que chacune des cinq provinces était également dotée d ’une assemblée qui devrait prendre en main les affaires locales. Le système d ’élection était celui du double collège ne pouvant pas tenir compte de la loi du nombre mais la réforme, pour avoir touché les fins fonds de la brousse, a permis à la population en général et aux élus en particulier de faire l’apprentissage de la démocratie. Ce point est d ’importance dans le processus de la décolonisation. E n 1955, la dernière critique qui eût pu être formulée à l’encontre de l’égalité

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HISTOIRE DE L*AFRIQUE N O IR E

était tombée par l’abolition du double collège. D ’autre part, le statut de droit commun était accordé par le dépôt d’une simple déclaration au tribunal. M ais il n’y eut pas afflux de demandes pour autant; les raisons nous en paraissent nombreuses mais la principale est certainement d ’ordre essentiellement pratique, le nouveau statut n’offrant rien de plus par rapport au statut personnel. U n effet contraire même n’a pas tardé à se produire : bien des M algaches se faisaient un point d ’honneur de garder un statut personnel prenant ainsi davantage conscience de leur malgachitude. En définitive, il faut dire aussi qu’une des raisons de l’échec de l ’assimilation, échec qui a donné son aspect décisif à la décolonisation, était le décalage entre la politique de Paris et celle des administrations locales d ’exécution : la première changeait suivant l’humeur du temps, c’est-à-dire subissait des fluctuations politiques, aussi les dirigeants de M adagascar, à io ooo km de distance, commençaient-ils d ’appliquer une formule qu’une nouvelle autre venait l’annuler ou la modifier. De nombreux fonctionnaires français comme malgaches trouvaient parfois plus sage de pratiquer la méthode confortable du wait and see. L ’évolution des idées allait bon train, et bientôt il est apparu que la situation ne pouvait rester stagnante. A l’inverse de la plupart des pays d ’Afrique où, en général, l’élite intellectuelle en raison de son acquis de civilisation donnait le ton à la masse, à M adagascar c’était surtout du peuple que devaient sourdre, ou plus exactement reprendre avec netteté les idées d ’indépendance. Cela s’explique par le fait que le temps n’était guère loin où le pays possédait sa structure à lui, structure logique et bien adaptée au pays, encore que chancelante à bien des égards. Dès 1946, la colonie, sur ordre du gouvernement français, avait son plan décennal pour le développement et la modernisation « tant sur le plan métropolitain que sur celui des échanges internationaux ». L a rébellion avait toutefois retardé l’application de ce plan. L e 2 1 mars 1946, les députés malgaches R avoahangy et Raseta ont déposé à l’Assemblée nationale à Paris un projet de loi portant abolition de la loi d ’annexion et déclarant l’indépendance de M adagascar au sein de l ’Union française. L a deuxième Constituante a « renvoyé en commission » ce projet, ce qui veut dire en langage parlementaire rejet pur et simple. Pendant ce temps, les esprits se sont petit à petit échauffés dans la Grande Ile. Les exemples donnés par la Grande-Bretagne, l’état d’esprit qui régnait à l’O .N .U ., l ’application de la liberté de la presse, le syndicalisme à revendications qui florissait, les difficultés nées de la guerre, l’inquiétude des colons qui se sentaient submergés étaient autant d ’éléments qui alourdissaient l’atmosphère déjà travaillée par les campagnes électorales. Si là sont les multiples causes profondes de la rébellion, si les foyers de cette rébellion se sont allumés presque simultanément en divers points de l’ Ile, les événements de 1947 ne comportent pas moins de lacunes et d ’obscurités que le recul du temps n’est pas arrivé à tirer au clair. M ais il est acquis que la rébellion était

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MA DAGASC AR

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un des aspects — quelle qu’en soit la valeur — incontestables de la décolonisation. L a situation d ’avant la rébellion était tellement explosive que le gouvernement français envoyait, pour la deuxième fois dans la Grande Ile, le gouverneur général de Coppet, socialiste réputé pour son tact et qui avait su gagner l’estime des Malgaches. M ais l ’antagonisme des idées et des positions entre colons et nationalistes était tel que la politique d ’équilibre du gouverneur général de Coppet ne pouvait plus rétablir la situation, et, au déclenchement de la rébellion, les représailles militaires extrêmement violentes qui n’ont sans doute pas été voulues par le gouverneur général ont achevé de consommer le divorce entre les deux camps extrémistes : les nationa­ listes ne pouvaient plus compter sur une protection du pouvoir civil, les colons réclamaient le départ du gouverneur général. On épiloguera longuement encore en vain sur les causes réelles de cette rébellion, les uns affirment que le « télégramme d ’appel au calme >► lancé par le bureau politique du M .D .R .M . n’était autre chose que le signal de la révolte, les autres considèrent la rébellion comme l’aboutissement d ’une habile combinaison des colons pour écraser sans pitié leurs adversaires. C ’est dans la nuit du 29 au 30 mars 1947 que plusieurs centaines d’hommes ont attaqué le camp militaire de M oram anga, faisant 22 morts. En représailles, les Sénégalais ont incendié toute la ville. L a population gagnait la forêt. Dans le même temps M anakara, Sahasinaka, Vohipeno, Fort-Carnot étaient attaqués, l ’alerte était donnée à Diégo-Suarez et à Fianarantsoa. L a nouvelle a été annoncée sur les ondes de la radio à la stupéfaction générale. Les députés R avoahangy et Rabem ananjara ont proposé, en vain, de lancer un appel au calme : ils ont été incarcérés ainsi d ’ailleurs que le député Raseta qui se trouvait à Paris et les nouveaux sénateurs dont on a levé l’immunité parlementaire. L e trouble couvrait une superficie équivalente à un septième de l’ Ile englobant près du quart de la population. Sans autres armes que des haches et des sagaies, les rebelles allaient à l’assaut par fana­ tisme. Bien sûr les troupes régulières n’auraient pas eu beaucoup de peine à briser les attaques ou plus souvent encore à « reprendre » villes et villages, mais l’extrême mobilité des rebelles et l’immensité du territoire empêchaient la liquidation complète de la rébellion avant fin 1949. Combien y avait-il de victimes ? Nul ne le saura jam ais au juste, les chiffres avancés oscillent entre 10 et 100 000 morts. Pierre de Chevigné, député, colonel de la Résistance, a été désigné pour remplacer M arcel de Coppet qui n’était pas obéi par le commandement militaire : c’est que le gouvernement français avait décidé d’en finir avec la rébellion, des renforts de plus de 10 000 hommes avec leurs matériels ont été envoyés à M adagascar. Les procès, devant les tribunaux militaires, eurent lieu jusqu’en décembre 1949. Les plus célèbres furent ceux des parlementaires et des principaux chefs M .D .R .M . où six condamnations à mort ont été prononcées dont celles des députés Ravoahangy et Raseta.

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HISTOIRE DE L 'A FR IQ U E N O IR E

En tout, il y eut une quarantaine de condamnations à mort dont la plupart furent exécutées. L a fin de la rébellion ne rétablit ni la confiance réciproque ni le calme dans les esprits : les habitants étaient visiblement désorientés. Les partis politiques étaient dissous, ou s’étaient dissous, d ’autres éclataient en plusieurs partis régio­ naux. Dès lors le pouvoir n’avait plus aucun problème d ’administration. M ais l ’économie du pays au sortir de la sanglante rébellion était chancelante, et le nationalisme malgache n’était pas éteint. L ’avènement du gouvernement M endès France a tôt fait de ranimer les sentiments, d ’autant plus que la politique largement démocratique de Paris était répercutée dans tous les territoires d ’outre-mer. L e gouvernement français conscient de la nécessité de suivre l’évolution poli­ tique, économique et sociale de l’Union française prit un certain nombre de mesures connues sous le nom de « loi-cadre ». Cette loi faisait de l ’ancienne Union française une sorte de Fédération où Paris avait la responsabilité des relations extérieures, de la défense, de la garantie des libertés publiques, du maintien de la solidarité des éléments constituant la République, du régime monétaire et financier; le reste étant confié à chaque territoire membre. C ’est ainsi qu’à M adagascar étaient créés les assemblées provinciales, une Assemblée législative élue au suffrage universel, et un Conseil du gouvernement présidé par le haut-commissaire de la République française. Naturellement quelquefois une impatience foncière et réelle et d ’autres fois une sorte de démagogie chez les leaders devaient entraîner une large partie de l’opinion à dépasser avant la lettre cette loi-cadre que d ’aucuns appelaient d ’ailleurs, par une métathèse à dérision, Loi gadra (là loi qui enchaîne). Il a fallu la perspicacité et le sens tout particulier du « cours de l’histoire » d ’un Philibert Tsiranana pour frire admettre que c’était là une étape salutaire et en tout cas nécessaire. L ’on peut dès lors se rendre compte et de l’ampleur et de la délicatesse de la tâche que s’était assignée Ph. Tsiranana : retourner, en quelque sorte, l’opinion publique en lui faisant sentir les dangers d’une impatience irraisonnée. Tsiranana y a réussi largement car la population a répondu « oui » à 87 % au référendum en faveur du maintien de M adagascar dans la Communauté. Il faut dire que la visite de de Gaulle le 22 août 1958 avait contribué à ce succès, le chef de l ’E tat français, dans son discours au stade de M aham asina ayant déclaré en montrant le Palais des Reines qui domine tout Tananarive : « Demain, vous serez de nouveau un Etat. » L ’enthousiasme était alors indescriptible : la foule rompait, dans son allégresse, les cordons de police. M ais pour le Président Tsiranana tout n’était pas de « réussir » le référendum : il s’agissait surtout, par la suite, de démontrer que les événements lui donneraient raison. Dès lors, à une cadence rapide mais dans la plus grande sérénité, la R ép u ­ blique fut proclamée le 14 octobre 19 58 ; le 5 jan vier 1959 il signe avec le hautcommissaire une série de protocoles d ’accord qui mettent entre les mains de la

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MA DAG AS CA R

nouvelle République la gendarmerie, les fonctionnaires, les services de la sécurité, la police judiciaire, la police administrative. L e 29 avril 1959, la Constitution est votée : le chef de l’Etat, élu au suffrage universel, est chef du gouvernement. L e Parlement se compose de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. L e 18 décembre 1959, le Président Tsiranana demande le transfert des compé­ tences. L a France, si toutefois elle ne l’avait suggéré, répond aussitôt à l’attente et les négociations s’ouvrent à Paris le 1 1 février i960 pour aboutir à deux séries d ’accord, l’une portant sur le transfert à la République malgache des compétences de la Communauté, l’autre sur la coopération en particulier en matière de défense, de monnaie, d’économie, de finances, d ’aviation civile, de marine marchande, de communications, de justice et d ’enseignement. L e 26 ju in i960, enfin, à M ahamasina, au pied de la colline que couronne le Palais des Reines, à l’endroit précis où les anciens souverains avaient coutume de faire leurs déclarations, l’indépendance de M adagascar a été solennellement pro­ clamée par le ministre Je a n Foyer, représentant le gouvernement français. Si à dessein nous n’avons pas procédé à l’analyse des faits et des événements qui ont conduit à l’indépendance de M adagascar, c’est-à-dire les premiers facteurs de la décolonisation, nous pensons qu’il est désormais nécessaire d’avoir un aperçu de l ’évolution et des effets de cette décolonisation. U n pays qui recouvre son indépendance est soumis à la tentation de considérer que la décolonisation est le contraire de la colonisation, c’est-à-dire que le fait colonial étant condamnable, il convient d ’en éliminer toutes les séquelles, de rompre brutalement avec un passé que l’on exècre. Sur le plan pratique cela signifie rupture avec l’ancienne métropole, confiscation des biens de ses ressortissants, recherche de nouveaux amis, rejet de la culture du colonisateur, totalitarisme en politique et en économie, etc. Bien que certains Malgaches aient été séduits par cette solution considérée comme la seule capable d ’apporter une indépendance véritable, elle ne pouvait être adoptée ni par les dirigeants, ni par l’ensemble de la population. Pour beau­ coup de raisons, au premier rang desquelles on peut citer l’attachement réel à une civilisation et à une culture considérée comme « aussi la nôtre », la résonance parti­ culière qu’ont provoquée chez ce peuple les idées de liberté et d ’égalité introduites par la France, la formation politique des dirigeants qui, ayant fait leurs premières armes sur les bancs de la S .F .I.O ., étaient peu prédisposés à une sympathie quel­ conque envers le communisme, enfin la peur du Chinois que l’on soupçonne volontiers de vouloir faire de la Grande Ile une province qui lui permettrait de prendre plus aisément pied en Afrique. M adagascar a donc considéré son indépendance comme devant être une recherche pour amalgamer l’acquis colonial dans ce qu’il avait de fructueux avec les valeurs traditionnelles de la société malgache dans ce qu’elles avaient de compa­ tible avec le développement.

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E M O IR E

On peut ainsi rapidement caractériser le régime actuel : libéralisme en poli­ tique, socialisme en économie, recherche d ’un développement harmonieux des deux cultures française et malgache, enfin maintien des liens avec l’ Occident et avec l’Afrique en politique étrangère. L a Constitution malgache du 29 avril 1959 ressemble comme une sœur à la Constitution française de 1958 à la différence près qu’à M adagascar l ’exécutif est monocéphale et que le Président de la République, qui est aussi chef du gouver­ nement, est donc responsable politiquement devant l’Assemblée. Le régime parle­ mentaire est, comme en France, inspiré par une stricte délimitation des matières réservées à la loi — le gouvernement peut d ’ailleurs, sur habilitation parlementaire, légiférer par ordonnance — et par un mécanisme assez complexe de mise en jeu de la responsabilité gouvernementale. Il va sans dire que, si les textes sont équivalents, le contexte politique est fort différent ici et là. Il n’en reste pas moins que la République malgache qui se veut une « démocratie » au sens classique du terme, l’est réellement dans la mesure où l’exercice des droits et libertés reconnus par le préambule de la Constitution est effectif et où le citoyen peut choisir ses gouvernements sur plusieurs listes. M a d a ­ gascar connaît en effet la pluralité des partis politiques et si l’un — le Parti social démocrate — remporte la grande majorité des suffrages à chaque élection, ses adversaires, dont l’A .K .F .M . qui détient encore la municipalité de Tananarive, ont toute liberté de s’exprimer et de mener leur propagande. Madagascar est le seul des treize pays d’Afrique francophone qui n’ait pas adopté, après l’indépendance, le système du parti unique. C ’est également un de ceux qui connaissent la stabilité politique la plus grande, la paix intérieure la plus complète. Le Président Tsiranana, vice-président du gouvernement en 1957, puis président du gouvernement provisoire le 14 octobre 1958, fut élu Président de la République le I er mai 1959 par le Parlement réuni en Congrès. Il a été massive­ ment confirmé dans ses fonctions par le suffrage universel en 1965, à la suite d ’une modification de la Constitution. Son équipe ministérielle, malgré des remaniements inévitables, reste dans son ossature la même qu’il y a douze ans. Le parti au pouvoir, le P.S.D. dont il est le fondateur, n’a cessé de renforcer son audience dans le pays — largement majoritaire au Parlement, il est à la tête de toutes les municipalités sauf une, celle de Tananarive, il compte en outre un million d ’adhérents, chiffre énorme pour une population d’un peu plus de 6 millions d ’âmes. Cette stabilité politique est sans doute due pour beaucoup à la modération naturelle du peuple malgache, à l’absence de frontières terrestres permettant l’infiltration d’une subversion étrangère; mais aussi probablement au fait que l’opposition pouvant s’exprimer librement, pouvant concourir lors des élections, elle est peu tentée par l’aventure du coup d’Etat car elle n’est pas placée devant l’alternative que connaissent beaucoup de pays africains ou sud-américains : se taire ou prendre le pouvoir.

X L V . — L a ségrégation raciale en Afrique du Sud.

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MADAGASCAR

lib é ra l en politique, le gouvernement malgache se veut socialiste en économie. Mais d’un « socialisme malgache » aux contours fort imprécis, qui se dit lui-même empirique, c’est-à-dire capable de s’adapter aux nécessités du développement. Héritier spirituel du réformisme de la S.F .I.O ., il en conserve le caractère modéré, ennemi de tout « a priori systématique ». Le socialisme malgache est un socialisme qui nationalise très peu. Tout d ’abord parce que la nationalisation heurte le sens de l’honnêteté des Malgaches — le Président Tsiranana a souvent répété que cela constitue un vol et une lâcheté — , mais surtout parce que, ayant choisi de rester dans l’orbite occidentale, il eût été maladroit d ’effaroucher les investisseurs dont l’enthousiasme est rarement éveillé par les possibilités du pays. L ’insularité de M adagascar qui pèse sur les prix, le faible marché que constitue une population en voie de développement et peu nom­ breuse, le manque de ressources minières facilement exploitables, les difficultés de l’exploitation agricole, les cyclones fréquents sont autant d’entraves au dévelop­ pement de la Grande Ile. Pour contrebalancer ces facteurs défavorables, le pays a besoin de capitaux, d ’intéresser de grosses sociétés dont l’apport en argent et en travail permettra le décollage de l’économie. C ’est pourquoi le socialisme malgache n’exclut pas une législation favorable aux investissements; le code des investisse­ ments accorde divers avantages, fiscaux notamment, aux industriels et leur permet ainsi de faire plus aisément face aux aléas de la période de démarrage. En revanche les bénéfices industriels et commerciaux non investis dans le pays sont lourdement taxés. Peu nationalisateur, le socialisme malgache est cependant dirigiste : il favorise les investissements privés mais il entend les guider. L ’octroi des avantages accordés par le code des investissements est subordonné à la réalisation d ’un programme de production, le gouvernement peut par des « mesures de réadaptation industrielle » grouper certaines industries ou les former. Sur le plan agricole, il récupère les terres non mises en valeur grâce à l’ordonnance sur l’abus du droit de propriété. Le socialisme malgache s’exprime encore dans l’intervention directe de l’Etat dans la vie économique par ses fermes d’Etat qui visent à la fois à servir d’exemple et à rentabiliser leur exploitation, par les sociétés d ’aménagement — Somalac, Samangoky... — , par la Société nationale d’investissements dans le domaine indus­ triel, qui participe au capital de nombreuses sociétés et peut ainsi y faire peser l’influence de l’Etat. Mais le trait le plus caractéristique du socialisme malgache est qu’il recherche avant tout la participation effective de l’homme à son propre développement. L ’idée est que rien ne sera obtenu si l’agriculture de base n’a pas pris conscience de la nécessité d’œuvrer à son échelon à la fois pour son bien-être et celui de la commu­ nauté. D ’où l’important effort d’éducation entrepris par l’animation rurale, d’où le lancement des opérations au « ras du sol » dans le cadre de la commune rurale auxquelles tous les villageois participent, d’où la tentative de lancer en grand le

X L V I . — Triage des graviers diamantifères dans le Sud-Ouest Africain. Digitized by

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HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E MOIRE

mouvement coopératif qui, selon l’expression du Président Tsiranana, « est l ’expres­ sion concrète du socialisme ». Tout ceci ne va pas sans difficultés, mais par la stabilité intérieure, les efforts déployés quotidiennement par une équipe dirigeante consciente des problèmes et l’aide importante en provenance de l’extérieur l’on peut dire que de tous les pays africains récemment décolonisés, M adagascar se trouve être parmi ceux dont on peut augurer un avenir serein et assez prometteur. C ’est peut-être sur le plan culturel que la tentation était la plus forte de rejeter le récent passé colonial pour en revenir aux sources de la langue et de la civili­ sation malgache. L e français n’est pas ici comme en Afrique langue véhiculaire; la langue malgache est la même dans toute P ile, elle se parle et s’écrit partout, bien qu’encore assez peu adaptée aux usages du commerce et de la technique. Il pouvait paraître normal de la conserver comme seule officielle. Cela eût sans doute fait plaisir à certains, mais les dirigeants ont fort bien compris que c’eût été se couper du monde. Indépendamment des nombreux pro­ blèmes pratiques qui n’auraient pas manqué de se poser, le rejet de la culture française n’aurait fait qu’accentuer l’insularité du pays. M adagascar s’efforce donc de concilier les deux impératifs apparemment contradictoires : maintien et rayonnement de la culture française, développement d ’une culture authentiquement malgache suivie par une langue nationale. C ’est ainsi que si les examens restent français dans le secondaire et à l’Université, on se préoccupe d’adapter les programmes au contexte local. Il existe de grands écrivains et poètes aussi bien dans les deux langues mais ceux qui écrivent en français s’efforcent d ’utiliser leurs ressources à leurs yeux supérieures pour mieux exprimer dans l’ Ile comme à l ’extérieur ce que ressent leur âme de M algache.

Ce rapide tour d ’horizon de la situation actuelle à M adagascar ne saurait omettre la place qu’occupe ce pays dans le monde. L à encore, la Grande De a choisi la voie de la fidélité aux anciennes amitiés. Les rapports avec l’ex-métropole, qui fournit une aide importante par son Fonds d ’Aide et de Coopération, sont restés excellents. M adagascar fait partie, a coutume de rappeler le Président Tsiranana, du « monde libre » et une place privilégiée est réservée aux relations avec les pays d ’Europe occidentale — notamment ceux de la C .E .E . — et les Etats-Unis. Le chef de l’ Etat dit également de son pays qu’il est le seul vrai afro-asiatique de par sa position géographique et la race de ses habitants. C ’est pourtant essen­ tiellement vers l ’Afrique qu’il se tourne en faisant partie de la plupart des orga­ nisations africaines au premier rang desquelles l’O .U .A . et l’O .C .A .M ., quant à l’Asie, nous avons déjà évoqué la méfiance à l’égard de la Chine continentale qui corollairement a provoqué un resserrement des liens avec celle de Form ose. A l’égard des pays de l’Est, les ponts ne sont pas systématiquement coupés

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et le gouvernement se déclare prêt à entretenir de bonnes relations avec eux dans la mesure où ils ont le désir de participer au développement du pays sans contre­ partie politique. Des négociations ont été menées dans ce sens avec la Hongrie, la Pologne, la Roum anie, voire l’U .R .S .S ..., mais si des accords ont été passés, ils ne paraissent pas pour l’instant avoir eu beaucoup d ’effets pratiques.

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G o o g le

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C H A P IT R E

V II

L es M ascareignes, les Seychelles et les C om ores au X X e siècle

a gascar et es es

A l’aube du x x e siècle, la situation se présente comme suit (jans je sectcur sud-occidental de l’océan Indien : d’une part,

un ensemble de petites îles en proie au marasme économique et déjà surpeuplées; de l’autre, une grande île faiblement peuplée où tout est à faire. L ’annexion de M adagascar par la France semblait donc bien faite pour procurer des débouchés aux Créoles. L a Réunion, qui avait sans cesse poussé à une intervention dans la Grande Ile, y envoya bien après 1895 plusieurs contingents d ’émigrants, mais il ne s’agit jam ais d’une émigration massive. En outre, ces émigrants comprenaient assez peu de techniciens et de colons véritables. A M aurice également la conquête de M adagascar détermina un petit courant d ’émigration vers cette île, mais cet apport fut encore plus faible que l’apport réunionnais. En fait, c’est beaucoup plus vers l’Afrique du Sud que se dirigèrent alors les Mauriciens en quête de débouchés. Cette émigration au compte-gouttes ne résolut pas le problème du surpeu­ plement aux Mascareignes. Elle les priva, par contre, de nombre d ’éléments entreprenants. L e seul avantage réel que les îles tirèrent, en fin de compte, de l’annexion de M ada­ gascar fut de pouvoir s’y ravitailler plus facilement. L a Réunion, en particulier, trouva dans ce pays un véritable grenier et n’eut plus à s’occuper de cultures vivrières.

^ tourmente qui bouleversa l ’Europe de 1 91 4 à 191 8 ne s’éten­ dit pas jusqu’aux îles, mais elle ne laissa pas de les affecter de diverses manières. A noter d ’abord une diminution marquée du mouvement maritime déjà

La Grande Guerre

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HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E N O I R E

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réduit à ce moment. A M aurice, le tonnage des entrées, qui était de 438 029 t en 1914, tomba à 192 771 t en 1918. A la Réunion on relève à l’entrée 2 4 4 5 3 5 t en 1915 et seulement 90 244 t en 1918. Les Messageries maritimes continuèrent heureusement d’assurer le service régulier avec la France, à raison d ’une malle par mois, sur l’itinéraire sui­ vant : Marseille, Port-Saïd, Suez, Djibouti, M ombasa, Comores, M adagascar, Mascareignes. Aux Seychelles la guerre eut aussi pour résultat de diminuer considérablement le mouvement des navires. De plus, elle interrompit le commerce seychellois avec l’Est africain allemand, qui promettait d’être florissant. En second lieu, la guerre provoqua des difficultés de ravitaillement et augmenta le coût de la vie, mais de ce fait même elle profita aux îles, car parmi les denrées dont elle fit monter les prix figurait le sucre. En outre, pour constituer des stocks, la France et l’Angleterre s’empressèrent d ’acheter les produits des colonies. Les prix favorables se maintinrent pendant quelques années et ramenèrent aux Mascareignes une prospérité telle qu’elles n’en avaient pas connue depuis le milieu du siècle précédent.

L e boom sucrier des années 1920-1923 peut être comparé à jq nciemnîté pay£e aux propriétaires d ’esclaves après l’abolition. En 1920 la récolte de M aurice fut de 259 87 01. A £ 90 la tonne cela faisait £ 23 388 300. A la Réunion, pendant l’année record de 1921, le prix atteignit 1 097 F la tonne. Pour 55 564 t exportées cette année-là cela faisait 60 953 728 F. Mais le renouveau sucrier qui suivit la Grande Guerre n’améliora pas le sort du prolétariat et ne profita pas tellement aux îles. Il ne fit, en réalité, qu’accentuer l’orientation vers la monoculture. On peut même se demander s’il ne fut pas un mal plutôt qu’un bien. Sans lui, en effet, il est probable que les Créoles auraient été obligés de s’arracher à la « mystique déformante de la canne » et de diversifier leurs activités. Les Seychelles, quant à elles, ne tirèrent aucun avantage, même passager, de la guerre. En 1 91 4 leur seule culture assez rentable était celle du cocotier. L a vanille, la cannelle et le caoutchouc avaient été essayés sans grand succès à la fin du x ix® siècle. L a guerre fit baisser le prix des produits du cocotier, puis en 1920 les arbres furent attaqués par un insecte. Ainsi les années d ’après-guerre aux Seychelles furent des années difficiles, marquées, en outre, par une augmentation sensible de la population, qui passa de 2 2 6 9 1 individus en 1 9 1 1 à 2 7 4 44 en 1931. renouveau sucrier

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M A S C A R E I G N E S , S E Y C H E L L E S E T CO M OR ES A U X X e S I È C L E

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J usclu ^ ^ Grande Guerre le régime social aux îles avait été essen­ tiellement un régime paternaliste hérité du xvni® siècle et favorisé par des administrateurs coloniaux assez enclins à l’immobilisme. A la Réunion, bien qu’en fait l’île appartînt à quelques privilégiés et que la situation de la masse fût misérable, cet état de choses ne donnait pas lieu à trop de rancœur, la question de couleur ne se posant pas véritablement. Pour autant qu’on puisse en juger, cependant, il semble bien que l’opposition entre les deux blocs du patriciat et de la plèbe se soit précisée et affermie durant la période d ’après-guerre et qu’on doive trouver dans les grèves de dockers de 1936 l’indice d ’un réveil du prolétariat. A M aurice la situation se présentait d ’une manière un peu différente, car l’opposition entre possédants et non-possédants se compliquait d ’un antagonisme tenace entre blancs et non-blancs, décelable, d ’ailleurs, dans toutes les colonies britanniques. A mettre également en ligne de compte les revendications des planteurs indiens et des sirdars enrichis qui, après avoir bénéficié du morcellement des grandes pro­ priétés au siècle précédent, se dressaient maintenant contre leurs anciens patrons. Enfin, la masse des Indiens posait aussi un problème communaliste. Ainsi, au cours de la décennie qui précéda la deuxième guerre mondiale, les positions de l’oligarchie aux Mascareignes se trouvèrent sérieusement menacées. On peut voir dans ce phénomène un véritable effet de choc en retour. Le choc en retour

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versement

Si la première guerre mondiale n ’avait guère affecté les îles n>en ^ pas même de la deuxième. Dès le début, la seule

ligne régulière qui les reliait à l’Europe cessa de fonctionner. En même temps, les communications avec M adagascar, où les Mascareignes se. ravitaillaient, furent coupées jusqu’en 1942. En outre, le bouleversement que devait provoquer un peu partout dans le monde le gigantesque conflit de 1939-1945 s’est fait sentir dans cette région de plusieurs manières, dont deux surtout sont à retenir. En premier lieu, l’avion modifia complètement le rythme de la vie créole et vint en même temps remettre les îles dans le circuit international. Dès 1933 des pilotes amateurs avaient réussi plusieurs vols entre la Réunion et M aurice, et en 1937 la liaison aérienne avec l’Europe avait été établie, mais ce n ’est qu’après la guerre qu’elle devint régulière. En second lieu, la guerre détermina des changements profonds dans le régime adm inistratif et politique insulaire s’inscrivant dans le cadre d ’un vaste programme de décolonisation amorcé par la France et l’Angleterre dès avant même la fin des hostilités. A la Réunion la départementalisation, décrétée en 1946, même si elle ne

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HISTOIRE DE L'A FR IQ IJE N O IR E

faisait qu’entériner une situation pratiquement acquise, n’en constituait pas moins une véritable révolution par l ’ampleur des réalisations qu’elle suscita dans un laps de temps relativement court. Aux Comores, rattachées à M adagascar en 19 12 , une loi de 1946 rendit à l’archipel son autonomie administrative et financière. En même temps, le territoire des Comores fut doté d’un Conseil général siégeant à Moroni, et un programme de modernisation accélérée fut entrepris. A M aurice et aux Seychelles également le brusque changement d ’attitude du Colonial Office, tout en restant dans la tradition britannique, peut être qualifié, lui aussi, de révolutionnaire, puisqu’il visait à les doter d ’un système de gouver­ nement autonome pouvant aller, au besoin, jusqu’à l’indépendance complète. En outre, par suite de l’éradication du paludisme, réalisée grâce aux insecticides modernes, ces changements se sont accompagnés d ’une poussée démographique sans précédent, grosse de problèmes et même de dangers.

Tout d ’abord, elle détermina une allocation de crédits consi­ dérables par le gouvernement métropolitain en même temps qu’un apport de sang nouveau pour relever la vieille équipe des fonctionnaires coloniaux. Ces deux facteurs principaux permirent quelques réalisations spectaculaires dans plusieurs domaines. Le port de la Pointe des Galets subit une transformation profonde. Agrandi et modernisé, il est maintenant plus rapide et moins cher que les ports malgaches, ce qui témoigne d ’une réussite d ’autant plus remarquable que les entrées dépassaient 800 000 t en 1965. L ’équipement énergétique et les systèmes d ’irrigation existants furent réorganisés et perfectionnés. On s’occupa aussi du reboisement, de la modernisation du réseau routier, de l’enseignement technique. L ’industrie sucrière fut transformée. L e progrès fut accompli par la mécanoculture, l’application intensive d ’engrais, le diagnostic foliaire, l’emploi de cannes riches en sucre et autres procédés modernes d ’exploitation trop longtemps négligés. Les activités agricoles secondaires ne furent pas négligées; la vanille et le géra­ nium ont fait des progrès; on a essayé d ’améliorer l ’élevage, avec moins de succès, il est vrai, mais l’expérience se poursuit. A signaler encore l’assistance médicale gratuite, la sécurité sociale, la retraite des vieux travailleurs, les allocations familiales, les assurances sociales. Enfin, la lutte victorieuse contre le paludisme, la détection de la tuberculose, le contrôle médical à l’école ont fait un bien immense à la santé publique. Sur le plan politique, malheureusement, la départementalisation n’eut pas pour corollaire un assainissement de l’atmosphère électorale. Les élections continuèrent à se faire d ’une manière assez anarchique. La départementalisation à la Réunion

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M A S C A R E I G N E S , S E Y C H E L L E S E T COMORES A U X X • S I È C L E

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Député des Comores depuis 1945, Saïd Mohammed Cheik avait des Comores obtenu pour son pays, avec le statut de territoire d outre-mer, l’élargissement des suffrages, des rachats de terre aux grandes sociétés, et des crédits pour les bâtiments et les routes. L a loi-cadre de 1956 créa un Conseil de gouvernement où siégèrent les deux parties : Blancs (vieux turbans) et Verts (modernistes). A u référendum de 1958, les Comores choisirent de rester territoire, contre l’avis de Mayotte qui optait pour la dépar­ tementalisation. Depuis lors des progrès ont été accomplis vers l’autonomie. En 1961 fut institué un président du Conseil élu par l’Assemblée; il choisit les ministres et dirige la politique. En 1968, les pouvoirs ont été accrus, le haut-commissaire de la République (l’ancien gouverneur) ne conservant plus que quelques « affaires réservées » : Monnaie, Nationalité, Défense nationale et sécurité, Représentation extérieure. Saïd Mohammed Cheik a été élu Président. Les Comores disposent, au Parlement français, de deux députés et un sénateur. L ’archipel ne vit que d’agriculture; encore doit-il importer du riz. Il exporte vanille, ylang-ylang et coprah ; la majorité des plantations est cultivée par les grandes sociétés. Féodaux et classes moyennes se partagent le pouvoir, la masse est prolé­ tarisée. L a surpopulation et l’érosion menacent les sols. Les Comoriens doivent émigrer : 70 000 vivent à M adagascar (M ajunga est devenue, en majorité, une ville comorienne) et 30 000 à Zanzibar, où s’est créé un « mouvement de libération », réputé d’obédience chinoise.



.

A la fin de la guerre voici quelle était la situation à M aurice : * 4 19 185 habitants, soit près du double de la population de la Réunion (recensement de 1944), et pour nourrir cette population une production sucrière tombée à 138 000 t en 1945. Le redressement s’opéra au moyen de crédits spéciaux alloués par le Colonial Office, qui envoya aussi des experts, tout en laissant, cependant, les anciens cadres inchangés. Un des premiers objectifs fut l’élimination du paludisme. Des sommes consi­ dérables furent dépensées à cet effet pour une campagne de désinsectisation intensive qui dura de 1949 à 1952. Dans le domaine de l’équipement les principaux travaux entrepris comprenaient la création de nouveaux réservoirs d ’irrigation et le réaménagement des installa­ tions portuaires du Port-Louis qui ne répondaient plus aux conditions modernes, le tonnage annuel des entrées dépassant le million de tonnes à partir de 1953. Sur le plan agricole l’effort porta surtout sur des projets de développement des industries et des cultures secondaires, celle du thé notamment. Quant aux L autonomie à Maurice

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HISTOIRE DE L 'A F R IQ U E N O IR E

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recherches concernant la canne, le corps sucrier décida en 1953 de les confier exclusivement à un organisme spécial indépendant du Service d ’Agriculture qui s’en était chargé jusque-là. L a primauté du sucre fut donc maintenue. En même temps Pile passait à une allure rapide d ’un système de gouvernement paternaliste au self-government tel qu’il existait dans les pays les plus évolués du Commonwealth britannique. En 1947 la Constitution de 1886, depuis longtemps caduque, fut remplacée par une nouvelle, qui fut elle-même modifiée ensuite plusieurs fois. L a dernière étape a été franchie avec la proclamation, le 12 mars 1968, d ’une île M aurice indépendante, mais demeurant au sein du Commonwealth.

Les prix satisfaisants des principaux produits d ’exportation (copra ct huile de cannelle) valurent à ces îles après la guerre une prospérité qu’elles n’avaient pas connue depuis bien longtemps. L e revenu annuel tripla entre les années 1945 et 1950. L ’administration en profita pour procéder, avec l’aide du Colonial Office, à diverses améliorations, dans le domaine de l’instruc­ tion et de la santé publique notamment. Sur le plan politique le principe électif pour la formation d ’un Conseil législatif fut établi pour la première fois en 1948. A u x dernières élections tenues en décembre 1967 la majorité s’est prononcée contre l ’indépendance et pour une association étroite avec l ’Angleterre. Par ailleurs, une étude sociologique récente met bien en évidence l ’état de dépendance de la masse dans ces îles où quelques gros propriétaires détiennent toujours la puissance économique et politique. En 1965, Diego G arcia, ancienne dépendance de M aurice, ainsi que les îles Aldabra, Farquhar et Desroches, administrées jusque-là par les Seychelles, ont été regroupées par l’Angleterre pour former une nouvelle entité administrative, le « Territoire britannique de l’océan Indien » (British Indian Ocean Territory) destiné peut-être à servir de base en temps de guerre. Ce territoire relève directement des autorités de Londres. Quant aux îles Rodrigues, Agaléga et Cargados elles sont aujourd’hui partie intégrante de l’île M aurice indépendante. Rodrigues est représentée par deux députés au Parlement mauricien et n’entend plus être traitée, comme jadis, en parente pauvre.

aux^SyciulUs

Les mesures d ’hygiène prises après la guerre provoquèrent partout une montée en flèche de la population. M aurice compte aujourd’hui 830 000 habitants, la Réunion 450 000, Rodrigues 20 000, Seychelles 50 000, les Comores 250 000. C ’est une situation angoissante. L ’accroissement démographique annihile, en grande partie, le résultat de tous Conclusion

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M A S C A R E I G N E S , S E Y C H E L L E S E T C O M OR ES A U X X * S I È C L E

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les efforts. L e redressement opéré dans toutes ces îles depuis 1945 aurait pu les transformer en pays relativement prospères, si elles avaient gardé la même population qu’avant la guerre. L e surpeuplement semble devoir les condamner pour longtemps au sous-développement. L e phénomène est mondial, mais il prend une gravité exceptionnelle dans les petits pays aux ressources limitées. Les solutions il y en a plusieurs : contrôle ou régulation des naissances, émi­ gration dirigée, diversification de l’économie, augmentation de la production, retour à la tradition maritime, mais elles ne sont pas si faciles à appliquer. On parle aussi d ’une sorte d ’association, voire de fédération insulaire, fonc­ tionnant en collaboration étroite avec M adagascar, mais l’exemple des Antilles montre qu’il n’est pas facile non plus de réaliser de telles fédérations; et la République malgache a, elle-même, ses propres difficultés. Conclure sur une note pessimiste c’est immanquablement s’exposer à se voir traiter de prophète de malheur, mais comment se laisser aller à l’optimisme devant une pareille situation! T out ce qu’on peut dire c’est que les îles sont parvenues à une phase extrêmement critique de leur histoire, et Dieu seul sait comment elles s’en tireront.

B IB L IO G R A P H IE

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e r e r

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ANNEXE

L es petites îles Autour de l’Afrique noire, les unes proches, les autres très au large, on rencontre des îles. M adagascar, les Mascareignes, les Comores et les Seychelles ont été traitées dans cet ouvrage en plusieurs fois, à leur place chronologique; Zanzibar et Pemba ont été jointes à l’Afrique orientale dont elles sont, historiquement, une partie notable. Les autres îles, d ’une taille généralement exiguë, n’ont pas trouvé leur place. Nous les évoquerons rapidement ici, des origines à nos jours.

Placées à 455 km à l’ouest du Cap-Vert, sur le parcours de l’alizé du nord-est, cet archipel volcanique comprend : 1) Les îles du Vent : Saint-Antoine, Saint-Vincent, Saint-Nicolas, l’île du Sel, Boa V ista; 2) Les îles Sous-le-Vent : Brava, Fogo (volcan actif), Sao Thiago, M aïo. En tout 3 600 km*. Clim at tropical sec, faible végétation, fonds poissonneux. En 1460, les Portugais découvraient les îles du sud, en 1462 celles du nord, toutes désertes. Le peuplement commençait aussitôt avec des familles des Algarves et des esclaves noirs amenés des côtes voisines. L a possession féodale fut répartie entre différents « donataires». En 1592, on imposa un gouverneur général. Sao Thiago et Fogo furent les premières peuplées. L ’élevage fut longtemps la principale ressource. L a capitale, R ibeira Grande, fut pillée par Drake, puis par les Hollandais. Lorsque, au xvm ® siècle, le Sénégal fut passé aux Français, les relations se firent surtout avec la Guinée portugaise. Praia (au sud de Sao Thiago) devint la capitale. A u x ix ® siècle Saint-Vincent, sèche et déserte, fut occupée, et un centre, Mindelo, créé sur son excellente rade. On exporta l’orseille et le sel. Les habitants sont actuelle­ ment 150 0 0 0 , pour la plupart métis ou noirs. Ils vivent surtout de manioc, de maïs, de pêche. Certains viennent s’employer à Dakar. Mindelo est de plus en plus fréquenté par les navires des lignes d ’Amérique du Sud. Les îles constituent une province portugaise d ’outre-mer. du Cap-Vert

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LES P E T IT E S ILES

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Au sud-ouest du mont Cameroun s’alignent quatre îles volca­ niques : Fernando Poo, l’île du Prince, Sao Tomé, Annobon. En tout un peu plus de 3 100 km* (dont 2 000 pour Fernando Poo et 900 pour Sao Tom é). Clim at équatorial (l’Equateur passe par le sud de Sao Tomé). Forêts. L a situation maritime est remarquable : le courant côtier de Guinée, qui va vers l’est, vient buter sur le continent, rencontrant le courant froid de Benguela, venant du sud; ils donnent naissance au courant équatorial, de direction ouest. Les îles de Sao Tom é et du Prince semblent avoir été découvertes par les Portugais en 14 7 1, Fernando Poo (baptisée Formosa à cause de sa beauté) en i486. Celle-ci, dont le volcan très élevé s’aperçoit du continent et qui n’en est éloignée que de 30 km, abritait des noirs Boubi. Les autres étaient désertes. Sao Tomé fut concédée par le roi à des capitaines successifs qui en entreprirent le peuplement. On amena des enfants juifs baptisés (pour les enlever à leurs parents), des condamnés de droit commun, des colons libres (Portugais, Espagnols, Génois) et des esclaves noirs de diverses provenances. Dès le milieu du x vi® siècle il y avait de nombreux métis. L a canne à sucre, importée de Madère, fit alors la richesse de la colonie. Les riches avaient jusqu’à 300 esclaves sur leurs plantations. On comptait 60 moulins à sucre. Cette prospérité fut ruinée par divers événements : attaques des Français, puis des Hollandais; pillage par les Angolares, noirs de l’Angola provenant d ’un négrier naufragé; révoltes d ’esclaves; mais surtout concurrence des plantations naissantes du Brésil que des Sao Toméens avaient contribué à fonder. Les deux îles, Sao Tom é et Prince, devinrent alors des dépôts d’esclaves et des escales de ravitaille­ ment pour les navires prenant le tournant pour l’Amérique. Les esclavagistes Sao Toméens jouèrent aussi un rôle néfaste dans l’histoire du royaume du Congo. Les incursions des Angolares, des Français, des Hollandais, des pirates se pour­ suivirent au x v n e et au xvm ® siècle. L ’abolition de la traite sembla, en 1869, porter le coup fatal. En réalité ce fut le point de départ d’une renaissance. On s’appliqua à faire revivre les productions des îles. Le café avait été introduit en 1800, le cacao en 1822. L a traite avec l’Angola prit la forme d’ « engagements», théoriquement temporaires, à partir de 1875. Les inadaptables Angolares furent réduits à se livrer à la pêche. En 1898, les deux îles produisaient 1 1 ,5 % du cacao mondial. Leur prospérité n’a pas fléchi. En 1778, le Portugal, par le traité du Pardo, cédait les deux autres îles, Fernando Poo et Annobon (dont il ne faisait rien), à l’Espagne qui voulait s’assurer des escales pour la traite en se passant de Yasiento étranger. Une expédition se rendit aussitôt de Buenos-Ayres à Fernando Poo où les fièvres et les révoltes en eurent raison. En 1782 on l’abandonna. En 1827 les Anglais la prirent comme base pour la croisière navale contre la traite. Le capitaine Owen, le célèbre hydrographe, y établit le bourg de Clarence. En 1843 ^ Espagnols récupérèrent l’île, mais y maintinrent en fonction Iles du golfe de Guinée

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comme gouverneur l’Anglais Beecroft dont l’influence prépara la mainmise b ri­ tannique sur le Calabar et les boucles du Niger. Des traités sont passés alors p ar les Espagnols avec les chefs de Corisco et du R io Muni ; mais Fernando Poo ne servit longtemps que de lieu de déportation. Elle ne fut complètement soumise et explorée qu’en 1900. L a mise en valeur commence ensuite sur le modèle de Sao Tom é, D e riches propriétaires espagnols font venir des « engagés » ; les plantations modèles (cacao et café) ont remplacé la forêt autour de Santa Isabel (l’ancienne Clarence) et sur les pentes volcaniques. Après un référendum (décembre 1963) où Fernando Poo vota « non », elle fut néanmoins rattachée, avec Annobon, à la Guinée équatoriale (Rio Muni) qui devint indépendante en 1968. Les quatre îles comptent au total 130 000 habitants, dont 5 % seulement de blancs ou métis.

Il y a dans la « mer ténébreuse », selon Edrissi, 27 000 îles. U n dt l*Atlantiqu* 3sud autrc géographe arabe, Ibn el W ardi, déclare que Dieu seul peut les compter. Les chroniqueurs chrétiens du Moyen A ge, narrant les voyages miraculeux de saint Brandon, décrivent des îles qui, selon leur caprice, parfois se cachent, parfois se montrent. C ’est ainsi que certaines îles, qui ont figuré sur les cartes jusqu’au x ix e siècle, telles l’île Saint-M athieu à 6° au sud du cap des Palmes, et l’île dos Picos, au croisement du Tropique du Capricorne et du méridien de l’île de Fer, ont été longtemps cherchées en vain. Le circuit des navires à voile autour de l’anticyclone du Capricorne a, p ar contre, révélé très tôt quatre îles volcaniques très isolées, qui servirent dès lors de repère à la navigation. Ce sont : i ° En allant vers l’ Inde : la Trinité du Sud au large de l’Amérique, Tristan da Cunha sur la route du C ap ; 2° En revenant des Indes par le Cap : Sainte-Hélène et l’Ascension. L a Trinité n’est qu’un rocher désert. Tristan da Cunha est la principale des trois îles, découvertes en 1506 par le navigateur de ce nom, par 370 5 ' sud et 12 ° 6' ouest, dans une zone tempérée froide, parcourue par les grands vents d’ouest. On y pratiquait en 1790 la chasse aux phoques. En 1 8 1 1 trois hommes s’y installèrent. Pour surveiller (à cette distance !) Napoléon à Sainte-Hélène, les Anglais y mirent une compagnie d’artillerie, avec des serviteurs hottentots. Quand elle partit, en 18 2 1, trois soldats y restèrent avec leurs épouses. En rg6i la population, qui comptait 264 habitants, fut évacuée, le volcan faisant éruption. On la ramena ensuite, en installant une station météo. L ’île dépend de Sainte-Hélène. Sainte-Hélène gît à 18 50 km de la côte ouest de l’Afrique, par 16 °sud et 50 45' ouest. Elle a 122 km*. Découverte par Ju a n de Nova en 1502, le 21 mai, jour de sainte Hélène, elle n’était habitée que par les phoques et les tortues de mer lorsque, en 1 5 1 3 , on y débarqua des déserteurs portugais à qui Albuquerque avait fait couper le nez, les oreilles et la main droite. Disposant de quelques esclaves, ils cultivèrent des

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X L V I I . — L e roi Sobhuza reçoit du ministre britannique le décret d’indépendance du Swaziland. Original from

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LES PE TIT ES ÎLES

légumes et élevèrent du bétail, si bien que Pile devint pour les navires retour des Indes un point de ravitaillement habituel. Les Hollandais s’en emparèrent, puis les Anglais qui, en 1658, bâtirent un fort et la ville de Jamestown, sur la côte du Nord, dans une gorge étroite, bien abritée du vent, avec un port convenable. En 18 15 , Napoléon y fut amené, puis gardé prisonnier, dans les hauts de Pile, sur le plateau de Longwood, désolé et constamment battu des vents. Un bataillon d’infanterie, un fort détachement d’artillerie avec 240 canons et un gouverneur geôlier veillèrent sur lui jusqu’à sa mort en 18 2 1. En 1840 le prince de Joinville vint chercher son corps pour le conduire aux Invalides. L a Compagnie des Indes, en 1834, remit SainteHélène à la Couronne britannique. Le canal de Suez et la navigation à vapeur amenèrent le déclin de Pile. 6 000 Boers y furent incarcérés pendant la guerre, au début du siècle. On compte aujourd’hui 4 700 habitants, de toutes origines. On y cultive le lin, pour l’exportation. L ’Ascension, découverte en 1501 par Ju a n de Nova, à 1 120 km de SainteHélène et 1 550 du cap des Palmes n’a été longtemps qu’un point de relâche où les navires prenaient des tortues de mer. On se laissait des messages qu’on cachait sous une pierre. Les Anglais y mirent une garnison de 50 hommes pour garder, là aussi, Napoléon. On y compte aujourd’hui 600 habitants pour 81 km*. C ’est une dépendance de Sainte-Hélène.

Les fausses îles des anciennes cartes sont beaucoup plus nombreuses de l'océan Indien encore ^ans Pocéan Indien que dans l’Atlantique. C ’est que, en dehors du continent malgache et des archipels volcaniques (Comores, Mascareignes, Seychelles), on y rencontre toute une galaxie d’atolls coralliens, dont certains furent mal placés et comptés plusieurs fois par les premiers navigateurs. Les principaux de ceux qui restent sont les suivants : 1) Dans le canal de Mozambique, Europa et Ju a n de Nova, dépendances de Madagascar. Sau f une station météo à Europa et des chercheurs de guano à Ju a n de Nova, on n’y voit que des pêcheurs temporaires. 2) L ’île Tromelin (ou île de Sable) à l’est de M adagascar, par I 5 ° 5 3 ' sud et 520 i l ' est. Découverte en 1722, cette île plate de 1 km de long est restée célèbre par le naufrage, en 17 6 1, de P Utile qui transportait des esclaves de M adagascar à Maurice. L ’équipage construisit, avec les débris du navire, une embarcation en promettant aux noirs de venir les chercher. Il signala la chose aux autorités de Maurice qui l’oublièrent. Quinze ans après, le chevalier de Tromelin, par hasard, aborda l’île; 80 noirs avaient péri; Tromelin recueillit sept femmes qui avaient vécu d’oiseaux de mer et de tortues. Les Français ont installé une station météo, pour la prévision des cyclones. 3) Les îles Aldabra, au nord de Madagascar. Peut-être connues des Arabes, découvertes par les Portugais en 1 5 1 1 , elles n’ont que 50 habitants, avec des tortues.

X L V I I I . — Le président Tsiranana au marché de Tananarive. Digitized by

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HISTOIRE DE V A F R I Q U E NO IRE

Farquhar est plus à l’est. Ensemble elles constituent (avec les îles Chagos, situées au sud des Maldives et qu’on ne peut considérer comme africaines) depuis 1965 « le British Indian Ocean T erritory», à fins stratégiques. 4) Les îles Agalega et Saint-Brandon (ou Cargados Garagos), dépendances de Maurice. Saint-Brandon est un lieu de pêche, sans habitants permanents. Les Agalega, probablement découvertes en 1508 par les Portugais, furent retrouvées en 1758 par les Français. Des Mauriciens français, Barbé, puis Leduc, en entreprirent avec succès, de 1808 à 1830, la mise en valeur agricole. Des forêts de cocotiers et de filaos abritèrent une population noire, amenée de M aurice. M algré l’énorm e prépondérance masculine, elle restait paisible, grâce à la pratique acceptée de la polyandrie. Deux usines y pressent encore l’huile de coco.

Socotora, à 240 km à l’est du cap Gardafui, est géographiquement africaine, mais, humainement, plutôt asiatique. Les Grecs l ’appe­ laient Dioscorides (île des Dioscures) en racontant que Castor et Pollux y étaient venus et que le Phénix y renaissait de ses cendres. Son nom (Sakhadara) est sanscrit. Le Périple de la mer Erythrée y décrit une population mêlée d ’Arabes, d’ indiens et de Grecs. M arco Polo les déclare chrétiens. Saint François X avier les visita en 154 2 et les trouva nestoriens. Les Portugais occupèrent l’île de 1507 à 1 5 1 1 . Puis elle revint au sultan M ahri de Qishn, et fut convertie à l’Islam. En 1834 les Anglais l’occupèrent et le sultan, en 1888, accepta le protectorat britannique. 3 100 km*, 12 000 habitants, qui parlent un dialecte arabe particulier. Périm, dans le détroit de Bab el-Mandeb, est une île plate de 12 km*, probablement la Diodoros du Périple. Albuquerque y planta une croix. Les Anglais l’occupèrent en 1857 et la conservèrent comme position stratégique. Dahlac est un ensemble de 126 îles arides, situées en mer Rouge, à 50 km de Massaouah. L a plus grande, Dahlac K ébir, a 900 km*. En tout 2 500 habitants, surtout pêcheurs, parlant un dialecte tigré. Occupées par les M usulm ans au vn® siècle, ces îles furent un lieu de navigation au temps des premiers califes. Elles passèrent au Yémen, puis, au xn® siècle, formèrent un sultanat indépendant. En 1537, elles furent soumises aux Turcs, puis, en 1885, aux Italiens. E lles sont passées à l’Ethiopie, avec l’Erythrée, après la seconde guerre mondiale. Iles du nord-est

BIBLIOGRAPHIE

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C O N C L U S IO N

L ’A friqu e face au m onde Si, vers 1964, presque toute l ’Afrique au nord du Zambèze avait acquis un certain degré d ’indépendance politique, ces peuples avaient manifestement encore à résoudre les problèmes de coexistence sur un pied d ’égalité avec le reste du monde. Ils demeuraient pour la plupart des peuples paysans, à faible niveau de développe­ ment technique. Bien des années d ’efforts et d’expériences devraient s’écouler avant qu’ils puissent acquérir de nouvelles structures économiques capables de garantir les fruits de l’organisation et de la production industrielles. En conséquence, les situations économiques, politiques et idéologiques qui suivirent la conquête de l’indépendance politique ne pouvaient être regardées que comme provisoires, dans un sens exceptionnellement étroit de ce terme. Elles étaient — elles sont encore, dans une grande mesure — au pire des situations de frustration sociale aiguë, et, au mieux, de recherche expérimentale de formules nouvelles, capables de renfermer et d ’alimenter le contenu nouveau de la « vie moderne » avec ses chances.

r.

Cette transition nécessaire du vieux au neuf a du vaincre nombre . ... de périls. T out au long de la majeure partie de leur histoire, ces sociétés avaient pu maintenir un équilibre plus ou moins satisfaisant, fût-ce au prix de désastres et de famines partiels ou temporaires, entre la densité de la population et la capacité de production. Cependant vers 1965, cet équilibre avait nettement cessé d’exister sur de vastes régions du continent. Pour des raisons qu’on peut partiellement attribuer au développement de la médecine préventive, beaucoup — et peut-être la plupart — des populations avaient atteint un taux d ’accroissement démogra­ phique bien supérieur à celui du passé. L e taux général moyen pour l’Afrique tropicale a été évalué à environ 1,3 % par an de 1930 à 1950 (ce n’est évidemment une transition dxmcile

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HISTOIRE DE L'A FR IQ U E N O I R E

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guère plus qu’une estimation hasardeuse) ; mais, en 1965, on a calculé, sur de biens meilleures données, qu’il s’était élevé à 2,5 % au moins; et, dans certaines régions, il était certainement supérieur, voire bien supérieur (cf. par exemple, Com mis­ sion économique pour l’Afrique, La situation démographique en Afrique orientaley 20 juillet 1965; id., Séminaire sur les problèmes démographiques en Afrique, 19 6 2 ; id., Bulletin économique, Niveaux et tendances démographiques récents en Afrique ; et, à paraître, Résultats du recensement en Tanzanie de ig6y). Désormais existait la perspective du doublement de la population dans les quelques décennies à venir. Cependant, tous les observateurs convenaient que cette « explosion » démographique n’était accompagnée d’aucune élévation com parable de la production ni de la productivité, en particulier dans le secteur agricole. Des disettes chroniques beaucoup plus sérieuses étaient donc à prévoir, à moins de trouver les moyens d ’améliorer radicalement les méthodes et le rythm e de production des aliments et autres biens nécessaires. Cette crise latente de structure ne doit être considérée que partiellement comme le résultat direct du régime colonial. Bien plus profondément, elle reflète une insuffisance de structure qui date du début du x ix e siècle. Cependant, il demeure vrai que ce « dépassement » de « l’Afrique traditionnelle » s’est grandement accé­ léré après 1940 environ. Une des raisons principales était la croissance rapide de populations semi-urbaines établies, comme avaient coutume de dire les Belges, « hors chefferies», par suite des pressions économiques coloniales; c’est-à-dire établies hors des limites de la loi et de la coutume traditionnelles. Il est probable que, vers 1965, jusqu’à un quart de la population de l’Afrique tropicale habitait dans les villes ou les communes de banlieue, et cette proportion croissait sans doute rapidement. Il s’ensuivit plusieurs problèmes aigus pour les nouveaux régimes d’indépen­ dance. L ’un d ’eux était l’évolution d ’une division plus profonde entre les intérêts des habitants des villes et ceux des villages. Les premiers pouvaient jouir d ’un travail salarié régulier dans de nouvelles entreprises commerciales et industrielles, tirer avantage de nouvelles occasions d ’instruction conduisant à des postes « à col blanc » bureaucratiques ou autres, se trouver attirés de plus en plus complètement dans la politique et les récompenses de l’indépendance. M ais, au village, la plupart du temps, on restait privé de ces gains. Ce conflit d’intérêts fut souligné par la naissance de nouvelles couches sociales. Dans beaucoup de ces pays naquit une bourgeoisie indigène, ou au moins une « proto-bourgeoisie » qui supplanta les Européens dans leurs situations privilégiées et parfois étendit celles-ci, alors que les paysans, qui étaient des millions dans l’intérieur, vivaient presque exactement comme autrefois. E t cette stratification sociale s’approfondissait continuellement par la prolifération de postes administratifs qui pouvaient bien fournir des salaires à ceux qui sortaient de l’école, mais que les masses paysannes considéraient avec un sentiment grandissant de consternation

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L 'A FRIQ U E FACE A U M O ND E

et de frustration. Les porte-parole de l’indépendance nationale leur avaient promis beaucoup — bien plus, par la nature des choses, qu’on ne pouvait en réaliser dans cette « révolution d ’espérances croissantes»; il n’était pas surprenant que la déception ait été à la fois violente et générale. En outre, après 1965, il fut clair que tout nouveau progrès demeurerait impos­ sible sans une productivité et une production beaucoup plus grandes. Mais, en retour, ceci exigeait la mise en œuvre de politiques économiques — et donc de politiques sociales — qui pussent transformer des positions et des habitudes de « subsistance » en celles d ’excédents délibérés et d ’accumulation. Ceci exigeait un changement qui pût unir les efforts des paysans au moyen de coopératives ou par d ’autres formules appropriées, afin d ’atteindre à des niveaux de production bien supérieurs; et ce changement aurait à se faire, étant donné la pénurie inévitable de capitaux et de biens de consommation, sans l’incitation de quelque amélioration matérielle immédiate et correspondante. Cette sorte de révolution ne pouvait en aucun cas être facile, comme l’histoire du x x ® siècle l ’a amplement montré en Asie et en Europe; en Afrique, elle était et est rendue plus difficile encore par les circonstances de la décolonisation.

Les minorités instruites firent beaucoup pour leurs peuples. Elles agirent en véritables pionniers, et non en vain. Elles apprirent le langage du nationalisme européen, et forgèrent les mouvements poli­ tiques qui rendirent aux Africains la responsabilité de leurs vies et de leur avenir. Elles ont peint d ’une nouvelle couleur l’arc-en-ciel des civilisations mondiales. Elles ont doté l’Afrique d ’une nouvelle position dans le monde. M ais, après i960, il devint clair qu’elles avaient en général épuisé leur pouvoir de créer, leur capacité d ’élaborer de nouvelles attitudes et de nouvelles ossatures sociales. Elles étaient, au sens large, les victimes de leur propre succès. Prises au piège de leur situation de minorités privilégiées, elles trouvèrent de plus en plus de difficultés à faire jouer les structures européennes et coloniales qu’elles avaient assumées. En face des pressions souvent turbulentes des masses désappointées, elles furent obligées d ’adopter des positions d ’autodéfense de plus en plus hostiles. Vouées au dessein de se constituer en bourgeoisies nationales, elles furent ainsi conduites à adopter toutes les attitudes de leurs prédécesseurs européens des xvra® et xrxe siècles; et les efforts conséquents pour s’enrichir rapidement par tous les moyens aiguisèrent rapidement leur impopularité. Il advint ainsi que le fossé entre les villes et les villages fut continuellement élargi par les élites grandissantes, dont la réputation était souvent devenue celle d ’égoïstes insouciants, corrompus et indifférents au bien-être des masses. Cet état de choses se perpétuant, les nouveaux régimes furent l’un après l’autre frappés d ’instabilité chronique, de la crainte d’être renversés, et de « coups d ’Etat » d ’un

profits et pertes

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H I S T O I R E D E L'A FR 1Q JU E NO IRE

662

genre ou d ’un autre. L à encore ces élites furent victimes de leurs propres succès. Passionnément conscientes des avantages d ’une instruction moderne, elles veillèrent, dans beaucoup de pays, à une expansion rapide de l’enseignement. Plusieurs pays, en particulier en Afrique occidentale, avaient désormais obtenu l ’enseignement primaire obligatoire, aussi bien qu’une bonne mesure d ’enseignement secondaire et supérieur. Cependant, en 1965, les économies de ces pays, n’ayant pas réussi à se développer au même rythme, étaient incapables de procurer désormais aux élèves quittant l’école les postes relativement privilégiés auxquels ils souhaitaient naturellement accéder. Ainsi, le clivage fondamental entre les élites et les masses — en un sens, entre les villes et les villages — se compliqua d’autres clivages à l ’intérieur de la société urbaine ou semi-urbaine. E t ces difficultés furent encore aggravées par le type même de l’enseignement secondaire et supérieur que les élites, suivant les exemples britanniques et français, avaient choisi de dispenser. Cet enseignement était nettement livresque, sans beaucoup de rapports avec les débouchés professionnels, et on commençait maintenant à dire qu’il se fondait beaucoup plus sur les conditions de l’Europe que sur celles de l’Afrique. U n e fois de plus, on constatait que l’extension ou l’expansion pure et simple des structures coloniales — dans leur forme ou leur contenu — pouvaient seulement aggraver la crise de transition. Les troubles politiques s’accumulèrent après 1965. Vers 1968, environ un quart des pays africains indépendants étaient soumis à des gouvernements militaires qui, pour la plupart formant eux-mêmes une aile des élites, avaient supplanté des contreparties civiles qui ne pouvaient plus tenir pied. Ces coups d ’ Etat étaient de différentes sortes. Mais la plupart aboutissaient à la même conclusion : le seul avenir des gouvernements du type né de l’indépendance résidait dans la défense d ’une minorité privilégiée par des méthodes de gouvernement plus ou moins autocratiques. L ’indépendance avait progressé sur les vagues d ’un large soulèvement populaire; pour le moment au moins, la marée démocratique était évidemment tenue en échec. Il y avait d’autres leçons à tirer, dont les moindres n’étaient pas dans la valeur relative du nationalisme. A u xix® siècle, le nationalisme européen avait réduit les nombreuses centaines de sociétés indépendantes de l’Afrique à une quarantaine de colonies. Ce nationalisme, transféré aux mains des Africains, s’était à son tour révélé la clef de la libération politique. M ais ce fut sans fournir la réponse à un problème parallèle : comment concilier le séparatisme local avec l’unité nationale ? Il devint rapidement clair que cette conciliation ne serait pas plus aisée en Afrique q u ’en Europe. En 1967, après des émeutes et des convulsions effrayantes, la grande fédération nigériane était tombée dans une véritable guerre, lorsque la région orientale, qui comptait une dizaine de millions d ’habitants, en majorité des Ibo, avait tenté une indépendance séparée. Bien que sur une moindre échelle, et sans autant de violence, beaucoup des nations nouvelles furent confrontées à des problèmes comparables.

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L ’AFRIQ UE FACE A U M ONDE

663

C ’est pourquoi, vers 1970, la situation générale de l’Afrique indépendante reflétait des instabilités et des insuffisances dont on ne pouvait triompher ni rapi­ dement ni aisément. Si, dans l’ensemble, le sentiment général conservait néanmoins son optimisme et sa confiance, c’est parce que le processus de décolonisation avait été authentiquement émancipateur. L ’avenir était difficile — nécessairement difficile — mais il restait ouvert, comme il ne l’avait jam ais été auparavant.

Les circonstances de cette libération ont fait qu’une confusion plus ou moins totale devait régner dans le domaine de l ’idéologie. Les précurseurs l’avaient bien vu. « Pour ma part, écrivait Frantz Fanon dès la fin de i960, plus profondément je pénètre dans les cultures et les politiques de l ’Afrique, et plus je m’assure que le plus grand danger qui menace l’Afrique est l ’absence d ’idéologie » {Pour la Révolution africaine, Paris, 1964). Ces mots étaient prophétiques. Si, dans leur ensemble, les élites étaient satisfaites d ’hériter des attitudes et des idéologies de leurs anciens maîtres, certains n’avaient pas la claire notion d’une alternative possible et, naturellement, elles reflétaient en cela la nature des sociétés dans lesquelles elles vivaient. Néanmoins, l’arène de discussion — voire d ’action — n’était nullement déserte. On disait qu’il fallait d ’abord gagner du temps, d’où un certain « neutralisme » plus ou moins sincère qui devait piloter ces jeunes nations entre le Scylla du monde occidental et le Charybde des pays de l’Est. Mais pourquoi fallait-il gagner du temps ? Certes, les discussions ne manquaient pas sur ce point. Ç à et là, elles aboutirent, comme au Sénégal et au K enya, à l’élaboration de « nouvelles idéologies », comme le « socialisme africain », qui reposait sur la croyance historiquement discutable que les structures précoloniales avaient été socialistes en quelque manière; elles se révélèrent, en l’occurrence, illusoires. Quelques pays, comme le Nigeria et la Côte-d’Ivoire, s’engagèrent franchement dans une entreprise de « contruction du capitalisme » dont les résultats, au Nigeria, s’avérèrent contestables. Ailleurs, comme au Ghana et en Guinée, on s’efforça de progresser vers des structures qui supposaient des principes et des méthodes socialistes; mais ces efforts eux-mêmes apparurent extrêmement difficultueux; ils présumaient de la possibilité d ’instaurer le socialisme dans de petits — voire très petits — pays, dotés de peu d’industries et de peu d ’énergie électrique, avec une population en majorité rurale et illettrée. Instruits par leur expérience, la Tanzanie et un ou deux autres pays entreprirent de nouveaux efforts dans la même direction, mais sur des bases plus authentiquement « indigènes», en 1970. U n autre thème dominant était celui du panafricanisme. Né outre-Atlantique, l’Afrique indépendante l’invoquait pour remédier à la désunion génératrice d’une faiblesse inhérente au nationalisme. Sur le terrain sentimental, il trouva un large écho. Il était justifié en pratique par de sérieux arguments économiques et politiques. Tendances idéologiques

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H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E MO IR E

664

Et on fit quelques progrès vers la réalisation de structures panafricaines, au moins en théorie. 1963 vit la naissance, soutenue presque unanimement par l’Afrique indépendante, d ’une Organisation de l’Unité africaine (O .U .A .), dont le siège se trouvait à Addis-Abeba, qui devait unifier les plans et les politiques de tous ses membres. Pourtant, cet effort prodigieux d ’unification « à partir du sommet » — c’est-à-dire en partant de l’échelon du gouvernement, et non des partis ou des mouvements populaires — se révéla en grande partie un échec. Cinq ans plus tard, le Président Nyéréré de Tanzanie, parlant au Parlement libérien, pouvait encore répéter que l’unité africaine, si vitale pour le progrès de l’Afrique, ne pouvait signifier qu’une « union d ’Etats africains, le transfert d ’une partie de la souveraineté de nos unités nationales à une nouvelle unité dont nous faisons tous partie..., une espèce de gouvernement fédéral auquel les gouvernements de tous les Etats ont abandonné quelques-uns de leurs pouvoirs respectifs... Il doit y avoir un organisme représentatif... qui puisse coordonner et faciliter la mise en valeur écono­ mique de l’Afrique dans son ensemble, de façon à assurer le bien-être de toutes les parties du continent » (cité in West Africa , 16 mars 1968).

rr

f „

,.

Vers 1970, la confusion et la frustration générales commencèrent à être compensées par certains avantages définis, à mesure que les gens appréhendaient plus fermement leur véritable situation. On commençait à voir qu’il était peu vraisemblable que l’Afrique suive la voie de l’Amérique latine, en partie parce que ses élites dirigeantes étaient d ’origines vraiment indigènes et en partie parce qu’elles avaient une position beaucoup plus faible que celles qui étaient héritières des Espagnols et des Portugais. Ç à et là, quand le réformisme s’avérait impossible à cause de l’intransigeance coloniale, comme dans les colonies portugaises ou dans les pays d ’Afrique du Sud encore régis par des minorités blanches racistes, on trouvait des tendances révolutionnaires d ’un type nouveau. Ailleurs, les choses devenaient plus claires, dans des secteurs de plus en plus larges de la population, quant aux possibilités de progresser vers des niveaux de vie plus élevés et de plus larges libertés. Beaucoup d ’illusions s’étaient évanouies en fumée, bien des mythes affolants s’étaient dissipés dans ces années d ’épreuve depuis i960. Les problèmes posés par le passage des structures tradi­ tionnelles aux structures modernes restaient énormes; ils étaient encore grossis par la pression démographique; mais il y avait du moins des indications que les moyens de les aborder seraient moins inefficaces qu’auparavant. Les attitudes mondiales ont reflété ces changements, souvent d ’une façon qui marquait une modification permanente de perspective. Que ce soit dans le domaine de l’histoire ou de la culture, par exemple, on accepte maintenant largement que la civilisation africaine soit un sujet digne d ’étude et de respect. On aborde maintenant les Africains avec un intérêt systématique et scientifique qui n ’existait Un monde à conoutnr

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L'AFRIQ U E FACE A U M ONDE

665

pas auparavant. Frayant d ’arrache-pied leur chemin vers un renouveau total de leur civilisation, les Africains sont entrés sur la scène du monde ; si c’est une entrée difficile et souvent pénible, elle n’en est pas moins irréversible. Dans un sens ignoré du passé, l’histoire de l’Afrique devient maintenant une part pleine et fertile de l’histoire du monde.

BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE

L a bibliographie de 1*Afrique contemporaine est déjà vaste, et s’ajoute chaque semaine. Pour commencer, on consultera avec profit les écrits des Africains eux-mêmes, par exemple :

K aunda (K . D .). Zambia shall be free , 1962. — A humanist in Africa, 1966. N (K .). Autobiography, 1957. — Africa must unite, 1963. N y é r é r £ ( J . K .). Freedom and unity, 1966. O oinoa (O .). Not yet Uhurut 1967. S en o h o r (L. S.). Nation et voie africaine du socialisme, 1961. T o u r é (A. S.). L'Afrique en marche, 1966. — Défendre la révolution, 1967. k r u m

a h

On notera qu’il y a déjà un certain nombre d’études et d’analyses territoriales et régionales; on les trouvera citées, du moins partiellement, dans les œuvres qui suivent ici. Celles-ci résument quelques livres d ’une portée spéciale : même si leur valeur est inégale, ils conduiront à des lectures plus approfondies :

C o r n e v in (R .). Histoire du Togo, 1964. D avidson (B.). Révolution en Afrique : la libération de la Guinée portugaise, 1969. D ecraene (P.). Le Panafricanisme, 1959. D (H .). Le Sénégal et la Gambie, 1965. — Madagascar, 1968. D u m o nt (R .). L'Afrique noire est mal partie, 1962. E wtno (A. F .). Industry in Africa, 1968. G reen (R . H .) et S eidman (A .). Unity or poverty? The economics o f pan-africanism, 1968. H u n t e r (G .). The new societies o f tropical Africa, 1962. K itchen (H .). The educated African : A country-by-country survey, 1962. L eoum (C .). Pan-africanism : A short political guide, 1962. S a m ir A m in . Le Développement du capitalisme en Côte-d'Ivoire, 1963. S a m ir A m in et C o q u e r y -V id r o v it c h (G.). Histoire économique du Congo, i88o-ig68, 1969. S u r e t -C a n a p e (J.). La République de Guinée, 1970. W a u t h ie n (C .). L'Afrique des Africains : Inventaire de la négritude, 1964. e s c h a m

p s

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G o o g le

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C hronologie

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H ISTO IRE

668

DE L 'A F R IQ U E

N O IR E

I. — XIXe SIÈCLE : DE 1800 A 1855 | G É N É R A L IT É S

SÉN ÉG A L

E X P L O R A T IO N S , T R A I T E

M A U R IT A N IE

SO U D A N O C C ID E N T A L ET

ZONE

CENTRAL

GUINÉENNE

I

!

i 1800

j

1803

M oham m ed-el-T ounsi au D ar­ four et au O u a d aï ( 18 0 3 - 1 8 1 3 ).

1805

D euxièm e exploration de M ungo Park. Sa m ort.

1807

Le P arlem ent b rita n n iq u e p ro ­ hibe la traite de* Noirs.

1808

B urkhardt en N ubie.

A v è n e m e n t d ’Oseï Bocsîc r.\ A c h a n li.

1

Assassinat de l’alm am y couleur A bdel K ader.

F re e to w n devient colonie ta n n iq u e .

tou-

D r? -1

I

1809

G u erre sainte d 'O s m a n dan Fodio. D éfaite des rois H aoussa. E m p ire peul de Sokoto. Les Anglais s’em parent Saint-L ouis.

I

t

de

i

1810 j

1811

Les pombtiros ont jo in t l'A ngola a u M ozam bique p a r terre ( 18 0 2 - 1 8 1 1 ).

18 1 2

1815

1

L a R épublique Lébou indé­ p e n d an te d u C ayor.

E l-K anem i libère le Bom ou de l'invasion Peul. ( 1 8 1 6 ) : m o rt d 'O s m a n d a n Fodio. L 'E m p ire divisé en tre Sokoto e t G w andou.

La traite des N oirs est interdite p a r N apoléon e t condam née a u T ra ité de V ienne.

1817

Bowdich à G oum assi.

Plan de colonisation de Schm altz. B athurst, chef-lieu d e la G am bie.

1818

Molli en traverse le Ferlo e t le F outa-D jalon.

F ondation de Bakel.

1820

P elletier e t C aventou découvrent la quinine.

18 2 2

D enham e t C lap p erto n a u Bornou e t pays voisins ( 18 2 2 18 2 4 ).

;

1

Les Peul envahissent le N oupé. Chékou A m adou crée l'E ta t d u M acina.

A vèn em en t de D ah o m ey .

Guère

ni;

Les esclaves am éricains bVrs fondent M onrovia. I>u. f anglaise e n Achanti.

1823

1 8 2 5 -1 8 2 8

C lapperton et L ân d e r à Sokoto ( 18 2 5 - 18 2 7 ). R ené C aillié à T om bouctou ( 18 2 8 ).

1830

L an d e r résout le problèm e du N iger.

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( 18 2 6 ) : les Peul d u M acin a d om inent T om bouctou. E clatem en t d u grand royaur* y o ro u b a d ’O yo.

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669

CH RO NO LO GIE

I. — XIXe SIÈCLE : DE 1800 A 1855 A F R IQ U E C E N T R A L E r O R Ê T E T SA VAN ES)

N O R D -E ST

*s F a n g s’enfoncent dans la fo rê t v e rs le sud.

Ethiopie : Ere des« Masafent», trois royaum es et désordre.

E ST E T

SU D

L E S IL E S

j A ndrianam poinim erina achève la réunification de l’Im erina.

1800

j Decaen gouverneur général des | M ascareignes. G uerre de j course.

1803

i j

1805 1 1

1807

1808

1809 M ort d ’A ndrianam poinim erina. A vènem ent de R a d a ­ m a I * . Les Anglais s’em p a­ re n t des M ascareignes.

1810

1811

1812 8t f)} : expédition Turkey à l’e m b o u c h u re d u Congo. D ésastre.

Le C ap cédé aux Anglais.

N apoléon à Sainte-H élène. M aurice cédée aux Anglais.

18 1 5

C haka roi des Z oulou; conquêtes, dévastations.

R a d am a soum et T am atav e et, sur la dem ande anglaise, abolit la traite.

18 1 7

18 1 8

Seyid-Saîd intro d u it le giroflier à Z anzibar.

* M éhém et-A li com m ence conquête du Soudan.

1i Révolte

Les A rabes à T ab o ra.

la

Les Anglais reconnaissent R a ­ d a m a com m e roi de M a d a ­ gascar.

1820

1822

soudanaise écrasée.

i i

K hartoum capitale du dan ( 18 2 5 ).

Sou­

M zilikazi, fuyant C haka, fonde le royaum e Ndébclé.

D ébuts des conquêtes de R a d am a (côte Est et côte O uest).

1823

D ingaan succède à C haka as­ sassiné.

M ort de R a d am a ( 18 2 8 ). A vènem ent de R anavalona. Réaction.

1 8 2 5 -1 8 2 8

1830

Les A rabes chez K azem bé.

i 1;

;

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670

HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E N O IR E

I. — XIX® SIÈCLE : DE 1800 A 1855

1 8 3 1 -1 8 3 2 1833

(su ite)

G É N É R A L IT É S

SÉN ÉG A L

E X P L O R A T IO N S , T R A IT E

M A U R IT A N IE

M ac G regor L aird rem onte le b a i N iger en vapeur. L 'A ngleterre abolit dans ses colonies.

A bandon du cultures.

système

S O U D A N O C C ID E N T A L ET

CENTRAL

Z O N E G U IN ÉEN N E

L es A c h a n ti renoocent s is c ô te .

des

l'esclavage

1834 1 8 3 5 -1 8 3 7

( 1 8 3 7 - 1 8 4 8 ) : Antoine d ’A bbadie

en Ethiopie. 1 8 3 9 -1 8 4 0

1841

E chec de la ferme-modèle âe L okodja.

1843

L a C ô te d e TO r prise es. ch arg e p a r la C o u rte , b rita n n iq u e . Comptoir»iri> çais en G ô tc-d ’Ivoire. |

1 8 4 6 -1 8 4 7 18 4 8

Proclam ation de la R épublique au L iberia ( 18 4 7 ). La France abolit dans ses colonies.

l'esclavage

Le cheikh El Bekkay à T om ­ bouctou ( 184 8 - 18 6 3 ).

1849 1850

1 8 5 3 -1 8 5 5

M ission p ro te sta n te à Aie> kouta. |

Révolte des H oubbou contre les Peul au Fouta-D jalon. Le Parlem ent brésilien interdit la traite des Noirs. B arth explore le Soudan central ( 18 5 0 - 18 3 3 ).

P rotêt gouverneur du Sénégal. Fondation et défense de Podor.

Livingstone traverse l'A frique du C ap à L oanda, puis de Loanda à l’em bouchure du Zam bèze ( 18 5 2 - 18 5 6 ).

Faidherbe gouverneur du Sé­ négal ( 1854 ^ 18 6 5 ). O p é ra ­ tions contre les M aures ( 18 5 5 - 18 5 8 ).

P ro te cto rat anglais sur Lara (1851).

El H adj O m a r conquiert le pays m alinké et s’installe à Nioro.

Baikie expérim ente la qui^ire p re v en tiv e ( 18541 .

!

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671

CHRONOLOGIE

I. — XIXe SIÈCLE : DE 1800 A 1855 A F R IQ U E FO RÊT

CENTRALE

ET

SA VAN ES)

N O R D -E S T

EST

ET

SU D

L E S IL E S

Seyid-Sald transfère sa capitale de M ascate à Z an zib ar.

Je a n L a borde à M adagascar. Coolies indiens à M aurice.

tra ite ab o lie théoriquem ent en A ngola.

M oshweschewe regroupe les Sotho.

jl

L e G ra n d T rek. Les Boers chas* sent les N debelé. 'ra ité Boüet-D eni» a u G abon 0 8 3 9 ).

Salim rem onte le N il ju sq u ’à G ondokoro.

►es P o rtu g a is à la cour du M w a a n t Y aav (L u n d a).

►ébut d e l’expansion Tchokw é ( 1 8 5 5 ).

R an av alo n a proscrit le chris­ tianism e.

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1841

1846

M assaouah annexée à l’Egypte O 846 ).

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1835

1843

Les A nglais annexent le N atal.

T ew odros em p ereu r d ’Ethiopie (* 8 5 5 ). D écouverte d u Bahrel-G hazal ( 18 3 5 ).

1833

1 8 3 9 -1 8 4 0

Les Français annexent M ayotte e t N oai-B é.

') L es P e u l arrêtés p a r les B am oun.

1 8 3 1 -1 8 3 2

1834

L es M akololo s’e m p a ren t du royaum e lozi ( 18 4 0 ). Bataille de Blood R iv er; D ingaan tué p a r les B oen.

.d am a fonde l’A dam aw a, ra tta c h é à l’E m pire Peul. o rt fra n ç a is a u G abon (futur L ib re v ille).

(su ite )

K ra p f et R ebm an découvrent le K ilim a n d ja ro e t le K enya.

1848

Livingstone N gam i.

lac

1849

Les N goni ém igrés sur le lac N yassa. M tesa roi du B uganda.

1850

F o n d atio n des R épubliques de T ran sv aal ( 18 5 3 ) et d ’O range ( 1 8 5 3 ).

1 8 5 3 -1 8 5 5

découvre

le

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HISTOIRE DE L 'A F R IQ U E N O I R E

672

IL — XIX« SIÈCLE : DE 1856 A 1885

1 8 5 7 -1 8 3 9

1 8 6 0 -1 8 6 2

1 8 6 3 -1 8 6 5

G É N É R A L IT É S E X P L O R A T IO N S , T R A IT E

SÉN ÉG AL M A U R IT A N IE

SO UDAN O C C ID E N T A L ET CENTRAL

Burton et Speke au Tanganyika. Du Chaillu dans la foret du Gabon (1857-1863). Living­ stone découvre le lac Nyassa (1858-1864).

Protêt prend possession du village de Dakar. Faidherbe crée les Tirailleurs séné­ galais (1857).

Echec d’ El Hadj-Omar devant le fort français de Médine («857).

Speke longe le lac Victoria et revient par le Nil (1860-1863).

Occupation du Cayor. Lat Dior, devenu Darnel, luttera contre les Français. Ma-Ba attaque le Saloum; il est vaincu par Pinet-Laprade (1862-1867).

El Hadj-Omar conquiert Ségou et le Macina.

Pinet-Laprade gouverneur (1865-1869); création du port et de la ville de Dakar.

Les Touareg dominent à nou­ veau Tombouctou (1865). Insurrection des Peul et mort d’El Hadj-Omar.

Mage à Ségou. Fin de la guerre de Sécession et de la traite européenne (1865).

1 8 6 6 -1 8 6 8

Départ de Livingstone pour son troisième voyage (1866).

1 8 6 9 -1 8 7 0

Nachtigal explore le Tibesti, le j Le Sénégal produit 20 000 ton­ Tchad, le Ouadal et le Darfour nes d’arachides. (1868-1874). Ouverture du ca­ nal de Sues (186g).

1 8 7 1 -1 8 7 3

1 8 7 4 -1 8 7 7

1 8 7 8 -1 8 8 0

GUINÉENNE

Dahom ey : mort de G-jr:\ avènement de Glélé i1ttjj. i

Ib ad an devient la prinapaie cité Yorouba. Les An$.iJ 1 annexent Lagos (1861;.

1 4 i

1

1 Samori devient fama de Bissandougou (1873).

Les H ollandais cédrat »j A n glais leurs comptoirs x U C ô te de l’Or (187;

Brière de L'Isle gouverneur du j Tiéba fonde le royaume de Sénégal; reprise de l’expan- 1 Sikasso. sion (1876-1881).

L es A n gla is occupent Oxm assi et l’évacuent u r v

Stanley retrouve Livingstone à Oujiji (to-i 1-18 71). Mort de 1 Livingstone près du lac Bangouéolo (1873). Deuxième exploration de Stanley qui traverse l’Afrique en dé­ couvrant le Congo. Brazza remonte l’Ogoué (1875-1879). Conférence de Bruxelles, créa­ tion de l’Association Interna­ tionale Africaine (1876).

ZO NE

1t

j

i

1

j

1

!

Brazza, par l’Ogoué, atteint le

1

Congo ( 18 8 0 ).

i 1 8 8 1 -1 8 8 3

Les Anglais occupent l’ Egypte ( 18 8 2 ).

1 8 8 4 -1 8 8 5

Conférence de Berlin : règles j d’occupation, création de l’Etat 1 ! indépendant du Congo. 1 1 1

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Samori s’empare de Kankan Protectorat français sur * (1881). Borgnis-Desbordes Fouta-Djalon ( 188 :, et »occupe Bam ako (1883). S Porto-Novo ( 18 8 31 .

1

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!

Mamadou Lamine s’empare du Bondou. Achèvement du chemin de fer Dakar-SaintLouis.

1 Protectorat | Togo. |

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allemand sjt /

CHRONOLOGIE

673

IL — XIXe SIÈCLE : DE 1856 A 1885 A F R IQ U E C E N T R A L E F O R Ê T E T SAV A N ES)

N O R D -E S T

E S T E T SUD

Les Anglais occupent Périm (1857).

L E S IL E S

File

Les Européens chassés Madagascar (1857).

*cs Fang atteignent l'Ogoué. Le royaume du Congo incorporé à l’Angola.

.es traitants arabes atteignent le Congo, à Nyangoué.

de

1857-1859

Mort de Ranavalona I r* (18 61); son fils Radama II roi; retour des Européens et du christianisme.

1860-1862

Baker découvre le lac Albert (1864). Ménélik roi du Choa (1863).

Mirambo lutte contre les Arabes dans l’Unyamwézi (1865). Les Lozi chassent les Makololo.

Radama étranglé ( 1863) ; Rasoherina reine; Rainilaiarivony premier ministre (P. M.).

1863-1865

Expédition Napier; suicide de Tewodros (1867). Ismail Khédive (1867).

Découverte des diamants Kimberley (1867).

de

Ranavalona II reine (1868). Le P. M . l’épouse. Grandidier explore Madagascar (1865-1870).

1866-1868

Schweinfurth explore le « Pays des Rivières » et découvre l’Ouellé (1868-1871). Les Italiens à Assab (1869).

Introduction de coolies hindous au Natal (1870).

La reine et le P. M . se con­ vertissent au protestantisme (1869).

1869-1870

Isiri absorbe le royaume de Kazembé (1872).

J oharmés empereur d’Ethio­ Sur un ultimatum anglais, le pie (1871). sultan Bargach interdit la traite (1873). Gouvernement auto­ nome au Cap.

1871-1873

’esclavage aboli en Angola (1875). Tippou Tip consti­ tue un Etat esclavagiste au Congo.

Ménélik commence la con­ Protestants et catholiques à la quête du Sud. Les Egyptiens cour du Buganda. occupent Harrar (1875). Zoubalr, gouverneur égyp­ tien du Bahr-el-Ghazal, con­ quiert le Darfour (1873).

1874-1877

abah razzie le Dar-Fertit et le pays Sara (1888). Stanley fonde des postes au Congo (1879-1884).

Rabah aux pays Banda, Kara et Kreich ; recrutement et traite.

1878-1880

es A rabes atteignent l'Arouhouim i.

Révolte

Première guerre franco-merina. Avènement de Ranava­ lona II I (1883).

1881-1883

es M andjia repoussent Rabah. Protectorat allemand sur le Cameroun.

Le Mahdi s’empare de Khar­ Création du Sud-Ouest Africain Traité franco-malgache (1884) : toum ; Gordon tué (1883). le protectorat fantôme. allemand. Peters passe des Lagarde crée la Côte Fran­ traités dans l’ Est Africain. Dé­ çaise des Somalis. Les Ita­ couverte de l’or au Transvaal. liens prennent Massaouah.

1884-1885

du

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Mahdi

(1881).

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Lewanika agrandit le royaume Lozi. Guerre anglo-zoulou (1879)-

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H IS T O I R E D E L ' A F R I Q U E N O I R E

674

III. — PÉRIODE COLONIALE : DE 1886 A 1920 A F R IQ U E O C C ID E N T A L E F R A N Ç A IS E

A F R IQ U E O C C ID E N T A L E B R IT A N N IQ U E E T A U T R E

Lat Dior tué; le Cayor annexé (1886). Mamadou Lamine vaincu par Gallieni (1887). Samori assiège en vain Sikasso.

Le gouverneur anglais met fin

1889-1891

Traités de délimitation anglo- Archinard chasse Ahmadou de Ségou et de Nioro, puis con­ francoalleinands en Afrique quiert l’empire de Samori. o c c id e n ta le et o r ie n ta le Création de la Guinée fran­ (1889) . Conférence antiçaise (1890). esclavagiste de Bruxelles (1890) .

Première exportation de cacao de Gold Coast (18 9 1).

Nisi ri tué. Les Belges au Ka­ tanga. Senoussi, lieutenant de Rabah, massacre Crampd (18 9 1).

1892-1895

Traités de délimitation francobelgo-anglo-allcmands ( 1 894) en Afrique centrale et orien­ tale. En France création du ministère des Colonies et de l’ Ecole Coloniale (1894).

Création de l’ A.O .F. (1895). Boiteux à Tombouctou (1893). Deuxième empire de Samori (1894-1896). La Côtc-d’ Ivoire colonie (1892). Conquête du Dahomey (1892-1894).

Protectorat anglais sur le Bénin (1892).

Les Belges détruisent la puis­ sance arabe au Congo iiSo.41898). Rabah conquiert le Baguirmi et le Bornou.

1896-1898

Traites anglo-français (1898). Joe Chamberlain ministre des Colonies britanniques (1895-1903).

Conquête du Mossi (1896). Les Français occupent Gao (1898). Samori capturé (1898).

Les Anglais reviennent à Coumaxsi et détrônent le roi (1896). Prise et incendie de Bénin-City (1897).

Gentil, par l’Oubaneui et !e| M; Chari, atteint le lac Tdud ) (1897). Achèvement du die-J min de fer Léopolcv.J.?* : M atadi (1898). |

1899-1900

Les trois missions françaises parties d’ Algérie, du Sénégal et du Congo se rejoignent au Tchad (1900). Ross découvre le rôle de l’ano­ phèle dans le paludisme (1899).

Le sud du Soudan français rat­ taché à la Côte-d’Ivoire et à la Guinée (1899).

Création de la Nigeria du Nord; Lugard gouverneur (1900).

Bataille de Koussri. Les tr:j| missions françaises battes: Rabah qui est tué 1900). Les grandes corv.essions au Congo (idyÿ.

Dakar capitale de l’ A.O .F. ( 1 902). Mission Coppolani en M auri­ tanie (id.).

Les Anglais conquièrent l’ Empire Peul (1903). Annexion de l’Achanti (1902).

Exportation d’okourué Gabon (1902).

G É N É R A L IT É S

1886-1888

Quatrième expédition Stanley, délivrance d’ Emin Pacha (18 8 7 -18 9 0 ). Exploration Binger, du Soudan en Côted’Ivoire (1887-1889).

1901-1904

1905-1909

1910-1913

Dernburg, ministre des Colo­ nies allemandes; réformes (1907)*

Traité franco-allemand agran­ dissant le Cameroun (19 11).

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aux conflits yorouba. Charte de la Royal Niger Company (1886).

A F R IQ U E CENTRALE

Les Tchokwé s’emparent du pays Lunda. Tippou Tip gouverneur des Falls.

sa

Léopold II lègue l’ Etat indé­ pendant du Congo à u Belgique (1908}. j

Coppolani assassiné (tqos). Gou­ raud conquiert l’Adrar mau­ ritanien (1908). Le gouverneur Angoulvant commence l’occu­ pation de la Côte-d’ Ivoire inté­ rieure (1908-1915).

i

I

Premières plantations de cacao : Nigeria unie (19 12 ); Lugard ; Réduction des grandes conci­ gouverneur général. Teixcira 1 sions du Congo lrai*,J>en Côte-d’ Ivoire. Prédication Création de F Afrique bqu»* Pinto soumet la Guinée por­ de Harris (19 13 -19 14 ). tonale Française (tpio . Ltf*: tugaise intérieure. geau achève la conquête uu Tchad (19 12-19 14!. F< re* gime du Congo belge 01 réformé (1910).

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Üj

675

CH RO NO LO GIE

III. — PÉRIODE COLONIALE : DE 1886 A 1920 SUD

N O R D -E S T

E ST

Addis-Abcba capitale. Ménélik prend Harrar (1887). Les An­ glais au Somaliland.

Révolte de Bouchiri contre les Allemands (1888). Imperial British East Africa Company (1888-1893).

L ’Ethiopie envahie par les Der­ viches. Johannès tué. Ménélik empereur. Traité d’ Ucciali avec l’Italie (1889).

Bouchiri pendu. Partage anglo- British South Africa Company allemand. Zanzibar protectorat (1889). Le Portugal doit britannique (1890). Lugard en renoncer à joindre Angola Ouganda. et Mozambique (1890). Cecil Rhodes P. M. du Cap (id.;.

Lagardc crée Djibouti.

Révolte des Héhé contre les Al­ lemands (1891-1892).

Deuxième guerre franco-merina. Les Français occupent Tananarive (30-9-1895).

1892-1895

Marchand atteint Fachoda ( 1898). Kitchener écrase les Mahdistes. Retrait des Français (1898). Ménélik bat les Italiens à Adoua (1896).

Chemin de fer du Kenya (1896- Le raid Jameson; Cecil Rhodes démissionne (1896). 1902). Immigrants indiens. L ’esclavage aboli à Zanzibar (1897). Le Ruanda sous pro­ tectorat allemand (1896).

La France annexe Madagascar. Gallieni gouverneur général (189b). Ranavalona exilée (1897).

1896-1898

Condominium anglo-égyptien sur Johnston organise le protectorat le Soudan (1899). Le « Mad de l’Ouganda (1900). Mullah » au Somaliland.

Le Barotséland et le Nyassaland protectorats britanni­ ques. Guerre des Boers (1899-1902).

Crise du sucre à la Réunion. Achèvement de la pacifica­ tion à Madagascar.

1899-1900

Colons blancs au Kenya (1901).

Les Allemands écrasent l’in­ surrection des Herrero, au Sud-Ouest africain (1904).

Les Seychelles érigées en colo­ nie (1903). Chemin de fer Tan anari ve-côte Est (1900 à 1909).

1900-1904

Convention italo-anglo-françaisc sur l’ Etliiopie (1906).

L E S IL E S

Protectorat français sur les Comores (1886).

1889-1891

1905-1909

Insurrection des Maji-Maji dans l’ Est Africain allemand (19051906).

Création de l’Union Africaine (1910).

Mort de Ménélik (1913). Lidj Yassou heritier.

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1886-1888

Sud-

Les Comores rattachées Madagascar (1912).

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à

1910-1913

676

H IS T O IR E D E L 'A F R IQ U E

III. — PÉRIODE COLONIALE : DE 1886 A 1920 G É N É R A L IT É S

A F R IQ U E

M OIRE

(su ite)

O C C ID E N T A L E

A F R IQ U E

O C C ID E N T A L E

F R A N Ç A IS E

B R IT A N N IQ U E E T A U T R E

A F R IQ U E

CENTRALE

i 1 9 1 4 -1 9 1 8

G uerre européenne. T roupes noires en France. Les colo­ nies allem andes conquises p a r Anglais, Français, Belges et Sud-Africains.

Biaise D iagne, élu député du Sénégal ( 1 9 1 4 ), vient en m is­ sion pour le recrutem ent m ili­ taire ( 1 9 1 7 )* Le chem in de fer de G uinée a tte in t K ankan ( 1 9 1 4 ).

Les A nglo-Français occupent le T ogo ( 1 9 1 4 )-

Les A n g lo -F ran çais conquiè- j re n t le C a m e ro u n ( 19 : 4-! 19*6).

1 9 1 9 -1 9 2 0

T raité de Versailles. Les colonies allem andes remises à leurs conquérants, à titre de m andats de la S.D.N.

C réation des colonies de la H auteV olta et du Niger ( 19 2 0 ).

Partage du Togo en tre Français et Anglais. Casely H ayford fonde le « W est A frican N atio­ nal Congress ».

Partage d u C a m e ro u n entre? Français et A nglais. Conver­ sion massive a u christianisme dans le C a m e ro u n Sud. [

1

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CH RONOLOGIE

677

III. — PÉRIODE COLONIALE : DE 1886 A 1920 EST

NORD-EST

(su ite)

LES ILES

SU D

! 1 Lidj Yassou déposé; Zaoditou im pératrice; Tafari régent (19 16 ). Achèvement du chemin de fer franco-éthiopien (19 17). Le Darfour conquis et annexé au Soudan (19 16 ).

l

Les Anglais et les Belges con­ quièrent l’ Est africain alle­ mand malgré une longue résis­ 1 tance. 1

M adagascar ravitaille la Fran­ ce en guerre. L a V .V .S ., organisation nationaliste, est condamnée (19 15).

1914-1918

I

1

11 Le Ruanda et le Burundi sous mandat belge. Le reste de l’ Est Africain allemand devient le mandat britannique du T an­ ganyika.

1919-1920

Le Sud-Ouest Africain passe sous mandat de l’ Union SudAfricaine.

1

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H ISTO IRE

678

IV. _

D E L 'A F R I& U E

N O IRE

PÉRIODE COLONIALE : DE 1921 A 1945 GÉNÉRALITÉS

1921-1925

AFRiqUE OCCIDENTALE A F R IQ U E O C C ID E N T A L E B R IT A N N iq U E E T A U T R E FRANÇAISE

I n d é p e n d a n c e é g y p tie n n e 1 Achèvement du chemin de fer Dakar-Bamako (1923). (1022). Mussolini en Italie (id.).

Guggisberg gouverneur de la Gold Coast (19 19 -19 27). Plan­ tation Firestone au Liberia

A F R iq U E

CEN TRALE

C o n stru ctio n d u chem in d** fer C o n g o -O c éa n ( 1 9 2 2 - 1 9 3 4 .

(1922).

1925-1929

Prospérité économique. Déve­ loppement de la production.

1930-1935

Crise économique mondiale. En France protection des pro­ duits coloniaux. En GrandeBretagne Commonwealth et préférence impériale. Com­ mencement des lignes d’avia­ tion. Exposition coloniale à Vincennes (19 3 1).

Abidjan capitale de la Côted ’ Ivoire (1934). L a HauteVolta rattachée en majeure partie à la Côte-d’ Ivoire (1932).

1

Hitler en Allemagne. Front populaire en France (19361937). Déclaration de guerre (3-9- 1939)*

Le Sénégal exporte 600 000 ton­ nes d ’arachides (1938). Les syndicats africains autorisés (« 936).

1940-1945

Deuxième guerre mondiale. France occupée; division des colonies en vichystes et gaul­ listes. Fin delà guerre (1945). L ’Italie abandonne scs co­ lonies. Création de l’O.N.U.

Une attaque anglo-gaulliste con­ tre Dakar échoue (23 au Q5-9-1940). Le gouverneur gé­ néral Boisson rallie l’A .O .F. au gouvernement d’Alger (2 3-111942).

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Jam ot, au C am ero u n , luit? contre la m a lad ie du som­ meil (19 2 6 - 10 3 2 ). Agitation m atsouam stc a u Congo fran­ çais (19 2 9 ).

|

1936-1939

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La Gold Coast produit la moitié du cacao mondial.

L a Gold Coast et la Nigeria servent de relais aux avions britanniques, puis américains, vers l’Asie. Tubm an president du Liberia (1944).

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L ’ A .E .F . et le Cameroun x rallient à de Gaulle iv2ü ic 28-8-1940). Leclerc y rail:î; des troupes pour faire cam­ pagne en L ib y e. Conference; de B razzaville sur le statut futur des colonies (i944:- I

CH RO NO LO GIE

679

IV. — PÉRIODE COLONIALE : DE 1921 A 1945 N O R D -E S T

EST

Sir Lee Stack assassine; réaction au Soudan (1924). Ghezira Scheme (1925). L ’ Ethiopic ad­ mise à la S.D .N . (1923).

Création de l’Association cen­ trale K ikuyu, où milite Jom o Kenyatta (1925).

Traité d’amitié (1928).

italo-éthiopien

Mort de Zaoditou; Tafari de­ vient l’empereur Haïlé Sélassié (19 30). Il promulgue une Cons­ titution. Incident de OualOual (1934). Invasion italienne de l ’ Ethiopie (3-9-1935).

Développement des cultures : café, coton, sisal.

Les Italiens occupent AddisA beba (5-4-1936) et organisent l’ A frica Orientale Italiana (A .O .I.). Mussolini réclame D jibouti (1938).

Jom o Kenyatta publie Face au Mont Kenya (1938).

Les Italiens occupent le Somali­ land (1940). Djibouti reste bloquée jusqu’en 1942. Les An­ glais occupent l’A .O .I. et res­ taurent Haïlé Sélassié (19 4 1).

Des troupes est-africaines colla­ borent aux opérations en Ethiopie et en Birmanie.

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SU D

L E S IL E S

L a Rhodésie du Sud reçoit Ralaim ongo réclame la promo­ tion politique des Malgaches. un gouvernement autonome Boom sucrier aux M asca­ (1922). L a Rhodésie du ! reignes. Nord passe au Colonial Ofhcc. Manifestation politique à T an a­ narive (1929). Progrès du café et des routes.

Loi coloniale portugaise (1930).

Smuts, contre Hertzog, décide de la guerre. Les troupes sud-africaines participent à l’occupation de l’ Ethiopie et de M adagascar.

1921-1925

1925-1929

Achèvement du chemin de fer Fianarantsoa-Côtc Est (1935).

1930-1935

Liaison aérienne régulière de M adagascar et des M asca­ reignes avec l’ Europe.

1936-1939

Attaque anglaise sur Dicgo-Suarez (5-4- >942). Le 14-9-1942 les Anglo-Sud-Africains débar­ quent à M ajunga et occupent M adagascar, remise en 1943 aux gaullistes.

1940-1945

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HISTOIRE DE L'A FR IQ U E N O IRE

680

V. — DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCES : DE 1946 A 1959

G É N É R A L IT É S

A F R IQ U E O C C ID E N T A L E « FR A N C O P H O N E »

A F R IQ U E O C C ID E N T A L E « A N G L O P H O N E >► ET AUTRE

--------------------------------------- r • A F R IQ U E C E N T R A L E ^ 1

1946

France : IV* République; 1’ « Union Française »; les Africains citoyens français représentés au Parlement; « Territoires d’outre-mer a 7 financièrement autonomes. Fonds de Développement (F.I.D.E.S.).

Congrès de Bamako; Rassemble­ Majorité africaine au Conseil de ment Démocratique Africain la Gold Coast (Constitution (R.D.A.) sous direction HouBums). La Nigeria découpée phouët-Boigny. Au Sénégal en trois régions (Constitution Richards). dominent les socialistes Lamine Gueye et Senghor.

i

Cameroun « Territoire sous tutelle ». Boganda députe de l'Oubangui. |

\

1947-1948

Constitution Sierra Leone (1947). Emeutes en Gold Coast (1948). Nigeria, Constitution Macpherson. Assemblées et gou­ vernements régionaux, organes fédéraux (1948).

Cameroun : U m Nyobé fonde l’U.P.C. (1948).

Elections en Gold Coast; Nkrumah chef gouvernement (19501951).

Liberté de presse et d’asso ^ ciation au Congo beist («95o). i

1949-1951

Les colonies portugaises de­ Inauguration du port d’Abidjan viennent « provinces d’outre­ (»95i). mer a.

1952-1955

C on féren ce de B andoung (i953); condamnation du « colonialisme ».

1956-1957

France : « Loi-cadre des Invasion marocaine repoumée en Nkrumah proclame l'indépen­ A u to n o m ie du C am eroun («957)- Pétrole de PortMauritanie; Nouakchott capi­ dance du Ghana (1957). Territoires d’outre-mer » Gentil. Lisette chef du gou­ tale (1957). Elections : gou­ (1856); semi-autonomie po­ vernement au Tchad. vernements locaux; pas d'or­ litique; suffrage universel. gane fédéral. Senghor et Houphouët-Boigny tour à tour 1 ministres en France.

1958

France : V* République; de Sylvanus Olympio président du Gaulle président ; la « Com­ Togo. Tournée de Gaulle. Ré­ férendum (28-9-1958). Tous munauté a remplace l’Union les Etats africains acceptent la Française; les Territoires « Communauté » sauf la Gui­ deviennent des Républiques née de Sékou Touré. associées; les fédérations (A.O.F., A.E.F.) disparais­ sent.

1959

Fin de l’A.O.F. Fédération du Mali (Sénégal-Soudan).

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Troubles au Cam eroun: ré­ pression; lutte de l’U.P.C. 1 clandestine ( 19 5 5 '. Univer­ sité de Lovanium («9M Boganda fonde le partM .E.S.A.N . (1952). 1

Autonomie du Togo (1953).

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Accra : conférence interafricaine.

Um Nyobé tué. Youlou pré­ sident du Congo- Brazza­ ville. Union douanière équa­ toriale remplaçant FA.E-F. Au Congo belge électiocs( municipales; partis impro­ visés. 1 Mort de Boganda. Fin de l’A.E.F. L ’ Union poliuque équatoriale échoue. Erceutrs de Leopoldville (4 au b-i : promesse belge d'independance. (

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CH RO NO LO GIE

681

V. — DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCES : DE 1946 A 1959

E ST

N O R D -E S T

L E S IL E S

SUD

Let Anglais achèvent d'évacuer l’Ethiopie.

1

Ligue de la Jeunesse Somali ( 1947) * Soudan ; Constitu­ tion; Victoire de l’Oumma (1948) .

Madagascar répartie en cinq pro­ vinces semi-autonomes, avec une Assemblée centrale. La Réunion département. Les Co­ mores détachées de Mada­ gascar.

1946

Union Sud-Africaine : victoire Nouvelle Constitution à Maurice électorale du Parti National (1947)(Malan) ; début de l’Apar­ Madagascar (29 au 30-3-1947) : déclenchement d’une vaste in­ theid (1948). surrection sur la Côte Est. Massacres. Répression.

1947-1948

U niversité d* Addis- Abeba (1950). La Somalie sous tutelle italienne pour dix ans (*949)-

Emeutes au Bouganda (1949). Université de Makéréré.

Union Sud-Africaine : ségréga­ tion raciale des sexes et des résidences, suppression du com­ munisme. L ’Union refuse de remettre le Sud-Ouest Africain à l’O.N.U. (1950).

Procès des parlementaires mal­ gaches.

1949-1951

L ’Erythrée fédérée à l'Ethiopie.

Ouganda : exil de Mtesa II Union Sud-Africaine : livret de (1953) ; barrage de Jinja travail obligatoire pour Afri­ (1954) ; rappel de Mtesa cains (1952). Fédération des (1955) . Kenya : révolte Rhodésies et du Nyassaland Mau-Mau (1952-1956).Tan­ (1953). ganyika : Nyéréré fonde la T.A.N .U . (1954).

Ministère Mendès France; me­ sures d'apaisement; Tsiranana député (i954-*955)*

1952-1955

Révolte du Sud Soudan (1955). Indépendance du Soudan (1956).

Elections à Zanzibar (1957)* Au Ruanda, manifeste des Bahutu (1957)*

Tsiranana chef du gouvernement (»957).

1956-1957

Proclamation de la République malgache (14-10). Tsiranana président.

1958

Union Sud-Africaine : Verwcerd président.

Soudan : Coup d’Etat mili­ taire; général Abboud pré­ sident.

1959

Représentation parlementaire des non-Blancs supprimée.

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H IS T O IR E D E L 'A F R IQ U E

682

N O IR E

VI. — DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCES : DE 1960 A 1970

G É N É R A L IT É S

1960

Grande année des indépen­ dances : L a « Communauté» de la V e République s’cfTace, remplacée par des accords bilatéraux. Les colonies bri­ tanniques évoluent de meme à des dates diverses. Le Congo belge explose.

1961

A F R IQ U E «

O C C ID E N T A L E

FRAN CO PH O N E »

A F R IQ U E «

O C C ID E N T A L E

AN G LO PH O N E » ET

1964

1965

I

CEN TRALE |

AUTRE

Le Sénégal se sépare du M ali; Srnghor président. HouphouétBoigny, président ivoirien, groupe l’ Entente (Côte-d’I ­ voire, H aute-Volta, Dahomey, Niger). Progrès de l’économie ivoirienne.

L e G hana république. Indépen­ Indépendance du Camer^m : dance de la N igeria; Azikiwé ! Ahidjo président. Léon Mna président du G ab on. Tomgouverneur général. balbayc président du Tchad. C ongo-K inshasa : iixiéfx:.dance proclam ée par les Belges (3 0 -6 ;. Kasavubu président, L u m u m b a chei gouvernem ent. Force pu­ blique m utinée. Sécession du K atan ga (T cho m b é p r u ­ dent}. C h ao s gênerai. L ’O .N .U . in tervien t.

Sékou Touré, président guinéen, rompt avec l’ U .R .S .S ., mais maintient sa position socialiste; investissements américains.

Indépendance de la Sierra Leone.

1962

1963

A F R IQ U E

Plébiscite au C am eroun bri­ tannique ( 1 2 - 2 ) ; le Nord ir rallie à la N ig e ria, le Suc au C am eroun . Congo-K:nsbasa : L u m u m b a assussu.r, scs partisans s’ em parret «je l’Est. A dou la form e un çucve m e ment cen tral. Angola : début de l’insurrection.

Parti unique au Tchad.

(Mai) Organisation de l’Unité Africaine; charte d’AddisAbeba.

Dans cette décennie les indé­ pendances s’affirment. Des liens sont maintenus avec les anciennes métropoles, dans l’ordre économique et financier, avec une assis­ tance technique et parfois un appui militaire. Mais l’attraction des deux prin­ cipales puissances mondiales, Etats-Unis et U .R .S .S ., sc fait sentir, ainsi que leur opposition. L a Chine et le monde arabe poussent aussi leurs influences. L e Japon prépare son expansion com-

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Assassinat d’ Olympio.

L a Nigeria république; Azikiwé président. Insurrection en Gui­ née portugaise.

Gabon : 800 000 tonnes d’okou­ m é; m anganèse, uranium. A Brazzaville, You lou chisà? par les syndicalistes. Aut> nomie de la G uinée équa­ toriale. 1 Gabon : C oup d’ E ta t militaire: M ba rétabli avec l’aide des Français. C ongo-Brazza : ra­ tionalisation d u commerce C ongo-K inshasa : nouvelle flambée lum um biste dans l’ Est ; terrorism e. Tchombé chef du gouvernement central

Succession de coups d ’ Etat au Dahomey (1965*1970).

Indépendance de la Gambie.

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Kinshasa : T chom bé renvoyé. L c général M obutu prend le pouvoir.

CH RO NO LO GIE

683

VI. — DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCES : DE 1960 A 1970

NORD-EST

E ST

SUD

L E S IL E S

Ethiopie : une tentative de coup d'Etat échoue. Soma­ lia : indépendance; le Soma­ liland s’y rallie.

Elections au Tanganyika : triomphe du T .A .N .U .; Nyéréré président. Kenya : Table ronde à Londres. Ruanda : lutte Tutsi-Hutu; massacres.

Union Sud-Africaine : campagne du Panafrican Congress; fusil­ lade de Sharpeville; partis africains interdits.

Indépendance de Madagascar (26-b).

Indépendance du Tanganyika (9-! 2). L ’Ouganda fédération de royaumes. Ruanda : les Hutu proclament la Répu­ blique (28-1). Autonomie du Burundi; assassinat de Rwagasore.

L ’Union se retire du Common­ wealth. Référendum. La Répu­ blique d’Afrique du Sud pro­ clamée.

1960

1961

L'Erythrée rattachée à l’ Ethio­ Kenya : nouvelle Table ronde; Constitution; protection des pie. minorités. Indépendance du Burundi. Ouganda : Oboté chef gouvernement, Mtesa pré­ sident.

1962

Le Transkeï, premier « Bantoustan ». Dissolution de la Fédération Rhodésic et Nyassaland.

1963

Zanzibar : les Africains chassent Indépendance de la Zambie (exRhodésie du Nord) et du le sultan et massacrent les Malawi (ex-Nyassaland). Mo­ Arabes (12-x). Union du Tan­ zambique : insurrection du ganyika et de Zanzibar qui Front de Libération; guérilla. prend le nom de « Tanzanie ».

1964

Indépendance du Kenya (12-12); Jomo Kenvatta président. In­ dépendance de Zanzibar.

retour aux partis politiques.

John Smith proclame l’ indépen­ dance de la Rhodésic contre l’avis du gouvernement bri­ tannique.

Soudan :

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Création du « British Indian Ocean Territory » formé de quelques petites îles.

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1965

HISTOIRE DE L 'A FRIQ U E N O IR E

684

VI. — DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCES : DE 1960 A 1970

G É N É R A L IT É S

A F R IQ U E O C C ID E N T A L E « FR A N C O P H O N E »

(su ite )

A F R IQ U E O C C ID E N T A L E « A N G LO PH O N E » ET AUTRE

A F R IQ U E

CEN TRALE

i 1966

1967

1968

1969

1970

merciale. De» clientèle» »e dessinent et de» oppositions internes s'ajoutent aux sur­ vivances du tribalisme pour provoquer nombre de crises et de coups d’Etat. L ’Afri­ que du Sud, »eul pays afri­ cain industriellement avancé, »ert de repoussoir politique quasi unanime, mais aussi de pôle d'attraction éco­ nomique pour une partie du continent. L ’Organisa­ tion de l’ Unité Africaine pallie difficilement ces di­ verses tendances. A l’O.N.U. l’Afrique joue un rôle im­ portant de par le nombre de scs Etats. L ’Afrique noire, dans son ensemble, n’a pas dépassé le sous-dévcloppement, mais le progrès éco­ nomique et universitaire est assez notable, en nombre de régions favorisées, pour auto­ riser l’espoir.

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Nkrumah renversé. Nigeria (16-1) complot militaire, assas­ sinats d’hommes politiques. ( i - io ) Nouvelle mutinerie. Ironsi tué. Gowon prend le pouvoir. Massacre des Ibo dans le Nord.

Cameroun : l’U .N .C . d’Ahidjo. parti unique. R . G . A : le j général Bokassa prend le pouvoir. Kinshasa : Mobutu nationalise les mines du Ka­ tanga. |

Nigeria : la région Est fait séces­ Gabon : m o r t de M ba; sion et se proclame République p ré s id e n t. du Biafra; Ojukvu président.

I Bo d ïo 1

Brazzaville : lutte entre ten­ dance»; Ngouabi président. Indépendance de la Guinee équatoriale. , Troubles au T ch ad ; aide des troupes françaises au gou­ vernement. Echec d’un débarquement insur­ rectionnel en Guinée (aa-ti).

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(Janvier) Fin de la rébellion du Biafra.

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1

CHR ON O LO GI E

685

VI. — DÉCOLONISATION ET INDÉPENDANCES : DE 1960 A 1970

N O R D -E S T

E ST

Djibouti (25-8) : visite de G aulle; émeute des proSo maliens.

Référendum en Côte Française des Somalis qui devient Ter­ ritoire français des Afar et des Issa, avec un gouverne­ ment autonome.

SUD

Indépendance du Swaziland.

Soudan : coup d’Etat militaire pro-nassérien.

L E S IL E S

Indépendance du Lesotho et du Botswana.

Ouganda : Mtesa chassé; Répu­ blique unitaire.

(su ite )

1966

Les Seychelles refusent l’indé­ pendance.

1967

L ’autonomie des Comores est élargie. Indépendance de l’ile Maurice; majorité aux Indiens.

1968

Tanzanie : accord chinois pour construire le chemin de fer Tanzam (Tanzanie-Zambie).

1969

(Janvier 1971) Oboté chassé par un coup d’ Etat militaire.

1970

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INDEX

Les noms de personnes sont en petites capitales, les noms géographiques et les noms de peuples sont en caractères romains, les noms communs français ou étrangers, les noms de groupements politiques ainsi que les titres d'ouvrages sont en italique. Les chiffres italiques correspondent à la référence principale.

A badif . (Antoine d ’), 15 (v. A b b a d ie ).

A dam a , 160, 198.

Abagusü, 267. Abako (parti), 537. Abaluhiya, 267.

Adamaoua (royaume), 160. Adam awa, 1 7 3 - 1 9 1 (pays et population, 17 3 - 18 1; Bamiléké, Rainoum et Tikar, 18 1-18 6 ; histoire du peuple­ ment, 18 6 -ig i).

A bbas , 317. A b b a d i e (A. d’ ), 323 (v. A b a d i e ).

A dan d oza n , 132, 133, 134.

Abbé, 391. A b b o u d , 5G6.

Addis-Abeba (traité d’ ), 309, 3 12 , 472, 473, 554. Addis-Alain, 3 12 . A d e l e y e , 17 1 . A d e m B o u r g o u m a n d a EL K é b i r , 198. Aden, 279, 297, 302. Adibo, 447. Adigrat, 308, 472. Adoua, 303, traité d’— , 305; 308-309, 4 7 1, 472. A d o u l a (Cyrille), 539. Adrar, 389. Adrar des Iforas, 390. Afar, 297, 309.

A b boye , 294. ’A b d a l la h , 152, 159. A bd - e l - K a d e r , 19 8 .

A b d el K a d e r (Almamy), 100 (v. A b d ou l K a d e r ). A bdou , 90. A bdoul Bo u b a k a r , 71. A bdoul K a d e r , 51. A b d o u l a y B a d e m b a (Alfaya), 112 .

A b d o u l o a d ir i (S o riy a), 112. A b d u l la h , 202. A b d u i l a h ben N asibu , 273. ’A bdulla h ibn M uhamm ad , 171. A b d u l l a h i , 3 2 1, 322. A b é b é A r a o a y , 476, 554.

Abéché, 395. Aberdare (monts), 262, 583. A b id d in , 87.

Abidjan, 39 1, 392, 494, 502. A b io d u n , 128, 129. A b ir (Société), 454. Abolition théorique de ta traite, 19-20.

A bo- N esr , 120. A bou J i r i , 449 (v. A b o u s h ir i ).

Abouri (Conférence d*), 509. A b o u s h ir i , 286, 289 (v. A bou J i r i ). Accélération de /’ impérialisme, 3 7 - 4 1 (mines, 3 7 ; canal de

Suez, 37-38; chemins de fer, 38-39; nationalismes curopéens, 39-40). Accords de coopération, 485, 499.

Achangi (lac), 473* Achanti, 421 (v. Ashanti). Acholi, 266, 275Acte général de B erlin , 307, 453. Action Group, 507.

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A f o n ja , 128, 152. A du Bo a h e n (A.), 50.

Africa Orientale Italiana, 476. Association, 38, 52, 53. Farmers Union (Ouganda), 577, 580. N ational Congress (Rhodésie), 622. National Congress (Tanganyika), 576. N ational Congress (Afrique du Sud), 614 , 616. African National Congress (Nyassaland), 622. African Socialism , 600. Afrique belge, 451-460; bibliographie, 4G2. Afrique biitannique, 4 0 3 -4 2 5 ; (principes, 403-408; Afri­ que du Sud, 408-413; Rhodésics et Afrique orientale, 4 1 3 -4 1 7 *. indirect rule et Afrique occidentale, 418-425). Afrique française, 36 0 -4 0 2 (système colonial, 380-387; Afrique occidentale, 387-393; Afrique équatoriale, 393-397; océan Indien, 397-400; deuxième guerre mondiale, 400-401). Afrique noire espagnole, 4 3 5 -4 4 5 (souveraineté théo­ rique, 435-436; administration coloniale et politique indigène, 437-438; bibliographie, 461). Afrique orientale, 2 6 1 - 2 9 1 (le pays et les hommes, 2 6 1269; ouverture, 269-279; partage et occupation, 279290 ; bibliographie, 290-291 — depuis 1945, 569A frican African A frican African A frican

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HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E

688 6io ; — marche à l’indépendance, 370-595 ; nouvelle* nations et démons du passé, 595-610 ; bibliographie, 609-G10) ; — plantations indiennes, 587-588. Afrique orientale (protectorat), 284-286 ; bibliographie, 29 0 2g 1.

A li M uhsin, 385.

(Alphonse), 503.

A lley

A llidina V isram, 286. A l l r i d o e , 432. Alo u

W id a n ,

316.

Afrique portugaise, 439-445 î bibliographie, 461. Afrique du Sud et Zambézie, 947-950 (révolution zoulou, 2 47-251; guerre* cafres et grand trek , 251-254 ; Natal et guerre zoulou, 254-256 ; Sud-Oue*t africain, 257 ; Mozambique, 258; renforcement de Y apartheid et rupture avec la Communauté britannique, 6 11- 6 17 ; développement économique, 617-620).

A lters (E. A.), 290. A madi N oone F a l , 7 1. A madou, 103, 104. A madou Bamba , 79, 389. A madou Bello , 307. A m a d o u C heikhou, 65, 70. A mari N oone N d e l à C oumba, 5 1 .

A fro -S hirazi P arty , 585. A fro -Shirazi Union , 583.

Amazones, 134. Amba Alagi, 308, 473. Ambatomanga, 327. Ambohimanga, 328. Ambohidratrimo, 325. Ambriz, 439. Axnhara, 303, 476. Amiens (paix d’ ), 52. A min, 597. 601. A m o n d ’A b y , 497.

A oa K h a n , 590.

Agadés, 390. A g ad ja , 132. Agalcga (île), 650, 658. A o o li A obo , 145.

Agordat, 553. A oukssy (C.) et A kindél A (A.), 146. A ouibou, 104. A oyoumani, 116. A hidjo , 519, 599-593. A hmadou, 19, 42, 71, 90, 9 1 * A homadeobe, 503. Ailet, 303. A i n * w o r t h , 283. A ires d e A rneoas, 444. A kaki , 312. Akclé Guzay, 561. A k in d jo o b in (L. A .), 146. Akosambo, 305. Akou, 5 12 . A koundélé, 509.

Akwa, 447.

A mon N doufou, 116. A hmadou Hammadi L obbo, 93. A nderson (D. E.), 369. Anangola, 444 (v. Associasdo regional dos naturais de Angola.1.

(Mario de), 546. Andrantsay, 327.

A ndrade

A ndrlamasinavalona, 326, 327. A ndrlamihaja , 341. A ndrianamboatsimarofy, 323. A ndrian am poiNiMERiNA, 394-330 (prise d e Tananarive,

324; unification de l’Imerina, 324-326; conquête* hors de l'Imerina, 327*328; rapports avec le* Sakalava, 328; l’administrateur et le codificateur, 329-330)» 63 >• A ndriantsilavo , 340.

A l Buuri, 90. A l H a j j (M.), 17 1. A l H a j j B a s h i r , 167. A l R haorir , 86. A lamayou , 303.

Angola, 997-130, 4 3 9 . 4 4 *. 544-5 4 6 -

Alaotra (lac), 397.

A nooulvant, 391.

Albert (lac), 262, 277, 320, 322. A lbert 1er, 456. A lbuquerque, 658. A lbuquerque (Mousinho de), 442. Aldabra (îles), 650, 657. A lexandre (P.), 219 , 267 (note). A lfa A t t a , 90. A lfa K aabibe , 107. A l f a M a h a m a n D yobbo , 89. A lfa M amoudou, 108. A lfa M olo, i i 3. A lfa O umar, 87, 101 (v. Boloobe). A lfa Y a y a , 390. A li (ras), 298. A li (roi du Ouaddai), 169. A li (roi de Scgou), 97, 98, 102. A li A bd bl L atif , 426. A li A louba , 294, 305. A li Bouri N ’ D iayk , 71. A li C ilandora, 51.

Anjouan, 364. An karat ra, 327. A nkbrmann (B.), 203. Ankolé, 267, 281, 283, 381.

A u D in a r , 426.

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A ndriantsolo, 344. Anglais (établissements — de l’époque libérale), 34.

Anglicans, 457. Anglo-American Corporation, 623.

A nkrah , 505.

Annesley Bay, 302. Annobon, 435, 436, 635. Anosizato, 325. Antefasy, 335. Antesaka, 333. Anticolonialisme, 380. Antsahadinta, 323. Antsirabé, 397. Anversoise (Société), 434.

(duc d’), 476. Aouache, 312. A o ste

Apartheid, 4 11-4 12 , 6t 1-6 17 , 6ao, 625.

491, 493. 5° 3283. Aprosoma, 593 (v. Association pour U promotion sociale de

A p it h y ,

A PO LO

K aow a,

la masse au Rwanda).

A l i M a z r u i , 280.

A fter

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MOIRE

(D. E.), 290.

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689

IN D EX Arabes, 268, 270, 271-272, 273, 274» 273, 276, 278, 281, 286, 289. Araouan, 390. A r aya S ellase , 304. A rboussirr (G. d’ ), 492. A rchinard , 43, 7 1, 104, III. A rcin (A.), i 2 t f 402. A rdant du P icq , i i 8. A rdener (E.), 219.

303. Arkiko, 296. Aroussi, 306. Arusha, 262, 266. Arusha (déclaration d’), 398, 600, 608. Ascension (île), 657. A ren d ru p,

A sh , 432.

Ashanti (royaume), i 35-*3 9 , *43» 4 *9* A shmoum (Jehudi), 430. A skia M uhammad, 157.

Asmara, 307, 469, 553. Assab, 304, 466. Associasdo regional dos natterais de Angola, 444. Association internationale africaine, 29, 43, 44, 278, 432. Association internationale du Congo, 441, 452. Association internationale pour P exploration et la civilisation de P Afrique centrale, 452 (v. Association internationale afri­ caine). Association pour la promotion sociale de la masse (Rwanda), 593 (v. Aprosoma). A tiba , 129, 130. A ttjkou , 90. A ubame (Jean-Hilaire), 325. A uoouard (Mgr), 394.

496. 428.

A u jo u l a t , A u sten ,

A velot (R.), 219. A vezac (d’), 658. A w a D emba, 97. A w a b , 87, 89. A wole , 128, 129. A wolowo, 507, 508.

Ba l l a y , 390.

Bambara (empires), 97*99* Bamiléké, 178, 1 8 1 - 1 8 6 , 517, 322. Banadir, 267 (v. Bénadir). Banda, 197. Banda (Dr Hastings), 622, 623. Bandama, 391. Bandas S a u ji , 202.

Bandia, 196-198. Bangala, 226, 517. Bangassou, 202, 204, 331. Bangui, 394, 395. Bangweulu (lac), 277. Banks (Joseph), 53. B a n n i n o (Emile), 452. Banque d*Abyssinie, 312, 465. Banque d'Ethiopie, 463, 337. Banque nationale d’Egypte, 312.

Bantou, 265, 266, 267, 268, 274. Bantoustan, 412, 487, 613, 617, 619. Banyankolé, 267. Banyans (indiens), 286, 289. Banyarwanda (Déclaration à tous les —), 593. Baptistes, 436, 459. Bara, 353. Baragwanath (hôpital), 620. Bar atier i , 308. Ba r b e , 658. Barbotin (G .), Poisson (V.) et V ional (P.), 549. Borbour (K.), 568. Ba r cla y , 433, 434*

Bardo (traité franco-tunisien du), 40. Bardo (traité hispano-portugais du), 436 (v. Pardo). Ba ro a sh , 272, 278, 279,

449 *

Barohash (v . Baroash ). Ba r i , 201.

(W. W.), 582. (S. G.), 609. Azanie, 263. A zéma (H.), 369. A z i k i w e , 506, 507, 508. A w ori

A yamy

Ba (Hampaté), 497. Ba (A. H.) et D a o e t (J.), n g . B a L o b b o , 97, 98. Babatou , 92, 94. Babemba , 107. BABU, 586 (v. C heikh A bdulrahman M ohamed). Badoolio, 473, 476.

Bagamoyo, 269, 271, 272, 276, 277, 286, 287. Baganda, 267, 274» 377. 380, 596, 597Bagishu, 267. Bahaya, 267. Bahr el Ghazal, 317-319. Ba-Hutu, 267 (manifeste de* — , 452), 461, 391. B a i k i b (Dr), 15, 36. Bajun, 268. Bakar G uidali, 442. Bakari K ountou (v . W oboo).

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B a k e r ( S . ) , 1 7 , 3 * . 201, 2 7 7 » 280, 320, 324. Bakongo, 517. Bakuba, 517. Bakuria, 267. Baldwin (Stanley), 473.

Google

Bariba (royaume), 123-127. B a r i n o (Sir Evelyn), 383. Baringo (lac), 275. Barker (A. J.), 476. Barker (E. E.), 290. Barquissau (R.), 369, 631. Barth (Heinrich), 15, 3 1, 86, 90, 118 , 167, 170, 203. Barundi, 274. B a s h Fo r d (P.), 626. Basoga, 267. Basongye, 517. Basoutoland, 409, 4 1 1 (v. Lesotho). Basotuland Congress Party, 627. Bata, 438. Bataka, 577, 380. Batchouézi, 266. Bathurst, 38, 312 . Batoro, 267. B a u m a n n , 287. Baumann (D.) et W bstermann (D.), 219. Baumont (M.), Bruhat G*) et J ulien (Ch.-A.), 401.

Baya, 198. Bayo l , 112 , 143.

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H IST OI RE DE L ' A F R I Q U E N O I R E

690 358.

B a z im ,

B o d ’a l , 8 6 .

Beattie (J.), 290. Btthuanaland Ptoplts Party, 626.

Bodyan M oroa , 97. Booanda (Barthélemy), 531.

Becker , 430. Beecher-S towe (Mr».)» a i. Beecropt (John), 436, 636.

Bogos, 301, 303. 305-

Bégember, 294, 298.

Boina, 328, 335Bois (du), 380. B o is s o n (P.), 400, 401. B o i t e u x , 89.

Behanzin, 143. Beke , 300. Belay Z eleke , 476. Beliue , 390. Bell

Bohlen, 432. Boilat , 62.

Bokar Biro, Bokassa, 531.

(John), 299, 30 *•

ii

2.

198.

Bemba, 224.

Bo k e r ,

Bénadir, 297, 310 (v. Somalie italienne).

Bokpoyo, 201. Bolaert (E.), 219.

Benedict (B.), 651.

Benguela, 439Benians, 427. Bénin (royaume), 1 31-132, 143. Bennett , 428. Bennett (G.), 609. Bennett (N. R.), 609. B enso n

87. Borna, 436. B o u a n i , 57a. B o m p a r d , 353. Bonabéri, 448. Bo lo o b e,

Bonaparte, 19, 200, 316, 336. Bonoo, 325. Bonnacorsi, 553. Bonnaeé (P.), 538.

(Mary), 629.

Benson (S. A.), 430. Bentley (W. H.), 219.

Berber, 317, 321Berbera, 296, 297, 303. Berbère», 265 (note). Berkeley (G. F. H.), 309, 323. Bernard, 400. B ernin (E .), 120.

427. Bétafo, 327. Bctchouanaland, 409, 4 11. Bctsiboka, 354. Betsiléo, 327. Be v a n (Thomas), 336. B e v in , 557. 561, 363. Bcyla, 432. Bczanozano, 327. B ertram ,

(J.), 137. 89. (de), 466, 468, 471, 476.

Bo n n a t

Bo n n ie r ,

Bono Boone (O.), 219. Borelli (J.), 323. Boronis-D esbordes, 43, 104. Boraou (royaume), 151, 163-167. Botha, 41 i .

Biarnès (P.), 349, 350.

Botsouana (v. Botswana). Botswana 412 (v. Bctchouanaland), 487, 6s6-6*7. Bou K o u n t a , 79. Bouaké, 391, 302. Bou ban gui (v. Bobangi). B o u b i , 437. Bouche (P. B.), 146* Boudou (R. P.), 355. Bouéa, 448. Bou I t (v . BouI t -W illaumez).

Bichoftou, 476. Bilma, 390. Birnkn (H.), 609. Binorr, 19, 93, 116, 119, 120, 391. Bingcrville, 391.

BouI t -W illaumez, 61, 80, 216. Bouganda, 266, 267, 272, 274, 275, 277, 278, 280, 281, 283, 57-5to, 58*. 596, 597* Bougismt, 396. Bouiti, 396.

Bia , 454.

Biafra (guerre du), 509-510.

Biobaku (S. O.), 146.

Bo u j i r i ,

B ir a im a , 5 1 . B ir d

(J.), 259*

B is m a r c k , 29 , 39 » 45 . 47 . « 79 . 44 *. 445 -

Bissao, 442. Bito, 267. B i v a r (A. D. H.), z71. Blancard (Affaire), 340-341, 342. Bianchet , 72. Blanchet (A.), 549. Blatenoeta H eruy , 467. Blbt (H.), 401. Bloc démocratique camerounais, 523. Bloc démocratique gabonais, 525.

(Michael), 584. Bobangi, 225-227. Bobo-Dioulasso, 392.

B lu n d ell

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449 (v.

A bou

J iri ).

Bouleversements internes au X I X • siècle, 10. Bounou M ameri, 108. Bouquerel (J.), 548.

Bourbon (île), 331, 340. Bourgeois (R.), 290. Bourret, 428.

Boussédou, 432. Bouvier (P.), 549. Bowill (E. W.)t 118, 170. B o w d i c h (T. E.), 14 1, 146. Boyer (G.), 119. Brackenbury (H.), 146.

358. Brava, 280, 297. B r a z z a (de), 1 7 , 29, 3 0 , 3*. 39. 4S. 44* 45. a ® 2. *°4, 393 . 394» 441. 452.

Bran zon ,

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691

IN D EX Brazzaville, 394, 395. Brésil, 439.

C a il l ié (René), 14, 31, 99, 118.

B r ib r e de L 'I sle , 42, 104. Br io a u d (F.), 82. B rig g s , 584.

C a l d w e l l , 347. C a l o n n e -B ea u fa ic t (A. dc), 206. C a m a r a (L a y e ), 497. C a m e r o n , 301, 302. C am eron ( a rtis a n ), 338, 339, 342. C am eron (Sir Donald), 418. C a m e r o n (V.), 1 7 , 3 1 . * 4 5 , 439 Cameroun, 393, 396 - 397 , 4«7. 445 . 447*448; decoloni­

Calabar, 438, 509.

B ritish Commonwealth o f N ations , 481. British South A frica Company, 223, 239,

241, 406, 407, 413.

Br o d e , 246. B r o g l ie (d u c d e ), 20, 21. B rookes , 427. B rooks , 339. Br o w n e , 195. Br u , 188 (n o te ). Br u c e (J.), 15, 294, 3*5. 3*3B r u e l (G.), 402. Br un - R o l l e t , 319. Br u n e t (A.), 369, 651. B r u nschw io (H.), 31, 50, 219, 290, 401, 461. Bry an (M. A.), 179 (note). B r y an t (A. T.), 25g. Buba Y e r o , 152. B u c h a n a n , 428.

Buddu, 274. Budoe (E. A. W .) , 323. B u e l l , 427. Bugufi, 458. Buhaya, 288. Bujiji, 273 (v. Jiji). Bujumbura, 439. Bukoba, 267, 588. Bukoba Bahaya Union , 572. Bukusu, 284. Bu n tin o (Bryan), 629. Bunyoro, 267, 274, 275, 277, 281, 282, 581. Bunyoro-Kitara, 266. Bureau antiesclavagistt d'E th io p ie , 465, B u r k h a r d t , 13. Burns , 503. B urns (A .), 146. B urns (Sir Alan), 420-421. Burssens (H.), 219B u r to n , 16, 3 1, 146, 276.

C a n h a m , 339. Canne à sucre aux M ascareignes, 271, 360-361, 365, 367.

C a n o t , 20.

Cap (Le), 409, 410. Cap-Vert (îles du), 439, 442, 653. C a p e l l o , 439. C a p e l o , 30 (v. C a p e l l o ). C a p p e l l o , 311. C a p r iv i , 447. G a pb o u ( H .), 206. C a r d e n a l l (A. W.), 119.

Cargado (île), 650. Cargados Garagos (îles), 658. C a r o n , 19. C a r r e ir a (A.), 120. C a r r iè r e , 81. C a r t e r , 427. C a r t ie r (R.), 485, 515. Cartiérisme, 485. C a r v a il l r , 338, 339. C a seley - H ay fo r d (J. E.), 380, 420. C astle r e a c h , 53. C astro (d e ), 311, 323. C a v en d ish -B en t in c k , 584. C a y l a , 397. C e c c h i (A.), 310. Centrafricaine (République), 531-533Central A frican P arty (Rhodcsie), 622.

Burundi, 261, 262, 265, 266, 267, 275, 277, 452, 458-460, 593. 594. 606-607. Bu-Saidi, 269. Bushmen, 268. Bu sia , 504-503.

Busoga, 266, 274, 281, 282. B ussidon (Ch.), 323.

Butaré, 605. Bu t t ik o f e r , 432. Bw a na H k r i , 286-287, 449. B w a na N z io b , 243. B w e ra, 274. Bu x to n , 20. B yrnes , 560.

C e t e w a y o , 255-256. C eulem ans (P.), 245. C hacon (Don Carlos), 436.

Chagga, 267, 287. Chagos (îles), 650, 658. C h a il l e y (M.), 402. C iia k a , 248-249, 2 5 3C h a m b er l a in (Austen), 463. C h a m b er lain (Jo s e p h ), 30, 407, 408, 410. C h a m b er l ain (N ev ille), 473. C h a m p l a in , 381. C h a n o in e , 92. C h a p e l l e ( J .) , 172. C ha pu s (G. S.), 355. C h a pu s et M o n dain (G.), 355 * C h a r b o n n ie r (P.), 548. C h a r d e n o u x , 332.

Chari, 393. Chari-Nil (groupe ethnique du — ), 266. C h a r p y (J.), 81. C h a r r in (E.), 188 (n o te ), 205.

Cabinda, 439Cabinda G u lf O il C o., 545.

Gabo Delgado, 607. Gabora Bassa, 629. C adoux (Ch.), 629.

Charte de VAtlantique, 481, 569. Charte coloniale belge, 456. Charte Lambert, 347, 349.

C a il l a u x , 394. G a il l ia u d , 15.

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sation et indépendance, 518, 524. C anal d t Suez, 37-38, 363, 366.

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HISTOIRE DE L ’AFRIQ UE N O IR E

692 Charte du Simple citoyen, 597. Chartered Company, 406, 441. ClfAUDIE, 73. C hauvin (J.), 355C havannes (de), 395. C heikh A bd e l Q adir , 317. C heikh A bdulrahman M ohamed, 586 (v. Babu ). C heikh A nta D iop, 497. C heikh H amidou K a n e , 497. C heikh M ohammed S i i a m t e , 585, 396. C heikh S a a d Bou, 389. C heikh S idiya Ba b a , 78, 389. C heikh S i d i y a e l K ébir , 78. C hekou A madou, 96, 98. Chemin de fer Abidjan-Bobo-Dioulasso, 391-392. Chemin de fer du Congo, 453. Chemin de fer Congo-Océan, 393. Chemin de fer Dakar-Saint-Louis, 388. Chemin de fer Djibouti-Addis-Abrba, 399. Chemin de fer Douala-Yaoundé, 39Ü. Chemin de fer Fianarantsoa-Câte Est, 397. Chemin de fer Kayes-Bamako, 391. Chemin de fer de 1' Ouganda, 3H9. Chemin de fer Tananarive-Tamatave, 397. Chemin de fer Thiis-Kayes, 388. Chemin de fer transcamerounais, 524. C heradamb (A.), 290, 461. C heron (G.), 119. C hevioné (P. de), 637. C hick, 339. C hilcotr (H.), 461.

Code portugais d'assistance indigène, 444. Code du travail outre-mer, 496.

497. (Sir Andrew), 580-581. Coi f a r d (J.-L.) et C r é t i e m (J.-P.), 609. Cokwé (ou Tchokwé), 232-235. Collige universitaire de P Afrique orientale, 590. Collige universitaire de Dar-es-Sabain, 603. Collige universitaire de Nairobi, 602. CoLLIKAUX, 120. C o l o m b a n i , 503. Colonial Development and Welfare Act, 370. Colonisation agricole au Sénégal, 54, 33. Colonisation allemande en Afrique, 443-431 (implantation côtière, 445-446; résistance, 447-430; politique de Dcrnburg, 450-451). Coloured Peoples Organisation (Afrique du Sud), 614. C o fei C a deau , C ohen

C olville , 282. Combattants de la Liberté, 583 (v. Mau-Mau).

295, 296. (E.) et T a m i s i e r (M.), 323. Comilog (Société), 525. C o m bes, C om bes

C k il v e r

Commission pour le développement constitutionnel (Kenya), 571. Comité du Commerce (Saint-Louis), 60. Comité d'Etudes du Haut-Congo, 44, 452. Comité révolutionnaire du Mozambique, 628. Comité d'Union togolaise, 493. Commerce, 15 -2 6 (— arabe, 25; — européen, 25-26). Commission britannique des Colonies orientales, 360. Commission des comptoirs et du commerce des côtes d'Afrique, 62. Commission d'enquête internationale au Congo, 453. Common Man Charter, 597 (v. Charte du Simple citoyen). Commonwealth Development Corporation, 389. Communauté française, 485, 497.

C h il v k r

Comores (archipel), 398, 649.

C hh.Di (G. M.), 245. C hileshye C kepela , 236, 241.

C

(E. M.), 191 (note), 205. (E. M.) et K a b e r r y (Ph.), 176 (note), 177 (note), 179 (note), 183 (note), 184 (note), 186, 187 (note;, 189 (note), 190 (note), 191 (note), 205, 206. h i d z f . r o (B.), 428, 609.

C hina, 583.

Chine, 603. C h ip e m b e r e

(H.), 625.

C iiitaponkwa , 241. C hitimvkulu , 241-242.

Choa, 295, 297, 299, 3*2, 476. C hôme (J.), 34g. C hrétien (Pr J.-P.), 462. C hristy (Dr Cuthbert), 434. Church Missionary Society, 27, 143, 276, 277, 278. C hurchill (Wimton), 400, 556, 560. C iano, 469. C issoko (Fili Dabo), 491. C l APPERTON, 14-13, 22, 128, 142, 146, 167. C larence , 655. C laridoe (W. W.), 146. C larke

(Arden), 304.

C larkson, 19. C lemenceau , 387. C lément-T homas, 72. C lifp (L.), 609. C lifford, 467. Cloisonnement intérieur de l'Afrique en 1800, 9. C lozel, 121. Code malgache : des 101 articles, 350; — des 303 articles, 350 .

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Compagnie allemande d'Afrique orientale, 280, 286, 287, 447. Compagnie britannique d'Afrique orientale, 280. Compagnie britannique des Indes orientales, 297. Compagnie du Congo pour le commerce et Pistdustrie, 453. Compagnie de Galam, 55, 57. Compagnie impériale, 280, 281, 282, 284, 285. Compagnie italienne d'Afrique orientale, 310. Compagnie des Lacs, 278. Compagnie du Lomami, 434. Compagnie de Madagascar, 349. Compagnie des Marchands, 58. Compagnie de Witu, 280 (v. Compagnie impériale). Compagnie de Witu, 280. Companhia agricole de Angola, 545.

CoMPiàoNE (marquis de), 219. Comptoir national d'Escompte, 333. Comptoir de Vente du Coton au Congo, 459.

Conakry, 388, 391, 501. Condominium anglo-égyptien, 323, 425. Conférence antiesclavagiste de Bruxelles, 453. Conférence de Bandoung, 484, 516. Conférence de Berlin, 29, 48, 216, 441. Conférence de Brazzaville, 401, 634. Conférence de géographie de Bruxelles, a 16, 431, 45a. Conférence des organisations nationalistes des colonies por­ tugaises, 445.

Congo, 268, 272, 273, *74. «77, 607. Congo (Brazzaville), 528-530. Congo français, 393.

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693

INDEX Congo (Kinshasa), 535-544* Congo Reform Association, 455. Congrès de Bamako, 492. Congrès de Cotonou, 497. Congrès national de VAfrique occidentale britannique, 420. Congress Alliance, 614. Congress of Democrats (Afrique du Sud), 614.

Co ni a gui, 390. Conseil de VEntente, 489, 499, 502-503. Contacts marginaux en idoo, 7. Conscience africaine (manifeste), 452. Convention People's Party, 504.

D a m p i e r r e (E. de), 206. Danakil, 297 (v. Afar).

Danquah, 503-504. Daoudou, 90.

Dar-Four, 319, 320, 426. Dar-Goula, 195. Dar el Kouti, 199, 202. Dar es-Saiaam, 262, 278, 282, 445, 372, 576, 590, 603, 607, 609. D arlan , 401. D a u d i C h w a , 283.

D au la , 103, 107.

Coofa, 236-237. Copperbelt, 603. C oppbt (M. de), 323, 637. CoPPOLANI (X.), 72-73» 389* CoQUERY-VlDROVITCH (C.), 50. COQUILHAT (CL), 219. CORDIER, 45. Corisco, 436, 656. CoRNEVIN (R.), 31, I I 8, 146, 290, 402, 513, 665. CORRY, 53. Côte française des Somalis, 309, 399-400, 401. Côte d’ivoire, 39*-39*, 502. Côte de l’Or, 406. Cotonfran (Société), 533.

D a v i d (Ph.), 172. D a v id so n (B.), 3 1, 665. D a y e r (P. L.), 651.

C otonoo-S anoou, 199. Cotonnière industrielle du Cameroun (Société), 524. C oupez (A.) et K amanzi (Th.), 290. C oupland (R.), 290.

205, 206. D elavionette (R.), 82, 384, 401.

Cou rsa c (J. de), 323. Coushites, 265, 267. Goussey , 304. CouTiNHO, 442. Cox (R.), 609. G r a m p e l , 203, 436. C razzolara (J. P.), 290. C r e e c h - J o n e s (A.), 590.

Deferre , 492. D epo s d u R a u (G.), 369, 651. D e K i e w i e t (C. W.), 259, 427. D e T h i e r (F. M.), 245. D e i a p o s s e (M.), 81, 116 , 120, 382,

460. De lagoa (baie), 441. D eiarozière (R.), 176 (note), 182 (note), 188 (note),

D e i a v i o n e t t e (R.) et J u l ie n D e l e o o r o u e (A.), 2 5 9 . D e l f (G.), 610.

D euba,

98.

D e m e t r o », 2 9 3.

307, 309.

C rockaert , 31.

(Lord), 425. C r o w d e r (M.), 313. C rowther (S.), 27, 142. Cuba, 436. C ultru (P.), 82. C u n n i n o h a m , 553-554» 567» 569*

C rom er

Democratic Party (Betchouanaland), 626. Democratic Party (Ouganda), 581, 593. D en o (W.), 367. D e n h a m , 14, 167,

200.

D enis, 216.

Déresgé, 298. D ernburo, 450. D e sc h a m p s (H.), 3** 49 » 5° , 80, 8 2 , 2 1 9 , 355» 4©*, 4 0 2 , 4 6 1 , 5 * 3 . 547 . 6 3 3 . 6 4 3 , 6 6 5. D é s i r é - V u il l e m in (Mme), 83.

CuNNISON (I.), 245.

D espois (J.), 206.

D a a , 98, 99.

Detrochcs (île), 650. Dessié, 466.

(David), 531. 497. Dagomba, 93-94* Dagoretti, 284. Dahlac (archipel), 658. Dahomey, 13 2 -13 5 , 145, 39* î république du —, 503. D&hra Marcos, 553. D a i g r e (R. P.), 206. Dakar, 387, 388, 390, 400, 494. Dakar-Yoff, 494. Dalanta, 300. Damara land, 447. Dambeya, 294.

D acko

D a d ie ,

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(Ch-.A.), 401.

D e l o a d o , 628. Delgado (cap), 441. D e l m o n d (P.), n g . D elobsom (A. Dim), 119. D e l u z (A.), 12 î.

C respel-C ambier , 452. C.R.I.P.S. (dossiers du — ), 609. C r is p i,

Débra Tabor, 299, 300. D e c a e n , 357, 358, 359. D e c a r y (R.), 336. D e c r a e n b (Ph.), 548, 549, 330, 665.

Google

D estenave , 91. Deutsche Ostafrikanische Gesellschaft, 449. Development Corporations, 589. D e V illiers G raap (Sir). 617. D evonshire (Lord), 416. D ia o n e

(Biaise), 380, 387, 389.

D iacne (P.), 82. D ial D iop, 51.

(Yacine), 491. Diego-Suarez, 334, 344, 352, 401, 632. D i e l (L.), 477. Digo, 267, 268. D i g u i m b a y e (G.) et L a n g u e (R.), 549* D ia l l o

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H ISTO IRE DE L 'A F R IQ U E

694

Ecole coloniale, 383. Ecoles indépendantes kikvyu, 582. Ecole Ménélik II, 312. Ecole William-Ponty, 388. Economie coloniale : infrastructure et financement, 3 7 7 ;

D ike (K. O.), 146. D il l

(Sir John), 553.

D illey , 428. D îna S alifou, 112. D inoane, 233. D i n o i s w a y o , 246. Diodoros (île), 658. D iop (Alioune), 497. D i o p (Birago), 497. D iori (Hamani), 503. Dioscorides (île), 638. Diourbel, 388. Dirédaua (ou Diré-Daoua), 312.

E hret , 266 (note).

E hrhardt, 276. El Alamein, 426. B e k k a i,

498, 503.

Djibouti, 309, 312, 400. Djigdjiga. 3 1 1. Djimma-Kakka, 297, 306. Djouba, 310.

E l H ad j M alick S y , 78. E l H adj O mar, 64, 87, 97, 98, 99-/05. E l H’ ot’ ba , 87. E i.insar ao E nnaber , 89, 90. E l l is

(W.), 348, 356.

D jouooultouw (v . O mar Djouooultoum).

E liot, 285.

Djoukoun, 126. Djoukoun, 126. Douos, 71. Dogali, 305. Dolisie (A.), 203. Dominion Party (Rhodésie), 622. Dongola, 313, 316, 317.

E l io t

D onnet, 72.

Dorobo, 265, 266, 268. Douala, 396, 448. D oijm , 72. D o w f .r D rake,

(K. G.), 567. 653.

D rysdale (J.), fi57*

Dunoc (G.)» 120. Du C h a i l l u , 17, 216, 21g. D uchesne, 3 5 4 » 3 5 5 D uciiksne-F ournet (J.), 323. D u cier c , 44. D uffy (J.), 461, 35®, 629. D u fto n D uoast D umont

D unbar D uncan

(H.), 29 9 . 3 2 3 (L.), 205, 219. (R.), 663. (A. R.), 290. (J.), 141» 146*

D unolas D u p f .r r e ,

(E.), 146.

359.

D upire , 119. D u po n c h e l (A .),

38.

(Mgr), 242. Dupuis (J.), 141. D urand, 52. D u po n t

D u r a n d - R é v il l e

(L.), 549*

D utertrp., 358. D uysters (L.), 245. D ybowski, 203. D yeri S idibe, 98, 108.

Dzcm, 196. East African Common Services Organization, 608. East African Community and Common Market, 608. E boué (Félix), 206, 400.

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87, 89.

Eldoret, 582. Elgon (mont), 262, 274.

Djandjéro, 297. B a k a r i,

production, 377-378; commerce, 378. (Anthony), 470, 473, 333, 555, 560. Edouard (lac), 262. E oharevba (J. V.), 146. Egypte, 280. E den

El

D iziain (R.). 206. D j a b i r (v . Bokpoyo ). D jibo

N O IRE

Google

(Sir Charles), 413.

E l M okhtar, 87.

El Obcid, 321, 426. E l T ounsi (Mohamed), 15, 168, 17 1, 197, 200, 207. Embo, 583 (v. Embu). Embu, 284 (v. Embo). E merit (M.), 172. E min Pacha , 18, 280, 322. E monts (H.), 205. Empire italien, 473.

E nrs (Antonio), 442. Enjabara, 553. Enkare Nairobi, 285 (v. Nairobi). E n n a b e r , 87. Enougou, 509. Enseignement (à Madagascar), 337-338. Entebbé, 2G3. E pinay (A. d’), 361. Equatoria, 280, 320, 567. Equivalent, 333, 334, 340. Ery thrée, 304, 306, 475, 557’ 5^3\ fédération avec l’ EthioP>«“, 562-563. Esclavage au Libéria, 434. Est Africain allemand, 286-288. Etat indépendant du Congo, 441, 451, 452, 455. Etégé (hôtel), 312. Ethiopie, 276, 281, *93-3*3 (ère des Masafent, 293-294 ; désunion sur le plateau chrétien, 294-296 ; périphérie musulmane et païenne, 296-297 ; Téwodros II, 298303 ; Yohannés IV , 303-304 ; arrivée des Italiens, 304-305 ; Ménélik II, 305-306 ; conflits avec l'Italie, 306-309 ; fondation de l'Ethiopie moderne, 3 11-3 13 ), 607. Ethiopie et Italie, 463-476 (réformes de Haïlé Scllasséi, 463-465; prémices de la guerre, 466-471; invasion italienne et faillite de la S.D.N., 4 71-475; occupation italienne, 475-476; retour du Négus, 551 -5 5 7 ). Europa (atoll), 657. Evolution coloniale, 373-360 (idéologie coloniale, 373-375; territoire, administration et politique, 375-377; écono­ mie, 377-378; transformation des sociétés africaines, 379-38o; anticolonialisme, 380).

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UNIVERSITY OF CALIFORNIA

695

IN D EX E wino (A. F.), 665. Explorations avant 18 55 , 13 - 1 6 (Afrique occidentale, 13-

15 ; Nord-Est, 15 ; au sud de l’ Equateur, 13-16). Explorations après 1835, 16 -19 (Afrique équatoriale, 16-17;

Madagascar, 17 ; pays de* Rivières, 18 ; Sahara et Soudan central, 18-19; Afrique occidentale, 190). Extension o f University Education Act, 613. Eyazi (lac), 262, 265.

Formosa (île), 633 (v. Fernando Poo). Fort-Dauphin, 335. Fort-Gouraud, 501. Fort-Hall, 582, 587. Fort Jésus, 269, 271. Fort-Lamy, 39 4 , 395 Fortit (v. Banda). Foung, 315. F oureau-L amy (mission), 19. F ourneau , 203. F oury (P.), 173 (note), 206.

F abert , 72.

Fachoda, 309, 322. F afa T ooola, 107. F aoe (J. D.), 146, 428. F aidherbe , 19, 29, 4 1, 63-70, 80, 81, 102, 381, 512. F allers (L. A.), 290. F andanoouma, 89. Fang, 196, 913-2T4, 217, 437. F anon (Frantz), 663. F araoo (L.), 477. F arouk , 565. F arquhar (Sir Robert Townsend), 33*. 332, 333, 336, 360.

Farquhar (île), 650, 658. Fars, 268. F aure (Cl.), 82. F azouohli, 317. Fédération d'Afrique centrale, 621 (v. Fédération de Rhodésie et du Nyassaland). Fédération d'A .O .F., 387. Fédération du M ali, 498. Fédération de Rhodésie et du Nyassaland, 417, 484, 486, 623. F ehderan (H. W.), 245. Fer de Lance, 614 (v. Umkonto we Sizwe).

Femandinos, 437. Fernando Poo, 435, 436, 437, 534, 655. F erry (Jules), 40.

Fcrtit (v. Banda). Fianarantsoa, 345. F.l.D .E.S. (v. Fonds d’investissement et de dévelop­ pement économique et social). F ield (Winston), 622.

Fouta-Djalon, 1 1 1 * 1 1 2 , 390. F oyer (Jean), 639. F raenkel (Merran), 460. Franc C .F.A ., 494. F ranck , 457. F rançois-X avier (saint), 658. F rancqui, 454. F ranckel , 427. F reeman (Miss), 342. F reeman (R.), 146. F reeman (T. B.), 142, 146.

Freetown, 418, 512. F rere (Sir Bartle), 289. Freretown, 277, 284. Frères Moraves, 27. Frères de Ploermel, 59, 79. F r ey , 43, 71. F reycinet (Ch. de), 39. F rcelïch (J.-C.), 120, 188 (note), 402, 349. Front de Libération du Mozambique, 628. Front national uni somali, 564. Front populaire, 382. Front rhodésien, 622, 623. Furah Bay College, 512. F urse, 427. F yfe (Chr.), 49, 12 1, 428, 513. F ynn (H. F.), 259.

Fogo, 653.

Gabon, 394-436 (décolonisation et indépendance, 524527 ). G a il e y , 428. G ailby (H. A.), 83. Galabat, 551. Galla, 265, 267. G allien i , 19, 30, 71, 104, 107, 355, 381, 397, 402, 631. Gambéla, 463. G ambetta (Léon), 40. Cambia lobby, 66. Gambie, 58-59, 73 . 4*8, 5*2-5* 3 * G amble (D.), 82. G aniaoe (J.), 31, 49. G aniage (J.), D eschamps (H.), et G uitard (O.), 513, 547, 608. G ann et D uignan, 427.

Fokonolona, 329, 350, 633. Fonds d'investissement et de Développement économique et social, 494. F orbes (R. E.), 142, 146. F orbes-M unro (S.), 267 (note). F orde (D.), 146. F ordr (D.) et K aber ry (P.), 146. Forêt équatoriale, 209-aao (migrations, 2 1 1-2 1 7 ; influences étrangères, 217-218).

G ann et G elfand , 428. G ardener (A. F.), 259. G a r v ey , 380, 433-434G arvin et A mery , 427. G assanoamo, 198. G aud (F.), 206. G aulle (Ch. de), 400, 401, 485, 4 9 7 -4 9 9 » 838. G autier (R. P.), 219. G aytan (José Fernandez), 436, 461.

F ilonardi, 310. Fils du caur immaculé de Marie, 436 Firestone (Société), 433. F irhoun, 390. F irmoun ao E kinsar , 89. F irst (Ruth), 629. F isa , 331. F lad (Martin), 302. F lassch (A. H.), 538. F lint , 428. F lint (j. E.), 50. F ode D rame , 109. F ode K a b a , 65, 72, 73. F ofye , 105, 116.

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H ISTO IRE

696

Gazaland, 442. G azar i , 94. G benye , 540. G ray (L.), 190 (note), 205. Ghomin (Société), 543 - 544 * G entil , i 8, 19, 172, 204, 393, 436. Géra, 297, 306. G érard -L ebois (J.)» 549» 55* G ere*ou Domes, 476. G e«j i , 201, 320. G rze (B.), 175 (note), 206. Gézira, 566. G hai (D.), 610. Ghana, 483, 504-505G hezo, 132, I 34 -IS 5 * G hislain , 456. G ichuru (J.), 582. G ide (André), 393. G ifford (Prosser) et Louis (Roger), 467. G iovannini (G.), 549* G iraud, 241, 401. G irault (A.)» 4 °i* Giryama, 267, 284. G itera , 593. 394 * G izenoa (Antoine), 540* G ladstone, 281, 321. G LELE, 134, 135, 145. Goa, 439. G obaze , 303. Godjam, 294, 298, 476, 353. G cerino (Dr), 446. Gofa, 308. Go go, 286. G olberry , 52, 53. Gold Coast, 419, 420, 503-504G oldie (Sir George), 406. G oldie , 26, 28, 30, 43. G oldsmith, 447. G oldthorpb (J. E.) et W ilson (F. B.), 290. Goma, 297. G omez (Castro), 441. Gomme (Commerce dt la), 55, 36. Gondar, 294, 299, 303. 32». 473 * Gondja, 93. Gondokoro, 277, 319, 320. Gondwana, 261. G oodfellow (C. F.), 259. G oody (J.) et A rhin (K..), 119. Gorahai, 472. G ordon, 280, 320, 321, 364, 367. G ordon (A. H.), 369Gordon Memorial College, 425. Gorce, 37. G ouilly (Q.). 82, 118. G oujon, 204. Gouma, 297, 306. Goundet, 303. Goura, 303. Gouragué, 306, 308. G ouraud, 385. G ourdault (J.), 17t. Goverinora, 350. G owon, 508, 509. G pobengué, 197.

DE

L 'A F R IQ U E

Grabo, 432. G raham (Lord), 623. Grand-Bassam, 391. Grand-Elobey, 433. Grand-Port, 359. Grand Trek, 252, 408. Grands Moulins de Paris, 529. G randidier (Alfred), 18, 335, 401. G randidier (Guillaume), 18. G rant , 17. 57-58. « 77 * G r ay , 427* G ray (J. A.), 290. G ray (J. M.), 83. G ray (RO, 324G raziani , 476. G reen (R. HO et S eidman (AO. 665. G reenbero (J. HO, 177, 219, 265 (note), 266, 290. G reenfield (RO, 477* G régoire X V I (pape), 27. Gremio A/ricano, 444. G renfell (George), 203. G riffiths, 336, 337. G ros (Louis), 338. Group Areas Act, 613. Groupe des Qjtaranle (Kenya), 583. G runrr, 447. G runttzey, 493, 503. G uanooul, 294. G ueladyo , 95. Guerres cafres, 2510234. G u eys (Lamine), 389, 491, 492, 496. G uooisbero (Sir Gordon), 420. G uillain (MO, 290, 356. G uillaume II, 449. Guinée, 390-391; République de — , 498-499, 5i* Guinée centrale et orientale, **3-14 7 (situation vers 1800, 123-124; nouveaux Etats, 124-139 ; interven­ tion européenne, 139-143)* Guinée espagnole, 435 (v. Guinée équatoriale). Guinée équatoriale, 534-535 (▼ • Guinée espagnole). Guinée portugaise, 439, 442, 510 -511. G uitard (O.), 49. 461, 610, 629. G ulliver (P. et P. H.), 290. Gulu, 588, 604. Gumba, 268. Gungunyané, 258. G uthrie (M.), 219, 267 (note). Gwandou, 422. Gwangwara, 270, 271. H eoeoe (C.), 179 (note), 188 (note), 206. H aïlé S élassié I " , 23, 467, 473. 55*-554H a ile y , 427. Haïlou , 463. H alifax (Lord), 352. H a l l , 333, 334. H a l l (R.), 245, 285, 427. 377 , 630. H a l l (contre-amiral de), 364. Hallam (W. K . R.), 172. H a l l e t , 31. H alpern (J.), 630. H amadou C kkkou, 97. Hamaria, 94. Hamites, 265 (note).

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' ’^ l C

M O IRE

UNIVERSITY OF CALIFORNIA

INDEX

697

H ammond (R. J.), 461. H ancock , 427, 428. H anninoton (Mgr), 281. H anotaux (G.), 81. H anotaux et M artinxau , 401.

H oudaille , 391. H ouohton, 52, 512.

Haoud, 357. Harar ( o u HarTar),

H ovenden,

534 H ardinoe H ardy

(A.

297.

303. 306, 307. 3*o, 320, 473,

H.), 284, 289.

(G.), 31, 82.

H a r o r ea vu (J. D.), 50, 81. H arlow et C milvbr , 428. H arper

(William), 623.

Houis (M.), 121. H ouphouët-Boiony, 491, 492, 502, 617. H o urst,

89.

338, 339. Edward), 433. H o w e (S.), 356. H uooins (Sir Godfrey), 622 (v. Lord M alver n ). H u o o n (H.), 549. H u o o t , 95.

H ow ard

( D a n ie l

H ulstaert (G.), 219. H umblot (G.), 219.

H ajuunoton, 309, 313.

Humpata, 443.

H a r r o y , 593. 594-

H unkarin , 393.

Hastib (Jame«), 333, 336, 34«.

H unter

Haut Sénégal et Niger, 390.

H untinoeord (G. W. B.), 290. H u r a u l t ( J . ) , 182 ( n o t e ) , 184 549 -

Hauts Commission d'Afrique orientais, 417, 390. Haute-Volta, 390, 492, 502-503. H eadlam , 427. H eath (Edward), 616. H edi M ori K aramooho, 109.

(G.), 665. (n o te ),

H enderson (William), 461.

I bra,

358. H éraud (Guy), 461. Herero, 257, 448, 449H erteeelt (M. d’), T roubworst (A.) et S haver (J. H.),

I brahim N d iaye , 71. I brahima S o ri D a r a , 112. I brahima S ori D onoo F e l l a , 112. I braima bi S adyou , 91. I dirusu, 125.

Ibo, 506, 508, 309, 517. 86 .

Idjil, 389. I fundikira, 273.

Igara, 283 (note). Ihosy, 632.

Hetra, 329. H eussler , 427.

H ew ett (Sir William), 304, 305. H i c k o r y , 447. H icks, 321. H iernaux (J.), 219. H ilberth (J.), 206. H ill (R.), 324, 428.

Hima, 265, 266, 267, 268. Hinda, 267. H inds (S. L.), 219. H iskett (M.), 1 7 1 . H oare (Samuel), 470, 471. H o A R E - L a v a l (plan), 472-473. H obson, 380. Hodh, 389. H odister, 243. H ooben (S. J.), 171. H olas (B.), 120. H olden (Roberto), 545.

Holéta, 476. H olle (Paul), 39, 81, 102. Holoholo, 270. H o l t (P. M.), 324, 428. Homslands, 4 11. Hôpital Ménilik II, 312.

I lo , 312. I lifpe (John), 368, 571.

Illoubabor, 307. I lunoa Ka b a l e , 235. Im bangala, 230. Imbokodvo (parti).

Imerina, 325-326. Immorality Amendment Act, 613. Impact extérieur, 13 ; explorations avant

1855, 13-16; — après 1855, 16-19; 8“ de la traite européenne des Noirs, 19-21; traite musulmane et traite intérieure, 22-25; commerce, 25-26; missions, 26-27; occupation coloniale, 28-31. Imperial British East Africa Company, 406-415. Impérialisme, 33-50 (définition et genèse, 33-37; facteurs d’accélération, 37-41; partage de l’Afrique, 41-49)* Inde, 586. Indépendants d'Outre-mer, 492. Indépendants de Pemba, 585. Indiens (au Kenya), 286. Indirect Rule, 420-421. Indonésie, 586. Industrialisation de P Afrique orientale, 588-589. I n g h a m , 428.

H oret , 432. H orma O uld Babana , 501. H osea K utako , 621.

I ngrams, 610. Institut africain international, 424. Institut français d'Afrique noire, 388, 497. Ioullcmédèn, 86.

Hottentots, 268, 448, 449.

I r a d ie r ,

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206,

(F.), 183 (note), 205. Hutu, 591, 594, 606. H u x l e y (E.), 290, 428. I bn H abib , 240.

290. H ertslet (E.), 50. H ertzoo (Albert), 617. H ess (R. L.), 477.

(n o te ),

H uttbr

Héhé, 271, 287. Héligoland (accord d’), 281. H enderson (K. D. D.), 428, 568. H enry,

185

Google

436.

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UNIVERSITY OF CALIFORNIA

H IST OI RE D E L ’A F R I Q U E

698 Iraima, 284. Ira k w , 265. I r o n s i , 508, 509. I saacs (N.), 259. 1SCOR (Société;, 618. IS IK É , 273. 277, 287 (V . SlKl). ISMAÎL, 316. I smail (khédive), 23, 317, 3 i 9 1SMAil- EL A z H A R I, 365. Issa, 310. IvF .N S , 30, 349. IZARD (M .)» M 9 .

J alla (A.). 243. J ameson, 410. Jamestown, 637. J amot (Dr), 39G. J anssens. 455J auréouibkrry, 44. J avouhey (R. M.), 27, 39. J a w a r a (David), 3 13 . J e a n - R e n é , 3 3 1, 333. 335J e f f r e y s (D. \V\), 17b (note),

Kaj&ra, 283 (note). Kakira, 588. Kakisnu, 396. Kalahari, 443. K alamba Kanooi, 24a. K alck (P.), 206.

Kalenjin, 266. Kalinga (tambour), 591, 593, 606. K a l o n j i , 337. Kamba, 267, 275, 284, 283, 583. Kambata, 308. K arbona (Oscar), 598. K amenai National Democratic Party, 522. K amitatu , 540. Kampala, 286, 588, 590, 604 (traité de — , 606;, 609. Kampala Technical Institute, 590. K a m u r a s i,

277.

K andoro, 57a, 582-585. K andyan K ouubali , io i .

Kankan, 391. K an y am a C h i m u b , 523. K anyembo , 239, 242.

J b ir i , 123.

205, 206, 336.

427. J ensen (A. E.), 245. J esman (C.), 387. J e f f r ie s ,

Kaolak, 388. 390. Kaoulé, 44g. K apuno (Clemens), 621. K a ossen ,

K aramooho M ori, 108.

Jiji» 273 (v. Bujiji).

JILANI, 86. Jinja, 286, 589. J oalland-M eynier (mission), 19. J o A N N È S , 322 (v. Y o H A N N ÉS IV ). J ohann i s, 320 (v. Y ohannès IV ). JoirNso.N (M. M .), 119 . J ohnson (S.‘), 146. J ohnston ((’h.), 323. J ohnston (H. A. S.), 50, 171, 177, 279* 280, 283, 285, 433. Joka-Jok, 266. J ones (David), 336. J ones (G. I.), 50. J onker A frikaner , 257. Jopadhola, 2bb. Jos, 447J oye (P.) et L ewin (R.), 550. Juan de Nova (atoll), 657. Jubaland, 284, 475. J ulien , 206. J ulien (Ch.-A.), 3 1. J uma M erikani, 236. J u n k e r , 319.

Karagwé, 267, 272, 277, 281. Karamojoug, 267. Karamojong-Teso, 267. K arauokho M ouktar, 93.

Karari, 322. Karimjee Hall (conférence de —), 576. Karonga, 272. K a r p (M.), 567. Karroo, 261. K arume (Abeid), 385, 596, 598. K asaoama, 282. K asavubu , 537, 539, 345.

Kasai-Baluba, 517. Kasésé, 588. K ashamura (A.), 349. K asonoo K alombo, 236, 239. K asonoo N iembe, 457 (v. K asongo N iembo). K asonoo N iembo, 236, 457. K asonoo R ushib, 242. K assa, 298 (v. T éwodros II). K assa, 302, 303 (v. Y ohannès IV ). K assa , 463.

Kassala, 301, 426, 551.

J unker ( \V .', 206.

K assanoa, 201. K asson, 46.

K ara D amf (Mamadou), 550. K a b a k a , 58t»'58 ». 595, 59^. 597, 598.

Katanga, 267. Katikiro, 577, 580.

A'dljaka Ttkka (p a rti), 5O1, 595, 596, 598.

K aunda (Kenneth), 597, 616, 622, 630, 664.

Kabarega, 280 (note), 281, 283. Kabélé, 6* *4. K aberry (Ph.), 183 (note), 184 (note), 185 (note), 206. K a b e y a (J. B.), 290. K abunculu , 283. Kafra, 297, 306. K aoama (A.), 290. K agera, 275, 284. K ahioi, 288.

K aw a , 86. K aw aw a , 576, 596. Ka w e l e , 234, 235. K ayibanda (Grégoire), 593, 605. K ayser (Dr Paul), 447. K azkmbe, 237-240. K eatley (P.), 630.

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NOIRE

Kavirondo, 266.

K e it a

(Fodéba), 497.

Original from

UNIVERSITY OF CALIFORNIA

IN D EX

699

Kel Dinnik, 86. Kenya, 261, 262, 265, 266, 267, 280, 284, 285, 406, 415, 485, 572 (république du —, 582-585), 587, 595» 59», 601, 607, 608. Kenya (mont), 262, 268, 275, 276. Kenya African Democratic Union, 295, 584. Kenya African National Union, 584. Kenya African Union, 582. Kenya Federation o f Labour, 584. Kenya Independence Movement, 584. Kenya Polytechnic Institute, 590. K en yatta (Jomo), 58 2-58 5, 595, 598, 601, 603, 610. K enye -M a r ï , 98, 99.

K hama K hama

ib n

Kivu (lac), 262, 287. Kivu (vicariat du — ), 459. K iwanuka (M. B.), 581. K lein (M. A.), 82. K ober , 199, 201, 202. K o b f .s

(Mgr), 67.

K oebner (R.) et S c h m i d t (M. D.), 49. K oelle (S.), 187 (note), 206. K ofi K arikari , 144. K oinanoe, 584.

274. Kong (empire de — ), 105-107. Konta, 308. Kony, 2Ü6. K oper (Simon), 449. Kordofan, 317, 321. K o k i,

Kércn, 553. Kéricho (monts), 262. K h au d

K itchen (H.), 665. K itchener (Lord), 30, 322, 423.

Bargash , 289.

(Sir Scretse), 62b. (Tshckedi), 626.

K harifein , 168.

Khartoum, 275» 277. 3 *6 , 3 *7. 32 i, 552 , 553. K hourchid, 316, 319. Kiambu, 284, 587. Kibo (mont), 262. Kibosho, 276. Kigali, 593. K ioeli V, 593 (v. K ioeri V R wabuoiri). K ioeri V R wabuoiri, 287. Kigczi (massif), 262. Kikuyu, 267, 268, 275, 284, 285, 572, 582, 383, 587, 598. Kikuyu Central Association, 582. Kilembé, 588, 589, 604. K ilima , 287. Kilimandjaro, 262, 267, 276, 279, 280, 287, 288, 588. Kilombéro, 262. K ilson, 428. Kilwa, 268, 270, 2 7 ï, 272. K i m a m b o (I. N.) et T f.mu (A.), 610. K imathi (D.), 582, 583. K i m b a n o o u (Simon), 396. Kimbanguisme, 458. K i m b l e (D.), 49, 428, 513. K i m w e r i , 276. Kindaruma, 602. K ino (Ch. D. B.), 433, 494K lnosley (M.), 219.

Kinshasa, 543. S a m b a l a , 98. Kipengcré (monts), 261. Kipevu, 588. Kipini, 280.

K inti

K oro M amoudou K aba (v. M amoudou S anousi). K osom Baboukya , 90.

Kota-Kota, 272. Kouara, 298. Koulo, 308. Koush, 265 (note). K ozonguizi (Jarcritundu), 621. K pp.nola , 132. K raft

(J.), 16, 27, 276.

K ruoer (Paul), 410. K r u p p , 279. Kuba, 236-237. K ubai (F.), 582. K u m w i m b a N oombp., 235. K wasi-Y eboa , 116 (v. Fofyé).

Kwawi, 266. Kyadondo, 274. K y a r l z i , 572. Kyoga (lac), 266, 283. L aborde

(Jean), 339. 344» 345, 346, 347, 348, 35*•

Labour Party (Afrique L abourdonnais, 357. L abouret (H.), 120. L a b r f .c q u e

du Sud), 613.

(E.), 245.

L acroix (P.-F.), 172. L adyi M amoudou, 93. L agae et V andenplas (R. P.), 207. L aoarde

(Léonce), 30, 309, 399.

L agger (P. Louis de), 290.

Lagos, 406, 421. L amartine , 21.

Lambaréné, 395. 42, 345.

K iplino (Rudyard), 30.

Kipsigi, 266.

L am bert,

K iranoo Ben , 98.

L a m b l in ,

Kirao, 268.

L a m in u ,

K irilo J aphet , 572.

L amizana , 503. L ammino (E. C.), 290. L amothe (de), 76, 79.

(Dr) 279, 289. K irk-G reene (A. H. M.), 17*» *72» 187 (note), 428. K ir k

K irkham , 304.

454. Kisii, 261. Kismayou, 475 (v. Kismayu). Kismayu, 280, 284. Kisumu, 285, 588, 598. Kitawala, 457. K is a k a ,

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395.

167.

Lamu, 268, 269, 271, 280. L a n d e r ( R . ) , 15, 142, 146. L anoaman-F a l i , 112. L anger (W. L.), 50.

Langi, 266, 275Lango, 283. L a p e r r i n e , 89.

Original from

UNIVERSITY OF CALIFORNIA

H ISTO IRE DE

700 394.

L aroeau,

L is e t t e

Lari, 5*7, 583. L aroche (H.). 355L arrouy, 333. L a it

L is s o u b a

(D. M.), 17»*

L at -D ior, 64-65, 66, 70, 71. L atour -G ayet (R.), 630. L aussu, 90. L av al (R. P.), 367. L aval (Pierre), 470, 471. L a v io e r ie

(Mgr), 25, 27, 277.

L aw ey ao E nnaber , 89. L e M a y , 427. L e M yre de V ileri , 353, 354. L e V avasseur (R.P.), 387.

L ’ AFMOIRE

(Gabriel), 333. (Pascal), 328, 329.

L istowell (J.), 610. L ittle (H. W.). 336. L iverpool, 33. L i v i n g s t o n e , 16, 17, 24, 27, 3 *. 245. 272, 277, 278, 4 3 9 L i w a r u s h , 96. L loyd (Ch.), 31. Loanda, 343.

Loan go, 393. 236.

L obknoula,

L o b o s i (v . L é w a n i k a ) .

(M. F.), 610.

L o f c h ie

(Jonathan), 627.

Loi-cadre des Territoires d*Outre-mer, 484, 492, 5 16 . L o m b a r d (J.). 126, 146. London Missionary Society, 27, 277, 278, 336, 338.

263.

Longwood, 637.

L ebeuf (A.), 17a. L ebrun (pasteur), 367.

L onsdale, 116.

L eabua L eakey,

Los (îles de), 390. Louis (Paul), 380. L o u i s (R.), 290. Loua (W. R.), 50. L ouis X V III, 19.

L eclerc , 400, 401. L educ, 658. L ee

Stack

(Sir), 426.

L eoum (C .), 665. L eoum

L ouis-P hilippe I«r, 21, 28.

(C. et M.), 630.

L ejeune (E.), 55®. L e m a r c h a n d (R.), 290, 482, 549. L ememe, 358. L énine, 380. L e n n o x -B o y d

(Constitution), 584.

L enz , i 18. L éopold II, 17, 23, 29, 30, 39, 43. 44. 43, 46. 47. 203.

44*. 4SI, 452. 453, 455, 456. Léopoldville, 453, 486. L erena y Barry (don Juan José de), 436. L eroy -B eaulieu (P.), 39. 42.

332, 333Lesotho, 412, 487, 627. L esourd (J.-A.), 630. L esao e,

L essees (de), 29, 38, 44. L e t h b r id g e , 116.

196. Low (D. A.) et Pratt (R. C.), 290, 428. Luba, 235-236. Lubuku (rite), 232.

L o u z ia n ,

L u d e r it z ,

43, 443, 446.

(Lord), 27, 280, 281, 282, 418-425, 427, 428. Lugaxi, 588. Lu oh, 310. Luxnha (Société), 345. LukiJto, 577-581.

L uoard

L ukusa (Th.), 530. L u k w e s a , 239.

Lulua, 234. L u m u m b a (Patrice), 536, 537, 538, 539, 543Lunda, 234. Luo, 266, 267, 274, 598.

L eu bu sch er ,

L upton, 201, 202, 321. L ush, 335.

L e u r q u in

L uthuli

L etouzey (R.), 219.

428. (Ph.), 462, 610.

L evtzion (N.), 119.

L ew a n i k a , 223. (J. M.), 172. L e w i s (L. M.), 567. L e y , 427Liberia, 430-435 (embarras financiers, explorations et frontières, 432; president Barclay, 433; Marcus Gar­ vey, et Firestone, 433*4341 esclavage camouflé, 434; essor décisif, 435; bibliographie, 461). Liberian Development Company, 433. Libreville, 393, 394. L i d j Y a s s o u , 3 11, 313, 463. L iebenow (J. Gus), 460. L ieseoano (G. H.), 259. L i g h t b o d y (J. S.), 175 (note), 206. Ligue de la Jeunesse somali, 564. Limpopo, 256. Lindi, 272. L i n d l e y (David), 252. L inois , 358. L i o t a r d (Victor), 203, 322.

L e w is

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(Albert), 614. Luyia, 276, 284.

Lwena, 234. L y a l l (Dr), 340. L yautey,

381.

L ye (VV. F.), 259. L y é e de Belleau , 179 (note), 206. L y t t l e t o n (Constitution), 584. M a ’ e l A i n i n , 389. M a ’azu , 125. M aba,

64, 65, 66.

M abengué , 197. M a b r u k , 284. M a c C a r t e r (Gwendolen), 460. M ac C ulloch (M.), 12 1. M a c C ullod (M.), L ittlewood (M.) et Dugajt (I.), 205. M ac G reoor L aird , 15, 37. M ac K enzie (Bruce), 601. M a c K in n o n , M ac L eod,

278, 279.

576, 584.

Original from

UNIVERSITY OF CALIFORNIA

IN D EX

701

M ac M illan (W. M.), 259. M aca u lay , 380. M acfie (J. W. S.)» 477. M achado (Satumino), 233.

Machakos, 284. Machakos (monts), 26t. M achemba , 287. M achoncoo, 287. M acias N ouema (Francisco), 534. M ackenzie (Bruce), 600. M acmillan (A.), 427, 615, 651. M acmillan (Harold), 615. M acphf.rson, 507. M ad Mullah , 3 11 (v. M uhammad A bdullah Hassan ).

Madagascar, 3 2 5 - 3 5 5 (Andrianampoinimerina, 325-330; Radama I*r, 330-339; Ranavalona I r®, 340-346; Radaina II, 346-348 ; Rainilaiarivony, 340-355). 5^9» 586, 617, 6 3 1 - 6 4 3 • M adhvani, 588, 600. Madi, 266. M aDIAN A O E L H ’ ot’ bA, 89. M adiodio, 65. Mafia, 280. M aoa , 503.

Magadi (lac), 262, 589. Magadi (lac), 589. Magdala, 299. 300. 302, 303. M ao e , 19, 42, 103, 120.

Maghreb, 265 (note). M aguire (G. Andrew), 571 (note), 373 (note).

M amadou L amine , 71. M amari K andyan , 98. M amoudou S anousi, 107.

Mananjary, 335. Manda, 280. M a n d e l (Georges), 400. M a n d e l a (Nelson), 614, 613. M andour el M anoa

Bell

M anoa

Bell

M anobe A madou, 109.

et M a r t y , 118. 387. Manyara (lac), 262. Manycma, 287. Mao-Mao, 485 (v. Mau-Mau). M aquet (J.-J.), 290. M aquet (J.) et H ertefelt (M. d’), 610. M a r a i s , 427. Marangu, 288. M a r c h a n d , 30, 203, 309, 322. Maréallé, 288, 573 (note). Mareb, 303. Marematlou Freedom Party (Lesotho), 627. M aroai (Albert), 512. M aroai (Milton), 512. M a r o a r i d o (Alfred), 461. M a r i n e l l i (Laurence), 460. M a r i o , 338.

M a n o in ,

M aritz , 252.

M ahdi , 23, 29, 280, 304, 320-323. Mahdiya, 320-323.

M a rk os,

M ahmoud A hmad, 322.

Mahou, 316. M a h r i , 658. M a i M unene, 235. M aillard (L.), 369. M aistre , 203.

(G.), 298, 323. 560. Maroua, 448. M arquard (L.), 49. M a r q u e t (Y.), 100, 120. M a r s h (Z.) et K i n g s w o r t h (G.), 290. M ar tel (A.), 49. M a r t i n (G.), 31, 17 1.

M arkham

M artin du G ard (M.), 402. M a r t y (A.), 12 1.

(P.), 83, 118 , 119 , 120.

Maji-Maji, 430 (révolte des — , 572) (v. Mau-Mau).

M arty

M a jid , 278.

M a rx , 343.

Majunga, 354, 401. Makalé, 308, 472. Makéréré, 572, 577 (collège de —, 590), 604. M akhosini D lamini, 628. M a r k N i m r , 316. M akoko, 29, 44. 46 .

393 *

M akololo , 441.

M asaba , 125.

Masafent, 293. Masai, 266 (note), 275, 276, 288, 582. M asala D emba, 98. Mascareignes (îles), 332, 357; conquête anglaise, 358359 ; culture de la canne à sucre, 271, 360-361 ; fin de l’esclavage, 361-362 ; engagisme, 362, 365, 367,

645-651-

Makondé, 272. M akonnkn, 307.

Makua, 272. M alan (Daniel), 4 11, 6 11.

Malawi, 256, 270, 272. Malawi (lac) 262, 263 (v. lac Nyassa). Malawi Congrtss Party, 623.

Mali, 485, 499-500. M alik i -G beli ,

(Douala), 518. (Rudolf), 448.

M angeot

Mahamasina, 639. M a h a r e r o (Samuel), 448. Mahébourg, 357.

M ehdi, 323, 3 9 6 -3 9 9 , 401.

447.

M anoa,

ii

3.

Malindi, 269, 284. M allam A limi, 128, 132. M a l l a m D e n d o , 125, 152, 159 M alvern (Lord), 622 (v. Sir Godfrey H uooins). M amadou D ia , 493, 499, 500.

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Mascate, 271, 297. Masina (ou Macina), 95-99. M a s o n (Ph.), 50, 427. Massaoua, 294. 296, 297, 301. 302, 303. 305. 320, 475. M a s s e m b a t - D e b a t , 528. Massikessi, 442. Matadi, 453. Matamba, 231. Matamma, 301, 305. M a t a n t e (Philip), 626. M a t a n z i m a (Kaiser), 613. M a t h u (E.), 582. M a t s o u a (André), 380, 396.

Original from

UNIVERSITY 0F CALIFORNIA

HISTOIRE DE L 'A F R I Q U E

702 Mau, 262. Mau-Mau, 583 (v. Maji-Maji). M audlino (R.), 585. M auny (J.), i 19.

M ichel (Ch.), 323. M icombfro, 606. M iddleton (J.), 290. M iddleton (J.) et C a m p b e l l (J.), 610.

M aurel , 26, 383.

Migertain, 310.

Maurice (île), 331, 360, 363, 368, 649-650. Mauritanie, 72, 389-390, 501. Mauritanie et Sénégambie, 51-83 (période d’indécision, 53-62; progrès de l’influence française, 62-75; aube du xx* siècle, 75-80).

M ikael S ehoul, 294.

M a x w ell , 50.

NOIRE

Mikindani, 277 (v. Mkindani). M ille (Pierre), 455. M iller (J. C.), 245. M ilner (Alfred), 410. Mindelo, 633.

(H.), 118.

May Tchou, 473.

M in e r

M a y a ji , 125. M ayeu r , 327. M ayi M atip , 522.

Minute du Bakwanga (Société), 538. Alinistère des Colonies, 382, 383. M irambo, 270, 273, 4 4 9 M iranda D iaz (Mario), 461. Mission africaine de Lyon, 27Mission de Vaménagement du Sénégal, 494. Aiission de Brime, 27. Ahssion méthodiste, 143. Ahssions de Bâle, 27. Ahssions religieuses, 26-27 (— à Madagascar, 336-337). M itchell (Sir Philip), 555, 556, 557. M icas 1w a , 273.

Mayotte, 364, 398, 649. Mazaria, 269, 27t. 284. M a z r u i (A. A.), 280, 6to. M ba (Léon), 525-5^7M bari , 201. M batlan, 276 (note).

Mbeîa, 262. M beki (Govan), 615. M bida (André-Marie), 323. M bombuo, 190. M bop M abiinc M a M bul, 237.

Mboum, 193. M boya (Tom), 584, 598. Mbugu, 265. M bulazi , 255.

Mkindani, 272 (v. Mikindani). M kwaxw a , 271, 449, 450 (y. M kw aw a ), M kwawa , 287, 2S8 (v. M k w a k w a ) .

Moanda, 523.

M bumba, 234. M eade (J. E.), 651. M eek (C. K.), 187 (note), 206. M eh émet A l i , 22, 28, 296, 316, 317» 319» 320. M ehta , 588, 600. M ihllassoux (C.;, 119, 121.

Mckambo, 525. M eli , 287.

Ménabé, 328, 335. Menaniaso, 348. M endès F rance , 638. M endès-M okeira (J.), 121. M ên / lik , 303, 304 (v. M énélik II). M énélik II, 296, 305-313. M enoo, 581, 597. M eniaud, 120. M erab (Dr), 323.

Merca, 280 (v. Mcrka). M ercier (P.), 147.

Mcréré, 288. M erewether , 302.

Mcrka, 268 (v. Merca). M ermoz, 388.

Méroé, 265 (note). Mers-El-Kébir, 400. Meru, 267, 268, 572, 583. Meru (mont), 262, 288. Meru Citizen Union, 572. Messageries impériales, 365. M fssedaclia , 320. M essmer (Pierre), 498. M e t c a l f e , 428.

M oatiba , 92. M obutu, 539, 547-54*. M odat, 207. M odi M amadoü D y o n e , 112. M odibo K eita , 498-499, 500. M o ffa t

(John), 27, 623.

M ofio (v . M opoi-M okrou).

Mogadichou, 297, 554 (v. Mogadiscio). Mogadiscio, 280 (v. Mogadichou). M ohauadou (E-), 172. M ohamed ao A w a l , 89. M ohamed ao K oumati, 86. M ohamed Be y , 316. M ohammed A l i , 296 (v. M éhémet A l i ). M ohammed Bello , 64, 101, 152, 159, 162, 163, 164. M ohammed a l K halfan , 244. M ohammed ei . K anemi, 198. M ohammed e s S énoussi, 202, 204. M o h a m e d i b n H a m i d , 273 ( v . T i p p o T i b ) . M oir , 278. M oisel (M.), 178, 179 (note), 206. M oka, 436. M okhtar O uld D addaiï, 501. M ollien , 12, 31, 52, 80. M o l o t o v , 560.

Mombasa, 263, 269, 270, 271, 281, 587, 588, 602, 604 ; conférence de —, 607. Mombo, 288. M ona K imbundu, 234. M ona L oanda , 234. M onckton, 622. M ondain (G.), 356. M ondlane (Eduardo), 628, 629, 630. M ondon-V idailhet (C.), 312, 313.

Métemma (v. Matamma).

Mongo, 517.

M ichael (A. T.), 567.

Moniteur du Sénégal, 80.

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703

IN D EX M onod (Th.), 497.

M ulamba , 341.

Monrovia, 428, 432. M ontaionb, 381.

M ule le

(Pierre), 540, 343.

276, 284. M u n o e a m , 428. M unoo P a r k , 12, 22, 32, 53, 142, 512. M uonoo S unkutu, 239. M u m ia ,

M o n t A LEM BERT, a i .

M ontaudevert , 358. M ontbil, 74, 82, 83, 91, 92, 118 , :ig , 167. M onteil (P.-L.), 17 1. M onteiro (J. J.), 243. M ontes de O c a , 436. M opoi-M okrou, 200.

Moramanga, 637. M orel (Edmond), 455. M o r e n o a (Jacob), 448, 449. M organ (W. T . W.), 610. M ori-O ule-S ise, 108. M ori S oulemani S a v a n e , 109. M ori T oure, 94.

Murchison Falls, 604. M urdock (G. B.), 290. M ushiri, 234, 235. M u s i n o a , 287. M u s s o l i n i , 400, 466, 551-552. M utara III, 593. M utesa , 274 (v. M utesa I«r), 277, 278. M utesa I er, 274-275, 277. M utesa II, 580. M u tesa

(Sir Edward Frederick), 582, 596.

M uynoumba, 270. M wa C isenoe, 234.

Morondava, 335. Moroto (mont), 267. M orris (D. R .), 259. Moru-Madi, 266. M osheje (L.), 550.

M w a d u i,

M oshesh, 27.

Moshi, 262, 276, 287, 288, 602, 603. M oskoeshob II, 627. M oshweshwe, 251, 253. M osley (L.), 568.

589.

M walimu, 596 (v. N y é r é r é ). M wamba M p u t u , 263. M wambutsa, 594 (v. M wambutsi). M wambutsi, 460 (v. M wambutsa). Mwami, 591, 593, 394 M w a n o a , 280, 281, 282, 283. M w ata K umbana, 235. M wanda (v . M siri ).

Mwanza, 276, 572.

Mossamédès, 439. Mossi, 91-92. Moucha (île), 296. M ouezi (R.), 12 1.

M wenyi , 274 (v. M winyi K héri ). M wenyi H eri ( v . M winyi K héri ), 277. M w e s i i v K i s s a b o , 287. M winyi K héri, 273-274 (v. M wenyi ), 277. M z i l a , 238. M zilikazi , 222, 251, 253, 256.

M ouktar, 108. M ouktar bl S eohir , 87. M oumié (Félix), 519, 522.

Mounana, 525. M ountaoa, 104.

Mourides, 78, 389. M oussa M olo, 71, 73, 113 , 442. M oustafa, 103. Mouvement d'Action nationale (Cameroun), 523. Mouvement d'Emancipation sociale d'Afrique noire (R.C.A.), 531 Mouvement d'Evolution démocratique de VAfrique centrale

(R.C.A.), 331. Mouvement national congolais, 337. Mouvement national de Libération de Mouvement national révolutionnaire Mouvement pour V Unité nationale de Mouvement populaire de Libération

la Guinée équatoriale, 534.

(R.P.C.), 528. la Guinée équatoriale, 534. de l'Angola, 343.

Moyalé, 551. Moyen-Congo, 394. Mozambique, 258, 272, 281, 439, 546, 628-629. Mozambique Company, 442. M p a n d e , 238, 253, 255.

Mpawpwa, 277. M ’S irf., 454. M siri , 238-240. M uhammad A bdullah H assan , 31 i . M uhammad A hmad, 304 (v. M a Hdi). M uhammad A l K an ami (ou E l K anemi), 131, 163. M uhammad Bello (v. M ohamad Bello ). M uhammad S harip , 16g. M ukenoe K alam ba , 233. M ukundabantu, 240.

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N a A bdoulay , 92. N a A n d a n i , 92, 94.

N a B iema , 447. N a Y akouba , 92. N a Z ibirim K ukunku, 92.

432. (G.), 1&-19. 30, 45 . ï*>7, 17*. 203, 207, 445 N a d f . l (S. F.), 125. Nairobi, 263, 582, 583, 587, 602, 604. Naiwasha (lac), 262. Nakuru, 262, 582, 602. Nakuru (lac), 262. Nama, 257, 449N a m a z o u l a y , 529. Nandi, 266, 275, 276. 284. N a p i e r (Sir Robert), 302. N a p o l é o n I er, 20, 359. 657. N a p o l é o n III, 39, 344, 349* Natal, 253, 254-256, 270, 409National Council of British West Africa, 380. National Council of Nigeria and Cameroons, 506. National Council of Nigerian Citizen, 506. National Democratic Party (Rhodésic), 623. National Front (Bétchouanaland), 627. National Liberation Council (Ghana), 505. National Reformation Council (Sierra Leone), 512. National Trading Corporations, 600. National Unity Democratic Union (Sud-Ouest Africain), 621. N aber,

N a c h t io a l

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H ISTO IRE

704 Natives Abolition of Passes and Coordination o f Documents Act, 613.

Natron (lac), 262, 263. N au , 448. Navétanes, 3R8. N d a b a n in o i S it h o l e ,

623.

N dela , 23G. N dizaye (Charles), 606 (v. N taré V). N dOROUMA, 200, 201. N dounoa, 197.

Ndwandwé (v. Ngoni). N eoe A lao

K akanyara,

98.

Négelli, 473. Négritude, 493. Neu Kanierun, 446. N e u u a r k (S. D.), 49. New Kenya Group, 584. New Mulago Hospital, 590, 605. N ewbury (G. W.), 50, 81, 172. N ewitt (M. P. D.), 259. N ewlyn et R owan, 427. N oala (R.), 5S4. N oelenowa (v . M siri). N oongo L kteta , 234, 243, 244, 4MN oonoo L out été (v. N g o n o o L ét ét a ).

Ngoni, 224, 270, 271. Ngoni Mascko, 270. Ngorongoro (rnont), 262. N üouabi (Marien), 529. N o o u r a , 196. N ooura II (v. N ounoa). Ngit ane National Liberatory Congress ( Swaziland), 628.

Niasa, 607. N ic o l a s ( F .) , 1 1 8 .

Niger, 390, 503. Nigeria, 390, 406, 419, 421-422, 505*5/0. Nilo-Coushites, 267. Nilo-Hamites, 267. Nilo-Saharieni, 266. Nilotes, 266. Nisco, 455. N j o y a , 177 (note), 187 (note), 189 (note), 206. N komo J osuah, 623. N krumah, 483, 485, 504-503» 513. 57». 665. N k um bu la

(Harry), 622, 623, 625.

Nogal, 3 11. N ortii-G oombes (A.), 369. Northern Peoples Congress (Nigeria), 507.

Nosy-Bé, 343. 3&4Nouadhibou, 50t. Nouakchott, 501.

L 'A F R IQ U E

N O IRE

Nyangiya, 265. 98. Nyasa Company, 442.

N yaralkn G a ra n ,

Nyassa (lac), 270, 272, «77. «78, 44»Nyassaland, 406, 414, 486, 590. N y é r é r é (Julius), 571-575, 583, 587, 593. 596 (v. M w a LIMU), 597, 599, 600, 601, 602, 603, 607, 6l6, 665. Nyeri, 262, 582. Nyika, 284. Obbia, 310. Obok, 309, 399. O bote (Laugo Milton), 581, 582, 595, 596, 597, 598, 600, 610. Occupation coloniale, 28-31 (occupation limitée, 28; 18141855, 28-29; 1855-1880, 29; partage, 30-31). O dede (F. W.), 582. O dinoa (Oginga), 584, 598, 665. O djoukwou, 508, 509, 510. O duho (J.) et D rno (W.), 568. Office du Café indigène du Rwanda- Unotdi, 459. Office du Niger, 390. Office de la Recherche scientifique et technique outre-mer, 494.

Ogaden, 284, 297, 473, 557* O oot (B. A.), 290, 485, 583. O oot (B. A.) et K ieren (J. A.), 291. O k a i a (Charles), 523. O k e l l o (John), 596. Olduval, 263. O lenga (Nicolas), 540. O l i v e r (R.), 267 (note), 291, 428. O liver (R.) et M athew (G.), 291. O liv ier , 397, 402. O luewu , 129.

(Svlvanus), 493, 503. Oman, 268, 26g, 272. O mar Djouooultoum, 198, 199. Omdurman, 321. O m e r - C o o p e r (J. D.), 245, 259, 291. O l y m p io

O ndua E noute, 219.

Onitsha, 509. O p e n o a u l t (M. S. A.), 529. O ppenheimer (Harry), 617. Orange, 254, 408, 4 1 1. Organisation commune des régions sahariennes, 499. Organisation de /’ Unité africaine, 489, 545, 624-625, 629, 664O ryema , 397. O sman d a n F odyo (v . O usman dan F odyo). O s m a n D iona, 321.

436. Ouadai, 394 (v. Ouaddai). Ouadi Haïfa, 317. Ouaddai, 168-169. Ouagadougou, 494. Oual-Oual, 467-468. Ou A L A O A , 307. Oubangui-Ghari, 394. O s o r io ,

N ounoa, 197. N ounoo (v . N ounoa).

Noupé, 124-125, 152, 159N ova (Juan de), 656-657. N tare , 28 t. N tare V, 606 (v. N d izayé Ch.). N tsu M okhele , 627.

Nubie, 313. N ujoma (Sam), 621. N ussbaum (M.), 290.

566. Nyala, 284. Nyamwezi, 270, 272, 273, 274, 287

N yala,

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O ubya , 92.

Ouganda, 261, 262, 263, 265, 266,267, 275, 277, 280 protectorat, 281-283 , 284, 285, 286, 406, 415 ; répu­ blique, 576-582, 587, 588, 595, 596, 597. 600, 604, 607, 608. O u m a r o u S a i d o u T a l l , ioo ( v . E l H a d j O m a r ) . Oumouahia, 510.

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IN D EX

705

O usman (v. O mar Djouooultoum). O usman DAN F odyo, 89, 134 , *a8, 187, 198. OUSMANE ZlKI, 125 . OUTHMAN BEY, 316. Ovamboland, 621.

P éouy 1 4 9 ~*5 °»

*32, 159.

(Andrae), 461. O vimbudu, 231, 234, 239.

O v e je r o O w en,

Bu sta m a n te

436, 655.

Owen Falls, 602. Owendo, 527. Owerri, 510.

Périm (île), 658. Pères Blancs, 27, 277, 278, 459. Pères du Saint-Esprit, 27, 62, 79, 277. Perham (M.), 427, 428, 568. P érir et S ellier , 118. Peroz , 120. P erraudin (Mgr), 594. Perrot, 338. Prrrottet , 53.

Pahouin (v. Fang). Pakwach, 588. P a l m e r s t o n (Lord), 21. Pamues, 437 (v. Fang). Pan African Congress, 614. Pan American Airways, 434.

Pandémé, 432. Pangani, 262, 269, 276, 278, 286, 288. Pankhurst (E. S.), 477, 368. Pankhurst (R.), 477. Pankkurst (E. S.) et Pankhurst (R.), 568. P ape , 116.

Pardo (traité de), 655. Paris (traité de), 331. Paris (traité franco-espagnol), 436. Parkins (M.), 323. 427. Partage de r Afrique, 29, 41-49. Parti démocrate gabonais, 527. Parti des Démocrates camerounais, 523. Parti démocratique de Guinée, 501. Parti démocratique de la Côte d'ivoire, 402. Parti de la Fédération africaine, 498. Parti Libéral (Afrique du Sud), 614. Parti du Mouvement de rémancipation butu (Rwanda), 393. Parti national rénové (Afrique du Sud), 617. Parti du Peuple mauritanien, 301. Parti populaire camerounais, 319. Parti populaire de Sierra Leone, 312. Parti du Regroupement africain, 493, 497Parti solidaire africain (R. D. C.), 337» Parti somali unifié, 364. Parti de l'Unité et du Progrès national (Burundi), 594, 606. P a r k in s o n ,

(R.), 356, 634, 643.

Passarob, 431. Passpield (Lord), 416.

P aton

427.

(Alan), 614.

Patronato, 437. P a tterso n ,

Perse, 268. Persiquc (golfe), 268. Person (Y.), 118 , 120. P eters (Karl), 30, 279, 280, 281, 286, 287, 443, 446. Petherik , 319. Petit-Elobey, 435. Petrides (S. P.), 323. Peuchener (G.), 530. Philip (P*1), 608. Picos (île dos), 656. P ierre -A lyp b , 323. P ik e

(J.), 259, 630.

P inaar et S ampson, 427. P inet-L aprade , 42, 63, 64, 65, 69, 77, 80.

(Serpa), 30, 439, 441. Prrr, 339. Platt , 533. P l e v e n (René), 401, 634. P l o w d b n (Walter), 293, 298, 300, 301. P in t o

PoBB (V. GPOBENOUÉ). POOOE, 233. Pogo (Organisation), 614.

Pointe des Galets, 648. Pointe-Noire, 395. Poiret (G.), 391. Poivre , 357.

Pokomo, 267. Pokot, 266. P o l o (Marco), 658. Pope H ennessy, 368. Popelin , 432. Population Registration Act, 613.

Port-Bouet, 391. Port-Clarcnce, 436 (v. Santa Isabel). Port-Etienne (v. Nouadhibou). Port-Gentil, 395, 525. Port-Harcourt, 509. Port-Louis, 357, 363. 649* Port-Soudan, 426. Port-Sud-Esl, 359 (v. Grand-Port).

Pâté, 269, 271, 280. P aton,

Pemba, 263, 271, 272, 280, 281, 596. Pénétrations extérieures ( X I X 9 siècle) , i l . People progressive Party, 513. Peoples Caretaker Council (Rhodésie), 623. Pereke , 197. Périple de la mer Erythrée, 658.

Pa -K oba, i 13. Padmore, 380. Paoeard , 119.

P a sca l

(Charles), 455.

P élissier , (P.), 82. P élissier (R.), 461, 550. Pelletan , 52. P ellon y R odrioubz (Julian), 436.

427.

Paulme (D.), 1 2 i . Payne (J. J.), 431.

Pays des Rivières, 317-3*9* Peakhurst (R.), 323. Pearce (N.), 323.

Portal , 54. Portal (Gerald), 281, 289, 305, 323. Potoieter , 358.

Pease , 310. PÉFONTAN, 118.

P o t ie r ,

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358.

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HISTOIRE DE L 'A F R IQ U E NOIRE

706 Potlaxo L u a l l o , 6 i 6. Poulet, 83. P outrie, 207.

Praia, 653. Prentout (H.), 369. Présence africaine, 497. Prétorius, 232. Pridham (C.), 369. Prince (île du), 439, 655. Prins (A. H. J.), 291. Prohibition o f Mixed Marriages Act, 613. Protêt , 62, 63, 64.

Purko, 276 (note). Pygmée*, 263. Qadir, 321. Q uaranta (F.), 477. Quarante (Groupe des), 383 (v. Mau-Mau).

Quélimane, 442. Q uenet, 338. Q uintin, 42, 103. Q uiquandon, 120. R a BAH, 19, X70, 192, 200, *01-104, 448.

Rabai, 273, 276. R abkarivelo , 632. R abeh (v . R abah ). Rabbmananjary , 637. R a b i , 204 (v. R abah ). R abodo, 348 (v. R asohxrina). R abodolahy, 330. R adama I«r, 330-339 (première* année* de règne, 3 3 1;

politique anglaise, 331*332; traité de 1817-1820, 332-334; armée et conquête*, 334-335 î implantation de missionnaire*, 33®-337» enseignement, 337*338; progrès matériel*, 338-339)* 63*» R adama II, 346-348. Radio-Ouganda, 577. R a FAI, 201, 202, 203, 204. R afaralahy A ndriantiaina, 327, 334, 340. R afar avavy , 343. R affenel , 62, 80, 98. R aharo , 348. R ahovy , 332. R a IMA N D R IA N AM P A N D R Y , 3 3 5 .

R ainianjala Hy , 334. R ainiharo , 341, 345. R axnijohary, 341. R ainilaiarivony , 346-355 (conversion au protestantisme,

330; réformes intérieures, 330-331; contentieux francomalgache, 351-332; guerre de 1883-1883, 352*353; protectorat sans nom, 333; ultimatum français, 334; campagne de 1883, 334; du protectorat à la colonie, 355 )Rainimahay , 341. R ainits imbazafy, 333. R akoto hk, 340. R akotond’ radama, 343, 346 (▼ . R adama II). R alaxmihoatra (E.), 643. R a l a im o n o o

(Jean), 380, 399.

R a l a la , 331. R amaoe (Commission), 576. R amamba, 331. R amananolona, 334, 340.

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R amanbtaka , 334, 340. R amaromamompo, 325. R amavo , 339. R a m b o l a m a s o a n d r o , 33 1, 340. R a m b o l a ia l a m a , R am ttra m o ,

347.

333.

R amoma, 330 (v. R anavalona II). R a n a v a l o n a I*r, 340-346 (début du règne, 340; isole­

ment, 34 0 34 1; partage du pouvoir avec l’oligarchie, 341-342; lutte antichrétienne, 342-343; expansion dans les provinces, 344-345; dernières années, 345-348). R a n a v a l o n a II, 330. R anavalona III, 333, 333. R anoer , 428. R aponda W alker (A.), 219. R asalama , 343. R aiaumo , 333. R a s e t a , 636, 637. R asoherina, 348, 330. R a s s a m , 302. Rassemblement camerounais, 318. Rassemblement démocratique africain (R .C .A ), 492. Rassemblement démocratique rwandais, 393. R at afira , 332. R a t e f y , 334, 340. R atsimamanoa, 333. R attray (R. S.), 119. R avoahanoy , 636, 637. R a v o n i n a h x t r i n i a r i v o , 352. R aynaud (A.), 190 (note), 203. R kbmann, 16, 27, 276.

(E.), 658. Region ecuadorial de Espafia, 438. R eclus

R bois, 26, 58 .

Rehoboth, 446. R einwuhrmann, 183 (note). R eindorf (C.), 147. R e l l y (H.), 190 (note), 203. R enard,

396.

R enkxn, 436. Reservation o f Separate Amenities Act, 613. R etief , 232.

Réunion (île de U), 277. 357» 359, 383. 399. 40*. 848. Revenant (navire), 338. « Révolte arabe », 286. Révolution industrielle en Afrique du Sud, 4 12-4 13. R e y (Ch. F.), 477. R e y (P. Ph.), 219. R hodes (Cecil), 30, 39 . 4®, 406, 410, 4 13, 441.

Rhodésic (république), 486. Rhodésie du Nord, 590, 622-623. Rhodésic du Sud, 570, 582, 593, 623*623. Rhodésics, 413-414. R ibeira G rande , 633. R ichard , 53. R ichard-M olard (J.), 81, 402. R ichards, 307.

177, 178, 203. (Nathaniel), 460. R i c h t e r (Dr A.), 118. Rift, 261, 262, 263, 267, 276, 284, 283, 382, 583, 587. R i m b a u d , 306. R inchon (D.), 219. R in d i , 276.

R ic h a r d s o n , R ic h a r d s o n

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INDEX

707

Rio Muni, 435, 437, 534. 656. Rio de Oro, 501 (v. Sahara espagnol). Ripon Falls, 277. R itzenhalter (R. F. P.), 182 (note), 206. Rivonia, 615. Roan Selection Trust, 625. R oberts (A. D.), 246. R oberts (J. J.), 430, 432.

Sable (île du), 657 (v. île Tromelin).

R obertson, 427. R obin, 340. R obinson, 427. R ochet d’H éricourt, 323. R odinson (M.), îig .

Sahara espagnol, 301. S ah ati , 305. S ah lé S ellassié , 296, 305. S aïd , 317. S aid ben S alim , 273. Saïd Baroasch , 449 (v. Bargasch ). S aïd M ohammed C heikh , 649. S aint -M artin (Y.), 102, 120. S aint -P ère (H.), 12 1.

Rodolphe (lac), 262, 266. 275. Rodrigues (île), 359, 363, 364, 650. R oger , 54, 55, 57R oHlfs (G.), 18, 323. R oirb (Cl.), 550. R olland (L.) et L ampub (P.), 401. R onsard, 381. R oosevelt (Franklin), 560. R osebery (Lord), 281. R ossbero et N ottingham, 428. R ossetti (C.), 323. R otbero, 428. R ouch (J.), 1 1 8 , 119. R oudaire , 38. R oumaliza , 454 (v. M ohammed

al

Sakaizambohitra, 350. Sakalava, 328, 331, 344, 351. Sakhadara (île), 658 (v. Socotora). Sa l a z a r , 444, 445. S alenc , 120. Sa le m e ,

K halfan ).

387. Rounga, 197. R oussin (A.), 369. Roux, 427. Rovuxna, 280, 281. Row s (Dr), 42. R owe (J. W. F.), 651. R owlands, 339. R oum e,

461.

S alihou , I l 2. S alim Ben A hmed M azr u i , 271. S alim Q aboudan, 31g. S alisbury (Lord), 30, 322, 425. S alkin (Paul), 456. S alou , 91. S alt (Henry), 295, 323* S alvadori (M.), 291.

Sa l v e r t e - M

Royal Geographical Society (v. Société royale de Géographie de Londres), 277. Royal Niger Company, 26, 125, 405, 422. Royal Technical College (Nairobi), 390.

R oye (E. J.), 432. Ruanda (massif), 262. Rubaga, 277. Rubattino Shipping Company, 304. R ubenson (S.), 323. Rubber Plantation Act, 433 (v. Stevenson Restriction Act).

Rufiji, 279. Rufisquc, 388. Ruga-ruga, 275. Ruha (grande), 262. Ruiz G onzalez (Faustino), 438. Rukwa (lac), 262. al

K halfan ).

Rungwé (massif), 262. R uppell (E.), 323. R ussell, 301. R ussuna, 243. R utarinoa , 287.

Ruwenzori (mont), 262. Ruzizi, 606. Rwanda, 261, 265, 275, 287, 452, 458-460, 570, 59*-5 9 4 » 603, 606.

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S aad Bou, 79. S abAOADÉS, 294. S abatié (P.), 83. S aboun, 168. S aer M a t y , 71. S a fer e , 97. S aohadyioi, iio .

Robertsfield, 435.

R umaliza (v . M ohammed R umanika, 277.

Rwanda-Urundi, 459, 591, 593. R waoasore, 452, 594.

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a r m ie r

(P. de), 12 1.

S amba L aobe , 71. S amir A min, 663. S amir A min et C oquery-V idrovitch (C-). 538, 665. S amori, 93, 94, 104, 107, 10 9 -111, 117. S ampa , 241.

Sandawé, 265. S anderson (G. N.), 324. Sand ford (Chr.), 553. S an gu, 287. Sansanné-Mango, 447. S antandrea (R.P.), 207. S a n y a , 572. Sanyé, 265. S apbto (R.P.), 304.

Sara, 192-193. S arankyeni M ori, 94. S arraut (Albert), 382, 384, 401. S artre (J.-P.), 549* Sasol (Société), 618. S autter (G.), 219, 243, 348. Savanes centrafricaines, 192-204 (anciens peuples, 192-195; « gens d’eau », 195-196; migrations fong et gandé, 197; organisation des nations bandia et gandé, 197; invasion des Banda, 197; Dar el Kounti, 198; invasion baya, 199;

Banda du Sud, 199; entreprises esclavagistes des Tekrouriens et Foulbé, 199-200; ravages des Bahara, 200; administration égyptienne du Haut-Oubangui, 201; Rabah dans les savanes centrafricaines, 201-202; arrivée des Blancs, 201 ; expéditions françaises, 204).

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H I S T O I R E D E L 'A F R I Q J U E NOIRE

708 Savants du Nord, 173-904 (peuplement du rebord occi­

SlH A N A K A , 3 2 7 .

dental de l'Adamaoua, 173-19 1; savanes centrafri­ caines, 191-204). Savants du Sud, 290-246 (conquérants du Sud, 222-224; influence de la côte atlantique, 224-237; influence de la côte orientale, 237-244).

S ilva (Joao de), 439. S ilva P orto , 439. S imonin , 366. Simons town, 616.

S ayyed A li el M irohani, 563, 566. S ayyed abd el R ahman kl M akd i , 565, 566. S ayyid H a m id , 289. S ayyid S aïd , 271, 272, 344 * S cheper (Chr.), 81. S cherer (A.), 369, 651. S chmaltz , 35, 54, 55. SCHNAPPER (G.), 31, 50, 82, 2 1 9 .

(Victor), 21, 482. 461.

Schoelcher Schram m ,

S chrijver (A. de), 593. S chumacher , 433. S chwartz (A.), 12 1. S chwkinpurth, 18, 203, 207, 219. S chweitzer (Dr), 393. S cott (R.), 651.

Sébéi, 266. SéBETWANÉ (v. S ébitw an é). S é b it w a n é ,

222-223, 231.

Sérou, 454 (v. Séru). S épu, 243 (v. S épou). SÉOALEN (P.), 206.

Scgeju, 267, 268. S&OÉ.RÉ, 273. S eid S aïd , 344 (v. S ayyid S aïd ). S ekeletu , 223. SéKou T ouré , 493, 49, 497-499, 663. S p. m b è n e (Ouimane), 497. Sénégal, 388, 500. Sénégalaise (société— au X IX * siècle), 38-60. Sénégambie, 313. S enohor (Léopold Sédar), 389, 491, 492, 500, 663. Sennar, 315, 317.

S epopa , 223. S ere Brema , 108, n o . S ere Burlay , 108. S ere de R ivières (F.), 118 , 313. S ero K pera , 126.

Sese (iles), 274. Seychelles (iles), 357, 360, 363, 368, 630. S eyid S aïd , 23. S eymour, 432. S porza, 560.

Sua (v. Isiké), 287.

Singapour, 369, 597. Sinoé, 432. S i z u l u (Walter), 613. S kertchly (J. A.), 147. S kinner (£. P.), 119. S lade (R.), 243. S ïa t in , 321, 324» 425S mith (Ian), 622, 624, 623. S mith (M. G.), 17 1, 172. S muts, 4 11 , 553. SOBHUZA II, 627. Sobukwe (Robert), 614. Soce (Ousmane), 497. Société agricole italo-somala, 473. Société allemande de colonisation du Sud-Ouest africain, 279,446. Société américaine de colonisation des populations libres de couleur des Etats-Unis, 430. Société anonyme commerciale italicsme du Bénadir, 311. Société coloniale philanthropique, 34. Société générale de Belgique, 535, 545. Société de Géographie de Lisbonne, 439. Société industrielle et agricole du Ntari, 3 2 9 . Société de la Morale chrétientés, 20. Société des Nations (conflit italo-éthiopien), 467-475. Société nationale somali, 564. Société royale de Géographie de Londres, 36, 277. Société sucrière du Niari, 529. Société sucrière du Tchad, 534. Société du Sud-Cameroun, 447. Sociétés de prévoyance, 388.

Socotora (île), 658. SOQLO, 503.

Sokoto, 163, 164, 423. Solaoes (Mgr de), 347. SO L E IL L E T (Paul), 3 9 , 4 2 , 7 2 . SOLEIMAN, 200.

Somali, 265, 267, 268, 310 (v. Issa). Somalie (république), 363-565. Somalie italienne, 310 (v. Bénadir), 478, 569. Somaliland, 310, 400, 410. SO M IF E R (Bethlehem Steel), 327. SONOEA, 262, 270, 587. SONOHYE, 234. Soppo Priso, 323.

Shambala, 276. S h a m t é , 585, 596. S h a r i p f , 585. S harp (Granville), 19.

Soroti, 588. SoSHANOANE, 249, 258.

Souahili, 268, 286.

S harpe , 240.

Souahili (langue), 268, 577.

Sharpevillc, 614.

Souakin, 320, 321, 426. Souaziland, 627-628 (v. Swaziland). Soudan, 266, 598. Soudan (république), 565-567. Soudan anglo-égyptien, 425-428. Soudan central, 14 9 -172 (entre Niger et Tchad, 149; Bornou, Ouaddai et voisins, 165). Soudan français, 390. Soudan nilotique, 3 13 -3 2 3 (Nubie et Soudan vers 1800, 313-315 ; conquête égyptienne, 316 ; turkiya, 316-

S haykan , 321. SlIKBOUN AO F a NDANGOUMA,

89.

Shell (Société), 308.

Shinyanga, 603. Shirazi, 208. SlIIUNUU, 276. Shungwaya, 267. Sierra Leone, 406, 408, 5 / 1-312. Signâtes, 59.

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709

INDEX 3 17 ; impérialisme égyptien, 317-320; mahdiya, 320323). So ule yuan Ba l , 51. S oumialot (Gaston), 340. South African Tradt Union Congrus, 614. South Rhodesian Trade Union Congress, 613. South West Africa National Union, 621. South West Africa Peoples Organisation, 621. South West Africa Company, 447. S ouza (de), 20. S ouza (Francisco da), 133.

Sow (L), 12 1. SP A FE (Société pétrolière), 525. S peke , 16-17, 3 ** 276, 320. S tahl (K. M.), 610. S talin e , 380, 560. S tan ley (H. M.), 17-18, 29, 3*. 43. 44. 4®. 203, 219,

226, 243. 245, 277, 280, 322, 452. S tarjue (E.), 323S tevenson , 278. Stevenson Restriction Act, 433 (v. Rubber Plantation Act), S teer (G. L.), 465. 477. 559, 588. S tern (H.), 300, 301, 323. S tokes (E.) et Browne (R.), 259. S trauch , 441. S trijdom (J. G.), 613. S trumpell (K.), 172. S l' bet , 276 (note).

T a p a w a Ba l b w a

(Aboubakar), 507, 508.

T apari M akonnen, 313 , 462.

Tagant, 389. Taita, 267 (v. Teita). Taita (mont), 267. Taka, 317. Takaungu, 284. T akla H aymanot , 294. Takoradi, 421, 505. Tamatave, 333, 353, 334. T a m b a Boukari , 99. T a m b o (Oliver), 617. T a m in a , 167.

T amisier , 295, 296.

Tana, 265, 267, 268, 276, 280, 589, 601. Tananarive, 325, 342. Tanga, 269, 288, 587, 603. Tanganyika, 262, 407, 486,57'-57*. 577.587,588,589,595* Tanganyika (lac), 262, 263, 270, 272, 273. 276, 277, 278, 606. Tanganyika African Association, 572, 573Tanganyika Africa National Union, 571, 572, 573, 576. Tanganyika Federation o f Labour, 576.

Tanzanie, 261, 263, 265, 266, 267, 268, 270, 272, 476, 598. 598, 601, 603, 608. T apiero (N.), 171.

(C.), 176 (note), 177 (note), 182 (note), 183 (note), 205, 349.

T a r d it s

Sud-Ouest africain, 257, 443, 448-449, 620-621. Sukuma, 274.

T asamma, 309.

S uleyman S olono, 315. Sudan African National Union, 567. S ummer (R.) et Paoden (G. W.), 259. S una , 274. S unley (W.), 364. Suppression o f Communism Act, 614. S urcoup, 358. S uret-C anale (J.), 81, 119 , I2 i, 402, 5 13, 663. S uvich , 467. S uzman (Helen), 617.

T auxier (L.), i 19, X2I. T aylor (J. O.), 610. T aylor (J. W .), 201, 291. T ayton , 312. Tchad, 390, 394, 395, 426, 533-534 •

Swaziland, 409, 4 11, 486. S ykes (C.), 568.

T c h i x a y a , 528. T ed l a B e ir u , 562.

T eobessou, 132.

Teita, 284 (v. Taita). Teita H ills Association, 3 8 2 . T e d c e i r o P in t o (Joao), 4 4 2 . T ekele W olde H a w a r ia t ,

Syndicat agricole de Femando-Poo, 434. Système colonial français, 38 1-38 7 (tendances, doctrines,

méthodes, 381-382; gouvernement central, 383-384; administration locale, 384-383; distinctions juridiques et sociales, 385-386; résultats généraux, 386-387). Saint-Brandon (île), 658. Saint-IIdcfonse (traité de), 436. Saint-Joseph de Cluny (ordre), 27, 39. Saint-Louis du Sénégal, 76-77. Saint-Mathieu (île), 656. Saint-Paul, 358. Saint-Paul de Loanda, 439. Sainte-Hélène, 656-657. Sainte-Marie de Madagascar, 364. Santa Isabel, 436 (y . Port-Clarence), 438, 636. Sâo Thiago, 653. Sào Tomé (île), 439, 653. « Table ronde » de Bruxelles, 538. T abler (E. C.), 259. Tabora, 270, 273, 274. 287, 451, 456 ; congrès de —, 376. Tadjoura, 297, 309.

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Tatoga, 266.

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476.

Téma, 303. T e m p l e , 428. Tenguéréguèf, 86-89. Territoire britannique de Voclan Indien, 650, 658. Territorios espaholes del Golfo de Guinea, 438.

Teso, 267, 283. T essmann (Dr), 206, 207, T e w a b e c h , 298. T e w o d r o s II, 298-303T EX E l R A D a MOTA, Z2 X. T h a b a B o s iu , 627.

220.

Tharaka, 267. T héodoros ( v . T éwodros II). T h ie r r y ,

447.

T h ncA, 601.

Tin on (S.), 630. Tkirstland Trekkers, 443. T homas (L. V.), 82. T homas (P. L.), 369. T hompson, 427. T h o r b e c k e (F.), 183 (note), 188 (note), 206. T h u r ia u x -H e n n e b e r t (A.), 207.

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H IS T O I R E D E L ' A F R I Q U E N O I R E

710 Tibesti, 390. T i d j a n i , 8 7 , 9 7 , 1 0 3 , 10 4 . Tidjaniyo, 389. T ie n d r e b e o o o ( Y .) , 1 19 . Tigré, 294. 296, 299, 303,

472.

Tikar, 178-180. T ik im a , 200.

Tinderet (monts), 262. 24, 234. *39-*43, «46, 273, 454Mohamed ibn Hamid), 454 (v. T ip p o

T ip p o T ib , 17, 23, T ip po u T ib , 273 (v. T ib ).

Tirailleurs sénégalais, 387.

Trmuss (R.), 631. T o c q u e v il l e , 2 1 . T o d d (Garfield),

622. To*o, 392, 407, 445, 447, 5©3Togobund, 392.

Torvo J a J oivo (Herman), 621. Toma, 390. To MBALBAYE, 533. T o m bo , 19 7 .

Tombouctou, 86-93. T opebalooo, 92. T oqué (G.), 207. T ordorfp (W.), 50. T orokoro M a d i , 98. T ouchki, 322.

Toucouleur, 99, 103. Tour de Guet, 457. T ournaire (H.) et Bouteau (R.), 349. T oussaint (A.), 369, 631.

(S.), 568.

répression, 20-21 ; liquidation, 2 1) ;—en Angola, 228-229. Traite musulmane et traite intérieure, s r-ry (origine et prin­

cipe, 22 ; à travers le Sahara, 22-23; Ethiopie, 23 ; Afrique orientale, 23-24; 274-275; traite intérieure, 24-25; Etats tekrourien, boraouan et foulbé, 199-200). Tranquebar, 357. Transformation des sociétés africaines î p o p u la tio n , 3 7 9 ;

•ociété, 3 7 9 ; culture, 379-380* Transkei, 613. Transkei National Independence Party, 613.

Transnoia, 267. Transvaal, 254, 408, 4 11. T reich-L aplè .ne , 19, 116.

(G. K . N.), 368.

T richardt, 233. T r im in g ham (J. S.), 82, 118 , 120, 291, 323, 324. Trinité (île), 656. Tristan da Cunha (île), 656. Tromelin (île), 657 (v. île du Sable).

T ronjb

von

H agen (G.), 220.

(Dimitri), 616. Tsavo, 285.

T safen d as

T shombé, 537, 538, 540, 54t. T siranana (Philibert), 632, 634, 638, 639, 640, 641. T ubiana (M. J.), 172. T u bm a n , 433. T uckey, T u cker

15. (A. N.) et B r y a n (M. A.), 220.

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T yeb a , 103-107. T yepolo , 98, toi. T y e k o u r a , 98. T y e p o n o u , 105, 116. Uasin Gishu, 262, 266 (note), 267, 276. Ubugabiré, 391. Ucciali (traité d*)» 306, 307, 308. Ufipa, 270. Uganda Development Corporation, 589. Uganda National Congress, 580, 381. Uganda National Movement, 381. Uganda People’s Congress, 381. Ugenya, 284. Uhétré, 270. Uhuru Independence, 572. Ujiji, 270, 27», 273. «74. «77* Ukomba Members* Association (Kenya), 582. Ukawi, 279. Ukurun a Nazi, 601. Un Id ia , 553* U m N yo bé (Ruben), 518-319. U

T ownsend (M. E.), 291. T ownsend (Mary), 461. Trait» européenne des Noirs, ip -t i (abolition théorique, 19-20;

T r e v a sk is

T winino, 573. T yam (M. A ) , 120.

Ugogo, 277.

Toro, 281, 282, 283, 581.

T ouval

Tuken, 266. Turkana, 267. Turkiya, 316-317. T u r n b u l l (Sir Richard), 576. Tuta, 270. Tutsi, 265, 266, 268, 391, 594, 605, 606. Twa, 265.

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m ar ,

166.

U maru, 125. Umba, 280. Umkonto me Sizwe, 614 (▼ . Per de lance). Umma Party (Zanzibar), 586, 596. U ntenville (A.-M. d’ ), 389* Unilateral Declaration o f Independence (Rhodésie), 624. Unilever (trust), 308. Union cotonnière centrafricaine, 531. Union démocratique et sociale gabonaise, 525. Union douanière et économique d’Afrique centrale, 524, 529. Union française, 483. Union générale des Travailleurs d*Afrique noire, 496. Union du Kilimandjaro, 573 (note). Union minière du Haut-Katanga, 438, 538, 343, 343. Union nationale camerounaise, 523. Union nationale rwandaise, 593. Union des Peuples angolais, 543. Union des Populations earneroiaudses, 518. Union progressiste sénégalaise, 500. Union sociale camerounaise, 523. Union soudanaise, 500. United Federal Party (Rhodésie), 622, 623. United Gold Coast Convention, 304. United National Independent Party (Rhodésie), 623, 625. United Swaziland Association, 627. United Tanganyika Party, 373. Université d’Afrique orientale, 602, 610. Université de Bujumbura, 607. Université de Butaré, 606. Université du Kenya, 602. Unlawful Organization Act, 614.

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711

INDEX Unyamwest, 288. Unyanyembé, 273, 274, 278. U PRO X A , 432, 594, 603 (y. Parti i t P Unité tt du Pn national).

Urundi, 287, 570, 594-

Von

der H e y d t , 279. V orster (Balthazar), 4 1 1, 614, 6 17 . V o u let , 92, 94, 119 .

Vumba, 269, 271.

U rvoy (Y.), i i 8, 170, 172.

Wad Medani, 366.

Usamb&ra, 265.

W a d e l a i , 322.

U s a n g T j, 2 7 0 . U SMAN DAM FODYO (v . O uSUAN DAM FO D YO ).

W aoret

Usugara, 279. Usumbura, 276, 287, 288. Uyowa, 273.

W alamo, 308. W a ld a S e l l a j s ié , 294. W ald ec k -R ousseau , 73.

WA I D MAN (M. RO, I 7I*

U ys , 252.

W a l k e r (E.), 216, 630.

Uzigé, 274. Uzina, 279. Vadin-Tcmy,

Wanga, 276, 280, 284. Wanyamwesi, 267. W ard (W. E.), 147, 313. W ar n er (D. B.), 431. Warsheikh, 280. Watch Tower, 437 (v. Tour de Guet).

329.

V a x a b a T o u ré , 108. V a l e t t e (J.), 356.

VALlàRR, 104.

W atrrn ero , 449.

V am Bu lcx (G. V.), 220. V an G e l s , 18, 203. V an J aar speld , 427. V an V o llen h o ven , 387. V an Z a n d ijc t b (A .), 246. V a n d er B y v a n o , 246.

V an

a - MO. 348. Wakusuma, 267.

der H o r j t ,

W a t erpield , 333.

Wau, 566. W a u th ien (CO, 665.

Wazaramu, 287.

427.

V an der K erxen (G.). 220, 437. V ansina (J.), 220, 246, 291. V edder (MO. 259. V e l l e z -C aroso (SO, *11. V en n et ier (PO, 348. V er bek en (AO, 246. V erd ict (EO, 246. V erg er (PO, 14 7 * V ero iat (A.-M.), 207. V er on a u d (PO, 549. V erh aboen (BO, 349. V erh ulpen (EO, 246.

Versailles (traité de), 394-

W einstein (BO, 220, 348. W eld B l u n d ell (H.), 323. W elen sk y (Sir Roy), 622, 623, 630.

W ENDLINO, 71. W e r e (G. S.), 291. W e r e (G. S.) et W ilson (D. A.), 291. W esterm ann (B.), 177. *79 (note). W h e e le r (D.), 246, 239. W h e e l e r (D. et P élunier (R .), 630. White Highlands, 583, 587, 601. W h iteh ead (Sir Edgar), 622. W h ite l e y (W . H .), 246.

Wia, 303. WlDI, 97. W ight , 427.

V erw oerd (Hendrik), 4 1 1, 6 13, 615, 616. V igzana V id a lvech (Antonio de), 4 6 1.

WlLBERPORCE, IQ.

V100 (R.P.), 3*9Victoria (lac), 262, 263, 268, 270, 274, 276, 2 77, 280, V il i , 214-215. Villaggio Duca degli Abbruzxi, 473. V illa .rd (AO, 82, 402. V ill e n e u v e (G. de), 52. VnxiERS G r a a f (Sir de), 4 1 1 . V iroin (EO, 477* Vohémar, 347.

W ilds (1 0 , 119 . W illiam s , 427. W illiam s (Ruth), 626. W ill s , 259, 4*7W ilson (Harold), 616, 624. W ilson (M.) et T hompson (L.), 259.

V olz (Dr), 432. V on V on V on V on

A l b e r t in i , 347. B erin o e , 287. F rançois (Curt), 446. G ü tze n , 287. V on L etto w -V orbect, 444. V on M essow , 447. V on O ppenh eim (M .), 172 . V on P r in ce , 450. V on R a m sa y , 287.

Wild (Comité), 381.

Windhoek, 446. W moa t e , 423, 426. W ingate (Orde), 533. Witbok (Hendrik), 448, 449. Witu, 279, 280. Witwatersrand, 410. WOBOO, 92. W ood (S.), 610 . W ork (E.), 323. W r a ith , 428. W u b e , 294, 296, 298.

W ylde (A. B.), 304, 303, 383-

V on SoKuxm N, 449. V on T roth a , 449.

Y aoono , 4 0 1.

V on W issmanm, 2 33, 286, 449.

Y AMtO OO, 503.

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Yaka, 230.

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H I S T O I R E D E V A F R I Q U E NOIRE

712 Y anoou Mbtu, 202. Yao, 27a, 287, 442. Yapati, 197. Yéké, 240. Y klzou -L ana -L oohfoy, 92.

Zanzibar Nationalist Party, 385. Zanzibar and Pemba People*s Party, 585.

Y e m d é , 92.

Z emio, 201, 202, 204. Zendj, 268.

Ycndi, 447. Y enhama, 91. Y ohannàs IV , 303-304, 320, 322. Yorouba, 128-130, 143. Y oulou (Fulbert), 517 , 328. Y ouno (a ), 549Y uhi V M u iin o a , 287. Y usup, 169.

Z a o d it o u , 304, 310, 462, 463.

Zeila, 297. 303Z e l b r , 59.

Zerzna, 90. ZlBKR, 200, 201. ZlKOLB, 204. ZlBOLBR (J.), 330. Zigaporossou, 432. Zigwa, 286.

Zimbabwe African Peoples Union, 623. Z im m er m a n n (A.), 461.

Zambèze, 270, 433. Zombezia Company, 442. Zambie, 486, 601, 623, 623-626. Z anab , 300. Zanaki, 572, 593Z a n a ' m a l a t a , 364. Zandé, 196-197. Z ano-A tanoana (J. M.), 349. Zanzibar, 263, 268, 270, 271, 272, 273» «75, «76, 277, 279, 280, 281, 284, 286, 968-290, 310, 320, 407, 486, 535-566, 389» 598. 603.

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Zonou, 303.

Zinta, 432. ZlNTORAFF (E.), 205. Zinza, 274. Z obeol (v. Zn sa). Z oubaIb , 3x9. Zoulou (guerre), 234-236. Zulla, 303. Zumbo, 441. Z wanb (Dr), 628. ZWENOKNDABA, 2 4 9 , 2 3 6 , 2 7 0 .

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

P la n c h e I. — « Les Anglais faisant part aux Africains du Traité de paix des puissances alliées du 20 septembre 18 15 sur l ’abolition de la traite des Noirs». Composition allégorique. Collection de Vinck, Cabinet des Estampes, Paris. Cliché Bibliothèque Nationale.

P la n c h e II. — Retour de cavaliers ramenant des captifs. Dessin de Riou d’après des documents de Fauteur. Capitaine Binger, « Du Niger au golfe de Guinée (1887-1889) », in Le Tour du Monde, 18 9 1. Cliché Pierre Bizet. P la n c h e I I I . — Intérieur du camp de l ’almam y Samori. Dessin de Riou d’après les documents de l ’auteur. Capitaine Binger, «D u Niger au golfe de Guinée (1887-1889) », in Le Tour du Monde, 18 9 1. Cliché Pierre Bizet. P l a n c h e IV . — L a rencontre de Stanley et de Livingstone, le 30 octobre 18 7 1. Dessin d’Emile Bayard d’après la gravure de l ’édition anglaise. M . H . Stanley, « Voyage à la recherche de Living­ stone au centre de l ’Afrique », in Le Tour du Monde, 1873. Cliché Pierre Bizet.

P la n c h e V . — Vue d’une partie de la ville de Tombouctou dessinée par René Caillé en 1828. Caillé, Note d'un voyage à Tombouctou, 1830. Cliché Pierre Bizet. P l a n c h e V I . — Racine T all, chef des troupes d’E l H adj Omar à Koundian. Dessin d’Emile Bayard in M . M age, Voyage dans le Soudan occidental ( Sénégambie, Niger), 1863-1868. Cliché Pierre Bizet. P la n c h e V I I . — M a l i . L a mosquée de M opti. Cliché Scoupe - Rapho. P la n c h e V I I I . — C ô te d e l ’O r . L a réception de Bowdich à Coumassi par le souverain des Ashantis en 18 17 , in L'Afrique, tome 2, M ilan, 1827. Cabinet des Estampes, Paris. Cliché Pierre Bizet. P l a n c h e I X . — C ô te

d ’I v o ir e . Adjoumani, roi de Bondoukou et ses fils. Dessin de Riou d’après les documents de l ’auteur. Capitaine Binger. « Du Niger au golfe de Guinée (1887-1889) », in Le Tour du Monde, 18 9 1. Cliché Pierre Bizet.

P la n c h e X . — D a h o m ey . U n village dans la région du nord. Cliché Dominique Darbois. P la n c h e X I . — N i g e r . Cavaliers à Niamey. Cliché Almasy. P l a n c h e X I I . — D a h o m ey . L e roi Béhanzin. Cliché Pierre Bizet.

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H I S T O I R E D E L' AF RIQ JU E N O I R E

714

P l a n c h e X I I I . — D a h o m ey . Cavalier lançant une flèche. A rt d ’Abomey (bronze à d re perdue). Musée de Dakar. Cliché Brocher - Dakar. P la n c h e X I V . — C am ero u n . C h ef en pay* Bamiléké à Bafoussam. Cliché Dominique Darbois. P l a n c h e X V . — C am ero u n . U n des rites d’ intronisation du roi des T ik a r : le souverain, accompagné de ses femmes et de ses dignitaires, vient boire l'eau d ’un lac sacré voisin du M bam . Cliché Claude Tardits.

P la n c h e X V I . — R

é p u b liq u e C e n t r e -A f r ic a in e . Guerriers Niam -Niam . G . Schweinfurth, « A u cœur de l'Afrique », in Le Tour du Monde, 1874. Cliché Pierre Bizet.

Pla n c h e X V I I . — K Lebel.

e n y a . Une famille Turkana, vivant à l ’ouest du lac Rudolf.

Cliché Holmis -

P la n c h e X V I I I . — O u g a n d a . Speke et G rant offrent une bible à Mtesa, roi du Buganda (1862). Capitaine Speke, « Les sources du N il, journal d’un voyage de découvertes (1860-1863) », in Le Tour du Mondey 1864. Cliché Pierre Bizet. P l a n c h e X I X . — O u g a n d a . Anniversaire de l’accession du roi au pouvoir, chez les M jango. Cliché Rodger - Magnum Photo. P l a n c h e X X . — M a d a g a sc a r . Binao, reine des Sakalava, sur son filanzanc. Cliché Sirot. P l a n c h e X X I . — C ô te

d ' I v o ir e . Réunion de notables.

Cliché Almasy.

P l a n c h e X X I I . — A f r iq u e

d u S u d . L a guerre des Boers (1900) : un campement improvisé aux environs de Ladysmith. Cliché Sirot.

P l a n c h e X X I I I . — E t h io p ie . Le négus H ailé Sélassié et son escorte. Cliché Keystone. P l a n c h e X X I V . — M a u r it a n ie . Les mines de Tazadit à Fort-Gouraud. Cliché Hoa • Qjd. P la n c h e X X V . — M a u r it a n ie . Le président M okhtar O uld D addah et le général de G aulle. Cliché Parimage. P l a n c h e X X V I . — S é n é g a l . L a foule lors d’un voyage du général de Gaulle, Cliché Parimage. P la n c h e X X V I I . — S é n é g a l . L a place de la Libération (ex-place Protêt) à Dakar. Cliché Almasy. P la n c h e X X V I I I . — S é n é g a l . U ne tournée électorale du président Senghor. Cliché Vincent Afrique Photo. P l a n c h e X X I X . — G u in é e . Pêcheurs à Conakry. Cliché Camera Press •Parimage. P l a n c h e X X X . — L ib é r ia . L a fête nationale. Cliché Almasy. P l a n c h e X X X I . — C ô te d ' I v o ir e . L e président Houphouët-Boigny accueille le président Pompidou à Abidjan. Cliché Henri Bureau - Gamma. P l a n c h e X X X I I . — G h a n a . T ravau x du barrage sur la V o lta. Cliché Georg Gerster • Rapho.

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715

T A B L E D ES I L L U S T R A T I O N S P lanche X X X I I I . — G hana. Meeting politique. Clichi Almasy.

P lanche X X X I V . — T ogo. L a lutte contre l ’analphabétisme, à Lomé. Cliché Marc et Evelyne Bern­ heim - Rapho. P lanche X X X V . — N iger . U n radio-club. Clichi Almasy. P lanche X X X V I . — N igeria . Les fêtes de l ’ Indépendance. Au premier plan, M me Diori Hamani et le négus Hailé Sélassié; au second plan, les présidents M aga (Dahomey) et Diori Hamani (Niger). Cliché Camera Press - Parimage.

P lanche X X X V I I . — N igeria . Une conférence de presse du colonel Ojukvu, chef de la révolte du Biafra. Cliché Holmis - Lebel. P lanche X X X V I I I . — C ameroun. Une militante de l ’organisation des femmes de l ’Union Nationale met son bulletin dans l ’urne. Clichi A .F.P. P lanche X X X I X . — C ongo-K inshasa. Une évocation du temps de 1’ « esclavage colonialiste » sous le regard du Président Mobutu. Clichi Dupuy - Holmis - Lebel. P lanche X L . — Somaliland. Electeurs analphabètes apposant leur empreinte digitale sur la feuille d ’émargement. Clichi Camera Press - Holmis - Lebel. P lanche X L I . — K enya . L e président Jom o Kenyatta. Clichi Camera Press - Parimage. P lanche X L I I . — K enya . U n enfant El M olo vêtu d’un sac provenant de l ’aide américaine. Clichi Lozouet - Holmis - Lebel. P lanche X L I I I . — T anzanie. U n meeting électoral à Zanzibar. Clichi Camera Press - Holmis - Lebel. P lanche X L I V . — T anzanie. Fang Y i, ministre de la Chine Populaire chargé des relations économiques avec les pays étrangers, inaugure les premiers travaux de chemin de fer Tanzam (Tanzanie-Zambie). Derrière lui, assis, avec une calotte, le président tanzanien Ju liu s Nyéréré cachant le président zambien Kaunda. Clichi Camera Press - Parimage.

P lanche X L V . — U nion Sud-A fricaine . L a ségrégation raciale. Clichi Camera Press - Parimage. P lanche X L V I. — Sud-O uest A fricain . Le triage des graviers d’un gisement diamantifère, près d ’Orange Mounts. Clichi Duverger - Afrique Photo. P lanche X L V I I . — Swaziland . Le roi Sobhuza reçoit des mains du ministre britannique Georges Thomson le décret d’indépendance. Clichi Camera Press - Parimage. P lanche X L V I I I . — M adagascar. Le président Tsiranana au marché de Tananarive. Clichi Camera Press - Parimage.

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G o o g le

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TABLE DES CARTES

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 2 1. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 3 1. 32. 33. 34. 35. 36.

Principales explorations européennes ............................................................................................ 14 Pénétration arabe en Afrique orientale avant 18 8 0.................................................................. 24 L ’Afrique politique vers 1886 ......................................................................................................... 46 M auritanie et S é n é g a l........................................................................................................................ 68 Les empires Bambara et le M a sin a ..................................................................................................... 88 Du Niger à la V o l t a ........................................................................................................................... 106 L ’empire Toucouleur et les empires de S a m o r i.................................................................... 114 -115 Guinée centrale et orientale au xix® siècle............................................................................... 126 -127 Soudan central au xix® siècle ......................................................................................................... 154 Rebord occidental de l ’Adam awa. R e l i e f ................................................................................... 174 Cameroun occidental (découpage xx« s iè c le )............................................................................. 180 Les savanes centrafricaines au xix® s iè c le ................................................................................... 194 Migrations au xix® s iè c le .................................................................................................................... 2 12 Les Kololo et les N g o n i ..................................................................................................................... 222 Le réseau des Bobangi ........................................................................................................................ 226 Carte d ’orientation. Influence de la côte atlan tiq u e............................................................... 229 Les influences de la côte o rie n ta le .................................................................................................. 238 Les territoires de Tippo T i b ............................................................................................................ 242 L ’Afrique du Sud et du Z a m b è z e ................................................................................................ 250 L ’Est africain p ré c o lo n ia l.................................................................................................................. 264 L ’Ethiopie désunie au début du x ix e s iè c le ............................................................................... 295 L a Nubie et le Soudan vers 18 2 0 ................................................................................................... 3 14 Le Soudan égyptien. 1820-1885 ..................................................................................................... 3 18 M adagascar. Extensions du royaume M erina .......................................................................... 326 Les a r c h ip e ls .......................................................................................................................................... 359 L ’Afrique politique en 1 9 1 0 .............................................................................................................. 374 L ’Afrique politique en 1 9 3 9 .............................................................................................................. 375 Afrique, partie ouest............................................................................................................................. 4 31 Afrique, partie s u d ............................................................................................................................... 440 L ’ Ethiopie et ses voisins en 1935 ................................................................................................... 464 L ’Afrique orientale italienne. 19 3 6 -19 4 1........................................................................................ 474 L ’Afrique politique vers 1970 ......................................................................................................... 486 L ’Afrique occid entale........................................................................................................................... 495 Cameroun et R .C .A ...................................................................................................................... 520-521 L a République gabonaise et la République populaire du Congo-Brazzaville.................... 526 Le T ch a d ................................................................................................................................................... 532

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718

H ISTO IRE D E V A F R I Q U E NOIRE

37. 38. 39. 40. 4 1. 42. 43. 44. 45.

Les principales ethnies du C on go .................................................................................................... 536 Les douze provinces congolaises en 1966 .................................................................................... 541 L ’Angola et la République démocratique du Congo-Kinshasa................................................ 54a L ’Ethiopie et ses voisins en 1970 ................................................................................................... 558 T a n z a n ie .......................................................................................................................................... 574"575 K enya, O u ga n d a........................................................................................................................... 578-579 Rwanda, B u ru n d i................................................................................................................................. 592 Afrique du Sud et du Capricorne.................................................................................................. 6 12 Les petites îles ..................................................................................................................................... 654

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TABLE DES MATIÈRES

P R E M IÈ R E

P A R T IE

L E X IX » S IÈ C L E

7

P r e m ie r . — L ’impact extérieur : Européens et Arabes, par Hubert Deschamps

13

I I . — L ’impérialisme, par Henri Brunschw ig..........................................................

33

I I I . — M auritanie et Sénégambie, par R oger Pasquier ......................................

51

IV . — D u Soudan nigérien à la côte atlantique, par Yves P e rs o n ................

85

Sîfiîfl

I ntroduction, par Hubert D escham ps.................................................................................................

V.

— Guinée centrale et orientale, par Paul M e r c ie r ......................................

12 3

V I.

— L e Soudan central, par Henri M oniot .....................................................

149

V II.

— Les savanes du Nord :

Le peuplement du rebord occidental de l'Adamawa, par Claude T a r d it s .............................. Les savanes centrafricaines, par Pierre K a lc k ............................................................................... C hapitre V I I I .

— L a forêt équatoriale, par Pierre A le x a n d re ................................

173 19 1

209

C hapitre

IX .

— Les savanes du Sud, par Ja n Vansina ......................................................

221

C hapitre

X.

— L ’Afrique du Sud et du Zambèze (1800-1880), par W. G . L . Randles

247

C hapitre

X I.

— L ’Afrique orientale, par Odette G u it a r d .....................................

261

C hapitre X I I . — L ’Ethiopie et le Soudan nilotique : L'Ethiopie et ses voisins, par Richard P a n k h u rst.................................................................... Le Soudan nilotique, par Hubert Deschamps .......................................................................... C hapitre X I I I .

— M adagascar, par Je a n V a le t t e ........................................................

C hapitre X I V .

— Les Mascareignes, les Seychelles et les Comores,par Auguste Toussaint

D E U X IÈ M E

L A P É R IO D E

293 3 13

325 357

P A R T IE

C O L O N IA L E

I ntroduction . — L ’évolution coloniale, par Hubert D esch am ps..............................................

373

C hapitre P remier . — L ’Afrique française, par Hubert D esch am p s........................................

381

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720

H I S T O I R E D E L ' A F R I Q U E NOIRE II. — L ’Afrique britannique et le Soudan anglo-égyptien :

C h a p it r e

L'Afrique britannique, par Jo h n Donnelly F a g e ...................................................................... Le Soudan anglo-égyptien, par Hubert D escham ps..................................................................

403 425

I I I . — L ’Afrique portugaise, belge, espagnole, allemande et le Liberia, par Robert C o r n e v in ...................................................................................................

429

IV . — L ’Ethiopie et l’ Italie, par Richard Pankhurst ..........................................

463

C h a p it r e

C h a p it r e

T R O IS IÈ M E

P A R T IE

D É C O L O N IS A T IO N E T IN D É P E N D A N C E

I ntroduction, par Hubert D escham ps................................................................................................

481

C hapitre P remier. — L ’Occident, par Hubert D esch am p s.......................................................

491

I L — Décolonisation et indépendance en Afrique centrale, par Catherine Coquery-V idrovitch..............................................................................................

5 15

C hapitre C hapitre

I I I . — Le Nord-Est :

Ethiopie et Somalis, par Richard Pankhurst............................................................................ Le Soudan, par Hubert Deschamps............................................................................................ IV . — L ’Afrique orientale depuis 1945, par Odette Guitard

C hapitre

.........................

551 565 569

C hapitre

V . — L ’Afrique australe et les pays du Capricorne, par Claude W authier

6 11

C hapitre

V I. — M adagascar, par Flavien Ranaivo ................................................................

631

C hapitre

V I I . — Les Mascareignes, les Seychelles et les Comores au xx ® siècle, par Auguste T oussain t................................................................................................

645

Annexe . — Les petites îles, par Hubert Deschamps ....................................................................

653

C onclusion. — L ’Afrique face au monde, par Basil Davidson ................................................

659

C hronologie, par Hubert D escham ps................................................................................................

667

I n d e x ..............................................................................................................................................................

687

T able

des illustrations .........................................................................................................................

7 13

T able

des c a r te s ......................................................................................................................................

717

les

t r a d u c t io n s p a r

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v id a u d

1971. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France) Héliogravure S.A.D.A.G. à Bellegarde ÉDIT. N® 31 399 imprimé kn francs IMP. N° 22 593

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