Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme dans les élections européennes de 1979 à nos jours 3515112510, 9783515112512

Les élections au Parlement européen traduisent un véritable paradoxe. Organisées au suffrage universel direct depuis 197

123 39 2MB

French Pages 246 [254] Year 2016

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD FILE

Polecaj historie

Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme dans les élections européennes de 1979 à nos jours
 3515112510, 9783515112512

Table of contents :
Table des matières / Table of Contents/ Inhaltsverzeichnis
MARTIAL LIBERA / SYLVAIN SCHIRMANN / BIRTE WASSENBERG: Avant-propos / Foreword / Vorwort
MARIE-THERESE BITSCH:
Introduction / Introduction / Einleitung
PART 1: ÉLECTIONS EUROPÉENNES ET QUESTIONS
INSTITUTIONNELLES / EUROPEAN ELECTIONS AND
INSTITUTIONAL QUESTIONS / EUROPAWAHLEN UND
INSTITUTIONELLE FRAGEN
ELSA BERNARD:
L’élection européenne de 2014 : Vers une Union plus démocratique ?
MATHILDE JAUZEIN:
Évolutions institutionnelles et élections européennes : une analyse
à la lumière du processus d’adoption du traité de Lisbonne
PART 2: ÉLECTEURS ET COURANTS D’OPINIONS PUBLIQUES FACE
AUX SCRUTINS / VOTERS AND PUBLIC OPINION AT ELECTIONS /
WÄHLER UND ÖFFENTLICHE MEINUNG BEI DEN WAHLEN
MURIEL RAMBOUR:
Des élections européennes sans électeurs? De quelques caractéristiques
électorales (1979-2009)
JEREMY MOULANEK:
Votes blancs et nuls aux élections européennes de 1994 : Des votes
« euroconstructifs » ?
NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA:
UK Independence Party : de rébellion conservatrice à séisme électoral
PATRICK MOREAU:
Communisme et postcommunisme entre anti-européanisme et altereuropéanisme
PART 3: ANTI-EUROPÉISME, EUROSCEPTICISME,
ABSTENTIONNISME : UN PHÉNOMÈNE EN PROGRESSION ? /
ANTI-EUROPEANISM, EUROSCEPTICISM AND ABSTENIONSIM:
A GROWING TREND? / ANTI-EUROPÄISMUS, EUROSKEPTIZISMUS
UND ENTHALTUNG: EINE WACHSENDE TENDENZ?
ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST:
“Plunder for the nations”: EP elections and the rise of Euroscepticism in the
Netherlands
EMMANUELLE REUNGOAT:
Modes et scrutins, financement des campagnes électorales et émergence
des partis eurosceptiques dans les élections européennes en Franc
CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO:
Spain at the Crossroads: From Economic Crisis to the 2014 European
Parliament Elections
DANIELE PASQUINUCCI:
Euroscepticisme et abstentionnisme lors des élections européennes en Italie
(1979-2014)
ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE:
De l’enthousiasme à l’indifférence? Abstentionnisme, euroscepticisme et
anti-européisme dans les élections européennes au Portugal (1987-2014)
GEORGIANA CICEO/PAULA MURESAN:
L’insertion du domaine national dans l’espace européen: Scepticisme,
absentéisme, subsidiarité renversée en Europe centrale et orientale
NICOLAE PAUN/ADRIAN-GABRIEL CORPADEAN:
Les élections européennes en Europe centrale et orientale: Dilemmes de
légitimité
WILFRIED LOTH:
Conclusion/Conclusion/Schlussfolgerung
ANNEXES / AHÄNGE / APENDICES
LES AUTEURS / DIE AUTOREN / AUTHORS
CONCERNANT LA SERIE « ÉTUDES SUR L’HISTOIRE DE L’INTEGRATION EUROPEENNE » / ZUR REIHE „STUDIEN DER GESCHICHTE DER EUROPÄISCHEN INTEGRATION“ .... / ABOUT THE SERIES “STUDIES ON THE HISTORY OF EUROPEAN INTEGRATION” ...

Citation preview

Martial Libera / Sylvain Schirmann / Birte Wassenberg (dir.)

Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme dans les élections européennes de 1979 à nos jours

SGEI – SHEI – EHIE

EI SGEI HEI SHEI HIE EHIE Geschichte

Franz Steiner Verlag

Martial Libera / Sylvain Schirmann / Birte Wassenberg (dir.) Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme dans les élections européennes de 1979 à nos jours

Studien zur Geschichte der Europäischen Integration (SGEI) Études sur l’Histoire de l’Intégration Européenne (EHIE) Studies on the History of European Integration (SHEI) Band / Volume 30 Herausgegeben von / Edited by / Dirigé par Jürgen Elvert In Verbindung mit / In cooperation with / En coopération avec Charles Barthel / Jan-Willem Brouwer / Eric Bussière / Antonio Costa Pinto / Desmond Dinan / Michel Dumoulin / Michael Gehler / Brian Girvin / Wolf D. Gruner / Wolfram Kaiser / Laura Kolbe / Johnny Laursen / Wilfried Loth / Piers Ludlow / Maria Grazia Melchionni / Enrique Moradiellos Garcia / Sylvain Schirmann / Antonio Varsori / Tatiana Zonova

Martial Libera / Sylvain Schirmann / Birte Wassenberg (dir.)

Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme dans les élections européennes de 1979 à nos jours

Franz Steiner Verlag

Umschlagabbildung: © Aurélie Kraft Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek: Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über abrufbar. Dieses Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist unzulässig und strafbar. © Franz Steiner Verlag, Stuttgart 2016 Druck: Bosch Druck, Ergolding Gedruckt auf säurefreiem, alterungsbeständigem Papier. Printed in Germany. ISBN 978-3-515-11251-2 (Print) ISBN 978-3-515-11279-6 (E-Book)

Table des matières / Table of Contents/ Inhaltsverzeichnis MARTIAL LIBERA / SYLVAIN SCHIRMANN / BIRTE WASSENBERG Avant-propos /Foreword / Vorwort ...................................................................

7

MARIE-THERESE BITSCH Introduction / Introduction / Einleitung ............................................................

15

PART 1: ÉLECTIONS EUROPÉENNES ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES / EUROPEAN ELECTIONS AND INSTITUTIONAL QUESTIONS / EUROPAWAHLEN UND INSTITUTIONELLE FRAGEN ELSA BERNARD L’élection européenne de 2014 : Vers une Union plus démocratique ? ...........

31

MATHILDE JAUZEIN Évolutions institutionnelles et élections européennes : une analyse à la lumière du processus d’adoption du traité de Lisbonne ............................

45

PART 2: ÉLECTEURS ET COURANTS D’OPINIONS PUBLIQUES FACE AUX SCRUTINS / VOTERS AND PUBLIC OPINION AT ELECTIONS / WÄHLER UND ÖFFENTLICHE MEINUNG BEI DEN WAHLEN MURIEL RAMBOUR Des élections européennes sans électeurs? De quelques caractéristiques électorales (1979-2009) ............................................................................................

63

JEREMY MOULANEK Votes blancs et nuls aux élections européennes de 1994 : Des votes « euroconstructifs » ? ..............................................................................................

79

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA UK Independence Party : de rébellion conservatrice à séisme électoral .........

93

PATRICK MOREAU Communisme et postcommunisme entre anti-européanisme et altereuropéanisme ...........................................................................................................

105

6

TABLE DES MATIÈRES – INHALTSVERZEICHNIS – TABLE OF CONTENTS

PART 3: ANTI-EUROPÉISME, EUROSCEPTICISME, ABSTENTIONNISME : UN PHÉNOMÈNE EN PROGRESSION ? / ANTI-EUROPEANISM, EUROSCEPTICISM AND ABSTENIONSIM: A GROWING TREND? / ANTI-EUROPÄISMUS, EUROSKEPTIZISMUS UND ENTHALTUNG: EINE WACHSENDE TENDENZ? ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST “Plunder for the nations”: EP elections and the rise of Euroscepticism in the Netherlands ..............................................................................................................

125

EMMANUELLE REUNGOAT Modes et scrutins, financement des campagnes électorales et émergence des partis eurosceptiques dans les élections européennes en Franc ................

137

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO Spain at the Crossroads: From Economic Crisis to the 2014 European Parliament Elections ...............................................................................................

157

DANIELE PASQUINUCCI Euroscepticisme et abstentionnisme lors des élections européennes en Italie (1979-2014) ................................................................................................................

177

ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE De l’enthousiasme à l’indifférence? Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme dans les élections européennes au Portugal (1987-2014) .....

193

GEORGIANA CICEO/PAULA MURESAN L’insertion du domaine national dans l’espace européen: Scepticisme, absentéisme, subsidiarité renversée en Europe centrale et orientale ..............

205

NICOLAE PAUN/ADRIAN-GABRIEL CORPADEAN Les élections européennes en Europe centrale et orientale: Dilemmes de légitimité ...................................................................................................................

217

WILFRIED LOTH Conclusion/Conclusion/Schlussfolgerung ........................................................

231

ANNEXES / AHÄNGE / APENDICES LES AUTEURS / DIE AUTOREN / AUTHORS ........................................................... CONCERNANT LA SERIE « ÉTUDES SUR L’HISTOIRE DE L’INTEGRATION EUROPEENNE » ZUR REIHE „STUDIEN DER GESCHICHTE DER EUROPÄISCHEN INTEGRATION“ .... ABOUT THE SERIES “STUDIES ON THE HISTORY OF EUROPEAN INTEGRATION” ...

241

AVANT-PROPOS SYLVAIN SCHIRMANN, BIRTE WASSENBERG, MARTIAL LIBERA Cet ouvrage est issu d’un colloque international intitulé « Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme dans les élections européennes de 1979 à nos jours », qui s’est tenu à Strasbourg les 15 et 16 juin 2014. Dans une perspective résolument interdisciplinaire et internationale, cette manifestation scientifique a regroupé une trentaine de spécialistes des questions européennes – juristes, historiens et politistes –, issus de plus d’une dizaine de pays européens. Les actes reproduisent fidèlement les communications des intervenants. Les articles publiés ci-après relèvent par conséquent de leur seule responsabilité. Le colloque a été réalisé et financé dans le cadre de l’initiative d’excellence (IDEX) de l’Université de Strasbourg sur « L’intégration européenne et le nouvel antieuropéisme » et a également profité des aides à la recherche d’Airbus pendant la période 2013-2015. Les éditeurs tiennent à remercier les personnes et les institutions qui ont rendu possibles l’organisation et le bon déroulement de cette importante manifestation scientifique. Par leurs concours financiers, l’Université de Strasbourg, l’Unité mixte de recherche UMR 7367 « Dynamiques européennes », la Communauté urbaine de Strasbourg et la Région Alsace ont grandement contribué à la réussite du colloque. Par ailleurs, les éditeurs remercient très chaleureusement Nawel Rafik-Elmrini, adjointe au maire de Strasbourg, en charge des relations européennes et internationales, des jumelages et des coopérations décentralisées, et Alain Beretz, président de l’Université de Strasbourg, d’être venus ouvrir la manifestation. Ils expriment également leur reconnaissance aux responsables du Collège doctoral européen de l’Université de Strasbourg, au sein duquel toutes les séances de travail du colloque ont pu se dérouler dans d’excellentes conditions matérielles. L’organisation pratique des deux journées de travail et d’échanges doit enfin beaucoup au personnel administratif de la Fédération de recherche FR 3241 « L’Europe en mutation : histoire, droit, économie et identités culturelles », conjointement affiliée au CNRS et à l’Université de Strasbourg. Aussi les éditeurs souhaitent-ils exprimer leur gratitude à Mesdames Di Lello, Kraft et Kautzmann. Ce colloque a été le premier organisé sous l’égide du Centre Raymond Poidevin (CRP), créé au printemps 2014. Au sein de l’UMR « Dynamiques européennes », le CRP regroupe les historiens internationalistes de l’Université de Strasbourg, en particulier ceux de l’Institut d’études politiques de Strasbourg. Il leur tient tout particulièrement à cœur d’inscrire leurs travaux et leurs recherches dans les pistes ouvertes par Raymond Poidevin (1928-2000), professeur à l’Université de Strasbourg entre 1980 et 1993, où il a enseigné l’histoire des relations franco-allemandes, de la construction européenne et des relations internationales.

FOREWORD This publication is the result of an international conference entitled “Abstentionism, Euroscepticism and Anti-Europeanism in the European Elections from 1979 to the present day,” which was held in Strasbourg on 15 and 16 June 2014. With a view to being resolutely interdisciplinary and international, this scientific event brought together some thirty specialists in European affairs – lawyers, historians and political scientists – from more than a dozen European countries. The proceedings faithfully reproduce the speakers’ presentations therefore the articles published below remain their sole responsibility. The conference was organized and financed in the framework of the Excellence Initiative (IDEX) of the University of Strasbourg on “European Integration and the New Anti-Europeanism” and also profited from research subside by Airbus for the period from 2013-2015. The editors would like to thank the individuals and institutions that made possible the organisation and smooth running of this important scientific event. The University of Strasbourg, the Joint Research Unit UMR 7367 “Dynamiques européennes”, the Urban Community of Strasbourg and the Alsace Region contributed to the success of this symposium thanks to their financial support. Moreover, the publishers would like to warmly thank Nawel Rafik-Elmrini, Deputy Mayor of Strasbourg in charge of European and International Relations, Twinnings and Decentralised Cooperation, and Alain Beretz, Rector of the University of Strasbourg for opening the event. They also express their gratitude to the staff of the European Doctoral College of the University of Strasbourg, in which all of the symposium’s working sessions were held in excellent material conditions. The practical organisation of the two days of work and exchanges owes much to the administrative staff of the Research Federation FR 3241 “L’Europe en mutation: histoire, droit, économie et identités culturelles”, jointly affiliated with the CNRS and the University of Strasbourg. The editors would also like to express their gratitude to Nicole Di Lello, Aurélie Kraft and Joyelyne Kautzmann. This symposium was the first to be held under the auspices of the Centre Raymond Poidevin (CRP), created in the spring of 2014. The CRP brings together, within the UMR “Dynamiques européennes”, internationalist historians from the University of Strasbourg, in particular those from the Strasbourg Institute of Political Studies. They are particularly committed to seeing their work and research follow in the path launched by the great historian Raymond Poidevin (1928-2000), a professor at the University of Strasbourg between 1980 and 1993, where he taught the history of Franco-German relations, European integration and international relations.

VORWORT Das Buch ist das Ergebnis einer internationalen Konferenz, die unter dem Titel „Absentismus, Euroskeptizismus und Anti-Europäismus bei den Europawahlen im Jahre 1979 bis zur Gegenwart“ am 15. und 16. Juni 2014 in Straßburg stattgefunden hat. Orientiert an einer interdisziplinären und internationalen Perspektive hat diese wissenschaftliche Veranstaltung ca. dreißig Spezialisten der Europäischen Integration aus mehr als zehn verschiedenen Europäischen Ländern zusammengebracht – darunter Rechtswissenschaftler, Historiker und Politologen. Die Veröffentlichungen geben wortgetreu die Präsentationen der Teilnehmer wieder. Die Inhalte der hier veröffentlichen Artikel fallen daher auch in deren alleinigen Verantwortungsbereich. Die Konferenz wurde im Rahmen der Exzellenzinitiative (IDEX) der Universität Straßburg über „Die Europäische Integration und der neue Anit-Europäismus“ verwirklicht und mithilfe dieser und den Forschungsgeldern von Airbus für den Zeitraum 2013-2015 finanziert. Die Autoren möchten den Personen und Institutionen danken, die die Organisation und den reibungslosen Ablauf dieser umfangreichen wissenschaftlichen Veranstaltung möglich gemacht haben. Durch ihre finanzielle Unterstützung, haben die Universität Straßburg, die gemeinsame Forschungseinheit UMR 7367 „Dynamiques européennes“, die Stadtgemeinschaft Straßburg und die Region Elsass zum Erfolg der Konferenz beigetragen. Außerdem möchten die Autoren herzlich Nawel Rafik-Elmrini, stellvertretende Bürgermeisterin von Straßburg und Beauftrage für Europäische und Internationale Beziehungen, Partnerschaften und dezentralisierter Zusammenarbeit und Herrn Alain Beretz, Präsident der Universität Straßburg für das Eröffnen der Konferenz danken. Des Weiteren drücken sie auch ihre Dankbarkeit gegenüber den Verantwortlichen des Europäischen Doktorandenkollegs der Universität Straßburg aus, wo alle Konferenzsitzungen unter hervorragenden materiellen Bedingungen stattfinden konnten. Die praktische Organisation der zwei Arbeits- und Diskussionstage beanspruchte viel Verwaltungspersonal der Forschungvereinigung FR 3241 „L’Europe en mutation: histoire, droit, économie et identités culturelles“, die gemeinsam beim CNRS und der Universität Straßburg angesiedelt ist. Auch möchten die Autoren Nicole Di Lello, Aurélie Kraft und Jocelyne Kautzmann ihren Dank aussprechen. Diese Konferenz war die erste, die unter der Schirmherrschaft des Raymond Poidevin Zentrum (CRP), gegründet im Frühling 2014, organisiert wurde. Innerhalb der UMR „Dynamiques européennes“ umfasst die CRP internationale Historiker der Universität Straßburg und insbesondere des Instituts für politische Studien (IEP) in Straßburg. Ihnen ist es ein besonderes Anliegen, ihre Arbeit und Recherchen auf dem von Professor Raymond Poidevin (1928-2000) eingeschlagenen Weg fortführen, der zwischen 1980 und 1993 die Geschichte der deutsch-französischen Beziehungen, der Europäischen Konstruktion und der internationalen Beziehungen an der Universität Straßburg lehrte.

EINFÜHRUNG Diese Konferenz zielt darauf ab, den Einfluss von Absentismus, Euroskeptizismus und Antieuropäismus während den „Europawahlen“ zu untersuchen, das heißt die Wahlen, die alle fünf Jahren, die Mitglieder des Europäischen Parlaments (EP) durch allgemeine und unmittelbare Wahlen bestimmen. Diese wissenschaftliche, internationale und interdisziplinäre Konferenz, welche am 15. und 16. Mai, ein paar Tage vor der achten Europawahl, stattfand, hatte einen direkten Bezug zu den Debatten der damaligen Wahlkampagne. Diese Aktualität, welche die Universität nicht gleichgültig lässt, schafft sicherlich einen Anreiz einen neuen und prägnanten Blick auf die Wahlen der gesamten letzten 35 Jahre zu werfen. Es ist daher erfreulich, dass das Zentrum Raymond Poidevin gerade innerhalb der UMR „European Dynamics ein Team von Historikern an der Universität Straßburg zusammengestellt hat, welche dieses Thema für ihre erste Manifestation gewählt haben. Der Titel der Konferenz lässt die Frage zu, ob es nicht eine besondere Verbindung zwischen den Manifestationen des Widerstands gegen Europa und den Europawahlen gibt: Warum zeigt sich der Absentismus, der Euroskeptizismus und der Anti-Europäismus gerade zum Zeitpunkt der Europawahlen in solch einem starken Maße? Deutet dieser Titel nicht sogar an, dass die Europawahlen den europakritischen Kräften hilft ihre Parolen zu verbreiten, oder sogar ihr Voranschreiten fördert? Diese Frage lässt ein Paradoxe entstehen. Die Direktwahlen des EP sind ein demokratischer Akt per Definition. In der kollektiven Vorstellung sollen diese den Bürgern Europa näherbringen und ihr Zugehörigkeitsgefühl zu der Europäische Union (EU) bestärken. In den 1950er Jahren sahen die Väter Europas, in diesen allgemeinen unmittelbaren Wahlen, einen Weg die europäische Integration zu festigen. Zum Beispiel war Robert Schumann davon überzeugt, dass die Bürger Europa gegenüber günstiger gestimmt sind, als die Politiker selbst. Er bekräftigte nochmal, dass man sich aufeinander verlassen müsse, damit ein Fortschritt in der Integration erzielt werden kann und er unterstützte die direkten Wahlen des Parlaments von 1956 an. Im Jahr 1960 legte die Europäische Parlamentarische Versammlung einen Entwurf für die Einführung allgemeiner und unmittelbarer Wahlen vor, die im Vertrag von Rom vorgesehen waren, jedoch zu der Zeit von den Französischen Behörden verweigert wurden. Als die Entscheidung schließlich Mitte der 1970er Jahre fiel, wurde sie als einen qualitativen Sprung in der europäischen Integration und als Mittel gepriesen, das das Demokratiedefizit in der Gemeinschaft beheben könne . Aber bereits bei den ersten Wahlen 1979, musste man seine Illusionen aufgeben: Es kam nicht zu einer massiven Mobilisierung der Bürger, weder um den Aufbau Europas zu unterstützen, noch um zur Wahl zu gehen . Ab diesen ersten Erfahrung an erreichte der Anteil an Enthaltung, welcher recht niedrig in den Länder mit einer Wahlpflicht ist (Belgien, Italien, Luxemburg), durchschnittlich 37% in der neuen europäischen Gemeinschaft. Zahlreiche Umstände können teilweise die Vorbehalte der Bürger erklären. Der Wirtschaftsboom in Europa neigte sich dem Ende zu und Arbeitslosigkeit, hohe Ölpreise und die Wirt-

AVANT-PROPOS

11

schaftskrise fanden wieder ihren Einzug. Die europäische Gemeinschaft, die sich seit 1973 erweitert hat, kämpfte damit, das Vereinigte Königreich zu integrieren. Dieses wählte im Jahre 1979 den ersten euroskeptischen Regierungschef in der europäischen Gemeinschaft an die Macht. Doch auch bei den folgenden Wahlen mangelte es immer noch an Begeisterung und das Misstrauen gegenüber Europa wurde auch bei anderen Gelegenheiten zum Ausdruck gebracht. Es tritt vor allem auf, wenn Referenden zur Ratifizierung der Reformer Verträge (Maastricht, Nizza, Lissabon) abgehalten werden. Dabei ist vor allem auch der Verfassungsvertrag nicht zu vergessen, der nach dem französisch-niederländischen DoppelNein im Jahr 2005 aufgegeben wurde. Das Misstrauen verbreiten sich vor allem durch die Medien aus und insbesondere seit ein paar Jahren auch über das Internet. Es wird regelmäßig von den Umfragen, einschließlich des Eurobarometer, ausgewertet, die jedoch versuchen nicht den Grad des Misstrauens, sondern den der Befürworter zu ermitteln. Wir müssen daher den Tatsachen ins Auge sehen und uns darüber klar sein: Es gibt strukturelle Gründe für den Absentismus und den Euroskeptizismus. Auf dem ersten Blick scheint der Absentismus zunächst mit der Art und Weise der Europawahlen und ihrer Organisation verknüpft zu sein. Michael Hasting, der die Wahlen 2004 untersuchte, schreibt mit einer Anspielung auf Magritte Maler: „Dies ist keine europäische Umfrage“. In der Tat ist es eher ein Nebeneinanderstellen von einer Reihe nationaler Wahlen. Viele Faktoren tragen zu einer Nationalisierung dieser Wahlen bei: die Umfragen finden nicht genau am selben Tag in allen Mitgliedstaaten statt, sondern verteilt sich über vier aufeinander folgenden Tagen – von Donnerstag bis Sonntag – und unter Berücksichtigung der Wahlgewohnheiten verschiedener Länder, die Regeln der Abstimmung sind nicht einheitlich, auch wenn es eine Tendenz der Annäherung gibt; mit wenigen Ausnahmen, bestehen Wahllisten aus nationalen Kandidaten, Wahlkampagnen sind von nationalen Interessen geprägt und auch die politische Themen sind oft mehr nationaler als europäischer Art. Die Herausforderungen dieser Wahlen erscheinen zudem begrenzt, oder werden als solche wahrgenommen, ohne Zweifel jedoch als fälschlich angesehen. Die europäischen Herausforderungen werden aus zwei Gründen als weniger wichtig angesehen : Das Parlament wird nach wie vor von den Bürgern als ein schwaches Glied im institutionellen System wahrgenommen, was es seit längerer Zeit nicht mehr ist. Seit Maastricht, erobert man Vertrag nach Vertrag mehr Macht, auch wenn man noch nicht Steuern erheben kann. Das Recht auf Kontrolle und dem Recht der Kommission sein Misstrauen auszusprechen wurde nach und nach durch ein Haushaltsrecht (das Jahresbudget absegnen oder ablehnen), durch eine wichtige gesetzgebende Gewalt, sprich das Recht der Mitentscheidung neben dem Ministerrat über eine große Anzahl an Texten und eine Möglichkeit die Zusammensetzung der Kommission durch die Amtseinsetzung ihrer Mitglieder zu beeinflussen erweitert. Aber traditionell hat das Parlament kaum Einfluss auf die Wahl des Präsidenten der Kommission, der vom Europäischen Rat (Staatsoberhäupter oder Regierungschefs der Mitgliedstaaten) ernannt wird. Die Wahlen 2014 könnte jedoch die Situation ändern, da die wichtigsten politischen Familien, die sich auf europäischer Ebene zusammengeschlossen haben, einen Spitzenkandidaten gewählt haben. Dieser beansprucht im Fallen eines Sieges, den Vorsitz der Kommission. Nationale Themen dieser Wahlen sind auch sehr gering, da sie weder die parla-

12

SYLVAIN SCHIRMANN/BIRTE WASSENBERG/MARTIAL LIBERA

mentarische Mehrheit noch die Zusammensetzung der nationalen Regierung bestimmen. Daher werden diese Wahlen oft als Wahlen „zweiter Ordnung“ oder „Zwischen-“ bzw. „Zusatzwahlen“ angesehen, die auf gleicher Stufe mit den lokalen Wahlen stehen. Diese Schwäche der Parlaments kann die Gleichgültigkeit einiger Wähler erklären oder sie dazu verleiten bei den Wahlen ihren Frust abzulassen. Die Wähler könnten dazu versucht sein entweder durch Enthaltung oder mit einem Protestvotum gegen ihre nationalen Regierungen zu wählen. Jenseits des weniger attraktiven Charakter der Europawahlen, zeigen die EU-Skeptiker vorwiegend eine Distanzierung gegenüber Europa, genauer gegenüber der EU. Gerade um diese geht es nämlich bei den Wahlen und sie ist auch betroffen, wenn es um die Europa Frage in den Debatten rund um die Wahlen geht. Die französische Sprache ist reich an Worten, um diese Distanz zu beschreiben-Desinteresse, Abkehr, Abwendung, Enttäuschung, Desillusionierung, Ernüchterung und auch die Liste der Beschwerden ist sehr lang. Die EU wird für ihre institutionelle Komplexität und Undurchsichtigkeit, ihre bürokratische Verwaltungsstil, ihre liberalen oder sogar „ultraliberalen“ Orientierung, oder besser gesagt für ihre übermäßige Einflussnahme oder „Penibilität“ kritisiert, wie auch ihre Unfähigkeit ihre Bürger vor den Folgen der Globalisierung und gegen Arbeitslosigkeit, Immigration und hohe Lebensunterhaltskosten zu schützen. Aber auch ihre Ohnmacht den Frieden an den Türen Europas zu sichern wird kritisch gesehen, gestern im Balkan heute in der Ukraine, oder sogar in Syrien oder in Afrika. Europa für alles Übel verantwortlich zu machen, geht jedoch oft einen Schritt zu weit. Die Europäische Union – „Brüssel“ – ist zu einem Sündenbock geworden. Die Gründe für diesen Widerstand gegen Europa sind schon oft analysiert worden. Entweder in Studien über Großprojekte oder über die wichtigsten Etappen des europäischen Aufbaus, die fast immer die Faktoren, die die Integration erschweren berücksichtigen , oder in gezielteren Arbeiten über den Euroskeptizismus, die dieses Thema in den Mittelpunkt ihrer Studien stellten und welche sich in den letzten zehn Jahren entwickelt haben. Diese Konferenz über den Widerstand gegen Europa anlässlich der Wahlen des europäischen Parlaments ist ein Beispiel dieses neuen Ansatzes. Es ist die Fortsetzung eines Großprojekt, dass vor einigen Jahren, im Rahmen des MISHA (interuniversitäres Haus der Humanwissenschaften – Alsace) unter der Führung einer Gruppe junger Historiker der Universität Straßburg und unter der Beteiligung von Forschern aus verschiedenen Disziplinen und Ländern durchgeführt wurde. Deren Ergebnisse wurden in zwei Bänden unter dem folgenden Titel veröffentlicht: „Gegen Europa? AntiEuropäismus, Euroskeptismus und Anti-Europäismus in der Europäischen Integration von 1945 bis heute“. Die Arbeit über die europäischen Wahlen hat den Vorteil, den Widerstand gegen Europa anhand einer Reihe ähnlicher oder sich über einen relativ langen Zeitraum (35 Jahren) wiederholende Ereignisse, zu identifizieren und einzuordnen. Zusammen mit der wachsenden Anzahl an Mitgliedstaaten erlaubt es einem Vergleiche über Zeit und Raum zu ziehen. Die Arbeit sollte Kornvergenzen und nationale oder regionale Besonderheiten zeigen und Entwicklungen oder Kontinuität herausarbeiten, aber vielleicht auch ein besseres Verständnis für die Besonderheiten der Wahlen 2014 schaffen. Sie kann daher neue Erkenntnisse über mehrere Punkte bieten.

AVANT-PROPOS

13

Sie sollte zunächst helfen die unterschiedlichen Postionen der Kritiker der Europäischen Union zu identifizieren und ihre Terminologie zu präzisieren. Das Triptychon des Titels der Konferenz deutet schon eine Abstufung an. Die Enthaltungen scheinen von vorneherein vielmehr die Gleichgültigkeit als die Feindseligkeit zu begünstigen . Jedoch handelt es sich ohne Zweifel weniger um eine wohlwollende Gleichgültigkeit, die lange Zeit den permissiven Konsens inspiriert hat. Aber wer profitiert von dieser Enthaltung? Die Protestler, die AntiEuropa Parteien, die die Wähler eher geneigt sind zu wählen als die Anderen? Diese Interpretation, oft fortgeschritten, ist sehr umstritten. Zusätzlich machen bestimmte Autoren auf dem Umstand aufmerksam, dass die Rate der Wahlenthaltung bei den Europawahlen, die ständig zwischen 1979 und 2009 angestiegen ist, etwa auf dem gleichen Niveau liegt wie bei den Wahlen in föderalistischen Ländern, wie die Schweiz oder die Vereinigten Staaten. Die Rate wäre daher nicht „abnormal“, das heißt nicht ungewöhnlich hoch . Deshalb würde die leere oder ungültige Stimme repräsentativer für eine rebellische Haltung sein, als die Enthaltung selber. Das zweite Wort des Tryptochen – der Europskeptizismus – ist, so scheint es uns, eine Art Gattung für eine Opposition, die als milde gelten soll. Dennoch aber viele Parteien, einschließlich der Regierungspartei, für sich gewinnen soll, die auf zahlreiche europäische Themen aufgeteilt sind. Er ist es daher wert in all seinen Nuancen erforscht zu werden. Der dritte Begriff – Antieuropäismus – ist radikaler. Er umfasst wahrscheinlich mehrere Bezeichnungen: Souveränität, Populismus, Europhobie und vielleicht sogar Alter-Europäismus. Das letzte Wort, welches besser in den Plural zu setzen ist, das es Zweideutig erscheint, macht von vornherein Bezug auf die konstruktive Haltung derer, die ein anderes Europa wollen. Die ein „besseres Europa“ oder mehr Europa wollen. Jedoch in Wirklichkeit, bezieht es sich am häufigsten auf eine systematische Feindseligkeit gegenüber der Europäischen Union. Die Konferenz sollte auch den Weg für eine geographische Aufzeichnung des Euroskeptizismus ebnen. Welche auf qualitativen Daten basiert, die laut den Zahlen der Teilnehmerrate bei den europäischen Wahlen offenkundig schwieriger zu ermitteln sind, als eine geographische Aufzeichnung der Enthaltungen. Sind bestimmte Regionen oder Länder geneigter die Europäische Union zu kritisieren als Andere? Warum? Können bestimmte politische Kulturen, bestimmte Traditionen besonders anfällig für den Euroskeptizismus sein? Muss das Datum des Eintritts in die EU, mit in die Überlegungen einbezogen werden? Wird der Überdruss stärker in den älteren Mitgliedstaaten sein oder das Missverständnis über das Systems größer bei den als letztes Beigetretenen? Hat die Enttäuschung über einander etwas mit der Motivation zu tun, die zum Beitritt geführt hat? Die Arbeit der Konferenz kann ferner dazu beitragen die Soziologie der Wahlen und der Bewegung der Euroskepsis zu präzisieren. Was sind die signifikanten Spaltungen: Das Alter, die Nationalität, die Lebensbedingungen, das Bildungsniveau, die Zugehörigkeit zu einer eher benachteiligten sozialen Gruppe oder sogar umgekehrt, die Kreise, welch als intellektuelle, wirtschaftliche und politische Elite angesehen werden. Die Studie über Netzwerke, die den AntiEuropäismus verbreiten können eine reiche Fundgrube sein, die auch Fragen über die Rolle der Medien aufwirft. Für die Historiker, ist die Chronologie ein roter Faden für das Verständnis der Prozesse. Bereits jetzt lassen sich einige Daten als Schlüsselmoment oder als Wendepunkte in der Entwicklung des Euroskeptizmus identifizieren. Jedoch ihre

14

SYLVAIN SCHIRMANN/BIRTE WASSENBERG/MARTIAL LIBERA

Bedeutung kann im Nachhinein neu beurteilt werden. Das Jahr 1979, Zeitpunkt für den Beginn der Konferenz, markiert einen Fortschritt für die Demokratie des institutionellen System der Gemeinschaft und die Entstehung eines gemeinsamen Euro-Pessimismus im Zusammenhang mit der Wirtschaftskrise. So wählen die Bürger zum ersten Mal das EP durch allgemeinen Wahlen. Jedoch weniger um ihre Zufriedenheit zum Ausdruck zu bringen und endlich an dem europäischen Aufbau zu beteiligt zu sein, als vielmehr ihr Desinteresse oder ihre Kritik für eine Organisation zum Ausdruck zu bringen, die nicht alle Probleme löst. 1986 kann danke einer Dynamik der Kommission unter der Leitung von von Jacques Delours, als ein Periodentief des Stroms des Europskeptizismus angesehen werden, die „Einheitliche Europäische Akte“ welche neue Perspektiven eröffnete , der Beitritt Spanien und Portugal, die kürzlich wieder zur Demokratie zurück gekehrt sind, wie auch durch die Adoption von europäischen Symbolen, wie die Hymne und die Flagge. Diese Hypothese muss jedoch noch überprüft werden. 1992, ist das Datum des Vertrag von Maastricht, welcher zunächst von den Dänen abgelehnt und in Frankreich nach einem knapp gewonnen Referendum ratifiziert wurde. Dieser schien die Schleusen für den Euroskeptizismus zu öffnen, welcher mehr oder weniger alle Mitgliedstaaten erreichte. 2004-2005 repräsentiert eine weiteren Höhepunkt mit der großen Ost-Erweiterung, die wenig im Westen akzeptiert wurde, das französisch-niederländische Doppel-Nein zum Verfassungsvertrag, der de facto fallengelassen wurde, noch bevor sich die Länder, die diesem Projekt am feind seligsten gegenüberstanden dazu äußern konnten. Schließlich die Schwächung der Eurozone, die 2010 ausbrach und zu einer vielschichtigen Krise führte (ökonomisch, politisch, institutionelle, Identität), welche den Hintergrund der Wahlen von 2014 bildete.Schließlich kann die Konferenz die Rolle des Ideenlabor spielen. Seine Arbeit wird sicherlich zum Nachdenken über die Zukunft Europas anregen. Wie ist der Euroskeptizismus zu überwinden? Wie kann man sich die Akzeptanz der Bürger verdienen? Wie der EU Legitimität zurück zugeben? Durch welche Reformen, welche Politik, welche Umwandlung? Zusammengefasst, was tun um Europa wieder auf erleben zu lassen und wem könnte dies gelingen?

INTRODUCTION MARIE-THERESE BITSCH Ce colloque propose d’étudier le poids de l’absentéisme, de l’euroscepticisme et de l’anti-européisme dans les « élections européennes », c’est-à-dire les élections qui ont lieu tous les cinq ans pour désigner les membres du Parlement européen (PE) au suffrage universel direct. Organisé les 15 et 16 mai 2014, à quelques jours des huitièmes élections européennes, ce colloque scientifique, international et interdisciplinaire, se trouve en prise directe avec les débats de la campagne électorale en cours. Cette actualité, qui ne laisse pas les universitaires indifférents, est certainement une incitation à jeter sur l’ensemble des élections des trente-cinq dernières années un regard neuf et incisif. Il est donc heureux que le Centre Raymond Poidevin, qu’une équipe d’historiens vient de constituer au sein de l’UMR « Dynamiques européennes » de l’Université de Strasbourg, ait retenu ce thème pour sa première manifestation. Le titre du colloque invite à se demander s’il n’existe pas un lien particulier entre les manifestations de résistance à l’Europe et les élections européennes : pourquoi donc l’absentéisme, l’euroscepticisme et l’anti-européisme s’affirmentils avec une telle ampleur au moment des élections européennes ? Ce titre ne vat-il pas jusqu’à suggérer que les élections européennes peuvent favoriser l’expression des oppositions à l’Europe, voire en encourager la progression ? Cette question laisse poindre un paradoxe. En principe, dans l’imaginaire collectif, l’élection directe du PE, acte démocratique par définition, devait rapprocher l’Europe des citoyens et renforcer leur sentiment d’appartenance à l’Union européenne (UE). Dans les années 1950, les pères de l’Europe voyaient dans cette élection au suffrage universel direct le moyen de consolider la construction européenne. Par exemple, Robert Schuman, convaincu que les citoyens étaient plus favorables à l’Europe que les politiciens, répétait qu’il fallait s’appuyer sur eux pour faire avancer l’intégration et il souhaitait l’élection du Parlement au suffrage direct dès 1956. En 1960, l’Assemblée parlementaire européenne élabore un projet en vue de son élection au suffrage universel direct, qui était d’ailleurs prévue par le traité de Rome mais refusée à cette époque par les autorités françaises. Quand la décision est finalement prise au milieu des années 1970, elle est saluée comme un saut qualitatif dans la construction européenne et comme un moyen de combler le déficit démocratique dans la Communauté1. Mais, dès la première élection en 1979, il faut déchanter : les citoyens ne se mobilisent pas massivement, ni pour soutenir la construction européenne, ni

1

Sur l’ensemble des questions posées par les élections européennes, un ouvrage essentiel : DELOYE, Y. (dir.), Dictionnaire des élections européennes, Paris, Economica, 2005.

16

MARIE-THÉRÈSE BITSCH

même pour aller voter2. Dès cette première expérience, le taux d’abstention, assez faible dans les pays où le vote est obligatoire (Belgique, Italie, Luxembourg), atteint 37 % en moyenne dans la Communauté à Neuf. Plusieurs circonstances peuvent expliquer en partie ces réserves. L’Europe est alors en train de sortir des Trente Glorieuses, de (re)découvrir le chômage, le pétrole cher, la crise économique. La Communauté, élargie depuis 1973, peine à intégrer le Royaume-Uni qui porte au pouvoir en 1979 le premier chef de gouvernement résolument eurosceptique dans la Communauté. Cependant, lors des élections suivantes, le manque d’enthousiasme est toujours là et la défiance vis-à-vis de l’Europe se manifeste aussi à d’autres occasions. Elle apparaît notamment au moment des référendums pour la ratification des traités réformateurs (Maastricht, Nice, Lisbonne) sans oublier le traité constitutionnel qui a été abandonné après le double non français et néerlandais de 2005. Elle s’exprime dans les médias, en particulier par Internet depuis quelques années. Elle est régulièrement évaluée par les sondages, y compris ceux d’Eurobaromètre, qui cherchent pourtant plutôt à mesurer le degré d’adhésion. Il faut donc se rendre à l’évidence : il y a des raisons structurelles à l’abstentionnisme et à l’euroscepticisme. L’abstention semble être liée d’abord à la nature même des élections européennes et à leur organisation. Avec un clin d’œil au peintre Magritte, Michel Hastings qui a étudié les élections de 2004, écrit : « Ceci n’est pas un scrutin européen »3. De fait, il y a plutôt juxtaposition d’une série d’élections nationales. Plusieurs facteurs contribuent à la nationalisation de ces élections : les scrutins n’ont pas lieu exactement à la même date dans tous les Etats membres, mais s’échelonnent sur quatre jours consécutifs, du jeudi au dimanche, en tenant compte des habitudes électorales des différents pays ; les règles du scrutin ne sont pas uniformes même si elles tendent à se rapprocher peu à peu ; à quelques exceptions près, les listes électorales sont constituées de candidats nationaux ; les campagnes électorales sont fortement marquées par les préoccupations nationales et mêmes les enjeux politiques sont souvent plus nationaux qu’européens. Les enjeux de ces élections paraissent d’ailleurs limités, ou sont perçus comme tels, sans doute à tort. Les enjeux européens peuvent être considérés comme peu importants pour deux raisons. Le Parlement reste perçu par les citoyens comme un maillon faible dans le système institutionnel, ce qu’il n’est plus depuis longtemps. Depuis Maastricht, traité après traité, il a conquis beaucoup de pouvoir, même s’il ne peut toujours pas lever des impôts. Au contrôle et au droit de censure de la Commission, se sont ajoutés, peu à peu, un pouvoir budgétaire (voter ou rejeter le budget annuel), un pouvoir législatif important grâce à la codécision avec le Conseil (des ministres) pour de nombreux textes, une possibilité d’influencer la composition de la Commission par l’investiture de ses membres. Mais traditionnellement le Parlement ne pèse guère sur le choix du prési2

3

Sur les élections de 1979, voir : Les premières élections européennes (juin 1979), Le Monde, Dossiers et documents, Paris, 1979 ; BITSCH, M.-T., Histoire de la construction européenne, Bruxelles, Complexe, 2004, pp. 214-216 ; dans l’ouvrage collectif dirigé par BITSCH, M.-T., LOTH, W., BARTHEL, C., Cultures politiques, opinions publiques et intégration européenne, Bruxelles, Bruylant, 2007, voir les articles de WASSENBERG, B., « Les campagnes pour les élections européennes de 1979, en France et en Allemagne », pp. 263-284, et de SCHIRMANN, S., « Syndicats français et élections européennes », pp. 323-335. HASTINGS, M., « Les élections européennes de juin 2004 », cité par D.-L. SEILER dans le Dictionnaire des élections européennes, op. cit., pp. 536-541.

INTRODUCTION

17

dent de la Commission, désigné par le Conseil européen (chefs d’Etat ou de gouvernement des pays membres). Les élections de 2014 pourraient cependant changer la donne puisque les principales familles politiques regroupées au niveau européen ont choisi un chef de file qui revendique la présidence de la Commission en cas de victoire de son camp. Les enjeux nationaux de ces élections sont également assez faibles puisqu’elles ne déterminent ni la majorité parlementaire, ni la composition du gouvernement national. Par conséquent, elles sont souvent considérées comme des élections de « second ordre », des élections « intermédiaires » ou « subsidiaires », au même titre que les scrutins locaux. Cette faiblesse des enjeux peut donc expliquer une certaine indifférence des électeurs ou inciter à certains défoulements. Les citoyens peuvent être tentés soit par l’abstention, soit par un vote de sanction contre leur gouvernement national. Au-delà du caractère peu attractif des élections européennes, l’euroscepticisme révèle surtout un éloignement par rapport à l’Europe, plus précisément par rapport à l’Union européenne, car c’est elle qui est concernée par ces élections et c’est elle qui est en cause quand il est question d’Europe dans les débats électoraux. La langue française est riche en mots pour parler de cet éloignement – désintérêt, désaffection, désamour, déception, désillusion, désenchantement – et la liste des griefs, aussi, est très longue. L’UE se voit reprocher sa complexité institutionnelle, son opacité, son fonctionnement bureaucratique, son orientation libérale, voire « ultralibérale », ou au contraire son ingérence excessive, voire « pinailleuse », surtout son incapacité à protéger le citoyen contre les méfaits de la mondialisation, contre le chômage, l’immigration, la vie chère et, aussi, son impuissance à garantir la paix aux portes de l’Europe, hier dans les Balkans, aujourd’hui en Ukraine, voire en Syrie ou en Afrique. De là à dire que l’Europe est responsable de tous les malheurs, il n’y a parfois qu’un pas. L’Union européenne – « Bruxelles » – devient facilement bouc émissaire. Les raisons de ces oppositions à l’Europe ont déjà été souvent analysées, soit dans des études sur les grands projets ou les grandes étapes de la construction européenne qui prennent presque toujours en compte les facteurs de freinage4, soit dans des travaux plus ciblés sur l’euroscepticisme qui font de ce thème l’objet central de leur étude et se sont surtout développés depuis une dizaine d’années5. Ce colloque sur les résistances à l’Europe lors des élections pour le PE est un exemple de cette nouvelle approche. Il se situe dans la continuité d’un grand chantier mené il y a quelques années dans le cadre de la MISHA (Maison interuniversitaire des sciences de l’homme – Alsace), sous l’impulsion d’un groupe de jeunes historiens de l’université de Strasbourg, avec la participation de chercheurs de plusieurs disciplines venus de différents pays et dont les résultats

4 5

Faute de pouvoir énumérer ici les très nombreux ouvrages sur la construction européenne qui font état des oppositions au processus d’intégration, citons à titre d’exemple un grand classique des années 1950 : ARON, R., LERNER, D. (dir.), La querelle de la CED, Paris, Colin, 1956. Voir notamment : LACROIX, J., COMAN, R. (dir.), Les résistances à l’Europe. Cultures nationales, idéologies et stratégies d’acteurs, Bruxelles, Editions de l’Université, 2007 ; GUIEU J.-M., LE DREAU, C. (dir.), « Anti-européens, eurosceptiques et souverainistes. Une histoire des résistances à l’Europe (1919-1992 »), Les Cahiers Irice, 2009, n°4

18

MARIE-THÉRÈSE BITSCH

ont été publiés en deux volumes sous le titre : Contre l’Europe ? Anti-européisme, euroscepticisme et alter-européisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours6. Ce travail sur les élections européennes a l’avantage de chercher à cerner les oppositions à l’Europe à travers une série d’événements semblables, voire répétitifs, sur une durée relativement longue – 35 ans – et dans des Etats membres de plus en plus nombreux, ce qui permet des comparaisons dans l’espace et le temps. Il devrait montrer des convergences ou des spécificités nationales ou régionales, des évolutions ou des continuités, et peut-être faire mieux comprendre les particularités des élections de 2014. Il pourrait donc apporter de nouveaux éclairages sur plusieurs points. Il devrait d’abord permettre de mieux identifier les différents positionnements des opposants à l’Union européenne et de préciser la terminologie. Le triptyque du titre du colloque suggère une gradation. L’abstention semble a priori relever de l’indifférence plutôt que de l’hostilité7. Mais il s’agit sans doute d’une indifférence moins bienveillante que celle qui a longtemps inspiré le consensus permissif. A qui profite cette abstention ? Aux protestataires, aux partis antisystème dont les électeurs seraient plus enclins à aller voter que d’autres ? Cette interprétation, souvent avancée, est aussi très controversée. Par ailleurs, certains auteurs font remarquer que le taux d’abstention aux élections européennes, pourtant en constante augmentation entre 1979 et 2009, se situe à peu près au même niveau qu’aux élections dans les pays qui sont des fédérations, comme la Suisse ou les Etats-Unis. Il ne serait donc pas « anormal », c’est-à-dire pas anormalement élevé8. Par conséquent, le vote blanc ou nul serait plus représentatif d’une attitude contestataire que l’abstention elle-même. Le deuxième mot du triptyque, euroscepticisme, est devenu, semble-t-il, une sorte de générique pour désigner une opposition qui est censée rester modérée mais qui gagne de nombreux partis, y compris des partis de gouvernement dont beaucoup sont divisés sur les questions européennes. Il mérite certainement d’être exploré dans toutes ses nuances. Le troisième terme, anti-européisme, est plus radical. Il recouvre probablement plusieurs qualificatifs : souverainisme, populisme, europhobie et peut-être même alter-européisme. Ce dernier mot, qu’il vaudrait mieux mettre au pluriel tant il paraît ambigu, fait a priori référence à l’attitude constructive de ceux qui veulent une autre Europe, une « meilleure » Europe, voire plus d’Europe, mais en fait, il renvoie le plus souvent à une hostilité systématique à l’égard de l’Union européenne. Le colloque devrait aussi poser des jalons pour une géographie de l’euroscepticisme, reposant sur des données qualitatives, qui est de toute évidence plus difficile à établir que la carte de l’abstention d’après les chiffres des taux de participation aux élections européennes. Certaines régions ou certains 6

7 8

WASSENBERG, B., CLAVERT, F., HAMMAN, P. (dir.), Contre l’Europe ? Anti-européisme, euroscepticisme, alter-européisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours (volume 1) : les concepts, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2010 ; GAINAR, M., LIBERA, M. (dir.), Contre l’Europe ? Anti-européisme, euroscepticisme, alter-européisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours (volume 2) : Acteurs institutionnels, milieux politiques et société civile, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2013. GREFFET, F., « Abstention » dans DELOYE, Y., Dictionnaire…, op.cit. Par une ironie de l’ordre alphabétique, cet ouvrage s’ouvre sur le mot « Abstention ». BERTONCINI, Y. & CHOPIN, T., Des visages sur des clivages. Les élections européennes de mai 2014, Paris, Notre Europe, Etudes et rapports, avril 2014.

INTRODUCTION

19

pays sont-ils plus enclins que d’autres à critiquer l’Union européenne ? Pourquoi ? Certaines cultures politiques, certaines traditions peuvent-elles prédisposer à l’euroscepticisme ? La date de l’entrée dans l’UE est-elle à prendre en compte ? La lassitude serait-elle plus forte chez d’anciens Etats membres ou l’incompréhension du système plus grande chez les derniers arrivés ? La déception des uns et des autres a-t-elle quelque chose à voir avec les motivations qui avaient conduit à l’adhésion ? Les travaux de ce colloque peuvent également contribuer à préciser la sociologie de l’électorat et des mouvements eurosceptiques. Quels sont les clivages les plus significatifs : l’âge, la nationalité, le cadre de vie, le niveau d’éducation, l’appartenance à un groupe socioprofessionnel plutôt défavorisé ou, au contraire, aux milieux qui sont perçus comme les élites intellectuelles, économiques ou politiques ? L’étude des réseaux qui diffusent l’anti-européisme peut constituer une mine particulièrement riche, ce qui conduit aussi à s’interroger sur le rôle des médias. Pour les historiens, la chronologie reste un fil conducteur essentiel à la compréhension des processus. D’ores et déjà quelques dates s’imposent comme des moments-clés ou des tournants dans l’évolution de l’euroscepticisme mais, avec le recul, leur importance peut être réévaluée. L’année 1979, point de départ du colloque, marque à la fois une avancée dans la démocratisation du système institutionnel communautaire et l’émergence d’un courant europessimiste en liaison avec la crise économique. Du coup, les citoyens saisissent les premières élections du PE au suffrage universel moins pour manifester leur satisfaction d’être enfin associés à la construction européenne que pour exprimer leur désintérêt ou leurs critiques pour une organisation qui ne règle pas tous les problèmes. 1986 pourrait constituer un étiage dans le flux eurosceptique grâce au dynamisme de la Commission présidée par Jacques Delors, à l’Acte unique qui ouvre de nouvelles perspectives, à l’adhésion de l’Espagne et du Portugal récemment revenus à la démocratie et à l’adoption des symboles européens, hymne et drapeau. Mais cette hypothèse reste à vérifier. 1992, date du traité de Maastricht, rejeté dans un premier temps par les Danois et ratifié en France après un référendum gagné de justesse, semble ouvrir les vannes à l’euroscepticisme qui gagne plus ou moins tous les Etats membres. 2004-2005 représente un autre temps fort avec le grand élargissement à l’Est parfois mal accepté à l’Ouest, le double non français et néerlandais au traité constitutionnel qui est abandonné de fait, sans même que les pays les plus hostiles à ce projet se soient exprimés. Enfin, la fragilisation de la zone euro qui éclate au grand jour en 2010 ouvre une crise à multiples facettes (économique, politique, institutionnelle, identitaire) qui constitue l’arrière-plan des élections de 2014. Enfin, le colloque peut jouer le rôle de laboratoire d’idées. Ses travaux feront certainement émerger des pistes de réflexion sur l’avenir de l’Europe. Comment surmonter l’euroscepticisme ? Comment gagner l’adhésion des citoyens ? Comment redonner une légitimité à l’Union européenne ? Par quelles réformes, quelles politiques, quelles conversions ? Au total, que faire pour réenchanter l’Europe et qui pourrait y réussir ?

INTRODUCTION This symposium aimed to study the weight of absenteeism, Euroscepticism and anti-Europeanism in the “European elections”, that is to say the elections that are held every five years to appoint members of the European Parliament (EP) by direct universal suffrage. Organised on 15 and 16 May 2014, a few days before the eighth European elections, this international and interdisciplinary scientific symposium was directly relevant to the debates of the current election campaign. This current event, to which academics are not indifferent, is certainly an incentive to take a new and more incisive look at all of the elections over the past thirty-five years. Fortunately, therefore, the Raymond Poidevin Centre, that had just been set up by a team of historians within the UMR “European Dynamics” at the University of Strasbourg, chose this theme for its first event. The title of the symposium makes one wonder whether there isn’t a special link between the manifestation of resistance to Europe and the European elections: why do absenteeism, Euroscepticism and anti-Europeanism assert themselves with such magnitude at the time of the European elections? Does this title not suggest that the European elections promote the expression of opposition to Europe or even its progress? This question gives rise to a paradox. In principle, in the collective imagination, the direct election of the EP – a democratic act by definition – was supposed to bring Europe closer to its citizens and strengthen their feeling of belonging to the European Union (EU). In the 1950s, the fathers of Europe saw in this election by universal suffrage the means of consolidating European integration. Robert Schuman, for example, who was convinced that citizens were more in support of Europe than the politicians, repeatedly said that citizens must be relied on to advance integration and, as early as 1956, he favoured a Parliament elected by direct suffrage. In 1960, the European Parliamentary Assembly drew up a proposal for its election by direct universal suffrage, which had been a provision of the Treaty of Rome but was rejected at the time by the French authorities. When the decision was finally taken in the mid-1970s, it was hailed as a qualitative leap for European integration and as a means to address the democratic deficit in the Community. However, from the very first election in 1979, disillusionment reigned: the citizens did not mobilise massively, either in support of European integration, or even to vote. From that first experience, the abstention rate, which was quite low in countries where voting is compulsory (Belgium, Italy, Luxembourg), reached on average 37% in the Community of Nine Member States. Many circumstances can explain partly these reserves. Europe was coming out of the three post-war decades’ boom: unemployment, high oil prices and the economic crisis were (again) affecting Europe. The Community, which had expanded since 1973, was struggling to integrate the United Kingdom which, in 1979, had elected to power the first resolutely Eurosceptic head of government in the Community. However, in the next elections, the lack of enthusiasm remained and the mistrust of Europe was also visible on other occasions. It was manifest especially during the refer-

INTRODUCTION

21

endums for the ratification of the reform treaties (Maastricht, Nice, Lisbon) without forgetting the constitutional treaty which had been abandoned after the no vote delivered by the French and Dutch in 2005. For some years, voice was given to this mistrust in the media, in particular on the Internet. It is regularly evaluated by the polls, including the Eurobarometer ones, which seek rather to measure the degree of adherence. Facts must be faced: there are structural reasons for the poor turnout at elections and Euroscepticism. At first glance, abstentionism would appear to be linked to the very nature of the European elections and the way they are organised. With a nod to the painter Magritte, Michel Hastings, who studied the 2004 elections, wrote: “This is not a European poll.” In fact, it is rather a juxtaposition of a series of national elections. Several factors contribute to the nationalisation of these elections: the elections are not held on exactly the same date in all Member States but are spread out over four consecutive days, from Thursday to Sunday, taking into account the different voting habits in the various countries; the voting rules are not uniform even if they are gradually becoming more similar; with few exceptions, electoral lists are comprised of national candidates; election campaigns are strongly influenced by national concerns and even the political issues are often more national-oriented than European. Moreover, the issues at stake with these elections also seem limited, or are perceived as such, no doubt erroneously. The European issues at stake can be considered unimportant for two reasons: the Parliament is still perceived by citizens as a weak link in the institutional system, which it has not been for a long time. Since Maastricht, treaty by treaty, the Parliament has gained a lot of power, even if it still cannot raise taxes. New powers have been added, little by little, to the original supervisory powers and the right to censure, for example budgetary power (to adopt or reject the annual budget). It has major legislative power thanks to the co-decision procedure with the Council (of Ministers) for numerous texts, as well as the possibility to influence the composition of the Commission by the nomination of its members. Traditionally, however, the Parliament carries hardly any weight in the choice of the president of the Commission who is appointed by the European Council (heads of state or government of the Member States). The 2014 elections could change the situation, however, since the main political families in Europe have each chosen a leader who is claiming the Commission presidency if his side wins. The national considerations of these elections are also quite weak since they neither determine the parliamentary majority nor the composition of the national government. Thus, they are often considered to be “low priority” elections, “intermediary” or “subsidiary” elections, like local elections. This weakness of the issues at stake may thus explain a certain voter apathy or incite some citizens to express their emotions. Citizens may be tempted to abstain or to cast a protest vote against their national government. Euroscepticism goes beyond the lack of appeal of the European elections, it is evidence above all of a moving away from Europe, specifically from the European Union because that is what these elections are all about and it is called into question when it comes to Europe in electoral debates. There are many words to use when talking about this waning interest – disinterest, disaffection, disenchantment, disappointment, disillusionment, hopelessness – and the list of grievances, too, is very long. The EU has been criticised for its institutional complexity, its opacity, its bureaucratic functioning, its liberal or indeed “ultra-liberal” orienta-

22

MARIE-THÉRÈSE BITSCH

tion, or rather its excessive or even “pernickety” interference, especially its inability to protect citizens from the harmful effects of globalisation, unemployment, immigration, the high cost of living and also its inability to guarantee peace at the gates of Europe: yesterday in the Balkans, now in Ukraine, or even in Syria or Africa. As for whether Europe is responsible for all evils, sometimes it doesn’t take much. The European Union – ‘Brussels’ – easily becomes a scapegoat. The reasons for this opposition to Europe have already been analysed many times, either in studies on major projects or on key phases of European integration which almost always take into account the factors that impede integration, or in more targeted work on Euroscepticism that make this theme the focus of their study and which have developed in particular over the past ten years. This symposium on resistance to Europe during the elections to the EP is an example of this new approach. It is a continuation of a major project conducted a few years ago in the framework of the MISHA (Interuniversity Centre for Human Sciences – Alsace), led by a group of young historians from the University of Strasbourg with the participation of researchers from several disciplines from different countries, the results of which were published in two volumes entitled: Against Europe? Anti-Europeanism, Euroscepticism and Alter-Europeanism in European integration from 1945 to today. This work on the European elections has the advantage of seeking to identify opposition to Europe through a series of similar, even repetitive events over a relatively long period – 35 years – and in an increasing number of Member States, which allows for comparisons in both space and time. It should show national or regional convergences or specificities, evolutions or continuity, and perhaps help us to gain a better understanding of the particularities of the 2014 elections. It could therefore provide new insights into several issues. It should first help to better identify the different positioning of the opponents to the European Union and clarify terminology. The triad of the symposium’s title suggests a grading. Abstentionism seems, on the face of it, to come under indifference rather than hostility. But it probably means a less benevolent indifference than that which has long inspired the permissive consensus. Who benefits from this abstentionism? Protesters? Anti-system parties whose voters would be more likely to vote than others? This often advanced interpretation is also controversial. Moreover, some authors point out that the rate of abstention in the European elections, which has increased constantly between 1979 and 2009, is at about the same level as in elections in federal countries like Switzerland or the United States. It is perhaps not so “abnormal”, that is to say not abnormally high. Therefore, a blank or invalid ballot paper would be representative more of a rebellious attitude than abstentionism itself. The second word of the triad, Euroscepticism, has become, it seems, a kind of generic term for opposition that is supposed to remain moderate but is gaining ground in many parties, including the governing parties, many of which are divided on European issues. It certainly deserves to be explored in all of its finer aspects. The third term, antiEuropeanism, is more radical. It probably covers several qualifiers: sovereignism, populism, Europhobia and perhaps even alter-Europeanism. This last word, which would be better expressed in the plural as it seems so ambiguous, is, on the face of it, a reference to the constructive attitude of those who want a different Europe, a “better” Europe, or even more Europe, but in fact it most often refers to a systematic hostility to the European Union.

INTRODUCTION

23

The symposium should also pave the way for a geography of Euroscepticism, based on qualitative data, which is clearly more difficult to establish than the map of abstentionism from the figures on the turnout in European elections. Are some regions or countries more likely than others to criticise the European Union? Why is this so? Can some political cultures, or some traditions predispose people towards Euroscepticism? Should the date of entry into the EU be taken into account? Is this fatigue greater in old Member States or is the lack of understanding of the system greater in the latecomers? Does everyone’s disappointment have more to do with the reasons that led to membership? The work of this symposium can also help to clarify the sociology of the electorate and of Eurosceptic movements. What are the most significant divisions: age, nationality, living environment, the level of education, belonging to a disadvantaged socio-professional group or rather, on the contrary, to backgrounds that are considered the intellectual, economic or political elites? A study of the networks that broadcast anti-Europeanism can be particularly rich, which also raises questions about the role of the media. For historians, chronology remains the guiding principle in understanding the process. Some dates emerge already as key moments or turning points in the evolution of Euroscepticism but, in retrospect, their importance can be reassessed. The year 1979, which was the starting point for the symposium, marked both a step in the democratisation of the EU’s institutional system and in the emergence of a Europessimistic current in conjunction with the economic crisis. Citizens grasped the opportunity presented by the first EP elections by universal suffrage, therefore, not to express their satisfaction with finally being involved in European integration but rather to express their disinterest or criticism for an organisation that fails to solve all problems. 1986 could be considered a period low in Euroscepticism thanks to the dynamism of the Commission chaired by Jacques Delors, the Single European Act which opened up new perspectives, the accession of Spain and Portugal who had recently returned to democracy, and to the adoption of the European symbols of the flag and anthem. But this hypothesis remains to be confirmed. 1992, the year in which the Maastricht Treaty – rejected at first by the Danes and ratified in France after a narrowly-won referendum – seemed to open the floodgates to Euroscepticism that was gaining ground in more or less all of the Member States. 2004-2005 represented another highlight with the great enlargement to the East which was sometimes poorly accepted in the West; the no vote from the French and the Dutch for the Constitutional Treaty which was indeed abandoned, before even the most hostile of countries to this project were able to express their opinion. Finally, the weakening of the Eurozone, which was exposed in 2010, gave way to a multifaceted crisis (economic, political, institutional, identity) which were the background to the 2014 elections. Finally, the symposium can play the role of a laboratory for ideas. The work will surely yield some avenues for reflection on the future of Europe. How can this Euroscepticism be overcome? How can citizens be won over? How can the EU regain its legitimacy? Which reforms, policies and transformations are needed? Overall, what can be done to rekindle Europe and who could succeed in doing so?

EINFÜHRUNG Diese Konferenz zielt darauf ab, den Einfluss von Absentismus, Euroskeptizismus und Anti-Europäismus während den „Europawahlen“ zu untersuchen, d.h. die Wahlen, die alle fünf Jahre die Mitglieder des Europäischen Parlaments (EP) durch allgemeine und unmittelbare Wahlen bestimmen. Diese wissenschaftliche, internationale und interdisziplinäre Konferenz, welche am 15. und 16. Mai 2014, ein paar Tage vor der achten Europawahl, stattfand, hatte einen direkten Bezug zu den Debatten der damaligen Wahlkampagne. Diese Aktualität, welche die Universität nicht gleichgültig lässt, schafft sicherlich einen Anreiz dafür, einen neuen und prägnanten Blick auf die Wahlen der gesamten letzten 35 Jahre zu werfen. Es ist daher erfreulich, dass das Zentrum Raymond Poidevin innerhalb der UMR „Dynamiques européennes“ ein Team von Historikern an der Universität Straßburg zusammengebracht hat, welches gerade dieses Thema für dessen erste Veranstaltung ausgewählt hat. Der Titel der Konferenz lässt die Frage zu, ob es nicht eine besondere Verbindung zwischen den Manifestationen des Widerstands gegen Europa und den Europawahlen gibt: Warum zeigt sich der Absentismus, der Euroskeptizismus und der Anti-Europäismus gerade zum Zeitpunkt der Europawahlen in solch einem starken Maße? Deutet dieser Titel nicht sogar an, dass die Europawahlen den europakritischen Kräften helfen, ihre Parolen zu verbreiten oder sogar ihr Voranschreiten zu fördern? Diese Frage lässt ein Paradox entstehen. Die Direktwahlen des EP sind ein demokratischer Akt per Definition. In der kollektiven Vorstellung sollen diese den Bürgern Europa näherbringen und ihr Zugehörigkeitsgefühl zur Europäischen Union (EU) bestärken. In den 1950er Jahren sahen die Gründungsväter Europas in diesen allgemeinen unmittelbaren Wahlen einen Weg, die Europäische Integration zu festigen. Zum Beispiel war Robert Schumann davon überzeugt, dass die Bürger Europa gegenüber günstiger gestimmt sind als die Politiker selbst. Er bekräftigte nochmal, dass man sich aufeinander verlassen müsse, damit ein Fortschritt in der Integration erzielt werden kann und er unterstützte die direkten Wahlen des Parlaments schon von 1956 an. Im Jahr 1960 legte die Europäische Parlamentarische Versammlung einen Entwurf für die Einführung allgemeiner und unmittelbarer Wahlen vor, die im Vertrag von Rom vorgesehen waren, jedoch zu der Zeit von den Französischen Behörden verweigert wurden. Als die Entscheidung schließlich Mitte der 1970er Jahre fiel, wurde sie als ein qualitativer Sprung in der Europäischen Integration und als Mittel gepriesen, das das Demokratiedefizit in der Gemeinschaft beheben könne. Aber bereits bei den ersten Wahlen 1979 musste man die Illusionen aufgeben: Es kam nicht zu einer massiven Mobilisierung der Bürger, weder um den Aufbau Europas zu unterstützen, noch um zur Wahl zu gehen. Seit dieser ersten Erfahrung erreichte der Anteil an Enthaltung, welcher nur recht niedrig in den Ländern mit einer Wahlpflicht ist (Belgien, Italien, Luxemburg), durchschnittlich 37% in der neuen Europäischen Gemeinschaft. Zahlreiche Umstände können teilweise die Vorbehalte der Bürger erklären. Der Wirtschaftsboom in Europa

INTRODUCTION

25

neigte sich dem Ende zu und Arbeitslosigkeit, hohe Ölpreise und die Wirtschaftskrise fanden wieder ihren Einzug. Die Europäische Gemeinschaft, die sich seit 1973 erweitert hat, kämpfte damit, das Vereinigte Königreich zu integrieren. Dieses wählte im Jahre 1979 den ersten euroskeptischen Regierungschef in der Europäischen Gemeinschaft an die Macht. Doch auch bei den folgenden Wahlen mangelte es immer noch an Begeisterung und das Misstrauen gegenüber Europa wurde auch bei anderen Gelegenheiten zum Ausdruck gebracht. Es tritt vor allem auf, wenn Referenden zur Ratifizierung der Reformverträge (Maastricht, Nizza, Lissabon) abgehalten werden. Dabei ist vor allem auch der Verfassungsvertrag nicht zu vergessen, der nach dem französisch-niederländischen DoppelNein im Jahr 2005 aufgegeben wurde. Das Misstrauen verbreitete sich vor allem durch die Medien aus und insbesondere seit ein paar Jahren auch über das Internet. Es wird regelmäßig von den Umfragen, einschließlich des Eurobarometer, ausgewertet, die jedoch versuchen, nicht den Grad des Misstrauens, sondern den der Befürworter zu ermitteln. Wir müssen daher den Tatsachen ins Auge sehen und uns darüber klar sein: Es gibt strukturelle Gründe für den Absentismus und den Euroskeptizismus. Auf dem ersten Blick scheint der Absentismus zunächst mit der Art und Weise der Europawahlen und ihrer Organisation verknüpft zu sein. Michael Hasting, der die Wahlen 2004 untersuchte, schreibt mit einer Anspielung auf Magritte Maler: „Dies ist keine europäische Umfrage“ . In der Tat ist es eher ein Nebeneinanderstellen von einer Reihe nationaler Wahlen. Viele Faktoren tragen zu einer Nationalisierung dieser Wahlen bei: die Umfragen finden nicht genau am selben Tag in allen Mitgliedstaaten statt, sondern verteilen sich über vier aufeinander folgende Tage – von Donnerstag bis Sonntag – und unter Berücksichtigung der Wahlgewohnheiten verschiedener Länder; die Regeln der Abstimmung sind nicht einheitlich, auch wenn es eine Tendenz der Annäherung gibt; mit wenigen Ausnahmen bestehen Wahllisten aus nationalen Kandidaten, Wahlkampagnen sind von nationalen Interessen geprägt und auch die politischen Themen sind oft mehr nationaler als Europäischer Art. Die Herausforderungen dieser Wahlen erscheinen zudem begrenzt, oder werden als solche wahrgenommen, zweifellos zu Unrecht. Die Europäischen Herausforderungen werden aus zwei Gründen als weniger wichtig angesehen: Das Parlament wird nach wie vor von den Bürgern als ein schwaches Glied im institutionellen System wahrgenommen, was es seit längerer Zeit nicht mehr ist. Seit Maastricht eroberte man Vertrag nach Vertrag mehr Macht, auch wenn man noch nicht Steuern erheben kann. Das Kontrollrecht und das Recht, der Kommission sein Misstrauen auszusprechen wurde nach und nach erst durch ein Haushaltsrecht (das Jahresbudget absegnen oder ablehnen), dann durch eine wichtige gesetzgebende Gewalt, sprich das Recht auf Mitentscheidung neben dem Ministerrat über eine große Anzahl von Texten und eine Möglichkeit, die Zusammensetzung der Kommission durch die Amtseinsetzung ihrer Mitglieder zu beeinflussen, erweitert. Aber traditionell hat das Parlament kaum Einfluss auf die Wahl des Präsidenten der Kommission, der vom Europäischen Rat (Staatsoberhäupter oder Regierungschefs der Mitgliedstaaten) ernannt wird. Die Wahlen 2014 konnten jedoch die Situation ändern, da die wichtigsten politischen Familien, die sich auf Europäischer Ebene zusammengeschlossen haben, einen Spitzenkandidaten gewählt hatten. Dieser beansprucht im Falle eines Sieges den Vorsitz der Kommis-

26

MARIE-THÉRÈSE BITSCH

sion. Nationale Themen dieser Wahlen sind auch sehr gering, da sie weder die parlamentarische Mehrheit noch die Zusammensetzung der nationalen Regierung bestimmen. Daher werden diese Wahlen oft als Wahlen „zweiter Ordnung“ oder „Zwischen-“ bzw. „Zusatzwahlen“ angesehen, die auf gleicher Stufe mit den lokalen Wahlen stehen. Diese Schwäche des Parlaments kann die Gleichgültigkeit einiger Wähler erklären oder sie dazu verleiten, bei den Wahlen ihren Frust abzulassen. Die Wähler könnten dazu versucht sein, entweder durch Enthaltung oder mit einem Protestvotum gegen ihre nationalen Regierungen zu wählen. Jenseits des weniger attraktiven Charakters der Europawahlen zeigen die EU-Skeptiker vorwiegend eine Distanzierung gegenüber Europa, genauer gesagt gegenüber der EU. Gerade um diese geht es nämlich bei den Wahlen und sie ist auch betroffen, wenn es um die Europa-Frage in den Debatten rund um die Wahlen geht. Es gibt viele Worte, um diese Distanz zu beschreiben-Desinteresse, Abkehr, Abwendung, Enttäuschung, Desillusionierung, Ernüchterung und auch die Liste der Beschwerden ist sehr lang. Die EU wird für ihre institutionelle Komplexität und Undurchsichtigkeit, ihren bürokratischen Verwaltungsstil, ihre liberale oder sogar „ultraliberale“ Orientierung, oder besser gesagt für ihre übermäßige Einflussnahme oder „Penibilität“ kritisiert, wie auch ihre Unfähigkeit, die Bürger vor den Folgen der Globalisierung und gegen Arbeitslosigkeit, Immigration und hohe Lebensunterhaltskosten zu schützen. Aber auch ihre Unfähigkeit, den Frieden an den Türen Europas zu sichern wird kritisch gesehen, gestern im Balkan heute in der Ukraine oder sogar in Syrien oder in Afrika. Europa für alles Übel verantwortlich zu machen geht jedoch oft einen Schritt zu weit. Die Europäische Union – „Brüssel“ – ist zu einem Sündenbock geworden. Die Gründe für diesen Widerstand gegen Europa sind schon oft analysiert worden. Entweder in Studien über Großprojekte oder über die wichtigsten Etappen des Europäischen Aufbaus, die fast immer die Faktoren, die die Integration erschweren, berücksichtigen oder in gezielteren Arbeiten über den Euroskeptizismus, die dieses Thema in den Mittelpunkt ihrer Studien stellten und welche sich in den letzten zehn Jahren entwickelt haben. Diese Konferenz über den Widerstand gegen Europa anlässlich der Wahlen des Europäischen Parlaments ist ein Beispiel dieses neuen Ansatzes. Es ist die Fortsetzung eines Großprojektes, das vor einigen Jahren im Rahmen der MISHA (Interuniversitäres Haus der Humanwissenschaften – Elsass) unter der Führung einer Gruppe junger Historiker der Universität Straßburg und unter der Beteiligung von Forschern aus verschiedenen Disziplinen und Ländern durchgeführt wurde. Deren Ergebnisse wurden in zwei Bänden unter folgenden Titel veröffentlicht: „Gegen Europa? AntiEuropäismus, Euroskeptismus und Anti-Europäismus in der Europäischen Integration von 1945 bis heute“. Die Arbeit über die Europäischen Wahlen hat den Vorteil, den Widerstand gegen Europa anhand einer Reihe ähnlicher oder sich über einen relativ langen Zeitraum (35 Jahre) wiederholende Ereignisse zu identifizieren und einzuordnen. In Anbetracht der wachsenden Anzahl an Mitgliedstaaten erlaubt dies, einen Vergleich über Zeit und Raum zu ziehen. Die Arbeit sollte Konvergenzen und nationale oder regionale Besonderheiten zeigen und Entwicklungen oder Kontinuität herausarbeiten, aber vielleicht auch ein besseres Verständnis für die Be-

INTRODUCTION

27

sonderheiten der Wahlen 2014 schaffen. Sie kann daher neue Erkenntnisse zu mehreren Aspekten bieten. Sie sollte zunächst helfen, die unterschiedlichen Positionen der Kritiker der Europäischen Union zu identifizieren und ihre Terminologie zu präzisieren. Das Triptychon des Titels der Konferenz deutet schon auf eine Abstufung an. Die Enthaltungen scheinen von vorneherein vielmehr die Gleichgültigkeit als die Feindseligkeit zu begünstigen. Jedoch handelt es sich ohne Zweifel weniger um eine wohlwollende Gleichgültigkeit, die lange Zeit den permissiven Konsens inspiriert hat. Aber wer profitiert von dieser Enthaltung? Die Protestler, die AntiEuropa Parteien, die die Wähler eher geneigt sind, zu wählen als die anderen? Diese Interpretation, oft fortgeschritten, ist sehr umstritten. Zusätzlich machen bestimmte Autoren auf den Umstand aufmerksam, dass die Rate der Wahlenthaltung bei den Europawahlen, die ständig zwischen 1979 und 2009 angestiegen ist, etwa auf dem gleichen Niveau liegt wie bei den Wahlen in föderalistischen Ländern, wie z.B. in der Schweiz oder in den Vereinigten Staaten. Die Rate wäre daher nicht „abnormal“, das heißt nicht ungewöhnlich hoch. Deshalb würde die leere oder ungültige Stimme repräsentativer für eine rebellische Haltung sein, als die Enthaltung selber. Das zweite Wort des Triptychon- der Europskeptizismus- ist, so scheint es uns, eine Art Gattung für eine Opposition, die als milde gelten soll. Dennoch kann sie aber mehr und mehr Parteien, einschließlich von Regierungsparteien für sich gewinnen, die in Europäischen Fragen gespalten sind. Er ist es daher wert in all seinen Nuancen erforscht zu werden. Der dritte Begriff – Anti-Europäismus – ist radikaler. Er umfasst wahrscheinlich mehrere Bezeichnungen: Souveränität, Populismus, Europhobie und vielleicht sogar Alter-Europäismus. Das letzte Wort, welches besser in den Plural zu setzen ist, da es zweideutig erscheint, macht von vornherein Bezug auf die konstruktive Haltung derer, die ein anderes Europa wollen, ein „besseres Europa“ oder mehr Europa. In Wirklichkeit bezieht es sich jedoch am häufigsten auf eine systematische Feindseligkeit gegenüber der Europäischen Union. Die Konferenz sollte auch den Weg für eine geographische Aufzeichnung des Euroskeptizismus ebnen, welche auf qualitativen Daten basiert, die laut den Zahlen der Teilnehmerrate bei den Europäischen Wahlen offenkundig schwieriger zu ermitteln ist als eine geographische Aufzeichnung der Enthaltungen. Sind bestimmte Regionen oder Länder geneigter, die Europäische Union zu kritisieren als andere? Warum? Können bestimmte politische Kulturen, bestimmte Traditionen besonders anfällig für den Euroskeptizismus sein? Muss das Datum des Eintritts in die EU mit in die Überlegungen einbezogen werden? Wird der Überdruss stärker in den älteren Mitgliedstaaten sein oder das Missverständnis über das System größer bei den als letztes Beigetretenen? Hat die Enttäuschung aller etwas mit der Motivation zu tun, die zum Beitritt geführt hat? Die Arbeit der Konferenz kann ferner dazu beitragen, die Soziologie der Wahlen und der Bewegung der Euroskepsis zu präzisieren. Was sind die signifikanten Spaltungen: Das Alter, die Nationalität, die Lebensbedingungen, das Bildungsniveau, die Zugehörigkeit zu einer eher benachteiligten sozialen Gruppe oder sogar umgekehrt, die Kreise, welche als intellektuelle, wirtschaftliche und politische Elite angesehen werden. Die Studie über Netzwerke, die den AntiEuropäismus verbreiten, können eine reiche Fundgrube sein, die auch Fragen über die Rolle der Medien aufwirft.

28

MARIE-THÉRÈSE BITSCH

Für die Historiker ist die Chronologie ein roter Faden für das Verständnis der Prozesse. Bereits jetzt lassen sich einige Daten als Schlüsselmoment oder als Wendepunkte in der Entwicklung des Euroskeptizmus identifizieren. Ihre Bedeutung kann im Nachhinein jedoch neu beurteilt werden. Das Jahr 1979, Zeitpunkt für den Beginn der Konferenzforschung, markiert einen Fortschritt für die Demokratie des institutionellen Systems der Gemeinschaft und die Entstehung eines gemeinsamen Euro-Pessimismus im Zusammenhang mit der Wirtschaftskrise. So wählen die Bürger zum ersten Mal das EP durch allgemeine Wahlen, jedoch weniger, um ihre Zufriedenheit zum Ausdruck zu bringen und endlich an dem Europäischen Aufbau zu beteiligt zu sein, als vielmehr ihr Desinteresse oder ihre Kritik für eine Organisation zum Ausdruck zu bringen, die nicht alle Probleme löst. 1986 kann dank einer Dynamik der Kommission unter der Leitung von von Jacques Delours als ein Periodentief des Stroms des Europskeptizismus angesehen werden, durch die „Einheitliche Europäische Akte“, welche neue Perspektiven eröffnete , den Beitritt Spaniens und Portugals, die wieder zur Demokratie zurückkehren, wie auch durch die Adoption von Europäischen Symbolen, wie die Hymne und die Flagge. Diese Hypothese muss jedoch noch überprüft werden. 1992 ist das Datum des Vertrags von Maastricht, welcher zunächst von den Dänen abgelehnt und in Frankreich nach einem knapp gewonnenen Referendum ratifiziert wurde. Dieser schien die Schleusen für den Euroskeptizismus zu öffnen, welcher mehr oder weniger alle Mitgliedstaaten erreichte. 2004-2005 repräsentiert einen weiteren Höhepunkt mit der großen Ost-Erweiterung, die wenig im Westen akzeptiert wurde und dem französisch-niederländische Doppel-Nein zum Verfassungsvertrag, der de facto fallengelassen wurde, noch bevor sich die Länder, die diesem Projekt am feindseligsten gegenüberstanden, dazu äußern konnten. Dann kam die Schwächung der Eurozone, die 2010 ausbrach und zu einer vielschichtigen Krise führte (ökonomisch, politisch, institutionelle, Identität), welche den Hintergrund der Wahlen von 2014 bildete. Schließlich kann die Konferenz die Rolle des Ideenlabors spielen. Ihre Arbeit wird sicherlich zum Nachdenken über die Zukunft Europas anregen. Wie ist der Euroskeptizismus zu überwinden? Wie kann man sich die Akzeptanz der Bürger verdienen? Wie der EU Legitimität zurückgeben? Durch welche Reformen, welche Politik, welche Umwandlung? Zusammengefasst, was tun, um Europa wieder auferleben zu lassen und wem könnte dies gelingen?

Part 1

ÉLECTIONS EUROPÉENNES ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES

EUROPEAN ELECTIONS AND INSTITUTIONAL QUESTIONS EUROPAWAHLEN UND INSTITUTIONELLE FRAGEN

L’ÉLECTION EUROPÉENNE DE 2014 : VERS UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE ? ELSA BERNARD Au printemps 2014, comme tous les cinq ans depuis 1979, les citoyens européens ont été invités à désigner, au suffrage universel direct, les députés qui les représentent au sein du Parlement européen et donc plus globalement au sein de l’Union1. Ceux qui parmi eux se sont intéressés à ce rendez-vous et qui s’y étaient déjà intéressés les fois précédentes, ont sans doute pu constater, depuis la dernière élection européenne, certaines évolutions, liées à la fois aux circonstances économiques, aux apports du traité de Lisbonne et à la pratique des partis politiques. Les changements circonstanciels, tout d’abord, résultent de la crise de la dette et de la zone euro, qui a fait de l’Union le centre névralgique des débats et des actions. Les changements institutionnels, ensuite, sont dus à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 dans le cadre duquel l’élection de 2014 a été la première à s’inscrire. Les changements de pratique, enfin, concernent la désignation, par les groupes politiques, au stade de la campagne électorale, de leur candidat au poste de président de la Commission européenne, dans le but d’améliorer la visibilité des élections et d’inciter les citoyens à y participer mais aussi de faire pression sur le Conseil européen à qui il revient, en définitive, de proposer cette personnalité au vote2. Ces évolutions auraient pu favoriser un intérêt croissant des citoyens, à la fois pour la désignation de leurs représentants au sein de l’Union et pour un renforcement de la gouvernance politique européenne, les deux éléments étant intrinsèquement liés. Il n’en a rien été, comme en témoignent les forts taux d’abstention3 et les scores importants des partis eurosceptiques ou anti-européens lors de la dernière élection. Ces phénomènes s’expliquent par le désamour actuel de l’Europe dans un contexte de crise économique et de défiance à l’égard du système politique, a fortiori lorsque ce système apparaît, comme c’est le cas de l’Union, complexe, peu transparent et éloigné des préoccupations de ses citoyens. Dans l’histoire de l’eurobaromètre, jamais la confiance dans les institutions européennes n’a été aussi faible qu’au printemps 2014, ce qui résulte largement du sentiment que tout serait décidé par « Bruxelles », de façon occulte, l’Union n’étant pas, dans ces conditions, un système démocratique. Or, les élections européennes constituent précisément le principal outil démocratique, qui donne aux citoyens de l’Union l’occasion de participer activement à sa vie politique et d’influencer les décisions européennes. On ne peut dès lors que souligner le pa1 2 3

Seule institution de l’Union à être élue au suffrage universel direct, le Parlement européen incarne l’intérêt des citoyens, tandis que la Commission incarne l’intérêt de l’Union et le Conseil (comme le Conseil européen), celui des Etats. Résolution du Parlement européen du 22 novembre 2012 sur les élections au Parlement européen en 2014 (2012/2829(RSP)). 42,54 % de participation en 2014 contre 40,63 % en 2009.

32

ELSA BERNARD

radoxe qui consiste pour les citoyens européens à bouder une élection qui leur permettrait de faire entendre leurs voix, au motif que l’Union ne serait pas un système démocratique4. La notion de démocratie est sujette à de multiples débats et réflexions qu’il est impossible d’aborder ici, mais qui ont tous pour point de départ son étymologie grecque, laquelle renvoie à l’idée de « pouvoir du peuple ». Les juristes s’accordent généralement sur l’existence d’une limite à ce pouvoir du peuple qui réside dans le respect des droits fondamentaux. Il ne fait pas de doute aujourd’hui que ce dernier élément est présent dans l’ordre juridico-politique de l’Union européenne. En effet, avant même que la Charte européenne des droits fondamentaux n’entre en vigueur en même temps que le traité de Lisbonne, la Cour de justice veillait efficacement, depuis le début des années 1970, à leur respect en tant que principes généraux du droit communautaire. Le « pouvoir du peuple » en revanche soulève davantage de questions et ce malgré l’affirmation du traité selon laquelle « tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens »5. Certes, le titre II du Traité sur l’Union européenne (TUE) consacré aux « dispositions relatives aux principes démocratiques » prévoit à la fois des mécanismes de démocratie participative – qui résident notamment dans l’instauration depuis le traité de Lisbonne de l’initiative citoyenne européenne6 – et de démocratie représentative. Cette dernière présente, au sein de l’Union, la particularité d’être bidimensionnelle puisqu’elle repose à la fois sur le niveau européen et sur le niveau national, le premier étant incarné par le Parlement européen, le second par les deux Conseils7 et les parlements nationaux8. Pour un grand nombre de citoyens ainsi que pour certaines autorités politiques et judiciaires nationales, cela ne semble toutefois pas suffire à faire de l’Union une démocratie. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande est particulièrement intéressante à ce sujet, dès lors qu’elle considère que « le Parlement européen n’est pas un organe représentatif d’un peuple européen souverain »9 et qu’il ne joue pas le même rôle, dans l’Union, qu’une chambre basse dans un État. La Cour a récemment réitéré et explicité cette opinion. Dans un arrêt rendu le 26 février 2014, elle juge anticonstitutionnel, par cinq voix contre trois, le seuil de 3 % des suffrages jusqu’ici exigé en Allemagne pour permettre à un parti d’entrer au Parlement européen10. La Cour a ainsi imposé que, dès l’élection de 2014, les députés allemands soient désignés selon un système proportionnel pur, en fonction du score 4

5 6 7

8 9 10

Sur ce paradoxe, voir BERNARD E., « Déficit démocratique et Parlement européen », GAINAR, M., LIBERA, M. (dir.), Contre l’Europe ? Anti-européisme, euroscepticisme et altereuropéisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours, volume 2 : Acteurs institutionnels, milieux politiques et société civile, Stuttgart, 2013, pp. 157-171. Article 10 §3 du traité sur l’Union européenne (TUE). Article 11 TUE. Article 10 §2 TUE : « Les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen. 
Les États membres sont représentés au Conseil européen par leur chef d’État ou de gouvernement et au Conseil par leurs gouvernements, eux-mêmes démocratiquement responsables, soit devant leurs parlements nationaux, soit devant leurs citoyens ». Article 12 TUE. Arrêt du 30 juin 2009 relatif à la loi d’approbation du traité de Lisbonne, 2 BvE 2/08. Par une première décision du 9 novembre 2011, la Cour avait invalidé le seuil de 5% qui était en vigueur lors du dernier scrutin de 2009. En juin 2013, le Bundestag l’avait donc remplacé par un seuil de 3%.

L’ÉLECTION EUROPÉENNE DE 2014 : VERS UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE ?

33

de leur parti, ce qui a favorisé l’entrée des petits partis politiques allemands au Parlement européen, notamment du parti néo-nazi (NPD), qui, avec 1 % des voix seulement, a pu être représenté par un député. Mais au-delà du dispositif, ce sont surtout les motifs de l’arrêt qui préoccupent. En effet, selon la Cour, le seuil de représentation qui existait jusque-là en Allemagne – et qui existe dans de nombreux Etats membres11 – est anticonstitutionnel car, en défavorisant les petits partis, il porte atteinte aux principes d’égalité d’accès au vote et d’égalité des chances aux élections. Or, un seuil de 5 % existe pour les élections législatives au Bundestag sans que sa compatibilité avec la constitution nationale ne soit remise en cause. Cette différence de régime, appliquée par la Cour de Karlsruhe aux élections législatives européenne et nationale, se justifie, selon la juridiction suprême, par des différences structurelles entre le Parlement européen et le Bundestag et, plus largement, entre les deux systèmes politiques que sont l’Union et l’Allemagne. Pour la Cour, le fait que le Bundestag élise le gouvernement national l’oblige à constituer des majorités claires, ce qui ne serait pas le cas du Parlement européen, qui ne fonctionnerait pas selon les règles d’une majorité et d’une opposition stable, mais selon des majorités fluctuantes. Par ailleurs, la procédure législative européenne, à laquelle participe le Parlement, ne serait pas influencée par les majorités politiques qui composent cette institution, contrairement à ce qui prévaut au niveau national. Outre les conséquences pratiques de cet arrêt, qui contribue à la fragmentation des majorités au sein de Parlement européen, le raisonnement de la Cour est bien sûr très discutable. Les juges allemands auraient ainsi « raté une occasion de reconnaître les nouvelles réalités européennes »12. Il est vrai qu’ils sous-estiment et minimisent ici considérablement les prérogatives du Parlement européen, dont ils occultent le rôle dans la désignation de l’exécutif de l’Union incarné par la Commission, et dont ils estiment par ailleurs le comportement déficient sans vraiment justifier leurs propos. L’idée qui sous-tend cette décision est tout simplement celle d’une défaillance voire d’une absence, au sein de l’Union, de démocratie, laquelle ne pourrait être que de dimension nationale. Il s’agit de déterminer si le sentiment exprimé par la Cour de Karlsruhe et partagé par de nombreux citoyens ignore les nouvelles réalités européennes, notamment les changements intervenus depuis l’élection de 2009 ou s’il est au contraire conforme à la réalité. Si les évolutions récentes contribuent à une démocratisation de l’Union (I), des lacunes persistent et des changements mériteraient d’être encore effectués afin de parvenir à l’établissement d’un véritable gouvernement européen, doté de la légitimité démocratique qui s’impose, condition nécessaire pour réconcilier les citoyens avec l’Union (II). 11

12

Tel est le cas de la Grèce (seuil de 3 %), de l’Italie, de l’Autriche, de la Suède et de la Slovénie (seuil de 4%), ainsi que de la France, de la Croatie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la République tchèque et de la Hongrie (seuil de 5%). Les États qui ne connaissent pas de seuil (la Belgique, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, le Royaume-Uni, l’Irlande, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne et Chypre) sont, pour la plupart d’entre eux (à l’exception de l’Espagne et du Royaume-Uni), des États de petite ou de moyenne taille, dont les délégations comprennent entre 5 et 26 eurodéputés, si bien que le système purement proportionnel implique un seuil de fait qui se situe entre 4 % et 20 %. Propos de Herbert Reul et de Markus Ferber, membres du Parti populaire européen (PPE), rapportés sur le site europaforum.lu : http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/ 2014/02/elec-pe-karlsruhe-seuil-suffrages/index.html

ELSA BERNARD

34

I. Des évolutions notables depuis l’élection de 2009 La démocratisation de l’Union implique la désignation, par les citoyens, des membres de certaines institutions européennes. Encore faut-il cependant que le pouvoir décisionnel revienne effectivement aux institutions, dont ils désignent les membres, et non à d’autres entités. Il était donc nécessaire non seulement que le lien politique entre les élus européens et la Commission soit renforcé (B) mais aussi que la seule institution bénéficiant d’une légitimité européenne directe, à savoir le Parlement, soit davantage impliquée dans le processus décisionnel (A).

A. Un accroissement du rôle du Parlement dans la prise de décision européenne Si le Conseil, composé des représentants des États membres, a été dès l’origine le principal organe décisionnel de la Communauté économique européenne, les prérogatives parlementaires, d’abord limitées à de simples « pouvoirs de délibération et de contrôle »13, se sont considérablement accrues avec le temps. Aux termes des traités actuels, le Parlement européen « exerce, conjointement avec le Conseil, les fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de contrôle politique et consultatives conformément aux conditions prévues par les traités. Il élit le président de la Commission »14. Le traité de Lisbonne a contribué au renforcement de ses compétences législatives et budgétaires. En matière législative, la procédure de codécision qui, depuis le traité de Maastricht, donnait au Parlement européen le pouvoir d’arrêter, conjointement avec le Conseil, les actes proposés par la Commission, est devenue la « procédure législative ordinaire » et s’est appliquée à plus de quarante nouvelles matières comme, par exemple, la sécurité énergétique, l’espace de liberté, de sécurité et de justice, ou encore la santé. Autant de domaines qui, lors de la précédente élection européenne, échappaient encore largement aux compétences du Parlement, lequel ne pouvait généralement que donner un avis. Par rapport à ce qui prévalait lors de l’élection 2009, le Parlement jouit également de nouvelles prérogatives budgétaires. Depuis la révision de Lisbonne, sa compétence ne se limite plus aux « dépenses non obligatoires » puisqu’il dispose, au même titre que le Conseil, d’un pouvoir général d’amendement du projet de budget annuel établi par la Commission15. De même, depuis 2009, le rôle du Parlement européen dans la procédure d’adoption des accords internationaux a été renforcé puisque le traité de Lisbonne requiert désormais son approbation notamment pour les accords intervenant dans les domaines auxquels s’applique la procédure législative ordinaire16, pour les accords d’association entre l’Union et les pays tiers, pour les accords ayant des implications budgétaires notables pour l’Union, pour les accords por13 14 15 16

Article 137 TCE. Article 14 §1 TUE. Avant le traité de Lisbonne, le Parlement n’avait pas le dernier mot sur les “dépenses obligatoires” (environ 45% du budget de l’UE), si bien qu’en cas de désaccord, le Conseil décidait en dernier lieu. C’est également le cas dans les domaines soumis à une procédure législative spéciale dans laquelle l’approbation du Parlement européen est requise.

L’ÉLECTION EUROPÉENNE DE 2014 : VERS UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE ?

35

tant adhésion d’un État à l’Union ou encore pour l’accord portant adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales17. Ainsi, pour la plus grande partie des décisions adoptées au sein de l’Union, les représentants des citoyens, élus au niveau européen, se prononcent au même titre que les représentants des États, élus au niveau national. Le renforcement des prérogatives parlementaires, auquel a contribué la mise en œuvre du traité de Lisbonne entre l’élection de 2009 et celle de 2014 constitue un progrès en faveur de la démocratie européenne. Il concerne également la désignation du président de la Commission.

B. Un accroissement de la légitimité démocratique de la Commission européenne Si la démocratisation de l’Union découle du renforcement des prérogatives du Parlement européen, elle résulte également du contrôle politique, assuré par les représentants des citoyens réunis au sein de cette institution, sur l’exécutif européen, c’est-à-dire sur la Commission18. La motion de censure sur la gestion de la Commission19 était prévue dès l’origine des communautés, mais la surveillance politique de cette institution s’est accrue au fil du temps et au gré des révisions des traités20. Les prérogatives des députés dans l’investiture des commissaires ont également été croissantes. Jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, les membres de la Commission étaient désignés par les gouvernements des États membres et le Parlement n’avait aucun pouvoir en la matière. Dès 1985 cependant, Jacques Delors, nouvellement désigné Président de la Commission, inaugure, en sollicitant un vote de confiance du Parlement, une pratique qui sera ensuite consacrée par les traités. Certes, le rôle des députés n’était alors que consultatif, mais le traité de Maastricht et ceux qui suivent modifient les règles d’origine afin de prendre progressivement en compte les revendications du Parlement visant à obtenir davantage de pouvoirs en la matière. Ainsi, depuis la révision de Lisbonne, il est prévu que le Conseil européen – qui réunit les chefs d’État et de gouvernement de l’Union – désigne le président de la Commission « en tenant

17 18 19 20

Article 218 §6 TFUE. Cette disposition précise que pour tous les autres accords, l’approbation du Parlement n’est pas obligatoire, mais celui-ci doit être consulté au cours de la procédure. Article 17 §8 TUE. Article 234 TFUE. Cette surveillance se manifeste par des questions susceptibles d’être adressées à la Commission par le Parlement européen, par sa capacité à constituer une commission temporaire d’enquête à la demande d’un quart de ses membres « pour examiner des allégations d’infraction ou de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union » (article 226 TFUE). La compétence du Parlement européen pour donner à la Commission décharge de l’exécution du budget constitue également un outil performant de contrôle.

36

ELSA BERNARD

compte des élections au Parlement européen »21. Le candidat du Conseil européen est ensuite censé être « élu » par cette assemblée22, qui certes vote mais n’a pas la possibilité de choisir entre plusieurs candidats et ne peut que faire part de son accord ou de son désaccord à l’investiture d’une personnalité, laquelle doit encore, suite à ce vote, être confirmée dans sa fonction par le Conseil européen23. S’il peut refuser le candidat proposé par le Conseil européen, les traités ne prévoient pas, en revanche, que le Parlement puisse lui suggérer une personnalité, de sa propre initiative. Son pouvoir se limite donc, en théorie, à l’exercice d’un veto. En pratique toutefois, rien n’empêche le ou les partis majoritaires au Parlement de soumettre leur candidat au Conseil européen. C’est la grande nouveauté inaugurée par la plupart des partis politiques lors de la campagne de 201424. En désignant les têtes de partis susceptibles d’être proposées au Conseil européen pour la présidence de la Commission en cas de victoire, les groupes politiques ont d’abord dynamisé, aux yeux des citoyens, une campagne européenne pour la première fois incarnée par des personnalités clairement identifiables, parfois choisies suite à des élections primaires au sein de grandes familles politiques25, et susceptibles de s’opposer entre elles au cours de vrais débats sur l’Union (dont certains ont été télévisés), mettant ainsi à mal une idée répandue selon laquelle, au niveau européen, les clivages politiques n’existeraient pas ou peu et les partis seraient interchangeables. Mais le principal intérêt de cette nouvelle pratique politique réside, bien sûr, dans la valorisation et l’accroissement de la légitimité démocratique du président de la Commission. Pour la première fois, par leur vote, les citoyens européens ont pu imposer au Conseil européen – non sans mal 21

22 23 24

25

Article 17 TUE, § 7. La déclaration 11 annexée au traité de Lisbonne précise: « Le Parlement européen et le Conseil européen ont une responsabilité commune dans le bon déroulement du processus conduisant à l’élection du Président de la Commission européenne. En conséquence, des représentants du Parlement européen et du Conseil européen procéderont, préalablement à la décision du Conseil européen, aux consultations nécessaires dans le cadre jugé le plus approprié. Ces consultations porteront sur le profil des candidats aux fonctions de président de la Commission en tenant compte des élections au Parlement européen, conformément à l’article 9 D, paragraphe 7, premier alinéa. Les modalités de ces consultations pourront être précisées, en temps utile, d’un commun accord entre le Parlement européen et le Conseil européen ». Cette « élection » doit désormais avoir lieu à la majorité des membres qui composent le Parlement, c’est-à-dire à la majorité absolue et non plus, comme c’était le cas sous le traité de Nice, à la majorité des suffrages exprimés, c’est-à-dire à la majorité simple. Article 17 TUE, § 7 : « si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose, dans un délai d’un mois, un nouveau candidat, qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure ». Les partis nationalistes de l’Alliance européenne pour la liberté (AEL) n’ont pas choisi de candidat, de même que l’Alliance des conservateurs et réformistes européens qui considère, et cela mérite d’être souligné, la nouvelle disposition du traité de Lisbonne sur la présidence de la Commission comme « une vision des années 1950 » qui « établit un gouvernement où il n’y a pas de nation ». Le 7 mars 2014, les délégués du Parti populaire européen (PPE) ont élu l’ancien premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker par 382 voix, contre 245 au Français Michel Barnier. L’Allemand Martin Schulz était le seul candidat pour le parti socialiste européen. L’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE) et le Parti démocrate européen ont désigné le belge Guy Verhofstadt tandis que le Parti de la gauche européenne a désigné Alexis Tsipras. Notons que le Parti vert européen est le seul parti à avoir organisé une primaire ouverte à l’ensemble des habitants de l’Union européenne de plus de 16 ans. Le tandem José Bové / Ska Keller a été désigné à l’issue du vote ouvert de novembre 2013 à janvier 2014.

L’ÉLECTION EUROPÉENNE DE 2014 : VERS UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE ?

37

compte tenu des réticences de certains chefs d’État et de gouvernement – le président de la Commission, en l’occurrence le candidat du PPE, Jean-Claude Juncker, qui a été élu par le Parlement avec le soutien de plusieurs partis politiques. Conformément à la procédure qui prévalait déjà avant la révision de Lisbonne, le Conseil européen a ensuite établi la liste des commissaires en accord avec le président de la Commission, ce qui est une façon diplomatique d’évoquer une pratique selon laquelle chaque État désigne son commissaire, son choix étant généralement entériné par les autres États. Les candidats aux postes de commissaires ont alors été auditionnés par les commissions compétentes au sein du Parlement, ce qui a parfois donné lieu à de virulentes mises en cause, obligeant certains d’entre eux à se justifier longuement sur diverses questions et points de leur programme, voire à revenir pour de nouvelles auditions jusqu’à ce que les députés s’estiment convaincus26…ou pas27. Les chefs d’État et de gouvernement ont ainsi dû, avec le président de la Commission, tenir compte de l’avis des députés dans la désignation des commissaires avant de soumettre le collège au vote du Parlement. En 2014, le rôle de cette institution dans la désignation de l’exécutif de l’Union a donc été plus important que jamais, grâce à la fois au traité de Lisbonne et à la détermination des élus européens face aux élus nationaux rassemblés au sein du Conseil européen. La légitimité démocratique de la Commission s’en trouve renforcée, ce qui tend à rapprocher – avec toute la prudence qui s’impose – le statut de cette institution de celui des gouvernements dans les régimes parlementaires. Dans ces régimes en effet, le gouvernement procède des députés directement élus par les citoyens. Il est également sous contrôle du Parlement qui a les moyens de le renverser, notamment suite à une question de confiance ou à une motion de censure. Si la Commission est encore loin de disposer des prérogatives susceptibles de faire d’elle le gouvernement de l’Union, les modalités de son investiture donnent au Parlement certaines prérogatives, dont les parlements nationaux ne bénéficient pas dans les régimes parlementaires. Dans la plupart des systèmes nationaux en effet, le parlement ne procède ni à l’audition des ministres préalablement à leur entrée en fonction, ni à un vote d’approbation du gouvernement. Avec les modifications juridiques et pratiques relatives à la désignation du président de la Commission, l’élection de 2014 constitue indéniablement un pas vers une Union plus démocratique. Des problèmes persistent toutefois dès lors que les deux institutions qui bénéficient d’une légitimité démocratique de nature « européenne » (directe pour le Parlement, indirecte pour la Commission) ne sont pas celles auxquelles reviennent réellement les prérogatives décisionnelles.

26 27

Le Français Pierre Moscovici, le Britannique Jonathan Hill et l’Espagnol Miguel Arias Canete ont dû passer plusieurs auditions avant de convaincre les parlementaires. Les parlementaires ont ainsi rejeté la candidature au poste de vice-présidente responsable de l’énergie de la Slovène Alenka Bratušek. Le Hongrois Tibor Navracsics, candidat pour l’éducation, la culture, la jeunesse et la citoyenneté, s’est vu retirer les attributions relatives à la citoyenneté en raison de ses liens avec le gouvernement hongrois, dont les politiques nationalistes et autoritaires portent atteinte aux droits fondamentaux des citoyens hongrois. Pour un rapport complet sur les auditions des commissaires, voir : http://www.europarl. europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2014/539070/EPRS_BRI(2014)539070_REV1_EN.pdf

ELSA BERNARD

38

II. Des améliorations envisageables pour parfaire la démocratisation Les particularités intrinsèques à l’Union expliquent que les mécanismes démocratiques prévus par les traités ne soient ni exploités comme ils devraient l’être, ni perçus par les citoyens, qui ont toujours beaucoup de difficultés à se sentir appartenir à un demos européen et à s’enthousiasmer pour l’Union. Le système connaît en effet des défaillances qui concernent à la fois le rôle du Parlement (A) et la gouvernance européenne (B).

A. Un Parlement européen à valoriser La valorisation du Parlement européen passe à la fois par l’amélioration du système électoral et par le renforcement de ses prérogatives décisionnelles au sein de l’Union. Afin tout d’abord de raviver l’intérêt des citoyens pour l’élection de leurs représentants, de créer un demos européen, c’est-à-dire un sentiment d’appartenance à une communauté européenne, et plus prosaïquement d’enrayer la progression de l’abstentionnisme, des changements doivent encore être effectués en vue des prochaines élections. Le rôle des partis politiques est ici essentiel et l’élection de 2014 n’a pas donné satisfaction en la matière, du moins d’un point de vue français. La campagne électorale n’a pas toujours été menée sur des sujets véritablement européens, qui auraient pu mettre davantage en évidence l’enjeu de ce scrutin28 et qui auraient incité les partis à se prononcer clairement sur quelques thèmes importants susceptibles non seulement de susciter l’intérêt des citoyens mais aussi de leur prouver que les partis sont bien différents les uns des autres. Les candidats proposés par les partis n’ont pas toujours été, loin s’en faut, les plus compétents ou les plus motivés par les causes européennes. En l’absence de règles juridiques en la matière, il serait bénéfique pour la cause européenne, qu’à l’avenir, les partis politiques s’abstiennent, comme cela a encore été fait en 2014, de présenter des candidats « à caser », qui acceptent d’occuper cette fonction faute de mieux au niveau national et dont on peut légitimement soupçonner, compte tenu des expériences malheureuses connues dans ce domaine, qu’ils n’accompliront pas correctement leur mission au sein du Parlement européen et démissionneront à la première fonction ou mandat national qu’ils pourront retrouver. La mise en place de listes transnationales qui contribueraient à développer des liens entre des citoyens de différents États membres au sein d’une même famille politique semble également indispensable. La valorisation du Parlement européen passe ensuite par un élargissement de ses prérogatives. Cette institution est victime de la complexité de son fonctionnement et d’une mauvaise visibilité médiatique, deux éléments qui contribuent incontestablement à donner aux citoyens l’impression que leur vote est inutile dès lors que leurs représentants ne sont pas en mesure de peser dans les décisions européennes. Si les partis politiques et les médias ont, concernant la visibilité de l’institution, un rôle à jouer, le fonctionnement du Parlement peut dif28

Le rôle des médias est également à souligner dans ce domaine.

L’ÉLECTION EUROPÉENNE DE 2014 : VERS UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE ?

39

ficilement être simplifié compte tenu de la nature très technique et juridique des décisions européennes, lesquelles présentent le double inconvénient pour les citoyens de ne pas être aisément compréhensibles et de ne pas susciter de clivages politiques clairement identifiables, comme c’est généralement le cas au niveau national. Les prises de positions parlementaires apparaissent donc – lorsqu’elles apparaissent – consensuelles. Cette impression que tout serait « joué d’avance », source d’abstentionnisme et d’euroscepticisme, pourrait sans doute être atténuée si le Parlement européen était invité à se prononcer sur des sujets plus nombreux et surtout plus sensibles, plus politiques, en un mot plus importants qu’il n’est actuellement amené à le faire. En effet, malgré l’accroissement de ses compétences au gré des traités, cette institution est toujours exclue ou presque des nombreux domaines que les États membres souhaitent maintenir dans leurs girons et qu’ils réservent donc à la seule compétence du Conseil, le rôle du Parlement étant limité à la consultation ou à l’approbation. Tel est par exemple le cas de questions aussi importantes que l’adhésion de nouveaux États membres, la politique fiscale, la conclusion d’accords internationaux ou encore la politique extérieure de l’Union29. De même, le Parlement est le grand absent de la gouvernance économique européenne, sujet qui a pourtant été au cœur de l’actualité depuis la crise de la zone euro. S’il a bien adopté, en tant que colégislateur, les actes du « six pack » et du « two pack », qui visent notamment à renforcer le Pacte de stabilité et de croissance, la détermination des objectifs et le contrôle des politiques nationales lui échappent largement. De plus, le Parlement ne consent pas à l’impôt et ne vote pas les recettes du budget européen, lesquelles sont déterminées par les États alors que dans toute démocratie, cette prérogative revient logiquement aux représentants du peuple. Enfin, si au niveau étatique les parlements bénéficient du pouvoir d’initiative législative, cette compétence appartient au sein de l’Union exclusivement à la Commission, ce qui réduit le poids politique des représentants des citoyens dans le processus décisionnel. Les pouvoirs limités du Parlement européen s’expliquent par les particularités intrinsèques de l’Union, qui mêle compétences étatiques et nationales. Cette institution a dû, tout au long de son histoire, lutter pour arracher des prérogatives aux États, en ayant au besoin recours à la Cour de justice. Un long chemin a été parcouru mais la démocratie européenne gagnerait à ce que les autorités nationales consentent à étendre encore les pouvoirs de la seule institution directement élue par les citoyens de l’Union.

B. Une gouvernance européenne à renforcer Abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme se nourrissent des deux défauts majeurs de la gouvernance européenne : sa faiblesse et son illisibilité, la seconde découlant de la première. La faiblesse de la gouvernance a particulièrement été ressentie durant la crise économique, qui a mis en évidence l’absence de véritable leadership politique au niveau européen. Quant à son illisibilité, elle est illustrée par la métonymie « Bruxelles », derrière laquelle se dissimulent vague29

Dans ce domaine, ce sont quelques-uns des grands États qui interviennent généralement à titre individuel et non l’Union, comme en témoignent par exemple les opérations en Libye en 2011 ou au Mali en 2013.

40

ELSA BERNARD

ment, pour beaucoup de citoyens, diverses institutions de l’Union et peut-être plus particulièrement la Commission, laquelle n’assure pourtant pas réellement, en pratique, la gouvernance européenne30. Depuis plusieurs années en effet, le Conseil européen, qui rassemble les chefs d’État et de gouvernement, a adopté les principales décisions européennes, en particulier celles qui ont été nécessaires à la gestion de la crise. Or, cet organe – devenu institution de l’Union avec le traité de Lisbonne – ne se voit pas conférer par les traités de prérogatives législatives, lesquelles ne reviennent qu’à la Commission, au Parlement européen et au Conseil. Au titre de l’article 15§1 TUE, le Conseil européen « donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales ». En pratique pourtant, les chefs d’État et de gouvernement ne se sont pas limités à ces seules « impulsions », à de simples « orientations », ou à des « priorités » politiques « générales ». Ils ont au contraire adopté des règles européennes précises et détaillées, dans des domaines souvent très techniques, notamment en matière économique et monétaire quand la crise imposait que certaines décisions soient prises dans l’urgence, ce qui n’aurait pas été possible au moyen de la procédure législative ordinaire, faite d’équilibre et de compromis entre les intérêts de l’Union, des États et des citoyens. Plus que les institutions supranationales, ce sont donc les chefs d’État et de gouvernement qui apparaissent désormais comme les décideurs au sein de l’Union, ce qui, compte tenu de leur nombre, de leurs différences économiques, culturelles et politiques, de leurs intérêts divergents et de leurs carrières politiques nationales à échéance variable d’un pays à l’autre, pose de grandes difficultés et favorise le plus petit dénominateur commun. De plus, les citoyens européens peuvent avoir l’impression – souvent à raison – que, sous couvert de mesures adoptées par le Conseil européen, ce sont les dirigeants des États les plus puissants qui imposent leurs choix aux autres dirigeants d’États plus petits et moins puissants sur le plan économique. Ainsi, entre 2009 et 2011, le couple Merkel-Sarkozy apparaissait, plus que le président de la Commission européenne ou celui du Conseil européen, comme le dirigeant de l’Union. Cette situation est d’autant plus problématique que le Conseil européen n’est doté, aux termes des traités, ni du statut, ni des prérogatives permettant de le considérer comme l’organe gouvernemental de l’Union. Dans les régimes parlementaires en effet, les gouvernements sont certes chargés de « déterminer et de conduire la politique de la nation »31, mais ils bénéficient du pouvoir d’initiative législative, du pouvoir exécutif et sont investis par les chambres basses. Or, au sein de l’Union, le pouvoir d’initiative législative et le pouvoir exécutif reviennent à la Commission, qui est dotée d’une légitimité démocratique grâce à son investiture par le Parlement européen. Si les chefs d’État et de gouvernement réunis au sein du Conseil européen bénéficient bien d’une légitimité démocratique nationale, la légitimité démocratique européenne, pertinente pour adopter les décisions européennes, ne revient donc qu’à l’exécutif européen qu’est la Commission. Dans ces conditions, le fait que le Conseil européen ne se cantonne pas au rôle d’orientation et de coordination que lui attribuent les traités et s’érige en véritable décideur au sein de l’Union, aux dépens de la Commission et du Parle30 31

Le terme de gouvernance est ici préféré à celui de gouvernement, qui caractérise l’organe politique qui assure la direction d’un Etat, ce que l’Union n’est pas. Selon les termes de l’article 20 de la Constitution française de 1958.

L’ÉLECTION EUROPÉENNE DE 2014 : VERS UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE ?

41

ment, pose un problème en termes de démocratie, dès lors que le contrôle politique de l’instance décisionnelle européenne n’est pas assuré par les représentants des citoyens européens. Si le Parlement investit la Commission et peut la renverser par le vote d’une motion de censure, les membres du Conseil européen, en revanche, n’ont pas à répondre de leurs actes devant lui32 si bien que le contrôle qu’il exerce sur les véritables décideurs européens est limité, ce qui entache la légitimité démocratique de l’Union. Il importe donc qu’apparaisse enfin une autorité exécutive européenne forte qui serait investie par le Parlement européen et responsable devant lui. Dans la mesure où cet exécutif ne peut être qu’indépendant des États, il est nécessaire de renforcer les pouvoirs de la Commission et de veiller à ce que, en pratique, les deux Conseils n’outrepassent pas les compétences qui leur sont attribuées par les traités, ce qui implique en particulier de réduire le rôle actuellement tenu, en pratique, par les chefs d’État et de gouvernement. Pour exercer pleinement et efficacement les prérogatives exécutives que les traités lui confient mais que les chefs d’État lui retirent en pratique, la Commission doit bénéficier de certains changements. On pense en particulier à la réduction de son collège, prévue par le traité de Lisbonne, aux termes duquel la Commission est composée d’un nombre de membres correspondant aux deux tiers du nombre d’États membres33 à partir du 1er novembre 2014, mesure qui n’est toujours pas entrée en vigueur et à laquelle les autorités nationales ne semblent décidément pas pouvoir se résoudre. Une gouvernance européenne légitime et efficace implique également que la Commission soit dirigée par une personnalité forte, véritablement choisie par le Parlement, c’est-à-dire par les représentants des citoyens européens. A ce titre, l’élection de 2014 va, grâce aux innovations du traité de Lisbonne et des groupes politiques européens, indéniablement dans le bon sens. Le Parlement et la Commission qui en sont issus ont cinq années devant eux pour approfondir la démocratisation de l’Union, ce qui semble être le premier moyen de juguler, pour l’avenir, abstentionnisme, euroscepticisme et anti-européisme, mais qui ne pourra en tout état de cause se faire contre la volonté des États.

EUROPEAN ELECTIONS 2014: TOWARDS A MORE DEMOCRATIC UNION? In spring 2014 – as every five years since 1979- European citizens were invited to vote for, by direct universal suffrage, the MEPs who were to represent them in the European Parliament. Those among them who were interested in this event 32 33

Les traités prévoient simplement que « le Conseil européen et le Conseil sont entendus par le Parlement européen dans les conditions prévues par le règlement intérieur du Conseil européen et par celui du Conseil », art. 230, al. 3 TFUE. Article 17§5 TUE. Dès juin 2009, c’est-à-dire avant même l’entrée en vigueur de ce traité, le Conseil européen a décidé que la Commission pouvait continuer de comprendre un national de chaque État membre, ce qu’il a confirmé par la décision n° 2013/272 du 22 mai 2013, JOUE, n° L 165, 18 juin.

42

ELSA BERNARD

may have noticed that there had been some new developments since the last European elections, relating to the economic circumstances, to the part played by the Lisbon Treaty and to the practice of political parties. The circumstantial changes, first of all, are the result of the debt and euro zone crises which have made the Union the nerve centre of discussions and action. Next, the institutional changes are due to the entry into force of the Lisbon Treaty on 1 December 2009 in the context of which the 2014 elections were the first to be held. Finally, the changes in practice concern the political groups’ nomination of their candidates for the post of President of the European Commission during their electoral campaigns in an attempt to improve the visibility of the elections and to encourage citizens to participate. This practice also served to put pressure on the European Council which, ultimately, has the responsibility for proposing the person to be elected. These developments might have fostered a growing interest of citizens, both in the selection of their representatives in the Union and in the strengthening of European political governance, the two elements being intrinsically linked. That did not happen, as evidenced by the high rates of abstention and the significant scores of the Eurosceptic or anti-European parties in the last election. These phenomena can be explained by the current disenchantment with Europe in a context of economic crisis and mistrust of the political system, especially when this system appears complex, opaque and far removed from the concerns of its citizens, as is the case of the Union. In the history of the Eurobarometer, confidence in the European institutions has never been as low as in spring 2014, which is largely the result of the feeling that everything would be decided by “Brussels”, behind closed doors, the Union not being, in these circumstances, a democratic system. And yet, the European elections are precisely the main democratic tool which gives EU citizens the opportunity to participate actively in its political life and to influence European decisions. One can only highlight this paradox of European citizens shunning an election that would allow them to make their voices heard on the grounds that the EU is not a democratic system.

DIE EUROPÄISCHEN WAHLEN 2014: AUF DEM WEG ZU EINER DEMOKRATISCHEREN UNION? Im Frühling 2014 -wie alle fünf Jahre seit 1976 – wurden die europäischen Bürger dazu aufgefordert, durch allgemeine und direkte Wahlen die Abgeordneten zu wählen, die sie im Europäischen Parlament vertreten werden. Diejenigen unter ihnen, die sich für dieses Ereignis interessieren, konnten ohne Zweifel feststellen, dass es seit den letzten europäischen Wahlen neue Entwicklungen ergaben, sowohl aufgrund wirtschaftlicher Umstände, wie auch aufgrund des Vertrags von Lissabon und aufgrund der Praktiken politischer Parteien. Diese umstandsbedingten Veränderungen lassen sich zuallererst zur Schulden- und Eurozone zurückführen, die die Union zum Objekt heftiger Debatten und Aktionen gemacht hat. Aber auch die institutionellen Veränderungen die aus dem Inkrafttreten des Lissabonner Vertrags am 1. Dezember 2009 resultieren, sind zu erwähnen, da die Wahlen 2014 die ersten waren, die in diesem Rahmen

L’ÉLECTION EUROPÉENNE DE 2014 : VERS UNE UNION PLUS DÉMOCRATIQUE ?

43

stattgefunden haben. Die praktischen Veränderungen schließlich betreffen die Ernennung der Kandidaten für den Posten des Präsidenten der Europäischen Kommission durch die Fraktionen in der Phase des Wahlkampfes, um die Wahlen transparenter zu machen und die Bürger zu ermutigen, sich zu beteiligen, aber auch um Druck auf den Europäischen Rat auszuüben, dessen Aufgabe es ist, den Kandidaten zu dieser Wahl vorzuschlagen. Diese Entwicklungen könnten ein wachsendes Interesse der Bürger fördern, sowohl für die Ernennung ihrer Vertreter in der Union wie auch für eine Stärkung der Europäischen politischen Führung, denn diese beiden Elemente sind untrennbar miteinander verbunden. Nichts davon ist eingetreten, wie die starken Prozentzahlen von Stimmenthaltungen und von Stimmen für euroskeptische oder anti-europäische Parteien bei der letzten Wahl zeigen. Diese Phänomene lassen sich durch die aktuelle Ernüchterung Europas im Kontext der Wirtschaftskrise und durch das Misstrauen gegenüber dem politischen System erklären, vor allem, wenn sich das System, wie es der Fall der Europäischen Union ist, komplex, intransparent und von den Sorgen der Bürger entfernt, zeigt. Nie war das Vertrauen in die Europäischen Institutionen so niedrig wie im Frühjahr 2014, was weitgehend aus dem Eindruck resultiert, dass alles von „Brüssel“ aus und im Geheimen entschieden werde; unter diesen Umständen ist die Europäischen Union kein demokratisches System. Allerdings sind die Europawahlen gerade das wichtigste demokratische Instrument, das den EU-Bürgern die Möglichkeit bietet, sich aktiv am politischen Leben zu beteiligen und Europäische Entscheidungen zu beeinflussen. Das Paradoxe daran ist allerdings, dass die Europäischen Bürger einer Wahl fern bleiben, die es ihnen erlaubt, ihrer Stimme Gehör zu verschaffen und gegebenenfalls auch ihre Meinung kundzutun, dass die Union eben kein demokratisches System ist.

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ÉLECTIONS EUROPÉENNES : UNE ANALYSE Á LA LUMIÈRE DU PROCESSUS D’ADOPTION DU TRAITÉ DE LISBONNE MATHILDE JAUZEIN Depuis sa création, et malgré des périodes dites « de crise », l’Union européenne (UE) est une organisation internationale en perpétuelle évolution. Les traités modificatifs se succèdent, apportant leur lot de réformes institutionnelles. Et, parallèlement, les résistances à l’Europe voient le jour, nourries par les orientations du projet européen ou par une opposition plus fondamentale au dépassement du cadre étatique. Depuis 1979 et la première élection au suffrage universel du Parlement européen (PE), l’évolution du taux de participation et les résultats électoraux en eux-mêmes ont pu servir d’indicateurs quant à la perception de l’Europe par les citoyens. Dans cette optique, l’objet de cet article est de contribuer à la réflexion sur les résistances à l’Europe exprimées dans le cadre des élections européennes, en associant cette problématique aux évolutions institutionnelles. Car si l’on considère qu’un traité modificatif a pour objectif premier de faire avancer la construction européenne, comment peut-on expliquer des tendances contradictoires comme l’augmentation de l’absentéisme ou le développement et la structuration de thèses eurosceptiques, voire anti-européistes ? Ici, la période relative au processus d’adoption du traité de Lisbonne (TL), marquée par l’échec de la ratification du projet de traité instituant une Constitution pour l’Europe (PTCE), sera le point d’ancrage de notre réflexion sur les interactions entre évolutions institutionnelles et élections européennes. Existe-t-il un lien de cause à effet entre l’analyse des résistances à l’Europe et les réformes institutionnelles ? Peut-on observer des décrochages dans les tendances qui résultent de l’analyse des élections successives ? Quelles peuvent être les explications institutionnelles et contextuelles des résultats observés ? Au regard de ces interrogations, l’objectif de notre démarche est ici de déterminer dans quelle mesure le processus d’adoption du TL d’une part, et les modifications institutionnelles entrées en vigueur d’autre part, ont pu influer sur les comportements électoraux à l’échelle européenne. Ainsi, si l’analyse des causes de l’euroscepticisme semble influencer le cours des réformes (I), l’impact concret de l’adoption du TL sur les élections européennes semble difficile à caractériser (II). Néanmoins, les apports du TL peuvent paraître insuffisants au regard des enjeux de l’absentéisme, de l’euroscepticisme et de l’anti-européisme (III).

I. De l’analyse des causes de l’euroscepticisme aux reformes institutionnelles Le TL, dernier traité modificatif en date, vient compléter une longue série de réformes institutionnelles du cadre juridique global régissant le fonctionnement de

46

MATHILDE JAUZEIN

l’UE. Le fait que ces avancées, bien qu’attendues depuis les négociations du traité d’Amsterdam, n’aient pu aboutir plus tôt, rend nécessaire l’analyse de leurs origines intellectuelles. L’objet de cette réflexion, dans un premier temps, consiste à s’interroger sur l’existence d’un lien entre la volonté de réforme des dirigeants européens et la perception d’un euroscepticisme grandissant. Ici, la mise en lumière des apports du TL révèlera d’une part la volonté d’accroitre l’efficacité et la lisibilité du fonctionnement de l’Union (A), et d’autre part une démarche liée au renforcement du caractère démocratique de l’UE (B), deux thématiques présentes dans l’analyse des causes de l’euroscepticisme.

A. La volonté d’accroître l’efficacité et la lisibilité du fonctionnement de l’Union La complexité du fonctionnement des institutions et le manque d’efficacité des processus décisionnels sont deux paramètres importants dans l’analyse de l’euroscepticisme. En ce sens, le TL a permis d’entériner quelques avancées importantes qui pourraient modifier la perception qu’ont les Européens de l’UE. Ce nouveau traité modificatif met d’abord un terme à la distinction entre l’UE et les Communautés, méconnue ou incomprise pour beaucoup. L’ensemble des trois piliers qui constituaient l’UE, à savoir les Communautés (Pilier I) d’une part, et les piliers « Politique étrangère et de sécurité commune » (pilier II) et « Justice et affaires intérieures » (pilier III), n’est désormais plus qu’une seule entité : l’UE. Cette structure en piliers de l’Union, résultant du caractère spécifique de certains domaines d’action, était un facteur de complexité important et constituait un frein à la compréhension du fonctionnement des institutions. La disparition des piliers reste toutefois relative, puisque les modalités d’action de l’UE sont tout de même différenciées1. Par ailleurs, le TL vient clarifier la situation quant à la personnalité juridique de l’UE. Bien que, depuis l’adoption du Traité de Nice, le Conseil des Ministres pût « conclure, à la majorité qualifiée, des accords qui engagent l’Union et ses institutions »2, aucun article explicite ne conférait à l’UE cette personnalité juridique nécessaire à l’exercice de relations avec les États tiers ou autres organisations internationales. Depuis l’entrée en vigueur du TL, l’article 47 du traité sur l’Union européenne (TUE)3 reconnaît explicitement la personnalité juridique de l’UE, qui « se substitue et succède à la Communauté européenne »4. En outre, selon l’article 216 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « l’Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales lorsque les traités le prévoient »5. Toujours dans un souci de clarification et d’efficacité, il est intéressant de se pencher sur la création d’un haut représentant pour la Politique extérieure de sécurité commune (PESC), désigné par le Conseil européen et investi par le PE. En 1 2 3 4 5

BROSSET E., « Clartés et obscurités des actes de l’Union européenne », in BROSSET E., CHEVALLIER-GOVERS C., EDJAHARIAN V. et SCHNEIDER C. (dir.), Le traité de Lisbonne – Reconfiguration ou déconstitutionnalisation de l’Union européenne ?, Bruxelles, 2009, p. 115. DOLLAT P., La citoyenneté européenne : Théorie et statuts, Bruxelles, 2008, p. 115. Version consolidée du TUE, article 47 : « L’Union a la personnalité juridique ». Version consolidée du TUE, article 1. Version consolidée du TFUE.

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ELECTIONS EUROPEENNES

47

effet, ce haut représentant, également vice-président de la Commission, bénéficie d’une « double casquette » qui permet de créer des points de synergies entre la PESC et les éventuels travaux de la Commission concernant la politique extérieure6. Censé avoir une visibilité accrue auprès du public, on peut espérer voir un haut représentant maximiser les possibilités qui lui sont conférées par le TL et ancrer cette fonction dans une pratique volontariste. Cette réforme présente un avantage certain en termes de visibilité de l’action de l’UE au niveau international. Pour finir, c’est certainement par l’extension du recours à la majorité qualifiée au Conseil que le TL entérine le pas le plus important vers une Union plus efficace dans son processus de décision. En effet, avec l’entrée en vigueur du TL « la majorité qualifiée devient la règle décisionnelle de principe et s’applique à 33 nouvelles bases juridiques »7. Cette modalité de prise de décision au niveau du Conseil présente l’avantage certain, surtout en présence d’un grand nombre d’Etats membres, d’éviter les blocages liés à l’unanimité. Le choix de l’unanimité, généralement fait dans l’optique de garantir la souveraineté des Etats dans certains domaines, présente l’inconvénient majeur de ralentir le processus décisionnel et, parfois même, de le verrouiller. Si les enquêtes Eurobaromètres révèlent qu’en avril 2001, 56 % des Européens interrogés pensaient que le processus décisionnel serait pénalisé par une bureaucratie trop lourde contre seulement 22 % qui estimaient que cela ne serait pas le cas8, on peut considérer que ce type de réformes tend à rassurer les citoyens. Avec l’entrée en vigueur du TL, l’UE voit son fonctionnement simplifié et rationalisé, ce qui devrait induire des modifications dans la perception des citoyens. La complexité du fonctionnement et le manque d’efficacité de l’UE sont deux paramètres à prendre en compte pour expliquer l’euroscepticisme ambiant. En ce sens, il en est de même au sujet de la légitimité démocratique de l’Union, qui semble avoir été l’un des questionnements fondamentaux du processus d’adoption du TL.

B. Un pas supplémentaire pour plus de démocratie dans le fonctionnement de l’Union Depuis les années 1990, l’euroscepticisme a commencé à se construire autour de la thématique du « déficit démocratique » de l’UE. Le renforcement progressif du PE au fur et à mesure de l’adoption des Traités modificatifs en est une des principales conséquences institutionnelles. Dans cette dynamique, le TL ne fait pas

6 7 8

JACQUE J.-P., « Les réformes institutionnelles introduites par le Traité de Lisbonne », in BROSSET E., CHEVALLIER-GOVERS C., EDJAHARIAN V. et SCHNEIDER C. (dir.), op cit., p. 61. JACQUE J.-P., article cité, p. 67. Site officiel de la Commission européenne, Système interactif de recherche Eurobaromètre, « Certaines personnes peuvent avoir des craintes face à l’Europe qui se construit, l’Union européenne. Voici une liste de choses que certains dissent craindre. Pour chacune d’entre elles, voulez-vous me dire si, personnellement vous pensez ou non qu’elle arrivera ? Des décisions plus lentes dues à une bureaucratie lourde – UE04/2001 », adresse URL : http://ec. europa.eu/public_opinion/cf/showchart_line.cfm?keyID=315&nationID=11,1,2,16,13,6,3,4,7, 8,9,12,5,14,10,15,&startdate=2001.04&enddate=2001.04&lang=fr [consulté le 15/07/2014]

48

MATHILDE JAUZEIN

exception et apporte de nombreuses modifications, renforçant non seulement le caractère démocratique de l’UE mais également la primauté du droit en Europe. En premier lieu, l’entrée en vigueur du texte permet une meilleure reconnaissance du PE. En ce sens, l’extension du champ d’application de la procédure de codécision opère un renforcement particulièrement poussé des pouvoirs du PE, qui devient « officiellement co-législateur de l’Union »9. Ainsi, « le traité de Lisbonne multiplie par deux les cas de codécision »10. Par ailleurs, le Parlement obtient une place « à égalité avec le Conseil »11 dans la procédure d’adoption du budget et il se voit également reconnaître un pouvoir d’investiture plus avancé qu’auparavant, notamment en ce qui concerne le nouveau haut représentant pour la PESC et le président de la Commission12. En second lieu, le TL entérine la mise en place d’une possibilité pour les citoyens européens d’initier des débats au sein des institutions, voire d’être à l’origine de l’adoption de nouvelles normes européennes13. Les modalités de cette initiative citoyenne européenne sont régies par l’article 24 du TFUE. Cette possibilité représente la première touche de démocratie participative à l’échelle européenne et, bien qu’elle semble difficile à utiliser, elle devrait permettre un rapprochement entre les citoyens et l’UE. Dans cette optique, on peut toutefois souligner l’importance de la communication mise en place par les Etats membres et l’UE afin de garantir l’information des citoyens sur cette possibilité qui leur est désormais ouverte. Concernant cette fois la question de la primauté du droit, le TL prévoit un élargissement conséquent des compétences de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) qui renforce de fait la sécurité juridique des citoyens sur le continent. Le fait que certains domaines échappent au contrôle de la CJUE participe, depuis toujours, à un affaiblissement du principe de la primauté du droit sur le continent. Ainsi, en « étend[ant] le régime de droit commun à l’Espace de Sécurité et de Justice », la CJUE peut, en conséquence, intervenir de manière accrue en matière de justice et d’affaires intérieures. En outre, la reconnaissance du statut d’institution que le TL accorde au Conseil européen ouvre également la possibilité de recours à l’encontre de ses actes14. Concernant enfin le domaine de la PESC, les garanties juridictionnelles prévues dans les Traités restent toujours très limitées15. Pour finir, le TL ouvre des possibilités de progrès importants dans le domaine de la garantie des droits fondamentaux en Europe. L’ordre juridique de l’UE présentait des carences, que le TL permet de combler, notamment par

9 10 11 12 13 14 15

DELCOURT C., « Du Traité constitutionnel au Traité de Lisbonne », in BROSSET E., CHEVALLIER-GOVERS C., EDJAHARIAN V. et SCHNEIDER C. (dir.), op cit., p. 79. Ibid., p. 82. GUILLERMIN G., « Un Traité en trompe l’œil », in BROSSET E., CHEVALLIER-GOVERS C., EDJAHARIAN V. et SCHNEIDER C. (dir.), op cit., p. 30 ; TFUE, article 2 et 289. DELCOURT C., article cité, p. 97-102. Version consolidée du TUE, Article 11-4. DUBOIS L., « Le Traité de Lisbonne : Traité espéré, Traité désespérant ? », in BROSSET E., CHEVALLIER-GOVERS C., EDJAHARIAN V. et SCHNEIDER C. (dir.), op cit., p. 344. SCHNEIDER C., « Brèves réflexions iconoclastes sur la « déconstitutionnalisation » de la politique étrangère, de sécurité commune et de défense », in BROSSET E., CHEVALLIERGOVERS C., EDJAHARIAN V. et SCHNEIDER C. (dir.), op cit., p. 299.

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ELECTIONS EUROPEENNES

49

l’inscription de la charte des droits fondamentaux dans le droit primaire16. En outre, l’entrée en vigueur du TL et la signature du protocole n° 1417 ouvrent la perspective d’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, le système juridique de l’UE serait soumis à un contrôle externe indépendant et les droits des citoyens pourront être garantis vis-à-vis des actes de l’Union. Cela représente un grand pas en vue de garantir l’unité de la protection européenne des droits de l’homme ainsi qu’un développement harmonieux de la jurisprudence de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’homme18. La complexité du fonctionnement européen participant à l’éloignement progressif des citoyens, de nombreux chantiers de réformes étaient en cours depuis plusieurs décennies. Avec l’adoption du TL, les dirigeants européens ont franchi un cap important, tant sur le plan fonctionnel que sur le plan démocratique. On constate donc que la perception des européens a des incidences sur les réformes institutionnelles. Mais, quelles que soient les avancées apportées par le TL et leur lien avec les fondements de l’euroscepticisme, la question reste de savoir si elles permettent aujourd’hui de constater des évolutions positives dans l’analyse des scrutins européens.

II.Traité de Lisbonne et élections européennes : un impact incertain Si les réformes du TL résultent, au moins dans une certaine mesure, de l’analyse de l’euroscepticisme, il convient de s’interroger sur les conséquences observables qu’elles auraient pu avoir sur les élections européennes. L’analyse des résultats électoraux sur la durée ainsi que l’observation des tendances ont ici servi de fondement à notre réflexion. Après avoir constaté que le TL ne semblait pas avoir perturbé les grandes tendances généralement observées dans l’analyse des scrutins européens (A), nous exposerons les raisons pour lesquelles, sans améliorer la situation, le contexte de la ratification du TL pourrait avoir détérioré plus avant le faible lien entre les citoyens et l’UE (B).

A. Les élections européennes depuis Lisbonne : la persistance des tendances Depuis 1979, les chercheurs en sciences politiques se sont attelés à analyser le comportement électoral atypique des électeurs européens. Aussi, afin de déterminer si le processus d’adoption du TL ainsi que les modifications institutionnelles entrées en vigueur, avaient eu des conséquences sur les élections européennes, il convenait d’interroger la persistance, depuis 2009, à la fois des tendances électorales, mais également des grands traits dégagés par la science politique.

16

17 18

TUE consolidé, Article 6-1 : « L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités ». Protocole n°14 à la Convention européenne des droits de l’homme. Conférence de Mme TULKENS, juge à la Cour européenne des droits de l’homme, Association parlementaire européenne à Strasbourg, le 27 janvier 2010.

50

MATHILDE JAUZEIN

Tout d’abord, l’enregistrement de taux de participation, non seulement en deçà des moyennes relevées lors des rendez-vous nationaux19 mais également en perpétuelle diminution depuis 1979, apparaît comme l’un des phénomènes les plus marquants dans l’analyse des scrutins européens. Car si le PE a bénéficié, au fil des ans, d’un renforcement progressif de son rôle et de ses compétences, les électeurs eux semblent de moins en moins enclins à se déplacer aux urnes. Dans cette perspective, l’adoption du TL ne semble pas modifier les tendances observées jusqu’alors. En effet, entre 2003 et 2009, le taux de participation est passé de 45,47 % à 43 % et les élections de 2014 enregistrent un taux d’abstention record. Au total, cela fait désormais plus de dix ans que les parlementaires européens sont élus par moins de la moitié des citoyens en capacité de voter, et ce malgré la place aujourd’hui incontournable du PE dans la mise en place des normes européennes. Ensuite, l’accession aux fonctions représentatives de certains partis politiques relativement en marge des vies politiques nationales lors des élections européennes, est également une constante qui caractérise les élections européennes20. Ce phénomène va de pair avec la relative explosion du spectre politique au niveau de la vie politique de certains Etats membres, mais cette dynamique semble plus prégnante au niveau européen et la diversité croissante des forces représentées au PE en est l’un des indicateurs. En ce sens, le nombre de partis politiques nationaux représentés au PE est passé de 170 en 2009 à 196 en 201421, sans que cela puisse s’expliquer par l’élargissement à la Croatie22. L’une des explications de ce phénomène est bien sûr la particularité du mode de scrutin à la proportionnelle qui influe de façon considérable sur le nombre de sièges obtenus. Toutefois, il semblerait que les électeurs soient enclins à voter de façon différenciée à cette occasion. Les élections européennes de 2014 sont, à ce titre, particulièrement représentatives de ce décalage entre la représentation à l’échelle nationale et européenne. À titre d’exemple, le parti eurosceptique United Kingdom Independence Party (UKIP) qui n’a jamais attiré plus de 4 % des suffrages lors des élections générales au Royaume-Uni23, a obtenu 27,5 % des voix aux élections européennes de 2014. En outre, depuis l’élaboration du concept d’élections nationales de « second ordre » par Reif et Schmitt24, les travaux scientifiques au sujet des élections européennes présentent la caractéristique commune d’analyser le degré d’euro19 20

21 22 23 24

Site officiel du PE, DG Communication – Public Opinion Monitoring Unit, Public opinion review « European Elections 1979-2009 », p. 55, adresse URL : http://www.europarl.europa. eu/pdf/elections_results/review.pdf [consulté le 24/07/2014] Site officiel du PE, Direction générale des politiques internes – Département thématique C – Droits des citoyens et affaires constitutionnelles, Les élections européennes: législation de l’Union, dispositions nationales et participation civique, PE 493.047, Bruxelles: Parlement européen, 2014, p. 10, adresse URL : http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2014/ 493047/IPOL-AFCO_ET(2014)493047_FR.pdf [consulté le 05/08/2014] Site officiel du PE, DG Communication – Public Opinion Monitoring Unit, rapport cité, p. 38-39. NB : seuls quatre partis croates ont fait leur entrée au PE en 2014. ENGSTRÖM R., The In-group and Out-groups of the British National Party and UK Independence Party, p. 5, adresse URL : http://lup.lub.lu.se/luur/download?func=down loadFile&recordOId=4058225&fileOId=4058226 [consulté le 25/07/2014]. REIF K., SCHMITT H., « Nine Second-Order National Elections : A Conceptual Framework for the Analysis of Européen Election Results », European Journal of Political Research, 1980, 8(1), p. 3-45.

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ELECTIONS EUROPEENNES

51

péanisation des enjeux et des scrutins. Ces réflexions concernent à la fois les comportements électoraux, l’organisation des scrutins, le déroulement des campagnes ou encore le champ médiatique. Les analyses successives posent ainsi la problématique de la persistance du cadre national, qui s’illustre par un sentiment de moindres enjeux et par la tendance des électeurs à utiliser ces élections pour sanctionner leurs responsables politiques au niveau national. En ce sens, Muriel Rambour, dans son analyse des élections européennes de 2004, indiquait que « les élections européennes ne parviennent pas encore à s’autonomiser des espaces politiques nationaux, à s’européaniser, à être reconnues en tant que telles, comme des scrutins de portée véritablement « supranationale », avec des problématiques et des enjeux propres à l’Europe »25. Et, malgré les débats qui ont précédé l’adoption du TL, les mêmes constats semblent émerger de l’analyse des campagnes électorales de 2009 puisque « l’européanisation des campagnes pour les élections européennes que ce soit au niveau des thèmes, des acteurs ou encore d’ouverture envers les autres Etats-membres, rest[ait, en 2009,] limitée »26. Au total, malgré la volonté claire de pallier les défaillances de l’UE, tant en termes d’efficacité et de lisibilité qu’en termes de légitimation de l’Union, le TL ne semble pourtant pas avoir modifié les tendances. Et, si les données empiriques ne nous permettent pas de conclure à une influence positive de l’adoption du TL, le contexte qui a précédé son adoption et les choix opérés par les dirigeants européens pourraient, eux, être à l’origine de difficultés supplémentaires.

B. Les fondements d’une possible détérioration du lien politique entre les citoyens et l’UE La lecture juridique du TL et la mise en lumière des avancées qu’il permet d’entériner ne suffisent pas à avancer l’argument d’une consolidation du lien politique entre les citoyens européens et l’UE. Au-delà, la prise en considération du contexte de l’adoption du TL revêt ici une importance majeure dans l’analyse d’éventuelles conséquences des réformes institutionnelles sur la perception qu’en ont les Européens. Tout d’abord, la ratification du TL est intervenue peu de temps après l’échec du PTCE, rejeté par référendum en France et au Pays-Bas. Ce fait ne peut être écarté de l’analyse du processus d’adoption du TL. En effet, cet échec a non seulement reporté le règlement des questions en suspens, mais a surtout provoqué la réémergence de la problématique de stagnation de la construction européenne. Par ailleurs, ce rejet a pu, pour les Etats récemment intégrés, être le vecteur d’interrogations fortes, en ce sens qu’il a impliqué une remise en question de la dynamique positive liée à l’adhésion. Les raisons profondes de ce rejet ne sont 25

26

RAMBOUR M., « Elections et citoyenneté européennes : une mise en perspective postnationale », Colloque international « La construction européenne au prisme des élections au Parlement européen de juin 2004 », Strasbourg, Parlement européen, 18-19 novembre 2004, p.19, adresse URL : http://www.afsp.msh-paris.fr/activite/diversafsp/collgspegael04/rambour. pdf [consulté le 27/06/14] BRACK N., RITTELMEYER Y.-S., STANCULESCU C. (dir.), « Les élections européennes de 2009 : entre national et européen. Une analyse des campagnes électorales dans 22 Etats membres », in Cahiers du CEVIPOL, Université libre de Bruxelles, 2009/3, p. 14, adresse URL : http://dev.ulb.ac.be/cevipol/dossiers_fichiers/cahiers-du-cevipol-2009-3.pdf [consulté le 11/08/2014]

52

MATHILDE JAUZEIN

certes pas liées à une opposition primaire à l’idée d’intégration, puisqu’il a pu être démontré, notamment en France, que le référendum de 2005 avait été l’occasion de sanctionner le gouvernement27. Pour autant, les conséquences de ce type d’échec sur l’intégration ne sont jamais anodines. Aussi les dirigeants européens ont-ils dû imaginer des stratégies afin d’éviter à l’Europe d’entrer dans une crise durable. La modification du processus de ratification entre les deux traités a fait partie des choix politiques en vue d’éviter une nouvelle stagnation. Et, bien que pragmatique et pour partie justifiable, l’abandon du référendum devait être particulièrement bien préparé et justifié afin d’éviter qu’il ne pèse trop fortement sur les opinions publiques nationales. Par ailleurs, loin de revenir à l’idée de Convention qui avait marqué un tournant dans le processus d’élaboration d’un traité européen, les négociations du TL se sont caractérisées par le retour aux processus habituels. Mais, l’opacité des négociations et les marchandages qui les caractérisent font le jeu de l’euroscepticisme et amplifient le sentiment d’éloignement des citoyens du processus de construction européenne. Ce recul est en définitive très symbolique et marque une incapacité des dirigeants européens à faire preuve de la transparence que le citoyen est en droit d’attendre. Le sentiment d’avoir été contourné, suite aux résultats négatifs des référendums précédents, était inévitable lorsque le choix de passer la ratification du TL devant les parlementaires nationaux a été fait28. Il fallait, pour justifier ce choix, afficher une distinction supposée substantielle entre les deux textes. Dans cette optique, l’analyse comparative du PTCE et du TL révèle la volonté de conserver l’essence du premier projet tout en affichant une différence fondamentalement symbolique entre les deux. Le TL devait passer aux yeux des citoyens pour un simple traité international et non pour le texte fondateur d’une Europe à michemin entre une organisation internationale et un Etat fédéral. En conséquence, les abandons opérés consistent en la disparition de toute référence constitutionnelle, en un traitement différencié de la question des droits fondamentaux et des valeurs communes, et en la suppression de la référence aux symboles de l’UE29. Pourtant, c’est bien l’intitulé du PTCE, malgré son caractère contradictoire évident, qui a été à l’origine de la confusion entre symboles politiques et réalité juridique. Ainsi, les changements de terminologie entre les deux traités sont nombreux et particulièrement intéressants, car ils n’impliquent que rarement une conséquence juridique mais sont plutôt liés à la symbolique des mots. Dans cette optique, la nomenclature des actes de l’UE qui prévoyait de confirmer leur valeur juridique et devait faciliter la compréhension des non juristes, n’est pas conservée. Ainsi, « le rejet du projet constitutionnel débouche (…) sur l’échec du projet d’officialisation des notions de loi européenne et de loi-cadre »30. Dans la même optique, 27 28

29 30

Site de la Fondation Robert Schuman, Observatoire des Elections en Europe, France – Vote sur la Constitution, « 29 mai 2005, un paysage dynamité », adresse URL : http://www.robertschuman.eu/fr/oee/0404-29-mai-2005-un-paysage-dynamite [consulté le 15/01/14] JUNCKER J.-C., Au sujet du référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe, Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg – Service Information et Presse, 12 juillet 2005, adresse URL : http://www.gouvernement.lu/salle_presse/Interviews/20050708juncker_tageblatt/index.html [consulté le 18/08/13]. DOLLAT P., op. cit., p. 1-18. BROSSET E., article cité, p. 121.

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ELECTIONS EUROPEENNES

53

le « ministre des Affaires étrangères », prévu dans le PTCE, devient avec Lisbonne le haut représentant pour la PESC. En ce sens, « les différences terminologiques [apportées par le TL] sont (…) juridiquement neutres »31 et l’on peut déceler dans la démarche une certaine forme de supercherie, engendrée par une volonté politique et pragmatique d’éviter à l’UE de connaître une nouvelle période de crise et de stagnation. La stratégie principale des dirigeants européens, adoptée en vue de permettre l’entrée en vigueur des réformes prioritaires prévues dans le PTCE, a finalement été de déshabiller le texte de tout apanage constitutionnel sans pour autant retravailler le fond des réformes. Mais, ce faisant, les dirigeants ont dû réduire la portée des mesures phares du PTCE. Dès lors, il convient de procéder à une analyse plus poussée des lacunes du TL, notamment au regard des enjeux de l’euroscepticisme ambiant.

III. Les évolutions institutionnelles de Lisbonne : une réponse insuffisante au regard des enjeux Considéré en tant que tel, le TL semble apporter de nombreuses réponses aux difficultés que rencontrait l’UE. Toutefois, une vision trop angélique des choses consisterait à conclure trop rapidement à l’avancée de la construction européenne. Il s’avère que le TL permet, au même titre que les traités modificatifs adoptés précédemment, un réaménagement nécessaire au fonctionnement de l’UE. Pour autant, au regard des enjeux de l’absentéisme et de l’euroscepticisme, ses avancées doivent être relativisées. L’examen critique des apports de Lisbonne révèle un décalage certain entre les réformes fonctionnelles entrées en vigueur et les préoccupations majeures des citoyens (A) et met en évidence l’oubli par les dirigeants d’une problématique fondamentale des scrutins européens : leur degré d’européanisation (B).

A. Apports de Lisbonne et préoccupations européennes : un rendez-vous manqué ? Le TL a permis d’entériner une certaine rationalisation du fonctionnement des institutions et une simplification de l’ordre juridique européen, une démocratisation de l’UE et un renforcement de la primauté du droit en Europe. Toutefois, ces avancées restent relatives et ne suffiront pas à répondre aux attentes citoyennes, bien éloignées des considérations institutionnelles. Tout d’abord, si l’on procède à une brève comparaison avec le contenu du PTCE, les apports du TL doivent être relativisés. L’échec des référendums a en ce sens entraîné un retour en arrière et certaines réformes vont moins loin que ce qui était ressorti des négociations du PTCE. Certaines analyses tendent à montrer que le processus de simplification et de clarification de l’ordre juridique européen est loin de s’achever avec l’adoption du TL, et ce, principalement pour des raisons d’affichage. En outre, la démocratisation et le renforcement de la primauté du droit qu’apporte le TL auraient pu être plus importants. Dans le cas de la 31

GUILLERMIN G., article cité, p. 22.

54

MATHILDE JAUZEIN

charte des droits fondamentaux par exemple, le fait qu’un article stipule que « l’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités »32 n’a pas la même portée que l’inscription de tous les droits qu’elle consacre dans le traité lui-même, comme cela avait été envisagé dans le PTCE. En outre, le TL a beau permettre une extension des domaines régis par les Traités, si l’on s’intéresse à la catégorisation des compétences, on constate que cette extension n’a que peu de conséquences. Ainsi, « [e]xceptions faites de l’énergie et, mais dans une mesure limitée, de la politique spatiale, qui relèvent [désormais] des compétences partagées, les compétences nouvellement attribuées relèvent du domaine des compétences d’appui »33. En vérité, de nombreux domaines, qui pourtant semblent plus proches des préoccupations européennes, restent dans l’escarcelle nationale en raison de l’absence de consensus. En effet, malgré quelques approfondissements, l’extension des compétences de l’UE depuis le Traité de Maastricht reste mince. Pourtant, nombreuses sont les problématiques identifiées au fur et à mesure des années, qui bénéficieraient certainement d’une gestion communautaire. Ainsi, bien que la compétence monétaire ait pu être transférée au niveau communautaire, le débat semble bien plus complexe lorsqu’il s’agit d’envisager une maitrise budgétaire et une gestion des affaires sociales à l’échelle européenne. Pourtant, dans le contexte de crise économique actuelle, ce sont principalement ces domaines de l’action politique et leur gestion qui renforcent les sentiments eurosceptiques, anti-européistes et alter-européistes. En effet, lorsque l’on observe l’évolution, entre novembre 2003 et juin 2014, des réponses, à l’échelle de l’UE, à la question – « à votre avis, quels sont les deux plus importants problèmes auxquels doit faire face (notre pays) actuellement ? (maximum 2 réponses) » –, on peut mettre en avant la problématique du chômage, celle de l’inflation, celle de la situation économique et, dans une moindre mesure, celle de l’insécurité34, qui ont toutes représenté au moins une fois plus de 25 % des réponses sur 23 propositions de thèmes. Les avancées du TL, lorsqu’elles sont analysées dans une perspective plus large, restent finalement limitées et orientées sur des objectifs fonctionnels. Le décalage observé entre les préoccupations citoyennes et les domaines de compétence de l’UE est révélateur d’une difficulté profonde à concerner les citoyens. Par ailleurs, il convient de déterminer si les réformes institutionnelles de Lisbonne ne présentent pas des carences plus profondes, notamment au regard de la difficile émergence d’un attachement politique et citoyen à l’Europe, dépassant le cadre traditionnel de l’Etat.

32 33 34

Version consolidée du TUE, Article 6-1. DUBOIS L., article cité, p. 348. Site officiel de la Commission européenne, Système interactif de recherche Eurobaromètre, “A votre avis, quels sont les deux plus importants problèmes auxquels doit faire face (notre pays) actuellement ? (maximum 2 réponses) – UE (De 11/2003 à 06/2014)”, adresse URL : http://ec.europa.eu/public_opinion/cf/showchart_line.cfm?keyID=2212&nationID=11,1,27, 28,17,2,16,18,13,32,6,3,4,22,33,7,8,20,21,9,23,31,34,24,12,19,35,29,26,25,5,14,10,30,15,&startdate= 2003.11&enddate=2014.06 [consulté le 25/07/2014].

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ELECTIONS EUROPEENNES

55

B. Européanisation des élections : un oubli de Lisbonne ? D’une manière générale l’observation des élections européennes depuis 1979 a induit des analyses s’intéressant au degré d’européanisation de ces rendez-vous quinquennaux. Si les électeurs ont du mal à percevoir les enjeux majeurs liés à l’élection de leurs représentants au PE, la problématique de l’européanisation des scrutins pourrait bénéficier de réformes institutionnelles spécifiques, oubliées de Lisbonne. Dans l’optique de favoriser l’autonomisation des élections européennes, peu de changements sont à détailler dans le cadre du TL. On peut éventuellement considérer les réajustements opérés concernant la composition du PE, mais ces derniers se justifient par l’élargissement de l’UE et non par la perspective d’accroitre la représentativité du PE. Car, malgré le renforcement constant des pouvoirs du PE, sa représentativité reste encore discutable aujourd’hui. En effet, sa composition, assurant une « représentation des citoyens (…) de façon dégressivement proportionnelle »35 n’assure pas l’égalité entre les citoyens de l’Union. Par cette composition, les Etats membres ont souhaité conserver une représentation des intérêts nationaux. Considérant la place de cette institution, qui peu à peu devient incontournable dans le processus décisionnel de l’Union, cette situation n’est pas acceptable. En effet, « pour quelle raison un Danois ou un Slovaque pèse-t-il deux fois plus qu’un Italien ou un Espagnol dans une Union qui affiche l’égalité comme valeur fondamentale ? »36. Cette situation de représentation inégale des citoyens de l’Union selon leur nationalité est un frein à la perception transnationale des enjeux propres à l’Europe. Parallèlement, l’organisation des élections européennes telle qu’elle est prévue actuellement n’est pas sans conséquence sur le déroulement et la perception du scrutin et aucune modification substantielle n’a été prévue dans le cadre de l’adoption du TL. L’absence de contrainte temporelle amenant tous les citoyens européens à voter au même moment pour élire uniquement leurs représentants au PE joue sur l’importance symbolique de ces élections. De la même façon, le recours à des listes et à des circonscriptions nationales accentue la difficile prise de conscience du caractère transnational du rendez-vous et ne permet pas de renforcer la place des régions transfrontalières qui tentent par ailleurs de se structurer. Il a certes été démontré que l’organisation des élections européennes lors d’un rendez-vous électoral national ou local permettait une participation plus importante. Toutefois, l’identification des enjeux européens est généralement plus compliquée dans un contexte de campagne nationale ou locale. En outre, la question de la citoyenneté reste toujours centrale lorsqu’il s’agit d’analyser des processus électoraux. Dans le cas des élections européennes, on ne peut négliger l’« aspect dual [de la citoyenneté européenne] qui résulte d’une sorte de distorsion entre son ambition et les modalités de sa mise en pratique »37. Car, si certaines évolutions, notamment jurisprudentielles, peuvent inviter à considérer la mise en place lente et progressive d’une « citoyenneté de résidence » au sein de l’UE38 qui pourrait annoncer l’émergence d’une « société fédérale post-nationale »39, 35 36 37 38

Version consolidée du TUE, Article 14§2. DUBOIS L., article cité, p. 347. RAMBOUR M., contribution citée, p. 8. DOLLAT P., op. cit., p. 1-698.

MATHILDE JAUZEIN

56

il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle, le lien direct entre nationalité d’un Etat membre et citoyenneté européenne implique de fait une nationalisation de la problématique. Les Etats membres, par leur choix nationaux, édictent leurs règles internes concernant l’obtention de la nationalité qui, elle, permet d’accéder à la citoyenneté européenne et le TL n’a pas apporté de modification à ce principe40. Au total, la problématique primordiale de l’européanisation des scrutins n’a pas trouvé sa place dans le processus de négociation du TL. Et, bien que de nombreuses avancées du TL aient puisé leur source dans l’analyse des fondements de l’euroscepticisme, on constate l’absence d’avancée sur ce point.

Conclusion Dans le cadre de l’analyse du processus d’adoption du TL, l’interaction entre évolutions institutionnelles et élections européennes trouve un sens particulier. Les origines intellectuelles des principales réformes du TL sont, dans une large proportion, liées à l’analyse des causes de l’euroscepticisme. Les apports de Lisbonne, qu’il s’agisse d’accroître l’efficacité et la lisibilité du fonctionnement de l’UE ou qu’il s’agisse de renforcer sa légitimité démocratique, sont orientés par la volonté d’améliorer l’image et la perception des citoyens européens. En ce sens, il pourrait sembler logique de pouvoir observer des modifications de tendances dans l’analyse des scrutins européens. Pourtant, l’analyse des résultats et caractéristiques des élections européennes depuis 1979 ne nous permet pas de conclure à une modification des tendances à partir de 2009. L’adoption du TL ne semble pas perturber, du moins jusqu’à aujourd’hui, ni l’augmentation du taux d’abstention, ni l’explosion du spectre politique, ni la pertinence des modèles développés par la science politique. En outre, le contexte précédant l’adoption du TL, marqué par l’échec de la ratification du PTCE, nous invite à considérer une éventuelle dégradation du lien politique entre l’UE et les citoyens, trompés quant aux différences très minces entre les deux textes. Aussi, il semblerait qu’un décalage persiste entre les préoccupations des citoyens et le contenu des réformes. Car si les réformes institutionnelles sont nécessaires, elles ne peuvent suffire à l’identification d’un « projet européen », indispensable à la mobilisation politique. En outre, bien qu’identifiée de façon constante dans la littérature scientifique, la problématique de l’européanisation des élections n’a pas trouvé de traduction institutionnelle dans le processus d’adoption de Lisbonne.Au total, si les réformes institutionnelles ont généralement pour ambition d’approfondir l’intégration européenne, les citoyens et leurs comportements électoraux peuvent paraître déconnectés de ces questions. En définitive, l’éloignement progressif des citoyens européens ne résulterait-il pas des carences du projet européen en lui-même ? Construire l’Europe semble aujourd’hui être devenu un objectif en soi, mais pourquoi la construire ? Répondre à cette question est peut-être le défi à relever pour voir les comportements électoraux changer et permettre à l’idée européenne de revivre sous des ambitions nouvelles.

39 40

DUFF Andrew, « Instruments in a Federal Union », CONV 57/02, CONTRIB 28, Convention sur l’Avenir de l’Europe, 2002, p. 3. Version consolidée du TUE, Article 9.

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ELECTIONS EUROPEENNES

57

INSTITUTIONAL DEVELOPMENTS AND EUROPEAN ELECTIONS: AN ANALYSIS IN LIGHT OF THE PROCESS TO ADOPT THE

TREATY OF LISBON Since the first direct elections of the Members of the European Parliament (EP) in 1979, voter turnout and successive results at European elections have been used as monitoring indicators to illustrate public perceptions towards Europe. Negative attitudes or the indifference of European citizens can be studied and analysed, leading to the emergence of new topics for research, such as the absenteeism phenomenon, Euroscepticism and anti-Europeanism. This paper seeks to contribute to the research into the various forms of resistance to European integration by linking these issues with the institutional developments of the European Union (EU). It focuses on the period between the non-ratification of the Treaty establishing a Constitution for Europe (TCE) in 2005 and the adoption of the Treaty of Lisbon (LT) and aims to determine whether the Treaty of Lisbon’s adoption process influenced evolutions of electoral behaviour at the European level. The lack of efficiency of the European regulation processes, the complexity of its functioning, and its lack of legitimacy have become widely-used explanations for Euroscepticism in scientific literature. When exploring institutional reforms in the LT, it appears that a large number of them result from a will to fight Euroscepticism. Indeed, four general objectives can be used to summarise the Treaty of Lisbon’s contributions to: simplifying the functioning of the EU, increasing the efficiency of its institutions, enhancing its legitimacy and reinforcing the rule of law in Europe. These four objectives, which were taken into consideration during the negotiations of the TCE, are strongly related to the Euroscepticism issue and help to tackle weaknesses of the EU that are often highlighted by Europeans. Given these observations, it is useful to observe not only voter turnout rates but also political representation in the EP. Having considered this data, it would seem that the adoption of the LT did not affect trends. In fact, the LT adoption process may also have played a role in the deterioration of the political link between European citizens and the EU. In order to justify a different ratification method of the LT, it was necessary to make people believe that substantial differences existed between the two treaties. For this reason all constitutional aspects from the aborted TCE project were removed. With this in mind, the strategy implemented to avoid European stagnation can be interpreted as a form of deception of European citizens. This paper highlights the gap between the institutional needs of the EU and the practical expectations of European citizens. While citizens worry about the economic crisis and wonder whether Europe can protect them, institutional reforms – especially complicated ones – are unlikely to reassure successfully public opinion. Besides, a comparison of the aborted TCE project and the LT shows us that the removal of constitutional references leads to some reforms having less significance. Finally, although Europeans’ perception of the EU seems to play a part in determining institutional reforms, an examination of election results and voter

58

MATHILDE JAUZEIN

turnout do not allow us to observe any improvement. With regards to the specific case of the LT, we can even surmise that the historical context had a negative impact on the present situation, leading to the rise in absenteeism. Indeed, institutional reforms, though necessary, cannot suffice to meet European practical expectations of the EU. Political issues that may concern European voters seem still to be on a too “national” level to convince them of the importance of European elections.

INSTITUTIONELLE ENTWICKLUNGEN UND EUROPÄISCHE WAHLEN : EINE ANALYSE IM LICHTE DES ABSCHLUSSVERHANDLUNGEN ZUM LISSABON-VERTRAG Seit den ersten Wahlen der Mitglieder des Europäischen Parlaments (EP) 1979, wurden die Wahlbeteiligung und die sukzessiven Ergebnisse der Europäischen Wahlen als Indikator benutzt, um die öffentliche Haltung zu Europa zu erheben. Negative Haltungen und Gleichgültigkeit bei den Europäischen Bürgern können studiert und analysiert werden und so neue Forschungsthemen zum Vorschein bringen, wie zum Beispiel das Phänomen der Enthaltung, Euro-Skeptizismus und Anti-Euroskeptizismus. Dieser Artikel soll einen Beitrag zu der Untersuchung über die unterschiedlichen Widerstände gegen die Europäische Integration leisten und zwar durch das Verknüpfen der zuvor erwähnten Themen mit den institutionellen Entwicklungen der Europäischen Union (EU). Dabei wird sich auf den Zeitraum zwischen der Nicht-Ratifizierung des Vertrages über eine Verfassung für Europa (VVE) 2005 und der Abschlussverhandlungen zum Lissaboner Vertrag (LV) konzentriert. Des Weiteren soll bestimmt werden, ob das Annahmeverfahren des Lissabonner Vertrages die Entwicklung des Wahlverhaltens auf Europäischer Ebene beeinflusst hat. Das Fehlen von Effizienz beim Europäischen Regulationsprozess, die Komplexität der EU-Arbeitsweise und das Fehlen von Legitimität sind weitverbreitete Erklärungen für den Euroskeptizismus in der wissenschaftlichen Literatur geworden. Angesichts dieser Beobachtungen ist es nützlich, nicht nur die Wahlergebnisse, sondern auch die politische Darstellung im EP zu beobachten. Bei Berücksichtigung dieser Daten scheint es, als ob die Annahme des LV den laufenden Trend nicht beeinflusst hat. Der Annahmeprozess hätte auch eine Rolle bei der Verschlechterung der politischen Verbindung zwischen den Europäischen Bürgern und der EU spielen können. Um eine andere Art der Ratifikation des VVE zu rechtfertigen, war es nötig, die Menschen zu überzeugen, dass substantielle Unterschiede zwischen den beiden Verträgen vorhanden waren. Aus diesem Grund wurden alle verfassungsrechtlichen Aspekte vom gescheiterten Projekt des VVE beseitigt. In diesem Sinne kann die Strategie, die umgesetzt wurde, um eine Stagnation Europas zu vermeiden, als eine Täuschung der Europäischen Bürger verstanden werden. Dieser Artikel betont den Fakt, dass eine Lücke zwischen dem institutionellen Bedarf und den praktischen Erwartungen der Europäischen Bürger be-

ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET ELECTIONS EUROPEENNES

59

steht. Während die Bürger besorgt sind angesichts der wirtschaftlichen Krise und sich fragen, ob Europa sie beschützen kann, ist es unwahrscheinlich, dass institutionelle Reformen – vor allem besonders komplizierte – die öffentliche Meinung erfolgreich beruhigen können. Außerdem zeigt uns der Vergleich zwischen dem gescheiterten Projekt des VVE und dem LV, dass, dass ein großer Anteil der institutionellen Reformen aus der Entschlossenheit resultiert, den Euroskeptizismus bekämpfen zu wollen. Der Beitrag des Lissabonner Vertrags kann unter vier allgemeinen Zielen zusammengefasst werden: die Arbeitsweise der EU vereinfachen, die Effizienz ihrer Institutionen erhöhen, die Legitimität der EU verbessern und die Rechtsstaatlichkeit in Europa verstärken. Diese vier Ziele, die während der Verhandlungen zum VVE berücksichtigt wurden, sind eng verbunden mit den Fragen zum Euro-Skeptizismus und helfen, die Schwächen der EU anzugehen, die oft von den Europäischen Bürgern betont werden. Letztendlich, obgleich die Europäische Wahrnehmung der EU eine Rolle beim Bestimmen institutioneller Reformen gespielt zu haben scheint, zeigen sich bei der Untersuchung der Wahlergebnisse und des Wählerverhaltens keinerlei Verbesserungen. Im Hinblick auf den speziellen Falls des LV kann auch angenommen werden, dass der historische Kontext eine negative Einwirkung auf die aktuelle Situation und zum Anstieg der Wahlenthaltung geführt hat. Die institutionellen Reformen, auch wenn nötig, können wahrlich mit Blick auf die Europäischen praktischen Erwartungen der EU nicht als ausreichend gewertet werden. Politische Probleme, welche die Europäischen Wähler betreffen könnten, scheinen immer noch ein zu starkes „nationales“ Niveau zu repräsentieren, als dass die Bürger von der Wichtigkeit Europäischer Wahlen überzeugt wären.

Part 2

ÉLECTEURS ET COURANTS D’OPINIONS PUBLIQUES FACE AUX SCRUTINS

VOTERS AND PUBLIC OPINION AT ELECTIONS WÄHLER UND ÖFFENTLICHE MEINUNG BEI DEN WAHLEN

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS ? DE QUELQUES CARACTÉRISTIQUES ÉLECTORALES (1979-2009) MURIEL RAMBOUR L’élection du Parlement européen au suffrage universel direct constitue à première vue une source de légitimation directe de l’intégration communautaire et représente idéalement le moment d’une implication des Européens au cœur de la vie démocratique de l’Union européenne (UE). L’examen de cette pratique électorale depuis 1979 met toutefois en lumière une toute autre tendance, celle d’une constante et croissante désaffection à l’égard de ce scrutin que l’analyse qualifie souvent, en comparaison des échéances nationales et des comportements électoraux qui se manifestent alors, d’élections de « second ordre »1. L’augmentation du taux d’abstention et l’influence, entre autres facteurs, de considérations tenant aux politiques menées sur le plan national sont en effet les éléments les plus fréquemment mis en avant pour caractériser les élections européennes. Mais l’on peut émettre le postulat, suivant notamment en ce sens André-Paul Frognier, que « chaque élection doit être abordée en elle-même, de manière spécifique, ce qui ne signifie pas exclusive »2. Ce scrutin intéresse précisément la notion de « citoyenneté » entendue au travers de ce que le sociologue britannique Thomas H. Marshall caractérisait comme des « droits politiques »3. La question que soulèvent ces élections concerne la nature de la citoyenneté, qui s’exprimerait à cette occasion, ainsi que l’espace politique, les enjeux par rapport auxquels elle se définirait. La citoyenneté suppose un « lien » unissant « les citoyens et ceux qui les gouvernent ». Selon cette lecture proposée par Sophie Duchesne et Pierre Muller, « il faut donc pour que la citoyenneté ait un sens que, d’une façon ou d’une autre, les comportements et les représentations des gouvernants et des gouvernés aient partie liée »4. Or, quelle est concrètement la teneur de ce lien sur le plan communautaire ? Que signifie pratiquement le fait d’être « citoyen européen », comme le prévoient les traités ? Est-ce d’ailleurs une citoyenneté proprement « européenne » qui se manifeste, au moins ponctuelle1 2

3 4

REIF, K., SCHMITT, H., « Nine Second-Order National Elections: A Conceptual Framework for the Analysis of European Election Results », European Journal of Political Research, 8(1), 1980, p. 3-45. FROGNIER A.-P., « Identité et participation électorale : pour une approche européenne des élections européennes », in GRUNBERG, G., PERRINEAU, P., YSMAL, C. (dir.), Le vote des Quinze. Les élections européennes du 13 juin 1999, Paris, 2000, p. 76. Pour d’autres analyses de ce modèle des élections de « second ordre », cf. MARSH M., « Testing the Second-Order Election Model after Four European Elections », British Journal of Political Science, 28(4), 1998, p. 591607; VAN DER BRUG, W., VAN DER EIJK, C., European elections & domestic politics: lessons from the past and scenarios for the future, Notre Dame (Ind.), 2007 ; HIX, S., MARSH, M., « Punishment or Protest? Understanding European Parliament Elections », The Journal of Politics, 69(2), 2007, p. 495-510. MARSHALL, T. H., Citizenship and Social Class, Cambridge, 1950, p. 28-30. DUCHESNE, S., MULLER, P., « Représentations croisées de l’Etat et des citoyens », in FAVRE, P., HAYWARD, J., SCHEMEIL, Y. (dir.), Etre gouverné. Etudes en l’honneur de Jean Leca, Paris, 2003, p. 35.

64

MURIEL RAMBOUR

ment, au moment de l’élection du Parlement de Strasbourg, et peut-on, dans ces circonstances, évoquer la figure d’un « citoyen-électeur » ? Les grands traits qui se dégagent des scrutins européens replacent ainsi au cœur de la réflexion la figure du « citoyen » et interrogent les conditions de l’identification des Européens à une entité politique. Si l’on peut penser que la pratique démocratique et, notamment, l’acte électoral, devrait idéalement, sur un thème a priori aussi « européen » que le choix des « eurodéputés », dépasser les habituels référents nationaux, la réalité ne laisse-telle pas plutôt voir la « difficile émergence de l’électeur européen » pour reprendre le questionnement de Bruno Cautrès5 ? En fonction des motivations de leur vote, des lectures européennes et/ou nationales faites des enjeux portés par ce scrutin, est-on conduit à parler de « l’ » électeur européen ou « des » électeurs européens ? L’emploi du singulier suppose qu’il serait possible de dégager des caractéristiques communes parmi ceux qui prennent part au vote en matière de profil sociologique, de participation, de logique de vote. La référence « aux » électeurs tend au contraire à souligner la segmentation de ce corps électoral en autant d’espaces d’expression qu’il existe d’Etats membres, figurant la diversité des motivations – pas nécessairement d’ordre européen – qui inspirent les attitudes à l’égard de ce scrutin. Le comportement des Européens vis-à-vis de l’élection des eurodéputés place au centre de l’analyse la problématique de leur représentation politique aussi bien qu’elle interroge les conditions de réalisation d’une pratique démocratique à une échelle transnationale depuis trois décennies. L’organisation, tous les cinq ans, de ces scrutins suffit-elle à initier une conscience de citoyenneté à l’échelle de l’UE à travers la participation électorale (I) ? Les électeurs qui s’expriment le font-ils en tant que citoyens nationaux, rattrapés par la nationalisation du scrutin et les joutes politiques internes, ou en tant que citoyens européens, faisant une lecture proprement communautaire des enjeux proposés (II) ?

I. Les facteurs influençant la participation aux scrutins européens La participation électorale est l’une des dimensions essentielles de la formation d’une identité civique et de la consolidation de la démocratie. Elle donne sa consistance à la notion de citoyenneté en ce qu’elle permet aux citoyens d’exprimer leur reconnaissance en tant que membres d’une société politique. Pour reprendre l’observation de Bruno Cautrès, « la participation électorale, parce qu’elle adresse directement la question du soutien et de la légitimité qu’accordent les citoyens au système politique européen, est un élément central d’interrogations », bien qu’elle ne soit « qu’une des dimensions et qu’un des leviers de la représentation politique »6. Cette première donnée offre en effet un aperçu d’ensemble du déroulement de l’élection et de l’attitude des électeurs.

5 6

CAUTRES, B., « L’électeur européen : une émergence difficile ou impossible ? », Politique européenne, 4(3), 2001, p. 47. CAUTRES, B., « La participation aux élections européennes comme problème de représentation politique », in SAURUGGER, S. (dir.), Les modes de représentation dans l’Union européenne, Paris, 2003, p. 38.

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS?

65

Dès la première élection au suffrage universel, l’abstention était un facteur notable : plus du tiers des électeurs ne s’étaient pas déplacés pour aller voter. Le niveau de l’abstention pour ces élections européennes était dans chaque pays plus important que pour l’élection du parlement national. Les observateurs ont alors expliqué ce phénomène par la nouveauté du scrutin. Les citoyens n’auraient pas compris l’importance de cette élection, le Parlement européen, arène nouvelle et peu familière, étant alors doté de faibles pouvoirs. Certains analystes pensaient qu’avec le temps l’on connaîtrait mieux cette institution, l’on en mesurerait plus l’importance, ce qui permettrait une prise de conscience des enjeux de l’élection et une progression de la participation. Mais au fil des scrutins, alors que les pouvoirs de l’assemblée de Strasbourg se renforçaient, l’abstention ne faisait que croître. Alors que les élections européennes représentent un rare moment de démocratie directe au cœur de l’Union, l’une des caractéristiques traditionnellement soulignée à propos de ce scrutin concerne le recul constant de la participation qui l’affecte. Figure 1: Taux d’abstention et de participation aux élections européennes (1979-2009), en % des inscrits

La démobilisation électorale se mesure par l’augmentation régulière du taux moyen d’abstention qui est passé de 38 % lors de la première élection de 1979, à 41 % en 1989, 43,3 % en 1994, 50,5 % en 19997 pour atteindre 56,9 % en juin 2009 (Figure 1). L’abstention enregistre par conséquent une hausse de près de 19 points sur 30 ans, selon une progression qui va en s’amplifiant, du moins jusqu’en 1999 : de 1979 à 1994, le taux d’abstention croît en effet d’environ deux 7

ABRIAL, S., PINA, C., « Les élections européennes de juin 1999 dans les quinze pays de l’Union : une consultation de ‘‘second ordre’’ ? », Revue française de science politique, 49(4-5), 1999, p. 707-717 ; BELOT, C., GREFFET, F., « Quinze élections nationales pour un Parlement européen », Regards sur l’Actualité, 253, 1999, p. 3-24.

66

MURIEL RAMBOUR

points d’une élection à l’autre, pour connaître un « saut » de 7,4 points entre 1994 et 1999. Sur la période 1999-2009, le différentiel n’est « que » de + 6,4 points (dont + 2,4 points entre 2004 et 2009), mais l’abstention n’en reste pas moins élevée, signifiant que moins d’un électeur sur deux s’est effectivement rendu aux urnes. Membres de longue date et participants plus récents à l’entreprise européenne sont indistinctement concernés par une mobilisation électorale fluctuante. En 2009, moins de quatre électeurs sur 10 (soit 38,4 %) dans les pays d’Europe centrale et orientale se sont rendus aux urnes, soit seulement 5 points de plus que dans les pays plus anciens de l’UE. L’ancienneté au sein de l’Union n’est donc pas un facteur probant pour expliquer une évolution qui reste au demeurant très contrastée. Si l’on s’arrête, ne serait-ce que sur les tendances observables parmi les Etats ayant adhéré à l’Union en même temps, les comportements électoraux sont variés, reflétant d’autres influences en lien avec les situations politiques et institutionnelles internes. Si l’acte électoral européen revêt en théorie une portée proprement communautaire, le scrutin en lui-même ne présente pas une telle dimension. Il n’existe en effet pas de procédure électorale uniforme parmi les 28 pays de l’UE qui permettrait aux électeurs, par les modalités même d’organisation du scrutin, de voir se dessiner une communauté de citoyens prenant part au travers de ce vote à l’expression d’un projet politique. L’article 138 al. 3 du traité de Rome prévoyait que l’assemblée parlementaire élaborerait « des projets en vue de permettre l’élection au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les Etats membres ». En 1976, l’Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel n’envisage pas d’uniformisation des modes de scrutin mais fait référence aux pratiques politiques en usage dans les Etats membres pour faire bénéficier les élections européennes des éléments communs résultant de la tradition démocratique. Désormais, en dépit de l’adoption du principe de la représentation proportionnelle par tous les Etats de l’UE, l’espace politique transnational que ces élections européennes seraient susceptibles de faire émerger reste fragmenté en autant de sphères différenciées par les lois électorales nationales. Cette juxtaposition de lois spécifiques, régissant la nomination des candidats, le déroulement des campagnes, l’octroi du droit de vote, traduit le fait que les élections européennes voient avant tout s’exprimer les traditions politiques qui prévalent dans les différents Etats membres. Plusieurs facteurs institutionnels ont, à des degrés variables, une incidence sur la mobilisation électorale. Le caractère obligatoire du vote en Belgique, au Luxembourg, en Grèce et à Chypre contribue ainsi certainement à maintenir le taux de participation dans ces pays bien au-dessus de la moyenne communautaire et du seuil des 50 %. En Belgique et au Luxembourg, cette règle électorale favorise des taux de participation très élevés, avec en 2009 respectivement 90,4 % et 90,7 % des suffrages. Ce premier constat doit cependant être relativisé par la part des bulletins blancs ou nuls, respectivement de 4,7 % et 5,9 %. Les cas grec et chypriote – où l’on dénombrait, en 2009, 1,9 % et 2,9 % bulletins blancs ou nuls – montrent en outre que la dimension contraignante du vote ne prémunit pas d’une érosion de la participation, plus marquée que dans les deux autres pays. La participation s’établissait à 52,6 % en Grèce et à 59,4 % à Chypre, en repli respectivement de 10,6 points et 13,1 points par rapport à 2004.

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS?

67

La mise en place de procédures électorales simplifiées favorise également l’implication des citoyens. L’illustration en est donnée en 2009 en Estonie avec l’application du vote électronique par Internet. De ce fait, la participation a connu une progression de 17,1 points en comparaison du vote de 2004. S’agissant des facteurs contextuels, la date retenue pour l’organisation du scrutin montre également la prédominance de ces modalités nationales. L’étalement du scrutin sur plusieurs jours, résultat de la diversité des lois électorales, fait qu’il n’existe pas, sur un plan temporel, de « moment européen » qui symboliserait l’instant partagé par lequel les électeurs, incarnant la citoyenneté européenne en exercice, s’exprimeraient sur l’Europe. Le jour du vote n’a cependant pas d’influence claire sur la participation, car dans les 19 pays où le scrutin s’est tenu le dimanche 7 juin 2009, les taux sont très erratiques. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni (où les élections se sont déroulées un jeudi) ainsi que l’Irlande (scrutin le vendredi) présentent des taux de participation en repli par rapport aux élections de 2004. L’organisation du scrutin le samedi produit une implication variable de l’électorat à Chypre (où le vote est obligatoire), en Lettonie, à Malte et en Slovaquie (où le taux de participation est le plus faible de l’UE, s’établissant à 19,6 %). Le déroulement de l’élection sur deux jours en Italie et en République tchèque n’a pas permis de consolider la participation électorale puisque la participation était respectivement en repli de 6,6 points et de 0,1 point. Le scrutin européen peut dans certains cas bénéficier d’un couplage avec d’autres échéances électorales, de niveau local ou national. En 2009, 9 Etats se trouvaient dans cette configuration : l’Allemagne (élections régionales et municipales partielles), la Belgique (élections régionales), le Danemark (référendum sur l’ordre de succession au trône), l’Irlande (élections locales), l’Italie (élections provinciales et municipales partielles), le Luxembourg (élections législatives), le Royaume-Uni (élections locales partielles), la Lettonie (élections municipales) et Malte (élections locales partielles). Les effets de ces couplages étaient variables suivant les pays avec une participation en augmentation en Allemagne (+ 0,3), au Danemark (+ 11,7) et en Lettonie (+ 12,4), mais en repli en Belgique (- 0,4), Luxembourg (- 0,6), en Irlande (- 1), à Malte (- 3,6), au Royaume-Uni (- 3,8) et surtout en Italie (- 6,6). A l’exception remarquable du Royaume-Uni, la participation électorale était partout supérieure à la moyenne communautaire. Toutefois, cette simultanéité des consultations, si elle peut favoriser la mobilisation des électeurs, est également susceptible de rendre plus complexe la perception des enjeux de la désignation du Parlement européen. Indépendamment de l’ancienneté dans l’Union, il apparaît d’ailleurs que l’abstention est de manière générale plus importante lorsqu’il s’agit des élections européennes que lorsque l’enjeu du scrutin est national. La comparaison des élections de rang national et des Européennes doit s’effectuer avec prudence compte tenu de la différence de nature entre ces deux rendez-vous électoraux. Les données recueillies laissent cependant percevoir un différentiel de proportion variable selon les Etats membres entre la participation aux Européennes de 2009 et celle aux précédentes législatives (Figure 2). Il varie de – 0,7 point pour la Belgique (où le vote est obligatoire) à – 43,5 points pour les Pays-Bas. Dans tous les cas de figure, qu’il s’agisse des plus anciens Etats membres ou des pays ayant adhéré à l’UE en 2004 et 2007, la participation aux Européennes est systématiquement inférieure aux législatives immédiatement antérieures. Ces données font apparaî-

68

MURIEL RAMBOUR

tre les Européennes comme des consultations de « second ordre », donnant à penser que les électeurs considèrent qu’il y a « moins en jeu » dans ces élections8. Figure 2: Participation aux Européennes 2009 et aux législatives précédentes (en %)

En tout état de cause, si les élections européennes se caractérisent par la faiblesse de la participation et par des interférences avec les considérations politiques nationales, il serait réducteur de considérer que la faiblesse de la participation est le reflet direct du peu d’intérêt des citoyens à l’égard de l’intégration communautaire. La situation témoigne certes d’une indifférence relative par rapport à ce scrutin particulier mais n’implique pas une pareille attitude envers la question 8

REIF K., Ten Second-Order National Elections », in REIF, K. (ed.), Ten European Elections, Aldershot, 1985, p. 8.

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS?

69

européenne dans sa globalité. C’est en effet ce que révèle la comparaison avec d’autres types de consultations en rapport avec l’Europe. Lorsque les citoyens sont consultés dans d’autres contextes que l’élection du Parlement européen – par exemple lors de référendums en lien avec les problématiques communautaires –, ils ont tendance à se mobiliser plus massivement. Ainsi, le taux de participation atteignait 69,7 % en France à l’occasion du référendum sur le traité de Maastricht en 1992 et 69,4 % lors du référendum de 2005 sur le Traité instituant une Constitution pour l’UE, alors qu’il n’était que de 48,7 % aux Européennes de 1989 et de 42,8 % à celles de 2004. La participation s’élevait à 86 % au Danemark lors du second référendum sur Maastricht en mai 1993 (contre 52,9 % au scrutin européen de l’année suivante), à 74 % en Finlande, 81,3 % en Autriche et 83,3 % en Suède lors des référendums sur les traités d’adhésion (alors que la participation aux premières élections européennes dans ces trois pays s’établissait respectivement à 60,3 %, 67,7 % et 41,6 %). Tableau 1 Pays Malte

Participation au référendum d’adhésion (en %)

Participation aux élections européennes de 2004 ou 2007 (en %)

91

(8 mars 2003)

82,4

Slovénie

55,7

(23 mars 2003)

28,3

Hongrie

45,6

(12 avril 2003)

38,5

Lituanie

63,3

(10-11 mai 2003)

48,4

Slovaquie

52,2

(16-17 mai 2003)

16,9

Pologne

58,8

(7-8 juin 2003)

20,9

République tchèque

55,2

(13-14 juin 2003)

28,3

63

(14 septembre 2003)

26,8

Estonie

Lettonie 72,5 (20 septembre 2003) 41,3 Sources : Fondation Robert Schuman – Observatoire des élections en Europe pour les référendums d’adhésion ; European Parliament Election Results, Strasbourg, Parlement européen, 2004 et Flash Eurobaromètre 162, pour la participation aux Européennes de juin 2004.

En 2009, force est de constater qu’à l’exception de la Lituanie qui enregistre un repli conséquent du taux de participation (- 27,5 points), la plupart des États d’Europe centrale et orientale ont connu un regain de mobilisation. Cette évolution ne doit toutefois pas faire oublier que les électeurs de ces pays se sont davantage mobilisés lors des référendums d’adhésion de leur pays à l’Union qu’aux premières élections européennes de leur histoire (Tableau 1). Ainsi, en 2004, dans les Etats qui venaient de rejoindre l’UE, seul un peu plus du quart des électeurs inscrits sur les listes électorales avaient participé à l’élection du Parlement européen : il s’agirait donc d’un « rendez-vous manqué » pour ces dix récents adhérents. Les pays d’Europe centrale et orientale n’étaient pas parvenus à mobiliser ne serait-ce que la moitié de leurs électeurs : les taux de participation les plus bas se retrouvaient en Slovaquie (16,9 %) et en Pologne (20,9 %), les plus importants en Lituanie (39,4 %), où le scrutin européen avait lieu en même temps que le premier tour de l’élection présidentielle, et en Lettonie (41,3 %). Parmi les nouveaux membres se distinguaient Chypre avec une participation de 71,2 % (le vote y est

70

MURIEL RAMBOUR

obligatoire) et Malte (82,4 % de votants) où les Européennes étaient également couplées à des élections locales. La faiblesse de la participation enregistrée et l’absence de points de comparaison avec de précédentes élections européennes ne permettent pas de tirer de conclusions définitives sur les motivations d’un tel comportement. Du moins peut-on dire que l’adhésion de ces pays était alors très récente, ce qui peut expliquer le peu de familiarité des électeurs avec les enjeux européens. La dimension concrète de la construction européenne se manifeste lors des consultations référendaires sur des traités dits « d’étape » permettant la poursuite de l’intégration. Elle l’est aussi, et sans doute plus fortement, dans le cas des traités d’adhésion qui marquent, par définition, l’inclusion d’un nouvel Etat dans l’Europe et signent là un changement de statut aussi bien symbolique que politique, dans la mesure où le pays concerné devient officiellement « membre » de l’Union. Les référendums organisés pour la ratification des traités suscitent généralement une mobilisation plus importante que les élections européennes, car les citoyens y perçoivent un enjeu direct, une manifestation réelle de l’impact de l’intégration communautaire sur le plan national. Ceci laisse supposer que dès lors qu’un lien peut être établi entre la construction européenne et ses incidences nationales, les citoyens sont davantage portés à la mobilisation. Par contraste, les enjeux propres aux élections européennes ne seraient pas aussi clairement perçus et laisseraient par conséquent les électeurs relativement indifférents. Aussi, les facteurs institutionnels ne permettent-ils pas de saisir pleinement les comportements électoraux. Encore faut-il s’intéresser aux dispositions du corps électoral.

II. Les dispositions des électeurs et leur perception des scrutins européens Pour reprendre la formule d’Alain Lancelot, « si on considère le comportement électoral comme la réponse du sujet (l’électeur) à une question (la consultation), on peut penser que la nature de cette réponse (éventuellement donc l’abstention) dépend en partie du contenu de la question posée et de la façon dont elle est posée »9. Appliqué au cas des élections européennes, ce raisonnement invite notamment à explorer la perception des enjeux du scrutin par les électeurs de manière à évaluer l’hypothèse d’une manifestation citoyenne de dimension communautaire au travers de cette occasion démocratique. Ainsi que l’a analysé Anne Muxel, les électeurs se font, depuis une vingtaine d’années, plus critiques face à l’offre politique et utilisent l’abstention comme un moyen de faire entendre leur voix. A l’occasion des élections européennes, les abstentionnistes se situent majoritairement « dans le jeu politique » : ils délaissent temporairement la décision électorale « faute de se sentir mobilisés et suffisamment concernés par l’enjeu même de ce scrutin »10.

9 10

LANCELOT, A., L’abstentionnisme électoral en France, Paris, 1968, p. 95. MUXEL, A., « La participation électorale : un déficit inégalé », Revue internationale de politique comparée, vol. 16, 4/2009, p. 579.

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS?

71

En 2009, la proportion de ceux que Jean Blondel qualifiait d’« abstentionnistes volontaires eurospécifiques »11 – c’est-à-dire les électeurs mobilisés uniquement lors des derniers scrutins nationaux et qui, par définition, se sont abstenus aux Européennes – s’élevait à 33 % en juin 2009, contre 31 % cinq ans plus tôt12. Selon l’Eurobaromètre postélectoral, on dénombrait également 39 % de votants réguliers (aux Européennes et aux dernières élections générales nationales), 22% d’abstentionnistes réguliers, 3% de mobilisés au niveau européen seulement (Tableau 2). Tableau 2: Profil des électeurs 2009

2004

Votants réguliers (votent aux élections nationales et aux Européennes)

39 %

40 %

Mobilisés au niveau national (votent aux élections nationales et non aux Européennes)

33 %

31 %

Abstentionnistes réguliers (ne votent ni aux élections nationales ni aux Européennes)

22 %

23 %

Mobilisés au niveau européen (ne votent pas aux élections nationales mais votent aux Européennes)

3%

5%

Source : Spécial Eurobaromètre 320, Etude postélectorale 2009, p. 18.

Les abstentionnistes se répartissent en trois catégories13 : – les « inconditionnels », également appelés « convaincus » ou « systématiques », (22 %) qui déclarent ne jamais voter, – les abstentionnistes « réfléchis » (33 %, + 1 point par rapport à 2004) qui ont pris leur décision quelques mois ou semaines avant le scrutin, – es abstentionnistes « impulsifs » (32 %, – 6 points depuis 2004) qui se sont décidés quelques jours avant l’élection ou le jour même du scrutin. L’abstention circonstanciée par un empêchement pratique ou personnel n’était avancée que par 10 % des électeurs ne s’étant pas rendus aux urnes. Le désintérêt pour le scrutin apparaît encore plus nettement parmi les électrices, les jeunes et les électeurs faiblement diplômés (Tableau 3)14.

11 12 13 14

BLONDEL, J., SINNOTT, R., SVENSSON, P. (eds.), People and Parliament in the European Union. Participation, Democracy and Legitimacy, Oxford, 1998, p. 41-43. Spécial Eurobaromètre 320, Etude postélectorale 2009, Terrain : juin-juillet 2009, Publication : novembre 2009, p. 18. Flash EB 162, « Enquête post-élections européennes 2004 », Terrain : 21/06/2004 – 30/06/2004, Publication : juillet 2004, p. 11-13 ; Spécial Eurobaromètre 320, Etude postélectorale 2009, Terrain : juin-juillet 2009, Publication : novembre 2009, p. 18. Spécial Eurobaromètre 320, Etude postélectorale 2009, Terrain : juin-juillet 2009, Publication : novembre 2009, p. 14.

MURIEL RAMBOUR

72

Tableau 3: Profils sociologiques des électeurs et abstentionnistes en 2009 (en pourcentages) Variables

A voté

S’est abstenu

Femme

42

58

Homme

44

56

18-24

29

71

25-39

36

64

40-54

44

56

55 et plus

50

50

Genre

Age

Education (âge de fin) Moins de 15 ans

43

57

16-19 ans

40

60

20 ans et plus

52

48

Etudiant

34

66

Indépendant

51

49

Cadres

53

47

Autres employés

44

56

Ouvriers

36

64

Hommes-Femmes au foyer

42

58

Chômeurs

28

72

Retraités

49

51

Etudiants

34

66

Occupation

Source : Spécial Eurobaromètre 320, p. 14.

En 2009, le sentiment d’incompétence l’emportait sur la démarche de sanction politique. Les abstentionnistes justifiaient leur comportement par la méconnaissance de l’UE et du Parlement européen (10 %), le manque d’intérêt pour les affaires européennes (9 %), le manque de débat public sur les élections (6 %) (Figure 3)15. Une enquête Eurobaromètre sur la citoyenneté européenne, conduite en juin-juillet 2010 auprès de 172 Européens en situation de mobilité géographique, a permis de tester l’hypothèse d’une plus large information sur les élections européennes : « Je n’ai pas voté parce que je ne connaissais pas la date des élections. Et je ne savais pas où trouver cette information » (Allemande) ; « Si j’avais eu plus d’informations, peut-être, sur les programmes, les enjeux, les plans d’action mais aussi les mesures qui ont été prises, et leurs résultats » (Français) ; 15

Idem, p. 27.

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS?

73

« Si les informations ne nous parviennent pas, nous n’allons pas aller les chercher. Je ne sais même pas quand ont lieu les élections du Parlement. Le truc européen nous dépasse, c’est très vague. Si j’avais plus d’informations, j’irais. Je pense que c’est un concept important » (Belge)16. Figure 3: Raisons avancées par les abstentionnistes en 2009

Source : Spécial Eurobaromètre 320, p. 27. Pourcentages établis sur la base des répondants à l’enquête s’étant abstenus, soit 57% de l’échantillon total.

L’abstention élevée qui marque les élections européennes s’inscrit dans un mouvement plus général de désaffection envers les consultations électorales et souligne une crise de la représentation d’ailleurs perceptible dans la plupart des pays d’Europe occidentale17. La participation en baisse depuis 1979 traduirait le fait que les Européennes, par la difficulté à en percevoir les enjeux pour les citoyens, auraient été plus précocement sensibles à la crise de la représentation politique et au « relatif désenchantement vis-à-vis du vote »18. Cet état de désenchantement élec-

16 17 18

Commission européenne, Eurobaromètre « Citoyenneté européenne. Mobilité transfrontalière », Rapport complet, août 2010, p. 48. TOPF, R., « Electoral participation », in KLINGEMANN, H. D., FUCHS, D. (eds.), Citizens and the State, Oxford, 1995, p. 27-51; CAUTRES, B., « La participation aux élections européennes comme problème de représentation politique », article cité, p. 39-41. JADOT, A., « (Ne pas) être un électeur européen. Une analyse multiniveaux des déterminants individuels et contextuels de l’abstention en 1999 », Revue internationale de politique comparée, 9(1), 2002, p. 44.

74

MURIEL RAMBOUR

toral est une manifestation du « désenchantement démocratique »19, de la distance entre les dirigeants et leurs mandants aussi bien que du mécontentement à l’égard de la politique. En 2009, le manque de confiance et l’insatisfaction éprouvés à l’égard de la politique arrivaient en tête des motivations avancées par les abstentionnistes pour expliquer leur comportement avec un taux global de réponse de 28 % (+ 6 points par rapport à 2004). La deuxième cause de l’abstentionnisme, à 17 % de citation (+ 3 points depuis 2004), était le manque d’intérêt pour la politique, à égalité avec l’idée selon laquelle le vote ne change rien20. Cette dernière explication démontrerait qu’« à force de ne pas savoir ni pour quoi, ni pour qui il vote, l’électeur ne se déplace plus »21. L’abstention équivalant à un rejet explicite de l’Europe n’est exprimée que par 4 % des électeurs n’ayant pas pris part au scrutin. L’abstentionnisme de dimension politique ne semble alors pas être le facteur prédominant. Lorsqu’il se manifeste, il exprime davantage une insatisfaction quant à la représentation politique sur le plan communautaire qu’un euroscepticisme notoire – lequel prend forme dans le vote en faveur des formations politiques incarnant cette tendance. Ainsi, 8 % des abstentionnistes manifestaient une insatisfaction à l’égard de l’assemblée de Strasbourg22. Les personnes interrogées dans le cadre de l’Eurobaromètre sur la citoyenneté européenne en 2010 soulignaient l’existence d’un écart significatif entre leurs vies quotidiennes et les élections européennes : « Les élections européennes ne sont pas quelque chose dont je me sens très proche. Normalement, je vote seulement dans mon pays d’origine » (Allemande) ; « C’est quelque chose qui me paraît assez lointain, les gens qui prennent des décisions dont vous ne pouvez pas vraiment mesurer l’impact et l’importance… » (Français) ; « Le problème majeur est que les citoyens européens ne croient pas vraiment que ces élections puissent avoir un effet sur leur vie quotidienne » (Belge) 23. Les listes de candidats, les offres partisanes, les thèmes de campagne, sont en effet encore largement déterminés en fonction de logiques nationales, si bien que ces élections dites « européennes » ne le seraient finalement qu’à la marge. Il y a presque un paradoxe à faire élire une assemblée européenne, de nature transnationale, à partir de différentes opérations de vote bornées par les cultures politiques, les législations électorales et les structures partisanes nationales. Ce morcellement et l’absence d’un système partisan unifié accentuent la difficulté des citoyens à percevoir les ressorts du cadre politique européen. Conséquence de la définition encore nationale des modes de scrutin, la coordination des partis politiques nationaux reste très modeste au cours des campagnes électorales. 19 20 21 22 23

PERRINEAU, P., Le désenchantement démocratique, La Tour d’Aigues, 2003. Spécial Eurobaromètre 320, op. cit., p. 27 ; Flash EB 162, op. cit., p. 17-18. DELWIT, P., « Participation électorale et scrutin européen : une légitimité minimale », in GRUNBERG, G., PERRINEAU, P., YSMAL, C. (dir.), op. cit., p. 307. Spécial Eurobaromètre 320, op. cit., p. 27. Commission européenne, Eurobaromètre « Citoyenneté européenne – Mobilité transfrontalière », rapport cité, p. 49-50.

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS?

75

Une telle configuration rend plus complexe l’identification des citoyens à l’Union qui ne perçoivent pas nécessairement la manière dont leur vote, exprimé pour des candidats à élire au niveau de circonscriptions nationales sur des bases programmatiques parfois peu en lien avec les thèmes européens, influence une structuration politique partisane dont les logiques ne recoupent pas les grilles de lecture nationales. L’idée même d’une élection européenne de « second ordre », avec « moins en jeu » que dans les scrutins déterminant l’attribution du pouvoir national, renvoie au manque de visibilité du rôle et des pouvoirs du Parlement de Strasbourg, à une certaine difficulté de percevoir les enjeux propres à la désignation des eurodéputés. La notion de « second ordre » traduit l’idée d’une subordination des élections européennes aux considérations de politique intérieure et aux cycles électoraux nationaux. Elles sont alors comprises comme autant d’élections nationales « intermédiaires », sous l’influence des configurations politiques propres aux différentes arènes nationales et des rapports de force partisans. De fait, lorsqu’elles interviennent à mi-mandat, recoupant la notion de « mid-term election »24, elles sont le plus fréquemment animées par la logique du vote sanction et la volonté d’adresser des « messages » à visées internes aux responsables politiques nationaux. Les élections européennes sont l’occasion de désigner au suffrage universel les membres d’une assemblée transnationale. Or, la pratique donne plutôt à voir une juxtaposition d’espaces nationaux, une agrégation de scènes politiques nationales. Au gré des trois décennies qui se sont écoulées, les Européennes ne sont pas encore parvenues à s’autonomiser des espaces politiques nationaux, à s’européaniser, à être reconnues en tant que telles, comme des scrutins de portée véritablement « supra-nationale », avec des problématiques et des enjeux propres à l’Europe. Ces rendez-vous électoraux apparaissent comme délaissés par plus de la moitié des citoyens de l’Union, entretenant ainsi l’image de la désignation d’un « Parlement sans électeurs »25, loin de l’irruption d’un hypothétique demos dans le paysage politique européen. Si la citoyenneté européenne ne recouvre pas uniquement le bénéfice de droits économiques et sociaux mais est aussi destinée à former le socle d’une « communauté de citoyens », le comportement électoral des Européens ne permet pas de déceler la manifestation d’une telle cohésion civique. L’examen du lien entre ces élections et l’identification des citoyens à la construction communautaire révèle que la notion de « citoyenneté européenne » reflète plus un statut juridique qu’une participation politique à l’élaboration d’une identité commune et d’un lien de solidarité au-delà de l’optique nationale. Il ressort de ce tableau d’ensemble qu’« entre l’attrait du vide et la confusion des enjeux, l’électeur européen apparaît comme une sorte d’électeur sans visage ou encore d’électeur à faux nez, mais en tout cas pas comme un électeur… européen »26. Pour qu’une collectivité politique transnationale se constitue effectivement autour de la personne du « citoyen euro-

24 25 26

NUGENT, N., The Government and Politics of the European Community, London, 1993, p. 145. DELWIT, P., DE WAELE, J.-M., « Un Parlement sans électeurs ? La nationalisation des scrutins européens », in TELO, M., MAGNETTE, P. (dir.), De Maastricht à Amsterdam. L’Europe et son nouveau traité, Bruxelles, 1998, p. 211-235. FROGNIER, A.-P., « Identité et participation électorale », article cité, p. 76.

76

MURIEL RAMBOUR

péen », c’est cette dimension participative, l’idée d’une implication dans la vie de la « cité européenne » qui devrait être appelée à se développer pour donner consistance au lien de citoyenneté à l’échelle communautaire.

VOTERLESS EUROPEAN ELECTIONS? SOME VOTING CHARACTERISTICS (1979-2009) Participation in elections is one of the essential dimensions of the formation of a civic identity and the consolidation of democracy. It gives consistency to the concept of citizenship as it allows citizens to express their recognition as members of a political society. The election of the European Parliament by universal suffrage is, at first sight, a source of direct legitimation of European integration and ideally represents popular involvement at the core of democratic life in the EU. A review of electoral practice since 1979 however highlights a constant and growing disaffection with regard to this poll. The electoral demobilisation is measured by the steady increase in the average abstention rate. The European polls are not very attractive compared to national electoral appointments and are thus qualified as “second order” elections. This idea suggests that voters consider there is less at stake in these elections. It also reflects the subordination of the European elections to domestic political considerations and to the national election cycles, under the influence of struggles in national arenas. An analysis of Europeans’ electoral behaviour makes it possible to assess the validity of the hypothesis according to which the designation of MEPs could be described as an election without voters.

DIE EUROPÄISCHEN WAHLEN OHNE WÄHLERSCHAFT ? EINIGE WAHLMERKMALE (1979-2009) Die Wählerbeteiligung ist eine der essentiellen Dimensionen für die Bildung einer Bürgeridentität und der Festigung der Demokratie. Sie gibt dem Konzept der Bürgerschaft ihre Konsistenz, die es den Bürgern erlaubt, ihre Anerkennung als Mitglied einer politischen Gesellschaft auszudrücken. Die Wahlen des Europäischen Parlaments durch das allgemeine Wahlrecht sind auf den ersten Blick eine Quelle der direkten Legitimation der Europäischen Integration und die Beteiligung der Bevölkerung repräsentiert idealerweise im Kern das demokratische Leben der EU. Die Analyse der Durchführung der Wahlen seit 1979 hebt jedoch eine konstante und wachsende Unzufriedenheit bezüglich dieser Wahlen hervor. Diese Wahldemobilisierung wird gemessen an der ständig wachsenden Prozentzahl der Stimmenthaltungen. Die Europäischen Wahlen sind nicht sehr attraktiv im Vergleich zu den nationalen Wahlterminen und werden oft als „zweitranging“ betrachtet. Dies lässt den Schluss zu, dass Wähler meinen, dass dort weniger auf dem Spiel steht. Es spiegelt auch die Unterordnung der Europäischen Wahlen gegenüber inländi-

DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES SANS ÉLECTEURS?

77

schen politischen Überlegungen wieder und gegenüber dem nationalen Wahlzyklus, der unter dem Einfluss von Widerstanden in nationalen Arenen steht. Das Analysieren Europäischer Wahlverhaltens macht es möglich, die Geltungsdauer von Hypothesen zu beurteilen, wonach die Benennung der Abgeordneten des Europäischen Parlaments eine Wahl ohne Wähler sei.

VOTES BLANCS ET NULS AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 1994 : DES VOTES « EUROCONSTRUCTIFS » ? JEREMIE MOUALEK Nombreuses sont les études qui se sont intéressées à ce qui serait un « malaise européen », synonyme de désaffection des populations des États membres vis-àvis du projet communautaire. Et ce, tant dans les consciences que dans les urnes. Les élections européennes en France n’ont ainsi cessé d’être décryptées au prisme des chiffres de l’abstention qui – bien qu’élevés et en progrès – ne permettent pour autant pas d’analyser dans sa totalité le large spectre des « réactions » voire des « résistances » à l’égard de l’Europe (ou à cette Europe). Cette contribution se propose donc de mettre en lumière un comportement électoral peu exploré : le vote blanc et nul1. De fait, alors même que « les commentaires électoraux s’ingénient à ‹ faire parler les votes › », un implacable paradoxe veut que « les seuls bulletins qui échappent à cette intense ventriloquie sont ceux dans lesquels les individus ont effectivement pris la parole » 2. N’étant attribuables à aucun candidat et non reconnus dans les suffrages exprimés, ces suffrages ne seraient pas censés traduire des états de l’opinion. Au regard des seules finalités électorales, ce geste est vu comme stérile, infructueux3. Pourtant, l’assimilation du vote blanc et nul à des erreurs ou des maladresses matérielles supposées se heurte aussi bien à sa constance géographique et temporelle qu’aux variations dont il est l’objet. Comme l’affirment Annick Percheron et Françoise Subileau, « il est exclu que les électeurs d’un même département puissent être enclins à l’erreur à une élection et parfaitement habiles à l’autre » 4. Sans avancer, comme ces auteurs, qu’il est matériellement plus facile de voter sous la Ve République que sous la IVe République, il est possible d’avancer – sur un temps long – que les technologies électorales sont de nos jours plus « naturelles » pour l’électeur qu’au XIXe siècle. Dès lors, la thèse de l’incompétence civique ne peut expliquer la longévité ni même la hausse constatée des chiffres du vote blanc et nul. 1

2 3

4

Cette recherche, n’ayant pas vocation à s’engager dans une lutte de catégorisation ou de labellisation – qui voit certains affubler aux votes non-exprimés l’appellation « vote nul » pour mieux les décrédibiliser et d’autres « vote blanc » pour favoriser leur prise en compte – il nous convient de ne pas faire de distinction entre ces deux formulations. Car, ce qui est devenu commun d’appeler aujourd’hui « vote blanc » correspond pourtant, toujours, à un usage pluriel du bulletin de vote. En quoi, dans la mesure où il est toujours interdit de mettre à disposition des bulletins blancs officiels, une profession de foi – considérée légalement comme un « vote nul » – ne pourrait-elle pas, par exemple, être un « vote blanc » aux yeux de l’électeur ? IHL O., « Vote public et vote privé », in PERRINEAU, P. (dir.), Dictionnaire du vote, Paris, 2001, p. 967. « Le reliquat habituel, normal, structurel, des fautes inévitables effectuées sur un grand nombre d’opérations de vote. » (PATAUT, J., « Les abstentions aux élections législatives dans la Nièvre (1902-1951) », in GOGUEL, F. (dir.), Nouvelles études de sociologie électorale, Paris, 1954, p. 64). PERCHERON, A. et al., « Non-inscription, abstention et vote blanc et nul en France », Espace, populations, société, 1987, p. 518.

80

JÉRÉMY MOULANEK

Sans être reprise avec la même « ardeur », cette explication liée à un défaut d’accoutumance aux règles électorales a permis à des électoralistes d’expliquer le phénomène de façon conjoncturelle : soit en le reliant à la complexité prétendue d’une loi électorale récemment promulguée (Goguel et Lancelot sur celle du 9 mai 19515), à l’introduction d’un mode de scrutin inédit (Bon et Cheylan sur les législatives de 1986 qui donnent lieu à un scrutin de liste6) ou même à la naissance d’une nouvelle élection : c’est d’ailleurs ainsi que Bréchon explique le fort taux de votes blancs et nuls (4,8 % des votants) lors des Européennes de 19797, premières du nom. Depuis lors, le nombre de ceux qui adoptent ce comportement électoral croît, pourtant, sensiblement scrutin après scrutin et avoisine régulièrement le million d’électeurs. Le tout, pour atteindre 4,25 % des votants en moyenne sur l’ensemble des huit élections européennes organisées en France entre 1979 et 2014. Dès lors, comment expliquer la persistance d’un comportement électoral pourtant dénué de toute valeur juridique et portée électorale ? Et, doit-on, ici, prendre ce dernier comme la marque d’un désintérêt voire d’une contestation à l’égard de l’Union Européenne ou, d’une façon plus générale, envers la politique et/ou les politiques ? Le but, ici, n’est pas de passer en revue l’ensemble des systèmes potentiellement explicatifs ni même de proposer une analyse diachronique de ce comportement électoral8. Notre attention sera plutôt portée sur la manière dont les électeurs votant blanc et nul utilisent les différentes significations rattachées à cette pratique pour manifester leur opinion (en l’occurrence, leur désapprobation, leur incompréhension voire leur scepticisme…ou plutôt leur « euroscepticisme »). Dans cette perspective, l’acte de voter blanc et nul correspond d’abord à un usage pluriel du bulletin de vote qui diffère de l’emploi procédural auquel le bulletin est normalement (normativement) cantonné9. Notre questionnement s’appuie sur trois postulats. D’une part, il induit la viabilité d’une approche prenant cet objet de recherche indépendamment des autres types de comportements politiques (notamment l’abstention). D’autre part, il présuppose qu’il est probant d’appréhender en un seul « bloc » toutes les formes (matérielles et immatérielles) prises par le vote blanc et nul. Autrement dit, que ce dernier est suffisamment « homogène » pour ne pas que les multiples usages dont il est l’objet ne riment seulement avec l’hétérogénéité des traits qu’il peut revêtir (bulletin blanc, rayé, annoté, enveloppe vide, etc.)10. Enfin, si le vote blanc et nul s’avère bien être – comme nous le supposons – une incapacité et/ou un refus de choisir, il semble n’en demeurer pas moins autre chose qu’une simple réponse à une offre politique donnée. En postulant que derrière le choix d’un électeur qui annule son vote, il n’y a qu’un choix électoral, le chercheur omet une dimension primordiale. En effet, au refus de choisir semble s’ajouter aussi un refus de renoncer à voter qui fait du vote blanc et nul l’exercice d’un droit de choisir de 5 6 7 8 9 10

GOGUEL, F. (dir.), Le référendum du 8 janvier 1961, Paris, 1962, p. 167. BON, F., CHEYLAN, J.-P., La France qui vote, Paris, 1988, p. 309. BRECHON, P., « Blanc et nul (vote) », in PERRINEAU, P. (dir.), op. cit., p. 109. Une thèse est en cours dans cette optique : MOUALEK, J., À la recherche des « voix perdues ». Contribution à une sociologie des usages pluriels du vote blanc et nul, sous la direction de JeanPierre Durand et Jean-Gabriel Contamin, Université d’Évry, CPN, Ceraps. Pour une lecture parente, CONTAMIN J.-G., « Le vote réapproprié », in MATONTI, F. (dir.), La démobilisation politique, Paris, 2005, p. 145-176. Loi 2014 ?

VOTES BLANCS ET NULS AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 1994

81

ne pas choisir. Cela nous pousse alors à nous interroger sur ce geste en tant que pratique sociale11, ce qui éloigne le questionnement des seules finalités électorales et nous recentre sur les « traductions » matérielles et les modes d’appropriations différenciés. Pour ce faire, la méthode proposée est de prendre comme principal matériau de recherche des bulletins annulés issus des élections européennes de 1994, préservés par les Archives Départementales de Seine-Saint-Denis (AD93, n° 1678W/1–30). Bien que son importance numérique (685 bulletins au total) et la nature restrictive de l’échantillon doivent pousser à la prudence12, cela nous permet aussi de mobiliser sur la période contemporaine une approche (qu’on pourrait nommer « sociologie des normes ») trop souvent dédiée à des périodes révolues de l’histoire13 : comme si l’on avait surestimé la routinisation des pratiques de votes et/ou sous-estimé leurs éventuelles évolutions. L’accent sera mis sur l’analyse des contenus des bulletins. Tout en mettant en évidence le rôle du contexte (politique, territorial, social) dans les tentatives d’interprétation, il s’agira d’établir une typologie des formes de positionnement vis-à-vis de l’Union européenne (UE).

I. Des votes « nationalo-centrés » ? Se déroulant entre deux scrutins nationaux d’importance (législatives 1993, présidentielle 1995) et seulement quelques semaines après des cantonales ellesmêmes « écrasées » par l’emprise des questions hexagonales, les Européennes de juin 1994 avaient a priori tout pour constituer une élection de « second ordre » 14. Comme celles qui l’avaient précédée, cette échéance électorale communautaire était vouée à demeurer une forme mineure, bien qu’originale, d’élection nationale où les problèmes d’ordre européen seraient absents. Cela peut-il, justement, expliquer l’usage – alors record dans ce type de consultation – de votes blancs et nuls (5,33 % des votants15) par les électeurs français ? L’examen des bulletins nuls annotés peuvent témoigner de plusieurs tendances.

11 12

13

14 15

Sur cette dimension de l’acte de vote, L’acte de vote, Paris, 2008, 568 p. En effet, les services d’archives ont réalisé un tri conséquent afin de ne préserver que les bulletins (ou tous les supports qui en jouent le rôle) annotés. Les bulletins et autres matériaux vierges (tracts, publicités, etc.) ont ainsi été exclus. De même, l’archivage n’a pas donné lieu à une répartition systématique des bulletins par commune d’origine, ce qui nous empêche toute tentative d’analyse statistique ancrée dans les spécificités du territoire. Voir DÉLOYE, Y., IHL, O., « Des voix pas comme les autres. Votes blancs et votes nuls aux élections législatives de 1881 », Revue française de science politique, n°2, p. 141-170, 1991 ; ou encore, HUET, V., « Le bulletin nul : une forme de résistance à la normalisation de la vie politique (Paris, 1851-1870) », Amnis [En ligne], 2010. REIF, K., SCHMITT, H., « Nine Second-Order National Elections : A Conceptual Framework for the Analysis of European Elections Results », European Journal of Political Research, n°8, 1980, p. 3-44. Un pourcentage qui n’est dépassé aujourd’hui que par celui des européennes 1999 (5,93%).

82

JÉRÉMY MOULANEK

A. Une personnification des enjeux : la présidentielle 1995 au cœur des préoccupations Comme cela a pu être démontré alors, les mois précédant l’élection de 1994 ne donnent pas lieu à des mobilisations à l’égard des enjeux européens16. À moins d’un an de la plus importante consultation de la vie politique française, on assiste à une personnification des enjeux que la faible notoriété du Parlement européen ou la méconnaissance concrète d’informations essentielles (date de l’élection) ne font que renforcer chez une partie des électeurs. Pour autant, si beaucoup se sont évertués à retenir ces éléments pour rendre compte de l’abstention, il est possible de les réinterroger au prisme des bulletins nuls. Le premier trait saillant est la prééminence des électeurs ayant choisi de cibler directement le Président de la République, François Mitterrand. Une formule surement popularisée lors du référendum sur le traité de Maastricht de 1992 est répétée à maintes reprises sur les bulletins : « Oui à l’Europe. Non à Mitterrand » 17. Ainsi, « Mitterrand » est présent sur 7 % des bulletins archivés (48 sur 685). Par ailleurs, le scrutin semble vu par certains comme une sorte de plébiscite indirect (« Je ne veux pas donner un chèque en blanc à Mitterrand ») ou une manière de réaliser un bilan à l’approche de la fin de mandat (« Quelle critique, des 14 ans de gouvernement et de présidence socialiste ? Mitterrand a toujours été de droite »). Des membres du gouvernement n’échappent pas à cette tendance ou, plus généralement, des personnalités politiques de premier plan (« Non à l’infame Badinter ») voire des anciens responsables : « Fabius = Ministre du sang contaminé. Marchais au bilan globalement positif (cf écologie dans les pays de l’Est etc etc). Giscard aux relations avec le Centrafrique. Etc… Les Français oublieront-ils ? ». Plus précisément, en remarquant que près de la moitié des supports utilisés par les électeurs pour voter blanc ou nul sont des bulletins officiels (44 %, 303 sur 685), on peut mettre en lumière la dimension politique (et même souvent partisane) des annotations. En effet, le choix du bulletin officiel dénote presque systématiquement une volonté de cibler une ou plusieurs listes en particulier afin de justifier le fait de ne pas la (ou les) soutenir. Des multiples « NON » ou « CONTRE » accompagnent des ratures proéminentes et servent d’ornements à ces bulletins dont le format est celui d’une double feuille A4. L’électeur adresse parfois ces termes négatifs à plusieurs listes minutieusement mises ensembles (par une agrafe ou un trombone) : on devine alors les positionnements politiques et idéologiques derrière certains regroupements (les bulletins de Jean-Marie Le Pen avec ceux de Philippe de Villiers, ceux d’Arlette Laguiller avec ceux de Daniel Gluckstein, etc.) que viennent confirmer des « Non à la droite », « Non aux fascistes », « Non à cette gauche », « Non à la politique socialiste ». La présence d’un « vote blanc partisan » ne fait pas de doute et nombreux sont ceux qui remettent en cause l’orientation de leur parti ou de leur candidat : Il y a 25 ans que je suis en âge de voter et j’ai toujours voté communiste. Tel n’est visiblement pas le cas aujourd’hui.(…) Pourtant depuis le référendum de Maastrich, il était possible et relativement facile de mettre à nu les méfaits 16 17

DENNI, B., et al., « L’évolution des attitudes à l’égard de l’Europe », in PERRINEAU, P. (dir.), Le vote sanction, Paris, 1993, p153-180. Les annotations sont retranscrites en respectant la « mise en forme » et les éventuelles fautes d’orthographe d’origines.

VOTES BLANCS ET NULS AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 1994

83

de ce chauve de la gauche qu’est le parti socialiste. Le PCF a préféré différencier la politique de « la » droite à la politique de « droite »… Subtile nuance, tragique, de cet « intellectuel collectif » qui se plonge dans la débilité du raisonnement. Dans la plupart des cas, c’est l’élection présidentielle qui est pointée du doigt lorsque l’électeur évoque des stratégies (« Pour battre la droite aux présidentielles, il faut sortir du consensus avec elle. Pour une véritable politique de gauche »), des candidats (« Le vote utile en 95 = Robert Hue ») ou même des résultats potentiels (« FRONT NATIONAL : 1981 : 0,8% 1988 : 14%. Merci le PS, Merci Tonton. 1995 : ?? »).

B. Une nationalisation des enjeux : des bulletins « miroirs » de la campagne Au-delà de cette attention donnée à la compétition politique qui s’engage, ces bulletins annotés constituent à bien des égards de véritables miroirs de la campagne électorale. Appréhendée, depuis, comme relevant d’une dynamique essentiellement nationale18, celle-ci n’a pas été le théâtre de véritables débats (qu’ils soient européens ou non). Cela s’explique, notamment, par la façon dont les listes principales se sont constituées et dont ces dernières ont bâti leur « programme » (assez flou pour préserver l’union d’un même camp, comme pour la liste de Dominique Baudis). Finalement, ces Européennes ayant servi de test pour des partis ou des candidats (Michel Rocard), cela a empêché l’émergence d’enjeux européens, trop clivants. Dès lors, une partie des bulletins nuls traduisent une focalisation sur des questions franco-françaises, tout en faisant office de contestation à l’égard de la politique gouvernementale. En ce sens, ces votes peuvent s’apparenter à ce qu’on a appelé des « votes sanctions19 », au début des années 1990. On fustige les « inégalités », les « licenciements », la « hausse de la CSG », les « bas salaires », le « travail de nuit », le « chômage, problème n°1 des français ». Certains bulletins dénotent d’un suivi des mesures gouvernementales et, plus globalement, d’une réelle « autohabilitation 20 » à « parler » politique : 37h par semaine ? les salaires ? Sécu sociale > vignette bleue ? CSG ? Le vrai changement > SMI 7500F – 35h par semaine, augmentation impôt sur la fortune en 1994 ? et les 1274 milliards de bénéfice réalisés. Les 35h jamais obtenu. La Guerre du Golf. La liberté de licencier aux entreprises. Les lois Pasqua jamais modifiées après 88. Moi je votais socialiste pour plus de justices sociales. Des cas particuliers liés à l’actualité sont même très présents. L’exemple le plus criant est la disposition prise par le gouvernement quelques semaines avant 18 19 20

GERSTLE, J., « La dynamique nationale d’une campagne européenne », in PERRINEAU, P. (dir.), Le vote sanction, op.cit., p.153-180. FROGNIER, A.-P., « France 1992-1993 : du vote éclaté au vote sanction », Revue française de science politique, Vol. 44, 1994, p. 922-934. GAXIE, D., « Cognitions, auto-habilitation et pouvoirs des « citoyens ». », Revue française de science politique, Vol. 57, 2007, p. 737-757.

84

JÉRÉMY MOULANEK

l’élection donnant le droit de vote des résidents étrangers de pays membres de l’Union européenne aux élections européennes et municipales : une série de bulletins « Non au vote des étrangers » sont alors là pour en témoigner. Plus largement, un des thèmes centraux est l’immigration. Les immigrés prennent les traits d’« envahisseurs » ou encore de « clandestins », coupables de trop retenir l’attention des politiques (« Occupez-vous des français et pas des étrangers NON ») et de capter aussi la majorité des aides : À quoi bond cela ne sert à rien vue que la France n’est plus la France ces les étrangés qui prime sur le français. Un français paye et les étrangés récolte. Un français demande une aide il n’y ont pas droit malgrés les versements à l sécu et le boulot qu’ils ont rendu. Ces textes sont accompagnés de drapeau français coloriés, de profession de foi du Front National ou de tracts de mouvements politiques divers.

C. Des votes « localo-centrés », supports de revendications locales Poussée, surement, par la tendance à l’indifférenciation des partis de gouvernement sur les enjeux européens21, une part non négligeable de ces bulletins (10,4 %, 71 sur 685) laisse entrevoir l’impossibilité pour l’électeur de s’insérer dans un cadre supranational (« Comment penser Europe dans une « ville » pleine de bougnouls, Africains, asiatiques, etc. ? » ; « Maastricht, c’est comme le maire d’Aulnay. Le bordel. ») et/ou sa volonté de ne pas dépasser le cadre restreint de sa commune (« Mon seul souhait : que les communistes, surtout ceux de Stains, continuent à crever. Après, tout deviendra facile »). Dans cette optique, l’usage le plus fréquent est de faire de son bulletin un instrument de communication avec les élus. Transformé, le bulletin devient une manière pour l’électeur de retranscrire publiquement sa situation personnelle tout en faisant l’acte de voter : « Je suis une mère de famille qui a élever 4 enfants toute seule. Leur père qui a fait de la résistance pour la commune d’Aubervilliers. Pas de récompense… ? ». D’ailleurs, on remarque que le pronom personnel « je » est le plus utilisé (présent sur 13 % des bulletins). Il s’agit aussi de porter des revendications locales (« Réparer la borne taxi » ; « Oui pour le tout à l’égout Rue Jules Michelet ») ou individuelles (« Je veux du travail, un logement avec un loyer décent » ; « Retraite anticipée aux chaumeurs en fin de droit à 55 ans pour les combattants d’Algérie. »). Ces bulletins « nationalo-centrés » ou « localo-centrés », à la dimension politique, voire partisane, indéniables, démontrent qu’analyser les comportements électoraux au seul prisme de l’offre politique peut être réducteur. Ainsi, alors même que l’élection européenne est vue comme un terrain idéal pour des candidatures moins liées aux familles politiques traditionnelles (comme le prouve l’inflation du nombre de listes candidates depuis 197922), elle l’est aussi pour le vote blanc et nul que certains ont pourtant décrit comme un acte ne devant surtout son ampleur qu’à des problèmes de choix (nombre de candidats peu élevé,

21 22

Voir, par exemple : BARTOLINI, S., « La structure des clivages nationaux et la question de l’intégration dans l’Union européenne. », Politique européenne, n° 4, 2001, p. 15-45. 11 en 1979, 14 en 1984, 15 en 1989, 20 en 1994.

VOTES BLANCS ET NULS AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 1994

85

éventail partisan restreint, etc.)23. Ces votes ne sont donc pas seulement des alternatives électorales devant une offre politique insuffisante mais une forme plus large d’« altervote ». Autrement dit, des « votes réinvestis » par lesquels l’électeur détourne l’objet même de l’élection pour faire passer un message, celui-ci devenant alors plus important que l’apport comptable qui aurait pu être potentiellement octroyé à un candidat ou une liste. Et, malgré la nature « secondaire » et intermédiaire de ces Européennes de 1994 – censée induire que l’électeur vote en fonction d’enjeux nationaux plutôt qu’européens – la grande majorité des bulletins annotés (62%, 424 sur 685) et des messages dont ils sont les porteurs, se caractérise par une prise de position à l’égard de l’Europe et du projet communautaire24.

II. Entre euroscepticisme et alter-européisme : des votes « euroconstructifs » ? Oscillant entre euroscepticisme et alter-européisme25, les bulletins analysés mettent en évidence trois types de discours : souverainiste, économique et démocratique.

A. Un discours souverainiste : quand l’anti-germanisme se mêle à la crainte de la supranationalité Tout d’abord, un discours « souverainiste26 » transparaît nettement dans les annotations. Il s’articule autour de la défense des intérêts nationaux (« Pour la France, contre l’Europe et les étrangers » ; « Dans l’intérêt des Français, je veux réussir l’Europe »), du sentiment que la sphère hexagonale n’est plus prioritaire (« Apprenez à gérer la France avant de vouloir faire l’Europe » ; « Les français ne sont pas arrivés à s’entendre entre eux alors !!! avec tant de peuples divers ??? ») ou que la perte de souveraineté entraîne un affaiblissement certain au niveau international : Je vote pour une union universelle dans notre propre France et non à un bloc opposé avec les forces des autres pays qui pourrait amener un conflit Europe – Américain – Russe. 23 24 25

26

ZULFIKARPASIC, A., « Le vote blanc : abstention civique ou expression politique ? », Revue française de science politique, Vol. 51, 2001, p. 247-268. D’ailleurs, les termes « Europe » et ses dérivés (« européen », etc.) représentent plus de deux fois (présents sur 215 bulletins contre 92) les références à la « France » (ou aux « français », etc. Bien que fortement critiquée et essentiellement utilisée pour évoquer les positionnements des partis, cette typologie est reprise ici afin de rester au plus près des termes utilisés alors par les acteurs et/ou commentateurs politiques eux-mêmes (le terme « euroscepticisme » étant, par exemple, issu du journalisme britannique) dès le début des années 1990 et repris à leur compte par les électeurs. Le but, ici, n’est donc pas de rentrer dans une lutte de catégorisation que le chercheur ne peut ni omettre, ni résoudre. Voir, BOUILLAUD, C., « L’euroscepticisme n’est-il qu’un mot ? », Politique européenne, n° 34, 2011, p. 243-254. Une fois de plus, nous devons nous contenter de cette terminologie partisane (apparue en 1996 par des mouvements anti-Maastricht pour échapper au label « anti-européen »), à défaut de pouvoir proposer un terme plus pertinent scientifiquement. Voir sur cette question, BRUNETEAU, B., « La mémoire de l’anti-européisme, des années 1950 à 2005 », Les cahiers de l’Irice, n° 4, 2009, p. 147-156.

86

JÉRÉMY MOULANEK

Vous serez coyonner par les étrangers, comme c’est Bushs qui gouverne la France. La présence de cet argumentaire coïncide avec l’arrivée d’un nouvel âge dans le militantisme exercé contre l’Europe – l’âge des partis (la naissance des premiers partis politiques souverainistes)27- à l’occasion du référendum sur le traité de Maastricht, et dont la liste de Philippe de Villiers en 1994 (12,33 % des voix) est une illustration. Cette crainte de la supranationalité s’exprime particulièrement dans l’antigermanisme constant de ce type de bulletins. Celui-ci s’enracine à partir d’un présupposé en vigueur depuis les années 1940-1950 (construit par la famille gaulliste28 ou le PCF29) : l’Europe se ferait au bénéfice de l’Allemagne. Cette dernière est donc assimilée à un ennemi accusé d’exercer sa pleine domination politique (« NON à la domination des nazis. OUI à une vraie Europe unie, sans domination allemande. » ; « Non à la grande Bochie » ; « Je ne suis pas d’accord pour laisser les allemands commander »), économique (« CINQUANTE ANS APRES LA VICTOIRE: Comment se fait-il que ce sont les vaincus d’hier, l’Allemagne et le Japon qui dominent la compétition économique ? ») ou sociétale (« L’Europe serait presque faite si les français restaient une heure de moins au bistrot et les allemands une heure de plus au lit. Jean Mistler 1897-1966 »). Au-delà d’une explication structurelle, on doit la résurgence de ces thèmes à des facteurs plus conjoncturels. Les semaines précédant la campagne électorale ont été le théâtre de deux débats aux consonances francoallemandes fortes : celui lié au maintien du Parlement européen à Strasbourg (pour lequel le gouvernement allemand s’était opposé et qui donna lieu à ce que la presse d’alors appelait « la bataille du siège 30 »), ou encore celui sur la monnaie unique (dont on pensait qu’elle pourrait consacrer l’hégémonie du mark31).

B. Un discours économique : quand le traité de Maastricht est érigé en symbole de l’« Europe capitaliste » Justement, le second discours significatif est d’ordre économique : les critiques se cristallisent autour du refus de la logique d’une zone de libre-échange et de ce qui pourrait constituer « une idéologie de la concurrence ». De fait, le champ lexical de l’argent prédomine dans ces argumentaires. On s’insurge contre une Europe du « fric qui engraissera toujours les mêmes », des « patrons », du « libéralisme », des « entreprises », de « la Bourse », des « lobbies », des « riches » ou encore des « financiers ». Il est possible de relier ces énoncés au dis27 28 29

30 31

Voir, FERRY, J.-M., « Question européenne et intégration postnationale », in DIECKHOFF, A., (dir.), Repenser le nationalisme. Théories et pratiques, Paris, 2006. La campagne de Jacques Chirac aux européennes de 1979 était déjà emprunte de relents antigermaniques. Voir, POZZI Jérôme, « La famille gaulliste et les élections européennes de juin 1979 », Les cahiers de l’Irice, n°4, 2009, p. 101-112. Dès 1947, le PCF se présente comme le seul parti qui cherche à défendre véritablement la France grâce au rappel de son rôle dans la Résistance et de l’alliance anti-fasciste contre l’Allemagne. Par ailleurs, le 2 mai 2005, à l’occasion de la campagne référendaire sur le projet de Constitution européenne, le journal L’Humanité publiait l’appel à voter « non » de 33 résistants et déportés qui estimaient que le traité allait à l’encontre des valeurs du Conseil national de la Résistance. Le Monde, 22 janvier 1994. Le Monde, « Mark bis ou Bismark ? », 13 avril 1994.

VOTES BLANCS ET NULS AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 1994

87

cours communiste sur l’Europe qui prévaut depuis les années 195032 ainsi qu’aux conceptions marxistes qui l’ont inspiré. Des électeurs reprennent à leur compte des slogans expérimentés lors de campagnes électorales précédentes : « l’Europe du Capital », « l’Europe bourgeoise » ou « l’Europe des trusts ». Peut-être que l’évolution du PCF lui-même – vers une forme d’ « euroréalisme » dans les années 199033 – explique une mise à distance de certains électeurs à l’égard de la liste présentée alors. D’ailleurs, lors des européennes de 1999, des militants communistes voulant contester la campagne de leur parti, ont organisé le dépôt collectif de bulletins détournant le mot d’ordre officiel choisi par les instances dirigeantes : à « Bouge l’Europe » écrit sur les professions de foi, ils ont ainsi préféré barrer et rajouter « Bouge ton cul »34. Mais, l’emprunt au discours économique se trouve surtout dans la volonté de remettre le référendum sur le traité de Maastricht de 1992 au cœur des préoccupations. Tandis que les deux listes principales (celles de Baudis et Rocard) formaient un mélange d’anciens partisans du « Oui » et du « Non », nombre d’électeurs semblent avoir préféré se prononcer au regard des clivages européens révélés lors de cette consultation : « J’aurai voulu pouvoir voter PS mais le oui à Maastricht a rendu ce geste trop difficile… ». De même, « Pour une gauche antiMaastricht » est une formule des plus utilisées. Les annotations renferment ainsi une construction argumentative binaire – « Oui à L’Europe Mais Non à Maastricht » – dont témoigne d’ailleurs l’usage non négligeable d’anciens bulletins officiels du référendum (72 sur 685), réappropriés ensuite par l’électeur. Celui-ci s’érige en observateur de la vie politique a posteriori en faisant du traité le symbole d’une Europe financiarisée : Europe Maastricht > critères de convergence = celle du fric (monnaie unique) = accord de Gatt = accord de Scheingen » MAATRICHIEN CONTRE LES SALAIRES Contre les partisans de l’Argent-Roi et des critères de Maastricht. Cette focalisation sur le référendum passé (dont il est fait référence sur près d’un tiers des bulletins analysés35) n’est pas sans lien avec la stratégie de plusieurs listes candidates qui insistait sur la nécessité d’abroger le traité (exemple du Parti des travailleurs) ou qui avait fait de ce dernier une partie intégrante de leur argumentaire (« Contre l’Europe de Maastricht » est le slogan de campagne de la liste FN). Même si l’aspect protestataire est évident – à titre indicatif, les formules de type « Non à/aux » (ou « Pas de », « Ni…,Ni », etc.) sont bien davantage employées que les « Oui à/aux » (177 occurrences contre 67) –, de multiples annotations mettent en lumière le caractère alter-européiste ou « euroconstructifs » de certains votes. À la place d’une Europe dite « capitaliste », on souhaite une « Europe des travailleurs », une « Europe sociale », une « Europe de la solidarité », une « Europe de l’Union économique mondiale pour une juste répartition » ou une « Europe des hommes 32 33 34 35

ROBIN HIVERT, E., « Anti-européens et euroconstructifs : les communistes français et l’Europe (1945-1979) », Les Cahiers de l’Irice, n°4, juin 2009, p. 49-67. LANCELOT, A., « Vingt ans d’élections européennes (juin 1979 – juin 1999) », Commentaires, n° 87, 1999, p. 699-704. Le Monde, « Effet dioxine avenue Parmentier », 15 juin 1999, p. 8. 29 %, soit 198 fois sur 685 (avec les occurrences « traité », « référendum », « Maastricht »).

88

JÉRÉMY MOULANEK

et des femmes dans laquelle le nivellement se fera pas par le bas »… Ce n’est donc pas l’Europe qui est prise pour cible mais cette Europe, du moins telle qu’elle est vécue par le votant.

C. Un discours démocratique : l’Europe comme révélateur des limites du politique ? Cette mise en valeur de projets (ou, au moins, d’aspirations) européens alternatifs s’inscrit enfin dans un discours démocratique à l’égard du Vieux Continent. Il part du constat que l’Europe serait d’abord oligarchique. Elle ignore le « peuple européen » en consacrant des « élites », des « rois » « avides de pouvoir » qui cumulent « bénéfices », « privilèges » et « avantages » et qui font des gouvernants nationaux des « sbires », « menés par le bout du nez ». En somme, « une prétendue » ou une « soi-disant » démocratie… La montée en puissance des institutions européennes – et, plus particulièrement, du Parlement – initiée dès le milieu des années 1970 semble avoir renforcée la critique démocratique de la supranationalité politique36. On voit à l’œuvre une forme de fatalité inextricable qui veut que peu importe le choix des électeurs, la construction européenne suivra son cours : « S’ils perdent On est perdants S’ils gagnent On est vaincus ». Un exemple criant mis en évidence dans les bulletins nuls est le passage d’une Europe à seize membres décidé le 15 mars 1994 par l’acceptation des candidatures de la Suède, de la Finlande, de la Norvège et de l’Autriche (pour le 1er janvier 1995), sans qu’il y ait eu de débats sur la question : comme si le citoyen devait se résoudre à accepter une privatisation de la décision publique (« Celui qui nous sortira du diktat de bruxelles aura ma voix la prochaine fois ! ») et une « démocratie sans démocrates 37 ». Une fois de plus, c’est le traité de Maastricht, à l’origine de l’institution d’une union politique, qui est ciblé comme le frein principal à la création d’une Europe véritablement démocratique : POUR RECONQUERIR LA DEMOCRATIE : rupture avec le traité de Maastricht, l’Union Européenne et ses directives, élection d’un parlement souverain défendant l’intérêt général. Pour la démocratie : rupture avec le traité de Maastricht et les directives de l’UE. Le traité symbolise aussi ce qui serait une Europe technocratique, éloignée des préoccupations des électeurs, habituée aux « cafouillages » ou à la « pagaille ». On rappelle alors la complexité du texte ou la supposée inutilité du référendum : Un texte stérile, représentant bien l’avancée technocratique de notre temps. De mémoire humaine, jamais on ne s’est moqué à ce point de l’électeur en lui soumettant un texte illisible, bourré de renvois à d’autres textes qu’aucun français ne peut prétendre bien connaître, ou avoir assimilé. Ne sortant ni de l’ENA, ni de Sciences Po, je ne suis pas apte (comme beaucoup de mes concitoyens) à me prononcer.

36 37

ROZENBERG, O., « L’influence du Parlement européen et l’indifférence de ses électeurs : une corrélation fallacieuse ? », Politique européenne, n°28, 2009, p. 7-36. DAHRENDORF, R., « Une démocratie sans démocrates ? », Les Échos, 2 février 2004.

VOTES BLANCS ET NULS AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 1994

89

De plus, des électeurs insistent sur ce qu’ils estiment être un manque de légitimité démocratique des institutions européennes. Cette élection n’a aucun sens: on continue de se moquer de nous en prétendant, cette fois, nous faire accepter démocratiquement, un gouvernement éloigné (au sens propre et au figuré) composé de non-élus ! donc antidémocratique. OUI à l’esprit européen. NON aux fonctionnaires apatrides. De façon générale, c’est comme si l’Europe était un révélateur des limites du politique ou comme si l’UE était l’illustration parfaite de ce que seraient les politiques : La stupidité de la campagne fut-elle, prouvant que les « grands » de la politique n’étaient que des tout petits imbéciles incapables tout autant qu’ils étaient de nous donner une explication claire qu’elle m’a incité à laisser le débat à ceux qui ont été élus pour cela. Puisqu’ils ne veulent pas travailler, je leur laisse le champ libre, et je vote blanc, seule attitude digne d’un électeur qui ne veut ni s’associer aux truands au pouvoir (Henri Emmanuelli, Bernard Tapie,…) ni s’associer aux fossiles les plus arriérés du pays (Jean-Marie Le Pen, Charles Pasqua, Georges Marchais…) La défiance trouve, notamment, son expression dans l’usage répétée d’insultes38 qui usent du registre de l’incompétence (« merde », « cons », « guignols », « idiots ») et de la malhonnêteté (« menteurs », « politichiens », « barbouzes », « voleurs », « truands »). On dénonce les « magouilles », les « trucages », les « matraquages médiatiques » ou encore les « démagogies électoralistes », tout en s’érigeant en juge éclairé, en garant d’un certain idéal démocratique et en faisant preuve d’une réflexivité certaine sur la nature de leur geste : Cette campagne fut tellement désastreuse sans même éclaircir ni d’un côté ni de l’autre, politicienne et lamentable, que je vote nul. Par manque de confiance dans nos hommes politiques de tous bords, je rends ce bulletin nul Je n’adhère à aucun parti politique et ne me laisse influencer par aucun de leurs ténors qui prennent les français pour des demeurés. Le droit au BLANC ! On a le devoir de voter, mais le droit de savoir pourquoi… Ces cas seraient ainsi le fait d’électeurs porteurs de ce que l’on pourrait appeler une « citoyenneté rebelle39 » et qui, loin d’être passifs, savent mobiliser une « compétence civique » pour ajuster leurs pratiques au service des significations qu’ils souhaitent rattacher à leur vote.

38

39

Sur l’usage des insultes dans les bulletins nuls comme tentative de dépassement de la verticalité qui caractérise le rapport électeurs/élus, voir : MOUALEK, J., « “Tous pourris !” Formes et significations des gros mots de l’électeur au prisme des bulletins nuls », Argotica, n°2, 2013, p.231-240. DELOYE, Y., IHL, O., L’acte de vote, op.cit., p.11-29.

JÉRÉMY MOULANEK

90

Conclusion Même s’il paraîtrait bien présomptueux de faire de cette étude monographique le pendant d’une approche heuristique du vote blanc et nul ou des élections européennes, ces bulletins archivés nous offrent, malgré tout, des pistes d’enseignements, à rebours des analyses dominantes. D’abord, considérant ces suffrages uniquement comme des votes en soi – autrement dit, dont la finalité est de ne pas en avoir –, l’interprétation des chiffres du vote blanc et nul est, généralement, couplée avec celle de l’abstention, dont on présume qu’elle est elle-même causée par l’indifférence pour une élection européenne qui peinerait à mobiliser autour d’enjeux qui lui sont propres. Les bulletins analysés traduisent, pourtant, davantage un intérêt pour les questions européennes. Et ce, au point que le positionnement des électeurs auteurs de ces annotations semble s’être surtout réalisé au regard des clivages européens, plus que nationaux. De plus, l’émission de ces votes blancs et nuls ne sont pas tous assimilables à des « votes sanctions », corolaires d’une « politisation négative » qui mêlerait défiance à l’égard des politiques et regard critique sur la politique40. L’aspect « euroconstructif » d’une partie des bulletins analysés démontre qu’ils ne doivent pas être réduits à un acte protestataire. Enfin, loin d’avoir seulement une valeur de témoignages ou de servir d’illustrations, ces bulletins nuls peuvent nous permettre de réinterroger l’ensemble des votes « normaux ». D’une part, en abordant la question du vote en interrogeant l’électeur sur ce qui le pousse à faire un choix plus qu’à chercher les déterminants du choix : c’est-à-dire, en mettant en évidence les procédés par lesquels il lui est imposé la nécessité de se déterminer. De la même façon qu’un vote « normal » peut être parfois assimilé à un vote « désinvesti41 » ou « aveugle42 », un vote blanc et nul pourrait, a contrario, être appréhendé comme un vote « réinvesti », de sorte que la hiérarchisation des diverses formes de participation politique (vote « normal », vote « blanc », vote « nul », abstention) serait remise en cause si l’on s’attachait moins à la dimension décisive du vote qu’à sa dimension symbolique43. En d’autres termes, si le vote blanc et nul n’a aucune valeur d’échange dans la comptabilité électorale, il possède une valeur d’usage pour l’électeur qu’il convient d’analyser.

40 41 42 43

MISSIKA J.-L., « Les faux-semblants de la dépolitisation », Le Débat, n°68, 1992, p.12-16. GAXIE, D., « Le vote désinvesti. Quelques éléments d’analyse des rapports au vote », Politix. Vol. 6, n°22. 1993, p. 138-164. FRANCERIES, F., « Des votes aveugles. L’exemple des électeurs FN en milieu populaire », Politix, n°22, 1993, p. 119-137. Voir, par exemple : DUCHESNE, S., « Comment appréhender la dimension symbolique du vote ? », in MAYER, N. (dir.), Les modèles explicatifs du vote, Paris, 1997, p. 177-199.

VOTES BLANCS ET NULS AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 1994

91

BLANK AND INVALID BALLOT PAPERS IN THE EUROPEAN ELECTIONS OF 1994: ARE THEY “EUROCONSTRUCTIVE”? Many studies have focused on what could be a “European unease”, synonymous with the disaffection for the EU project of the people living in the Member States, not only in peoples’ consciences but also in the polls. The European elections in France keep being decrypted by focusing on abstention rates which – although high and progressing – do not allow a full analysis of the broad spectrum of “reactions” or “resistance” with regard to Europe (or to Europe). This paper therefore proposes to highlight one type of voting behaviour hitherto little examined: the blank or invalid ballot paper. As these ballot papers cannot be attributed to a particular candidate and are not counted in the votes cast, they are not intended to translate the status of opinion. Solely in relation to electoral purposes, this gesture is seen as unproductive and unfruitful. Yet the number of those who adopt it is increasing markedly, poll after poll, and regularly approaches a million voters. It reached 4.25% of voters on average across all eight European elections held in France between 1979 and 2014. Relying on the archives of cancelled ballot papers from the European elections in 1994, our focus is on how voters placing blank or invalid ballot papers use the different meanings linked to this practice to express their opinion (disapproval, incomprehension or even scepticism, or rather their “Euroscepticism”). From this point of view, the act of casting blank or invalid votes corresponds at first to a multifarious use of the ballot paper which is different to the procedural use to which the paper is normally (and normatively) limited. Finally, if the blank or invalid ballot paper is – as we assume – a failure and/or refusal to choose, seemingly the fact remains that it is a simple response to a given political offer. By assuming that behind the choice of a voter who cancels his vote, there is only an electoral choice, the researcher omits one crucial dimension. Indeed, it seems there is not only a refusal to choose but also a refusal to give up on voting that makes blank or invalid ballot papers the exercise of a right to choose not to choose. This then leads us to ask ourselves whether this act is a social practice, which dismisses the question of it being purely for electoral purposes and refocuses us on the material “translations” and modes of differentiated appropriations.

LEERE UND UNGÜLTIGE STIMMEN BEI DEN EUROPÄISCHEN WAHLEN 1994: DIE „EUROKONSTRUKTIVEN“ STIMMEN? Es gibt zahlreiche Studien, die sich für die Frage interessieren, was ein „Europäisches Unbehagen“ ist: ein Synonym für die Abkehr der Bevölkerung der EUMitgliedsstaaten vom Gemeinschaftsprojekt, eine Abkehr sowohl im Bewusstsein als auch von den Urnen. Die Europäischen Wahlen in Frankreich können schon längst nicht mehr durch Prisma der Endhaltungsstimmen entschlüsselt werden. Diese Zahlen, die wesentlich hoch liegen und immer weiter ansteigen, lassen es allein nicht zu, das breite Spektrum der „Reaktionen“ oder der „Widerstände“ im

92

JÉRÉMY MOULANEK

Zusammenhang mit Europa (oder mit dem aktuellen Europa) in ihrer Gesamtheit zu analysieren. Dieser Beitrag setzt sich daher zum Ziel, das noch wenig erforschte Wahlverhalten zu beleuchten: die leeren und ungültigen Stimmen. Da sie keinem Kandidaten zurechenbar sind und bei den abgegebenen Stimmen nicht mitgezählt werden, können diese Enthaltungen nicht das Meinungsbild zum Ausdruck zu bringen. Mit Blick auf das alleinige Wahlziel wird diese Geste daher als steril und erfolglos angesehen. Dennoch steigt die Anzahl derer, die dieses Wahlverhalten zeigen, von Wahl zu Wahl an. Sie grenzt regelmäßig an ca. eine Millionen Wähler, um durchschnittlich 4,25 % der stimmberechtigten Bürger bei allen 8 Europäischen Wahlen, die in Frankreich zwischen 1979 und 2014 organisiert worden sind, zu erreichen. Gestützt auf Archive von annullierten Stimmzetteln bei den Europawahlen von 1994 konzentrieren wir uns auf die Art, wie die Wähler, die leere oder ungültige Stimmzettel abgegeben haben, die verschiedenen Bedeutungen, die mit dieser Praxis verknüpft sind, benutzen, um ihrer Meinung zu äußern (ihre Missbilligung, ihr Unverständnis oder sogar ihre Skepsis … oder vielmehr ihre „EUSkepsis“). Von diesem Standpunkt aus entspricht das Verhalten des leeren oder ungültigen Wählens zunächst dem eines „multiplen“ Verwendens des Stimmzettels, das sich von der in der (normalen) Prozedur vorgesehenen stark unterscheidet. Falls die leeren und ungültigen Stimmen eine –wie hier angenommen- Unfähigkeit und/oder eine Verweigerung des Wählens aufweisen, scheint dies zuletzt jedoch noch etwas anderes zu sein, als einfach eine Antwort auf eine bestimmte Politik. Unter der Annahme, dass sich hinter der Wahl eines Wählers, der seine Stimme annulliert, Wahlentscheidung steht, lässt der Forscher eine entscheidende Dimension aus. Sich bewusst für eine Stimmverweigerung zu entscheiden, bedeutet auch abzulehnen, auf den Wahlakt an sich zu verzichten was dazu führt, die leeren und ungültigen Stimmen als ein Recht des Wählers auf das Nicht-Wählen zu werten. Dies drängt uns dann zu der Frage, ob diese Geste als soziale Praxis zu verstehen ist, wobei man sich dann vom politischen Wahlzweck entfernt und sich auf die materiellen „Übersetzungen“ und auf die verschiedenen Aneignungsmethoden konzentriert.

UK INDEPENDENCE PARTY: DE RÉBELLION CONSERVATRICE À SÉISME ÉLECTORAL

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA Considéré jusqu’il y a peu comme un phénomène marginal, voire temporaire ou encore comme un mouvement de mutinerie au sein du conservatisme britannique1, le United Kingdom Independence Party (UKIP) a récemment attiré l’attention du monde médiatique, politique et académique. En effet, le parti a remporté, en mai 2014, le scrutin européen, avec 26,77 % des voix (soit 4,3 million de votes). Ce n’était plus arrivé depuis 1906 qu’un parti autre que le Labour ou les Conservateurs arrive en tête d’une élection en termes de nombre de voix au niveau national.2 De plus, alors que jusqu’à présent, le succès de l’UKIP se cantonnait aux élections européennes, le parti a décroché son premier siège à Westminster lors de l’élection partielle du 9 octobre 2014. Un peu plus de deux décennies après sa création, l’UKIP a réussi à devenir un acteur stable et bien ancré dans la vie politique britannique, ce qui risque d’avoir des conséquences directes et indirectes pour les autres partis lors des élections législatives de 2015 mais également pour la relation du Royaume-Uni avec l’Europe. Longtemps délaissé par les spécialistes des partis et de l’euroscepticisme3, une littérature s’est développée depuis peu afin de comprendre la structure organisationnelle du parti, son évolution, le profil de ses membres et de son électorat, son positionnement sur les questions européennes, sa stratégie au Parlement européen (PE) et son impact sur le système partisan. Dans le cadre de cette contribution, nous nous baserons sur ces travaux récents afin d’examiner le succès grandissant de ce parti. Une première partie sera consacrée à son développement et à ses résultats électoraux. Une deuxième partie analysera comment le parti est sorti de son statut de parti niche (single issue party) en développant ses positions sur un nombre croissant de domaines de politique publique pour devenir un parti anti-establishment et populiste similaire à d’autres partis en Europe. Ayant trouvé la « formule gagnante », UKIP est parvenu à étendre son électorat en attirant des électeurs tant du British National Party (BNP), du Parti conservateur mais aussi du Parti travailliste. Enfin, la dernière partie évoquera l’impact du UKIP sur la scène politique nationale et européenne.

1 2 3

PARRIS, M., « UKIP isn’t a national party, it’s a Tory sickness », The Spectator, 3 mai 2014. FORD, R., GOODWIN, M., « Understanding UKIP : identity, social change and the Left behind », Political Quarterly, à paraître. ABEDI, A., LUNDBERG, T., « Doomed to Failure ? UKIP and the organizational challenges facing right-wing anti-political establishment parties”, Parliamentary Affairs, 62, 1, 2009, p. 72.

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA

94

I. UKIP, un succès grandissant Depuis le début de la construction européenne, le Royaume-Uni a constitué un terreau fertile pour l’euroscepticisme. Le pays constitue en effet, pour reprendre les termes de Stephen George, un partenaire difficile (« awkward partner »)4. Sans revenir en détail sur les différentes phases ayant marqué les relations entre le Royaume-Uni et le projet européen5, il convient de souligner que le consensus permissif qui semblait pendant longtemps caractériser les opinions publiques des États nations européens n’a jamais été une évidence au Royaume-Uni6. L’euroscepticisme a longtemps été considéré comme un phénomène typiquement anglais et le terme même d’euroscepticisme est apparu pour la première fois dans le quotidien britannique The Times, en novembre 1985, en tant que synonyme d’anti-marketeer pour désigner les réticences et les oppositions envers la participation continue du Royaume-Uni à un projet continental politico-économique.7 Quelques années plus tard, le discours de Margaret Thatcher au Collège d’Europe à Bruges reflète les oppositions de certains acteurs à l’idée d’étendre les pouvoirs de la Communauté au-delà de ce qui relève strictement de la gestion du marché intérieur et a défini les contours du débat sur l’Europe au Royaume-Uni. Le passage bien connu de ce discours – « we have not successfully rolled back the frontiers of the state in Britain only to see them reimposed at the European level with a European Superstate exercising a new dominance from Brussels » – a servi depuis lors de cri de ralliement pour de nombreux mouvements et partis eurosceptiques au Royaume-Uni8. Ces mouvements et partis se sont ensuite fortement mobilisés dans le cadre de la négociation et des campagnes de ratification du traité de Maastricht. C’est dans ce contexte d’effervescence eurosceptique que l’UKIP a été créé à la London School of Economics par Alan Sked et d’autres membres de la ligue antifédéraliste et du Groupe de Bruges. Le but premier du parti était et reste le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Depuis sa création, le parti a remporté un succès croissant et était jusqu’à très récemment le principal parti britannique sans siège à Westminster.9 En effet, comme on peut le constater dans le tableau 1, l’UKIP n’a cessé d’augmenter sa part des voix. Ainsi, lors de sa partici4 5

6

7 8 9

GEORGE, S., An Awkward Partner. Britain and the European Community, 2e ed., Oxford, 1994. DADDOW, O., « The UK media and Europe : from permissive consensus to destructive dissent”, International Affairs, 88, 6, 2012, p. 1219-1236 ; FORSTER, A., Euroscepticism in Contemporary British Politics: Opposition to Europe in the British Conservative and Labour Parties since 1945, Londres, 2002 ; WELLINGS, B., English nationalism and Euroscepticism: losing the peace. British Identities since 1707, Bruxelles, 2012. LINDBERG, L., SCHEINGOLD, S., Europe’s Would be Polity : Patterns of Change in the European Community, Cambrigde, 1970 ; BELOT, C., « Les logiques sociologiques de soutien au processus d’intégration européenne : éléments d’interprétation », Revue Internationale de Politique Comparée, 2002, 9, 1, p. 11-29 ; STARTIN, N., « The mainstreaming of Euroscepticism in the UK : Media, parties and referenda », International Political Science Review, à paraître. SPIERING, M., « British Euroscepticism », dans HARMSEN, R., SPIERING, M. (ed.), Euroscepticism. Party Politics, National Identity and European Integration, Amsterdam, 2004, p. 127-150. USHERWOOD, S., STARTIN, N., « Euroscepticism as a Persistent Phenomenon », Journal of Common Market Studies, 51, 1, 2013, p. 1-16. GRUBER, O., BALE, T., « And it’s good night Vienna. How (not) to deal with the populist radical right: The Conservatives, UKIP and some lessons from the heartland », British Politics, 9, 3, 2014, p. 237-254.

UK INDEPENDENCE PARTY

95

pation aux élections législatives de 1997, il n’a remporté que 0,3 % des suffrages, sa visibilité étant quelque peu éclipsée par le grand nombre de partis eurosceptiques et notamment le Referendum Party de Sir James Goldsmith. Deux ans plus tard, le score électoral de UKIP lui permet d’envoyer trois députés au PE mais le parti ne parvient pas à profiter de sa popularité lors des élections européennes pour être représenté à Westminster. Il n’obtient que 1,5 % des voix lors du scrutin législatif de 2001 et ne parvient pas non plus à décrocher de siège lors des élections régionales galloises et écossaises. Son succès aux élections européennes se confirme toutefois et, en 2004, le parti effectue une véritable percée, se plaçant troisième et envoyant 12 députés au PE, score qu’il améliora encore en 2009.10 En mai 2014, UKIP a remporté les élections européennes, devant le Labour (24,74 %) et le parti conservateur (23,31 %) et il dispose actuellement de 24 élus au PE. Son manque de succès aux élections nationales s’explique largement par le mode de scrutin en vigueur : alors que le mode de scrutin aux européennes est proportionnel, les élections législatives se basent sur le système first past the post, particulièrement défavorable aux petits partis.11 Par ailleurs, la nature de second ordre des élections européennes explique également le succès croissant du UKIP lors de ce type de scrutin : contrairement aux élections nationales (ou de premier ordre), où les citoyens se montrent stratégiques, en particulier dans un système majoritaire, les électeurs utilisent les élections européennes afin d’envoyer un signal (négatif) au gouvernement et tendent à voter davantage pour les petits partis ainsi que pour les partis protestataires comme le UKIP. Toutefois, le parti a récemment changé de stratégie et s’est, pour ce faire, inspiré de l’évolution du parti Lib-Dem : il cherche depuis 2011 à s’implanter localement, s’investit davantage dans les élections partielles (by-elections), exploite les faiblesses de ses adversaires et cherche à fusionner son message eurosceptique à un discours plus général sur l’immigration. Comme le notent Robert Ford et Matthew Goodwin, le talon d’Achille du UKIP a, pendant longtemps, été sa réticence à s’engager au niveau local, alors que ce niveau de pouvoir est essentiel comme tremplin vers Westminster. En 2011, Nigel Farage a reconnu la nécessité de développer l’ancrage local du parti et de pouvoir compter sur un soutien géographiquement localisé, comme l’ont fait les Libéraux Démocrates.12 Cette stratégie semble payante : comme on peut le voir sur les graphes 1 et 2, le parti semble élargir sa base électorale et récolte davantage d’intentions de vote, tant pour les élections européennes que pour les élections législatives. De plus, en 2013, le parti a remporté 147 sièges dans les conseils locaux, obtenant près de 20 % des voix au niveau agrégé.13 Le 9 octobre 2014, il a remporté son premier siège à la Chambre de Communes lors de l’élection partielle pour le siège de Clacton.14 Et il peut actuellement 10 11 12 13 14

BAKER, D., SHERRINGTON, Ph., « Britain and Europe: The Dog that didn’t Bark », Parliamentary Affairs, 58, 2, 2005, p. 303-317. GRUBER, O., BALE, T., op.cit. ; USHERWOOD, S., “The Dilemmas of a Single Issue Party. The UK Independence Party”, Representation, 44, 3, 2008, p. 255-264. FORD, R., GOODWIN, M., Revolt on the Right : Explaining Support for Radical Right in Britain, Abingdon, 2014, p. 94. GRUBER, Olivier, BALE, Tim, op.cit. , p. 240. D. Carswell a été élu en 2010 en tant que député conservateur. Il a quitté le parti en aout 2014 pour rejoindre UKIP et a démissionné de son mandat. Une élection partielle a donc été organisée, élection qu’il a remportée, cette fois sous la bannière UKIP. Avant cela, B. Spink, élu conservateur avait quitté le parti en cours de mandat en avril 2008 pour rejoindre UKIP, avant de quitter UKIP en novembre de la même année.

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA

96

compter sur un pourcentage d’intentions de vote allant de 13 % à 19 %, ce qui le place en bonne position pour jouer les troubles fêtes lors des élections législatives de 2015.15 Tableau 1: Résultats électoraux UKIP 1994-2014 % des voix Elections européennes 1994

Sièges

1

0

Elections législative 1997

0.3

0

Election européenne 1999

7

3

Election législative 2001

1.5

0

Election européenne 2004

16.2

12

Election législative 2005

2.2

0

Election européenne 2009

16.5

13

Election législative 2010

3.1

0

Election européenne 2014

26,8

24

Graphe 1: Pourcentage moyen d’intentions de votes pour UKIP aux élections nationales. Données extraites du UK Polling Report. “Sunday Polling Round up.” UK Polling Report (12 October 2014). http://ukpollingreport.co.uk/

15

Le sondage réalisé par Yougov en octobre 2014 lui attribue 15 % d’intentions de vote, celui de Populus 13 % tandis que celui publié par Ashcroft le crédite de 19 % d’intentions de vote.

UK INDEPENDENCE PARTY

97

Graphe 2: Pourcentage moyen d’intentions de votes pour UKIP aux élections européennes. Données extraites du UK Polling Report “European Elections.” UK Polling Report. http://ukpollingreport.co.uk/european-elections.

II. De parti niche eurosceptique à parti populiste anti-establishment de droite UKIP a longtemps été (perçu comme) un parti niche (single issue party). Issu des mouvements eurosceptiques dans le contexte des campagnes de ratification du traité de Maastricht, il concentre son discours sur la critique de l’intégration européenne et se borne à faire campagne pour la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Il est par conséquent considéré comme s’apparentant à un mouvement, visant davantage à peser sur la politique britannique (policy-seeking) que comme un parti cherchant à élargir sa base électorale (vote-seeking). Le cœur de son programme reste les affaires européennes, de nombreuses propositions se basant en effet sur le retrait britannique de l’Union européenne afin de financer de nouvelles politiques. Ainsi, son slogan « we want our country back » insiste sur l’importance de la démocratie, mise en péril par l’intégration européenne. Le parti critique la remise en cause de la souveraineté britannique et estime que seul le retrait de l’UE permettra de restaurer la souveraineté nationale.16 Il a également développé une forte rhétorique populiste : il dénonce les élites politiques et, en particulier, les partis de gouvernement qui auraient caché au peuple la nature et l’emprise du processus d’intégration. Il se présente alors comme la seule alternative aux autres partis et correspond à la définition d’un parti anti-establishment : contestant le statu quo et le système politique, il affirme qu’il existe un clivage fondamental entre l’establishment politique et le peuple et se présente comme un challenger des autres partis appartenant à cet establishment.17 Toutefois, le parti a progressivement évolué et défini ses positions sur de nombreux domaines de politique publique, allant de la fiscalité aux soins de santé. En effet, après l’élection législative de 2005, vu la faible saillance des questions 16 17

WEBB, P., « The continuing advance of the minor parties », Parliamentary Affairs, 58, 4, 2005, p. 757-775. ABEDI, A., LUNDBERG, Th., op. cit., p. 74.

98

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA

européennes au sein de l’opinion publique britannique, le parti a cherché à étendre son électorat et à se défaire de sa réputation de parti niche. Il a progressivement développé son programme, ce qui n’a pas manqué de provoquer des tensions en son sein. En effet, la ligne eurosceptique dure, temporairement dominante au sein du parti voit ce développement comme une distraction de l’objectif jugé prioritaire de promouvoir la sortie de l’UE.18 Cela a ralenti mais pas totalement entravé la transformation du parti et, en 2010, le parti présente un programme détaillé, tant en politique interne qu’étrangère. Ce nouveau programme s’articule autour de quatre grands axes : la liberté individuelle, la démocratie, une faible implication des pouvoirs publics (small government) et une réduction de la fiscalité.19 Par ailleurs, le parti met en place une stratégie dite de fusion entre, d’une part, un euroscepticisme prononcé et, d’autre part, la question de l’immigration.20 En effet, l’immigration est, depuis 2005, un des priorités des électeurs britanniques. Le parti s’est alors fait champion de la préservation d’une conception traditionnelle de l’identité nationale et a très fortement mis l’accent sur les thématiques liées à l’immigration entre 2011 et 2013.21 Il propose un gel de l’immigration pendant 5 ans, l’expulsion plus rapide de près d’un million d’immigrants illégaux et l’imposition de critères stricts pour les migrants tels que la connaissance de la langue anglaise, le respect des lois et valeurs britanniques, l’indépendance financière ou encore la loyauté vis-à-vis du pays d’accueil.22 En somme, comme le relèvent Robert Ford et Matthew Goodwin, l’UKIP se caractérise par son euroscepticisme prononcé, l’accent placé sur l’immigration et ses effets pour l’économie et la société britannique et enfin, par sa critique de l’establishment politique.23 Avec un tel programme, il n’est pas surprenant de constater que les électeurs de l’UKIP sont très eurosceptiques, hostiles à l’immigration et se sentent délaissés ou déçus par les élites politiques traditionnelles. Une étude récente montre que le soutien pour le parti est le plus fort au sein de la population masculine, âgée, d’orientation conservatrice, relativement démunie ainsi que parmi les ouvriers qualifiés soumis à la compétition du marché unique européen. Ces électeurs ont davantage tendance à considérer que la classe politique est corrompue, à se méfier de leur député et à ne percevoir que très peu de différence idéologique entre les principaux partis.24 Il ne s’agit donc pas simplement d’europhobes : l’Europe n’est vue comme une priorité que par un peu plus d’un tiers des électeurs du parti, contrairement à l’immigration et à l’économie.25 Ces électeurs sont séduits par les propositions de l’UKIP relatives à l’immigration, à l’identité nationale et aux changements de la société britannique.26 18 19 20 21 22 23 24 25 26

FORD, R., GOODWIN, M., op. cit., p. 64-71. Ibid., p. 84. Ibid., p. 90. Ibidem. Voir aussi SUTCLIFFE, J., « The roots and consequences of Euroscepticism : An evaluation of the United Kingdom Independence Party », communication présentée au congrès European Integration: Past, present, future, Ontario 2010 ; USHERWOOD, S., op. cit. SUTCLIFFE, J., op. cit. ; HAYTON, R., « Towards the Mainstream? UKIP and the 2009 elections to the European Parliament », Politics, 30, 1, 2010, p. 26-35. FORD, R., GOODWIN, M., « Understanding UKIP: identity, social change and the Left behind », Political Quarterly, à paraître. Ibid., p. 206-215. Sondage réalisé par Yougov. Cf. supra. FORD, R., GOODWIN, M., Revolt on the Right…, op. cit., p. 11.

UK INDEPENDENCE PARTY

99

Le parti vise donc, à travers son programme, à attirer les électeurs déçus de l’approche jugée centriste de David Cameron. Mais il est intéressant de constater que, depuis 2009, le parti progresse « en zone rouge », attirant un électorat traditionnellement travailliste.27 Il semble parvenir à mobiliser les « perdants de la mondialisation », à savoir les électeurs de la classe ouvrière qui se sentent menacés par le changement affectant l’économie et la société.28 Robert Ford, Matthew Goodwin et David Cutts montrent ainsi que deux groupes distincts coexistent au sein de l’électorat de l’UKIP. D’un côté, les électeurs stratégiques, qui forment 60 % de son électorat, votent traditionnellement pour le parti conservateur aux élections législatives. Le profil type est celui d’un homme d’âge moyen, de classe moyenne, qui soutient UKIP aux élections européennes afin d’exprimer son hostilité vis-à-vis de l’UE. De l’autre côté, on retrouve les électeurs fidèles du parti : ils sont plutôt issus de la classe ouvrière, sont démunis, hostiles à l’immigration, mécontents de la classe politique, ont grandi dans un foyer de tendance travailliste mais sont déçus par le Labour et se rapprochent de l’électorat du BNP.29 En d’autres termes, il semble que l’UKIP ait trouvé la formule gagnante en liant les deux principales sources d’inquiétude actuelles des citoyens britanniques – l’immigration et la crise financière combinées à une désaffection profonde à l’égard des partis traditionnels – et en identifiant l’UE comme source de tous leurs maux.30

III. Un impact largement indirect Malgré son succès grandissant, l’impact du UKIP est nuancé. Il convient de distinguer son action au PE de son influence sur la politique nationale. Le parti est représenté au PE depuis 15 ans. Toutefois, ses députés se sont toujours cantonnés à une position d’outsider au sein de l’assemblée. En effet, ils oscillent entre une stratégie de la chaise vide, en jouant le rôle d’absent et une stratégie d’opposition frontale, en endossant le rôle de tribunitien. Ainsi, une partie de la délégation de l’UKIP poursuit une stratégie de distanciation par rapport aux institutions supranationales à travers d’une part, une faible implication dans le travail parlementaire et d’autre part, la revendication d’une proximité avec ses électeurs et concitoyens. Ces eurodéputés délaissent le Parlement européen au profit d’une présence active sur la scène politique nationale ou locale et considèrent que leur rôle est de promouvoir l’euroscepticisme au sein de l’opinion publique. L’autre partie de la délégation endosse plutôt le rôle de tribunitien, ce qui lui permet de s’inscrire dans un registre essentiellement négatif par rapport au régime européen. Il s’agit en effet d’être présent au cœur du système afin de dénoncer ce dernier, sans volonté de le réformer, tout en adoptant une posture ex-

27 28 29 30

Ibid., p. 70-71. KRIESI, H., GRANDE, E., LACHAT, R., DOLEZAL, M., BORNSCHIER, S., FREY, T., West European Politics in the Age of Globalization, Cambridge, 2008. FORD, R., GOODWIN, M., CUTTS, D., « Strategic Eurosceptics and Polite xenophobes: Support for the United Kingdom Independence Party in the 2009 European Parliament elections », European Journal of Political Research, 51, 2, 2012, p. 222-224. FORD, R., GOODWIN, M., Revolt on the Right… op. cit.,

100

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA

terne à ce système, à travers un non-respect de ses règles et normes.31 En raison de cette posture, les députés UKIP restent largement en marge du fonctionnement quotidien du Parlement européen. De plus, alors que l’appartenance à un groupe parlementaire est censée accroître la capacité d’action des députés au sein de l’assemblée, les élus de l’UKIP appartiennent à un groupe mineur, de nature technique et systématiquement exclu des responsabilités et coalitions. En effet, sous la septième législature, le groupe Europe Liberté Démocratie, dont l’UKIP faisait partie, se caractérisait par une très faible cohésion interne (48,59 % contre 79,37 % pour le groupe de la Gauche radicale et plus de 85 % pour tous les autres)32 et avait un pouvoir réel bien en-deçà de son poids en termes de nombre d’élus33. Sous la législature actuelle, l’UKIP est parvenu après les élections à reformer un groupe politique (Europe Liberté Démocratie Directe – ELDD) mais, étant la plus petite formation de l’assemblée et étant considéré comme extrême, le groupe est écarté de la distribution des postes à responsabilité. Ainsi, en juillet 2014, les trois principaux groupes européens – Parti populaire européen (PPE), Socialistes & Démocrates, Alliance des Libéraux et Démocrates pour l’Europe – se sont alliés afin d’empêcher le groupe ELDD d’obtenir la présidence de la commission des pétitions. En octobre 2014, ils se sont à nouveau ligués en vue d’éviter que le groupe n’obtienne de présidence de délégation parlementaire. Son influence continuera d’être fortement limitée.34 L’impact de l’UKIP sur le système politique britannique est quant à lui nuancé et indirect. Ce parti reste aux marges du système partisan et ne dispose actuellement que d’un seul élu à la Chambre des Communes. Il est confronté à intervalles réguliers à des conflits internes, en particulier au niveau de sa direction. L’UKIP a eu six leaders depuis 1997, ce qui révèle une organisation en proie à des difficultés pour garder un message et un visage stables et cohérents pour le parti35. Cela résulte notamment de la diversité idéologique de ses membres et de son électorat36. Comme nous l’avons expliqué dans la section précédente, le parti tente d’attirer et de fidéliser un électorat traditionnellement conservateur, de classe moyenne, un électorat proche de l’extrême-droite et, de façon croissante, les électeurs de la classe populaire déçus du Parti travailliste37. Il doit donc gérer cette diversité, ce qui ne manque pas de provoquer des tensions internes. 31 32 33 34

35 36 37

BRACK, N., L’euroscepticisme au Parlement européen. Stratégies d’une opposition antisystème au cœur des institutions, Luxembourg, 2014. Cohesion of (transnational) political groups in the European Parliament, Voir http://term7.votewatch.eu/political-group-cohesion.html#sthash.meyqGxGT.dpuf Votewach nominal power vs. Actual power of political groups in the European Parliament, http://term7.votewatch.eu/en/political-groups-power.html Au moment de finaliser cette contribution, le groupe est menacé de dissolution suite au départ d’une député. Il n’est pas encore certains que le groupe puisse convaincre un autre élu de les rejoindre afin de remplir les critères de formation d’un groupe politique (25 élus représentant un quart des États membres). USHERWOOD, S., op. cit. ; SUTCLIFFE, J., op. cit. Voir notamment LYNCH, Ph., WHITAKER, R., LOOMES, G., « The UK Independence Party : Understanding a Niche Party’s Strategy, Candidates and Supporters », Parliamentary Affairs, 65, 4, 2012, p. 733-757. Sur le lien entre les électorats de l’UKIP et du BNP: JOHN, P., MARGETTS, H., « The Latent Support for the Extreme Right in British Politics », West European Politics, 2009, 32, 3, p. 496513; CUTTS, D., FORD, R., GOODWIN, M., « Still racist after all? The attitudinal drivers of extreme right support in Britain in the 2009 European elections », European Journal of Political Research, à paraître.

UK INDEPENDENCE PARTY

101

Toutefois, cela ne veut pas dire que le parti n’a aucune influence sur les autres partis britanniques. Il est en effet parvenu à envoyer un signal au parti conservateur.38 Apparaissant de plus en plus comme une alternative acceptable pour de nombreux électeurs de droite, en particulier ceux déçus par l’approche centriste de David Cameron, il pousse le parti conservateur à changer sa position sur certaines politiques afin de garder cette frange de son électorat. Les Conservateurs ont ainsi été poussés à adopter une posture plus eurosceptique, avec d’abord la sortie du parti du groupe PPE au Parlement européen et, ensuite, la promesse faite par David Cameron d’organiser un référendum si le Parti remporte les élections en 201539. Mais, comme le notent Olivier Gruber et Tim Bale, le Parti conservateur ayant joué la carte du référendum, il n’a plus beaucoup de marge de manœuvre pour durcir encore sa position sur l’Europe, si ce n’est de faire campagne contre le maintien dans l’UE.40 L’UKIP peut également avoir un effet indirect à plus long terme sur la compétition partisane. Le parti attire des électeurs à la fois des conservateurs et des travaillistes. Il pourrait dès lors gagner quelques sièges ou empêcher l’un des deux principaux partis de remporter l’élection de 2015, en particulier en les mettant en difficulté sur les sièges marginaux41. Pour répondre à ce phénomène, ces deux partis cherchent à regagner le soutien de ces électeurs eurosceptiques et hostiles à l’immigration en modifiant leurs positions et en durcissant leur discours. Cette stratégie de court terme pourrait être contreproductive à long terme. En effet, cet électorat est vieillissant et sera remplacé par de nouveaux électeurs qui, si l’on en croit les sondages, auront tendance à être plus libéraux sur les questions sociétales, plus diversifiés en termes d’origine ethnique et qui auront d’autres préoccupations que la relation à l’Europe ou l’immigration42.

Conclusion Longtemps considéré comme marginal, l’euroscepticisme est devenu, depuis le milieu des années 1990, une composante stable de la vie politique européenne.43 Avec les campagnes de ratification du traité de Maastricht, on a assisté à un tournant critique dans l’histoire du processus d’intégration, marquant la fin du « consensus permissif ».44 Les élections européennes depuis lors ainsi que les élargissements successifs, en particulier celui de 2004, ont consolidé et diversifié les oppositions au projet européen tandis que le processus de constitutionnalisation de l’Union a engendré un débat public sur la nature et les finalités du ré38 39 40 41 42 43 44

HAYTON, R., « Towards the Mainstream? UKIP and the 2009 elections to the European Parliament », Politics, 30, 1, 2010, p. 26-35. BAKER, D., SHERRINGTON, Ph., op.cit. ; LYNCH, Ph., WHITAKER, R., « A Loveless Marriage: The Conservatives and The European People’s Party », Parliamentary Affairs, 61, 1, 2008, p. 31-51. GRUBER, O., BALE, T., op. cit. WEBB, P., BALE, T., « Why do Tories Defect to UKIP ? Conservative Party Members and the temptations of the populist radical right », Political Studies, 2014, à paraître. FORD, Robert, GOODWIN, Matthew, « Understanding UKIP : identity, social change and the Left behind », Political Quarterly, à paraitre USHERWOOD, S., STARTIN, N., op. cit. DOWN, I., WILSON, C., « From permissive consensus to constraining dissensus : a Polarizing Union ? », Acta Politica, 43, 1, 2008, p. 26-49.

102

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA

gime européen, favorisant également la mobilisation d’acteurs eurosceptiques45. Alors que la page des réformes institutionnelles s’était à peine tournée avec l’adoption du traité de Lisbonne, la crise économique et financière que traverse actuellement le continent semble contribuer à l’émergence ou à la résurgence de vives oppositions à l’Europe46. Il est rare aujourd’hui de trouver un système partisan où l’euroscepticisme est complètement absent, l’opposition à l’UE s’imposant progressivement sinon comme un clivage, au moins comme un enjeu dans les espaces politiques tant nationaux que supranational et comme un thème de débat, voire de conflit, au sein des partis politiques47. Comme le note Sofia Vasilopoulou, l’intégration européenne est entrée dans une nouvelle phase de son existence, caractérisée par un euroscepticisme de masse, la montée de partis anti-establishment et la banalisation de la rhétorique anti-UE48. Le contexte actuel de crise et l’intervention de plus en plus visible de l’UE en matière de gouvernance économique constituent un terreau fertile pour les partis eurosceptiques. Comme l’attestent les résultats des élections européennes de mai 2014, de nombreux partis populistes et eurosceptiques ont pu capitaliser sur l’insatisfaction des électeurs envers les élites politiques traditionnelles et leur méfiance croissante vis-à-vis des institutions démocratiques pour remporter davantage de sièges au Parlement européen. C’est particulièrement le cas de l’UKIP qui est sorti vainqueur des élections européennes au Royaume-Uni, remportant plus d’un quart des voix. Dans le cadre de cette contribution, nous nous sommes penchés sur ce parti afin de comprendre son évolution jusqu’aux élections de mai 2014. Nous avons tout d’abord examiné la progression électorale de l’UKIP et montré que le parti, suite à une modification récente de sa stratégie, parvient à s’implanter localement en vue d’utiliser ce niveau comme tremplin pour Westminster. Nous avons ensuite analysé comment UKIP est passé de parti niche, attirant essentiellement des électeurs conservateurs très eurosceptiques, à un parti anti-establishment, élargissant ainsi sa base électorale. Ayant mêlé critique des partis traditionnels, position anti-immigration et rhétorique anti-UE, le parti séduit un nombre croissant d’électeurs du BNP et du Parti conservateur mais aussi du Parti travailliste, qui se sentent délaissés par leur parti et démunis face aux changements dans la société britannique. Enfin, nous avons cherché à évaluer l’impact de ce parti sur la politique nationale et européenne. Nous avons montré que cette influence est quasi inexistante au Parlement européen mais palpable bien qu’indirecte sur le système partisan national. Comme le note Chris Gifford, « dans l’histoire turbulente du Royaume-Uni avec le processus d’intégration européenne, la période 2010-2013 pourrait bien être considérée comme un tournant »49. Il s’agira alors de voir dans quelle mesure l’UKIP sera réellement en mesure de peser sur la politique natio45 46 47 48 49

TRENZ, H.-J., DE WILDE, P., « Denouncing European Integration: Euroscepticism as Polity Contestation », European Journal of Social Theory, 15, 4, 2012, p. 537-554. SERRICCHIO, F., TSAKATIKA, M., QUAGLIA, L., « Euroscepticism and the Global Financial Crisis », Journal of Common Market Studies, 51, 1, 2013, p. 51-64. HARMSEN, R., « L’Europe et les partis politiques nationaux: les leçons d’un non-clivage », Revue international de politique comparée, 12, 1, 2005, p. 79. VASILOPOULOU, S., « Continuity and Change in the study of Euroscepticism », Journal of Common Market Studies, 51, 1, 2013, p. 153-168. GIFFORD, C., « The People Against Europe : The eurosceptic challenge to the United Kingdom’s Coalition Government », Journal of Common Market Studies, 52, 3, 2014, p. 512.

UK INDEPENDENCE PARTY

103

nale, tant lors des élections législatives de 2015 que dans les années qui suivent, en particulier si un référendum sur la relation du pays à l’Europe est organisé.

UK INDEPENDENCE PARTY: FROM CONSERVATIVE REBELLION TO AN ELECTORAL EARTHQUAKE Long considered a marginal or even temporary phenomenon, the United Kingdom Independence Party (UKIP) has been at the centre of attention over the last few years, especially since its victory at the May 2014 European elections. It was the first time since 1906 that a party other than Labour or the Conservatives had won an election at the national level. Moreover, whereas until this year, the party’s success was confined to the European elections, it gained its first seat in Westminster during the 9 October 2014 by-election. It seems that only two decades after its creation, UKIP has successfully become a stable and persistent actor in British politics, which may have direct and indirect consequences for the British party system and the country’s relation with the European Union (EU). Long overlooked by scholars, recent material has been developed to help to understand the party’s organisation, its evolution, the challenges it faces, the profile of its members and supporters as well as its strategy in the European Parliament (EP). Drawing on this recent research, this chapter examines the consistent rise of the party. A first section analyses the evolution and the electoral results of UKIP. In the second section, we show how the party evolved from a single-issue party into an anti-establishment political party, similar to other populist parties in Europe. We also describe how the party expands its electoral basis by attracting voters from the Conservatives and the BNP but also from the Labour Party. The final section analyses the impact of UKIP on the EP as well as on the British party system, showing that this influence is rather limited and indirect.

UK INDEPENDENCE PARTY : VON DER KONSERVATIVEN REBELLION ZUM WAHLERDBEBEN Lange als unbedeutend oder auch als kurzzeitiges Phänomen betrachtet stand die UK Independence Party (UKIP) in den letzten Jahren im Zentrum der Aufmerksamkeit, besonders nach ihrem Sieg bei den Europäischen Wahlen im Mai 2014. Es war das erste Mal seit 1906, dass eine andere Partei als die Arbeiter oder Konservativen eine Wahl auf nationalem Level gewannen. Ferner war bis zu diesem Jahr der Erfolg der Partei bei Europäischen Wahlen beschränkt, denn sie gewannen erst bei den „Zwischenwahlen“ vom 9. Oktober 2014 ihren ersten Sitz in Westminster. Es scheint dennoch, dass UKIP nur zwei Jahrzehnte nach ihrer Gründung erfolgreich ein fester und dauerhafter Akteur in der britischen Politik geworden ist,

104

NATHALIE BRACK/LOUIS WIERENGA

was direkte oder indirekte Konsequenzen für das Britische Parteiensystem und die Beziehungen des Landes zu der Europäischen Union (EU) haben könnte. Lange von Wissenschaftlern übersehen hat sich nun eine jüngere Literatur entwickelt, um die Organisation der Partei, ihre Entwicklung, ihre Herausforderungen, das Profil ihrer Mitglieder und Unterstützer, wie auch ihre Strategie im Europäischen Parlament (EP) zu verstehen. Aufbauend auf diese jüngste Forschung untersucht dieses Kapitel den konstanten Aufstieg der Partei. Ein erster Teil analysiert die Entwicklung und die Wahlergebnisse der UKIP. Im zweiten Teil zeigen wir, wie die Partei sich von einer Interessenpartei zu einer AntiEstablishment-Partei entwickelt hat, ähnlich wie andere populistischen Parteien in Europa. Wir beschreiben auch, wie die Partei ihre Wahlbasis ausgeweitet hat, indem sie Wähler von den Konservativen, der BNP, aber auch von der Arbeiterpartei gewonnen hat. Der letzte Teil widmet sich der Analyse des Einflusses der UKIP im Europäischen Parlament, wie auch auf das Britische Parteiensystem. Dabei wird gezeigt, dass dieser Einfluss eher begrenzt und indirekt ist.

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTIEUROPÉANISME ET ALTER-EUROPÉANISME PATRICK MOREAU La campagne pour le non à la ratification du traité de Lisbonne par l’Irlande nous fournit un exemple introductif1. Dans le cadre de cette campagne, le Sinn Fein, divers groupuscules trotskistes et anarchistes irlandais, le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) au Parlement européen, le Parti de la Gauche européenne se retrouvaient pour s’opposer ensemble au traité de Lisbonne. Il s’agissait d’une campagne commencée en 2008 et qui avait rassemblé les principaux PC européens et nombre de formation postcommunistes, mais aussi d’extrême gauche.2 Par-delà les profondes différences idéologiques existant entre ces différentes tendances, une unité d’action, impensable dans les années 1930 et après 1945 devenait réalité. La construction européenne devenait l’un des principaux champs de bataille du communisme et du postcommunisme.

I. L’après 1990 : le dispositif communiste et postcommuniste en Europe Au lendemain de l’effondrement du système soviétique, il n’existe plus de centrale de commandement. Les PC et formations héritières dans un environnement hostile à l’Est et difficile à l’Ouest se mettent à la recherche de stratégies de survie, qui viennent conditionner les relations internationales entre les différents partis communistes et postcommunistes.3

1

2 3

Cf.: www.europeannocampaign.com. Sur cette question, se reporter à MOREAU, P. (avec LAZAR, M., HIRSCHER, G.), Kommunismus in Westeuropa, Munich, 1998 ; MOREAU, P. (dir.), « Les partis communistes et postcommunistes en Europe occidentale », Problèmes politiques et sociaux, n° 830-831, Paris 1999; MOREAU, P. (avec SCHORPP-GRABIAK, R.), Man muss so radikal sein als die Wirklichkeit: Die PDS eine Bestandaufnahme, Baden-Baden, 2002 ; MOREAU, P. (avec BACKES, U.), Communist and Post-Communist Parties in Europe, Göttingen, 2008, MOREAU, P. (avec COURTOIS, S.), « 1989 – 2014 : en Europe, l’éternel retour des communistes », numéro spécial de la revue Communisme, Paris 2014. Cf. : Position commune de partis communistes et d’autres partis progressistes d’Europe sur le NON irlandais au Traité de Lisbonne. La victoire du NON en Irlande met fin au Traité de Lisbonne. Lisbonne, 24 juin 2008. Ces stratégies de survie sont détaillées in : MOREAU, P., Communisme et post communisme en Europe, un bilan contrasté, in : COURTOIS, S., MOREAU, P., op. cit., p. 9-62.

PATRICK MOREAU

106 Tableau: Les poids lourds politiques du courant fondamentaliste Élections générales

Élections européennes 2009 – 2014

Suffrages

Élus

Suffrages

Élus

12,8 % (2006) 11,3 % (2010) 14,9 % (2013)

26 (2006) 26 (2010) 33 (2013)

14,2 % (2009) 11,0 % (2014)

4 (2009) 3 (2014)

Chypre : Anorthotikon Komma Ergazemenou Laou – Parti progressiste des travailleurs

31,31 % (2006) 32,67 % (2011)

18 (2010) 19 (2010)

34,9 % (2009) 26,90 % (2014)

2 (2009) 2 (2014)

Grèce : Kommunistiko Komma Ellados – Parti communiste de Grèce

8,15 % (2007) 7,54 % (2009) 8,48 % (2012) 4,50 % (2012)

22 (2007) 21 (2009) 26 (2012) 12 (2012)

8,35 % (2009) 6,07 % (2014)

2 (2009) 2 (2014)

Italie : Rifondazione Comunista

5,8 % (2006) 3,1 % (2008) 2,2 % (2013)

41 (2006) 0 (2008) 0 (2013)

3,4 % (2009) 4,0 % (2014)

0 (2009) 1 (2014)

Espagne : Partido Comunista de España (Parti communiste d’Espagne) membre de la coalition Izquierda Unida

Résultats du PCE sur les listes IU 4,2 % (2004) 3,7 % (2009) 6,9 % (2011)

2 (2004) 2 (2009) 3 (2011)

3,7 % (2009) 10,0 % (2014)

2 (2009) 6 (2014)

Moldavie : Партия коммунистов Республики Молдова – Parti des communistes de la République de Moldavie

46,1 % (2006) 48,4 % (2009) 44,69 % (2009) 39,29 % (2010)

56 (2006) 60 (2009) 48 (2009) 42 (2010)

Portugal : Partido Comunista Português – Parti communiste du Portugal) Liste Coligação Democrátia Unitaria

7,88 % (2009) 7,91 % (2011)

15 (2009) 16 (2011)

10,6 % (2009) 12,67 % (2014)

2 (2009) 3 (2014)

Fédération de Russie : Kommunisticheskaya Partiya Rossiskoi Federatsii – Parti communiste de la fédération de Russie

11,57 % (2007) 19,19 % (2011)

57 (2007) 92 (2011)

République tchèque : Komunisticka Strana Cech a Moravy – Parti communiste de BohèmeMoravie

En 2014, on peut distinguer trois types d’attitudes. La variante traditionnaliste est « archétypique » : les PC se veulent révolutionnaires, ouvriéristes et actifs dans les syndicats, internationalistes, antiimpérialistes, antifascistes. Ils se définissent comme des partis d’avant-garde et fonctionnent presque tous encore sur la base du centralisme démocratique. Au total, une quarantaine de partis (l’AKEL chypriote, le KKE grec, le PCP portugais, le DKP allemand et une multitude de cercles, groupements ou revues plus ou moins actives. A l’Est, le puissant Parti communiste de Bohème et de Moravie

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

107

(République tchèque) longtemps sur des positions traditionalistes a commencé à évoluer vers le modèle réformiste, ce qui n’est pas le cas des PC de Russie et du Belarus. Dans tous les pays de l’ancien Empire soviétique mais aussi dans les Balkans, des PC traditionalistes se sont refondés mais restent encore très faibles sur le plan électoral, organisationnel et militant. Ces partis sont partisans de la dissolution de la Communauté européenne et de la fondation d’une Europe antiimpérialiste et anticapitaliste. Tableau: Les poids lourds politiques du courant rouge-vert Élections générales NGLA

Élections européennes 2009 – 2014

Suffrages

Élus

Suffrages

Élus

Danemark : Socialistisk Folkeparti Parti populaire socialiste

13 % (2007) 9,2 % (2011)

23 (2007) 16 (2011)

15,6 % (2009) 11 % (2014)

2 (2009) 1 (2014)

Norvège : Sosialistisk Venstreparti Parti socialiste de gauche

8,8 % (2005) 6,2 % (2009)

15 (2005) 11 (2009)

Suède : Vänsterpartiet Parti de gauche

5,85 % (2006) 5,6 % (2010)

22 (2006) 19 (2010)

5,66 % (2009) 6,3 % (2014)

1 (2009) 1 (2014)

Finlande : Vasemmistoliitto Alliance de gauche

8,82 % (2007) 8,13 % (2011)

17 (2007) 14 (2011)

5,93 % (2009) 9,3 % (2014)

0 (2009) 1 (2014)

Islande : Vinstrihreyfingin – grænt framboð Mouvement des Verts et de Gauche

14,3 % (2007) 21,7 % (2009) 10,9 % (2013)

9 (2007) 14 (2009) 7 (2013)

-

-

Hollande: GroenLink Gauche verte

4,6 % (2006) 6,7 % (2010) 2,3 % (2012)

7 (2006) 10 (2010) 4 (2012)

9 % (2009) 6,98 % (2014)

3 (2009) 2 (2014)

La variante rouge-verte regroupe des partis qui connaissent des succès électoraux importants et sont souvent nés avant 1989 de scissions critiques de la ligne prosoviétique. Ces formations sont favorables à une croissance économique, mais dans le cadre d’un capitalisme « dompté », qui doit impérativement tenir compte des impératifs écologiques. Ces partis allaient, à cause de leur nature « nordique », d’abord coopérer sous forme de réseau régional, puis au sein du parlement européen. Ces partis sont dans l’ensemble hostile à la construction européenne actuelle, souhaitent (sauf GroenLink qui est alter-européaniste) la dissolution de la Communauté européenne. La variante communiste réformiste regroupe au total une vingtaine de partis. Dans les pays d’Europe centrale, on trouve plusieurs formations de ce type : le Strana demokratického socialismu en Tchéquie, le Magyar Kommunista Munkáspárt en Hongrie, l’Eesti Sotsiaaldemokraatlik Tööpartei en Estonie, Sozialistische Allianzpartei en Roumanie, le Partidul Comuniştilor din Republica Moldova en Moldavie. Ces partis ont développé des analyses et des stratégies identiques, parce qu’ils se trouvent en situation de concurrence et de pression sur la gauche démocratique, mais sont parallèlement à la recherche d’alliances électorales avec elle ou ont déjà atteint ce but sous la forme de la tolérance de gouvernements minoritaires ou de l’association au pouvoir aux niveaux national, régional ou local.

PATRICK MOREAU

108

Cette compatibilité a pu être atteinte au prix de changements profonds. Ils ont tous derrière eux une mutation idéologique, dont les composantes principales sont l’abandon du marxisme-léninisme et une relecture de Marx intégrant les leçons politiques du XXe siècle. Les partis réformistes ont été réorganisés comme des structures hétérogènes et conflictuelles. Die Linke, sur ce plan archétypal, et qui a inspiré le modèle du Front de Gauche en France, emploie la formule d’un « monde très bigarré ». Tableau: Les poids lourds politiques du courant communiste réformiste et postcommuniste Élections générales

Élections européennes 2009 – 2014

Suffrages

Élus

Suffrages

Élus

France: Parti Communiste Français

4,29 % (2007)

15 (2007)

6,48 % (2009) 6,33 % (2014)

3 (2009) 3 (2014)

France: Front de Gauche (présidentielles)

11,1 % (2012)

-

Allemagne : Die Linke – La Gauche

11,9 % (2009)

76 (2009)

7,5 % (2009) 7,4 % (2014)

8 (2009 7 (2014)

Pays-Bas : Socialistische Partij – Parti Socialiste

16,6 % (2006) 9,8 % (2010) 9,7 % (2012)

25 (2006) 15 (2010) 15 (2012)

7,1 % (2009) 9,6 % (2014)

2 (2009) 2 (2014)

Portugal : Bloco de Esquerda – Bloc de Gauche

9,82 % (2009) 5,17 (2011)

16 (2009) 8 (2011)

10,72 % (2009) 4,93 % (2014)

3 (2009) 1 (2014)

Espagne : Izquierda Unida – Gauche Unie (1)

3,8 % (2008) 6,9 % (2011)

2 (2008) 11 (2011)

3,77 % (2009) 2 (2009) 10,03 % 6 (2014) (2014) 1) 2014 : IP (IU+ICV+Anova+et al.) : Coalition Izquierda Plural (Izquierda Unida (GUE/NGL) + Iniciativa per Catalunya Verds (GREENS/EFA) + Anova)

Les partis communistes réformistes et postcommunistes percevant à juste titre la nécessité d’offrir aux adhérents et sympathisants un projet utopique (« Un autre monde est possible ») entretiennent des relations privilégiées avec des mouvements anti-impérialistes et, socialistes révolutionnaires de par le monde. Ils se retrouvent aussi autour d’un projet de construction européenne, mais sur un modèle social et antilibéral (« Une autre Europe »). Celui-ci passe dans les années 1990 par la fondation de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique au Parlement européen, enfin à partir de 2004 à travers le Parti de la Gauche européenne (PGE).

II. Le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique (GUE/NGL) En juin 1994, six partis décidaient de fonder le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne (Espagne : Izquierda Unida – IU, Parti Communiste Français

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

109

– PCF, Italie: Partito della Rifondazione Comunista – PRC, Portugal: Coligaçao Democrática Unitária – CDU, Grèce: Kommounistiko Komma Elladas KKE et Synaspismos tis Aristeras kai tis Proodou). Avec l’élargissement de l’Union européenne en janvier 1995, qui amenait l’adhésion de pays nordiques et de l’Autriche, le Vänsterpartiet – VP de Suède et le Vänsterförbundet Vas finlandais rejoignaient à leur tour le groupe confédéral. Après que le Socialistisk Folkpartiet – SF danois eût fait de même, les trois formations scandinaves décidaient la création d’un sous-groupe autonome la Gauche verte nordique. Pour des raisons administratives et de fonctionnement interne aux fractions européennes, le groupe se donnait un nouvel intitulé. Le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique (GUE/NGL) voyait le jour. En 1998, deux députés britanniques et un italien rejoignait la fraction qui comptait alors 34 députés issus de 8 pays. Au lendemain des élections de 1999, la GUE/NGL devenait le cinquième groupe en importance du Parlement européen avec 38 élus venant de 9 pays.4 Il comptait dans ses rangs plusieurs partis nouveaux : le Dikki grec, la Ligue communiste révolutionnaire – LCR et Lutte ouvrière – LO, toutes deux françaises, le Partei des demokratischen Sozialismus – PDS allemand, le Partido Comunista Português – PCP portuguais, le Partito dei Comunisti Italiani – PdCI italien et le Socialistisch Partij – SP hollandais. La composition du groupe allait aussi profiter des logiques administratives du Parlement européen. Les élus isolés ou les représentants de tout petits partis ne sont pas en mesure d’exercer une influence sur la vie parlementaire et n’ont pas de budget de fonctionnement. Il ne leur reste pour se faire entendre que l’association à des groupes constitués dotés de budgets importants et capables de peser sur la vie politique européenne. En 2001 et 2002, un total de huit élus se rallient ainsi à la GUE/NGL. Le groupe se renforçait aussi suite à l’élargissement de l’Union européenne à 10 nouveaux pays membres. Au premier mai 2004, GUE/NGL devient au Parlement européen le 4e groupe en importance avec 49 élus, dont deux nouveaux députés chypriotes, trois tchèques, un letton et un slovaque, qui avaient jusqu’en 2003 jouit du statut d’observateurs auprès du groupe unitaire. L’hétérogénéité de la GUE/NGL est à cette date évidente. Les communistes orthodoxes et les formations réformistes fonctionnent mal avec les trotskistes qui font politiquement bande à part. Les élections européennes de mai 2004 permirent de retrouver un semblant d’unité, les trotskistes étant éliminés. Le groupe unitaire passait sous le contrôle souple du PCF qui lui donnait un président Francis Wurtz, encadré dans sa tâche par les élus du PDS et de Rifondazione. En 2008, la GUE/NGL compte 41 élus venant de treize pays et originaires de 13 États de l’Union européenne (Tchéquie: six élus membres du Komunistická strana Čech a Morav, Danemark: un élu du Folkebevaegelsen mod EU (mouvement populaire danois contre l’Union Européenne), Allemagne: sept élus de Die Linke, Grèce: trois élus du KKE et un de Synapismos, Espagne: un élu d’Izquierda Unida, Irlande et Grande-Bretagne: deux élus du Sinn Fein, Italie: cinq élus du Partito della Rifondazione Comunista et deux du Partito dei Comunisti Italiani, Chypre: deux élus du Anorthotiko Komma Ergazomenou Laou – Aristera – Nees Dynameis – AKEL, Hollande: 4

Le groupe comptait 6 députés français membres de pleins droits et élus associés. Les Allemands et les Italiens avaient 12 députés (chacun 6), les Grecs 7, les Espagnols 4, les Portugais 2, les Finlandais, les Danois et les Hollandais respectivement 1 élu.

PATRICK MOREAU

110

deux élus du Socialistisch Partij, Suède: deux élus du Vänsterpartiet; Portugal: trois élus représentant respectivement les partis Coligação Democrática Unitária (PCP-PEV), Partido Comunista Português et Bloco de Esquerda). Trois formations non représentées au parlement européen étaient associées à la GUE/NGL. Le Socialistisk Venstre Parti – SV de Suède, le Partei der Arbeit der Schweiz – PdA/Parti suisse du Travail – PdT), enfin la Gauche/Déi Lénk du Luxembourg. L’élection du 7 juin 2009 voyait l’affaiblissement de la GUE/NGL. Le groupe ne comptait plus que 35 membres issus de 17 partis et de 12 pays. Die Linke avec huit élus était la délégation nationale la plus puissante au sein du groupe et lui a donné un président Lothar Byski, décédé le 13 aouût 2013. La délégation française était la seconde en importance avec 5 élus. Tableau: les élus de la GUE/NGL (élection de mai 2009) Pays

Parti

Affiliation

Chypre République tchèque France

Parti progressiste des travailleurs Parti communiste de Bohême et Moravie Front de gauche et Parti communiste réunionnais Die Linke Parti communiste de Grèce Synaspismós Parti socialiste

PGE PGE

2 4

PGE

5

PGE – PGE GACE – Gauche anticapitaliste européenne –

8 2 1 1

PGE – PGE AGVN – Alliance de la Gauche vert nordique

2 2 1 1

PGE, GACE

3

Allemagne Grèce Irlande Royaume-Uni (Irlande du Nord) Pays-Bas Portugal Espagne Suède

Nous-Mêmes Parti socialiste Parti communiste portugais Gauche unie Parti de gauche

Partis associés Portugal Bloc de gauche

Elus

1

Partis dont les représentants sont titulaires du statut de membre associé au groupe parlementaire Danemark Lettonie

Mouvement populaire contre l’Union – européenne Centre de l’harmonie – Parti socialiste -– de Lettonie

1 1

La GUE/NGL est depuis sa création présente dans toutes les commissions parlementaires et joue pleinement son rôle dans le processus législatif européen. Malgré sa diversité idéologique, ce groupe a trouvé un mode de fonctionnement

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

111

relativement harmonieux concentré sur l’anticapitalisme, le pacifisme et l’antiimpérialisme, mais aussi autour d’une stratégie alter-européenne. 5

L’élection de mai 2014 a vu un renforcement de la GUE/NGL (résultat en pourcentage dans l’ensemble de l’UE : 6,92 %, contre 4,8% en 2009). Le groupe compte en novembre 2014 52 députés issus de 14 pays et de 18 partis.6

III. Le Parti de la Gauche européenne et le réseau Transform! Le Parti de la Gauche européenne a été fondé le 8/9 mai 2004 à Rome7 sous la double impulsion du Partito della Rifondazione Comunista“ (PRC) et du PDS. Deux conférences préparatoires à cette fondation eurent lieu en janvier et février 2004 à Berlin et à Athènes. La rencontre de janvier vit les cadres des PC et formations postcommunistes se rendre sur la tombe de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, celle de Rome en mai comportant un pèlerinage vers la tombe d’Antonio Gramsci. Il s’agissait de choix symboliques que soulignait encore la date du 8 mai « Journée de la libération du fascisme » en Italie. Le premier programme du parti de la gauche européenne tentait de répondre aux aspirations de toutes les sensibilités du communisme traditionnel à l’altermondialisme. Les « valeurs et traditions du socialisme, du communisme et du mouvement ouvriers » étaient au cœur du projet qui restait très ambivalent sur construction européenne.8 Cette dernière est jugée en définitive positive, si elle passait par une démocratisation anticapitaliste profonde, ce que n’acceptait pas nombre de PC orthodoxes ou de formations rouges-vertes.9 Le principal inspirateur du manifeste de fondation du PGE, Fausto Bertinotti, longtemps leader de Rifondazione, décrivait le projet PGE en quatre points : un engagement radical pour la paix, une offre alternative au néo-libéralisme européen, une politique économique et sociale défendant à la fois le travail et l’environnement en Europe, enfin une démocratisation de la démocratie avec un renforcement de la participation citoyenne à tous les niveaux. Un ton général, qui fut aussi celui des thèses de 2007 ou du manifeste électoral de 2009.10 Une raison de la fondation du PGE était de profiter du cadre légal offert par la Communauté européenne. Les partis européens reçoivent en effet une dotation financière, qui ont permis d’engager un personnel permanent, d’organiser régulièrement des rencontres internationales, de créer des groupes de travail spécialisés et de réaliser des expertises destinées à enrichir les offres programmatiques et à nourrir les campagnes des partis membres du PGE. Le PGE est aujourd’hui

5 6 7 8 9 10

Cf. : www.guengl.eu/policy/actions et www.guengl.eu/policy/publications. Cf. : www.europarl.europa.eu/elections2014-results/fr/election-results-2014.html Cf.: www.european-left.org/fr/propos-de-la-ge/historique. Cf.: Manifest der Partei der Europäischen Linken, in: http://www.european-left.org/ nc/ english/ about_the_el/documents/detail/zurueck/documents/artikel/manifesto-of-theparty-of-the-european-left. Cf. Political Theses. The European Left: Building Alternatives. Novembre 2007. http:// www.european-left.org/fileadmin/downloads/pdf/Political_Theses_final_version_04.12.07. pdf Cf. : Changeons l’Europe ensemble, in : http://fr.european-left.org/francais/elections_2009/ plateforme_electorale/

PATRICK MOREAU

112

l’acteur principal des relations internationales des partis et formations communistes et post-communistes en Europe. Sur le plan organisationnel, le PGE possède des règles de fonctionnement strictes définies dans un statut, mais fonctionnant dans la souplesse11. Celle-ci est rendue nécessaire par la diversité des partis et formations adhérentes, allant de la gauche socialiste au communisme orthodoxe. Son président actuel est Pierre Laurent du PCF. Le PGE compte neuf groupes de travail: Politique économique; Education; EL FEM (femmes); Energie et environnement; Liberté et droits civiques; LGBT Queer (Genre et sexualité); Amérique latine; Moyen-Orient; Réseau des syndicalistes; Jeunesse.12 L’analyse des activités 2009-2014 montre que ces groupes de travail sont faiblement actifs. Il existe aussi des réseaux régionaux encore très faibles.13 Le Forum permanent de la Gauche Européenne des régions (Permanent Forum of the European Left of Regions – PFER) regroupe des structures locales communistes ou postcommunistes, actives à l’échelle transnationale. Le financement européen du PGE montre une croissance continue du volume financier et atteint 947.500€ en 2013 (2004 : 2010.275 €, 2009 : 562.405 €) En février 2014, le PGE ne semblait plus faire clairement de différences entre partis/formations membres et observateurs. On trouve 28 partis / formations existant dans le cadre de l’UE et 5 partis / formations actives dans des pays situés hors de L’UE. L’ancrage politique des formations est très variable, ce qui frappe est l’absence de nombreuses formations communistes orthodoxes. En terme d’élus au Parlement Européen, Die Linke et Synaspismos sont entre 2009 et 2014 les forces principales. Tableau: Partis adhérents ou observateurs du PGE (pays membres de l’Union Européenne – Janvier 2014) Élus au Parlement européen 2009 – 2014

Pays

Nom

Typologie

Allemagne

Die Linke (DL) – La Gauche

Postcommuniste/ réformiste

8

Allemagne

Deutsche Kommunistische Partei (DKP) – Parti communiste allemand

Communisme orthodoxe

0

Autriche

Kommunistische Partei Österreich – Parti communiste d’Autriche (KPÖ)

Communisme orthodoxe

0

Belgique

Parti communiste (WallonieBruxelles)

Communisme orthodoxe

0

Kommunistische partij (KPF) – Parti communiste (Flandres)

Communisme orthodoxe

0

Bulgarie

Balgarska Levitcata/Българската Postcommuлевица (BL) – Gauche bulgare niste/réformiste

0

Chypre

Aνορθωτικό κόμμα Eργαζόμενου

2

11 12 13

Communisme ortho-

Cf.: www.european-left.org/fr/propos-de-la-ge/documents Cf.: www.european-left.org/about-el/working-groups.htm Cf.: www.european-left.org/about-el/regional-networks

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

Pays

113 Élus au Parlement européen 2009 – 2014

Nom

Typologie

Λοού (AKEL) – Parti progressiste des travailleurs

doxe

Danemark

Enhedslisten – De Rød-Grønne (EL-DRG) – Alliance rouge et verte

Gauche verte

1

Espagne

Izquierda Unida (IU) – Gauche unie

Postcommuniste/ réformiste/Gauche verte

1

Partido Comunista de España (PCE) – Parti communiste d’Espagne

Communisme traditionaliste et réformiste

0

Catalogne : Esquerra Unida i Al- Postcommuniste/ ternativa (EUiA) – Gauche unie et Catalanisme alternative

0

Estonie

Eestimaa Ühendatud Vasakpartei Rouge-Vert – Parti de la Gauche Estonien

0

Finlande

Suomen kommunistinen puolue (yhtenäisyys) (SKPy) – Parti communiste de Finlande

Communisme orthodoxe

0

Vasemmistoliitto (VAS) – Alliance de gauche

Gauche verte

0

Parti communiste français (PCF)

Communisme réformiste

2

Parti de gauche

Postcommuniste/ communiste réformiste

1

Gauche unitaire

Trotskisme/ communisme

0

Grèce

Synaspismós tīs Aristerás tōn Kinīmátōn kai tīs Oikologías (SYN) – Coalition de la gauche, des mouvements et de l’écologie

Gauche verte/Réformiste

13

Grèce

(Ανανεωτική Κομμουνιστική Οικολογική Αριστερά – Renewing Gauche écologique communiste (AKOA)

Rouge-Vert

0

Hongrie

Magyarországi Munkáspárt 2006 – Parti des travailleurs de Hongrie 2006

Communiste réformiste

0

Italie

Partito della Rifondazione Comunista (PRC) – Refondation communiste

Communisme orthodoxe/ communiste réformiste

0

Italie

Partito dei Comunisti Italiani (PdCI) – Parti des Communistes italiens

Communisme réformiste

0

Luxembourg

Déi Lénk (DL) – La Gauche

Postcommuniste/ réformiste

0

France

PATRICK MOREAU

114

Élus au Parlement européen 2009 – 2014

Pays

Nom

Typologie

Portugal

Bloco de Esquerda (BE) – Bloc de gauche

Postcommuniste/ réformiste

3

Roumanie

Partidul Alianţa Socialistă (PAS) – Parti de l’Alliance socialiste

Postcommuniste/ réformiste

0

Slovaquie

Komunistická strana Slovenska – Parti communiste de Slovaquie

Communisme orthodoxe

0

Suisse

Partei der Arbeit der Schweiz – Parti du travail de Suisse

Communisme orthodoxe/ communisme réformiste

République tchèque

Strana demokratického socialismu (SdS) – Parti du Socialisme démocratique

Postcommuniste/réformiste

0

Tableau: Partis adhérents ou observateurs du PGE (pays non membres de l’Union Européenne – Décembre 2013) Pays

Nom

Typologie

Biélorussie

Беларуская партыя аб’яднаных левых Postcommu“Справядлівы сьвет” (PKB) – Parti biélorusse niste/réformiste de la gauche unie « Un monde plus juste »

Chypre Partie Turque)

Birleşik Kibris Partisi – Parti de l’unité Chypriote

Chypre (Partie turque)

Yeni Kıbrıs Partisi – Nouveau Parti de Chypre Gauche réformiste

Moldavie

Partidul Comuniştilor din Republica Moldova Communisme ortho(PCRM) – Parti des communistes de la Répu- doxe et réformiste blique de Moldavie

Turquie

Özgürlük ve Dayanışma Partisi (ODP) – Parti de la liberté et de la solidarité

Gauche réformiste

Postcommuniste/réformiste

Le PGE s’est engagé dans la bataille européenne de 2014 avec une déclaration programme et une série d’axes programmatiques. Ces axes sont une sorte de plus petit dénominateur idéologique commun et ont servi à nourrir la campagne du PGE et de ses membres.14 Cinq axes fondamentaux étaient définis : « 1/ Résister à l’austérité – Pour un nouveau mode de développement ; 2/ Rendre le pouvoir aux peuples – Pour la révolution citoyenne ; 3/ Pour l’Europe sociale et des droits ; 4/ Pour des échanges justes avec le monde – refuser le grand Marché transatlantique ; 5/ Pour une Europe de la paix ». Le document final du 4e congrès du PGE qui s’est tenu du 13 au 15 décembre 2013 à Madrid était beaucoup plus long et révélateur des choix idéologiques et 14

Cf.: http://de.european-left.org/positions/congress-motions/documents-4th-el-congress/ axes-programmatic-platform-4th-el-congress

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

115

politiques du PGE.15 On y découvre les classiques « antiimpérialisme, antifascisme, anticapitalisme », politique d’alliance avec les syndicats et les mouvements sociaux, mise sous contrôle de l’économie et des banques. La seule surprise est l’absence d’un projet de suppression de l’Euro. Dans le document politique adopté au 4e congrès du PGE qui s’est tenu du 13 au 15 décembre à Madrid, intitulé « Unir pour une alternative de gauche en Europe », le PGE affirme que l’Europe traverse « la plus grave crise de son histoire ». Le projet européen est un « cauchemar où le seul horizon proposé aux peuples européens est une régression sociale brutale et généralisée ». La « conception de l’Union européenne (…) façonnée sur le modèle ultralibéral (est) placée sous la tutelle des marchés financiers ». La crise du capitalisme mondialisé a frappé directement l’Europe, ce qui a abouti à des « politiques d’austérité extrême, la contraction et la précarisation de l’emploi, la privatisation des services et entreprises publics, la destruction de pans entiers des forces productives, la réduction dramatique de l’Etat social, l’affaiblissement des institutions démocratiques ». Pour « maintenir la domination du capital et les profits », l’austérité et l’autoritarisme sont devenus « les outils d’une stratégie des oligarchies européennes pour dominer les peuples. ». Le PGE propose « qu’une rupture soit opérée » et que l’Europe soit refondée. Pour y parvenir, le PGE « unit des forces anticapitalistes, communistes, socialistes, écologistes, féministes, écosocialistes, républicains et démocrates » et veut atteindre une « confluences des différentes luttes populaires au niveau européen ». Certes, la crise du système capitaliste touche « sans exception » toutes les régions du monde, mais la crise dans l’UE a un « caractère spécifique, lié à sa construction et aux dogmes néolibéraux » qui ont présidé à sa construction. L’euro, que le PGE ne semble pas vouloir supprimer « est en crise pour cette raison ». Son rôle actuel est négatif, car il a « protégé » la rentabilité des placements financiers des plus puissants. La crise de 2008 a mené la BCE a « renflouer les banques et à étrangler » les Etats les plus faibles. Aujourd’hui, on observe une montée des « inégalités au profit de la domination allemande sur la zone euro », la construction européenne étant caractérisée « par un déséquilibre structurel au profit des exportations allemandes. La récession domine l’Europe. Le chômage des jeunes en est une conséquence, « et progresse rapidement partout en Europe. » Les femmes sont, selon le PGE, « spécifiquement touchées par la crise » et victime « d’un discours conservateur et hétéronormatif ». L’autoritarisme croît et « menace » la démocratie. Les souverainetés populaires sont « bafouées par la centralisation des pouvoirs dans des instances technocratiques » dont la « troïka » (FMI, BCE et Commission européenne) a été l’exécutrice ». Le PGE évoque une fascisation rampante des sociétés. Les institutions européennes sont considérées par nature « antidémocratiques et éloignées des exigences des peuples ». L’UE se construit « contre les peuples ». Le choix actuel est celui de « l’Europe forteresse et de Frontex, des accords de Schengen qui condamnent les populations migrantes à une absolue exclusion, à l’emprisonnement dans des centres de rétention, véritables zones de non droit, ou à la mort dans des embarcations de misère ». L’UE, alignée sur l’OTAN, « joue un 15

Cf.: http://de.european-left.org/positions/congress-motions/documents-4th-el-congress/ final-political-document-4th-el-congress

PATRICK MOREAU

116

rôle important parmi les forces impérialistes ». La crise européenne s’inscrit dans la crise mondiale et le « capitalisme ne peut pas être humanisé ». Ceci implique la nécessité de « réponses globales pour dépasser le capitalisme et le patriarcat, et permettre l’émergence d’un nouveau modèle de développement ». L’objectif du PGE est de « changer le rapport des forces en Europe ». Pour sortir de la crise, le PGE fait des « propositions alternatives ». Il veut une priorité à l’emploi, au développement social, écologique et solidaire. Parmi les mesures avancées : « Produire en Europe, et produire autrement ; défendre et développer les services publics ; avoir des salaires minimum en Europe; agir pour la transition écologique, atteindre la souveraineté alimentaire ». Ceci ne sera possible que par une émancipation des marchés financiers et une mise de l’économie au service de l’humain ». Une étape est le contrôle public et démocratique des secteurs bancaires de chaque pays et de la BCE, la remise en cause de « l’indépendance et des missions de la Banque centrale européenne ainsi que de l’actuelle architecture de l’Euro et sa gouvernance ». Enfin, il est impératif de « changer la fiscalité en généralisant les impôts sur le capital dans les différents pays ». Le système de pouvoir doit lui aussi changer. Le PGE veut « rééquilibrer les pouvoirs dans les institutions » et rendre « le pouvoir aux assemblées élues nationales et européenne ». Un transfert des pouvoirs de la commission doit être opéré vers les parlements nationaux et le parlement européen. Son rôle doit être limité à des « responsabilités exécutives ». Pour démocratiser les sociétés européennes, il faut « développer l’intervention populaire et la démocratie participative dans les institutions et les entreprises incluant la démocratie de genre ». Enfin, le grand marché transatlantique doit être rejeté. Que penser du projet PGE en 2014 ? Les PC et formations postcommunistes des pays nordiques, qui rejettent la construction européenne dans son ensemble, ceux des pays baltiques et du Benelux, le puissant PC Portugal et le KKE grec se refusent à coopérer, ce qui a de toute évidence ralentit la dynamique du projet PGE. En dehors de son incapacité à attirer l’ensemble des candidats possibles, on peut distinguer des dimensions positives et négatives. Du côté positif, la multiplication des rencontres entre partis, un appareil petit mais solide, des leaders expérimentés. Du côté du passif, le PGE attire actuellement des groupuscules politiques sans influence. Plus graves sont les contradictions entre deux options stratégiques. Die Linke veut centrer le parti sur une dimension institutionnelle et en faire un point de convergence avec les sociaux-démocrates et les socialistes, même si die Linke ne rejette pas l’adhésion au PGE de formations trotskystes ou communistes orthodoxes. D’un autre côté, le PRC italien, qui a payé cher son alliance avec la gauche démocratique, plaide pour un retour aux sources du communisme d’opposition, ouvert à toutes les variantes d’extrême gauche et aux divers mouvements sociaux et altermondialistes16. L’avenir du PGE serait dans une fonction d’animateur d’un pôle de radicalité ouvert aux PC réfractaires grecs, portugais ou est-européens – qui rejettent largement en 2014 le projet PGE sous sa forme actuelle – et à tous les mouvements de résistance au capitalisme. Sur la question de la construction de l’Union Européenne, les deux tendances s’éloignent l’une de l’autre : Die Linke croit à une possibilité d’intervenir sur cette dernière pour en corriger « l’orientation néolibérale », Rifondazione plaidant pour une stratégie de « rupture ». Le PGE, qui est aussi victime de la triple concur16

Cf.: NZZ, 2 juillet 2008: “Hammer and Sickle are disappearing at Turin”.

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

117

rence de l’altermondialisme, des partis eurosceptiques du type Alternative für Deutschland, mais surtout de la droite national-populiste du type Front National, n’a pas encore défini de stratégie claire pour les prochaines années, celle-ci dépendant aussi de l’analyse en cours des résultats de l’élection européenne de mai 2014. Le PGE s’est doté d’une fondation, qui est organisé sous forme de réseau et publie une revue « Transform! Revue européenne pour une pensée alternative et un dialogue politique http://transform-network.net ». Transform! se définit comme « un réseau d’organisations principalement européennes dans le champ de l’éducation politique et de l’analyse scientifique critique »17. Elle compte 15 membres, 12 observateurs et 4 « amis ». L’analyse partielle des activités de ses membres montrent que Transform! est un réseau de première importance pour la renaissance du marxisme en Europe, mais aussi de la conception d’une stratégie critique de la construction européenne18. Les membres sont d’inégale importance, La Fondation Rosa Luxemburg, Espace Marx, la Fundación de Investigaciones Marxistas étant de loin les structures dominantes. L’essentiel des structures du réseau est de sensibilité communiste-réformiste ou post-communiste, les PC traditionalistes ne collaborant pas à Transform!. Le coordinateur en est Walter Baier, jusqu’en 2006 président du KPÖ autrichien et longtemps gestionnaire des fonds SED parqués en Autriche. A ses côtés, on trouve entre autres Elisabeth Gautier, directrice d’Espace Marx, Haris Golemis cadre de Synaspismos, Johanna Bussemer de la Fondation Rosa Luxemburg…19 L’Audit 201220 et les chiffres officiels montrent que Transform! dispose en 2013 d’environ 650.000 euros pour son fonctionnement (subvention et dons). Avec cette somme, Transform! peut entretenir un mini-appareil, publier une revue (13 numéro en fin décembre 2013), une newsletter et de nombreux textes d’analyse21 ou d’information. Elle est aussi coorganisatrice avec le PGE d’une université d’été (8 jusqu’en 2013). En conclusion, le réseau Transform! est devenu en quelques années un Thinktank de premier plan, capable de remédier partiellement aux déficits analytiques dans le domaine de la politique européenne de nombreux partis et formations communistes-réformistes ou post-communistes.

IV. Les tentatives de réorganisation des partis marxistes-léninistes Les partis et formations marxistes-léninistes ont cherché, en coopération avec une partie de l’extrême-gauche – à s’organiser sur le plan international, pour faire contrepoids au PGE, perçu ou dénoncé comme réformiste. Sans que la pratique des doubles appartenances ne pose problème. 17 18

19 20 21

Cf.: http://transform-network.net/fr/reseau/a-propos-de-nous.html Cf.: The Deepening Divisions in Europe and the Need for a Radical Alternative to EU Policies, in: http://transform-network.net/publications/publications-2014/news/detail/ Publications/the-deepening-divisions-in-europe-and-the-need-for-a-radical-alternative-to-eupolicies-1.html Cf.: http://transform-network.net/network/about-us.html Cf.: http://transform-network.net/fileadmin/transform_files/TE_Audit_Report_FINAL_13 DV0542.pdf Cf.: http://transform-network.net/programmes.html

PATRICK MOREAU

118

Lorsque l’on analyse sur le long terme les débats idéologiques à l’occasion de la grand-messe internationaliste des PC et formations post-communistes que furent les 15 « rencontres internationales des partis communistes et ouvriers », on découvre l’existence de frictions très fortes chez les partis et formations orthodoxes se réclamant de l’héritage soviétique. Celles-ci découlent de l’existence de deux analyses divergentes. Les « modernistes ML » acceptent la globalisation comme un fait et définissent la lutte des classes comme une problématique internationale. La classe ouvrière n’est plus dans ce contexte le seul sujet révolutionnaire. A sa place, ou plutôt en alliance avec elle, les modernistes ML voient l’avenir de la révolution dans la constitution d’un vaste réseau de différents mouvements engagés dans la résistance au capitalisme. Les « traditionalistes ML » continuent à faire de leur classe ouvrière nationale le sujet révolutionnaire par excellence. Ils insistent sur le fait que les partis communistes doivent continuer à la guider dans sa lutte contre le capital et la bourgeoisie. Les deux sensibilités se perçoivent comme les gardiens de l’orthodoxie. Ce qui va expliquer l’échec de la création sur le long terme d’une véritable internationale orthodoxe. Le 1er octobre 2013 s’est tenu à Bruxelles la réunion de fondation de l’« Initiative des partis communistes et ouvriers » (CWPE). Le KKE grec était à l’origine de cette création. Le projet était né à l’occasion du Meeting européen communiste à Bruxelles le 30 septembre 2013. Son thème « Le rôle des partis communistes et ouvriers en Europe dans le but de renforcer la lutte de la classe ouvrière et des couches populaires contre l’Europe et la stratégie du capital, pour faire sortir les peuples de la crise capitaliste, renverser le capitalisme, pour le socialisme ». 33 partis y participaient.22 Il s’agissait aussi d’une réaction à la percée électorale de Syriza en 2012 et l’intensification de sa collaboration avec le PGE. Dans sa déclaration de fondation23, le CWPE déclarait son « adhésion aux principes du socialisme scientifique” et plaçait son combat sous l’égide de l’antiimpérialisme, de la lutte de « l’exploitation de l’homme par l’homme » et de la justice sociale. L’axe principal était de lutter contre l’Union européenne décrite comme un « centre impérialiste », « militariste », capitaliste-monopolistique et aligné sur les USA et l’OTAN. La stratégie suivie était de s’allier à tous les partis ouvriers et communistes membres de l’UE, mais aussi dans sa périphérie24. Le PGE était désigné clairement comme un parti collaborationniste de l’UE25. Le CWPE a son centre logistique à Athènes. Les quelques 30 partis ou groupes adhérents de sensibilité communiste orthodoxe ou trotskyste restent indépendants financièrement et participent, selon leurs ressources, aux rencontres communes. Leur importance politique dans leur pays d’origine reste, à quelques rares exceptions près, marginale. Politiquement, on trouve des communistes orthodoxes et des mouvements trotskystes. Tableau: Les poids lourds membres du CWPE (février 2014) Elus aux parlements Belarus : Kamunistychnaya Partyia Belarusi (KPB), Parti communiste des travailleurs du Belarus 22 23 24 25

2008: 6

Cf.: http://inter.kke.gr/en/articles/EUROPEAN-COMMUNIST-MEETING-2013/ Cf.: www.initiative-cwpe.org/en/documents/founding-declaration/ Cf.: www.initiative-cwpe.org/en/documents/operating-framework/ Cf.: http://inter.kke.gr/en/articles/Zur-Rolle-der-Europaeischen-Linkspartei-00001/

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

119

2012: 3 Grèce : Kommounistikó Kómma Elládas (KKE), Parti communiste de Grèce

Mai 2012 : 26 ; Juin 2012: 12; Parlement européen 2009: 2 ; 2014 : 2

Lettonie : Latvijas Sociālistiskā partija (LSP), Parti socialiste de Lettonie

2011: 3

Les activités du CWPE sont pour l’instant assez réduites. Ses chances de devenir une nouvelle internationale traditionaliste sont faibles vue l’insignifiance politique de la plupart des organisations adhérentes, mais aussi le refus de nombreuses formations orthodoxes à rejoindre le projet.

Conclusion La disparition de l’Union Soviétique a marqué la fin – sans doute définitive – du système communiste mondial. Cette évidence n’est pas en contradiction avec les tentatives actuelles de réorganisation de réseaux internationaux dans la communauté européenne, les pays en voie d’agrégation et dans sa périphérie. Ils sont unis dans leurs perspectives anticapitalistes et anti-impérialistes et leur volonté de se démarquer de la communauté européenne dans son état actuel. Le Parlement européen leur offre la possibilité de faire connaître leurs positions, dont l’acceptation croît actuellement en Europe.

COMMUNISM AND POST-COMMUNISM BETWEEN AND ANTIEUROPEANISM AND ALTER-EUROPEANISM The collapse of the Soviet system hit the Communist parties (CP) very hard. In the East as well as in the West they were forced to reassess which part of their organisational, communal, utopian and unionist heritage could be useful to ensure their survival and also to regain a position within their political systems. One of the top priorities was to decide which attitude to adopt towards the accelerating unification of Europe and many countries’ accession to the European Union. Every Communist Party (CP) in the West followed one of three adjustment logics with regard to this subject. The traditionalist wing is “most typical”. From the Atlantic Ocean to the Urals, it consists of about a hundred parties, groups and study groups. These CPs consider themselves to be revolutionary, working-class oriented, advocates of trade unionism, internationalist, ant-imperialist, and anti-fascist. They reject the European Union, denouncing it as imperialist, warmongering, a heeler of the USA as well as a machine to impoverish the peoples for the benefit of capitalism. The green-red model is based on the ideological identity proclaimed by several North European parties in the Nordic Green Left Alliance founded in 2004. Its member parties look favourably upon economic growth – but within the frame of a “tamed” capitalism which takes into account ecological necessities. They come together in groups according to programme lines breaking with the

120

PATRICK MOREAU

capitalism of industrial societies. They strive for the fair distribution of wealth, the international division of labour, the acceptance of immigration, and the protection of the environment. Therefore, they oppose or severely criticise the “neoliberal” European Union. Finally, reform-oriented and post-communist models have become attractive for a growing number of PCs in the East. They have to take into consideration political, social and economic transformations in their countries and respond to the changes which accompany accession to the European Union. They come together around the proposal for a different European Union, one which is based on a social and anti-liberal model. This became evident in the 1990s with the foundation of the European United Left/Nordic Green Left in the European Parliament, and since 2004 with the Party of the European Left (EL). In spite of its ideological diversity, this group has found a rather harmonious mode of operation concentrating on anti-capitalism, pacifism, and anti-imperialism, but also on a very severe criticism of European integration and the European Commission.

KOMMUNISMUS UND POSTKOMMUNISMUS ZWISCHEN ANTIEUROPÄISMUS UND ALTER-EUROPÄISMUS Der Zusammenbruch des sowjetischen Systems hat die kommunistischen Parteien (KP) hart getroffen. Im Osten, wie auch im Westen waren sie gezwungen, einzuschätzen, welcher Teil ihres organisatorischen, kommunalen, utopischen und unionistischen Erbes nützlich sein könnte, um nicht nur ihr Überleben, sondern auch ihre Position innerhalb des politischen Systems wiederherzustellen. Dabei war einer der obersten Prioritäten die Bildung einer Haltung gegenüber dem beschleunigten Europäischen Einigungsprozess und dem Beitritt vieler Länder in die Europäische Union. Im Hinblick auf dieses Thema verfolgt jede kommunistische Partei im Westen eine von drei Logiken. Der rechte traditionelle Flügel ist “archetypisch”. Vom atlantischen Ozean bis zum Ural besteht er aus etwa hundert Parteien, Gruppen und Studien-gruppen. Diese KP betrachten sich selber als revolutionär, an der Arbeiterklasse orientiert und aktiv in den Gewerkschaften, international, anti-imperialistisch und anti-faschistisch. Sie lehnen die Europäische Union ab, die als imperialistisch und kriegstreiberisch gebrandmarkt ist, als ein Befehlsempfänger der USA und eine Maschine, die die Menschen zum Nutzen für den Kapitalismus verarmen lassen. Das grün-rote Modell basiert auf einer ideologischen Identität, die von zahlreichen Nordeuropäischen Parteien proklamiert wird, welche in der nordischgrün-linken Allianz, die 2004 gegründet wurde, zu finden sind. Ihre Parteimitglieder schauen vor allem auf ein wirtschaftliches Wachstum, aber innerhalb eines „gezähmten“ Kapitalismus, der ökologische Notwendigkeiten berücksichtigt. Ihre Gruppe versammelt sich um programmatische Linien, die mit dem Kapitalismus der industriellen Gesellschaft brechen. Sie kämpfen für eine faire Verteilung des Reichtums, internationale Arbeitsteilung, die Akzeptanz von Immigration und dem Schutz der Natur. Daher sind sie gegen oder kritisieren scharf die „neoliberale“ Europäische Union.

COMMUNISME ET POSTCOMMUNISME ENTRE ANTI- ET ALTER-EUROPÉANISME

121

Zuletzt sind Reformorientierte und postkommunistische Modelle für eine wachsende Anzahl von KP im Osten attraktiv geworden. Sie müssen die politische, soziale und wirtschaftliche Transformation in ihren Ländern berücksichtigen und auf die Veränderungen aufgrund des Beitritts zur Europäischen Union reagieren. Sie versammeln sich um ein Projekt einer anderen Europäischen Union, die auf einem sozialen und anti-liberalen Model basiert. Dies wurde offensichtlich in den 1990er Jahren mit der Gründung der Vereinten Europäischen Linken/Nordischen Grün-Linken im Europäischen Parlament und seit 2004 mit der Partei der Europäischen Linken (EL). Abgesehen von ihrer ideologischen Verschiedenheit betreibt diese Gruppe eine eher harmonische Arbeitsweise, die sich auf den Anti-Kapitalismus, Pazifismus und den Anti-Imperialismus konzentriert. Aber sie übt auch scharfe Kritik an der Europäischen Integration und der Europäischen Kommission.

Part 3

ANTI-EUROPÉISME, EUROSCEPTICISME, ABSTENTIONNISME : UN PHÉNOMÈNE EN PROGRESSION ? ANTI-EUROPEANISM, EUROSCEPTICISM AND ABSTENIONSIM: A GROWING TREND? ANTI-EUROPÄISMUS, EUROSKEPTIZISMUS UND ENTHALTUNG: EINE WACHSENDE TENDENZ?

‘PLUNDER FOR THE NATIONS’: EP ELECTIONS AND THE RISE OF EUROSCEPTICISM IN THE NETHERLANDS ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST For a long time, the Netherlands was seen – and also saw itself – as a manifestly pro-European or Europhile country, supporting the process of European integration with fervour and enthusiasm. At least during the period 1950-1990, the government, national parliament and the public at large regarded the rapidly evolving European Community as beneficial for the promotion of Dutch national interests, favouring the country’s position in economics and trade. Permissive consensus was the norm during these years, a consensus based on – openly or tacitly – advocating the progressive development of the Community. In more recent years, the image of the Netherlands as a consistently proEuropean Member State has undergone radical change. Since the start of the new millennium, Euroscepticism has established itself as a forceful phenomenon in the country’s political culture, attracting increasing public support. This chapter investigates the rise of Euroscepticism and anti-Europeanism in the Netherlands from a historical perspective, focusing on the positions taken by national political parties at the time of elections for the European Parliament, from the start in 1979 till the most recent elections in 2014. Our analysis is based on a decade-by-decade study of EP election programmes of Eurosceptic political movements, starting in the late 1970s.1 Using a historical-developmental approach – aided by a typology of Euroscepticism – helps to explain whether, why and to what extent Dutch political parties have adapted their views on the desirability of European integration.

I. 1980s: Weak Euroscepticism The original status of the Netherlands as a Europhile country found confirmation in the run-up to the first three elections for the European Parliament (EP), in 1979, 1984 and 1989. The election programmes and electoral campaigns of the country’s main political parties reflected overt and overall support for European integration. If criticism was vented against Europe, it was the reproach that the integration development did not go far or fast enough, or that the democratic credentials of the Community still left much to be desired. The emphasis clearly was on ‘more Europe’ – predominantly in the shape of a more economic Europe – rather than ‘less Europe’. Successive Dutch governments fervently advocated the 1

We thank our student assistant Ms Felisha Aakster for her generous support in collecting, studying and analysing the EP election programmes of Dutch political parties from 1979 till 2014. Another part of the research for this chapter is based on: HARRYVAN, A. G., and VAN DER HARST, J. (eds.), Verloren consensus. Europa in het Nederlandse parlementair-politieke debat, 1945-2013, Amsterdam, Boom, 2013, p. 143-284.

126

ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST

transformation of the EC customs union into a genuine common market and were happy to see that in the mid-1980s the Single European Act was adopted to make this happen. The national parliament – more than the government – also saw federal-political integration as an option to be pursued on the European level, at least to a certain extent. Supranationalism and progressive integration had many Dutch adherents during the early decades. This was also visible in the position taken by the country’s four main political parties, all belonging to the centre of the national political spectrum: the Christian Democrats (CDA), Social Democrats (Labour Party: PvdA), Conservative Liberals (VVD) and Progressive Liberals (D66).2 Together, these four parties occupied about 90% of the seats in the national parliament (First and Second Chamber), and a similar percentage of the Dutch seats in the EP. Given this overwhelming support, a real parliamentary or public discussion on Europe was lacking in those years, European integration was a largely depoliticised phenomenon in the Netherlands. Related to this, like in many other countries, EP elections were considered ‘second-order elections’, meaning that debates and voting behaviour were dominated by mostly national issues, rather than European ones. Correspondingly, voter turnout at EP elections was and is generally low (see graph 1): from 58% at the first elections in 1979 to only 37% in 2014 (compared with the 75% turnout at the 2012 elections for the Dutch national parliament and with the EU average at EP elections which was consistently higher than the Dutch turnout). Apparently, the prevailing permissive consensus was partly based on public support for Europe, but was also the result of indifference and abstentionism. Graph 1: Turnout at elections for the European Parliament in the Netherlands and the European Union (in %)

Source: http://www.results-elections2014.eu/en/turnout.html 2

CDA and VVD are generally considered centre-right parties; D66 and PvdA belong to the centre-left.

“PLUNDER FOR THE NATIONS”

127

Despite the permissive consensus and broad support for integration, Euroscepticism was not entirely absent in the political arena of the 1980s. Both at the farright and far-left of the political spectrum, fringe parties manifested themselves as critical or even very critical of the actual European development.

At the political right, there were three small Christian (denominational) parties, affiliated to the Orthodox wing of the Dutch Protestant churches. In their principles and policies, they were and still are more dogmatic than the Christian Democratic sister party, CDA. The SGP, GPV and RPF parties felt that European integration infringed upon Dutch national traditions and culture in a highly undesirable manner.3 More specifically, they sought to protect the Protestant-religious identity of the Netherlands. It was not forgotten in these circles that Europe in the 1950s had started as a project of mainly Catholic politicians (l’Europe Vatican). The most dogmatic of the three parties, the SGP, regularly invoked the Holy Scripture to defend its position on European integration. In the EP election programme for 1979, the party referred to the prophet Ezekiel, who wrote a proclamation against the King of Tyre, after the latter had selfishly tried to expand his power and influence in the surrounding areas, an attempt facilitated by the lack of borders between the countries involved. In the words of Ezekiel: Therefore, thus, says the Lord God: ‘Behold, I am against you, o Tyre, and will cause many nations to come up against you, as the sea causes its waves to come up. And they shall destroy the walls of Tyre and break down her towers; I will also scrape her dust from her, and make her like the top of a rock. It shall be a place for spreading nets in the midst of the sea, for I have spoken’, says the Lord God; ‘it shall become the plunder for the nations.’

3

See, for example, GPV Manifest voor Europese verkiezingen. Voor een Europa van samenwerkende nationale staten, 1979.

ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST

128

The SGP compared Europe to Tyre: excess and abundance were dangerous earthly temptations and vigilance was needed against cultural influences of the pagan world around.4 However, despite such convictions, even the SGP and the other two conservative, Orthodox-Protestant parties were not entirely anti-European. They rejected Europe for reasons of identity protection, but were advocates of European integration as far as the economy (common market and common agricultural policy) was concerned. In their view, Europe was certainly of great importance for the promotion of national trade interests.5 In this period (1980s), the political right also included a small nationalist party, the CP (renamed CD in 1984), which was mainly known for its outspoken and unwelcoming (xenophobic) views on immigration and foreigners. Its Euroscepticism was more implicit than explicit: the CP focused on national and local problems, rather than on cross-border European issues.6 Although the party’s views (in political circles often denounced as ‘racist’) were heavily debated in the country, the CP/CD never attracted a large following and consequently failed to score a seat in the EP. The (far-)left side of the political spectrum featured three small political parties with Eurosceptic credentials: the communist CPN, the pacifist PSP and the radical PPR. The communists and pacifists rejected Europe as a capitalist conspiracy, which favoured multinational corporations and entrepreneurs at the expense of workers, trade unions and smaller companies. Apart from economic integration, CPN and PSP also rejected any attempt at military integration in Europe.7 Interestingly, the radical party (PPR) was somewhat alternative in its Eurosceptic attitudes. This party was not so much against Europe, but rather against the type of Europe that had taken shape in the European Community of that moment. In other words, the radical party opted for a different Europe, a Europe focusing on environmental protection, democratisation and decentralisation. In the PPR’s view, the national governments should become less powerful; instead, the European regions should emerge as the main pillars of sovereignty.8 Thus, in the 1980s, Euroscepticism was present in the Netherlands, both on the right and the left side, but the political parties representing this sentiment were all rather small, together occupying a maximum of about 10% of the Dutch seats in the EP (see graph 2).

II. Typology of Euroscepticism Since Euroscepticism is such a general concept, difficult to grasp and define, the authors of this chapter have decided to make use of a scheme developed by the French political scientist Cécile Leconte, presented in her book ‘Understanding Euroscepticism’.9 For the purpose of this chapter, the scheme has been slightly 4 5 6 7 8 9

Verkiezingsmanifest van de Staatkundig Gereformeerde Partij. Standpunten en concrete punten voor Europees beleid, 1979. SGP, RPF & GPV, Euromanifest, Europese Verkiezingen 1984, idem 1989. Lijst Janmaat – Ons 10 puntenprogramma, 1989. Punten waar de CPN voor optreedt bij de Europese verkiezingen, 1979; PSP: Bevrijding, ‘Europese Verkiezingen’, Extra Editie, 23 (1979) 9. Europees Programma PPR, 1979. LECONTE, C., Understanding Euroscepticism, Houndmills, Palgrave Macmillan, 2010, p. 43-67.

“PLUNDER FOR THE NATIONS”

129

adapted: the first three of the categories mentioned below are Leconte’s, the latter two have been added by us, in order to make the typology more specific and applicable to the situation in the Netherlands: – Utilitarian: scepticism of the (economic) gains and distributional impact of European integration; the benefits of integration are divided in an unfair, iniquitous manner; – Political-institutional: scepticism about the delegation of power and transfer of national sovereignty; rejection of political integration and fear of a European superstate; – Value-based: scepticism caused by growing EC/EU influence on national culture, values, belief systems and traditions; – Ideological: scepticism caused by the ruling (economic) ideology among EC/EU members and the European Commission; – Qualified: scepticism caused by the actual development of European integration; Europe in itself is not a bad idea, but it should move in another direction to the current one. When applied to the Dutch situation in the 1980s, as sketched above, we get the following picture: – Orthodox-Protestants (SGP, GPV, RPF): value-based and political-institutional Euroscepticism; – Nationalists (CP): value-based Euroscepticism; – Communists and pacifists (CPN and PSP): utilitarian, ideological and political-institutional Euroscepticism; – Radicals (PPR): Qualified Euroscepticism. Political-institutional Euroscepticism (fear of a European superstate) was present on both the far-right and the far-left. Moreover, it turned out that right-wing Euroscepticism was identity-based, while left-wing Euroscepticism was primarily motivated by (economically driven) utilitarian and ideological factors.

III. 1990s: A decade of stability In the 1990s, the Dutch political landscape remained quite stable. The proEuropean parties in the centre succeeded in maintaining their dominant position in the national and European parliaments. During this decade, three developments drew particular attention, all having a lasting impact. Firstly, one of the established parties in the centre, the conservative-liberal VVD, turned slightly less Europhile in its orientation, compared to the previous decade. Influenced by party leader Frits Bolkestein (later to become European Commissioner for Internal Market Affairs in the Prodi Commission), the VVD started to plea for a more reticent, less ambitious European Union (EU). In Bolkestein’s opinion, the Treaty of Maastricht (particularly its second and third pillars, as well as the Social Chapter) had ‘deviated’ European integration into a socialpolitical direction, luring the EU away from what the VVD considered the core business of Europe: providing free-market access and a level playing field for companies Europe-wide. Although Bolkestein changed the rules of the game to a certain extent, because of his convinced support of the common market and the euro, he could not be called a true Eurosceptic. If he was one, it concerned a high-

130

ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST

ly qualified form of Euroscepticism. Nevertheless, his impact was visible, the VVD being the first of the established political parties in the centre to voice fundamental criticism of the EU. Moreover, there was a personal factor involved, with longer-term effect: Geert Wilders (see below) started his career in the ranks of the VVD as an assistant to Bolkestein.10 Secondly, in 1990, the three left-wing Eurosceptic parties indicated above (CPN, PPR and PSP) merged into one single party, GroenLinks (Green Party). Interestingly, in the course of the decade after its creation the Green Party developed into one of the most Europhile movements of the whole country. In other words, a party created out of three Eurosceptical groupings became itself a fervent supporter of the EU. This was caused by two main factors: first, the EU’s increasing commitment to ‘green’ environmental issues and to the exploration of clean and renewable energy. Secondly, after Maastricht, Europe’s foreign and security policies started to become more independent from the United States and NATO – a development much welcomed by the former communists and pacifists. A third conspicuous development in the 1990s was the emergence of a new Eurosceptic party on the Left, the Socialist Party (SP). Using Leconte’s and our categories, the SP’s Euroscepticism was primarily of a utilitarian and ideological nature. Apparently, the anti-capitalist slogans of former communists and pacifists were taken up not so much by the Green Party, but most notably by the new SP. Concerning Europe, the SP turned itself against the introduction of the euro. The main point of criticism was that the euro was imposed from above, and not supported from below. The Dutch citizen had never been asked what he actually felt about sacrificing the national guilder, a fatal mistake, in the view of the SP leadership, whose plea for holding a referendum on the issue was to no avail.11 For the rest, despite Bolkestein and the SP, stability ruled in the 1990s. The share of Eurosceptic seats in the EP (as a percentage of total Dutch seats) barely surpassed the 10% (see graph 2).

IV. 2000s: Substantial change from the start of the new millennium Important changes occurred right at the beginning of the new millennium, particularly during the years 2001 and 2002. This period witnessed some serious external developments with lasting consequences: the terrorist attacks on 9/11; resulting tensions around Afghanistan and Iraq; exploding energy prices; collapsing stock markets; the sudden end of a period of sustained economic growth; growing doubts about the benefits of globalisation and Europeanisation; etc. These international developments had a direct effect on the domestic situation in the Netherlands. The rapid rise of the populist politician Pim Fortuyn, Fortuyn’s fierce criticism of the country’s political establishment, an electorate that became more and more volatile and the confusion within the ranks of the traditionally pro-European centre-parties, should all be seen in this broader context of enhanced insecurity about the impact of global change. To make matters worse, in the public view the Dutch government seemed incapable of doing anything 10 11

HARRYVAN, A. G., and VAN DER HARST, J., op.cit., p. 293-294. HARRYVAN, A. G., and VAN DER HARST, J., op cit., p. 195.

“PLUNDER FOR THE NATIONS”

131

about it. Fortuyn was assassinated in 2002 and in the national elections immediately following his death the new political party named after him, the Lijst Pim Fortuyn (LPF), entered the national parliament with 26 (out of 150) seats, an unprecedented phenomenon in Dutch politics. Although the LPF’s existence was only short-lived – the party soon collapsed as a result of internal controversies – Fortuyn’s anti-establishment ideas proved to have a broad impact, also on other political groupings, including the parties represented in government. Immigration, internationalisation and European integration suddenly became contested issues, in a way they never had been before.12 On top of this, there was the introduction of the euro as a physical means of payment in 2002. The trusted guilder disappeared out of the pockets of Dutch citizens. This coincided with all the economic and financial turmoil which occurred in the aftermath of 9/11. Moreover, the strict rules of the Stability and Growth Pact, so fervently advocated by the Dutch government, became subject to a loose interpretation by many of the EU Member States. All these developments met with utter dismay on the part of the Dutch citizen. In the 1990s, the government had defended the introduction of the euro by referring to the hard treaty clauses imposed on the participating Member States, but very soon it turned out that the criteria were brutally ignored or swept aside. Official Dutch protests remained unanswered and citizens wondered how earlier promises could have been broken so rapidly. Resulting feelings of dissatisfaction contributed to the rejection of the European Constitution in the national referendum of June 2005.13 Europe had suddenly become politicised after the long period of depoliticisation and permissive consensus experienced before. In the aftermath of the referendum, Geert Wilders and his Freedom party (PVV)14 emerged as the main manifestation of this trend towards politicisation. Wilders voiced the feelings of those who distrusted the implications of the ‘Big Bang’ enlargements of 2004 and 2007, particularly the influx of cheap labour from Eastern Europe. Moreover, in recent years, he has benefited from the effects of the banking crisis and the European debt crisis on the national economy. The PVV’s rise brought to light the growing dichotomy in the country between the ‘haves’ and the ‘have-nots’: surveys showed that highly-educated people tend to be supportive of European integration, while the less-educated look for anti-European or Eurosceptic alternatives. Wilders’ ideas strongly appeal to the latter group. Bringing to mind Leconte’s categories, Wilders’ Euroscepticism is comprehensive: it is utilitarian, politicalinstitutional, ideological as well as value-based. In his speeches, Wilders tends to emphasize the corrupting influence the EU has on national culture, values, beliefs and traditions. This comprehensive form of Eurosceptism could also be typified as anti-Europeanism. Repeatedly, Wilders has made known that he wants to take the Netherlands out of the EU and the euro. It should be added here that Wilders’ strategy on Europe is also born out of electoral opportunism: he is well aware of the potential attraction of his ticket on dissatisfied voters.

12 13 14

HARRYVAN, A. G., and VAN DER HARST, J., op. cit., p. 294. SEGERS, M., Reis naar het continent. Nederland en de Europese integratie, 1950-heden, Amsterdam, Boom, 2013, p. 270. In September 2004, Wilders had left the VVD and started an independent parliamentary group. In 2006, he founded the PVV (Freedom Party).

ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST

132

Euroscepticism is on the rise in the Netherlands: in recent years it has more than doubled, and even tripled: from just 10% of the electorate in the period 1979-1999, to 25-30% in more recent times (see graph 2). The rise concerns not only Wilders’ PVV, but also SP, SGP, CU (a merger of the Orthodox-Protestant GPV and RPF) and some smaller parties. This seems to be a radical development, especially in comparison with the long-lasting political stability which prevailed in the period before 2000.15 In the Conclusions we attempt to analyse the actual implications of this changing domestic political landscape on European integration. Graph 2:

15

The EP seats identified as Eurosceptical were of the following parties: 1984: CPN, PSP, PPR, GPV, RPF and SGP; 1989: Regenboog (‘Rainbow’, a cooperation framework of CPN, PPR, PSP and the Evangelische Volkspartij, EVP), GPV, RPF and SGP; 1994: GPV, RPF and SGP; 1999 GPV, RPF, SGP and SP; 2004: ChristenUnie, SGP and SP; 2009: ChristenUnie, SGP, SP and PVV; 2014: ChristenUnie, SGP, SP and PVV; In spite of its Eurosceptic past, by 1994 GroenLinks’ European election programme qualified as pro-European, containing statements as ‘In Western Europe the rise of the European Union decreases the dominance of the nation states. GroenLinks applauds the process of increasing European cooperation in principle’ and ‘GroenLinks is a critical proponent of ongoing European integration. It does not call into question European cooperation as such. It does call into question, however, its speed and direction’. As was demonstrated two years later when the GL parliamentary party in the Netherland’s national parliament opposed the 1996 Amsterdam Treaty. GroenLinks, Verkiezingsprogramma voor de Tweede Kamer en Europees Parlement 1994-1998. Another potential candidate for the label ‘Eurosceptic’ was the short-lived Europa Transparant Party lead by former European Commission official and whistle-blower Paul van Buitenen, which participated in the 2004 EP elections. Indeed, Eurosceptic sentiments among the electorate appear to have played a role in securing its two EP seats. The party’s electoral programme, however, centered on more democracy and transparency in EU policy making and steered free of Eurosceptic stances: ‘Europa Transparant says in no uncertain terms: “Europe is important.”’ Verkiezingsprogramma Europa Transparant Europese verkiezingen 10 juni 2004.

“PLUNDER FOR THE NATIONS”

133

Conclusion Three main conclusions could be drawn from the findings of this chapter. Firstly, as before, EP elections have remained second-order elections, even in present times of increasing politicisation. A Dutch citizen’s EP vote is very often a vote on the government in power, rather than on European issues. Interest in European elections is still marginal. Turnout figures show a high amount of abstentionism, which is generally more a sign of indifference than of Euroscepticism. Secondly, until well into the 1990s, Euroscepticism played only a marginal role in Dutch politics. However, during the years after 2000 a rise of both the right and the left of the political spectrum has been to the detriment of the traditionally Europhile centre parties. Especially the Christian Democrats (CDA) and Social Democrats (PvdA), both with a long history in government and a large presence in parliament, recently lost a substantial part of their traditional electoral support. There is one exception to this trend of a crumbling political centre: the pro-European Progressive Liberals of D66 have made considerable gains in recent national and EP elections – in 2014 scoring most of the Dutch electoral votes – because of their undiluted choice for Europe, their constructive stance as domestic opposition party and their consistent criticism of the radical ideas of the PVV. It confirms the above-mentioned growing dichotomy in Dutch society: nowadays, well-educated cosmopolitans tend to vote for a party like D66, whereas the less-educated ‘national protectionists’ opt for the PVV or other Eurosceptic parties. Thirdly, despite the rising share of Eurosceptic votes since 2000 (from 10% to 25-30% of the electorate) and the success of comprehensive Euroscepticism as embodied by the PVV, it would be wrong to assume that present-day Dutch politics is under the spell of rampant anti-Europeanism. The EP elections of 2014 confirmed the Eurosceptic trend, but also made clear that the rise of the PVV shows serious setbacks: Wilders’ party lost one of its five EP seats, thereby remaining far behind initial expectations (reflected in opinion polls) and behind the fastgrowing sister parties in France and Britain. Moreover, in the course of time, Wilders’ anti-Europeanism and his stance on immigration have become so radical that the other Eurosceptic parties (SP, CU and SGP) refuse to be ‘pigeonholed’ under the same banner as the PVV. Because of this, and because of their seemingly growing acceptance of the inevitability of European integration, their Euroscepticism has become less of an ideological and more of a qualified nature: the SP, CU and SGP are no longer principally against further integration, rather they prefer a different kind of Europe from the one that has taken shape in the present EU. Hence, over the years, Euroscepticism in the Netherlands has changed face: new adherents tend to be the most radical, while the tone of traditional sceptics has become more moderate than before.

134

ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST

« LE PILLAGE POUR LES NATIONS » : LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES ET LA MONTÉE DE L’EURO-SCEPTICISME AUX PAYS-BAS Pendant longtemps, les Pays-Bas ont été considérés (et se sont eux-mêmes considérés) comme un pays manifestement pro-européen ou europhile, soutenant le processus d’intégration européenne avec ferveur et enthousiasme. Durant au moins la période de 1950 à 1990, le gouvernement, le parlement national et l’opinion publique ont considéré la rapide expansion de la Communauté européenne comme bénéfique pour la promotion de l’intérêt national néerlandais, favorisant la position économique et commerciale du pays. Durant ces années, le consensus permissif était la norme : il s’agissait d’un accord basé sur l’approbation, ouverte ou tacite, d’un développement progressif de la Communauté. Au cours des dernières années, l’image des Pays-Bas en tant qu’État membre pro-européen a connu un changement radical. Depuis le début du nouveau millénaire, l’euroscepticisme s’est imposé comme un phénomène puissant dans la culture politique du pays, s’attirant le soutien croissant de l’opinion publique. Notre chapitre examine la montée de l’euroscepticisme et de l’anti-européanisme aux Pays-Bas d’un point de vue historique. Nous mettons l’accent sur les positions des partis politiques nationaux durant les élections au Parlement européen à partir de 1979 jusqu’aux dernières élections en 2014. Notre analyse est basée sur une étude par décennies des programmes des mouvements politiques eurosceptiques pour les élections européennes, à partir de la fin des années 1970. Notre approche de développement historique (soutenue par une typologie de l’euroscepticisme) aide à expliquer pourquoi et dans quelle mesure les partis politiques néerlandais ont ajusté leurs points de vue sur la désirabilité de l’intégration européenne. Indépendamment de la proportion croissante de l’électorat eurosceptique depuis l’an 2000 (entre 10% et 25-30% des électeurs) et du succès de l’« euroscepticisme généralisé » incarné par le PVV (« Parti de la Liberté »), nous estimons qu’il serait erroné de supposer que la politique néerlandaise d’aujourd’hui est tombée sous le charme de l’anti-européanisme latent. Les élections de 2014 ont confirmé la tendance eurosceptique, mais ont également fait apparaître que la hausse du PVV connaît de sérieux obstacles : le parti de Wilders a perdu cinq sièges au Parlement européen. Les résultats sont donc bien en deçà des prévisions initiales (reproduites par les sondages d’opinion) et ce parti politique reste loin derrière ses partis frères ayant une croissance rapide en France et en Grande-Bretagne. En outre, au fil du temps, l’anti-européanisme de Wilders et sa position sur l’immigration sont devenus si radicaux que les autres partis eurosceptiques (SP, CU et SGP) refusent d’être catégorisés sous la même bannière que le PVV. Pour cette raison, mais aussi à cause de l’acceptation apparente et croissante de l’inéluctabilité de l’intégration européenne par ces autres partis, l’euroscepticisme est devenu moins idéologique et plus de nature qualifiée : le SP, le CU et le SGP ne sont dorénavant plus principalement opposés à une intégration plus approfondie. Ils préfèrent l’idée d’une Europe sous une autre forme que celle de l’Union européenne actuelle.

“PLUNDER FOR THE NATIONS”

135

Ainsi, l’euroscepticisme aux Pays-Bas a changé de visage au fil du temps : les nouveaux partis ont tendance à être les plus radicaux tandis que le scepticisme traditionnel est devenu plus modéré.

„PLÜNDERN FÜR DIE NATIONEN“: EP WAHLEN UND DER ANSTIEG DES EUROSKEPTIZISMUS IN DEN NIEDERLANDEN Die Niederlande wurden lange Zeit – und haben sich selber auch so gesehen – als ein offenkundiges pro-europäisches Land oder als ein Europa-Befürworter angesehen, der den Europäischen Integrationsprozess mit Leidenschaft und Enthusiasmus unterstützt. Zumindest während der Periode von 1950-1990 sahen die Regierung, das nationale Parlament und der Großteil der Bevölkerung die sich rapide entwickelnde Europäische Gemeinschaft als vorteilhaft für das nationale niederländische Interesse, da sie die wirtschaftliche und Handels-position des Landes begünstigte. Der permissive Konsens war die Norm dieser Jahre, ein Konsens, der – öffentlich oder stillschweigend- auf eine Befürwortung der fortschreitenden Entwicklung der Gemeinschaft basierte. Das Bild der Niederlande als ein durchweg pro-europäischer Mitgliedsstaat durchlebte in den letzten Jahren eine radikale Veränderung. Seit Beginn des neuen Jahrtausends hat sich der Euroskeptizismus als starkes Phänomen in der politischen Kultur des Landes etabliert, welchem eine wachsende öffentliche Unterstützung zu Teil wird. Unser Kapitel untersucht den Aufstieg des Euroskeptizismus und des Anti-Europäismus in den Niederlanden von einer historischen Perspektive aus. Dabei wird der Fokus auf die Positionen nationaler politischer Parteien bei der Wahl zum Europäischen Parlament von 1979 bis zur letzten Wahl 2014 gelegt. Unsere Analyse basiert auf Studien pro Jahrzehnt über die Programme europaskeptischer, politischen Bewegungen bei den EP Wahlen, beginnend in den späten 1970er Jahren. Die Befolgung eines historisch-entwicklungsgemäßen Ansatzes – unterstützt durch eine Typologie des Euroskeptizismus- hilft zu erklären, ob, warum und inwieweit die niederländischen politischen Parteien ihre Ansichten zum Streben für eine Europäische Integration angeglichen haben. Wir argumentieren, dass es ungeachtet des steigenden Anteils von euroskeptischen Wählern seit 2000 (von 10% auf 25-30% der Wähler) und dem Erfolg eines „umfassenden Euroskeptizismus“ verkörpert von der PVV („Freiheit Partei“) falsch wäre, anzunehmen, dass in den heutigen Tagen niederländische Politik im Bann eines hemmungslosen Anti-Europäismus steht. Die EP Wahlen von 2014 haben den euroskeptischen Trend bestätigt, aber haben auch deutlich gemacht, dass dem Aufstieg der PVV deutliche Hindernisse entgegen stehen: Wilders Partei hat fünf EP Sitze verloren, dadurch verbleiben sie weit hinter den ursprünglichen Erwartungen ( in Meinungsumfragen wiedergegeben) und hinter den schnell anwachsenden Schwesterparteien in Frankreich und Belgien. Außerdem sind im Laufe der Zeit Wilders Anti-Europäismus und seine Haltung gegenüber der Immigration so radikal geworden, dass die anderen euroskeptischen Parteien (SP, CU und SGP) es ablehnen, unter dem gleichen Banner wie die PVV eingeordnet zu werden.

136

ANJO HARRYVAN/JAN VAN DER HARST

Aus diesem Grund und wegen ihrer augenscheinlich wachsenden Akzeptanz der unvermeidbaren Europäischen Integration ist ihr Euroskeptizismus weniger ideologisch und mehr qualifizierter Natur geworden: SP, CU und SGP sind prinzipiell nicht mehr gegen weitere Integration, aber sie bevorzugen ein anderes Europa, anders als die Form der heutigen EU.

Somit hat der Euroskeptizismus in den Niederlanden über die Jahre sein Gesicht verändert: neue Anhänger tendieren dazu, die Radikalsten zu sein, während der Ton des traditionellen Skeptizismus eher mäßiger geworden ist.

MODES DE SCRUTIN, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES ET ÉMERGENCE DES PARTIS EUROSCEPTIQUES DANS LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN FRANCE

EMMANUELLE REUNGOAT La mobilisation de l’enjeu « Europe » et de l’arène institutionnelle qui lui est attachée par les acteurs partisans s’articule de manière centrale – mais non exclusive – à l’échéance des élections européennes. En s’intéressant à la manière dont celles-ci ont été mobilisées par différents acteurs partisans français au cours des deux dernières décennies en particulier, on se propose d’observer les discours et positionnements partisans à l’égard de l’intégration européenne comme des outils de la compétition partisane plutôt que comme des attributs qu’il conviendrait de catégoriser1). Dès lors, l’étude de cette mobilisation et des usages de l’élection européenne vient contribuer à la compréhension du phénomène d’européanisation des systèmes partisans domestiques et des pratiques politiques. L’européanisation étant ici conçue comme un processus dynamique construit par les appropriations de l’intégration européenne développées par les acteurs politiques nationaux, par la traduction progressive de la construction d’un espace politique communautaire en contraintes et ressources de la compétition politique. Interroger la saisie et l’appropriation de l’échéance électorale européenne au sein des formations partisanes dans une perspective comparative et diachronique, c’est observer aussi les effets – directs et indirects2 – que l’ouverture d’une arène politique communautaire contribue à produire sur les espaces politiques nationaux. Notre analyse court donc sur l’ensemble des huit élections européennes ayant eu lieu de 1979 à 2014, avec une focale particulière sur les échéances s’étant déroulées depuis le traité de Maastricht. Celles-ci marquent en effet l’avènement d’un investissement plus fort et plus clivé de l’enjeu européen en France. On a également choisi de se focaliser sur les petites et moyennes formations en particulier, moins étudiées, et dont on fait l’hypothèse qu’elles mobilisent plus fortement l’échéance européenne que les partis majoritaires. L’étude est pour l’essentiel fondée sur un travail de thèse de science politique et sur les recherches complémentaires menées depuis3. Elle repose sur une approche qualitative comparée des formations partisanes, menée en combinant la passation d’entretiens 1 2

3

DAKOWSKA, D., « Whither Euroscepticism? The Uses of European Integration by Polish Conservative and Radical Parties”, Perspectives on European Politics and Society, 2010, vol. 11, n° 3, p. 254-272. MAIR, P., “Limited impact of Europe on national party systems”, West European Politics, 2000, 23(4), p. 27-51 ; MAIR, P., “Political Parties and Party systems”, in GRAZIANO, P. R., VINK, M. P. (ed.), Europeanization: New research agendas, New York, 2006, p. 154-166 ; LADRECH, R. (2010) Europeanization and National political parties, New York, 2010. REUNGOAT, E., Résister c’est exister ? Comprendre la construction des résistances à l’intégration européenne au sein des partis politiques français (1979-2009), thèse de science politique, Université Paris 1 Sorbonne- Panthéon, 2012.

EMMANUELLE REUNGOAT

138

avec les responsables partisans en charge des questions européennes et un travail d’archives (archive de presse et archives partisanes) permettant de reconstituer l’historique des organisations, de leur rapport aux autres formations et de leurs situations internes dans le temps (en embrassant notamment la structure de l’organisation et celle des rapports et équilibres internes, ainsi que l’évolution de sa doctrine européenne). On s’appuie également sur une analyse des publications de la Commission nationale des comptes de campagnes et de financement des partis politiques (CNCCFP) afin de mesurer en particulier l’investissement des partis dans l’élection européenne à ce niveau et les effets de la réforme de 2003 sur les organisations. L’analyse se divise en deux temps afin de rendre compte de manière comparée de cette mobilisation de l’élection européenne par les acteurs partisans. Il s’agit de montrer ici comment, après avoir constitué tout d’abord une aubaine électorale pour les petites et moyennes formations et les nouveaux arrivants pendant la décennie 1990 en particulier, la réforme de 2003 vient restreindre – sans l’annihiler – l’opportunité spécifique représentée par l’élection européenne, produire des effets différenciés sur les organisations et conduire les acteurs partisans à s’adapter. C’est donc également à l’observation des effets produits par ces différentes configurations sur les pratiques politiques et le paysage partisan français que l’étude invite.

I. Les élections européennes dans les années 1990, une opportunité spécifique pour les petites et moyennes organisations partisanes A. Des conditions favorables aux outsiders On observe dans ce premier temps de l’analyse comment le cadre institutionnel modèle l’élection européenne au travers des règles électorales et de financement de la vie politique, pour en faire, aux yeux des certains acteurs partisans, une opportunité spécifique au cours des années 1990 dans le calendrier électoral français, en particulier au sein des petites et moyennes formations. Concernant la séparation de ces dernières des partis dits majoritaires – Parti socialiste et Rassemblement pour la République puis Union pour un mouvement populaire (PS et RPR-UMP) –, il s’agit moins ici de créer une catégorisation systématique des partis que de les distinguer, dans une logique de construction comparative au sein du système partisan français, pour mieux saisir les effets différenciés de l’élection4. 4

On a couplé pour opérer cette distinction, deux dimensions : la taille de l’organisation (appréhendée au travers de ses effectifs militants, du nombre de ses mandats et de son volume budgétaire) avec sa capacité d’influence sur la vie politique nationale et les politiques publiques (saisie au travers de sa participation ou non à des gouvernements, son aptitude à obtenir des élus au niveau national notamment ou le soutien électoral récolté auprès des électeurs). Pour une description exhaustive, voir REUNGOAT, E., op. cit.. On souligne donc, après d’autres – SMITH, G., « In Search of Small Parties : Problems of Definition, Classification and Signifiance », in Müller-ROMMEL, F. et. PRIDHAM, G. (ed.), Small Parties in Western Europe, London, 1991, p. 23-40 ; LAURENT, A., VILLALBA, B. (dir.), Les petits partis, De la petitesse en politique, Paris, L’Harmattan, 1997 – que les regroupements opérés sont bien relatifs les uns aux autres. Dès lors ici, les partis de taille moyenne influent plus fortement sur la vie politi-

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

139

Pour comprendre l’opportunité exceptionnelle que va incarner l’élection européenne dans la conjoncture électorale, il faut rappeler ici brièvement que le mode de scrutin majoritaire à deux tours des élections nationales en France favorise largement les deux formations les plus importantes que sont le PS et l’UMP (et le RPR avant lui) et la bipolarisation du système partisan. Lors des échéances législatives en particulier, il est très difficile pour une formation qui ne passe pas d’accord avec l’un des deux partis mentionnés d’obtenir des mandats. Or, dès 1979, c’est au travers d’un système électoral régi par un mode de scrutin proportionnel que l’élection européenne est mise en place, assorti d’un seuil de 5 % des suffrages exprimés à atteindre pour participer à la répartition des sièges5. Ce nouveau mode de scrutin apparaît alors assez favorable à l’investissement des petites et surtout des moyennes formations en leur offrant ainsi qu’aux nouveaux entrants des postes éligibles plus accessibles que lors des élections nationales6. C’est ce mode de scrutin proportionnel qui permet au Parti communiste français (PCF) dès 1979 et au Front national (FN) dès 1984 d’obtenir des eurodéputés de manière continue à partir de leur première participation, à partir de 1989 pour Les Verts. Plus largement, l’ensemble des petites et moyennes formations françaises en bénéficient dès les années 1980 en obtenant souvent leurs premiers élus au-delà de l’échelon local ou régional.A partir des années 1990, l’enjeu des ressources financières vient se cumuler au mode de scrutin pour contribuer à faire de l’élection européenne un terrain d’investissement favorable pour ces formations partisanes.7 On rejoint ici l’invitation de P. Lehingue8 (2008) à prêter attention aux conditions matérielles de l’activité politique et en particu-

5 6

7

8

que. Ce sont des formations qui disposent régulièrement de plusieurs dizaine de milliers d’adhérents (sans dépasser la centaine) et qui, soit ont pu participer à une coalition gouvernementale et disposent d’un groupe d’élus dans une chambre nationale, ou qui, si comme le Front national (FN) elles ne peuvent accéder au pouvoir, disposent d’un soutien électoral qui dépassent régulièrement 10 % de suffrages au niveau national. Le Parti communiste français (PCF), le FN à partir des années 1990, Les Verts à partir de 1999 et l’Union pour la démocratie française (UDF) en 1999 et 2004 peuvent être considérés comme des partis moyens. Le terme de petits partis désigne à l’inverse les formations disposant d’effectifs d’élus et de militants plus faibles ainsi que de ressources budgétaires limitées, jouissant d’un soutien électoral restreint (régulièrement inférieur à 10 % au niveau national) et n’ayant pas pris part à des coalitions gouvernementales. Puisqu’il nous intéresse d’analyser l’ouverture que leur procure la règle de l’élection européenne, sont également intégrées dans ce regroupement les listes reposant largement sur des entrepreneurs politiques individuels. Lutte ouvrière (LO), la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), le Mouvement pour la France (MPF), le Rassemblement pour la France (RPF), Debout la République (DLR), le Mouvement démocratique (Modem) peuvent être conçus comme des plus petits partis. Il s’agit d’un scrutin de liste à un seul tour dans une circonscription unique. Loi n°77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen. Olivier Rozenberg fait le même constat. Voir ROZENBERG, O., « La faute à Rousseau ? Les conditions d’activation de quatre idéologies critiques de la construction européenne en France », dans LACROIX, J., COMAN, R. (dir.), Les Résistances à l’Europe, Cultures nationales, idéologies et stratégies d’acteurs, Bruxelles, 2007, p. 129-154. C’est d’autant plus vrai que le système de financements des partis politiques en France avantage les plus grandes formations. Cf. QUERMONNE, J.-L., « Alternance au pouvoir, multipartisme et pluralisme imparfait », MENY, Y. (dir.), Idéologies, partis politiques et groupes sociaux, Paris, 1991. P. Lehingue (2008) LEHINGUE, P., « Les déterminants matériels de l’activité politique. Ce que nous disent les comptes publics des partis », dans GEAY, B. et WILLEMEZ, L. (dir.), Pour une gauche de gauche, Boissieux, 2008 p. 113-144.

140

EMMANUELLE REUNGOAT

lier aux questions de financement des partis et des campagnes pour saisir leurs logiques d’action dans l’espace politique. On connaît les difficultés d’insertion et de maintien d’une petite formation et de nouveaux arrivants dans le système politique français, liées aux ressources financières, humaines et médiatiques que cela exige. Disposant d’un budget limité, ces derniers, lorsqu’ils souhaitent se présenter, doivent faire face à des difficultés de financement de leurs campagnes politiques, y compris lors des échéances électorales européennes9. C’est particulièrement le cas pendant les années 1980 et au début des années 1990, où le financement des campagnes repose sur les capacités des partis à réunir des fonds propres. Suite à l’établissement d’un système de financement public des partis à la fin des années 198010, le contexte institutionnel encadrant les élections européennes change. Alors que pendant les années 1980, le financement public de la campagne se limitait au remboursement de certains frais limités (en particulier les dépenses liées à la propagande officielle : impression et diffusion des bulletins de votes et affiches), la situation se transforme à partir de 1988 et surtout de 1995 puisque l’État accorde désormais un financement forfaitaire : les dépenses des candidats sont susceptibles d’être remboursées à hauteur de 50 % du plafond autorisé de dépenses, aux formations obtenant au moins 5 % des suffrages exprimés.11 Les partis ne s’y trompent pas et les investissements dans la campagne européenne se multiplient. On comptait 14 listes en 1984 et 15 en 1989, on en dénombre 20 en 1994 et 1999. Entre l’élection de 1994 et celle de 1999, la totalité des dépenses de campagnes toutes listes confondues augmente de 90 %12. Dès lors, à partir du milieu de la décennie 1990 en particulier, l’élection européenne devient une opportunité spécifique forte, une véritable aubaine électorale par rapport aux élections proprement nationales pour les partis en position de challenger au sein de l’espace politique. A l’incitation financière et à l’opportunité ouverte par le mode de scrutin s’ajoute en effet un comportement des électeurs propice aux formations non gouvernementales, comme l’ont mis en avant

9

10

11 12

Dès 1979, l’ouverture des élections européennes aux petits partis est freinée par la mise en place du dépôt obligatoire d’une caution de 100 000 francs (et ce jusqu’en 1999), remboursable sous réserve d’obtention d’au moins 5 % des suffrages exprimés, seuil qui peut rester incertain pour celles-ci. Loi n°77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, article 11. La loi du 8 mars 1988 établit un statut des partis politiques assorti de règles de financement public. Elle est notamment modifiée par les lois du 15 janvier 1990, du 29 janvier 1993 et du 19 janvier 1995. Cf. notamment PHELIPPEAU, E., ABEL, F., (dir.) Le financement de la vie politique française (1988-2009), Paris, 2010. Article L. 52-11-1 du Code électoral. Le remboursement ne peut cependant excéder les dépenses réelles des candidats (beaucoup n’engageant pas de frais atteignant ce plafond). Loi n° 95-65 du 19 janvier 1995. L’analyse d de la CNCCFP est limpide: « Le remboursement forfaitaire des dépenses a un effet inflationniste sur leur montant, en particulier à l’égard des candidats qui recueillent entre 5 % et 10 des suffrages (de plus en plus nombreux depuis quelques années) et qui peuvent désormais, de ce fait, engager un montant de frais de plus en plus élevé qu’auparavant ; à hauteur du plafond légal de remboursement ; dépenses qui seront payées, en définitives, par l’Etat » et plus loin « ainsi les « petites et moyennes listes » en particulier celles assurées de dépasser le seuil fatidique ont engagé des sommes plus importantes qu’en 1994 ». CCNCCFP, « 5e rapport d’activité 1998-1999 », p. 18 et suivantes [consulté le 19/01/2012] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics// 014000001/0000.pdf.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

141

Reif et Schmitt13 dès les premières élections européennes. Après le référendum de 1992 sur le traité de Maastricht, la croyance en l’existence d’un électorat critique de l’UE mobilisable en France apparaît comme une incitation supplémentaire au développement d’entreprises partisanes en particulier souverainistes au fil de la décennie.

B. Des partis marqués par des ressources économiques disparates Les organisations politiques françaises disposent alors néanmoins de capacités financières fort disparates et se révèlent inégalement armées pour faire face à ce nouveau contexte et en tirer profit. On peut opérer une distinction entre elles, liée à leurs capacités d’investissement. Dès la mise en place du financement public pour le PCF et dès l’élection de 1994 pour le FN, ces formations peuvent investir encore plus sereinement dans la campagne européenne parce qu’elles reposent d’une part sur une base électorale encore suffisamment large pour la première, et sur des succès dans les urnes assez réguliers pour la seconde, afin de saisir cette occasion d’obtenir des mandats et d’être assurées, à partir de 1995, d’atteindre les 5 % nécessaires au remboursement de leur campagne. D’autre part, parce que chacune dispose d’un budget qui permet cet investissement. Budget progressivement renforcé par l’aide publique de l’Etat dès la fin des années 1980 pour le PCF (venant ainsi appuyer les importantes recettes générées par les cotisations des élus) et à partir de 1991 et surtout 1993 pour le FN. C’est particulièrement significatif pour ce dernier qui reçoit progressivement des sommes lui permettant d’atteindre des budgets considérables (600 000 francs reçus en 1991 et 1992, 29 millions de francs environ en 1993, puis 35 millions environ à partir de 1994). De 1998 au début des années 2000, le parti reçoit annuellement plus de 40 millions de francs.14 Ces budgets élevés permettent à la fois à ces partis d’investir dans la campagne et d’être préservés en cas de revers électoral.15 Ce qui n’est souvent pas le cas des formations concurrentes plus modestes, comme Lutte ouvrière (LO), la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), le Mouvement pour la France (MPF), la rassemblement pour la France (RPF), Chasse, pêche nature et traditions (CPNT) et, plus tard, Debout la République (DLR). Le budget peut en revanche rester difficile à réunir pour les petites formations ne pouvant se reposer sur des scores régulièrement importants ou sur un fort effectif d’élus pour obtenir des financements réguliers conséquents de la part de l’État, en particulier dans les années 1990, dans la mesure où le système national veut que les partis avancent les frais avant d’en être éventuellement rembour13 14

15

REIF, K., SCHMITT, H., « Nine Second-Order National Elections: A conceptual Framework for the analysis of European election Results », European Journal of Political Research, 1980, 8, n°1, p. 3-44. C’est notamment cette aide qui constitue l’enjeu du procès opposant Bruno Mégret et JeanMarie Le Pen pour l’appropriation de l’appellation FN après la scission de 1998-1999. Voir BOUREL, S., « Le financement des partis politiques et le Front National », dans VILLALBA, B., VANDENDRIESSCHE, X. (dir.), Le Front national au regard du droit, Presses universitaires du Septentrion, 2001, p. 156. Grace à ses effectifs militants plus conséquents et un financement plus important que ceux des plus petites formations, le FN par exemple, a pu prouver sa capacité de résistance alors même que le succès électoral du parti faiblissait et qu’il rencontrait d’importantes difficultés financières au cours de la décennie 2000.

EMMANUELLE REUNGOAT

142

sés. Les budgets de campagne des petites formations restent donc comparativement modérés, en particulier pour LO-LCR, CPNT et Les Verts (tableau 1), d’autant plus que le seuil des 5 % à atteindre fait de l’investissement de la campagne une prise de risque à contrôler pour certains. Tableau 1: Total des dépenses de campagne en 1994 et 199916 1994 (en F) 1999 (en €)

LCR-LO

PCF

Verts

PS

UDF-Modem

(LO seul) 511 211€ 3 353 543f

3 906 227€ 25 624 851f

1 326 939€ 8 704 720f

5 235 541€ 34 345 149f

avec RPR 8 469 572€ 55 575 607f

737 788

5 480 831

2 369 847

6 329 621

4 073 402

RPR-UMP 1994 (en F) 1999 (en €)

CPNT

MPF & C. Pasqua

FN

avec UDF 8 469 572€ 55 575 607f

907 615 € 5 953 952f

9 707 703€ 63 678 114f

4 906 744€ 32 188 243f

6 579 548

360 651

4 485 895

5 518 155

Dès lors, ce seuil affecté au remboursement de la campagne peut également constituer un argument en faveur de la mise en place d’alliances électorales pour ces formations. On pense à la coalition LO-LCR en 1999 par exemple : les dépenses de campagne sont ainsi additionnées et la prise de risque divisée. Le même motif contribue largement à faire évoluer Charles Pasqua et son équipe vers un accord avec Philippe de Villiers en 1999 pour monter la liste du Rassemblement pour la France et l’Indépendance de l’Europe (RPF-IE). L’union tient alors à la fois du concours de circonstance et de l’intérêt bien compris, et sa mise en place procède de motifs financiers pour les pasquaïens, tactiques pour des villiéristes cherchant à gagner en légitimité, et électoraux pour tous. L’alliance est d’abord une stratégie de victoire. Georges Berthu, ancien eurodéputé-MPF, évoque ainsi en entretien combien l’espérance de résultats guide cette stratégie d’alliance : Et ensuite les deux se sont rapprochés. Et ont fait campagne commune. […] Et on l’a tout de suite vu. Les sondages Villiers, Pasqua séparément nous donnaient 5 % Villiers et 3 % Pasqua, quelque chose comme ça. Mais le jour où on a fait liste commune, on a sauté à 13 % directement. Et on en a plus bougé jusqu’à la fin de la campagne.17 On peut également souligner ici les stratégies d’alliance réitérées de Philippe de Villiers avec des industriels fortunés, tentés par une aventure politique. On pense en particulier à Jimmy Goldsmith qui, en seconde position derrière l’ex-président du conseil général de Vendée en 1994, permet à ce dernier de jouir exceptionnel16 17

La CNCCFP présente les comptes de campagnes de 1999 convertis en euro : la valeur retenue pour la conversion est la suivante 1€ équivalent à 6,56 francs. Entretien réalisé en février 2010 avec Georges Berthu, haut-fonctionnaire et énarque, ancien vice-président du MPF. Il est directeur de campagne de Philippe de Villiers en 1995 et député européen MPF de 1994 à 1999, membre de la Commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, réélu sous l’étiquette RPF-IE de 1994 à 2004.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

143

lement du plus gros budget de la campagne avec plus de 60 millions de francs (cf. tableau 1) et plus récemment à l’alliance qu’était parvenu à mettre en place, en entrepreneur politique expérimenté, le même Philippe de Villiers avec l’homme d’affaires irlandais Declan Ganley au sein de Libertas en 2009, avant de mettre fin à sa carrière politique.18

C. La multiplication des entreprises partisanes Dès lors, ce changement des conditions de la compétition électorale, qui s’adosse à une première vague de politisation de la question européenne engendrée par le référendum de Maastricht, ouvre la voie à un phénomène de multiplication de listes outsiders et d’entreprises politiques, souvent souverainistes et non nécessairement structurées par un parti, qui viennent concurrencer les formations majoritaires à l’occasion des élections européennes. Ainsi, outre les entreprises partisanes de Philippe de Villiers et Jean-Pierre Chevènement dans le Mouvement républicain et citoyen (MRC) – et plus tard le Pôle Républicain) –, l’élection de 1994 offre un succès à la liste Énergie radicale emmenée par Bernard Tapie (en quatrième position, la liste obtient 13 eurodéputés). Tribune d’expression, les élections européennes s’affirment également comme un moyen d’existence alternatif sur la scène nationale. On a beaucoup entendu que c’était grâce aux « petites » élections, les élections municipales de 1983 et européennes de 1984 que le FN avait fait sa tonitruante entrée sur la scène politique. Le scénario semble se reproduire pour Philippe de Villiers en 1994. C’est à l’occasion des élections européennes de 1989 que CPNT fait son entrée sur la scène politique et lors de l’échéance de 1999 que le parti remporte ce qui demeure aujourd’hui son plus grand succès (avec 6,77 % des voix et 6 députés).19 Il en va de même pour Les Verts qui dépassent en 1989 la barre des 10 % de suffrages et obtiennent 9 eurodéputés. Quant à la liste RPF-IE évoquée plus haut, issue du départ de Charles Pasqua et de son entourage du RPR et d’une alliance avec le MPF villiériste, elle obtient, en 1999, 13,05 % des votes, en deuxième position derrière le PS et surtout devant le RPR défait et l’UDF. Elle devient ainsi, avec 13 députés, la première délégation française de droite au Parlement européen (jusqu’à la rupture de 18

19

Deux éléments principaux expliquent que l’investissement budgétaire du MPF lors des campagnes européennes se distingue régulièrement de celui des autres petites formations par son importance, de 1994 à 2009. Le caractère quasi mono-causal du parti tout d’abord : c’est la campagne à laquelle il consacre le budget le plus important. Les campagnes européennes de 1994 et 2009 par exemple affichent des dépenses plus élevées que les campagnes présidentielles de 1995 et 2007. Ce qui confirme l’effet d’aubaine qu’elles offrent aux yeux des dirigeants. C’est en outre la capacité de son leader à s’associer à des investisseurs fortunées on l’a dit, mais également à obtenir l’appui des organismes bancaires. L’élection de 1994 mise à part (65 % du budget est alors fourni par « l’apport des colistiers »), la majorité des recettes de campagnes des listes MPF lors des échéances européennes est issue d’emprunts. Cela représente 49,4 % du budget total en 1999. En 2004, les emprunts constituent, de loin, la recette la plus importante de chacune des listes (en 2009, les emprunts n’apparaissent plus comme tels dans les publications de la CNCCFP, cependant la catégorie « apports personnel » des candidats qui la remplace montre le même résultat). Les calculs sont effectués à partir des publications officielles des comptes de campagnes (liste en annexe). Lors de sa création en 1989, le mouvement se nomme « Chasse, pêche, traditions ». Cf. TRAÏNI, C., « Les braconniers de la politique. Les ressorts de la conversion à Chasse Pêche Nature et Traditions », Cahier du Cevipof, 2000, n°28, et TARIS, J., « Chasse et chasseurs, un enjeu politique aquitain (1979-2004) », Parlement(s), 2005, Vol., 3, HS n° 2, p. 109-115.

144

EMMANUELLE REUNGOAT

l’alliance un an plus tard). Il apparaît alors progressivement évident qu’investir l’enjeu européen sur une position distinctive peut constituer un atout majeur afin de gagner en audience dans l’espace politique national et cumuler de nouvelles ressources symboliques et matérielles allouées par l’espace institutionnel communautaire. Pour les formations les plus proches des partis majoritaires notamment, les scores obtenus lors de l’élection européenne peuvent en outre permettre de se mettre en position de négociation favorable en prévision d’échéances nationales à venir20. Ce motif, fruit des logiques de fonctionnement partisanes et des règles du jeu politique domestique, engage également ces formations à investir l’élection européenne. L’opportunité spécifique que constitue l’élection européenne dans le calendrier électoral français dans les années 1980 et en particulier dans les années 1990 et la conflictualité qu’elle permet de développer et d’entretenir au sein du système partisan ont sans nul doute contribué à un investissement progressif de l’enjeu européen par les différents acteurs partisans français ainsi qu’au développement doctrinal à son égard. Le contexte institutionnel n’est pas seul en cause à cet égard. Divers éléments viennent s’y ajouter pour fonder une configuration politique favorable à cet investissement de l’enjeu communautaire, en particulier pour les opposants mais également pour les petites et moyennes formations en général. On peut insister en particulier sur le fait que l’UE elle-même se développe dans la décennie 1990, en entrant potentiellement en contradiction avec plusieurs aspects des doctrines partisanes. La traduction nationale de ces évolutions et, en premier lieu, la ratification du traité de Maastricht par référendum qui mobilise les acteurs politiques, clive pour longtemps les positions des uns et des autres et constitue une étape essentielle de la politisation de la question européenne en France. On peut également souligner que les évolutions du RPR et du PS sur la question ouvrent alternativement un espace politique à droite et à gauche. Les deux directions convergent vers une posture de soutien à l’UE, tout en cherchant régulièrement à circonscrire une thématique matrice de polémiques internes et électoralement peu avantageuse. L’investissement d’une posture distinctive sur l’intégration européenne (au CPNT, au MPF comme au FN ou dans l’alliance LO-LCR) et/ou fortement cohérente (chez Les Verts ou au Mouvement démocratique, Modem) peut dès lors apparaître politiquement payante face à des électeurs prêts à soutenir des challengers lors de ces échéances. Ces pratiques et perspectives des acteurs, comme les histoires et les trajectoires des organisations, ont tendu à être négligées par la domination du cadre d’analyse des élections de second ordre21. En considérant l’élection européenne comme un évènement politique de faible enjeu (« less at stake ») produisant des niveaux d’investissement plus faibles de la part des partis, le modèle et ses reprises postérieures ont abouti à délaisser les plus petites et moyennes formations dans une zone grise. Or, par les différentes ressources symboliques et matérielles qu’elle offre par rapport aux autres échéances électorales, l’élection européenne peut constituer un moment 20

21

C’est notamment ponctuellement le cas de Philippe de Villiers ou Nicolas Dupont-Aignan mais aussi des Verts. Concernant ces derniers, voir SHEMER-KUNZ, Y., “European elections as a “Back Door” to National Politics : The Case of the French Greens in 2009”, in CRUM, B., FOSSUM, J.-E. (ed.), Practices of Inter-Parliamentary Coordination in International Politics – The European Union and Beyond, Colchester, 2013, p. 161-174. REIF, K., SCHMIT H., article cité.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

145

important pour nombre d’outsiders de droite comme de gauche22, y compris dans le cadre d’une entreprise politique orientée vers une stratégie nationale de conquête de pouvoir ou, à défaut, d’audience.

II. La réforme de 2003 : les effets différenciés du changement des conditions de la compétition électorale européenne sur les acteurs partisans La réaction des principaux partis au développement de la concurrence que permet l’échéance européenne dans les années 1990 ne tarde pas. Une réforme est engagée au début de la décennie 2000. La mise en perspective diachronique des élections européennes avant et après leur réforme permet de montrer l’évolution de son statut au cours des dernières décennies et sa contribution aux recompositions du paysage partisan à long terme. C’est par une nouvelle loi électorale23 modifiant les conditions des élections régionales et européennes que l’effet d’aubaine précédemment décrit se trouve largement réduit dans la dernière décennie. Menée sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2003, la réforme entre en vigueur lors des élections européennes de 2004. On parle de régionalisation : la principale transformation opérée réside dans l’abandon d’une circonscription nationale pour sa division en huit « grandes régions ». Si le seuil légal permettant de participer à la répartition des sièges ne change pas (5 %), dans les faits, il devient beaucoup plus difficile à atteindre pour les plus petites formations et ce pour deux motifs principaux, liés à la répartition des sièges et aux enjeux financiers.

A. L’effet de levier du seuil de répartition des mandats C’est en premier lieu le seuil « réel » qui augmente. La magnitude24 moyenne baisse en effet : le nombre de sièges à pourvoir est également divisé par régions et le quota à répartir entre les listes engagées dans l’élection diminue d’autant. L’effet produit est celui d’une élévation immédiate du taux de suffrage à atteindre pour espérer participer à la répartition des mandats. On peut appréhender cet effet par l’exemple : en 2009, dans la région Nord-Ouest, il fallait atteindre presque 7 % des suffrages pour obtenir un siège (le dernier candidat élu, Jacky Hénin du Front de gauche obtient 6,84 %). Avec 5,8 % des voix, la liste NPA menée par Christine Poupin n’envoie ainsi aucun élu au Parlement européen. Parfois, le seuil est encore plus élevé. En 2004, dans la région Sud-Ouest, c’est plus 22

23

24

voir SHEMER-KUNZ, Y., article cité, et BEAUVALLET, W., MICHON, S., « Les usages politiques de l’Europe par les eurodéputés de la gauche eurocritique », dans GAINAR, M., LIBERA, M. (dir.), Contre l’Europe ? Anti-européisme, euroscepticisme et alter-européisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours, volume 2 : Acteurs institutionnels, milieux politiques et société civile, Stuttgart, 2013, p. 127-139. « Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques ». Le gouvernement utilise la procédure d’engagement de sa responsabilité prévue par l’article 49.3 pour faire passer la réforme sans qu’elle ne donne lieu à un vote de l’Assemblée nationale. La magnitude désigne le nombre de sièges en jeu par circonscription.

146

EMMANUELLE REUNGOAT

de 8 % des voix qu’une liste devait obtenir pour espérer un mandat, il fallait dépasser les 13 % pour en obtenir deux. Pas plus que le PCF (avec presque 6,5 % des voix), le MPF, l’alliance LO-LCR ou CPNT ne peuvent y obtenir de siège. Au FN, qui atteint alors 8,76 % dans la région, seul Jean-Claude Martinez accède à un mandat. Il en va de même en 2014 où, malgré le recueil de 5,34% des voix dans l’Ouest pour le Front de gauche et de 6,75 % dans l’Est pour Europe-Ecologie Les Verts, aucune des deux organisations n’obtient d’élu dans ces régions. Dernier exemple, celui du MPF en 2004, qui dépasse 5 % des suffrages dans six régions métropolitaines sur sept et n’envoie que trois élus au Parlement européen. Les dirigeants de l’ensemble de ces formations dénoncent d’ailleurs la nouvelle organisation électorale comme une manœuvre politique à leur détriment, à l’image de Frédéric Nihous, président de CPNT, dans la presse ou de cadres de la LCR qui ne mâchent pas leurs mots pour critiquer la réforme gouvernementale : « Frédéric Nihous (CPNT) : En France, […] il est tout à fait possible de bidouiller le mode de scrutin pour les Européennes… Les huit grandes circonscriptions définies sont autant de zones de partage sans queue, ni tête. Le système précédent était plus représentatif. Le CPNT avait d’ailleurs obtenu six sièges lors des élections de 1999. Pour les élections de 2004, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a ensuite modifié le mode de scrutin afin de renforcer les gros partis, comme le sien.25 Emmanuelle Reungoat : Quel effet produit ce changement de mode de scrutin ? L. Aguirre (LCR) : C’était catastrophique. Bon évidemment, ce charcutage n’a aucune justification politique, c’est des régions qui n’ont aucun sens. Voila. Y avait un seul but. C’est Sarkozy qu’a introduit cette réforme, c’était d’empêcher l’extrême gauche d’avoir des élus. Parce que les pourcentages augmentent de manière très très importante ».26 Si pour les représentants de l’UMP au gouvernement, la régionalisation doit permettre de « rapprocher les députés européens de leurs électeurs »27 et d’envoyer une représentation française plus homogène au Parlement européen, cette modification du mode de scrutin contribue efficacement à affaiblir les partis les plus modestes, réduisant de manière importante leurs résultats et leurs élus à partir de 2004 (graphique 1). Alors que tous les partis opposés à l’Union européenne (UE) obtiennent des mandats en 1999, après la réforme le nombre d’élus au Parlement issus de leurs rangs chute de manière drastique passant de 31 en 1994 et 35 en 1999, à 13 en 25 26

27

VOILLOT, J.-P., « F. Nihous, adepte de la real-politique », l’Express, 16/02/09. Entretien avec Léonce Aguirre, ancien cadre et animateur de la LCR depuis les années 1970 aujourd’hui décédé, ancien responsable du journal Rouge et l’un des spécialistes des questions européennes dans le parti et des relations au sein du Forum social européen. Réalisé le 20/01/2010 au siège du NPA. Rapport d’information déposé par la délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union européenne, 5 février 2003, n°597, p. 11, http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/ europe/rap-info/i0597.pdf [consulté le 08/12/2011]. Pour une évaluation de l’effet de la réforme sur les pratiques des eurodéputés, cf. COSTA, O., KERROUCHE, E., PELERIN, J., « Retour sur la réforme française du mode de scrutin aux élections européennes », in COSTA, O., MAGNETTE, P. (ed.), Une Europe des élites ? Réflexion sur la fracture démocratique de l’Union européenne, Bruxelles, 2007, p. 115-138.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

147

2004 puis 8 en 2009 (soit une division par quatre par rapport à 1999). La chute est moins spectaculaire mais tout aussi réelle si on prend en compte l’ensemble des petites et moyennes formations ayant obtenus des élus en 1999 (soit FN, MPFRPF, CPNT, UDF, Verts, PCF et LO-LCR). Le total cumulé de leurs élus atteint 53 eurodéputés en 1999 quand l’addition des listes PS et RPR-DL équivaut à 34 députés. Puis on passe d’un rapport de 30 et 28 députés pour les petites et moyennes organisations en 2004 et 2009 à 48 en 2004 et 43 en 2009 pour le PS et l’UMP cumulés. Si le total remonte à 40 sièges pour les « outsiders » en 2014 (contre 33 pour le PS et l’UMP), 60 % de ceux-ci sont détenus par les FN. Graphique 1: Nombre de sièges obtenus lors des élections européennes par des petites et moyennes formations partisanes, en France depuis 197928

Mieux implantés régionalement, disposant de meilleures ressources et d’un effectif plus important de « personnalités » locales et de leaders secondaires, le PS et l’UMP sont en effet indéniablement avantagés. On voit bien en observant le graphique combien les résultats des deux élections des années 1990 paraissent fastes pour nombre de petites et moyennes formations prises individuellement, en comparaison des scores obtenus dans la dernière décennie. Ainsi, le nombre d’élus PCF est divisé par deux (passant de 6 à 3 après la régionalisation). L’exemple de la formation villiériste est parlant : entré auréolé de victoire au Parlement de Strasbourg, fort de 12 colistiers en 1994 puis renouvelant ce même score en 1999 avec le RPF, l’ex-président du Conseil général de Vendée voit ses effectifs se réduire à trois eurodéputés en 2004 avant de se retrouver seul élu en 2009. 28

Les centristes n’apparaissent pas dans le tableau dans la mesure où l’UDF ayant régulièrement présenté des listes avec le RPR (1984, 1989, 1994) et la formation ayant largement évolué, la comparaison diachronique avec les autres petites et moyennes formations comme avec ses héritiers est rendus difficile. L’UDF obtient néanmoins 9 députés en 1999 et 11 en 2004, le Modem 6 en 2009 et l’Union du centre (UNI-Modem) 7 en 2014. E n 2014, le nombre de sièges attribué au PCF est celui de la coalition du Front de Gauche à laquelle il appartient.

148

EMMANUELLE REUNGOAT

B. Le remboursement des campagnes, nerf de la guerre politique ? Désormais, ce sont sans doute les formations telles que le PCF, le FN et Les Verts (ainsi que les centristes lorsqu’ils s’allient), autrement dit, les partis de taille moyenne qui peuvent encore aujourd’hui tirer au mieux leur épingle du jeu électoral européen. L’aspect financier de la compétition politique vient ici peser de manière décisive. Là aussi, la règle est modifiée par la nouvelle loi électorale : abaissant le seuil de remboursement des frais de campagne de 5 % à 3 % des suffrages désormais (article 23), la réforme produit des effets différenciés sur les formations. Cet aspect de la réforme peut sembler offrir un terrain propice à un engagement à moindre risque dans la campagne électorale. C’est surtout vrai pour les partis nommés plus haut comme le PC, le FN ou, dans une moindre mesure, pour Les Verts, disposant de sources de financement régulières et de ressources humaines et budgétaires plus importantes. Pour ces formations, dont les différentes listes atteignent assez régulièrement le seuil de 3 %, le système de remboursement continue à favoriser un investissement à moindre coût et l’abaissement du seuil engage à entrer en campagne. Les directions intègrent immédiatement qu’elles seront plus facilement remboursées. Bruno Gollnisch du FN le souligne en 2010 : Bruno Gollnisch : Et alors ce qui est surtout intéressant dans l’élection européenne, c’est que le seuil de remboursement est à 3 %. Là, on a du bol parce que même dans la période d’étiage relatif où nous sommes, toutes nos listes ont franchi ce seuil. Alors que certaines craignent peut-être, dans l’Ouest etc., de ne pas franchir le seuil des 5 %. Emmanuelle Réungoat : Du coup, ça vous permet d’investir plus dans les élections européennes parce que vous êtes plus sûrs de…? Bruno Gollnisch : Bah c’est pas du tout pareil si vous êtes remboursé ou pas remboursé. Si vous êtes pas remboursé, vous restez avec… Moi si j’avais pas été remboursé, j’étais ruiné. Enfin j’avais 340 000 balles […] de prêt, voila, qu’il fallait que je rembourse29. Cependant, l’effet global est plus complexe dans la mesure où, avec la régionalisation, le financement n’est plus lié à un score national du parti. Le seuil des 3 % doit être atteint par chacune des listes en lice dans chaque circonscription pour que la formation puisse voir ses frais de campagne remboursés. Il faut rappeler ici que pour les plus petits partis en particulier, qui disposent de faibles ressources propres, l’engagement dans les campagnes et en l’occurrence lors de l’échéance européenne reste pour une forte part conditionné à l’existence de ce remboursement étatique.

29

Entretien avec Bruno Gollnisch, réalisé le 08/01/10. Ancien délégué général, vice-président et candidat à la présidence du FN, il est député européen depuis 1989.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

149

Tableau 2: Résultats des élections européennes de 2004, 2009 et 2014 par parti et circonscription (les cellules grisées indiquent les listes n’atteignant pas le seuil de 3 % des suffrages nécessaire au remboursement de la campagne).30

IDF

SE

NO

SO

O

E

MCC

OM

LOLCR

CPN T

PS

UMP

PCF

FN

Verts

MPF

DLR

RPF

2004

25

17,8

6

8,6

7,51

6,1

2,8

2009

13,6

29,6

6,3

4,4

20,86

3,3

3,5





3

3,3

2,4

2014

11,4

20,37

5,63

27,8

9,68



0,80





4,47

2004

28,6

17,7

5,1

12,2

8



6,2

2,4

2009

14,5

29,3

5,9

8,5

18,27

4,3

4,3

1,8



2,2

4,3

2

2014

14,6

18,24

6,43

24,3

9,32







4,05

– –

2004

30

13,3

6,8

12,9

6,83

6

2,9

2,95



1,9

2009

18,1

24,2

6,8

10,2

12,10

4,3

5,8

4,3

2,4



2014

10,7

17,45

6,14

37,1

7,16



0,37



5,29



2004

30,9

15,2

6,5

8,8

8,31

4,6

2,6

3,4



2,1

2009

17,7

26,9

8,2

5,9

15,83

3,1

5,6

3,1

1,3



2014

14,6

18,96

7,29

30,4

11,48



0,44



3,43



2004

30,9

14,8

4,1

5,6

7,66

12,4

2,3

2



– –

2009

17,3

27,2

4,6

3,1

16,65

10,3

5,1

10,3

0,6

2014

14

21,43

4,04

19,3

10,36



0,40



3,88

2004

28,4

17,6

2,9

12,2

6,39

5,9

2,5



– 2

2009

17,2

29,2

3,9

7,6

14,28

4,1

5,7

4,1

2,3



2014

15,2

22,07

5,33

26,4

6,41



0,37



4,36



2004

31,2

20,4

6,2

9,6

6,27

6,6

2,7

2,4

2009

17,8

28,5

8,1

5,1

13,58

4,9

5,5

4,9

1,4



2014

14,4

20,8

7,49

27,8

6,88







4,67



2004

19,1

25,3

28,9

2,8

8,63



2





0,8

2009

20,3

29,7

21



16,25

2,9









2014

7,46

15

6,77

14,2

6,72







1,65





Or, il est désormais plus difficile pour les formations d’obtenir des pourcentages importants. Dans certaines régions, outre le seuil des 5 % de répartition, celui des 3 % devient également un objectif incertain pour les partis les plus modestes, comme le montre le tableau 2. En 2009 par exemple, aucune des listes de DLR, ni de LO n’atteint ce seuil31. Pour les petites formations qui ne disposent que d’un faible niveau de financement étatique régulier, le principal mode de financement des campagnes dès 1999 est le recours aux emprunts32, souvent individuels, des 30 31 32

Pour l’élection de 2009, on fait figurer les résultats du NPA et ceux du MPF allié à CPNT (au sein de la coalition Libertas) dans les catégories respectives de ces deux partis. Sources : ministère de l’Intérieur et Laurent de Boissieu, http://francepolitique.free.fr/) Les résultats des listes de LO en 2009 n’apparaissent pas dans le tableau, y figurent ceux de la LCR devenue NPA, les deux partis n’ayant pas fait alliance. Il est tout de même adossé à un important apport du parti chez CPNT et chez LO-CLR en 1999 et 2004.

EMMANUELLE REUNGOAT

150

candidats. Or la procédure reste risquée en cas de non remboursement. Dès lors, pour les plus petites d’entre elles, un revers électoral entraînant le non remboursement de la campagne peut parfois mettre en péril la survie même de l’organisation endettée. Plus globalement, en grevant son budget, cela réduit assurément sa visibilité et sa capacité d’intervention dans la vie politique pour les années qui suivent. La LCR par exemple s’y trouve confrontée lors de l’élection de 2004. Aucune des huit listes d’alliance avec LO ne parvient alors à réunir les 3 % de suffrages nécessaires pour obtenir le remboursement des frais engagés pour la campagne (tableau 2), menant à une crise financière à la LCR : Léonce Aguirre : Ah oui, bien sur ça nous a affaiblis. A la sortie des européennes on avait plus de permanents. Ça nous a coûté très cher parce qu’on n’a pas été remboursés. Emmanuelle Réungoat : Vous avez pas fait les 3 % ? Léonce Aguirre : On a pas eu les 3 %. […] Catastrophe financière. On a dû faire des emprunts et tout ça. Ça nous a coûté assez cher. Pour Christian Picquet, le parti est alors « à deux doigts de la noyade »33. L’organisation doit en effet rembourser près de 350 000 € en quelques mois, en ayant déjà engagé ses ressources propres, composées principalement des cotisations des adhérents, de sa faible dotation publique (environ 525 000 € à l’époque) et des recettes de la vente des journaux. On envisage alors de vendre les locaux du parti dans le douzième arrondissement. La parution du journal Rouge est remise en cause. C’est finalement en ayant recours à une souscription nationale que la LCR peut renflouer ses comptes. Le même cas de figure se retrouve au sein de CPNT : en 2009, au lendemain des résultats, le parti perd ses six eurodéputés et seule une liste atteint 3 % des suffrages sur les cinq présentées. L’organisation se trouve dans une situation critique : « Nous atteignons un déficit de 334 000 € qu’il faut régler dans les prochaines semaines » sous peine de « fermer le siège national, licencier tout le personnel et mettre fin à notre action » alerte le président Jean Saint-Josse dans un courrier adressé aux militants pour solliciter leur soutien financier34. Si les partis parviennent à se remettre à flot, l’absence de remboursement de campagnes marque leurs finances et se fait ressentir sur leur activité pendant plusieurs années, à l’image de CPNT : « Les élections européennes de 2004 et la campagne pour le référendum, pour laquelle nous n’avons pas été indemnisés, ont grevé notre budget », affirme encore Frédéric Nihous au moment de se lancer dans la campagne présidentielle de 200735. La réforme de 2003 produit donc bien une rupture avec le contexte financier favorable qui entourait les élections européennes dans les années 1990. Les formations les plus modestes se trouvent désormais devant des contraintes élevées : la régionalisation exige une diversité de ressources plus importante, les prêts de-

33 34 35

Cité par HACQUEMAND É., BESANCENOT, O., L’irrésistible ascension de l’enfant de la gauche extrême, Paris, 2008. S’ajoute alors à ce revers celui de l’élection régionale. « Les chasseurs font la quête pour survivre », Libération.fr, 22/07/2004, consulté le 16/01/2012, http://www.liberation.fr/politiques/0101496450-les-chasseurs-font-la-quetepour-survivre. ECHALIER, G., « Renfloué, CPNT repart à la pêche aux parrains pour 2007 », Libération, 31 janvier 2006. Trois des cinq listes présentées par le parti n’avaient pas atteint le seuil des 3 % en 2004.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

151

viennent parfois moins accessibles et l’accession au remboursement de la campagne est moins assurée.

C. Des effets différenciés selon les organisations C’est également parce qu’elle démultiplie des couts d’autre nature que la régionalisation de l’élection apparaît plus défavorable aux formations les plus modestes. Comme le souligne Georges Berthu, ancien eurodéputé MPF, c’est désormais « huit campagnes au lieu d’une » qu’il faut mener et si les plus petites formations continuent à profiter de la visibilité que procure l’élection européenne, celles-ci sont confrontées à des difficultés structurelles. L’analyse des comptes de campagnes disponibles montre pourtant que la régionalisation n’entraîne pas de hausse générale des dépenses de campagne à partir de 2004 (graphique 2) : Graphique 2 : Dépenses des partis lors des campagnes européennes depuis 1994, en €36

Au contraire, les dépenses stagnent voire baissent pour certains. Plusieurs éléments y concourent. Désormais, les partis optent pour l’investiture de candidats locaux, réduisant ainsi les frais de déplacement et, parfois, de meetings, qui constituent des postes de dépenses importants en 1994 et 1999.37 On peut également penser que les directions des plus petits partis conscientes du risque financier mentionné inclinent désormais à la prudence dans les dépenses. Parallèlement, le scepticisme quant à la capacité de certaines têtes de listes à réunir 3 % des suffrages compromet également l’appui des banques, nécessaire au montage d’un budget de campagne. En outre, les petits partis, comme la LCR, le MPF ou DLR, 36

37

Son représentées les élections pour lesquelles la CNCCFP a publié les comptes (sources en fin). Concernant le regroupement LO-LCR, ont été pris en compte, lorsque les partis se présentent séparément, LO en 1994, seule en lice, et le NPA en 2009. CPNT n’apparait pas en 2009, il est associé au MPF. On peut ajouter qu’en 2004 la baisse de la plupart des budgets peut être reliée au fait que trois mois seulement séparent l’élection européenne de la campagne des élections régionales.

152

EMMANUELLE REUNGOAT

font face à la réforme en ménageant des économies d’échelle et en s’efforçant de continuer à mener une campagne largement nationale, dirigée à partir du siège et fortement appuyée sur les figures des leaders. Le FN et, dans une moindre mesure cependant, le PCF adoptent également cette stratégie de campagne nationale. L’enjeu reste également, pour l’ensemble des directions, de garantir à la fois l’harmonisation et le contrôle de la parole politique. Ce sont néanmoins les ressources humaines qui viennent à manquer dans les formations les plus modestes. Disposant d’une masse militante plus faible, le maillage du territoire pendant la campagne peut faire défaut. Les relais régionaux ne peuvent pas systématiquement être assurés en raison d’une implantation qui, en fonction de l’articulation d’histoires locales et partisanes particulières, reste aléatoire selon les régions pour des formations telles que le MPF, DLR, les trotskistes38 ou plus récemment le Parti de Gauche (PG). Leurs budgets ne leur permettent par ailleurs pas toujours de sous-traiter le travail de diffusion de la propagande, comme cela se fait couramment dans les partis plus importants. Si, là encore, on peut distinguer le PCF qui, par son statut, sa longévité et son histoire propre, dispose d’un maillage du territoire qui reste plutôt bien assuré, le FN peut également rencontrer d’importantes difficultés face à une nécessaire régionalisation partielle des campagnes. C’est en capacité de leadership enfin que les plus petites formations peuvent paraître désarmées face à ce redécoupage. Il s’agit tout d’abord de monter huit listes de candidats compétents. Or, le PCF et, plus progressivement, Les Verts et le FN mis à part, l’opération tient parfois de la gageure et peut mener au recrutement de véritables figurants pour compléter les listes. Dès lors, à partir de 2004, il est plus difficile pour ces formations de réunir 5 % des suffrages derrière une tête de liste locale, souvent méconnue des électeurs et plus faiblement sollicitée par les medias que cela pouvait être le cas pour Olivier Besancenot, Philippe de Villiers ou même Jean-Marie Le Pen, avant que le FN ne retrouve une dynamique à la fin de la décennie. Dès lors, le seuil des 5 % peut également se révéler plus difficile à atteindre région par région. Le PCF, le FN et Les Verts sont apparus mieux armés pour faire face à cette nouvelle situation. Par un maillage plus important du territoire au PCF en particulier, des budgets plus élevés malgré leurs difficultés et des capacités à assurer des leaderships régionaux plus développés, ces trois partis se maintiennent dans la compétition électorale et, pour partie débarrassés de leurs concurrents les plus petits, continuent de tirer profit des élections européennes en termes d’audience et de mandats. C’est le cas en particulier pour Europe-Écologie Les Verts en 2009 (14 eurodéputés) et pour le FN en 2014 (24 eurodéputés). On souligne pour conclure qu’un des effets de la réforme est de voir les acteurs partisans développer des stratégies d’adaptation consistant en particulier à s’allier au sein de coalitions pour faire face aux nouvelles conditions de la compétition électorale européenne. Quand celle-ci rencontre un succès dans les urnes, l’alliance peut se pérenniser voire se transformer en organisation partisane nou38

Dans le cas de la LCR par exemple, le parti manque des ressources nécessaires à la mise en place de huit campagnes régionales. En 2002 hors de la région parisienne, celui-ci ne dispose de sections de plus de soixante-dix militants que dans cinq villes françaises, et de sections de plus de cinquante militants que dans sept villes. Voir JOHSUA F., « Les conditions de (re)production de la LCR. L’approche par les trajectoires militantes » dans HAEGEL, F. (dir), Partis politiques et systèmes partisans en France, 2007, p. 25-68.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

153

velle. C’est le cas du Front de Gauche et d’Europe-Écologie Les Verts en 2009. La coalition Libertas réunissant la même année le MPF et CPNT a en revanche fait long feu. Dès lors, la compétition européenne participe au remodelage du paysage partisan français sur le long terme et à la restructuration de la compétition.

Conclusion Des recherches internationales menées ces dernières décennies sur la mobilisation à l’égard de l’intégration européenne, il ressort notamment l’importance des logiques nationales, géographiquement, socialement et historiquement situées, pour comprendre les modalités de saisie et d’appropriation de l’enjeu et de l’élection européenne par les partis39. C’est également vrai dans le cas français où la construction de l’« Europe » comme enjeu politique et sa mobilisation apparaissent liées à des configurations historiques et institutionnelles mais aussi locales (dans le cas de CPNT par exemple), organisationnelles, intra-partisanes ou sectorielles. Dès lors, les petites et moyennes formations peuvent instrumentaliser leur participation à l’arène politique communautaire pour en faire une ressource politique nationale. Celle-ci peut devenir en ce sens une véritable base arrière de l’activité politique des acteurs en leur permettant de mobiliser des ressources à la fois symboliques et matérielles. Matérielles dans la mesure où l’acquisition régulière de sièges parlementaires européens dans un contexte national de rareté permet à ces formations de voir certains de leurs leaders et/ou un certain nombre de leurs cadres secondaires se professionnaliser et pouvoir se dédier à leur activité politique. C’est centralement le cas au FN40, au MPF ou à CPNT, où les listes des députés européens correspondent peu ou prou à celles des bureaux politiques sur deux décennies, mais aussi, dans une moindre mesure, au PCF ou chez Les Verts. Les moyens financiers offerts par le Parlement européen via notamment les enveloppes budgétaires dédiées à l’emploi de personnel et les financements liés aux groupes parlementaires et partis européens permettent également d’employer une équipe d’assistants, notamment d’assistants locaux, dont le travail peut entre autres participer au développement de l’activité du parti à l’échelle nationale. Autrement dit, l’intégration européenne apparait ici comme une arène secondaire venant contribuer à la pérennisation de certaines entreprises partisanes et au développement de leur activité politique à l’échelle nationale. Ce sont également des ressources symboliques que permettent pour les acteurs des petites et moyennes formations l’accès au mandat européen. Le titre de député peut ainsi être mis en valeur pour venir renforcer la légitimité, et la crédibilité des acteurs et, quand il s’agit des leaders, parfois du parti lui-même. Il est également un sésame significatif pour médiatiser une cause (c’est là un des principaux usages de leurs mandats par les élus LCR-LO) ou pour gagner en couverture 39

40

COMAN, R., LACROIX, J., op. cit. ; DAKOWSKA, D., article cité ; NEUMAYER, L., ROGER A., ZALEWSKI, F. (dir.). L’Europe contestée, Espace et enjeux des positionnements contre l’intégration européenne, Paris, 2008 ; SZCZERBIAK, A., TAGGART, P. (ed.), Opposing Europe ? The Comparative Party Politics of Euroscepticism, Oxford, 2008. REUNGOAT, E., BOUILLAUD, C. (dir.) « Opposés dans la diversité. Les usages de l’opposition à l’Europe en France », Politique européenne, 2014/1, n° 43.

EMMANUELLE REUNGOAT

154

médiatique de son activité politique, en particulier dans les plus petites formations. Ce sont également les bons résultats de ces partis dans la configuration spécifique de l’élection européenne qui peuvent leur permettre de gagner en crédibilité dans l’espace national (on peut penser à l’affiche produite par le FN après l’élection de 2014 « FN premier parti de France »), mais aussi en audience afin de se placer comme partenaire de coalitions gouvernementales ou d’obtenir des circonscriptions réservées lors des législatives pour leurs leaders. En France, c’est le cas des souverainistes (MPF, DLR) et dans une moindre mesure du PCF, mais surtout d’Europe-Écologie Les Verts, dont le succès lors des élections européennes de 2009, qui les voit faire jeu égal avec le PS et qui est confirmé lors des élections régionales suivante, les met en position forte dans la négociation avec les socialistes. Les Verts obtiendront des circonscriptions réservées lors des élections législatives de 2014, leur permettant ainsi de former pour la première fois un groupe indépendant du PS à l’Assemblée nationale et d’obtenir des ministres dans le gouvernement41. Ces éléments sont révélateurs de l’effet du développement de l’arène politique européenne sur les sphères nationales de compétition. Si celle-ci ne suffit pas à pérenniser un nouvel entrant (on peut évoquer les échecs relatifs du RPF ou du MPF), elle vient contribuer au pluralisme au sein du système partisan français sur les trois dernières décennies. Par l’investissement du thème ou de ses arènes institutionnelles, le développement d’un espace politique communautaire a pu aussi permettre de redonner de la vigueur à des partis marginalisés ou secondaires. C’est le cas du PCF qui a trouvé dans l’Europe une forme de renouvellement doctrinal bienvenu ainsi qu’une manière de poursuivre et de faire évoluer son entreprise politique via la création du Front de Gauche en 2009. Si le NPA semble aujourd’hui essoufflé, l’enjeu européen a fortement contribué à la montée en puissance de la LCR de la fin des années 1990 au milieu de la dernière décennie via le développement de réseaux de sociabilité et l’évènement qu’a constitué la mobilisation de 2005. Enfin le FN, Les Verts et, plus ponctuellement, les centristes ont également pu s’appuyer jusqu’à aujourd’hui sur les ressources à la fois matérielles et immatérielles offertes par cette arène politique.

41

SHEMER-KUNZ, Y., article cité.

MODES ET SCRUTINS, FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

155

VOTING PROCEDURES, FINANCING OF ELECTION CAMPAIGNS AND EMERGENCE OF EUROSCEPTIC PARTIES IN THE EUROPEAN ELECTIONS IN FRANCE A diachronic analysis of the engagement for the European of by the French parties since 1979 helps us to understand the Europeanisation of national politics as a dynamic process brought about by the appropriation of European integration developed by national political actors. The changing configurations of the election thus become constraints and resources for political competition. Two periods can be distinguished, separated by the caesura of the reform of electoral rules in 2003. The study shows the extent to which, during the 1980s and even more so in the 1990s, the European elections represented a specific opportunity in the political space, compared to strictly national elections, for parties in the position of challenger, because of their election rules and the development of public financing of political parties and campaigns. If they must be put into perspective with other dynamics, these institutional reasons help to explain the rise of opponents of European integration, both on the right and the left, and the proliferation of ad hoc partisan endeavours during the decade. From 2003, the reform of the election partly deconstructed this framework. The organisation and the context of the European election now benefited in particular medium-sized parties compared to the major parties, the smallest parties and new entrants. They also encouraged the development of coalitions, leading to an adaptation of advocates who contributed to the reshaping of the French partisan landscape of the end of the decade.

WAHLVERFAHREN, FINANZIERUNG VON WAHLKAMPAGNEN UND AUFTRETEN EUROSKEPTISCHER PARTEIEN BEI DEN EUROPAWAHLEN IN FRANKREICH Die von den französischen Parteien seit 1979 durchgeführte diachrone Analyse der Mobilisierung bei den Europawahlen ermöglicht es uns, die Europäisierung der nationalen Politik als dynamischen Prozess zu verstehen, der durch die Verwendung der Europäischen Integration konstruiert und von nationalen politischen Akteure entwickelt wurde. Die wandelnden Konfigurationen der Wahlen werden damit ebenso zu Beschränkungen als auch Ressourcen des politischen Wettbewerbs. Zwei Perioden können durch die Zäsur der Reform der Wahlordnung im Jahr 2003 unterschieden werden. Die Studie zeigt, wie oft im Vergleich zu rein nationalen Wahlen in den 1980er Jahren und noch mehr im Jahre 1990 die Europawahlen eine spezielle Gelegenheit für Parteien waren, sich in der Position des Herausforderers im politischen Raum darzustellen. Dies liegt vor allem an den Wahlregeln, die diese Wahl charakterisieren und an der Entwicklung der öffentlichen Finanzierung, wie auch an den politischen Kampagnen.

156

EMMANUELLE REUNGOAT

Wenn sie in Beziehung mit anderen Dynamiken gesetzt werden, müssten diese institutionellen Gründe dazu beitragen, den Aufstieg der rechten und linken Gegner der Europäischen Integration und der Vervielfachung von ad hoc Partisan-gruppierungen in den letzten zehn Jahren zu erklären. Die Organisation und der Kontext der Europäischen Wahl bevorzugen besonders mittlere Gruppierungen gegenüber den großen Parteien, aber auch kleinere Gruppierungen und Neuzugänge. Sie fördern auch die Entwicklung von Koalitionen, die zu einer Anpassung der Parteianhänger führen und die dazu beitragen, die französische Parteienlandschaft am Ende dieses Jahrzehnts neu zu gestalten.

SPAIN AT THE CROSSROADS: FROM THE ECONOMIC CRISIS TO THE 2014 EUROPEAN PARLIAMENT ELECTIONS CRISTINA BLANCO SÍO-LÓPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO “A method of making people love their servitude, a dictatorship without tears, producing a kind of painless concentration camp for entire societies, so that people will in fact have their liberties taken away from them, but will rather enjoy it, because they will be distracted from any desire to rebel by propaganda (…)” Aldous Huxley “The light that falls through the cracks.” Neil Finn “A qué mirar, a qué permanecer seguros de que todo es así, seguirá siendo…Jamás pudo ser de otra forma, compacto y duro, este – perfecto en su cadencia – mundo. Preferible es no ver. Meter las manos en un oscuro panorama, y no saber qué es esto que aferramos, en un puro afán de incertidumbre, de mentira. Porque la verdad duele. Y lo único que te agradezco ya es que me engañes una vez más…” Ángel González The Iberian Peninsula – including Portugal and Italy – represents a special case in the history of contemporary Europe1. Fascist and extreme-right parties have had very little impact, and indeed have barely gained any ground at all in terms of parliamentary representation in the societies of the aforementioned two southern-European democracies. These parties (which in some cases directly succeeded the lengthy dictatorships of the 20th Century and in others were still closely associated with them), have not managed to take root in the democratic landscape in their own countries, and even less so on the European scene. 1

See GALLEGO, F., Neofascistas. Democracia y extrema derecha en Francia y en Italia, Barcelona, Plaza y Janés, 2004.

158

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

The question which arises in the case of Spain, throughout the democratic era but particularly in the current climate of economic crisis, is: “How come the Spanish ultra-right is so poorly represented in the administration?” The indicators in relation to this issue are clear: the economic crisis has raised the unemployment level to 26%; the immigrant population now accounts for 11.7% of the total populace; there is growing political disaffection, mistrust in the administrative institutions, disillusionment with the corruption-riddled bipartisan system; and, in 2014, the perception of politics and of politicians is, in the eyes of the public, the second greatest problem facing the country, after the burgeoning unemployment. However, this problem does not appear, as might have been expected, to have been a fertile breeding ground for Spain’s extreme right, who have failed to capitalise on this “perfect storm”. In order to understand the reasons for this weakness of the right wing, it is important to look at the situation in its historical context, beginning with the twilight of the Francoist dictatorship2.

I. “Nostalgia with no future”3. The legacy of the Francoist dictatorship in the transition to democracy (1975-1986) Historiographical studies have revealed the practical non-existence and the “frank insignificance” of the extreme right during Spain’s transition to democracy, and in the arrangements of the various parties on the democratic scene in Spain4. The groups attached to the extreme right were represented fundamentally by a number of sectors within the Francoist regime (Fuerza Nueva, founded and led by Blas Piñar until its dissolution in 1982 and later metamorphosed under a variety of names – the only mass extreme-rightist body in Spain); by the successors of the Partido Único in Franco’s dictatorship (Falange(s) which presented a divided rather than a united front); and by former fighters on the Nationalist side in the Spanish Civil War (Confederación de Excombatientes), which hardly attracted any influence or voters during the transition. Its history is fraught with divisions, unions and reformations of organisations – in summary, it is characterised by major instability. Alianza Nacional del 18 de julio was formed by the agglomeration of Fuerza Nueva and the Confederación de Excombatientes for the democratic elections in 1977: that was to be the only time that the extreme right – in its most extreme incarnation – gained a seat in the Spanish parliament. From among the ranks of Fuerza Nueva, two new insignificant splinter groups were formed: the Frente Nacional de la Juventud in Barcelona, and the Frente de la 2

3 4

CASALS, X., “El enigma de la ultraderecha española”, La Vanguardia, 15 September 2013, p. 33. See also CASALS, X., Neonazis en España. De las audiciones wagnerianas a los skinheads (19661995). Barcelona, Grijalbo, 1995; El fascismo. Entre el legado de Franco y la modernidad de Le Pen (1975-1997). Barcelona: Destino, 1998; La plataforma per Catalunya: la eclosión de un nacional-populismo catalán (2003-2009), Barcelona, Institut de Ciències Polítiques i Socials, 2009; El pueblo contra el parlamento: el nuevo populismo en España, 1989-2013, Barcelona, Pasado&Presente, 2013. GALLEGO, F., “Nostalgia y modernización. La extrema derecha española ante la crisis final del franquismo y la consolidación de la democracia (1973-1986)”, Revista AYER nº 71, 2008, Madrid, Marcial Pons & Asociación de Historia Contemporánea, p. 174-209, citation, p.208. GALLEGO, F.: “Nostalgia y modernización”, Ibid., p.174 and 176. For a more detailed analysis of the extreme right in Spain, please refer to footnote 1, p. 176.

SPAIN AT THE CROSSROADS

159

Juventud in Madrid. Both of these groups’ names employ a Francoist fascist lexicon5. All of these extreme-right groups, which barely attained the formal status of political parties, were characterised by the social marginality of their members. Indeed, their fragmentation and instability ultimately disfigured and diluted the analysis of the late Franco era and the subsequent democratic regime. The results of the vote on the Ley de Reforma Política (Political Reform Law), which opened the door to Spanish transition by legal means, were not encouraging for the political extreme right which represented only 1.98% of votes against the proposed Reform, as compared to 22.28% abstention, and 73.18% of votes in favour of the Reform. In the 1977 elections6, the typical extreme right obtained no seats at all. In the general elections in June 1977 (the first held since the dictatorship gained power), Fuerza Nueva stood in coalition with the Confederación Nacional de Combatientes, the Círculos Doctrinales José Antonio and the Agrupación de Juventudes Tradicionalistas under the name of Alianza Nacional del 18 de Julio but failed to win parliamentary representation. In 1979, once the Constitution had been ratified and new general elections had been called, the extreme right obtained 378,964 votes using the slogan “España en tus manos” (Spain in your hands). In Madrid, they won 110,730 votes. They obtained one testimonial seat in Parliament; Blas Piñar, the former Francoist leader who founded Fuerza Nueva, was elected to the Congress for Madrid in the first ordinary legislation in Spain’s democratic era in the coalition the Unión Nacional. The leader demonstrated manifest incompetence in the parliamentary forum. This triumph, however ephemeral, served to bury the coalition itself, and with it, all hope of forming a Frente Nacional in the future. Although they would never renounce the idea, from that point on, they would fundamentally work outside of the parliamentary field, drawing first and foremost on the “strategy of tension”. The failure of the coup d’état against the parliament on 23 February 1981 (known simply as 23 F) would seal this defeat, and the Fuerza Nueva – the main member of the Alianza Nacional – would dissolve in 1982 (and the Alianza Nacional with it), accepting ultimate defeat when the Partido Socialista Obrero Español (PSOE – Socialist Party) won the election. “The extreme right was fragmented by profuse internal quarrels, and became utterly irrelevant”7. However, Fuerza Nueva’s exit from the scene was not absolute. “In the 1980s and 1990s, there was a succession of initiatives aiming to modernise the political arena, stimulated by the rise of the Front National in France”8. In addition, Blas Piñar would once again set up a Frente Nacional, again attempting to create a common space shared by the whole of the extreme right, with the support and collaboration of Jean-Marie Le Pen. Blas Piñar’s Frente Nacional presented candidates for the first European elections in Spain in 1987, although their discourse was increasingly theocratic. They did so in the most favourable scenario possible, explains a specialist in the sub5 6 7 8

On the concept of the use of language, please see FAYE, J.-P., Langages totalitaires: critique de la raison narrative, critique de l’économie narrative, Paris, Hermann, 1980, first ed. 1972. The Spanish general elections of 1977 took place forty-one years after the last general elections of the Spanish Second Republic. CASALS, Xavier, op. cit, p. 33. The Front National won 11% of the vote in the 1984 European Parliament elections, thus leaving the extra-parliamentary opposition.

160

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

ject: a secondary process – wherein Spaniards attached relatively little importance to the European Parliament; a single constituency, without the loss of any votes at all. They gained 122,000 votes, whilst a former entrepreneur, expropriated of his powerful business empire (José María Ruiz Mateos) obtained 80,000. Nonetheless, the traditional Spanish extreme right “was resistant to the idea of wiping out the legacy of Francoism and adopting a xenophobic attitude which ran counter to its political culture, marked by Catholicism and Spanish nationalism”9. Two years later, in 1989, Blas Piñar’s Frente Nacional, now allied with the Juntas Españolas in another attempt to consolidate the Francoist extreme right, obtained 60,000 votes, whilst Ruiz Mateos obtained 600,00010. “This time, the ever prudent J-M Le Pen had stayed very much on the sidelines”11. Beating a retreat but refusing to accept his failure, Blas Piñar’s campaign had hinged on nettling Spaniards to spur them into action: “Today, neither common sense nor moral fibre are virtues possessed by our people – or better said, of the body who claim to represent our people, and who vote in the elections. The short sightedness of the Spanish people is astounding […] a sort of political masochism, a drug addiction or fatal anaesthesia has overwhelmed Spaniards today […] sinking them into a stupor in which they vote for those who affront and denigrate them […]”12 In later years, two ideological poles would emerge, and have endured to this day. One maintained its traditional and familiar line, looking back and organised around the Frente Nacional between 1986 and 1994. Another vein of thought emulated LePenism, such as the Democracia Nacional, founded in 1995: an ultrarightist division with no clear boundaries which never came to form the backbone of a major party because of its inability to gather strength, for lack of charismatic leaders and committed voters13. It should not be forgotten, either, that the violence and terrorism – primarily on the part of independence fighters and the extreme left – which scarred the face of the democratic era have left Spanish society generally opposed to any form whatsoever of violent radicalism. Thus, the social foundations of the extreme right have been absolutely decimated. In summary, and in terms of figures, the votes won by the conventional right have never exceeded 1% in Spain’s parliamentary elections, experiencing a steady decline, from 0.84% in 1977 to 0.04% in 2011. The 25-year history of crushing parliamentary defeats means that the following phrase is accurate: “Spain: the extreme right – an unexpected absence”14. The vagueness of the available quantitative data does not prevent us from assessing the impact of the extreme right in Spanish society. The lack of parliamentary representation cannot conceal the presence and public action of the extreme right in Spain. Thus, in spite of the low number in their ranks, their constant activism and freedom of expression and of demonstration have meant that 9 10 11 12 13 14

CASALS, X., op. cit, p. 33. GALLEGO, F., “Nostalgia y modernización”, op. cit.,p. 209. Ibid. GALLEGO, F., Una patria imaginaria. La extrema derecha española (1973-2005), Madrid, Síntesis, 2006, p. 237-305; GALLEGO, F.: “Nostalgia y modernización”, op. cit., p. 209. CASALS, X., op. cit., p. 33. RODRÍGUEZ JIMÉNEZ, J. L., op. cit., p. 261.

SPAIN AT THE CROSSROADS

161

the extreme right has hosted international ultra-right-wing demonstrations on Spanish soil, providing a framework for meetings and demonstrations for European fascists and neo-Nazis. The non-discharge of the responsibilities of the dictatorship, and the endurance of a certain sociology and dictatorial mentality, incarnated in the aforementioned groups or parties, have meant the extreme right is beginning to enjoy greater media coverage of their events and liturgy. The commemorations of the death of the Dictator, held every year on 20 November, the mass gatherings organised for that purpose in the Plaza de Oriente in front of the Royal Palace in Madrid, and the political and religious ceremonies celebrated at the tombs of Franco and the founder of the Falange (Primo de Rivera) in the Valle de los Caídos, have served as an opportunity not only to broadcast their ideology, but also to meet with and praise extreme-right and neo-Nazi groups from all over Europe15. This is a subject which has not been widely studied, but highlights the keen knowledge of the situation in Spain demonstrated by the Norwegian ultra-right-wing activist Anders Behring Breivik in his writings. Breivik offers an overview of the political outlook of the Spanish ultra-right and laments it as “deeply fragmented and unstable”16, he wishes them fairer fortunes in future elections. The common humus underlying all these groups is a legacy of political culture and forms of thought with a discriminatory, xenophobic lexicon; the simplistic dialectics of Good vs. Evil, and the corresponding demonisation of their opponents; extremism; radicalism; along with radical criticality towards democracy, political parties and historical revisionism17. Against this backdrop, it is fundamental to analyse the roots, nature and development of Alianza Popular as a formula for the extreme right. Recently, there has been a re-examination of the affirmation of the extreme right’s political insignificance in Spain, with the attachment of the label of “extreme right” to the party Alianza Popular led by Manuel Fraga. This view raises the questions of exactly what we understand by “extreme right”18 and precisely how far that concept extends. The issue also arises of how to classify a traditional, fascist ultra-right movement. In the eyes of Ferrán Gallego, who defends that idea, Alianza Popular shares the following traits with its predecessors: acceptance of the political order in force during the dictatorship, advocacy of a social model whose institutional and ideological aspects belong to the dictatorial sector, and a lack of openness to engage in a constitutional process19. In short, it is characterised by “its zealous

15

16 17

18 19

CUESTA, J., La Odisea de la memoria. Historia de la memoria en España, Siglo XX. Madrid, Alianza, 2008; Refer to chapter10 “Después del a dictadura: Memoria del dictador que murió en la cama (1975-2007), p. 341-375. CALLEJA, José María, El Valle de los Caídos, Madrid, Espasa Calpe, 2009, p. 172-177. “Resumen de la obra y de biografía de Anders Breivik”, La Vanguardia, 25 July2011, p. 7. “The importance of the phenomenon narrows down to “the persistence of a post-Francoist matrix”. SÁNCHEZ DE LEÓN, P. and IZQUIERDO MARTÍN, J. (eds.), El fin de los historiadores: pensar históricamente en el siglo XXI. Madrid, Siglo XXI, 2006, p.12, or even of a “Francoist” one, taking into account, as Javier Rodrigo reminds us, the mechanisms of political and cultural identification through the past”, según Javier Rodrigo. GALLEGO, F., “Nostalgia y modernización”, op. cit., p. 175. GALLEGO, F., “Nostalgia y modernización”, Ibid., p. 174.

162

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

praise of Francoism and refusal of a constitutional process”20. This considered view opens up the cloistered analysis of the part played by the extreme right in Spain’s transition to democracy. Whilst it may be true that the presence of the Alianza Popular has been viewed as a fundamental factor in impeding the formation of a LePen-ist camp in Spain, it is important not to overlook the similarities between the party led by Fraga and the authoritarian culture of the Movimento Sociale Italiano or LePen-ism and the most radical sectors of the Gaullist movement in France21. In light of this hypothesis, when the transition began in 1975, we see, amongst others, the emergence of two Spanish extreme-right political agendas: the Alianza Popular (AP) and the Alianza Nacional del 18 de julio (referring to 18 July 1936 – the date of Franco’s military rising against the Second Republic). Note the similarity of their names. The subsequent fall of the residual forces of the parties recognised as extreme right made the AP the sole, uncontested representative of Francoism, which a far-from-negligible support base of 8% of Spaniards in 1977 placed it on a level with the extreme right parties in Europe, with electoral influence similar to that of the Movimento Sociale Italiano in 1972 and the Front National in 198422. In this respect, the most recent developments in the Spanish political arena show how the 2014 European Parliament (EP) elections were characterised by the permanence or the rise of small “new extreme right” parties: España 2000 (Plataforma España 2000 – ES2000), Democracia Nacional (DN), Estado Nacional Europeo, Alternativa Española, Alianza Nacional, VOX and the Falanges (in their various forms – the heirs to the lone party which held power during the dictatorship). They were also characterised by their scant presence during the campaign for the EP elections, by the limitation of their territory (in many cases, they achieved nothing better than local or regional success), and by the non-presentation of candidates in most constituencies in Spain. Indeed, the latest round of European elections in Spain witnessed the mobilisation of minority groups in Spanish society and the rise of small alternative parties (mainly left-wing), characterised by their criticism of the “bipartisanism” and of the two main political parties (Partido Popular and Partido Socialista Obrero Español). These two parties alternate between holding office and being in majority opposition, by their policies in relation to the economic crisis, their measures in favour of the banks at the expense of civil citizens (eg evictions) due to what they describe as subjugation to Europe, or by the loss of independence of Spanish politics (a criticism made by a minority). The alternative to this “minority” social mobilisation is not to fight Europe but rather to “change Europe”. This is an objective identified with by the three-sided alliance between banks, the economic powers and the European institutions. Among all of these, Podemos attracted a high degree of attention, with its triumph, winning seats for European delegates, and the hope that it aroused in a certain youthful electorate who had, up to that 20 21 22

GALLEGO, F., “Nostalgia y modernización”, Ibid., p. 196. In March 1977, during the 1st AP Congress Fraga affirmed that AP “would not accept to blow up the huge work of the last forty years”, Idem, p. 199. GALLEGO, F.: “Nostalgia y modernización”, Ibid., p. 182. “In this respect, it is important to note that AP does not use the term nacional-populista in its first years as a self-definition”. Idem, p. 83. GALLEGO, F., “Nostalgia y modernización”, Ibid., p. 201.

SPAIN AT THE CROSSROADS

163

point, been little motivated and had stayed away from the ballot box. In summary, the feeling of discontentment was capitalised upon more fully by the new left-wing parties than by those of the right. Surveys suggest a bright future for this nascent body, which some electoral predictions are hailing as a third political party, after those against whom their criticisms were directed: the PP and the PSOE.

II. The evolution of the European Parliament election results in Spain and the challenges of the 2014 EP elections: changing contexts and new issues at stake Before proceeding to study the evolution of the EP election results in Spain, it will be necessary to consider that the 2014 EP elections took place in the midst of a radically fragile global socio-economic context, characterised by an increasingly socially committed questioning of the political status quo. This mindset implies a critical re-examination of the tensions derived from the contraposition between the rising and “beyond the course of law” privileges of an exclusive elite vs. the actual lack of democratic representativity and policymaking impact on behalf of the citizenry. Moreover, it also entails a dedicated exploration of new ways of building a sustainable sense of democratic community beyond the gradual commodification of every single aspect of human life, from social organisation to political systems. In the particular case of the EU, the most appalling contextual changes could be summarised as follows: “Europe is ill. How seriously, and why, are matters not always easy to judge. But among the symptoms three are conspicuous, and inter-related. The first, and most familiar, is the degenerative drift of democracy across the continent, of which the structure of the EU is at once cause and consequence. The oligarchic cast of its constitutional arrangements, once conceived as provisional scaffolding for a popular sovereignty of supranational scale to come, has over time steadily hardened. Referendums are regularly overturned, if they cross the will of rulers. Voters whose views are scorned by elites shun the assembly that nominally represents them, turnout falling with each successive election. Bureaucrats who have never been elected police the budgets of national parliaments dispossessed even of spending powers. But the Union is not an excrescence on member states that might otherwise be healthy enough. It reflects, as much as it deepens, long-term trends within them. At national level, virtually everywhere, executives domesticate or manipulate legislatures with greater ease; parties lose members; voters lose belief that they count, as political choices narrow and promises of difference on the hustings dwindle or vanish in office”23. In addition, the erosion of democratic freedoms and rights – aggravated by the austerity measures undertaken by EU Member States seemingly to counteract the

23

ANDERSON, P., “The Italian Disaster”, London Review of Books, Vol. 36 No. 10, 22 May 2014, p. 3, http://www.lrb.co.uk/v36/n10/perry-anderson/the-italian-disaster LRB [29.09.2014]

164

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

effects of the economic crisis – also has a determinant influence on the way EU citizens perceive the context of these last EP elections: “On the continent, pre-existing authoritarian tendencies enjoyed a quantum leap under the EU-wide neoliberal austerity regime fostered by the German government under the cover of the European Commission. The unelected governments in Greece (2011-2012) and Italy (2011-2013) represent the most obvious and shocking examples of the authoritarian trend. Much more serious in the long term is the EU fiscal compact (officially named the Treaty on Stability, Coordination and Governance in the Economic and Monetary Union). This Treaty, which came into effect at the beginning of 2013, severely limits the authority of national parliaments to set fiscal policy. The treaty and additional measures demanded by the German government remove fiscal policy from public control, with monetary policy already in the hands of the European Central Bank and beyond national accountability. This process in which major decisions are taken away from the electorate fundamentally undermines public faith in the democratic process. The rise of neo-fascist groups with an extra-parliamentary agenda such as the New Dawn in Greece should come as no surprise”24. The reaction to this situation has become a feature of a new set of social movements and is reflected in “an enormous increase in protests across the world in which citizens have challenged what they see as a deterioration of democratic institutions and the very civil, political and social rights that form the basis of democratic life. Beginning with Iceland in 2008, and then forcefully in Egypt, Tunisia, Spain, Greece and Portugal, or more recently in Peru, Brazil, Russia, Bulgaria, Turkey, Ukraine and China, people have taken to the streets against what they perceive as a rampant and dangerous corruption of democracy, with a distinct focus on inequality and suffering”25. Donatella della Porta affirms, in this respect, that “the anti-austerity social movements of which these protests form part, mobilise in the context of a crisis of neoliberalism. (…) In order to understand their main facets in terms of social basis, strategy, and identity and organisational structures, we should look at the specific characteristics of the socio-economic, cultural and political context in which they developed”26. Turning now to the impact of such contextual vectors on the specific case of Spain’s involvement in the European elections, we can observe that, from a historical perspective, there is a decrease in the participation of Spanish citizens in EP elections from 1979 to 2009. However, it is important to bear in mind that Spanish participation is higher than the average27, with the exception of the EP elections of 1989 – the year of the first Spanish Presidency of the Council of the

24 25 26 27

Refer to WEEKS, J. F., Economics of the 1%. How Mainstream Economics Serves the Rich, Obscures Reality and Distorts Policy, London, Anthem Press, 2014, 246 p. http://www.globalresearch.ca/neoliberalism-and-the-decline-of-democracy/5375401?print=1 [20.09.2014] DELLA PORTA, D., “Social Movements in Times of Austerity”, EUI Lecture to be held on the 8 October 2014. http://www.eui.eu/SeminarsandEvents/Index.aspx?eventid=103619 [29.09.2014] Ibid. GARCÍA-GUERETA RODRÍGUEZ, E.; FUERTES PÉREZ, A.; LÓPEZ MACEDA, F. Las Elecciones al Parlamento Europeo en España, 1987-2009, Madrid, Gobierno de España, Ministerio del Interior, Gabinete de Estudios Electorales, Dirección General de Política Interior, 2013, p. 64.

SPAIN AT THE CROSSROADS

165

EU – and in 2004 – a year marked by a significant change in office following the Madrid train bombings of March 2004 (11M).

The national statistics on this issue also show that Spanish citizens have traditionally expressed discontent and contestation through abstention28, blank votes and null votes in the EP elections – starting in 1987 – which have grown exponentially ever since29.

28 29

See JUSTEL, M., “Panorama de la abstención electoral en España”, Revista de Estudios Políticos, 68, 1990, p. 343-397. Ibid., p. 90.

166

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

It is also important to take into account that, from 1987 onwards, the Spanish Socialist Party’s (PSOE) candidate received the most votes in the 1987 EP elections – an extraordinary instance which implied two years in office for candidates with the most votes – as well as in 1989 and in 2004. By contrast, the Popular Party’s (PP) candidate received the most votes in the 1994, 1999 and 2009 EP elections30.

Overall, these trends support the view that the 2014 EP elections would result in domestic cleavages, including the likelihood of a “punishment vote” for major parties in correlation to the extraordinary large extent of the crisis and austerity measures induced hardships. Nonetheless, the actual results appear more nuanced and require a deeper analysis of the multilevel impact of the economic crisis in Spain’s socio-political evolving context.

III. The economic crisis in Spain and the 2014 EP elections: social perceptions and comparative interpretative keys31 First and foremost, when critically analysing the political and socio-economic impact of the economic crisis in Spain, it is fundamental to realise how it also provoked a radical shift in the Spanish public opinion mindset. Interestingly enough, we could even talk about the possible “positive” effects of the crisis in

30 31

Ibid., p. 92. Centro de Estudios Sociológicos (CIS), Barómetro de mayo de 2014, Nº 3024; Centro de Estudios Sociológicos (CIS), Barómetro de junio de 2014, Nº 3029; Centro de Estudios Sociológicos (CIS), Barómetro de julio de 2014, Nº 3033. http://www.cis.es/cis/opencm/ES/11_barometros/ index.jsp [28.09.2014]; Instituto Nacional de Estadística (INE), Encuesta Social Europea, Ficha IOE actual: 79003.

SPAIN AT THE CROSSROADS

167

Spain despite its tragic manifestations (massive unemployment32, rising poverty, evictions, a structural attack on the foundations of the Welfare State as a result of the austerity measures implemented to somehow tackle the crisis, etc). These “positive” effects relate to the unfailing power of the crisis to show systemic failures and to reveal the artificiality and arbitrariness of the institutional apparatus sustaining a growingly contested and clearly obsolete socio-economic paradigm. As indicated by Paul Verhaeghe, the current socio-economic paradigm – taken to the extreme by an increasing neoliberal focus – appeared to imply that “anyone can make it if they just try hard enough, all the while reinforcing privilege and putting increasing pressure on its overstretched and exhausted citizens”33. And it is precisely this naked truth, this overarching realisation, that is being taken as a defining claim by a more critically inclined Spanish public opinion. In the case of Spain, this sense of discernment also implies a clear identification of primal fears that are no longer counteracted by political measures, but aggravated by them, while the political class and its related media put on a show characterised by an inescapable pathos full of points of no return. And it is precisely the negatively seductive character of this political communication system which dissolves rebellion and stabilises conformity by the substitution of repression by captivation34. Alternatively, the aforementioned primal socio-economic fears include the very physically felt elimination of theoretically upheld basic rights and social protection principles such as the provision of housing, employment, pension and health-care services. The removal of these essential democratic rights with a violence, impunity and carelessness unheard of since before the Spanish transition to democracy did not entail a palliative role on behalf of the state democratic institutions or a provision of alternatives. On the contrary, it rather implied a general deterioration of standards of living, freedoms and rights. Furthermore, it involved a decrease in the quality of a democracy35 that is supposed to be institutionally articulated and declined in its more representative fashion to guarantee the implementation and enforcement of these rights to the citizens. However, the main novelty in the way the Spanish citizenry is living the crisis lies also in the increasing absence of fear, distinguished by a growing feeling that if the foundations of democracy are being attacked and no basic right or freedom can be guaranteed, there might be, equally, nothing to lose in reclaiming a radical systemic change. This trend includes a dedication to look for new ways 32

33

34 35

A factor which, prior to the EP 2014 elections, was seen as a highly probable catalyst for an increase in the abstention rates in Spain. See CAÍNZOS, Miguel and VOCES, Carmen, “En España, estar en paro no cambia el voto, pero aumenta la abstención”, Zoom Político, 21, Madrid, Fundación Alternativas, 2014, p. 2-17. VERHAEGHE, P. “Neoliberalism has brought out the worst in us. An economic system that rewards psychopathic personality traits has changed our ethics and our personalities”, The Guardian, 29 September 2014. http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/sep/29/ neoliberalism-economic-system-ethics-personality-psychopathicsthic [29.09.2014]. BYUNG-CHUL, H., “¿Por qué hoy no es posible la revolución?”, El País, 3rd of October 2014. http://elpais.com/elpais/2014/09/22/opinion/1411396771_691913.html [03.10.2014]. On the concept of “quality of democracy”, see CLOSA MONTERO, C., “El Libro Blanco sobre la gobernanza”, Revista de Estudios Políticos (Nueva Época), Núm., 119, Enero-Marzo 2003, p.485-503; CLOSA MONTERO, C., “Institutional design of democratic conditionality in regional organisations”, EUI Working Papers, RSCAS 2013/45, Florence, Robert Schuman Centre for Advanced Studies, Global Governance Programme-54. http://cadmus.eui.eu/ bitstream/handle/1814/27462/RSCAS_2013_45.pdf?sequence=1 [28.09.2014].

168

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

of articulating politics and of consolidating a functioning and socially empathic economic system throughout the continent beyond anti-Europeanism. In sum, there might be nothing to lose in re-setting the compass in search for an “alternative Europe”36 beyond an anti-European one, and, very especially, beyond the currently available version of a European “Union”. Indeed, the EU, as it is currently known, appears to an increasingly critical Spanish public opinion merely as one incarnation in a million, as just a concrete development that is not defining per se, but that can be arranged according to new principles. Actually, the EU is considered a reality that could potentially be structured by honestly taking into account the principles of democracy and human rights currently being used just as a façade, trying to make them real instead of holding them as a mere excuse or as a shadow play to enjoy profits for a corporative and increasingly exposed minority exempt of ethical accountability. In this sense, radical and progressive public opinion and fearlessness could constitute a first mechanism of analysis to understand the results of the 2014 EP elections in Spain. Against this backdrop, we can find an ongoing idealisation of the ‘perennial positive’ of European integration, as well as a constant manipulation of the ‘European project’ wildcard on behalf of political representatives. We could also observe that, prior to the EP 2014 elections, there was an attempt to capitalise previous European policy-making ‘conquests’ on behalf of the biggest political parties, as was the case with the avoidance of the European working time directive37 as a result of the campaign of the Party of European Socialists. Nonetheless, the same party seemed to show no direct involvement or empathy with the daily social tragedies resulting from the austerity measures rather than from the economic crisis itself38. Moreover, it is important to note how the traditional Spanish Euroenthusiastic slogan by Ortega y Gasset stating that “Spain is the problem and Europe the solution” starts to be eroded when the crisis appears as a catalyst for innovative world views. From this perspective, the social reflections related to the direct suffering from the crisis transform it into a compelling agent of change and in a dynamic “light through the cracks” in the walls of post-war versions of Europe, able to reveal radical systemic failures beyond contextual cleavages. In this context, in the face of the questioning of long-standing slogans and paradigms by a critically enhanced public opinion, the narratives of normalisation and naturalisation of corruption – well established as part of the operational Spanish political system – start to explode in the faces of an accommodated political elite, so radically distant from the citizenry who directly suffers the vi36 37

38

The notion of ‘alternative EU’ is also searched for and dynamically manifested in a variety of realms, eg the “Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation (ALTER-EU)”: http://www.alter-eu.org/ [27.09.2014]. Please refer to Alejandro Cercas: “Una gran victoria del Parlamento y de la Europa social”. PP y PSOE se felicitan por el rechazo a la directiva europea de las 65 horas”, El País, 17 December, 2008. http://internacional.elpais.com/internacional/2008/12/17/actualidad/ 1229468414_850215.html [29.09.2014]; FERRADANS CARAMÉS, C., “La controvertida reforma de la Directiva sobre la ordenación del tiempo de trabajo”, Temas laborales: Revista andaluza de trabajo y bienestar social, Nº 86, 2006 , p. 97-134. See MORATA, F., “La europeización de la crisis financiera en España” in BLANCO SÍO-LÓPEZ, C. and MUÑOZ, S. (eds.), Converging Pathways. Spain and the European Integration Process / Itinerarios Cruzados. España y el proceso de construcción europea, Brussels, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Vienna, P.I.E. Peter Lang, 2013, p. 219-245.

SPAIN AT THE CROSSROADS

169

tally traumatic effects of the crisis. At the same time, this public opinion is starting to heavily criticise the lack of commitment and the unethical disregard of a nearly alternating bipartisan model which is considered to recall that of the Spanish Restauración39. The so-called ‘PP-PSOE’ model – deeply related to the concept of “Illusion of Choice”40 – is then said to guarantee the privileges of the ‘ruling classes’ and to sanction the impending corruption, reckoned as one of the main causes for the lack of future opportunities resulting in the massive and forced migration of the most qualified young generation in Spanish contemporary history. In this respect, it is remarkable that Spain is currently experiencing a fundamental change from being a receptor of massive immigration from the early nineties onwards (coming especially from Northern Africa, Latin America and Eastern Europe)41 to becoming a sender of highly qualified economic migrants. This major change implies a re-encounter with the dynamics settled during Franco’s regime under a different light, since, then, Spanish migrants were represented by democratic political exiles and low skilled labour migrants. During the transition, migrants also became politically committed trans-cultural actors, especially after their progressive mass return. Nowadays, they constitute a highly qualified yet domestically unemployed contingent of “brains in exile”42, displaced as a by-product of aggravating austerity measures. Last but not least, it is significant to observe how these migrants are becoming part of an increasingly self-conscious and resilient European citizenry channelling alternative prospects for the EU, going far beyond obsolete political and socio-economic façade structures and shadow plays. Fully considering these dynamics, Spain constitutes a rather unique case study due to the intensity of recent social movements directly addressing the issue of an ‘alter-EU’ within a growing and also more socially involved global arena (Indignados, 15M, Democracia Real Ya, Podemos, etc). Very differently to other EU Member States, which – as the last EP election results evidenced – try to react to the crisis-induced hardships by leaning towards a stronger support of the extreme right, Spain has shown a resistance and a pro-active approach that might be experiencing a critical spillover through the current waves of Spanish intraEuropean migration. This trend is also related to an interpretation of the European integration process as the contraposition between a Kuhnian model of science43 applied to 39

40 41

42 43

See VARELA ORTEGA, J., Los señores del poder y la democracia en España, Barcelona, Galaxia Gutemberg, 2013. For a review centered on the notions of exclusion and alternance in Spanish Politics see DE BLAS, A., “Exclusión y alternancia en la política. El sistema de turnos de Cánovas es parte de una oportuna revisión del pasado”, El País, 23th of May 2013. http://elpais.com/elpais/2013/04/26/opinion/1366990435_663099.html [24.09.2014]. More commonly known as “Morton’s fork”, that is, a dilemma in which both choices are equally undesirable. See GONZÁLEZ-ENRÍQUEZ, C., “Spain: The Making of Immigration Policies in the Southern Frontier of the EU, 1985-2010” in ROY, J. and LORCA-SUSINO, M. (eds.), Spain in the European Union: The First Twenty-Five Years (1986-2011), Miami, Miami-Florida European Union Center of Excellence, Jean Monnet Chair, 2011, p. 117-137. LINDO, E. “Exilio”, El País, 15 May 2013. http://elpais.com/elpais/2013/05/14/opinion/ 1368545025_072811.html [28.09.2014]. See KUHN, T. S., The Structure of Scientific Revolutions, Chicago, University of Chicago Press, 1962.

170

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

socio-political life vs. a shock therapy characterised by a multi-level political, institutional, socio-economic and identity crisis. Actually, Spanish public opinion seems to be pervaded by a sense of “regression hazard”44 combined with the realisation that advances in the history of European integration are not based on a succession of qualitative leaps and meaningful highlights heading towards an ever-postponed culmination, but rather on the energy deployed to determinately respond to a fundamental identity crisis. Furthermore, public opinion in contemporary Spain also addresses, in an ever more direct sort of fashion, radical questions that touch the foundations of the state resulting from the transition to democracy, namely: the servitude of the political class towards corporations without ethical imperatives and beyond the rule of law; the absence of the principles of solidarity and common good from the political sphere and a worrying lack of citizens’ representativity in politics. In turn, such fundamental questions about domestic politics, constitute precisely the glue that holds national, European and global systemic criticisms together and reflect, therefore, common conclusions about the theoretical targets of what is felt deeply as a critically needed structural change. In other words, the particular is perceived as equating and converging towards the universal and vice versa. From a different perspective, it is very interesting to note the contraposition between the contestation of current EU formulas to handle the crisis and the instrumental use of Brussels ‘technocracy’ as a token to be either idealised or demonised according to changing national governmental needs and priorities. Despite this instrumental use of the EU, once again, as a wild card, Spanish public opinion increasingly considers that, despite the fact EU austerity measures entail a high cost, this cost is nowhere near the redoubled hardships imposed by the Spanish government45. In this respect, social reactions begin to evolve towards activist formats characterised by decentralised local networks, unaffiliated to majoritarian political parties and major trade unions, which they feel no longer guarantee fundamental rights, the quality of democracy or the sustainability of a Welfare State. Hence, another vital question arises: “What is the role of political parties during a radical multilevel crisis?”; “Are they supposed to just harness a particular mindset or to develop responsibilities at different levels?” These local and decentralised initiatives are deeply linked to “constructive global protest movements” (eg ‘Occupy Wall Street’) which aspire to implement change even when the automatic pilot is already fixed for a prearranged destination (eg ‘Arab Spring’) and are the opposite of “rupturist protest movements” (eg Ukraine), which are subject to violently organised reactions against them. The economic crisis as the trigger and catalyst of the unveiling of the building blocks of systemic failure also accentuated a social critique of the EU institutions (with a very particular focus on the European Commission), of a seemingly “Germanisation” of the European Central Bank and of the power of the so-called “troika”, not directly and democratically elected. Very interestingly, such a criti44

45

A “regression hazard” could be defined as “the fear of the regime’s relapse to an authoritarian past despite positive signs to the contrary”. For a more detailed explanation of its features, please refer to BLANCO SÍO-LÓPEZ, C., “Reconditioning the ‘Return to Europe’: The Influence of Spanish Accession in Shaping the EU’s Eastern Enlargement Process”, in: BRUNET, L.-A., The Crisis of Enlargement, LSE IDEAS Special Report, SR018, London, London School of Economics and Political Science (LSE), 2013, p. 28. MORATA, F., op.cit, p. 219-245.

SPAIN AT THE CROSSROADS

171

cal approach implies a continuity of the long-standing condemnation of the “core Europe” and “democratic deficit” lines of thought, which lie at the very contentious heart of the European integration process. Such critique also touches upon the distance of EU “technocrats” from the daily tragedies of Spanish citizens, deeply affected by the crisis (by unemployment and the declining quality of existing employment, the poverty of elderly pensioners, the elimination of social aid for dependants, the deterioration and dismantlement of the Welfare State, etc.). Nevertheless, this EU demonisation comes in handy as a parapet for the Spanish national government. An interesting turn in this perception is also constituted by the fact that these seemingly particular tragedies are being shared, especially across the South of Europe, extending a common sense of “targeted PIGS”46 and thus uniting critical reactions towards a particularly pernicious economic and productive model. Indeed, this realisation could effectively counteract a very negative consequence of the crisis on the deepening of the European integration process, namely the reappearance of the presumably superseded North-South cleavage in the EU. In this respect, the crisis also helps to unveil the instrumental political and economic use of “pendular identities”, subject to be upheld or abandoned depending on contextual needs. All these post-crisis changes deeply affect the creation of new social and EU regional divisions between ‘guarantors’ and ‘indebted’ in a Union whose longterm survival and legitimacy is largely based on the support of the citizens. Against this backdrop, the new political formations in Spain are being defined more as “movements” than as traditional political parties, within an escalating debate between democracy vs. efficacy and populism vs. technocracy within an increasing disaffection for the European integration project47. Hence, and right in the wake of the elections, the EP seems to lack the legitimacy for the reinforcement of the regulation and governance of the euro-zone, thus heightening the background presence of the “democratic deficit” also in this realm. Furthermore, when analysing the key issues at stake in the 2014 EP elections, we could observe how, from the viewpoint of Spanish social perceptions, the EU was being transformed from a synonym of dialogue, cohesion and integration opportunities and from a liberation from national narrow constraints into a monolithic agent of domination deeply forgetful of social commitment imperatives and of the actual defence of fundamental rights within its sphere of influence (eg labour, reunion and manifestation rights, etc)48. Therefore, the EU as it currently stands, appears to become a major multiplying factor of developmental diver46

47 48

PIGS as the term used to name the four economies of Southern Europe: Portugal, Ireland, Italy, Greece and Spain. See PEDALIU, E., “The Making of Southern Europe: A Historical Overview” in KARAMOUZI, E., A Strategy for Southern Europe, LSE IDEAS Special Report, SR017, London, London School of Economics and Political Science (LSE), 2013, p. 8-14; http://www.lse.ac.uk/ideas/publications/reports/pdf/sr017/pedaliu.pdf [22.09.2014]. BUSCH, K., HERMANN, C., HINRICHS, K. and SCHULTEN, T., “Euro Crisis, Austerity Policy and the European Social Model. How Crisis Policies in Southern Europe Threaten the EU’s Social Dimension”, International Policy Analysis, Bonn, Friedrich-Ebert-Stiftung, February 2013, p. 3-32. TORREBLANCA, J. I., “No son unas primarias”, El País, 28 April 2014, http://elpais.com/ elpais/2014/04/23/opinion/1398274196_131618.html [28.09.2014]. JULIÁ DÍAZ, S., “España era el problema, Europa la solución”, El País, 25 May 2014, http://elpais.com/elpais/2014/05/16/opinion/1400251269_035287.html [28.09.2014].

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

172

gences within the Union, severely disregarding its highly regarded instance as the ever potential guarantor of solidarity and cohesion and even of a potential dialogued integration. However, now that all these premises seem to be part of a fragmenting façade built to consolidate corporate privileges, key questions arise: “What is the use of the EU and of the European integration process?” “Are they supposed to generate a sustainable positive social impact?” “To consolidate positive change and, if so, with which minimum requirements?” “To improve living standards and opportunities while actively respecting untouchable fundamental rights?” The conclusion might be either bleak or trigger a fundamental change. In the eyes of an increasingly critically minded Spanish public opinion, the fictive character of the “catch-up convergence”49, together with a replay of the peripheralisation of Southern Europe, have fuelled the unfailing character of the crisis to make explicit systemic failures in order to determine a satisfying and effective incarnation of possible alternatives. Now, the time has come to determine whether the alternatives will be at the level of the systemic failures’ revelations.

Conclusion Taking into account the results50 of the 2014 EP elections in Spain, which boil down to sixteen votes for the PP, fourteen for the PSOE and five for Podemos, this clearly marks the emergence of the latter as a fundamental game changer.

Podemos’ five seats in the EP51 and its 1.2 million votes break the bi-partisan monopoly of majority politics in Spain, and aspire to constitute a new “social majority”52. At the same time, this incipient political player channels the aforemen49 50 51 52

DE LA FUENTE, Á., “On the sources of convergence: A close look at the Spanish regions”, European Economic Review 46, 2002, p. 569–599. http://www.iae.csic.es/investigators Material/a9167121950archivoPdf10302.pdf [29.09.2014]. “Elecciones europeas 2014”, El País, 26 June 2014. http://resultados.elpais.com/elecciones/ 2014/europeas/ [28.09.2014]. JIMÉNEZ GÁLVEZ, J. M. and KADNER, M., “Podemos se convierte en la sorpresa y logra cinco escaños en Estrasburgo”, El País, 26 May 2014. http://politica.elpais.com/ politica/2014/05/25/actualidad/1401009854_060215.html [20.09.2014]. MANETTO, F., “Podemos sienta sus bases para ‘construir una nueva mayoría social’”, El País, 15 September2014. http://politica.elpais.com/politica/2014/09/15/actualidad/1410767860_ 412956.html [22.09.2014].

SPAIN AT THE CROSSROADS

173

tioned social critique of the current version/incarnation of the EU53, thus crystallising as an honest maturation of the 15M social movement54. This major outcome of the EP elections in Spain is fundamentally opposite to the rest of Europe – where the extreme right was the channel for social discontent and frustration55. By contrast, in the Spanish case, a multitude of small parties, with young candidates in some cases, recognised media personalities in others, with social, ecological or anti-corruption/pro-transparency agendas, emerged and launched themselves on the campaign trail. They sparked mobilisation in specific sectors – particularly the politicised and the young. Their agendas seem appropriate for the current context, as they do not tie themselves up in self-justifying rhetoric. They demonstrate that it is possible, in politics, to table a new agenda and to inject fresh ideas in spite of the corruption that currently infests the political authorities. They also help to bring back a certain amount of transparency and appear to be alternatives – at least in theory – that can help renew political life and revivify future electoral campaigns. In sum, they mobilise society in entirely democratic spheres with realistic agendas. Yet whilst these parties may represent a renewed force of life in politics, a question remains: what link, what relationship, is there between these nascent political parties and the civil, popular protest movement of 15M? For now, Podemos seems to be the response to that question, with 15,3% of the votes doubling the results of the EP elections, as indicated by the CIS56. This new party also appears to be the main realistic competing narrative against the so-called ‘PP-PSOE’ and takes up again the compelling force of the transition renewal discourse in Spain, thus becoming its direct heir for the younger Spanish generations and circumventing a bi-partisan hiatus of institutionally embedded corruption and inescapable bi-dimensional alternance. These trends seem to mark a proactive take on discontent yet we still have to see in which direction. Even if a traditional view presents the European elections as being secondary” and “low intensity”, mere “plebiscites for internal politics”, these results point to a potential change. Moreover, taking into account the challenges of a transactive memory in Spain, this re-awakening change could eventually lead to a pro-active memory formation. Podemos would then not be a place to stay but rather a point of departure, coherent with its aspirations to constitute a lab for a newly and more qualitatively reinforced democracy able to guarantee a sustainable access to welfare

53 54 55

56

DÍEZ, A., “La crisis golpea al PP, y el 15-M al PSOE”, El País, 26 May 2014. http:// politica.elpais.com/politica/2014/05/26/actualidad/1401092392_789032.html [22.09.2014]. BONO, F., “Podemos se presenta como maduración del 15-M con voluntad de continuidad”, El País, 26 May 2014.http://ccaa.elpais.com/ccaa/2014/05/26/valencia/1401132779_612070. html. See MUDDE, C., “The European Parliament elections show the increasingly fragmented nature of European party systems”, European Politics and Policy LSE Blog (EUROPP), London, London School of Economics and Political Science (LSE), 12 June 2014. http://blogs.lse.ac.uk/ europpblog/2014/06/12/the-european-parliament-elections-show-the-increasinglyfragmented-nature-of-european-party-systems [28.09.2014]. MANETTO, F. and DÍEZ, A., “El ‘efecto Podemos’ se mantiene al alza”, El País, 4 August2014. http://politica.elpais.com/politica/2014/08/04/actualidad/1407156171_500121.html [22.09.2014].

174

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

and to fundamental rights57. For the moment, we still need to wait for the actual materialistion of an apparent reactivation of Spanish citizens’ involvement in politics as a vehicle for a hopefully positive and sustainable social change58. From this perspective, the European integration process becomes, once again, the fruit of a subsequently debunked and regenerated “self enhancement bias”59. Indeed, its changing players are constantly trying to sublimate – and hopefully also to supersede – the shadows of its past and its inner contradictions. However, is there a new lucidity beyond this very convenient recurrence of an EU ideal-type image? And, more importantly, what are and what will be the single or multiple crystallisations of this new lucidity? Will it be a multiplicity of decentralised power spots with mutually converging languages and actions based on common, un-expendable and compelling principles? Last but not least, the case study of Spain brings us to another essential question: could politics become a responsibility that allows for no ambiguous purpose, but which upholds innovation for the active implementation of fundamental rights and freedoms? We can only hope that this new apparently critical lucidity can again reignite history in the making.

L’ESPAGNE AU CROISEMENT : ENTRE CRISE ÉCONOMIQUE ET LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE 2014 Tout d’abord, notre contribution analyse les enjeux des élections au Parlement européen de 2014 depuis le point de vue de l’Espagne, qui constitue un cas unique, pas seulement au sein de l’Union européenne, mais aussi au niveau de l’Europe méditerranéenne. L’exceptionnalité de l’Espagne à cet égard vient de l’impact réduit des partis d’extrême droite comme canalisation typique du mécontentement social causé par la crise économique. Ce chapitre examine, ainsi, les causes historiques de l’influence mitigée de l’extrême droite en Espagne à travers l’héritage de la dictature franquiste et de la transition vers la démocratie. Elle explore également les différentes versions d’une Europe alternative promues selon l’optique progressivement développée par des nouvelles forces politiques de signe contraire. Deuxièmement, notre communication se concentre sur l’étude évolutive des résultats des élections au Parlement européen en Espagne et analyse les effets de la crise économique sur les perceptions sociales des citoyens espagnols. Entre autres, elle aspire à fournir une série d’interprétations relatives aux modalités de contestation du statu quo politique

57 58 59

MONTERO, J. R., “Podemos como laboratorio político”, El País, 13 June 2014. http:// elpais.com/elpais/2014/06/11/opinion/1402474591_271003.html [22.09.2014]. KADNER, M., “Podemos llama a los ciudadanos a comprometerse políticamente”, El País, 16 May 2014. http://politica.elpais.com/politica/2014/05/15/actualidad/1400186895_ 257614.html [22.09.2014]. For a more detailed examination of the notion of ‘self-enhancement bias’, see McRANEY, D., You Are Now Less Dumb: How to Conquer Mob Mentality, How to Buy Happiness, and All the Other Ways to Outsmart Yourself, New York, Gotham, 2013.

SPAIN AT THE CROSSROADS

175

En effet, plutôt que la crise, ce sont les mesures d’austérité que l’opinion publique espagnole considère comme les déclencheurs d’une détérioration croissante de la qualité de la démocratie en Europe, de l’érosion de droits et libertés fondamentaux et de la dérive de l’Etat providence de l’après-guerre. Pour conclure, cette contribution aborde les nouvelles formes de mobilisation sociale comme réponse à ces défis de portée mondiale, ainsi que l’émergence d’une nouvelle force de gauche en Espagne: Podemos. Ce parti politique s’érige en héritier direct du mouvement du 15 M et constitue une tentative de réponse aux grands défis de la campagne européenne des élections de 2014. La naissance d’une possible troisième force politique en Espagne, amplement portée par les jeunes générations, semble ouvrir la potentialité d’un changement réel capable de réactiver la société civile espagnole sur la base de la défense de la transparence et de l’activisme. En tout cas, ces développements posent aussi de grandes questions ouvertes sur la construction d’un avenir commun dans la rencontre entre l’Europe présente et l’Europe possible.

SPANIEN AM SCHEIDEWEG: VON DER WIRTSCHAFTSKRISE ZU DEN EUROPÄISCHEN PARLAMENTSWAHLEN 2014 Unser Beitrag analysiert die Wahlen zum Europäischen Parlament 2014 vom Standpunkt Spaniens aus, die ein einzigartiges Fallbeispiel darstellen, nicht nur innerhalb der Europäischen Union, aber auch auf Niveau des gesamten Mittelmeerraumes. Die Außergewöhnlichkeit Spaniens in dieser Hinsicht kommt vom geringen Einfluss der Parteien der extremen Rechten, ein normalerweise typischer Kanalisierungsfaktor für die durch die Wirtschaftskrise erzeugten Sozialendunzufriedenheit. Dieses Kapitel untersucht die historischen Hintergründe für den abgemilderten Einfluss der extrem Rechten in Spanien, über das Erbe der Franco-Diktatur und des Übergangs zur Demokratie. Es untersucht ferner die unterschiedlichen Versionen von einem alternativen Europa das schrittweise durch neue, konträre politischen Kräfte gefördert wird. Des Weiteren konzentriert sich unsere Kommunikation auf die Entwicklungsstudie der Wahlergebnisse zum Europäischen Parlament in Spanien und analysiert die Auswirkungen der Wirtschaftskrise auf die soziale Wahrnehmung der spanischen Bürger. Unter anderem möchte sie eine Reihe von Auslegungen im Bezug auf die Protestmodalitäten gegen den politischen Status Quo präsentieren. In der Tat sind es die Sparmaßnahmen viel mehr als die Krise, die in der öffentlichen spanischen Meinung als Auslöser für die wachsende Verschlechterung der Demokratie in Europa, für den Abbau der Grundrechte und Freiheiten und für die Verabschiedung vom Sozialstaat nach zweiten Weltkrieg verantwortlich gemacht werden. Zusammenfassend kann man sagen, dass dieser Beitrag auf die neuen Formen der sozialen Mobilisierung als Antwort auf die globalen Herausforderungen eingeht, sowie auf die Herausbildung neuer linker Kräfte in Spanien: Podemos. Diese politische Partei hat sich als direkter Nachfolger der Bewegung des 15. Mai gegründet und ist der Versuch, Antworten für die großen Herausforderungen

176

CRISTINA BLANCO SÍÓ-LOPEZ/JOSEFINA CUESTA BUSTILLO

der Europäischen Wahlkampagne 2014 zu finden. Die Geburt einer möglichen dritten politischen Kraft in Spanien, weitgehend getragen von der jungen Generation, scheint das Potential für eine reale Veränderung zu bergen, die im Stande ist, die spanische Zivilgesellschaft auf der Basis einer Verteidigung der Transparenz und des Aktivismus wieder zu reaktivieren. In jedem Fall lässt diese Entwicklung auch große Fragen über die Konstruktion einer gemeinsamen Zukunft hinsichtlich des aktuellen Europa und dem möglichen, potentiellen Europa, offen.

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN ITALIE (1979-2014) DANIELE PASQUINUCCI I. Les racines historiques de l’euroscepticisme en Italie L’opinion publique italienne a longtemps été considérée comme « proeuropéenne ». Cette évaluation était fondée sur un certain nombre d’indicateurs. Je n’en citerai ici que quelques-uns. Les sondages de l’« Eurobaromètre » et les enquêtes menées au niveau national montraient l’enthousiasme des Italiens pour le processus d’intégration européenne. Lors d’un référendum consultatif organisé en Italie en 1989, 88 % des votants approuvèrent la proposition consistant à accorder un mandat constitutionnel au Parlement européen1. Mais les données quantitatives n’expliquent pas tout. Le discours « anti-européen », en Italie, a longtemps été considéré comme étranger aux sentiments des électeurs : même les partis politiques qui, dans les années 1950 et 1960, avaient manifesté une attitude hostile envers la Communauté européenne, ne semblaient pas avoir réussi à remettre en question ce que les observateurs avaient appelé « l’européisme traditionnel » des Italiens. Lors de la campagne électorale pour les premières élections directes de juin 1979, le Parti communiste italien (PCI) choisit de mettre au second plan son opposition à la ratification du système monétaire européen2, opposition qui s’était manifestée à l’occasion du débat mené au Parlement italien en décembre 19783. Cette précaution était conforme à la volonté du PCI de mettre l’accent sur son processus d’« occidentalisation » dont l’acceptation complète de l’intégration européenne était un pilier – ; par ailleurs, il faut ajouter qu’à ce moment-là la conscience que la « critique » envers les Communautés européennes n’était pas populaire auprès de l’électorat italien était tout aussi vive parmi les dirigeants communistes. Plus récemment, ce patrimoine européiste semble s’être considérablement amoindri. Sur la base des sondages de l’« Eurobaromètre », l’on a constaté que le pro européisme a connu un premier et léger déclin entre 1991 et 1992, en lien avec Maastricht4 ; cette chute devint encore plus évidente après l’introduction de l’euro, et a pris une dimension inquiétante à la suite de la crise économique et financière qui a éclaté en 20085. Sur la base de ces données 1 2 3 4 5

Pour quelques brèves remarques sur la signification de ce référendum, organisé grâce à une initiative du Mouvement fédéraliste européen, voir Sì alla Costituente, « La Stampa », 29 juin 1989. Cf. le programme du PCI pour les élections européennes de 1979 in AMENDOLA, G., I comunisti e le elezioni europee, Rome, 1979, p. 85-135. Cf. GUIZZI, V. (dir.), L’Europa in Parlamento 1948-1979, Rome-Bari, 2006, p. 525-651. Cf. ISERNIA, P., « L’Europa vista dagli italiani: vent’anni dopo », in COTTA M., ISERNIA P., VERZICHELLI, L. (dir.), L’Europa in Italia. Elites, opinione pubblica, decisioni, Bologne, 2005. Voir aussi BELLUCCI, P., CONTI, N. (dir.), Gli Italiani e l’Europa. Opinione pubblica, élite politiche e media, Rome, 2012.

178

DANIELE PASQUINUCCI

quantitatives, on pourrait soutenir (et de nombreux chercheurs l’ont fait) que la diffusion de l’euroscepticisme en Italie est la réponse directe et immédiate à certains développements spécifiques de l’intégration européenne (le traité sur l’Union européenne, avec ses préceptes), ou à un événement international, c’està-dire la crise de 2008, qui – en se propageant à l’Europe – a donné lieu à une protestation croissante contre les institutions et les politiques communautaires. À mon avis, au contraire, le déclin de l’européisme en Italie a des causes plus profondes, de nature historique, qui remontent à la manière particulière dont les Italiens ont vécu et interprété leur appartenance à la Communauté. Bien sûr, ceci n’exclut pas l’importance des événements européens et internationaux que j’ai mentionnés mais cela les réduit à une sorte de catalyseur. Pour être plus clair, je soutiens que – en Italie – le « code génétique » de l’euroscepticisme est établi (dans une large mesure) par la nature de l’européisme. Pour développer cet argument, il faut se référer à la conceptualisation du processus d’intégration européenne comme une « contrainte extérieure », qui a connu une fortune considérable parmi les spécialistes italiens du processus d’intégration européenne. En réalité, l’idée selon laquelle, pour l’Italie, l’intégration européenne aurait été une « contrainte extérieure » a mûri dans un milieu que l’on pourrait qualifier de « technocratique »6. En fait, cette idée a été proposée pour la première fois en 1954 par Donato Menichella, gouverneur de la Banque d’Italie7. Son successeur Guido Carli (qui fut aussi ministre du Trésor au moment de la négociation du traité de Maastricht, dont il a été l’un des signataires pour l’Italie), donna une définition très connue de la « contrainte extérieure », qui selon lui avait été décisive pour « greffer dans la société italienne un ensemble de règles que, de l’intérieur, celle-ci n’avait pas eu la capacité de produire »8. Il va sans dire que la « contrainte extérieure » n’épuise pas les raisons de l’adhésion de l’Italie aux projets d’intégration européenne. Mais, inévitablement, elle devient cruciale après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht qui, d’un côté, a obligé les gouvernements italiens à observer une discipline budgétaire rigoureuse et, de l’autre, a favorisé, auprès des citoyens, l’identification de l’Union européenne avec l’euro et avec les obligations découlant du Pacte de stabilité (cf. tableau 1).

6

7 8

Cf. GUALTIERI, R., « L’Europa come vincolo esterno », in CRAVERI, P., VARSORI, A. (dir.), L’Italia nella costruzione europea. Un bilancio storico (1957-2007), Milan, 2009, p. 313-331 ; DYSON, K., FEATHERSTONE, K. (eds.), The Road to Maastricht. Negotiating Economic and Monetary Union, Oxford, 1999, p. 455-461 ; CURLI, B., « The ‘vincolo europeo’, Italian Privatization and the European Commission in the 1990’s », Journal of European Integration History, n°2, 2012, p. 285-301. Pour une interprétation plus large de la « contrainte extérieure », qui tient compte de l’Italie dans le contexte international et pas seulement dans l’Union européenne, voir COMINELLI, L., L’Italia sotto tutela. Stati Uniti, Europa e crisi italiana degli anni Settanta, Florence, 2014. Voir Banca d’Italia, Assemblea ordinaria generale dei partecipanti, Considerazioni finali, anno 1953 (LX), Rome, Tip. Banca d’Italia, 1954, p. 375. CARLI, G., Cinquant’anni di vita italiana, Rome-Bari, 1993, p. 5.

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

179

Tableau 1: Que représente l’Union européenne pour vous personnellement ? (Italie, 2012, quatre premières réponses)

L’identification de l’UE à la monnaie unique (et dans une moindre mesure à un « gaspillage d’argent »), pourrait être considérée comme une conséquence inattendue – et sûrement inquiétante – du traité sur l’Union européenne. Cependant, à un niveau différent, le processus entamé à Maastricht a été considéré comme positif justement parce qu’il renforçait la tutelle de l’UE par rapport à l’Italie. C’est, par exemple, la thèse de Sabino Cassese – qui est actuellement juge de la Cour constitutionnelle et auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’État italien9. À son avis, la participation à l’Union économique et monétaire aurait constitué un blanc-seing donné aux autres pays pour obliger l’Italie à « rentrer dans le rang ». Les décideurs italiens qui avaient accepté ce type de contrôle n’avaient absolument pas manqué à leur devoir ; au contraire, ils représenteraient « la meilleure part de notre classe politique », c’est-à-dire celle qui « même avant De Gasperi, à partir du Risorgimento (et à l’exception de la parenthèse de l’autarcie fasciste), n’avait ni confiance en elle-même ni confiance dans les Italiens, et a pensé qu’une contrainte extérieure était nécessaire »10. Donc, dans cette perspective, la « contrainte extérieure » n’est pas seulement une clé d’interprétation pour comprendre l’adhésion de l’Italie à l’intégration européenne ; elle est au contraire également utile pour expliquer les choix des secteurs clairvoyants de la classe dirigeante italienne à partir de l’unité nationale, choix qui auraient été basés sur une conception pessimiste – presque anthropologique, pourrait-on dire – des Italiens. Il n’est pas question ici de discuter de la validité de cette thèse – dont, d’ailleurs, Sabino Cassese n’est pas le seul partisan11. Ce qui m’intéresse, c’est de souligner qu’elle est tout à fait représentative de l’idée (qui a eu une certaine fortune) selon laquelle l’exercice du leadership politique, en Italie, doit 9 10 11

Le plus récent étant : CASSESE, S., Governare gli italiani: Storia dello Stato, Bologne, 2014. CASSESE, S., « Classe dirigente ancora da cambiare », la Repubblica, 11 janvier 1997. Au contraire, en Italie cette conception élitiste est un trait typique d’une certaine gauche : voir BELARDELLI, G., « Se alla sinistra non piacciono gli italiani », il Mulino, n° 355, septembreoctobre 1994, p. 863-871.

180

DANIELE PASQUINUCCI

avoir une fonction « orthopédique » et « pédagogique ». Autrement dit, celui-ci doit « redresser » et « éduquer » les Italiens12 et, quand cet objectif est hors de la portée des classes dirigeantes du pays, il faut recourir à la « contrainte extérieure ». Cette conception implique un jugement négatif du « pays réel », qui doit être placé sous la tutelle du « pays légal » considéré comme plus « progressiste » et également prêt, par le biais de ses « hommes clairvoyants », à laisser de l’espace – le cas échéant – à un pouvoir supranational. Mais juste au moment de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht – avec toutes les obligations qu’il prévoit –, cette conception « orthopédique » et « pédagogique » du leadership politique a été fortement remise en question. Ce tournant historique est l’œuvre de Silvio Berlusconi, qui entre sur la scène politique en 1994 avec son propre parti, Forza Italia. Dans l’un des meilleurs livres écrits jusqu’à maintenant sur Berlusconi et le « berlusconisme », l’accent est mis sur le fait que « avant [Berlusconi], du Risorgimento à nos jours, aucun leader politique de premier plan, capable de gagner les élections et de prendre la tête du gouvernement, n’avait jamais osé dire de manière si ouverte, audacieuse, impudente que les Italiens sont très bien comme ils sont »13. Berlusconi a idéologisé le caractère positif des Italiens et l’autosuffisance du pays et il a renversé le principe du leadership « orthopédique » et « pédagogique »14 : si les choses tournent mal, la responsabilité n’est pas celle du « pays réel » mais des institutions publiques et des élites politiques15. Il va de soi que cette attitude présente une forte composante populiste16 et, évidemment, elle brise les fondements de la « contrainte extérieure ».Toutefois, surtout à ses débuts, Berlusconi ne se présente pas comme un eurosceptique. Il n’aurait d’ailleurs pas accepté d’être défini comme tel. De la même manière, les électeurs n’ont pas voté pour Forza Italia parce qu’ils étaient « contre l’Europe » ; mais l’exposition à la propagande de ce parti les a prédisposés à la méfiance et aux critiques à l’égard de l’Union européenne – comme on le verra par la suite. En fait, le berlusconisme est, dès le début, intrinsèquement étranger à l’européisme17, et cela principalement – comme je le disais – en raison de la forme prise par l’européisme en Italie. La distance qui sépare Berlusconi des élites proeuropéennes (et de leur conception de la Communauté comme « contrainte extérieure », capable de contribuer à « redresser » les Italiens) est parfaitement illustrée par la comparaison des deux phrases citées ci-dessous (tab. 2), la première 12 13 14 15

16 17

Voir ORSINA, G., Il berlusconismo nella storia d’Italia, Venise, 2013, passim. Idem, p. 97. Idem, p. 98. « Si nous profitons aujourd’hui d’un état de bien-être, cela est dû au fait que des millions et des millions d’Italiens continuent à faire leur devoir chaque jour, à sortir chaque matin de chez eux, pour aller à l’école, à l’usine, au bureau […] nous le devons aux habitudes laborieuses de nos travailleurs et de nos agriculteurs, à l’esprit de nos entrepreneurs […] au talent de nos artisans, de nos artistes, de nos commerçants ; à tous ceux qui prennent sur eux-mêmes le risque d’un travail autonome. Et ils ont pu le faire en dépit de la machine politicobureaucratique, qui est ‘parfaite’ pour interdire et créer des difficultés à ceux qui travaillent ! » : discours de Silvio Berlusconi à Rome, Palafiera, le 6 février 1994, in BERLUSCONI, S., L’Italia che ho in mente, Milan, 2001, p. 24-25. Sur le populisme de Berlusconi, on peut voir TARCHI, M., « Populism Italian Style », in MENY, Y., SUREL, Y. (eds.), Democracies and the Populist challenge, Basingstoke, 2002, p. 131135. Voir BONGIOVANNI, B., « La contrainte extérieure. La politique étrangère du gouvernement Berlusconi », in GRAZIANO, M. (dir.), L’Italie aujourd’hui. Situation et perspectives après le séisme des années 90, Paris, 2004, p. 89.

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

181

prononcée par Berlusconi et la seconde par Mario Monti, c’est-à-dire justement par le technocrate18 qui – en prenant la place de Berlusconi à la tête du gouvernement italien en novembre 2011 – a effectivement mis fin à l’expérience « Berlusconi ». Tab. 2 Silvio Berlusconi, janvier 1994 : « L’Italie est le pays que j’aime »1

Mario Monti, janvier 2012 : « J’ai toujours travaillé pour une Italie qui ressemble le plus possible à l’Allemagne »2

1 Phrase d’ouverture du message vidéo du 26 janvier 1994 par lequel Silvio Berlusconi a annoncé son entrée sur la scène politique italienne. 2 Phrase tirée d’une interview de Mario Monti à Die Welt, reprise par le Corriere della Sera, 11 janvier 2012.

Il faut souligner que les critiques sévères de plusieurs décideurs européens du fait de la présence de représentants néo-fascistes dans le premier gouvernement dirigé par Silvio Berlusconi, qui prit ses fonctions en mai 1994, contribuèrent immédiatement à approfondir le sentiment d’éloignement de l’Italie « berlusconienne » d’avec Bruxelles19. Ainsi, aux élections européennes de juin 1994, on assiste en Italie à un événement inédit : le principal parti du gouvernement – Forza Italia – se présente avec un programme électoral qui n’était pas du tout « euro enthousiaste ». Forza Italia demandait à l’Union européenne de limiter strictement son action à ce qui était énoncé dans les traités et réclamait aussi une meilleure défense des intérêts italiens en Europe, en particulier dans le secteur agricole20. Les résultats sont au rendez-vous. Ils récompensent la campagne du parti de Berlusconi et le pourcentage de voix obtenues aux élections européennes a dépassé celui que Forza Italia avait recueilli aux élections nationales de mars (30,6 % contre 21 %). Bien sûr, le ton de la campagne électorale de Forza Italia et les excellents résultats électoraux de 1994 ne signifient pas l’apparition soudaine d’un euroscepticisme « de masse » en Italie. Toutefois, le thème de la révision du rapport avec l’Europe était entré dans le débat politique italien. Et c’était une nouveauté. En fait, dans les campagnes électorales des trois élections européennes organisées entre 1979 et 1989, l’anti-européisme avait été largement absent. Le principal parti « eurosceptique », le Mouvement social italien (MSI) ― euros-

18

19

20

Pour comprendre la distance entre Berlusconi et Monti (et les milieux qu’ils représentent), nous pouvons aussi utiliser ces observations du sociologue Ilvo Diamanti : « Monti n’est pas la démocratie du public, mais l’aristocratie démocratique. Il n’est pas le chef élu par le peuple [Berlusconi] qui se présente au peuple comme quelqu’un du peuple. “Quelqu’un comme vous”. [Monti] est loin des gens ordinaires […]. Meilleur. Un aristocrate. Il est compétent et crédité dans les domaines qui comptent. En Italie. Mais surtout en Europe et dans le monde » (la Repubblica, 12 novembre 2012). VARSORI, A., La Cenerentola d’Europa? L’Italia e l’integrazione europea dal 1947 a oggi, Soveria Mannelli, 2010, p. 391-392. Parmi les leaders européens qui avaient exprimé leur souci au sujet de la présence de représentants néo-fascistes dans le premier gouvernement Berlusconi, on mentionnera François Mitterrand, Michel Rocard, Jacques Delors, Elio Di Rupo et Andreas Papandreou (voir « ‘Ho la rabbia nel cuore’. Delors all’attacco di Fini », La Repubblica, 6 juin 1994). Voir « Berlusconi lancia la campagna delle elezioni europee: conquisterò i popolari », Corriere della sera, 23 mai 1994.

182

DANIELE PASQUINUCCI

ceptique en tant que parti néo-fasciste21, et donc en porte-à-faux avec les valeurs et les objectifs énoncés dans les traités de la Communauté –, avait concentré sa campagne électorale sur les questions intérieures et n’avait jamais rassemblé plus de de 6,5 % des suffrages. Durant cette période, la marginalité de l’euroscepticisme est soulignée par les élections européennes de 1989, quand le MSI remporte moins de suffrages qu’aux élections nationales précédentes de 1987, en dépit de sa vocation de « parti anti-système », ce qui aurait dû le favoriser dans la compétition électorale pour le Parlement européen – du moins selon la thèse réduisant les élections européennes à des élections de « deuxième ordre », où les électeurs se sentiraient plus libres d’exprimer un « vote de protestation »22. Par son caractère intrinsèquement étranger à la tradition européiste du pays, Forza Italia a pu représenter le bassin-versant naturel – mais pas le seul, comme nous allons le voir – où conflua le sentiment de détachement croissant des Italiens envers l’Europe. Entre 1998 et 2011, selon les données de l’« Eurobaromètre », le pourcentage des Italiens qui considèrent l’adhésion à l’Union européenne comme une « mauvaise chose » passe de 5 % à 17 %. En tout cas, jusqu’aux les élections européennes de 2009, le parti de Berlusconi a donné un contenu généralement modéré à son euroscepticisme, fondé sur deux axes : la nécessité de donner la priorité aux intérêts nationaux (conformément à la rhétorique eurosceptique) et le rejet – comme l’a affirmé le slogan utilisé lors des élections de 2004 – de l’Europe « de la stagnation et de la bureaucratie »23.

II. Une géographie de l’euroscepticisme radical en Italie En Italie, l’euroscepticisme radical a plutôt été adopté par la Ligue du Nord (LdN), le parti populiste et régionaliste fondé par Umberto Bossi au début des années 1990. La littérature scientifique sur la Ligue, désormais suffisamment vaste, a montré que le soutien à la LdN exprime la peur et le repli ; certaines études ont d’ailleurs montré que ce parti obtient ses meilleurs résultats dans les petites villes, dans les territoires enclavés et bien délimités par des frontières naturelles, tandis que la mer et les zones côtières représentent un véritable tabou24. Les facteurs de mobilisation de son électorat étant le dialecte, l’histoire et les traditions locales, l’agressivité envers les non autochtones25.Il est clair que ce profil, tel que nous l’avons succinctement esquissé, est parfaitement compatible avec une attitude eurosceptique. En effet, après une première phase caractérisée par un pro-européisme (en fait instrumental), la Ligue du Nord a choisi depuis 1998 une option totalement eurosceptique, en puisant dans les slogans de l’extrême droite 21 22

23 24 25

Le MSI avait été fondé en 1946 par les rescapés de la République sociale italienne (1943-1945), l’État collaborationniste créé par l’Allemagne nazie après la chute de Benito Mussolini. REIF, K., SCHMITT, H., « Nine second order elections. A conceptual framework for the analysis of the European election results », European Journal of Political Research, VIII, nos 3-4, 1980. Pour une critique de cette thèse, voir PASQUINUCCI, D., Uniti dal voto? Storia delle elezioni europee 1948-2009, Milan, 2013, p. 281-354. Cf. RICCARDO, B., « Letture, orazioni e il ‘credo’: gli azzurri in seminario da Silvio », Corriere della sera, 11 mai 2004. Cf. PASSARELLI, G., TUORTO, D., Lega & Padania. Storie e luoghi delle camicie verdi, Bologne, 2012, p. 74-83. Cf. DEMATTEO, L., L’idiotie en politique : subversion et néo-populisme en Italie, Paris, 2007, en particulier les chapitres III (« Les bouffons au pouvoir ») et IV (« La chasse au ‘marocchino’ »).

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

183

radicale26 : lors des différentes campagnes électorales, l’Union a été définie comme « l’Union soviétique d’Europe » ou comme une création des banquiers et de la maçonnerie ; à la veille des élections européennes de 2004, Umberto Bossi a déclaré que l’euro était « le vol du millénaire »27. Le discours de la Ligue du Nord sur l’Europe s’est aussi naturellement focalisé sur la xénophobie et sur l’opposition à l’accueil des immigrants et à l’intégration des populations issues de l’immigration. Il reste à se demander si cette attitude eurosceptique (il vaudrait mieux dire europhobe) correspond aux sentiments de la partie géographique de l’Italie que la Ligue prétend représenter, c’est-à-dire le Nord. Une première réponse peut être trouvée dans les résultats des élections, avec la constatation suivante : le vote pour la Ligue est extrêmement instable. Les données montrent qu’à partir des élections européennes de 1999 (après le « tournant eurosceptique ») jusqu’a celles de 2009, dans les circonscriptions électorales qui comprennent les régions du Nord, la Ligue a constamment amélioré ses résultats, passant de 1 350 000 à 2 900 000 voix. Cette progression a été interrompue aux élections du 25 mai 2014, lorsque la Ligue – dans les deux circonscriptions du Nord – a obtenu environ 1 700 000 suffrages28. Néanmoins, ce résultat a été interprété (à juste titre) comme un succès. Il faut tenir compte, en effet, qu’entre 2012 et 2013 la Ligue a été fragilisée par un grave scandale financier, qui a remis en question son existence, obligeant Umberto Bossi – dont la famille a été impliquée dans les enquêtes de la magistrature – à démissionner du poste de secrétaire du Parti.Sur cette base, nous pouvons nous demander si l’euroscepticisme est une caractéristique qui définit l’électorat du Nord, ce qui aurait obligé la Ligue (étant donné son profil régionaliste) à lui donner une représentation politique. Les sondages dont nous disposons ne semblent pas confirmer cette hypothèse. Les données « Eurobaromètre » pour la période 1999-2009 – désagrégées sur une base régionale29 – montrent une homogénéité substantielle entre le Nord et le reste de l’Italie dans la distribution des opinions négatives quant à la participation de l’Italie à l’Union européenne (tableau 3). D’ailleurs, le pourcentage le plus élevé est atteint en 2009 dans le Sud (17,8 %).

26

27 28 29

Sur le tournant « anti-européen » de la Ligue, on pourra consulter HUYSSEUNE, M., « A Eurosceptic vision in a europhile country: The case of the Lega Nord », Modern Italy, vol. 15, n° 1, février 2010 ; cf. également TARDITI, V., Tra europeismo ed euroscetticismo. I casi dello Scottish National Party, del Bloque nacionalista galego e della Lega Nord, Naples, 2013, p. 53-57. Cf. La Padania, 23 janvier 2004. Voir les données sur le site Internet du ministère de l’Intérieur italien : http://elezionistorico. interno.it/index.php?tpel=E. Je tiens à remercier M. le professeur Paolo Bellucci, de l’Université de Sienne, pour avoir mis à ma disposition ces données.

184

DANIELE PASQUINUCCI

Tab. 3: « D’une façon générale, pensez-vous que le fait pour [l’Italie] de faire partie de l’Union européenne est ... une mauvaise chose », 1999-2009 (données désagrégées par régions)

Si nous passons à l’hypothèse d’une sortie de l’Italie de l’euro, qui a été le thème central de la campagne électorale de la Ligue lors des dernières élections européennes (2014), nous voyons qu’au Nord cette hypothèse obtient moins de soutien que dans le Centre et le Sud (tableau 4). Tab. 4: Pourcentage de citoyens italiens qui pensent que l’Italie devrait sortir de l’euro et revenir à la lire (2013)

Source : « Demos & Pi », octobre 2013

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

185

On pourrait donc soutenir que le nord de l’Italie est encore moins sensible que le reste du pays à la propagande eurosceptique. Cette interprétation est confirmée par le niveau de participation aux élections européennes. L’existence d’un rapport entre l’abstentionnisme et l’euroscepticisme est un problème très controversé. Certains auteurs relativisent la portée du lien entre attitude positive à l’égard de l’Europe et disposition à voter lors des élections européennes ; d’autres études soutiennent que l’abstentionnisme pourrait être considéré comme une mesure de l’euroscepticisme30. Le cas italien montre de toute façon que l’Europe mobilise davantage les électeurs du Nord que les autres (tableau 5). Tab. 5: Pourcentage moyen des votants aux élections européennes en Italie, 1979-2014 (par région)

Comme on peut le constater grâce aux données relatives aux cinq macro-régions qui forment les circonscriptions électorales européennes en Italie (tableau 6), il s’agit d’une dynamique constante pour toute la période 1979-2014.

30

Voir BELOT, C., GREFFET, F., « Une Europe en quête d’électeurs. Retour sur différentes lectures de l’abstention aux élections européennes à l’occasion du scrutin de juin 2004 », in DELWIT, P., POIRIER, Ph. (dir.), Parlement puissant, électeurs absents ? : les élections européennes de juin 2004, Bruxelles, 2005, p. 193-195.

186

DANIELE PASQUINUCCI

Tab. 6: Pourcentage de votants aux élections européennes en Italie, 1979-2014 (par circonscription électorale)

Dans ce contexte donc, la radicalisation eurosceptique de la Ligue du Nord (sur laquelle nous reviendrons) semble découler de la nécessité de redéfinir l’identité politique du parti, qui par ailleurs – comme je l’ai dit plus haut – a récemment été la proie de graves scandales, plutôt que d’une diffusion particulière de l’euroscepticisme dans les régions du nord de l’Italie.

III. « Cette fois, c’est différent » : les élections de 2014 et l’euroscepticisme « anti-allemand » Selon le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, le Conseil européen doit proposer le candidat à la présidence de la Commission « en tenant compte des résultats des élections européennes » et donc de l’équilibre des forces dans l’hémicycle de Strasbourg. Ensuite, le Parlement européen a le droit d’élire (et non plus « d’approuver » comme ce fut le cas auparavant) le nouveau président de la Commission. Non sans raison, le Parlement européen a par conséquent exhorté les électeurs à ne pas déserter les urnes – comme ce fut le cas aux élections européennes précédentes –, arguant du fait que « cette fois, c’est différent ». En Italie, en effet, le vote européen de 2014 a été « différent » sur plusieurs points. Parmi les principales nouveautés constatées : l’élargissement du nombre des partis eurosceptiques et l’émergence d’un sentiment anti-allemand.L’éventail des partis hostiles à l’Union européenne s’est enrichi de la présence du Mouvement 5 étoiles, dirigé par l’ancien comique Beppe Grillo. L’euroscepticisme du Mouvement peut être défini comme « instinctif » et « schizophrène ».En premier lieu, il s’agit d’une attitude « instinctive », car elle ne résulte pas de l’élaboration d’une vision claire de ce qu’est (ou devrait être) l’Union européenne. C’est plutôt

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

187

le reflet naturel de la nécessité, affirmée par Grillo – et par l’idéologue du Mouvement, Gianroberto Casaleggio –, d’introduire dans le processus de décision politique les règles et les outils d’une « démocratie directe » moderne (à travers le web), en remplaçant ainsi la « représentation politique » et, par conséquent, les partis traditionnels et les hommes politiques professionnels31, qui – d’ailleurs – seraient désormais totalement discrédités. Cette conception, transposée au niveau communautaire, a alimenté une critique sévère de la légitimité de l’élite politique et bureaucratique de l’UE et de la manière dont elle a géré la crise financière et économique. Mais l’euroscepticisme du Mouvement 5 étoiles se caractérise également par un fort niveau de « schizophrénie ». Grillo rend hommage aux pères fondateurs de l’Europe (Adenauer, De Gasperi, Monnet et Schuman32) ; il dit qu’il veut plus d’Europe, mais il est opposé à l’euro 33 ; il demande de déchirer les traités en vigueur ; et sur son site internet (siège réel quand bien même virtuel de son mouvement), il publie et valorise les opinions des « europhobes »34. Certes, l’Union européenne actuelle n’a rien à voir avec le rêve fédéraliste d’Altiero Spinelli. Néanmoins, il est assez surprenant que le programme du Mouvement 5 étoiles pour les élections européennes (prévoyant l’abolition du « Fiscal compact », mais aussi la création d’une alliance « entre les pays méditerranéens » en vue du développement d’« une politique commune », et le financement d’activités agricoles visant à la consommation nationale) ait été accompagné par le « Manifeste de Ventotene »35. Au-delà de leurs traits spécifiques, les trois partis politiques « eurosceptiques » dont j’ai parlé jusqu’à maintenant (Forza Italia, Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles) sont unis par des idées communes qu’ils ont proposées lors de la campagne électorale de 2014. Avant tout, aucun d’eux ne demande le retrait de l’Italie de l’UE, mais chacun d’eux – à des degrés divers – critique l’euro et les politiques d’austérité imposées par l’Union européenne (qui agirait en fait comme une sorte d’agent de l’Allemagne). De sorte que la « contrainte extérieure » serait désormais un bâillon qui étouffe l’économie nationale. Dans cette perspective, le cas le plus intéressant est celui de la Ligue du Nord. À l’occasion des dernières élections européennes, ce parti a changé son symbole en y introduisant la locution « L’euro, ça suffit ! », et il a organisé sa campagne électorale autour de l’option d’une sortie de la monnaie unique, en mettant provisoirement de côté son objectif premier – l’indépendance de la « Padanie ». Curieusement, ce choix s’est traduit par une stratégie électorale « nationale », visant à obtenir le soutien des électeurs eurosceptiques de toute la Péninsule – y compris ceux du Sud36, où le message primordial de la Ligue, c’est-à-dire le « séparatisme nordiste », n’a de toute évidence jamais attiré la sympathie. Et il faut dire que, du point de vue électoral, cette tentative a donné un résultat déce31 32 33 34 35 36

Cf. CORBETTA, P., GUALMINI, E. (dir.), Il partito di Grillo, Bologne, 2013. http://www.beppegrillo.it/m/2012/11/ce_del_marcio_a_bruxelles.html. En réalité Grillo exige un référendum pour confirmer la participation italienne à l’euro. Il s’agit d’une requête irrecevable puisque la Constitution italienne interdit les référendums sur les traités internationaux. Voir CORBETTA, P., VIGNATI, R., « Direct Democracy and Scapegoats: The Five Star Movement and Europe », The International Spectator, vol. 49, n° 1, mars 2014. Voir DI CORI MODIGLIANI, S., Vinciamo noi: la voce dei 5 Stelle, chi siamo e quale Europa vogliamo (préface de Gianroberto Casaleggio et Beppe Grillo), Milan, 2014. Cf. « Viaggio nel Sud. ‘Basta euro e stop a Mare Nostrum’ », La Padania, 6 mai 2014. « Mare Nostrum » est l’opération organisée par le gouvernement italien pour secourir les migrants qui, traversant la Méditerranée, essaient de débarquer en Italie.

188

DANIELE PASQUINUCCI

vant37.La campagne électorale de 2014 a aussi révélé de manière éclatante l’existence d’une forte hostilité envers l’Allemagne et, encore davantage, envers sa chancelière Angela Merkel38, accusée de tentations hégémoniques et de la volonté d’accroître – par le biais de « l’idéologie de l’équilibre budgétaire » et de la politique d’austérité – le bien-être des Allemands au détriment des Italiens et des autres peuples de « l’Europe du Sud »39. Le sentiment anti-allemand est un phénomène intéressant. Du point de vue conceptuel, il s’inscrit pleinement dans la catégorie de l’euroscepticisme40. Au niveau de l’opinion publique italienne, il n’est pas né avec l’euro mais plutôt avec la crise entamée en 2008. À la veille de l’adoption de la monnaie unique, l’Allemagne était en fait admirée des Italiens, qui considéraient ce pays comme le partenaire idéal avec lequel partager la politique monétaire41. Aujourd’hui, en revanche, l’attitude anti-allemande est de plus en plus répandue parmi les citoyens et dans certains secteurs de la classe politique42 ; mais elle est aussi présente dans les milieux cultivés. Dans un livre publié en 2012 par une prestigieuse maison d’édition italienne, un intellectuel raffiné a pu écrire que « l’Europe à 27 » est un « gigantesque fief allemand et [qu’elle est la] réalisation inattendue du rêve du Führer »43 . La grossièreté de ce genre d’arguments les rend aisément absorbables par les eurosceptiques. Ainsi, s’évanouit l’écart entre le discours cultivé et la propagande politique ; le premier justifiant la seconde, comme en témoigne cette citation tirée d’un site du Mouvement 5 étoiles44 : Sur les ruines de l’Europe du Sud est en train de naître le Quatrième Reich. L’Allemagne a essayé deux fois de gagner l’hégémonie européenne, qu’elle a toujours pensé mériter. Les deux fois (…) elle a été vaincue. Jamais deux sans trois, dit la sagesse populaire, mais cette fois l’Allemagne a appris que, lorsqu’on cher37 38 39

40 41 42

43 44

Aux élections européennes de 2014 la Ligue a obtenu 0,75 % dans le Sud et 0,99 % dans les Îles (Sardaigne et Sicile). La distinction est soulignée par BASILE, L., OLMASTRONI, F., « Elezioni europee. Furore anti tedesco in Italia », 19/5/2014, sur le site http://www.affarinternazionali.it/articolo. asp?ID=2646. Parmi les électeurs de Forza Italia, l’antipathie envers Angela Merkel (et, plus en général, à l’égard de « l’Eurosphère ») a été alimentée par les rumeurs d’une implication de la chancelière allemande dans le « complot international » qui aurait conduit à la chute du gouvernement Berlusconi en novembre 2011. Cette théorie de la conspiration a été relancée après la publication des mémoires de Timothy Geithner, l’ancien Secrétaire américain au Trésor, selon lequel, en 2011, des fonctionnaires de l’UE lui auraient proposé un plan pour faire tomber le gouvernement Berlusconi (cf. la Repubblica, 13 mai 2014). Cf. LECONTE, C., Understanding Euroscepticism, New York, 2010, p. 64-67. Selon un sondage publié par Limes, revue italienne de géopolitique, n° 2, 1997, face à la question « Avec qui voudriez-vous avoir une monnaie commune ? », la majorité relative des Italiens (38,4 %) indiquait l’Allemagne. Sur les responsabilités politiques de « l’éloignement souterrain » de l’Italie d’avec l’Allemagne, longtemps unies par une entente, également culturelle, née après la Seconde Guerre mondiale, cf. RUSCONI, G. E., « Le radici politiche dell’estraniazione strisciante tra Italia e Germania », in RUSCONI, G. E., SCHLEMMER, T., WOLLER, H. (dir.), Estraniazione strisciante tra Italia e Germania?, « Annali dell’Istituto storico italo-germanico », Bologne, 2008, p. 11-17 ; voir également PURI PURINI, A., Dal Colle più alto. Al Quirinale, con Ciampi negli anni in cui tutto cambiò, Milan, 2012, p. 283. Il s’agit de Luciano Canfora – philologue et historien à l’Université de Bari, collaborateur du Corriere della Sera – ; la citation est tirée de son livre « E’ l’Europa che ce lo chiede! ». Falso!, Rome-Bari, Laterza, 2012, p. 39. http://www.beppegrillo.it/movimento/parlamento/2013/09/elezione-merkel-sulle-macerie -del-sud-europa-il-quarto-reich.htm.l

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

189

che la domination, la finance et l’argent sont plus efficaces que les fusils et les Panzers. Dans une certaine mesure, cette germanophobie a également fini par conditionner la propagande électorale des partis europhiles. Lors des élections européennes de 2014, les affiches électorales du Parti démocratique (pro-européen) paraphrasaient l’expression que les eurosceptiques utilisent maintenant – non sans une inversion de sens – pour indiquer l’origine des sacrifices imposés aux Italiens. Cette phrase est la suivante : « C’est l’Europe qui nous le demande », et derrière le mot « Europe » se cacherait le visage d’Angela Merkel. Les paraphrases utilisées par le Parti démocratique (PD) ont changé le sujet – ce n’est plus l’Europe qui « demande », ce sont les « citoyens ». Mais les « demandes » attribuées aux citoyens étaient timides et elles réduisaient l’engagement des candidats du PD au Parlement européen à des objectifs vagues (« Une Europe plus solidaire ») ou minimalistes (comme la sécurité alimentaire)45. On a donc choisi une défense faible de l’Europe, au lieu de s’opposer avec vigueur à la propagande eurosceptique. Dans les faits, cette stratégie a cependant été efficace, car aux élections de mai 2014 le Parti démocratique a obtenu 40,8 % des voix (un pourcentage jamais atteint aux élections européennes en Italie), ce qui en a fait de loin le parti le plus plébiscité, par conséquent une digue contre la vague eurosceptique46. En réalité, il est probable que ce vote reflète la lune de miel entre Matteo Renzi et les Italiens, auxquels le Président du Conseil (qui est aussi le secrétaire du Parti démocratique) a promis un vaste programme de réformes et une amélioration de leur condition économique. Mais il est également probable que, dans cette phase historique, l’européisme modéré (plutôt que l’euro-enthousiasme) reflète mieux les sentiments de la majorité des Italiens.Comme beaucoup d’autres éléments de l’euroscepticisme italien, l’attitude anti-allemande a des racines historiques allant au-delà du rapport entre l’Italie et « l’Europe ». Il s’agit de l’expression d’une inertie spirituelle et intellectuelle qui amène certains à chercher à comprendre la réalité en recourant à de vieilles images stéréotypées, rassurantes mais fausses. La prétention d’interpréter les choix de l’Allemagne comme la confirmation de l’éternel retour du passé (le visage de la chancelière Angela Merkel affublé de la moustache de Hitler47) n’est qu’un stratagème élémentaire pour éviter d’affronter et de résoudre les problèmes réels du pays48. De ce point de vue spécifique, l’euroscepticisme, en Italie, est la renonciation à une prise de responsabilité – ce qui est un véritable paradoxe, si l’on considère (comme j’ai essayé de le montrer) qu’il a aussi été fondé sur le rejet de la « contrainte extérieure ».

45 46

47 48

Cf. les affiches électorales du Parti démocratique sur le site www.repubblica.it/politica/ 2014/04/04/foto/europee_i_manifesti_elettorali_del_pd-82729484/1/#5. Le Mouvement 5 étoiles, qui selon les sondages pré-électoraux aurait été en mesure de dépasser le PD, s’est arrêté à un décevant 21,1 % ; Forza Italia a obtenu 16,8 % ; la Ligue du Nord, 6,1 %. Un autre parti eurosceptique, Fratelli d’Italia, n’a pas passé le seuil électoral fixé à 4 % des suffrages. Cf., par exemple, « Quarto Reich », Il Giornale, 3 août 2012. Il Giornale appartient à la famille Berlusconi. Cf. BOLAFFI, A., Cuore tedesco. Il modello Germania, l’Italia e la crisi europea, Roma, 2013, p. 8-9.

190

DANIELE PASQUINUCCI

EUROSCEPTICISM AND ABSTENTIONISM IN THE EUROPEAN ELECTIONS IN ITALY (1994-2014) With the entry into force of the Maastricht Treaty in 1993, Euroscepticism made its first appearance in Italy, one of the Community’s longest standing Europhile countries. Later, coinciding with the 2008 economic crisis, critical attitudes towards European integration became an important feature of the Italian political landscape. We should apparently infer, therefore, that Euroscepticism – in Italy – is a result of the increasing consolidation of the European integration process (following the Treaty of Maastricht and the birth of the Euro) and a consequence of the economic and financial crisis that affected the European Union. This essay argues on the contrary that the decline of Italian Europeanism has deeper historical reasons that lie in the way the Italians have interpreted their adhesion to the European unification project. Indeed, from the outset, participation in the European Communities was conceived by the ruling class as an “external constraint”, an alternative (exogenous) solution to problems the country was unable to solve through the normal channels of government and parliament. Silvio Berlusconi’s entrance into the political arena in 1994 undermined the foundation of this external constraint. His political message was intended to assert the self-sufficiency of Italy and the “primacy” of the “common people” over the political elite who had ruled Italy during the post war period. In this changed political climate, the obligations imposed by the Treaty of Maastricht opened the door to the rise of anti-European feelings amongst Italians. Since the end of the Nineties, “hard” Euroscepticism has been represented in Italy by the Northern League, the far-right regionalist party founded by Umberto Bossi. Furthermore, in the European elections of 2014, the Eurosceptic front widened because of the Five Star Movement. This Movement’s stance on the European Union is in contradiction of the Northern League’s. Its leader, the comedian Beppe Grillo, sometimes advocates “more Europe”, but he also proposes a popular referendum on Italian membership of the “eurozone”.

EUROSKEPTISMUS UND WAHLVERWEIGERUNG BEI DEN EUROPÄISCHEN WAHLEN IN ITALIEN (1994-2014) Mit dem Inkrafttreten des Vertrags von Maastricht 1993 trat der Euroskeptizismus erstmals in Italien auf, einem Land, das lange Zeit als eines der größten Europa-Befürworter innerhalb der Gemeinschaft galt. In Verbindung mit der Wirtschaftskrise 2008 wurde zuletzt eine kritische Haltung gegenüber der Europäischen Integration zu einem wichtigen Bestandteil der italienischen politischen Landschaft. Daraus möchte man offensichtlich schließen, dass der Europaskeptizismus in Italien das Ergebnis des Vertiefungsprozesses der Europäischen Integration (nachdem Vertrag von Maastricht und der Geburt des Euros) ist und eine Konsequenz der Wirtschafts- und Finanzkrise, die die Europäische Union getroffen hat.

EUROSCEPTICISME ET ABSTENTIONNISME LORS DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

191

Im Gegenteil dazu behauptet dieser Aufsatz vielmehr, dass der Rückgang des italienischen Europäismus tiefere, historische Gründe hat, die auf die Art und Weise, wie Italien seinen Beitritt zum Europäischen Einigungsprojekt gedeutet hat, beruhen. Von Beginn an war die Beteiligung an der Europäischen Gemeinschaft von der Führungsschicht als ein „äußerer Zwang“ angesehen worden, der eine Alternative (exogene) Lösung der Probleme darstellte, welche das Land nicht selber über den normalen Weg durch Regierung und Parlament lösen konnte. Das Erscheinen von Silvio Berlusconi auf der politischen Bühne 1994 bestärkte den Faktor des „äußeren Zwangs“. Seine politische Botschaft wurde dominiert von dem Durchsetzen der Selbstversorgung und dem „Vorrang“ der „einfachen Leute“ über der politischen Elite, die Italien über die Nachkriegszeit hinweg regiert hatten. In diesem veränderten politischen Klima öffneten die vom Maastrichter Vertrag auferlegten Verpflichtungen Tor und Tür für die Zunahme der anti-Europäischen Gefühle unter den Italienern. Seit dem Ende der 1990ger wird der „harte“ Europaskeptizmus in Italien von der nordischen Liga, der ganz rechten regionalistischen Partei, die von Umberto Bossi gegründet wurde, präsentiert. Des Weiteren hat sich bei den Europäischen Wahlen 2014 die Euroskeptische Front durch die Präsenz der „Fünf Sterne“ Bewegung ausgeweitet. Diese Bewegung steht der Europäischen Union mit ambivalenter Haltung gegenüber. Ihr Führer, der Komödiant Beppe Grillo ist manchmal ein Befürworter für „mehr Europa“, schlägt jedoch auch eine Volksabstimmung über die italienische Mitgliedschaft in der „Eurozone“ vor.

DE L’ENTHOUSIASME À L’INDIFFÉRENCE ? ABSTENTIONNISME, EUROSCEPTICISME ET ANTI-EUROPÉISME DANS LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES AU PORTUGAL (1987-2014) ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE Résumé: Cette communication évalue le taux de participation aux élections du Parlement européen au Portugal, dans une analyse longitudinale. Elle évoque ainsi la présence et / ou l’absence des phénomènes tels que l’euroscepticisme ou l’anti-européanisme, et analyse son expression réelle. Les auteures se demandent si l’euroscepticisme a été un discours présents chez les partis, soit à droite ou à gauche du système politique, et concluent qu’il est certes présent, mais guère linéaire dans le temps et dans les différentes formations. L’euroscepticisme, comme prévu, a été une arme utilisée par les partis à l’exception du principal parti politique portugais. Les différentes nuances ne s’expliquent qu’ en prenant en compte la stratégie politique et électorale. Le 1er janvier 1986 revêt un grand symbolisme, dans la mesure où il s’agit de la date officielle d’adhésion du Portugal à la Communauté Economique Européenne (CEE)/Union Européenne (UE), une fois qu’il s’agit de la date officielle de l’adhésion. A partir de cette date, le pays est devenu un Etat-membre et les Portugais, des citoyens de l’Europe communautaire. Or, trente ans plus tard, même si peu contestent l’apport positif de la CEE/UE pour le pays, cela ne se traduit pas, dans la pratique, par un taux élevé de participation des Portugais aux élections du Parlement Européen (PE), seule institution communautaire élue au suffrage direct et universel. Les élections au PE ont été vécues dans le pays avec un relatif désintérêt. Beaucoup d’électeurs décident le jour même s’ils vont voter ou non, alors que d’autres q votent au hasard, sans opinion solidement formée. Par ailleurs, force est de reconnaître que les partis eux-mêmes n’encouragent pas beaucoup l’affluence aux urnes, à cause d’un temps relativement court de campagne et d’une visibilité et/ou de couverture médiatique réduite. Il faut aussi mettre en exergue, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres Etats-membres, que les campagnes pour ces élections sont, presque toujours, dominées par des sujets de politique nationale, exception faite de l’élection de 2014, et ce pour des raisons moins favorables à l’UE.Si l’accueil du monde universitaire pour l’étude des élections européennes est limité, celle-ci n’est pas pour autant délaissée. Lors de la dernière décennie, certains articles scientifiques postélectoraux ont été publiés, surtout par des politologues et, dans ce cadre, il nous faut signaler les travaux d’André Freire, de Marina Costa Lobo et de Pedro Magalhães1. 1

FREIRE, André, « European Integration and Party Attachments: The Portuguese Case as an Example of the New Southern European Democracies », in PINTO, António Costa and TEIXEIRA, Nuno Severiano (ed.), The Europeanization of Portuguese Democracy, New York, Columbia University Press, 2012, pp. 183-224; LOBO, Marina Costa, « Still secondorder? European parliament elections in Portugal », in PINTO, António Costa (ed.), Contempo-

194

ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE

I. Les partis et l’intégration européenne Les Portugais ont amplement soutenu l’adhésion du pays à la CEE/UE et considèrent que celle-ci a été positive pour le pays, ce qui a contribué à ce que le pays soit considéré comme « euro-enthousiaste ». D’autre part, partis qui se sont succédé au pouvoir, même avant l’adhésion – le Parti Socialiste (PS) de centregauche et le Parti Social-Démocrate (PSD) de centre-droit – ont été résolument pro-européens. A la veille de la célébration des 30 ans de l’adhésion, la période des négociations d’adhésion fait partie intégrante de l’intégration européenne du pays, et à cette époque, les partis politiques avaient défini des positions qui ressemblent, dans une large mesure, à celles qu’ils ont à présent. Ainsi, s’il est vrai qu’aucun des partis qui a émergé durant la transition démocratique portugaise n’avait « des liens plus forts avec les pays, les partis et les institutions européennes que le Parti Socialiste »2, il n’en est pas moins vrai également qu’il s’agit là du parti avec la position la moins consistante à propos de la CEE car, au moment de la transition démocratique, différentes factions du parti défendaient des positions divergentes. Toutefois, une position pro-européenne s’est malgré tout fortifiée, avec un appui fort à l’adhésion, et ce depuis le Sommet de Porto de 1976, une position définie dans A Europa Connosco (L’Europe avec Nous), dans laquelle Mário Soares affirme que « c’est en suivant cette voie, avec l’aide de l’Europe, avec l’aide du monde, en nous intégrant dans ce grand mouvement en marche, collectif, qu’est l’intégration européenne, que nous socialistes nous voulons avancer »3. Le Parti Social-Démocrate plaidait quant à lui avant même le 25 avril que les principaux intérêts nationaux se situaient non en Afrique, mais en Europe, si l’on se fie aux mots de Francisco Sá Carneiro. Au cœur de cette position favorable au projet européen se trouvaient trois raisons fondamentales: la pleine dignité pour les communautés portugaises à l’étranger, surtout celles qui résidaient dans les

2 3

rary Portugal: Politics, Society and Culture, New York, Columbia University Press, 2011, pp. 249-273; LOBO, Marina Costa and MAGALHÃES, Pedro, « Room for Manoeuvre: Euroscepticism in the Portuguese Parties and Electorate 1976-2005 », South European Society & Politics, Vol. 16, No. 1, 2011, pp. 81-104; FREIRE, André, « A New Era in Democratic Portugal? The 2009 European, Legislative and Local Elections », South European Society and Politics, Vol. 15, Issue 4, 2010, pp. 593-613; FREIRE, André, LOBO, Marina Costa and MAGALHÃES, Pedro, « Left-Right and the European Parliament Vote in 2004 », in MARSH, Michael, MIKHAYLOV, Slava and SCHMITT, Hermann (ed.), European Elections after Eastern Enlargement – Preliminary Results from the European Election Study 2004, CONNEX Report Series Nº 01, MZES, University of Mannheim, Germany, 2007, pp. 97-140; ALMEIDA, Pedro Tavares and FREIRE, André, « Two Overwhelming Victories of the Portuguese Left: The 2004 European Election and the 2005 Legislative Election », South European Society and Politics, Vol. 10, Issue 3, 2005, pp. 451464; LOBO, Marina Costa, « As Eleições ao Parlamento Europeu em Portugal, 1987-1999 », in PINTO, António Costa (ed.), Portugal Contemporâneo, Lisboa, Dom Quixote, 2005, pp. 193-196; FREIRE, André, LOBO, Marina Costa e MAGALHÃES, Pedro (ed.), Eleições de Segunda Ordem: Portugal no Contexto Internacional, Análise Social Vol. XL, nº 177, 2005; FREIRE, André, « As Eleições Europeias em Portugal », Relações Internacionais, n.º 6, 2005, pp. 119-125; LOBO, Marina Costa, « Legitimizing the EU? Elections to the European Parliament in Portugal, 19871999 », in PINTO, António Costa (ed.), Contemporary Portugal: Politics, Society and Culture, New York, Colombia University Press, 2003, pp. 207-211. LOBO, Marina Costa e MAGALHÃES, Pedro, « Da Terceira Vaga à Terceira Via: a Europa e os Socialistas Portugueses (1974-1999) », Política Internacional, n.º 23, 2001, p. 54. SOARES, Mário, A Europa Connosco – Dois Discursos na Cimeira Socialista do Porto, Lisboa, Perspectivas e Realidades, 1976, p. 18.

DE L’ENTHOUSIASME À L’INDIFFÉRENCE?

195

Etats-membres ; l’obtention de fonds pour la modernisation de l’économie nationale et la consolidation de la démocratie et des droits de l’homme. Le Centre Démocratique et Social (CDS), qui deviendra le Centre Démocratique et Social – Parti Populaire (CDS-PP), à son tour, défend en 1975, les négociations avec la CEE et la progressive intégration du pays4. Pour lui, la CEE est un espace ayant les mêmes valeurs, où règne la liberté économique et le respect envers les droits de l’homme. L’adhésion portugaise est de surcroît une condition indispensable dans le cadre de la construction d’une Europe unie5. Suivant une ligne différente et opposée, le Parti Communiste Portugais (PCP) défend une politique extérieure basée sur la diversification des relations extérieures, admettant les accords célébrés entre le Portugal et la CEE, à condition que soit exclue l’intégration politique et économique6. Le projet d’intégration européenne y était vu comme l’alternative de la droite au développement économique autocentré7, favorisant la dévastation de l’économie, avec l’entrée de potentats économiques et financiers au Portugal. On craignait que la CEE, comme paradigme du « capitalisme monopoliste de l’Etat », ne détruise les conquêtes socialistes de la révolution, raison pour laquelle le PCP défendait la coexistence pacifique entre Etats ayant des régimes sociaux et politiques différents, et, le développement des relations avec les pays émergents des anciens territoires d’outremer portugais, avec les pays socialistes et ceux du Tiers Monde. Le PCP a en effet maintenu une position invariable concernant la CEE, étant donné que, même après le 25 avril, le parti n’a pas modifié sa position de fond sur la CEE/UE, et a continué à défendre l’idée que l’intégration n’était pas la voie à suivre en vue du développement économique et social du pays, et, qu’il était possible de négocier des accords à caractère commercial, économique ou même technologique, entenant compte du niveau de développement du pays. Durant de nombreuses années, le spectre politique portugais est resté pratiquement le même. Ce n’est qu’à la fin des années 90, plus précisément en 1999, qu’un nouveau parti, concurrent du PCP, a émergé – le Bloc de Gauche (BE). Cette stabilité, aussi bien au niveau du nombre de partis que des positions assumées, fait du système partitaire portugais un système marqué par sa « contestation limitée »8, avec des petits partis qui ont des positions eurosceptiques modérées et les grands partis qui ont des positions pro-intégration européenne / UE, comme nous le verrons plus loin.

II. Euroscepticisme et anti-européisme au sein des partis politiques portugais La littérature soutient que les partis qui ne font partie du gouvernement ou qui ne sont pas parti de gouvernement, tendent à adopter une position euroscepti4 5 6 7 8

CDS, Programa, Lisboa, CDS, 1975, pg. 7. CDS, Manifesto Eleitoral CDS / Alternativa 76, Lisboa, CDS, 1976, pg. 37. PCP, Programa Eleitoral do PCP, Separata do Avante, n.º 304, PCP, Lisboa, 1979, p. 6. CUNHAL, Álvaro, Não ao Mercado Comum – Efeitos Globais da Adesão à CEE e Alternativa, Lisboa, Avante, 1980, p. 75. TAGGART, Paul & SZCZERBIAK, Aleks, « Three patterns of party competition over Europe », paper presented at the Euroskepticism: Causes and Consequences conference, 2005, Amsterdam.

196

ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE

que9. Ainsi, en prenant en compte ce qui a été précédemment exposé, et en suivant les théories sur l’euroscepticisme partitaire, on doit s’attendre à des positions eurosceptiques de façon plus récurrente de la part des partis en-dehors de l’arc du gouvernement (PS et PSD) et surtout de la part du PCP, qui en a été exclu dès 1976. En vérité, l’euroscepticisme est, en grande mesure, considéré comme « la politique de l’opposition »10, bien qu’il puisse être modéré, dépendant aussi bien des ambitions de survie, des stratégies de coalition que des efforts pour chercher à intégrer le gouvernement. En effet, et concernant ce dernier aspect, il est difficile de combiner un euroscepticisme pur et une participation au gouvernement. Les partis eurosceptiques qui aspirent à devenir partenaires des coalitions gouvernementales sont contraints de minimiser leur hostilité envers l’Europe. Marina Costa Lobo11 analyse les positionnements partitaires en ce qui concerne l’Europe, de 1976 à 2005, et conclut que, durant cette période, le PCP a été le parti qui a eu un positionnement systématiquement sceptique par rapport à l’UE, alors que le PS et le PSD ont maintenu une position enthousiaste vis-à-vis du projet d’intégration européenne et de la CEE/EU; le CDS-PP est à cet égard un parti légèrement moins enthousiaste que les précédents, ce qui, en général, confirme les postulats de la littérature dans ce domaine. Dans le cas du Portugal cela l’opposition eurosceptique est surtout incarnée par le PCP qui, après le Traité de Maastricht, n’ a cessé de rejeter l’Europe tout court, et en est venu à embrasser la bannière de l’anti-européisme, renforcée par la création du Bloc de Gauche, idéologiquement proche du PCP. Dans l’histoire du système politique et partitaire portugais, entre les partis détenant des sièges parlementaires à l’Assemblée de la République, seul le PCP a surgi comme un parti anti-européen entre 1976 et 1987. Puis il a manifesté, toutefois, une position pro-européenne de courte durée jusqu’en 1995. Il a ensuite adopté une position eurosceptique, qui met l’accent sur le déclin de la souveraineté économique et sur les conséquences sociales des politiques pro-intégrations. A la fin des années 80, le PCP avait cependant modéré sa dose d’euroscepticisme, à cause de sa stagnation électorale et avec l’espoir de devenir un partenaire acceptable pour une éventuelle coalition de gauche avec le PS, et ce après la chute du Mur de Berlin. L’apparition d’un nouveau parti de gauche radicale, le Bloc de Gauche, parti qui s’est formé à partir d’une fusion de partis et de mouvements d’extrêmegauche et dont les principes sont en large mesure cohérents avec l’euroscepticisme, surtout économique, a renforcé une position anti-Europe différente du PCP, en adoptant une position plus critique envers l’UE et ses politiques.

9

10

11

SITTER, Nick, « The politics of opposition and European integration in Scandinavia: is euroskepticism a government opposition dynamic? », West European Politics, vol. 24, no. 4, 2001, pp. 22-39; TAGGART, Paul, « A touchstone of dissent: euroscepticism in contemporary West European party systems », European Journal of Political Research, vol. 33, 1998, pp. 363-388. SITTER, Nick, « Opposing Europe: Euro-Scepticism, Opposition and Party Competition », Opposing Europe Research Network Working Paper No 9, 2002; SITTER, Nick, « The politics of opposition and European integration in Scandinavia: is euro-skepticism a governmentopposition dynamic? », West European Politics, vol. 24, no. 4, 2001, pp. 22-39. LOBO, Marina Costa, « Da consolidação democrática à qualidade da democracia: a União Europeia e os partidos políticos portugueses », IPRI Working Paper n.º 20, 2006.

DE L’ENTHOUSIASME À L’INDIFFÉRENCE?

197

Plus curieux est, toutefois, le cas du CDS-PP qui a connu de plus amples variations depuis 1976, étant pro-européen durant toutes ces périodes, excepté après l’approbation du Traité de Maastricht, contre lequel il a voté, et où il a maintenu une attitude plus qu’eurosceptique, voire même anti-européenne, attitude conservée par certains de ses députés qui ont aussi voté contre la ratification du Traité d’Amsterdam, des années plus tard. Cette période a coïncidé avec de faibles résultats électoraux et avec le leadership de Manuel Monteiro, qui a adopté, comme l’un des axes centraux de l’agenda du parti, une position antiMaastricht, en mettant l’accent sur la perte de souveraineté politique formelle comme conséquence effective de l’intégration12. Ce fût-là, cependant, une courte phase du parti, car après la sortie de Monteiro, en 1997, et l’arrivée à sa tête de Paulo Portas, le parti a de nouveau embrassé une position pro-Europe rénovée; Portas n’ayant plus recours au discours anti-européen s’est clairement rallié à certaines politiques européennes et à davantage d’intégration. Nous observons, ainsi, que surtout le PCP et le CDS ont changé, à certains moments leur position en fonction d’objectifs électoraux. A cet égard, Marina Costa Lobo et Pedro Magalhães précisent qu’ « indépendamment des limitations structurelles et idéologiques fondamentales, les changements de position des différentes forces au niveau des extrêmes du système partitaire portugais ne peuvent être expliqués qu’en termes de considérations stratégiques sur la meilleure façon de concilier la captation de votes et des stratégies de participation au gouvernement »13. Au Portugal, il n’existe pas de partis provenant de mouvements xénophobes et/ou racistes, les partis fascistes étant interdits constitutionnellement14. Bien que le PCP et le BE soient hautement critiques envers l’UE et ses politiques, et que l’accent dans leurs discours soit mis sur le type d’entité que l’UE devrait être et sur ses principales tâches, notamment comme défenseur du système de protection sociale, comme force de maintien de la paix, sur son manque de transparence et ses décisions peu démocratiques, on ne peut pas les considérer comme anti-européistes. Quant au Parti National Rénovateur (PNR), petit parti de la droite radicale, fondé en 2000, il se confine à une niche électorale assez restreinte, ayant des votes résiduels, contrairement à ses congénères dans des pays tels que l’Autriche, la France et les Pays-Bas. Il n’a pas réussi à atteindre les même performances, ni la même visibilité. Défenseur du « nationalisme comme primauté de la nation », il envisage l’appartenance communautaire comme une menace, plaidant pour la sortie du pays de l’UE. Cependant, « la ségrégation politique de la droite radicale portugaise, en général, et l’échec électoral du PNR, en particulier, sont aujourd’hui dictés essentiellement par des facteurs d’ordre institutionnel, culturel et 12 13 14

CDS-PP, Programme Electoral et de Gouvernement du Parti Populaire, Lisboa, CDS-PP, 1995, p. 24. LOBO, Marina Costa et MAGALHÃES, Pedro C., « Room for Manoeuvre: Euroscepticism in the Portuguese Parties and Electorate 1976–2005 », South European Society and Politics, Vol. 16, n.º 1, 2011, p. 91. Constitution de la République Portugaise, 1976, article nº 47, point 3, qui mentionne que : « les partis politiques ne peuvent pas, sans préjudice de la philosophie ou de l’idéologie inspiratrice de leur programme, utiliser une dénomination qui contienne des expressions directement liées à toute religion ou églises, ainsi que des emblèmes qui puissent être confondus avec des symboles nationaux ou religieux ».

198

ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE

historique »15; facteurs qui différencient le cas portugais et qui rendent improbable l’éruption d’une force nationale populiste dans le pays, et une défense de l’anti-européisme.

III. Participation aux élections du Parlement Européen Bien que le taux de participation aux élections européennes dans le pays ne soit pas l’un des plus faibles en Europe, il a malgré tout décliné au long des différents scrutins. Aux élections de 2014, en particulier, outre le fait que l’on escomptait des chiffres très différents des derniers scrutins, on s’attendait aussi, dans une certaine mesure, à ce que l’intervention et les mesures de la troïka dans le pays, ainsi qu’une attitude de plus grande défiance et de distancement par rapport à l’EU elle-même, aient leur influence. – En effet, après le scrutin, on a constaté que l’abstention atteint au Portugal un record, avec une valeur qui a atteint 66,09%, valeur juste dépassée par le référendum du 28 juin 1998, sur la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, avec un taux qui s’était élevé à 68,11%16. Plusieurs causes peuvent expliquer cette situation: l’Europe/UE est relativement loin et, par conséquent, les problèmes européens ne sont influencés ni par le vote, ni par le PE; une vision enracinée fait de la chancelière allemande Angela Merkel l’hégémon de l’UE, et donc le PE n’est pas significatif; – la défiance par rapport aux partis est générale; – ces élections distribuent un nombre réduit de mandats (21) si on les compare, par exemple, avec le nombre de députés du parlement national (230). Toutefois, le Portugal n’est pas un cas isolé en cette matière, ni une référence à mettre en exergue. La Slovénie, la Pologne et la République Tchèque furent les Etats-membres qui ont enregistré les taux de participation les plus bas, autour de 20%, la Belgique et le Luxembourg, où le vote est obligatoire, se situent à l’extrême opposé. D’autre part, cette tendance à la chute de la participation n’est pas non plus une particularité portugaise, car partout depuis les premières élections du PE, en 1979, les taux de participation déclinent. Toutefois, en 2014 on vérifie pour la première fois que le pays a présenté un taux de participation comparativement plus bas, par rapport à la moyenne de l’UE. A cette faible participation au scrutin concourt, essentiellement, le fait que la discussion sur les élections n’est pas très importante dans la sphère du public17; ce qui est commun à tous les Etats-membres. Les études ont montré que sont rarement débattus, dans le cadre de la campagne, des thèmes exclusivement en rapport avec l’Union. En réalité, ce sont les partis eurosceptiques qui sont les plus

15 16 17

COSTA, José Mourão da, « O Partido Nacional Renovador: a nova extrema-direita na democracia portuguesa », Análise Social, vol. XLVI, n.º 201, 2011, p. 782. Source: Commission Nationale des Elections. Données disponibles sur http://eleicoes. cne.pt/raster/index.cfm?dia=28&mes=06&ano=1998&eleicao=re1, consultées le 02/09/2014. KOOPMANS, Ruud & STATHAM, Paul (eds.), The Making of a European Public Sphere. Media Discourse and Political Contention, Cambridge, Cambridge University Press, 2010; DELLA PORTA, Donatella & CAIANI, Manuela, Social Movements and Europeanization, Oxford, Oxford University Press, 2009.

DE L’ENTHOUSIASME À L’INDIFFÉRENCE?

199

enclins à se pencher sur ces thèmes, tandis que les partis de centre-droite et de centre-gauche abordent davantage des questions de politique interne18. Graphique 1: Abstention aux élections législatives et européennes au Portugal (1985-2014)

Source: Elaboration propre sur les bases de données disponibles à la Commission Nationale des 19 Elections .

Dans le pays, la participation à ces élections20 est inférieure à celle des élections nationales en général et, en particulier, aux législatives (Graphique 1). Ce qui peut révéler une moindre connaissance mais aussi un moindre intérêt. D’autre part, peu a été fait afin de combattre l’abstention. Le citoyen électeur est assujetti à des politiques qu’il n’a pas votées et auxquelles il n’a pas conféré de légitimité. Cette défiance commence dès les élections législatives, où l’on vote un programme électoral, mais les promesses électorales ne sont pas remplies, et sont même remplacées par d’autres diamétralement opposées. Raison pour laquelle le citoyen ne croit plus à la politique en général, et, à l’importance des élections en particulier. Comme on peut le constater ci-dessus, les valeurs de l’abstention ont progressivement et vertigineusement augmenté. Il est symptomatique, que dès les premières élections au PE, dont la date a coïncidé avec les législatives, environ

18 19

20

SCHMITT, Hermann, « As Eleições de Junho de 2004 para o Parlamento Europeu: ainda eleições de segunda ordem? », Análise Social, vol. XL, n.º 177, 2005, pp. 765-794. Données disponibles sur: http://eleicoes.cne.pt/sel_eleicoes.cfm?m=raster#assemb, consultées le 02/09/2014. Celles concernant les élections du PE de 2014 ont été recueillies de : http://www.results-elections2014.eu/en/country-results-pt-2014.html, et consultées le même jour. A propos de la recherche effectuée, concernant le comportement électoral dans le pays, consulter: Jalali, Carlos, « A investigação do comportamento eleitoral em Portugal: história e perspectivas futuras », Análise Social, vol. XXXVIII, n.º 167, 2003, pp. 545-572.

200

ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE

15% de l’électorat a changé de vote entre les deux scrutins, ce qui s’explique par des éléments politiques internes21. En juste deux ans, le taux d’abstention a augmenté de plus de 20% et, en 1994, il a encore augmenté presque plus de 20% atteignant même les 64,46%. En pleine période de transition post-adhésion avec l’accès à beaucoup de fonds communautaires, où l’économie du pays croissait, où les Portugais considéraient non seulement l’adhésion comme positive, mais aussi une bonne chose pour le pays, il n’y a pas eu traduction au niveau de la participation aux élections du PE. Ceci s’explique en partie par une presque totale méconnaissance de l’institution parlementaire européenne. Au long du temps, malgré l’atténuation de cette méconnaissance, le citoyen-électeur ne connaît guère les pouvoirs effectifs du PE et, plus encore, ne lui reconnaît pas une capacité à influencer les destinées de l’UE. Il n’a donc pas d’impact sur sa vie quotidienne, ce qui reflète, à son tour, une certaine incapacité des institutions, et dans ce cas du PE, à mobiliser les électeurs à aller aux urnes. Si l’on part du postulat que ce qui fait bouger l’électeur c’est la perspective d’obtenir un quelconque bénéfice, de n’importe quel ordre, moyennant une simple analyse coût-bénéfice, l’électeur considère que le bénéfice ne dépasse pas le coût. Au départ, plus que le déclin progressif et général envers une identification partitaire, ne pas voir l’« utilité du vote » est l’hypothèse qui surgit de façon plus certaine afin d’expliquer l’abstention à ces élections. Depuis le milieu des années 90 le taux d’abstention s’est situé autour de 60% (60,07%, 61,40% et 63,22%, respectivement en 1999, 2004 et 2009). En 2014, on a atteint un nouveau maximum (66,09%). Comme l’a déclaré l’ex-Commissaire européen António Vitorino, lors de ces dernières élections « tout dépendra du taux d’abstention »22. Mais ce qui s’est passé comme résultat, c’est une crise interne au PS à cause des faibles résultats accompagnée de l’élection du populiste Marinho e Pinto, qui depuis, trois mois après avoir été élu, a déjà annoncé qu’il abandonnera le PE23 afin de présenter sa candidature aux élections législatives de 2015. En temps de crise économique, comme celle que l’on vit actuellement, on devrait aussi s’attendre à ce que tous les partis adoptent des attitudes plus eurosceptiques, car jusqu’à aujourd’hui, le processus de construction européen s’est davantage centré sur le volet économique. Dans ce sens, lors de la campagne de 2014, le PCP, sur un ton clairement nationaliste, dû à l’intervention extérieure de la troïka, a exulté face au vote des « déçus et des résignés », le Secrétaire-général du parti, Jerónimo de Sousa ayant même appelé les électeurs à utiliser leur vote « comme une arme, comme un vote de sanction et de condamnation de la politique de droite »24. Contrairement à toute attente, à son tour, le BE a maintenu durant la campagne électorale une position relativement positive envers l’intégration politique de l’UE, bien qu’il ait critiqué sévèrement ses dimensions

21 22 23

24

MATOS, Luís Salgado de, « O Sistema Político Português e a Comunidade Europeia », Análise Social, Vol. 27, No. 118/119, 1992, p. 784. Cité dans Visão, de 22 de Maio de 2014, p. 33. “Marinho e Pinto abandona Bruxelas em 2015 para se candidatar às legislativas”, Jornal de Negócios, 9 de Agosto de 2014, disponible à http://www.jornaldenegocios.pt/ economia/detalhe/marinho_e_pinto_abandona_bruxelas_em_2015_para_se_candidatar_as_ legislativas.html, consulté le 02/09/2014. “Jerónimo mobiliza ʻ armasʼ no Alentejo”, Visão, 22 de Maio de 2014, p. 32.

DE L’ENTHOUSIASME À L’INDIFFÉRENCE?

201

économiques et sociales. Mais n’a pas réussi à capitaliser, étant donné l’actuel manque de popularité du projet européen entre les électeurs portugais25. Après le scrutin, alors que les communistes ont obtenu un de leurs meilleurs résultats de tous les temps, parvenant à élire trois eurodéputés, le BE a beaucoup chuté et a perdu deux représentants, comparativement à 2009. Toutefois, la plus grande surprise est venue du résultat du MPT – Parti de la Terre, parti écologiste et environnementaliste, créé en 1993, qui englobe des militants et des sympathisants provenant de la gauche et de la droite traditionnelle, et qui a eu pour têtede-liste l’avocat et l’ex-bâtonnier de l’Ordre des Avocats, António Marinho e Pinto, candidat médiatique, populaire et polémique, qui a obtenu 7,15% des voix et élu deux représentants, les premiers de leur histoire. Les trois plus grands partis (PS, PSD et CDS-PP) ensemble ont obtenu les résultats les moins expressifs de tous les temps des trois partis lors d’élections européennes (59,22%), très loin des 82,34% qu’ils ont obtenu en 1999. Une lecture plus attentive des résultats démontre que le PS est resté loin de son meilleure vote dans ce type d’élections, et que le PSD et le CDS-PP ensemble ont réussi un résultat pire que celui du PSD tout seul en 2009, lorsqu’il a obtenu huit sièges au Parlement Européen et le CDS-PP, deux. Ces résultats sont toutefois en accord avec la théorie qui défend que les petits partis ont une meilleure performance lors d’élections de second ordre que dans celles de premier ordre. L’inverse se produit pour les grands partis26. En ce qui concerne les lectures politiques des résultats, comme on pouvait s’y attendre, le PS et l’Alliance Portugal (coalition entre le PSD et le CDS) ont eu des lectures distinctes: alors que pour le Secrétaire-général socialiste, António José Seguro, « le Gouvernement est arrivé à sa fin », le leader du CDS-PP et Vicepremier-ministre, Paulo Portas, a affirmé que les résultats ne permettaient aucun triomphalisme de la part du PS. Mais l’actuel ministre des Affaires Etrangères, Rui Machete, affirme qu’il envisage l’abstention et la montée du MPT comme une « censure violente » et qu’ils ne peuvent aucunement être ignorés27. En réalité, à l’instar des autres Etats-membres, au Portugal, les électeurs utilisent aussi les élections au PE « afin d’exprimer leur mécontentement envers le gouvernement national », et on peut également vérifier dans le cas portugais que « les facteurs nationaux ont un impact important, persistant et structurel »28 dans ces élections. Après les élections de 2014, nous sommes presque face à une pyramide inversée. Le nombre de ceux qui ont voté et de ceux qui se sont abstenus se croisent pratiquement : alors qu’en 1987, 5.637.556 ont voté et un peu plus de deux millions se sont abstenus (2.175.547), en 2014 seuls 3.283.610 ont exercé leur droit de vote et 6.419.047 ne l’ont pas fait29. 25 26 27 28 29

FERNANDES, Jorge M. e SANTANA-PEREIRA, José, « Os programas eleitorais das europeias de 2014: uma análise preliminar das principais dimensões de competição », Relações Internacionais, n.º 41, 2014, p. 91. FREIRE, André, « Eleições de segunda ordem e ciclos eleitorais no Portugal democrático, 1975-2004 », Análise Social, vol. XL, n.º 177, 2005, p. 842. « Rui Machete encara abstenção e subida do MPT como ‹ censura violenta › , Diário de Notícias, disponible à » http://www.dn.pt/politica/interior.aspx?content_id=3935174&page=-1, consulté le 23/07/2014. FREIRE, André, « Eleições de segunda ordem e ciclos eleitorais no Portugal democrático, 1975-2004 », Análise Social, vol. XL, n.º 177, 2005, p. 844. Fonte: PORDATA. Données disponibles à http://www.pordata.pt/Portugal/Ambiente +de+Consulta/Tabela, consultées le 02/09/2014.

ALICE CUNHA/ISABEL MARIA FREITAS VALENTE

202

Conlusion Il y a plus de 30 ans, lors de la présentation de la demande d’adhésion et des respectives négociations, les partis de l’arc du gouvernement (PS, PSD et CDS), bien qu’avec différentes nuances, étaient favorables à l’intégration du pays au sein de la CEE, et le PCP contre. Il n’en est pas moins vrai que leurs positions ne se sont pas modifiées significativement. Les deux principaux partis qui se sont succédé au gouvernement, depuis 1976, ont ainsi toujours maintenu une attitude pro-intégration européenne et proapprofondissement des politiques communes. Entre 1976 et le début des années 90, l’opposition à l’Europe a été exclusivement portée par le Parti Communiste; dans les années 90, on a trouvé pendant quelques années sur les mêmes positions le CDS; et à partir de la fin de cette décennie le BE a contribué à l’augmentation du vote pour des partis eurosceptiques et de cette façon a permis de freiner le déclin du courant eurosceptique. On constate ainsi que les deux pôles (droit et gauche) du système politique et partitaire portugais ont adopté, à un moment ou à un autre, une position eurosceptique, avec une plus grande incidence pour la gauche. Le PCP s’y démarque par sa continuité. A partir de 1999, le BE, transforme le Portugal en « un cas intéressant où l’euroscepticisme émerge clairement aussi bien du point de vue structurel que comme un phénomène oscillant »30. On exclut de cette position, les partis de centre (centre-gauche et centre-droit) qui ont formé l’arc du gouvernement, depuis 1976 (PS et PSD), qui ont maintenu leur « vocation » pro-intégration européenne. Dans les élections de 2014, le PS a gagné, avec une marge inférieure à quatre points sur l’Alliance Portugal, mais il n’a pas convaincu; et l’abstention a atteint une valeur jamais atteinte dans le pays. Entre les élections de 2009 et celles de 2014, l’UE a commencé à être perçue comme une institution moins prestigieuse et moins solidaire; raison pour laquelle, avant même le scrutin, il était certain que le « vainqueur » serait l’abstention et il était attendu que les communistes augmentent leur vote. Les deux attentes se sont confirmées. Et, bien que ces élections soient les premières dans le sillage du Traité de Lisbonne, qui a renforcé les pouvoirs du Parlement Européen, d’une façon générale elles ne peuvent pas être considérées comme étant particulièrement heureuses. Toutefois, comparativement à d’autres Etats-membres, notamment la France et le Royaume-Uni, les critiques portugaises pendant la campagne furent nettement en retrait. Même si dans plusieurs Etats-membres, les partis nationalistes, populistes et d’extrême-droite ont obtenu des résultats électoraux significatifs, en rapport ou pas, non seulement avec la crise économique qui a affecté la Zone Euro, mais aussi avec les autres dysfonctionnements, au Portugal, les partis les plus proches de ces courants politiques n’ont pas renforcé leur poids, et n’ont pas eu de plus grande expression électorale, exception faite du MPT – Parti de la Terre qui a fait valoir des idées populistes par sa tête de liste. Si, de fait, l’abstention est un pro-

30

LOBO, Marina Costa e MAGALHÃES, Pedro C., « Room for Manoeuvre: Euroscepticism in the Portuguese Parties and Electorate 1976-2005 », South European Society and Politics, Vol. 16, n.º 1, 2011, p. 99

DE L’ENTHOUSIASME À L’INDIFFÉRENCE?

203

blème réel, les courants anti-européistes particulièrement et, à une moindre échelle, les eurosceptiques, n’ont pas de prise particulière dans le pays. Ainsi, on ne peut pas, en vérité, parler actuellement au Portugal d’un quelconque courant anti-européiste significatif, même s’il n’existe pas un claire rejet de l’EU, dans sa totalité, et de ses politiques, ni de la part des principaux partis, ni de la part des électeurs, il existe néanmoins des critiques plus ou moins voilées, une opposition à certaines options, à certaines politiques communes, et, au fonctionnement des institutions. Cependant, un fait essentiel subsiste : les Portugais n’ont jamais été enthousiastes en ce qui concerne les élections au PE et demeurent largement indifférents à ce scrutin.

FROM ENTHUSIASM TO INDIFFERENCE? ABSTENTIONISM, EUROSCEPTICISM AND ANTI-EUROPEANISM IN THE EUROPEAN ELECTIONS IN PORTUGAL (1987-2014) This chapter assesses the turnout in European Parliament elections in Portugal, in a longitudinal analysis, as well as the presence and/or absence of the phenomena of Euroscepticism and anti-Europeanism and their current state. The authors ask whether Euroscepticism is present in the parties, either to the right or to the left of the political system, concluding that it is present, but that it is not linear over time and in different parties; and that, as expected, this sort of rhetoric has been a weapon used by parties outside of the governing parties (the main Portuguese parties). Some nuances can only be explained by taking into account the political and electoral strategy.

VON BEGEISTERUNG ZU GLEICHGÜLTIGKEIT ? ABSENTISMUS, EUROSKEPTIZISMUS UND ANTI-EUROPÄISMUS BEI DEN EUROPAWAHLEN IN PORTUGAL (1987-2014) Dieses Kapitel bewertet in einer Langzeitanalyse die Beteiligungsrate in Portugal an den Wahlen zum Europäischen Parlament, sowie die Anwesenheit und/oder Abwesenheit der Phänomene des Euroskeptizismus und des Anti-Europäismus und seines tatsächlichen Auftretens. Die Autoren fragen sich dabei, ob der Euroskpetizismus im politischen Diskurs der linken oder rechten Parteien des politischen Systems auftritt und stellen fest, dass er präsent ist, jedoch nicht geradlinig in der Zeit und in den verschiedenen Parteien; und dass, wie erwartet, diese Rede eine Waffe ist, die von Parteien in der Regierungsparteien (die wichtigsten portugiesischen Formationen) verwendet wurde. Einige Nuancen können unter Berücksichtigung der politischen Wahlstrategie erläutert werden.

L’INSERTION DU DOMAINE NATIONAL DANS L’ESPACE EUROPÉEN : SCEPTICISME, ABSENTÉISME, SUBSIDIARITÉ RENVERSÉE EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE GEORGIANA CICEO/PAULA MURESAN Les données qui font référence à l’activité de la huitième législature du Parlement européen n’étant pas encore suffisantes au moment de la rédaction de cet article, nous sommes contraintes de réaliser la présente analyse en tenant compte uniquement de l’activité des députés de la législature qui couvre 2009-2014. Une étude d’ensemble n’étant pas possible, nous avons choisi deux études de cas : celui de la Pologne et celui de la Roumanie. Ce sont les deux plus grands pays du groupe des nouveaux Etats-membres (sixième et septième rang pour la population dans l’UE). De surcroît ce sont deux pays, qui, malgré leurs divergences, ont un taux de confiance similaire dans l’UE. Cet article vise à répondre à certaines questions spécifiques : quels sont les facteurs qui influencent une meilleure insertion du domaine national dans l’espace européen? Peut-on estimer qu’une meilleure insertion du domaine national dans l’espace européen se traduise par une plus grande confiance dans l’UE? Quelle est la relation entre les facteurs qui favorisent l’insertion au niveau européen et ceux qui ont un impact direct sur l’absentéisme et le scepticisme? En ce qui concerne la structure de la recherche nous avons opté pour deux piliers: – Le premier fait référence aux facteurs qui favorisent une meilleure insertion du domaine national dans l’espace européen; – Le deuxième analyse l’impact d’une bonne insertion sur le scepticisme et l’absentéisme aux élections euro-parlementaires. Le débat sur l’insertion du domaine national dans l’espace européen aura comme point de départ l’observation d’une construction d’un système de gouvernance à plusieurs niveaux1. Cela signifie qu’il faut étudier les processus de décision de manière pluridirectionnelle : du niveau national vers le niveau européen, ou au sein de l’Etat, du niveau central vers le niveau régional2. D’une manière plus générale, la littérature spécialisée retient comme résultat de ce processus de relocalisation des compétences politiques et administratives entre les trois niveaux de gouvernance mentionnés, un recul des processus démocratiques nationaux, conséquence de la restriction de la capacité de contrôle démocratique sur les processus de décision3. 1 2

3

MARKS, G. et L. HOOGHE, Multilevel governance and European Integration, Oxford, Rowman and Littlefield Publications, 2001, p. xi. OST, D., « Euroscepticism as a Path for Inclusion: Multilevel Governance in the EU as Seen from the East » in: DE BARDELEBEN, J. et A. HURRELMANN (ed.), Democratic Dilemmas of Multilevel Governance: Legitimacy, Representation and Accountability in the European Union, Londre, Palgrave Macmillan, 2007, p. 198-201. HURRELMANN, A., « Multilevel Legitimacy: Conceptualizing Legitimacy Relationships between the EU and National Democracies » in: DE BARDELEBEN, J. et A. HURRELMANN (ed.), op. cit., p. 17-19.

206

GEORGIANA CICEO/PAULA MUREŞAN

Pour illustrer cela, nous retiendrons trois aspects essentiels : – La nécessité d’avoir une représentation adéquate au niveau des institutions européennes puisque l’État perd, par ce processus de transformation politique de l’autorité, le monopole sur les décisions collectives, et la représentation a été, est et sera un concept central pour la manière dont l’Union européenne comprend sa légitimité démocratique4; – Le besoin d’atteindre une meilleure coordination au niveau national de l’activité des représentants nationaux dans les forums européens comme une conséquence du transfert de pouvoirs et de compétences de l’échelon national à l’échelon européen5; – La nécessité d’européaniser les élites nationales et régionales6. Le spécialiste allemand de droit européen, Armin von Bogdany, affirmait que « l’Union Européenne dépend d’une représentation effective des intérêts nationaux »7. Selon lui, « la prospérité commune européenne peut être atteinte par une synthèse de la pluralité des intérêts et des positions qui existent dans l’Union européenne. Une représentation inadéquate des intérêts spécifiques par l’une des parties qui constituent l’Union affecte le processus d’agrégation qui doit mener à une forme convaincante du bien commun européen »8. Plus récemment, la politologue allemande Sandra Kröger, partant de l’observation que l’Union européenne est une démocratie représentative où les citoyens sont directement représentés au Parlement et indirectement au Conseil par l’intermédiaire de leurs gouvernements, qui sont à leur tour responsables devant les parlements nationaux, constate qu’individus et Etats (comme il est dit dans le Traité de Lisbonne) sont représentés au niveau de l’UE par différents moyens.9 Beate Kohler-Koch abonde dans le même sens10. Notre intention est d’analyser la manière dont les deux pays ont pu se positionner envers les trois éléments identifiés comme ayant la capacité d’assurer une meilleure insertion du domaine national dans l’espace européen, ont agi en matière de représentation des intérêts nationaux dans les forums politiques européens, de meilleure coordination des activités des représentants nationaux dans les institutions de l’Union européenne, et d’européanisation des élites. Dans la mesure du possible, nous avons l’intention d’évaluer ces éléments au cours des négociations d’adhésion et après l’admission des deux pays d’Europe centrale dans l’Union européenne.

4 5 6 7 8 9 10

KRÖGER, S., « Introduction: Representing views on political representation in the EU » in KRÖGER, S. (ed.), Interdisciplinary views on political representation in the EU, University College London, The European Institute, Working Paper No. 4/2012, p. 4. MAURER, A., J. MITTAG et W. WESSELS, « National System’s Adaptations to the EU System: Trends, Offers, and Transfers » in Kohler-Koch, Beate (ed.), Linking EU and National Governance, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 54-56. Idem, p. 55. VON BOGDANY, A., « Links Between National and Supranational Institutions: A Legal View of the New Communicative Universe » in KOHLER-KOCH, B. (ed.), op. cit., p. 46-47. Ibidem. KRÖGER, S., « Introduction: Representing views on political representation in the EU » in: KRÖGER, S., (ed.), Interdisciplinary views on political representation in the EU, University College London, The European Institute, Working Paper No. 4/2012, p. 2 KOHLER-KOCH, B., « Representation as the Cornerstone for efficient and legitimate governance » in: KRÖGER, S., (ed.), op. cit., p. 234-236.

L’INSERTION DU DOMAINE NATIONAL DANS L’ESPACE EUROPÉEN

207

En parlant de la représentation des intérêts nationaux en relation avec l’Union européenne pendant la période de négociation d’adhésion, force est de constater des différences entre les deux pays. La Roumanie a mis l’accent sur l’importance de devenir État-membre, tandis que pour la Pologne, la chose la plus importante a été d’assurer une place parmi les puissances de l’UE, en proportion de sa dimension. Cela a été résumé ainsi par le professeur et l’homme politique polonais Jacek Sariusz-Wolski, participant actif de la délégation polonaise aux négociations sur le Traité de Nice, qui affirmait „The question before us is: are we one of the large countries with whom others must talk, or one of the small ones they can ignore? This is how the “Big Four” still treat us. We are fighting now for our place in Europe.” Plus précisément, l’objectif de la Pologne était d’obtenir des postes dans les institutions européennes comparables à ceux détenus par l’Espagne, et une fois cet objectif atteint, le principal problème est devenu la défense de ces droits difficilement acquis. « Nice or Death » disait le slogan formulé par le parti Plateforme Civique11. Il y avait à ce sujet un consensus entre les deux principaux partis politiques polonais, la Plate-forme Civique et Droit et Justice. En Roumanie, le consensus politique sur l’intégration était beaucoup plus grand, étant donné qu’il n’y avait pas de parti politique pour critiquer cet objectif. Ce qui a cependant manqué, c’était une discussion sérieuse sur l’avenir de la Roumanie en tant qu’État membre de l’Union européenne et sur les exigences que nécessitera l’acquisition du statut. La Déclaration de Snagov du 21 Juin 1995, signée par toutes les forces politiques parlementaires qui ont exprimé leur soutien en faveur de l’intégration européenne de la Roumanie, n’a jamais été accompagnée d’un plan d’action ou d’un ensemble de mesures concrètes en vue de l’obtention du statut d’Etatmembre à part entière, afin d’emblée de maximiser les avantages que ce statut confère. Après l’adhésion à l’UE, la Roumanie a agi, au moins au niveau déclaratif, afin de « renforcer son profil dans l’UE à tous les niveaux » et a indiqué que ses principales préoccupations étaient liées à l’adhésion à l’espace Schengen, la politique agricole et la politique de cohésion12. Elle n’a en revanche pas donné des informations précises sur la manière dont elle agira pour atteindre les objectifs fixés. Pendant ce temps, la Pologne a veillé à « assurer une influence en rapport avec sa dimension et son potentiel socio-économique », tout en maximisant les avantages découlant de son statut d’État membre13, par une attention consacrée aux domaines considérés comme clés du point de vue de l’intérêt national – la politique de cohésion, la politique agricole et la politique de voisinage. Les priorités politiques de la Roumanie ne diffèrent pas fondamentalement de celles de la Pologne – l’adhésion à l’espace Schengen – la politique agricole et la politique de cohésion, mais ce qui attire l’attention, comme nous le montrons ci-dessous, c’est 11

12 13

SZCZERBIAK, A., Poland Within the European Union: New Awkward Partner Or New Heart of Europe?, Milton Park, New York: Routledge, 2012, p. 145-146; Delanty, G., “Europeanization and Democracy: the Question of Cultural Identity” in: DE BARDELEBEN, J. et A. HURRELMANN (eds.), op. cit., p. 77-94. Ministerul Afacerilor Externe al României, Priorităţi ale României în UE, http://www.mae.ro/ node/1579. Oficiul Comitetului pentru Integrare Europeană a Poloniei, 5 years of Poland in the European Union, 2009 pe http://polskawue.gov.pl/files/informacje_o_ue/Publikacje_o_UE/5_years _of_poland_in_the_european_union.pdf, p. 25.

208

GEORGIANA CICEO/PAULA MUREŞAN

la manière dont la Pologne a réussi à maximiser ses avantages par une approche envers les institutions européennes plus pragmatique et mieux coordonnée. Du point de vue technique, le nombre des représentants de la Roumanie et la Pologne dans les institutions de l’UE a été déterminé par le traité de Nice. Notons toutefois que, bien que la Pologne ait réussi à « lutter » pour ses droits, elle a, comme on l’a déjà mentionné, fait une priorité de la défense des droits obtenus alors. Du point de vue de la Roumanie en revanche, les négociations de la Conférence Intergouvernementale de 2000 ont eu lieu dans un contexte de crise politique prolongée et d’une année électorale, avec des élections locales en été et des élections présidentielles et parlementaires en hiver, ce qui a paralysé l’adoption de quelques décisions politiques majeures pour l’avenir européen du pays, étant donné qu’on avait déjà entamé des négociations d’adhésion en février 2000. La participation effective des représentants des deux pays dans le travail des institutions européennes, est, sans aucun doute, un autre critère important pour l’analyse. Sans entrer dans tous les détails de cette représentation, nous nous concentrerons sur le travail des députés roumains et polonais au Parlement européen. La représentation des deux pays diffère d’abord par le nombre de députés : pour la Pologne 51 membres, pour la Roumanie 33 membres. Alors que plus de la moitié des députés polonais se retrouvent dans le plus influent groupe parlementaire européen, le Parti Populaire Européen (25 membres pour la Plate-forme Civique et 4 membres pour le Parti Populaire Polonais), la Roumanie disperse les siens au sein des 3 principaux groupes politiques du Parlement européen, le Parti Populaire Européen, (11 membres pour le Parti Démocrate, 3 membres pour l’Union démocrate magyare de Roumanie) l’Alliance des Socialistes et des Démocrates, l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe. Cela signifie que les délégations roumaines dans ces groupes parlementaires ont un calibre medium et, en conséquence, une capacité limitée d’influencer la prise des décisions à ce niveau. Tabel 1: Présence des députés roumains et polonais dans les groupes politiques du PE, 2009-2014.

Source : site du PE

Du point de vue des députés eux-mêmes, l’analyse de la façon dont les membres des délégations des deux pays ont contribué à une meilleure insertion du domaine national dans l’espace européen est extrêmement utile, surtout si l’on considère que leur travail est à l’intersection de deux ensembles de facteurs dont dépend leur carrière dans cette institution. D’une part, leur performance est éva-

L’INSERTION DU DOMAINE NATIONAL DANS L’ESPACE EUROPÉEN

209

luée sur la base de leur travail au sein des comités et des groupes parlementaires auxquels ils appartiennent. D’autre part, ils doivent rester sensibles à l’agenda politique des partis nationaux qui les ont soutenus pour les élections au Parlement européen. L’expérience prouve que chaque fois que les législateurs doivent faire un choix entre la loyauté envers le groupe parlementaire et la loyauté envers le parti qui les a propulsés, ils ont tendance à privilégier ce dernier14. Cette analyse montre encore une fois des déséquilibres entre les deux pays. Ainsi, après la réorganisation à mi-parcours du PE, parmi les 43 membres titulaires et 43 membres suppléants de la Commission du budget, la Pologne avait 3 membres titulaires et un suppléant, tandis que la Roumanie n’avait pas de titulaire et était seulement représentée par 2 suppléants. Dans une autre commission chargée du contrôle budgétaire, la Pologne a obtenu 3 membres de plein exercice, dont 2 vice-présidents, et 4 suppléants, et la Roumanie 2 membres et un suppléant. En concentrant notre attention sur les 2 commissions responsables de la coordination géographiques des fonds (attention portée à leur ventilation dans les différents pays) – une priorité pour les deux pays -, nous voyons, à nouveau, que la délégation des députés européens polonais s’est avérée plus habile afin d’assurer une représentation cohérente. La Commission du développement régional a 9 membres – six membres titulaires et trois suppléants. Dans la Commission de l’agriculture, la Pologne a réussi à imposer 4 membres, dont deux vice-présidents et 2 suppléants. On s’attendrait à ce que, dans l’intérêt déclaré pour l’agriculture et pour donner plus de poids aux démarches dans cette direction, il y ait une présence vigoureuse des députés roumains au sein de cette commission, mais malheureusement, leur nombre reste limité à 3 : 2 membres titulaires et un suppléant. Une situation peu satisfaisante, d’autant plus que plus de la moitié de la délégation roumaine au Parlement européen a fixé comme objectif central l’augmentation des fonds européen absorbés par le pays15. La Roumanie a eu pour la Commission du développent régional 6 représentants : 4 membres titulaires et 2 suppléants. Un deuxième niveau de réflexion concerne le nombre de députés de chaque pays qui parviennent à occuper des postes d’influence dans les comités respectifs. La position d’influence dans les comités du Parlement européen signifie l’occupation de positions de direction – président, vice-président, et, plus récemment, le poste de coordinateur des groupes politiques au sein des commissions16. Le Président et les vice-présidents sont chargés notamment de l’ordre du jour de chaque comité. Les coordinateurs des groupes politiques ont pu s’imposer, ces dernières années, comme un contrepoids aux deux positions déjà mentionnées. Ils sont considérés comme assumant le rôle d’un véritable lien entre les députés, les délégations nationales des partis politiques au Parlement européen et les groupes politiques au niveau européen17. Ce sont de véritables porteparoles des groupes politiques au sein des commissions : ils établissent la straté14 15 16 17

HIX, S. et B. HØYLAND, The Political System of the European Union, ed. 3ème, Basingstoke Palgrave Macmillan, 2011, p. 54-55. Institutul European pentru Democraţie Participativă – QVORUM, Europarlamentarii la raport, Vol. III: Legislatura 2009 – 2014, septembrie 2011, p. 67-180. http://qvorum.ro/ publications/Europarlamentarii%20la%20Raport[vol_III].pdf. KAEDING, M. et L. OBHOLZER, « Pulling the Strings: Party Group Coordinators in the European Parliament » in EIPASCOPE, Bulletin No. 01, 2012, p. 14. Ibidem.

210

GEORGIANA CICEO/PAULA MUREŞAN

gie que chaque groupe politique doit suivre, donnent les instructions de vote et, surtout, désignent les rapporteurs pour chaque proposition législative. En plus, ils établissent la liste des membres qui prennent la parole au Parlement et la stratégie à suivre au cours de l’audience des commissaires. Un regard sur la capacité des parlementaires des deux pays à mobiliser le soutien pour obtenir des postes d’influence souligne que, encore une fois, les performances en sont différentes. En termes de leadership de comités, en particulier ceux qui jouissent d’une influence, la Pologne apparaît dans une position privilégiée parce qu’elle détient la Présidence de la Commission du développement régional et dispose de 2 viceprésidents de la Commission de l’agriculture et du développement rural et 2 vice-présidents pour la Commission du contrôle budgétaire. La Roumanie a détenu dans la première partie du mandat du Parlement (2009 – 2014) la position de vice-président de la commission de l’agriculture et du développement rural, qu’elle a perdue suite à la réorganisation mi-parcours, ce qui confirme encore une fois sa faible présence dans ces comités. Les études indiquent une domination nette des pays qui sont devenus membres avant 2004 en ce qui concerne les postes de coordinateurs des partis politiques dans les comités18. La délégation roumaine a réussi à obtenir un seul poste de coordinateur au sein des comités prestigieux de l’un des trois groupes politiques dominants, celui du développement régional. Quant à la Pologne, elle a réussi à obtenir des postes de coordinateur, mais au niveau des petites formations politiques dans le législatif actuel19, mais elle réussit à compenser cette situation sans par le nombre important de postes de direction dans les commissions. Un troisième élément du poids respectif des deux pays est la capacité d’une délégation de s’impliquer dans la rédaction de rapports au Parlement. Les députés nommés par une commission pour rédiger un rapport sur une proposition législative ou une résolution sont connus en tant que rapporteurs. Ce rapport, une fois adopté par la commission, est soumis à l’approbation du PE, après quoi il exprime la position officielle du Parlement européen. Au cours des séances plénières, le rapporteur est celui qui a le rôle de porte-parole pour la Commission. Il a été à l’ouvrage sur les amendements ou le projet de résolution, sur la stratégie d’action20. Cette position de rapporteur devient encore plus influente s’il s’agit d’un domaine où le Parlement est appelé à décider avec le Conseil, comme pour la procédure législative ordinaire ou celle du budget. Dans ces situations, les rapporteurs arrivent à négocier au nom du Parlement européen dans des Comités tripartites avec les représentants du Conseil et de la Commission. La nomination de rapporteurs est le résultat de processus politiques relativement peu transparents, qui peuvent être assimilés à une enchère impliquant les coordinateurs des partis politiques des comités21 sous la médiation de leur direction. Contrairement à la distribution des députés dans des commissions ou celle des postes d’influence, la répartition des missions de rapporteur tient compte de la propor-

18 19 20 21

Idem, p. 15-16. Idem, p. 17. NUGENT, N., The Government and Politics of the European Union, ed. 7ème, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010, p. 205. KAEDING, M. et S. HURKE, “Where are the MEPs from Accession Countries? Rapporteurship Assignments in European Parliament after Enlargement”in: EIPASCOPE, Bulletin No. 02, 2010, p. 20.

L’INSERTION DU DOMAINE NATIONAL DANS L’ESPACE EUROPÉEN

211

tion des groupes parlementaires22. Les députés roumains de ces quatre comités analysés ont des réussites assez modestes dans la rédaction des rapports ou des amendements aux propositions législatives soumises au débat du Parlement. Au total, la délégation roumaine a obtenu la rédaction de deux rapports sur les questions de développement régional, un rapport sur l’agriculture, aucun rapport sur le budget et 38 rapports sur diverses questions de contrôle budgétaire23. Par comparaison, la délégation polonaise a eu des contributions inégales à l’activité de rédaction des rapports et des amendements. Le bilan de la délégation polonaise est de 22 rapports pour le Comité du développement régional, 5 rapports pour le Comité de l’agriculture, 13 rapports pour le Comité du Budget et 17 rapports pour le Comité du contrôle budgétaire24. Par rapport au deuxième critère considéré comme pertinent pour l’analyse de l’insertion du domaine national au niveau européen, on peut voir que la Roumanie n’a pas eu un mécanisme clair de coordination interinstitutionnelle pour la gestion des relations avec l’UE. On parle d’un tel mécanisme à partir de 2013. On a toujours eu une bataille de prestige entre le Ministère des Affaires Etrangères et le Ministère des Affaires Européennes25. La formule actuelle de coordination en Roumanie ressemble beaucoup à celle que les Polonais ont déjà expérimentée. Le Ministère des Affaires Etrangères (MAE) coordonne l’élaboration, l’adoption et la promotion des positions nationales et assure l’activité exécutive et celle de secrétariat du Comité de coordination du Système national de gestion des affaires européennes. À son tour, celui-ci assure la coordination interinstitutionnelle du processus d’élaboration des positions adoptées par la Roumanie, prépare les mandats pour les représentants de la Roumanie aux négociations qui se passent au niveau de l’UE et résout les divergences entre les institutions participantes26. Pour accroître l’efficacité de ses approches, le gouvernement polonais a décidé de très tôt de renforcer la coordination des agences gouvernementales impliquées dans le processus d’intégration, en créant un Comité des affaires européennes avec la mission explicite de développer des prises de position de la Pologne sur l’Union européenne et pour guider d’une manière stratégique les actions des représentants polonais dans divers forums de décision au niveau du Conseil. Le Comité des affaires étrangères créé en 2009 en remplacement de l’Office pour l’intégration européenne de la Pologne qui avait fonctionné jusqu’à ce moment-là, bénéficie de pouvoirs plus amples et d’un rôle de coordination plus prononcé que son prédécesseur27. Enfin, l’européanisation des élites est un sujet important pour notre recherche, parce qu’on trouve des caractéristiques qui peuvent être étendues au-delà de 22 23 24 25 26

27

S. Hix, op. cit., p. 59. VoteWatch Europe, Activities of the Members of the European 2009-2012 http://term7. votewatch.eu/en/activity-statistics.html#/#9/0/2009-07-14/2014-07-14// Ibidem. GHINEA, C. et D. DINU, MAE contra MAEu – cum putem stopa rivalitatea şi încuraja cooperarea între cele două ministere care ne reprezintă în UE, Policy Brief nr. 12, Bucarest, Centrul Român pentru Politici Europene, 2011. Hotărârea de Guvern nr. 379/2013 privind organizarea şi funcţionarea Sistemului naţional de gestionare a afacerilor europene în vederea participării României la procesul decizional al instituţiilor Uniunii Europene pe http://www.mae.ro/sites/default/files/file/2014/ transparenta_decizionala/hg_nr.379_2013.pdf. Legea din 27 august 2009 cu privire la Comitetul pentru afaceri europene pe http:// polandeu.gov.pl/Legal,basis,886.html.

212

GEORGIANA CICEO/PAULA MUREŞAN

la Roumanie ou de la Pologne. La rupture entre les élites nationales et celles qui se trouvent au niveau sous-national (régional ou local) pour acquérir des valeurs européennes rend difficile la possibilité de maintenir une politique cohérente dans des domaines clés (agriculture ou cohésion), vu l’absence des structures efficientes qui soutiennent le processus d’européanisation. En outre, l’expérience montre qu’il est difficile de maintenir la cohérence d’une politique tant qu’il y a une divergence claire entre les valeurs européennes portées par les élites nationales, et celle des élites régionales restées largement inchangées. L’expérience montre également que les hauts fonctionnaires au niveau régional ont tendance à être plus conservateurs et favorables au statuquo quand il s’agit d’ouvrir de nouveaux domaines de la politique publique28 , ce qui a un effet négatif sur le lien national-supranational. On peut ajouter un point supplémentaire: le principe de la subsidiarité renversée observé dans ce paragraphe qui stipule (art. 5, TCE) : « La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ». Le principe a donc un double caractère : d’un côté positif, et d’un autre côté négatif. D’une part, on encourage le fait que les ”grandes associations aident les plus faibles quand elles ont besoin d’être aidées, (côté positif) et d’autre part, on décourage l’attribution de compétences aux plus grandes associations, situées au niveau supérieur (côté négatif)”29. Cela pose une série de problèmes du point de vue de la problématique que nous étudions. Comment est-ce qu’on parvient à l’évaluation de la capacité des États-membres d’intervenir de manière satisfaisante? Comment peut-on tenir compte de la capacité différente des États-membres d’intervenir? Comment peuton tenir compte de l’intervention des entités sous-nationales? Qu’est-ce qui arrive dans les situations où les entités sous-nationales bénéficient de garanties constitutionnelles? Clarifier toutes ces questions est extrêmement important pour une analyse des facteurs qui favorisent une meilleure relocalisation des relations entre le palier national de décision et le supranational, dans une formule de gouvernance a plusieurs niveaux. Malheureusement, les informations qui pourraient traiter les questions mentionnées restent insuffisantes. En essayant de mesurer la manière dont l’insertion du domaine national dans l’espace européen se traduit par une plus grande confiance en l’UE, on remarque que les deux pays gardent des niveaux situés au-dessous de la moyenne européenne en ce qui concerne la confiance, mais il y a quelques points qui les différencient.

28 29

BAUER, M. W., D. PITSCHEL and P. STUDINGER, Governance Preferences of Subnational Administrative Elites in the European Union. An Empirical Analysis, Humboldt Universität zu Berlin, Lehrstuhl Politik und Verwaltung, Working Paper Series, WP #4/2010, p. 23. SCHÜTZE, R., An Introduction to European Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 43.

L’INSERTION DU DOMAINE NATIONAL DANS L’ESPACE EUROPÉEN

213

Dans le cas de la Roumanie, le soutien pour l’UE par les sondés roumains est défini par une perception positive de son image: 43% des Roumains ont une image positive par rapport à l’Union Européenne et 49% sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie dans l’Union européenne. Par comparaison, seulement 15% des Roumains sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie, et 84% ne sont pas satisfaits de la façon dont l’exercice démocratique est mis en œuvre en Roumanie30. Les attentes des Roumains envers l’UE sont liées indissociablement à l’augmentation de la qualité de vie et à l’emploi31. L’attitude positive à l’égard de l’Union européenne est favorisée par l’existence d’une méfiance accrue envers les institutions publiques en Roumanie, et une préférence apparente pour des solutions européennes aux problèmes auxquels les Roumains sont confrontés. En Roumanie, la confiance envers l’UE est située à des niveaux supérieurs à ceux envers les institutions nationales. Il faut cependant mentionner que ce crédit en blanc est accordé aux institutions européennes dans le contexte d’une discussion insuffisante sur les coûts et les avantages qui découlent du statut d’État membre. Par comparaison, en Pologne, on peut considérer que l’idée selon laquelle l’articulation forte des problèmes est la première étape vers la résolution de ceuxci32 a gagné une grande adhésion parmi les Polonais. Dans ces conditions, la différence entre le niveau de confiance en l’Union européenne et la confiance en les institutions nationales est plus faible. De même, il est clair qu’en Pologne il a été possible d’achever une cristallisation des opinions critiques, allant jusqu’à la formation de partis eurosceptiques, au fur et à mesure de l’avancement des négociations d’adhésion. Fig. no.1 – Comparaison sur la confiance en les institutions européennes

Source Comisia Europeană, Eurobarometru standard : Opinia publică în Uniunea Europeană, vol. 66-78, http://ec.europa.eu/public_opinion/index_en.htm.

Ainsi, comme on peut le noter dans la fig. no. 1, la confiance en l’UE en Pologne a baissé en-dessous de la moyenne européenne au fur et à mesure de l’avancement des négociations d’adhésion. On a considéré que l’UE n’accordait pas à la Pologne l’importance qu’elle méritait, tandis que pour la Roumanie la chute la plus 30 31 32

Comisia Europeană, Eurobarometru standard: Opinia publică în Uniunea Europeană, nr. 80, http://ec.europa.eu/public_opinion/index_en.htm. Idem, nr. 78. DELANTY, G., « Europeanization and Democracy: the Question of Cultural Identity » in: DE BARDELEBEN, J. et A. HURRELMANN (ed.), op. cit., p. 82-84.

214

GEORGIANA CICEO/PAULA MUREŞAN

dramatique a eu lieu en 2009, à cause de la crise économique. Dans les deux pays, il y a un manque de confiance envers les institutions nationales (davantage marqué en Roumanie). En ce qui concerne la deuxième partie de notre recherche, c’est à dire l’impact d’une meilleure insertion au niveau européen sur le scepticisme et l’absentéisme aux élections européennes, on peut tirer quelques conclusions valables pour l’activité politique de presque chaque État-membre : – (1) l’apathie envers la politique, en général;(2) le manque d’intérêt à l’égard de l’offre des partis politiques(3) une évaluation critique de la manière dont la politique fonctionne dans son propre pays, – (4) une méfiance omniprésente concernant l’utilité de l’exercice des droits électoraux. Dans le cas particulier des partis politiques de l’Europe centrale et orientale, on ajoute encore une série d’éléments qui contribuent clairement à leur faiblesse et à la difficulté de construire des liens solides entre les niveaux de décision régionale et supranationale. Parmi ceux-ci, nous mentionnons tout d’abord un nombre réduit de membres des partis, qui se traduit par une capacité limitée de mobiliser, et la persistance de faibles liens entre les élites nationales et régionales, l’impossibilité d’identifier des corrélations claires entre l’attitude envers l’Europe et l’affiliation aux partis politiques et l’articulation insuffisante des positions claires sur l’UE dans la plupart des partis politiques. Fig. no.2.: Comparaison sur la participation aux scrutins européens

Source : Comisia Europeană, Eurobarometru standard : Opinia publică în Uniunea Europeană, vol. 66-78, http://ec.europa.eu/public_opinion/index_en.htm.

Si l’on regarde le cas des deux pays, on remarque que pour la Roumanie il y a une absence d’une discussion substantielle sur le thème de l’UE (on parle du bien-être des citoyens), l’euroscepticisme occupe des positions marginales et il est difficile de construire un discours eurosceptique dans les conditions où l’UE jouit d’un niveau tellement haut de crédibilité. Pour la Pologne on note trois partis aves des positionnements eurosceptiques et l’existence d’un discours avec une tonalité anti-fédéraliste. De même, il est impossible d’ignorer le changement sensible du discours eurosceptique lorsque les partis étaient au pouvoir.

L’INSERTION DU DOMAINE NATIONAL DANS L’ESPACE EUROPÉEN

215

Conclusion La recherche sur le thème L’insertion du domaine national dans l’espace européen. Scepticisme, absentéisme, subsidiarité renversée en Europe Centrale et Orientale nous a donné la possibilité de tirer quelques conclusions d’étape qui peuvent se poursuivre dans de futures recherches. Ainsi, à notre avis, l’insertion du domaine national dans l’espace européen peut offrir des réponses partielles quant au comportement lors des scrutins européens, mais elle ne peut pas être la seule explication valable pour comprendre le comportement des électeurs. La deuxième conclusion est que l’intérêt pour les élections européennes est limité. Il existe toujours un soutien pour l’UE, même s’il ne se traduit pas par une présence plus substantielle aux élections européennes. Le scrutin européen reste à l’ombre des élections parlementaires. L’agenda des élections européennes est dominé par des problèmes de politique intérieure dans le cas de tous les partis politiques. L’agenda des partis politiques n’a pas de thèmes européens assez clairs: l’option pour un parti politique ne signifie pas une option pour ou contre l’UE. On peut parler aussi de la capacité réduite des partis politiques de l’Europe Centrale et Orientale à mobiliser leur électorat. Une autre conclusion préliminaire est que la discussion des problèmes européens occupe des positions modestes dans les débats des partis politiques dans les pays de cette partie de l’Europe. Nous nous permettons de poser une question importante dont les réponses arriveront tout de suite de la part des spécialistes en relations internationales: l’érosion graduelle de la confiance en l’EU dans les pays centraux et esteuropéens, manifeste –t-elle une approche plus réaliste ? Ou eurosceptique à l’égard de l’Europe?

THE INCLUSION OF THE NATIONAL SPHERE IN EUROPE: SCEPTICISM, ABSENTEEISM, REVERSED SUBSIDIARITY IN CENTRAL AND EASTERN EUROPE This article aims to analyse factors that can influence a more successful inclusion of the national level into the European space. It attempts to assess the effects of the different levels to which national interests can be anchored at European level: would a more solid anchoring lessen Eurosceptic voting in Member States? Would their absence be a catalyst to Eurosceptic reactions? And does this influence participation in European elections? The article takes into account a multistage construction of the European Union. It seeks to pinpoint the extent to which the transfer of powers from the national to the supranational level is mirrored by the presence of national representatives in EU decision-making centres, whether the level of representation of national interests at European level is adequately coordinated and accompanied by advanced Europeanization elites. These two factors are considered critical in order for the national level to be better included into the European space. In addition, we shall attempt to discuss the impact of the rule of law, an integral part of European construction since the Treaty of Lisbon, namely that of reversed subsidiarity.

216

GEORGIANA CICEO/PAULA MUREŞAN

In the second part, the article analyses the way in which the inclusion of the national domain in the European space affects the phenomena of Euroscepticism and absenteeism in European elections, more specifically in the case of two central-east European countries with a significant share in the region: Romania and Poland.

DIE EINGLIEDERUNG DES NATIONALEN BEREICHS IN EUROPA: SKEPTIZISMUS, ABWESENHEIT, UMGEKEHRTE SUBSIDIARITÄT IN MITTEL- UND OSTEUROPA Dieser Artikel untersucht die Faktoren, die eine bessere Eingliederung des nationalen Niveaus in den Europäischen Raum beeinflussen. Dabei sollen die Effekte verschiedener Verankerungen nationaler Interessen auf Europäischem Niveau analysiert werden. Kann eine bessere Verankerung von nationalem Interesse auf Europäischen Niveau dazu führen, jegliches Aufkommen von Euroskeptizismus bei den Wählern der Mitgliedstaaten abzuschwächen? Führt ihr Fehlen dazu, diese Reaktionen zu katalysieren und inwieweit wird die Teilnahmen an Europäischen Wahlen dadurch beeinflusst? Der Artikel berücksichtigt dabei einen mehrstufigen Aufbau der Europäischen Union und möchte genau aufzeigen, inwieweit die Machtübertragung vom nationalen auf supranationalem Niveau mit oder ohne einer entsprechenden Präsenz von nationalen Repräsentanten in den Entscheidungszentren der EU vollzogen wird, ob ein ausreichendes Maß an Koordinierung der Vertretung nationaler Interessen auf Europäischer Ebene stattfindet und ob sie durch eine fortgeschrittene europäisierte Elite begleitet wird. Diese beiden Faktoren werden als kritisch für eine bessere Eingliederung in die Europäische Sphäre betrachtet. Darüber hinaus sind wir bestrebt, die Auswirkungen der Rechtsstaatlichkeit zu diskutieren, welche mit dem Lissabon Vertrag ein integraler Bestanteil der Europäischen Konstruktion geworden sind; vor allem die des umgekehrten Subsidiaritätsprinzips. Im zweiten Teil analysiert der Artikel die Art und Weise, wie die Eingliederung von nationalen Bereichen in den Europäischen Raum Auswirkungen auf die Phänomene des Euroskeptizismus und der Enthaltung bei den Europawahlen produziert, d.h. am Fallbeispiel von zwei wesentlichen Ländern in der Mittel und Osteuropäischen Region: Polen und Rumänien.

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE : DILEMMES DE LÉGITIMITÉ NICOLAE PAUN/ADRIAN-GABRIEL CORPADEAN L’élargissement de l’Union européenne aux États de l’Europe centrale et orientale a mis fin à la scission politique et économique du continent amorcée lors de l’installation du rideau de fer. Certes, la première de ces vagues a inclus également Chypre et la République de Malte, mais, compte tenu de leur parcours historique, nous ne les inclurons pas dans cette recherche. Du point de vue institutionnel, ce processus politique dont l’importance est indéniable pour le destin d’un continent secoué par deux guerres mondiales et un demi-siècle de totalitarisme, a demandé une adaptation du cadre décisionnel de l’Union européenne, afin que ces nouveaux États-membres puissent intégrer l’architecture communautaire. Ce processus s’est avéré d’autant plus difficile que le besoin d’accroître le nombre de postes et d’écouter davantage de voix dans les institutions européennes a été accompagné de la nécessité de garder les mécanismes de décision spécifiques au cadre communautaire, marqués par un mélange de supranationalisme et d’inter-gouvernementalisme, et par un transfert de souveraineté unique au monde. Il ne fait pas de doute que l’une des transformations les plus importantes de ce processus a été la reconfiguration de la seule institution communautaire directement élue par les citoyens, dont le rôle législatif a acquis de plus en plus d’importance tout au long des dernières décennies. Du point de vue numérique, c’est le Traité de Nice qui a établi une nouvelle distribution des places allouées à chaque État membre au Parlement européen, et ce même si le Traité d’Amsterdam, avait limité le nombre des députés à 700. Suite au Traité de Nice, le nombre des mandats parlementaires est passé à 732, conformément à la Déclaration no. 20 annexée à l’Acte final de la conférence intergouvernementale. En fait, les anciens États membres ont perdu 91 places, et on a ajouté les 50 places allouées à la Roumanie et à la Bulgarie, qui n’ont pas été intégrées au cours de la première vague d’élargissement à l’Est1. Plus tard, en 2007, l’inclusion des deux pays a augmenté le nombre total des parlementaires à 785. Le Traité de Lisbonne a quant à lui plafonné le nombre total des membres du Parlement à 751. La proportionnalité dégressive octroie 96 députés à l’État le plus peuplé (Allemagne) et 6 aux nations les moins nombreuses 5chypre, Estonie, Malte et Luxembourg)2. Le suffrage européen de 2004 et celui de 2009 ont été les élections transnationales les plus importantes du point de vue quantitatif, grâce à un électorat de 342 millions3 et, respectivement, 375 millions citoyens européens4. Néan1 2 3

NUGENT, N., The Government and Politics of the European Union, Duke University Press, 2006, p. 110. TATHAM, A. F., Enlargement of the European Union, Kluwer Law International, 2009, p. 414415. WODAK, R., The discourse of politics in action: politics as usual, Palgrave Macmillan, 2009, p. 65.

218

NICOLAE PĂUN/ADRIAN-GABRIEL CORPĂDEAN

moins, la présence aux urnes a été inférieure aux prévisions, provoquant une série de questions et de déceptions. Pour les nouveaux États membres, ces élections ont marqué la première participation aux mécanismes démocratiques communautaires. Politiciens et partis politiques, qui ont tenté d’adopter un message européen proche des besoins des citoyens. Ce qui est important, c’est que dans cette Nouvelle Europe, le niveau de confiance dans la construction européenne avait été considérable au moment des négociations pour l’intégration. Celle-ci était un dessein national et devait apporter l’économie de marché fonctionnelle, le bienêtre social, l’État de droit et le respect pour des valeurs qui avaient été souvent inexistantes pour les Européens situés au-delà du rideau de fer durant plus de quatre décennies de totalitarisme. En dépit de ce soutien manifesté par les citoyens de la Nouvelle Europe à l’égard du projet européen, ceux-ci n’ont pas éprouvé le même enthousiasme lors des élections pour le Parlement européen, refusant pour la majorité d’entre eux, de participer activement à ce moyen de décision de l’agenda communautaire. Ceci est d’autant plus étrange que la participation aux suffrages pour le PE en Europe centrale et orientale a été inférieure même à celle des États membres expérimentés, eux-mêmes apathiques et traditionnellement critiques envers l’avancement de l’intégration. Puisque cet absentéisme est une réalité indéniable, il s’avère utile d’essayer de présenter quelques explications possibles, en s’appuyant sur des données statistiques et des sondages conçus par des institutions représentatives dans le contexte des élections pour le Parlement européen en 2004 et en 2009. Le contraste entre les prévisions et les résultats finaux engendre des explications complexes, vu que les citoyens européens semblent avoir perçu cet exercice démocratique comme une sorte d’élections nationales de rang secondaire. La compréhension de cette approche nous permettra de déceler les principaux dilemmes de légitimité nés autour des suffrages pour le PE, une légitimité transversale-européenne, d’une nature politique et systémique.

I. Les causes de l’absentéisme parmi les citoyens de la Nouvelle Europe Si l’on recourt à une analyse surtout quantitative des données statistiques et des sondages postélectoraux effectuées suite aux élections de 20045 et 20096, une conclusion alarmante est que la présence aux urnes à travers l’Union européenne n’a été que de 45,7% en 2004 et, encore pire, de 43% en 2009. On constate déjà depuis 1979 dans les États membres anciens, un recul du taux de participation à ce suffrage, mais ce qui est surprenant, c’est que dans les États de l’Europe centraleorientale, cette participation est encore plus faible, nettement en dessous de la moyenne de l’Europe occidentale. Pour les citoyens de la Nouvelle Europe, l’idée 4 5 6

MAIER, M.; LEE KAID, L.; STRÖMBÄCK, J., Political Communication in European Parliamentary Elections, Ashgate Publishing, 2013, p. 112. Post European elections 2004 survey, Flash Eurobarometer 162, juillet 2004, http://ec. europa.eu/public_opinion/flash/FL162en.pdf. Accès : 21.09.2014. Post-electoral survey 2009, Special Eurobarometer 320, novembre 2009, http://www. europarl.europa.eu/pdf/eurobarometre/28_07/EB71.3_post-electoral_final_report_EN.pdf. Accès : 21.09.2014.

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

219

de participer au premier suffrage européen après leur intégration aurait été un acte symbolique, mais, en 2004, seulement 26,9% d’entre eux ont exercé leur droit de vote. Cinq and plus tard, l’absentéisme y est devenu encore plus grave, de sorte que six États de l’Europe centrale-orientale sont à la tête du classement de l’absentéisme : la Slovénie, la République Tchèque, la Roumanie, la Pologne, la Lituanie et la Slovaquie – cette-dernière détenant le record en matière d’absentéisme autant en 2004 qu’en 2009. Un indicateur intéressant compare le taux de participation des citoyens aux élections européennes de 2004 et aux suffrages nationaux. Il en ressort des disparités très prononcées, mais aussi très graves (bleu foncé – élections européennes, bleu clair – élections nationales).

Taux de participation aux élections européennes et nationales en Europe centraleorientale, Post European elections 2004 survey, Flash Eurobarometer 162, juillet 2004, p. 5. Ces chiffres inquiètent d’autant plus que les élections de 2004 ont été une opportunité, finalement non saisie, pour les nouveaux citoyens européens de participer à un acte démocratique majeur. Tous les discours le soulignent à l’envi. En revanche, 49,5% des électeurs de l’UE-15 ont voté, même si là également le taux de participation aux suffrages pour les parlements nationaux a été supérieur d’environ 30%, comme en Europe centrale-orientale. Force est donc de constater une tendance lourde à travers l’Union européenne. Si, en 2009, la présence au vote pour le Parlement européen est restée faible, la différence entre cet indicateur et la participation aux élections nationales a diminué. Toutefois, en 2009, 33% des personnes ayant voté pour les parlements nationaux ne se sont pas présentées au suffrage pour le Parlement européen. Un autre indicateur intéressant est la comparaison entre la présence aux urnes en Europe centrale-orientale pour le PE en 2004 (2007 dans le cas de la Roumanie et de la Bulgarie) et en 2009. En effet, il s’avère impossible de tracer une tendance générale, puisque les différences entre les États de la région ont été très prononcées : en Lettonie et en Bulgarie, la participation a doublé, en Estonie elle a augmenté de 10%, en Pologne de 5% et en Slovaquie de 2,7%.A l’inverse, la présence aux urnes a baissé en Roumanie, tandis qu’en Lituanie, elle a chuté de 48%

220

NICOLAE PĂUN/ADRIAN-GABRIEL CORPĂDEAN

à 21%. Quelles sont, donc, les raisons invoquées par les citoyens pour justifier cet absentéisme? Si l’on se fie à l’Eurobaromètre, partout dans l’Union européenne, les principales raisons de cet absentéisme mentionnaient des sentiments négatifs à l’égard de la politique, et n’étaient pas dirigées contre les institutions ou le fonctionnement de l’UE. Il est vrai, d’autre part, que dans les anciens pays communistes, l’aversion envers la politique a été mentionnée en tant que cause de l’absentéisme aux élections pour le Parlement européen par 34% des citoyens, tandis qu’à l’ouest, seulement 19% des électeurs ont exprimé cette attitude. Voilà une preuve supplémentaire des dégâts causés par les régimes totalitaires et des difficultés issues des périodes de transition intervenues. Pour apporter un autre exemple statistique à cette situation, il faut ajouter que le nombre des citoyens qui se sont déclarés apolitiques a été de 21% en Europe centrale-orientale, contre 12% dans l’UE-15. En outre, l’idée que le vote individuel est incapable d’exercer une influence sur la politique a été soutenue par 14% des citoyens de la Nouvelle Europe, en 2004, contre 8% en Europe occidentale, traduisant une moindre confiance en la classe politique des citoyens des nouveaux entrants dans l’espace communautaire. C’est toujours en Europe centrale-orientale qu’on a constaté une relation plus claire entre la méfiance en la politique et l’absentéisme aux élections en général, autant en 2004, qu’en 2009. Les champions à ce propos ont été la Pologne, la Slovaquie et la République Tchèque, où le taux de méfiance envers la politique se situait autour de 40%, l’apolitisme entre 19% et 34% et l’absentéisme à une moyenne de 79% en Pologne, 83% en Slovaquie et 72% en République Tchèque. Si l’on y ajoute la Roumanie et la Bulgarie, où environ 45% de la population de la première nommée déclarait se méfier de la politique en 2009, tandis que 31% des Bulgares considéraient le vote comme dénué de conséquences, la réalité est encore plus parlante. Une analyse du phénomène révèle que l’apolitisme est plus évident en Europe centrale-orientale qu’en occident, étant donné que 33% des citoyens de la Nouvelle Europe se déclaraient proche d’un parti politique en 2004, contre 53% des Occidentaux. Pour clarifier davantage encore, en 2009, seulement 26% des Roumains se trouvaient dans une telle situation, ce qui est explicable par l’instabilité de la vie politique, la volatilité des partis et des alliances, la mauvaise gouvernance et les coûts économiques et sociaux d’une transition difficile. À cela s’ajoutent les carences visant l’information et la promotion tant des élections européennes que des candidats, dont la campagne électorale a été plus modeste que celle organisée à l’occasion des élections nationales. Il y a ici de nouveau une approche différente dans les deux parties du continent, comme dans le cas des campagnes de stimulation de la présence au vote, au cours desquelles 40% des Occidentaux ont été atteints par la démarche en 2004, contre un quart des estEuropéens. Même si la situation à ce propos semble s’être améliorée, grâce à l’implication massive du secteur non-gouvernemental, la communication reste malgré tout un point déficitaire des campagnes pour les élections du Parlement européen7.

7

MAIER, M.; LEE KAID, L.; STRÖMBÄCK, J., op. cit., p. 114-115.

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

221

II. Objectifs, particularités et entraves en Europe centrale-orientale A. Le rapport entre les élections européennes et les scrutins nationaux On rencontre souvent l’idée que le manque d’intérêt de la part de l’électorat esteuropéen à l’égard des scrutins pour le Parlement européen est dû à leur perception comme élections nationales de second rang8. Ainsi, à la différence des élections nationales (parlementaires ou présidentielles), l’enjeu des scrutins européens est moins clair et spectaculaire pour les citoyens. Tandis que les suffrages nationaux sont susceptibles d’apporter le changement de gouvernement, ce qui rend le débat politique très visible, les élections européennes sont moins attrayantes, en raison de leur impact immédiat, réduit sur le plan social ou économique. Par la suite, la motivation des électeurs est ainsi moindre, le nombre des votes invalidés est plus grand et le résultat n’est pas forcément en concordance avec celui des élections nationales : l’essor de petits partis et la défaite des coalitions de gouvernement sont des résultats possibles. Pourtant, trois décennies après les premières élections directes pour le Parlement européen, le Traité de Lisbonne les rend dorénavant plus importantes dans l’architecture décisionnelle de l’Union européenne, grâce à la stipulation qui prévoit que la désignation du président de la Commission tienne compte des résultats obtenus lors du scrutin européen9. Si l’on tient compte des données statistiques disponibles depuis 1979, il paraît que la théorie des élections de rang secondaire a été confirmée par les scrutins de 2004 et 2009. Le nombre des électeurs a été très bas, même en Europe centraleorientale, et, les campagnes électorales ont été dominées par des sujets nationaux. Les citoyens ont souvent sanctionné leurs propres gouvernements et l’attraction pour les extrêmes s’est avérée considérable. De la sorte, le Parlement européen inclut à présent des formations politiques qui militent pour le démantèlement de l’Union européenne10.

B. Le rôle des partis politiques dans le scrutin européen La perspective adoptée par les partis politiques à propos des élections européennes est intéressante, car elle reflète souvent la vision des citoyens à l’égard de l’Europe. Ainsi, il arrive que les candidats désignés pour ce suffrage soient des candidats de second rang, à la recherche de prestige au sein du Parlement européen. Pour ce qui est de la campagne électorale, elle est en général peu suivie par les citoyens et dominée par des sujets nationaux. Ces facteurs apportent leur pierre à l’absentéisme, puisque les politiciens les plus votés sont ceux qui bénéficient d’une réputation solide. Or, il y a peu de cas où ceux-ci choisissent de participer aux élections européennes, afin de rebâtir leur position politique et de re8 9 10

GOETZ, K. H.; MAIR, P.; SMITH, G., European Politics: Pasts, Presents, Futures, Routledge, 2013, p. 153 et RICHARDSON, Jeremy John, European Union: Power and Policy-making, Psychology Press, 2006, p. 138. Article 9D, paragraphe 7 du Traité de Lisbonne, Journal officiel de l’Union européenne, 306/10, 17.12.2007. KÜLAHCI, E., Europeanisation and Party Politics: How the EU affects Domestic Actors, Patterns and Systems, ECPR Press, 2014, p. 5-6.

222

NICOLAE PĂUN/ADRIAN-GABRIEL CORPĂDEAN

venir ensuite dans le cadre national. Un autre cas est celui où ces politiciens optent pour une sorte de « retraite politique » au Parlement européens, après avoir été écartés de la politique nationale11. Dans les nouveaux États membres, il arrive que l’activité européenne d’une personnalité politique lui confère une légitimité suffisamment grande pour faciliter une ascension ultérieure au sein du milieu politique national. Dans ce cas, les élections européennes peuvent devenir l’impulsion qui engendre un nouveau parti politique, regroupé autour d’un ancien dignitaire européen, mais également bien présent dans la sphère nationale. Par exemple, nous pouvons mentionner Magdalena Kuneva, qui a occupé le poste de commissaire européen pour le développement régional entre 2007 et 2009 et dont le parti fondé ultérieurement a gagné deux sièges dans le Parlement européen en Bulgarie12. En outre, en Lituanie, les élections présidentielles ont été gagnées par l’ancien commissaire européen pour le budget et les finances, Dalia Grybauskaite, en tant que candidat indépendant. Pour ce qui est des ressources utilisées par les partis lors des élections européennes, elles représentent 10 à 30% de celles mobilisées pour les élections nationales. Ceci est, en effet, règlementé en Pologne, où les dépenses pour les élections européennes sont limitées par la loi électorale à 30% de celles réservées aux nationales. Voilà quelques facteurs qui rendent plus compréhensible le manque d’information des citoyens à propos des thèmes véhiculés lors des élections pour le Parlement européen, ce qui déclenche, de façon inhérente, une faible participation. Pour rendre les choses plus claires, il faudrait citer un sondage effectué en 200813, lorsque 52% des Roumains et 51% des Bulgares déclaraient que le critère selon lequel ils allaient voter pour les candidats au Parlement européen était leur opinion à propos des sujets de politique nationale. En revanche, seulement 28% et, respectivement, 23% des citoyens des deux pays considéraient plus importante la position des candidats sur les sujets européens. De ce point de vue, la situation dans les nouveaux et les anciens États membres n’est pas essentiellement différente, quoique l’habitude dans ces derniers de participer à la vie politique européenne permette à 37% des citoyens d’apprécier l’importance du message européen des candidats, contre 36% qui se penchent plutôt vers les sujets nationaux. Comme les citoyens ne manifestent pas un intérêt extraordinaire à l’égard des thèmes européens, les partis politiques ne développent pas un message centré sur ces sujets, de sorte que, comme nous l’avons déjà souligné, les élections européennes deviennent trop souvent un exercice préparant les nationales. Pour illustrer ce point de vue, nous pouvons nous tourner vers le cas de la Roumanie, qui, en 2009, a regardé le vote pour le Parlement européen comme une prévision éventuelle du résultat des élections présidentielles prévues à la fin de cette année-là, les candidats à ces-dernières y ayant pris part activement. Les débats se sont alors focalisés éminemment sur des questions liées à la politique intérieure. 11 12 13

MARTIN, S.; SAALFELD, T.; STRØM, K. W., The Oxford Handbook of Legislative Studies, Oxford University Press, 2014, p. 593. LYUBENOV, M., « Bulgaria », in GAGATEK, W. (ed.), The 2009 Elections to the European Parliament – Country Reports, European University Institute, Florence, 2010, p. 56-57. The 2009 European elections, Special Eurobarometer 299, septembre 2008, p. 22, http://ec. europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_299_en.pdf. Accès: 21.09.2014.

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

223

Une situation similaire a été vécue en 2009 en Bulgarie, tandis qu’en République Tchèque, la campagne électorale pour le Parlement européen a été un test pour les élections générales d’octobre. Il serait, toutefois, erroné de généraliser, en affirmant que dans tous les pays de l’Europe centrale-orientale, la situation exposée ci-dessus a été une constante, vu que le cas de la Lituanie se présente différemment. Les sujets débattus lors des élections européennes de 2009 ont inclus un nombre notable de questions d’intérêt européen, comme la dépendance énergétique de l’UE envers la Russie, la participation de la Lituanie aux efforts dirigés par l’UE contre les effets de la crise économique, les critères de convergence pour la zone euro, ou bien les partenariats promus entre la Lituanie et d’autres pays membres. Malgré ces efforts, la présence aux urnes n’a été que de 20,92%, d’autant plus que les Lituaniens considèrent le Parlement européen comme moins important que la Commission et le Conseil. L’absentéisme y a progressé de 28% par rapport au suffrage de 200414. Ce qui est remarquable lors de ces élections, c’est que le militantisme entourant des sujets épineux, comme la ratification du Traité de Lisbonne ou la balance institutionnelle dans l’Union européenne, ne produit pas de résultats spectaculaires lors du suffrage européen, et ce à cause de l’absence d’une dimension nationale proéminente. Cette théorie peut être soutenue en recourant à l’exemple du parti Libertas Europe, qui a tenté d’établir une liste unique de candidats pour les élections européennes en provenance de plusieurs États membres. Ces listes ont été enregistrées dans 12 pays, à l’ouest comme à l’est. Ce parti soi-disant transnational avait pour idée principale le refus de l’approfondissement de la démarche d’intégration européenne, telle qu’elle a été envisagée par le Traité de Lisbonne. Cette approche n’a apporté à ce parti qu’un seul mandat au Parlement européen15. En fait, même à l’échelle supranationale, les grands partis du Parlement européen sont trop peu présents dans les campagnes électorales, bien que ceci soit en train de changer, en vertu du rapprochement des plateformes politiques des partis nationaux qui appartiennent à une alliance européenne ou à une autre, selon les sujets débattus. L’Europe est d’ailleurs souvent peu présente dans les débats et compétitions nationales, et ce même au sein des partis relevant de ces alliances européennes.

C. Les élections européennes : des sanctions contre les gouvernements nationaux en Europe centrale-orientale Les statistiques visant les élections européennes de 2009 nous montrent que dans 23 États, les coalitions gouvernementales ont perdu les élections, la gauche étant celle qui a été particulièrement sanctionnée par l’électorat16. De ce point de vue, les résultats ont manifesté la nature « européenne » du scrutin, comme le montre 14 15 16

MIEŃKOWSKA-NORKIENE, R.; KAVOLIUNAITE, E., « Lithuania », in GAGATEK, W. (ed.), op. cit., p. 122. Parlement européen, Les résultats par pays (2009), http://www.europarl.europa.eu/ aboutparliament/en/00082fcd21/Results-by-country-(2009).html?tab=27. Accès: 21.09.2014. PHINNEMORE, D.; MCGOWAN, L., A Dictionary of the European Union, Routledge, 2013, p. 280.

224

NICOLAE PĂUN/ADRIAN-GABRIEL CORPĂDEAN

à travers l’Union européenne le combat et les discours contre l’austérité aux coûts sociaux sévères déclenchée par la crise. Ainsi, les résultats des élections ont dénoté une certaine synergie entre le niveau national et l’européen, caractérisée par le déclin de la gauche17. La Roumanie représente l’une des exceptions à cet égard, car, bien que le vote ait été dirigé contre le gouvernement, c’est la gauche qui a gagné, dans le cadre d’une alliance entre le Parti social-démocrate et un parti conservateur. D’autre part, le cas de la Hongrie18 présente le meilleur exemple de sanction contre la gauche, décidée par l’électorat sous les auspices de la récession économique. Un scandale généré par la publication dans les médias de quelques déclarations faites par le premier ministre Ferenc Gyurcsany, traduisant la tromperie dont aurait été victime la population, a provoqué une radicalisation rapide de la scène politique19. Un déficit de 9%, la dévalorisation de la monnaie nationale, la situation précaire des crédits immobiliers, les démonstrations et la tension créée par l’impuissance de l’exécutif ont provoqué la baisse de la popularité des socialistes, qui passent de 48%, en 2006 à 22%, trois ans plus tard. Devant ce mécontentement général, le premier ministre a présenté sa démission en mars 2009, mais ceci n’a guère résolu le problème, car le nouveau gouvernement technocrate a réduit les bénéfices sociaux et a augmenté les impôts, ce qui a ramené sa popularité au même niveau que celle de l’exécutif précédent. Sans doute, la confiance de la population en la classe politique a diminué, déclenchant automatiquement une croissance de l’euroscepticisme, de façon telle qu’en automne 2008, seulement un tiers de la population hongroise percevait l’appartenance à l’Union européenne comme une chose positive. Profitant de ce moment, le parti Fidesz a transformé le scrutin européen en un plébiscite dirigé contre le gouvernement. Les sujets européens ont pratiquement disparu d’une campagne électorale radicalisée, caractérisée par l’attraction des extrêmes – autant Jobbik, situé à droite, que les communistes. Un parti de la minorité rom, qui espérait gagner davantage de droits à l’occasion des élections européennes, a été parmi les seules formations politiques qui aient promu un message supranational à cette occasion. Le taux de participation des Hongrois au scrutin pour le Parlement européen de 2009 a été de 36%, donc moins qu’aux élections nationales. Les socialistes et les libéraux sont descendus pour la première fois après 1990 en dessous du seuil psychologique de 20%, tandis que l’extrême droite a enregistré le meilleur résultat de l’histoire postcommuniste de la Hongrie, avec 15%. Le parti de Viktor Orban a quant à lui obtenu les voix de 56% de l’électorat. En Pologne20, les élections de 2007 ont permis aux partis de centre-droit, héritiers Solidarité, de regagner du terrain, au détriment de la gauche. En même temps, l’opposition de la population à l’égard de l’appartenance du pays à l’Union européenne a décru considérablement, jusqu’à 14%, tandis que plus de 60% des Polonais évaluaient les premières années de participation à la Communauté comme favorables. En revanche, plus de 30% de l’électorat éprouvait un 17 18 19 20

CRONIN, J. E.; ROSS, G. W.; SHOCH, J., What’s Left of the Left: Democrats and Social Democrats in Challenging Times, Duke University Press, 2011, p. 82. BATORY, A., « Hungary », in GAGATEK, W. (ed.), op. cit., p. 101-105. WOLCHIK, S. L.; LEFTWICH CURRY, J., Central and East European Politics: From Communism to Democracy, Rowman & Littlefield, 2011, p. 223. GAGATEK, W.; GRZYBOWSKA-WALECKA, K.; ROZBICKA, P., « Poland », in GAGATEK, W. (ed.), op. cit., p. 137-141.

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

225

désintérêt envers les élections européennes et 37% des Polonais ne voulaient pas y participer. En raison de ce manque d’intérêt, à laquelle on ajoute la faible connaissance du rôle et du fonctionnement du Parlement européen, la lutte politique a été menée autour de sujets appartenant exclusivement au niveau national. Quoique la ratification du Traité de Lisbonne par le président Kaczynski ait été un thème longuement discuté au niveau européen, le sujet semble avoir été peu important pendant la campagne européenne en Pologne. Pour le parti de gouvernement, le PO, un argument décisif a été la présence sur la liste de Jerzy Buzek, qui a été justement présenté comme un candidat potentiel à la présidence du Parlement européen. Pour la Pologne, un tel poste situé au sommet de la représentation institutionnelle communautaire signifiait, au moins dans les yeux de l’électorat, une voix dans le mécanisme décisionnel. En outre, le résultat du scrutin a confirmé cette perspective, accompagnée par le renforcement de la position des partis de droite, bien que la participation n’ait été que de 24,35%, en 2009.

D. Partis non-conventionnels, partis antisystèmes Les deux derniers scrutins européens ont marqué l’ascension des partis populistes et de la droite radicale21, souvent antisystèmes, en raison du mécontentement général à l’égard de la classe politique amplifié par leur message justicier dirigé contre la corruption fort présente en Europe centrale-orientale. Les partis extrémistes ont gagné, en 2009, une position importante, non seulement grâce à leur message profondément anti-européen, mais aussi en raison de leur radicalité envers les thèmes domestiques, transposés plus ou moins artificiellement sur le plan supranational. Les exemples en sont nombreux, si l’on mentionne Jobbik, en Hongrie, qui a blâmé les minorités du pays pour tous les maux identifiés sur le plan social, mais dont le succès traduit un mécontentement de l’électorat à l’égard de la classe politique22. Pour ce qui est de la Roumanie, l’accès au Parlement européen de plusieurs membres des partis comme la Nouvelle génération ou la Grande Roumanie y a apporté leurs messages populistes, situés dans un registre justicier et sonore.

E. Particularités des élections pour le PE en Europe centrale-orientale Au-delà des éléments qui transcendent la division historique de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, il importe de souligner quelques aspects qui appartiennent à un contexte plus récent, lié aux mutations sociales, politiques et économiques manifestées après 1989 et à leurs conséquences qui n’ont pas trouvé de solution depuis la disparition du bloc communiste. Le soutien dont l’UE jouit parmi la population des États centraux-est-européens coexiste de façon paradoxale avec la faible compréhension des attributions des institutions et des politiques communautaires. En plus, la confiance dans les institutions européennes dépasse celle attribuée aux institutions nationales, ce qui est un trait particulier des anciens pays communistes. De ce fait les élections européennes devraient 21 22

VON MERING, S.; WYMAN MCCARTY, T., Right-Wing Radicalism Today: Perspectives from Europe and the US, Routledge, 2013, p. 33. ASHER SMALL, C., Global Antisemitism: A Crisis of Modernity, Martinus Nijhoff Publishers, 2013, p. 226-227.

226

NICOLAE PĂUN/ADRIAN-GABRIEL CORPĂDEAN

donc bénéficier d’un intérêt plus important. La participation au scrutin y reste cependant assez faible. Une explication possible de ce phénomène est que l’intégration européenne a été longuement perçue comme un chemin pénible vers un modèle de développement économique, caractérisé par une stabilité institutionnelle tellement souhaitée. L’Union européenne a été, ainsi, perçue comme une finalité consensuelle, et non pas comme un moyen négociable. Il ne faut pas négliger le fait que les sujets liés à la politique européenne sont compliqués, pour une grande partie des citoyens de cette Nouvelle Europe, qui souffrent inévitablement d’un certain complexe d’infériorité. Puisque les décalages entre l’est et l’ouest sont encore évidents, la perception du dernier arrivé repose sur le sentiment qu’il ne sera jamais traité de partenaire égal au sein de l’Union européenne par les États forts et dominants du point de vue économique. Si l’on y ajoute l’idée souvent véhiculée en Europe centrale-orientale que les pays développés avaient besoin d’un élargissement vers l’est seulement pour des raisons mercantiles, l’absentéisme aux scrutins européens devient plus compréhensible. Ces visions peuvent être combattues lors des présidences de l’UE exercées par les pays d’Europe centrale et orientale. Dans les cas où cela s’est présenté, des résultats positifs ont été obtenus. Certes, l’une des réalités qui a amplifié l’essor des partis extrémistes, antisystèmes, en Europe centrale-orientale, a été la corruption. L’extrême droite a également misé sur les tensions ethniques. Il y a aussi des exceptions, comme la Lituanie, où ce genre de formations politiques n’est pas présent dans la vie politique, tandis que les partis anti-européens n’obtiennent que des résultats insignifiants. D’autre part, la Lituanie inclut 15 partis actifs dans le spectre politique, ce qui représente une situation commune dans cette Nouvelle Europe, où il s’avère encore très difficile de construire et de maintenir un équilibre et une tradition qui soient capables d’engendrer une alternance stable et de gagner le soutien de l’électorat23. Néanmoins, il ne faut pas oublier que la pluralité politique, les droits de l’homme, l’État de droit et beaucoup d’autres valeurs y ont manqué pendant un demi-siècle, ce qui explique l’association des valeurs politiques occidentales à l’idée d’indépendance même. Dans des pays comme la Lituanie, l’attitude de la classe politique envers la Russie a provoqué une scission notable entre la droite et la gauche, par exemple lors des élections européennes de 2009, la première considérant le grand État voisin une menace24.

III. Dilemmes de légitimité dans les élections européennes Ayant passé en revue les raisons qui pourraient expliquer l’absentéisme grave lors des élections européennes, aussi bien que ses causes politiques et historiques beaucoup plus, il s’avère important dans cette partie conclusive de notre texte de souligner le principal dilemme de légitimité qui semble avoir accompagné ce suffrage et qui se manifeste des deux côtés du continent. Celui-ci peut être défini comme un manque de balance entre l’input et l’output du processus électoral, 23 24

ROPER, S. D.; IKSTENS, J., Public Finance and Post-communist Party Development, Ashgate Publishing, 2008, p. 39. GALBREATH, D. J.; LAŠAS, A.; LAMOREAUX, J. W., Continuity and Change in the Baltic Sea Region: Comparing Foreign Policies, Rodopi, 2008, p. 136-137.

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

227

menant à une syncope de la légitimité. D’une part, si l’électorat a la chance offerte par les traités constitutifs d’élire directement les membres du Parlement européen, la seule manière dont ce droit peut être exercé est en optant pour des listes nationales, créées par les partis politiques nationaux. Face à une telle réalité, il est naturel que la demande de l’électeur en matière de message politique soit tout d’abord nationale. Comme réponse, il reçoit une offre politique limitée, d’une importance secondaire, faible du point de vue des moyens mis en œuvre. D’autre part, le même électeur décide dans un cadre national de la structure d’une institution politique paneuropéenne, supranationale. Le segment de candidats à propos desquels il exprime son option politique est ainsi érigé au rang de représentants légitimes de tous les citoyens européens – c’est-à-dire, aussi des citoyens des autres pays membres, qui n’ont jamais voté pour eux, même s’ils ont participé au suffrage. La distribution des lieux dans le Parlement européen dépend des groupes politiques transnationaux, exerçant leur influence en bloc sur la vie politique européenne et le processus décisionnel démocratique à la même échelle. Or, la présence de ces groupes politiques, autrement dit des listes de candidats de ces partis paneuropéens, dans l’étape d’input, paraît être le lien qui manque dans ce système, où il y a un contraste entre l’étape nationale de ramassage de votes et la phase supranationale, qui gère ou organise le résultat du suffrage européen. Ayant à sa portée des listes nationales de candidats des partis qui se disputent sur la scène politique nationale, l’électeur est obligé de border son option dans des paramètres nationaux. Une liste européenne signifierait le besoin de différencier entre les niveaux politiques européen et national, par le biais des messages des acteurs politiques, ce qui apporterait davantage de légitimité aux sujets européens qui sont prioritaires. En outre, la spécificité des messages de certains partis politiques, bâtie exclusivement au niveau national, radicalisée parfois dans le même contexte, pourrait être diluée dans un milieu plus large, européen, ce qui diminuerait l’influence des courants extrémistes et eurosceptiques. Les partis non-conventionnels ont la chance d’atteindre le succès seulement au niveau national, en raison de leur dimension réduite et de leurs messages très ponctuels, éphémères, et spéculant sur des situations politiques concrètes, clairement localisées. Projetées à l’échelle continentale, ces idées auraient de la peine à devenir compatibles, générales, comme dans le cas du parti Libertas Europe. Une preuve est le fait même que, malgré leur essor, l’influence des partis extrémistes reste faible au Parlement européen, étant donné le regroupement des forces politiques suite aux élections en groupes politiques, dont les socialistes, les populaires, les libéraux et les verts ont détenu constamment, depuis 1979, environ 80% des sièges. Devant la crise qui a affecté la zone euro et les difficultés socio-économiques qui, étant donné le degré d’interdépendance économique des États membres, ne peuvent être combattues que par des solutions et des décisions communes, il est souhaitable que l’intérêt des citoyens pour ces actions augmente. Du point de vue institutionnel, selon le soi-disant « Parlemètre » pré-électoral publié en décembre 201325, le Parlement européen est de loin la première institution communautaire à laquelle les citoyens pensent lorsqu’il s’agit de l’Europe. Pour 60% des Bulgares, 25

Eurobaromètre du Parlement européen (EB/PE 79.5), Bruxelles, décembre 2013, http://www. europarl.europa.eu/pdf/eurobarometre/2013/election3/SyntheseEB795ParlemetreFR.pdf. Accès: 22.09.2014.

228

NICOLAE PĂUN/ADRIAN-GABRIEL CORPĂDEAN

Roumains, Slovaques et Lituaniens, c’est l’institution qui représente le mieux l’Union. Presque la moitié des citoyens européens souhaitent un renforcement du rôle de cette institution, perçue déjà comme importante par environ 70% de la population de l’UE. Néanmoins, pour l’instant, l’intérêt pour des thèmes nationaux persiste, quoiqu’il y ait plus d’Europe que d’habitude, dans un contexte où la crise financière affecte toujours une monnaie unique présente dans les poches de plus de 60% des citoyens de l’UE. Les dilemmes de légitimité consécutives à la segmentation nationale d’un scrutin perçu comme universel persistent, donc, autant dans la Vieille, que dans la Nouvelle Europe.

EUROPEAN ELECTIONS IN CENTRAL AND EASTERN EUROPE: LEGITIMACY DILEMMAS It is evident that the new prominence gained by the European Parliament, amid the prolonged process of EU institutional reform, has rendered the European elections more important, not only in the older Member States, but also in what we are entitled to refer to as the New Europe. Thus, the 2004 and 2009 elections played not only a significant political role, but also a symbolic one. Nevertheless, a paradox arises, given the support offered to EU integration within the central and eastern parts of the Union, which is not reflected in the turnout rates in the European elections in this part of the continent. The most obvious consequence of this disturbing phenomenon is the insufficient legitimacy granted to the only directly elected institution of the EU, which is all the more reason to analyse the causes of this absenteeism. One may be tempted to state that it is indicative of a general trend prompting citizens to be less concerned about the electoral process taken as a whole, but this is somewhat contradicted by the turnout rates in national elections in Eastern-Central Europe, although notable differences between the Member States do not enable us to establish a clear pattern in this respect. Furthermore, our study focuses on a series of concrete elements which are likely to provide explanations for the absenteeism in EU elections, including apolitical sentiments, mistrust of political parties, as well as severe communication problems in the process of connecting with the electorate in a genuine European debate. It appears that the theory associating EU elections with a second-level democratic process has been confirmed within the Central-East European framework, but there are undoubtedly more phenomena that play a role in this thorny matter. Some examples include the manner in which national politicians perceive the elections for the European Parliament, often through the lens of their political careers, or the extent to which the latter are willing to tackle issues pertaining to the whole EU space to the detriment of more appealing national topics. As far as the electorate is concerned, voting for the European Parliament has often proven to be a convenient way of sanctioning one’s own government – which for instance would account for the situation in Hungary back in 2009 – whilst fueling the rhetoric of extremist parties. These non-conventional political groups have made their way into the European Parliament partly thanks to the support from which they have benefitted in some East-Central European countries, as our article outlines. This being said, the debate surrounding the EP elections in this part

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

229

of the EU often takes place under the auspices of the legitimacy dilemmas inherent in the system, but chiefly noticeable in the New Europe. Our use of both qualitative and quantitative research methods, including such useful instruments as the Eurobarometer, enables us to explain the causes and effects of such problems and to propose some possible solutions for enhancing the legitimacy of the EP elections in the foreseeable future.

DIE EUROPAWAHLEN IN MITTEL- UND OSTEUROPA: DILEMMA DER LEGITIMITÄT Es ist offensichtlich, dass die neu gewonnene Bekanntheit des Europäischen Parlaments inmitten des anhaltenden Prozesses von institutionellen Reformen in der EU die Europäische Wahlen hat wichtiger erscheinen lassen. Dies nicht nur in den erfahrenden Mitgliederstaaten, sondern auch in dem was wir berechtigterweise als das „Neue Europa“ ansehen. Somit haben die 2004 und 2009 Wahlen nicht nur eine signifikante politische Rolle, sondern auch eine symbolische Rolle. Dennoch entsteht ein Paradox bezüglich der gegebenen Unterstützung für die EU Integration in Zentral- und Osteuropa, die in jenem Teil des Kontinents kein Echo beim Ergebnis der Europäischen Wahlen findet. Die offensichtlichste Konsequenz dieses besorgniserregenden Phänomens ist die unzureichende Legitimität, die der einzig direkt gewählten Institution der Gemeinschaft eingeräumt wird. Dies ist daher umso mehr ein Grund dafür, die Ursachen für die Wahlenthaltung zu analysieren. Man könnte vielleicht geneigt sein, zu erklären, dass es ein Zeichen eines allgemeinen Trends der Bürger ist, dem Wahlprozess insgesamt weniger Interesse beizumessen, aber dieser Trend kann bei nationalen Wählerverhalten in Mittel-Ost Europa nicht bestätigt werden, obgleich bemerkenswerte Unterschiede zwischen den Mitgliedsstaaten bestehen und wir diesbezüglich also kein klares Muster bestimmen können. Des Weiteren konzentriert sich unsere Studie auf eine Serie konkreter Elemente, die Erklärungen für die Enthaltung bei den EU Wahlen bieten können, einschließlich unpolitische Stimmungen, Misstrauen in politische Parteien oder starke Kommunikationsprobleme beim Versuch, die Wählerschaft mit einer echten Europäischen Debatte zu verknüpfen. Es erscheint, als ob sich die Theorie, welche die EU Wahlen mit einem zweitklassigen demokratischen Prozess assoziiert, innerhalb des ostmitteleuropäischen Gefüges bestätigt. Jedoch spielen zweifellos mehrere Phänomene eine Rolle in dieser heiklen Angelegenheit. Einige Beispiele betreffen die Art und Weise, wie nationale Politiker die Wahlen für das Europäische Parlament wahrnehmen, oft durch den Blickwinkel ihrer eigenen politischen Karriere, oder in Bezug auf den begrenzten Willen, sich Problemen zuzuwenden, die die gesamte EU betreffen und sich zum Nachteil von mehr ansprechenden nationalen Themen präsentieren. Soweit die Wählerschaft betroffen ist, haben sich die Wahlen zum Europäischen Parlament oft als eine praktische Möglichkeit erwiesen, die eigene Regierung abzustrafen – was beispielsweise für die Situation in Ungarn 2009 zutrifft- und dabei die Rhetorik extremistischer Parteien zu beflügeln. Diese nicht-konventionellen politischen

230

NICOLAE PĂUN/ADRIAN-GABRIEL CORPĂDEAN

Gruppen haben ihren Weg ins Europäische Parlament teilweise dank der Unterstützung, die sie in mittelöstlichen Europäischen Ländern erhalten haben, ebnen können, wie unser Artikel aufzeigt. Dennoch tritt in diesem Teil der EU die Debatte rund um die EP Wahlen oft unter dem Titel der Dilemma der Rechtmäßigkeit auf, die dem System innewohnen und die vor allem im Neuen Europa erkennbar sind. Unsere Anwendung von qualitativen und quantitativen Forschungsmethoden einschließlich so nützlicher Instrumente wie das Eurobarometer machen es uns möglich, die Gründe und Wirkungen solcher Probleme zu erklären und mögliche Lösungen für die Verbesserung der Legitimität der EP Wahlen in der absehbaren Zukunft zu finden.

CONCLUSION WILFRIED LOTH Globalement, les résultats des élections européennes depuis 1979 semblent marquer un rejet croissant de la construction européenne : d’élections en élections, il y a de plus en plus d’abstention, de manifestations d’euroscepticisme ou de signes d’anti-européisme militant. Le pourcentage de ceux qui, d’une façon ou d’une autre, disaient « Non » à l’Europe est passé d’environ 5 % en 1979 à 30 % en 2009. Cependant, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que la progression de l’abstentionnisme n’a pas été constante. Des différences existent entre les paysmembres de l’Union européenne. Dans certains d’entre eux, un regain de participation peut même être constaté. C’est le cas de la Finlande où, après un recul considérable de la participation aux élections entre 1994 et 1999 (60 % en 1994 contre seulement 31 % en 1999), celle-ci remonte en 2004. En 1999, le taux de participation augmente au Portugal (Alice Cunha, Isabel Valente). En 2009, la même évolution est perceptible en Pologne et en Lettonie tandis que la participation baisse en Lituanie. (Nicolae Paŭn, Adrian Corpadean). Les oppositions plus clairement marquées à la construction européenne et englobées sous le terme d’euroscepticisme (pour utiliser de façon pragmatique ce terme imprécis) n’ont pas non plus connu le même développement dans tous les pays-membres et n’ont pas atteint partout les mêmes degrés. Généralement, les taux d’abstention étaient plus élevés chez les nouveaux venus de 2004 et 2007 que parmi les pays membres de longue date de la Communauté européenne. L’élargissement de 2004-2007 a donc contribué au recul général de la participation. Par ailleurs, les différentes composantes de l’euroscepticisme n’ont pas atteint partout le même degré. Nous sommes donc loin d’être confrontés à un seul mouvement anti-européen cohérent. Patrick Moreau fait ce constat en insistant sur la grande diversité des partis communistes et post-communistes dans l’Europe d’aujourd’hui. L’hypothèse d’une corrélation entre augmentation du pouvoir du Parlement européen et augmentation de l’abstentionnisme aux élections européennes – hypothèse évoquée par Marie-Thérèse Bitsch dans son introduction – s’avère donc trop globale pour être convaincante. Afin de mieux apprécier la signification des différents votes, les catégories présentées par Anjo G. Harryvan et Jan van der Harst semblent fort utiles. Ils nous parlent d’un euroscepticisme utilitaire, d’un euroscepticisme politique-institutionnel, d’un euroscepticisme basé sur des valeurs, d’un euroscepticisme idéologique et d’un euroscepticisme qualifié. De même, il faut distinguer l’abstention du vote blanc ou nul comme du vote eurosceptique. En plus, je propose de définir les différentes variantes du soi-disant euroscepticisme à partir de l’idée de la résistance – résistance contre le projet européen dans son ensemble ou bien résistance contre tel ou tel projet européen. En choisissant cette approche, on sera capable de décider dans quelle catégorie les différents acteurs seront à classer. « Anti-européisme », ce serait la résistance principale à tout projet de construction européenne, que celui-ci soit à l’état de projet ou qu’il soit déjà réalisé. Par

232

WILFRIED LOTH

contre, le terme « euroscepticisme » devrait être réservé à la résistance plus ou moins ferme à un approfondissement de la construction européenne, telle qu’elle existe à un moment donné. Finalement, « alter-européisme » serait la résistance à telle ou telle politique européenne ou tel ou tel élément de la construction, dans la perspective de construire l’Europe autrement. Reste que, dans le débat politique, ces termes sont fréquemment utilisés de façon très imprécise : « l’euroscepticisme » n’est souvent qu’un euphémisme cachant un anti-européisme pur et dur ; « l’alter-européanisme » n’est parfois entendu que comme une variante de « l’alter-mondialisme », cher aux sympathisants du mouvement Attac. La tâche des historiens devra être de préciser l’analyse des attitudes réelles qui se cachent derrière ces étiquettes. Qui plus est, en cherchant à décrire et à expliquer ces attitudes passées, ils devront éviter tout anachronisme par l’emploi de formules récentes inappropriées. Comment expliquer les différents taux d’abstention, les succès de l’euroscepticisme et les manifestations de l’anti-européisme ? Jérémie Moualek et Elsa Bernard ont fait valoir des raisons structurelles importantes. L’Union européenne est trop éloignée des citoyens pour être facilement comprise. Même si les traités successifs, de Maastricht à Lisbonne, ont augmenté le pouvoir du Parlement européen, les procédures restent complexes et les débats concernent souvent des sujets assez techniques. Quant à la gouvernance européenne, elle manque de visibilité et de transparence. Le rôle accru du Conseil européen dans la gestion de la crise de l’euro et dans l’affirmation d’une politique extérieure commune a créé une sorte de « fédéralisme de l’exécutif », qui laisse les citoyens sans choix ni possibilité d’identification. La sphère publique européenne reste assez fragmentée (Miruna Balosin). A cet égard, il est à regretter que l’opportunité d’améliorer la visibilité et la transparence offertes par le traité constitutionnel de 2004 ait été rejetée. On peut dire que le débat sur ce traité a été une tragédie grecque : les efforts pour améliorer la transparence et la légitimation démocratique ont justement échoué à cause de ce manque de transparence et de légitimation. Comme Mathilde Jauzein nous l’a montré, l’essentiel du traité constitutionnel fut sauvé et mis en œuvre grâce au traité de Lisbonne, notamment grâce aux efforts d’Angela Merkel. Mais en dissimulant les procédures supranationales sous des termes technocrates et en biffant presque tous les symboles de la citoyenneté commune, le renforcement de la légitimité démocrate est resté invisible. Par conséquent, les institutions européennes – voire « Bruxelles » tout court – paraissent toutes désignées pour jouer le rôle de bouc-émissaire, rôle que les personnels politiques nationaux leur octroie bien volontiers. Au-delà de ces raisons structurelles, les études de cas de ce volume mettent en lumière quatre raisons circonstancielles de s’opposer à l’Europe. Premièrement, la diffusion de la mondialisation fait souvent progresser les sentiments anti-européens. Cela se voit par exemple aux Pays-Bas où la coïncidence de la crise financière de 2001-2002 et de l’introduction de l’euro a favorisé le succès de Pim Fortijn (Anjo G. Harryvan, Jan van der Harst). Deuxièmement, le déclin des grands partis, notamment en Italie et aux PaysBas, a déconstruit le vague consensus pro-européen, créant ainsi des opportunités pour un populisme anti-européen. Plus généralement, le recul des milieux chrétiens et travaillistes a eu le même effet.

CONCLUSION/CONCLUSION/SCHLUSSFOLGERUNG

233

Troisièmement, la grande crise financière qui a débuté en 2008 a accentué les différences entre les économies nationales et provoqué des réactions nationalistes chez les pays débiteurs comme chez les prêteurs. La crise des dettes publiques nécessite un degré élevé de solidarité parmi les Européens, objectif difficile à atteindre. La contribution de Daniele Pasquinucci sur l’euroscepticisme en Italie en donne un exemple fort instructif. Quatrièmement, le vote anti-européen est souvent un instrument de protestation contre tel ou tel gouvernement ou bien contre la « classe politique » en général. C’était notamment le cas en Finlande (Niilo Kauppi), en Espagne (Josefine Cuesta, Cristina Blanco Síó-Lopez), en Pologne et en Hongrie (Georgiana Ciceo, Paula Muresan). Ces votes de protestation sont les moins durables mais peuvent parfois être révélateurs d’une crise générale du système politique. Finalement, force est de constater que le degré d’euroscepticisme ou d’antieuropéisme est aussi une question de leadership politique. Des femmes ou des hommes politiques utilisent habilement les registres du populisme. Des personnalités, comme Pim Fortijn, Timo Soimi, Silvio Berlusconi, Beppo Grillo et Marine Le Pen, nous proposent des variantes assez différentes de ce populisme antieuropéen. Il en résulte que la forme et la force de l’anti-européisme dépendent fortement des personnalités qui l’incarnent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les diverses tendances eurosceptiques ont de grandes difficultés à s’organiser au niveau européen. S’il y a beaucoup d’euroscepticisme en Europe, un euroscepticisme européen n’existe pas. Certains intervenants à ce colloque proposent des instruments pour faire reculer l’euroscepticisme. Il faut renforcer l’exécutif européen, dit Elsa Bernard, notamment par l’action d’une personnalité forte. Il faut européaniser les sphères publiques nationales, ajoute Miruna Balusin. Certes. Il faut néanmoins tenir compte du fait que de tels programmes nécessitent une action dans la durée. Etant donné la pluralité des cultures politiques en Europe, toute tentative d’européanisation par « en haut » serait illusoire. Il faudrait plutôt organiser le dialogue entre Européens par « en bas » et mettre des problèmes concrets à l’ordre du jour des débats. A cet égard, le débat sur l’euro et le mécanisme de son sauvetage semblent avoir réussi à inverser la tendance. Pour la grande majorité des opinions publiques, il n’est désormais plus question de quitter la zone euro. La campagne électorale aux élections européennes de 2014 a connu pour la première fois un débat sur des sujets européens. A la différence des consultations précédentes, les élections de 2014 furent plus qu’une « élection nationale secondaire ». Avec un taux de participation de 43,09 %, la tendance à la progression constante de l’abstentionnisme fut stoppée – en 2009, la participation avait atteint 43,00 %. Cependant, l’accroissement des deux fractions eurosceptiques du Parlement européen a dépassé les prévisions : sur un total de 751 sièges, la fraction des Conservateurs et réformistes européens a obtenu 70 sièges contre 55 à la précédente législature, la fraction Europe de la liberté et de la démocratie directe 48 sièges au lieu de 321. L’Union européenne de 2015 donne donc l’impression d’avoir dépassé la période la plus dangereuse : avec la crise de l’euro, l’éclatement de l’Union paraissait possible. Depuis, la mobilisation a permis de dépasser la crise. Bien évidemment, seul l’avenir pourra confirmer ou infirmer cette analyse. 1

Voir www.ergebnisse-wahlen2014.eu/de/seats-group-member-2014.html.

234

WILFRIED LOTH

Conclusion Overall, the results of the European elections since 1979 appear to mark a growing rejection of European integration: from election to election, there is more and more abstentionism, demonstrations of Euroscepticism or signs of militant antiEuropeanism. The percentage of those who, one way or another, are saying “No” to Europe rose from around 5% in 1979 to 30% in 2009. However, if we look more closely, we see that the progress of abstentionism has not been constant. Differences exist between Member States of the European Union. In some of them, a surge in participation can even be seen. This is the case for Finland where, after a considerable decline in turnout between 1994 and 1999 (60% in 1994 against only 31% in 1999), it increased in 2004. In 1999, the participation rate increased in Portugal (Alice Cunha, Isabel Valente). In 2009, the same evolution is discernable in Poland and Latvia whereas participation decreased in Lithuania (Nicolae Paun, Adrian Corpadean). More clearly marked opposition to European integration, which is encompassed by the term Euroscepticism (to use pragmatically this imprecise term), has not experienced the same development in all of the Member States and it did not reach the same degree everywhere. Generally, the abstention rate was higher for new entrants in 2004 and 2007 than among the longer standing Member States of the European Community. The 2004-2007 enlargement thus contributed to the overall decline in participation. Moreover, the various components of Euroscepticism did not reach the same level everywhere. Furthermore, we are far from being faced with one single coherent anti-European movement. Patrick Moreau made this observation emphasising the diversity of communist and postcommunist parties in Europe today. The hypothesis of a correlated increase in the Parliament’s power and the increase in abstentionism in the European elections – a hypothesis suggested by Marie-Thérèse Bitsch in her introduction – is therefore too simplistic to be convincing. To better appreciate the significance of the different types of vote, the categories presented by Anjo G. Harryvan and Jan van der Harst seem very useful. They speak of a utilitarian Euroscepticism, a political-institutional Euroscepticism, of a values-based Euroscepticism, an ideological Euroscepticism and a qualified Euroscepticism. Similarly, we must distinguish abstentionism by means of blank or invalid ballot papers as a Eurosceptic vote. In addition, I propose to define the different variants of so-called Euroscepticism with the idea of resistance – resistance to the European project as a whole or resistance to this or the other European project. By choosing this approach, we will be able to decide in which category to classify the different players. “Anti-Europeanism” would be the main resistance to any European project, be it in draft form or already implemented. By contrast, the term ‘Euroscepticism’ should be reserved for the more or less firm resistance to a deepening of European integration as it exists at any given time. Finally, “alter-Europeanism” would be resistance to this or that European policy or any element of integration, with a view to building Europe differently. Still, in the political debate, these terms are frequently used very imprecisely: “Euroscepticism” is often a euphemism concealing a hardline anti-Europeanism; “Alter-Europeanism” is sometimes understood as a variant of the “al-

CONCLUSION/CONCLUSION/SCHLUSSFOLGERUNG

235

ter-globalisation” which is so dear to the supporters of the Attac movement. The task of historians should be to clarify the analysis of the real attitudes behind these labels. Moreover, by seeking to describe and explain these past attitudes, they should avoid any anachronism by using inappropriate recent expressions. How can we explain the different rate of abstentionism, the success of Euroscepticism and the demonstrations of anti-Europeanism? Jeremiah Moualek and Elsa Bernard argued significant structural reasons. The European Union is too distant from citizens to be easily understood. Although successive treaties, from Maastricht to Lisbon, increased the power of the European Parliament, the procedures remain complex and debates often concern quite technical subjects. As for European governance, it lacks visibility and transparency. The increased role of the European Council in the management of the euro crisis and the affirmation of a common foreign policy has created a kind of “federalism of the executive” which leaves citizens without any choice or identifiability. The European public sphere remains rather fragmented (Miruna Balosin). In this respect, it is regrettable that the opportunity to enhance visibility and transparency offered by the 2004 Constitutional Treaty was rejected. We can say that the debate on this treaty was a Greek tragedy: efforts to improve transparency and democratic legitimacy failed precisely because of this lack of transparency and legitimacy. As Mathilde Jauzein showed us, most of the constitutional treaty was saved and implemented thanks to the Treaty of Lisbon, notably thanks to the efforts of Angela Merkel. But by concealing supranational procedures behind technocratic terms and by deleting almost all of the symbols of shared citizenship, the strengthening of democratic legitimacy remained invisible. As a result, the European institutions – or “Brussels” for short – all seem to have been designated to play the role of scapegoat, a role that national political staff gladly give them. Beyond these structural reasons, the case studies in this publication highlight four circumstantial reasons to oppose Europe. First, the spread of globalisation often advances anti-European sentiments. This is seen for example in the Netherlands where the coincidence of the financial crisis of 2001-2002 and the introduction of the euro facilitated the success of Pim Fortijn (Anjo G. Harryvan, Jan van der Harst). Second, the decline of the major parties, especially in Italy and the Netherlands, has deconstructed the vague pro-European consensus, thus creating opportunities for anti-European populism. More generally, the decline of Christian and Labour circles had the same effect. Third, the great financial crisis that began in 2008 accentuated the differences between national economies and provoked nationalistic reactions as much in debtor countries as in lenders. The public debt crisis requires a high degree of solidarity among Europeans, which is an elusive goal. The contribution of Daniele Pasquinucci on Euroscepticism in Italy provides a very instructive example. Fourth, the anti-European vote is often an instrument of protest against this or that government or against the “political class” in general. This was particularly the case in Finland (Niilo Kauppi), in Spain (Josefine Cuesta, Cristina Blanco Síó-Lopez), in Poland and in Hungary (Georgiana Ciceo, Paula Muresan). These protest votes are the least sustainable but can sometimes be indicative of a general crisis of the political system.

236

WILFRIED LOTH

Finally, it is clear that the degree of Euroscepticism or anti-Europeanism is also a question of political leadership. Politicians skillfully use the registers of populism. Personalities like Pim Fortijn, Timo Soimi, Silvio Berlusconi, Beppo Grillo and Marine Le Pen offer us quite different variants of anti-European populism. As a result, the shape and strength of anti-Europeanism are highly dependent on the personalities who embody them. This is also why the various Eurosceptic tendencies have great difficulty in getting organised at European level. There may be a lot of Euroscepticism in Europe, but a European Euroscepticism does not exist. Some of the symposium’s speakers provide tools to reduce Euroscepticism. We must strengthen the European executive, said Elsa Bernard, especially by the action of a strong personality. We must Europeanise national public spheres, says Miruna Balusin. Of course. Nevertheless we should also bear in mind that such programmes require long-term action. Given the plurality of political cultures in Europe, any attempt of “top-down” Europeanisation would be illusory. Rather, the discussion should be organised between Europeans from the “bottom-up” and concrete problems should be put on the agenda of these discussions. In this regard, the debate on the euro and the bailout mechanism appear to have succeeded in reversing the trend. For the vast majority of public opinion, it is no longer a question of leaving the eurozone. The election campaign for the European elections in 2014 saw for the first time a debate on European issues. Unlike previous elections, those of 2014 were more than a “secondary national election.” With a turnout of 43.09%, the trend of a constant increase in abstentionism was halted – in 2009, participation reached 43.00%. However, the increase of the two Eurosceptic fractions in the European Parliament exceeded expectations: of a total of 751 seats, the European Conservatives and Reformists group won 70 seats compared to 55 in the previous Parliament, and the European of Freedom and Democracy group won 48 seats instead of 32. The European Union in 2015 thus gives the impression of having survived the most dangerous period: with the euro crisis, the collapse of the Union seemed possible. Since then, the mobilisation helped to overcome the crisis. Of course, only time will confirm or invalidate this analysis.

Schlussfolgerung Insgesamt scheinen die Ergebnisse der Europawahlen seit 1979 eine wachsende Ablehnung gegen die Europäische Einigung darzustellen: Wahlen nach Wahlen gibt es mehr und mehr Stimmenthaltung, Demonstrationen der Euroskeptiker oder militante Zeichen des Anti-Europäismus. Der Anteil derer, die auf der einen oder anderen Weise „Nein“ zu Europa sagen, stieg von rund 5% im Jahr 1979 auf 30% im Jahr 2009. Doch genauer betrachtet sehen wir, dass der Fortschritt des Absentismus nicht konstant verlief. Es bestehen Unterschiede zwischen den Mitgliedsländern der Europäischen Union. In einigen von ihnen konnte sogar ein erneutes Anwachsen der Wähler festgestellt werden. Dies ist der Fall in Finnland, wo nach einem deutlichen Rückgang der Wahlbeteiligung zwischen 1994 und 1999 (60% im Jahr 1994, gegenüber nur 31% im Jahr 1999) diese 2004 wieder anstieg. Im Jahr

CONCLUSION/CONCLUSION/SCHLUSSFOLGERUNG

237

1999 steigt die Beteiligungsquote in Portugal (Alice Cunha, Isabel Valente). Im Jahr 2009 ist die gleiche Entwicklung in Polen und Lettland spürbar, während die Beteiligung in Litauen hingegen abnimmt (Nicolae Paun, Adrian Corpadean). Die identifizierte Opposition gegenüber der Europäischen Integration und unter dem Begriff Euroskeptizismus zusammengefasst (man verwendet diesen ungenauen aber pragmatischen Begriff) hat nicht die gleiche Entwicklung in allen Mitgliederstaaten erlebt und hat auch nicht überall den gleichen Grad erreicht. Im Allgemeinen ist die Stimmenendhaltungsrate viel höher bei den 2004 und 2007 neu hinzu getretenen als unter den Mitgliederstaaten der europäischen Gemeinschaft älteren Datums. Die 2004-2007 Erweiterung hat zu einem allgemeinen Rückgang der Beteiligung beigetragen. Darüber hinaus haben die verschiedenen Komponenten des Skeptizismus nicht überall denselben Grad erreicht. Wir sind weit davon entfernt mit einer einzigen kohärenten antieuropäischen Bewegung konfrontiert zu sein. Patrick Moreau macht diese Beobachtung durch die Betonung der Vielfalt der kommunistischen und der postkommunistischen Parteien im heutigen Europa. Die Hypothese einer Korrelation zwischen der Machterweiterung des Europäischen Parlaments und der zunehmenden Stimmenthaltung bei den Europawahlen – diese Hypothese wird von Marie-Thérèse Bitsch in ihrer Einleitung erwähnt – erscheint daher zu allgemein zu sein, um zu überzeugen. Zum besseren Verständnis der Bedeutung der verschiedenen Stimmen erscheinen die vorgestellten Kategorien von Anjo G. Harryvan und Jan van der Harst als sehr nützlich. Sie sprechen von einem utilitären Euroskeptizismus, einem politisch-institutionellen Euroskeptizismus, einem Werte basierenden Euroskeptizismus, einem ideologischen Euroskeptizismus und qualifizierten Euroskeptizismus. Ebenso müssen wir die Stimmenthaltung von leeren oder ungültigen Stimmen als euroskeptische Stimme unterscheiden. Außerdem schlage ich vor, die verschiedenen Varianten des sogenannten Euroskeptizismus von der Idee des Widerstands an zu definieren – Widerstand gegen das Europäische Projekt als Ganzes oder einen bestimmten Widerstand gegen einzelne Europäische Projekte. Durch die Wahl dieses Ansatzes werden wir in der Lage sein, zu entscheiden, in welchen Kategorien die verschiedenen Akteure eingestuft werden. „AntiEuropäismus“ wäre der wichtigste Widerstand gegen jedes Europäische Projekt zur Integration, welches sich noch im Entwurf befindet oder bereits realisiert wurde. Dagegen sollte der Begriff „Eurokeptizismus“ für den mehr oder weniger festen Widerstand gegen eine Vertiefung der Europäischen Integration gelten, da dieser zu einem bestimmten Zeitpunkt existiert. Schließlich wäre der „AlterEuropäismus“ der Widerstand gegen diese oder jene Europäische Politik oder gegen dieses oder jenes Element des Aufbaus, von einem Standpunkt aus, die Europäische Integration anders gestalten zu wollen. Dennoch werden in der politischen Debatte diese Begriffe häufig oft sehr ungenau benutzt : „der Euroskeptizismus“ ist oft ein Euphemismus, der einen kompromisslosen Anti-Europäismus hinter sich verbirgt; „der Alter-Europäismus“ wird manchmal als eine Variante der „Alter-Globalisierung“ angesehen, der eher zu den Anhängern der Attac-Bewegung gehört. Die Aufgabe der Historiker sollte die genaue Analyse der tatsächlichen Haltung hinter diesen Etiketten sein. Darüber hinaus sollte versucht werden, diese vergangenen Haltungen zu

238

WILFRIED LOTH

beschreiben und zu erklären und man sollte Anachronismnen durch die Verwendung ungeeigneter neuer Formeln vermeiden. Wie erklärt man die unterschiedlichen Stimmenendhaltungsraten, die Erfolge des Euroskeptizismus und die Bewegungen des Anti-Europäismus ? Jérémie Moualek und Elsa Bermard argumentieren mit strukturellen Gründen. Die Europäische Union ist zu weit von ihren Bürgern entfernt, um von ihnen verstanden zu werden. Obwohl die aufeinanderfolgenden Verträge von Maastricht bis Lissabon die Macht des Europäischen Parlaments erweitert haben, bleiben die Verfahren komplex und die Debatten betreffen oft technische Themen. Wie bei der Europäischen Führung mangelt es an Sichtbarkeit und Transparenz. Durch die Stärkung der Rolle des Europäischen Rates bei der Verwaltung der Euro-Krise und bei der Bekräftigung einer gemeinsamen Außenpolitik wurde eine Art „Exekutivföderalismus“ geschaffen, der die Bürger ohne Wahl oder eine Möglichkeit, sich zu identifizieren, lässt. Die Europäische Öffentlichkeit bleibt fragmentiert (Miruna Balosin). In dieser Hinsicht ist es bedauerlich, dass die vom Verfassungsvertrag 2004 angebotene Möglichkeit, die Sichtbarkeit und Transparenz zu verbessern, abgelehnt wurde. Man kann sagen, dass die Debatte über diesen Vertrag einer griechischen Tragödie glich: Bemühungen um mehr Transparenz und um die demokratische Legitimität zu verbessern, sind gerade wegen dieses Mangels an Transparenz und Legitimität gescheitert. Wie Mathilde Jauzein uns zeigte, wurde der größte Teil des Verfassungsvertrags durch den Lissabon-Vertrag übernommen und umgesetzt, insbesondere durch die Bemühungen von Angela Merkel. Aber durch das Verbergen supranationaler Verfahren unter dem Begriff Technokraten und das Entfernen fast alle Symbole der gemeinsamen Staatsbürgerschaft, ist die Stärkung der demokratischen Legitimität unsichtbar geblieben. Daher scheinen die Europäischen Institutionen – oder kurz „Brüssel“ – die Rolle des Sündenbocks zu spielen, die ihnen die nationalen Politiker gerne zuteilen. Neben diesen strukturellen Gründen bringen die Fallstudien in diesem Band vier situationsbedingte Gründe vor, die Europa entgegenstehen. Zunächst die Ausbreitung der Globalisierung, welche oft die anti-europäischen Gefühle fördert. Dies kann man zum Beispiel in den Niederlanden sehen, wo das Zusammenspiel von der Finanzkrise 2001-2002 und der Einführung des Euro den Erfolg von Pim Fortijn (Anjo G. Harryvan, Jan van der Harst) begünstigt hat. Zweitens hat der Niedergang der großen Parteien, vor allem in Italien und den Niederlanden, den vagen pro-europäischen Konsens dekonstruiert und gleichzeitig die Möglichkeiten für einen anti-europäischen Populismus geschaffen. Im Allgemeinen hatte der Rückgang der christlichen und Arbeiterkreise die gleiche Wirkung. Drittens verursachte die große Finanzkrise, die 2008 begann, Unterschiede zwischen den nationalen Ökonomien und provozierte nationalistische Reaktionen bei den Schuldnerländern wie auch bei den Geldgebern. Die Staatsschuldenkrise erfordert ein hohes Maß an Solidarität unter den Europäern, welches ein schwer zu erreichendes Ziel ist. Der Beitrag von Daniele Pasquinucci über den Euroskeptizismus in Italien stellt ein lehrreiches Beispiel dar. Viertens ist die anti-europäische Abstimmung oft ein Instrument des Protests gegen diese oder jene Regierung oder gegen die „politische Klasse“ im Allgemeinen. Dies war besonders der Fall in Finnland (Niilo Kauppi), Spanien (Josefine Cuesta, Cristina Blanco Síó-Lopez), Polen und Ungarn (Georgiana Ciceo,

CONCLUSION/CONCLUSION/SCHLUSSFOLGERUNG

239

Paula Muresan). Diese Proteststimmen sind weniger haltbar, aber können manchmal auf eine allgemeine Krise des politischen Systems hinweisen. Schließlich ist der Grad des Euroskeptizismus oder Anti-Europäismus auch eine Frage der politischen Führung. Politikerinnen oder Politiker verwenden geschickt die Ausdrucksformen des Populismus. Persönlichkeiten wie Pim Fortijn, Timo Soimi, Silvio Berlusconi, Beppo Grillo und Marine Le Pen bieten wir ganz verschiedene Varianten des anti-europäischen Populismus an. Die Form und die Stärke des Anti-Europäismus hängt stark von der verkörpernden Persönlichkeit ab. Dies ist auch der Grund, warum die verschiedenen euroskeptischen Tendenzen große Schwierigkeiten haben, sich auf Europäischer Ebene zu organisieren. Wenn es eine hohe Anzahl an Euroskeptizismus in Europa gibt, existiert ein Europäischer Euroskeptizismus nicht. Einige Redner auf der Konferenz schlagen Instrumente vor, um den Euroskeptizismus zu reduzieren. Wir müssen die Europäische Exekutive stärken, sagte Elsa Bernard, vor allem durch das Wirken einer starken Persönlichkeit. Wir müssen die nationalen Öffentlichkeit europäisieren, sagt Miruna Balusin. Sicherlich. Es ist jedoch zu bedenken, dass solche Programme langfristige Maßnahmen erfordern. Angesichts der Vielzahl von politischen Kulturen in Europa wäre jeder Versuch einer Europäisierung von „oben“ illusorisch. Vielmehr sollte ein Dialog zwischen Europäern von „unten“ organisiert werden und konkrete Probleme auf die Tagesordnung gesetzt werden. In dieser Hinsicht scheint die Debatte über den Euro und den Rettungsmechanismus aufgrund der Umkehr der Tendenz gelungen zu sein. Für die überwiegende Mehrheit der öffentlichen Meinung stellt sich nicht mehr die Frage, die Eurozone zu verlassen. Bei dem Wahlkampf für die Europawahlen im Jahr 2014 gab es zum ersten Mal eine Debatte über europäische Fragen. Im Gegensatz zu früheren Wahlen waren die Wahlen 2014 mehr als eine „sekundäre nationale Wahl.“ Bei einer Wahlbeteiligung von 43,09% wurde der Trend der stetigen Zunahme vom Absentismus gestoppt – im Jahr 2009 erreichte die Teilnahme 43,00%. Allerdings hat der Anstieg der beiden euroskeptischen Fraktionen des Europäischen Parlaments die Prognosen übertroffen: bei insgesamt 751 Sitze gewann die Fraktion der Europäischen Konservativen und Reformisten 70 Sitze gegenüber 55 bei der vorherigen Legislaturperiode, die Fraktion Europäischer Liberalen und direkter Demokratie erhielt 48 Sitze anstelle von 32,1. Die Europäische Union des Jahres 2015 lässt somit den Eindruck zu, die gefährlichste Zeit überwunden zu haben: mit der Euro-Krise erschien der Zusammenbruch der Union möglich. Seitdem hat die Mobilisierung dazu beigetragen, die Krise zu überwinden. Natürlich kann nur die Zukunft diese Analyse bestätigen oder ungültig machen.

LES AUTEURS – DIE AUTOREN – THE AUTORS ELSA BERNARD Professeure de droit public à l’Université de Paris 8 et professeure invitée à l’Université de Liège (Belgique), Elsa Bernard est spécialiste de droit de l’Union européenne, des droits fondamentaux européens et des rapports entre ordres juridiques. Parmi ses publications récentes : « Déficit démocratique et Parlement européen », in Revue de la faculté de droit de l’université de Liège, n°4, 2012, p. 420432, « Quel gouvernement pour quelle Union européenne ? », in Europe(s), droit(s) européen(s). Une passion d’universitaire, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 51-60.

MARIE-THERESE BITSCH Marie-Thérèse Bitsch est professeure émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg. Spécialiste de l’histoire de la construction européenne, titulaire d’une chaire Jean Monnet ad personam, elle a, entre autres, publié une Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours, Bruxelles, Complexe, 2008, qui fait autorité, dirigé Cinquante ans de traité de Rome 1957-2007. Regards sur la construction européenne, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2009, et édité Robert Schuman. Apôtre de l’Europe 1953-1963, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2010.

CRISTINA BLANCO SIO-LOPEZ Cristina Blanco Sío-López est chercheuse en études européennes et gestionnaire de projet au Centre sur la connaissance virtuelle de l’Europe (CVCE) au Luxembourg. Elle est docteure en histoire et civilisation de l’Institut universitaire européen de Florence et professeure invitée à l’Université du Luxembourg. Parmi ses publications récentes : « Reconditioning the “Return to Europe” : The Influence of Spanish Accession in Shaping the EU’s Eastern Enlargement Process », in : Brunet, Luc-André (ed.), The Crisis of Enlargement, LSE IDEAS Special Report, London, SR018, 2013, p. 26-31; Converging Pathways : Spain and the European Integration Process, Brussels, P.I.E. Peter Lang, 2013 (co-éditeur).

NATHALIE BRACK Nathalie Brack est docteure en science politique et chercheuse FNRS au Centre d’étude de la vie politique à l’Université libre de Bruxelles (Belgique). Ses recherches portent sur l’euroscepticisme, les institutions européennes et, en particulier, le Parlement européen ainsi que sur la représentation politique. Elle a récemment publié L’euroscepticisme au Parlement européen. Stratégie d’une opposition anti-système au cœur des institutions, Windhof, Larcier, 2014.

242

ANNEXE

GEORGIANA CICEO Ancienne chargée de mission au ministère des Affaires étrangères de Roumanie Georgiana Ciceo est docteure en relations internationales et maîtresse de conférences à la Faculté d’études européennes de l’Université Babeş-Bolyai de ClujNapoca, Georgiana Ciceo. Depuis 2012, elle y dirige le Département d’études européennes et gouvernance. Ses domaines d’intérêt couvrent la problématique des relations internationales, les politiques communes de l’Union européenne et les théories de l’intégration européenne.

ADRIAN-GABRIEL CORPADEAN Adrian-Gabriel Corpădean est lecteur spécialisé en histoire de l’intégration européenne à la Faculté d’études européennes de l’Université Babeș-Bolyai à ClujNapoca en Roumanie. Ses recherches portent sur l’Union européenne : réforme institutionnelle, stratégie pluriannuelle, communication. Parmi ses publications récentes : « Europe 2020 – A “Soft” Agenda for Central and Eastern Europe? », Ramona Frunză, Gabriela Pascariu, Teodor Moga (dir.), The EU as a Model of Soft Power in the Eastern Neighbourhood, EURINT Conference Proceedings, Université Al. I. Cuza, Iaşi, 2013, p. 220-230.

JOSEFINA CUESTA BUSTILLO Professeure en histoire contemporaine à l’Université de Salamanca (Espagne), Josefina Cuesta Bustillo est lauréate du prix de recherche d’excellence « María de Maeztu » de l’Université de Salamanca (2008) et membre du comité d’évaluation nationale des sciences humaines et sociales de l’Agence nationale espagnole pour la qualité de la recherche (ANECA). Elle travaille sur les questions de mémoire, l’histoire du temps présent, la Gender History et l’histoire de l’Europe contemporaine envisagée sous l’angle social. Parmi ses publications récentes : La odisea de la memoria. Historia de la memoria en España. Siglo XX. Madrid, Alianza Editorial, 2008, et Una esperanza para los trabajadores. Las relaciones entre España y la Organización Internacional del Trabajo (1919-1939), Madrid, Consejo Económico y Social, 1994.

ALICE CUNHA Alice Cunha est docteure en histoire contemporaine à l’Universidade Nova de Lisbonne (Portugal) et chercheuse à l’Instituto de História Contemporânea. Ses principaux centres de recherche sont liés aux études sur lʼélargissement, lʼeuropéanisation et lʼhistoire de lʼintégration européenne. Elle a récemment publié « O Voto Jovem e as Eleições para o Parlamento Europeu », Debater a Europa, nº 11, 2014, p. 65-81 (avec Isabel Maria de Freitas Valente).

LES AUTEURS/DIE AUTOREN/THE AUTORS

243

ISABEL MARIA FREITAS VALENTE Docteure en histoire contemporaine, Isabel Maria Freitas Valente est chercheuse postdoctorale au Centre dʼétudes interdisciplinaires du XXe siècle à l’Université de Coimbra – CEIS20 (Portugal), membre du Team Europe de la Commission européenne et directrice exécutive de la Revue scientifique Debater a Europa. Elle a récemment publié « Les régions ultrapériphériques de l’Union européenne : contexte, évaluation et perspectives », Giuliana Laschi (dir.) The European Communities and the World. A Historical Perspective, Bruxelles, Peter Lang, 2014, p. 47-62.

ANJO G. HARRYVAN Anjo G. Harryvan est lecteur en relations internationales à l’Université de Groninen (Pays-Bas). Il est spécialiste de l’histoire de la construction européenne et de la politique étrangère néerlandaise. Parmi ses publications récentes : « Support for EU Membership and the 2012 General Elections : On the Tenacity of the Permissive Consensus in the Netherlands », Bachem-Rehm, M., Hiepel, C., Türk, H. (dir.), Teilungen überwinden. Europäische und international Geschichte im 19. und 20. Jahrhundert, München, Oldenbourg, 2014., p. 613-621 (avec J. Van der Harst), et « José Manuel Barroso (2004-2014): the cautious reformer in troubled times », J. van der Harst, et Gerrit Voerman (dir.), An Impossible Job? : The Presidents of the European Commission, 1958-2014, London, John Harper Publishing, 2015, p. 249276 (avec J. Van der Harst).

MATHILDE JAUZEIN Mathilde Jauzein est titulaire d’un Master en histoire des relations internationales de l’Université de Strasbourg (2011) et lauréate de la bourse Pierre Pfimlin pour son analyse sur l’échec du Traité instituant une Constitution pour l’Europe (2012). Depuis la fin de son cursus universitaire, elle a exercé des fonctions de cadre dans l’administration de deux programmes européens de coopération transfrontalière, l’un dans l’Est de la France, l’autre en Amazonie.

MARTIAL LIBERA Maître de conférences HDR en histoire contemporaine à l’Institut universitaire de technologie Robert Schuman de l’Université de Strasbourg, Martial Libera est membre de l’UMR 7367 Dynamiques européennes. Il travaille sur les relations franco-allemandes, les oppositions à la construction européenne, la coopération transfrontalière économique. Il a récemment dirigé Contre l’Europe ? Anti-européisme, euroscepticisme et altereuropéisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours, volume 2 : Acteurs institutionnels, milieux politiques et société civile, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2013 (avec Maria Gainar), et « L’Europe contestée. Aspects des recherches des historiens internationalistes de l’université de Strasbourg sur les oppositions à la construction européenne », in Cahiers FARE n° 8, 2016.

244

ANNEXE

WILFRIED LOTH Wilfried Loth est professeur émérite en histoire contemporaine de l’Université Duisburg/Essen. Docteur honoris causa de l’Université Babeş-Bolyai de ClujNapoca (2013), Officier dans l’ordre des Palmes académiques (2014) et membre de l’Académie européenne de l’art et des sciences (2015), il est spécialiste de l’histoire du catholicisme, du socialisme, de l’Empire allemand, de la France du XXe siècle, de la guerre froide et de la construction européenne. Parmi ses publications récentes : « Die „Kerneuropa“-Idee in der europäischen Diskussion », Journal of European Integration History 21 (2015/2), p. 203-216, et Building Europe. A History of European Unification, Berlin/Boston, De Gruyter/Oldenbourg, 2015.

PATRICK MOREAU Patrick Moreau est chargé de recherche en science politique au CNRS et membre de l’équipe de recherché UMR 7367, Dynamiques européennes. Spécialiste des partis politiques extrémistes et de l’anti-européisme, il a récemment publié : Communisme 2014. En Europe, l’éternel retour des communistes 1989-2014, Paris, Vendémiaire, 2014 (avec Stéphane Courtois), et codirigé European Integration and New Anti-Europeanism. The 2014 European Election, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2016, 2 volumes (avec Birte Wassenberg).

JEREMIE MOUALEK Jérémie Moualek est doctorant en sociologie au CPN (Évry) et au CERAPS (Lille 2). Il prépare une thèse sur le vote blanc et nul intitulé : À la recherche des voix perdues, sous la direction de Jean-Pierre Durand et Jean-Gabriel Contamin. Il a récemment réalisé un court-métrage documentaire sur les archives de bulletins blancs et nuls (Voter en touche, 17’), dans le cadre d’une recherche en sociologie filmique.

PAULA MUREȘAN Paula Mureșan est docteure en relations internationales et lectrice à la Faculté d’études européennes à l’Université Babeș-Bolyai, Cluj-Napoca (Roumanie). Ses centres d’intérêt portent sur les relations internationales en Europe, surtout en ce qui concerne les politiques communes de l’Union européenne, l’européisation de la Roumanie et l’extrémisme européen de droite au XXIe siècle.

LES AUTEURS/DIE AUTOREN/THE AUTORS

245

DANIELE PASQUINUCCI Daniele Pasquinucci est professeur associé en histoire des relations internationales et titulaire d’une chaire Jean Monnet en histoire de l’intégration européenne au Département d’études sociales, politiques et cognitives de l’Université de Sienne, (Italie). De 2007 à 2012, il a été secrétaire général de l’Associazione universitaria di Studi europei (AUSE). Parmi ses publications récentes : Uniti dal voto? Storia delle elezioni europee 1948-2009, Milano, Franco Angeli, 2013, Consensus and European Integration. An Historical Perspective (avec D. Preda), Bruxelles, Peter Lang, 2012.

NICOLAE PAUN Nicolae Păun est professeur d’histoire de l’intégration européenne et doyen de la Faculté d’études européennes de l’Université Babeș-Bolyai à Cluj-Napoca en Roumanie. Il est membre du Groupe de liaison des professeurs d’histoire contemporaine auprès de la Commission des Communautés européennes. Ses recherches se focalisent notamment sur le rôle de l’Europe centrale et orientale dans la construction européenne, aussi bien que sur les crises de l’UE. Parmi ses publications, relevons : Europe’s Constitutional Crisis: International Perspectives, EFES, Cluj-Napoca, 2008 (avec Michael O’Neill).

MURIEL RAMBOUR Muriel Rambour est maîtresse de conférences à l’Université de Haute-Alsace. Ses travaux portent notamment sur les systèmes juridiques et politiques en Europe, la citoyenneté et la gouvernance dans l’Union européenne. Parmi ses publication récentes : « Les oppositions à l’Europe sont-elles structurées politiquement ? », in : Birte Wassenberg, Frédéric Clavert, Philippe Hamman (dir.), Contre l’Europe ? Anti-européisme, euroscepticisme et alter-européisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2010, p. 93-107, et « French Political Parties in Campaign (1989-2004). A Configurational Analysis of Political Discourses on Europe », in Perspectives on European Politics and Society, 11(2), 2010, p. 146-166 (avec Nicolas Hubé).

EMMANUELLE REUNGOAT Emmanuelle Reungoat est maîtresse de conférences en science politique à l’Université de Montpellier et chercheuse au Centre d’études politiques de l’Europe latine (CEPEL). Spécialiste des relations des partis politiques à l’intégration européenne et des phénomènes d’opposition à l’Union européenne, elle a dirigé récemment, avec C. Bouillaud, « Opposés dans la diversité. Les usages de l’opposition à l’Europe en France », in Politique européenne, 2014/1, n° 43.

246

ANNEXE

SYLVAIN SCHIRMANN Sylvain Schirmann est professeur en histoire contemporaine à l’Institut d’études Politiques (IEP) de l’Université de Strasbourg (France) et membre de l’UMR 7367, Dynamiques européennes. Directeur de l’IEP de Strasbourg entre 2006 et 2015, président du comité scientifique de la Maison Robert Schuman, membre du Groupe de liaison des historiens auprès de la Commission européenne et titulaire d’une chaire Jean Monnet, il est spécialiste de l’histoire de l’Allemagne, du syndicalisme et des mouvements sociaux dans les relations internationales ainsi que de la construction européenne. Parmi ses publications récentes : L’Europe par l’économie ? Des projets initiaux aux débats actuels, Bruxelles, Peter Lang, 2013, « Le couple franco-allemand vu par certains Etats tiers depuis 1963 », Cahiers FARE n° 7, 2016.

JAN VAN DER HARST Jan Van der Harst est professeur en histoire et théorie de l’intégration européenne à l’Université de Groningen (Pays-Bas). Titulaire d’une chaire Jean Monnet, il est spécialiste de l’histoire de la construction européenne et de la politique étrangère néerlandaise. Parmi ses publications récentes : An impossible job? The presidents of the European Commission 1958-2014, John Harper Publishing, London (avec Gerrit Voerman), et Non-Western Encounters with Democratization : Imagining Democracy after the Arab Spring, Farnham, Ashgate Publishing, 2015 (avec Christopher Lamont et Frank Gaenssmantel).

BIRTE WASSENBERG Birte Wassenberg est professeure d’histoire contemporaine à l’Institut d’études Politiques (IEP) de l’Université de Strasbourg (France) et membre de l’UMR 7367 Dynamiques européennes. Titulaire d’une chaire Jean Monnet, elle est spécialiste de la coopération transfrontalière, de l’histoire des organisations européennes (Conseil de l’Europe) et de l’anti-européisme. Parmi ses publications récentes : La coopération territoriale en Europe. Une perspective historique, Luxembourg, Office de publication de l’Union européenne, 2015 (avec Bernard Reitel), et European Integration and New Anti-Europeanism. The 2014 European Election, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2016, 2 volumes (codirection avec Patrick Moreau).

LOUIS WIERENGA Louis Wierenga est diplômé du Centre d’études européennes, russes et eurasiennes de l’Université de Toronto et chercheur visiteur au Cevipol. Ses recherches portent sur l’implication des femmes et des jeunes au sein des partis de droite radicale ainsi que sur la coopération transnationale des eurosceptiques.

ZUR REIHE „STUDIEN ZUR GESCHICHTE DER EUROPÄISCHEN INTEGRATION“ Mit zunehmendem Abstand zum Beginn des europäischen Integrationsprozesses nimmt die Bedeutung der Geschichtswissenschaften im Spektrum der wissenschaftlichen Erforschung des Europäischen Integrationsprozesses zu. Auch wenn die übliche dreißigjährige Sperrfrist für Archivmaterial weiterhin ein Hindernis für die Erforschung der jüngeren Integrationsgeschichte darstellt, werden die Zeiträume, die für die Wissenschaft zugänglich sind, kontinuierlich größer. Heute können die Archive zur Gründung der Europäischen Gemeinschaft für Kohle und Stahl bis hin zur ersten Erweiterung eingesehen werden; in einem Jahrzehnt wird ein aktengestütztes Studium der Rahmenbedingungen der Mittelmeererweiterung und der Entstehung der Einheitlichen Europäischen Akte möglich sein. Darüber hinaus ist der Beitrag der Geschichtswissenschaften auch heute schon Rahmen der Erforschung der jüngsten Integrationsgeschichte nicht mehr zu übersehen. Ihre Methodenvielfalt hilft dabei, die durch Sperrfristen der Archive entstandenen Probleme auszugleichen. Allerdings findet der einschlägige geschichtswissenschaftliche Diskurs in der Regel immer noch im nationalstaatlichen Kontext statt und stellt damit, so gesehen, gerade in Bezug auf die europäische Geschichte einen Anachronismus dar. Vor diesem Hintergrund haben sich Forscherinnen und Forscher aus ganz Europa und darüber hinaus dazu entschlossen, eine Schriftenreihe ins Leben zu rufen, die die Geschichte der Europäischen Integration nicht nur aus einer europäischen Perspektive beleuchtet, sondern auch einem europäischen Publikum vorlegen möchte. Gemeinsam mit dem Verlag Franz Steiner wurde deshalb die Schriftenreihe Studien zur Geschichte der Europäischen Integration (SGEI) gegründet. Ein herausragendes Merkmal dieser Reihe ist ihre Dreisprachigkeit – Deutsch, Englisch und Französisch. Zu jedem Beitrag gibt es mehrsprachige ausführliche und aussagekräftige Zusammenfassungen des jeweiligen Inhalts. Damit bieten die Studien zur Geschichte der Europäischen Integration interessierten Leserinnen und Lesern erstmals einen wirklich europäischen Zugang zu neuesten geschichtswissenschaftlichen Erkenntnissen auf dem Gebiet der Geschichte der Europäischen Integration.

CONCERNANT LA SÉRIE „ETUDES SUR L’HISTOIRE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNE“ L’importance des recherches historiques ne cesse d’augmenter au sein de l’éventail qu’offrent les recherches scientifiques sur le processus d’intégration européenne, et ce à mesure que le recul par rapport au début du processus d’intégration européenne se fait de plus en plus grand. Même si le délai d’attente habituel de trente ans pour la consultation des archives constitue encore un obstacle pour les recherches sur l’histoire récente de l’intégration, les périodes accessibles à la recherche se révèlent de plus en plus étendues. A l’heure actuelle, les archives datant de la fondation de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier jusqu’au premier élargissement peuvent être consultées ; d’ici dix ans, une étude documentée des conditions générales de l’élargissement méditerranéen et de la conception de l’Acte unique européen sera possible. La contribution des recherches historiques dans le cadre de la recherche sur l’histoire toute proche de l’intégration est dès à présent remarquable. La diversité de méthodes utilisées permet en effet de régler des problèmes engendrés par le délai de blocage des archives. Toutefois, le débat historique s’y rapportant s’inscrit encore généralement dans le contexte de l’Etat-nation et représente, de ce point de vue, un anachronisme par rapport à l’histoire européenne. C’est dans ce contexte que des chercheuses et chercheurs de toute l’Europe et au-delà ont décidé de lancer une série d’ouvrages qui mettent en lumière l’histoire de l’intégration européenne non seulement dans une perspective européenne, mais qui se veut également accessible à un large public européen. Cette série d’ouvrages, intitulée Etudes sur l’Histoire de l’Intégration Européenne (EHIE), a été créée en collaboration avec la maison d’édition Franz Steiner. Le caractère trilingue de cette série – allemand, anglais et français – constitue une particularité exceptionnelle. Chaque contribution est accompagnée de résumés plurilingues, détaillés et éloquents sur le contenu s’y rapportant. Les Etudes sur l’Histoire de l’Intégration Européenne offrent pour la première fois aux lectrices et lecteurs intéressés un accès réellement européen aux avancées historiques les plus récentes dans le domaine de l’histoire de l’intégration européenne.

ABOUT THE SERIES “STUDIES ON THE HISTORY OF EUROPEAN INTEGRATION” With increasing distance to the process of European integration, there is a growing significance of the historical sciences within the range of the scientific research on the European integration process. Even if the usual blocking period for archive sources is still an obstacle for researching the more recent history of integration, the periods which are accessible for the sciences are continuously becoming more extended. Today, the archives on the foundation of the European Coal and Steel Community are accessible as far as to the first extension; in one decade it will be possible to gain access to the appropriate files for studying the history of the prerequisites of the Mediterranean extension and the development of the Single European Act. Furthermore, already today the contribution of historic sciences in the context of researching the most recent history of integration cannot be overlooked. Their variety of methods helps with balancing problems resulting from the blocking periods for archives. However, usually the relevant historic discourse still happens in the context of national states and is thus, if we like to see things this way, rather an anachronism in respect of European history. Against this background, researchers from all over Europe and beyond have decided to found a series of publications which intends not only to shed light on the history of European integration from a European point of view but also to present this to a European audience. For this reason, together with the Franz Steiner Publishing House the series of publications Studies on the History of European Integration (SHEI) was founded. One outstanding feature of this series will be its trilingualism – German, English and French. For every contribution there will be extensive and telling summaries of the respective contents in several languages. Thus, by Studies on the History of European Integration interested readers will for the first time be offered a really European approach at most resent historic insights in the field of the history of European integration.

studien zur geschichte der europäischen integration studies on the history of european integration études sur l ’ histoire de l ’ integration européenne

Herausgegeben von / Edited by / Dirigé par Jürgen Elvert.

Franz Steiner Verlag

1.

2.

3.

4.

5.

6.

ISSN 1868–6214

Marie-Thérèse Bitsch (Hg.) Cinquante ans de traité de Rome 1957–2007 Regards sur la construction européenne 2009. 365 S. mit 5 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09313-2 Michel Dumoulin / Jürgen Elvert / Sylvain Schirmann (Hg.) Ces chers voisins L’ Allemagne, la Belgique et la France en Europe du XIXe au XXIe siècles 2010. 309 S. mit 14 Tab., 4 s/w- und 11 Farbabb., kt. ISBN 978-3-515-09807-6 Éric Bussière / Michel Dumoulin / Sylvain Schirmann (Hg.) Économies nationales et intégration Européenne Voies et Étappes 2014. 192 S., kt. ISBN 978-3-515-10795-2 Jürgen Nielsen-Sikora Europa der Bürger? Anspruch und Wirklichkeit der europäischen Einigung – eine Spurensuche 2009. 451 S. mit 1 Tab. und 1 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09424-5 Birte Wassenberg (Hg.) Vivre et penser la coopération transfrontaliére. Vol. 1: Les régions frontalière françaises Contributions du cycle de recherche sur la coopération transfrontalière de l’ Université de Strasbourg et de l’ EuroInstitut de Kehl 2010.416 S. mit 29 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09630-0 Urban Vahsen Eurafrikanische Entwicklungskooperation Die Assoziierungspolitik der EWG gegenüber dem subsaharischen Afrika in den 1960er Jahren 2010. 424 S., kt. ISBN 978-3-515-09667-6

7.

Michel Dumoulin / Jürgen Elvert / Sylvain Schirmann (Hg.) Encore ces chers voisins Le Benelux, l’Allemagne et la France aux XIXe et XXe siècles 2014. 256 S. mit 6 Abb., kt. ISBN 978-3-515-10931-4 8. Arnd Bauerkämper / Hartmut Kaelble (Hg.) Gesellschaft in der europäischen Integration seit den 1950er Jahren Migration – Konsum – Sozialpolitik – Repräsentationen 2012. 192 S., kt. ISBN 978-3-515-10045-8 9. Jens Kreutzfeldt „Point of return“ Großbritannien und die Politische Union Europas, 1969–1975 2010. 650 S., kt. ISBN 978-3-515-09722-2 10. Jan-Henrik Meyer The European Public Sphere Media and Transnational Communication in European Integration 1969–1991 2010. 361 S. mit 41 Tab. und 26 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09649-2 11. Birte Wassenberg / Frédéric Clavert / Philippe Hamman (Hg.) Contre l’Europe? Anti-européisme, euroscepticisme et alter-européisme dans la construction européenne de 1945 à nos jours. Vol. 1: Les concepts Contributions dans le cadre du programme junior de la Maison interuniversitaire des sciences de l’homme d’ Alsace MISHA (2009–2010) 2010. 496 S. mit 4 Tab., 5 Abb., 1 Kte., kt. ISBN 978-3-515-09784-0 12. Joachim Beck / Birte Wassenberg (Hg.) Grenzüberschreitende Zusammenarbeit leben und erforschen. Bd. 2: Governance in deutschen Grenzregionen Beiträge aus dem Forschungszyklus zur grenzüberschreitenden Zusammenarbeit

der Universität Straßburg und des EuroInstitutes 2011. 367 S. mit 11 Tab. und 19 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09829-8 13. Birte Wassenberg / Joachim Beck (Hg.) Living and Researching Cross-Border Cooperation. Vol. 3: The European Dimension Contributions from the research programme on cross-border cooperation of the University Strasbourg and the Euro-Institute 2011. 343 S. mit 5 Tab. und 11 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09863-2 14. Birte Wassenberg / Joachim Beck (Hg.) Vivre et penser la coopération transfrontalière. Vol. 4: Les régions frontalières sensibles Contributions du cycle de recherche sur la coopération transfrontalière de l’Université de Strasbourg et de l’Euro-Institut de Kehl 2011. 323 S. mit 21 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09896-0 15. Philip Bajon Europapolitik „am Abgrund“ Die Krise des „leeren Stuhls“ 1965–66 2011. 415 S., kt. ISBN 978-3-515-10071-7 16. Oliver Reinert An Awkward Issue Das Thema Europa in den Wahlkämpfen und wahlpolitischen Planungen der britischen Parteien, 1959–1974 2012. 430 S. mit 3 Abb., kt. ISBN 978-3-515-10112-7 17. Christian Henrich-Franke Gescheiterte Integration im Vergleich Der Verkehr – ein Problemsektor gemeinsamer Rechtsetzung im Deutschen Reich (1871–1879) und der Europäischen Wirtschaftsgemeinschaft (1958–1972) 2012. 434 S. mit 3 Abb. und 12 Tab., kt. ISBN 978-3-515-10176-9 18. Sven Leif Ragnar de Roode Seeing Europe through the Nation The Role of National Self-Images in the Perception of European Integration in the English, German, and Dutch Press in the 1950s and 1990s 2012. 272 S., kt. ISBN 978-3-515-10202-5 19. Alexander Reinfeldt Unter Ausschluss der Öffentlichkeit?

20.

21.

22.

23.

24.

25.

26.

Akteure und Strategien supranationaler Informationspolitik in der Gründungsphase der europäischen Integration, 1952–1972 2014. 332 S., kt. ISBN 978-3-515-10203-2 Jürgen Nielsen-Sikora Das Ende der Barbarei Essay über Europa 2012. 148 S., kt. ISBN 978-3-515-10261-2 Maria Gainar / Martial Libera (Hg.) Contre l’Europe? Anti-européisme, euroscepticisme et altereuropéisme dans la construction européenne, de 1945 à nos jours. Vol. 2: Acteurs institutionnels, milieux politiques et société civile 2013. 363 S., kt. ISBN 978-3-515-10365-7 Joachim Beck / Birte Wassenberg (Hg.) Grenzüberschreitende Zusammenarbeit leben und erforschen. Bd. 5: Integration und (trans-)regionale Identitäten Beiträge aus dem Kolloquium „Grenzen überbrücken: auf dem Weg zur territorialen Kohäsion in Europa“, 18. und 19. Oktober 2010, Straßburg 2013. 353 S. mit 23 Abb. und 7 Ktn, kt. ISBN 978-3-515-10595-8 Kristin Reichel Dimensionen der (Un-)Gleichheit Geschlechtsspezifische Ungleichheiten in den sozial- und beschäftigungspolitischen Debatten der EWG in den 1960er Jahren 2014. 273 S., kt. ISBN 978-3-515-10776-1 Kristian Steinnes The British Labour Party, Transnational Influences and European Community Membership, 1960–1973 2014. 217 S., kt. ISBN 978-3-515-10775-4 Yves Clairmont Vom europäischen Verbindungsbüro zur transnationalen Gewerkschaftsorganisation Organisation, Strategien und Machtpotentiale des Europäischen Metallgewerkschaftsbundes bis 1990 2014. 505 S. mit 18 Tab und 2 Farbabb., kt. ISBN 978-3-515-10852-2 Joachim Beck / Birte Wassenberg (Hg.) Vivre et penser la coopération transfrontalière. Vol. 6: Vers une

27.

cohésion territoriale? Contributions du cycle de recherche sur la coopération transfrontalière de l'Université de Strasbourg et l'Euro-Institut 2014. 377 S. mit 38 Abb., kt. ISBN 978-3-515-10964-2 Patrick Moreau / Birte Wassenberg (Hg.) European Integration and new Anti-Europeanism I The 2014 European Election and the Rise of Euroscepticism in Western Europe 2016. 212 S., kt. ISBN 978-3-515-11253-6

28. Patrick Moreau / Birte Wassenberg (Hg.) European Integration and new Anti-Europeanism II The 2014 European Election and New AntiEuropean Forces in Southern, Northern and Eastern Europe 2016. 239 S., kt. ISBN 978-3-515-11455-4 29. Wolfgang Schmale Gender and Eurocentrism A Conceptual Approach to European History 2016. 214 S., kt. ISBN 978-3-515-11461-5

Les élections au Parlement européen traduisent un véritable paradoxe. Organisées au suffrage universel direct depuis 1979, ces consultations constituent a priori un « acte démocratique par définition. Elles devraient rapprocher l’Europe des citoyens et renforcer leur sentiment d’appartenance à l’Union européenne » (Marie-Thérèse Bitsch). Pourtant, il n’en est rien. Loin de consolider la construction européenne et de combler le déficit démocratique, les scrutins européens traduisent au mieux, par les taux d’abstention record qu’ils atteignent, l’indifférence

des citoyens pour les questions européennes. Depuis quelques temps, ils jouent même un rôle de puissant catalyseur aux opposants à l’Europe. Les voix des eurosceptiques et des anti-européens s’y font en effet entendre avec force. Comment expliquer un tel dévoiement ? Pourquoi les citoyens européens se sont-ils tant éloignés de l’Europe ? Qui sont les « opposants » à l’Union européenne ? Quels sont leurs credo ? Qui sont leurs électeurs ? Voilà, parmi d’autres, les questions auxquelles cet ouvrage apporte des réponses claires.

SGEI SG SHEI SH EHIE E www.steiner-verlag.de

Franz Steiner Verlag

ISBN 978-3-515-11251-2